^5  U A M I DES ENFANS HOLLAND OIS, OU LES SOIREES PATRIOTIQUES.   DES ËNFANS HOIXANBOIS^ OU LES SOULÈÉS- PATMOTIQUE&» AVE C FIG U RE S, B N HOLLANDS, « 7 8 U  'KONINKLIJKE BIBLIOTHEEK  INTj^OBUCTION, d^Jn a reproché fouvent, avec raifon, aux Peres de familie & aux Inftittiteurs, iTenfeigner a leurs Enfans, ou a leurs Elèves, FHifloire Ancienne, de leur JaiJJ'er ignorer cel/e de leur Patrie. Cefi furtout dans les Républiques, que cette ifégligencepeut produire les plus dangereux efets. Si tout Citoyen d'un Etat Libre ne peut prétendre au Gouvernement, il a du moins le droit de bldmer ou cTapprouver la conduite des Chefs de la Nation; il eft donc indifpenfable qu'il conmiffe fes Prérogatives, fes Privileges, & la Conftitution du Pays, afin de pouvoir juger fainement des motifs qui font agir les Régens, auxquels fes intéréts font confiés. Vignorance dans tous les tems fonda Ja grandeur des AmMtieux; c'eft elle qui feconda leurs projets, e:t couvrant de fleurs le précipice, oii tomberent les Peuples, féduits par de brillantes promeffes d'un état plus heureux; mais le Citoyen injiruit ne fe laiffe point éblouir par les* 3 'fih  ( « ) fophismes de Pi'mpofture. $ tl fait que, darii fa Patrie il exifie une Cabale , qui de tout tems a fappé , tantót fourdement, tantót a force ou- verte , les fbndemens de la Conftitution fil connoit les refforts fecrets & les moyens favoris , qu'elle a mis en oiuvrepour s'emparer excluftvement de F Autorité, fous le prétexte ordinaire, du bien public ft dès fón enfance on lui d pré Jen té le tableau de ces révolutions, & du fort fat al, qu'ont éptouvé les Défenfeurs de la Li- herté. ' Enfin, ft la vérité s'eft montrée a lui dans tout fón ' jour, quel que foit le rang ok le Ciel ait place ce Citoyen , jamais il ne fera le trifte foitet de la féduElion, ni le vil inftrument de la Tyrannie, h moins que Fintérêt perfonnel n'éteigne en lui tout fentiment d'honneur & de vertu. Tels font les motifs, qui nóus ont dèterminè a préfenter a la Jeuneffe de la République des Sept Provinces Unies , la peinture fidelle des malheurs & des convulftons violentes, que leur Patrie a fouffert, par FAmbition (Tune Familie , qui abufa de fes fervices, & de la reconnoifjance, quils infpiroient nous avons pris pour guide dans eet Ouvrage, FEcrivain eftïmable, qui a transmis a la Poftérité FHiftoife de fa Patrie, avec eet ameur de la vérité, &  C 7 ) V fiyle fimple, mais noble qui rëujïifent tous les fuffrages. Pour é vit er jufqu'au foupcon d'avoir altéré ou exagérè les faits, nous avons diftinguèpar des Guillemets, tous les extraits de eet Hifiorien, qu'on pourra confulter, fi fon refufe de croire a notre parole. Nous avons donné a cette ProduEtion le titre, d'AmidcsEnfans Hollandois, fans diftinüion de parti, perfuadës que Vignorance, plusque toute autre caufe, entretient l'aveugletnent f une partje de la Nation, Qj> quHl fuffira de lui montrer ia vérité , pour la guérir de fon erreur. Quant aux réflexions, dont eet Ouvrage efl femé, ceux qui les trouveront trop fort es, m font pas du nombre des per Jonnes, qui cherchent de bonnefoj a s'infiruire, ou a infiruire les autres; ce n"ft pas pour eux que nous avons écrit. *' raMtnat juridique d'Oldenbameveld, file maf acre des Fr er es de IVitt, fi tant de violences , exercées contre les plus vertueux Citoyens peuvent être jufiifiées, ou n'infpirentpas des rifiexwns encoreplus fortes que les notres, mus avouonsque nous ne connoifons nul attentat, qu, nefoit excufable, & qu de fens co;nmun. Loin de nous une idéé ft défavantageufe de la Jeuneffe, a laquelle nous ckfiinons le  c 9 y le fruit de ms veilles. Nous crayons que let Per es de familie. & les Inftituteurs, nous fauront gré de leur avoir fourni le moyen de donner aux enfant une inflruStion, qui lespréfërvera d'emhraffer un Parti fatal a leur Pays, & qui les mettra en état, de faire paf)er jufqü'a leurs deniers neveux, une connoifj'ance exacte, de ce qu'il leur fera le plus important a favoir. Sans doute les Ouvriers d^iniquité , qui ne peunent travailler qifa la faveur des tènebres de rignorance , s""mdigneront contre la main , qui leve le voile, dont leur trame eft couyerte, mais nous leur répondrons que ce n'efi pas la faute d'un Ecrivain, s,il fe trouve des Amhitieux & des Impofteurs, £f que tout Ouvrage, dans lequel la Vérité, les Loix, la Religion féj5 ?Autorité des Souverains 'font refpectées , ne doit infpirer d fon Auteur, ni crainte, nï repentir. L'AMI  L" A M I DES ENFANS HOILLAHBOIS, OU h E S SOI1JEES, PATRIOTIQUES* ÏREMIERE SOIREE. Mr. Herman, Theodore, Hbnri. Mr. Herman. 'ffh bien > m°n clier Henri, ton Coafin a donc' ce plus habile que toi aujoufd'hui ? Henri. Oui, mor. Oncle ; mais il avoït i travailler für me matiere fi agrcable pour un Républicain que fa diligence ne me furprend pas. Theodore. Ah! mon cher Pere, mon Coufin a raifon : c'eft ka .beau tralt de 1'Hiftoire Ancienne, que mon : ■ A Pré-  ( » ) Précepteur m'a donné a traduire. Je Vais vous le lire, fi vous voulez. Mr. Herman, Tu me fefas plaifir. Théodore. „ Les tiabitans de Mithylene,.Capitate de 1'ifle de Lesbos, vivoient fous le Gouvernement I.épublicain, mais il étoient fans cefle troublés „ par des faclions, que quelques Ambitieux „ citoienc , pour s'emparer de 1'Autorité. Dars „ cette confufion les plus vertueux Citoyens, „ connoiffant la modération & 1'efprit concilia„ teur de leur Compatriote Pittecus , un de. fept Sages de la Grece, le prierent d'accepte: ,, la Souveraineté. Ce grand homme y confen„ tit, & gouverna pendant dix ans fes Conci„ toyens; il les rendit heureux, en les rendant „ meilleurs, & les éclairant fur leurs véritables „ interets. Enfuite voulant qu'ils fuffent libres, „ & qu'a fon exemple ils vécufient fans ambi„ tion , il abdiqua le pouvoir abfolu. Pour re„ connoitre un fi grand fervice, les Mithylcniens „ oflrirent a Pittacus mille arpens de terre, mais „ il n'en voulut accepter que cent; afin, dit il, de ne point paroitre meprifer le tribut de la' gratitude de ces Concitoyens, & de ne point „ exciter 1'envie par un trop riche Domaine. „ Pit-  Cs > „ Pittacus recut le titre de Pere & de Libérateur> de fa Patrie, & donna au monde un exemplo „ de défintéreffement qui n'aura pas beaucouj» „ d'imitateurs. Mr. Herman. Je fuis fort content de toi, mon fils; je connois ce trait d'Hiftoire, & tu 1'as trés bien rendu. Plutarque, qui nous 1'a transmis, dans fon Banquet des fept Sages, remarque avec xaifon, que de tClS exemples fnnf rarpmpnt ilïÜtés, Henri. Mon Oncle, je lifois, il y a quelques jourj, que Gènes a trouvé dans Andrè Dor ia, un Citoyen , au moins auffi généreux que Pittacus le fut a 1'égard des Mithyléniens. Ce brave Républicain,'après avoir combattu pour fauver fon Pays de 1'efclavage, loin d'abufer des fervices qü'il avoit rendus, fit rentrer le Sénat & le Peuple dans leurs anciens droits, ne voulant pour toute récompenfe que la gloire d'avoir afluré la Liberté de fa Patrie. Mr. Herman. Tu a» raifon, mon ami, de penfer qüe la modération du Héros Gènois 1'emporte fur celle du Sage de la Grece : le Libérateur de Gènes avoit le'S armes'» U main, & rien n'eft malheureufement A 2 Plus  c 4 y plus commun dans les Républiques, que de vok ceux qui aommandent les armées, afpirer a la Puiffance Souveraine. Theodorb. Ah ! mon Pere, il's ne fe reflemblent pas tous, & le Général Wafhington .. . Mr. Herman. Tu me préviens, mon Fils, j'allois parler de ce grand Homme, plus célebre par fnn Patriotisme , que par fes viftoires. A peine 1'indépendance de fon Pays a t'elle été recomiue qu'il a icmis de fon propre mouvement entre les mains du Congrès, le Commandement des Forces de 1'Etat; au fein d'une paifible retraite il fe dérobe aux honneurs, aux éloges & aux récompenfes qu'il a fi bien mérités; fa ftatue élevée par fes Compatriotes, 1'admiration de fon fiecle & de la Poftérité, voila le prix de fes Vertus. Henri. Et voila, mon cher Oncle, les feuls guerriers qui me paroifient dignes de louange, & non pas ce Céfar qui fut le premier Tyran de fa Patrie. Mr. Herman. Confervez toujours Pun & 1'autre, mes Enfans, ces fenumens que je vous inlpirai dès Vige le plus  ( s ) plus tendre. Si mon efpoir n'eft pas trompé, vous ferez dignes d'ctre un jour les foutiens de notre Liberté, que 1'aTyrannie s'apprcte & détruire. T hfe o d o r e, ; Que dites - vous , mon Pere ? Mr. Herman. Ce que je viens d'apprende a 1'inftant. Les droits du Citoyen font méprifés depuis longtems; ils vont être attaqués a force ouverte; les oj-dres fanguinaires font donnés, & bientót les infortuncs Citoyens d'EIburg & de Hattem tomberont fous les coups d'une Soldatesque Barbare , ou feront contraints d'abandonner leurs murs. Henri. Et pourquoi ; mon Oncle, tous les Citoyens bi&n intrntionnés de la Républiquc ne prennent ils pas les armes pour s'oppofer i cette violente, & protéger leurs Freres? dans un Etat Libre tous les membres devroient être fi bien unis , que 1'injure faite a 1'un d'eux fut vengée par ceux qui ne 1'ont pas rccue. Mr. H e r m a n. Embrafle - moi, mon Ami; c'eft Ievcritable Patriotisme qui parle par ta bouche. Oui, tels fonc les droits & les devoirs des vrais Républicains, 'A 3 mais  mais 1'ambitiorr, la flatterie, & 1'intérêt perfonnel, les ont trop foüvent méconnus , furtout dans notre malheureufe Patrie. La'Maifon d'Orange a fait un cruel abus de fon pouvoir & de 1'excès de notre reconnoiffance. Philippe II. avoit aumoins un pretexte a fes fureurs, il nous regardoit comme des Sujets révoltés contre une autorité légitime ; mais les Princes d'Orange , dont nous ïbmmes les Bienfaiteurs & les Maitres, fe font rendus coupables envers nous de la plus odieufe de toutes les Tyrannies. T h e o r> o b. e. 31 y a longtems, mon Pere, que nous avons envie, mon Coufin & moi, de vous priex d'entrer avec nous, dans quelques détails, fur la conduite des 'Princes d'Orange ; mais nous avons craint d'abufer de vos bontés. Mr. Herman. ' Cette crainte eft mal fondée, mes chers Enfans, c'eft mon devoir de vous inftruire, & je ne 1'ai jamais négligé. Mais c'eft. dans 1'Hiftoire de notre Patrie , que vous devez puifer les lum'ieres que vous me demandez. Je me charge d'ètre votre guide & de vous tracer le plan de votre travail. L'efprit de parti déguife les défauts ou les exagele,'fupprime les faits qui-lui font contraires, traosforme les vices en veitus; mais 1'Hiftorien fide-  < 7 ? üdele a la vérité, nous apprend a juger les hommes, d'après leurs actions. Ainfi pour prendra une connoifiance exaéle , & fuivie des procédés Tyranniques de nos Princes d'Orange, vous ferez des extraits de 1'excellent Ouvrage de Wagenaar , & vous ne vous attacherez qu'aux traits qui cara&ériferont la Tyrannie. Theodore. Mon Pere, Vous nous avez ibuvent parlé du Grand OWenbarneveld & de fa mort tragique ; vous nous avez dit en mème tems que le Prince Maurice le fit pondamner injuftement; il n'y a qu'un T-yran qui puiffe fe porter a de tels exces. Mr. H E r M a N. Tu as raifon, mon Fils; il cft peu de Tyrans qui fe foient montrés plus cruels que le fut Maurice en cette occafion. C'eft .aufïï par 1'affaffinat juridique d'Oldenbarneveld, que vous cömmencerez votre travail; venez avec moi, mes Amis , je vous donnerai les 8,9 & iome Volumes de Wageriaar ; vous en extrairez tout ce qui vous paroitra mériter votre attention, & pouvoir vous mettre en état de porter un jugement certain fur cette affreufe cataftrophe. Nous nous raflemble-rons demain au foir, felon notre coutume , vous me commnniquerez le réfultat de vos recherekes, les réflexions que vous aurez faites, j'y joindrai les A 4 mien-  miennes, & nous continuerons ces conveffations, Énffi long-terns qu'elles feront néceiïaires a vatre in.lruétion. 4- 4-^ $ ^ * 4- 4- 4- '4 4 <£- $■<* ó> i* -$> 4- ^ 4- ^ DEUXIEMÈ SOIREE, Mr. Herman, T>heodore Henri. Mr. Herman. Venez vous affeoir auprcs de moi fous ce berceau , mes Enfans. Avez - vous un p-eu travaillé ? Henri, (tirant de fa poche un Cahier.) Oui, mon Oncle ; voila ce que j'ai extrait depuis hier. Theodore, (faifant la mé'me chofe.) Et moi, mon Pere, j'ai travaillé autant que mon Coufin. Mr. Herman. Je parie que vous avez paffe une partie de la nuit, n'eft ce pas ? vous ne répondez rien; c'eft- . a-dire que j'ai deviné jutte. Je vous defends a 1'avenir eet exces de zèle; le travail nofturne a votre age , eft dangereux pour la fanté. D'ailleurs • .; tro£  C 9 > ttop de précipitation empcche de faifir le fil des événemens, & de faire des réflexions judicieufes, feuls fruits que nous puiffions recueillir de 1'Etude de 1'Hiltoire. C'eft a toi, mon cher Henri, que j'adrefle principalement cette petite rernontrance; tu mets .toujours trop de feu dans cc que tu fais, & dans ce que tu dis. Allons, commen-r ce a nous lire quelque chofe. Henri, ( l\t. ) „ Jean Oldenbarneveld , natif d'Amersfoort , „ étant Penfionnaire de la Ville de Rotterdam, „ fut Député avec plufieurs autres Régens, en „ 15^5- en Angleterre, auprès de la Reine Elifa„ beth, pour folliciter les fecours de cette Prin„ ceffe. Ayant découvert: qu'Elle avoit deffein „ de s'emparer de 1'autorité dans les Provinces „ Unies, Oldenbarneveld en avertit les Etats, „ & leur propofa de nommer le Priace Maurice „ Stadhouder, Capitaine & Amiral Général de „ Hollande & de Zélande, pour contrebalancer „ 1'autorité du Comte de Lekejler, Général des „ troupes Anglaifes, & Gouverneur des Provinces Unies ". „ L'année fuivante Oldenbarneveld fut choifi „. par les Etats de Hollandex pour occuper 1'im„ portante place d'Avocat de cette Province. „. Après quelques difticultés , il 1'accepta, mais „ a condition, qu'il la quitteroit fi jamais orx As „ par-  c lp ) „ parloit de fe remetrre fous le joug de PEfpagne". „ Eh 1589. apres le départ de Leicejïer, Olden„ barneveld employa le credit que lui dotmoient „ fes talens & fon Eloquence, pour engager les „ Etats Généraux a augmenter 1'autorité du Prin„ ceMaurice, qui fut nommé Stadhouder, Capi„ taine, & Amiral Général des Provinccs d'UM trecht, de Gueldre., & d'OveryfTel ". Voila, mon cher Oncle ce que nous avons ent devoir extraire du $me Volume; en êtes vous content ? Mr. Herman. Trés content: mais - quelle raifon avez vous eue d'extraire ces particularités? Hejvri. . : - lis ta Hfevjmi ■ L»|0- ,?^iuTJ , Nous avons penfé que pour bien jugei de 1'in- gratitude, de la Tyrannie du Prince, & de 1'in- nocence d'Oldenbarneveld , il falloit d'abord connoitre les fentimens de 1'un & de 1'autre, en étudiant leurs aalons, Vous nous dites hier que que c'étoit la feule maniere de bien apprécier les hommes,.& nous nous en fommes fouvenus. Mr. Herman. . 'Fort bien, mes Enfans: n'oubliez donc pas qu'Oldenbarneveld fut la première' caufe de la For-  ( II ) Fortune & du pouvoir de Maurice. Pais nous vpar£ 'apréfent, mon Fils, de tes recherches. Theodore, (Ut.) „ Dèsl'An 1600. les.Courtifans de Maurice fe„ moient la mésintelligence entre lui & les prin„ cipaux Membres des Etats, & Oldenbarneveld „ concut quelques foupcons contre le Stadhouder , „ dont la conduite annoncoit les dcffeins ambitieux. „ En 1607. il fut quefüon d'une Trêve propo- „ fée par les Archiducs Albert & Ifabells. . „ Maurice & fes Partifans voulqient la guerre ;» * Oldenbarneveld & les gens fages penchoient „ pour une Trêve, qui donnero't le tems d'ac„ quiter les .dettes énormes que 1'Etat contraaoit. „ Le Prince engagea la Frife, la Gueldre, & la „ Zélande, a refufer la Trêve, & les Miniftres de „ la Réligion repréfenterent les partifans de la „ Trêve, comme des traitres vendus a 1'Efpagnc. „ Cette différence de fentimens dans les deux plus „ importans Perfonnages de la République , pro,, duifit efttre eux une animofité qui s'augmen„ toit de jour en jour, &' que Maurice porta fi „ loin qu'une fois il donna un démenti % Olden„ barneveld; & leva la main pour le frapper. „ Ce fait fe trouve dans les Mémoires d'Aubery „ page 293. " „ On accufa Oldenbarneveld en 1608. d'avoïr accepté de Henri IV. un préfent de 20,000 flo- „ rins.  ( 12 ) rins, pour lui faire donner la Souveraineté du „ Pays. Mais il déclara lui mème que ce préfent „ lui avoit été pjomis dès 1598. pour des fervices „ rendus au Roi de France, mais qu'il n'avoit „ jamais été queftion de lui faire donner aucune ,, autorité dans le Pays. , „ Les Ambaffadcurs des Princes Etrangers pro„ poferent aux Etats une Trêve de plufieurs an„ nées avec 1'Efpagne, a condition que Pliilip„ pe il: & les Archiducs reconnoitroient la Li„ borté de's Etats , & déclareroient n'y rien pré-. *„ tendre.' Dès que cette propofition fut publique „ les Cabales du Prince resommencerent; la Zé.„ lande dont il difpofoit comme premier Noble Sc „ Marquis de FÏcffi.-igue & de ter Vere, refufa de „ confentir a laTrève. On publia mtme en Fran„ ce , au oom du Prince , qu'Oldenbarneveld, „ le Grefficr Aarffcns, & fon Frere couroient ris„ que de pe'rdre la vic, ou du moins leurs Emplois', „ pour s'ètré déclarés partifans de la Trêve. Sous si le fpécieux prétexte d'attachement a la Patrie „ & a la Réligion, Maurice cachoit fes vérita,, bles motifs d'oppofition 2 cette' Trêve. II i, perdoit, fi elle étoit conclue, fes appointe„ mens de Capitaine'& d'Amiral Général; lc ' dixieme des prifes faites fur Mer, fa part dans „ les contributions, & dans les fommes que don-. „ noient poür fe racheter du pillage les Villes con„ quifes. II devenoit d'ailieurs moins néceflaire, » Sc  ( 13 > w & moins abfolu n'ayant plus le commandement. „ d'une nombreufe Armée ". „ Les Régens du Parti d'Oldenbarneveld fe fon„ doient fur 1'état des Finances; la Hollande fe „ trouvant endettée de Neuf Millions & les autres „ Provinces enfemble du doublé de cette fomme. ,,'Cependant ils ne vouloient confentir a la Trè„ ve , qu'a condition que la Liberté des Etats „ feroit reconnue fimplement & pour toujours ". „ On trouva ün jour quelques écrits anony„ mes, qui furent portcs a 1'Afïemblée des Etats. „ Oldenbarneveld étoït repréfenté dans ces libel„ les comme traitre a la Patrie, & digne de fu„ bir une mort ignominieufe. Ce grand homme „ indigné des moyens qu'on employoït pour le „ perdre, pria les Etats de Hollande d'acceptér „ fa démiflion, & fortit de 1'Affemblée. Mais on „ lui envoya plufieurs Députés, pour le prier de „ ne point abandonner dans des circonftances fi „ critiques le foin de 1'Etat, qu'il avoit fi long„ tems, & fi fidélement fervi ". „ Oldenbarneveld reprit fes fonctions, & Mau„ rice étoit tellement prévenu contre la Tréve, „ qu'il fe difpofoit a exciter des émeutes dans „ les Villes, en foulevant les Soldats & la Po„ pulacé. Jeannin, AmbaiTadeur de Henri IV. „ Sc Oldenbarneveld craignarit les funeftes eftets „ de 1'obftination du Prince , réuffirent a le faire „ changer de fentiment; mais a condition qu'il „ y  C *4 ) t> y auroit pendant la Trêve une Armée de 30,003 „ hommes fur pied ". Henri. Mais, mon Oncle, pourquoi dönc charger 1'Etatd'unedépenfe inutile, pour plaire a ce Maurice? ne pouvoit on pas fe paifer de fon confentement & de celui de la Zélande ? Mr. Herman. Quand on auroit pu le faire, la prudence demandoit ce Sacrifice plutöt que d'exciter des troubles, dönt 1'Efpagne auroit profité. Theodore. Je comprends trés bien cela, mon Pere, maï* je trouve qu'on porta la complaifance trop loin ; car notre Hiftorien ajoute que Jeannin & Oldenbarneveld accorderent au Prince tout ce qu'il demanda pour Lui & pour fa Familie. Hen r-i. Oui, mon Oncle, on acheta trop cher le confentement du Prince. La Trêve ne fut fignée que le 9. Avril 1609. & dès le mois de Mars les Etats avoient décidc de conferver k Maurice fes appointemens de 80,000 florins, k 80,000 autres, pour le dédommager de ce qu'il perdroit par la fignature de la Trêve. On décida que le Prince Frédéric Henri jouiroit d'ün revenu annuel de 30, 000  ( is > 30,000 florins, & que lui ou fes Enfans fuccéde» roient aux- charges de Maurice , fi ce Prince mouroit fans poftérité. Le Comte Guillaume Frédéric eut encore une Perifion de 50, 000 florins, & les Etats obtinrent des Archiducs une fomme de 300,000 florins, pour les héritiers de Guillaume I. en récompenfe de quelques revenus dont jouilibit autrefois ce Prince en Flandre & en Brabant. Theodore. Vous oubliez encore, mon Coufin, une penfion de 25000 florins qui fut accordée au Prince s'il fe marioit, & dont on décida qu'il jouiroit fans cette condition. Je crois que la Maifon- de NafTau fut bien dédommagée de tout ce qu'elle avoit perdu en abandonnant le parti de 1'Efpagne. Mr. Herman. Sans doute, & ce fut au feul Oldenbarneveld qu'elle eut obligation de ce dédommagament. Maurice alors ne regarda plus la Trêve comme fatale au bonheur de 1'Etat, & au maintien de la Religioh; il impofa filence auxMinifires, auxSoldats, a la Populace , & la Ztlande ne penfa plus a fe féparer de 1'ünion. Vous le verrez bientót, mes enfans, oublier tant de bienfaits, & perfécuter ouvertement le grand hommc qui lui avoit toujours tenu lieu de Pere. Vous le verrez joignant f'hypocriiie a la cruauté... Mais j'en dis trop, & 1'ou-  j'oublie que C'eft a Vous de trouver dans 1'Hiftoire les reflbrts que fon ambition , & fa vengeance firent mouvoir pour condnire fur 1'échaffaud le plus digne & le plus zclc défenfeur de notre Liberté. Theodore. Mon Pere, avant de continuer la leéïnre de nos extraits, nous avons une explication a vous demander. Nous voyons qu'après la fignature de la Trêve il s'éleva une difpute entre deux Profefieurs en Théologie de runiverftté de 'Leyde, & que cette difpute troubla la République, mais nous ne comprenons rien au fujet de la querelle. Mr. Herman. Je le crois, mes Enfans; cette matiere eft audeffus de votre age, & la discufiion en feroit dcplacée ici. d'Ailleurs le Synode de Dort a condamné le fentiment d'Arminius, & cette décifioh doit-être adoptée comme une regie de foi dans 1'Êglife Réformée. Si vous méritez un jour que le choix de vos concitoyens vous appelle a la Rcgence, confervez la Religion dans toute fa pureté, mais gardez vous de haïr ou de perfécuter ceux qui perfiftent dans des opinions condamnées. 1'ambition flt la vengeance ont fait fervir trop fouvent le nom de Dieu de prétexte a leurs desfeins & a leurs fureurs. Vous en verrez la preuve dans la conduite de Maurice, qui fe déclara pour le  C 17 ) le parti qu'Oldenbarneveld ne favorifoit pas : Cette feule raifon décida fa croyance. 0 Henri. C'eft ce qu'il eft aifé de voir dans notre Hiftorien, quoiqu'il ne le dife pas précifément. Vo:ci ce que nous y trouvons a eet égard fous ladate _ de 1Ó12. „Maurice n'avoit pas encore „ pris grande pan aux difputes de Religion, mais ,, les Rémonftrans penfoient qu'il ne leur étoit „ pas favorable, paree qu'Oldenbarneveld, auquel „ ils étoient attachés, confeilloit 1'uhion mutuel„ le. D'ailleurs le Comte Guillaume- Louis de „ Naffau, Stadhouder de Frife & de Groningue, „ avoit engagé le Prince a s'oppofer aux Rémon,, ftrans & aux Régens qui les favorifoient. Ce „ fut Parrnée fuivante que le Célebre Hugues de „ Groot, Penfionnaire de Rotterdam, fe fit con„ noitre par plufienrs écrits, en faveur du fenti„ ment d'Arminius. Pour donner la paix a 1'E„ glife, & prévenir les fuites de 1'animofité, qui ,, s'augmentoitde plus en plus entre lesCitoyens, „ les Etats de Hollande ordonnerent que les di„ fputes de Réligion ne fcroient pas rendues pu„ bliques, & que les Eccléliaftiques vivroient en ., b.ohne intelligence. Oldenbarneveld, le pri'ncipal auteur d'une fi fage réfolution, fut accufé „ de vouloir livrer Ie Pays a 1'Efpagne, & de .-, chereber » changer le Réligiori pour y parve•:• a » nir.  t, nïr. ©n 1'accufoit d'avoir recu de 1'argent pouf „ prix de fa trahifon. Ces bruits injurieux aug* mentoient le nombre des partifans du Prince, „ qui s'annoncoit publiquement pour le Défenfeur de la vraie Religion. La Populace en étoit li perfuadée que les Matelots de Ia Brielle avoient „ mis dans le Pavillon de leurs Navires, qu'il „ valolt mieux aller a la Guerre avec Orange, que d'être plus long - tems molefléspar les Arminiens ". 11 me paroit, mon Oncle, que c'eft une ancienne habitude chez nos Princes d'Oraage, de fe fervir de la canaille, pour troubler 1'ïtat, & s'emparer de 1'Autorité. Theodorb. J'ai peine a eomprendre comment ces Princes, fi fiers de leur naiffance , ne rougiffent pas d'ctre 1'idole de la derniere clalfe du Peuple. Je ne voudrois pas d'une couronne , s'il falloit 1'acheter a un auffi vil prix. Mr. Herman. C'eft que tu ne fais pas encore que les ambitïeux ne font pas délicats furie clioix des moyens. L'étude de notre Hifloire te convaincra qu'il n'eft arrivé aucun changement favorable a la Maifon d'Orange r que par ces moyens ft méprifables, Mais consinuons, The*-  T h k o r> ö r a, „ Oldenbarneveld, & les Régens bien ïntention* „ nés pour la Patrie, voyant que dans les Vil,, les qui n'avoient 'pas droit de fufiïage , on „ changeoit la Magiftrature, & que les places ,, étoient toujours remplies par les partifans du „ Prince, foupconnerent que la Réligion n'étoit 3, que le prétexte de ces changemens. Ils craigni„ rent que le defiein ne fut formé d'opérer la mê„ me rëvölution dans les grandes Villes, & d'é* i, lever Maurice i Ia dignité de Comte de Kollan„ de , oii de Chef des Provinces Unies. Les Cour* ,-, tifans de ce Prince lui avoieut perfuadé que les ,v Rémonftrans cherchóient a diminuer fon Auto„ rité, mais que leurs adverfaires, lui étoient dé,,' voués. Auffi difoit il publiquement, qu'il na „ reconnoijjbit pour vrais liéformês, que ceux qui i, avoient voulu èléver Jon Pere fur le Tróne. „ Les Etats chercherent les moyens de confeti, ver le fepos dans les Villes, & de prévenir 16 ,', perte de leur Autorité, mais ils ne pouvoienc „ fe confier aux Troupes, dont le Prince difpofoit; „ qu'il avoit déja refufé d'employer, & auxquel,-, les il avoit donné ordre de ne point obéir auoe ,-, Magiftrats, dans les ch'ofes qui regardoient la' „ Religion. La Garnifon de Schoonhoven avoiC „ mème recu des Munitions de Guerfe, a Pinfcté i, da ia Rébence. Oldenbarneveld confeilla de' B i j, foU-'  t, foudoyer une Milice nationale extraordinaire, „ & de la mettre en Garnifon dans les Villes de „ la Hollande , ou le danger paroiffoit le plus „ prefTant. Ce Gonfeil fut fuivi par la Majorité „ de* Etats; fix Villes y formercnt oppofition, „ fous pretexte, que ces nouvelles levées augmtn„ toient inutilement les dépenfes de 1'Etat, qui „ pouvoit a peine payer les Troupes réglées ". Mais, mon Pere, puisque le Prince refufoit d'obéir aux Etats, & de faire marcher des Troupes, quand on le lui ordonnoit, le parti qu'on devoit prendre étoit de lui retirer fa paye, & fa place de Capitaine Général. Mr. Herman. Sans doute les Souverains ont le droit de reti-, rer leur confiance a tout fujet fufpeét & désobéisfant, mais la prudence ne permettoit pas d'employer contre Maurice ce moyen, quoique légitime. L'indépendance de la République n'étoit pas encore reconnue ; 1'Efpagne confen'oit dans notre Pays des partifans, & des intrigues, les querelles de Religion divifoient les Citoyens; les fervices de Guillaume I., les exploits de fon Fils encliainoient presque tous les efprits aux intéréts de la Maifoa d'Orange ; il falloit donc diffimuler 1'outrage plutót que de perdre la Patrie, en puniifant un coupablc trop puilTant. Hen- ■  ( 21 ) * Henri. Malgré la modéfation, que les Etats mirent dans les précautions qu'ils fe crurent obligés de prendre, Maurice-penfa qu'ils avoient réfolu de diminuer fon Autorit , furtout après le voyage d'Ol4enbarnev"eld & Utrecht. Voici ce que Wagenaar nous apprend a ce fujet: „ Oldenbarneveld en fortant de Viancn, fe ren- dit a Utrecht; il y tomba malade, & pendant „ fon féjour dans cette Ville, on y réfolut de „ prendre 600 hommes de Milice Bcurgeoife. „ On leur fit jurer de fervir contre tous ceux qui ,, troubleroient les Etats ou la Ville , dans les af„ faires civiles ou religieuss, & généralement „ contre tous les ennemis de 1'Etat. „ La Régence de la Brielle , craignant une fcdi„ tion, avoit fait jurer a la Garnifon d'ctre fi„ dellé aux Etats de Hollande, a la Magiflrature, „ & de défendre les Eglifes. Maurice infauit de „ cette précaution, part de la Haye pendant la ,, nuit, ee fe rend ii la Brielle , accompagné de ,, fon Frere Frédéïic Hei:ri; il fait entrer dans la „ Ville-deux Compagnies d'lnfanterie ; on lui de., mande de difierer cette augmentation, ou de ,, permettre que ce* Troupes s'engagent ii défendre „ le Magiftrat , mais il refufe d'y confentir. ,, Après cette entreprife on eut foin de réparidre „ dans le Public que fans la vigilance dü Prince ,• B 3 „ les  < 22 ) ïes Efpagnols fe feroient emparés de la Brielle ? „ qu'Oldenbarneveld leur avoit vendu, & queFles,, fingue couroit le même danger. Ces calomnies „ ne trouverent de crédit que chez la Populace, „ & les gens honnêtes n'y ajouterent aucune foi. „ Oldenbarneveld las d'efiuyer tant de désagré„ mens, & prévoyant peut-être fon malheur, ,, demanda encore une fois aux Etats de Hollan„ de, le 8. Décembre 1617 , la démifiion de fa place, fous prétexte de fon grand age. L'As„• femblée le pria de continuer fes fervices dans les circonftances critiques ou fe trouvoit la Pa- trie, & le grand Homme y confentit. „ Lea Etats Généraux avoient ordonné que pour „ finir les difputes de Religion il feroit tenu a „ Dort un Synode. Oldenbarneveld & les Régens „ de fon parti croyoient que ce Synode étoit „ contraire aux Droits, que chaque Province posT „ fede de régler les affaires Eccléfiaftiques. Le „ Prince fachant d'avance que 1'opinion des Rcj, monftrans feroit condamnée, & que les Régens „ de leur parti feroient dépofés, fit plufieurs „ voyages en Hollande , en Gueldrê & dans „ Overyffel, pour engager les Régences, & les „ Affemblées provinciales, a confentir a la tenue 5J du Synode. Ces démarches de Maurice cau- foient de vives inquiétudes aux Régens de la „ plupart des Villes de la Hollande, fc a la Pro- vinte d'Utrecht ". Je  * 23 ) Je voudrois bien favoir, mon Oncle, fi Oldenbarneveld avoit raifon de s'oppofer a ce Synode; il me femble que s'il y avoit confenti le Prince n'auroit eu aucun prétexte de le perfécuter. Mr. Herman. Mon Ami, le véritable Patriote doit mcprifer fa vie quand il s'agit de défendre les droits de fon Pays, & la dignité du Souverain, qui lui a donné fa confiance. Oldenbarneveld ne pouvoit confentir a la tenue du Synode, fans trahir les intéréts des Habitans, qu'il avoit fait ferment de protéger; il devoit donc s'oppofer aux entreprifes du Prince, au hazard de tout ce qui pourroit lui en arriver. Et pour vous prouver, mes Enfans, que ce grand Homme n'agifibit ni par jaloufie, ni par obftination', écoutez le i3me Article de 1'Union d'Utrecht: „ Et a 1'égard de la Religion , les Etats de Nol„ lande & de Zëlande fe cornporteront fuivant la „ volonté de leurs Membres, & les autres Provin„ ces fuivront ce qui eft contenu dans la Pacifica- tion de Gand, ou fe régleront comme ils le trou,, veront utile, pour le repos, la profpérité des „ Provinces, des Villes, des Habitans, & pour „ la confervation des droits fpirituels & tempo„ reis de chacun en général & en particulier. Et „ cela fans qu'il puiffe être apporté d'obftacle ni „ d'empêchemerit par aucune Province, a condiB 4 „ tion  „ tion que chacun reftera libre dans fa Rel'gitfn, „ & que perfonne ne.pourra être pcurfuivi, ni „ recherché pour caufe de Religion ". Je fuis bien aife d'avoir eu fur moi 1'Union d'Utrecht, pour fatisfaire a votre demande, & pouvoir vous infliuire. Vous êtes en état de juger éntre Ia conduite de Maurice, & celle d'öldenbarneveld, & vous voyez que les Etats de Hollande & de Zélande font feuls autorifés a fe conduire, relativement a la Religion, fclon leur proPfe volonté, T h e o d o r e. Que d'obligations nous vous avons, mon Pere & qu'il feroit heureux pour la Patrie, que tous les enfans de nosConcitoyens fuffent irjftruits comme nous Ie fommes! Mr. Herman. Je vous ai déja dit que je rempliffbis le premier de mes devoirs en vous inftruifant, mais tous les Parens ne connoiflent pas affez 1'Hiftoire de leur Pays, pour la mettre fous les yeux de leurs Enfans. D'ailleurs, les Profeffeurs, les Ma;tres, les Miniftres de la Religion, font la plupart rctenus par leur intérêt perfonnel, & n'ofent ou ne veulent pas dire la Vérité , dans la crainte de déplaire a cette Maifon d'Orange, qui difpofe de toutes lesplaces , & dont la colere eil fouvent plus re- dou-  doutablc, que fa proteétion n'eft utile. Nous'ter- minerons aujcurd'hui notre converfation; j'ai quelques 'affaires impqrtantes, qui ne me permettent pas dc rèftei plus long - tems avec vous. Theodore. Permettez que je vous faffe encore une queftion avant de nöus féparer. Pourquoi Maurice attaquoit il ainfi les droits de la Province de Hollande? Ëft ce que les Stadhouders ne jurent pas d'obfexver les Articles de 1'Union d'Utrecht? Mr. Herman. Oui, fans doute, ils le jurent, & metne d'employer leur autorité ?. les faire obferver, mais nous avons malheureufement des Princes pour Serviteurs, & nous éprouvons la vérité du Proverbe qui dit: que les lo'tx font des talles d'Jraignée, qui retiennent les Moucherons, mais qui font brife'es par les Guepes, iS TROL  C 35 ) TROISIEME SOIREE. Mr.'Herman, Sophie, Tneodo■ Re, Henri. Mr. Herman. Vous vous Stes affez promenée aujourd'hui, ma chereSophie, allez tenir compagnie a votreMaman. S o p h i e. Oh .' mon cher Papa, j'ai permiffion de refter avec vous, auffi long - tems qu'il vous plaira. Mr. Herman. II faut que j'aie avec ton Frere & ton Coufin une converfation un peu longue, & qui t'ennuieroit certainement. Sophie. Pourquoi donc, Papa ? vous m'avez quelquefcis permis d'aflifter a ces converfations, & je ne m'y fuis jamais ennuyée, Mr. H e r m a V. Je Ie crois, mon Enfant; nous ne parlions que ie 1'Hiftoixe ancienne ou de la Fable, & ces en- tre-  ( 27 > tretiens étoient amufans pour toi; mais depuls deux jours nous fommes devenus Politiques, & tu vois bien que les affaires d'Etat ne font pas fort intérefTantes pour un Enfant de douze ans. Sophie. Eb! mais, Papa, mon Frere n'en a que quïn» ze, & mon Coufm tout au plus quatorze; la dif- férence n'eft pas fi grande. Mr. Herman. D'accord: mais ils occuperont des places interdites ii ton Sexe, & d'ailleurs ils ont plus de rai- fon que les Enfans de leur age.. Sophie. Fortbien, Papa, j'entends; &moij'en ai moins, Mr. Herman. Non, ma Fille, je fuis trés content de ton intellïgence, & pour ne pas humilier ton amoux propre, je confentirois volontiers a te permettre de refter avec nous, mais pour te mettre au faic }1 faudroit recómmencer ce que nous avons déja dit. Sophie. Non, mon papa, je fuis au courant, mon Tre» re m'a prêté fon cahier d'extraits.  (. 28 J Mr. Herman. . Ah! puisque tu as réponfe a tout, refte donc: a condition que.tu nous feras part de tes réilexions, je ne veux pas te priver du plaifir de nous les communiquer. Alions, mes Enfans, commencons. ,, i .. . •. . . , Henri. „ Les Imputations calomnieufes, &: les Libel» les difiamatoires recommencerent contre Olden„ barneveld. La Princefft Douairière de Guillau"„ me I. dit. a quclqu'im qu'on avoit éerft de '„ Bruxelles- au1 Prince Maurice , qu'Oldenbarne„ veld avoit recu de 1'Efpagne des fommes confi„ dérables, & que le Prince n'en doutoit pas.' „ Un certain Jean Dankerts, autrefois Notaire a fc la Bayé:, demeurant alors a Amfterdam , & qui „ dans le terns de la Trève avoit obtenu fon par„ don, pour avoir compofc un Libelle, en pu•„ blia un autre qu'il figna, & dans lequel Olden„ barneveld étoit rhenacé d'tine procédure crimi„ nelle. ' Oh y lifoit qu'on étoit en ctat deprou•„ ver qu'il avoit recu. 120,000 Ducats, ê! Uiten•„ bogaaré 80,000 flörins en or, qu'on avoit vus dans fon coftre. „ L'Auteur de eet ecrit avoit pris la fuite, dans „ la crainte.des pourfuües du Fifcal de la.Cour, „ qui le recherchoit pour d'autres caufes, Oiden- barneveld déclara; en pleine Aflembléè , que ' ,, Dan-  6 2? \ „ Dankerts étoit a.Amfterdam, & qu'il falloit le „ faire venir a la Haye, pour donner les preuves* „ de fes accufations , puisqu'il s'étbit yanté de „ le pouvoir faire. II ajóuta qu'Uitenbo'gaard & „ lui étoit prèts de fe juftifier. On écrivit a la ,, Régence d'Amfterdam , qui fit n~ettre 1'Ecrlvain ,, aux arrêts, mais fans vouloir 1'envoyer a la „ Haye, fous prétexte, que les dëljts commis „ dans la Ville devoient y être jugés' par les „ Echevins. On envoya donc a Amfterdam lé „ Fifcal Kinfihut avec le Libelle, pour interrogef Dankerts, mais on ne jugea pas a propos de „ le laiffer s'acquitcr de fa miffion, comme il ,, penfoit en avoir le droit. Dankerts refta aux „ arrèts , jufqu'a 1'emprifonnemènt d'Oldenbarne„ veld. Enfuite il fut mis en liberté, & même ., récompenfé, pour ce qu'il avoit fait, ou foufj, fert , quoiqu'on n'ait jamais chargé juridique„ ment Oldenbarneveld d'aucune des accufations, „ dont eet homme 1'avóit noirci. „ Ces calornnies trouvant du crédit dans le „ Peuple, Oldenbarneveld, par le Confeil de la „ Princeffe Douairiem écrivit, le 24. Avril 1618, „ une Lettre au Prince Maurice , dans laquelle ,, juftifiant fa conduite, il proteftoit de fon dés, vouement aux intéréts de la Maifon de NalTau. „ II remit, en même tems, un Mémoire aux „ Etats de Hcttande, H y reprèfentoit fes fervi- „ ces  t 30 ) it ces & fa conduite, depuis le moment, oü ït i, étoit entré au fervice de PEtat, jufqu'a celui „ auquel il fe trouvoit. II prouvoit combien il „ avoit travaillé pour entretenir la bonne harmo•„ nie entre le Prince & les Etats; il en appelloit „ aux lettres qu'il avoit en main, pour marqué „ des fervices qu'il avoit rcndus a la Maifon de „ NafTau. II déclaroit que jamais il n'avoit défi„ ré , hi recherché des préfens, mais qu'il en „ avoit recus pour ré'compenfe de fes fervices. ,, Tous fes biens, difoit-il, étoiefit légitime- ment acquis, il offroit d'en laiffer faire la re„ cherche, fi les Etats le fouhaitoient. A l'égard „ des accufations contenues dans les Libelles, il déclaroit que c'étoient des calömnies, dont la „ plupart des Membres de 1'Aflemblée connois„ foient la faufleté. „ Ce Mémoire fut imprimé, mais en même „ tems fuivi d'un Libelle auonymc, qui fut jugè* „ fi calomnieux, que les Etats le défendirent, j, promettant cinq-cents florins de récompenfe a „ celui qui découvriroit 1'Auteur ou 1'Imprimeur „ de eet c'crit. lis déclarerent, en même tems, „ qu'ils prenoient Oldenbarneveld fous leur fauve- garde & proteftion fpéeiale, pour fes longs & i, fideles fervices. Cette Publication ne fut pas adichée dans Amfterdam, ni dans les Villes du p même parti, ce qui encouragea les Ecrivains1 & Ano-"  t 3* J i, Anonymes. On fit même courir le bruit qus i, Maurice avoit dit , qu'il re'duiroit en poudre i, Oldenbarneveld & fes partifans ", S o p h i e. Papa, qu'eft ce qu'un Libelle ? Mr. H e b. m a Kt C'eft un écrit qui attaque la réputation de quelqu'un, par des accufations calomnieufes. Ces infames prodttftions font ordinairement 1'ouvrage de quelquesmiférables, qui vendent leur plume a qui veut les payer. De tout tems nos Princes d'Orange ont employé ces honteux moyens, pour noircir aux yeux .de la Nation les Citoyens vertueux, qu'ils vouloient perdre. Tu viens de voir que Dankerts fut récompenfé pour avoir fervi la Vengeance de Maurice, & la fuite de notre Hifcire te fournira plufieurs fois de pareils exemples. Sophie. Mais, Papa, comment peut-on croire coupable une perfonne accufée fans preuves, ou qui offre, comme Oldenbarneveld, des preuves contrff les accufations ? Mr. Herman. Tu ne fais pas, ma chere Enfant, que le Pen* Ple ne xajfonrie presque jamais jufte; qu'il y * dans  Ams -le co;ut humajn un funefte penchant, qni jious porte a croire le mal de préférence au bien' Tu ignores qu'un grand mérite excite toujours la jaloufie, & que la perfécution eft trés fou/ent le récompenfe des fuccès. D'ailleurs quiconque s'oppofe aux defleins ambitieux de la Maifon d'Oran, ge, devient odieux a la partie ignorante, & la plus nombreuü: de notre Nation. Autrefois on 1'accufoit d'ctre vendu a 1'Efpagne , ou de vouïoir détruire la Réligion; aujourd'hui c'eft é la France, qn'on 1'accufe de vouloir livrer les intéréts de la Patrie; & ceux qui prótégént les Ecrivains qui repa»dent ces calomnies, vouloient rious facrifier a 1'Angleterre, & nous dier jufqu'a 1'ombre de la Liberté. S o p h le. * Papa-, je vousrcmercie de votre complaifance : j'ai interrompu la lecture, mais vous m'en avez fionoé la 'permiflion. Mr.' Herman. Oui, mon Enfant: a ton age on ne doit né^lijer aucune occafion de s'inftruire.^ Continuons, Henri. „ Les changemens opérés dans les Régences „ des petites Villes donnoient lieu de craindre , „ que le Prince n'eut defiein d'en faire autant a / „ Utrecht,  . < 33 ï „ Utrecht, oü il devoit bientöt venhv Le Secré„ traire Ledenberg propofa de lui refufer 1'entrée „ de la Ville, mais on n'ofa pas .fuivre ce con„ feil, & le Prince y fut recu. II fe contenta „ cette fois d'avoir des conférences fecrettes avec „ fes partifans, qui lui donnoient avis de tout ,. ce qui fe paflbit. Quelque tems après les Etats „ Généraux réfolurent d'envoyer ü Utrecht une „ Députation.j dont Maurice feroit le Chef, pour „ déterminer les Etats a licencier les Milices „ Bourgeoifes, dont la levée paroiflbit au Prince une rêbellion ". Si je ne me trompe, mon Oncle , la rêbellion eft une révolte des fujets, contre les ordres ou 1'autorité du Souverain. C'étoit donc a Maurice que le nom de rébelle convenoit, puisqu'il refufoit d'obéir aux Etats de Hollande, & qu'il cmployoit même la force ouvcrte, pour öétruire X'cffet de leurs délibératiops. Mr. Her m a nv I Ta remarque eft fort jufte; mais nos Princes d'Orange ont toujours regardé comme un attentar la moindre oppolltion \ leurs volontés: c'eft uk mal de familie. ~. Les Etats de Hollande nommerent aaili des /, Dcputcs, au uombre desquels étoient Hoger(E % ieeH  C 34 3 f, heets & de Groot, & ordoBnerent art Cólonel de»' „ Milices Bourgeoifes , en Garnifon k Utrecht, 1 „ de n'obéir qu'aux Etats de cette Province , & „ aux Députés qu'ils envoyoient. A peine ces „ Députés étoient arrivés, qu'ils furent fuivis „ de ceux: des Etats Généraux, & du Prince, dont „ le but étoit d'obliger la Province d'Utrecht, „ k licencier les Milices Bourgeoifes, & k con„ fentir au Synode. De Groot & fes Collegues „ allerent faluer Maurice, & lui dirent qu'ils „ étoient venus pour fe concilier avec les Etats „ d'Utrecht. Maurice leur répondit: On défendra „ bien les Magijirats, mais il jaut favoir aupara- vant comment ils fe conduiront. II y a des Gen: „ qui vettlent iniroduire des nouveautés daus la Re- ügion, me priver du Stadhoudérat & me chcjfer du Pays } mais fy faurai mettre ordre. J'ai pour 5, moi cinq Provinces & quelques Villes de Hollan- de qui me foutiendront. Les Députés lui répon„ dirent, qu'ils ne connoifibient perfonne qui eut j, formé le moindre deffein contraire k fes Digni- tés; qu'on é{oit difpofé k reconnoitre fes fervi- ces, autant qu'il feroit poflïble; qu'a 1'égard des „ difficultés relatives a la Religion, elles difpa-* „ ioitroient bientöt, en les terminant k 1'amiable fans les foumettre a unjugement,'ce qui fem„ bioit trés aifé. „ Maurice prétendit que la tenue du Synode „ étoit indjfpenfable, & qu'il falloit abfolument  C SS 3 „ liceHcier les Milices Bourgeoifes, plus dangerett- „ fes, dit - il, que les Citadelles Efpagnoles. Il ' „ ajouta qu'Oldenbarneveld étoit caufe de tous „ les troubles, mais de Groot lui répondit, que ft la mort enlevoit Oldenbarneveld, les autres „ Membres des Etats de Hollande n'en feroient „ pas moins leur devöir , & foutiendrpient les „ Droits du Pays ; que d'ailleurs les autres Pro,-, vinces méprifoient celle de Hollande, & vou„ loient lui faire Ia loi. Non J. répliqua Maurice, i, c'eft Oldenbarneveld qui veut au contraire éga„ Ier la Hollande aux Etats Généraux. Après „ cètte converfation les Députés de la Hollande, „ & une partie des Membres des Etats d'Utrecht, „ quitterent la Ville ; Maurice' auflitót licencia „ les Milices Bourgeoifes, changea la.Régence, 1'Affemblée Provinciale, & priva de fon emploi „ le Secrétaire Ledenberg. Enfin , pour plaire au „ Prince, & faire évanouir tout foupcon d'opinia„ treté,- les Etats de Hollande confentirens unanimément a licencier les Milices Bourgeoifes. „ &i la tenue du Synode, fous condition'; {M „ les différends y feroient terminés a 1'amiable, „ & que les actes de ce Synode n'auroient de fbr ce, qu'après 1'approbationde 1'AfTemblée Seuf, veraine ". . T H E O D O R ft, Maurice fe piaignoit toujours', que 'es Etats de  •Hollande Vouloiênt le priver dé fes charges, k le chaffer du Pays, & je «e vois pas, qu'on'eut pris contre lui la moifidre réfolution , quoique fa conduite le.méritat bien. Wagenaar, au contraire, allure pofitivement que fes foupeons ii eet egard étoient mal fondés. Qu'auroit-il donc fait s'ils avoient eu quelque apparence' ? Mr. Herman. ïl auroit fait eomme notre Stadhouder aftuel , qui prétend que les Etats de Hollande n'ont pas Je droit de lui retirer le Commarrdement de la Haye & qui protefte contre la volonté de fes Maitres, les accufant de le priver fans caufe d'ua droit inhérent a fa charge de Capitaine Général. Theödore. J'ai entendu, mon Pere, des perfonnes-, qui pafTent pour être au fait de la Conftitution'de notre Pays, & qui foutiennent qu'effectivement le Prince a le droit partout oü il fe trouve,. de commander le Militaire. Mr. Herman. Ces perfonnes la, mon Ami, ne oonnoiftent ni notre Conftitution, ni les Droits de la Souveraineté. Tous les ades d'autoritc appartiennent exclufivement au Chef d'unEtat, dans le lieu de fa r«fidence, c'eft une regie qui ne fouffre point d'ex- cep-'  «ption, & les ïtats de Hollande n'y ont jamais formellemeot dérogé. Si, par un exces de complaifance, ils ont accordé des prérogatives trop (kendues a nos Stadhouders, ils font Maitres de les en priver, quand elles font, ou qu'elles peuvent devenir dangereufo pour la fureté du Souverain, & les Droits de la Nation. Vouloir foutenir le contraire, c'èft fe refufer a 1'évidence d'un principe fi fimple & fi clair, que je fuis perfuadé que ta Sceur en fent toute la force. Sophie. Oui, mon Papa, je comprends trés bien, que quelqu'un chargé de faire exécuter les ordres d'un Maitre , ne doit avoir aucune autorité dans la maifon, ni dans la. préfence de ce Maitre. Mr. Herman. . Voila pourtant ce dont nos Princes n'ont jamais voulu convenir, & cé fut la jaloufie, qni arma Maurice contre Oldenbarneveld. T h e o d o r e, Oui, mon Pere, Sc Wagenaar en fait la «marqué: „Maurice, dit-il, ne pouvoit pardonner a „ Oldenbarneveld d'avoir fait conclure,. la Trêve „ malgré lui. Même un jour il lui dit publique„ ment, Monfeur Sarnevelf, je fuis aujft ja/ou* „ de mon henneur, que vous du vötre. Les difpuC 3 A tas  >5% > «, tes de Religion lui parurent favoiables, pour. augmente^ fon pouvoir, d'ailleurs il foup„ connoit qu'on avoit le delfein de délier les „ Troupes du ferment, qu'elles lui avoient prê0 té, comme Capitaine Général ". Pouïquoi donc , mon Pere, préter un ferment particulier au Prince? je crois que les Troupes ne doivent prêter de ferment qu'aux Souverains, qui les payent, & non pas i l'Officïcr, qui les commande, & qui lui - mcme eft obligé d'obéir. Mr. .Herman. Tu as raifon , mon Ami: mais c'eft encore un abus de notre Gouvernement; j'efpere qu'on le réfbrmera. Continue. Theodore. „ La Députation des Etats de Hollande a U„ trecht augmenta la haine du Prince contre 01„ denbarrteveld , & commc de Groot & Hoger„ beets avoient été les Chefs de cette Députation, f, il réfolut de les envelopper dans la même pro„ fcription. Avant fon voyage a Utrecht , de „ Groot avoit entendu murmurer, que Maurice „ vouloit fe faifir de quelqucs Membres des Etats ■ „ de Hollende, & les tradui.re en juftice.. Mais „ Oldenbarneveld, b oui de Groot le comuuni„ qua , ne put croire *quc Maurice perfifiit dans „ ^ec defte'm, puisoue «rs Etats de Hollande avoient, V - „ li-  „ ficencié les Milices Bourgeoifes , & confend „ a la tenue du Synode ". En effet Maurice devoit être content, on avoit faitce qu'il vouloit: que lui falloit-il de plus? Mr. Herman. La mort d'Oldenbarneveld, & le nom de Tyran. C'en eft afTez pour aujourd'hui, mes Enfans; il eft tems que Sophie aille retrouver fa Mere: demain nous rafiemblerons. Sophie. Me permettez-vous d'en être, Papa? Mr. Herman. Je le veux bien, ma Fille, mais tu pleureras je t'eri préviens. QUATRIEME SOIREE. Mr. Herman, Sophie, Thsodore Henri. T h e o d o b. e. Nous vous avons prié, mon Pere, de rammeneer aujourd'hui notre converfation plutöt qu'a C 4 1'or-  fi 4o- f ' i'ordinaire , pour contenter ma Steur qui vondróic bien favoir tout ce qui a rapport a la trifte fin d'Oldenbarneveld. Mr. H e r m a n. Je fuis bien aife de voir 1'mtérêt qu'elle prend au fort de ce grand Homme-, & la complaifance que vous avez pour elle: ne la faites pas languir plus long-tems. Henri. „ Oldenbarneveld fer arrcté Je 29. Aout 161$. „ la veille on vint 1'avertir du danger qu'il cou,, roit; il fe contenta de remercier, & de dire : „ ce font de méchantes Gens. Le matin a 7 heu- res Uitenbogaard vint le voir, & le trouvant „ plus trifte qu'a I'ordinaire, s'efforca de le con,, foler par 1'exemple de tant de'grands Hommes, „' mal récompenfés des fervices qu'ils avoient ren„ dus a leur Patrie. Une demie heure après 01- denbarneveld mqnta en Carofie. pour aller a Ia ,, Cour ; a peine y entroit - il, qu'un Valet de „ Chambre du Prince vint lui dire que S. A. vou„ loit lui parler. II fe rendit a 1'appartement, qui fervoit ordinairement a leurs entretiens, „ mais on le conduifit dans un. autxe , ou Nythof, 5, Lieutenaat des Gardes du Corps du Prince, 1'arj, ~rêta, par órdre des Etats Généraux, fans vous, loir lui permettre de parlér a Maurice. -De Groot  C V f „ Groot & Hogerbeets furent arrctés 1'un après „ 1'autre de la même maniere, fans qu'aucun (, d'eux feut le fort des autres. On envoya le ,, même jour a Utrecht, pour fe faifir de Leden- „ berg, qui fut gardé pendant quelques femaines „ dans fa chambre, & conduit a la Haye ". Sophie. i Mais comment Oldenbarneveld, & les deux au¬ tres ne favoient ils pas qu'on devoit les arreter , puisqu'ils te turent par orare des Etats Genéraux? mon Papa m'a dit que cette Aifemblée étoit compofée de Députés de chaque Province, & je crois que celle de Hollande, qui avoit pris Oldenbarneveld fous fa protection, auroit du s'oppofer au deffein du Prince & de fes Partifans, qu'elle ne pouvoit pas ignorer. Henri. Si vous m'aviez laiffé lire quelques lignes de plus, vous auriez vu, ma Coufine, que ce Complot fut 1'ouvrage de Maurice, & de trois des Dé¬ putés , qui 1'avoient accompagné a Utrecht. Jls firent approuver leur deffein., par les Etats Géné- ■ raux, mais a 1'infcu de la Province de Hollande. Theodqre. Eh bien, leur approbation étoit riulle ,- & fi Maurice avoit fait foa devoir cpmme Stadhouder, C 5 il  11 devoit avertir la Province de Hollande de cefc te réfolution, & même s'y oppofer. Mr. 'Herman. Sans doute, l'Unioa d'Utrecht lui prefcrivoit cette conduite; mais nos Princes n'y font jamais fideles, que pour leurs intéréts. Maurice la fit valoir, quand il fut queftion de la Trêve avec 1'Efpagne, mais il viola cette Union, pour perdre un homme qu'il ha'rffoit. L'autorité des Stadhouders eft un des grands vices de notre Gouvernement. Voici, mes Enfans, ce qu'en penfe le célebre Abbé Raynal: ' „ Le Stadhouder, dit-il dans fon feptieme Vo„ lume de 1'Hiftoire Philofophique & Politique, „ n'eft pas un Médiateur légal pour rétablir 1'U„ nion entre les Provinces. Chargé de terminer „ les querelles religieufes , ce Magiftrat a des lors „ une influence dangereufe, paree qu'il peut im„ pliquer toutes les affaires de Religion dans cel„ les d'Etat, & toutes les affaires d'Etat, dans „ celles de Religion. Autorifé a décider fur les „ articles du Traité d'Union , quand il y a fcis„ fion ou partage, le pouvoir de finir la difcor„ de, lui donne la facilité de" la fomenter. Quel„ le carrière ouverte a fon ambition " j Ce peu de mots fuflit pour indiquer la fource de nos malheurs , & la nécefiïté de bomer l'autorité des Stadhouders. Reprcnons a préfent notre lecture. Hkn-  C. 43 > He n'ft'l. • ?, Le ïocine jour les Etats Généraux envoyerent f, des Députés a ceux de Hollandé, pour leur an-! „ nonper que 1'intérêt de la Patrie Iss avoit obli„ gés de s'affurer d'Oldenbarneveld & des deux ,, aurres, connnc de trois perfonnes dangereufes, „ qui étoient les Chefs d'une Cabale dont le but „ étot d'introduire des changemens drms la Reli„ gion, & dans le Gouvernement; qu'on en dé,, couvrirok encore d'avantage, dans l'iaftruction „ de. leur procés, & que les Etats de. Hollande „ étoient prics de donner leur approbation ii ce „ qui ctoit fait. L'Ordre Ëqueïtre & la Majorité des Villes répörsdirent , que cette - eTitircprife „ étoit uu attentat- contre la Souvcraineté,, las ,, Droits & la Liberté de la Province, & qu'il fal,, loit relacher aTinftant les Prifonniers. On fit „ favoir le même choie au, Prince 5 en le priant „ de rendre jufticc a la Hollande , consme fa pla„ ce de Stadhouder J'y obligeoit. Maurice ré„ pondit que les Prifonrwrs n'avoient point été „ arrêtés par fon ordrc-, mais par celui des Etats „ Généraux, qui fans-doute avoient eu des rai„ rons légitimes; qu'il nè vouloit point attaquer „ les Droits de ia l:Mlandev & qa« cYfoit « elle „ d'arranger ce diffcrend -avec Jes Etats Généraux. „ Sur cette réponfe on réfclul d'attendre- la pio„ chaine Aflemblée., pour étteudxc les Droits dut „ Psys,  € 44 J1 „ Pays, & de demander qu'en attendant les Pri» „ fonniers fufTent bien traités. „ A la nouvelle de 1'emprifonnement d'Olden„ barneveld, fon Epoufe & fes Enfans furent plon„ gés dans la plus profonde trifteffe; Van der „ Mylé& Veenhuizen, fes Gendres, Membres de „ l'Ordre Equeftre, & Groeneveld fon Fils afné, „ prierent le Prince , de permettre que leur Pere , „ par égard pour fon grand age, reftat,aux arréts „ dans fa maifon. Maurice leur répondit • cela „ regarde les Etats Généraux: il tfarrivera pas „ plus de mal a votre Pere , qu'a moi - même". Sophie. C'étoit un grand fourbe que ce Maurice : il favoit trés bien ce qui arriveroit a ce Vieillard. Mr. Herman. Oui, mais avant de lever le masqué, il avoit encore une opération a faire, & dans ce moment il cherchoit a raffurer les Enfans d'Oldenbarneveld dans la crainte qu'ils n'entreprifTent de délivrer leur Pere. Theodore, » II aveit raifon de le craindre, car deux Membres de l'Ordre Equefiee, van Schagen & van Asperen , pénétrerent jufqu' a la chambre, oü ce grand Homme étoit gardé, & :desaanderent qu'on k  < 45 1 te délivrat. Le Prince fortit au bruife, & ordonoa- que les Gentilshommts fufTent désarmés, & détenus jufqu'A ce que les Etats Généraux euffent déeidé de la punition, que cette entreprife méritoit, Henri. „ Après la détention des trois Prifonniers, oa „ fit paroitre une Publication, qui contenoit des „ accufations gravés, mais fans aucune preuve; eette Publication même, quoique débitée chez „ rimprimeur des Etats Généraux , n'étoit munie „ d'aucune fignature. Elle fut fuivie de Libel„ les, de Vers & de Chanfons, oü les Prifonniers ,, étoient accufés de trahifon, & de connivenee ^ avec 4'Efpagne ". a Sophie. Je ne fuis qu'un Enfant de douze ans, mais £ 1'on accufoit quelqu'un devant moi, je demandejois des preuves , avant de le croire coupable. Mr. Herman. Tu fauras un jour, ma chere Fill'e, que la Populace n'e'ï pas capable de raifonner, & qu'elle croit toujours les impofteurs, qui abufent de fori ignorance pour leurs intéréts. On peignoit alors le Prince comme le Dcfenfeur de la Religion, 5c le Confervateur de la Liberté, on accufoit les Prifonniers de vo\tioir détruire 1'urie & 1'autre, il u'en  a'en fatloït pas davantage, pour fafciner les you:* du gros de la Nation. On emploie encore au jourd'hui ces odieux moyens, pour noircir les Patriotes, & des Miniftres gagés fonnent le tocfi» de la révolte, & crient en chaire : La Religion eft en danger, courez aux ar mes , fif combmttéz pour les- intéréts. Henri. Ah! quelle horreur! il faut enfermer Ces fuditieux dans une maifon de force, pour le refte de leurs jours. Mr. Herman. lis le «mériteroient d'autant miéux ,'que les fburbes ne . croient pas un mot de qu'ils difenty & que leur enthoufiasme mercénaire peut faire verfer des fïots de fang. Mais reprenons le cours de notre récit. T h e o d Ö r e. ,, Les Prifonniers refterent pendant quelques' ,, fémaines, fans être interrcg'és. Le Prince dans „ eet intervalle fe fit autorifer par les Etats Gé- nérauiv a changer la Régence, hors du tems „ ordinaire, dans plufieurs Villes de la Hollande. „ On s'attendoit d'autant moins a ce changement,' „ que 'Maurice avoit ftijet d'ctre content de la „ complaifance de ces Villes, qui avoient enfin con- y> fen-  < 47 ï „ fenti a licencier les Milices, &*a la tenue dtt j, Synode. Cette réiblution fut prife dans la „ crainte que la Majorité de la Province de Hol„ land n'obtint ce qu'elle demandoit au fujet des „ Prifonniers : elle vouloit qu'ils fuffent interro„ gés par 1'Affemblée Provinciale, & en préfence „ des Ambaffadeurs Etrangers, & que s'il étoit „ clairement prouvé qu'ils euffent traité avee „ 1'Efpagne, on leur fit fubir alors le fupplice, 5, que méritent les traitres a la Patrie. Pour pré„ venir 1'effet d'une demande auffi jufte, les fix „ Villes du parti du Prince. convinrent avec lui jr, de changer extraordinairement la Régence ". Sophie. Combien y a t'il de Villes dans la Hollande, • qui ont le droit d'envoyer des Députés a 1'Afiem-. blée Provinciale? Theodore. Dix huit, & l'Ordre des Nobles, ce qui compofe dix neuf voix, qui décident, a la Pluralité, toutes les affaires de la Province, Sophie. Ainfi les fix Villes du Parti de Maurice ne pouvoientpas prendre une réfolution, erntrela volonté . des douse autres, & le Prince en obéiffant l cette féfolution, manquoit a fon devoir, a ce qu'il me' fcmbk.- Mr.  K -48 ) *Mr. Herman. Sans doute : mais pourquoi nous as-'tu' fait «ette queftion! Sophie. Papa, c'eft que je mefouviens d'avoir hl dans une Gazette, que le Stadhouder actuel. prétend que les Etats n'ont pas eu le droit de le priver .du Commendement de la Haye, paree que cette réfolution a été prife , i la Majorité d'une feule voix. Mr. Herman. Ëh bien, qu'en penfes-tu? S o p h 1 e. Que nos Princes n'ont jamais regardé comme' légitime, qüe ce qui leur étoit favorable. Mr. .Herman. Tu as bien raifon, mon Enfant : continue Théódoré. Theodore. „ Maurice partit au commencement de Sep,-, tembre pour faire ces changemens, & dans les „ petites Villes, il ne fe fit accompagner que de „ fes Gardes-du-Corps, dont 011 avoit augmen- té le nombre depuis quelquetems, a caufe d'un „ bruit qui s'étoit répandu, qu'on en vouloit a rt fa vie "„ J^'ai  ( 49 ) J'ai toujcrars cru, mon Pere, qu'il n'appartenoit qu'aux Souverains d'avoir des Gardes-du-Corps; pourquoi nos Stadhouders en ont ils ? Mr. Herman. Par une fuite de nos imprudentes complaifainces pour eux. Theodóre. i, Après cette opération Maurice revint a la„ Haye, & les Etats de Hollande, presque entie„ rement compofès des Régens de fa facon, le „ remercierent de la peine qu'il avoit prife, & „ le prierent d'achever fon ouvrage. II repartic „ auffitöt , & les Régences furent changées dans ,, toutes les Villes. On remarqua que ks Ma„ giftrats démis', étoient les plus zélés Défenfeurs „ de la Patrie , & du nombre de ceux qui avoient „ le plus fouffert dans les Sieges de Haerlem, de ,, Leide & d'Alkmaar. Les Etats de Hollande eu„ rent encore la baffeffe de remercier fokmnelle„ ment le Prince, & de déclarer perturbateurs du „ repos public, ceux qui refaferoient d'obéir aüx ,, nouVeaux Magiftrats, donnant toute permiflton si au Prince de prendre telles mefures, qu'il croi* „ roit convenabks pour le repos de 1'Etat H è n r r. Je me fouviens. mon Oncle, d'avoir lil darts D . l"H#s-  c 5° y THiftoire d'Angleterre, les moyens dont fe fervit Cromwel, pour faire conduire Charles I. fur 1'Echaffaad, & s'emparer enfuite de l'autorité. II me femble que ce Tyran imita en tout la conduite de Maurice. II affecta le plus grand zèle pour la Religion ; il fe fervit des troupes, dont il avoit le commandement en chef, pour faire réusfir fes projets ambitieux , & remplit le Parlement de fes créatures, pour faire condamner a mort fon Souverain. Mr. Herman. Je fuis bien aife de voir que tu profites de tes leftures, & la comparaifon que tu fais de Maurice & de Cromwel eft tres jufte. Thkodore. Je crois cependant, mon Pere, qu'il y*a quelque différence, en ce que Cromwel fit comdamner fon Roi, & qu'Oldenbarneveld n'étoit pas le Souverain de Maurice. Mr. Herman. II ne 1'étoit pas perfonnellement; mais il étoit Membre de la Souveraineté, dont Maurice avoit juré d'exécater les ordres: ni lui, ni les Etats Généraux ne pouvoient faire arrcter Oldenbarneveld, fans y être autorifés par les Etats de Hollande, fes feuls Juges légitimes. Que la Souve- rai-  ( 5i ) xa'neté rónde dans une feule perfonae, ou dans plufieurs, les droits fopt les mêmes, & Maurice fut par conféquent auffi coupable que Cromwel, Fais nous part a préfent de tes recherches. Theodore. „ Enfin le 27. Septembre les interrogatoires» „ commencerent par celui de Hogerbeets, quiré„ clama d'abord fes Privilèges de Hollandois & de i, Bourgeois de Leide , declarant ne vouloir pas „ y déroger par fes réponfes. Dans le même „. tems Ledenberg fut auffi interrogé; il 1'avoit „ été auparavant a Utrecht, mais fes réponfes „ n'ayant pas alors pam fuffifantes, pour rendre ;, Oldenbarneveld auffi- criminel qu'on lp défi„ roit, il fut appliqué a la queftion. On prétend „ que pour lui en faire avouer davantage % la „ Haye, il fut encore mis a la torture. Après „ que les Fifcaux van Leeuwen & Sylla furent „ fords de fa Chambre , Ledenberg fe mit en „ priere ; enfuite il donna \ fon Fils -une Lettre, „ écriteen Francois, avec ordre denel'ouvrir, que „ quand il entendroit quelque bruit pendant la „ nuit. II n'arriva rien jufqu'au lendemain r 28. „ que le jeune homme entendant fon Pere poufler „ dans la nuit un cri percant fe leva, & demanda de la lumiere a la garde. On trouva le malheureux Lédenberg nageant dans fon fang, Sc dcm Ja mort. II s'étoit coupé 1? cou avec un couD 2 „teau,  ( 5* ) „ teau, après s'en être donné deux coups dans 1c „ ventre ".. Sophie. Ah ! Papa, qucl fpe&acle pour un Fils ! vous aviez raifon de me dire , que pleurerois. C'eft une chofe abominable de donner le torture a des Gitoyens libres, pour leur faire avouer des chofes qu'ils n'ont pas faites, & les condamner enfuite. C'étoit fans doute 1'intention de ces Juges vendus a Maurice. Mr. Herman. II y entroit aufl! de la vengeance perfonnelle: van Leeuwen croyoit avoir été démis de fa Place a Utrecht, par le confeil de Lédenberg. Ta réflexion n'en eft pas moins jufte, & la fuite de 1'Hiftoire te le prouvera. Theodore. „ Les Amis de Lédenberg demanderent fon corps, pour lui rendre les derniers honneurs, „ mais le Prince étant abfent, on ne crut. pas devoir y confentir ". Sophie. Mon Frere, vous nous avez dit que Lédenberg donna une Lettre écrite en Francois, mais vous avez oublié fans doute de la placer dans votre ex- trait,  C 53 ) trait, car Vous n'en parlez pas. Je ferois bien curieufé de la connoitre. Theodore. Je ne 1'ai pas lue paree qu'elle eft écrite dans le Franeois de ce tems la, mais la voici : „ Je fcai que 1'inclination eft de ftatuer en ma perfonne 1'exemple , me confronter avecq mes „ meilleurs amis , me torturer, après me con„ vaincre de contrariétez, & de fauifetez, com„ me on dia , & apres fur des poinfls & poin„ Gilles, fonder une fentence ignominieufe, car „ ainfi fault il faire pour juftifier la faififfement, „ & emprifonnement. Pour ccliaper tout cela, je „ me vay rendre a Dieu par plus court cbemin „ contre 1'hommc mort ne tombe fentence dc con„ fiscation des biens." Sophie. Je tous remercie de. votre Complaifance, mpn FreFe, vous excufez fans doute la Curiofité dans une fille. Theodore. „ Après qu'Hogerbeets eut été encore interro„ gé, de Groot ie fut pour la première'fois, le „ 3 Novembre ; le 9 les Etats de Hollande nom•,, merent des Commiffaires, pour examiner les pri„ fonuiers , &le ij 011 interrogea pour la' premieD 3 ' » «  ( f4 > re fois Oldenbarneveld , qui déclara qQe ce qu'il „ diroit ferviroit * foutenir les droits de fes Mat „tres les Etats de Hollande & de Weftfrifet & que les Etats Généraux n'avoient pas celui *♦ de Ie fa:'re arrdter- tt* interrogatoire dura ao „ jours , & fouvent il y eut deux Séances par jour; „ mais on ne trouve mille part aucun edaircifre.„ ment furies queftions faites a Oldenbarneveld, „ ni fur fes réponfes." Henri. Te penfe ; mon Oncle, que les Etats GJnéraux ayant accufé les prifonniers de trahifon envers la Patrie, auroient dil publier leurs interrogatoires, pour prouver qu'on les avoit foupconnés avec rai*bn, ou pour faire connoitre leur innocence. Mr. Herman. Sans doute c'étoit le devoir des Etats Généraux; c'étoit celui de Maurice dé le demander, en fa quaIité de Stadhouder, qui 1'oblige de veiller h Ia confervation des Privileges de tous les habitans de la Eépublique, mais tu fais bien qu'il avoit d'avance tout concerté avec fes partifans, pour perdre les Prifonniers, & furtout Oldenbarneveld, Theodore. » Après que ce grand homme eut été interrogé p pour la première fois, ou lui öta tous fes pa- „ piers,  ( 55 ) „ piers, dont on lui rendit feulement enfuite une „ partie. Hogerbeets fubit le même fort, paroe „ qu'on découvrit qu'il avoit fait pafier quelques „ avis au de hors. Trois des Commiffaires vinrent le trouver, & lui demanderent quelles lettres il „ avoit écrites ü Anvers, au mois de Mai de cet„ te année, & a qui ces lettres étoient adreffées? „ il répondit qu'il n'avoit jamais écrit, ni envoyé „ aucune lettre en pays ennemi , a Anvers, ni „ ailleurs: il fut encore interrogé , ainü que de „ Groot, mais toutes les queftions, qu'on leur „ faifoit n'avoient presque rapport qu'au Prince , £c non pas aux intéréts du Pays." Sophie. Je ne mVtonne plus que mon Coufin ni vqus n'ayez jamais rapporté aucune particularité de ces interrogatoires; j'avois envie de vous en demander la raifon , car j'aime a tout favoir. Theodore. Nous tacherons, ma Soeur, de vous contenter, en nous fatisfai'fant nous - mcmes, car noüs nous intéreffons autant que vous au fort de ces illuftres prifonniers. Wagenaar nous dit que Louis XIII, Roi de France, fit demander aux Etats Généraux qu'il leur plut de juger en peu de tems les prifonniers & furtout d'avoir égard au grand age , au merite . & aux iongs fervices d'Oldenbarneveld, D 4 la  ( J5 ) ia ^éponfc des Etats Généraux fit connpitre qu'ij^ n'étoient pas difpofés a 1'indulgence. ■ Le Synode fe tint a Dort, & la Doctrine que le prince n'aimoitpas fut condamnée: cettq qqndanination rendit Oldenbarneveld plus odieux au Peuple , & fit juger a Maurice , qu'il pouvoit .fatisfaire fa vengeance. J'ai paffe légérement, ma. Soeur, fur tout ce qui n'a pas un rapport direct; avec nos prifonniers; nous voici maintenant a l'infbruétion du procés par les Juges, que les Etats Généraux nommerent , & nous n'oublierons rien d'eficntie!: je prierai mon Coufin devouloir bien me relayer un peu. Henri. „ Le' Prince après avoir changé les Régences fit ,, dans 1'ordre Equeftre une augmentation de cinq „ membres, & dans le mois de Janvier 1619, on „ convint de nommer, pour l'inftruction du pro„ cès des prifonniers , une Commiffion compofée „ de 24 Juges, dont 12 de la Province de Hollan„ dc, & 2 de chacune des autres Provinccs. Les „ Etats Généraux dont ces Juges tenoienf leur pouvoir, exigerent d'eux le ferment de ne rien ré„ véler dé ce qui fe pafferoit dans leur Tribunal, „ & promirent de les garantir de tout. dommage „ ou reproche qu'ils pourroient effuyer, pourcaufe, de cette Commiffion." Voila deux conditions qui devoicnt eropecher . . 'l - tout  ( 57 ) tout honncte homme. d'accepter une place parmi ces Juges. Theodore Notre Hiltorien remarque auflï que Maurice en changeant les Régences, ne mit en place que fes partifans, ou ceux que fes partifans lui indiquoient. D'ailleurs leTribunal qui jugea les prifonniers ctoit presque entierement compofé de leurs enneuüs, & parconféquent les Jng.es n'étoient pas les plus hohnètes geng de la Nation. Henri. „ La Commiffion donnée a ces Juges les autori„ foit k informer non feulemcnt contre les trois „ prifonniers, mais contre Moersbergen qu'on a„ voit arreté dans l'Evcché de Munfter, & con„ duit a la Haye. On devoit aufii fake le proces „ au Corps de Ledenberg". Sophie. ■ Comment, faire le procés k un mort; Efl ce que cela fe peut, Papa ? Mr. Hermak. II y -a des occafions oü la juftice fait exécutrr une fentence contre le Corps d'un coupable déja eondamné, ou convaincu de crimes énormes, ©5 S o-  < 5° )" Sophie. Eh bien, Papa, Lédenberg ne me paroit pas tvoir commis aucun crime de cette espece. Mr. Herman. Tu ne te fouviens donc pas qu'il avoit confeille de fermer a Maurice les portes d'Utrecht? le Prince regardoit apparemment ce confeil commc un crime de Leze - Majeflé. Henri. „ Hogerbeets comparut pour la première fois „ devant ce nouveau tribunal, a la fin de Févr.'er, „ & enfuite dans les premiers jours de Mars, & ne „ futinterrogé que relativement, a la levée | 1'en„ tretien des Milices , On avoit confeillé a de 'Groot „ de foiliciter fon pardon, mais il s'y refufa coura„ geufement, & fut interrogé le 5 Mars. Avant „ de répondre il fit plufieurs remarques fur la „ compêtence de ce tribunal, & prétendit que „ plufieurs Juges avoient un intéret particulier „ dans 1'affaire foumife a leur décifion, puisqu'ils „ avoient déja réfolu, contre la volonté des Etats „ d'Utrecht, qu'il falloit licencier les Milices. „ II ajouta que quelques uns d'entre euxl'avoient „ menacé plufieurs fois ainfi que les autres Pri„ fonniers". Mr.  C *9 ) Mr. Herman. MesEnfans, les deux remarques de de Groot fuffifent pour vousprouver que ce Tribunal ne fut érigé que poar fauvrrles apparences, & que les Prifonniers étoient condamnés avant d'avoir été etendus. Aucun Juge ne doit prononcer dans une caufe dont il a déj;i fait connoitre fon f-nament; & quand il eft ennemi déclaré des accufés, il eft obligé de fe récufer, c'eft-a-dire de ne point être du nombre des Juges. Et coinmentrépondit-on aces remarques. Henri. Fort mal, a ce que je crois, mon Oncle: un des Juges dit a de Groot, qu'en parlant ainfi c'étoi vouloir rendre fufpects plufieurs membres du Tribunal , & que d'ailleurs les menaces qu'on avoit pu lui faire n'étoient pas d'une fi dangereufe conféquence que la levée des Milices. Notre Auteur continue ainfi: „ Voici les principaux points de 1'interroga-„ toire de de Groot • on lui demanda fi Oldenbar„ neveld ne lui avoit pas dit que le Prince, afpi„ roit a la Souveraineté, & qu'il failoit Ten em„ péchcr; fi lui même n'avoit jamais dit la méme „ chofe du Prince? de Groot répondit a ces deux „ queftions, qu'Oldenbarneveld lui avoit dit qu'il „ foupconnoit quelque deffein caché fous les mou„ vemens qui agitoient les Citoyens, & que tout „ changement operé par la fédition étoit dange- „ reux  e 60 ) „ reux, mais qu'il n'avoit rien ajouté de plus. „ Qu'a fon egard il avoit fouvent dit a des amis „ particuliers qu'il craghoit que les énieutes po„ pulaircs ne produififfent des changemens, mak ,, qu'il avoit toujours parlé du Prince avec le re„ fpect qui lui étoit dd & que fon mérite & fes qualités exigeoient". " „ Sur d'autres queftions qui lui furetit fakes de „ Groot répondit: Qu'Oldenbarneveld ne 1 ai avoit „ jamais parlé d'aucune entreprife fur Woerden, „ quoi qu'il eut appris que la Régence-de L?yde fouhaitoit qu'on üt occuper cette place par „ quelques troupes de confïance ". „ Q-.i'Oldenbarneveld ne lui avoit jamais parlé „ de fe rendre a 1'Espagne, ni a la Maifon d\Au.,, trichc, ni du deffein de prolonger les disputes 3, Religieufes pour acquérir plus d'autorité. De Groot parut encore pour la derniere fois devant „ les Juges, le 16. Avril,'& leur donna par écrit ■ „ une ample ' déclaration- de fes vues dans tous fj les objets qui étoient en litige. II affura qur „ jamais il n'avoit propofé d'êmployer a Rotter„ dam la force militaire pour les disputes de Re„ ligion, mais pour la défenfe des Magiftrats, & „ pour le maintien de la Tolérance". Sophie. Interrogera t'on bientöt Oldenbarneveld ? je fuis ïmpatiente de favoir comment ii répondra. ::. ., Theo-  Theodore. sbofilii tl 'ji> fao'j st sfc'noiftaap rfa Ü"a* «irf Je vajs vous contenter, ma Sceur, & vous verrez que ce grand homme foutiendra fon caract|re. Avant de comparoitre devant le tribunal, il refufa d'en reconnoitre la légitimité. Henri. Expliquez-nous, s'il vous plait, mon Oncle, les raifons de ce refus. „ Mr. Herman. Oldenbarneveld étoit le Miniftre des Etats de Hollande , & tout ce qu'il avoit ordonné ne pouvoit lui étre imputé i crime, puis qu'il avoit toujours agi au nom de fes Maitres, qui avoient déclaré publiquement étre contents de fes fervices, & qui 1'avoient pris fons leur protection fpéciale. Pour procéderen bonne juftice il auroit fallu que les Etats de Hollande, les feuls Juges légitimes d'Oldenbarneveld, lui euffent fait fon procés & après 1'avoir convaincu de malverfation ils pouvoient le livrer aux Etats Généraux pour le punir, ou décider eux -mêmes dufupplice. Aucune de ces formalités n'ayant été remplie, la commifTion nommée pour juger Oldenbarneveld étoit illegale, & la Cour de Hollande auroit du revendiquer 1'inuruction du procés. Theo-  < *a ) The«»ore. Pui* qu'il eft queftion de la Cour de Hollande qui laiffa ufurper fes droits, je voudrois bien faVofr pourquoi dans 1'affaire de Mourand, elle a prétendu que les Etats de Hollande ne pouvoient pas être Juges de eet homme dont le crime étoit fi grand & ü public. Mr. H e r m a n. La trop de grande influence de la Maifon d'Orange eft la feule caufe d'une conduite fi différente dans ces deux Epoques: en 1619. ou vouloit perdre les Prifonniers qui déplaifoient a Maurice, & en 1786. Ou cherchoit i fauver un coupable zélé pour les intéréts de Guillaume V. Revenons a 1'lnterrogatoire d'Oldenbarneveld. Thecdork. Pour répondre a 1'impatience de ma fteur, & ne point abufer de votre complaifance, mon Pere, je rapporterai les aveux d'Oldenbarneveld, dans les différents interrogatoires qu'on lüi fit fubir pendant plufieurs jours, au mois d'Avril. ,, Ce grand homme refufa encore de reconnoi„ tre la compétence du Tribunal, mais voyant que „ cé refus ne lui fervoit de rien, ii fe réfolut de „ répondre, en réfervant fon droit. II avoua que „ Henri IV. lui avoit donné 20,000. florins, quil „ lui avoit promij, dès 1598, pour ces Services „ pat-  „ particuliers; mais qu'il n'avoit jamais rien recu „ de 1'Espaghe, & qu'il ne connoiffbit perfonne „ qui en eut accepté quelque chofe; que jamais „ il n'avoit traité avec le Duc de Sully, ni avec „ Buzanval, ni avec aucun autre pour donner au ,, Roi de France la Souveraineté des Provinces„ Unies. Oldenbarneveld convint auffi qu'il avoit „ craint que Maurice n'afpirat a fe rendre Souve„ rain, ou du moins a augmenter fon autorité; „ qu'il avoit penfé qu'on cherchoit au moyen des „ Libelles, & des émeutes a changer le Gouver„ nement; qu'il en avoit averti les Etats de Hol„ lande, & qu'il avoit dit franchement au Prince „ que le bruit couroit que les Contre - Rémon„ ftrans ne feroient jamais tranquilles que quand „ ils le verroient Comme de Hollande; il ajouta que c'étoit dans une bonne intention qu'il avoit „ confeillé la Paix & la Tolérance paree que les „ difputes qui s'étoient élevées ne lui fembloient „ pas affez importantes pour troubler 1'Eglife, & .„ qu'il avoit propofé la déclaration de la Hol„ lande, d'Utrecht & d'Overysfel contre le Syno,, de afin de conferver les droits de ces Provinces. ,, Oldenbarneveld foutint encore que les Etats de „ Hollande &. d'Utrecht avoient le droit de pren„ dre a leur Solde des Milices pour leur füreté, >, & qu'on ne pouvoit pas les licencier fans leur „ confentement. II avoua qu'il avoit dit a quel... ques Colonels d'obéir aux Etats, dont ils étoient ,. payéa  '( H ) ' „ payés, & aux Regens de Villes oü ils étoiens „ en garnifon, dans les chofes qui fegardoient la „ Souveraineté & loix de ces Provinces, & non „ les Etats Généraux." Voila les principaux aveux d'Oldenbarneveld, qui peuvent faire juger des queftions qui lui fu- , rent faites. Sophie. Je vous ai écouté, mon Frere, avec beaucoup d'attention, & fi j'ofe dire mon fentiment je ne' trouve rien qui me paroilfe mériter la mort. Mr. Herman. Vous avez raifon, ma fille, mais je crois vousavoir déj» dit qu'Oldenbarneveld étoit condamné avant d'avoir étè entendu, & qu'on inftruifit fon procés pour fauver les apparences. Vous en jugerez mieux par la fuite du récit. Theodore. „ Maurier, un des Aipbasfadeurs de Louis XIII, „ intercéda, an nom de fon Maitre, auprès des „ Etats Généraux en faveur des prifonniers, a „ moins qu'ils ne fuifent couvaincus de trahifon, „ & s'adreffant a Maurice il lui reprcfenta qu'il de„ voit fe conduire en Prince généreux , & fe mon„ trer favorable a ceux dont il croyoit avoir été „ offenfé. Cette harangue n'eut pas plus de fuc,, cès que les Requètes & les Mémoires préfentés ,, aux  ( &S ) „ aux Juges par 1'Epoufe 5t lês Infans d'Oldefv „ barneveld , quoiquils les juftifiaffent fur les prin> „ cipaux Chefs, d'accafation. ... Oldenbarneveld „ ayant comparu le premier mai devant le Tri* s, bunal demanda ia pcrmiflion d'être: entendu de „ nouveau fur quelques points, mais on la, lui ,| refufa. On le fit avertir fecrettement que fa „ Sentence étoit déja portie, 5c que biéntöt elle „feroit prononcée. En même,tems le Comte. „ Guillaume 5c le Fifcal Duik s'emplpyerent au„ prés de Maurice pour fauver la vie a Oldenbar„ neveld; le Prince y confentit, mais a condition „ que les Parens de ce grand, homme dimanderoient grace pour lui." .-ssT": t*n i ■ i >a Q & 1 h '-• H E N X ï. Maurice par cette rcponfe tomboit, en .contradiction avec lui-mème: il,avoit toujours dit que . les Prifonniers avoient été arrêtés par ordre des Etats Généraux, il ne pouvoit donc pas faire grace de fa propre autorité, ou c'étoit avouer qu'il étoit le véritable auteur de leur disgrace. Mr. Herman. - • , Le feul but de Maurice étoit de. faire regarder les Prifonniers comme yéritablcment coupables „ & un pardon deinandé fuppofe toujours'uu crime £ COM-  ( 66 i) commis mais nous allons voir qu'il fut trompc dans fon attente. Theodore. „ La Princeffe Douairière fit confeiller, fous „ main, aux Parens d'Oldenbarneveld de deman„ der fa grace, mais il déclarerent qu'ils ne fe„ roient pas la moindre démarche i ce fuiet, „ quand menie Oldenbarneveld feroit condamné „ a perdre la tète. Le 12. Mai, au fok, les Eifcaux van Leeuwen & Sylla entrerent dans la „ Chambre de ce refpectablc Vieillard & lui an„ noncerent, de la part des Etats Généraux & „ des Juges, que le lendemain il recevrok fa Sen„ tence de mort." ,, A ces mots ce grand Homme s'écria: ma „ Sentence de mort! ma Sentence dc mort ? je ne „ m'y attendph pas ,* je croyois qu'on m'interogeroit „ encore. Eafuite il demanda la permiffion d'éeri„ re pour la derniere fois a fa femme; on la lui „ accorda. Le Miniftrc Walams qu'on avoit fait „ venir de Dort pour affifter Oldenbarneveld dans „ fes derniers momens, entra dans la Chambre, ,, fc s'entretint avec lui. Sur les dix heures du „ foir Oldenbarveld pria le Miniftre d'aller trou,, *vei Maurice de fa part & de lui dire : qu'il lui „ de'mandoit pardon s'il avoit commis qu.elque faute „ envtrs lui, & qu'il leprioit de protéger fes enfans. „ Walceus lui demanda fi par ce mot de pardon  ( *7 > „ il entendoit la commutation de la peine öe „ mort: Après avoir réfléehi quelques inftans* „ il rcpondit que fa priere au Prince ne s'éten„ doit pas plus loin. Le Miniftre s'acquita de fa h Commiffion, & le Prince après 1'avoir entendu „ lui répondit, les larmes aux yeux..., Sophie. Les larmes aux yeux! ahlThypocrite 1 Theodore. „ Le malheur d'Oldenbarneveld me touche fenji„ blement, je rat toujours mime; fouvent je l'ai 3, averti de fe conduire autrement, mais voyant „ qu'il cherchoit a introduire une nouvelle forme da „ Gouvernement, qui feroit funefte è l'Eglife & oi, l'Etat, fat été obligo de m'oppofer a fes projets. „ Mais je lui pardonhe de bón coeur ce qu'il a fait contre moi, quoiqit'il eit voulu délier les Trou„ pes da ferment qu'ellcs me doivent cornme a leur ,, Chef 11 m'a caufè le plus grand déplaijir ex ,, difant que fafpirois a la Souverainetè, & cn m'ex„ pofant au danger que j'ai couru. a Utrecht. Jt „ laiffe a votre prudence de lui faire connoitre, ou de ,, lui taire ceque je vieus de vous dire, car je voudrois m pouvoir lefauver: j'ai même demandè a fes Ju„ ges 4e ne point lui J'aire un crime de fes entre„ prifes contre moi. l'é-gara de fes enfans, ja ».. les protë-gerai s'lls Ut mirittnt." E a Man-.  .„ Maurice rappella Ie Miniftre qui förtoit & lui „ dit: ne demande-til point fa gr ace? Walsus ré„ pondit qu'il n'avoit point compris que ce fut „ 1'intention d'Oldenbarveld, & revint rendre la „ réponfe du Prince au vieillard, qui dit qu'il ne „ fauhakpit pas autre chofe ponr fes enfans ; que „ Maurice fe trompoit en penfant qu'il deman„ dat pardon pour lui même; que depuis 1600. „ il avoit craint que le Prince n'afpirat' a la Sbu„ veraineté, mais que dans l'affaire d'Utrecht il „ n'avoit eu d'autre deffein que de prévcnir une ,i fédition.'» , S o r h 1 e. Je vous demande excufe, mon [Frere, de vous avoir interrompu tout - a - 1'heure, mais jé n'ai pu retenir mon premier' movemcnt. Mr. Hekman. 11 eft bien pardonnable de n'ètre point familiarifé 'a ton ■age avec 1'hypocrifie, mais 1'expérience t'apprendra que c'eft le vice favori des Grands: la fuite de cette hiftoire t'en fournira plus d'un exemple. Henri, c'eft a toi de nous lire la trifte cataftrophe de cette fcène d'iniquité. Hen r 1. „ Oldenbarneveld plus allirmé pour- fes amis „ que pour lui - même, • demanda fi de Groot «, & Hogerbeets étoient aula coniamnés a mort.  < 69 T s» on lui ïepondit qu'on n'en favoit rien. yeti jernis au dé/ejpoir, dit is, ;/* font encore jeunes, „ & peuvent itre utiles h leur Patrie, Les Juges „ affemblés dis cinq heures du matin , envoyerent „ chercher les Minifrres Waloeus & Beyerus, & 01„ denbarneveld fe leva tranquillement après avoir fait couper le haut de fa chemife par fon Do„ meftique. Son Epoufe & fes enfans qui avoient „ recu Ia veilte les triftes adieux du malheureux „ vieillard, s'adrefferent aux Juges pour en obte„ nir la permiffion de le voir pour la derniere fois. „ Les Juges avoient fait demander a Oldenbarne„ veld s'il défiroit de voir fon époufe, fes enfans, 3c „ fes petits-enfans; il le rerafa, ne fachant pas qu'ils en avoient follicité la permiffion, & les „ Juges s'autoriferent de fa réponfe pour rejetter „ la priere de fes Parens. La Princeffe Douairière, , „ apprenant la Sentence d'Oldenbarneveld tenta „ de le fauver, mais tout accès lui fut interdit „ auprès de Maurice. FAmbaffadeur de Trance ne „ fut pas plus écouté des Etats Généraux, qui „ lui refuferent andience, & qui même ne firent „ aucune réponfe a une lettre qu'il leur écrivif „ pour obtenir que la Sentence de mort fut chan„ gée en un banniffement. Oldenbarneveld écri„ vit encore a fa femme & a fes enfans, pour leur „ recommander Jean Franken fon Domeftique., auf & les avertir de ce qu'il avoit écrit a Maurice. £ 3 So-  CC 7* } '■ "* "S «5>r Hr f E> ' Te vous remercïe, mon coufin, d'avoir mis dans votre extrait lc nom de cc. fidele Domeftique; ii mérite bien Wie place dans 1'hiftoire, Pardonnez * j'interromps toujours vos leaures, Mr. H E R. M A N. Ce n?eft point interrompre que de faire des réflêxions auffi juftes. J'aime a voir que tu fais déja donner ton eftime h la vertu, fans tc laiffer éblouir par 1'éclat des titres. Oui, le valet d'Oldenbarneveld eft plus refpedable aux yeux de 1'honnête homme, que le perfecuteur de ce digne Patriote. Henri. „ Dès la pointe du jour la Cour inte'rieure, & „ 1'extérieure furent occupées par des Soldats; a quatre heures on conftrufit 1'échaffaut devant „ les fenêtres de la Grande Salie de la Cour in- térieure. Avant huit heures le Miniftre Wa„ laeus avertit Oldenbarneveld de fe préparer , „ mais comme il fe difpofoit a fe rendre devant „ fes Juges, on, vint lui dire qu'il étoit trop tót; „ ilretourna dans fa Chatmbe, & lut encore en„ viron une demiheure dans fon Pfeautier Fran„ cais, on le conduifit entre huit & neuf heures„ devant les vingt quatre juges, les trois Fifcaux, „ &. le Greflier qui lui lut fa Sentence. Elle étoit „ motivce fur fes aveux, & fm ce que les Juges „ avoient  t 7» I Ü avoient décortvert de plus- Voïcï les crime*! „ qu'on lui imputoit." „ D'avoir fuggéré que chaque Province, fans le" „ concours des autres, avoit le droit de régler ce „ qui regarde la Religion, & d'avoir propofé,fans „ y être autorifé, le protêft des trois Provinces „ contre la tenue du Synode ; d'avoir demandé' /, & obtenu des Lettres du Roi d'Angleterre , &' ., d'en avoir écrit au Roi de France , au nom des' „ Etats Généraux ; d'avoir donné des chaires i' „ des ProfefTeurs non-conformiftes." Qu'e veut dire ce mot, mon Oncle ? Mr. Herman. 11 fert i défigner ceux qui font, d'un fentiment' oppofé a quelques points de la croyance 'adoptce' par leur Eglife. Henri. „ La fentence condamnoit Oldenbarneveld pour' „ avoir convoqué des affemblées particulieres; „ pour ne s'être pas oppofé aux Edits rigoureux; „ contre des vrais Réformés, qu'il avoit nommé" ,, des Etrangers, des Puritains, des Seétaires Fla„ mands ; on lui imputoit d'avoir tramé une li„ gue entre huit Villes de la Hollande, & d'être' „ 1'Auteur de la Réfolution violente dü 4 Aoflt „ ï6i7, qui avoit été caufe de la levée des Mili„ ces; d'avoir envoyé 'des députés a la Brielle pour E 4 „ fai«  i» fa/re prster un nouveau Serment a la Garnifon. On mettok au nombre des crimes d'Oldenbar„ neveld le confeil de lever des Milices dans la ,, Ville d'Utrecht,, ï'approbation ' d'un nouvelle „ patente pour cette troupe, qui 1'obligeoit a fer,, vir contre qui qUe ce fut; la connoiirajice qu'il „ avoit eu d'une lettre envoyée a Uöecht pour „ demander au Prince de ne point entrer dans la „ Ville , & 1'avis qu'il avoit donné i Ledenberg *» dans ttn büiet qu'il lui avoit recommandé de„ bruler, de veiller aux portes d'Utrecht, & fur », les Troupes qui poüvoient Venir de dehors. II m <Étt»fc! encore accufé d'avoir travailler par le fe„ cours de Moersbergen & de van' de Poll, a eni, trainer la Ville d'Utrecht dans la ligue des huit », Villes de la Hollande; d'avoir confeillé de ne », point donner Commiffion au Prince de licencier les Milices a Utrecht; d'avoir feu &'approuvé «, ce qui s'étoit pafft dans les Maifons de Trefel #> & d'Uitenbogaard; d'avoir confenti que la Ville t» de Schponhoven employat les deniers de la Pro„ vince a la folde des Milices , & que d'autres „ Villes ayent donné leur approbation fous des „ condkions inufitées.. De plus ou reprochok a „ Oldenbarneveld d'avoir calomnié le Prince en „ difant qu'il afpirok a la Souveraineté; d'avoir », aVêrtf Ia Régence de Leyde du voyage que Mau„ tics avoit deffein d'y faire ; de s'être montré „ mécontent de la conduite de cc Prince a la Brie»* 7 ' .. le  < 73 > 'g, le, d'en avolf donné avis au confeil comité, & „ d'avoir confeillé aux autres Villes de fe tenir en „ garde contre de pareilles entreprifes". „ On lui reprochdit encore d'être 1'Auteur de „ 1'ordre que les troupes avoient recu de n'obéir „ qu'aux Etats qui les payoient, pu a ceur: des „ Provinces oil elles fe trouvoient en Garnifon, & „ de fervir contre les Etats Généraux & contre le „ Prince ; d'avoir fait dïcidér la Députation des „ Etats de Hollande auprès de ceux d'Utrecht „ quand'le Prince fe rendit en cette Ville pour „ licencier les Milices, Sc d'avoir foutenu que „ cette démarche de Maurice étoit un acte de vlo„ lence qu'on pouvoit repoufier par la force". „ Enfin, pour derniers crimes, on 1'accxifoif' „ d'avoir rcvélé les fecrets de 1'Etat; d'avoir di„ minué par fa propre autorité 1'union qui fert de „ fondement a 1'Etat, & d'avoir recu des préfcns „ confidérables de quelques Puiffances Etrangeres, Princes & Affemblées, fans en avoir donné con„ noiffance, comme il y ctoft oblïgé. Pour répa„ ration de tous ces crimes Oldenbarneveld fut „ condamné d'avoir la tête tranchée , & tous fes „ biens furent confisqués". J'ai cru devoir transcrire en entier cette Sentence , qui me paroit, autant que j'en puis juger, ne rien contenir qui mérite la mort. I S Mr.  < 74 ? Mr. H~ e r M a w.' Voyons, mes enfans, quelles reflexions vou* avez faites fur cette Sentence, H a n r i, Je remarque d'abord, mon Oncle, qu'Oldenbarne-' Veld n'avoit point été interrogé fur la pldpart des Chefs d'accufation énoncés dans-laSentence, & je crois qu'on ne pent condamner un accufé que fur' fes aveux, ou fur des preuves, quand il rérafé d'avouer; * qu'il faut toujours lui donner connoifTance des crimes qu'on lui impute. Theodore. Je penfe comme vous, mon Coufin, mais nous ne fommespas d'un Ége a pouvoir prononcer fur" une matiere fi difficile: je prierai donc mon Pere de nous apprendre comment on peut convaincre quelou'un qui refufe d'avouer fes crimes. Mr. Herman. II faut les lui prouver par fes propres écrits, ou par le temoignage de plufieurs perfonnes irréprochables, c'eft - a- dire qui n'ayent aucun intérest a le faire condamner. Après avoir recu les dépofitions de ces témoins , il faut les lire a 1'atcufé, faire paroitre devant lui les témoins, afin qu'il pui/Te les récufer, s'ils font connus pour ctre fes ennemis, paree qu'alors leur temoignage eft nul. Theo-  tf H E O D O R X. Nous n'avons point trouvé dans Wagénaarqu'oa ait repréfenté a Oldenbarneveld aucun écrit, ni que des témoins aient été entendns contre lui r il fut accufé d'avoir révélé les fecrets de 1'Etat, maison ne dit point qnels étoient ces fécrets, ni .v quelles perfonnes il les révela. On lui fit encoreun crime d'avoir recu des préfens de quelques Puisfances étrangeres; & nous n'avons lu dans notre Hiftorien que les 20,000 florins donnés par Henri Quatre, & qu'Oldenbarneveld avoit avoués depuislongtems. Mr. H e r m a. n. Pour rendre ce grand Homme plus odieuxau Peuple & diminuer 1'intérêt que fes fervices, fon grand age & fon fupplice pouvoient infpirer, on eut foin de ne mettre dans la Sentence que .ces termes vagues de Puijfances Étrangeres, afin de faire croire qu'il avoit recu des préfens de 1'Efpagne pour livrer le Pays a Philippe. S o p ■ h 1 e. S'il] m'eit permis de dire auffi mon fentiment, je crois qu'Oldenbarneveld fut condamné a mort, pour avoir excité la jaloufie des autres Prcvinces en prenant les intéréts de celle de Hollande , & pour s'être oppofé avec un courage Patriotique aux entreprifes de Maurice , car je ne trouve gueres que cela dans cette longue, fentenee. Henri»  t 7* y Henri. , . Votre remarque eft bien jufte, ma Coufine, maïs «coutons notre Hiftorienc " Oldenbarneveld pendant la lecture de la fen- „ tence fit paroitre plufieurs fois 1'envie de par- „ Ier, mais il fut obligé d'attendre la fin de cet„ te leaure : alors il fe piaignit qu'on lui avoit „ impute plus de chofes qu'il n'étoit poffible d'en „ recueillir de fes aveux; il voulut auffi réelamer „ contre la confiscation de fes biens ; mais de „ Voogdun des Juges , lui dit; Votre fentenct cfl lue; marekez, marchez." Mr. Herman, a Sophie qui fah un mouvement. Qu'as- tu dpnc, ma fille ? S o p » u, Je n'ai pu mVmpêcher de frémir d'une fi grande cruauté. Quel étoit ce de Voogd ? Henri. Sourguemaitre d'Arnhem. Sophie. Ah! je tremble pour nos amis de Hattem fi tous les Régens de la Gueldre rcfTemblent a ce mechant homme. Continue*, s'Ü vous plait "non Coafin. a Henri  (7? y •* Henri. „ Le digne Vieillard, s'appuyant fur facanne, j marcha vers l'échaufFaut., & quand ii y fut arri„ vé, leva les yeux au ciel en difant: 6 mon Dieu, „ qu'ejl ce que Vhunme! il fe mit a genöux, & le Miniftre Lamotius fit la priere qui dura prés d'un quart-d'heure, Oldenbarneveld parut en„ fuite reprendre fa fermeté, ota fes habits avec „ le fecours de fon domeftique, & dit aux Spe„ ctateurs : Amis , ne croyez pas qut fat trahi „ 1''Etat, fai ve'cu en homme d'honneur , en bon „ Vatriote , & je mourrai tel. Il demanda fón „ bonnet de nuit, s'en couvrit les yeux, fe mie a gencux après avoir fait fa priere, Sc s'adres„ fant au Boureau lui dit: dépêche - toi, dépêche„ toi. Enfin il joignit les mains, comme pour „' prier, & les approcha fi prés du fon col que le „ Bourreau en lui tranchant la tcte lui coupa quelques morceaux des doigts. Plufieurs per„ fonnes trempérent leurs mouchoirs dans le fang, „ qui jaillit de fon corps avec force ; d'autres em„ porterent du fable imbibé de fang, & le ven„ dirent; on coupa des morceaux de planches „ teintes de ce fang , pour les garder ou les ven„ dre ; les uns par amitié pour le refpectable vieil- lard, & d'autres par haine, ou par vengeance. „ De Groot écrivit & publia quelques années après, que 1'ennemi d'Oldenbarneveld, c'eft-i- ,, dire  t $ 't „ dire Maurice , avoit été préfent a fa mort. Le „ corps fut cnterré fecrettement la nuit fuivante. „ Ce gr-and homme étoit-a;;é de 71 ans, 7 m»is „ & 18 jours, quand il fubit cette rigoureufe fenteace." Air. H E R M A N. Vous pleurez tous , nies chers enfans, & j'ai peine a m'en défendre. Le fort de ce refpeétable vieillard, viétime de la vengeance d'un Prince ambitieus & cruel doit pénét-rer d'hofreuf & de pitié tous les vrais amis de la Patrie. FiniiTons cetentretien, demain nous ferons plus en état de nous occupcr des fu-itcs de cette fanglante exccution. G I N-  < 79 » ♦ CINQUIEME SOIREE. Mr. Herman, Sophie, Theodore, Henri. Mr. Herman. 3e me reproche, ma chere fille, Ia complaifance que j'ai .eue de vous permettre d'affifter a notre conveffation d'hier; depuis vous n'avez ceflc de foupirer & vos yeux fe rempliffent de larmes i chaque inftant, je ne blame pas votre feniibilité, mais il faut apprendre a la renfermer dans de juftes bornes. Sophie. J'ai fait mon poffible, Papa, pour retenir mes larmes, mais je n'en ai pas été la maitreffe. Je me repréfente toujours ce digne vieillard perdant la vie far un échaffaut , pour avoir défendu les droits de fon Pays contre les entreprifes d'un Prince ambiueux, qui fut ailez cruel pour être témoia d'un fupplice qu'il avoit fait ordonner. Theodore. Quoique nous n'ayons pas autant pleuré que vous, ma Soeur, nous n'oublierons jamais 1'imprenion que la fin déplorable de ce grand üomme •  ifaite fur nous, je vais « préfent reprendre le cours tle nos extraits. „ Les Etats Généraux envoyerent a chaque Pro„ vince la Sentence d'Öldenbariieveld; lis la firent auffi parvenir au Roi de-France avec une lettre „ dans'laquelle ils imputoiént a ce vieillard'des „ crimes impardonnables , dont il n'étoit pas par„ lé dans la Sentence. . Après le fupplice d'Olden„ barneveld 1'échafTaut refta drelTé pendant quel„ ques jours, & les Parens de De Groot Sc de Ho„ gerbeets furent follicités fecrettement de de„ mander grace pour eux. Trois Juges allerent „ trouver le dernier & lui confeillerent de deman„ der grace lui-mcme, ou de la faire demander „ par fes Parens, mais il refufa courageufement „ 1'un & 1'autre. En fortant les Juges lui dirent:' „ Eh bien il vous en arrivera autant qu'-a Barne„ veld; Véchajfaut eft encere dreffè. 1'Epoufe de „ De Groot fut engagée de la part d'une perfonne' „ du plus haut rang de demander la grace de fon „ Mari; mais eile rejètta brusqüement ce Confeil" „ en difant: je n'en ferai rien; s'il le mérite qu'on „ lui tranche la téte." S o » h i b. Vo'la une belle réponfe; mais je ne fais pas fi j'aurois autant de courage en pareilie occafion. Mr. H e r-  ( 81 ) Mr. Herman. J'efpere que tu ne te trouveras jamais dans une fi cruelle fituation; mais, a tout événement, fouViens - toi de ce beau vers d'un Poëte francais : Le crime fait la honte, & non pas Véchajfaut. Theodore. „ Avant de décider du fort de ces deux prifon„ niers on' fit le procés au corps de Ledenberg, /, qui fut trainé fur la claie, pendu hors des por„ tes, & fes biensfurent confifqués." Je m'attendois bien qu'on ne lui pardonneroit pas, mcme après fa mort, d'avoir confeiüé de refufer a Maurice rentree d'Utrecht. Henri. Pourquoi donc, mon Oncle, toutes ces SentenCes ordonnent-elles la confifcation des bie'ns? Mr. Herman. Maurice ne pouvant faire condamner' aüfii les' Parens, vouloit au moins les ruiner. Theodore. „ De Groot'avoit entendu, de fa chambre, lire cette Sentence & celiè d'Oldenbarneveld; Ho„ gerbeets en avoit auffi connoiffance & tous deux „ s'attendoient a une Sentence de mort: Enfin le ife Mai, ils furent conduits devant lés Juges, E' „  t S2 ) „ & condamnés k un bannifïemerit perpétuel & s, k la confifcation de leurs biens. On leur per „ mit de recevoir les vifites de leurs Parens" & „ ils furent conduits k Loeveftein, qui depu4 a „ fervi plufieurs fois de Prifon d'Etat. Moersbergen' „ effrayé par la vue de 1'échaffaut qui reua dres' „ ré pendant dix jours, & vaincu par les Sollicitations de fa Femme & de fes Parens demanda „ fa grace ! elle lui fut accordée mais fous u ^ „ diüon fecrette de fortir du Pays, jWsqu'a ce „ qu'il eut permiffion d'y revenir. De Haan an,, cien Penfionnaire de Haerlem, Sc Uitenbogaard » qui avoient pris la fuite, furent condamnés au „ banniffement, i'ün pour 15. ans , avec con„ fifcation de la moitié de fes biens; & pautre a „ perpetuitc, mais fes biens furent entieremer.r „ confifqués, quoiqu'ïl ne fut accufé d'aucuu cri„ me dans la Sentence. Trefel dont la Maifon „ avoit fervi k des conférences fufpeftes au Priri» ce, fut banni pour deux ans, & condamné k ,. «ne amende de 2ooo. florins, fans lui avoir im» putc aucun crime dans la Sentence. „ C'eft ainfi que ce fameux Tribunal finit fes „ Opérations, qui couterent a 1'Etat plus de 70,000 * florins, chaque Juge Kcut 24Q0. florins de ]a ca.fTe des Etats Généraux, & r50. de la caifle » particuliere de chaque Province. Les Fifcaux * J °fffier Pots> Nythof, Lieutenant des Gar» des du Prince, le Provoft Ckarles Nys, & tous „ ceux  ti ceux qui avoient été employés dans ce Procés; ,, furent rccompenfés, & obtkvrent des places lu~ „ cratives. Quinze jours après la mort d'Oldenbarneveld on accorda 40,000. florins au Comte „ Erneft Cafimir de Naffau, pour de certains Ser„ vices qu'il avoit rendus, vraifcmblablement a „ l'occafion des changemens faits dans ia Régen„ ce d'Utrecht." Henri. Je ne m'étonne pas qu'il fe trouve toujours des perfonnes difpofées a fervir les paffions des Princes; on leur donne des récompenfes, & les foutiens de la Patrie font punis de leur zcle. II faut avoir 1'ame bien doble pour réfifter a 1'envie de s'enrichirfi facilement, Sc pour s'expofer au danger de perdre la vie en défendant les droits de fon Pays. Mr. Herman; . Tu as raifon , mon Ami, mais la mémoire du Patriote perfécuté, banni , chargé de chajnes, Sc traïné fur un échaffaut, obtient le refpëct. & 1'amour de la Poftérité ; au Üeu que le nom d'un Traitre Puiffant ou riche, eft en horreur aux races futures. Quei honnète homme pourroit hciiter fur le choix ? Sophie. Voulez-vous bien , mon Frere, nous apprenire com.ment Maurice fe conduifit envers les enjr 1 fans  ( *4 3 fans d'Oldenbarneveld ; je me fouviens qu'il pro-, mit de les protéger, s'ils le méritoient, mais je grams qu'il n'ait pas tenu fa parole. Theodore. Voici ce que Wagenaar en dit : „ Après qu'on eut chairé de leurs places les Mi„ niftres & les Profeffeurs qui avoient embraffé „ les opinions d'Arminius, & qu'on en eüt banni „ un grand nombre , 1'Ordré Equeflxe de la Hol„ lande réfolut, a la pluralité des voix, de ne „ plus reconnoitre pour membres Veenlmizen & „ van der Myle , Gendres d'Oldenbarneveld. Ce » dernier qui, après avoir paffe quelques mois en „ Franee, étoit revenu k la Haye , fut banni pour „ avoir écrit quelques lettres dans lesquelles on „ prétendoit qu'il avoit mal parlé du Gouverne„ ment aéttiel & du Prince. Le Confeil comité „ propofa a Maurice s'il n'étoit pas a propos de „ priver Renier d'Oldenbarneveld, Seigneur de Groeneveld , fils ainé du Defunt, de fa place de „ Lieutcnant-Foreftier, mais le Prince n'y con„ fentit que 1'F.té fuivant, quand Groeneveld fut „ auffi privé de fa charge dTnfpeéteur des digues „ du Pays de Delft. Son Frere Guillaume, Seig„ neur de Stoutenburg , perdit auffi le Gouver„ nement de Bergen- op - Zoom."  C 8$ 1 AvOïs-je tort de me défier de la b.onne foi de Maurice ? mais en perfécutant ainfi. les enfans d'Oldenbarneveld , fans qu'ils 1'euffent mérité, je crois qu'il s'expofoit a leur Vengeance. . Henri. Sans un coup du hazard il auroit été la viairne d'une confpiration tramée contre lui par les deux Freres, quatre ans après la mort de leur Pere; je vais en rapporter, de mémoire, les principales circonftances. Stoutenburg concut le projet de venger fon Pere & fa familie, il détermina fon Frere a partager ce ïêfientiment, & tous deux trouverent des complices qu'ils corrompirent, les uns par des promeffes, les autres par argent. Déja le jour étoit pris pour affafiïner le Prince, on avoit apporté dans un coffre des armes, pour les diftribuer aux conjurés, lorsque quatre Matelots allerent a. Ryswyk demander audience a Maurice & lui donnerent avis qu'ils avoient recu del'argent pour fervir dans une entreprife qu'on leur avoit dit der voir être utile a 1'Etat & lui demanderent s'il en étoit "informé. Maurice leur ayant répondu qu'il 1'ignoroit, ils lui dirent en quelles Auberges de la Haye on poüvoit trouver ceux qui avoient le fecret du complot. Presque tous furent arrêtés, en F 3 dif'  ( IS > différens endro'ts , Stoutenburg, après avoir courn Plufieurs fois Je risque d'être pris, fe fauva aupres de 1'Archiducheffe Ifabelle Gouvernante des Pays-bas Efpagnols, qui.le pm fous fa protVct'on, & iu donna lin Régiment) es embraffé Ta Religion Romaine. Groeneveld, moins heureux que fon Frere fut Pns dans 1'Isle de Vlieland, ramené a la Haye & comdamné i perdre la tète fur 1'echaraut. Sa Mere & fa femme dcmandcrent fa grace a Maurice qui la leur refufa. Le coupablë fubit fa Sentence ' • avec une fcrmeté digne du nom qu'il portoit ■ il' fe put i genoux, la tête tournee du cóté de'la Ma,fon de fon Pere, & dit J haute voix que la Vengeance & de mauvais confeils 1'avoient entrainé dans un crime dont il demandoit pardon a Dieu Quinze perfonnes qui avoient été complices de cette confpiration eurent la téte tranchée. Les Etats Généraux ordonnerent un jour folemnel d'actions-de-graces pour la découverte de cette abominable & barbare 'conjuration contre les jours du Prince. Nous n'avons pas alfez d'expérience, mon Oi>cle, pour bien juger de 1'entreprife des frjjs de Barneveld; je vous Prie de nous en dire votre fentiment. Mr. Herman. ' Je "'en ferai rien> « feroit vous diéter le vrïtro • H faut vous accoutumer i penfer d'après vousmc- mes;  (. 37 ) nies; dites donc librement 1'un & 1'autre ce quê vous auriez fait a la place des deux Freres.. Henri. je vous avoue , mon Oncle, que j'aurois eu bien de la peine i ne pas cnercher tous les moyens de me venger de celui qui m'avoit injuftement privé de mon Pere, de ma fortune & de mes emplois. Mais fans engager perfonnc dans ma quereilë, fans'confpirer contre lui, je 1'aurois attaqué au milieu dé fes' gardes , & après 1'avoir punï', je me ferois donni la mort, pour éviter le fuppTice. Theodore. Quoique tout femble permis pour venger un Pere , je crois que je n'aurois voulu ni confpirer contre le perfécuteur du mien , ni Paffaffinèr, mais je ne ferois pas reftc dans ma Patrie gouvernée par les efclaves du Tyran. Mr. Herman. C'eft le feul parti que les Enfans d'Oldenbarneveld devoient prendrè; & ton Coufin n'a pas réfttühi que pour punk un crime , il en auroit commis deux. H e U r i. Mais, mon Oncle, j'ai pourtant lu dans VBi-, F 4 ftoi"  ( SS ) itolre Romainc, 1'éloge de Bratus, ce Chef des Coryurés, qui tuerent Céfar dans le Senat. Mr. .Her m a n. Quelques louanges qu'il aft pu recevoir ce fut - arraffin;_ce ,e(lpasfon exempie ^eju We mais celui du premier Brutus, qui , fecondé. par fes Concitoyens, chaffa Tarquin, & m: le Fondateur de la République Rom^ J0£ e feul moven legitime que les Défenfenrs d'un PeuPle übre doivent empl0yer, pour réprimer ou préVen* les entreprifes des Citoyens ambitieux & trop puirrans, qui cherchent i établir le Despotisme ou 1 Ariftocratie. Mais quelque tort £2 particulier ait fouffert, il devient criminel en fe faifant p]ftlce lui-même, * jamaJs on ne ^ £ taquerlavied'un'homme,quepour défendre la . S°uviens-toi de cette maxime, mon cher Hen& ne te laiffe pas emporter trop loin, par 1 enthoufiasme de la Libertc. Continuons a pré, fent nos lecmres. ' H e N r j. Jevousremercie, mon Oncle, de m'avoir faitconnoitre mon erreur. " ^Vant la COnfPir«™ des Fils d'Oldenbarneveld leur Pere, de Groot & Hogerbeets avoient » eté declares Criminels de Léze Majefté, après „ 1'exé-  ( 89 ) 1'exécution de la Sentence, Sc de Groot remar„ qua qu'il étoit trop tard pour leur imputer ce „ crime, & que tous les Juges n'avoient pas été „ de eet avis ". Sophie. Qu'effc ce qu'un crime de Léze Majefté? Mr. Herman. C'eft de prendre les armes contre fa Patrie, de fe révolter contre fon Souverain, ou d'attenter 1 fa vie. Sophie. Ainfi ce Mourand dont nous avons parlé étoit un Criminel de Léze Majefté; cependant j'ai lu dans une Gazette écrite en Francais, que fon atsentat n'étoit qu'une étourderie. Mr. Herman. Ah! je reconnois bien lii leCourhr du Bas R/iin: je ne comprends pas comment' FEcrivain de cette feuille ofe préfenter ii fes leéteurs de pareilles abfurdités. II fe trompe, il croit fervir la caufe du Prince, par les indignes moyens qu'il êmploie; il ne peut en impofer qu'aux Sots, mais il révolte les gens inftruitg & honnctes. Theodore. Vous lifez donc quelque fois cette Gazette, mon Pere ? F s Mr.  ( 00 ) Mr. H e r m a Ni ' . Oui, mon Enfant, a 1'exemplc de Mithridate je me familiarife avec les poifons, pour n'en pas craindre l'effet. Henri. „ Maurice ne vécut pas Iongtems après le fup„ plice d'Oldenbarnéveld, une Maladie 1'emporta „ en 1625. & Wagen aar remarque que fa cruautc ,, envers ce refpectable Vieillard , ternit aux yeux „ de fss Contemporains , & de la Pofterité , 1'éclat „ de fes grands Exploits Militaires ". Sophie. Vous m'avez. permis, Papa, d'afiilter k vos entretiens, & d'y mèler mes remarques; mais. j'ai encore une grace h vous demander. Mr. Herman. Quelle eft cette grace? Sophie. Mon Coufin & mon Frere ne fe font occupés que de leur Sexe, & n'ont dit que. pcu de chofe de 1'Epoufe de de Groot : il me femble que la maniere dont elle délivra fon Mari, mérite bien un extrait, & je 1'ai fait. Voulez vous me permettre de le lire? Mr.  C 9* n Mr. Hermar. Volpntiers. Sophie. . „ La Femme de de Groot & de Hogerbeets „ avoient obtenu la permiilion de s'enfermer a. „ Loeveftein avec leurs Maris, maïs on leur lais-, ,, foit la liberté de fortir ,- pour achet.er ce qui. „ étoit néceffaire pour leur nourriture. Files al- loient fouvent a Gorcum'chez Abraham Oaatfe„ laar, Marchand de Toile. La Femme de go-, ,, gerbeets mourut au mois d'Ociobre 1620. ,& „ Marie Reigersbergen, Epo.ufe de de Groot, en„ tretint 1'ainitié de ce Marchand. C'étoit chez ,, lui qu'on dépofoit tout ce que de Groot rece„ voit de la Hollande, & tout ce qu'il y envoyoit. „ Quelques amis lui avoient fouvent prèté des li„ vres enfermés, dans un grand coffre, que le ,, Commandant du Chateau fit dans les commen- cemens vifiter avec beaucoup de foin, mais „ voyant que ce coffre ne contenoit que des li„ vres, il le laiffoit fortir & rentter fans ie vifiter. „ La femme de de Groot concut le projet de fai,, re fauver fon mari dans ce coffre; clle le fit ap„ porter dans le cabinet oü il écrivoit, & il effaya „ plufieurs fois 'sil pourrok s'y renfernier, & com-. „ bien de tems il y pourrok refter. On choifit ün jour que le Commandant étoit allé a Heusden:  ( 9* ) „ ïa Femme de de Groot demanda Ia perrnhfion „ de renvoyerle coffre, rempli de livres Armi» mens, qu'on avoit prëtés a fon Mari. Dès le „ point du jour, après une priere fervente de „ Groot fe mit dans le coffre; les Soldats qui le „ portoientfe plaignirent de fa péfanteur, de„ mandant s'il y avoit un Arminien dedan's : la„ Femme de de Groot leurrépondit, que c'étoient » des livres Arminiens. Le coffre fut porté au „ blteau, & la Servante de de Groot, ElizMeth „ van Houwenmg, qui étoit dans le fecret, eut „ foin dm coffre, pendant le voyage, & le fit por„ ter dans la maifon de Daatfelaar. De Groot „ déguifé en Ma?on, fortit de Gorcum, & i0Ua » une voiture, qui le conduifit a Anvers. Le ,, Commandant de Loeveftein, revenu de Heus» den, & ne voyant point de lumiere dans la „ chambre de de Groot, concut quelque foupcon, „ 3c. découvrit la maniere dont fon Prifonnier' „ s'étoit échappé; il conrut a Gorcum, fit per„ quifition dans la maifon du Marehand, mais il „ ne tronva que le coffre. La femme de de Groot „ refta quelque tems a Loeveftein , mais on lui „ rendlt fa liberté; elle fut, au mois de Septem,, bre 1621. rejoindre a Paris fon Epoux ". Etes-vous contente de ce que j'ai lu, Papa? ne vous ai-je point ennuyé ? Mr.  C 9? ) Mr. H ï r M i K. Non , mon enfant; je fuis au contraire charmé de voir que tu diftingues les actions qui méritenc de refter dans la mémoirc. Quand tu trouveras quelque trait qui te paroitra intéreflant, je t'invite a nous en faire part. Nous te laiflerons aujourd'hui 1'honneur de finir la féance, elle ne peut être mieux terminée que par le récit d'une action auffi courageufe, & qui fait fi bien 1'éloge de tors Sexe. SIXIEME SOIREE. Mr. Herman, Sophie , Theodore, Henri. Theodore. ^Jous n'avous pas cru, mon Pere, devoir nous occuper du Prince Fréderic Henri, Sueceffeur de Maurice, & le Second Stadhouder des Etats. Ce Prince ne vé;ut pas cependant toujours en bonne' intelligence avec la Province de Hoüsnde , qui fupportant les plus fortes dépenfes de la République demandoit une diminution dans les Troupes, pen-  < 94 ) pendant que Tiédélic ou f m^ Pied,oumémelesau3menter. SV0"S d°nc ces querelles qui n'euren de fmtes filcheufes, & nous en fommes ™£ aux ^repnfes de Guiliaume «, qui nous on para violente* & tyranniques. Mr. H E r m a N. Vous avez trés bien fait, mes enfans, de ne point vous écarter du plan que je vous ai tracé, M fullirapour votre inftruöion, & pour vous con^ yaincre du Syftême d'oppreffion conftamment fuivi jusqu'a. préfent par nos Princes d'Orange. The»dore. » Le jeune Stadhouder n'ignoro't pas la réfi^ " ftance ^ les Etats de Hollande, & furtout la >, Vitte d'Amfterdam avoient oppofée aux volon„ tés de fon Pere, au fujet de 1'entreticn des Trou>, Pes , & réfolut de tout mettra en ufage pour „ qu'on n'en diminuat pas le nombre , fans le „ confentement des Etats Généraux , dont il étoit „ affuré de pouvoir difpofer. P E N R I. J'ai déjA eu, mon Oncle, plufieurs fois envie de vous demander pourquoi les Itats Généraux font presque toujours d'un avis contraire k celui de la Hollande. Voudriez-vous bien nous en dire la raifon. Mr.  c 95 r Mr. Herman. Cette oppofition vient de la 'aloude que les rirheffes de la Hollande infpirent aux autres Provinces, Sc nos Stadhouders entretiennent ce fen timent fi favorable k leurs intéréts ; ils ne ceffent de dire, ou de faire dire par leurs créatures, que la Hollande veut impofer des Loix aux Confcdcrés, & détruire , par fa prépondérance, 1'égalité qui doit étrcle fondement de 1'Union. Heks u Je crois pourtant que la Hollande, fans détruire 1'égal'rte; doit avoir le droit fe s'oppofer a des; dépenfes inutiles, puis qu'elle feule paye plus de la moitié des charges d'Etat. Mr. Herman. Sans doute, mais dans cette occafion les autres Provinces furent d'un avis contraire au fïen, St nommerent une députation ,'pour aller avec le Prince dans les Villes de la Hollande, afin de les engager a ne pas confcntir a licencier les Troupes. a la Solde de la Province. Théodose va nous apprendre quel fuccès & queUes fuites eut cette dé-putation. Theodore. » Elle fe rendit d'abosd k Dort, & ne réuffit pas „ a üïk changer de fentiment k la Régence de, . j> eet-  C 9* ) 'U cette Ville. Celle d'Amfterdam envoya deux de „ fes Bourguemaitres en députation au Prince, ,, qu'ils trouverent a Gorcum, & qu'ils prierent „ de s'épargner la peine de venir dans leur Vil„ le , par ce qu'on avoit réfolu de ne pas 1'y re„ cevoir, s'il étoit accömpagné des Députés des Etats Généraux: le Prince continua cependant „ fa route; dans quelques Villes on écouta la pro-' „ pofition de ces députés, fans y répondre favo-„ rablement , dans d'autres on refufa même de „ les entendre. Le confeil d'Amftèrd'am voyant „ que la députation s'approchoit de la Ville, ré„ folut d'envoyer au devant du Prince un ancien „ Bourguemaitre, le Préfi den t du College desEche„ vins, & un Secrétaire. Ils trouverent Guillau,-, me a Edam, & lui dirent que s'il vouloit entrer" ,, dans Amfterdam , comme Stadhouder de Hollande, il y feroit recu avéc tous les égards qui „ lui étoient dils; il répondit qu'il y viendroit avec „ Ia Députation, & revêtu de toutes fes qualités. „ II entra donc dans la Ville, & demanda fur le „ champ, ainfi que les autres Députés d'être ad„ mis dans le Confeil-de-Ville , mais les Bour„ g-uemaitres refuferent de le convcquer. Le Prin-' „ ce alors demanda qu'on 1'entendit en fa qualité „ de Stadhouder, mais ayant en même tems déclaré, qu'il vouloit auffi paroitre dans le Con-' „ feil comme Député des Etats Générauxon re„ fufa fa demande. " Je-  ( $7 ) Je crois , mon Pere , qne la conduite que tint' Amfterdam dans cette circonftance, devroit fervir de modele a toutes les Villes de notre République, quand les Stadliouders veulent nous obli£er a ftiivre leurs volontés. Mr. H e r m a ff. Oui , mon Ami ; un refus courageux eft fans doute le meilleur moycn, mais il faudroit un accord unanime , & malheureufement 1'intórêt perfonnïl fait trop fouvent pencher la balance en faveur de celui qui nomme aux places lueratives, tant que eet abus fubfiftera chez nous, 1'influence des Stadhouders y fera toujorus fatale i la Libert i1. Theodore. * „ La Députation revint a la Haye, & le Prince ,, trois jours après parut dans 1'Aflemblée des „ Etats de Hollande. II fe plaignit de la Régence i, d'Amfterdam qui lui avoit refufé 1'entrée de la „ Ville , & même de 1'entendre en qualité de ,, Stadhouder de la Province, & demanda que le Confeil de cette Ville .lui fit une réparation pro„ portionnée a 1'ofFenfe qu'il en avoit recue." „ La Régence d'Amfterdam , juftement irritée „- que le Prince ent fait imprimer & diftribuer cet., te plainte , témoigna eombien elle étoit fur- prife 3c mécontente qu'on eut permis la publiit cation d'unc chofe qui devoit refter fecrete, Sc G que  C 98 ) que le Prince ne fe plaignït qne d'Amfterdam, „ puis qu'il avoit déclaré dans 1'aiTemblée des „ Etats Généraux que plufieurs autres Villes avoient „ réfufé d'entendre les Députés. Cette Régence „ repréfentoir encore que le Prince étoit entré „ dans leur Ville avec une Députation, envoyée „ par les Etats Généraux, contre le fentiment „ des Députés de la Hollande, & deftinéc a s'op„ pofer aux réfolutions des Etats, Souverains de „ cette Province; que le refus d'écouter ie Prince „ ne portoit aucune attejnte au refpeót qui lui „ étoit du, mais qu'on n'avoit pas pu le recon„ noitre comme Député des Etats Généraux, ,, fans 'la permiffion de ceux de Hollande ; & que „ d'ailleurs on ne pouvoit pas approuver que le „ Stadhouder prit la liberté d'aller de Ville en „ Ville, fans y êttre autorifi par les Etats , dont ,i il tenoit fon pouvoir, menacer les Régences, „ & vouloir les contraindre d'annuller des réfolu„ tions prifes dans 1'AfTemblée Souveraine. La „ Régence finifibit en difant que dans tous • les „ cas une femblable Députation doit être envoyée „ aux Bourguemaitres qui j'ugent alors s'il faut „ convoquer le Confeil ; que c'étoit ainfi que „ s'étoient conduits en 1639. les Régens d'Am„ flerdam, & qu'ils avoient été approuvés par „ les Etats de Hollande ". Hen-  ( 99 y Henri, Voila le vrai langage des Régens d'un Peuple ïibre ; je crois être préfent a quelque déliberation du Sénat Romain. Mr. Herman, Tu les. aimes beaucoup ces Sénateurs Romains „ mais ils devinrent efclaves quand 1'amour des richefies les eut corrompus. La Liberté n'habite point dans des amss vénales,,' & nos Princes n'ont jamais négligé d'employer tous les moyens de féduction, pour fe faire des partifans. Theodore. „ La juftification de la Régence d'Amfterdam „ fut appouvée des Etats de Hollande, qui fireric „ imprimer auffi la réfutation de ce que les „ Députés des Etats Généraux avoient avancé „ dans leur propofition, en difant que la Relï„ gion étoi';"en dangër,' fi le projet de la Kollande réuffiflbit; comme fi la réforme des troupes avoit rapport avec le culte. Cependant quel„ quës Miniftres fe déclarerent publiquement corï„ tre laconduite' des Etats de Hollande : un certatn „ Jacquet Sterman ofa fe plandre en chairë a 1a „ Haye, de ceux qui payo'ient d'ïngratitude le cnti„ rage d'un Héres. Cette infolence fut punie ,,'par ordre des Etats ".  Sophie. Je fuis toujours révoltée de voir les Miniftres de la Religion exciter le peuple a la révolte contre le Souverain, & cela pour foutenir les prétentions des Stadhouders. Mr. Herman. Je t'en ai deja dit les faifons, mon Enfant; fouviens-toi que la profeffion la plus refpectable ne met pas ceux qui 1'exercent a 1'abri de la cupidité. Le feul moyen d'impofer filence a ces Miniftres féditieux, c'eft de les punir avec la plus grande févérité, quand ils abufent de la crédulité du peuple : deux ou trois exemples fuffiroient pour les retenir dans le devoir. Theodoré. „ Les Etats de Hollande cnvoyerent une lettre „ circulaire aux autres Provinces, relativement a „ leur projet de réforme dans les Troupes a leur „ Solde. Pendant qu'on attendoit une réponfe „ a cette letrre, & avant qu'on pilt favoir quél „ effet elle produiroit, Guillaume, excité par „ quelques uns de fes partifans, prit une réfolu„ tion, qui pouvoit entrainer la perte de 1'Etat. „ II entreprit de faire arrcter fix Membres des „ Etats de Hollande , pendant la Séance de 1'As„ femblée, & de s'emparer d'Amfterdam par fur„ prife, fans avoir 1'aveu des Etats ". Je  Je remarque que 1'audace de nos Stadhouders va toujours en augmeritant: Maurice fe fervit au moins du nom des Etats Généraux. Mr. Herman. Si Maurice avoit été puni, Guillaume fe fut montré moins téméraire; mais on a toujours remercié nos Princes du mal qu'ils nous ont fait. Theodore. „ Le Samedi 13. Juillet 1750. a huit heures du ' matin, le Prince fit avertir Jacquet de fVitt, „ Ancien Bourgemaitre de Dort, & Merhbre du Confeil-Comité, de venir lui parler avant de „ fe rendre a 1'Affemblée. C'étoit 1'ufage que les Stadhouders propofaffent avant la tenue de ,, 1'Affembl e ce qu'ils fouhaitoient qu'on y décidat fcïori leur intention, & de Witt ne prit au- „ cun fou'qcon de ce melTage de Guillaume. La ,, même invitation fut faite a Jean de Waal, & a Jlbert Ruis , 1'un Bourguemaitre , 1'autre „ Penfionnaire de Haerlem; a Jean Duist van „ Voorhout, Bourguemaitre de Delft, & Merribre du Confeil-Comité; a Nanmng Keizer, Penfionnaire de Hoorn, & a Nicolas Stellingwerf, „ Penfionnaire de Médenblik. „ Entre huit & neuf heures ils fe rendirent 1'un „ aprés 1'autre dans 1'Antichambre du Prince, & G 3 » f"*  ( 10.2 ) st furent conduits dans des appartemeus de ,1a „ Princefle Royale. Kuik van Meteren, Lieute',, nant Colonel des Gardes-du-Corps du Prince, „ les conduifit, par ordrc de fon Maitre, dans. ,, des Chambres féparées au fecond étage, ie, les „ y conftitua Prifonniers , fous la garde de trois „ Soldats ". Sophie. Ah ! je crains bien pour eux le même fort des Patriotes perfécutés par Maurice; Guillaume, 'quoique jeune, me paroit encore plus méchant. Henri. Ma chere Coufine, attendez. la fuite, avant de vous' aflliger: je vais me hater de vous délivrer de votre inquiétude. Sophie. fiites moi, je vous prie auparavant quel fujet dei mécontentement Guillaume avoit contre ces Mfonniers* Henri. Ils s'étoient presque tous oppofes a la Députation des Etats Généraux; 1'un d'eux avoit confeilié de ne pas recevoir le Prince a Medenblik, & UB  * io3 y un autre avoit au fujet de la réforme des Troupes , employé dans 1'AfTemblée des Etats quelques expreffions hardies, qui avoient choqué les oreilles du Stadhouder : voila quels étoient leurs crimes ; & voici ce que fit Guillaume pour juftifier fon attentat: „ II envoya chercher le Grand - Penfionnaire „ Kats, & le chargea de dire aux Etats de Hol„ lande, que ne pouvant plus fouffrir la conduite „ de quelques Membres de leur Afiemblée, qui „ femoient Ia divifion eatre les Villes & les Pro„ vinces, il avoit fait arréter fix des principaux Anteurs de ces troubles; qu'il avoit augmenté „ la Garde de la Cour, & fait venir cinq Com„ pagnies, pour renforcer la Garnifon. II ajouta que le Comte Guillaume, Stadhouder de Frife , „ étoit allé, par fon ordre, s'emparer d'Amfter„ dam, avec un Corps de Cavalerie & d'Infante„ rie; & qu'il ne doutoit pas, que ces Troupes „ ne fufTent déja dans la Ville. „ Guillaume fit donner avis de ces deux en„ treprifes aux Etats Généraux, ajoutant qu'il y „ avoit été déterminé par des raifons importantes „ qu'il leur communiqueroit, par écrit. „ Les Prifonniers furent conduits le lendemain „ par un detachement de Cavalerie & d'Infante„ rie, a Loeveftein, & y furent gardés féparé„ ment ". Sans la prudente réfolution de priver notre StadG 4 hou-  ( ïo4 ) houder aftuel dn Commandement de la Haye, les dignes foutiens de notre Liberté aur.oient .óprouvé le même fort. Theodore. Je praindrai toujours pour eux, auffi longtems que les Etats Je Hollande n'auront pas repris le droit qui leur appartient de difpofer des Troupes a leuf Solde. Mr. Herman. Si notre Prince ne révoque pas les ordres donaés eontre Elburg & Hattem, la Hollande ne lui laiflera' certainement pas le pouvoir d*abufer une autre fois'de fa charge de Capitaine Général. • Henri. „ Quelques femaincs avant 1'entreprife de Guil,, laume , plufieurs négocians de Haerlem & d!Am„ fterdam avoient recu des lettres de Londres, de ,, Dantzig, & d'autres Villes, qui leur donnoient „ avis du Siege d'Amfterdam, comme d'une cho„ fe certaine. Le Prince avoit deffein de furpren„ dre cette Ville, avant qu'on en eut le moindre foupcon; il avoit donné ordre a GentÏÏlot, Major d'un Régiment Francais , de raffembler cin„ quante hommes, armcs feulemeat de piftolets 4. m * ]  ( ioj ) „ & d'Epées. Cet officier devoit s'emparer dune „ porte le 30 JuiUet dès le matin , & ne com„ mettrc, s'il étoit pofiïble, aucune hoftilité. PIu„ fieurs Compagnies de Cavalerie , en Garnifon „ a Nymegue , ii Arnhem , & ailleurs , avoient „ recu fecrettement ordre du Prince, de fe rendre ,, le même jour, de bonne hevtre, devant Amfttr„ dam, mais fans favoir la caufe de cette marche. ,, La Garnifon d'Utrecht fortit le 29 au foir de la „ Ville, fous prétexte de recevoir la Princefie Roya,, le , elle eut ordre de fe joindre ï la Cavalerie, „ devant la Porte dont Gentillot devoit s'empa„ rer , & d'occuper 1'Hótel-de-Ville, le Dam , & „ les principaux endroits, pendant que la Cavale,, rie fe répandant par toute la Ville empêcheroit „ les attroupemens. Guillaume , peu de tems „ après devoit entrer dans Amfterdam, y chan„ ger la Régence . & 1'obliger ainfi de fe confor,, mer au fentiment dés autres Villes. Les Trou„ pes avoient ordre de ne commettre aucune ho„ ftilité, mais d'afiurer en entrant qu'elles venoient •„ comme amies, & de ne point tirer a moins que ., la Bourgeoifie ne commencat a faire feu." Theodore II me fembie que cette conduite de Guillaume eft celle d'un Général , qui veut s'emparer d'une Yille en pays ennemi, avec cette'difference que G 5 ce-  ( io6 > celui-ci fert fon Souverain, & que Guillaume fe révöl'toit contre le fien. Sophie. Papa nous a dit que la révolte contre fon Souverain eit un crime de Lèze-Majefté; Guillaume s'en ren dit donc coupable? Mr. Herman. Oui, puisqu'il n'étoit autorifé par aucun ordre, . & qu'il difpofoit des forces de 1'Etat pour fes propres intéréts. Sophie. Guillaume avoit cependantordonnéque les Troupes ne fiffent aucun Aéte d'hoftilité, a moins qu'elles ne fufTent attaquées; c'eft une preuve qu'il ne vouloit pas faire répandre le fang des Bourgeois. Henri. Ma Chere Coufine, je crois que ce fut plutüt un efiet de fapolitique; il favoit trés bien qu'il étoit impoffible que dans une Ville auffi peuplée qu'Amfterdam, la Bourgeeifie ne fit aucun mouvement, amfi cette modération apparente n'étoit , felon moi, qu'une cruauté dégaifée: d'ailleurs il con- ;> eoa-  ( i°7 > connoiffait le caraSere du Soldat, qui ne demande qu'un pretexte pour fe permettre le meurtre ou le pillage , nous allons voir cependant qu'il ne réufïït pas entierement dans fon projet. „ Le Comte Guillaume Fréderic , Stadhouder de „ Frife , qui commandoit les troupes. deftinces a „ cette attaque, partit de la Haye le 29 après „ midi, pour fe joindre a la Cavalerie que con„ duifoient les Colonels van Jarfens & van Dona „ 1'un Coufiu germain de Guillaume , & 1'autre fon intime ami. Quatre compagnies fe trouve„ rent & Minuit au rendez-vous indiqué, mais la „ Cavalerie d'Arnhem & de Nymégue s'étant éga„ rée n'arriva qu'au jour. Le Courier de la Pofte „ de Hambourg avoit rencontré au point dn jour ,, cette Cavalerie égarée, & favoit qu'elle venoit „ a Amfterdam ; le Commandant n'ayarit point „ d'ordre d'arrêter perfonne, & ne fachant pas que „ la Ville devoit être attaquée , laiifa paffer le Courier, qui avertit le Bourguemaitre Corneille „ Bikker de ce qu'il avoit vu. Cn penfa d'abord „ que ces Soldats étoient quelques Lorrains qui „ avoient commis des exces fur les frontieres, & „ qui venoient a Amfterdam, dans le deffein de „la piller; mais perfonne n'avoit'le moindre „ foupcon fur le Prince, ni fur les troupes de „ 1'Etat." T H E tl'  ( io§ ) T»ÉODORE. Je le crois aifément, puisque ces troupes raé*mes ne favoient pas ce qu'elles devoieut faire , & qu'il n'y avoit que les principaux chefs qui fusfent dans la confidence. Henri. Mais je pcnfois que le Militaire ne peut fe mettre en ' marche que par ordre du Souverain , & que le Capitaine Général eft obligé de faire men'tion de eet ordre dans la Patente qu'il envoie; fans quoi les Troupes peuvent & doivent refufer de marcher. Mi. Her-  ( 109 ) Mr. H b r M a n. C'eft auffi ce qui devroit être , mais nos Princets violent cette regie quand elle leur déplait, & les Troupes n'obéiront qu'a eux ,jusqu'a ce que le Souvcrain leur aip retiré ce pouvoir abufif de donner des Patentes. Revenpns a l'attaque d'Amfterdam. Henri. „ Les autres Bourguemaitres étant abfens., Bik' fcer fe trouva feul chargé de la défenfe de la „ Ville , & par les confeils & le fecours de 1'Eche',, vin Jean Huidekoper, il fit lever les Ponts, „ fermer- les Portes , conduire du canon fur les „ remparts & mettre fous les armes la Bourgeoi„ fie, & les Soldats. On fit auffi battre la caifie pour enrSler ceux qui voudroient fervir comme * ' matelots, ou comme Soldats, & dansl'efpace de quelques heures on . avoit déja formé plu„ fieurs compagnies , on équipa huit Vaiffeaux „ de guerie pour déëndre le Port, & les habitans „ qui ne prirent pas les armes s'oifrirent volontairement pour travailler aux fortifications." „ Le Comte Guillaume, ayant raifemblé la Ca„ valerie , arriva devant Amfterdam avant midi, „ mais trouvant les portes fermées , & tout „ préparé pour la défunfe, il ne jugea pas a pro„ pos de tenter une attaque. II fe contenta d'en„ voyer dans la Ville une lettre du Prince , quoi„ qu'il fftt chargé de larendre lui-même ; Guillau- me  C «o ) „ me mandoita la Régence, qu'ayant été fi mal „ recu dans Amfterdam i fon dernier voyage, il „ y envoyoit le Comte, a la tête de quelques „ Troupes, pour rétablir le bon ordre, afin de „ n'être plus expofé aux obftacles, que des gens' „ mal intentionnés pourroient apporter aux pro„ pof.tions qu'il avoit a faire pour le fervice du „ Pays ". Theodore. Après avoir fait emprifonner, de fa propre atftoritc, fix Membres d'une Affemblée Souveraine, & s'être fervi, fans aucun ordre, des Troupes de'' 1'Etat, pour s'emparer d'une Ville de la République, comment Gullaume pouvoit il fe plaindre . des gens mal-intentionnés ? Perfonne ne 1'étoit plus que lui. Les Régens d'Amfterdam auroient du répondre k fa lettre avec du Caiión : vdyoïis ce qu'ils firent après 1'avoir lue.' Henri. „ La Régence envoya les Echevins Huïdeèóopër „ & van der Does en Députation au Comte Guil„ laume, pour lui annoncer de la part des Bour„ guemaitres , qu'ils auroient föuhaité qne le „ Prince n'eut pas fait accompagner fa lettre de „ tant de monde; que c'epéndant ils 1'avoient „ communiquéë au Confeil, & envoyée \ leurs „ Députés, & aux Etats de la Province, pour „ de-"  „ demander leur avis, fans lequel ils ne pouvoient répondre a cette Lettre ; qu'au refce ils „ prioient Son Excellence de s'éloigner de laVil„ le, finon , qu'ils feroient obligés de fe fervir „ des Armes, que Dieu & la Nature leur avoient „ accordées , pour fe défendre. Le Comte, trou„ blé par cette harangue, nc répondit rien, & „ Huidekooper, qui avoit porté la parole , ajou„ ta qu'il avoit parlé.-jufqu'a préfênt au nom des ,, Bourguemaitres, mais qu'il croyoit devoir don„ ner a Son Excelience le confeil amical de fe „ rëtirer, fans quoi le Peuple obligéroit peut-être „ les Bourguemaitres d'employer des moyens ,, e^trêir.es. En effet on avoit propofé dans le Cönfeil de „ rómpré la Digue de la Porte St. Antoine, & il ,, ne s'cn fallut que de deux voix fur trente-fix, „ qu'on n'en prit la ^ réfolution. Cepcndant, „ pour contenter le Peuple, on fit ouvrir deux „ éclufes, qui répandirent affez d'eau dans les „ environs,' pour faire comprendre aux Troupes? „ que le deffein étoit pris dans la Ville , de les „ noyer, fi clles ne fe retiroient ,pas ". Sophie. Les Soldats étoient obligés d'obéir, mais les Chefs, & furtout ce Stadhouder de Frife, auroient bien mérité d'ètre noyés, pour avoir fecondé la' Tyrannie de Guillaume. Mr. Kb  t in ) 'Mr. Herman. Ta Pitié pour les Soldats eft fort bien placée, .mon enfant, mais 1'inondation auroit fait perir ou miné beaucoup d'habitans de la Campagne dans la Hollande, Sc dans la Province Utrecht; ce fut fans doute cette raifon, qui empccha d'employer le moyen extréme qu'on avoit propofé. Henri. „ Le Comte répondit a la courageufe harangue „ de Huidekooper qu'il n'avoit agi que par les or„ dres du Prince, Sc qu'il lui rcndroit compte de „ tout. Guillaume étant a diner recut la nouvel„ le que i'entreprife fur Amfterdam étoit man„ quée, il en fut fi nfTecté qu'il fortit de table & „ s'enferma dans fon Cabinet; les Députés d'Am„ fterdam ne favoient pas encore cequi s'étoit pasfé dans cette Ville. ils en furent rnftruits par une perfonne qui les fit prier a onze heures du ,, foir de venir a la Cour parler a quelqu'un , dont „ on ne leur dit pas le nom : ils penferent que ce „ mcTage vcnoit du Prince qui vouloit les faire „ arrèter, comme 1'avoient été les fix prifonniers „ de Loeveftein. Cependant Kok un des députés „ fe rifolut a fortir , écjrencontra auprès de 1'hótel „ du Stadhouder un homme qu'il ne pilt reconnoi„ tre, & qui lui ayant demandé excufe de 1'avoir „ fait fortir fi tard , lui apprit que 1'attaque d'Am„ fterdam étoit manquée, Sc que le Prince en 1'ap- „ pre--  < "2 O v' prenant avoit donné les marqués de Ia plus „ grande colere, & s'étoit retiré dans fon appar,, tement, fans vouloir parler a perfonne." ,, Le lendemain Guillaume partit pour Amfterdam, mais auparavant il envoy'a ube lettre „ aux Etats des Six Provinees, en leur declarant „ que felon la réfolution des Etats Généraux, du' „ 5 Juin , il avoit fait conduire en prifon fix Dé„ putés de la Province de Hollande, & envoyé' „ des Troupes dans Amfterdam : on lui répondit, „ en approuvant tout ce qu'il avoit fait, & en le" „ priant de faire tout ce qu'il trouveroit ncces,y faire." Sophie. Je ne me fouviens pas, mon Coufin, que vous ayiez parlé de cette réfolution du 5 Juin. Eft ce que les Etats Généraux avoient donné ordre au Prince de prendre des mefures fi viol'entes? T h e o d o' r e. C'eft moi, ma Soeur, qui n'en ai rien dit; ne croyant pas que cette réfolution fut de conféquen-' Ce, mais puisque vous êtes curieufë de la connoitre, voici ce qu'elle contenoit, relativement a la députation pour les V:lles de Hollande. „ Que le Prince feroit le chef de cette' députa„ tion & qu'en méme tems il éioit prié & auto/, rifé de donner tous les ordres néceflaires pour H con-  ï »4 ) „ confetver le bon ordre & la paix, & maintenif f) particulierement 1'Union.'' II faut remarquer, ma Soëur, que les Provinces de Gueldre , de Hollande & d'Utrecht ne voulurent point confentir a cette réfolution, quoiqué" Guillaume eut changé par force la Régence de Nymegüe , pour s'afTurer de la voix de la Gueldre,' la réfolution du 5 Juin ne fut donc prife qu'A la' p'luralité des voix, & d'ailleurs elle' n'avoir rapport qu'A la députation, qui étoit finie'depüis plus' d'un mois , & le Princé né'pouvöit agir que cie concert avec les autres Députés. Sophie. Je vous remereïe, mon Frere , de cette explication; je n'approuve pas plu's que vous la tyranriic de Guillaume , mais' vous aviëz dit qu'il avoit agï fans ordre, & je voyois enfuïte qu'il fe fondoit fur une réfolution des Etats Généraux; cela me paroiffoit une contradiction dans 1'hiftorien, ou un oubli de votre part • je vous demande excufe de Vous avoir interrompu. Mr. H e r m ia n. ■ Tu as trés bien fait, ma Fille : il ne faut jamais rien croire fans preuves, & furtout ne point condamner , même fes ehnemis , avant d'avoir examiné s'ils font vrafment coupables , ta remarque fait 1'éloge de la juftelfe de ton efprit & de ïa ' bon-  bonte "de ton coeur : tu vois 3 prcfent que Guit* laume, ne fachant corrfmént excufer fon entrepri-» fe, fe rabattit fur le pouvoir qui lui avoit etc donné, mais qui devoit avoir fini avec ïa dépdtation ; tu vois auffi par la réponfe des Etats Généraux, que la majorité de cette afiemblée étoit vendue aux intéréts du Prince. Continuons maintenarït £ nous öccuper des fuites de eet événement,, Henri. „ Muni de cette réponfe le Prince pardt de la „ Haye, & arriva le même foir è Amftelveen, oiï „ le Comte Guillaume s'étoit retiré. Louis de Nas„fau, Seigneur de Beverweerd, lui reprefenta le „ danger oü fe trouveroient les Troupes , fi les ,, habitans d'Amfterdam rompoient entierement „ la Digue de la Porte St. Antoine. Le Prince fut „ fi troublé de cette nouvelle qu'il eavoya dans ,, 1'inftant Lou'rs de Naifau, a la Haye pour en- gager les Etats Généraux a le prief dé retirer „ fes troupes. Les Députés de la Hollande ayant ,, appris que Guillaume s'autorifoit de la réfolu,, tion du 5 Juin, demanderent aux Etats Géne-" ,, raux que eet ordre fut révoqué, & qu'on dé,, fendit de s'en fervir pour caufer de nouveaux „ malheurs. Cette demandé'&it rejettée d'abord „ „ mais le lëndemain , après 1'arrivée de Bever,, weerd, on r.folut d'cnvoyer une députation au Prince, pour le prier dé revenir a la Haye, de ' H a „ faire  'ti faire ceffer ks hoftilités contre Amfterdam , ie „ de ne point troubler le Commerce de cette Vil„ le. On ne décida rien au fujet de la marche „ des Troupes, par ce que 1'aflernblée vouloit fe „ réferver la liberté de louer ou de blamer la con„ duite du Prince, quand elle auroit appris le fuc„ cès du Siege, le principal motif de la députa- 1 „ tion étoit de plaire a Guillaume, & de lui mé„ nager le moyen de revenir avec honneur a la Haye. Theod«re. Je troüve le mot d'honneur bien mal placé dans eet endroit, & je penfe que le véritable honneur confifte a fervir fon pays, & non pas a le troubler, pour fon propre interêt. La conduite des Etats Généraux dans cette occafion reflemble a celle du Senat Romain, quand il fut devenu 1'eSclave de3 Empereurs. Henri'. „ Pendant eet intervalle le Prince écrivit k la „ Régence d'Amfterdam qu'il fouhaitoit venir dans ,, la Ville ; on lui envoya des Députés auxquels il' „ déclara qu'il vouloit entrer dans la Ville avec „ des Troupes, & les y laifler en garnifon, mais „ on lui répondit que la Régence fouhaitoit au m contraire que les troupes fe retirafl'ent. II ne „ s'éloigna pas de cette propofition , mais pour„ vü qu'on vouliit convenir auparavant de quel„•ques conditions. Cette réponfe fut communi- „ quée'  C "7 3 „ quée a la Régence, qui confentït que la Ville fe„ conformeroit au fentiment des Six Provirices „ pour 1'entretien des Troupes de 1'Etat, & pour „ leur folde ; que le Prince feroit ree,u dans Am„ fterdam, comme 1'avoient été fes prédeceffeurs „ les Stadhouders de Hollande , & qu'il feroit in„ troduit en cette qualité dans le confeil, pour y ,, propofer ce qu'il croiroit utile pour le fervice „ du Pays; Que la Ville emploieroit fes bons of„ fices pour rétablir 1'ancienne confiance dans 1'as„ femblée des Etats de Hollande , & qu'aufïitót ,, après la fignature de ces articles les Troupes „ fe retireroient, & que celles que la Ville avoit „ levées pour fa défenfe feroient licenciées.»' Sophie. On eut pour Guillaume plus de complaifance qu'il n'en méritoit, mais du moins il n'obtint pajs tout ce qu'il avoit demandé. Henri. Attendez, ma Coufine ; voici un article fecret, dont vous ne ferez pas fi contente: „ On convint que les deux Freres Bikker, André & Cprneille, 1'un ancien Bourguemaitre , „ 1'autre en exercice, donneroient volentairement, «, & pour toujours, la démiffion de leurs places „ dans la* Régence , fans que cette démiffion püt „ porter la moindre atteinte a leur honneur, ni 3> a leur réputation," Ha S  r • . - • rf;.r & Vous aviez raifon, mon Coufin, eet article me déplait beaucoup, &, fi j'ofe le dire, je n'y' trouve pas même 1'ombre du bon fens. Mr. Herman. C'eft une preuve du tien , ma Fille, d'avoir faifi 1'abfurdité de declarer deux Magiftrats incapables de pofféder aucune place, & de faire en même tems 1'éloge de leur conduite. Voila le funefte effet de 1'influence d'un feul homme, qui n'avoit jamais ïendu le moindre fervice a la Patrie, & qui abufoit contre elle des forces qu'elle lui confioit pour la défendre. H e IV R i. „ Après que cette affaire eut été terminée , on ,, s'occupa du fort des prifonniers, qui n'obtins, rent 1-a liberté qu'a condition qu'ils n'auroient plus aucune part dans la Régence de leurs Vil-* „ les, mais que leur honneur n'en fouffrïroit point. „ Le Prince quelques jours auparavant avoit écrit „ aux Etats Généraux &t a ceux de Hollande pour „ rendre raifon de fa conduite, & leur expofoit „, la néceffité oü il s'etoit trouvé de faire arrêter „ les chefs d'une faétion qui vouloit détruire 1'U- aiion , la Religion, & l'autorité des Etats Géné-' „ raux , & d'obliger Amfterdam a faire fortir de '„ fa Régence ceux qui avoient empèché qu'on „ hu  < V9 I „ .lui donnat audience; il ajoutoit qu'il avoit em-> „ ployc ces moyens violens a 1'exemple de ceux: „ qui abattent quelques maifons , lorsqu'un in}, cendie menace d'embrafer une rue ou une VÜ,, le, & qu'on ne peut la fauver autrement." Theodore. La comparaifon que faifoit Guillaume me paroit fort jufte, mais c'étoit contre lui qu'il en falloit faire 1'application' , en le privant d'un pouvoir dont il abufolt pour mettre la République en feu. Et comment recut on cette Lettre ? Henri. „ Les Etats Généraux & ceux de Hollande ne „ jugerent pas a propos d'en faire leéture, pour „ ne point r'ouvrir une plaie qui faignoit encore , „ mais la plupart des Provinces répondirent a la „ lettre que le Prince avoit écrite avant fon dé„ part pour Amfterdam. Les Etats de Zélande „ approuverent entierement la conduite de Guil„ laume, 1'en remercierent, le priant de montrer „ a 1'avenir le même zèle pour le bien de 1'Etat; „ ceux de Gueldre le remercierent auffi, mais fans „ approuver ni blamer fa conduite : Ceux de Fri„ fe approuverent tout ce qu'il avoit fait: Ceux „ d'Overyffel lui rendirent graces de la peine qu'il „ avoit prifes , ne doutant point qu'il n'ait eu s> des ïailbns importantes d'entreprendre ce qu'ii 04 * „ avoit  ( Ï2D ) ft avoit fait: Les Etats d'Utrecht écrivirent qu'a„ yant appris qu'il avoit fait part aux Etats Gé,, néraux des motifs de fa conduite dans toute eet„ te affaire,ils le remercioient de fes foins, ne dou„ ,tant 'pas que fes motifs ne fufTent approuvés, „ quoi qu'ils n'en euffent point eu communica,, tion. La Province de Groningue ne fit aucune ,, réponfe, par ce que fes Etats n'étoient pas as„ femblés." Mr. Herman. Nous ne poufferons pas plus loin notre converfation aujourd'hui , mes enfans; je la finirai en Vous faifant remarquer que le Prince en écrivant a ces Provinces, favoit d'avance qu'elles approuVeroient fa conduite, fa Familie avoit toujours , comme vous 1'avez vu, difpofé de la Zélandela Frife, gouvernée par fon Parent , ne pouvoit . pas être d'un autre fentiment; la Gueldre le craignoif, & les autres Provinces étoient allarmées par 1'exemple de ce qui venoit d'arriver dans Ia Hollande; celle ci, quoique la plus puifTante, fc la plus util? de toutes a la République, fe trouvant feule de fon avis, étoit obligée de fe conformer au fentiment de la Majorité. C'eft ainfi que les attentats de Guillaume II. furent couronnés par le fuccès, & obtinrent 1'approbation ée ceux qui en étoient les Viftimes. Demain nous verrons fi la Nation fut plus heureufc fous le Gouvernement de fon fils. SEP-  < I21 ? SEPTIEME SOIREE. Mr. Herman, Sophie , Theodore, H e n r Theodore. Avant de voir ce que la Nation a foufiert de la pare de Guillaume III. j'ai penfé, qu'il falloit d'abord cpnnoitre ce qui fuivit la mort de fon Pere, & voici ce que j'ai remarqué de plus important. ,, Deux jours après la mort de ce Prince, la ,, Ville de Dort rendit a de Witt toutes fes char,, ges & fa place dans le Confeil - de - Ville. ., Delft, Haerlem & Medenblik fuivirent le mc„ me exemple, & Keizer fut nommé Fifcal de „ 1'Amirauté du Nord-Hollande. Lés Freres Bik,, ker reprirent auflï leurs places dans la Régence „ d'Amfterdam ". Sophie. On fit, fans doute, tres bien de rendre a ces honnêtes Gens les places dont on les avoit injuftement privés, pour plaire 'a Guillaume; mai« cette conduite des Etats 'refiem,ble un peu & ce H 5 auc  que nous faifons nous autres Enfans, quand nous fommes a 1'Ecole. La préfence du maftre nou* oblige au filence, mais s'il s'abfente un moment, c'eft un bruit k ne pas s'entendre. Je- ne comprends pas comment des Souverains peuvent avoir tant de foibleffe ou de complaifance pour un homme , qui eft i leurs ordres, & a leurs gages.' Mr. H k r m a n. C'eft que eet homme , quoique Serviteur de 1'Etat, porte un nom cher a laNation; qu'il eft revêtu de Charges importantes , auxquelles on n'a pas feu mettre des bornes précifes, & qui lui donnent les moyens de fe faire des partifans dans toutes les Provinces. C'eft paree que la Populace féduite & ignorante, croit qu'un Prince d'Orange eft Ie Chef de 1'Etat, fon Proteéteur, & celui de la Religion. C'eft enfin paree que les Troupes,' malgré leur ferment d'être fidelles a 1'Etat & aux Provinces, dont elles regoivent leur Solde, font toujours prètes a trahir ce ferment pour fervir les intéréts de nos Princes. Aufll longtems que ces abusne feront pas réformés, d'une maniere irrévocable, il n'y aura ni fureté, ni bonheur, ni repos dans la République. Les événemens qui fe préparent confirmeront peut-etre trop tót la vérité de ce que je viens de dire ; revenons a ceux. qui nous occupent actuellement. The  Theodore, „ La Princeffe Royale, Veuve de Guillaume ÏT, „ accoucha le 14. Novembre 1650. d'un Prince, „ nommé Guillaume Frêderic. ,, Les Etats Généraux, après s'ètre occupés, en ,, 1651. de régler les affaires domeftiques, penfe„ rent a effacer les traces de ce qui s'étoit paffee „ 1'année d'avant. On déclara que 1'entreprife ,, de Guillaume contre Amfterdam , & 1'emprifon,, nement des fix Membres des Etats de Hollande „ ,, étoient un attentat contre la Liberté, la Souve,, rainetë de cette Province , fes Loix, fes Droits & „ fes Privileges. La conduite des fix Députés fut „ approuvée, & les raifons que Guillaume avoit „ alléguée pour juftifier fa conduite, furent rcfu„ tées dans un écrit, imprimé au nom, & par „ ordre des Etats. On publia enfuite une Am„ niftie générale , pour tout ce qui avoit été fait, „• déclarant que les réfolutionsdu 5. Juin de 1'annce „ d'avant, & tout ce qui en avoit été la fuite, fe„ roient regardées comme nulles, & feroient effa„ cées des Regiftres publics. Les Etats de Hollan„ de dédommagerent Amfterdam des frais extraor„ dinaires, qu'elle avoit faits pour fa défenfe , & ,, la remercierent du zèle quïelle avoit témoigné ,, pourle fervice de 1'Etat. Cette dépenfe fe mon„ ta a 55045 florins. On annulla auffi ( une Or„ donnance de 150Ó8 florins, pour les frais de 1% Dé-  ( M4 j „ Députation de 1650. comme ayant été accor„ dée par le Confeil d'Etat, au pront des Conj, feillers de Guillaume, fans la participation „ des Etats Généraux ". Mr. Herman. Mes Enfans, n'oubliez jamais ce que Théodore vient de lire; c'eft la meilleure réponfe qu'on puiffe faire aux Partifans de la Maifon d'Orange , qui vantent avec tant d'emphafe les fervices qu'elle nous a rendus , & qui fe gardent bien de rappeller la mémoire des maux qu'elle nous a faits. Nous avons récompenfé ces fervices , nous les payons encore aujourd'hui, mais quand ils feroient plus grands , nous ne leur devons pas le facrifice de notre Liberté: la reconnoiflance a des bornes, qu'un Républicain ne peut franchir, fans être indigne de ce nom. Je ne fuis pas injufte , & j'avoue avec plaifir que Guillaume ï. & Maurice étoient d'habiles & de vaillans Généraux, qui nous ont bien fervis. Le premier périt par le main d'un traitre; fon Fils expofa fouvent fes jours dans les Combats. Mais de Hoorn, & d'Egmont porterent leur tête fur 1'échaffaut, pour avoir défendu la liberté de notre Pays; mais les Habitans de Haerlem & de Leide ont fouffert la famine , & répandu leur fang pour la Patrie; tant d'autres braves Citoyens ont imité leur exemple. ïourquoi les oublie-t'on aujourd'hui, pour ne par-  ( «5 ~) narler cue d'une feule Maifon, & Vouloir 1'élevec L delfus des Repxéfentans de 1'Autorité Souveraine d'un Peuple Ubre ? Qj* les Defccndans de Guillaume I. foient grands , puifrans meme, ma, jamais dangereux; qu'ils poffedent les charges les plus éminentes de 1'Etat, mais qu'ils foxent fideies a leur ferment, & qu'ils obéiffent au lieu de vouloir commander; enfin qu'ils foient Citoyens, & non pas Chefs ; alors ils feront chcris & refpeftes. mais quand ils ne fonderont leur autorité, que furies émeutes populaïres, fur 1'oppreffion des Citoyens & la violation de tous les Privileges, fous prétexte de fervir 1'Etat, les Gens honnêtes & mftruits ne verront en cux que les ennemis du bonheur & de la Liberté de la Nation. Tels furent Maurice & Guillaume II. & vous verrez, mes Enfans, que le Fils de ce dernier perfécuta les Amis de la Patrie, avec autant d'acharnement, que fes prédécefleurs. T H K O D O R K. „ Guillaume III. avoit i peine deux ans que la Populace de Zélande, excitée par quelques' „ Miniftres, prit les couleurs Orange, & la Rè" gence de Middelbourg propofa de nommer le ieürie' Prince Capitaine & Amiral Général de la Province. Celle de Hollande envoya dans cette " Ville quelques Députés, du nombre desquels '1 étoit Jean de JVHr, Penfionaire de Dort & fils „ de  C 125 ) ?, de Jacob de Witt, qui avoit été conduk 'J Loe„ vefein, par ordre de Guillaume. Ils avoient „ ordre de détourner les Etats de Zélande, de fai„ re cette propcfition dans 1'aiTemblée des Etats „ Généraux; La Populace s'attroupa devant 1'en„ droit oü fe teno;t f'ifrembléè Provinciale, & „ menaca de tuer les Députés de la Hollande, „ quelques ups praign'ant pour leur vie vouloient „ fe rctirer après avoir donné leur propofition par » écr.t; mais de Witt déclara qu'il falloit exécu„ ter l'ordre dont ils étoient charges, au hazard' ,\ de tout ce qui pourroft arriver. Ce généreux » Patriote étoit eftimé de tous les Membres des ■ ,, Etats de Hollande, &r quand le Grand Penfion„ nan-e |uw mourut on fe choifit unanimément » P'óurlui fuecéder, en 1Ö53. „ II y eut encore en plufieurs endroks des émeu„ tes poÜpulaïres en faveur de la Maifon d'Oran„ ge, & les Provinces qui lui étoient favorables, fur„ tout la Zelandfi & ja Hriiè', firent courirle bruit >, que la Hollande avoit vendu 1'Etat k 1'Angleter>, re, pour pouvoir dominer fur les autres Pro„ vmces. Ces bruits calomnieux ne trouvoient „aucun crédit auprès des honnetes Gens, qui „ voyoknt que ces rumeurs & les fédirions n'a„ vo.eiu d'autre but que de faire nommer capi„ tainc & Amiral Général un enfant, & de con„ tinuer la guerre avec .1'Angleterre'. S ó*  • ' ' S o p h i £•' J'ai toujours entendu dire que les Princes d'Orange étoient attachés a 1'Angleterre , & je crois que Guillaume II. avoit époufé une PrinceiTe de la Maifon de cette nation, pourquoi donc les partifans dit Prince vouloient ils s'oppofer tïa Paix avec 1'Angleterre ? ' Mr. Herman. Ton coufm qui nous a déj a parlé de Cromwel pourra t'en dire la raifon, c'eft a lui que je lais- fe ce foin. . ... Henri. Je vais vous obéir, mon Oncle, & rapporter en peu de mots le fujet de la guerre dont il eft queftion a prélent, & qui me femble avoir beaucoup de rapport avec les malheurs des Freres de Witt. ^Cromwel, Général'des .Troupes Anglaifes s'étant rendu maitre des déliberations de la Chambre des Communes, fit ériger un tribunal qui accufa le Roi Charles I., beaupere de Guillaume II., de haute trahifon: le Prince de Galles, alors a la Haye, pria les Etats Généraux d'envoyer des AmbatTadéurs extraordinaires a Londres, pour y prendre les intéréts de fon Pere. On lui accorda cette démande', & les Anibafladeurs eurent audience la veil'le d'exécution de la Sentence de mort prononcce contre 1'infortuné Monarque. Malgré leurs éffcu'ts auprès des deux Chambres. Charles I. fut pu-  * 12? > pubhqnementdccapité.par la main du Bourreau ■ le 30 Janvier i649. La Chambre des Communes sempara de l'autorité, prit le nom de Parlement abolitla Royauté, comme inutile & dangereufe * * miï en vigueur le Gouvernement Républicain/ Sophie. Je ne m'étonrie plus que la Maifon d'Orange fatalere ennemie de 1'Angleterre, & fa- Hainè me paroxt trés jufte. Mf. H' e r m1 a ff. Elle l'étoit, fans doute; mais il ne falloit pas pour la fatisfaire prétendre obliger la Républiquea contnmer une guerre ruineufe, dont cette haine étoit la feule caufe. Les intéréts particuliere doivent toujours être facrifiés au bien général. Henri. Les Etats Généraux , & ceux de Hollande en particulier , reconnurent le Prince de Galles comme Roi d'Angleterre, fous le nom de Charles II mais ce Prince ne refta pas longtems ï la Haye' La nouvelle République envoya a la nötre en qualité de Réfident, Ifaac Doreslaar ,> qui trois -jours après fon arrivéê a la Haye, fut a(faiïine par cinq ou lix perfonnes. Toutes les Puiffances de Eüropê rechercherent bientöt 1'amitié de la Nou- ' veile République, mais la nótre fut quelque tems a s'y  v } a s'y déterroiner. Strikland, Réfident de la part du Parlement, fut même obligé de retourner a Londres, fans avoir pu obtenir audience des Etats Généraux, quoique ceux de Hollande eufïent déclaré que les autres Provinces feroient reponfablea des malheurs qui pourroie'nt réfulter du refus de donner audience au Réfident de la nouvelle République ; la Zélande gagnée par le Prince fe déclara contre la Hollande, & ce refus indirpofa 1'Angleterre contre les Provinces Unies en général, quoique Strikland écrivit pouf juftifler la Hollafide. En 1657, le Parlement envoyi deux Ambaffödeurs a la Haye qui furent recus en grande Cérémonie, par les Etats Généraux, mais infultés par quelques Gens du Peuple, excités par un Page de la Princefïe Royale. Le Prince Edouard, fils du Comte Palatin Frédérik, avec quelques uns de fes Domeftiques, les accabla d'injures; ils fe piaigrïïrent aux Etats de Hollande, qui firent citer au fon de la cloche le Prince Edouard, abfent de la Haye, & condamnerent au fouet un de fes Domeftiques, & bannirent les autres. Ces Ambafladeurs furent rappellés au mois de juin par le Parlement, & le compte qu'ils renüirent des infultés qu'ils avoient fouffertes a la Haye , fit prendre la réfolution de déclarer la guerre aux Provinces Unies. Peu de tems après deux Vaifleaux de Guerre Anglais, attaquerent les navires de Hollande & de Zélande, les Etats enyoyerent des AmbaiTaI d^urs  deurs en Angleterre pour travaiiler a rétablir Ia bonne intelligence entre les deux Nations, mais il ne fut pas poflïble d'y parvenir, & la Guerre fut dcclarée. Voila, ma Coufme, ce 'qui donna nailTancé au mécqntentement des Anglais , & vous voyez pourquoi la Maifon d'Orange fouhaittoitlacontinuation de la guerre, quoique 1'Etat en recut de grands dommages. Je vous ai rapporto les principales circonftances de eet événement, telles que je les ai trouvées dans Wagenaar. S o p h i h. ■ ' HUi rj .9 Je Vous remercie de votre complaifance, &c je Vois que les Princes d'Orange fe font montrés dans cette occafion plus afieétionnés aux interets de leur familie, qu'au bonhcur de 1'Etat. Mr. Herman. Tu as fort bien fait, ma fille, d'interrompre' la ledture de ton frere ; tu connoitras mieux Torigine de la haine de Guillaume contre Jean de Witt, qu'il accufoit d'avoit voulu trahir fa Maifon. Theodore. Vous nous aviez recoinmandé, mon Pere, de' ne nous attacher qu'aux actions tyranniques de nos Princes, c'eft pourquoi j'avois négligé d'extraire ce que ma freur a voulu favoir, a Mr.  < -r3x y Mr. Herman. Ce n'eït pas un reproche que je te fais, mais puisque Sophie affifte a nos converfations, il faut avoir pour elle 1'attention de ne rien dire qu'elle n'en puifle connoitre la raifon, & favoir la vérité. Vous contraclerez tous par cette méthode 1'habitude de ne rien croire , ou avancer fans en demander , ou en donner la preuve. C'eft & toi, mon fils , a continuer ton récit. T h e od ü r e. „ Les émeutes éclaterent dans presque toutes les „ Villes de la Hollande, en faveur de la Maifon „ d'Orange , & pour ernpccher les Etats de laPró„ vince de faire la paix. La Populace de la Haye „ caffa les vitres du Fifcal Bois, attaqua les Mai„ fons "de Doft & d'Amfterdam, & accabla d'in„ jures le grand Penfionnaire, 1'appellant Coqum, „ tc traitre envers le Prince. Jacob de Witt fut „ attaqué le foir du 24. Juin par un Allemand , „ qui lui demanda s'il étoit du parti du Roi, ou „ du Parlement: le Bourguemaitre lui répondit „ qu'il n'avoit point de compte a lui rendre ; „ mais eet homme le menaga de lui apprendre'a „.mal parler du Prince, & on leN trouva depuis „ dans la Maifon de Dort, tenant un couteau, „ dont il avoit "voulu frapper de Witt; une fédi% tion plus dangereirfe encore s'éleva dans EnkI 2 ,, hui-  „ huizen , oil la populace arbbra le Drapeau „ Orange, & refufa de recevoir les Députés de la „ Hollande, leur déclarant qu'elle étoit feule Mai„ treiTe de la Ville. Goes'fe porta aux giêmes „ excès & la Province de Zclande propofa de „ nommer le jeune Prince Capitaine & Amiral ., Général. Celle de Hollande combattit cette pro„ pofition dans un écrit, dont on crut que le „ Grand - Penfionnaire de Witt étoit 1'auteur , & m qui fut approuvé dans 1'aiTemblée Provinciale." Nous voyons toujours les Princes d'Orange accufer de mauvais deneins contre 1'Etat ou laRelegion,' ceux qui fe montrent partifans de la liberté; cependant toutes les revoltes contre le .Souyerain & la conftitution fe font au nom & pour les intéréts de ces Princes, qui loin de s'y oppofer, les autorifent, & en récompenfent les Auteurs. II n'eft pas difficile de juger par cette conduite que leur véritable but eft de fe rendre les Maitres abfolus de 1'Etat.. Sophie. Sans doute , car s'ils étoient vraiment bien-intentionnés, ils demanderoient la punition de ceux qui fe fervent de leur nom , pour infulter leurc concitoyens, les- tuer ou piller leurs Maifons. Ces violences me paroiffent capables de nuire même aux intéréts de ces Princes, & d'obliger les Etats a • C.Vl les ;  !e« priver de toutes les dignités, pour rétablir le repos de la République. Theodore. Je vais juftifier votre remarque, ma fceur, en rapportant ce que rirent a ce fujet les Etats de Hollande pour mettre fin a la Guerre. „ Cromwel demanda que les Etats Généraux „ & ceiix de chaque Province s'engageatïent a „ ne jamais donner au jeune Prince Guillaü„ me, ni a aucun de fa familie les charges de „ Stadhouder Capitaine & Amiral Général. Les „ Etats Généraux confentirent a toutes les con„ ditions propofées par 1'Angleterre , pourvu „ qu'on fit ün changement a ce qui regardoit „ le Prince d'Orange & fa familie , & qu'il fut feu„ lement ftipülé que tout Stadhouder, Capitaine, „ ou Amiral Général feroit obligé de jurer 1'exe„ cution du Traité de Paix dans tous fes points. „ Mais Cromwel infifta fur 1'exclufion de la Mai„ fon d'Orange1, & déclara que la Paix ou Ia Guer„ re dépendoient de cette condition. Le Grand„ Penfionnaire de Witt fit part aux Etats de Hol„ lande, fousle fecret, de la demande de Cromwel; Pordre Equeftre, & la Majorité des Villes „ confentirent a 1'exclufion, dont facie fut rédi„ gé par de Witt, d'après le confentement k les „ ordres de 1'Affemblee. Les Etats de Hollande „ & de Weft-Frife déclaroient que pour fatisfaire ' ï 3 » le  „ Ie Proteöeur, ils ne choifiróient jamais 1'e „ Prince d'Orange, ni aucun de fa Familie-, pour „ Stadliouder, ou Amiral de leur Province , & „ qu'ils ne donneroient point leur voix pour qu'il „ fut nommé Capitaine General de la République, „ On envoya cette Réfolution aux Ambaifadeurs, „, mais en leur recommandant de ne la délivrer „ qu'après avoir fait tous leurs efforts pour que „ Cromwel fe contentit de ce qui avoit été décidt3, par les Etats Généraux au fujet des futurs Stadhouders & Capitaines Généraux. Quatre Villes 3, protefterent contre eet acte, le regardant com«, me contraire a la 5ouveraineté de la Province". Sophie. Je n'ai pas de lumieres fur les affaires d'Etat, mais il me femble que la Hollande fe laiffa trop facilement faire la Loi par 1'Angleterre , & qu'elle auroit dit par fierté préférerla Guerre, a ce Traité. Mr. Herman. Ma chere Enfant, la conduite des Souverains ïie doit pas ctre jugée d'aprts les mémes principes, que celle d'un particulier ; ils font fouvent forcés de confentir a des conditions de Paix, qui paroisfent humiliantes, mais qui font indifpenfablcs pour épargner le fang des Peuples, & 1'épuifement du Tréfor publie. La Hollande voyoit fon Com■ifflerce ruinc par une Guerre, dont eüe fnppor-toit pres-  C 135 ï 1 m t presque fcule tous les frais; elle ne crat pas Être o'bligce de la continuer plus longtems pour lesintéréts de la Poftérité de Guillaume I. Elle étoit reconnoiiTante des fervices de ce Prince , mais fes Defcendans 1'avoient trop perfécutée, pour qu'elle fê ruimt pour eux. Cet afte d'exclufion excita contre elle les plaintes des autre^s Provinces, & comme il fut la fource de la liaine du Peuple, contre le Penfionnaire de Witt, Henri nous dira demain ce que la Hollande publia pour fa juftification. Le Maffacre des Freres de Witt eft une époque malheureufement trop célebre dans notre Hiftoire, pour oublier aucun des faits effentiels, qui peuvent y avoir rapport. HUITIEME SOIREE. Mr. Herman, Sophie, Theodore, Henri. Henri. „ ÏJiSte d'exclufion ne put être tenu fi fecret, que le bruit ne s'en répandit dans le Public, „ & les Etats de Hollande délibérerent, s'il con„ venoit d'en donner connoiffance aux Etats Gé„ néxaux, mais la Maiorité décida que la ProI 4 „ vin-  ( ï35 ) vince n'ayant de compte i rendre de fa con„ duite a perfonne, il n'étoit pas néceffaire de „ faire part de fes Réfolutions aux Etats Géné„ raux ". Je croyois, mon Oncle , que les Sept Provinces étant unies enfemble, devoient donmr connoiiTance de le.rfs Réfolutions aux Etats Généraux. Mr. Herman. Om, dans tout ce qui a rapport aux intéréts communs, mais non pas aux affaires domeftiques. Chaque province eft Souveraine, & ne manque joint aux Articles de J'Union, en réglant fans ïa partioipation des Confidérés, tout ce qui contjerne fon Gouvernement particulier. La Hollande en confentant a Fexclufion de la Raifon d'Orange , n'avoit porté aucune atteinte a la Souverameté des autres Provinces, qui avoient la liberté de fuivre fon exemple, ou de s'y refufer. Theodore. J'ai entendu, mon Pere, plufieurs perfonnes prétendre le contraire, furtout a 1'égard du Prince. Mr. Herman. Ces perfonnes font mal inftmites de notre Conftitution , ou font de mauvaife foi: je veux vous donner un exemple, qui vous convaincra du droit que po/Tede cnacune óe nos Provinces de chan- ger,  £er, 5 fa volonté, ce qu'elle trouwe dangereux ou riuifible dans fon Gouvernement. Suppofez plufieurs Négocians affocïés pour faire a fraii communs les expéditions, les achats & les paiemens, relatifs a leur fociété, n'ont-ils pas le droit, chaeun dans leur maifon, de garder, ou de renvoyer leürs Cornmis, felon' qu'ils en font futisfaits ou mécontens ? Theodore. Oui, mon Pere. Mr. Herman. ïh bien, mon Infant, nos Princes font les Commis de chaque Province, & quand ils néglïgent ou trahifient leur devoir, celle qui a fujet de s'en plaindre, peut les priver de leurs charges, fans en faire part aux Confédérés. La Hollande avoit éprouvé la Tyrannie de Maurice, Sc de Guillaume Ü. elle voyoit éclater de toutes parts la révolte en faveur du jeune Prince, & cette expérience la juftifie d'avoir préféré fes intéréts a caux de la Maifon d'Orange. Revenons a préfcnt aux plaintes des Partilans du Prince. " H k n r i. „ La Maifon d'Orange informée de Pafte d'exclu„ fion donna un Mémoire aux Etats de Hollande „ & les pria de ne point exécuter leur réfolution. IS „ On  U 138 \ „ On chargea les AmbaiTadeurs de ne donner 1'aSff „ qu'après avoir employé touS leurs efibrts pour s'ea difpenfer, mais on répondit en mcme tems „ au Mcmoire de la familie du Prince que ce j, n'étoit point par liaine pour elle, mais pour le 3, befoin preiTant & pour le fervice de 1'Etat qu'on „ avoit pris cette réfolution. Les AmbaiTadeurs td,, cherent d'engager Cromwel ii ne point exiger „"Pafte d'exclufion, ou du moins a ratifier, par „ provifion, le Traité de Paix comme il avoit été „ rédigé per les Etats Généraux. Le Protecteur „ confentit avec peine a cette derniere propofition, „ mais fous la p-romefle fbrmelle que 1'acle d'exclu„ fion lui feroit donné, fous peu de jours. Les Provinces demanderent copie de eet aéle , & les „ ïtats de Hollande écrivirent aux AmbaiTadeurs „ de le donner a Cromwel, puis qu'on ne pou„ voit s'en difpenfer, & d'en envoyer une copic „ aux Etats Généraux. " „ La Paix fut publiée le 27.Maï 1654. & les Parti- fans du Prince ne donnerent aucun figne de joie. Les Provinces de Frife & de Zélande condamnerent „ la conduite de la Hollande, comme contraire aux „ loix de 1'Union. On fit auffi courir Je bruit que. „ Cromwel n'avoit pas propofé d'abord 1'aéte d'ex„ clufion, mais que c'étoit 1'ouvrage du Penfion„ naire de Witt, & des autres enneims de laMaiij fon d'Orange, auxquels le Protecteur avoit voulu „ plaire, pour les engager a le fervir dans la fuite. La .  s, La Province de Frifc déclara dans l'afiembke. „ des Etats Généraux que tous les membres de la, „ Hollande n'avoient pas eu connoiiTw: ce de eet „ acte, dont la propofition avoit été fuggérée aux „ Ambasfadeurs par des Régens paffionnés, fous „ pretéxte d'une nécefiité qui n'exifto^t pas; que „ c'étoit manquer de reconnoilfance pour la Mai„ fon d'Orange ,& que le jeune Prince é.toit coai„ pris dans 1'Union d'Utrecht jurce par fon bi-, „ faïeul. Enfin que les cendres de ce grand hom-, „ me demanderoient vengeance de eet affront fur ceux qui en étoient les Auteurs." Mr. Herman. Remarquez, mes enfans, que les Etats Généraux remercierent Maurice & Guillaume II. qui avoient manqué a leurs fermens, 6c quils font les plaintes les plus ameres contre la Hollande, pour avoir donné 1'exclufion a la Maifon d'Orange, la feule caufe de cette guerre malheureufe ; exclufion qui n'obligeoit pas les autres Provinces d'imiter celle de Hollande. Henri. „ Les Etats de Frife accufoient de Witt d'étre „ 1'Auteur de eet acté, & demandoient que les „ deux AmbaiTadeurs Bevérningk & Nieuwpoort „ fufTent rappellés& punis^ mais ceux de Hollan„ de déclarerent que de NEit£ n'avoit rien tuit que par  „ par leurs ordres & que les AmbaiTadeurs avoienc „ été obligés de fe conformer a lavolonté de leurs „ Maitres. La Zélande protefta contre 1'afte d'ex„ clufion dans des termes auffi forts que la Frife, „ & propofa denommer dès a préfent le jeune „ Prince , fCapitaine éc Amiral - General. Cette „ mésintelligence entre les Provinces obligea celle „ de Hollande a publier fa juftification , & cette „ piece importante, attribuée a de Witt, fut tra„ duite en plufieurs langues, " „ La Hollande rendoit compte de la nécefiité „ ou elle s'étoit trouvée d'accorder a Cromwel eet „ afte fans lequel la Paix ne pouvoit être con„ clue. Elle foutenoit qu'étant Souveraine elle „ pouvoit avoir un Stadhouder, ou s'en paffer, „ donner fa voix ou la refufer pour la nomina„ tion d'un Capitaine Général; que chaque Pro„ vince, en vertu de ce droit, avoit exclus Phi„ lippe II. en 1581. & le Duc d'Anjou, en igg3, „ fans qu'on ait alors prctendu que cette con„ duite étoit contraire a 1'Union. La Hollande rap„ portoit une foule d'exemples qui prouvoient que „ les Provinces avoient fouvent conclu des traités „ particuliers, fans la participation 1'une de 1'au„ tre ; elie foutenoit que duns un Et at libre perfonne „ ne doit avoir, par fa naiffance , le droit de pos„ fede'r aucune dignite', mais que les emplois dei„ vent toujours étre donnés au mérite. Elle recon„ noiffoit la grandeur des Services rendus par le* Stad-  i 14» 9 .„ Stadhouders, mais elle prouvoit qu'ils atfoicnt joul „ d'une trés grande autorité, de beaucoup d'honneurs „ & de biens, puisqu'on pouvoit évaluer a plus de „ ao,ooe,ooo florins les fommcs que la Province „ avoit données aux Princes Maurices Frédéric „ Henri, & Guillaume II; qu'a la vérité Guil„ laume I. avoit facrifié fes biens & fa vie pour „ la Patrie, fans qu'on ait pu le récompenfer „ comme il le méritoit. C'étoit après la mort „ de ce Héros qu'il falloit témoigner a fon Fils la „ reconnoiiTance due au Pere; cependant la Fri„ fe. alors élut pour Stadhouder le Comte Guil„ lanme Louis de NaiTau, au préjudice du jeune ,-, Maurice; & cette même Province ofe a préfent „ dire que les manes de ce Héros incomparable „ demandent vengeance de 1'ingratitude de la „ Hollande erivers fon arriere petit-fils. Si la „ Frife a pu fans ingratitude exclure Maurice déja „ dans la fleur de fa jeuneiTe, pourquoi la Hol„ lande ne pourroit elle pas exclure Guillaume encore enfant? La Province de Groningue n'a „ t'elle pas récemment fait tort a ce même enfant, „ fils de fon dernier Stadhouder, pour élire le Comte „ Guillaume Frédéric ? D'alleurs les Provinces qui parient tant de reconnoiiTance , devroient fur„ tout ne point, oublier les fervices de la Hollande. „ Elles devroient fe fouvenir que cette Province „ & celle de Zélande, fous la conduite de Guillaume I,, ont foutenu pendant plufieurs années ., 1»  < *** 5 „ U rgS&rê contre PEfpagne'; que la Hollande „ avoit empèch'é q'uc le Pays ne fik foumis au », Duc d'Arjou, qu>CHe s'étoit oppofée anx des„ feins anbkieux du Comte de Leicefter; qu'elle „ avoit mtë fupporté les frais de la guerre contre „ l%piv>rVé, & prctó plufieurs millions aux au„ tres Pro-inces, Igj qii'enfin Ia Hollande avoit » encoiv K,'c la m^e chofe dans cette derniere „ guerre avec 1'Anglèterre." Voms voyrz , mon Oncle , que je n'ai rappor"té qu'un c vès petite pnrtie de cette jnftification, j'ai cru fmlement 'devoir m'attacher aux preuves du c'roit de cette Province, comme Souveraine, & aux SÜ fervices qu'elle a toujours rendus 4 la République. Mr. Herman. Tu as trés bien fait: les cireonftances oü cette province fe trouve , rendent eet éclaircifTement nécefTaire j votre infirtiftion. II eft bon que vous fachiez cftfe les Etats Généraux, après avoir, fans la patticipation de la'Hollande, donné pouvoir a -Matarice de faire arrcYer Oldenbarneveld, & fes autres Compagnons de fon infortune, fe plaignent que cette Province prend , fans eux, les mefures qu'elle croit ut:les pour fon bonheur, & celui de la République , dont elle eft le principal fout'>n. Ceft lorsnne Guillaume II. fut dans les Villes de fa Hollande,-i la tètc d'une Députation in-  inconfti'tutionelle, & qü'it envoya des Troupes contre Amfterdam, qu'il falloit reprocher a ce Prince & a fes Partifans, qu'ils transgreffoient les Loix de 1'Union. Mais la Hollande a toujours excité la jaloufie des autres Provinces, & la hai'ne de nos Stadhouders. S o p h ra. J'ai remarqué, mon pere, que dans fa défenfe la Hollande prétend que perfonne ne doit, par fa naiffance feule, poiTéder aucune dignité dans un -Etat libre. Pourquoi donc notre Prince aftuel eft il hereditaire ? fi j'cntends bien ce mot, il firnifie que Guillaume V, a fuccedé aux Charges de fon Pere, & que fes Enfans fuccéderont aux fiennes, par le feul droit de leur naiffance. Cependant nous fommes dans un Etat libre. Mr. Herman. Oui, mori Enfant, notre Pays porte encore le nom de République, mais c'eft a peu prés tout ce qui lui refte d'une Conftitution', qui a coUté "tant de fang a nos Ancêtres. La Tyrannie & les Séditions ne nous ont laiffé que 1'ombre de la Liberté,'qu'on cherche encore a nous öter. Maisi' icoutons ce que Henri peut avoir a neus dire.  C 144 ï H e n r r. „ Les Provinces oppofées i ï Aéte d'exclufion „ avo:ent avance dans 1'AfTemblée des Etats Génc- " fl'£W*:0 ét°k r°UVraSe des enneniis " de laMaif°" d'0ran^, & que Cromwel avo't „ etc excite par eux 4 l'exiger. Mais Beverning „ un des AmbaiTadeurs,-afTura fous ferment, dans „ 1 Affemblee des Etats de Hollande, que ni lui „ ni perfonne 4 fa connoi/Tance n'avoit fuggéré 4* " Cr°mweI d'exiSer eet Afle d'exclufion, comme „ un Préhminaire de la Paix, ainfi que plufieurs „ perfonnes paroiffoient Ie croire , & que les Dé„ Putés de la Frife 1'avoient donné 4 entendre „ Cet AmbafTadeur renouvella quelques années „ Plus tard la même déclaration, qui fut faite „ aufii par fon Collegae ttieuwpoort. Ces décla„ rations n'empêchoient pas les Partifans de Ia „ Maifon d'Orange, de chercher tous les moyens " de Perdre de Wirt- 3**« van Mejfen, Premier „ Secrétaire du Grand-Penfionnaire, tranferivoit „ depms quelque tems les Lettres, les Pieces & „ les Réfolutions les plus fecrettes, & les livroit „ a un certain Theodore van Ruiven, qui prenoit „ foin 4 la Haye des affaires du Prince Guillaume „ de NafTau, & qui lui remettoit en main, ce „. qu'il avoit recu de van MefTen: ce fut ainfi qu'on découvrit la Correfpondance avec Crom» wel. Ces deux Scélérats ne fe contenterent pas  < 145 )• (, de découvrir des fecrets réels, ils accuferent da , Witt de plufieurs chofes, qui 1'auroient rendu (, digne du dernier fupplice, fi elles eufient été „ véritables. Ils lui imputoient d'avoir taché par „ le moyen des Ambaffadeurs Eeverning & Nieuw„ poort, d'engager Cromwel a envoyer une Flot„ te fur les cótes de la Zélande , pour obliger. „ cette Province a confentir a 1'Aéte d'exclufion, „ &'pour porter enfuite des troupes dans la Hol„ lande fous le commandement d'un Général An„ glais. Ces deux traitres avoient taché d'inter„ cepter les lettres du Grand Penfionnaire, & „ d'enlever de fa Maifon un coffre dans lequel„ étoient fes papiers les plus fecrets: ils avoient '., eu même connoiffance d'un deffein formé con„ tre fa vie.- La Sentence de la Cour de Hollan„ de prononcée contre eux le 27. ©clofcre 1655, „ faifoit mention de toutes ces chofes & de plu„ fieurs autres. Van MefTen fut déclaré infame „ pour toujours, fc van Ruiven banni feulement> „ pour dix ans des Provinces de Hollande, Weft„ frife, Zélande & Utrecht. De Witt & beaucoup „ d'autres trouverent cette Sentence trop douee, „ furtout a 1'égard du Secrétaire." Voila tout ce que j'ai trouvo de plus importanta 1'égard de 1'Acte d'exclufion , qui rendit de Witt fi odieux ala maifon d'Orange, &. * fes partifans. Mon Coufin voudra bien i préfent fuivre pour quelques iniians le e«urs des événemens , qui oritrap% port-  port avec ce grand homme, ét avec fon frére qui fut enveloppé dans la même disgrace. Theodore. Avant de lire mon extrait je vais rapporter quelques circonftances qui m'ont paru néceiTaires a favoir pour comprendre la faire des événemens. Après la mort de Cromwel les Partifans du Roi changerent la forme du Gouvernement en Angleterre , & rappellerent Charles II. Ce Prince vint de Breda a la Haye,' & fe rendit avant fon départ S 1'aiTemblée des Etats Généraux, & de ceux de Hollande ; il leur recommanda fa Soeur & le Prince d'Orange fon neveu, les priant d'avoir égard k ce qu'il pourroit leur demander , pour lui même ,ou pour le jeune Prince. De Witt lui répondit' au nom des Etats, qu'on ne négligeroit rien pour' répondre a 1'attente de fa Majefté , autant par refpect pour fa perfonne, que par reconnoiiTance des fervices que les Ancêtres du jeune Prince avoient yendus a la République. La Mere de Guillaume IJL propofa aux Etats Généraux & k ceux de Hollande d'élever fon fils aux dignifés de Stadhouder & de Capitaine Général; la Zélande appuya cette demande, mais les Provinces de Gueldre de Frife & de Hollande répondirent qu'on ne pouvoit élever le Prince a ces importantes charges avant qu'il eut atteint 1'Sge de 18 ans. La Hollande s'occupa du foin de fon éducation, afin de le, rendre ca- pa-  < m > pable de pofféder les dignités de fes Prédéceffeurs « & le 29 Septembre 1660,. 1'afte d'cxclüfion fut aboli» Sophie. Ceux qui avoient accufé de Witt de cherche| la ruine de la Maifon d'Orange n'eurent plus cc reproche a lui faire ,•'&'durent être perfuadés qu'on. n'avoit.donné eet acte a Cromwel que par nécefiité, Theodore. Les Partifans du Prince ne furent pas encore fatisfaits , ils voulóient que eet enfant poffedat les premières charges de la République, afin d'avoir fous fon nom toute l'autorité. Le Roi d'Angleterre fe plaignit de de Witt, 1'accufant de ne pas tenir la parole qu'il lui avoit donnée. En 1663. les Etats de Hollande donnerent a tous le» Membres de leur affemblée un acte d'indemnité, pout tous les dommages qu'ils pourroient fouffrir dans' leurs biens, leur honneur, leurs chargese ou leurs perfonnes, pourcaufe des propofitions , confeils 0 ou réfolutions qu'ils auroient pu prendre, faire ou donner, en maintenant le Gouvernement actuel, & la Liberté. Chaque Membre recut une copie de eet Acte , conforme a la réfolution , & de Witt fut continué pour cinq ans dans fa place de GrandPenfionnaire, qu'il occupoit depuis dix. En 1665. Charles II. après avoir fait attaquer les yaiffeaux ce la République , décfara la Guerre,. £ 2 1  < 14* ) 11 fe donna une Bataille navale, que nous perdfmes, & les Officiers qui n'avoient pas fait leur devoir furent punis, les uns de mort, les autres par le banniflement, après avoir été déclarés infames, & incapables de fervir 1'Etat. H e n'r j. Ponrquoi donc, mon Oncle, n'a t'on pas encore puni ceux qui ont fait manquer 1'Expédition de Brest? Mr. Herman. Paree que nous avons un Amiral Général qui eft Prinee. Theodore, Pendant que 1'Angleterre attaquoit la République, pour les intéréts de la Maifon d'Orange, la Populace fe fouleva dans plufieurs Villes. A Leide on jetta dans 1'eau un Tambour, qui battoit la caiffe pour recruter, & le Peuple cria qu'il fit?Uït lever des Troupes pour le Prince, & non pour les Etats, qui étoient des Traitres. L'Equipage du VaifTeau de Tromp ne voulut point lever 1'ancre de devant le Texel,. qu'au nom du Prince. Quelques Villes propoferent de lui donner les dignités de fes Ancêtres, mais de Witt les raffura & fe rendit au Texel 7 po* y appaifer les Troubles. Les.  t 145 3 Les Etats ordonnerent un Jour de Prieres, maïs plufieurs Miniftres eurent la hardiefie de fe plaindre en chaire de 1'ingratitude qu'on témoignoit a la Maifon d'Orange. Afin d'arrèter leur zèle féditieux les Etats de Hollande défendirent a tous les Miniftres de parler dans leurs Sermons d'aucune matiere Politique, fous peine d'être privés de leurs places pour toujours. Mr. Herman. C'eft le plus doux chatiment qu'on puiiTe inniger a ces impofteurs, qui pour un vil intérêt excitent le peuple a la révolte, & qui même quelque fois fe mêlent publiquement avec lui, comme il eft arrivé a Rotterdam il y a 3 ans. Theodore. On propofa la Paix avec 1'Angleterre , & cinq Provinces furent d'avis, que pour y parvenir plus aifément, il falloit nommer le Prince Capitaine Général; mais la Hollande déclara qu'elle ne confentirolt a aucun Traité, fi c'étoit la une des conditions. Les Amis de la Maifon d'Orange repandoient le bruit que de Witt étoit la feule caufe de la Guerre , pour avoir la gloirc de commander la Flotte de 1'Etat, & le peignoient comme ua Traitre. Cependant d'Eftrades, AmbaiTadeur du Roi de France, écrivoit dans ce tems la qu'il y avoit en Hollande quatre perfonnes iacorrupübles, K 3 1c  K '15° ï Ie Grand-Penfionnaire de Witt, fon Frere Cofneille, Beverningk & van Benningen. La Cour •d'Angleterre 'envoya un Jéfuite, pour aflaffiner de Witt, & on chereha les moyens de s'afTirre'f de eet Homme, qui étoit- déja en Hollande, pour faire fon coup. Dans Un grand Combat naval, fe donna en 1666. le Vice Amiral Tromp nè feconda pas de Ruiter, & fur la propofitïon de de Witt les Etats de Hollande priverent de fa place eet Officier, dont 1'attachement pour la Maifon d'Orange étoit connu. Henri. % crois, mon Oncle, que cette rigueur e>o:i néceiTairè, & je voudrois bien que le -Comte de Byland ne portat plus 1'üniforme de 1'Etat; il eft bien plus coupable que Tromp ne le fut. II y a, je penfe, une grande différence entre ne pas faire tout 'ce qu'on doit, & refufer abfoluméni: id'obëir.' II faut efpérer qu'enfin cette désobéiTance fera punie. Mr. H e r .w a n. . J'en doute beaucoup , mon Ami: fi le coupable? se peut fe fouftraire a la punition, il fe démettra de tous fes Emplois, & quittera le Pays; voila toute la fatisfaftion que nous. pouvons efpérer. T h e o-  < *5* > Un certain Buat, Officier au fervice de la République, & qui avoit été Page du Prince d'Orange fut décapité a la Haye , pour avorr entretenu '^refpondance avec le Sécrétaire d'Etat de Charles II. au fujet d'une confpiration en faveur du Prince. . En i6Ö7. les Etats Généraux mirent une Flotte en mer, & Corneille de Witt, Ruwaard de Putten, Frere du Grand-penfionnaire, fut nomme Député des Etats a bord de cette Flotte, qui fit voile vers 1'Angleterre , & qui brula plufieurs Vailleaux de Guerre aux Ennemis, dans, le Port de Cbatam. Les Etats récompenferent Corneille de Witt, le Général de Ruiter, & le Vice-Amiral van Gend; le premier recut même une penfin de 3o,ooo florins des Etats de Hollande, pouï les grands fervices qu'ii avoit rendus a 1'attaque de Chatam. La Paix fe fit cette même année, fc Charles II. demanda que Kievit, un des complices de Buat, condamné pour crime de Léze-Majefté, fut rétaJbli dans tous fes biens & emplois. On refufa cette demande, & Kievit refta en faveur a la Cour de Londres, jufqu'a ce qu'il revint en- Hollande quelqu«s années plus tard. Après la couclufi'on de la Paix les Etats de Holr lande s'occuperent du Gouvernement de leur ProK 4 vin"  Vince, & prirent la fameufe Réfolution, connrw fur le nom d'Edit Perpétuel. De Witt fut regardé comme 1'Auteur de cette Piece importante, & devint encore plus odieux a la Maifon d'Orange, & a fes Partifans, puisque le Stadhoudérat fut non feulement féparé des charges de Capitaine & d'Amiral Général, mais totalement aboii, relativetnent a la Province. L'ordre Equeftre, les Régences des Villes, les Membres de 1'AiTemblée Souveraine, & le Grand-Penfionnaire, jurerent tous 1'exécution de eet Edit; & celui qui feroit élu pour Capitaine & Amiral Général devoit s'engager, par ferment, a ne jamais demander la dignité de Stadhouder. Cette Réfolution fut prife' 3 1'unanimité, pour le maintien de la Liberté, dit VUnion, & de la tranquillité générale. Sophie. Puisqu'il eft queftion de Stadhouder, je vous prierai, mon Pere, de vouloir bien me dire queleft ce titre , & s'il eft abfolument néceffaire , comme bien des perfonnes le prétendent, qu'il y ait un Stadhouder dans notre République. Mr. Herman. Les Anciens Souverains des Pays-Basavoientnommé des Officiers, appellés Stadhouders, pour préfi, der, en leur abfence, ou en celle des Gouverneurs Généraux, aux Affaires Civiies, pour confirmer les nc-  nominations des Magiftrats, & juger les différends. qui pourroient s'élever dans les Provinces , confiées a leurs foins. Guillaume I. fut le dernier de ces Stadhouders nommés par les Souverains, & lorsque nos Ancètres eurent fecoué le joug de 1'Efpagne , les Etats Généraux , & ceux des Provinces conférerent le titre de Stadhouders a des Princes de la Maifon d'Oranges, avec les mêmes fonftions, & prérogatives , que fous 1'Ancien Gouvernement. L'Union d'Utr*che les infiitue confervateurs des Privileges , Droits & Franchifes det Provinces , Villes & Membres de la Conft-de'ration , & leus confirme 1'arbitrage pour appaifer ou terminer les querelles, qui pourroient furvenir entre les Confédérés. Mais le Staahoudérat, dans la conftitution actuelle , eft non feulement iiiutile, mais même dangereux pour 1'Autorité Souveraine. Je vais m'expliquer a eet égard: Les Députés réunis des Villes qui ont voix dans 1'Affemblée Provinciale fbrment la Souverameté, fc dans leur abfence font repréfentés par le Confeil Comité; donc le Souverain eft toujours préfeut, Sc c'eft a lui qu'appartient inconteftablement le droit de confirmer l'Eleétion des Magiftrats , & non pas au Stadhouder, qui ne peut le faire, fans un abua fenfible, qu'en 1'abfence du Souverain. Ce n'eft pas affez que la prérogative de confirmer les Eleétions accordée au Stadhouder foit kiutile, elle détruit 1'Autorité Souveraine, en rernpliflant K5 les  C TS4 ? fcs Regences particulieres, & conféquemment le» Affemblées Provinciales de perfonnes qui tenant leurs places du Stadhouder, n'auront d'autre fentiment que le fien. Et quand les charges de Ca-' pitaine & d'Amïral Général fe trouvent poffédées par le Stadhouder, 1'Armee, la Marine, & le Gouvernement dépendent abfolument de fa feule volonté ; la Souveraineté n'eft qn'on vain nom, & 1'efclavage 'remplace la Liberté. Les Etats de Hollande firent donc trés fagement „ en 1667,d'abol'r le Stadhoudérat, & d'ordonncr qu'aucun Capitaine ou Amiral Général ne put même demander d'en être revètu. Les mafTacres & les cmeutes, moyens favoris de nos Princes , ont fait anmtller eet Edit, qui auroit dü, pour notre bonhenr, être perpètuel. Ta queftion , ma chere Sophie, m'a conduit plus loin que je ne penfois ; ton Frere va flnir notre converfation d'a'ujourd'hui, par quelques remarques détachces, qui ferviront a jetter dn jour fur la déplorable fin des Ereres de 'Witt. ; »i » • Theodore. ! Le Grand - Penfionnaire fit conclure , en 106S. la Triple Alliance entre 1'Angleterre , la République,. &. la Snede, pour s'oppofer au deffein de Louis XIV. ,qui vouloit s'emparer des PaysBas Efpagnois; & les Etats de Hollande le contiauerent pour cinq ans dans fa place. Ils lui ac^ £ Jl cqr- ]  t t0"5 9 eordérent quelque tems aprés, en reconnoiiTance de fes fervices extraordinaires, une gratification de 45000 florins, & l'Ordre Equeftre joignit en particulier, 15000 florins a ce préfent. £n 1Ó70. les Provinces feréunirent avec la Hollande , pour féparer la dignité de Capitaine Général de celle de Stadhouder, & le Prince d'Orange prit féance au Confeil d'Etat. Enfuite.il'fit un voyage en Angleterre, pour favoir quels efTorts fon Oncle voudroit tenter en fa faveur atiprès des Etats Généraux, au fujet des Dignités, dont fes Ancêtres avoient été revétus dans les Provinces Unies. - '■- ■ On réfolut en 1671. de nommer le Prince Capitaine Général, a condition qu'il ne pourroit être Stadhouder d'au'éune Province', ni inftaller aucun Magiftrat, ou donner aucun empioi; qu'il ne délivreroit aucune Patente pour la marche des Troupes; qu'il ne fe mcleroit, ni de la Réligion, ni du Gouvernement, ni de la Finance, ni d'aucun différend entre les Provinces, même s'il en étoit requis. II y eut partage dans les fentimens, au fujet du tems que le Prince feroit Capitaine Général : quelque Membres de 1'Affemblée voulant qu'il le füt a vie , & d'autres feulement pour une Campagne : cette diverfité. d'opinïons empêcha de prendre une Réfolution 2 eet égard. L'année fuivante le Prince fut nommé Capitaine Général, mais feulement pour une Campagne, felon le • „ fen-  fentiment de la Hollande. On lui délivra deux: CommiiTions, une pour la place de Capitaine Général, mais fclon lesquelles il ne pouvoit prendre le Commandement des Forces de Terre ou de Mer, que par un nouvel ordre des Etats. On réfolut de ne faire aucun changement aux inftruöions donnécs au Prince, fans le confentement géncral de tous les Confedcrés, & Guillaume prêta ferment, felon ces inftructions. Voila ce que j'ai trouvé de plus important jus qu'au commencement de 1672. itjen'en ai pas fait un eXtrait fuivi, quoique j'aye employé presque toujours les paroles de notre Hiitorien, dans le compte que je vous ai rendu. Mr. Herman. C'en eft affez pour aujourd'hui, anes Infans; les évenemens que vous avez a rapporter demain , vous prouveront que Guillaume trouva les moyens de violer les fermens qu'il avoit prêtcs, & de s'emparer de toute 1'Autorité. N I U-  t «57 ) NEUVIEME SOIREE. Mr, He&man, Sophie , Theodore, Henri. Henri. „Au móis d'Avril de cette même année 1672. „ les Rois de France & d'Angleterre déclarerent la it Guerre a la République. Le premier étoit ir„ 'rité que la Triple Alliance 1'eüt forcé de ie„ noncei a fes projets de conquête; mais Char., les II. Oncle du Prince d'Orange , n'avoit d'au„ trebut, que d'abattre le parti oppofé aux ïn„ térêts de fon Neveu, comme il s'en expliqua „ lui-même dans une Lettre, en ces termes: „ VAlliance que fai cenclue avec fa Majefté Tres „ Chrétienne n'a pour objet que de rmner Pinfup„ portable arrogance de la faüion de Loeveftein, „ qui depuis quelque tems s'eft emparée de toute „ »"'Autorité dans les Provinces Unies "'. Theodore. Les int?ntions de Charles II. étoient furement connues de de Witt, fc je m'étonne qu'il ait confenti a la nomination du Prince d'Orange, en qualité de Capitaine & d'Amiral Général, Mr.  Mr.. Herman.. • Ce Prince avoit trop de Partifans, pour qu'on aitpupnndve le parti le plus prudent, mais en lui accordant lt titre 'de Chef, dn èut dumoins la précaution d'empècher qu'il n'en abufat contre les intéréts du Pays; c'eft tout ce que les circonftaiices permettoient alors. Ii s n r i. f, La flotte de 1'Etat nak en mer fous le cbm„ mandement du Vice-Admiral de Ruiter & Cor„ neille de Witt fut encore nommé Député des „ Etats a bord de cette flotte, & manqua d'ètre a tué d'un boulet de Cauon, dans le Combat qui ,-, fe donna le 7. de Juin, Sx. qui dura depuis huit „ heures du matin, jusqu'a la nuit, avec une „ perte presque égale des deux cötés, quoique la „ flotte combinée des ennemis fut forte de 13c „ Voiles, & la notre de 91 feulement." Mr. Herman. Si notre Marine avoit été auffi mal dirigée dans' ce tems li qu'elle 1'a été dans la derniere guerre, la République n'exifteroit plus: c'eft aux Freres de Witt que nous devons fa confervation, nel'oubliez pas, mes, enfans. Henri. „ Pendant que Louis XIV. étoit aux portés de .-, la'  C 159 ) la Hollande , le Prince d'Orange traitoit en fe„ cret avec fon Oncle le Roi d'Angleterre, & „ lui avoit fait propofer pour conditions de Paix: „ La reconnoiiTance du droit de Pavillon fur tou„ tes les Mers; cent mille florins par an pour la „ liberté de la Pêche; Surinam en propriété ; quatre millions de florins , payables a différentes épo„ ques ; la Ville de 1'Eclufe en ótage , & la Sou„ veraincté des Provinces - Unies pour le Prince. „ ïn cas que la Roi d'Angleterre acceptat ces con„ ditions, il ne devoit donner aucune affiflance a „ Louis XIV. & lui déclarer qu'il ne vouloit plus continuer la Guerre s'il impofoit aux Etats Gé„ néraux des loix trop dures. Le Prince alors au,, roit eu foin qu'on envoyat en Angleterre d'av*„ tres AmbaiTadeurs entierement devoués a fes in„ térêts, & au'xquels il put s'abandonner. Guil,, laume prioit fon Oncle de lui faire connoitre fes „ intentions, & lui promettoit d'y faire confentir „ les Etats Généraux , en dépit du Grand Penfion,i naire & de fa faction, pourvü que les conditions „ du traité ne fuffent pas directement contraires j, aux Loix fondamentales de 1'Etat." Theodore. On avoit accufé Oldenbarneveld, on accufoit enccre de Witt de trahir le Pays & de le vendre a 1'ennemi; cependant ils n'avoient jamais propofé ' de pareillës conditions: s'ils euffent été capables lis  ils auroient merite leur fort. Guillaume, fansau"cun ordre & même a 1'infqu des Etats, propofe' des conditions honteufes pour fa Patrie, & offre de remettre entre les mains de l'Angleterre une des plus importantes places de République * comment après cela pouvoit il parler de fon Zèle pour 1'Etat ? Henri, Ce qui me furprend c'eft que Guillaume a 1'3ge de vingt deux ans, & n'ayant presque aucune autorité fit en fon propre nom de pareilles propofitions, & qu'il promit de les faire accepter, malgré le crédit de de Witt, & le fentiment de la Province de Hollande. Mr. Herman. Le Prince étoit conduit & foutenu par une cabale qui travailloit depuis longtemps a fon élévation ; le Peuple étoit féduit par les Miniftres qui lui perfaadóient que la Maifon d'Orange pouvoit feule fauver 1'Etat & la Religion, & que les Régens du parti des Etats avoient vendu le Pays a laf Trance. Voila ce qui engendra les malheurs de ce tems la, ceux qui font arrivés depuis, & ceux" qui nous menacent encore: les mêmes caufes produifent toujours les mêmes eflets. Voyons comment les Etats fe conduifirent dans la circonftance facheufe oü fe trouvoit la Rvpublique. Henrï,  H ï N R I. i, On envoya Jean de Gend, Guillaume de Nap. ■;; fau & Pierre de Groot en députation au Roi de i, France , qui leur fit déclarer qu'il ne vouloit j, traiter qu'ave c ' des' Plénipotentiaires, & qu'il „ vouloit favoir qu'elles offres les Etats lui fef, roient. Be Groot revini a la Haye pour pren,', dre de nouveaux ordres , & déclara dans 1'Afiem„ blée des Etats de Hollande qu'il n'y avoit que deux partis a prendre , celui dé la défenfe, ou celui de traiter avec la France, aux meilleures „ conditions poffibles , qu'il n'y avoit point de i, tems a perdre, que le Roi feroit dans deux ,, jours a Utrecht , & qu'il prendroit enfuite le „ chemih de Gouda & d'Ainfterdam. Après de „ longs débats on prit la réfolution de donner un „ plein poüvoir aux Députéi, & les Etats Généi raux y confentirent a la pluralité des Voix. Les députés d'Amfterdam & de quatre autres Villes „ qui n'avoient pas été préfens a la Délibération arriverent peu de tems après, & ceux d'Ami, fterdam furtout s'oppoferent au plein pouvoir j & dirent que la Ville, quoi qu'il pik arriver i ,, ctoit rjfolue a défendre le Pays ; cependant on j, ne changea a rien a la réfolution." Les malheurs de 1'Etat furent imputés aux {, Régens, qu'on accufa d'avoir vendu le Pays a la ii France; les amis de la Maifon d'Orange, qui cherL' ., choient  „ choient depuis longtems Foccafion d'élever le „ Prince aux dignités de fes ancétres, fbrtifioient „ les foupcons du peuple, & 1'animoient contre „ les Souverajns. La NouVille de Ia Négociation „ avec la France fk éclater la révolte : On pilla „ les Maifons de deux Bourguemaitres, a Haer„.lem, & k Hoorn; plufieurs Miniftres accufoient' „ en chaire les Régens de trahir le Pays, & per„ fuadoielit' au Peuple que le mauvais état des af„ fakes rie venok que du peu d'Autorité, qu'on „ laiffak au Prince. Dans le nombre de ices Mi„ niftres féditieux, Landman, Simon Simonides, „ 4 la Haye, Borftius & Urfinus, a Rotterdam, „ fignaloient leur zèle pour la Maifon d'Orange. „ Grulerus de Haerlem , accufa plufieurs Régens „ de trahifon, & répondit k ceux qui lui demanderent de qui'il prétendoit parler, que fes pa„ roles défignoient 1'Ambaffadeur de Groot, qu'il „ appella un tzuf pourri couvë a Loeveftein. Quel„ ques Membres des Etats de Hollande, craignant „ les fuites de ces revoltes, & de ces foupcons,„ propoferent de donner au Prince le droit de „ Patentes, mais il fe paffa quelques jours avant „ que la Réfolution en fut prife ". Sophie. Vous dkêz peut être, Papa, que je répete fouvent la même chofe, mais je ne puis m'empêchei' de rémarquer que les Membres des Etats de Hol- lan- •  ( 5 lande changent tfop fouvent de Réfolution, ft que le Parti de la Maifon d'Orange prend le des* fus quand les révoltes augmentent. Puisque 1'ifl* térèt de la Liberté demande que cette Maifon ne foit pas trop puilfanté, il faut s'oppofer a fon atnbition avec fermeté dans tous les tems, & na point fe laiffer intimider par les cris de la Popu* lace. Je fuis d'un fexe foible & timide, mais fi j'avois pris un parti jufte, rien ne pourroit, je crois, me le faire abandonner. Mr. Herman. Ta réflexion eft trés bién placce, mais 1'intérêü' perfonnel détruit presque toujours les fentimens Patriotiques; on tremble pour fa fortune, pouE fes jours, on les conferve en cédant au torrent. II eft peu de ces ames fublimes , qui fe devouent pour le falut de leur Pays, & qui veulent imker 1'exemple de ces trois cents Lacédémoniens, qui périrent tous en défendant le détroit des Thennopyles contre 1'Armée innombrable do Roi de Perfe. Un petit nombre d'hommes, bien? unis, & pénétrés du véritable efprit Républicain „ vaincront toujours des Soldats mercénaires, quï vendent leur fang au premier Tyran qui veut les payer. II ne faut pourtant pas aseufer de lacheté tous les Régens qui vivoient a 1'époque, qui nous occupe actuellement. La République étoit ^ttaquée par deux Ennemis rcdoutables , dont L z 1'un  ( i54 ) fun avoit conquis trois de nos Provinces, & menaqoit les autres d'une invafion presque inévitable ; la confternation étoit générale, la Cabale de nos Princes 1'augméntoit encore, & le déteftable affaffinat des Freres de Witt acheva de mettre notre Patrie dans les fers de Guillaume. La révclution de 1748. fut opérée en tems de Guerre ; mais nous n'avons point d'excufe a préfent, & fi nous négligeons> de recouvrer nos droits naturels & légitimes, nous méritons de les perdre pour toujours. Tu trouveras la preuve de ce que je viens de dire dans lé récit de ton Coufin Henri. „ Les murmures du Peuple contre les Régens „ s'augmentoient tous les jours, & de Witt ayant „ depuis plufieurs années la conduite des affaires, ,, & s'étast oppofé plus qu'aucun autre a 1'élé„ vation du Prince, étoit en butte a la haine des „ Partifans de la Maifon d'Orange, Son Frere „ & fes amis partageoient cette haine, qui fut „ pouffée a un tel excès, que plufieurs perfonnes „ entreprirent d'affaffiner les deux Freres. Le „ 21. Juin 1672. le Grand - Penfionnaire fortit a „ prés de minuit de 1'Affemblée des Etats de Hol„ lande, n'étant accompagné que d'un Domefti„ que qui portoit un flambeau devant lui. Qu&„ tre hommes 1'attaquerent, & après avoir éteint „ le flambeau, le blefferent au col, aux épaules  „ te aux cotes, & croyant l'avoir tué prirent 1* ,, fuite. On dccouvrk bientót que les Affaffins, „ étoient les deux Fils du Confeiller van der „ Graaf, Borrebagh & de Bruin, mais on ne put „ fe faifir que de Jacques van der Graaf, qui fut. „ auffitót traduit devant la Cour de Hollande. II „ avoua qu'en fortant de la Maifon du Confeiller , „ oü ils avoient foupé tous quatre, ayant rem arque ,, qu'il y avoit encore de la lumiere dans 1'As„ femblce des Etats de Hollande, & jugeant que „ le Grand-Penfionnaire y étoit encore, ils avoient „ réfolu de lui öter la yie, paree qu'ils le croyoieut „ traitre a la Patrie, II ajouta que de Bruin avoit „ porté le premier coup, & que lui avoit bleffé,, de Witt entre les épaules avec un couteau,, „ Huit jours après eet affaffin, eut la tête tran„ chée, & les amis de la Maifon d'Orarrge le „ traiterent de Martyr ". Theodore. On donne auffi cette épithete au Perruquier Mourrand, malgré la clémence de Meffieurs de Gyfelaer le Gevaerts. II femble que les crimes, commis pour la caufe de nos Princes foient des aétes de vertu. Henri. „ On eut même 1'audace de publier que 1'at„ tentat de van der Graaf étoit une action pieuL 3 » fe;  * fe; fes complices reparurent quand' Guillaum$ „ eut changé la face du Gouvernement, & Borre„ bagh, qui étoit Direfteurde la Pofte, conferva „ fon emploi. Les bleffures du Grand-Penfion„ naire ne fe trouverent pas dangereufes, & fu,1 rent bientót guéries. Son Frere étant tombé „ malade 4 Bord de la Flotte, obtint des Etats * la permiffion de venir 4 Dort. II trouva toute „ la V.lle enrumeur, & la Populace animée con- tre lui; le tableau de fon expédition de Cha„ tam, avo't été depuis quelques femaines arra„ ché de 1'Hótel-de-V-lle , déchiré, les morceaux étoient épars auprcs de Ia grand-garde, „ & on avoit attaché 4 la potence la têtc de fon „ Portrait. Quelques jours après fon arrivée, „ quatre perfonnes inconnues vinrent frapper 4 fa „ porte, 4 onze heures du foir, fous prétexte de « lui vouloir parler, on leur répondit qu'il étoit „ malade, mais ces Affaffins voulurent enfoncer « la porte, & fans doute ils y auroient réuffi fans „ «n rjomeftiqUe, qui fortit par une porte de «derrière, & courut au Corps-de-Garde de« mander du fecours. Les deux Freres écfcapperent au dangerqui les menacoït, mais ce ne m fut pas pour longtems. » La Ville de Veere en Zélande fut la première « qui proclama Stadhouder Guillaume III. & ff Dort ne pas a imiter fon exemple". S o-  Sophie. Le Frere du Grand- Penfionnaire- y étoit il en- jcore ? Henri. Oui, ma Coufine, & méme il fut obligé de figner fur 1'Afte qui affuroit au Prince la place de Stadhouder, & comme je fais que vous aimez a connoire tout ce qui regarde ces deux grands Hommes, je fuis entré dans quelque détail, au fujet de la fédition de Dort. „ La Populace, excitée par une perfonne d'un „ rang plus élevé, cria dans les rues: W» le „ Prince d'Orange! Ellevomit'en même tems des „ injures contre les Freres de Witt; les Bourgeois „ de Garde imiterent eet exemple; on fit fortir „ les Magiftrats de leurs maifons, on les obligea „ de convoquer le Confeil, & de promettre qu'ils „ éleveroient le Prince ï la dignité de Stadhou„ der. Le Bourguemaitre Halling voulut fortir „ de 1'Hötel-de-Ville, par la porte de derrière, „ mais on le menaca de le tuer a coups de hache, „ s'il refufoit de fe conformer au voeu des Citoyens. „ On le contraignit ainfi que d'autres Régens „ & quelques Capitaines de la Bourgeoifie , d'aller „ tronver le Prince & de 1'amener a Dort. Guil„ laume fit d'abord quelque difiiculté de quitter „ 1'Armée, mais il confentit enfin, & arriva dans „ la Ville, le 29. Juin, même jour de 1'exécution L 4 » ie  if 168 y ï, de I'aflMïn du Grand - penfionnaire , i U „ Haye ". - ThEOBORE. C'étoit 4 la téte des Troupes, & en combattant 1 Enne qu,ü ^ fc ^ ^ ^ «CDte, Charges, que fes Ancètres avoient poffédées, & non pas abandonner la défcnfe de 1'Etat, dans -e circonffance n dangereufe, Po„r venir a'utol ler la revolte par fa préfence. , Corneille de Witt m on ofoit nommer Traltre , avoit brave la mo» pourle^IcedefaPatriei um9kmclsp^ Ple fut b.en aveugle, pour ne pas voir la diffcrepce qu'il y avoit entre ces deux Perfonnes. Mr. Herman. Le Peuple, mes Enfans, reffemble en tout Pays aux Idoles, dont parle 1'Ecriture Sainte • U » des yeux & ne voit pas, des oreilles & o'èntcpd pas. Mais ecoutons Henri. Henri. „ Le Prince i fon arrivée a Dort fut recu par W une Députation de la Kégence, & entra dans „ la Ville au milieu de la Bourgeoifie armée, qui „ bordoit la haie; il fut conduit 4 1'Hötel de Vil„ le, aux acclamations de la Populace , & ie " DraPea» Orange flottoit fur la Tour On le „ pna de yifiter les Magazins & les fortifica» «ons de la Ville, fans lui dire un mot du „ Stad-  't, Stadhoudérat. On le reconduifit après le re„ pas, mais le Peuple, qui s'atfendoit k autre, „ chofe , murmura Qe ce qu'on trompo't la Prln„ ce & les Citoyens. Autfitot quelques Jïour„ geois entourerent fa Voiture, & lui demande„ rent s'il étoit Stadhouder; il aflura qu'il ètoit ,, trés content. Nous ne le fommes pas, lu. ré- pondit-on, a moins de voir Votre Al'^jfte S'ad,, houder. Un Miniftre , nommc Henri /j; „ un Marchand de Vin , & dix ou dquze autres ,, perfonnes promirent av. c ferment de ne point „ laiffer fortir le Prince de la Ville, fans que la Régence lui eut donné fatisfact:on. Qu.alqu.es „ uns d'entre eux appuyerent leurs fUjfi^f ha ,cs „ fur la .poitrine du Bourguemaitre Halling, affis „ a cóté du Prince , en lui demandant sM avoit „ contenté Son Alteffe : Guillaume leur dit: Mes „ Amis , cela ira bien. On le pria de retourner „ dans 1'Auberge oil il avoit diné; dès qu'il y „ fut entré avec les Régens, les mêmes factieux „ & une vaingtaine d'autres, animés par le Mi„ niftreDibbets, firent un nouveau ferment, qu'au„ cun Régent-ne fortiroit en vie, .a moins qu'il ,, ne confentit, & qu'il ne fignat 1'élévat.on du „ Prince. Les Régens troublés par ces mena„ ces, réfolureut d'abolir 1'Edit perpétuel, & de „ déclarer le Prince .Stadhouder . de Hollande , dans un acte, concu en ces termes: „ Nous, Magiftrats & Bons - hommes de la Ville L 5 „ de  ( 17© > „ de Dort, dèclarons par eet Abie re'noncer a>„ l'Edit perpëtuel, reconnoiffant, au nom de la „ dite Ville, Son Alcejfe le Prince d'Orange, » pour Stadhouder , & lui conférant le pouvoir, les „ dignités, & Pautorité dont fes Ancêtrés de Glo^ ,, rieufe Mémoire ont été revêtus. [Evfm nous dé-„ lions le Prince du ferment qu'il a prétê dc ne „ point accepter le Stadhoudérat. Fait a Dtrt, le „ 29. Juin 1672. „ Le Prince voyant la tyrannie des Bourgeois,,, fe retourna du cdté des Magiftrats & leur dit „ Mesfieurs, je vous plains. Cependant il accepta „ le Stadhoudérat, comme lui ayant été offert „ par la Ville, après avoir été rclevé du ferment „ dont il étoit parlé dans Pafte , qui fut figné par „ toute la Régence, & même par quelques Mini», ftrès, mais Corneille de Witt auquel on le „ porta dans fon lit, refufa de le 'figner. On lui „ reprefenta que le Peuple entouroit fa maifon , „ & menacoit de le tuer s'il perflftoit dans fon re„ fus. Ce grand homme répondit: j'ai vu dans le „ dernier ombat naval un fi grand „onibre de bou„ Iets de canon voler autour de moi , que je ne „ crains pas la mort; j'aimerois fnkÜx la recevoir „ que de figner eet Jdle. Son époufe lui préfen„ tant fes enfans, fe fupplia les larmes aux yeux, „ de céder s la nécefiité, dumoins par pitié pour „ elle & pour 1'age tendre de lenrs enfans. II fe laiffa vaincre, mais après fon nom, il ajouta „ ces  ( tv ) '0 ces lettres V. C. initiales de deux mots iatins, ,, qui fignifient contrahit par violence. La Popu„ lace inftruite par un Miniftre du fens de ces aeux ,, lettres, ne put être appaifée qu'en les voyant 3, eflacées. " Sophie. Pourquoi Corneille de Witt ajouta-c'il ces lettres ? rendoient elles fon confentement nul ? Mr. Herman. Oui, ma fille ; un acte ne peut avoir de valeur que quand il eft 1'effet d'une volonté libre, & toute perfonne qui reclame contre la violence, anéantit 1'engagement qu'il a été contrahit de prendre. Si des voleurs me forcoient, le piftolet fur la gorge, de leur figner une obligation de 10,000 florins, crois-tu que je fuffe tenu de la payer ? Sophie. Non, certainement: mais comment feriez-vous pour vous en difpenfer? Mr. Herman. J'irois chez un Notaire protefter de violenee, & mon obligation n'auroit plus de force. Corneille de Witt figna 1'acte dont il eft queftion, par pitié pour fa familie en larmes, mais il démentit ce confentement, & 1'annulla en même tems par ces deux  C I?2 > deux letttes, pour fe juflifier aux yeux de la Poftérité, Theodore. Guillaume III, témoin de la violence faite aux Regens en fa faveur, devoit s'y oppofer & déclarer qu'il n'accepteroit la dignité de Stadhouder, que par le confentement unanime & volontaire du Souverain , il me femble qu'une telle conduite convenoit a un Prince, que le fuffrage de la lie du Peuple devoit humilier. Mr. Hermak. Si nos Princes d'Orange avoient mieux connu la veritable fierté qu'inspire une illuftre origine, ils auroient été plus grands, plus chéris, & nous' fenons plus libres ; mais leur ambition les a tellement aveuglés , qu'iis fe trouvent flattés d'êtrf 1'idole de la plus vile partie de la Nation, dont ils autorifent la révolte & les excès. Henri. „ Les mêmes moyens employés i Dort furent „ mis en ufage a Rotterdam, Gouda, Haerlem „ Delft, Leide, Amfterdam, & les Magiftrats de' „ «s villes furent obligés pour fauver leurs iours „ de la fureur du Peuple, de promettre & de fig„ oer qu'ils reconnoiffoient le Prince en qualité " 6 Scadh°ider. La propofition fut faite dans 1'AfTem-  „ l'Afrembléc des Etats de Hollande, d'abolif „ 1'Edit perpétuel, & le 4 Tuillet Guillaume fut „ déclsré Stadhouder, Capitaine & Amiral Général „ de la Province; on lui envoya une députation ,., pour lui porter cette nouvelle & le délier de fon „ ferment; il promit de défendre le Pays, de ré,-, tablir le calme dans les Villes, & de remplir „ tous les devoirs de fes charges. La joie fut ,, univerfelle ; le Drapeau Orange flotta fur les „ Tours', on but a la fanté du Prince, tout le ,, monde porta fes couleurs, & le Grand Penfion,, naire de Witt, retenu chez lui par fes bleffures „ fe conduifit comme s'il eut partagé 1'allégrefTe „ publique. On propofa quelques jours après au „ Prince de donner, en fon nom, un Edit contra „ les /éditions des Bourgeois; mais il n'y voulut ,, pas confentir, fous prétexte que les émeutes „ avoient été caufées par les principaux citoyens „ qu'on ne devoit pas contraindre par desEdits." S'o p m 1 k. Gu;llaüme avoit pourtant promis de rétablir le repos dans les Villes, mais il paroit qu'il vouloit laifl'er a fes partifans le moyen de recommencer les émeutes, quand il en auroit befoin. Je vouërois bien favoir ce qu'il fit pour la dtfenfe de 1'Etat qui fe trouvoit dans une fituation bien dangereufe. Tuk»-  Theobore. Je vais vous fatisfake, ma fceur, en vous ren-' dant compte des principaux evenemens relatifs aux conquêtes des Francais, & aux Négociations pour la Paix avec les deux Rois. „ Pendant que les émeutes troubloient le Ré„ publique & que Guillaume en profkok pour ob„ tenir toute l'autorité, les Francais s'emparoient „ des places de plufieurs Provinces, & pénétroient „ jusques dans celle de Hollande. On ne fe croyoit „ pas méme en filreté a la Haye , & quelques „ membres des Etats propoferent d'en fortir." „ Les Miniftres du Roi de France firent, au nom s, de leur maitre,' des propofitions qu'il n étoit „ pas poffible d'accepter, telles que la ceffion de „ toutes les places qui n'étoient pas dans les fept „ Provinces; 1'éxercice public de la Religion Ro„ maïne, & 1'entrée dans les Magifiratures & les „ charges pour les Catholiques; une Ambaffade „ extraordinaire, tous les ans, pour remercier le Roi d'avoir rendu le Pays aux Etats, & luioffrir „ une Médaille frappée pour convenir de eet évé„ nement, & de la reconhoiffance de la RépuJ „ bliquc.*' ,, De Groot revint a la Haye & rendit comp„ te de fa raifTion aux Etats Généraux & a „ ceux de Hollande; les Provinces & les Villes » {aTeM étonuees de la rigueur de ces propofi- „ tions;  „ tions; Amfterdam furtout dcclara qu'on ne pou„ voit les accepter fans fe deshonorer, & qu'il „ falloit rompre toute Négociation. Le Prince „ fut du même fentiment, & les Etats de Hollan,, de réfolurent que de Groot retourneroit auprès „ de Louis XIV., pour lui repréfenter qu'on ne „ pouvoit foufcrire a des conditions auffi dures , „ & lui déclarer que s'il y perfiftoit on étoit dé,> cidé a rompre les conférences. " Henri. - Cette réponfe étoit digne des Repréfentans d'un Peuple libre ; il valoit mieux s'enfevelir fous les ruines de 1'Etat que de fe foumettre a des conditions fi humiliantes. Louis XIV. portoit trop loin la vengeance & 1'orgueil. Theodore. Vous avez raifon, mon Coufin, mais les pro-' pofitions de Charles II. me paroiffent encore plus étranges; vous en allez juger. ,, Les AmbaiTadeurs Anglais ëxigerent de la „ part de leur Maitre : la ReconnoiiTance de fa „ Souveraineté fur la Mer, & que 1'on baiffat par„ tout le Pavillon de la République devant le ,, fien; cent mille livres Sterling pour la liberté „ de la Pêche; cinq-cent mille livres Sterling pour les frais de la guerre; Fleffingue, la Brie 1c m' & 1'Eclufe en ötage perpétuel, & les dignités  „ de Stadhouder, Capitaine & Amiral Général de „ la République, pour le Prince d'Orange, héré„ ditaires pour fa poftérité mafculine, a 'condi„ tion qu'en cas de minorité la tutelle feroit don„ née a la Grande Bretagne & aux Etats Géne„ raux. " H e n a r. ■ La Natron devoit fe récrier contre ces propofitions, & les rejetter avec autant de hauteur qui celles de la France, qui pouvoit prétendre a garder une partie de fes conquêtes , & qui, du moins, n'exigeoit pas qu'on lui flvrat les Clefs de la République. Vöyons ceque répóndirent les Etats. Theodore. „ Ils réfolurent, fous le ferment du fecfet, d'au„ torifer le Prince d'Orange, van Beuningen, Ee„ verning & Gokkinga, a entrer en Négation avec V, les AmbaiTadeurs Anglais. On étoit dispofé a „ conclure une Alliance offenfive & défe'nfive avec „ la Grande Bretagne , mais fans payer aucuW „■ droit pour la Pêche , ni livrer aucune Ville ou „ place forte. On réfolut auffi de faire des pré„ fens aüx Seigneurs & aux Miniftres Anglais qui „ rendroient fervice aux Etats auprès du Prince „ & du Roi. Dans les conférences tenues avec B les AmbafTadeurs d'Angleterre qui infiftoient fur „ les Places de filreté, on leur repréfenta qu'elles „ étoient inutiles, & que les dignités dont le Prince  ( 177 > „ Prince d'Orange étoit revètu , valoient mieux „ pour' la Grande Bretagne que douee Villes de „ füreté. Les AmbaiTadeurs répóndirent que peut„ être Charles II. n'auroit jamais déclaré la guerre „ ü la République, fi le Prince avoit été Stad„ houder, & qu'a 'leur arrivée le Peuple avoit crié: Five le Roi d'Angleterre & le Prince d'Orange! Henri. La différence de cette conduite des Etats Généraux prouve que de Witt avoit rendu a 1'Etat un grand fervice, en éloignant le Prince de la dignité de Stadhouder. Ce grand Homme favoit certainement les projets du Roi d'Angleterre, & les difpofitions des Partifans de la Maifon d'Orange en faveur de ce Monarque. J'ai lu dans 1'Hiftoire Ancienne, .que les Troyens avoient une ftatue de Minerye, appellée Palladium, i laquelle le falut de leur Ville étoit attaché. L'Edit perpetuel étoit le Palladium de la République, & fans doute la Cabale du Prince n'auroit pu 1'enlever, fi le Grand-Penfionnaire avoit été en état d'occuper fa place fans 1'AlTemblée des Etats de Hollande. Mr. Herman. Tu fais toujours, mon cher Henri, un trés bon ufage de tes leüures, & la juftefie de tes remarques me fait concevoir, de toi les plus gtandes efpérances. La fuite des événemens prouvera., M 1uc  c m ) que tu ne t'es point tronipé; nous verross tou* jours nos Princes facrifler les intéréts de leur Patrie , a ceux de 1'Angleterre, & la plus grande partie de nos Concitoyens adopter leur fiflême. Thkodorb. „ On agita dans 1'AfTemblée des Etats de Hol„ lande, fi la Négociation, commencée par de „ Groot avec la France , feroit continuce ou rom„ pue. L'Ordre Equefte Sc -queLques Villes opi„ nerent pour laifTer ü de Groot le foin de cette „ Négociation, mais Amfterdam foutint qu'il fal„ loit donner pouvoir au Prince d'Orange de trai„ ter,. avec .la France, de concert avec les Am„ baffadeurs Anglais; que Son Alteffe étant Stad„ houder, Sc trés agréable au Roi d'Angleterre, „ lui fenl pouvoit rendre les plus grands fervices „ i 1'Etat; que c'étoit d'ailleurs le feul moyen de „ rétablir la tranquillité dans les Provinces, Sc „ furtout en Zélande; que de Groot étoit fufpeft „ au Peuple, que les Provinces s'étoient oppo„ fees a fon retour auprès du Roi de France, „ & qu'il convenoit d'abandonner la Négociation „ au Prince, en le remerciant d'avoir déja con„ duit les chofes fi loin. Le fentiment d'Am„ fterdam fut fuivi, & les Etats - Généraux s'y „ conformerent auffi. Le changement qui s'etoit „ feit dans le Gouvernement, devoit influer fur „ les délibérations ". S •-  t 179 > Sophie. C'eft-a-dire que la République fe conduiüt alors comme les moutons de la fable, qui renvoyerent les Chiens, pour fe mettre fous la garde des 'Loups. Theodore. „ On donna ordre i de Ruiter, qui comman„ doit la Flotte de 1'Etat, d'eviter autant qu'il fe„ roit poffible , de combattre celle d'Angleterre. „ Quelques Seigneurs Anglais vinrent trouver le „ Prince k 1'Armée , & lui dirent que les deux „ Rois étoient fi bien unis, que perfonne ne pour„ roit les divifer; enfin que les Francais étoient „ d'honnêtes gens, & qu'il falloit tratter avec eux. „ Les prétentions des daux Rois étoient k peu „ prés les mêmes; celui d'Angleterre demandoit „ la ceffibn de la Ville & Citadelle de 1'Eclufe, „ ic des Mes de Walcheren, de Kadfant, de Goe„ rée & de Voorne. On n'accordoit aux Etats „ Généraux qu'un délai de dix jours, pour ac„ cepter ou refafer ces conditions. Le Pnnce „ les envoya aux Etats , en déclarant qu'il va„ loit mieux pérlr que de les accepter. On le „ pria de dire fon fentiment fur ces conditions, „ mais il exigea que de Groot fortit de 1'Affem„ blée, alleguant que eet Ambaffadeur avoit pas„ fé fes pouvoirs. On s'appergut aifément que le M a „Prin-  ( sio y „ Prince s'apprêtoit k lui fïiire un mauvais parti, & dès qu'il eut connoiffance de ce qui fe „ paflbit, il jugea devoir fe mettre i couvert du „ peril qui le menacoit, & partit pour Anvers, „ d'oil il écrivit deux Lettres, 1'une aux Etats „ de Hollande, fc 1'autre k la Régence de Rotter„ dan , pour leur rendre conypte des raifons de „ fon départ ". Sophie. 11 fit prudemment d'éviter le reffentiment du Prince, & de ne pas s'expofer au fort de fon Pere. Je crois que les Defcendans de ces deux Hommes ne doivent pas étre grands Amis de la Maifon d'Orange. Mr. Herman. Tu te trompes, mon Enfant; ils le font prèsque tous, & portent même cette amitié jufqu'au fanatisme. Sophie. Voila ce qne je n'aurois jamais cru, Mr. Herman. C'eft que tu ne fais pas .jnfqu'i quel point l'n> térêt & 1'ambition peuvent faire dégénérer les hommes. Theo»  ( i8i ) „ Le Prince fut d'avjs qu'on devoit répouike i a la France, que fe» propolitlons n'étoient pa& T, de natnre a pouvoir être acceptées; & qu'i „ 1'égard de 1'Angleterre il falloit poufler vivement „ la Négociation. Les Ambafladeurs de cette „ Puiflance déclarerent qu'ils ne pouvoient rien changer n leur* propofitions, fans le confentey, ment de la France ". Notre Auteur, avant de pafler au récit des fui-j tes & de la fin de cette duurte, s'occupe de la fanglante Cataftrophe, quj termiiia les jours glojieux des Freres de Witt. Mr. H e r M a n. Réfervons lii pour notre converfation de demain, elle mérite bien de nous occuper feule, elle vous fournira matiere « bien des réflexions, mes Enfans. DIXIEME SOIREE. Mr. H e r, M a n , SO.IHIE, IhEODO- re, Henri. Mr. Herman. Je n'ai pu gagner fur vous, ma Fille , de np point venir a notre entretien, mais je me reproM 3 cl>e  ( IÏ3 > éne ma eomplaifance. Je me foriviens de 1'im"preffion que la mort d'Oldenbarneveld a faite. fur votre fenfibilité, le rccit que Vous allez entenire, peut vous affecter affez pour huire a votre fan té. Ce n'eft point ici le fupplice d'un moment, c'eft le maffacre Ie plus afFreux, dont 1'Hiftoire ait confervc le fouvenir. Pourras - tu foutenir cette image , fans danger pour toi ? Sophie. Ne craïgnez rien , Papa; j'ai déja vu quelques gravures, qui m'ont donné une idéé de ce Masfacre, & je fuis en état d'en entendre le récit, fans qu'il m'arrive aucun accident.' Henri. „ Les Négociations commencées & interrom„ pues avec la France & 1'Angleterre, 1'élévation ,^du Prince d'Orange aux charges de Stadhouder, „ Capitaine & Amiral Général, & les autres ré„ folutions importantes, prifes dans 1'Afi'emblée „ desltats de Hollande, n'avoient pas étédirigécs „ par de Witt, que fes bleflures empêchoient de „ fortir. Les Membres de cette Aflemblée privés „ de fes confeils, & entrainés par les eirconftan„ ces avoient eédé au torrent, & 1'influence du „ Prince combattoit l'autorité dont le Grand„ Penfionnaire avoit joui fi longtenas. Des li„ belles paroiffoient tous les jours contre lui, „ mais  :( i§3 )' mais quoiqu'il eut toujours méprifé ces écrits " calomnieux, il fut affe-aé d'un qui fe diftribua "„ pendant qu'il étoit malade de fes bleffures, & '„ dans lequel il étoit accufé d'avoir fait un mau" vafs ufage de quelques fommes, que les Etats „ lui accordoient pour des opérations fecrettes. 11 fe juftitia de cette accufation, & les ConZ feillers Députés confirmerent fa juftification. " Mais elle ne produifit pas grand effet; la haine ,", générale augmentoit chaque jour contre lui, & " contre fa Familie., fc la détention de fon Frere „ en fut une preuve inconteftable. „ Un certain Guillaume Tichelaar, Chirurgtea „ de Piershil, accufa devant la Cour de Hollande " Corneille de Witt, d'un complot contre la vic „ du Prince, Sur fa. dépofiton Jean Ruisch, Fi" ftal de la Cour, fut envoyé a Dort, pour fe " faifir de 1'Accufé. II arriva devant la Ville avec un Jacht, & fans prévenir aucun Magiftrat, ü "„ fe rendit a la maifon de de Witt, le fit monter " en Carofle , le conduifit au Möle , ou le Jaeht " avoit abordé, & partit auffitot pour la Haye " avec fon Prifonnier. De Witt fat m.ené d'abord *- è la Conciergerie de la Cour de Hollande, ou "„ des Confeillecs 1'interrogerent; Tichelaar étoit '„ auffi en arrct civil, mais avec la liberté d'aller " en Ville; fur la demande de la Régence de " Dort 1'Accufatenr & 1'Accufé furent conduits en , prifon, & gardés étröitement. Cette .Régence M 4 » avolE  < 1*4 > avoit porte fes plaintes a 1'Afremblée des Etatg' „ de Hollande, de Ce qu'on avoit violé les Privi„ leges de la Ville, en venant enlever un Ci„ toyen, pour le traduire defant une Jurisdiaion „ ctrangere. A 1'égard de 1'accufation intentée „ contre de Witt, la Régence de Dort foutenoit qu'elle n'avoit aucune apparence, & qu'au fur„ plus elle n'étoit pas de la Compétence de la Cour de Hollande; que Tichelaar, fur 1'accu„ fation de calomnie intentée contre lui par le „ Bailli de Piershil, avoit- étc condamné a deman„ der pardon a la Juftice; que eet homme avoit „ fait violence la nuit a une jeune Fille ; Enfin „ cette Régence demandoit que Tichelaar fütconftitué Prifonnier, & que de Witt füt renvoyé „ devant fes Juges naturels. On accorda la pres, miere partie de cette demande, mais non pas la feconde ". Theodore. Si le defTein de perdre les deux Freres n'avoit pas été formé, 1'accufation d'un homme condamné pour caufe de calomnie, auroit, jecrois, été regardée comme nulle, a moins qu'elle n'eut été appuyée par Ie témoignage de perfonnes irréprochables. Mr. Herman. C'eft Ia conduite que les Loix prefcrivent aux Ju-  Juges dans tous les Pays civilifés; un Calomniateur déclaré ne peut pas même fervir de témoin. M-ais on traita les Freres de Witt avec une cruauté, dont les fauvages les plus barbares auroient rougi de fe rendre coupables. H x n r i. „ Tichelaar dépofa qu'ayant été, le ö.Juillet, chez de Witt, pour lui parler d'un Procés, „ qu'il avoit avec le Seigneur de Piershil, il avoit „ été obligé de revenir le lendemain ; qu'alors „ de Witt lui avoit promis fa proteétion, pourvü „ qu'il voulüt lui rendre un fervice ; que 1'ayant „ promis, de Witt lui avoit dit que le Prince „ étant Stadhouder, feroit bientdt Souverain, & „ 'que venarit ii fe marier avec la Fille de quelque „ Monarque , le Pays feroit foumis a une Puiffan. „ ce étrangere; enfin que le bonheur de la Répu„ b li que ne pouvoit être afiuré que par la mort „ du Prince. Ce Calomniateur ajouta que de „ Witt lui avoit affuré que plus de trente pcrfon„ nes de diilinction entroient dans ce Complot, „ mais qu'il lui en réfervoit 1'exécution, foit „ par le poifon , le fer, ou les armes a feu; „ qu'une promefle de 30,000 florins, & la char„ ge de Bailli de Beyerland 1'avojt déterminé a „ s'engager par ferment a ce crime, & qu'alors u de Witt lui avoit donné fix ducatons d'Argent". M s S »- v  f i85 > Sophie, Si les Juges avoient ét? d'honnêtes gens, iis auroient rejetté cette accuftttion. Corneille de Witt étoit fans doute cösnu pour un Homme d'efprit, & trop prudent pour confier un deffein de cette importence k quelqo'nn qu'il voyoit peutétre pour la première fois; & d'ailleurs pouvoit on penfer qu'ayant promis 3e,ooo florins, il n'auroit donné q,le ij florins iS fois pour gage de fa parole ; il ne faut pas étre bien habile, pour découvrir une abfujdïté qui ne m'a pas ec-liappée. Henri. „ Tichelaar déclara que huit jours après cette „ confidence. le remord qu'il éprouvoit de s'être „ engagé dans un forfait fi déteftable , 1'avoit „ poufTé a tout déclarer; & qu'il avoic été 4 l'Ar„ mée decouvrir le Complot au Maitre a'Hdtel „ du Prince, qui 1'avoit conduit i la Haye, pour „ en faire part a S. A. qui 1'avoit communiqué u „ la Cour de Hollande ". Mr. H ï R m a n. Guillaume faifit ou fit naitrc cette occafion, de fe venger des deux Lettres, qne de Witt avoit ajoutces i fa fignature ; la lui te vous fcra voir. mes Enfans, que fa crnauté ne fut aflbuvïe que par  ( 18? ) par la mort des deux Freres, & qu'il récompenfa ceux qui 1'avoient fervi. Henri. Corneille de Witt allégua pour fa juftification une partie de ce que ma Coufine a remarqué; il y ajouta des circouflances qui prouvoient 1'abfurdité de l'accufation. „ Tichelaar n'avoit eu avec lui qu'une conver„ fation d'un quart d'hcure , il avoit d'abord " parlé des circonftances critiques du tems préfent, ajoutant qu'il voudroit bien lui coufier " quelque chofe, pourvu qu'il lui gardat le fecret. " De Witt lui avoit répondu, que fi fon deffein " étoit bon, ü lui rendroit fervice, mais que "„ s'il étoit mauvais, il feroit bien de le taire , " s'il ne vouloit pas qu'il fut publié. Tichelaar avoit infifté fur le fecret, mais „ ayant toujours recu la même réponfe, il étoit " parti en difant: Puisque vous ne voulez rien fa'■ vair, Monfieur, je me tairai; je vous fouhaite le "„ bon 'jour. La porte de la Chambre de de Witt "„ n'étoit pas même fermée, & fon fils & fon Do"„ meftique avoient entendu la converfation; lui "„ même craignant qu'elle ne put fournir matiere " a quelque calomnie contre lui , en avoit fait part auffitÓt au Secrétaire Muis, le priant d'en „ rendre compte au Bourguemaitre, afin qu'il „ prit garde a Tichelaar.  t 188 > „- Le Secrétaire déclara que de Witt lui avoit „ dit qu'un certain homme, étoit venu le trou„ ver, & 1'avoit averti que le Prince cpouferoit „ peut-être une Fille de quelque Monarque étran„ ger, & qu'il falloit 1'en ernpéeher: qu'il lui „ avo/t ordonné de fe taire, paree qu'il ne vou„ loit pas en favoir davantaee, & que méme il „ ne connoiiïbit pas eet homme , mais qu'il avoit „ appris de fes Domeftiques, que c'étoit le Bar. „ bier de Piershil Sophie. La feule déclaration du Secrétaire devoit fuffire, pour juftifier de Witt; mais je ne cornprends pas pourquoi ce Tichelaar avoit été chez lui, n'en étant pas feulcmenr connu. Mr. Herman. Sa vifite étoit concertée avec la Cabale , qui vouloit perdre les Freres de Witt; il falloit que Corneille fik convaincu d'avoir parlé i eet homme en particulier, que le nom du Prince fut mêlé dans la converfation, & que la haine du Peuple eut un prétexre pour fe porter aux derniers excés. H e n a i. „ Maljre le pëu d'apparence qu'il y avoit de „ croire de Witt coupable, la Cour de Hollande „ ne voulut pas le mettre en liberté. On fit même » cou-  < ï89 > contir le btuit, qu'il n'avoit pas quitté la Rotte par maladie , mais pour avoir été blrffé aubras " par de Ruiter; qu'il n'avoit pas voulu qu'on " attaquat les ennemis, furtout les Francois, & " que le lendemain du combat devant Souhbay, " ils'étoit oppofé ace qu'on recommenqatl'attaque. " Dans une lettre envoyée aux Etats de Hollande de Ruiter juftifia de Witt, déclara qu'u» " avoient toujours véeu dans la meilleure intelli' gence • que de Witt avoit toujours montrc la " plus grande ardeur pour attaquer les ennemis, "„ & que le vent feul avoit mis obftacle a la re"„ prife du combat devant Soulsbay. " Theodore. De Witt aimoit trop la gloire de fon Pays pour s'oppofer a ce combat, & ce fut Guillaume qui fit donner ordre, comme nous 1'avons vu, de ne point attaquer la Flotte Anglölfe , mais on fe garda bien de lui en faire un reprocbe. Mr. 11 e r m *. r*. Je v crois, les Partifans de fa maifon furent toujours les meilleurs amis de 1'Angleterre ; nous r» avous eu des preuves eouvaincantes darts la derniere Guerre. Mais couünuons; le fatal denouement approcbe. Hknri,  H S N R I. „ Le Grand Penfionnaire guéri de fes bleffures, „ alla rendre vifite au Prince, & le féliciter fur fes „ dignités. Pénétré de fe voir 1'objet de la haine „ du Peuple, il réfolut de fe demettre de fa place „ qu'il avoit rcmplie fi dignement pendant loans, „ & de prendre ftancc dans le Haut Confeil, „ comme on le lui avoit accordé auparavant. I! „ fe renditdonc, le 4. Aöut, dans 1'Affiemblée des „ Etats de Hollande, & après avois rappellé fon „ zéle, fes malheurs aétuels, & la haine qu'on „ avoit concue contre lui, quoiqu'il ne fik que „ Miniftre, il pria 1'affemblée de lui accorder fa „ démiffion, &feanC(. dans icHant Confeil, dans „ le même rang qu'il avoit, en 1653, quand il „ fut nommé Grand Penfionnaire. II fortit enfuite „ de 1'Anemblée, & les Etats délibérerent fur fa „ propaf! tion ;-l'Ordre Equefrre , Dort, Delft, „ Rotterdam éc la Briele declarerent qu'elles fou„ haitoient que de Witt continuit fes fervices, „ mais les autres membres ne feconderent pas „ cette intention. On réfolut d'accorder, de la „ maniere la plus honorable, la démiffion que de „ Witt d«mandoit, & fa place dans le Haut Con„ feil. Le Prince fut confulté fur la maniere „ dont cette démiffion feroit accordce, il demanda „ deux ou trois jours de reflexion , & fit un grand „ changement dans la réfolution que les Etats ., avoient  „ avoient prife. On fe conforma entietemefrt i '„ fon avis , le Grand Penfionnaire fut remer'„ cié firoplement, & optint la place qu'il avoit „ demandée dans le Haut Confeil." S o r h i k. Je fuis bien étonnée de voir une Affemblce Souveraine, compofée de perfounes d'un age mur chargées du foin de conduire une Province , confulter un jeune bomme de vingt-deux ans, fur la maniere de reconnoitre les fervices d'un Miniftre, & avoir encore la complaifance de fuivre fon fentiment. Mr. Herman. Les hommes-, ma chere Enfant, fe laiffent éblouir par les titres : ce jeune Prince fans expérience , incapable de conduire fes propres affaires, gouvernoit tout 1'Etat, parcequ'il portoit le nom d'Orange: s'il en eut porté un autre, peutêtre ne lui auroit on pas confié une Compagnie dTnfanterie. Nous avons fait bien pis dans la fuite, nsusnous fommesfoumis a recevoir laloi, même de la poftérité feminine de cette maifon. H E N R i. ,, Corneille de Witt futconfronté avec Tichelaar „ &. le convainquit de fauffeté, mais on ne votÜut ., pas ie confronter une feconde &is comme il le „ de-  ( IJ2 ) „ defnandoit, fes Parens publierent rm Mimofte „ dans lequel ils infiftoient fur 1'infamie connue „ de 1'accufateur; ils ajoutoient qu'il n'y avoit j, aucune prenve de la moindre conjuration contre „ le Prince, ni que de Witt en fdt coupable. La „ Cour da Hollande ne perfifta pas moins a le re„ tenir prifonnier , & refolut menie de le faire „ appliquer k la queftion. " 'Theodore. J'ai oublié, mon pere, de vous demander au fujet de Ledenberg, d'od vient 1'ufage dedonner la queftion aux criminels, Mr. Herman. • C'eft un refte de la barbarie de nos anciennes Loix qui avoient ordonné d'employer la torture pour obtenir 1'aveu d'un crime, quand les preuves juridiques n'étoient pas fuffifantrs pour la conviétion. Si la queftion ne fe donnoit qu'aux cr.minels convaincu» pour le» forcer a révéler leurs complices, cette rigueur ponrroit être de quelque utilité, mais on 1'emploie contre les accuCs qui peuvent être , & qui font quelquefois [innocens ; on les oblige a fe déclarer coupables, s'ils n'ont pas laforce de foutenir la torture, & s'ils peuvênt la fupporter ils échappent aufupplice qu'ils ont mérité. •T h ■ o-  Theodore. Comment, on condamne a mort un hömrrie fur 'fa propre dépofition? je penfois que perfonne na pouvoit être cru, quand il s'accufoit lui même. Mr. Herman. Auffi lorsqu'on applique un accufé a la queftion & qu'il s'avoue coupable , on lui demande s'il perfifte dans fa déclaration ;■ & s'il répond qu'il eft innocent, & que les tourmens lüi ont arraché fes aveux, on ne peut s'en prévaloir pour le condamner. Cette queftion qu'on appelle préparatoire, eft abolie en France. Theodore. Vous venez de dire, mon Pere, que la torture «'eft employée que quand les preuves ne font pas fuffifantes; mais il n'y en avoit aucune cpntre de Witt, puisque fon accufateur étoit noté d'infamie, comme calomniateur, & que fon temoignage ne pouvoit être admis en juftice. La Cour de Hollande au lieu de le faire appliquer a la queftion' devoit le mettre en liberté, & punir Tichelaar. Mr. Herman. Oui, fi elle avoit voulu juger felon les Loix & le bon fens , mais elle étoit vendue a Guillaume, qui vouloit la mort des deux Freres. s  ( 194 5 9 Henri. „ La nuit du 17 au 18 Aöut le bruit courut „ dans la Haye que Corneille de Witt vouloit „ forcer fa prifon; en conLquence ob y mit une „ garde Bourgeoife. Le Lendemain on le condui„ fit dans la Chambre de la Queftion,' & le Bour„ reau fe mit en devoir de commencer la*torture. „ De Witt s'y oppofa paree que les juges n'étoient „ pas arrivés, mais le Bourreau continua, difant „ qu'il en avoit 1'ordre & confeilla mème au pri„ fonnier de tout avouer, s'il vouloit éviter la „ torture. De Witt répondit: Que peut-on avouer „ quand on n'a rien fait? Les juges entrerent & „ 1'engagerent a confeffer la Verité. Faites-moi „ mettre en pieces , leur dit - il, vous ne ni'arra,, cherez aucun aveu, puisque je tfai rien fait. On „ redoubla la torture , & de Witt s'emporta eon„ tre les Juges, les citant.au Tribunal de Dieu, „ & leur difant : Vous "favez tres bien que je fuis „-innocent. Enfin on eut la cruauté de le tour„ menter en plufieurs manieres, mais il protefta „ toujours de fon innocence. Le Bourreau recut „ ordre de publier que le Prifonnier n'avoit pas „ eu la force d'endurer la queftion, mais eet „ homme, quelques mois après, étant au Ht de „ la mort, écrivit a Ia Veuve de Corneille une „ Lettre qu'on a confervée, & dans Iaqaeïfe il „ demande pardon h cette Dame, d'avoir cruelle„ ment tourmenté fon Mari". S o-  f 195 y Sophie. Dans ïe nombre de' ceux qui ordonnerent cettè afi'reufe Procédure , Sc qui eurent 1'indignité de s'en charger, je ne vois d'honnète homme que le Bourreau. Mais , Papa , felon ce que vous avez dit tout-r.-l'heure, il n'étoit pas pöffible de condamner de Witt. Henri. Auffi Wagenaar dit, que n'ayant pu tirer de lui aucun aveu , & réfolus cependantde le condamner, les Juges ne favoient que! crime lui imputer dans la Sentence. Le Greffier Adrien Pets leur dit; qu'il y avoit un exemple d'une Sentence rendue par la Cour, fans qu'il y fut fait mention de 1'aveu, ni du crime de 1'Accufé. On réfolut de fuivre eet exemple, & le lendemain la Sentence fut prononcée.' , Mr. H e r m a n. C'eft un monument d'iniquité que tous nos Compatriotes devroient favoir par ctuur ; vous n'avez pas oublié fans doute de le placer. dans votre extrait ? Theodore. Non, mon Pere , je vais le lire , Sc je vous promets de m'en fouvenir toute ma vie. „ La Cour de Hollande , ayant vu & examiné N'li .; l«s  » 1es P'eces & !es ""fi'gnemens fournh par lePro„ cureur Général de cette Cour, a la Charge de. „ Mr. Corneille de Witt, Ancien Bourguemaitre de „ la Ville de Dort, Ru„ard du Pays de Patten, „ aStuelïement Prifonnier ès prifons de la ditte Cour , „ enfemble fes examens & confrontations, & ce qu'e „• ledit Prifonnier a dëlivrê ; la dittt Cour ayant „ reféchi fur ce qu'il convenoit de faire, déclare „ le fusdit Prifonnier déchu d» toutes les charges ., & dignités 'qu'il a pojjédées jusqu'a préfent , le „ bannit a perpétuité des Provinces de Hollande & „ de West-Frife , fans qu'ilypuiffe jamais rentrer, „ fous peine de mort, & U condamne aux frais de „ la Procedure, quiferont taxés & modêrês par la „ ditte Cour. Ju gé par Mejfieurs Pauw, Prêfi„ dent, Nierop, Goes, van Lier, Baen & Gooi, „ Confeillers de la Cour de Hollande & de West„ Frife, & prononcé a la prifon de la ditte Cour, „ le lo.Aóut 1672. Adr. Pots Grejfier". On avoit au moins fait mention de quelques crimes, rrais oufaux, dans la Sentence d'Oldenbarneveld, mais dans celle-ci on ne parle pas même de 1'accufation. Si quelqu'un lifoit ce trait d'Hifioire, fans favoir dans quel Pays une telle injuftice a été commife, il ne croiroit jamais que ce fut dans une République. Mr. Herman. Non, certainement; il n'y a pas d'exemple f d'un  t 1*7 ) d'un tel mépris des Loix, même dans les Monarchies les plus abfolues, les Defpotes de 1'Afie en font feuls capables. On exile, on dépofe, on étrangle, fans donner d'autre raifon que la volonté du Maitre, maisle nom de Liberté n'eft pas connu dans les malheureufesContréesdel'Orient. Et nous, Defcendans des Bataves, Va;nqueurs de Philippe, nous fouffrons qu'un Stadhouder difpofe de notre honneur & de nos jours; il trouve des Juges affes iniques pour fervir fa vengeance, & nous ofons encore nous flatter du titre de Républicains ! c'eft plutöt celui d'efclaves, que nous méritons. Theodore, Notre Hiftorien n'a pas ofé faire toutes les ré» flexions que cette iniquité lui fourniffoit; il s'eft contenté de remarquer, que les Juges n'avoient pas trouvé de Witt coupable du crime dont il étoit accufé, puisqu'ils ne le condamnerent pas a mort, & que ce fut la Politique qui les engagea de le priver de fes emplois, & de le bannir. Au refte, ajoute t'il, le Prifonnier quelques heures après eut un fort plus cruel, que celui auquel fes Juges 1'avoient condamné ; on feut mème entrainer fon Frere dans le même malheur, & tous deux , avant la fin du jour , donnerent un fpectacle, que la Pofiérité la plus reculée, ne pourr* fc rappeller faps horreur. N 3 Mr'  t Ï9& J Mr. Herman. J'efpere, mes Enfans, que vous nc reffemblerez pas a nos laches Compatriotes, qui en ont perdu la mémoire. Theodore # Si nous en ^tions capables, nous ne mériteïions pas le nom d'hommes. Je vais fuivre wagenaar, dans le recit de cette affreufe journée. „ Le Samedi, 20. Aoüt, entre huit & neuf heu„ res du matin, les Juges fe rendirent * Ia Pri» fon, pour lire la Sentence * de Witt; il deman„ da qu'elle lui fat iue a 1'endroit ordinaire, mais „ on lui répondit qu'il couroit risque d'ètre in„ fulté par le Peuple, s'il étoit conduit a la Cour. „ Pendant la lefture de cette Sentence, un des « Juges envoya prevenir Tichelaar, par un Se„ crétaire du Fifchal Ruisch, que de Witt feroit banni, & lui confeilla de fortir pour exciter i, le Peuple a tuer ce Scéléjat, qui avoit voulu „ alftffiner le Prince. II devoit encore ajouter, „ que s'il avoit accufé fauflement de Witt, oa „ ne 1'auroit pas mis en liberté, mais qu'e le „ crime étoit réel, quoiqu'on eut voulu faire grace », au Coupable. Tichelaar ne fuivit que trop bien ,, ce confeil déteftable. En même tems on afficha >, dans plufieurs endroits que de Witt, ennemi du „ Prince, & Traitre i la Tatrie^ fortiroit bientót ,, de  de la Prifon, & qu'il fa^t te donner la ré" compenfe de fes mauvaifes adions. Le Do" meftiqne dn Grand-Penfionnaire venott d aver" tir fon Maitre du bruit qui ccuroit, que Cor" neillc feroit banni, quand la Servante du Geo" lier vint lui dire , que fon Frere alloit etre mts " en liberté, & le prioit de venir a la Prifon. Il „ étoit alors chez fon Beau-Frere ran drecht, fcfortitaccompagné de fes deux Secretaires, & de fon Domeftique. Son Pere ayant " appris qu'il étoit forti fans 1'aVertir,-en oonqut un mauvais préfage, & dit qu'il auroit vouiu 1'acccompagner. De Witt arnvc a la potte " de laPrifon, y trouva les deux Bourgeois, qui ' étoient en faftion,, & leur demanda s'tls n a" voient rien appris. On lui répondit brufque" ment: Non ; il entra , & fut condmt par le " Geolier, l la Chambre de fon Frere, qui te" moigna la plus grande furprife en le voyant, " & 1'affura qu'il ne 1'avoit point mandé, n'ayant " rien d'intéreffant i lui dire. Ils foupconne"„ rent alors qu'on tramoit contre eux quelque „ mauvais deffein ". Sophie. Pourquoi donc ne fortirent ils pas de cette Prifon dans I'inftant. Corneille avoit entendu fa Sentence, qui le banniffoit, on ne pouvoit plu? le retenir. •« W 4 ***  ( 200 ) Mf- H E R M A S. coP1rde?rseenf * une Vok -u ip Sentence, fans qnoi Ie GeoIief volt pu le droj£ de M ouvr.r leurs les ordres étoient donné, fri 7 " Pourle meurtre des de^ ^ " " Verrat nar r • Freres, comme tu le Verras par Ja fulte du ^ dg TWodore_ THEODORp. Prifo„PeIne Jean ^ Wi" ét°h Ü entré I. i:"é ";rr ^^-^^^rencont« Par plufieurs perfonnes, auxquelles il débi- " deux raCCUfati0m kS PlUS Vi0lemes contre ^s Cornet-- ***** Ü M **** q«e : poTl faV01tété ^ ^a«on, feulement " l°lf0rme> auroit du le condamner » * qu on s etoit contenté de lui öter fes emplois, " auffi co UT"' P3rCe 5Ue les Ju*es "• D"f C°UpaWes ^ ¥• ^ Populace s'affem- » bla autour de lui, & fe m,Y ^ ,■ , neille * r mit 3 cner 1»e Cor- „ae Ue & fon Frere foröroien£ ^ md "r"rrde ies empêcher- *** « e Venger de ces deux Scélérats, & punir en„ fmte les autres. Animé Par de femblables " dlfC°Urs' Ie Peuple courut devant la Prifon " *®Tn-' armeS' tUe' & fe difpu» tant a qui maffacreroit le premier les de Witt » tes Etats de Hollande, affémblés pour Vé- » Icétion  t 20! ) „ lfftion d'un nouveau Penfionnaire, eurent con„ noiffance de eet attroupement, & donnerent „ ordre aux Confeillers Députés de faire prendre „ les armes aux trois Compagnies de Cavalerie, ,, qui compofoient alors toute la Garnifon de la „ Haye, pour diffiper la Populace , & d'ordonner mème de faire feu fur les Rebelles. Les Con„ feillers Députés avoient auffi recommandé aux „ Magiftrats de la Haye de faire prendre les armes aux fix Compagnies de la Garde Bourgeoi„ fe. Le Comte de Tilly recut ordre par écrit „ de faire monter a cheval les deux Compagnies, „ de fe porter fur la Place , & d'y attendre les „ derniers ordres du Confeil Comité. Les Etats „ de Hollande réfolurent, fur la propofition d'Am„ fterdam, de ne point quitter la Haye, pen„ dant cette emeute Sophie. Ces ordres auroient du préferver les deux Freres de toute infulte , s'il euffent été bien exécutés. Mr. Herman. L'intention de ceux qui les avoient donnés étoit bonne, mais on fc,ut la rendre nulle, & les Bourgeois qui devoient protéger les deux Freres, furent les Auteurs du MafTacre. Theodore. v Jean de Witt avoit envoyé un de fes SecreN 5 » tai"  ■ < 202 ) „ taïre riiercher la Sentence, & ne le voyant point „ revenir, il voulut fortir fans fon Frere, mais „ les Bourgeois 1'en empccherent. Un d'eux, „ nommé van Os, lui dit: Perfonne ne peut for„ Ut. Pourquoi donc ? répondit-il, vous favez „ bien qui je fuis. Les autres Bourgeois crierent, „ nous n'avons pas d'ordre pour cela. Quel ordre „ vous faut-il donc? demanda de Witt: celui de „ notre Officier , lui répondit - on : alors quel„ qu'un cria feu, le Secrétaire de de Witt, le tira „ par derrière, & la porte fut fermée. Quelque „ tems après un Librafre, nommé jlmchns, En„ feigne de la Compagnie Orange, blanche „ bleue , monta auprès des Freres, avec van Os, „ & fe chargea d'aller déliberer avec fon Capitai„ ne , fur les moyens de fauver le Penfionnaire, „ mais les Bourgeois 1'empêcherent de revenir, „ Jean de Witt, allarmé du péril qui le mena,, coit, demanda s'il ne pouvoit pas s'échapper ,, par quelque porte de derrière , le Geolier répon- dit, que cela n'étoit pas poffible ". Sophie. Je le crois bien; ce miférable étoit du Complot, puisqu'il avoit envoyé fa Servante cbez le Penfionnaire, fans ordre de Corneille, pour 1'attirer dans le piege. Theo-  t t20S } Theodore. • Les fit Compagnies Bourgeoifes avoient pris l'es Armes , les unes de leur propre mouve' ment, les autres par ordre du Matrat. Dans ' ces Compagnies, & furtout dans la Bleue, com; mandée par de Zwart, qui fut er.fmte Confeüler-de-Ville, avec deux autres Capitan~.es, il " fe trouvoit des Bourgeois acharnés contre les " deux Freres, principalement. le nommé Verhoef, Crfevre, qui avoit jurc avec plufieurs au" tres, de fe venger des Freres de Witt; il fe " varna même d'avoir mis ceux talles dans fon " Fufil, & d'avoir prié Dieu , le matin , qu'il lui " fit la grace de pouvoir tuer ces deux Scélerats, " ou de périr lui-même. Fan Bankhem, Eche" vin , & enfuite Bailli de la Haye , s'étoit engagé par ferment, avec quelques Capitaines de "„ la Bourgeoifie , d'öter la vie aux deux Freres". Sophie. Les féditieux, les Traitres i la Patrie, & les Affaffins font toujours afTurés de la proteaion & des récompenfes de nos Princes; je 1'avois entendu dire plufieurs fois . mais je penfois que c'étoit une calomnie. A prefent je n'en faurois douter-, puisque j'en trouve a chaque moment la preuve dans 1'Hiftoire, Mr.  f 204 ) Mr. H 1 m 1 1, r Tu as trés bien feit de n'ajouter fbi, qa'a des preuves ineontèftables : il ne feut jamais porter «n jugement fur le fimple rapport de gens qui Peuvent etre mal inftruits, ou guidés p£ iVfprit de para, furtout quand la réputation de quelquL eft attaouée. c'eft pourquoi j'ai voulu cue'vous fi«5ez les Extraus de notre Hiftoire, afin de connonre la vérité, d'après vos reeherches, & le moJgnage d,un £crivainj don£ ï> prob.tc font connues. Ce qui fe pafle fous nousécT/T enC°re ^age,&doit nous éelau-er fur le danger, qui menace les Défcnfeurs de notre Liberté, cui fubiroient le fort Z IT W-"'fila CabalcOrange les tenoit en fon pouvoir. Theodore. », Ce Verboef rencontra une Compagnie de 0a- * TZ' vivt le Pr',nce! & ** „ d. m»! & que k t0„nerre écrafe ceux „ penfent mutrement, la réponfe fut: nous pen/ons de rneme. Le Bourguemaitre Maas, Colonel » de la Garde Bourgeoife, & le Magiftrat de la » Haye, pnerent trés honnétement Verhoef de re„ noneer i fon dclrein, mais il fortit de PHÓtel" ae-;11Ie' flPrès avoir répondu brusquement a " Ia dema"de des Régens, & retourna vers la Prifon ". S o-  O05 > S o m i i. Si le Magiftf at avoit eu vraiment 1'intention de \ délivrer les deux Freres, il falloit qu'il fit mettre. en Prifon, ee furieux, qui ne cachoit pas fon projet. Mais il vouloit feulement fauver les apparences, & laiffer commettre le crime , fans paroitre 1'approuver trop ouvertement. Malgré mon peu d'expéricnce je démèle fort bien cette fineffe. T H H O D Ó R. *. „ Un pea avant midi le bruit courut que les „ Freres de Witt s'étoient échappés; dix ou dou„ ze Bourgeois de la Compagnie Orange Manche „ & bleu monterent a la Chambre ou étoient les „ deux Freres, & revinrént appaifer la Populace, „ en aflurant qu'ils n'étoient point fords. H fal„ lut malgré cela laiffer entrer une vingtaine de „ Gens de la lie du Peuple, qui voulurent s'as„ furer de la vérité par leurs yeux. Un Macon, „ nommé Klaptas. monta fur le toit de la Pri„ fon, & s'y placapour tirer fur les Freres, s'ila ,r cherchoient a s'enfuir. On leur fervit a diner, „ & pendant le repas la Servante du Geoliet vint „.dire a Corneille, que le tumulte augrnentoit „ parmi les Bourgeois. Qjie veulen!-Ut donc, „ demanda-t'il ? Ils viulent vous taer, répondit „ la Servante : Si c^Jl leur tniention , répliqua * Corneille, laijftz les monter, je fuis iti. Le Fi- » fcal  t 2C6- > „ fcal Ruisch, vint avec quelques Officiers aver„ tir Corneille, qu'ils ctoient dans 1'intention de „ le garder, & Jean voulut fortir, mais és Bour „ geois lui dirent: Alte-ld , McmftèUf , il faut „ refter. Le Fifcal le pria de vouloir demeurer „ Peur contenter le Peuple; il fut ökigi d'y ,, confentir. " „ Cependant le tumulte augrnentoit, & les • „ Bourgeois gênés par ia préfence de la Cavalerie „ demandoient qu'elle fe retirat, mais le Comte' „ de Tilly n'y voulut pas confentir. Alors on fit „ counrlebruit, que des Payfans venoient at[a. „ quer la Haye; on cnvoya prier deux Confeil„ Iers Députés de donner ordre a la Cavalerie ' „ d'aller oceupër les avenues; ils ie firent, mais „ Tffly voulut un ordre par écrit, les deux Con„ feiHers Députés, van Speren & Boschveld 1'en„ voyerent, & le brave Tilly dit en le recevant ■ „fo^rai, wis les Freres de Witt font de* Gens „ »;orts ". Mr. Herman. m le brave Homme! ce n'étoit pas fans cau Theodore, Henri. Sophie. Vous avez interrompu hier notre converfatiorf tres a propos, mon Papa; fi nous VivioRS ^ tmuee, le fouper fe feroit reffenti de notre triftefTe, * vos amis n'auroient pas eu beaucoup de plaifir. , r Mr. H e r m a n. ïls auroient goüté celui des ames fenfibles en melant leurs larmes aux notres ; mais je fuis bien aife de ne les avoir pas afnigés, par le fouvenir' du cruel événement qui nous occupe, les malheurs qui menacent notre Patrie, ne rappeleront que trop cêux qu'elle a foufferts. Theodore. Vous nous aviez dit, mon Pere, qu'il y avoit quelque efpérance, que les «rdres donnés contre Elburg $c Hdttem pourroient étre révoqués. Mx.  ( 309 ) Mr. H b r m a rf. " ón s'en flatte encore, mais je connois affeï refprir tyrannique de la Cabale , qui cherche nore perte", pour affurer que tou*s les «te* tions conciliatoircs feront rejettées. En attendant 1'iffue des démarches, que vont tenter aupres du , Stadhouder quelques Régens aélés pour le mamtien des Droits de leurs Compatriotes, aeheves ce que j'ai cru néceiïaire pour votre tafeufeoa. », Corneille de Witt après le diner Wed* été M fe repofer fur fon lit, & fon Frere s'oecupoit * lire dans la Bible. A peine les Bourgeois étoient ^ entrés dans la Chambre, que Verhoef courant vers le lit, ouvrit les rideaux , & dit a Cor" neille: Traitre , ii faut mourir, fhh ta priere, " cSf prépare-tol. De auoi fuis-je coupable tnes Jis, répondit de Witt? Tu es un AffaSfi* *« ' Prince, un Traitre, un Scélérat, répliqua Ver, hoef, dépêche-tol L'infottunéjoignit les mams, ' & dans 1'inftant un Bourgeois lui pofta un coup ' de croffe de fufll, avec tant de violence, quil „ caffa les piliers du lit, fans toucher de Witt, ■ „ qu'on tira par les pieds, & qui reéut une bleffure „ i la gorge. D'abord on n'attaqua pas le Petffionnaire qui demanda fil'on avoit auffi deffem o-e ' lui Ötet la vie. Oui, lui répondit on, Traitre,  | aio } „ Scèlirat tu feras traité «>mme tm F „ voul.t d,re quelque chofe pour fa juffification „ -ma* un Bourgeois lui donna Un couod ' - , J. . **» tu'Z-moi dans rinftant I •> leur dit il. Verhoef s> oppofa, criant q^ „ Coqum devoit mourir publiquement. QueIques • Officiers qui étoient venu, auparavant voulu » rent excufer les deux Freres, mais " c7d"^ls ^oieru laifle corrompre » ces honnêtes gens furent obligés de f! taire " °n M na blentót Corneille hors de la Prifon ».apres lui avoir lancé a la X , lnlon*- »ches du iit: fou F;;r; caondtefqueiti"es p'-- » fut obligé de le fuivre Vl " ^ Verïl°ef>' » d'un ton, qui rlonna . t» i> , «-tónna, q„ei dtoit fon de.JTcin " ^ ^"f IeS' **** parler enfemble, V S'eWend0it — * PennonnaT qu'il lui avoit Pris fa bourfe & fa momree' « de V7itt, & dJt. aonc w ^, * ^ » vV«^ ,Son d • - tres etoit de trainer les deux Freres jufqu'a" " „ droit ordinaire des exécti™ ■ " ,,-du. Peuple ne put ' ^ U Jage' »*m . ord er;1, corneiiie fuc * feigne  C 211 >. „" fcïgne de la Compagnie du Drapeau tteu, lui ' donna plufieurs coups d'épée ". '' Des Officiers d'une Garde Bourgeoife ne peuvent pas toujours contenir leurs fubaïternes, quifont Citoyen* comme eux, & non des Soldats, mars leut donner 1'exemple de 1'aiTaffinat, c'est le comble de la cruauté. « Theodop-e. j'ai oublié deremarquer, hier, que deux Capitaines de la Bourgeoifie , van Leeuwen & van Reeme„ avoient promis au Comte de Tnly, & protéger les deux Freres contre toute violence , Sc cu'étant retournës a leurs Compagnies, ils avoienc animé les Bourgeois contre les de Witt. Jean Maas & van der Hoeve, 1'un Bourguemaitre, 1 autre Penfionnaire de la Hayé, témoins des difpontions meurtrieres du Peuple, avoient été demander aux Confeils Députés 1'ordre pour renvoyer la Cavalerie.' Une telle conduite afluroit aux ftiïieux, qu'ils n'avoient aucun chatiment a craindre. Mr. Herman. Si la Populace n'étoit pas certaine d'être foutenuè, croyez vous qu'elle fe révoltat fi ouverte-, ment? elle eft moins coupable, que ceux qui 1'excitent, qui la protegent, & qui, lom de punic les féditieux, emploient les deniers publics, a fóulager ou récompenfer ceux qu'ils devroient pu» ' nir, comme nous en avons eu la preuve a Rotterdam , après 1'émeute du 3. Aviil, O 3 *W  ( ara J Henri. •i Tean de Witt a peine forti de Ia Prifon, reguC „ dans le vifage un coup de piqué du Notaire „ Van Soenen; un peu plus loin, van raaien. „ Frere d'un Lieutenant de Marine, lui tira dans* „ Ia nuque un coup de Piftolet, qui ie fit tom„ ber fur les genoux. Alors il leva les yeux & „ les mainsauciel, & la Populace cria: tu penfes „ gonc i Dieu préfentement? tu ne crois pas qu'il „ y ait un Dieu, ü y a long tems que tu le re„ nies, par tes crimes & tes trahifons ". Mr. H E r m a n. ; Voila 1'effet des fermons de nos Miniftres féditieux & fanatiques, ils perfuadent au Peuple ignorant & crédule, que les foutiens de la Liberté font des Athées.  Henri. „ En même tems nn Aubergifte & un Bouchet „ acheverent a coups de crofle de fufil le malheu„ reux de Witt. On traina le corps de fon Fre„ re, auprès du fien, & les Bourgeois ayant for„ mé un demi-cercle autour, firent une déchar„ ge générale fur les deux corps, qui furent en„ fuite traïnés au lieu ordinaire des exécu„ tions, & attachés au poteau par les pieds. Un „ Valet des Chariots de Poste , courant avec „ le manteau du Penfionnaire, rencontra 1'Ex„ Vice-Amiral Tromp, & lui cria: fai le man„ teau de velours de ce tra'ttre Jean. Tromp ré„ pondit: c'eft bon, mon ami, & fe rendit a la place des exécutions ". Sophie. Cette réponfe eft bien indigne d'un Guerrier, & me fait croire que Tromp avoit 1'ame vile. II ne devoit pas aimer de Witt, mais applaudir t fes meurtriers, & fe mêler parmi eux, c'eft pousfer trop loin la vengeance. Mr. Herman. Je fuis charmé de ta réflexion, elle fait 1'éloge de ton caractere, tu as fenti la barTeffe, d'infulter au malheur de fon ennemi; tu feras généreufe. 0 5 Hen-  t «4 ) Henri. w P„P dépouillales corps des deux Freres, on les f, mutila cruellement; on coupa d'abord au Pen„ fionnaire les deux doigts de la main droite , avee „ lesquels il avoit juré 1'F.dit perpétuel. TJn fu„ rieux coupa un morceau de chair du corps de Corneille, & dit qu'il le feroit rótir lefoir, peur „ le manger avec fon ami Tichelaar. Un des 4, Bourreaux, Voyant dans la foule des fpeftateura f, le Miniftre Simon Simonides , lui demanda: Sont „ ih pendm affez haat? une voix répondit: pens, dez ce grand Scèlèrat un échellon plus haut. " C'étoit le Penfionnaire^ qu'on vouloit défigner, -paree qu'il étoit beaucbup plus grand que fori ïrere; Wagenaar ne dit qas que cette réponfe Vint du Miniftre , mais elle eft mife fur fon compte, dans la vie du Penfionnaire, „ Simonides ne refta pas plus longtems dans '„ eet endroit, & fut dans une Auberge auprès de „ la Prifon; il y trouva toute la Régence de Ia „ Haye, qui regardoit ce fpeétale. Le lendemain „ ce même Miniftre, prêchant a 1'Eglife Neuve, • 5, nomma Vengeance divine, 1'affaffinat des deux „ Freres, & afiura que ceux qui 1'avoient com„ mis, loin d'être punis, en feroient récom„ penfés ", Theo-  Henri. Mon Pere, ce maffacre horrible me rappell? celui de la St. Barthélemi, dont les Prêtres Romains firent 1'éioge en chaire, comme d'un facrifice agréable a Dieu. La Nation Francaife déte fte la Mémoire du Roi qui 1'ordonna, & déplore 1'aveuglement de ceux qui 1'exécuterent, que n'imitons nous eet exemple ? Pourquoi confervonsnous encore tant d'attacbement pour la Maifon d'Orange, après le fupplice injufte d'Oldenbarneyeld, le maffacre des Freres de Witt, & toutes les féditions qui n'ont eu pour objet que les intéréts de cette Maifon? Mr. Herman. Je crois avoir eu dèja 'l'occafion de t'ïndiqireT 1'origine de eet attachement, dans 1'ignorance de labaffe claffe de nos Concitoyens, & dans 1'ambition des plus éclairés. On perfuade facilement aux premiers, qne les Princes d'Orange font les ftuls foutiens de 1'Etat, les protedeurs de la Religion, & que ceux qui ne font pas leurs partifans enthoufiaftes', ne croïent pas en Dieu. A 1'égard des autres, jaloux de commander a leurs égaux, fjrtout d'obtenir les charges lucratives, & d'en réunir le plus qu'il leur eft poffible; ils font bien plus certains d'en être revêtus fous un Chef unique, qui les difpenfe a fon gré, que s'ils les O 4  t «5 5 tenoient du cholx de leurs Concitoyens: qui ne lés accorderoient qu'au mérite, aux fervices, & 3 la vertu. T h e o r> o r e. Si je ne me trompe, le Maffacre de la St._ Barthélemi, & celui des Freres de Witt font éloignés d?un fiecle 1'un de 1'autre. Mr. Herman. II n'y a que quatre jours de différence en tra 1'Epoque féculaire de ces déteftables journées, ou ïe Fanatisme fignala fa fureur. Le faux zèle da Religion en France, chez nous un criminel enr thoufiasme pour la Maifon d'Orange, produifirent les mêmes effets , & les Miniftres d'un Dieu de ï»aix chez les deux Peuples deshonorerent la Sainteté de leur profeffion, en donnant aux AfTaffins, dignes de plus grands fnpplices, le titre d'Exéouteurs des Vengeances céleftes. Henri. „ Ces furieux exercerent leur rage pendant cinq „ heures furies corps des deux Freres, qu'ils rai„ rent en pieces, & qu'ils vendireut ainfi que les s, morceaux des habits a tous ceux qui les vou„ lurent acheter : \in doigt fepayoitun florin , une „ oreiüe trente fois. Les enfans du Penfionnaire i, furent mis en füreté dans une maifon éloignée, „ &  ( 317 ) at & le lendemain on les conduifit a Amfterdam* Enfin les Compagnies Bourgeoifes fe retirerent , le foir, & crierent en paffant fous les fenêtres du Confeiller van der Graaf; neus avons vengi „ la mort de votre Fils. Verhoef prétendant avoir „ trouvé dans la poche du Penfionnaire une Let„ tre, qui déyoiloit fa trahifon, alla fur les dix heures du foir arracher les ccbuts des deux Fre„ res, & fe rendit aufiïtót dans une Auberge, oiï fe trouvoient plufieurs Partifans du Prince, & les leur montra, difant que le plus gros étoit le ca-ur du Penfionnaire. II dit que fon desfein étoit d'envoyer ces coeurs au Prince ou en „ Angleterre, mais il les conferva dans de 1'hui„ le de Térébenthine, & depuis les fit voir a plu„ fieurs perfonnes ". Sophie. Je me fouvïens d'avoir lu dans 1'Hifioire de$ Voyages, que les Sauvages du Canada, tourmentent d'une maniere cruelle leurs Prifonniers de Gnerre, & qu'il y a des Peuples dans 1'Amérique, qui mangent les hommes. J'avois peine a le croire, mais je n'en doute plus a préfent, paisque les Nations de 1'Europe fe font abandonnéea a la même fureur. Mr. Herman. Elles font plus parbares que les Sauvages dont Os tu  ( 218 ) tu parles, qni n'ont point le frein des Loix & de la Religion , pour réprimer leur cruauté. Le droit de la Guerre peut fervir d'excufe a ces Peuples que des ma-urs feroces excitent a la vengeance contre des ennemis, qui ieur auroient fait fouffrir le mêmefupplice, s'ils avoient été vainqueurs. Mais la rage déteftable des AfTaffins de ces deux illuftres Martirs de la Liberté, eft Ie plus coupable excès qui puilTe deshonorer 1'efpece humaine : voyons en les fuites. Henri. „ Les Etats de Hollande écrivirent fur le champ h au Pfince- * l'informerent du meurtre des „ deux Freres, 1'appellant une ablion déteftable a „ leurs yeux ; & è ceux du monde .entier. Ils „ pnerent Guillaume de venir a la Haye, pour „ empêcher par fa préfence de nouveaux mal„ heurs; & ordonnerent qu'ón enlevat les corps. „ Ce dernier fervice leur fut rendu par deux Do„ meftiques du Penfionnaire, deux de fon Eeau„ Frere van Zwyndrecht, & un du malheureux „ Jacques de Witt, Pere : ils furent affiftés par » un Avocat, nommé Naranus, & par un Save„ tier, qui fignalerent ainfi leur tendre affeótion „ pour les deux Freres ", Sophie. Je luis bien faché que PHiftoire n'ait pas con- fer-  t '2I9 ) fervé le nom de ce dernier, plus' fa profefllon eft mcprifée, plus je trouve fon aftion belle. Cet honnête homme eft plus refpedable , que ces indignes Magiftrats, ce Miniftre faftieux, & ces laches Capitaines de la Bourgeoifie. Henri. Les corps furent portés chez fe Penfionnais, re , & enterrés la nuit du 21 darts 1'Eglife „ neuve , fous 1'efcorte de quëlqi s Cavaliers, „ mais fans être accompagnés d'a :.uns Parens. On porta fecrettement les armes des deux Fre., res dans la Maifon du Conciërge de 1'Eglife, „ pour les pouvoir expofer dans la fuite , quand „ les circonftances le permettroient; mais la Po„ putace 1'ayant appris, enfonoa la porte de cette Maifon, fe faifit des armes, & les mie „ en pieces ". Theodore. , On devroit pour venger cet affront, faire placer les ftatues de ces deux grands'hommes, dans 1'endrok même oü leurs corps" furent fi indignement mutilés. Mr. H e-r m a N, Peut-être notre Nation, quand elle fera Libre, ïcur rendra la juftice qu'ils méritent, mais en at-  < 320 J attendant cette heureufe époque, leurs noms font gravcs dans tous les cosars des vrais Citoyens. H E W R I. „ Le Prince revint a la Haye le lendemain du k, maffacre des deux Freres; les Etats de Hollan„ de lui députerent Monfieur de Maasdam , pour „ favoir quelle punition méritoient les Menrtriers, « mais le Stadhouder répondit que cette aaion „ avoit été commife par des Bourgeois d'un rang „ diftingué , envers lesquels il feroit dangereux „ d'employer la rigueur. On ne fit aucune pours, fuite contre les Affaffins ". Cette réponfe prouve bien que tout s'étoit fait par ordre du Prince, ou dumoins avec fon approbation. Je ne crois pas qu'un Orfévre, un Boucher, un Marchand de Vin, & autres gens de cette efpece fufTent d'un rang plus diftingué que Corneille de Witt, qui avoit été mis a la torture, privé de fes charges & banni, fur une accufation, fans preuves d'avoir confpiré contre la vie du Prince. Son Frere qui, pendant dix neuf ans, avoit été Miniftre d'Etat, & dont les talens & la probité avoient mérité les éloges de toute 1'Europe, étoit un Citoyen diftingué, dont la vie' étoit aufli précieufe que celle d'un Prince, fa mort d< e-oit étre vengée, &l'auroit été dans tout autre P. . Mr.  ( aai J ItS. H * r m a *i Ta réflewon eft tres fenfée, mais la voix d'un feul homme fit taire les Loix les plus facrées* qui ordonnent que tout Meurtrier périffe par le glaive de la juftic*. Henri. La proteétion de Guillaume affiira 1'impüfiité, aux Affaffins des deux Freres, mais ils n'échapperent pas k la vengeance de Dieu. Voici la remarque de Wagenaar a ce fujet. „ L'Echevin Bank fut nommé par le Prince (j Bailli de la Haye au mois de Septembre, & fe „ comporta fi mal dans cette place , que la Cour „de Hollaude, en 1680. le condamna, pour „ plufieurs malverfations, a perdre la tête fur „ 1'échaffaut; il appella de cette fentence au Con„ feil fupérieur, & mourut en Prifon avant que „ fon Procés fut jugé. „ Verhoef ayant quitté la Haye, fe fit Auber„ gifte a Voorburg, & fut condamné pour plu- fieurs brigandages, k être fouetté publiquement, f, & renfermé dans une Maifon de fbrce. Ceux „ qui furent témoins de cette exécution, firent „ éclater leur joie, jufqu'a placer des Muficiens» ., qui jouoient du Violon anprès de 1'échaffaut. „ Peu de tems après Ie meurtre dei Freres de ■ f Witt TichaJaar alla demander a va» Heemjleii*,  Maitre des Comptes de la Hollande , 1'emploï „ qu'on lui avoit promis, pour le fervice qu'il * avoit rendu i 1'Etat. II fut nommé Lieutenant „ de celui qui étoit Ruwaard de Putten, a la pla« „ ce de Corneille de Witt. Mais Boreel, Lieute„ nant Colonel au fervice de 1'Etat, ayant eu „ cette dignité en 16S1. déclara au Prince, qu'il „ ne vouloit rien avoir de commun avec Tiche„ laar, & qu'il demandoit a S. A. la permiffion „ de le renvoyer; en effet il perdit fon emploi quelque tems après. Guillaume étant devenu „ Roi d'Angleterre , fit une penfion a Tichelaar, s) & cet homme en 1703. apres la mort de Guil„ laume, vint trouver le Préfident des Etats Géncraux, & lui dire, que Sa Majefté lui avoit accordé une penfion de huit cents florins, pour „ le ftrvice qu'il avoit rendu a 1'Etat en 1672. „ quoique l'acte ne fit mention , que de quatre ,i. cents , le Roi ne voulant pas qu'on feut qu'il „ lui faifoit une fiforte penfion. 11 fupplia les Etats „ Généraux,commeExécuteurs teftamentaires, de S. M. de lui faire donner cette penfion, paree „ qu'il étoit vieux & pauvre. Selon toute appa„ rence fa Requcte fut rejettée , puisqu'il tomba „• dans la plus grande mifere ; on le vit même „ a Ia Haye mendier fa vie, fans pouvoir exci-. „ ter la compaffion de ceux qui le connoifïbient; «-ïl y mourut en 1714, " .  C 323; > & Q p h i e. Ces trois Scélérats méritoient bien un parelt fort, mais je fuis fac'hée que Guillaume, qui protégea ou récompenfa tous les Auteurs du maffacre des Freres de Witt, foit devenu Roi. Mr. Herman. Les moyens qu'il employa pour obtenir la Couronne d'Angleterre, font confignés dans toutes les Hiftoïres, tu verras que Guillaume ne refpecta pas plus les Droits de fon Beau - Pere , qu'il n'avoit refpeété ceux de netre Liberté. Mais brifons fur ce fujet étranger a nos entretiens, &. di-; tes-moi pourquoi vous n'avez répandu aucune larme, au récit du meurtre des Freres de Witt, quoiquc le fupplice d'Oldenbarneveld vous en ait fait verfer en abondance ? Henri. Mon Oncle, je ne fais ce que mon Coufin & fa é7(cur ont éprouvé, mais je ne peux vous expliquer quel fentiment a caufé chez moi cette différence. J'aurois voulu pleurer, j'en avois mcme befoin, mais fans doute 1'horreur que cette cruauté m'infpiroit a retenu mes larmes. Sophie. Mon Coufin a raifon, j'ai plus fouffert qu'au ic-i  técït da fupplice de Barneveld, mais fans pon* Voir pleurer. Mr. H E r m a ff. Ce qaé vous avez éprouvé, mes Enfans, eft un eftet natnrel: la Pitié fait couler les larmes, mais une aétion atroce les arrête; & ne nous infpire qu'un fremiffement univerfel, qui raffëmble le fang autour du cceur : nous fommes indignés plutot qu'attendris. Henri. J'ai penfé, mon Oncle, qu'il ne feroit pas inutile, pour faire divetfion aux triftes idéés, que le Meurtre des deux Freres nous a laiffées, de placer' ci, d'après le témoignage de Wagenaar, 1'Eloge1 de Jean de Witt, dont je ne rapporterai quelesprincipaux traits. ,, Le Grand-Penfionnaire de Witt étoit doué „ d'un génie aetif, d'un bon fens exquis, d'une „ éloquence perfuafive, d'une prudence rare, & „ d'une expérience confommée dans les affaires „ d'Etat les plus fecretes & les plus difficiles. Ces „ qualités qui fe rencontrent difiicilement dans la même perfonne, 1'avoient rendu 1'Oracle dei „ Etats Généraux. II dreffoit les inftruétions pour „ les Ambaffadeurs, il entretenoit la correfpon- dance avec ceux de la République, dans tou«, tes les Cours, il traitoit avec ceux que les ö Pais-;  < fcs ) „' Puiffances Étrangeres' envoyoient ■axiprès des „' Etats Généraux. II avoit mis un tel ordre dans ,, les Finances, que les Etats le prierent , après „ qu'il eut réfigné fa place, de leur en donner le „ tableau. II fut toujours inviolablement fidele A la Patrie, & perfonne n'a jamais public, -foic „ de bouche, ou par ictit, qu'il fe foit. laifle „ corrompre par aucun'Prince étranger, ou qu'il „ ait formé le moindre projet au défav'antage de „ 1'Etat. Guillaume même ne put fe'difpenfer „ de lui' rendre juftice, & de dire qüe c'étoit le „ plus grand homme de fon fiecle, & qu'il avoit „ toujours fervi fon Pays avec fidélité. - Après „ fa mort les Etats s'emparerent de fes Papiers, „ & même de fes Lettres particulieres , fans qu'on „ ait rien découvert d'injurieux a fa mémoire , „ dans 1'examen qu'on en fit. Un des Commis- faires nommés pour cet examen , ayant etc „ interrogé fur ce qu'il avoit trouvé dans les Pa„ piers du Grand-Penfionnaire , répondit: Q«e peurriotis nous y avcir trouvé qui ne fut Iwnnête " ï Mr. H e r m a n. Tu as trés bien fait, mon cher Henri, d'avoir. terminé le récit de cette trifte cataftroplie, par 1'Eloge d'un des plus grands Hommes, dont notre Patrie s'honore, & qui doit fervir de modele a tous ceux qui occupent des places importantes dans la Régeftce. Combien de Monarques n'ont. ib „ 1 p" pas.  pas merité que 1'Hiftoire leur rendit un pareil témoignage ! Sophie a demandé quels fervices Guillaume avois rendus a la Patrie , dans la fituation facheufe ou elle fe troiivoit, fatisfaites en peu de mots fa. curiofité, avant de terminer notre conVerfation. Theodore. m Fagel» nommé par les Etats pour remplacer „ de Witt, ne fut pas plutdt entré en fonetion , „ qu'il fit entendre au Prinee, qu'il n'auroit pas „ une autorité entiere, fi les Régences n'étoient „ changées. . II pritleprétexte des émeutes, pour „ confeiller de donner au Stadhouder la permis„ fion de faire ces changements; les Confeillers „ Députés appuyerent cette propofition, & les „ Villes y donnerent leur confentement. On au„ torifa donc le Prince a changer les Régences „ des Villes; même par force, s'il étoit nécelïai„ re, mais pour cette fois feulement, & fans „ préjudice pour les Privileges & Franchifes des „ Villes. Guillaume commenca par Rotterdam, „ & remplaca les Régens dépofés par ceux qui „ avoient excité les dernieres émeutes en fa fa„ veur. II donna la place de Penfionnaire , oc- cupée auparavant par de Groot, a Kievit, que >, les Etats avoient condamné comme traitre a „ une peine capitale , & qui s'étoit réfugié en Angleterre. Les mêmes changemens fe lirent dans  0 dans les autres Villes de Ia Province, & le w Stadhouder eut grand foin de récompertfer fes „ Partifans, & de ne punir aucun féditieux, il ,, fit même publier une Amnifüe générale, pour. .„ tous les exces qui pouvoient avoir été commis '*» Sophie. Mon Frere, je vous avois prié de me dire ce que le Prince avoit fait pour fauver 1'Etat, que la France & 1'Angleterre attaquoient, & vous ne' parlez que de changemens de Régence. Mr. Herman. Théodore te rend compte des Ópérations de Guillaume, qui penfoit bien plus a fon intérêt perfonnel , qu'a celui de 1'Etat: au lieu de fe mettre a la téte des Troupes, il aimoit mieux affermir fon autorité , pendant que les Frangais avoient pénétré jufques dans la Province de Hollande, Theodore. „ Enfin On paria d'une fufpenfion d'Armes, quï fut acceptée, & les conférences pour la Paix: commencerent en 1673. le tems de la fufpen„ fion d'Armes étant expiré lés lioftilités recom,, mencerent avec des fuccés balancés de part & „ d'autre. La rapidité des Conquêtes de Louis XIV. avoit alJLarnié les PuifTances de. 1'EuroP a „ pe,  X '222 ) „ p'e , & 'plufieurs Princes d'AIlemagne, 1'Empe* „ reur, & le Roi d'Efpagne s'allierent avec les „ Etats Généraux , & déclarerent la Guerre a la „ France, dont les Troupes abandonnerent pres», que toutes les Places qn'eltes avoient conqui„ fes fur la République. Les Etats Généraux „ chercherent i traiter de la Paix avec le Roi d'An„ gl'etèr/e,- éde fut conclue 1'année fuivante, a „ condition1 Sophie. Je vous remercie, mon Frere, de votre complaifance, & je fuis bien aife d'avoir appris comment fe termina cette Guerre, qui avoit commencé fi malheureufement pour nous. Mr. H e r m a n. . èi nous n'avions eu que Guillaume pour foutien, elle auroit été plus funefte; ce furent les alliances des Princes étrangers, qui nous fauverent Nous verrons demain ce que notre Hiftoire pour-" sa fournir a nos remarques. DOUZIEME SOIREE, Mr. Herman, Sophie, Theodo.r e , HenrI. Sophie. H £ n r i. Je ne croyois pas que cette prérogative qu'on vient d'abolir fut fi ancienne. Mr. Herman. La date n'y fait rien ; il n'y a point de prefeription -pour.,les Souverains , ils peuvcnt réformer quand .il leur plait,, les abus quelqu'anciens qu'ils puifieut être. Theodore. „ La Guerre étant déclarée en iö*3.entre 1'Efp.ag,, ne & la France, le parti du Prince exagéra le. „ danger que . couro't la -République fi Louis „ XIV. s'emparoit' des Pays-Bas Efpagnols, te ,, Prince; propofa d'augmenter les Troupes de ,, 1'Etat, de 16000 hommes, & que leur folde „ fik..fournie affitdt par chaque Province. Dans „ l'Afiemb'.ée des Etats de Hollande cette pro„ pofition fut acceptée a la pluralité des voix, „ mais Amfterdam refdfa d'y confenrir, don,, nant pour raifon que les Finances de la Ré„ publique ne permettoient pas d'enfrer en guer„ re, & qu'on ne feroit appuyé ni des Princes „ d'Allem:;i'.ie ni de 1'Angleterre. Guillaume pré„ fenta rAifeniblee répondit que 1'Ambaffadeur de „ Erauce n'auroi: gas tenu un autre langag»; ■„ que van. Beunipgc.!, qui avoit porte la parole per„ droit la téte ii tout étoit févcrement examiné; P 5 =*£iuc *  „ que lui, Prince d'Orange, avoit les intéréts de „ 1'Etat autant a ceeur qu'Amfterdam ; qu'il ae fe „ laifTeroit point maitrifer par cette Ville & „ moins encore par les caprices de van Beunin>, gen". \ Henri. Quoique je fois accoutumé au langage imP^rieux des Stadhouders, celui-cl me paroit ua peu fort, il falloit que Guillaume fut bien certain de la faiblefTe de tous les membres de 1'Aflerpbléc pour parler avec tant d'arrogance a fes maitres. 4 Theodore. „ l'Ordre Equeftre & les réputés des autres Vil„ les s'efForcerent de faire changer de fentiment a „ ceux d'Amfterdam, qui répóndirent que le Con„ feil de leur Ville ,'étoit décidé apres de müres „ réflexions, & ne changeroit pas. On réfolut „ d'écrire une Lettre a la Régence d'Amfterdam „ qui perfifta dans fa réfolution ; en conféquence „ on décida d'envoyer une députation prélidée par „ le Prince, en qualité de Stadhouder. Guillau„ merefufa d'abord, mais Ü fit femblant de céder ,, aux follicitations. La Députation fut recue & „ régalée en grande cérémonie , elle fut introdui» te dan* le confeil de Ville; le Grand-Penfion„ naire Fagel expofa de bouche & laiffa par ,, écrit la propofition des Etats, le Prince s'efTorca „ de faire confentir la Régence 4 fe conformer au ,, fen-  „ fentiment des autres membres, ma;s il at put „ rien obtenir. Le Prince repro-ha üu? Regens ,, qu'ils avoient traité fecrettement a„ baffadeur de France ; les Bour,uemaitrei Tui „ répóndirent qu'une Ville auffi important:. qn'Anï„ fterdam pouvoit traiter avec les PuifTances étraa„ geres, qu'elle avoit toujours donné connaiflance „ aux Etats de fes négociations , mais que lui, Prince d'Orange , avoit entretenu correfpon„ dance avec plufieurs Cours, fans en "faire part „ aux Etats & qu'on lui en demanderoit compte „ dans quelque tems. Un des Bourguemaitres „ ajouta que le confeil ne chang:roit pas de ré* „ folution, ne fut ce que pour montrer i la Pcïfté,, rité que la préfence d'un'Prince d'Orange n'avoit ;, pas été capable dc porter atteinte i la libcra „ de fes délibérations. S o p h i *. Ah ! j'entens enfin pariet d#s Républicains cette  C 237 > ,, cette Ville voyant qne fa juftification n'étoit pis „; écoutce & qne les Etats perfiftoient a demander „ le Scellé , réfolut de ne plus envoyer de Dépu,, tés a 1'AflTemblée, & de ne point payer fa part ,, des dépenfes de la Province. Enfin, au mois de „ Jirn ce différend fe termina ï la fatisfaaion „ d'Amfterdam; les papiers farent rendus a la „ Régence de cette Ville, fans avoit été examinés. Mr. H e r m a n. Le crime d'Amfterdam aux yeux du Prince & de fes Partifans étoit de s'oppofer a la levée des Troupes , & de s'entendre avec la France pour obliger 1'Efpagne a conclure une treve. Cetre intention s'accordoit avec les interets de la République, mais Guillaume qui ne fondo'it fa grandeur que fur la Guerre , ne penfoit point au bonheur de fa Patrie , & vouloit contre les droits & les Privileges d'un Etat libre, forcer la plus puiffante Ville de la Hollande a feconder fes delTeins ambitieux; mais les Régens d'Amfterdam ne fe laifferent pas intimider , ni corrompre, la treve entre 1'Efpagne & la France fut conclue pour vingt ans, & la République n'augmenta pas fes Troupes. La con'duite d'Amfterdam dans cette oecafion prouve que cette Ville , quand fes Régens font animés du véritable efprit Patriotique peut mettre un frein aux entreprifes de nos Stadhouders. Hemri.  ( 238 ) Henri. Dans ua Mémoire donné aux Etats de Hollande par la Ville d'Amfterdam au fujet d'un diflcrend ëntSe le Prince & la Régence de Dort pour la nommation des Bons Hommes, j'ai trouvé des expreiTions qus j'ai cru devoir extraire paree qu'ellesont rapport avec les circonftances actuellcs. „ Depuis que les Etats ont ceffé de reconnaitre ,, Philippe II, la Souveraineté du Pays appar„ tient a l'Ordre Equeftre & aux Villes , qui „ 1'avoient offerte a Guillaume I; mais après la mort de ce Prince les Etats ne donnerent pas ,, une autorité fi étendue a fon fils Maurice, qui ,, fut en 158/5. nommé Stadhouder, par commis„ fion & injiruStion des Etats de Hollande , qui „ s''étoient rëfervê le droit de changer, cfaugmen„ ter ou de diminuer cettt inftruction. Les Stad,, houders qui ont fuc^édé a Maurice ont eu la „ mème autorité , mais feulement accordée par „ les Etats", qui font Souverains du Pays, comme P étoient lei anciens C om tes, qui avoient ia fupé„ riorite fur les Stadhouders, quoiqu'ils leur euffent „ accordée 1'exercice de plufieurs droits de Sou,, veraineté, mais en leur nom, & par' leurs ordres. Mr. Herman. Voila le véritable fondement de notre Conftitution , & ce que nos Stadhouders n'ont jamais voulu  i voulu Te perfuader. II eft tem* de leur faire connoitre qu'ils ne peuvent marcher fur la mime Ugrie avec le Souverain. . Henri. Le Prince fit encore plufieurs acres d'autorité Iarbitraire, furtout a Leide, ou il choifit quatre cchcyius qui n'étoient pas fur la nomination du Confeil de Ville. Mais un deffein de plus grande importance i'occupa bientót; fon Beaupere Jacques II, Roi d'Anglèterre ayant voulu introduire dans fes Etats de la Religion Romaine s'attira la haine de la Nation. Guillaume profita de cette imprudence pour s'emparer d'une couronne, & partit de la Briele , en 1688 , avec une flotte & des Troupes a la folde de la République. II avoit fait mettre dans fon Pavillon ces mots : pour le maintien de la Religkm Proteftante, & de la Liberté de 1'Angleterre. Le foible Jacques fut trahi fe refugia en France, Guillaume & fon Epoufe furent couronhés a Londres, & le véritablé héritier de Couronne , fils de Jacques, fut déclaré par le Parlement incapable de fuccéder aujc droits de fon Pere' comme étant un enfant fuppofé. Le Prince d'Orange , devenu Roi n'en conferva pas moins le Stadhoudérat de cinq Provinces &le Com^.mandement de toutes les forces de la République, S 0-  Sophie. Ce Prince étant redevable de fon élévation notre Pays lui temoigna fans' doute' fa recon-1 noifiance. Henri. Vous avez trop bonne opinion de lui, ma coufine, je vais vous détromper. „ Lorsque Guillaume 'fut afïïs fur le tröne' ,, d'Angleterre, les AmbaiTadeurs des Provinces, „ Unies chcrcherent a 1'engager de faire révoquer „' 1'acte de Navigation donné fous Cromwel, & „ qui portoit un fi grand préjudice au Commerce de la Hollande; le Roi répondit qu'il n'étoit pas „ encore tems d'y penfer . & fit connoitre qu'il „ n'avoit point envie de donner cette pféuve „ d'amitié a la République. II rioit, dit un des „ AmbaiTadeurs, quand on lui. parioit de la ré„ vocation de cet acte. Les Marchands Hollan„ dois fe plaignoient qu'ils n'avoient jamais été' ' „ fi maltraités en Argleterre; on refufa memo la „ demanae d'importer libremcnt la Porcelaine de „' Delft. Sophie. Je n'aurois pas maginé cet .exces d'ingratitude ' pour un Pays qui lui avoit donné de fi grandes preuves d'afection. Mr.  ( *4'i ï Mr. Herman. Surtout après avoir épuifé fes finances pour k mettre fur le tróne, & s'être attiré la guerre avec Louis XIV, qui foutenoit le Roi détröné. Henri. „ Guillaume ayant confervé fa place de Stad„ houder voulut, quoiqu'abfent, en conferverauffi „ les prérogatives, & la Ville d'Amfterdam après „ bien des débats, fut obligée d'envoyer en An„ gleterre la Nomination de fes Echevins, pour „ être cónfirmèe par le Roi. Quelques années „ après il traita quelques Régens de Goes avec la a} plus,grande rigueur, au fujet d'une nomination „ faite a la pluralité des voix par un des Bourgue„ maitres & quelques Echevins, contre 1'avis du „ Grand-Officier, d'un Bourguemaitre & des au. „ tres Echevins ; le Grand - Officier n'ayant pu „ réuffir, porta fe» p'lainfes a Guillaume', qui fe „ trouvoit alors au Loo; ce Prince nomma deux „ Députés pour prendre connoiffance du fait, & „ des Privileges que le Bour-uemaitre Wefterwyfc „ reclamoit; en même tems il ordonna que le „ changement de Régence fut différé jusqu'a ce „• qu'il eut entendu le rapport des Députés. On ,, recut cette lettre, le 24 Juin, jour auquella Ré,, gence de Goes doit être renouvellée ; on fe „ difpofoit a fe conformer aux ordres du Stadhou-' „ der, mais le peuple s'afl'erubla devant 1'Hótel de q. ,>Viae  ( 542 ) ,, Ville & forca les Magiftrats a fuïvre l'anciera ,, ufage. Pour prevenir tout défordre on fatisfit ,, les citoyens, on leur lut les noms des Regens „ qu'on venoit d'élire & fe repos fut rétabli. ,, Guillaume irrité de cette defobéiffance, donna „ fecrettement des ordres aux Troupes qui étoient ,, en Garnifon a Fleffingue, a Veere, & au Sas,, de - Gand, de fe tenir prêtes a marcher au pre,r mier ordre pour s'emparer de Goes. Theodore. Porxrquoi Guillaume vouloit il faire retarder le changement de Régence i Goes , lui qui dans d'autres occafions avoit changé ailleurs les Régences avant le tems. Mr. Herman. II cralgnoit que les nouveaux Régens ne fufTent pas dans fes intéréts, & de plus il vouloit pouvoir faire ce changement felon fa feule volonté , en dépofant les Magiftrats attachés aux Privileges de la.Ville, & détruire ainfi les droits des habitans. Henri. „ Le 13 du mois d'Aoik les barques qui por„ toient les Troupes s'approcherent de la Ville, „ & le Bourguemaitre Eversdyk en étant averti, „ fit fermer les portes & les chaines du Port, » afTernbia le Confeil, & lui donna connoiffance „da  ti de cette entreprife. Les Officiers ft préfente'l rent ' pour donner leurs Parentes au Magiftrat; " le Confeil de Ville s'affembla pour délibérer " fur la conduite qu'il falloit tenir dans une cir"„ conftance fi délicate, & le refultat de ia déli,' bération fut que la Régence, quosque pénétréè „ de refpect pour Sa Majefté, n'en étoit pas moins „ obligée de foutenir les Privileges de la Ville ; „ & ne pouvoit recevoir de Garnifon ? que paï "„ ordre & fur les Pntentes des Etats de la Pro„ vince; qu'elle donneroit connoiffance de ce qui " arrivoit aux Etats de Zélande, en les priant de i maintenir les droits de la Ville & d'empêchet „ qu'on n'y portat quelque atteinte. Le Bourgue„ maitre Gruward 1'Echevin van Dorth furent „ les feuls, qui s'oppoferent a cette réfolution quï „ fut fignifiée aux Officiers, en les priant de fe „ retirer, & en leur offrant des vivres, s'ils' ert „ avoient befoin pour leurs Soldats. Les Officiers! remercierent de cette offre, mais ils répóndirent „ qu'ils exécuteroient les ordres, dont ils étoient chargés. On prépara tout pour la défenfe dans , la Ville, on écrivit pour avoir du fecours, mais' „ les Villes de la Province n'oferent prendre le „ parti des affiégés , & le 24 les Troupes s'empa„ rerent de Goes; les Députés arriverent peu de „ tems après, changerent la Régence > chafferent „ ceux qui avoient été nommés aux emplois par „ Wefterwyk, & en nommerent d'autres en verO Ï » m  C 244 ) ï, tu des pouvoirs que Guillaume leur aVcufi „ donnés. " Sophie. Voila bien la preuve dece que Papa nous difoit tout-a-l'heure, que Guillaume vouloit changer la Régence par fa feule autorité. Henri. ,, Le Roi ne fe contenta pas de ce changement, „ Ü renvoya les mêmes Députés avec ordre de faire ,, le Procés aux anciens Régens , & nomina van „ Dortu pour exercer les fonctions de Bailii. Le „ Bourguemaitre & le Secretaire Wefterwyk , lc „ Bourguemaitre Eversdyk, Verkat & Bellaar, „ Officiers de la Garde Bourgeoife furent mis en ., prifon. lis furent jugés par les Bourguemaï„ tres k les Echevins ; 1'ancien Bourguemaitre „ Wefterwyk fut condamné a être décapité, Evers„ dyk & le Secrétaire van der mie k être bannis „ après avoir recu des' coups de fabre fur la tête, „ Verkat a être fouetté & banni & Bei.Telaar au" „ bannifiément; les biens des deux Bourguemai„ tres & la moitié de ceux du Secrétaire furen» confisqués. " S o p h i k. Guillaume favoit trés bier. que la Sentence feroit rigoureufe puisqu'il avoit choifi pour juges les plusgrands ennemis des accufés; je ne vois pourtant pas qu'ils eulfent ccnurus d'autres crimes que  t 245 ) I que d'avoir foutenu les droits des Citoyens & les I Privileges de la Ville. Mr. Herman. 11 n'en faut pas davintage pour être coupable aux yeux de nos Stadhouders, & pour être traités en criminels de Leze - Majefté quand on s'oppofe a leurs entreprifes contre la Liberté. H e 1» r i. ,, La fentence ne les oondamnoit, que pout „.n'avoir pas obéi aux ordres du Stadhouder, & „ pour s'être oppofé a 1'entrée des Troupes qu'il ,, avoit envoyées. Guillaume avoit ordonné que les Sentences lui fufTent communiquées avant ,, 1'exécution, on les lui. fit parvenir en Angle., terre, avec une Lettre dans laquelle on le remer, ,, cioit d'avoir rétabli le bon ordre a Goes. Les , „ Bourgeois s'excuferent auprès de lui, le priant „ d'accorder un pardon général pour tout ce qui „ s'étoit pafte. Les condamnés implorerent aufil , „ la clémence du Roi, lui temoignerent- leur re, ,, pentir de 1'avoir offenfé, 1'aflurant en même ( „ tems que leur intention n'avoit jamais été de ,, manquer au refpect, qu'ils lui devoient, mais , „ de maintenir les Privileges de leur Ville. " Theodore Ce n'eft pas ainfi que fe conduifirent OldenbarQ 3 ne-  ( 24o', % neveld, & les compagnons de fon infortunc, ils refuferent conftamment de demander grace. Mr. Herman. Mon ami, toutes les ames ne font pas de la même trempe ; les pleurs d'une familie, 1'horreur d'un fupplice ignominieux plus que la crainte de Ia mort, peuvent ébranler la conftance de 1'homme le plus ferme. Je ne blame pascependanttafacon de penfer & je t'exhorte « la conferver dans toutes les circonftances ou tu pourras te trouver ; c'eft faire trop d'honneur aux Tyrans que de leur fuppofer un caractere généreux. Henri. • 3, En attendant la réponfe de Guillaume, I'an„ cien Bourguemettre Wefterwyk refta plus de „ cinq femaincs dans un cachot deftiné pour les s, plus grands Scélérats, & les nouveaux Ré,, gens I'y laifferent fous pretexte, qu'ils n'ofoient a, 1'en faire fortir fans 1'ordre du Stadhouder. En„ fin au mois de Decembre le Roi envoya fes or.,, dres; approuvant les Sentences, comme etant „ conformes aux droits & aux loix de la Zélande, „ mais ajoutant . que les Etats ayant témoigné „ défirer quelque adouciffement, il ordonnoit t, qu'Adolphe & Jean Wefterwyk fufTent conduits a „ Bois-le-Duc pour y ctre gardes & entretenus a leurs dépens, & que la Régence prit fur leurs biens  ( 247 5 „ biens tous les frais & ceux de la Procedure. La * Régence de Goes tint cette réponfe fecrette , & " louadeuxbarques, qui furent prctesle 30. du mc", meMois: a onze heures du foirle bruit fe répan" dit que les prifonniers alloient être conduits a " la CitadeUe pour y entendre les ordres Sa Roi, ^ auffitót une foule de peuple s'affembla devant la prifon pour dire le dermer adieu * ces mfortunés. Le Miniftre Leidekker donna cette trifte nouvelle au Pere d'Eversdyk; ce Vieillard " tomba en foibleffe & fe trouva hors d'état d'alkr ' voir fon fils pour la derniere fois. On fe fervit des Soldats pour conduire les prifonniers hors " de la Ville ; Eversdyk parut le premier , & " n'ayant pas la force de proférer une feule pa" role, il fe contenta de lever les mains au ciel ; " il fut accompagné avec quelques uns des pri" formiers , par une foule d'habitans dont les 1' fanglots & les foupirs étoient les feuls inter"„ prètes de leur affeaiofi & de leur triftefie. Adolpbe & Jean Wefterwyk refterent encore ,, quelques momens dans la Prifon, ou la femme ,, du Bourguemaitre étant vcnue voir fon Man, "„ s'évanouit d'abord, mais ayant repris fesfens, „ elle embraffa fon Epoux avec tant de force, ,, qu'il ne fut pas poffible de 1'en feparer, malgré les efforts des Soldats. Lorsque les Prifbn,', niers furent derrière 1'Hötel - de-Ville, ü s'é„ leva un gémiffement univerfel, & ie BourgueQ 4 ,> mal"  ( «48 5 ,, maitre exhorta fon Epome, qui ie tenoit töu„ jours embraffé, de fe foumettre a la volonté de „ Dieu , Sc ne put retenir fes larmes en fe fé„ parant d'elle pour toujours ". S r o h i e. Je fens couler les miennes, Papa; je me repréfente cette Femme arrachce avec violence par de cruels Soldats, qui la privent de la feule confolation qui lui refte, celle d'accompagner fon Mari, de reccvoir fes adieux , & de partager fon fort! Cette fituation m'attendrit plus que le fupplice de Barneveld , & le Maffacre des Freres de Witt, mais je trouve cependant du plaifir a pleurer. Mr. Herman. J'en goüte auffi, ma Fille, en voyant ta fenfibüité, tu pofféderas toutes les vertus detonSexe, bien préfcrables aux agrémensdont il eft fi vain. H E n.r i. Wefterwyk s'adreffant enfuite au Peuple, qiü „ fondoit en larmes, mes ehers Concitoyens, dit„ il, adieu pour toujours; je fuis homme, & fat „ pu fans doute offenfer quUqu\ün, pardonnez moi, „ comme je pardonne a chacun de vous. Mon fort „ Vous afflige autant que moi, mais puisque je s, n'ai trouvé aucune. juftice fur la terre, fen apfi pélle au Tribunal de Jefus Christ, devant lequel i ceux  I 249 3 w ceux qui m'ont jugi comparoitront comme neus tous. II n'en put dire davantage, & le Major, qui étoit un Allemand, le pouffa rudement „ vers la porte, & fa Femme 1'accompagnoit toujours , s'écriant qu'elle vouloit mourir avec lui. Wefterwyk, &: les autres Prifonniers fc„ rent fuivis jufqu'a la porte par le Peuple, qui ,, monta fur les remparts , & qui crioit toujours , ,, adieu, adieu ; mais on le contraignit de defcendre a coups de baton V. Mr. Herman. Quel indigne traitement pour les Habitans d'un Pays libre, & quelle récompenfe d'avoir prodigué leurs biens & leur fang , pour mettre une Couronne fur la tcte de Guillaume ! le fort des Negres en Amérique ri'eft pas plus affreux. Sophie. On doit fe reffouvenir encore a Goes de cette cruauté; fans doute la Maifon d'Orange n'y a pas beaucoup de Partifans, Mr. Herman. Cela devroit être, mais cette Ville au contraire eft une des plus dévouées au parti des Stadhouders , c'eft elle qui a donné 1'exemple des violences , qui occaflonnerent 1'élévation de Guillaume IV. & je ne doute pas qu'elle ne fe fignale Q 5 en-  ( 250 ) encore pas de pareils excès, quand Poccafion s'er» préfentera. Henri. „ Wefterwyk étant forti, demanda au Major ce „ qu'on vouloit lui faire; ce brutal lui répondit: „ On vous pendra , & avec vous tous les Hollan„ dois, qui ofent réfijier au.* volontés du Roi. „ Avant que les Prifonniers entraffent dans les ,, barques. on leur lut la Lettre de Guillaume; „ alors Wefterwyk dit adieu a Eversdyk, ajou„ ant.qu'ils fi reverroient dans l'Eternitè, oü fans „ doute ils obtiendroient la juftice, qu'on leur avoit ,, refufée dans ce monde. C'efl aujourd'hui notre „ tour, s'écria t'il, ce fera demain le leur. Quel,, ques années après les Prifonniers etfrent permis„ fion de revenir a Goes, & quand Guillaume fut mort, ils rentrerent dans la Régence ". Sophie. C'eft-a-dire qu'on fe conduifit comme a I'ordinaire, & que les Etats eraignoient trop Guillaume , pour réparer de fon vivant fes injuftices. Ce Prince vécut il encore long - tems ? Theodore. Non, ma Steur, mais aflez pour engager ïa République dans une nouvelle Guerre contre la France, Ayant eu une maladie aflez grave en 1701. \  t 251 ) ,;ol h follicita les Etats de Hollande d'élire pour'füh Succeffeüt au Stadhoudérat de leur Province le jeune Prince Jean GuüL.urr-.e Frif, , fon Coufin Stadhouder Héréditaire de Frife; mais voyant' qu'on ctoit peu difpofé a lui plaite , il n'irififïa pas. II mourut 1'année fmvante, le Mars agé de s* ans. Je crois que ma Soeur rie fera' pas fachée de favoir ce que Wagenaaf noua a uiiTé' fur ie caraftere, les aftions de ce Prince & la maniere dont il gouverna 1'Angleterre & notre Pays; je n'en rapporterai cependant que lesprincipaux traits. Guillaume avoit la Phifionomie majeltueufe & grave • il étoit toujours taci mme & férieux; " ia diffimu'lation, qui ne 1'avoit pas quitté depuis fa première jeunefie, le rendoit peu fufceptible " de cette familiarité, fi néceffaire pour fe conci" lier 1'affeaion du Peuple en Angleterre & dans " notre Patrie. II affiftoit avec beaucoup d'affi" duité aux Offices divins, mais il ne rnettoit paS " une grande importance aux pratiqties extérteu" res du culte; il fuivoit en Angle'tefre le Rit " adopté dans ce Royaume, quoiqu'il eut fuivi " d'autres ufages dans notre Pays, & qu'il con" tinuk de s'y conformer quand il y reveno.t. 11 "„ eut la réputation d'un grand Homme de Giïer" re,, quoiqu'il n'ait jamais gagné qu'une Bataille & pris qu'une feule Ville. 'son Gouvernement déplut a beaucoup de " „ Seig-  ( 252 ) „ Seigneurs Anglais, paree qu'il ne s'étoit pa, „ contenté de 1'adminiftration du Royaume, mais „ qu'il n'avoit afpiré qu'a la Couronne. On di„foit même affez publiquement, qu'on avoit „ decapué un Roi, chairé 1'autre, qu'on faaroit bien fe débaraffer du troifieme. On avoit dans „ les Pays Etrangers une fi foible idéé de fon pou„ voir fur fes fujets, qu'on 1'appelloit Stadhouder „ dAngleterre, & R0i de Hollande ". Mr. Herman. C'eft une preuve que les hommes fe laiffent toujours conduire par les mots : On déteftoit a •Rome le titre Roi, les Tyrans ne prirent que celui d'Empereur; qui fe donnoit a tous les Généraux Vainqueurs, & cependant ils étoient Maitres abfolus de Ia vie & des biens d'un Peuple , ans, par plufieurs Régens, qui s'étoient enga» ges par écrit k la faire réulïïr ". Sophie. Comment, un enfant de fept ans devenir Stadhouder ! cela me paroit bien ridicule, a moins que les Princes de la Maifon d'Orange ne viennent au monde avec plus d'efprit que les autres hommes; ce que je ne crois pourtant pas. Mr. Herman. Et ce que tu ss raifon de ne pas croire; mais je t'ai dit plufieurs fois, que chez nous, connnaailleurs, le nom fait tout. Henri. „„ Quatre ans après le Jeune Prince fut nommé „ Staahouder & Capitaine Général du Pays de „ Drenthe; fes Partifans travailloient en ' même „ tems a lui faite obtenir cette dignité, dans la „ Province de Gueldre; ils 3V0ient mis les cftp- .' : . - fes  ( 359 > r fts en fi bon train, que la propofition devoit en être faite , * la prochaine Affemblée des '„ Etats. Ceux de Hollande, de Zélande, d'Utrecht & d'Overyffel, qui depuis quelques an,, nées avoient jugé nécefTaire de maintenir la ,, form* actuelle de Gouvernement, réfolurent de „ tout mettre en ufage, pour empêcher la Guel? "„ dre, de fe donner un Stadhouder. Les Etats " de Hollande écrivirent a ceux de Gii'eldre, que "/fans vouloir s'immifcer dans leurs affaires do,, meftiques, ils croyoient pouvoir leur faire envifager le péril de changer la forme du Gou',; vernement; qu'il pourroit en réfulter des trou„ bles & des divifions; que quelques autres Pro„ vinces voudroient peut-être fuivre cet exenv ,, ple, & que d'autres s'y refuferoient, ce qui "„ pouvoit occafionner la défunion, & la mine- de "„ 1'Etat. Ils ajoutoient que la dignitc Stadhou,', dérienne ne pouvoit être d'aucune utilité/puisr„ que 1'expérience avoit prouvé que les différcnds, „ qui s'étoient élevés entre les Provinces, n'a„ voient pas été mieux appaifés par les Stadhou„ ders, que fans eux ". Mr. Herman. On auroit pu même dire que les Stadhouders, loin de pacifier les troubles, avoient toujours cherché a les tomenter. . ■ - V. i? HM-  | 26o J Les Itats d'Utrecht, invités paf ceux de Hol,, lande a faire la même tentative, répóndirent qu'ils la jugeoient inutile, paree que le deffein „ étoit pris en Gueldre d'élire un Stadhouder; la „ Zélande k 1'Overysfel firent la même réponfe. Celle des Etat* de GueWre faifoit le plus pom„ peux Eloge de tous les Princes de la Maifon „ d'Orange, de leur Courage, & de leurs Services. Cette Province regardoit le Jeune Prince, com„ me le feul Citoyen de 1'Etat, qui fut digne de K la dignité de Stadhouder; le deffein qu'elle „ avoit de la lui donner, ne pouvoit caufer au„ cun préjudice a 1'ïtat, & la crainte de la Hol ,, lande a cet égard, étoit mal fondée. ïlle ne „ comprenoit pas quel tort fon choix pouvoit faire „ aux Confédéres, puisque les Stadhouders, com„ me les Magiftrats, ét«ient obligés de promet„ tre, par ferment, de garder & de maintenir „ tous les articles de 1'ünion d'Utrecht. Cette „, Lettre faifoit connoitre que les efforts des au„ tres Provinces étoient inutiles; effeélivement le „ Prince fat nommé Stadhouder: on dreffa pour „ 1'exercice de cette dignité une inftruction, dont „ il devoit jurer 1'obfervation, quand il auroit „ 1'üge de 18 ans. Ainfi le Jeuue Prince d'Oran„ ge rat nommé Stadhouder & Capitaine Géné„ ral de la Gueldre, fous des conditions qui re„ ftreignoient fon Autorité; mais les amis & les /s confeillers de fa Majfon crurent qu'il devoit les  accepter, & qu'on trouveroit bien moyen d'aug-T " menter fon pouvoir. Ils fe flattoient d'ailleurs que les quatre autres Provinces fuivroient 1 exemple de la Gueldre, quand cues verroient que '\ l'autorité du Stadhouder étoit contenue dans des bornes étroites. Cependant ces quatre Pro' vinces réfolurent de ne point changer la ferme de leur Gouvernement, & de fe feconder mu" tuellement pour foutcnir cette réfolution. _ En 1734. Le Prince d'Orange époufa la " m„ cere Anne, Fille aïnée de George II. Rol „ d'Angleterre, qui donna connoiffance de ce Mariage aux Etats Généaaux, en les affurant " qu'il avoit voulu refferrer les liens qui unis"„ foient fon Royaume a la République ; qu'il avoit " eu principalement en vue 1'avantage de laReli" gionRéformée, & qu'il efpéroit que leurs Hau" tesPuiffancesrecevroient fa Fille d'une mame'„ re qui répondroit aux fentimens qu'il avoit "„ toujours eu pour la République. Les Etats " lui témoignerent leur fatisfaótion , de ce qu'il avoit choifi pour gendre un Prince, qui leur " étoit attaché fi étroitement, 4: qu'ils honoroient " autant pour fon mérite particulier, que pour " les fervices de fes Ancctres. Putsque Votre Ma" jejli, ajoutoient L.H.P. a choifi pour demeur* " a la Princejefa Fille chérie un Etat libre, tel "„ qu'efl le notre, nous efpérons qu'Elle y trouvera "„ lafatbfaölion, qm peut s'accorder avec la ConR 3 * J  26 2 ) „JlHution aofueUe 4e m Gouvernement, que " mus "vom a — * m-mp)r. La JA " ""ef "re * «*»9*t qu'on vouloit oZ au * la Grande Bretagne toute efpéranc " » voir fon Gendre Stamouder des Provinces qu " aV01Cf 3d°P^ ™re forme de GouverL " me"C- LeS Amis de Maifon d'Orange ne „ negligeoient rien, pour 1'ElcVation du Prince « au Stadhoudérat des quatre autres Provinces „ & pour faifir 1'occafion qui pourroit fe préfenter „ d'exciter quelque émeute dans le Peuple. Ils „ avoient voulu faire naitre une fédition entre les „ Proteftan* & les Catholiques Romains, au Su„ jet d'une Fête folemnelle, de ces dcrniers, mais „ les Magiftrats des Villes, informés de leur des" fCln' avoient de fi fages mefures, qu'il „ n aniva aucun défordre, quoiqu?on eilt dcja «preparé des Brapeaux-Orange, pour les arbov rer fur les Tours. Un Miniftre de 1'Eglife Wal „ lonne, ayant prié pour le Prince & pour fon „ Epoufe, fut privé de fes appointemens5 mais * ayant déclaré qu'il n'avoit eu d'antre intention que de pner pour leur profpérité, * pour celle „ de la Religon Réformée, on lui pardonna Ce = » Miniftre s'appelloit Jean Royer, & fut depuis » premier Prédicateur de Guillaume IV. ". Mr. H E R M A ff. Si les Etats de Hollande avoient toujours ufé •"- * des  < 2*3 ) des mêmes précautions, la Cabale de not Prince» n'auroit pas triompbé; il faut fans ceffe être en garde contre fes entreprifes, & la redouter même, quand elle paroit tranquille. Elle reflemble k ces Volcans, qui ne lancent qne de foibles étincelles; on croit pouvoir fe fixer dans leur Voifmage, mais une explofion inattendue vient renverfer, embrafer & détruire les aziles de ceux. qui ont eu 1'imprudence d'oublier les ravages, lont leurs Peres ont été les viaimes. Sophie. Un Volcan eft, je crois, ujie Montagne, qui jette du feu, comme il y en a dans la Sicile, k. ailleurs. Theobork. Oui» *a Sceur. Sophie. Les Habitans de ces Pays U ne peuvent pas s'al* Ier établir dans une autre; mais nous pouvons trés facilement nous garantir du Volcan de la Maifon d'Orange , en 1'éloignant de nous. Mr. H e a. m a w. Ce feroit le fenl moyen de nous en préfervef, mais il n'eft pas praticable, & nous ferons trop R 4 bcu-  C 264 ) fceureux, fi nous pouvons pa„enh j Ie rendr£ moins ^ngereux qu'il eft poflïble. Theodore. " ?* ^"Wiqne en 1742. fe declara #. Reine de Hongrie, contre la Prance , qui nou! -'TV'Neutralitd- w»fleF»^;q"r « rappeuojent la malheureufe Guerre de ,672 » dont 1'élévation de Guillaume III. avoit été la » flute craignoientles mcmes événemens, & foit. » haitoient qu'on acceptk la propofition de U u Ffance, mais les partifans de ]a Maifon » ge les peignoient au Peuple, comme des trai» tres, qui avoient vendu leur Patrie, com.» me des ennemis & des envieux de ceiui qu'on „ auroit Wulu voir Stadhouder de toutes 'lei „ Provinces. Ces bruits fervoient a préparer de „ loin les efprits, a opérer le grand changement „ qui fe fit quelques années après, & qu'on avoit „ taché de faire réuffir fecrettement dès 174e Les „ Etats Généraux firent une promotion dans leur „ Armee, & réfolurent de donner du commanee„ ment au-Prince d'Orange, qui rfetoit encore „ que Colonel a leur fervice. Ses amis auroient „ fouhaité qu'il eut été Général de Infanterie ou „ de la Cavalerie, mais on ne lui donna qae le » rang de Lieutenant Général d'Infanterie. II ne v crut pas devoir. accepter cet emploi, qu'il re, garda c0mme incompatible avec fa fcharge de „ Ca-  „ Capitaine Général de trois Provinces, & qui lui „ dtoit 1'occafion de fe rendre plus capable de „ fervir 1'Etat. 11 ajouta que ce qu'il devoit 2 " fon nom & aux dignités, dont il étoit revêtu , „ ne lui permettoit pas de remplir un emploi „ fubalterne. On publia la Lettre qu'il écrivit a „ ce fujet aux Etats Généraux; elle fut approu„ vée de tous fes Partifans, & donna au Peuple '„ une grande opinion des fentimens élevcs du „ Prince. „ Les hoftilités entre la France & 1'Angleterre „ ayant commencé en 17 44* Ü P*™11 impoffible „ que nous puflions éviter d'y prendre part, «c „ quelques Provinces propoferent de nommer le „ Prince d'Orange Général de 1'Infanterie, elles „ déclarerentmême, que ft leur propofltion n'étoit '„ pas acceptée, elle ne fourniroient pas leur „ contingent des dépenfcs extraordinaires. La „ Hollande & la Zélande refuferent d'y confentir, „ & les chofes en demeurerent la. Mr. Herman, Vous verrez bientót tout changer dtface, * ceux qui avoient engagé les Etats è ne pas accepter la Neutralité, que la France demandoit, feront les premiers è crier qu'il faut nommer un Stadhouder, pour s'oppofer aux entreprifes de cette. même Franct, qui ne pöuvant obtenir ce qu'elle avoit demandé de nous, attaqua tes Villes de R 5 la  < 266 ) Ia Flandre & du Brabant, qui nous appartW nent. Theodore. C'eft auffi la remarque de Wagenaar, Eu fujet de la révolution de 1747. il dit que les amis de la Maifon d'Orange firent répandre des écrits, ou les Régens étoient accufés de trahifon , & dans lesquels on confeilloit au Peuple de faire rétablir la dignité Stadhoudérienne, comme le feul moyen de rendre a la République fon ancien luftre. Cette révolution s'opéra prescue de la même maniere que celle de 1672. & les émeutes commencerent, comme alors, a Veere, en Zélande; elles fe répandirent dans les autres Villes de cette Province , & de la gagnerent la Hollande, & le refte de la République. Sophie. J'efpere que vous n'aurez pas négligé, mon Frere , de recueillir les principales circonftances de cette révolution ; vous favez que j'aime beaucoup a m'inftruire. Theodore. Nous avons, mon Coufin Sc moi, fait notre poffible, pour vous fatisfaire, en nous inftruifant nous mêmes : voici ce que notre Hiftorien nous apprend a ce fujet: „ Le  ( 2*7 > M Le S4. Avril 1747. il y eut J Middelbourg „ une émeüte, caufée par une perfonne qui étant „ entrée dans une Auberge , demanda du vin , & „ ayant ouvert une fenêtre, but a la fanté du Stad„ houder, le Prince d'Orange ; la Popalace s'as„ fembla devant les maiions de quelques Magi„ firats , & celle du Bourguemaitre Jean Cvcquelle ,, fut pillée. La nuit fuivante la Garde Bourgeol„ fe de Veere s'aflembla devant la maifon du „ Bourguemaitre Verelft, dont les fentimens pour „ la Maifon d'Orange étoient bien ccnnus; on le „ pria de propofer, de la part de la Ville, Son „ AlteiTe le Prince d'Orange pour Stadhouder de „ la Zélande. Ce Bourguemaitre fit arfembler fes „ Collegues a cinq heures du matin , & 1'und'Eux, „ nommé Huyjfen, qui avoit recu chez lui plu,, fieurs Bourgeois de la Garde , pendant la nuit, „ propofa au Confeil de fatisfaire les Citoyens. „ II fut donc unanimement réfolu que le danser, "„ danslequcl fe trouvoit la Ville, & la Province „ exigeoit qu'on déclarat Stadhouder Capitaine "„ & Amiral - Général de la Zélande, S. A. le „ Prince Guillaume-Charles-Henri - Frifo , avec „ telle Puiffance, Autorité, Privileges & Préro"„ gatives, que les Etats de la Province jugeroient „ néceffaires de conférer au dit P«nce, pour fa „ propre fatisfaftion, pour les intéréts de la Pa„ trie, k particulierement .de la Zélande. On envoya des Députés porter cette Réfolution a „ l"As-  ' ( 2fJ8 > l'Afremblée des Etats a Middelbourg; on en fit „ part au Peuple, affemblé devant i'Hötel 'de „ Ville, & dans 1'inftant le Drapeau Orange fut „ déployé, & tout (e monde porta des rubans de „ cette couleur au chapeau. A Middelbourg les „ Charpentiers de Navires, ayant a leur tite un „ Maitre de Catéchisme, allerent a ia Cour, 01ï „ les Etats étoient afTemblés, & demanderent le „ Prince d'Orange Stadhouder, au moins de la „ part de la Ville. La délibération durant trop au » gré de 1'impatience de cette Populace, elle „ forca la Porte & déja deux on trois de ces fu„ rieux tiroient leurs couteaux, lorsque deux „ membres de 1'Affemblce, voyant que la Majo„ rité penchoit en faveur du Prince, déclarerent „ au Peuple que S. A. étoit nommce Stadhou„ der de la part de la Ville. La joie fut „ gtnérale a cette nouvelle & les drapeaux & „ les Cocardes Orange parurent de tous cotés." Sophie. Je remarque, Papa, que toutes les fois que les Princes d'Orange obtiennent nne augmentation de pouvoir, on porte les couleurs de leur Maifon, en figne de rejouiiTance & d'attachement a leurs intéréts. Cette décoration me femble humiliante, c'eft vculoir reffembler a des valets qui portent la livrée de leur Maitre. Mr.  ( 2W>9 3 Mr. H k «• m a ». Tes réfléxions font toujours trés juftes : Ceu* qui fe parent de ces couleurs, infultent leurs Souverains, oublient qu'ils font Membres dun Eut libre & fe déclarent de véritables Efclaves. La Populace ne doit infpirer que de la pidé a 1 homme raifonnable, mais ceux qui la font mouvoir méritcnt 1'indignation & le mépris de tous les bons citoyens. Theodore. Les mêmes moyens furent employés dans les , autres Villes de la Zélande en faveur du Prince mais les émeutes furent plus violentes a " Zierikzée & » Thoolen. Le »8' du même mots " le Prince fut déclaré Stadhouder Capitaine «e " Amiral Général a Middelbourg, par l'Afremblée " des Etats, qui lui envoya une Députation 5 " Leeuwarden. Son Alteffe qui avoit offert fes " fervices aux Etats le même jour, ou il avoit été " proclamé dans plufieurs Villes de la Zélande, " accepta les dignités qu'on lui offroit, & promit " de fe concerter avec les Députés de la Province, fur cequ'il pourroit faire dans les circonftan„ ces préfentes. Henri- Cette offre de fervice faite 'par le Prince dans 1 une lettre écrite en Frife , le même jour ou la Ze-  t 270 ) Plande fe déclaroit pour lui, eft une preuve bien claare qu'il étoit informé des mefures que fes partifans devoient prendre pour faire foulever le Peuple en fa faveur. Mr. Herman. C'eft la conduite ordinaire de nos Princes: ils parojfltat toujours tranquilles, mais leurs émisfaires travaillent tantót fourdement, tantót'i force ouverte, felon les circonftances, & la Populace gnideepareux fe fouleve a .leur Corrimandement ■ & femble les contraindre a faire ce qu'ils ont déja' «00». Aufïï devroit on punir févérem'ent les infligateurs des révoltes, quelque rang qu'ih occuPent, leur chatimen^ rendroit les autres plus réfervcs , & ie Peuple n'ayant plus 1'efpérance d etre foutena, feroit heureux & libre, malgré lui, Theodore. „ Aufïïtót que la nouvelle de ce qui s'étoit paffé en Zelar.de fut parvenue i Ia Haye, on vit le „ lendemain des femmes & des enfans courir les „ rues avec des cocardes & des couronnes de pa„ pier Orange. Pour exciter encore plus ce Peu„ P'e a fe foulever en-faveur du Prince, on fit courir le bruit que les Régens avoient conclu „ un traité de Neutralité avcc la Vlincs > & ^ „ les Villes de la FJandre en ötage au Roi; le ,, Grand - Penfionnaire Gilles fut méme accufé „ d'avoir  < 271 } t, d'avoir travaillé a ce traité , mais il fe juftifia „ de cette impofture , & les Etats Généraux „ ayant approuvé fa conduite/ prierent ceux da „ Hollande de faire informer contr^ les Auteurs „ de ces bruits, & de les pourfuivre en juftice, „ On arrèta pour ce fujet un nommé Jean Rtuffet „ de Bujfy-, foup§onné d'avoir écrit en Angleterre „ ce qui s'etoit paffé a Breda relativement a la „ Neutralité. II fut détenu en arrèt civil a la „ conciergerie de la Cour a la Haye , jusqü'a 1'arrivée du Prince, alors on le mit en li„ berté , & S. A. lui confira quelque tems après ,, le titre de Confeiller extraordinaire & de fon ,, Hiftoriographe. „ Ce ne fut pas feulement a la Haye , que la „ révolution de Zélande excita le Peuple a fe fou„ lever ; quelques Ouvriers ii Rotterdam, pri,, rent les couleurs Orange' & demanderent aux „ Magiftrats que le Prince fik déclaré Stadhouder: „ ils furent favorablement accueillis, mais avant ,) de prendre aucune réfolution a cet égard on „ attendit le premier Mai, jour de changement ,, de Régence dans cette Ville. Alors on réfolut „ d'envoyer des Députés a 1'Affemblée des Etats „ de la Province pour annoncer, de la,part de „ la Ville, que le Prince étoit nommé Stadhou„ der. a Delft la populace fit les mêmes deman- des, & forc'a les Magiftrats qui avoient demandé r, quelque dclai de rentrer a 1'hctel-de-Ville pour „ dé-  ? «7* 1 'n délibéref. Au même inftant il arriVa des habi„ tans «e Maafrays, & de Vlaardingue, armés de „ bitons ft: de föurches, qui fe pofterent devant „ 1'Hötel - de - Ville, ft: a 7 heures de foir le Dra„ peau Orange fut arboré & le Prince déclaré" Stad- houder. La même réfolution fut prife dans les „ autres Villes de la Hollande , avec un plus ou „ un peu moins de violence de la part du Peu- ple. Cependant la Populace de la Haye étoii „ impatiente de voir 1'efTet de fes demandes; les „ Marchandes'd'Herbes planterent dans le grand „ Marché trois Drapeaux de Papier Orange avec „ ces mots : W. C. H. Friso Prince d'Orange „ Stadhouder, Capitaine & Amiral Général. Le „ 29 Avril les Députés de Fotterdam, portant des „ Cocardes Orange a leurs Chapeaux, arriverent a „ l'Affemblée des Etats. " Sophie. Comment, les Régens s'abaiffoient auffi iusqu'a porter la livrée du Prince ! Mr. Herman. Oui, ma fille ; ils ne rougiffent pas de s'affimiler avec Ia canaille, tc de lui faire fa Cour, afin de conferver leur autorité par ces indignes moyens. Nous avous vu 1 Rotterdam en 1783. ' des Magiftrats porter fur eux des rubans Orange, fc en offrir a leurs Collegues, qui n'avoient pas cru devoir prendre ces marqués de fédition. T u e o-  C 273 ) T H X O D O RE. „ a La vue de ees Députés le Peuple s'ameuta, ,, vomiffant des injures contre les Régens & par„ ticulierement contre le Grand-Penfionnaire; „ chaque -membre de 1'AfTemblée fut entouré en „ fortant ; on lui demandoit fi le Prince étoit „ Stadhouder, & fi 1'afte étoit figné ; la populace „ les menacoit, & plufieurs furent même en dan-' „ ger de perdre la vie, entr'autres Dan Halewyn, „ Penfionnaire de' Dort ï qu'un habitant de 1* „ Haye, trés connu, prit a la gorge, tirant ün „ couteau pour 1'en frapper ; il fut fauvé de ce „ péril par le Secretaire Dèderkht & quelques au„ tres perfonnes. Gent cinquante Hommes de „ Garde , qui n'avoient pas ordre de s'oppofer a „ la fédition, regardoient ce tumulte fans faire „ le moindre mouvement. Enfin, malgré les' „ foins de Mr. de pFasfenaar, Grand"- Bailli de „ la Haye , qui promit au Peuple qu'il' auroit „ fatisfaftion dans trois ou quatre jours', il fallut, „' pour calmer la fureur des Mutïns , arborer, le „ même foir, le Drapeau Orange fur PHótel de „ Ville , & dan(s plufieurs autres endroits. Les „ émeutes ne furent cependant pas appaifées, & „ les payfahs de Schevening, vinrent' a la- Haye „ tambour battant, & Drapeau déployé deman„-der des armes au Bailli, pour s'oppofe- a la defcente dés Frangois. On avdit fait courir ce S „ faux'  „ faux bruit pour irriter le Peuple & forcer iet „ Etats a précipiter leur Réfolution. Cet artifice -„ réuflit & les Etats de Hollande déclarerënt le „ Prince Stadhouder, Capitaine & Amiral Géné„ ral de leur Province. Le Drapeau Orange f« „ déployé dans tous les Logemens dés Députés „ de chaque Ville, ét les Membres de 1'Affem* '„ blée Souveraine fe rendircnt a la Cour avec des 3t Rubans Orange. Mr. H k r m a tf. Ils furent bien forcés de paroitre en public avec cette Couleur; la fédition étoit exaltée a un tel point qu'ils auroient été mafTacrés s'ils euffênt négligé de donner cette marqué extérieure d'atta. chement pour 1'idole du Peuple. Vous voyez, mes Enfans, quels furent les moyens mis en ufage pour procurer les premières dignités de la République a un Prince , qui n'avoit jamais rien fait pour EUe , qui ne defcendoit de Guillaume I. qu'en ligne Collaterale, & qui n'avoit enfin pour tout mérite que le nom d'Orange. Theodore. „ Buys, Secretaire des Etats vint lire au Peu„ Ple : Qjte les Etats de Hollande & de TVeft„ Frife, ayant confidèré la malheureufe fituation „ des affaires, & pour parvenir, avec la béné- » , D-eu, & da borrhear de Ia chere P3tr:e ; que „ le plas grand plaifir qu'il a:t fenti depuis la „ prem->re nouvelle de cette révolution , c'eft „ qu'elle n'a caufé aucun malheur, & qu'il priera le ciel, qu'un événement dans lecuel fa bé„ nédiS-ofl eft fi manifefte, puifTe ne pas être „ forullé par la moindre effufion de fang ". Mr. Herman. • Wagenaar a bien raifon de dire , que ces exr-efüo-s du Prince mentent d'être remarquées. Cette révolution, dont il fe félicite, fut un effet de la colere du Ciel, que nos fautes avoient irrité, mais non pa* un efTet de fa bénédiaion. Dieu ne bénit pas les féditions , ni ceux qui les excitent; s'il permet quelquefois que les méchans profpcrent, c'eft un fleau, dont il fe fert pour affliger les Peuples, qui n'ont pas profité aes gra- ces  C 277 ) ces qu'il a daignc leur faire. Les Juifs voulurent un Roi, ils eurent Saül; nous voulumes un Stadhouder, nous eumes *Guijlauine IV; mèiaeo üeflrs infenfés, même chatiment. Henri. ,, Les- Provinces d'Utrecht & d'OverylTel fuivi,, rent 1'exemple de la Hqllandc, & les Etats ,, Généraux nommerent le Prince Capitaine & Amiral Général de 1'Union, lui accordant le „ droit de Patentes , pour la marche des Trou,, pes, & la nomination aux Emplors Militaires, „ depuis le grade d'Enfeigne jufqu'a celui de Co„ lonel. il eut auffi les mêmes titres, relative,, ment aux Pays de la Généralité ". Sophie. Sans doute le Prince fe fervit du pouvoir qu'on lui avoit accordé, pour le bien être de la chere Patrie, comme il 1'avoit ccrit au Comte de Bentink. H s n r i. „ Guillaume fit »n voyage en Zélande, pour „ prêter ferment aux Etats de la Province; on „ lui rcndit les Marquifats de Veere & de Fleffin,, gue, & la dignité de Premier-Noble; il fit „ quelques changemens dans les Régences des „ Villes, & revint a la Haye". 1} St-  ( a7I ) JrSr lï '.cl .'A'£i vnl hnyib r.' If-i S o p h i «. Et pendant ce tems la que firent les Francais contre nous? H e n b. i. Ils s'emparerent de plufieurs places; le Comte de Lowendal afliegea Bergen - op - Zoom, & l* prit d'affaut. TheodohM Guillaume III. en 1672. s'étoitmis, du moins, a la tête de 1'Armée, * s'il ne fit pas tout ce qu'il auroit dü faire, il fauva mieux les appa H I N R I. „ La perte de cette Ville augmenta 1'amour du Peuple pour le Prince, & fes plaintes contre les Régens, qu'il accufoit d'avoir vendu le Pays a la France. Les Amis du Stadhouder, ,-, & parriculierement l'Ordre Fqueftre de la Hollande , propoferent de déclarer Guillaume IV. Stadhouder Capitaine & Amiral Général Héré„ ditaire', k que ces titres fufTent réverfible» fur ,-,'fa Pofterité légitime mafculine & féminine; que, ,,'fi ce Prince ne laiffoit point d'enfans males, „.fa Fille, la Princeffe Caroline feroit nommée „ Gouvernante, Sc. que, s'il avoit un Fils, la „ PrineefTe fa Mere feroit aufli nommée Gouver„ nanta, pendant la Minorité du jeune Prince, „ 6c que dans les deux cas on choifiroit un Re„ préfentant pour èxercer les fonftions des trois Dignités Hérédita'irës. Les Députés. des Villes ,, h'ayant aucun ordré pour delibérer fur cette „ propofitioh , demanderent le tems néceffaire, „ pour en faire part a leur Régences refpectives, „ Sc promirent d'en rapporter les fentimens fous peu d«' jours 'V Mr. H s r m k ti. Tu vois bien, ma Fille, que Guillaume IV, auroit su grand tort de fe idonner le moindre mouvfturnt, puifqu'on le récompenfoit mieux que **1«. S 4 oe  ne 1'avoit été Maurice, qui, malgré fa Tyrannie & fes cruautés , fut un habile & vaillant Guerrier de dont les exploits, autant que ceux de fon Pere, furent lesfondemens de notre Liberté. Henri. „ Pendant que les Régences déliberoient fur la „ propofition de l'Ordre Equeftre , on répand't „ dans le public plufieurs écrits, pour prouver „ qu'il étoit trés néceffaire de donner au Prince „ une autorité plus grande, & de rendre fes „ Dignités Hérédita:res dans la ligne mafculine, „ & dans la féminine. On alla même jufqu'a fou„ tenir qu'il falloit nommer le Prince Comte de „ Hollande, mais on prétend qu'il n'afpiroit pas „ a ce titre ". Theodore. H me paroit cependant qu'il a toujours été 1'objet de 1'ambition de nos Princes, même quand on n'avoit nulie envie de le leur offrir. Mr. Herman. ' Guillaume IV. 1'auroit accepté s'il eut ofé le faire, mais il aima mieux en exercer toute l'autorité, fans en avoir ie nom. Henri. „ On ne fe contenta pas de ces écrits; le Peu- „ ple  < »8i ) ple fe fouleva dans plufieurs Villes, demanr dant que le Prince fut déclaré Héréditaire, & „ que les Emplois fulient a fa nomination ; mais „ la révolte d'Ainfiercain l'enDporta fur les autres, au fujet du revenu des Poites, que le Peuple vouloit qui fut cedé au Prince ou a 1'Etat. Las „ Mutins commirent plufieurs défordres dans l'Hd„ tel-de-Ville, & ne furent contenus que par la „ Bourgeoifie armé?, qui paryint a les cliafTer. „ Un Charpentier, qui s'étoit fignalé par fes ex, cès, ayant été pris, auroit certainernent été „ puni de mort, mais le prince le fit 'comprendre dans 1'Amniftie qui fut publiée quelque , tems après. Quoiqu'Amfterdam n'eut pas vou„ lu confentir a céder le revenu des Poftes, elle „ concpurut a la réfolution des Etats, pour dc„ clarer le Prince Stadhouder Capitaine & Ami„ ral Général Héréditaire de la Province de Hol„ lande. Cette réfolution, prife le 16. Kovern„ bre 1747. fut imitée par la plupart des Provin„ ces, & enfin par les Etats Généraux, conformément a la propofTtion de l'Ordre Equeftre de „ la Hollande. On prit feulement la précaution „ d'infêrer dans 1'Acte, que les trois dignités ne „ pourroient être poffedées par aucun Prince de „ la poflérité de Guillaume IV, qui deviendroit „ Elecleur ou Roi ". S s Theo-  < 282 y T h e o d o r «., ■ Cette claufe prouvc qu'on. fe reffouvenoit des' maux que Guillaume III. avoit caufcs a Ja Pa. tne, par fon gouvernement defpotique, & qu'on vouloit s'en garantir. Mr. Herman. Malgré cette claufe foyez trés perfuadés, mes ïnfans , que fi quelque Succeffeur de Guillaume IV. parvenoit i la Couronne ou i 1'Eleftorat, il n'en conferveroit pas moins le Stadhoudérat & les autres Dignités. La Populace n'eft elle pas toujours aux ordres de cette Maifon? On diroit qu'il faut écouter la voix du Peuple, felon 1'ancien proverbe, qui dit qu'elle eft la voix de Dieu. Sophie. J'ai fouvent entendu répéter cetté maxime en faveur du Prince, paree que la multitude fe dé-clare pour lui. Mr. Herman. Je fais bien que c'eft 1'argument favori de fes Partifans, mais les honnètes gens favent, que^ cette voix, pour être appellée Dhine, doit être d'accord avec la leur, & n'être pas fufcitéeparia Cabale. La révolte, le meurtre, la féduaion & le pillage n'ont jamais été des titres légitimes  ( 28j ) k tont ponvoir ufurpé par de tels moyens doit étre aboli, chez une Nation libre. Sophie. ,, -, Le Prince ayant obtenu plus qu'il në pouvoit efpérer témoigna fans doute fa reconnoiiTance aux ' Etats ? Henri. II s'acquita de ce devoir, êc prèta ferment': „' au mois de Mai de 1'année fuïvante il partit de ' la Haye pour fe rendre a 1'Armée. 'Le Peuple „' s'attendoit a une Bataille , pour faire léver aux „ Francais le Siege" de Maftricht, mais les gens „ mieux informés regarderent le départ du Prin„' ce , comme la marqué d'unë Paix próchaine. „ Ils ne fe tromperent pas; Guillaume ayant ,' appris a Bréda que les Préliminaires de la Paix „ étoient. fignés, il rëvint a la Haye peu de jours après fon départ ". Theodore. " Si les Etats avoient réfifté quelques mois feulement h la cabale & auX émeutes les Projets du Prince étoient manqués. Mr. Herman. Ses partifans le 'favoient bien & ne perdirenc pasun moment pour exciter la Populace, &mettse a profit les conquetes rapides des Francpis. • Leur  ( 284 ) Leurdeffein étoit fi connu que Louis XV., demandantun jour | un Seigneur étranger qui revenoit de Hollanae, ce qu'on penfoit de lui aans ce Pays "5 e" reSUt Ce"e TéP°^: On penfe.Sire, que Votre- Majejle, aa attaquant les Places de la éUfmb.'jue ne peut pas travailter plus efficacement d faire un Stadhouder. Henri. „ Avant que les .Préliminaires fufTent fignés, „ & pendant qu'on. faifoit les préparatifs de la „ Campagne, la Princeffe Royale Epou.fe de Guil„ laume, accoucha le 8. Mars, d'un Prince, qui „ fut nommé Guillaume, Comte de Buuren. Les „ Etats Généraux, ceux de Hollande, de Zélan„ de & de Frife, les Villes de Nymegue, Dort „ Haerlem, Delft, Leide, Amfterdam, Gouda' „ Rotterdam, & Schiedam, s'étant offert a être „ Parrains du jeune Prince, furent repréfentés a la „ cérémonie du Baptème par leurs Députés. Quel„ ques jours après-les préfens de Baptême.confi„ Itant en rentes viageres, furent offerts au Prince & a la Princeffe. Tous ces préfens réunis „ formentune fomme de 35,800 florins, les con„ trats de Rente étoient enfermés dans des boêtes ,, d'or ou d'argent. Les Etats Généraux firent encore a la Princeffe un préfent de 400 ducats, fc.ceux de Hollande un de 300; la ville „ de Nymegue y ajouta 50 ducats pour tenirlieu „ de '  ( S85 > „ de la boïte de Vermeil qui n'avoit pas pu fe „ trouver prète pour renfefmer le coritrat de Rente", S o' T' h i e. Des marqués fi éclatantes d'attachement & de générofité devoient infpirer a Guilaume IV. une reconnoifïance proportionnée aux pretives de Zèle que les Régens lui donnoient, & ne plus laiffer de pretextes a la haine qu'on avoit infpirée au Peuple contre leurs fentimens. Mr. Herman. Tu verras bientót de quelle maniere ils furent récompenfés. Un grand homme a dit que 1'amitié, ni la reconnoiffance n'étoient pas des Vertus a 1'ufage des Princes ; les notres ont dans tous les tems confïrmé la vérité de cette maxime. La naiffance de Guillaume V. qui donnoit une nouvelle force au Gouvernement Stadhoud-irien fut 1'époque fatale d'un changement de Régence dans toutes les Provinces & les Villes de la République. Ton Frere nous rendra compte demain des principaux deta:ls de cette révolution, qui chaifa de leurs places le petit nombre des partifans de la Liberté , pour y mettre ceux du Prince. QUA-  ( 285 -) QUATORZIEME SOIREE. Mr. Herman, Sophie , Theodork, Henri. Theodore. Pour répondre , mon Pere, au defir de ma Steur, & nous initruire de tout ce qui concerne le changement arrivé dans les Régences, en 1748. nous n'avons négligé*, mon Coufin & moi, aucune circonftance importante de cét événement. „ On employa plufieurs moyens pour exciter le Peuple a fe foulever, & ces mouvemens ,, furent fui vis de changemens'dans les Régences. „ Peu de tems après 1'élévation du Prince au „ Stadhoudérat, le Public crut que fon Aiteffe abo- liroit les impdts fur la confommation, Sc les remplaceroit par une capitation. Les. fermiers ,', des impöts & leurs commis avoient été inful„ tes dans la Nord - Hollande mais des Publica,, t;ons & quelque Cavalerie .avoient appaifé ces ,, Émeutes, qui fe renouvellerent avec plus defor„ ce a la première occafion. La Frife fut le pre„ mier théatre de la révolte, dont les impöts furent „ le pretests, mais dont la véritable caufe' étoit „ d'obli-%  d'obliger les Etats de la Province de déclaret „ le Stadhoudérat héréditaire dans la poftérité fé„ minine du Prince, comme ils 1'avoient déclaré ,, dans la mafculine. Plufieurs Maifons furent „ pillées, & la populace exigea que les impöts ,, fuflent abolis, les anciennes loix rétablies, & „ que le Stadhoudérat fut declaré héréditaire com» „ me elle le demandoit. On menaca même i „ Leeuwaarde les Députés des £tats, qu'aucun d'eux „ ne fortiroit en vie, s'ils ne donneient fatisfa-. ,, ction au peuple; il fallut donc le contenter dans ,, tous les points, d'autant plus que la fedition „ fe répandoit des Villes dans le plat- pays, Sc ,, le Prince aprouva tout ce qui avoit étéréfolu." Sophie. Je le crois fans peine, on avoit travaillé pour fês intéréts, Sc peut être par fes ordres, car je commence a n'etre plus la dupe des fineffes de nos Princes. T.h e o d o r e. „ Le bruit des troubles de la Frife s'étoit ré„ pandu dans la Province. de C/oningue, Sc le „ Peuple s'y fouleva , fur tout depuis la nais„ faaee du jeune Prince. Quelques matelots „ cournrent dans les rues de Groningue chan„ tant la fameufe chanfon Guillaume de Nas„ faui ils allerent daus les maifons des principaux » Ci-  ( 288 ) „ C5torens demander de 1'argent pour boire, & „ ne furent pas recus chez le Bourguemaitre Geert„ Cema, comme ils croyoiênt devoir 1'être , foitque „ cette mauvaife récepron altum'at la haine du „ Peuple , ou qu'elle fut excitée par quelque cau„ fe fecrette, la maifon du Bourguemaitre fut pil„ lée ; on jetta fon carofTe dans 1'eau, & la fu„ reur alla jusqu'a arracher les habits de derTus „ le corps dé fon Epou'» 011  t 290 ^ ^ J» on ne s'y attendoit pas, mais on s'y confor„ ma, fans faire la moindre difficulté, quoique „ ces impdts eufient été en ufage depuis plus de „ deux cents ans. Mr. Herman. Dès qu'un Stadhouder parle, il eft obéi, les plus anciennes coutumes font abolies; & quand les citoyens réclament leurs privileges, on repend que le laps de tems les a fait perdre, & qu'il ne faut pas confentir a des innovations. II fe trouve menie des Régens aflez téméraires pour menacer le Souverain, de s'oppofer de toutes leurs forces a fes ordres, s'ils font favorables k ceux qui demandent ïe rétabliflement de leurs anciens droits; par cc que ce rétabliffement pourrok nuire aux intéréts du Stadhouder. Theodore. „ A peine la paix étoit elle fignée que les trou„ blesrecommencerent pour donner lieu auxchan. „ gemens dans les Regences. Celle d'Amfterdam „ ne voulut pas confentir A verfer dans la caifie „ de 1'Etat le produit des Postes, qu'elle emplo„ yoit au foulagement des Pauvres, s 1'entretien „ & au rétabliflement des Hopitaux, des Eglifes „ & des Edifices publies. Cette rcfolution futren„ due publique, afin d'animer Ie Peuple contre les . 1» Régens & de lui faire croire qu'ils vouloient s'em- „ pa- .  t 2QI -> parer de cet argent pour leur avantage particu„ lier. Aflïtdt il parut des libelles, & furtout un „ dans lequel on accufoit les Régens d'avoir tra„ hi 1'Etat dans la derniere guerre, on deman„ doit qu'ils fufTent punis , ou dü moins priyés de „ leurs places pour toujours. Cet écrit étoit dé- dié a tous les vrais Patriotes s ayant féance dans, „ les Etats généraux." Mr. Herman. Depuis la derniere guerre avec les Anglois nous demandons auffi la punition de ceux qui ont livré nos yaifl"eau.i; a 1'ennemi, eaufé la ruine de notre commerce, & empècfié notre Efcadre de fe rendre ;i Brest, mais nous ne pouvons obtenis juftice, & nous n'ofons. pas nous la faire. Theodore. - „ La Régence d'Amfterdam étoit la plus caloiiï- niée dans ces libelles , les Bourgeois de cette „ Ville préfenterent au Magiftratunc Requéte pour „ demander que le revenu des Poftes fut remiseu„ tre les rnains du Prince; qu'on ne donnat au- cun emjjloi qu'a des Bourgeois natifs de la Vil„ le ou naturalifés, & que la Bourgeoifie^ut le „ droit de nommer fes Colonels & Capitaines, qui ne pourroient jamais être en même tems. „ membres de la Régence. Cette Requète fur „ auffi prefentée au Prince qui recut trés bien les T 4 & 0  '„ députés t approuva la juftice de leurs dcmandr, „ ïïiais leur recommanda d'étre tranquilles & fou„ taisa leurs Chefs. LeMagiftrat après avoir repondrrauxTroM articles d'une maniere qui ne fafcisfit „ pas la Bourgeoifie, & ceux qui avoient préfenté la „ Requcte, envoyerent deux députés au Prince pour le prier de venir rétablir la bonne intelligence : >, a leur retour' ils publierent que dans-peu dl „ jours S. A. viendroit dans la Ville. Les Bourge5j maitres & les Conftillers'fatisfirent entierement „ aux defirs des Bourgeois, & fachant qu'on n'a„ voit d'autre deffein que de changer la Régence, j, ils réfolurent d'abdiquer volontairement leurs pla„ Ces. Cette réfolution caufaun véritable chagrin „ aplufieurs citoyens bien intentionnés, quis'em„ prefferent de figner une Requête pour aflurer B „ Magiftrat qu'ils étoient dispofés a maintenirla .., Pé'jjnce aétuelle, & qu'ils n'avoient aucune part » 8 fout ce qui s'étoit fait." Mais ce deffein ne „ put réuflir par les menaces & la violence qu'on „ employa pour le faire avorter. Enfin le i de „ S'eptembre le Prince entra dans' la Ville; la garde Bourgeoife étoit fous les armes , fes caros„ fes ctoient précédés de 3 ou 4000. Charpentiers de savires, devant les qüels dn portoit 'un Dra,, pféi Orange avec cette infeription ? Pour Oran» S« & la Liberté."' ,, Èe Changement de Régence ne tarda pas a m fe' faire; les quatre Bourguemaitres furent dé- „ mis -  ( 293 •) „ mis de leurs places fans y être rétablis; destren„ te fix confeillers dix neuf furent confervés, & „ les autres remplacés par des perfonnes qui n'a>:, voient jamais été dans le Magiftrat. Aprés cet„ te opération le Prince écrivit au Grand - Officier „ qu'après avoir fait tous fes eiforts pour diffiper ,, la défiance Sc le mécontentement des Bourgeois ,, il avoit jugé a propos, felon le pouyoir que „ lui avoient donné les Etats Généraux, & d'après ;, 1'abdication volontaire des Magiftrats, de les dé„ mettre de leurs places, fans faire aucun tort a „ leur honneur , & qu'il les prptégeroit .en tout v tems eux Sc leurs families." „ L'ancien Confeil & le Confeil de Guerre fu„ rentchangés par le Prince, qui fut complimen„ té a fon dé,part, dans les termes les plus exa„ gérés, on poufTa même 1'adulation jusqu'a le „ nommer Guillaume le Grand." Henri. Ce furnom n'a jamais été donné qu'aux •conquérans, & je ne vois pas que le Prince eut fait quelque exploit guerrier, a moins que ce n'en foit un d'avoir été joindre 1'armée quand la*Paix étoit faite. Theodore. ,, Les mêmes changemens de Régence s'opérerent dans toutes les Villes de la Hollande, exceptc * Dort, fans doute paree que fes dépuT 3 „ téj  c m 1 „ tes avoient été les premiers a propofer d'autori„ fer le Prince a changer les Régènces partcut óil „ il le trouveroit nécefTaire. a Gorcum Ie Con„ feil de Villë, qui n'étoit compofé qué de dix „ fept membres, fut porté a vingt quatre, & ce„ lui de Schiedam qui n'étoit que de vingt, fut ',,'augmenté de quatre. La Régence d'Alkmaar „ fut changée, fans qu'il y eut de mésintelligen* ce entre le Magiftrat & les Bourgeois , mais par„ ceque le deffein du Prince étoit de mettre un „ tel ordre dans les Villes, qu'elles fuffent tranquil„ les a 1'avenir ; 'le 'changement qui fe fit a Hoorn, ,, n'eut d'autre raifon que la nécefiité de fuivre „ 1'exemple des autres Villes, & de confentir aux „ arrangemens que le Stadhouder avoit pris." Sophie. Tous ces changemens firent fans dbute voyager le Prince, comme avoient fait Alaurice & Guillaume III ? Henri. Kon, ma Coufine, il refta tranquillement a la Haye, & fit porter fes ordres par deux députés qu'il envoya., Sophie. C'eft a dire que ces deux Meffieurs étoient les XJéputés da Député des Etats Généraux, oar le J * ' Prin-  ( 295 > Prince n'avoit pas d'autre titre «.ui lui donna le. pouvoir de changer les Regences. Mr. Herman. II fat encore plus honnête que Guillaume III, qui partant pour 1'Angleterre laiffoit toujours aun Sergent les mots d'ordre pour la garnifon de la Haye. Henri. J'ai remarqné , mon Oncle, que dans deux Villea les envoyés du Prince avoient augmenté le nombre des confeillers; j'ai cru que ce nombre étoit .fixé par lés Privileges & ne pouvoit être changé qu'a la demande, & par le confentement des eitoyens. Mr. Herman. Cela devroit être fans doute; mais la volonié de nos Stadhouders a toujours détruit les loix , qui leur étoient contraires. Si quelque ville vouloit pour le maintien de fa liberté, rappeller fes anciens privileges, & demander en confequence une augmentation dans fon Confeil, nous verrions alors les partifans du Stadhoudérat fe réerier contre cette demande, la taxer d'innovation, prefenter des reqnètes, corrompre des Miniftres pour ameuter la populace, & finir par menacer d'employer. la force ouverte pour s'oppofer aux volontés du Souverain. Ces gens li craignent de perdre leur iaT 4 «uca-  ( 4S>6 ) ftucnce, & les places lucratives dont ils ont trouvé le moyen de s'emparer en trahiffant leur Patrie; ils ont pourtant toujours dans la bouche les noms facrés de Religion & de Liberté, mais ce font des Hypocrites & des imposteurs qui foulent aux pieds 1'une & 1'autre. Sophie. Vous dites, Papa, que oes Ambitïeux ont des places lucratives, eft ce qu'ils en ont chacun plus d'une ? Mr. Herman. Oui, mon enfant; il y a tel Régent qui pcuTede a lui feul 10 a 12. emplois, incompatibles 1'un avec 1'a.utre, dont il touche les émolumens, fans en remplir les devoirs, Cet abus te furprend & te révolte, mais il fubfiftera parmi nous auffi longtems que teates les place s feront a la difpofition d'un feul homme, & que les bons citoyens n'auront pas óbtenu la réforme, qu'ils demandent depuis fi longtems. Henri. „ Après ces changemens dans les Villes de la „ Hollande, le Stadhouder en fit de pareils dans la '„ Gueldre & dans 1'Overyffel, il y reprit 1'auto„ rité dont avoit joui Guillaume III. & y fit re„ vivre le réglement, que ce Prince y avoit intro- „ duit  ( 297 ) „ duit en 1674 & iö75- en Zélande les change' mens ne furent pas fi confidérables, un feul Membre de la Régence de Middelbourg donna „ volontairement, en apparence , la démiffion de fa place , mais le gouvernement de la Frife fu" bit une réforme a 1'avantage du Prince, qui „ nomma la Régence de Leeuwarde & de Frane'„ ker , les deux feules Villes de la Frife, qui eus„ fent jufqu'alors confervé 1'ancien droit d'élire leurs Magiftrats. La même révolution eut lieu , dans POveryflel & les Ommelandes, ou les ', Payfans prirent les couleurs Orange, &. s'arme,', sent de batons '& de mafiües, pour obliger les Etats de la Province a confentir au changement „ de Régence, & a'donner au Prince la nomination de tous les emplois; ce qui fut fait après „ que le Stadhouder eutenvoyé des Commisfai„ res, & qu'il fut venu mettre en vigueur le nou„ veau Reglement, & donnet une Amniftie génê„ rale pour tous les défordres qu'on avoit commis ", Sophie. J'ai remarqué qu'après tous ces changemens faits par les Stadhouders, ils ont public des Amnifties. Mr. Herman. C'eft bien la moindre chofe qu'ils aient pu faire en,faveur de lèurs Partifans qui les avoient fi T 5 bien  bien fervis; mais ces Amnifti.s ne ft font jamais, étendus fur les Patriotcs, qu'on a prives de leurs places, & qu'on n'a pas dédommagé du pillade de leurs maifons. Les pardons accordés aux fédi.tieux fervoient a leur aiïurer 1'impunité dans tous les tems. Theodore. Au moyens de ces changemens & de ces nouveaux Régiemens le Stadhouder jouiffoit dans la République de toute l'autorité, dont un Roi eft revctu, dans les Monarchies les plus abfolues. Henri. Wagenaar dit auffi qu'il eut un pouvoir plus étendu qa'aucun de fes Prédéccfleurs, & que pour 1'accroitre encore, la Compagnie des Indes Orientales le choiflt pour Chef, lui cionnant le droit de nommer a toutes les places. Cet Hiftorien rapporte un fait, qui confirme ce que mon Oncle vient de nous dire, au fujet des Amnifties: „ II s'étoit élevé un difierend 5 Steenwyk dans „ 1'OveryfleI, entre la Régence & ia Bourgcoifie, „ au fujet de la nomination d'un Miniftre ; plu- fieurs Habitans avoient préfenté une Requéte au „ Stadhouder pour lui demander le changement „ de Régence, & avoient formé, fans la pcrmis„ fion du Magiftrats une Compagnie, qui portoit „ le nom de Libre Compagnie Orange, Un nom- ,, mé  ( 299 ) mé Fledderus, en étoit Major, & fe diftingua '* par des exces, "que les Régens ne purent fouf" frir; il fut mis en Prifon, & condamné a être „ pendu. Ses Complices prirent la fuite, & " s'adrefierent au Prince, qui envoya des Com„ mifTaires 4 Steenwyk, pour y changer la Ré'„ gence, & rétablir les fugitifs dans tous leurs „ droits.' La Mémoire de Fledderus fut réhabili„ tce, & fa Veuve eut la permiffion de faire enterrer le corps de fon Man, qui fut accompagné par toute la nouvelle Magiftrature, par les „ Miniftres, & par une foule de Peuple, tous „ décorés de Rub ans-Orange". Mr. H e r m a n. Je fupprïme les réflexions que cet incident me fuggere, perfuadé qu'elles fe'préfentent naturellement a vous, par le rapport qu'elles ont avec ces Corps-Orange formés depuis peu, & que fans doute le Souverain ne laiffera pas fubfifterlongtems. Henri. Nous fommes arrivés, mon cher Oncle, ii la fin de 1'Hiftoire de Wagenaar , qu'il termine a la mort de Guillaume IV. Ce Prince, dit il, fentant fes forces diminuer, propofa aux Etats Généraux d'élever le Duc Louis de Brunswyk Wolfenbuttel, Parent de fon Epoufe, a la dignité de FeldMaréchal.des Troupes de la République, avec '40000  ( 3go ) 400O0 florins d'appointemens; «5c quelque tems après il le fit déclarer Général "en Chef de toute 1 Armee, pour la commander, pendant la rainorité de fon Fils, avec une augmentation de 40990 florins par an. Il ne furvccli£ pas loD„t'ems a cet arrangement, & la Princeflé fon Epoufe fut nommée Gouvernante. Elle prcta ferment en cette qualité, entreles mains des Députés des Etats Généraux, & de ceux de Hollande, le memejour de la mort de fon Epoux, fans en donner avis aux Régences des Provinces. Theodore. C'eft-a-dire que la révolution de 1747. a changé notre Gouvernement Républkain , & qu'elle en a fait un Moparchique , de maniere que le plus ■ proche parent d'un Stadhouder eft affuré de 1'être après la mort de fon PrédécefTeur, comme un Dauphin eft certain d'étre Roi de France. 'Mr. Herman. Oui, monAmi; mais ce droit d'hérédité n'auroit rien de dangereux fi les Prérogativcs de nos Princes n'étoient pas portées trop loin, & fi lCUr autorité étoit contenue dans de juftes bornes. VoiLÏ le feul but des Régens bien intentionnés Pour la Patrie ; ils ne font point ennemis de la Maifon d'Orange, ils ne veulent la priver d'aucun de fes droits légitimes, ni faire aucun chan* gement nuifible a 1'Etat ou a la Religion, comme  ( 3°ï ) me on cherche' a le' permader au Peuple. Au contraire fi leur projet falutaire réuffit, les Princes ci'Urange, nc pouvant faire que le bien, jouiront de Paffection générale , le Peuple reprendra la jufte influence qu'il doit avoir dans un Etat libre, & les Repréfentans de la Souveraineté, en exerceront les auguftes fonétions , par le cboix, & pour le bonbeur de leurs Concitoyens. S o p h i e. J'ai oublié de vous demander, Papa, quel étoit ce Uuc de Bjuriswytt, que le Prince fit nommer Général de toutes les Troupes de la République, il avoit donc rendu de grands fervices a 1'Etat?1 k Mr. Hekman. Pas le moindrè;' il avoit" été au fervice de 1'Ernpereur, dans la derniere Guerre, & Guillaume TV. le fit venir auprès deTui, pour préfider i 1'éducation du jeune Prince,fon Fils, & pour faire , pendant fa mi'norité, ks fonétions de Capitaine & d-'Amiral Général. Henri. Mais les Etats' n'auroient pas dü confentir a ce: cboix, ni fouffrir qu'un 'Etranger, qui n'avoit jamais eu'aucun grade dans leur Armée, en devint le Chef, & commandit les Officiers de la Natkta;;i: ïfinSb iml&iü fls' >L.hM,ïl>i}?. '•>: Mr.  ( 3°i ) Mr. Herman. Par le réunion de tous les pouvoirs accordés a Guillaume IV. on s'étoit mie dans 1'impoffibilité de contredire fes volontcs, & le Duc de Brunswyk gouverna la République fous le nom de la Princeffe & du jeune Stadhouder, dont il dirigea 1'éducation. Theodore. - Autant que j'en puis juger, je crois qu'il étoit trés imprudent de confier cette éducation a un Etranger, qui, ne connoiffant pas la Conftitution du Pays, n'étoit pas en état d'infpirer au jeune Prince les fentimens qui devoient régler fa conduite, dans 1'exercice de fes importantes charges , pour le bonheur de 1'Etat. Mr. Herman. Nous recueillons aujourd'hui les triftes fruïts de cette imprudence , que tu remarques trés judicieufement. Le Duc de Brunswyk ne fongea qu'i fes propres intéréts, lies a ceux de 1'Angleterre; ïl fortifia dans fon Pupille les idéés de Defpotifme qu'une haute naiffance infpire, Sc qui font iricompatibles avec le Gouvernement Républicain;' il lui peignit comme des gens dangereux, Sc ennemis de fa Maifon, le petit nombre de Régens qui ofoient encore parler de Liberté,"il eut foin de ne 1'entourer que de flatteurs qui lui perfuaderént qu'un Stadhouder eft maitre d'enfraindre les loix,  ( 3o3 ) ïoix, quand elles s'oppofent a fes intéréts ou k] fes volontés. Sophie. On négligea fans doute aufii d'inftruire le jeune Prince de 1'Hiftoire de fa Patrie,.dans la crainte de lui faire connoitre nos Privileges, & la mattvaife conduite de fes Ancètres. Mr. Herman. Ne pouvant fe difpenfer. de lui parler de notre Hiftoire , on. eu.t grand foin de lui rappeller les exploits de fes Aïeux, de lui repeter que nous devions avoir une reconnoiiTance fans bornes pour leurs fervices, & de lui perfuader que les attentats des Stadhouders avoient été des coups d'Autorité 1 ' ,."i.i'nes, qu'il devoit imker quand 1'occafion s'rn préfenteroit. On ne manqua pas de lui infp.rer la plus grande averfion pour la France, & l'aniitié la plus vive' pour 1'Angleterre; lui repréfentant 1'une comme notre ennemie, & 1'autre comme notre Alliée naturelle. Voila, mes Enfans , en peu de mots, les principes de 1'édu■cation de notre Stadhouder actuel, & la caufe. de fes démarches, pendant nctre derniere Guerre avec les Anglais. C'eft ainfi cue le Duc oe Brunswyk en donnant k fon Eleye de fauffes noiions, lui a rayi 1'affeétion des vrais Amis de lr. Patrie, & 1'a livrc en proie ii la foule intéresfee des Courtifans. Je pourrois ajouter beaucoup de  ( 3 fervir du droit que fa Coinmisfion lui donne d'ctre Médiateur dans les différends, qui's'éleyent entre les membres de la confédération , a délivré fans aucun délai les Patentes pour la marche des Troupes, & les ordres pour tirer des Arfenaux les municions de guerre pour le Siege de la Ville. H k n r i. Comment, le Siege, on vouloit donc détruire les Villes comme en Pays enncnü? Mr. Herman. II n'eft pas poffible de doutér que ce ne fut le projet; le Stadhouder même n'en a pas fait miftere. A la nouvelle des ordres donnés pour la marche des' Troupes, trois Bourguemaitres de rOveryfïel ont couru au Loo , pour obtenir du Prince la révocation de ces ordres cruels, ou du moins un délai , pour chercher des moyens de conciliation, felon les termes de 1'Union d'Utrecht. Ces trois dignes Patriotes après avoir été mal recus ont eu pour derniere réponfe , de la bouche du Stadhouder ; qu'il devoit fuivre les ordres de* K'ats, & que fi les Villes refufoient de recevoir garnifon , el les feroient dètruites. Theodore, Nous n'avons pas encore trouvé dans 1'hiftoire de notre Pays aucun Stadhouder qui ait tenu un V 3 pa-  ( 3"> ) ' parelt langage. Je ne vois ponrtant pas que les habitans d'Elburg méritent de telles menaces pour avoir refufé de fouscrire, a des réfolutions qui combattent leurs privileges, je ne fats pas fi ceux de Hattem font plus coupables, les papiers publics ne parient que du refus qu'ils font d'admettre dans leur Magiiirature un fujet propofé par le Prince. Mr. Herman. II n'y a pas d'autre motif de plainte contre eux; ils ne fe font oppofés a aucune réfolution des Etats ; ils perfiftent feulement a ne pas vouloir accepter pour Régent un homme, qui n'eft pas leur concitoyen, qui nc poffedé aucun bien dans leur Ville, & qui n'a d'autre qualité que celle de Gardedu-Corps du Prince. Ainfi les ordres donnés peur les attaquer ne peuvent étre excufés fous le prétexte de la moindre désobéifi'ance aux volontés du Souverain; la querelle ne fubfifte qu'entre eux & le Stadhouder, qui ne veut pas avoir le démenti de fa nomination, & qui s'eft fait un point d'honneur és la foutenir par la force des armes. Il a trouvé la majorité des Etats de Gueldre difpofée a le fervir, & il en a recu des ordres qu'il fi presfe d'éxécuter. Telles font les fuites de ce Réglement de 1674., renouvellé fous Guillaume IV. en 1748. II faut recevoir aveug'.ément les loix qu'il plait au Prince de dicter aux Etats, «t prendre de fa main tous les Régens qu'il lui plait  ( 3" ) plait de nommer, fous peine de voir Ie Ier Sc le feu employés contre les téméraires qui ofent fe montrer dignes du titre d'hommes libres. N'étoit ce pas aflez que dans la derniere guerre notre commerce ait été privé de tout* pioteftion, & que notre Marine ait langui dans une honteufe inait'on malgré les ordres des Souverains, fans voir aujourd'hui le flambéau de la guerre civile allumé pour foutenir les intéréts de 1'Ambition ? Sophie. II y a pourtant apparence que les citoyens ont eu le tems d'échapper a la fureur des Soldats puisque vos amis vous ont écrit quils arriveroient aujourd'hui. Mr. Herman. 1 Je n'en ai recu que deus mots fans aucun détail; ils me mandent feulement qu'ils font, ainfi que. leurs concitoyens , les plus malheureufes perfonnes du monde & qu'ils acceptent 1'azile que je leur avois offert, au premier bruit, qui s'eft répandu des ordres fanguinaires donnés contre eux. A moins qu'il ne leur foit arrivé quelque accident imprévu, votre mere ne tardera pas i nous les amener; ils nous apprcndront fans doute les particularités des ce trille événement.  ( §12 ) Sophie. *•» Papa, on fonne; les voila fdrement. lis fe levent tous, fortent da P'appartement, &. un 'mflant après ils y rentrent accompagnès de leurs Amis. Mr. Herman dunne la main a Mme Adolphe, Sophie conduit la jeune Demoifelle .Theodore & Henri fuivent avec les enfans de leur fexc , tous prennent place, & Mr. Herman s'adrejjant a la Familie jugitive dit : Mes chers Amis, regardez - vous ici comme chez vous, tout y eft a vos ordres. Je vous remercie d'avoir préfére ma Maifon a d'autres, ou Vous auriez fans doute trquvé plus d'agrémens, mais non pas des creurs plus finceres, & plus dispofés a tout mcttre en ufage pour vous fairs perdre, s'il eft poflible, le fouvenir de vos malJieurs. Mr. Adolphe. Ce n'eft pas d'aujourd'hui que vos fentimens & ceux de votre chere Epoufe nous font connus, & tious n'avons pas héfité d'accepter votre offre généreufe. Nos cruels perfécuteurs ont attaqué notre Liberté, nos jours ; leurs fatellités ont dévafté nos demeures, mais ils n'ont pu nous priver des fccours d'un ami tel que Vous. II eft affreux de fe voir forcé par la {yrannie d'abandonner les murs  ( 313 ) anus qui nous ont vu naitre, & les tombeaux oü repofe la cendre de nos peres, mais cette exfïé- .mité eft préférable, pour de vraisRépublicains, i 1'horreur de 1'cfclavage qu'on nous préparoit. Kous • n'aurions pas fléchi fous le joug , quand nous aurions été certains de nous voir réduits a implorer la Compaffion publique: jugez fi votre accueil nous laifTe quelque chofe i regretter. J'efpcre | qu'un iour le ciel nous donnera les moyens de vous témoignér la reconnoiiTance . . . Mr. H e r m i. N. Vous ne m'cn devez point, mon ami; fi j'avoij été perfécuté j'aurois choili votre Maifon pour mon azile; vous 1'ètes, vous venez chez moi, tout eft égal entre nous. Mais vous avez far^s doute befoin de repos, ;venez dans les appartemens qui Vous font deftinés. Mr. A d O l p h e. Nos fatigues font publiées en vous voyant, ne nous enviez pas le plaifir de jouir de votre con. verfation, elle verfe fur nos maux un baume capable de les guérir. Mr. Herman. Puisque vous voulez bien nous facrifier votre repos, permettez que je vous préfente ma Fille. mon Neveu & mon Fils, que vos aimables EnV 5 fens.  ( 314 ) : fans'peavent regarder comme des Freres, dont la tendrefle & ies foins ne fe dementiront jamais. Mr. A d o L r h e. Etant formés par vous je fuis perfuadé qu'ils poffedent toutes les qualités du coeur ic de 1'efprit; je les remercie des difpofitions favorables qu'ils' ont pour mes Enfans,.& je les prie de les aiïbcier :. leurs travaux comme a leurs plaifirs. Mr. H e r m a n. lis fe feront un devoir de fe rendre a vos ddfirs. Dès 1'enfance je leur ai fait contraQer l'liabitude de me rendre compte de leurs lectures ; fis me communiquent leurs rcflexions, que je reftifie quand %lles ne font pas juftes. Depuis quin»e jours nos conrerfations ont eu pour objet des recherches fur 1'Hiftoire de notre Patrie, relativement aux abus que les Stadhouders ont fait de leur autorité. J'ai cm que la jeunefTe devoit avoir une Notion exaéte de ces malheureux événemens, furtout dans nos troubles aétuels. Wagenaar nous -a fervi de guide, & nous nous fommes entreten.us aujourd'hui en vous attendant des caufes de la perfécution que vous éprouvez. Mr. A d o l p h e. # tous les Peres de familie avoient pris, coni- *m'e  me Vous, le foin d'inftruire leufs enfans, il ne fe trouveroit pas tant de Citoyens igncrans, qui croient fans examen ce que leur déhitent les ambitieux , & les importeurs vendus aux ennemis de la véritable Conftitution de la Patrie. Pu'srue notre arrivée a fufpendu vos occupations ordinaires, il n'eft pas jufte que nous les interrompions , & je me chargerai, fi vous le voulez bien, de terrniner votre converfation, par le récit de la violence, qu'on vient d'employcr contre nous , & dont il n'y a pas d'exemple dans-notre Kifioire. Thkodork. Monfieur , nous n'ofious pas vous en prier, mais 1'intérct que nons prenons ii vos malheurs, nous faifoit fouhaiter d'entendrc de votre bouche le détail ou vous avez la complaifance 'de vouloir entrer. Mr. A n o l p h e. Aimables Enfans, votre fenfibilité fait 1'élcge de votre coeur, mais réfervez la pour les compagnons de mon infortune, qui n'ont de rcfiburce que dans la pitié de leurs Compatriotes. Ma Familie trouvé ici plus quelle n'a perriu, elle n'eft point a plaindre. Quoique 1'étude de notre Hiftoire vous ait accoutumé aux injuftiees, aux vioU-nces, & aux coups d'autorité arbitraire, vous trouverez encore dans mon récit des fujets d'étonnement. Les  f Les juftes & légales réclamations des Citoyens d'Elburg , & notre refus d'accepter pour Regent un Soldat du Stadhouder, ont paru des ades de rébellion a la Majorité des Etats de notre Province, & nous voyions fe former 1'órage qui vient. de fondre fur nous. Menacés d'une expédition Militaire, nous avons employé pour notre défenfe les moyens, que Dieu & la Nature ont accordés a 'tous les hommes libres, dont on viole les droits; des Compatriotes généreux. ont volé a notre fecours, & font venus partager nos périls. Au mépris de 1'Ünion d'Utrecht toute médiation a été rejettée, & ceux qui ont juró de foutenir les droits du Citoyen, ont donné contre nous des ordres fanguinaires, dont 1'exécution n'a pas ibuffert le moindre délai. Les canons, les mortiers ont été tirés des Arfenaux, & les Troupes fe font mifes en marche, avec cet appareil de cainage. La Gueldre n'ayant pas affez de Soldats pour cette expédition, les canoniers de la Province d'Overyffel, & le Régiment de Plettenberg, a la Solde de la Frife, ont recu ordre de marcher. Henri. Permettez-moi, Monfieur, de remarquer que ces deux Provinces ne devoient pas prendre part a la querelle de deux Villes de la Gueldre avec leurs Etats , & qu'elles ne devoient pas permettre » leürs Soldats de fe joindre a ceux qui vous at-  ( 3r7 ) Mr.. A d o l p h b. Loin d'y confentir, elles ignoroient' même ces órdres, & le Stadhouder, fans leur en demandef ia permiffion, avoit délivré les Parentes. Henri. Mais, Monfieur , les Troupes auroient du refufef de marcher; le Stadhouder n'eft pas leur maitre, & ne peut les commander qu'au nom des Etats > dont elles recoivent leur Solde. Mr. A d o l p h e. II ne le doit pas, mais il le fait; certain d'être obéi par les. Officiers, dont la foitune eft dans fes matte, puisqu'il a le droit de nommer aux emplois. T h e o d e r e. Vous aviez bien raifon, Monfieuf, de dire que vous nous furprendriez. Les autres Stadhouders s'étólerit fait autorifer par les Etats Généraux, ou du moins par la Majorité des Provinces, & quoique leur conduite fut oppofée aux droits de la Nation , les apparences étoient mieux fauvées. Mr. Adolphe, a Mr. Herman. Mon ami, vous devez vous applaudir des foins que vous avez pris de 1'üducation de ces deux jeunes gens, leurs rénexions font au-defTus de leur age. I' Le  ( ) Le fignal de Ia Guerre Civile étant donné l»s premiers aftes d'Hoftilité furent décidés contre Elburg , & les Troupes paruren? devant la Ville , ne refpirant que le meurtre & le pillage. Elles n'eurent pas ce/te cruelle fatisfaftion : 'MéMeurs Capellen de Marsch - pauand & Nyyehi t avoient écrit aux Bourgeois, & leur avoient confeillé le parti de la retraite, étant impoflible qu'Üs foutiafifegt un Oege, n'ayant pour défenfe que de foibles matailles, dépourvues de toute fortificadon. On fit d'abord difiiculté de fe rendre \ cc fage confeil, mais les canonniers ayant affuré qu'ils ne pourroient pas tenir plus de deux heures contre l'Artillerie des Troupes, d'un calibre doublé de Ja leur, on fe décida pour la retraite: Elle fe fit a la faveur de la nuit. Une partie des femmes & des enfans s'embarqaa pour Amfterdam, 1'autre fuiv't te fort des fugitifs, & tous emporterent ce qu'ils avoient de plus précieux, après avoir prls la précaution d'enclouer leur Artillerie. Henri. Pourquoi, Monfieur, prendre cette précautien, puisque 1'ennemi n-étoit pas encore devant la Ville! Mr. A d o L p h e. Tous les Citoyens n'étoient pas du mcme fentiment; il s'en trouvoit quelques uns indignes du nom de Républicains, & qui coururent aux rem- parts,  ( 319 ) parts, pour tirer fur leurs Freres. Vous [avez peine a concevoir cet excès de barbarïe, mais des efclaves font ils capaMes de connoitre les fentimeus de 1'humanité , leur ame avilie les rabaiffe au deffous des bêtes féroces, qui ne devorent pas du moins celles de leur efpece. Vous voycz que la précaution des fugitifs n'étoit pas inutile ; ils furent recus i Campen , oü les fecours dé toute efpece leur font prodigués. Les Soldats de nos perfécuteurs 'ayant pris posfeffion d'Elburg, fe mirent en marche pour nous attaquer; nos nvurs étoient en état de défenfe; ils étoient gardés par tous les Citoyens , qui pouvoient porter les armes, par un nombreufe troupe d'Au)tiliaires, fc lés braves Canonniers1 de Zwolle étoient déterminés il faire repentïr les ssfaillans de leur cruellc entreprife. Le Général Spengler envoya un Officier, pour nous fommer, au nom des Etats, de recevoir Garnifon, nous menacant de toutes les horreurs d'un Siege, fi nous refufions d'obéir. Cette propofition fut unanimement rejettée , & 1'Officier, après nous avoir donné trois heures pour nous décider, fe retira les larmes aux yeux. Sophie. Monfieur, favez vous le nom de cet honncte homme, qui s'eft montré fenfible a votre fort, <5c qui ne partageoit pas la cruauté de vos Perfécuteurs ? Mr.  ( 320 ) Mr. a d o l p ii ï, S'il m'étoit connu , Mademoifelle , je rie vous 1'anrois pas laifTé ignorer, mais la vertu refte fouvent dans loubli, pendant qne la renommee publie le nom des heureux criminels. L'impatience de verfer du fang, ne permit pas fans doute ,au Commandant des Troupes , d'attendre que les trois heures fufTent expirées; on fit feu contre nos murs , & les Canonniers du Corps, Franc de Zwolle, fervirent leur Artillerie avec tant de fuccès, que plufieurs Soldats furent emportés par les premières volées. Cette perte irrita lé Général, qui, cra.'gnant d'ctre réuuit a fe reti-> rer, fit lancer des Bombes, pour nous forcer a nou» rendre, k ne nous épargner aucune des horreurs de Ia Guerre. H e n-  < 3« ) H s n k. i. Comment, Monfieur, des Bombes ! j'ai lu quelques relations de Sieges, & mon Oncle nous a fait la. defcription de ces machines, qu'on lance pour détruire & brufer, les édifkes des Villes ennemies, mais on ne s'en fert qu'a la derniere extrémitc. II faut étre bien barbare pour les employer contre des Compatriotes, qui ne font coupables d'aucune faute. S 0 p h i e , a Mme. Jdelphe. Ah, Madame, que vous avez dil être effrayée ên voyant ces horribles machines! Mme. A d o l p h e. Öui, Mademoifelle, je 1'ai été fans doute, mais non pas pour moi; j'ai tremblé pour les jours de mes enfans; j'ai regretté de les avoir mis au monde dans des tems fi malheureux, &l de les voir expofés a la mort ou a 1'efclavage. Mr. A p o lp h e. Repréfentez-vous, s'il eft pofiïble, mes amis, notre indignation, 1'eSroi de nos Femmes, & les cris lamentables de nos Enfans: nous réfolumes alors de dérober ces objets de notre tendrelfe, au danger qui les menacoit, & de nous défendre jufqu'au dernier foupir, mais les dignes Patriotes „ qui avoient confeillé aux Citoyens d'Elburg, d'abandonner leur Ville, nous écrivirent dans les termes les plus preffants d'imiter cet exemple, & de ne pas nous dévouer a une mort cc-rtaine. ils nous conjuroient, au nom de la Pauk, de X nous  ( 3» ) nous réferver pour la fervir, k de ne pas donnef a nos Ennemis la barbare joie de fe baigner dans notre fang. Nous nous décidames avec peine a la retraite; nos braves Auxiliaires, & les Canonniers de Zwolle fe chargerent de Ia protéger; ils s'étoient engagés 4an»ur>e ViUe ennemie emportée d^affaut. Quelques uns de nos Concitoyens, .qui »W Llu Riteer leurs demeures, fent autant que nous la Liberté, ont e les « moins «lep viaimes de ces violences; cra^nan pour leur vie, & ruinés fans reuource üs ont pris le parti de venir nous rejoindte, & c'eft d eu* qu nous avons appris le détail de ladévaftation de 1 demeures* de nos biens. Ie ne vous en rappor terai que les principales ront pour vous faire juger de ce que 5e n d ra as Après notre retraite les Portes de la ouvertes , & les Soldats y entrerent 1'Epce haute comme dans une place ennemie; leur prenuer exploit fut de caffer les vitres des marfons, qui f^olnt^leurpa^.enfa^^ Pair du fameu* cri : Orange ou^us ie Enfuite ils enfoncerent les portes les appartemens, meubles, porcelaines, miroirs, tableaux. & firent un horrible dégat des marchandifes, qui n'étoient pas i leur ufage.ou qu üs ne pouvoient confommer. On voyoit cparfes dans la rue les obligations, les quittances enlevées des armoires & des bureaux, que le Soldat avoit brifées. Les maifons des Citoyens fugitife ont été changée.enCorps-de-Garde; une auberge a et* mife au pillage, par la feule raifon qu'elle »mc ppur enfeigne la Liberté. Thxodore. Sans doute, Monfieur, ces excès s'étoient pas X 3 aft"  ( 3M 1 «utonfés par Ies Chefs> & ne do.vfnt «Jue fur le compte de la Soldatesque. Mr. A D O L P H E On ne m'a pas dit q„e les Officiers aient don- ordre de commettre ces violences, mais il eft ;°,nS .Cmain' **« ^s tolcroient , qu'ils ne les pumffbient pas. quand elies s'ex reoien fous leurs yeux, & cette impunité équivauU de 7™s- Labonne un |B1 , '• ^ m'ét0n"e P3S 5 ™us êt« dans »n age ou 1'onjuge des autres d'après fon camr; mèri vous auriez penfé différemment , ft vons «v«. feu que le Commandant de ces Troupes «voit bngue Nïtnmw de nous attaquer. » celui dunTurc, qui étrangle fon Compatrio'e ou hu coupe la tcte, par ordre du Grand-Seigneur' J 3 Cr°:S " q"e i'ai lu' M«K n'auroisjamais Penfe, quunRépublicain s'aviliffe au point d'ambitionner une fi odieufe commiffion. Mr- H E R M A K_ Mon Ami, je vous prte d'excufer ces jeunes gens 2| ^erromnent votre récit, mais c'eft une hab ' rudequ'iis ont contraaée dans nos converfait Mr. A B O L p H E Non ftulement j'excuf, cette interruption , »*s ,e I s en remercie, toutes leurs rcflexions rr? jufte,rede ,eur * de ieur coeur. m om du ré-  < 3*5 ) ge de nos biens, que penferont ils de ce qui me refte a dire ? La Veuve de Jean de Haan fut attaquée par quatre Cavaliers , qui mettant le fabre a la main la meurtrirent de coups, lui prirent fon argent, & la menacerent de lui couper la tète ; un de ces barbares lui porta même le fabre a la gorge. plufieurs femmes, qui ont pris la rake comme elle, ont attefté avoir vu fur fon corps, les meurtrisfures des coups do plat de fabre. Le foir même du jour, ou les Troupes s'emparerent de la Ville , plufieurs Soldats cafferent les vitres , & enfoncerent la porte du vieux Goudjieen , figé de 72 ans, le tirerent hors de fon lit, 1'appe'llant mau. ït Patriote , lui prirent fon linge , fes habits , briferent fes armoir;s, & lui volerent fon argen». Evert Koning , Ancien de notre Kglife , voyant caffer les vitres de la maifon de Madame Daendels, demanda a un Officier, qui étoit préfent, s'il étoit ordonné de commettre ces excès, il requt un Oui pour réponfe. Le même fut attaqué fur le Marché par deux Soldats, qui lui mettant la bayonette fur la poitrine, voulurent le forcer de crier Vive Orange! un Officier qui paffoit, refufa d'interpofer fon Autorité en fa faveur. Sophie. Vous voyez, mon Frere, que vous vous étiea bien trompé dans votre bonne opinion, a 1'égard des Officiers. Les Soldats n'auroient pas ofé commettre tast de défordres, s'ils avoient craint d'être X 3 Pu-  C 33Ö" > tunls. Ne favez-vous pas qu'on dit ordinaire^ ment: tel Maitre, tel Valef! Mr. A d o l p h k. Vous avez raifon, Mademoifelle, & vous en ferez encore perfuadée davantage, en apprenant que votre Sexe même n'a pas été refpeété par ces furieux : je n'en citerai que deux exemp.les. , Une Fille , nommée Eifellnk, fut rencontrée par un Soldat, qui lui appuyant fa bayonette fur la poitrine, lui demanda fi elle étoit Patriote , ou du parti du Prince. Vous voulez donc me tuer? a'écria cette Fille. Oui, lui répondit le Soldat, & tous les Patriotes feront tués. Heureufement elle fut délivrée des mains de ce br.utal, par un de fes Camarades , moins fanatique. On a choifi pour faire un Corps-de-Garde la maifon d'une de nos Concitoyennes, qui n'attendoit que le moment d'accouche^; cette infortunce, demandant avec inftance, 1$ repos & la liberté, dont elle avoit bcfoin dans fa fituation, requt pour toute réponfe de la bouche d'un Officier, qu'elle pouvoit choifir ou de fortir de fa maifon, ou de faire fes couches auprès des Soldats. Mme. Herman. Si j'entendois, Monfieur, ce récit de tout autre que vous, je le foupgonnerois au moins d'exagération. Comment un Officier peut il porter la barbarie jufqu'ü cet excès ? Mr. A d o l p h e. Ce que j'ai eu 1'honneur de vous dire, Mada-  ( 3*7 5 me, n'eft que trop vrai, je le tiens de perfonneo digt'es de foi, & qui font prêtes i 1'affirmer par ferment. Oui, notre malheureufe Ville a été le Théatre des atrocités de tout genre ; le Temple du Seigneur a été fouillé par les fatellites de nos Perfécuteurs, qui ofent fe dire les foutiens de la Religion. Leurs Soldats ont fait une taverne du Lieu Saint; les chaifes, les bancs ont été mis en morceaux a coups de fabre ; & les voütes qui tant de fois ont retenti du ehant des Cantiques facrés, ne répétoicnt alors que des imprecations, ou les cris de vive le Prince d'Orange! Les Patriotes en bas! Sans doute tant de ctuautés refteront impunies ; & le Commandant de cette Soldatesque effrénée recevra des éloges & des recompenfes, comme pour 1'explóit le plus glorieux, tandis que nous ferons traités de rebelles, & que pour tout dédommagement on nous offrira, peut - être, une Amniftie^  ( 328 > Henri. Vous ne r'accepterez pas, Monfieur? Mr. A r> o l p h b. je ne crois pas qu'aucun de mes Concitoyens foit aflez lache, pour fe. deshonoref aux yeux de la Nation : le pardon n'eft fait que pour les coupables, & nous ne le fommes pas. Je n'ajouterai a mon récit aucunes reflexions, elles feroient trop ameres, c5t vous les ferez bien fans moi. Mr. Herman. Nous 'Vous remercions, mon ami, de votre complaifance, & j'admire, en mon particulier, votre modération; je finirai cet entretien par la maxime de Pittaaus, un de fept Sages de la Grece,: nos malheurs paffes,- les votres & ceux dont nous fommes menacés me la rappellent. Ce grand homme difoit ordinairement, que parm'i les bêtes féroces il ny en a pas de plus crueile, que le Tyran, & parmi les ammaux domeftiques de plus dangereuM , que le Flatteur. F I