L A M O R A L Ë D E L'ADOLESCENCE.   L A M O R A L E D E L'ADOLES CENCE Animum rege : qui, nifi paret, Imptrat, hunc ftienis, hunc tu compcfce catend Horat. Epift. 2*. Lib. i°, PAS. M'. DES-ESSARTS» MTRt Privilegie de Mathematique et de Pension Fran^oise dans la Ville et Universited'Utrecht. A U T R E C II T Choz B. W I L D. M. DCC. LXXXIIL   m P R É F A C E TT ^Jn Ouvrage qui, par des Lef ons intelligibles de Morale, fondées fur une Métaphyfique aujji intelUgible, prêpareroit la Jeunejfe aux Vérités épineufes, mais fublimes , de la Religion, auroit droit, te me femble, a Fhonorable attention des Gens deLettres. Je Fentreprends eet Ouvrage, appuyè de F autorité de Locke, Se Rollin & de 1'Abbé deSt.Picrre , dont le fentiment , dans plufieurs de leurs Ecnts (a), eft „ qiCon doit toujours raifonner avec „ les Jeunes Gens; qiFils font en état de concevoir „ les O) Locke : Educat. des Enfants, Tom. I. Pag. 172 m, 174. & Tom. II. Pag. 71. Edit. de Paris, chtz Dzvid le Jeune, 1747. Rollin: De la Maniere d'Enfeigner & d'Etudier les Belles-Lettres, Tom I. Difc. Prélim. Pag.47. Edit. de Paris,c/iez les Fr er es Etienne, 1755. l'ABEé de St. Pierre : Ses Oeuvres, Tom. I. Pag. 6. EdU. de Paris, chez Briafon, 1730. A 2  iv P R E F A C Ë. „ les Démonftrations Métaphyfiqiies de FExiJiencë ,, de Dieu, ainfi que les Vérités de Morale qui en défluent; & que? pour les Men pénétrer de ces Vérités , il faut leur faire apprer.dre par cxur ,} les Paroles 6? les Actions de VAntiquité qui y ont rapport." On me rendra, je Vefpere, ajfez de juftice pour croire que je ne me flatte point de compofer, en cs genre , le meilleur Ouvrage poffible, mais Hen le moins défectueux dont jefois capable. Qu'aux yeux indulgents du Public mon zele fupplée a mes talents: un autre viendra & touchera le but quefaurai manqué , ne me laiffant que la gloire d'avoir voulu y atteindre. C'en fera toujoars une digne de mmcozur* TA-  T A B L E PREMIÈRE PARTIE FONDEMENTS DE NOS DEVOIRS Icre Lecon. En quoi confifte le bonheur. IIde Lecon. Aucun Etre ne s'eft donné l'exiftence. IIIme Lecon. Nul Etre, faifant partie de ce Monde , n'a jamais eu une exiftence nécejjaire & éternelle. IVme Lecon. Un feul Etre, appellé Dieu, a crêê V Univers. Vme Lecon. Dieu eft un Etre nécejjaire & èternel. VLmc Lecon. «Dieu n'eft point un Etre matériel. VIIme Lecon. Dieu eft un Etre tout-puijjant. VIIIme Lecon. Dieu eft un Etre fage. IXme Lecon. Dieu eft un Etre bon. Xmc Lecon. Conféquences déduites de la Bonté Divine. XIme Lecon. Dieu eft un Etre jufte. Conféquences tirées de.fa Juftice. ■ XII»» Lecon. Par quels moyens il eft poffible ffobtenir le délicieux contentement de foi-même dans cette vie 6? dans l'autre. XIII»» Lecon. Moyens d'étre Jufte & Bicnfaifant au degré convemble. SECONDE PARTIE QUALITÉS DU CCEUR k EXERCER XIVmc Lecon. Juftice envers nos Parents. A 3 XVme  6 T A B L E. XVme Lecon. Jujlice envers nos Maüres. XVIme Lecon. Juftice envers nos Souverains. XVlIme Le^on. Jujlice envers tous les Hommes. XVIIIme Lecon- Bienfaifance envers nos Amis. XIXme Lecon. Bien faifance envers nos Ennemis. XXme Le£on. Bienfaifance envers tous les Hommes. TROISIEME PARTIE DONS DE L'ESPRIT a CULTIVER XXIme Lecon. Mémoire. XXIIme Le£on. Imagination.* XXIIIme Lecon. Jugement. QUATRIEME PARTIE FACULTES DU CORPS h PERFECTIONNER XXIVme Lecon. Force. XXVme Lecon. Agilité. XXVIme Le^on. Décence. LA  L A M O R A L E D E L'ADOLESCENCE PREMIÈRE PARTIE ■ FONDEMENTS DE NOS DEVOIRS. PREMIÈRE LE^ON En quoi confifte le bonheur. I usqu'ici, cherDifciple («), toutes les per^ ionnes avec qui vous avez vécu, principaleraent votre Pere & votre Mere, ont contribué.a vous rendre heureux. Aviez-vous des befoins ? Ils y pourvoyoient. Tantót, ils vous garantiflbient d'un froid mortel , tantót d'une chaleur étoufFante & toujours des maladies dangereufes qui affiégent 1'enfance. Pendant combièn de nuits longues & fatigantes nc vous ontils pas tenu dans leurs bras! Combien de fois, pour rétablir votre fanté , n'ont-ils pas expofé & même facrifié la leur! Un jour viendra oü, plus ca- 00 C'eft le Malire feu} qui parle dans mes Lecons. Quand les principes font expliqués, le Difciple, interrogé parle Maitre , repo.id d'après ces principes: mais la téponfe ne lui eft point dictee, -corame dans la plupart des Livres Élémentaires. On fait que, d.epuis plus de 16 ans, cette ï\k:thode me réulïït. A 4  3 LAMORALE capable de réflexions , vous ferez ctonné du nombre & de la nature de leuvs bienfaits. C'eft encore par tendreiTe qu'ils vous confient a mes foins. Ils favcnt que le bonheur don'; vous avez joui fous leurs yeux n'eft pas 1'uniquc; que, plus vous avanccrcz en age, moins il vtous fuffira; qu'il en eft un autre, plus étendu, plus folidc, & ils me chargent de vous le faire obtenir. J'y cortfens, mais a une condition indifpenlable , c'eft que votre docilité égalera mon zele. Rappellcz-vous, cher Difciple, la joie dont votre coeur a quclquefois etc rempli, lorsque votre digneMere, contente des efpérances que vous lui donniez, vous embraffoit tendrement, fe glorifioit de votre fageife, en faifoit publiquement 1'éloge. Alors , vous éticz heureux. Alors, nul jeu, nul divertiftement nevous offroit un plaiur auffi enchanteur. ... Eb bien,' mon Ami, ü vous êtes docile a mes Lecons, cette fituatioiv délicieufe fera conftamment la votre: paree que vous ferez conftamment eftimé des autres & de vous-même. Concevcz, retenez, obfervez mes préceptes & un avenir fortuné vous attend. Je vous réponds d'unc fclicité fouveraine. QUESTIONS l'ri. Qjii vous a procuré jusq;iliei le bonheur corporcl dont vous avez joui? ide. N'en éftrttpas un plus étendu , plus folidc ? •yne. En quoi cónfiff'è-ÜU? 4»w. A quelle conditioü veut-on bien vons le faire obtenir? SE^  DE L'ADOLES CENCE 0 SECONDE LECON Aucun Etre ne s'eft donné Vexiftence. A ~Lj\-vant de vous enfeigner le grand art d'être heureux, je dois vous inftruire de plufieurs vérités importantes & qui ferviront de bafe a votre bonheur. Celledont j'ai deffein de vous pénétrer aujourd'hui eft digne de toute votre attention. Vous exiftcz , n'cft-ce pas ? Vous êtes bien convaincu que d'autres exiftent auili. . . Mais, dites-moi, qui vous a donné 1'exiftence ? Mon Pere £f ma Mere, allez-vous fans doute me réi pondre. . . Fort bien. Qui 1'a donc donnée k votre Pere & a votre Mere? Qui 1'a donnée a vos Aïeux, a vos Bifaïeux & aux leurs ? Qui Fa enfin donnée au premier homme de votre Familie ? II ne fe fera pas fait lui-même , ce premier homme : car aifurement il n'exiftoit pas avant qu'd exiftat & cependant, pour donner 1'exiftence a un Etre quclconquc , il faut en jouir foi-meme._ Jugez-en par votre propre expériei> ce. Ces jolis Chateaux de carte oui vous amufent, auricz-vous pu les coriftruire, fi vous jti eufliez pas été au monde ? Non fans doute. Donc, le premier homme de votre Familie, nayant pu rien former auffi avant d'exifter, ne s eit pas tormé lui-méme. A S Cer-  ïo LA MORALE Cette vérité bien comprife, il ne vous eft. pas difficile d'en conclure qu'aucunEtre nes'eft donné 1'exiftence. Le Cheval tient le jour d'un Etalon & d'une Jument, formés eux-mêmes par d'autres Etalons & par d'autres Juraents, & ainfi de fuite jufqu'a 1'Etalon & a la Jument primitifs. Tous les Boeufs defccndent d'un premier Taureau & d'une première Vache , tous les Moutons d'un premier Bélier & d'une première Brebis , tous les Reptiles , tous les PoiiTons, tous les Oifeaux, d'un premier Male & d'une première Femelle de leurs difTérentes efpeces. C'eft a des Graincs primitives que remontent tous les Végétaux. L'Herbe même des Champs vient d'une première Herbc. Mais aucun de ces Etres primitifs, foit animal, foit graine, n'a pu être 1'auteur de fon exiftence: car 1'ouvrier, ainfi que je vous 1-ai déjadit, doit exifter avant fon ouvrage, le créateur avant fa créature. QUESTIONS iere. Qui vous a donné i'exiftence? ïde. Ojii Pa donnée a votre Pere Gf (l votre Mere ? 3'«e. Le premier Homme de votre Familie s'eft-ilfornió lui- méme ?. 4»»«. Pourquoi le premier Homme de votre Familie, non plus qit'aucun autrc Etre, tfa-t-il pu fc titer du néant ? TROL  DE L'ADOLESCENCE u TROISIEME LECON Nul Etre, faifant partie de ce Monde, ifa jamais eu une exiftence nécejjaire éternelle. LoRsqu'uN Etre n'a point eu de commencement & qu il n aura jamais de fin, fon exiftence eft éternelle. Elie eft nécejjaire toujours été abfurde de fuppofer un moment oü ce?E re n ait point exifté & s'il i'eft égalemenc de fuppofer qu'il n'exiftera plus un jour. Tout Etre neceiTaire eft donc éternel, ptusqu'il „S eu de commencement & qu'il n'Lra jan4 de tm. Amfi, pour vous donner un exemple focile cette yente deux 6? deux font quatrea une exiftence neceflaire & éternelle: ca/ il répusne au bon fens que deux & deuxn'aient pa toZ jours foit & ne faflent pas toujours quatre Ccla pofe, voyons d'abord fi les Etres tiri miüfs des Animaux, des Végétaux, des Unï raux, onfeu une telle exiftence. Semblables aux Hommes, aux Brutes, & anv autres Etres qui font aftuellement fousnos yeux ces Etres primitifs n'avoient dans toute la Se de curs corps, lorsqu'ils exiftoient, que les parties dont Tune aujourd'hui changeoitT fo • mc&dcmam 1'aüXre. De droit 0 le premier hom- 00 Les 0S & lei murespanies folides du corps .^antpris cou-  12 LAMORALE homme devenoit courbé ; fa peau , ci-devant lilTe & tendue, fe ridoit; il perdoit & fes dents & fes cheveux. La première brute & la premiere plantc de telle ou telle efpece fubiifoient d'auffi fortes dcgradations. Des-lors, il étoit vifible que les parties de matiere , dont ces Etres étoicnt compofés, n'avoient pas entr' elles une union indiifoluble , puisqu'elles fe défuniffoient. On pouvoit donc dire, fansabturdité, qu'il y avoit eu un moment oü leur union s'étoit faite & que leur délunion totale ie feroit un jour. Elle a eu lieu en effet cette défunion, puisque les Etres primitifs n'cxiftent plus. VosAïeux, vos Bifaïeux, tous les hommes qui vivoient, il y a 200 ans, il y a 2.000 ans , font defccndus autombeau; &, bien long temps avant eux , le premier homme , de qui ils tenoient ori- toute leur extenfion en longueur & en groiïèur, continuent d'augmenter en folidité; les lues nourriciers-, qui y arrivent & qui dtoient auparavant employés a en augmenter le volume par le dcveloppemcnt, ne fervent plus qu'a l augmentation de la malT'e, en ('e fixant dans rintérieur de ces parties; les mcmbranesdeviennentcartilagineufes, les carttiages deviennent olTeux, les os deviennentplus folides, toutes les fibres plus dures, la peau le defleche, les rides fe forment peu a pen, les cheveux blanchilfent, Jes dents tombent, le vifage fe déforme, le corps fe courbe &c. Les premières nuances de eet état fe font appercevoir avant 40 ans; elles augmentent per degrés affez lents jusqu'a 60, par degrés plusrapides jusqu'a 70; la caducité commence a eet age de 70 ans, elle va toujours en augmentant; la décrépitude fuit S la mort termine ordinairement avant 1'age de 90 ou 100 ans la vieillefle & la vie. De Bcffon. -llift. Nat. Tom. 1F. Pag. 338. de fLdit. in-\2 de rLnhrim. Royile. 175a.  DË L'ADOLESCENCE 13 originairement leur exiftence, avoitétéfréduiten pouflicre. De routes les brutes qui fubfiftoient pendant lavre de ce premier homme, iln'enfubhfte pas une feule a cette heure (b). La plus ancienne plante n'a peut-ótrc pas 500 ans. Un pareil raifonnement démontrera que nul des Etres, qui compofent ou ont compofé ce Monde, n a jamais eu une exiftence néceffaire & éternelle: car il n'en eft & n'en a jamais cté un leul dont les parties ne tendent ou n'aient tendu ala deftrucHon, dont les parties nes'alterent ou ne fe foient altérées. Les eaux s'évaporent. Les montagnes croulent. Lespierres ie minent. Les métaux fe rongent. Tous les corps font la proie infaillible du temps. O) Les poiflbns, dont les os ne fe durcilTent prefque pas & qui vivent a l-abri de, injures de fair, comme ledic Mr. BVFF0N^ Hijl. Nat. Tom. III Pag. 457 g> 4c8. fon de rous les animaux ceux qui vivent Ie phw lo^-temps : H ^ Zf ,f JT*J! aiA,raPP°rt du méme Auteur, r n I752! dans les folies du Chateau de Pontchartrain, des carpes de» plus de 150 ans averés. F L foir6 ïïi' rgé de ans' 1ui' dit"on' fut P™ dans Ia fur L J.K ^ Charles VI' Roi de France, ne portoit lur fon collier aucune preuve de ce grand age coSalVutVb^ ^ 13 lOTgUe viv^nr^nfir1, lesanimaux' flPrés avoir pris leur croilTance, ZZP X 3 f°iS aUtW\ d années 1u'i!s e» ont mi a la prendre: 1 homme, dont le développement n'eft güere ach* ve qua 30 ans, remplit tont au plus fon fiecle e chien cro.t environ 3 ans & demi & en vit tl. II y a de, ex" ceptionsa certe regie, témoins//. Jenkim, Anglois quiv cut i69ans; Parrk, auffi Anglois, qui envératórês de « USSt^AT^ & W ^^SlïdS; »jui panercnt 1 un & 1 autre 140 ans. QUES-  T4 LAMORALE QUESTIONS jt«. Oifeft-ce qu'un Etre nêcejfaire ? 2*. QiCeft-ce qu'un Etre éternel ? 3«)ir. L'éternité d'un Etre nêcejfaire réfulte-t-elle de fa nê- cejité ? ótne. A quoi pouvoit-on reêonnoitre, dans les Etres primitifs, quils n'ctoieut pas avantagés d'une exiftence néeceftaire & éternelle? yne. Eft ce par la même r ai fon que cette exiftence n'a ;'a~ maie été attribuable d aucun des Etres qui compofent ou irnt compofe ce Monde ? QUA-  DE L'ADOLESCENCE 15 QUATRIEME LECON Ünfeul Etre, appellé Dieu, a crêé VUnivers. T • -ILL n y a que deux moyens d' exftence Le premier eft d'avoir toujours exifté: c'eft le nlus SS£feW ' feC°nd Cft' n'ayant Pas toujours exifté & nayant pu, ainfi qu'il a été prouvé dans les Lecons précédentes, fe donner a foi meme 1 exiftence, d'avoir été formé par un Etre quelconque, puisqu'on ne peut 1'avoir été par le Hafard, qui n'a ni volenté, ni intelligencc qui n'eft rien. «gmw. , HrS^' Puis^u'a^«n des Etres primitifs, Homme, Brute, Végétri &c, puisqu'aucun des Etres qui compofent ou ont compolé fUni vers n a jamais eu une exiftence néceifaire & éternelle cc n'a jamais pu fe donner a foi-même autre Etre les a tirés du néant. J Je dis un autre & non plufteurs. Voici pourquoi. Lorsque, comparant quelques Prices 11C"tare, nous y découvrons les mêmes pleins t uTdU ^lemf tno"™> égalementdiftan es uns des autres, lorsque ce font par-tout les mêmes rondeurs, les mêmés liaifons, nous alfuronX le champ que ces Pieces fant du même EcS Affurons donc auffi, vu le rapport conftan d'un homme avec tous les hommes , d'une brute ave? tes, que tous les hommes, toutes les brutes, routes les  zó LAMORALE les plantes remontent a un fcul Auteur. Les Hommes ont & ont toujours eu les mêmes organcs , les mêmes facultés , les mêmes befoins. Dans une Brute, on appercoit & 1'on a toujours appercu les mêmes tendances, le même mécha. nifme, que danstoutes les autres bruites. Toujours, un Animal quadrupede, couvert de poil, eft vivipare, & toujours il eft ovipare, fi des écailles le revêtent. Toujours, une graine, mife en terre ou dans une liqeur convenable, fe gonfle & fuftente fon germe; toujours, ce germe eft litué a 1'extrêmité de la graine ; toujours , il renferme la tête & la racine de la plante ; toujours, quand cette racine a cru, les fucs dont elle s'alimente la font baifier, &, quand la tête fe porte au-dehors, une enveloppe bien tiflue la garantit des injures du temps. S'il y a des exceptions dans la Nature, comme elles font le fruit des mêmes circonftances, elles concourent a prouver 1'unité du Légiflateur. De plus, les hommes, les brutes, les plantes, les métaux, les aftres &c. fe confervent d'une maniere tout-a-fait femblable: ce qui annonce hautement qu'un feul Rtre les a tous créés; L'animal vit par la circulation du fang. La plante végete par la circulation des fufcp telreftres. L'or, 1'argent, le cuivre, le plomb, croiifent & fe fortifient par la circulation des matieres rnétalliq'ucs. Les aftres fe maintiennent dans leur fplendeur par la circulation de la lumiere. C'eft toujours le même plan decréation. C'eft toujours le même Créateur. Enfin, toutes les parties de 1'Univers s'enchainent tellcmentqu'a chacquefouftraólion d'un gen-  DÉ L'AD O LES CEN CE ' n öriginairement leur exiftence, avoitétéréduiten H m DS ;°Ut£S les brutes ^ Wbfiftoient ? ,a VrQ ^feP^ierhorhrae,iln'enfubfifte pas une feule a cette heure m. La plus ancienne plante n'a peut-être pas 5oö ans. P rf™ F,P raifon»emenc démontrera que nul mL; '> qU1 CümP°rent ou ont compofé ce Monde na jamais eu une exiftence néceflaire un feu dont les parties ne tendent ou n'aient tendu a la deftruclion, dont les parties ne sïlte- noren? T^f f°T 3ltërées' Les ea«x s'éva" ffin mon£aS^s croulent. Les pierres lt minent. Les métaux fe rongent. Tous les corps font la proie infaillible du temps. la ComtefTe de & T ve'CUCPrrês de'53$ qui patat rm & £tj toui deux Ir!-d<*> B QJJES-  f4 LAMORALE QUESTIONS Qiieft-ce qu'un Etre nêcejfaire? 2 *ui comP"fié ou ont compoje l Umvers, jont-ils fort is du niant? 2<*. Piuvent-ils avoir été formés par hafard? 3**. Un feul Etre les a-t-il créés tous ? Wh Par quels ralfonnemeuts pouvez-vous me démantrer t umté du Grand Etre? 5«w. Les exceptions aux loix de la Nature défiofert.elles: ctntre cette unité? 1 J B 3 CIN-  LA MORALE CINQUIEME LECON Dieu eft un Etre nêcejfaire & éternel. \\ h a toujours été abfurde de fuppofer un moment oü Dieu n'ait pas exifté & il 1'eft également de fuppofer qu'il n'exiftera plus un jour; donc, Dieu eft un Etre néceffaire & éternel. Si, dans le palfé, il y avoit eu un inftant oü Dieu n'eüt pas exifté, jamais eet Etre fuprême n'auroit eu 1'exiftence: puisqu'il lui auroit été impoffible de fe la donner a lui-même & que, pas un feul Etre n'éxiftant alors, il n'auroit pu la recevoir de perfonne. Si, dans 1'avcnir , Dieu pouvoit cefler d'être, ce feroit ou paree qu'il auroit des parties tendantes a la défunion, des parties qui, en tel ou tel temps, auroient été jointes les unes aux autres pour la première fois, ou paree que , même avantagé d'une meilleure fubftance, il dépendroit d'un autre Etre qui auroit la puiffan. ce de 1'anéantir. Mais Dieu n'eft point compofé de parties qui, en tel ou tel temps, aient été jointes les unes aux autres pour la première fois: car, cela fuppofé , il y auroit eu un in-, ftant dans le palfé (& je viens de prouver le contraire) oü eet Etre Suprème n'eüt point joui de 1'exiftence. Dieu ne dépend pas non plus d'un autre Etre qui ait Ja puiflance de 1'anéantir. Eh! quel feroit eet autre Etre? Une Cré, ature ou un Créateur? II répugnc a la droite rai-»  DE L'ADOLESCENCE raifon que ce foit une Créature, que Ia foibleffe détruife la foree, &, comme je 1'ai deia démontrc, il n'y a point d'autre Créateur que Dieu. QUESTIONS T a-t-il eu un temps oü Dieu tfoit point exiflêt 0&r Viendra-t-il un temps oii Dieu ifexiftera plus? * fv/' Si-,I,imjfaloit tas toujours exifté, ou , s'il éMt pojjible qu ü ecjfat cTexifter un jour , exifteroit-il maintenant r B 4  2© LA MORALE SIXIEME LECON Dieu n'eft point un Etre matériel. JE^emarqjjez bien ce que je vous ai dit dans la Lecon précédente: Dieu n'eft point compofé de parties tendantes a la défunion. I] n'eft donc point d'une nature femblable a celle des Etres qui tombent fousnos fens: car toutes les parties de ces Etres tendent a la défunion, toutes font divifibles, toutes fe divifent dans un temps ou dans un autre. Il n'eft donc point matiere. II n'eft donc point corps. Dieu n'eft point corps.,,. Qu'eft-il donc? II eft efprit: on donne ce nom a une fubftance immatérielle. Vous chercheriez en vain a concevoir ce qu'eft un efprit. La Raifon dit fimplement ce qu il n'eft pas- Si vous vous épuifiez en réflexions fur eet objet, autant vaudroit-il vous efforcer de découvrir comment 1'image d'un ar, bre éloigné de 4 a 500 pas traverfe cette diitance & va fe peindre au fond de votre oeil; comment des milliers de mots s'arrangent en très-bon ordre dans 1'étroit efpace.de votre cerveau; ou comment, au moindre a£te de votre volonté, femeuvent votre tête, vos bras, vos jambes ou d'autres parties de votre corps. Ne dites jamais, paree que vous n'avez pas Une idéé nette de 1'efprit, Dieu eft matiere: ce feroit dire en infenfé, je ne concois pas comment  DE L'ADOLESCENCE 21 je vois cette tour & dès-lors je ne la vols pas. Il eft, dans la Nature des cfaofes cachées a 1'Homme desmyfteres. II cneftauffi dans la Religion: & lorsque vous en ferez dlgne, on vous en in! ' ^ *? difCUter' mais POUT les cioire tn operant les premiers, Dieua voulu nous difpofer aux feconds- «avoum QUESTIONS. JujÏÏf^'^ de b.fabfianst de Dieu prouve-t-cl'.e qn U ,i ejt point mattere ? j*; Slft-"'',f°!lr nier Exiftence de J'e/prit, de n'en int avotr d idéé nette ? tJê? A q"elS aHtr" myftereS conduif™t ceux de la Na, B 5 SEP-  li LAMORALE S EP TIE ME LECON Dieu eft un Etre tout-puiffant. (J)combien £rand e^ ^e pouvoir d'un Etre qui a tout fait de rien ! Le ciron, eet infecle a peine vifible qui s'engendre fous Ja peau de 1'hommc, eft feul une démonftration complete de la puilfance divinc. II a des entrailles, des nerfs, des arteres, du fang & un coeur comme nous. Comme nous, il jouit des 5 fens de Nature , c'eft-a-dire , de la vue, de 1'ouie, du goüt, de 1'odorat, du taét ; il reproduit fon efpece; il pourvoit a fes bcfoins ; il a le fentiment délicicux de fon exiftence. La ténuité des parties de matiere qu'il falloit mettre en oeuvre dans la formation de eet animal délicat n'a point arrêté 1'Artifte Suprème. Créateur des cléments , il les a fait plier au gré de fes dcifeins. Si nous admirons un Ouvrier qui, avec de 1'acier , du cuivre & des outils, fait enchaffer une Montre dans nos Bagues , de quelle furprifc ne devons-nous pas etre frappés a la vue de cette frêle & ingénieufe machine conftruite fans matériaux! Jettons les jTeux fur ces Globes de feu qui roulent majeftucufement au-defttis de nos têtes» Le nombre en eft immenfe. Qui fupputera ceux de la Voie Lactée? Qui dira combien d'Astres embelliifent le Firmament ? Une main puiffante lesy a répandus comme le fable fur lebord de la Mer; & leurs cours réguliers, ainfi que leur fplendeur éclatante, dépendent d'elle. Par- cou-  DE L'ADOLESCENCE 23 courons les valles plaines de 1'Atmofphere: des milliers doifeaux qui y fubliftent, la foudre & les éclairs qui s'y forment, les vents qui y regnent, la pluic, la neigc, la grêle & ]a rofée qui en decoulent, font autant de preuves de la puuTance infinie de Dieu. Dcfcendons fur la lerre, penetrons jusque dans fes entrailles protondes , jusque dans les abymes des Eaux, & tout nous y annoncera, tout y célébrera la même puiilance. Mortels orgueilleux, nous nous croyons quelque chofe d important fur ce Globe terreftre & nous ne fommes cependant ricn. Un jour vient%^lA rrout-rPuiffa^, en unclin d'iil, nous bnieia de fon fceptre terrible: ni les richelfcs, m les dignites , ni le crédit n'aurontpu prolonger d un ieul moment notre exiftence. Que lttve Suprème le veuille & Ie Potentat eft aufli-tot rediut a une vie obfeure , le Traitant a m.ndier ion pain , 1'Académicien a 1'ignorance te a la ftupiditc. Sa volonté puiflanteéleve ou renverfe, cree ou détruit, comme il lui plaft te quand il lui plaït. F QUESTIONS. Ii"-*. Dieu efl-il tout-puifant? fir^ionlZTnJl *™ ^ ***> *» *»»*™** démon- ' étM:lAUei^l entre Suprém, $m, N'y «.{rilpas au$ des Hommes tout-puijfants? HUI.  24 LA MORAL E HUITIEME LECON Dieu eft, un Etre [age. JL^A fageffe confifteknerien entreprendre fans deliein & a n'embraffer, dans 1'exécution de fes entreprifes a que des moyens de la plus grande efficacité. Or telle a été & telle eft encore la conduite de Dieu dans tous fes ouvrages. II favoit, par exemple, dès le premier moment de la Création, que 1'Homme, dont il vouloit faire le bonheur, ne fe fuffiroit jamais a lui-même , n'étant pas d'une nature divine ; & en conféqucnce eet Etre, auffi fage quepuiffant, gravadanslecoeur des Peres & des Meres du Genre Humain une tendreffe ineffacable pour leurs Enfants & dans le coeur de tous les Hommes un penchant invincible les uns vers les autres. Quoi de plus fage ! Sans cette tendreffe de nos Parents, loin de jouir agréablement de 1'exiftence, nous péririons tous en naiffant, n'ayant alors ni connoif, fance de nos befoins, niforce pour y fubvenir. Sans cette tendreffe, nos Parents, qu'aucun acte de bienveillance ne nous auroit rendus chers, ne fe repoferoient point fur notre gratitude dans leur caducité. Sans cette même tendreffe des Peres & des Meres pour leurs Enfants , fans cette gratitude des Enfants pour leurs Peres & leurs Meres, fans ce penchant de tous les Hommes Jes uns vers les autres, 1'Homme a 1'Homme indifférent végéteroit feul au milieu de tous, en béte féroce, en efclave plutót qu'en roi de • la  DE L'ADOLESCENCE Ia Terre; il n'y auroit point de champs cuIti Ves, point de maifons conftruites, point d'aiV les contre a tyrannie, point de feeours dans les" douleurs, & , ce qui feroit encore plus trifte point dunion, po,nt d'amitié, ce fen iment ff neceffaire a tout Etre qui penfe; Ja vie enfin r roit un fardeau pefant1, dont on ne po«tiïf tre foulagé, u par 1'éclat brillantdesCieuv & par le retour bienfaifant des Saifons. C'eft donc avec la plus grande fageffe que 1'Etre Suprème autres!' P°Ur e"Chaïnés le* S| La même fageffe fe manifefte dans tout re que Dieu aformé; & vous en ferez p eSem convaincu, en jettant les yeux fur le Sa mfme de votre corps, fur celui de autres Ani" maux, fur celui des Plantes, fur le jeu des Fli" ments, fur le mouvement des Aft es fur1w moni^merveilleufe de toutes lesTartiï deTa" QUESTIONS. l*r*- En quoi confifie la fageffe? 2<ü. Dieu eft-il un Etre fage ? 3*'- Quelle preuve de la fageffe divine povvez-vous tlr~ fj^endreffe des Peres &% Meres Tets IZ 'Z ,J*"; Q}"lle, aÜtre V'euve de b fcgtfe divine déduiPez- Toïs'TÊ:? T ^ danffeZr ae tous les Hommes les uns pour lès autres ? tion'i ^ PeUt'0n paS d°"ner «ue/*ae a"tre démonflra- NEU-  só LAMORALE N E U VIE M E LECON Dieu eft un Etre bon, M alheur k Vous , fi , ayant admiré les Chefs-d' CEuvres de la fageffe du Très-Haut, vous n'en rcconnoiffez pas auffi-töt la bonté ! Infenfibles a fes bienfaits, mériteriez-vous d'en jouir? . . . En créant 1'Univers, Dieu n'avoit certainement pas deffein de fe rendre heureux: paree que, dans la fuppofition que 1'Univers cut été néceffaire a fon bonheur, comme eet Etre eft éternel, 1'Univers lui eut été éternellement néceffaire & dès-lors il 1'auroit créé de toute éternité. Or une création éternelle, c'cft-a-dire, un commencement fans commencement révol* te la Raifon. Dieu n'a donc pas créé 1'Univers pour fon bonheur. II 1'a cependant créé par quelque motif, puisqu'il eft fage. Ce motif, vous 1'appercevez achaque inftant de votre vie, c'étoit de vous faire jouir d'une exiftence agréable, c'étoit d'en faire jouir d'autres Créatüres femblables k vous & auxquelles ce bienfait n'ctoit pas dü plus qu'a vous: car rien n'eft dü at qui n'a pas encore mérité & 1'on ne peut pas mériter avant d'exifter. Le bonheur de 1'exiftencc n'eft pas lefeul que vous teniez de 1'Etre Suprème. Cette fatisfaction intérieure & inexprimable, dont vous êtes fi vivcment pénétré, lorsque vos Parents, vos Maï-  DE L'ADOLESCENCE 27 Maftres, vosAmis, vos Domeftiqucs, fe Jouent de votre conduite, en eft une feconde ft! veur: fitisfaftion dont les Brutes font incapables: fatisfaéhon par Iaquelle vous etcs autant au-deffus de ces Brutes que le fentiment deS ex,ftence les rend elles-mêmes fupérieures aux Plantes éc aux autres Etres inanimés. Exileï & fentir fon exiftence eft fans doute un bienmm exifter & être content de foi-mème, c'eft Ia félicité fouveraine. Dieu n'en a point d'autre Le Createur, en vous donnant une exiftence que vous n'aviez pas méritée, en vous p acant au rang fupérieur des Hommes, en vou accor dans une aptitude au contentemerit indicïbïe de vpus-même, a fa propre félicité, a donc, j'o eft donc bon & très-bon. Q. U E S T I ONS. helu?e«xB? eUi ^ VéUS Créant> *ï*i» We rente 3*. Par quel motif vom a-t-il créé ? 2>»e. Aviez, vous mérité le bienfait de P exiftence ? 4"«- Wavez-vous reeu de Dieu que ce bienfait? ricm-'Jfl *T"i°ué»t-elleS aujf du contentement ir.té rteu> queprodutt la vertu dans le coeur de PHemme? Dl.  28 lamorale-* dixieme Lecon Conféquences déduites de la Bonté Divine. ous avcz été créé libre. Le fait eft certain. Etes-vous dans 1'intention d'être poli, offideux, attentif a vos Lecons? auili-töt vpus 1'êtes. Formez-vous un dellèin contraire? vous 1'cxccutez avec la même aclivité. Ce principe admis, voici comme je raifonne. Puisque Dieu fe fuffit a lui-même, ilne vous a pas créé libre pour fon bonheur. II ne vous a pas non plus créé libre pour le bonheur des autres: paree que, fans votre liberté, 1'ordre pourroit fubfiftcr également dans 1'Univers; & que , fi vous concourez en quelque forte k eet ordre, 1'Etre Suprème eüt pu vous forcer d'y concourir machinalement, ainfi que les Brutes y concourent- Dieu vous a cependant créé libre a deffein, car il eft fage. Vous n'avez donc été créé libre que pour vous-même, pour votre bonheur. Quel bonheur , direz-vous , peut naitre de cette liberté? Un très-grand & vous allez en convenir. Né libre, vous pouvez faire librement de bonnes aótions &, quand vous les aurez faites, jouir d'une fatisfaclion intérieure que procure le bon ufage de la liberté: de cette fatisfa&ion dont les Brutes font incapables: de cette fatisfaclion dans laquelle confifte , ainfi que je vous 1'ai déja dit, toute la félicité de Dieu. Mais", tel vertueux que vous foyez dans ce  DE L'ADOLESCENCE 20 ce Monde, des douleurs, des chagrins , occi fionnes par ce qui vous enviS éner e n eft qu imparfaite , que paffagere. D'oü je conclus que le but de 1'Etre Suprème , aui eft Sv 1 r C?°n' n'étantpas atteint dans cette vie, le fera dans une autre: carflrébuirne * fa toute-puiffanee (a) que fon dcffdn ne 5St pas accompli ^.U^y^é^^i Stu?e & J/vÏÏageUX qUe lc C0raP°rte v^ uacure. & a / evidence que votre nature ne mm Porto pas un bonheur plus compk cue celui dont vous jouiflez ici-baspar Ja vertu So mr que Dieu ne peut pas rendre Snête W Pouvant f Wasphcmer. Soutenir que, le encore ' I v Jf Vei? P3S' C'eft le bl4hémer encoie. Jl v aura donc une autre vie cour I homme vertueux, une viedélieieufe oü 1 s'enï vi era du contentement de lui-même V ous pouvez tirer de cette Lecon' une confé aun co Ps & dun efpm, d'une ame- H;„n SpqU1/ra dé«™ fur la'Ten-e, orsqtfe e Tou Puiftant Vous cöuvrira des ombresïe Ja mort-, dune ame Qc) qui, féparée de ^ corps, Cf) Voy. Ja Vlfe. Lecon. 9) Vu?- la Vllle. Lecon. {.<■) M. DE ÜUFFO.V dit ƒƒ//? A^y T„„, r/r 156: 1'exiftence deno cL £ aÏ ' pa§- 155 & not.e corps cc des autres objets extéri- **' eurs  3o LAMORALE corps, ira jouir alors du bonheur fuprême dans le fein de fon Dieu, fi des aéles de vertu vous en eurs eft douteufe pour quiconque raifonne fans préjugé, car cette étendue en longueur, largeur & profondeur, que nous nppellons notre corps & qui femble nous appartenir de ü prés, qu'eft-elle autre chofe, finon nn rapport de nos fens ? Les organes matériels de nos fens que font-ils eux mêmes, finon des convenances avec ce qui les affeéte ? Et notre fens intérieur, notre ame a-t-elle rien de femblable,- rienqui lui foft commun avec la nature de ces organes extérieurs ? La fenfation excitée dans notre ame par la lumiere ou par le fon lelTemble-t-elle a cette matiere tenue, qui femble propager la lumiere, ou bien a ce trémouiTement que le fon produrc dans 1'air ? Ce font nos yeux & nos oreilles qui ont avec ces matieres toutes les convenances nécefTaires, paree que ces organes font en eiTet de la même nature qije cette matiere elle-mème: mats la fenfation que nous éprouvons n'a rien de commun, rien de femblable. Cela feul ne fufliroit-ü pas pour nous prouver que notre AMe est en effet d'une nature DIFFéREKTE DE CELLE DE la MATIERE Et pag. 159 £? 160 il iexprime ainfi' Notre ame n'a qu'une forme crès-fimple, trés-générale, tres-conftante: cette forme eft la penfée. II nous eft impofïïble d'appercevoir notre ame autrement que paf la penfée. Cette forme n'a rien de divilible , d'étendu, rien d'impénétrable, rien de matériel: done le fujet de cette forme, notre ame, est indivisible & mMATéRiEL. Notre corps au contraite & tous les autres corps ont plufieurs formes. Cliacune de ces formes eft compofée, divifible, variable, deftructible; & toutes font rclatives aux différents organes avec lesquels nous les appercevons. Notre corps, & toute la matiere, n'a donc rien de conftant, rien de réel, rien de général par oü nous puiffionslafaifir&nous afïurer de la connoïtre. Un Aveugle n'a nulle idee de Pobiet matériel qui nous repréfente les images des corps. Un Lépreux , dont la peau feroit infcnfible, n'auroit aucune des idéés que le toucher fait naitre. Un Sourd ne peut connoitre les fons. Qu'on détruife fucccflïvement ces 3 moyens de fenfation dans l'flomme qui en eft pourvu, I'Ame n'en exiftera pas moius, les fonetions intérieures fubfifteront & la  DE L'ADOLESCENCE 3r en ont rendu digne. Cette partie de vous-mêmequej appelle ame n'eft point matérielle. La Rehgion vous perfuadera un jour de cette verft? Je pourrois effayer de vous en convaiocre par ia Radon: maïs ma démonftration feroit vraf fSSSfjT au"deffus de votre iütQm^; QUESTIONS. I»*. Avez-vous été créé libre? s* Dieu vous a-t-il créé libre pour fon bonheur? J7ehLi Uberté ^^^êdonnéepourle bonheur de: V»: Pourquoi donc avez-votts été créé libre? 5**. De quel bonheur votre liberté peut-elle étre lafurce? 6"". En quoi celui qui nie une autr? W„ puifance, la fagejfe & la bontélnleiP "^"^1^ 7»*, De combien de fuhflances étes-vous compofé? 8*f. Pourriez-vous me prouver mie r j ntt indivifible, Mmatéti^f^^^^^ ^ & la penfée fe manifettera toujours au-de^nc a, . • 4 Ütez au contraire toutes fes quXtéV^l™- de luj-même. Couleur*, fon étendue, Ótez"lui c 2 OJN-  32 LA MORALE ONZIEME LECON Dieu eft un Etre jufte. Conféquences tirées de fa Juftice. Qu'est-ce que la Juftice? C'eft une vertu par laquelle on en agit avec les autres comme on eft tenu d'en agir. Or Dieu opere conftamment le bonheur de fes Créatures & au degré dont fa bonté femble lui avoir prefcritla force. Si, dansles Brutes, il n'a imprimé que le fentiment de 1'exiftence, cieft que cc fentiment fuffit a leur félicité; c'eft que, deftituées de jugement, elles ne font pas fufceptibles d'un autre bonheur. Si, outre ce fentiment, il a accordé a 1'Homme une aptitude au contentement de lui-même, c'eft que fon état d'Etre Penfant le demandoit. Toutes les Créatures font ou feront auffi heureufes qu'elles doivcnt 1'être. Toutes jouiflent ou jouiront de 1'efpece de félicité dont le Créatcur leur a promis la conceftion, en leur donnant telle ou telle nature. La juftice de Dieu confiftc , non feulement a rendre aux Créatures ce qui leur eft dü (fi toutefois quelque chofe leur eft dü), mais encore a leur demander comptc de 1'ulage de leur liberté & de leurs talents. C'eft par un effet de cette juftice que, dans une autre vie , le Scélérat ne jouira point du contentement de lui-même, que fes mauvaifes ac-  DE L'AD OLES CENCE 33 aftions lui feront continucllement en horreur, qu'il fera tourmenté du plus cru el dc;fefpoir: car, comme 1'homme vertueux ne rcffent pas fur la Tcrre toute la fatisfa&ion poffible de fa vertu, de même 1'homme pervers, difïrait par lesplaifirs des fens que fon iniquité lui procure, n'y eft pas agité de tous les remords qui en devroient naitre; il s'échappe fans celfe a lui-même; &la volupté. abforbe presque fa vie entiere. L'Etre Suprème, en permettant qu'il fe vautre avec déhces dans le bourbier de fes crimes, a fans doute un motif. Quel peut-il être? Eft-ce de faire le bonheur de ce Scélérat ? Eft-ce de torturer fhomme vertueux? Xoin de nous &pourjamais d'auffi facrileges fuppofitions. Ce motif eft fans doute celui de la vengeance divine & il fera rempli dans 1'éternité. QUESTIONS. i"e. En quoi confifie la Juftice? 2«. Eft-ce i'aimer fuffifammeut que d'en célébrer les merveilles ? qme. Que doit-on faire encore pour l'aimer d'une maniete digne de lui ? 5»;«. Si nous n'aimons pas Dieu convenablement, lui plaitons-nous, nous plairons-nous ü nous-mémes, ferons-nous heiu reu% dans cette vie dans Pautre ? TREL  DE L'ADOLESCENCE 3T TREIZIEME LECON Moyens d'étre Jitfte & Bienfaifant au üegrê con. venable. ^^vant de rien entreprendre , defcendez dans votre propre coeur & voyez y fi votre ac non ne caufera point aux autres Hommes un mal que raifonnablement vous ne voudriez pas eprouver vous-même & s'il en réfultera, poul cux, un bien dont raifonnablement aufli vous defirenez qu'ils vous avantageaffent: puiC SS °mm'S' étant de Votre "«ure, font Se vous.3^ mCmeS bi£nS & aUX mémes maux Vous devez , non feulement éviter de faire du mal aux autres, mais tacher eneore de Jeu? ne piairez jamais, fi vous n'en apiffez iamsk envers vos femblables comme il en agftlui mê £ ffip -nffl bon qi jSeiïïS ne egard. Ln Homme, qu , pofleueur d'nn revenu confidérable, n'enleveroi n ne fournT roit a 1 Indigent fa fubfiftance , feroit S?e ment cnminel par défaut de charité La Raifón döit vous conduire dans vos acles C $ de  3S LA MORALE de juftice & de bienfaifance. II ne fuffit pas d'avoir de bonnes intentions: elles doivent encore être éclairées. En vain auriez-vous deffein de m'arracher k la douleur, en m'extrayant une paille de 1'ceil: fi, par ignorance, vous me faifiez perdre la vue, vótre aétion ne feroit rien raoins que bienfaifante. II falloit ou ne pas entreprendre cette opération ou vous inftruire, avant de 1'entreprendre. . - . Si, craignant la faignée , vous empêchiez, dans decertaines maladies , un Chirurgien de m'ouvrir la veine, votre bonne intention, qui me cauferoit la mort, feroit défeclueufe. . . . Nos craintes, nos defirs, ne doivent nous fervir de regies envers les autres Hommes que quand ces 1'entiments font raifonnables. . . . Un Infenfé veut-il que, pour le rendre heureux, je celfe d'exifter ? fa volonté reftera légitimement fans effet. . . . Un Scélérat fouhaite-t-il que, pour le fatisfaire, je manque a mes devoirs? je n'acquiefcerai point k fa criminelle demande. . . . Des Juges ne refufent-ils pas la vie a 1'Affaffin qui les conjure de la lui accorder? . . . N'eftce pas avec la même équité que de judicieux Souverains ne dépouillent pas de fon emploi, en faveur de 1'Ambitieux, un Officier qui s'en acquitte en homme d'honneur? .... N'eft-cc pas également a jufte titre que des Créanciers fe montrent fourds aux vocuxde 1'A vare, mcins prompt a remplir fes engagements qu'a groffir fes tréfors ; aux inftances du Prodiguc , plus cnclin a diffiper qu'a rembourfer; & aux baffcs fuppliqucs du Fainéant qui, pour lubvcnir kfon entretien , prcfere conftamment l'empmnt au tra-  DE L'ADOLESCENCE 39 travail? . . Si vous êtes réellement vertueux, ie fiambeau de la Raifon vous guidera dans la carrière de la Juftice & de la Bienfaifance. Jai encore une réflexion a vous préfenterc eft qu'mutilement interrogeriez-vous les fentil ments de votre Coeur & confultcriez-vous les lurnieres de votre Raifon , avant d'entreprendre tel ou tel aéie de juftice & de bienfaifance, h, par manque de conduite, par excès dans le boire, dans lemanger, dansles fatigues, vous ayiez ruïne votre tempérament; fi des infirmites provenues de ces excès vous rendoient plus ü charge que néceftaire aux autres; 11 même n ayant pas aflez développé les forces de votre Lorps par d honnêtes exercices , vous vous trouwez fans cclfe hors d'état, foit par foiblefie, foit par lourdife , d'aider vos Amis, vos parents, de vous aider vous-même, dans une loule d evenements auxqucls 1'Homme n'eft que trop expofe fur ce Globe & oü, pour y remé?5\ S^git d'°Pércr P]us d" corps que de L Prnt'« £omPtable de votre Coeur & de votre Raifon a Dieu & a la Société, vous le leur êtes aufli de votre Corps. p'oü je conclusque, pourêtre juftc & bienlaüant au degre convenable, vous devez exercer les quahtes de votre Cceur, cultiver les dons de votre Efprit & perfeeïionner les facultesi de votre Corps: trois obiets dont nous nous occuperons dans les Lccons fuivantes. QUES-  4ö LA MORALE QUESTIONS. lere. Que faut-il faire pour s''affurer qu'une APtion ne fera point mauvaife ? zde. Comment peut-on étre für qu'elle fera bonne? 2»ie. Pourquoi notre fenfibilité au bien & au mal doitelle nous fervir de regie de conduite envers les autres ? 4»»«. Ne fufft-il pas, pour bien agir envers les autres, de ne leur point faire de mal? $i»e. Si, croyant faire du bien aux autres, fe leur fais du mal, fuis-je coupable ? One. Le chagrin que reffent un Homme envieux de mes Charges, de ma Fortune, retombe-t-il fur moi? •pme. Le Chirurgien qui, faifant l'amputation d'une jak> le, caufe des douleurs horribles au Patiënt, n'a-t-il rien a fe reprocher ? %me. Ne peut-on pas, avec raifon, inculper un Juge qui condamne un Criminel d la potence, d la roue, au feu, auxqucls il ne voudroit pas lui-même étre condamné ? gme. Qjiel mal fais-je d autrui, fi je ne cultive ni ma Mèmoire ni mon Jugement? lome. Quel mal lui f ais-je , fi faffoiblis mon Corps par trop ou trop peu d'exercices, par intempérancc fur-tout ? wnü. En quoi fuis-je coupable d'étre lourd, pcfant, maladroit ? I2»««. Pourquoi fuis-je comptable d Dieu £? d la Société non j'eulement de mon Coeur & de mon Efprit, mais aujfi de mon Corps? L A  L A M O R A L E D E L'AD OLESCENCE SECONDE PARTIE QUALITÉS Dü CCEUR A EXERCER QUATORZIEME LECON Juftice envers nos Parents. d/cft dans votre coeur, mon cher Discipïe, qu'il faut puifer les Maximes de cette Lecon: elles y font gravées des mainsde la Nature & en cara&ercs ineflacables. Vos Parents ne le font pas tous au même degré. J'appercois, au premier rang, votre Pere & votre Mere. Viennent enfuite vos Freres & vos Sceurs, vos Grands Peres, Grand's Meres, Oncles, Tantes, Grands Oncles , Grand's Tantes, Neveux, Nieces, Coufins, Coufines: ce font-la, a proprement parlcr, les feuls & réels Parents, les Parents du choix de la Nature. II en elf niéanmoins encore d'autres, mais qui  42 LA MORALE qui ne le Tont que pas Alliancej que paree riiffla ont avec les premiers un rapport intime & ce font les Beaitx-Peres, les Belles-Meres, les Beaux-Fils, les Belles-Filles s les Beaux-Freres, les Bellcs-Sosurs &c. Vos devoirs ne font pas les mêmes envers tous ces Parents. Ils doivent tous être honorés, j 'en conviens, principalement s'ils ont de 1'age (ö), s'ils font du Beau-Sexe Q): mais votre refpeft, le plus grand, le plus profond que vous puiffiez exprimer, après celui qui appartient a Dieu, votre fincere affeétion, vos fecours efficaces & de toute efpece, de tout genre, ne font dus qu'a votre Pere & a votre Mere. Les autres Parents en s'éloignant par degrés de la fource de votre exiftence, ontaufli par degrés demoindresdroits a votre coeur. D'ou je tire ces quatre Maximes. Première Maxime. II eft de votre Juftice de refpeCter profondément votre Pere ê? votre Mere'. paree qu'ils ont eu fur vous, dès votre berceau, une autorité qu'ils tenoient de la Nature, paree qu'ils ont été & font encore a votre égard, les Repréfentants de 1'Etre Suprème. Se- (a~) A Lacédémone, tout Vieillard étoitrefpefté. Un Homme d'age cherchoit une place aux 'Jeux Olympiques; & perfon11e ne fe dérangeoit, pour lui en donner une. II ne fut pas plutót au Quartier des L'acédémoniens que tous les Jeunes-Gens le levcrent parVefpeét, ce qui leur mérita les acclamations de la Crece afiémblée. Sur quoi, un Vieillard s'écria: Grandt Dieux , tous les Grees connoijfent In vertu , mais il ny a qi:e les Lacèdémoniens qui In pratiquent. (b~) Dans un Homme bicn-né, le refpeft pour le BeauSexe n'elt qu'unc fuitc de 1'Amour Filia!.  DE L'A DOL ESC EN CE 43 Seconde Maxime. Il eft de votre Juftice fraL mer tendremeut votre Pere & votre Éere: paree qu ils n ont fait & ne font ufage de kier autoiï te que pour votre bonheur. D'après ce Principe & celui-ci, qui eft une Vérité de Sentiment, avoir, qu ü n eft pas dans la Nature d'afflieer volontairement ce qiCon aime, il réfulte quefpour donner des preuves d'Amour Filial a votre Pere & a votre Mere, vous dévëz rcmplir tous vós devoirs, vous devez être foumis a leurs ordrls vous.devez vous efforcer de contribuer k leur téhcité par vos vertus & par vos talents; c'eft d aillcurs en les rendant heurcux oue vous le fe rez vous-même. 1 1 lc" Troisieme Maxime. Il eft de votre Juftice d° feeounr autant que vous le pLvez yotrePer% vrtre Mere dans leurs maux: puis qu'ils n'ont ceffe de vous feeounr eux-mêmes depuis les pre miers moments de votre exiftence. IJ n'on epargne, pour vous, ni foins ni ar^ent en S?ïï-r'.pour eTux> fil'occafifnfeprS lentoit? Malheur atoi, Jeune-Homme, file remords déchire tort coeur, quand la Ten" s'en TT IT f£CeV0ir ]e cadav^ ^ ton Pere ou de ta Mere! . . . Malheur a toi, fi, dans eet inftant terrible, tu peux te reprocher de nc Jour avoir pas fait tout le bien q^e tu pouvo" ae rejpeller, d aimer defecourir, mais L-obor tionnenient U vosliaifons, UusvosauUes pZfnl' foit de Nature, foit d'Mliance. Cette Max me fe deduit des trois précédentes : èfle elf fo^t nne conféquence du refpect & de 1W q°ue vous  44 LA MORALE vous devez avoir pour votre Pere & votre Mere. Si vous méprifiez ceux qu'ils refpectent, fi vous haïffiez ceux qu'ils aiment, leur témoigneriez-vous bien dignement votre amour & votre rcfpect. Tels font, cher Disciple, vos devoirs a 1'égard de vos Parents: devoirs auxquels, même dans des temps de barbarie, 1'Homme d'honneur n'a jamais manqué. II y a eu des Hommes , des Femmes même, qui les ont remplis d'une maniere éclatante, ce que vous prouveront les Traits Hiftoriqucs fuivants (ƒ)• TRAITS HISTORIQUES RELATIFS a la PREMIÈRE MAXIME ïer- Fille qui, par refpetï pour les dernier es volontés de fa Mere, confent a en refter deshéritée. JHjbtjse, Vcuve du Conful Menenius Agrip pa (d), avoit deux Filles , Petronie qu'ellc ai- (r) II eft connu que les Jeuues-Gens dévorent ces fortes de Traits. Incapables d'une lefture fiiivie, pour peu qu'elle ait de durée, ils ne goütent que des anecdotes, encore faut-il qu'elles aicntunrapport lenlible a leureceur: tout autre morceau de Littérature les ennuie. De 40 Jeuues-Gens audëffóüs de 18 a 20 ans, a peine en trouve-t-on un, fur-tout dans ces Provinccs, qui lifè avec plaiiir le Tólómaque. de Fenclon, le Cyrus de Rawfey, les Sept Sages de Larrcy. (V) Agrippa, Conful Roniain , vivoit dans le Vm« Siec e avant Jefus-Christj ce fut lui qui, par 1'ApoIogue des Membres  DE L'ADOLESCENCË 45 aimoit tendremcnt & Afranie dont elle ne faüoit pomt de cas , quoique toutes deux , par leur merite, fuflent dignes de la tendreffe de leur Mere. En mourant, elle inftitua Pétronie fon héntiere & ne laiffa, pour éluderlaLoi, qü'une fomme modique au Fils d' Afranie. Onpropola a cette Fille, injuftement déshéritée, de faire déclarer par les Centumvirs qu'elle 1'avoit été lans caule, ce qui étoit facile; mais elle s'y oppola, aimant mieux honorer les dernieres voJontes de fa Mere que de les avilir par une condamnation publique, tout avantagfeufe qu'elle lui eut été. Elle donna ainfi 1'cxemple du refpecl pour les Parents., même lors qu'ils ne font plus. II"- Ms qmrefpeüe auffi fon Pere même apres fa mort. Demetrius Poliorcetes, Roi deMacédoine, tut fait pnfonnier dans une bataille contre Seleucus, Roi de Syrië. Bien für de la tendref,f0^,.lJs ^ntigonus (O, Ü craignit que, pour le déhvrer, il ne cédat au Vain queur quel* ques parties du Royaume de Macédoine: c'efr. pour quoi, il lui fit dire, par un Ami, de ne conlentirk aucune femblable ceffion, quand bien memeil la lm ordonneroitpar Lettres, puisque beleucus pourroit 1'avoir contraint de les ccrire. . . Mais Antigonus, long-temps avant de recevoircet avis de fon Pere, avoit déja propo- fé bres du Corps Humam & de l'Etromac, appaifa Je Peuple de Rome qui s'éto.r révolté contre les Sénateurs de cette Ville! AiïJ^T'ï ^ Roi de Ma^doine, aprés la more Chtitt. ' ViV°Jt environ 3°° ™* «vant ]. D  46 LA MORALE fé a Seleucus de lui abandonner, pour rachcter Demetrius, tout ce qu'il pofledoit dans la Macédoine, &, fi cela ne fuffifoitpas, de fe livrer luimême en ötage. Cette Négociation fut infru&ueufe. Demetrius mourut dans fa prifon. Dès qu'Antigonus en eutrecu la fatale nouvelle, il envoya des Ambafladeurs a Seleucus, pour lui rcdemander le Corps de fon Pere; & ce Prince le lui accorda. II partit alors , avec toute fa Flotte, pour aller le recevoir. Aquelque diftance de fa Capitale, il appercut le Vaifleau qui contenoit ce dépot précieux; fa vue s'y fixa; lés larmes coulerent de fes joues; & fa douleur 'fut fi profonde qu'elle excita 1'admiration & le refpcct de tous les Macédonicns dont il étoit accompagné. Pendant le refte du voyage, il fe tint debout fur la pouppe, vêtu de deuil, fans détourner fes regards de 1'Urne d'or oü étoient renfermées les cendres de fon Pere. Des Muiïciens chantoient d'un ton lugubre les louanges du mort; le bruit fourd des Ramcs s'accordoit avec cette triste harmonie; & les cris douloureux des Matelots, leurs fanglots précipités, y ajoutoient encore. IIIms- Fils qui, pour obtenir la permijfion de faire rendre les derniers honneurs a fon Perey renonce pour jamais a une Epcife qu'il adore. Après avoir foutenu fa Patrie contre les cfiorts des Perfes, après avoir brave mille fois la mort pour fa grandeur & pour fa gloire, Miltiade (ƒ) iè 00 Mihiade vivoit environ 500 ans ÉVarit ]. Christ. Ce fut lui qui, dit-on, avec 13.0,00 Grecs, déiit'300.000 Perles  DE L'ADOLESCENCg 4,» S/te F™*!la «race 1U'™ Kt iu Li6éSr au Defcnfeur de h Pai-rio /JJUJUliLl-ur) écu? Pn ? -f^n. Une amende d^ 50-000 écus Comme il étoit hors d'état de la naver il fut mis en prifon oü bientót il moïrS?d« WeOures qu'il avoit re CombaS r? mon (g), Fils de mS&ti Mfcre f'n^" obtemr la permiffion d'en enfe e r1Corns confentit qu' Elphiniefa Soaur &enm metemPs xiee a un ceitam Calhas, Homme richc cini m d'atendï ? **** & F Sffl d amende furent acquittés. 1V««- Fils qui, par refpecï tour (on Per? Doge de Venifeen taSS^SSiSS^^ Vieillaid, fe croyant trop fupérieur a fon Fils - Da  48 LA M O R A L È Fils, pour fe découvrir en fa préfcnce, & ne pouvant éviter de le faire, fans manquer a cé qu'il devoitau Chef de 1'Etat, prit le parti d'alIer toujours tête nue. Un travers li fingulier, de la part d'un Homrnc d'ailleurs refpe&able, ne fit aucune impreffion fur 1'efprit des Nobles qui fe co'ntentercnt d'en plaifantcr; mais le Doge , touché de voir fon Pere fe donner en fpeclaclc par cette ridicule imagination, s'avifa de faire mettre une Croix fur fa Corne Ducale, Alors, le bon Vieillard ne fit plus de difficulté de reprendre le Chaperon; &, dès qu'il appercevoit fon Fils, il fe découvroit, en difant: c'eft la Croix que je falue 6f non mon Fils, car, lui ayant donné la vie, il doit étre au-dejfous de mol. TRAITS HlSTOPvIQUES RELATIFS a la 2 je inérüe une récompenfe. Pour prix de mes fervices , accordez la viea mon Pere & jaites-moi mourir a fa place. Augufte, touché LZTfiiial da jeu"e ^^rS£t v,w! F^ fi/°ffre ti une mort infame pour confirver la vie de fon Pere criminel. Un Mandarin (d\ amt ece condamné a mort, pour avoit préva r que dans ia Charge. Son Fils, agé de 15 alla fe jettcr aux pieds de 1'Empereur & 04i£ S vie a la place de celle de fon Pere. L'Empe e „ admirant ce d,gne Jeune-Homme, 1'emSflï lui accorda la grace de fon Pere & voulut mimi lui 1'eut a(]erWe, il donna 1'exemple de beaucoup de vertus. II protegea fur-tout les Sciences cv les Ans d Céfa, Predeceffeur d'AugiUre , lorsqu'il «f'étoit rendu matee de Rome. Plus courageux que tous les kt te A ' t^kV t TUrbCrent d'ab°rd fQUs Ie ï°u^ ö 'ni S les clefs du Trefor qm cto.t dépofé dans le Tempte* S:.tur, Metellus alleguoit les Loix & renouvelloi: fon orpofltion, ff. Meteltus ne réfilk plus & fe retira. O') Mandarin, Magifirat de la Cliiuï. D 3  59 LAMORALE lui donner des marqués perfonnelles d'honneur : mais il les refufa, en difant qu'il ne vouloit point d'une diftinétion qui lui rappelleroit fans celfe un Pere coupable. IIIme. Fils qui, voulant procurer qüelque fubfiftance cifa Mere, confent a pajfer pour Voleur 6? a périr du dernier fupplice. Les Annales Japonnoifes font mention de eet Exemple extraordinaire dAmour Filial. Une Femme étoit reftce veuve avec 3 Garcons & ne fubfiftoit que de leurtravail. Quoique le prix de cette fubiiftancc füt peu conüdérable, les travaux néanmoins de ces Jeunes-Gens n'étoient pas toujours fufnfants pour y fubvenir. Le fpeclacle d'une Mere qu'ils chérillöient, en* proie aux befoins , fit un jour eoncevoir la plus étrangeréfolution. On avoit public depuis peu que quiconque livreroit a la Juftice le Voleur de certains effets toucheroit une fomme aifez confidérable. Les trois Freres s'accordent entr'eux qu'un des trois paffera pour le Voleur yalu tué un Gaulois, dans un comL-at fingulier , il lui aniidia t> chnine d'or qu'il pertoit au cou. Cc D 4 Z  52 . LAMORALE des plus grands Capitaines de Rome, paroifToït jmbécille dans fa jeunelfe, ce qui lui attira 1'indifFércncc &même le dégout de fon PereManlius Impériofus dont les ordrcs le reléguerent, par force, a la Campagne. Pompius, Tribun du Peuple, qui en fut informé , accufa Imperiofus de cruauté envers fon Fils: mais, dés que Torquatus fut le danger que couroit fon Pere par rapport k lui, il vint fécrétement kRome, fe rendit chcz le Tribun cc, le poignarda lamain, le lui appuya fur le coeur, en difant: Tu es mort, fi tu ne jures de te défifter de ta pourfuite contre mon Pere. Pomponius efFrayé jura tout ce qu'on voulut & le jeune Manlius s'en retourna k la Campagne. V'"e. Fils que VAmour pour fon Pere conduit au Tombeau. Louis de Bourbon , Comte de Moutpcnfier, étant entré en Italië avec 1'Ar. mee Franeoife, n'eut rien de plus prellé que de fe rendre k Pouzzoles (ƒ ) oü fon Pere, mort en 1496, étoit enterré. II y fait célébrer ün Service magnifique. II ordonne enfuite qu'on leve la Tombe, afin d'arrofer de fes larmes les cendres de 1'Auteur de fes jours: mais, ce fpeftacle, qu'il avoit tant defiré, le frappe mortelle. ment & il expire, avant que la Tombe foit refermée. Son corps, réuni a celui de fon Pere, fut apporté en Francc & dépofé dans la Chapel- le fut _ lui qui fit trancher la tête a fon Fils viótorieux, paree qu'il avoit combattu contre fa défenfe : action , vraiment miJjtaire, mais dénaturée* ( ƒ') Po::zzoks ou Pozzuolo, Ville de la Terre de Labour, dans le Royamue de Naples.  DE L'ADOLESCENCE 53 Ie de St. Louis d'Aigue-Perfe, au Duché de Montpenfier, dans la Bafie-Auvergne. TRAITS HISTORIQUES RELATIFS k la 3»'. MAXIME jParmi les Traits de 1'Amour Filial, il en eft qui ont rapport & k la 3™ & a la iic Maxime: celui fur-tout des trois Freres Japonois paroit de ce genre. En voici un autre qui peut lui être ailimilé. Une Dame Romainc, accufée d'un crime capital devant le Préteur Romain, fut condamnée k mort & hvrée au Boureau pour être étranglée dans la Pnfon. Les larmes de la Coupable toucherent vivement eet homme qui réfolut de Ja laifier pénr de mifere, plutót que de lui arracher la vie. Par une fuite de cette compaffion, il permit a la Fille de 1'Infortunée de venir la vifiter de temps en temps, mais après avoir examine, avec le foin leplus fcmpuleux, fi elle n apportoit point de vivres avec elle. Plufieurs jours fe paflerent de la forte; & le Bourrcau, furpns de ce que la Criminelle vivoit fi longtemps, obferva fa Fille avec plus d'attention encore. Quel fpeólacle alors vint frapper fes regards! Quels fentiments il fit naïtre dans fon ame! II vit cettegénéreufe Filleallaiter elle-même fa malheureufe Mere, pour la fouftraire au trepas funeftc dont elle étoit menacéc. II en instruifit auffi-töt le Préteur, qui en donna con. O 5" nois-  54 LAMORALE noiflance au Conful & bientöt toute la ville en fut informée ; on courut en foule k la Prifon ; on en fit fortir, comme entriomplie, la Coupable & fa Fille; & le Peuple Romain, pénétré de eet aóte inoui de Secours Filial, pardonna a 1'une & affigna k 1'autre une penfion confidéra» ble fur le Tréfor Public. TRAITS HISTORIQUES RELATIFS a la 4« MAXIME IF^'Amour Fraternel fera le feul dont on donnera ici des exemples: il feroit trop long & fouvent même impoffible d'en rapporter d'intéresfants qui euflent rapport aux devoirs de 1'Homme envers tous fes autres Parents, foit de Nature , foit d'Alliance. i,r. Quoiqu'en général 1'amour-propre des Artiftes foit fi grand qu'aucun ne voudroit concéder k un autre 1'honneur de fes Ouvrages, ce. pendant Benoit Caliari, Frere de Paul Caliari, fi connufous le nom de Paul Vèronefe (g), lailfa jou- (jr) Paul Veroncfe naquit a Vérone en 1532 & mourut a Venifeen 1588. C'est 1'un des plus grands Peintres d'Icalie: il ell fur-tout rccommandable par la majefté de fes cornpofitions, le gracieux de fes têtes, leur variété, la fraicheur de fon coloris, Ie mouvement apparent de fes figures. Vrai dans fes expreffions, ilnecherche que le naturel. . . . Dans un voyage qu'il fit aux environs de Venife, il fut furpris par un mauvais temps & vint demander fhospitalité dans Ia Maifon de Campagne des Pifani. On lui fit la reception Ia plus gracieufe. Pen-  DE L'AD OL ESC EN CE 55 jouir vingt fois celui-ci d'une gloire qu'il avoit meritée lui-même: il lui cédoit, par amitié, des tableaux qu'il avoit travaillés avec foin & qui, s'il s'en étoit déclaré 1'Auteur, 1'euflent rendu immortel. IK On demandoit a Caton d'Utiaue Ch) , encore Enfant, quel étoit fon mcilleur Ami dans ie Monde? Ceft mon Frere , répondit-il. . Eh bien! quel eft celui qui tientle fccond rang dans votre coeur ? Ceft aujji mon Frere. II ne cefla de faire cette réponfe que lorsqu'on eut celfé de l mterroger. * III». K Pf nC temps,qu 11 y refta' U PeiSnit fêcrétement la Familie de Darms: elle étoit compofée de 20 Figures de grandeur humaine. Paul roula le Tableau fous fon litt s'en allaci manda enfuite aux Pifani qu'il leur avoit laiffc de quoi payer ia depenfe; en effet, ce Tableau, qui eft admirable, valoit une tres-grande fomme. Le Roi de France poirede 4 Tableaux de Paul Véronefe. (/i) Caton d'Utique, grand Homme d'Etat chez les Romams, qui mourut 45 ans avant J. Christ. 11 avoit presquautant de vices que de vertus: mais celles-ci étoient plus éclatantes. A peme avoit-il 14 ans qu'il demanda une épée pour tuer le Tyran Sylla. Il poItuia ta dignité de Tribun, afcn d empêcher un méchant homme de 1'avoir. Ses Fnnemis lm ayant fait donner le commandement de 1'Année Roiflainé qui devoit reconquérir 1'Isle de Chypre, croyant qu'il y perdroit fa reputation, il en revint couvert de gloiic. Fn in dans la Guerre de Célar & de Pompée , n'ayant pu les tl «nir, jl fedtclara contre Céfar qui, viftorieüx, le fitchercher pour le mettre a mort; & ce fut alors qu'il coufeilla 4 fcs Anus de prendre la fuite & » fon Fils d'implorer la clémence du Vninqueur & qu'après avoir fu 3 fois le Traité de llmmortahté de l'Ame de Platon, il fe tua d'un coup de po.gnard, a 1'age de 48 ans. II eut été plus noble deVuppotter fon fort avec réfignaüou aux Décrets de la Pro*-  L A M O RA L E III"". Intaphernes, 1'un dès plus grands Seig* ncurs de Perfe , s'étant révolté contre Daiius (i), ce Prince fe rendit maitre defaperfonne & le condamna a mort avec toute fa Familie. II accorda cependant aux larmes de fon Epoufe la vie d'un feul d'entr'eux qu'il remit k fon choix. Cette Femme choifit fon Frere. Le Monarque ëtonné lui demanda la raifon d'un tel choix: Je puis, dit-elle, avoir un autre Epoux , d'autres Enfants, mais, mon Pere ma Mere étant morts, je ne puis efpérer d'avoir un autre Frere. IV"". Augufte, id Empereur des Romains, fit prifonnier Andiatorigès avec fa Femme & fes Enfants; &, après les avoir conduits k Rome en triomphe, il ordonna qu'on fit mourir le Pere avec 1'ainé des deux Fils. Les Bourreaux, chargés de cette trifte fonclion , demandoient quel étoit 1'ainé des deux Freres*? Alors , tous deux s'écrierent en même temps : je fuis le plus dgé, c'eft moi qu'il faut tuer. L'un & 1'autre vouloient mutucllement fe conferver la vie. Ce pieux combat ayant duré long-tcmps, 1'ainé fe laiffa vaincre enfin par les larmes & les inftantes priercs de fa Mere qui cfpéroit tirer de lui plus de fecours; & il confentit, en fanglo-tant, a la mort de fon jeune Frere. Le barbare Augufte, ayant appris eet exemple fingulier d'amour fraternel, fcignit de répandre des larmes. On dit même qu'il fit venir k fa Cour Dyetentus (c'étoit 1'ainé des deux Freres) & qu'il 1'v combla de bienfaits, ainfi que fa Mere. H J QÜIN- (?) DariusCodomanus , XII»?- Roi de Perfe: c'est celui que vainquit Alexandre le Grand. II vivoit vers le milieu du IVnic Siècle avant J. Christ.  DE L'ADOLESCENCE 57 QUI N Z IE M E LECON Juftice envers nos Maf tres. I 'entends par Maftres, dans cette Lecon, non W ceux qui nous gouvernent lans nous inftruire, telsqueles Magiftrats, les Princes , les Rois, non ceux qui, pour telle ou telle fomme d'argent, exigcnt de nous quelque fervice ,• mais ceux qui, en nous donnantdcsLccons, foit de vive voix, foit parécrit, améliorent nos aptitudesa la Vertu, aux Sciences, aux Arts ou méchaniques ou libéraux: ces Maïtres font donc tous ceux qui contribuenc a notre éducation, fous quelques titres qu'ils y contribuent, Maftres de Lefture, d'Ecriture, de Deffin, de Danfc, deMulique, de Langues , dePhilofophie, de Mathématiques &c. II eft envers tous ces Maftres une Juftice dont nous devons nous faire gloire & elleconfifte k les écouter avec docilité, avec foumiffion, a profiter de leurs enfeignements & a nejamais publier, dans tout le cours de notre vie, même Jongtemps après que nous n'aVons plus befoin d'eux, qu'ils ont employé une partie de la leur è. nous rendre dignes de la Société & que dès-lors ils méritent notre reconnoillance. Je ne balance pas k mcttre au rang de nos Maïtres les^bons Auteurs vivants, que nous n'avonspeut-être jamais vus, mais dont nous avonslu & écudié les Ouvrages: ils ont fait. acet égard, pour notre inftruftion, ce que fit, pour notre li-  58 LA MORALE liberté, mais dans un genre different, Tirnrtioftel Guillaume ler- (V), Prince d'Qrange & de Nas feu, que nous nevimes jamais & dont cependant nous chériffons la mémoirc. Voici des exemples qui ne peuvent manquer dc fortifier dans votre eceur ces Maximes. TRAITS HISTORIQUES V". \JJn ne fauroit dire jusqu'oü alloit Ia pasfion des Difciples de Socrate (b) pour entendre fes Leeons & pour en profiter: ils quittoient Pere & Mere & rcnoncoient a toutes les parties de plaifir, pour s'attacher fans réferve k ce fage qui formoit leur coeur, éclairoit leur efprit &dirigeoit leurs pas dans les fentiers de la Vertu. Aristippe (c), qui devint dans la fuite un célebre Phi- (s) Gmilamnè W, Fondatcur de la Ilépublique des Provinces-Unies. (£) Socrate, le plus grand Philofoplie de la Grece. II avoit 70 ans, lorsque, 400 avant J. Christ, les Athéniens, qui étoient idolatres, le condamnerent a boire de Ia cigué', paree qu'il eufeignoit I'Unité de Dieu. Quand on lui rapporta qu'il avoit été condamné a mort par les Athéniens ; & eux, dit-il, le font par la Nature. (c) Ariflippe vivoit dans le 4™* Siècle avant J. Christ; Ce fut lui qui fonda Ia Seéle qu'on nomme Cirén'aïque, de Cyrene fa Patric , & qui faifoit confifrerle bonheur de 1'Homme dans la Volupté. II étoit grand Courtifan. Sur quoi , Denys, Tyran ou Roi dc Syracufe, lui dit un jour, qu'il étoit bien étonnant qii'cn vit les Philofophes a la porte dei Princes: ce n'est pas plus étonnant, répondit Ariftippe, que de voir les Médecins chez les Malades.  DE L'ADOLESCENCE 59 Philofophe, fur un entretien avec Ifomachus, dans Jequel ü avoit recueilli quelques traits de ia JJocènne de Socrate, concut un fi vif defir d aller 1 entendre qu'il en devint tout tuakre & tout pale, jusqua ce qu'il put aller puifer a fa lource & le rcmplir d'une Philofophie dont le tjmt etoit oe connoftre fes maux& de s'en guérir. Athenes & Mégare fe faifoient uneguerre cruelle. L ammofité des deux Peuples étoit fi grande qu on MCm prêter ferment aux Généraux Athéniens de ravager le territoire de Mé-are deux JOis par année & qu'il étoit défendu aux Meganens, fous peme de la vie, de mettre Je pied dans/Attique. Cette défenfc ne put étein! la Ville, iur lefoir, en hahit de Femme, Ja tête couyerte d'un voile, & fe rendoit, la nuit au Logis de Socrate oüil fe tenoit jufqu'a ce que ie jour approchant, il s'en retournét dans te meme etat oü il étoit venu II*-". Anacharfis, Princc Scythe, avant cor nu toutc i utilité des Sciences auxquêllcs s'aD phquoient Jes Grecs, abandonna fon^ays PZ venu- puifer, dans Athênes, alors Je féjour des üeaux-Arts, ces connoilfances fublimes qui I'ont mis fjp^6 n'et] püint ''Euclided'Alexandrie, fi célebre oar fo Element, de Géométrie, qui vivoit 300 ans avant T ^ jïJ^?%Wfa j*** 3u'ellè difputoit fur tout. CO Anacharfn fe rend,t célebfé par 1'aufrerité de fa vft t PSé " H Christ65 f^? ^ ^ d»  L A M Q R A L È mis au nombre de Sages. En arrivant, il aila chez Solon (f) & lui fit dire ce qu'il étoit & que, fi cela ne 1'incommodoit pas, il logeroit chez lui: mais Solon qui, quoique Philoiophe , avoic avec tous les Grecs du mépris pour les autres Nations & fur-tout pour les Scythes, 'qu'il appelloit barbares, lui fit répondre que 1'ufage étoit de fe faire, dans fa propre Patrie , les H6tes chez qui on fe propofoit de loger un jour dans une ville étrangere. Sur quoi, Anacharfis fe rendit dans la Chambre duPhilofophe Grec & lui dit: je fuis ici dans ma Patrie &'des-lors la juftice veut que fhofpitalité nous unifte. Solon , charmé de fa hardieife ingénieufe, le rectxt trèsbien , le logea, concut pour lui, dès la premie-' re converfation, une eflime particuliere, & , lui trouvant de grandes difpofitions k la Philofophie, dirigea fes pas dans la carrière de la Sageffe. Anacharfis fut bien profiter des Lecons d'un fi grand maitre. lllme. Le Sophifte (g) Lucius, étant venu k Rome, rencontra 1'Empcreur Marc-Aurele (Ji) & {fySolon, Léglslateurd'Athêncs; ilvivoit au milieu duöme Siècle avant J. Christ. N'ayaut point fait de Loi contre les Parricides, on lui en demanda la raifon: c'eft, répondit-il, paree qve je ne crois pas qifil puiffè y en avoir. Ce fut lui qui dit au riche Crefus qu'il ne f 'alloit donner le nom d'heu* 'reux a perjonne avant fa mort. tg) Un Sophifte eft maintenant un Homme qui fait des raifonnements captieux; il fe prend en mauvaife part. C'étoit aütrefois un Philofophe, un Amateur de la SagelFe. (/;) Marc-Aurele, trés-vertueux Empereur, vérifia cette maxime de Platon, que le Monde j'croit heureux, filcsPhi- lo-,  DE L'ADOL ESCENCE 6f &Iuidemanda oü il alloit: je vais, lui rdpondit bextus. Lucius étonné leva les mains au Ciel pour marquer fa furprife. /} rtyarieZïaau\ doive vous etcnner reprit Marciurele; a Z f!üpas.nefi ^ UX d'aPPrendre »W£ tirjVr* ,Dl'°gene C0 fe rendit k Athenes, attiré parlareputationd'Antisthene: maiscePhi- Sene de DisciP,es' S èKiv'rP 'a^T cdP-ciperfiftoit toujours ■Lnrïfr 3 Antlfthe"e lrrité ^va fon baton, ?ance feSS" VW Dl°g6ne Jui dit avec alIu! d?Mtnfffipe? fi V°US V°UleZ> Un'yaura jamais de baton affez dur pour me chaffer ffauprès de vous. avec lui P Ct0nné rembl-^ & le retint mnTf; ¥S25i^' Fi,s de PauI Em^> efli.I'Hlft°rien/olybe, dont il recevoit f re 2 fS-S d£S inftr^ions * table, ainfi que fon ilf f3 ™* qUS? fe trouvant un jour feul avec ce grand Maitre, il Jui ouvrit fon coeur en termes equivalents a ceux-ci: dans vos converfati- ons iSSdlt"^;ou- f irjfrétoient ^uofophes, ü vivoit clans le ed Siècle après J. Christ. CO , impudent, mais fenfé, méprifoit prefatie ons les ftomme»: retire-toi, dit-il a Al'exandre le Hd qu'il sÏriftonfy^T^?1 e" ^.^anmoins tant decas te\ V^^jg^S** ***** (*) Sciptan, furnommé le fecond Afriquain, fut Ie plus j. i-nust, put & brula Carthage. E  6z LA MORALE Ons vous m'oubliez toujours, mon cher Polybe, (f ce n'eft qu'a mon Frere que vous adrejfez la parole. Je fens bien que cette indifférence pour moi vient de la penfée oü vous êtes, comme tous nos Concitoyens, que jefuis un Jeune-Homme inapliquê & que, ne m'attachant point au Barreau, ne cuitivant point le talent de VEloquence ', je n''ai pas la moindre teinte dü goüt qui regne aujourd'hui dans Rome: mais comment le ferois-je ? On ne dit perpétuellement que ce n'eft point un Orateur que l'on altend de la Maifon des Scipions, mais un Général d' Armée. Je vous avoue, pardonnez-moi la francliife avec laquelle je vous parle, que votre mépris pour moi me touche & m'ajjlige. Polybe, furpris de ce difcours auquel il n'avoit pas lieu de s'attendre d'un Jcune-Homme de 18 ans, le conlbla dumieux qu'il put & 1'alTura que , s'il adreffoit ordinairement la parole k fon Frere, ce n'étoit point faute d'eftime, mais uniquement paree que Fabius étoit 1'Ainé, & que d'ailleurs, fachant que les deux Freres peniöient de même & étoient fof t unis, il avoit cru que parier a 1'un c'étoit parler a 1'autre „ Au refre, ajouta-t-ü, je m'offre de „ tout mon coeur a votre fervice & vous pouvez ,, difpofer de moi. Par rapport aux Sciences de 1'étude dcsquelles on vous occupe acfuelle„ ment, vous trouverez alfez dc fecours dans „ ce grand norhbre de Savants qui viennent., tous „ les jours, de Grece a Rome: mais, pour le „ Métier de la Guerre quiefl proprement votre „ profcllion, aufli bien que votre paffion, je ,, pourrai vous être de quelque üdjité." Alors Scipion lui prenant les mains & les ferrant dans les Hennes: oh! dit-il, quand verrai-je eet heureux jour  DE L'ADOLESCENCE 63 wS °il!lbre/e T mmmnt Bvivantavec r k ■ J J°UdreZ hm vous aPPlW& * me fermer JS & ^1 ^^rsqueje me croiraTvZ ritablementdignedemesAndtrk Polybe 1 ff ü noEf ? V°ir da,"S un Jeune Hoi men t f %*imentst s>"aeha particuliere! S ! i V Scip,on, de fon coté, ne pouvoit aU ui in", g,'rnd^Plaifil' étoit d* Iv/Tp li 1 >I!j.e.refPeclo]t comme un pere & Poli be le chenflbit comme fon fils h {£ <^a Jeune-Hommeinfenfd fait un crime a fon Maitre du juftc chatiment qu'il lu nS oronvf fU1Vant' P1"0duit' non PO«r être JE Piouve , maïs pour contraster avec celui que Loni YV*r p Duc d£ Berri, Aïeul de i-ouis AVI, Roi deFrance. Ce Duc, étant en & le Ke I oaif0iYSr?Rt dÊ Petites Sd ine dm"ft Chw S ?tV'- Jui OTdo«noitles arrêts nciu fit fermer les fenêtres, difant cue les Pri Skni";'eunedp0iVeiltpaS S öit le jeune Pnnce, voay me garantiiïez bar li dune^fionauf, dêjagréahle que % vtre En ce. la, bien différent de Louis XII, qui, ayan" S ? ?5 P^eroDieLl' fotcondamné a recevo r S fouet deMr Souvré, fon Gouverneur?IISa jer par-la & je ne vous enveux point, car ie Vai ïendemain, il alla voir la Reine fa Mere. Cette cemlf mJS'3 & J,ui 5? ««eprofondT^véren! révérences & ne me fait es pas donner le fouet! E 2 vu**-  LA MORALE VII"". Non feulcment un Jeune-Homme honnête n'en veut point a fes Maftres, quand ils le réprimandent, quand ils le chatient, mais même, parvenu a 1'age de raifon , il les honore & les récompenfe. Ariftote (/), qui avoit été 8 ans Précepteur d'Alexandre le Grand, (m) en recut des marqués d'eftime toute fa vie. Ce Conquérant dit un jour: je dois la naiff'ance h mon Pere, mais Vort de régner avec gloire, je le dois d mon Précepteur. Auffi, combla-t-il Ariftote de bienfaits. II lui fit préfent, entr'autres, de 800 talents (n), pour qu'il s'appliquat aux recherches de 1'Histoire des Animaux, & mit encore , k eet effet, fous fes ordres autant de Chalfeurs & de Pêcheurs qu'il en voulut. Char- (7) Ariftote furnommé le Prince des Philofophes, qui fut Chef de la Seétedes Péripatéticietis, étoit né a Stagyre, en Macédoine, 1'an 384 avunt J. Christ. II avoit déja beaucoup de réputation quand Alexandre naquit, puisque Philippe, Pere d'Alexandre, lui écrivit alors: je rends moins graces aux Dieux de me l'avoir donné que de 1'avoir fait ■naitre pendant votre vie & je compte que, par vos confrils, il deviendra digne de vous & de moi. II felouoitdelaPbilofophie en ce qu'elle avoit appris & faire volontairemcnt ce que les autres font par contrainte. (jn) Alexandre le Grand, Roi de Macédoine. II vint au monde dans Pella, 356 ans avant J. Christ. Sa mort, arrivée dans Babylone 32 ans après, arrêta le cours de fes Conquêtes dont 1'étendue efi incroyable: en moins de 12 ans, il s'empara de la Thrace, de 1'Illyrie, de 1'Afie Mineure, de la Syrië, de la Phénicie , de la Paleftine, de 1'Egypte, de la Perfe, de la Babylonie, des Indes &c. Cjp) Le talent des Grecs, dont il eft ici queftion, valoit environ 1217 florins de Hollande. Alexandre donna donc prés d'un million a Ariftote.  DE L'ADOLESCENCE (>s ■ Charles-Quint CO, Empereur d'AUemagne, eleva fon Précepteur Adrien-Florent (j>) , connu fous le nom d'Adrien VI, a la plus haute dignité oü un Eccléfiaftique Catholique puilfe afpirer, a celle de la triple Couronne Papale: Ji j ai fait pour vous quelque chofe, lui écrïvoit-iï, que navez-vous pas fait pour moi, quand vous dirigiez mes études & que je m'appliquois fous vos yeux aux Langues, a ïHiftoire & au Droit Public de l Europe ? Charles IX (q), Roi de France, quoique mauvais O) Charles-quint, Empereur & Roi d'Efpagne, naquit'i Oand en 1500. En 1555, il céda Ia Couronne d'Efpagne a ion Fils Philippe II, fous le regne duquel 8 des 17 Provinces des Pays-Bas formerent la République des Proviaoe» Unies; I année fuivante, i! abdiqua 1'Empire en faveur d« Ferdmandfon Frere. Ce fut lui qui, en 1526, gagna la fameute Bataille de Pavie oü Francois Ier, Roi de France, reudit les armes. O) Adrien FI vint au monde a Utrecht en U59. Quoique de bafle extraction , puis que c'étoit le Fils d'un Briquctter, il devint ProfeOeur a Louvain, Précepteur de CharlesVulnt' Cardmal & Papè: mais il avoit del'efprit, du favoir «des uiceurs. Les Italiens ne 1'aimoient pas,paree qu'il vouloit s oppofer a leurs déréglements. II mourut en 1523. O) CAartés IX, né en 1550 & mort en 1-574, eltl'Auteur d un Maflacrede tous les Proteftants de France, arrivé, par fes ordres, Ie 24 Aoïit, jour de la St Barthelemi, en 1572. Des 1'enhmce de ce Prince , on remarqua qu'il feroit cruel: s amufant a cbafTer des lapins dans un clapier (trou oü fe reurent ces airimaux) , faitesrles moi tous fortir, dit-il, f'"i«n aie le pldiffr de les tuer tous. II alla voir le corps de lAnural Cohgni pendu au gibct; &, quelqu'un de fes Courtilans ayant dit qu'il fentoit mauvais, il répondit, comme \itellms, autre Monflre couronné desRomains, le corps a m kwiemt mort jent toujours bon. Qui le croiroit' Ce Prince barbare aimoit les Belles-Lettres qui adoueiilent lcS E 3 mceurs  66 LA MORALE vais & très-mauvais Prince, eut de la reconnoiilance pour fon Précepteur Amyot (r). II lui donna plufieurs Bénéfices. II le créa même Grand Aumönier de France. Ce fut par une fuite de fon eftime pour Arnyot qu'il honora toujours mceurs &, plein d'eftïme pour ceux qui (es cultiveiit, il leur permettoit de s'afleoir en fa préfence, (O La fortune d''Amyot fut finguliere. II étoit Fils d'un Mcrcje: de Melun qui jefitétodier. Battu de fon Pere, pour quelque efpieglerie, il fe lauva de la Maifon Paternclle & fe rendit, en mendiant, a Orléans oü il tomba maiade & fut transporté a l'Hópital? quand il fe porta mieux, on 1'en fit fortir, en lui donnantunpetit écu. Sa (hnté n'étoit cependant pas encorc affermie. Comme 'il regagnoit a pied la route de Melun, il s'afflt de laffitude fous un arbre & s'y endonnit, Un Gentilhomme du voifinage, qui étoit a cheval , pnfl'a par-!a, lui trouva la phyfionomie intéreifante , 1'éveilla, 1'interrogea fur fa naiilance, fur fon fort, fur ce qu'il fe propofoit de faire, & finit par le prendre en croupe & 1'ametier a (és 2 Fils auxquels il le donna pour Précepteur. Ces Jeunes-Gcns en apprirent le Latin & le Grec. Amyot, qui fe tenoit toujours dans leur Chambre pour les iqftruire , n>voit de libre que les nuits qu'il employoit presque tout entieres a étudier; &, en peu de temps, il doviiit fort habile. Un jour, pour fon bonheur, Menri II, Roi de France, fe trouvant dans les euvirons du Chateau de fon Patron, y entra & y dina. Amyot faifit cette occafion pour faire d'abord & préfenter au Monarque une Ep.igramme Grecque, en foa lionneurj ce Prince 1'accepta, mais il la remit bientót au Chancelier dc 1'Hópital,. qui 1'accompagnoit, difant: ceft du Grec, d d'autres. Le Marquis la prit, la iut & dit auRoi: Site , elle danande rccompcnfe, Ce fut-la la fource du bonheur d'Amyot; il devint de dégres en degrés Précepteur des Enfants de France, Abbé de p.'u'ieurs Abbayes, Evèque d'Aüxerre , Grand Aumönier, Grand' Croix de 1'Ordre du St Efprit &e. II laiffa, en mourant, agé de 47 ans, le 6 Déc. 1560, 1200 écus a 1'Hópital d'Orléans qvti lui ea avoit donné uu autrefois, par gharüé,  DE L'AD OLESCENCE 6> jours les Gens de Lettres & qu'au Maflacre de la St Barthélemï , voulant fauvcr le favant Ambroife Paré, fon Chirurgien, qui étoit Protestant, il 1'enferma dans fon propré Appartement Royal, V1U"". Tous les Gens de Lettres, dont nous tirons quelques inlïruclions par lalcéture, étant nos Maïtres, nous leuravonsla plusgrandcobligation des peines qu'ils ie font données pour éclairer & fortifier notre ame. Ce fentiment doit etre celui de tout Jeune-Homme qui aime la lecture; & il a toujours été celui des Perfonnages les plus fpirituels & les plus fenfés dc tous les Siecles. En voici des exemples. Alexandre le Grand aimoit les Arts & chérisloit les Scavants , perfuadé qu'cn honorant ceux qui honorent eux-memes 1'efprit humain , un Prince fe rendoit a jamais immortel. Souvent, on 1 entendoit dire qu'il aimoit mieux être fupérieur aux autres par la feience que par les richefles & 1 autorite. La lechire d'Homere CO lui faifoit tant de plaifir qu'il 1'apprit tout enticr & qu'en dormantil 1'avoit fur fon chevet j tantót ill'appelloit le divin Panégyrifte de la valeur; tantót, il le nomraoit le Poëte des Rois. II croyoit qu'en chantant 0') Homere, Ie plus grand Poëte Grec, vivoit environ iooo avant J. Christ. Sept villes fe disputerent 1'honnenr de lui avoir■donné naiflance; &, pendant fa vie , pas une ne voulut lui donner du pain, quoique, fur la fin de fes jours, il devmt aveugle Ses deux principaux Ouvrages, oü il eficlair, expreflif, fubhme, font 1'Illiade, qui décrit la Guerrè de Iroie, & 1 Odissüb,"oü il a peint les aventures d'Ulis- PatrieW er°S 62 S'ege' * fon retour dails Ita1ue fa E4  68 LAMORALE tant fes vers, il falloitles accompagner, non de la guitarre, comme ceux des autres, mais de la trompette. En voyant le tombeau dAchille, Jeune Homme heureux, s'écria-t-il, d'avoir trouvé un Homere pour célébrer ta valeur! Aprés 1'entiere défaite de Darius, Roi de Perfe, on lui renut un coffret qui tenoit le premier rang entre les bijoux de ce Prince & Fon paria de 1'ufage qu on en feroit. II fera très-bon, dit Alexandre, ajerrer mon Homere. Marguerite d'Ecoffe, Epoufe de Louis XI, Koi de France, voyant Alain Chartier (0, Jtoinme très-favant, mais très-laid, s'approcha de Jui & lui baifa la bouche. Ses Dames, furpn es de cette bonté pour un Perfonnage auffi fflal vu des Graces, Jui en firent quelques reproches: ce n'eft pas 1'homme que j'ai baifé, leut repondit la Priirceife, mais le bouche d'oü il fort, tous les jours , tant de belles chofes. Francois I", Roi de France, avoit une eftime linguherepourRobertEtienne (u) , cetlmÉV^^^lébre k qui les Lettres doivent tant de Uiefs-dCEuvres typograpliiques. Francois ne dcdaignoit pas de viflter ce Grand Homme. U crai- t %Aia'n Chartkri Secrétaire des Rois de France Char'Vl,&Cllirlcs VII, Tim des plus favants Hommes du X\m<-Siècle. II futappcllé le Pere de 1'Eloquence Francoile. Ou eftimè fur-tout lbn Curial & fon Traité de t'Èfpé. rance. r («) Robert Eticnne, Fils & Pere de 2 Henri du mé me nom, tous 3 célebres Imprimeurs du XVI Siècle, poffédoit les Langues & les Belles-Lettres; on a de lui un excellent Jre/or de ia Langite Laiine. II mourut a Gerieve en 1550 dans la $6m> année de fon age.  DE L'ADOLES CËNCE craignoit même d'interrompre fes travaux; & fouvent le Monarque attendit que 1'Imprimeur put le recevoir, fans fe déranger de fes occubations. ^ Pétrarque (y) , dont les Ouvrages ont fait tant de brmt, avoit Peftime de Robert, Roi de JNaples, Prince de mérite, des Sénateurs R0* mams & de 1'Üniverfité de Paris. Ils vouloicnt tous le couronner de leurs mains: mais ils nréférade 1'etrea Rome. Louis XI V, 1'un des plus grands Rois de France & peut-être de 1'Univers, s'il n'eüt pas voulu etre Conquërant, avöit toujours a fa fuite duelques Savants illuftres. On y remarquoit iur-tout Racine f» & Boileau GO, fes Hilto- rio- (v) Francois. Pétrarque, né a Arezzo en 1304, mouruts Arcqua en 1374; il avoit recu, dans Rome, la Couronne loenque en 1341. H étoit habile en Grammaire, en Rhétonque, en Philofophie & fur-tout en Poéiie Italienne. Demeurant a Vauclufe, pres d'Avignon, il s'y attachaa uneDemoile ;e aimable & vertueufe, furnommée Laure, qu'il a im. mortaliféedans fes Ecrits; il ne penfe qu'a elle, il n'écritque d elle, il ne refpire que pour elle. Quand cette belle Laure eut expire, 1 mfortuné Pétrarque , quoique conibléde gloire, ne traina plus que des jours languinants. nSyA^%Racine %Yxit> des Plus Srands Poëtes Dramatiqu,3 de la France. Ses principales Tragédies font Andromar raf' Wthridate, Ipkygéme, Phédre, Athahe £JUer;h na fait qu'une Comédie, les Plaideur. Sfn U j i°"nen 1639' 0 ™uta Paris en 1600. Son Fils, Auteur duPoeme/«r la Grace & de celui fur la. Reltgton, eft fort eftimé. 6) Nicolas Boileau, furnomméDefpréaux, né è Cróne petit v, lage proche■ Paris en 1636 & mort a Paris en i fu. Ce fut le plus grand Satyrique de fon Siècle; & cependant dans fon enfance, fon Pere, qui étoit Greffier au Parlement E 5 de  7° LA MORALE riogr'aphes (Y)> pour lesquels il avoit une pré. dileétion particuliere & qui la méritoient bien: car ils étoient vertueux & ne le cédoient, en talents, a aucun Poëte de leurs genres. Après la mort de Racine, Boileau, devenu vieux & infirme, ne parut que très-rarement a la Cour. Un jour qu'il s'y rendit, LouisXIV, aprèsavoir tiré fa Montre qu'il lui donna, dit: fi votre fanté vous permet de venir quelquefois a Verfailles, faurai toujours une heure a vous donner, faifant allufiou au préfent dont il l'honoroit. SEL riü Paris, avoit dit de lui: pourColin ce fera un Bon Enfant, il ne dira mal de p'èrfonne'. (a) Un Historiographe eft un Iliftorien qui, en vertu d'un Brevet & d'une Penlion, eft obligé -d'ecrire 1'Hiftoire d'ua Etat ou d'un Prince.  DE L'ADOLESCENCE n SEIZIEME L E 9 O N Juftice envers nos Souverains, ]Par le mot Souverain, il faut concevoir tous ceux qm régilïentl'Etat, les Empereurs, les Kois, les autres Potentats, fous quelque dénomination qu'ils foient connus. Ils nous protegent au-dedans& au-dehors, depuis les premiers jusqu'aux derniers jours de notre exiftence: au-dedans contre les Pervers qui, lans les Loix, nous euffent peut-être ctoufles au berceau ou qui nous raviroient, en ce moment, la vie, loit par intérêt, foit par haïne: au-dehors contre tous les Peuples dont nous fommes enyironnes, comme d'autant de bêtes féroces pretcs a fondre fur nous, fans raifons , fans pi' tie, des que Je bras vigoureux de notre Défenfeur c eft-a-enre, du Chef de 1'Etat ne fera plus leve fur leurs têtes. F .JrTfJ10^ reconnoiiTance doit donc être a' ce Chef de 1 Etatr qUC fa volonté hienfaifante & erheace pour nous foit le rcfultat dc 1'affeffi on d un feul Etre, nommé Prince, ou de cello de p ufieurs Etres fous les titres honorables de Senateurs de Confeillers &c; que le Gouvernement foit monarchique ou républicain; que nous aymns ou n'ayions pas part a la Souverat nete N importe qu'elle eft Ja forme de 1'Ad minifti-ation Publique, fi, en nous défendanfde nos Ennemis internes & externes, elle opere no,.  ■?z LAMORALE notre bonheur, nous fommes tenus de lui montrer la plus vive gratitude, par une foumiflion exemplaire, par un noble défintcreflernent & même par 1'intrépide facrifice de notre vie. L'Hilloire, oünous allons puifer nos exemples, eftrempliede traits éclatants de cette Juftice envers les Souverains. TRAITS HISTORIQUES es Peuples, foumis a la domination de Conltance Chlore Qa) , Pere du Grand Conftuntin, lui donnerent un jour, en préfence dcsDéputés de Dioclétien qui lui reprochoient, de fa part, de n'en pas tirer affezd'argent, une preuve évidente de leur foumiflion, en luiapportant des fommes conlidérables, au moment même ou il fit dire aux Principaux d'entr'eux qu'il étoit dans le befoin: c'étoit pour eux, difoient-ils, en les lui préfentant, une heureufe occafion qu'ils fouhaitoient depuis long-temps & qu'ils jaifijfoient avec transport. Tous s'empreftèrent de lui apporter de 1'or & de 1'argent & toutes fortes d'cffcts précieux. Le tréfor dc Conftance fe trouvant auiil rempli, il dit aux Députés de Dioclétien, en leur montrant eet amas prodigieux de richefies: je (ji) C'étoit un Prince courageux, prudent & modéré; il partagca 1'Empire Roraain, au commencement dn IV»» Siècle , avec le cruel Dioclétien. Ce Prince foumit la GrandeBretagne & une partie de la Germanie.  DE L'AD OLESCENCE 73 je viens de les rajfembler, mais il y a long-temps que_ j'en étois le maitre, j'en laijfois la garde a mes Sujets qui, comme vous le voyez, en étoient pour moi les fideles dépofitaires. Les Députés s'en retournerent pleins d'admiration; & Conftance, aiïüré de trouver une reflource toujours prête dans le coeur de fes Sujets, fit reprendre k chacun ce qu'il avoit apporté. IIrf Le Maréchal de Fabert (b) étoit fi peu attaché auxrichefles qu'il faCrifioit tout fon bien au fervice du Roi. Ufaifoit, en beaucoup d'occafions, travailler les Soldats & élever des fortifications a fes dépens. Lorsque fon Epoulé ou fes plus intiraes Amis lui repréfentoient que, par ces dépenfcs, il ötoit a fa Familie un bieji qu'il étoit obligé de lui conferver, il répondoit: fi pour empêcher qu'une Place, que le Roi m'auroit confiée, ne tombdt au pouvoir des Ennemis, il falloit mettre ci une brêche , que je verrois faire, ma perfonne, ma familie 6? tout ce que je poffede , je ne balancerois pas un moment. III"". Vou-Ti, Empereur de la Chine, avoit beaucoup de penchant pour les Sciences occultes (0- Un Importeur lui apporta un jour un Elixir & 1'exhorta a le boire, lui promettant que ce breuvage le rendroit immortel; fon premier Mi. (£) Abraham Fabert eft célebre par fa retraite de Mayence & par quantité d'autres actions glorieules fous Louis XI V; il mourut, a 63 ans, en 1662. CO Sciences occultes : c'eft la Magie, qui prétend aire naitre, contre Ia Nature, des effets prodigieux; c'eft la Philolophie Herraétique qui fe vante de la transmutation des metaux & d'un remede univerfel.  ?4 LA MOR At E Miniftre, qui étoit préfent, tenta inutilemcrit dele défabufer, mais, n'en pouvant venir a bout, il prit la coupe & but la liqueur. L'Empercur, irrité de cette hardieffe, condamna a mort le Mandarin»qui lui dit, d'un airtranquille: fi ce breuvage donne L'immortalité, vous ferez de vains ejforts pour me faire thourir; &, sHl ne la donne pas, auriez-vous Vinjuftice de me faire mou^ rir pour un fi frivole larcin. Ce difcours calma 1'Empereur qui ne put s'empêcher de louer la prudence & la fageffe de fon Miniftre. \Yme. On doit chérir, non feulement fes Souve-*. rains, mais même ceux auxqucls ils font attachés , ceux dont 1'exiftence leur eft précieufe. En voici un exemple tiré de la lie du Peuple. II eft noble , puisque le coeur le produifit; fi des Grands 1'avoient donné & qu'il n'eut pas été Gncere , il ne feroit rien ou, pour mieux dire, il ferpit vih Les Harengercs (£) de la Halle de Paris ont eu quelquefois la liberté de complimentcr la Familie Royale. Lors de la convalescence du Grand Dauphin , Fils de Louis XIV, après une maladie qui avoit fait craindre pour fes jours, elles députerent 4 de leur Troupe a Verlailles, pour le complimentei- fur fon heureufe guérifon. Ces Ambaffadrices fe préfcnterent a la porte de fon Appartement, mais 1'Huiffierne jugea pas apropos de les faire entrer. Ainfi, elles s'en retournerent fort mécontentes. Le foir, on rendit compte au Roi du concours de monde & 1'on ne man- CO Harengeiies , vendeufes da harengs & d'autres puisfons en détail.  DE L'ADOLESCENCE 75 rnanquapasdeluiparlerdesHarengeres- S Maf dit qu'on avoit eu tort de leur refuier la portê ?oifi!nÜr f-6 m?rit°riTt bien qu'on leur laiflüt yon le Dauphin. Les Harengercs furent inftruites, le endemain, de cc qu'avoit dit le Monar* que EUes affemblerent leur confeil & une nouvelle deputation fut réfólue. Auffi-tót qu'elles furent arrivées a Verfailles & qu'elles fenréfenterent a laporte du jeune Prince, on les introduiht en ceremonie dans fon Appartement: & 1 on alla en avertir le Roi qui s'y rendjt nour entendre la Harangue. S. Maj Jtrouva aP genoiix devant le Dauphin qui étoit tout debout, en i obe de chambre. L'une lui baifoit les pieds! 1 autre le bord de fa robe. Le Prince le fouffroit patiemment. Pendant cette fcenc attendnflante , une 3- difoit fort cordialement : Ulie Jenonj-nous devenues , ft notre cher Dauphin Jut mort t nous aurions tout perdu. . Oui rephqua la 4*S tu as raifon, nous aurions tout prdu: car notre bon Roi n auroit jamais pu furnvreafon Fils fif il feroit, fans doute, mort dedoukur. S. Maj commanda qu'on leur tarw Jl fCS, Ca^ireS- P°Ur les Pro™^ pai-tout & quon leur fit voir tout ce qu'il y a de beau a Verfailles. Elles fouhaiterent d'a* Ier entendre le Service Divin a la Chapelle • & on les placa toutes les 4 dans un Banc de &Eff pLe DaUphin ,eur fit donner ao de hit ! aUtant' A?rèsV™> comblées Pnri J ^d'honneurs, elles furent ramenées a i' h n le/arro^duRöi; onleurfittraverferJa vüh d'un pas d'Ambaffadcur; &, de ce train-la, on les conduiflt a la Haile óü ellesfu? rent  j6 LAMORALE rent rendre compte a tout leur Corps dc Fheureux fuccès de leur voyage. On les conduifit enfuite chacune dans leur Maifon. Le lende* main, elles s'alfemblerent encore poijr voir a quoi elles emploiroient les 40 louis qu'on leur avoit donnés; & elles délibérerent de les em? ployer a faire chanter un Te Deumpour laconvalefcence du jeune Prince, ce qui fut exécuté avec la folemnité la plus grande dansl'Eglife de St Euftache. V"". II y a encore une juftice relative auxSouverains, c'eft celle de reconnoïtre que, s'ils infligent des peines, ils y font obligés & qu'ils ne les infligent qu'è ceux qui les ont encourues; c'eft même de faire eet aveu, quand on eft tombé fous les faisceaux ou fous le glaive des Loix. Le Duc d'Olfone, Vice-Roi de Naples, récompenfa un tel aveu. Voici Je fait. il alla fur les Galeres d'Efpagne, le jour d'une grande Fête, pour ufer du droit qu'il avoit d'en délivrerquelque Forcat. II en interrogea plufieurs, leur demandant ce qui Jes avoit réduits au trifte état oü ils fe trouvoient: tous lui répondirent qu'on les avoit condamnés fans examen &dès-lors avec injuftice. Un feul avoua qu'il avoit réellement été coupable. II convint même que la Juftice avoit été fort indulgcnte envers lui,- &que, ü pjle avoit févi a la rigueur , comme il le méritoit, il eut été mis a mort. Qu'on chaffe vtie ce méchant Homme, dit le Duc, en lui faifant rendre la liberté, de peur que fa compagnie ne gdte tous les gens de bien que voila. VI"". Cette juftice, par laquelle on rend aux Magiftrats ce qui leur eft dü, pprte a le rendre éga-  DE L'ADOLESCENCE 7? folement k la Patrie dont ils font les organes ™mm Z\ Z usles Grands Hommes dc tous "ss Jicc.es ont eu cette maxime: & ie vak lo prouver par quantité d'exemples.' J '1S l& i Les Hollandois avoient formé un Pf&hi* vee beaucoup de eönSce^KÏ S nemi afe retirer. LaGarnifon, qiu ne do pas que eet Homme eénéreux T . ,- ° camp, ne füt «flrfSft^ £*g g forts pour Ie retenir; & ces inftances^ont ten" drement: appuydes par deux de fes Rllc, ui eto.ent dans le Fort. faiptomis, dit!l,ZLTe prenarenmfers. Ilfant dégager rna pZÏu £ mauon m reprochera a ma méLire Je, Lr met »e mes jours a couvert, faie appéfantile Z ™ * 2°- Jamais on ne vit mieux qu'a Snarte mm ?esnamesm° Hoti* ^ a lard?n„.? « femraGS' enfants> Vieil- lards tous les ages, toutes les conditions fe fes^X dG 5 fee les P]- g'a'nd' lacntices, &les aSexes, également animéi d'un * be-  78 LA M ORALE beau zelc, fe dévouoient fans réferve au faliit, au bonheur, a la gloire dc 1'Etat. Voici plufieurs traics que 1'Hiftoire a confacrés & qui feront connoitre le génie patriotique de ces Républicains fameux. Une Mere de Lacédémonc, armant fon Fils pour le combat & lui remettant fon bouclier: rapporte-le , dit-elle, ou qu'on te rapporte deffiis. Une autre voyant, au fiege d'une Ville, fon Fils ainé, qu'elle avoit placé dans un pofte, tomber mort k fes pieds: qu'on appelle fon Frere pour le remplacer, s'écria-t-e]le auili-tot. Une 3"" avoit 5 fils,, & 1'Armée & attendoit des nouvelles de la Bataille. Elle en demande, en tremblant, k un Ilotc (e) qui revenoit du Camp: vos 5 Fils ont été tués, lui dit-il. . . Vil Ff (?) Les Ilotes étoient a Lacédémone les defcendants des Citoyens d'Elos qui, aprèss'êtrefoumife auxLacédémoniens, quand ils entrerent dans le Péloponefe, qu'on appelle aujourd'hui la Morée, fe révolta enfuite contr'eux; ccux-ci, pour faire un exemple, en réduifirent les Citoyens & par eux leurs Defcendants au plus vil efclavage. On les employoit au fervice dégoutant de la Ville, aux travaux dc la Campagne & quelquefois, mais il falloit que le befoin füt prelfant, a ceux de la Guerre. Dans les commencements, de peur qu'ils ne fe multipliafl'ent trop, on expofoit un ccrtain nombre de leurs Enfants. On les fouëttoitjusqu'aufang, a certains jours de 1'année, pour qu'ils fe reflbuvinflènt qu'ils étoient Efclaves. Quand ils prenoient trop d'embonpoint, on les tuoit; & le Maitre, chez qui ils s'étoient engraiffés, devoit payer une amende, pour ne les avoir pas fait travailler jufqu'a la maigreur. Ils étoient forcés de s'enyvrer, quand leurs Maitres le vouloient, afin defervir, en cetétat, de rifée aux Enfants de ces indignes Barbares & peut-être de les détourner par-la de 1'yvrelfe. Voila, a peu pres, 1'image des malheureux Negres dans nos Colonies.  DE L'ADOLESCENCE 79 Efclave, reprit-elle, eft-ce la ce que je deman- Si; " " NTms fvms g^gné la victoire, replique i ' ' k* Mere Cüurt au TemPle & rend graces aux Dieux Un Lacédémonien n'ayant pu être recu au nombre des trois eens qui compofoient le Sénat de Spatte: Dieux toutpuiffants, s'écira-t-il, en verlantdes larmes de joie, gracesvousfoient rendues de ce que ma Patrie a trois eens Citoyens qui valent mieux que moi! Lors qu'on vintannoncer, dans la même Vil- on'vn ff^ ? k faraeUfe BataÜIe de Leu&™ , on y cclcbroit une grande Fête & elle étoit ple ! Te^f gfS-qüe 1Vcuri0fltó Moit attirés. Les Choeurs de jeunes Garjons & de jeunes Filles combattoient en plein Théatre. . Dans ce moment les Couriers arriverent de'Leucv2t Yf\ > rei;iarquable qu'unefi trifte nouvelle (f) nmterrompit point les Jeux & ne fit point changer 1'appareil de la Fête: on envoya feulemcnt aux Parents, dans toutes les maifonl les noms des Morts qui leur appartenoient. Le lendemain matin , chacun fachant déia tous ceux PÜ! t01fnt^Uvés ou 1ui étoientmorts, les Peres & les Parents de ceux qui avoient été tues, setant rendus a la Place Publique, fe fa. luoient cc s'embraflbient les uns & les autres avec un viiage content; au lieu que les Peres & les Parents de ceux qui étoient échappés au fer de nl T rh-ba:n,S' ^naco"tre les Lacédémoniens 37 ans SS£ SouSsïé1^01 cleombrore füt ^ * <°- » F 2  LA MORALE de 1'Ennemi fe tenoient cachés dans leurs mai~ fons comme dans un deuil; fi quelqu'un d'eux étoit forcé de fortir pour fes affaires, il paroiffoit avec une figure , une voix & un regard qui marquoient fa trifleffe & fon abattement, &, dans le malheur commun dc la Patrie, il rougifiöit, pour ainfi dire, d'avoir, par la confervation de fon Parentoumême de fon Fils, unfujet de joie domeftique. 3°- Pour terminer les différends continuels qui s'élevoient entre Albe & Rome, les Romains & les Albains convinrent de faire combattre 3 hommes d'une Nation contre 3 hommes de 1'autre: le fort des Combattants devant décider de celui de leur Patrie. Trois Freres, appelles Curiaces, furent choifis parmi les Albains. Du cöté des Romains, on fit auffi choix de 3 Freres nommés Horaces. Le champ de bataille étoit une large plaine, d'oü les deux Armées pouvoient voir l'aótion. Elle féparoit le territoire de Rome d'avec celui de fa Rivale. L'efpace qu'on laiffa aux Champions étoit de 3 ou 4 ftades. Le jour qui devoit alfurer 1'empire a 1'une des deux Villes, on commenca par immoler des viétimes; &, tandis qu'elles brüloient fur les autels, les Romains & les Albains firent ferment qu'ils s'en, tiendroient a ce qui feroit décidé par le combat & qu'ils garderoient inviolablement les conditions du Traité, eux & leurs Defcendants. La cérémonie étant achevée, les Troupes mirent bas les armes & fortirent de leurs retranchements, pour voir le combat. Les Curiaces & les Horaces, enflammés d'une fainte & noble émulation & brülant du deur de voir triompher la Patrie  DE L'ADOLESCENCE 8r •trie dont le fort étoit entre leurs mains, s'avancent les uns contre les autres avec 1'intrépidité, 1 air menacant & terrible de deux grandes Armees dont les forces égalcs vont balancer la fortune de deux puillants Empires. De part & d'autre, ils ctoient revetus d'une briljante armure & ornes comme des viftimes deffinées ala mort. Dès qtion les vit aux mains, on entendit des deux cotes , parmi Jes Speétateurs, un bruit cónfus , mele dacclamations, de voeux, d'exbortations, de gemilfements. Tantót les Combattants cédoient a leurs Adverfaires & fembloient lacher pied; tantöt ils retournoient atetWe & .■ par leur bravoure infatigable, rappelloient la vicfoire Lette alternative tenoit les efprits fufpendus entre la crainte & J'efPérance. Ils fe baïtirent long.temps lans que la fortune fe déclarat. L'égahte de leurs forces, leur adrelfe, leur valeur rcfpecliyes la [,ontc dc Jeurs armes , tout rendoit le lucces difficde & rctardoit la décifion de cette querelie fameufe. L'ainé des Albains! étant aux pnles avec fon Adverfaire, lui fit pluüems bleflurès & Jui porta enfin un dernicr coud qui 1 etendit mort fur la place. Un des deux iloraces, qui etoit accouru pour foutenir fon Frero , fond fur le Vainqueur; &, après lui avoir porté plufieurs coups & en avoir recu luimeme, lm enfonce fon épée dans la gorge & le renverfe par terre. Déja les Romains rcpre! mencoit a fe diffiper, lorsqu'un revers de Fortune replongea les Romains dans leur premières erreurs. L'Albain, irrité par la mo?tT7on lrere3 attaque le Romain qui 1'avoit immolé. F 3 Achar-  LA MORALE Acharnésl'un contre 1'autre, ces deuxformidables Champions fe percent réciproquement de plufieurs coups. Le Romain en recoit un qui pénetre jusqu'aux entrailles. La mort glacé fes fens, il elf prés d'expirer. Dans ce dernier moment, il recueille tout fon courage; il fait les plus grands efforts; &, glilfant fon épée fous le bouclier de fon Ennemi, que la certitude de la yictoire rendoit moins attentif, il lui coupe le jarrct & rend a fes pieds les derniers foupirs. L'Albain, malgré fa blelfure, fe foutient encore quelque temps. II s'appuie fur fon bouclier & va joindre fon Frere qui luttoit vivement contre le feul Romain qui restoit encore. Celui-ci, attaqué par devant & par-derriere & défefpérant de pouvoir tenir contre deux Adverfaires qui 1'envcloppoient, réfolut de partager leurs forces, afin de les combattre avec plus d'avantage. II crut qu'il y réuffiroit en prenant la fiiite, & qu'un des Curiaces étant boiteux, il ne feroit pourfuivi que par un de fes Ennemis. Plein de cette efpérance, il lache le pied & fe met a courir de toutes fes forces. L'artifice luiréuffit. Celui des deux Curiaces qui n'étoit pas encore bleffé dangereufement le pourfuit de prés , tandis que 1'autre refte loin derrière lui. Alors, les Albains poulfent des cris de joie: ils encouragent leurs Guerriers, ils leur applaudilfent k 1'envi, ils veulent déja les. couronner comme Vai(K]ueurs. Les Romains au contraire, abbatus , confternés, déplorent leur difgrace &maudiffeht le perfide Citoyen dont la coupable laehcté va, pour jamais, alfervir la fierté Romaiïic au joug de 'fon odieufe Rivale, Cependant Ho.  D E L'AD O LES CENCE g3 Horace; fe retourne contre fon Ennemi; &, lans lm laiffer le temps de fe mettre en défenfe, il lui decharge un coup fi terrible qu'il lui coupe le bras dont il tenoit fon épée. II redouble d ardeur, lui porte un autre coup & le renverfe iur la place. Dela, il rcvient contre le dernier des Albains. II ne lui reftoit plus qu'un foufle de vie. Horace le lui arrache fans réfiftance & Sie3 °0mbIe 4 fa gl°ire & aU triomPhe dc fa . 4* Le fameux Attilius Regulus, O) après avoir remporté deux viétoires complettes fur les Larthagmois, fut vaincu a fon tour & fait pnlonnier. II demeura en captivité pendant quelques annéer. La guerrecontinuacependant toujours & les Romains prirent bientöt 1'avantage lur les Enncmis. Les Carthaginois, affoiblispar les pertes qu'ils avoient faites, réfolurent d envoyer a Rome des Ambaffadeurs, pour y traiter delapaix, &, en cas qu'ils n'en puflent obtenir une qui leur füt favorable, pour v propofer 1'échange des Prifonniers & fur-tout de certains d'entr'eux qui étoient des premières families de Carthage. Us crurent que Regulus pour- (|0 Attilius Regulus vivoit dans le smc flecie avant t Christ. Etant Conful de Rome, il coula a fond 32 Navires Carthagino.s & en prit 64; il défit enfuite Amilcarèc AsX oai, ii nt tuer, par des machines deguerre, fur le Fleuve Bagrada, un (erpent de iao pieds de long que les Carthadnois avoient pouffé au-devant de fon Armée'mais, un ITé™- S?™'^0^ XaUti?e,' ayant Pris le kommandement de* troupes de Carthage, défit celles de Regulus, qui étoient lortes de 30 mille hommes, dont il en prit 15 mille, S lesquels fe txouva Regulus lui-même. F F 4  s4 LA MORALE pourroit leur être d'un grand fecours, fur-tout par rapport au fecond articic. II avoit a Rome fa Femme & fes Enfants, grand nombre de Parents & d'Amis dans te.Sénat; fon Coufin Gcr, main étoit en outre revêtudc la dignité de Conful. On avoit lieu de préfumer que le defir de fe retirer du trifte état oü il languiifoit depuis plufieurs annécs, de rentrer dans fa Familie qui Ui étoit fort chere & d'êtrerétabli dans une Patrie oü il étoit généralement eftimé & refpecfé, le porteroit infailliblemcnt k appuyer la dcmande des Carthaginois. On le prefik donc de fe joindi-e aux AmbaMadeurs dans le voyage qu'ils fe préparoient a faire. II ne crut pas dcvoir fe refufer a cette demande. La fuite fera connoitre quels étoient fes motifs. Avant departir, op lui fit prêter ferment qu'en cas qu'il ne réuff it point dans fes demandes, il reviendroit a Carthage; on lui fit même entendre que fa vie dépendoit du mccès de fa Négociation, Quand ils furent prés de Rome, Regulus refufa d'y entrer, alléguant pour raifon que la coütume des Ancêtres étoit de ne donner audience aux Amba'dadeurs des Ennemis que hors de la Ville. Le Sénat s'yétantaiTemblé, les Députés de Carthage , après avoir expofé le fujet de leur Ambalfade, fe retirerent, Regulus vouloitles fuivre , quoique les Sénateurs le priaffent de refter,' & il ne fe rendit k leurs prieres qu'après que les Carthaginois, dont il fe regardoit commel'Efclave, le ■lui euffent permis. II ne paroft pas qu'on fit mention de paix. La délibération ne roula que fur les Prifonniers. Regulus, invité par la Compagnie adire fon .3vis3 répondit qu'il ne pou, voft \  DE L'ADOLESCENCE 85 Voit le faire comme Sénateur, ayant perdu cette gloneufe quahté, auffi bien que ceile de Citoyen Romain, depuis qu'il étoit tombé entre les mains des Ennemis: mais il ne refufa pas de dire, comme Particulier, ce qu'il penfoit. La conjoncW étoit délicate. Tout le monde étoit touche du malheur d'un fi grand homme. U n'avoit qu a prononcer un mot pour recouvrer, avec la liberté, fes biens, fes dignités, fa Femme fesEnfants^ fa Patrie: mais^ce mot Jui paroiiloit contraire al'honneur & au biendel'Etat rn/f tf ftmtii qu'aux fentiments que lui iaM, loient la force & la grandeur d'ame. II déclara donc nettement qu'on ne devoit point fonger a faire 1 echange des Prifonniers; qu'un tel exemple auroit des fuites funefïes a Ja République; que des Citoyens qui avoient été aflèz laches pour hvrer leurs armes a 1'Ennemi étoient indignes de compaffion & incapables de fervir leur •jatne; qiie, pour luj, ^ Page oü il étoit, on devoit compter que le perdre c'étoit ne rien perure, au heu qu'ils avoient entre leurs mains plubeurs Generaux Carthaginois dans Ja vieucur de 1 age & en état de rendre encore aleur Patrie p grands feryices , pendant pluficurs années. <~e ne tut pas fans peine que le Sénat fe rendit a un avis qui devoit coüter fi clier afon généreux auueur & qui etoit fans exemple dans le cas oüfe tiouvoit Regulus. Cet illuftre Captif partit de Rome pour retourner a Carthage, lans êtretou- £emomAla/iVe d0ul6Ur de Aniis ni 3es armesde fa Femme & defesEnfants, maisavec latranquilhtéd'un Magiftrat qui, libre enfin de toute affaire, part pour fa Maifonde Campagne. F S Ce.  85 LA MORALE Ccpendant, il n'ignoroit pas k quels fupplices il étoit réfcrvé. En efFet, dès que les Ennemis le virent de retour, fans avoir obtenu 1'échange, & qu'ils furent qu'il s'y étoit mêmeoppofé, leur barbare cruauté imagina des fupplices inouis & arma la main des Bourreaux. Ils le tenoient long-temps relferré dans un noir cachot, d'oü, après lui avoir coupé les paupieres, ils le faifoient fortir tout-a-coup pour 1'expofer au foleil le plus vif & le plus ardent. Ils 1'enfermercnt enfuite dans une efpece de coffre, tout hériifé de pointes qui ne lui laiiToient aucun moment de repos, nijour ni nuit. Enfin, après 1'avoir ainfi tourmenté par d'exceilives douleurs & une cruelle infomnie, ils 1'attacherent a une Croix, pour lui arracher le reftede vie que lui laiiToient encore ces horribles fouffrances. 5°- Un illuftre R.omain , nommé Fulvius , ayant rencontré fon Fils qui partoit pour joindre Catilina, le poignarde, en difant: je ne t'ai point donné le jour pour fervir Catilina contre ta Patrie , mais pour fervir ta Patrie contre Catilina. 6°- A la Bataille de Sempach, un Gentilhomme du Pays d'Undervald, en Suifie, nommé Arnold de Winkelried, voyant que fes Compatriotes ne pouvoient enfoncer les Autrichiens dont ils venoient de fecouer le joug, paree que ces Tyrans, armés de toutes pieces, ayant mis pied a terre & formant un Bataillon ferré, préfentoient un front couvert de fer, hériffé de lances & de piqués, concut le généreux deflein de fe facrifier pour fa Patrie. Mes Amis, dit-il aux Suilfes qui commencoient a fe rebuter, je vais donner ma vie pour vous procurer la vittoire: je  DE L'ADOLESCENCE 87 je vous recommande feulement ma Familie. Suivezinoi fi? agiffez en conféquence de ce que vous me verrez faire. A ces mots, il les range en forme de tnangle dont il occupe la pointe, marche vers le centrc des Ennemis &, embraffant le plus de piqués qu'il peut faifir, fe jetteaterre, ouvrant a ceux qui le fuivoient un chemin pourpénétrer dans eet épaisBataillon. Les Autrichiens, une Jois entamés, furent vaincus, la péfanteur de leurs armes leur devenant funeftes. . 7°- Au Combat de Cloftercamp, dans la derniere Guerre des Francois en AUemagne, Mr. d Alias, Capitaine dans le Régiment d'Auvergnc, setant avancé, pendant lanuit, pour reconnoitre le terrein, fut faifi par des Grenadiers ennemis, embusqués pour furprendre 1'Armée l-rangoife. Ces Grenadiers l'entourent&lemenacent de Je poignarder fur le champ, s'il faitle moindre cri quipuilfeles faire découvrir. Mr. d'Affas, fous la pointe de vingt baïonnettes, fe* devoue, ene d'une voix généreuie: dmoi, AuvergneJ ce font les Ennemis! & tombe a 1'inftant perce de cent coups. Le Régiment d'Auvergne, mltruitparcemoyende la préfencedes Fnnemis, foutint leur premier effort, les repouifa, & il s enfuivit une viétoire complette. 8°- Un Empereur de la Chine, pourfuivi par les armes vióforieufes d'un Citoyen, voulut fe fervir du refpeft aveugle qu'en ce Pays un Fils a pour les ordres de fa Mere, afin d'obliger ce Citoyen a mettre bas les armes. II députe vers cette Mere un Officier qui, le poignard a la main, jui dit qu'elle n'a que le choix de mourir ou d obeir. Ton Maitre, lui répondit-elle avec un  88 LA MORALE un fourire amer, fe feroit-il flatté que fignorajfe les conventions tacites, mais facrêes, qui uniffent les Peuples aux Souvcrains, par lesquelles lesPeuples s'engagcnt a obéir voulut être encore e Bourreau : il poignarda ce Malheureux qui recjamoit inutilement Dieu & les Hommes, fe pkugnant de 1'infraéfion des droits de 1'hofpita! hte. Baleins renvoya le Corps aux Parents du Mort: mais, comme il jugeoit que, fi cette Aotton venoit, par une voie étrange, a la connwiTance du Roi dc Navarre de |uiil tenokfa 0 5 Coau  102 LA MORALE Commiffion, on ne manqueroit pas de prévenir ce Prince contre lui, il prit leparti de Pen informcr lui-même &, lui mandant le détail de ce qui s'étoit paffé , ajouta que , dans un jufte fujet defe venger d'un affront fi fenfible, il n'avoit cependant rien fait que liiivant les formes de la Juftice, qu'il lui envoyoit les Copies du Procés & gardoit les Originaux pour fa juftification ; qu'il le fupplioit de lui donner fa grace, difpofé , s'il le fouhaitoit, k remettre le Chatcau a qui bon lui femblcroit; & qu'il étoit affez content d'avoir trouvé lemoyen de fe venger, par fes mains, de 1'outrage qu'il avoit recu. Le Roi de Navarre fut irrité de 1'audacc de Baleins & de 1'énormité de cette aclion: néanmoins, comme il appréhendoit que, s'il refufoit a eet Homme violent ce qu'il demandoit, il ne feportat k quelque réfolution qui pouvoit être dangereufe dans les conjonftures préfentes, il lui envoya fa grace: mais, en même temps , il fit partir un Homme dc confiancc pour prendre posfcffion du Chateau. Baleins le remit, fans difficultéj fur les ordres du Prince & fe retira avec - fa Familie dans une Maifon affez forte qu'il avoit au voifinage. IV'"". II eft jufte, il eft beau du moins de ne pas facrifier l'avantage des autres au ften propre. Le célebre Cardinal d'Amboife (e) avoit fait con- O) Miniftre d'Etat fw Louis XII, Roi de France. II gouverna avec douceur, n'ayant en vue que l'avantage de la Rcligion, la gloire du Rpyaume & ie bonheur du Peuple; il protégea beaucoup les Gens de Lettres. Sa mort arriva cn 1510.  DE L'ADOLESCENCE. 103 cönftruirej avec beaucoup de foins& de dépenies, la belle Maifon de Gaillon: mais il manquoit a ce Chateau une dépendance plusétcndue Lln Gentilhomme voifin, poffeffeur d'une Terre dont 1'acquificion convenoit beaucoup au Cardinal , la lui fit propofer. Le Miniftre répond-'t que le Gentilhomme n'avoit qu'a vcnir chez lui quils parleroient enfemble de 1'affairc. Celui' ci ne manqua pas de s'y rendre. D'Amboife apres 1 avoir fait diner avec lui, lui dcmanda' pohment qu elle raifon 1'cngageoit a fe défaire ae ia lerre. Je pourrai, lui répondit lc GenS°mï?i' méHter $ar4h Vh™neur ie votre pro. teltionp de vos bonnes graas: je meverraien état detablir avantageujeraent ma Fille; & durcfte is la fomme je me f er ai une rente aujfi forte que le revenu de ma Terre. Le Cardinal lui repréfenta alors que , fans avoir recours aun rrioyen qui le dépou.lloit tout-a-coup d'une Terre fi ancienne dans ïaMaiion, il auroit dü emprunter a Jongs termes cc lans mtérets de quoi marier fa Fille. Om ne trou vepasaifément, reprit lc Gentilhomme, de l'ar-ent a emprunter ie cette maniere. . . . C'eft moi *Ve phqua le Cardinal, qui vous prêterai Vargent*dom vous avez befoin ; & je vous accorderai \in affez long terme pour que vous puiffiez me le rendre, fans vous mcommoder & fans être obligé de vendre votre Terre. . . Auffi-töt, il lui fit compter tout argent dont il avoit befoin avec obiigation de Je lui rendre dans Pautre Monde. Queiqu'uu ayant demandé au génércux Prélat Je lüccès de cette Affaire. Au lieu d'une Terre, répondit-ij .; ai acqms un Ami. Pouvois-je la terminerplus het! rcujement? r Le  104 LAMORALE Le feu venoit de prendre a un Village de la Fionie. Un Payfan courut auflï-tót porter des fecours aux lieux oü ils étoient néceffaires. Tous fes foins furent vains: 1'incendie fit des progrès rapides. On vint 1'ayertir qu'il avoit gagné. fa Maifon. II demande fi celle de fon Voifin étoit endommagée? On lui dit qu'elle brüloit & qu'il n'avoit pas un moment a perdre, s'il vouloit conferver fes meubles. J'ai des c hof es plusprécieufes a cow/èrver,repliqua-t-il fur lc champ. Mon malheureux Voifin eft malade & hors d'étatde s'aider lui-même. Saperte eft inévitable, s'il n'eft pas fecouru; &je fuis fur qu'il compte fur moi. Dansle même temps, ilvolea la Maifon de 1'Infortuné; &, fans fonger a la fienne qui faifoit toute fa fortune, il fe précipite a travers les flammes qui gagnoient déja le lit du Malade. 11 voit une poutre embrafée, prête a s'écrouler fur lui, il tente d'aller jufques- la; il efpere que fa promptitude lui fera éviter ce danger qui, fans doute, eut arrêté tout autre. II s'élance auprès de fon Voifin, le charge fur fes épaules & le conduit heureufement en lieu de füreté. Pour récompenfer cette belle action, la Chambre (Economique de Coppenhague donna a ce Payfan un Gobcict d'argent , rempli d'Ecus Danois ; la pomme du couvercle étoit furmontée d'une Couronne Civique, aux cótés de laqueile pendoient deux petits Médaillons fur lesquels on avoit gravé le fait en peu de mots. . V'"e. II y a de l'infiftice h rougir des bienfaits qu'on a recus, a ne pas les reconnoüre même hautement. Un Gentilhomme Efpagnol fc vengea un jour, d'u~  DE L'ADOLESCENCE. 105* d'une maniere affez particuliere, de 1'ingratitude d'un Favori de Charles V, Roi d'Efpagne. Ce Gentilhomme avoit fait préfenc au Seigneur de. Chevres, c'étoit le nom du Favori, de la plus belle Mule qui füt dans le Royaume; elle étoit fuperbement enharnachée & ce Favori en parut tres-content. Peu de jours après, Chevres étant aune fenêtre oü il prenoitl'air&sTentretenoit avec un Seigneur de fes Amis, ils virent palfer cette Mule. L'Ami, charmé du poil, de la fineife & du pas de eet Animal, demanda au Favori d'oü il 1'avoit eue. Chevres répondit froidement qu'il ne s'en fouvenoit pas. Le Gentilhomme, qui la lui avoit donnée, étoit préfent; il ne put entendre ces mots, fans un extréme dépit, & fe retira avec un delir fecret de .mortifier 1'Ingrat qu'il avoit obligé. Jl fit répandre, k eet effet, par toute la ville des Affiches dans lesquelles il expofoic avoir perdu, depuis tel temps, une Mule de prix. II Ja depeignit d'ailleursfi bien qu'aux fignalements qu'il en donnoit elle étoit très-reconnöiifable. On fut bientöt k la Cour que la Mule perdue&criée étoit celle dont le Seigneur de Chevres fe faifoit honneur, ce qui apprêta k rire, pendant quelque temps, aux dépens de ce Favori. L'Empereur Bafile (ƒ) courant a la Chaffe, un Cerf le prit avec fon bois par la ceinture. Qoe!- (ƒ) Ce Bafile de firnple Soldat devint Ecuyer & Chambellan de Michel, Empereur des Grecs, & enfin fon Affasfin en 867. II torturoit les Hommes & paiioit cependant de la Reügion, comme s'il eut été 1'Ami des Hommes qu'elle prolege; c'eft fous ion Regne que fe tint a Conitantinople le VIII*»  ioó LAMORALE Quelqu'un de fa fuite tira 1'épée, coupa cette ceinture & le délivra; le Monftre, plus di^ne des Carrières que du Tröne, lui fit trancher la tête, par la plus lache ingratitude, difant qu'il étoit criminel de tirer 1'épée contre fon Souverain. Un Roi de Mandoa, dans l'Indouftan, aufïï Tyran que ce Bafile d'odieufe mémoire, étant tombé dans une Riviere, en fut heureufement retiré par un Efclave qui s'étoit jetté a la nage & 1'avoit faifi par les cheveux. Son premier ibin, en revenant a lui-même, fut de demander le nom de celui qui 1'avoit retiré de 1'eau; on lui nomma 1'Efclave bienfaiteur, ne doutant pas qu'il ne füt récompenfé k 1'égal du fervice important qu'il venoit de rendre: mais quelle fut la furprife, quand on entendit le Barbare ordonner la mort de celui qui lm avoit fauvé la vie & en donner , pour raifon, qu'il étoit facrilege de mettre la main fur la tête de fon Prince!.... Vlme. II eft injufte d'abufer du malheur d'autrui pour en obtenir des concefions odieufes: mais U eft encore plus injufte, les ayant obtenues , de ne pas remplir les engagements qui les ont fait obtenir. Sephinius Acindynus, Gouverneur d'Antioc^ie C&)a au Siècle, apprenant qu'un Ci- toy- VIlJ»w* Concile CEcuménique & que les Rufles dêvïnreiit Chrétiens. L'Hiltoire ne s'en occnpe qu'avec exécration. (g~) Antioche, dont on ne voit guere que les ruines , étoit la Capitale de la Syrië, dans 1'Aüe. Elle eft fur la Riviere d'Alii, qu'on nommoit autreibis 1'Oronte, ;i 6 lieues de la Méditerranée; & lesTurcs la poiTedent depuis leur Empereur Selim Ier qui5 en 1516, 1'enleva a Campfon, Sultaa d'Egypte.  DE L'ADOLESCENCE. 107 toyen ne portoit pas a 1'Epargne la livre d'or k laquclle il avoit été taxé, le fitmettre en prifon & le rnenaca même de le faire pendre, s'ilne recevoit pas la fomme dans le temps qu'il lui marquoit. Le terme alloit expirer fans que ce pauvre homme fe vit en état defatisfaire le Gouverneur. Sa Femme, d'une beauté raviifante , crut devoir, dans ce prelfant danger, facrificr ce qu'elle avoit de plus cher pour fauver les jours de fon Mari. Elle alla le trouver dans fa Prifon & lui communiqua les propofitions que lui avoit fait un homme riche de payer fes fa veurs du prix qu'elle defireroit. Le Prifonnier lengagea, lui commanda même d'accepter ces oftres. Elle obéit: mais 1'homme vil qui la déshonoroit, au lieu de lui donner 1'argent promis, lubltitua a la place une bourfe pleine de terre La Femme, de retour chez elle, ayant appercu la trompene, en demanda juftice au Gouverneur & avouale fait ingénuement. Acindynus, qui reconnut auffi-töt les fuites honteufes de fa trop grande rigueur, fe condamna d'abord a payer au bisclahvre d'or; enfuite, il adjugea a la Fem me la Terre ou Seigneurie de l'l^mme injufte d ou avoit été prife celle qu'elle avoit trouvée dans la bourle. VII™. Si, par in-attention, par incapacité, par Jeduction même, on a commis quelque faute envers le Frochain, de telle ou telle nature, rfimporte ff qu'on foit affez heureux pour parvenir d le reconnoi tre, il eft de ïexaEte probité d'en faire d'abord réparatipn. Mr. delaFaluere, Premier Préfident de Bre tagne, nétant encore que Confeiller, avoit été nom-  ïoS LAMORALE riomrné Rapporteur d'une Affaire. II en I ai fik I'examen a des Perfonnes qu'il croyoit d'auffi bonne foi que lui; & , fur 1'Extrait qu'elles luien remirent, il rapportale Procés. Quelques mois après le Jugement, eet Homme integre, mais furpris, reconnoït que fa trop grande confiance & fa précipitation ontdépouilléune Famillehonnête & pauvre des feuls biens qui lui refloient. Il ne fe difïïmule point fa faute: mais, nepouvant faire rétra&er 1'Arrêt qui avoit été fignilié & exécuté, il fe donne les plus grands mouvements pour retrouver les malheureufes viétimes de fa négligence. II les retrouve enfin. 11 ne craint point de leur avouer ce dont il fe fent coupable & les force d'accepter, de fes propres deniers, la fomme qu'il leur avoit fait perdfe involontairement. VIII™. Le comble de toutes les injuftices eft fans doute de charger d'un crime, contre fa propre confcience , contre les propres lumieres de fa raifon , une Perfonne qui n'en eft point coupable. Telle fut 1'iniquité d'Alexandre le Grand envers Glaucus. Ce Conquérant, aprés avoir porté dans Jes Indcs la terreur de fes Armes toujours vi&orieufes , étoit revenu dans la Ville d'Ecbatane, Capitale dc la Médie. Hépheftion, qu'il aimoit beaucoup, k qui il communiquoit fes plus fecrettes penfées, dont il étoit même devenu Ie Beau-Frere , ayant époufé 1'Aïnée des Filles de Darius & lui ayant donné en manage la Cadette, vint k mourir, dans cette Ville , des fuites d'une indigeftion qu'avoit occafionnée fa gloutonnerie, pendant qu'il avoit la fievre. Cet événement porte Alexandre au défes-  DË L'ADÖLÊSCENCË ïo* * ^ravagance. II fait pendre Ie lVlcdecin Glaucus pour avoir quitté fon Malade qui n avoit trop mangé qu'en ion abfence; &, voulant que tout le monde & même les Ani- que , lur le champ, en ligne dc dcuil, on coupe les crins des Chevaux & des Muiets, qu'on abbatte les creneaux des murailics de toutes les \ ilLs&quonne.,oue, dans le Camp, d'aucun Inftrument deMufique: ce qui dura ufqu a ce qu il vint un oracle de Jupiter-Ammon qu'il vére Hephefhon & de lui Ikcriiicr comme aux pemi-Dieux Alexandre enfuite , pour faire diverfion a fa douleur, alla faire la güerre aux £rW ?* qUr' extertóina t0"s , fans épargner meme .es enfants ; cette expédition barbare fut appcllee lefacrifice des Funêrailles d'Hépheftiom C eft ainfi. que les plus belles vertus dégénerent A«StY9Üvd °n f/a"chi6 les °°™&que la iageile & la raifon prefcrivent. H JÖIX-  IIO LA M O R A L E Dl X - II ULTIEME LECON Bienfaifance envers nos Amis. Jjj y a une forte de dureté dans la Juftice: mais la Bienfaifance eft douce , aimable. Si elle fait un heureux, ce n'eft pas, comme la Juftice, par le feul devoir , mais encore par amour pour celui qui en eft 1'objet. La Juftice a quelque rapport au Grand Etre dont elle veut s'approcher. La Bienfaifance, toute occupée de 1'Homme dont elleopere le bonheur, feconcentre ici bas, fans attendre dc rétribution, fans y fonger même; c'eft dans lesjyeux, c'eft dans le coeur, qu'eft fa récompenfe. Mais envers qui convient-il que s'exerce d'abord notre Bienfaifance ? Envers nos Amis & par ce nom j'entends tous ceux qui nous font du bien * qui nous en ont déja fait, qui nous en feroient encore, s'il étoit en leur pouvoir : Peres, Meres , Freres , Soeurs, Parents, Alliés &c. Voici quelques exemples frappants de cette Bicnveillancc. TRAITS IIISTORIQUES V>- Epoufe qui, par Bienfaifance envers fon Epoux, lui cache la mort d'un Fils qu'il idoldtre. 'ivccinaPcetus, Noble Romain, fous 1'Empi- re  DE L'ADOLESCENCE rtf fe deClaude, & un jeune Fils qu'il avoit étoient enmcine temps malades & tous deux dangéreu ement. Le Fils mourut: Jeune Homme aimabic & par la figure & par les fentiments. La célebre & tendrc Arrie (a) , Mere du Défunt, déroba a.fon Epoüx , de peur de 1'afhW & d empirer fon mal, la connoiiTance de la moS & des funérailles de fon Fils. Bien plus,Zs qu elle entroit dans la chambredu Malade elil ne laiiToit paroitre fur fon vifage aucune marqué de triftefle. Partus ne manquoit pas de fut mis* Ja tfaitihe (ƒ) & i on- s'efForca de tirer dc lui le fecret de fon Ami. D'abord, oneffaya de 'éb ouir par de belles promeffes: mais, ce moven n ayant pu réuffir, on erpploya, pour le faire parler, Ja crainte de Ia mort. On lui f> fon proces comme k un Coupable & les Wes k cm 1 on alfura qu'on Jui accordcroit fa grace fur Jecbaffaud, le condamnerent a mort.0 Le °l néreux Chevalier fut conduit au fuppljcc. Sa conftance ne fe démentit point dans eet affreus moment; il fembloit, au contraire, fouffrir la ce de ion Ami. Quelques ïnterrogatjons qu'on lui CO C'eft un Chateau de Porie /->., „ ~ ~ 1369, fous Chïïc V Roi d^FraKe-Tlt " M IJöj, ij fen ciaintenant de Prifon ^.wiair,  nS LAMORALE lui fit, il gardoit toujours un filence profond &, s'il le rompoit, c'étoit pour attefter lc zelc & la fidélité de Chateauneuf. Monté fur 1'échaffaud & n'attendant plus que le coup mortel, le Chevalier entend crier, grace! grace! Alors un Juge s'approche &, lui faifant valoir la clémence du Roi, f exhorte a révéler les delfeins coupables du Garde des Sceaux. ,, Je vois, lui dit le Chevalier, votre bas & criminel „ artifice. Vous prétendcz tirer avantage de „ la frayeur que le péril de la mort peut m'a,, voir caufée. . . Connoilfez mieux vos gens... „ Je fuis auiïi maitrc de moi-meme que je Pai „ jamais été. . . Mr de Chateauneuf eft un fort honnéte-homme qui a toujours bien fervi le „ Roi." Richelieu, (g) auteur de la difgrace de Chateauneuf, eut fouhaité fans doute, au milieu de fa fortune , d'avoir un pareil Ami. lX"'e. Prifonnier qui, par reconnoijfance pour fon Geolier, dont il a obtenu la liberté de fortir quelque temps de prifon, vient s'y conjtituer de nouveau. &c En 1763 , un Anglois, nommé Guillaume Orrebow, fut condamné a mort avec 15 autres Cou- Qr) Richelieu , Cardinal , Premier Miniftre d'Etat de Louis XIII, Roi de France, grand Politique, grand Pro-i tecteur des Sciences & des Ans, mais Convent defpote & dès-lors injufte. La Poftérité oubliera le Jardin du Roi, a Paris, 1'Académie Frarif oife, rimprhnerie Royale , le Palais Royal, la Sorbonne &c, qui lui doivent leur exiftence & qui femblent rimmortalilêr: mais peut-étre fe reffouviendra-t-elle, jufqu'a 1'extinclion totale des Lettres fur ce Globe, de 1'hiftoire atroce des Diables de Loudun, in^entée pour perdre un Eccléfiaftrque qui avoit eu le malheur d'être en concurrence avec lui, ainfi que de fon ingratitude' envers la Reine Marie ce Médicisi II mouru: a 58 ans., f..r la fin de 164^.  DE L'ADOLES CENCE u9 Coupables. La veille du jour de 1'exécution, il eut envie de voir fa Femme & de lui faire fes adieux. II avoit de 1'argent. II fit venir du vin cc inyita le Geolier a boire avec lui; quand il i eut a demi enyvré, il lui expliqua fes defirs & lui demanda Ja permiffion de fortir, pendant 2 Jieures, s'engageant, par les ferments les plus torts, a revenir auffi-töt. Le Geolier , échaufte par le vin , incapable de réfléchir & pénétré de reconnoiffance pour celui qui 1'avoit fi bien regale, ola compter fur fa parole. Les portes lont ou vertes. Orrebow vole chez fa Femme qui eft très-furprife dc le voir & qui ne manque pas dc 1 exhorter a profiter de la circonftance. Orrebow rappelle fa parole, attefte la fainteté du ferment; tout ce qu'il fe permet, c'eft de palier la nuit avec elle, Le Geolier, ayant, par le fommeil, diffipé fes illufions bacchiques & ne voyant pas revenir fon Prifonnier, étoit dans une mquiétude mortelle. L'heure de 1'exécution approche. Les charriots font arrivés. II devoit y avoir 16 Criminels, on n'en trouvc plus que 15. On interroge le Geolier qui raconté fa tnfte aventurc. On fc moque dc fa confiance. L'affaire étant de conféquence, on le fait monter dans le charriot, a la place du Coupable, & l'on part pour Tyburnf Orrebow s étoit oublié dans les bras de fa Femme ! i-n^11101^11^0"^1110^- 11 fe révcilJ^ enfin, 1 l 1 V%d° 1 APP^™t q«'ü eft tard ïl fe hate de s'habiller & court a la Prifon On etoit deja parti. II prend le chemin dc Tyburn, dfSr.6 enfcles charrtDbi s'approche, hors halen e, de celui oü eft Je Geolier: defcendez, Uïi dit-il, vous avez tenu ma place affez long temps]  Ï20 LA M ORALE je viens la reprendre; fi l'on ne s'étoit pas tant preffé de partir, vous n'auriez pas eu la peine de vpnir jufqu'ici & moi je ne meferois pas fatigué, en courant pour vous rcjoindre. II monte, en difant ces mots, s'aiïïed, reprend haleine, rcmcrCie encore le Geolier <§c fe plaint amereraent de ce qu'on 1'a cru capable dc manquer a fa parole. Queile ame que cclle de ce Crimincl! N'cut-il fait, en fa vie, que cette aélion dc vertu, elle devoit lui méritcr fa grace. X'"e. Vieillard qui, envifageant tous les Soldals comme les Amis de fes Qoncitoyens qu'ils défendent, comme les fiens propres , vcut du moins en couyrir un de fon corps, pnur le fouftraire au trépas. Le Général Gage, Anglois, envoie , en 1775 , un Detachement de Trouples Rcglées contre un Corps dc Milice Amcricaine, prés de Worchcfter, Les Américainsfe difpofenta bien recevoir les Anglois. Un Vieillard, de.80 ans, fj joint a cux. On le prie de fe retircr, vu fon age, mais il' repond. . : ,, Ma mort peut être ;, encore vuile a la Patrie: car, fi je ne puis plus combattre pour elle, je me mettrai du „ moins devant un plus jeune que moi, afin ,, dc recevoir, a fa place, le coup dont il pour,, roit être atteint." II eut permiffion de combattre. . . . Echappa-t-il au feu ou au fer de PEnnemi? . . . c'eft ce qu'on ignore. Son cou-. rage mériterqit bien ccpendant que la Poftérité füt de queile maniere il terrnina fa vie. XI"'f. Officier qui , par rapport a Vhofpitaliti qu'on lui donne, fe croit obligé de fauver la fortune de la Maifon oü il loge. Un Fermier recut vingt mille livres en or; &, obligé dc faire un petit voyage, il en laiffa ïe  BE L* ADÖLESCË NCE iVj le foin k fa Femme. Le föir même, un Officier, furpns par le mauvais temps, demande 1 hoipitalité dans la Maifon oü, les Valets de' ïerme logeant plus loin , cette Femme fe trouvoit leule avec une Servante. Elle accueillé avecarrabilkélenouv-el Hóte. . . Sur Je minuit, on entend frapper a la porte: ce font 4 Voleurs cm , mftiuits du départ du Fermier , mais fans la fomme , viennent faire un coup de mam. Ils demandent a parler k la Fermicre &, fans autre compliment, lui déclarent que, li clJc ne leur livre pas d'abord cette fomme, ils vont mettre tout a feu & a fang. La Fermicre, fans fc troubler, leur dit que, pour les latisfaire, cJJe va chercher les clefs: mais elle coure a la Chambre de 1'Officier, qui alloit fe coucher, & 1'inftruit du malheur. Celui-ci, en bornme de tête & de courage , prend fon parti fur lc champ. Allez, dit-il a cette Femme, leur ouvrir la porte & que votre Servante, en leurJprtam la fomme , fe laife tornier cemme une büle conjlemée, hors d'elk-même; je me charge du rejle, . . Effectivement, auffi-töt que la Servante eut femé de louis lc plancher, les Voleufsfe jettent defius. Alors, f Officier parofede, profitant dc fon avantage, cafie, avec fes deux piftülets, la tetea deux Voleurs; il met auffitot 1 epee a la main & en blefic un 3™ fi grievement qu'il expire d'abord. Pendant cc temps, Ie 4»« avoit pris la fuite. Tout ceci fut 1'affaire d une minute. La Fermiere, revenuè a elle-meme, voulut partager avec fon Bienfaiteurles vingt mille livres: mais 1'Officier, trop genereux pour profitcr dc cette offre, fe trouve aiicz recompenfé par le plaifir d'avoir fau-  122 LA MORALE fauvé celle qui 1'avoir recu fi obligeammcnt.XIII"". Roi qui, plein cf affection pour fes Compatriotes, leur partage fes biens. Agis IV, Roi de Lacédémone, auroit pu vivre, comme la plupart des Monarques, dans i'opulence & dans les délices : mais il méprifa 1'un & 1'autre. Plein d'un noble défintéreflement, entierement détaché des richefles, loin d'augmenter fes biens, il voulut rétablir 1'égalité que les loix de Lycurgue (h) avoient mife entre les Citoyens, il en donna le premier 1'ex- C/0 Licurgue, Légiflateur des Lacédémoniens ou Spartiates. Fils & Frere de Roi. II n'ambitionna point la Couronne que fa BeUe-Sceur enceinte lui offrit, après la mort de fon Frere, s'il vouloit 1'époufer, ofFrant de fe faire avorter a cette^ condition: mais il devint 1'Ami, ainfi que le Tuteur, de rEnfant dont cette Malheureufe accoucba & lui remit le Gouvernement, quand il eut atteint 1'age de majorité. Malgré cette noble conduite, fes Ennemis, fufcités fans doute par fon odieufe Belle-Seeur, 1'accufcrent de vouloir ufurper la Souverainté. II fe retira alors dans 1'Ifle de Crete & y médita fur les Loix des difFérents Peuples dont il avoit parcouru les Pays dans fes Voyages , pendant la vie d/Eunome, fon Pere, Roi de Lacédémone, fpécialement fur celles des Egyptiens & des Indiens, ainü que fur celles des Crétois; il revint enfuitedans fa Patrie, quand Ia calomnie, ceflantde ie noircïr, lui permit d'y rentrer. Ce fut alors que, par la perfuafion & non par la force, puifqü'il n'y avoit aucune autorité, il parvint a en changer les Loix. Pour prévenir les défordres que caufent le luxe & 1'amour des richefles, il défendit 1'ufage de 1'or & de 1'argent; il mit de 1'égalité entre tous les Citoyens; il leur irifpira le feul amour de la Patrie, faifant taire dans leur cccur toute autre aiFeciion ; il les rendit fobres, infatigables, guerriers, héros même: mais, difenc fes Critiques, car le plus grand homme en a, il ne refpefla ni les droits des Peres & des Meres fur les Enfants, qu'il en fépara, ni la pudicité du Sexe qu'il habilla nop a nud & qu'il livra, comme les Hommes, aux excrcices militaires.  DE L'ADOLESCENCE 123 1'exemple, mit tout ce qu'il pofledoit en commun & deicendit au'niveau des autres. XIV'/- I?our terminer cette Lecon, nous ne pouvons mieux* faire que de rapporter k maxi PhalL^'J T*f%r> d° Dcm«r;us de" Jhaleie, (0 cherchant a difcerner les faux Amis des Amis de coeur & finceres. Les vrais Amis, cmoiL-il, attendent qu on les appelle dans la troJpente,: mais, dans VadverfiU, ils fe prèfentent deux-mêmes. r J (0 Demetrius dc Phalerc, Orateur & PhilofopWAthT "es, qu',1 gouverna, avec fageffe, pendant 1 ïdS^ premie." re s annees qui fuiv.rem Ia mort d'Alexandre le Grand & éto Se^ -fU|erbeS Lïdifices' Les Atl»^ns, dont ü étoit 1 idole , lm éleverent 260 ftatues: mais ceux qui lehaïffo.ent, prefque tous Membres du Sénat, le firent condamneramort, ce qui 1'obligea de fair en Ègyptè ou Tvécuc fous Ptolomee Lagus & même, fuivant quelques AuS fous Ptolomee Plnladelphe qu'il aida a formert ne Bioliothe que de 200 mille volumes, f, célebre dans 1'Hiftoire DIS»  124 LA MORAL Ë DIX-NEUVIEME LECON* Bicnfaifdncè envers nos Ennemisi faire du bien a fes Anus" eft digne d'éloge^ queile louange ne mérite pas la Bienfaifance en-> vers fes Ennemis! Par le premier acte, on le' livre ii un penchant naturel, on opere en fa propre faveur, on accroit fa propre félicité ^ en augmentant öelle d'un objet dont tous les fentiments s'identifient avec les nötres ; ce n'eft point un facrifke , mais une jouiffance. On n'en peut pas dire autant du fecond afte, de celui de la Bénéficence a 1'égard de fes Ennemis. Rien n'y porte. La Na-> ture fe fouleve, a 1'idée dc carcffer 1'être qui nous frappe, d'aimer celui qui nous hait, dc fauver les biens, fhonneur, ia vie même, de ceux qui s'acharnent a nous enlever, a nous arracher les nótres: mais, plus cette répugnance eft difBcile a vaincre, plus il eft grand dèfavoir vaineue, C'eft alors que 1'Homme, s'é!evant au-defïus dc 1'Hpmme, a l'honneur d'approchcr de la Divinité qui, par lesmiraelescón^ tinusls des Saifons , diftribue également fes bienfaits & k 1'Impie qui le blasphêmé & au Jufte qui 1'adore & ne eefle, tant par fes difcours que par fes aéfions, de publier fes louangcs. Les exemplcs fuivants dc Bienfaifance envers des Ennemis ont quelque chofe de li noble , de fi grand, qu'en ne pourra Jcs lire fans être frap-  DE L'ADOLESCENCE. *g frappé ^adrniration, fans être même épris du defir irréöftible de les imker, quand 1'occafion 6 en prélentera. TRAITS HISTORIQUES I". SoWtfj $«/, maltraité hng-temps &> avec injuf.tce par fon Bas-Officier, lui fauve néanmoins la vie aux dépens de la fienne, dam Une aztwn chaude cr meurtriere. Pendant le fiége de Namur, que les Énne', mis de la France avoient entrepris au commencement de ce Siècle, il y avok, dans Ie Réi ment du Colonel Hamilton , un Bas-Officier qu on nommoit l'Union & un fimple Soldat appelle Vaentin. Ces deux Hommes étoient ii , quereries, que leur amour avoit fait naitre, les rendirent ennemis irréconcilia°lcs< r™.' qLl1 fe troüvoit 1'Officier de Falen, tin, faififlbit toutes les occafions poffibles de le tourmcnter & de faire éclater fon reifentiment! Le Soldat fouftrmt tout fans réfiftance : maS il difoit quelquefois qu'il donneroit fa vie pon? etre vcnge de ce Tyran. Plufieurs mois s'étoiené paffes dans eet état, lorsqu'un jour ils furent commandes 1'un & 1'autre pourl'attacue du CMteau. Les Francois firent une förtié oü 1'Offi toer Union recut un coüp de feu dans la cuiffe" II tomba Sc, comme les Francois preflbient êb-e°SPartS ]e*AmiSe™tS> il «'attendoi 1 etie fou éaux pieds. Dans ce moment, il eut fecours 4 fon Ennemi Ah! Valentin, s'écria-t-il, ^ peux*  Iï6 LAMORALE peux-tu ni'abandonner?'Valentin, a fa voix, courÊ précipitamment a lui, au milieu du feu des Francois; il met 1'Officier fur fes cpaulcs ; il le porte couragcufemcnt, a travers les dangers, jufqu'i la hautcur de 1'Abbaye de Salfine. Dans eet endroit, un boulct de canon le tui lui-même , fans toucher k 1'Officier & Valentin tomba fous le corps de fon Ennemi qu'il venoit de fauver. Celui-ci, oubliant alors fa bleflure, fe releva, ens'arrachantles cheveux, &, fe rejettant auffi-töt fur ce corps défiguré, il s'écria: Ah ! Valentin! Valentin!- La douleur étouffoit fa voix. . . Rompant enfuite un filence mille fois plus touchant que les larmes les plus abondantes, Valentin, continua-t-il, généreux Valentin, eft-ce donc pour moi que tu meurs! Pour moi qui te traitois avec tant de barbarie! ... Je ne. puis ie furvivre. . . Je ne le yeux. . . Non. . . II ne fut pas poffible d'arracher Union de delfus le corps fanglant de Valentin. Enfin , on 1'cnlcva, tenant toujours cmbralfé le corps de fon Bienfaitcur ; &, pendant qu'on lesportoit ainfi 1'un & 1'autrc dans les rangs, tous leurs Camarades, qui avoient connu leur inimitié, pleuroient & de douleur & d'admiration. Lorfqu' Union fut reporté dans fa tente, on panfa de force la bleflure qu'il avoit recue : mais , lc jour fuivant , ce Malheureux, appellant toujours Valentin, mourut aceablc de regrets. 11^. Prince qui, pouvant fe venger d'une Ville tpui, non feulement lui avoit ferme fes portes quani il fuyoit devant fes Ennemis, mais même avoit eu la barbarie d'expofer h leur fureur fa Femme & fes Enfants9 eut la généroftté de n'en tirer aucune ven-  DE L'ADOLESCENCÈ. i2f Vengeance & même d'en arracher les Habitants auv horreurs de lafamine- Demetrius Poliorcetès (>), Roi dc Macédoine, avoit fait beaucoup de bien au Peuple d Athencs. Ce Prince , en partantpour la guerre, aymt laifle fa Femme & fes Enfants dans cette Ville. II perdit la Bataille & fut obligé de prendre la fuite. Croyant pouvoir fe réfugier chez les Athéniens fes Bons Amis , il prit la route de leur Ville: mais ces ingrats refuferent de le recevoir; ils lui renvoyerent même fa Jemme & fes Enfants, fous prétexte qu'ils ne leroicnt pas en füreté chez eux oü les Ennemis pourroient les venir prendre. Cette conduite perca lc coeur de Demetrius; il y étoit d'autant plus fenfible qu il aimoit les Athéniens & lemen avoit iouvent donné des preuves. Quelque temps après, les affaires de ce Prince fe raccommoderent. II vint, a la tête d'une grande armee, mettre le fiége devant Athenes/Perfuadés qu ils n avoient aucun pardon a efpérer de Demetrius, les Habitants de cette Ville réfolurent de penr lesA armes a la main ; ils donnerent même un Arret décernant peinc de mort contre quiconque parleroit de fe rendre a ce Prince: mais ils ne faifoient pas réflexion que bientötils manqueroient de pain, puisqu'il n'y avoitpres- que 00 Demetrius Poiioreetès, c'efc-a dire, le Preneür de cllL n f',' ft 7,a.nsen Macédo^f j Seleucus, fon Gu ure, s'étant'rendu k Antio- che, * Moloffes, ne 1'eüt couvert de fon bouclier & n'eüt mis a mort les Aflaillants. Ce Prince , qui avoit néanmoins de grandes vertus milkaires,politiques & fociales,eft déshonoré, aux yeux de la Pófterité, pour avoir ufurpe' la Couronne de Macédoine qui appartenoit, a fon Neven, pour avoir taeiié d'alïervir la Grece, fa Patrie, pour avoir répudié Olympias cc pour s'étre tellement enivré, ainii qu'il en avoit 1'habitude, qu'une Femme qu'il jugeoic iniquement, dans fon ivresfe , fe, crut autoiifé a lui dire, fen appelle, . . . Et d qui en appdlez-vousl lui dit le Monarque. A Philippe d -jeün, répondit la Femme. II fut ali'ailïné par 1'un de fes Gardes, 1'an 336 avant J. Ch. (Jt) Julien PApoftat, immortel Empereur Romain, mais qui, ayant été élevé dans le Chriftianisme par les Fils du grand Conftantin, afl'aflins de fa Familie, f.t rejaillir fuf la Religion qu'ils profefibient la baiue qu'ils avoient feuls méritée. Devenu Céfar en 355, il remporta, clans les Gaules, pres Strasbourg, une célebre Victoire fur 7 Rois Germains. Ses troupes Ie proclamereut Empereur malgré lui, en 361; il fit alors tout ce qu'il put, mais en vain, pour rëtablir ie Paganisme. II mourut, avec affez de tranquillité, ayant été per-  DE L'ADOLESCENCE. 145 che, y fignala fon féjour par une a&ion de clémence digne des plus grands éloges- Les Magiftrats & ceux qui avoient été ci-devant en place eurent, fuivant la coutume, permiffion de venir faluer 1'Empereur: mais elle fut refufée, quoiqu'il la demandat, a un nommé ThaJaffius, paree que eet homme 1'avoit autrcfois deifervi. Différents Particuliers, qui plaidoient contre ce Magiftrat disgracié, chercherent a profitcr de cette conjonclure , amafferent, le lendemain, une foule de peuplc & aborderent 1'Empereur, en criant: ThalaJJius5/votre Ennemi, neus a enlevé nos biens! Jl a commis mille violences! Julien , qui étojt un Prince fpirituel, concut qu'on abufoit de la disgracc d'un Malheureux qui, coupable envers lui feul, étoit peut-être totalement innocent envers les autres. jf'avoue , dit-il aux Accufateurs, que votre Enneeft auffi le mien, mais c'eft precifément ce qui doit fuspendre vos pourfuites contre lui, en attendant que f en aie tiré raifon; je mérite bien la préférence. En même temps, il dcfendit au Préfet de les écouter jusqu'a ce qu'il eut rendu fes bonnes graces a 1'Accufé & il les lui rendit bientöt après. Un foir qu'Alphonfe XI (/), Roi de Léon & de perce d'un javclor, dans une Bataille contre les Perl'es, le 26" Juin de 1'an 363, ;i .32 ans. f/) Alphonfe XL, Roi de Léon & de Caftille, monta fur lVfrÓ"e en I312, 11 Ula' avec lc Roi de Portugal, 200,000 Maurcsdans une Bataille, le 31 Oetobre 1340; les chemins étoient, dit-on, couverts de corps morts a plus de 3 lieues a la ronde ■& [e butin y fut fi grand qu,e le prix de 1'or en baiffii d'un 6me. H mourut de pefte au Siege de Gibraltar, cn 1350. Sgé dc 38 ans. K 3  146 LA M ORALE deCaftille,revenantd'une expédition,marchoita quelque diftance de fes troupes, accorapagné d'un feul Officier ; il entra dans un Village & descendit au premier Gite qu'il rencontra. Deux Soldats , affis au coin du feu, fe trouvoient alors dans cette Maifon, Voyant cntrer le Roi, ils commenccrcnt a 1'infulter, fans le connoitre, & lui dirent même qu'ils ne fouffriroient point qu'il logcat dans cette Auberge; qu'elle étoit déja rernplie; & que, s'il ne fe retiroit promptement, ils alloient lui jetter les tifons a la tête. Alphonfe, loin de fe facher de ces injures, n'en fit que rire. L'Officier , qui étoit avec lui, alloit leur répondre d'une autre facon, s'il ne 1'en eut empêché : mais la-defius fes Gardes arrivcrent & il fut reconnu, Ces Soldats effrayés, fe jettant a fes genoux, lui demanderent pardon de leur infulte. Alphonfe les fit relever avec douceur & voulut qu'on les retint a fouper avec les Domeftiques de fa fuite. Quand Louis XII (m), Roi de France, monta fur le tröne , il fe fit donner f Etat de fa Maifon. II marqua d'une croix rouge le nom de ceux qui 1'avoient traverfé, dans le temps qu'il n'étoit encore que Duc d'Orléans. La Cour en fut inftruite & cette nouvelle jetta Ja confternation panni les Courtjfans; ceux qui avoient Louis XII, Roi de France, monta for le trónc en 149*?. Outre le trait de cléraence dont il eft ici queftion , on rapporte celui-ci, qu'il pardonua a Louis de la Trimoillc, qui 1'avoit fait prifonnier a la Bataille de St. Aubin, & qu'a cette occafion il dit ces belles paroles: un Roi de france tic vengc tojnf les injures fait» ag?r ?mmr? tombem^de quelque temps apres &fuit fon Epoireau tombeau. On alTemble la Familie & elle fe partage les trois Enfants les plus agés : mais perfonne ne veut fe charger_ du quatrieme qui n'a que quelques mois. Un des Parents eft chargé d'aller coniulter, a eet egard, un Eccléfiaftique vertueux qui , dans un Chateau voifin , élevoit deux jeunes Seigneurs. L'Eccléfiaftique ne voit d autre relfource que d'envoyer le mal! heureux Orphclin a 1'Hötel-Dieu de Blois ou aux Enfants Trouvés de Tours. Témoin de la confultation & de Ja réponfe, un des jeunes Eleves, agé d'environ 12 ans, s'écrie: je ml charge de l> Enfant, allons le voir. Son Gou yerneur lui repréfente, pour I'éprouver, quë fes moyens ne pourront fuffire k la dépenfe & que d'ai leurs Mr. fon Pere eft déja accablé dune multitude de Pauvres. Qüöi mon bol Maure, répondit le Jeune-Homme avec vivacite, ce Laboureur, qui vient vous confulter avec E 2 ia  i6q lamorale la plus grande confiance qui peut a peine faire vivre urn Mere infirnie, trouve, dans fa mifere, des rejfources pour fe charger d'un de ces malheureux Qrphelins , moi, fils d'un Pere riche , je n'en trouverois pas pour fecourir ce petit Enfant , encore plus infer tune ! Je facrifierai, avec la plus grande fatisfaction , tous mes menus-plaiCirs & je demanderai a mon bon Papa une Culture pour fournir aux befoins du petit Innocent^ Partons pour raffurer au plus vxte fa Familie. . , On court auffi-töt, on arrivé a la Cabane, on trouve 1'Enfant. II étend fes petits bras vers fon Bienfaiteur , il le careflé; on eut dit que Ie Ciel le lui défignoit. Le Jeune-Homme rernbraffe avec tranfport & dit aux plus pr'oches Parents : n'ayez. plus d'inquiètude fur eet Enfant, je m'en charge, il eft amoi. Cherchez une bonne Nourrice le plus pres du Chateau qu'il vous fera poffible: je veux étre a portée de veiller ci fes befoins. .. . Depuis ce temps, il ne fuc plus occupé, dans fes moments deloilir, que de eet Enfant qu'il appellojt fon Fils. II entroit dans le détail de tout ce qui lui étoit néceffaire ; & il lc lui fourniffoit avec cette joie pure & douce qui accompagne toujours la bien* faifance. Un Militaire, extrêmement bon, non feu. lement envers les Soldats qui étoient a fes ordres, mais aufli a 1'égard de toutes les autres Perfonnes qu'il fe trouvoit dans le cas de pouvoir obliger, avoit cautionné pour un Eraploi un Homme qui, s'y comportant mal, le perdit & laiffa, dans fa Recette, un vuide de 2.00q égus. Le généreux Militaire fut obligé de les payer. Cet acle de bienfaifance n'étoit connu que  DE L'ADOLESCENCE. 161 o.ms ia maiion, avec un de fes Fils aui non *oit avoir 11 a i2 ans, PEmpïoyémaTverfa teur s'y préfenta ; e!le lc recut & M üt mê avoit eue, Honteux , confus j totit hors de V/?rHo.mmc Par0l!r°ic dan* le plus vio Jent defeipoir. L'Fnfant, dont le coeur fouï Sanitff M 6,1 S tCnant Par Un fentimc"t vreM^S ^2 m tourm^ezplus CePauvre Monft ur , mais prem% , pour fuppléer a ce qui doit a mon -Papa ks 4.000 ïi£ £ £ " V une Parente m'a laiffees, Unnée der nier e, % rcndez-lm vos bontês dont la privation raffli) Autrefots le Fvat de Vüie Invita le Rat des Champs, D'une fapon fort civile, A des reliëfs d'ortolans.,.» Le Rat de Ville détale, Son Camarade le fuit. Le bruit cefTe, on fe retire; Rats en campagne aufli tót J Kr le Citadin de dire, Achevons tout notre rót. Llv. Iet Fab. lXk M 2  176 LAMORALE fieurs têtes & du Dragon a plufieurs queues ,' un Chiaoux, un Electeur, une Hydre (), des le CJerc (dj, des Abbadie (e) , s'affaiila julqu a leur faire commenter , de vive voix ou par écrit, 1'indéchilfrable Livre de l'Apocalypfe, ils avoient déja compofé , le i« fes Principes (?) Scarron,, 1'Auteur du Roman Comique, du Virgile Travejh &c. & Mari de la Maintenon, célebre Maïtrefle de Louis; XIV, perdit 1'ufage de fes jambes a 27 ans; il étoit ne a Paris en 1610. Qè) Jean Pic, Prince de Ia Mirandole, né en 14.61 & mort en 1494, eut l'affurauce, dont on riroit bien aujourti hui, de (outenir, dans Rome , a 24 ans, 500 Thefés fur toutes les Sciences connues, de omni fcibili. Le icme Siècle paroit auffi ignorant que Pic étoit oigueiileux: ils fe convenoient 1'un a 1'autre. (O Newton, le plus grand Mathématicien de l'Aneleterre, naquiten 1642, Ie jour de Noël, & mourut en 1717 U etoit bon Chrétien, ce qui n'étonna perfonne: mais il' voulut exphquerl Apocalypfe, qui eft inexpücable , & chacun en haufle encore les épaules. (dj Jean le Clerc, Profefleur en Belles-Lettres, en Hébreu & en Philofophie a Amfterdam oü il mourut en 173Ö, étoit ne a Geneve en 1657. On en eftime, outre les Ouvrages dont U eft parlé dans cette Lecon, le TRAiré de 1 iNCRéDULiTé qui lui fit une grande réputation. W Jacpues Abbadie , né en Béarn en 1654 & mort a St. Mary-Bonne prés de Londres , en 1727, avtcfa.Signie TrS°y? fe %>Moë m Iriande,a écrit, non-feulement le Traite de Ia VéRlTé de la Religion CuRériENNE, qui eft excellent, mais 1'Art de se connoïtre soi-móme, u„ ïantichefes! M J" CHRIST & deS S™s *ï  ï8ct LAMORALE pes & fon Optique, Je 2d fes 3 Bibliotheques & fon Ars Critica, le 3me fon Traite de Ja Véritè de is Religion Chrétienne. S'ils avoient été d'une conftitution vitiée, lorsqu'ils en formercnt les plans, lorsqu'ils méditerent Jeurs fujets, lorsqu'ils les digérerent, on n'en parleroit pas aujourd'hui comme de chefs-d'ceuvres. N'en doutons point, de la Force du Corps dépend celle de 1'Ame. Mais par quels moyens peut-on acquérir cette Force?... Par des cxercices affidus & méthodiques. En cultivant les domaines de Pomone & de Flore (ƒ), en pratiquant certains Arts agréables, comme ceux du Tourneur, du Mehuifier (g) &c, en fe promenant, en jouant même de temps en temps, a des Jeux qui demandent de la part du Corps plus d'opéraEions que de celle de TEfprit. On pourroit y joindre, mais avec retenue, la Danlé, 1'Escrime & PEquitation. Je dis avec retenue: car en général, dans les Bals, foit masqués, foit pa- (ƒ) La culture des Fleurs & des Fruits eft un fort bon exercice pour Ia fanté. Elle devroit entrer dans le plan de 1'éducation d'un Jeune Homme de Familie: paree qu'elle donne du mouvement, paree qu'elle fe fait en plein air, paree qu'elle inftruit, paree qu'elle répand dans le coeur un.e douce fatisfaétion qui eft le baume de la vie. Q>') Cette idee n'eft pas neuve. On 1'avoit eue avant Roulfeau de Geneve qui 1'a développée. Tout le monde y a applaudi: mais perfonne n'en fait ufage. II feroit facile néanmoins, fur-tout pour un Pere a 1'aife, d'occuper fon Fils aux Sciences, le matin, & aux Arts, 1'après-midi. Quel triste Animal qu'un Candidat de 1'une des Univerfités que je connois! II n'a pas même le mérite de fiivoir qu'il n'eft rien, qu'il eft au-deffous du rien, que mieux vaudroit qu'il füt Savetier, Ramoneur, Gadouard.  DE L'ADOLESCENCE. 187 parés, Ia Danfe porte a 1'oubli de la Pudeur • PEfcrime, dans les Diiputes, a 1'oubli de Hul manke; & PEquitation, dont 1'attrait eft fi puiflant, presque toujours a 1'oubli de fes devoirs & de fa fortune , d'oü réfultent finalement les dettes, les efcroqueries & une honteufe incarcération. Quand je vous exhorte, mon cher Difciple , a acquérir de Ja Force, je ne parle point de cette Force que la fabuleufe Antiquité prête ii gratuitement a unHerculequi, dit-elle, étrangla deslions, dompta destaureaux, fépara des montagnes & foutint le Ciel fur fes épaules • a un Polydamas qui , fous Darius Nothus ' K01 de Perfe, arrêtoit d'une main,par derrière, un char attelé de fixcourfiers vigoureux; a un Milon de Crotone qui, retenant fon baleine , gonrioit les veines de fa tête jusqu'a rompre la corde: dont il 1'avoit ccinte; ou au barbare commode , Empereur Romain, dont 1'unique gloire, fi een eft une, confiftoit a avoir tué en deux jours cinq hippotames (Chevaux Manns,; un autre animal, moitié chameau, moitié panthere, deux éléphans & un rhinoceros. cette j-orce extraordinaire n'eft pas celle que demande 1'exercice de vos devoirs. VTNGT-  188 LA MORALE VINGT-CINQUIME LECON. JL^es exercices du Corps , propres k lui don* ner de la force, lui donnent, en même temps* de 1'Agilité, dc 1'Adreife, faculté par laquelle* mon cher Difciple, vous pouvez être utile k vos femblables: par elle, dans un incendie, dans un naufrage, dans vingt autres événements malheureux, vous arracherez des hommes aux plus grands périls ; par elle encore, vous protcgerez contre les agreffions de 1'Opprefieur ♦ dont la force furpalferoit la votre, les jours en danger de vos Amis, de vos Parents , les vötres même , en lui oppofant une rapidité vidlorieufe qui le furprendra & le déconcertera. Nos Aïeux (3c les Anglois en fuivent encore Pexcmple) ne faifoïen't apprendre a leurs Enfants Ja Gymnaftiquc (a) que pour leur donner plus de foupleife, plus d'Agilité, plus de légereté dans leurs mouvements. L'Hiftoire nous a transmis, a eet égard, des traits qui méritent d'être rapportés: en voici quelques-uns. Un Batave, du temps de 1'Empereur Adrien, décocbe une flèche, en préfence de ce Prince , & d'une feconde il atteignit la première au milieu de fa courfe. Guit (a) La Gymnashque eft 1'Art d'exercer Ie Corps. De rAgüité.  DE L'ADQLESCENCE. tM ê Guillaume Teil, le Libérateur de Ja Süifle 4 condamné par Je barbare Grifler, Gouverneur pour Ja Maifon d'Autriche, a abattre d'un coup de lleche une pomme fur Ja tête de celui de fes enfants qu'il aimoit le mieux ou a périr Jm-meme, s'il ne réuffiifoit pas, cut 1'adrcffc de reuffir. Sa main, exercée a de tels jeux , lui conferya deux chofes précieufes } fes jours & fon Fils; elle fit plus, elle conferva a fa ■ Patrie tyranniféc celui qui en devoit être bientöt lc Libérateur. (b) L'adrefie d'Alexandre & du Chevalier Bayard CO "manier un eheval elf. coimue. Philippe, Pere du premier de ces Héros, déclaroit inutiie S I X I E M E LECON. 8 De la Décence, „/^L 'a Force & a 1'Agilité, comme Facultés du Corps que 1'Honnête Homme doit perfeétionner pour fe mettre en état d'être Jufte & Bienfaifant au degrë convenable, j'aujoute la Décence, c'eft-a-dire, la Vertu qui nous porte h ne rien dire & a ne rien faire qui puilfe répugner aux autres: Définitiond'oü il réfulte que, felon moi, il y a une Décence de Paroles & une Décence d'Aótions , une Décence dont notre Prochain eft 1'objet ou direct ou indirect. Je n* ferai qu'ébaucher ce fujet, en ce moment, me propofant d'en traiter un jour plus au long, quand fous 1'égide du Prince dont j'implore la protection , loin des Sots & des Fourbes, je ferai parvenu a mettre quelque ordre dans mes Affaires. Qu'il fufiife donc , cher Difciple, dc vous rappeller, en, couchant par écrit cette Lecon, que , lorsque je vous la donnai de vive voix, je vous lis obferver: i° Qu'un Jugeintegre, mais brusque, mais bourru , rebutant, n'eft pas jufte au degré convenable. 20 Qu'un Homme qui , faifant 1'aumöne , gourmande, n'importe de queile maniere, les malheureux objets de fa noire générofité, n'eft ps non plus bienfaifant.au degré convenable,  DE L'ADO LESCENCE. 193 au degré qui de cette générofité eut fait une vertu &c. II y a donc une Décence de Paroles & d'Actions qui releve, pour ne pas^dire plus, 1'éclat de la Juftice & de la Bénéficence. cm  194 LA M ORALE &e. CONCLUSION jL'Homme ne peut être heureux qu'en jouiffimt du contentement de lui-même & il ne peut en jouir que par la Juirice & Ia Bonté. C'efl a prouver ces deux Vérités que j'ai employé les 26 Lecons précédentes: mais y ai-je réuffi? Mes Amis, qui m'ont vu prendre ïa plume a eet efFet & qui, lorsqu'un orage infernal fe forma fur ma tête, me l'ont vu quitter, reprendre & quitter, m'excuferont fans doute aux yeux du Public. Ils le feront, j'en fuis alfuré ; & leur mérite fuppléera, par une forte d'aflbciation, k celui que j'aurois dü développer & que j'aurois peut-être développé effeföiyement, fans ia Haine & 1'Envic. de V'Ouvrage,