/ — u-  f L E T T R E DES EVÊQUES DE HOLLANDE i è M. m RICCI ancien Evcque de Pi/lote, h w fufa de la Bulk auctorem fidei &o MoMSEIGNEUJt . N ous venons de lire avec «tonnement une Bulle du Pape Pie VI, par la quelle le Synode de Piftoie, tenu par vous en 1786, eft condamné^ & votre gouvernement Episcopal diffamé, fans qu'on puisfe comprendre fur quel fondement. Une telle conduite a 1'egard d'un Evêque & d'une Asfemblée Ecclefiaftique jouisfans de la meilleure reputatioR dans 1'Eg.life, & 1'eiprit de partialité qui regne generalement dans cetteBulle, n'ont certainement pat eté empruntés du grand Dofteur de la grace, Auguftin, au quel il femble qu'on ait voulu en fairsr hommage, en la datant du jour de fa fêce. Tout le public favoit, Mgr., que votre Synode «toit foumis, deja depuis des années, é l'exameu des Cenfeiirs Romains; & il etoit vifible qif ils fnc s'en feroientpas occupés g longtems, ü, aulieu d'y «bercher minutieufemsist des pretes-tes pour le coiv da.nner ,. ils y avoienc cherché la vericé, qui sV ttoori're partout avec tant d'eclat, de éigm'ê m Ntonftioo» Ce n'üïost donc pas une conSimatioa* &. ■  ( 2 ) ites Aftes de ce Synode, qu'on deroit attendre i la fuite d'uji tel Examen. Nous ne fommes plus dans le teras oü les Papes n'ufoient de 1'autorité de leur Siege que pour 1'edification, & non pour Is deftruftion. Votre Synode, Msr. ne renferme Hen qui.ne merite pleinement 1'approbation du Chef de l'Eglife,& qui n'tutetéaccueilli avec enipresfemenc : par leS anciens Papes. Mais Dieu a permis queceux des derniers tems fusfent regis par ies prejugés &. 1'influence dominante d'une Cour, qui bien qu'etrangere & contraire même a l'inftitution divine-du S. Siege, pretend neanmoins s'identifier avec la I Chaire de S. Pierre, & s'eft mife en confequence. en posfefllon de diéter les Btilles des Papes- conformétnent a fes interets, fouvent très-oppofés a ceux de l'Eglife & du S. Siege. Elle. n'a pas vu ces in- ■ terêts bumains asfez menagés par le Synode de Piöoie, qui n'a eu en vue que le bien fpirituel des i ames, & l'exercice desinteresfé du miniftere Pallo- • ral. Elle ne pouvoit donc approuver ce Synode.. Ses Decrets prêchent la noHveÏÏe al!iance,dontnous i fommes les Miniftres par 1'efprit, & non par la Iet- • tre. Mais 1'anciennej. oü 1'on faaifiè 1'efprit è la i lettre, & oü on honore Dien des levres. lorsque Ié i cceur eft loin de lui, eft la feule qui s'accorde avec : les maximes & les vues politiques de cette Cour, toute i occupée dei'eclat du tróne Pontifical &.de 1'exterieur : de la Religion. Les Peres du Synode, perfuadés i avec grande raifon, que Ie vrai Sc unique but du i Miniftere inftitué par J. C. eft de- donner a Dieu de* aiorateurs en eiprit cc en verité, fe font effor- • cés, autant que le malheur des tems pouvoit leper-mettre, de rappeller le cujte Chretien è fa pureté ■ & a fa fimp'tcité primitives. Mais c'eft ce que ne; peut foufFrir une Cour, qui a mjs exclufivemertet dans fon reffort to,us les abus de la difcipüne Eê»  C 3 ) defraftique & de i'adniiiiiftraticft des Sacremerj», toutes les nouvelles devotions & les fupeiftitions-, qui donnent une faufle idéé de la pietéChretienne, & font oublier aux Fideles le vcritable efpik da' Chvifttanifme; non pour reformer, eonwne elle le devroit, ce culte Judaïque, mais pour en faire fon pro» fit, & le prendre en toute occafion fous fa proteftion'. On a propofé, on a commencé même,- dans le Synode que vous avez tenu, MtetT. d'utiles reformes. On en defiroit de plus grandes encore. Si les fages regiemens ca'il a fans, etoient pratiqués & partout adoptés, comme ils- meritent de t'être fi fes vcsux etoient exaucés , la vraie pieté rtfleuriroit, l'Eglife auroit de bons Miniftres, leiws tra' vaux produiroient des fruits abondans, 1'obfervation des Canons retabliroit Ia difcipline falataiie des premiers tems-, Fordre Hierarchique jouiroit de tossfes droits, Ie S. Siege, qui er? eft le Ghef, fémit ecouté & refpefté; mais la Cour de Rome seferait plus rien. Voila, Mgr, ce qui excite fon reffenUment contre v»us &- contre votre Synode, C'eft lui; feul qui a produit cette etormante Rulle» qui efif une injure faite a la Chaire de S.- Pierre, encore plus qu'au Synode de Piftoie, & par la- quelle on a deshonoré le Pape en la lui faifant adopter. C'etoit deja un as fez grand fcandale, que Rörate feule ne donnat aucun figne d'approbation a ce Synode, lorsqu'il recevoit pait-out des applaudisfemen-s; qu'elle feule ne parut prendre aucun interêt a-fit grands biens qui pouvoient en être la fuite; qu'elleparut même s'atirifter &s'offenfer de-ce qui-faifoi: ■ia joie de tous 'es vrais enfa&s de l'Eglife» Mai3> ce n'etoit pas affez pour la-poütiqae jaioufe fi-via» dioative de la- Cour Romainet Elle vouloit- fletrr, par une Cenfure prrbüque & folemnelle, les A&ps ■ du.Sysadg. de. BiÖQie; & quoiqu'ü dat être-infiéj;  ( 4 ) ment penible pour les Cenfeurs, d'y rien trouver qui pat en être la matiere; quelque tort qu'elle dut fe faire a elle-même en condamnant ce que tout le monde avoit approuvé, elle a mis le comble au fcandale en le condamnant: Jcandali menjuram inf plevit. L'injuftice a beau vouloir fe cacher: elle fe trahit fouvent elle-même par les precautions mal-adroites qu'elle prend pour fe deguifer. C'eft ce qu'on voit, Mgr, dans la Bulle du 28 Aoöt, oii Dieu a permis que les redacteurs ayeut derogé, contre toute prudence, a leur methode ordinaire des qualifica*iö;is in globo , ü commodes Ic même fi necesfaires •quand il s'agit de condamner de bons livres. En appliquant a chacune des Propofitions qu'ils ont cenfurées, des qualifications particulicres, ils ont «ru donner è leur Cenfure une plus grande appa« rence de droitufe & d'equité; & c'eft par la-même qu'ils ont rendu fenftbles a tout Ie monde 1'efprit de •chicane & la mauvaife foi honteufe qui la cafa'fterifent. En effet, Mir, fi 1'ufage de cette forte de cenfure eft ju'fte Sc convenable en lui même, il eftimpoffible d'en abufer plus grofïïerement qu'ils 1'ont fait contre votre Synode. Tout le monde fent que lors. que des Propafitions font mauvaifes & condamna. bles, c'eft en el les mênies qu'elles le font, & par Je fens qu'elles expriment. C'eft donc en elles-mêmes & par rapport a ce fens qu'elles doivent être eondamnées. Ce n'eft pas neanmoins ce qu'on a fait, i Pegard de la plüpart des Propoiïtions extraites du Synode ^de Piftoie. On ne les condamne pas en, elles-mêmes ni dans leur fens propre, mais relativement a des fens imaginaires qu'on leur attribue. On laisfe les verités qu'elles exprtment, pour y condamner des erreurs qu'elles n'expriraent pas; & iorsqü'il ftroit contre toute evideace de leur actri-  ( s ) buer un fens errocé, on les condamne neanmoin-sencore, en vertu d'une fuppofition gratuite, & fouvent abfurde, que ce fens erroné ou reprehenfible de quelque autre maniere, pourroit y être renfermé. On n'ofe pas condamner Jefus-Chrift, ou, ce qui eft la même chofe, Ia verité fous fon propre nom; mais on lui donne le nom & les habits de Barabbss, pour avoir droit de 1'envoyer au fuppli. ce comme un malfaiteur. Et cum ini^uis reputatu: eft. Nous venons de dire, JVfër, que la Bulle violoir d'une facon criante la bonne foi & la juftice a votre egard, par la maniere oblique & captieufe dont elle condamne la plupart des Propofltïons extraites de votre Synode. Mais il y en a d'autres, dans la cenfure des quelles les interets de la foi & de Ia doctrine de l'Eglife ne font pas plus menagés. On ne craint pas de les facrifier a des opinions pernicieufes d'Ecoles Theologinues décriées, dont en prend la defenfe contre vos Decrets, fous pretexte que Ie S. Siege leur tolere, fous le nom de Molinifme, un enfeignemeut Pelagien que toute la tradition reprouve. On met ainft 1'erreur, ou plutót un corps d'erreurs des plus dangereufes, de niveau avec la verité; & on fe fert de la main de Pie VI pour replacer i cóté de 1'Arche cette ftatue de Dagon, cette idole de 1'independanee du libre arbitre, deja tant de fois renverfée a. fes pieds par les een. fures de l'Eglife & les Ecrits de fes Bocteurs. Quelle idéé fe fait-on donc de 1'enfeignement public de l'Eglife, & du droit des Evêques & de leurs cooperateurs par rapport a eet enfeignement ? Parcequ'il n'a pas plu k Paul V de faire contre la doéïrine de Molina, ce que fes Succtfleurs ont fait contre la doctrine de S. Auguftin dans leurs Billies, contre janfenius & Quesnelj rxircequ'ils n'en ont pas publi.é A 3  ( o-' y pouT condamner l'e-fyftêtns de Feoutlibre, de lagra.ce iüffifante, de 1'etat de pure nature, de la fciense moyenne, des limbes &c, qu'ils laisfent enfeignsr ha luffifanee de 1'attrition fans amour de Dieu, & pratiquer 1'ignorante devotion dn Sacré-Cceur; ne iéra-t-il p!us permis a des Pafreurs d-'oppofer è cas nouveautés les principes & le langage de PEcriture & de la Tradition ? Et ne pourront-ils plus averttr les Fideles des pieges tendus a leur foi & a leur pieté, parceque ceux qui les tendentn'ontpasencose eté declarés heretiques par les Souverains Pontifes? On ne fe contente pa3, Mgr. de vous- faire un crime de vos propres fsntimens, quelque irreprochables qu'ils foient. On vous fait encore une querelle, pour avoir adheré, dans votre Synode, aune doctrine aufll autorifée, auffi-precieufe a toutes Iss Eglifes & a tous les Etats , que celle des quatre Arcicles de 1'Asfemblée du Clergé de France de t-682. On a fi- mauvaife opinion du Clergé afluel de l'Eglife Gallicane, qu'on s'imagine que ce Clergé doit fe trouver oflenfé des louanges que vous donnez i. Ia celebre Deciaration de cette Asfem* blée, St prendre pour une injure 1'infertion que vous en avez faite dans les Attes du Synode de Piftoie. Mais fi ce Synode fait injure au Clergé de France en adoptant fe* Maximes, que fait doncla BulIeduPape, qui les rejette & qui les condamne? Vous pouvez croire, M^r, qu'une telle Bulle, qu'une Cenfure auffi manifeftement injuste dans-Ie fond, que finguliere & indecente dans I3 forme, n'eft pas faite pour ehranler ou. diminuer le moias du mende, ni notre attachement pour vous, m notre eftime & notre admiration pour les Acces de votre Synode, dans Ia doósrine du quel tout notveGlergé- % reconnu la fienne par l'organe. du Cha-  ( 7 ) pitre d'Utrecrit, dont l'A&e d'adhefioi vous fut envoyé au mois de Novembre 1789, peu de tems après Ia publication de la traduttion Francoife du Synode. Les efforts qu'on fait aujourd'hui pour ïe decrier & en faire avorter tous les fruits, font bien. plu'.öt un moïif pour nous de confirmer cette adhefion, & de vous temoigner de nouveau tout Pinterêt que. nous prenons a votre caufe, affligés jusqu'au fond du cceur, de ce que N. S. P. le Pape Pie VI, qui devroit nous donner 1'exemple de ces fentimens, en montre dans fa Bulle de tout oppo' fés. Nous ne prenons pas moins de part. Msr, a 1'offenfe per.fonnelle quon vous fait, ainfi qu'aux d'efagrémens qui' ne peuvent manquer d'en être i'effet, tant pour vous que pour le fidele Clergé de votre ancien Diocefe. Mais Dieu, qui vous les a fait prevoir depuis longtems, & qui vous y a dtja preparés par de premières epreuves , vous fera ia grace de fupporter ceHe-ci avec le même courage, & la même confiance dans fa protectioB & dans fon fecours. A confiderer la, chofe en elle-même, rien de plus foible que 1'attaque qufon vous livre par cette Bulle, beaucoup plus propre, par tout fon con. tenu, a justifier qu'a rendre fufpette votre doftrine. Mais fi 1'on fait attention que c'eft la pureté même de cette doctrine, & votre zele eclairé pour la maifon de Dieu, qui vous attirent eet injufte traitement; qpe c'eft le temoignage rendu, fans crainte & fans deguifement, aux plus importante* verités du dogme, de la morale & de la discipline de l'Eglife, fi combattues de nos jours, qui rend odieux aux ennemis de ces verités le Synode de Pistoie, rien de plus grand ni de plus digne d'un Evêque, que la caufe que vous allez avoir a defendre. Rien parcenfeciuent qui doive nous exsiter  ( 8 ) davanrage a attrrer par nos prieres, fijrvöns, Mgr, & fur tous ceux que la divine Piovidence asfocier» a la même defenfe, les lumieres & les graces de PEfprit-Saint. Demandez-les egalement pour nous, qui vous avons precedé depuis longtems dans ia même carrière de tribulations & d'epreuves, & dont on n'a pas voulu feparer la caufa de la vótre, puisqu'on a cru üetrir votre Synode en le comparant, dans la nouvelle Bulle, a notre Concile; comparaifon d'ailleurs très-jufte & tres-naturelle, mais qui ne peut que faire honneur a 1'un & a 1'autre. Nous fommes avec refpeft & le plus tendre attachement en N. S. J. C. Sec. f Gaultibr Michel (van Nieuw cnhuizeiï) Aren» d'ütrecht. f Adrien Jean (Rroehnari) Ev. d'Harlem. \ Nicolas (Nelleman) Ev. de Deventer,, Uttecht It 3,1 03»ere 1794.