L E T T R E DE LA NOBLESSE FRANCOISE 5 A U R O fi Au Sujet de la Proclamation pü- bliée sous le nom DE SA MaJE- sté, le 14 de Novf.mbre MDCCXCL 'SIRE, JQ)ans la pofition, oü V. M. fe trouve nous ne pouvons confiderer comme émané d'Elle, aucun des aétes du Gouvernement adtuel; autrement nous croirions reconnoitre la bonté de votre cocur dans votre refus de fanétionner Ie decret fanguinaire, que 1'aflemblée nationale avoit porté contre-nous; maïs pouvons nous croire, que c'eft volontairement que vous confentea fiue votre frère foit déchu de fes droits è la Re*  co gence & k la Couronne, s'il ne va pas s'expofer, & fe foümettre a tous les dangers, & a toutes les humiliations, dont une populace effrenée, & une AlTemble'e, ivre d'orgueil & de fureur le menacent. Pouvons nous oublier, Sire, que la fuite de Monsieur a été concertée, entreprife avec la votre; que vos ordres lui auroient fait un devoir de quitter Paris, s'il eut pu fupporter 1'ide'e de ne pas partager tous les périls de V. M. Sire votre frère eft digne de votre fang. La fource d'ou il 1'a tiré eft reftée pure; II n'en a pas dégénéré; II ne cherche pas dans Pabandon, 1'aviliflement de fa familie, dans les malheurs, la défolation de fa Patrie, a s'ouvrir au Tróne une route tracée par le fang des fiens, que les forfaits mêmes fermeroient a celui qui la fuit; & c'eft ce frere généreux que V. M. profcriroit, parcequ'il a obéï a fes ordres; non, Sire, vous êtes jufte: Perfonne ne vous foupconne d'être denaturé; mais dit-on vous n'avez pü refufer votre fanftion a un decret fondé fur la Conftitution. Cette Conftitution n'eft-Elle pas celle que V. M. a demontrée abfurde, impraticable, & calculée pour entretenir PAnarchie, & tous les malheurs, qui vont a fa fuite, a faire périr toutes les fources de profpérité, que le Royaume pofTédoit dans foa fein, & geijes qu? \Q & ^gflïig  (S > des Francois lui avoient ouvertes dans les autres parties du monde. Eft - elle changée cette Confritution: Ses effets font ils heureux, & profpères ? La re'volution eft un édifice e'leve' fur les violences de toute efpèce, fur PenvahhTement de toutes les proprie'te's, de celles mêmes, qui innocentes dans tous les principes ne pouvoient exciter 1'envie, que des ames les plus laches; mais croycz-en, Sire , la de'claration, que tous les nob!es vous font ici: Si nous n'e'tions convaincus non feulement par le raifonnement, qui peut errer; mais par 1'expérience, qui eft la pierre de touche de la vérité, 1'écueil du menfonge, & de l'Impoflure, que la Conftitution feroit aüffi pernicieufe dans fes effets, qu'elle a e'te de'faftreufe dans fes principes, & dans fon Cours aótuel, nous oublierions, Sire, nos maux, la perte de notre rang, de nos biens, des pre'rogatives que nous réclatnons pour le bien de 1'Etat, nous ne nous reffouviendrions d'autre chofej fi non que nous fommes Frangois. Ce facrifïce quelque e'tendu qu'il foit, ne nous couteroit pas plus, que celui que vous euifiez fait vous même d'une portion de votre autorité au bonheur permanent de vos fujets. Mais, Sire, fi de votre Tróne les fatellites, qui ont fait de votre Palais une Prifon, n'interceptent pas vos régards, fi les cris des malheureux peuvent fe faire entendre a trareTS 4 »  C 4) les mfirs, oü vous êtes réténu Prifonnier, voyez la fituation de la France, e'coutez fes gémiffemens, & jugez fi Une Conftitution, dont voila les effets peut être acceptée par vous. Ne craignez pas, Sire, que quelque adrefle que la faction dominante aye employé pour donner a eet acte de votre part 1'apparence de la liberté, & de 1'cption, ne craignez pas, que nous ayons pu méconnoitre la violence, qui vous 1'a impofé: Nous n'ignorons pas les ménaces des Parricides, qui vous ont impofé la tache d'écrire vous-mêmé cette pièce tiffuë avec un artifice perfiae. Nousne fufpeólons, Sire, ni vos lumières, ni votre cceur. Les premières vous ont devoilé la charlatanerie , & ]es abfurdités de eet a<2e informe, que les frippons, les ignorans, & ies laches adulateurs élévent aux Cieux. Vous favez bien, Sire, que fans les affignats, ce lethifere, quiendort, & perd la Nation, la Conftitution eüt déja paifé comme un fonge affreux. Votre cceur, Sire, il pardonneroit volontiers les outrages multipliés, qu'une faftion tour a tour délirante & barbare vous a fait éprouver, mais votre cceur ne peut vous faire reprouver vos frères, vos Parents prefque tous les Bourbons, & cette Nobleife a laquelle votre familie dut principalement fa grandeur,  G s ) Onvous a fait dire, Sire, que la grande Majorite' de la Nation vouloit la Conftitution, & que par confe'quent vous deviez Paccepter, & la faire exécuter. Nous en appellons,SiRE, au jugement de 1'Ünivers, a celui de la Porterité pour décider a quelle époque la Nation a pu émettre un vceu libre de toute gene, de toute prévention. Eft-ce a cette époque, oü comme un Père tendre vous appelliez vos Enfans auprès de vous pour les confulter fur les intéréts de la grande familie? Eftce alors que la Nation voyant commencer 1'aurore d'un jour, qu'Elle croyoit helas! devoir ctrele plus beau de la Monarchie fran^jife? Eftce alors, qu'Elle a été vraiment libre d'émettre fon vceu, ou bien lorfque 1'anarchie, les ineendies, les meurtres défolent la France, que des nuées de Gardes Nationales au lieu de nourrir 1'état parleurs travaux,leur induftrie.en dévorent lafubftance, & fervent les fadtieux? Eft-ce lorfque des Ciaifjs entieres de Citoyens font bannies, que 1'Inéügion empruntant le langage de la philofophie, & le masqué de la tolerance, perfécute, & profcrit les MiniftreS du Cuke de nos Rois, de nos Pères, le notre? Si la Nation pouvoit défirer, & choifir de bonne foi un Syftême aufijpervers aulfi deftructif du bonheur public, il ne nous A 3 ■  (6) ïefterolt, Sire, qu'a gémir fur fon aveuglement & nous renoncerions a une Patrie habitée par tant deMonftresfrcnetiques: mais necroyezpas, Slque la Majorite des francois, foit compofée d atroces imbécilles. II en eft plufieurs, qui font aveugle's. II en eft un bien plus gra„d nombre que le fentiment de leurs maux a retirés de l'iilufion qui les égaroit. Confultez, Sire, les liftes des Perfonnes qui compofent dans ce moment 1'Affemblée Nationale, &le nombre prodigieux, & ridicule d'adminiftrations; Vous ne trouverez guerres que des individus fortant des claffes qui ne poifédoient rien parmi celles que le peuple haüToit, & qu'il regardoit comme une calamité de devoir employer. Ces harpies ont tout envahi, tout corrompu. Ce font eux, qui dominent dans les adminiftrations; ce font eux, qui dirigent les Clubs, qui ont fubjugué 1'opinion publique devenuë leur efclave. Parmi les gardes Nationaies les uns ont cedé a 1'exempie, & recherché leur fureté; d'autres fatisfont une vanité puérile; d'autres enfin fe couvrent du voile du Patriotisme pour échapper au fupplice, que leurs deprédations, leurs crimes, leurs rapines attirereient fur eux. Voi14 les enfans de la Revolution. 11 eft bien naturel que des gens qui avoient Yecu ignore>s juf.  (7) qu'alors foient attachés a un ordre de chofes avee lequel ils exiftent, avec lequel ils retombcronj: heureux, fi c'eft dans 1'oubli. C'eft donc a cette claffe mitoyenne qu'on a facrifié les autres C!asfes beaucoup plus nombreures de 1'état, & dont quelques-unes devoient être comptées dans la fortune publique, ne fut-ce qu'a raifon de leurs propriétés. Ce qui a féduit, & ce qui égare encore un nombre confidérable de vos fujets, Sire , c'eft 1'établilTement d'une prétendue égalité; Syftéme que la nature, & la fortune défavouent, en partageant les hommes fi inégalement dans leurs forces phyfiques, & de l'efprit, dans les qualités , les talens, la figure, les richeifes. Toutes les inftitutions fociales tendent a renverfer cette idole, que les ambitieux ont élevée pour tromper les efprits foibles, & pour dominer en fon nom. L'état de fociété éxige que le grand nombre foit conduit par un plus petit nombre appelles au Gouvernement par les talens. II eft de fon effence, que le génie, les richeiTes, & le bonheur élevent quelques hommes au-deifus des autres. Que fignifient donc les qualirlcations pécu-i niaires , qu'éxige la Conftitution ! N'eft-ce pas une infradtion au principe pofé dans la déclaration des droits de 1'homme l Ne decèle-t-elle A 4  C s) pas Ja mauvaife fbi de ceux, qui n'ont eu en vuë que d'abaiiTerlanoblefle au-deilbus de leur mveau, en la rendant fufpeéte & odieufc; mafs qui ont lailTé le peuple dans l'abaifiement, oü il ftoit, & dans lequel fes befoins le retiennent. Sire nous n'avions pas attendu que les Etats- Géne'rauxfufTentaiTemblés pour faire les facrifi- ces, qui importoient au Peuple. Sans nous arrê- terau droit, qu'une longue jouiiTance, ou que lepnx qui en avoit éte' paye' nous donno'ent aousavions renonce'a toute exemption pecuniaire. Nous avions vö ayec tQutes ^s Places fuflfent ouvertes a tous les Citoyens, que talencs,&des vertus aidés de la fortune y appelleroient. Voila, s,RE, „ feüle ë J nefoit pas une chimère, ,a vraye égalité prati. que. Celle-la „0us la reconnoiffions; Nous Ja célébrionsavec joïe. On m pourra pas dementir, fi fon reflecbit que ,a plus grande P-ede la NobleiTe acqueroit de cette ^i des drous, que dans ,e fait Efle n'avoit pas. aunon , SiRE, Un tort a nous reprocher bien grave fans doute, puisqu'il a été la We de tous les maux qui défolpnf u r d' haine de tous ceux, qui font pénétrés de la fainteté des droits de propriete'. Semblable a-ces hordes fanatiques, &fcroces, qui ont defolé a diverfes époques la France, & d'autres parties de 1'Europe, 1'Affemblée Nationale n'a pu alfouvir fa haine contre la Nobleffe, en profcrivant les vivans. Ses décrèts ont violé les tombeaux, oü repofoient nos Pères. Nouveaux Iconoclaftes, Elle a brifé avec la méme fureur tout ce qui lui paroiffoit un Symbole de Nobleffe. Les monumens qui conftatoient notre éxiftence, ceux qui atteftoient la gloire de vos ancêtres tout a été mutilé, détruit par une Populace foulevée, & egarée par les décréts de 1'Affemblée Nationale. Dans un Pays, qui fe vante d'étre hbre, fe dire le fils de fonPère, configner dans les aétes publiés des titres, fouvent indifpenfablcs pour éviter les meprifes, a été confidéré comme un délit contre lequel les loix doivent févir avec une rigueur qui feroit ridicule, fi Elle n'étoit revoltante. C'eft ainfi que dans le délire de fon orgueil, après avoir renverfé tout ce qui exiftoit, avoir diflbut le gouvernement, desorganifé tous les departements, anéanti le revenu, confacré par les principes la confufion, & le défordre, fandifié  ( i5) i'infurre&ion, & la revolte contre les autorités; 1'avoix provoque'e par les intrigues de fes membres , fa connivence, ou fon indifference, fa rage n'a pas été fatisfaite; Elle a tourné fes coups contre les titres de toute efpèce* qui conftatoient une Nobleffe, qui depouillée, tuée par Elle étoit devenue un fantóme errant, qui ne rappelloit plus des tems de gloire, & d'honneur; mais 1'époque de la haine, des profcriptions, & des affasfinats. On a dit fouvent, Sire, que la Noblefiè exci* toit Ellemême les troubles, dont Elle a toujours été la vicïime. Suivant les déclamations des Clubs de Paris, dont 1'AfTemblée Nationale,n'étoit que 1'écho, c'étoit nous qui excitions, qui payions les brigands, les incehdiaires f & les asfafllns, qui dévaftoient nos terres, pilloient nos maifons, bruloient nos Chateaux, & égorgeoient les Nobles, qui n'avoient pas eu le tems de fuir. On annoncoit de toute part des Projets formés par Nous. Ceux qu'une Politique Meurtrière defignoit pour en être les Chefs ont été fouvent masfacrés ~, On en a fait ge'mir plufieurs dans les Prifons contre tóus les principes de la juftice ; Jamais on n'a trouvé les traces de ces pretendues confpirations; mais eftce nous, Sire, qui avons égorgé les vi&imes qne les llévolutionnaires  C ie ) ont immolées a Ja révo'ution? Eft-ce nous, qui avons ouverts leurs entraiJles, oü ces Monftrqs cherchoient les augures d'une revolution qui a repondua de fi horribles aufpices? Eft-ce nous, Sire qui avons dirïgés Jcs pas des aflens, qui ont profane' ie palais de nos Rois, qui du moins auroit du étre pour vous 1'Afile que chaque citoyen doit trouver dans fa maifon ? Eft-ce nous qui avons levé les poignards, qui fuflent retombés fur la Reine fans le devouement de vos gardes du Corps. Cette Troupe fidéle, & héroïque, Elle eft comporée de Gentilshommes Ils ont renonce au droit le plus facré, celui de fa propre défenfe; Ils ont peri, en épargnant par vos ordres une populace feroce, & entrainée au crime par des transfuges de notre ordre. Qui peut entendre fans friflbnner d'horreur les maflacres d'Avignon? Eft-ce donc nous qui dirigions Jourdan, & fes braves brigands ? Eft-ce nous qui lui afiiirions 1'impunité? Avons nous vanté la bonhomme d'un fcélérat dégoutant du fang de fes vidtimes, orné, enrichi de leur depouilles? Eft-ce nous qui excitions ce Coupetête dans des tems ou la nation oubliant les mceurs autrefois douces, & gaïes, s'eft livrée a toutes fortes d'excès au nom de la liberté, a toute efpèce de perfecution au nom de la tolerance.  ( i7 ) Noüs éprouvons, que nous fommes francois, Sire , quand nous reflechiflons fur tant de maux, qui de'folent la France, & qui en ont changé fi affreufement 1'afpefi. Nous fommes bien loin d'exalter de fes de'faftres. Ne les partageons nous pas nous mêmes. C'eft avec ces fentiments que nous avons appris les malheurs terribles qui vifitent nos Colonies. Dira-t-on encore, Sire, que c'eft nous qui avons foulevé les Nègres, ou bien font-ce les apótres de la Révalution? ah! que nous fommes e'loignés de triompher des calamite's de la France. Ces faits, Sire, repondcnt d'eux mêmes a ce que vos Miniftres difent dans la proclsmation qui a paru fous votre nom, que nous n'avons pas le droit de nous plaindre des troubles; puisque c'eft nous qui les entretenons. Faudroit-il donc que nous abandonnant aux promciTes qu'ils nous font, que nous retrouverons la fureté, & la libertéen France nous allions portcr nos têtes aux aflaffins exercés au crime, & enhardis par l'impunite'? Quelle eft la force publique qui nous protegera? Oü font les tribunaux, qui aureient la vertu courage ufe de ne pas nous trouver coupables ? Pourquoi le Royaume eft-il dans une anarchie effroyable ? Pourquoi la revolte 1'e'branle Hl dans fes fondemens? Pourquoi le feu de la guerB  ( is ) re Civile couvet-il par tout, & embraffe t-iltour a tour les Provinces ? Pourquoi le fang coule t-il ? Si vos Miniftres veulent nous infpirer de la confiance, pourquoi n*employent-ils pas la force du gouvernement k chaffer enfin le crime, a rétablir 1'ordre, & la paix, è percevoir les revenus, a raviver 1'Induftrie, a conferver nos Colonies, qui fe dechirent de la Mère Patrie. Jufque la Sire quelle confiance pouvons-nous avoir dans leurs promefies. Onnousa rapporté, que les prineipaux auteurs de la Conftitution ont reconnu qu'elle eft défcótueufe, & qu'ils defiroient la corriger. Ils ne font plus en mefure de le faire. D'ailleurs quel compte,Sire , pourrions nous faire fur ceux, qui ont été hardis a faire le mal, & timides pour le reparer? Nous flerons-nous a ces empiriques, qui après avoir empoïfonné la Nation, n'ont pas ofé lui adminiftrer les remèdes qui pouvoient la fauver? Ceux de nous qui ont encore des Chateaux y trouveroient la fureté tant que la feduftion ne fera pas alfez forte pour fou- ' lever de nouveau contre nous les agriculteurs qui pleurent dans ce moment le mal qu'ils nous ont fait, celui qu'ils fe font fait a eüx-mëmes,en nous forcant a nous éloigner; mais fi nous pouvions nous fier au répentir des Payfans, qui de  nous oferoit habiter dans les Villes, oü une municipalité formée des Citoyens les plus violens exciteroit contre nous la Populace au lieu de la contenir. Sera ce dans votre Capitale, Sire , oh un Republicain, reconnu pour tel,élève' a la première Place, paroit menacer vos jours? Ah! Sire, le dcfir de les conferver. Nous fer'oit voler a votre fecours, fi nous ne craignions de donner a vos Ennemis, a ceux de la Monarchie, aux Monftres, qui voudroient 1'éteindre dans le fang des Bourbons le pre'texte qu'ils recherchent pour cornmettre le plus grand de leurs crimes; Ce n'cft qu'en ayant des forijes capables d'e'pouvanter les fcelerats, que nous pouvons nous rapprocher de V. M. fans dangcr pour Elle. Nous n'avons fair que vous pre'fenter rapidement les raifons, qui juftiflent notre Conduite préfente, & -s'il étoit befoin nous trouverions, Sire, dans les principes que PAffemblée Nationale Elle-même a confacre's, qu'Elle eft un devoir pour nous. S'il eft dans la Gonftitution des principes que nous nous glorifions d'avouer, & d'avoir proclarne' nous mêmes, Elle eft un alliage fl monftrueux de quelques principes vrais, & d'une foule d'abfurdes, & de chimeriques, que nous fommes B 2  ( 20 ) obligés d'en rejetter 1'enfemble. Nous ne 1'ayons pas confentie cette Conftitution. Elle n'eft donc pas obligatoire pour nous. C'eft fans égards & nos droits, a nos reclamations, aux principes de la juftice, de la raifon, que 1'Affemblée Nationale a élcvé ce monument, oü des étincelles de genie, & de fageffe /endent plus faillantes la folie, & 1'ignorance des gouvernemens, & des hommes , qui cn formcnt la maffe. Degradés, depouillés, échappés avec peine a nos affaffins, privés des droits de Citoyen, nous declarons a 1'Affemblée Nationale, a tous ceux, que Terreur, ou la mauvaife foi attaché a fes loix, que nous regardons le pscte focial, comme rompu entr'eux, & nous; Qu'après avoir pouffé la patience au point de devoir nous reprocher d'avoir encouragé les pervers par notre patience a endurer nos maux, nous fommes refolus de ne plus admettre de compofition avec des principes dont nous abhorrons, & rejettons le plus grand nombre comme injuftes, faux, & incompatiblcs avec le bonheur de la Nation. Cette extrêmité eft terrible, & ce n'eft pas fans le fentiment de la plus profonde douleur, que la Nubleffe eft fcrcée a faire cette déclara- tion. Des idees funeftes, & lugubres ont fou7  (21) vent e'tonne' notre courage, & nous ont arrêté fur le point de de'clarer la guerre aux Tyrans qui minent notre Patrie, & qui 1'entrainent dans le gouffre, oü fa prorperite', fa gloire, & fon exiftence font englouties a jamais, fi leur règne fe prolonge. Nous avons reflêchi avec horreur au fang que leur endurciifement, & 1'aveuglement de ceux, qu'ils ont trompe's feroient repandre. Accoutume'e par principe a fe de'vouer a la defenfe, & è la gloire de 1'Etat, Votre NoblelTe, Sirea affronté avec ardeur, & joyeufement les perils auxquels Elle s'expofbit pour la Patrie; mais lorfqu'il s'agit de tirer 1'epe'e contre fes Concitoyens dëja plufieurs fois 1'horreur a glacé' fon courage; mais enfin le falut de la France nous appelle. Des convulfions terribles la fatiguent jufqu'a la mort. Les calamite's de tout genre fe font attache'es a Elle; II n'y a que notre courage, qui puilfe la fauver dans ce moment de la diiTolution qui la mcnace. Nous fuivrons, Sire, vos auguiles freres: Ils viennent de 1'école de 1'adverfité: Sans elle Henri IV^ n'eut pas éte' li grand. Comme lui ils veulent reconquérir le Royaume en vainqueur, & en Pere pour le re* mettre cntre vos mains. Vous penfez bien, Sire , que fi nous ne favions pas, que maintenant la majorite' des frangois nous appelle, nous n'entreprendrions pas de conquerir un Royaume comms B 3  C 22 ) Ia France, dont la feule force d'inertie de fa maffe peut repouffer toutes les attaques; mais quefignifientces troubles, qui sgitent toutes les Provirces, & le découragement de tous les Citoyens honnétes, fi non qu'ils font laffés de cette anarchie, qu'ils reconnoiffeat Terreur' 9uj ies a féduit. VosSoldats, Sire , reprendront 'la route de 1'honneur, & du devoir; nous n'avons ■ plas de doute fur leurs remordo, & fur ]eurs difpofitions. II eft peu d'cfficieis dont 1'aveuglement fubfifte encore, & qui foient fourds a la voix de la raifon & de 1'honneur. Vous Gardes Nationales qui avez pris les armes pour maintenir I. paix, & i'ordre, & qui „'avez pas rimention coupabled'enuferautrement, c'eft en vous joignanta nous, que vous y parviendrez. Eviteznous des combats, oü nous ne frapperions que "os frères, un trés grand nombre de vous nous Wie : Tout nous garantit, que notre entreprife eftdefirée, &attendue par tous ceux, que la vertu, & 1'inte'rêt attachent au falut de 1'Etat. Non Peuple autrefois ge'ne'reux, & qui Je ferez en. core, ce n'eft Pas des fers que nous vous a0portons; mais le retour de 1'ordre, de la paix, le rétabliffement d'un gouvernement épuré des defauts dont nous défirions 1'extirpation bien fincérement, puifque nous y étions les plus intérefiès. Si cette revolution; fi ce retour a 1'ordre coute  ( 23 ) encore du fang, dont nous devons être bien avares, après tout celui qui a de'ja e'té repandu Sire, Francois, il retcmbera fur la tête de ceux qui ne nous laiffent plus de choix entre la mort de ceux qui s'oppoferont a nous, de ceux des* notres qui tomberont fous leurs coups, & la ruine abfolue de la France. ImprimÉ a la Haye, d'aprcs la Copie Origftiale. 28 Nov. 1791.