— 33 — te ar autorisait la réimpression de la Guerre de» dieüx (1) et les Galanterie» de la Bible (1), qu'il permettait de vendre publiquement le Citateur (2), les ceuvres les plus ordurières de Piron et qu'il souffrait qu'on colportat dans les cafés et qu'on étalat sur les boulevards des ouvrages iufames qui, d'après la modicité de leur prix, sont a la portée de toutes les classes du peuple. Je me suis cruobligé de faire saisir tous ces ouvrages et j'ai recommandé aux agents de police une ^surveillance d'autant plus sévère que j'ai acquis, par plusieurs preuves irrécusables, la conviction que, lés jeudis et les dimanches, les écoliers qui obtenaient la permission de venir chez leurs parents, rentraient dans les lycées les poches remplies de livres obscènes on impies qu'ils avaient achetés a vil prix. StfSÜSjl La police qui, sous Fouché, tenait presque seule la férule de la censure regrette ses prérogalives d'antan et elle voudrait bien les ressaisir. Elle arrêtait alors le livre d'un juge sur le rapport suivant : II est probable que ce juge est nn fort bon citoyen mais il est certain qu'il est étranger aux premières régies de la versification, a toutes les convenances de l'art d'écrire,aux principes même de la langue. Le plus sürmoyen de lui donner un grand ridicule, a lui-même, et peut-être au tribunal dont il est membre, serait de faire imprimer son apologue comme il le demande, avec son nom et qualité (3). Elle défendai't aux journaux de parler de ceux qui lui paraissaient répréhensibles, mais qu'eile n'osait pas interdire ouvertemenl ou bien elle leur envoyait un exemplaire de ceux qui flattaientle gouvernement avec ordre d'en rendre un compte favorable (3). Le duc de Rovigo qui a succédé a Fouché ne manque pas d'intervenir a chaque instant dans les affaires de Ia direction générale. La loi du 5 février 1810 a singulièrement restreintses atlributions, dit un rapport de ses bureaux. (1) OEuvres de Parny. (2) De Pigault-Lebrun. (3) Archives Nationales, F" 580' (14 thermidor an XIII). ROCHE — 35 — plus sévère que les censeurs qui, en fin de compte, se prononcaient pour 1'impression. Ils relèventdes phrases répréhensibles, des allusions incerlaines ou probables, des passages qui sont décidément susceptibles d'une véritable censure mais leur conclusion est que les phrases répréhensibles sont la plupart isolées et que toutes ne sont pas absolument nécessaires a modifler ou a retranclier ; que 1'ouvrage de Mme de Staël, s'il n'est pas imprimé en France, paraitra infailliblement dans 1'étranger et que les phrases dangereuses qu'il renferme et les mauvaises intentions qu'on a pu y cacber n'en auraient que plus de succès lorsqu'on saurait que eet ouvrage s'est comme réfugié dans sa véritable patrie et dans les imprimeries allemandes pour échapper a 'la censure francaise : leur avis est donc que la publication de 1'ouvrage pourra être permise si 1'auteur se soumet a cbanger ou a retrancher les passages qui lui seraient indiqués (1;. La censure de la direction n'est pas toujours aussi libérale, mais elle est, en tout cas, moins tatillonne que celle de la police qui renchérit sur elle et qui veut, a tout prix, la convaincre de négligences impardonnables : des vétilles pour nous. En i8i3, elle gourmandera 1'édileur de la Correspondance da baron de Grimm autorisée par la direction générale. « II y a beaucoup de pages, écrit le duc de Rovigo, dont il semble qu'on n'aurait pas dü permettre la publication dans les circonslances acluelles et il relève des détails sur 1'ancienne dynastie qui tendent a donner de 1'intérêta la familie des Bourbons » ; audeuxième volume, il y a 1'éloge formel de Monsieur et du comte d'Arlois (2). II ne s'en tient pas toujours aux reproches et il est prompt a la répression. « L'imprimerie,avec l'abus secret que la mal» veillance peut en faire, est une arme trop dangerèusc » pour ne pas s'assurer des principes et des sentimenls de (1) Archives Nationales, *F1! 148'. (2) Archives Nationales, F" 402 (22 avril 1813). — 36 — » ceux a qui le gouvernement en permet 1'usage » (i) et il exige qu'on interdise a un imprimeur sa profession puisqu'il a voulu réimprimer le Teslament de Louis XVI : ce sont d'ailleurs les ordres de 1'Empereur qui désire qu'on lui fasse öter sa pancarte pour qu'a perpéluité il ne puisse plus imprimer de livres (2). Les deux administrations se contrecarrent le plus qu'il est possible. Si le Ministère de 1'intérieur permet Pentrée en France de feuilles littéraires imprimées & 1'étranger, le département de la police les repousse et les auteurs qui publient a Paris des ouvrages périodiques sur les sciences, se demandent quelle est 1'autorité qui les régit f3). De Rovigo demande chaque annéé qu'on l'aulorise a recevoir, directement, sans permission du directeur général, les caisses de livres qui lui sont expédiés de 1'étranger pour scn ministère. De Pommereul veut qu'on lui réponde que la loi n'exempte personne de ses formalités f4). II n'est donc pas étonnant que de Rovigo combatte le projet de de Pommereul qui veut imposer les journaux d'une nouvelle taxe de 1 centime par feuille. II fait le procés de la direction générale qui, dirigée par un esprit d'arbitraire et de fiscalité' produit les plus déplorables effets. Le droit d'un centime par feuille d'impression augmente d'environ 33 0/0 les frais de fabrication et de matière première. Ainsi, un ouvrage de 5o volumes tirés a 6000 exemplaires paierait i3o.ooo fr. d'impöts. On n'ose plus faire de grandes entreprises et les livres sont a un prix exorbitant qui met les Iibraires étrangers dans le cas de se passer de nos ouvrages ou de les imprimer eux-mêmes. La loi qui permet 1'introduction en franchise des livres latins (1) Archives Nationales, F" 580« (27 octobre 1810). (g) Nakoléon, Lettres inédites, éd. Lecestre, n° 711. (3) Archives Nationales, AFIV, 1050 (4 déc. 1811). (4) Archives Nationales, F" 413 (7 juillet 1813). — 37 — imprimés a 1'étranger (i) n'a pas amélioréla situation de la librairie francaise. Les éditeurs ne fabriquent plus pour 1'étranger mais ils ont un profit trés réel a faire fabriquer a 1'étranger pour la consommation intérieure. Résultat: les presses francaises sont inactives et les imprimeurs, dans la misère. A la fois juge et partie elle décide des questions de propriété littéraire qui ne sont pas de sa compétence ; elle fait payer aux écrivains un droit pour les citations qu'ils rapportent. Lanécessité d'entretenir un grand nombre de censeurs ét d'employés entraine sans cesse le directeur a des mesures illégales et a des actes arbitraires. Les imprimeurs conservés dans les départements ont été cholsis sans discernement et le caprice aseul présidé a la distribution des brevets. Dans beaucoup de localités on a sacrifié les imprimeurs les plus anciens et les plus babiles a des gens sans moyen et sans considération. En exigeant que la polilique et les annonces fussent publiées sur des feuilles différentes elle a rendu la publication des journaux politiques presque impossible car ils ne se soutenaient que par les annonces et avis divers. Mais cela lui a permis d'imposer deux feuilles au lieu d'une et leur rétribulion, soi-disant volontaire, dépasse quelquefois les bénéfices (2). Dans la séance du i3 décembre 1811, au Conseil d'Etat, Napoléon s'inspire peut-être de ce rapport el il parle même de supprimer la direction si elle ne peut pas suffire a ses dépenses. II ne veut pas que la France en soit réduite au régime des couvents et il faut que la direction prenne des idéés plus libérales. On se plaint partout de ses vexations ; elle devrait savoir que la censure n'est instituée que contre les libelles qui provoquent a la révolte ; qu'ellé laisse passer librement le resle, qu'elle souffre les caprices de la presse. II est fort égal a 1'Etat qu'un extravagant vienne H) Décret du 12 septembre 1811. (2) Archives Nationales, AFIV 1049. — 41 — Quand il revient de chez le censeur, il est déposé au secrétariat. Si le procés-verbal n'indique point de changement et si le directeur adople les conclusions du censeur, 1'ouvrage passé au Bulletin hebdomadaire (i) qui est communiqué au Ministre de 1'Intérieur ; si ce dernier n'élève point d'objection il est renvoyé au bureau de garantie qui 1'expédie au déposant par 1'intermédiaire du préfet. L'imprimeur met donc 1'ouvragc sous presse, ou achève 1'impression au regu du récépissé qu'il produit pour faire a la préfeclure le dépot légal de 5 exemplaires destinés è la Bibliothèque Impériale, a la Bibliothèque du Conseil d'Etat, au Ministre de 1'Intérieur, au directeur général de 1'imprimerie, au préfet de police. A Paris, le dépot se faisait a la police, mais le décret du 2 juillet 1812 stipule qu'un seul y serait déposé a 1'avenir et que les quatre autres le seraient le même jour a ,1a direction. Le Ministre de 1'Intérieur ne recevait que des exemplaires négligés, sales et maculés. Les Iibraires se débarrassaient ainsi de ceux qui étaient impropres & la venteDe Pommereul recommande donc aux inspecteurs (2) de prévenir leurs adminislrés que tous les exemplaires seront vérifiés avec exaclitude et qu'un seul volume défectueux par la mauvaise qualité du papier ou 1'absencede gravures sur le frontispice suffira pour relarder, jusqu'au remplace- verbal porte : le dit ouvrage exige les changements suivants avant qu'on puisse donner suite a 1'impression, (1) Si le censeur demande des changements, il ne passé au Bulletin qu'au retour d'un engagement par lequel l'imprimeur promet de se conformer avec exactitude aux indications du procés-verbal dont il possède la copie Archives Nationales F" 579). Ces bulletins hebdomadaires portent, avec des numéros d'ordre, 1'indication des manuscrits examinés, le rapport sommaire. de chaque censeur et la décision prise par le directeur général (H. Welschinger, la censure, op. cit. page 33). Ils étaient transcrits sur des registres. Los Archives Nationales possèdent ceux des années 1810, 1811 et 1812 cotés *148,149', 149*. Les Bulletins pour 1813, sur feuilles détaehées, s'y trouvent aussi, dans la série AFIV 1049. (2) Bibliothèque Nationale, nouveau fonds, Ms 1362, (18 aoüt 1812). — 47 — mereul n'hésite pas a proposer un pasteur protestant, Monod : il serait peut-êlre bon qu'il y en eüt un parmi les censeurs (i). II ne fut pas choisi; le décret du i3 avril 1810 ne titularise que Lacretelle jeune, Sauvo, de la Salie, Pellenc, Desrenaudes, Schiaffïno, Daunou, Esménard et Lémontey. On veut aussi qu'ils soient plus laborieuxque sous l'ancien régime, mais on ne leur accorde d'abord que des gralificalions. Plus tard on leur donne Ie titre de censeurs impériaux (décret du 4 décembre 1810) pour flatler les gens avides d'honneur et on leur accorde enfin un traitement de 1200 francs ; ils ne pourraient pas vivre si Ie directeur général ne leur payait pas un supplément en récompense de leurs serviceset de leurs travaux. « Cesdispositions nouvelles paraissent a Montalivet de nature a relever les censeurs a leurs propres yeux en leur accordant un titre honorifique, a assurer un juste salaire a leurs utiles travaux et a établir parmi eux une salutaire émulation qui facililera 1'expédition des affaires, éveillera leur attenlion et assurera le bien du service de Sa Majesté » (2). Ils manquent d'indépendance car ils sont livrés pieds et poings liés au gouvernement qui les emploie et 1'un d'eux juge la correspondance deGrimm en partant dece principe « qu'un souverain ne peut jamais s'être trompé » et il laisse passer, paree qu'il sait bien qu'aucun parti ne peut s'agiter (3). Ils empêchent loute intempérance typographique et n'autorisent jamais la publication de ces maximes audacieuses qui, sans éclairer le peuple, n'ont pour résultatque d'affaiblir 1'amour du aux princes. Ils cartonnent sans pitié, comme nous Ie verrons plus loin, tout ce qui se rapporte a l'ancien régime, a la Révolution et a la Répu- (1) Archives Nationales, AFIV, plaq. 3360. (2) Archives Nationales, AFIV, 3912. (3) Bibliothèque Nationale, Nouvelles acquisitions, Ms 5002, procès-verbaux de eensure, fol. 63. — 48 — blique : On est trop voisin de ces temps d'orage pour rappeler ainsi sans tact et sans mesure des principes qui ne sont plus heureusement ceux du gouvernement. En politique • personne ne doit penser autrement que 1'Empereur ou ceux a qui il a délégué une parcelle infime de son autorité pour inspecter les pensées des autres. Ils abusent parfois de leur pouvoir, car ils ne peuvent faire abslraction de leur idéal arlistique el ils s'égarent dans la critique littéraire. Le ministère de la pensée, c'est ainsi qu'ils nomment la direction générale, devienl une institution insupportablepour les écrivains.Un censeur ne peut souffrir le mot de « beautés » dans un titre : « C|est un titre ambitieux qui nous est venu d'Angleterre et 1'on a mis en beautés tous les événements de 1'histoire de l'univers»(i); vil retranche « digne de renverser les rois » : « 1'auteur « veut toujours que 1'empereur soit digne de renverser les » rois. Cette obstination est singulière. Une manière si gé» nérale de s'exprimer est inconvenante. L'Empereur ren» verse ses ennemis, si parmi. ses ennemis il se trouve des » rois,il renverse des rois,mais on ne peut pas dire qu'il est » un prince digne de renverser des rois »,et,d'une histoire de Mme de Maintenon « les mains d'albalre » : « les jeunes gens n'ont pas besoin de connaitre si tot les belles mains d'albatre desmaitressesde LouisXIV ».II s'occupe tellement de critique littéraire qu'il veut,dans une éditiondes Lettres de Mme de Sévigné,collationner la copie avec les originaux. Le propriétaire qui préfère ne pas s'en dessaisir demande qu'on vienne chez lui. « On lui répond avec la plus grande politesse qu'on est officier public et qu'on ne doit point se déplacer ». II importe que la censure soit respectée et il faut écrire (1) Bibliothèque Nationale, Nouvelles acquisitions, Ms 3002, p. 172. » en Hollande. C'est la que la malveillance et la calomnie » paraissent avoir établi leur séjour. C'est la que les contes » les plus faux, les plus absurdes, inventés par le délire et » la haine contre la France trouvent le plus de propaga» tcurs » (i). Le roi Louis protesta auprès de son frère et demanda une punition exemplaire pour 1'auteur de cette diatribe mais il est peu probable que 1'Empereur y ait prêté la moindre attention. Les journaux hollandais étaient a 1'index dans les départements francais; « ils renferment des articles fabriqués par nos ennemis et puisés dans les papiers anglais », écrit le préfet de .laDyle (2). Ils fontd'autant plus de mal qu'ils sont rédigés en langue flamandc ; on les recherche avec empressement:le même numéro de la Gazette de Haarlem circule d'estaminet en estaminet. Le préfet des Deux-Nèthes dénonce aussi la Gazette de Leyde (3) qui corrompt 1'esprit public. Cette gazette eut du reste la mauvaise fortune de voir se renouveler a son égard, pendant plusieurs années, et presque sans discontinuer, les rigueurs de la censure (4)- II accuse les journalistes de Haarlem et de Rotterdam dont les feuilles se répandent avec'profusion de fausser la vérité et de semer la panique dans son département. Les rapports de la police, principale source d'information pour Napoléon (5), parient sans cesse de 1'anglomanie (1) Archives Nationales, AF IV 1883. (2) Archives du royaume de Belgique, fonds préfecture de la Dylë, n° 1231 (15 brumaire an 14). (3) Archives du gouvernement provincial d'Anvers, Liasse 129, n° 5. (4) F. Donnet,?/» quart de siècle de censure, Anvers, 1908, p. 8. —Je fais remarquer une fois pour toutes que la police appelle les journaux hollandais gazetles et les distingue les unes des autres par le nom de la ville oü elles s'imprimaient. Sur la Gazette de Leyde voir Hatin : les gazettes de Hollande et la presse clandestine aux XVII' et XVIII' siècle, Paris, 1865, p. 153 et M. W. L. Sautijn Kluit,.de Fransche Leidsche Courant, Leiden, 1870. (5) VoirE. d'Hauterive, La polics sscrète sous l'Empire, bulletins quotidiens adrcssés par Fouche ii l'Empereur (1804-18i);>), Paris, 1907. - 53 - — 54 — des Hollandais et de leur gallophobie. Aussi les Francais qui arrivent et qui séjournent dans le pays ne sont ils pas peu étonnés de leur pondéralion. Le général Lauriston s'atlendait a trouver de l'émotion, de Ia slupeur a Amsterdam. Rien de tout cela, on ne parle que de ladécoration de sa voiture (i). Lebrun, prince archi-chancelier de l'Empire et lieutenanl-général de Napoléon en Hollande, ne constate qu'une curiosité bienveillanle et il écrit a 1'Empereur: « soit peur, soit bonhomie, ils (les Hollandais) se la'ssent faire et ne disent rien » (2). II a bien vite apprécié a leur juste valeur les qualités-de ses administrés : sérieux, modéralion, tolérance, patience, persévérance et il s'efforce decalnier les préventions du duc de Rovigo que les rapporls tendancieux de Devilliers inquiètent. « Ne vous effrayez pas », lui dit-il (3). Le chevalierDevilliergjlu Terrage, directeur général de la police en Hollande, lui reproche plus d'une fois un certain parli-pris en faveur des Hollandais ; Réal le trouve porté a toujours excuser les torts,a dissimuler lesabusetaconsidércr presque comme une indélicatesse leur révélalion. Selon lui, il affiche contre la police et surtout contre la haute police une aversion qui la décourage et qui finit souvent par paralyserses moyens (k)- C'est qu'elle lui parait tout a fait inuliledans un pays oii 1'on est naturellement bon et naturcllemenltranquille (5). Nous allons voir que Lebrun s'es^^^ opposé autant qu'il apua la mégalomanie atrabilaire de Devilliers qui veut tout régenter ; il ne peut pas entendre prononcer le mot de censure (6) et Devilliers, créature de (t) Cité par M. le prof. H. T. Cole.nbrandeh, Gedenkstukken der algemeene Geschiedenis van Nederland, deel VI, n° 5 (14 juillet 1810). (2) cité par Colenbrandek, op. c, n» 123 (1" novembre 1810). (3) Archives nationales, F' 3460 (16 mars 1811). (4) Archives nationales. AFIV 1721, cité par M. Colenbrander, op. c. n° 274. (ö) Cité par M. Colenbrander, op. C, p. 14, en note. (6) Archives Nationales, F' 3438 (14 mars 1811). — 56 — rement a la même époque et faisant pai tie de la propriété littéraire privée., ne pourront être considérées comme des contrefacons lorsqu'elles aurontété estampillées avant le l"rmars procliain Les droits des auteurs et Iibraires francais sont garantis par l'art. 5. Les Hollandais sont tenus de leur payer le douzième de la totalité des exemplaires déclarés par eux existant actuellement dans leurs magasins, ou a leur disposition, et cela tous les 6 mois, dans la proportion des ventes qu'ils feront et qui seront évaluées par le nombre d'exemplaires qui leur resteront et qu'ils représenteront. Les inspecteurs feront saisir par la suite les exemplaires non eslampillés qui sont devenus des contrefacons et la police de Rotterdam mettra ainsi la main sur un grand nombre d'ouvrages de Ia maison d'Immerzeelet Cie: Les mois de la nature, de Delille, Les Jleurs ou les artistes, de Mme de Genlis, ISinon chez Mme de Séoigné, de Dupaly (i). * # * A partcette formalitéde 1'estampillage pour lesédilions antérieures au ier janvier 1811 qui a été proposée avec l'assenliment de Lebrun (2), la direction générale de 1'imprimerie et de la librairie n'intervientpas en Hollande et c'est la police qui surveille 1'esprit de la presse dont elle s'inquiète. Tantöt, le duc de Rovigo signale a Lebrun que, d'après le Times du 2q aout 1810, une proclamation circule secrètement a Amsterdam. Onrappelle au peuple hollandais ses anciens exploits et on l'invite a secouer le joug de 1'Empereur (3). Tantót, il lui énumère quantilé d'écrils dangereuxqui sont la nourriture spirituelle des habitanls. (1) Rijksarchief, La Haye, Holland, 3(520 (4 abüt 1811). (2; Archives Nationales, AF IV 511. (3) Rijksarchief, La Haye, Prins Stedehouder 17 et Archives Nationales, F1 6548 .2 septembre 1810). Le pourvoyeur du ministère de la police n'est autre que Devilliers du Terrage. Sa 'correspondance du commencement de 1811 ferait supposer que la Hollande était inondée de pamphlels, qu'on n'y imprimait et qu'on n'y lisait, par bravade, que ce qui portait atteinte au gouvernement. Les chansons sont des jérémiades. Pensez donc, dans 1'une, les conscrits quTtomberont peut-êtrc- en Russie, souhaitent la fin de la guerre et appellent néfaste le jour du tirage au sort! Elles peuvent amollir le coeur des jeunes soldats ou bien, au contraire, porter ces jeunes gens aux dernières extrémités. « On concoit aisément quel efïet de telles productions chantées, Ie soir, au milieu de la foule, du ton le plus larmoyant, peuvent produire sur des têtes déja fort exaltées » (1). La prière d'un père pour son fils qui va rejoindre son régiment lui est suspecte, comme le livre d'oü elle est tirée (2). Elle trahit une faiblesse de caractèrc et un manque de confiance vis-a-vis de 1'Empereur. Devilliers appartienta laclasse de ces fonctionnaires qui, cohsciemment ou inconsciemment, s'exagèrent lesdifficultés et croient dire Ia vérité pour se donner de 1'importance. C'est une facon adroite et commode de se faire valoir : on simule des catastrophes et l'on sauve tout par son sangfroid et son esprit de décision. Quand il est en veine de franchise et qu'il ouvre son coeur a Réal qu'il tuloie, il reconnait que les Hollandais sont le peuple du monde le plus facile a gouverner. Les jibraires ne regimbent jamais ; ses invitalions leur deviennent des ordres (3). r II veut se donner les airs d'un pclit Fouché, mais il n'a que les capacités d'un sous-ordre soupconneux, hargneux, atrabilaire, orgueilleux. II installe a Amsterdam un bureau (1) Archives Nationales, F7 3489 (4 mars 1811). (2) Archives Nationales, F' 3460. (3) Archives Nationales, F' 8350 (31 janvier 1811) et F' 3064' — 57 — 60 — on craignait la conscription et la conscription se fait tranquillement. On murmure contre les douanes, contre les impóts mais on se soumet et on paie. Ce qui sera dangereux, ce sera les libelles et les proclamations qui viendront d'Angleterre soutenues par des forces imposantes et même alors, il n'y aura, j'espère, que de 1'inertie ; les gens qui ont quelque chose a perdre sont bien décidés a rester tranquilles et une populaCo sans conseil et sans guide ne sait que crier et peut être jeter quelques pierres. Ne vous inquiétez pas trop sur notre compte, Monsieur le duc, et croyez toujours que je serai le premier a veiller et a exciter la vigilance des autres (IJ. Mais il ne veut pas que Devilliers s'arroge le droit de censure. N'a-t-il pas Ia prétention de se faire remettre tous lesouvrag-esavant leur publication pour n'autoriser Ia vente que de ceux qui seraient revêtus de son visa ? II lui dicte 1'avis suivant pour le Coarrier d''Amsterdam : Le directeur général de la police, obligé par sa place, de veiller sur 1'ordre public et d'écarter tout ce qui peut offenser la décence, les moeurs, les lois et le gouvernement, prévient les auteurs, imprimeurs et Iibraires qu'il veillera avec )e plus grand soin sur les abus, la licence et les délits de la presse et qu'il les fera poursuivre avec toute la rigueur que les lois autorisent (2). Le pauvre Devilliers est bien « un oiseau pris a la glu » comme il 1'écrit a son ministre (3). II se recommandc de 1'autorité de Rovigo. Lebrun lui répond que c'est par erreur que le ministre de ia police adonné unpareil ordre: la censure de la librairie n'entre pas dans ses allributions.' II lui permei copendanl de se faire présenter les productions éphémères que la presse fait parailre presque chaque (1) Archives Nationales, F' 3460 (16 mars 1811). (2) Archives Nationales, F' 3489, (13 mars 1811). L'avis a paru dans les numéros 74 et 80 du Courtier d"Amsterdam des 13 et 21 mars 1811. (3; Archives Nationales, F' 8374, (12 mars 1811),cité par M. Coi.enbrandsr, op. c. n" 742. — 61 — jour mais il lui interdit formellement de s'occuper des ouvrages volumineux, domaine exclusif du Ministère de I'Intérieur. Sa déception est bien amère et, désireux de provoquer unconflit entre de Rovigo et Lebrun, il se plaint a Réal que le prince ne veut point qu'il exécute les ordres que le ministre lui a transmis et c'est dommage : « il avait pris ses mesures pour se faire remettre tous les ouvrages avant leur publication etchacun s'empre.ssait d'obéir » (i). Réal ne manque pas de consigner ces jérémiades dans un rapport : le Ministère de 1'Intérieur ne s'occupe en Hollande que de statistique et de la nomination des maires, « il enrésulteque les pamphlets et les journaux vont leur train » (2). De Rovigo se borne a inscrire en marge : dire a Devilliers de marchera travers les difficullés etsansjblesser. C'est trop lui demander ; il manque de pondéralion, de prudence el ignore le sens du mot ménagement qu'H fait synonyme defaiblesse. La foi en l'instruction ministérielle annihile tout raisonnement chez ce bureaucrale inflexible « d'un zèle aveugle et d'une indomptable énergie |». Réal qui le connait bien 1'accuse de « monlrer un peu trop Ia police et de n'en pas assez dissimuler 1'aclion (3) ». Devilliers lui écrit qu'il trouve Ie conseil aussi sage que spirituel ; il 1'a d'ailleurs pressenti. Je me suis fait la regie générale, quelque opposition que le prince apporte a mon service, de ne lui résister jamais avec violence et avec scandale ; je sens trop qu'eüt-il mille fois tort et eussé-je mille fois raison, les convenances n'en voudraient pas moins que Sa Majesté me coudammit. En conséquence, chaque fois que je me trouve avec son Altesse en divergence d'opinion, j'ai bien soin de ne jamais (1) Archives Nationales, F' 3489, (14 mars 1811). (2) Archives Nationales, F13489, (23 mars 1811). 3) Archives Nationales, AFIV 1721 (juillet 1811), cité par M. Colenbrander, op. c. n° 274. — 62 — trancher trop fortement les couleurs qui font différer sou avis du mien, je recule quelques pas en arrfère et avec patience j'observe le moment de regagner le terrain que j'ai perdu et de me reporter même encore un peu avant, s'il est possible. Comme j'apporte a agir de cette facon, beaucoup de ténacité, et que le Prince ne met pas beaucoup de force, ni d'insistance a me contrarier ou a me suivre des yenx, j'ai assez généralement obtenu jusqu'a ce jour la plupart des objets auxquels j'attachais une grande importance. Ainsi, en renóncaut a la censure des in-folio ou des ouvrages classiques qui m'était absolnment inutile, j'ai conservé celle des pamplilets, des brochures et des ouvrages périodiques dont j'avais absolument besoin dans ce pays ou la rage d'écrire et de se faire imprimer en vers ou en prose est portee au dernier point (1). II a transmis a de Rovigo le pamphlet intilulé : Secret psycho-chimique pour Jaire de la (sic) nêcessilé une (sic) vertu (2), « oü Pon trouve des passages tres répréhensibles ». Cc qu'il appelle pamphlet n'est qu'une conférence donnée par Fokke a Amsterdam le 25 octobre 1810-. Fokke critique, non sans esprit, le blocus continental. La nouvelle chimie mélamórphose tout. Elle nous apprend a faire du café avec de la chicorée et du seigle et cela a Ia barbc des Anglais. Elle essaie de changer les épinoches en harengs et les rats d'eauen baleines, mais jusqu'a présent les résultats ne sont pas trés satisfaisants. La nouvelle chimie poiitique., découverte par le conférencier, transforme une église en poudrière, un soldat, en prince, un paysan, en roi. Fokke a beau emprunter la plupari de ses exemples a 1'antiquilé, ses allusions sont par trop transparentes. Ajoutons enfin le menu du soldat qui se remplit le venlre d'eau et de pain, de sel et de pommcs de terre et d'un peu de soupe fabriquée avec des os boui 11 is (3). (1) Archives Nationales, F'3489, 1" avril 1811). (2) Voir page 51. (3) Het psycho-chemisch geheim, pages 2, 9, 26. — 63 — Noussavons déja (jjque le censeur du bureau des journaux de Paris voulait faire arrêler imprimeurel auleur, mais que le minislre de la police trouva la punilion trop sévère ; il pouvait ne pas y avoir préméditalion (2)/' Le même jour il écrit a Lebrun qui lui répond que ce pamphlet est ancien, qu'il circulait en Hollande avant son arrivée dans le pays et qu'enfin il y a déja longtemps qu'il a autorisé Devilliers a punir 1'auteur Fokke. Pour le reste « tout est ici d'une tranquillité qui ne doit vous laisser aucune crainle ni aucune inquiétude a 1'Erripereur (3) ». L'imprimeur recoil une vertesemonceet quant & Fokke, Devilliers est bien trop heureux de 1'avoir a sa merci pour le laisser échapper. « C'est un libellisle de la plus vile espècequi, en toute occasion, amanifesté sa haine contre la France et qui, sous le gouvernement même de S. M. le roi de Hollande alrouvé un moyen de se faire de mauvaises affaires malgré 1'extrême indulgence de ce prince (4) »• II propose donc 1'exil. Lebrun, qu'il trouve beaucoup plus sévère qu'il ne l'espérait, l'approuve ; le prince aurait trouvé fort bon qu'il le fit arrêter depuis longtemqs « quand cependant il m'en avait par écrit refusé la permission » (5) ajoute Devilliers. II triomphe : de Rovigo vierit de lui enjoindre, non seulement d'empêcher les pamphlels de parailre, mais de les découvrir dans les librairies et les greniers, car il faut être inexorable la-dessus (6). Fokke s'en apercevrait s'il avait quelque forlune. L'exilé doit subve- (1) Voir page SI. (2) Archives Nationales, F1 3460, (30 mars 1811). (3) Archives Nationales, F1 3460, (5 av'ril 1811). Lebrun doit se tromper sur Ia date de publication du livre de Fokke. Le catalogue de S. de Visser {Naamlijst van uitgekomen boeken) 1'annonce dans son Bulletin de février 1811 et son titre de nouveauté attira 1'attention de Devilliers et de son bureau de traductions. (4) Archives Nationales, F'3460, (4 avril 1811). (ö) Archives Nationales, F7 8284, (8 avril 1811). (6; Archives Nationales, F' 3460 12 avril 1811). — 64 — nir non seulement a ses propres besoins, ma's encore a ceux desa familie ; en un mot, il doit être riche. Fokke 1'est-il? demande-t-on de Paris. Non c'est un pauvre diable et s'il était conduit quelque part comme prisonnier d'Etat il faudrait pourvoir a son exislence et a celle de sa familie. Le gouverneur n'a pas de fonds pour cela. Que faire ? II me parait bien difficile, écrit Devilliers a Réal, si le gouvernement ne veut rien faire pour sa familie de 1'envoyer en France et de laisser sa femme et ses enfants exposés aux horreurs du besoin. Cela le serait d'au tant plus que S. A. le prince gouverneur-général qui a déja trouvé que la police portait trop loin les persécutions contre ce libelliste ne manquerait pas alors de se plaindre de la rigueur avec laquelle il serait traité. L'intérêt du prince pour ce M. Fokke a été porté si loin d'après les sollicitations pressantes qu'il are§ues a son égard de la part de M. le maire d'Amsterdam que j'ai dü le mettre en liberté sous caution et c'est dans eet état qu'il se trouve aujourd'hui. Puisqu'il est si difficile de 1'établir quelque part que ce soit,d'une manière convenable, je ne vois autre chose a faire que de le laisser dans cette situation provisoire ; elle lui inspirera sans douteune retentie également salutaire pour lui et utile a la tranquillité publique (1). Un autre folliculaire Susan'a aussi encouru sa colère. Dans un article de son journal Le héros de laraison (2) il a comparé 1'Espagne a Pidole Moloch. Et de peur qu'on se méprenne sur ce que cette allusion a d'odieux, il prend soin d'expliquer que eet objet du , culte des Moabites avait des flancs d'airain dans lesquels on jetait des créatures humaines destinées a être brülées vives. ... (3) II en est quitte pour un mois de détention et ce qui est plusgraveil perd son journal par suite de 1'application en Hollande des décrets du 5 février et du 3 aout 1810. (1) Archives Nationales, F' 8284, (7 juin 1811) (2) De Held der rede. II paraissait encore le 23 novembre 1811. La bibliothèque royale de La Haye posstde quelques numéros de cet hebdomadaire. (3) Archives Nationales, F7 82S4, (8 avril 1811). — 65 — # * C'est un rapport de Rovigo a 1'Empereur qui a provoqué cette mesure. Nous le donnons in-extenso. Sire, Le directeur général de la police en Hollande a fait parvenir a mon ministère un assez grand nombre de brochures dont les unes sont épliémères comme les circonstances qui les produisent, et les autres paraissent de temps en temps comme les Cahiers du mois qui s'impriment en Allemagne (1). La plupart de ces brochures agitent des questions relU gieuses qui sont encore d'un intérêt plus vif en Hollande que dans le reste de 1'Europe et presque toutes s'adressent au fanatisme des protestants qui parait aujouid'hui non moins actif et aussi dangereux que celui des catboliques (2). § (1) II y a certainement erreur. « Les Cahiers du mois s'impriment 'en Hollande » dit un autre document des archives (F7 3460, 10 avril 1811) el il est probable que la police entend par la le « Recensent ook der Recensenten de Johannes van der Hey. Elle expédie le 10 avril un article qui doit être insèré dans tous les journaux et les Cahiers du mois « sont désignés dans 1'article même ». Ce doit être celui qui a paru le 17 avril dans le Courrier d'Amsterdam, n° 108. II parle des feuilles périodiques qui présentent « la situation sous les couleurs les plus sinistres » et 1'une « en rendant compte des sermons du docteur Rau n'en cite qu'un seul passage et choisit artiflcieusement pour 1'appliquer au temps présent une peinture de nos malheurs ». Le Recensent avait publié eet extrait dans son n" 2 de février 1811. (2) J. Fiévée écrit a 1'Empereur au sujet de ce Rapport : Je crois que 1'Empereur doit le faire retirer. Ce rapport précède un projet de décret sur la nécessité de réprimer la presse en Hollande et ne nous est encore parvenu qu'en épreuve. On y trouve au haut de la page 2 : « Ces brochures, qui agitent des questions religieuses, sont encore d'un intérèt plus vif en Hollande que dans le reste de 1'Europe ; et presque toutes. s'adressent au fanatisme des protestants qui parait aujourd'hui non moins actif et aussi dangereux que celui des catholiques ». II y a quelque chose d'eflrayant a voir juger ainsi la religion du monde chrétien, soit catholiqüe, soit protestante, comme il y a ridicule ignorance a proclamer aujourd'hui le fanatisme des protestants aussi actif et aussi dangereux que celui des catholiques. C'est annoncer qu'on n'a aucune connaissance des temps accomplis et qu'on ne sait pas mème ce qu'on a lu dans les livres des philosophes du xvm'. Cette phrase n'est pas de Rovigo : elle appartient probablement a un membre de la commune de 1793, admis au nombre de ses secrétaires ; mais il aurait dn sentir qu'elle ne pouvait être imprimée, au nom d'un ministre de 1'Empire, ni distribuée dans Ie conseil d'un souverain. Si la chose était vraie et qu'il fut nécessaire de la dire, il aurait falluTcxprimer en d'autres termes; mais ce n'est point par 1'esprit des convenances que brillont les hommes de la Révolution. .Correspondance et relations de Fiévée avec Bonapdrte, premier Consul et Empereur, pendant onze années de 180% a /S/5, Paris 1836, t. III, page 107). Le directeur général de la police en Hollande a fait parvenir a mon ministère un assez grand nombre de brochures dont les unes sont épliémères comme les circonstances qui les produisent, et les autres paraissent de temps en temps comme les Cahiers du mois qui s'impriment en Allemagne (1). La plupart de ces brochures agitent des questions religieuses qui sont encore d'un intérêt plus vif en Hollande que dans le reste de 1'Europe et presque toutes s'adressent au fanatisme des protestants qui parait aujourd'bui non moins actif et aussi dangereux que celui des catboliques (2). § (1) II y a certainement erreur. « Les Cahiers du mois s'impriment 'en Hollande » dit un autre document des archives (F7 3460, 10 avril 1811) el il est probable que la police entend par la le « Recensent ook der Recensenten de Johannes van der Hey. Elle expédie le 10 avril un article qui doit être insèré dans tous les journaux et les Cahiers du mois « sont désignés dans 1'article même ». Ce doit être celui qui a paru le 17 avril dans le Courrier d'Amsterdam, n° 108. II parle des feuilles périodiques qui présentent « la situation sous les couleurs les plus sinistres » et 1'une « en rendant compte des sermons du docteur Rau n'en cite qu'un seul passage et choisit artificieusement pour 1'appliquer au temps présent une peinture de nos malheurs ». Le Recensent avait publié eet extrait dans son n" 2 de février 1811. (2) J. Fiévée écrit a 1'Empereur au sujet de ce Rapport : Je crois que 1'Empereur doit le faire retirer. Ce rapport précède un projet de décret sur ROCHE — 67 — primé a Groningue chez Zuidema et a Amsterdam chez W. Brave. Nnméro I. Introduction. II parait que la Providence veut renouveler la face extérieure de 1'Europe. Ce changement froisse beaucoup d'intérêts et ruine beaucoup de personnes qui ont besoin de consolations. Leur existence était liée aux anciennes institutions politiques. L'un perd sa place, 1'autre, ses revenus, celui-ci, son industrie, cclle-la, son commeree. La destruction de l'ancien gouvernement entraine donc la destruction des families et des fortunes particulières. Le temps n'est pas moins sombre pour ce qui concerne la religion que pour ce qui regarde 1'Etat. On permet les cultes, mais on mépriso la religion ; on la met a part. II y a plus de tolérance qu'autrefois mais il y a aussi moins de religion. C'est pour en défendre les.principes, c'est pour en ranimer le sentiment, que les rédacteurs ont entrepris ce nouveau journal. Numéro 2. Tout est périssable dans ce bas monde. Le temps présent en a multiplié les preuves. Combien de couronnes paraissaient aHei-mies sur la tête de ces rois et de ces princes qui sont actuellement sans royaume* et sans domaines ! 11 y a peu de temps enenre que notre patrie croyait avoir une constitution stable ; cette constitution n'est plus et notre patrie elle-même, qu'est-elle devenue f Hier encore nous avions des possessions considérables, nous espêrions les transmettre d nos enfants: aujourd'hui nos propriétés se réduisent presque & rien ; nos revenus sont anéantis. Des milliers de personnes ont per du leur place et ceux même qui conservent encore un modique traitement, arrosent de larmes le pain qu'on leur a laissé. Les domestiques cherebent en vain des maitres, toutes les classes souffrent : la richesse et 1'indigence ont les mêmes craintes et les mêmes regrets. Les n°s 3 et 4 de cette feuille ne renterment pas des passages aussi remarquables, mais ils sont écrits dans le même esprit. Ces exemples sufflsent pour juger 1'esprit des écrivains bollandais de cette époqne. Malheureusement les journaux et les brochures font dans ce pays ainsi qu'en Allemagne une impression plus lente mais plus profonde et plus durable que dans 1'ancienne France. En Hollande tout le monde lit et disente, tout le monde s'intéresse aux affaires publiques et religieuses. On a cru pouvoir y diriger 1'esprit public en obli- — 79 — connuset imprimés depuis long-temps qu'il juge bon de reproduire. Tout le monde étant a même de confronter cette réimpression avec les anciennes éditions, les phrases tronquées ou altérées seraient facilement remarquées et vous savez, Monsieur le général, que cela ne poarrait avoir qu'un trés mauvais effet aux yeux du public. Je trouve, du reste, les corrections de la police faites dans eet ouvrage si minutieuses, si peu dignea d'une censure éclairée et libérale que je ne balancerais point de rétablir les vers tels qu'ils étaient. Afin cependant que vous puissiez en juger vous même, Monsieur le général, voici quelles sont les corrections. Dans un morceau sur le siège de Leyde par les Espagnols en 1574, M. Berkhey dit, en parlant deshabitants : ils jnraient de mourir sous les décombres de leur ville plutót que d'abandonner lachement Orange et 1'union des provinces. La police ordonne de retrancher le mot Orange. Les pigeons instruits(sic) rapportent sous leurs ailes les avis consolants qu'Orange envoie anx assiégés. Même correction. II nomme alors toutes les fabriques qui florissaient alors a Leyde : La aussi les parcheminiers apprêtaient des peaux sur lesquelles devaient être imprimés les triompbes de la patrie et • oü l'art de la gravure devait retracer les victoires de Nassau. Betrancher Nassau. La on imprime 1' image de la liberté sur un papier servant de monnaie dans des temps-de détresse. II fallait retrancher le mot liberté. Dans une autre pièce le poète parle d'un pinson qui siffiait et ajoute : il avait appris a siffler la marche guerrière de Nassau. On ordonne encore d'effacer le mot Nassau (1). Devilliers écrit a Réal qu'aucun auteur n'a jamais eu a se plaindre de lui, ni de ses bureaux. Nous avons quelque peine a le croire (2). En tout cas, il est bien obligé de (1) Archives Nationales, F" 413, (21 novembre 1812). Les passages censurés étaient tirés, le dernier excepté, du livre de Joannes Le Francq van Berkhey intitulé : Het verheerlijkt Leyden bij het tweede euwgetijde van deszelfs heuchlijk ontzet in den jaare C10.I0. IXXHII. Nous les reproduisons dans 1'annexe B avec les corrections de la police. Nous y ajoutons un passage sur le Wilhelmus, supprimé, et qui a échappé a Cohen. (2) La liste noire des atrocttés frangaises raconle ce qui suit : l'impri- — 80 — convcnir «, que ces corrections quoique uliles en ellesmêrnes n'étaient pas toutes d'une égale importance » (i) mais il ne veut pas reconnaitre que Cohen a raison. « Ignore-t-ilou plutöt ne feint-il pas d'ignorer que ce chanl (la marche guerrière de Nassau; a toujours été 1'espèce de réveil du peuple du parti Stadhoudérien » (i) Devilliers a joué dans cette affaire Ie róle d'un sot et il le sent si bien qu'il demande a Réal d'intercéder pour lui auprès de de Pommereul : il voudrait bien se réhabililer dans son esprit ; par reconnaissance il lui signalera les erreurs involontaires de Cohen. II le sait a la veille d'en commettre d'assez lourdes. II continue au mépris du décret du 5 février 1810 a exercer une censure préventive comme Ia direction, soit avant cette dernière, soit après. Les imprimeurs se soumettenl a cette formalité arbitraire qui leur évite les pires inconvénienls. La police se perd toujours en minulies qui Ia déshonorent. Dans un livre de A. van der Willigen, Voycege de Paris d Naples (2), elle ne supporte pas les mots de république hollandaise, de conscription, de libérté, de Russe,de pillage inhérent a la guerre, d'instabililé humaine ; elle s'offusque de toute allusion aux émigrés francais aux fonctionnaires qui font allendre le public; elle supprime les phrases anodines oü figurent ces vocables dangereux et ces allusions coupables (3) Dans la dernière expeUUm de meur Geysbeek qui voulait publier, en avril 1811, un livre d'adresses des fonctionnaires du tribunal en avait envoyé un spécimen a Ia police avec prière de bien vouloir rectifler les erreurs. Le secrétaire général Haw qui 1'avaitconvoqué le fit attendre de 1 heure a 4 heures 1/2 dansunendroit fort mal famé d'Amsterdam pour lui reprocher enfin, dans les termes les plus grossiers d'avoir mis son nom au bas d'une page {Zwart register, page 33). (1) Archives Nationales, F: 3489, (18 déc. 1812). (2) A. van der Willigen, Aanteekeningen op eene Reise van Parijs naar Napels enz, Haarlem, 1812. (3) Voir Annexe C peut s'insurger que platoniquement contre de pareilles rapsodies et il est obligé, a son corps défendant, d'autoriser 1'impression des compiaintes les plus fades et les plus idiotes pour éviter un dommage financier aux édileurs de Groningue. Devilliers les laisse circuler a Amsterdam ; s'ils ne peuvent les fournir, les Iibraires les achèteront dans la capitale (i). On saisit des chansons un peu partout, a Rotterdam (2), a Dordrecht, a Groningue f3). Les unes racontent Ia passion de Jésus-Christ, les autres se plaignent du temps présent ou frisent le pamphlet. De Pommereul recommande aux préfets de surveiller les foires et les chanteurs ambulants. Ils ne peuvent débiter que les compiaintes qui ont été paraphées article par article par le préfet ou le souspréfet; le maire les vise et ce visa leur sert d'aulorisation. Les préfets surveillent aussi les ouvrages de circonstances, les journaux, les catalogues de vente de bibliolhèques : les adjudicationspubliques.de livres meltaient en circulation certains écrits dangereux, dont le débit était interdit, notamment les produclions obscènes (4). Mais ils sont tellement occupés qu'ils confient ce travail a leur secrétaire général ou a d'aulres subalternes. Devilliers va se faire un malin plaisir de surprendre leur vigilance en défaut. Presque tous ont eu a se plaindre de lui et de ses délalions professionnelles, de Celles excepté peut-êlre,car il faitcensurer par les bureaux de la police tout ce qui est de son ressort, aux articles de journaux prés. Ainsi Devilliers lui renvoie, un jour, une oraison funèbre soumise a (1) Rijksarchief in de provincie Groningen, 198**, n° 9, (29 avril 1812). (2 Algemeen Rijksarchief, La Haye, Holland, 5679, (18 juin 1812). (3) Archives Nationales, F'" 580', (10 novembre 1811). 4) Archives Nationales, F" 402, (24 septembre 1810). - 86 - — 93 — séquent soumis au droit d'un centime par feuille : Pommereul se charge des écritures. Pour faciliter le décompte de la perception et flxer avec régularité le montant de ses traites, chaque imprimeur ayant une édition déclarée et dont par conséquent la nature sera bien reconnue, sera tenu vingt jours avant d'effectuer son dépot et a 1'instant oü la quantité du tirage sera parfaitement arrêtée et invariable de m'en adresser le résultat précis, motivé sur le nombre des exemplaires et des feuilles d'impression. Sur cette indication je ferai dresser les engagements qu'il devra fournir et joindre a son dépöt et il n'aura plus que le léger travail de véiïfier, dater et souscrire (1). Ces opérations quoique simples ne sont pas encore familières a tous les imprimeurs en aout 1812 et 1'un d'eux envoie déclaration, bulletin et les 5 exemplaires en même temps (2); le fonctionnemenl de la censure reste d'ailleurs incompréhensible a beaucoup d'auteurs : en 1814, A. van der Willigen (3) note qu'un passage de ses Aanteekeningen op eene reis van Rome naar Napels dut être changé sur la demande expresse, non de Ia censure de Paris, mais de celle de la Direction générale de 1'imprimerie et de la librairie. Les éditeurs pour échapper a Pimpöt d'un centime ne manquent jamais d'ajouter sur leurs déclaraüons que l'auteur est vivant. Krusenstern, Voyage autour du monde : eet ouvrage est imprimé pour le compte du libraire A. Loosjes Pz. a Haarlem ; d'un auteur vivant et translaté (sic) en hollandais par M. Sybrandi, ministre dFrance d'un bateau qui avec une licence apporte des^denrées coloniales d'Anglelerre (4). Dansles mercuriales, la feuille de Zierikzee, donne les prix en argent de Hollande. L'éditeur doit se servir des valeurs décimales et des poids du syslème métrique (1). On ne connait plus le florin dans les actes administratifs. ÉÈjML Les feuilles d'affiches outrepassent leurs droits. En 1813 surtout elles commejicenl a insérer des nouvelles politiques. Le numéro du 2 avril de celle de Zierikzee ne contient pas autre chose. Elles font ainsi uneconcurrence dé- (1) Rijksarchief, Middelburg, 103 A' (20 février 1811). - (2) Rijksarchief, Leeuwarden (31 mai 1813). Ingckonen stukken n° 1134 Handleiding der nationale garden van het Fransche Keizerrijk, Amsterdam, 1813. . (3) Rijksarchief, Middelburg, 103 As (16 avril 1811). (4) M. Veegens, op. c, t. II, p. 232-233. — 165 — loyale aux feuilles politiques qui s'en plaignent. De Celles rappelle les rédacteurs des feuilles de Haarlem, d'Alkmaar, d'Utrecht a leurs devoirs, ils insèrent même ses arrêts sans son autorisation ; la première récidive entrainera la suspension immédiate (i). II s'est moqué du rigorisme de 1'inspecteur Manget qui en 1811 condamnait le ton oratoire des annonces et prescrivaitaux éditeurs de les rédiger dans ün style plus simple. Certes elles étaient fort longues et blessaient parfois le bon gout; elles donnaient des détails réalistes sur une mort, sur un accouchement laborieux, et les expressions Teilonaajntes : je pleure une femme vertueuse, la consolation de ma vie, une mère soigneuse, n'y manquaient pas, mais elles valaient bien celles qu'il préconisait: un tel est mort, un tel est né. D'ailleurs de quoi se mêle-t-il ? la rédaclion des journaux ne rentre pas dans s$s attributions el de Celles a bien raison de le lui faire remarquer (2). Malheureusement il est tout aussi tatillon quand il reproche a la feuille d'affiches d'Alkmaar et de Haarlem d'annoncer les fiancailles « alors que la loi ne reconnait que le manage » (3). Aucun éditeur n'a la prétention de donner ses nouvelles comme actes de 1'étatcivil et d'autre part chacun est bien libre de faire connaitre publiquement ce qu'il a 1'intention de faire (4). La séyérité peut seule mettre les préfets a l'abri des réprimandes du ministre de police renseigné par Devilliers du Terrage. II a la responsabilité de la police des journaux en Hollande, il est jaloux de ses prérogati-ves dont il use et abuse ; maires et préfets ont fait l'objet de maint rapport de sa main. (1) Rijksarchief, Haarlem, Minutes du préfet, 1813, n" 1617, 2384. (2) Rijksarchief, Haarlem, Minutes du préfet, 1811, n" 2307. (3) Cité par Krüseman, op. c. p. 229. (4) Réponse de Jean Enschedé et Hls, cité par Krüseman, p. 231. excellenles : on parle de bruils de paix et 1'on annonce de grandes victoires (i). Le mot d'ordre est trop facile a saisir. L'on sait que la rédaction du Moniteur est confiée au Ministre secrétaire d'Etat ; beaucoup d'arlicles sont fournis par le cabinet particulier de 1'Empereur. Les autres journaux recoivent des indications de la police. Son bureau de 1'esprit public est « chargé de commenter pour eux, les actes et la politique de 1'Empereur, dé préconiser des victoires déja burinées dans les bulletins de la Grande Armée et dans les moménts decalme, d'iristruire, de distraire, d'amuser, si l'on veut, 1'esprit public » (2). Les journaux des départements ne sont qu'un mémorial administratif; ils ne renferment le plus souvent que des décrets impériaux, des arrêtés de la préfecture : rarement ils s'occupent de politique et, s'ils en parient quelquefois, c'est pour annoncer les victoires des armées ; ils ne peuvent reproduire que ce qu'ils copient dans le Moniteur ei les journaux de la capilale : le Journal de 1'Empire, la Gazette de france, Ie Journal de Paris (3). II ne font que répéter, ce sont des échos. Leur lecture n'est guère attrayante et celle des journaux hollandais, comme celle de tous les autres, est bien monotone. Napoléon donne a Lebrun, 1'ordre de lesremplir d'arlicles bien faits (4) pour faire connaitre la dureté de l'Angleterre qui renvoie les soldats infirmes incapables d'un plus long service. Malheureusement il était difficile, sans farder la vérité, de noircir les Anglais aulant que le demande 1'Empereur. (1) A. van der Willigen, fragmenten van aanteekeningen, betrekkelijk Napoleon Buonaparte en zijne regeering, Haarlem, 1814, page 50. ' (2) L. Hatin, op. c, t. VII, page 371. (3) Archives Nationales, F7 8350, (9 avril 1812). (4) Correspondance de Napoléon, n" 18.825, 18.827. 173 - — 174 — J'ai 1'lionneur de lui observer, avouait 1'boiinête architresorier, que les Anglais remettent ordinairement a ceux qui les ont servis et qu'ils renvoient une somme qui équivaut a quelques années de pension (1). Devilliers est moins embarrassé. Foin de 1'imparlialité ! II écrit de longs articles la-dessus (2) : les mallieureux ne recoivent que trente-six francs, ils sont couverts de haillons et débarqués Ia nuit sur quelque cöte déserle. « La, souvent quelques-uns se noient au moment même du débarquement, tant on apporte de peur et de précipitation a Peffectuer ; plusieurs autres, malades ou incapables de marcher, périssent au milieu des sables dont il leur faut traverser plusieurs lieues ; le reste mourant de faim est bientöt recueilli par les postes militaires » (3). Les capitaines anglais qui s'engagent a mener « au sein de leur patrie » ceux qui ont payé passage commencent d'abord par leur demander des prix énormes, puis ils les dépouillent a bord de tout ce qu'ils possèdent et les jettent enfin sur la cóle de Hollande ou ils risquent « de périr mille fois de misère, de froid, enlrainés par les vagues ». La propagande conlre l'Angleterre ulilise surtout des extraits de lettres communiquées, soi-disant a la police. Le commeree y est dans la détresse, les manufactures se ferment, les faillites sont si nombreuses qu'on ne les compte plus ; Ia solde de 1'armée anglaise du Portugal n'est pas payée depuis cinq mois. La banqueroute de 1'Etat est imminente (4)- On les aura ! En France, au contraire, tout prospèrc et cinq numéros ne sont pas de trop pour faire la nomenclalure des travaux qui s'y exéculent. L'auteur avait souvent voyagé dans Ie (1) De Caumont de la Force, op. c, page 227. |2) Journal des Bouches-de-la-Meuse, 1811, n"! 191, 203 ; 1812, n° 41. (3) Journal des Douches de-la-iteuse, n* 191. (4) Journal des Bouches-de-la-Meuse, 1811, n" 229. — 176 — un fort bon esprit et qu'il fait répéter dans les gazettes de Hollande avec beaucoup d'utilité (i). Pendant la campagne de Russie, les nouvelles sont mauvaises : le rédacteur du Jouraal des Bouches-de-la* Meuse remplit sa feuille d'acrosliches sur Lebrun a qui l'on dédie odes et épitres. II est qualifié de « touchante déité » qui sait faire aimer la France et les lois d'un héros ; il marche « sur des fleurs a la poslérité » (2). On endort la curiosilé du public en lui raconlant les péripéties' du voyages d'un éléphant. Embarqué a Amsterdam, il vient d'arriver a Bruxelles. Les vents contraires P avaient bien vite rendu mélancolique. Alors eet animal commenca a gémir et a ré pand re abondamment des larnies. Son cornac le voyant dans eet état de tristesse s'approche de lui, lui parle, le caresse et 1'assure qu'il n'y a aucun danger et que le voyage est a sa fin. Mais quelle fut la surprise du cornac lorsque 1'éléphant qui avait compris son discours et ses gestes rassurants l'embrasse de sa tronipe, le presse avec affection contre sa poitrine et par divers autres 'signes lui témoigne toute sa satisfaction : scène vraiment touchante qui prouve combien eet animal est sensible aux bons traitements et combien il a d'iutelligence. Depuis ce moment 1'éléphant a été tranquille et une douzaine de bouteilles de rhum qu'on lui fit boire, ranimèrent son courage abattu. Dès lors, il commenca a prendre sa nourriture ordinaire, c'est-a-dire a manger 100 livres de pain, 30 livres de foin, un panier de pommes de terre et une bonne quantité de carottes et il s'est constamment bien porté. Ces détails sant faits pour intéresser toutes les personnes qui étudient 1'histoire des animaux, leurs mceurs et leurs divers instiucts (3). Tous les aulres articles sont du même acabit. Sans parler des charades, logogriphes et énigmes, on y trouve des recettes pour faire des chandelles qui brulent bien et longtemps, des exemples de longévilé extraordinaire, de phi- (1) Journal des Bouches-de-la-Meuse, 1812, n° 316 (2) Archives Nationales, F7 3463 (19 septembre 1812;.- (3) Journal des Bouches-de-la-Meuse, 1812. n° 214. — 177 — lanthropie d'autant plus mu-itoires qu'ils émanent de paysans normands. II y a des couplets pour égayer la foule et lui rappeler en même temps les succès de Sa Majesté (i) ; les uns sont en hollandais, les autres en francais ; la police fait insérer une chanson de Désaugicrs : Vla qu'est enfin baclé ï Vla Moscou z en not'pnissance (2). et un acolyle ne manque pas d'en envoyer la traduction en hollandais : on la répète dans deux numéros (3). Un employé des douanes, Chazet, qui caresse la muse è ses moments perdus est un des grands collaborateurs de Devilliers. Le Courrier d'Amsterdam du 18 octobre 1811 publie de lui cette méchante fable. Un prince, de son siècle et 1'exemple et 1'araour, Qui veut tout voir, tout juger par lui-naême, Dans un bateau parcourait 1'autre jour Un des canaux de la ville qu'il aime. L'air était froid et ie temps était pris. Unde ses officiers fait étendre un tapis fort simple dans Ia barque. Le monarque veut bien en parait re content ; Plus on a droit d'être exigeant, Moins on se montre difficile. Au retour, on le rend au propriétaire qui refuse toute indemnité. Au plus puissant des rois J'ai pu me rendre utile et c'est ma récompense. Mais les passants marchandentle tapis qu'il nesonge pas a véndre. Heureux et fier de posséder Ce meuble qu'un moment a rendu magnifique, . / (1) Archives nationales, F" 428 16 octobre 1812). (2) Journal des Bouches-de-la-Meuse, 1812, n* 282. (3) Journal des Bouches-de-la-Meuse, n" 290, 296. Roe he — 17$ - Je ne voudrais pas même le céder Pour tout 1'argent que l'on trouve au Mexique. Grace a mes soins, je veux des ans L'empêcher de sentir 1'outrage, Et le léguer a mes enfans Comme leur plus bel héritage. Auprès du vrai bonheur, qu'est ce qu'un peu de bien : Gardez tous vos trésors, moi je garde le mien. La flagornerie des autres thuriféraires de 1'Empereur est écceurante a force de bassesse ; ils 1'appellent « le Dieu de 1'avenir» (i), ils célèbrent sa bonté paternelle, ils le proclament le plus grand des héros, le législateurle plus sage. Marivauit qui trouve les articles hollandais insignifianls en a rédigé un qui est « un peu moins dépourvu de couleur » (2). L. L. M. M. ont quitté les murs de cette ville aujourd'bui a 10 heures du niatin. Une foule immense s'était portée sur leur passage et faisait retentir 1'air de ses acclamations ; a l'enthousiasme qui avait éclaté a leur arrivée, se mêlait un doublé sentiment de reconnaissance et de regrets qui donnaient un caractère particulier a 1'expression des physionomies et ajoutait al'intérêfd'une scène bien digne d'occuper le pinceau de nos artistes. Sans doute mes voeiix seront exaucés et nos dignes magistrats s'empresseront de perpétuer de si doux et de si glorieux souvenirs. Les tableaux qui les retraceraient deviendraient le plus bel ornement de notre hótel de ville. Avant que le grand Napoléon eut daigné s'arrêter dans nos murs, nous voyions en lui le premier des héros, le génie le plus étonnant qui ait illustré le monde, mais nous ne nous faisions pas une idéé assez juste de sa bonté. II a paru parmi nous comme un père au milieu de ses enfants, sans escorte, sans gardes, entouré, pressó par la foule avide de contempler ses traits, de lui témoigner son amour. C'ëtait a qui toucherait ses vêtements, la housse ou la bride de son cheval ; pour lui, souriant a tous avec cette affabiïité qui lui est particulière, il traversait ainsi notre ville a petit (sic) pas, (1) Journal des Bouches-de-la-Meuse, 1811, n" 163 (2) Archives Nationales, F' 7014. Cité par M. CoumimANBER) n» 769. — 179 — ne seiublant préoeeupé que du soiu de préserver de tous dangers ceux qui,dans leur enthousiasme, se précipitaient devant lui et qui, 1'ayant déja vu, voulaient le re.voir encore. J'avais ététémoin, mon ami, de ce ravissant spectacle ; des aflfections non moins vivesont rempli mon ame, lorsqu'admis a 1'audience de S. M. avec tous les fonttionnaires publics, je 1'ai entendu discuter nos intéréts, ne dédaignaut aucun des détails de l'administration et appuyer (sic) avec une sagacité qui n'appartient qu'a lui, les réponses faites.a ses questions. J'avais admiré le père dn peuple,le législateur de 1'Empire, j'ai voulu aussi suivrele héros dans la plaine oü ses troupes étaient rassemblées. Comment pourrais-jevous peindre lea nouvelles émotions que j'ai éprouvées, 1'enthousiasme des soldats qu'il a si souvent conduite'a la victoire, l'ivresse de toutes les acnes lorsque S. M. 1'impératrice a paru, lorsque surtout les troupes ont défilé devant elle et que chaque soldat a pu admirer dans ses traits ce mélange de dignité et d'inaltérable bienveillance qui la rendent 1'idole d'une nation dont elle a perpétué le bonheur (1). Paris trouve Gependant que la police manque parfots de perspicacité. Courrier d'Amsterdam du 14 octobre 1811 (2), On a trouvé dans ce numéro envoyé. par M. Devilliers au article rédigé d'une manière fort maladroite. Le voici : Un commissaire de police en faisaut sa ronde a la pointe.du jour a vu des vers affiches a la porte du palais ; il devait craindre qu'ils ne fussent dans un mauvais esprit ; la nuit ne prête ordinairemeut ses voiles qu'a des opéralions coupables et clandestines; quel a été son étonnemenl quand il s'apercut que c'était un hommage noble et délicat ottert è. 1'Empereur. M. de Chazet a improvisé la traduction suivante des vers hollandais. Sur le palais impérial etroyal d'Amsterdam. Le palais parle. (1) Courrier d'Amsterdam du 11 octobre 1811,n° 283, Journal des Bouchesde-la-Meuse, 1811, n» 161. Le compte rendu de la représentation théatrale a laquelle assista Napoléon a Amsterdam est de cette farce. Voir Journal des Bouches de-la-Meuse. 1811; n»» 163 et 164. G. F. Gijsberti Hodenpijl s'emporte contre le journaliste, qu'il prend pour un llollandais, et qui se rend coupable d'une telle flagornerie [Napoleon in Nederland, Haarlem,1904, p. 109, HO). (2) Voir aussi le Journal des Bouches-de-la-Meuse du 15 octobre 1811, n° 164. — 180 — Edifice pompeux qu'on cite avec honneur Parmi les monuments qu'offre 1'architecture, Je vois en ce beau jour augmenter ma splendeur, Et d'un höte immortel recevant ma parure, Je puis a tous les yeux présenter mon bonheur. Un monarque puissant, que 1'équité conseille, Qui Be fait a la fois cbérir et respecter, Napoléon vient m'habiter ; Je suis labuitième merveille. La crainte et 1'étonnement du commissaire sont également trés inconvenants et eet article n'aurait pas dü trouver place dans le courrier d'Amsterdam. II a été défendu aux journaux de Paris de le répéter (l). Napoléon lui-même critique les articles inspirés par la police, ils sont faits dans un bon esprit mais ils ne touchent plus personne, « c'est vérité et simplicité qu'il faut (2) ». La vérité, on n'en a cure! le passage de la Bérézina a été enregislré comme une brillante victoire (3); le 2 novembre i8i3 on imprime que Napoléon en a remporté une autre k Leipzig et que si 1'armée se dirige vers la France, c'est qu'elle manque de poudre (4). Les journaux n'annoncent jamais de troubles et gardent leur froide sérénité mais Devilliers signale la vente de figures allégoriques oü le lion batave donne la cbasse au coq gaulois (5), oü le prince d'Orange est représenté comme le restaurateur de Pindépendance hollandaise. Après le départ des Frangais ils reprennent leur autonomie : on les arrête k la frontière (6) pour qu'ils ne pénètrent pas dans les départements qui sont restés« soumis ». Le Ministre de 1'Intérieur qui est au courant de 1'effervescence générale n'ose plus employer les adjectifs : « tran- (1) Archives Nationales, F7 3461. (2) Correspondance de Napoléon, n" 19945. (3) Journal des Bouches-de-la-Meuse, 1812, n° 356. (4) Journal des Bouches-de-la-Meuse, 1813, n" 305, 308. (5) Archives Nationales, F7 3o64, (22 juillet 1813). (6) Archives Nationales, F' 404, (26 novembre 1813). — 181 — quilles, calmes, fidèles » (i) qu'il biffe. La consigne est si bien observée que les journaux de Belgique ne disent pas un seul mot des affaires de Hollande et l'année « s'achève par de longs articles sur un repas chinois, le tremblement de terre de Caracas, sur Ia gailé, sur une femme nue trouvée dans une partie éloignée de la France » (2). La vie publique n'en a pas moins repris en Hollande et les théatres participent a ce renouveau national ; ils donnent surlout des pièces patriotiques (3). (1) Archives Nationales, F' 404, (26 novembre 1813). (2) P. Vehhaegen, Essai sur la liberté de la presse en Belgique durant la domination francaiss /792-/S/4, Bruxelles, 1893, page 108. (3; j. A. Worp, Geschiedenis van het drama en van het tooneel in Nederland, Groningen 1908, t. II, page 412. CHAPITRE V LES THÉATRES LE THÉATRE FRANCAIS D'AMSTERDAM PENDANT LA DOM1NATION FRANCAISE. LES AUTRES THÉATRES. LES NOUVEAUX ARRONDISSEMENTS DE THÉArRE. LES PIÈCES INTERDITES : PIÈCES FRANQAISES, PIÈCES HOLLANDAISES. Le 4 aout 1810 van Ray qui avait envoyé a Paris un rapport sur les spectacles d'Amsterdam (1) se plaignait du mauvais ton qui régnait au théétre hollandais ; les scènes obscènes, les propos grossiers (2) effrayaient la bonne société qui se rendait de préférence au théatre francais. Ces deux théatres avaient è soutenir Ia concurrence de nombreuses sociétés soi-disant dramaliques que Devilliers du Terrage surveille avec la plus grande altention. Au lieu d'organiser des représentations familiales pour les membres, elles se laissent aller a la spéculation et portent ainsi préjudice a la ville d'Amsterdam et aux deux grands théaüvs. II y en a vraimenttrop et quelques-unes sont déja fermées au commencement de février 1811 (3). Le décret du 8 juin 1806 rendu exécutoire par celui du (1) Archives Nationales, F' 8259. (2) Df J. A. Worp, Geschiedenis van het drama en van het tooneeel in Nederland, Groningen, 1908, t. II, page 413, 516, 517. (3) Courrier d'Amsterdam du 14 février 1811, n" 45. 8 octobre 1810 et du 6 janvier 1811 ne laisse subsister que deux théatres dans lea grandes villes de 1'Empire,; a Amsterdam et a La Haye il ne peut y en avoir qu'un francais et un hollandais (1). Tous les autres disparaissent; le théatre allemand et. Ie théatre italien ferm«t donc leurs portes. Les directeurs voudraient bien être maintenus ; impossible : leur établissement n'est pas national (2). Cohen demande un dédommagement: le préfet de Celles préfère s'en remetlre a la munificence impériale (3). Le théatre francais a toutes ses sympathies. C'est un excellent moyen de propagande et les autorités administratives n'ont jamais varié la-dessus. Ennivósean XII comme en avril i8i3 (4), les préfets proclament que le théatre est un instrument politique du premier ordre pour familiariser les peu pies annexés avec notre langue, nos goüts, nos mceurs. Dans certaines agglomérations même il est d'utilité publique a cause de la garnison. Gelui d'Amsterdam périclite. Dans le bon vieux temps les loges des officiers de la Cour, des ambassadeurs et des riches négociants produisaient 18.000 florins, les recettes a la porte, 55.000 florins environ. II appartenait a une société d'actionnaires mais le roi Louis leur ayant refusé une allocalion de 4o.ooo florins par an, ils renoncèrent a 1'entreprise et la direction fut assumée par un groupe de comédiens : Dangeville, Lagardère, Morel et Garnier qui jouirent d'un subside de 18.000 florins. Les représentations au chaleau du Loo leur en valurent 20.000 en 1809 mais, depuis Ia réunion, la loge du roi et des ambassadeurs n'est plus payée, les voyages au Loo sont annulés, 1'abonnement des officiers, un jour de solde, fait subir des dommages k la (1) Rijksarchief, Haarlem, Minutes du préfet du Zuiderzee. 1811, n° 1320. (8) Rijksarchief, Haarlem, Minutes du préfet du Zuiderzee, 1811, n' 1460. (3) Rijksarchief, Haarlem, Minutes du préfet du Zuiderzee, 1811, n" 2040. t4) Archives Nationales, F*1 1173. 183 ■ — 184 — troupe depuis qu'ils ont été remis au franc au lieu du florin. Bref, le théatre francais Jie peut se soutenir. Ses dépenses sont de fl. 84-io5 etil arrivé a peine a couvrir ses frais journaliers (i). Laréunion de Ia troupe hollandaise et francaise sous une même direction pourrait peul-être le tirer d'affaire. Depuis sa nouvelle organisation le théatre hollandais prospère. Autrefois il coütait 60.000 francs a la ville qui l'adminislrail; la nouvelle direction avec Mme Wattier-Ziesenis, Snoek et Majofski va lui en rapporlcr 27.000, montant de la location du baliment et du mofjilier (2). De Celles fait d'abord un appel au maire d'Amsterdam et lui demande une allocation de 10.000 a 14.000 francs (3), le conseil municipal vient de refuser un subside au théatre francais : les financesde la ville ne permettent pas de faire des libéralités ; il a déja fallu diminuer les sommes affectées auxsociétés de bienfaisance.A défaut d'argentle maire pourrait accorder 1'usage gratuit de la salie et des costumes, des décorations et lacher d'opérer la réunion des deux Iroupes : le ballet, 1'orchestre seraient communs et les dépenses d'entrelien deviendraient plus légères pour chacune (k). En même temps il écrit a d'Alphonse qu'il n'a pas de fonds mais qu'il fautvenir au secours du théatre francais (h). Les sociétaires ne sont guère enthousiastes : ils ne veulent pas se charger de la direction des deux troupes mais d'autre part.« une dépendance avilissante a laquelle les Francais n'ont jamais été asservis » leur répugne aussi. Les Hollandais traitent leurs pensionnaires avec barbarie, (1) Rijksarchief, Haarlem, botte 269, (8 aoüt 1811). (2) Rijkarschief, Haarlem, minutes préfet, 1811, n" 1602. (3) Rijksarchief, Haarlem, minutes préfet, 1811, n° 2019. (4) Rijksarchief, Haarlem, minutes préfet, 1811, n" 2352. (ai) Rijksarchief, Haarlem, minutes préfet, 1811, n" 2356. — 185 — ils ne paient pas leurs artistes, en cas de maladie, ils ne connaissent pas le francais et « il serait ridicule d'en remettre lesoin a ses ennemis déclarés... d'ailleurs le théatre hollandais est en décrépitude, il doit s'éteindre comme sa nation ; 1'aulre doitbriller d'un nouvel éclat par une bonne organisation et par la munificence du souverain (i) ». L'empereur, lors de sa visite a Amsterdam, a affecté a 1'encouragement des Beaux-arts et des théatres une somme de 2oa.ooo francs portés sur le budget de la ville pour 1812. De Celles en fait verser 12.000 au théatre francais a titre d'encouragement. Son local n'est guère convenable, il a donc jeté les yeux sur celui de la troupe hollandaise qui a un bénéfice de 1.719 florins. Le maire est assez embarrassé pour répondre ; il ne fait aucune proposition, il s'étend longuement sur Ia détresse du théatre francais mais il n'indique aucun moyen pour le relever (2). Devilliers qui s'est mêlé de l'affaire a autorisé la troupe & jouer Ie dimanche après avoir triomphé de la résistance de Lebrun qui défend le repos dominical, un « pjéjugé gothique » pour le directeur de la police ; il voudrait bien faire cesser « les momeries ridicules » du dimanche « qui ne laissent point d'être fócheuses pour la tranquillité générale et pour 1'amélioration de 1'esprit public (3) ». Mais cela n'a pas sauvé le spectacle francais ; les recettes reslent faibles et, pour comble de malheur, les artistes doivent payér contribution aux auteurs qui appliquent a Amsterdam le tarif des plus grandes villes de 1'Europe : ils 'étaient loin de s'attendre a un impót aussi exorbitant quand ils ont demandé le privilège (4)- (1) Rijksarchief, Haarlem, bolte 269, (10 décembre 1811). (2) Rijksarchief, Haarlem, minutes du préfet, 1812, n° 739. (3| Archives Nationales, F' 3064, (16 novembre 1811). (4) Archives Nationales, F"", (8 juillet 1811), et F'a 62. — 186 — Aussi refusent-ils de se charger de 1'entreprise pour i8i2-i8i3 si on ne leur promet pas une allocation de 5o.ooo fr. Ils ne deviennent plus traitables que lorsque de Celles leur annonce qu'on va procéder k Padjudication du speetacle; il leur accorde le privilege exclusif des bals masqués, il soumeltra jeux et concerts a une rétribution en leur faveur ; au besoin, Uspourront compler surun secours de 36.ooo fr. (i). Mais comme il sait que Padministration ne tient pas ses livres en ordre il va la faire contróler (2). Tout cela est bel et bon, mais les secours ne donnent pas de talent aux acteurs qui sont médiocres ou mauvais. Les spectateurs murmurent et la police, écrit Devilliers, ne peut pas forcer le public a trouver bon un acteur que tout le monde condamne, « le bon ordre en est même troublé » (3J. II n'en réduit pas moins, le samedi, le nombre des concerts ou bals pour faire refluer les gens vers le théatre francais (li). Les affaires n'en deviennent pas plus brillantes et les comédiens toujours quémandeurs assaillent le maire et de Celles de suppliques ; les dépenses de 1'entreprise sont une lourde charge pour la caisse communale (5). Le préfet leur a fait verser 54-ig3 fr. et d'Alphonse intervient pour défendre les finances de Ia ville. II a déja protesté en mars 1812 conlre les libéralités de de Celles qui ne consulte pas Ie maire (6). Cette fois, il accuse le préfet d'avoir outrepassé ses droits ; il aurait du s'en tenir a la sommede 36.ooo fr. Le rapport financier du théatre est loin de le satisfaire : pour 171 représentationset 17 bals il n'accuse que 44-749 florins ; il s'élonne surtout de la somme de 200 florins, produit des (1) Rijkarchief, Haarlem, minutes préfet, 1812 n" 911, 914. (2) Rijksarchief, Haarlem, minutes préfet, 1812 n" 911. (3) Rijksarchief, Haarlem, bolte 269, (18 juillet 1812). (4) Rijksarchief, Haarlem, bolte 269, (11 janvier 1813). (5) Rijksarchief, Haarlem, botte 269, (29 avril 1813). (6) Rijksarchief, Haarlem, bolte 269, (31 mars 1812). — 187 — abonnements et des loges pour le mois de janvier i8i3. Les fonctionnaires entreraient-ils sans payer ? II regretle enfin que le préfet ait converti le théatre francais en régie (i). Pour se disculper de Celles en écrit au Ministre de 1'Intérieur : Aujourd'hui que les habitants d'Amsterdam sont Francais et qu'ils doivent le devenir intérieurement par les goüts et le laagage, le théatre francais a acquis une importance réelle et sa conservation, ses succès ont un but politique qu'il n'est pas difficile de saisir : voila pourquoi les sacriflees qu'il impose en ce moment ne doivent pointêtreconsidérés comme ils le seraient partout ailleurs. Son entretien, son amélioration ont couté 4 la ville, en 1812-1813, au-dela de 54.000 fr. mais aussi sa réputation commence a s'établir. Les Hollandais amateurs de musique s'habituent a entendre dire que, hors du théatre francais d'Amsterdam, 1'opéra n'y est pas supportable ; la curiosité les y attire peu a peu ; la musique, 1'exécution vraiment remarquable les feront jouir sans le secours de la langue d'une partie des représentations et pour en jouir entièrement il faudra bien que l'on s'habitue enfl# a la langue francaise (2). Devilliers demande a de Rovigo d'intervenir auprès du Ministre de 1'Intérieur. Tout conspire contre le théatre francais d'Amsterdam et les habitants ennemis du système actuel. signalent dans toutes leurs , sociétés et coteries particulières pour les en faire éliminer, le petit nombre de'leurs compatriotes qui fréqnentent ce théatre ; ces derniers pour éviter la proscription n'y vont presque qu'en se cachant. Si le gouvernement ne prête point son appui a un théatre contre lequel tout conspire, rien ne peut empêcher saruine (3). Le Ministre de 1'Intérieur ainsi sollicité approuve les versements effectués par de Celles et affecte pour chacune (1) Rijksarchief, Haarlem, boste 269, (6 aoüt 1813). (2) Rijskarchief, Haarlem, minutes 1813, (9 aoüt 1813). (3) Archives Nationales, F' 3493, (13 aoüt 1813). des années suivantes i8i3-i8i4, i8i4-i8i5, la somme de 60.000 fr. sous la déduction néanmoins pour 1'année 18131814 de 36. 000 fr. provisoirement accordés (1). La commission pour la régie se composera de Vereul, adjoint du maire, de van Slingelandt Jéróme, membre de 1'ordre impérial de la réunion, ancien secrétaire de la ville d'Amsterdam, d'Apostool Gorneille, membre de ITnslitut de Hollande f2). iIPIf La nouvelle réglementation pour 1'année i8i3-i8i4 est encore un prétexte pour favoriser Ie théalre francais. Elle prescritles eonditionsa imposer aux directeurs. Ils doivent remeltre un tableau de leur troupe au commencement de i'année théatrale avecemploi et traitemenl de chaque sujet, soumettre leur répertoire tous les six mois et aucune nouvelle pièce ne peuty être ajoutée qu'avec I'assentiment de la police. Ceux des troupes ambulantes donnent aussi leur itinéraire. Enfin chacun d'eux doit rester a la tête de son entreprise. Quant aux avantages qu'on leur confère, il comprennent leprivilège des bals masqués pour les troupes slationnaires et Ie droit de perception d'un cinquième (après le prélèvement de celui des pauvres) sur la recette brute des spectacles de curiosité : danseurs de corde, écuyers, physiciens (3). Le droil des pauvres « un décime par franc » est pergu sur les droits d'entrée (k) et les deux théatres d'Amsterdam qui accusent pour I'année 1812-1813 une recette de fr. 123.189,36 pour le francais et une de fr. a43.94o,4i pour le hollandais (5) le trouvent exorbitant ; les directeurs ne (1) Rijksarchief, Haarlem, bolte 269, (30octobre 1813). (2) Rijksarchief, Haarlem, minutes préfet, 1813, n» 23i8et, bolte 269, (30 octobre 1813). (3) Rijksarchief, Haarlem, minutes préfet, 1813, n°1897. (4) Rijksarchief, Haarlem, bolte 298, (16 septembre 1813). (5) Rijksarchief, Haarlem, bofte 298, (9 octobre 1813). - 188 ■ — 189 — manquent pas de faire remarquer qu'il avait été convenu qu'on donnerait des représentations pour eux. En 18111812 celles du Ihé&lre hoilandais n'avaienl produit que fr. 3o45,32 (1). De Celles établit d'abord qu'un des théatres doit être considéré comme le thé&tre principal el que le théatre francais peut seul avoir des prétentions a cette qualification : il est national et, d'autre part, Napoléon a bien recommandé d'en entretenir un soigneusement composé. II a. été réorganisé, il compte i4 acteurs, 11 actrices, 22 choristes et employés, 24 musiciens (2), 1'opéra y est fort bien représenté ; a lui seul doivent donc revenir les avantages. II coüte beaucoup a la ville et la perception du cinquième brut sur les recettes desspectacles de curiosité et le privilège des bals masqués en diminueront les charges. Le spectacle hollandais donne des représentations dans les principales villes du département : Utrecht, Haarlem, Zaandam pendant le temps de la foire : c'est une compensation précieuse (3). Le pays a été divisé en arrondissements de Ihéétre qui ont chacun une troupe privilégiée. Le IIe arrondissement comprend 1'Ems occidental et la Frise avec Hoetink, le IV", les Bouches-de-l'Yssel el 1'Yssel supérieur avec Krayestein, le Ve, le Zuiderzee avec Majofski, Mme Wattier-Ziesenis, Snoek et Thibault et Cie, le VI», les Bouches-de-la-Meuse avec Mi lord et Bingley, le VIIe, les Bouches-de-l'Escaut, les Bouches-du-Rhin avec Martin, 11 Rijksarchief, Haarlem, botte 269, (20 juin 1812). (2) Rijksarchief, Haarlem, minutes préfet, 1813, n' 207. (3) Rijksarchief, Haarlem, minutes préfet, 1813, n° 158. — 191 — chef-lieu, mais ces villes n'ont pas de salie de speetacle ; les troupes ambulantes sont obligées d'élever une baraquc et elles apportent leurs décorations (i). Dans les Bouches-de-I'Escaut les théatres ne manquent pas ; on y comprend le francais et le directeur privilégié doit avoir deux troupes. II s'appelle Martin et fait des diffiCHltés pour se rendre en Hollande. Les autorités envisagent son remplacement en octobre 1813 et les concurrents ne manquent pas. • * • Devilliers « dont la sollicitude se porte avec la même ardeur sur tous les objets recommandés a ses soins » (2) se fait envoyer de Paris la liste (3) des pièces interdites. Elle comporle 56 numéros (4) que nous allons passer en revue. Edouard en Ecosse ou la nuit d'un proscrit, (5), comme (1) Rijksarchief in Noord-Brabant (li mai 1813). (2) Archives Nationales, F7 3493 (5 aoüt 1813 . (3) Une copie de cette liste se trouvé aux archives de la province de Gueldre, une autre a Haarlem (bolte 269). Worp en a trouvé une autre a .Groningue (Gesch. van het drama, t. II, page 417). Elle ne donne que le titre des pièces, parfois tronqué et sans nom d'auteur. La voici : Anecdotes corses, Anglais a Bordeaux, Bataille de Pultawa, Bataille d'Ivry, Belle A mande, Brutus, Chanoine de Milan, Charles IX, Cartouche, Comte de Waltron, Comte de Comminges, Denis le Tyran, Deux pages, Elisabeth ou les exilés, Edouard en Ecosse, Familie Moscovite, Fénelon, Frédéric a Spandau* Gabrielled'Estrées, Guillaume leConquérant, Guillaume Teil, Gustave, Gustave en Dalécarlie, Hérode et Mariamne, Henri VIII, Journée de Frédérict Jeunesse de Richelieu, Jeunesse du grand Frédéric, Janvier et nivóse, Mérope, Menuisier de Livonie, Mort de César, Menzicoff, Milicien, Nicomède dans la tune, Offlcier cosaque, Pinto, Partie de chasse de Henri IV, Pierre le Cruel, Pierre le Grand, Rohert chef de brigands, Rigueurs du cloitre, Rome sauvée, Romanowski ou les Polonais dans la Russie blanche, Roi de Cocagne, Roi Théodore d Venise, Sans culottes, Siège de Rouen, Soldat prussien, Souper de Henri IV, Spartacus, les Strélitz, Tdnckmar de Saxe, Thamas Koutikan, Victimes cloitrées, Zelmire. . (4) Nous avons pu les identifier tous a trois prés : Anecdotes corses, Tanckmar de Saxe et Sans culottes qui pourrait bien être les vrais sansculottes ou t'hospitalité républicaine, tableau patriotique en un acte, en prose, paroles de Rézicourt (citée par H. Welsgiiinger ; Le Ihéêtre de la Révolution, Paris, 1881, page 246 a 248). (5) Voir supra, page f0. les Etats de Blois de Raynouard, (i), Charles VI, (i) Tibère, (i), 1'Intrigante (i) qui ne figurant pas sur l'élat, fut interdite par Napoléon lui-même en 1802 : il crut voir dans les applaudissements un acte de loyalisme envers les Bourbons. La malveillance pouvait assimiler le sort du comte de Provence a celui du proscrit Edouard. On voulut la reprendre en 1808. Voici le rapport de la censure : Les comédiens francais désirent remettre eet ouvrage pour la représentation au bénéfice de M. Naudé. L'analyse en serait superflue ; les réflexions du bureau le seraient pareilleïnent. Tout a été dit,tout a été pensé sur le drame d'Edouard. La pièce a été jouée et défendue par le gouvernement. Le temps qui s'est écoulé a t-il affaibli les motifs qui firent porter cette interdiction ? Convient il encore d'exciter sur la scène un vif intérêt en faveur d'un prince proscrit qui exposé ses jours pour remonter sur le tróne de son aïeul? D'un autre cóté un gouvernement ferme et puissant en abandonnant ces intrigues romanesques aux amusements du théatre ne donnet-il pas un témoignage de sa force et de son assurance ? Ce «ont la des questions que 1'autorité suprème peut seule peser et résoudre. Le Bureau de la presse se borne a exposer a Votre Excellence le vceu des Comédiens francais (2). On lit dans la marge : Ajournée. Le i4 avril 1814 les mêmes censeurs Lémontey, Lacretelle, d'Avrigni écrivent: « Si Edouard en Ecosse n'a pu être défendu par Buonaparte que par une tyrannie ombrageuse, il peut paraitre dangereux aujourd'hui a la prudence la moins facile a alarmer ». II faut attendre pour la représentation jusqu'au moment ou Ie gouvernement du roi aura pris son aplomb. 9 Janvier 1818, nouvelle censure. 11 serait bon de retrancher deux passages qui ont quelque couleur politique. Joué en Russie, en Allemagne, en Italië et même en An¬ ti) G. Merlet, Tableau de la littérature francaise 1800-1815, Paris, 1878, page 240, 248, 253. (2) Archives NaUonales, F-' 966. 192 - — 193 — glelerre on trouve ce drame partout excepté en France ou il reste interdit pendant tout 1'Empire comme les pièces royalisles : La partie de chasse de Henri IV, Gabrielle d'Estrées, Henri IV ou la Bataille d'Iory, Le souper de Henri IV, Auguste et Thèodore ou les deux pages. Le nom de Henri IV servait de signe de ralliement aux royalistes et il était prudent de ne leur donner aucune occasion de montrer leur loyalisme. La partie de chasse de HenriIV,par Collé peut être considérée comme Ie modèle des pièces historiques telles qu'on les comprenait sous leConsulat et 1'Empire. On n'emprunte a Phisloire que des noms de personnes et quelques anecdotes qui forment le noyau de la pièce. On brode la-dessus quelque imbroglio oü le roi perd toute sa majesté. Dans la pièce de Collé (i), Henri IV, égaré dans la forêt de Sénart, passé la soirée chez le meunier Michau qui veut « le tutoyer quelque jour » ; il courtise Ia fille, propose d'aller coucher dans le grenier, va chercher un banc, range les chaises et aide a desservir la table. II n'agit en roi que lorsqu'il chasse de sa cour le comte Conchiny qui a voulu séduire Agathe. La pièce rappelle la réconciliation de Sully el de Henri IV et Gabrielle d'Estrées ou les amours de Henri IV (2), émaillée de Venlre-Saint-Gris, ne manque pas de reproduire la phrase : « Compagnons, emportés par volre valeui', si vous perdez de vue vos enseignes, cornettes ou guidons, regardez ce panache blanc, vous le troiiverez toujours au chemin de Phonneur ». Mais ce roi en bonne fortune s'exprime comme un épicier. « Elle plcure, dit-il quelque pari, que sa tristesse m'afflige... et me charme » et montranl son cceur : « Vous êles la, Gabrielle, et vous y êles a la vie et a la mort ! » (1) Représcntée a Dresde en 1766 et a Paris le 27 juillet 1789. (2) Opéra en 3 actes, paroles de St-Just, musique de Mehul, Paris, ehez Mme Cavanagh, 1806. iï-~-:? ' ROCHE |3 — 194 — Dans La bataille aTIory (i), c'est le même Henri de la légende : brave, un peu égrillard. A la veille de se battre, il remarque que les femmes du canlon sont fort jolies et, par anachronisme, il emploie le jargon de la fin du xvm" siècle : « Suivez la nature », commande-t-il au chevalier de Lénoncourt,ce qui signifie : Embrassez votre père. Après la bataille, il compte se porter sur Paris qu'il ravitaillera pendant lesiège. C'est le grand moyen inédit pour faire tomber une place forte. Quant au Souper de Henri fV(2) ou le laboureur devenu gentilhomme, voici ce qu'en dit la censure, le i4 avril i8i4 ; les éloges expliquent 1'ajournement sous 1'Empire : « Une anecdote vraie ou fausse sur le bon roi est Ie sujet de cette petite pièce. L'auteur suppose qu'un pauvre gentilhomme qui sert dans 1'armée royale a de grandes obligations au fermier Guillaume, son voisiu. Charles, flls de Guillaume, lui a même sauvé la vie. En conséquence Maurice, c'est le nom du gentilhomme, a laissé espérer qu'il donnerait a Charles la main de sa fllle Laurence ; mais son arabition lui a fait changer de résolutiou et il vient d'écrire a sa femme qu'il destine sa fllle a un riche noble qu'il a connu a 1'armée et que ce parti est bien préférable a 1'alliance d'un roturier. Les jeunes gens qui s'aiment sont au désespoir. C'esta ce moment qu'Henri IV et le maiéchal de Biron, ne pouvant plus poursuivre leur route par la fatigue de leurs chevaux, viennent comme de simples officiers demander 1'hospitalité a madame Maurice. La pauvre serait bien embarrassée si son voisin Guillaume ne consentait a apporter son souper, c'est-a dire une bonne dinde grasse qu'il a mise a la broche et dont il entend prendre sa part. Ce Guillaume est un personnage facétieux et plein de bon sens qui amuse Henri IV. Le roi apprend le contre-temps des amours de Charles et lorsque Maurice arrivé lui-même et le reconnait, il 1'engage a couronner 1'amonr des deux jeunes gens ; il 1'y décide en accordant a (1) Drame lyrique en 3 actes et en prose par de Rozoy, Paris, chez Vente, 177S. (2) Comédie en 1 acte, en prose par Boutillier et Desprez de Walmont, Paris, 1789. — 195 — Guillaume des lettres, de noblesse. Deiuandant ensnite a ce paysan quelles armes il prendra, celui-ci répond que ce sera sa dinde a laquelle il doit 1'honneur d'avoir soupé avec le roi. Cette pièce est courte, gaie, d'un excellent esprit et ne respire que la concorde et 1'amour du roi. Le caractère de Henri IV y est conforme a 1'bistoire, bon, aimablc, spirituel. Le fond de la pièce même est une plaisanterie douce qui ne viendrait pas hors de propos dans un moment oü 1'exagération des prétentions nobiliaires ne serait pas impossible » (1). Elle a été représenlée pour la première fois le 12 octobre 1789 sur le théatre de Monsieur el« eet hommage rendu au plus grand des Bourbons fait sentira tous les bons Francais comme il est doux de pouvoir Padorer dans sa vivante image ». Auguste et Théodore ou les deux pages (2) se termine par les cris de : ah ! le bon Roi ! le grand Roi ! le bon Roi ! Mais la police a beau interdire ces pièces royalisles, quelques préfets les tolèrent dans leurs déparlemenls. C'est pour mettre Gn a ces négligences administratives que de Rovigo décide: i°)qu'al'avenir la copie des répertoires sera communiquée en doublé au ministère a chaque renouvellement d'année théatrale, 20) que la liste des pièces sera transcrite sans aucun intervalle et signée au bas par le directeur, 3°) que toutes les pièces indiquées sur les répertoires seront numérotées (3). La partie de chasse de Henri /Fsert de prétexte a celle mesure. Napoléon ne peut que Papprouver car il estime qu'il ne faut pas « laisser jouer des pièces dont les sujels seraient pris dans des lemps trop rapprochés de nous ». Je lis, écril-il a Fouché, qu'on veut jouer une tragédie de Henri IV. Cette époque n'est pas assez éloignée pour ne (1) Archives Nationales, F' 987. (2) Comédie en deux actes en prose nièlée de chants par Dezède et B.D.M., Paris, Knapen nis, 1789. (3) Archives Nationales, F' 3493 (18 juillet 1812). — 202 — nom de 1'humanité qui ne veut plus que l'on commette des crimes sous Ie vain prétexte de venger le ciel. Des lois que nous avons juré de maintenir et auxquelles personne né peut se soustraire... viennent de briser les grilles de vos saintes prisons et de rendre a Ia nature tant d'objels malheureux que des vceux indiscrets ou forcés avaient enlevés a la société ». La pièce se termine aux cris de « Vive la liberté, la patrie et le roi ». Dans Fénelon ou les religieuses de Cambrai, c'est plus tragique. Une jeune fille Amélie qui refuse de prononcer ses vceux, « des sermenls odieux », découvre sa mère ènchainée depuis i5ansau fond d'un souterrain hideux. Elle va dénoncer le crime a Fénelon qui rend la victime a d'Elmance. Ce dernier la pleure depuis longtemps. La pièce est une critique des vceux monastiques que Fénelon condamne aussi. Que ne puis-je en ce jour Anéantir les vceux dictés par la contrainte, Les Berm en ts de malheur, les liens de la crainte, Tant de maux, de tourments et de crimes «acres Qui dévorent les cceurs d'un faux zèle enivrés. Ces cloitres,ces cachots ne sont point son ouvrage. (de Dieu) Dien fit la liberté, 1'homme a fait l'eBclavage. La Supérieure s'incline, elle n'a pas l'ame d'une lortionnaire « mais il va de soi qu'on pouvait doubler l'horreur qu'inspiraient les tortures infligées a une malheurèuse par l'horreur du crime qui les infligeait, mettre Pinnocence aux prisesavec la perfidie, la faiblesse avec la férocité, la souris entre les griffes du chat, en face de la victime, le bourreau (i). Dans les Victimes cloitrées le bourreau s'appelle le frère Laurent. Dévoré de désirs charnels, comme Frollo, il fait (1) Esteve, Le thédtre monacal sous la Révolulion, Revue d'histoire littéraire de la France, 1917,pages 177-283. — 203 — cnfermer Eugénie dans un cul de basse fcsse. « L'ceil en dessous », ce moine avide, libertin et vindicatif,s'efforce de perdre son rival, Dorval. « Que demain il s'enchaine aux pieds de bos autels, que sa fortune immense devienne notre bien ». Le frère Louis croit de son devoir de révéler a Dorval « tous les ressorts de la scéiératesse du Supérieur pour séduire Ie coeur d'Eugénie ». Dorval accable de reproches le père Laurent qui ordonne a quatre religieux de Penfermer dans un cachot contigu aeemi d'Eugénie qui vit encore.En trouant le muf il se réunitason amante; les deux malheureux sont délivrés par M. de Francheville qui avait dit au père Laurent: «J'ai des yeux,ils sont fixés sur vous. Tremblez. — Tremble, toi-même, avait murmuré le Supérieur en aparté, tu ne sais pas jusqu'oü notre vengeance peut attemdre ». Maitre absolu dans son couvent, soutenu par la congrégation tout entière il n'a pas vu sans regret les idéés de la Révolution se propager avec rapidité ; il les appelle « 1'esprit de vertige qui parait s'être emparé de la France » et les révolutionnaires sont « de hardis novatcurs » qui ne font qu'accomplir les desseins du diable. Napoléon qui est parlisan de 1'ordre intérieur n'aime pas non plus les traces hideuses de 1793 (1). Les mots de République et de républicain sont suspects. Aussi nombre de pièces qui rappellent 1789 comme Janvier et Nivóse, étrenncs en vaudeville de Sewrin et Chazet, jouée Ie 3i décembre i8o5 lors de la reprise de l'ancien calendrier et nombre de pièces révolutionnaires ou de pièces jouées fréquemment sous la Révolution comme Nicodème dans la lane ou la révolution pacifique (2) du cousin Jacques, alias Beffroy de Reigny sont-clles bannies des répertoires. (1) Napoléon, Lettres, n" 12778 (2) Nicodème dans la lane ou la Révolution pacifique, folie en prose et en 3 actes mèlée d'ariettes ot de vaudevilles, représentée pour la 1" fois a Paris le7 nov. 1790 et pour la cinquantième fois le 21 février 1794, par le cousin Jacques, Paris 1-791. Nicodème arrivé dans la lune el tombe au milieu de paysans qui se plaignent de leur triste sort : pas de pain quelquefois, des mauvaistraitements et un travail pénible ; ils comptent bien raconter a leur empereur qu'ils sont « vexés, molestés, écrasés d'impóts et de droits onéreux et qu'ils se consument en vains travaux pour les plaisirset les folies des grands ». Nicodème s'étonne de trouver des Majestés chez les gens de la lune et il leur raconte cequi s'est passé en France en 1789. On y avait aussi des rois. Mais puis « Ppeuple adit : J'n'en veux pus ; i' s'est mis enRépublique, et pis, au lieu d'un roi, on a dit comme ca qu'on choisirait des hommes capables a faire aller la machine et que 5a serait la loi quis'rait l'monarque... Gnia peul-el'pas d'mal a ca ; chaqu' nation est ben libred'choisir 1'gouvernementqui li plait ». Une paysanne voudrait bien qu'on imite les Francais. Nicodème devient 1'oratcur du peuple et son éloquence est tellement convaincanle que 1'empereur ému accomplit une véritable révolution pacifique dans sa cour. Les pièces k tyrans faisaient fureur. Les comédiens vou- lurent rétablir dans leur répertoire, en 1808, la pièce de Brutus qui avait été jouée sur le théatre de la Cour par ordre de 1'Empereur. Les censeurs estiment qu'elle ne parait pas devoir donner lieit a aucune application indiscrete.'Nulle similitude de temps, de lieu, de personnages . et de situatiën politique ne s'ofïre a 1'esprit entre 1'Empire francais et la Eépublique roinaine au moment de 1'expulsion de ses rois. Si l'on considère 1'impression générale qui doit en résulter on n'entrevoit pas d'autro danger. L'ensemble de l'ouvrage est triste et douloureux. Tout 1'intérêt dramatique se réunit sur Titus et sur Tullée. Le patriotisme ou plutót la férocité de Brutus font frémir. Nos mceurs douces et sensibles sympathisent mal avec cette affreüse rigueur. La représentation de cette pièce ne peut qu'augraenter le dégoüt des Francais pour les cruels essais de républicanisme oü ils furent malheureusement précipités (1). (1) Archives Nationales, F" 966. ■ 204 ■ — 208 — taille. Les habitants meitent tout leurespoir sur le duc de Bragance, mou et paresseux. « L'incertitude est le tourment des sots », lui dit son secrétaire Pinto, homme actif, vigilant, consommé dans les affaires et qui, par son éloquence, arrivé enfin a tirer leduc de son apathie. II se met enfin a la têle des conjurés. Vasconcellos est tué, la reine est arrêtée et le duc de Bragance est proclamé roi de Portugal. Comme comparses il faut citer Parchevêque de Bragues, borné, confianl et bredouillanl. Le style est rapide, frétillant. «Du vin, du vin et des liqueurs pour allumer les cerveaux ; des chansons pour exalter, des libelles pour aigrir, de chauds oraleurs pour fixer les irrésolus,des querelles pour atlrouper les curieux, quelques mensonges au nez des crédules de Ia ville ; surtout force écrits défendus afin qu'on se les arrache » (acte I, scène XI). Mais le röle de 1'archevêque tout conflit en optimisme béat présenlait un dignitaire de l'Eglise sous un jour bien facheux. Sous Ia Restauration, la censure demandera de changer 1'archevêque en commandeur et le cordelier Santonello en un familier de 1'inquisition (i). Sont donc bannies du théatre, les pièces qui, en attaquant la hiérarchie sociale, la religion et en rappelant 1'origine du régime pourraient compromettre le bon ordre établi. Les pièces a brigands ne pouvaient manquer d'allirer 1'attention de 1'Empereur et il recommande a Fouché de proscrire tout ce qui pourrait donner de la renommée aux voleurs de grand chemin. La pólice défend Ia représentation de Robert chef de brigands (2) et de Cartouche (3). Robert fiIs du comte de Moldar est chassé du chateau (1) Archives de la Comédie-Francaise. (2) , Robert chef de brigands, drame en 5 actes en prose imité de 1'allemaid par le C° Lamartei.iere, Paris, Maradan, 1793. (3) Cartouche ou les voleurs, comédie do Legrand, Paris 1721. Emile ROCHE DOCTEUR ÈS LETTRES LA CENSURE- W HOLLADE PENDANT LA DOMINATION FRANQAISE (9 JULLET f810 - 46 NOVEMBRE 1813) Librairie D. A. DA AMEN Koninginnegracht, 26 LA HAYE Libhairie Louis ARNETTE 2, Rue Casimir-Delavignb PARIS 1923 Geschenk van) .&!! Dans les lettres a Fouché, Napoléon parle de bagarres : M\ ont eu lieu a Marseille, a Bordeaux et il est dur pour ; #eux qui ont troublé 1'ordre au théatre de Rouen : ils sereront incorporés s'ils ne sont pas mariés et s'ils n'ont pas ¥ vingt-cinq ans (3). II inflige trois mois de prison a deux ' Saxonnes qui se sont permis de faire un éclat a celui d'Aix-la-Chapelle (4). II estime qu'en bonne police il faut punir sévèrement si 1'on ne veut pas sévir souvent. Mais en dehors du mainlien de 1'ordre, la police a une autre fonction bien plus importante : celle de la censure préventive, fonction qui, en 1800, appartenait au Ministère de 1'Inlérieur. L'examen des pièces est confié aux censeurs : Lémonley, Lacretelle, Esménard remplacé a sa mort par d'Avrigny. Le premier avait toute la confiance de Napoléon qui le charge de continuer Les éléments de Uhistoire de France par l'abbé Millot (5). Napoléon lit avec intérêt l'Histoire de France pendant le xvin' siècle du second (6) et (1) Archives du Royaume de Belgique, fonds de la préfecture de la Dyle, n° 1197. (2) Carrion-Nisas, Pierre le Grand, Paris, Baudouin, prairial an XII, préface. (3) Napoléon, Lettres, n" 10417. (4) Napoléon, Lettres inédites, éd. fcecestre, n» 494. (5) Napoléon, Lettres, n" 1123b. (6) Napoléon, Lettres, n° 14632. — 14 — le directeur de 1'imprimerie et de la librairie donne d'Esménard ce témoignage: « homme d'esprit et d'un talent tres distingué... il est auteur de plusieurs ouvrages d'imagination qui ont eu du succès ; son caractère n'a pas toujours été a 1'abri de tout reproche mais sa capacilé pour de telles fonctions (celles de censeur de la librairie) est ihcgnteslable » Ci)-Loeuillard d'Avrigny a composé a c^Mféptfque des Poésies nationales « La pompe du style le genre lyrique dans les sujets élevés ne s'y monlP&fWfc' assez souvent » (2). Ces censeurs, tous écrivains, ne peuvent s'abslenir' do faire la crilique littéraire des pièces que le Comité^» lecture a déja recues. Les ouvrages restent plus d'uw mois dans leurs bureaux et ne reviennent que tronquésS défigurés, quehquefois défendus sur des molifs qui ne sont pas toujours sans réplique (3). Ils ont cependant bien autre chosea faire : tacher de dépister les allusions que pourrait soulever lel ou tel passage, cartonner ce qui porte atteinle a 1'Etat, au souverain, a la religion, aux bonnes moeurs, et le public était alors d'une bégueulerie incroyable. II ne supporte pas les mots : cocu, carogne. On trouve que la femme coupable est antithéatrale et 1'on veut, « du moins dans les comédies, des époux amoureux et fidèles, des amis généreux, des agioteurs désintéressés, des parents bien unis, des amanls délicats et constants, des valets pleins de probité, des riches compalissants et jusqu'a des calins vertucuses » (4)- Les pauvres censeurs, obligésde par leur métier, a lire atlentivement loute cette litlérature émolliente ont dü bailler bien souvent et 1'un d'eux a le (1) Archives Nationales, AFIV, plaquette 3360. (2) Citè par Jüllien Behnard, Hist. de la poésie francaise d l'époque impériale, Paris, 1844, t. 1, p. 111. (3) Archives Nationales, F7 3491. (4) L. de Lanzag de Laborie, Le Thédtre Francais, Paris, 1911, p. 226. — 15 — courage de remarquer que la vraie gaité est bannie de nos compositions et qu'un gouvernement Iibéral ne peut pas ordonner de réprouver les livres de « haulte gresse » (i) SouslaRévoIutiondéja,lacensure-mais non pas le publ.c- s'était formalisée d!un acte d'insubordination qu'on porla.t sur la scène, ce qui s'explique fort bien Jorsqu'on sait que, pour les sans culotte, Ie théatre doit concounr, non seulement a la propagation des principes républicams, maisencore a l'épuration des mceurs. Amuser et inslruire telle est la devise et Ja censure doit surtout bannir de loute pièce le souvenir d'un régime abhorré. On connait quelques exemples de sa sévérité fa rouche: elle supprime les titres nobiliairés, elle ne supporlepasles mots de monsieur, madame, domestique et les remplacepar ceux de citoyen, citoyenne, officieux. Elle appelle dans le Menteur, la place Royale, la place des Piqués, elle change dans le Tartufe : « Nous vivons sous un pnnce ennemi de Ia fraude >, en : «ils sont passés ces jours d mjust.ce et de fraude »j elle subsjitue aux cris de : «Vive Je Ro,! », « vive la loi ! » et dans le Déserteur de Monsigny etdc Sedaine : « Ie Roi passait» devient :«Ia loi passait » (2) Le répertoire contient des pièces a tyrans : Brutus la Mort de César,Guillaume Teil, des pièces antireligieuses comme Fe'nelon, les Visitandines, les Rigaeurs du cloitre le Souper imprévu ou le Chanoinede Milan. Elles doivent ytemrle premier rang mais il ne suffit pas qu'elles y so.ent msérées, elles doivent être données au peuple de lemps en temps (3). Un commissaire écrit au ministre que la représentation de Brutus * a donné Jieu d'observer que 1'amourde la liberté et de la République sont (sic) tou- (f) Bibliöthèque Nationale, Nouvelles acquisitions ms 5002 ^T9Em-mmre Frmeais Pmda,it la RéMon ™-™o. Pari., (3) Archives Nationales, F7 3493. — 16 — « joursprofondément gravésdanste coeur d'ungrand nom« bre de citoyens francais. II suffira de dire que tous les « passages de ce sublime ouvrage oü la sévérité des prin« cipes républicains est si énergiquement exprimée ont « été saisis et applaudis avec le plus grand enthousiasme » et il ajoute qu'un grand nombre de représentants du peuple s'élaient donné rendez-vous au spectacle « pour y donner 1'impulsion » (i). C'est un beau charivari patriotique. On ajourne Zaïre paree que la religion chrétienne est le noeud de cette tragédie ; plusieurs personnages y -parlent de celle religion avec la chaleur des plus ardents missionnaires ; elle peut nuire au progrès de 1'esprit public (2), Mérope «paree qu'une reine en deuil y pleure son mari et désire ardemment le retour de deux frères absents » (3), le Mariage de Figaro comme « immoral et indigne de fixer les regards des républicains, le caractère des personnages qui ysont représentés ne rappelant que d'orgueilleux préjugés, des maximes de'despolisme et des distinctions antisociales » (k), Athalie, « paree que les allusions sont pour beaucoup la meilleure parlie du chef-d'oeuvre » f5). Elle n'est reprise qu'en i8o5, a Saint-Cloud, a j'occasion d'un baptême et Mme de Rémusat note a ce sujet dans ses Mémoires « qu'on commenca a remettre sur notre théatre la plupart de nos chefs-d'oeuvre que la prudence révolutionnaireen avait écartés. Ce ne fut pas cependant sans en retrancher quelques vers donton craignaitles applications. (1) Archives Nationales, F' 3491. (2) Archives Nationales, F8 3493. (3) Ch. Maübice, Histoire anecdolique du thédtre et de la littérature, Paris, 1886, t. I, p. 31. (4) Hérissay, Le monde des thédtres pendant la Révölution 1189-1800, Paris, 1922. p. 175. (5) Archives du Royaume de Belgique, Fonds du département de la Dyle, 1197. Lettre avec la signature de Fouché. Luce de Lancival et Esménard furent chargés de corriger Corneille, Racine elVoltaire» (i). Sous le Consulat et sous 1'Empire, Athalie et le Mariage de Figaro ne sont autorisés qu'a condition d'adopter les coupures et changements des exemplaires déposés a la Comédie-Francaise. Celui de Figaro a disparu, mais on y trouve encore celui d'Athalie dont la représentation fut autorisée le 12 mai 1806. Welschinger a publié toutes les suppressions dans son livre : la Censure sous le premier Empire, p. 23i-234. Nous n'en citerons qu'une pour montrer Iespréoccupations des censeurs. Les vers : Le sang de nos rois crie et n'est point écouté. Rompez, rompez tout pacte avec 1'impiété, pourraient rappeler la mort de Louis XVI (2). Dans Olympie, ilscartonnent {?>) : Si vous êtes instruit qu'il fit périr son maitre Et quel maitre. grands Dieux ! Si vous pouvez connaitre Quel sang il répandit dans nos murs enflammés Quand aux yeux d'Alexandre a peine encor fermés Les soldats d'Alexandre érigés tous en rois • Et les larcina pubtics appelés grands exploits. Sur ce tröne terrible et par vous oublié Devenu pour la terre un objet de pitié, Ils (les cceurs) sont las des tyrans que votre auguste époux Laissa, par son trépas, maitre de son empire. Oreste est aulorisé a la charge de relrancher 4 vers : Des sujets gémissants consolant la douleur Je leur niontre de loin, leur maitre et leur vengeur. La race des vrais rois tot ou tard est chérie Le cceur s'ouvro aux grands noms d'Oreste et de patrie. (1) Mme de Rémusat, Mémoires, Paris, 1880 t II p- 131 p.232H' WELSCH,NGEH' La Censwre S0M« Premier Empire, Paris, 1882, _ (3) Archives de la Comédie-Francaise. ROGHE - 17 - — 13 — Othello, de Ducis, est aulorisé le 4 mars 1809 avec les retranchements suivants : — Unvainqueur ! Je ne vois que son crime et non pas sa valeur. *- Sa gloire exige au moins que le Sénat en juge. La gloire aux criminels ne sert point de refuge. — Modérez, Adalbert, eet imprudent courroux, Songez quelo Sénat est ici devant vous, Sur votre ordre, a 1'instant, voulez-vous qu'il punisse ï — Toujours son intérêt a réglé sa justice. — Qu'entends-je? L'amour fier de ses droits, comine la Liberté Eend 1'hqmme a la nature, a son égalité, Laissons la ces vains noms dont votre orgueil se piqué ; II n'est qu'un seulbonheur : servir la Bépublique. Hector, de Luce de Lancival, le ier février 1809, avec la suppression de: Déposez un moment ce fer toujours vainqueur, Cher Hector, et craignez de lasser le bonheur. Caliste, de Colardeau, le 21 décembre 1810, a charge de corriger dans: Ce peuple méprisé, ce perfide insulaire... Le Corse « k Corse » en « les Corses » et: On répond a ces cris par ces cris différents : Vive la liberté 1 périssent les tyrans ! en Eteignez vos fureurs dans ce sang malneureux ! On répond a ces cris par des cris plus affreux, et de supprimer maints autres passages oü 1'on parle de briser le jougde 1'esclavage. Chdipe chez Admète, de Ducis, nous prouve que la eensure ne tolère plus en 1811 ce qu'elle avait laissé passer en 1808. Le 3 mai 1811 elle trouve subversifs les vers : Le sang de tes sujets va retomber sur toi. Quel bien leur a produit la splendeur de tes armes 1 Porte ailleurs tes drapeaux, tes chants victoricux ; Les soupirs.de ton peuple ont rnonté jusqu'aux cieux. — 19 — Chaque reprise fait donc l'objet d'un nouvel examen. Dans le Ministre anglais, elle demande la suppression de deux vers (28 septembre 1810) : Fais fleurir en tous lieux les rameaux de la paix ; Au commerce, jamais, n'oppose de barrières. et dans la Femme misanthrope, le 19 février i8n,celle de : De la religion ainsi que de ndstoire Ces auteurs nous feront quelque jour un grimoire ; J'aimerais cent fois mieux Peau d'&ne bien conté Que les héros sacrés de notre clirétienté. Dans le Bourgeois a la mode, de Dancourt, le iSjuin 1812, elle cartonne la dernière pbrase de ce dialogue : — Voila un mauvais petit caractère ! — Hélas, madame, c'est comme tout le monde est aujourd'hui. Dans VEpoux par supercherie, comédie de Boissy a.ulorisée sans changement le i2juillet 1811, la police s'offusque en septembre i8i3 des vers suivanls (il s'agit des vapeurs bien connues de nos bisaïeules) : Va, dans tous les climats on ressent leur puissance. Les plus folies souvent font leur séjour en France ; Et les sages en sont attaqués les premiers. Mais changeons de sujet. II faut dans : Je te laisse le soin de divertir ces dames. Le talent d'un Francais est d'amuser les temmes, remplaeer le second vers par : Les Francais n'ont-ils pas Part d'amuser les femmes ï Et voila bien de quoi inquiéter le palriotisme des censeurs ! Ils deviennent de-plus en plus ombrageux et soupconneux et nous venons de le voir par les dates 1808, 1810, i8i3. Les complots ont peut-être rendu la police plus défianle et d'autre part, Napoléon, par certaines interdictions retentissantes, lui a rappelé et prouvé qu'elle laisse — 20 — passer certaines pièces dangereuses comme Edouard en Ecosse, d'Alexandre Duval (1802). Edouard, pourchassé par ses ennemis, mourant de faim, se réfugié dans la maison de lady Dathol a qui « il demande du pain, un abri el le droit de reposer sa lête pendant quelques beures ». Dathol est un partisan de Georges, par conséquent un ennemi des Stuarls. Le hasard veutque les soldats qui poursuivent le fugilif le prennent pour lord Dathol lui-même. Ils se meitent a boire et Edouard porie une santé : « aux femmes qui embellissent la vie ! a la reconnaissance qu'on leur doit. Non) morbleu ! une seconde, nous sommes tous bons Anglais : Au succès des armes de Georges sur terre et sur mer et a la mort des partisans des Stuarts. Edouard emporlé par la colère jelte son gobelet — Je ne bois jamais a la mort de personne. — Quel courroux I...- Edouard (vivement): Peut-on se conlenir ? Edouard peut être persécuté, il a dü 1'êtrepar le parti de Georges mais il n'y a qu'un méchant hommequi puisse boire a la mort des malheureux dequelque parti qu'ils soient (i>>. II s'échappe enfin. Le succès fut grand et mérité mais il fut compromis par les bravos des royalistes qui voyaient une similitude de situation entre celle d'Edouard et du comte de Provence. A la seconde représentation on supprima : « Je ne bois & la mort de personne », mais 1'acteur y substitua une pantomime expressive et brisa son verre. Les applaudissements furent frénétiques. Napoléon qui assistait au spectacle remarqua qu'ils partaient surtout de la loge d'anciens émigrés ; il crut y voir une manifestation de leur amour pour les Bourbons et la pièce fut interdite. De 181 o a 1813,cinquanle-six furentportées sur la liste noire. (1) Edouard en Ecosse ou la nuit d'un proscrit, manuscrit de la Comédie-Francaise, acte III, scène VI. lariser la censure et de nomraer descenseurs (i). Quelques mois après,en juin, il exige qu'on lui fasseconnaitre toutes les produclions de la librairie « idéé simple, justeet nécessaire, qui ne louche pas plus a la liberté de la presse que le recensement des citoyens a la liberté individuelle (2) » dit le rapport d'un de ses bureaux. Napoléon, d'ailleurs, ne reste pas longlemps le champion de la liberlé de la pensée. De 1808 a 1810, le Conseil d'Etat délibère sur Ie commerce des livres et le 5 février 1810, 1'Enipcreur signe le décret sur 1'imprimerieetla librairie (3): lesimprimeurs, donl le nombre est réduil a 60 a Paris et les libraires sont brevelés et assermentés, ils doivent justifier de leur bonnes vie et moeurset ils sont placés sous le controle de la direction générale de 1'imprimcrie et de la librairie rattachée au Ministère de 1'Inlérieur ; les livres ne peuvent être publiés qu'avec son aulorisalion qui ne les met pas a 1'abri du séquestre par la police. Le baron Locré (4) raconte que Ie décret fut souvent rcmanié et que ce n'est qu'après de longues délibérations qu'il futenfin promulgué. En 1809, les Conseillers d'Etat examinentsi la censure peut être inlroduile en France. Réal en est un adversaire résolu. II étaye son opinion sur l'cxemple de la llollande qui n'a pas élé bouleversée ou corrompue paree qu'on y imprime indislinctcment tous les livres : « Ce peuple nous surpasse encore aujourd'hui par 1'auslérité de ses moeurs >> (5) et Napoléon est parlisan de la censure facultalive : « 11 faut laisser a tout auteur la faculté d'envoyer son manuscrit a la censure ». (1) Mémoires de Fouché, Paris, Fayard, sans date, p. 117. (S) Archives Nationales, F" 580", (26 juin 1806). (3) Voir annexe A. . . (4) Baron Locré : Discussions sur la liberté de la presse, la censure, la propriété littéraire, l'imprimerie et la librairie, qui ont eu lieu dans le Conseil d'Etat pendant les années 1808, 1809, 1810 et 1811, Paris, 1819. (5) Baron^LocnÉ, p. 56. -■ 22 - — 24 **> tre la religion Iorsqu'il était préfet de 1'Indre-et-Loire ; il faisait circüler, au moment même oü son protecteur rétablissait les autels, un almanach dans lequel tous les noms des saints avaient été remplacés par ceux des pliilosophes du paganisme et une liste d'athées oü il avait f"ait inscrire le cardinal de Boisgelin, archevêque de Tours. Les plaintes des habilants relatives a une somme considédérable qu'il aurait du employer a la réparation des routes provoquèrent son déplacement et Napoléon lui confia 1'administratjon du département du Nord. Quelques années aprè,s, il regut letilre de Conseiller d'Etat et la couronne de baron. Pendant son séjour a Lille, il s'occupa activemcnt de 1'organisation du théatre et demanda souvent des rcnseignemenls a son collègue de Bruxelles; il signala a de Portal is les dangers qu'offrent les ventes des bibliolhèques pour la propagation des livres obscènes et dangereux (i). II resla directeur général de Pimprimerie et de la librairie jusqu'a la chute de Napoléon. Pendant trois ans il dirigea cette partie de 1'administration au grand déplaisir de tous les libraires et de la plupart des gensde lettres, car il ne manquaaucune occasion de faire peser, sur une branche du commerce alors trés souffrante, une fiscalité sans mesure et qui ne tourna pas toujours au profit de 1'Etat. On s'est étonné qu'un tel hommc ait conservé si longtemps unemploi d'une si grande imporlance. L'on a attribué la durée de sa faveur a des éloges de la familie Bonaparte que le hasard lui avait fait autrefois consigner dans son Histoire de la Corse. H Welschinger (2) prélend qu'il n'avait d'autre mérite que celui d'avoir été 1'examinateur de Bonaparte quand celui-ci entra dans 1'arlillerie. Une (1) Archives Nationales, F" 402, (24 septembre 1810). (2) H. Wblschingér, la censure sous le premier Empire, Paris, 1882, page 75. — 25 — cause plus réellede son étonnante faveur fut sa soumission absolue aux ordres du maitre et Ia connaissance parfaile qu'il avait du caractère de ce dernier. A la fin de 1812 des plainlcs étant parvenues a 1'Empereur sur les entraves que le directeur de 1'imprimerie mettait a la liberté de la presse, il lui envoya, de Moscou, 1'ordre d'être moins sévère. Un secrétaire de Pommereul ayantlu cette dépêche lui demanda s'il fallait s'y conformer : Gardez-vous en bien, répondit-il, nous perdrions notre place avant un mois. C'est une pièce destinéeau public et non pas a nous. S'il faut en croire cerlaines pièces d'archives (1) qui émanent de la police el qui peuvent être, de ce fait, sujeltes a caution — la police jalouse la direction — de Pommereul n'est pas toujours abordable, ni poli pour les imprirheurs et il renvoieméme grossièrement ceux qui, pour faire leur cour, lui offrent des exemplaires richement reliés de leurs éditions. C'est une lête chaude, aurait dit Napoléon. II est trop vieux pour changer et il faut le laisser comme il est. On lui reproche surtout son avarice et son amour de I'argent. C'est que, bon an, mal an, pour bouclerson budget, il doit extorquer 336.ooo francs a ses administrés et les employés supérieurs ne se gênent pas pour leur dire qu'ils ne s'atlachent qu'a la comptabilité et que le resle lesennuie. L'article kk du décret n'affecle aux dépenses de la direction générale que le produit des confiscalions, des amendes et des droits sur les livres élrangers. Le 24 février 1810, de Porlalis, dans son Rapport a 1'Empereur (2), fait remarquer qu'il est désirable que le nombre des amendes ne soit point considérable et les efforls du directeur devront tendre a en prévenir l'accroissement. Quant aux droits d'entrée, la recette en est trés incertaine. Ils ne portent que sur (1) Archives Nationales, F1" 419. (2) Archives Nationales, AF IV, 1049 (24 février 1810). — 28 — time par feuille d'impression sur tous les ouvrages connus en imprimerie sous le nom de labeurs, si ces ouvrages n'appartiennent ni h un auteur vivant ni k ses héritiers (i). II suffisait d'être propriétaire pour ne pas être passible du droit. Mais 1'administration, au lieu d'examiner si les ouvrages étaient une propriété littéraire privée, recherche s'ils ne contiennent pas des passages, des lignes, des idéés publiés ailleurs, qu'on peut contester a leurs auteurs. Si un auteur moderne écrit sur la géographie, on le fait payer sous prétexte qu'il a puisé sa science dans les livres anciens et qu'il n'a inventé ni les royaumes ni les villes dont il parle. On lui suscite les mêmes difficultés s'il aborde 1'hisloire ou les sciences exacles. Lorsqu'un écrivain fait, par hasard, quelques citations, on le force a payer un droit pour chaque passage qu'il reproduit. Tissot, auteur d'une traduction des Bucoliques de Virgile, se vit imposé a 60 fr. pour des vers latins rapportés dans ses notes (2). Le décret du 29 avril 1811 a fait de la direction une institution fiscale, et par une circulaire du 20 mai de la mêmeannée,de Pommereul se hate de faire connaitre aux imprimeurs le genre d'ouvrages soumis a 1'impöt. Appartiennent au domaine public et sont passibles du droit, les ouvrages des auteurs mortsavant le 19 juillet )793. Entrent dans le domaine public et sont passibles du droit, les ouvrages des auteurs morts depuis le 19 juillet 1793 jusqu'au 5 février 1810, si leurs héritiers ou concessionnaires ont, durant 1'intervalle de ces deux époques, joui pendant dix ans du bénéflce de la loi du 19 juillet 1793. Entrent dans le domaine public et sont passibles du droit, tous les ouvrages publiés, anonynies ou pseudonymes, a moins que leurs auteurs ne sé soient fait connaitre officiellement a la direction générale par une déclaration portóe sur ses regis- (1) Cet impót, modeste en apparence, est énorme. La feuille de papier coüte3 a 5 centimes pour les ouvrages courants. Son prix moyenest évalué a 3 1/2 centimes. Le droit est donc eflectivement de 25 a 330/0 (Archives Nationales, F18 40?). (2) Archives Nationales, AFIV, 1049. — 30 — Pour défendre sa cause, le Sr Dufour prétend d'abord qu'en sa qualité d'auteur vivant, la loi ne peut 1'atteindre, et en second lieu que le droit ne porte que sur les livres nouveau* et non sur les réimpressious. Je réponds a la première objection, que s'il estcertain que le Sr Dufour est vivant, il n'est pas nioins constant qu'il n'est pas auteur et que, par cojiséquent, la qualité d'auteur vivant ne saurait lui appartenir. Je réponds, en second lieu, que la prétention du Sr Dufour de faire exempter son livre par la raison que la première édition est antérieure au décret sur Timpót, est si étrange qu'il en résulterait par une conséquence naturelle que, plus un livre est ancien, moins il serait passible du droit, en sorte qu'Homère, Virgile et Cicéron, antérieurs a la découverte de 1'imprimerie ne pourraient y être asaujettis. Les réclamations du Sr Dufour ne seront pas probablement les seules qui parvien.dront a Votre Excellence, mais je puis lui répondre d'avance qu'elles ne seront pas plus légitimes. Dès qu'il s'élève la moindre contestation pour le paiement du droit, je soumets 1'ouvrage a l'examen et le rapport sur ,les emprunts textuels faits au domaine public,me sert de règle invariable. Si le premier jugement est attaqué, j'ai recours a un second en sorte que j'ai toujours la certitude d'une décision impartiale. Malgré ces précautions je n'ignore pas que je dois faire autant de mécontents qu'il y a de prétendus auteurs a qui je ne laisse que la qualité de compilateurs et de plagiaires, mais, sans une juste mesuro de sévérité, il n'existerait bientöt pasun seul ouvrage du domaine public. Avec un titre nouveau, quelques notes, un commentaire, des additions, on viendrait a bout d'en séparer même les auteurs grecs et latins. C'est ce qui arrivé déja pour les codes qui se reproduisent sous mille formes différentes ! II ne peut empêcher ces abus qui ont Pavantage de faire travailler les imprimeurs, mais il ne croit pas devoir être dupe d'une manoeuvre qui lendrait a öter k son administrationtous ses moyens d'exislence (i). Les évêques voudraient se faire dispenser du versement de rimpöt pour leurs ordo inais leurs prélenlions sont inad- (1) Archives Nationales, F18 580» (23 janvier 1812). — 31 — missibles : leurs ordo sont tous les mêmes (i). D'autres éditeurs refusent d'acquitler le droit si bien que le Ministre, qui redoute les procédures civiles interminables et coüteuses, fait rendre le décret du 16 décembre 1811. « Pour ne pas encourager la nonchalance ou la mauvaise foi dans Ie paiement des effets a terme par lesquels se règlent les comptesdes contribuables, Ie recouvrement des droits établis sur Ia librairie francaise et étrangère et sur 1'imprimerie par nos décrels du 8 février et i4 décembre 1820, 29 avrih, 3 juin et 12 septembre 1811,sera poursuivi contre les débiteurs en retard par voie de contrainte, suivant le mode établi pour Ia perception des contributions directes * (2). La direction générale reste donc une institution Fiscale pour ra'nconner les imprimeurs et les Iibraires. Ils sont brevetés comme on sail et elle propose de fixer les frais d'expédition des brevets en parchemin a 4oo francs pour Paris, a 200 francs pour les bonnes villes, Amsterdam par exemple, a 60 francs pour les autres (3); le décret du 2 février 1811 en abaisse le prix a 5o francs pour Paris et a25 francs pour les autres villes. Depuis le ier janvier 1811, les journaux d'annonces et les journaux politiques des départements lui paient contribution; elle préconise donc le rétablissement decertains journaux d'annonces qui avaient été supprimés. Ainsi, celui de Versailles lui rapportera 3ooo francs et un imprimeur de Rouen offre 5o.ooo francs pour en avoir le privilege (4;. Elleforce les imprimeurs et les Iibraires k s'abonner a son Journal Géneral de Vimprimerie et de la librairie créé sur les insligations du duc deRovigo; Ie Ministre voulait « avoir un moyen qui le mil en état de défendre aux (1) Archives Nationales, F" 414. (2) Archives Nationales, AFIV, plaq. 4812. décret du 16 déc. 1811, art. 1. (3) Archives Nationales, AFIV, plaq. 4047. (4) Archives Nationales, F" 419'. (9 décembre 1812). — 32 — journalistes de parler des ouvrages dont 1'annonce n'aurait pas été préalablement légitimée par une indication quelconque émanée de la direction générale » (i). Supprimé le 17 septembre 181 i,il est rétabli le ier novembre de la même année et de Pommereul écrit a ses inspecteurs qu'il jugera de leur zèle au nombre d'abonnements qu'ils feront souscrire (2). Malgré toutes ces exactions et vexations, le directeur général n'arrive pas encore a boucler son budget : il doit 144.000 francs a la caisse d'amortissement et son déficit se monte a i36.ooo francsa la fin de 1811. IIpropose d'étendre aux journaux le droit qu'il percoit sur les labeurs et d'assujettir les entrepreneurs des cabinets de lecture a prendre chaque année des licences pour lesquelles ils paieraient un droit a la direction et a ne tenir que des livres approuvés (3). Le duc de Rovigo qui tire 246.000 francs des journaux politiques de Paris s'en inquièle et-brise une lance pour eux; ils paient déja 976.045 francs au gouvernement, tant en redevances a la police qu'en frais de timbre et de port (4). Le duc en profite pour attaquervigoureusemenl la - direction. « Qu'il me soit permis de faire observer a Votre Majesté, écrit-il a 1'Empereur, que les tracasseries exercées par 1'administration de la librairie deviendront bientót insüpportables si elles sont tolérées plus longtemps. Par exemple, le directeur voulait en dernier lieu défendre a tous les particuliers, sous peine de prison, d'avoir cbez eux, non pas seulement les moindres caractères mais de simples vignettes pour cartes de visite et cela, sous le prétexte d'empêcher la publication de gravures obscènes. C'est dans le même moment que ce direc- (1) Archives Nationales, AFIV, plaq. 4673. (2) Bibliothèque Nationale, Ms 1362, lol. 70. (Nouveau fonds). (3) Baron Lochb. Op. cil , page 289. (4) Archives Nationales, F" 580> (Note remise a Sa Majesté le 6 sept. 1811). — 38 — dire, par èxemple, que c'est Louis XI qui a fait la Révolution... II faut donner a la direction le moins de fonds qu'on pourra ; 1'opulence ne servirait qu'a lui faire commettre plus de fautes. II n'accordera pas 1'augmentation paree qu'il neveut pas que la direction ait trop de soldals. Multiplier ses agents ce serait multiplier les abus. Pour masquer leur inulilité ils imagineraient des vexations nouvelles; Qui sait, si, n'ayant rien a faire, ils ne s'aviseraient pas d'aller visiter les bibliothèques des parliculiers ! Toutes ces mesures extraordinaires lui font beaucoup d'ennemis. Veutelle en augmenter le nombre en s'atlaquant aux cabinets de lecture et en rendant chaque année leur existence incertaine ? On régiemenie beaucoup trop. II est beaucoup de choses qu'un gouvernement sage abandonne a leur cours naturel. L'amour du mieux n'enfanle pas toujours le bien el les innovations sont raremerit heureuses. Par exemple, on a cru utile de réduire le nombre des imprimeurs. Qu'en est-il résullé ? Qu'on a écarté les meilleurs. II fallait laisser les choses comme elles étaient, lant pis si quelques imprimeurs mouraient de faim (i). De Pommereul comprit et rtjtira ses deux projets el, fort des décrets qu'il avait déja provoqués, il se conlenta de meltre la librairie en coupe réglée, secondé en cela par ses bureaux, ses censeurs et ses inspecteurs dont il slimule le zèle. La direction est devenue une adminislration fort importante installée a 1'hölel Carnavalet. Elle centralise toules les affaires de librairie de 1'Empire francais et ses opérations sont aussi diverses que hombrcuscs, cequi s'expliquc par les formalités que devaient remplir les imprimeurs. Ils ne peuvent rien mettre sous presse sans en avoir fait la (Ij Lochk, op. cité, page 298 a 310. — .39 — déclaration (i) en doublé expédition au préfet de leur département et sans avoir obtenu un récépissé des bureaux de la direction. De Pommereul leur conseille de lire le manuscrit que 1'auteur leur confia afin de s'assurer qu'il ne contient rien de subversif contre 1'Etat, la religion ou les mosurs ; ils doivent refuscr leur ministère pour Ia propagation d'un livre qu'ils jugeraient pernicicux. Quand ils sont décidés a 1'irnprimer, ils en font 1'inscriplion sur un registre paraphé par le préfet et deux copies, 1'une pour la préfecture, a Paris pour la préfeclure de police, l'aulre pour la direction. En bonne règle, 1'imprimeur devrait en atlendre le récépissé avant de commencer 1'impression. Si cependant, tant pour répondre a Pimpatience de 1'auteur que pour son avantage personnel, il croit pouvoir en composer les premières feuilles, cette faculté ne lui est point interdite, mais tout se fait a ses risques et périls. En tout cas, il doit la suspendre dans son propre intérêt si, au lieu d'envoyer le récépissé, la direction demande communication du (1) Modèle de déclaration. N° du Hegistre d'impression. Imprimerie de (le nom de 1'imprimeur) a (le nom du lieu de la résidence et de son département). Je soussigné déclare avoir 1'intention d'imprimer (ou de réimprimer sans changements ou de réimprimer avec changements), pour mon compte ou pour le compte de (inscrire le nom du libraire et de 1'auteur), un ouvrage ayant pour titre (inscrire littéralement le titre), par M. (Ié nom de 1'auteur, ses qualités, son domicile, ou bien'après le titre, ajouter ces mots : sans nom d'auteur), lequel je nie propose de tiror a exemplaires, en volume, format in- de feuilles d'impression. A... le... Plus tard, de Pommereul rédigea un nouveau formulaire pour les réimpressions ; les imprimeurs prétendaient on donner le texte sans changements et se permettaient d'y ajouter des préfaces, des avertissements ou des notes qui, sans altérer le texte original, dénaturaient suffisamment le corps de 1'ouvrage pour en rendre nécessaire la censure avant l'imprëssion. Dans une note annexée a la déclaration, ils devaient consigner les nouvelles préfaces, les avis de 1'éditeur, les vies ou notices, les notes, les comnientaires, les augmentations' et les diminutions, les moindres différences qui doivent exister entre 1'édition projetée et les anciennes éditions (Haarlem, archives de Noord-Holland, Boite 236). — 40 — manuscrit ; les changements ou la suppression de 1'ouvrage pourraient entrainer des perles de fonds. Dès qu'il arrivé au bureau de la garantie, on passé 1'acle de dépot et le directeur désigne un censeur pour Pexamen. Le formulaire employé porte (i): Au recto : Au verso : Nous, Conseiller d'Etat, Directeur Général de 1'Imprimerie et de la Librairie, Vu 1'acte de dépot de 1'ouvrage dont 1'indication est de 1'autre part, en vertu du droit qui nous est donné par l'art. 14 du décret impérial du 5 fév. 1810, avons désigné M. , censeur impérial, pour examiner le dit ouvrage, le parapher a chaque feuillet, nous en faire son rapport, déclarer, par un procés-verbal, s'il contient ou ne contient rien de contraire aux dispositions de l'art. 10 du décret impérial du 5 fév. 1810 et nous proposer les changements et suppressions qu'il jugera nécessaires. A Paris, Ie Le Conseiller d'Etat, directeur. Direction générale de l'Imprimerie et de la Librairie. Enregistrement ACTE DE DEPOT Ce jourd'hut, \ »f mil huit cent M. imprimeur a a déposé au bureau de la garantie de la direction générale de 1'imprimerie et de la librairie un ouvrage ayant pour titre : Le dit ouvrage ayant été paraphé a chaque page par le déposant, le présent procés-verbal de dépót en a été dressé a Paris les dits jour, mois et an que dessus. Par autorisation de M. le Coiy seiller d'Etat, directeur gé¬ éf de bui de la garantie, PROCES-VERBAL sans changement, dressé en exécutien de l'art. 24 du Reglement du b février 1810. Nous soussigné, Censeur impérial, après avoir pris lecture de 1'ouvrage dont l'indication_ est de 1'autre part, et qui a été soumis a notre examen par ordre de M. le Conseiller d'Etat, directeur général, déclarons et afflrmons que, tel qu'il est paraphé par nous a toutes les pages, le dit ouvrage ne contient rien qui puisse porter atteinte aux devoirs des sujets envers le Souverain et a 1'intérêt de 1'Etat (2) ; en foi de quoi nous avons dressé et signé le présent procés-verbal pour servir et valoir ce que de raison. A Paris, lé (1) Archives Nationales, F:* b79. (2, S il y a des changements, an lieu de : le dit ouvrf ;e etc, Ie procés- — 43 — * * Quelques préfels (i) ont cru d'abord que la présence de 1'inspecleur pourrait les dispenser de Ia surveillance de la librairie mais ce fonctionnaire ne fait que les seconder: il demande leurs instructions,il agit par leurs ordrestoutes les fois qu'il en est requis et que le bien du service 1'exige (a). En fait, ils ont toujours été responsables de 1'impression et de la circulalion des livres prohibés ou a prohiber et les inspecteurs servent d'inlermédiaires entre le directeur général et les imprimeurs sous leur controle. Pour se rendre le mieux compte de leur röle, il suffit de voir ce que de Pommereul demande a ceux de Paris qui sont sous ses ordres immédiats (3). Leur surveillance s'étend, non seulement aucommerce de 1'imprimerie, mais a celui de toutes les professions qui en dépendent, comme celle des relieurs, brocheurs, fondeurs de caractères, fabricants de presses, graveurs et marchands d'estampes, colporteurs, lis doivent connaitre et communiquer au directeur général tout ce qui, dans ces différentes branches de commerce et d'induslrie, peut intéresser, même d'une manière indirecte, le service de son administration. Ils ont un registre dans lequel ils consignent, jour par jour,toutes les opérations qu'ils ont faites par ordre, par zèle ou par devoir et ces notes leur servent a rédiger un rapport hebdomadaire au directeur général. Ils sont tenus de donner des nolions précises sur les labeurs sous presse, sur la publication des livres nouveaux ou des nouvelles éditions, sur les faillites, leurs causes et leurs suites, sur 1'exécution (1) Archives du Royaume de Belgique, Bruxelles, fonds de la préfecture de la Dyle, n° 1231. (2) Archives Nalionales, F18 402. (3) Bibliothèque Nationale, nouveau fonds Ms 1362, ordres de service du baron de Pommereul d Gaudefroy. Fouché, en connait Irop 1'importance pour ne pas vouloir Ia raltacher a ses services. * * * Lebrun ne fait censurer que la traduction des lois et décrets de 1'Empire ; van Maanen examine celle des neuf cent soixante-neuf premiers articles du Code Napoléon (i), van Gennep, les premières feuilles du Code pour la conscription et lemanuel des mfissiers ; Scholten d'Oud-Haarlem est éhargé de la censure du Code Napoléon et du Bulletin des lois (2). Par son décret du 29 décembre j8io, il accorde aux Iibraires van Cleef, Blussé, Allart, Immerzeel et Cio qui ont fait traduire en hollandais, avec le texte francais en regard, les codès de Pempire et autres recueils des lois francaises, les ont soumis aux censeurs par lui nómmés et en ont obtenu 1'approbation, non seulement Ia jouissance d'un privilège de dix ans mais tous les droils de propriété que leur assureront les lois et règlements de 1'Empire (art. ier). Un tarif des monnaies de Le Huby est également mentionné par le décret. Mais Ia réunion de la Hollande a 1'Empire peut exposer les Iibraires a bien des désagréments. Ils sont'propriétaires d'éditions francaises faites dans le pays et elles deviennent des contrefacons relalivement a la France. Pour les mettre a 1'abri de réclamations, pour prévenir les procés coüteux et les poursuites ruineuses, Napoléon signe le décret du 29 décembre 1810 f3) qui stipule que : Art. t'r. — Les éditions antérieures au ler janvier 1811 faites en Hollande d'ouvrages impriniés en France, antérieu- (1) Van Maanen a Gaudin, (16 aoül 1810), cité par Colenbrandeh, op. c. n» 1002. • (2) Leltre d'Iinmerzeel et C'° & Lebrun (23 déc. 1810). Rijksarchief, La Haye, Prins Stedehouder 49. ^3, Archives Nationales, Fls 414. - 55 - — 68 - geant les feuilles quotidiennes a ne copier que les journaux francais ; il est prouvé que cette mesure est insuffisante : les cahiers du mois, les pamphlets, les brochures suppléent au silence des feuilles de chaque jour et produisent un eff'et plus certain et plus dangereux chez un peuple grave et réfléchi qui n'est encore réuni a la France ni par les moeurs, ni par les habitudes, ni par les opinions, ni par les sentiments (1). Si malgré ces observations, Votre Majesté daigne prolonger 1'existence de toutes les feuilles hebdomadaircs et quotidiennes dont la Hollande est inondée, j'ai 1'honneur de lui proposer : 1° De les soumettre a la contribution des deux douzièmes de leurs bénéfices envers le gouvernement, 2° d'établir auprès du directeur général de la police a Amsterdam un censeur spécial pour les feuilles et les brochures politiques qui s'impriment en Hollande. Ces mesures provisoires ■ cesseront quand la sagesse de Votre Majesté jugera convenable d'établir dans cette partie de son Empire les principes et les règlements qu'elle a adoptés pour 1'imprimerie et les journaux francais. (2) Fiévée conseil la a 1'Empereur de faire retirer ce faclum du Conseil d'Etat, mais Napoléon ne 1'écouta pas et se borna a 1'apostille suivante : « Renvoyé au Ministère'de 1'Intérieur pour en faire un rapport et me proposer une me- (1) Cela est trés probable et ne doit point étonner. Que seraient donc les peu pies s'ils pouvaient renoncer si lestement a leur nationalité ? Et s'ils étaient prêts a adopter toute domination, oü serait la garantie de ceux qui sont appelés a les 'gouverner ? Dans tous les 'cas, il ne faut pas imprimer, aux yeux de 1'Europe, que la Hollande regrette son indépendance, après avoir dit le contraire dans les discours qui ont précédé et suivi sa réunion et lorsqu'il y a des Hollandais dans le Conseil d'Etat, des Hollandais préfets dans 1'ancienne France. En général toute cette partie du rapport est choquante par la comparaison qu'on y établit entre 1'esprit hollandais et 1'esprit francais. On y dit qu'en Hollande tout le monde Ut et discute, que tout le monde s'intéresse aux affaires politiques et religieuses. Ne croiraït on pas que rien de cela n'existe en France et qu'on ne lit ni ne discute ? que 1'ordre religieux marche ou vacille sans que personne y prenne intérêt, en un mot, que c'est sans y penser que nous dominons 1'Europe ? II me prend quelquefois une étrange frayeur, c'est que ceux qui se croient en position de morigéner 1'esprit public ne flnissent par être les premiers dupes de 1'ignorance que produirait leur mauvaise direction (Fiévée, op. cité, t. III, pag. 108). (2) Archives Nationales, F•» 580', F13460 (4 mars 1811), AFIV 4227. — 69 — sure pour faire saisir ces ouvrages et empêcher la circulation des écrits lendant a exciter le mécontentement dans les esprits. Paris, xomars 1811 » (ij,paraphée du N énorme qui est la signature de 1'Empereur. Montalivel ajoute : trés urgent, sur le dossier qu'il transmet a de Pommereul. Ce dernier devra rappeler les mesures qui ont été prises et proposer celles qui pourront mellre fin a un pareil scandale. De Pommereul n'a rien fait; le décret du 5 février 1810 n'étant pas applicable a la Hollande,il ne pouvait pas y surveiller la librairie et il ne pouvait pas en réprimer les abus. L'initialive de de Rovigo ne trahira-t-elle pas un manque de vigilance de sa part ? Le Ministre propose donc a 1'Empereur la nominalion d'un censeur résidant a Paris (2). Puis il rédige le rapport (3) qu'on exige de lui. Le directeur général savait depuis quelques jours qu'on publiait en Hollande des écrits incendiaires et qu'on y pronongait des sermons étrangcs. « II s'était empressé de me proposer comme mesure provisoire la nominalion d'un censeur pour les ouvrages bollandais ». Mais la censure ne peut être exercée qu'a Paris, « au centre du gouvernement, par des hommes animés de son esprit et dirigés dans leur travail par le dévouement de leur chef d'administration ». Un censeur placé en Hollande s'efforcerail, sous prélexle d'urgencè, de se rendre indépendant de la direction générale ; il n'y aurait plus aucune unité de vues dans le service ; les ouvrages censurés par lui porleraient bientöt 1'empreinte de son esprit : trop d'indulgence et de sévérité. La meilleure politique a suivre est 1'application pure et simple du décrel du.5 février 1810 sous la surveillance de quatre ins- (1) Archives Nationales, AFIV 4227. (2) Archives Nationales, AFIV 4168. Rapport qui accompagne le décret du 16 mars 1811. (3) Archives Nationales, AFIV 4227, et F1» 428. — 70 — pecleurs. Quant aux journaux, il suffit de rendre exéculoire en Hollande le décret du 3 aout 1810, delesréduire a un par département et de les mettre sous la surveillance du préfet. Le décret du 9 avril 1811 leur donna force de loi en Hollande et Ia censure y fut inlroduite du même coup ; ellé reste dans les altributions du Ministère de 1'Inlérieur. Le censeur proposé par de Pommereul pour l'examen des ouvrages écrits en langue hojlandaise s'appelle Henri Jansen. Le directeur avait déja pensé a lui pour Pallemand quand il dut s'entourer de traducleurs, mais Jansen avait alors de nombreux concurrents; il figurait sur une longue lisle de candidats avec le numéro 17 et il n'eut pas l'heur d'être choisi Ie i3 avril 1810 malgré les chaudes reeommandations de Talleyrand dont il était ie bibliothécaire (1). Né a La Haye en 1741, il avait quitté sa ville natale en 1770 pour aller chercher ifortune ailleurs et il s'était établi a Paris. II y avait été imprimeur, libraire homme de lettres (2) et s'était retiré du commeree pour devenir le bibliothécaire du prince de Bénévent. C'est un grand polyglotte. II traduit du hollandais en francais : Agon, sultan de Bentam, de Haren, Rose et Damette, roman pasloral de Loosjes, le Voyage dans VInde et dans Vile de Ceylan, de Haafncr, dont la censure reconnait 1'opportunilé : « II peut conlribuer a désabuser les dupes qui croient encore, sur le continent a la philanthropie des Anglais f3); de 1'anglais (1) Archives Nationales, AFIV plaq. 3360. (2) II fut 1'éditeur de Hemsterhuis. Voir la-dessus dans la Revue de Hollande de mars 1917 un article de M. E. Boulan : Hemsterhuis et Montesquieu et de quelques considérations sur l'esthétique, pag. 904-941 et sur la biographie de Jansen, la Nouvelle biographie générate, Paris, 1858. (3) Archives Nationates, F1" * 148, n" 283. métier bien au séricux comme en lémoigne un de ses rapports sur les Notes hisloriques ajoutées a la dernière expêdition de l'amiral de Ruyter, de Loosjes (i). II veut bril Ier et il écrit avec désinvolturp en se moquant de 1'érudition hollandaise : Ces notes ne dépareront pas le trés mauvais poème de 1'auteur. L'une d'elles éclaircit un point de fait sur la mort de Ruyter : c'est qu'elle ne fut pas causée parun plat d'huitres qu'il avait mangées a Flessiugue mais bien par un plat d'escargots (2)^a^W>*'u^,' Malgré une leclure atlentive de l'ouvrage, nous n'avons pu découvrir le passage incriminé par le censeur qui'n'a pas lu Ie livre qu'il a parapbé et approuvé. II ne saurail en clre -nn rpmptjfr r.haAnn sait, en effel, que de Ruyter a été lué par un boulel en 16^6 et le poète Loosjes se serait bien gardé de 1'empoisonner avec une espèce de bigorneau, le Turbo Liltoreus Linn, qui ressemble a un cscargol qu'on mange en Zélande, et qui fait l'objet d'une de ses notes explicatives (3). Le directeur général de 1'imprimeric et de la librairie dèvait être renseigné sur les distractions de Cohen rar il ne l'avait pas en grande esttme^). En 1812, les écrits hollandais étaient devenus si nombreux qu'un seul fonclionnaire lisant avec les mains comme Cohen ne pouvait plus suffire a la tache. On lui adjoignit Cornélis Vollenhovcn (5) nommé par le même décret. II était avocat au Conseil d'Etat et en relations épistolaires avec Falck qui lui demanda un jour d'inlervenir auprès du baron de Pommereul pour faire entrer un ballot de livres allemands en Hollande. C'était en septembre 1813 et les (1) Loosjes, Ceschiedkundige aanteekeningen op den laatsten zeelogt van den Admiraal de Ruiter, Haarlem, 1813. (2) Archives Nationales, * F" 148, h" 283. (3) Geschied. Aanteek. pag. 475. (4) Archives Nationales, F'* 404, (27 nov. 1813). (5) L'almanach impérial de 1813 donne par erreur: Vollenhove. • 72 - — 73 — productions lilléraires de la rive droile du Rhin étaient tenues en suspicion comme les ceuvres anglaises(i). • • En 1811,- 1'administration de la direction générale a, en Hollande, quatre inspecteurs : a Groningue, van Lennep qui surveille 1'Ems occidental, les Bo'uches-de-l'Yssel, la Frise, 1'Yssel supérieur; a Amsterdam, Manget qui a dans ses attributions le Zuiderzée, les Bouches-de-la-Meuse et les Bouches-de-PEscaut; a Liège, de Moulières qui inspecte la Meuse-Inférieure et a Gand, Couyère-Hamelinck qui a dans son ressort les Bouches-du-Rhin et 1'arrondissement de Bréda (département des Deux-Nèlhes). En i8i3,1'inspecteur a résidence d'Amsterdam, n'aura plus que Ie Zuiderzée; les Bouches-de-la-Meuse, les Bouches-de-l'Escaut et les Bouches-du-Rhin seront rattachés a Anvers(2). De Moulières ne quitte presque jamais Liège; ses administrés de Maëstricht ne le respectent pas beaucoup et refusent d'oblempérer a ses ordres. La libraire Landmeter ne lui envoie aucun des ouvrages portés sur un catalogue de venle et qu'il demande en communication. II s'en plaint au préfet et le prie de vouloir bien le soutenir dans cette affaire. Les imprimeurs et les Iibraires doivent se soumettre sans discuier les ordres; en bonne administration, il faut, de la part des subordonnés, une obéissance passive. On n'en finirait pas s'il fallait conslamment dispuler avec eux surce qu'ils doivent exéculer(3). Pour les engager a s'abonner au journal général de 1'imprimcrie, il procédé par intimidalion, comme de Pomme- (1) Brieven van A. R. Fa lek, édition Hora Siccama, La Haye, 1861, n' 89, 16 sept. 1813. (2) Archives Nationales, F-8 428. (11 février 1813). (3) Rijksarchieven in Limburg, Maastricht. _ 81 — Vamiral de Ruyter de Loosjes (i),sur i4 corrections il yen a3 de la direction et n de la police qui reste toujours aussi timorée, aussi tatillonne et pourchasse les mots de liberté, d'Orange, de Wilhelmus avec une insistance et une rage qui en deviennent monotones. Elle est, lellement soucieuse de garder bien intact Phonneur de la France qu'elle ne veut entendre parler ni de ses défaites ni de ses peurs (2). Manget n'est pas moins pointilleux quand il se mêle de la rédaction des annonces, ce dont il n'a pas le droit d'ailleurs; il exige que celle des morts, des naissances, des mariages insérées dans les feuilles d'affiches ne soient plus rédigées avec les tournures oraloires qu'on a Phabitude d'employer. On doit se bomer a de pures indicalions annoncant Ie nom, 1'age (3). II supprime le Predikbeurtenblad d'Amsterdam et des autres villes de son inspection : ces bulletins font une concurrence déloyale aux feuilles d'annonces qui paient rétribution a 1'Etat, le Journal pédagogique et même une liste des morts el des naissances a la réquisition du comle de Celles (4). La suppression du PredikbeStenblad, rétabli par Lebrun, n'était qu'une basse vengeance exercée contre l'imprimeur van der Hey. Les abus de pouvoir de Manget « eet homme plein d'honneur »,comme ose 1'écrire de Stassart, sont devenua tellement flagrants que les imprimeurs lassés recourent au préfet el de Celles transmet leurs plaintes a Paris : Je me vois a regret forcé de porter a votre connaissance que divers imprimeurs et Iibraires de cette ville, tracassés, (1) A. Loosjes Pz, De laatste Zeetogt van den admiraal de Ruiter, Haarlem, 1812. (2) Voir annexe D. (3) Rijksarchief in de provincie Noord-Holland, Haarlem, botte 256, (12 décembre 1811). (4) Algemeen Rijksarchief, La Haye.Prins sted, 49, cité par Colenbrander n' 1233. Roche 6 — 82 — vexés même, par M. Manget, inspecteur de 1'imprimerie et de la librairie, se sont déterminés a porter contre lui des plaintes appuyées de pièces justiflcatives et qui sont déposées en eet état a la direction générale de la police en Hollande. II en ré* suite évidemment que M. Manget, gagné par deux imprimeurs de cette ville, nommés Ruys et Allart a entrepris de les faire charger de 1 impression de tout ce qui est publié a Amsterdam au détriment de tous les autres imprimeurs ; dans toutes les tentatives qu'il a faites pour arriver a ce but, il a si peu pris soin de déguiser ses intentions que c'est par des pièces écrites par lui-même que la plupart des faits portés a sa charge sont prouvés et il n'a pas craint d'user de son autorité et de la faire intervenir dans 1'exécution d'un projet aussi répréhensible. Voici en résumé les principales plaintes portées contre lui. 1° déclaration de la V"8 Doll contre M. Manget et Ruys, le premier ayant défendu a cette femme de poursnivre le second ; a cette pièce est jointe nne lettre de M. Manget dans laquelle il soutient Ruys. 2° Yntema, rédacteur du Journal de» Sciences et de» Arts du département du Zuiderzée, déclare qu'il a changé d'imprimeur sur 1'invitation 'de M. Manget, quoique depuis 25 ans son iniprimeur ne lui eüt donné aucune plainte. 3° Déclaration du ST Hazen, impriineur, portant plainte contre M. Manget qui lni a fait óter 1'impression d'un journal ponr le donner a M. Ruys. 4° Même déclaration du Sr Breeman, impriineur. 5° Lettre de M. Manget au libraire Gartman lui défendant d'observer d'autres formalités qne celles ordonnées par lui. 6° Déclaration du libraire den Hengst portant que M. Manget lui a recommandé de ne suivre que ses ordres. 7° Invitation de M. Manget aux Iibraires den Hengst et rils pour se dessaisir d'un ouvrage dit : Cantiques protestant» ; il les menace et se montre dans cette lettre le protecteur déclaré du Sr Allart. 8° Accnsation du libraire van der Hey portant que M. Manget lui a ordonné de faire imprimer le répertoire hebdomadaire des prédicateurs protestants chez le Sr Ruys, que sur son refus, il a défendu la publication de ce répertoire qui, depuis un siècle, appartient aux veuves des pasteurs indigènes. Tels sont les principaux griefs portés a la charge de M. Manget. Je ne puis dissimuler que je n'ai jamais eu en — 83 — mon particulier lieu de me louer de la manière dont il remplit ses fonctipns ; il ne vient a Amsterdam que rarement et fait sa résidence ordinaire a La Haye.. Suivant lesinstructions qu'il recoit de vous et quelquefois de son chef, il ordonne des mesures dont je ne suis intormé que par les papiers publics et jamais je ne puis me concerter avec lui pour 1'exécution des dispositions qui me sont prescrites par vous... » (1) II lermine en lui demandant de prendre des mesures contre eet agent et Manget allait être révoqué par de Pommereul lorsqu'il fit 1'abandon volontaire de sa placé. « L'insuffisance et 1'irrégularité de mon traitement m'ont forcééi solliciter ma démission », écrit-il a Lebrun (2). Son successeur, le lieutenant-colonel en retraite de Romer ne donne aux imprimeurs et Iibraires aucun sujet d'altaquer sa conduite. Ils n'ont pas 1'air de tenir grand compte de ses circulaires et il appelle les préfels k la rescousse ; rappelez-les a 1'ordre, dit-il a de Celles, afin qu'ils exécutent mes inslructions avec plus de célérité (3), et au préfet des Bouches de PEscaut: si vousleurreprochez leur négligence, ils se soumettront a la consigne sans délai (4). Comme il est Hollandais, de Celles lui fait censurer quelques-uns des livres dontil peut autoriser 1'impression.Dans 1'un d'eux, de Römer efface un passage oü 1'auteur cite mal a propos unvers de Racine : ce vers aurait pu donner lieu a de fausses interprétations; dans un autre, il demande quelques changements a cause d'équivoques qui ne sont certainement pas dans Ia pensée de 1'auteur (5). II est moins sévère que son collègue de Groningue. Gerrit van Lennep qui avait remplace un certain Buscher de (1) Rijksarchief Haarlem, Minutes du préfet, 1812, n" 298. Les plaintes des Iibraires ont été reproduites avec quelques fautes par A. C Kruseman : de Fransche Wetten op de Hollahdsche drukpers (1806-1814), Amsterdam 1889, page 74, qui a dü consulter a Haarlem la bolte n° 234. (2) Algemeen Rijksarchief, La Haye, Prins Sted. 49, (18 février 1812). (3) Rijksarchief, Haarlem, bofte 236, (17 mai 1812). (4) Rijksarchief in Zeeland, 103 A1, (5) Rijksarchief, Haarlem, boite236, (30 mai 1812). — 84 — la Rue. Après une vie aventureuse, il avait été nommé bibliothécaire a La Haye par le roi Louis ; il était juge au tribunal de première instance d'Almelo quand de Pommereul lui confia 1'inspection de Ia librairie k Groningue. « II rendit alors des services importants a Ia librairie de son pays, en tachant d'adoucir, autant que possible, les rigueurs qui entouraient 1'usage de la presse ; il sut a la fois se concilier et Pestime des gens de lettres et la faveur du gouvernement, au point qu'il fut même appelé a Paris en i8i3 pour conférer avec le chef de son administration sur de nouvelles mesures que celui-ci se proposait de prendre a 1'égard de la librairie hollandaise » (i). Ce passage de la Galerie des contemporains dont il était Ie collaborateur peut être sujet a caution : il aura rédigé lui-même sanotice biographique, fortétendue d'ailleurs. II ne nous est pas difficile d'admettre que la librairie était peut-êlre moins esclave dans le nord du pays paree qu'elle n'avait pas a redouter Pingérence de Devilliers, mais si nous acceptons sans controle le témoignage flalteur que le professeur Tydeman décerne a van Lennep (2), il nous est, par contre, impossible de croire qu'en novembre i8i3 les besoins de service Pappelaient a Paris. De Pommereul ne pouvait pas, sans décret impérial, appliquer une législation particulière a la Hollande. Van Lennep qui n'avait rien a altendré du nouveau gouvernement hollandais s'en allart k Paris pour toucher un arriéré de traitement (3) et pour s'y placer. II a aidé les fonclionnaires frangais a s'enfuir de Groningue et il ne manque pas de s'en prévaloir (1) Galerie des Contemporains, t. VI,3' éd., Mons, 1827, page 244,2* coloune. (2) Hij verdient lof en dank voor de zachte en heusche wijze waarop hij zich van geheel dien moeilijken post gekweten heeft, (H. W. Tydeman: Voorrede voor Bilderdijk's Vaderlandsche geschiedenis, 1' deel. bladz IX). (3) I. Mendels, Het vertrek der Fransche uit Groningen in November 1813, Groningsche Volksalmanak, 1901, pag. 225-238. — 87 - son examen; il a retranché un passage qui laisse supposer que Napoléon n'est pas animé de i'esprit de sagesse et de paix que 1'Evangile recommande k tous les princes. Dans une autre brochure il critique les i»ots« la presse des circonstances (sic) (de drang der tijden) », « il &t iriutile de laisser paraitre des compiaintes aussi pitoyables » (i). Devilliers et de Celles ont d'excellents rapports ensemble; en i8i3, lors de 1'évacuation, Devilliers s'inquiète du sort de son ami paralysé par des accès de goutte. Les chansonniers n'ont pas manqué de faire allusion a la sollicitude du directeur général, pour s'en moquer d'ailleurs (2). Mais de Stassart est sa béte noire : il n'a ni jugement, ni maturité d'age; sa vanité ne lui permet de supporter ni conseils, ni observations (3). II est cassant, c'est un impulsif; il fait vite étalage de son autorité pour donner aux Hollandais 1'impression d'une administration ferme et vigoureuse : il croit que c'est un point capital chez les peuples du Nord (4); il manque de bienveillance pour les employés de la poiice et de condescendance pour le commissaire général de Rotterdam, de Marivault, ami dé Devilliers. II aime que les journaux et les feuilles publiques s'occupent de lui. II distribue jusqu'a trois fois a la même personne un almanach de 1'ariondissement d'Orange pour 1810 qui est rempli de ses éloges, ce que Réal trouve indiscret (5). II fait tout par lui-même « peut-être, par zèle, mais peutêtre aussi par le* désir de se mettre fréquemment en évi- (1) Rijksarchief, Haarlem, bofte 256, (3 avril 1812). (2) DeNavorscher, 1911, page 566: de laatste woorden van Graaf Cellery in den nacht tusschen 13 en 16 Nov. 1813. Le compilateur a eu tort d'ajouter, en note, que le comte Cellery élait le préfet du Zuiderzée. Un surnom n'est pas un nom. (3) Archives Nationales, F7 3064, cité par M. Colenbrander, n° 844. (4) Algemen Rijksarchief, La Haye, Intendant van Binnelnandsche Zaken, portefeuille 1220, n° 67. (3) Rapport de Réal sur sa mission en Hollande, cité par M. Colenbrander, n» 274. dence » (i). Ce que DeviUiers expriine sous une autre forme: « Enfin M. de Stassart qui veut tout faire et ne rien laisser faire a personne prélendait s'occuper seul de ce qui concerne la librairie » (2). II a aulorisé 1'impression d'un catalogue dans lequel fïgurent de nombreux livres suspects. Devilliers fait supprimer Ie catalogue et saisir les ouvrages réputés dangereux. Et ainsi les Iibraires sont talonnés par deux administralions enneures qui assouvissent leur rivalité a leurs dépens. Par esprit de contradiction et par susceplibilité aussi les préfets protestent conlre certaines saisies opérées par la police. De Stassart trouve sévère la mi se sous séquestre de la Chandelle d'Arras. Certes ce livre de 1'abbé Dulaurens n'est pas un livre a mettre enlre les mains de tout le monde mais la mesure prise par le commissaire va piquer la curiosité et il s'en vendra un plus grand nombre d'exemplaires sous le manteau (3). Quoi qu'il en soit il veut être informé de tout avant que la police prenne unedécision : il a Ia surveillance de 1'imprimerie et de la librarie. Certaines saisies, comme celle de Vlngénu, lui semblent tout a fait ridicules. Oti ne saurait trop surveiller les ventes de livres, écrivent les employés de Ia police a Paris. « Dernièrement on avait compris dans un catalogue des flèches empoisonnées provenant d'un cabinet, une autre fois des pistolets a vent. La police a retiré les uns et les autres pour être déposés au cabinet de curiositésde Leyde » (4). On incrimine surtout lies ouvrages suivants : L'état politique de la ffesse, Quelles doivent être les craintes et les espérances de (1) Algemeen Rijksarchief. La Haye, Intendant van Binnerlandsche Zaken, portefeuille 1220, cité par M Colenbrander, n* 1428> (2) Archives Nationales, F' 7014. (3) Algemeen Rijksarchief, La Haye, Holland, n° 5627 (14 nov. 1812), et F' 3488, même date. 'JfïKSj (4) Archives Nationales, F' 3488 (30 déc. 1812)'. — 88 — 106 — lajeunesse, des Historieites amusantes, des Mélanges utiles et agréables, « titre fallacieux, d'ailleurs, car les vers sont sans invention, style ni gout et desanecdotes triviales remplissent des pages qui ne sont pas utiles ». Les gravures valenl parfois mieux que le texte. En France, on a trouvé un nouveau livre d'éducation : le Magasin el 1'on en fait pour enfants, adolescents, jeunes femmes ; les Hollandais y ajoutent les Magasinspour a/Jligés et malheureux (i). En somme, ce que les censeurs reprochent k la liltérature hollandaise, c'est son manque d'originalité, mais elle ne pouvait produire aucun chef-d'ceuvre car « les grands sujels lui étaient interdits ». yi*^ L'Empiré a été un grand élouffoir : la politique a cédé le pas a l'étude de la législation, la théologie et Ia philosophie ont presque cessé de se faire entendre. Sur 4374 ouvrages imprimés en 1811 on n'en compte que 17 de politique, 7 de philosophie el 9 de théologie (2). En 1812 ce nombre diminue encore pour la philosophie, 5, et Ia politique, i5 ; la théologie monle a 16 (3). Ce sont matières dangereuses k trailer. Tout ce qui rappelle Pancienne dynastie est impitoyablëment arrêlé. On retranche d'une Histoire de Louis XVI ce qui concerne particulièrement la personne du roi (4), on défend la publication des Entretiens de Sully et de Henri IV « car il serait contraire a 1'intérêt de 1'Etat dans (1) W. Goediv Magazijn van en voor lijdenden en rampspoedigen of bijdragen ter hunner onderrigting, opwekking^bemoediging, hulp en troost Dordrecht, 1813 (2) Archives Nationales, Fls 431, (2 janv. 1812). (3, Archives Nationales, F'» 417, (10 janv. 1813). (4) Bibliothèque Nationale, -Nouveau fonds, Ms öOOl, p. 93. — 109 — mais au contraire leur inspirer une confiance inébranlable dans 1'avenir, son livre est ajourné. C'est ce qui advint a Loosjes qui voulait réimprimer la Vie de Maurice Lijnslager ou histoire d'une familie hollandaise (i). De Pommereul écrit au préfet du Zuiderzée que le censeur a pensé que daas .les circonstances préseu tes 1'impressiou en devait être ajournée. Cette opinion queje parta'ge ayant reen 1'approbation de S. E. le Ministre de 1'Intérieur, j'ai prononcé 1'ajournement et en vous renvoyant, ci-joint, les quatre volumes de 1'ancienne édition, je vous prie de faire connaitre . a 1'éditeur Post d'Utrecht, qu'il ne pourra s'occuper d'une réimpresion de eet ouvrage que quand il aura recu 1'autorisation spéciale de la direction (2). ^fiti.-^ II ne faut pas rendre impatient du joug Ie peuple asservi et lui laisser entrevoir determe ason avilissement. Loosjes n'avait-il pas la malenconlreuse idéé d'écrire dans sa préface : quioserait prétendre que ce peuple si humilié ne relèvera pas la tête un jour ! Le pasteur Broes n'est pas plus heureux avec le Chrétien méditant (3). Ce prédicant veut réimprimer eet ouvrage publié en 1805 et qui ne 1'aurait pas été si quelque police eüt été exercée a cette époque en Hollande. C'est une suite de lamentations sur le sort actuel de la Hollande. Jérémie n'a pas mieux plcuré sur les malheurs des Juifs et ce sont ces jérémiades encouragées qui font tant de mal et d'ennemis a la France (4). Ajournemenl. Pour ne donner aux vaincus aucun sujet de plaintes, Ia direction supprime les remarques trop piquantes a 1'adressedes habilanls qui ont été rattachés depuis peua 1'Empire. Le censeur adoucit, dans le Voyage en (1) A. Loosjes Pz, Het leven van Maurits Lijnslager, eene Hollandsche familiegeschiedenis uit de zeventiende eeuw, Haarlem, 1809. (2) Rijksarchief in Noord-Holland, Haarlem, bolte 254 9 avril 1813). (3) P. Broes, De peinzende christen of bundel van stichtelijke gedag ten in de eenzaamheit, Amsterdam, 1784. Le censeur fait erreur en parlant de 1805. Voir : van der Aa : Biographisch Woordenboek der Nederlanden, Article Broes. (4) Archives Nationales, AFIV 1049. — 110 — Hollande de Grosley, quelques réflexions facheuses pour les Néerlandais afin de ne pas aigrir ce peuple nouvellement incorporé (i). II va de soi qu'un manuscrit avec le nom de Bonaparte comme auteur est fobjet d'un examen et d'une enquête méticuleuse. J'ai riionneur de vous adresser un manuscrit hollandais, écrit de Pommereul a de Celles, intitulé : Edouard et Stelline qui avait été soumis a la censure par le Sr Bakker, imprimeur a Amsterdam. L'énoncé du titre portant un nom d'auteur qui devait attirer mon attention et celle du public, je demandai a 1'éditeur le texte original d'après lequel on disait que la tradnction hollandaise avait été taite. L'imprimeur Bakker n'a pu la présenter ; c'est ce qui m'engage a lui renvoyer son manuscrit avec la défense de 1'imprimer (2). Enfin un autre genre d'ouvrages que la direction surveilleavec beaucoup de soin ce sont les almanachs qui constituent la bibliothèque de bien des gens. Ils s'occupent de politique et l'un d'eux le Ludoviciana contient une série d'anecdotes sur le dernier roi et le représenle en frontispice couronné de saulns pleureurs et de cyprès (3); dans un autre on se permet des slances contre la guerre : elles sont de la dernière inconvenancc a une époque ou t int de guerres glorieuses ont lellement élcvé Ie nom frangais (/+). Dans les calendriers, on nefa.it pas toujours menlion de la fête de St Napoléon fixée au i5 aoöt, ni de celle de 1'anniversaire ducouronnementde Sa Majesté fixée au rr dimanche de décembre qui doivent être en lettres majuscules (5J; on ne dislingue pas les fêtes supprimées de celles qui ont (1) Archives Nationales, *F'8 149', n° 124. (2) Rijksarchief, Haarlem, bolte 254 (11 juillet 1813). (3) Archives Nationales, F" 402 (2ö octobre 1810;. (4) Archives Nationales, *F,S 148, n° 39. (5) A propos de lettres majuscules notons que Devilliers fait saisir, a Utrecht, en septembre 1813, une brochure dans laquelle le nom de Napoléon et d'un brigand sont écrits en caractères absolument semblablcs et de la plus forte dimension (Archives nationales. F" 428). — 111 — été conservées par le Concordat et on se permet parfois d'insérer des couplets ironiques contre Jésus-Christ. La direction voudrail faire de Palmanach un élément de propagande. La Révolution s'en était préoccupéeet la société des amis de la Constitution avait proposé un prix pour le meilleur almanach patriotique. Collot d'Herbois en fut Ie lauréat avec VAlmanach du père Gèrard qui fut traduit en anglais, en allcmand et en hollandais (i). Ne pourrait-on pas le « remplir d'anecdotes, de chansonsel de récits propres a enlretenir le patriotisme et Ie dévouement a la personne sacrée de Sa Majesté et a Ia dynastie napoléonienne » (2), sans compler les maximes de mörale, les actes de courage, les exemples d'humanité. On familiariserait le peuple avec les institutions nationales el Ia pratique de ses devoirs (3). Les colporteurs et marchands forains débilent almanachs et autres petils ouvrages « écrits fanaliques tendant a donner le change a 1'opinion sur cerlains événementspublics, a troubler les-consciences, a éloigner les sujcts de l'arrtour et de la fidélité qu'ils doivent a * 1'Empereur ». Ils répandent des livres de magie, de sorcellerie, de divination fort dangereux pour les classes peu éclairées qu'une pente naturelle enlraine vers Ie merveilleux (4). La direction les fait survciller et a propos des Apparitions naturelles et miraculeuses des esprits et des spectres, traduit de Tallemand en hollandais par Fokke, le censeur se demande quel avantage il peut bien. y avoir a tolérer la publication de pareilles turpitudes. « La police a 1'ceil sur la vente des poisons physiques dans les pharmacies ; les poisons moraux sont-ils moins dangereux ? (5). (!) H. Welschinoer, Les almanachs de la Révolution, Paris 1884, p. 41. (2) Archives Nationales, *F" 148, n* 19. (3. Archives Nationales, F" 402. (4) Archives Nationales, F18 402. (5) Archives Nationales AFIV. 1049. L'un de ces derniers s'appelle la critique et la censure • interd'it toute apologie d'une politique contraire a celle de 1'Empereur. Un auteur qui vanle le libre-échange par exemple, s'expose a se faire carlonner : la paix est une belle chose mais la gloire n'est pas sans valeur. En 1809, un Hollandais a fait tirer a 100 exemplaires un Projet de paix perpétuelle : il veut le réimprimer en i8i3 sous le titre de Concordat europeen ou paix perpétuelle. L'ouvrage est ajourné sur le rapport du censeur qui se termine ainsi : J'estime qu'il faut laisser traiter cette question a S. M., que M. Hollandre n'est point appelé a s'en mêler et qu'il n'y a pas lieu de permettrela réirnpression de son inutile et ridicule projet, oü, par amour pour la paix, il crie beaucoup contre la guerre, Le procés de 1'administration ne saurailêlre toléré: allaquer un fonclionnaire, c'est s'en prendre a Pautorité supérieure de laquelle il lient sa place. Les criliques nesont autorisées qu'après la censure de la direction et celle de 1'administration viséé. La première peut être favorable et 1'autre défavorable. L'ou/rage inlilulé : De la valeur intrinsèque des obligalions de la ville d''Amsterdam fut autorisé par de Pommereul, mais le préfet opposa son veto : l'ouvrage traite d'objets d'administration dont il ne convient pas de donner connaissance au public (1) et le directeur en suspendit 1'impression jusqu'a nouvel ordre. Le titre seul est un molif a saisie. De Pommereul fait rechercher en Hollande un Manuel de droit frangais par un certain Pailletqui, au dessous du titre, a mis cette annonce déplacée: présenlantlareclificalion desfaules d impression commiscs dans toutes les édilions des codes même dans celles officielles, lorsque ces fautcssignalées dans le Bulletin des (l) Rijksarchief, Haarlem, Mlnutes du préfet, 1812, n'» 1890, 2100. ma 112 - — 113 — lois, les arrêtés des cours souveraines et les auteurs, changent le véritable sens des articles (i). Quand l'ouvrage n'est pas exclusivement littéraire la direction ne veut pas prendre sur elle toutes les responsabilités. Les colères de 1'Empereur sont lerribles et il brise celui qui, par inattention, négligence ou sottise, laisse publier ce qui contrarie sa politique. Un recueil insignifiant sur les pratiques de la dévotion va donc prendre 1'air du ministère des cultes. C'est que la religion est pour le moins aussi épineuse que la politique. Napoléon a fort a faire avec le pape et les réfraclaires au Concordat. Le clergé est animé d'un mauvais esprit dans cerlains endroils de la Hollande. A Maëstricht, quelques prêtres se retirent au Te Deum, le i5 aoüt, et ils ne tiennent guère au Concordat, « ils sonla leur aise et ils tremblenl de recevoir des pensions : les offrandes lariraient et le clergé serait misérable » (2). C'est a Maëstricht encore que le curé beige Stevens (3) et ses adhérents font. imprimer des pamphlets incendiaires (4) et ils répandent jusqu'è Paris une brochure de 3o pages intitulée : Doctrine de l'église catholique sur Vindissolubilitê du mariaye 1801 ; date fausse et fausse a dessein (5). Stevens ne cesse (1) Rijksarchief in Zeeland, 103 A1 (21 décembre 1812). (2) Archives Nationales, AFIV 1721. Lebrun a Napoléon (7 aoüt 1810'. (3) Fouché écrivit a son sujet la lettre suivante au préfet de Maëstricht: J'apprends chaque jour avec un nou vel etonnément que le prètre Stevens continue ses prédications incendiaires malgré les ordres positifs et réitérés que j'ai donnés pour son arrestation. Si 1'on eüt mis un peu de zèle dans les recherches on serait facilement parvenu a saisir un homme que les imprimés qu'il distribueet les émissaires qu'il emploie donnent tant de moyens d'atteindre. 11 est honteux pour les administrations locales de se laisser ainsi braver par ce fanatique. Pour faire cesser un tel scandale je vous autorise a promettre 6.000 fr. a celui qui livrera le prètre Stevens mort ou vif. Vous ne devez cependant faire connaitre vos intentions qu'avec beaucoup de discrétion et de prudence. En les rendant publiques, vous 1'engageriez a se cacher avec plus de soin et vous augmenteriez ainsi les diflicultés de 1'atteindre (8 messidor, an XIII), Rijksarchieven in Limburg, Maastricht. (4) Rijksarchieven, in Limburg. (5) Archives Nationales, AFIV 1049, (31 mai 18101. ROCUE g d'attaquer les évêques « qui, au lièu de prêcher JésusChrist crucifié, prêchent sans cesse Napoléon et ses victoires et remplissent leurs lettres pastorales d'une lache et scandaleuse adulation », qui sont membres de la Légion d'honneur et « dans un état de désobéissance permanente envers le pape » (i). Quant a Napoléon, il prétend a une domination universelle même en matières religieusès : il n'y a qu'un seul catéchisme d'autorisé, celuideTFjnr^re ; 1'enseignement exclusif en a été ordonné par le décret impérial du 4 avril 1806. La censure fait donc rechercher tous ceux qui étaient a Pusage des anciens diocèses, celui de Malines par exemple. On en saisit 60 a Zierikzee (2). Les inspecteurs recoivent 1'ordre d'arrêter les Lettres de Notre Saint Père le pape Pie VII concernant les électlons capitulaires : elles renferment des principes trés dangereux (3), tous les ouvrages oü il y a des maximes contraires a la déclaration du clergé de France en 1682 et a 1'église gallicane ; Réal conseille au préfet de Maëstricht de faire une enquête secrète et .prudente pour savoir si les Nouveaux opuscules de Vabbé Fleury n'ont pas été adressés aux évêques et ne forment pas la base de 1'enseignement dans les séminaires (4) ; Rovigo se fait envoyer un exemplaire du bréviaire des prêtres catholiques hollandais et demande communication de YEcole chrétlenne ou mélanges ecclésiastiques pour le XIX" siècle (5J, paru a Amsterdam chez Saakes. La table des matières annonce une lettre importante d'un catholique de Paris a un de ses amis, (1) Sommairede la lettre de Corneüle Stevens en date dn 1" décembre 1806 rédigé par lui-même, auquel il a joint des réflexions ultérieures trés sêrieuses, Archives Nationales, AFIV 1287. (2) Rijksarchief in Zeeland, Middelburg, 103 A', (30 avril 1811). (3) Rijksarchief in Noord-Brabant, Bois-le-Duc, (31 juillet 1811) (4) Rijksarchieven in Limburg, Maastricht, (17 avril 1810). ' (5) Christelijke leer-en oefenschool, of godsdienstig Mengelwerk voor de behoeften van de negentiende eeuw, Amsterdam, 1811. - 114 — 11S — a Rotterdam (i). Si le censeur rend compte du livre intitulé: Instruction de la Société des de'fenseurs de la religion chrétienne (2), le ministre ne manque pas d'écrire en marge : savoir ce que c'est que cette société ; écrire a M. d'Alphonse (3). Ce dernier fait son rapport : la société n'est pas utile, a son sens, mais elle ne lui parait pas non plus dangereuse ; il faut la laisser vaquer a ses occupations : en matière de religion il faut surveiller beaucoup, mais agïr avec beaucoup de circonspection (4). II faut en fout cas saisirtout ce qui peut provoquer le fanatisme religieux el lasuperstition : a Bois-le-Duc, la police met sous séqueslre 83 exemplaires d'un rouleau ayant pour tilre -. Zekere en waarachtige lengte van onzen Lieven Heere Jesu Christi qu'un individu sans passeporl vend aux gens crédules ; il suffit de le porter pour être préservé de tout événement facheux (5); a Maëstricht, elle découvre quelques milliers d'exemplaires de la Vie de St-Frangois de Hieronyme (6), prètre de la société de Jésus et objet d'un culte dans une des églises de Louvain (3) ; dans le nord de la Hollande, elle demande des renseignements sur les sociétés d'enthousiastes religieux qui lisent et commentent les psaumes de David pour y trouver des prédictions sur le deslin de Sa Majesté 1'Empereur (7). Les pasteurs ne sont pas bien vus de la police. Haack est déja, en septembre 1810, Pobjet d'une surveillance attentive de la part du comte Lauer, inspecteur général (t) Archives Nationales, F' 3460. (2) Genootschap ter verdediging van den Christel. Godsd. tegen deszelfs hedend. bestrijders. (3) Archives Nationales, F18 428, (13 sept. 1811). (4) Rijksarchief in Noord-Brabant, Bois-le-Duc, (16 juillet 1813). (5) Het leven van den zaligen Franciscus van Hieronimo, priester der Sociëteit Jesu. (6) Archives du royaume de Belgique, Bruxelles, Fonds préfecture de la Dyle, n" 1231, (3 octobre 1810). (7) Rijksarchief in de provincie Groningen, Groningen, 198" 13 (13 aoüt 1812). — 116 — chargé de 1'organisation de la gendarmerie. On lui altribue un sermon sur la triste situation de la Hollande (i). Devilliers Ie dénonce pour son mauvais esprit au commencement de i8i2et Bigot de Préameneu, ministre descultes, pense qu'il doit être éloigné d'Amsterdam. Le 2 février 1812, dans un sermon sur la délivrance de St-Pierre, il avait rappelé la prophétie d'Isaïe que tel superbe monarque tomberait de son tröne et serait déchu de sa puissance; il avait, dans sa péroraison, exhorté les fidèles a ne se fier qu'a Dieu qui sait, quand ilest temps, délivrer les peuples même des plus grands princes (2). Dans cette affaire, comme toujours, Devilliers n'a 1'approbation ni d'Alphonse qui, dans la tournee qu'il a faite en Hollande « a Irouvé chez les pasteurs aulant de sagesse que de lumières et autant de dévouement pour le gouvernement que de zèle pour Pexercice de leurs fonctions » (3) ni celle de Lebrun devant lequel il semble se juslifier d'une plainte trop hative : « il s'est bien gardé de conclure jamais de ce fait particulier a une accusation générale contre le clergé protestant de la Hollande » (4). II a sans doute oublié sa lettre du 5 février 1812 a de Rovigo. Les ministres du culte protestant commencent eux-mêmes a essayer de se mettre en avant. Le plus souvent ils ne prient point pour 1'Empereur ou s'ils le font ce n'est jamais que pour 1'Empereur des Francais ; on ne les surprend point a dire notre Empereur. Les textes de leurs sermons sont toujours entortillés dans de tels (sic) équivoques que la malveillance peut y trouver aisément son compte. Ce sont toujours des prophéties qui annoncent qu'un superbe monarqne sera déchu de son pouvoir et de sa hauteur, ou bien on exhorte les (1) Aam mijne lot-en landgenooten, Archives Nationales, V 6348. (2) Algemeen Rijksarchief, Den Haag Prins. Sted. 17, cité par Colenbrander, 1075. (3) Algemeen Rijksarchief, Den Haag, Prins. Sted. 17, cité par Colenbranoer, 1257. (4) Algemeen Rijksarchief, Den Haag, Prins. Sted, 48, (20 avril 1812). — 118 — traduction hollandaise des Contes moraux (i) de miss Edgeworth pour ces phrases : « L'Angleterre est un pays de bienfaisance dont les habitants oublient leurs préjugés nationaux en faveur des malheureux. En cas de détresse extréme, même les ennemis naturels de l'Angleterre trouvent protection dans ce pays » (2). Les préfets n'échappënt pas a son ceil d'Argus et Devilliers adresse a Réal un exemplaire de I'Almanach des'Bouches-de-la-Meuse pour 1813. Cette misérable rapsodie nest remplie que des faits et gestes du baron de Stassart. « La flagornerie la plus basse ena dicté chaque page et il n'y a ni esprit, ni pudeur a avoir laissé paraitre une telle production. II est contre Fintérêt et la dignilé du gouvernement qu'un simple fonctionnaire se permette de'se faire aussi grossièrement aduler » (3) et il en demande la suppression pour piquer au vif la vanité deStassarl. Ne se mêle-t il pas mainlenant de donner des prix de vertu? La censure de ses bureaux ne met pas toujours 1'éditeur a 1'abri d'une saisie comme en témoigne 1'histoire des Sermons de Van Teutem (4). Ils sont approuvés, sans changement aucun, par le secrétaire général de Devilliers, Haw — c'était 1'époque oü la direction de 1'imprimerie n'intervenait pas encore en Hollande — et envoyés a Paris oü les censeurs de Rovigo se froissent de la slrophe d'un cantique cité par le pasteur. « II est évident qu'on a eu mauvaise intention en reproduisant ce passage » (5) dit le rapport. Et pour le verset: — Tyrans ! vos couronnes, vos sceptres, vos trónes que vous avez trouvés dans le sang et dans (1) Zedelijke verhalen voor jonge lieden, door Mej. Edgeworth, Haarlem, 1811. (2) Archives Nationales, F18 580*, (18 juin 1811 . (3) Archives Nationales, F7 8375, (3 juillet 1813). (4) F. van Tedtem, Een woord van troost en kracht voor onze hehoeften berekend (naar de behoeften dezer dagenjin Kerkelijke redevoeringen,kmi>terdam, 1811. s (5) Archives Nationales, F' 3460. ra — 120 — tampes obscènes intitulé Histoire da père Jean-Baptiste Gêrard et de Mlle Cadière vendu sous le litre de la Bible du père Gérard (i) et un Livre de prières d Pasage des catholiques romains (2) approuvé par la direction générale. Une réclame intempestive et tapageuse a atliré 1'attention de Devilliers sur eet ouvrage de dévotion. On y trouve, disent les affiches, en plus de tout ce que doit contenir un livre d'église, des prières pour les conscrits, leurs parents et leurs families et quelques aulres qui n'ont jamais paru dans un livre d'église hollandais. Pour Réal, cette annonce est trés « affectée », elle ne peut être attribuée qu'a la soif du gain et elle est trés immorale (3). Quant au deux passages incriminés, il doit bien avouer dans une notequ'il ne les craint pas beaucoup. Devilliers Vraiment n'a pas de fibres sensibles. II ose bl&mer un fils, qui tombé sous le sort, parle « de dure et cruelle séparation», de dangers menacant sa vie, Ie salut de son ame, et qui demande a Dieu de lui donner la force de marcher avec intrépidité a la mort (4). Un père n'a pas le droit de trembler pour son enfant entouré de périls et de tentations. Le Voyage dans les environs de Hanau et de Francfort (5) parut aussi avec 1'autorisation de la police d'Amsterdam qui avait censuré quelques passages séditieux mais elle en avait laissé d'autres « dont le bul est de rendre odieux I'établissement de la conscription », écrit de Rovigo. Saisie. L'auteur ose regarder avec pitié les soldats rassemblés (1) Archives Nationales, F' 3488, 130 déc. 1812). Ainsi donc le souvenir du triste héros de cette histoire scandaleuse vieiile de prés d'un siècle (le procés est de 1730, 1731) n'était pas encore éteint. Voir la-dessus Michelet, la Sorcière, 1862, page 319.1 (2) A. J. Schneider, Oefeningen en gebeden voor R. Catholijke Christenen, Amsterdam, 1812. ^jAi^" (3) Archives Nationales, F7 3489, (3 février 1813). (4) Archives Nationales, F7 3489 etannexe F. (5) H. Potter, Wandelingen en kleine reizen in den omtrek van Hanau, Frankfort en andere voorname gedeelten van Z)MifscWan4,Amsterdam, 1811. — 121 — en 1809, pour une revue, k Hanau, penser avec douleur aux parcnts qui, privés du soutien de leur vieillesse, pleurent sur le sort de leurs enfants et s'apercevoir que beaucoup de veuves de soldats et d'officiers morts en Espagne ouailleurs mendienl dans les rues (1). En 1813, Péditeur Saakes en appelle de cette mesure par trop draconienne et il a bien raison car, en aoüt i8i3, le censeur de la police de Paris propose d'ordonner la suppression des passages répréhensibles et de rendre ensuite l'ouvrage a l'auteur après s'être assuré que les cartons auront été fails sur tous les exemplaires. Devilliers répond a de Rovigo qu'il les a brülés sans pitié ; il ajoute que, même avec des changements, le livre n'en "resterait pas moins dangereux. II ignorait sans doute que ses employés avaient sauvé l'ceuvre des Hammes et la vendaient sous le manteau (21. Ils écoulent aussi eten cachelle Paris au commencement du XIX6 siècle (3) de A. van der Willigen paru en 1806 et saisi le 20 aoüt 1811. L'édileur a beau se démener pour reconquérir son bien, ses démarches demeurent vaines : la police ne lache rien sinon contre écus bien sönnants. On s'apercoit après le départ des Francais qu'elle a vendu tous les exemplaires qu'elle détenait (4). Les Proverbes de Salomon k 1'usage des écoles n'ont pas non plus échappé a 1'autodafé. Ce modeste bouquin fit 1'objet d'un rapport d'Esménard qui signale comme subversifs : Craignez Dieu, respectez le roi et ne vous liez pas avec des rebelles car cela entralne des malheurs et détermine la grandeur des peines qu'entraine la révolte (5). (1) Archives Nationales. F7 3460, (22 juillet 1811). (2) Algemeene Konst-en Letterbode, 1814, w 16 du 20 avril. (3) A. van der Willigen, Parijs in den aanvang der negentiende eeuw, Haarlem, 1806, 2» éd. 1814: (ii De Recensent ook der recensenten, 1814, page S70. (5) Le texte exact se lit au livre des Proverbes XXIV : vers 21 et 22. — 122 — Au-dessus dece verset il y a l'inscription suivante : Crainte de Dieu et del'autorité légitime, et en note : il est question d'un gouvernement bon et légitime, qui est essentiellement serviteur de Dieu. Ces derniers mots sont imprimés en gros caractères (1). II propose d'en arrêler la circulation etl'éditeur de Gorichem qui vend paisiblemenl l'ouvrage dont le débit est assez considérable, n'y comprend rien du tout ; il en écrit au maire d'Amsterdam qui Ie renvoic a la police ; on ne lui répond jamais ; de guerre lasse il a recours a de Pommereul qui demande des éclaircissements a de Rovigo. Devilliers a eu certainement de bonnes raisons pour faire arrêter celte brochure, mais si quelque imprimeur hollandais voulait faire paraitre une édition des Proverbes de Salomon, la direction ne s'y opposerait nullement. « II imprimerail sous ce titre le même ouvrage que celui du sieur van der Wal, votre autorité et la mienne se trouveraient en contradiction » (2). De Rovigo reconnait que les passages qu'on lui asignalés dans le temps ne peuvent plus donner lieu k de facheuses interprélations et il est prêt a rendre le livre a la circulation. Cela ne Pengage guère car Devilliers n'a pas hésilé un moment a livrer aux flammes tous les exemplaires des Proverbes de .Salomon ; il lui devient donc impossible de remplir les nouvelles intentions du ministre. Par échange de bons procédés, de Rovigo signale a de Pommereul la négligence de ses censeurs qui laissent imprimer Le fiancé sans Jiancée (3) oü Ia police d'Amsterdam a fait supprimer quelques passages avant sa publication ; notamment: (1) Archives Nationales, F' 3460, (27 avril 1811). (2) Archines Nationales, F' 3460, (2 octobre 1812 . (3 A. F. J. Langbein, De bruidegom solider bruid naar het Hoogd, Amsterdam, 1812. — 123 — La guerre me forca d'aceepter des locataires armés. Je leur cédai le bas de la maison et leur donnai ce qu'ils exigeaient ■ afin d'avoir dü moins quelque repos derrière mes quatre portés : ils se comportèrent assez bien et cette occasion m'apprit a céder une partie de ma maison êt des étrangers (l). De pareilles phrases sont surtout inconvenantes dans ce pays nouvellement réuni a la France et oü 1'esprit d'opposition est habile a saisir les moindres allusions. Paris renchérit encore sur la police d'Amslerdam ; le censeur de Rovigo ne veut pas qu'on confisque, dans ce livre, a unbrigand, le tabac et les allumettes qu'il veut introduire en fraude dans une ville, des almanachs qui ne sont pas timbrés. Cela peut avoir des suites facheuses'dans un pays oü le tabac se débile pour le compte du souverain. La direction n'y avait pas vu tant de choses et après le résumé du livre s'était bornée a dire : Sujet trivial, plaisansanteries sans sel, style sans couleur (2). Nous surprenons dans cette affaire le procédé de la police. Elle relève les phrases soi-disant répréhensibles, elle les monte en chaton pour ainsi dire et par une généralisation hardie déclare que la plupart des livres hollandais sont remplis d'épigrammes, de réflexions saliriques dont s'empare la'malignité publique. De Rovigo conseille alors a de Pommereul de surveiller avec plus d'attention la librairie hollandaise. Elle ne renonce qu'une fois a cette méthode et c'est pour Albertine ou Npreuve des maris (3), qui met en scène un commissaire de police rossé de coups de batons. Les bureaux font remarquer a de Rovigo que toutes les observations qu'il pourrait faire resleraient sans effet car de Pommereul semble approuver tout ce qui se publie contre la police (t\). (1) Archives Nationales, F' 3460 (27 octobre 1812). (2) Archives Nationales, *E'8 449', n»402. (3 A. Lafontaine, Albertinn, of de proef der mannen, Haarlem, 1813. (4) Archives Nationales, F1 3463, (20 novembre 1812). — 125 — Montmartre, poème en hollandais par M. le sénateur, comte Meermann. Les Hollandais ont apparemment une autre idéé de la poésie que celle que nous nous en sommes formée. La censure n'a au reste rien trouvé areprendre dans eet ouvrage (1). II lui avait paru insignifiant, comme il le parait au Ministre de 1'Intérieur, Monlalivet, que Rovigo semble avoir pris pour arbitre dans 1'affaire. « II n'a rien trouvé dans Montmartre qui blessat aucun des principes que tout auteur doit respecter ». Quant a Jésus, tragédie sacrée en deux actes, c'est un ouvrage religieux écrit sans aucune intention de ridiculiser la religion ; il est si faible qu il ne saurait exercer une influence quelconque'; néanmoins il n'en autorisera pas le troisièmeacte. II suppose enfin que c'est la bizarrerie de ces deux productions qui a inquiété de Rovigo et il ajoute : . Mais je ne pense pas que la censure ait a s'occuper du mérite littéraire ou scientiflque des ouvrages et que lorsque rien n'y intéresse la tranquillité publique ni les questions importantes de 1'ordre social établi, la censure doit laisser passer. D'après ce principe, je ne crois point qu'il y ait lieu a empêcher la publication des deux ouvrages ei-dessus (2). II en fait encore mention dans un rapport a 1'Empereur qui reprocbe a la censure de se perdre dans des détails oiseux et ridicules. Celle de la direction est libérale et elle 1'esl beaucoup trop aux yeux de la police avec laquelle il n'est pas toujours d'accord et il rappelle è 1'Empereur qu'elle a arrêté les ceuvres de Parny, le Citateur, qu'elle s'est plaint de la publication de brochures contre Etienne, qu'elle a réprimande 1'éditeur des lettres de Grimm, ce qui prouverait que son bureau des gens de lettres a plus d'inconvénients que d'avantages (3). (1) Archives Nationales * F-8149'. (8) Archives Nationales, F' 3463, f26 septembre 1812). (3 Archives Nationales, AFIV, (13 janvier 1813). — 126 — La nation hollandaise de Helmers (i) donne encore lieu a un nouveau conflit entre la direction et la police. La direction en autorisé 1'impression. La nation hollandaise, poèine en six chants par Helmers. Le poète a une grande célébrité en Hollande et ce poènie doit 1'augmenter encore. II y chante les vertus morales des Hollandais, leurs grands capitaines, leurs vaillants amiraux, leurs intrépides navigateurs, leurs savants, leurs artistes et tont ce qui peut servir a la gloire de ce pays (2). Le supplément d'enquêle exigé par le ministre qui veut savoir si l'auteur n'a pas mêlé a ses éloges quelques regrets indiscrels, quelques rélicences que les mécontents pourraient mal interpréter ne change rien a ce jugemcnt. II est remis au deposant sans changement. Mais ce laissez-passer ressemble a cette grace suffisante qui nesuffil pas. II faut compter sur la surveillance infatigable, féroce de Devilliers. II soumet rovrvragerde Helmers a l'examen de trois personnes également versées dans la liltérature du pays et toutes trois animées d'un excellent esprit et il envoie le relevé de leurs observations a Réal en se défendant bien de vouloir cntrer en lutte avec la direction générale. Elles sont loutes empruntés au chanl III : Non la Hollande ne disparaitra point comme une ombre nocturne, le soleil reparaitra un jour dans tout son éclat. Et toi, Bretagne, toi qui du haut de tes falaises provoques avec tes mille navires les puissances de la terre, toi qui as serré dans tes mains avec une force irrésistible le tiident de Neptune jadis notre partage, qui seule donnés uiaintenant les lois sur 1'Océan, qui n as pas de rival a craindre sur les flots et de-van t le fier r gard de laquelle, rcnforcé par le voniissement (sic) du tonnerre le cceur se serre, tandis que les joues se couvrent d'une paleur mortelle, seule et non ace mpagnéc (1) De Eollandsche Natie, Amsterdam, 1812. (2) Archives Nationales, * F18149s, n" 528.. — 12? — de personne tu planes sur 1'océan ; malheur a celui qui ose entveprendre de résister a tes lois. Oui, j'entends les vagues se briser contre nos cötes mais liélas! aucune d'elles ne transporte un vaisseau vers la patrie ; maintenant une nacelle isolée erre sur les vagues désertes qui retentissaient jadis des cantiques de nos légion6 maritimes ; maintenant une frêle barque dépeint a mon idéé (sic) déchirée les cent navires que nous eümes jadis. Quel temps ! (celui de Ruyter et de Wassenaar) alors, 1'hon neur et 1'inviolabilité étaient notre partage. Ce fut la (le combat de Doggersbank) le dernier rayon de 1'antique splendeur de la Hollande ; maintenant (sic) le soleil s'iuclina vers le couchant,bientöt il se perdit dans une obscurité affreuse (1). On ne peut s'empêcher de sourire a la remarque de Devilliers que la critique la moins sévère ne s'accommoderait point de ces passages ; Réal son ami en écrit donc a de Pommereul tout en le driant de vouloir bien considérer que « la police n'entend point s'immiscer dans un examen qui appartient a d'autres attribulions que la sienne, mais elle met au nombre de ses devoirs de communiquer aux autorités compétenles les observations que lui suggère Tinlérêt de tout service public » (2). De Pommereul lui répond longuement : il a trouvé l'ouvrage sans reproche et il n'a point de molifs suffisants pour changer d'opinion. Aussitöt que l'imprimeur Ruys d'Amsterdam m'eut fait connaitre conformémenta-la loi, Pintention oü il était de publier ce poème, je me batai de lui demander communication du manuscrit. A son arrivée je 1'envoyai au censeur Coben en lui recommapdant la sévéritéque comportnit la nature de l'ouvrage et celle des circonstances. Son rapport fut approbatif et son procés verbal sans changements,' attendu que ceux qu'il avait jugés nécessaires avaient déja été effectués par l'auteur (3) (1) Archives Nationales, F7 3489, (12 janvier 1813). (2) Archives Nationales, F7 3489, (3 lévrier 1813). (3) Sur les instigations de la police trés probablement. Ce qui le ferait — 131 — L'auteur y dëveloppe qu'on a tort de déduire de ce texte que les papes sont infaillibles dans leurs décisions, qu'ils sont au-dessus des conciles, qu'ils ont le droit de dé poser les rois et de délier les sujets du serment de fidélité. Au moyen ageles successeurs de St Pierre, soit par leur intelligence et leur perspicacité, soit par la faiblesse des princes et des évêques, soit par usurpation pure et simple se sont arrogé une suprématie universelle a laquelle ils n'avaient aucun droit. L'habitude 1'a consacrée mais elle ne pouvait s'autoriser du texte de St Matthieu qui ne faisait que proclamer, comme acte de foi, que Pierre et ses successeurs avaientregu la grace d'être les chefs de 1'Eglise (i). Kistemaker soutenait donc Napoléon dans sa lutte contre le pape et il défendait sa politique devant le public. Le journaliste en avait rendu compte dans le même esprit (2). Malheureusement le censeur de la police lit mal ou comprend mal et dénonce le livre a de Rovigo. Votre Excellence jugera des principes de eet auteur par les passages suivants qui sont extraits de son livre. Jésus a dit a 1'apötre Pierre : Vous êtes Pierre et sur cette pierre je batirai mon église. Ainsi par ces paroles même, Pierre a recu un pouvoir plus grand et un rang plus élevó que les autres apötres. Les successeurs de Pierre sont infaillibles dans leurs décisions ; ils sont supérieurs aux conciles généraux et ne peuvent être jugés par eux et ils ont le pouvoir (1) j.-H. Kistemaker, Uitlegkundige verhandeling, enz. p. 22 a 26. (2) Welke verklaring en toepassing der gezegde woorden is te wijd uitgestrekt en te veel omvattend, dan dat men dezelve kan en moge veronderstellen ? Antw. Deze : Dat in Petrus alleen en zijne opvolgers eene volheid • van het geestelijke regtsgebied zou plaats vinden,gelijk als in eene bron,uit welke een zeker bestemd aandeel tot de andere bischoppen, in het bizonder overgaat ; dat de opvolgers van Petrus onfeillaar zijn in. hunne uitspraken ; dat zij boven een algemeene Kerkvergadering zijn, en van deze niet kunnen geoordeeld worden, dat zij de macht bezitten ten minste onmiddelijk, Koningen af te zetten, en derzelver onderdanen van den eed der getrouwheid te ontslaan. (Algemeene Vaderlandsche Letteroefeningen, 1811, n° 7). — 132 — au moins immédiatement de déposer les 'rois et de délier leurs sujets du serment de fldélité... II paraitra sans doute trés remarqnable a Votre Excellence que des ultramontains cherchent a répandre leurs principes, non seulement en Allemagne oü oh est en général fort éloigné d'adopter toutes les prétentions du Saint-Siège, mais que dans les circonstances actuelles ils les fassent circuler en Hollande dont a la vérité la plupart des habitants sont protestants mais oü les prêtres catboliques instruits a 1'ancienne université de Louvain sont trés fanatiques et tout a tait contraires aux principes qui ont dicté la déclaration du clergé de France de 1682 (1). Les sanctions ne se font pas attendre; le 17 juillet 181 i,de Rovigo donne 1'ordre d'arrêler la circulation des exemplaires allemands, d'en adresser un au ministère de la police pour le comparer avec la traduction hollandaise, de prendre des renseignements sur Kistemaker, de saisir la traduction hollandaise, de prendre des informations sur le traducteur, sur les intentions qu'il a pu avoir en publiant eet ouvrage en Hollande, de défendre a Ynlema de parler a 1'avenir d'ouvrages de théologie dans sa feuille (2). Et les préfets de la Dyle, de la Roër, de la Lys, des Deux-Nèlhes, de Ia Meuse-Inférieure et de 1'Ourthe ainsi que la direction générale de la police en Hollande sont chargés de 1'exécution. Le 19 juillet,'de Rovigo enjoint a Devilliers de supprimer les Annales politiques et littéraires, d'arrêter le rédacteur, l'imprimeur.jusqu'ace qu'il ait indiqué le traducteur, et cedernier quand il sera découvert. Ce redoublement de sévérité est du a 1'intervention de Napoléon qui a donné les mêmes ordres è Lebrun (3). Le 23 juillet Devilliers mande a Lebrun et a de Rovigo qu'il a saisi 232 exem- (1) Archives Nationales, F' 3460(17 juillet 181 IJ. (2) Archives Nationales , F' 3460 (17 juillet 1811). (3) Archives Nationales, AFIV, 1724 (18 juillet 1811) cité par M. Colek- bhander, n» 266. — 133 — plaires, supprimé la revue d'Yntema, qu'il a I'adresse du traducteur, Schrant. II leur fait déja pressentir qu'il y a erreur de la part du ministère ; il s'est fait traduire 1'article incriminé par des personnes qui connaissent parfaitement la langue hollandaise. Le rédacteur Yntema n'a pas défendu la suprématie du pape; il l'a donc mis en surveillance en atlendant que les autorités lui fassent connaitre si elles lui ordonnent toujours de le faire arrêter (i). Schrant,ancien vicaire d'Amsterdam, curé de Bovenkarspel fut mis en prison leMgt il n'apprit que le 26 la causfl de son arrestation ; il demanda qu'on examinat son 011vrage a nouveauet qu'on fit une traduction littérale des passages qui ont pu déplaire. II soutient et il démontre qu'il défend dans son 3e chapitre les trönes contre la suprématie de St Pierre, loin de prétendre les y soumettre. J'ai fait exaniiner ce 38 chapitre, écrit Devilliers a Rovigo, par des hommes dont je ne puis révoquer le témoignage et il se trouve que cette assertion est exacte. Je ne puis donc concevoir Terreur qui a été commise, rebv tivement a l'ouvrage du Sr Schrant qu'en songeant que la littérature hollandaise est généralemant écrite dans un style tellement entortillé et confus qu'il faut presque avoir perdu sa vie entière a 1'étudier pour la bien comprendre. On ne peut se faire une idéé du mauvais goüt qui règne dans ce pays : tout le monde y est possédé de la -fureur d'écrire et c'est toujours dans les genres les plus ambitieux que 1'on s'exerce; j'oserais bien afflrmer qu'il existe bien a Amsterdam trois ou quatre mille faiseurs d'odes et de dithyrambes. p. S. — J'ai fait mettre en liberté provisoire et sous caution le Sr Schrant; le Prince m'a donné 1'ordre de laisser reparaitre les Annales littéraire* d'Amsterdam. Je prie Votre Excellence de bien vouloir me faire connaitre si elle approuve ma conduite (2). II) Archives Nationales, F' 3160 (23 juillet), AFIV, 1724, cité par M. Colenbrander, n" 268. (2) Archives Nationales, F', 3460 (31 juillet 1811). — 134 — Lebrun a fait déja fait savoir a 1'Empereur qu'on réclamait de tous cötés en faveur des Annales politiques et llttéraires et en faveur de Schrant. On assure qu'il n'y a rien de condamnable dans les Annales, rien dans l'ouvrage même. On croit que le traducteur de Paris s'est mépris. Le traducteur hollandais est connu par des principes plus que larges en fait de religion. II a fait Une vie de Jésus-Christ qui sent plus le philosophe que le fanatique et par la il a mérité le blame de ses collègues. Enfin, c'est une assez mauvaise tête mais un homnie dévoué (1). Entre temps le préfet de la Lippe a donné les plus mauvais renseignements sur le professeur Kistemaker. C'est un homme dangereux, un exalté et son zèle pour la religion le déterminerait a tout. II demande son éloignement de Munster et du département (2). Un colonel de gendarmerie lui fait subir un interrogatoire et 1'arrête ; il signale dans son rapport que, pour sa défense, Kistemaker a cité une phrase de son livre. La police le lit avec attention et le compare avec soin avec la traduction hollandaise de Schrant. Le passage incriminé s'y trouve bien mais le professeur le combat ensuite avec la plus grande force. De Rovigo envoie donc le i4 aoüt i8iq le rapport suivant a 1'Empereur : Sire, Les Annales politiques et [littéraires d'Amsterdam, en rendant compte dans le mois de juillet dernier d'un ouvrage intitulé : Dissertation sur la suprématie de St Pierre par J. H. Kistemaker, professeur de théologie a l'nniversité de Munster, avaient présenté comme principe de l'auteur cette maxime condamnable que les papes avaient le droit de déposséder les souverains et de délier leurs sujets du serment de fidélité. J'ai ordonné l'arrestation du sieur Kistemaker et la saisie (f) Archives Nationales, AFIV, 1724 (28 juillet 1811) cité par Colenbrander, n" 271. (2) Archives Nationales, F', 3460 (23 juillet 1811). — 135 — de son ouvrage et j'ai demandé qu'il m'en fut envoyé un exemplaire. L'examen qui en a été fait avec le plus grand soin a fait connaitre que l'ouvrage a paru il y a trois ans et non pas depuis les discussions qui ont eu lieu avec le pape, que le passage énoncé se trouve bien dans le livre mais qu'il y est combattu et réfuté avec la plus grande force par l'auteur qui soutient au contraire que Jésus-Christ n'a donné d'autres prérogatives a St Pierre que celles qui sont nécessaires pour constituer lè pape le centre de 1'unité de l'Eglise. Plusieurs autres ouvrages imprimés et manuscrits du même auteur qui furent saisis lors de son arrestation ont subi pareillement l'examen le plus scrupuleux. Loin de contenir des principes ultramontains ils développent au contraire ceux de la plus saine morale et annoncent une philosqphie éclairée et le meilleur esprit. D'après eet exposé c'est le jonrnaliste seul qui est coupable d'avoir extrait d un livre déja ancien des objections pour les mettre isolément sous les yeux du public. J'ai ordonné contre lui des mesures dont je rendrai compte particulièrement a Sa Majesté. Je prie donc Sa Majesté d'autoiïser la mise en liberté du Sr Kistemaker (1). Napoléon signa son élargissement a St-Cloud, le 20 aoüt 1811 et de Rovigo donna son approbation aux mesures prises par. Devilliers au sujet de Schrant. Quant au pauvre Yntema, il est devenu le bouc émissaire. De lui vient tout le mal. Avec la plus mauvaise foi du monde on 1'accuse de perfidie. D'abord en citant les phrases de l'auteur allemand, il les a isolées de la manière la plus perfide et il n'a pas fait la moindre mention des réponses qu'oppose eet auteur aux partisahs de-la doctrine ultramontaine (2). C'est un mensonge. On lui reproche d'avoir déterré un ouvrage publié depuis trois ans pour en extraire les passages les plus dangereux. On oublie que la traduction n'est que de 1810. On lui tient rigueur d'avoir parlé d'un (1) Archives Nationales, F' 3460. (2) Archives Nationales, F' 3460, (31 juillet 1811,. — 136 — livre de théologie dans un journal uniquement consacré a la littérature. On.fouille son passé el il devient aussilót Ie plus malhonnête homme du monde : en signalant au public les Sermons du pasteur Rau, il n'a reproduit que les passages oü il est question de la malheureuse situation de la Hollande (i), ce qui a obligé Esménard a faire insérer un article de propagande dans les journaux de la Hollande; il a donné des extraits de l'ouvrage satirique dé- Fokke intitulé : Secret psycho-chimique sur l'art de faire de nëcessitë uertu qui n'était propre qu'a inspirer la haine de la France. II ne mérite aucune pitié et sa feuille extrémement répandue dans le pays ne pourrait y produire que les plus mauvais effets aussi. Devilliers n'a qu'a en maintenir la suppression ordonnée d'ailleurs par 1'Empereur. Yntema remue ciel et terre ; on n'a jamais eu a lui reprocher «ni esprit de parti, ni tendancerépréhensible» (2). II écrit a Napoléon et il compte sur son esprit de justice pour que Pinterdiction de son journal soit levée (3), il transmet une trés humble requête a de Rovigo mais Ia police veille a en juger par cette note: M. Coupart, Si M. Etienne vous parl-j du journal d'Amsterdam : Exereices Idttéraires dites-lui s. v. p. que 1'article joint a la pétition du rédacteur est un article tronqué, qu'il n'a pas eu le courage d'y joindre son n° 7 ; le papier et les caractères de 1'article sont différents même du papier et des caractères du journal. Cette affaire est une intrigue ; le rédacteur parait avoir des protections (4). II a enfin recours a de Pommereul mais Ia réponse de Rovigo a ce dernier est aussi courle que sèche ; Sa Majesté (1) Ce qui n'est pas juste, 1'article était du Recensent ook der Recensenten. (2, Archives Nationales, F7 3460 (14 septembre 1811). (3) Archives Nationales, AFIV 1724 (27 juilfet 1811), cité par M. Colenbrander n° 270. (4) Archives Nationales, F7 3460. — 137 — connait les motifs de suppression de cetle feuille et toute réclamation a ce sujet devient inutile. Elle ne reparutqu'en janvier 1812 après avoir élé autorisée par le décret impérial du 26 septembre 1811 dont nous allons parler dans le chapitre suivant. Le préfet du Zuiderzée, de Celles, dut faire une enquête tant sur la personne que sur Ie journal d'Yntema et les renseig-nements qu'il donne a d'Alphonse sont élogieux : Sa moralité, ses principes reconnus, ses talents et ses lnmières lui ont' acquis la répntation d'honnête hom me et de bon littérateur..., il a toujours écrit dans le système du gouvernement et... un malentendu a pu seul occasionner la suppression de son journal ordonnée pat le directeur général de la police a Paris (1) (1) Rijksarchief in Noord-Holland, Haarlem, Minutes du préfet, 1811, n° 2184. — 141 — France mais bien déchu de sa prospérité, on pourrait peut-êlre le relever et le faire servir aux vues du gouvernement ; la Gazette dJ Utrecht,qm tire a 2.5oo exemplaires et se compose d'annonces et de compilations. Sont insignifiantesla Gazette de Leyde,ce\\e de Zwolle, de Groningue, de Leeuwarden, de Hoorn, d'Alkmaar, de Middelbourg. Celles de Gouda et de Schiedam ont été supprimées depuis quelque temps. La plupart ne se soutiennent que par les annonces dont elles sont rempliesmais elles sontassujetties a une taxe municipale. La Gazette de Rotterdam paie 20.000 florins a la ville,celle de La Haye, i.5oo florins; elles sont parfois exploitées par la yille comme celle d'Amsterdam qui rapporte de 5o a 60.000 francs par an (1). Le préfet du département des Bouches du-Rhin signale •encore la Gazette de Nimègue et de Bois-le-Duc (2); il y avait a Maëstricht le Journal du département de la Meuse-Inférieure qui paraissait depuis le 2 thermidor an VIL Devilliers (3) ajoute encore a cette liste le Courrier nouvellisle (4), lu par le bas peuple; le Héros de la raison « qui contient des raisonnemenls tout a fait hors de saison », la Gazette de Frise, la Gazette des pays adjacents d Groningue (Ommelander Courant), la Gazette des PaysBas qui n'est lue que dans les cabarets a raison des chansons qu'elle publie en toute occasion. Un autre tableau (4) mentionne: le Mercure d'Amsterdam que le préfet du Zuiderzée trouve trés mauvais, YOuvrage périodique pour les hommes de lettres, Les exercices liltéraires ou annonce des ouvrages publiés qui deviendronl le Journal des sciences et (1) Archives Nationales, F' 3458 (30 octobre 1810). (2) Archives Nationales, F18 414. (3) Archives Nationales, F' 3459 (février 1811). (4) II fut interdit par la police et remplacé par De Weekelijksche Bode voor Niiuwsgierigen (Rijksarchief Haarlem, bolte 256 ; état des ouvrages déposés a la préfecture du Zuiderzée du 14 mai au 31 octobre 1811). (4) Archives nationales, F'8 428. des arts du département du Zuiderzée avec la Bibliothèque nationale et moderne, la Revue des revues, le Courrier général des arts et des letlres, la Feuille hebdomadaire de religion et de morale, la Bibliothèque de la littérature théologique qui doit être soumise a une surveillance toute particuliere, dit 1'inspecteur Manget, Salomon, du professeur van der Palm, commentaires sur le livre des Proverbes, les Mélanges pour les catholiques romains : le préfet trouve que ce journal est rédigé dans le meilleur esprit et il « est d'avis qu'il doit être protégé tant sous le rapport moral que sous le rapport politique », les Nouvelles du commeree et de la naoigation, la Bourse des valeurs, le Bulletin de la jurisprudence de tout 1'Empire, la Liste des ouvrages parus, \aliste des ouvrages traduits. Nous avons déja vu qu'on publiail aussi des listes de mariages et de décès, que les pasteurs faisaient paraitre chaque semaine leur Predikbeurtenblad et qu'il y avait le Journal pédagogique. Cette liste n'est certainement pas compléte mais la recherche sur les journaux est rendue d'autant plus difficile que le sommaire des ouvrages parus donné le mardi dans le Koninklijk Courant ne signale plus les jqurnaux et publications hebdomadaires depuis le 3o mai 1809. (1) (IJ M. W. P. Sautun Kluit, De 's Gravenhaajsche Courant, Leiden, 1873, page 146. Krüseman op. cité, page 165 donne une liste de revues publiées pendant le règne de Louis Napoléon : De Bijenkorf, De Recensent ook der Recensenten, De Boekzaal der geleerde wereld, Mengelingen voor RoomsenKatholieken, Salomo, Bibliotheek voor theologische letterkunde, Hedendaagsche Vaderlandsche Bibliotheek van Wetenschap, Kunst en Smaak, Vaderlandsch Magazijn van Wetenschap, Kunst en Smaak, Algemeene Vaderlandsche Letteroefeningen, Schouwburg van In-en Uitlandsche Letteren huishoudkunde, Algemeene Konst-en Letterbode, Bijdragen betrekkelykden Staat en de verbetering van het schoolwezen,Amstels Schouwlooneel, Elegantia, Magazijn van Vaderlandschen Landboww, Regtsgeleerd Magazijn, Schei-en huishoudkundig Magazijn, de Amsterdamsche Mercurius, de Held der rede, Geneeskundig Magazijn, Christelijk Magazyn, Weekblad voor de jeugd, De leerzame vriend voor allen, Maandschrift lot Nut van't Algemeen. De Naamlijst van uitgekomen boeken de S de Visser donne comme parus en 1811 : Maandelijksche uittreksels of Boekzaal der geleerde waereld, 142 - —. 143 — Le préfet des Bouches-du-Rhin, le baron Frémin de Beaumont, estime que les papiers publics avant Ia réunion de la Hollande étaient en général écrits dans un esprit d'opposition (i). La surveillance exercée par Lebrun semble les rappelera la modéralion : les journalistes lui demandent son autorisation pour insérer des nouvelles tirées de la Gazette de Hambourg ou de quelque autre ville étrangère (2). Néanmoins, le préfet y rencontre encore des articles singulièrement indiscrets et il ne voudrait répondre que d'un seul journal, le Courrier d'Amsterdam, qui a remplacé, le. 20 juillet 1810, le Moniteur d'Amsterdam, Ce dernier s'était subsliluéau Koninklijk Courant, le i4 juillet 1810. Ce n'est pas s'engager beaucoup. L'impression se faisait pour le compte du gouvernement qui en supportail tous les frais, payait le traitement des employés et recevait le produit du débil. La composilion du bureau en avait été réglée par un décret du roi Louis en date du 3o mai 1808. Meyer en était le directeur et toutes les autorités francaises lui rendent le meilleur témoignage ; elles vantent surtout son talent linguistique « il parle dix ou douze langues vivantes ». Bijdragen tot bevordering van het Onderwijs en de opvoeding, Amsterdamsche Mercurius, Algemeene Vaderlandsche Letteroefeningen, Biedend. Vadert, bibliotheek v. Welensch. Kunst en Smaak, De Recensent ook der Recensenten, Maandschrift tot nut van'.t Algemeen, Naamlijst van N. uitgekomen boeken in Jan-Dec. 181I-, Naamlijst van boeken die ter vertaling zijn aangekondigd in den jare 1811, Bulletin de la Jurisprudence de tout 1'Empire, 'Bulletin der Regtsgeleerdheid van het geheele Rijk, Salomo, J. T. Bertram : Godsdienstig en zedekundig weekblad, Christelijk onderwijs tot bestuur en vertroosting naar de behoeften van dezen tijd, Bijdragen tot de kennis der wetten op de conscriptie, Koophandel en Zeevaarttijdingen, Prijs-Courant der effecten, Lijst der effecten opgeroepen ter inschrijving in 't Grootboek, Algemeene Konst-en Letterbode, Naamlijst van alle de geenen welke zich in den huwelijken staat zullen begeven ; alsmede der overledenen, Naamlijst der getrouwde en overledene ^persoonen binnen de stad Rotterdam, Haarlem enz. (1) Archives Nationales, F'8 148'. (2) Algemeen Rijksarchief, Den Haag, Prins Sled. 4 (3, 8, 17 novembre 1810). —- 144 — Le Courrier aTAmsterdam ne se dislribuait pas par abonnement ; chacun faisait cherclier journellement la feuille sans se lier par aucun engagement pour Tavenir et le directeur ne savait qu'approximalivement le nombre d'exemplaires qui lui étaient nécessaires. Les correspondants des différentes villes de la Hollande en prenaient a leur compte un certain nombre pour un temps limité et oblenaient une réduclion sur le prix. Dans le temps le plus florissant on n'en a jamais distribué plus de 25oo ce qui rapportait environ 84.000 francs par an. Les dépenses se montaient a 80.000 francs. Comme il devait soulenir le Journal politique de Leyde qui perdait annuellement 18.000 fr., Ie Courrier n'aurait donc jamais pu subsister sans les annonces ; le produiten élait si considérable que, tous frais payés, le gouvernement retirait annuellement 25.000 francs de bènéfice net de son entreprise (1). Devilliers est aussi renseigné-sur la situation précaire de 1'ancienne Gazette de Leyde (Nouvelles cxlraordinaires de divers endroils, 1680 — i4 mai 1798, Nouvelles politiques publiées a Leyde, 11 octobre 1798 — 5 octobre 1804) (2) devenue, le 23 octobre 1804, Ie Journal politique de Leyde acquisen 1809 par le roi Louis. II ne manque pas de faire remarquer au ministre qu'il y a beaucoup trop de journaux en Hollande et qu'ils n'arrivenl pas tous a recouvrer leurs frais. II y a donc beaucoup a faire pour établir a eet égard dans la Hollande, 1'ordre qui règne dans les autres parties del'Erapire. Cette fourmilière anarebique de journalistes mourant de faim ne peut point snbsister, elle fatiguerait la surveillance de la police, elle ne serait ni pour 1'Etat, ni pour euxmêmes d'aucun pront utile. Son Excellence jugera de quelle manière il conviendra de la réduire. Si Elle veut me permettre (1) Rijksarchief in Noord-Holland, Haarlem, Minutes du préfet, 1812 n' 3 (2 janvier 1812). (2) Hatin, Les Gazettes de Hollande, p. 153. — 152 — conticndra des rapports ou des extrails de tous les livres uliles et intéressants qui paraitront dans les départements de la Hollande, ainsi que tout ce qui parailra d'instructif et d'ulile dans les autres parlies de 1'Empire; desmélanges sur différents objels de science, d'art el de gout; des avis sur les académies, les lycées, les écoles et tout ce qui concerne les établissemenls d'instruclion publique ainsi que les nouvelles ecclésiastiques (i) Le Journal des sciences et des arts du département du Zuiderzée « se compose des Anciens exercices littéraires ou annonces des ouvrages publiés (Algemeene Vaderlandsche Letteroefeningen) dont Yntema était éditeur el de VAncienne Bibliothèque nationale el moderne (Hedend. Vadert. Bibliotheek van Wetenschap, Kunst en Smaak) publiée par Martin de Bruyn »(2). Yntema supplie de Celles tle bien vouloir agrécr sa profonde gralilude car il lui adonné « une marqué flalteuse de sa bienveill ance » (i). II sait par expérience qu'il ne faut jamais badiner avec la censure. N'ayant pas recu d'instructions, il présume que son nouveau journal doit contenir les matières des périodiques qu'il remplace et que le titre Tijdschrift van kunstenen Wetenschappen van het departement der Zuiderzee est bien la traduction exacte du nom francais, « mais ne voulanl rien prendre sur moi, ajoute-t-il, sans savoir au préalable votre bon plaisir, je prends la liberté, M- le préfet, de vous soumeltre trés respectueusement ces idéés et de vous supplier de bien vouloir m'éclairer par votre sagesse dans le cas que je n'eusse pas bien saisi les inlenlions du gouvernement a eet égard, désirant sur toutes choses de les remplirautant que mes facultés ie permetlront » (3). Lors- (1) Rijksarchief in Noord-Holland, Haarlem, bolte 256. lettre citée in-extenso par Krüseman, p. 171. (2) Rijksarchief, Haarlem, bolte 236, de Pommereul a de Celles, 21 nov. 1811, cité Krüseman, page 172. (3) Rijksarchief, Haarlem, botte 256, cité par Krüseman, page 174. — 156 — Même situation précaire pour les deux feuilles de 1'Yssel supérieur. Pour ses deux premiers mois, novembre décembre 1811, le journal politique accuse un déficit de 871 fr. 33, de 675 fr. 75 pour janvier et février 1812. La feuille d'annonces ne rend pas non plus et il est pour ainsi dire impossible d'en éditer une a part avec succès. Le préfet voudrait donc la réunir au journal politique mais Pommereul s'y oppose. II est bien trop fier de sa nouvelle règlementation des feuilles pour y changer un seul iola. N'estce pas a elle qu'il doit le singulier accroissement de leur nombre et de leur produit ? En effet sous le régime de la police, le premier ne passait pas 107 et le second n'arrivait pasa 27000 fr., tandis que sous le régime nouveau leur nombre qui peut encore s'accroitre de plus de 80 s'élève déja a 263 et peut produire sans peine plus de 269.000 fr. (J) Le préfet demande donc conseil a son collègue des Bouches-du-Rhin dont la feuille politique et la feuille d'affiches prospèrenl, tant par le gros débit qu'a cause de la multitude des annonces. II a bien ordonné d'insérer celles des ventes mais ses administrés se moquent de son arrêlé et il prévoit que sans moyen de contrainte il lui sera pour ainsi dire impossible de trouver des fonds pour le journal politique. Nous n'avons pu trouver la réponse du baron Fremin de Beaumont, mais il est probable que le préfet de 1'Yssel supérieur a voulu sévir contre 1'insubordinalion des habitanls de son département car 1'inspecteur de la librairie van Lennep lui démonlre que la loi ne permet la poursuite que de ceux qui répandent une collection d'avis et d'annonces, soit imprimée, soit manuscrite et qu'elle ne défend pas la venle des annonces séparées (2). (1) Archives Nationales, F18 417, (23 aoüt 1812). (2) Rijksarchief in Gelderland, Arnhem, 16 novembre 1812. — 162 — de Dordrecht qui gagne plus que ne dit le préfet est laxée a 3oo fr., celle de Rotterdam est assujettie a la rétribution fixée par le préfet; la feuille de Delft reste définitivemenl supprimée. Rétribution pour les Bouches-du-Rhin: 5oo fr. Quant a 1'Ems occidental, le commentaire mérite d'être reproduit tout entier. Feuille politique. Le préfet transmet le compte présenté par l'imprimeur et qui lui a été adressé par 1'inspecteur de 1'imprimerie et de la librairie. De ce compte vraiment ridicule il résulte que l'imprimeur perd tous les ans 797 fr. L'imprimeur dit qu'il ne peut continuer 1'impression du journal sans se ruiner et qu'il ne peut pas la discontinuer paree qu'alors il serait forcé de fermer son imprimerie. Le préfet croit que le compte présenté par Timprimeur est exact. L'inspecteur propose au préfet divers moyens d'améliorer le sort de ce jour■ nal ; le préfet n'a pu adopter jusqu'a ce moment que celui d'enjoindre aux maires de s'y abonner, ayant trouvé quelque difficulté dans 1'autre de forcer les aubergistes du département a s'y abonner. Le directeur général ayant examiné le compte de 1 imprimeur a trouvé que 3a recette est de. ... 12.927,24 la dépense de 11.041 64 le produit net de 1.885,60 II n'a pas voulu faire entrer dans le calcul des dépenses la patente annuelle, le loyer de 1'imprimerie, les intéréts du prix d'acbat de 1'imprimerie, le décbet des lettres et presses, le chauffage, la luinière, le genièvre, le café, le thé, etc, que Timprimeur porte en note de dépenses. II est en conséquence d'avis que ce journal peut être assujetti a une rétribution de 200 fr. Feuille d'annonces de Groningue. L'éditeur a fait sa soumission de payer 5500 fr. rétribution (1). Le journal de la Frise perd tous les ans 2820 fr. De Pommereul pense que 1'assertion de la perte doit être toute gratuite mais il 1'exempte quand même. La feuille d'affiches accuse un bénéfice net de 19.727 francs ; il ne conteste (1| Archives Nationales, F" 417. — 163 — pas les chiffres du préfet, sou compte est exact, saus nul doute, la taxe sera de 5.ooo fr. et 1'éditeur a de quoi se consoler avec le restant, ce qui est encore un beau denier. Nous avons vu que le journal politique de 1'Yssel Supérieur avec supplément paur les annonces ne peut se soutenir. Taxe : 600 francs. Le directeur général «qui a examiné les comptes est persuadé que cette feuille donne un bénéfice net de plus de 2400 fr. ». II veut bien exemplcr le journal politique de la Meuse-Inférieure qui pnyait 200 fr. a la police quand il réunissait les annonces ; il a un déficit; la feuille d'affiches doit payer 457 fr. « Ie cinquième du bénéfice net ». Même quotité pour la feuille de Bréda : 558 fr. pour un bénéfice de 2794 fr.- Pour le journal politique du Zuiderzée il ne peut prendre de décision : nous avons vu que personne ne veut s'en charger. Pour la feuille d'annonces d'Amsterdam exploitée parlavilleet qui donne un bénéfice présumé de 22.556 fr. porté en recette sur le budget, il ne fait aucune proposilion et taxe celle de Haarlem a 1800 fr., celle d'Alkmaar qui se publie au profil desorphelins, et celle d'Ulrechta 900 fr. chacune et cette manière de compler nous fait toucher du doigt Parbitraire qui préside a ces taxations. Les feuilles d'Alkmaar et d'Utrecht qui rapporlent 2700 el 2969 fr. paient 35o fr. de plus que celle de Bréda dont Ie bénéfice est de 2794 fr. Une autre charge assez dispendieusc est constituée par 1'envoi obligatoire de chaque numéro de leur feuille au ministère de la jusüce, de 1'intérieur, de la police générale, des relations extérieures, au ministre secrétaire d'Etat, au préfet du département, a 1'inspecteur de Ja librairie; le directeur a'droit a deux exemplaires. Les imprimeurs ont du être fort négligents car de Pommereul les rappelle souvent a 1'ordrc et il va même jusqu'a les menacer de la suppression de leur journal s'ils ne sont pas plus exacts a 1'avenir. — 166 — L'annonce suivante qu'il signale a de Rovigo vaut huit jours de prison au rédacteur de la feuille d'affiches de Groningue : AVIS AU PUBLIC M. Hiron, habitant la ville de Groningue depuis 1'espace d'une année et demie, neveu de feu M. Carteret, lieutenautgénéral au service de la Hollande, a 1'honneur de prévenir le public qu'il n'a jamais eu 1'avantage d être employé 'en aucune manière dans la police, moins encore de la sorte (1) que des gens malintentionnés en ont fait courir le bruit dans cette ville ; quoique tous les eniplois tendent a remplir les vceux et le but de Sa Majesté dont le tróne dépend aussi de la police ; que les habitants et les calomniateurs apprennent que je ne suis pas fait pour exercer aucune tonction sans être revêtu d'un caractère public. Je juge convenable et nécessaire pour ma satisfaction d'en donner connaissance. Hi bon (2). Le maire de Groningue en fait un jour insérer une autre pour préconiser une collecte en faveur des marins qui ont été lcvés pour Ie service ; presque tous sont mariés et ils laissent des femmes, des enfanls qui vont souffrir de la misère; Devilliers écrit a de Rovigo qu'il est certainement louable de venir au secours des malhcureux mais « qu'il n'était point nécessaire pour arriver ace but de proclamer haulement le désastre des pères et des mères dont les cnfants sont appelés sous le pavillon de Sa Majesté » (3). Le ministre appelle toute Patlention du préfet Wichers sur la rédaclion des journaux et il s'en rapporte entièrement a son zèle éclairé ? Son successeur Petit de Beauverger s'atlire une semonce de Lebrun pour avoir laissé imprimer : c> Enfin nous avons (1) La traduction hollandaise « en nog veel minder in zulk een betrekking als . » rend cette tournure compréhensible. (2) Feuille d'afflehes de Groningue, 27 mars 1812. (3) Archives .Nationales, F' 3462 Le maire de Zierikzee se sert aussi de la feuille d'annonces pour proposer une souscription en faveur des gardes- Ie plaisir de communiquer au public que depuis hier matin notre ville jouit du bonheur d'avoir dans son enceinte M. Petit de Beauverger » (i) ce qui est un manque de délicatesse vis-a-vis de son prédécesseur. Pour se disculper le nouveau préfet répond qu'on ne lui a pas montré 1'article ; il se fera donner a 1'avenir communication des épreuves du journal mais la phrase incriminée n'a pas 1'importance que Lebrun y attaché. Le rédacteur n'a voulu blesser personde, il n'a pas eu 1'intention de faire de la peine a mon prédécesseur. « Un peuple qui a autant de mceurs que de religion ne peut, sans de graves motifs, vouloir manquer au respect du a la vieillësse «(2). Notons, entre parentheses, que Lebrun fut censuré plus d'une fois par Napoléon eten mai 1813 il s'attire ce coup de griffe du lion : Je vois dans le Journal d'Amsterdam que vous avez mis un échantillon de mes lettres dans les journaux : cela me servira de régie pour ne plus vous écrire. Comment peut-on commettre une pareille inconvenance f3). Les préfets, comme Lebrun, se rendent coupables d'indiscrétions :^des mesures du gouvernement de nature a n'être point rendues publiques le sont dans des circulaires qui font Ie tour du département (4) et ils laissent même imprimer des nouvelles prises dans les journaux étrangers. De Rovigo reproche a Devilliers d'avoir permis de publier dans le journal politique du Zuiderzée du i'r juillet 1812 le traité d'alliance entre la France et l'Autriche avant son inserlion dans les journaux de Paris. II a été copié [dans Ie journal de Hambourg et le commissaire gé- (1) Rijksarchief, Groningue, 198**, n» 13, (23 juillet 1812). (2) Algemeen Rijksarchief, La Haye, Pr Sted. n« 21, cité par M. Colenbrander, n* 1328. (3) Correspondance de Napoléon n° 19934 cité par de Caumont, op. c. page 49. (4) Archives Nationales, F1' 62. 167 — 168 — néral a pensé que 1'impression en avait été autorisée par la police de cette ville sur les ordres du Ministre. II a d'ailleurs produit le meilleur effet en Hollande ; Devilliers se concerto toujours avec le préfet de Celles pour la surveillancedes journaux (i). De Stassart s'oppose autant qu'il le peut aux prétentions de Devilliers qui veut régenier la presse. Son zèle adminislralif ne trahit aucune faiblesse et Devilliers pour lui nuire se rabat sur ce qui est toujours vulnérable dans Ie préfet des Bouches-de-la-Meuse : sa vanité. Avec des airs de bon apötre il annonce a Réal qu'il ne passé pas son temps a criliquer les nombreux discours que de Stassart fait publier pour le plus grand plaisir des mauvaises langues de La Haye, mais nous savons bien que ce n'est pas le pur hasard qui lui a fait découvrir eet acrostiche dans le n°83 du journal des Bouches-dc-la Meuse (23 mars 1812): «Sta, peregrinator, species quem fama notavit, 2anti certe virum, quanti ipsum Auriacenses .Aestimarnnt, effüseque ad astra talere, . février 1813). — 196 — point réveiiler des passions. La scène a besoin d'un peu d'antiquité et sans trop porler de gêne sur Ie théatre je pense que vous devez empêcher cela sans faire paraitre votre intervention (i) ». II donne un sujet qu'on pourrait faire trailer a Raynouard : Ie passage de Ia première a la seconde race et dans cette pièce le héros au lieu d'être un tyran serait représenlé comme Ie sauveur de la nation. Napoléon régente tout. « Voulant tout diriger, toutrégler ason profil, il se présentait incessammenl comme le but du mouvement général » (2). Son despotisme paralyse tout essor. La comédie n'ose point peindre les moeurs. Si un coryphée de la Httérature s'y risque, comme Etienne, il encourt les foudres de Napoléon. L'intrigante « maltraité la cour d'une manière plate et bêle » et « cette pièce aurait pu être funeste a 1'opinion » (3). La censure inlerdit La jeunesse du duc de Richelieu ou le Looelace f rangais (4) capable de jeter le discrédit sur l'ancienné noblesse que Napoléon voudrait s'attacher par des bienfaits. Ce don Juan passé sa vie k séduire les jeunes filles, a tourmenter les maris, a déshpnorer les femmes. Mme Michelin, la femme de son tapissier en meurt et il ne convenait certainement pas de présenter un corrupteur qui pousse Ia galanterie jusqu'i laplus vile débauche. Dans Ie Mariage de Figaro « 1'administration napoléonienne arrête soigneusement au passage les phrases qui aulrefois faisaient beaucoup rire aux dépens du gouvernement. Le nombre des choses moquables dont il n'est plus permis de se moquer augmente tous les jours » (5). Tous les fonctionnaires raisonnent comme Ie comte de Rémusat surinlendant des (1) Napoléon, Lettres, .n" 8821 (1" juin 1805). (2) Madame de Rémusat, Mémoires, Paris 1880, t. II, page 324. <3) Napoléon, Lettres, éd. Lecestre n° 979. (4) Comédie en prose et en cinq actes par Alex. Düval et Monvel. Paris, Barba, V" année de Ia République. (5) Cité par de Lanzac de La home, op. cité., page 156. — 197 — spectacles. II écrit le 17 mars 1812 au baron de Pommereul directeur général de I'imprimerie et de la librairie : « Attaquer les personnes ou les talents administralifs de ceux qui sont préposés a la tête d'une administration, c'est attaquerTaulorité de laquelle ils tiennent leur place» (1). Les fonctionnaires sont tous infaillibles. La critique est donc dangereuse mais laflatterie insuffisante porte malheur au Guillaume le Conquèrant de Duval. II parle trop de son héros et pas assez de Bonaparte et des qualités d'un chef qui veut devenir empereur. On insinue perfidement que le dernier couplet du chant de Roland oü il est parlé de la mort du guerrier de Roncevaux « n'était qu'un moyen d'annoncer aux F rangais que Bonaparte succomberait dans son expédition » (2) contre l'Angleterre. Les rois de tragédie ou de comédie doivent mêmerépondre a un certain idéal pour avoir Ie droit de paraitre sur la scène. On ne veut point de celui d'un pays oü l'on ne plaide pas, oü l'on ne fait pas la guerre, oü l'on rajeunit et oü tout travail consiste en souhaits aussitót exaucés. Le pauvre homme d'ailleurs devient fou en mettant une bague enchantée ; il ne connait plua ni amis, ni parenls, ni maitresse ; il délivre son rival et donne sa couronne a un bon bourgeois. Le Roi de Cocagne de Legrand (1718) est donc interdit le 11 janvier 1811 sur le rapport des Censeurs : Cette pièce du comédien Legrand a été composée dans les temps licencieux de la Régence. C'est une parade oü la royauté est continuellement représentée sous une face burlesque. Depuis plusieurs années, elle a été interdite aux différents théatres. La circonstance n'est point propre a la reprise que les comédiens francais désireraient en faire. Elle est semée de vers dont la malveillance pourrait faire des applica- (1) Archives Nationales, F,! 580 a . (2) Ch. Bellier-Dumaine, Alexandre Duval et son oeuvre dramatique, Paris, 1905, page 112-114, — 198 — tions a plusieurs souverains. La principale situation parait être une dérision de la maladie du roi d'Angleterre, puisque pendant une grande partie de la pièce le prétendu roi de Cocagne est en pleine folie par 1'effet d'un anneau enchanté. La générosité francaise répugne trop a de pareils procédés. — Les censeurs impériaux chargés des théatres proposent a Votre Excellenco de refuser 1'autorisation demandée pour la reprise du roi de Cocagne (1). Un roi qui vit d'expédients a Venise, qui tient sa couronne et ses autres effets royaux enfermés dans son sac de nuit, qui tombe amoureux de la rille de son aubergïste et qui est arrête au dernier acte déshonore la confrérie. Le Hoi The'odore d Venise de Dubuisson doit rester dans les cartons. « II est certain que si quelques esprits malveillants veulent y chercher des allusions, et le fond et les détails leur en offriront abondamment » (2). Charles IX qui massacre ses sujels el Henri VIII de Chénier « moilié bouffon, moith Barbe-bleue » (3) n'inspirent que du mépris. Nous reparlerons de Charles IX dans les pièces anti-religieuses. Henri VIII, au dire des censeurs Lémontey et Lacretelle, aurait été « reliré du théatre sous le gouvernement impérial par des raisons relatives a la personne de l'auteur» (4). C'estpossible. Marie-JosephChénier n'était pas bien. en cour el Napoléon parle un jour de l'envoyer aux iles Sainle-Marguerite s'il se permet le moindre propos. Mais ne craignait-on pas que la répudiation et la condamnation d'Anne de Boulen causéc par un nouvel amour de Henri VIII ne rappelat une autre répudiation, celle de Joséphine. La tirade sur les rois était bien imprudente: Les rois sont sans pitié Ils ont recu du ciel un rang qui les dispense De vertu, de tendresse et de reconnaissance (1) Archives Nationales, F" 966., (2) Archives Nationales, F-1 967. (3) G. Mebxet, Tableau de la littérature frangaise 1800 1815, page 233. (4) Archives Nationales, F" 966. — 199 — II valait mieux saus doute aux pieds de nos autels Recevoir les serments du dernier des mortels. Enfin le costume ecclésiaslique de Cramener pouvait être a lui seul un motif a suppression. De Rovigo ne plaisantait pas sur 1'article. Un jour les censeurs laissent passer Les frères sans le saooir mais le ministre de la police écrit en note du rapport: Refusé, supprimer la robe du curé qu'il ne faut point présenter comme un personnage ridicule (ier septembre i8i3). Le censeur fait remarquer que le curé n'est ennuyeux que paree qu'il fait de la morale a tout instant ; 1'intention de l'auteur est dele présenter comme un personnage respectable, comme un Fénelon. Ce mélodrame est lugubreet il n'y a pas un seul trait qui vise a la plaisanterie. Rovigo reste inébranlable : Les minislres de Ia religion sont des personnages trop graves pour être persiflés et il faut toujours les présenter comme des objels de vénération et non pas de ridicule (i). Les pièces anti-cléricales, comme nous dirions aujourd'hui, fort en faveur pendant la Révolution sont rayées du répertoire. Ce sont : Charles IX (2), Fénelon (3), le comte ■ de Comminge ou les amants malheureux (4), Lesrigueurs du cloitre (5), Les victimes cloitrées (6), Le souper impréou ou le chanoine de Milan (7). Le chanoine Barnabé est un bon vivant qui raffole du macaroni, qui a une cave bien garnie et une gouvernante fort aguichanle ; il admire son joli minois, il se damnerait (1) Archives Nationales, F*1 998. (2) J. M. Chénier, Charles IX ou Vécole des Rois, Paris, Didot, 1790. (3) J. M. Chénier, Fénelon ou les religieuses de Cambrai, Paris, Moutard, 1793. ■ . (4) d'arnaud, le comte de Comminge ou les amants malheureux. Paris, le Jay, 1764. ; . (5) Les rigueurs du cloitre, comédie en deux actes, en prose, mêlée d ariettes. Paroles de Fiévée, Musique de Berton, Paris, Lepetit, 1790. (6) Monvel, Les victimes cloitrées, Paris, Lepetit, 1792. (7) Alexandre Duval, Le souper impréeu ou le chanoine de Milan, Paris, Barbas, an V de la République. —- 200 — pour ses yeux fripons. II lui cile parfoisBoileau qu'il prend pour un père de l'Eglise et il prise surtout ce vers du Lutrin « qu'un souper réchauffé ne valut jamais rien ». Depuis le Concordat tous les gens d'Eglise doivent mépriser les biens de ce monde. Charles IX, qui met en scène un roi assassin de ses sujets, un cardinal libertin el crue], contient des attaques véhémenles contre l'Eglise et la cour de Rome. Aceumulant les biens, vendant les dignités Les crimes du Saint-Siège ont produit 1'bérésie L'Evangile a-t-il dit : Prêtres, écoutez-inoi; Soyez intéressés, soyez cruels, sans foi, Soyez ambitieux, soyez rois sur la terre ; Prêtres d'un Dieu de paix, ne prêcbez que la guerre ; Armez et divisez par vos opinions. Les pères, les enfants, les rois, les nations ï Le Cardinal de Lorraine y bénit les <;pées des courtisans agenouillés : Courez et servez bien le Dieu des nations ; Je répands sur vous tous ses bénédictions. 'déf '"^j et il promet Ia palme du marlyrea ceux qui tomberotit. Les autres pièces nous font pénélrer dans Pintérieur de quelques couvents qui cachent beaucoup d'infamies. Si les murs pouvaient parler, si les sépulcrcs pouvaient s'ouvrir el livrer leur secret ! Le bruit des sandales ne trouble pas la pieuse méditalion de ceux qui s'absorbenl en Dieu ; les jardinsont des endroits frais pour y goüter la paix el la Iranquillité de 1'ame. Mais ce silence est trompeur et les coeurs sont meurtris et désespérés, dévorés de désirs charnels qui, refoulés sans cesse, reviennent toujours. Des « hommages sacrilèges sont adressés a Ia créature et non pas au Créaleur, les prières sont des plaintes amoureuses au lieu de ferventes oraisons ».- On n'entre pas au couvenl par vocation religieuse. Le comte de Comminge, en religion frèreArsène, n'a voulu imiler Rancé que pour oublier — 201 — Adélaïde, mais il ne voit et n'éntend qu'elle, c'est une óbses-: sion ; Adélaïde, devenue frère Euthime, se réfugié a la. Trappe pour y relrouver son amant ; elle se fait passer pour homme Lucile des Biguenrs da cloitre et Dorval des Victimes cloitrées n'ont pas non plusla foi religieuse, Héloïsede Fénelon et Eugénie du drame de Monvel sont des sacrifiées ; elles ont été embastillées par leurs parents. Lecouvent est bien une prison avec cachots profonds et surs. Eugénie qui a été jetée dans un de ces vade in pace, passé pour morte. Elle y est au pain et a l'eau paree qu'elle s'est refusée au père Laurent. « Tout le mobilier consiste dans un paillasson, vieux et déchiré, une petite cruche d'huile, une cruche degrés, un pain bis et une pierre pour servir de traversin et de siège a la prisonnière ». Dans le comte de Comminge, Arnaud nous présente son héros en train de creuser sa tombe. En 1764 on trouva le sujet de ce drame ainsi que le lieu de la scène fort étrange mais cela ne tirait pas a conséquence, il n'était fait que pour être lu f0- Frère Arsène et frère Euthyme ne martyrisent personne ; ils racontent en deux actes leurs amours décues et le troisième acte est surtout rempli par les derniers moments d'Euthyme qui prononce 240 vers avant d'expirer. Fiévée ne prend pas non plus les choses au tragique « ces riguears du cloitre dont on se plaint en petits vers et en arieltes ne peuvent être bien terribles et si la pièce parait commencer mal, il est de toute évidence qu'elle ne saurait manquer de bien finir» (2). Lucile est enferméedans un souterrain; c'est ainsi qu'on punit « les épouses de Dieu lorsqu'elles sont infidèles a leurs devoirs » et qu'elles lisenl des lettres d'amour. Mais son amant la délivre « au (1) C. G. Etienne et A. Martain ville. Histoire du thédtre francais, Paris, Barba, 1802, t. II, page 102. (2) C G. Etienne et A. Martainville, Histoire du thédtre francais, Paris, Barba, 1802, t. I, page 102. — 205 — Mais ils n'ont pas vu l'effet qu'elle a produit sur la Cour el ils prient le ministre « de décider par sa propre opinion».H l'ajourne.On y trouve a chaque instant les mots de République et de liberté qui n'étaient plus a la mode. Si dans le sein de Rome il se trouvait un traitre Qui regrettat les rois et qui voulüt un maitre, Que le perfide meure au milieu des tourments. Sous la Révolution on applaudissait a tout rompre: Libre encore et sans roi. Dans la mort de César, 1'amour de la liberté est beaucoup plus forcené encore. Qu'il est beau De voir couler son sang dans le sang des tyrans : Mourons, braves amis, pourvu que César meure Et que la liberté qu'oppriment ses forfaits Renaisse de ses cendres et revive a jamais. Interdite, comme loutes les pièces dont le sujet est une conspiration : Rome sauoée de Voltaire, Spartam* (i) de Saurin représenté pour la première fois le 20 février 1760, Mérope dont les vers : Je mettrais en vos mains sa mère et son Etat Et le bandeau des rois sur le front d'un soldat rappelaient trop 1'origine de 1'Empereur de tous les Francais, Mariamne de Voltaire, Guillaume Teil (2) de Lemierre, Denis le Tyran de Marmontel, Pierre le Cruel de Dubelloy" représenté pour la première fois le 20 mai 1772 et interrompu par des si filets. C'est de 1'élixir tragique et il y a assez de faits pour composer trois ou quatre ouvrages dramatiques. La dernière scène est du pur mélodrame. Mais celle tragédie n'est-elle pas dangereuse paree qu'on y voitun roi d'Espagne qu'on ne peut réconcilier avec son peuple ? Les vers : (1) Spartacus, Paris, chez Prault, 1760. (2) Guillaume Teil, tragédie par Lemierre représentée pour la premièrefois le 17 novembre 1766. — 206 - La moitié de l'Espagne expire en gémissant... L'Espagne.,. N'est qu'un vaste bücher tout couvert de victimes. Est-ce pour 1'égorger que le peuple a des rois ï Quand on s'est séparé de la nature humaine, Que sans aller au tigre on imite la baine Comment des nations réclame-t on la foi ï Abjurantle nom d'homme, on perd le nom de roi. devaient faire bondir les censeurs. Quant a Zelmire du même auteur et Gaslave de Piron les censeurs écrivent : Zelmire. Cet ouvrage de Du Belloy a été joué il y a 40 ans pour la première fois. La représentation pourrait aujourd'bui procfuire des effets dangereux et il faudrait pour les prévenir faire de grands changements dans le fond de la pièce et dans le dialogue de plusieurs scènes ; ce travail même que la tragédie assez médiocre ne mérite pas donnerait peut être un résultat peu heureux en ramenant 1'attention sur les choses supprimées. Le Bureau propose a Son Excellence d'ajourner 1'autorisation pour la représentation (1). La pièce dont le mérite consiste dans des siluations,dans des jeux de théatre d'une invention fort extraordinaire offre le triomphe d'un prince légitime sur un usurpaleur. Le roi de Lesbos Polidore a été assassiné, croit on,par son fils Azor qui tombe lui-même sous le fer d'Anténor. Ce prince du sang aspire a la couronne el il ne craint plus que Zelmire qu'on accuse d'avoir participé au crime perpétré par son frère. En réalité elle asauvéleroi en 1'enfermant dans Ie temple de Cérès. Anténor veut la perdre mais Papparition du roi qui sort de Ia tombe monlre son imposture. Gustave, tragédie en cinq actes de Piron. Cette tragédie dont la contexture est tres romanesque, les caractères faiblement dessinés etle style dur ou négligé, a toujours produit de 1'effet au théatre. Les comédiens francais avaient désiré la reprendre il y a deux ans La représentation en fut autorisée d'après le rapport du bureau de la presse et n'eut cependant (1) Archives Nationales, F-1 966. pas lieu. Les comédiens francais la soumettent aujourd'bui & un nou vel examen. Les événements qui viennent de se passer en Suède ne permettent plus qu'on autorisé la représentation d'une tragédie oü. l'on voit un roi de Suède Gustave cbassé de son tróne et méditant les moyens d'y remonter et y parvenant a 1'aide d'un soulèvement du peuple et de la milice de Stockholm. Les censeurs impériaux chargés de l'examen des pièces de théatre proposent a votre Excellence d'ajourner la représentation de cette tragédie (9 novembre 1810) (1). Ils ne pouvaient pas prononcer d'aulre verdict pour Gustave en Dalécarlie ou les mineurs suédols (2) de R. J. T. Lamartelière. Le roi vaincu et emprisonné s'échappe, vit parmi des mineurs qui 1'aident a reconquérir son tróne sur Christierne. Nadir ou 1 harnas Kouli-Kan (3), de Dubuisson fut refusé au Ministère de la police le 24 janvier 1812. C'est presque la situation de Denis le Tyran. Nadir désire épouser la fiancée de son fils Mirza a qui il a fait crever les yeux. Quelques conjurés veulent tuer le roi. Axiane prévient Mirza qui sauve son père en 1'inslruisant du danger qui le menace. II y a de nombreuses li ra des conlre les tyrans, barbares, oppresseurs, fléaux de la terre. Et tels sont les tyrans injustes, fiers et bas Ils ne pardonnent point les vertus qalils n'ont pas. Si le complot échoue dans Nadir, il réussit dans Pinto oü la journée d'une conspiration [k) de Lemercier. Le Portugal soumis a l'Espagne est gouverné par une vicereine qui n'a qu'un vain tilre; le maitre véritable, c'est Vasconcellos, favori du duc Olivarès. Le peuple est écrasé d'impöts, la noblesse est décimée sur les champs de ba- (1) Archives Nationales, F21 966. (2) Paris, chez Barba, an XI (1803). (3) Tragédie par M. D. B.,représentéc pour la première fois sur le théatre de la Nation le 31 aoüt 1780. (4) Beprésentée pour la première fois a Paris au théatre francais de la' République, le 1" Germinal an VIII, Paris, Huet. - 207 — 209 — palernel par la jalousie de son frère Maurice.II est pris par des brigands qui, séduits par sa bonne mine, en font leur chef. II acceple s'ils jurent de promettre d'être justes. « Rome fut fondée par des brigands et n'en devint pas moins la maitresse du monde.... Faisons pour la Germanie ce qu'ils fïrent pour l'univers. » Ses soldats lisent Plutarque et, bandits d'un nouveau genre, ils jurent d'exterminer ceux qui dilapident les deniers de 1'Etat ou qui, par leur crédit ou leur fortune, échappent aux lois; ils ne feront acceplion de personne et puniront « 1'homme qui repose sous le chaume comme celui qui est entouré du faste del'opulence ».Cet idéal que beaucoup de juges pourraient avoir devant les yeux ne les rend pas heureux et Robert voudrait bien donner dix années de sa vie pour gouter un quart d'heure le sommeil de 1'innocence. II a fait luer un minislre,un lache magistrat qui trafiquait de la juslice, un prélat qui prêchait la continence et vivait dans la débauche, mais il a le bonheur de délivrer son père séquestré par son frère. L'empereur qui s'est intéressé a lui lui pardonne ; ses amis entrent au service de 1'Etat et formeront un corps franc. On a reproché a l'auteur d'avoir mis des brigands sur la scène. II. a répondu : Plüt au ciel que la société ne fut composée que de brigands semblables ! les lois seraient maintenues, les propriétés respectées, 1'honnête homme y trouverait des amis. Mais un tel régime serait 1'anarchieet Napoléon n'avait pas tort de défendre la représentation de cette pièce et de Cartouche ,br\gand comme Robert, mais qui est pris par Ia police ; il est vendu par un clerc, Gripaut, qui est entré dans sa troupe. Les deux drames, au dire d'Etienne et de Martainville, ont poussé une foule d'hommes au crimeet n'enontpas ramené un seul dans le sentier de la vcrtu (i). (1) Etienne et Martainville, t. III, op. cit , page 84-83. hoche — 210 — Trêve de plaisauteries sur ceux qui poursuivent les malfaiteurs et qui sont les soutiens du régime. On doit honorer les militaires et ne pas étaler au grand jour leurs faiblesses.Le milicien, Amanda, Le soldat prussien et Le comte de Waltron sont ajournés. / Le Milicien (i) n'est que le récit d'une escroquerie. On fait croire a un paysan, Lucas, qu'il a signé un engagement ; on Pinitie aux gailés du service et on lui chante : Les balles tombent comme grêie, | c'est un sabbat de tous les diables ; | On entend des cris effroyables, | lestambours | roulent toujours. | La mousqueterie, | puis 1'arlillerie, | les bombes, le canon | fontun sabbat, un carillon, | un carillon de tous les diables ; | têles brisées, | jambes cassées^ I la mort vole de rang en rang, | partout on voit couler le sang | hommes, chevaux tombent par terre. | La belle chose que la guerre. | II quitte son poste pour voir Colette qu'ilaime. Conseil de guerre, naturellement, mais il pourra se libérer en abandonnant la moitié de la succession dont il a hérité a Colette qui épousera le capitaine Dorville. Dans Le soldat prussien, (2) Georges déserle pour que son oncle Thomas le dénonce et louche de ce fait vingt écus qui serviront a payer Ie bailli ; il évitera & ses parents la honte de la saisie. Thomas raconte ce qu'il sait. Georges est nommé capitaine, Ie méchant bailli, retenu prisonnier. Le roi aime trop son peuple pour pardonner aux laches qui 1'oppriment. Un colonel Belgrave qui doit 100.000 francs a Milady Rudoff se fait son complice pour compromeltre Amanda (1) Le milicien, comédie en un acte, mêlée d'ariettes, par Anseaume, musique de Duny représentée pour la première fois a Versailles le 29 déc. 1762 et a Paris sur le théatre de la Comédie italienne le 1" janvier 1763, Paris Duchesne, 1763. (2) Le soldat pntssiefl,comédie en trois actes et en prose traduit de 1'allemand par Berouw et arrangé pour la scène francaise par Dumamant. Représentée pour la première fois sur le théatre du Palais-Royal le 1" déc. 1789. — 211 — appelée dans la pièce : Ia vertueuse Amanda, la belle Amanda. II en a du regret dans la suite et promet de racheler ces manquements a l'honneur. Tel est Ie sujet d'Amanda (i). tt'.f- Le capitaine de Waltron, de la pièce Le comte de Walton ou la subordlnation (2) tire Pépée contre Ie colonel de Bembrock, son beau-frère qui lui fait une ob ervation amicale sur la désertion de deux de ses soldals, de piquet. II est condamné & mort et il serait fusillé sans 1'intervention du prince a qui il a sauvé Ia vie. La langue est mauvaise. On y parle de rigueurs cruelles, de larmes précieuses qui honorenl a la fois le devoir et 1'humanité et Ie colonel de Bembrock « succombe » bien souvent pour un militaire « sous le poids de sa douleur ». Cette pièce n'est que I'adaptation de celle de Möller et 1'exemplaire del'Opéra porie en note qu'elle a été représentée le 16 septembre 1789 (3).EIle ne contient rien derépréhensible car on ne sauraitraisonnablement s'offusquer des parolesd'un fourrier qui alrenteans de service: « J'ai souvent murmuré, souvent j'ai regardé mon uniforme avec humeur », paroles immédiatementcorrigées par : mais sous vos ordres, mon respectable capitaine, j'ai toujours marché avec confiance et avec joie (4). « L'interdiclion du Comte de Waltron a du être provoquée par une plainle du directeur général de la police d'Amsterdam. Le 24 juin i8i3 il signale a Paris la traduction hollandaise de la pièce de (1) Amanda, mélodrame a grand spectacleen3 actes par Hinaüx et Rony. Ballet de Hus'; représentée le 12 thermidor, an XIII (31 juillet 1805). Paris Barba. La police parle toujours de la Belle Amande et Ie bibliothécaire de la Comédie francaise m'a fait remarquer qu'il pourrait bien s'agir de Ia Belle Allemande ou le grenadier de Frédéric Guillaume, fait historique en 1 acte par Düpin et Armand Dartois, Paris Barba, 1812. (2) Le comte'de Waltron ou la subordlnation, pièce en trois actes arrangée pour le théatre par Dalainval, Paris, Vente, 1789. (3) Tourneux, Bibliographie de Vhistoire de Paris, t. IV, Paris, 1906 (4) Acte III, sc. 3. — 212 — MöUer en 5 actes — la pièce de Dalainval n'en a que trois — et il incrimine ce passage : « Plusieurs fois j'ai regardé en murmurant eet uniforme pensant que pour un modiquesalaire il faut supporter plus de fatigue qu'une bete de somme et pour quelle perspective encore ? Celle de se voir luer tot ou tard outout au moins decourir sur des béqtuilles après avoir été disloqué et de mendier en héros dans une patrie ingrate » (i). 11 se trouve bien a 1'acle IV, scène III, de la pièce hollandaise et il n'est pas étonnantqu'on ait noté l'ouvrage comme dangereux sur la liste "d'aoüt i8i3. Seulement ce titre en francais a le tort de ne viser qu'une pièce inoffensive, celle de Dalainval, adaptation d'un ouvrage allemand. Beaucoup de traductions se représentaient sur la scène et la politique de Napoléon qui se sert de la presse ne pouvait manquer d'avoir sa répercussion au théatre. En juillet 1802 il défend qu'on dise des sottises sur la Russie : « Tout porte a penser que notre système va se lier avec cette puissance d'une manière stable » (2). En 1808 la censure fait remarquer que le róle du czar dans les Strélitz est particulièrement plein de courage et de grandeur sans exclure les mouvements sombres et violents qui appartiennent au caractère bistorique de ce grand honime ; il n'y a rien dans cette représentation qui puisse blesser le grand allié de 1'Empire francais mais quelquefois dans les conspirations mises au théatre il échappe des maximes ou des sentiments susceptibles de mauvaise interprétation et dont il est convenable de sevrer 1'oreille des spectateurs (3). De Rovigo autorisé la représentation moyennant suppression de deux passages. En 1812 il défend celle de toutes les pièces qui contiennent des passages favorables a la Russie cl a son souverain (4). (1) Archives Nationales, F7, 3064. (2) Napoléon, Lettres, 12.845. (3) Archives Nationales, F7 987. (4) Archives Nationales, F7 3493. — 213 — A cette catégorie appartiennent Pierre le Grand (i) de Carrion-Nisas qui raconte la révolte d'AIexis contre son père, et toutes les autres pièces de ce nom, celle de Dorat ou de Bouilly car la censure ne nomme jamais l'auteur ; Romanowski oa les Polonais dans la Russie blanche (2) : quelques Polonais prisonniers accusent Romanowski de les avoir trahis ; ils vont le tuer mais son innocence éclate au jour et les Francais qui ont passé le Niémen les délivrent tous ; les Strelitz (3): La quatrième révolte des Strelitz contre la réforme de Piérre le Grand est le sujet de eet ouvrage.' L'audace avec laquelle le czar. së rend seul dans la salie de délibération des conjurés forme la principale action qui y est mise en scène ; plusieurs incidents sont groupés antour de ce fait. L'ancien chef des Strélitz exilé en Sibérie en est rappelé par la elémence du czar. Sa femme rentrée a Moscou d'oü elle était bannie,' est aussi pardonnée.leur fils égarépar la jeunesse et la vengeance s'est mêlé parmi les rebelles ; un vieux Strelitz dénonce la conspiration de ses camarades pour sauver les jours de la femme de son ancieu chef (4). Citons encore : DOfJieier cosaque f5) : grace a la protection du czar ce jeune capitaine épouse Zélisca convoitée par son oncle ; Elisabeth ou les exilès en Sibérie (6). Elisabeth obtient la grace de son père exilé ; elle a rencontré 1'Empereur « que le désir de connaitre la situation de ses (1) Carrion-Nisas, Pierre le Grand,en 5 actes, tragédie représentée pour Ia première fois au thédtre de la République, 29 floréal an XII. Paris, Beaudouin, prairial an XII. (2) Romanowski ou les Polonais dans la Russie blanche, mélodrame en 3 actes par Dopercue et Louis. Musique de MM. Quaisain et Lanusse. Ballet de M. Millot. Représenté a Paris sur le théatre de 1'Ambigu Comique le 7 nov. 1812. Paris, 1812. (3) Les S>. Une autre pièce (h,) semble se moquer de la phrénologie : il n'y a d'ailleurs aucun esprit. L'actrice par amour (5) est par conlre, assez gaie. Une jeune veuve Elise van Sternthal aime le Hls d'un garde général des forêts. Pourgagner la sympathie de sa familie elle recoit, tour k tour, et sous un costume différent, le père, la mère, la tante et trois oncles. Elle flalte leurs manies, vante le bon vieux temps a 1'un, les plaisirs champêtres a la mère qui passé sa vie a la cuisine et ne fréquente guère que la volaille, fait semblanl de détester les hommes pour plaire a la tante qui les abhore. Elle argumenle avec le juge, plaisahte avec le commandant et le chambellan lui enverra un de ses ouvrages sur l'art d'arranger les tables de jeu. D'un roman de Kotzebue C. Vreedenbergh tire un (1) Archives Nationales, F' 3460, (30 juillet 1811). (2) De déserteur, kluchtig blijspel, d. J. S. van Esveldt. Holtrop, 1807. (3) De gebannen amor of de achterdochtige echtgenooten d. J. S. van Esveldt. Holtrop, 1810 . (4) Be zintuigen der hersenen, d. J. S. van Esveldt. Holtrop, 1806. (5) De tooneelspeelster uit liefde, d. J. S. van Esveldt. Holtrop, 1810. - 227 — 228 — drame (i) pleurnichard rempli de pathos et de poinls d'exclamation. Caroline Sommer est poursuivie par un colonel qui a fait emprisonner son mari dans un chateau oü il « n'a d'autre lit que la terre froide et pour toit, la voüte de sa prison ». Elle est enlevée au premier acte et Tonele de son mari, ancien capitaine, provoque le colonel et lui arrache ses décorations. II va comparaitre devant Frédéric et il s'arrête dans une auberge oü arriyent Caroline et son mari qui se sont échappés, le colonel qui cherche sa fugitive. Bataille. Le colonel a le dessus. Le capitaine et Ortenberg sont condamnés par le conseil de guerre mais graciés par Frédéric qui connail toutes les machinations du colonel qu'il fait dégrader. Ajournées encore d'autres pièces allemandes qui ne sont pas plus intéressantes : Fridolin (2) dont le sujet est emprunté a la ballade de Schiller : der Gang nach den Eisenhammer, Clavigo (3) de Gcethe, la contribution forcée (4): un major doit faire incendier le chateau de la femme qu'il a aimée, Le comte de Waltron (5) dont nous avons déja parlé, Le fils naturel (6), Julius van Sassen (7). Ce Julius est le ministre d'un duc en Germanie et on Ie fait passer, par vengeance, pour un illuminé qu'on appelle Jacobin en France. II introduit la liberté de la presse, il supprime les anciens droits de chasse, bref, il applique les idéés de la Révolution. lnterdites aussi Le ftls au service de l'ennemi (8), James (1) De Ortenbergsche familie, d. C Vreedenbergh, 1806. (2) Fridolin, 1810. (3) Clavigo, 1781. (4) De Brandschatting, 1789. (5) De graaf van Waltron of de subordinatie, 1778, 1781, 1813, De graaf van Waltron, d. A. Hartsen et ,H. J. Roulland, 1789,1791. (6) De natuurlijke zoon, d. J. S. van Esveldt Holtrop, 1807. " (7) Julius van Sassen, 1799, 1805. (8) De zoon in vijandelijken dienst, d. J. W. J. Steenbergen van Goor,1805. 1811. — 229 — Cook (i) qui rend eet explorateur fort sympathique. La scène se passé è Karakakoa et la reine, tout comme dans les pièces classiques, a une suivante (2). Elle connait fort bien 1'histoire de France et d'Anglelerre et les derniers vers, contre les élrangers, étaient bien faits pour inquiéter la censure (3). Autre critique malsonnante dans Lemalentenda (4). Devilliers signale les passages suivants : page 46. — Faire la propagandë donne du proflt ; de grands seigneurs font la propagandë. 47. — On ne fait plus hanqueroute avec ses créanciers : ceux qui ont sn profiter des circonstances sont maintenant de grands seigneurs. 60. — Tout réussit aux fous : ce sont eux qui sont a présent les hommes les plus riches. 6.9, 71. — Les avocats, les procureurs,les tuteurs sont des voleurs. 71, _ Couplet adressé au public : Peut-être un jour on vous démontrera que tout le monde est voleur (5). Quelques unes ont d'abord été autorisées en 1812 avant d'être suppriméesen 1813 : comme la traduction de Borgen ohne Noth and Noth ohne Sorgen (6) sur la garde de laquellcon lit: « Vu ala direction généralede la police en Hollande, conformément aux disposilions du décret impérial du 8 juin 1806. Permis d'afficher et de représenter. Amsterdam 7 avril 1812. Le directeur général de la police en Hollande, Dóvilliers Duterrage» ; on y relève cette phrase ; je préfère la bière a déjeuner paree que le café est trop (1) James Cook laatste togt om de waereld, d. A. Kraft, 1804. (2) Worp, op.cité, page 340. (3) Doch laat dat schriktafreel u in de toekomst leeren, 1 Nooit eenen vreemdling weêr zoo hooglijk te waardeeren, Dat hij een' invloed krijge op 't licht bedwelmd verstand Van 't zinloos dom gemeen, gevaarlijk in elk land... (4) Het misverstand of elk is een dief in zijne neering, 1811. (ö) Archives Nationales, F' 3460, (30 juillet 1811). (6) Zorgen zonder nood en nood zonder zorgen, d. J. S. van EsveldtHoltrop, 1812. — 230 — cher ; La fenêtre murée (i) : le fiancé d'Amalia possède une imprimerie « qui s'arrêtera un de ces jours » ; Le bateau chargé de tourbe (2) qui rappelle un haut fait d'armes du prince Maurice : la prise de Bréda ; Uètat sauvé par une femme (3), gros drame avec déguisements, bague, reconnaissances. Une phrase pouvait, en juillet i8i3,offusquer la police devenue plus sévère par les derniers événements : celui qui sauve sa patrie et son prince trouve dans sou coeur une récompense que rien ne peut égaler. Le public pouvait se laisser aller k des démonstrations inconvenantes. En 1811 il avait applaudi, a Middelbourg, Epicharis et Nëron et YAmiral de Ruyter « qui contient quelques allusionsa Pancienne liberté hollandaise » (4). Pour prévenir toule manifestation i n tem pest ive Devilliers interdit aussi La déliorance de Leyde (5) qui exalte le nom d'Orange. En novembre 1813 1'acteur Roscnveld parut sur la scène, a Rotterdam, avec une cocarde orange qu'il jeta « plusieurs fois en Pair, en signe de joie »(6). II futconduit a Bréda sous bonne escorte et fut la dernière victime de la censure. # # Elle a été implacable en Hollande. La police a voulu en faire son apanage etle moindre commissaires'arrogeait le droit de demander communication des manuscrils et d'exjger un exemplaire imprimé. Les censeurs d'Amsterdam sont toujours restés aussi talillons et leur surveillance s'est pour ainsi dire exaspérée avec tes défaites*de PEmpe- (1) Het toegemetselde venster, d. J. S. van Esveldt Holtrop 1812. (2) Het turfschip van Breda, d. C. van der Vijver, 1812. (3) de Beschermengel of de Staal door eene vrouw gered, d, J. de Quack> 1813. (4) Archives Nationales, F' 3493, (4 aoüt 1811). (5) Het ontzet der Stad Leiden, d. N. Westermann, 1809. (6) prof. Colenbrander, op. c., n° 583. — 231 — reur. Eloignés du cenlre du gouvernement, ils ont agi en despotes. La direction, au contraire, se relache un peu dans son controle des pensees d'autrui. Déja en 1811, de Pommereul laisse publier, avec changements, Ie livre d'un certain comte de St Génois, que de Portal is avait mis soos séquestre. Talonné par de Montalivet et Napoléon qui, acculé a la défaite, comprend les avantages de la liberté de la presse, il recommande a ses censeurs de ne pas se perdre en minuties indignes d'eux. Les écrivains, qui ont perdu leur franc parler, n'ont plus a ménager les alliés de 1'Empereur qui n'est plus cntouré que d'ennemis ; de Pommereul laisse imprimér tout ce qui ne nuit ni a la süreté de 1'Elat ni a celle de Napoléon. L'éditeur Mame allait répétant a Ia fin de 1812 que la censure s'adoucissait ! ANNEXE A DÉCRET DU 5 FÉVRIER 1810 SUR L'IMPRIMERIE ET LA LIBRAIRIE Au palais des Tuileries, le 5 février 1810. Napoléon, par la grace de Dieu et par les Constitutions; Empereur des Francais, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, médiateur de la Confédération suisse, etc., etc., etc, notre- Conseil d'Etat entendu, nous avons décrété et décrétons ce qui suit: Titre P*. — DE LA DIRECTION DE L'IMPRIMERIE ET DE LA LIBRAIRIE 1. II y aura uu Directeur Général chargé, sous les ordres de notre Ministre de 1'Intérieur, de tout ce qui est relatif a rimprimerie et a la librairie. 2. Six auditeurs seront placés auprès du Directeur Général. Titbe II. — DE LA PROFESSION D'IMPRIMEUR 3. A dater du i" janvier i8ii, le nombre des Imprimeurs dans chaque département sera fixé, et celui des imprimeurs k Paris sera réduit a 6o. 4. La réduction dans Ie nombre des imprimeurs ne pjurra être sffectuée sans qu'on ait préalablement pourvu è ce que les imprimeurs actuels, qui seront supprimés, recoivent une indemnité de ceux qui seront conservés. 5. Les imprimeurs seront brevetcs et assermentés. 6. Ils seront tenus d'avoir a Paris 4 presses et dans les départements 2. 7. Lorsqu'il viendra a vaquer des places d'imprimeurs, 'soit par décès, soit autrement, ceux qui leur succéderont, ne pourront recevoir leurs brevets et être admls au serment qu'après avoir justifié de leur capacité, de leur bonnes vie et mceurs et de leur attachement a la patrie et au Souverain. 8. On aura, lors des remplacements, des égards particuliers pour les families des imprimeurs décédés. 9. Le brevet d'imprimeur sera délivré par notre directeur trénéral de 1'imprimerie et soumis a 1'approbation de notre ministre de 1'intérieur ; il sera enregistré au tribunal civil du lieu de résidence de 1'impélrant, qui y prêtera serment de ne rien imprimer de contraire aux devoirs envers Ie Souverain etè 1'intérêt de 1'Etat. Titre III. — DE LA POLICE DE L'IMPRIMERIE Section Ita. — De la garantie de l'administration 10. II est défendu de ne rien imprimer ou faire imprimer qui puisse porter atteinte aux devoirs des sujet'» envers le Souverain et a l'Intérêt de 1'Etat. Les contrevenants seront traduits devant nos tribunaux et punis conformément au Code pénal sans préjudice du droit qu'aura notre Ministre de Plntérieur, sur Ie rapport du directeur général, de retirer le brevet a tout imprimeur qui aura été pris en contravention. — 234 — 11. Chaque imprimeur sera tenu d'avoir un livre coté et paraphé par le préfet du département, oü il inscrira, par ordre de date, le titre de chaque ouvrage qu'il voudra imprimer et le nom de l'auteur, s'il lui est connu. Ce livre sera représenté a toute réquisition, et visé, s'il est jugé convenable, par tout officier de police. 12. L'imprimeur remettra oir adressera sur-le-champ au directeur général de 1'imprimeiie et de la librairie et, en outre, aux préfets, copies de la transcription faite sur son livre et la déclaration qu'il a 1'intention d'imprimer l'ouvrage ; il lui en sera donné récépissé. Les préfets donncront connalssance de chacune de ces déclaralions a notre ministre de la police générale. 13. Le directeur général pourra ordonncr, si bon lui semble, Ia communication et l'examen de l'ouvrage et surseoir a 1'impression. i4- Lorsque le directeur général aura sursis a 1'impression d'un ouvrage, il 1'enverraa un censeur choisi parmi ceux que nous nommerons pour remplir cette fonction, sur 1'avis du directeur général et la proposition de notre ministre de l'intérieur. 15. Notre ministre de la police générale et les préfets dans leurs départements feront surseoir k 1'impression de tous ouvrages qui leur parattront en contravention k l'art ioEn ce cas, le manuscrit sera envoyé, dans les 24 heures, au directeur général, comme 11 es' dit ci dessus, 16. Sur le rapport du censeur, le directeur général pourra indiquer k l'auteur les changements ou suppressioDS jugées convenables, et, sur son refus de les faire, défendre la vente de 1'ouvrage, faire rompre les formes et saisir les feuilles et exemplaires déja imprimés. 17. En cas de réclamation de l'auteur, elle sera adressée k notre ministre de l'intérieur et il sera procédé a un nouvel examen. 18. Un nouveau censeur en sera chargé : il rendra compte au directeur général, lequel assislé du nombre de censeurs qu'il jugera a propos de s'adjoindre, décidera déflnitivement. 19. Lorsque le direcleur général jugera qu'un ouvrage qu'on propose d'imprimer intéresse quelque partie du service public, il en préviendra le Ministre du département auquel 1 'objet de eet ouvrage sera relatif et, sur la demande de ce ministre il en ordonnera l'examen. 20. Si nos mlnistres sont informés autrement que par le directeur général qu'un auteur ou un imprimeur se propose d'imprimer un ouvrage qui intéresse quelque partie de leurs attributions et qui doive être soumis k l'examen, ils requerront le directeur général d'ordonner qu'il soit examiné. Le résultat de eet examen sera communiqué au ministre du département; et en cas de diversité d'opinions, il nous en sera rendu compte par notre ministre de l'intérieur. Section II. — De la garantie des auteurs et imprimeurs 22. Tout auteur ou imprimeur pourra, avant 1'impression, soumettre a l'examen l'ouvrage qu'il veut imprimer ou faire imprimer; il lui en sera donné un récépissé, k Paris au secrétariat du directeur général et dans les départements au secrétariat de la préfecture. 22. — II en sera usé dans ce cas comme il est dit aux articles 14, i5, 16, 17 et 18. Section III. — Dispositions relatives a l'exécütion des deux sections précédentes 23. LorsqUe le directeur général pensera qu'il n'y a pas lieu a examiner un ouvrage et qu'aucun de nos ministres n'en aura provoqué l'examen, le directeur général envèrra un récépissé de la feuille de trantcription du registre de l'imprimeur; et il pourra alors être donné suite a 1'impression. 24. Lorsque l'ouvrage que 1'imp-imeur aura déclaré vouloir imprimer aura été examiné, soit d'offlce, soit sur la demande d un de nos ministres, soit d'après un sursis ordonné par le ministre de la police et les préfets dans leurs départements,soit enfin sur la demande de l'auteur et qu'il n'y aura rien été trouvé de contraire aux dispositions de l'art. 10, il en sera dressé procés-verbal par le cemeur qui paraphera l'ouvrage et copie du procés-verbal, visée par le directeur général sera transmise, selon Ie cas, k l'auteur ou a l'imprimeur. 25. Si le directeur général sur 1'avis du censeur, a décidé qu'il y a lieu k des changements ou suppressions, il en sera fait mention au dit procés-verbal et l'auteur ou l'imprimeur seront tenus de s'y co.nformer. 26. La vente et circulation de tout ouvrage dont l'auteur ou éditeur ne pourra représenter un tel procés-verbal, pourra être suspendue ou prohibée, en vertu d'une décislon de notre ministre de la police ou dj notre directeur de 1'imprimerie, ou des préfets, chacun dans leurs départements ; et en ce cas les éditions et exemplaires pourront être saisis ou' conflsqués entre les mains de tout imprimeur ou libraire. 27. La vente ou circulation de tout ouvrage dont l'auteur, éditeur ou imprimeur pourra représenter le procés-verbal dont il est parlé a l'art. 24 ne pourra être suspendue et les exemplaires mis provisoirement sous le séqueslre que par notre ministre de la police. En ce cas et dans les 24 heures notre ministre de la police transmettra a la commission du contentieux de notre Conseil d'Etat un exemplaire du dit ouvrage avec 1'exposé des motifs qui l ont déterminé k en ordonner Ia suppression. 28. Les rapports et 1'avis de la commission du contentieux seront renvoyés a notre Conseil d'Etat pour être slatué déflnitivement. Titre IV. — DES IIBRAIRES 29. A daler du 1" janvier 1811 les Iibraires seront brevetés et assermenlés. 30. Les brevets de iibraires 3eront délivrés par notre Directeur général de 1'imprimerie et soumis a 1'approbation de notre ministre de l'intérieur. Ils seront enregistrés au tribunal civil du lieu de la résidence de 1'impétrant, qui y prêtera serment de ne vendre, débiter et distribuer aucun ouvrage contraire aux devoirs envers le Souverain et 1'intérêt de 1'Etat. 31. Li profession de libraire pourra être exercée concurremmcnt avec celle d'imprimcur. 32. L'imprimeur qui voudrn réunir la profession de libraire, sera tenu de remplir les formalités qui sont imposées aux Iibraires. Le libraire qui voudia réunir la profession d'imprimeur sera tenu de remplir les fórmalités qui sont imposées aux imprimeurs. 33. Les brevets ne pourront être accordés aux Iibraires qui voudront s'établir a 1'avenir, qu'après qu'ils auront justiflé de leurs bonnes vie et moeurs et de leur attachement k la patrie et au Souverain. Titre V. — DES LIVRES IMPRIMÉS A L'ÉTRANGER 34. Aucun livre en langue francaise ou latine, imprimé a 1'étranger, ne pourra entrer en France, sans payer un droit d'entrée. 35. Le droit ne pourra être au-dessous de 5o 0/0 de la valeur de l'ouvrage. Le tarif en sera rédigé par le directeur général de la librairie et délibéré en notre conseil d'Etat, sur le rapport de notre ministre de l'intérieur. 36. Indépendamment des dispositions de l'art. 34, aucun livre imprimé ou réimprime hors de la France ne pourra être introduit en France sans une permlssion du directeur général de la librairie, annoncant le bureau des douanes par lequel il entrera. 37. En conséquence, tout ballot de livres venant de 1'étranger sera mis, par le préposé des douanes, sous cordes et sous plombs et envoyé a la préfecture la plus voisine. ''(San 38. Si ces livres sont reconnus conformes a la permission, chaque exemplaire ou le premier volume de chaque exemplaire sera marqué d'une estampille au lieu du dépöt provisoire, el ils seront remis au propriétaire. Titre VI. — DE LA PROPRIÉTÉ ET DE SA GARANTIE 39. Le droit de propriété est garanti k l'auteur et k sa veuve pendant leur vie, si les conventions malrimoniales de ceüe ci lui en donnent le droit, et a leurs enfants pendant vingt ans ; 40. Les auteurs, soit nationaux soit élrangers, de tout ouvrage imprimé ou gravé peuvent céder leurs droits a un imprimeur ou libraire, ou k toute personne qui est alors substituée en leur lieu et place, pour eux et leurs ayants cause, comme 11 est dit a 1'article précédent. - 235 — 236 — Titre VII Section première. — Des öélits en matièrk d'imprimerie et des modes de les ptjnir et de les constater 4'. II y aura lieu a la conBscation et amende au profit de 1'Etat, dans les cas suivants, sans préjudice des dispositions du Code pénal: 1. Si l'ouvrage est sans nom d'auteur et d'imprimeur ; 2. Si l'auteur ou l'imprimeur n'a pas fait, avant 1'impression de l'ouvrage, 1'enregistrement et la déclaration prescrite aux articles n et 12 ; 3. Si l'ouvrage ayant été demandé pour être examiné, on n'a pas suspendu 1'impression ou la publication ; 4. Si l'ouvrage ayant été examiné, l'auteur ou l'imprimeur se permet de le publier mal' gré la défense prononcée par le directeur général ; 5. Si l'ouvrage est publié malgré la défense du ministre de la police générale, quand l'auteur, éditeur ou imprimeur n'a pu présenter le procés verbal dont il est parlé a l'art. 24 ; 6. Si, étant imprimé k 1'étranger, il est présenté a 1'enlrée sans permission ou circule sans être estampillé ; „ ', _< 7. Si c'est une contrefacon, c'est-a-dire si c'est un ouvrage imprimé sans le consentement et au préjudice d'auteur ou éditeur, ou de ceux ayant cause ; 42. Dans ce dernier cas, il y aura lieu, en outre, a des dommages intéréts envers l'auteur ou 1'éditeur, ou leur ayants-cause, et 1'édition ou les exemplaires contrefaits seront coDflsqués éi leur profit ; 43. Les peines seront prononcées et les dommages intéréts seront arbitrés par le tribunal correctionnel ou criminel selon le cas et d'après la loi ; 44- Le produit des conQscations et des amendes sera appliqué, ainsi que le produit des droits sur les livres venant de 1'étranger, aux dépenses de la Direction Générale -de la librairie et de 1'imprimerie. Section II. — Du mode de constater les délits et contraventions 45. Les délits et contraventiODS seront constatés par les inspecteurs de 1'imprimerie et de la librairie, les officiers de police, en outre par les préposés aux douanes pour les livres venant de 1'étranger. Chacun dressera procés-verbal de la nature du délit et contravention, des circonstances et dependances, et le remettra au Préfet de son arrondissement, pour être adressé au Directeur Général; 46. Les objets saisis seront déposés provisoirement au secrétariat de la mairie, ou au commissariat général de la sous-préfecture ou de la préfecturc la plus voisine du lieu oü le délit ou la contraventlon seront constatés, sous 1'envoi ultérieur a qui de droit ; 47. Nos procureurs généraux ou impariaux seront tenus de poursuivre d'offlce, dans tous les cas prévus k la section précédente, sur la simple remise qui leur sera faite d'une copie des procés-verbaux dament afflrmés. Titre viii. — DISPOSITIONS DIVERSES 48. Chaque imprimeur sera tenu de déposer k la préfecturc de son département et, k Paris, k Ia préfecture de police, cinq exemplaires de chaque ouvrage, savoir : un pour la bibliothèque impériale, un pour le ministre de l'intérieur, un pour la bibliothèque de notre Conseil d'Etat, un pour le directeur général de la librairie ; '4g. II sera statué par des règlements particuliers, comme 11 est dit k l'art. 3, sur ce qui concerne : 1. Les imprimeurs et les Iibraires, leur réception et leur police ; 2 Les Iibraires étaleurs, lesquels ne sont pas compris dans les dispositions ci-dessus ; 3. Les fondeurs de caractères ; 4. Les graveurs ; 5. Les relieurs et ceux qui travaillent dans toutes les autres parties de l'art et du commeree, de 1'imprimerie et de la librairie ; 50. Ces règlements seront proposés et arrctés en Conseil d'Etat, sur la proposition du directeur général de la librairie et le rapport de notre ministre de l'intérieur. 51. Nos ministres sont chargés chacun en ce qui les concerne de 1'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des Lois. Signé : NAPOLÉON. Par 1'Empereur, le ministre Secrétaire d'Etat, Signé : H. B. duc de BASSANO. • 23? ■ — 238 — ANNEXE B CORRECTIONS DE LA POLICE DANS DE GEEST DER GESCHRIFTEN VAN WIJLEN JOANNES LE FRANCQ TAN BERKHEY IN HUISSELIJ'KE ZAMEMSPRAKEN VAN DICHTLIEF EN' GLOORROOS MET HUNNE KINDEREN DOOR A. LOOSJES PZ. (La colonne A donne le texte de Le Francq van Berkhey (1), la colonne B, celui de Loosjes). A Page 24 B Page 19 Men zwoer, te sterven op stads neergesloopte Men zwoer,te sterven op stads neergesloopte [puin, [puiD, Eer men Oranje,met 's Lands hoogverbonden Eer men het Vaderland en's Lands verbon- [Staateo, [den Staten In deezen jongsten nood, lafhartig zou ver- In dezen jongsten nood, lafhartig zou ver¬ baten I [laten. Page 43 Page 23 De duifjes uit de Stad, door 's Vijands ves- De duifjes uit de Stad, door 's vijands ves- [ting-werken [tingwerkeD, Met sneêg beleid gevoerd, zag men, op Met sneêg beleid gevoerd, zag men, op [vlugge vlerken, [vlugge vlerken, Klapwiekend keeren met een overdierbre Klapwiekend keeren met een overdierbre [vragt> [vragt, Het troost-woord van Oranje, in eene veder- Het lieflijk woord van troost in eene veder¬ schacht. [schacht. Page 47 Page 25 Men riep, bij 't juichen van de moedige oor[logs-schaaren : Triumph, Oranje 1 ja, Triumph 1 wij zijn [gered 1 Triumph, ó van de Werf 1 ons Leyden is [ontzet I Page 70 Supprimé. Page 27 De schrobbelaar zat, onder't lommer, op de De schrobbelaar zat, ODder't lommer, op de [straat, [straal. Te neuren, wel te vreên, Wilbelminus van Supprimé. [Nassouwen. (1) Joannes Le Francq van Berkhey, Het verheerlijkt Leyden bij het tweede eeuwgetijde van deszelfs heuchlijk ontzet in den jaare, CID.IO LXXIIII, Leyden, 1774. — 239 — Page 71 De zeembereider wrocht de fijnste perga[menten, Bij stapels, om 'er's Lands triumphen op te [prenten ; Daar de eedle teekenkunst, hoejNassau zegepraalt Met stoute trekken der graveer-stift had [gemaald. Page 88 Hier, daar men scepters weegt, het kroonen[goud beproeft, ,Ea 't merk der Vrijheid op papieren nood[munt schroeft; Page 28 De zeembereider wrocht de fijnste perga[menten, Bij stapels, om 'er 's Lands triumfen op te [prenten ; Daar de eedle teekenkunst,hoe Holland zege[praalt, Met stoute trekken der graveer-stift had [gemaald. Page 29 Hier, daar men scepters weegl, het kroonen[goud beproeft, En 't merk der Volksdeugd op papieren [nood-munt schroe f ANNEXE C DE VOLGENDE STAALTJES STREKKEN TEN BEWIJZE VAN DE ONGEMEENE WAAKZAAMHEID DER FRANSCHE POLITIE. IN HET NAZIEN VAN NIEUWE BOEKEN. In mijne Aanteekeningen op eene reis van Parijs naar Napels, van het kleine houten tooneel, in het amphitheater van Vénma opgeslagen sprekend; (i), zeide ik: men moei bekennen dal dit tooneel/je hier misselijk geplaatst Is ; doch met dat al acht ik het veel beter, dat men zich met de potsen van Hansworst, dan met bloedige gevechten van menschen of dieren verlustigt. Het woord menschen moest er uit ; hoewel ik daarbij in der daad aan niets anders gedacht had, dan aan de gevechten van de Gladiators der Ouden, gelijk die in de Amphitheaters plaats hadden. Verder betrekkelijk[ Venetië (2) : De vier antieke, metalen paarden, welke voorheen boven den hoofdingang van de StMarcus kerk alhier stonden, en vandaar naar Parijs zijn overgevoerd, {zie mijn Parijs enz bladz, 485), worden dan door de Venelianen niet alleen betreurd als voor hun zeer belangrijke Oudheden Un het begin van de i3de eeuw maakten de Venelianen bij de verovering van Conslanllnopolen zich meesier van dezelve, zif waren dus een gedenkteeken van de krijgsbedrijven hunner voorvaderen) maar levens als de afbeeldingen van dieren, welke voor hun zeldzaam waren ; zoo zelfs dat er, naar men mij zeide, welligt menschen in Venetië gevonden werden, die nimmer paarden gezien hadden (3). Dit alles moest er uit, gelijk ook het volgende, mede tot de beschrijving van Venetië behoorende : Den metalen Sl-Marcas leeuw, welke hier voorheen op eene der hooge zuilen aan den kant der zee of het kanaal van La Giudeca plagt le slaan, maar thans voor het bedrijf der oude krijgslieden (Hotel des Invalides) le Parijs geplaatst is (zie mijn Parijs bladz. 484) (k) vond ik door eene kopij van hout, dat gebronsd was vervangen. Men scheen het vervoeren van deze oude gedenkteekenen dan ze'.ve als een'roof te beschouwen waaraan het algemeen niet meer mogt herinnerd worden. Over Rome handelende, zeg ik, gelijk men in gemelde mijne Aanteekeningen vindt : (5) De wljsgeerige beschouwer - verwondert zich niet, dal de tijd het stevige Kapitool van Rome gelijk de geringste stulp sloopte enz. Hier had ik bijgevoegd : maar de mensch door voorspoed verblind, door trotschen waan vermetel en door ijdele grootheid opgeblazen zou deze grijze muren welligt met eene angstige verbazing aanstaren, en, als Uit een'en begoochelenden droom ontwakende, zich daardoor herinneren, dat niets hoe groot en verheven, hoe hecht en sterk, of hoe magllg.en wel doordacht bestand is legen de noodzakelijke wisselvalligheid, die alles beheerschl. Dit laatste moest er uit (6). De handlangers der po.itle maakten dit dus zelve op Boonaparte toepasselijk. Aan het volgende aangaande mijn eerste vertrek uit Rome (7), dacht Ik mij althans In (1) Zie : het eerste deel, bladz. 127. (2) Zie : het eerste deel, bladz. 156. (3) Hetgeen in dit artikel tusschen twee haakjes staat, waren de noten. (4) Dit stond insgelijks in een noot. (5) Zie : het eerste deel, bladz; 222. (6) Op eenige der slotregels na, die men mij vergunde, door het invoegen van een paar woorden, aan het vorige te verbinden ; gelijk men ter aangewezen plaats zien kan. (7) Zie : hel eerste deel, bladz. 238. 240 - — 241 — geenen deele te bezondigen : Daar het Bataafsch Gemeenebesi. onder de Mogendheden, met Frankrijk in Slaatsoerblndtenis staande, behoorde, moest ik mij bij den Franschen gezant of zijnen Secretaris, welke zich toen le Romt bevond, ter verkrijging van een paspoort naar Napels vervoegen : deze gaf mij eenen brief aan den Kardinaal Raffo, gezant van Napels bij den Paus, vanwien ik dan ook het noodlge paspoort bekwim. Vervolgens moesten wij ook gezondheidsbewij zen halen bij : II Tribunale dl Sanlta dl Roma (de gezondheidsreglbank van Rome), waarin onze naam, gestalte, enz. ook moest uitgedrukt worden. DU een en ander benam ons meer tijd dan ons lief was ; maar noodzakelijk zijnde, moesten wij heions getroosten. Dit alles werd tot mijne verwondering geschrapt (i), en ik heb daarvoor geene andere reden kunnen vinden, dan dat misschien.het wjord Balaafsch Gemeenebesi, de toenmalige benaming van ons land, mishaagde, alsmede dat ik mij aan het eind eenigzins beklaag over het tijdverzuim, door de maatregelen der politie veroorzaakt. Bij mijne terugreis naar Rome van Mola dl Gaëta sprekende, zeide ik : In de nabif gelegen sterke vesting Gaëta (2), hield zich toen, naar men ons bertglte, de gewezen Koning van Sardinië op, voerende den titel van generalissimus der Russische legers. Men voegde er bij, dat hij met een der Russische scheepen, daar omstreeks liggende, naar St-Petersburg stond overgevoerd te worden. Dit werd alweder geschrapt. Van hetgeen mij aangaande het steedje Sl-Manialo, tusschen Pisa en Florence, belet werd te zeggen, heb ik reeds op de eerste bladz. van dit werkje melding gemaakt (3). De landstreek buiten Florence, op den weg naar Bologne beschrijvende, deel ik mijne opmerking mede : dat het er den landman wel scheen te gaan (4), met deze bijvoeging : Zonder afschuw kon hij dan ook op het daar omstreeks gelegen prachtig vorstelijk lusthuis Pratoltno zien, dewijl het niet ten koste van zijn zweet en bloed gebouwd is. Dit mogt niet geschreven worden en waarom niet ? Men scheen te gevoelen, dat de landman in Frankrijk de vorstelijke lusthuizen met een ander oog beschouwde. De kleine zuil op de vlakte, waar de vermaarde, veldslag van Marengo voorviel beschrijvende (5), voegde ik daarbij : Onlangs was de Keizerlijke Adelaar in plaats van hel vrijheidstèeken op deze zuil gezet. Kan hij, die slechts een weinig denkt en gevoelt, hier voorbijgaan zonder de ernstigste bespiegelingen. Het werd geschrapt, benevens een weinig lager, hetgeen ik van een* reisgenoot, kanonnier bij de rijdende artillerij, zeide (6), namelijk : die jongman te Turin te huls behoorende, had reeds eenige jaren gestudeerd doch was door het lot van de conscriptie genoodzaakt geweest, om de toga voor het krijgsmansgewaad le verwisselen. Zoo iets viel toch ook meermalen onder ons voor ; de conscriptie en hetgeen daarvan het natuurlijk gevolg moest zijn, was algemeen bekend. Met dat al, duldde de hoogwijze en voorzigtige politie niet, dat men er va.i sprak. Maar zou men wel vermoeden, dat het ook niet geoorloofd was, om iets tot nadeel van de Fransche uitgewekenen (emigranten) te zeggen, onder de regeering van Boonaparte : mij werd dit echter almede belet. Want van Berne sprekende (7), zeg ik : De wulpschhetd was sedert eenige jaren, zeide men, toegenomen, en het verblijf van verscheiden Fransche uitgewekenen, welke in deze stad gedurende eentgen lijd hun verblijf hadden gehouden was, zoomen meende, eene voorname oorzaak daarvan. De woorden Fransche uitgewekenen werden hier geschrapt en vreemde in derzelver plaats gezet. Hierop volgt (8) : De inkomsten van verscheidene lieden waren, echter, naar ik vernam, door de tijdsomstandigheden ook al aanmerkelijk afgenomen. Dat zij verarmd waren, mogt ik schrijven, maar niet door de tijdsomstandigheden ; nu, zij waren dan ook allergunstigst, die tijds* (1; Gelijk zulks zeer zigtbaar is, ter aangewezen plaatse, door dat men genoodzaakt was, ter aanvulling der gaping, eene bladz. zeer wijd uit een te zetten. (2) Zie het tweede deel, bladz. 283. (3) Deze streek vindt men beschreven in het derde deel, bladzv275 enz. (4) Zie : het vierde deel, bladz. 1. (5) Zie : het vierde deel, bladz. 111. (6) Zie : het vierde deel, blatz. 112. (7) Zie : hetzelfde deel, bladz. 227. (8) Zie : hetzelfde deel, bladz. 228 Roche '6 — 242 — Omstandigheden, maar alleen voor den roofzuchtigen dwingeland en voor hun, die den buit met hem deelden, of in zijnen dienst van allerlei knevelarijen en afpersingen leefden. Onder zulk eene hatelijke plak te moeten schrijven, is voor iemand, die eenig gevoel heeft, schier onverdragelijk ; doch ik had dit werk begonnen, voor dat deze zoo geweldige maatregelen genomen waren en moest toen besluiten, om het te voltooien. (A. van der Willigen, Fragmenten van aanteekeningen betrekkelijk Napoleon Baonaparte en zijne regeering, te Haarlem bij A. Loosjes Pz, 1814), pag. 5a-65. — 243 — ANNEXE D BIJLAGE TOT BEN LAAT8TEN ZEETOGT VAN DEN ADMIRAAL DE RUITER, BEHELZENDE HOOFDZAKELIJK, DE VERBETERINGEN EN IN LA SS O HING EN DER ONDERSCHEIDEN DEELEN, WELKE, IN DAT DICHTSTUK, OP LAS7 DER FRANSCHE POLITIE ZOO TE AMSTERDAM ALS TE PARIJS (1), EENIGE VERANDERING OF UITLATING HEBBEN MOETEN ONDERGAAN. (Le poète A. Loosjes fit imprimer eet appendice le ler janvier 1814 a la suite de ses Notes historiques sur la dernière expédition de VAmiral de Ruyter, parues en 1813. Nous l*i reproduisons intégralement car il nous met a même de eomparer les deux censures. Nous y ajoutons les passages de 1'édition approuvée). In het voorberigt, bl. X, Reg. 7 werd gelezen : zoo 'er bij vele onzer voorvaders en nog onder het beste gedeelte onzer landgenooten enz ; maar op last der politie te Amsterdam moesten de woorden nog onder het beste gedeelte oneer 'er worden uitgelaten, schoon de censure te Parijs 'er niets op had aangemerkt (1). Bl. 1. De aanhef van het dichtstuk was oorspronkelijk : Hef aan, mijn Dichtgeest, door geen' ramp[storm neêrgeslagen, En zing, verrukt, den roem van onzer vaa[dren dagen: Zing moedig, wijl het hart voor 't dierbaar (Hef aan, mijn Dichtgeest! Zing, door heilig [Vaderland [vuur ontvonkt, Mij, als in 't prilst der jeugd, nog in den Ter eer des helds, wiens naam met eeuw'ge [boezem brandt, [lauwren pronkt, De Ruiters naam ter eer enz. De Ruiters naam ter eer...) Bl. 2. De aanroeping in bet oorspronkelijke was : Bestuur gij hart en hand, gij, die mijn boezem griefde Sinds mijne vroegste jeugd, o onuitbluschbre liefde Voor 't dierbaar Vaderland. Vuur gij mijn' dichtgloed aan. Doe gij met de oude drift en veerkracht 't harte slaan ; vi^.j Zoo zal, door reine zucht tot uwen lof gedreven, De Ruiter en zijne Eeuw in mijn gedicht herleven. Dat hij in vollen glans voor mijnen geest verschijn' En dat deze Eeuw, dit Volk uit mijn gezigt verdwijn'. (1) Loosjes veut naturellement parler de la direction générale de 1'imprimerie et de la librairie, a Paris. — 244 — Verplaats mij op zijn kiel en bij zijn vlotelingen. Leer gij mij, waardig aan dien grooten Zeeheld, zingen, Dan, dan ontgloeit misschien 't vuur der aloude deugd Door Ruiters moed en trouw in 't hart van Hollands jeugd, En heeft zij 't pad der eere op Ruiters spoor gekozen ; Haar deugd doe eenmaal dan der oudren zwakheid blozen. De aanhef en aanroeping beide, zijn niet onderworpen geweest aan de Amsterdamsche of Parijsche censure. Het was zeker, dat ik die zoo latende, zulks genoeg zijn zou, om de uitgave van het werk te beletten. Bl. 30. Op last der Amsterdamsche politie is uitgelaten tusscheu regel 20 en 21, het grafschrift van Vondel op den admiraal de Liefde van dezen inhoud : Hier rust 's Lands Liefde, of eer een deel gescheurd aan flenteren, Hij schuwde schutgevaart van verre en pastle te enteren, Getroost te winnen of te sterven als een Held. Beleid en moed betoomt al 't Britsch en Fransch geweld. Bl. 48. Op last der Amsterdamsche politie, regel 12 en 13 dus luidende weggenomen : De Britsche en Fransche kroon bij beurte siddren d«et, Die Neêrlands erf en vloot, door Frank en Brit besprongen. Bl. 50. Keg. 18. Stond in 't oorspronkelijke : Een woeste Vrijheidsmin. Dit is op last der Amsterdamsche politie veranderd en geworden : eene woeste ontembaarheid... Bl. 60. Reg. 13 en 14. Waren voor de verandering op last der Amsterdamsche politie : Die Bato's nageslacht, des dankende, zal (Die 't laatste nageslacht des dankende zal [melden [melden Als wieg der Vrijheid en als Bakermat der Als wieg en bakermat der Zeeuwsche [Helden [waterhelden). Bl. 74. Reg. 3 en 4. Hier stond, voor de verandering op last der Amsterdamsche politie : Hij is o Admiraal 1 van 't echte Hollandsch (Hij is, o Admiraal! van 't echte Helden- [bloed, lzaaa' Dat Fransch-en Engelschman als meeuwen Dat Hollands vijanden op bloed en tranen [vlugten doet. [slaat, 't Heugt beide volken nog Wat volkren heugt het niet). Bl. 115. Reg. 19. Werd voor de verandering, op last der Amsterdamsche politie aldus gelezen : En zullen Frankrijks magt en heerschzucht (Om aan de heerschzucht en het oproer [palen zetten LPaal te zewen) Bl. 122. Reg. 24. Was, voor de verandering, op last der Amsterdamsche politie : Versailles' breidel en de hoop van 't Escuur- (Den schrik des vijands en ^P^jjn jt [jaal. Bl. 130. Reg. 15 en 16. Waren voor de door de Amsterdamsche politie bevolen verandering dus : (de schelle trompen spelen) 't Wilhelmus van Nassouw, de oud vader- (Haar klanken smeltende In de akkoorden [landsche deun. [van de fluit, En met dit vreugdgejuich vermengt zich En met dit vreugdgejuich vermengt zich het [het gedreun. [geluid). BI. 136. Reg 5, 6 en 7 waren voor de door de Amsterdamsche politie bevolen verandering van dezen inhoud : Na 't staven van 's Lands trouw, als bondgenoot van Spanje, Zoo leeft 's Lands grootheid en het stam[huis van Oranje, Oranje leve stijgt op deze taal omhoog. (Daar lauwren van triomf zich slingeren om [den steven :' Zoo blijft, tot's Vorsten vreugd 's Lands [zeeroem eeuwig leven 1 Een luide blijdschapskreet stijgt op deez' [taal omhoog. Bl. 177. De 19" Regel was voor het bevel der Censuur te Parijs met weglating van (.) van den vorigen regel: Bij Spanjes zegepraal tot schrik van Frank-- (De Siciljaansche kust, ja de Etna siddren [rijks koning. [zal. Bl. 254. Reg. 9 en 10. waren voor de verandering der Amsterdamsche politie : De Staten en 's Lands Vorst Prins Willem [van Oranje, De trouwste Bondgenoot, de beste vriend [von Spanje En van Reg. 13 tot 16 werd gelezen : Hervat het Feestmuzijk, bij 't dondren der [kartouwen En heft den volksdeun aan : Wilhelmus [van Nassouwen, Een lied uit Marnix pen, dat Holland speelde [en zong, Toen Nassau Hollands roer aan Alva's vuist [ontwrong Bl. 256. Deze stippen moeten vervangen worden door de volgende zes regels, die op last der Fransche Censuur te Parijs geheel doorgeschrapt waren : De dischgenooten, die zoo koen hem hoorden spreken, Bewonderen een taal, wier kracht hen doet verbleeken. En houden zwijgend 't oog gevestigd op een' man, Die boven Vorsten wil zich fier verheffen kan, Om, zonder dat hij zich door menschenvrees laat kluisteren, Naar zijn geweten, naar die stem van God te luisteren. Bl. 444. Reg. 11. was oorspronkelijk : ('s Lands hooge staten,die aan Spanjes kroon [doen blijken, Dat hun gegeven woord van wanklen weet [noch wijken !) (Hervat de feestmuzijk, gestemd op de ouwe [wijze Waarop in vorige eeuw, der Heldendeugd [ten prijze, De Staatsman Marnix dichtte en 't juichend [Holland zong Toen ..) Valt, als een voorspook van den val van 't [vaderland Valt, siddrende om de ramp van Volk en [Vaderland) maar is veranderd geworden op uitdrukkelijken last niet der Parijsche Censuur, maar op dien van de Directie der Drukkerij en Boekhandel te Parijs. - 245 — 246 — ANNEXE E EEN WOORD VAN TROOST EN KRACHT, NAAR ONZE BEHOEFTEN BEREKEND (NAAR DE BEHOEFTEN DEZER DAGEN), IN KERKELIJKE REDEVOERINGEN; DOOR F. VAN TEUTEM, CHRISTEN LEERAAR TE UTRECHT. TE AMSTERDAM, BIJ JOH. VAN DER HEY. 1811. (Le livre de van Teutkm, approuvé par le secrétaire général de la police d'Amsterdam W Haw, fut saisi cinq a six semaines après 1'impression et soumis a une deuxième censure de la police. La colonne A donne le texte de la première édition, la colonne B ce qu'il en reste après la deuxième censure). A B Titel : Een woord van troost en kracht, naar onze behoeften berekend, enz. Elk, wie en wat hij voor het overige zij, deelt le allen tijde, niet slechts, op de eene of andere wijze, mede in de lotguvallen der wereld, maar elk heeft ook steeds zijne bijzondere grieven, en kent best de eigene ongelegenheden, die h»m menigmaal van kwaad tot erger doen vreezen. Den rechtschapen godsdienstleeraar voegt het, enz. Titel : Een woord van troost en kracht, rsar de lt De handel komt I de vreê ontsluit weêr [Hollands stranden I « Zijn vlag snelt onverlet naar Oosten en [Weslerlanden 1 « Elk durft weêr denken I durft weêr spre[ken, en 's lands leeuw « Herneemt 'zijn ouden kracht, als in der [vaadren eeuw ». Page 68 et 69 'k Waande in de toekomst mij verplaatst ; Supprimés. [mij dacht, ik dwaalde Dcor meer en drassig land, waarop geen [veldbloem praalde, Geen rund zich hooren liet. Ach, Neêrland ! ['t was uw grond, Waarop ik, eenzaam en verlaten, mij [bevond 1 Ik zocht dc schoone stad, waar Ik het licht [aanschouwde, Die 't heilig Voorgeslacht aan 's Amstels [zoomen bouwde ; Helaas I ik zocht vergeefs 1 Een eerste, kale [hut, Naauw voor het buldren van den woesten [storm beschut, Was alles wat ik vond I — 'k Zag naakte [visschers dwalen, .Waar eertijds 't feestmuzijk klonk in de [marmren zalen I Ik klauterde over 't puin, ik zwierf wanhopend rond, Of ik de graven van mijn Voorgeslacht [hervond 1 Ach ! 'k vond geen graven meer ! — Een [grijsaard treedt mij nader : < Wie gij ook wezen moogt, ontdek me, ik [smeek dit, vader 1 « Stond hier niet Amsterdam ? » dus hef ik [snikkende aan. — « Men zegt, hier heeft voorheen een groote [stad gestaan, » Is 't anlwocrd, « en dit puin, waaruit thans [raven schreeuwen, « Was 't Raadhuis eens dier stad In verr' [vervlogen eeuwen ; f En gindsche bouwval, waarbij 't wild gedierte schuilt, « Die neêrgestorte spits, waarop de roerdomp [huilt, « Was eens een tempel, aan der Vaadren [God geheiligd. « Maar wij, door dam noch dijk voor 't [woên der zee beveiligd, « Herkent weêr^Nederland, gelouterd door [zijn' val 1 *. Le reste est supprimé. — 256 — c Wij zwerven, hongrend, om op deez' [verlaten' grond, « Schaars hooiend' van de stad, die eertijds [Uier bestond. » Hij zwijgt : — verpletterd stort ik op een [bouwval neder ! •k Herkom 1 — ja alles daalt, verheft zich [en daalt weder. Zoo schreeuwt de schakal Ihans, zoo rooft [nu d' Afrikaan Den kreits af, daar weleer Palmire heeft [gestaan. Waar is die marmren stad, die Rome's magt [dorst trotsen ? Ach 1 zuil bij zuil gestort, verspreid langs [naakte rotsen, Is alles wat er rest van de onvergeetbre stad, Die eens Longinus, eens Zenobia .betrad. Page 76, vers 13 et 14 Nu kent de wraak geen perk, elks zenuw [staat gespannen ! Elk zweert, met luid gegil, den dood aan 's [Lands tijrannen 1 Page 88, vers 1 et suivants Gij zijt het, Ruiter, die in 't wee, dat op ons [drukt, Ons de achting voor ons zelf nog niet [geheel ontrukt; Ik wil, bij 't marmer, dat uw asch omsluit, [gezeten Verstommen bij uw deugd, mij zelf en de [aard vergeten. Supprimés Page 89, vers 5 et suivants Zoo zien wij d'adelaar op onverzwakte [pennen, Van *t hooge rotsgevaart, door 't ruim des [hemels rennen, En storten op zijn prooi, en sleuren 't met [zich voort, Dat hij door wolken heen de zon in 't aanligt boort; Maar als hij onverwacht in 't net zich voelt [gevangen, Bezwijkt zijn kracht en moed, hij laat zijn [slagpen hangen, Page 68, vers 17 et 18 Nu keet de wraak geen perk, elks zenuw [staat gespannen, De stem der mcnschelijkheid schijnt uit '*7r&* [elks hart gebannen. Supprimés. Page 80, vers 6 du bas Kingsbergen was het, die bij 't buldren der [kartouwen, Het eerst gewaardigd was die godenschim [te aanschouwen 1 De zee erkende ras haar meester, die voor- [been Nooit, dan tot Hollands roem, op haar ge[bied verscheen. Het vuur van 't oog bezwijkt, het minder [vooglenlieer, (Weleer zijn prooi !) ziet nu beschimpend [op hem neer : Doch als hel ijzer breekt, waar aan hij was [gesloten ; Herneemt hij moed en kracht, en spot met [donderkloten, En stijgt verschriklijk op, als aller vooglen [vorst, Die d'opperstcn Jupijn en zijnen bliksem [torscht. 257 - OUVRAGES CONSULTÉS Algemeene Konst-en Letterbode, 1814. Amsterdamseh [Jaarboekje, 1889, G. van Rijn, J. van Ray, keurmeester der Nederlandsche Letterkunde onder Napoleon. ANDRIEU J. — La censure et la police des livres en France sous l'ancien régime, Agen, 1884. H. AVEN RL. — Histoire de la presse francaise depuis 1789 jusqu'a nos jours, Paris, 1900. DE BARANTE. — Souvenirs, t, I, Paris, s d. N. BEETS. — Nieuwe verscheidenheden meest op letterkundig gebied, 4C en laatste deel, Haarlem, 1902. Ch. BELLIER-DUMAINE. — Alexandre Duval et son oeuvre dramatique, Paris, 1905. E. 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TABLE DES MATIÈRES Avertissement 5 Chapitre I. — Les censures sous 1'Empire 7-51 Censure des journaux (7-12', des pièces de théatre (12-20). — La Censure des livres se fait a la direction générale de 1'imprimerie et de la librairie (21-22). — Les deux directeurs : de Portalis (23) ; de Pommereul (23-25). — Le budget de la direction (25-26); la taxe d'un centime par feuille d impression (26-31). — Le Journal général de 1'imprimerie- et de la librairie (31-32). — Rivalité de la police et de la direction : La Guerre des Dieux, J.es Galanteries de la Bible, le Citateur, de l'Allemagne, la Correspondance de Grimm ; réquisitoire de la police (32-38). — Service intérieur de la direction générale : histoire d'un manuscrit (39-42). — Censure des préfets (42). — Les inspecteurs de la librairie '43-45). — Les censeurs : censeurs de l'ancien régime (46); censeurs de 1'Empire (47) ; cc qu'ils désapprouvent (48-49). circulaire de Pommereul qui leur recommande plus de libéralisme i50). — Censure de la police (51). Chapitre IL — Le 9 avril 1811 52-95 Mauvaise réputation, en France, des gazettes hollandaises et des Hollandais (52-55). — Lebrun fait censurer la traduction des lois et décrets de 1'Empire (55). — Estampillage deséditions francaises antérieures au 1" janvier 1811 Mes contrefacons (55-56). — Devilliers du Terrage voudrait bien exercer la censure (56-58) ; De NarrensteinscTie Courant (60). — Lebrun eombat ses prétentions (60-62). — Devilliers et a. Fokke 'Simonsz : Het psycho-chemisch geheim om van den nood een deugd te maken (62-64) ; Devilliers et Susan : de Held der Rede (64>. — Rapport de Rovigo. a 1'Empereur sur la néeessité de réprimer la presse en Hollande (65-69 . — Le dé, peu d'ceuvres originales mais beaucoup de traduclions de Kotzebue, de Langbein, de Lafontaine 101-102); les sermons de Perponcher, de van der Palm, de Doorenweerd, de van der Ploeg, de Cramer (103104); les compilations et les livres d'éducation (103-106). — La Direction arrête tous les livres qui rappellent 1'ancienne dynastie (106-1071, la Révolution (107', la Républiqne batave: Deliciae poëlicae (108), Hel leven ven Maurits Lijnslager (109;, De peinzende christen (109 ; elle surveille les almanachs et les livres de magie (110-111), les livres qui lont le procés de 1'administration : de la valeur intrinsèque des obligations de la ville d'Amsterdam (112), les livres de dévotion, les catéchismes et les opuscules lanatiques (113-115). — Les pasteurs et la police (116-117). — Livres qui ont une histoire : Een woord van troost en kracht de F. van Teutem (118-119), Yaderlandsche Oranje zucht de Rilderdijk (119) , Oefeningen en gebeden voor R. Calholijke Christenen (120) , Wandelingen en kleine reizen in den omtrek van Hanau enz. de H. Potter (120), Parijs in den aanvang der negentiende eeuw de A. Van der Willigen (121), De Spreuken de Salomon (122, De bruidegom zonder bruid (122), Alberlina of de proef der mannen (123), Montmartre de Meerman, Jésus (124-125), De Hollandsche Natie de J. F. Helmers (126-129). — Une gafle: Uitlegkundige verhandeling over de Opperhoofdigheid van Petrus naar aanleiding van Matth. XVI, 18-19 (130-137;. Chapitre IV. - Les journaux ...: 138-181 Les journaux hollandais sont suspects a la police (138-139). — Liste des principaux journaux (140-144;. - Esménard n'en veut conserver que qualre (145). — Les deux langues (146-148). — Les feuilles d'afliches, d'annonces et d'avis divers (148-150). — Les journaux littéraires conservés (150-152) ; ceux qu'on supprimé (153). — Diflicultés qu'éprouvent les feuilles politiques: exemples pris dans Ie département des Bouches-de-la-Meuse (154-155), de 1'Yssel supérieur (156), de la Meuse-Inférieure (157), des Bouehes-de-l'Escaut (157), du Zuiderzée (157-158). — Taxe a laquelle les journaux et revues sont soumis (158-163). Censure des préfets (164-165). — Les articles répréhensibles: exemples pris dans la feuille d'annonces de Groningue, de Zierikzee (166), dans le journal politique du département de 1'Ems Occidental (167), du Zuiderzée (167-168), des Bouches-de-laMeuse (168-169), de 1'Yssel Supérieur ,170). — Les journaux sont insigniliants (171). — Les journaux et la propagandë (172-173). Quelques articles de propagandë ; 173-181). Chapitre V. — Les Théatres 182-230 Le théatre francais et le théatre hollandais d'Amsterdam 182■184). De Celles soutient le théatre francais (185-188).- Les arrondissements de théatre cl leurs directeurs (189-1-90). — Pièces francaises interdites : Edouard en Ecosse 1191-192), pièces royalistes (193-196), pièces peu llatteuses pour la cour et la noblesse (197), pièces n rois burlesques ou peu sympathiques (197 198), pièces anti-cléricales (199-203', pièces rappelant la Révolution (204), pièces a tyrans (204-208), pièces a brigands (209), pièces militaires (210-212), pièces avec sujets ennemis (213-217 . — Traductions hollandaises de ces pièces (217-220). — Mélodrames francais et mélodrames hollandais interdits (221-225). — Les traduclions des pièces allemandes (225 229). — Les pièces patriotiques (230;. cjpg Conclusion 230-231 — 205 — Annexe A. — Décret du .8 février 1810 233-237 Annexe B. — Passages censurés de A, Loosjes Pz Dn geest der geschriften van wijlen Joannes le Franco tan Berkhey 238 239 Annexe C. — Passages censuréjj de A, van der Willigen, Aanteekeningen op een reis van Parijs naar Napels. 240-242 Annexe D. — Passages censurés de A. Loosjes Pz, De laatste seetoqt van den admiraal de Muiter ......... 243-245 Annexe E. — Passages censurés d'un sermon de F. van Teute.m 246-247 Annexe F. — Prière censurée 248 Annexe G. — Passages censurés de J.-F. Helmers, De Hollandsche Natie ...... 249-287 Liste des ouvrages cités '%, 289-261 Table des Matières 263-268 BBS