REMARQUES SUR LES ÉVANGILES PAR H. PERNOT MEDEDEELINGEN DER KONINKLIJKE AKADEMIE VAN WETENSCHAPPEN, AFDEELING LETTERKUNDE DEEL 57, SERIE A, N°. 5. AMSTERDAM — 1924 REMARQUES SUR LES EVANGILES PAR H. PERNOT Trois évangiles, ceux de Mare, de Matthieu et de Luc, présentent entre eux des rapports étroits, qu'on a expliqués de multiples facons. Les opinions restent trés partagées, et ce qui frappe dans la méthode qu'on a généralement employée pour arriver a une solution, c'est son caractère subjectif. Les conceptions religieuses des évangélistes, la place occupée dans leur récit par tel ou tel épisode, telle ou telle phrase, 1'enchaïnement des idéés, et d'autres données du même genre, sur lesquelles chacun pouvait avoir et a eu en effet ses vues particulières, sont les éléments de discussion qu'on voit intervenir le plus souvent dans ce qu'on appelle le problème synoptique. Ceci ne veut pas dire que les arguments philologiques aient été complètement négligés. Ils sont seulement restés trés a 1'arrière-plan. Les philologues de métier n'abordent pas volontiers ces textes, a cause de leur caractère théologique. On ne peut que le regretter, quand on voit combien leur concours serait ici nécessaire. II subsiste, dans nos traductions des Évangiles et du Nouveau Testament en général, des erreurs de traduction beaucoup plus fréquentes qu'on ne le croit d'ordinaire et qui disparattraient, si des hellénistes, utilisant les nombreux instruments de travail dont nous disposons actuellement, s'occupaient sérieusement de la question. Encore ne faut-il pas se faire trop d'illusions. Les erreurs de ce genre, même devenues évidentes, sont des plus tenaces. A Mt. V 9, le mot eipyvoiroiot „faiseurs de paix, 91 2 pacificateurs" se trouve dans la Vulgate sous la forme pacifici, qui en est la fidéle reproduction — on sait que la Vulgate s'est efforcée de donner un calque plutöt qu'une véritable traduction du texte original. Trompés par ce mot latin, les traducteurs ultérieurs ont écrit „les pacifiques", qui se dirait en grec Üprpi-Mi. L'inexactitude sautait aux yeux et elle a été en effet corrigée. Néanmoins on la retrouve encore dans des traductions trés récentes. Bien plus, elle a passé, sur la foi des théologiens, dans nombre de dictionnaires de grec ancien. Voici, trés brièvement, quelques autres exemples, que j'ai déja en partie signalés ailleurs, mais sur lesquels il n'est pas, on le voit, inutile d'attirer a plusieurs reprises 1'attention de ceux qui s'intéressent aux Évangiles. Mc. III 4, eéfanw o-« 5, kiroxrÜvM; Toutes les traductions que j'ai eues sous les yeux donnent a eet r, le sens de „ou", mais la phrase ainsi entendue est purement absurde. II faut traduire 5) par „plutot que", conformément a d'autres passages de Mare, par ex. IX 43 et suiv. Le sens est: „Est-il permis, le samedi, de faire le bien plutót que de faire du mal, de sauver quelqu'un plutöt que de le laisser périr?" Mc. IV 12, "vx PUttovtu; [3\i™>) Ï2u/u.x fiau siq tsv tvTxcptxcrpcóv. 93 4 Le verbe a ici le même sens qu'en grec moderne: „elle a, juste a temps, oint mon corps pour la sépulture". Jn. X 24, é'we TTÓrs Tr,v fyrfjp ripw a'i'pziq, Vuig. quousque animam nosiram tollis ?" Les iraductiöns donnent: „jusqu'a quand tiendras-tu notre esprit en suspens ?" II s'agit en réalité d'une expression trés familière, qui s'est conservée en grec moderne, comme Pallis n'a pas manqué de 1'apercevoir, et qui signifie littéralement! „jusqu'a quand vas-tu nous arracher 1'ame?", c.-a-d. „jusqu'a quand vas-tu nous tracasser de la sorte ?" Ces trois derniers exemples s'expliquent, on le voit, par le grec byzantin et moderne. Le grec actuel est, dans cette question, un élément important, peut-être ne serait-il pas exagéré de dire capital. Peu de personnes se doutent des liens trés étroits qui unissent la langue du N. T. et celle qu'on emploie aujourd'hui a Athènes. Le grec du N. T. est certainement plus proche, a beaucoup d'égards, du grec moderne que de celui du V siècle avant notre ère. II serait aisé de citer dans les Évangiles plus d'un passage, dont seuls eeux qui connaissent bien le grec moderne peuvent sentir la finesse et gouter toute la saveur. Quand on n'a sur ceci que des connaissances livresques, ce qui est fatalement le cas de la plupart des savants occidentaux, on ne peut s'imaginer a quel point cette langue du N. T. est encore une langue vivante. Fait non moins digne de remarque, la fameuse question de la langue, le yAwcrowi ^n^a, qui du reste apparait dans toute la littérature hellénique, de 1'antiquité a nos jours, se retrouve dans le N. T. et particulièrement dans les synoptiques. Mare est un vulgariste; il écrit a peu prés comme il parle. La langue de Matthieu est déja plus chatiée. Celle de Luc est plus savante encore, plus scolastique. Chacun d'eux a, sur ce sujet délicat, sa propre manière de voir. II s'ensuit tout d'abord qu'on a eu tort de concevoir une grammaire unique du N. T. et il est curieux, 1'ayant entre- 94 5 prise, qu'on n'en ait pas apercu toute 1'étrangeté. Les néogrécisants ont depuis longtemps renoncé a 1'idée d'une grammaire unique du grec moderne. Autre chose est la langue savante, autre chose la langue vulgaire, et autre chose encore les combinaisons qu'on en peut faire. Pareillement, pour le N. T. chaque auteur a, je ne dirai pas seulement son style, mais sa grammaire et son vocabulaire, autrement dit sa langue. Faute d'avoir tenu compte de cette réalité, on a composé des livres fort imprécis et on s'est privé jusqu'ici du moyen le plus sur qu'on ait d'attribuer tel ou tel texte a tel ou tel auteur. Les questions de ce genre, qui divisent les exégètes, sont relativement faciles a résoudre par une sage méthode grammaticale. Ges données philologiques permettent en outre d'envisager le problème synoptique sous un angle nouveau. Supposons une phrase de tous points identique chez Mare, Matthieu et Luc. Rien n'indiquera quel est 1'original. Si au contraire on constate que Matthieu et Luc la donnent tous deux en meilleur grec, et chacun suivant sa propre conception du grec littéraire, cette constatation toute grammaticale prendra un singulier intérêt, puisqu'elle permettra de conclure que 1'original est Mare. Les hellénistes savent qu'a cette époque il n'y a pas lieu de s'arrêter a 1'hypothèse inverse, d'après laquelle Mare aurait mis sous une forme vulgaire le bon grec de 'Matthieu ou de Luc. L'application de cette méthode autorise a affirmer que Matthieu a travaillé sur le texte de Mare, ce que beaucoup de savants admettent présentement, que Luc a, lui aussi, travaillé sur Mare, point déja plus discuté, et qu'enfin Luc a de plus travaillé sur le texte de Matthieu, hypothèse écartée par la plupart des exégètes. Un exemple, pris parmi beaucoup d'autres, viendra a 1'appui de cette assertion. Dans 1'évangile de Matthieu (IV 1 ss.), Jésus après son baptême est transporté par 1'Esprit au désert, pour y être éprouvé par le diable. Cette épreuve se divise en trois épisodes: le premier au désert même, le second a Jérusalem, 95 6 le troisième sur une trés haute montagne. Luc (IV 1 ss.) a simplifié ces déplacements. Le troisième épisode devient chez lui le second, de sorte que Jésus se trouve d'abord au désert, au milieu des pierres, qu'ensuite le diable le fait monter, donc probablement tout en restant dans le désert, et qu'enfin il le mène a Jérusalem. Voici synoptiquement le troisième épisode de Matthieu et le second de Luc: MATTHIEU. LUC. 8 TlkXiv •7fcKpa.Kxfj.fia.vu xlrbv 6 Kai avxyxyiov xlrbv b SixfaXoq etq opoq tyjAèp Tdxv 'éSs&v kxc Se'ixvuo-iv xLtü ■xa.cro.q rxq xLtCj iracraq rxq fixmXüxq rr,q fixa-iXzixq toü xbtrfiou xxl r),v otxoufiivriq h a-Tiyfj.fi yjovcu, Sb^xv xLtüv, 9 xxi u-riv alrC>- * y-xl ü%tv xlrUf b StxfioKoq' „Txïitx crst TTckvrx Jüq-ü) '• „Sof SCicrcü r),v '^oumxv TaLrrft 'xTrxirxv *ai Tr,v Sb^xv xotSiv, 'in ïfj.01 irxpxiïéSoTxi %xi (jj tav ïxv nzvuv npstnajvrpyjq fiot." 6éXa> Sidufii alt-fa. 7 ouv zxv 10 Tórê kiyu xLtC* b 'h)q irpb/3xTx su fiitrw aLw^v. Lc. XII 58 Ciq ykp birkyitq (htx toïi kvriiïatou crou = Mt. V25 sc*>g ïtou ei pitT ocLtoü '~V Tf] biïfy. Lc. XVII 14 xxï lyiviTo ïv Ttjj btckynv xbrobq, phrase propre a Luc. Lc. XIX 30 iiTXyiTi itq Tr,v TCXTiVXVTl yau>fii)V = Mc. XI 2 LlWXyiTi itq Tr,V TCWfJVjV Tf,V KXTiVXVTC bfiSlV = Mt. XXI 2 it'0 pillier$ i etq Trtv Kd>fiV]v Tr,v wxTivxvTt butov. Non seulement Luc emploie birkyto en un cas oü il le rencontre chez Mare, mais quatre fois il s'en sert d'une facon personnelle. Ce verbe ne lui répugne donc pas et il admet, entre autres formes, celle de 1'impératif pluriel a la deuxième personne, bwxyiTz. Mais voici qui est plus surprenant. Jamais Luc ne se sert du singulier Zvxyi. Nulle part on ne trouve cette forme dans les passages qui lui sont propres. Bien plus, quand il s'inspire de Mare ou de Matthieu, il 1'évite avec le plus grand soin et la remplace, soit par un synonyme, soit par un mot qui n'a aucun rapport avec elle; une fois, il la supprime tout simplement. 97 8 Mc. II 9 eyetpe %xi xpov rbv x,pkf3xTTÓv crou xxi 'incxyt = Mt. IX 5 èympK *xï nepiirkrei = Lc. V 23 lyw/w *xi ■jr eptickr et. Mc. II ll eyetpe xai xpov tbv xpk/3xTTbv crou xxt 'óirxye eig rbv oïxbv crou = Mt. IX 6 'eyepSelg 'kpov crou tov %am\v xxi uirxye tig rbv ofcbv crou = Lc. V 24 eyetpe %xt üpxg rb xXtviStbv crou iropet/ou eig tsv otnov crou. Mc. V 19 uTrxyz eig tsv ofobv crou irpbg rolg croüg. Manque chez Mt. = Lc. VIII 39 isróo-rpetpe eig rbv ofobv crou. Mc. V 34 unxye etg ttpyffip = Mt. XIII 22 Sxpcret = Lc. VIII 48 ttopeiiou eig eipr)vrp/. Manque chez Mc. Mt. XVIII 15 u-rrxye, eXssy%ov xlrbv = Lc. XVII 3 'e7rififivicrov xórco. Mc. X 21 ÜTrxye, Icrx eyetg Kukrpov = Mt. XIX 21 'uirxye, wÜArpbv crou rx ÜTrxpfovTX = Lc. XVIII 22 ttxvtx Ztrx e%etg ■7v(i>Xf\crou. Mc. X 52 unxye, f] irtcmg crou créawnév ere. Manque chez Mt. = Lc. XVIII 42 kvk$\e\ov, r) mtrrig crou crécruxév ere. Ces rapprochements montrent que Luc a une antipathie marquée pour uirxye. Quand il évite ainsi un terme, c'est en général paree que celui-ci appartient a une langue trop familière. Comme le pluriel uirkyere ne gêne pas Luc, alors qu'il condamne le singulier uirxye, on est autorisé a penser que uirxye avait, a cette époque, a coté de son sens normal attesté par divers passages de Mare et de Matthieu, une valeur interjective plus ou moins vulgaire. On en peut rapprocher 'iirxye, qui a passé en latin sous la forme apage et qui s'est conservé jusqu'a ce jour en grec savant dans le sens de „a Dieu ne plaise! jamais de la vie !" Ainsi s'explique sans doute le fait que les anciens exemples de uirxye couramment cités par nos lexiques appartiennent a des pièces satiriques (Eur. Cycl. 52, Ar. Nuées, 1298) et ce n'est pas non plus, je crois, par un simple hasard que les grammairiens donnent txxye- iropeuou, et non üirkyv iropeüoftxi. Cette forme d'impératif était pour Mare et Matthieu un mot qui se disait et s'écrivait, pour Luc 98 9 un mot qui se disait, mais ne s'écrivait pas et que de toute facon il était malséant de mettre dans la bouche de Jésus. C'est la raison pour laquelle il 1'a supprimé du passage qu'il empruntait a Matthieu. On a discuté pour savoir si cette divergence entre les deux évangélistes prouvait ou non que la phrase en question se trouvait dans la fameuse source q. Harnack 1'en retranche, paree que, a son avis, si elle s'y était trouvée, Luc ne 1'aurait pas omise. Cet exemple, auquel il serait facile d'en ajouter beaucoup d'autres, laisse apercevoir sur quelles bases fragiles se trouve bSti 1'édifice qu'on a appelé q et combien plus probantes pourraient être de simples constatations linguistiques, telles que nous avons 1'habitude d'en faire, quand il s'agit de textes profanes. Ayant admis ce point de vue que Luc a eu sous les yeux le texte de Matthieu, examinons maintenant de quelle facon il 1'a modifié dans 1'ensemble du passage. Luc remplace reü xbtrfioi/ par rr,c -otxoiifiévrjg. C'est une question de langue: Matthieu et Luc n'emploient pas ces deux mots de la même facon ; voir, pour KÓr/su*. Mt. IV 8, V 14, XIII 35, 38, XVI 26, XVIII 7, XXIV 21, XXV 34, XXVI 13, Lc. IX 25, XI 50, XII 30, et pour oixoufiévr,, Mt. XXIV 14, Lc. II 1, IV 5, XXI 26. Le texte de Matthieu, a ce passage, oscille entre le réel et le merveilleux. Pourquoi une haute montagne, d'oü il est quand même impossible d'apercevoir le monde entier? Luc réduit le cóté matériel (xvxya,yü>v) et met davantage en reliëf la vision diabolique (iv trTtypri yjióvoiï). Peut-être a-t-il jugé ensuite qu'un seul instant ne suffisait pas pour dévoiler, de facon assez tentante, toute la splendeur de ces royaumes, mais 1'idée de splendeur n'en restait pas moins intéressante. Luc a placé un peu plus loin, en meilleure situation, les mots xat' rrtv Só^xv xLtwv. II a aussi jugé insumsamment précise 1'expression de Matthieu txïitx trot ttxvtx Jwoto et a substitué a ce terme vague 1'idée de lÉfowr/a. Lié dans une certaine mesure par le texte qu'il suivait, il a alors rédigé une phrase assez mala- 99 to droite pour Uaiticiste qu'il se piguait d'être et dans laquelle j xirüv se trouve loin de fixcriMxg. On sent, dans 1'addition qui constitue la fin du verset 6, le désir qu'a Luc de ne pas laisser croire a ses lecteurs que le diable est tout-puisaant: c'est Dieu qui lui a délégué ces pouvoirs. Mais la phrase s'est allongée. Luc coupe ici le texte de Matthieu et fait une transition au moyen de obv. La suppression de vzv nous transporte dans un domaine plus hypothétique — il est dureste permis de faire erreur, quand on essaie de suivre dans le détail la pensée d'un auteur qui modifie le texte sur lequel il travaillé. Le culte de Luc pour la personne du Messie a sa répercussion jusque dans le style de eet évangéliste. On sait qu'il remplace par une simple phrase, assez vague, la scène au cours de laquelle Jésus, d'après Mare et Matthieu, a été la risée des soldats (Mc. XV 16—20 = Mt. XXVII 27—31 - Lc. XXIII 11). De même il ne dit pas en propres termes, comme ses deux devanciers, que Judas donne un baiser a Jésus, mais seulement qu'il s'approche de Jésus pour le faire (Mc. XIV 45 = Mt. XXVI 49 = Lc. XXII 47). Ce sentiment va chez lui beaucoup plus loin encore. Dans les versions de Mare et de Matthieu (II 21 = IX 16), Jésus lui-même se sert, par une image, du mot petxag „lambeau d'étoffe, chiffon", pour désigner sa propre doctrine. Luc (V 36) le bannit résolüment. On a vu tout a 1'heure ce qu'il en est de tantyê. On peut donc conjecturer que la seule idéé de Jésus tombant aux pieds du diable lui a paru irrévérencieuse et que c'est la raison pour laquelle il a supprimé le mi>v de Matthieu. II était dès lors naturel qu'il le remplacat par hé*** »«e de ses formes favorites. La substitution de 'cunttpOóq a tóts est également normale; on trouve 91 róre chez Matthieu et 15 seulement chezj^uc, V dont le style est plus soigné. II est difficile de dire avec ^'précision-' pourquoi Luc a modifié, dans le dernier verset, 1'ordre des mots de Matthieu, qui est celui de la Septante (Deut. VI 13). 100 11 Je n'attribue (Tailleurs aux constatations de eet ordre qu'une valeur secondaire. Elles constituent seulement une sorte de contre-épreuve. Pourtant le moins qu'on en puisse dire, c'est qu'elles sont loin d'être défavorables a la théorie d'après laquelle une partie de 1'évangile de Luc est un remaniement de celui de Matthieu. Voici, en résumé, les principes généraux sur lesquels est basée la méthode synoptique qui vient d'être esquissée. 1°. On n'a abouti et on ne peut aboutir a aucune conclusion rigoureus e en prenant comme point de départ la texture des Évangiles. En pareil cas, la part d'appréciation personnelle est trop grande et les déductions, quelles qu'elles soient, restent peu convaincantes. 2°. Les études portant sur la langue présentent un caractère beaucoup plus objectif. a. On constate chez Mare, Matthieu et Luc, 1'existence de beaucoup de membres de phrases, de phrases et même de passages identiques. Un helléniste ne saurait admettre qu'ils proviennent indépendamment d'un ou de plusieurs textes araméens. Ils remontent a une source grecque unique. b. Etudié au point de vue grammatica!, 1'évangile de Mare offre une remarquable unité, sauf au chapitre XIII. On est en présence d'un texte rédigé en un grec qui est trés proche de la langue parlée, comme on en peut juger par ses incorrections et par ses rapports avec le grec actuel. Matthieu et Luc s'écartent davantage de cette langue parlée. Les passages qui, chez eux, ne sont pas identiques, mais seulement semblables a ceux de Mare, prouvent qu'il y a eu transformation grammaticale, faite de propos délibéré et suivant des procédés que connaissent fort bien tous ceux qui sont au courant du grec moderne et de son histoire. Les divergences de ce genre sont plus probantes encore que 1'identité absolue. Matthieu et Luc ont eu sous les yeux et ont utilisé le texte de Mare tel que nous le possédons. 101 12 c. Les passages synoptiques de Matthieu et de Luc sont parfois identiques. Souvent ils différent grammaticalement, et on observe ici le même procédé que précédemment. C'est bien le texte de Matthieu que Luc a sous les yeux. II le corrige, pour 1'adapter a ses propres conceptions littéraires. L'exemple de 'óirctys, donné plus haut, n'a été choisi que paree qu'il n'exigeait des développements ni trop longs, ni trop spéciaux. En réalité, les faits de syntaxe sont plus convaincants encore que ceux de lexique. Comme conséquence, les plus précieux commentateurs de Mare sont Matthieu et Luc, le plus précieux commentateur de Matthieu est Luc. II y a dans ces commentaires, au point de vue historique, une part d'affirmation, marquée par des identités, et une part de doute ou même de négation, marquée par des divergences ou des suppressions. En général, L^c respecte moins le texte de Matthieu que celui de Mare. La 'manière dónt, dans ces conditions, un même fait est présenté par chacun des évangélistes, sans en excepter Jean, qui parajt bien de date postérieure, jette une vive lumière sur leurs conceptions et leurs caractères respectifs, ce qui n'est peutêtre pas la partie la moins curieuse du problème synoptique ainsi envisagé. 102 MEDEDEELINGEN DER KONINKLIJKE AKADEMIE VAN WETENSCHAPPEN TE AMSTERDAM, AFDEELING LETTERKUNDE RUBRIEK A: LETTEREN, WIJSBEGEERTE, GODGELEERDHEID DEEL 53 (1922) N°. 1. TJ. DE BOER, De „Medicina Mentis" van den arts Rail. ...... f 0.40 „ 2. K. KUIPER, Over de jongst-ontdekte fragmenten van den sophist Antiphon „ 0.40 „ 3. J. J. SALVERDA DE GRAVÉ, Over de beklemtoonde klinker in amour en enkele andere woorden „ 0.40 „ 4. H. VAN GELDER, Iets over Grieksche eigennamen'. . „ 0.40 „ 5. J. HUIZINGA, Een schakel in de ontwikkeling van den term Middeleeuwen ? „ 0.40 „ 6. A. J. WENSINCK, The orienlal doctrine of the martyrs 0.60 „ 7. PH. S. VAN RONKEL, Maleische litteratuur van verren oorsprong „ 0.40 „ 8. N. VAN WIJK, De plaats van Puskin in de letterkunde „ 0.40 „ 9. K. KUIPER, Over de „Smeeielingen" van Euripides , 0.40 „ 10. J. J. A. A. FRANTZEN, Over Middeleeuwsche school- en volkspoëzie „ 0.40 „ 11. J. J. SALVERDA DE GRAVE, Strofen in „Gormont et Isembart" „ 0.40 „ 12. A. J. WENSINCK, Over een plan tot ontginning der Arabische traditieliteratuur 0.30 „ 13. A. KLUYVER, Vondel's „Roskam" „ 0.40 DEEL 55 (1923) N«. 1. B. FADDEGON, De interpretatie der Kathaka-Upanisad. / 0.30 „ 2. J. H. KERN, De taalvormen van 't Middelengelse gedicht Havclok. . . „ 0.30 „ 3. N. VAN WIJK, Taalkundige en historiese gegevens betreffende de oudste betrekkingen lussen Serven en Bulgaren 0.30 "Z 4. A. J. WENSINCK, New data concerning Syriac mystic litirature. . . „ 0.40 N". 5. C. C. UHLENBECK, Over een mogelijke verwantschap van het Baskisch met de Palaeo-Kaukasische talen . . ƒ 0.30 „ 6. A. J. BARNOUW, Echoes of the Pilgrim Fathers' speech . . „ 0.40 DEEL 57 (1924) N'. 1. J. J. SALVERDA DE GRAVE, Turoldus . . . | . ƒ 0.30 „ 2. C. W. VOLLGRAFF, "Epapsg eg yctX eirerov (Over den oorsprong der dionysische mysteriën) „ 0.40 „ 3. J. P. B. DE JOSSELIN DE JONG, Het Negerhollandsch van St. Thomas en St. Jan . , . „ 0.30 u 4. W. CALAND, Over Ziegenbalg's „Malabarisches Heidenthum" 0.30 „ 5. H. PERNOT, Remarques sur les Évangiles. 0.30