KONINKLIJKE BIBLIOTHEEK ....... 14Z3 OO*' ^^^^ LECTURES CLASSIQUES :-: N°. 59 LE CHEVALIER DE MAISON-ROUGE Drama en Cinq Actes, et Douze Tableaux par A. DUMASpère etAUGUSTE MAQUET ANNOTÉ PAR F.-P. VISSER ZWOLLE — W. E. }. TJEENK WILLINK — 1922 8 FfLRSONNAGES Mattbice. Loein, son ami. Dixmee, tanneur. Lb Chsvalier de Maison-Roüge: • Rochee, surveillant au Temple. Agésilas, domestique de Maurice. Jean. GlLBEET \ j J gendarmes. dufresite \" Un Président de section. Un. Ctérc Un Patriote. Un Général. Le Président du tribunal. Un Girondin. Autre Girondin. Un GrefBer. Abistide, conciërge. Un Huissier. Un Perruquier. Un Jeune Sectionnaire. Un Taneur. Richaed. Hommes du peuple. Un Accusateur public. • Genevieve, femme de Dixmer. Aetémise. La Femme Tison. Héloïse Tison, blanchisseuse. La Vetjve Pltjmeatj, cantinière. Femmes du peuple. Époque de 1'action : Mai—Octobre 1793 a- Pari». charrette, jette sur lui trois ou quaPre bottes de paillc, et 8'éloigne, conduisant le cheval par la bride.) Geneviève. J'avais tort de les cralndre: ce sont Mijn vrees wat des malheuleux qui fuient. Allons, je crois que la "gegrond rue est libre, et que je puis maintenant. . . (Elle a'avance sur la pointe du pied; une patrouille débouche d'une rue : a la vue de cette patrouille, tomt wt Geneviève recule en jetant un cri et essaye de gagner Vauire cóté de la rue.) SCÈNE II. GENEVIÈVE, ROCHER, a la tête d'une patrouille de sectionnaires. (Jört, burger- wacht) Rocher. Eh ! la la, citoyenne, oü vas-tu par la? . . . Ah | tu ne réponds pas? . . . ah ! tu fuis? ... En joue Leat aan ... C'est un aristocrate déguisé, un traitre, un girondin !. . . En jouè! . . . Geneviève. Grace ! grace ! ... je suis une femme. (Elle tombe sur un genou.) Rocher. Alors, avance a 1'ordre, et réponds kom nader en catégoriquement. zc? f wac¥- ° ' ■ woord; zonder Geneviève. Excusez-moi! mais les jambes me omwegen manquent... Rocher. Oü vas-tu comme cela, charmante belle de nuit? Geneviève. Citoyen, je ne vais nulle part; je rentre... Rocher. Ah ! tu rentres? ... Geneviève. • Oui!. .. Rocher. C'est rentrer un peu tard, pour une honnête femme.- Geneviève. Je viens dè chez une parente qui est malade . . . Rocher. Alors, oü est notré carte? Geneviève. Ma carte? . . . que veux-tu dire? que demandes-tu? Rocher. N'as-tu pas lu le décret do Ia Commune? Commune, het stadsbestuur 9 Rochbk. Cela ne nous regarde pais . . . Section du Temple, nous autres. Maurice. Ah ! cela ne vous regarde pas? C'est ce que nous . allons voir. Un Sectionnaire. Quoi qu'il dit? . . . quoiqu'ildit? Maurice. II dit que, si 1'épaulette ne fait pas respecter 1'officier, le sabre fera respecter 1'épaulette . .. (II saisit de la main gauche Rocher par le collet de sa carmagnole, lui fait, en le séparant de Sa troupe, («oort van &«»«) faire trois pas en arrière, et lui appuie la' pointe de son sabre sur ld poitrine.) La !. . . Maintenant, causon? comme deux bons amis.- ■ Rocher. Mais, citoyen !. . . Maurice. Ah! prends garde, I'ami! car je te préviens qu'au moindre mouvement que tu fais, qu'au moindre geste que font tes homm§s, je te passémon sabre au travers du corps . . . Tu m'as demandé qui j'étais ; je vais te le dire. Je me nomme Maurice .. ' Linday ; je demeure rue de la Monnaie, n°. 19; j'ai commandé une battexie de canonniers au 10 aoüt1; je suis Iieutenant de la garde nationale et secrétaire des Frères et Amis. Cela te suffit-il? Rocher. Ah! citoyen, si tu es réellement ce que tu dis, c'est-è,-dire un bon patriote . . . Maurice. Je te le disais bien, que nous finirions par nous èntendre. Maintenant,. réponds a ton tour! Pourquoi c?tte femme criait-elle, et que lui faisiez-vous? Rocher. Nous la conduisions au corps de garde, hoofdwacht Maurice. Et pourquoi la conduisiez-vous au corps de garde? Rocher. Paree qu'elle n'a point de carte de civisme. Oublies-tu que la patrie est en danger et que le drapeau noir flotte sur 1'hótel de ville? Maurice. Le drapeau noir flotte sur 1'hótel de 1 Le li' aoüt 1792 1 peuple de Paris atfqua les Tuilrries. Louis XVI fut déclaré décbu de la royauté et ènfermé au Temple avec sa familie 10 ville, et la patrie est en danger, paree que deux cent mille esclaves marchent contre la France, et non paroe qu'une femme court les rues de Paris passé dix heures ! . . . Mais n'importe ! puisqü'il y a un . décret de la Commune, citoyens, vous êtes dans votre droit... Si vous m'eussiez répondu cela tout de suite, Ae/Wfirl'explication eüt été plus courte et moins orageuse. Maintenant, emmenez cette femme si vous voulez, vous êtes libres. Geneviève, qui, profttant de la liberté, s'est approchée peu a peu de Maurice, et lui saisit le bras. Ah ! citoyen, au nom du ciel! ne m'abandonnez pas a la merci de ces hommes grossiers et a nioitié ivres ! Matjbice. Soit; prenez mon bras, et je vous conduirai moi-même au poste. Geneviève. Au poste ! au poste! et pourquoi, puisque je n'ai fait de mal a personne? . . . Matjbice. Non ; mais on suppose que vous en pouvez faire. D'ailleurs, un décret de la Commune défend de sortir sans carte, et, si vous n'en avezpas . .. Geneviève. Mais, monsieur, j'ignorais . .. Matjbice. Citoyenne, vous trouverez au poste de zuilen overwegen braves gens qui ; pprécieront vos raisons, et dont vous n'avez rien a craindre. Geneviève, bas. Monsieur, ce n'est pas seulément 1'insulte que je crains : c'est la mort! car, si 1'on me conduit au poste, je suis perdue ! Matjbice. Eh ! que dites-vous la? . . . Rocheb. Allons, allons, tu 1'as dit toi-même, «• overtreding citoyen officier, cette femme est en contravention et nous avons le droit de la mener au corps dd garde !. . . Ainsi donc, citoyenne . :. . Geneviève. Citoyen, par grace . . . Monsieur, au nom du ciel ! . . . Matjbice. Je ne puis que me faire tuer pour vous, madame, et je ne vous sauverai pas... Geneviève. Vous avez raison, monsieur . . . Que ma destinée s'accomplisse donc. Me voila, citoyens . . . 11 SCÈNE IV. — Les mêmes, LORIN, commandant . une patrouille. Loein, au fond. Qui vive? ■"■» Maueicb. Attendez, je crois que j'entends la voix \d'un ami... Avance ici, Lorin . .. avance !....' Lobin. Tiens ! c'est toi, Maurice?... Ah ! Hber- . M tin! que fais-tu a cette heure, dans ce quartier perdü? ° Je te le demande . . . Matjbice. Tu le vois, je sors de la section des Frères et Amis. Lobin. Oui, pour te rendre dans celle des Soeurs et Amies, nous connaissons cela. Tu t'es fait précéder d'un poulet ainsi concu : » minnebriefje Apprenez, ma belle, Qu'& minuit sonnant, Une main fidéle, TJne main d'amant Ira doucement. .. Hein! n'est-ce pas cela? Matjbice. Non, mon ami, tu te trompes. Je revenais de porter un ordre a la barrière Jacques. J'allais rentrer directement chez moi, quand j'ai trouvé la citoyenne qui se débattalt aux mains dez- hv tó„' la patrouille que tu vois... J'ai entendu des cris, ** ■ je sm's accouru, ct j'ai demandé rexplioition de cette violence . . . Lobin. Ah ! je te reconnais bien la ! Des chevaliers francais tel est le caractêre ! («Se tournant vers la patrouille.) Et pourquoi arrêtiez-vous cette femme, voyons, citoyens? Rocheb. Nous 1'avons déja dit au lieutenant, paree qu'elle n'a point de carte de civisme. Lobin. . Bah ! voilé, un beau crime ! Rocheb. Ne connais-tu pas 1'arrêté de la Commune? Lobin. Si fait; mais j'en connais tm autre qui 1'annule. opheft 12 Rocheb. Lequel? Lobin. Le voici: 'i -dus en Par- Sur le Pinde pt sur le Parnasse, nassus (twee II est (léoiété par 1'Amoür zangbergen) Que ja Beauté, la Jeunes e et }a Grace Peuvent, a toute heure du jour, Circuler sans billet de passé ! Que dis tu de eet arrêté, hein? Rocheb. II ne me parait pas . .. afdoend Lobin. Péremptoire! (Rocher le regarde étonné.) C'est 9a que tu veux dire? Rocheb. Possible ; mais, d'abord, il ne figure pas het staatsblad dans le Moniteur, et puis nous ne sommes ni sur le Pinde, ni sur le Parnasse ; ensuite, il ne fait pas jour ; enfin, la citoyenne n'est peut-être ni jeune ni belle. Lobin. Je parie le contraire ! Voyons, citoyenne, (vrouwen)muts léve ta coiffe, et prouve que tu es dans les conditions du décret. Geneviève, a Maurice Oh! monsieur, monsieur ... Après m'avoir protégée contre vos ennemis, protégezmoi contre vos amis, je vous en supplie ... Rocheb. Voyez-vóus, voyez-vous, elle ne veut pas lever sa coiffe, elle se cache ; c'est quelque espionne des aristocrates, quelque coureuse de nuit. Geneviève, levant sa coiffe pour Maurice seul. Olf.! monsieur, regardez-moi! ai-je l'air de ce qu'ils disent? Matjbice. Non, non, rassurez-vous ! ... Lorin, «■■** op réclame la prisonnière comme chef de patrouille, pour la conduire a ton poste. Lobin. Bon! (A Geneviève.) Allons, allons, la belle, puisque vous ne voulez pas nous donner la preuve que vous êtes "dans les conditions du décret, il faut nous suivre . . . Rocheb. Comment, vous suivre? Lobin. Sans doute! Nous allons conduire la citoyenne au poste de 1'hötel de ville, oü nous sommes 15 Un Seotionnaibe. Viens, Rocher, viens ! Lobin, 8urpris. Rocher? Rocheb, avec un geste de menace. Tiens, si jamais 1'un ou 1'autre me tombe sous la main . . . Lobin. Ah ! c'est le fameux Rocher, 1'inspecteur des geöliers du Temple? Cela ne m'étonne plus! Hhaevangenbeuaar bien?. . '. (Les gens de Rocher s'éloignent.) Maintenant, Maurice, je t'ai promis uh conseil . . Matjbice. Et tu vois que je 1'attends. Lobin. Viens avec nous plutót que de te compromettre avec la citoyenne, qui me fait 1'effet d'être charmante, il est vrai mais qui n'en est que plus suspecte . . . Matjbice. Voyons, mon cher Lorin, soyons juste. C'est une bonne patriote ou c'est une aristocrate ; si c'est une. aristocrate, nous avons eu tort de lui prêter assistance, et le mal est fait; si c'est une bonne patriote, c'est un devoir pour nous de la protéger. Maintenant, donne-moi le mot de passé. Lobin. Maurice, Maurice ! tu me mets dans la nécessité de sacrifier mon devoir a un ami, ou mon ami a mon devoir. Matjbice. Décide-toi pour 1'un ou pour 1'autre; mais décide-toi! Lobin. Tu n'en abuseras pas? Matjbice. Je te le promets. Lobin. Ce n'est pas assez ; jure. . . Matjbice. Sur quoi? Lobin. Jure sur 1'autel de la patrie! Matjbice. Mais, mon ami, nous n'avons pas d'autel de la patrie. Lobin, lui présentant son chapeau du cötéde lacocarde. Jure la-dessus. Matjbice. Je jure a mon ami Lorin dé me conduire, cette fois comme toujours, en bon et brave citoyen. . . Lobin. Bien! rends-moi 1'autel de la patrie. 18 insolte: non-seulement vous ne la méprisez pas, quoiqu'elle soit du peuple, mais encore vous la protégez. datKhiintzoo maurice. Oui, voilé pour les apparences; voila ce que j'eusse pu croire, si je ne vous avaispas vue, si je ne vous avais point parlé . . . Mais votre beauté, ttand yotre langage, sont d'une femme de distinction. Or, c'est justement cette distinction, en opposition avec votre costume et avec ce misérable quartier, qui me prouve que votre sortie, a cette heure, cache quelque mystère ... Mais vous désirez rester inconnue, n'en parions plus \ Ordonnez, madame : que faut-il faire? Geneviève. Vous vous fachez? Maurice. Moi? Pas le moins du monde. . . D'ailleurs. que vous importe? Geneviève. Vous vous trompez, il m'importe beaucoup, monsieur ; car j'ai encore une grace a vous demander. Maurice. Laquelle? Geneviève. Un adieu bien franc, bien affectueux ; un adieu d'ami. Maurice. Un adieu d'ami? Oh ! vous me faites trop d'honneur, madame ! c'est un singulier ami que celui qui ne sait pas le nom de son amie, et a qui son amie cache sa demeure... de peur sans doute d'avoir 1'ennui de le revoir... Au reste, madame, si j'ai surpris quelque secret, il ne faut pas m'en hUopz°e7 vo^ou% ie n'y tachals pas ... Adieu, madame. Geneviève. Adieu, mon généreux protecteur !. . . Maurice. Ainsi, vous ne courez plus aucun danger? Geneviève. Aucun. Maurice. En ce cas, je me retire. . . Adieu, madame . . . (Fausse sortie.) Geneviève. Monsieur ! . . . (Maurice revient.) Mon 19 Dieu, je ne youdrais cependant point prendre ainsi congé de vous .. . Votre main, monsieur ... (Elle lui laisse une bague dans la main.) Mattbice. Citoyenne, que faites-voüs la? Vous ne vous 'apercevez pas que vous perdez une bague . . . Reprenez-la, je vous prie ... Geneviève. Oh! monsieur, c'est bien mal! Matjbice. II ne me manquait que d'être ingrat, n'est-ce pas? . . . Reprenez-la ! Geneviève. Voyons, monsieur, que demandezvous?. . . que vous faut-il? Matjbice. Pour être payé? Geneviève. Non ; mais pour me pardonner le secret que je suis forcé de garder envers vous. . . Matjbice. D faut que je vous voie encore une f ois . .. ■ Geneviève. Et quand vous m'aurez revue.. .? Matjbice. Jë n'aurai plus rien a exiger. Geneviève. Et vous garderez cette bague? Matjbice. Toujours! Geneviève. Puisque vous le voulez . . . (Elle se place sous le réverbère et leve sa coiffe.) Matjbice. Oh! que vous êtes belle! Geneviève. Voyons !. .. a mon tour une grace 1 Mattbice. Ordonnez. ' Geneviève. Laissez-moi partir, et promettez de ne pas vous retourner. de ne pas me suivre, de. ne pas chercher a savoir le chemin que j 'aurai pris.. . Matjbice. Mais, mon Dieu ! quelle femme êtesvous donc, pour exiger de pareilles promesses, pardonnez-moi de vous le rappèler, de la part d'un«n homme qui vient de vous sauver la vieï • Genevtève. Eh ! monsieur, n'y a-t-il pas de pauvres créatures qui ont toujours a craindre quelque chose? Ne craint-on que pour sa vie en ce monde? Vous parlez du danger dont vous venez de mé tirer, n'est-ce pas? DEUXIÈME TABLEAU 21 L'appartement de Maurice SCÈNE PREMIÈRE. AGÉSILAS, puis MAURICE. Agésilas, frappant a une porte laterale. Citoyen zijdeur Maurice ! vcitoyen Maurice ! Maurice, de 1'autre cèté de la porte. Eh bien, qu'y a-t-il? Agésilas. Tu es chez toi? Maurice, sortant en robe de chambre. Sans doute que j'y suis. Agésilas. Et sans accident? Maurice. Tu vois. Agésilas. Ah! citoyen, quelle nuit j'ai passée en ne te voyant pas revenir! Maurice. Allons donc, quand je suis rentré, tu ronflais comme une contre-basse. Agésilas. C'était d'inquiétude, citoyen. Maurice. Bah! et de quoi étais-tu inquiet? Voyons! Agésilas. Tu ne sais donc pas que ces gueux de girondins ont voulu enlever la reine? Maurice. Quand cela? Agésilan. Cette nuit, citoyen. Maurice. Crois-moi, pauvre Agésilas, les girondins avaient trop a faire, cette nuit, pour s'occuper d'autres qu'eux-mêmes. Agésilas. Citoyen, ce que je te dis -est 1'exacte vérité. Je le tiens du citoyen portier ; une patrouille de ci-devant qui s'était procuré le mot d'ordre, s'est introduite au Temple sous le costume de chasseurs de la garde nationale, et devait enlever tous les prison* niers. Heureusement que celui qui représentait le 22 caporal, en parlant k 1'officier, 1'a appelé monsieur, verraden de sorte qu il s'est vendu lui-même, 1'aristocrate! Maurice. Diable! et a-t-on arrêté les conspirateurs? Agésilas Nop ; la patrouille a gagné la rue, et s est dispersée. Maurice. Tu n'as pas autre chose a me dire? Agésilas. Mais il me semblc que ce que ie te dis la ne manque pa's d'intérêt, citoyen ! Maurice. II n'est venu personne pour moi? Agésilas. Si fait, il est venu un conimissionnaire. Maurice. Que voulait-il? Agésilas. II apportait une lettre. Maurice. Quelle lettre? « Agésilas. Dame, une lettre. Maurice. Eh bien, cette lettre, oü est-elle? Agésilas. Dans ma poche.. Maurice. Donne-Ia donc. 'htal 't maar agésilas. J'y COIlSeils! **" Maurice. Imbécüe! Agésilas, bas. Je crois que le citoyen Maurice m a manqué de respect. Maurice. Qu'est-ce que cette lettre? ... Une devise sur le cachet: Nothing . . . Rien . . . Voyons ?/7 7vm^eur-est m°inS mys*érieux que 1'extérieur! (Jl M.)I „Merci !... Reconnaissance éternelle en échange d un éternel oubli. . ." C'est d'elle ! . . . Agésüas ! Agésilas. Citoyen? Maurice. Tu dis que c'est un commissionnaire qui a apporté cette lettre? Agésilas. Oui. Maurice. Est-ce toi qui 1'as recue? Agésilas. Non, c'est le citoyen portier Maurice. AppelleJe! Agésilas. Je ne sais pas s'il consentira a monter. Maurice. Tu le prieras de ma part, va ! (Agésilas sart. Réltmnt la lettre.) „Reconnaissance éternelle en échange d'un éternel oubli." 28 Agésilas, du palier. Citoyen Aristide ! . . . citoyen Aristide ! . . . Aristide, d'en bas. Hé ! Agésilas. C'est le citoyen Maurice qui te prie de monter. Aristide. Dis-lui que j'y vais, mals qu'H faut omdat hij het que ce solt pour lui. Maurice. C'est un part! pris de ne jamais me zij .« vast revoir, et cependant, cette bague est un souvenir .. . "k*en Pourquoi voudrait-elle que je me souvinsse inutilement? SCÈNE It — MAURICE, AGÉSILAS, ARISTIDE. Agésilas, entrant. Voici le citoyen Aristide! Aristide, entrant. Citoyen, j'ai consenti... Maurice. Merci de ta complaisance . . . Est-ce un commissionnaire qui t'a remis une lettre? Aristide. C'est-a-dire que je crois, citoyen, que c'est un faux commissionnaire. Maurice. Ah ! vraiment! et a quoi as-tu reconnu cela? Aristide. II n'a pas demandé le prix de sa course. Maurice. S'il était payé? Aristide. Oui; mais, comme 9a n'était pas porté sur la lettre, il 1'aurait demandé deux fois. Maurice. C'est juste. Te rappelles-tu le visage de eet homme? Aristide. Parfaitement. Maurice. Écoute bien ceci, citoyen Aristide: si '■'•mdfSÈ eet homme revenait. . . Aristide. Si eet homme revenait? Maurice. Tu le suivrais, ou tu le ferais suivre. Aristide. Oh ! oh ! Maurice. Voila un assignat de dix livres pour ta peine; il y en a un autre de vingt s'il demeure du cdté de la vieille rue Saint-Jacques. 24 Aristide. II n'y a plus de saints. Maurice. C'est juste; il y a un autre assignat de vingt livres, si notre homme demeure du cóté de la vieille rue Jacques . . . et un autre de cinquante si tu me dis la maison oü il demeure. Aristide. Oui; mais c'est qu'il me faut quitter ma porte. SCÈNE Hl. — Les Mêmes, LORIN. Ja daar geef le Lorin. Avec cela que ga te gêne, de quitter ta nogal veel om porte ! On entre chez toi comme au temple de 1'Immortalité. Maurice, cachant la lettre. Ah! c'est toi, Lorin! Aristide. Ainsi donc, citoyen Maurice, tu dis? .. . Maurice. Je ne dis rien. Tu monteras plus tard! . . . Allez! (Agésilas et Aristide sortent.) SCÈNE IV. — MAURICE, LORIN, s'asseyant sur le canapé; puis AGÉSILAS. Lorin. Eh bien? Maurice. Eh bien, quoi? Lorin. Notre Eucharis? Maurice. Quelle Eucharis? Lorin. La jeune femme. Maurice. Quelle jeune femme? Lorin. Eh ! celle de la rue SaunVJacques, celle de la patrouille ! ... 1'inconnue pour laquelle nous avons, toi et moi, risqué notre tête hier au soir. Maurice. Ah ! oui, 1'inconnue. Lorin. Eh bien, qui était-ce? Maurice. Je n'en sais rien. Lorin. Comment, tu n'en sais rien? Maurice. Non. Lorin. Était-elle jolie, au moins? Maurice. Peuh! Lorin. Oü demeure-t-elle? Maurice. Je n'en sais rien. Lobin. Allons donc, tu n'en sais rien? Impossible? Matjbice. Pourquoi cela? Lobin. Paree que tu 1'as reconduite. Matjbice. Oui; mais elle m'a échappé. Lobin. T'échapper, a toi? Allons donc ! Est-ce que la colombe éohappe Au vautour, ce iyran des airs ? Maurice. Mais tu ne t'habitueras donc jamais a parler comme tout le monde? . . . Tu m'agaces horri- verveelt blement avec ton atroce poésie. Lobin. Comment, a parler comme tout le monde? .... Mais je parle mieux que tout le monde ... Je parle comme le citoyen Demoustier \ en prosé et en vers ; quant a ma poésie, mon cher, je sais une Emilie qui ne la trouve pas mauvaise. . . Mais revenons k la tienne. Maurice. Est-ce que j'ai une Émilie, moi? Lorin. Allons ! allons !. . . la colombe se sera faite tigresse, de sorte que . . . tu es vexé... mais nijdig amoureux. Maurice. Moi, amoureux? Lobin. Oui, toi, amoureux ! N'en fais pas un plus long mystère Les coups . . . Maurice, prenant une clef forée. Lorin, je teJWa'e"w déclare que tu ne diras plus un seul vers que je ne le siffle ! Lobin. Alors, parions politique ; je suis venu pour cela, d'abord. Maurice. D'abord? . . . Lorin. Oui, d'abord ... Oh ! tu ne seras pas ?e komt «?»m<*- ' T gen niet zoo quitte de moi, ce matin, a si bon marché. Sais-tu la gemakkelijk nouvelle? 1 Auteur d'un ouvrage en prose mêlee de vers: Lettre» sur la Mythologie & Emilie. 28 Mattbice. En vérité?. .. Lobin. Oui, mon cher! ils étaient trente; ils étaient bien gentils; Rocher n'y était pas. Ils s'étaient fait raser, et avaient des bouquets è, la boutonnièlte. „Citoyens du club des Thermopyles, a dit" 1'orateur, en vrais patriotes que nous sommes, * nous désirons que 1'union des Francais ne soit pas misverstand faoxibiée par un malentendu, et nous venons frater- nroeaerscnap , ■ ^ 7 sluiten THSeT avec vous. Matjbice. Alors? Lobin. Alors, nous avons fraternisé. On a fait un autel de la patrie avec la table du secrétaire et deux carafes dans lesquelles on a mis des bouquets . . . Comme tu étais le héros de la f ête, on t'a appelé trois fois pour te couronner, et, comme tu n'as pas répondu, attendu que tu n'y étais pas, et qu'il ïaut toujours qu'on couronne quelque chose, on a couronné le" buste de Washington. (On entend le tambour.) Matjbice. Qu'est-ce que cela? Lobin. C'est la proclamation de 1'arrêté de la Commune qui ordonn; de mettre les noms sur les portes. Matjbice. C'est bien. Lobin. Oü vas-tu? Matjbice. M'habiller, d'abord. Lobin. Et puis après? Matjbice. Après, je vais a la section. Lobin. Moi, je vais me jeter sur ton canapé et dormir J'ai veillé a peu prés toute la nuit, grace k ton enragée patrouille ! Si Pon se bat beaucoup, tu viendras me chercher; si 1'on ne se bat qu'un peu, tu me laisseras dormir. Matjbice. Dormir! Alors, pourquoi t'es-tu fait si beau? Lobin. Paree qae je comptais te présenter . . . devine quoi? W$Ë!!BBSËf 29 Maurice. Et comment veux-tu que je devine? Lorin. Une future déesse .. . pour laquelle je veux te demander ta voix et celle de töus les bons patriotes du club des Frères et Amis. Maurice. Tu veux me demander ma voix et celle de nos amis en faveur d'une déesse? . . Et quelle est cette déesse? Lorin. La déesse Raisonl eBeSt°dm Maurice. Encore une nouvelle folie . . . Mon Dieu ! Lorin. Chut! supprimé ! . . . Nous 1'avons remplacé par 1'Être suprème. Maurice. Oui, je sais cela. Lorin. Eh bien, il parait qu'on s'est apercu d'une chose: c'est que 1'Être surprême était un modéré. auwhartig Maurice. Lorin, pas de plaisahteries sur les choses saintes ! je n'aime pas cela, tu le sais. Lorin. Moi non plus; mais il parait que 1'Être suprème a réellement des torts, et que, depuis qu'il est la-haut, tout va de travers. Bref, nos législateurs ont décrété sa déchéance. Si bien. . . hausse les hebben hem afépaules tant que tu voudras!. . . si bien que nous ' allons un peu adorer la déesse Raison Maurice. Et tu te fourres dans toutes ces mas- *** n mee aan carades? • Lorin. Ah ! mon ami, si tu connaissais la future déesse Raison comme je la connais, je te déclare que tu serais un de ses plus chauds partisans. Ce matin, je voulais te présenter a elle . . . ou plutót la présenter a toi... et je 1'attendais ; je ne sais pas pourquoi elle tarde. Maurice. Ma foi, tant mieux! car ta déesse Raison m'aurait trouvé fort maussade. Lorin. Raison de plus! c'est une excellente fille, et elle t'aurait égayé .. . Mais tu la connais, d'aüleurs!. . . L'austère déesse que les Parisiens vont couronner *• * de chêne et promener sur un char de papier doré, c'est Artémise. LECTURËS _ CLASS1QUES Ie chevalier ACTE PREMIER 5 PREMIER TABLEAU Un carrefour dans le quartier Saint-Jacques. II fait nuit. SCÈNE PREMIÈRE. — GENEVtÈVE, deux Hommes, a l'angle d'une rue; JEAN. Genevtève, se rangeant. Oh! mon Lieu ! (Les deux hommes paraissent.) Premier Homme. Poutvu que Jean nous attende ! Detjxième Homme. Oui, le voila avec sa charrette . . . Premier Homme. Est-ce lui? Detjxième Homme. Je le reconnais . . . Jean ! Jean. Citoyen? Detjxième Homme. Tout est prêt, n-'est-ce pas? Jean. Oui; qu'est-il arrivé, citoyen? Detjxième Homme. Décrétés d'accusation! notre; cause est perdue! Nous et nos amis, nous succombons! Jean. Vous et vos amis! lesquels? Detjxième Homme. Les députés de la Gironde, Brissot, Gensonné, Vergniaud, Barbaroux, Roland, tous enfin. 'n staat van *6pchuldiging gesteld 6 Jean. Mais vous n'êtes qu'accusés* Detjxième Homme. Accusés óu condamnés, n'estce pas tout un, aujourd'hui? Jean. Oh ! mon Dieu ! Detjxième Homme. Au reste, nous mourrons en oonne compagnie, comme tu vois. ; _ ( Jl^N- f. vous mourez ... Mais," moi, je r^ponds \IT iV- * de+ vou»^fe Passer la barrièrer Allons, dépêchons, citoyen, depechons! Pbemieb Homme. Va ! Detjxième Homme. Ami. . . ami! suivons la meme fortune ! viens avec moi! | Pbemieb Homme. Non, je ne le puis Jean. Monsieur, pas un instant a perdre! La «*w séance d aujourd'hui n'est peut-être pas encore connue aux barrières. Detjxième Homme. Tu refuses? Pbemieb Homme, Je te rejoindrai. J'ai plusieurs papiers qu'il faut que je fasse disparaitre et, entre autres, cette lettre dont je t*ai parlé. Detjxième Homme. Quelle lettre ? Pbemieb Homme. Celle de ce jeune homme, de ce cheyalier de Maison-Rouge, qui me faisait supplier • de m intéresser ó, la reine. . . Cette lettrè, tout innocente qu'ellê est, ferait croire a des relations avec des ajistocrates, et, tu Ie sais, dans te tempsoü nous vivons, il y a quelque chose de plus précieux a sauver que Ia vie, c'ést 1'honneur . .. Detjxième Homme. Fais a ta volonté: le rendezvous est a Bordeaux, tu le sais. Pbemieb Homme. Om, a Bordeaux. Jean. Monsieur, monsieur, le temps se passé .. . et je vois la-bas une patrouille ! Pbemieb Homme. Jean a raison . . . Pars, mon ami, pars ! Detjxième Homme. Adieu ! (Ils s'embraaaent. Jean fait montér son maUre dans la 8 Geneviève. Non. omroepen Rocher. Tu 1'as entendu crier, alors? . . . Geneviève. Mais non; que dit donc ce décret? Rocher. Le décret de la Commune défend, passé bewijs van bur- dix heures du soir, de sortir sans une carte de civisgerzin rat... As-tu la tienne? Geneviève. Oh ! mon Dieu ! Rocher. Tu 1'as oubliée chez ta parente? Geneviève. J'ignorais qu'on eót besoin d'une pareille. carte pour sortir. Rocher. Alors, entrons au premier poste . .. La, * .tu t'expliqueras gentiment avec le capitaine . .. et, * s'il est content de toi, il te fera reconduire k ton domicile par deux hommes ; sinon, il te gardera jusqu'a nader onderzoek; plus ample inf ormation ... Par file a gauche, pas flink, met ver- accéléré, en avant, marche ! mad' p°* Geneviève. Ah ! mon Dieu, Seigneur ! a moi! au secours ! SCÈNE III. — Les Mêmes, MATJRICE LINDAY. Maurice. Qu'y a-t-il?... et que fait-on a cette femme. Rocher. Plait-il? Maurice. Je demande quelle insulte on fait a cette femme, et pourquoi elle appelle au secours. mietjonker Rocher Mêle-toi de ce qui te regarde, muscadin! et laisse les patriotes faire leurs affaires. Matjbice. Quelle est cette femme, et que lui voulez-vous? Je vous le demande une seconde fois .. . , Rocheb. Et qui es-tu toi-même pour nous interroger? Matjbice. Je suis oflficier; ne le voyez-vous pas? Rocheb. Quelle section? Maurice. Section Lepelletier'. .. 13 de garde; la, nous prendrons des informations sur elle. Rocheb. Pas du tout. Elle est a nous et nous la gardons. Lobin. Ah ! citoyens, citoyens, si vous n'ètes pas polis, nous allons nous facher. Rocheb. Allons donc, polis . . . polis ! . . . La politesse est une vertu d'aristocrates. Nous sommes des sans-culottes, nous ! ^Zbiïhtinm Lobin. Chut! ne parlez-pas de ces choses-la devant öch gaven) madame ; elle est peut-être Anglaise.. . Ne vous fachez pas de la supposition, mon bel oiseau de nuit! Un poète 1'a dit: L'Angleterre est un nid de cygnes Au milieu d'un immense étang. Rocheb. Entendez-vous comme il parle des Anglais ! C'est un stipendié de Pitt et Cobourg.1 huurling Lobin. Mon ami, tu n'entends rien a la poésie . . . Je vais donc te par Ier en prose. Nous sommes doux et patients, mais tous enfants de Paris; ce qui veut dire que, lorsqu'on nous échauffe les oreilles, nous tapons ferme. w°v ,sUm? m _, 0- -4V| 7 r, . , goed ook (Murmures et menaces des tsechonnaires.) Matjbice. Madame, vous voyez ce qui se passé et vous devinez ce qui va se passer .. . Dans cinq minutes, dix ou douze hommes vont s'égorger pour vous. . . La cause qu'ont embrassée ceux qui vous défendent, mérite-t-elle le sang qu'elle va faire couler? Geneviève. Monsieur, je ne puis vous dire qu'une chose, c'est que, si vous me laissez arrêter, il en résultera, pour moi et pour d'autres, des malheurs si grands, que je vous supplierai de me percer plutót le cceur avec 1'arme que vous tehez a la main et de jeter mon cadavre a la Seine. 'Pitt, homme politique anglais et le prince de Saxe Cobourg étaient parmi les plus grands adversaires de la Kévolution. 14 Matjeige. C'est bien, madame, je prends tout sur moi. (Aux gardes de Rocher). Citoyens, comme votre officier, comme patriote, comme Francais, je vous ordonne de protéger cette femme ! et toi, Lorin, si toute cette canaille dit un mot. . . Lobin, a ses gardes nationaux. A vos rangs ! Geneviève. Oh ! mon Dieu, mon Eieu, protésezle!... V ^ (Un coup de pistolet part des rangs de la patrouille de Rocher.) verwarde strijd Lobin. Ah ! misérables ! a la baïonnette ! (Lutte et confusion dans les ténèbres; plusieurs fenêtres s'ouvrent et se referment; la plupart des gardes nationaux de Rocher fuient, les autres sont cloués a la muraiüe avec chacun une baionette sur la poitrinc.) La, maintenant, j'espère que nous allons être doux comme des agneaux! Quant a toi, citoyen Maurice, je te charge de conduire cette femme au poste de 1'hótel de ville . . . Tu comprends que tu en réponds ! Matjbice. C'est convenu ! Lobin. Mais, avant de te quitter, cher ami, je ne serais point f aché de te donner un conseil. . . Matjbice. Sóit. (A Geneviève.) Prenez courage, madame : tout va être fini. Lobin, aux gens de Rocher. Eh bien, en avez-'. vous assez? Rocheb. Oui, chien de girondin! Lobin. Tu te trompa?, 1'aimi, et grossièrement; car j'oserai dire que nous sommes meilleurs sansculottes que toi, attendu que nous appartenons au club des Thermopyles, dont on ne contestera point le patriotisme, j'espère ... (Aux siens.) Laissez aller venetten zich]es citoyens, ils ne contestent plus ... Rocheb. II n'en est pas moins vrai que, si cette femme est une suspecte... Lobin. Cela nous regarde !. . . c'est dit, convenu, maak intusechen arrêté:; mais, crois-moi, gagne au Iarge, en attendant: aal je wegkomt , . . i , • , ... . c est ce que tu as de plus prudent a faire! 16 Maintenant, voici le mot d'ordre : OauU et Lutèce: , * Peut-être y en a-t-il qui te diront comme a moi. Oauh et Lucrèce. . . Nimporte, laisse passer! c'est toujours romain. Matjbice. Merci, Lorin! Lobin. Bon voyage ! . .. Adieu, citoyenne. (A aa troupe): Par file a gauche, en avant, marche! (II sort avec la patrouitte.y SCÈNE V. — MAURICE, GENEVIÈVE. Mattbice. Et maintenant, citoyenne, oü allezvous? Geneviève. Tout prés d'ici, monsieur. Mattbice. C'est bien; vous avez désiré d'être accompagnée : me voici, je suis prêt. GENEVTÈyE. Monsieur, je crois que je n'aurai pas besoin d'abuser plus longtemps de votre complaisance ; tout est redevenu calme, tranquille ; je suis a deux cents pas ó, peine du but de ma course ; en quelques minutes, je suis chez moi. . . Votre ami vous 1'a dit, vous vous ccmpromettez . .. t* zendt me u,eg Maubice. Je comprends, vous me congédiez, madame, et cela sans même me dire ce que j'aurai a répondre si 1'on m'interroge sur vous... Geneviève. Vous répondrez, monsieur, que vous avez rencontré une femme revenant de faire une visite dans le faubourg du Roule, que cette femme était partie a midi sans rien savoir de ce qui se passait, et revenait a onze heures du soir sans rien savoir encore, attendu que tout son temps s'était écoulé dans une maison retirée. tz-adeUijke Matjbice. Oui, dans quelque maison de ci-devant, dans quelque repaire d'aristocrates . . . Avouez, citoyenne, que, tout en me demandant tout haut mon appui, vous riez tout bas de ce que je vous le donne. Geneviève. Moi! et comment cela? 17 Maurice. Sans doute ! vous voyez tin républicain vous servir de guide, et ce républicain trahit sa .cause .. . ' voila tout! Geneviève. Citoyen, vous êtes dans Terreur, et, autant que vous, j'aime la République. Maurice. Eh bien, si vous êtes bonne patriote, vous n'avez rien a me cacher ; d'oü venez-vous? Geneviève. Oh ! monsieur, de grace ... »* *mt*k « Maurice. En vérité, madame, vous me suppliez de ne pas être indiscret, et, en même temps, vous faites tout ce que vous pouvez pour exciter ma curiosité ... Ce n'est point généreux ! Voyons, un peu de confiance ; je 1'ai bien mérité, je crois. Ne me ferez-vous point 1'honneur de me dire a qui je parle? Geneviève. Vous parlez, monsieur... a une femme que vous avez sauvée du plus grand danger qu'elle ait jamais couru,'et qui vous sera reconnaissante toute sa vie. Maurice. Je ne vous . en demande pas tant, Dat verlang a madame . . . Soyez reconnaissante pendant une seconde seulement; mais, pendant cette seconde, ditesmoi votre nom. Geneviève. Impossible! Maurice. Vous 1'eussiez dit, cependant, au premier sectionnaire venu, si 1'on vous eüt conduite au poste. Geneviève. Oh ! non, jamais ! Maurice. Mais, alors,' vous alliez en prison ... Geneviève. J'étais décidée a tout. .. Maurice. Cependant, la prison, aujourd'hui. . . Geneviève. C'est 1'échafaud, je le sais. Maurice. Et vous eussiez préféré 1'échafaud! Geneviève. A la trahison? . . . Oui, monsieur . . . Maurice. Je vous le disais bien, que vous me faisiez jouer un singulier röle pour un républicain. Geneviève. Vous jouez le róle d'un homme généreux. Vous trouvez une pauvre femme qu'on 20 Mauriob. Moi! Geneviève. Cette recormaissan.ee, il faut que je la cache ; car, aux yeux de certaines personnes, peut„is misdaad aan- être me serait-elle imputée a crime... Ainsi donc, gerekend . . . . ,. . .., monsieur, je vous en pne, je vous en suppue, quittonsnous ici, a 1'instant même, car je tremble qu'on ne soit inquiet de moi et qu'on ne vienne me chercher. Maurice. Et, en échange de ce dernier, de ce .suprème sacrifice, vous, que ferez-vous pour moi? Geneviève, Vai donnant la main. Mon sauveur . . . monsieur Maurice, adieu ! Maurice, lui baisant la main. Merci! Allez donc, madame, et emportez avec vous tous mes souhaits de bonheur ... Je ne puis rien autre chose maintenant ... je vous offre tout ce que vous me permettez de vous donner ; adieu, madame, adieu ! Geneviève. Vous me promettez de ne pas vous retourner ; vous fermerez les yeux ; vous me laisserez partir, sans savoir par oü je serai partie Maurice. Je tiendrai ma promesse ; mais votre nom seulement, votre nom! par gra.ee, votre nom! (II tourne la tête.) Geneviève, reculant vers le fond. Ah ! vous vous retournez . . . ' Maurice. Non, madame! non, je reste.. . J'obéis ... Mais votre nom? J'ai bien le droit de savoir votre nom. Geneviève, disparaissant a l'angle de la rue. Geneviève !... Maurice, se retournant. Geneviève !. 26 Mattbice: Les girondins sont proscrits? Lobin. Bah ! c'est déja vieux ! Sn Matjeice. Dame, c'est d'hier, a quatre heures de 1'après-midi. Lobin. Ma nouvelle, a moi, est d'hier, a dix heures du soir. Mattbice. Ah ! oui, Ia reine a voulu s'évader. Lobin. Bah ! ce n'est rien que cela. Mattbice. Qu'y a-t-il donc de plus? Lobin. Le fameux Maison-Rouge, le défenseur, le chevalier de la reine, est a Paris. Mattbice. En vérité? Lobin. Lui-même, en personne. Maubice. Mais quand y est-il entré? Lobin. Cette nuit. Mattbice. Comment cela? vermomd Lobin. Travesti en chasseur de la garde nationale. verkieedUne femme, qu'on croit être une aristocrate déguisée en femme du peuple, lui a porté des habits a la barh id k rière' puis' Un infitant après, ils sont rentrés, bras dessus, bras dessous; le factlonnaire a eudessoupcons. II avait vu passer cette femme avec un paquet, il la verdacht VOyait repasser avec un militaire ... C'était louche.. .1 maait «torn Tl donne ,.évell> Qn après eux . au moment oü on va mettre la main dessus, ils disparaissent dans un hötel du faubourg Honoré, dont la porte s'est ouverte comme par enchantement; 1'hótel avait une seconde sortie sur les Champs-Élysées... bonsoir! Le chevalier de Maison-Rouge et sa complice se sont évanouis ! . . . On démolira 1'hótel, on guillotinera le propriétaire; mais 9a n'empêchera point le cheoging; miduH yalier de renouveler la tentative qui a déja échoué il y a quatre mois pour la première fois, et hier pour la seconde. Mattbice. Et il n'est point arrêté?. . . Lobin. Ah bien, oui ! arrête Protée1! Avoue que 1 Protée, dieu marin, qui pouvait changer de forme a volonté. 27 c'est mi fier homme, que le chevalier de MaisonRouge !... Maurice. Le fait est que, pour entreprendre de pareilles choses il faut un grand courage. Lorin. Ou un grand amour. Maurice. Crois-tu a eet amour du chevalier? Lorin. Je n'y crois pas .. . Seulement, je xépète," comme tout le monde, ce que tout le monde dit. D'ailleurs, je n'affirme pas qu'elle aime les gens, moi! je dis que les gens 1'aiment. Tout le monde voit le soleil... et, si bons yeux qu'il ait, le soleil ne voit pas tout le monde. Maurice, penaif. Et tu dis que le chevalier de Maison-Rouge . ..? Lorin. Je dis qu'on le tra ue un peu dans cen-upewt moment-ci, et que, s'il échappe aux Umlers de la speurhonden Rëpublique, ce sera un fin gaiHard. knappe jongen Maurice. Et que fait la Commune dans tout cela? Lorin. La Commune a rendu, ce matin, un arrêté par lequel chaque maison, comme un registre ouvert, laissera voir sur sa facade le nom de ses habitants et de ses habitantes ; c'est la réalisation de ce rêve des anciens : „Que n'existe-t-il une fenêtre au cceur de 1'homme, afin qüe tout le monde puisse voir ce qui s'y passé ! . . ." Maurice. Ah ! Pexcellente idéé ! Lorin. De mettre une fenêtre au cceur de 1'homme? Maurice Non, mais de mettre une liste a la porte des maisons. Lorin. N'est-ce pas? . . . J'ai pensé, pour mon compte, que cette mesure nous donnerait une fournée een lading de cinq cents aristocrates. A piopos, nous avons recu ce matin une députation de la garde nationale, section du Temple; elle est venue, conduite par nos adversaires de cette nuit, avec des guirlandes de fleurs et des couronnes d'immortelles. 30 Maubice. Artémise! Qu'est ce que c'est que cela?... Lorin. Une jeune rille, avec des dents blanches, karbonkdsteenendes yeux comme des escarboucles... dont j'ai fait • connaissance, 1'année dernière, au bal de 1'Opéra . .. je hebt nog wei \ tèlle enseigne, que tu vlns souper avec nous. met ons ge- _ . , . . r soupeert maurice. An ! oui, je me rappelle. Lorin. C'est elle qui a le plus de chances, je 1'ai présentée au concours ... Tous les Thermopyles m'ont promis leur voix; promets-moi la tienne et celle de tes amis!. .. Dans trois jours, élection générale ! aujourd'hui, repas préparatoire !... H y a des intrigues, des cabales. . . Mais j'ai mis dans ma tête qu'Artémise serait déesse, et elle le sera, ou le diable ... ah ! oui, nous avons encore le diable, ou le diable m'emporte ! Allons, viens ! Maurice. Excuse-moi, mon char, j'ai toujours eu une grande répugnance... Lorin. Ah ! je vois ce que c'est! Maurice. Et que vois-tu? Lorin. Je vois que tu attends ta déesse Raison, a toi. Maurice. Corbleu ! que les amis spirituels sont gênants !. . . Va-t'en, Lorin ... ou je te charge verwenschingen d'imprécations, toi et ta déesse! Lorin, baissant.le dos. Charge, mon ami, charge ! Agésilas. Citoyen! jehomtonseto Lorin. Ah! citoyen Agésilas, tu entres dans un indrukwekkendmauvais moment, ton maitre allait être superbe! Maurice. Que veux-tu? Agésilas. Moi? Je ne veux rien1; c'est la citoyenne kaar hier wachtte Artémise qui dit que le citoyen Lorin lui a donné rendez-vous lel. Lorin. C'est vrai; mais le citoyen Maurice se goddeUghheid refuse absolument a recevoir Sa Divinité. Maurice. Que diable dis-tu donc li? (S'élancant vers la porte). Citoyenne, entre donc, je te prie. 31 SCÈNE V. — Les mêmes, ARTÉMISE. Artémise. Salut et fraternité! (A Lorin.) D'abord, présente-moi au citoyen Maurice. Lorin. Citoyen Maurice, j'ai 1'honneur de te présenter la citoyenne Artémise. Maurice. Citoyenne . .. Lorin. Comme tu viens tard, déessê! Artémise. Tard? . .. Lorin. Sans doute, il est prés de midi. Artémise. Ah ! je viens tard? . .. Eh bien, attends! tu vas voir ce que j'ai fait; d'abord, c'est aujourd'hui quintidi1, jour de séance a mon club; j'y étais a neuf heures; a dix, j'en suis sortie. Lorin. Et depuis dix heures, déesse .'. .? Artémise. Depuis dix heures, je me suis occupée de ma future divinité ; j'ai visité mes électeurs ; j'ai fait imprimer mes trois derniers discours ; j'ai mis la citoyenne couturiére en demeure... car .elle me aangemaand brode une robe bleu de ciel, parsemée d'étoiles d'or . .. et c'est trés long a broder, les étoiles ! Lorin. Tout cela est trés bien ; mais ne pouvais- tU te dispenser du club? wegUyven Artémise. C'eüt été beau, qu'une future déesse ne dit pas son opinion sur les événements présents! Lorin. Et tu 1'as dite ? Artémise. J'ai fait un discours superbe ! Lorin. Improvisé ? .™_ . * * voor de vuist Artémise. D'un bout a 1'autre! Ce que j'ai dit, je n'en sais rien. Mais les journalistes 1'ont écrit, et vous le lirez demain dans l'Ami du peuple. Lorin. C'est un trésor que cette femme-la! . . . Je suis sür d'une chose. j/ *f moi? républicain se compo«ait de trois décades. Cheque décade avait dix jours, nommés : primidi, duodi, quaterdi quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi et décadi. 32 Artémise. LaqueÜe ? Lorin. C'est qu'au milieu de tout cela, elle a trouvé moyen d'avoir des nouvelles du Temple. Artémise. Et positives, encore. Je sors de chez mon amie la citoyenne Tison, rue des Nonaindières, n°. 24, la fille du conciërge du Temple, cette jolie piooise blanchisseuse qui a inventé le plissage a la nation. Maurice. Eh bien? Artémise. Elle m'a tout raconté. Elle sait daar ia hed mot cela de première main, elle . . . Oh ! 1'alarme a été ^W/echaude, Lorin. Et était-ce, en effet, le chevalier de MaisonRouge ? Artémise. En personne, k ce qu'il paraït. Tout natuurlijk cela est retombé, comme de juste, sur la prisonnière. On lui a enlevé son enfant. On 1'a remis aux mains d'un honnête artisan qui doit lui apprendre un état... attendu que tous les Francais sont libres, et, par conséquent, doivent travailler. Maintenant, v c'est trés loin, la rue des Nonaindières, et il fait trés chaud... de sorte que je meurs de soif! Maurice. Soyez tranquille, déesse, on va vous te drinken geven désaltérer... Agésilas ! Agésilas. Citoyen? .. . Lorin. Du nectar. . . pour la citoyenne déesse ! merk Agésilas. De quel cru la citoyenne déesse le préfère-t-elle? Artémise. De Madère. niet zoet agésilas. SeC ou doux? Artémise. Sec 1 Lorin. Et quelle est ton opinion personelle sur aaneiag i'attentat du Temple? . . . Artémise. Mon opinion est que ce qui a échoué aujourd'hui réussira demain ! Que voulez-vous! au op te roepen jjeu (je mettre les femmes en ré uisition, on a la fureur de confier le sort de la patrie k des hommes ! . . . tant pis pour la patrie! 33 Matjbice. Ah! n'humiliez pas trop les pauvres mortels, déesse. Artémise. Vous m'appelez toujours déesse . . . Lobin. Eh bien? Artémise. Je ne le suis pas encore. Matjbice. Mais vous le sera-.. Artémise. Je n'en sais rien, ma foi! . . . il y a concurrence. Le marché au beurre et aux ceufs présente une candidate; le poisson d'eau douce en présente une autre et prétend avoir cinq cents voix ; le marché aux ï'eurs a corrompu trois sections et porte kandidaat la citoyenne Tubéreuse. 11 n'y a pas jusqu'a latot d?.wouw van femme de mon itnprimeur, de celui qui édite mes «w? "* discours, qui ne se fasse appuyer par toutl'Opéra, sous prétexte qu'elle est coryphée!... et, poureerite *»»»»« comble dc malheur, voila le citoyen Maurice, dont on m'avait promis la voix, qui menace de m'abandonner. Maurice. Citoyenne Artémise, on t'a indutte en wrkeerd ingeerreur sur mes intentions ; mais ... ,1C ' Artémise. Vous voulez connaftre mes titres ? aanaP garrotté, baillonné, les yeux bandés; mond deux autres hommes reviennent par-dessus le mur. Dixmer. Qui es-tu? Maurice, débarrassé du bdiüon. Je suis un homme qu'on assassine! Dixmer. Ajoute que tu es un homme mort, si tu parles haut, si tu appelles ou si tu cries ! Maurice. Si j'avais voulu crier, je n'aurais point attêndu jusqu'a présent. Dixmer. Es-tu prêt a répondre a mes questions? Maurice. Questionne d'abord; je verrai après si je dois répondre. Dixmer. Qui t'envoie ici? 41 Mattbice. Personne 1 Dixmeb. Tu y viens donc pour ton propre compte? Mattbice. Oui. Dixmeb. Tu mens. Mattbice, après un mouvement pour se dégager. Je ne mens jamais ! Dixmeb. En tout cas, que tu viennes de ton propre mouvement, ou que tu sois envoyé, tu es un espion . . . Mattbice. Et vous, vous êtes des laches ! . . . Totts. Des laches, nous? Mattbice. Oui, vous êtes sept ou huit contre un homme, garfotté, et vous insultez eet homme . . . Laches ! laches ! laches !. .. Tous, avec un mouvement de menace. Oh !. . . Le Chevalieb, les arrêlant d'un signe. II n'y a pas d'insulte la, monsieur! ... Dans le temps oü nous vivons, on peut être espion sans être un malhonnête homme !. .. Seulement, on risque sa vie !. .. Mattbice. Soyez le bienvenu, vous qui avez prononcé cette parole !. . . J'y répondrai loyale- ridderiyk ment... Le Chevalieb. Répondez alors; qu'êtes-vous venu faire dans ce quartier? Mattbice. Y chercher une femme. Dixmeb. Tu mens !... Mattbice. Voila déja deux fois que la même voix m'insulte, et que, ne pouvant pas tirer sati ïaction de cette insulte, je me contente de répondre que je ne mens jamais !. . . Dixmeb. Et, pour la seconde fois aussi, la même voix te dit: Avoue ton projet, ou tu mourras ! Mattbice. Alors, tue-moi tout de suite .. . puis que je n'ai pas autre chose a dire que ce que j'ai dit. Le Chevalieb. Voyons, qui es-tu? Mattbice. Je suis un patriote, un jacobin, un homme, enfin, dont le plus beau jour sera celui oü 42 il mourra pour la liberté. (Süence.) Eh bien, frappez, maintenant; vous savez qui je suis !. .. Le Chevalieb. Emmenez le prisonnier 14 r, (II indique une serre. On emporte Maurice ; on le niet goraiitd dans une espèce de serre grillée, sur le devant de ld scène, les mains Hees derrière le dos, et les yeux bandés; puis on Venferme.) MATJBieE. Je suis perdu .. . Tls vont me mettre une pierre au cou, et me jeter dans quelque trou de la Bièvre !1... Dixmeb, placant une sentinelle armee d'une carabine Tiens-toi la ! Le Chevalieb. Délibérons, messieurs. Mattbice, dans la serre. Si je pouvais détaoher mes mains, seulement! ^ Dixmeb. Messieurs, prenez-y garde . .. Comme Fa dit tout a 1'heure le chevaher, il y a aujourd'hui des espions dans toutes les classes. Ce jeune homme est envoyé pour surprendre nos secrets... En lui •«rrooöfaisant grace, nous courons risque qu'il nous dénonce!... Maurice, qui cherche. Oh ! une bêche ! Le Chevalieb. Mais en lui faisant donner sa parole d'honneur?... Dixmeb. Sa parole?... H la donnera, puis il la trahira!... Est-ce qu'on peut se fier a une parole? Le Chevalieb. Nous connaït il donc, pour nous dénoncer? ... et sait-il ce que nous faisons?. .. Dixmeb. Non, il ne nous connaït pas; non, il ne sait pas ce que nous faisons ; mais il sait 1'adresse... il reviendra, et, cette fois, bien accompagné. . Maubice, qvi, en dressant la bêche, est' parvenu a touwen couper ses Hens. Ah !.. . Le Chevalieb. Vous êtes donc pour la mort messieurs?. . . Dixmeb. Oui! cent fois, oui!. . . Je ne vous 1 Petite rivière qui traverse une par, ie de Paris, 43 comprends pas avec votre magnanlmlté, mon cher! grootmoedigheid Si le comité de salut public1 vous tenait, il ne ferait pas tant de facons! Maubice, arrachant son bandeau. Ah ! une fenêtre blinddoek grillée.. . Une sentinelle la garde; les autres sont la-bas; je pourrai entendre ce qu'ils disent. (II s'approche de la porte.) Le Chevalieb. Ainsi donc, vous persistez dans votre décision?. .. Dixmeb. Vous n'allez pas vous y opposer, je 1'espère? Le Chevalieb. Messieurs, je n'ai que ma voix; elle est pour la liberté de eet homme; vous en avez six, elles sont toutes six pour sa mort. Tous. Pour la mort! Le Chevalieb. Va donc, pour la mort! Iwdlndsd^dZod Maubice. Pour la mort!.. . En tout cas, avant * qu'on m'assassine, j'en tuerai plus d'un. (II saisit la bêche.) Le Chevalieb. Et Geneviève? . .. Dixmeb. Elle doit être dans ce pavillon! Le Chevalieb. Voyez-y. Un Homme, au Chevalier. Si vous m'en croyez, puisque vous avez décidé sa mort, on le tuera tout bonnement d'un coup de carabine a travers les barreaux. . . Un Autbe. Pas d'explosion !... Une explosion schot pourrait nous trahir. Le Chevalieb, a Dixmer. Eh bien? Dixmeb. Elle ne se doute. de rien; elle n'a rien entendu . . . Elle Iit. Un Homme. Et vous, Dixmer, êtes-vous pour le coup de carabine? Dixmeb. Non, non; autant que possible, pas d'armes a feu !... Le poignard !. .. L'Homme. Soit, le poignard ; allons !.. . 1 Comité iustitué pour rechercher les suspects. 44 Un Autre. Allons !. . . (Ils montent les degrés et mettent la clef dans la serrure.) Maurice. II n'y a que ce moyen !. . . (II s'élance par la porte ouverte, tombe sur 1'homme en faction, et lui arrache sa carabine.) Le Factionnajre. A 1'aide ! au secours II se sauve ! Dixmer. Mille démons !. . . Je vous le disais bien. . . (II poursuit Maurice.) Maurice. Le premier qui approche est mort"!... (II essaye d'ouvrir la porte du fond et ne peut pas ; il essaye de monter pardessus le mur, et retombe ; enfin, il s'élance par une porte de derrière dans le pavillon en face.) Geneviève, accourant au bruit. Qu'y a-t-il mon Dieu? Dites !. .. dites !. .. (La porte de fa chambre souvre viólemment.) Monsieur, qui êtesvous? que voulez-vous? .. . Maurice, entrant Madame ! . . . Dixmer. Range-toi, Geneviève . .. Range-toi, que je le tue! Maurice. Geneviève! Geneviève. Maurice! Dixmer. Geneviève, ne m'entendez-vous pas? Maurice. Geneviève, parmi ces assassins t , Geneviève, & Maurice. Silence! (A Dixmer en eapprochant sur le seuil de la porte du pavillon.) Oh » vous ne le tuerez pas ... • Dixmer. C'est un espion ! Geneviève. Lui, un espion? lui, Maurice? Le Chevalier. Vous le connaissez? Dixmer. Vous le connaissez, madame! vous 1 avez nommé !. . . Ah !.. . T couche en joue de nouveau.) Le Chevalier, l'arrètant. Dixmer! Dixmer. N'entendez-vous pas qu'eile le connaït, 45 qu'il venait pour elle, que c'était un rendez-vous? Geneviève. Monsieur, celui que vous voulez assassiner m'a sauvé la vie! . . . Dixmer. La vie ! .. . Et quand cela? .. . Geneviève. Hier, au soir, quand je revenais seule du faubourg du Roule . . . J'étais arrêtée; j'allais être conduite en prison, interrogée . . . J'étais perdue ... et je vous perdais. . . M. Maurice s'est trouvé la par hasard, et a pris ma défense !. . . 11 m'a rendue a la liberté, a la vie !. . . Hier, quand vous m'avez vue revenir, quand vous m'avez demandé pourquoi j'étais si pale, si tremblante. . . eh bien, je venais d'échapper a ce danger; et cela, je vous le répète, grace a- celui que vous voulez tuer! . . . Dixmer. Et pourquoi n'est-ce qu'aujourd'hui que vous me faites eet aveu, madame? . .. Geneviève. Eh ! monsieur, vous le savez bien : paree que les choses les plus innocentes peuvent être InterprétéeS a mal. verkeerd opgevat Le Chevalier. Dixmer, vous êtes si violent, si jaloux ! .. . Dixmer. Oui, c'est vrai, chevalier, vous avez raison. . . Maurice. Ah ! je comprends, maintenant. . . Geneviève, bas, a Maurice. Cachez cette bague: tout le monde la connaït ici ! Dixmer. Pardon, citoyen; mais je ne pouvais deviner en toi le protecteur inconnu de ma femme, „ puisque j'ignorais même qu'elle eüt eu besoin de protecteur. Maubice a part. Mariée !... Ah ! voila donc pourquoi elle n'a point voulu être accompagnée par moi. . . Dixmer. Si j'eusse été informé de cette circonstance, qu'on a cru devoir me cacher, tu le vois bien, nous n'aurions point un seul instant suspecte ton verdaeh honneur, ni soupconné tes intentions . . . Maurice. Mais enfin, citoyen, on ne tue pas 46 tous ceux dont on ignore le nom, et tu voulais me tuer... Quel était le motif d'une pareille détermination? Dixmeb. Écoute... ce n'est pas envers toi que je puis garder des secrets, citoyen, et je me confie a ta loyauté. Maubice. Du moment qu!il y a un secret Dixmeb. Tu dois. tout savoir . .. (Le Chevalier s'est approché de Dixmer.) Le Chevalieb. Qu'allez-vous lui dire? Dixmeb. Soyez transquille, notrefablehabituelle .! . Mais, vous-même, chevalier . . . Le Chevalieb. Je vais changer de costume, et je reviens. (II sorti) Maubice, a Dixmer. Citoyen, je te le répète, il ést inutile .. . Dixmeb. Non pas, et tu ne dois conserver aucun doute sur les hommes dont le hasard t'a rapproché Ecoute donc ... Je suis maitre tanneur, et. chei de •""» cette tannerie ... La plupart des acides que j'emploie pour la préparation de mes peaux sont des marchanverboden dises prohlbées. Or, les contrebandiers avaient avis d'une déclaration faite au conseil général. En te voyant róder autour de la maison, avec ce costume et eet air décidé, nous avons eu peur, et, je ne te le cache pas, ta mort était résolue ... < Geneviève. Mon Dieu !. . . Maubice. Oh ! tu ne m'apprends rien de nouveau; j'ai entendu votre délibération, et j'ai vu la carabine !.. . Dixmeb. Citoyen, je t'ai damandé pardon. . . Comprends donc ceci: grace aux désordres du temps, nous sommes en train, M. Morand, mon associé, et moi, de faire une immense 'fortune; nous avons Ia f*™** fourniture des sacs militaires ; tous les jours, nous en faisons confectionner quinze cents ou deux mille ... 47 La municipalité, qui a fort a faire, ne trouve pas le tetnps de vérifier nos comptes; de sorte. .. dame, il faut bien 1'avouer... de sorte que nous pêchons un peu en eau trouble! Maurice. Maintenant, je comprends tes craintes ; mais tu es rassuré, n'est-ce pas, et tu sais que je n'irai pas te dénoncer? Dixmer. Rassuré au point que je ne te demande •même plus ta parole. (II lui lend la main.) Maintenant, confidence pour confidence . . . A ton tour, que venais-tu faire ici? Voyons ! Maurice. Tu le sais . . . Dixmer. Tu suivais une femme? . . . Geneviève. II a dit. . .? Maurice. Oui, une femme qui, 1'autre soir, m'a dit demeurer vieille rue Saint-Jacques . . . Dixmer. Mais tu sais son nom, sa position sociale? Maurice. Je ne sais rien, sinon qu'elle était petite, blonde, qu'elle avait 1'air fort éveillé... aussi, pour bij de hand me rapprocher d'elle, avais-je pris eet habit populaire . .. Tu vois ! Dixmer Allons, voilé, qui explique tout, et, quand tu m'auras dit ton nom ... Maurice. Je me nomme Maurice Linday! Dixmer. Maurice Linday, secrétaire de la section Lepelletier? . . . Maurice. Moi-même, et, de plus, lieutenant dans la garde civique et officier municipal!. .. Dixmer, aux autres. C'est Dieu qui nous 1'envoie ! Les Autres. Citoyen, tu nous pardonnes, n'est-ce pas? Maurïce, riant. Sans doute, citoyens... Du '< immer» maar een ve moment que c est par erreur! gissing Dixmer, bas, A sa femme. H faut que je vous parle, madame. Geneviève. . Quand cela? Dixmer. Tout de suite ! 48 Maubice. Maintenant, citoyen, il est temps que je me retire; fais-moi remettre dans mon chemin seulement, et.. . Dixmeb. Quoi déja?.. . toorni, J^™™' ^uant Geneviève. Ma présence a causé *oorm, che t01 M3ez de déraflgemei)t) citoyen; pour ne la prolonge pas plus longtemps qu'il n'est absolument necessaire. -ondheid Dixmeb, avec une feinte bonhomie. Ah ! par ma foi! non, il ne sera pas dit qu'ayant fait, quoique d'une facon singulière, une aussi précieuse connaissance que Ia votre, je vous laisserai partir ainsi. Maubice. Cependant, citoyen, je crois qu'il serait ïnoiscret de ma part. . . et tu permettras... ainsi que Ia citoyenne . . . {II s'incline.) Geneviève. Mon Dieu! qu'avez-vous? Du sang • (elle montre la poitrine de Maurice), la!. . Dixmeb. Du sang? . .. Maubice, a Dixmer. Oh ! rien, ou presque rien . Un de tes contrebandiers qui a eu la main moins legere que sans doute il ne voulait lui-même i Dixmeb. Blessé ! . . . Citoyen Maurice, tu ne sortiras pomt d'101 que je ne sois rassuré sur la gravité de ta blessure... Tu comprends. .. blessé blesse chez moi! un homme' a qui je dois la vie de ma remme !. . . Armand, Armand, vous qui êtes un peu chirurgien !. . . Maubice. Mais non. Dixmeb. Joignez-vous donc a moi, madame je vous pne. .. Vous aurez plus d'influence que moi sur votre sauveur. Geneviève. Moi, monsieur? Dixmeb. Sans doute! (Bas.) Je vous dis qu'il faut «quil reste... Ne comprenez-vous pas que eet nomme peut nous être utile?.. . Geneviève. Citoyen, je me'joins a mon mari 49 pour vous prier de ne pas nous quitter ainsi; notre inquiétude serait trop grande ! Mattbice. Comment! citoyenne, tu as la bonté de t'inquiéter . . .? Dixmeb. Pardieu! c'est bien le moins qu'elle te doit... Un Homme. Allons, viens, eitoyen Linday ; comme on te le disait tout a 1'heure, je suis un peu chirurgien !. .. Mattbice. Puisque vous le voulez absolument. . . Dixmeb. Dans ma chambre, citoyen Armand, dans ma chambre ! . . . Mattbice. J'obéis ; mais, en vérité . .. Dixmeb. Va, citoyen, va !. .. (Ils sortent.) SCÈNE V. — DIXMER, GENEVIÈVE. Dixmeb. Geneviève !.. . Geneviève. Monsieur !. . . Dixmer. Maintenant que nous sommes seuls, qu'est-ce que toute cette fable... de rencontre.. . de danger... de secours apporté par ce jeune homme? . . . Geneviève. Monsieur, je vous jure que ce n'est point une fable; c'est, au contraire, la plus exacte vérité !.. . Dixmer. Pourquoi ne m'avez-vous rien dit de tout cela, alors? Geneviève. Eh ! monsieur, vous savez bien que je n'ose rien vous dire . . . Dixmer. Vous lui aviez donc donné votre adresse, a ce jeune homme? Geneviève. Non, monsieur. Dixmer. Dit votre nom, au moins? Geneviève. Mon nom, oui. . . mais pas le vótre. 50 Dixmer. Eh! madame, vous savez bien que, depuis cinq ans, nos deux noms n'en font qu'un. Geneviève, avec un soupir. Oui!... Dixmer. Pour votre malheur, alliez-vous dire . . . Eh ! dites, mon Dieu !... Geneviève. Monsieur, par grace! ne me faites pas dire ni ce que je n'ai pas dit, ni ce que je n'ai pas vonlu dire. Dixmer. Enfin, il n'en est pas moins vrai que c'est vous qu'il venait chercher ici. Geneviève. H me semble cependant que ce portrait qu'il a fait de la personne qu'il a suivie... Dixmer. Vous écoutiez donc? ... 3 Geneviève. Monsieur, la situation était assez gr ave pour cela, je pense ... Dixmer. C'est bien. Geneviève. D'ailleurs, monsieur, le hasard que ce jeune homme a invoqué cette fois-ci ne lui pourra plus servir de prétexte, et j'espère qu'il sera assez discret pour ne plus revenir dans cette maison . . . Dixmer. Au contraire, madame, il faut qu'il y reviehne... N'avez-vous point entendu son nom? Geneviève. Maurice Linday. Dixmer. Sa qualité? ' Geneviève. Lieutenant dans la garde civique, secrétaire de la section Lepelletier. Dixmer. Et municipal au Temple !. . . Geneviève. Eh bien? . . . Dixmer. Eh bien, vous qui connaissez tous nos projets, vous qui savez que, ce soir même, j'ai acheté, prés du Temple, une maison dont les caves vont être doorgegraven fouillées pour nous conduire jusqu'a la reine, vous ne comprenez pas que la rencontre du citoyen Maurice Linday soit un miracle de la Providence? Geneviève. Un miracle?... Dixmer. Sans doute . .. N'est-ce pas un miracle qu'hier, au moment oü cette patrouille vous arrêtait, 51 il se soit trouvé la un jeune homme brave, dévoué, et joignant a ces qualités assez de puissance pour vous arracher aux mains de vos persécuteurs? Si ce n'est po nt un miracle, madame, quel nom donnerezvous a cette rencontre? Geneviève. Monsieur, je vous jure, par ce que j'ai de plus sacré au monde, que j'ai vu hier au soir M. Maurice pour la première fois, et cette nuit pour la seconde ; je vous jure qu'avant 1'heure oü il fut attiré par mes cris, je ne 1'avais ni apercu ni rencontré; je vous jure, enfin, qu'il m'était et qu'il m'est encore parfaitement inconnu !.. . Dixmeb. Eh bien, je ne discuterai plus sur le mot, et je reviendrai au fait... Je disais donc que c'est un grand bonheur que nous nous trouvions, gra.ce a vous, madame, eri relation avec un homme jouissant d'une réputation de patriotisme aussi reconnue que celle de M. Maurice Linday, d'un homme, enfin, par lequel nous pouvons nous faire ouvrir toutes les portes qui se ferment obstinément devant nous. Geneviève. Eh ! monsieur, faites vis-a-vis de ce jeune homme telles Instances qu'il vous plaira, jeph(-:./ (EUe sort.) SCÈNE II. - DIXMER, LE CHEVALIER, Gardes nationaux. Dixmeb, allume une chandeüe. Descendez vous»* zal uitkijken même, chevalier; je vals guetter... Le Chevalieb. Mais peut être n'aurons nous pas le temps, si elle ne va que chez le conciërge. Dixmeb. Soyez donc tranquille; elle nous dit cela »/te««e»pour nous ranconner. Nous avons dix bonnes imnutes devant nous. (Le Chevalier descend dans luikla cave, Dixmer soutient la trappe.) Eh bien? Le Chevalieb. La cave s'avance dans la direction de la rue de la Corderie, ainsi que nous 1'avions prévu. . . v™*** Dixmeb. Et vous êtes sür que nos mineurs sui vront bien la direction indiquée?.. . Le Chevalieb. Oui. Dixmeb. Et que cette direction est exacte?... Vertrouw op mij Le Chevalieb. Rapportez-vous-en a mol. Dixmeb. Les entendez-vous? Le Chevalieb. Oui, ils approchent, et, dans une heure, 1'ouvrage sera assez avancé pour qu'un seul ■:eonder^rZ7J°Ulp pi°Che mette en °ommunication la cave et gang *e souterrain. 57 SCÈNE JU — Les mêmes, LA VEUVE PLUMEAU. Le Chevalier dépose deux bouteilles sur la table. La vettve PiiTTMEATT. Voila, citoyen ! c'était tout cuit, de sorte .que tu n'auras pas la peine d'attendre. Dixmeb. Merci, la mère ! Eh bien, citoyen Morand, as-tu fait ton choix? Le Chevalieb. Oui. La vettve Plttmeatt, regardant les bouteilles. Allons, allons, vous n'avez pas prisdupire . . . Seulement, vous avez eu un tort, c'est de n'en point prendre assez . . . Dixmeb. Dame, nous sommes deux ; une bouteille chacun. . . La vettve Plttmeatt. Et la compagnie Dixmer, elle va donc mourir de la pépie, pendant ce temps-la? m\\J£j£a Dixmer. C'est juste ! monte vingt bouteilles et distribue-les en mon nom aux amis .. . (La veuve Plumeau descend a la cave.) Ainsi, tout va bien? Le Chevalier. A merveille! de mon cóté, du moins. Et du vótre?. . . Dixmer. Dans vingt minutes, vous verrez paraitre notre municipal avec Geneviève. Le Chevalier. Et les ceillets? ... anjtliertn Dixmer. Hs seront apportés par une bouquetière qui nous est dévouée. Le Chevalier. Et cette bouquetière connaït le Temple? Dixmer. C'est Héloïse Tison, la fille du conciërge même. Le Chevalier. Et elle saura reconnaïtre Maurice? Dixmer. On lui a dit: „Celui qui donnera le bras a madame Dixmer." (Roulement de tambours.) tromgerotja Le Chevalier. Oh ! oh ! qu'est-ce que cela? Dixmer. Rien; c'est le général qui nous arrivé. A vos rangs, grenadiers ! (Prise d'armes, tambours.) 58 SCÈNE IV. - Les mêmes, LE GÊNÊRAL et son etat-major, a cheval; puis ROCHER. Dixmer. Compagnie Dixmer, mon général! /. UaaH vanmtfn General- Quartier du Pantheon! Pa ne vuur m etonne pas .. . Tu es un zélé. généïïIEB* Je ne fais que ™on devoir> cit°yen Le Général. Et tout le monde devrait prendre modele sur toi. (Commandement; les rangs se rampent.) Vous savez les nouvelles? Dixmeb. Général, je vis dans ma tannerie, au milieu douvners qui ne s'occupent pas de politique : nolT aVe".zeleJauX °rdreS 1ue ie re?ois 5 mais, dans notre quartier désert, les nouvelles arrivent tard. Le Géneral. Eh bien, apprenez que le chevalier de Maison-Rouge, est rentré dans Paris . Dixmer. Bah! • lb c^valiee. s'approchant. Et quel homme est-ce que ce chevaher de Maison-Rouge? Le Général. Un homme de trente a trente-six ans qui en parait vingt-cinq a peine, de moyenne taille, blond, avec des yeux bleus et des dents superbes. Ah ! si j eusse été de service au Temple le jour oü il s y est présenté ... Le Chevalier. Qu'aurais-tu donc fait* Le Général. Ce n'eüt pas été long: j'aurais fait fermer toutes les portes du Temple, j'aurais été droit * la patrouille et (mettant la main sur l'épaule du Lteyaher) j eusse mis la main sur le chevalier de Maison-Rouge en lui disant: „Chevalier, je t'arrête comme traitre apa nation . . ." (Ldchant le Chevalier ) at je ne 1 eusse point laché, je t'en réponds' Le Chevalier. Le citoyen général a raison • malheureusement, on n'a pas fait ainsi qu'il dit 59 Le Général, se retournant. Hola ! citoyens municipaux, pourquoi n'êtes-vous que deux, et quel est le mauvais citoyen qui manque? Un Municipal. Celui qui manque n'est cependant pas un tiède; c'est le secrétaire de la section Lepelle- slecht patriot tier, le chef des braves thermopyles, le citoyen Maurice Linday. Le Gknéral. Bien! je reconnais comme toi le ' patriotisme du citoyen- Maurice Linday; ce qui n'empêche point que, si, dans dix minutes, il n'est point arrivé, on 1'inscrira sur la liste des absents. Le Chevalier, 605 a Dixmer. Avez-vous entendu? Maurice n'est pas arrivé. Dixmer: II arrivera, soyez tranquille... (A la femme Tison, qui parait sur Vescalier.) Dis donc, citoyenne Tison? La Femme Tison. Qu'y a-t-il, mon capitaine? Dixmer. N'est-ce pas, d'ordinaire, de midi a une heure que la prisonnière va prendre l'air sur la plate-forme? Le Femme Tison. De midi a une heure, justement.. . (Elle fredonne Vair de Malbrouk.) Dixmer. Ah! ah ! tu es bien gaie, aujourd'hui, citoyenne Tison. La Femme Tison. C'est tout simple: ma fille vient de me faire dire qu'elle aurait demain une permission de la commission du Temple pour venir nous voir. Dixmer. Bonne femme! La Femme Tison. Pauvre chère enfant! dire 't is toch wat te qu'on m'empêche d'embrasser ma fille ! (A Bocher, ■ie"en' *" qui est sorti de son échoppe, un journal d la main, et qui écoute.) Eh bien, qu'est-ce que tu veux, toi, avec ta méchante figure? ' Rocher. J'ai a dire . . . j'ai a dire que ta fille 60 fréquente des aristocrates, et qu'il lui arrivera malheur ! La Femme Tison. Qui est-ce qui a dit cela, qu'Héloïse fréquentait des aristocrates? Rocheb. Moi! Avant-hier, je 1'ai vue sortir d'un P»fare»hótel qui avait des colonnes... La Femme Tison. Eh bien, qu'est-ce que cela prouve? C'est qu'Héloïse blanchit bien et qu'elle a nettede belles pratiques .. . Rocheb. Oui; Mais prends garde qu'en blanchissant les autres, elle ne devienne trop blanche elle-même; le blanc est une mauvaise couleur par le temps qui court. . . Entends-tu, citoyenne Tison* Entends-tu?. . . La Femme Tison. Qu'elle* soit ce qu'elle voudra ; mais qu'il ne lui arrivé pas malheur par toi ou par un autre, je ne te dis que cela, Rocher ! (EUe s'éloigne.) SCÈNE V. — Les mêmes, LORIN. Lobin, entrant. Bonjour, les amis ! bonjour, les citoyens ! bonjour les gardes nationaux ! il y én a pour tout le monde ... Ah 9a, je ne vois pas Maurice. Sorti depuis ce matin !.. . Comment pas chez moi, pas chez lui, pas a son poste?. . . C'est grave ! il est arr.êté ou amoureux... Qui est chef de poste, s'il vous plait? Dixmeb. Moi, citoyen. Lobin. Eh bien, citoyen capitaine, peux-tu me dire si Ie citoyen Maurice Linday, qui devait, comme municipal, être de garde prés de la reine, s'est rendu • a >son poste? Je désirerais lui parler. Dixmeb. C'est en effet, son tour de garde, citoyen ; mais il n'est pas encore arrivé. twW er niet Lobin. Oh ! il arrivera, gardez-vous d'en douter ... Dailleurs, me voici pour le remplacer; j'ai mon 61 écharpe dans ma poche. Eh ! mais ce que j'apercois sjerp la-bas, c'est cette brave canaille de Rocher, celui que j'ai si joliment houspillé 1'autre nuit; je suis curieux afgerammeld de savoir s'il me reconnaitra. Rocheb, d part, U regardant de travers. Oh ! Oh ! voilé, un de mes muscadins du faubourg Jacques; qu'est-ce qu'il vient donc faire ici? Lobin, lisant Vinscription placée sur Véchoppe de . Rocher. „Rocheb, sapeur, inspecteur, loue journaux patriotes, et veille au salut de la nation." Citoyen Rocher, salut et fraternité! Rocheb. Ou la mort. . . Lobin. Merci! Rocheb. Qu'est-ce que tu veux? Lobin. Tu loues des journaux, citoyen Rocher . . . Je m'ennuie; loue-moi un journal. Rocheb. Je ne tiens pas les feuilles aristocrates. Lobin. Qu'est-ce qui t'en demande? Rocheb. Oh ! je sais bien ce que tu aimes, va . .. Lobin. Dis donc, dis donc, si tu me prends pour un aristocrate, nous allons encore nous facher. . . Rocheb. Comment, encore? . . . Est-ce que je te connais, moi? Lobin. Eh bien, si tu ne me connais pas, raison de plus pour être poli, citoyen Cerbère. . . Tu vois comme je suis gentil avec toi. . . f'-^M Rocheb, d part. Capon, va! il sent ma force a Lafbek cette heure... Lobin. Toi qui es si bon patriote, tu ne dois lire qu'un excellent journal; loue-moi le journal que tu tiens.. .. Rocheb. Je lis le journal que je veux, et je n'ai pas besoin de ta monnaie ... Je suis libre et incorrup- onomkoopbaar tible, entends-tu? (II Ut.) Lobin, regardant de prés. Dis donc, Rocher, 62 qu'est-ce que 9a te fait de me louer ton journal ? Rocher. Je te dis que je le lis ... onderst boven Lorin. Eh bien, tu le lis & 1'envers; moi, je le ooais 't behoort lirai & 1'endroit, 9a ne te gênera pas. Rocher. Ah 9a! dis donc, méchant aristocrate, op mijn kop zit- est-ce que tu vas venir me crosser comme 1'autre ten nuit ? Lorin. Tiens! je t'ai donc crossé 1'autre nuit ? J'avais cru que tu ne me connaissais pas. .. Rocher. C'est qu'ici je te ferais arrêter, mauvais ci-devant. Lorin. Tu ferais arrêter un thermopyle, toi ? Rocher. Je n'ai qu'a dire ce que tu fais la nuit, méchant girondin ! Lorin. Ce que je fais Ia nuit, c'est tout naturel: ros bwger socher je rosse Ie citoyen Rocher, dit le Sapeur, dit le . . . Rocher, furieux. Ah f brigand! dans 1'exercice de mes fonctions.... (II Ure son sabre.) Lorin, se retourne et lui applique un coup de pied en le poussant dans son échoppe. Eh ! nous y sommes tous deux, dans 1'exercice de nos fonctions ! Va dans ta niche, citoyen inspecteur, et, si tu veilles a steek dan je sabel ton salut autant qu'a celui de la nation, rengaüie ton grand sabre, ou je te coupe les oreilles avec . . . Rocher. Oh ! massacrë ! SCÈNE VI. — Les mêmes, MAURICE, donnant le bras a GENEVIÈVE. Lorin, apercevant Maurice. Ah! enfin, voila Maurice... Tiens, une femme... II n'est qu'amoureux. . . Maurice, au Chevalier et d Dixmer: Bonjour, Dixmer! bonjour, citoyen Morand! (Au Général.) Excusez-moi, général, si je suis en retard; on m'a retenu co matin a Ia section plus longtemps que de coutume. 63 Le Général. N'est-ce pas plfitöt cette belle- citoyenne ? Maurice. Général, la femme du citoyen Dixmer. Le Général. Elle est fort jolie . . . (S'approchant.) Bonjour, citoyenne. Geneviève, saluant. Bonjour, citoyen général. Lorin, qui s'est approché de Maurice. Enfin! te voila, c'est bien heureux ... L'amour fait, ce me semble, du tort a 1'amitié ! N'importe !... présentemoi a ta compagnie. (Maurice présente Lorin d, Geneviève, a Dixmer et au Chevalier.) Matjrice. Je vous présente mon citer et brave Lorin. . . un ami au cceur d'or et qui n'a qu'un seul défaut, celui de toujours réciter des vers ; ce qui fait tort a la poésie en général et a son ami en particxilier. Lorin. Mon cher, ce que tu dis est bien prosaïque, et ce n'est pas devant les dames que tu auras raison contre la poésie. Geneviève. Et vous m'avez assez parlé de la bravoure et de la générosité de M. Lorin, pour qu'il ait toujours raison avec moi. Le Général, a Geneviève, qu'il n'a cessê de regarder. Que viens-tu faire ici, belle patriote ? Le Ohevalier. Je vais te dire, général ...Dy a huit jours, en dïnant avec la citoyenne et le citoyen Maurice, il m'est arrivé de dire que, dans mes nombreux voyages , . . il y avait deux choses que je n'avais jamais vues, un roi et un dieu . .. Alors, le citoyen Maurice nous a offert de nous faire voir la reine. Le Général. Et tu as accepté ? .. . Le Chevalier. Avec empressement. Le Général Tu as bien fait. Maurice. Ainsi, tu permets, citoyen général ? Le Général. Parfaitèment: tu veux que la ^«o«»citoyenne et le citoyen puissent entrer au donjon pour y voir les prisonnières ? C'est chose facile! (A Dixmer.) Capitaine, il faut placer les factionnaires; je leur clirai qu'ils peuvent laisser passer ta femme sous la conduite du munieipal Maurice. Lorin. Veux-tu que je t'accompagne, général ? (A Maurice). Je vais te remplacer; toi, fais le service auprès de la beauté. SCÈNE VII. — Les mêmes, HÉLOÏSE. Héloïse, offrant des fleurs. Qui est-ce qui veut de beaux bouquets, des bouquets d'ceillets qui em, baument«... Qui est-ce qui veut des ceillets ? Le Pactionnaire. On ne passé pas .. . Dixmer, au Chevalier. Héloïse Tison ! Courage ! tout va bien. Le Factionnaire. On ne passé pas . . . Lorin, sur Vescalier. II y a exception pour les ceillets et pour les roses ; laisse entrer. Le Factionnaire. Tu prends cela sur toi ? Lorin. Sur moi, parfaitement. Héloïse, bas, a Dixmer. Ma mère n'est pas la ? Dixmer. Non. Maurice. Ah! les magnifiques ceillets! Voyez donc, Geneviève. Héloïse. Oh ! mon beau munieipal, achète un bouquet a la jolie citoyenne! Elle est habülée de blanc; voila des ceillets d'un rouge superbe; elle mettra le bouquet sur son cceur, et, comme son cceur est bien prés de ton habit bleu, vous aurez a vous deux les couleurs nationales. Maurice. Eh bien, oui, je t'en achète. Geneviève. Maurice, quelle folie ! het marsje Maurice, jetamt un assignat sur 1'éveniaire d'Héloïse. Tiens, voila pour toi... 65 Héloïse. Cinq livres! merci cinq fois, mon beau munieipal 1 (S'éloignant.) Qui vent des ceillets qui embaument ?... qni veut des ceillets ? Dixmeb, bas, a Héloïse. Sortez, voila votre mère. (Héloïse s'enfuit.) La Femme Tison, venant du fond. II me semble avoir entendu la voix de ma fille. Hélas! non, ce n'est pas elle. (Se rapprochant de Maurice.) Eh bien, citoyen munieipal, tu amènes donc ici de la société ? Maubice. Oui, ce sont des amis qui n'oat jamais vu la prisorinière. La Femme Tison. Eh bien, ils seront a merveille derrière le vitrage. raam Le Chevalieb. Certainement que nous serons a merveille. Geneviève. Seulement, nous aurons 1'air de ces curieux cruels, qui viennent, de 1'autre cöté d'une grille, jouir des tourments d'un prisonnier. La Femme Tison. Que ne les mettez-vous sur le chemin de la tour, vos amis.. . puisque la femme s'y promène aujourd'hui avec sa sceur et sa fille. • Geneviève. La citoyenne a raison. Si vous pouviez, d'une facon quelconque, me placer sur le passage de la prisonnière, cela me répugnerait moins het mij minque de la regarder derrière un vitrage. II me semble borst stuüen " que cette manière de voir les prisonnières est humiliante a la fois pour elles et pour nous. Maubice. Bonne Geneviève, vous avez toutes les délicatesses . . . Soyez tranquille, il sera fait comme vous le désirez. La Femme Tison. Trois heures sonnent. II est temps, allons, allons !. si tu veux placer tes amis, citoyen Maurice, viens, suis-moi. Maubice. Venez, Morand ! nous allons la voir . . . Eh bien, qu'avez-vous ? Le Chevalieb. Moi ? Bien ! je vous suis. L. 0. n". 69. 3 06 (Roulemeni de tambours ; on prend les armes ; on ferme les portes; on relève les posies.) Geneviève. Que de précautions pour garder trois femmes, mon Dieu Le Chevalieb. Oui; pi ceux qui tentent de les faire ! évader étaient a notre place, et voyaient ce que nous voyons, je crois que cela les dégoüterait du métier. (Ils montent Vescalier.) Geneviève. En effet, je commence a croire ] qu'elles ne se sauveront pas. Matjbice. Et moi, je 1'espère ! (Ils s'apprêtent a gravir Vescalier.) ! SCÈNE VIII. — Les mêmes, hors MAURICE, GENEVIÈVE et LE CHEVALIER. Le Génééal, d haute voix. Ouvrez, la-haut! la promenade est permise. Lobin, descendant Vescalier. C'est fait, général. (A Maurice, qui est a moitié de Vescalier.) Tu peux monter. Rocheb, a la fenêtre. Ah ! ah ! c'est bien! c'est i bien! (II tire un crayon de sa poche et prend des noles.) Lobjn, le regardant. Ah ca ! toi qui lis a 1'envers, ] tu sais donc écrire a 1'endroit maintenant ? Parole GMwor'd'honneur, il note! c'est Rocher le Censeer. Rocheb. Bon, bon ! on dit que tu as laissé entrer des étrangers dans le donjon, et cela sans la permission de la Commune. Prends garde, si c'est vrai! Lobin. Brute, va! 67 SCÈNE IX. — Lés mêmes, ARTÉMISE, puis LA VEUVE PLUMEAU. Artémise, a qui la sentinelle refuse la porte. Je vous dis que j'ai une foule de raisons 'pour entrer: d'abord, je suis déesse, ou peu s'en faut, et les déesses entrent partout; ensuite, je suis un peu cousine de la veuve Plumeau, et je viens lui demander a'déjeuner; troisièmement, je suis . . . Qu'est-ce que je suis donc au citoyen Lorin ? Je ne sais pas trop comment vous dire cela, sentinelle. Mais, tenez, le voila! il va vous le dire lui-même . . . Citoyen Liorin ? . . . Lorin. Artémise, chère amie! (A la sentinelle.) Laisse passer Sa Divinité. Artémise. Merci, citoyen 1 La veuve Plumeau. Tiens, c'est toi, chère enfant % Artémise. Moi-même, et fort essoufflée, comme vous voyez ; j'ai tant couru ! Lorin. A quel propos courfites-vous, chère amie ? Artémise. Imagine-toi, citoyen, qu'en remontant le quai pour venir ici, je vois une bouquetière ... Ah ! mon Dieu ! c'est a peine si je puis parler. . . Lorin. Remettez-vous, déesse . . . Vous avez donc vu une bouquetière ? . . . Artémise. Une marchande d'oeillets, qui, au lieu de vendre ses bouquets, les jetait dans la Seine, par-dessus le pont. Cette manière de débiter sa marchandise m'étonne ; je la regarde attentivement, plus attentivement encore, et qui est-ce que je reconnais, déguisée en bouquetière ? Mon amie Héloïse Tison ! Lorin. Rue des Nonaindières, 24, celle qui est cause que tu arrivés trop tard aux rendez-vous que tu donnés, déesse ? Artémise. Justement! Je me demande pourquoi 3* 68 Héloïse, de Uanchisseusë qu'elle était, s'est faite bouquetière, et, comme je ne puis rien me répondre de satisfaisant, je me décide a le lm demander a ellermême. Je 1'appelle, elle tourne la tête; je lui fais un signe, elle me reconnaitr; je lui crie de m'attendre, elle ee stfuve ; je cours après elle, je vais la * rejbindre, %uand, au coin de la rue Sainte-Avoie, bonsoir . . . plas d'Héloïse ! disparue ! ^LoErn." Déesse, cela vous apprendra a sortir sans vos ailes. Et, maintenant, que peut-on vous offrir ? orgeade Abtémise. De la limonade, de 1'orgeat ... tout ce que vous voudrez; mais quelque chose a boire. Lobin. Vous entendez, veuve Plumeau. (A Artémise.) Pardon, voici Maurice; je lui dis deux mots et suis tout a vous. (Artémise entre dans la cantine.) SCÈNE X. — Les mêmes, MAURICE, GENEVIÈVE et LE CHEVALIER; DIXMER, arrivant d'un autte cöté. Dixmeb, bas, en regardant sa femme. Elle n'a plus le bouquet. . Lobin. Eh bien, citoyenne, 1'as-tu vue ? ''Sf^ Genevtève. Ah ! oui, grace au citoyen Maurice; et maintenant, je vivrais cent ans, que je la verrais toujours. Lobin. Et comment la trouves-tu ? Geneviève. Bien belle! Matjbice. Et toi, citoyen Morand ? Le Chevalieb. Bien pale ! Maubice, bas. Dites donc, Geneviève, est-ce que ce serait de la reine, par hasard, que Morand serait amoureux ? Geneviève, tressaillant. Oh ! quelle folie! 69 Dixmeb. II commence a se faire tard, Geneviève, il est temps da rentrer. Matjbice. Si madame veut accepter mon bïas jusqu'a la porte de sortie ? Dixmeb. A bientót, Geneviève! Au revoir, citoyen Maurice ! (Maurice, Geneviève, Lorin"et 'Artémise sortent.) ■ SCÈNE XI. — DIXMER, LE CHEVALIER, LA FEMME TISON, ROCHER, puis LORIN, MAURICE - le Général, etc. Le Chevalieb. Bientót quatre heures ! Dixmeb. J'entre dans la cantine; vous, veillez'! Le Chevalieb, & la femme Tison, qui s'assied au pied de Vescalier. Eh bien, qu'avez-vous, pauvre femme ? La femme Tison. J'ai que je suis furieuse. Le Chevalieb. Pourquoi ? La femme Tison. Paree que tout est injustice dans ce monde. Vous êtes bourgeois, vous venez ici pour un jour seulement, et 1'on vous permet de vous y faire visiter par de j olies femmes qui donnent des bouquets, et, moi qui niche peipétuellement dans le colombier, on m'empêche de voir ma pauvre Héloïse. Le Chevaliee, lui donnant un assignat. Tenez, bonne Tison, prenez et ayez courage. La femme Tison. Un assignat do dix livres! c'est gentil de ta part, citoyen . . . Mais j'aimerais mieux une papillote qui eüt enveloppé les cheveux de mon enfant. Le Chevalieb, montant Vescalier. Pauvre femme ! et sa fille, la, tout a 1'heure . . . Rocheb, arrivant. Ah ca ! décidément, tu veux w*'^e met donc te faire guillotiner, citoyenne ? 70 La femme Tison. Et pourquoi cela ? Rocher Comment! tu recois de 1'argent des gardes nationaux pour faire entrer les aristocrates chez la prisonnière. (Pendant ce temps, Maurice est revenu; il s'arrête pour éc&iUcr), ik zal het op. 5* ™™ Tison. Tais-toi, tu es fou ! teekenen Kocher. Ce sera consigné au procés-verbal. La femme Tison. Allons donc ! ce sont des amis du citoyen Maurice, un des meilleurs patriotes qui existent. Rocher. Des conspirateurs, te dis-je I D'ailleurs, la Commune sera informée et elle jügcra. La femme Tison. Allons, espion de police tu aanbrengen vaS me délHHlCer ? ^ ' Rocher. Parfaitement; a moins que tu ne te dénonces toi-même. La femme Tison. Mais quoi dénoncer ? que veuxtu que je dénonce ? Rocher. Ce qui s'est passé, donc ! La femme Tison. Mais puisqu'il ne s'est rien passé ! Rocheb. Oü étaient les aristocrates ? La femme Tison. La-haut, sur 1'escalier. Rocher. Quand la' prisonnière est montée ? La femme Tison. Oui. Rocheb. Et ils se sont parlé 5 La femme Tison. Ils se sont dit deux mots. Rocheb. Daux mots, tu vois ! D'ailleurs, ca sent 1 aristocrate, ici. La femme Tison. C'est-a-dire que ca sent l'ceület. Rocheb. L'ceillet ? pourquoi Toeillet ? La femme Tison. Paree que la citoyenne en avait un bouquet qui embaumait. Rocheb. Mais non, elle n'en avait pas quand ie 1 ai vue sortir. La femme Tison. C'est-a-dire qu'elle n'en avait plus. Rocheb. Et pourquoi n'en avait-elle plus ? 71 La femme Tison. Parcequ'ellel'avaitdonnéalareine. Rocher. Tu vois bien que tu dis ia reine ! Femme Tison, la fréquentation des aristocrates teperd. Un je omgang met bouquet! ils lui donnent des bouquets . . . Eh bien, sur quoi est-ce donc que j'ai marché la ? La femme Tison. Eh ! justement sur un ceillet qui sera tombé du bouquet de la citoyenne au moment oü elle montait. Rocher. Et tu dis que la prisonnière a pris le bouquet des mains de la citoyenne ? Maurice, paraissant. Elle ne 1'a pas pris; c'est moi qui le lui ai donné, entends-tu, Rocher ? Rocher. C'est bien, on voit ce qu'on voit, on sait ce qu'on sait. Maurice. Et moi, je sais Une chose, et je vais te la dire : c'est que tu n'as rien a faire ici, et que ton poste de mouchard est la-bas! Ainsi, a ton poste, spion mouchard, ou je t'y traine de ma main. (Lorin et te Général accourent, suivis de soldats.) Rocher. A moi! au secours ! Ah ! tu menaces ! ah ! tu m'appelles mouchard! (II froisse V'ceillet et y trouve un billet.) Qu'est-ce que cela ? Maurice. Quoi ? Rocher. Un billet . . . un billet dans l'ceillet... Ah ! ton ami Lorin dit que je ne sais pas lire; attends, attends! (On Se groupe autour de lui.) Le Général. Qu'y a-t-il ? Rocher. II y a, que j'ai trouvé un billet dans l'ceillet, et que je cherche mes lunettes pour le lire. Le Général. Donne. (II Ut.) „Aujourd'hui, a quatre heures, demandez a descendre au jardin, attendu que l'ordre est donné de vous accorder cette faveur sitöt que vous la désirerez. Après avoir fait trois ou quatre tours, approchez-vous de la cantine, et demandez a la femme Plumeau la permission de vous asseoir chez elle. La, au bout d'un instant, 72 feignez de vous trouver plus mal et de vous évanouir ; alors, on écartera tout le monde, afin que 1'on puisse vous porter secours, et vous resterez avec votre soeur et votre fille. Aussitót, la trappe de la cave s'ouvrira; précipitez-vous toutes les trois par cette ouverture, et vous êtes sauvées." (Dixmer et le Chevalier écoutent chacun a l'extrémité du thédtre.) Rocher. . Un complot! un complot! . . . j'ai découvert un complot! . . . A moi! a moi, les patriotas du Tample! Le Général, a Maurice, qui écarté la joule pour arriver jusqu'a lui. Da quoi s'agit-il, Maurice ? Maurice. Citoyen général, je suis prêt a donner toutes les explications nécessaires ; mais, avant toute chose, je dsmande a être arrêté . . . Le Général. Airêté, et pourquoi ? Maurice. Paree que c'est moi qui ai donné le bouquet a la reine. Le Général. Citoyen Maurice, tiens-toi a Ia ter beschikking AiSf0sitioa de la Commune. Lorin. Maurice accusé, a propos d'un ceillet ? Ah ! la bouquetière qui jette ses fleurs par-dessus le pont! rue des Nonaindières, 24. (II sort; on entend sonner quatre heures.) Le Général. Quatre heures ! 1'instant fixé pour I'enlèvement . . . Capitaine Dixmer, aux armes! Citoyen munieipal, fermez les portes de la tour ! (A un autre.) Vous, gardez cette cantine. Grenadiers, a vos rangs ! canonniers, a vos pièces ! Capitaine, avec cinquante hommes sur eet escalier. (Mouvement des troupes ; commandementa müitaires ; roulements de tambours; les canons viennent se mettre en batterie.) Dixmer. Eh bien, chevalier, que faut-il faire ? Le Chevalier. Rien . . . Dieu ne 1'a pas voulu. Le Général. Maintenant, Maurice, a la section. Tous. A la section ! 73 CTNQUTÈME TABLEAU La section du Temple. — Au milieu, la tribune des orateurs. A gauche, le fauteuil et le bureau du President; des gradins garnis de spectateurs, et ophopende bansurtout de femmes. Une foule de sectionnaires " entrent au son du tambour. SCÈNE PREMIÈRE. — Le Président, un Perruquier, MAURICE, Peuple. Le Président. Comment t'appelles-tu ? Le Perruqtjier. Caïus Pousignon. Le Président. Oü demeures-tu ? Le Perruqtjier. Rue de la Calandre, n° 7. Le Président. Que fais-tu ? Le Perruquier. Je suis perruquier. Le Président. Quel gage as-tu donné a la Révo- bewijs van trouw lution 1 Le Perruqtjier. Je paye exactement mes impóts Le Président. Tu ne fais que ton devoir . . . Après ? Le Perruquier. Je monte exactement ma garde chaque fois que je recois mon billet. Le Président. Le beau mérite ! . . . Si tu ne la montais pas, on t'enverrait en prison . . . Après ? Le Perruquier. Eh bien, après ? Le Président. Viens-tu souvent a la section ? Le Perruquier. J'y viendrais avec bien du plaisir, citoyen, si les affaires de mon commerce . . . Le Président. Qu'est-ce que c'est que cela, les affaires de ton commerce ? Les affaires de la nation avant tout! Es-tu bon patriote ? . . . Le Perruquier. Oh! cela, je m'en vante. Le Président. C'est ce que nous allons voir. Un Sectionnaire. Oui, c'est ce que nous allons voir ... Je demande la parole, 74 Le Président. Approche, jeune patriote. Le Sectionnaire. Citoyen president, demandelui un peu ce qu'il a fait pour être pendu en cas de contre-révolu tion. Le Président. Tu as entendu la demande ? Le Perruquier. Certainement, je 1'ai entendue. Le Président. Eh bien, réponds-y . . . Qu'astu fait ? . . . Voyons. .Le Perruquteb. Ce que j'ai fait? D'abord, j'étais a la prise de la Bastüle. Le Sectionnaire. Oui, il était perruquier du gouverneur, ce n'est pas étonnant qu'il y fut. Le Perruquier. J'étais aux Tuileries le 10 aoüt. Le Sectionnaire. Oui, comme valet de chambre d'un ci-devant marquis. Le Président. Et qu'as-tu fait aux Tuileries, au 10 aoüt ? Le Perruquier. J'ai tué . . . je crois que . j'ai tué . . . ou blessé un satelhte des tyrans. Le Sectionnaire, montant aussi a la tribune. Eh bien, je vais aider ta mémoire . . . Tu ne 1'as ni tué' ni blessé, ce satellite du tyran; ta 1'as poussé dans une allée de la rue de 1'Échelle, en refermant la porte sur lui, pour qu'ensuite il put se sauver tranquillement. opschudding (Rumeurs dans Vassemblee.) Le Président. Est-ce vrai! Le Perruquier. Écoutez-moi, mon cher monsieur. (Cris, tumuUe, explosion.) Un Sectionnaire. II a dit monsieur, c'est un traitre, un ci-devant. (Pousignon disparaU dans la tribune.) Le Sectionnaire. Et il a continué de coiffer les aristocrates; veux-tu dire que non ? . . . C'est toi qui coiffais Barnave et Gensonné.1 Le Perruquier. Pardon 1 ils sont devenus des 1 Peux girondins. 76 aristocrates depuis, a ce qu'il parait; mais, è, Pépoque oü je les coiffais, ils étaient encore de bons patriotes. . . Cris. Jamais ! . . . jamais ! C'est un gkondin . . . A bas les girondins! a mort les girondins! SCÈNE II. — Les mêmes, ROCHER, LA FEMME TISON. Envahissement du peuple. Rocher. Oui! oui! a mort les girondins! . . . Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit . . . Aux armes, citoyens ! la patrie est en danger . . . Le Président. La patrie est en danger ? . . . Qu'y a-t-il, citoyen Rocher! Le Perruqtjier. Je crois que je ne ferais pas mal de profiter de ce que la patrie est en danger. (II S'CSquiVe.) sluipt weg Un Membre. Eh bien, eh bien, oü va-t-il ? Rocher. Laisse-le aller, nous le retrouverons ; il est connu : Caïus Pousignon,. perruquier, rue de la Calandre; mais je vous apporte mieux que cela pour le moment. Le Président. Citoyen Rocher, tu as dit que la patrie était en danger ? Rocher. Oui; mais j'étais la, et je 1'ai sauvée! Cris.' Vive Rocher ! vivé Rocher ! Rocher, mode.stement. Merci! Un Membre. Je vote pour qu'on décerne au brave dat men hem Rocher les honneurs de la séance. IZgadermglij Maurice, des tribunes. Attendez au moins que te wonen vous sachiez ce qu'il a fait. Rocher. Ah ! tu es Ik, toi ? Maurice. Pourquoi pas ? Rocher, au Président. Je te dénonce le traitre, citoyen. Le citoyen Maurice Linday est un traitre, un aristocrate, un ci-devant. Le Président. Maurice Linday, le secrétaire de la section Lepelletier ? 76 Ig Matjbice. Laisse-le donc dire, citoyen. Rocheb. Oui, oui, un traitre, ainsi que le citoyen Lorin, autre aristocrate. Le Pbésident. Qui les accuse ? Rocheb. La femme Tison, ici présente. (A la femme Tison.) Monte a la tribune et accuse-les. La femme Tison. Que je monte ? . . . Rocheb. Oui, accuse, accuse, si tu veux qu'on te rende ta fille. La femme Tison. Alors, j'accuse. g_ Le Pbésident. Et qui accuses-tu ? La femme Tison. Le citoyen Maurice Linday.. . Rocheb, bas. Et le citoyen Lorin. La femme Tison. Et le citoyen Lorin. (Bas.) Me rendra-t-on ma fille ? i Rocheb. Oui, oui, accuse. | Le Pbésident. Et de quoi les accuses-tu ? Rocheb. De complot; ils ont tenté de faire évader la prisonnière du Temple. Matjbice. Citoyen Rocher, laisse donc parler la citoyenne accusatrice. Rocheb. Tu n'as pas la parole . . . Dis-lui qu'il n'a pas la parole, citoyen. Le Pbésident. Femme Tison, quel est le complot que tu viens dénoncer a la section ? La femme Tison. Le complot ? Rocheb. Oui . . . le complot de l'ceillet, tu sais bien. La femme Tison. Le complot de Pceillet . . c'est cela . . . Le Pbésident. Et bien, achève ... Matjbice. Citoyen président, tu vois que la pauvre femme est a moitié folie, et que, quoique soufflée par eet excellent patriote Rocher, elle pourrait bien manquer de mémoire . . . Si tu veux, je vais te le dire, le complot, moi . . . leg dien verrader t> rt'A. , het zwijgen op "ocheb. Ldtoyen, impose donc silence au traitre... Tu y'as pas la paroio, girondin! 77 Les Sectionnaikes. Si!. . . si 1. . . Non ! . . . non !.. . Qu'il parle !... qu'il parle 1. .. (Tumutte effroyable.) Le Pbésident, se couvrant. Silence! . . . (II agite la sonnette. — Profiant du silence.) La parole est au citoyen Maurice Linday, pour raconter le complot . . . Tous. Bravo ! bravo ! bravo ! Maubice. Eh bien, on a trouvé tout un plan d'évasion dans un ceillet . . . Le Président. Alors, il y a complot ? . . . Maubice. Certainement. Rocheb. II avoue . . . Tu vois qu'il avoue, citoyen. Le Président. Et par qui rceillet avait-il été apporté ? Maubice. Par une femme qui a été instrument, mais qui, a coup sur, n'est pas complice. Rocheb. Elle a donné un ceillet a la prisonnière .. . un ceillet dans lequel il y avait une lettre. (A la femme Tison.) Accuse donc, toi, puisque tu es venuc pour accuser. Le Président. Et qui avait conduit cette femme au Temple ? Maubice. Moi, citoyen. Rocheb. Lui! vous voyez ! Maubice. Oui, moi. Le Président. Comment 1'appelles-tu ? Maubice. C'est la citoyenne Dixmer. Son mari est capitaine dans la garde civique, et connu pour son patriotisme dans tout le quartier Victor. Rocheb. Oui, fameux patriote ! sa femme deman- «» moo»e de a voir la prisonnière. Maubice. Non, c'est moi qui, en dïnant chez elle, lui ai proposé de la conduire au Temple, oü elle n'était jamais entree . . . Le Président. Mais, alors, la citoyenne Dixmer 78 s'est munie de fleurs, et le bouquet a été fait d'avance ? Maueice. Pas du tout; car c'est encore moi-même qui ai acheté ces fleurs a une bouquetière qui est venue nous les offrir dans la cour du Temple. Le Pbésident. Mais, depuis le moment oü le bouquet a été acheté jusqu'a celui oü la citoyenne Dixmer s'est trouvée en face de la prisonnière, on a pu glisser un billet dans les fleurs. Matjbice. Impossible, citoyen; je n'ai pas quitté un seul instant la citoyenne Dixmer, et, pour glisser un billet dans chacune des fleurs, — car remarquez que chaque ceillet, a ce que dit Rocher, devait contenir un billet pareil, — il eót fallu au moins une demi-journée. Le Pbésident. Alors, a ton avis, citoyen, il n'y a donc pas de complot ? Maurice. Si fait ... et je suis même Ie premier a 1'afnrmer et a le croire ; . . . seulement, ce complot ne vient ni de moi ni de mes amis: aussi ne devons nous pas en rester la, citoyen président, et faut-il chercher la bouquetière ? . . . Rocheb. Ah ! oui, la bouquetière ! la bouquetière ! Elle ne se retrouvera pas! Je vous en préviens d'avance, c'est un complot formé par une société de ci-devant 'l!caevene w*ttM(lui se fejettent la balie les uns aux autres, comme des laches qu'ils sont. Vous avez bien vu, d'aillèurs, degepte^ '""l116 le citoyen Lorin avait décampé quand on s'est presenté chez lui . . . Eh bien, il ne se retrouvera pas plus que la bouquetière ! SCÈNE ITI. — Les mêmes, LORIN. Lobin. Tu en as menti, Rocher! II se retrouvera, car le voici! Place a moi, place ! (II va s'asseoir prés de Maurice. Maurice sourit et lui tend la main.) 79 Les Teibtjnes. Bravo ! bravo ! Lorin. Eh bien, qu'ont-ils donc a applaudir, Ia-haiiv ? Rocheb. Citoyens, je demande que la citoyenne Tison soit entendue; je demande qu'elle parle; je demande qu'elle accuse ! Lobin. La. femme Tison! . . . Oh! citoyens, avant que cette femme accuse, avant qu'elle ait dit un mot devant vous, je demande que la jeune bouquetière qui vient d'être arrêtée, et qu'on va amener iei, soit entendue! Rocheb. Non, non! c'est encore quelque faux tëmoin! quelque partisan des aristocrates! . . . D'ailleurs, la citoyenne Tison brüle du désir d'éclairer la justice. Les Sectionnaires. Oui, oui, la déposition de het getuigenis la citoyenne Tison ! oui, qu'elle déposo! Xe Pbésident. Un instant! . . . Citoyen munieipal, n'as-tu rien a dire, d'abord ? Matjbice. Non, citoyen ; sinon qu'avant d'appeler lache et traitre un homme comme moi, Rocher aurait dü attendre d'être mieux instruit. Rocheb. Tu dis ? tu dis ? . . . Lobin. Que tu seras cruellement puni, tout a 1'heure, quand tu vas voir ce qui va arriver. Rocheb. Et que va-t-il donc arriver 1 Lobin. Citoyen, je demande encore une fois que la jeune fille qui vient d'être arrêtée soit entendue, avant qu'on fasse parler cette pauvre femme. Rocheb. Tu ne veux pas qu'elle parle, paree qu'elle sait la vérité! . . . Lobin. La malheureuse! elle ne sait pas qui elle accuse, on lui a soufflé sa déposition. Rocheb. Entends-tu, citoyenne, entends-tu ? . . . On dit la-bas que tu es un faux témoin! La femme Tison. Moi, un faux témoin ? Attends ! attends ! . . . 80 LoRTN. Oh ! citoyen, par pitié . . . non-seulement ordonné a cette malheureuse de se taire, maiséloigne-la d'ici! Rocher. Ah ! tu as peur ? . . . Eh bien, moi, je requiers Ia déposition de Ia citoyenne Tison! . . . Les Sectionnatres. Oui, oui, la déposition! (Bumeurs au dehors.) Le Président. Informez-vous quel est ce bruit. Un Gendarme. C'est une jeune femme qu'on amène. Lorin, a Maurice. C'est elle ? Maurice. Oui . . . Oh! la malheureuse! elle est perdue ! Les Sectionnatres. La bouquetière ! la bouquetière ! c'est la bouquetière! . . . Rocher. Je demande, avant toute chose, la déposition de Ia femme Tison. Tu lui as ordonné de déposer: eh bien, il faut qu'elle dépose! (Bruit et cris des tribunes.) Le'Président. Pemme Tison, tu as la parole ! . . . ■ La femme Tison. Citoyen, ce sont tous des aristocrates ... Ils sont venus, comme 9a, une société tout entière, pour voir la prisonnière . . . tandis qu'a moi, on me défend de voir ma fille Et puis il est entré une bouquetière qui n'avait pas le droit d'entrer, puisque la consigne était donnée a la porte de ne laisser entrer personne. C'est le citoyen Lorin et le citoyen Maurice qui lui ont permis d'entrer ... Elle avait des bouquets; dans ces bouquets, il y avait des billets . . . Ce sont tous aristocrates . . . excepté pourtant le citoyen Morand, qui est un bon enfant; car il m'a donné un assignat de dix livres. Aussi, lui, je ne 1'accuse pas ; mais j'accuse le citoyen Lorin, j'accuse le citoyen Maurice, j'accuse la bouquetière ... Ce sont des traitres a la nation ! . j'accuse ! j'accuse ! . . . 81 Rocher. Bien! bien! . . . II y sauteront tous! ** La femme Tison, d Rocher. Et on me rendra mon Héloïse ? Rocher. Oui, sois tranquille ! La femme Tison. Bon ! Le Président. Maintenant, la bouquetière ! Voix des Tribunes. La bouquetière ! la bouquetière ! Le Chevalier, dans la joule. Oh ! c'est affreux !. .. SCÈNE IV. — Les mêmes, HÉLOÏSE. Héloïse, relevant son voile. Me voici, citoyen < président! La femme Tison. Héloïse ! ma fille! . . . Toi, ici ? . . . Héloïse. Oui, ma nière. Tous. Sa fille ! sa fille ! La femme Tison. Et pourquoi es-tu ici . . . entre deux gendarmes ? Héloïse. Paree que je suis accusée, ma mère. La femme Tison. Toi! accusée ! ... et par qui ? Héloïse. Par vous ... Je suis la bouquetière. Voix des Tribunes. Sa fille ! ... Oh ! la malheureuse ! ... la malheureuse ! . . . La femme Tison, tombant d genoux. Mon Dieu! Le Président. Comment t'appelles-tu ? Héloïse. Héloïse Tison, citoyen. Le Président. chokuba&e notre réputation ébranlée ! . . . J'ai appris, aujourd'hui, a la section, deux grandes nouvelles. Maurice. Lesquelles ? Lorin. La première, c'est que nous commencons, malgré notre acquittement triomphal, a être mal vus, toi et moi . . . Maurice. Je le sais ; après ? Lorin. La seconde, c'est que toute la conspiration a l'ceillet a été conduite par le chevalier de MaisonRouge. 91 Mattbice. Je Ie sais encore. Lorin. Ah ! tu le sais encore ? Mattrice. Oui. Lorin. Alors, passons a une troisième nouvelle . . . Tu ne la sais pas, celle-la, j'en suis sür: c'est que nous allons prendre, ce soir, le chevalier de Maison-Rouge. Mattrice. Prendre le chevalier de Maison-Rouge ? Lorin. Oui! Mattrice. Tu t'es donc fait gendarme ? Lorin. Non; mais je suis patriote.... Un patriote se doit a sa patrie . . . Or, ma patrie est abominablement ravagée par ce chevalier de MaisonRouge, qui entasse complots sur complots . . . Et, la patrie m'ordonnant, a moi, de la débarrasser du susdit chevalier, qui la gêne . . . j'obéis a la patrie. Mattrice. C'est égal, Lorin, il est singulier quetu te charges d'une pareille commission . . . Lorin. Je ne m'en suis pas chargé . . . On m'en a chargé ! . . . D'ailleurs, je dois dire que je 1'eusse dat %k er om ge briguée, la commission. II nous faut un coup éclatant tenagizovheh pour nous réhabiliter, attendu que, pour nous, la réhabilitation, c'est la vie . . . Aussi, je suis venu te prendre en passant. Mattrice. Pour quoi faire ? Lorin. Pour te mettre a la tête de 1'expédition. Mattrice. Et qui m'a désigné ? Lorin. Le général. Mattrice. Mais qui m'avaitjndiqué au général ? Lorin. Moi!.. . Ainsi donc, en avant, marche !. . . La Violoipf, en eliantant, nous ouvre la barrière. Mattrice. Mon cher Lorin, je suis désespéré, mais je ne me sens pas le moindre goüt pour cette expédition . . . Tu diras que tu ne m'as pas rencontré. Lorin. Impossible ! . . . tous nos hommes savent que tu étais chez toi, puisqu'ils ont vu Agésilas me faire signe. 92 Matjbice. Eh bien, tu diras que tu m'as rencontré, mais que je n'ai pas voulu être des vötres . . . Lobin. Impossible encore . . . Maurice. Et pourquoi cela ? Lobin. Paree que, cette fois, tu ne serais plus seulement ce qu'on t'accuse d'être: un tiède . . . mais tu deviendrais un suspect . . . Et tu sais ce qu'on en fait, des suspects : on les conduit sur la place de la Révolution, et, la, on les invite a saluer la statue de la Liberté; seulement, au lieu de la saluer avec le chapeau, ils la saluent avec la tête . . . Maurice. Eh bien, Lorin, il arrivera ce qu'il pourra. Lobin. Comment ? Matjbice. Oui, cela va te paraïtre étrange, peutêtre; mais, sur mon ame, je suis dégoüté de la vie. (II s'aasied.) "je""™?^ Lobin. Bon! . . . nous sommes en bisbille avec aangebedene,e notre bi'ers-aiinée, et cela nous donne des idéés mélancoliques! . . . Allons, bel Amadis I, redevenons un homme . . . et, de la, nous passerons citoyen ! . . . Moi, au contraire, je ne me sens jamais meilleur op vlaVkaVMn patriote que lorsque je suis en brouille avec la citoyenne Artémise . . . A propos, Sa Divinité la déesse Raison te dit des millions de choses gracieuses . . . Elle a été nommee déesse ce matin . . . a trois cents voix de majorité! Maubice. Tu lui feras mes compliment*, Lorin. Lobin. C'est tout ? Maubice. Ooi. Lobin. Tu ne viens pas ? Maubice. Non. Lobin. Maurice, tu te perds. Maubice. Eh bien, je me perds... D'ailleurs, qui vous dit que le chevalier de Maison-Rouge soit, en effet, le chef de la conspiration du souterrain ? 1 Personnage d'un roman de euevalerie. 93 Lobin. Od le présume. Maurice. Ah ! vous procédez par induction ? i' vermoedt het m , r . maar Lorin. Pour moi, eest une certitude. Maubice. Comment arranges-tu tout cela ? Voyons, car enfin . . . Lorin. Ecoute bien. Maurice. J'écoute. Lorin. A peine ai-je entendu crier: „Grande conspiration découverte par le citoyen Rocher . . ." cette canaille de Rocher ! il est partout, le misérable ! . i . que j'ai voulu juger de la vérité par moi-même. Or, on parlait d'un souterrain . . . Maurice. Existe-t-il, seulement ? Lorin. S'il existe ? ... Je 1'ai vu, vu de mes yeux, vu, ce qui s'appelle vu ! ... Je 1'ai parcouru, et il correspondait de la cave de la citoyenne Plumeau a une maison de la rue de la Corderie, n°. 14 ou 16, je ne me rappelle plus bien. Maurice. II me semble qu'alors ceux que Pon eüt dü arrêter d'abord étaient les habitants de cette maison de la rue de la Corderie . . . Lorin. C'est ce que Pon aurait fait aussi, si Pon n'eüt pas trouvé la maison parf aitement dénuée de zonder huurder» locataires. Maurice. Mais, enfin, cette maison appartenait a quelqu'un. Lorin. Oui, a un nouveau propriétaire; mais personne ne le connaissait: on savait que la maison avait changé de maitre depuis huit ou dix jours, voila tout . . . Les voisins avaient bien entendu du bruit; mais, comme la maison était vieille, ils avaient cru qu'on travaillait aux réparations. Quant a 1'autre propriétaire, il avait quitté Paris . . . A qui s'en prendre ? . . . J!arrive sur ces entrefaites. „Pardieu ! dis-je au général en le tirant a part, vous voila bien embarrassés ! — C'est vrai, me répondit-il, nous le sommes! — Cette maison a été vendue, 94 n„T*toanM"n'est-ce pas ? — Oui ... — Vendue par-devaït notaire ? — Oui. — Eh bien, il faut chercher chez tous les notaires de Paris, afin de savoir leqUel a vendu cette maison, et se faire communiquer 1'acte; on verra dessus le nom et le domicile de 1'acheteur .. . — A la bonne heure, c'est un conseil cela! s'écria le général; et voila un homme que 1'on accuse d'être mauvais patriote ! . . . Lorin ! Lorin! je te réhabiliterai, ou Ie diable me brule !" Bref, ce qui fut dit fut fait: on chercha Ie notaire, on retrouva 1'acte, le nom et le domicile de 1'acquéreur . . . Alors, le général m'a tenu parole, et m'a accordé la faveur d'aller arrêter le coupable ; je partage avec toi cette faveur. Maurice. Et cet homme, c'est le chevalier de Maison-Rouge ? Lorin. Non, son complice seulement. Maurice. Ce n'est pas Ie chevalier de MaisonRouge ? Lorin. Non, te dis-je ; mais on 1'a reconnu, suivi et perdu dans les environs du domicile de notre propriétaire de la rue de la Corderie . . . Viens avec noup, viens ! Maurice. Mais, encore une fois, non! Lorin. Réfléchis. Maurice. Mes réflexions sont faites. Lorin. Je ne t'ai pas tout répété. Maurice. Tout quoi ? Lorin. Tout ce qu'a dit le général. Maurice. Que t'a-t-il dit ? Lorin. Quand je t'ai désigné pour le chef de I'expédition, il m'a dit: „Prends garde a Maurice !" Maurice. A moi ? Lorin. A toi . . . „Maurice, a-til ajouté, va bien souvent dans ce quartier-Ia!" Maurice. Dans quel quartier ? Lorin, Dans celui de Maison-Rouge. 95 . Mattrice. Et dans quoi quartier demeure donc Maison-Rouge ? Lorin. Vieille rue Jacques. Mattrice. Comment, vieille rue Jacques ? •{ Lorin. C'est la que loge 1'acheteur de Ia maison de la rue de la Corderie. Maurice. Oh ! mon Dieu ! Lorin. Qu'as-tu ? Maurice. Rien ... Et cet acheteur ? Lorin. Un maitre tanneur, je crois. Maurice. Son nom ? Lorin. Dixmer. Maurice. Dixmer ? Lorin, je vais avec vous. Lorin, d part. Oh ! je savais bien que tuviendrais, quand je te nommerais Dixmer. (Haut.) A la bonne heure ! Maurice. Agésilas! Agésilas, paraissant. Citoyen ? Maurice. Mon sabre, mes pistolets! . . . Le chevalier dans la maison de Dixmer! . . . Viens Lorin! . . . (Ils s'élance, hors de Vappartement) 96 SEPTIÈME TABLEAU. Le jardin de Dixmer (nuit). Le pavillon plus grand. La serxe dans la coulisse. SCÈNE PREMIÈRE. — DIXMER et LE CHEVALIER, prés de la porte du fond ; GENEVIÈVE, dans le pavillon, la tête entre ses deux- mains. Dixmeb. Heureusement, mon nom senl est sur 'acte de vente de la maison qui avoisine le Temple; je suis donc seul compromis ; sans cela, je ne consentirais jamais a vous quitter d'une minute. Je vous recommande Geneviève ! . . . Le Chevalieb. Soyez tranquille ; d'ailleurs, nousmêmes, dans une heure,'nous serons loin d'ici! . . . Dixmeb. Demain, toute la joumée a Charenton, chez le vioómte! . . . Le Chevalieb. Trés bien ! . . . Dixmeb. Et puis je ne m'éloigne d'ici qu'a la dernière extrémité. Le Chevalieb. Adieu ! . . . (Dixmer sort par la porte du fond.) SCÈNE H. — LE CHEVALIER, entrant dans le pavillon; GENEVIÈVE. Le Chevalieb, s'arrêtant derrière eüe. Geneviève 1 . . . Geneviève. Mon ami! . . . Le Chevalieb. Vous êtes forte, n'est-ce pas ? Geneviève. Oh! mon Dieu! vous me faites peur. Le Chevalieb. Appelez toute votre force a votre aide . . . On est sur les traces de votre mari . . . Geneviève. Eh! qu'est-il deveuu ? . . . Le Chevalier. Sauvé ! . . . Des adieux 1'eussent retenu trop longtemps prés de vous. D'ailleurs, nous allons le rejoindre ! . . . Geneviève. Oü cela ? Le Chevalier. Oü 1'on rejoint les exilés . . . Nul ne peut le dire! . . . Geneviève. Et nous partons ? . . . Le Chevalier. Le temps de bróler quelques papiers, voila tout . . . J'entre dans cette chambre. . . Faites vos préparatifs, Geneviève. (II sort.) SCÈNE Hl. — GENEVIÈVE, seule. . Oh ! mon Dieu, partir ainsi, sans le voir! Si je lui écrivais . . . Mais par qui lui faire por ter cette lettre ? II est déja bien assez compromis . . . grace • a moi! Oh ! que va-t-il se passer ? . . . que va-t-il dire ? . . . Moi qui lui avais donné rendez-vous pour demain ! il va croire que je ne 1'ai attiré ici que pour le perdre ! . . . Oh ! j'eusse dü résister! . . . Mon Dieu, Maurice ! Maurice ! . . . SCÈNE IV. — GENEVIÈVE, dans le pavillon; MAURICE, apparaissant au-dessus du mur; LORIN, de 1'autre cóté du mur. Maurice. C'est bien, gardez les entrées; placez six hommes sürs, a la sortie du pavillon, les autres dans les encoignures des portes ; surtout, n'allez pas hoeken dégarnir les passages, et ne venez pas sans que je onbewaakt laten vous appelle; moi, je vais sauter par-dessus le mur et veiller dans le jardin. Lorin. A merveille, et, s'il en est besoin, de 1'intérieur, tu nous ouvriras. Maurice. Oui, d'autant plus que, d'ici, je vois tout ce qui se passé. L. O. w. 69, 4 98 Lobin. Tu connais donc la maison t Maurice, avec hesüation. Autrefois, j'ai voulu 1'acheter . . . Allez ! . . . allez ! . . . Lobin. Eh bien, attends donc ! . . . Maubice. Quoi ? • Lorin. Et le mot d'ordre ? Maubice. C'est juste ! . . . Lobin. CEittet et Souterrain. Arrête tous ceux qui ne te diront pas ces deux mots, laisse passer tous ceux qui te les diront, voilé, la consigne ! . . . Maubice. Merci! (II saute dans le jardin.) SCÈNE V. — MAURICE, dans le jardin; GENEVIÈVE, dans le pavillon; puis LE CHEVALIER. C'est bien ici 1 . . . Ainsi, elle me trompait! Pauvre insensé que j'étais! . . . Ah ! il y a de la lumière dans ce pavillon . . . Que fait-elle 1 . . . (II cherche d voir au travers des persiennes.) Le Chevalieb, de la chambre voisine. Tout est brülé. Étes-vous prête, Geneviève ? Geneviève. Oh ! mon Dieu ! . . . il faut donc partir ? . . . Le Chevalieb. II le faut! . . . Geneviève. Oh ! je ne pourrai jamais! . . . Maubice. Quelqu'un avec Geneviève ... Ce n'est pas Ia voix de Dixmer. Le Chevalieb. Du courage, ma sceur ! Geneviève. Oh ! vous ne savez pas tout ce que je souffre a quitter lette maison, a m'éloigner de Paris. Le Chevalieb. Nous allons retrouver Dixmer !.. . Geneviève. Mon mari. lui qui m'a abandonnée .. . qui me laisse ici . . . seule . . . Le Chevalieb. Seule . . . avec moi ? 99 . Geneviève. Seule avec mon désespoir ... avec une pensee qui me dévore, qui me tue. Le Chevalieb. Geneviève, cette exaltation m'effraye ... II s'agissait, pour Dixmer, de la vie !... Geneviève. De la vie . . . Et pour moi, mon Dieu ! . . . Tenez, le cri de douleur qui s'échappe enfin de ma poitrine, c'est le cri de la conscience . . . Cependant, non, je n'ai rien a me reprocher; mais mon mari . . . Le Chevai ieb. Oui, je le sais, il aurait dü vous épargner, il aurait dü penser qu'une femme . . . Geneviève. Oh ! il a été bien coupable ei bien lache ! Le Chevalieb. Geneviève, Vous, si Indulgente, toegeeflijk si résignée, reprocher avec tant d'amertume a Dixmer les angoisses que vous avez subies pour notre cause ! . . Geneviève. Oh ! ce n'est pas cela que je lui reproche ! . . . Le Chevalieb. A-t-il donc d'autres torts envers vous ? . . . Geneviève. Quoi! vous n'avez pas compris ? Vous n'avez donc rien vu, mes luttes, mes combats, mes larmes, ma résistance, enfin ? . . . Le Chevalieb. Votre résistance ? . . . Geneviève. Eh bien, a vous, mon ami, a vous, mon frère, je veux tout dire . . . Sachez donc . . . Matjbice, repouaaant la fenêtre et a'élancant dans Vappartement. Oh ! c'est trop souffrir! . . . Geneviève, pouaaant un cri. Quelqu'un ! . . . Le Chevalieb, appuyant deux pistolets sur la poitrine de Maurice. Un pas 'de plus, vous êtes mort. Geneviève, reconnaissant Maurice. Maurice ! . . . Matjbice, croisant les bras. Monsieur, vous êtes le chevalier de Maison-Rouge ? . . . Le Chevalieb. Et quand cela serait ?... En wat «maat? Matjbice. C'est que, si cela est, vous êtes un 4* 100 homme brave et, par conséquent, calme ... et je vais vous dire deux mots . . . Le Chevalier. Parlez ! . . . Maurice. Vous pouvez me tuer; mais vous ne me tuerez pas avant que j'aie poussé un cri, .... Si omringden je pousse ce cri, trois cents hommes qui cernent cette maison 1'auront réduite en cendres avant dix minutes ; ainsi, abaissez vos pistolets, et écoutez ce que je vais dire a madame! . . . Le Chevalieb. A Geneviève ? . . . Geneviève. A moi « . . . Maurice. Vous sou venez-vous, madame, qu'un jour, je vous ai exprimé mon étonnement, et, pourquoi e beTo°ekfnrendene ^as l'avouer • mon inquiétude en voyant 1'assiduité e m de M. Morand auprès de vous ? . . . Vous rappelezvous ce que vous m'avez répondu, madame «... Geneviève. Je vous ai dit, Maurice, que je n'aimais pas M. Morand. Maurice. Je vois, maintenant, que vous aviez dit vrai: en effet, vous n'aimez pas M. Morand. Geneviève. Maurice, éooutez-moi ! . . . Maurice. Je n'ai rien a entendre, madame ; vous m'avez trompó ! . . . Le Chevalier. Trompé ? . . . Maurice. Vous avez brisé d'un sevl coup tous les terbonden iiens ^ai scefiaient mon cceur au vötre. Le Chevalieb, d part. Ils s'aimaient! Maubice. Vous avez dit que vous n'aimiez pas M. Morand; mais vous n'avez pas dit que vous en aimiez un autre ! . . . Le Chevalieb. Monsieur, que parlez-vous de Morand, ou plutftt, de quel Morand parlez vous «... Maubice. De Morand, 1'associé de Dixmer. Le Chevalieb. Eh! monsieur, Morand et le chevalier de Maison-Rouge ne font qu'un. Morand est devant vous ! Maubice. Ah! en effet... je comprends, vous 101 n'aimiez pas Morand, madame, puisque Morand n'existe pas ! . . . Mais le subterfuge, pour être plus uitvlucht adroit, n'en est pas moins méprisable ! . . . Le Chevalier. Monsieur . . . Maurice. Veuillez me laisser causer un instant avec madame, veuillez même assister a cet entretien ; il ne sera pas long, je vous en réponds . . . Geneviève. Chevalier, je vous en prie . . . Maurice. Ainsi, vous, Geneviève, vous! . . . vous m'avez rendu la rlsée de vos amis, 1'exécrationtBt .een <*»»/?«>des miens; vous m'avez fait servir, aveugle que tot 'un voorwerp j'étais, a tous vos complots; vous avez tiré de moi mn afsehuu 1'utüité qu'on tire d'un instrument! Écoutez, c'est une action infame ! mais vous en serez punie ! . . . car monsieur que voila va me tuer sous vos yeux ! mais, avant cinq minutes, il sera la, lui aussi, gisani neergestort a vos pieds ! . . . ou, s'il vit, ce sera pour porter sa tête sur 1'échafaud ! . . . Geneviève. Lui, mourir ? lui porter sa tête sur 1'échafaud ? . . . Vous ne savez donc pas, Maurice, que, lui, c'est mon protecteur, c'est mon frère; que je donnerais ma vie pour la sienne; que, s'il meurt, je mourrai ? Maurice, se retournant vers le Chevalier. Allons, monsieur, il faut me tuer ou mourir . . . Le Chevalier. Pourquoi cela ? Maurice. Paree que, si vous ne me tuez pas, je vous arrête. (II étend la main.) Le Chevalier. Je ne vous disputerai pas ma vie, monsieur. Tenez . . . (II jette ses pistolets.) Maurice. Et pourquoi ne vous défendez-vous pas ? Le Chevalier. Paree que ma vie ne vaut pas la peine que j'éprouverais a tuer un galant homme! Geneviève. Oh ! vous êtes toujours bon, grand et généreux, chevalier! 102 Le Chevalieb. Tenez, monsieur, je rentre dans ma chambre ; je vous jure que ce n'est pas pour fnir • c est pour cacher un portrait qui, si je suis pris, ne* doit pas etre trouvé sur moi. Matjbice. Un portrait«... Prétexte ! Le Chevalieb, Allons, monsieur, je sais que vous êtes mon ennemi; mais je ne doute pas, moi que vous ne soyez un cceur franc et roval! je mé confierai a vous jusqu'a la fin. (H lui montre un portrait.) Matjbice. La reine! Genevtève. Rappelez-vous cette demande que vous mavez faite, en riant, au Temple, Maurice„Est-ce que ce serait de Ia reine que Morand est amoureux ?" Maurice. Oh ! mon Dieu ! Le Chevalieb. J'attends vos ordres, monsieur • si vous persistez a vouloir mon arrestation, vous frapperez a cette porte . . . quand il sera temps que je me livre. Je ne tiens plus a la vie, du moment que cette vie n'est plus soutenue par 1'espérance que ] avais . (II sort.) SCÈNE VI. — GENEVIÈVE, MAURICE. ^ Geneviève, se laissant glisser d genoux. Pardon Maurice, pardon pour tout le mal que je vous ai fait! . . . pardon, pour mes tromperies ! . . . pardon au nom de vos souffrances et de mes larmes ' car je vous le jure, j'ai bien pleuré ! . . . j'ai bien soufrert! . . . Mon mari est parti . . . je nesais pas si je Ie reverrai jamais ... Et, maintenant, un seul ami me reste ... non pas un ami, un frère et vous allez me le tuer! . . . Pardon, Maurice, pardon ! . . . r Maubice. Que voulez-vous ! il y a de ces fatalités- 103 la . . . Tout le monde joue sa vie a cette heure . . Le chevaüer de Maison-Rouge a joué comme les autres ... II a perdu . . . Maintenant, il faut qu'il paye ! Genevtève. C'est-a-dire qu'il meure ? Maurice. Oui ! . . . Geneviève. Et c'est vous qui me dites cela, vous, Maurice ? . . . Maurice. Ce n'est pas moi, c'est la fatalité ! . . . Geneviève. La fatalité n'a pas prononcé son dernier mot, puisque vous pouvez le sauver, vous !.. . Maurice. Aux dépens de ma parole, et, par conséquent, de mon honneur! ... Je comprends, Geneviève. Genevtève. Fermez les yeux, Maurice ! . . . Voila tout ce que je vous demande, et ma reconnaissance .. . Maurice. Je fermerais inutilement les yeux, madame ; il y a un mot d'ordre donné . . . un mot d'ordre sans lequel personne ne peut sortir; car, je vous le répète, la maison est cernée! . . . omsingeld Geneviève. Et vous le savez, ce mot d'ordre ? ... Maurice. Sans doute que je le sais. Geneviève. Maurice! . . . Maurice. Eh bien ? . . . Genevtève. Mon ami, mon cher Maurice ! . . . ce mot d'ordre, dites-le-moi, il me le faut! . . . Maurice. Geneviève, Geneviève ! . . . qui êtesvous donc ? . . . et quelle puissanoe croyez-vous avoir conquise sur moi, pour me venir dire : „Maurice, sois sans honneur, sans parole; trahis ta cause, tes opinions; mens, renie? . . ." Que m'offrez-vous, verloochen Geneviève, en échange de tout cela . . . vous qui me tentCZ ainsi ? . . . zoekt te verleiden Genevtève. Oh ! Maurice, Maurice 1 . . . sauvezle . . . et, ensuite, demandez-moi ma vie 1 . . . Maurice. Geneviève, écoutez-moi! . . . J'ai un pied dans le chemin de 1'infamie . . . Pour y engager «Aan* 104 1'autre, je veux du moins avoir une bonne raison contre moi-même . . . Geneviève, jurez-moi que Vous n'aimez pas le chevalier de Maison-Rouge. Genevtève. J'aime le chevalier de Maison-Rouge comme un frère, comme un ami, pas autrement, je vous le jure! . . . Mattbice. Mais, moi, Geneviève, m'aimez-vous ? Geneviève. Maurice'! . . . Mattbice. Si je fais ce que vous me demandez, abandonnerez-vous parents, amis, patrie, pour tuir avec le traitre ? . . . Genevtève. Maurice, Maurice . . . Maubice. Abandonnerez-vous tout cela ? . . . Oh! répondez vite, nous n'avons pas de temps a perdre ! . . . Genevtève. Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! . . . Mattbice, avec rage. Elle hésite !... elle hésite !. .. Genevtève. Non, non, je n'hésite pas, Maurice; sauvez le chevalier ! sauvez le . .. et puis ordonnez!... Maubice. Oh ! pas ainsi! ne jure pas ainsi, ou je n'accepte pas ton serment! Ce n'est pas uh sacrifice, ce n'est pas du désespoir que je veux, c'est ton amour. Genevtève. Eh bien, je t'aime, Maurice, je t'aime ! mais sauve-le ! je mourrai avec toi, je mourrai pour toi, mais sauve-le! . . . sauve-le! . . . Mattbice, allant d la porte de la chambre. Madame, le chevalier est libre . . . Qu'il prenne le costume du tanneur Morand . , . Je lui rends sa parole . . . Voici les mots de passé: (EiUet et Souterrain . . . Allez les lui porter vous-même! . . . . Geneviève, s'élancant dans le cabinet. Oh! merci 1 . . . 105 SCÈNE VII. — MAURICE, LORIN. On frappe a la porte du jardin. Maurice. Je puis ouvrir maintenant. (Maurice va ouvrir ; Lorin parait sur le perron.) LoRrN. Eh bien ? Maurice. Vous le voyez, je suis a mon poste !. . . Lorin. Et personne n'a tenté de forcer la consigne ?... Maurice. Personne ! . . . Lorin. Bien !... (A la porte du fond, qu'il ouvre.) Errtrez, vous autres; par ici, la chambre est la. Veillez bien sur les fenêtres, et, si quelqu'un tentait de s'évader, faites feu ... Bien . . . (II entre et revient.) Personne 1. . . personne ! . . . il n'est pas dans ce pavillon! Maurice, balbutiant. II se sera échappé! Lorin. Impossible ! il est rentré il y a une heure, personne ne Pa vu sortir, les issues sont gardées, uitgangen et il n'a pas le mot de passé. II se cache peut-être dans la chambre de la citoyenne . . . Tous. Entrons ! . . . Maurice. Citoyens, respectez la chambre d'une femme !... laissez-moi passer le premier .. . Lorin. Passé, tu es capitaine. Maurice, entrant chez Geneviève. Venez, citoyenne ! ne craignez rien, vous êtes sous ma sauvegarde ... hoede Partie aussi! . .. Tous. Partie ? Lorin. Courez tous, fouillez la maison, saccagez, plundert brülez ! mais, morts ou vifs, retrouvez-les . .. (Tous, courent dans la direction de la rue.) Maurice, comment se fait-il qu'ils aient pu passer ? . . . Maurice. Malheur a moi, qui ne les ai pas tués Wee tous les deux! (Lorin entratne Maurice.) 106 HUITIÊME TABLEAU La chambre de Maurice. SCÈNE PREMIÈRE — LORIN, MAURICE, AGÉSILAS. Agésilas, d Maurice. Citoyen Maurice !. .. ' L<">t mij Mattrice. C'est bien] ... Agésilas. C'est que je voulais te clire... Mattrice. Plus tard ... Agésilas. Que, pendant ton absence . . . Wel, aiu duiveh Maurice. Morbleu!... Qoed Agésilas. C'est Wen, citoyen, c'est bien !. . . SCÈNE n — MAURICE, LORIN. Mattrice. Eh bien, maintenant que nous voila seuls, parle; qu'avais-tu a me clire ? o^mw7ndZhaal LoBIN- Écoute, cher ami; sans exorde; sans périphrase, sanscommentalre,jetediraiunechose: c'est que tu te perds, ou plutót, c'est que nous sommes perdus ! Mattrice. Comment cela ? . . . qu'y a-t-il ?... Lorin. H y a, tendre ami, qu'il existe certain arrêté du comité de salut public qui déclare traitre a la patrie quiconque entretient des relations avec les ennemis de ladite patrie . . . Hein ! connais-tu cet arrêté ? Mattrice. Sans doute. Lorin. Tu le connais ? Maurice. Oui. Lorin. Eh bien, il me semble que tu n'es pas mal traitre a la patrie. Qu'en dis-tu ? comme dit Maulius, dans la tragédie du citoyen Lafosse Maurice. Lorin! Lorin. Sans doute; a moins que tu ne regardes toutefois eomme idolatrant la patrie ceux qui donnent 107 le logement, la table et le lit a M. le chevalier de Maison-Rouge, lequel n'est point un exalté républicain, a ce que je suppose, et n'est pas accuse, pour le moment, d'avcir fait les'journées de septembre !.. .1 Maubice. Lorin, je ne te comprends pas. Lobin. Maurice, tu vas comprendre. Te rappelles-tu cette chambre de la rue Saint-Jacques ? Maubice. Oü nous n'avons trouvé personne ? Lobin. Qu'un portrait. Maubice. Eh bien ? Lobin. Un portrait de femme ! Maubice. Après ? Lobin. Après ? Cette femme était la même que tu tenais au bras dans la cour du Temple, et qui a donné l'ceillet a la reine; ce qui fait, mon cher ami, que tu me parais avoir été. .. ou être encore, un peu trop ami de 1'ennemie de la patrie !. . . Allons, allons, ne te révolte pas, et avoue tout bonnement que tu étais en relations avec ces aristocrates. Maubice. Eh bien, que t'importe ?. .. Lobin. Cela m'importe infiniment, cher ami! Oh ! si nous vivions dans une de ces températures de serre chauds, tempèrature honnête, oü, selon les régies de la botanique, le baromètre marqué invariablement seize degrés, je te dirais: „Mon cher Maurice, c'est élégant, c'est comme il faut, soyons un peu aristocrates de temps en temps, cela fait bien, cela sent bon." Mais nous cuisons aujourd'hui dans cinquante ou cinquante-cinq degrès de chaleur ... la terre brüle !... de sorte que, lorsqti'on n'est que tiède, par cette chaleur-la, on semble froid.. . que, lorsqu'on est froid, on est suspect, et que, quand on est suspect, on est mort... Maubice. Eb bien, donc, qu'on me tue, et que cela fmisse ! aussi bien, je suis las de la vie, je te 1'ai déja dit. 1 tëntre le 2 et le 6 septembre 1792 la canaille avait mas sacré dans plusieurs prisons les détenus acuusés d'être ruyalistes. 108 Lorin. Je ne suis pas encore assez convaincu pour te laisser faire ta volonté sur ce point-la. . . Puis, lorsqu'on meurt aujourd'hui, il faut mourir républicain, tandis que, toi, tu mourrais aristocrate ! Maurice. Oh ! oh ! tu vas trop loin, cher ami! Lorin. J'irai plus loin encore; car je te préviens que, s'il m'est complètement démontré que tu te fais réellement aristocrate ... Maurice. Tu me dénonceras ? . . . Lorin. Non, non, non; je t'enfermerai dans quelque cave, et je te ferai chercher au son du tambour comme un objet égaré.. . Puis je proclamerai que m1we"jSen*0*;les aristocrates. sachant ce que tu leur réservais, font séquestré, martyrisé, affamé, de sorte que, lorsqu'on te retrouvera, rorchestredesQuinze-Vingts1 tedonnera morgenconcertdes aubades; et qu' enfin, tu seras couronné defleurspar toutes les dames de la halle et les chiffonnière de la section Victor. Ainsi dépêche-toi de redevenir bon of je bent erbij patriote, ou ton a ,aire est claire. Maurice. Lorin, Lorin, je sens que tu as raison; mais je suis entrainé, je glisse sur Ia pente... M'en veux-tu, paree que la fatalité m'entraïne ? Lortn. Je ne t'en veux pas; mais je te querelle. Que diable ! rappelle-toi un peu les scènes que Pylade faisait journellement a Oreste ;a < es modèles des amis se querellaient du matin au soir. Maurice. Tiens, Lorin, abandonne-moi, tu feras mieux. Lorin. Niais, va! Maurice. Alors, laisse-moi aimer, être fou a mon aise. Mon ami, mon ami, tu ne sais pas ce que cette femme me coüte !... Lortn. Eh ! je m'en doute bien. Tiens, Maurice, ta1nd'ienn,en0t Pour «lever quelques écrous militaires. over te schrij- Le Greffier. Ah ! citoyen, tu arrivés un peu Zloer^Ue^ : * Pliaia bW- soldaten Dixmee. Pardonne-moi, cher confrère... Tu permets que ma femme attende ? Le Greffier. Comment donc !. . Assieds-toi, citoyenne. (II lui offre une chaise.) Genevtève. Merci, monsieur. Dixmer. Je te priais donc de me pardonner d'être venu si tard; mais nous avons tant de besogne labas, que nos courses ne peuvent se faire qu'a nos moments perdus, et nos moments perdus, a nous, ce sont ceux oü les autres mangent et dorment «u> volmacht Le Greffier. C'est bien. As-tu tes pouvoirs ? Dixmer. Les voici. (Le greffier les examine.) Le Chevalier, en guichetier, d la fenêtre grillée. Dis donc, citoyen, as-tu du feu ? Gtlbert. Pour quoi faire ? Le Chevalier. Pour allumer ma pipe, dónc ! 121 Gilbert. Volontiers, mais a la condition que tu iras fumer au fond de la cour. Le Chevalieb. Est-ce que la pipe te fait mal, par hasard ? Gilbeet. Justement. (II revient a la- table et allume un morceau de papier.) Dtjfeesne. Qu'est-ce que c'est donc que ce citoyen-la ? Gilbebt. Quel citoyen ? Dtjfeesne. Celui qui demande du feu. Gilbert. Eh! c'est le nouveau guichetier, le neveu de Gracchus, qui est entré en fonctions depuis ce matin. Dtjfeesne. Bon ! je ne 1'avais pas encore vu ... Le Chevalieb, au gendarme qui lui donne du feu. Merci! (II envoie quelques bouffées de tabac.) Le Gbeffieb, a Dixmer. A merveille; vous êtes parfaitement en règle, cher confrère, et vous pouvez maintenant commencer quand vous voudrez .. . Avezvous beaucoup d'écrous a relever ? Dixmeb. Une centaine! Le Gbeffieb. Vous ne finirez pas ce soir, je suppose ? .. . Dixmeb. Non, j'en relèverai seulement le plus que je pourrai. Le Gbeffieb. En ce cas, citoyen, je vais te donner les registres; tu n'as pas besoin de moi pour relever tes écrous, n'est-ce pas ? • Dixmeb. Non, pas précisément. Le Gbeffieb. Alors, je vais souper. Dixmeb. Va !. .. Le Gbeffieb, frappant d la porte. Dis donc, citoyen Gilbert! Gilbeet. Eh bien ? Le Gbeffieb Je m'en vais ! Gilbebt, ouvrant la porte et la refermant tout de suite. C'est bon .., 122 Le Greffier. Attends donc .... Gilbert, ouvrant la porte. Quoi ? Le Gbeffieb. C'est que j'ai la le citoyen greffier de la guerre, qui veut. relever des écrous militaires pour son ministro, et il reste, lui! Gilbebt. C'est bon .. . Qu'il me prévienne seulement quand il s'en ira Dixmeb, d part, regardant d travers la porte Le plan était exact; la porte de la prisonnière a gauche, la fenêtre en face ... Le Gbeffieb Bonne nuit, citoyen gendarme !... Gilbebt. Bonne nuit. .. Le Chevalier, d part, revenant a la fenêtre. Pourvu qu'on n'entende pas le bruit que fait la prisonnière en sciant le barreau de sa fenêtre... Bon ! il y ena un qui dort; j'occuperai 1'autre. (II appelle Gilbert, qui vient causer avec lui aux barreaux.) Le Greffier. Bien du plaisir, confrère !... Dixmer. C'est bien du courage qu'il faut dire... Le Greffier. Voyez-vous, quand vous voudrez vous en aller, vous n'aurez rien a faire qu'a prévenir les gendarmes, comme j'ai fait. . . Dixmer. Bon! Le Greffier. A demain ! Dixmer. A demain ! SCÈNE III. — DIXMER, GENEVIÈVE, GILBERT, DUFRESNE. Dixmer. Venez ici; voici 1'heure venue de vous parler, madame ; écoutez-moi!. . Geneviève. Je vous écoute. Dixmer. Vous devez préfórer une mort utile a votre cause, Une mort qui vous fasse bónir de tout votre parti, a une mort ignominieuse ? 123 Genevtève. Je suis prête, monsievr ; pourquoi ce préambule ? . .. Vous me tuez, vovs avez raison ; inleiding j'attends la mort, voila tout. Dixmeb. Je continue. . J'ai prévenu la reine en lui faisant passer un billet dans son pain... Elle aussi doit se tenir prête . . . Cependant, il est possible que Sa Majesté fasse quelque objection. . . mais vous la forcerez ! Genevtève. Donnez vos ordres, monsieur, et jé les exécüterai. Dixmeb. Tout a 1'heure, je vais heurter a cette porte ; un des gendarmes ouvrira ; avec ce poignard, je le tuerai. Genevtève. Oh ! mon Dieu ! . . . Dixmeb. Au moment oü je frappe, vous vous élancez dans la seconde chambre, c'est-a-dire dans celle de la reine... II n'y a pas de poite, il n'y a qu'un paravent; tandis que je tue le second soldat, kamertehem. vous changez d'habits avec Sa Majesté ... Alors, je prends le bras de la reine, et je passé Ie guichet avec poort elle, tandis que vous demeurez a sa place. Geneviève. Bien, monsieur . . . Dixmeb. On vous a v\ e entrer avec ce mantelet noir ; mettez votre mantelet a Sa Majesté, et drapezJe comme vous avez 1'habitude de le draper sur vous-même. Genevtève. Je ferai ainsi que vous dites, monsieur ... Dixmeb. Et maintenant, il me reste a vous pardonner, et a vous remercier, madame ! .. . Genevtève, secouant la tête. Je n'ai besoin ni de votre pardon ni de votre remerciment. Ce que je fais, ou plutót, ce que je vais faire, effacerait un crime, et je n'ai commis qu'une faiblesse . . . Encore, cette faiblesse, vous m'avez forcée de la commettre .. Je m'éloignais de lui. . . ou plutöt, je 1'avais éloigné de moi, vous m'avez repoussée entre ses bras, de 124 aanlegger sorte que vous êtes, a la fois, Tinstigateur, le juge et le bourreau ! .. . C'est donc a mo: de vous remercier de m'öter Ia vie! . . . puisque la vie me serait insupportable, séparée de 1'homme que j'aime uniquement. Dixmeb. C'est bien, madame; êtes-vous prête ?... Genevtève. Je vous 1'ai dit, monsieur, j'attends . . . Dixmeb. Dans une minute, alors... | (II rassemble ses papiers, va écouter d la pórte et revient.) Gilbebt. Dis donc, citoyen Dufresne ! . . . Dormeur éternel! ... Dtjfeesne, se réveillant. Tiens, c'est dróle! je rêvais qu'on voulait enlever la prisonnière... Le Chevalieb. Bon ! et comment cela ?... Dtjfeesne. On lui avait fait passer une lime, elle sciait ses barreaux, et, dans mon rêve, j'entendais . . . c'est dróTe ! j'entendais le bruit de la lime !.. Le Chevalieb, haussant la voix. Dans tous les cas, si elle veut se sauver, il est temps, attendu qu'il vient d'être décidé, aujourd'hri même, qu'on va lui faire son procés . .. Dixmeb. Avez-vous besoin que je vous réitère mes instructions, madame ? Genevtève. Merci; je sais ce que j'ai a faire ... Dixmeb. Alors, adieu ! car, selon toute probabilté, nous ne nous reverrons plus en ce monde. .. (II lui tend la main.) Genevtè e, lui touchant le bout des doigts. Adieu, monsieur !... Gilbebt. Eh bien, en effet, c'est dróle!. . . on dirait qu'ön entend le bruit d'une lime. (Dixmer frappe a la porte.) Le Chevalieb. Eh ! non, vous voyez bien !. . . on frappe a la porte de 1'autre cöté, voila tout'. . . Gilbert. On frappe ? Le Chevalieb. Oui. 125 Dttfbesne. C'est le greffier du ministre de la guerre, qui s'en va. Gilbeet. C'est bien, c'est bien ! . .. Va, citoyen greffier, va ! . .. Dixmeb. C'est qu'avant de m'en aller, je voudrais te parler, citoyen gendarme. Gilbebt. A moi ou a mon camarade ? ... Dixmeb. A 1'ua ou k 1'autre. . . Gilbebt. Vas-y, Dufrense ; cela te réveillera .. . Dttfbesne. Que veux-tu, citoyen ? Dixmeb. Ne peut-on pas te parler ? est-ce défendu ? .. . Dtjfeesne. Non. Le Chevalieb, bas, Mon Dieu, que va-t-il donc se passer ? C'est la voix de Dixmer. Gilbeet. Tu dis ? .. . Le Chevalieb. Rien ! . . . Dtjfeesne. II ouvre la porte, et recoit un coup de poignard. Ah ! scélérat!. .. ah !. . . brigand ! ., . Dixmeb, & Geneviève. Passez, passez !. .. (Geneviève passé rapidemerU et s'élance dans la chambre de la Reine.) Gilbebt. Ah! (II veut s'élancer au secours de son compagnon.) Le Chevalieb, le saisissant a travers les barreaux. Un instant!.. . a nous deux 1..', (Le gendarme et Dixmer luttent; Dixmer entratne le gendarme dans le premirr compartiment.) Gilbebt. Au .-secours ! . . . a 1'assassin I... (7/ Ure son sabre et l'enfonce dans la poitrine du Chevalier.) Le Chevalieb. Ah !. . . (II tombe.) Vive la reine! (Gilbert s'élance contre la porte, qu'il repousse au moment ou Dixmer vient de tuer 1'autre Gendarme et va entrer.) Geneviève, auprès du paravent. Madame, ar nom du ciel! ne perdez pas un instant, prenez cette mante !. . . Sortez !.,. sortez !. .. 126 Gilbebt, refermant la porte. H est trop tard (d Geneviève, qui regarde), et vous êtes prisonnière, ma bel'e enfant!. .. mislukt Dixmer. Allons, encore une tentative avortée! nous sommes maudits! (II se sauve par la porte du Conciërge.) Gilbert, d la fenêtre. Au secours! a 1'aide ! au secours! (Rendement de tambours. Gardes, guichetiers, flambeaux . d la fenêtre. On relève le corps du Chevalier.) Geneviève, tombant a genoux. O mon Dieu! j'espère que 1'expiation sera plus grande que la faute ! ... 127 ACTE CINQUIEME DIXIÊME TABLEAU. La salie du Tribunal révolutionnaire. SCÈNE PREMIÈRE. — Fottle dans Vauditoire, DIXMER, au fond ; LORIN et MAURICE, d droite; le Président, 1'Accusateur public, les Jurés, un Huissier, un Greffier, Gendarmes, Accusés, tout 1'appareil du Tribunal. Au lever du rideau, les députés de la Gironde sont au banc des accusés. Le fauteuil de fer est occupé par celui des Girondins du premier tableau qui n'a pas voulu fuir. Les Acctjsés, chantant en chceur. Par la voix du canon d'alarmes, La France appelle pcr enfants. ,.Allons, dit le soldat, aux armes I C'est ma mère, je la déf nds. Mourir )>our la patrie, C'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie I" Le Président. Silence, accusés! la séance est reprise . . . Accusés, que vous reste-t-il a dire pour votre défense ? Le Pbxncipal Accusé. Rien, sinon que nous n'avons pas commis le crime de trahison, dont vous nous accusez ; que nous nous sommes tout au plus' trompés... Nous avons rêvé une autre liberté que celle que vous nóus donnez aujourd'hui... En luttant courageusement contre vos idéés, nous avons cru et nous croyons encore être de bons citoyens ; nous ne sommes pas condamnés, nous sommes vaincus. 128 La Président. II me semble, cependant, que le bewezen complot est avéré ... Vous avez voulu sauver 1'exreine; bien plus, vous avez coopéré a la tentative d'enlèvement que 1'on a essayée sur elle a la Conciergerie ; or, un complo*, c'est un crime. Le Principal Accttsé. Jamais nous n'avons rien fait contre la volonté du vrai peuple francais ; tous nous avons agi au grand jour... Si nous sommes des rebelles, vous avez la force, anéantissez-nous. Le Président. Ah! tu prétends être un bon Francais, et tu proclames une pareüle doctrine ?.. . Sache-le bien, conspirer, c'est agir en mauvais citoyen, c'est commettre un crime. Ne te natte donc pas d'un tel espoir. Quand les ennemis de la République mentent sur 1'échafaud, ils meurent comme wff ««He»les criminfls vulgaires . . . C'est-i-dire qu'ils meurent stemmen déshonorés .. . Aux voix, citoyens . . . Le Principal Accusé. Citoyen président, tu oublies que des hommes comme nous, s'ils ne sont pas maitres de leur vie, sont toujours maitres de leur mort. Le Président, après avoir recueilli les voix. Les. témoins entendus, les accusés ouïs en leur défense, le tribunal révolutionnaire les condamne a la peine de mort.. . (Au principal accusé.) Ah! tu palis, citoyen. Le Principal Acctjssé. Non ! je meurs ... Un Autre Girondin. Et vous avez beau dire, il meurt pour la patrie ... (L'accusé ouvre son habit et mcmtre sa poitrine ensanglantée ; il tombe sur le fauteuil. Cris, tumulte. Les autres accusés entourent leur ami ; un gendarme arrache de la main de ce dernier un compas ensanglanté qu'il montre au Président. Tous entonnent le refrain du chceur : Mourir pour la patrie !) Maurice, se cachant le visage de ses mains. Mon Dieu 1 Lorin Vois-tu, ces hommes, Maurice, ils ont 129 commencé comme nous, ils ont aimé la RévolutiQn a ce •point qu'ils donnent encore leur vie pour elle seulement, ils se sont égarés dans leur route.. . L'amour a aveuglé les uns, 1'ambition a entraïné les autres, le cceur a failli a la plupart, et ils ont glissé dans le terrible chemin, dans le cbemin sanglant, oü nul ne se relève parmi ceux qui tombent.. . Regarde, Maurice: ils vont mourir, et ils se disent au dernier moment: „Sommes-nous en effet de, mauvais citoyens V' (Pendant ce temps, on emmène les girondins, qui chantent, en s'éloignant, la reprise du chceur.) Matjbice. Oh! {Les accusés ont été remplacés; la femme Tison occupe le fauteuil de fer.) L'Huissier. Le citoyen accusateür public contre la femme Tison. Le Pbésident. Femme Tison, dis-nous quelle raison t'a fait crier : „Vive la reine !" en pleine rue. La femme Tison. Je n'ai pas de raisons a te donner. Je venais de voir passer ma pauvre Héloïse... je venais de lui dire adieu ... j'ai crié: „Vive la reine !. . ." et voila. Le Pbésident. Mais pourquoi as-tu crié ? La femme Tison. Parcé que nous sommes une familie de conspirateurs... II n'y a pas besoin de tant d'explications, il me semble. On fait mourir ceux qui crient: „Vive la reine !" J'ai crié : „Vive la reine ! .. ." qu'on me fasse mourir ! Le Pbésident, consultant les jurés. L'accusée ayant avoué son crime, le tribunal révolutionnaire condamne la femme Tison a la peine de mort. La femme Tison. Merci, mon président. . . Ah ! ma pauvre Héloïse, je nè serai donc pas longtemps sans te revoir. Le Pbésident. Gendarmes, emmenez la condamnée 1.. . , L. O. n". 69. b 130 Une voix de femme. Pauvre femme ! il parait que c est du désespoir. ^Detjxième voix. On lui a pris sa fille, a ce qu'elle Première voix. Sa fille ! quelle fille * Deuxième voix. Tu sais bien, la bouquétièfe! C était sa fille. L'Huissier. Le citoyen accusateur public contre Ia citoyenne Geneviève Dixmer. Maurice. Mon ami, mon ami, c'est elle Lorin. Allons, du courage ! Maurice. Oh ! la voila ! la voila ' SCÈNE II. — Les mêmes, GENEVIÈVE, amenée par deux gendarmes. Genevtève. Maurice ! il est la i Dixmer, d part. Elle ne m'a pas vu, moi Le President. Tes noms, prénoms et qualités ! Genevtève. Geneviève de Montfleury, femme Dixmer. Le Président. Tu es accusée d'avoir pénétré Tiolemment dans la Conciergerie, afin de sauver la prisonnière qui y est renfermée. Genevtève. J'ai, en effet, pénétré dans la Conciergerie . . . Mais je suis une femme, et n'ai pu par consequent, y pénétrer violemment. Xe Président. Écris, citoyen greffier. (A Genevieve.) Reconnais-tu avoir été surprise aux genoux de la captive, la suppliant de changer de vêtements avec toi ? Genevtève. Je reconnais cela, car c'est la vérité Le Président. Raconte-nous tes plans et tes esperances. Genevtève. Une femme peut concevoir une 131 espérance; mais une femme ne peut pas faire un plan du genre de celri que vous me reprochez. Le Président. Comment te trouvais-tu la, alors 1... Genevtève. Paree que je ne m'appar+enais pas, et que Pon me poussait. . . Le Président. Qui te poussait ? Genevtève. Un homme qui m'avait menacée de mort si je n'obéissais pas. (Elle regarde Dixmer.) Dixmer. Ah ! je me trompais: elle sait que je suis la. Le Président. Mais, pour échapper a cette mort dont on te menacait, tu affrontais la mort qui devait résulter pour toi d'une condamnation. Geneviève. Lorsque j'ai cédé, le fer était sur ma poitrine ; je me suis courbée sous la violence présente* van het oogen- Le Président. Pourquoi n'appelais-tu pas a Paide ? Tout bon citoyen t'eüt défendue ... Geneviève. Hélas! monsieur, celri qui pouvait m'entendre n'était pas prés de moi. Le President. Dis-nous le nom de tes instiga- *en die« hiertoe teurs... KObenaante. Genevtève. II n'y en a qu'un seul. . .. Le Président. Lequel ï Genevtève. Mon mari! Le Président. Cet homme déguisé en guichetier qui a été tué par le gendarme Gilbert, et qui est mort en criant: „Vive la reine!" était-ce ton mari ? Genevtève, Non! Le Président. Qui était-ce ? Genevtève. Le cadavre est entre vos mains, c'est a vous de le reconnaitre. Le Président. Alors, ton mari est celui qui s'est sauvé par la porte de la Conciergerie, celui avec lequel tu étais entree ? . . . "Genevtève. Oui. 5* 132 Le Président. II vit ? Genevtève. II vit. Le Président. Connais-tu sa retraite ? Genevtève. Je la connais. Le Président. Indique-Ia. Geneviève. II a pu être infame, mais je ne suis point lache; ce n'est point a moi de dénoncer sa retraite, c'est a vous de la découvrir. Matjrioe, bas, d Lorin. Oh! j'ai bien envie de le dénoncer en me dénoncant moi-même .... Lortn. Tais-toi, tu es fou. Le Président. Ainsi, tu refuses de guider nos recherches ? Genevtève. Je crois que je ne puis le faire sans me rendre aussi méprisable aux yeux des autres •qu'il 1'est aux miens. Le Président. Y a-t-il des témoins ? L'Huissier. II y a le gendarme Gilbert. L'Acctjsateu». Inutile, puisqu'elle avoue tout. "Le Président: Tu avoues donc, citoyenne, être entree a la Conciergerie avec ton mari, et avoir été surprise aux pieds de la piisonnière, la suppliant de fuir, tandis que ton mari assassinait le gendarme Dufresne ? Geneviève. Je ne puis nier ce qui est; seulement, je répéterai ce que j'ai dit, j'ai été forcée. Le Président. Et tu refuses d'indiquer la retraite de ton mari ? Genevtève.' Je refuse... L'Acctjsatetjr. Prononce, citoyen président, prononce. Le Président. La cause entendue, et 1'accusée ayant avoué son crime, le tribunal révolutionnaire condamme la citoyenne Montfleury, femme Dixmer, a la peine de mort. Maurice. Les tigres! -../^ (Le greffier parait tomber en faiblesse.) 183 Lis Pbésident, au greffier. Qu'as-tu ! Le Gbeffieb. Je souffre ! Le Pbésident. En effet, tu es pale et 1'on dirait que tu vas te trouver mal. Le Gbeffieb. Ce n'est rien, j'ai besoin d'air. Le Président. Huissier! appelez un des greffiers supplémentaires 1... (Au greffier.) C'est bien, re- plaatsvervanger» tire-toi. .. Dixmeb. Ce pauvre greffier! il a craint qu'on ne le crüt notre complice. Le Gbeffieb, sortant. Dixmer 1 Dixmeb. Chut I Lobin. Dixmer était ici; le misérable a laissé condamner sa femme sans rien clire ... Attends, attends. Le Pbésident. Emmenez la condamnée! Geneviève, les yeux au ciel. Adieu, Maurice ... Maubice. Non, pas adieu. Au revoir !... Le Pbésident. Huissier, appelez une autre cause. L'Huissiee. L'accusateur public contre le citoyen Dixmer, contumace. ONZIÊME TABLEAU. (tuüt) oever Une berge sous le pont Notre-Dame. SCÈNE PREMIÈRE. — LE GREFFIER, DIXMER. Dixmeb. Allons, allons, va toujours. Le Gbeffieb. Mais oü me conduis-tu ? Dixmeb. Je te 1'ai déja dit, je désire causer un instant avec toi; marche ! marche ! Le Gbeffieb. Que peux-tu avoir a me dire «... Je ne te connais pas, je ne suis pas ton complice, moi. Dixmeb. La, bien; tu peux t'arrêter maintenant... Nous serons a merveille sur cette berge. Le Gbeffieb. Alors, voyons, nous y sommes; parle vite. Dixmeb. Oui... On exécute a quatre heures « Le Gbeffieb. Comme toujours. Dixmeb. Eh bien, je désire la voir une dernière . fois. Le Gbeffieb. Ou cela ? Dixmer. Dans la salie des morts... oü 1'on enferme les condamnés qui attendent quatre heures. Le Gbeffieb. Tu oseras entrer la « Dixmeb Pourquoi pas, si je suis sür d'en sortir « Le Gbeffieb. Sür d'en sortir... et comment? Dixmeb. Avec une carte. N'entre-t on pas dans la salie des morts et n'en sort-on pas avec une carte ? Le Gbeffieb. Si fait' Dixmeb. Eh bien, voila tout! il ne s'agit que de se procurer cette carte .. . Le Gbeffieb. Oui; mais ... Dixmeb. Rien n'est plus facile, quand on a des amis. . . 135 Lb Greffier. Que veux-tu clire ! Dixmer. Je veux clire, citoyen greffier, que ces cartes . . . Le Greffier. Eh bien, ces cartes... ? Dixmer. C'est justement toi qui les signes, comme greffier de la Conciergerie . . . Le Greffier. Oui, mais sur un ordre du président du tribunal révolutionnaire. Dixmer. Bah ! y regarderas-tu de si prés avec moi ? Allons, bon ! voila encore que tu vas te trouver mal. .. . Lb Greffier. Mais tu me demandes ma tête, citoyen! Dixmer. Eh! non, je te demande une carte, voila tout! Le Greffier. Prends garde! je te fais arrêter, malheureux! Dixmer. Fais; mais, a 1'instant même, je te dénonce comme mon complice ... et, au lieu de me laisser aller tout soul dans la fameuse salie, tu m'accompagneras . . . Le Greffier. Oh ! scélérat! Dixmer. II n'y a pas de scélérat la-dedans . . . J'ai besoin de parler a ma femme, et je te demande une carte pour arriver jusqu'a elle... Le Greffier. Mais je n'en ai pas, moi, de cartes ! Dixmer. Qu'a cela ne tienne! J'en ai, moi. *"* ** r»mim Le Greffier. Oü les as-tu prises ? Dixmer. Pardieu ! dans le tiroir de la table; j'ai vu la des cartes toutes préparées, et j'ai dit: „Tiens, cela peut me servir un jour." Le Greffier. Mais je n'ai pas d'encre, pasdeplume! Dixmer. Oh ! j'avais próvu que je te trouverais comme cela, dans quelque coin oü tu manquerais de tout, et j'ai pris mes précautions.. . Voici des plumes et de 1'encre ... Le Greffier. Voyons, attends ! Ne pourrait-on 5** 186 arranger les choses d'une facon qui ne me compromit point 1 Dixmeb. Je ne demande pas mieux, si c'est possible . . . Le Gbeffieb-. C'est on ne peut plus possible ... Dixmeb. Explique-moi cela. Le Gbeffieb. II y a deux portes a la salie des morts. Dixmeb. Je sais cela. -Le Gbeffieb. Eh bien, entre par la porte des condamnés; par celle-la, il ne faut pas de carte. . . et, quand tu auras parlé a ta femme, tu m'appelleras et je te ferai sortir. Dixmeb. Pas mal! seulement, il y a une certaine histoire qui court la ville. Le Greffieb. Laquelle ? Dixmeb. L'histoire d'un pauvre bossu qui, croyant entrer aux archives, est entré dans la salie dont nous parions. Or, comme il était entré par la porte des condamnés, au lieu d'y entrer par la grande porte; comme il n'avait point de carte pareille a celle que je te demande, pour faire constater son identité, une fois entré, on n'a plus voulu le laisser sortir, et on lui a soutenu que, puisqu'il était entré par la porte des autres condamnés, c'est qu'il était con-, damné comme les autres ... II a eu beau protester, appeler, jurer ; personne ne Pa cru, .personne n'est venu a son aide, personne ne Pa fait sortir. De fa con que, malgré ses protestations, ses serments, ses cris, 1'exécuteur lui a coupé les cheveux d'abord, èt la tête ensuite. . . L'anecdote est-elle vraie, citoyen greffier ? Tu dois savoir cela mieux que personne, toi...: c' &4ï Le Gbeffieb. Hélas l oui, elle est vraie. Dixmeb. Eh bien, tu vois qu'avec :de pareils antécédents, je serais un fou d'entrer sans carte moonttoidans ce coupe-gorge. . ,. v 7 137 Lb Greffier, Mais puisque je serai la, je te dis . . . Dixmer. Et si Ton t'appelle, si tu es oooupé aiUeurs, si tu m'oublies ?... Lb Greffier. Mais puisque je te jure ... Dixmer Non, cela. te compromettrait, on te verrait me parler. .. enfin, cela ne me convient pas! j'aime mieux une carte ; signe donc ! Eh ! mon Dieu, est-ce si difiicile, de signer ?... Lb Grefftbr. Puisque tu le veux ... Dixmer. Tu as dit lê mot, je le veux ! Le Greffier, signant. Tiens! Dixmer. Attends, pendant que tu tiens ta plume. Le Greffier. Que veux-tu dire ? Dixmer. Signe-moi une seconde carte. Le Greffier. Et pour quoi, mon Dieu ? Dixmer. Paree qu'il se pourrait qu'a Ia suite de cette conversation, il me prit 1'envie d'emmener ma femme, et.. . Le Greffier. Donne donc . . . (II signe.) Dixmer. Merci! Le Greffier. Ne me suis pas; laisse-moi, au moins, m'éloigner seul! . .. qu'on ne me voie pas avëc toi. Dixmer. Oh ! quant a cela, je ne demande pas mieux . . . Le Greffier, s'éioignant. Miséricorde! si j'en reviens, je serai bien heureux ! SCÈNE EL — DIXMER, puis LORIN. Dixmer. C'est bien. (II met les cartes dans son portefeuille.) Et, maintenant, j'ai sa mort ou sa vie entre mes mains t je la juge a mon tour, je la oondamne a vivre. . Lobtn;: Pardon, citoyen Dixmer. 188 Dixmer. Que me veux-tu ? Lorin. Causer un instant avec toi. Dixmer. Je n'ai pas le temps. Lortn. Je suis véritablement désespéré, car il faut que je te parle. Dixmer. Qui es-tu ? Lortn. Tu ne me reconnais pas, citoyen Dixmer ? Dixmer. Non. Lortn. Ou tu ne veux pas me reconnaïtre; c'est tout un. Eh bien, je vais té dire qui je suis ... Je suis le citoyen Lorin, qui t'a été présenté; un jour, dans la cour du Temple ... Te le rappelles-tu ? Dixmer. Non. Lorin. Oh! je vais te dire deux mots qui aideront ta mémoire. J'ai été présenté par le citoyen Maurice Linday, lequel donnait le bras a la citoyenne Dixmer . .. Ah ! tu te rappelles, n'est-ce pas ? Dixmer. Oui; voyons, que me veux-tu ? Lortn. Je veux te dire que, depuis ce jour, je ne t'ai point perdu de vue, citoyen Dixmer. Dixmer. Eh bien ? Lortn.' Eh bien, en te voyant compromettre un brave patriote comme Maurice, et abuser de rfwo«e 1'amour insensé qu'il portalt a une femme, je me suis dit en parlant de toi: „En vérité, voilé, un malhonnête homme !" Dixmer. Citoyen! Lorin. Attends !.. . En te voyant iuir et abandonner ta femme, que tu avais poussée en avant pour te cacher derrière elle, je me suis dit: „Sur mon ame, voila un lache coquin!" Dixmer. Monsieur! Lortn. Attends donc ! je ne suis pas au bout... En te voyant tout a 1'heure au tribunal suivre les progrès de la mort sur le visage de cette pauvre martyre qu'on nomme Geneviève, et, lorsqu'elle fut condamnée, demeurer froidement a ta place, 189 . au lieu de t'avancer èt de dire au tribunal: „Citoyens, vous voyez bien que cette pauvre femme est innocente, que c'est moi qui ai tout fait, et que, par conséquent, c'est moi qui dois mourir, et elle qui doit vivre l. .." en voyant que tu ne faisais point cela, et que, tout au contraire, c'est toi qui allais vivre et elle qui allait mourir, je me suis dit: „Ah! sur Dieu, voila un misérablè assassin, il faut que je le tue!" Dixmeb. Ce vous sera chose facile, monsieur ; car je n'ai jamais refusé une proposition du genre de celle que vous me faites . . . Ainsi, quand vous voudrez, demain, ce soir même, nous nous rencontrerons... Lobin. Citoyen Dixmer, c'est chose fort difficile que de se rencontrer par le temps qui court, et, puisque nous nous rencontrons, et que le beu, vous en conviendrez, semble choisi tout exprès pour la circonstance (tirant son sabre), j'espère que vous aurez 1'obligeance de ne pa* me faire attendre. Dixmeb. Je suis désespéré de te refuser, citoyen Lorin ; mais, dans ce moment, j'ai autre chcse a faire. Lobin. Eh bien, cette autre chose, c'est justement ce que je ne veux pas que tu fasses ; car, cette autre chose, c'est quelque nouvelle infamie. schanddaad Dixmeb. Si tu veux te battre avec moi, citoyen Lorin, il faudra cependant que tu attendes mon bon plaisir. Lobin Et pourquoi attendrai-je ? Dixmeb. Dame, a moins que tu ne m'assassines .. . Lobin. Et je ne ferais que te rendre cj que tu as voulu faire a Maurice. Dixmeb. Maurice s'était introduit la nuit dans une maison qui n'était pas la sienne; Maurice escaladait un mur comme fait un voleur; si Maurice éüt été tué en escaladant ce mur, nul n'avait rien a dire; je lui ai fait grace, cependant. 140 Lobin. Ah ! tu appelles cela faire grace, toi ? . .. Tu vois un pauvre jeune homme fou d'amour, suivant une femme a laquelle il a sauvé la vie au risqué de sa tête, et je puis dire de la mienne; croyant avoir le droit de suivre cette femme, car cette femme pouvait être libre ... et, au beu de lui dire bravement, loyalement: „Citoyen Maurice, il n'y a rien k faire ici pour toi. . . Cette femme est la mienne, je 1'aime, elle m'aime; tu 1'as sauvée de 1'échafaud, je te sauve du poignard, nous sommes quittes ; et maintenant, que tout soit fini entre nous, car tu es un patriote pur, et moi, je suis un royaliste enragé .. . Adieu I" Au lieu de lui dire cela, tu le retiens, tu le l caresses, tu lui ouvres ta maison, quoiqu'il soit patriote, car son patriotisme peut t'être utile!. . . Et, tandis que tu les pousses en avant tous deux, 1'un avec 1'aveuglement d'un insensé, 1'autre avec la résignation d'une martyre, accomplissant, j'en suis certain, non pas une grande action politique, mais quelque basse vengeance particulière, tandis que tu livres'Tune a 1'échafaud, 1'autre au désespoir, toi, tu fuis; toi, tu te caches; toi tu t'enfonces dans 1'ombre, et, de la, tu regardes souriant, pareil au mauvais esprit, ton oeuvre infernale s'acoomplir !. . . Heureusement, Dieu a permis que je fusse la, moi, que je ne te perdisse pas de vue, que je te suivisse ... De sorte que me voila, Dixmer, me„ voilk sur ta route sanglante, barrant le chemin etf te disant : „Assez comme cela, tu n'iras pas plus loin !. . ." Ah ! je te tiens ici comme tu tenais Maurice, et je serai moins généreux que toi: je ne te ferai pas grace. Dixmeb. Oui; mais Maurice était baillonné, garrotté ; il ne pouvait crier, appeler k 1'aide, et je puis faire tout cela, monsieur, moi qui ne veux pas me battre maintenant. Lobin. Appelle, Dixmer; je te nommerai, et tout sera dit. . . UI Dixmeb. Tu me dénoncerais f... Lobin. Tü voulais bien tout a 1'heure, toi qui es coupable, dénoncer ce pauvre greffier, qui est innocent... Oh ! j'étais la, derrière cette arche, brugboog j'ai tout entendu, et tu m'as indiqué comment il fallait s'y prendre. Dixmeb. Eh bien, soit! je te jure que, ce soir, oh tu voudras, a 1'arme que tu voudras. . . Lorin. Pardon, mais, ce soir, tu n'auras peutêtre plus sur toi ces deux cartes que vient de te signer le greffier, et que je t'ai vu remettre la.. Dixmeb Tu veux ces cartes ? Lorin. Oui. Dixmeb. Tu ne les auras qu'avec ma vie. Lorin. Je le sais bien . . . Voila justement pourquoi je veux te tuer. Dixmeb. Et que veux-tu faire de ces cartes ?. . . Lobin. Entrer avec dans la chambre des morts, et dire a Geneviève: „Prenez mon bras, madame, vous êtes libre ..." Et la chose finira comme dans les pièces du citoyen Demoustier, oü le crime est puni et la vertu récompensée. Dixmeb. Ah ! c'est cela que tu veux ? . . . Lobin. Oui, en vérité, pas autre chose. Dixmeb. Et si, au contraire, c'est moi qui té tue ? Lobin. Alors, la chose finira comme dans les pièces du citoyen Chénier, oü le crime est récompensé et la vertu punie ; mais je ne crois pas que cela finisse ainsi. Dixmer. Ciel et terre ! c'est ce que nous allons voir! Lobin. Voyons.. . (Ils se baltent. Lorin parle en parant.) Et puis, tu me comprends, citoyen Dixmer. . . toi, mort, Geneviève est libre; alors, 1'homme que tu lui as dit d'aimer. . . Dixmeb. Touché! Lorin. Ah ! tu appelles cela touché, toi ? . . . Tu vas voir comme on touche, Dixmer . . . 142 Dixmer. Touche donc! Lorin. Attends, j'ai encore quelque chose a te dire... Alors, 1'homme que tu lui as dit d'aimer, elle 1'aime sans remords, et, au lieu de mourir sur 1'échafaud, ou de vivre face a face avec toi, ce qui est bien pis ... Geneviève vit heureuse ... Geneviève . (Se fendant.) Tiens, voila comme on touche! Dixmer, tombant. Ah! Lortn. Touché !.. . touché a mort! Dixmer. Eh bien, oui.. . mais elle mourra avec moi... (II se relève, prend son portefeuille, et s'avance vers la rivière.) Lortn, jstant son sabre et saisissant le portefeuille. Non pas, elle vivra sans toi, au contraire ... (II prend les deux cartes dans le portefeuille et le rejette prés du cadavre. Trois heures sonnent.) Trois heures ! il était temps !. .. 143 DOUZIÊME TABLEAU. La salie des morts, a la Conciergerie. SCÈNE PREMIÈRE. — LA FEMME TISON, GENEVIÈVE, conclamnés. La femme Tison. Pourquoi donc pleurent-ils tous ?. .. Ah! oui, c'est qu'on ne leur a pas pris leur enfant, a eux ; c'est qu'ils ne vont pas rejoindre leur enfant. Ah ! pauvre chère Héloïse, je ne pleure pas, moi, va ... Genevtève. Oh! mon Dieu, mon Dieu, donnezmoi la force .. . La femme Tison. Oui, je comprends, celle-la est jeune, celle-la est belle', celle-la régrette quelque chose sur la terre. Allez, consolez-vous, mon enfant; si c'est votre mère que vous regrettez, elle viendra vous rejoindre bientót. Geneviève. Ah ! pauvre femme, et vous aussi!. . . La femme Tison. Tiens, je te reconnais: c'est toi qui es venue dans la cour du Temple le jour oü ma pauvre enfant y est entrée déguisée en bouquetière, et oü il m'a semblé que j'avais entendu sa voix. C'est moi qui 1'ai accusée. .. comprends-tu ? une mère qui accuse sa fille, une mère qui tue sa fille.. . Oh ! mais ce n'est pas moi, c'est cet infame Rocher !... Et dire qu'avant de mourir, je n'étranglerai pas ce misérahle! Genevtève. Mon Dieu 1 mon Dieu !... La femme Tison. Qu'ils sont longtemps !.. . C'est trois heures qui viennent de sonner ... Et moi qui avais compté quatre. Encore une heure... Allons... (Elle s'accroupit au pied d'une colonne.) Geneviève. Oh! traverser tout Paris, arriver 144 la-bas . . . monter sur 1'échafaud sans personne qui vous soutienne que le bras du bourreau!. . . mourir seule ... seule .. . seüle !. . . SCÈNE II. - Les mêmes, LORIN, a la grande porte griüée. Lorin. Eh ! pardieu ! citoyen factionnaire, tu vois bien que j'ai une carte ... et une carte en règle. . „Laissez passer le citoyen porteur de la présente. Durand, greffier." Lb Factionnaire. C'est vrai; entre, citoyen. Lorin, reprenant sa carte. Pardon, pardon, rendsmoi ma carte, s'il te plait!. . . Je désire entrer, c'est vrai; mais je désire encore plus sortir. (La porte se referme derrière lui.) Diable ! . . . Ah ca ! voyons, maintenant... oü èst-elle «... Je crois que la voici. (Allant d Geneviève et lui touchant Vépaule.) Geneviève! Gbnbvièvb. Mon Dieu ! serait ce déia . . . ? (Elle recule avec effroi.) Lorin. Geneviève! Geneviève. Vous ! vous ici, monsieur, dans cette horrible salie! ■ Lortn. Geneviève, silence ! pas un mot,' pas un signe, pas un geste... Commandez a votre émotion ... Que votre visage reste impassible . . . Ècoutez-moi! Gbnevtève. Qu'allez-vous me dire, mon Dieu ! et que se passe-t-il donc ? Lortn. C'est de 1'espoir que je vous apporte .. . Genevtève. De 1'espoir ? Lorin. Oui; Maurice vous attend . . . Geneviève. Maurice m'attend ?.. . Mais, monsieur, je suis condamnée .. . Lortn. Vous êtes libre. 145 Genevtève. Libre avec ces grilles, ces verroue, ces sentinelles ? Mais voyez dono, ces gens sont-ils libres ; et, s'ils ne le sont - pas, comment le serais-je, moi ? Lobin. Parlez bas, parlez bas! . . . ou plutót ne dites rien . . . laissez-moi parler . . . Geneviève. Avant toute chose, le reverrai-je ? Lobin. Tout a 1'heure ! Genevtève. Alors, je vous écoute .. . (Choeur derrière les port.es du fond.) Lobtn. Qu'est-ce que cela ? Genevtève. Ce sont les ghondins, qui ont été condamnés eh même temps que nous, et a' qui on a accordé la permission de se réunir dans un dernier banquet. Lobin. Pauvres gens ! . . . Mais revenons a nous . . Écoutez bien, Geneviève, notre vie dépend d'un mot mal interprété, mal compris . . . Genevtève. Notre vie ? . .. Lobin. Oui, la mienne, la vótre, celle de Maurice ; car Maurice ne vous survivrait pas. Écoutez donc. Genevtève. J'écoute ... Lobin. On entre ici par deux portes: celle-la, qui donne dans le tribunal et par laquelle vous êtes entree; c'est la porte des condamnés a mort. Genevtève. Oui... Lobtn. L'autre porte, celle-ci, est la porte des visiteurs , . . Elle donne dans les archives .. . Par celle-la, on entre . . . par celle-la, on sort avec les mêmes cartes : Geneviève, je me suis procuré des cartes, entendez-vous ? vous allez sortir. Genevtève. Oh ! dites-vous vrai ? ... Oh ! merci; mon Dieu ! . . . oh ! je 1'avoue, je suis jeune . . . j'aime ... je suis aimée ... je regrettais la vie . . . j'avais peur de mourir . . . Lobtn. Pas de cris !. . . votre jóie vous trahirait.;. Voili pourquoi, au lieu de vous emmener tout de H6 «wite, je vous ai préparée par cette longueexplication. Et, maintenant, rassemblez toutes vos forces, contenezvous, et venez. Genevtève. Oh! mon Dieu, les jambes me manquent... Lobin. Du courage ! allons ... Geneviève. Et, si nous allions Ie rencontrer sur notre route ?.. . Lobin. Qui ? Genevtève. Lui! lui, Dixmer !... lui qui était au tribunal!. . . lui qui veut ma mort!.. . lui qui me tue '. . . Lobtn. Soyez tranquille, vous n'avez plus rien a craindre de lui. Genevtève. Que dites-vous ? Lortn. Rien, rien . . . Venez. La femme Tison. Dis donc, citoyenne, est-ce que tu pars la première ? .. . En ce cas, tu reverras ma pauvre Héloïse avant moi, et tu lui diras que je viens . . . Genevtève. Mon Dieu! mon Dieu! quand je pense que c'est en conspirant avec nous que la pauvre fille... Lobtn. Venez, venez, Geneviève! nous avons un quart d'heure a peine... et Maurice nous attend. Genevtève. Oui, oui, Maurice . .. Allons rejoindre Maurice. (lis s'apprêtent d frapper a la grille.) SCÈNE III. Les mêmes, MAURICE, entrant par la porte opposée. Maubice. Geneviève !. . . oü est Geneviève ? Genevtève, courant d lui. Maurice 1 Lobtn, anéanti. Maurice, par la porte des condamnés ... Le malheureux !.. . Trois pour deux cartes ! UI Genevtève. Te voila, mon ami . . . Maurice. Ne m'attendais-tu pas, Geneviève ? . . . As-tu cru, par hasard, que je te laisser ais mourir seule ? ... Oh ! non, non, ma bien-aimée . . . Geneviève. Mais qu'as-tu fait ? Maubice. Ge que j'ai fait ? Oh ! c'est bien simple : quand j'ai vu q\ e tu étais condamnée, perdue pour moi, j'ai traversé la foule, je me suis élancé sur le fauteuil de fer. „Vous cherchez Maurice Linday depuis trois jours ? leur ai-je dit. Le voici: jugezmoi!" Alors, Rocher, qui était la, ce misérable Rocher m'a accusé d'avoir donné l'ceillet au Temple... Je n'ai rien répondu ... H m'a accusé de complicité dans la conspiration dè la Conciergerie... Je n'ai rien répondu ... et 1'on m'a condamné a mort... Maintenant, merci de leur jugement et de leur condamnation, puisque leur jugement et leur condamnation nous réunissent. Du courage, Geneviève! le ciel et les hommes, qui n'ont pas voulu que nous ayons une même demeure, n'empêcheront pas que nous ayons un même tombeau! Me voilé., Geneviève, me voila, pour ne plus te quitter, ni dans ce monde ni dans 1'autre ! Geneviève. Oh \ mon Dieu! il m'aimait donc comme je 1'aime! Mutbice. Et maintenant, tu n'auras plus peur de la mort, n'est-ce pas ? car nous marcherons a la mort ensemb'e. . . tu n'auras plus peur de 1'échafaud ... tu ne trembleras plus sur la route, nous marcherons appuyés 1'un a 1'autre... et n'ayant qu'un regret, moi du moins, vois-tu, c'est que le fer ne puisse pas trancher nos deux têtes du même coup. Oh! Geneviève, ina Geneviève, mourir ensemble, nous qui étions condamnés a vivre séparés, ne trouves-tu pas que c'est le suprème bonheur ? Genevtève. Mourir! mais, mon bien-aimé, nous ne mourrons pas ; nous allons vivre, au contraire, et vivre 1'un pour 1'autre. WÊSsmsmmsÊmammmtmi 148 -Maubice. Comment c*la ? ... Mon Dieu ! mon Dieu i serait-elle devenue folie ? Lobin, d part. En vérité, ee serait dommage de les laisser mourir. Geneviève. Non, non, rassure-toi... Mais parions bas . . . Cette porte; tu vois cette porte ? Maubice. Oui. Genevtève. On sort par cette porte... Maubice. Oui, mais avec des cartes... Genevtève. Lorin en a . . . Maubice. Lorin ? Genevtève. Oui. Maubice. Oü est-il ? Pas ici, je 1'espère ? Lobtn. Si fait, au contraire... Me voila Maubice. Toi! .. . Que veut dire ceci ? * Lobtn. C'est tout simple: je connais le citoyen Durand, greffier du Palais, et je lui ai fait signer trois cartes, voila! . Maurice. Trois cartes, Lorin ? Lobtn. Sans doute; j'allais ëmmener Geneviève et donner ma troisième carte a 1'un de ces malheureux . Mais te voila, je la garde pour moi. Chanté bien ordonnée ...1 Maubice Oh! mon Dieu ! cela me semble un rêve... Moi qui avais tout calculé póur la mort... Tiens, Geneviève, vois-tu ce couteau ? Si Féchafaud t avait trop ópouvantée, je te tuais de ma main et je me tuais après toi.. . Genevtève. Ce couteau, Dieu merci, tu n'en as plus besoin. (Ette le jette derrière elle.). Allons Maurice. Viens, Lorin. Lorin. Bon!; nous allons sortir tous les trois comme cela ... par la même porte, ensemble ! pourquoi n'emmenons-nous pas tout le monde ?... Allez, allez, je vous rejoins. Maurice. Ou cela ? ■ Ojiarité bien ordonnée cotamence par soi même i Het hemd is naoer aan de rok. 1*9 Lobin. A Abbeville . . . N'est-ce point a Abbeville que vous comptez vous embarquer pour 1'Angleterre ? Maubice. Oui. Lobtn. A merveille, alors !. . . Va pour Abbeville !... Mais ne vous arrêtez pas en route, notre fuite va faire un bruit de tous les diables... et, si je n'étais pas arrivé, passez en Angletene sans perdre un instant. Maubice. Mais . . . Lobtn. Maurice, Maurice, tu vas nous tuer tous avec tes hésitations . .. Tiens, voila les trois quarts qui sonnent... (II frappe a la grille.) . . La Sentinelle, du dehora. Que veux-tu ? Lobtn. Sortir, pardieu !... La Sentinelle. Vos cartes ? Lobtn, donnant les cartes a Geneviève. Montrez vos cartes. Geneviève. Les voici. La Sentinelle. Passez . . . Maubice. Et toi ? Lobtn. Tout a 1'heure; tu m'as bien compris, il faut mettre quelques minutes d'intervalle . . . Pars le. premier, pars ! .. . Au revoir ... Maubice, lui tendant les bras. Lorin! Lobtn. Pas de démonstrations 1 puisque nous bei"Jfe'"^cnhap'"' allons nous revoir, elles sont inutiles. Maubice. Rejoins-nous vite .. . Lobin. Sois tranquille. Maubice. Alors, au revoir! Lobtn. Geneviève, Maurice, mes bons amis! (II le8 serre dans ses bras.) Maubice. Comme tu es ému ! . . . Lobtn. Moi ? Pas du tout ..; Va vite ! Allea 1 Geneviève, un dèrnier mot: Soyez heureuse sans remoïds, vous êtes yeuve. „-.-.-;..- . .. .. ; xi >*'. Genevtève. Ah! '. Maubice. Viens, viens ! 160 SCÈNE IV. — Les mêmes, hors MAURICE et GENEVIÈVE. Lobin. Partis! enfin ils sont partis !.. . Ils traversent le corridor... Je ne les vois plus ! Ah ! pourvu qu'aucun obstacle ne vienne se dresser sur leur route... II y a si loin d'ici a la porte qui donne sur le quai... On parle bien haut, ce me semble . .. Quelqu'un les aurait-il reconnus, dénoncés ?... Oh! j'aurais tué. un homme, j'aurais sacrifié ma vie sans les sauver ? . .. Mon Dieu, ce ne serait pas juste !.. . Oh ! mon pauvre cceur,' ne bats pas si fort... tu m'empêches d'entendre .". . En ce moment, ils doivent avoir traversé le premier guichet. . . on leur ouvre la dernière porte... Je n'entends plus rien ... C'est fini... libres ! sauvés ! ... ils sont sauvés! Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! vous me deviez bien cela. SCÈNE V. — Les mêmes, ROCHER. Rocheb, entrant par la porte des condamnés. Oh! moi, je n'ai pas besoin de carte. . . J'entre par toutes les portee, je sors par toutes les portes, on me connait ici. . . Lobtn. Rocher! Rocheb. Voyons, voyons! Eh bien, oü sont-ils, ces petits amours, qu'on leur dise adieu ? . . . Eh ! citoyen Maurice !. . . Eh ! citoyenne Geneviève ! (Au son de sa voix, la femme Tison relève la tête et rampe jusqu'au couteau qu'elle ramasse.) Lobtn, d part. Il va s'apereevoir de leur absence; il va donner 1'alarme. (Haut.) Eh bien, que leur veux-tu, au citoyen Maurice et a la citoyenne Geneviève ? 151 Rocheb. Tiens ! toi ici ? . . . Bon ' je croyais n'en trouver que deux, voila qu'il y en a trois.. . Abondance de biens ne nuit pas, comme dit le proverbe; j'ai toute la couvée . . . Mais oü sont-ils donc, les deux autres % ... Lobin. Écoute, Rocher, je vais te dire .".. Rocheb. Non pas, non pas, ils sont entrés par la porte des condamnés, ils doiveht être'- ici, il faut qu'ils se retrouvent.. . a moins que quelque traitre ne les ait fait. évader. Lobtn. Rocher, je te dis . . . Rocheb. Ils n'y sont plus ? . . . Hya des traitres ici.. . mais je vais appeler. Lobin. Ob ! Ie misérable ! Rocheb, secouant les barreaux de la 'porie. A 1'aide ! a 1'aide ! ils se sont enfuis . . . Courez, courez... La femme Tison. Ah ! Rocher ... C'est toi qui m'as fait dénoncer ma fille ! Tiens ! (Eüe le frappe du cou'sau.) Rocheb, tombant. Jè suis mort!. . . Ah ! Lobtn. II y a donc une justice au ciel! (Quatre heures sonnent; les portes s'öuvrent on voit les girondins groupés ó table, le cadavre de leur compagnon au milieu d'eux.) Les Gtrondtns, en chceur. Nous, amis, qui, loin des batailles, Succombons dans l'obscurité,,, ' n Vouons du mnins 'nos funérailles A la France, è, sa liberté I Lobin. Citoyens de la Gironde1 place a votre dernier banquet. . . Moi aussi, je meurs pour la patrie! Chceur. Mourir pour la patrie, C'est le. soit le plus beau, le plus digne d'envle l 152 Criant des Qirond'ns F"^"^rw:j__h At—: —^—r.—^T-f-^^ _ i' C££— =^=±±=01=^3 1. Par la voix du ca - non d'a. lar - mes La Pran-ceap-pel-Je ses en-fants. „Al - lons, dit le sol-dat, Aux ar - mes! C'est ma mè-re, je la dé-fends! Mou• rir pour la pa - trie, Mou-rir pour la pa - trie, C'est le sört le plus beau, le plus di - gne d'en-vi - el Cest le •ort le plus beau, le plus di - gne d'en - vi - e. 153 1. Par la voix du canon d'alarmes La France appelle ses enfants. „Allons, dit le soldat, Aux armes! C'est ma mère, je la défends! Mourir pour la patrie, Mourir pour la patrie, C'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie! C'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie! 2. Nous, amis, qui loin des bataillés Succombons dans Pobscurité, mmmkm on6<. Vouons du moins nos funérailles myi«'aa"m' A la France, a sa liberté Mourir pour la patrie, etc. ..... BR|NKMAN PROD NR R 60 26 223 2 194 016