LES ROMANESQUES KONINKLIJKE BIBLIOTHEEK 2370 4205 EDMOND ROSTAND LECTURËS CLASSIQUES :-: N». 53 EDMOND ROSTAND LES ROMANESQUES COMÉDIE EN TROIS ACTES EN VERS Représentée pour la première fois sur la scène de la COMÉDIE-FRANQAISE le lundi 21 Mai 1894 MET AANTEEKEN1NGEN VAN J. BITTER & M. HOVINGH ZWOLLE — W. E. J. TJEENK WILLINK — 1921 3 EDMOND ROSTAND Edmond Rostand est né a Marseille, le lier mai 1868. Jusqu'en 1883, il fut élève du lycée de cette ville, oü il fut 1'ami d'un vieux pion, dont il chantera: „C'est toi le premier rimeur que j'ai connu." En effet, Pif-Luisant — c'était le surnom du pion — avait deux passions. L'une de ces passions se trahissait cruellement par la rougeur de son nez, 1'autre, il la cachait soigneusement au fond d'un tiroir: dans ses heures de loisir il faisait deux doigts de cour a la Muse. Son intimité avec 1'élève Rostand date du jour oü il découvrit des vers dans le pupitre de celui-ci. Désormais, aux heures de récréation, le pion et 1'élève se retiraient sous les marronniers de la cour, oü Kf-Luisant commentait les grands poètes de 1'antiquité, et le futur poète des Musardises1 profita de ces conversations avec le pion, qu'il n'a jamais oublié et a qui il adresse ces saluts touchants: Merci, vieux, qui plus jeune encore, malgré ton asthme, Que le gandin pédant dont nous suivions les cours, Fus l'éoeilleur de mon premier enthousiasme, Me refaisant la classe, en plein air, dans les cours. Ce pion lui foumissait aussi les livres défendus de plus d'un grand poète, e. a. Musset, qui devait avoir uhe si grande influence sur les poésies de jeunesse de M. Rostand, et surtout sur ses poèmes dramatiques. 1 Recueil de poésies de M. Rostand. Dans ce volume le poète se nomme musard et donnera ee nom, toujours dans le sens de poète, a Rudel (le héros de La Princesse lointaine) et i Henri de Bornier (dans son discours de réception a 1'Académie francaise).' Dans la préface de son reeueil, le poète explique musarder par „perdre son temps a des riens", et miuardise par „rêvasserie douce, chère flfinerie, paresseuse délectation a contempler un objet ou une idéé". 4 C'est a Paris, au collége StaDislas, que se passèrent les deux dernières années de son enseignement secondaire. H y eut pour professeur M. Doumic, qui, dans son cours sur les poètes de 1600 a 1630 lui a'fait connaitre les ceuvres de Cyrano de Bergerac, dont il connaissait déja la figure pour 1'avoir vue en gravure dans sa chambre d'enfant a Marseille, a cöté d'un autre portrait, représentant 1'Aiglon. Après son baecalauréat, Rostand fit son droit a 1'Université de Paris et fut pendant quelque temps — mais un temps trés court — employé dans une banque. II quitta cette place pour se consacrer entièrement a la littérature et réussit, en 1888, a faire représenter au Cluny une vaudeville qui tomba a plat, comme elle le méritait. En 1889, Rostand, agé de 21 ans, épousa Mlle Rosemonde Gérard, qui en avait dix-huit. Elle était la fille du comte Gérard, et petite-fille de ce maréchal de Napoléon qui a pris une part glorieuse aux batailles de Wagram, de Moscou et de Waterloo. Les anneés 1890 et 1891 virent paraitre Les Musardises par Edmond Rostand, et Les Pipeauas par Rosemonde Gérabd. Ce dernier recueil fut couronné par 1'Académie frangaise, le premier passa presque inapercu. Ce n'est qu'après la représentation de Cyrano de Bergerac (1897) que Pon commencera a parler des Musardises et qu'on trouvera a peine suffisant 1'éloge qu'en a fait M. A. Filon dans la Revue Bleue ; dans son article il parle d'une „véritable explosion de talent poétique"... „le plus brillant début auquel le public ait assisté depuis le jour lointain oü Alfred de Musset publia les Contes d'Espagne et d'Italië". Aujourd'bui, les Musardises, telles qu'elles parurent en 18"90, sont devenues une rareté bibliographique. Dans la nouvelle édition, augmentée par ailleurs, on a supprimé les poésies amoureuses (le Livre ae l'Aimée). La première pièce en vers de Rostand est intitulée Les deux Pierrots. Elle a été représentée pour la première 5 fois en 1889, a Luchon, oü 1'auteur passait ordinairement 1'été avec sa familie. Les acteurs étaient Edmond Rostand, un autre amateur et Rosemonde Gérard l, qui, la même année, devait épouser notre poète. Elle avait du talent comme actrice et disait trés bien les vers, ayant pris des lecons de diction avec M. de Féraudy, le grand acteur du Théatre-Fran^ais. (On sait qu'a la répétition générale de Cyrano elle a eu le courage de remplacer au dernier moment 1'actrice souffrante qui était chargée du röle de Roxane). M. de Féraudy présenta les Deux Pierrots a J. Claretie, directeur de la Comédie Francaise, qui les trouva jolis, mais Got, acteur influent, déclara que tous ces pierrots qu'on voyait les derniers temps sur la scène, menacaient de rendre le premier théatre de France semblable a une boulangerie et le jury refusa la pièce. J. Claretie demanda alors a 1'auteur une pièce nouvelle et celui-ci lui dit: „Ce n'est pas un acte que je vous rapporterai, mais trois." Un mois après, il revint avec lés Romanesques qui furent acceptés, mais qui ne furent representés que le 21 mai 1894. Le succès fut des plus vifs et, le lendemain, toute la critique se montra trés favorable. L'Académie frangaise accorda a 1'auteur le prix Töirac. Un an après (1895) fut jouée la Princesse Lointaine avec Sarah Bernbardt dans le röle principal. La pièce plut d'abord au public, mais „la presse presque entière extermina la pièce et en fit un quasi-four" (Rostand). L'année suivante (1896) fut représentée la Samaritaine (évangile en trois tableaux). C'était encore Sarab Bernbardt qui créa le röle principal. Cette fois-ci, la critique së montra bienveillanl e. Le succès de la pièce fut trés grand auprès du public. Seulement, huit jours après la première représentation, Sarab Bembardt partit en tournée et les représentations furent suspendues. Rostand lui-même dit de cette pièce: „elle a fait ce qu'on appelle 1 C'est a elle que Les Romanesques sont dédiés, 6 de 1'argent, et pour la première fois j'eus la notion que je pourrais attirer la foule." Après Noël de cette même année parut Cyrano de Bergerac, comédie héroïque en cinq actes. Le succès en était inouï et pour trouver un tel succès, il faut remonter a Hernani. Deux ans après (1900), autre grand succès avec VAiglon, drame en six actes, dont Sarah Bernhardt joua le röle principal en travesti. La critique n'était pas aussi enthousiaste que pour Cyrano. La pièce fut un des clous de 1'Exposition Universelle. Peu après Ia première, Edmond Rostand tomba malade et fut obligé de retourner dans le Midi, oü il habita une villa magnifique au bas des Pyrénées. La dernière pièce de Rostand fut Chantecler. Edmond Rostand, fut élu, a 34 ans, membre de 1'Académie frangaise, oü il prononca son discours de réception en 1903. Nous n'avons pas parlé de la première pièce de Rostand, le Gant rouge, pêché de jeunesse dont lui-même ne paria jamais et que nous passerons sous silence. Mentionnons encore le discours en vers avec lequel le poète répondit a I'hommage qui lui était rendu par Je colJège Stanislas qui avait voulu célébrer ,Je succès prodigieux" de son ancien élève (après la représentation de Cyrano) ; son Poème d S. M. l'Impératrice de Russie, récité par Mlle Bartet, en 1901, sur la scène du chateau de Compiègne, et Un soir d Hernani (1902), composé a 1'occasion du centenaire de Victor Hugo. Des poèmes de circonstance de Rostand, celui-ci est le plus remarquable. Enfin, après Ia guerre, Rostand a publié un recueil de poésies: Le Vol de la Marseülaise. II est mort en 1918. 7 PERSONNAGES. SYLVETTE. PERCINET. STRAFOREL. BERGAMIN, père de Percinet. PASQUINOT, père de Sylvette. BLAISE, jardinier. UN MUR, personnage muet. SPADASSINS \ MTJSICIENS, NÈGRES, PoRTEURS DE TOROHES, UN NOTAIRE, QUATRE BOURGEOIS, ETC. La scène se passé oü l'on voudra, pourvu que les costumes soient joUs. 1 spadassin», vechtersbazen, gehuurde moordenaars. Hier: ge' wapende mannen. 8 ACTE PEEMIEE La scène est coupée en aeux par un vieux mur moussu et tout enguirlandé de folies plantes grimpantes. 1 A droite, un coin du pare de Bergamin ; d gauche, un coin du pare de Pasquinot. De chaque cóté, contre le mur, un banc. Quand le rideau se léve, Percinet est assis sur ia crête 2 du mur ayant, sur son genou, un livre dont ü donne lecture d Sylvette, attentive, debout sur le banc, de l'autre cóté du mur, auquel elle s'accoude. 1 folies planies grimpantes, wilde klim- en slingerplanten. * la crête du mur, muurafdekking, bovenste gedeelte van den muur. ACTE PREMIER SCÈNE PEEMIÈEE SYLVETTE, PERCINET 8ylvbtte. Ah! Monsieur Peroinefc, mais co mme e'est donc beau , percinet. , I N'est-ce pas ?... Econtez répondre Romeo:1 n lit. „C'est 1'alouette, Amour, je te dis que c'est elle! „Voib. le bord dep vapeurs légères se dentelle, „Et la-bas, au sommet xose du mont lointain, „Sur le bout de son pied se dresse le matin! „H faut fuir..." sylvettb, vivement, prêtant 1'oreille. Chut! percinet éooute un instant, puis: Personne! Ainsi, Mademoiselle, Ne prenez pas ces airs efiarouchés d'oiselle * Qui de la branche, au moindre bruit, va s'envoler.. Écoutez les Amants Immortels 3 se parler: 1 Roméo. Zie, Appendice. * «iseUe, vrouwelijk van oiseau. 3 Amants immortels, Roméo et Juliette, 10 LES ROMANKSOTTBS Elle: „Amour, amour cher, non, ce n'est pas 1'aurore, „Mais c est, pour éclairer ta fuite, un météore t" » Lui: „Puisqu'elle le veut, eh bien, soit! ce n'est point „L alouette qui chante et 1'aurore qui point: » „Ce reflet, c'est le tien, Cynthia,3 dans la nue! „ Vienne la Mort, la Mort sera la bienvenue!" SYIiVETTE. Oh! non, je ne veux pas qu'il parle de cela, Ou bier je vais pleurer... PEROFNET. v, \ ';ïf Alors, restons-en la! M. jusques a demain referpxant notre livre, Laissons, puisqu'il vous plait, le doux Roméo vivre. D ferme le livre et regarde tont autour de lui. Quel adorable endroit, fait exprès, semble-t-il, Pour s'y venir bercer aux beaux vers du grand Will! * s YliVETTE, ^fpl Oui, ces vers hont trèt beaux, et le divin murmure Les accompagne bien, c'est vrai, de Ia ramure, 4 Et le décor leur sied, de ces ombrages verts; ' Oui, Monsieur Percinet, ils ,-ont trés beaux, ces vers ' Mais ce qui fait pour moi leur beauté plus touchante, Cest que vous les Iisez de votre voix qui chante. PERCINET. La vilaine flatteuse! sylvette, soupirant. Ah ! pauvres amoureux! 1 météore, natuurverschijnsel. Zie voor dit g deelte in den Avven- de passage mt Romeo and Juliet van WiUiam sLkespeaT 1 pomt, van potndre, opkomen, aanbreken. °"aKespeare. Cynthia, een poëtische naam voor de Mian, als godin (Artemis of Diana) verpersoonlijkt. Artemis was volgens de legende w den berg Cvnthus geboren, vandaar Cynthia dJ g P e" » grand Wül, William Shakespeare - la ramure, oud woord voor loof, gebladerte, takken, ACTE PREMIER 11 Que leur sort est cruel, qu'on fut méchant pour eux ! Avec un soupir. AL.! je pense .. . percinet. A quoi donc ? sylvette, vivement. A rien !... percinet. A quelque chose Qui vous a fait soudain devenir toute rose ! sylvette, de même. A rien !... percinet, la raenacant du doigt. Oh ! la menteuse .. . aux yeux trop transparents ! Je le vois, a quoi vous pensez! . .. Baissant la voix. A nos parents! sylvette. Peut-être... percinet. A votre père, au mien, a cettf haine Qui les divise! sylvette. Eh! oui, c'est la ce qui me peihe, Ce qui me fait pleurer en cachette, souvent.TjOrsque, le mois dernier, je revinp du couvent, Mon père, me moncrant le pare de votre père, Me dit: „Ma chère enfant, tu vois la le repaire 1 De mon vieil ennemi mortel, de Bergamin. De ce gueux, de sod fils, détourne ton chemin; 1 le repaire, roovershol. Pasquinot kiest dit woord om de villa van Bergamin aan te duiden teneinde zijn haat tegen zijn buurman goed te doen uitkomen. 12 LES ROMANESO.UES Promets-moi bien, sinon, vois-tu, je te renie,1 D'être, pour ces gens-la, toujours, une ennemie, Car, de tous temps, les leurs ont exécré les tiens!" J'ai promis. . . Vous voyez, Monsieur, comme je tiens. PERCINET. Et n'ai-je pas promis a mon père, de même, De vous haïr toujours, Sylvette ? — et je vous alme! SIL VETTE. Sainte Vierge! PERCINET. Et je t'eime, enfant.' SU VETTE. Cest un pêché! PERCINET. ün gros... que voulez-vous ? Plus on est empêché D'aimer quelqu'un, et plus il vous en prend Penvie. Sylvette, embrassez-moi! SYLVETTE. Mais jamais de la vie! Elle saute du banc et s'éloigne. PERCINET. Vous m'aimez ..cependant! SYLVETTE. Que dit-il ? PERCINET. Chère enfant, Je dis ce dont en oor votre cosur se défend, Mais ce dont plus longtemps douter serait un leurre!2 Je dis... ce que vous-même avez dit tout a Pheure, 1 renier, iemand niet meer (als zijn kind) willen erkennen, verloochenen. 2 un leurre (ce dont plus longtemps douter serait —), als wij daaraan nog langer twijfelden, zouden we ons zelf misleiden. ACTE PREMIER 13 Oui, vous-même, Sylvette, en comparant ainsi Les Amants de Vérone 1 aux deux enfants d'ici. sylvette. Je n'ai pas comparé!. . . . PERCINET. Si!.. . Mon père et ton père A ceux de Juliette et de Roméo, chère! C'est pourquoi Juliette et Roméo c'est nous, Et c'est pourquoi nous nous aimons comme des fous! Et je brave a la fois, malgré leur baine aiguë, Pasquinot-Capulet, Bergamin-Montaiguë! 2 sylvette, se rapprochant un peu du mur. Alors, nous nous aimons ? Mais, Monsieur Percinet, Comment ca s'est-il fait si vite ?. . . percinet. L'amour nait, On ne sait pas comment, pourquoi, quand il doit nattre. Je vous voyais souvent passer de ma fenêtre . . . sylvette. Moi de même . . . percinet. Et nos yeux causaient en tapinois. 8 sylvette. Un jour, la, prèo du mur, je ramassais det> noix.. Par hasard ... percinet. Par basard, la, je lisais Sbakespeare; Et — pour unir deux cceurs vois comme tout conspue... 1 Vérone (les Amants de —), Roméo et Juliette. 2 Capulet — Montaiguë. Zie Appendice. 3 en tapinois, tersluiks, stilletjes. 14 les rom a MT7anm7C3 sylvette. Le vent fit envoler, psst! ... chez vous, mon ruban! percinet. Pour le rendre, auseitöt, je giimpai sur le banc. . . sylvette, grimpant. fi'lï Je grimpai sur le banc ... percinet. ™ . Et depuis lors, petite, Ohaque jour je t'attends, et chaque jour plus vite Bat mon coeur lorsqu'enfin naonte, signal béni! La, derrière Ie mur, ton doux riïe de nid, ' Qui ne s'achève pas sans que ta tête émerge1 Du fouillis frémissant2 de folie vigne vierge ! 3 sylvette. Puisque nous nous aimons, il faut nous flaneer. percinet. C'est a quoi justement je venais de penser. sylvette, solennellement. Dernier des Bergamin, c'est a toi que se lie La dernière des Pasquinot! percinet. Noble folie! sylvette. On pariera de nous dans les ages futurs ! percinet. Oh ! trop tendres enfants de deux pères trop durs ! 1 émerger, opduiken. kenSSn) ^ de Ve™ld do°"*ngegroeide fiUende tak 5 folie vigne vierge, wilde wingerd. ACTE PREMIER 15 SYLVETTE. Mais, qui saifc, mon ami, peut-être 1'heure tinte Ou Dieu veut que, par nous, leur haine soit éteinte. PERCINET. J'en doute. SYLVETTE. Moi, j'ai foi dans les événements, Et j'entrevois déja cinq ou six dénoüments Trés possibles. PERCINET. Vraiment, et lesquels? SYLVETTE. Mais suppose — Dans plus d'un vieux roman j'ai lu pareille chose — Que le Prince Régnant vienne a passer un jour Je cours le supplier, lui conté notre amour, Que nos pères entre eux ont une vieille haine ..... — Un roi maria bien don Rodrigue et Chimène 1 — Le Prinoe fait venir mon père et Bergamin, Et les réconcilie ... PERCINET. Et me donne ta main! SYLVETTE. Ou bien, cela s'arrange ainsi que dans Peau d'Ane. 2 Tu dépéris, 8 un sot médecin te condamne 4... 1 Rodrigue et Chimhne, de hoofdpersonen uit Le Oid van Corneille, aan. wier huwelijk ook bjjna onoverkomelijke hinderpalen in den weg gelegd werden. 2 Peau choir, vallen. Le verbe choir est presque sorti de 1'usage. Rostand emploie dans ses ouvrages plusieurs f ormes de ce verbe : chu, chtyant, cherra, etc. * amour-propre froissé, gekrenkte eigenliefde. 4 s'exorbtter, uit de oogkas rollen. On dit communément: Les yeux lui sortent de la tite. 5 tomber de hout, vreeselijk ontnuchterd worden. ACTE DEÜXIÈME 71 sylvbtth. se retournant vers lui. Que dites-vous ? pebotnbt, escamotant 1 la facture. Moi ? rien, rien ! sylvbtTb, a part. Son erreur me navre. * feroinet, a part. C'est pour ca qu'on n?a pas retrouvé le eadavre ! sylvbttb, a part, se levant. II a 1'air de bouder. Rapprochons-nous de lui. Elle tourne un moment, puis voyant qu'il ne bouge nas. — coquettement: Vous ne m'avez rien dit de ma robe aujourd'hui ? peboinbt, négligemment. Le bleu ne vous va pas. Je vous préfère en rose. sylvbttb, a part, saisie. Le bleu ne me va pas... Saurait-il quelque chose ? Regardant la table. Mais la facture, au faitj3, j'ai dü la mettre la ! peboinbt, la voyant" qui oherche. Qu'avez-vous a tourner, voyons, comme cela % sylvbttb. Rien... A part. Un papier, le vent quelquefois le dérobe. Haut, faisant bouffer * sa jupe. Rien ... je tournais pour voir comment me va ms robe !... 1 escamoter, wegmoffelen. * navrer, pijn doen. * au fait, inderdaad; dat is waar ook. 1 faire bouffer, uitslaan (zóó dat de rok minder slecht en recht neerhangt). On dit de même: /o»re bouffer les cheveux. 72 LES ROMANESQUES A part. Je saurai bien s'il Fa trouvée. Haut. Hum !... Tu voulais Dire tantót des vers sur nos amours ? Mouvement de Percinet. Elle lui prend le bras, et, bien gentiment Dis-les. percinet. Ah! non! sylvette. Dis-les, ces vers . . . percinet. Non ! sylvette, ironique. Sur notre aventure percinet. Os sont mauvais, tu sais... Je n'ai pas ... sylvette. La facture1 ? percinet. Non, je n'ai pas la fact... Sursautant et la regardant. Pardon, mais ... sylvette. Mais, pardon.. percinet. Ah ! mais elle sait donc ? ... sylvette, de même. II sait donc ? 1 Avoir la facture, de techniek kennen. ACTE DEUXIÈME 73 tous les deux, ensemble. Tu sais donc ? Un temps, puis ils éclatent de rire. Ha ! ha ! ha !... pebcinet. N'est-ce pas que c'est dröle ? sylvette. Trés dröle! febcinet. Non, vraiment, on nous fit jouer un róle ... sylvette. Un röle! febcinet. Nos pères étaient donc bons amis ? sylvbttb. Bons voisins. pbbcinbt. Ma parole, ils devraient être même cousins. sylvette, faisant la révérence. ^wSwa J'épouse mon cousin ! pbbcinbt. J'épouse ma cousine! sylvbttb. C'est gentil!... /' pbbcinbt. C'est classique! .sylvette. Ah ! certe, on imagine Des mariages plus... Mais c'est si" bon de voir Que 1'on conciliait 1'amour — et le devoir! 74 LES ROMANESQCES PERCINET. Et 1'intérêt! Car ces deux parcs, leurs dépendances 1 SYLVETTE. Excellent mariage, enfin, de convenances.2 Elle est loin, notre pauvre idylle sur le mur! PERCINET. II ne faut plus parler d'idylle, c'est bien sur! SYLVETTE. Je rentre dans le rang banal des jeunes filles. PERCINET. Je suis le bon petit fiancé des families... Et c'est en Roméo, Sylvette, que je plus ! SYLVETTE. Ah! Roméo, c'est clair que vous ne 1'êtes plus! PERCINET. Est-ce que vous croyez être encor Juliette ? SYLVETTE. Vous devenez amer. PERCINET. Dame ! et vous ... aigrelette.3 . SYLVETTE. Si vous avez été ridicule, eh! mon Dieu! Esb-ce ma faute a moi ? PERCINET. Si je le fus un peu, Je ne le fus pas seul!... 1 leurs dépendances, hun ap- en dependenties. 2 mariage de convenances, huwelijk, waarbij rekening is gehouden met stand, fortuin, leeftijd, enz. 't Is dus het tegengestelde van een mariage d'amour, en vooral van een mariage romanesque. ' aigrelet, eenigszins bitter, zuurzoet. ACTE DEUXIÈME 75 SYLVBTTB. Eh bien, soit! nous le fümes ! Ah ! mon pauvre Oiséau Bleu *; bien déteintes, vos plumes ! PBBCINBT, ricanant. Ha ! .. . un simili-rapt! 3 SYLVBTTB. De pseudo-coups d'estoc !.. PBBCINBT. Fi 1 la fausse enlevée ! SYLVBTTB. Hou !3 le sauveur en toe ! 4 Ah ! notre poésie était une risée ! C'est ainsi qu'en crevant, belle bulle irisée,6 Tu n'es plus, disparue a nos yeux étonnés, Qu'un peu d'eau de savon qui nous pleut sur le nez! PERCINET. Donc, Amant dont je fus le plus vil des émules,6 Amante dont, indigne, elle cbaussa les mules,' 0 pale et noble couple, ö couple shakspearien, Nous n'avions avec vous de commun rien, rien ... SYLVBTTB. Rien! .M' PBBCINBT. Donc, au lieu de jouer le cher et divin drame, Nous en avons joué la parodie infame! 3 mon Oiseau bleu, ideale, met alle deugden schitterende geliefde mijner droomen. * un simili-rapt, een nagebootste schaking, een schijnsohaking. 3 Hout foei I schaam je 1 4 en toe, nagemaakt, niet echt. 5 êelïe bulle irisée, schoone kleurige zeepbel (d. w. z. schoone droom onzer verbeelding). • èmule, rival. (Hij denkt aan Romeo). 7 dont elle chaussa les mules, (lett.) wier muiltjes zij aantrok. Zij denkt aan Juliette en aan Asschepoester met haar glazen muiltjes. 76 LES ROMANESQÜES SYLVBTTB. Donc, c'était un serin que notre rossignol! PBBCINBT. Donc, il était, le mur immortel, un Guignol!1 Et quand nous y venions, chaque jour, apparaitre, Chaque jour, a mi-corps, nous étions, au lieu d'être Deux parangons 3 d'amour aux types éternels, Deux pantins3 qu'animaient les gros doigts paternels! SYLVBTTB C'est vrai! Mais nous serions grotesques davantage Si nous nous aimions moins! PERCINET. Aimons-nous avec rage! Nous sommes obligés de nous aimer, d'abord! SYLVBTTB. Mais, nous nous adorons !... PBBCINBT. Le mot n'est pas trop fort! SYLVBTTB. L'amour peut consoler trés bien d'un tel désastre ! .. . N'est-ce pas, mon trésor ? PBBCINBT. Certainement, mon astre! SYLVBTTB Bonjour donc, ma chère ame! PERCINET. Et bonsoir, ma beauté ! 1 Ouignoï, poppenkast. parangon, toonbeeld. Au sens propre parangon veut dire .- parel van bet zuiverste water. 3 pantin, hansworst, ledepop. ACTE DEUXIÈME 77 sylvbttb. «2[aKÏÏM Je vais rêver a vous, mon coeur, — de mon cóté! pbbcinbt. Et moi du mien. Bonjour ! sylvbttb. Bonsoir I Elle sort. pbbcinbt. Ah.! par exemple !... Ah ! Pon me traite ainsi!... Mais quel est, dans eet ample Manteau, qui laisse voir eet étrange pourpoint, Ce Monsieur moustachu que je ne connais point ?... Straforel, qui est ent ré sur ees vers, descend majestueusement en scène. SCÈNE VI . PERCINET, STRAFOREL. pbbcinbt. Qu'est-ce ? straforel, souriant. C'est pour toucher une petite somme. pbbcinbt. Un fournisseur ? straforel. Tout juste ! Allez donc, bon jeune homme, Dire a votre papa que j'attends. 78 LES. ROMANESQUES pebcinrt Votre nom! stbafobbl. Mon nom est Straforel. peectnet, bondissant. Lui, maintenant ? Ah ! non ! Ah ! non ! ceci devient par trop intolérable ! straforel, souriant. Tiens, tiens! vous savez donc, jeune homme ? percinet, lui jetant la facture qu'il tire chiffonnée de sa poche. Misérable! C'était toi! straforel. Mon Dieu ! oui, c'était moi: per Baccho ! percinet. Oh! rencontrer eet homme! Oh ! je fuirais jusqu'au Bout du monde . .. straforel, satisfait. Et je suis tellement gras et rose Que la citatian, il me semble, s'impose : Les gens que vous tuez se portent...1 percinet, se ruant1 sur lui 1'épée a la main. Tu vas voir! straforel, parant avec son bras, tranquille comme un maitre d'armes qui donne la lecon. La main haute ... le pied en dehors! n'en savoir Pas plus long a votre age, eh! Monsieur, c'est un crime! D'un tour de main il lui enlève son épée, — et la lui rendant, dans un salut: Quoi! vous cessez déja votre lecon d'escrime ? 1 Les gens que vous tuez se portent assez bien, Citaat ontleend aan Le Menteur, blijspel van P. CorneiUe. * se ruer, zich storten, toespringen. ACTE DEUXIÈME 79 percinet, exaspéré, la reprenant. Ah ! je pars !... On me traite en enfant: bien ! j'aurai Ma revanche! J'aurai du roman, et du vrai! SCÈNE vn STRAFOREL, BERGAMIN, PASQUINOT. straforel, regardant dans la coulisse. Hé ! la-bas ! arrêtez ! ... En voici bien d'une autre ! Entrent Bergamin et Pasquinot, décoiffés, déchirés, comme après une lutte. pasquinot, se rajustant et rendant a Bergamin sa perruque. Voici votre perruque! bergamin. Ouf ! Et voici la votre ! pasquinot. Vous comprenez qu'après de pareils procédés !. .. Voici votre jabot. . . bergamin, d'une voix sifflante. Et vous me concédez1 Que revivre avec vous serait un sacrifice Trop grand pour qu'au bonheur de mon fils je le fisse ! pasqutnot, voyant entrer Sylvette. Ma fille !... Cachons-lui d'abord ce qu'il en est! ... 1 vous me concédez, u zult me wel willen toegeven. 80 les romanesqdes SCÈNE VIII Les Memes, SYLVETTE, puis BLAISE, LE NOTAIRE, Les Témoins, Violons et Invites. sylvette, se jetant au oou de son père. Papa, je ne veux plus épouser Percinet!... Entrent le notaire pour Ië oontrat, et des bourgeois endimanches, témoins. bergamin. i^fey Les témpins !... le notaire !... Au diable ! fójwj? les témoins, ahuris. Hein? le notaire, avec dignité. Ces paroles !. .. straforel, au milieu du tumulte, ayant ramassé la facture jetée par Percinet. Ma facture ! . . . payez !.. . quatre-vingt-dix pistoles !... Entrent des invités et trois violons jouant un menuet. bergamin, hors de lui, les bousculant. Les violons !. . . Au diable ! Les violons continuent automatiquement leur menuet. straforel, impatienté, a Bergamin. Eh bien !... Je tends la main ! 1 bergamin. Parlez a «Pasquinot! ' Je tends la main, Ik houd mijn hand op (n.1. om miin geld te ontvangen). J 6 v ACTE DEÜXIÈME 81 pasqutnot. Parlez a Bergamin ! straforel, soulignant les mots de la facture. „Un faux rapt mis en scène afin que Von fiance beegamtn. Ils sont défiancés ! Donc, cela me dispense De payer. steafobbl, a Pasquinot. Mais, Monsieur... pasqutnot. Que je vous donne un sol Maintenant que tout est rompu? — Vous êtes fol! bebgamin, a qui Blaise est venu parler bas. Mon fils !... parti!... sylvette, saisie. Parti? . . . steafobbl, qui remontait, s'arrête et la regarde. Tiens! tiens ! bergamin. Courez ! en chasse ! B sort en courant, suivi du notaire et des invités. sylvette, trés émue. Parti! straforel, redescendant en 1'observant toujours. S'il se pouvait que je rabibochasse 1 Ensemble ces mignons ... eh ! peut-être 1 rabibochasser, barokke samenstelling (zooals men er meer vindt m de werken van Rostand) uit rdbiboner, verzoenen en chasser. Vergelijk : s enducanailler, désentripaiUer, famiUimnarité, etc. 82 LES EOMANESQUES sylvbttb, tout d'un coup furieuse. Parti? Ah ! ca c'est un peu fort! Elle gort, suivie de Pasquinot. straforel, triomphant. , Straforel, mon petit, Pour te faire payer tes nonante pistoles, Ce mariage, Ü faut que tu le rafistoles !1 II sort. Les trois violons rest és seuls au milieu de la scène jouent toujours leur menuet. E1DEAU rafistoler, herstellen, krammen. 83 ACTE TROISIEME Même décor. On a apportê des matériaux pour la recon- struction du mur, qui est commencée au fond. Soes de pldtre. Brouette. Auges1 et trueUes. Quand le rideau se léve, un maQon travaille, accroupi, le dos tourné au public. Bergamin et Pasquinot, chacun de son cóté, inspectent les travaux. 1 auge (d mortier), (kalk)bak. 84 les romanesques SCÈNE PREMIÈRE BERGAMIN, PASQUINOT, Un Macon. le macon chante en travaillant. Tra laï deluriau . . . bergamin. Ces ouvriers sont longs !... le macon. Deluriau, de lurot. . . pasquinot, suivant ses mouvements avec satisfaction. C'est eela ! des moellons !...1 • bergamin, même jeu. Pouf! un tas de mortier! * pa8quin0t. Paf! un coup de truelle ! le macon, faisant des roulades. * Deluriau, delurie — ue — ue — ue — ue — ue — uel — le pasquinot, redescendant. Belle voix ! mais travail bien lent!... 1 des moellons, steenblokken (De steenhouwers houwen den natuursteen tot vierkante bouwsteenen). * mortier, mortel, metselspecie. ' roulade, fiorituur bestaande uit meerdere tonen, vlug achter elkaar gezongen op dezelfde lettergreep. ACTE TROISfÈME 85 bergamin, redescendant aussi, avec un bonheur agressif. Ha ! ha ! voici Un pan de commencé ! Bon ! pasquinot, frappant du pied 1'endroit non encore construit Demain même, ici, Le mur va de deux pieds sortir de terre ! — O joie ! bergamin, lyrique. 0 cher mur, que bientöt, debout, je te revoie! pasquinot. Que dites-vous, Monsieur? bergamin. Je ne vous parle pas. Un temps. Que faites-vous le soir après votre repas? pasquinot. Rien... Et vous?^ bergamin. Rien non plus. Un temps. — Ils se saluent, et se promènent. pasquinot, s'arrêtant. Alors, pas de nouvelles De votre fils? bergamin. Mais non. R court toujours.1 pasquinot, poli. Les belles Le désargenteront promptement, — et, bien sur, II reviendra. 1 II court toujours, Hij is nog niet teruggekeerd. 86 LES EOMANESQUES bergamin. Merci. Ils se saluent, et se promènent. Un temps. pasquinot, s'arrêtant. Mairiterjant que le mur Se relève, Monsieur, je veux bien vous permettre De venir quelquefois, — en voisin. bergamin. Bien. Peut-être, Vous ferai-je 1'bonneur... Hs se saluent. pasquinot, brusquement. Eb bien ! mais, dites donc, Venez faire un piquet? 1 bergamin, suffoqué. Ah !... oh !... hé !... mais, pardon, Je ne sais si je peux ... pasquinot. Puisque je vous invite bergamin. Mon Dieu !... J'aimerais mieux un bésigue. 2 Allons vite ! bergamin, sortant derrière lui. Vous me deviez dix sous de la dernière fois. Se retournant. Travaillez bien, macon! 1 un piquet, kaartspel dat met 2, 3 of 4 personen gespeeld wordt en met 32 kaarten. 2 bésigue, kaartspel, dat veel gelijkt op piquet. ACTE TE0I8IÈME 87 le macon, de toutes ses forces. Tralaï!... pasqutnot. Belle voix! Ils sortent. SCÈNE II STEAFOREL, puis SYLVETTE Dès qu'ils sont sortis, le macon se retourne, öte son chapeau : c'est Staforel. stbaforel. Oui, macon, je le suis, — puisque, sous ce grimage, Je m'introduis céans1 pour faire un replatrage! * S'asseyant sur le mur commencé. Le jeune homme est toujours au pourchas 3 du romaD ; Mais on peut deviner, sans être nécroman,4 Qu'il reviendra bredouille et n'en menant plus large,s Donc, tandis que la Vie elle-même se charge, Lui donnant de réel un salutaire bain, De décoquebiner un peu ce coquebin 6 Et de le renvoyer ici tirant de 1'aile,' 1 céans (oud woord), bier in huis. • repldtrage (in werkelijke beteekenis: overpleisteren, weer bijlappen); hier: een kunstmatige, niet oprecht gemeende, verzoening. 3 au pourchas de, op jacht naar. 4 nécroman (nu : nicromancien), geestenbezweerder, toovenaar. 5 n'en menant plus large, niet veel meer te vertellen zal hebben. ' décoquebiner ce coquebin, dit groen heertje te ontgroenen. ' tirant de Vaïle. In de fabel „Les deux Pigeons" van La Fontaine komt de duif, die niettegenstaande den raad van zijn vriendin toch de wijde wereld is ingegaan, terug Jrainant l'aile, et tirant le pied" 88 LES ROMANESQUES Moi, par une action savante et parallèle, Je travaille a guérir des gouts aventureux Sylvette. — Straforel, homme aux talents nombreux, Vous jouates souvent les marquis et les princes, Du temps oü vous étiez siffle1 dans les provinces ! Ceci va nous servir. II tire de sa souqueniüe * une lettre qu'il met dans 1'ouvetture moussue d'un tronc d'arbre. Ah ! quel remerciment, Pères, vous me devrez! Apercevant Sylvette. C'est elle! — A mon ciment! H se remet a gacher * et disparait derrière Ie mur. sylvbttb apparait, furtive, regarde si on la guette, puis: Non, personne !. . . Elle pose sur le banc de gauche sa mante de mousseline. Aujourd'hui, trouverai-je la lettre? Elle va vers un arbre. Tous les jours, un galant inconnu vient en mettre Une, la,, dans ce tronc par la foudre entr'ouvert, Et qui fait une boite aux lettres peinte en vert! . . . Elle plonge la main dans le creux de 1'arbre. Oui, voila mon courrier. Elle lit. „Sylvette, coeur de marbre ! Cest le dernier biUet que produira eet arbre, Pourquoi n'avez-vous pas, tigresse, répondu Au poulet 4 que pour vous ehaque jour j'ai pondu ?" 1 siffiè, uitgefloten. Hieruit zien we, dat Straforel komediant is geweest, en dat verklaart ons ook zijn bekwaamheid als metteur en scène op 't eind van het eerste bedrijf en zijn citaten o. a. Les gens que vous tuez se portent. . . (assez bien) 1 souqueniüe, linnen kiel. ' gacher, (kalk) beslaan. 4 poulet, minnebrief; (eig.) groot kuiken, vandaar 't woord pondu aan 't eind van 't vers. "De beeldspraak is stout en Sylvette niet heel kieskeurig, als zij na al dien bombast uitroept: „Hein! quel style ! ACTE TROISIÈME 89 — Hein ! quel style ! „L'amour qui dans mon ame gronde . . . Elle chiffonne nerveusement la lettre. Ah ! Monsieur Percinet s'en va courir le monde! II a raison! — Et moi je ferai comme lui! Croit-on que je m'en vais mourir ici d'ennui? Mais qu'il vienne, celui qui m'écrivit ces choses ! Que de Ces verts buissons pleins de nids et de gloses 1 fl surgisse soudain! et telle que je suis, — Sans même aller chercher un chapeau, — je le suis ! A tout prix, maintenant, j'en veux, du romanesque ! Qu'il vienne ! ce Monsieur ! — déja je 1'aime presque ! Comme je lui tendrais les deux mains, s'il venait! Et comme ... straforel, apparaissant, d'une voix éclatante. Le voila! sylvette. Au secours, Percinet! Reculant a mesure que Straforel avance. L'homme, n'approchez pas! straforel, amoureusement. Pourquoi eet air hostile? ... Je suis pourtant celui dont vous aimiez le style, Tout a 1'heure !... le trop favorisé mortel Dont le billet vous plut, et sur l'amour duquel Vous comptiez, si j'en crois les propos que vous tintes, Pour vous faire enlever et fuir loin des atteintes! sylvette, ne sachant 'que devenir.- L'homme ! . . . 1 gloses, hier: gesnater, gebabbel. 90 LES ROMANESQUES straforel. Vous me prenez pour un macon? Exquis ! C'est exquis! — Sachez donc que je suis le marquis D'Astafiorquercita, fol esprit, cceur malade, Qui cherche a pimenter1 l'existence trop fade, * Et voyage, facon de chevalier errant3 Auquel est un rêveur, un poète, adhérent! 4 Et c'est pour pénétrer en vos jardins, Cruelle, C'est par amour pour vous que j'ai pris la truelle! II jette d'un geste élégant sa truelle, et, dépouillant vivement sa souqueniüe, ötant son chapeau blanc de platre, apparait dans un étincelant costume almavivesque6. Perruque blonde, moustache conquérante. sylvbttb. Monsieur ! .. . straforel. Par un nommé Straforel, j'ai connu Votre histoire. Un amour insensé m'est venu Pour la pauvre victime, innocente étourdie, Contre qui cette ruse infame fut ourdie !...8 sylvbttb. Marquis !... steafobbl. Ne prenez pas eet air épouvanté ... Du röle qu'il joua ce gueux s'étant vanté, Je 1'ai tué... 1 pimenter, kruiden, peperen (door avonturen in een saai leven wat afwisseling brengen). 3 fade, flauw, zouteloos. 3 chevalier errant, doolridder, die de wereld doorkruiste om onrecht te herstellen, weduwen en weezen te beschermen, enz. Don Quichotte is de onsterfelijke caricatuur der dolende ridders. 4 auquel... adhérent, die tevens droomer en dichter is. 5 almavivesque; van Almaviva, een der hoofdpersonen uit den Barbier de Séville, die zicb als student vermomt ten einde te weten te komen, of hij om zich zelf bemind wordt en niet om zijn rang en titel. Hier denkt men hem evenwel in zijn schitterend oostuum van Spaansohe grande. 4 ourdir, smeden (een komplot, een list). ACTE TEOISIÈME 91 sylvette. Tué!... straforel. D'une seule estocade.1 D'être un justicier 3 j'eus toujours la toquade ! sylvette. Monsieur. .. straforel. Je vous comprends, ö cher cceur incompris! Vous voulez du roman, n'est-ce pas, a tout prix? sylvette. Mais, Marquis !... straforel. Donc, c'est dit: ce soir, je vous enlève ! sylvette. Monsieur... straforel. Et pour de bon ! sylvette. Monsieur! straforel. Ah ! quel beau rêve.3 Vous avez consenti! Je 1'ai bien entendu! Oui, ce soir nous prendrons notre vol éperdu! 1 estocade, degenstoot. 1 d'être. un justicier, etc., ik heb altijd verlangd (er altijd lust in gehad) een handhaver van het recht te zijn. 3 Ah, quel beau rêve! In het verdere gedeelte van dit tooneel schijnt Straforel onze heldin over te willen halen, met hem te vluchten. In werkelijkheid kiest hij zijn woorden zoo, dat Sylvette a) het verdriet, dat voor haar uit dien onberaden stap zou volgen, vol> komen beseft. Zie Scène V: straforel, saluant. p. 107. 92 LES ROMANKSOTTTJR Si de votre papa la tête se détraque 1 De douleur, c'est tant pis !... SYLVBTTB. Monsieur... STRAFOREL. Si 1'on nous traque — Car on poursuit le rapt avec sévérité, — C'est tant mieux! SYLVBTTB. Mais, Monsieur !... STEAFOBBL. Tant mieux, en vérité! Nous pourrons fuir a pied par une nuit d'orage, Nos fronts nus sous la pluie et le vent fajsant rage ! SYLVETTE Monsieur. .. STEAFOBBL Et pour gagner un lointain continent, Nous nous embarquerons, Madame, incontinent! 3 SYLVETTE. Monsieur... STEAFOBBL. Et loin, bien loin, dans quelque pays vierge, Oü nous vivrons heureux sous la bure 4 et la serge 3... SYLVETTE. Ah ! mais ... 1 se détraquer, in de war raken. La tête de. ... se détraque, hij wordt half krarikzinnig. * traquer, achtervolgen. 3 incontinent, op staanden voet. 4 bure, laken (waarvan monnikspijen gemaakt worden), * serge, gekeperde wol, sergie. ACTE TROÏSIEME 93 STRAFOREL. Car je n'ai rien ! Vous ne voudriez pas Que j'eusse quelque chose ! ... SYLVETTE. Enfin! STRAFOREL. Nos seuls repas Seront du pain, — du pain mouillé de douees larmes ! SYLVETTE. Pourtant... STRAFOREL. L'exil pour nous se fleurira de charmes! Monsieur.. . STRAFOREL. Et le malheur pour nous ne sera qu'heur!1 Pas même une chaumière: une tente ! .. . et ton cceur! SYLVETTE. Une tente? STRAFOREL. Eh bién, oui, quatre piquets, deux toiles ... Ou, si vous préférez, rien du tout, — les étoiles! SYLVETTE. Oh! mais... STRAFOREL. Quoi! vous voila prise d'un tremblement? Vous voudriez aller moins loin, probablement? Soit! nous vivrons cachés, 6 ma Déité 8 blonde 1 keur, geluk. * déité, godheid. 94 LES ROMANESQUES Seuls, ayant encouru la vindicte 1 du monde ! 2 Ivresse ! ... SYLVBTTB. Mais, Monsieur, vous vous êtes mépris ... STRAFOREL. Les gens s'écarteront de nous avec mépris! SYLVBTTB. Mon Dieu! STRAFORBL. Les préjugés sont faits pour qu'on les foule,3 i Et nous serons heureux des mépris de la foule! SYLVBTTB. Monsieur... » STEAFOBBL. Je n'aurai pas d'autre occupation Que de vous raconter au long ma passion! SYLVETTE. Monsieur. . . STEAFOBBL. Brei, nous vivrons en pleine poésie! J'aurai de furieux acces * de jalousie ... SYLVETTE. Monsieur... STEAFOBBL. ' Et vous savez, lorsque je suis jaloux, J'ai la férocité des chacals et des loups! 1 vindicte, afkeuring, ban. 2 In deze scène neemt Rostand, op handige en geestige wijze, een loopje met Dona Sol uit Hernani de V. Hugo, die aanbiedt met een onbekende, een rooverhoofdman, een vogelvrijverklaarde, de bergen in te gaan. 3 fouler (aux pieds), met voeten treden. * acces, vlaag. ACTE TROISIÈME 95 sylvette, tombant anéantie sur le banc. Monsieur... straforel. Si vous brisiez notre chaine sacrée, Immédiatement vous seriez massacrée ! sylvette. Monsieur... straforel. Vous frissonnez? sylvette. Ai.! Dieu, quelle lecon ! straforel. Est-ce du sang, corbacque!1 ou bien si c'est du son 2 Qui court dans vos vaisseaux artériels !8 — Tonnerre ! Vous m'avez un peu 1'air d'une pensionnaire, Pour oser affronter ces destins hasardeux !... Ca, voyons, pars-je seul, ou partons-nous tous deux? sylvbttb. Monsieur... straforel. Oui, je comprends, ma voix vous réconforte. Eb bien! nous partirons, puisque vous voilé, forte. Je vous enlèverai, tout a 1'heure, a cbeval, En travers de ma selle... ob ! vous y serez mal! Mais la chaise a porteurs, esthétique et commode, Dans l'enlèvement faux est seulement de mode ! 1 corbacgue; verbastering van het Italiaansche eorpo di Baccho, ongeveer gelijkstaande met het Fransche corbleu (corps de Dieu), voor den drommel. * son, zemelen. 2 vaisseaux artériels, [slagjaderen. 96 LES ROMANESQUES sylvette. Mais, Monsieur , . . straforel, remontant. A tantöt! sylvette. Mais, Monsieur... straforel. A tantöt! Le temps d'aller quérir 1 un cheval, un manteau .. . sylvette, hors d'elle. Morjsieur! straforel avec un geste immense. Et nous fuyons de contrée en contrée!... Redesoendant. 0 la longtemps rêvée et 1'enfin rencontrée ! L'ame a qui peut mon ame enfin dire : „Ma sceur!" A tantöt pour toujours ! sylvbttb, d'une voix éteinte. Pour toujours! straforel. O douceur! Vous allez vivre auprès de 1'être aimé, de 1'être Pour lequel vous bruliez avant de le connaitre, Et qui, vous ignorant, pour vous se calcinait! * Avant de sortir, la voyant comme évanouie sur le banc: Et maintenant, tu peux revenir, Percinet! II sort. 1 qnirir, chercher, halen. * ae ealciner, verschroeien, verteren (door vuur). ACTE TBOISIÈME 97 SCÈNE III SYLVETTE, seule. Ouvrant les yeux. Monsieur... Marquis ... Non, pas en travers de la selle ! Ayez pitié de moi, — non, je ne suis pas celle... Pas du tout! — Laissez-moi rentrer a la maison! Une pensionnaire : oui, vous aviez raison! II n'est plus la !... Marquis !.. . Seule?... Ah! Dieu, 1'affreux rêve! Un temps. Elle se remet. J'aime mieux que ce soit pour rire 1 qu'on m'enlève ! Elle se léve. Eh bien ! Sylvette, eh bien, ma petite, — comment! Vous appeliez tantót a grands cris le roman, Et, le roman venu, vous n'êtes pas contente? ... Oh ! la serge, 1'exil, les étoiles, la tente !... Non, c'est trop ! ... Du roman, j'en voulais bien un peu, Comme on met du laurier dedans le pot-au-feu ! .. . 2 Mais c'est trop ! Je ne puis supporter ces secousses. Je me contenterais d'émotions plus douces ... Le crépuscule violit » vaguement le pare. Elle reprend son voile laissé sur le bane.s'encouvrelateteetlesépaules.et.rêveuse: Qui sait si? . . . Percinet parait. II est en haillons, le bras en écbarpe, se traine a peine. Un feutre d'oti pend, lamentable, une plume cassée, cache ses traits. 1 pour rire, uit gekheid, voor de grap. » pot-au-feu, soep, hutspot. Du roman (dans ma vie), fen voulais bien un peu, etc. Wat de markies d'Astafior haar voorstelt, vindt zn te heftig. Zij wil wel romantische avonturen beleven, maar niet te ver van huis. * violir, paars kleuren. Leet. Ciass. N°. 63. 4 98 LES ROMANESQÜES SCÈNE IV SYLVETTE, PERCINET percinet. pas encore vu de Sylvette. Je d'ai rien mangé depuis hier, Je tombe de fatigue, — et je ne suis par fier.3 La facheuse équipée !...2 Ah ! j'en ai vu de dures ! Ce n'est pas amusant du tout, les aventures ! II s'afiaisse sur le mur. Son ehapeau tombe et découvre saflgure. Sylvette 1'apergoit. sylvette. Vous! II se léve, saisi. Elle le regarde. Et dans quel état!.;. Se peut-il?... percinet, piteusement. R se peut. sylvette, joignant les mains. Mon Dieu ! percinet. J'ai, n'est-ce pas, la silhouette, un peu, Que le dessinateur donne a PEnfant Prodigue?...3 II chancelle sylvette. Mais il ne se tient plus ! percinet. Je sens quelque fatigae. 1 je ne suis pas fier, ik schaam mij wel eenigszins. * équipée, onbezonnen daad. .3 V Enfant Prodigue, de Verloren Zoon. ?*;.**«•§ Blessé ! ACTE TROISIEME 99. sylvbttb, apercevant son bras, avec un cri. pebctnet, vivement. Seriez-vous donc pitoyable aux ingrats? sylvette, sévère et s'éloignant. Les pères seuls, Monsieur, font tuer le veau gras!1 Percinet fait un mouvement, et son bras blessé lui arrache une gnmace. — Sylvette, malgré elle, effrayée: Pourtant, cette blessure? , Ob ! que je vous rassure ! Elle n'est nullement grave, cette blessure! sylvette. Mais qu'avez-vous donc fait, Monsieur le vagabond, Pendant tout ce long temps? . . . peeoinet. Sylvette, rien de bon. D tousse. sylvette. Vous toussez, maintenant? peeoinet. Eh : mon Dieu ! nous courumes Les grands chemins, la nuit... sylvette. Et 1'on y prend des rhumes. Quels étranges habits vous avez !... 1 le veau gras, het gemeste kalf. Toespeling op de terugkomst van den Verloren Zoon uit het Evangelie: Et le père dit d se% servi% :.APP°?ez *<* Plus oeOe robe et Ven revétez ; mettez-bii un anneau au dotgt et des soulters aux pieds ; et amenez-moi le veau gras, et le tuez; et fatsons bonne chère en le mangeant, car mon fils que voici était mort, mats il est ressusciti; tl était perdu, mais il est retrouvé Et tls commencerent a faire bonne chère. 53 4* 100 LES ROMANESQUES percinet. Des voleurs Ont pris les miens, Sylvette, — et m'ont donné les leurs. sylvette, iroiiique. Et combien avez-vous eu de bonnes fortunes? percinet. Laissons ces questions, Sylvette, inopportunes. sylvette. Vous avez dü sans doute escalader beaucoup ... De balcons? .. . percinet, a part. J'ai manqué de me rompre le cou ... sylvette. De plus d'un doux succes vous gardez la mémoire? percinet, de même. Je suis resté trois jours caché dans une armoire. sylvette. Enfin, comme je vois, taté d'un vrai duèl? percinet, de même. Qui me valut ce coup de peu s'en faut mortel.' sylvette. Et vous nous revenez? .. . percinet. Fourbu 1, minable, 8 étique ! * sylvette. Oui, — mais ayant du moins trouvé du poétique? 1 fourbu, doodop. * minable, vervallen. * étique, uitgemergeld. ACTE TEOISIÈME 101 PERCINET. Non, — je fus chercher loin ce que j'avais tout prés! Ah ! ne me raillez plus !.. . je vous adore. SYLVETTE. Après La désillusion que nous eümes?... PERCINET. Qu'importe ! SYLVETTE. Mais nos pères nous ont trompés d'horrible -sorte ! PERCINET. Qu'importe ! Dans mon cceur, maintenant, il fait jour! SYLVETTE. Mais ils feignaient la haine ! . . . PERCINET. Avons-nous feint l'amour? SYLVETTE. Le mur fut un Guignol, — vous 1'avez dit vous-même ! PERCINET. Sylvette, je Pai dit! — mais ce fut un blasphème ! Ou du moins . .. quel Guignol, vieux mur, tu nous offrais, Qui pour portants 1 avait les grands branchages frais, Pour fond le pare fuyant, 1'azur vaste pour frises, • Pour orchestre invisible et vif les quatre brises, Pour accessoires3 clairs le rayon et la fleur, Le soleil pour quinquet, 4 Shakspeare pour souffleur ! 1 portant, stut voor de decors op een tooneel. In verband met het woord Ouignol, gebruikt Percinet hier tooneeltermen om den muur te beschrijven. * frise, fries (holgebogen gedeelte van een zuil of van een plafond). ' accessoires, tooneelrequisieten. 4 quinquet, lamp. 102 LES ROMANESQUES Oui, comme a ces pantins dont on gante les vestes, Nos pères nous faisaient exécuter des gestes : Mais, dans ce Guignol-la, Sylvette, songez-y, C'est 1'Amour qui faisait pari er les pupazzi!1 sylvette, soupirant. C'est vrai, mais nous aimions, croyant être coupables ! percinet, vivement. ) Et nous 1'étions !.. . Gardez ces remords agréables. Comme Pintention compte autant que le fait, Nous croyant criminels, nous 1'étions en effet! sylvette, ébranlée. 8 Est-ce bien sur? percinet. Trés sur, chère petite amie; Nous avons simplement commis une infamie. J'en atteste ta grace et tor soufflé aromal:3 De nous aimer, ce fut trés mal, trés mal.. . sylvette, s'asseyant prés de lui. Trés mal? ... Changeant et s'éloignant eneore. C'est vrai, mais je regrette un peu, pour notre gloire, Que le danger couru n'ait été qn'illusoire! percinet. II fut réel pour nous qui le crumes réel! sylvette. Non. Mon enlèvement, comme votre duel, Etait faux !.. . 1 pupazzi, de poppen van een poppenkast. Meervoud van het Italiaansohe pupazzo. * ébranlée, m haar overtuiging geschokt. 3 aromal, geurig, welriekend. ACTE TROISIÈME 103 PERCINET. Votre peur 1'était-elle, Madame? Et, puisque vous avez passé par 1'état d'ame De quelqu'un d'enlevé, Sylvette, en vérité, C'est comme tout a fait si vous Paviez été. SYLVETTE. Non, le cher souvenir n'est plus ; ces torches folies, Ces masques, ces manteaux, et ces musiques molles, Ce combat, tout ce charme enfin, c'est trop crtiel De|penser que cela fut fait par Straforel! PERCINET. Et la Nuit de Printemps, est-ce lui1 qui 1'a faite? Est-ce lui qui régla 1'inoubliable fête Que 1'amitié d'Avril nous donna ce soir-la? Est-ce lui qui, le ciel étoilé, 1'étoila? Lui, qui d'ombre effaca si bien les rosiers grêles Que les roses semblaient, comme surnaturelles, Se tenir en suspens dans l'air mystérieux? Dispensa a-t-il les frissons gris, les refiets bleus? Versa-t-il les langueurs? Fut-il pour quelque cbose Dans 1'apparition de 1'Astre d'argent rose? 3 SYLVETTE. Non certe . . . PERCINET. Et fit-il donc, dans la Nuit de Printemps, Dis-moi, que nous étions deux enfants de vingt ans, Et que nous nous aimions, car ce fut la le charme, Tout le charme ! SYLVETTE. Tout le ... c'est vrai, mais ... 1 lui, Straforel. 3 dispenser, toebedeelen, verleenen. 3 VAstre d'argent rose, de maan. (Dans Le Lac de Lamartine : L astre au front d'argent). 104 LES ROMANESQUES pbbcinbt. Une larme? II est donc pardonné, le méchant qui partit? sylvbttb. Je t'ai toujours aimé, va, mon pauvre petit. pbbcinbt. J'ai retrouvé ton front, sa puérile frange,1 Et ton jeune parfum qui fait un fin mélange Avec tous les parfums des cytises voisins ... Ah! les Anges, ce soir, ne sont pas mep cousins ! * H joue avec le voile de Sylvette. Oh ! laisse-moi baiser le liséré 3 frivole Du voile aérien qui de ton frort s'envole! Comme il me rafraichit les lèvres, ce tissu, Ce tendre et clair tissu, pour qui je n'ai pas su Vous dédaigner, satins et velours équivoques! sylvbttb. Quels satins? Quels velours? pbbcinbt, vivement. Oh! rien, rien, rien, — des loques. Oh! jeune fille, enfant, mousseline est ton nom! Oh ! que j'aime ce voile frais !. .. sylvbttb. C'est du linon. * pbbcinbt, s'agenouillant. Je l'aime et suis tremblant qiie mon baiser le souille, 6 Car ce voile devant lequel je m'agenouille... 1 sa puérile f'range, ses petits cheveux sur son front coupés court (Acte I, 9). * les Anges, etc. Vergelijk: Je roi n'est pas son cousin, hij is den koning (prins) te rijk. 3 liséré, zoom, rand. 4 linon, fijn linnen. 6 souiUer, bezoedelen. ACTE TEOISrÈME 105 Ce léger linon Qui vous emmitoufle, Mais a la facon D'un soufflé; Ce linon léger Dont la candeur frêle A le voltiger1 D'une aile; Ce léger linon, Assez diapbane Pour qu'un seul rayon Le fane; Ce linon, léger Comme un fil de berge 2 Que fait voyager La Vierge; Ce léger linon, C'est votre pensée Que les cboses n'ont Froissée! Ce linon léger, C'est neigeuse flamme Qu'un rien fait bouger, Votre ame! Ce léger linon, Ce linon que j'aime, Ce n'est rien sinon Vous-même ! le voltiger, het fladderen. fils de berge, etc., herfstdraden, (ook: fils de la Vierge). 106 les eomanesques sylvbttb, dans ses bras. Vois-tu, la poésie est au cceur des amants: Elle n'émane pas des seuls événements. pbrothet. C'est vrai: ceux dont je sors *, quoique trés authentiques, Ne furent pas du tout, Sylvette, poétiques ... sylvbttb. Et ceux par nos papas machiavels * arrangés Le furent, Percinet, encor que mensongers. pbbcinbt. Car elle peut broder, lorsqu'elle aime, notre ame, De véritables fleurs sur une fausse trame.1 sylvbttb. La poésie, amour, mais nous fumes des fous De la chercber ailleurs lorsqu'elle était en nous! Straforel apparait, ramenant les deux pères, et leur montre Sylvette et Percinet dans les bras 1'un de Pautre. SCÈNE V Les Memes, STRAFOREL, BERGAMIN, PASQUINOT straforel. Refiancés !... bergamin. Mon fils! H embrasse Percinet. 1 ceux dont je aars, de avonturen die ik juist beleefd heb. * machiavel, geslepen politicus (Machiavelli). * trame, inslag (van 'n weefsel).. ACTE TROISIÈME 107 stbafoebl. Me paierez-vous ma note?1 pasquinot, a sa fille. Tu l'aime8 derechef? 2 sylvbttb. Oui. pasqutnot. Tête de linotte !3 straforel, a Bergamin. Palperai-je mon or? * bergamin. Vous palperez votre or! sylvbttb, qui a tressailli. Mais au fait.,. cette voix ! . . . le marquis d'As-ta-fior... stbafobbl, saillant. Quercita? C'était moi, chère Mademoiselle, Moi, Straforel! . .. Daignez me pardonner mon zèle ; Le raoyen que j'ai pris était bon en ceci, Qu'il vous a fait connaitre — en vous laissant ici, — Tout ce qu'ont d'ennuyeux ces aventures vraies Dont les femmes toujours sont tot désenivrées. Sans doute vous pouviez ... Montrant Percinet. comme ce citoyen, Vous même les courir; mais dame ! le moyen Pour une jeune fille étant trop énergique, Je vous en ai fait voir la lanterne magique. 1 ma note, evenals Figaro in den Barbier de Séville verliest Straforel zelfs in de meest spannende momenten het hoofd niet, en denkt hij aan zijn „facture", zooals Figaro aan „la quittance de ses cent écus"'. 1 derechef, opnieuw. 3 Tête de linotte I Domme meid ! 4 palper, toucher, ontvangen. 108 LES ROMANESQUES pbbcinbt. * Qu'est-ce? sylvbttb, vivement. Rien, rien, — je t'aime !. . . bergamin, montrSnt le mur commencé. Ët demain même, pan ! D'un coup de pioche on va redémolir ce pan .. . pasquinot. Enlever ce ciment, ces pierres et ce sable !... straforel. Non, construisez le mur, il est indispensable ! sylvette, réunissant autour d'elle tous les acteurs. Et maintenant, nous quatre, — et Monsieur Straforel — Excusons ce que fut la pièce, en un rondel.1 Elle desoend vers le public. Des costumes clairs, der rimes légères, L' Amour, dans un pare, jouant du flüteau... bebgamin. Un florianesque 2 et fol quintetto, pasquinot. Des brouiïles ... d'ailleurs toutes passagères, stbafobbl. Des coups de soleil, des rayons lunaires, ■ Un bon spadassin en joyeux manteau... 1 rondel. Zie Appendice. 2 florianesque; van Florian, schrijver uit de achttiende eeuw. Bekend door zijn verhalen in versvorm, maar vooral door zijn Fabels. Hij heeft ook herderromans geschreven, o. a. EsteUe et Nèmorin, in den precieusen en gemaakten toon van dien tijd. Toen de mode der herders-idyllen voorbij was, werden die romans belachelijk gemaakt. ACTE TROISIÈME 109 sylvette. Des costumes clairs, des rimes légères, L'Amour, dans un pare, jouant du flüteau .. . peeoinet. Un repos naif des pièces amères,1 Un peu de musique, un peu de Watteau, Un spectacle honnête et qui finit tót, Un vieux mur fleuri, — deux amants, — deux pères... sylvette, dans une révérence. Des costumes clairs, des rimes légères ! RIDE ATJ 1 Un repos naif des pièce» amères. Zie Appendice. APPENDICE 112 In de volgende passage uit Shakespeare's drama zijn de uitdrukkingen, waarvan Rostand de vertaling geeft, gecursiveerd. (Romeo and Juliet. ACTE III. Scène V). Juliet. Wilt thou be gone? it is not yet near day: It was the nightingale, and not the lark, That pierc'd the fearful hollow of thine ear; Nightly she sings on yon pomegranate tree: Believe me, love, it was the nightingale. Romeo. It was the lork, the herald of the morn, No nightingale : look, love, what envious streaks Do lace the severing clouds in vonder east; Night's candles are burnt out, and jocund day Stands tiptoe on the misty mountain tops ; I must be gone and live, or stay and die. Juliet. Yon light is not day-light, I know it, I: It is some meteor that the sun exhales, lo be to thee this night a torch-bearer, And light thee on thy way to Mantua : Therefore stay yet, thou need'st not to be gone. Romeo. Let me be ta'en, let me be put to death I am content, so thou wilt have it so. I'll say, yon grey is not the morning's eye, 'T is but the pale reflect of Cynthia's brow ; Nor that is not the lark, whose notes do beat The vaulty heaven so high above our heads: I have more care to stay, than will to go ; Come death, and welcome ! In hun zucht tot het overdrevene, het romaneske en in hun naïeve ij delheid, hebben Percinet en Sylvanette de pretentie zich op één lijn te stellen met de hoogst tragische gelieven uit de literatuur, Romeo en Julia, Francesca da Rimini en haar zwager Paolo Malatesta ; nog één stap verder en zij zouden zich vergeleken hebben met Dante en Beatrijs. 113 Gelukkig heeft Rostand hen voor dat comble du ridicule bewaard. In den vijfden zang van de Hel verhaalt Dante in diep ontroerende verzen, hoe Francesca en Paolo, terwijl zij samen den fransch-bretonschen roman Lancelot du Loc lazen, in liefde voor elkaar ontvlamden ; overvallen door den jaloerschen echtgenoot van Francesca, werden beiden door dezen met één dolkstoot gedood. Bekend zijn de verzen : — Amor, ch'a nullo amato amar perdona, Mi prese del costui piacer si forte, Che, come vedi, ancor non m' abbandona. — (L'amour qui ne permet point a 1'aimé de ne pas aimer, m'éprit pour celui-ci d'une passion si forte que maintenant même, comme tu le vois, elle ne m'abandonne point). — Galeotto fu 'l libro et chi lo scrisse : Quel giorno piü non vi leggemmo avante. [Galeotto (de koppelaar tusscben Lancelot en Ginevra in den Arthurroman) pour nous fut le livre et celui qui Pécrivit; Ce jour-la noüs ne lümes pas plus avantl. Dante heeft medelijden met hen ; hij vindt geen woord van blaam of verwijt. Integendeel, bij is zóó met de ongelukkigen begaan, dat hij zwijmende neervalt: E caddi, come corpo morto cado (Et je tombai, comme tombe un corps mort). De geschiedenis van Petrarca en Laura de Noves is minder tragisch. Petrarca (1304—1374), met Dante en Boccacio, een van de groote voorbereiders van de Italiaansche renaissance, als Dichter vooral bekend door zijn sonnetten, leefde jarenlang aan het. hof der pausen te Avignon. Te Vaucluse, in de bergen ten Oosten van Avignon, waar de paus een buitenverblijf had, dichtte hij de meeste van zijn gedichten ter eere van een dame, Laura de Noves, die hij platonisch liefhad. 114 BARTHOLO en ALMAVIVA zijn met Figaro en Rosine de hoofdpersonen van Le Barbier de Sévilk, het geestige blijspel van Caron de Beaumarchais. Graaf Almaviva, een Spaansche grande, heeft te Madrid een jong Andalusisch meisje opgemerkt en lief gekregen. Hij is haar gevolgd naar Sevilla; en ontdekt eindelijk het huis, waarin ze woont, zorjder aanraking met de buitenwereld, jaloersch bewaakt door haar voogd Bartholo, die met haar wil trouwen. Almaviva weet niet, hoe hij het moet aanleggen om het huis van Bartholo binnen te dringen. Maar Figaro, de man van twaalf ambachten en dertien ongelukken, en voor 't oogenblik het eerzaam vak van barbier uitoefenende, is hondermaal slimmer en vindingrijker dan de graaf ; hij weet door allerlei listen de waakzaamheid van den jaloerschen Bartholo te verschalken en den graaf naar binnen te loodsen. Hij wordt trouwens verdienstebjk geholpen door Rosine, die natuurlijk den jongen, blonden Almaviva prefereert boven den norschen, donkeren Bartholo (De rol van A. wordt gespeeld met een blonde pruik, die van B. met een donkere). „UN REPOS NAIF DES PIÈCES AMÈRES". Entre les années 1889 et 1897 les étrangers étaient a la mode sur les scènes francaises. On jouait et on allait voir — par snobisme plutöt que paree qu'on se sentait attiré vers ces piècés — des ceuvres d'Ostbowsky, d'lBSEN, de BJ03BNSTEBNE BjceRNSON, de Haüptmann, de Stbindbebg, de Maeteblinck enfin qui, quoique écrivant en francais, était Beige. Francisque Sarcey, Te cricique du Temps a cette époque, après la représentation de Pellêas et Mélisande, écrit dans son feuilleton théatral: ... „le défaut de la pièce, c'est que tout le monde y est mystérieux, c'est que tout y affecte un air de mystère. On bort de ces ténèbres parfaitement abruti, comme si 1'on avait une calotte de plomb sur la 115 tête. Ah, j'ai revu Pair libre avec volupté ! Si Pon m'y repince a entendre une pièce de Maeterlinck!... Je dis 9a, et puis, si Pon en joue une autre, j'irai tout de même et je ragerai de tout mon coeur oontre les inventeurs de réputations exotiques. Si Pélléas et Mêlisande avait été signée d'un nom francais, on ne 1'aurait pas jouée sans doute, et, si on 1'eüt jouée, il faut voir comme elle eüt été conspuée par les trois quarts de ceux qui se sont extasiés 1'autre jour. J'y mets un peu de mauvaise humeur; c'est que l'on commence d nous ennuycr terrïblement avec ces exhibitions dithyrambiques de gênies beiges, norvégiens ou suédois, quand nous avons chez nous tant de gens de talent, que l'on affecte de mépriser on de blaguer. H y a bien (Je la pose dans ces extases et ces pamoisons." On voit que Sarcey n'est pas content de cette importation étrangère. Aussi, il faut 1'entendre jubiler le 3 janvier, 1898 après la représentation de Cyrano de Bergerac par Edmond Rostand.... „nous avons mis la main surun auteur dramatique, sur un homme qui a le don. Et ce qui m'enchante plus encore, c'est que eet auteur dramatique est de veine francaise.... II est aisé, il est clair, il a le 'mouvement et la mesure, toutes les qualitês qui distinguent notre race. Quel bonheur! quel bonheur! Nous allons donc être enfin debarrassés et des brouillards scandinaves et des études psychologiques trop minutieuses, et des brutalités voulues du drame realiste. Voila le joyeux soleil de la vieille Gaule qui, après une longue nuit, remonte a 1'horizon. Cela fait plaisir; cela rafraicbit le sang." RONDEL. Dichtvorm uit de middeleeuwen, waarvan de bloeitijd valt in de veertiende en vijftiende eeuw. Een rondel be- 116 staat uit drie coupletten van vier verzen en op twee rijmen. De twee laatste verzen van het tweede couplet zijn niet anders dan de twee eerste verzen van het eerste couplet, terwijl na het vierde vers van het derde couplet, het vers waarmee het gedicht begint, herhaald wordt. Het eerste vers komt dus driemaal in het gedicht terug. De verdeeling der rijmen is als volgt: a, b, b, a — a, b. a, b — a, b, b, a — a. 60 26 221 2 193 986