LECTUKES CLASSIQUES Ne 49 RÉCITS DE GUERRE Recueillis et arrangés pour les classes inférieures des écoles secondaires PAR C. ROOVERS ZWOLLE — W.-E.-J. TJEENK WILLINK 11 0.90 Verhoogd met 10 pöt. KONINKLIJKE BIBLIOTHEEK 2370 3942 LECTURES CLASSIQUES ::: N°. 49 RÉCITS DE GUERRE Recueillis et arrangés pour les classes inférieures des écoles secondaires PAR C. ROOVERS Professeur d'Ecole Moyenne è La Haye ZWOLLE W. E. J. TJEENK WILLINK 1918 AVANT-PROPOS. Ce livre renferme des histoires de guerre trés simples qui ne peignent pas la haine des Francais contre leurs ennemis. Même les Allemands pourront les lire sans en être froissés. •Tai voulu montrer dans ces récits 1'ardent patriotisme du Francais, son courage, son abnégation, 1'élévation de sön ame. De cette manière, ces contes, tout en étant captivants, peuvent être d'une morale trés haute poür les jeunes Hollandais. Quel enfant, après avoir lu p. e. Ie n°. 4: Lapetite Médaille, ne sera pas touché de 1'ardent patriotisme qui se dégage de ce simple récit, et n'en sentira pas le contrecoup? En outre j'ai évité 1'borreur de la guerre: pas de récits sanglants, pas de tueries. En observant ces principes, j'espère avoir composé un petit livre de lecture que je peux recommander en toute conflance a la bienveillance de mes collègues. a I LE PETIT MESSAGER. Non loin des bords de la Lys, dans une région oü se sont livrées de violentes batailles, avec des alternatives de succès et de recul, un régiment afwisselingen francais était dispersé, et plusieurs de ses détache- verspreid ments occupaient des villages séparés par des canaux et des bois oü des troupes ennemies se trouvaient cachées. Un matin, le colonel voulut s'entendre avec les chefs des divers détachements pour attaquer simultanément les Allemands et les cerner. geiijktydig — Je voudrais, dit-il, trouver un homme du pays, rn8rniten sur et courageux, qui püt porter une lettre aux commandants des détachements francais qui occupent la région. La mission est dangereuse et difficile. — Mon colonel, répondit un officier, trouver un tel homme n'est pas commode, paree que tous les hommes valides sont au feu; et il ne reste dans les villages que des vieillards, des femmes et des enfants, et encore, les Allemands ont décimé la population. gedund — Pourtant, quelqu'un qui connait bien les bois et les sentiers détournés peut seul traverser süre- ianga omwegen ment un pays que les ennemis surveillent avec soin. — Peut-être le jeune Michel Souain pourrait-il porter ces lettres, dit un lieutenant. — Quel est ce jeune homme ? — C'est plutót un enfant, car il n'a que 13 ans. 6 LE PETIT MESSAGER. C'est un petit gargon du pays, qui s'est attaché a nos troupes. — Uu enfant ne pourrait remplir une mission si difficile et si importante. — Mon colonel, le jeune Souain s'est déja distingué plusieurs fois par son intelligence et son intrépidité. hoekjes II connaït les plus petits recoins du pays, car il est d'un village des environs, et son concours nous a été précieux en plusieurs circonstances. — Bien! Amenez-moi ce garcun. On alla prévenir Michel Souain que le colonel désirait le voir. C'était un enfant petit pour son age, mais il gespierd était solide et bien musclé. Sa flgure, ouverte et sympathique, indiquait une grande énergie unie a beaucoup d'intelligence. II produisit tout de suite une impression favorable sur le colonel qui 1'interrogea. — Tu t'appelles Michel Souain? — Oui, mon colonel. — D'oü es-tu? — Je suis né dans une ferme, située de 1'autre cöté de la forêt. — Tu connais bien les environs? — Oui, car j'ai été élevé dans ces campagnes et j'avais des parents presque dans tous les villages. — Mais pourquoi n'es-tu pas resté dans ta familie ? A ton age, on ne va pas a la guerre. — Ma familie! Ah! mon colonel, je ne sais pas oü elle estl Notre ferme a été brülée! mon père a été emmené par les Boches, *) ma mère et mes sceurs se sont enfuies avec les autres habitants. Moi, j'ai suivi les premiers soldats francais que j'ai rencontrés et j'ai cherché a me rendre utile. 1) Boche est le nom que les Francais donnent aux Allemands. D'oü vient ce mot? Avant la guerre et encore dans les premières semaines on disait Alboche. Ce mot est probablement une contamination de AUemand et cabuche. Ce dernier mot signifie: spijker met grooten kop, fig. dikkop. LE PETIT MESSAGER. 7 — C'est bien, mon garqon, je sais qu'on est content de toi. Tu ne crains pas les Allemands? — Non! sürement non! — Tu n'hésiterais pas a exposer ta vie pour servir la patrie? — Je ne demande que cela. — Pourrais-tu porter des lettres aux commandants des détachements frangais qui se trouvent dans des afdoeiingen villages des environs? — Je serais fier de les porter. — II faudra traverser des bois occupés par les ennemis et, si tu tombes entre leurs mains, tu risques d'être fusülé.^ — Je saurai les éviter. — Mais si ce malheur arrivé, que feras-tu de mes lettres? — Je les avalerai. inslikken — On ne peut mieux répondre. Je vais donc te charger d'une mission importante, car, si elle réussit, elle peut nous assurer un brillant succes. — Je ferai de mon mieux, mon colonel. L'offlcier donna au jeune Michel Souain tous les renseignements nécessaires sur la position de deux détachements dont il devait voir les chefs, et lui remit les lettres. — Avant tout, dit-il, il faut que ces lettres ne tombent point entre les mains des ennemis. — Je mourrai plutöt, répondit 1'enfant. — Brave garcon, dit le colonel, en lui serrantla main, tu as le coeur d'un homme! Va et bonne veei geiuk chance! Le petit Michel s'éloigna du camp, sans dire un mot a personne, et disparut bientót dans la plaine coupée de taillis et de buissons. II atteignit ainsi le bord d'un bois a travers lequel plusieurs chemins conduisaient aux villages situés a quelques lieues plus loin. „C'est dans ce bois, pensa-t-il, que les Boches se 8 LE PETIT MESSAGER. sont établis et c'est de la qu'ils sortent pour attaquer les Francais. II faut ouvrir l'ceil." II longea le bois, en avancant lentement; il doordringen inspectait 1'horizon avec soin et cherchait hpénétrer du regard les profondeurs de la forêt. Pendant assez longtemps, il marcha ainsi, toujours dans la direction du premier village qu'il voulait atteirjdre. „Tout va bien jusqu'ici, pensait-il, on dirait que les Boches ont quitté le pays... Oh! oh! la-bas! que vois-je?" C'était un uhlan qui venait d'apparaïtre sur la zoom lisière du bois, au milieu du chemin que suivait Michel Souain. Celui-ci se glissa aussitót sous les verborg zich arbres et s'enfonca au milieu des taillis. „J'avais parlé trop vite, se dit-il, il faut que je sois prudent." II suivit alors un sentier qui était parallèle a la hooge geboomte lisière du bois, mais s'allongeait sous la futaie. II passa non loin du uhlan, toujours immobile sur son cheval. „Heureusement, pensa Michel, que les futaies me cachent complètement. Pourvu qu'il n'y ait pas d'autres uhlans a la sortie du bois." II continua sa course a travers un feuillage épais oü tout autre que lui se serait facilement égaré, mais il connaissait bien les sentiers et il ne se trompait pas de direction. Tout a coup, il entendit comme un bruit vague de voix qui semblait sortir du fond de la forêt U s'arrêta aussitót et tendit 1'oreille. Tantöt c'étaient comme des commandements, tantöt des appels de gehümik soldats, mêlés a des hennissements de chevaux, a des gekletter cliquetis d'armes. Le petit messager se rapprocha du coin de la forêt d'oü paraissaient venir„ces bruits étrangeset, se glissant sous les épais taillis, il se trouva a op'tnb?schin 1'entrée d'une clairière. „Tiens! c'est le Trou aux Féesl s'écria-t-il, mais LE PETIT MESSAGER. 9 aujourd'hui ce ae sont ni des fées ni des génies qui se sont donné rendez-vous ici I" En effet, la était réunie une véritable armée d'Allemands: on y voyait de 1'infanterie, de la cavalerie et quelques canons. Tout ce monde s'agitait fébrilement; des officiers donnaient des ordres, des met koortsachtisoldats preparaient leurs équipements, d'autres s'oc- hun mtrastüig cupaient de la cuisine. Des sentinelles surveillaient les issues de la clairière. toegangen „Voila une découverte qui fera plaisir au colonel se dit Michel, mais, pour le moment, éloignons-nous de eet endroit dangereux." H se jeta de nouveau dans le bois, heureux, grace a sa petite taille, de pouvoir se glisser sous des buissons presque impénétrdbles. II apercut enfin ondoordringbaar l'extrémité de la forêt et, devant lui, dans laplaine, vlakte le premier village oü il devait porter une lettre. II inspecta la route avec attention, il n'y avait pas tracé d'Allemands. „Voila un des premiers dangers évitë, se dit-il, j'ai bon espoir maintenant de pouvoir exécuter les ordres du colonel." II se dirigea vers le village, prenant soin de se dissimuler toujours derrière les haies et les buissons rich verbergen et rampant, quand il fallait traverser un champ découvert. Soudain, il s'arrêta tout surpris. — Qui vive? cria une sentinelle. — France! répondit 1'enfant. — Avance, gamin, dit le soldat; voila Un tnioche jongen die durft qui a du toupet] Oü vas-tu, en te cachant avec tant de soin? — Je vais voir votre commandant, j'ai une lettre a lui remettre. — Viens alors. Le soldat conduisit 1'enfant dans un poste d'avantgarde oü celui-ci expliqua au sergent la mission opdracht qu'il avait a remplir. 10 LE PETIT MESSAGER. — Bon! dit le sous-officier, le commandant est au village. Viens avec moi." Le village était rempli de soldats francais; il y avait de 1'infanterie, de la cavalerie et des mitrailleuses placées a 1'entrée de la rue principale. Michel Souain, amené devant le commandant, lui remit la lettre qui lui était destinée et répondit nettement aux questions que lui posa 1'officier. II lui fit connaitre la présence du corps allemand au milieu de la forêt. — Je te remercie, mon brave garcon, répondit le commandant. Tu as rempli jusqu'ici ta mission avec courage et intelligence; tache de 1'achever de même. Michel salua 1'officier et se remit aussitót en route pour aller porter la seconde lettre qui lui avait été confiée. Les autres troupes dont il devait voir le chef occupaient, a quelques kilomètres de la, un gros village situé sur une autre lisière de la forêt et derrière un canal. Le chemin était dangereux paree qu'il était presque partout découvert. — Prends garde, lui avait dit le commandant qu'il zwerven venait de quitter; les uhlans rödent partout dans les environs: il te serait difficile de leur échapper, s'ils t'apercevaient. — Je connais les chemins, mon commandant, répondit le gamin, je ferai de mon mieux pour éviter les Boches." II avait déja accompli la moitió de son trajet èt était arrivé au bord du canal. Toute la campagne semblait dóserte: on ne voyait, jusqu'a perte de naakt vuo, que des champs dénudés, avec quelques arbres et de rares buissons. D'un cöté seulement, la forêt montrait sa ligne sombre, a 2 ou 3 kilomètres. „Si les Boches sortaient du bois, on les verrait facilement, pensa Michel; il est malaisé de ce cacher dans ces champs. Heureusement que je suis petit!'* Comme il faisait cette réflexion, il crut apercevoir, flikkering a quelque distance devant lui, le reflét d'une arme, LE PETIT MESSAGER. 11 pais d'un autre cóté, a droite, il lui sembla qu'uue tête avait émergé d'un fossé, puis disparu aussitót. wastevoorscng II s'arrêta et s'étendit a terre. *ekom9n nit „Seraient-ce des Bocbes cachés dans les replis terreinplooien du terrain? dit-il, voyons encore." U souleva légèrement la tête et vit de nouveau un reflet d'arme a travers un petit buisson. — Oh! oh! II y en a partout; il faut prendre mes précautions." II tira de sa poche la lettre du colonel et se prépara a la déchirer pour mieux 1'avaler, mais il s'arrêta. „Si j'échappe aux Boches, murmura-t-il, je ne pourrai plus remplir ma mission; il faut que je puisse au moins 1'expliquer de vive voix." II déchira l'enveloppe, lut la lettre, qui ne renfermait que quelques lignes, et 1'avala, après 1'avoir bien mdchée. gekauwd „Maintenant, dit-il, allons au canal, je leur montrerai comment les Francais savent nager." II se remit en route, baissant le dos le plus possible, pour aller traverser le canal, mais a peine avait-il fait quelques pas, qu'il entendit de tous cötés retentir les cris de: „Wer da? Halt!" II était entouré de soldats allemands qui le menacaient de leurs balonnettes. II resta immobile. — Qu'est ce que vous me voulez ? s'éeria-t-il, je ne fais aucun mal, je vais voir mes parents dans ce village, la-bas. — Et c'est pour cela que tu rampes et que tu te caches comme un espion? dit un o'ficier; ces enfants servent d'estafettes aux Francais. Qu'on le renbode fouille, ordonna le uhlan. ^^SE?9 — Oui, fouillez-moi, vous verrez que je n'ai rien. Les soldats déshabillèrent le petit Michel et visitèrent ses vêtements jusque dans les moindres replis; poches, doublure, nceud de cravate, tout fut examiné. voering 12 LE PETIT MESSAGER. „II était temps d'avaler la lettre, pensa 1'enfant. — 11 n'y a rien dans les vêtements, dirent les soldats. — Vous voyez bien que- j'ai dit la vérité, conclut Michel, laissez-moi retourner dans mon village. — Non, non, cria 1'offlcier allemand, tu es venu Jeiuk°serekennge"Pour nous espionner. Tu as de la chance que je ne dadeiijkpre en te fasse pas fusiller sur-le-champ, mais tu resteras prisonnier. heiung Michel dut s'asseoir sur le talus du canal, sous la surveillance d'un soldat allemand. Pendant ce temps, les chefs faisaient rassembler leurs hommes. „Us vont sans doute m'emmener dans le bois, pensa le petit Francais, mais ils ne me tiendront pas longtemps." La sentinelle placée prés de lui, ne se méfiant pas d'un si jeune enfant, regardait le mouvement des troupes, attendant 1'ordre de marcher. Soudain, Michel, profitant d'un moment d'inattendook en verwij- tion du Boche, sauta dans le canal et fit unplongeon derde zich ^ i'éloigna rapidement. Le soldat, d'abord stupéfait, met open mond resta bouche bée, puis il arma son fusil et tira dans la direction du fugitif, mais celui ci avait proflte de 1'hésitation de la sentinelle et était déja prés de 1'autre bord. Une balie, puis plusieurs sifflèrent a ses oreilles. II grim pa sur le talus et disparut au het riet milieu des roseaux et des buissons. „Quelle chance d'étre petit! s'écria Michel, ils n'ont de schtjf pu atteindre la cible. Bonjour, messieurs les Boches!" II se hata d'arriver au village, oü il fitconnaitre au chef du detachement les circonstances qui 1'avaient obligé de détruire la lettre du colonel. II en connaissait les termes par coeur et 1'officier n'eut qu'a les écrire sous la dictée de Michel. La mission était complètement et noblement remplie. „Maintenant, dit le gamin, il faut que je retourne auprès de mon colonel pour lui faire savoir que ses ordres sont exécutés. LE PETIT MESSAGER. 13 — La campagne et le bois doivent être surveillés de prés, lui observa le chef de poste; si tu es pris nauwkeurig maintenant, tu seras sürement fusillé. — Voici la nuit qui arrivé, il me sera plus facile de me cacher. Son retour se fit sans accident, car, au grand matin, il rendait compte de son expédition au colonel qui le félicita cbaudement de son courage. — Dósormais, lui dit-il, tu fais partie de mon régiment et tu seras bientöt caporal! — Voila mon rêve réalisél s'écria Michel. verwezenlijkt II. BELLE ET NOBLE CONDUITE. Joseph Née était un habitant de Saint-Ghislain, pres de Mons, dans le Hainaut beige. II se trouvait Henegouwen a Knocke, petite ville flamande située sur le bord de la mer, prés de la frontière hollandaise, lorsque les Allemands envahirent la Bel'gique. overweldigden Joseph Née était un homme d'un caractère calme et résolu, rempli d'un ardent patriotisme. II fut profondément affligé de la détresse des habitants du nood Hainaut qui s'étaient réfugiés a Knocke. Ils manquaient des choses les plus nécessaires a la vie et souffraient de n'avoir aucune nouvelle des parents restés dans leur province. — Ecrivez a vos families, leur dit Joseph Née, je porterai vos lettres au pays et tacherai d'obtenir des secours pour vous. — Mais un tel voyage vous exposerait aux plus terribles dangers, lui disait-on. BELLE ET NOBLE CONDUITE. streek — Oui, je sais que j'aurai a traverser une région remplie d'ennemis et que, si je suis pris, je serai fusillé, mais qu'importe? J'aurai fait mon devoir. ondergaan Joseph Née partit bravement ; il eut a subir les plus cruelles épreuves, mais il put arriver a Saint- Ghislain, oü il vit les membres de sa familie. II rondbrengen alla ensuite dans les villages dislribuer les lettres dont il était chargé et donner des nouvelles des malheureux réfugiés. C'est dans un de ces villages, a Warquignies, oü woonden résidment plusieurs de ses parents, qu'il accomplit un acté plein de générosité et de bravoure. Les sentinelles allemandes gardaient tous les chemins. Sur les murs des maisons, on lisait partout: aanwezen „Sera fusillé celui ou celle qui ne dénoncera pas les „soldats ennemis qui peuvent être cachés aux environs." II y a donc eu des soldats cachés dans les villages? demanda Joseph Née aux parents qui le logeaient. — Bien plus, répondit 1'un d'eux, il y en a encore au fond de la forêt de Warquignies. — Mais voila déja longtemps que les armées alliées ont quitté cette région. — Oui, quinze jours environ, et, depuis ce temps, onze soldats anglais se cachent dans nos bois. — Comment peuvent-ils vivre? — C'est moi qui leur porte, chaque jour, la nourriture nécessaire, répondit un vieillard, oncle de Joseph Née. — C'est vrai! dit une jeune femme entourée de petits enfants, mon père exposé tous les jours sa vie pour aller secourir les Anglais. II connait les omwegen détours et les sentiers du bois; il sait échapper aux patrouilles et aux sentinelles, mais, chaque fois qu'il s'en va avec ses paniers pleins de vivres, je tremble de ne plus le revoir. — Ah! mon oncle, s'écria Joseph Née, plein BELLE ET NOBLE CONDUITE. 15 d'émotion, ce que vous faites la est bien, trés bien! J'en suis fier pour mon pays et pour notre familie. — Pauvres Anglais! repartit le vieillard, est-ce qu'ils n'ont pas combattu pour sauver notre patrie et repousser l'envahisseur l Un grand nombre d'entre overweldiger eux reposent dans les tombes qui remplissent nos plaines. Je serais heureux de pouvoir sauver ces onze vaillants soldats. — Mais comment échapper aux Allemands? — Les Allemands ignorent heureusement la présence de ces onze Anglais, mais ils se doutent bien qu'il reste des soldats alliés cachés dans nos campagnes; c'est pourquoi ils surveillent les chemins avec tant de soin. — Je voudrais bien aller voir ces Anglais, dit Joseph Née. — C'est vous exposer a un grand danger, répondit le vieil oncle. — Vous vous exposez bien, mon oncle. — Oui, mais moi, je suis vieux; j'excite moins la opwekken défiance et 1-attention des ennemis. — Nous échapperons aux sentinelles; mon voyage m'a rendu plus hardi et plus habile. N'ai-je pas une dette a payer a ces Anglais, comme tous les autres Beiges? — Eh bien! puisque vous voulez leur rendre visite, vous viendrez avec moi, a la chute du jour. Seul, bgnetvaiien v vous ne pourriez jamais parvenir jusqu'a eux. den avond Le même soir, Joseph Née et son oncle, dés que le soleil fut couché, se glissèrent dans le verger boomgaard placé derrière la maison. L'oncle portait un panier plein de provisions; Joseph Née avait aussi rempli un sac de pain, de fruits et de bouteilles de vin. „Attention! dit l'oncle, avant d'ouvrir la porte qui donnait sur les champs, le chemin fourmille de wemelt soldats cachés derrière les buissons. Avant tout, évitons de faire le moindre bruit. Heureusement, le vieillard connaissait bien les 16 BELLE ET NOBLE CONDUITE. sentiers, car on rencontrait a chaque pas das fossés, des haies, des murs. Joseph Née tenait son oncle par la main et se laissait conduire. A chaque instant, au moindre bruit, il fallait s'arrêter et tendre 1'oreille. Des voix allemandes s'entendaient dans le lointain: c'étaient des ordres d'officiers ou des appels de sentinelles. Les deux Beiges avancaient lentement, mais sans aucune crainte. Ils ne causaient guère et c'est druk par une pression de la main que l'oncle dirigeait Joseph Née. Tout a coup des pas se firent entendre a peu de distance. — Une patrouille 1 murmura l'oncle, viteaterre! Ils se couchèrent sur le sol, derrière une haie, aussi plats que possible. Les Allemands, dont 1'un portait une lanterne, passèrent a deux pas de leur cachette et, s'ils avaient fait la moindre recherche, ils auraient pu prendre les deux Beiges; mais ils regelmatig s'éloignèrent, et le bruit cadencé de leurs pas se perdit bientót dans la nuit. L'oncle et Joseph Née se relevèrent et continuèrent leur route vers la forêt. — Allons-nous être tranquilles maintenant? demanda le neveu, a voix basse. zoom — Il y a encore des sentinelles sur la lisière du bois. — II s'en trouve donc partout? — Oui, partout; plus on en tue, plus il en pousse." La nuit était absolument noire; on nevoyaitpas a deux pas et il fallait, comme le vieillard, connaitre les chemins, aussi bien qu'un aveugle connait sa chambre, pour marcher sans accident au milieu d'un terrain aussi découpé de buissons et de fossés. Les deux Beiges, a force de prudence et de patience, purent pénétrer dans la forêt, sans attirer 1'attention des ennemis. — Maintenant, nous sommes hors de danger, dit BELLE ET NOBLE CONDUITE. 17 l'oncle. Les Allemands se contentent de surveiller 1'entrée et la sortie des bois, ils n'y pénètrent point. — Ils ont peur, sans doute? — Je crois plutöt qu'il s sont tellement sürs que leur surveillance est parfaite, qu'ils sont persuadés que Vaccès de la forêt est impossible. toegang — En tout cas, c'est heureux pour les soldats anglais. — Et pour nous aussi; je puis maintenant alluraer ma kinterne 80Urde." dievenlantaarn Le brave homme avait, en effet, une lanterne qui fat allumée et facilita la marche a travers les arbres. Bientöt il descendit avec Joseph Née dans un profond ravin que 1'épaisseur des futaies et des taillis cachait hoog geboomte complètement aux regards. Seuls, les bücheronsen connaissaient 1'accès. La, ils virent quelques huttes de branchages au tour desquelles étaient assis les onze Anglais échappés aux Allemands. C'étaient de superbes soldats qui avaient été séparés du gros de 1'armée et qui, après une lutte héroïque, avaient pu, grace a 1'aide des habitants, se réfugier au plus profond de la forêt een schuilplaats de Warquignies. vinden Ils accueillirent les deux Beiges avec le plus grand plaisir. Ceux-ci leur distribuèrent les vivres qu'ils avaient apportés et tous se mirent a manger avec appétit. Joseph Née fut ému a la vue de ces hommes isolés au milieu des bois et entourés d'ennemis. „Cela ne peut durer ainsi, disait-il a son oncle; ces pauvres Anglais peuvent être dénoncés un jour verraden ou 1'autre: il existe des espions partout. D'ailleurs, que deviendraient-ils, si vous veniez a leur manquer? II faut les tirer de cette triste position. — Comment les tirer de la, avec la surveillance continue que font les Allemands? Vous avez vu combien nous avons eu de peine a passer. — Mais si nous pouvions leur procurer des vête- 2 18 BELLE ET NOBLE CONDUITE. ments civils, ils auraient des chances de s'échapper afzonderlek isolément. Nous pourrions au moins les guider. Je vais leur parler de ce projet. — Vous savez 1'anglais alors? — Pas un mot. — Comment faire? pas un de ces hommes ne connalt le flamand ou'le francais. Vous avez remarqué que c'est par signes que nous nous sommes abordés. — Je croyais que c'était par excès de prudence, pour éviter tout bruit. — Non, aucun d'eux ne peut me comprendre. — C'est, en effet, fort difflcile, répondit Joseph Née; cependant, il faudra bien que je me fasse comprendre. Les Anglais avaient terminé leur repas. Joseph Née, qui avait sur lui une carte de la Belgique, s'approcha de 1'un d'eux qui portait les galons de sous-officier et paraissait fort intelligent. II lui montra sur la carte le petit port de Knocke et suivit du doigt la route qu'il avait prise pour venir a "Warquignies. II fit facilement comprendre, en se désignant du doigt, que c'était lui-même qui avait fait ce chemin, et, avec un crayon, il indiqua sur Warquignies la date de son arrivóe. „Yes, yes!" dit le sous-officier qui comprenait parfaitement et qui donna 1'explication nécessaire aux autres soldats. Ensuite, Joseph Née leur montra une lettre, leur fit le signe d'écrire et leur expliqua, sans difficulté, grace a la carte, qu'il se chargeait de porter les lettres a 1'état-major anglais et de les faire parvenuen Angleterre. Ses gestes et ses signes furent compris par tous les Anglais qui, la figure souriante, disaient: „Yes, yes!" Ils se mirent aussitöt a écrire leurs lettres, qu'ils remirent bientöt a Joseph Née. Mais ce n'était pas tout. Le brave Beige voulait BELLE ET N0BLE CONDUITE. 19 leur faire comprendre qu'avec dea vêtements civiis, ils pourraient s'échapper de la forêt et se rendre en France. II leur indiqua la route sur la carte. II montra ensuite ses vêtements et, par une pantomime aussi claire qu'expressive, il leur expliqua que chacun d'eux, avec un déguisement, pourrait vermomming partir par cette route. „Yes, yes!" criaient les soldats. Enfin, il termina en leur promettant d'instruire les chefs anglais de leur sort et d'employer tous les moyens pour les aider a s'enfuir de la forêt. Tout fut compris, et les Anglais le prouvèrent en serrant avec effusion les mains des deux Beiges hartelijk et en répétant toujours leur seul mot compréhensible: verstaanbaar yes, yes! Après cette émouvante entrevue, le vieil oncle et Joseph Née retournèrent a Warquignies, oü ils gardèrent le plus profond secret des faits qui venaient de se passer. Joseph Née songea aussitót a revenir a Knocke pour y rendre compte de son voyage et faire parvenir en Angleterre les lettres des onze soldats. C'est avec la plus grande joie et au milieu de dangers incessants, qu'il parvint a Gand; il avait fait 110 kilomètres en trois jours. Les armées alliées étaient encore maitresses de cette ville. II put y voir les officiers anglais et leur remettre les lettres de leurs compatriotes. Le consul britannique le félicita vivement de son courage. „Nous allons, dit-il, faire tous nos efforts pour sauver nos soldats. Joseph Née apprit plus tard que les onze Anglais avaient pu rejoindre leur armée. Quant a vous, continua le consul, la nation anglaise vous doit une récompense pour votre conduite admirable. Dites-moi ce qui pourrait vous faire plaisir. — Puisque vous me faites cette offre, répondit le courageux Beige, je vous demande de m'accorder 20 BELLE ET HOBLE CONDUITE. quelques secours pour mes compatriotes réfugiés a Knocke. — Vous recevrez, dans cette ville, tout ce que vous pouvez désirer," répondit le consul. En effet, quelques jours plus tard, Joseph Née, arrivé a Knocke, requt du consul anglais trente-trois grandes caisses contenant des vêtements de tout genre et d'autres objets utiles, pour plus de 150.000 ronadeeien francs, qu'il fit distribuer aux pauvres réfugiés beiges. III. UNE AUBAINE. Mailly. On se battait. Le bataillon occupait la colline de Lormay. C'était le troisième jour du combat dans le camp. Le train d'approvisionnement avait levensmiddelen courageusement essayé de venir nous ravitailler, et brengen ies sacs (je distribution s'ouvraient prés de la DmachïneVllee" ferme du Mont-Marin, lorsqu'un taube qui flanait traag indolemmetit se mit a décrire un cercle a court rayon au-dessus du rassemblement, et tout aussitót houwitsers des shrapnells volèrent au-dessus de nos têtes. En un clin d'ceil les bêtes furent attelées, les verspreidden zich voitures s'éparpillèrent a travers bois etlescorvées d'ordinaire s'en retournèrent les sacs vides vers le bataillon, courbant le dos sous les balles de plomb qui tombaient des nues sous le soleil de feu. open piek in Dans une clairière, au milieu des bois le major B. dokte?011 avait installé son poste de secours. II y avait a 1'abri des arbres des tas de blessés, de tous les régiments et de toutes les armes. II soignait indiffé- UNS AUBAINE. 21 remment les uns et les autres, tout eu grommelant contre les autres majors qui u'étaient pas la. D'un oeil navrant les blessés regardaient défiler voorbijgaan les sacs vides et les récipients secs. Certains rdlaient, ketels monotones. reutelden — De 1'eau de 1'eau un peu d'eau! Au passage le major me héla. — Vous avez de 1'eau? De 1'eau! Je n'en avais pas goutte, hélas! II y avait bien un puits a la ferme du Mont-Marin d'oü je venais, mais le 17e d'infanterie y était passé. La chaine était au fond *) et le puits avait 40 mètres! — Eh bien, A., me dit le major, il faudrait vous en retourner. J'ai besoin d'eau pour les blessés. Prenez les bidons a croix rouge de la voiture mé- ketels dicale. II y en a douze. Avec votre moto ce n'est Met je motorfiets rien a porter. Prenez aussi ceux des brancardiers makkjeujkat e9 et apportez-nous de 1'eau. Si vous trouvez les bran- dragen cardiers, prévenez les que nous avons des blessés, beaucoup de blessés, certains depuis quarante-huit heures déja. Qu'ils viennent, et vitel II me regardait, jë le regardais; nous nous comprenions. On ne se figure pas commé le souci d'adoucir le sort des camarades blessés donne des ailes. J'ai chevauché a travers bois, a travers champs, dans les ornières ou les trous d'obus, dans ce sol bouleversé wagensporen par trois jours de lutte et des années d'exercices de tir. Une secousse trop violente cassa mes cale-pieds, de voetenplankjes feu dit la fourche élastique de ma machine, mais je vevorkde voor roulais quand même, mes bidons en sautoir, les jambes met een riem over brulées par le moteur et le soleil sur le crane. de borst Et Ie hasard des bois me fit débusquer dans un te voorschun humble village qui coupe la route de Sompuis a komeilln Lhuitre et qui a nom Trouau-le-Petit. l) La chaine dans le puits a laquelle pendent les seaux. 22 UNE AUBAINE. meeltroggen gemetselden rand bij uitsluiting de mesthoop damp hok iets te bakker of te braden snuffelend onderzoekend eten Tout était désert, mais rien u'avait été touché. A peine les Allemands avaient effleuré le village, tout de suite arrêtés par le 21* corps. On sentait seulement 1'abandon rapide, précipité, a 1'arrivée des Boches. Les portes ouvertes, les tiroirs hativement vidés, les écuries et les étables vides, les huches et les caves encore pleines. J'entrai dans une ferme proprette. Un petit jardinet, moitié verger, moitié potager, occupait son milieu, garni d'une clöture. Un puits occupait le centre, et le seau vide attendait, enchainé sur la margelle, la main familière qui le maniait de coutume. Je remplis mes bidons. Les caves ne risquaient rien, je vous assure. 11 faut avoir eu soif pour comprendre le délice que peut vous procurer un verre d'eau fraiche a l'exclusion de tout autre liquide. Je crois que j'en ai bu un litre sans reprendre haleine, et que les recommandations des mamans de ne pas boire frais quand on a chaud m'ont paru lointaines alors. La soif étanchée, les bidons pleins, je me disposais a repartir, quand un léger bruit attira mon attention vers les étables. Tout était vide; le fumier, chaud encore du contact des bêtes, fumait d'une buée légère. Pourtant, derrière un grillage, au fond d'un cfapïer, une ombre bougeait. Et de suite le souci secondaire me saisit: la faim.... oh 1 rapporter une fricassee ou une gibelotte a flamber dans les pins, la-haut! L'ombre avancait: c'était un superbe lapin noir, aux oreilles roses, au museau fureteur. II tendait vers le grillage fermé ses narines mobiles quêteuses, a la recherche de la provende tant attendue et qui ne pouvait qu'être proche puisque 1'homme revenait. J'ouvris la porte avec précaution, et déja je tenais la béte par ses longues oreilles douces et flexibles, quand je vis dans le fond, groupés en une masse noire et soyeuse, huit petits lapereaux jolis et LA PETITE MÉDAILLE. 23 craintifs, dont les huit petits corps tièdes et menus se serraient ftüeusement les uns contre les autres — kouweiuk Et j'ai laissé la porte ouverte en renversant sur le sol paillé le contenu d'une manne de navets |*£*|tr00 bedekt ridës sur lesquels mon lapin, qui eut bien de la knoiien chance d'être une lapine, se jeta goulüment. Je crois snwg même que j'ai essuyé une larme furtive.... Ce vluchtig qu'on peut étre béte a la guerre, hein? Et ce rat une aubaine qui n'en fut pas une, voila tout, mais ce n'est pas celle dont je me souviens le moins. IV. LA PETITE MÉDAILLE. Le convoi rentrait. C'était dans la cour de la ferme qui lui servait de cantonnement le braniebas drukt» ordinaire pour la remise en place des camions. vrachtwagen Partis la veiüe a trois heures et demie du matin, nous rentrions a neuf heures le lendemain matin. La nuit avait été particulièrement pénible, nos camions chargés d'obus progressaient a grand'peine houwitaergranaat dans la boue épaisse et gluante. Dans 1'obscurité la kleverig plus profonde — sans même une lanterne, car nous étions sur des routes exposées au feu derartillerie ennemie — il avait jallu a van eer a tatons sur des chemins étroits et dé fonds. voi gaten Nous étions heureux d'être enfin de retour au cantonnement pour y prendre un repos mérité: je me hatais vers la maison de la bonne hötesse qui me donnait 1'hospitalité, pressé de me réconforter d'un versterken bon café au lait bien chaud bu au coin de la grande cheminée oü flambait un réjouissant feu de bois. 24 LA PETITE MÉDAILLE. La porte ouverte, je vis un feu sans flamme opbranden consommer lentement les büches oubliées; mon houtblokken hötesse, assise au bord de 1'atre, avait a ses pieds, sur un tabouret, une voisine, jeune femme de vingt ans environ, qu'elle avait 1'air de consoler; cette dernière, au bruit de mon arrivée, se leva vivement, confuse d'être surprise dans cette position triste: je vis qu'elle tenait une lettre a la main et qu'elle avait pleuré. Après les avoir saluées comme il convenait, je weer te doen me mis a raviver le feu, et mon frötesse courut a opflikkeren ^ ferme chercher UQ peu de lait> Je ne pouvais cependant m'empêcher de considérer avec curiosité notre jeune voisine: j'aurais voulu prendre quelque part a sa peine, et ne 1'osais, craignant de paraitre indiscret. Elle le comprit, et simplement, me tendant la lettre: — Tenez, dit-elle, lisez. C'ëtait quelques pages d'une écriture féminine et élégante, et dans le premier pli jé trouvai une toute petite médaille: „Mademoiselle, „Vous avez peut-être oublié celui qui m'a prié de vous écrire: vous vous en souviendrez en reconstoffeijjk naissant cette petite médaille, seul souvenir matériel qu'il eüt de vous et qu'il m'a demandé de vous " faire parvenir. „II y a peu de jours qu'on 1'apportait dans notre höpital; il n'y avait, hélas! aucun espoir de le sauver; j'ai fait tout ce que j'ai pu pour lui rendre ses derniers jours plus agréables et pour adoucir ses derniers moments. „Je lui parlai des siens, mais son père et sa mère étaient morts; ses frères et soeurs, séparés de lui depuis bien longtemps par des destins différents, étaient devenus presque des étrangers. LA PETITE MÉDAILLE. 25 „C'est a vous, Mademoiselle, qu'il a pensé pendant ses derniers jours; jusqu'au moment suprème, c'est laatste votre souvenir qui a adouci ses derniers moments: même, quand la fièvre le faisait divaguer, il ne «ien cessait de parler de vous, avec tout le respect et la vénération que vous méritez certaiuement. vereering „Je sais qu'il est mort héroïquement, faisant, s'il est possible, plus que son devoir; son courage n'a pas été récompensé offlciellement, mais, pour être obscur, il n'en mérite pas moins tc-ute votre admiration. „Je ne vous conterai pas, Mademoiselle les actions de schitterende ytéelat de celui qui a pensé a vous jusqu'au dernier daden soupir: il n'aimait pas lüi-même a les raconter, et ce n'est que peu a peu, a son insu pour ainsidire, buiten zyn weten que j'ai deviné qu'il étaib un héros! „II était parti sans enthousiasme, le grand coup qui venait de frapper la France ne 1'avait pas atteint profondément; vous savez, Mademoiselle, puisqu'il m'a avoué en avoir fait parade devant vous, qu'il er 21011 °p bene croyait guère a la patrie; il aimait peu sa familie teh60»<»idont il avait, disait-il, a se plaindre; sans fortune, il n'avait rien a défendre et ne craignait pasl'aveplr, quel qu'il fut, conscient de sa force et de son bewust Éltetligence, capable de gagner partout largement sa vie. „Ce que vous ne savez pas, Mademoiselle, c'est 1'influence que votre souvenir a eu sur lui! A ce WÊeptique, a ce désenchanté, il manquait un idéal: twijfelaar vous lui avez fait comprendre, vous lui avez fait 0nt*°0Cheld8 sentir, ce que c'était que la familie, ce que c'était que la Patrie. Nous avons beaucoup parlé de vous, de 1'ame élevée qu'il avait devinée en vous, et j'ai compris toute 1'impression que votre amitié si pure avait produite sur ce jeune homme. „Sans vous 1'avouer, sans le ressentir lui-même exactement, et je pense pouvoir vous le dire mainjtaoant qu'il n'est plus, il vous aimait. 26 LA PETITE MÉDAILLE. „Ces quelques jours passés prés de vous avaient suffi pour produire sur lui une profonde impression: weerlegde quand vous causiez, quand il réfutait avec une ironie opgewekt qui, pour être enjouée, n'en était pas moins acerbe, betoogingen vos remontrance8, vos exhortations oü vous mettiez aanmaningen toute 1'ardeur de votre coeur de Francaise et de patriote, vos arguments trouvaient plus souvent que vous ne l'eussiez supposé le chemin de son coeur! Un jour il vous fit même verser quelques larmes ! Quels regrets il en avait et combien il les a rachetées! „Quand on 1'eut apporté ici, sans connaissance, son premier geste en revenant a lui fut pour chercher cette petite médaille que je viens de vous renvoyer. „ — Celle qui me 1'a donnée, me dit-il, m'a promis qu'elle me porterait bonheur." „Et moi, sachant qu'il- était perdu, je ne sayais que lui dire. Mais c'est ainsi que je lui parlai de celle qui lui avait donné cette petite médaille, et depuis nous causames de vous, de vous dont le souvenir seul pouvait amener un sourire sur ses kleurloos lèvres décolorées. „Vous aviez été bonne pour lui et il regrettait de ne vous avoir pas montré plus de reconnaissance! 11 craignait de vous avoir blessée dans ces sentiments délicats et profonds dont il n'avait pas craint de parler avec ironie, alors qu'il n'en concevait pas la valeur! „II ne savait pas qu'il aimait la France avant d'avoir souffert de ses souffrances, il ne savait pas qu'il vous aimait quand il s'amusait de votre ardeur patriotique, mais ces deux sentiments avaient fini par se fondre en un seul qui le remplissait d'une heilige zeifopof- sainte folie de 8acrifice! fioiif ln „Je vous 1'ai dit, Mademoiselle, ü a fait plus que gren8 son devoir, si le mot devoir peut avoir une limite; mais jusqu'au dernier moment je compris qu'il estimait que cette petite médaille, sans laquelle il ne serait peut-être pas mort, lui avait vraiment LA PETITE MÉDAILLE. 27 porté bonheur. II mourut en paix, heureux et fier a la pensee que vous sauriez cominent et grace a qui il avait eu le bonheur de mourir glorieusement pour sa patrie. „Pleurez-le, mais ne le plaignez pas; j'enaiassez vu mourir ici ponr vous assurer qu'ils n'ont pas a regretter la vie, quelque belle qu'ils pussent 1'espérer, ceux qui ont eu une telle mort." Je n'ai pas revu ma jeune voisine. Peu de jours après nous partions pour un autre cantonnement, mais je sais qu'elle est maintenant dans un höpital de la Croix Rouge, et qu'elle y soigne avec un dévouement sans bome ceux qui, après avoir fait a grenzeloos la Patrie le sacrifice de leur vie, lui ont déja donné une partie de leur sang. V. LE PETIT BRETON. Le lit trente-deux est tres entouré. Un petit Normand, depuis peu 1'occupe. Hélas! avec son teint décoloré II peut plaisanter! Personne n'est dupe! Le chirurgien regarde 1'enfant, — Un frêle gamin, si pale, si blême, Qui devant la mort, vaillant, se défend — II murmure alors, comme pour lui-même: „— Trop tard pour ten ter 1'opération! „Son ceil est vitreux et blanche sa langue. g]aZjg „II me faudrait une transfusion overbrengen. „De sang... Car son corps entier est exsangue l bloedloos 28 LE PETIT BRETON. „Mais qui? Mais comment? Tout autour de lui, bieek en verwii- Sont d'autres blessés, a mine hagarde, derd Avant-hier perdus, sauvés aujourd'hui... Trés lentement, le docteur les regarde. aan den dood Un des rescapés, mince adolescent onne?iriaPt6 Qm Par cna(lue P0re asPÏre la vïe> S'approche, hésitant. Ce convalescent N'ose pas parler, mais en meurt d'envie! Bah! d'un seul trait pour se donner du coeur, II dit simplement, sans nulle'bravadef i— Si vous le voulez, monsieur le docteur, „Prenez de mon sang pour mon camarade." Oh! le mot divin! II faut 1'embrasser! Et le cher enfant tend sa tête blonde. Mais le médecin dit; „La, c'est assez! „Commencons!" Lors sans perdre une seconde, inanuding Habile, il pratique l'incision, Paternellement, de toute son ame. Lorsque fut faite la transfusion, Dans l'oeil du malade on vit une flamme Luire doucement; les ailes du nez, Le menton, les joues et sa pauvre oreille worden rose Bosissent déja. Tout chez lui renait, L'enfant va revivre. O pure merveille! Et le premier mot fut attendrissant Du petit Normand rouvrant la paupière. „— Maintenant, dit-il, que j'ai de ton sang, Tous les deux alors nous devenons frères." Le sauveur était un petit Breton, Solide a présent comme un jeune chêne, Bien que n'ayant pas de barbe au menton. Les témoins de cette émouvante scène Apprenant qu'il est, hélas! orphelin, zonder een roo- TOUt S6Ul SUr la terre et SUTIS 80U Tti Wlttt/fe, ieggendgêw uit Se cotisent, pensant qu'a ce bambin Mieux vaut un peu d'or que croix ou médaille. LE PETIT BEETON. 29 Le chirurgien est alors prié De faire accepter a ce fils de France Cinq cents francs, afin de remercier Son ccBur, son courage et son endurance! Mais notre Breton repousse du bras L'argent qu'on lui tend avec insistance: „— Je n'ai pas besoin d'une récompense. uuuiio uiuu oaug, jo iio m vciiua pas: VI LE PIANO. Le chateau oü nous avions pénétré vers le soir, avec notre ami Urbain, dont une balie avait traversé la poitrine, n'avait que peu souffert de la bataille. Quelques obus seulement ayant crevé les toits et dteloqué le perron, a la suite d'un combat violent, un eikaar gerukt mais court, dans le pare et le bois voisin, nos zouaves avaient délogé 1'étatmajor d'une division.ennemie. Nous errions dans les pièces désertes, et enfin je donnai 1'ordre qu'on montat doucement la civière baar dans un salon du premièr étage. C'était un vaste salon blanc avec trois bautes fenêtres dont les vitres étaient brisées, mais que des volets pleins permettaient de clore convenablement contre 1'air de la nuit, d'ailleurs assez douce encore. Des balles avaient fracassé m fit, a brüle-pourpoint, cette étrange confession: zoo maar daa«- — Le soir même de la mobilisation, le capitaine de gendarmerie Dalbrecq conduisit son fils a la gare et lui fit ses adieux, sans pouvoir retenir quelques larmes. Le fils, qui était alors simple soldat, voyagea toute la nuit et une partie du jour. Comme il traversait les montagnes de l'Auvergne, et qu'il était seul dans son compartiment, il ent le tort de s'appuyer a une pprtière qu'il croyait fermée, et il dégringola le long tuimelde d'un talus jusqu'au bord de la route qui cötoie la heutBj ligne a eet endroit. Quelqu'un passait, a ce moment, sur la route... un chemineau... ou plu tót un r odeur landiooper de grand chemin, qui soigna le fils Dalbrecq, re Bertrand céda. II étendit sa main gourde et coupa les cartes. „Qu'est-ce qu'on joue?" demanda encore Douvain. kibbelden ze Alors, ils 86 chamaillèrent; Bertrand ne voulait pas jouer d'argent. geid — Je vais te la gagner, ta galette, espèce de stommeling ballot / 's^ien6 niet — Savoir! Et puis, je m'en fichel... Pour les gelegenheden occases qu'on a de le dépenser, ici, son pognon/ centen _ jTon> mon vieux j jjous allons jouer 1'honneur. Niks ervan — fl'y a rien d'fait! dit 1'autre. Faut intéresser la partie! — Ecoute, Douvain, nous allons jouer 1'honneur! J'ai une idée. — Dis ton idée. — Eh bien... voila Tu sais que quand il y a e9karweltjerlük un de chien, le capitaine ne veut jamais que nous nous proposions ensemble. La dernière fois que 1'on a été reconnaïtre les Allemands derrière la ferme de Valory, nous voulions partir tous les deux: ') Un écarté — een zeker kaartspel; in 't Hollandsen gebruikt men 't zelfde woord. UNS PARTIE DE CARTES. 55 Je capitaine a dit: ^Non! Bertrand ou Douvain. S'il arrivé un malheur a 1'un, il me restera toujours 1'autre. — Oui. — Eh bien, la prochaine fois, ce doit être mon tour. Je te le joue! Si je gagne, c'est moi qui pars. Si tu gagnés, c'est toi qui prendras ma place. Ca va-t-il? v — Ca va, mon vieux!.... Et gare a toi!.... La prochaine citation, c'est moi qui la décrochel ^dTng8 T9rmel" — Parle pas si vite! J'ai déja le roi! be*^" La première partie fut suivie d'une seconde, et les deux hommes jouaient encore quand la nuit arriva. Ils écarquillaient les yeux pour voir leurs cartes. openspalken Défense d'allumer une bougie!.... II fallut cesser. C'est Douvain qui avait gagné. II ouvrit son sac, en tira un morceau de bonne conserve envoyée le matin même par la bourgeoise, e"™escheerd et les deux amis se mirent a manger. ™UT Vers onze heures du soir. le sereent Ramnan passait dans les abris, demandant dix hommes déterminés pour un coup de main, cette nuit même, een stout stuk sur une position allemande a droite du cimetière. II y avait la, derrière un repli du terrain, deux mitrailleuses qui agagaient notre commandement. — J'en suis!.... déclara immédiatementDouvain. — Tu en étais déja il y a trois jours, répondit le sergent. Tu sais que le capitaine ne veut pas que Bertrand et toi partiez ensemble.... C'est le tour de Bertrand si ga lui chante] alneêft " ■toln — On a joué son tour aux cartes, sergent! 66' Bertrand reste ce soir.... C'est moi qui filel meega A trois heures du matin, les dix volontaires, bien munis de grenades, s'étaient défilés dans la nuit. warefvSken Et aussitót, un indicible malaise s'erapara de Bertrand. Quelle idée baroque avait-il eu de jouer 1' „honneur" dwaas avec son camaranfi? Hans ln via nn'iic ™;ont (et ou tout est hasardï il v a 56 UNE PARTIE DE CARTES. ne tente pas. Cette nuit, c'était lui, Bertrand, qui devait partir. Allait-il regretter d'avoir vu Douvain aangegrepen gagner aux cartes? Le temps lui parut long, empoigné kwellende rrees qu'il était par une appréhension lancinante. Enfin, doorweekt vers quatre heures et demie, sur la terre détrempée et bouleversée, on apercut ramper quelques formes bbscures. Les balles pleuvaient. Bertrand, les yeux schietgatui8terniB grands ouverts, sondait la nuit a travers le créneau. Brusquement, les formes noires se dressèrent, bonborstwering dirent, escaladèrent le parapet et, parmi des cris de joie, tombèrent dans les bras des camarades. — C'est fait! hurla le sergent Bameau! C'est schoongeveegd nettoyéX Et maintenant, comptons-nous. Qui est-ce qui manque? Deux hommes manquaient: le caporal Bour et Douvain. zökennie6n knik Bertrand sentit ses jambes se dérober sous lui. II eut la vision de son ami, étendu la-bas, parmi les cadavres ennemis. Et il était responsable de cette mort! C'est lui qui avait eu la pensée criminelle de jouer son „tour." Et puis il en voulut aussi a Douvain de sa manie des cartes, de son obstination ridicule a jouer une partie qui se terminait si tragiquement. Et, pris d'une rage dósésperée, Bertrand s'apprêtait déja k s'élancer pour aller, tout seul, rechercher son ami, quand une voix, a sa droite, cria: - Les voila! Voila Bour et Douvain! schroot Courbé sous la mitraille, Douvain s'avanijait en effet sur la terre bouleversée. II portait sur ses épaules le caporal Bour qui avait la cuisse traversée d'une balie. oTersteipte Et, maintenant, Bertrand accablait Douvain d'injures bien choisies: nuipun^mmelin6 — Fichue betel.... Crétin, avec tes cartes! Situ au y étais resté, espèce de gourde? C'est encore moi qui aurais - été responsable! Tiens, tes cartes!.... Voila ce que j'en fais! — LES AVIATEÜRS. 57 Et, les tirant de sa pocbe, il allait les déchirer. Mais Douvain se saisit du jeu graisseux avecprestesse. zeer viug Sa bonne face suante et maculée de boue s'illumina bezoedeld de malice et, tout debout dans la tranchée, au milieu des copains qui rigolaient: ïlTan proestten — Hé! Bertrand? Ca va-t-il, une petite manille ? XII. LES AVIATEÜRS. La eauche fléchissait D'un ton autoritaire b<*on to waken Le général — grand chef dont le nom doit se taire — Tan R6zaR Dit aux aviateurs qui 1'entouraient: „Voici: „Pour survoler ce bois qu'on apercoit d'ici „II me faudrait, messieurs, trois d'entre vous, trois hommes „De bonne volonté. Vous le voyez, nous sommes „Trés menacés. II faut reconnaltre a tout prix „Ce bois Mais c'est la mort presque süre Compris ? „Que trois lèvent la main Combien êtes-vous? Treize." D'un même élan joyeux, ardent, a la franchise, onstuimigheid Treize mains brusquement se levèrent: „Parbleu! „J'en étais sür BrigandsY' Sa voix tremblait rakkers un peu; Mais pour ne point paraitre ému, d'un air bravache, ais een opsnaer D'un doigt vif, il frisait le bout de sa moustache. .Allons!.;.. Tirons au sort Les noms dans Un laten we loten képi.... 58 LES VIOLETTES. Torschoion „Et vite— Regardez!— rennemi s'est tapi „Au fond de la vallée, et son attaque est prête " Les trois noms sont tirés, comme pour une fête. Déja les trois élus s'éloignent, triomphants rechtsomkeert Mais: „Halte!— Demi-tour\ Depuis quand les enfants ultHd en «P la mode est récente, elle ne me plaït guère), „S'en vont-ils a la mort sans embrasser leur père?" omhelzing Noble étreinte\ si brusque et si tendre a la fois! vliegmachines En leurs fiers avions les voici tous les trois Qui montent hardiment vers le ciel, vers la gloire. O mon Pays! Inscris cela dans ton Histoire! XIII. LES VIOLETTES. Prés de L—, a la gauche d'un de nos ouvrages de première ligne, s'étendait un petit bois en forme d'ü. Ses deux branches extrêmes, qui n'étaient dicht struikgewas plutöt qu'une suite de halliers, s'avangaient, de chaque cöté, jusqu'aux bords de la tranchée franchise et de la tranchée allemande. Trois cents mètres a peine séparaient celles-ci. L'espace compris entre les deux branches était opbo8c1blek ln het une assez vastft clairière, couverte d'un gazon fin, et qu'une haie, venant du bois, divisait a peu prés en son milieu. Le printemps commengait a tendre sur les rameaux dunne twijgjes et les ramüles les légères écharpes vertes de ses feuilles nouvelles. LES VIOLETTES. 59 Mais si, de la gauche de la tranchée francaise, il était presque impossible de voir la clairière derrière ses jeunes frondaisons, en revanche, de la droite, het J°n*e l00f elle était visible tout entière. Depuis deux jours, une compagnie de zouaves était la, ayant en face d'elle, embusquee dans son verborgen terriër, une fraction de la Garde prussienne. aMeeiing Or, un matin, le lieutenant qui commandait nos chacals *) examinait, au moyen de ses jumelles par kuker la fente d'un créneau, la position ennëmie/lorsque, schietgat tout a coup, il poussa une exclamation de joyeuse surprise. II se trouvait prócisóment a 1'endroit de la tranchée d'oü il était permis d'em brasser 1'étendue de la clairière. — Quoi donc, mon lieutenant? demanda familièrement le sergent qui était prés de lui. — Rien de bien intéressant Je viens tout simplement d'apercevoir la-bas, entre la li gne des kreupelhout fourres et la haie, un véritable champ de violettes : des bleues, des pales, des blanches. — C'est donc (ja, ajouta le sous-officier, que durant toute cette nuit passée, nous en avons respiré 1'odeur exquise a plein nez! A ce point, mon lieutenant, qu'on n'en sentait plus le Boche Dommage qu'on ne puisse pas aller en cueillir quelques-unes! Quel joli cadeau a envoyer a sa femme ou a sa promise: des fleurs écloses sous la mitraille! — Oui, c'est dommage.... Quel joli cadeau!.... répéta l'officier, songeur. Et, sans qu'il se souciat d'être observé par son interlocuteur, ü fouilla dans une des poches intérieures de sa capote et en retira un portefeuille d'oü il sortit une nhotoeranhift. T.n soro-oni-. wit. la nm-troif a;-.** délicieuse ieune fllle. — Moi aussi, mon lieutenant, murmura-t-il, j'ai une ciiere nancan nni m'nt.tenri !) chacals, bijnaam dien men geeft aan de zona ven. 60 LES VIOLETTES. — J'y vais ... reprit soudain l'officier. Les Boches ont 1'air d'être tranquilles Dans cinq minutes, je suis de retour — Vous m'en rapporterez quelques-unes, mon lieutenant? Vous voulez bien? — — Je vous le promets — Déja, le chef s'éloignait. Vingt secondes plus tard, il arrivait a 1'extrémité gauche, de la tranchée, n'ayant gardé que son revolver enfermé dans 1'étui. borstwering H escalada le parapet et, rampant derrière les halliers, il se dirigea vers la clairière qu'il atteignit bientöt, ZOénkelenkeerop SanS °W*r eSSUyé 1M Seul COUp de feU. hem geschoten Les violettes, en effet, parmi le gazon, croissaient en telle abondance que, sous les pas de l'officier, ce n'était qu'un tapis d'azur et deneige. Bpouvait les cueillir a pleines mains; et par poignées. II les entassait dans son képi. — II y en aura pour toute la compagnie— se disait-il joyeusement. Et, le dos courbé, un genou a terre, il avancait, il avancait peu a peu, semblant oublier a cette ravissante besogne le terrible danger d'une balie ennemie. C'est ainsi que, tout a coup, il se trouva devant la haie qui se dressait au milieu de la clairière. Jugeant sa moisson suffisante, il voulut alors op zün schreden rebrousser chemin. Mais il n'en eut pas le temps.... A travers un trou de la haie, ses yeux venaient de rencontrer deux yeux qui le regardaient fixement; au-dessus de ces deux yeux, qui appartenaient a doorsneden une flgure jeune, barree d'une moustache soignée, il y avait un casque a pointe aux ornements d'argent. Le costume de 1'homme était celui des officiers de la Garde prussienne; il tenait a la main gauche un bouquet de violettes blanches et bleues. — Ah! un oberleutnant d'en face murmura simplement le gradé francais. Et, remettant sur sa tête son képi plein de fleurs, il se releva; ensuite, il empoigna son revolver. J LES VIOLETTES, 61 L'autre 1'imita. Durant quelques secondes, les deux adversaires se considérèrent en un silence tragique. — Je crois, monsieur, dit enfin 1'Allemand dans un francais impeccable, que nous avons eu la même onbenspeiak idée, laquelle a, probablement la même intention Ces fleurs que je vous ai vu cueillir sont, sans doute, destinées a la dame de vos pensées? — A ma fiancée, oui, monsieur répondit l'officier de zouaves. — Comme moi,les miennes.... reprit 1'oberleutnant qui ajouta aussitót d'une voix durcie: — J'aurais pu vous tuer, tout a 1'heure, car je vous avais vu avant que vous ne m'aperceviez Mais Et un sourire de morgue arrogante plissa ses aatnr™atigend# lèvres. — Mais si j'ai différé mes intentions, poursuivit-il, uitgesteld — car elles ne sont que différées, — c'est paree qu'il m'est venu une pensée Moi aussi, je vous 1'ai dit, monsieur, j'ai une fiancée EtlAllemagne est non seulement au-dessus de tout par sa men- ve^f?°dsontw,k' talité, sa kuiture et sa puissance, mais encore par ses femmes: mères, épouses et promises Eh bien! monsieur, il m'est venu cette pensée de vous obliger a reconnaitre, a crier avant de mourir que la dame de mon amour est incomparablement plus belle que la vötre, que toutes les vótres — Vous raillez, monsieur riposta le lieutenant de zouaves avec une bauteur méprisante. — Point du tout N'est-ce pas ainsi, d'ailleurs, qu'autrefois, vos chevaliers vidaient et terminaient en champ clos leurs différends ou leursrü'afótés?.... naöverl8n — En effet, monsieur Cela se passait du temps oü 1'un des plus lointains ancêtres de votre kaiser d'aujourd'hui, Frédéric Ier de Hohenzollern, n'était qu'un — Monsieur.... grinca 1'oberleutnant, blême de tandenknarste rage, en brandissant son revolver. 62 LES VIOLETTES. — Quoi! vous ne plaisantiez donc pas?.... reprit l'officier francais. En bienl laissez-moi vous dire qu'a 1'égard des femmes de France, vous en avez menti! — Cette insulte, votre vie va la payerl....hurla le Bocbe. gemistwat — -^0M* oeaui monsieur I Mais vous avez raté Toccasion de la prendre sans risques.... Maintenant, il va falloir que vous comptiez sur ma riposte.... Néanmoins, je veux vous faire la partie avanta- geuse Vous connaissez notre histoire, m'est-il apparu.... Donc, monsieur, comme a Fontenoy d) , Tirez!.... Un coup de feu éclata aussitöt. Le lieutenant de onbeweegiak zouaves chancela. Son bras gauche s'abattit, inerte, le long de son corps; et deux filets de sang immé"aTannfejnn6pen diatement coulèrent au bout de ses doigts crispés. — Pas trop mal, monsieur! cria-t-il, les dents serrées. Dix centimetres plus a droite, et votre balie me traversait le coeur! Une deuxième détonation 1'interrompt. Cette fois, le projectile lui enleva son képi dont toutes les fleurs s'éparpillèrent au sol. laagheid — O! mais c'est de l'infamie, cela, monsieur! gronda-t-il. trekker ^- son t°ur> ü vï80 fit pressa sur la détente.... reutelde L'oberleutnant ouvrit la bouche, Idcha un rdle, zakte ineen toumoya et 8'effondra comme un paquet mou. Sa main, qui avait abandonné son arme, se porta a son cou. L'officier francais, durant quelques secondes, le considéra avec une sorte de pitié, puis, lentement, remit son revolver dans 1'étui. II se penchait pour ramasser ses fleurs dispersées quand, soudain, il !) A la bataüle de Fontenoy, en 4745, pendant la guerre de succession d'Autriche, les Francais disaient a leurs adversaires: „Tirez les premiers, messieurs les Anglais." LES VIOLETTES. 68 entendit le blessé qui Tappelait d'un murmure moribond. II obéit et s'approcha. stervend — Monsieur.,., bégaya 1'oberleutnant, je vais mourir.... Mais oserais-je vous charger de mes dernières volontós? — Que puis-je pour vous ?.... Parlez.... Je vous . jure de remplir la mission que vous me conflerez.... — Merci.... Fouillez-moi.... La, dans une des poches de ma tunique, vous trouverez un portefeuille, des pièces a mon nom: Conrad von Falkbürg des lettres de ma fiancée: Anna von Sterckland, et son adresse aMagdebourg.... Voulez-vouslui envoyer le tout— et lui faire savoir que je suis mort en brave.... En brave, tout de même, n'est-ce pas, monsieur? En prononcant ces derniers mots, il y avait comme une sorte d'anxiété dans sa voix — En brave, oui, monsieur.... fit le lieutenant, généreux. — Puis, vous y joindrez cela.... cela, teint de mon sang Et, d'un suprème effort, le mourant, après avoir laatste levé sa main gauche qui tenait toujours les violettes, plongea celles-ci dans le flot pourpre de sa blessure. — Cela?— murmura l'officier de zouaves. Car, maintenant, le petit bouquet de fleurs bleues et Manches était aux trois couleurs frangaises Mais lagoni8ant, dont les yeux se voilaient, ne de stervende vit rien. — Oui— cela.... hoqueta-t-il. A Mademoiselle bracht na er hokAnna de Sterckland, de la part de son fiancé, 5?* ™atooUmi tombé.... tombé II expira avant d'avoir pu achever. — Tombé au champ d'honneur compléta le lieutenant, magnanime, en saluant le cadavre d'un grootmoedie geste large. Puis, fidéle a sa parole, s'étant emparé du bouquet tricolore et du portefeuille du mort, il vint ramasser 64 LES DÉSILLUSIONS DB „POlIliE SÜRE." sa moisson fleurie dispersée et, soutenant son bras, brisé audessus du coude, il regagna la tranchée francaise XIV. LES DÉSILLUSIONS DE „POMME SÜRE." uitleggingen stotterde hardnekkig modderpoelen vuil scherp kefte Je ne puis vous donner une meilleure idée de la personnalité physique de mon jeune ami „Pomme süre" (sept ans et demi) qu'en vous contant cette histoire. Depuis qu'il est arrivé des pays envahts — vous saurez tout a 1'heure comment — „Pomme süre" fréquente 1'école communale. Il-écoute gravement les commentaires du maitre sur les quatre conjugaisons, et évite de se gratter quand il y a plus de trois personnes qui le regardent. L'autre jour donc, assis au dernier banc de la classe, il suivait avec un enthousiasme passionnó un grand débat sur 1'histoire naturelle; le maitre demandait la liste des principaux animaux domestiques a un patiënt qui dnonait: — Heul heu! le cheval.... heu.... le chien.... heu le chat heu le mouton le mouton.... — Voyons, insista le maitre, citez m'en un autre. L'élève garde un silence obsliné. — Allons, allons, rappelez-vous! quel est eet animal qui a la poil rude, qui n'aime quelasaleté; qui se roule dans toutes les piqués de boue, dans Z'or*ciwyö * • * Alors, timidement, „Pomme süre," se leva la-bas au fond de la classe, sa petite voix aigrelette glapit et ces mots retentirent dans le silence: LES DÉSILLUSIONS DE „POMME SÜBE." 65 — C'est.... c'est moi, monsieur! Non! „Pomme süre" n'est pas un garcun trés soigné; mais peut-on demander a quelqu'un qui passa deux ans avec les Allemands des Plandres, de surveiller sa toilette comme un dandy. Car il a vécu la-bas dans ce coin de France qui souffre et qui peine. Son père, ilnel'a jamais connu; sa mère dispara et depuis ce temps, „Pomme süre" vivait dans les rues, mangeant quelquefois, s'amusant toujours et fréquentant les Boches. Un jour, on ne sait comment, les soldats francais qui tiraillaient en première ligne virent sauter dans aan h8t schieten leur tranchëe un petit paquet jaune, gris, taché, waren sale, qui se mit soudain debout et leur demanda a boire. C'était „Pomme süre." Ils le gardèrent avec eux pendant deux jours et l'emmenèrent quand on vint les relever. aflossen Dans une petite ville de 1'arriere du front, „Pomme süre" recut ce que 1'on appelle une éducation soignée, c'est-a-dire qu'il mangea a sa faim, but a sa soif, dormit dans un lit et fréquenta 1'école primaire que dirigeait un sergent barbu. C'est la oü je le rencontrai. Notre première entrevue fut cordiale; j'allaia lui: — Bonjour „Pomme süre," lui dis-je en lui teadant la main. II me répondit sans s'émouvoir: — Bonjour, vieux. Ainsi posée sur une base solide, notre conversation Met zoo'n stevidevint tout a fait intime. Je lui demandai de me een grond8la* faire connaitre ses impressions au pays envahi et il se laissa glisser sur la pente des souvenirs. helling Une main grattant énergiquement sa tete qu'il hochait avec beaucoup de conviction, il débuta ainsi, b|hudde entrant franchement dans le sujet: — La barbe c'était les métros! Het beroerdste — Les métros? 5 66 LES DÉSILLUSIONS DE „POMME SÜRE." — En bien, les.métros; les gros obus quoi,c'est les Francais qui les appellent comme ca, je 1'ai su quand j'ai pris la tranchée. — Tu étais bien avec les Boches? Natuuriuki — Tiens, parbleu! — Pourquoi les as-tu quittés? kMkmti strak aan II me fixa, plongeant ses yeux jusqu'au fond des miens, puis reporta son regard sur son pied qui siof traversait une espadrille, enfin il me répondit avec lenteur: Wtieheenadkwea — On a eu des histoires. *'9 — Quelles histoires? II garda le silence, j'insistai et il me livra son coeur. — Tu sais, je veux bien te raconter ga, mais si t'es journaliste, tu me diras comment que ga se fabrique un journal et comment on fait pourécrire le titre en grosses lettres. „Les Boches, tu sais, c'est pas des mauvaises gens, mais c'est leur soupe qu'est pas fameuse. Enfin, on s'y fait; la betterave quand c'est bien cuit ga a un peulegoütdepommesdeterre. Quand maman a été partie, ils m'ont pris avec eux; il y en lachte avait un grand pale qui ne rigolait que d'un cöté de la bouche; tu sais comment ga se fait, toi, qu'on ne rigole que d'un cóté de la bouche Non T'en sais rien. Bon. „Alors, ce grand-la m'appelait souvent auprès de lui; il n'mangeait pas beaucoup, il avait pourtant toutes ses dents; alors c'est moi qui Taidais. II m'avait appris de jolies choses, tiens veux-tu que je te chante: „Du hast die schoensten augen," non.... Bon. met zooveien ais „Seul'ment tous c'qu'ils en étaient ils ne pouvaient pas prononcer mon nom; ils m'appelaient „Boum dan hecht men er Zure," ga m'vexait parsque tu comprends quand on aan n'a qu'un nom on y tient. ikgewend m6 aan „Enfin, ƒ m'y suis fait. Donc ces messieurs étaient LES DÉSILLUSIONS DE „POMME SÜBE." 67 tres gentils, ils faisaient tout ce que je voulais, ils m'mettaient leur casque, leur ceinturon, et je koppeinwn m'allais promener comme ga dans la ville. „Seulement v'la qu'un midi, que je partais chercher a la Kommandantour un papier avec mon casque, v'la Vinfirmière frangaise de la Croix Rouge qu'était ziekenverpieegau collége qui m'fait: 8t*r i — „Psst. Psst." J'y. vais. Elle me r'garde. J'la r'garde. „Est-ce que tu deviendrais un petit Boche" qu'elle me fait. „A cause de quoi?" „A cause de ga!" qu'elle dit en m'enlevant mon casque. „Moi je ne comprenais pas ce qu'elle me voulait. Crois-tu qu'on peut être Boche parsqu'on a un casque sur la tête; t'en sais rien! tu sais jamais rien, alors! il doit être propre ton journal. Bon. „V'la donc qu'elle me dit: „Ils sont gentils avec vtoi les soldats?" Je lui réponds oui, puisque c'était vrai. Alors elle me dit: „Eh bien il faut leur dire que tu es un petit Frangais." Moi je ne répondais rien, alors elle m'ajouta: „Ils ne Ven voudront pas. zuUon nIet b008 ils sont calmes maintenant. C'est de la dignité. Va °P m mon chéri." Tu sais ce que c'est un chéri? Non, non j'te 1'demande pas, j'te 1'explique, je sais bien c'que c'est puisque c'était moi. «Alors, je ra'en suis allé a la Kommandantour, j'ai pris le papier et j'm'en suis revenu le rapporter. „J'ai redonné mon casque aux soldats et je leur ai dit que je ne voulais pas être un petit Boche. Alors ca a fait des explications, ils m'ont bousculé dado0r gekomen d'abord et puis le grand qui n'rigolait que d'un cöté heen weer ged'la bouche m'a dit qu'il ne fallait pas se facher schud pour ga; il m'a pris sur ses genoux et m'a demandé le nom des gens que j'avais vus dans lajournée, je le lui ai dit, puisqu'il n'était pas faché, et puis le lendemain, pendant que j'étais a faire mon ouvrage dans la rue, — c'est moi qui enlevait le crottin de p»ard.me.t ckeval — j'vois 1'infirmière de la Croix-Rouge qui passé avec des soldats. Qu'est-ce que t'aurais fait, 68 LES DÉSILLUSIONS DE „POMME SÜRE." toi qui es journaliste? tu les aurais suivis n'est-ce pui', moi aussi. Ils s'en vont donc a la Komman- j dantour et ils rencontrent le commandant sur les \ TT)%LT*Ctlft9. — „Qu'est ce que c'est que ga" que dit le commandant. „C'est une femme qui a fait la propagande qu'on vous 'a dit," dit un feldwebel." „Alors le commandant dit: „Vous savez ce qui vous attend, madame?" — „Parfaitement, fait 1'inflrmière, mais j'ai fait j mon devoir." Seulement, tu sais, pendant, qu'elle disait ca, j'voyais sa bouche qui tremblait, sürementl was bang rju'elle avait un peu la frousse, dame, moi j'l'avais | drommels ^. f bien. — „On va vous déporter, refaitl commandant; ga vous apprendra a mettre de Terreur dans les jeunes j cerveaux," et il m'montrait, paree que, tu penses si j'm'étais approché au premier rang; alors enj entendant ga, v'la 1'infirmière qui s'met a palir; tuj comprends, ga n'était qu'une femme. Alors, moi, j j'me suis approché du commandant avec qui j'étaisj kameraad copain. J'lui dis: Monsieur 1'commandant, vous; pouvez renvoyer cette femme, je m'mettrai le casque II me r'garde; il la r'garde et il dit: „C>; n'empêchera rien, „Boum Z'ure." Pourquoi ga? Puisque j'voulais bien remettre le casque 1 J'lui ai j répétó encore une fois, alors ü m'a dit: „Va-t-en; j'te promets que ga se passera bien; on va en avoirl soin de ta protégée." „Vous ne iadéporterezpas?" — „Non, non, mais remets ton casque." „rsuis donc parti chercher mon casque pour aller relever mon crottin. J'ai travaillé comme ga totfbe la journée et puis le lendemain j'vois la mère de; l'inflrmière et puis son père et puis sa soeur, qui s'en revenaient de la gare des marchandises en pleurattt. Eu passant prés de moi, il en a un quL di. aap, daar dit: „C'est a cause de ce moucherm-ld" Tu comprends beisedigd j'ai été vexé, j'ai demandé comment ga s'faisait LES HÉSITATIONS DE MARTINE. 69 quu avait aes insoiences comme ga aans ia Doucne; alors il m'a expliqué que le commandant n avait pas tenu sa parole et que 1'infirmière était partie pour 1'Allemagne dans un wagon a bestiaux oü il y avait d'la paille et d'autres Francais. Moi, tu comprends ca m'a pas plu de voir que mon copain le commandant s''était fichu d'moi et puis surtout "gouden h&iie que Tgrand soldat qui n'rigolait que d'un cöté de la bouche avait dénoncé 1'infirmière. Ces gens-la ne verraden peuvent pas nous comprendre. „Alors, j'leur ai laissé mon casque au milieu d'la route, plein d'crottin et j'suis parti du cöté du p'tit moulin oü les Allemands avaient toujours peur d'aller. Ah la la, si ga sonnait les métros. Et puis Wdtbh™wets£aar j'ai trouvé les tranchées francaises et puis c'est tout. Eh ben maintenant, si on causait d'choses plus intéressantes. „Explique-moi comment on fait les grosses lettres du haut, dans ton journal." XV. LES HÉSITATIONS DE MARTINE. Martine s'en revenait perplexe .... in verlegenheid -Les bons Francais doivent porter leur or et la Banque." Le journal 1 avait imprime; monsieur le maire 1'avait proclamé, monsieur le curé 1'avait affirmé et „Not' Dame" 1'avait confirmé d kaltfei van ' Toutes ces autorités n'avaient pas valeur égale aux yeux de Martine. .Ben sur, les journalistes n étaient pas tous des 70 LES HÉSITATIONS DE MARTINE. menteurs et Martine, qui croyait dur comme fer a tout ce qu'ils lui contaient sur les Boches, ne pouvait leur refuser la même créance lorsqu'ils burgemeester stigmatisaient les mauvais patriotes. Le magistrat municipal, marchand boucher de son état, passait bien pour vendre quelquefois a faux poids mais b0outzag8inJhaar Quand il avait son écharpe, il lui en irnposait tout deken de même; le vieux doyen avait été aumönier militaire en 70, et prêtre doublé d'un soldat avait une réputation de franchise un peu rude; quant a „Not' Dame," heritière d'anciens seigneurs, les privileges ofget°iaatst abolis n'avaient pas diminué son prestige et, en dernier ressort, la vieille paysanne était allée la consulter en grand mystère. Et elle s'en revenait perplexe. ging er groot op Martine se piquait d'être bonne Francaise, elle avait donné a 1'armée, son neveu Sulpice et 1'avait vu partir d'un oeil sec, ben *) qu'elle 1'aimat comme son fils. Mais son or? Ce n'est pas qu'elle en eüt des tas, ben sur! mais elle avait eu tant de peine a Tamasser! Sou roof a sou, a force de labeur, de privations (de rapines un peu aussi), elle arrivait a changer la monnaie brons de billon en monnaie d'argent, puis en beau louis op de hand woog d'or qu'elle adrairait, soupesait, baisait parfois avant de le serrer dans sa cachette, car la Caisse d'Epargne WhaarnIets voor 116 ^ <^sa** r*eM e^ e^e ne voulait pas s'en séparer ayant pour chacun d'eux une tendresse maternelle, en raison même de la peine qu'ils lui avaient coütée. Ah! si elle n'avait eu que celle de les recueillir comme les riches ou comme le cousin Joséphin ontfut^d1 Par ses man^9ance8i mi avaitsw&iïZiseThéritage de la tante Vinette! hedtoenteruggIven celui-lè,, on devrait lui faire rendre gorge et 1) ben au lieu de bien, manière de parler dn peuple. LES HÉSIT A.TIONS DE MAETINE. 71 elle approuvait presque Marjolin declarant, avec des yeux féroces: — On saura bien trouver le bas de laine des thésauriaeurs: Martine, elle n'avait qu'une chaussette. potte» Volets clos et porte verrouillée, sans allumer eegrendeid même sa chandelle pour ne pas donner 1'éveil, Martine, pieds nus, en chemise et bonnet de nuit, était agenouillée devant son lit, comme pour faire sa prière; mais elle n'avait pas les mains jointes et de ses doigts crochus et tordus par le dur travail des champs, elle fouillait dans sa,paillosse stroozak oü, bien au fond, elle avait enfoui son trésor, dans une vieille chaussette de son défunt, qui ne lui avait overleden man laissé que des dettes. Un ivrogne, un débauché qui buvait etmangeait tout! La vieille chaussette vidée sur ses genoux, Martine, considérait le petit tas de jaunets avec des soupirs goudstukken a fendre 1'ame! — Changer ce bon or pour du méchant papier, ga m'déplait ben! Mais „Not' Dame" qui connaissait les paysans, tout en ne faisant appel qu'a ses bons sentiments, avait fait habilement miroiter devant ses yeux les flikkeren avantages, réservés sans doute au prochain emprunt a ceux qui pourraient montrer le joli papier a vignette *) conférant un certiflcat de civisme. burgerdeugd Puis les voisins et surtout les voisines faisaient neten met trots étalage de ce glorieux „chiffon de papier;" même Hen les moins riches! et il n'y avait plus guère que Martine de retardataire et le cousin Joséphin. 319 no* achtsr Mais lui avait une bonne raison: II était paralyse, lam Ben sür, on ne Douvait nas dire aue c'était un« chance! et Martine, qui lui enviait ses écus, ne lui benudde !) papier a vignette, papier constatant qu'on avait souscrit a 1'emprunt de guerre. 72 LES HÉSITATIONS DE MABTINE. enviait pas ses jambes inertes, mais tout de même, opkiagendentoon il avait une excellente excuse et répondait d'un air dolent: — Ben sur, j'porterais ben .quelque louis a la mairie si j'pouvais marcher, mais je n'confierais point la cbose a d'autres. Et dame! c'est ben naturel! Pourtant, ce ne serait tout de même point juste spaarpenning qu'il gardat son magot intact pendant que celle beroofd qu'il avait dépouillée sacrifierait son pauvre petit trésor sur 1'autel de la Patrie. — Ca m'déplait ben mais qa m'déplairait moins s'il devait donner son or aussi. Et dans le silence et la nuit, son petit trésor overwoog sur les genoux, Martine ruminait, ruminait.... Le lendemain, en habits des dimanches, elle arriva chez le cousin Joséphin. On n'était point amis, ben sür, mais on était tout de même parents et entre parents faut ben se rendre service quand on le peut, s'pas? *) luisterde waar ze lui 1'écoutait, défiant, fa regardant venir, et hochant vol twijfel la tête d'un air dubitatif.... Aux phrases vagues, il opposa des phrases vagu.es, weduverend tous deux faisant assaut de diplomatie villageoise: Les temps étaient ben durs pour tout le monde; il était tres serré, m het aas b«ten A son tour, elle le laissait s'enferrer puis, feignant seulement de comprendre: — Oh! mais je n'voulais point vous emprunter d'argent, au contraire. verbluft II ouvrit des yeux ébahis. Alors posément, elle s'expliqua: Puisque ses mauvaises jambes rempêchaient d'aller burgerplicht a la mairie remplir son devoir civique et qu'il le déplorait tous les jours, elle venait lui proposer les siennes. Ouais! elle était ben honnête! mais même a 1) n'est-ce pas. LES HÉSITATIONS DE MABTINE. 78 monsieur le curé il avait refusé de confier son petit beetje brin d'or; alors elle ne pouvait point s'offenser.... erboosomajn Ben sür! elle ne s'en offenserait point. Alors? Alors, il y avait un moyen bien simple Ne donner son or que contre un billet. — De banque? merci! Je ne le donnerai que contre le papier a vignette. — Juste. Dites-moi la somme que vous voulez donner. J'porterai la même si ce n'est point trop pour m'bourse et j'vous rapporterai le recu a vot' nom contre bon or, que j'porterai ensuite comme 1'mien. II fut un petit moment a comprendre, puis il ^^^1^*^ demeura tout ébaubi et penaud. Cette Martine, fallait-il qu'elle eüt de l'astuce pour wat moest zaïeep avoir trouvé ga toute seule. II n'en était point charmé, ben sür et s'il pouvait lui rendre la monnaie h mUnme4ttienk' de sa pièce.... — Pour une bonne idée, c'est une bonne idée, cousine, mais je craindrais que la comme soit un peu forte pour vous? — Dites tout de même? Partagé entre son avarice et le désir de „faire cracker la vieille," il hésitait. 0Tmrende to0« k°- Un louis? cinq louis? c'était toujours trop pour lui.... et pas assez pour elle et impossible de la pressurer sans se pressurer lui-même. afpersen Faisant un énergique effort, il dit: — Dix louis est-ce trop? Elle se raidit et, d'une voix étranglée, répondit: verstikte — Non. La vengeance est le plaisir des dieux; on ne saurait la payer trop cher.... Martine avait payé la sienne de tout son trésor, mais elle avait écorné celui du cousin Joséühin. verminderd ue rut ainsi que les aeux pius avares au vuiage se montrèrent les plus généreux. 74 ABTICLES FBANCAIS. XVI. ARTICLES FRANCAIS. — Oh! Madame, je vous demande bien pardon! mu te rerbergen Vraiment, je ne sais oü me fourrer Tais-toi, Lolo Nous n'allons pas vous déranger, nous repartons bien vite, Madame, nous repartons „II s'agit de mon mari qui a été sauvé la-bas, sur le front, par le vötre, Madame, — il me 1'a écrit, avec votre adresse, en me disant d'aller vous voir, vous remercier Mais il ne se doutaitpas, ni moi non plus Je m'attendais a trouver une werkvrouw personne comme moi, une ménagère, — autrement, jamais une pareille visite ne me serait venue a 1'idée! Je vous aurais remerciée tout de même, bien sür, — mais par un mot d'écrit, apporté poliment a votre conciërge. „Je ne connaissais pas ce quartier de Paris, — et en me trouvant devant une si belle maison, j'ai pensé que vous y étiez domestique, — de sorte d9aan9deetrapder que le 8rana" escalier, le tapis, les statues d'en bas, rien ne m'a arrêtée, — et j'ai demandé votre nom tout tranquillement. „Enfin, puisque me voila, permettez-moi Oh! mais non, Madame, je ne veux pas entrer davantage.... Ah! bon, c'est vous qui ne tenez pas a rester la debout, dans l'antichambre.... en effet, excusez-moi. „Lolo! veux-tu bien ne pas t'asseoir!.... Oh! vous êtes trop bonne, Madame boekbinder „Mon mari était relieur, il travaillait chez lui, — et moi, comme 1'atelier ést trés grand, depuis la guerre j'ai pu entreprendre des habillements mili- articles francais. 75 taires— sans ca, notre logement aurait été trop petit — surtout avec les enfants J'en ai trois et ils vont a l'école maternelle, — Lolo est 1'ainé, — bewaarschool j'avais cru bien faire de Tamener.... Veux-tu rester tranquille Ne 1'écoutez pas, Madame, avec son» bouquet de deux sous , nous avons vraiment besoin de votre inclulgence. toegevendheid „Donc, mon mari est en Argonne.. . Oui, je 1'ai sur moi sa lettre, mais ce n'est pas la veine aue ie h9t 18 de moeite vous la lise.... mat waard „Ah! je vous demande pardon: en effet, ce récit est trés intéressant pour vous! Rien de plus naturel que vous teniez a savoir comment votre mari a été si brave et généreux Et je ne peux pas refuser de vous donner tous les détails. Mais quelle affaire insensée! Mon mari prenait M. Dubreuil hoe dwaas pour un travailleur comme lui: alors sa lettre, comparée ala réalité, devientaffreusement ridicule.... „Oh! pardon encore, Madame, a chaque instant il m'échappe des choses insolentes, sans mauvaise intention. Je m'en doute bien que M. Dubreuil • travaille beaucoup, quoique ce ne soit pas comme ouvrier, — souvent un chef de maison se donne werkt harder plus de mal que ses employés. „Alors, tant pis, je suis bien obligée de lire ce qui est écrit: „Ma chère Marguerite, „Je suis pour quelques jours un peu d l'arrière, achter >t front dans une ambulance d'éclopés. Figure-toi que je T ai lichtgewonden échappé belle, grace a mon copain Dubreuil, Un kameraad Parisien dans les trente-cinq ans, tout gringalet, avec zeer tenger une figure maigre, sórieuse, et qui est tout le temps a sortir des blagues impayables. Tu parks d'un ei$Z*D verk0°' nuimoi v yus uruinuire l . . . . "at is me een — A! Madame, vous voyez s'ily a de quoirougir!.... snaak 76 ARTICLES FRANCAIS. „ Donc, avant-hier, nous trouvant seuls dans beroerden toe- une fichue situation, derrière un petit bout de mur, AfslSerhethacn-nous avons échangé nos adresses: „Sij'y reste, tu je ba inschiet préviendras chez moi. Et moi, chez toi." Pas moyen de quitter notre abri avant la nuit et les Boches zeer yiug avangaient dare-dare. C'était le jeu, d'ailleurs, de Menuet»expres ^ ^ fourrer dang ^ bas.fon(J, pour mieUX beschieten les canarder après. Enfin, nos cartouches tirées jusqu'a la dernière, et 1'obscurité commencant, nous oni> op handen en décidons de nous trotter d quatre naties.... Juste, voeten wegma- . . , , , . 1 . n u „«. x i_ ken je suis touché par la même balie au bras et a la jambe. Rien de bien grave, mais sur le moment, ca me rend incapable de bouger. Je dis a Dubreuil: smeer hem „Au revoir, mon vieux, patine-toi, il va être trop tard, et n'oublie pas ma commission." Ilmerépond: kun je begrypen „Monsieur veut rire? Attends un peu que je vais te laisser comme ga! Je vais t'enterrer, et quand on les aura rechassés d'ici, je viendrai te chercher." II m'a donc couvert de branches, de rond gat terre, de platras du mur, avec une lucarne pour moi respirer II a fait ga au risque de sa vie, car les Boches lui arrivaient dessus, quand il s'est résigné a me laisser. ïoopen „Ils radinent donc toute la nuit dans la souricière^ ïSo'pS niet goed mais au petit jour, qu'est-ce qu'ils prennentl Si bien met hen af que je sojr) jis étaient repartis; seulement, 1'endroit restait sous leur feu. Et je me croyais bien condamné a mourir \h, car j'avais beau avoir une volonté désespérée, je n'arrivais qu'a remuer un peu la tête, verlamd tout le reste du corps était paralysé. „Mais voila que, dans le milieu de cette seconde schuiven nuit, j'entends un trainement par terre; c'était mon Dubreuil, venu en rampant: „Toe, toe, peut-on entrer, cher ami? Je ne vous dérangepas? Comment! pas encore levé! moi qui venais vous chercher pour faire un tour souffrez que je vous défasse vos couvertures, — et vous prendrez bien un bon coup je begrypt dat de café au rhum." Tu parles, si j'en pleurais! oui, articles francais. 77 mais j'étais raide comme une planche, et il fallait ramper au moins deux kilomètres: il a été obligé de m'emporter étendu sur son dos, moi qui ai la tête de plus que lui. „Ah! ma pauvre chérie, ga ne sè raconte pas! II avait les mains, les coudes, les genoux et même la flgure en sang, car il s'aidait jusqu'avec son menton pour avancer! Enfin, il était dans un tel état qu'il a fallu 1'envoyer a 1'höpital, tandis que moi, 1'ambulance m'a suffi. Qu'est-ce que tu dis de ga! II ne s'agit pas la d'un coup de bravoure que tu fais parfois sans y penser, il s'agit d'un dévouement acharné pour un pauvre bougre de camarade quin'a hgreZett9ie door" souvent pas une cigarette a offrir. drommel „Comme je sais que Dubreuil aime bien sa femme et ses enfants, voila 1'adresse pour aller les voir. II est imprimeur, — un bon métier, oü les journées dagioonen sont fortes, mais om on n'est pas regardant d dépenser. ^f^ei'gefduifAlors sa femme, quand même que ce serait une pas geeft grand' chose, fais-toi amie avec elle, rends-lui service "AnderseeI °U comme tu pourras. Souviens-toi que jamais tu n'approcheras de ce que Dubreuil a fait pour moi. „D'abord, inutile de m'envoyer le petit colis habituel, emploie déja ces quelques francs pour un jouet aux enfants par exemple. Et tu verras ce dont le ménage a besoin. Retire ce qui nous reste de la caisse d'épargne, tu sauras bien venir en aide, 8emblant de rien; fais croire que tu as le moyen, zonder dat het be- que tes parents sont établis " gezTtentogers11 * * * — „Croyez-vous, Madame! C'est comme une dérisionl 't is bespotteiuk au point que je voudrais pouvoir rentrer sous terre.... z00Z8er Le restant de la lettre, il est question de nos enfants.... „Alors, je vais bien vite annoncer a mon mari ce qu'il en est.... Et vous Madame, — ah! que je suis donc honteuse, — vous allez écrire de votre cöté a M. Dubreuil.... 78 ARTICLES FRANCAIS. — Oh! non Madame, je ne suis honteuse d'être une simple ménagère, — je suis honteuse de cette erreur de mon mari et d'être venue comme ga, avec ces violettes et ce petit paquet.... „Ah! vous me proposez un échange bien facile, selon vous, puisque nous ne dirons toujours que la vérité. „Vous écrirez a votre mari que vous m'avez vue, que vous m'aimez bien, que vous me trouvez d'un sentiment admirable Oh! Madame A con- dition que j'écrirai, moi, a mon mari, que vous ne me déplaisez pas trop, — et que j'ai soin de lui obéir: par conséquent, que je suis amie avec la femme de son camarade Dubreuil et que je lui rends service. * „Oh! Madame, de la fagon dont vous présentez ga, opdat gij u niet je ne peux pas refuser. Si vraiment c'est pour vous TOuSt vervelen désennuyer, pour bavarder, changer vos idéés, que vous voulez venir m'aider un peu a coudre, 1'aprèsmidi, bien sür, j'accepte, puisque, par bonheur, 1'atelier est grand. „Et vous, vous acceptez de grand coeur le petit dat rommelzootje bouquet et les jouets. Vous trouvez que ces brimborions ont une valeur immense.... Cela vous représente la nature affectueuse, reconnaissante, de toute une classe de braves gens, — comme certains snuisterijen bibelots de rien du tout font admirer le génie de 1'ouvrier francais.... „Eh bien, moi, alors, Madame, — qu'est-ce que je dirai? Votre mari, ce monsieur riche qui a tant souffert pour sauver mon pauv' mien! „Oh! non, Madame, je nesauraipas, jen'essaierai même pas.... Mais vous entendez bien, Madame, ce qu'il a fait la, votre mari, c'est beau, c'est beau et c'est beau!.... C'est de 1'article de luxe qu'on ne trouve pas ailleurs qu'en France!.... LEUR FILS. 79 „Oh! mais, je crie a tue-téte, je gesticule comme luidkeels une possédée, — et vous qui penchez la tête en b9»ton. me souriant si gentiment Viens-nous-en vite, Lolo, — c'est sans doute que j'ai encore dit une impolitesse.... XVII. LEUR FILS. II y avait bien un quart-d'heure que cette dame I envoyée par la mairie était partie: Frangoise éperdue I tournait dans la pièce, les oreilles tintantes de tuitend I 1'affreuse parole, a se demander s'il était vrai que i le fils füt mort. Sans doute, depuis plus d'un mois qu'Antoine ne I donnait plus de ses nouvelles, on pouvait s'attendre I a quelque chose. Mais, n'est-ce pas, 1'ignorance est I un bienfait; le silence même vous laissedes lueurs 1 d'espoir— Tandis qu'a présent, de le savoir tué, I de savoir qu'on ne le reverrait plus jamais, jamais.... I ga, c'était un choc bien rude. Frangoise restait la, hébétée, comme ivre, sa douleur désormais rivee sur versuft I de 1'irréparable. vastgeklonken Elle ne pleurait pas: il y avait dans elle un i ressort qui venait de se casser. La destinée, cette I enfant terrible, casse quelquefois les jouets mécaniques Mais' Mme Lorimier ne s'en apergut pas ou n'y " r