brochures n». 6237 2 NOUVEL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE force et du transport par voies ferrées des trois armées formant Paile droite: la lère armée sous le commandement du colonelgénéral von Kluck, forte de 230.000 hommes; la 2ème armée avec le colonel-général von Bülow, comptant 310.000 hommes et la 3ème armée aux ordres du colonel-général von Hausen avec 175.000 hommes. Pour pouvoir utiliser a plein rendement le réseau ferroviaire allemand,' la lère armée qui était le plus au nord, fut débarquée, faisant front vers le sud, dans la région entre Crefeld, Düsseldorf, Grevenbroich, Jülich (Juliers) et Gladbach, c'est-a-dire juste en face de la partie moyenne et de la partie septentrionale de la province^du Limbourg. Le territoire oü les corps d'armée étaient rassemblés et cantonnés après débarquement, estihdiqué en bleu sur la carte jointe a cette étude. La 2eme armée fut débarquée et rassemblée au sud de la ligne générale Aix-la-Chapelle-Stolberg-Düren-Cologne (en rouge sur la carte; seule la partie nord est indiquée). Nous avons montré alors comment 1'état-major allemand, renoncant pour la lere armée a une marche directe de la zone de débarquement sur Anvers a travers le Limbourg, marche tout indiquée, se privait ainsi de grands dvantages, n'osant pas assumer laresponsabilité des conséquences que cela aurait pu avoir avec la Hollande. La lère armée devait donc faire un grand détour et contourner le Limbourg par le sud: par suite,sesélémentsdéjadébarqués devaient attendre jusqu'a ce que les corps les plus au nord de la 2e armée se soient écoulés vers Pouest pour rendre la route libre. Dans cette „manoeuvre autour du Limbourg" la lèïe armée était comme comprimée dans un espace étroit, un défilé, ce qui la contraignait a prendre une formation trés étroite et trés profonde, avec 3 corps d'armée, les IIe, III6 et IVe en première ligne et 2 corps de réserve, le III8 de R., et le IVe de R. en arrière. Cette manière de faire est absolument contraire aux principes courants de la marche en avant et du ravitaillement de AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 3 grandes masses de troupes sur un large front et entrainait, comme on Pa dit, une nouvelle perte de temps, et en outre des frottements entre unités voisines et toutes sortes de difficultés pour le cantonnement et le' ravitaillement. Ensuite, arrivée a la pointe extréme méridionale du Limbourg, les corps devaient se déployer en opérant une conversion vers le nord. Nous avons indiqué ensuite que, au cas oü ils auraient osé une marche a travers le Limbourg (voir les itinéraires indiqués sur la carte jointe a cette étude), les Allemands auraient pris une avance totale de trois jours de marche; de plus il leur aurait été possible d'opérer la concentration de leur lere armee plus au nord, par exemple a hauteur de la ligne Moll-Quaedmechelen-Diest (voir la carte), ce qui leur donnait beaucoup plus de chances de couper comme ils le désiraient Parméede campagne beige d'Anvers et épargnait aux troupes de grandes fatigues. La défense de Liège et de la région de la Meuse par les Beiges a été exposée dans ses, grandes lignes. Des faits- énumérés il ressortait clairement que les Beiges n'avaient pas été vraiment a hauteur de leur tache. Et Pon se demandait dés lors sur quelles bases historiques repose le désir actuel de la Belgique de se voir confier la défense de la Meuse même dans le Limbourg. Les faits d'aoüt 1914 n'ont pourtant guère montré la supériorité des Beiges en la matière, quelque brave d'ailleurs que fut la résistance de quelques forts de Liège. Nous nous sommes étendus aussi sur les inconvénients éprouvés par les Allemands et sur ce que le fait de n'avoir j)as voulu traverser le Limbourg ,a eu de grandes conséquences pour eus: 1. II était impossible de couper 1'armée beige de sa base, Anvers; elle pouvait par suite s'y refaireet plus tard, pendant la bataille décisive de la Marne, retenir en face d'Anvers deux corps de réserve allemands. .2. L'enveloppement des forces anglaises prés de Condé-Mons échouait. Le fait que la grand état-major francais n'avait pas prévu dans son plan d'opérations Pentrée en ligne de fortes AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 5 eüt mis en péril tout le plan de campagne allemand. II fallait donc ménager 1'amitié de la Hollande. Si maintenant le Limbourg eüt été territoire beige en 1914, comme certains groupements beiges le désirent si ardemment, soi-disant pour mieux assurer la défense de la Belgique, la situation aurait été beaucoup plus grave et pour la Belgique et pour 1'entente, car les Allemands n'auraient pas eu besoin d'exécuter leur manoeuvre autour de cette province et n'auraient pas eu a surmonter toutes les difficultés stratégiques et matérielies avec lesquelles cette manoeuvre les mettait aux prises. Les inconvénients déja signalés n'existaient plus. Enfin, et c'est ce que nous signalions a la fin de notre étude, le passage de la Meuse a Maestricht et en aval de cette ville par les troupes allemandes n'aurait regardé en ce cas que la Belgique. La Hollande ne se serait dés lors pas jetée dans la lutte avec toutes ses forces, avec son armée de campagne toute prête et avec toutes les ressources dont elle pouvait disposer. B. Nouveaux points de vue. Nous avons des raisons de supposer que 1'étude que nous venons de résumer a trouvé un écho „favorable" même en Belgique. On trouve en effet aujourd'hui des experts qui ne se laissent plus entrainer par „les sentiments d'un patriotisme de clocher", mais qui au contraire reconnaissent franchement , et, ouvertement 1'lmportance stratégique qu'ont eue en faveur de la Belgique la position du Limbourg et le fait que cette province était territoire néerlandais en 1914. Citons entre autres le lieutenant-colonel Fontaine dans des articles parus au journal Demain. Le colonel F. de Bray, attaché a 1'Etat Major de 1'armée beige n'en juge pas autrement dans une brochure, parue récem- ment sous le titre „La Guerre mondiale. Notes politiques et militaires concernant particulièrement la Belgique" (Pages 86,87. Voir aussi les pages 55, 96, 123, 124, 202 etc). A propos de 2 AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 7 Le Limbourg redevenait ce qu'il aurait toujours été, laporte d'invaaion du Germanisme vers les Gaules, porte que devait tenir fermée la Belgique! Dans la „Revue des deux mondes" du ler juillet dernier le contre-amiral Degouy s'est fait le porteparole de cette opinion dans un article qui contient en outre nombre d'inexactitudes. Cet écrivain, qui parle des inondations de 1'IJssel, prétend que les autorités les plus influentes du Limbourg ont voulu procurer des renseignements a la commission de la chambre beige pour les affaires étrangères au moyen de documents confidentiels, etc. etc; cet écrivain ignore tout de Fexistence d'une armée de campagne hollandaise. 3°. Enfin des opinions étaient émises, encore par deux écrivains qui ne s'accordaient pas avec les miennes et demandaient nécessairement une réponse. Afin d'exposer plus clairement les idéés récemment émises par certains auteurs sur les premières semaines de la guerre je me propose, prenant comme point de départ les concliisions mêmes de la critique qui a été fait de mon premier ouvrage, d'opposer a ces conclusions les arguments quejepuiseraidans des faits indiscütables et dont la relation est toute récente. Je m'excuse des nombreuses citations que Pexposé de ces faits m'amènera a reproduire. II. La position stratégique de la Hollande. En premier lieu un fait curieux a signaler: alors que du cóté beige la valeur de la Meuse comme ligne de défense contre 1'attaque prévue des Germains prend maintenant une importance primordiale, au point que la possession de la partie limbourgeoise du fleuve est considérée comme nécessaire a la défense de la Belgique, un officier hollandais en arrivé a une conclusion tout opposée, plus catégorique encore que la mienne. La conclusion est la suivante: „En ce qui concerne la valeur stratégique de la Meuse dans 8 NOUVEL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE „une grande 'guerre future, on ne peut guère avancer que des ^idées plus ou moins hypotbétiques; ellesemble cependant avoir , „tendance a diminuer." Ce qui infirme la justesse de cette conclusion, c'est le fait qu'elle s'occupe exclusivement de Ia Meuse; a ce point de vue on peut certainement partager Popinion de 1'auteur qui nous parait plus justequela conception beige. Mais les deux opinions n'ont rien a faire avec la question principale, telle qu'elle se pose; elles négligent 1'essentiel de 1'affaire. Je n'ai en effet que trés peu parlé dans mon étude de la signification stratégique du fleuve la Meuse considéné comme ligne de défense, pas plus par exemple que d'une position quelconque qui se prêterait dans le Limbourg a 1'organisation d'une défense vers 1'est. J'ai parlé par contre de 1'importance militaire de la province du Limbourg, parcequ'elle fait partie intégrante de la Hollande, et que le parti belligérant qui pénétrerait sur ce territoire, violant ainsi la neutralité du territoire national hollandais, jetterait inévitablement ce pays dans les bras du parti adverse en s'en faisant un ennemi. II s'agit donc de la violation de neutralité du territoire bollandais, en 1'occurence du Limbourg, qui par suite de sa situation particulière en pointe a eu en même temps une influence remarquable au point de vue stratégique, et non de la valeur stratégique d'une rivière. Sans aucun doute une guerre en 1970 par exemple prendra une autre tournure que celle de 1914. Aussi la conclusion de mon étude n'a-t-elle eu nullement pour but de prouver que la guerre de 1'avenir se ferait suivant la recette 1914—1918. Ce serait vraiment par trop naïf. Ma remarque au contraire n'avait pour but que de réfuter les arguments produits par la Belgique, arguments qui aujourd'hui reparaissent a nouveau et uniquement pour permettre a la Belgique de réclamer le Limbourg hollandais, tranquillement, et comme la chose la plus naturelle du monde. La Belgique est de nouveau ouverte a une invasion allemande; elle redeviendra le champ de bataille des nations, paree que la Hollande tient en sa possession' et AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 9 laisse ouverte la porte du Limbourg! La route de Calais est ouverte a Pennemie héréditaire, crie-t-on aux Francais; alliés, soutenez-nous! De l'autre cóté de la frontière on admettait donc 1'hypothèse de la „porte-ou verte", de sorte que dans „la Manoeuvre autour du Limbourg" il a fallu tenir compte de cet état d'esprit pour montrer, en s'appuyant sur ce qui avait eu lieu, combien étaient absurdes les exigences de la Belgique. Pour éviter toute confusion a cet égard, nous avons fait insérer dans les traductions francaise et anglaise de la brochure, les mots suivants, que nous avons soulignés. „Si, dans „1'avenir, une nouvelle grande guerre devait éclater de la même „manière qu'en 1914, le Limbourg hollandais aurait, au point „de vue des puissances occidentales, la même valeur straté„gique qu'en 1914." Un élément reste en tout cela immuable: c'est la situation géographique et par la stratégiquement importante de 1'état souverain de la Hollande, vis* a vis de la constellation des puissances qui 1'entourent. Si jamais celles-ci, en dépit d'une Société des Nations, se retrouvent un jour en deux groupements ennemis sur les bords du Rhin, de la Meuse ou de 1'Escaut, la position de la Hollande retrouvera son importance stratégique sur le flanc nord des deux groupements pour les deux partis et ce surtout, si les deux groupes de puissances s'équilibrent en force, ne füt-ce que temporairement. L'expérience de cette guerre a en effet démontré que le flanc est la partie vulnérable d'une armée et que, tant que les armées peuvent être maintenues en mouvement, ces deux armées n'ont qu'un but: déborder 1'aile ennemie, la tourner et gêner 1'ennemi dans ses • Communications. Peu de temps avant la guerre, le 15 juillet 1914, 1'attaché militaire beige a Berlin, le chevalier de Mélotte écrivait a son gouvernement. „Si au contraire 1'Allemagne devait douter de „nos intentions, si elle devait considérer notre armée comme „sans valeur, elle n'hésiterait pas, a mon avis, a commencer par „nous mettre hors cause. La plus élémentaire prudence ne lui 10 NOUVEL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE „permettrait pas (Tailleurs de s'engager dans une lutte a mort „avec sa/rivale, sans que sa droite soit couverte." Par suite de la guerre le centre de gravité s'est déplacé vers le nord. Supposons un groupement de belligérants a peu prés tel que celui qui a été créé par la guerre: 1'armée beige, bien outillée, forte de 13 divisions,actives d'infanterie et de cavalerie, munie d'artillerie lourde et de formations de réserve, trés certainement alliée a 1'armée francaise, formera dans 1'un des groupes, Paile qui aura a supporter 1'attaque de flanc de 1'adversaire ou de laquelle au contraire partira cette attaque contre 1'ennemi. La France a maintenant la libre disposition du réseau ferroviaire luxembourgeois, ce qui facilitera le déplacement versie nord des corps d'armées formant son aile gauche. Dés lors, si les armées, combattant ou en voie de concentration tout prés de nos frontières, ne peuvent pas compter trouver dans notre pays ce qu' on peut appeler un point d'appui stable, la lutte qui se développera pour assurer son flanc, passera inévitablement sur notre territoire. La certitude que peuvent avoir ces armées de trouver en notre pays un point d'appui solide et de n'avoir pas a craindre, par suite, des attaques de flanc de 1'ennemi, ne peut naitre que de 1'existence d'une forte armée de campagne hollandaise, mobilisable sur le cbamp. La certitude ainsi acquise aura alors des résulta(s préventifs. La neutralité du Limbourg eüt été illusoire sans la menace de nos troupes de campagne. On ne saurait perdre de vue cette action réciproque de ces deux facteurs qui a contraint les Allemands a exécuter leur manoeuvre autour du Limbourg. Notre devoir est donc pour notre propre sécurité, de posséder une armée forte, bien outillée, une armée de manoeuvre qui, munie de services d'arrière solidement organisés, soit en état de faire une guerre de mouvement aux frontières et même, si besoin est, a courte distance des frontières de notre pays: une armée, dont 1'esprit a(tous les échelons restealerte et pour laquelle le „je maintiendrai" ne consiste pas a attendre AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 11 passivement, mais a savoir au bon moment agir avec énergie. La simple supposition que „La Hollande est militairement hors d'état de s'opposer par Ja force a une violation de son territoire" ne faisait-elle pas exprimer tout dernièrement au général francais de Lacroix (en avril dernier, au moment oü des troupes gouvernementales allemandes se concentraient dans ,1e bassin de la Ruhr) la possibilité d'une attaque allemande partant de Wesel, traversant le territoire hollandais, contre le flanc gauche des armées de PEntente derrière le Rhin. „Traverser le territoire hollandais, une attaque sur le flanc nord"! L'Allemagne n'est pas encore rétablie et on en parle déja. III." La Neutralité armée de la Hollande en i914. „Si en 1914 le respect de notre neutralité a occasionné du „retard dans les opérations allemandes et a exigé de leur „part un déploiement de forces excessives, il faut attribuer „cela, nous objecte-t-on, pour la plus grande partie a PAngleterre „et aussi aux avantages matériels que notre neutralité offrait „a 1'Allemagne." En raisonnant ainsi on ne tient pas un instant compte de la Hollande et des ressources militaires dont elle disposait alors. Toute influence préventive que pouvait exercer 1'armée néerlandaise de campagne se trouve ainsi niée. Et pourtant ces troupes, fortes de 4 divisions comptant chacune 18 bataiilons et appuyées par une brigade de cavalerie se trouvaient prêtes, une partie après un court transport par voie ferrée, a opérer avec le gros en partant du Brabant et avec un corps de flanquement a PIJssel. Et ce dès le 3 aoüt 1914, a 3 heures de Paprès midi. L'Angleterre qui d'après la théorie exprimée plus haut, serait cause que notre neutralité a été respectée, ne pouvait commencer que le 12 aoüt le transport du gros de son corps expéditionnaire, fort lui aussi de 4 divisions. Et ce 42 NOUVEL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE transport, en ce qui concerne seulement la voie maritime, exigeait déja 6 jours.J) Si par conséquent on attribue aussi et a bon droit (voir page 24 de ma brochure) aux mesures de représailles que 1'Angleterre ne manquerait pas de prendre, le fait que les Alle• mands n'osèrent pas se permettre le luxe d'être les premiers a violer notre territoire, il est juste d'accorder au moins un. résultat préventif égal aux facteurs militaires de la Hollande, donc en premier lieu a notre armée de campagne (Voir le passage déja cité de 1'étude du colonel de Bray). D'ailleurs a quoi donc attribuer la crainte qu'avaient les Allemands de voir entrer en ligne ce groupe de 4 divisions anglaises et quelle était la justifioation de cette crainte ? Uniquement le fait que, dans ce cas, on se servait comme points de débarquement des ports bollandais, ports situés sur le flanc nord des armées combattantes, sur le chemin des communicatións allemandes. Et c'est justement la, au point le plus vulhérable des armées allemandes que se trouvaient déja les Hollandais, prêts a agir. Pour juger a sa valeur 1'influence d'une masse de troupes relativement faible, il ne faut pas perdre de vue que le plan d'opérations allemand était basé sur la mise bors de combat la plus rapide possible des armées occidentales et que, a ce point de vue, toute la question était de savoir ce que la Hol. lande et 1'Angleterre pourraient dés le début mettre de troupes sur pied et en quel point elles opéreraient. Nous reviendrons sur cette question, car il nous faüdra bien relever les remarques qui ont été faites „que le gain de quelques jours au „début de la guerre ne saurait avoir grande influence sur une „guerre de si longue durée." Que 1'on se dise bien au surplus qu'une intervention de 1'Angleterre si au nord du théatre des opérations du front 1) Official Bistory of the War. Naval opérations. Vol. I. page 73 et suivantes. Pour la protection dn pays contre un débarquement éventuel de troupes allemandes, 2 des 6 divisions restèrent d'abord en Angleterre. L'une d'entre elles suivait le SI—23 aoüt le corps expéditionnaire. / AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 13 occidental ne pouvait pas avoir préventivement une grande influence. L'Allemagne n'avait pas besoin d'en tenir grand compte. En effet plus le corps expéditaonnaire anglais était debarqué au nord du continent, plus la protection des transports devenait difficile et plus ceux-ci se trouvaient en danger. Aussi est-ce une des raisons pour lesquelles, lorsqu'il s'agit de débarquement, on choisit des points nord-ouest de la France, au sud de 1'entrée de la Manche, paree que „1'intention n'était pas du tout d'opérer un débarquement en Belgique (a plus forte raison donc pas a Flessingue), débarquement qui comporterait des risques maritimes beaucoup plus grands." xo) De plus une intervention britannique prenant Anvers pour base, comme celle dont Schlieften tenait compte pour plus de süreté, n'avait pas comme conséquence immédiate 1'occupation de Flessingue, comme qn pourrait le croire tout d'abord. En dehors même du droit international, les Anglais pouvaient jeter les troupes nécessaires a Anvers, d'une manière beaucoup moins coüteuse pour eux qu' en violant la neutralité des bouches de 1'Escaut et en se mettant ainsi a dos la Hollande et ses forces militaires. lis 1'ont prouvé en débarquant les 6, 7 et 8 octobre 1914 la 7éme division et une division de cavalerie a Ostende et Zeebrugge, protégées a cette époque du cóté de la mer par un champ de mines. Nous ayons déja dit que tout résultat préventif que 1'on pourrait atteindre par 1'armée de campagne néerlandaise était expressément désavoué par le point de vue que nous avons reproduit plus haut. Jusqu' a présent les écrivains allemands n'ont pas idonné leur opinion a ce sujet, en ce qui concerne le début de la guerre. Par contre 1'opinion du général Ludendorff en 1916 nous est connue. Dans ses souvenirs il déclare que pendant Pautomne de 1916 la situation était telle que nous, flollandais „aurions pu donner le coup de grdce a l'Alle„magne" s). C'est pourquoi il n'ose pas a cette époque et ce a „son plus grand regret," préconiser la guerre sous-marine 1) „Offioial history- of the War" etc. a) page» 72. o) 191 et suivantes. 2) „Meine Krieg8erinnerungeii" page 190. 14 NOUVEL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE a outrance. C'est pourquoi aussi des ordres sont donnés en hate par lui pour établir des positions de défense tout prés des frontières est et sud de la Hollande, afin d'être prêts a se défendre contre nous. Aurions-nous donc été considérés en aout 1914 par le même parti belligérant comme incapables de rien entreprendre, littéralement rien? Déja le vieux feld-maréchal de Moltke avait fait remarquer dans ses plans d'opérations après 1870, plans aujourd'hui publiés, la situation précaire dans laquelle se trouveraient les Francais, en admettant une attaque de leur part vers le bas Rhin a travers la Belgique, car ils auraient alors: „laHollande derrière eux" (Holland hinter sicb) et leurs Communications dans le flanc 1). Son homonyme plus jeune, le général de Moltke, chef de 1'Etat major en 1914, écrivait dans une lettre écrite en juillet 1914 et destinée a notre gouvernement, lettre dans laquelle il donnait 1'assurance que notre neutralité serait respectée: „Si „des nouvelles se répandaient venant de la frontière sud de „Ia province du Limbourg et annoncant des violations de fron„tière, le gouvernement hollandais pourrait être assuré qu'il ne „saurait être question que d'erreurs commises par de petits „détachements et que, du cóté allemand, on ferait tout son „possible pour remèdier a ces erreurs dès qu'elles seraient „connues" s). On voit donc que toutes les mesures étaient prises du cóté de 1'état-major allemand pour qu'aucune raison ne put être invoquée par nous comme „casus belli". Aussi donne-t-il a tous les chefs allemands intéressés a la quéstion 1'ordre absolu „d'éviter le territoire néerlandais, „même au sud de Maëstricht et cela quelles que soient les „circonstances". „Quelles que soient les circonstances", c'est- 1) S. von KuM. Général d'infanterio „Der Deutsche Generalstab in Vorbereitung und Durchführung des 'Weltkrieges". Berlin 1920 page 157. 2) Voir entre autres Kautshy etc. „Die Deutsche Dokumente zum Kriegsausbruch" 1 Cette lettre n'a jamais été effectivement adressée au gouvernement néerlandais. Elle se trouve publiée dans ces „Dokumente". AUTOUR Dü LIMBOURG EN 1914". 15 a-dire même au cas oü les Beiges a Liège se seraient opposés avec acbarnemeut a la marche en avant des Allemands, les raisons qu'avaient les Allemands de respecter notre neutralité étaient encore plus fortes. L'organe de 1'état-major beige a la loyauté de reconnaitre notre influence et écrit que c'est a notre armée qu'il faut attribuer 1'attitude des Allemands. Dans le numéro de mai 1920 de cet organe^on lit: „Si ,,1'Allemagne se croyait en mesure d'attaquer et de battre les „forces franco-beiges, si elle se sentait capable de défaire en „outre le corps expéditionnaire' anglais qui interviendrait „éventuellement, elle avait estimé que le rapport des forces „en présence ne lui permettait pas de combattre, en outre, „1'armée hollandaise". C'est pourquoi 1'Allmagne ne viola pas la neutralité hollandaise, mais au contraire: „elle s'empressa „de donner au gouvernement de La Haye 1'assurance que son „territoire ïie serait pas violé".' A la chambre beige elle même la même idéé se faisait jour; derniêrement le député socialiste Ernest y faisait remarquer que si 1'armée hollandaise n'avait pas eu a intervenir dans la guerre mondiale, c'est a sa „valeur" qu'elle le devait. 2) Mais il y a plus: Faire dépendre 1'attitude de 1'Allemagne vis-a-vis de la Hollande en 1914 des mesures qu'aurait pu alors prendre 1'Angleterre, c'est faire, encore qu'inconsciemment, une concession a mes théories. En effet 1'Allemagne, en tout cas le grand état-major allemand, prévoyait Pintervention de 1'Angleterre aux cótés de la France comme conséquence de la violation de ,1a neutralité beige. La. violation de la neutralité hollandaise par PAUemagne n'avait donc en elle-même aucune influence sur Pinterveütion ou la non-intervention de 1'Angleterre. Le haut commandement allemand devait donc, en arrêtant ses plans d'opérations et les premiers groupements de ses armées, tenir compte effectivement de la possibilité. d'une violation de la 1) Etat major de 1'armée „Bulletin beige des sciences militaires" Mai 1920, page 16. 2) Séance du 15 juin 1920. 16 NOU VEL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE neutralité hollandaise par 1'Angleterre. II prend toutes ses mesures pour un passage rapide de la Meuse et une marche forcée a travers le territoire du Limbourg néerlandais. Et lorsqu'il s'agit de passer a 1'exécution, le haut commandement allemand renoncerait a ce projet, paree que, d'après la théorie que je combats, 1'Angleterre n'opère pas contre la Hollande? Or, tandis que le 10 aoüt 1914 dans un conseil tenu a Londres en tre ministres et officiers francais et anglais, les opinions différaient encore sur le choix du point de débarquement du corps expéditionnaire anglais le commandant de Ja lère armée allemande avait déja donné 1'ordre, comme conséquence des directives du grand état-major, de diriger la lère armée sur Aixla-Chapelle et de lui faire contourner le sud du Limbourg avant la traversée de la Meuse.2) Cette décision avait donc été prise sans tenir compte du point de débarquement que choisirait 1'armée anglaise. Le haut commandement allemand épargnait-il donc la Hollande pour ne pas provoquer 1'Angleterre? Non, car ce pays n'en prendrait pas moins part a la guerre — et on s'y attendait. II ne reste donc plus qu'une seule raison: L'Allemagne voulait, autant que possible, éviter de jeter la Hollande du cóté de ses adversaires. Les inconvénients étaient trop grands! Elle espérait au contraire entrainer notre pays a ses cötés, paree que cela aurait constitué pour elle un gain positif important au point de vue militaire. Elle avait donc toutes les raisons de ne pas provoquer la Hollande. A ce sujet qu'on nous permette de dire quelques mots sur les raisons qu'on veut alléguer au sujet de la fortification de Flessingue projetée par le gouvernement èin 1910. On va jüsqu' a prétendre que, dans cette question, le gouvernement hollandais était hanté de 1'idée d'une invasion allemande. Tout le bruit qui s'e.st fait a ce sujet était provoqué, les 1) Viscount French of IJpern: ,1914". 2) v. Kluck „Der Marscb. auf Paris", page 9. IR NOUVEL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE IV. Inconvénients pour les opérations allemandes de la manoeuvre autour du Limbourg. Une deuxième conclusion a laquelle en arrivé uncontradicteur est la suivante: „Le retard apporté aux opérations allemandes et les efforts „excessifs imposés aux troupes (par suite du respect de notre „neutralité) sont d'ailleurs douteux." Pour soutenir cette idéé, on critique tout d'abord Popinion avancée dans ma brochure concernant la défense, insuffisante,' de la Meuse beige en 4914. On utilise pour cela un exposé sur 1'armée beige et sur le système de fortifications de la Belgique en 4914, tandis qu' on explique successivement: pourquoi le troncon de Ja Meuse du fort Pontisse a la frontière hollandaise fut défendu pendant si peu de-temps; pourquoi le pont de Maaseyck n'était tenu que par quelques civils armés de fusils; pourquoi le „coup de main" allemand sur Liège a réussi; pourquoi la 3ème division d'armée beige abandonnait la position de Liège dès le 6 aoüt; commentil faut apprécier ladéfenseplusou moins longue des forts; pour quelles raisons Huy fut abandonné sans coup férir; pourquoi Namur se trouvait en 4 jours aux mains des Allemands avec tous ses forts; dans quelles conditions par contre la forteresse francaisede Maubeuge tenait 15 jours1); enfin pourquoi les 5 divisions de 1'armée de campagne beige persévéraient dans leur attitude passive derrière la Gette a deux jours de marche de Ia Meuse. Les faits brièvement exposés par moi, qu 'ils trouvent ou non une explication ou une excuse (nous y reviendrons au paragraphe V), n'en restent pas moins intacts: 1) Le commandant Paul Cassou éorit a la page 21 de „La vérité sur le siège de Maubeuge": „Investie le 25 aoüt, elle (la place de M.) n'a succombé que le 7 Septembre 1914 a 6 heures du soir. Mais lei forts et la place n'ont été rendut aux Allemands que le lendemain 8 a midi, soit 15 jours après Finvestisscment." AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 19 Le 15 aoüt aucun obstacle ne s'opposait plus a la marche des colonnes delalère armée et les Communications étaient restées pour ainsi dire intactes. C'est d'ailleurs ce qu'on reconnait dans cette même critique de ma brochure. Un projet de défense de la Meuse limbourgeoise par des fortifications improvisées est invoqué pour infirmer mes calculs sur une avance de trois jours, que la marche a travers le Limbourg aurait procurée a la lère armée. Cette fortification imaginaire du trongon de la Meuse Maëstricht—Ruremonde, établie au cas oü le Limbourg eüt appartenu a la Belgique'avant 1914 aurait donc été comparable a celle du troncon Namur—Liège le 1 aoüt 1914, mais, et cela fut remarqué expressément, les forts auraient été moins efficaces paree que batis moins solidement, a cause des frais, de sorte que les forts de Maëstricht et de Ruremonde auraient tenu deux jours de moins que ceux de Liège. Cette question des fortifications, fort sujettea discussion, sera, elle aussi, envisagée plus loin (voir paragraphe V). Mais pour 1'instant acceptons 1'hypothèse d'un troncon de Meuse Maëstricht—Ruremonde fortifié et en possession de la Belgique, admettons de plus cette partie de la Meuse défendue par 1'armée beige comme cela eut lieu sur les autres points en 1914, de sorte que Ruremonde et Maëstricht devaient être pris de vive force par les Allemands suivant la méthode employée contre Liège. Or on reconnait que le 15 aoüt a Liège aucun obstacle ne s'opposait plus a la marche en avant des colonnes de la lèrearmée: le trajet a effectuer par les armées allemandes pour atteindre Ruremonde et Maëstricht étant plus court de deux jours, il faut donc fixer la date du passage de la Meuse 2 jours plus tót, soit au 13 aoüt. m<è& Etant donné d'autre part que Moll, Quaedmechelen etDiest sont a environ deux jours de marche de la Meuse, la lère armée aurait atteint ces points le 15 aoüt, même dans le cas d'une Meuse pourvue de fortifications. On voit donc, ainsi que je 1'avais indiqué dans mon étude, que cette armée aurait gagné 20 NOUVEL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE 3 jours et de plus aurait atteint une ligne qui ouvrait le chemin le plus court vers Anvers sur le flanc de 1'armée bêlge (voir la carte). II est évident d'ailleurs que la prise de Ruremonde et de Maëstricht n'aurait occasionné aucun retard dans les opérations générales, la chute des fortifications de Liège ayant eu lieu pendant le transport en chemin de fer de la première armée et sa concentration avant la marche en avant. Encore une remarque. A 1'époque oü fut publiée „la manoeuvre autour du Limbourg", aucun renseignement d'ensemble ne permettait encore de se rendre compte de 1'exécution de cette manoeuvre par la 4ère armée en 1914. On devait donc se contenter a ce moment la, en se basant sur certains faits connus, sur des indices rassemblés de droite et de gauche et en s'aidant d'estimations plus ou moins justes, d'indiquer les grandes difficultés que cette opération de flanc, rendue nécessaire par le fait que les Allemands respectaient le territoire hollandais, causait a leurs armées. On peut aujourd'hui pour appuyer les idéés que nous émettions alors, rappeler ce que le chef d'état-major de la lère armée a écrit au sujet de ce „crochet" autour du Limbourg C'est, avec la manoeuvre de la l?re armée sous Paris, la seule chose qu'il ait cru devoir indiquer, dans 1'année de guerre 1914, pour faire ressortir les difficultés devant lesquelles 1'état-major allemand s'était vu placé. Voici ce qu'il écrit a ce sujet >) (voir la carte). „II y avait la, cela va sans dire, une grosse difficulté asur„monter. Afin d'utiliser a plein rendement nos voies ferrées, „notre aile. droite devait être étendue dans sa marche par „chemin de fer jusqu'a Crefeld. Pour atteindre la Belgique, la „lère armée formant cette aile droite devait être dirigée sur „Aix-la-Chapelle, traverser cette ville et passer Ia Meuse „entre Liège /et\la frontière hollandaise. „La neutralité de la Hollande devait être respectée d tout prise. „Un seul chemin permettait d'atteindre la Meuse en debors de 1) M. von Kuhl, passage cité page 181 (Les passages soulignés 1'ont été par moi). AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 21 „la zone des forts de Liège: c'était en aval de cette ville la „route de Visé. La Meuse passée, la lère armée devait alors „se déployer en éventail par la droite, manoeuvre trés difficile. „La condition essentielle de tout le mouvement était la prise „de Liège. Cette ville devait tomber entre nos mains a la suite „d'un coup de main avant le début des opérations. — On sait „que 1'affaire réüssit" J). A la page 205 (et suivantes) le général von Kuhl donne ensuite une description de la „manoeuvre trés difficile": „Suivant les dispositions prises par le haut commandement, la „marche en avant devait commencer aussi vite que possible, "„avant même que fut terminé le débarquement des parcs et „convois des corps de première ligne et celui des éléments „cömbattants des corps de seconde ligne1). lmpossible d'accorder „aux corps le temps de se former en colonnes serrées. L'armée „devait se concentrer le plus rapidement possible en direction „d'Aix-la-Chapelle et en utilisant les trois routes trés rappro„chées 1'une de 1'autre, mises a sa disposition, avancer avec „deux corps d'armée, se succédant sur la même route. L'armée „entière devait ensuité s'écouler a travers la ville d'Aix-la-Chapelle „aux rues étroites, s'engager dans 1'espace étranglé entre „Liège et la Irontière hollandaise et traverser la Meuse \ dans „la région Visé-Herstal. Elle devait ensuite. se déployer trés „rapidement par la droite en vue de 1'ennemi: Le succès „dépendait de la rapidité. Toute l'armée de 1'ouest devait „attendre pour prendre son ordre de marche que les lère et ^2ème armée formant 1'aile droite se trouvent a hauteur de „Liège II fallut vraiment au commandement d'armée un „grand talent d'organisation et * un travail acharné, d'abord „a Stetfin ou il s'était rassemblé, puis pendant les longues 1) On Toit donc bien qne la défense de Liège n'a pa occasionner aucun re tard a la marche de la lère armée allemande. II n'y a que la nécessité d'exécuter la manoeuvre autour dn Limbourg qui ait causé ce retard. Le transport par voie de chemin de fer était loin d'être terminé, que les forts de Liège en question étaient déja réduits a 1'impnissance. 2) L'influence qu'ont eue les 60 kilomètres de territoire nollandais formant pointe au sud de Cre'feld, se faisait donc sentir sur tonte l'armée allemande et sur le plan de campagne. 22 NOUVEL(EXP0SÉ DE „LA MANOEUVRE „journées que dura le transport par voie ferrée de Stettin a „Grevenbroich oü fut installé pour la première fois le quartier .„général, pour surmonter les difficultés considérables inhérentes „a la marche, au ravitaillement et au cantonnement des troupes." {dans la brochure: „La manoeuvre autour du Limbourg" je disais qu'un tableau de marche soigneusement établi était la •condition de la réussite des opérations). En ce qui concerne les efforts demandés aux troupes ces „jours-la ce même général écrit encore: „Les efforts les plus 1tgrands qu'il soit possible de s'imaginer avaient du être im„posés aux troupes combattantes aussi bien qu'aux convoisde „munitions et aux parcs." Dira-t-on encore que j'ai exagéré en écrivant que les troupes allemandes devaient arriver ^épuisées a l'Oise, et ne disposaient plus a la Marne de la „force combative nécessaire." v Le IVe corps de réserve, se composant de formations de réserve qui venaient d'être constituées, dut faire quatre-vingt dix kilomètres, en partant de Düsseldorf, pour atteindre la frpntière beige au sud d'Aix-la-Chapelle l). L'objection qui a été faite que „le resserrement, puis le „déploiement qui suivit, du front allemand autour du Lim„bourg méridional paraissent trés importants mais qu'en „réalité ils sont insignifiants considérés sur l'ensemble de ce „front" ne supporte donc pas la lumière des faits. Dans ses directives, concernant le „Aufmarsch" (marche en avant) -le haut commandement allemand s'exprime comme suit: ,$La marche de la lère armée aura, avec celle de la 2e armée, „une influence décisive" sur la conversion que doit* opérer toute l'armée" *). Mais ce n'est pas tout. Dernièrement (sa brochure parut en mai 1920), le commandant de la lère armée lui-même, Ie Général von Kluck, % 1) Capitaine Alfred Wirth. „Von der Saaie zur Aisne" (De la Saaie a 1'Aisne) page 11. 2) A. v. Kluck. Generaloberst. „Der Marsen auf Paris nnd die Marneschlacht 1914". AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 23 dans une étude sur le sujet, a exprimé les mêmes idéés que son chef d'état-major. II ne consacre pas moins de dix pages a 1'étude de ce que j'ai appelé „la manoeuvre autour du Limbourg", c'est-a-dire la marche de cinq corps d'armée avec leurs parcs et convois de leur zone de concentration vers Aix-laChapelle, leur passage de la Meuse, puls leur déploiement en éventail dans la direction [du nord-ouest. II a fallu attendre jusqu' a maintenant, c'est-a-dire prés de six ans pour avoir une version allemande faisant autorité de cette manoeuvre. Si cette publication avait vu le jour plus tót, peut-être eüt-elle réussi a nous laver des soupcons de 1'entente concernant la prétendue marche des armées allemandes a travers notre territoire. Peut-être aussi la situation stratégique de la Hollande aurait-elle été plus généralement reconnue. Mieux encore que des intéressantes observations de von Kluck, les grandes difficultés inhérentes a cette manoeuvre ressortent de la carte jointe a son étude. C'est cette carte qui nous a servi a établir celle que nous joignons a ce travail. Tandis que sur le croquis de „La Manoeuvre autour du Limbourg", nous indiquions la situation telle qu'elle se présentait le 13 aoüt, la carte jointe a la présente étude indique la situation générale des corps et convois (II Echelon de trains d'équipages) de ia lère armée en marche au soir du 15 aoüt. Ces cartes se complètent donc en quelque sorte. La marche a hauteur d'Aix-la-Chapelle devait être exécutée sur un front encore plus étroit que nous ne le supposions lors de notre premier travail. Inutile d'ajouter que cela ne simplifiait pas la „manoeuvre". 200.000 hommes avec tous les parcs et convois devaient être comprimés, comme dit von Kluck, pour traverser la ville „dans un boyau qui n'avait pas 2 kilomètres de large". La „Kalamitat der Konzentrierung" que redoutait tant le vieux Moltke, aurait eu ici des conséquences désastreuses si les questions du cantonnement, de la nourriture et du déplacement d'une telle masse de troupes n'avaient pas été réglées d'une manière exceptionnelle. Et malgré cela ce ne fut que 24 NOU VEL EXPOSÉ DE ,,LA MANOEUVRE le 18 aoüt que les troupes combattantes des corps de réserve pouvaient sortir de ce défilé de la Meuse x). Les fatigues résultant de cet état de choses étaient telles que le IIème corps d'armée restait en arrière les 20 et 21 aoüt et que les autres corps de la lère armée ne pouvaient fournir ce dernier jour que des marches réduites1)., Remarquons encore que ces lenteurs rexardèrent la marche en avant aü moment même oü s'imposait une rapide conversion pour 1'enveloppement des armées francaises et anglaises. Si cette manoeuvre autour du Limbourg a occasionné aux Allemands un retard inévitable, une perte de temps considérable, si la situation géographique de cette province les a contraints a partir d'une zone de départ trés défavorable, la même cause a eu pour eux d'autres conséquences extrêmement désavantageuses. Dans 1'étude publiée par le chef du bureau „opérations" au grand quartier général allemand en 1914, sur la campagne de la Marne *), 1'attention est attirée sur le fait suivant, pour nous tout a fait nouveau. SrÉ& Primitivement le maréchal von Schlieffen, 1'auteur du plan de campagne qui fut exécuté dans ses grandes lignes en 1914, avait pensé au groupement a 1'aile droite dé rien moins que 16 corps d'armées. On s'apercut d'ailleurs que cette masse de troupes serait trop considérable pour lui faire exécuter la manoeuvre autour du Limbourg. Aussi pour 1'année de mobilisation 1914—1915 avait-on réduit cette masse a 12 corps d'armée destinés a former les lère et 2ème armées qui devaient envahir la Belgique au nord de la Meuse. On s'était livré aux calculs les plus méticuleux et le général Tappen en était arrivé a la conclusion que, „c'était tout ce qu'on pouvait faire paree que, eomme il 1'expose, le passage de la Meuse par 12 corps d'armée, devant éviter la pointe hollandaise de Maës- 1) Der Marsch auf Paris und die Marneschlacht 1911. 2) Tappen Lientenant Général: „Bis znr Marne 1914". AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 25 tricht, étant donné le petit nombre des routes, devait déja se heurter a de grandes difficultés." Donc ce n'est pas seulement sur les facteurs espace et temps, mais c'est encore sur le troisième élément de la stratégie, la force des effectifs combattants, que le maintien dé la neutralité bollandaise exercait une influence désavantageuse pour les Allemands. Le Limbourg était 1'obstacle qui empêchait 1'utilisation d'un nombre supérieur de troupes, comme on 1'avait cru nécessaire pour former 1'aile droite. B. Accordant que la manoeuvre autour du Limbourg entrainait une grosse perte de temps, on m'objecte que la rapidité dans les opérations ne constituait pas pour les Allemands un facteur si particulièrement important et on combat ma thèse, que „cbaque journée, chaque demi-journée de temps perdu „devait être considérée comme irréparable et mettait en dan„ger tout le système d'attaque (sur lequel étaient basées les „premières opérations contre la France)." Ici encore nous nous contenterons de relever ce que pensent a ce sujet les chefs initiés au plan d'opérations allemand, ce qui permettra de comparer les deus opinions opposées a la lumière des „faits". Tout d'abord le général Groener, un ancien collaborateur de 1'auteur du plan des opérations allemand qui, en mémoire du maréchal Comte Schlieflen (mort le 5-1-1913) écrit dans la „Deutsche Revue" de janvier 1920 „Les directives que le „maréchal donne pour anéantir l'armée francaise et pour en „arriver dans une seule opération a la décision la plusrapide „et la plus grande de la guerre, se ramènent toutes a cette „seule idéé centrale: faites-moi une aile droite qui soit forte." Ludendorff dit dans ses mémoires (page 19) qu'une „décision rapide" contre la France était nécessaire pour pouvotf conjurer d temps le grand danger d'une invasion de la Russie jusqu'au coeur de 1'Allemagne. 26 N0UVEL EXPOSÉ DE ,,LA MANOEUVRE Et le chef d'Etat-major, von Moltke, qui au début de la guerre avait en fait la directiqn des opérations, était sipressé, suivant les révélations faites par son chef du bureau des opérations, de transporter des troupes du front occidental vers Ia frontière russe, que, sous 1'impression des premières victoires allemandes dans le nord de la France, il avait pensé dés le 25 aoüt que le moment était venu d'agir dans le sènsindiqué par Ie plan général d'opérations et qu'il voulait faire transporter pas moins de 6 corps d'armée, 24D.000 hommes, vers le front oriental. *) Le général von Kuhl lui aussi, parlant de la lutte sur les deux fronts, telle qu'elle a été préparée par 1'état-major allemand, déclare: „Tous les efforts devaient avoir pour but d'obtenir „une décision rapide sur 1'un des deux fronts", car, les dirigeants militaires allemands en étjaient convaincus „si nous ne „réussissons pas a provoquer une décision rapide, c'est une „longue guerre qui nous attend, une longue guerre d'usure" 2). On tenait compte d'ailleurs en parlant ainsi de 1'intervention de 1'Angleterre. Le petit corps expéditionnaire anglais ne constituait pas un grand danger. Ce danger né deviendrait réel qu'au cas oü 1'Allemagne ne réussirait pas a battre la France et a la contraindre a la paix: 1'Angleterre aurait ainsi gagné le temps de se faire «représenter sur le continent par des forces plus considérables. Le „parti ad verse", lui aussi, reconnait qu'il s'agissait d'une question de rapidité. C'est ce que le général Mangin exprimait en quelques lignes trés claires: „L'alliance franco-russe, écrivait le général, obligeait 1'Allemagne a faire front a Pest en même temps qu'a 1'ouest. Mais les diffiqnltés de la mobilisation et de la concentration russesperme^aienianosennemisd'espérer en finir avec la France avant de se retourner contre le colosse moscovite: des opérations rapides, foudroyantes si possible, s'imposaient donc sur le front francais" 3). 1) „Bis zur Marne 1914" passage cité, page 19. 2) „Der Deutsche Qeneralstab" etc. passage cité page 187 et suivantes. 3) Général Mangin: „Comment finit la guerre" Revue des deun) mondes. 1" Avril 1920. Page 482. AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 31 On voit donc tóut de suite que dans le cas d'une défense suivant 1'bypothèse admise d'une province de Limbourg qui eüt été beige en 1914,1'ouverture entre la forteresse de Maëstricht et celle de Ruremonde aurait été abandonnée elle aussi, le passage du fleuve a Maaseyck eüt été laissé a 1'ennemi comme celui de la Meuse a Huy et la première armée aurait pu avancer dans cette région sans rencontrer d'obstacles. On défend généralement cette attitude des Beiges en disant que l'armée beige ne pouvait pas être exposée a un échec et qu'elle devait attendre Parrivée des Francais et des Anglais. C'est du moins la version officielle dti quartier général beige. Et cependant, lors de la discussion du projet de loiconcernant la construction des forts beiges de la Meuse, le ministre de la guerre de 1'époque (2 mars 1887) expliquait comme suit a la chambre quelle devait être la tache de ces forts par rapport a l'armée de campagne „A Liège et Namur, il ne s'agit d'autre chose „que de forts d'arrêt, capables deiésister jusqu'd l'arrivée de l'armée de campagne." Mais alors que faisait l'armée de campagne en 1914? Elle était concëntrée a deux jours de marche de la Meuse, 1'arme au pied. Le grand quartier général beige de 1914 fut-il fasciné par le jeu audacieux des Allemands et 1'entrée téméraire de Ludendorff et ses 1500 hommes a Liège le 7 aoüt, au point de craindre un échec, alors qu'une action offensive vivement menée par quelques divisions eüt pu rejeter 1'ennemi hors de 1'enceinte de Liège et cela sans avoir a redouter le moindre échec? Pas un fort n'était encore tombé, on pouvait donc. être assuré de leur aide. 'D'aifleurs les actes du commandant de la position de Liège lui-même, étaient rapidement dictés pour ainsi dire par les Allemands. Dès le 6 aoüt a 7h. 32 du matin, alors que Ludenr dorff seul avec une poignée d'hommes se trouvait sur la rive est de la Meuse en face de Liège, le général Leman considérait la situation comme désespérée au point qu'il jugeait nécessaire d'abandonner non seulement toute la rive droite 32 N0UVEL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE du fleuve, mais encore de quitter Liège et toute la rive gauche pour aller prendre position sur les hauteurs a 3 kilom. a 1'ouest de la ville, avec 1'appui des trois forts Hollogne, Loncin et Lantin.1) La situation des troupes allemandes qui avaient pénétré dans 1'intérieur de la ceinture des forts et qui provisoirement ne pouvaient être renforcées que de deux brigades a faibles effectifs, n'en restait pas moins des plus précaires pendant les quelques jours qui suivaient. Aussi du cóté allemand était-on persuadé que la garnison beige était rentrée a Liège et avait fait les troupes allemandes prisonnières 8). Ce n'est que le 9 aoüt au soir que la chute du premier fort de 1'est (Barchon) permettait d'envoyer un renfort plus efficace, tandis qu'il faut attendre jusqu'au 12 aoüt dans la soirée, pour voir arriver devant Liège 3 corps d'armée complets 8). (123.000 hommes) Pendant trois jours pleins au moins on avait donc la facilité, en prenant simplement la décision de la marche en avant, de reprendre Liège, de réoccuper les ponts, de les défendre et de préparer leur destruction. Dans une étude sur la défense de Liège dans le „Militaire Spectator" en 1917, le capitaine J. J. G. Baron van Voorst tot Voorst posait la question de savoir „si la décision de retirer „la 3ème division n'avait pas été prise prématurément" et si „la décision contraire n'aurait pas mieux valu: „l'armée de „campagne marche au secours des défenseurs de Liège, rejette „au dela de la Meuse les troupes qui avaient passé le fleuve „et s'étaient glissées dans la forteresse et défend la ligne de „Ia Meuse". La question resta sans réponse, par suite vraisemblablement du peu de renseignements que 1'on possédait alors sur la défense de Liège. Actuellement et grace a ce que nous savons maintenant, la réponse ne saurait être douteuse. Le général von Emmich, isolé 1) Le texte de 1'ordre a été reproduit dans le numéro de Jnin (1920) dn „Bulletin beige des sciences militaires". 2) Général-feldmaréchal von Büloro „Mein Bericht zur Marneschlacht". 3) Lüttich-Namur", passage cité, page 48. AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 33 a Liège, n'eüt pas alors donné 2 „Pfennig" de sa vie et de „celle de ses troupes 1). „La situation de nos troupes a Pintérieur „de la forteresse était des plus précaires. Leur sort m'inspirait „bien des inquiétudes. La situation s'amélióra, 1'ennemi ne „fit rien 2)." On pourrait se contenter de ces faits si le point de vue officiel du grand quartier général beige était limité a ce qu'il disait au paragraphe I de son plan d'opérations, c'est-a-dire a ce qui devait avoir lieu au cas oü l'armée beige se trouverait opposée a des forces ennemies trés supérieures. Mais on ne saurait passer sous silence ce que le haut commandement beige écrivait au paragraphe II: „II. Toutes les fois que l'armée (bqlge) n'aura devant elle que „des forces égales: „Attaquer 1'ennemi au moment le plus favorable, soit que ses „positions soient trop étendues et insuffisamment organisées, soit „qu'il se soit momentanément affaibli." Car c'est la justement qu'estle point essentie]. L'armée beige avait devant elle non pas même des forces égales, elle possédait provisoirement une grande supériorité en effectifs; deplus,les 6, 7, 8 et 9 aoüt 1'ennemi était „momentanément affaibli" et tous les forts étaient encore aux mains des Beiges. Ce n'est que le 12 aoüt daps 1'après-midi que comihencait le bombardement par 1'artillerie lourde allemande. Par contre, dès la matinée du 6 aoüt l'armée de campagne beige était concentrée prés de la Gette et • prête a agir. Mais elle s'en laissait imposer par 1'adversaire qu'elle considérait comme extrêmement fort. A ce sujet, le capitaine van Voorst écrivait „La oü il n'y „avait que des brigades de différents corps, on pense avoir „devant soi ces corps au complet. Le rapport du baut com„mandement beige attribue aux Allemands (pour 1'attaque de „Liège) une force quatre fois supérieure, donc 120.000 a 140.000 „hommes, et même a un autre endroit 300.000 hommes". „La peur de quitter la Gette" était si grande que^ suivant 1) General Schnarte „Festungskrieg", page 239. 2) I/udendorff. „Meine Eriegserinnernngen", page 31. 34 NOUVEL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE le chef d'état major lui-roême x) „on négligea même 1'envoi „de détachements de reconnaissance a quelque dix kilomètres „devant le front et sur les ^flancs". On restait pour ainsi dire aveuglé, alors qu'on aurait pu faire tant de choses. Si les Beiges avaient réussi ou plutót si leur mission avait été d'opposer une résistance énergique a la marche en avant de lalèreetde la 2ème armée et d'empêcher le forcement de la ceinture dë forts, en opérant toutes forces réunies et en s'appuyant sur les positions de Liège, Huy et Hamur, „alors," dit von Kluck 2) „une perte de temps qui eüt pu avoir de graves conséquences, „aurait pu être imposée aux armées d'aile des forces allemandes." Pour quelles raisons l'armée beige persistait elle donc dans son attitude passive ? Le chef d'état-major de l'armée beige en 1914 nous a permis, grace a son étude critique 1), de jeter un- regard derrière les coulisses. 11 écrit (pages 23 et suivantes) „Donc le 5 aoüt, notre armée se trouvant concentrée a 55—60 „kilomètres de la Meuse, rien n'empêchait de la faire marcher „vers Liège ie 6 a 1'aube et d'atteindre la Meuse dans la journée du 7. Mais, poursuit-il , l'armée n'a pas quitté sa position d'attente pour deux raisons également péremptoires: „d'abord paree que la défense de la Meuse eüt constitué une „faute militaire et politique; et ensuite paree que notre „armée était d ce moment-la inapte d la guerre de mouvement"'. La première, la raison militaire, était que l'armée beige était trop faible, comme le général 1'indique un peu plus loin. 11 lui manquait 55.000 hommes, 43.000 fusils et 144 bouches a feu ! Je laisse dès lors au lecteur le soin de répondre a la question de savoir comment cette armée, fortifiée seulement du contingent limbourgeois, aurait pu assurer encore la défense du cours de la Meuse entre Maëstricht et Ruremonde. On s'en alla occuper une position a 2 ou 3 jours de marche de la Meuse, position découverte, le flanc nord en 1'air, alors que si 1'on avait marché sur la Meuse, le flanc nord eüt été appuyó a la 1) Général de Selliers de Moramrille. Passage cité. 2) „Der Marsch auf Paris". Passage cité, page 18. AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 35 frontière hollandaise et la ligne a défendre raccourcie de beaucoup. Une défense énergique de toute la Meuse beige par les Beiges aurait peut-être pu amener les Allemands en fin de compte a songer a infléchir leur aile droite sur le territoire hollandais: cela dépendait de la crainte inspirée par nos forces militaires.. On aurait pu ainsi s'assurer indirectement l'appui de la Hollande. Et les raisons „politiques" qui s'opposaient a la défense de la Meuse? On ne les découvrit vraiment que sur les bords de 1'Yser, paree que, c'est ainsi que s'exprime le général deSelliers, arrivé la on avait tout au moins dans l'armée beige un gage, représentant la. Belgique et les intéréts beiges. •L'officier supérieur beige développe en termes trés vifs la première des raisons, que nous avons soulignée plus haut, c'esta-dire le fait que l'armée beige était alors impropre a la guerre de mouvement (page 26). Sur les routes (et il s'agissait de marches hors dé la zone ennemie et sans la pression de 1'adversaire) „le chemin parcouru était jonché souvent de sacs „et d'effets d'équipement, spécialement de shakos, jetés par „nos soldats, et Je nombre des trainards dépassait toute limite „normale dès la première étape. Enfin la discipline de la troupe,. „et surtout la discipline de marche, laissait a désirer. Notre „infanterie marchait en troupeau, tous rangs confondus etc. etc." On manquait d'officiers (de réserve; le service militaire obligatoire pour tous n'avait été établi qu'en 1909), la troupe était insuffisamment exercée. „Elle était incapable de ma„noeuvrer." fifcff D'ailleurs on manquait aussi de 1'esprit de sacrifice qui porte au dévouement et même a la mort pour les grandes causes et cela malgré des exemples de grande bravoure donnés personnellement par un général Leman ou un caporal de Trésignies entre autres. Un des aumóniers de l'armée beige, le pêre Henusse n'a-t-il pas fait remarquer lui-même dans* une conférence: „Au début de la campagne, le soldat beige, „si peu soldat, n'était pas faconné a cette idéé du renonce„ment. 11 ne savait pas accepter la mort." Si bien que le roi 36 NOUVEL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE devait dire sur PYser „Le premier qui prononcera le mot de „retraite avant que Pordre en soit donné sera destitué." *) Je terminerai en rappelant encore deux détails. Bien que les généraux réunis avec Brialmont le 29 janvier 1887, aient jugé nécessaire de construire un ouvrage fortifié prés de Visé ou Saint-Trond pour fermer la „trouée" de Visé, 2) cet ouvrage fortifié ne fut jamais établi, et cela paree que — c'est le colonel de Bray qui nous 1'explique 3) — paree que „ce fort fut oublié au milieu des pièces a 1'ordre du jour de la chambre. Le fait aussi que en 1902 le fort de Diest fut déclassé sur la proposition du général Ducarne, au lieu d'être remis a neuf, 4) nous indique comment le troncon de Meuse Maëstricht—Ruremonde aurait été organisé pour la défense/ VI. Conclusion. L'étude que je publiais il y a un an n'avait pas pour but de donner une explication des faits; cela se trouvait en dehors de mon programme. Je voulais seulement montrer en m'appuyant sur les faits que „ce qui s'est passé en 1914 est loin „de faire ressortir la supériorité des Beiges en ce qui concerne „la défense de la ligne de la Meuse". J'ai dü, pour nepas être trop long, m'en tenir a 1'exposé des faits. Sij'avais voulu donner une explication, il m'aurait fallu faire ressortir au début de mon étude que, en Belgique avant la guerre la question de la défense nationale était complètement dominéé par la politique, que les partis en jouaient comme d'une balie et que cela a eu sur elle une influence paralysante et fatale. Elle Pa payé cherl Ne serait-U. pas „plus utile" au lieu de rappeler gravement 1) Gazette de Liège, 17 mars 1920. 2) JEdouard tan der Smissen „Leopold II et Beemaeit", page 160. 3) La guerre mondiale. Passage cité, page 97. *) i> » n ir n PaSe "■ 396 riGUUEL EXPOSÉ OE „La Manoeuvre autour du Limbourg néerlandais en 1914" PflR ie Gapitaine „Loyal", de l'flpmée néerlandaise (ovec Carle a l'appui] TRflDUCTIOn D'UIIE ÉTUDE PfiRUE DAllS „L'flRTILLERISTISCH TIJDSCHRIFT" NOUVEL EXPOSÉ de „LA MANOEUVRE AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914" par le Capitaine „Loyal", de PArmée néerlandaise. (Avec carte a 1'appui). I. Introddction. wtt A. Résumé de „La Manoeuvre autour du Limbourg néerlandais en aout 1914". Dans une étude parue sous ce titre dans le numéro d'aoüt 1919 d'une Revue bollandaise, le „Militaire Spectator", nous avons étudié au point de vue stratégique la position de la province bollandaise du Limbourg et fait ressortir la grande influence de cette position sur la première pbase de la lutte sur le front occidental. Pour cela nous avons pris comme point de départ le plan d'opérations allemand suivant lequel les armées allemandes devaient faire front de deux cótés, 1'intention étant d'abord de consacrer le gros de Farmée a la mise bors de combat de 1'adversaire occidental pour reporter ensuite vers Pest 1'effort principal. En ce qui concerne les opérations occidentales, on faisait remarquer dans cette étude que le plan devait s'exécuter de la facon suivante: ün fort groupe d'armées, d'un million d'hom- mes, devait marcher au nord par la Belgique et le Luxembourg, opérer une conversion sur la gaucbe autour de Tbionville comme charnière et tourner ainsi 1'armée francaise par le nord, c'est-a-dire en évitant les positions fortifiées de la Francesur sa frontière de 1'est. Nous donnions ensuite un apercu de la composition, de la 1 4 NOU VEL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE troupes allemandes a 1'ouest de la Meuse, offrait a celles-ci une occasion favorable pour infliger a 1'armée francaise du nord et a 1'armée anglaise une défaite écrasante. Mais la, comme plus tard a Guise, von Kluck arrivait trop tard, Joffre pouvait modifier la concentration initiale de ses unités. 3. On peut ajouter que, par suite de la fatigue des troupes allemandes, la pbursuite des armées anglaises et francaises en retraite ne donnait pas leb résultats attendus et ces armées pouvaient pendant cette retraite échapper a une catastrophe. Les Allemands ne réussissaient pas a disloque leurs adversaires. Nous avons repondu aussi a cette question qui se pose involontairement a la lecture de eet exposé et qui est aussi trés importante pour I'avenir „Comment se fait-il donc que 1'Etat„major allemand ait épargné le territoire néerlandais, alors que „les inconvénients de cette tactique étaient si clairs dans leurs „conséquences?" On a posé comme principe que la Hollande, en cas de violation de sa neutralité, se serait sans hésitation jetée dans la lutte. Et tout d'abord un groupe d'armées de campagne hollandaises, occupant une position de flanc favorable, le terrain avancé dans le Brabant septeotrional de la position dite „Position Hollande", pouvait menacer 1'armée allemande de la fa?on la plus sérieuse, durant ses opérations contre la France. Nous avons fait ressortir que 1'armée hollandaise alors forte de 200.000 hommes, sur pied de guerre dès le trois aoüt, avait pris ses èmplacements et que 1'armée de campagne avait occupé ses positions d'attente. Nous ajoutions que les ports de mer d'Amsterdam, Rotterdam et Dordrecht se prêtaient dans 1'bypothèse que nous avons envisagée ici a un débarquement éventuel de troupes de 1'entente susceptibles d'attaquer Pennemi commun sur les flancs et ses derrières, et ce dans les conditions les plus favorables. L'état-major allemand auralt düi, pour souteoir une action contre la Hollande, distraire au moins 3 ou 4 corps d'armée, autant de moins pour les opérations contre la France. Cela 6 NOUVKL EXPOSÉ DE „LA MANOEUVRE la signification du Limbourg néerlandais, eet officier supérieur pose la question suivaute „Cette langue de terre est-elle un „inconvénient, un danger, ou Men est-elle un bouclier, une „sécurité pour la province du Limbourg beige?" Et il répond „Nous verrons, quand nous étudierons les opérations militaires „d'aoüt 1914 que si Liège et 1'armée beige avaient été com„mandés par dés généraux expérimentés, les Prussiens auraient „dü utiliser les cuemins de fer de Ruremonde—Herenthals et „de Aix-la-Chapelle—Hasselt et pioler avnsi la neutralité de la „Hollande. Nous aurions eu alors l'aide de 1'armée hollandaise „ce qui aurait donné un immense avantage a notre action „défensive, ainsi que d'importantes facilités au débarquement „des Anglais La première phase de la guerre eütétémodi- „fiée du tout au tout." Etait-il donc nécessaire de revenir sur cette question ? Nous ne le croyons pas superflu et pour plusieurs raisons: 1°. Après la publication en juillet 1919 de mon étude déja citée, des travaux des plus intéressants ont vu le jour de différents cótés surtout en Allemagne; ces oeuvres confirment. officiellement d'une part un grand nombre des faits que nous avions puisés a différentes sources et d'autre part nous font entrevoir des points de vue tout nouveaux. Parmi le gra'nd nombre des publications intéressantes récemment parues, il faut citer en tout premier Jieu le trav'ail du général von Ê.luck, commandant de la lère armée, et aussi 1'ouvrage du général Tappen, le chef du bureau des opérations au .grand quartier général allemand de cette époque. 2». De plus la question des Wielingen, réveilléealadernière heure, a donné a certains groupes sa Belgique et même au ministre des affaires étrangères 1'occasion d'agiter a nouveau la question du Limbourg et des soi-disant garanties militaires a exiger de la Hollande. Les questions que 1'on croyait bien enterrées, ne faisaient que sommeiller et on n'attendait qu'une occasion favorable pour les remettre sur le tapis... avec les mêmes vieux arguments: AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 17 faits sont encore présents a toutes les mémoires, non par 1'Allemagne, mais surtoiit par la France et aussi 1'Angleterre. Pourquoi donc cette opposition dans la presse nationaliste de ces pays a 1'établissement de fortifications destinées a empêcher tout pays de forcer notre territoire? Dernièrement un document de source officielle anglaise, une des brochures que le ministère des affaires étrangères de Londres a fait établir pour servir de guide aux délégués britanniques a la conférence de la paix, a attiré une fois de plus 1'attention sur „la quantité considérable des articles de controverse parus dans la presse de Belgique, de France et d'Angleterre" contre la fortification de Flessingue, paree que, suivant cette presse, ces travaux de fortification: „empêche„raient la prise brusquée de cet important port de mer par „une force navale britannique." L'étude publiée par le „Foreign Office" fait par contre expressément remarquef que: „la situation extrêmement difficile „dans laquelle se trouve la Hollande dans le cas d'une guerre „entre 1'Angléterre et 1'Allemagne justifiait pleinement toute „mesure, préventive prise par la Hollande pour le maintien de „la neutralité d'un petit pays exposé a une invasion militaire „a 1'est et a une attaque navale a 1'ouest." Cette étude ajoute encore: „Cette mesure particuliere était raisonnable et en la „prenant le gouvernement hollandais ne faisait qu'agir stricte„ment en vertu, de ses droits."*) Cette appréciation si nette du point de vue auquel se placait le gouvernement néerlandais dans la question de Flessingue et le fait de reconnaitre justifiées les mesures de prévoyance (qui avaient par conséquent un résultat préventif), ne concordent guère avec Paccusation que Pon a portée contre le gouvernement et le haut commandement néerlandais de 1910, d'avoir cédé A la pression de VAllemagne en accordant les crédits nécessaires a la construction. du fort de Flessingue. 1) Handbooks prepared under the direction of the Siltorical tection ofthe Foreign Office. No. 28. Question of the Scheldt, page 16 et 17. AUTOUR DU LIMBOURG EN 1914". 27 La rapidité n'était pas seulement nécessaire pour pouvoir transporter a temps des troupes vers Pest, Une opération „foudroyante" s'imposait encore pour frapper 1'ennemi occidental a 1'endroit sensible sur son flanc découvert. ' Un écrivain militaire bien connu: v. Freytag Loring hof en,, 1'ancien „Général Quartier-Maitre en second", écrit, dans une étude sur le haut commandement dans Pouvrage: „Die militarischen Lehren des groszen Krieges." „Le plan de campagne allemand en aoüt 1914 consistait a pousser en hdte 1'aile droite a travers la Belgique, afin de tourner le flanc gauche de 1'ennemi etc." Dans la relation de la bataille de Mons, faite sous la direction du grand état-major allemand de 1'époque, et oü il s'agit de la première rencontre de la lère armée avec le corps expéditionnaire anglais, on litx): „La situation générale contraignait la lère armée a agir rapidement. Des renseignements avaient appris que l'armée francaise (le 16 aoüt) effectuait des glissements de troupes en toute hate vers 1'aile nord, ayant vraisemblablement pour but de prendre contact avec l'armée beige menacée." J'ai indiqué dans m