10 d'hagiographie, T. 2, 1850. — Vies des saints de Franche-Comté par les Professeurs du Collége de Besancon, 4 vol., 1854-6. — Leven van den H. Leodegarius, 1859. — Tailliar: Recherches pour servir a 1'histoire de 1'abbaye de Saint-Vaast d'Arras jusqu' a la fin du XIIe siècle, 1859. Extr. des: „Mémoires de 1' Académie d'Arras, T. 31." — Dinet (C): S. Symphorien et son culte, 2 vol. 1861. — Delgove (E.): Histoire de Doullens, 1865, „Mémoires de la Société des Antiqualres de Picardie, Documents inédits, T. 5." — Bonnell (H.): Anfange des Karolingischen Hauses, 1866. — De Cardevacque et Teirninck: L'abbaye de Saint-Vaast d'Arras, 3 vol. 1866-7-9. — Lematte, curé de Lucheux: Notice sur la chapelle de S. Léger, martyrisé dans le bois de Sarcing, prés de 1'antique forêt de Lucheux, suivie du compte rendu de la procession solennelle qui eut lieu a Lucheux, le Dimanche, 6 Octobre 1867 etc, 1868. — Van Drival (E): Courte notice sur les saints qui ont vécu dans le diocese d'Arras, 1868. — Drapeyron (L.): Essai sur 1'origine, le développement et les résultats de la lutte entre la Neustrie et 1'Austrasie, Ebroïn et S. Léger (Mémoires lus a la Sorbonne, Paris, 1868). — Haas: S. Léger (Dictionnaire de théologie catholique par Wetzer et Welte, trad. Ooschler, T. 13) 1870. — Darras (J.): Histoire générale de 1'Eglise, T. 16, 1872. — Daris (J.): Notices historiques, 15 vol. 1872-94. — Corblet (J.): Hagiographie du diocese d'Amiens, T. 4, 1874. — Ouérin (P.): Vies des saints, 7« édition, T. 11, 1876. — Kurth (O.): Etude critique sur S. Lambert et son premier biographe (Annales de Pacadémie d'archéologie de Belgique, T. 33, 1876). — Loehning (E.): Oeschichte des Deutschen Kirchenrechts, T. 2, 1878. — T. (S.): Vie de S. Léger, Autun, 1879. — Kurth (G.): Les origines de Liége (Bulletin de la société d'art et d'hist. du diocèse de Liége, T. 2, 1882). — Demarteau (J.): S. Hubert d'après son prus ancien biographe, 1882 (Extrait de: Bulletin de 1'institut archéologique Liégeois, T. 16, 1881).— Bennett (S. A.): S. Léger (Smith, W.: Dictionary of Christian biography, T. 3, 1882). — Wyckmans (L.): Gouden kalender der Belgische heiligen etc, 1883. — Pellechet (M.): Notes sur les livres liturgiques d'Autun etc, 1883. — Lefèvre (Th.): S. Léger, évêque d'Autun, son martyre, sa première sépulture a Lucheux; traditions locales et souvenirs historiques qui s'y rattachent, Arras, 1884 (Extrait de: Mémoires de 1'Académie d'Arras, T. 15,1884). — Catalogus codicum hagio- 13 exagérée que ce n'est plus qu'imagination et rêverie. Pourtant Padversaire du saint le plus grossier et tout a la fois le moins sérieux est certainement le libre penseur Bruno Krusch (K) Dans son premier travail (p. 572) il va jusqu'a le soupconner d'avoir pris part a un complot (dont personne n'a jamais prouvé 1'existence) contre la vie du roi Childéric. Plus tard (Mon, p. 215) il n'est plus d'avis que S. Léger conspira contre ce roi, mais il Ie traite (p. 249) de „Monstre d'orgueil, qui fut la cause de tous ses malheurs paree qu'il se mêlait de ce qui ne le regardait pas." Par oü 1'on voit que I'écrivain rationaliste est d'accord avec ceux qui prétendent que les ecclésiastiques ne devraient pas sortir de leur sacristie! Comme c'est encore lui qui s'occupa Ie plus des biographes et des actes de S. Léger, avec I'esprit hostile et haineux que nous venons de dire, nous aurons a 1'analyser tout spécialement dans cette étude préliminaire, et partant, il nous faut incontinent faire connaltre quelque peu ce que fut son oeuvre et comment on Ia jugea. Nous disons: „dans cette étude préliminaire" car les deux questions spéciales que nous discuterons ensuite n'ont pas intéressé 1'écrivain! Quant au premier travail de K sur S. Léger, Anal (1892) consacra plusieurs pages a le critiquer et a réfuter bon nombre de ses assertions. L'année suivante la revue déclarait ne pouvoir admettre que la vie de Ste Geneviève avait été falsifiée, comme le même écrivain le prétendait. Elle écrit a ce propos: „M. Kargumente beaucoup au moyen des impossibüités, des invraisemblances qu'il croit découvrir a foison dans le texte, genre d'argumentation oü le subjectivisme peut se donner libre carrière". De son cöté Duchesne, en cette même année et a propos du même article de K, publiait dans la „Bibliothèque de 1'EcoIe des Chartes" un travail qui est a lire tout entier. La conclusion est que K se scandalise facilement et que ses prétentions sont loin d'être toujours fort logiques. Anal (p. 470) approuva 1'étude de Duchesne. K ayant trouvé bon de changer le titre de 1'ouvrage appelé depuis toujours „Gesta regum Francorum" en „Liber historiae" Kurth dans son „Histoire poétique des Mérovingiens" (1893. p. 58) proteste a bon droit contre pareil procédé. En 1894, dans Na, K chercha a réfuter Duchesne et Anal. La revue maintint son premier jugement (1895, p. 334) et Duchesne dédaigna de répondre. L'année suivante, la même 19 omission. Et quant a cette omission, on voit tout aussi vite, qu'on doit la réparer au moyen des premières Iignes de XZ (n°s 19, 20) oü leur présence ne s'explique pas a moins qu'on n'admette que ce sont précisément {celles oubliées dans XM. Ce serait en effet le seul passage un peu important de Z2 qu'on ne retrouverait ni dans U2 ni dans X2. Nous nous étonnons de ce que Pitra (I.c) et Bhls (p. 192) n'aient pas vu clair en ce point. Une dernière remarque a ce propos. K est d'avis et même cette fois prétend fournir la preuve que X resta pendant soixante ans au moins la seule vie de S. Léger. Comment a-t-il pu énoncer et prétendre établir une telle proposition ? Pendant les soixante premières années qui suivirent la mort du saint, son culte était particulièrement étendu et comme universel, et sa biographie, surtout s'il n'en n'avait existé- qu'une seule, aurait été copiée bien souvent, des centaines de fois pour le moins. Et cependant il ne nous en serait parvenu en tout qu'une seule copie, voire même rien qu'un fragment, fragment postérieur a son auteur, X, et au saint évêque, de trois sièclesü On devine aussitöt ce que doit être la valeur des arguments appelés a établir une pareille énormité! On le comprendra encore mieux, si onachève le raisonnement comme suit: U et Z qui ne parurent, comme on le prétend, le premier, que soixante ans au moins après X, et Z cent-quatre-vingts ans après le même X, c'est-a-dire a une époque oü Ia biographie par X aurait dü se rencontrer partout et oü le culte du saint n'était plus aussi intense et aussi général, U et Z parvinrent cependant jusqu'a nous dans une foule d'exemplaires dont plusieurs, pour ce qui regarde U, ne seraient postérieurs a cet U, de 1'aveu de K et conformément a sa thèse, que de deux siècles et dont un, pour ce qui concerne Z, serait même contemporain de ce Z, c'est-a-dire (toujours d'après K et d'après son opinion) postérieur a S. Léger, comme Z lui même, de cent-quatre-vingts ans seulement. Donc, pour expliquer qu'il n'existe plus qu'un seul exemplaire de X, il faut admettre qu'il y avait d'autres vies contemporaines trés goütées, U et Z, tandis que X n'aura pas eu de vogue, et cela pour de bons motifs. Comment K s'y est-il pris pour ne rien voir de toutes ces évidences ? Autre assertion de K, trés grave, mais entièrement gratuite et en outre accompagnée d'une contradiction (p. 572): „Lorsque Léger invita Childéric a Autun, le bruit, peut-être pas improbable, se répandit que c'était pour le renverser avec 1'aide du patrice 22 est impossible que U3 soit la copie de X3, avec omission dans U3 pour quelque bon motif ou par simple oubli, des passages en question. En effet, 1'absence dans U* et la présence dans Z8 de ces phrases ne prouvent pas que X8 ne donnait primitivement, comme résumé de Y, que ces seules phrases. Notre objection se justitie d'autant mieux que le motif ou 1'oubli que nous venons d'invoquer n'offrent rien d'invraisemblable. Nous en reparlerons. 11 nous faut aussi relever une autre assertion ou plutöt une accusation, derechef entièrement gratuite. K accuse Z (p. 588) d'avoir menti et trompé ses lecteurs, (il ne soupconne seulement pas que celui-ci pourrait bien être le même que X revisant et complétant son premier travail), quand il copie dans X 1'introduction a sa troisième partie, a son Z3. X y raconte qu'il a recu et résumé la relation de Y. Certes, si on admet, avec K, la thèse parfaitement raisonnable qu'avant la publication de Z et en particulier de Z3, X connaissait et avait déja abrégé Y et que c'est lui, X, qui est 1'auteur de 1'introduction susdite, on ne peut nier que Z, s'il n'est pas le même que X, n'avait pas le droit de la copier aussi littéralement, mais qu'il devait modifier certaines expressions, ou comme U, ne pas la copier. Mais qu'est-ce qui défend de dire que X et Z sont un seul et même écrivain? ,Que ne 1'a-t-on du moins soupconné et que n'essaya-t-on de réfuter cette thèse au lieu d'accuser Z de fourberie et de mensonge! Pareille accusation est d'autant moins justifiée que bien d'autres passages, si on les lit attentivement, obligent a conclure que Z est certainement le même que X, et partant que Z3 avait le droit de reproduire littéralement 1'introduction de X3. Trop souvent, pour sauver sa critique exagérée et non fondée, K recourt a de pareilles accusations! Comment Z, s'il n'était le même que X, aurait-il osé se dire 1'auteur d'un travail dont tout le monde devait savoir qu'il ne pouvait en être ainsi, puisque, d'après K, on la lisait dans 1'oeuvre de X3 depuis cent-quatre-vingts ans 1 Une dernière assertion qui nous concerne plus particulièrement. K décide, sans rien en plus (p. 587) que le lieu oü 1'évêque-martyr fut enterré (et tué?) est la commune de Saint-Léger, canton de Croisilles, département du Pas-de-Calais. II ne daigne pas réfuter ni même citer les autres opinions. A-t-il seulement cherché a savoir s'il y en avait d'autres? Quoi qu'il en soit, et, pour des 23 motifs que nous exposerons, nous refusons de nous incliner devant la définition du prétendu hagiographe K, comme aussi devant bien d'autres de ses assertions et surtout de ses étranges preuves dont nous avons encore a parler. II. Les quatre premiers documents A) Examinés séparément. 1. Nous commencons par le document U. L'auteur, dans son prologue, se nomme Ursin. On a toujours dit qu'il était moine et, jusqu'a ces derniers temps, on ajoutait qu'il était prieur et peut-être même abbé de Ligugé, dans le diocèse de Poitiers. D'après Du Moulin (p. 3) il aurait été moine de SaintOall et, pour le prouver, 1'écrivain renvoie a Potthast <1« écUt. p. 779) qui écrit tout simplement: „monacho Gallo". Est-ce que „Gallo" signifierait par hasard Saint-Gall? K et a sa suite Anal (1892, p. 105) sont d'avis qu'il était moine de Saint-Maixent, au même diocèse de Poitiers, et ce pour deux raisoos: le corps de S. Léger reposait la, et puis, dans cette vie U, on raconte qu'il avait été abbé de ce monastère. Or, d'après/ K, ce dernier renseignement est faux puisqu'on ne le lit pas dans X! La réponse est par trop facile, A la première raison on peut objecter qu'il est beaucoup plus sensé de croire que 1'abbé et les moines de Saint-Maixent pressés d'avoir une vie du martyr dont ils possédaient le corps, mais n'ayant pas le temps d'aller aux renseignements, par suite des flots de pèlerins qui accouraient continuellement et de la construction d'une église etc, auront demandé ce service a un moine d'une autre abbaye, plutdt que d'attendre „soixante ans au moins" afin de pouvoir charger de cette besogne un religieux de leur propre maison. K prétend en effet, on 1'a vu, que U ne parut que soixante ans au plus töt après la mort du saint, et par conséquent ce ne serait qu'après une si longue attente qu'on aurait décidé a Saint-Maixent d'écrire la vie, alors cependant que celle de X aurait existé seule depuis tout ce temps et était fort répréhensible en plus d'un point et en outre (pour ce motif sans doute) n'avait pas de vogue. Est-ce croyable? C'est encore un argument général, qui peut faire comprendre ce que doivent valoir les raisons par lesquelles K voudrait établir que U n'est pas contemporain de S. Léger, 33 toute cette première partie de U2, c'est-a-dire jusqu'a la finale, on ne rencontre pas une seule des phrases ou bouts de phrases de X2. Quant a ce mélange de U2 et de X2 par Z nous verrons plus loin de quelle facon, trop souvent maladroite et ridicule, Z 1'effectua. La première partie de U ne parut pas avant que Z n'eut composé la sienne, mais après ou tout au plus en même temps, sinon on ne s'expliquerait pas pourquoi Z n'eüt pas combiné avec son X' cet U1 comme il mêla son X2 avec U2. On peut même supposer que Z mourut peu de temps après la publication de U1 et avant d'avoir pu songer a le mêler avec son X1, puisqu'on ne connalt aucun exemplaire de son travail présentant une pareille combinaison. U' fut évidemment composé par 1'auteur de la dédicace et de U2, attendu que c'est le même style et le même but et que rien ne permet d'en douter. Ce qu'on peut y faire remarquer dès a présent, c'est la phrase: „qui (Leodegarius) in monasterium (Luxoviense) perveniens, ibidem Ebroïnum invenit, dicensque se aliquid in eo peccasse veniamque sibi 'invicem petentes steterunt concordes" (n° 14). Une assertion analogue se rencontre aussi un peu plus loin (n«814,24). En outre U certifie (n° 16) qu'Ebroïn sortit de Luxeuil avec 1'autorisation de 1'abbé, tandis que Fruland et déja Z le nient, puisqu'ils le traitent d'apostat. Ce furent probablement ces passages de U qui scandalisèrent si grandement au XIe siècle le doux Eberhard, abbé de Murbach, comme on peut lire dans Fruland. II se persuada que U, loin d'être un apologiste enragé de S. Léger, comme K devait un jour Ie prétendre, était un ennemi du saint, et ne connaissant probablement pas 1'ceuvre de Z ou la méprisant encore plus que celle de U (a bon droit, cette fois) il chargea Fruland de composer une nouvelle vie. II est évident que le pieux abbé aurait pu interpréter tout autrement les textes en question et se rappeler que les saints sont les premiers, par humilité, a se déclarer de grands coupables et par conséquent U qui ne faisait, en historiën fidéle, que rapporter de beaux exemples de cette vertu dans son héros, méritait un traitement tout autre, d'autant plus qu'en maint endroit il n'épargne pas les coupables. La finale de X2 ainsi que U3 furent ajoutés aux premières pages de Us, précédées déja de U1, après que X se fut donné sa dernière partie, X3 (Z3) et que Z la lui eut empruntée ou 3 37 abrégé, aurait jamais consenti a lui emprunter cette partie de son travail. Par contre, Ie continuateur de U n'aura rien compris a tout cela ou se sera simplement dit qu'il fallait compléter U et que X ne s'étant pas fait scrupule de confisquer LP, il ne devait pas se gêner pour lui voler la finale de son X* et son abrégé de Y ou X3. Toutefois il n'aurait pas dó omettre mais corriger la petite introduction, de manière qu'on sfit que c'était un abrégé de Y et que U n'en était pas 1'auteur. En outre, si 1'on admet que U n'ajouta pas lui-même U3, on s'explique plus facilement que cette dernière partie manque dans un certain nombre d'exemplaires de son écrit. Ceux qui connaissaient la provenance et 1'histoire de Us, n'auront eu garde de la copier è la suite de LP et par la de laisser croire que U en était 1'auteur. Enfin si U lui-même avait pris et ajouté LP, il n'aurait du moins pas manqué de retoucher quelque peu le style. De même il ne répèterait plus jusque deux fois et a quelques lignes d'intervalle (n° 56, 58) ce qu'il avait déja raconté (n° 6) k savoir que son héros avait été abbé de Saint-Maixent. II n'aurait non plus redit (n° 58) puisqu'il 1'avaft déja affirmé rtérativement, qu'Audulphe était alors abbé de cette maison; surtout, au début de LP, après avoir supprimé toute 1'introduction, U ne 1'aurait pas remplacée par un ridicule „Haec agendo...." qui ne se rapporte i rien. Toutes ces considérations prouvent aussi et a plus forte raison contre K qui ose même prétendre que U serait 1'auteur de LP. U n'est pas même 1'auteur de 1'abrégé et n'eut pas connaissance qu'un autre Favait ajouté a son écrit. Relativement a Ia première phrase de LP, K est d'avis que les mots „in pago Caturnio", dans d'autres exemplaires „in Carnotina par och ia" ne se trouvaient pas dans X3 mais que Zs les aurait rencontrés et pris dans LP, tandis que X8 commencait directement par les mots „quibusdam poscentibus " de sorte que Z3 aurait trés maladroüement inséré la première phrase de X3 entre les mots „in pago enhn Caturnio" et „in villa quadam cujus est vocabulum Oaudiacus" de LP. Nous croyons aussi que les mots „in pago Caturnio" n'ont rien a voir avec la phrase „quibusdam poscentibus " et que Y n'aurait pas voulu indiquer d'une manière aussi peu précise oü demeuraient les confrères et 1'abbesse: „in pago Caturnio!" Nous croyons avec K que cette désignation se rapportait a: „in villa quadam cujus est vocabulum Oaudiacus," qui devait la compléter, comme on 38 lit trés bien dans U3 oü, pour les motifs déja indiqués, la phrase „quibusdam poscentibus etc" qui coupait en deux la désignation géographique, a été omise sans qu'aient été omis pareillement les mots „in pago Caturnio" paree que U3 comprenait trop bien qu'ils ne se rapportaient pas a „quibusdam poscentibus etc". Ce qui le prouve encore c'est qu'on a cherché en vain dans ce „pagus" a cette époque, une abbesse appelée Hermenana. Pourtant elle devait être célèbre et trés connue puisque Za ne crut pas nécessaire d'indiquer le moins du monde oü elle demeurait et qu'en outre elle avait su décider Y a composer et a lui envoyer sa relation. Peut-on supposer avec K que „in pago Caturnio" ne se trouvait pas dans X3, mais fut ajouté par Z3? Le fait d'expliquer la bévue consistant a couper en deux une indication géographique pour insérer quelques lignes sur le but et la nature de ce qu'on va raconter, ne demande pas qu'on suppose que 1'auteur n'en serait pas X mais Z. Nous en verrons assez d'autres de la part de X qui montrent qu'il était parfaitement capable d'ouvrir une parenthèse et de lancer une incidente au beau milieu d'une phrase qui n'avait pas de rapport avec elle. II resterait a examiner les arguments par lesquels Friedrich et surtout K, les premiers qui ont fait cette extraordinaire découverte, prétendent que U serait postérieur a X et 1'aurait consulté et utilisé. Nous leur consacrerons plus loin un chapitre spécial qui établira que leurs „arguments" ne prouvent rien contre ce que nous avons dit en faveur de 1'opinion contraire. 2. Nous passons a 1'étude du document X. II a déja été dit qu'on en possède deux exemplaires quelque peu différents et présentant des lacunes plus ou moins importantes. Le premier, que nous avons désigné par XM, est d'une écriture du Xe siècle et provient de 1'abbaye de Moissac. II se conservé actuellement a la bibliothèque nationale de Paris (fonds latin, n° 17002, f° 102'-104v). On remarque qu'une main un peu plus récente a divisé, dans Ia marge, le premier feuillet en huit parties ou numéros de telle sorte qui si elle avait continué jusqu'au bout on en aurait eu une trentaine environ. C'était probablement en vue de la récitation au choeur, le jour de la fête du saint et certains jours de son octave, ou pour servir a quelque autref exercice de piété (Cf Pitra p. XII; Clp T. 3, p. 364). XM est composé d'une introduction, suivie immédiatement 39 du récit de la Passion ou deuxième partie de la vie du martyr. Dès la première ligne de cette partie on constate, comme il a été dit, une lacune que fort heureusement on peut combler au moyen de 1'autre exemplaire de X renfermé dans Z3. Le même XM se termine au milieu d'une phrase, en plein récit de la mort d'Ebroïn. Jusqu'a ces derniers temps, les écrivains avaient examiné cet XM avec si peu d'attention qu'ils le disaient composé de simples extraits de Z2 et par conséquent postérieur a ce dernier et sans valeur. Nous ne nous chargeons pas de rechercher de quelle fagon on s'y prit pour ne pas voir clair et ne pas remarquer comment aucun des prétendus extraits de Z2 qui auraient servi a fabriquer ZM n'était de ceux qui dans Z2 provenaient de U2, comment encore il arrivait assez souvent a Z2 de dire plusieurs fois, dans des termes différents, la même chose, comment en outre ces prétendus extraits étaient combinés dans Z2 avec ceux de U2 d'une manière par trop étrange, comment enfin plusieurs de ces „extraits" de Z2 ne se rencontraient pas dans cet écrivain (pas plus d'ailleurs que dans U2) et cela sans que personne allat seulement jusqu'a supposer que le Z dont XM se serait servi, aurait eu des lacunes. Les grosses et nombreuses fautes de latin qui rendent des phrases entières pas ou peu compréhensibles, furent sans doute ia principale cause pour laquelle on négligea et méprisa XM. Bref, il fallut attendre K pour éclaircir la question. Cet écrivain semble avoir eu pour premier but, "dans ses recherches, d'établir aussi exactement que possible le nombre de documents concernant chacun des saints dont il avait a s'occuper. II eut donc été difficile qu'il se trompat au sujet de XM. Avant lui, trop souvent, on se contentait d'étudier chaque document a part et 1'on n'établissait la comparaison que pour certains faits particuliers. Raisonnements et déductions étaient d'ordinaire aussi peu logiques et aussi peu sürs que le permettait un pareil point de départ. Comme il a été dit, K publia quelques passages de XM dans Na, puis entièrement, sauf les premières phrases, dans Mon. Celles-ci se rencontrent dans Pi tra (p. 504) et dans notre supplément (nos2, 19). On peut voir Mabillon (Acta II p. 679-08), Debye (p. 364, n°33), Waitz dans A (T. 11 p. 273). L'auteur de X déclare qu'il était moine lorsqu'il écrit (n° 28): „hunus (sic) ex nostris fratribus abba nomine Winobertus". II. ne 40 se fait pas connaïtre autrement. K se contente d'affirmer (p. 574) qü'il était moine a Autun. On peut en donner comme preuve qu'il n'a jamafe été question que de deux biographes contemporains de S. Léger: Ursin et un moine anonyme d'Autttn. Debye Padmettaft aussi mais doutait qu'il fut moine de SaintSymphorien comme on le disait généralement. L'écrivain Bollandiste avait tort, puisque ailteurs X se dit aussi sujet de 1'évêque Hermenaire qui avait été abbé de Saint-Symphorien, de sorte que Winobert dorlt il se déclare le sujet et le confrère „hunus ex nostris fratfïbus etc" aura été le successeur d'Hermenaife a Saint-Symphorien et partant X qui 1'appelle son confrère était moine de la même abbaye. Toutefois Debye croit (n« 202) que Z (=X) aurait appelé, dans son écrit, Hermenaire du nom d'évêque par anticipafion, afors qu'en réalité il n'était pas encore évêque, mais seulement abbé de Saint-Symphorien, lorsque arriva le fait a propos duquel Z parle de Winobert; de cette fagon Winobert appartiendrait a une autre abbaye d'Autun. Mais cette sttpposition ne repose sur rien et est souverainement irtprobable. Hermenaire qui chargea X d'écrire, comme on le voit par sa dédicace, conservée dans Z, avait tout intérêt a ce que son scribe appartint au milieu qui lui était favorable, a 1'abbaye de SaintSymphorien et rte füt pas sujet d'un autre abbé. En effet, K montre trés bien (p. 572-5) qu'il inrrigua contre S. Léger el fut la principale cause de sa disgrace auprès du roi. Toutefois X n'a pas écrit, comme K le prétend (p. 565) qu'Hermenaire se rendit au palais pour accusèr Ie saint et ainsi obtenir soft siège. On peut Pen soupconner et le déduire du n<» 13 et d'autres passages, mais X n'a pas poussé la naïveté jusqu'a le dire ouvertement. II est étrange que „1'Histoire littéraire de la France" (T. 3, p. 629) et Pitra (p. 196-7) et autres qui pourtant se montrent peu satisfaits de la communauté de Saint-Symphorien en ces temps, n'aient rien soupgonné des intrigues de 1'abbe susdit, tels qu'on les découvre dans X, quand on le lit attentivement('). Bien plus on voit par un passage ajouté a la dédicace (iy La ohrase ou X cherche surtout k disculper Hermenaire est celle qui rapporte sa visite auprès de S. Léger. X certifie qu'a «momentje saint lui pardonna Ié passé et le bénit pour Pavemr: non solum indttfgentiam de prteteritis, verum etiam benedictionem ab eo promermt de ruturis" trfi 28). Nulle part X ne raconte pour queltes fautes Hermenaire aurait eu besoin de pardon. Plus tard dans 2 son dernier travaiU X devenu moins mnl, omet Ie mot ,indutgentiam" (n 29) et dit que S. Léger 41 de certains exemplaires de X qu' Hermenaire re visa cette vie de S. Léger (n° 3). K, qui en fait aussi la remarque (p. 574) cherche encore a établir la chose par le mot „vidi" qu'on trouve parfois dans X, la oü ce dernier parle (n° 28) de la visite d'Hermenaire auprès de S. Léger('). Mais dans Mon (p. 257) K doute quelque peu et se demande si le mot ne se rapporte pas au biographe et il conclut que non „car X ne dit aucunement qu'il fut auprès du saint''. Nous est avis que X le dit tres clairement par ce „vidi*' qu'on doit rapporter a lui jusqu'a vraie preuve du contraire (Debye, p. 477, p). La conclusion de K est que X ment dans ce qu'il raconte d'Hermenaire mais que dans tout le reste il dit la vérité et qu'on doit le croire. Nous pensons que X ne ment ni a propos d'Hermenaire, ni aitleurs dans son écrit, mais il ne dit pas tout et cherche a interpréter favorablement les actes de son ancien abbé. Pour ce motif on doit se défier de son travail (Du Moulin, p. 7) et surtout de la sincérité de ses expressions élogieuses, en si grand nombre, a 1'adresse de 1'évêque-martyr. Nous avons déja vu que non-seulement il entreprend de justifier Hermenaire, mais même le roi Thierry et sa cour, chaque fois qu'il en est question et dans des termes tellement flatteurs (n° 49) que le continuateur de U n'a pas voulu les lui emprunter. K ne 1'a pas remarqué. Quant aux autres prétendues qualités et perfections, que K admire dans X, nous verrons plus loin ce qu'il en est. L'ceuvre de 'X n'eut pas de succès. La grande eau se en fut probablement sa tentative de justifier Hermenaire. Le peuple ne s'y est pas trompé et lui a préféré U qui, s'il ne blame pas Tévêque coupable, n'a garde non plus de le louer, mais ne le cite même pas. Si Z eut un peu plus de vogue, c'est probablement paree qu'il venait plus tard et que pour ce motif il fut pendant nn certain temps plus complet que U2, surtout depuis qu'il avait combiné ce dernier avec son propre écrit, dans 1'intention sans doute de se faire considérer, si possible, comme le seul historiën du saint. II dut 1'espérer bien davantage lorsqu'il bénit te passé (1) et 1'avenir du coupable. Toutefois d'autres exemplaires de Z ont rétabli le mot „indulgentiam". (!) Ce .vidi" se rencontre dans XM et dans quelques exemplaires de XZ: celui de Saint-Sauveur d'Utrecht, L 29 de La Haye, dans Mabillon et Duchesne etc (K, p. 574). I 42 lui fut donné de pouvoir, le premier, ajouter a son travail une nouvelle partie, son abrégé de Y. X2 (= XM) est certainement contemporain de S. Léger tout comme U2. 11 est peut-être un peu postérieur a ce dernier qui ne s'étendait a 1'origine, nous 1'avons vu, que jusqu'a la mort d'Ebroïn, tandis qu'il est trés probable, nous le prouverons, que X2, dès sa première édition, allait jusqu'a la translation. Nous montrerons aussi que rien ne prouve que 1'un des deux aurait connu 1'autre, immédiatement après son apparition, et surtout 1'aurait mis a profit pour sa première édition. La preuve que XM est un écrivain contemporain, c'est qu'il se dit le sujet de Winobert et d'Hermenaire qui connurent et visitèrent S. Léger. Bien plus, il était avec eux lors de cette visite, d'après ce que nous avons dit et déduit du mot „vidi" qu'on rencontre dans son écrit et dans quelques exemplaires de XZ. De plus son latin est absolument le latin barbare de ce temps. En outre, dans le second travail de X constitué par 1'addition de X3 a X2 il est dit, au commencement de cet X3, qu'Hermenana 1'avait engagé a écrire. Or, 1'abbesse de ce nom était, elle aussi, nous le prouverons, contemporaine de S. Léger. Enfin X2 se retrouve dans Z2, confondu avec U2, et cependant Z, nous 1'établirons pareillement, Z qui par la même se déclare postérieur a U et a X était encore contemporain de notre saint. On a déja prouvé contre K qu'a 1'origine X avait une introduction et non pas une dédicace ni une première ou troisième partie et que tout cela n'avait pas été retranché et remplacé dans XM par 1'introduction susdite qui se lit en tête de cette copie ('). X n'avait certainement pas dès son premier travail X3 mais seulement X2 précédé de 1'introduction qu'on lit dans XM (n° 2), sinon il n'aurait pas parlé d'Hermenana et d'Audulphe au commencement de X3 mais dans son introduction ou du moins en tête de X2. L'exemplaire XM est donc bien probablement une copie du tout premier travail de X; sans cela il serait fort difficile de comprendre que XM non content de (i) Nous croyons bon de rappeler que K (p. 569, 571-2 et Anal (1892 p 106) se trompent en disant que, pour retrouver la première partie de X, il suffit de prendre Zi et d'en éliminer ce qu'on rencontre dans les mèmes termes en U1. La vérité est qu'il ne se présente pas une ligne de U1 dans tout Z*. Le titre de X est donc a bon droit: „incipit passio" et la conclusion: „explicit passio." 43 retrancher toute une prétendue première partie, se fut mis ensuite a oublier de copier non seulement la finale de X2 mais encore tout X3, d'autant plus qu'il a déja été dit que cette dernière partie, si elle existait dans X, n'aura pas consisté en quelques mots mais était aussi étendue que dans Z3. Quant a la finale de X2 qui se retrouve, sauf une omission, dans U2, ). Assez longtemps après ce premier travail de X, conservé avec (•) XM a probablement encore une lacune de trois mots dans son entête du n37: „Item de mirabilibus S. Leodegarii." Dans le ms 3809A de Paris déja cité, cette entête se lit comme suit: „Item de mirabmbus et de revelatione S. Leodegarii." Dans XZ2 et sans doute déja dans Ie msque XZ2 copiait (moins ancien probablement que celui copié par XM) ce titre et plusieurs autres de cette sorte ne se rencontraient plus. 47 quelques lacunes dans XM, une abbesse appelée Hermenana obtint d'Audulphe le récit des miracles de la translation. Elle communiqua cette pièce a X qui en fit un abrégé qu'il ajouta a son X2. C'est bien certainement a cette occasion, comme il a été dit, qu'il compléta son travail antérieur, X2, si tant est que celui-ci ne s'étendait d'abord que jusqu'au meurtre d'Ebroïn. X mit en tête de cet Y abrégé une courte introduction pour déclarer que c'est le précis d'un écrit composé par Y a la demande de 1'abbesse susdite, laquelle fut du nombre de ceux qui 1'engagèrent, lui X, a écrire X2, son premier ouvrage. Tel fut le second travail de X: X8 ajouté a X2 non combiné avec U2 et n'ayant probablement pas encore sa première partie. En effet dans la petite introduction a son X3, X raconte qu'Hermenana Pengagea a écrire ,Jwc opusculum" c'est-a-dire évidemment sa première édition de X2 puisqu'il ne distingue pas entre plusieurs éditions inégalement étendues et qu'il n'est pas croyable que c'est 1'abbesse qui aurait jamais voulu 1'engager a voler U2 pour le combiner avec son X2 C'est d'autant moins admissible que, vu sa dévotion pour 1'évêque-martyr, elle serait une des premières a connaltre non seulement l'ceuvre de X2, mais encore celle de U* et partant elle n'aurait rien appris de neuf en demandant et en obtenant le mélange en question. Si donc les mots „hoe opusculum" se rencontrent encore dans les éditions postérieures qui présentent la combination U*-X2, c'est paree que Z une fois de plus aura été distrait au point de ne supprimer ni corriger ces mots. Nous venons de dire que ce second travail de X, soit X2 simplement augmenté de X3, parut assez longtemps après le premier. Nous ajoutons que ce fut peu de temps avant le troisième et dernier, composé d'une dédicace et d'une première partie (Z1) et d'un X2 combiné avec U2 (Z2) et de la dernière partie, X3, la seule qui ne fut ni nouvelle ni changée. En effet c'est la ce qui explique, croyons-nous, les mots „tandem" et „diu" de la dédicace. De quelle facon comprendre ces termes si, comme K, 1'on prétend que du premier coup, X et U parurent avec leurs trois parties et en outre U (oü cependant ou ne lit pas des mots de cette sorte) après X? Est-il croyable qu'en ce cas X aurait tardé longtemps (diu) bien qu'Ebroïn eut disparu et que 1'impatience fut générale, avant d'accorder enfin (tandem) quelque chose concernant le saint si vénéré, et sur 48 le principal, sa passion? Dans notre thèse on a encore 1'explication de certaines expressions de X3, surtout si on est d'avis qu'elles ne se rencontraient pas dans Y, paru après la première édition de X, mais qu'elles furent ajoutées par X dans son abrégé de Y, c'est-a-dire non pas dès sa première édition, mais seulement dans la suivante. Après avoir raconté la guérison, par S. Léger, d'une jeune personne, Y ou X ajouté: „ad ejus tumalum hucusque devota deserviit" (n° 57) ce qu'il aurait été ridicule de dire s'il ne s'était agi que d'un temps trés court depuis la guérison. Pareillement on parle de 1'évêque de Tours, présent a la guérison, comme d'un fait déja passé depuis un temps notable. Mais il faut surtout remarquer ce qui est dit d'une autre personne guérie: „longo tempore postmodum victura" *(n° 53). D'après K (p. 591) on ne doit en général pas faire grand cas de pareilles expressions! Est-ce croyable? Faut-il -donc leur préférer des affirmations gratuites et des rêveries sans fondement et de continuelles accusations de mentir, d'être mal renseigné etc? Sans doute de telles expressions ne sont pas ifort précises. Elles ne sont toutefois pas élastiques au point d'affirmer que X parut avec ses différentes parties peu de temps -après la mort d'Ebroïn, et, si 1'on tient que ces expressions se trouvaient déja dans Y, c'est une preuve en plus que Y n'est pas le premier qui ait écrit sur S. Léger et presque immédiatejnent après la disparition d'Ebroïn, comme on 1'a prétendu, .mais après la première édition de U et de X. II est donc établi que X n'eut pas X8 dès son premier travail, a moins qu'on ne puisse vraiment prouver que dès lors aussi et a plus forte raison son X* avait la finale compléte (conservée dans Z2) et en outre que X n'était pas aussi contemporain de S. Léger que U et partant pouvait avoir une pièce telle que X8, c'est-a-dire certainement postérieure au premier travail de «U. Ce serait le renversement de la thèse de K, prétendant que X était non seulement contemporain du saint, mais que U était beaucoup moins ancien. Or, si nous refusons d admettre que U n'est pas contemporain, nous ne pouvons d'autre part nous persuader que X le serait beaucoup moins que U. Dans cette dernière supposition, en effet, X aurait du connaltre U et puisqu'il est le même personnage, comme on le prouvera, que Z, «qui vola presque entièrement U2, il serait fort étrange que X n' aurait pas déja commis ce larcin au prof it de son premier tra- 49 vail. Or, rien ne prouve que U et X n'ont pas paru en même temps, ou X peu après U, et partant qu'il eut été possible a X d'utiliser pour son premier travail, le premier travail de U. En outre si 1'éprit de U avait existé assez longtemps avant celui de X, Hermenana qui attendait avec impatience pareil écrit, n'aurait pu 1'ignorer, et par conséquent elle n'en aurait plus demandé de cette espèce a X, comme celui-ci le rapporte. Nous ajoutons relativement a „longo tempore postmodum victura" qu'on ne doit pas trop 1'étendre, puisque Y, quand le miracle s'opéra, était déja abbé et par conséquent d'un age assez avancé et qu'il ne faut pas supposer que ce serait dans une haute vieillesse qu'il aurait composé son écrit. De ce que nous venons de dire, il résulte d'abord qu'il n'existe plus aucun exemplaire du second travail de X. Onsait déja qu'il s'en est fallu de bien peu que son premier écrit ne subit le même sort puisqu'il n'en existe que la seule copie XM. La raison en est sans doute, pour ce qui concerne la seconde édition de X, que peu de temps après, celui-ci (alias Z) aura donné son travail définitif, a savoir sa première partie (faite par lui-même ou demandée a un autre) précédée d'une dédicace pour remplacer 1'introduction et suivie de X2 mêlé avec U2 (= Z2) et finissant par X8 déja publié a la fin du second travail. On ne cite aucun exemplaire de X avec ou sans X3, qui en plus de X' aurait X2 comme dans sa première et deuxième édition, c'est-a-dire non combiné avec U2. Un pareil travail n'aura pas existé et surtout dès 1'origine, comme K le prétend, puisque le copiste XM n'aurait pu être distrait ou téméraire au point d'omettre entièrement deux parties de X et sa dédicace. En ce cas il n'aurait non plus été question d'Hermenana au commencement de X8, mais dans la dédicace etc, etc. Ce que nous venons de dire n'est pas tout a fait d'accord avec Anal. Cette revue prétend (p. 107) contre K que X n'eut jamais un abrégé de Y, mais que ce dernier parut pour la première fois dans U et de la dans Z et que la petite introduction a cet abrégé fut composée par le même Z. Anal prouve tres bien contre K que la raison alléguéé par ce dernier n'a pas de valeur pour lui K, puisqu'il n'a pas de motif réel pour supposer que U se serait fait scrupule de prendre a X3 la petite introduction qu'on lit en tête de Z3. Si donc on ne la trouve pas dans U8, c'est signe, d'après Anal, que X ne 1'avait pas, mais 4 52 déja qu'il n'en existe plus qu'un abrégé, lequel d'après K, aurait consisté en deux petites phrases qu'on pouvait lire a la fin du premier travail de X et qu'on retrouve absorbées dans Z3. D'après nous, le premier travail de X n'avait aucun résumé de Y et surtout pas un résumé aussi absurde qu'on le dit; Y n'existait probablement pas encore. La seconde édition en avait un, mais qui ne différait en rien de ce que donnent Z3 et (sauf quelques omissions qui s'expliquent) LP. Tout ce qu'on possède de détails historiques au sujet de Y est renfermé dans la petite introduction de Z3 qui se lisait déja, nous venons de le dire, dans le second travail de X. On y apprend qu'une abbesse, Hermenana, et quelques moines demandèrent pareil écrit a Y. Ce dernier, en 1'envoyant a 1'abbesse, l'ui déclara que s'il avait voulu tout raconter, il aurait produit un travail plus gros qu'un psautier. Enfin X et après lui Z ajoutent qu'ils en donnent un abrégé. Nous avons déja dit comment cette introduction fut placée trés sottement par Z dans son deuxième et troisième travail entre deux noms de lieux de la relation qui se rapportent 1'un a 1'autre. II en est résulté qu'on a cherché ce que pourrait être la localité vaguement et différemment désignée par „in pago Caturnio" et „in Carnotensi parochia" qui du temps de S. Léger aurait eu une abbesse du nom d'Hermenana. Vains efforts! Debye (p. 483, aa) opine pour quelque localité du Quercy, d'autres pour la ville de Cahors ou de Chartres, sans dire pourquoi il s'agirait plutöt de ces villes que d'un autre endroit de ce „pagus" ou de cette „parochia" (= dioecesis). Guizot et Du Moulin affirment qu'Audulphe écrivit sa relation dans le pays de Cahors et Du Moulin va même pour avoir raison, jusqu'a changer „misit" de 1'introduction en „scripsit". Ni 1'un ni 1'autre ne dit pourquoi Audulphe n'aurait pas composé son écrit chez lui, dans son abbaye de Saint-Maixent. Surtout ils n'expliquent pas oü et comment ils ont fait cette trouvaille et 1'écrivain allemand oublie même de dire de quel droit il change un mot en un autre. Quant a Pitra il sait, on ignore d'oü, que „la relation fut écrite sur les lieux et au milieu de témoins oculaires" (p. 396). Comment comprendre cela, puisqu'il s'agit de miracles arrivés pendant une longue procession? A la page suivante (p. 397) 1'écrivain est encore plus incompréhensible et plus en contradiction avec 1'introduction de X3. 57 Du Moulin lui aussi s'était imaginé (p. 39), croyant que „in pago Caturnio" désignait la localité habitée par 1'abbesse, que les reliques du saint avaient nécessairement passé par la, rriais il en avait du moins thé la conclusion qu'il ne pouvait être question par „Caturnio" ni de Cahors, ni du Quercy puisque ces localités sont situées au midi de Poitiers et de Saint-Maixent oü la procession prit fin. 4. Le quatrième et dernier document ancien que nous avons a étudier plus spécialement est la vie Z. Bien des considérations portent a croire que Z est le même écrivain que X et que soa travail n'est autre chose et ne devrait pas s'appeler autrement que la troisième et dernière ceuvre de X. Elle diffère du second travail de X composé de deux parties seulement, la deuxième et la troisième, en ce qu'elle a de plus une première partie ainsi qu'une dédicace (pour remplacer 1'introduction des éditions précédentes) et enfin sa seconde partie combinée avec la partie correspondante de U. Voici quelques-unes de ces preuves ou considérations. Avant tout, si X et Z n'étaient pas le même écrivain, il faudrait expliquer comment X n'aurait eu 1'idée, tout comme U, de se compléter en écrivant une dédicace et une première partie, mais se serait résigné après son premier travail (X2) a n'y rien ajouter sinon tout au plus une troisième partie ou abrégé de Y. II est en effet inadmissible que le copiste XM et plus encore un des 'copistes antérieurs de X (que XM n'aurait fait que transcrire littéralement) serait parvenu a se mettre en tête, comme K le prétend, d'enlever a X, si celui-ci les avait eues, sa dédicace et sa première et troisième parties, et de remplacer tout cela par une nouvelle pièce, par une introduction! II faut croire au contraire que X, tout comme U, ne fut point composé d'un seul trait, mais se compléta en plusieurs fois, d'abord par 1'adjonction de X3, puis par X' précédé d'une dédicace au lieu de 1'introduction des deux premières éditions, et par le mélange de son X2 avec U2, ou bien il faut expliquer pourquoi X n'aurait pas imité U, mais serait resté tel que nous le trouvons dans XM ou aurait été tout au plus augmenté de la finale de la seconde partie et d'un X3. Si 1'on tient qu'il s'est donné une troisième partie, en doit d'autant plus conclure qu'il a dü songer a se donner pareillement le luxe d'une première partie. D'oü il suit que Z' est vraiment, comme K le veut, l'ceuvre de X, 58 mais une oeuvre qu'il a publiée après ses X2 et X3 et non en même temps, et puisque Z1 ou X1 fut composé par X plus tard, rien ne permet de nier que la combinaison de U1 et de X2, faite évidemment après la publication de U2 et de X1, comme K Padmet, a également X pour auteur. C'est d'autant plus certain que déja le fait de trouver l'ceuvre de U2 absorbée par Z dans son Z2 apparait, faute d'une bonne justification, comme une insigne malhonnêteté de la part de Z. Que serait-ce donc s'il fallait encore accuser Z de n'être pas 1'auteur des deux premières parties de X, mais de les avoir volées, elles aussi, notamment a X, qu'en ce cas il faudrait reconnaitre pour leur auteur? II s'agit donc d'appliquer le principe qui vaut en histoire tout autant qu'en morale: „nemo malus censendus si non probatur" ou plutöt celui qu'on peut ajouter: „neque pejor quam probatur". De même, si ce Z1 n'avait pas été publié en même temps que Z2 (U2 et Z2 combinés) il n'est pas probable que X aurait voulu remplacer son X2 par Z2 (U'-Z2) et s'exposer ainsi a ce que son vol de U2 au profit de son X2 fut d'autant plus facilement remarqué. D'oü il suit que c'est X, tellement estimé par K, qui a mêlé (trés maladroitement) a son propre écrit tout ce qui existait de U (sauf la dédicace) au moment de ce mélange, U2 jusqu'au commencement de la finale, montrant par la combien il estimait U et désapprouve K qui n'a pour U que du mépris. C'est encore une considération générale qui montre d'avance quelle doit être Ia faiblesse des arguments par lesquels K prétend établir que U n'a pas de valeur et que U2 a connu et a reproduit plus ou moins habilement X2. X qui aurait dü remarquer le plagiat mieux que personne, 1'aurait ignoré au point qu'il a combiné U avec son propre travail! Pareillement si on ne veut pas accuser Z, sans preuves, de mentir lorsqu'en tête de son Z* ou 1'entend déclarer que c'est lui qui abrège Y (nos breviter intimamus), alors que X avait déja parlé de cette fagon, dans son second travail et même, d'après K, dans son premier, il faut admettre que Z et X sont un même écrivain. En outre Z copie et s'applique littéralement le passage oü X se dit moine et sujet de 1'abbé Winobert (•)• II ne change rien non plus a la phrase oü X dit avoir visité (!) Gomicourt (p. 170) dit que Z déclare avoir écrit a la demande de cet abbé. II a soin de ne pas indiquer le passage oü cela se trouve. La vêrité est que nulle part dans Z on ne rencontre pareiüe déclaration. 59 S. Léger: „vidi", que 1'on rencontre comme il a été dit dans XM et dans un certain nombre d'exemplaires de Z. En outre on n'a jamais connu que deux biographes contemporains de S. Léger: Ursin et le moine anonyme d'Autun. II n'y a que le seul K pour avoir été distrait au point de prétendre (Mon, p. 259) que Z n'avait pas été moine d'Autun mais de SaintMaixent. Concoit-on un religieux de cette abbaye (qui gardait le corps de S. Léger et qui avait eu comme abbé 1'auteur de Y) se faisant 1'apologiste d'Hermenaire, comme on Ie voit dans 1 écrit de ce Z ? Le concoit-on surtout, si on prétend encore, comme K, que U aussi aurait été moine de cette abbaye, U qui ne veut pas même nommer Hermenaire? Donc pas de troisième biographe contemporain de S. Léger, mais Z équivaut a X et vice versa et comme premier biographe on a U. Enfin Ie style de Z' est le même que celui de X* avec un égal désordre et une ample provision de mots et d'expressions barbares. L'idée, si chère a X, du démon, cause de tout le mal survenu a S. Léger, revient a plusieurs reprises dans Z': „athleta Uiristi .... (no 7)> antiquus serpens .... (ibid.), invidiam diaooli .... (n« 11), antiquum hostem .... (ibid.), a diabolicis viris .... (no 17)" etc. C'est le même amour des deux principaux persécuteurs du saint: Ie roi Thierry et 1'évêque Hermenaire. £■ va jusqu'a dédier a ce dernier son travail, le troisième et dernier de X (>). Ce sont encore dans Z' des distractions, des néghgences, des inexactitudes en masse du même genre que dans XM, comme nous le verrons ailleurs. Jamais non plus une date ou quelque indication précise. II n'y manque que Iesgrosses tautes de la copie XM et pour la bonne raison que Z' et Ia dédicace nous ont été donnés par le seul XZ et non par XM. JI n y a pas jusqu'au mot „passio" au commencement et a la fin de Z, mot qui se rencontre plusieurs fois dans la copie du prem.er travail de X(XM), qu'on ne retrouve encore dans beaucoup de copies de Z. C'est une indication que le premier travail ne tut pas une vie compléte mais une biographie inachevée, comme lest XM, et c'est dans Z un reste et un souvenir de ce premier travail, s.mple récit de Ia Passion. Enfin nous avons déja fait remarquer les mots „tandem, diu" de la dédicace. d'H^oL^J6*"? (ü*ï?2) qu'?,n n'ait 1ue le commencement de la réponse d Hermenaire a Ia dédicace. Nous pensons que la réoonse n'était n« plus longue et qu'on la posséde complement" P P 60 Plusieurs des considérations que nous venons d'émettre, établissent que Z et X sont un même auteur, et en outre que Z ne saurait être postérieur a S. Léger de cent-quatre-vingts ans, mais qu'il est, comme U, son contemporain. Quant a la date exacte a laquelle X (Z) finit son troisième et dernier travail, on ne saurait 1'indiquer. On sait seulement avec certitude qu'Hermenaire vivait encore puisque X le lui dédia. Malheureusement aucun document ne dit quand celui-ci cessa de vivre. D'après K (Na, p. 576; Mon, p. 256, 282) il mourut au plus tard en 693. Debye (n° 287) estime au contraire qu'il mourut au plus tót en cette année. Oams (Series episcoporum p. 500) opine pour 690 et Cave pour 680. Lelong affirme que Z écrivit en 687. Bref, on ne sait rien de précis. K cite (Mon, 1. c.) vingt-sept exemplaires anciens de Z. Nous estimons qu'il en existe une bonne trentaine en tout. Cela n'indique pas un grand succès. Le plus ancien est du IX* siècle. Dans Na (p. 569) K n'en connaissait pas encore rPantérieur a celui de Bruxelles, de la moitié du Xe siècle, et semblait le regretter paree que cela ne lui permettait pas de dire que Z avait écrit plus tard qu'entre le IXe et la première moitié du Xe siècle, plus tard que cent-quatre-vingts ans après S. Léger. La nouvelle découverte le réfute en prouvant que Z, si on veut bien supposer que le plus ancien exemplaire connu est contemporain de son auteur, a écrit au plus tard au IXe siècle. Or, ce serait trés extraordinaire et sans doute unique dans 1'histoire des manuscrits de cette époque reculée. En particulier pour ce qui concerne U, que K déclare postérieur a S. Léger, peut-être de soixante ans seulement, Ie plus ancien exemplaire qu'on en connait est cependant plus éïoigné de son auteur que ce plus ancien connu de Z ne le serait du sien. Cette copie de U est de la fin du VIIIe siècle. Quant a X, certainement contemporain de S. Léger, d'après K et nous-même, le plus ancien et le seul exemplaire connu est du Xe siècle! C'est donc une preuve nouvelle que Z est contemporain, sans qu'il faille même dire, par erreur, avec Demarteau que Pexemplaire de Bruxelles est du VIIe siècle (Vie de S. Lambert par Hucbald, p. 4-5). Ce qui indique encore le peu de succès de Z, c'est qu'au XIe siècle, nous 1'avons dit, a 1'abbaye de Murbach, érigée en 1'honneur de S. Léger, on ne le connaissait pas, ou du moins on ne voulait pas le connaitre, et, comme on se croyait en droit 63 mots). II est bien étrange que ni Debye ni Pitra, ni Guizot ni personne d'autre avant K (p. 568) n'aient rien remarqué. Nous avons déja vu comment Z2 (n»20) prend a U les mots: „Vir autem Domini Leodegarius cum ad suam plebem restaurandam resideret in urbe sua" et les fait suivre d'un passage qu^il emprunte a X: „ubi destinatum contra se...." passage qui n'a pas de rapports avec celui dont Z le fait précéder. Mais Z est surtout impayable lorsqu'il emprunte (n° 26) deux passages a U (n°24) dont Ie premier raconte que S. Léger fut fetiré „ex monasterio" comme s'il agissait d'un monastère qu'il aurait déja nommé, alors qu'il n'en a pas dit un traitre mot, et dont 1'autre cite quelques phrases de la fin du discours que le saint adressa au roi. L'explication? Elle est evidente. Z a trouvé bon d'omettre Ie passage de U (n°20) qui raconte que S. Léger fut enfermé dans un monastère et pareillement, quant au discours, d na pas copié le commencement qui dans U ne manque pourtant.pas (K, p. 568-9). D'autre part Z supprime Ia bévue de son précédent travail (X2) oü il racontait que S. Léger ne recouvra miraculeusement que plus tard les lèvres et la langue qu'on lui avait coupées et adressa cependant la parole a son frère immédiatement après ce supplice. Z omet (n° 29) un passage de son X2 (n° 28) trés glorieux pour S. Léger. Est-ce simple oubli ou autre chose? Au même endroit il répète jusque quatre fois que S. Léger recouvra la parole, trois fois d'après son X2 (n° 28) et une fois d'après U (n° 27): „nam inter ceperunt velocius intra parvum nam et lingua ....». Comme dans X2, Z continue d'indiquer trois temps différents oü cette guérison se serait produite Quant au pardon accordé alors par le saint a I'intrus Hermenaire, nous avons déja vu que Z cherche a cacher la chose et se contente a cet effet de retrancher le mot „indulgentiam" sans remarquer que par Ia sa phrase devient fort étrange. Plus loin (n32) Z omet de nouveau un passage élogieux pour S. Léger qu'on lit cette fois dans U (n°30). En outre il y insère d'une fagon trés maladroite un autre passage de U: „tune et ipsum conjicitur''. Dans les chapitres suivants (n° 35-6) Z ne dit plus comme dans son X* que les assassins étaient au nombre de deux, mais il suit U qui parle de quatre. Pareillement il abandonne (n« 38) un des diresde son X2 (n37) pour le remplacer par le passage 64 correspondant de U. H y supprime les ridicules paroles que dans X2 il prêtait au saint s'adressant a un de ses bourreaux. Un passage de X2 (nu 40) intéressant pour tout le monde, mais particulièrement pour nous qui avons entrepris de rechercher le vrai lieu du martyre et de la première sépulture de S. Léger, est omis par Z. II s'agit de la chapelle et du couvent que X2 dit avoir été construites sur Ie lieu du martyre. Nous aurons a Fétudier de trés prés. ! Nous avons déja fait remarquer la phrase de la finale de Z2 (n° 49) particulièrement aimable et indulgente pour le roi Thierry, phrase que Ie continuateur de U a eu soin d'omettre. L'introduction de Z8 maintlent la bévue commise par Z(X)> déja d'après nous dans celles de ses éditions précédentes qui avaient une troisième partie: il insère cette introduction entre deux noms de localités dont la première se rapporte a la seconde, mais n'a rien a voir avec l'introduction. En outre Z y conservé 1'expression de X3: „hoe opusculum" qu'il assure lui avoir été demandé par Hermenana. Or, cela ne peut se rapporter qu'au premier travail de X, a savoir X2 contenant le récit de la Passion du saint, non combiné avec U2. II est inadmissible, en effet, qu'Hermenana aurait prié Z de lui présenter un travail dont la seconde partie serait U volé et combiné avec X et dont la troisième lui était déja pareillement connue et partant qui n'aurait eu de neuf que Z1, si toutefois on ne tient pas que Z1 ne parut que plus tard, ou bien, avec K, que Z1 se rencontrait déja dès la première édition de X et n'aurait non plus rien eu de neuf pour 1'abbesse. En d'autres mots si ,Jioc opusculum" se rapportait aussi bien a la troisième qu'a la seconde (et première) édition de Z, il s'en suivrait que ce dernier aurait eu le front d'offrir a 1'abbesse des pièces ou volées ou que presque toutes, si pas toutes, elle ne pouvait manquer de connaitre, vu son grand amour pour 1'évêque-martyr: „impatienter nos compulit". D'après K, la gaffe commise par Z a propos de cette introduction, serait encore plus colossale! II 1'aurait prise a X3 qui, toujours d'après K, avait, lui seul, un résumé (en deux phrases) de Y, mais il aurait combiné ce résumé si court avec la relation beaucoup plus longue faite par U et qui ne ressemblait en rien a la relation de Y et cependant Z aurait laissé subsister dans cette introduction prise a X8 1'affirmation que le jnélange nouveau qu'il donnait était aussi 1'abrégé de Y! Fort f35 heureusement pour Z\ K se trompe, comme nous 1'avons prouvé et partant Z n'a pas poussé 1'impertinence a 1'égard de 1'abbesse qui lui avait remis la relation authentique de Y, jusqu'a ne pas meme lui présenter dans son dernier travail, un abrégé de cette relation, mais une composition toute différente, sauf pour deux petites phrases. Quant a ce qui suit l'introduction de Zs c'est-a-dire 1'abréeé proprement dit de Y, nous avons déja déclaré ce qu'il fautln penser. On voit par 1'examen que nous venons de faire de Z' et surtout de Z> (U*-X*) que ceux-ci, tout comme X'et X» sont I oeuvre de X et indiquent un écrivain peu sérieux, un auteur qui n'a guère droit a 1'estime et a Ia confiance. Une conclusion qui concerne U et X c'est qu'ils sont un et 1'autre contemporains de S. Léger. Nous en donnons plus loin une preuve nouvelle, a savoir que trés probablement Oodescalc dans sa vie de S. Lambert, dont on possède une copie du vin* siècle, a connu et a mis k profit U et Z. B) Deux questions spéciales. t. Les arguments par lesquels K cherche a établir que U n'est pas contemporain de S. Léger. D'après K, U mentirait chaque fois que directement ,ou indirectement il se dit contemporain de S. Léger; bien au contraire il lui serait postérieur d'un siècle ou de soixante ans au moins. Déja par différents arguments, généraux et spéciaux, nous avons combattu et renversé cette thèse. II ne nous reste qu'a répondre aux quelques preuves par lesquelles K (p. 591) veut imposer son opinion. Elles se réduisent a deux: le latin de U plus coulant que chez les autres écrivains francs de Ia fin du VII* siècle et certaines inexactitudes qu'un historiën contemporain n'aurait pu commettre. Le style d'abord. K s'est chargé de se réfuter lui-même par une singuliere contradiction. Après avoir affirmé que le latin de U est coulant, il ajouté immédiatement que cependant il fourmille (wimmelt) de fautes contre la grammaire. II n'est pas possible de comprendre qu'un latin puisse être coulant s'il fourmille de fautes et vice versa. C'est dire en même temps que U est et n est pas du VII* siècle. Bref K ne se laisse guider que par son antipathie pour les saints et pour U chez qui il ne 67 pour parler ainsi on doit être postérieur de soixante ans au moins a S. Léger, attendu que cette dignité ne fut pas abolie avant ce laps de temps. Quant au fait en lui-même, K le rejette, paree que ni X ni aucun autre document contemporain ne le rapportent, paree que les fonctions de maire du palais étaient incompatibles avec celles de 1'épiscopat, paree que Childéric prit avec lui, en Neustrie, son maire d'Austrasie, Wulfoald, qui fut présent aux fêtes de Paques a Autun et ne retourna en Austrasie qu'après 1'assassinat de son maltre. D'après K, U aura déduit son affirmation de ce qu'il avait lu dans X, a savoir que S. Léger fut le principal conseiller de Childéric! Voila donc un grave renseignement politique que K déclare entièrement propre a U, accusé par lui de n'en fournir jamais de cette sorte. On voit de quelle facon déraisonnable K 1'accueille. II en conclut que U doit être postérieur a S. Léger de soixante ans au moins et cela pour 1'étrange raison qu'alors seulement la fonction de maire du palais fut abolie. Si les maires avaient existé plus de soixante ans après la mort de S. Léger, les historiens qui écrivirent après ces soixante ans n'auraient pu ignorer que le saint n'avait pas été maire du palais, mais paree que U, a ce que K prétend, écrivait immédiatement ou presque, après la suppression de cette dignité, il était possible qu'il ignorat que S. Léger n'avait pas été revêtu de cette charge! Les arguments de K pour établir cette thèse sont non moins admirables. D'abord il affirme que X ni aucun document contemporain n'en disent mot. Cela prouve que U est Ie seul comtemporain qui en parle et rien de plus. II y a des centaines de faits qu'il faudrait nier si 1'argument était sérieux. On devrait commencer par rejeter, déja pour ce seul motif, ce qu'on lit dans X, non dans U ni aucun autre contemporain de X et que K recoit cependant avec une reconnaissance et une joie sans pareilles: Ebroïn fit proclamer roi un prétendu fils de Clotaire! Le second argument de K n'est pas plus solide. II prétend que cette dignité était incompatible avec 1'épiscopat. Bien des écrivains le nient, tout en n'admettant pas, pour d'autres motifs ou sans indiquer Ieurs motifs, que S. Léger ait occupé ce poste. On peut voir Oomicourt, Waitz (Verfassungsgeschichte, II p. 427), Du Moulin (p. 66), Delgove (p. 32) etc. Baronius et Duchesne ajoutent foi a U et le dernier insère même les mots: „major-domus Franciae" dans le titre des vies de U et de X 68 qu'il public K aurait pu ne pas 1'ignorer. Au lieu de seulement affirmer 1'incompatibilité des deux charges, il devait la prouver et réfuter les objections. Fauriel aussi (T. 2, p. 46) admet que S. Léger fut maire du palais, mais il ajouté: „en Burgondie". Nous ignorons oü il a pris ce détail. Ampère (Hist. littér. de la France avant le XIIe siècle, T. 2, p. 393) parle de même en ajoutant des détails ridicules et inventés qui font que son dire n'a pas de valeur. Le dernière preuve de K ne dit non plus grand chose. Léger et Wulfoald pouvaient être maires en même temps, de la manière dont le furent Arnould de Metz et Pépin, qui tous deux portèrent ce titre (Mabillon, II, 142, c. 8, II, 1044). Pour Léger qui ne cherchait que le bien de la patrie et non sa propre gloire, cette dignité devait être plutöt un poids qu'il aura porté sans vaine ostentation. Et c'est la en effet ce que disent certains exemplaires de U, a savoir que le saint 1'accepta a contre-cceur. (Debye, p. 487, n). L'objection proposée par Du Moulin (p. 66) ne vaut pas plus que celle de K: on ne produit aucun document oü Léger signe comme maire du palais. Réponse: en connalt-on un seul qui date des temps oü 1'evêque aurait occupé ce poste et qui porterait la signature d'un maire du palais, autre que lui? Et si 1'on n'en connalt aucun, sur quoi se base l'objection? Pareillement, si la condition dont il s'agit est requise pour qu'on puisse être compté parmi les maires, combien en restera-t-il de ceux qu'on a toujours tenus pour tels? Quant au fait en lui-même et a 1'assertion de U, ou vient de voir que plusieurs écrivains 1'acceptent tout simplement. D'autres cherchent a expliquer U, d'une facon ou de 1'autre, mais personne, sauf K, n'en a jamais tiré 1'incroyable conclusion que U serait postérieur de soixante ans au moins a S. Léger. Anal (p. 109) est d'avis que c'est par ignorance et simplicité que U a parlé ainsi. Mais en ce cas comment peut-il encore ajouter foi a quoi que ce soit qui vient de U? On ne peut non plus féliciter Audulphe d'avoir arrêté son choix sur un écrivain aussi peu instruit. Pareillement on doit croire que U ment.lorsque dans sa dédicace il déclare qu'il s'est soigneusement informé auprès de témoins bien renseignés etc. Pour Mézeray (Chap. 4), Baillet, Oallia Christiana (T. 4. p. 349-5) et autres, S. Léger avait 1'autorité mais non le titre de 69 maire du palais. Pitra établit une distinction (p. 274, 112) entre „major domus" et „rector palatii" que U emploie a peu de distance Pun de 1'autre et il affirme que la seconde expression doit expliquer la première. Inadmissible, puisque U ajouté: „Leodegarius super omnem do mum suam sublima vit „ce qui ne peut s'entendre de la simple charge de directeur de I'école du palais. Toutes ces expressions sont synonymes et ont toujours été considérées comme telles. Adrien de Valois (Rer. Franc. T. III p. 25) et Debye (n° 126) sont d'avis que U a voulu dire que le saint fut un des principaux conseillers du roi. On peut lire sur cette question Loening (T. 2, p. 265-5). Rien ne prouve donc que U a menti ou s'est trompé et que ce n'est pas plutöt 1'insipide X, 1'avocat d'Hermenaire et de Thierry III, dont on a le droit et le devoir de se défier, qui a cherché a diminuer la gloire du saint par son expression peu claire: „Leodegarium eo quod cognoverat (rex) prae omnibus sapientiae luce esse conspicuum, suam assidue retinuerat in paiatio." Nous croyons que même sous ces mots on peut trouver plus qu'un conseiller, comme K le voudrait. Dans Mon (p. 257 8) K énonce une autre difficulté ou objection : „U ne dit pas qu'il a connu des témoins oculaires de ce qu'il écrit; bien au contraire, il affirme qu'il n'existe plus aucun contemporain pour raconter ce que Léger a souffert. En outre il appelle Audulphe qaemdam virum Dei (n°. 50) de sorte qu'il ment lorsqu'il prétend dans sa dédicace avoir écrit a sa demande." Nous répondons qu'on ne lit nulle part dans U qu'il n'a pas consulte des témoins oculaires et contemporains. Nulle part non plus il ne dit qu'il n'existe plus de témoins de cette sorte pour raconter toutes les souffrances de S. Léger, mais dans sa dédicace, il emet la pieuse réflexion que nul ne saurait exposer toutes les vertus que Ie saint a pratiquées en secret, principalement depuis Ie jour qu'on lui arracha les yeux. C'est assez différent' de ce qu'on voudrait faire dire a U. En outre, comment K peut-il prétendre que U se serait aussi maladroitement mis le doigt dans 1'oeuil, dès les premières lignes de son travail, alors qu il declare (p. 592) que U n'a pas son pareil pour cacher savamment son jeu. D'une part il se dirait soutenu et encourage a eenre par deux illustres contemporains, Ansoald et 70 Audulphe, et d'autre part, clairement et ouvertement il ajouterait qu'il n'a connu aucun contemporain! Quant aux mots „quemdam virum Dei", ils n'obligent pas a conclure que U n'est pas contemporain d'Audulphe ou qu'il n'a pas connu cet abbé. Nous avons vu qu'ils constituent une des preuves que la finale de U2, oü ces mots se rencontrent, n'est pas l'ceuvre de U, mais d'un autre, contemporain encore, qui, lui, ne devait pas connaitre Audulphe. C'est donc de cette finale et non de la dédicace qu'il fallait se défier. Nous sommes par conséquent de 1'avis de Camerlinck qui déclare continuer de croire, malgré 1'article de K, que U et même Z sont contemporains de S. Leger. Nous ne saurions approuver Potthast qui dans sa seconde édition, a cause de ce même article, a cru devoir se corriger (p. 1421) et affirmer que U était du VIIIe siècle. 2. Les arguments par lesquels K prétend prouver que U a consulté et pillé X. Plusieurs fois, dans les pages précédentes, nous avons montré, par des considérations générales, combien il est improbable et pour ainsi dire impossible que U aurait mis a profit X. C'est bien plutót le contraire qu'il faudrait prétendre si vraiment on rencontrait dans U et dans X des passages qui forceraient a conclure que 1'un a été la source de 1'autre. En effet, ce serait jusque deux fois, a deux époques différentes, que U aurait dü consulter et piller X, puisque, comme nous 1'avons vu, X' et X2 ne parurent pas en même temps. En outre il est beaucoup plus probable, si on tient que U2 et XJ ne sont pas également anciens, que X est le plus récent, ainsi que nous 1'avons vu. Nous avons aussi établi que c'est X qui s'est approprié U2pour le mêler a son X2 et par conséquent, il faut conclure, si 1'on constate d'autres vols, que le même X et non U est le coupable. Nous disons encore avec Du Moulin (p. 14) qu'il serait fort étrange, si U avait dévalisë X, qu'il ne lui eüt pas pris certains récits qui étaient plus conformes a son but, plutöt que d'autres qui 1'étaient beaucoup moins, par exemple la charité du saint envers les pauvres, son amour pour la splendeur du culte, sa conduite si noble et si généreuse au moment de se livrer a ses ennemis etc, etc. Dira-t-on peut-être avec Gomicourt que U a omis plusieurs passages de X afin de faire croire qu'il ne le connaissait pas? Mais en ce cas, pourquoi n'aurait-il pas 71 plulót laissé a X d'autres faits qui atteignaient moins son but? Ensuite, comment expliquer que Gomicourt ait osé émettre une pareille supposition a une époque oü 1'on affirmait que celui des deux que 1'on considérait comme le moins ancien était le même qui avait littéralement copié dans 1'autre toute la troisième partie et la finale de la deuxième? On pourrait donc répondre a Gomicourt, comme quelqu'un lui répondit effectivement (p. 288) que si U avait mis a profit X, on devrait s'étonner que pour n'être pas reconnu, il eüt omis certains passages, alors qu'il en aurait copié littéralement tous les derniers chapitres. On ne voit nulle part que Gomicourt ou un autre ait répliqué. Les „arguments" de K pour établir que U a copié et falsifié X reviennent le plus souvent a ceci: „U dit telle ou telle chose favorable ou glorieuse pour S. Léger. Or X ne le dit pas ou affirme le contraire (?). Donc U a menti et a falsifié X. „Quel raisonnement! Comment ne voit-on pas que pour 1'anéantir il suffit de le rétorquer et de dire: „X, 1'avocat des deux principaux persécuteurs de S. Léger, dit telle ou telle chose qu'on peut interpréter d'une manière défavorable pour S. Léger. Or, nemo malus nisi probetur et, en outre, U n'en dit rien ou affirme le contraire. Donc X ment ou du moins se trompe et il ne faut pas en tenir compte." S'ensuit donc la liste des vols, faksifications, mensonges et misères de tout genre par lesquelles, d'après K et autres, U se serait tristement distingué, et qui doivent avoir pour effet de prouver qu'il n'est pas contemporain du saint, qu'il est un ignorant (sauf toutefois dans 1'art de cacher ses fourberies) indigne de toute confiance ou considération etc, etc. L'examen que nous commengons a pour but de détruire ces accusations et de jeter de la lumière sur plusieurs passages des vies du saint mal interprétés par d'aucuns. K remarque d'abord (p. 577) que d'après X (n° 5) 1'éducation de Leger fut confiée a son oncle, 1'évêque Didon, tandis que selon U (n° 4) ses parents commencèrent a le mettre a 1'école du palais d'oü le roi Clotaire II 1'envoya chez son oncle susdit qui chargea de son instruction un de ses prêtres, instruction a laquelle après plusieurs années, lui-même voulut mettre la dernière main. Or, puisque Léger avait pour oncle 1'évêque Didon, c'est lui qui aurait dü paraltre avant tout dans cette 73 et de Clotaire III, va demeurer au palais, chose également inconnue a X; puis, grace a Bathilde seule d'après X (n° 7), a Bathilde et a Clotaire d'après U, devient évêque d'Autun. X seul en explique les circonstances" (K, p. 578). K ne tire aucune conclusion de sa découverte. Si X ne sait rien de la nomination de Léger comme abbé, ce n'est pas le plus beau de son histoire. En tout cas il ne va pas jusqu'a Ia nier et par conséquent 1'ignorance ou le silence de X ne sont pas des raisons pour accuser U d'avoir menti. Ils le sont d'autant moins que U ajouté plusieurs détails qui prouvent qu'il est bien renseigné: Léger fut abbé pendant six ans, il enrichit 1'abbaye etc. Enfin, pour quel autre motif fut-ce 1'abbé de Saint-Maixent qu'on chargea de la translation des restes du saint, et cette abbaye recut-elle, de préférence a toute autre église du diocèse de Poitiers, le corps de 1'évêque-martyr ? L'étrange hagiophobe K n'a rien vu de tout cela. II se contente de ramasser dans U tout ce qui ne se trouve pas dans X et de Ie nier ou de Ie ridiculiser 1 C'est trés facile, mais c'est surtout absurde. On peut faire de même pour X par rapport a U et opposer ainsi tous ceux qui ont écrit sur un même sujet. D'ailleurs X non seulement ne nie pas le fait, mais il ne 1'ignore ni ne le cache pas absolument ou du moins pas toujours. Nous avons vu que plusieurs fois il en est question dans la finale de la seconde partie dont X est 1'auteur et dans 1'abrégé de Y par le même X. Que si on prétendait avec Friedrich que U a pris son renseignement dans Y, on pourrait lui demander d'en donner la preuve ou du moins d'établir que pour ce motif il faudrait nier le fait. Quant au séjour de Léger au palais, si X n'en dit rien et pareillement s'il ne parle que de 1'intervention de Bathilde, ce n'est certes pas pour deplaire a Thierry III et pour trop exalter Ie saint. En tout cas et derechef X ne nie pas 1'intervention de Clotaire. Ensuite si U ne raconte pas, comme X trouve bon de le faire, ce qui s'était passé a Autun avant 1'arrivée de Léger, c'était son droit, car il poüvait Ie considérer comme une espèce de hors-d'ceuvre qui ne devait pas trouver place dans une vie écrite avant tout pour édifier. Enfin, nous avons déja observé a Ia suite de plusieurs autres, combien il serait incompréhensible, si U avait consulté et pillé X, qu'il n'eüt pas fait plus d'emprunts au long n» 6 dans lequel il y a tant de détails conformes a son but. 74 D'après K (p. 578) un passage de X (n°9) aurait été mal compris par U (n° 8). X raconte qu'a la mort de Clotaire Hl, les grands tinrent une assemblée et rejetèrent Thierry III présenté et patronné par Ebroïn „inito in communi consilio, relicto eo (Theodorico) " pour prendre a sa place Childéric II. Par contre, U, quand il raconte que les Francs rejetèrent 1'avis d'Ebroïn (de choisir Thierry III) se sert des mots: „relicto ejus (Ebroïni) consilio" c'est-a-dire qu'il emprunte a la phrase de X „inito in communi consilio" le dernier mot pour lui donner un sens tout différent, puisque dans cette phrase de X, „consilio" signifie „réunion, assemblée" tandis que U 1'emploie dans son autre sens d'„avis, opinion" et pareillement U prend a „relicto eo" de X le premier mot „relicto" qui s'y rapporte a un homme, au roi Thierry, pour 1'appliquer a une chose, a savoir a un „avis ou opinion" et de ces mots volés a X, U forme sa phrase: „relicto ejus (Ebroïni) consilio" et par conséquent U n'a pas compris l'„inito in communi consilio, relicto eo " de X. Nous sommes d'avis et nos lecteurs le seront sans doute aussi, que c'est un peu fort! U dont K est le premier a dire qu'il ne connalt pas mal le latin, U n'aurait pas compris dans X (qu'il consultait, a ce qu'on prétend) une phrase aussi simple. Ce serait d'autant plus inexplicable que U raconte comme X, mais en d'autres mots le même fait: les Francs (réunis en assemblée, évidemment) rejetèrent par crainte d'Ebroïn, son protégé Thierry et ne tinrent aucun compte de son avis, „relicto ejus consilio". Et c'est dans ces trois pauvres mots, aussi naturellement amenés dans le texte de U, qu'on prétend trouver la preuve que U a consulté et volé X et sans le comprendre! A 1'occasion des deux textes latins dont il vient d'être parlé, K (p. 578-0) émet plusieurs autres critiques au sujet de U. „Naturellement, d'après U, c'est Léger qui prend 1'initiative pour 1'élection d'un nouveau roi. 11 s'empresse de se rendre au palais et se met a délibérer a ce sujet avec ses partisans. — Pour designer 1'élection d'un nouveau monarque, le mot propre n'est pas „subrogare" dont U se sert, mais „sublimare" de X. — D'après X Thierry fut roi pendant quelque temps mais ne put être intronisé solennellement; U ne le fait pas même arriver a la royauté. II s'est évidemment laissé tromper par la forme hypothétique de X: „debuisset sublimare". — X raconte qu'Ebroïn dut la vie aux prières de quelques évêques et surtout de Léger; 75 U affirme que lui-même demanda au roi son pardon et que Léger seul interceda pour lui et que grace a Léger seul, Ebroïn eut la vie sauve." Rien ne permet de dire que U attribue a Léger 1'initiative de 1'élection royale. S'il le disait, rien ne prouverait qu'il ment ou que X dit le contraire. D'ailleurs K lui-même ajouté avec U que Léger se mit a „délibérer avec ses partisans". Ces mots ne disent pas qu'il eut un titre ou une place spéciale dans 1'assemblée. — U connalt aussi bien que X le mot „sublimare". II 1'emploie a différentes reprises et jusque dans le chapitre même dont nous nous occupons en ce moment. Mais quand il écrit qu'Ebroïn cherchait a „subrogare (Theodoricum) fratri in regno" il ne veut pas dire qu'Ebroïn travaillait a „faire proclamer roi Thierry" mais a „mettre Thierry a Ia place de son frère". K n'a donc pas compris U. — Nulle part U ne nie que Thierry fut roi pendant quelque temps, mais il omet d'en parler paree que ce détail ne lui parait pas devoir intéresser les pieux lecteurs de son écrit et que Thierry resta roi si peu de temps qu'il ne lui fut pas même possible de se faire reconnaitre publiquement (Debye n» 106 et p. 487, m). Par conséquent il est faux on en tout cas il n'est pas „évident" et rien ne prouve que U, cette fois du moins, aurait mal compris X, a savoir quand il dit: „debuisset sublimare". A ce propos nous ferons remarquer combien tout ce passage de X est rempli de flatteries, de bienveillance et de compassion pour Thierry. Tout a 1'heure X ira méme jusqu'a dire que ce fut par crainte de mauvais traitements et a contre-cceur que beaucoup 1'abandonnèrent. K occupé uniquement a chercher de petites niaiseries pour prouver que U est un ignorant et un admirateur outré de S. Léger, K n'a rien compris aux flatteries de X a 1'adresse de Thierry qui fut le grand bienfaiteur de son maitre Hermenaire. Même lorsque X par ignorance, si pas par un excès de flatterie, fera de Thierry le second fils de Clotaire et par conséquent la victime d'autant plus sympathique des usurpations (!) de Childéric, K ne remarquera rien et ne dira mot. — U ne dit nulle part que Léger seul intercéda pour Ebroïn et que lui seul le sauva de la mort et partant il n'est pas en opposition avec X qui affirme que ce fut surtout Léger qui obtint sa grace. D'autre part X ne dit aucunement qu'Ebroïn ne demanda pas son pardon ou qu'il Ie refusa ou resta silencieux, et par conséquent X ne contredit 78 „U et X ne sont pas d'accord sur 1'origine de la disgrace de S. Léger. D'après X (n° 13) on avertit le roi que Léger et Hector cherchaient a le tuer, mais U (n° 12) corrige X et dit qu'on avertit Léger que le roi en voulait a sa vie. La version de U est tout a fait improbable et inspirée par la volonté d'éloigner de Léger jusqu' a 1'ombre d'une faute. — X affirme que Ie roi n'assista pas a 1'office, mais continua de rester h 1'abbaye de Saint-Symphorien, puis fit irruption dans 1'église pour tuer 1'évêque et enfin se rendit dans la maison attenante a 1'église et qui avait été préparée pour lui. D'après U le roi assista k 1'office, y communia et alla déjeuner, non dans une maison a cöté de 1'église, mais dans son palais. — Naturellement U sait et est seul a savoir que le roi envoya une grande armée è la suite de Léger pour s'en emparer." Cette fois K présente presque autant d'erreurs que de mots et prouve qu'il a lu avec peu d'attention les deux biographies. II affirme d'abord que U ment évidemment et falsifié X lorsqu'il dit que ce fut le roi qui le premier songea a tuer Léger et non vice versa. Or, X 1'affirme aussi bien que U. Dans les pages précédentes et a plusieurs reprises il raconte que Léger avait contre lui tout un parti qui ne cherchait qu' a le calomnier auprès du roi, surtout a 1'occasion de 1'invitation et du voyage a Autun. En outre le même X raconte que dès le jeudi saint un certain Berthaire avertit Léger' que le roi en voulait a sa vie. X ne raconte pas le fait a sa vraie place et se distingue même dans tout ce chapitre par un grand désordre et par des réflexions dont on aurait pu facilement se passer, désordre et réflexions qui sans doute s'expliquent par le fait qu'il doit y commencer une besogne peu facile: la justification d'Hermenaire. — Rien non plus ne permet de dire que U seul parle d un palais oü le roi était logé a Autun. Puisqu'on fait dire a X que le roi se retira dans la maison attenante a 1'église et qui avait été préparée pour lui, qu'est-ce qui peut dispenser de croire que c'est la le palais dont il est parlé dans U? Mais il y a plus. X en parle aussi bien que U et emploie le même mot „palatiunv". Comment a-t-on fait pour ne pas le voir et pour prétendre (p. 572), contrairement a U (et a X) que le roi fut logé a 1'abbaye de Saint-Symphorien? Si K avait du moins eu 1'idée, si simple pourtant, d'aller aux renseignements et de chercher quelque plan ou topographie d'Autun, il aurait appris que 79 tout un quartier et toute une enceinte de la ville s'appelaientt „palatium" et que la seule explication qu'on puisse admettre, jusqu' a preuve du contraire, c'est qu'un palais situé dans cette partie lui avait donné son nom (Pitra p. 217; De Charmasse : Autun et ses monuments) — Enfin X dit, aussi bien que U, que le roi assista a 1'office et communia, mais il ressort de son récit que Childéric ne voulant, par crainte d'un complot, se rendre dans 1'intérieur de la ville, Ie „castrum" comme on 1'appelait, et partant dans la cathédrale, Léger, suivi de son clergé, se rendit avec Ie monarque a 1'église de Saint-Symphorien et y célébra 1'office. Mabillon fait erreur quand il affirme que d'après la vie de S. Prix, celui-ci aurait célébré devant Ie roi et que Léger et le monarque communièrent dans deux églises différentes, le premier dans sa cathédrale, le second a Saint-Symphorien. Les vies de S. Prix disent qu'on 1'invita a célébrer, mais elles n'ajoutent pas qu'il accepta. Quant a la seconde partie de 1'assertion, elle n'a rien d'inadmissible et devrait être acceptée, s'il était prouvé que, la veille de Paques, S. Prix célébra devant Childéric. Lorsque 1'office fut achevé, le roi se rendit pour déjeuner .dans son palais pendant que 1'évêque allait dans le baptistère prés de sa cathédrale administrer le sacrement. Après son repas, Childéric excité plus que jamais et déja pris de boisson, entra dans la ville et courut a 1'église avec 1'intention d'y massacrer 1'évêque. II le trouva au baptistère, mais fut touché et comme terrif ié par Ia splendeur de la cérémonie. II sortit et alla, non pas „dans la maison de 1'église qui avait été préparée pour lui" mais a „l'intérieur de 1'église (intra domum ecclesiae) a la place qui lui avait été réservée". L'évêque, le baptême terminé, vint 1'y rejoindre et se plaignit de ce qu'il avait refusé d'assister a 1'office dans la cathédrale. II parvint a le calmer. CÓmme toujours U omet ce qu'il croit peu important ou pas conforme au but de son écrit. — K se moque de U qui racomte que le roi envoya une grande armée pour s'emparer de Léger. II trouve que „naturellement" U devait débiter celle-la. Pauvre plaisanterie! Rien de plus vrai que 1'assertion de U. Puisque on ne cessait de répéter au roi que Léger complotait contre lui, n'est-il pas évident que, lorsqu'il apprit la fuite de l'évêque et de plusieurs de ses amis, il se sera imaginé que celui-ci était parti pour exciter les peuples environnants et revenir sur ses pas a la tête d'une forte armée 2' 80 (Pitra, p. 295). Et de nouveau K n'a pas su trouver cette solution. Toutefois nous pensons que la vraie explication est assez différente. D'après U Ie roi fut affigé du départ de l'évêque et envoya une grande troupe de soldats pour le ramener. Cette version nous semble beaucoup plus probable que celle de X qui n'aura été inventée que pour pouvoir mettre en scène Hermenaire et excuser ses intrigues en lui faisant jouer un röle favorable a S. Léger. Au fond Childéric aimait et estimait ce dernier dont il avait recu les plus grands services. Mais lorsque a la suite de quelque orgie, pendant laquelle on 1'avait excité contre l'évêque, il se levait enfin de table, le brutal Mérovingien devenait capable de tout. Puis, le calme revenu, la réaction se produisait. Or, c'est sans doute d'une de ces réactions qu'il s'agit ici et qui eurent pour effet 1'ordre donné a une troupe entière de soldats de rechercher et de ramener le saint et d'empêcher ses amis persuadés qu'on voulait lui faire du mal, qu'ils s'opposassent a ce qu'on le conduisit prés du roi. Léger qui connaissait parfaitement celui-ci et n'ignorait pas combien ses contritions duraient peu, aura insisté pour pouvoir continuer son voyage vérs Luxeuil. Si Hermenaire en a eu 1'occasion, il n'aura pas manqué d'appuyer cette demande. C'est clair! II nous faut maintenant dire un mot d'un passage de la vie de S. Prix dans lequel il est question de S. Léger et d'Hector. X, comme on vient de le voir, s'en occupe pareillement, tandis que U et une autre vie de S. Prix n'en disent mot. La vie dont il s'agit appelle Hector „infamis vir" et ajouté s „alio sibi in scelere sociato, nomine Leodegario, pervenit (HeCtor) ad regem, quod postea in ejusdem martyrio perficiendo fomes scandali fuit.... Hector captus regalibusque edjctis peremptus est; Leodegarius vero poenitentia ductus et in exilium Luxovio trusus.... impie valde peremptus palmam martyrii adeptus est sacrisque nunc virtutibus pollet". Ce texte a été publié par Bollandus (25Januarii) et réédité par K (Na, 1893, p. 629-49; Mon, T. 5, 1910, p. 239-1). Anal s'en est occupé (1894, p. 62; 1910, p. 447) et est d'avis que „1'auréole de S. Léger y perd quelque peu de son éclat, mais la vérité y gagne d'autant''. Ce n'était pas 1'opinion de Bollandus ni de Debye (n° 134-8) et ce n'est pas la nötre. Le biographe de S. Prix, pas plus que X, ne dit que Léger et Hector conspirèrent le moins du monde contre Childéric. 81 Us en furent soupconnés injustement et ce fut la raison des mauvais traitements qu'ils subirent: Hector mis a mort et Léger exilé a Luxeuil. Le vrai crime d'Hector, d'après 1'historien de S. Prix, mais nullement d'après X(') serait d'avoir accusé et poursuivi injustement le saint évêque de Clermont. II ne dit pas que Léger fut son complice, mais qu'il se laissa entrainer par celui-ci „alio sibi in scelere sociato" et non pas „alio scelerato sibi sociato". S'il ajouté un peu plus loin que Ie saint fit pénitence, cela peut parfaitement s'expliquer: il pouvait regretter de n'avoir pas été plus prudent (Debye, 1. c.) On voit par la avec quel mépris on doit repousser le jugement de Sismondi (T. 2, p. 67) a propos de ces événements: „Cela donne la mesure du crédit que méritent les panégyristes de S. Léger". Si 1'historien de S. Prix avait vraiment voulu dire ce que Sismondi et consorts souhaitent qu'il eut dit, il faudrait reconnaltre qu'il avait une mentalité fort étrange puisqu'il ajouté que S. Léger fut „impie valde peremptus" et qu'il mourut martyr et opéra beaucoup de miracles. II n'est donc pas vrai non plus qu'il considère Léger comme saint „depuis son martyre" (Anal, L c.) Enfin nous demandons a K et a ses partisans dans cette question comment ils expliqueraient, si Léger avait réellement trempé dans ce complot, que X qu'ils disent si sincère et si peu gêné pour proclamer ce qui est défavorable au saint, n'en dit mot, mais au contraire le montre sans faute aucune et persécuté injustement; X n'accuse pas même Hector de ce crime. Autres découvertes de K (p. 582). Parlant de la paix qui existait a Luxeuil entre Léger et Ebroïn, X écrit (n° 15): „concordem ducerent vitam" et U (n° 14): „steterunt concordes" donc U a copié X. — X seul raconte les détails de 1'assassinat de Childéric. — X et U parlant de ce qui arriva le lendèmain du retour de Léger et d'Ebroïn se servent Ie premier (n° 17) de: „crastina die" le second (n° 16) de: „in crastinum" donc U a copié X. — D'après X (1. c.) Léger et Ebroïn partirent le lendèmain (crastina die) pour se rendre chez Thierry III, mais, au milieu de Ia route, Ebroïn se sépara de l'évêque; au contraire, selon U (1. c.) Léger voulait renvoyer Ebroïn chez lui, mais celui-ci abandonna secrètement la ville pendant Ia nuït (nocte). (!) II n'est cependant pas exact que X loue sans restriction Hector, comme Debye 1'affirme (n« 136). X écrit a son sujet: „prudentiesaeculari prae caeteris praeditus". 6 83 de la mort de Childéric, qu'il le faisait mourir de mort naturelle, et que par conséquent U était opposé a tous les historiens et n'était qu'un prodige d'ignorance etc, etc. K lui répond trés bien que ce mot s'emploie aussi en parlant de mort violente et est de 1'époque Mérovingienne. Conclusion: si X a raison de donner quelques détails sur le meurtre de Childéric, U n'a pas tort de les omettre pour s'en tenir a ce qui regarde directement son héros et 1'édification de ses lecteurs. — II n'y a pas d'opposition entre U et X pour ce qui concerne Ie départ de Léger et d'Ebroïn. Mais s'il en existait, on aurait a prouver que U et non X se trompe ou ment. Voici donc: Léger aurait voulu qu'Ebroïn retournat le lendèmain dans sa familie et renoncat a la vie politique. L'ancien maire du palais fit semblant d'accepter et 1'eveque Ie chargea de présents. (Ce détail se trouve dans U seul).- Mais le jour suivant (crastina die) de grand matin (nocte) Ebroïn s'enfuit avec ses partisans. Léger, qui sans doute 1'avait surveille, Ie rejoignit bien vite avec ses amis et on décida d'aller ensemble chez Ie roi (irent pariter). Au milieu de la route Ebroïn se sépara de Léger pour se rendre d'abord dans son pays et dans sa familie, puis chez les Austrasiens. Léger continua son voyage et arriva chez le roi. Nous avons déja vu que rien ne permet de dire avec K (p. 573) que Léger se rendit chez Thierry pour réclamer son siège et expulser 1'usurpateur; U dit clairement (n« 16) que Ie peuple d'Autun recut, avec une joie sans pareille, son évêque et Ie rétablit dans son ancienne dignité. C'était d'ailleurs dans 1'ordre et imposé par le fait même de son retour de I'exil. K continue (p. 582-5): „D'après U (n16, 18) Ebroïn se présenta devant Thierry et redevint son maire du palais, se vengea de ses ennemis, assiégea Autun et s'empara de Léger. Au contraire X affirme (n»° 17,19 a compléter par 20, 25) (>) que d'abord Ebroïn attaqua Thierry, pilla son trésor, tua son maire du palais, repandit le bruit de la mort de Thierry, proclama roi un prétendu fils de Clotaire, assiégea Autun pour forcer Léger a reconnaltre ce roi, s'empara de l'évêque, abandonna son pseudoroi et pms, après tout cela seulement, Tedevint maire du palais. birÏÏsoï'dë n p!V v" SC vP? rer %^v^ Ie 1,0 19 commence la comrnin» !* X par X (alias P- Nous avons déïa fait te critique li l t' ?e' lei nous examinons les assertions de U2 et de X2 avant leur combmaison et exposées par K et autres. 84 II est évident que U est un ignorant et fait erreur". — X écrit (n° 17): „Si non fuga latitando discessit, gladii internitione deperiif' et U (n° 16): „Qui remanserant ex ejus caede perrexerunt fuga". Item X: „hostis" et U: „exercitus copiosus". — U raconte (n° 18) qu'Ebroïn se rappela tout le mal que Léger lui avait causé auprès de Childéric. Or, cela ne s'accorde pas avec ce qu'il a dit précédemment, a savoir que Léger aurait intercédé pour lui. — X affirme (n° 20 seq.) que Léger quitta seul la ville pour se livrer aux assiégeants. II ajouté: „sponte se obtulit.... ab ejus capite lumen evellerunt oculorum.... et dum intrinsecus eum lux spiritualis impleverat, de corporis oculis nihil curabat praedictum vero Gairinum lapidibus jussit ob- primere.... nam inter sputamina sanguinum incisa lingua sine labia solitum reddidit eloquium". Mais U raconte (n° 18 seq.) que Léger sortit de la ville en compagnie de plusieurs autres. En outre il écrit: „sponte se obtulit.... eruerunt oculos ejus a capite.... sed cum lumen sustulerunt forinsecus humanum, intrinsecus incluserunt divinum.... tune ministri ad stipitem ligatum Garinum lapidibus obruere coeperunt... nam et lingua precisa solitum recipit officium". Donc U ne dirait pas, la vérité ou du moins se tromperait quand il affirme que le siège d'Autun eut lieu après qu'Ebroïn fut redevenu maire du palais; il faudrait suivre X qui dit le contraire. Évidemment non! II est incroyable qu'Ebroïn, avant d'être réadmis au palais et de pouvoir agir au nom de Thierry, aurait eu a sa disposition une armée et tout ce qu'il fallait pour assiéger une ville. On doit bien plutöt admettre que cette fois encore X afin de disculper et de flatter le roi Thierry, a caché la vérité, et a voulu faire accroire que le siège d'Autun et les différents actes de cruauté exercés sur S. Léger avaient été les effets d'un brigandage dont Thierry n'était aucunement complice. Fauriel lui-même, ainsi que Sismondi et autres (Laeger, p. 15) suivent en ce point U et non X. La défaite de Thierry par Ebroïn qui ne se rapporte ni de prés ni de loin a la vie de S. Léger, n'est probablement racontée par X que dans 1'intention de laisser croire que Thierry n'aurait pas même été en état d'intervenir pour empêcher le siège d'Autun et ses horreurs. En tout cas il ne semble pas possible d'imaginer que cette fois encore X aurait renversé 1'ordre chronologique des faits uniquement par négligence ou distraction et sans arrière-pensée 88 encore se rappeler ce que nous avons déja vu. Dans son mélange de U2 et de X2, Z dit, tout comme U, que Léger fut retiré du couvent oü Waimir 1'avait placé. Or, nous avons vu que Z n'est pas un écrivain différent de X et par conséquent celui-ci est d'accord avec U et reconnalt dans Z2 qu'il a fait une omission dans son X*. D'après tout cela on admettra encore avec U que ce fut dans ce premier couvent que Léger resta deux ans, et puisque U ne dit pas combien de temps il séjourna ensuite dans celui de Fécamp, on préférera rester dans 1'incertitude a ce sujet, plutót que d'admettre, comme le veut X, qu'il vécut ces deux ans dans cette dernière abbaye, a moins qu'on ne suppose qu'il demeura deux ans dans chacune des deux abbayes; mais, nous préférons croire que X aura brouillé les détails comme il 1'a fait pour pas mal d'autres récits. Nous ferons encore remarquer, a Pavantage de U, que le biographe de Se Childemara (Bolland. 25 Octobre, p. 685) copie littéralement le passage de U sans aucune des additions de X par Z. Voila encore un écrivain qui préférait U a X et a Z et qui n'aurait pas accepté les reproches que K s'imagine pouvoir adresser a ce biographe. Enfin K n'a pas le droit d'affirmer absolument et tout court que U ne parle pas de 1'abandon de S. Léger dans une forêt, mais seulement qu'il n'en dit rien a la même place que X. II a prétendu en effet (a tort, nous 1'avons dit) que U en parlait dans sa dédicace 1 K a découvert plusieurs autres sottises dans U. Nous continuons d'examiner ce qu'il en est. Donc (p. 584): „U raconte (n° 24) que Ouérin qui, par crainte d'Ebroïn, s'était enfui chez les Oascons, vint au palais a la suite d'un décret de Thierry et du même Ebroïn. Croira qui voudra que Ouérin après qu'on avait arraché les yeux a son frère, se serait inquiété d'un pareil décret pour quitter sa cachette et venir chercher spontanément son arrêt de mort. D'oü vient ce détail? Du continuateur de Frédegaire qui dit qu'après la mort de Léger et de Ouérin, leurs partisans s'enfuirent chez les Gascons. U a confondu tout cela. — X se contente de rapporter (n° 25) que Léger engagea son frère, au moment de sa mort, a remercier Dieu. U (n° 24) a le mérite de nous avoir conservé les paroles de Léger et la prière de Ouérin. — D'après X (n° 25) Léger eut les lèvres et la langue coupées avant la mort de Ouérin; puis, après la mort de celui-ci, fut tratné tout nu par des chemins fangeux, puis arriva chez Waning oü il commenca a recouvrer la parole, puis 89 fut enfermé dans 1'abbaye de Fécamps oü la parole lui revint complètement (nam inter sputamina sanguinum incisa lingua sine labia solitum reddi coepit eloquium ubi dum intra parvo spatio, oris faciei vel lingua recepisset officium). Selon U (n°24) les mauvais traitements subis par Léger furent beaucoup plus raffinés. Après la mort de son frère, on le fit marcher, pieds nus, dans un réservoir dont le fond était rempli de pierres aigfies comme des clous, puis on lui coupa les lèvres et la langue, enfin on 1'enferma dans le monastère de Fécamps oü il commenca et acheva de recouvrer Ia parole: nam et lingua praecisa solitum recipit officium". Objections de plus en plus insignifiantes a mesure que nous approchons de la fin. En effet U ne dit aucunement que le roi et Ebroïn portèrent un décret ordonnant a Ouérin de revenir, sans le menacer d'aucune peine, s'il n'obéissait pas. Un pareil décret serait d'un ridicule achevé. Quant au fait en lui-même, il n'est aucunement* impossible que Guérin, fort de son droit et peut-être encore trompé par de fausses promesses, ne se soit présenté spontanément pour se justifier. C'est I'opinion de Pitra (p. 336). Pareillement, paree que après la mort de Léger et de Ouérin, leurs partisans s'enfuirent chez les Oascons, il ne devient pas impossible que Guérin le premier en avait fait autant et leur avait montré le chemin et par conséquent rien ne prouve que U se soit inspiré de Frédégaire et surtout qu'il 1'aït compris d'une fagon aussi ridicule que K le prétend. En outre dans la plupart des exemplaires de Uonne lit pas que Guérin s'était sauvéchez les Oascons, mais „in aliis partibus". Enfin le détail fourni par le continuateur de Frédégaire donne a croire qu'il s'imaginait, avec encore 1'un ou 1'autre, que Léger et Guérin moururent le même jour!! Nous concluons que, puisque les supplices subis par Léger, auraient dü, d'après K, empêcher son frère d'obéir au décret qui le citait a comparaltre, ces mêmes supplices avaient dü a plus forte raison lui conseiller de se mettre en lieu sür et que le renseignement fourni par U ne présente rien d'improbable. — K constate que U seul a la mérite d'avoir conservé les paroles de Léger et la prière de Guérin. C'est chose que tout le monde peut constater et par conséquent on ne voit pas a quoi rime cette observation ou moquerie. Nous ne croyons pas que X est supérieur a U paree qu'il ne les donne pas. Pareillement leur absence chez X n'est pas préci- 92 garder le silence sur les faits et gestes d'Hermenaire. Quant a ce qui concerne Waimir, nous conseillons a K de lire et de chercher a réfuter ce qu'en disent Pitra ainsi que les biographes de S. Prix et leurs commentateurs. On voit par ce qui précède jusqu'a quel point sont ridicules et contraires aux biographes les accusations produites en cette matière par Sismondi et Fauriel. Le premier, pour montrer dès le début combien son étude des actes de S. Léger fut profonde et sérieuse, se met a 1'appeler évêque d'Auxerre (p. 60)! II affirme ensuite que Ouérin fut convaincu de complicité dansle meurtre de Childéric et que Léger pressé d'avouer sa culpabilité dans ce même crime, ne voulut pas souiller sa vie par un parjure, en niant sa participation au régicide, mais se contenta de répondre que Dieu seul pouvait lire dans son cceur. Étrange conscience que celle de Sismondi qui déclare Léger rempli d'horreur en face du parjure, mais nullement devant le régicide! Quant a Fauriel nous avons déja vu que d'après lui „il parait certain que l'évêque dirigea tout le complot" mais quelques lignes plus bas, on écrit (p. 472): „Léger ne se justifia pas; la chose était impossible" et cependant elle n'est pas certaine mais le parait seulement. Quels historiens! Pourquoi des écrivains de cette sorte ne parviennent-ils pas a comprendre que, vu les préventions et les haines qui les remplissent, ils n'ont pas le droit de se mêler de nos études religieuses et historiques? Une dernière poignée d'affirmations gratuites, d'insipides plaisanteries, de raisonnements et de conclusions absurdes etc produites par K (p. 587-2) a 1'adresse de U: Chrodobert, d'après X (n° 34, 37, 40 etc) chargea deux serviteurs de décapiter le saint. Ce chiffre parut trop petit (sic) a U qui parle de quatre (n° 33, 36, 39 etc.) — D'après X un des bourreaux hésita de prendre part a 1'exécutioti, mais U prétend que trois se jetèrent aux pieds du saint. — X dit que Léger recommanda son ame au Christ, U donne les termes de cette recommandation. — X écrit: „Eumque Chrodoberto cuidam viro qui tune comes erat palatii, jussit tyrannus impius tradere cumque ille hujus caput subito amputasset " U copie X comme suit: „Tune tradidit eum cuidam viro Chrodoberto percussor extendens gladium ampu- tavit caput ejus." — U est seul a savoir (sic) que le corps resta debout pendant toute une heure et que le bourreau le renversa d'un coup de pied. — D'après U Pexécuteur fut frappé 93 de folie et se jeta dans le feu, tandis que X affirme qu'il périt dans des Hammes spirituelles. - U est seul a savoir (resic) que le lieu oü 1'on enterra Ie saint s'appelait Sarcingo. — X écrit qu'un prêtre entendit un chant angélique au dessus du tombeau de 1'évêque-martyr, mais U remplace ce miracle par celui d'un vol que le coupable répara. - D'après X, Ebroïn envoya un de ses frères, U affirme qu'il envoya un messager. — X raconte les détails du meurtre d'Ebroïn, U les ignore. — U se contredit en parlant de la translation des reliques du saint II dit d'abord qu' Audulphe le fit par ordre d'Ansoald, mais un peu plus lom il affirme que ce fut par ordre du roi. — U ignore que Wulfoald avait été maire du palais et il Ie remplace par Leger. - Les expressions qu'on lit dans X: „longo tempore postmodum vidura..... tune erat" sont probablement des additions de U par lesquelles il contredit ce qu'il prétend si souvent ailleurs, è savoir qu'il est contemporain de son héros, mais 1 autre expression qu'on rencontre aussi dans son écrit: „hucusque devota deserviit" est sans nul doute empruntée è X. Toutefois de parejlles expressions ne disent ordinairement pas grand' chose. - Ce fut U qui ajouta au texte les mots: „in quo abba fuerat constitutus..... in quo prius pater fuerat effectus moMchorum'' afin de confirmer la même assertion mensongère déja debitee dans un de ses premiers chapitres. Donc, K affirme que U parle de quatre bourreaux paree quil trouve le nombre deux trop restreint. II est cependant étrange que Z parle comme U, d'autant plus que Z n'est personne d'autre que X se revisant et se corrigeant. - Ondéclare inexplicable qu'un des bourreaux hésita devant le crime qu'on lui imposa, mais on accepte que les autres se sont jétés tous trois aux pieds du saint - K comprend que Léger ait pu recommander son ame a Dieu, mais il ne concoit pas qu'il se soit servi a cet effet de paroles et que celles-ci aient pu être entendues et conservées - Pareillement on n'admet pas que dans U Ie dernier gardien de Léger porte le même nom que dans X et que, chez les deux, pour exprimer Ia même idéé, ou se soit servi de termes qui se ressemblent, mais on en conclut que U a copié X, non vice versa. - K refuse d'admettre que U puisse être seul a connaltre certains détails. Cela n'est croyable que pour X. - On falsifié le texte de X qui dit que le bourreau se brüla pubUqaement dans des Hammes spirituelles'' I 100 thèque communale de Clermont-Ferrand. Champollion le publia en 1848 avec traduction, notes et fac-simile (Documents historiques inédits, T. 4, p. 411). Friedrich Diez le réédita en 1852 et 1876 (Zwei altromanische Oedichte). II corrige mainte faute de traduction du premier éditeur et soupconne que dans son travail il doit y avoir pas mal de fautes de transcription. Depuis lors un grand nombre d'écrivains ont étudié Ie vieux document et 1'ont réédité en tout ou en partie. Pofthast cite les principaux (2e édit. T, 2, 1896, p. 1421) mais commet Terreur de croire et d'affirmer qu'il existe deux poèmes romans sur S. Léger! Notre poète suit aussi U, mais comme Diez 1'observe trés bien, il a dü avoir a sa disposition d'autres écrits concernant le saint, car il lui arrivé de compléter ou de contredire son modèle. Nous nous souvenons avoir lu dans 1'un des écrivains susdits que le poême aurait été composé a 1'abbaye de Saint-Gérard de Brogne oü Ton honorait particulièrement 1'évêque-martyr. Impossible de nous rappeler sur quelle preuve cette opinion repose. En tout cas nous verrons qu'Audulphe revenant de Sarcinium, lieu de la sépulture de S. Léger, s'arrêta a Brogne oü il laissa des reliques du saint. Celui-ci y fut toujours honoré d'un culte spécial. C) Fruland moine de Murbach. C'est encore Pitra qui le premier publica cette vie d'après quatre copies dont Tune indiquait le nom de 1'auteur et la date de sa composition: Fruland, moine de 1'abbaye de S. Léger a Murbach (Alsace) sous 1'abbé Eberhard qui vivait vers 1041. Le biographe suit U bien plus littéralement que ne le firent le poète latin et le poète roman (Debye n° 32, Friedrich p. 50, Bonnell p. 155.) II ne fait allusion qu'a lui et par conséquent a moins de savoir s'imaginer que dans une abbaye consacrée a S. Léger on n'aurrait pas connu les biographies X, Z, il faut bien avouer que, s'il ne les mentionne d'aucune facon, c'est paree qu'il les méprisait. Avant Pitra, Mabillon (Acta, II p. 679) et Debye (n° 390-1), avaient donné des extraits de Fruland et affirmé, le premier que 1'écrivain vivait au VIIIe siècle et le second (n° 31) au VIII* ou IXe Toutefois, détail que Pitra n'a pas remarqué, Debye était parvenu (n° 371) a découvrir que Fruland vivait au 105 1'homme puissant a Ia cour, Léger d'Autun. Déja l'évêque de Paris, Sigoberrand, dont 1'influence sur Ie roi était connue, avait été tué par ordre d'Ebroïn. Les actes de S. Ragnebert décrivent en quelques mots le monstre qu'était ce maire du palais (Bolland. 13 Junii, n° 35): „Miles quidam iniquissimus, Ebrolnus nomine, Deo et sanctis contrarius, ex infimo genere ortus... Huic studium erat ut quoscumque ex Francorum genere alta ortos progenie nobilitatis vidisset in saeculi utilitate proficere, ipsis vel interfectis aut effugatis sive sublatis de medio, tales in eorum honore sublevaret qui aut mollitia obligati vel sensu debilitati aut vilitate aliqua parentelae degeneres, non auderent ejus praeceptis impiis resultare". De nos jours, Drapeyron a écrit d'Ebroïn: „Aucun remords ne pouvait arrêter ce sectaire du despotisme". Et dire qu'il s'en est trouvé, nous 1'avons vu ci-dessus, qui ont cherché a glorifier 1'ignoble individu et a salir ses victimès, l'évêque d'Autun surtout! Les circonstances semblaient favoriser 1'orgueilleux maire du palais. Bathilde venait de se retirer dans un monastère et, peu de temps après, Ie jeune roi Clotaire mourait. Ce décès eut un coté mystérieux qui a iait soupconner a plus d'un historiën qu'Ebroïn en était la cause. Celui-ci aussitöt, de sa propre initiative et sans convoquer les grands de 1'Austrasie et de la Bourgogne, exclut Childéric du tröne et proclama roi Thierry. C'en était trop. Toute Ia Bourgogne se souleva et choisit Childéric, déja roi d'Austrasie qu'il gouvernait a la satisfaction générale. Thieriy fut confié a 1'abbé de Saint-Denys, et Ebroïn ne dut son salut qu'aux évêques, et en particulier a Léger, qui obtinrent qu'il serait simplement renfermé dans 1'abbaye de Luxeuil. Léger de son coté acquit toute la confiance du nouveau roi qui même en fit son principal, si pas son seul maire du palais. Malheureusement Childéric mérita bientöt des reproches et Léger n'eut garde de manquer a son devoir. Par la il excita contre lui de nouveaux mécontentements, en plus de la haine que lui portaient déja les anciens partisans d'Ebroïn. Le saint évêque crut plus sage de quitter le palais, et ce fut probablement dans 1'intention de faciliter son départ, qu'il invita le roi a célébrer, cette année, la fête de Paques dans sa ville épiscopale d'Autun. Childéric accepta, mais en même temps que lui, arriva a Autun le patrice Hector. On sait déja quel était le but de ce voyage et comment les ennemis du saint et surtout 110 saient sans interruption. Enfin on arriva a Saint-Maixent oü s'éleva bientöt un nouveau temple pour recevoir les précieuses reliques. Thierry III, complice d'Ebroïn dans toutes ses fureurs contre le saint, eut regret de son crime. Pour Pexpier, il fonda dans Ia ville épiscopale du diocèse oü le saint avait péri, a Arras, ou plutöt il y reconstruisit la célèbre abbaye de SaintVaast qui, se trouvait alors, avec tout Tanden diocèse de Cambrai, sous Ia juridiction des évêques d'Arras. Ce fut la que S. Vindicien déposa Ie chef et 1'un des bras de S. Léger dont Ansoald lui avait fait présent (De Cardevacque, T. 3. p. 140; Van Drival, p. 106). Thierry voulut y être enterré avec sa femme; et le superbe mausolée, qu'on érigea a sa mémoire, était orné de plusieurs statues dont Tune, a la place d'honneur, représentait Tévêque-martyr (De Cardevacque, T. 3, p. 148). La reconstruction de 1'abbaye comme aussi le culte si grand qu'on y rendait aux reliques du saint, ainsi qu'a la pierre sur laquelle on avait arraché ses yeux (J) et sans doute aussi le séjour de Léger dans ces parages, au pays de Caux et a Fécamps, et enfin certains textes peu anciens et sans valeur et d'ailleurs mal interprétés, furent, croyons-nous, les principales raisons qui créèrent la légende que l'évêque d'Autun subit Ie martyre et fut enterré aux portes d'Arras ou du moins dans 1'Artois. Les prodiges continuèrent a Saint-Maixent et ailleurs, et les peuples y répondaient par une dévotion au martyr qui ne cessait de se développer. Une foule de communes, de paroisses, d'abbayes, de chapelles, de fondations particulières Ie prirent comme patron. Pour ne parler que de la France, voici ce qu'on lit dans S.T. (p. 42) concernant le diocèse d'Autun : „Six communes y portent son nom et il est le patron de plusieurs paroisses." „Dans le diocèse d'Arras et d'Amiens" dit Lematte „S. Léger est le patron de septante églises." Dubroc de Ségange (T. 2, p. 307): „Plus de quarante paroisses en France portent le nom de S. Léger. „Mais nous aimons surtout citer un passage de Kurth (OIossaire toponymique de la commune de Saint-Léger): „Le nom de S. Léger est celui de cinquante-neuf communes (i) On peut voir De Cardevacque et Teminck, T. 3. p. 119-0. Le saint ayant été aveuglé sous les murs d'Autun et nullement dans une forêt de 1'Artois appelée Sarcingo ou autrement, ainsi qu'il a été dit, on ignore comment et pourquoi cette pierre ne resta pas & Autun mais fut transportée a Arras. Elle disparut pendant la grande révolution 111 francaises. Si 1'on compte les hameaux, ce nombre devient encore bien plus considérable, car dans le seul département du Calvados, il y a sept Iocalités portant le nom de S. Léger et dans celui de 1'Eure il y en a dix-sept. Ajoutez-y encore des noms comme S. Liquaire, S. Lager et Domléger. Cette étonnante diffusion d'un même nom s'explique par Pimmense popularité qui, dès la fin du VHe siècle, entoura le culte de 1'évêque-martyr. Ce culte arriva presque a contre-balancer celui de S. Martin, le thaumaturge des Gaules et une quantité innombrable d'églises le prirent pour patron." Ces derniers mots rappellent un passage du bréviaire de Maestricht de 1518: „Divina pietas tantum glorificavit (Leodegarium) quantum humana malitia dejecit." On peut lire dans Corblet, au sujet du culte de S. Léger, une foule d'autres détails des plus intéressants. La dévotion et 1'amour envers le saint ont survécu a toutes les révolutions et a toutes les méchancetés des impies. Son histoire publiée en 1846 par Pitra, bien que fort imparfaite en beaucoup de points, contribua grandement è renouveler le culte de 1'illustre martyr. En 1878, a 1'occasion du XII<= centenaire de sa mort, de grandes solennités se déroulèrent en plusieurs Iocalités et en particulier a Autun et a Poitiers, mais nullement hélas! aux vrais lieux de son martyre et de sa sépulture! En effet les deux problèmes si importants restaient toujours sans solution: oü donc exactement et bien certainement le saint engagea-t-il le suprème combat et recut-il son premier tombeau ? Espérons que la présente étude, en mettant fin aux discussions, servira a ranimer 1'amour et 1'admiration pour le grand martyr, en même temps qu'elle apprendra a nos compatriotes que la Belgique ne compte pas seulement deux communes portant le nom de Léger, mais une troisième beaucoup plus importante que toutes les autres ainsi appelées, celle-la même oü il remporta la palme du martyre et dont par son sang versé il fut le fondateur. Sur le point de finir cette courte notice biographique, nous nous rappelons qu'il faut ajouter aux insulteurs de 1'évêquemartyr un écrivain que nous avons déja cité et qui 1'emporte en ignorance et en méchanceté sur la plupart de ceux dont il a été question. II s'agit d'Ampère (Hist Iittér. de la France avant le XII* siècle, T. 2, 1839, p. 393). Voici quelques-unes des niaiseries débitées par ce soi-disant historiën: „Les maires du palais sont des personnages trop importants pour ne pas 112 avoir aussi leurs représentants parmi ies saints; cela seul a pu faire un saint de Léger, car si ce n'est qu'il fut évêque d'Autun, rien dans son róle historique ne le distingue beaucoup d'Ebroïn. :I1 était maire du palais en Burgondie comme Ebroïn en Neustrie. II renversa son rival et le roi Thierry III II conspira du •sein de son exil, et, par suite de cette conspiration, Childéric fut tué II périt dans d'affreux tourments Ha tenu a fort peu de choses qu' Ebroïn ne fut sanctifié et on eüt pu en -faire un martyr L'histoire de Priest d'Auvergne va jusqu'a déclarer S. Léger complice dans 1'enlèvement d'une jeune fille" etc, etc. A ces insanités nous opposons entre autres les lignes suivantes de Mézeray (T. 1, p. 204): „On peut nommer a bon droit le saint prélat le véritable martyr de la liberté publique" et celles du protestant Ouizot (T. 2, p. 319): „L'on ne peut douter que l'évêque d'Autun n'art passé de son temps pour un .grand homme et un glorieux martyr. Le courage qu'il déploya plusieurs fois en allant au-devant de ses ennemis, sa résistance dans le siège d'Autun, sa fermeté au millieu des tortures, 1'empire qu'il exerca dans l'exil sur ses gardes, sur ses bourreaux, 1'héroique simplicité de sa mort, toutes ces scènes si pathétiques, même dans le grossier récit de son biographe, attestent, sinon sa vertu, du moins la hauteur de son caractère et il n'est pas jusqu'au nombre infini de miracles qu'on lui attribue qui ne doive être admiré comme preuve de sa supériorité.''(') Nous concluons par la parole de Drapeyron (Mém. de la soc. d'émulation du Doubs, 1867, p. 249): „Ce martyre si désiré par Léger, la cruauté d'Ebroïn le lui accorda tel que nul confesseur du christianisme n'eu souffrit dans aucun pays, supplice de trois ans dont plusieurs grands personnages furent les instruments empressés et qui, avec Ebroïn, flétrit son époque tout entière." II. Différentes données concernant Je lieu du martyre et de la sépulture. Dans les pages suivantes nous recueillons, d'après leur ordre chronologique, les détails fournis par les documents au sujet (') Nous conseillons de ne recourir que prudemment a la table alphabétique de cet ouvrage en 30 volumes. Bn effet au mot „Léger" on lit: -fait élever Leudesius a la dignité de maire du palais (?) et est décapité avec son fils (!) „et 1'on renvoie au Tome 2 page 233, a la chronique de Frédégaire cm 1'on ne trouve évidemment rien de sembable. L'auteur de cet index était a tout le moins un homme fort distrait. 113 de nos deux problèmes pour les examiner avec le plus grand soin. Nous faisons connaitre en même temps les différentes opinions proposées et nous discutons les arguments, si tant est que les écrivains en présentent et ne se bornent pas a affirmer ou a copier quelque prédécesseur souvent peu sérieux. U déclare ce qui suit (n- 33, 36, 39, 42, 48, 50, 52): „Tune tradidit (Ebroïnus) eum (Leodegarium) cuidam viro Chrodoberto.... Cum ad domum suam (Chrodobertus) perduceret (Leodegarium).... ducentes (carnifices) eum per loca incognito usque in quemdam locum in quo stetit Percussor ejus arreptus a daemonio et mente captus ac Dei ultione percussus, in ignem se projecit ibique vitam finivit. Tune jussu conjugis hujus Chrodoberti in quamdam villam Sarcingo nomine cum magno fletu plangentium a ministris deportatus est et in hujus feminae decretum cum vestibus in quibus truddatus fuerat in parvulo oratorio est sepultus." Paroles de S. Vindicien, évêque d'Arras, lors de 1'entrevue des trois évêques: „Denique Vindicianus, praesul Atrebatensis, in cujus dioecesi interemptus erat, ito dixisse fertur: nequaquam ito fiet ut vos, sancti pontifices, locuti estis, sed mihi fiet potestas sacrum beati viri corpusculum retinendi, quippe qui fIII loco datus videatur in quo dignatus est quiescere." A propos de Texhumation a Sarcingum: „Ubiid audierunt qui in circuitu hujus loei habitabant tum monachi tum ahi...." La première localité dont on indique le nom dans 1'abrégé de Ia translation: „Carnotino in parochia, in villa Oaudiaco." Nous ferons nos remarques sur les phrases qui précédent quand on aura entendu les autres documents anciens. X (no« 34, 37, 40): „Chrodoberto cuidam viro qui tune comes erat palatii jussit tyrannus impius (Ebroïnus) tradi.... Eum (Leodegarium) in domum propriam perduxit (Chrodobertus).... Tune a palatio sententia mandatur decreti eum diutius vivere non debere et timens impius Ebroïnus ut a Christianis honor ei impertiretur martyrii, in sylvarum condensa jubet perquiri puteum et ibidem corpus ejus immergi trucidatum, quatenusos putei terra vel lapidibus obturatus, incognitum esset hominibus ilhus sepulchrum .... Edudtur in süva ut jussionis implerent sententiam; igitur enim antea quaesierant puteum ubi corpus ïlhus absconderent, sicut fuerat jussum et nullatenus fuit ultra ab eis repertum.... Ultio divina gladiatorem perculit suum; nam publice spiritualibus flammis adustus, quarto die decorpore 8 114 mugiens est avulsus Muiier (Chrodoberti) eum est egressa perquirere quo reperto studiose transtulit in oratorium Locum ubi prius jacuit sanctum corpus occultum per dictae mulieris studium, oratorium est aedificatum et monachorum officium jugepsallentium institutum". La vie Z donne plus ou moins littéralement (n° 35, 38, 41, 49, 51, 53) ces passages de U et de X en omettant, sans doute par négligence et distraction, les mots qui se rapportent a la chapelle érigée sur le lieu du martyre: „Eumque Rodoberto cuidam viro qui tune comes erat palatii jussit tyrannus impius Hebroïnus tradere Eduxerunt ergo eum per loca incognita usque in quemdam locum in quo adstitit Percussor ejus arreptus a demonio et mente captus ac Dei ultione percussus in ignem se projecit ibique vitam finivit. Tune jussu conjugis hujus Chrodoberti in quamdam villam Sarcinio nomine cum magno fletu plangentium a ministris deportatus est et in hujus feminae decretum cum vestibus in quibus trucidatus fuerat in parvulo oratorio est sepultus." Paroles prononcées par S. Vindicien, évêque d'Arras, dans 1'entrevue des trois évêques: „Tune Vindicianus, praesul Atrebatensis, in cujus dioecesi fuerat interfectus, dicitur respondisse: mihi donetur facultas hujus beati viri corpus habere quoniam huic loco decus est in quo dignatur «quiescere." En parlant de 1'exhumation a Sarcingum: „Quod audientes qui habitabant in circuitu loei monachorum multitudo.... festinantes occurrebant ad locum." La première localité désignée par son nom dans 1'abrégé de la translation: „In pago enim Caturnio in quadam villa cujus est vocabulum Oaudiacus." Le poète latin: „Per nemora alta (ministri) vehunt (Leodegarium)." S'adressant au bourreau: „Sed mox multiplici convictus peste teneris daemonis ac mediis flammis injectus anhelas." Vindicien faisant valoir ses droits: „Ecce mei juris tellus tenet ossa sacrata requiem hic dum sanctus astra petivit, coeperat; Mc primum signis est proditus almis." Sanct Leodegar, ou le poème roman, n'a guère qu'un détail qui nous concerne. II appelle Laudebert celui qu'Ebroïn chargea en dernier lieu de la garde du saint et que les autres nomment Chrodobert, Laudebert est évidemment la même chose que Landebert, Lantbert, Lambert. Les lettres n et a, dans les noms propres surtout, se confondent fréquemment. Le poète roman 115 donne aussi le nom du bourreau qui décapita le saint: Vadar. Fruland (Pitra, p. 550 seq.) a certainement connu une source ou des traditions qui n'existent plus. II donne aussi le nom du bourreau: „Accipiens Ruotbertus sanctum antistitem ad suam domum coepit ducere. Sed domus illa a loco concilii multum distabat Illi (spiculatores) coeperunt eum ducere per abdita saltuum Quartus nomine Wardardus amputato capite ejus.... a daemone arreptus et in ignem compulsus vitam terminavit. Sed non luit hoe ipse solus, nam omnis illius subsequens parentela, unius cruris claudicatione debilitata, antecedentis culpae portat adhuc indicia. Conjux autem prcedicti Ruotberti accipiens venerabile corpus, in villa quae Adartensi (Al. Atrabatensi, Arelatensi) pago sita, Sarcingo dicitur, cum eisdem vestibus in quibus fuerat martyrizatus, in parvo oratorio diu ibi constructo, quamvis latenter honorifice tarnen sepelivit Atrabatensis ppntifex (S. Vindicianus) hac utebatur ratiocinatione: quem vestrae ecclesiae archidiaconum habuerunt et praesulem, nostra promeruit ut haberet illum et martyrem; in vestris enim Christi militia fideliter exercuit, in nostra autem adeptus est victoriam certaminis; sed quid opus est argumentis, ut ipse nobis qstendat quod voluerit; si enim apud vos inquiescere voluisset, nequaquam dioecesim nostram tot miraculis illustraret; quapropter has contentiones desinite et alium locum praeter quem ipse elegit sibi, nolite vos quaerere; possumus enim hunc et ornare decentibus aedificiis et instruere convenientibus servitiis". Tels sont les renseignements, les principaux du moins, fournis par les documents anciens. II s'agit de les examiner attentivement et d'en tirer les conclusions qu'ils comportent. Avant tout il ressort de ces données que le lieu de la sépulture était situé a une bonne distance de celui du martyre. Le témoignage est formel et la raison est évidente: si la femme de Robert n'avait pas inhumé le saint assez loin du lieu du martyre, elle aurait dü s'attendre a ce qu'Ebroïn, quand il apprendrait que, contrairement a ses volontés, on n'avait pas suffisamment caché le corps, ne manquerait pas de renouveler son ordre, et apprenant qu'il avait été emporté ferait fouiller les environs pour le retrouver et le détruire. D'oü il suit que toute opinion qui prétend que le lieu du martyre est le même que celui de la sépulture ou que les deux sont fort rapprochés, est directement opposée au témoignage des documents anciens. 116 Et pourtant il n'en manque pas! Corblet va même jusqu'a affirmer qu'un des anciens légendaires déclare que c'était un seul et même endroit! Cet écrivain prétend encore que d'après cet ancien légendaire, la femme de Robert fit inhumer le martyr „dans sa maison de Sercin, in quandam villam Sarcinio". Or, aucune biographie ancienne, on vient de le voir, ne dit que la femme de Robert possédait une maison „sa maison" a Sarcing mais toutes parient de: „quandam villam". Elles ne disent pas non plus que le saint fut enterré dans n'importe quelle maison, mais dans une chapelle. Est-ce que peut-être on a pris Ie latin „villa" dans le sens du francais „villa"? Enfin la femme de Robert aurait été vraiment bien inspirée, si voulant cacher le corps, elle 1'avait inhumé dans sa propre demeure! Ceux qui recevraient 1'ordre de le rechercher, ne songeraient évidemment pas a visiter avant tout sa maison! On aura remarqué comment d'après les trois exemplaires de Fruiand, Sarcingo se serait trouvé „in pago Adartensi, in pago Atrabatensi, in pago Arelatensi". Nous examinerons les deux premières assertions, mais ne nous occuperons pas de la dernière. En effet on ne connait que Fruland dans un exemplaire seulement, qui place Sarcingo dans le pays d'Arles! Un autre détail des plus précieux est renfermé dans les mots: „monachorum multitudo in circuitu loei (sepulturae)". Aucun historiën de S. Léger, aucun de ceux qui se sont occupés de nos deux questions, n'a pris en considération ce renseignement et ne s'est donné la peine de chercher a prouver, que prés du lieu qu'ils considéraient comme celui de la sépulture, il y avait une abbaye ou réunion de moines. Personne n'y a même fait allusion. Et pourtant c'est sans doute paree que, grace a cette abbaye, Sarcinium Ou Sarcingo était fort connu, que les biographes de S. Léger, se sont dispensés de déterminer davantage sa situation. II est donc incroyable que ce nom serait celui d'une localité qu'on ne rencontrerait pas, sous cette forme, dans une foule de documents et sans qu'il soit posssible d'hésiter sur son emplacement exact. Cela est d'autant plus nécessaire que Sarcingum était un endroit habité, comme les documents 1'attestent et comme le prouve déja assez 1'exisence d'une abbaye tout a cóté. Comment dans ces conditions un village et une abbaye, fort connus au VIIe siècle, auraient-ils pu disparaitre au point qu'on ne connaltrait plus même leur situation? Enfin aucun de 117 nos documents, nous 1'avons vu, ne dit que Sarcingum était une forêt ou se trouvait a coté d'une forêt ou que la forêt dans laquelle S. Léger périt s'appelait Sareing. Une autre indication trés précieuse est renfermée dans les paroles prononcées par S. Vindicien. Elles nous apprennent que S Léger fut mis a mort dans le diocèse d'Arras, mais que le lieu de la sépulture se trouvait hors de ce diocèse, puisque s'il en avait été autrement, Vindicien n'aurait pas manqué de se servir du fait comme d'un second argument en sa faveur pour obtenir ou plutót pour continuer de garder ce que déja il aurait eu en sa possession, le corps du martyr. On peut même se demander si quelqu'un aurait songé a réclamer a l'évêque d'Arras les reliques du saint, au cas oü non seulement il eut été tué mais encore inhumé dans son diocèse. Lorsque, quelques années après S. Léger, mourait en exil a Saint-Trond oü il fut aussi inhumé, S. Eucher, évêque d'Orléans, on ne vit personne réclamer et surtout exiger son corps. Quant a l'évêque du diocèse oü S. Léger fut enterré en cachette et par hasard, il ne réclama pas contre 1'enlèvement, puisqu'il était évident qu'il ne possédait pas un droit réel sur ces reliques. Mais, voici les textes dont il s'agit D'abord U (et Z): „Vindicianus in cujus dioecesi fuerat interfectus dicitur respondisse .... huic loco datus est in quo dignatur requiescere'. Le poète latin: „Requiem, hic (in dioecesi Atrebatensi) dum sanctus ostra peüvit, coeperat". Fruland luimême ne s'y trompe pas: „Nostra ecclesia (Atrebatensis) promeruit ut haberet illum martyrem". On le voit„ni les biographes, ni S. Vindicien ne disent que S. Léger fut et tué et enterré dans le diocèse d'Arras. Les mots „interfectus, astra petivit martyrem" disent clairement qu'il y fut mis a mort. Quant aux mots „requiescere, requiem" ils affirment la même chose, sinon d faudrait admettre que, d'après 1'un des documents, Vindicien ne fait valoir que le martyre, tandis que d'après les autres il parlerait seulement de la sépulture. Or, en ce dernier cas, le simple fait de 1'inhumation précipitée et comme forcée,'ne constituerait, nous venons de le voir, aucun droit ou argument sérieux. Bref, Mabillon, Debye et autres ont été distraits ét se sont laissés tromper, par „requiescere, requiem". Or, ces mots, pris surtout dans leur sens liturgique, signifient la même chose que „pausare, pausatio, dormire, dormitio, nasci, natalis" a savoir „mourir, mort" et nullement „être enterré, enterrement". Au 119 Nous passons aux écrivains suivants pour les étudier pareillement et constater comment d'ordinaire ils négligent tout a fait les premiers documents et en viennent a prendre le lieu de la sépulture pour celui du martyre, comment surtout ils massacrent les noms propres, spécialement celui de Sarcinium, Sarcingum. Nous commengons par les principaux martyrologes (au 2 et 3 Octobre) et nous les donnons tous en même temps, sans faire aftention a 1'ordre chronologique. C'est ailleurs qu'on dira ce qu'il faut penser des données nouvelles que certains de ces martyrologes et autres écrivains présentent et qui ne contredisent pas les documents anciens. Florus: „In Oallia passio S. Leodegarii". Adon: „In Atrebatis villa Siricinio passio S. L." Notker: „In Atratis villa Siricinio passio S. L." Usuard: „In territorio Adartensi passio S. L.'' Wandalbert (d'Achery, Spicilegium, p. 53; Migne, P. L., T. 121, p. 613): „In Qalliis ci vita te Atraventinse, passio S. L." Martyrol, Oelnonense (d'Achery, T. 13 p. 413, T. 2 p. 35): „Pictabis, passio S. L. E. et M." Martyrol. Fuldense (Oeorgii, p. 670) j „In pago Pictavo natalis S. L. E. et M. „Kalendarium Vaticanum (ibid. p. 701) et autres (ibid. p. 513): „In Oallia, nigra silva, passio S. L. E. et M. „La bibliothèque royale de Bruxelles possède plusieurs recueils manuscrits de Martyrologes (n° 18200-1, 19106, 401-3, 7603) renfermant entre autres ceux de Beaupré, de BonneEspérance, de Citeaux et un anonyme qui respectivement racontent: „In territorio Atrebatensi in villa Silicinio passio B. L.— In villa Silicinio passio S. L. — In villa Silicinio etc, — In pago Pictavo natalis S. L Augustoduno passio S. L." Dans Pellechet (p. 282, 293 etc) on trouve, extraits d'anciens martyrologes: „In villa Syritinio in pago Sartingo "* etc. Debye (n° 358-9) et Mon (Script. T. 9, p. 318, 386) rapportent qu'en 1004 le roi Robert construisit une église ou chapelle en 1'honneur de S. Léger „in silva Aquilina" dans la forêt Iveline prés de Montfort-l'Amaury (Seine-et-Oise), forêt qui renfermait un village appelé Saint-Léger-en-Iveline. Seuls, parmi tous les auteurs que nous avons pu consulter, Butler et Corblet affirment, le premier que „forêt Iveline'' est l'ancien nom „de la forêt de Saint-Léger située au diocèse d'Arras sur les confins de celui de Cambrai" et le second qu'elle se trouvait en Artois pres de Lucheux. Butler est peu clair et quant a Corblet, nous ne connaissons personne parmi ceux qui ont écrit sur Lucheux qui 120 ait été de son avis et qui affirme que ia charte du roi Robert se rapporte a cette commune. En outre on oublie de dire pourquoi cette forêt ne s'appellerait plus „forêt de S. Léger'' ou du moins „forêt Iveline" si jamais elle avait porté ces noms. (Voir Bouquet T. X p. 115 qui ne connaït non plus une forêt Iveline en Artois mais bien: Saint-Léger-en-Iveline, Montfort-enlveline). Quoiqu'il en soit, on ignore si Robert construisit cette chapelle par simple dévotion au saint ou en souvenir de son martyre que déja en 10041'un ou 1'autre aurait cru s'être accompli dans cette forêt. La dernière supposition n'offre rien d'invraisemblable. Pour les raisons susdites auxquelles il faut ajouter les renseignements tout a fait inexacts de plusieurs martyrologes, il ne serait pas impossible qu'alors déja plus d'une fausse opinion se fut formée et que, pour ce motif, aux places oü réellement le Saint mourut et fut enterré, on se soit mis a douter et afinir par ne plus y croire. En tout cas, parmi ceux qui se sont occupés de nos deux problèmes, personne ne s'est demandé a propos de 1'acte de 1004 si 1'endroit oü fut érigé la chapelle avait ou n'avait pas quelque rapport avec le lieu du martyre ou de la sépulture de S. Léger. Nous arrivons a la chronique du XIe siècle par Baldéric qui prétend déterminer (L. 1, c. 20) la position de Sarcinium et affirme que S. Léger fut tué et inhumé dans 1'Artois: „In territorio Atrebatensi transductum (Leodegarium) decollari fecit (Ebroïnus) in loco qui dicitur sylva S. Leodegarii sepultusqué est in villa quae dicitur Sercin quae est in confinio Cameracensis episcopii et Morinensis.... Vindicianus locum martyrii et sepulcri quem in dioecesi sua, Deo volente, martyr susceperat, contestatus... ■" Dans ces lignes Baldéric ne confond pas les deux endroits; Sercin, comme il appelle peu correctement le Sarcinium ou Sarcingum des documents anciens, ne devient pas le lieu du martyre, et il semble aussi établir, avec les premiers biographes, une bonne distance entre cet endroit et celui de la sépulture. De ce dernier seulement il détermine la position: „In confinio Cameracensis etc". Corblet le lui reproche et rejette son témoignage, prétendant bien a tort, nous 1'avons vu, que son assertion est opposée au dire de 1'un des premiers historiens du saint, par oü cet écrivain affirme que les autres anciens biographes disent le contraire et par conséquent on ne voit 131 , aurait consacré une église a Sarchinvilla dans le diocèse de Cambrai. Aucune tradition ne parle de cela, pas plus que du nom de Sarchinvilla que Queant aurait pórté d'abord. Despretz le premier a cherché a créer une pareille légende. Willot a eu le bon esprit de ne rien inventer. II écrit (p. 97, 2 Octobre): „En un lieu du terroir d'Arras qui depuis se nomme le bois de S. Légier et fut enterré au village de Sercin, 1'an 685" et dans son autre travail (p.317): „Au territoire d'Arras (mort de) S. Légier". Lecointe se contente de suivre docilement les assertions renfermées dans la phrase de Baldéric. Dans ses notes a Z, Mabillon présente du nouveau (Acta II Annot. 705). II affirme, sans en donner aucune preuve, que Ie saint fut mis a mort a Saint-Léger-iez-Canche (Sus-Saint-Léger) et ensèveli a Saint-Léger-lez-Authie: „Sarcingum, Leodegarii sepulturae locus, uti et locus ubi necafus est, uterque vicus, S. Leodegarii dictus, ille quidem ad fontem Altheia;, hic versus caput Quantiae ". Quelques pages auparavant dans une note a U, Mabillon avait simplement copié Baldéric, qu'il rejeta ensuite] comme Lefèvre le montre trés bien. Plus tard, (Annal, T. I, p. 541) il écrit: „Sylva hodie quoque S. Leodegarii nominis insignis est in pago Atrebatensi". Cette dernière phrase est admirable. Mabillon affirme que de son temps la forêt Artésienne, oü S. Léger mourut, était célèbre, tellement célèbre sans doute, qu'il croit inutile d'indiquer oü elle se trouvait. Et cependant un peu plus tard, Debye et, de nos jours, Lefèvre, Corblet et cent autres ont en vain remué ciel et terre pour découvrir ce qu'elle serait devenue. Vraiment tout cela n'est pas digne de Mabillon et ne s'explique pas. On ne peut pas même le louer de ce qu'il met une distance entre le lieu du martyre et celui de la sépulture, car il la fait évidemment trop grande. D'après Arnauld d'Andilly, S. Léger „fut enterré a Sarsinge, lieu qui était au diocèse d'Arras''. Donc nouvelle forme de Sarcinium, Sarcingum avec en plus 1'air d'être parfaitement ren¬ seigné sur sa posuion, alors qu'il n'en sait rien. Même remarque pour „Officia propria ecclesiae Atrebatensis" de 1670 qui raconte: „In loco Atrebatensis territorii qui nunc (!) dicitur Sylva S. Leodegarii decollatus fuit et sepultus in villa Serchin". Adrien de Valois après avoir parlé d'un „Sarchinium vel Sarcingum, in Tungris, S. Trond, Germanis S. Truden aut potius 132 Kerkum'' ajouté immédiatement, sans ombre d'hésitation: „Puit et alterum (!) Sarcinium cujus in vici oratorio B. Leodegarius ad tempus sepultus est qui est vicus in Atrebatibus vulgo Sercin dictus". L'écrivain suit donc Baldéric. De Mézeray, lui aussi, connaissait et voulait suivre Baldéric mais il 1'a compris de travers, et applique au lieu du martyre ce que le choniqueur dit de la sépulture: „Décapité dans une forêt sur les confins des évêchés d'Arras (?) et de Térouane". Quelques années plus tard, dans un autre travail, il affirmait (T. I, p. 179) que S. Léger avait été tué dans la forêt Iveline. Celle-ci se trouvait, comme il a été dit, prés de Montfort1'Amaury (Seine-et-Oise) et par conséquent De Mézeray renonce a 1'Artois. Maillart qui le cite ajouté que la forêt Iveline sè trouvait prés de Montfort-l'Amaury mais il rejette cette opinion en ajoutant: „La tradition est pour 1'Artois"! Martin et Oiry: „Tué dans un lieu désert du diocèse d'Arras enterré a Sarcin auprès du bois que 1'on nomme encore (!) S. Léger". Saulnier: „Ttié dans le diocèse d'Arras". Et c'est tout. Trés exact mais pas précis. Un acte des archives municipales de Lucheux, du 27 Octobre 1697, est un peu plus sérieux. Nous le trouvons dans 1'opuscule de Lefèvre. II ne parle pas du lieu de la sépulture, mais détermine tres exactement ce qu'il croit avoir été le lieu du martyre. Malheureusement ce n'est derechef qu'une simple affirmation: „Nobis exposuerunt" il s'agit des Carmes établis a cóté de Ia chapelle de S. Léger pres de Lucheux depuis 1600 ou 1601, année sans doute du départ du Bénédictin de Corbie, dont il a été parlé „quod etiam nunc habent capellam S. Leodegarii martyris nomine Deo dedicatam in sylva de Lucheux, in loco ejudem martyris sanguine consecrato". „Les vies des Saints patrons, martirs et evesques d'Autun'' certifient (T. 2, p. 73) que S. Léger fut enterré k „Sarcingue". Rien de plus! Baillet copie Baldéric mais ajouté que Sercin s'appelle „maintenant Saint-Léger (-lez-Canche, Sus-Saint-Léger) entre le diocèse d'Arras et d'Amiens, au Nord de Dourlens". II nous semble que Oiry suit aussi Baldéric. Voici ses paroles (p. 1265): „Us le conduisirent dans un lieu désert du diocèse d'Arras. Le corps fut porté au village de Sercin auprès du bois que 1'on nomme encore (!) Saint Léger". Est-ce dans 133 le „lieu désert*' ou dans le „bois de Saint-Léger'' que le saint fut martyrisé ? Ce n'est pas clair. Du reste peu importe puisqu'on n'essaie pas même de prouver. L'avocat MaiUart commence par déclarer (p. 327) que le lieu du martyre est ignoré de beaucoup de personnes. II le connait, lui, et prétend avoir des preuves de ce qu'il croit savoir. Ce fut „un coteau contigu a la forêt de Lucheux, en un endroit oü il y a encore aujourd'hui une chapelle au Nord de Ia forêt". Est-ce la même opinion que celle de I'acte de 1697 qui parle d'une chapelle dans la forêt de Lucheux ? Quant a Sercin, maitre MaiUart sait qu'„il fait actuellement un canton de Lucheux". C'est une opinion en plus, a moins que le mot „actuellement" ne défende de le dire, ce qui est assez probable, puisque 1'écrivain renvoie a Ia carte de 1'Artois par Ouillaume de 1'Isle oü „Le Sercin" (non pas Sercin) est marqué comme village distinct. En tout cas MaiUart est le premier qui détermine la position exacte du lieu qu'il considère comme celui de la sépulture, en disant qu'il s'agit de Sercin (Le Sercin) marqué sur la susdite carte. Mais la valeur de ses arguments pour établir que le martyre et la sépulture s'accomplirent en Artois ? Us sont nuls. D'abord il s'appuie sur une carte de 1'Artois, mais il ne devrait pas ignorer que les géographes ne sont pas infaillibles et la preuve en est que plus d'un a nié qu'aux endroits indiqués sur la carte dont il s'agit il y ait jamais eu une chapelle ou un village Sercin. De 1'Isle ne 1'appelle d'ajlleurs pas ainsi, mais Le Sercin, comme on 1'a dit. En outre ce géographe n'ajoute pas que ces noms rappellent la mort ou la sépulture du saint. Le second argument (qui concerne la sépulture), se fonde sur ce que les anciens biographes de S. Léger en désignent remplacement par „Sarcingo, Sarcingium (?)" Et cela doit prouver qu'il s'agit de 1'Artois et de Le Serchin ? Enfin ce qui prouve que 1'inhumation se fit dans le diocèse d'Arras (et a Le Sercin?), c'est que l'évêque d'Arras pour obtenir le corps „se fondait sur ce que S. Léger avait recu la couronne du martyre dans son diocèse" en d'autres mots puisque Ie saint était mort dans ce diocèse il est évident qu'U y fut enterré! Ce qui, au contraire, est évident, c'est, nous 1'avons vu, que si S. Léger avait été inhumé dans le diocèse d'Arras, la contestation entre les trois évêques n'aurait pas eu lieu» ou du moins Vindicien aurait puisé dans cet événement, son premier et son principal, si pas son unique argument. 134 Bouquet appelle le lieu de la sépulture tantót Sorcin, tantöt Sercin (T. I, p. 450, T. 2, p. 627). Gomicourt prétend même que Bouquet 1'appelle „Sarcinga arx". C'est en vain qu'a 1'endroit indiqué et dans les autres volumes nous avons cherché cette expression qui aurait póur la thèse que nous défendons, un intérêt particulier. L'opinion émise dans les „Nouvelles fleurs des vies de saints par un solitaire" (T. 2, p. 227) est vraiment curieuse: le saint mourut sur les confins du diocèse de Cambrai et son corps fut porté au village prochain appelé Servin (!) prés d un bois nommé depuis lors le bois de S. Léger. D'oü il suit que 1'évêquemartyr ne laissa pas son nom a 1'endroit oü il mourut, mais a un bois situé prés de sa sépulture. On oublie de donner la preuve, évidemment! Lelong (T. 1. p. 598; T. 2, p. 92): „Ce saint a eu la tête coupée sur un coteau contigu a la forêt de Leucheu et fut enterré au village de Sercin qui fait actuellement un canton de Leucheu''. C'est littéralement copié dans MaiUart dont on ne donne pas les arguments. Si le motif en est qu'on a compris qu'ils ne valaient rien, il ne fallait pas accepter la thèse. Colliete (p. 264): „Enterré a Sorcin, Sarcinium". Nous ignorons oü dans cet écrivain Corblet a trouvé 1'assertion que S. Léger aurait été honoré au chateau de Péronne dès le milieu du.... VU* siècle! On trouve un détail nouveau, sur la situation de Sarcinium, dans Doresmieux: „Corpus sepelivit (uxor Chrodoberti) haud procul Hursingha vico qui ad diocesis Atrebatensis limitem est positus.... quandoquidem in diocesi Atrebatensi foret occisus et tumulatus". Debye qui le premier s'est occupé de rechercher ce qu'est Hursingha, pense qu'il s'agit de Hoisin au N. O. de Sus-Saint-Léger. Malheureusement il ne s'y trouve pas de commune de ce nom. L'écrivain a sans doute mal lu ou sa carte géographique était fautive. U s'agit probablement de Houvin (Corblet n'en doute même pas) pres duquel on trouve une localité appelée Sars ou Lesart qui, selon Debye, serait Sarcinium. C'est donc une nouvelle opinion concernant la situation de Sarcinium et une nouvelle forme de ce nom. Mais on ne donne aucune preuve pour établir que Hursingha serait Houvin. Considéré sous le rapport philologique, cela parait trés improbable, pour ne pas dire impossible. Quant a Sars, si même on avait 135 des preuves que Houvin répond a Hursingha, il serait encore bien douteux qu'il s'agisse par la de Sarcinium, puisqu'il existe énormément de nom pareils, dont tout le monde connait la signification. En outre, d'autres cartes anciennes donnent plus exactement „Lesarf ce qui ressemble encore moins a Sarcinium. Nous verrons ailleurs si dans notre opinion il n'y a pas moyen d'expliquer raisonnablement et en notre faveur le nom Hursingha. Ribadineira-Duval-Gauthier (p. 299) écrit que „le saint fut enterré a Sarcinnense". Cela rappelie quelque peu le Sarsinge d'Arnauld d'Andilly. C'est 1'adjectif de Sarcinium lu dans quelque écrit sur S. Léger ou ailleurs, qu'on aura pris pour un substantif! Debye (n° 254) s'est donné beaucoup de peine pour retrouver les lieux sanctifiés par le martyre et la sépulture de S. Léger et surtout pour dénicher quelque carte qui indiquat une „SylvaSancti-Leodegarii''. II ne doute pas que tout cela ne se soit passé dans le diocèse d'Arras. II s'appuie sur Baldéric et se qrévaut de ce que d'après Z (pas aussi d'après U?) Vindicien aurait dit que S. Léger avait été enterré (!) dans son diocèse et qu'il faut en conclure (!) que la aussi il avait péri. Debye ne dit rien de 1'opinion de Mabillon concernant le lieu de la sépulture a Saint-Léger-lez-Authie, mais avec Baillet il considère comme répondant a Sarchinium, la commune de Saint-LégerIez-Canche (Sus-Saint-Léger) que Mabillon donne comme lieu du martyre d'après Debye, Ie saint serait mort dans la forêt située entre Lucheux et Sus-Saint-Léger. A la fin de son écrit, dans une note a propos du Sarcingo de U, Debye ayant fait la connaissance du passage de Doresmieux qui parle de Hursinga, change d'opinion quant au lieu de la sépulture et tlent pour Sars pres de „Hoisin" dans lequel il croit retrouver cet Hursingha. Nous avons vu ce qu'il en est et par conséquent on ignore si Debye, au cas qu'il n'eüt pas commis Terreur dont il s'agit, aurait opiné pour ce Sars. La grande raison pour laquelle le Bollandiste se prononce en faveur de Sus-Saint-Léger ou de Sars et rejette Mabillon, c'est qu'ainsi s'interprète mieux le fameux texte de Baldéric: „Sercin in confinio Cameracensis episcopii et Morinensis". Or, nous savons déja ce qu'il en est Lefèvre cite la dernière opinion mais sans dire que c'est celle de Debye. II 1'ignorait sans doute, car il parait bien qu'il n'a pas lu le travail du Bollandiste. En effet il attribue a Smet les 139 Bethmann (p. 409) suit et copie Leglay pour le lieu du martyre comme pour celui de la sépulture. Pitra n'a pas étudié Ia question! II déclare d'abord (p. 381, 387, 397) que le saint fut décapité dans la „forêt de Sarcing" forêt bien autrement introuvable que la „forêt de S. Léger." II semble même croire que Ie lieu du martyre ne différait pas de celui de la sépulture. Puis (p. 440) il écrit: „D'après les traditions Artésiennes, S. Léger fut martyrisé dans la forêt appelée La Cheux et inhumé dans un village aujourd'hui détruit, autrefois nommé Sercin au fond d'une vallée que domine Ia commune de Sus-Saint-Léger. Ce nom semble indiquer une station des nombreux pèlerins qui vinrent de toutes parts honorer le saint martyr et prier sur son tombeau. On avait élevé une superbe chapelle a 1'endroit même de ce tombeau au milieu d'un vaste enclos qui porte encore le nom de Sercin. Cette chapelle subsista jusqu'a la révolution. Un Carme de l'abbaye de La Cheux y venait tous les jours dire la sainte Messe. De fréquents miracles y signalèrent la puissance du saint Martyr etc. „Donc, d'après ces lignes et conformément a des „traditions'» Artésiennes que 1'écrivain invoque pour la première fois et sans les prouver, S. Léger ne fut pas martyrisé dans la forêt de Sarcing, mais dans celle de La Cheux dont I existence au temps du saint est pour Ie moins aussi bien établie que celle de la forêt de Sarcing! On pourrait même douter du nom, si Corblet n'était la pour affirmer que par La Cheux il faut entendre Lucheux. Pitra ajouté que le village de Sercin oü le saint fut inhumé (distinct de la forêt de Sarcing oü il fut décapité ?) a été détruit. Ce nom du lieu de la sépulture est resté non pas a „une place" ni a la „grand' place" de Sus-SaintLéger, mais a 1'endroit oü se trouvait une „superbe (?) chapelle au fond d'une vallée etc." Nous n'avions connaissance jusqu'a présent que d'une chapelle située d'après certains „sur le versant d'une colline" et que 1'un ou 1'autre considérait comme le lieu du martyre, non comme celui de la sépulture. Enfin on ne sait oü 1'écrivain a découvert qu'il y avait „de nombreux pèlerins" et „de fréquents miracles'' et „une abbaye de Carmes a La Cheux" ou Lucheux etc. Pequegnot ne sait rien au sujet du lieu du martyre, mais il affirme que Sercin se trouvait „sur Ia limite du diocèse de Cambrai. „C'est trés précis! La vie flamande du saint ne parle 142 II nous faut maintenant exposer les opinions personnelles de Corblet dont plusieurs fois déja nous avons relevé et corrigé les assertions erronées au sujet des thèses défendues par d'autres écrivains. Nous avons vu surtout combien il est faux qu'„un des anciens légendaires affirme que S. Léger fut tué et enterré au même endroit" ou du moins a deux places différentes d'une même localité. Aucun des écrivains anciens ne dit cela, mais le contraire ressort de leur récit et'découle surtout des ordres donnés par Ebroïn et de toute sa conduite, ordres et conduite que Corblet n'ignore cependant pas, mais rapporte trés exactement. II n'est pas vrai non plus que d'après ce même légendaire, la femme de Robert avait une maison a Sercin et qu'elle y fit enterrer le martyr. II s'agit d'un village appelé Sarcinium et il est dit formellement que le saint fut enterré dans une chapelle. II est encore inexact que „les anciens biographes ne nous renseignent que bien vaguement sur le lieu du martyre et de la sépulture". Celui de la sépulture, que seul ils pouvaient designer par son nom, Sarcinium, Sarcingum, aurait suffi si on 1'avait étudié sérieusement. Si ensuite les écrivains avaient examiné avec soin les autres renseignements, ils auraient en plus qu'assez pour ne pas se tromper relativement au lieu de la sépulture. Quant a celui du martyre, qui n'était qu'une forêt, il ne portait sans doute aucun nom spécial ou du moins de nom bien connu, quand les premiers biographes prirent la plume. D'ailleurs ils nous apprennent que des miracles s'y produisirent, qu'il y eut des pèlerinages, une chapelle etc. Tout cela et surtout le nom bien connu du lieu de la sépulture et les détails qui déclarent que le martyr avait succombé dans ses environs devait faire connaitre aussitöt la forêt ou S. Léger périt. Mais il fallait commencer par les détails plus précis, par le nom Sarcinium et arriver ainsi a la forêt de S. Léger. C'est 1'ordre que nous aurons soin de suivre tout a 1'heure pour retrouver les vrais endroits du martyre et de la sépulture. C'est paree qu'on a eu le grand tort de ne pas étudier plus sérieusement le nom Sarcinium et les autres détails des documents anciens qu'on a fait fausse route. On a préféré une détermination géographique enfermée dans une phrase ou plutöt ajoutée a une phrase d'un pauvre chroniqueur, postérieur de plusieurs siècles! Cela dit, nous demandons a Corblet chez quel biographe ancien il a lu, comme il le prétend, que S. Léger mourut dans 145 lieu, d'après les mêmes documents anciens, n'était pas seulement distmet de celui du martyre, comme Léfèvre 1'affirme, mais encore situé a une bonne distance, et Baldéric par son „in confinio (Sercinii)" contredit ce témoignage des premiers documents, loin de le confirmer. Quant a son continuateur, par 1'addition qu'il fait au texte primitif, il devient incertain s'il met ou non, entre les deux endroits, une distance suffisante. D'autre part Lefèvre a mille fois raison de ne pas admettfe qu'il y ait jamais eu dans 1'Artois une forêt appelée en souvenir de la mort du saint „Forèt-de-Saint-Léger" mais au lieu d'en conclure que Baldéric et ceux qui Ie copient se sont trompés et qu'il faut chercher cette forêt hors de 1'Artois, puisqu'il est inadmissible que la forêt oü S. Léger périt n'aurait pas pris son nom, il émet Pinconcevable opinion que Baldéric aurait voulu designer par „sylva sancti Leodegarii" ou qu'en tout cas il faut comprendre par la, non pas une forêt, mais „un endroit habité, un lieu consacré a la religion, un sanctuaire"! Cette opinion est d'autant plus étrange qu'on ne voit pas sa raison d'être ni sa nécessité ou du moins son utilité. Pourvu qu'on prouve que S. Léger fut vraiment martyrisé dans telle ou telle localité bien déterminée de 1'Artois, il n'est pas requis que cette localité soit toujours restée une forêt. Bien au contraire, il est évident qu'après un certain temps, vu les prodiges et le concours ininterrompu de pèlerins, elle aura dispara et sera devenue un endroit habité. En outre la supposition émise n'est utile en rien pour résoudre le problème et faire connaitre la place exacte du martyre. Lefèvre écrit que c'est peut-être Sus-Saint-Léger ou un endroit détruit dans la suite ou même la chapelle pres de Lucheux qu'il prétend absolument s'être appelée Sercin et avoir servi a la sépulture, bien que d'autre part, il profeste a plusieurs reprises vouloir admeftre, avec les documents anciens, que le lieu de la sépulture était différent de celui du martyre. Et quels sont les arguments par lesquels on prétend prouver que 1'endroit oü cette chapelle se trouve, s'appelait autrefois Sercin et que S. Léger y fut enseveli? D'abord la matrice eadastrale de Lucheux qui désigne encore aujourd'hui cet endroit par „Cherchin" ou plutót „Le Cherchin" (rue du haut Cherchin, rue da bas Cherchin, rue du Cherchin). Lefèvre décide que c'est la même chose que „Sercin, Sarcinium". II dit ensuite qué la carte de 1'Artois de 1704 par Ouillaume de 1'Isle place un 10 147 fut * enterré." On répète, comme dans le premier travail, que c'est au lieu oü se trouve la chapelle de S. Léger que celui-ci „fut décapité ou du moins inhumé" et cette fois 1'écrivain ajouté que c'est „prés de la" que se trouve 1'antique Sercin ou Sarcing. La conclusion doit donc être que S. Léger ne fut pas enterré dans cette chapelle, puisque tous les documents, sans excepter celui du trés malin Baldéric, sont unanimes a dire que le saint fut enterré d Sarcinium, Sercin et non prés de cette localité, et comme d'autre part, selon les documents anciens, il y avait une bonne distance entre le lieu du martyre et celui de la sépulture, si on prétend que Toratoire rappelle plutöt le martyre du saint, il n'est pas permis de considérer „Le Cherchin" situé „pres de" cette chapelle comme lieu de la sépulture. Quant a prendre la chapelle même comme lieu de cette sépulture, Lefèvre déclare qu'il n'a rien découvert qui le permette. Dubroc de Ségange: „Décapité au milieu d'une forêt de 1'Artois encore désignée par son nom'*. Rien de nouveau, sinon „au milieu" qu'on ne prouve pas plus que le reste. Longnon se contente de dire que Sarcinium est Saint-Léger dans le Pas-de-Calais. Chamard : „L'évêque d'Arras dans le diocèse duquel S. Léger avait été inhumé". Formellement contredit par les premiers documents. L'écrivain ne parle pas du lieu du martyre. Lematte dans son second travail ne fait guère autre chose que reproduire son étude antérieure. Nous n'avons donc plus a en parler. L'opinion qui tient pour Lucheux, comme lieu du martyre ou de Ia sépulture, a trouvé un partisan dans Cappe. La revue qui mentionne son travail (p. 9) traite encore ailleurs (T. 26, p. 339) d'une telle prison. Malheureusement loin d'établir que S. Léger passa par la, on ne prouve pas même que ce fut une prison. En outre on doit se demander chez qnel écrivain 1'auteur a lu que le comte Robert, le dernier gardien de l'évêque, tint celui-ci enfermé. Ce n'est pas en tout cas chez les premiers biographes qui tout au contraire montrent Robert et plus encore son épouse trés bien disposés a 1'endroit du saint. Le premier qui ait parlé de prison, n'est personne d'autre que Harbaville, le même qui inventa une nouvelle forme latine du nom de Lucheux et pas mal d'autres choses. Nous ferons encore remarquer que Dusevel dans ses „Etudes sur les archives de Lucheux" pas 148 plus que dans son autre travail „Eglises, chateaux, beffrois et hotels de ville de Picardie et de 1'Artois" ne parle d'aucune prison de cette sorte ni ne cite même Ie nom de S. Léger. Flament (T. 1, p. 495) déclare que S. Léger mourut „dans la forêt d'Iveline". Combien le diront encore? De son cöté, K (T. 16, p. 587) décide que le martyr fut inhumé a Saint-Léger, dans le Pas-de-Calais, canton de Croisilles. Pas une ombre de preuve, pas un mot au sujet des autres opinions et rien non plus sur Ie lieu de 1'exécution. Coornaert (p. 2, 154) opine pour Saint-Léger-lez-Croisiiles comme lieu du martyre. Pourquoi? Rien au sujet du lieu de la sépulture. On peut lire dans Camerlink (p. 155): „Chrodobert conduisit son prisonnier dans la villa de Sarcing située a la lisière d'une forêt prés d'Arras. Le martyre eut lieu dans la forêt de Sarcing pres d'Arras. „II y a du Harbaville dans ces lignes. Lui aussi avait connaissance d'une villa Sarcing dont Chrodobert aurait été le propriétaire et qui se trouvait sur la lisière d'une forêt.... Oü Ie saint fut-il enseveli ? Pour finir cette longue litanie des opinions concernant le doublé problème qui va nous occuper, nous dirons encore qu'il existe a la Bibliothèque royale de Bruxelles un manuscrit du XVIIe siècle (n° 20614) dans lequel il est question de certain miracle opéré dans 1'église de „Schercinio". Rien dans le texte ne permet de dire oü cette localité est située, ni davantage s'il s'agit, sous une nouvelle forme, du vrai lieu de la sépulture ou d'un de ceux qui furent inventés. On le voit, les opinions exposées n'ont rien de sérieux. Les arguments n'ont aucune solidité ou font même complètement défaut et sont remplacés par des affirmations gratuites. Souvent on s'est contenté de piller un prédécesseur sans 1'avouer. Par li même et en s'exprimant comme si 1'on connaissait trés bien la Forêt-de-Saint-Léger et Sarcinium, on trompait la bonne foi du lecteur. Bref la fagon dont plus d'un écrivain s'est comporté dans 1'étude ou 1'exposé de ces questions ne fait honneur ni a sa science ni surtout a sa critique historique. II est absolument nécessaire de recommencer cette étude en s'appuyant avant tout sur les données fournies par les premiers documents. Celles-ci, en ce qui concerne le lieu de la sépulture sont assez importantes pour permettre d'indiquer clairement sa position. Si eltes 149 se contentent de Pappeler Sarcinium, Sarcingum sans autre détermination, c'est évidemment pour la raison que déja au VII* siècle cette localité était célèbre et connue partout. Quant au lieu du martyre, une forêt qui n'avait pas de nom spécial ou dont le nom aura été peu connu et n'était pas encore sérieusement remplacé par celui du martyr, il n'était pas possible a des biographes contemporains d en parler d'une manière claire et précise. Le célèbre Sarcingo était Ia pour le déclarer et empêcher qu'on ne s*égarat, puis leur récit insinue que cet endroit se trouvait a une bonne distance de celui de Ia sépulture et en outre qu'il était situé dans le diocèse d'Arras. Ils ne pouvaient prévoir que les limites de ce diocèse changeraient un jour ou qu'on oublierait jamais ce qu'elles étaient au VII* siècle. Enfin 1'un deux raconte même qu'une chapelle fut érigée sur le lieu du martyre et que dans cette chapelle, comme dans celle de Sarcingum il se produisit de grands miracles. De nouveau ils ne pouvaient prévoir que cela s'oublierait et qu'on cesserait de connaitre la vérité. De tout ce qui précède découle Ia conclusion que nos recherches et notre démonstration, contrairement a ce que le titre de cet écrit annonce et ne pouvait annoncer autrement, doivent commencer par le lieu de la première sépulture et par 1'examen des détails que les biographes anciens présentent a ce sujet. Ce n'est qu'après la solution de ce premier problème qu'il sera possible de s'appliquer a éclaircir, aidé par les traditions locales et, a leur défaut, par d'autres données, le dernier renseignement fourni par les documents anciens: S. Léger mourut au diocèse d'Arras, dans une forêt située a une bonne distance de Sarcingo. Nous examiherons en même temps les difflcultés ou objections qui peUvent se présenter. On verra qu'elles n'offrent rien de grave, mais que leur solution contribue grandement a jeter de la lumière sur plus d'une question qui depuis des siècles attend une réponse sérieuse et motivée. 152 fort connu, surtout des écrivains dont nous parions. Pour des motifs que nous exposerons dans un instant, ils n'auront probablement eu connaissance que d'une seule localité, celle qui avait nom Sarcinium, Sarcingum. II y a plus. On rencontre dans les premiers biographes, exactement écrit de ces deux facons, le nom de cette localité bien connue. Us affirment que c'est celui du lieu, situé hors du diocèse d'Arras-Cambrai oü S. Léger fut inhumé, et déclarent par Ia même que Robert habitait ces parages et y conduisit l'évêque d'Autun. Que ce lieu ne fut pas situé dans le diocèse de S. Vindicien, cela semble évident. Toutefois nous examinerons cette question et nous verrons combien peu de détails on possède sur les délimitations diocésaines, au VIIe siècle, dans nos contrées. Tout ce qu'on peut dire et ce qu'on doit admettre, c'est que tant d'argüments établissent si clairement le fait de la sépulture de Léger a Saint-Trond, qu'il faudrait, plutot que de le nier, déclarer que les documents se soi.t trompés en placant cette localité hors du diocèse d'Arras. Mais rien ne demande ni ne permet une pareille supposition. Et la preuve que Sarcinium, Sarcingum désignaient anciennement Saint-Trond? Elle se rencontre partout. Nous avons déja entendu de Valois le proclamer, et il suffit d'ouvrir Ie cartulaire ou Ia chronique de l'abbaye de Saint-Trond, sans parler d'une foule d'autres ouvrages d'histoire ou d'hagiographie ou de topographie, pour s'en convaincre a 1'instant. La ville porta ces noms, en flamand Serckinghen, Zerkingen qui dérivent d'une forme plus ancienne Sarchinguehem, Serchinguehem etc, jusqu'a la mort de S. Trudon qui, en 662, avait construit la même une importante abbaye. Après son bienheureux trépas, survenu en 693, les innombrables prodiges et les continuels pèlérinages qui se succédèrent a son tombeau, eurent vite fait d'obscurcir et de remplacer le nom ancien par celui du saint: Sainct-Tron, Saint-Trond, Sint-Truden, Sint-Truuden etc. De la que petit a petit, et surtout pour les étrangers, le nom primitif devint inconnu, a tel point parfois que des copistes de la vie soit de S. Trudon soit d'autres saints de Sarcinium le massacrèrent tout autant que certains copistes des actes de S. Léger. C'est ainsi qu'on peut lire dans un martyrologe publié par les Bollandistes (2 Novembre) que S. Eucher mourut „in vico Sardinio'' (p. 23). Même de nos jours, Ouérin raconte que S. Bérégise fut élevé \ 154 Landebert) qui fut le dernier gardien de S. Léger. Nous avons vu de queUe facon commode mais nullement sérieuse, plusieurs des écrivains, qui daignèrent remarquer ce nom, conclurent en faveur de 1'Artois: „Robert, comme tout (!) le fait supposer, conduisit rillustre captif dans le domaine qu'il possédait (?) sur les confins du pays des Atrébates et des Morins etc, etc". La vérité est que les archives Artésiennes n'ont pas plus gardé le souvenir d'un Robert ou Landebert, gardien de Léger, que celui d'un Sarcinium vraiment contemporain et authentique. II en est tout autrement des archives Sainttronnaires. En effet, on lit dans la vie de S. Eucher, évêque d'Orléans (Bolland. 20 Februar.) qu'exilé, lui aussi, dans la Hesbaie, en 733, il fut confié par son persécuteur, Charles Martel, a certain Robert ou Chrodobert, que ses actes qualifient de „Dux Hasbaniae" ('). Eucher demanda a son gardien et en obtint de pouvoir se retirer a l'abbaye de Saint-Trond: „Clam, tutiori loco, vocabulo Hasbanio, Chrodoberto sen Roberto duci, (Carolus Martellus) eum (S. Eucherium) tradidit. Quem ille cum maxima gratulatione suscipiens, dedit ei Dominus gratiam coram eo.... Sanctus vir postulavit ab eo ut sibi in ecclesia beatissimi confessoris Trudonis pro se et pro fidelibus suis facultatem deprecandi tribueret. Quo obtento, die noctuque Domino non destitit suffragari". Les mots „cum maxima gratulatione" et toute la conduite de Robert a 1'égard d'Eucher disent assez que le converti de 1'évêquemartyr d'Autun avait persévéré dans le bien. Ce sera aussi, sans nul doute, avec une joie trés grande que le vertueux Robert, qui ne tenait certainement pas a voir un jour se renouveler a 1'égard d'Eucher, le crime commis sur la personne de Léger, 1'aura autorisé a passer le reste de sa vie dans le silence du cloïtre. Arrivé en Hesbaie quarante ans après la mort de S. Trudon et cinquante environ après que le corps de S. Léger eut été emporté de Sarcingum, S. Eucher y vécut encore quelques années. On remarquera dans 1'extrait qu'on vient de lire que le gardien de S. Eucher est précisement désigné, comme dans les actes de S. Léger, par les mots: „Robertus sive Chrodobertus" (') Dans un diplöme de 623, cité entre autres par Gramaye (Thenae et Brabantia, p. 1) Pépin signe: „Major domus, dux Hasbaniae". Laressemblance avec notre comte Robert serait compléte, si, comme Lematte rafftrme, celui-ci avait été aussi maire du palais. Mais cet écrivain est seul a savoir et a dire cela. 155 et qu'a un autre endroit de ces deux vies Ie nom Sarcinium, est précédé du même mot „villa". Le nom et Ie souvenir du comte Robert sont encore conservés dans un document cité par Miraeus (Donat. Belg. 1. 2, c. 5) et, d'une manière plus compléte et moins inexacte, par Piot (T. 1, p. 1). Dans cet acte ou testament, Robert lègue a l'abbaye Sainttronnaire, plusieurs importantes propriétés situées dans la Hesbaie. II termine comme suit: „Anno quinto post defunctum Theodorici regis sub die septima post (sic) Kalendas aprilis, actum in villa Curtricas publice a me predicto Roberto qui hoe testamentum firmare rogavit, scripsit ac notavit die quo supra". Piot prouve que la date indiquée correspond au 7 avril 741, mais d'après un manuscrit de l'abbaye de Saint-Trond, que nous citerons tout a 1'heure, il faudrait lire 742. Le même écrivain pense que dans Curtricas on doit voir Cortessem, village situé entre Tongres et Hasselt. D'autres sont d'avis qu'il s'agit de Herckla-ville (Limbourg) ou de Cortryck (Brabant) ou même de Courtrai (Kortrijk en flamand) dans Ia Flandre Occidentale oü plus d'un seigneur de la Hesbaie, entre autres S. Trudon, possédait de grandes propriétés. En effet, on lit dans une des chroniques de l'abbaye, a propos de ce testament: „...vel etiam Cortracum in Flandria ad Lisam fluvium cum ea in pro- vincia amplos fuisse proceribus Hasbanis possessiones liqueat, illiusque oppidi tabularium nostrum videatur meminisse ubi ad annum 1213 dicit Libertum abbatem post reditum suam de Curtriciis dedisse Henrico, capellano de Duras, X lib. monetae Leodien. Quandoquidem reditus prolixum iter indicare videatur". Toutefois rien ne dit que Robert avait sa demeure, surtout sa demeure fixe, dans quelqu'une de ces localités. En outre, ce qui nous reste a dire, montrera assez clairement que ce ne fut pas dans un de ces endroits, pas plus qu'è Sarcingum, que se trouvait la demeure dans laquelle Robert conduisit Léger. L'acte de 741 ou 742, dont nous venons de parler se conservé aux Archives générales de Bruxelles (Cartul. et Mss. n° 787, ad An. 746-9). II a été 1'objet de*plusieurs études et articles de revues (Bil, 1880, p. 36. — Bal, 1890, p. 1 etc) ('). I}) Les propriétés cédées par Robert a l'abbaye de Saint-Trond sont citées comme suit dans l'acte de 741-2: „Dungo, Halen, Scafnis, Felepa et Mareolt. Ista loca sunt in pago Hasbaniensi et Masuarinse". Dans la Chronique (de Borman T. 2, p. 108) Mareolt devient Merhout et Marholt. 156 Dans un autre manuscrit, en partie inédit, et provenant aussi de l'abbaye de Saint-Trond on lit que Ie comte Robert mourut vers 747 et qu'il fut enterré, prés de sa vertueuse épouse, a cöté du tombeau de S. Trudon et que, plusieurs siècles après, on retrouva son corps en parfait état de conservation: „Anno salutis 742, Qrimonis abbatis in regimine circiter 15, Robert us, Hasbaniae comes, vir pius ac timens Deum, dedit monasterio S. Trudonis pagum de Donck et alia quaedam circumjacentia. Robertus obiit circiter 747 et corpus suum apud nos sepeliri voluit et sepultum fuit cum conjuge sua in sanctuario non longe a S. Trudonis sepulcro ad laevam quod sub abbate Wirico qui anno 1155 suscepit regimen, dum anno 1169 jacerentur fundamenta sacelli S. Trudonis, integrum inviolatumque repertum est non absque admiratione et odore sanctitatis illius" (Daris, dans Aeb, T. 23, p. 411). II suit de ces paroles que si Léger subit son martyre en 678, Robert, marié sans doute depuis peu a ce moment, aura été agé, au jour de sa mort, de 90 ans environ. Et le nom de Landebert donné par le poète Roman au gardien de S. Léger? Chrodobert lui-même, dès les premiers mots Toutes ces localités sont connues, sauf, depuis quelque temps, la dernière. On avait toujours cru qu'il s'agissait de Meerhout-lez-Moll, mais Daniels a prétendu (Bal, 1890) qu'il était question de Meerhout ou Mareolt etc; lieu dit de Donck ou Dungo qu'on vient de lire en tête des donations de Robert. II est incontestable qu'il y eut autrefois a Donck le lieu dit qu'on cite, mais il semble non moins certain qu'il ne s'agit pas, dans la charte, de cet endroit, mais de Meerhout-lez-Moll. En effet 1°) s'il était question de Mareolt-Donck, celui-ci serait situé, comme Donck et les trois autres (Halen, Schaffen, Velpen) dans la Hesbaie, et il ne resterait aucune localité qu'on pourrait placer .in pago Mansuarinse" comme on lit dans le passage que nous venons de citer. Bn outre Robert qui mentionne d'abord „in pago Hasbaniensi", aura commencé par nommer les localités cédees par lui dans ce pagus, de sorte que ce qu'il cite a la fin devra se rapporter au second et dernier pagus dont il parle. 2°) puisque Robert renonce k tout Donck, pourquoi ferait-il encore une mention spéciale de la cession de son lieu dit Mareolt? Pourquoi nommerait-il Donck en tête et Mareolt k la fin, au lieu de les citer du moins 1'un a coté de 1'autre? On ne concoit donc pas que Daniels ait pu écrire: „II est difficile d'appliquer a Meerhout les détails donnés par la charte sur sa position ainsi que ceux fournis par la Chronique". C'est précisement le contraire qui est vrai, comme le prouve aussi ce que nous ajoutons: 3°) Avant d'attaquer et de rejeter Meerhout-Moll on aurait dü examiner si cette commune n'avait pas de titres en sa faveur. L'on aurait bien vite appris que, de temps immémorial, l'abbaye de Saint-Trond y possédait de grands biens et que S. Trudon était le patron de son église. Jongenelen dans un écrit sur Meerhout (Bouwstoffen 1908) et Simenon (Bal, 1908, p. 55) ne doutent pas que Robert parle de Meerhout-Moll, mais ils ne rêfutent ni ne mentionnent seulement 1'opinion contraire de Daniëls! 157 de son testament, répond a la question: „In Dei nomine, Robertus, comes, filius quondam Lantberti, donator." On lit pareillement dans un autre manuscrit de l'abbaye de SaintTrond (Université de Liège, n° 19, p. 172):'' Nostro tempore Hasbaniae comes erat Lantbertus quidam, Roberti comitis, a quo monasterium mirifice est dotatum, pater." A propos de ce Landebert, nous croyons utile, afin qu'on ne puisse objecter contre les textes qu'on vient de lire, de redresser une des innombrables erreurs de l'„Histoire de Saint-Trond par A. Courtejoie." Les premiers mots du testament de Robert ne s'y rencontrent pas tels que nous venons de les citer, mais comme suit: „Robertus comes Sti Lamberti donator." C'est bien différent, mais surtout c'est étrange et incompréhensible. Fort heureusement nous avons eu entre les mains le manuscrit in-4°dont 1'auteur s'est servi (Bibl. Royale de Bruxelles) et qui n'est autre qu'un exemplaire de la chronique de 1'Abbaye. La bévue s'explique facilement. Dans cet écrit le copiste avait omis les tout premiers mots: „In Dei nomine" et commengait par: „Robertus comes, filius quondam Lantberti donator." Mais ayant remarqué sa distraction et voulant Ia réparer, il renvoya, au moyen d'une petite croix, au bas de Ia page oü il écrivit: „In Dei nomine, Robertus comes etc Lamberti donator. „II est évident que par etc le scribe entendait renvoyer aux mots qui dans le texte se trouvaient entre „comes" et „Lamberti" c'est a dire aux mots „filius quondam." Or, Courtejoie n'y a rien compris. Peu versé dans la paléographie, il a pris etc pour sti (sancti) et nous a donné le non sens que nous venons de signaler. Tout a 1'heure il a été question de S. Eucher. Exilé d'abord a Cologne, son persécuteur Pen fit partir, a cause du bien qu'il y opérait. Le saint demanda a Robert, son gardien, de pouvoir' se retirer dans l'abbaye de Saint-Trond. Aucun historiën n'a trouvé étrange cette demande et ne s'est appliqué a chercher le motif pour lequel Eucher montra cette préférence a 1'endroit d un pays que certainement il n'avait jamais habité et dans lequel il ne pouvait se faire comprendre que de peu de personnes. La raison de cette fagon d'agir? II est possible, sans doute, que les nombreux miracles qui s'opéraient au tombeau de S. Trudon, y fussent pour quelque chose, bien qu' Eucher n'eüt jamais connu ce saint; mais si on admet que Léger avait passé par la ou du moins y avait trouvé son premier tombeau 158 rendu illustre par de grands prodiges, tout s'explique aussitót. Le saint évêque d'Orléans, qui problablement s'attendait a périr comme son collègue d'Autun, ne pouvait mieux se préparer a la mort que dans le pays sanctifié par le martyre et Ia sépulture de celui-ci. De plus, des Hens tout particuliers rattachaient Eucher a l'évêque d'Autun. 11 avait recu le baptême dans cette dernière ville, des mains d'Ansbert, un de ses premiers successeurs. (>) Puis il s'était fait moine a Jumiège oü déjè problablement on possédait 1'insigne partie du chef de S. Léger, recue directement, sans doute, de l'abbaye d'Arras dont les relations avec Jumiège sont connues (Van Drival, p. XVII). Enfin Eucher était devenu évêque d'un diocèse voisin de celui d'Autun, et surtout, comme Léger, il était persécuté injustement. Dieu seul connait le nombre d'heures que le saint aura passées en prière, aux lieux du martyre et de la sépulture. Les actes de S. Léger parient d'une importante abbaye d'hom■ mes qui existait dans les environs de Sarcinium: „Monachorum multitudo qui habitabant in circuitu loei." Si on excepte Lefèvre qui en dit un mot (Map, 1887, p. 244) personne parmi ceux qui veulent a tout prix fixer ce lieu dans 1'Artois, ne s'occupe de cette donnée si précieuse. La raison en est évidente: il fallait supposer que la grande abbaye disparut, tout comme le prétendu Sarcingum Artésien, sans laisser ls moindre tracé de son existence! Lefèvre déclare (p. 10) que l'extrait du document de 1095, cité ci-dessus, insinue 1'existence a Lucheux en cette année, d'une communauté religieuse ou „prieuré" et il en conclut a son existence au temps de S. Léger! Affirmation sans fondement et que nul fait historique ne confirme. C'est seulement des siècles plus tard qu'on voit 1'un ou 1'autre Carme s'établir a Lucheux pour desservir une chapelle dédiée a S. Léger. Rien ne permet de dire qu'il y eut jamais la, avant cette date, et surtout dès le VIIe siècle, une vaste abbaye (monachorum multitudo) ou rien qu'un prieuré. Quant a Saint-Trond tout s'explique. Depuis Pan 662, S. Trudon y avait établi une abbaye qui exista jusqu'a la grande révolution et dure encore, convertie en séminaire et école normale et college diocésain. Le saint fondateur assista sans nul doute a la sépulture, et, plus tard, (!) Oallia Christiana ne cite pas cet évêque. On peut voir dans les actes de S. Eucher (Bolland. 20 Februar. p. 212 n*> 8) ce qu'en dit Henschenius. 159 environné de ses nombreux religieux, a 1'exhumation du martyr. Détail précieux pour son histoire comme pour celle de son abbaye. II est un autre point d'une importance trés grande et dont cependant, une fois de plus, personne n'a tenu compte. Déja nous avons remarqué combien il serait inexplicable que, lors de la dispute des trois évêques au sujet de Ia possession du corps de S. Léger, celui d'Arras n'aurait pas cité en sa faveur Ie fait de la sépulture du saint dans son diocèse, si vraiment il y avait été enterré. Mais il y a plus. Est-il admissible, si le martyr avait été inhumé dans quelque localité Artésienne, c'esta-dire pas bien loin d'Arras ni même d'Autun et de Poitiers, que les évêques de ces villes ou pour le moins celui d'Arras, ne s'y fussent transportés afin de présider par eux-mêmes les solennelles cérémonies de 1'exhumation? Or, nulle part on ne lit rien de semblable; il est seulement question de 1'abbé Audulphe, envoyé par l'évêque de Poitiers pour recevoir et transporter le saint corps. Cappe se trompe donc du tout au tout lorsqu'il affirme que „S. Vindicien, évêque d'Arras, présida 1'exhumation de S. Léger.'' Quant a 1'itinéraire suivi par cet abbé pour arriver a Saint-Maixent, nous avons déja vu que son récit ne permet pas de déterminer si le point de départ fut Saint-Trond ou 1'Artois, puisque la première localité qu'on y mentionne est située aux environs de Chartres „in pago (parochia) Carnotensi'' par oü, dans 1'une comme dans 1'autre thèse, Audulphe a pu passer. A ce propos nous avons dit aussi ce qu'il fallait conclure concernant 1'abrégé par X ou Z du récit de 1'abbé, surtout dans sa première partie, et tel qu'il se lit dans ces deux biographes. Quoi qu'il en soit toutefois, nous rencontrons, dans une autre pièce, la preuve qu' Audulphe se rendit bel et bien a Saint-Trond et que c'est de Ia, non moins certainement, qu'il revint avec «les reliques du martyr. On le prouvera plus loin. D'après Usuard, Sarcingo se trouvait „in territorio Adartensi'' et nous avons vu que son texte entier est le même que celui d'Adon, sauf qu'a la place de ces trois mots, on lit dans ce dernier: „in territorio Atrebatensi". Reste a savoir lequel des deux textes a été changé. Bien probablement „Adartensis" fut-il remplacé par „Atrebatensis'' paree qu'on croyait que le premier mot n'avait aucune signification et n'existait pas; ou, s'il était compris, paree qu'on le considérait comme une fausse désignation. Pour- 160 tant un des exemplaires de Fruland dit pareillement en parlant de la situation de Sarcingo: „in pago Adartensi" (Pitra, p. 552) que Lefèvre trouva bon de changer en „Ardatensi" qui, lui, n'a aucun sens De son cöté Adrien de Valois, copié par Paulinus. prétend que „Adartensis" (qu'il se permet de changer en Adertensis) même sous le rapport de 1'étymologie ne diffère pas d'„Atrebatensis". Quant on lit leur preuve ou explication, on ne peut s'empêcher de rire et de s'étonner que des hommes sérieux, tels que Quicherat et Kurth, aient cru pouvoir louer de Valois en tant que philologue. Voici: „In Ludovici Pii divisione regni inter filios, corrupto (?) et mutilo (?) nomine apellatur Adertensis pro Atrebatensis, t in d mutato, litteris r et e transpositis ac tertia syllaba, videlicet ba sublata atque inter Austerban et Teruvanensem pagum ponitur. In capitulo Caroli Calvi Adertisas similiter nuncupatur, alias Aterdisus i. e. Adertensis et inter Vermendisum et Curtricisum sen Veromandensem et Cortoriacensem pagos medius collocatur. Usuardus territorium Adartense appellat, nunc latini scriptores parum latine Artesiam vocant, Oalli rArtois"(l). II est évident que „Adarctensis" ou „Arctensis" devenus plus tard „Adartensis" ou „Artensis" d'oü „Arctesia, Artesia, 1'Arctois, 1'Artois'' n'a rien de commun, sous le rapport étymologique, avec „Atrebatensis". C'est un mot par lequel on désignait non seulement les Atrébates mais tous les peuples situés au Nord, „ad arctum". Sous ce rapport Malbrancq (De Morinis, 1.2, p. 265) a deviné juste, mais ce qu'il dit de la position des Adarctenses, comme les deux explications qu'on vient de lire dans de Valois, doit s'entendre des seuls Atrébates: „Extendebantur Adarctenses Minoriacum usque seu Broylum ad Legiam claudebanturque ab occasu Tervanensi seu Sanpolano comitatu — Arctesia dicta olim Adarctesia, ad arctum sive septentrionem". (!) Quelque incroyable que cela puisse paraitre, il existe une étymologie encore plus étonnante que celle défendue par de Valois. On assure qu'il y a du Celto-Belge dans „Adarctensis" (qu'on écrit, sans en rendre compte, Adharctensis) et partant dans arctique, antarcüque, arcturus etc. Voici textuellement: .Les Atrébates avaient produit les Adharctenses (c'est le contraire qui est vrai, mais on admet du moins que ce sont deux peuples différents) „ou hommes de la pointe" paree qu'ils occupaient 1'extrémité du territoire Gallo-Belge L'Artois (Adharctisus) du CeltoBelge Adharc qui signifie corne ou pointe! „(Origines des communes .du Nord de la France par Tailliar dans: De Caumont, Bulletin monutnental, T.-23, 1857, p. 300-302). 161 Notre conclusion est donc que „Adartum, Adartensis pagus" désignait, primitivement du moins, tout pays situé au Nord, et partant pouvait s'entendre aussi bien et même mieux du Limbourg que d'Arras et de 1'Artois. C'est bien certainement tout ce que Usuard voulait dire. Adon affirmait sans doute la même chose dans son texte, pour le reste identiquement le même que celui d'Usuard, mais comme il a été dit, il se sera rencontré quelqu'un qui ne comprenant pas le mot ou se croyant mieux renseigné 1'aura remplacé par Atrebatensis! II en a été de même pour Fruland oü la forme primitive et authentique aura été celle qu'on rencontre encore dans plusieurs exemplaires de son écrit: Adartensi. C'est d'autant plus certain que Fruland fait trés clairement dire a S. Vindicien que S. Léger fut seulement tué dans son diocèsë. Comment donc aurait-il eu 1'idée d'écrire, quelques lignes auparavant, que le martyr fut enseveli dans le diocèse d'Arras? Nous arrivons au texte de Doresmieux dont un examen attentif confirmera singulièrement ce que nous venons de dire. L'écrivain déclare que la femme de Robert inhuma le corps non loin du village „Hursingha" situé sur la limite du diocèse d'Arras. II est certain que Doresmieux croyait que Sarcingo se frouvait dans le diocèse de S. Vindicien, puisque quelques lignes plus loin il affirme que S. Léger y fut tué et inhumé. Mais on doit se demander s'il aurait pu indiquer un Hursingha sur ses limites. En effet, il commet plus d'une erreur et va même jusqu'a insinuer, contrairement a tous les documents, que la dispute des trois évêques eut lieu du vivant d'Ebroïn. N'est-ce donc pas lui qui aura ajouté, uniquement paree qu'il se 1'imaginait, que Hursingha était situé sur les limites du diocèse d'Arras? Nulle part, en effet, ni Debye qui écrivait peu de temps après, ni personne depuis lors, n'est parvenu a découvrir un Hursingha sur les confins du diocèse, tel qu'il était constitué au temps de notre écrivain. D'oü il suit que le passage aura été copié dans un document de 1'époque oü les diocèses d'Arras et de Cambrai étaient unis, et même des premiers temps de cette union, quand le siège épiscopal se trouvait encore a Arras. Le texte ne porte pas, en effet, que Hursingha était situé sur les limites du diocèse de Cambrai, mais d'Arras. D'autre part, on ignore quelles furent exactement les limites du diocèse -d'Arras-Cambrai; mais, comme on devra conclure des actes de ll 162 S. Léger, ainsi que nous le verrons, qu'il s'étendait a 1'Est jusque prés de Saint-Trond (Sarcingo) oü le saint fut enseveli, il s'ensuit que c'est dans les environs de cette ville qu'on aurait dü chercher Hursingha. II n'eüt pas été difficile de 1'y rencontrer, pas loin du tout (haud procul) de Sarcingo. Voici en effet ce qu'on lit, a propos de Beeringen, dans Robyns „Topographia Lossensis'' a la suite de „Historia Lossensis" de Mantelius: „Beringia sen Beringa, vulgo Beringen, vetustissimum comitatus Lossensis oppidum... Ab arsu, quandoque Beringa arbs ursina dicitur et quia ursus graece arctos Arctopolis vocata est et cives ArctopolitanP'. Urbs ursina ou Ursinga ou Hursingha, le h s'ajoutant souvent aux mots, surtout au commencement (') sont évidemment une seule et même chose. Quant a la question si vraiment il y a dans Beeringen le mot beer, ours, ursus (pour uresus, d'apxxos) nous n'avons pas a nous en occuper. II suffit qu'on 1'ait cru et le passage de Robyns, que nous venons de citer, prouve qu'il en fut ainsi. On peut encore voir de Corswarem (Bsl, T. 6, p. 68 etc). Nous ajoutons que jusqu'en 1559 oü 1'on réorganisa les diocèses Beiges, celui de Cambrai s'étendait encore bien prés de Beeringen et de Saint-Trond (Daris: Notices, T. 3; Berthels, Deridder, Claessens, Laenen etc). II est temps que nous cherchions a compléter quelque peu 1'itinéraire suivi par 1'abbé Audulphe, lors de la translation des reliques du martyr, de Sarcinium a Saint-Maixent. Nous avons prouvé que, soit par négligence et distraction, soit par crainte de trop exalter la victime de ses amis Hermenaire et Thierry III, X avait singulièrement abrégé, surtout au début, la relation susdite. II est inconcevable, en effet, qu'Audulphe n'aurait rien raconté de son arrivée, de sa réception et des cérémonies accomplies a Sarcingum et de ce qui arriva ensuite jusqu'a Chartres. Fort heureusement, par d'autres documents, on peut jusqu'a un certain point, suppleér a ces regrettables omissions, et du même coup fournir une preuve en plus que par Sarcinium il s'agit de Saint-Trond. Le pieux et triomphal cortège passa, pour se rendre a Chartres, par Brogne et par Soissons et con¬ ti) Nous en avons annoté tant d'exemples qu'il nous a paru inutile de les recueiüir plus longtemps. Pour ne citer que quelques noms, mentionnés déja dans les pages précédentes de ce travail, Ebroinus, Hermenarius, Hermenana, Hasbania, hunus etc, se rencontrent avec et sans h initial. 164 serait devenu, tout entier ou en grande partie, la propriété de Saint-Denys; puis aurait été cédé par cette abbaye, fatiguée sans doute de posséder un pareil trésor, a celle de Brogne! C'est d'autant moins croyable qu'on n'a pas connaissance qu'anciennement ces deuxcouvents auraient eu entre eux des rapports spéciaux. Voici quelques-uns des prétendus titres de possession et des inconcevables assertions de la part des moines de Brogne. Le texte le plus ancien qui semble avoir servi de point de départ, est, croyons-nous, celui d'Usuard (Ed. 2a Molani, 1573.) Au 11 Avril il annonce parmi les fêtes propres a ce jour: „In Bronio monasterio adventus S. Leodegarii E. et M. „Molanus dans ses Naailes (2 Octobre) commence par affirmer que Brogne recut le 11 Avril" portionem aliquam corporis" et, sans rien expliquer, il ajouté les paroles d'Usuard qui ne parle pas d'une partie, mais du corps entier. Du MÓnin (Sacrarium Namurcense, 1619, p. 21): „Corporis ejus partem asservat Bronium, S. Gerardi opera." Souris (o. c. p. 22) ose affirmer que Brogne possédait tout le corps" excepté la teste laquelle repose en la célèbre abbaye de Saint-Vaast en Arras. „Nous avons vainement cherché après le procés-verbal de 1'examen de 1588, ci*é ci-dessus. Aurait-il existé longtemps? Rayssius (Hierog.Belg. 1628,p. 125) après avoir certifié que le corps se conservait a Brogne, sent probablement, comme Molanus, 1'impossibilité du fait, et il se rétracte comme suit: „Dixi monachos Broniensescorpushabere, id est maximum corporis partem, excepto etiam sacro ejus capite!" Gazet (Hist. eccl. de Belg. p. 311): „Une partie y fut apportée le 11 Avril". Pitra (p. 410): „A Saint-Gérard de Broigne prés de Namur, on célébrait le 11 Avril une translation qui attestait une acquisition d'une partie notable du corps du saint martyr et qui remontait au saint fondateur de cette abbaye." Voila donc ce qui s'est dit, sans ombre de preuve et en dépit de toute vraisemblance et possibilité. Nous ajoutons qu'on ne saurait non plus expliquer ce que ces reliques seraient devenues après la suppression de l'abbaye. On n'a pas connaissance d'une simple parcelle d'ossement qui aurait appartenu a Brogne. En Janvier 1877 (Revue de Maredsous, T. I. p. 287) quelqu'un découvrit a Namur, derrière le maitre-autel de 1'église SaintLoup, un coffre plein de reliques provenant de Brogne. 11 fut rem is aux Sceurs de Notre-Dame de cette ville. Nous avons eu 1'occasion de constater qu'en fait de reliques de S. Léger, il ne 165 s'y trouvait pas autre chose qu'une bonne partie d'une de ses chaussures, munie de 1'inscription peu correcte que voici: „Sendalius S. Leodegarii Ostredunensis Epi cujus passio celebratur VI nön Otb." Cette pièce se conservé encore a présent dans Ie couvent susdit. Comment donc expliquer le culte si vivace de S. Léger a Brogne? Comment comprendre 1'assertion, d'abord qu'on y possédait Ie corps entier, puis la plus grande partie, puis une partie notable, puis sans doute moins encore, tandis qu'en réalité on n'y aura jamais eu peut-être qu'une parcelle „ex ossibus" un peu plus qu'ordinaire, et en outre la pièce „ex sendalio"? Nous verrons plus loin que Saint-Trond lui-même, quoique mieux partagé, comme de juste, était pourtant loin de posséder, nous ne dirons pas le corps entier, mais rien qu'une partie notable. L'expücation est on ne peut plus simple, si on admet que S. Léger fut inhumé a Saint-Trond ef'que c'est de la qu'Audulphe le transporta a Saint-Maixent. Brogne, en ce cas, aura été 1'une des étapes de Saint-Trond a Chartres. D'éclatants miracles et d'importantes cérémonies qui sans doute s'yaccomplirent auront eu pour suite la création d'une fête, au jour anniversaire, le 11 Avril, et c'est cette arrivée du corps et cette fête et rien d'autre qu'JJsuard aura voulu rappeler: „11* Aprilis in Bronio adventus corporis etc". Rien n'oblige ni ne permet de dire avec Pitra qu'il s'agit de la cession a l'abbaye de Brogne du corps ou d'une partie du corps de S. Léger. C'est probablement aussi ce que disait le texte découvert par Gilles d'Orval (Chapeavüle, T. I, p. 166) mais qu'il crut devoir corriger, comme on s'en apercoit a 1'instant: „Tempore pontif icatus ipsius (Stephani, episcopi Leodiensis) floruit S. Gerardus... filius Namurcensis comitis et Plectrudis sororis ipsius Stephani. Nam (?) reliquiae S. Leodegarii E. et M. in dicto coenobio dicuntur (?) esse translatae". Pourquoi du temps de S. Gerard et d'oü et comment? Le texte de Molanus (Natales, 1. c.) renferme un motanalogue au „nam" de Gilles d'Orval et qui laisse pareillement soupconner que lui aussi a cru devoir changer un texte qui n'avait nul besoin d'être corrigé: „Sanctum corpus ad S. Maxentii est evectum; postmodum tarnen (?) inde portionem aliquam accepit Bronium die XI Aprilis etc". Qu'on lise encore du Saussaye dans son „Martyrologium 166 Gallicanum" au 11 Avril. II se contente, croyons-nous, de copier littéralement un texte ancien, trés exact, lorsqu'il écrit: „In Bronio adventus S. Leodegarii E. et M. cujus sacrum corpus deinde in Galliam relatum maximis fulgens virtutibus etc". D'oü il suit que les reliques ont été transportées de Brogne en France et non vice versa. Ce que ce „Martyrologium" ajouté de leur transport a l'abbaye de Souvigny doit évidemment s'entendre d'un passage et d'une possession qui eurent lieu dans la suite, Iors des invasions que Saint-Maixent eut a subir, et probablement a 1'époque oü le corps fut transporté a Ebreuil, non loin de Souvigny. Rien en effet n'expliquerait pourquoi Audulphe venant soit de la Hesbaie, soit surtout de 1'Artois, aurait fait ce détour par Souvigny pour arriver a Saint-Maixent. Cette observation s'applique encore, croyons-nous, a l'abbaye de Maimac qui prétendait, elle aussi, posséder le corps de S. Léger (Pitra, p. 438). Cette localité se trouve bien au Sud de SaintMaixent et par conséquent il est inadmissible qu'Audulphe aurait poussé jusque la lors de la première translation. Une autre preuve qui établit que dans le texte d'Usuard il s'agit d'un arrêt a Brogne, c'est la date qu'on y assigne a cet événement, date qui se trouve répétée par plusieurs écrivains et n'est contredite par personne. Cela se passa le 11 Avril. C'est absolument d'accord avec ce qu'on lit dans les vies du saint: l'évêque, mis a mort le 2 Octobre, resta enseveli a Sarcingo pendant environ deux ans et demi, donc jusque vers Mars ou Avril. Cette date est aussi indiquée dans la phrase finale de la relation d'Audulphe: „Consummatum est S. Leodegarii martyrium quinto nonas Octobris et dedicatio basilicae ipsius tertio kalendas Novembris, translatio vero sancti corporis medio mense Martii". Arrivé vers le milieu de Mars a Saint-Trond, Audulphe après avoir rempli toutes les formalités requises et accompli déja plusieurs étapes, se sera trouvé a Brogne le 11 Avril. II est vrai que Debye (n° 282-3) affirme que ces mots rappellent la translation du saint de 1'ancienne église de Saint-Maixent a la nouvelle, construite en son honneur. Mais comment ne voiton pas que s'il en était ainsi, il faudrait croire qu'Audulphe aurait oublié ou négligé de rappeler la grande date des imposantes cérémonies qu'il présida, celle qu'on est en droit de réclamer avant tout dans un récit de la translation, et plus encore dans un récit composé par lui-même? II faudrait aussi accepter, 171 question de Halmal en 1169, dans la phrase „altare de Haumald' (p. 93). On sait aussi, relativement a cette commune, que sa seigneurie passa a l'abbaye de Saint-Trond, en échange de celle de Proven, le 6 Juin 1603 (>). Dans un registre conservé a la cure de Halmael oü nous eumes un jour 1'occasion de le parcourir, on voit que les „Heeren van Arras" avaient eu des biens prés du „Thienschen Wegbaan dat cruysken". Un autre régistre des archives de Notre-Dame è Saint-Trond (Registrum registrorum .. p. 127) parle, encore en 1624 „van de Heeren van Arras" a Halmael et dit que „het hoff van Arras" se trouvait prés du „Willemschenberg". Déja avant 1603, entre 1249 et 1272, l'abbaye de Saint-Trond possédait, elle aussi, des terres a Halmael comme cela ressort du „Livre de Ouillaume de Ryckel" supérieur de l'abbaye a cette époque (ms de 1'Université de Liége, fol. 98', 98v, lOOr, publié par Pirenne en 1896.) Les abbés de Saint-Trond, dans leurs actes officiels, jusqu'en 1634 au moins se qualifiaient" heeren van Sint-Truiden, Alem Webbecom, Halmael etc" Thierry III, témoin sa charte susdite, donna aussi a l'abbaye d'Arras les biens suivants: „In Batua. Rexnam. Wulfaram cum capella. Rothem. et aliam Rothem." Une bulle d'Etienne III de 765 en parle comme suit (p. 23): „Villas sitas in pago qui vocatur Batua quem circumfluit Rhenus bicornis fluvius, hiis nominibus: Rexnam. Ulfaram cum capella ibidem posita. Rotheim super fluvium Versiam sitam, item in altera Rotheim mansos VI, praeterea etiam ultra Rhenum mansos XXXVI pariter cum suis appendentibus. „Le pape Jean VIII, en 876 (p. 135) reproduit presque littéralement Etienne III. II parle de „Vulfaram" et n'a pas les mots „Rotheim altera" mais continue: „Rotheim mansos VI " Charles-le-Chauve dans son acte déja cité: /c(') PIè« de xp°Perin«he dans la Flandre Occidentale, et non Provins ^eine-et-Marne) comme le veut Simenon (Bal, 1908, p. 13, 88) ni SïïH"f' comn,e l'affirme Paquay (o.c.) On peut voir Kempeneers (Vrijheid Montenaken, T. 2, p. 52) Lamprechts (Nécrologe de Pabbaye de Samt-Trond, 1899, 16 Juiüet, p. 120) Piot (Cartulaire de Saint-Trond, il _ 5' k/ eic- MaBni«r se trompe lorsqu'il dit (EtymoL des noms de heux du Nord, p. 147) que le cartulaire de l'abbaye d'Arras parle d'un Provin, Proven, en 1164. 1169 (Cfr Van Drival, p. 468). Onïïit d'une part que 1 abbaye d'Eeckhout, fondee a Bruges par S. Trudon avait, comme celle de Saint-Trond, des droits a Proven (lea-Poperinghe) et d autre part que S. Vaast était le patron de plusieurs églises dans ce pays (Menin, Vlamertinghe, Reninghelst etc) bien probablement paree que dans ces localités aussi l'abbaye d'Arras possédait des biens 172 „In Batua. Rexnam. Vulfaram cum capella. Rothem et aliam Rothem". Benoit VIII en 1024 (p. 60): „In pago Batuano Wulfaram, Rexne, in villa quae dicitur Rothem mansos VI." Enfin a la date de 1169, citée ci-dessus: „Ecclesia de Wulfara in Batua cum appenditiis suis." II est a remarquer que les bulles papales arrangent singulièrement le texte de Thierry III et de Charles-le-Chauve. C'est du vrai bavardage qui a lui seul fait déja douter de leur authenticité. Mais il y a plus fort. Dans la bulle d'Etienne III que Jean VIII et Benoit VIII reproduisent littéralement en plus d'un endroit, on parle de S. Vindicien comme vivant encore et se présentant en personne devant ce pape! De Cardevacque (T. I, p. 49) a fait la même observation. De plus cette bulle place dans le „pagus Atrebatensis" plusieurs localités qui ne s'y laissent pas découvrir et qu'on trouverait plus facilement ailleurs (p. 459-73). De quelles localités s'agit-il donc? Van Drival n'hésite pas un instant et déclare (p. 430) qu'il est question „du Betuwe, en Hollande, ancienne He du Rhin, du Wahal et du Leek." Rexna et Wulfura seraient Ressen et Wolf eren (prés de Loenen). On donne ensuite, comme preuve, quelques lignes d'un ouvragede Van den Bergh dans lequel ce Hollandais ne prétend aucunement prouver qu'il s'agit du Betuwe dans la charte de Thierry III, mais considère la chose comme établie par cette charte. Van Drival présente aussi 1'opinion d'un autre Hollandais qui ne voit de solution possible que pour une seule des localités: „Rothem super fluvium Versiam." Encore cet écrivain déclare-t-il qu'on ne possède aucune certitude historique ni pour „Rothem" ni pour „Versia": „Est-ce Rodentoren (!)? Est-ce Rossum ou Rossen etc? Et Versia de Jean VIII" (= d'Etienne III, car Jean VIII n'en parle pas) „n'est-ce-pas plutöt Nersia ou Werke, la Neers ou Niers etc? „Bondam, beaucoup mieux avisé (Charterboek, 1783, p. 1-2) déclare qu'il n'ose pas déterminer oü, en Betuwe, il faudrait chercher ces différentes localités. De tout cela découle la vraie conclusion, a savoir, qu'il est absolument incertain qu'il s'agisse du Betuwe, surtout si on s'en tient aux simples données des deux chartes royales. Par contre on retrouve plus facilement la plupart de ces localités a coté de la Hesbaie et de la Ripuarie. Batua n'est sans doute pas autre chose que Betho, prés de Tongres, qui dans les anciennes chartes se lit „Betue, Betouwe, Bethuwe" etc. (Bsl, T. 16, p. 37; T. 26, p. 153. — 173 Bil, T. 16, p. 343, 356, 367 etc.) Les deux Rothem ou plutöt les trois existent encore dans ces mêmes parages, 1'un a cöte de Maeseyck, 1'autre prés de Haelen, le dernier non loin de Maestricht. II ne nous a pas été possible de découvrir si 1'un d'eux se trouve sur un cours d'eau appelé autrefois „Versia, Verse" etc. Nous savons seulement qu'aiileurs, a Namur, un ruisselet s'appelle Verse (Hochsteyn: Cours d'eau de la Belgique, 1908). Rexna peut être Rixingen prés de Tongres, et Wulfara est sans doute Wurfeld lez-Maeseyck. On voit dans le „Cartulaire de Saint-Vaast d'Arras'' par Guesnon (Bullet. histor. et philol. du comité des travaux histor. et scientif. de France, année 1896, p. 281) que le 22 Décembre 1165, Thierry comte de Clèves, abandonna 1'église de Wolferen a l'abbaye de Saint-Vaast. S'agit-il du Wolferen des chartes de Thierry III (680) et de Charles-leChauve (876) et quand l'abbaye cessa-t-elle de le posséder et comment le recouvra-t-elle en 1165? (Wauters-Bormans-Halkin: Table chronologique des chartes imprimées concernant 1'hist. de Belgique, T. XI, le partie, 1907, p. 220). On voit par Guimann (p. 340, 357) que Batua était déja vendu de son temps, avant la fin du XII* siècle. Van Drival entend par la tous les biens dont nous venons de parler et qu'a l'abbaye on désignait peut-être par „in Batua" pour les distinguer des autres situés en Hesbaie et en Ripuarie. Toutefois il se peut que le cartulaire, aux deux dates susdites, ne parle que de la vente de Betho „in Batua" et que celle des autres biens y mentionnés n'est pas indiquée. Voila donc, en plus des propriétés situées dans la Hesbaie et la Ripuarie, pas mal d'autres que Saint-Vaest avait recues de Thierry III dans les environs du premier tombeau de S. Léger. Ce n'est pas tout. II nous faut encore parler de ses possessions a Saint-Trond même et dont Ie cartulaire n'indique pas la provenance. Nous avons déja vu qu'on peut croire que Thierry III aura commencé par cette donation, mais que l'acte se sera perdu. II s'agit des biens situés è Sirigeim (Etienne III ci-dessus) Sirigotem (Hincmar de Rheims en 870, p. 27) Syringenheim (Jean VIII déja cité) Sirigoheim (Charles-Ie-Chauve en 866, p. 42) Sirengehem (le roi Eudes en 890, p. 53) Sarchingehem cum ecclesia et familia (Benoit VIII ci-dessus) Serchinguehem cum berberia (1169 déja cité). Enfin dans De Cardevacque (II p. 167) il est question de biens a Zerquehem. 174 On doit remarquer d'abord qu'aucun des actes cités ne renferme plus d'un de ces noms et partant que rien n'empêche de dire qu'ils ne sont tous au fond qu'un seul et même mot plus ou moins massacré. Van Drival n'exprime pas son opinion au sujet des cinq premiers (Sirigeim Sirengehem) et cependant leurs formes ne sont guère différentes! En outre, les cinq fois, ils se présentent précédés immédiatement des mêmes noms propres suivants: Atramentariis, Mast, Marcheim. Quant aux formes Sarchingehem et Sarchinguehem, elles indiquent évidemment une même localité et Van Drival n'en doute pas. Pour ce qui concerne leur identification, les cinq premiers noms seraient incertains d'après cet auteur (p. 471) mais les deux suivants désigneraient le lieu de la sépulture, c'est-a-dire, d'après lui, Sus-Saint-Léger, comme on Ta vu (p. 470). Nous ne voyons aucun motif pour ne pas admeftre que tous ces noms sont des formes plus ou moins altérées d'un même mot et désignent tous le lieu de la sépulture O- II est vrai que la bulle d'Etienne III place Sirigeim dans le pagus Atrebatensis, mais nous avons déja dit ce qu'il faut en penser ainsi que de toute la pièce. Op pourrait seulement douter pour le dernier nom, „Zerquehem'' annoté par de Cardevacque. Dans les environs de Bruges il y a le village de Zerkegem dont S. Vaast est le patron et oü sans doute l'abbaye d'Arras avait des propriétés. En tout cas plusieurs de ses curés (milieu du XVe siècle) furent nommés par elle (Fragmenta, T. I, p. 82, 162; T. 2, p. 178). S. Trudon qui avait des biens k Bruges et dans les environs, était probablement aussi seigneur de Zerkegem et Ton trouve sans doute dans le nom du village de la Flandre, comme dans celui du Limbourg, un nom propre d'homme, le nom d'un des ancêtres du saint, de celui qui fut le premier propriétaire des deux localités. Nous en reparlerons. Ni le cartulaire d'Arras, ni 1'histoire de son abbaye ne disent a quelle époque et a quelles conditions Saint-Vaast aurait acquis cette autre propriété flamande de l'abbaye Sainttronnaire. Ils n'indiquent pas davantage quelles propriétés exactement et jusqu'a. quelle époque, l'abbaye d'Arras aurait possédées a Saint-Trond. On sait seulement, par le texte de Benoit VIII et de l'acte de (>) Van Lokeren (Chartes et documents, T. I, p. 44, 50) parle d'un bien a „Siringhem" „Siringim" „in pago Bracbanto" et demande (p. 481) s'il ne s'agit par de Severghem dans le pagus de Gand. C'est impossible; 1'altêration serait par trop forte! Nous pensons que cet endroit ne se trouvait pas plus dans le pagus de Gand que dans celui du Brabant. 176 Oheyn dans le catalogue des mss de la même bibliothèque (T. 5, p 251). On voit par la pagination ancienne que les quatrevingts premiers feuillets ont dispara. Pour ce qui regarde en particulier la vie de S. Léger, deux feuillets y ont été enlevés, mais la pagination est faite comme si rien ne manquait! Nous avons déja dit que cette vie est une copie de Z, du Xe siècle, non du VIIe, comme Demarteau 1'affinne (Vie de S. Lambert par Hucbald, p. 4-5). Aucune indication dans le manuscrit ne révèle sa provenance; peut-être les pages disparues au commencement le disaient-elles. Toutefois on ne saurait douter que le copiste et probablement celui qui fit relier le volume au XIIe siècle ne soient des moines de la Hesbaie ou du pays de Liége. Demarteau est même d'avis que le copiste était un moine de Malmédy ou de Stavelot attendu que la vie de S. Remacle, fondateur de ces abbayes, s'y présente en premier lieu. On peut ajouter qu'elle est immédiatement suivie de celle de S. Lambert, quoique postérieur a S. Amand et a S. Léger, pour la .raison sans doute que lui aussi fut pendant quelque temps moine a Stavelot. De même après S. Trudon se présente S. Eucher, probablement paree qu'ils vécurent dans le même cloitre de Sarcinium. Enfin si S. Léger vient immédiatemeut après S. Lambert, ce sera en raison des relations étroites qui unissaient les deux saints, surtout de leur martyre enduré a la même place. II est toutefois étrange que le catalogue de la bibliothèque de Stavelot au XIIe siècle, publié par Thonissen (Buil. de 1'Acad. royale de Belg, T. 23, p. 603) ne mentionne ni cet écrit du Xe siècle, ni aucune autre vie de S. Léger. Pareillement on ne pourrait rien conclure relativement a la provenance du codex, s'il était prouvé ou s'il y avait des motifs pour supposer que les quatre-vingts premières feuilles disparues renfermaient des vies de saints du pays de la Hesbaie ou de Liége; mais rien ne le prouve ni n'oblige a le supposer. Nous ne nous chargeons pas d'expliquer comment tant d'historiens et d'hagiographes, et en particulier Debye, malgré toutes leurs recherches infructueuses pour trouver un Sarcinium dans 1'Artois ne furent pas poussés par le titre et le contenu de ce codex a examiner de plus pres le Sarchinium Limbourgeois qu'ils connaissaient pourtant trés bien. Debye en particulier dut s'en occuper dans les actes de S. Bérégise dont il fait suivre immédiatement ceux de S. Léger. C'était le seul moyen de 182 Calais). Celui-ci les remit a l'église de cette localité (1620) et plus tard (1740) Dottignies en recut une partie. Par oü 1'on voit que le chef du saint n'avait pas passé tout entier a l'abbaye d'Arras. On le voit encore par Daire (Oeuvres posthumes, T. 2, p. 176) qui rapporte que l'église de Thory possédait la partie inférieure de la machoire. D'autres localités vénéraient de même des parties du crane (Debye n° 379) ou comme on disait parfois, trés inexactement „le chef de S. Léger". II n'est pas impossible que les reliques du martyr conservées a Tournai y soient arrivées directement de Saint-Trond ou par la voie de Bruges. EUes étaient vénérées dans 1'hospice des aveugles, situé rue des aveugles. Plus tard, on y érigea une confrérie en Phonneur du saint. Elle fut approuvée par Benoit XIV. Depuis 1808, reliques et confrérie ont passé a l'église paroissiale de Se Marguerite dont dépendait Phospice susdit. Enfin on voit par Brasseur (Sancta Sanctorum Hannoniae; Idem: Sancta Laetiensis ecclesia etc p. 81) et Raissius (Hierog.) que Pancienne Belgique vénérait encore des reliques du saint dans les abbayes de Cambron, de Ohislenghien, de Liessies, de Crespin, de Saint-Ohislain, de Bourbourg, de Vicogne, de Saint-Jean de Valenciennes, a Phopital de Lessines, dans l'église paroissiale de Grand-Reng etc. Les directoires et calendriers liturgiques de plusieurs églises de notre pays fournissent a leur tour des renseignement précieux et intéressants. Ce qu'il faut mentionner en premier lieu, ce sont les deux calendriers du diocèse de Liége, du XIIIe siècle, et Pantiphonale de la première moitié de ce même siècle, retrouvés par Daris dans les archives de l'église de Looz, prés de SaintTrond, et reproduits ou analysés par lui dans ses „Notices" (T. 12, p. 238, 333; T. 15, p. 19). Les trois documents citent 1'évêque-martyr parmi les saints dont, encore a cette époque, le diocèse célébrait la fête. II en fut ainsi, croyons-nous, mais avec un cérémonial de plus en plus restreint, jusqu'au commencement du XIXe siècle. C'est en effet dans le „Propria sanctorum ecclesiae et dioecesis Leodiensis" de 1805, réimprimé en 1831, que pour la première fois le nom de S. Léger disparalt complètement. Entre Ie XIIIe et le XIXe siècle, dans les missels et bréviaires Liégeois qu'il nous a été possible d'examiner, nous avons trouvé son souvenir rappelé d'une manière ou de 1'autre. II en est ainsi notamment pour le superbe missel n° 9217 du XIVe siècle conservé a la Bibliothèque Royale de Bruxelles, pour un autre 183 de cette même époque, pour ceux de 1486, 1494, 1502, 1507, 1513, 1523, 1540, 1552 etc. Même constatation pour les bré'viaires de 1'ancien diocèse de Liége, en particulier pour ceux de 1488 1535, 1558, 1590 (et non 1509) 1636,1746,1766 etc. Laneuvièmê lecon ou du moins une commémoraison y rappellent notre saint. On rencontre même quelque chose de curieux dans le bréviafrê en deux parties de la collégiale de Saint-Paul a Liége de 1560. S. Léger s'y présente avec un office a trois lecons, mais dont la troisième se termine au récit de sa nomination comme archidiacre de Poitiers. Indice évident, nous semble-t-il que primitivement la fête du saint se célébrait dans cette église et sans doute dans tout le diocèse, avec une octave dont les lecons du second nocturne consistaient chaque jour dans des passages de sa biographie. 11 est aussi a remarquer pour le bréviaire de 1746 qu'on y trouve a la fin les offices propres de l'église Saint-Pierre de Liége. Or, bien qu'au 2 Octobre on y célébrat la dédicace de la tour de cette église, S. Léger y recoit cependant la neuvième lecon. II en est de même dans plusieurs autres bréviaires, quoique en ce jour du 2 Octobre, on célébrat soit la fête des Saints Anges, soit celle de S. Remy, un saint quasi national. Le bréviaire de 1636 présente un office simple et complet a deux lecons tirées de la vie du saint. Si nous interrogeons les livres liturgiques de 1'ancienne cathédrale du diocèse de Liége, cest-a-dire de l'église de Maestricht, nous apprenons par son missel de 1511 qu'a la messe du 2 Octobre on faisait mémoire du martyr, et par son bréviaire de 1518 qu'a cette date 1'office de S. Léger s'y récitait encore a trois lecons. Pareillement dans 1'édition de 1551. En outre dans le calendrier qui se trouve en tête du bréviaire de 1518 on lit au 2 Octobre: „S. Leodegarii E. et M., missa de hoe in omni feria sed non in dominica.'' Le bréviaire de l'église Saint-Servais de Maestricht de 1503 prescrivait la commémoraison du saint au jour de sa fête. Le diocèse de Namur qui n'était autrefois qu'une partie du diocèse de Liége est resté fidéle a S. Léger et récite encore chaque année son office entier. L'ancienne abbaye de S. Hubert, autrefois du diocèse de Liége, célébrait le 2 Octobre la fête de son fondateur et principal patron, S. Bérégise, et cependant jusqu'au X« siècle pour le moins, temoin son missel de cette époque, elle accordait a S. Léger, en ce même jour, trois oraisons (p. 130»). 184 Le bréviaire de Saint- Donatien de Bruges de 1520 célébrait la fête du saint avec trois lecons. Celui de 1726 lui accorde encore la neuvième „ex Surio etMolano" avec commémoraison. Par le bréviaire de la cathédrale d'Anvers de 1496 on apprend que S. Léger y avait sa fête avec trois lecons. Enfin, au diocèse de Tournai on trouve sa messe dans les missels de 1498 et 1590 et on lit dans le calendrier de son bréviaire de 1524: „S. Leodegarii E. et M. commemoratio." II est permis de croire que si S. Léger avait été mis a mort ou enterré aux environs d'Arras, et partant bien prés de Tournai, cette ville et ce diocèse auraient fait un peu plus en son honneur. Dans 1'Artois même 1'ancienne liturgie ne semble pas avoir été a 1'égard du martyr beaucoup plus solennelle. Enfin nous citerons encore les vieux calendries flamands qu'on trouve en tête des .Jaarboeken der koninklijke vlaamsche akademie" depuis le tome 21, 1907. Presque tous indiquent au 2 Octobre la fête du saint. II est un autre fait facile a constater et qui a son éloquence. Bien souvent et de différentes facons on rencontre le nom et le souvenir de S. Léger unis a ceux de S. Lambert ou d'autres saints du diocèse de Liége. Nous avons déja parlé du manuscrit 14650 de la Bibliothèque Royale. On peut ajouter, entre autres faits de ce genre, que les patrons de l'abbaye de Liessies n'étaient autres que S. Lambert et S. Léger. Pareillement pour Wannebecq déja cité qui dès avant le XIIe siècle appartenait a l'abbaye de Liessies et en avait recu S. Léger comme patron, on peut encore remarquer qu'il s'y rencontre un lieu dit „la croix de S. Léger" et une terre qui a nom „Lambretenges, Lambertere, Lambertase, Lamberthe" (Lesneucq, o. c.) A SaintGermain-des-Prés de Paris nos deux saints étaient spécialement vénérés (Bouillart, 1724, Pièces justificat. p. CLXV1-CLXVII). Dans un recueil de prières du XIe siècle, conservé a la Biblioth. Mazarine de Paris (Catalogue, T. 1, p. 198), après des oraisons a S. Léger, viennent immédiatement des invocations a S. Lambert. Dans notre examen de Raissius (o. c.) et de Brasseur (o. c> nous avons appris qu'on vénérait des reliques non seulement de S. Léger, mais encore de S. Lambert dans les abbayes de Liessies, de Crespin, de Saint-Jean de Valenciennes, de Bourbourg et que dans l'église paroissiale de Grand-Reng on possédait des reliques des S. Léger, Amand, Hubert, Remacle» Prés de Gottignies et de Ghislage qui ont S. Léger pour patron, comme il 185 a été dit, se trouve Ville-sur-Haine dont l'église n'était d'abord qu'une annexe de Qottignies; elle a pour patron S. Lambert Nous avons déja vu que ce saint consacra une chapelle a Brogne oü 1'abbé Audulphe s'était arrêté avec le corps du martyr, lors de sa translation. Les rapports de S. Léger avec S. Lambert et leur mort k la même place sont aussi pour beaucoup, croyonsnous, dans la diffusion du culte du saint évêque de Maestricht, tant en France qu'en Allemagne et autres contrées, oü beaucoup de localités portent même son nom (Demarteau: Vie deS Lambert, 1896, p. 55-6). Mais ce qui est surtout digne d'attention, ce sont les relations qui existaient anciennement entre l'abbaye de Corbie et le pays de Liége et dont 1'origine ne s'explique sans doute que par S. Léger. Non seulement on récitait a Corbie 1'office du saint d'Autun (Catal. des mss de France, T. 19 : Amiens) mais celui-ci avait sa chapelle dans l'église abbatiale (Corblet, p. 395). De plus, ce fut l'abbaye de Corbie, comme on 1'a vu, qui, pendant tout un temps, avant 1'arrivée des Carmes a Lucheux, se chargea du service divin dans la chapelle prétendüment érigée a 1'endroit du martyre. II est évident toutefois qu a ce moment Corbie avait oublié 1'origine de ses relations avec Ie pays de S. Lambert Quant a ce saint, on possédait a Corbie, écrite par une main du Ville siècle, la plus ancienne de ses vies. On peut voir a ce sujet CIp (T.3, p. 123, n 12598) ainsi que Demarteau (Vie la plus ancienne de S. Lambert). En outre Corbie possédait de grandes propriétés dans le diocèse de Liége et dans les environs^ notamment a Beeringen, Montenaken, Gompel, Moll Eelen-lez* Maeseyck, Baelen-lez-Turnhout, Leunen au paysdeKessel.Bertemlez-Louvain (un prieuré) etc. (Daris: Notices, T. 6 p 129 * Molanus: Natales, 2Januar; Bil, T. 15, p.58; Aeb, T.2, p. 268^ T. 5, p. 53; Welvaerts: Geschiedenis van Moll; Buil. du cercle' archéol. de Malines, T.6, p.231; Mabillon: Acta S. IV p 307Daniels: L'Ancien pays de Looz, T. 4, p. 60). Bien plus, on se* rendait de Corbie a Saint-Trond pour obtenir des guérisons au tombeau de S. Trudon, comme on le voit par le récit des miracles opérés par ce saint. A Ia fin du VIII» siècle Corbie donna a l'abbaye de Stavelot le fameux Druthmare, chargé d'y enseigner les belles lettres. Un peu plus tard, en 835, un religieux de Corbie fut élu abbé de Lobbes et en 1146 c'était 1'abbé de Stavelot qui devenait en même temps supérieur de 186 Corbie. Bien avant tout cela, en 774, d'après plusieurs historiens, Didier roi des Lombards, détróné par Charlemagne, fut confié par celui-ci a Ia garde de l'évêque de Liége, Agilfride, puis transféré a l'abbaye de Corbie oü il finit, dit-on, par se faire moine. Vers la même époque, y arriva pour se consacrer a Dieu un Beige illustre, parent de Charlemagne, et futur abbé du monastère. II s'appelait Adélard et était né a Uscia au Ustia, c'est-a-dire Huysden (alias Heusen, Heusden)-lez-Beeringen au diocèse de Liége (Ancien pays de Looz, 1. c.; de Corswarem: Bsl, T.6, p.89)(»). Quelle fut 1'origine de cette dévotion de Corbie pour S. Léger et partant pour le pays de son martyre et de sa sépulture ? La première raison en est sans doute, que grace en grande partie aux conseils de l'évêque d'Autun, la reine Bathilde, mère de Thierry III, fonda cette abbaye. Ensuite, on peut supposer que plusieurs de ses possessions dans le pays de Liége, lui furent accordées par Thierry III en souvenir du saint et de la reine susdite qui avait eu pour l'évêque la plus grande estime. Brei, le monarque aura voulu faire pour Corbie, et pour le même motif, ce qu'il avait fait pour l'abbaye d'Arras. On peut aussi se demander si le culte de plusieurs saints Autunois dans 1'ancienne Belgique ne se rattache pas au passage de S. Léger dans notre pays et a la connaissance qu'on y possédait de sa vie. Nous voulons parler d'abord de S. Symphorien, le martyr d'Autun au IIe siècle, si cher a S. Léger. Dans la province de Liége il y a le village de Saiht-Séverin dont le nom ancien et authentique n'est autre que Saint-Symphorien (Le VieuxLiége, T. 3, p. 371; Cahier: Caractéristiques des saints, p. 815; De Ryckel o. c. p. 507; Halkin, dans Bal, 1890, p. 175 et Buil. de la Commis. Royale d'hist. de Belg. 5« série, T. 4, p. 167-8; (i) D'après Van Loo (Leven van den H. Adelardus, 1897) et plusieurs autres, le saint serait né a Huysse prés d'Audenarde oü Corbie avait aussi des propriétés. Mais il est prouvé que l'abbaye dut a Adélard ses biens de Beeringen, Montenaken, Gompel, Moll qu'elle désignait sous Ie nom de „patrimoine de S. Adélard" (Mabillon, o. c.) tandis que ses possessions a Huysse lui avaient été donnêes „per quendam comitem Conrardum" (Mabillon, L c.) En outre puisque Adélard avait pour parent Charlemagne dont la familie était originaire du pays de Liége, il est plus raisonnable de supposer, jusqu'a vraie preuve du contraire, que lm aussi naquit dans ces parages. Quant a Heusden, prés de Gand, on ne lui connait aucun rapport avec Corbie. On ignore de quelle époque date 1'opinion qui voudrait faire naltre le saint a Huysse. Ajoutons qu'il n est le patron ni de Huysse ni d'aucun des deux Heusden. 187 Daris T.I, p. 427; Pollet: Hist. de 1'ancien diocèse de Liége, T. I, p. 240 etc). On ferait bien, par conséquent, d'examiner si les autres églises de S. Séverin (Liége, Huy etc) avaient bien réellement pour patron cet évêque de Cologne du Ve siècle f1). H y a aussi la commune de Saint-Symphorien prés de Mons, dont le nom devient dans un acte de 1186: Sanctus-Farianus, et dans un autre: Saint-Phorien (Mathieu: Ermitage de S. Barthélémy p. 26; Chotin: Hainaut, p.273). Le même saint est patron de l'église paroissiale de Jambes et de Petit-Rosière sous GeestOéronpont (Aeb, T. 2, p. 157, 382). Prés de Metz, autrefois si intimement uni a Saint-Trond, il y avait l'abbaye de SaintSymphorien. A Looz, au XIIIe siècie, témoin 1'antiphonale dont nous avons parlé, on célébrait sa fête en même temps que celle du martyr S. Timothée. Pareillement a Huy, dès avant le IXe siècle, ces deux saints étaient patrons d'un oratoire. On doit remarquer qu'ils étaient honorés Ie même jour et d'un culte spécial dans Ie diocèse d'Autun (Ouérin T. 10, p. 105). Un autre saint Autunois était anciennement trés vénéré dans nos contrées, S. Germain, évêque de Paris. II avait été supérieur de la grande abbaye de Saint-Symphorien a Autun. Plusieurs localités beiges portent son nom, et il est ou fut le patron d'une des églises de Liége, de Huy etc. Le souvenir de S. Léger et de S. Germain fut sans xloute aussi pour quelque chose dans le zèle apostolique exercé en Belgique par plusieurs moines de Saint-Oermain-des-Prés a Paris, Ils s'établirent i Tirlemont, a Couvin et ailleurs, comme nous nous proposons de 1'exposer quelque jour dans une étude spéciale. Par li ils contribuèrent, eux aussi, i répandre le culte de S. Symphorien. En effet Ie saint évêque de Paris avait érigé dans leur église, dédiée i S. Vincent, une chapelle au jeune martyr Autunois, danslaquelle il voulut être enterré. Dès lors l'église changea de nom et prit celui de S. Germain. Ces faits et plusieurs autres que nous pourrions ajouter, ne suffisent cependant pas pour pouvoir dire que S. Léger recut en Belgique un culte extraordinaire et *JPa D ?C d0'Vent pas être comPris comme s'il S P^e et SerSeUie ég,,iSe d°nt 168 titu,aires "^ent été 1, , d0n' Jama'S 1 n> eut a Saint-Trond une S Petr er^ Ce' t*** d'aUCUns °mirent-"s mot menf Or . Zï Q * "Vlle,lt ,CS exp,i(luer raisonnablement. Or il sagit en premier lieu de la chapelle Saint-Pierre la e't dédiSTux ft* é'*ée S- Tradon aussï« tant Z h Q- nt,n, Ct Remi' OÜ H fut en*«rré et opéra aussitot tant et de s. grands prodiges qu'on ne la dési«,a llul que par son nom, précédé du mot „sanctus" commedéTaonïe SitfTerWt ttrntJlTJ1 °° «?* *" Précieux détaillouï depu.s longtemps: diu ibi constructo. II est regrVtaZaue n lu. n, aucun autre ne dise encore a quelle époque eUe Tecul pour patron le prince des apötres W ?Ut et «L?0TqUOi °eS d°nati0ns de ,a Part de Robert aces églises et surtout, ei on prétend qu'il y en avait encore d'auSs! a ces o ne6"pS I" P°Ur ce ** —erne c^tiïol™ TfZup , qUC Ce ne fut a «"« de S. Trudon et de S. Eucher ses inustres amis qui avaient vécu °°n „orts mort .Tw SC ^ t0Utef°iS' P°Ur ce ^ coneerne S Euch mort certainement avant Robert, qu'il vivait encore en 741 S de ZIZ d,faSOn te8tament qU1'Ie nomme- Q«»«t aux largësses ie motir, mais il se dev.ne et on comprend aussi pourouoi ce ture°fsadntnT '* ^ape,le °u S" recut sa première sépul¬ ture k Saint-Trond. Les détails que nous trouvons dans les actes de 'eveque-martyr ne eontredisent pas, mais corrfirmenf e exphquent ceux que nous venons de produire d'après les .Tchives 190 Sainttronnaires. Les biographies anciennes affirment que le saint fut enterré „in oratorio, in parvulo oratorio, in ecclesia". Elles ajoutent qu'a ce moment cette chapelle était desservie par ifn seul prêtre assisté d'un clerc. Nous pensons qu'il en était ainsi depuis son origine, vu la population restreinte de Sarcinium avant la construction de la grande église abbatiale, jusqu'au moment oü plusieurs moines de Saint-Vaast s'y installèrent: „ecclesia de Sarcinguehem cum familia .... et berberia". II n'est pas croyable en tout cas qu'on aurait commis 1'imprudence de n'y établir un prêtre que depuis 1'inhumation du martyr. Un pareil acte aurait paru bien singulier et pouvait trahir ce qui devait rester caché. II n'y a que Z qui radote a ce propos et se contredit même, comme nous 1'avons fait remarquer: „Hoe itaque ejusdem ecclesiae attestantur sacerdotes nam et hujus sacerdotis minister clericus " Les moines de Saint-Vaast y restèrent, si on peut se fier au texte de Claude Despretz, jusqu'au temps de l'évêque Dodilon, c'est-a-dire jusque vers 887. Que si 1'on recherchait pourquoi cette chapelle, vu les grands miracles que S. Léger, au dire de son biographe, y opéra, ne prit et ne conserva le nom du saint, on pourrait en donner plusieurs raisons. D'abord rien ne prouve que cette église, surtout si elle n'avait pas encore de titulaire ou si celui-ci était peu connu, ne commencait déja a prendre S. Léger pour patron, de même que S. Trudon devait prendre la place des saints qu'il avait choisis comme protecteurs de son nouveau temple. Si 1'évêque-martyr ne devint et ne resta le patron de la chapelle c'est sans doute par respect pour S. Pierre qui en était déja le titulaire ou qui le devint, grace probablement a S. Hubert. En effet, d'après un détail fourni par Claude Despretz, comme on 1'a vu, détail qui n'a rien d'invraisemblable, S. Hubert construisit (reconstruisit ?) une chapelle (la vieille chapelle?) la oüS. Léger fut enterré. Elle était sans doute devenue caduque ou absolument insuffisante alors pour la population environnante et surtout trop indigne, au gré du saint évêque, des souvenirs qu'elle était appelée a conserver. Or, c'est un fait remarqué par les historiens, que toutes les églises consacrées par S. Hubert, en recurent S. Pierre comme patron. D'oü il suit que si le grand évêque contribua a ce que ce saint devint ou continua de rester le patron de cette chapelle, les f idèles n'auront et au souvenir du martyr d'Autun Ite OnZTTllT'V Ce"e qUC "°US Venons d'e—"er. enLfer le LiiTS. ï? f aVa" Une raison Pour faire ero re. OnT d" fBsf r fi^T" ^ CU"S' P™™" ,e „zerk" (cercuein et h£* • ,? q"C Ce nom déri™'t du flamand ére SanïTol n g * (?amp) champ d« cercueils, cime- Comme il a été Hit ce n est P*s le Pour Sarcingum. „ ,,! " * re.d,t' no"s croyons plutdt avec Biekorf (T 20 P- 128) qu'il s'agit d'un nom de personne Sarin 1 • ' encore de ses descendants (-ingen). Eïï^ïï? ? tT* p«dr^,ecrx,dteirr* sata,-Trond de son abbave e* nr«T«/ » ï. fflt de Par«>urir 1'histoire de Tjger ytou S et il^T T °" ^ qUC ,C CUlte affaibli depuis ^umation ^SS^?* «nir par s'éteindre compléten^ ^ C0TP°'devait 192 Une première raison se découvre évidemment dans les nombreux et éclatants miracles qui pendant plusieurs siècles, se produisirent au tombeau de S. Trudon a Sarcingo, en d'autres mots au tombeau d'un saint du pays et dont le corps ne serait pas transporté ailleurs. On a vu comment déja en 741, Robert dans son testament donne a S. Trudon le nom de „sanctus" et cela a plusieurs reprises et tout naturellement et le considère en outre comme le patron de l'abbaye. Vraiment c'est a bon droit que plusieurs écrivains, entre autres Rembry (Hist. de S. Gilles, T. I, p. 190) citent Saint-Trond en exemple de la dévotion des peuples a 1'égard des saints et de leurs reliques. Voici par exemple une phrase de la chronique Sainttronnaire qui en dit long a ce sujet (Migne, o. c. p. 286): „Non defuit dies infra hujus depositionis trUennarium quin miraculorum illustratione sepulcrum (S. Trudonis) luceret „et celle-ci (p. 44, ad an1055)" : Sepulcrum B. Trudonis frequentissirnis «cotidie mirabilibusque coruscans miraculis quae tanta toto orbe terrarum fama resperserat ut multitudinen peregrinorum non solum templi ambitus sed et ipse quoque totus oppidi nostri locus ferre minime posset, nam ab oppido nostro pene usque ad dimidium miliare per omnes in circuitu populares vias ad nos se dirigentes necnon et per campos atque per prata tantus peregrinorum coetus nobilium " Bref, Stepelinus, moine de Saint-Trond au Xle siècle, composa tout un ouvrage concernant les miracles qui s'accomplirent de son temps et dont pour la plupart il fut le témoin (Mabillon: Acta, S. VI, 2. - Smet, en abrégé, T. 5 p. 49). Or, 1'écrivain affirme qu'il ne se passait pas de jour sans quelque éclatant prodige et souvent même en un seul jour on en comptait jusque cent. En présence de pareils faits, on accordera sans peine, que les moines et les habitants deSaint-Trond n'eurent ni le temps ni la pensée de s'occuper davantage d'un saint étranger qui avait seulement été enterré chez eux pendant quelque temps et dont les miracles n'étaient rien en comparaison de ceux qui se produisaient maintenant. Bientöt sans doute les moines de Saint-Vaast établis prés de la chapelle sépulcrale de S. Léger auront été seuls a 1'invoquer, en même temps qu'ils priaient tout autant le nouveau thaumaturge. Moines et laïques Hesbignons eurent même a compter, et cela encore au X<= siècle, d'après la chronique Sainttronnaire (p. 35, 49) avec un abbé qui était d'avis qu'en 193 fait de dévotion aux saints, ils devaient s'en tenir au seul culte de S. Trudon. En outre, a cette époque, les Normands avaient déja passé par Sarcinium détruisant trés probablement plus d un ecrit qui etait destiné a conserver Ie souvenir et la gloire de 1 eveque-martyr. De plus la chronique de l'abbaye est dure a égard des anciens moines. Directement et indirectement elle les accuse de négligence dans une foule de choses dont plusieurs d une grande importance. Ce n'est pas k tort. Nous en donnons quelques exemples. La fête des patrons de l'église v,,?",!*!111 Ct S' Remi' ne commenca a être célébrée qu'au XIIe siècle sous 1'abbé Rodulphe (p. 151). Ce fut le même abbé qui Ie premier entrepit d'écrire 1'histoire de l'abbaye II ne voulut la commencer, faute de documents antérieurs, qu'a partir de lan 999. Un de ses continuateurs s'écriera: „Plurima memom digna praecedentium patrum praetermisit annotare negligentia (p. 322). A la même page, parlant du diacre Donat, un des biographes de S. Trudon, on avoue ne plus savoir si cet écrivain était ou non moine de l'abbaye. Tout ce qu'on raconte de S. Eucher, de S. Libert et autres saints qui passèrent par iSbueT°U /eC.Urent a Ses CÓtés» 86 reduit a <™eI1ues details. Trente-cmq ans k peine après 1'événement, dans une espèce d' nventaire des biens et des reliques de l'abbaye (p. 78) jLr.KiPfl«qU2i0n dC S' Libett' n,artyrisé **** I'égliseabbaïïfi ♦ ?" , 6 S0US Rodu,Phe. »n nouvel inventaire des autels et des rehqües, ne renferme pas un mot au sujet de ce saint amsi que de plusieurs autres de la contrée (ibid.) Chose inconcevable en 1169 son corps avait dispara et les reliques^ ™! id°fn.i ♦ S'^cher étaient elles-mêmes égarées (p. 251, 320) II fallut un abbé Libert pour que Ie saint de ce nom eü sa fete dans l'abbaye (335). Celle de S. Lambert, patron du diocèse, n'y fut introduite qu'en 1138 etc. Les anciens moines de Saint-Trond, tout entiers au culte de !JLg?"e"X fondateur' s'imaginèrent sans doute que les faits extraord.na.res qui s'étaient produits dans leur ville ne pourraient jamais s'effacer du souvenir des peuples et que beaucoup d autres se chargeraient de les mettre par écrit. Qui dira nJHHS^ LqW CC »honn«n"t se sera répété un peu partout et aura ete cause que des événements trés importants sont tombés dans 1'oubli et dans un oubli si profond qu'ilsn'en sortiront jamais? 4 13 197 ou rien que lui seul eussent considéré, d'ailleurs bien a tort, comme lieu du martyre. Nous croyons que toutes les forêts Artésiennes appelées „Forêt-de-Saint-Léger" n'ont recu ce nom, du moins avec Ie sens que le saint y aurait péri, qu'après' Baldéric et k cause de son assertion. Quant a celle-ci, 1'écrivain aurait été absolument incapable de la justifier. II s'était probablement contenté de la copier dans quelque document ancien, rédigé a 1'époque oü le lieu du martyre était encore une forêt! QuoiquMl en soit, il nous semble évident que toute „Forêt-deSaint-Léger" par le fait même qu'elle n'est pas devenue bien vite un lieu habité, porte en elle sa réfutation et la preuve que S. Léger n'y est pas mort. On concoit qu'il ait pu exister des motifs qui ont fait perdre, même la oü ils s'accomplirent, Ie souvenir du drame sanglant et de la sépulture — nous avons trouvé et indiqué ce motif pour Sarcinium et nous le connaissons et I'exposerons pareillement pour Ie lieu du martyre —mais on ne comprend pas que „Sylva S. Leodegarii" ne serait devenu bientdt, et en tout cas n'eüt pas été du temps de Baldéric, une place habitee. Surtout on ne le concevrait pas, si vraiment Ie martyre avait eu lieu dans 1'Artois, puisque le culte du saint s'y était particulièrement developpé chez les simples fidèles. Quant aux preuves en faveur de Liége, nous pourrions, en guise de démonstration demander a nos adversaires, s'il en existe de réfuter ce qu'ils ont lu dans les pages précédentes et en particulier d'indiquer aux environs de Saint-Trond, une autre localité qui convienne mieux ou du moins tout autant. Ce ne serait pas possible. II le sera bien moins encore quand nous aurons exposé nos autres preuves puisées en partie dans les actes du samt, en partie dans 1'histoire des premiers temps de Liége. Celles que nous avons présentées en faveur de SaintTrond comme lieu de la sépulture, s'en trouveront pour leur part d'autant plus fortifiées. H nous faut donc prouver d'abord cette vérité qui ne fut sauvée de 1'oubli dans aucun écrit, ni seulement remarquée, semble-t-il, par aucun historiën, a savoir que Liége s'appelait primrtivement,,Forêt-de-Saint-Léger»oupIutöt),Forêt-Léger''puis, a partir du moment oü elle commenca d'être habitée „Léger" et que ce nom se retrouve dans celui que Ia ville a porté et porte encore a présent. Ce que nous avons déja vu et ce qui nous reste a dire, en particulier 1'exphcation que nous donnerons 198 des causes de cet oubli ou plutöt du silence des premiers écrivains, établit victorieusement qu'il s'agit dans le nom de Liége de „Saint Léger" 1'évêque-martyr. Déja maintenant et a priori le lecteur accordera sans peine, nous 1'espérons, que ce serait chose par trop étrange si le Léger dont il s'agit, était différent de celui qui, lors de la naissance de Liége, fut inhumé a Saint-Trond. Nous montrerons d'abord qu'il y a du „Léger" dans le nom de Liége, ensuite que „Forêt-Léger" fut le nom primitif de la localité. Quant a notre première proposition, il suffira pour 1'établir de rappeler et d'examiner celle qui fut défendue par Kurth (Bal, 1882) ainsi que les modifications plus ou moins radicales que 1'auteur y apporta dans la suite. Dans son premier travail, 1'écrivain commence par exposer brièvement les différentes opinions au sujet de 1'origine du nom et de la ville de Liége, opinions pour la plupart absurdes a 1'excès paree qu'elles ne visent d'ordinaire qu'a leur assigner la plus haute antiquité (•). Nous regrettons de ne pas trouver (') Ces opinions, 1'auteur se contente, avec infinement de raison, de les tourner en ridicule, sauf une fois oü il se montre fort diir. Le vrai motif de cette seule exception ?... Avant de présenter la liste de ces absurdités, Kurth donne une note au sujet des étymologies populaires et en cite pas mal d'exemples mais dont plusieurs, a notre avis, ne prouvent pas. Amberloup, Virginal, Grammont. Ninive (Ninove) etc sont tout simplement de mauvaises orthographes ou des prononciations défectueuses de Amberioux, Verzenal, Qérardmont, Nieuwenhove etc et n'ont jamais été considerés par personne comme rappelant un loup, une vierge, quelque chose de grand, 1'ancienne capitale de 1'Assyrie. En particulier pour Grammont, ce n'est pas autre chose que Gérard (Ghérard, Guérard^mont, devenu ensuite Gérammont, Grammont. Son nom en patois est Geerts (= Gherard)bergen. Geetsbergen, Oitsbergen. Pareillement il n'est pas prouvé du tout que le nom Cornillon (a Liége) ne re vient pas a CorneiUemont, Comilmont, Cornillon, mais „dêrive incontestablement de la frappante configuration topographique" et est mal rendu dans les documents latins par Coraeliimons (Gobert, T. I, p. 339). Ce qui nous semble au contraire „incontestable," c'est que Heykruis, en latin „alta (= magna) crux" ne signifie aucunement „croix de la bruyère" et n'est pas du tout devenu par simple prononciation Wallonne „Hautcroix" mais a été trés exactement traduit par Hautecroix et (sauf toutefois une faute d'orthographe) Hautcroix. En effet „hev" et pareillement „haegh, haek, haeken, heug, hoo, hoe, ho, hie, ie, ei etc" ne sont souvent que de vielles formes de „hoog" (high, height en anglais) (Weiland: Woordenboek, i. v. hagen, hoog, verheugen; Paquay: Pouülé du diocèse de Liége en 1497, p. 75, chapelle de Hoogkruis). Elles entrent dans une foule de noms propres qui génêralement n'ont rien de commun avec une bruyère. Chotin, après avoir, lui aussi, donné ce sens (Brabant, p. 115) se rétracte (p. 243) mais fait erreur en affirmant que 199 dans cette nomenclature 1'opinion d'après laquelie Liége serait née au temps de Quintus Legarius, le sénateur Romain qui conspira contre César et fut, pour ce motif, mis a mort laissant son nom a la cité.... Beige appelée Liége! (Dognée p. 17). En effet ce nom ressemble le plus a celui du vrai fondateur Leodegarius, et partant il en est peut-être un vague souvenir! D'autres opinions concernant 1'origine de Liége sont pareillement omises dans le travail de Kurth, dont 1'une ou 1'autre pour le bon motif qu'elles furent proposées plus tard par des écrivains qui refusaient d'accepter sa thèse. De ce nombre sont celles, défendues, la première par Thimister (Hist. de la collégiale fu,S\^1, 29édition' 1890' P- °) ^ 1'autre par Schneiber (Bsl, 1908). Leurs opinions ne sont guère plus sérieuses. On en sera pleinement convaincu, croyons-nous, quand nous aurons examiné la thèse de Kurth et prouvé la nótre. Bernaerts opine (Buil. et Annales de 1'acad. d'archéol de Belgique, T. 4, p. 7, 208) que Liége renferme un nom propre, le nom Leodic. Si son livre méritait vraiment 1'épithète de „mauvaiVque Kurth croit pouvoir lui infliger dans ses „Frontières hnguistiques» paree que dans les noms de localités il découvre souvent des noms de personnes, ce ne saurait être du moins en raison de ce qu'il propose au sujet du nom de Liége Son opinion n'offre en effet rien d'inadmissible, ce qui n'est pas tout a fait le cas pour la plupart des autres, y compris celle de son critique. En effet le nom Leodic existe parfaitement Förstemann (I, p. 257-8) qui, lui aussi avec pas mal d'autres, aime trouver des noms de personnes dans les noms de lieux cite sous Ie radical „luid" une foule de formes d un même nom de personne qui rappellent absolument les variantes du nom de keu Liege. Ce sont: Liudo, Liuto, Leudo, Luto, Leodio, Ludo, Heykruis est pour .Helkruis, alta crux". „HeL helle hol etc» ou'on rencontre aussi dans beaucoup de mots, Sont^'souvent synonymeTSe 5Ï ramrfais^hsïh» ^"fo^8 M' tort de faire dérfverte SSjta? seul etgmLp ft l9P »He^,et .*»J*»" "e sont au fond qu'un £n..ifL 5? Ptt trouve lue'ques bons exemples d'etymolojne populaire dans Qrandgagnage (Mémoire p. 104, Vocabulaire pi182 la coSmJne' de &k qUe a0£ av°ns dié ci-dessus? ie nom S2 p\reuTeme„t & ft if y,hPh°i,en & Mons' devenu Saint-Phorien Qoule- Ffrmit/c ^ eMChing^ en,S" Er«oule- '«pn* leflamand Sinter uoule; Firmitas-Sancti-Nectani rendu par La-Ferté-Senneterre- V«lm.r traduit*par Samer (Cahier: Carractérist. p!m,8l%M3) ltl' 200 Luto, Liudiko, Luttiko, et les formes allemandes: Lüddicke, Lüdecke, Lüdicke, Lfitke, Lüttig. Une revue hollandaise „De Navorscher" (1860, p. 318) se rapproche aussi de la vérité en déclarant que dans le nom de Liége, il y a le nom propre Louis, Lodewijck, Ludovicus. En effet c'est une des formes sous lequelles on rencontre le nom de la ville, comme nous le dirons plus loin. Toutefois elle ne suffit pas pour expliquer les autres formes de ce nom et partant elle ne saurait y être renfermée. Parmi les opinions non omises par Kurth, il en est une (p. 10) qui demande que nous nous y arrêtions quelque peu, avant de passer a 1'examen de la sienne. 11 s'agit du récit concernant S. Monulphe, récit qu'on rencontre pour la première fois au XIe siècle dans un écrit du prêtre Joconde. Monulphe, évêque de Tongres au VIe siècle, aurait construit dans la bourgade déja appelée Legia, une chapelle qu'il dédia aux S. Cöme et Damien et qui existait encore du temps de S. Lambert. Sa fondation se serait faite en souvenir d'un miracle dont le saint fut témoin. Monulphe apercut dans le ciel, au milieu d'une lumière éblouissante, une grande croix qui surgissait du fonds de la vallée. II prédit que 1'endroit serait illustré par les mérites d'un serviteur de Dieu et deviendrait une grande cité. Telle est la légende qu'on rencontre ensuite dans une foule d'ouvrages, souvent avec de nouveaux ornements, et même encore de nos jours dans un „Guide de Liége" que nous avons sous les yeux. Kurth, dans son premier travail sur les origines de Liége, est d'avis et avec infiniment de raison que cette opinion qui fait naltre Liége et sa chapelle dès le VIe siècle, est erronée comme aussi et a plus forte raison plusieurs autres qui lui assignent des origines encore plus éloignées. En effet, le nom de Liége n'apparalt pour la première fois dans 1'histoire qu'entre 713 et 727 pt on peut ajouter, pour montrer encore mieux combien le silence, antérieur a ces dates, serait inexplicable, qu'a partir de cette première apparition du nom de Liége, c'est coup sur coup et sans interruption notable qu'on le rencontre. Et 1'observation de Kurth vaut aussi pour 1'expression „nemus leudicum" citée dans la même légende et qu'il voudrait, par une étrange contradiction, faire considérer comme déja vraiment employée a 1'époque de S. Monulphe et peut-être même avant lui. 201 Maïs tout le reste est-il pareillement faux et inexplicable dans ce récit? Nous ne le pensons pas. Nous sommes d'avis que la véntable histoire des origines de la ville avait eu assez de temps pour salterer profondément avant d'être mise par écrit Ia première fois. Nous pensons que par l'évêque Monulphe, il faut entendre soit cet évêque, soit un autre, passant par la, peut-etre plusieurs siècles avant la naissance de Liége et prédisant ses origines glorieuses, grace au martyre de son fondateur endure a cette place. On pourrait aussi supposer que la prophétie fut faite par Leger lui-même ayant en vue S. Lambert dorit la mort glorieuse serait bien plus connue et plus célèbre que Ia sienne. Quant a la croix lumineuse, nous y voyons un souvenir du miracle qui se produisit quand l'évêque d'Autun approcha de la demeure de son dernier gardien, Ie comte Robert, miracle qu on rapporte dans ses actes (n° 35). A propos de ce comte Robert, nous rappellerons que les memes actes de S. Léger insinuent trés clairement que sa demeure, au moment de la mort du saint, celle partant oü il conduisit son auguste prisonnier, ne se trouvait pas fort loin du heu de son martyre. Nous avons déja dit qu'il ne saurait etre permis de penser a Sarcinium et de dire qu'avant de trouver un lieu propre a 1'exécution on aurait dü chercher si loin et si longtemps qu'on serait arrivé jusqu'a Liége. En outre il aurait été souverainement imprudent de ramener le corps a Sarcinium pour l y ensevelir secrètement, si Robert et Léger avaient plus ou moins longtemps habité la même. Rien d'ailleurs ne prouve que le comte y aurait eu une demeure. Quant a Cortessem ou Cortryck ou Courtrai etc, que Ie testament de Robert rappelle et ou probablement il aura eu quelques propriétés, ces localités sont pareillement trop éloignées du lieu du martyre. Mais ne sera t-il pas possible de trouver plus prés de Liége quelque V^ t T aUfait peUt-être «""ervé le souvenir de Robert et de Léger? II y a le village de Tilff dont notre évêque-martyr est le patron; mais surtout on a a Liége la colline Robertmont, Roberti mons, dontaucun historiën n'a jamais expliqué le nom. Riend'éton- ITiJÏ Sa?" dU gardie" de S' Lé*er' ^ue Explication soit tombée dans loubli, puisque le nom de Liége devint lui-même incompris. Toujours est-il, d'après les historiens Liégeois, qu'il est fort ancien. Bouille certifie même (Bariet: Rues de Liége p. 166) que c'est le nom d'un particulier et nullement celui' 202 d'un saint et Gobert de son cöté affirme qu'il n'a rien de commun avec S. Robert de I'ordre de Citeaux. Voici maintenant en résumé quelles seraient, d'après Kurth, les origines de Liége. On doit être d'accord avec lui pour dire qu'elles sont indiquées par le nom de la ville, mais nous estimons qu'il n'y a pas dans ce nom ce qu'il prétend y découvrir. L'écrivain, conformément a son opinion, commence par indiquer les différentes formes du nom de la ville, classées chronologiquement depuis la première qui se présente entre 713 et 727, jusqu'a celle de 1067. C'est dans la vie la plus ancienne de S. Lambert, éditée par Demarteau, que le nom de Liége apparalt pour la première fois: Leodius, Leodeus. Nous renvoyons a 1'ouvrage de Kurth pour 1'indication des sources qui fournissent les formes subséquentes. Ainsi donc: 713-727: in villa cujus vocabulum est „Leodius" in villa jam dicta „Leodio".... in praefata villa „Leodeo" in jam dicta villa „Leodeo" ad „Leodeo" — 730 (circa): „Leodosio, Leudico." A propos de ce nom propre d'homme „Leodosio" Kurth déclare, sans en donner aucune preuve, que cette forme est" incontestablement fautive et due a une erreur de copiste." II en est tellement sur que dans ses autres écrits, notamment dans ses „Frontières linguistiques" (p. 423) elle n'est plus même citée. — 723 a 743: in villa cul vocabulum est „Leodio" in praefata villa „Leodio" in supradicta villa „Leodio" ad „Leodium" (Leodicum). — 743 (circa): usque „Leodium." — 814 a 816: „Leodii" in „Leodico" vico publico.... in „Leodia".... in vico „Leutico".... in vico „Leudico." — 853: „Leodico" vico publico. — 854: apud „Leudicam." — 856: in „Leodico." — 856 (circa): „Leodium" (nominatif.) — 858 (circa): in „Leodio" villa publica in „Leodico" in „Leudico." — 884: in „Leodio." — 898: in „Leodio" villa „Leudegus Leodico." — Xe siècle: „Leodium" civitatem — 903 a 920: „Leodium" (accusatif) — „Ledgia" — 921: „Leogis" episcopatus.... in „Leodio" in supradicta ecclesia quae „Legia" dicitur. — 987 (circa): „Leu- die Leodii.... Leodio Leodium." — 1012: „Leodici.... Leodium." — 1024 in civitate „Legia." —1036: in urbe „Lethgia." — 1048: „Leggia." — 1051: „Legia." — 1036: in urbe „Lethgia." — 1048: „Leggia." — 1051: „Legia Legia in Leodico." — 1056 (circa): „Leodium" „Leodium" vicus publicus 203 „Lethgia." — 1060 (circa): „Leogium".... „Legia" nostra. — 1067: „Legia" Nothiero „Laodicensi." Dans le cours de son travail, Kurth rappelle plusieurs autres formes. II y a d'abord celle tout a fait ancienne, dont on a déja parlé, „nemus leudicum", puis (p. 66) le nom de „SaintLambert" par lequel d'aucuns essayèrent de remplacer celui de Liége (voir aussi Gobert T. 2, p. 167), puis (p. 80) on parle de „le Liége, del Liége qui, d'après Adrien de Valois, signifierait: le pays de Liége, comme ondit: le Luxembourg", enfin 1'auteur revient (p. 74, passim) a „Legia" qu'il dit n'être pas dérivé avant le Xe siècle, de la forme primitive Leudicus. II ne fait que citer (p. 82) le nom wallon „Lige" et le nom francais actuel „Liége." Ecoutons a présent quelle serait la nature et le sens du nom de Liége. Nous continuons de résumer: „C'est un adjectif (p. 42) composé du barbare leod ou leud qui signifie peuple et de la désinence latine kus. Ce mot était primitivement employé au masculin et précédé du substantif vicus, mais dans la suite on a dit tout court Leodicum, Leodium, Legia.... Quant au sens de 1'adjectif leudicus (p. 40, 43, 45, 73, 81) il signifie la même chose que publicus dont il est un inutile doublet, a savoir: une terre qui est la propriété de 1'état ou du fise. Cet appellatif a survécu avec ce sens dans Ie nom d'une forêt située prés d'Orléans Leodla silva, en 991, et un peu plus tard silva Leodiga (Adrien de Valois: Notitia Galliarum, p. 270; Ducange: i. v. Leodicus) devenu enfin legio dans Victriacum in legio, en francais Vitry aux loges (Quicherat, p. 146.) La preuve que, dans ces noms, leodio, legio, loges a le sens susdit, c'est, comme Adrien de Valois l'affirme, que de son temps un canton de cette forêt sappelait encore bois commun. En outre, a Liége même on avait le Publémont, en latin mons publicus (cité en 105L etc.) Enfin, il y a le terme lige qu'on rencontre déja en 1076 conservé dans homme-lige et qui dérive de leudicus." D'après Dognée (o. c. p. 9) Publémont signifierait: „le mont du peuple" et Leodig, le nom de la ville, voudrait dire: „la ville hospitalière ouverte a tous." Trés flatteur pour les babitants de Leodig, mais rien de plus 1 La thèse de Kurth fut accueillie avec faveur et même avec enthousiasme par plusieurs, qui n'y virent rien a reprendre, entre autres par la Bollandiste Desmedt (Précis historiques, 204 1885, p. 124.) Une des conclusions qui en découlent, surtout du sens attaché au nom de la ville, c'est que le ruisseau emprunte son nom a ce dernier et non vice versa. L'auteur ajouta même, pour le prouver d'autant plus complètement, différentes raisons et bon nombre d'exemples (p. 85). Dans la suite Kurth changea d'opinion. Déja en 1895 il écrivait (Frontières linguist. T. I, p. 452) en parlant du nom de Liége: „On ne peut voir qu'une coïncidence fortuite dans son identité avec le nom du ruisseau." II ne voyait de même qu'une coïncidence, nous 1'avons dit, dans les dénominations Liuvensis, Luihgau, Leochensis par lesquels se désignaient les environs de Liége. On trouve dans „Le vieux Liége, n° 135" (24 Janvier 1903) le compte rendu d'une „Conférence sur les origines de Liége par Kurth." Qu'on lise aussi dans ce journal (n° 137,14 Février 1903) un article sur le même sujet par Polain; dans Bil, T. 35 (1905) p. 229-324: „Les origines de la commune de Liége, par Kurth"; dans le courant de cette même année: „Histoire de la commune de Liége en six lecons" (25 Janvier au lr Mars) par le même. Pareillement: „La nation Beige, conférences jubilaires faites a 1'éxposition de Liége, 1905" et l'année suivante: „La commune de Liége dans 1'histoire" extrait de: „La nation Beige." C'est dans le dernier de ces écrits qu'on peut lire la phrase suivante: „Le nom de Liége se présente pour la première fois dans 1'histoire a 1'occasion de S. Lambert, mais je ne vois plus comme autrefois aucune raison qui interdise de penser que ce village est contemporain de 1'époque Romaine et peut-être même de 1'époque Celtique.'' En 1907, a la suite des fouilles a la place Saint-Lambert et de la découverte des restes d'une villa et d'un hypocauste Romains, Kurth ne se trouva pas peu confirmé dans sa nouvelle opinion. D'autres encore acceptèrent cette manière de voir» tandis que plusieurs refusaient d'admettre que la villa était Romaine (Qazette de Liége, 29 Octobre, 5 et 12 Novembre 1898 etc.) On peut lire aussi sur ces découvertes Cil (T. 2, 1907, p. 64, 84, 98 par Poulain) et Bil (T. 37, 1907, p. 123-49) ainsi que „Les Archives Beiges" (1907, p. 270, par Roland.) Dans Bil, que nous venons de citer, Kurth examine si, avant la fondation de la ville et son appellation Leudicus, Ie ruisseau qui la traverse avait un ou plusieurs noms et, si oui, quels 205 étaient ces noms et quand il commenca a prendre aussi ou a garder uniquement le nom de la ville. La question n'intéresse guere notre étude. Nous nous contentons d'observer que 1'auteur retracte et condamne ce qu'il avait dit a ce sujet dans La nation Beige." Toutefois il nous faudra examiner sa „conjecture que „le premier nom de Liége aurait été le même que le nom ancien du ruisseau et que le village ne prit le nom de Leodicus que lorsqu'il fut devenu ville." Nous arrivons au dernier travail dans lequel Kurth s'occupe de la question: „La cité de Liége» paru en 1910. On y lit„Longtemps avant 1'arrivée des Celtes, des hommes dont on ne connait ni la race, ni la provenance habitaient Ia. . Liéee a continué d'être habité pendant 1'époque Romaine. Le moyen aee en était convaincu et racontait a ce sujet une légende assez bizarre (Asiulf). Puis c'est la légende se rapportant a S. Monulphe L origine du village de Liége remonte au delè de notre ére' dans les ténèbres d'un age qui n'a pas eu d'historien. Ce nest que vers le milieu du VII» siècle qu'il faut placer la transformation du domaine public de Liége en terre d'érfise La voile qui couvre les destinées du village de Liége commence' enfin a se lever en 660. C'est en ce moment que S. Lambert devient éveque de Tongres.'' L'opinion de Qobert (Eaux et fontaines publiques, p. 15) est un peu différente: „Liége était habité du temps des Romains £ £ lCl,de 1907 e" d°nnent la Preuve> «"«■ ^ d'une manière stable et ne se développa pas avant S. Lambertiiont les biographes contemporains 1'appellent encore villa, simple villa " Arretons-nous quelque peu a ce qu'on vient de lire. Avant tout d sagit de compléter Ia liste des formes du nom de Liége. En effet Duchesne reproche a bon droit k Kurth d'avoir omis pas mal de variantes et même des plus anciennes (Bullet. critique, T. 4, 1883, p. 126). Une des plus curieuses, que nóus expUquerons a, eurs, est celle qu'on rencontre dans la vie de S. Theodard^ Elle est de la première moitié du Ville siècle daprfc le Bollandiste Limpens, qui le prouve par plusieurs bonnes raisons. On y parle de Liége sans 1'appeler par son nom, .^?fl»en U"" ?"a qUam uno '«tere Mosae fluminis alui unda . Demarteau decouvrit et publia une autre copie de cette vie ou le nom de Liége est inséré dans la phrase qu'on vient de lire: „,n villa Ledgia quam uno latere...» II faut remarquer 206 que, d'après Kurth dans ses „Origines de Liége'' Ledgia ne peut être né avant le Xe siècle et il en conclut que la biographie elle-même n'est pas antérieure a cette époque. II déduit en outre de toute la phrase que son auteur parle de Liége comme d'une ville inconue et qu'il n'était personne d'autre qu'Hérigère. Anal (T. H, p. 111) rejeta 1'opinion de Demarteau, dont par contre Van der Essen erat devoir accepter les conclusions (p. 141). Nous* est avis que la phrase susdite n'indique en rien que 1'auteur de la vie parle de Liége comme d'une ville qu'il ne connaissait pas. Comment surtout, si Hérigère en était 1'auteur, aurait-il pu parler d'elle comme d'une localité inconnue ou que d'autres, en plein X« siècle, auraient encore ignorée? La vérité est, nous semble-t-il, que le texte authentique, celui de Limpens, ne voulant, pour de bons motifs, appeler Liége par son nom (Demarteau n'aurait pas dü 1'oublier) ne pouvait faire autrement, pour la designer, que de recourir a une périphrase. Si cette vie avait eu le mot Ledgia dès 1'origine, on n'aurait sans doute pas eu la phrase qui suit dans Tédition Demarteau aussi bien que dans celle de Limpens. Ce terme aura été ajouté dans la suite pour plus de clarté, et par des copistes, qui auront pensé que 1'auteur 1'avait omis par simple oubli. D'ailleurs, si même on rencontrait ce Ledgia dans le texte authentique et primitif, ou dans une copie bien exacte, il ne fournirait pas la preuve que cette vie n'est pas du VIII* siècle. Nous ne le prouverons que plus loin afin de pouvoir maintenant donner les autres variantes du nom de Liége. Les voici: „Leuticensis'* pater (Sedulius:Carmina, Ed. Grosse), „Liudovico" (Migne, P. L., T. 110, p. 1169. — K, Mon T. VI, p. 303, IX* siècle), „Ledium" (Bolland., T. V Septemb. p. 547; Ferrarius: Catal. generalis sanctorum, 1625, p 368) («), „Legiensis" (adjectif) (Hucbald, Vie de S* Rictrude, (i) Ferrarius mentionne a cette page, qui donne les saints du 11'Septembre, les martyrs „Petrus et Adoletus" mis* mort en même temps ouTs Lambert. En Sutre-il dit que dans la ville espagnole de Lledo ffnI traduT pa eillement en latin par Ledium) dans l'église S»Mane on conservé le corps de S. Lambert. Nous ne nous chargeons pas de Srcher 1'origine et 1'histoire de cette colossale erreur. Aurait-on peutêtre rouvé dag„s Lledo, Ledium, le nom d'un Léger quelconque qu'on furait confondu avec celui du saint fondateur du Ledium beige ou lu uaussi S Lambert? Ou bien aurait-on simplement et gross.èremen confondu notre Ledium beige avec le Lledo espagnol sans autre motif qTeTressemblance extérieure des deux noms? En tout Cas cela rappelle 207 parlant d'Etienne évêque de Liége), juxta „Leodium nova vallis'* (Bal, T. 7, p. 27). Faut-il lire „nova villa" et comprendre Neuville ou Neuvice? Nous considérons aussi comme des variante* du nom de Liége les noms du „pagus" qui s'étendait sur la rive droite de la Meuse: „Liuvensis, Leochensis, Leuga, Leuchius* Luviensis, Leuvensis" en thiois „Luihgowe" (Orandgagnage „Mémoire" p. 133, „Vocabulaire" p. 35,41,42; Kurth, „Archives Beiges" T. 1, p. 44). D'après Orandgagnage il n'est pas certain que ces noms ont quelque chose de commun avec ceux de Liége, et par contre d'après Kurth, il est certain qu'ils n'ont aucun rapport avec ces derniers. Nous voudrions bien avoir une ombre de preuve que des noms si ressemblants de pays qui se touchent n'auraient pas une même origine. La chose paraltra bien autrement incroyable quand on aura compris a quel immense événement historique Liége doit sa naissance et son nom/ La liste des formes du nom de Liége donnée par Kurth étant ainsi complétée, nous pouvons passer a la critique de 1'explication qu'il en donne («). Une première série de réflexiona singulièrement la distraction de 1'écrivain (nous en avons parlé) aui lisant quelque part que S Trudon était né .in fiasbania» aval ccTpris Hispania" et en avait fait aussi un saint espagnol. A propos te £ forme W„cm„déSlgnant Uége et P" ,a meme len°m de Personae Léger noul ferons encore remarquer que le mot „lede» se rencontre dans nas mal "°^nde localités beiges. Peut-êtrê plusieurs renferment-Ë quelqÏÏ de^LieïrLieer,0en„S tSJÏÏ***""?1* tenté.de le croire M r »^ - ' ueLö, flamand, qui anciennement s'appelait aussi Lede- f™'? Pag0 ?,ensi (Berghmann: Geschiedenis van Lier etc) Ce serait '«W" d'exphquer que »Lede' Lierre' Ller" •«* un même mot oa! nous et süZ? Pj^iJ* hi6g* recueiIles P" K»rth et complétée* ïnL „,, i« c°mPleter de nouveau (comme nous le ferons plus lom) par la Hste des formes du nom de Léger, paraïtront peut-être I Sinf d^n' ï% n?n,breuses et souvent fort différentes entre elles Cependant ce n'est nen en comparaison de bien d'autres noms proprel,de ™s ?.« de Heux. Eeckhoff qui écrivit 1'histoireT Leeuwarden dePPce?e vüle * ff,!"" dC df**-cento fonnes différente du "om ae certe ville. Quant aux noms de personnes, on a souvent beaucouD dC ^ïfu*! d^l,hB disparates. S. Hubert, par exemde est encore appelé Albert, Robert, Héribert, Humbert, Houbiet hXV etc S Légende de S HiAert, p. 93 etc.) S. Monulphus s'appellë encore Numoï toet Mondolphus (Bolland.) On peut voir pour le n™. fiJnS*!:!ff deJa Fr,mce T 4- P- ««O; CeilHer.^T. 12, p. 359- Teulet Ta aans P. Rajna (Le ongim dell'epopea francese) et surtout dans del ouvrages comme celui de Van Hoorebeke (Etude sur les noms natronv ZT^aH ?0n;br?, elta nature de* variantes du nom dTLiéïe sSS donc loin d'offnr de 1'extraordinaire. Pour ce qui concenie leur nature 208 concerne 1'une ou 1'autre de ces variantes. Avant tout il est inexact que Ledgia, Lethgia, Legia ne recurent 1'existence qu'au Xe siècle. S'il en avait été ainsi, on n'aurait pas, moins d'un siècle apres, osé prétendre dans différents écrits que déja au VIe siècle, S. Monulphe s'en était servi et n'avait pas fait usage d'une forme plus ancienne, forme que la légende aurait eu soin d'employer. En outre une tradition enrégistrée par beaucoup d'historiens affirme que S. Hubert (t 727) avait donné a Liége un sceau portant la devise: „Sancta Legia Dei gratia romanae ecclesiae filia". Rausin (Leodium, 1639, p. 44) affirme que c'est la une constante tradition. Dans notre, thèse le mot „sancta" n'offre aucune difficulté. II n'aurait été ni clair, ni dans les habitudes, pour désigner Ia ville, de dire: „Sanctus Legius (ou Leodegarius) romanae ecclesiae filius". Les mots „romanae ecclesiae filia" a leur tour, ne renferment pas plus longtemps du mystère, comme nous le dirons plus loin; et quant a la raison qui aurait inspiré a S. Hubert 1'idée de donner un sceau et une devise a sa ville, il y a moins que jamais un motif pour dire qu'il n'y en avait pas et pour rejeter la tradition. On connait des historiens qui, sans soupconner, pas plus dans ce fait que dans le nom de Liége, des relations avec Autun, ont justif ié cette tradition, de sorte qu'elle devient absolument certaine si on admet qu'un évêque d'Autun fonda Liége. Rien de plus amusant que ce qu'on lit, par exemple, dans Demarteau, Daris, Schayes et autres. Demarteau (S. Hubert, sa légende, son histoire, 1877, p. is. — Revue générale, 1877, T. 2. — S. Hubert d'après son plus ancien biographe, Bil, T. 14, 1882): „On ne possède pas de mention authentique de cette devise antérieure an XIIe siècle, mais 1'histoire de S. Hubert atteste qu'il se servait d'un sceau spécial et 1'on a des exemples de devises de ce genre sur des sceaux de ce temps. Ainsi une médaille frappée a Autum sous Charles-le-Chauve porte 1'inscription: Aedua Christi civitas". (Pour Daris voir : „Notices" T. 2; Schayes : „La Belgique avant et pendant la pérode Romaine" T. 3, p. 326). Ainsi donc S. Hubert qui ne devait pas trop mal connaitre 1'histoire religieuse d'Autun, puisque un des évêques de ce siége était le fondateur de sa ville episcopale, Hubert, disons nous, a imité la ville d'Autun. cela ne va pas aussi loin que pour „Leodegisus et son père Herchinoaldus" par exemple, qu'on trouve rendus en francais par „Landegesme et Herchion" (Pitra, p. 453). 209 Peut être même que celle-ci avait recu son sceau et sa devise de S Léger et partant 1'employait déja avant le règne de Charlesje-Chauve ('). On peut encore remarquer 1'étonnante ressemblance entre les deux principaux liceaux de Liége et de SaintTrond, les villes sceurs en S. Léger. Ils représentent un perron accoste pour Saint-Trond, des lettres S. T. et pour Liége dé ° °n. a discuté sur »« sens de L. O; on a prétendu quece ne pouvait être la première lettre des deux syllabes qui composent Legia paree que cette forme du nom de Liége était trop recente! Nous avons vu qu'elle n'est pas plus récente, comme nom de la vdle, que n'importe quelle autre et par conséquent 1 objection ne vaut pas, et rien n'oblige ni ne permet de linterpréter par „Libertas Qentis" ou autrement que par le nom de la ville comme on le fait pour toutes les armoiries qui portent ainsi des lettres. Enfin les annalistes et érudits Liégeois sont daccord pour proclamer que Legia est Ie nom le plus ancien que Liege ait porté. Kurth est Ie premier a Ie reconnaitre (p 73) mais il refuse de le croire et n'admet pas non plus ce qu'on raconte du sceau et de la devise de S. Hubert (2). Pour lui Legia, Ledgia, Lethgia dérivent de Legium, Leugium, Leudium, Leudicus etc et par conséquent n'ont pu se produire qu'après ces formes. D'accord! Mais comment cela prouve-t-il que c'est a Liege que naquirent d'un premier nom toutes ces variantes et que la ville ne prit ou ne recut pas un nom qui, au moment de son adoption par elle, avait déja toutes ou presque toutes V les formes qui servirent a la designer? Comment sans cela expliquer le complet désordre dans lequel ces variantes se Ia(création i Fl^J^.^ We »Chris««um» dont il attribue civitas" 8 qm •* bien syonyne de „Aedua Christi rvSLkFf84! JussJ le, nSm' on ,e »■"• du ruisseau qui traverse Liéire D après la légende de S. Monulphe, il recut ce nom des 1'Sne de fa rL ™!! ?!L me tel. 1ue beaucoup plus tard (Gobert, T 2 o 2271 Ce nom Legia est aussi celui de plusieurs autres cours d'eau en nVrH ueja parie ae cette ville a propos du comte Robert et des relaKnnc JitffóZtiSïfiSi. ff,AS SS."- """"d"10 14 210 rencontrent? En s'en tenant a la seule liste donnée par Kurth on compterait en moins de trois-cent-cinquante ans, quinze formes diff érentes, qui classées selon 1'ordre oü on les rencontre pour la première fois, se présentent dans le parfait pêle-mêle que voici: Leodeus, Leodosio, Leudico, Leodio, Leodia, Leutico, Leudegus, Ledgia, Leogis, Legia, Leudie, Letgia, Leggia, Lethgia, Leogium. Nous déduirons plus loin les conclusions de ce que nous venons d'établir. Mais, en attendant, nous tenons a déclarer qu'il n'est pas même certain du tout que „Legium, Leugium, Letgia" en d'autres mots les formes en „gia, gium" dérivent directement de celle en „icus" (Leodicus etc). Elles semblent plutót supposer 1'existence d'une autre forme, non moins ancienne sans doute, si pas aussi souvent employée, une forme se terminant en „arius, erius etc" devenue „i oU i" en roman et „ia, ium" en latin. Une autre variante plaide aussi en notre faveur. C'est la périphrase déja citée que 1'on trouve dans la vie de S. Théodard, de la première moitié du VIIIe siècle au plus tard: „In villa quam uno latere Mosae fluminis aluit unda". On peut ajouter la fagon prudente et mystérieuse dont la vie contemporaine de S. Lambert et d'autres documents anciens citent la ville de Liége, surtout la première fois qu'ils en parient: „In villa cui vocabulum est Leodeus" ou bien avec un martyrologe qui n'aura fait que copier un ancien document: „villa quae dicitur Leudegus" etc. Cela ne révèle-t-il pas que le nom de Liége rappelait un souvenir qui ne devait pas être agréable a tous ? Or, notre opinion fait connaitre précisément un souvenir de cette nature. Autres formes a remarquer plus particulièrement: Leodosio, Ludovico. La première se rencontre dans un manuscrit de „Oesta regum francorum" que Bouquet appelle „pervetustum" antérieur a un autre dont il parle et qu'il dit être du Xe ou XIe siècle. II publie ce travail au T. 2 (p. 571) de son „Recueif des historiens des Gaules". C'est propablement le texte primitif de „Oesta", fautif peut-être, mais pas „incontestablement" comme Kurth le prétend pour le besoin de son opinion. D'après nous il y a tout simplement confusion entre deux noms propres dérivés de la même racine „leod": Leodosius et Leodicus (Leudèse et Léger) confusion d'autant plus facile a comprendre que parmi les victimes d'Ebroïn, il y avait le maire du palais Leudèse qu'il fit pareillement assassiner et qui en outre était parent de S. Léger (Debye, p.365 n°37). II y a plus. On a la preuve qu'un des 211 synonymes du nom Leodegarius est précisément Leodosius. (Mon, Script., T. 2, p. 318, 319, 413, T. 3, p. 434; Anal, T. 13, p. 10; Pitra, p. 454; De Mézeray: Abrégé chronol., T. t, Table i. v. Leudésie; Debye, p.370, n»63). Leodosio confirme donc notre manière de voir: il y a un nom propre de personne dans le nom de Liége. C'est encore ce que dit Ludovico (Louis) dérivé pareillement de Leodic, par lequel un autre écrit désigne Liége. II faudra probablement expliquer aussi par suite de synonymie entre les noms Ludovicus et Leodegarius que Saint-Léger-lezDomart s'appelle dans d'anciens actes: Saint-Loix (Map, T. 24, 1878, p.269). Nous ne saurions comment interpréter autrement que par Louys, Loys, Louis etc cette forme Loix. Ainsi Liége ne serait pas seule a s'appeler tout a Ia fois Léger (forme ordinaire) et Louis. On pourrait se demander si ces noms ne proviennent pas de documents contemporains de S. Léger dans lesquels ils étaient employés par crainte de prononcer le vrai nom, ou bien par flatterie et dans 1'intention de faire oublier, si possible, au moyen de noms similaires et de synonymes, le' crime affreux que le vrai nom rappelait. Encore une forme digne de remarque est celle de „S. Lambert" ou „S. Hubert". Liége a été désigné par ces noms, mais 1'une ou 1'autre fois seulement de sorte que 1'essai n'a pas réussi. Pourquoi ? Si le vocable Liége n'avait pas rappelé, du moins vaguement, un saint personnage ou un grand fait religieux, mais seulement 1'un des sens profanes et surtout communs qu'on a proposés, est-il admissible que dès le lendèmain de la mort de S. Lambert ou de S. Hubert elle n'eüt échangé son nom contre celui d'un de ces saints? Et la forme „del Liége" pour désigner, non pas la province de Liége (comme on dit: „Le Luxembourg" pour indiquer la province de ce nom) mais la ville de Liége? Nous croyons que eest encore un indice que Liége renferme un nom propre de personne. Voici en tout cas ce qu'on Ut dans Body (Noms de familie du pays de Liége, p. 29): „II était dTiabitude dans nos campagnes d'ajouter Partiele li devant le nom d'un individu. Aujourd hui encore dans nos patois wallons, 1'on entend dire • h Martin, li Hubert, li Misson etc". Borel d'Hauterive dans son „Annuaire de Ia noblesse de France" (T.3, p. 325-39) parle de la familie „du Liége». Nous ignorons si par Ia il ne s'agit pas aussi de quelque Léger. 214 germanique (leudicus) et cela sans mêler jamais les termes, sans jamais designer Ia montagne par Leudicus mons, Leudémont ni la localité entière par Publicus tout court? Pareillement comment expliquer, si le nom de Liége signifiait déja „publicus", qu'on 1'eüt fait suivre continuellement des mots: „villa publica, vicus publicus"? Pour indiquer Ia signification de ce nom? Kurth le prétend (p. 42) a la suite de Förstemann (II, 944) mais quelle iaiportance cela avait-il et de plus quel Liégeois était exposé a oublier que sa localité appartenait au fisc (Le vieux Liége, 4« année, n° 25) ? En outre si „leudik" avait été latinisé avec le sens de „publicus", comment comprendre que malgré 1'usage si fréquent de ce mot, a en juger par la longue liste des diverses formes du nom de Liége, il n'aurait pas existé plus abondamment, avec ce sens, surtout dans des noms propres germaniques, mais uniquement dans les noms francais de Liége et de la forêt d'Orléans? Par conséquent comment expliquer que ce mot, commun et détesté, qui aurait dü servir tout au plus a déterminer le nom et la nature des propriétés du fisc „A, villa leudica; B, vicus leudicus; C, mons leudicus etc'* et qui ne se rencontre pas même une seule fois ajouté de cette fagon a villa, vicus, mons etc, que ce mot, disons-nous, aurait été accepté pour designer deux localités entières? N'est-il pas de même évident qu'au lieu de „Leudicus, vicus publicus" on devrait rencontrer, quelquefols du moins „Publicus, vicus leudicus" ou mieux encore que cette localité devrait s'appeler Leudicusvicus, Leudicavilla, (Leudévic, Leudéville, Liégevic, Liégeville) et surtout Publicusvicus, Publicavilla (Publévic, Publéville) a 1'imitation de Publicusmons (Publémont)? Enfin qu'on se rappelle ce que nous avons déja insinué ci-dessus. Si le nom de Liége signifiait la chose profane et vulgaire dont il s'agit, le plus ancien biographe de S. Théodord n'aurait eu aucun motif pour cacher ce nom et d'autres documents anciens ou copies de pareils documents n'auraient pas dü le renfermer dans de mystérieux encadrements: cui vocabulum est qui dicitur etc; surtout on n'aurait eu garde de résister a 1'essai qui voulait remplacer le nom de Liége par ceux de S. Lambert ou de S. Hubert Donc, de nouveau, la conclusion s'impose. Rien ne permet de dire que le germanique „leodic" nom commun ou adjectif, a jamais eu le même sens que le latin „publicus" ou qu'il ait été latinisé avec n'importe quelle signification. D'autre part il est indéniable 215 que leod, leodic ont été employés comme noms propres de personnes. Comme tels ils avaient le droit d'entrer et de fait sont entrés dans les autres langues. Pour ne parler que du latin, le nom.de personne Leod, Leodic s'y présente sous plusieurs formes: Leod-ius, Leodos-ius, Leodevic-us, Leodec-arius etc. II est arrivé ensuite que le nom de personne a été pris pour designer en même temps Ie nom de lieu Liége. C'est pour bien des noms que pareil fait s'est présenté. Un mot encore au sujet de Publicus mons, Publémont. Nous venons de rappeler que ce nom indique évidemment que la colline appartenait au fisc, de même que „vicus publicus, villa publica' ajoutés au nom de Liége, désignaient la même colline soit seule soit avec une partie des terrains environnants. Plusieurs toutefois ne comprenant plus le terme „publicus" cherchèrent et découvrirent autre chose. Gilles d'Orval, le premier trouva (Mon, SS. T. 25, p. 58; Kurth, p. 15) que du temps dé lempereur Auguste, un certain persónnage appelé Asiulfe s'était construit une demeure délicieuse (delectabilem) sur la colline qui „de son nom" s appela ensuite „publicusmons". Nous ne nous arrêterons par pour le moment a „delectabilem"» On verra plus loin ce qu'il en était . des „délices" de la localité a 1'époque romaine et bien longtemps après; par les actes de S Léger nous apprenons ce qu'était encore en 678 ce lieu de son martyre Mais comment comprendre que „publicus mons" ait «ré son nom d'Asiulfe, et qu'en est-il dans la réalité? D'après Oobert (T. 3, p. 318) il n'y aurait pas moyen de répondre a la première 3n^0?LJ?e 8011 CÓté Kartn écrit (BulL de 18 sommis, royale dTust 1890, p. 395): „II y a la une énigme dont il est inutile de chercher la solution, paree que la solution n'existe pas". C est de Ia conviction poussée jusqu'a vouloir décourager les cnercheurs. Desmedt est natureUement de I'avis de Kurth (Acta S. Huberti, p. 795, n» 151) et il ajouté: ^ factie (?) conjicere ïicet Aegidium quum locum ex antiqua traditione Villam Asialfi Romani et alio nomine villam ac montem publicum appellatum repensset, haec perperam confudisse". Comprenne qui pourra la possibilite et Ia conséquence d'une pareille confusion! Enigme pour énigme nous préférons, comme bien moins diffidle a résoudre, celle que renferme le texte de Gilles d'Orval. Sans doute il est incompréhensible que les mots „mons publicus» dériveraient du nom Asiulfus. Mais pourquoi supposer que 216 Gilles eut écrit pareille sottise et ne pas chercher une explication sérieuse ? Si 1'on voulait se rappeler, par exemple, que tout vrat Romain ou individu qu'on supposait tel, avait ou devait avoir plusieurs noms, n'y aurait-il pas moyen de trouver dans „mons publicus*' un de ces autres noms d'Asiulfus, celui que Gilles a en vue? Est-ce que par hasard Publius ne serait pas un nom romain dont on pourrait dire que publicus est 1'adjectif ? Gilles et ses partisans se seront imaginés que primitivement on avait dit „Publii mons". Etymologistes superficiels qu'ils étaient, ils auront cru sans doute que la forme francaise Publémont conservait mieux que le latin „publicus" ce nom Publius. Comme si la forme primitive, Publicmont n'aurait pas dü nécessairement s'altérer en Publimont, Publémont! C'est en tout cas a cette prétendue forme „Publii mons" devenue „publicus mons" que 1'historien Nicolas faisait allusion, semble-t-il, lorsqu'il écrivait (Chapeavüle, T. I p. 407): „qui none publicus mons dicitur" a moins qu'on ne doive dire que pour Nicolas la montagne n'aurait recu ce nom que „de son temps"!! Dans cette supposition il n'admettait évidemment pas la légende d' Asiulfus. Qui sait si ceux qui ont inventé légende et étymologie n'ont pas eu pour point de départ le nom d'autres collines Liégeoises qui renfermaient réellement un nom de personne, Robertmont, Cornillon (Cornelii mons) Chèvremont (Caprasii mons) etc('). (!) En latin Capremons et Capranons. Autrefois on disait, en francais, Kivermunt (De Ryckel, p. 576). S. Caprais évêque-martyr d'Agen possédait la un sanctuaire célèbre. On y vénérait probablement aussi Se Poi d'Agen martyrisée le méme jour et au même endroit que S. Caprais et qui est encore la patronne d'une des paroisses de Liége. Le culte de S. Caprais passa a l'église et au monastère de S. Jean-en-lUe a Liége et dura jusqu'a 1'arrivée des Normands qui détruisirent l'église et égorgèrent les moines (Henaux: Les Normands dans le pays de Liége, p. 4). S. Denys avait aussi son autel a Chèvremont en l'église Saint-Jean. On verra plus loin que le culte de ce dernier saint a Liége s'explique par S. Léger. Peut-être en est-il de même de S. Caprais et de 5» Foi. Quoiqu'il en soit, nous croyons que dans Caprimons, Kivermunt, Chèvremont, on doit chercher le nom de S. Caprais et non celui d'une chèvre. Cet animal, dans le wallon Liégeois, comme dans Ia plupart des wallons, s'appelle gade, gatte etc. Or, on n'a pas seulement connaissance d'un Gademont, Gattemont par lequel en wallon on aurait jamais désigné Chèvremont. Le Bollandiste Van Hecke, dans ses actes de S. Caprais (20 Octobre, n« 33) semble aussi de notre avis. II serait par trop étrange que le culte de S. Caprais se fut êtabli sur une montagne dont le vrai nom aurait été Capraemons (forme qu'on ne rencontre pas) ou que cette montagne malgré le culte rendu la même a S. Caprais aurait pris dans la suite, non pas le nom du saint, mais celui d'une ... chèvre! Ajoutons 217 On n'a pas songé a tout ce qu'offrait d'inadmissible 1'assertion qu'un Romain aurait porté a la fois un nom germanique et un nom latin. Et par ces dernières lignes nous venons de répondre a la seconde question et de montrer que 1'étymologie proposée et par conséquent la légende, qui ne semble s'appuyer que sur elle, sont inadmissibles. „Publicus mons" désigne donc, comme il a été dit, une montagne qui appartenait au fisc. Quant a ceux qui admettaient 1'autre étymologie, par la même ils fournissent du moins la preuve qu'ils considéraient le nom „mons publicus" comme trés ancien, plus ancien sans doute que „vicus publicus". Mais tout ce qu'on vient de dire pour montrer que tien n'empéche d'attribuer la naissance et le nom de Liége a S. Léger d'Autun, mort vers 678, ne se trouve-t-il pas renversé par les fouilles faites a Liége en 1907? Liége n'est-il pas beaucoup plus ancien et le Léger dont il porte le nom n'est-il pas tout différent du martyr d'Autun? Nous avons exposé les nouvelles opinions émises par d'aucuns et en particulier par Kurth, qui se contente de les énoncer sans rien prouver et sans réfuter ses thèses ou arguments antérieur» ni s'inquiéter de ceux qui les avaient pleinement approuvés. Une phrase de 1'écrivain au sujet de 1'époque oü Liége prit naissance est particulièrement curieuse: ,Je ne vois plus aucune raison qui mterdise de penser que Liége est contemporain de 1 epoque romaine et peut-être même de 1'époque celtique" Et cependant, on fait précéder ces lignes, des mots suivants- Le nom de Liége se présente pour la première fois dans 1'históire a l occasion de S. Lambert". Pourquoi ce fait historique n'obliget-il plus a croire que Liége n'est guère antérieur aS. Lambert? Poi»quoi les autres preuves données précédemment en vue d établir cette même thèse ne valent-elles plus et quels sont les arguments qui prouvent maintenant que Liége serait „contemporain de 1'époque romaine et peut-être même de 1'époque celtique?' Ces questions sont d'autant plus fondées que les que d'après Jean d'Outremeuse, l'église de Saint-Paul a Liéire aurait été Av«t 0^°;? £ Saint;Qe™a1n, puis une chapellede sf ?„ -Ca?rat n ™ °u «Prts les Normands? (Qobert, T. 1 p. 102; T. 2 p. 85- T 3 QÜela oreS^fci* "^ihr11"01! d? Q*Wiée. La tradition prétend ahas Jean des «éc°nstruite par le susdit Jean d'Outremeuse, serait construit Ka^8 1'mvo<»tlon de ce saint et que le fondateursé SinT^gX, ;. m1"dans lequeI 51 aurait vécu prè8 d* 218 fouilles de la place Saint-Lambert n'avaient pas encore commencé quand Kurth écrivait la phrase qu'on vient de lire. De même on ne voit pas de quelle fagon il faut comprendre que „longtemps avant 1'arrivée des Celtes, des hommes dont on ne connait ni la race, ni la provenance" habitaient Liége. Ce qu'on ne connait plus, ce dont on ne possède pas une ombre de preuve, c'est que Liége existat avant S. Lambert et déja a 1'époque romaine et surtout „longtemps avant 1'arrivée des Celtes au dela de notre ére, dans les ténèbres d'un age qui n'a pas ea d'historiën." Ce n'est évidemment pas la légende dont a bon droit on s'était moqué jusqu'a présent et que maintenant encore on qualifie de „assez bizarre" d'un prétendu Romain, dont le nom Asiulfe n'indique rien de sembable, ce n'est pas une pareille légende qui prouve ce qu'on vient d'affirmer. Serait-il établi peut-être par les fouilles qu'on venait d'effectuer, lorsque 1'écrivain tracait ces dernières lignes, que Liége existait du moins a 1'époque romaine? Nullement, et nous allons montrer aussitót que les découvertes de la place Saint-Lambert sont susceptibles d'une autre explication. Du même coup on verra que ce n'est pas seulement „après le milieu du VIIe siècle qu'il faut placer la transformation du domaine public de Liége en terre d'église „et que" le voile qui couvre ses destinées commence a se lever „mais que c'est vers le milieu de ce VII0 siècle que Liége (probablement sans transformation aucune du domaine public) devient terre d'église et commence son histoire. Nous est avis qu'on doit poser en cette matière deux questions bien distinctes. D'abord ces substructions sont-elles vraiment de 1'époque romaine; puis, furent-elles établies a la place Saint-Lambert dès cette époque reculée? A la première de ces questions la réponse s'impose. II est indéniable qu'il s'agit d'une batisse romaine. La description que revues et journaux en donnèrent, ne laisse guère de doute a ce sujet. Ceux qui ont trouvé bon de le nier et de s'en moquer, auraient mieux fait de présenter des raisons et des objections. Quant è 1'autre question on a eu tort d'oublier qu'elle est entièrement différente de la première et qu'il a dü arriver bien souvent que des constructions romaines abandonnées et tombant en ruines furent transportées ailleurs, plus ou moins longtemps après les Romains, pour servir a de nouvelles batisses. 219 Qu'on se rappelle comment pour construire l'église d'Aix-la Chapelle, Charlemagne fit apporter les matériaux des ruines de Trèves et d'au dela des monts. D'oü la conclusion que le simple fait de trouver dans un terrain 1'une ou 1'autre construction plus ou moins romaine et rien d'autre de ces temps, ne prouve aucunement qu'il y eut a cette place dès lors un céntre de maisons ou rien qu'une seule habitation. Tel doit avoir été le cas pour Liége. 11 serait bien étrange, en effet si cette demeure avait déja existé du temps des Romains ou simplement avant S. Lambert, que dans son sol on n'aurait jamais découvert rien d'autre datant de cette époque, comme tous les historiens Liégeois sont unanimes a le reconnaitre (Qobert, T. 3, p. 159; Demarteau: S. Hubert, sa légende et son histoire] et passim; Kurth, p. 63 et passim; Schuermans: Buil. descommis royales d'art et d'archéologie, T. 7, p. 45; De Ryckel,p. 359 etc.) Ce fait autorise-t-il seulement a prétendre, avec Qobert, qu'avant S. Lambert, Liége fut habité d'une manière peu stable et sans se développer? Nous ne le pensons pas, bien que ce ne soit pas absolument impossible, surtout sous un autre nom que celui de Liége. Mais pourquoi Liége ne se serait-il pas développ^et n'aurait-il pas été habité d'une manière stable avant la fin du VII» siècle s'il existait déjè? Nous croyons donc que la demeure en question, est celle-la même, construite de débris romains, recueiUis dans les environs de Liége, oü S. Lambert et sa commuauté vécurent et furent égorgés. Peu s'en faut que cette opinion ne soit aussi celle ^dfa^e*Phouer la présence de ce nom que nous pensions en tout cas devoir corriëer en Urbanus. La solution de 1'énigme se trouve croyons-nous dans un passage de Sigebert (Hist. eed. script cap 126) reproduit.par Chaoeaville (T 1, p. 350). On y rencontre 1'adjectif (au comparaM)" urbanZi pour dire quWenne a écrif • plus élégamment» la vie de S. Lambert. Or tfest bien probablement cet „urbanius» qui a été pris pour le nom tfun bfographe de S. Lambert! A propos de vies et d'édiüons ou exemÏÏes de vies de ce saint nous crojxms utile d'ajouter. pour ceux qui s^n occuperaient encore, que la plus ancienne vie francaise publiée par Demarteau? d'après un mknuscrit du XIII» siècle du Bnnsïi Museum, 239 Godescalc, mais toujours a Etienne, Ia revision de son oeuvre signée du nom de cet évêque. Or, il est inadmissible qu'après cette revision qui ne laisse rien a désirer sous le rapport du style, quelque inconnu se serait encore mis en tête, au XII» siècle ou plus tard, de revoir Godescalc et de composer la version que possédons dans Chapeavüle et ailleurs, version fort inférieure pour le latin a celle d'Etienne. D'oü il suit que cette version Chapeavüle est elle aussi une copie revisée au VIII» siècle, c'est-a-dire bien antérieure a Joconde. Ensuite, si GodescalcChapeaville avait été rédigé ou interpolé, quant a ce détail des saints patrons de la chapelle, par un autre que Godescale et pas avant le XIIe siècle, oü nous le rencontrons dans un manuscrit encore conservé, on n'aurait sans doute pas ajouté le seul détail en question, mais la légende entière, comme on le voit dans tous les autres documents du XIIe siècle et suivants, qui mentionnent ces saints. De la suit que Godescalc-Chapeavüle qu'on rencontre dans un manuscrit du XIIe siècle appartient en réalité au VIII» siècle et par conséquent le détail concernant S. C. et D. n'a pas été inventé au XI» siècle seulement, soit par Joconde, soit par 1'auteur de „Vita Monulphi.'' Kurth combattit d'abord la thèse de Demarteau paree que „la tradition Liégeoise remontait au moins au XIIe siècle." Ces paroles sont bien différentes de celles de son ancien adversaire: „Ce n'est qu'au XI» siècle qu'on a commencé k Ie prétendre.'' Or, elle ne remonte pas seulement au XIIe ou XIe siècle par Joconde et par „Vita Monulphi" mais, pour ce détail du moins, au VIII» par la version Godescalc-Chapeavüle. Enfin on peut encore se demander si les chirurgiens de Rouen, au cas que S. Lambert n'aurait eu aucune relation avec une chapelle des S. C, et D. eussent pris autrefois comme patrons de leur corporation „les devra être coUattonnée avec celle, aussi du XIII» siècle, de la Bibl royale de Bruxelles (no 10326) et avec d'autres un peu moins anciennes, citées dans „Catalogue des manuscrits francais de la bibliothèque impé"*]"!• T- L p- 170 »). Donc nous avons a prouver que le biographe contemporain de S. Lambert aussi bien que Godescalc-Chapeavüle, Nicolas et les autres sont unanimes a affirmer que S. Lambert ne mourut pas dans sa chambre a coucher, mais dans la chapelle des S. C. et D. Pour ce qui regarde Nicolas, il ne saurait être vrai qu'il est le premier a 1'avoir dit. En effet, nous avons vu que Godescalc-Chapeavüle lui est bien antérieur et est Poeuvre de Godescalc aussi bien que les versions Demarteau et Suyskens. D'oü il suit déja qu'il serait bien étrange que Godescalc dirait, dans sa première version, le contraire de ce qu'il affirme dans la suivante, et quant a Nicolas, s'il avait cru que ses prédécesseurs aff irmaient le contraire de la tradition, par lui rapportée et admise, ü serait inexplicable qu'il n'eüt rien ajouté pour avouer et justifier son adhésion a 1'ancienne doctrine. Cela dit, nous commencons 1'examen du récit de la vie contemporaine de S. Lambert en la comparant avec les autres vies anciennes. Godescalc raconte d'abord que Ie saint, s'étant levé a minuit selon sa coutume, alla prier seul jusqu'a 1'aurore, (ibat solus, relictis discipulis) puis, revenant a la maison (reversus domum) il réveilla ses compagnons en frappant sur Ia porte du dortoir (camerae) pour dire matines avec eux. L'offjee achevé, Lambert qui se sentait tres faible et fatigué revint se reposer (ad lectum vadens) mais ne parvint pas a s'endormir. Puis „cum hostes adpropinquassent, et intrare coepissent, januis fractis, ostiis et sepibus disruptis desuper adscendere coeperunt (2) cumque vi- i '.1--£?rame,00 être distrait1 Un écrivain hollandais affirme que la tradition Liégeoise veut que S. Lambert mourut dans sa chambre et que Kurth défend la tradition! (2) Les mots „januis... coeperunt" ont été oublies dans 1'exemplaire üodescalc-Demarteau. On les retrouve dans la version Suyskens et par conséquent aussi dans celle de Chapeavüle. Sans ces mots on devrait croire que Baldovée ne courut avertir le saint que lorsque les bandits étaient déja dans la maison et quand leurs cris et leurs violences avaient fait assez connaitre a l'évêque qu'ils avaient envahi sa demeure. II serait intéressant de savoir si les autres copies Oodescalc-Demarteau ont ou n ont pas la même lacune. 244 disset haec memoratus puer (Baldovaeus) subito currens nuntiavit pontifici". De ce texte suit qu'on doit reconnaitre deux batiments bien distincts: la maison et la chapelle. Hucbald surtout le fait bien ressortir en montrant d'abord l'assaut de la maison, puis celui de 1'oratoire. Rien ne dit cependant ni dans le texte cité ni ailleurs dans 1'écrit de Godescalc, que les batiments ne se touchaient pas et ne communiquaient aucunement 1'un avec 1'autre. Maison et chapelle se trouvaient probablement sur un monticule (ascendere) au milieu d'un terrain entouré d'une forte haie qui était percée de plusieurs portes. Mais il est une autre conclusion, encore plus intéressante. Rien, jusqu'a présent du moins, ne nous apprend que S. Lambert aurait eu une chambre a coucher proprement dite. On nous dit seulement j „ad lectum vadens" et on parle d'un dortoir: „camera'". II est bien probable que le saint, comme du temps qu'il était exilé a l'abbaye de Stavelot, avait son lit ou son alcöve dans le dortoir commun. C'est bien la ce que semblent insinuer les mots: „relictis discipulis" et c'est d'autant plus vraisemblable qu'on peut croire, comme nous le verrons plus loin, que les moines dont il s'agit, étaient tirés de Stavelot. Le mot „cella" employé plus tard par Nicolas (cella in qua pausabat Lambertus) ne doit pas nécessairement s'entendre dans le sens de chambre spéciale et séparée, mais peut tout aussi bien signifier une chambrette de dortoir. Autre chose serait s'il employait ici le mot „cubiculum"; on ne pourrait pas aussi facilement lui attribuer ce dernier sens. Le texte continue: „Hoe audito nuncio(Baldovaei), S. Lambertus velocissime surgens, discalceatis pedibus, fortissimus praeliator, adprehenso gladio ut contra hostes suos pugnaturus exiref' mais, après un instant de réflexion, il rejeta le glaive que déja il tenait dans la main. Kurth (o. c.) et Demarteau (Bal, T. 7, p. 6-7) prétendent que S. Lambert trouva le glaive dans la place oü il se tenait, sa chambre a coucher, et que c'est la qu'il s'en debarrassa, de Ia qu'il donna ses ordres et ses conseils, la qu'on vint le mettre au courant de ce qui se passait, la enfin qu'il recut le coup mortel, bref, que le saint depuis qu'il y était entré, après matines. n'en sortit plus un instant. Toutefois dans „La cité de Liége" (T. I, p. 15) Kurth semble être d'avis qu'il la quitta au moins 245 une fois: „Pendant que la latte continuait au dehors, S. Lambert alla se prosterner en prière dans sa chambre". Nous tenons, non seulement que le saint sortit de la place oü il reposait, alcöve de dortoir ou chambre spéciale, mais nous cherchons en vain la preuve qu'il y soit rentré. En* effet, du texte qu'on vient de lire suit nécessairement que le premier acte du martyr, quand on 1'eut averti de ce qui se passait, fut de se précipiter hors de la place oü il se trouvait „velocissime surgens" et de courir vers rentree de la demeure. Pourquoi donc? Pour plusieurs motifs, et d'abord paree qu'il aurait été ridicule de la part de Godescalc d'appeler S. Lambert „fortissimus praeliator" si toute sa bravoure avait consisté a prendre pour quelques instants une épée et que pour le reste il n'aurait pas même mis le pied hors de sa chambrette. C'est une épithète toute opposée que le saint aurait méritée. En outre il serait encore absurde de la part de 1'écrivain de faire connaitre que Ie saint s'empara „nu-pieds" de 1'arme suspendue a cöté de son lit, mais que pour le reste, il continua de se tenir dans son alcöve. Nous ne comprenons pas 1'enthousiasme de Demarteau quand il écrit (Vie de S. Lambert, 1896, p. 29): „A I'annonce de 1'attaque, Lambert est a 1'insfant debout; vaillant soldat, comme aux jours de sa jeunesse, il se précipite sans chaussures sur un glaive" et ne met pas Ie pied hors de la place! Pour nous, nous n'approuvons le „fortissimus praeliator" et ne comprenons la valeur du détail „discalceatis pedibus" qu'a la condition qu'on veuille dire par la que le saint se précipita pieds nus hors du dortoir pour, armé d'un glaive pris dans sa chambrette ou dans une autre place de la maison, parcourir celle-ci en tous sens et toujours nu-pieds, malgré le froid de la saison et examiner ce qu'il y aurait a faire. II est possible que l'évêque soit encore rentré au dortoir, mais nous répétons que rien ne le prouve ni ne 1'insinue. Ce qui suit montre qu'en tout cas il n'y fut pas tué. En effet Godescalc ajouté que quelques-uns des bandits, ayant pénétré dans la maison, en furent refoulés par les neveux du saint et que celui-ci engagea ses disciples a cesser le combat. Us y consentirent et un des neveux lui répondit: „Lege modo in volumine Dei tui et perfice opus suum quod coepisti feliciter et, ut Dominus vult, ita erit de nobis". Et le récit continue: „Tune S. Lambertus, arrepto psalterio, ipsum primum verbum reperit: quoniam requiret Dominus sanguinem servorum suorum 246 sicut Zacharias quem interfecerunt inter templum et altare et dum moreretur ait: videat Deus etrequirat. Ita et iste invictus et firmus permansit. His dictis, omnibus ex cubiculo ejectis prostravit se terrae... et subito carnifices ingressi sunt domum et interfecerunt omnes quos ibidem invenerunt. Unus autem ex ipsis ascendens tectum cubiculi, ubi sanctus orabat, in ictu teli jaculavit eum... Post haec, in praefata villa Leodeo infra cubiculum ubi sanctus Dei felicem fudit cruorem...'' Les mots: „Lege in volumine Dei tui" sont remplacés dans la version Chapeaville par: „ingredere oratorium". C'est la même chose en d'autres mots. Demander a S. Lambert de se mettre a prier dans son livre (volumine) ou dans son psautier (arrepto psalterio) c'était 1'engager a entrer dans la chapelle. Le saint y récitait 1'office avec ses moines, nous 1'avons vu, et c'est par conséquent la que se trouvaient les bréviaires ou psautiers. On ne voit pas, en effet, qu'après 1'office l'évêque prenait le sien avec lui ou qu'il en aurait eu plusieurs dont un a cöté de son lit. C'était un trésor et une rareté qu'un „volumen" a cette époque! Si donc par impossible le saint n'avait pas encore quitté son alcóve jusqu'alors, on voit ici un nouveau motif pour dire qu'il en sortit. Mais il y a plus dans le texte cité. Godescalc rappelle que Zacharie mourut entre le temple et 1'autel. A quoi bon rappeler ce fait si rien de semblable n'arriva a S. Lambert, si, au contraire, celui-ci recut le coup mortel dans une chambrette dont il ne voulait pas sortir et nullement „dans un temple ni devant un autel" ? On objectera peut-être que les mots „sicut Zacharias... altare'' ne sont pas une réflexion de Godescalc, mais continuent le texte „quoniam requiret suorum „texte qui s'offrit aux yeux du saint lorsqu'il eut ouvert son psautier. Demarteau en effet (Vie la plus ancienne de S. Lambert, p. 18; Vie de S. Lambert, 1896, p. 31) arrange le passage „quoniam... et requirat" comme s'il constituait tout entier un extrait de quelque psaume. Or, supposé qu'il eüt raison, ne faudrait-il pas conclure, qu'en présence de cet avertissement du ciel, le saint se serait enfin décidé, si ce n'était déja chose faite, a quitter son alcöve pour se transporter dans la chapelle? Toutefois la verité est que, bien compris, ce passage prouve encore plus en notre faveur. Les mots „sicut Zacharias " sont bel et bien une réflexion de Godescalc et non un texte des psaumes. Par la 1'écrivain rap- 247 pelle un fait cité dans la Bible (II Par. 24, 22) auquel le Christ aussi fit un jour allusion (Mat. 23,35; Luc.11,51). Pareillement: „Et dum moreretur ... requirat „ne se rencontrent dans aucun psaume. Les seuls mots de ce passage de Godescalc qui se trouvent dans un psaume et qui tombent sous les yeux de S. Lambert sont: „quoniam requiret ... suorum". (Ps. 33, 23). Enfin la ponctuation après „requirat" est défectueuse. Tout cela devient évident par la version Godescalc-Chapeavüle et de plus d'une des autres vie de S. Lambert ainsi que par Suyskens (o. c. p. 578, n° 20). On doit lire le passage comme suit: S. Lambertus, arrepto psalterio, ipsum primum verbum reperit: „Quoniam requiret Dominus sanguinem servorum suorum". Sicut Zacharias quem interfecerunt inter templum et altare et dum moreretur ait: „Videat Deus et requirat'* ita et iste invictus et firmus permansit. Continuons notre étude. Ce n'est qu'après ces indications si précises, nous montrant S. Lambert dans la chapelle, que pour la première fois on parle de „cubiculum": his dictis omnibus ex cubiculo ejectis etc. La conclusion s'impose; par ce mot ü faut entendre la chapelle. Et la raison pour laquelle Godescalc Ia désigne sous ce nom? Peut-être paree qu'elle avait la forme d'une „chambre" ordinaire et non celle d'une chapelle ou église proprement dite, ou bien paree que depuis le jour oü S. Théodard y avait été enterré, elle était devenue un „caveau"' un „tombeau" deuxième sens du mot latin. Toutefois nous croyons que c'est avant tout paree que „cubiculum"' (comme aussi „cella" employé par Hucbald) a un troisième sens dans la liturgie catholique, qui est précisément celui de: „chapelle, oratoire". II aurait suffi' d'ouvrir le „Glossarium" de Ducange pour s'en convaincre aussitöt. De même donc que le mot „quiescere" employé dans les actes de S. Léger, au sens liturgique de „mourir", mais non compris dans ce sens, a fait dire que Ie saint fut „enterré" dans le diocèse d'Arras, de même un petit mot a dérouté dans Ia question qui nous occupe présentement. Et nous ne sommes pas au bout de notre analyse. Le passage final est surtout remarquable, et de nouveau pour une raison que nous ne parvenons pas a deviner, il n'a pas été non plus remarqué. II prouve on ne peut plus clairement que S. Lambert ne fut pas tué dans la maison mais dans le „cubiculum"; preuve évidente que par ce mot on n'entendait pas désigner une place ES 248 de la maison, et que par conséquent il s'agit par la de la chapelle: „Carnifices ingressi sunt domum. et interfecerunt omnes quos ibidem invenerunt; unus autem ascendens tectum cubiculi...." Si Lambert s'était trouvé dans une alcöve ou ailleurs dans Ia maison, comment Godescalc aurait-il pu dire que „tous" ceux qui s'y rencontrèrent furent tués, puisque dans la phrase suivante on nous le montre encore vivant? Puis comment l'évêque aurait-il pu échapper lui seul ? II y a en outre a remarquer que le passage „post haec ... cruorem" se retrouve littéralement dans Godescalc-Chapeavüle, sauf le mot „cubiculum" qui est remplacé par ... „oratorium". Preuve nouvelle que déja Godescalc-Demarteau employait „cubiculum" dans ce sens. Enfin on nous dit: „Fideles timentes Deum composuerunt lectum et fabri arte ornaverunt illud et posuerunt illud in loco ubi jaculatus fuerat pontifex''. Demarteau traduisit „lectum" d'abord, avec Suyskens, par „chasse" (Vie la plus ancienne de S. Lambert, p. 24) plus tard par „lit" (Bal, T. 7, p. 24; Vie de S. Lambert, p. 36). Notre conviction est qu'il s'agit d'une chasse que les dévots de S. Lambert remplirent de ce qu'ils purent trouver de vêtements et autres objets ayant appartenu au martyr. Mais si on préfère traduire par „lit", il ne faut pas prétendre y trouver la preuve que le saint mourut dans une alcöve ou chambre a coucher. C'est le contraire qui est vrai puisqu'on ne dit pas: „posuerunt in loco suo" ou „in loco priori" ou „in loco ubi erat antea" mais „in loco ubi jaculatus fuerat'' un lieu par conséquent qui differait de celui oü le lit se trouvait antérieusement. On voit par tout cela ce qu'il faut penser de ce que Kurth écrit (Bal, T. 2, p. 46): „La version qui fait périr S. Lambert dans la chapelle des S. C. et D., bien que fort ancienne déja, ne repose que sur une confusion manifeste entre 1'oratoire et la maison, et le mauvais latin du premier biographe (Godescalc) a notablement aidé a ce malentendu". La vérité est: „Quant a la version qui fait périr S. Lambert dans la chapelle, rien ne prouve qu'anciennement et jusqu'a Mabillon on en ait jamais douté, et elle repose, entre autres arguments, sur une tradition ininterrompue que d'ailleurs Godescalc confirme par une distinction manifeste entre 1'oratoire et la maison, et son mauvais. latin ne nuit aucunement a pareille interprétation''. 249 Ce n'est donc pas Nicolas qui fut le premier a dire que S. Lambert mourut dans la chapelle, ce n'est pas même la version plus ancienne de Oodescalc-Chapeaville, mais c'est déja la. toute première version de Godescalc qui 1'affirme. Rien ne prouve que les autres biographes du saint aient dit le contraire de Godescalc et de Nicolas et que ce dernier ait cru contredire aucun de ses prédécesseurs ou ait pu s'imaginer qu'un jour on 1'en accuserait. II affirme, précisément en parlant de la mort de S. Lambert, qu'il suit la tradition et les écrivains antérieurs et 1'on vient de voir qu'il dit vrai. II renvoie même (Chapeavüle, T. 1, p. 406) a un écrit ancien qui dit catégoriquement que S. Lambert mourut „intra sanctuarium Domini." (') S'il avait voulu contredire ces témoignages antérieurs, Nicolas n'aurait pas manqué de le déclarer et de donner ses raisons. Donc on n'a aucun motif pour se défier des vies S. Lambert lorsqu'elles disent que la chapelle était dédiée aux S. C. et D. On n'a des. raisons pour les combattre que lorsqu'elles ajoutent que la chapelle fut construite avant la dernière moitié du VIIe siècle. Outre les biographes de S. Lambert et les historiens Liégois* on possède un autre témoignage, contemporain de Godescalc et partant bien antérieur a Nicolas. Adon de Vienne, dans son martyrologe, a écrit: „Dum regiam domum zelo religionis accensus increpasset (S. Lambertus) cum rediens orationi incum- beret improvise conclusus, intra domum ecclesiae occiditur.'' Que signifient les mots": intra domum ecclesiae? „Kurth et (!) Nicolas en donne le titre: „Vita et conversatio S. Huberti ante épiscopatum." Le Bollandiste Poncelet montre trés bien (Revue Charlemagne, 1911, p. 139-45) contre son confrère Desmedt (Acta S. Hubertt} suivi par Van der Essen (o.c. p. 51-2, 67) que ce travail a existé et est tout bonnement „Vita quarta" chez Desmedt (o.c. p. 832)'plus ou moins mterpolé et est par conséquent antérieur a Nicolas et du XI» siècle. Van der .Essen (Archives Beiges, 1912, p. 73) admet cette nouvelle opinion. C'est aussi la nötre. Nous pensons que 1'écrit est pour Ie moins du XI» siècle et qu'il s'agit vraiment de „vita quarta" susdit qui se présente d'ailleurs précisément avec les mots: „vita et conversatio S. Huberti ante épiscopatum" (Desmedt, o. c. p. 832). On ne peut supposer que Nicolas aurait menu*. II en dit expressément: „Libellam a plerisque apud nos et haben et legi non est dubium." A leUr tour ces mots insinuent un ouvrage qui déja du temps de Nicolas était ancien. K s'en occupe dans son dermer volume ainsi que Anal (1914, p. 248), mais pour K (p. 432) Nicolas aurait mento et quelqu'un dans la suite, afin de cacher la fourberie et de sauver la réputation de Nicolas, aurait composé „Vita quarta". II est évident qu'on ne dit pas comment le tour réussit et resta inconnu jusqu'a notre K. Quelle critique I 250 Demarteau affirment que cela veut dire: „dans une maison contigue a l'église." C'est de nouveau chercher midi a quatorze heures. Nulle part Adon ne fait allusion a une maison de cette sorte. On rencontre cette même expression dans les premières biographies de S. Léger (n° 13) presque contemporaines d'Adon: „In ecclesiae domo ubi paratum erat, rex resedit". Le roi sortant du baptistère se rendit a l'église a la place qui lui avait été reservée. On a traduit: „a la maison de S. Léger qu'on avait préparée pour le roi." Or, nulle part il n'a été question d'une pareille préparation ni d'une maison speciale. Bien au contraire • on a dit expressément que le roi logeait dans son palais. Pour bien comprendre les mots „domus ecclesiae" il suffit de se rappeler que „ecclesia" comme le terme équivalent francais, anglais, allemand, italien etc, etc a deux sens: 1° assemblée, reunion, 2° place ou local ou maison de 1'assemblée. „Ecclesia" dans „domus ecclesiae" est donc pris dans son deuxième sens. D'oü il suit qu'Adon affirme, comme Godescale, que S. Lambert mourut dans une église. On trouve dans Ducange un troisième exemple de „domus ecclesiae" dont le sens ne parait pas trés clair mais qui ne contredit en rien ce que nous venons d'établir. D'ailleurs notre explication se trouve confirmée par les martyrologes d'Utrecht et de Leyden que les Bollandistes citent dans leur édition d'Usuard (T.6 de Juin p.486; Migne, P.L.,T. 124, p. 479). Tous deux reproduisent presque littéralement Adon et surtout remplacent „intra domum ecclesiae" par „in ecclesia sua". C'est décisif! Enfin, si même Godescalc et tous les biographes de S. Lambert jusqu'a Nicolas et au dela affirmaient le contraire de ce que, avec la tradition, nous prétendons, il faudrait croire que Terreur est du cöté des historiens ou prouver que S. Lambert n'aurait pas eu le temps ni le moyen de se rendre a la chapelle. C'est cette dernière supposition que Suyskens admettait et ce qui lui faisait dire que le saint avait été mis a mort dans une chambre. Mais s'il est une chose qui ressort évidemment de 1'étude des actes du saint, c'est que, quoique surpris par 1'ennemi (improvise conclusus, comme dit Adon) le siège dura assez longtemps pour qu'il eut tout le temps d'aller d'une place a 1'autre. Et de fait, nous 1'avons vu, il se transporta dans les différentes pièces de sa maison. Or, a moins de fournir la preuve demandée, il est inadmissible qu'un homme ayant un peu de vertu et de piété, et surtout un saint tel que Lambert, dans le 251 cas oü il ne pourrait oü ne voudrait échapper a la mort, s'y füt préparé, et cela d'une manière aussi édifiante qu'on le dit, dans une chambre a coucher et devant un lit plutöt que dans un oratoire, au pied d'un autel et sur la tombe de son prédécesseur, le martyr Théodard. A combien plus forte raison est-ce inadmissible si 1'on sait que déja un autre évêque avait la même versé son sang. Nicolas le comprenait parfaitement, car après avoir dit que S. Lambert mourut dans une chapelle, il ajouté: „in loco sacrato et sacerdoti congruo'. On doit même demander si l'évêque, a 1'imitation de ce qu'avait fait trés probablement Léger d'Autun, ne se revêtit pas de ses habits pontificaux avec lesquels si souvent il avait sacrlfié 1'agneau sans tache. En effet, lorsqu'en 1489 on fit 1'ostension des ossements et autres reliques du saint on put vénérer „amictus plenus sanguine in quo Lambertus martyrium subiit'' (Suyskens, n° 273-4). C'est aussi, croyons-nous, la tradition Liégeoise, suivie encore en 1624 par Coppée dans sa tragédie de S. Lambert. II y montre le pontife revêtant ses ornements sacrés pour attendre la mort. II ya plus. La vignette qui se trouve en tête de la vie francaise du XIIIe siècle (publiée par Demarteau) représente le saint ainsi habillé. Pareillement un autre ms de cette époque cité par K (Mon, T. 6, p. 346). Et c'est sans doute ce qui a fait croire a d'aucuns que l'évêque fut tué pendant qu'il célébrait la messe. Parfois même on la lui fait servir par ses deux neveux! (Beitels: H istoria Luxemb. 1605). Ce n'est évidemment pas conforme au récit de Godescalc et des autres biographes. Est-il encore nécessaire aprés tout ce qui précède, d'indiquer la raison, se rapportant a S. Léger, pour laquelle 1'oratoire de Liége fut dédié aux S. C. et D. ? On 1'aura déja devinée. II eüt été impossible au suprème degré, surtout si la chapelle fut batie du vivant d'Ebroïn, comme c'est bien probable, de la dédier directement a 1'évêque-martyr. Afin donc d'avoir un prétexte de se rendre a cette place si auguste et d'y invoquer le saint, on ia dédia tres sagement aux deux frères médecins, martyrs tous deux. Ce ne fut pas la première fois sans doute qu'on se servait de leurs noms et de leur culte, pour cacher un nom et un culte tout différents ('). La femme du comte Robert y aura songé (!) Nous croyons que ce fut surtout le cas pour Huy et que Liége ne fit qu'imiter ce que cette ville avait fait dans une circonstance analogue, afin de ne pas trop ouvertement dénoncer un crime semblable. Le non- 252 d'autant plus naturellement qu'on venait d'avoir leur fête quelques jours avant la mort de Léger et peut-être le jour même de son martyre. En effet certaines églises, celle de Tournai par exemple, célébraient anciennement le 3 Octobre la fête des S. C. et D. Bien des pèlerins de la petite chapelle auront sans doute prétexté qu'ils allaient invoquer les saints médecins, mais la plupart appelant la chose par son nom et n'écoutant pas les conseils de la prudence humaine, déclaraient trés probablement qu'ils se rendaient prés de Léger (apud Leodium) a Léger, a Lige etc. Et ainsi le nom du saint passa et demeura a la localité tandis que la chapelle conserva les noms de ses deux patrons. Pour quel autre motif que la crainte de rappeler un souvenir désagréable a d'illustres bandits, Godescalc dans ses premières versions et même Etienne auraient-ils gardé le silence sur les titulaires de la chapelle? Nous nous étonnons de ce que, ne connaissant pas la vraie cause et les circonstances singulières de ce patronage, personne, avant Demarteau, n'ait fait remarquer combien il était de Huy (Hoium; Choium; Hogio, Hojo, Hoio en 743 dans Cal, 1891, p. 12; Choin dans Daris: .Notices" 1898; Hut ou Chut, restés dans Hutois, pour désigner les habitants etc) ressemble a plus d'un nom propre a™"*"*"* qu'on rencontre dans Förstemann et ailleurs. Comme S. Léger a Liége, le fondateur de Huy, victime sans doute de quelque puissant persêcuteur, n'aura pas seulement laissé son nom a la ville, mais encore au cours d'eau qui la traverse, le Hoyoux, Hoiolus en latin. Comme Liége encore, Huy devait être anciennement un lieu horrible qui, sans un fait religieux de premier ordre, n'aurait jamais été habité. L'histoire des deux localités se ressemble encore en bien d'autres points. Cité autrefois éminemment catholique et religieuse, Huy compta un nombre considérable d'éghses et de chapelles. Qorone dans ses „lncunabula ecclesiae Hoyensis' a pu écrire: Je ne crois pas qu'il y ait une autre ville oü il y a tant d églises . Si on en peut juger par le grand nombre de saints francais honorés a Huy (Hilafre, Denys, Remy, Qermain, Martin etc) le fondateur était probablement francais lui aussi. En outre pour une raison qui remonte peutêtre a leur berceau, les deux localités ont sur une de leurs collines, un sanctuaire miraculeux dédié a la Vierge: Chèvremont pour Liége, La Sarte pour Huy. Dans sa chapelle des S. C. et D., Liége posséda le corps de S Théodard, évêque de Maestricht, de même que dans la sienne, Huy rénfermait déja celui d'un autre évêque de se siège, S. Jean 1'Agneau. Nous rechercherons tantot pour quel motif il en fut ainsi a Liége, et le lecteur condura lui-même si pour Huy il n'y eut pas un motif analogue. S. Domitien, évêque de Tongres, résida fréquemment a Huy et y êrigea une chapelle a la Vierge, bien probablement en plus de celle des b. c. et D S. Lambert, évêque du même siège, vint, lui, s'établir a Liege et sans doute y construisit pareillement une église a Marie, a cöté de 1'oratoire des S. C. et D. etc, etc. Puisse quelque judicieux chercheur découvrir un jour le dernier mot de 1'énigme (Cf les histonens de Huy et en particulier Demarteau dans Cal, T. 4, 1891). 253 étrange. Mais nous nous étonnons davantage de ce que cet écrivain ait osé le révoquer en doute et 1'ait combattu sans aucun argument réei. Puisque Godescalc-Demarteau et la plupart de ses successeurs n'ont pas osé parler de S. Léger et des patrons de la chapelle, il ne faut pas s'étonner s'ils n'ont pas fait mention des miracles qui éclatèrent en grand nombre dans ce sanctuaire avant le martyre de S. Lambert. X dans sa vie de S. Léger est la pour nous éclairer a ce sujet et nous dire combien Us étaient nombreux et extraordinaires. U écrit (n° 40): „Ubi fidelibus incessanter coruscant prodigia sanitatum, sanantur languidi, curantur obsessi, refrigerantur febricitantes, publice evomuntur spiritus immundi et quicque innumera sunt mala qua corpora vexantur humana quicumque eadem adeunt loca, sancti martyris intervcntu, omnium merentur invenire medelam''. II est d'autres données concernant cette chapelle que nous devons examiner de plus prés. Nous n'avons fait que les citer et même, pour plusieurs, il n'en a pas encore été question. Et d'abord comment expliquer que l'évêque de TongresMaestricht, S. Lambert, ait fait de Liége comme son séjour habituel, ainsi qu'il ressort de ce qu'on vient de lire? Demarteau 1'a trés bien dit (o. c. p. 3): „Quand S. Lambert se trouve a Liége, ü y habite non de passage ou par hasard, mais chez lui, a demeure". C'est encore ce qu'on lit dans son premier biographe, de sorte qu'Anselme (Chapeavüle, T. I, p. 119) se trompe absolument quand il affirme que S. Lambert se trouvait a Liége „par hasard" lorsqu'il fut tué. Mais la raison de ce séjour fréquent et comme fixe dans un misérable hameau? D'après Demarteau (1. c.) et autres, 1'explication est facile. Lambert se trouvait la par amour de la solitude ou de la belle nature et pour vaquer plus facilement, dans une jolie villa, a la contemplation etc, etc. La belle nature a Liége, a cette époque! Nous avons vu ce qu'il en était au moment oü Léger y périt et encore longtemps après. S'il y avait au VIle siècle 1'un ou 1'autre évêque qui pouvait, sans scrupule, se retirer parfois pour plus ou moins de temps, a la campagne et s'y reposer, Lambert n'était évidemment pas de ceux-la, vu le grand nombre de payens qui habitaient encore son diocese et les contrées environnantes. U faut donc être sérieux et chercher un autre motif. Or, c'est chose facile, si on admet qu'un illustre 254 évêque avait subi le martyre a Liége et y operait, comme nous venons de Ie rappeler, les plus grands miracles. Ces faits extraordinaires devaient évidemment attirer beaucoup de malades et un nombre immense de fidèles et même de payens et de malfaiteurs de toute sorte, poussés par la curiosité. Bref, Lambert jugea sans doute et a bon droit qu'il pouvait faire pour le moins autant de bien en se fixant a Liége et en encourageant ces incessants pèlerinages, qu'en parcourant lui-même le pays. C'est évidemment aussi cette raison d'apostolat qui doit expliquer un fait encore plus grave: Ia présence a Liége de toute une communauté de moines, comme on le voit par Godescalc et par les autres biographes de S. Lambert. Rien ne permet de supposer avec Demarteau (o. c. p. 5) que cette communauté aurait existé la avant S. Lambert et partant avant que S. Leger y subit le martyre. Un motif personnel devait rendre encore plus cher a S. Lambert son logis de Liége. D'après plusieurs historiens il avait connu tout particulièrement le saint évêque d'Autun. Pitra suppose, non sans raisons (p. 119) qu'il fut un de ses élèves a Pécole du palais. Les plus anciennes vies du saint parient en effet de sa première éducation „in aula regia''. De son cö+é Daris a écrit (Hist. de Liége dep. les orig. p. 102): „Pas de doute que S. Léger n'eut une grande part dans la désignation de S. Lambert au siège de Maestricht". Bien probablement encore que celui-ci assista au concile convoqué par Ebroïn et put voir de ses yeux les suites des actes de cruauté qui avaient été exercés sur l'évêque d'Autun (Suyskens, n° 63). Pitra dit encore (p. 319): „S. Lambert fut chassé de son siège pour faire place a une créature d'Ebroïn, Pharamond, digne de son patron par ses iniquités". Les anciens biographes du saint n'auraient évidemment pas osé accuser ni simplement nommer Ebroïn. Le premier qui le cite et qui a cette occasion mentionne aussi S. Léger est Anselme (Chapeavüle, T. I, p. 113). On ne voit pas qu'il connaissait le reste et que c'est par prudence et non par ignorance qu'il n'en dit pas plus long. Ce ne fut probablement pas avant la mort d'Ebroïn que S. Lambert put quitter son exil de Stavelot et venir s'établir plus souvent et plus longuement a Liége. Peut-être, grace a lui, la communauté de moines, tirés sans doute de Stavelot, 1'avait-elle précédé au lieu du martyre. Pour tous ces motifs, rien d'étonnant que l'évêque Maestrichtois 255 soit souvent venu a Liége et qu'après sa mort il ait demandé dans une apparition, d'être enterré, non dans sa cathédrale, ni dans quelque illustre abbaye, mais au lieu de son martyre qui était avant tout et plus directement celui de Léger: apud Leudicum. Rien d'étonnant non plus qu'il ait consacré a Brogne, une chapelle, construite probablement en souvenir du passage des reliques de S. Léger et dédiée sans doute a ce martyr. Relativement a la communauté de moines établis a Liége, X dans sa vie de S. Léger en fait mention et, partant, une fois de plus il y accord parfait entre la vie du saint et 1'histoire de Liége: „Ad locum ubi prius jacuit (S. Leodegarius) per dictae mulieris (uxoris Chrodoberti) studium, oratorium est aedif icatum et monachorum officium jugepsaUentium institutum". Nous avons déja vu S. Lambert réveillant ses moines pour dire avec eux 1'office. A Stavelot existait le „laus perennis" ou, comme on disait encore, en se servant d'un mot des plus barbares, le „jugepsaUentium". Les religieux auront continué a Liége le plus longtemps possible leur pieuse pratique. Probablement, après la disparition de la chapelle, du temps de S. Hubert, s'établirent-ils dans son église de Saint-Pierre. Ce furent en tout cas des moines de Stavelot établis la au nombre de quinze que les Normands massacrèrent en 881 (Poncelet: Inventaire des chartes de Saint-Pierre a Liége). Non seulement il y avait a Liége l'évêque et toute une communauté de religieux, mais on voit par Godescalc que les batiments conventuels appartenaient ou saint: „domus ipsius... domus ejus" (Demarteau, o. c. p. 52, 53). Kurth fait trés bien remarquer que le hameau lui-même appartenait a l'église dès la fin du VIIe siècle (Bal, T. 2, p. 54). Nous ne le comprenons pas autrement que par quelque donation royale de Thierry III, faite è S. Lambert en expiation de 1'insigne crime accompli la même sur la personne de S. Léger. Un autre fait, que jusqu'a présent nous avons simplement cité, est non moins significatif. U se réalisa dans la chapelle, du vivant et par les soins de S. Lambert. Son prédécesseur immédiat sur le siége de Maestricht, S. Théodard, avait été assassiné, en haine de son zêle, dans la forêt de Biwalt, non loin de Spire. S. Lambert entra en possession de son corps et le fit inhumer dans la chapelle des S. C. et D. Tous ceux qui se sont occupés du jnartyr, ont recherché comment Lambert, a 256 la suite d'un second voyage au Biwalt, réussit a obtenir ses reliques et pourquoi il ne les déposa pas dans sa ville épiscopale et dans sa cathédrale, mais dans la petite chapelle du hameau de Liége (Bolland. 10 et 17 Septembre n° 14; De Tello: Vie de S. Lambert, 1622, p. 18; Demarteau: Bal, T. 7, p. 5; ld: Vie de S. Théodard; Daris: Hist. de Liége, T. I, p. 97 etc). Kurth se contente d'affirmer qu'on ignore les motifs de la conduite de S. Lambert (Biographie nationale, i. v. Lambert). D'autres ont supposé que, lors de son premier voyage, le saint n'était pas encore évêque et partant n'avait pas assez d'autorité pour gagner sa cause. Mais rien ne permet de dire que Lambert aurait fait cette première démarche, de sa propre initiative, sans attendre que le successeur de Théodard eut été désigné. Ne pourrait-on pas supposer que ce fut entre ses deux voyages que partit de Sarcinium le corps de S. Léger, réclamé par son légitime propriétaire, et qu'en se prévalant de cet exemple, S. Lambert parvint dans un nouveau voyage, a obtenir les restes de son prédécesseur ? Nous ne croyons pas que la chronologie s'oppose vraiment a cette hypothèse. Quant |a la seconde question, pourquoi S. Lambert inhuma le martyr dans la chapelle de Liége, on a supposé que c'était paree que S. Théodard aurait fondé soit la chapelle, soit le couvent y attenant, soit 1'un et 1'autre. Ce n'est pas sérieux, et cela n'explique pas pourquoi Lambert eut préféré Liége a bien d'autres localités oü son saint prédécesseur avait sans doute construit chapelles et établissemenfe du même genre. Surtout cela n'explique pas que pour si peu on aurait préféré Liége a la ville épiscopale et a son église cathédrale. Par contre, si on admet qu'un illustre évêque avait versé la son sang et ne cessait d'attirer par ses miracles des masses de pèlerins que Lambert et ses moines s'appliquaient a convertir ou a fortifier dans leur foi, on comprendra qu'il n'y avait pas dans tout le diocèse un lieu plus digne de recevoir le corps de cet autre martyr, S. Théodard, et plus propre pour le faire vénérer en même temps que l'évêque d'Autun et par la même augmenter encore le nombre des visiteurs. Est-il nécessaire d'ajouter que le courageux Godescalc n'aeu garde, dans aucune de ses versions, de parler de 1'événement? II n'ose déja nommer l'évêque d'Autun! Qu'irait-il donc aggraver son cas en parlant de Théodard! Son contemporain, auteur 257 d'une vie de ce saint, ne pouvait se dispenser de mentionner le fait, mais il n'ose en donner le motif ni seulement nommer Liége, nous 1'avons vu. D'après plusieurs historiens, le pontffe romain aurait accordé des indulgences a ceux qui faisaient le pèlerinage de Liége. Jean d'Outremeuse, pour qui malheureusement les noms de personnes et de lieux et les dates elles-mêmes n'ont guère de valeur en histoire (Kurth: Mémoires de 1'académie royale de Belgique, in-8°, 1910) affirme qu'elles furent demandées et obtenues par ... S. Remacle, c'est-a-dire avant 1'existence de la chapelle et du hameau! Un autre dont la chronique se conservé a la bibliothèque royale de Bruxelles (fonds Ooethalsn0156) raconte qu'elles auraient été accordées a la demande d'un évêque étranger, S. Willebrord d'Utrecht, après la mort de S. Lambert! II nous semble évident que c'est a S. Lambert qu'on les doit. II n'aura fait qu'imiter S. Vindicien dont le biographe rapporte qu'il se rendit auprès du pape Serge pour en obtenir des privilèges en faveur de l'abbaye de Saint-Vaast d'Arras, relevée et enrichie, en souvenir de S. Léger, par Thierry III et plusieurs autres. II nous semble tout aussi évident que ces indulgences n'auront. pas été demandées et accordées en l'honneur de S. Théodard, si tant est qu'il était déja a ce moment enterré dans la chapelle, mais qu'il aura fallu invoquer un événement beaucoup plus important. Or, en connalt-on qui le soit autant que le martyre de S. Léger subi la même ? On pourrait encore supposer, semble-t-il, que S. Hubert envoyé a Rome par son évêque, S. Lambert, pour ce motif et sans doute pour d'autres encore, en obtint la faveur dont il s'agit. On raconte en effet, dans plusieurs des vies du saint, qu'il fit le pèlerinage de la ville éternelle et que le même pape Serge qui le recut, ayant appris miraculeusement Ie martyre de S. Lambert, survenu en ces jours, sacra Hubert pour le remplacer. En 1877 Demarteau dans une étude sur ce saint déclarait admettre et son voyage a Rome et son sacre par le pape susdit, mais, quelques années plus tard, dans un travail sur la plus ancienne biographie d'Hubert il prétendit, a cause du silence de celle-ci a ce sujet, qu'on avait confondu avec le voyage a Rome de S. Willebrord évêque d'Utrecht, confusion provenant de ce qu'on aurait traduit Trajectum par Maestricht et non par Utrecht. Piètre supposition pour expliquer une aussi formidable erreur! II nous parait 17 258 évident, si 1'on veut comprendre le grand amour de S. Hubert pour Rome et pour 1'apótre S. Pierre, comme Demarteau est le premier a le proclamer, qu'il faut admettre qu'une fois au moins S. Hubert avait été en contact direct avec la capitale et le chef du monde chrétien et surtout y avait recu des mains de ce dernier la consécration épiscopale. Quant au silence du premier biographe il s'explique de la même manière que le silence, en d'autres points, des premiers biographes de S. Lambert et de S. Théodard: la crainte de rappeler trop de souvenirs désagréables a d'illustres malfaiteurs. II reste relativement a la chapelle et a la communauté de Liége un dernier détail a examiner de plus prés. On y possédait un glaive, un seul, nous 1'avons vu. II n'y a que Hucbald pour dire que tous les défenseurs de S. Lambert s'armèrent de glaives. Les autres biographes nous les montrent armés de simples batons. II n'est donc pas croyable que ce seul glaive eut été apporté a Liége dans Pintention de s'en servir en cas d'attaque. Si jamais on y avait été d'avis de se défendre, on aurait, sans nul doute, été plus riche en armes de tout genre. Le saint et ses moines se contentaient, en fait de précautions humaines, de charger quelqu'un de monter la garde pendant la nuit, avec ordre d'avertir si quelque rödeur malintentionné trouvait bon de se montrer trop prés de la chapelle ou de la maison. II n'est pas probable, en effet, que S. Lambert et ses compagnons se soient jamais attendus a être attaqués par toute une troupe de brigands. 11 n'est pas même certain que veilleur il y avait lorsque l'évêque ne se trouvait pas dans la maison. II y a en effet une faute manifeste dans le texte de Oodescalc-Demarteau, lorsqu'il fait exercer la charge de veilleur, la nuit du crime, par un certain Baldovée „ante domum apostolicum". Sans parler de „apostolicum" pour „apostolicam" on voit par ce qui suit immédiatement qu'il ne sagit pas de „domum" mais de „domnum". En effet le texte continue: „exit foras in accubitu domus ipsius". Or, ce dernier mot ne remplace pas „domum" mais „domnum" sinon la phrase n'aurait pas de sens. En outre 1'expression „domnus apostolicus" revient quelques lignes plus loin. Dans OodescalcChapeaville ces mots sont remplacés par d'autres, nullement clairs: „exubias domini". Pas plus dans 1'un que dans 1'autre, on n'indique le motif de cette garde épiscopale. Enfin nous avons déja vu que lors des fouilles de la place S. Lambert a 259 Liége on n'a retrouvé en fait d'armes qu'une Iame d'épée. Comment donc expliquer la présence de ce seul glaive dans la demeure conventuelle ou plutöt dans la chapelle de Liége. On peut croire, nous semble-t-il, que ce n'était rien d'autre que Ie glaive qui avait servi a décapiter le martyr d'Autun, vraie relique acquise par S. Lambert et conservée par lui et par ses moines avec le plus grand respect. Nous avons vu que dans un premier moment de juste et légitime indignation, en face du nouveau crime ou plutöt du carnage qui allait s'accomplir, Lambert songea a se servir de cette arme pour venger l'évêque d'Autun ainsi que sa propre vie et celle des siens. Ce fut probablement le souvenir de 1'innocente victime, tombée sans avoir fait aucune résistance, qui engagea l'évêque de Maestricht a rejeter 1'arme et a accept er la mort. Les biographes de S. Léger et de S. Lambert et plus d'un historiën fournissent encore d'autres renseignements en faveur de notre thèse. Nous allons les faire connaitre brièvement. Kurth a écrit (Bal, T. 2, p. 53): „Tous les faits attestent que les Liégeois du VIIe siècle étaient chrétiens et dès 1'origine et c'est ce que disent tacitement tous les témoignages''. C'est parfaitement exact, mais comment 1'expliquer sinon par un fait religieux de la plus grande importance, qui en peu de temps produisit Liége, en y attirant les foules, composées avant tout de pieux fidèles dont chaque jour 1'un ou 1'autre se décidait a y fixer sa résidence? (Jean d'Outremeuse: Chronique, Ed. Borgnet, T. 2, p. 311; Idem, abrégé curieux et nouveau de 1'histoire de Liége, 1673, p. 133; Le vieux Liége, 4e année, n° 24). Autre trés judicieuse observation de Kurth: 1'énorme prépondérance de 1'élément germanique dans les noms propres des premiers temps de Liége. Sur vingt noms mentionnés dans la plus ancienne vie de S. Lambert dix-huit au moins sont thiois. II en est de même dans tous les documents Liégeois du VIIIe et IXe siècle. „Faut-il en conclure que dans la future capitale du pays wallon on parlait allemand et que la population appartenait a la race germanique?" L'écrivain se récrie contre cette supposition et promet une étude a ce sujet. Nous n'avons pas connaissance que 1'étude ait paru et que la conclusion ait été réfutée. Demarteau voudrait 1'expliquer (6e congres archéol. et hist de Liége, en 1890, p. 223-4) par le fait que S. Lambert et S. Hubert et les princes carolingiens étaient Thiois. Mais, en ce cas, com- 260 ment comprendre qu'il n'en est pas de même dans le reste du pays wallon? Nous croyons que tout s'explique par le fait que S. Léger ayant recu sa sépulture, devenue trés glorieuse, en pays thiois, les flamands se seront montrés plus empressés pour visiter pareillement et habiter le lieu de son martyre. On pourrait ajouter sans doute que de tout temps ceux-ci ont été plus amateurs de manifestations religieuses de ce genre. Autre détail trés curieux. Du vivant de S. Lambert on constate a Liége la présence de deux aveugles pour le moins. Kurth remarque a ce propos (o. c. p. 52): „Peut-être embarrasserait-on fort les staticiens" (qui voudraient fixer le chiffre approximatif de la population de Liége a cette époque) „en leur signalant, comme base d'un calcul a entreprendre" cette particularité. En effet s'ils voulaient calculer comme si on avait a faire avec une population formée dans des condjtions normales et ordinaires, les statisticiens se tromperaient du tout au tout et exagéreraient joliment le nombre d'habitants de la localité a la fin du VIIe siècle. En outre ils auraient contre eux les historiens, unanimes a dire qu'a ce moment Liége n'était presque pas encore habité. Mais tout s'explique si on admet notre thèse. II s'ensuit que pendant longtemps Liége n'eut qu'une population flottante et que parmi ses pèlerins et ses habitants il n'y avait pas mal d'infirmes. Les aveugles surtout devaient être nombreux et pleins de confiance, puisque 1'évêque-martyr d'Autun avait eu les yeux crevés par ordre de son monstrueux persécuteur. Les vies de S. Léger confirment ce que disent celles de S. Lambert en racontant que le premier infirme guéri „ad locum ubi prius jacuit sanctum corpus occultum'' fut un aveugle (n° 40). De même au lieu de la sépulture, a Sarchinium, plusieurs aveugles recouvrèrent la vue (nos 44, 47). u nous faudra revenir plus loin a cette question des aveugles guéris a Liége et a Saint-Trond. La principale cause du martyre de S. Lambert. Nos lecteurs sont sans doute au courant de la question. Daris l'expose trés bien (Hist. de Liége, T. I, p. 112) ainsi que Balau (Cil, 1897, no* 5> 6, 7. — Revue de 1'art chrétien, 41e année, 1898, p. 64) et Demarteau (Vie la plus ancienne de S. Lambert, p. 34). Avant de faire connaitre nos idéés a ce sujet nous voudrions présenter 1'une ou 1'autre remarque relativement aux opinions existantes. Et d'abord il ne faut rien conclure des mots d'Adon: „Zelo religionis accensus". C'est par trop obscur et cela peut avoir 261 une foule de sens. D'autre part cet écrivain dit clairement et a deux reprises que S. Lambert fut tué par ordre du pouvoir royal. Nulens (Leven van den H. Lambertus) et plusieurs autres font trés bien observer que si le crime avait été le fait de quelques particuliers, les pouvoirs publics n'auraient pas manqué de rechercher et de punir ses auteurs, et les biographes du saint auraient eu soin de le déclarer. Or, on apprend tout le contraire; on assure que le corps fut transporté loin du lieu du crime et enterré a la hate „festine" comme on lit dans Oodescalc et autres. L'affirmation qu'il faut lire „festive" au lieu de „festine" est entièrement gratuite et tout a fait opposée au contexte qui montre et avoue même formellement une crainte si grande qu'elle ne s'explique que par le souverain pouvoir des coupables: „non fuerunt aussi decoratum praeparare sepulcrum''. D'ailleurs ce n'est plus, nous osons 1'espérer, après le présent travail qu'on -contestera encore que les premiers biographes de S. Lambert écrivaient sous le coup d'une véritable terreur qui les empêchait de dire toute la vérité. L'office du saint qui se récitait dans Je diocèse d'Arras (Officia propria ecclesiae Atrebatensis, 1670) déclare expressément que Oodescalc allègue ce qui fut le prétexte du crime et nullement sa vraie cause. Quant a ceux qui tiennent que l'évêque périt martyr de la chasteté conjugale, ils devront se demander si les observations faites par S. Léger au roi Childéric, et sans doute racontées bien souvent par S. Lambert et ses moines aux pèlerins de Liége, n'auront pas été, dans la suite des temps, attribuées, mutatis mutandis, a S. Lambert. II semble en tout cas que les écrits qui font mention de cette cause, sont postérieurs a Anselme (Buil. de la commis. royale d'hist., T. 2, 1875, p. 377). Toutefois ni cette remarque, ni les objections qu'on a produites ne nous paraissent assez fortes pour pouvoir justifier Ia thèse de Van der Essen (p. 23): „C'est une invention définitivement reléguée dans le domaine des légendes". Enfin on ne devrait pas oublier qu'il peut y avoir plusieurs causes et qu'il ne faut rejeter, sans preuves, aucune de celles que les biographes indiquent. Cela dit, nous exprimons avant tout notre étonnement de ce que personne n'a remarqué une de ces causes, la principale peut-être, alléguée par Nicolas d'après un ancien écrit sur S. Hubert. Celui qui aurait lu attentivement ses paroles n'aurait pas manqué de découvrir que S. Théodard n'était certainement 262 pas le seul martyr honoré a Liége du vivant de S. Lambert. On comprend que cette cause qui concerne S. Léger ne fut pas rapportée par Oodescalc attendu que sa peur et sa prudence sont telles qu'elles 1'empêchent de citer seulement le nom du saint ou rien de ce qui aurait pu rappeler son souvenir. A lui seul ce silence si profond et si complet des biographes au sujet des deux évêques-martyrs, de S. Léger surtout, indique on ne peut plus éloquemment combien le culte que S. Lambert et sa communauté leur rendait et cherchait a propager le plus possible, devait déplaire a tous ceux d'entre les puissants coupables qui n'avaient pas envie d'imiter la pénitence de Thierry III. Nicolas et Gilles d'Orval eux-mêmes, vu qu'ils ignoraient les rapports de S. Léger avec Liége, n'ont pas pénétré tout le sens des paroles qu'ils citent et toute leur valeur pour la question qui nous occupe. Ils rapportent (Chapeavüle T. l,p. 130,407) que le pape Serge annoncant a S. Hubert le martyre de S. Lambert aurait ajouté que l'évêque avait péri „pro pietate et quia in terris martyrum Christi imitari studuit fidem et constantiam". Nous sommes d'avis, avec d'autres, qu'on aurait tort de rejeter la vision de Serge et de prétendre qu'elle est prise dans la vie de S. Willebrord, alors qu'il n'est pas prouvé que le contraire n'est pas vrai ou même qu'il ne s'agit pas de deux faits entièrement distincts. Que si 1'on refusait, malgré tout, d'admettre le fait, nous ne voyons pas pour quel motif on irait jusqu'a rejeter les paroles que nous venons de citer. Elles se présentent si naturellement, comme 1'assertion d'un fait historique, que tout soupcon de fourberie est impossible. Les mots „pro pietate" et „martyrum" (au pluriel) sont surtout significatifs et en parfaite harmonie avec la thèse que nous défendons dans cet écrit. La cause indiquée par ces paroles explique encore trés bien que la rage des ennemis ne s'exerca pas seulement sur S. Lambert, mais aussi sur tous ceux de sa suite qui, jusqu'aux enfants euxmêmes, furent massacrés, puisque tous rivalisaient de zèle pour commettre le crime d'honorer les deux évêques-martyrs. Pendant que nous écrivons ces dernières lignes, il nous vient a l'esprit un autre détail fourni par certains historiens mais nié ou revoqué en doute par d'aucuns, peut-être sans trop de fondement. La première vie de S. Hubert (Bolland. 3 Novembre, p. 789, 799 n° 2) et, d'une facon moins expresse, la première vie de S. Lambert (Paris, Hist. de Liége, T. I, p. 132) ainsi qu'un 263 document cité par Roberti (Vita S. Huberti, p. 169) rapportent que lorsque S. Hubert, sur un ordre du ciei, fit reporter a Liége le corps de S. Lambert, S. Vindicien et plusieurs autres évêques assistaient a la cérémonie. A présent que 1'on sait combien Liége était un endroit auguste et sacré, on n'hésitera plus sans doute a admettre, qu'en vue d'honorer les martyrs de Liége au lieu même oü ils trouvèrent la mort (Léger, Lambert) ou la sépulture (Théodard) ces évêques aient répondu a 1'invitation de S. Hubert. En tout cas nous ne saurions nous imaginer que S. Vindicien lui aussi n'eüt pas été présent. II fut un des grands amis de S. Léger et partant de S. Lambert. Baldéric (Colveneer, p. 51) cite même une église du diocèse d'Arras consacrée par S. Vindicien assisté de S. Lambert, et nous savons déja que ce dernier avait, dans ce diocèse, sa fête et son office spécial. Ce fut encore lui, bien probablement, qui obtint de S. Vindicien que la place oü Léger succomba, sise a l'extrémité de son vaste diocèse, serait dans la suite sous la juridiction des évêques de Tongres-Maestricht. Autre détail fourni par la vie de S. Léger et confirmé par 1'histoire de Liége. II s'agit du chatiment infligé au bourreau du saint. Nous avons vu comment K cherche sans rime ni raison une contradictiori entre U et X. Le premier nous dit: „Percussor ejus arréptus a daemonibus et mente captus ac Dei ultione percussus, in ignem se projecit ibique vitam finivit". Et voici le texte de X: „Publiée spiritualibus flammis adustus, quarto die de corpore mugiens est avulsus". Z combine U et X. Le poète latin: „Mox multiplici constrictus peste teneris daemonis ac mediis flammis injectus anhelas". Fruland: „A daemone arreptus et in ignem compulsus vitam terminavit". Fruland ajouté que le scélérat s'appelait Wardardus. Le poète roman 1'appelle Vadar. II devint possédé du démon et fut dévoré par un feu mystérieux (spiritualibus flammis) dans lequel il se précipita (se projecit) poussé par 1'esprit infernal (compulsus) pour y mourir après une agonie (anhelas) de quatre jours (quarto die). Voila ce que racontent les biographes de S. Léger. Quant aux historiens de Liége, ils nous apprennent, dans un écrit du XI Ie siècle (Vita Notgeri, c. 50, Pertz T. 26, p. 58) qu'il existait sur Ie Publémont, du temps de 1'empereur Auguste (!) „wallis quae dicitur Puteus inferni; dicuntur etiam ab incolis fulgura et tempestates de eodem loco ascendere". C'est bien probablement du „puteus 264 inferni" qu'il est question dans Hubert Thomas et autres lorsqu'ils parient d'un autel, érigé il y a deux mille ans (!) au sommet du Publémont en l'honneur de Vulcain, le dieu du feu (Gobert, T.3, p. 318). Kurth (Bal, T. 2, p. 53) fait trés justement remonter cette croyance aux origines mêmes de Liége, au VIIe siècle. Peut-être le puits mystérieux existait-il avant cette époque, mais en tout cas, c'est bien probablement Ia même que périt Ie meurtrier de S. Léger. Quant au lieu précis oü il se trouvait, ieu que Kurth n'ose pas déterminer, nous émettrons une supposition qui en même temps confirme le fait de son existence au temps jadis. D'après Cuvelier (Buil. de la commission royale d'hist. T. 71, 1902, p. 173. — Id. Ancien pays de Looz, T. 5,1901, p. 18) il y avait a Liége un lieu dit „a le (!) chayne" et d'autre part on rencontrait aux environs du Publémont une église dédiée a S. Matthieu et appelée, d'après les unsSaint-Matthieu-a-la-Chaine, d'après d'autres S. Matthieu-au-Chêne (Daris: „Notices" T. 4, p. 207; Bil, T. 11, p. 232; Gobert, T. I, p. 225, 264). L'endroit „a le chayne" se trouvait probablement a cöté de Saint-Matthieu qui pour ce motif aura été appelé Saint-Matthieu-a-la-Chaine ou SaintMatthieu-au-Chêne. C'est plus probable que de supposer avec Gobert que 1'höpital attenant a l'église aurait eu pour enseigne „a la chalne" et que de la le nom serait passé a l'église. Une enseigne et surtout une pareille enseigne sur un höpital serait certes fort étrange! Par contre le même écrivain parlant (1. c.) d'une rue de Liége appelée „rue de la chalne" se demande a bon droit si la aussi il ne faudrait pas plutöt dire „rue du chêne". Toutefois nous sommes d'avis qu'on peut émettre une troisième supposition qui explique tout a la fois les deux autres et le nom „puteus inferni" ou „infernum" tout court. On peut croire qu'on aura voulu dire „a la gehenne, a 1'gêne" du latin „gehenna" qui est synonyme d'„infernum". Le „puteus inferni" se serait donc trouvé prés de l'église Saint-Matthieu-a-la-Gêne, devenu ensuite Saint-Matthieu-a-Ia-Chaine, -au-Chêne, quand on aura cessé de comprendre Ie mot gehenne et de savoir qu'il y avait eu la un „puteus inferni". Un détail encore, fort curieux, a propos de ce „puits d'enfer". A cöté de Saint-Maixent oü 1'abbé Audulphe transporta le corps de S. Léger qu'il était venu prendre a Saint-Trond, il existe un ravin qui porte identiquement le même nom de „puits d'enfer" (Pitra, p. 422). Cela n'oblige-t-il pas a croire que le puits d'enfer de Liége aura dü son nom 265 au chatiment du meurtrier de S. Léger et qu'Audulphe, après son voyage a Saint-Trond, précédé évidemment d'un pèlerinage au lieu du martyre a Liége, aura, en souvenir de cette ville et de la punition du crime, baptisé du nom de „puits d'enfer" le ravin a cöté de son abbaye? A présent et en passant, une petite question qui ne manque pourtant pas d'intérêt, mais confirme elle aussi la thèse que nous défendons S. Trudon de Sarchinium, oü S. Léger fut enseveli, grace sans nul doute aux soins du saint abbé, partageait a Liége avec S. Clément, pape, le patronage d'une chapelle, tout a cöté de Tanden oratoire des S. Cöme et Damien. Leur fête se célèbre le même jour. On ne sait pas exactement quand fut batie la première chapelle, qui est antérieure, en tout cas, au XIIe siècle. Oserait-on nier que le souvenir de S. Léger fut pour quelque chose dans la construction de cette église, a cette place, en Phonneur de ce saint? Oe même a Liége, dans l'église S. Denys, il y avait un autel dédié aux S. Clément et Trudon. Arrivons aux quelques données géographiques fournies par les documents et que nous n'avons pas encore examinées. 11 y a d'abord 1'expression employée par certains martyrologes: „In Oallia passio S. Leodegarii". Pas une ombre de difficulté. Liége faisait partie de 1'Austrasie, qui a son tour formait un des royaumes de Pancienne Qaule. De la qu'on rencontre cette même indication quand il s'agit de S. Lambert, mort pareillement a Liége, ou de S. Trudon et de S. Eucher morts a Saint-Trond: „In Oallia prope civitatem Trajectum, passio S. Landeberti etc (P. L., T. 110, p. 1169) „In Oallia vico Sardinio (sic) natalis S. Eucherii E. et M." (Boll. T. II Novemb. Martyrol. Hieron, p.23) „In Oallia vico Sarcingo depositio S. Trudonis" (Ibid, p. 146). Dans plusieurs martyrologes, celui d'Adon par exemple (Ed. Oeorgii) après „in Oallia" on rencontre les mots „silva nigra '. S'il faut par la entendre la Forêt-Noire telle qu'on la comprend ordinairement, 1'assertion est fausse et ne repose sur rien et n'a jamais été prouvée par personne. Mais peut-être anciennement la forêt qui s'étendait de Liége a Jupille et de la a Aix-laChapelle jusque dans les environs de la Forêt-Noire, était-elle parfois désignée par ce même nom (Revue de Bruxelles, 1839, p. 42). Peut-être aussi Adon et les autres, ou du moins celui qui le premier a employé ces mots, a-t-il voulu dire tout simplement que l'évêque fut tué „dans une épaisse forêt". 266 Plus étrange est le nom Patratis assigné, ainsi qu'il a été dit, par un manuscrit du XI Ve siècle, comme lieu du martyre. Détail a ne pas oublier: cet écrit provient de i'ancienne abbaye de Saint-Trond. II n'est pas plus sensé de croire qu'on a été dérouté jusqu'a désigner Patras en Achaïe qu'on ne peut songer a la ville de Laodicée en Asie-Mineure quand on lit dans un autre écrit „Nothiero Laodicensi" (Bal, T. 2, p. 35). Doit-on supposer que ce nom ferait allusion au crime „perpétré" (patraturn) a Liége le 2 ou 3 Octobre 678? Est-ce un nom mystérieux dans le genre de Benefactum porté par Huy? Ce serait un nouveau point de ressemblance entre les deux villes. Quoi qu'il en soit, un nom trés connu dans 1'histoire de 1'art Liégeois, est précisément celui de Lambert Patras qui, d'après beaucoup d'écrivains, serait 1'auteur des superbes fonts baptismaux conservés encore maintenant dans l'église de S. Barthélémy. Kurth est d'avis (Buil. de 1'acad. royale de Belgique 1903, p. 519, 734) que Patras est un nom de lieu et croit pour ce motif devoir nier que Lambert Patras ait existé. Ce que nous venons de dire confirme que Patras est réelement un nom de lieu, mais il n'est pas rare du tout que de pareils noms deviennent des noms de personne. Patras en tout cas est certainement aussi un nom de familie (Intermédiaire des chercheurs, T. 50 et seq.) Toutefois la question Lambert Patras ne nous regardant pas directement, nous nous contentons de renvoyer ceux qui s'intéresseraient a cet artiste aux écrivains qui s'en occupèrent plus particulièrement: Buil. de la comm. royale d'hist. T. 61, 1902. — Le Vieux Liége 5* année, 1903-04, p. 229, 242, 247, 257, 321, 349, 361, 369. — Buil. de 1'Acad. royale de Belg. 1903, p. 519, 734; 1905, p. 227. — Buil. des Musées royaux de Bruxelles, 1904, p. 67, 73. — Congrès archéol. de Liége, 1909, p. 89, 405. — Mélanges Kurth, T. I, p. 97 etc. Nous arrivons a un fait trés significatif et qu'il est facile de constater: la vie de S. Léger, du moins les principaux actes de sa vie doivent avoir été connus des premiers Liégeois qui jusqu'a un certain point les ont attribués par erreur a S. Lambert. Pour ce qui concerne particulièrement Godescalc, il aura probablement connu ses biographies et surtout U. On ne s'explique pas autrement le grand nombre de faits semblables dans la vie des deux saints. 11 y a même chez Godescalc un certain nombre de phrases et d'expressions peu communes qui se rencontrent chez 267 les biographes de S. Léger. Relativement aux faits plus ou moins identiques, il n'est certes pas impossible ni extraordinaire que dans la vie de deux évêques-martyrs, il s'en rencontre quelquesuns. En particulier, pour ce qui concerne Léger et Lambert, la divine Providence peut 1'avoir voulu afin que, appelés a être si étroitement unis dans la mort, ils le fussent déja jusqu'a un certain point dans la vie. II est toutefois un certain nombre de faits que Oodescalc attribue, volontairement ou non, a S. Lambert et pour lesquels il serait plus difficile de croire qu'ils n'appartiennent pas uniquement a S. Léger. Plusieurs fois même Terreur ou le plagiat paraissent certains. Ainsi on peut se demauder si Tapparition lumineuse au dessus de la demeure de S. Lambert, la nuit de son martyre, n'est pas une simple confusion avec un miracle identique arrivé a S. Léger, d'après ses biographes, quand on le conduisit vers la maison de son dernier gardien. Ce même miracle se serait reproduit dans la chapelle de Liége, après le martyre de S. Lambert et après qu'il avait déja eu lieu dans la chapelle sépulcrale de S. Léger a Sarchinium et partant bien probablement aussi a Liége après la mort du même saint! Et ainsi pour plusieurs autres récits. Quant aux faits que nous croyons attribués certainement par erreur a S. Lambert, nous nous contenterons de citer ceux qui concernent les aveugles guéris. II en a déja été question. Oodescalc signale sur une même page la présence a Liége de trois aveugles dont il attribue la guérison a S. Lambert. Ce sont les seuls infirmes qu'il mentionne et pour les deux premiers il semble insinuer qu'ils habitaient la localité déja avant le martyre de S. Lambert. Ces détails provoquent des soupcpns et auraient besoin d'une explication. Le même écrivain ajouté que les pèlerinages a la chapelle ne commencèrent qu'après la guérison, par S. Lambert, du deuxième aveugle. Un peu plus loin il parle de deux guérisons survenues pendant qu'on reportait le corps du martyr a Liége et la première serait de nouveau celle d'un aveugle! Enfin il écrit qu'après 1'inhumation du saint dans l'église de Liége: „Les aveugles y recouvrent la vue..." Nous ne comprenons pas pourquoi tant d'aveugles seraient mentionnés et le seraient avant les autres infirmes, comme cherchant dans S. Lambert leur patron spécial. Au contraire, cela s'explique tres bien, ainsi que nous avons eu Toccasion de le dire, si on admet que S. Léger; rendu aveugle a la suite d'un ordre barbare d'Ebroïn, fut martyrisé 268 a Liége. En effet ses biographes nous apprennent (n° 40) que la première guérison opérée a 1'endroit oü le saint périt, fut celle d'un aveugle. De même a Sarcinium „caecis lumen tribuit'' (n° 42) et on nous parle d'un aveugle en particulier guéri la encore (n° 46). En outre le premier miracle pendant la translation fut en faveur d'une femme aveugle et, avant qu'elle fut terminée, il s'en produisit un autre de la même espèce. Pareillement la première guérison a 1'arrivée, dans l'église de Saint-Maixent, fut celle d'une femme aveugle, et 1'écrivain ajouté que le saint y continua ses miracles et nomme en premier lieu, comme particulièrement favorisés, les aveugles: „languentium caecorum". Enfin S. Léger resta et devait rester, comme il 1'est encore a présent, nous 1'avons dit, le patron spécial de tous ceux qui ont perdu la vue ou qui souffrent des yeux. Nous croyons donc que Godescalc fait erreur, le plus souvent du moins, en placant après la mort de S. Lambert et en les attribuant a ce saint la guérison de ceux dont il parle. Quant aux aveugles guéris plus tard par S. Lambert on doit expliquer par l'évêque aveugle d'Autun, comment celui de Maestricht devint aussi leur bienfaiteur spécial. (Vrancken, p. 40-1). Bien plus nous ne comprenons pas comment on pourrait excuser Oodescalc d'avoir menti, lorsqu'il affirme que les pèlerins ne commencèrent a se rendre a Liége qu'après le martyre de S. Lambert, car il n'ignore aucunement, puisqu'il en fait mention, que S. Lambert et toute une communauté de moines s'étaient établis la même, et par conséquent il ne pouvait s'imaginer que tout le monde, a tout jamais, avait oublié pour quel motif le saint et ses moines s'y étaient fixés. Pourrait-on supposer que le culte de S. Lambert, Iorsque Oodescalc prit la plume, était déja intense au point que tous les souvenirs antérieurs avaient péri ou étaient attribués au nouveau martyr? Quoiqu'il en soit, il semble bien certain que le récit des deux premières guérisons n'était pas arrivé d'une facon fort exacte aux oreilles de Oodescalc. En effet, il n est pas croyable que des aveugles auraient recu d'en haut 1'ordre, s'ils voulaient guérir, de.... nettoyer la chapelle oü S. Lambert périt. Or, c'est pourtant la ce que Oodescalc-Demarteau prétend par son „exscopare" et „emundare". Des copistes qui sans doute ne comprenaient pas le mot „scopare, exscopare'' Pont remplacé par „excubare" et peut-être qu'ils étaient, sans s'en douter, plus prés de la vérité et auraient-iis bien 269 fait de remplacer de la même facon le terme „emundare". Une autre confusion trés singulière se rencontre dans le récit de la guérison miraculeuse d'un boiteux, rapportée dans un manuscrit du XIe siècle. II s'agirait, d'après ce récit, d'un des assassins de S. Lambert appelé Gondobald, devenu boiteux par chatiment divin et délivré de son mal a Saint-Denys de Paris, oü il devint moine et même dans la suite abbé. „Quidam nomine Gondobaldus cum in necetn S. Lamberti cuidam comiti Dodoni se consortem et conscium praebuisset, Deo poenam exigente claudus effectus est (Na, T. 18, 1893, p. 601. — Buil. de la commis. royale d'hist. 1893, p. 414 etc). Or, les vies de S. Lambert font connaitre les chatiments infligés par la justice divine a Dodon et a ses complices, et certaine tradition (Demarteau : Vie de S. Lambert, 1896, p. 37) ajouté même, relativement aux descendants de Dodon" qu'une difformité spéciale, six doigts, serait devenue jusqu'a nos jours leur flétrissure." Eh bien! nulle part il n'est dit qu'un des coupables serait devenu boiteux. Par contre Fruland dans la vie de S. Léger, rapporte que non seulement le bourreau du saint fut puni d'une facon terrible, comme il a été dit, mais que sa familie et tous ses descendants furent boiteux: „Omnis illius subsequens parentela, unius cruris claudicatione debilitata, antecedentis culpae portat adhuc indicia." N'est-il pas bien probable, tout d'abord, que la tradition des six doigts chez les descendants du principal persécuteur de S. Lambert, n'est que la contrefacon du chatiment de la familie de Vadar ou Wardard, le meurtrier de S. Léger? Ensuite et comme conclusion de cette première question n'est-il pas évident que le boiteux Gondobald était de la familie de Wardard et nullement coupable ni complice dans le meurtre de S. Lambert mais bien de S. Léger ? La confusion s'explique aisément, croyons-nous. LorsqueauXI* siècle unanOnyme composa ou transcrivit la pièce qui relatait le chatiment et la guérison de Oondobald, a une époque oü généralement on ne savait plus que S. Léger avait péri a Liége, le scribe voyant qu'on disait Oondobald originaire d'Avroy en Hesbaie „ortus provincia Asbaniensi, villa quae dicitur Arbrido" se sera imaginé que c'était par suite d'une colossale distraction qu'on en faisait un des assassins de S. Léger, mais qu'il devait être question de S. Lambert, et partant il aura cru devoir corriger. Fort heureusement il ne remplaca pas son infirmité par celle des six doigts, sans doute 270 pour la raison qu'il n'en avait pas connaissance. En outre il restait le texte de Fruland pour indiquer la vraie cause de 1'infirmité du pénitent. Si celui ci avait été réellement complice dans le meurtre de S. Lambert, et puni de ce chef, il est indubitable que plus d'un biographe du saint et traint historiën de Liége en aurait parlé, attendu qu'il était devenu dans la suite un si grand personnage et que 1'événement avait tourné a la gloire de S. Lambert ('). Ils n'auraient pu affirmer d'autre part que tous les coupables dans le meurtre de ce dernier avaient péri misérablement avant les deux années qui suivirent. (K Mon, T. 6, p. 305, 378). Un dernier argument avant de passer a 1'examen de quelques objections qu'on pourrait nous présenter. Cet argument revient plutöt a une sorte de rétractation et constitue sans doute une preuve en plus, et pas des moindres, en notre faveur. Nous avons dit, qu'a notre connaissance, on ne rencontrait dans aucun écrit 1'affirmation directe que „S. Léger mourut a Liége" mais qu'il fallait en chercher ailleurs la preuve indirecte dans pas mal de faits rapportés par les historiens du saint et par ceux de la ville. S'il ne s'agit que des seules formes du nom de Liége, citées dans le cours de notre travail, nous n'avons pas a nous corriger; 1'affirmation dont il s'agit ne se présente sous aucune de ces formes. Mais rien ne prouve que le nom de Liége n'aurait pu en avoir d'autres que celles que nous avons indiquées. Pour ne citer qu'un exemple, ce nom pouvait se présenter encore sous la forme Leuchodium, Leuchodiensis (adjectif) qui de fait est le nom d'une localité dont nous avons parlé plus d'une fois. II ne serait pas autre chose que Leu-odium, (i) II existe a Liége une église dédiée a S. Denys. Tout ce que 1'on sait de son origine c'est qu'elle est antérieure a Notger (Qobert, T. I, p. 393). Ne serait-il pas permis de rattacher sa construction, chapelle d'abord, église ensuite a ce Gondobald ou du moins a l'abbaye de Saint-Denys de Paris, en souvenir de cet abbé ? D'après certains auteurs ce saint avait aussi son autel, depuis la même époque peut-être, a l'église SaintJean a Chèvremont. Cela confirme sans doute encore ce que disent. plusieurs écrivains, a savoir qu'en souvenir d'un fait merveilleux survenu k Chèvremont en faveur de S. Monulphe (= S. Léger) on y construisit une seconde chapelle en 1'honneur des S. C. et D. Ne serait-ce pas encore par 1'abbé Oondobald qu'il faudrait expliquer que l'église Saint-Denys a Paris, posséda et conserva toujours d'importantes reliques de S. Leger, comme il a été dit ci-dessus? II en fut sans doute de même pour 1 église Saint-Denys a Liége. On sait que les S. Cöme et Damien y avaient leur autel ét pareillement les S. Clément et Trudon. 271 Leu-odiensis dont 1'hiatus aurait été renforcé d'une aspiration. C'est ainsi qu'on rencontre bien souvent, dans les anciens manuscrits, les formes michi, nichil, proch etc pour mini, nihil, proh etc. C'est même surtout dans les noms propres que lf cas se présente: Chuchobertus ou Hociobertus, Haribertus ou Charibertus, Chuni, Charistallius, Chlotarius, Machomet etc sont des équivalents de Hugobertus et Hubertus, Aripertus, Huni, Herstalius, Lotarius, Mahomet. Qu'on se rappelle aussi ce qui a été dit de Huy: Hoium, Hogium, Choium, Choin etc. Bien plus, le fait se rencontre jusque dans les formes déja citées du nom de Liége: pagus Leochensis, pagus Leuchius etc (Alvin: Un trien Mérovingien, p. 9. — Dassonville: Klankstand der Westnederfrankische eigennamen van de „Chartes de S. Bertin" p. 25. — Förstemann, passim). Or, ce nom Leuchodium (adjectif Leuchodiensis) se rencontre précisément comme désignant une localité de 1'Artois oü, d'après plusieurs, S. Léger aurait péri, et, de plus, dans les phrases qui Ia citent, on mentionne aussi Sarcingo qui indique le lieu de la sépulture du saint. Nous avons cité ces phrases de 1095 et 1142 qui parient de „in conspectu totius ecclesiae Leuchodiensis in ecclesia de Leuchodio et de Sarcingo altare de Leuchodio cum appendiciis suis Sarcingo etc". Pour ce qui concerne Sarcingo rien ne permet de dire, nous 1'avons vu, qu'officiellement et légitimement il y ait jamais eu en Artois une localité de ce nom. Lorsqu'on s'était persuadé que S. Léger avait non seulement péri en Artois, mais y avait été inhumé, on chercha a appliquer ce nom, les uns a tel endroit, les autres a tel autre, mais avec si peu de succès et pendant si peu de temps qu'on ne sait plus même, avec certitude, quelles localités en furent affublées. Quant au nom Leuchodium, il est bien probable que la localité désignée par la, dans les phrases susdites, est Lucheux. Lefèvre se contente de 1'affirmer, mais il y a moyen de le prouver. Qu'on remarque que ces phrases sont extraites du cartulaire de l'abbaye de Molesmes et qu'a ces dates l'abbaye de ce nom avait un prieuré a Lucheux (Colvener, o. c p. 511). Qu'on observe encore que dans son troisième acte de 1149, extrait du même cartulaire, Sarcingo est de nouveau cité, mais précédé cette fois de „Lucheolo" qui est incontestablement une des formes latines de Lucheux, comme on peut voir dans Garnier (Map, T. 21, 1867, p. 527). Mais ce 272 Leuchodium est-il bien un nom authentique de Lucheux et cette localité aurait-elle déja existé, sous ce nom, dès le VIIe siècle, ou bien n'est-ce pas plutöt une des formes du nom de Liége, vrai lieu du martyre, appliqué dans la suite a Lucheux, probablement vers la fin du XIe siècle? En effet le premier acte concernant Lucheux, qui se présente sous ce nom, est de 1095, comme nous venons de le voir, de 1'époque oü 1'on ne connaissait plus guère les vrais lieux du martyre et de la sépulture. Par conséquent nous possédons une preuve en plus que S. Léger mourut a Liége, la preuve qu'en 1095 il existait a Molesmes ou ailleurs un écrit qui 1'afrirmait expressément. On comprend dès lors que le nom de Lucheux n'apparait pour la première fois qu'en 1147 et-que Garnier ne 1'a jamais rencontré sous la forme Leuchodium. Celle-ci ne se présente probablement que dans les archives de Molesmes que cet écrivain n'aura pas connues et peut-être uniquement dans les deux actes cités. Quant a la fagon dont le nom Leuchodium fut malencontreusement appliqué a Lucheux, on peut émettre plusieurs suppositions. D'abord on peut croire que des moines, sans doute ceux de Molesmes, qui de fait se présentent dans 1'histoire, en 1095, comme les premiers habitants connus de Lucheux, auront cherché a lui donner ce nom. Peut-être furent-ils les fondateurs de l'église paroissale qui précisément est dédiée a S. Léger et de la chapelle du'même saint érigée sur la place oü 1'on disait qu'il avait péri. Mais sur quoi ce dire reposait-il? Probablement sur 1'assertion de quelque faussaire dans le genre de Claude Despretz qui plus tard allait prétendre que S. Léger était mort et avait recu la sépulture dans une de ses propriétés ou bien une petite chapelle érigée par quelque dévot du saint le long de la route ou dans un bosquet aura produit la légende qui a son tour devait engendrer le reste, lorsqu'on se sera mis a dire que S. Léger était mort aux environs d'Arras. Dans cette supposition, toutes les autres formes du nom de Lucheux devraient être considérées comme des dérivés de Leuchodium: Luchoi (1147) Luceus, Lucheu, Luceium, Lucetum etc. Mais on pourrait encore supposer qu'église et chapelle et légende existaient déja depuis un petit temps lorsque les moines s'établirent dans la localité, par dévotion peut-être envers S. Léger, et qu'ils essayèrent simplement d'introduire, a cöté des formes déja employées du nom de Lucheux, celle de Leuchodium. Ce nom 273 devait leur apparaitre comme le plus authentique puisqu'un vieil écrit connu d'eux affirmait que S. Léger était mort a Leuchodium! Nous avons vu que bientöt, et probablement paree que 1'essai ne réussissait pas et que le nouveau nom risquait de n'être pas compris, les moines eurent recours au nom plus commun Lucheolo. Dans cette supposition, il n'y aurait aucun rapport réel entre Leuchodium et les autres formes du nom de Lucheux. Seule la plus ancienne, Luchoi, qu'on ne rencontre qu'une fois, en serait peut-être un dérivé. On peut encore se demander si, a la fin du XIe siècle, la signification de Leuchodium, Leodium était encore connue. Ce n'est pas impossible et partant il y aurait eu un motif d'autant plus grave pour en essayér 1'emploi. Les objections qu'on pourrait produire contre notre thèse, sont peu nombreuses et pas graves du tout. Elles reviennent plutöt a des demandes d'explication sur 1'un ou 1'autre point moins évident. C'est ainsi qu'on serait en droit de s'enquérir comment Ebroïn a pu exiler en Autrasie et y faire décapiter l'évêque d'Autun, puisqu'il ne parait pas qua cette époque il fut maire du palais dans ce royaume, mais seulement en Neustrie; or, la Hesbaie et Liége faisaient partie de 1'Austrasie. On peut, pour résoudre la difficulté, supposer d'abord avec le Bollandiste Debuck (T. XII Octob. p. 708) que par sa victoire de Lifou en 680, Ebroïn était devenu maire d'Austrasie et que Pépin ne le redevint qu'après son triomphe a Testri (687). On peut supposer ensuite que le tyran se sera entendu a cet effet avec le roi d'Austrasie, Dagobert, et son maire du palais, Wulfoald. Daris (T. I, p. 103) explique par la comment Ebroïn, au dire des historiens Liégeois, a pu exiler S. Lambert a Stavelot, car l'évêque d'Autun ne fut pas la seule de ses victimes qu'il sut persécuter jusqu'en Austrasie. Toutefois, nous aurions peine a croire que le saint roi d'Austrasie et son excellent maire auraient été complices dans ces crimes. Quant au prétexte invoqué par Ebroïn pour persécuter l'évêque de Maestricht nous saurions encore plus difficilement admettre la thèse de Daris que ce fut la fidélité de S. Lambert au roi Childéric. Nous pensons plutöt qu'Ebroïn aura voulu faire accroire, comme pour Léger, que Lambert avait conspiré contre Childéric II. Le vrai motif de sa haine aura été, comme pour l'évêque d'Autun, la liberté absolue avec laquelle Lambert condamnait ses forfaits et honorait les 18 274 victimes de son despotisme, entre autres Théodard et Léger. Aü fond l'objection revient a un problème de chronologie. Celle-ci doit s'établir d'après les faits certains que nous venons de rappeler. Mais il n'est pas possible que nous nous en occupions dans ce travail. Comme déja nous 1'avons dit, c'est toute une étude que cette question et elle n'est ni claire ni facile a résoudre. Autre problème. Pourquoi le souvenir de S. Léger n'a-t-il pas survécu a Liége tout aussi certain et aussi vivant que celui de S. Lambert? (') Pourquoi surtout les anciens biographes Liégeois de S. Théodard, de S. Lambert, de S. Hubert etc n'en disent-ils rien? La réponse a déja été donnée ou insinuée, par pièces et morceaux, dans le cours de notre travail. II ne peut qu'être bon de la résumer a cette place. II s'agit de remarquer avant tout que la même objection se présente pour n'importe quelle autre opinion au sujet de 1'endroit du martyre de l'évêque d'Autun. Pour chacune, on peut s'étonner que le souvenir de 1'événement n'en soit pas resté bien plus clair et plus précis que pour Liége et que les écrivains anciens des différentes contrées mises en cause n'en aient pas parlé longuement. Or, il reste a savoir si les explications qu'on prétendrait fournir, seraient aussi concluantes que celles que Liége est en état de présenter. Une première cause qui, a Liége, aura nui au souvenir et au culte du fondateur, c'est 1'inhumation des restes de 1'évêquemartyr S. Théodard dans la chapelle des S. Cöme et Damien, érigée en mémoire de l'évêque d'Autun. Si 1'on n'admet pas que le culte de S. Léger était encore a ce moment excessivement intense et que bien certainement un nom saint, le sien, se retrouvait dans le nom de Liége, on doit expliquer comment devant le nouveau venu, l'évêque du diocèse que beaucoup avaient particulièrement connu et dont la même on possédait maintenant les reliques, le souvenir du saint d'Autun n'aurait pas disparu fort vite sans laisser la moindre tracé et comment (<) Pour ètre tout a fait exact, il nous faut reconnaitre qu'un jour nous avons rencontré a Liége une maison, cabaret ou boutique quelconque, nous ne nous rappelons plus, qui avait pour enseigne: A Saint Léger. Impossible évidemment de trouver dans ce fait un souvenir du saint comme fondateur de la ville. Si ce nom rappelle quelque chose de spécial, ce sera plutöt le pèlerinage et la kermesse du 2 Octobre de „S. Légyr a Tilff ou a Rivage-es-Pot ou a Sérêt". 275 le nom de Liége ne se serait échangé contre le nouveau nom, celui de S. Théodard. En effet, si 1'inhumation de ce saint, a Liége, rendait le lieu du martyre de S. Léger de plus en plus auguste, il devait d'autre part contribuer a diminuer la gloire et le culte de celui-ci. Et pourtant ce n'est pas tout. Un autre événement, bien plus désastreux pour la mémoire de S. Léger, allait se produire a la même place, oü, le premier, il avait péri. Lambert lui-même, le successeur de Théodard et le grand ami de Léger, allait succomber sous les coups des adversaires de 1'un et de 1'autre. Ce que la mort de S. Trudon fut pour le lieu de la sépulture de S. Léger a Sarchinium, le meurtre de S. Lambert le fut pour le lieu de son martyre a Liége, surtout après que le corps du nouveau saint eut été reporté dans cette localité et déposé dans une belle église construite en son honneur et oü les miracles, opérés par son intercession, se multiplièrent au point que Sigebert en a écrit: „Ex tune in reliquum tempus non est modus nee numerus miraculorum''. En présence de pareils faits, il est incompréhensible que Liége n'ait pas échangé son nom contre celui de S. Lambert et surtout ait triomphé des efforts qui furent faits en ce sens. Nous 1'avons déja dit, si le nom de Liége n'avait pas rappelé celui d'un illustre saint, il n'aurait pu résister a 1'épreuve. Que si, par impossible, ces explications ne suffisaient pas, on pourrait encore se rappeler les tristes exploits des Normands. Nous en avons déja dit un mot. Hénaux (Les Normands dans le pays de Liége, p. 4) écrit a ce sujet: „Ce fut le 29 Mai 882 que les Normands se présentèrent devant Liége. La terreur y règnait. L'évêque Francon s'était sauvé a Huy avec les reliques et les objets précieux de son église... Dès la première attaque, les chateaux de Se Catherine et de S. Oeorges (ainsi nommés a cause qu'une modeste chapelle était adossée a chacun d'eux) sont emportés et leurs chapelles sont mises au pillage. Dans 1'Ile se trouvaient réglise et le monastère de S. Caprais habité par douze moines et des frères lais. Le sanctuaire de l'église est ruiné, le cloltre brülé et les moines égorgés. L'enceinte de S. Lambert est envahie, son église est fouillée en tous sens pour trouver le trésor, puis on y met le feu ainsi qu'aux maisons claustrales. De même le chartrier et les librairies, ces dépots inestimables des titres de la liberté et de la civilisation wallonnes, sont réduits en cendres. 276 Toujours, dit Fisen, les personnes sludieuses déploreront cette destruction des archives nationales, puisque c'est depuis elle qu'un voile funèbre couvre les origines ecclésiastiques de notre pays. Cette perte était déja appréciée un siècle après. En effet, en 980, Hérigère se déclare bien servi par le hasard quand il est parvenu a trouver le nom d'un évêque, la date de son élection et celle de sa mort... Les Normands se répandirent aussi dans la Hesbaye; ils livrent aux flammes les églises de Tongres, de Saint-Trond, de Malines, d'Andenne, saccagent et brülent les opulents monastères de Saint-Hubert et de Lobbes". Kurth (Bal, T. 2, p. 56, 59) écrit a son tour: „La disparition des principaux documents de 1'histoire de Liége pendant le VIIIe et le IXe siècle creuse entre 1'époque de S. Hubert et celle d'Eracle un abime ténébreux dans lequel notre ville semble disparaitre pendant deux-cents ans... En un seul jour les Normands dévorèrent a Liége, par les flammes, l'ceuvre de deux siècles. Ce fut un coup redoutable pour la ville. Quarante ans après leur passage l'église Saint-Pierre ne s'était pas encore relevée de ses cendres". Qu'on lise aussi Pirenne (Sedulius de Liége, Mém. couron. de I'Acad. Royale de Belgique, in-8°, T. 33, 1882, p. 5). A ces causes on peut probablement en ajouter une autre qui n'est pas trop a la louange des anciens Liégeois. II ne paratt pas qu'ils aient été fort soucieux de transmettre a la postérité le souvenir des événements de leur histoire. Pour le prouver nous rappellerons .avec Demarteau (Vie de S. Lambert en francais du XIIIe siècle, p. 7) qu'„au temps oü Anselme prit la plume, dans la première moitié du XIe siècle, on manquait déja de renseignements sur Etienne qui avait été évêque de Liége au siècle précédent". Mais la raison qui explique le mieux le petit nombre de souvenirs directs de S. Léger et surtout le silence absolu des anciens écrivains Liégeois a son endroit, c'est la pression tyrannique exercée par 1'autorité civile d'alors en vue de supprimer ou du moins d'effacer le plus possible Ia tracé des crimes commis par son ordre. Nous avons cité dans Ie cours de notre travail de nombreux exemples de la terreur inspirée par le despotisme du pouvoir public. Pour rappel nous groupons ici même les principaux aveux de ces faits et quelques unes des réticences et même plusieurs mensonges qui en furent Ie résuftat. Oodescalc écrit en toutes lettres qu'après le meurtre de S. Lambert, 277 on transporta secrètement le martyr a Maestricht et que la „personne n'osa" lui préparer un tombeau spécial, mais qu'on 1'enterra précipitamment dans celui de son père. Sans doute Godescalc n'a garde d'indiquer le motif de cette crainte, mais n'est-il pas évident que si les meurtriers avaient été de vulgaires criminels, cette terreur si grande ne s'expliquerait pas? Pourquoi encore, sinon par crainte de déplaire, la chapelle érigée sur le lieu du martyre, ne fut-elle pas dédiée a l'évêque d'Autun, mais a des saints, dont les noms, bien que trés connus, ne rappelaient rien de précis concernant S. Léger? De son cóté le biographe contemporain de L. Théodard, dans 1'édition plus ancienne et plus exacte de Limpens, n'ose pas nommer directement la ville de Liége. II se sert d'une circonlocution: „In villa quam uno latere Mosae fluminis aluit unda, ubi isdem (S. Lambertus) postmodum successit episcopus cineresque proprio corpore ex hac luce migrando consecravif' et c'est ainsi que Liége est désigné pour la première fois dans 1'histoire! Godescalc n'est pas moins prudent, mais d'une autre fagon, quand il la nomme pour la première fois: „In villa cujus vocabulum est Leodeus sita super fluvium qui vocatur Mosa!" Ne dirait-on pas un endroit et un fleuve situés au fond de la Sibérie, que personne et surtout 1'écrivain ne connaissaient pas et qui ne furent visités que par S. Lambert et ses disciples? On fait semblant de ne pas savoir ce qu'est et ce que signifie Leodeus!! Heureusement il y avait eu a Liége et il ne cessait d'y arriver des flots de pèlerins, gens du peuple pour la plupart, qui, ne se doutant de rien, appelaient les choses et les endroits par leur vrai nom et ainsi lui conservaient celui du fondateur! C'est par crainte, évidemment, que Godescalc, dans ses deux premières versions, n'a garde de nommer les titulaires de la chapelle de Liége et qu'il se sert même pour designer celle-ci d'un mot plutöt obscur! „c ubiculum"! Silence complet sur tout cela, probablement pour le même motif, dans les vies de S. Théodard et de S. Hubert; et chez Godescalc, sur la translation dans Ia chapelle de Liége des restes du prédécesseur de S. Lambert. Si Ia vie de S. Théodard cite ce dernier fait, c'est paree qu'il n'y avait pas moyen de faire autrement et c'est de plus en ayant soin de ne pas dire que 1'inhumation ent lieu dans une chapelle ou a Liége, comme nous venons de le dire. D'après Anselme, approuvé a bon droit par Kurth (Etude sur S. Lambert, p. 67-9) les assassins de S. Théodard 278 étaient les mêmes que ceux qui avaient volé les biens de son église et contre lesquels le saint allait se plaindre devant le roi; bref, ils étaient de la familie royale. Mais dans la vie contemporaine de S. Théodard on n'a garde de dire que voleurs et assassins étaient les mêmes; on dirait plutót le contraire! Pareillement pour S. Lambert, Godescalc a soin de ne pas nommer les vrais coupables de sa mort, ni d'en donner la grande et principale cause, mais ce qu'il allègue comme tel n'y était pour rien ou pour bien peu de chose. Quant au récit de sa translation a Liége, faite par S. Hubert sur un ordre du ciel, le biographe de ce dernier parle de la présence de plusieurs évêques a cette cérémonie. Godescalc au contraire n'en sait rien, en d'autres mots il craint de déplaire aux maltres s'il insiste trop sur la grandeur de la solennité. On pourrait allonger la liste. Ce que nous venons de dire de la terreur inspirée par les bandits princiers, suffit pour expliquer que les anciens écrivains Liégeois n'ont eu garde de raconter la vie du fondateur de Liége ou de rappeler seulement son nom d'une manière trop claire ou trop directe (Chapeavüle T. 3, p. 324; —Kurth: Etude sur S. Lambert, p. 32; — Demarteau : Hucbald de S. Amand, p. 117; Vie de S.Théodard, p. 5; Vie de S. Lambert, 1896, p. 24; Vie laplus ancienne de S. Lambert, p. 32). Anselme, au XII* siècle, est le premier des historiens Liégeois, croyons-nous, qui ose nommer Ebroïn et 1'accuser même de mauvais procédés a 1'égard de S. Lambert (Chapeavüle, T. I, p. 113). A cette occasion, sans se douter de rien, ni savoir toute i'importance, pour les origines de Liége, de ce qu'il va dire, le même Anselme, le premier encore, ajouté le nom de S. Léger et rappelle qu'Ebroïn le fit mourir, et c'est tout! On peut croire que les anciens biographes et historiens de Liége se consolaient facilement du silence, auquel la crainte ou la prudence les astreignait, par la pensee qu'assez d'autres écrivains auraient la liberté voulue pour dire toute la vérité concernant les origines de la ville et même concernant les motifs de leur silence. Ils devaient surtout se persuader que le nom de la cité parlerait toujours assez, a lui seul, en cette matière. Et de vrai, ils avaient le droit d'espérer tout cela et rien ne faisait prévoir qu'aucun historiën étranger et contemporain, et sur tout plus tard un seul historiën Liégeois ne connaitrait plus la vérité et ne la mettrait par écrit! Ils ne pouvaient surtout prévoir qu'on oublierait jamais le sens du nom de la 279 ville et que, dans la suite, pour 1'expliquer on débiterait les plus colossales absurdités. Us s'attendaient aussi a ce que le nom Sarchinium et bien d'autres détails renfermés dans les actes de S. Léger et dans leurs propres écrits serviraient de boussole pour empêcher qu'on ne s'égarat jamais. Dernière objection. Elle n'est pas sérieuse du tout et se trouve déja réfutée dans ce qui précède. On pourrait demander pourquoi Liége ne s'appelle pas Saint-Liége et pareillement pour Lucheux (si on est d'avis que c'est le même nom que Liége et que 1'on comprenait sa signification) pourquoi on n'a pas dit Saint-Lucheux. Mais il est évident que s'il était déja dangereux de mentionner tout fait qui aurait pu rappeler le souvenir du saint et plus encore d'écrire son nom, il aurait été autrement téméraire d'oser 1'appeler „Saint" surtout du vivant d'Ebroïn et dans les premiers temps, lorsque c'était précisément le moment d'introduire 1'épithète. En outre, ce qui explique mieux pourquoi le peuple lui-même, qui dans sa simplicité et sa bonne foi ne se doutait de rien, ne 1'a cependant pas appelé „Saint" c'est qu'anciennement la coutume n'existait guère d'employer ce qualificatif. Elle est trés longue la liste des noms de lieux qui, sans être accompagnés de 1'épithète en question, rappellent cependant un saint, une sainte. A Liége même, on peut probablement trouver deux noms de cette espèce, comme il a été dit: Cornillon, sancti Cornelii mons, et Chèvremont, sancti Caprasii mons. Si on veut d'autres exemples, qu'on Ilse Quicherat (o. c. p. 68) et Demarteau (Vie de S. Lambert, 1896, p. 50: liste des localités renfermant le nom de S. Lambert). Bien longtemps et encore en plein moyen-age, S. Augustin, S. Ambroise, S. Jéröme, S. Orégoire etc, etc étaient cités, surtout chez les écrivains, par leur nom tout court. II suffit d'ouvrir n'importe quel volume des ceuvres de S. Thomas et de maint autre de ces temps pour s'en convaincre aussitöt. Enfin on peut dire qu'un saint, contemporain de S. Lambert et son successeur, S. Hubert, essaya tres probablement de donner a Liége le nom de „Saint-Liége". En effet, nous avons déja dit un mot de son sceau et de sa devise: „Sancta Legia Dei gratia romanae ecclesiae filia". Bien probablement que par les premiers mots il ne songeait pas seulement a Léger, mais encore a Théodard, a Lambert et autres et qu'il appela Liége „sancta" dans le sens que Cologne fut appelée „sancta Colonia" a cause de tous ses saints et reliques de saints. 280 Mais par la même S. Hubert ne pouvait manquer de suggérer I'idée d'appeler Liége, avant tout en raison de 1'évêque-martyr d'Autun, Saint-Liége, Sancta-Legia, Sanctus-Leodius etc. II est regrettable que la phrase: „Sanctus Leodeus romanae ecclesiae filius" aurait mal sonné pour désigner la localité et sa dépendance filiale de 1'autre ville, la ville éternelle, sinon Hubert n'aurait pas manqué de s'en servir et elle aurait encore plus directement rappelé le fondateur-martyr. Bref, cette objection, pas plus que les précédentes, n'offre rien de grave et il est inutile de nous y arrêter plus longtemps. Nous remarquons qu'il reste a dire quelque chose au sujet des derniers mots de Ia devise que nous venons de citer. On a déja justifié Ie mot „sancta" et pareillement il a été question de la forme „Legia" et d'un sceau d'Autun avec devise, contemporain de celui donné par S. Hubert a Liége. A son tour la finale: „Dei gratia romanae ecclesiae filia" confirme notre opinion sur les origines et sur le fondateur de Liége et en particulier sur le sens qu'a la suite de S. Hubert, il faut avant tout attacher aux mots „Sancta Legia". D'après Daris (Bsl, T. 10) et plusieurs autres, ces mots mystérieux rappelleraient „la tradition que les habitants de notre diocèse ont recu la foi de missionnaires romains envoyés directement par Ie pape .... Au VIHe siècle et dans les temps suivants les papes ont donné le titre de Fils de S. Pierre, Fils de l'église Romaine, Chevaliers de S. Pierre aux grands qui avaient pris en mains Ia défense de l'église romaine ou qui promettaient de s'y dévouer. L'église du diocèse ou bien la ville de Liége ont-elles recu d'un pape et dans ce sens le titre de Romanae ecclesiae filia? C'est possible mais nous n'en avons aucune preuve". C'est possible, sans doute, mais ce n'est guère probable, puisque la devise concerne la ville de Liége et non le diocèse ni quelque grand personnage. II ne parait pas non plus qu'elle ait été donnée par un pape, mais par une disposition de la divine Providence: „Dei gratia". Rien ne s'oppose toutefois a ce qu'on pense qu'a la demande de S. Hubert et peut-être Iors de son pèlerinage a Rome, le pape ait approuvé et confirmé la glorieuse devise. Mais nous croyons que 1'explication et 1'origine s'en trouvent, comme I'idée première de donner un sceau et une devise a Liége, dans 1'histoire d'Autun, la ville épiscopale de S. Léger. S. Hubert n'ignorait sans doute pas le passé de cette ville, peut- 281 être même avait-il eu 1'honneur et la joie d'en recueillir le récit de Ia propre bouche de 1'illustre évêque, dans la demeure du comte Robert. Or, 1'une des gloires dont Autun se vantait le plus c'était son union avec le peuple-roi et ses empereurs. César appelait cette ville „soror et aemula Romae" (Mém. de la soc. royale des antiq. de France, T. 15, p. 41) et Eumène parlait avec enthousiasme de „cette noble et antique cité qui se glorifiait d'être la sceur de Rome" (Landriot: Oeuvres d'Eumène, p. 148, 152). On peut voir Pitra pour de plus amples détails (p. 209). Mais, hélas! Autun n'était que la sceur de Rome et ne ressemblait, a cette époque, qu'a la Rome corrompue qui persécutait le Christ et se plaisait a répandre le sang de ses disciples. La vraie Rome n'est pas non plus celle qui, sous le rapport physique est batie sur sept collines, et a laquelle par son Robermont, Publémont, Cornillon, Chèvremont etc Liége ne ressemble pas trop mal. Non, la vraie Rome, c'est la Rome chrétienne, celle qui est fondée sur les deux princes des apötres, sur les deux illustres martyrs, Pierre et Paul. Sous ce rapport et grace a ces colonnes de l'église, Rome a des origines uniques dont elle se glorifie a bon droit. Qu'on se rappelle ce qu'en disait le pape S. Léon (Serm. I in Nativ. Apost. Petri et Pauli) et ce que l'église entière chante au jour de leur fête: O Roma felix quae duorum principum Es consecrata glorioso sanguine; Horum cruore purpurata caeteras Excellis orbis una pulchritudines. Mais il n'y a pas d'église dont les commencements ressemblent au tant, croyons-nous, a ceux de l'église romaine comme celle de Liége et qui mérite autant le nom de „Romanae ecclesiae filia". Elle est établie, non seulement sur un successeur des apötres, sur S. Lambert, ce qui lui donne déja une grande ressemblance avec sa mère, mais sur deux évêques-martyrs, Léger et Lambert, et voila ce qui achève cette ressemblance et forme la perle la plus précieuse de sa couronne. Non seulement Liége était la fille de l'église de Rome, mais elle en devint 1'émule la plus zélée „filia et aemula". Grace avant tout ft S. Hubert, qui dans les origines chrétiennes de la ville et dans son contact avec Rome, puisa un amour spécial pour 1'église-mère et pour S. Pierre, amour que ses successeurs se transmirent religieusement, Liége s'appliqua ft imiter le plus 282 possible sa trés auguste mère. Elle Timita surtout en honorant ses saints et en leur consacrant des chapelles qui dans la suite devinrent le plus souvent de vastes églises. Avant tout, comme a Rome, chacun des douze apötres possédait a Liége son sanctuaire. Beaucoup d'autres saints honorés dans la ville éternelle avaient aussi dans la cité Liégeoise leur autel et un culte plus ou moins étendu. Si on excepte S. Lambert et quelques saints du diocèse, les autres que 1'on y vénérait particulièrement étaient bien peu nombreux. Tels furent S. Martin de Tours, honoré partout; Se Ursule et ses compagnes, vénérées pareillement en cent endroits; S. Denys, pour le motif indiqué ci-dessus etc. S. Trudon lui-même n'était que le second titulaire d'une église dont le pape S. Clément était le premier; aussi bien leur fête se célébrait-elle le même jour. Pourquoi a-t-il fallu que Liége oubliat ses nobles origines? Un de ses chroniqueurs (Bibl. royale de Bruxelles, Fonds Goethals, ms n° 162) qui ne connaissait que les seules gloires de S. Lambert, s'écriait déja dans un patriotique enthousiasme: „Ainsi fut Liége fondée, la plus noble du monde et la plus royale de tous les pays". Un autre de ses écrivains, le poète Franchimont (1659, ode 43) s'adressant a la ville, conjurait celle-ci de ne jamais oublier le nom de son S. Lambert: „Ne sis beati nominis immemor!" Que ne peut-on croire qu'il ait voulu proclamer que déja le vocable Liége renfermait le nom d'un bienheureux, celui de S. Léger, dont avant tout il fallait garder le souvenir! De nos jours et depuis longtemps 1'oubli est complet. Les historiens restaient persuadés que les origines de la ville n'étaient pas connues et plusieurs découragés ne s'en consolaient pas. L'un d'eux s'écrie (Demarteau: Bal, T. 7, p. 105): „A moins de produire des documents décisifs inconnus ou perdus jusqu'lci, on ne dissipera jamais les obscurités qui entourent les premiers commencements de Leodium". Un autre, a 1'occasion des fêtes jubilaires de 1896 observait tristement (Le vieux Liége, 3 Octobre 1896): „Au moment oü devant le palais, l'évêque sdulevait le chef de S. Lambert, la tête du fondateur (?) a dü faire de singulières réflexions en voyant la place de son martyre occupée par une simple aubette de tram et sans que seulement une pierre, une plaque de marbre rappelat aux Liégeois la date mémorable de cet événement". Combien plus triste et plus 283 juste lorsqu'on connait toute la vérité! Mais il nous faut surtout rappeler la profonde douleur du noble historiën de 1'ancienne cathédrale de Liége: „Ah! qui pourrait retenir ses larmes et comprimer sa douleur en présence de tes ruines, noble et illustre maison! Dans toute la principauté il n'y avait pas de coin aussi historique que n'était 1'enceinte du vieux chceur'' (oü périrent S. Léger et S. Lambert). „Confesseurs de la foi, Pères de PEglise, Papes, Empereurs, Rois, Impératrices, Reines, Cardinaux, Archevêques, -Évêques, Maires du palais, Ducs, puissants Leudes, Tréfonciers et Mambours de Liége, Chevaliers teutoniques et du temple, enfants du Carmel, filles du Calvaire, pèlerins venus de Jérusalem, croisés partant pour la Terre-Sainte, nobles, bourgeois, heureux de ce monde, hommes dans le malheur, tous avaient foulé ce sol et s'y étaient prosternés... Dans ce lieu oü nos aïeux avaient prié, il y avait comme une chalne sacrée entre eux et nous; c'était toute une magnificence de souvenirs*'. Oui, tout a dispara. A la naissance de Liége, Pévêgue d'Autun possédait, au lieu de son martyre, une chapelle, dédiée, on sait pourquoi, aux S. Cöme et Damien. Dans la première cathédrale, 1'autel fut rétabli a cet endroit, pour conserver le souvenir des origines. Quand 1'édifice eut succombé sous les coups des Normands, une nouvelle cathédrale, plus grande et plus belle et un nouveau sanctuaire des S. Cóme et Damien, sortirent du sol la même. Elles subsistèrent jusqu'a la grande révolution qui les détruisit de fond en comble. Tout un temps les ruines étaient la, rappelant encore et pleurant le paSsé, et ce fut au milieu d'elles, par une nuit du mois d'Aoüt de l'année 1805, qu'on put voir le dernier prince-évêque revenu de 1'exil, se trainer a genoux, sanglotant et priant, sur ce qui fut sa cathédrale. „Etiam periere ruinae" mais les ruines elles-mêmes disparurent. Et depuis lors jusqu'a ce moment, rien, absolument rien, sur cette place, une des plus augustes de 1'univers, ne rappelle les grands événements auxquels la ville doit son existence. En sera-t-il toujours ainsi ? Supplément Les actes contemporains. n<» 1 (U]) 2 (X'j 3 (Z1) 1 (U1) Domino meo sanctoque pontifici Ansoaldo praesuli Pictavensi Ursinus peccator. Jussioni obtemperans vestrae parui, beatissime papa, insistente maxima ex parte Audulpho, patre monasterii beati Maxentii ut de vita vel passione beati Leodegarii pauca de multis ejusdem bonis scribendo narrarem. Quod opus tuis imperiis obsequendo edere cupiebam, sed simplicitas cordis mei et iners facundia non valet explicare tanti viri laudes virtutum; cujus patientia modernis exorta temporibus, quanta sustinuit retrusus, quasi nemo novit nisi ille solus cui protulit intrinsecus. Qui in occultis latibulis privatus oculorum acie, quid et quantum egisset boni, quis enarrare possit? Ubi nee assistebat minister qui hoe cernere valeret ut, quod oculis non videbatur, narrare quivisset. Nam finis operis ostendit extrinsecus quanta intus latendo fuisset operatus. Tarnen in quo agnita ejus mihi vita fuit et multorum relatione comperi, quamquam rustico sermone, vobis imperantibus edere non distuli. Si quid quibusdam verbis propagare studui, ad disserendam veritatis lineam hunc tramitem posui. Si vero de ejus virtutibus* aliquid praetermisi, non studiose gessi, quin ignorantia intermittendo praeterii. Hoe etenim sciendum puto quia, quamvis quisquis alti sermonis eloquentia ejusdem viri Dei disserere cupiat, apertius et absque fallacibus verbis fari non valeat. Et forsitan valueram annuente Domino clausis ac ab aliquibus incognitis verbis narrare, sed ideo nolui ut quique rustici et inlitterati haec audierint, intelligant et devoti appetant ejus imitari exempla cujus intellexerint audiendo miracula. 2 (X1) Incipit Passio S. Leodegarii Martyris qui passus est sub Ebrino principe et Vaingo duce in Gallia Vi Non. Octobris. Audite, fratres, et intelligite quomodo diabolus festinat pugnare 2-4 286 contra genus humanum sicut dicit B. Johannes, quia ille novissimus praedicavit et omnes prophetas subjugavit. VigiJate et orate ut non intretis in tentationem, quia adversarius vesten inimicus tanquam leo rugiens circuit quaerens quem devoret quia ille non persequitur nisi justos quia injusti desideria ejus implere festinant. Qui ipse crudelissimus immisit in cordibus inimicorum ut mitterent obsidionem in ipsa civitate ubi erat vir Dei justus Leodegarius qui sub Ebroine principe et Vaningo duce pro Christi nomine et ejus justitia atque fiducia ad coronam martyrii pervenire meruit. 3 (Z1; Domino vere sancto et apostolica veneratione colendo Erminario, urbis Augustidunensis episcopo. Dum saepe a vobis jussus et spiritualium fratrum flagratione compulsus, gesta beati Leodegarii martyris atque pontificis tandem scribere sum agressus. Ideo enim diu implere jussa vel petita distuli dum duplicem opinionem contra me videbam consurgere: unam ignorantiae, caliginis et ignaviae metuens, aliam prudentibus in derisum verens patescere. Oro ergo vestram fidelem devotionem in primis ut meae rusticitati veniam detis et tantummodo, quae vobis placuit, clam soli interim lectitetis, donec aut cultiore sermone ea, quae nos vobis jubentibus usurpavimus, reperiretis, aut aliorum praesulum correcta judicio irreprehensibilis quam postea legatis post vos probata resideat lectio. Hoe specialiter peto ut vires ad hoe opus exsequendum, quas mihi conscia denegat imperitia, vestrarum precum solerti studio apud Dominum obtineant opportuna suffaagia. Quoniam ratum habeo ut non sufficiens sim per ingenium meum de tam almifico martyre plene atque perfecte texere oraculum nisi intimarum vestrarum precieus fultus fuero. Sed confido de opima atque exuberantissima caritate ut me non oblivisci debeatis. Responsum Erminarii. Textum hujus libri secundum divina amminicula peragrare exponendo non differam, tarnen timoratis sensibus quia merita mea jugiler ante oculos mentis defero. n°> 4 (U1) 5 (Z') 4 (jj') Igitur beatus Leodegarius ex progenie celsa Francorum ac nobilissima exortus, a primae aetatis infantia a parentibus in palatio, Lothario Francorum regi est traditus, ab eodem vero rege non post multum temporis Didoni praesuli Pictavensis urbis, avunculo suo scilicet, ad imbuendum litterarum studiis 287 4-5 datus est, quem idem praesul cuidam Dei sacerdoti, viro prudentissimo ad erudiendum tradidit, qui eum per annos plurimos magnis curis edocuit edoctumque pontifici reddidit. Receptum ergo eum suis cubiculis sub custodia disciplinae retinuit et quemadmodum idem pontifex se casto corpore custodierat, eumdem similem effici voluit dicens ei admonendo summa frequentia ut se virginem conservaret et vas electionis in ecclesia Dei dignus fieret, quoniam optabat eum hujus civitatis post se esse episcopum. Sed cum ad hoe opus eum cerneret perspicuum, cum fere viginti esset annorum ad officium diaconatus electus est atque ab ipso pontifice consecratus. Deinde non post mulfum temporis archidioconus effectus cura sub pontifice omnibus ecclesiis ipsius dioecesis est praelatus. Erat enim multum facundiae honestissimae deditus, statura procerus, inter plerosque pulcherrimus, aspectu decorus, eloquio suavis, ingenio acutissimus, prudentia providus, zelo Dei et amore fervidus, perpetuaeque virginitatis custos, scripturis sacris ac legum doctrinis simulque canonicis pene cunctis praecellebat parochiae quam regendam susceperat habitantibus. In tantum vero erat aptissimus omnium seniorum, coaequalium et subjectorum ut eloquentia sua placeret omnibus sibi colloquentibus ita ut moerentibus redderet laetitiam, scelera gerentibus disciplinam. Nam in parvi temporis spatio, sub pontificis scilicet imperio, magnam pacem providentiae suae pegimine tradidit Pictavensi solo. 5 (Z1) Gloriosus igitur ac praeclarus Leodegarius, urbis Augustidunensis episcopus, Christianorum temporibus effectus est martyr novus ut terrena generositate nobiliter exortus, ita divina gratia comitante dum a primaeva aetate in virili robore adcresceret, in quocumque gradu vel ordine provehebatur, exstitit prae ceteris erectus. Cumque a Didone avunculo suo Pictavis urbis episcopo qui ultra adfines suos prudentia divitiarumque opibus insigni copia erat repletus, fuisset strenue enutritus et diversis studiis quibus saeculi potentes studere solent adplene in omnibus disciplinae lima politus, in eadem urbe ad onus archidiaconatus fuit electus. Tantum in eo subito fortitudinis atque sapientiae robur emicuit ut impar prae suis antecessoribus appareret, praesertim cum mundanae legis censuram non ignoraret, saecularium terribilis judex fuit et dum canonicis dogmatibus esset repletus, extitit clericorum doctor egregius. Erat quoque in disciplina delinquentium vividus, quia carnis luxu 5-7 288 numquam extitit resolutus. Sagaci cura pervigil in ecclesiasticorum officiis, strenuus in ratiociniis, prudens in consiliis, rutilans in eloquiis. n°s 6 (U1) 7 (Z1) 6 (U1) Deinde cum quidam pater ex monasterio quod est situm in honore beati Maxentii obisset, jussu pontificis idem suscepit regendum, quod per sex fere annos strenue rexit illudque magnis opibus ditavit. Sed cum juxta monita pontificis sui idoneum se praeparasset et clarus haberetur prae omnibus tune odor ejusdem suavitatis in tantum processit ut usque in palatium regis redoleret. Erat enim eodem tempore minor Lotharius cum Batilde matre rex regens Francorum regnum qui agnita ejus prudentia, cupientes eum habere in aula regia, petierunt pontificem ut suam ei daret licentiam secum habitare in palatio. Qui statim jussa complens magnis rebus ditatum et sapientiae floribus adornatum, obtemperans eorum voiuntati, nisus est destinare virum. Quem rex atque regina videntes honorifice susceperunt et in paucis diebus dulcia sua verba et bonitatem ostendit in tantum ut rex simul et regina plerique etiam pontifices supra omnes eum in amore susciperent et quia eum videbant dignum ad suscipiendum honorem, cunctorum consensu praecipuorum Francorum, ad honorem pontificalem eum eSse idoneum proclamaverunt, quem omnes ad hoe electum Augustoduno, quae est Eduorum civitas, fecerunt pontificem. 7 (Z1) Incubuit interim causa necessitatis ut in Augustidunensi urbe eum ordinare deberent episcopum. Siquidem nuper inter duos contentio de eodem episcopatu exorta fuerat et usque ad sanguinem effusionem certatum cumque unus ibidem occubuisset in mortem et alter pro perpetrato scelere datus fuisset in exilii trusionem, tune Bathildis regina quae cum Lothario filio Francorum regebat palatium, divino ut credimus inspirata consilio, ad memoratam urbem hunc strenuum direxit virum ibidem esse episcopum, quatenus'ecclesia quae pene biennio jam quasi viduata, in saeculi fluctuatione remanserat, hujus gubernatione vel fortitudine tueretur et ab his quibus impugnabafur defensaretur. Quid multa? Ita in adventu ejus territi sunt omnes ecclesiae vel urbis illius adversarii nee non et hi qui inter se odiis et homicidiis incessanter certabant ut memoriam transacti scandali non vellent audire, quia quos praedicatio ad concordiam non 289 7 adduxerat, justitiae horror cogebat. Jam enim in episcopatu, dispensante Domino, quantum in alimonia pauperum ejus praecipua extitit cura, longum est enarrare per singula. Sed nobis ita tacentibus, ejus testantur opera vel matricula quae ab eodem instituta residet ad ecclesiae januam vel specierum pulchritudo quae aureo fulgore rutilat in ecclesiae ministerio nee non et baptisterii ornamenta mi ris operi bus fabricata. Quantumque in amore martyrum ejus mens fuit devota, silentibus indicat sancti Symphoriani martyris sepultura seu translatio sancti corporis gloriosa. Praeterea innuunt ejus industriam ecclesiae pavimenta velaque aurea et atrii constructio nova, murorum urbisque restauratio, domorum reparatio et quae erant nimia vetustate consumpta, per se redeunt erecta visa videntibus testimonia. Sufficiant haec imprimis pauca de plurimis. Ad illud tempus convertamus eloquium quo athleta Christi contra diabolum dimicandi sumpsit exordium. Sanctus itaque pontifex Leodegarius dum in Augustidunensi urbe felix in pace conversaretur episcopus, postquam omnia quae diruta fuerant, innovasset et in divinis officiis clericos erudisset praedicationeque assiduus populum celestia commoneret, eleemosynarum largitate pauperes refoveret et in Dei custodiendis mandatis ejus animus totus esset intentus, ita fuit efficax ejus voluntas in omnibus ut quaeque implere decrevisset, ei a Domino absque difficultate tribueretur effectus. Nee enim immerito suam omnipotens Deus illi contulerat gratiam quia prius ipsius se tota mente devoverat custodire mandata. Sed quia a bona voluntate semper discordat malitia et antiquus serpens invidus semper invenit per quos scandalum seminet, aliqui honorati spiritualia nescientes sed potius potentiam secularem timentes, videntes hunc virum inflexibilem per justitiae culmen existere, invido coeperunt livore torqueri et statuunt, si sit aditus, ejus obviare profectibus. Erat enim illis temporibus Hebroïnus, ut didicimus, qui sub rege Lotharia tune regebat palatium, nam regina, quam supra diximus, jam in monasterio quod sibi antea praeparaverat residebat. Praeterea memorati invidi adeunt Hebroïnum et contra Dei virum ejus in furorem suscitant animum et dum veritatis accusationem non inveniunt, mendacium falsitatis confingunt quasi dum omnes Hebroïni jussionibus obedirent, solus Leodegarius episcopus ejus jussa contemneret. Erat enim memoratus Hebroïnus ita cupiditatis face succensus et ambitioni pecuniae deditus ut illi coram 19 7-9 290 eo justam causam haberent tantum qui plus pecuniae detulissent. Cumque alii timoris causa, alii pro redimenda justitia eum auri argentique immensa replessent pecunia, quorumdam animi ob hujus causam exspolii, dolore tacti, contra eum jam fuerant commoti quia non solum rapacitatis exercebat commercium, verum etiam pro Ievi offensa sanguinem nobilium multorum fundebat innoxium. Sanctum itaque Leodegarium episcopum ideo habebat suspectum quia eum superare non valebat in verbo nee adulationis, ut ceteri, ei impendebat obsequium et contra omnes minas suas semper eum cognoverat permanere intrepidum. Tyrannicum dederat tune edictum ut de Burgundiae partibus nullus praesumeret adire palatium nisi qui ejus accepisset mandatum. Tune de metu priore fuerant omnes suspecti, quod excogitaret ad suum facinus perpetrandum ut aut quosdam capitis amissione damnaret aut dispendia facultatum infligeret. nosSCU1) 9 (Z') 8 (U1) Quam cum per annos decem strenue gubernaret, eodem tempore rex Lotharius, qui eum episcopum constituerat, defunctus est. Tune idem pontifex haec audiens, concito cursu in palatium perrexit ac cum commilitonibus de rege tractare coepit. Qui audientes, Hildericum Austrasiorum regem in adolescentia sua regnum juxta sui temporis aetatem optime disponentem, elegit quaedam pars Francorum volentes eum regem habere. Nam Ebroïnus, qui major domus fuerat sub rege Lothario, Theodericum germanum ejus cupiebat subrogare fratri in regno. Ipse vero Ebroïnus erat tune odiosus inter Francos et quia metuebant hujus ponderis jugum quod per eumdem sustinuerant sub rege Lothario, relicto ejus consilio, Hildericum in toto sublimaverunt regno. Tune Ebroïnus videns se destitutum et pro nihilo suum esse consilium, territus pavore, regem petiit ut relictis omnibus, vitam sibi concederet et in monasterio abire permitteret, cui deprecanti, domno Leodegario intercedente, rex consensit et in monasterio Luxovio illico destinavit ut monachus effici deberet. Rex vero Hildericus confirmatus in regno, germanum suum Theodericum cuidam Dei servo conservandum ac nutriendum dedit. 9 (Z1) Interim donec causa suspenditur, rex Lotharius a Domino vocatus, de hac luce migravit. Sed cum Hebroïnus ejus 291 9-0 fratrem germanum, nomine Theodericum, convocatis optimatibus, solemniter, ut mos est, debuisset sublimare in regnum, superbiae spiritu tumidus, eos noluit deinde convocare. ldeo magis coeperunt metuere eo quod regem quem ad gloriam patriae publice debuerat sublimare, dum post se eum retineret pro nomine, cui malum cupierat, audenter valeret inferre. Cumque multitudo nobilium qui ad regis novi properabant occursum, mandante Hebroïno, itineris accepissent repudium, inito in communi consilio, relicto eo omnes expetunt Hildericum juniorem ejus fratrem, qui in Austrasiis sortitus erat regnum, cui consilio, qui tune noluit adquiescere, aut fugaciter evasit aut cum vitae periculo, incendio comminatus, adquievit invitus. Cum enim omnes ob Hebroïni tyrannicum metum induxissent Hilderico tam Neustricum quam Burgundiae regnum, agnoscens tyrannus ob suum hoe facinus perpetratum, ad ecclesiae confugit altare ejusque in multis partibus subito fuit thesaurus direptus et quod iniquus diu congregaverat male, dispersum est subito bene. Episcopis tune quibusdam intercedentibus et praecipue interventu antistitis Leodegarii, eum non interficiunt sed Luxovio monasterio dirigitur in exilium ut facinora quae perpetraverat evaderet poenitendo. Sed quia terrenae cupiditatis pulvere oculos cordis habuit caecos ideo in animam malevolam spiritualis profuit sapientia. Cum enim Hildericus rex germanum suum, supra quem petitus venerat, sibimet praesentari jussisset ut alloqui eum deberet, tune quidam qui in regno videbantur esse primarii et Hildericum cupiebant adulando a caede placare, crinem sui domini temeritatis ausu jusserunt amputari sicque fratri suo eum studuerunt praesentare. Sed cum ab eo interrogaretur quid de se agi vellet, ille hoe solum, eo quod injuste fuerat de regno ejectus, judicium sibi a Deo celere exspectare professus est. Tune ad monasterium sancti martyris Dionysii residere est jussus ibique eo usque salvatus donec crinem, quem amputaverunt, enutriret et Deus coeli quem sibi judicem est habere professus, feliciter postmodum ipsum permisit regnare. n°s 10 (LP) 11 (Z1) 10 (U1) Idem vero Leodegarium pontificem super omnem domum suam sublimavit et majorem domus in omnibus constituit. Qui, accepto hujus regni gubernaculo, quidquid maxime adversus leges antiquorum regum ac magnorum procerum vita 10-1 292 laudabilium obstabat, multum ad pristinum reduxit statum. In tantum vero usquequaque omnia regna Francorum restituit ut omnes se gratularentur regem sibi habere Hildericum ac rectorem palatii Leodegarium. Cum igitur haec poene annis tribus cum decore magno agerentur, tune adversarius cujus est consuetudinis, invidia conditionis suae bona destruere, coepit sodales suos quos secum elegerat idem Pontifex habere socios gubernaculi, invidiae malo instigare et inter ipsum et regem zizania discordiae seminare. 11 (Z1) Interea Hildericum regem expetunt universi ut talia daret decreta per tria quae obtinuerat regna ut uniuscujusque patriae legem vel consuetudinem deberent sicut antiquitus judices conservare et ne de una provincia rectores in alias introirent neque unus instar Hebroïni tyrannidem assumeret ut postmodum sicut ille contubernales suos despiceret, sed dum mutuam sibi successionem culminis habere cognoscerent, nullus se alio anteferre auderet. Ut vero illis libenter petita concessisset, stultorum et pene gentilium depravatus consilio, ut erat juvenis levitate praeventus, subito quod per sapientum consilia confirmaverat refragavit. Sanctum igitur Leodegarium, eo quod cognoverat prae omnibus sapientiae luce esse conspicuum, secum assidue retinuerat in palatio. Hujus rei causa malorum crevit invidia rediviva atque contra eum rursus accusationum exquirentes initia ita ut quaeque ageret rex aut justo injustove judicio daret, illius criminantur factum, cujus si obtemperasset consiliis, in mandatis ambulasset divinis. Sed quia coelitus non jam supervenerat data sapientia, ideo cor ejus non valuit apprehendere justitiae disciplinam, sed judicia quod Theodericus se a Domino professus est exspectare, celeri meruit sententia terminari. Vir autem Domini ut cognovit contra se invidiam diaboli recalescere, tune juxta Apostolum sumens loricam fidei et galeam salutis et gladium spiritus quod est verbum Dei, contra antiquum hostem iniit singulare certamen et quia sacerdotalis integritas minas regis nescit metuere, Hildericum coepit arguere cur consuetudines patrias quas conservare praeceperat, tam subito immutasset simulque fertur dixisse quod regina quam habebat conjugem, filia sui esset avunculi et nisi haec facinora cum reliquis illicitis sceleribus emendatione corrigeret, divinam certe sibi ultionem subito imminere cognosceret. Et quidem primitus libenter coepit auscultare sed satellitum praeventus consiliis dum verba ejus 293 11-2 debuerat ad emendationem aptare, de illius morte occasiones coepit inquirere, suadentibus hoe illis, qui justitiam cupiebant evertere et indisciplinati juvenilia opera regis favebant exercere nee non et hi, qui suum decretum ei elicuerant irrupisse. Metuebant enim hi omnes et horum similes, in voluptatibus seculi conversantes, Dei hominem et sua opera destrui cupientes dum eum noverant per justitiae callem inflexibiliter gradi. Virididatem enim coelestis civis senex mundus gravatus vitiis non valuit sustinere. n°» 12 (U1) 13 (Z') 12 (U1) His itaque diebus jam imminebat celeberrimus Paschalis dies. Tune flagitante pontifice ut in Augustuduno urbe sua ipsum sanctissimum diem rex juberet celebrari, nequaquam renuit sed implere nititur votum deprecantis. Qui cum, appropinquante jam die ad missarum solemnia celebranda, sabbato, ut mos est in vigiliis Paschae, irent pariter et malum seminarium odii simul haberent absconditum, tune instigator utriusque mali accedens, eidem pontifici dixit: „Observa te*' inquit „pontifex, quia celebritate transacts missarum a rege te scias esse interficiendum quoniam semen nequam quod adversum te per tuos inimicos, quemadmodum in ejus corde jam olim est seminatum, in hac node consummare est decretum''. Quod audiens pontifex, dissimulando distulit et se laetum ostendit d non pro magno ducens, apparuit vultu clarus et solemnia missarum, quae coeperat, honestissime consummavit. Sed communionem sanctam cum ipse et rex percepissent, rex ad palatium pergens, abiit pransurus, pontifex vero cum suum perconsummasset officium et merum cum suis accepisset, sicut est fragilitatis humanae, metuens animositatem regis, tractare cum suis coepit. quid in hoe conflictu agere deberet. Cogitans et orans ad Dominum consilium reperit, melius ei esse omnia relinquere d Christum sequi quam locum regi dare et manus regis sanguine sacerdotis in tanti diei festo coinquinare ne forte fieret Francorum opprobrium et per se unum hominem in tota plebe essd disceptatio. Tune relicto rege d omnium potestatum sublimitate, pro nihilo reputans quod habebat in mundo, eadem node procedens cum pauds, ire coepit ubi pauper Christi fieri potuisset. Hoe rex audiens, contristatus valde ac moerens, quemdam ex suis fidelibus cum exercitu magno post ipsum 12-3 294 misit et secutus eum per totam ülam noctem, diluculo reperit et juxta jussum regis secum reduxit ipsoque pontifice deprecante, Luxovio coenobio ut ei liceret relicto seculo vacare Deo, humili poposcit prece se dirigendum, quem protinus illuc ire non distulit. 13 (Z1) Affuit enim tune in illis diebus vir quidam nobilis, Hector vocatus nomine, qui tune regebat in fascibus patriciatum Massiliae quique generis nobilitate et prudentia seculari ut claro stemmate ortus, ita erat prae ceteris praeditus. Hic enim ad Hildericum regem pro quadam causa advenerat et per viri Dei intercessionem obtinere petita sperabat eumque gratia hospitalitatis in urbe sua Dei sanctus receperat donec, sicut petierat, suis intercessionibus eum regi commendare deberet. Nam saepe dicfum Hildericum in ecclesiam suae urbis in Paschali solemnitate rogaverat advenire. Hanc invidi repererunt occasionem per quam nequitiam quam nuper in cor regis effuderant, adimplerent. Majorem domus nomine Vulfoaldum in sua occasione conjungunt, mendacem fabulam de Leodegario et Hectore confingunt, quasi ideo insimul fuissent conjuncti ut regiam dominationem everterent et potestatis jura sibimet usurparent. Aderat etiam tune quidam sub religionis habitu in monasterium sancti Symphoriani martyris, corpore non mente reclausus, nomine Marcolinus, sed ut postea publice patuit, potius ambiendis humanis laudibus vel honoribus specie fictam religionem nimium cupidus, de cujus conversatione, maxime dum omnibus patuit, ' melius puto silere quam loqui. Hunc ergo saepe dichts rex ignorans, quasi prophetam Dei habebat in omnibus eo quod de viri Dei accusationibus ejus voluntati favendo adularetur prae omnibus. Ea igitur nocte qua sancti Paschae vigiliae celebrantur in urbe, rex jam quasi suspectus ibidem noluit advenire, sed cum paucis tune fautoribus praefati hypocrytae requirentes consilium, jam contra Dei famulum malignum gestiens animum, illic temporaneum Paschale non timuit recipere sacrificium. Postea vero cum dedecore a vino jam temulentus, aliis jejunis sancta solemnia praestolantibus cum ecclesiam fuisset ingressus, Leodegarium clamitans requirebat ex nomine ut eum quasi in fugam verteret dum gladii percussione jam per nuntios minitans terruisset. Cumque eum saepius clamitans, esse in baptisterio cognovisset, ibi quoque introiens, ad tanti luminis claritatent seu odorem chrismatis quae illic in baptizantium sanctificatione gerebantur, obstupuit. Sed cum ad damorem ejus ipse respon- 295 13 deret: „adsum'' ipsum nullatenus recognoscens pertransiit atque in ecclesiae domo, ubi paratum erat, resedit. Episcopi vero alii, qui cum Dei viro vigilias celebraverant, redierunt ad hospitia, ipse vero, ut sacrum peregit officium, intrepidus adiit regem iratum eumque verbis mitibus requisivit cur ante ad vigilias non venisset vel in tam sacra noctis solemniis repletus ira persisteret. Qui dum iliius ineffabili sapientiae aliquid turbatus non valuisset respondere, suspectum eum quadam de causa dixit habere. Igitur vir Domini Leodegarius cernens apud ejus animum esse defixum, quod, suadentibus satellitibus, eum una cum Hectore, sicut decreverat, redderet interfectum aut Hector in angustia, sicut timebant, contra regem subiret contemptum, non de sua veritus morte, sed de illorum qui ad eum causa tuitionis advenerant pertractans salute, elegit potius interim latere per fugam quam occasionem praebere ut per ejus martyrium in Resurrectionis Christi solemniis cruentaretur vel diriperetur ecclesia. Nee enim quis eum aestimet usque adeo formidasse martyrium, nam cum pridem per quemdam monachum, nomine Bertharium, ei in dominica Coena de suo fuisset interitu nuntiatum, die Passionis Domini crastino regis adiit palatium et ultro se ingerens, in eo die sanguinem offerre voluit Christo, quo pro mundi salute sanguinem Christus effuderat suum. Nam et rex eadem die ipsum propria manu percutere voluit, sed ob Dei revefentiam, optimatum quorumdam sapientum consilio prohibitus fuit. Indubitanter credendum est ad hoe eum tune fuisse servatum ut si quid de humana conservatione quae sine culpa non ducitur, aliquid contrarium fortassis adtraxerat, longa persecutionis fornax exureret ut postea velut aurum in diadema sui Regis positus instar gemmarum fulgentium miraculorum virtutibus coruscaret. Cum igitur ab his qui occasionis hujus expectabant eventum, persecutio velox fuisset commota post eum, praedictus Hector ibidem est interfectus et quia viriliter se fuerat defensare conatus, permittente Domino, a multifudine oppressus fuit cum aliquibus qui comitabantur cum eo. Nee enim impossibile creditur, sancti Martyris meritis posse apud Deum illis animabus veniam obtinere qui cum eodem innocenter persecutionis procellam voluerant declinare. Igitur Leodegarius Dei famulus cum a quibusdam tune fuisset detentus, Hildërico subito nuntiant factum. Maximam regis gratiam se credidit habiturum qui valuit comprehendere Leodegarium. Per consilium 13-4 296 tune optimatum vel episcoporum jubetur duci in Luxovium monasterium donec in commune consulerent quid facerent de tanti nominis viro. Interea cum hi qui videbantur esse primi palatii, simul ab Hilderico conquisiti, quod judicium de sancto Dei sacerdote decernerent, hoe consona responderunt voce ut, si ei vitam concederet, sub perpetuo exilio eum in Luxovio permanere juberet, confirmans subito sub hoe decreto judicium, episcopis vero aliquibus vel sacerdotibus ideo consentientibus ut ad praesens eum ab ira regis redderent liberum. Nam saepe dictus rex pravorum illectus consilio, eum adduci jusserat de Luxovio ut ad voluntatem accusantium cum irrisione depositum, prout voluissent, redderent interfectum sicut quondam Herodes disposuerat Judaeis facere Petrum. Aderat enim venerabilis vir abbas sancti Symphoriani basilicae nomine Hermenarius cui post discessum viri Dei rex petitionibus populi Augustidunum commendaverat urbem cumque immensis precibus crebro regis provoiveretur pedibus ut eum in Luxovio permitteret residere ne ad expectationem crudelium quos diabobus contra eum in furorem succenderat, juberet adduci, tandem ob hujuscemodi precibus est tune ab interfectione salvatus, falso quidam opinantes quasi ideo regis habitaculum frequentaret ut accusantium esset primus quo facilius ei épiscopatum alienum tenere liceret. Nam longe aliter extitit quia carnalis oculus spiritualem dilectionem non videt. Testes enim postea illius extiterunt opera quia quousque praesenti superfuit vita, ejus necessitatibus in quo voluit caritate monstravit devota. n» 14 (U') 15 (Z1) 14 (U1) Qui festinus in monasterium perveniens, ibidem Ebroïnum jam clericum invenit dicensque se aliquid in eo peccasse, veniam sibi invicem petentes steterunt concordes; tarnen \ ab abbate sejuncti, per aliquod spatium temporis uterque poenitentiam agentes, inter contubernia monachorum strenue habitare quasi perpetui monachi conati sunt. Per idem tempus Hilderico defuncto, germanus ejus Theodericus in regno sublimatur. Haec audientes utrorumque amici, desiderantes aspectum eorum cernere, cum favore magno vota sua complentes, ad propria nituntur reducere. Pergentes namque de utriusque partibus ad supradictum monasterium, cogebant eos procedere et ad eorum domos remeare. Qui angore multum aestuantes, tarnen deprecante 297 14-5 dilectionis amicitia, quia fatigati spatiis terrarum longius valde fuerant, consentientes acquieverunt deprecantibus. Cum benedictione quippe monasterii conglutinati pacis concordia, procedentes venerunt simui, Ebroïnus scilicet cum Leodegario pontifice in civitatem suam Augustoduno. 15 (Z1) In illis igitur diebus adhuc exul in Luxovio residebat Hebroïnus, monachali habifu tonsuratus, simulatam gerens concordiam quasi dum uterque unam, sed disparem, exilii accepisseht sententiam, concordem ducerent vitam. His interim ita gestis divina non diu distulit ultio suum de Hilderico dare judicium. Nam ejus dissoluta conversatio omnibus increverat optimatibus palatinis. Tune unus ex eis hoe molestius ferens prae ceteris dum venationem in silva securus exerceret, eum vulnere mortis percussit. Ac priusquam hoe evenisset dum duces quidam duo quibus jussum fuerat sanctum Leodegarium adduci de Luxovio, eatenus demorassent, conspiraverat unus eorum minister ut si famulum Dei extra Luxovium cerneret, ipsum gladii percussione occideret. Ut enim ad hoe perventum fuit, ita cor ejus intolerabilis pavor perfudit ut non solum dixisse, sed cur etiam de Dei famuio tam gravia cogitasse, voce publica confiteretur et tremens ejus provolutus pedibus indulgeri sibi ab eo hanc nequitiam deprecatur. Igitur cum Hilderici mors subito nuntiata fuisset, tune hi qui ob ejus jussionem exilio fuerant condemnati tamquam verno tempore post hitmen solent de cavernis serpentes venenati procedere, sine metu fuerunt reversi quorum debacchante furore surrexit magna turbatio patriae ita ut manifeste crederetur adventus imminere Antichristi. Hi vero qui rectores regionum esse debuerant surrexere contra alios et qui pacis foedera debuerant continere odiis se invicem coeperunt lacessere. Et quia rex tune non erat stabilitus in cuimine, quod unicuique rectum videbatur in propria voluntate, hoe agebat sine formidine disciplinae. Adeo tune iram Dei manifestam cognovimus evenisse ut etiam stella appareret in sidere quam astrologi vocant cometam in cujus ortu asserunt fame terram turbari, mutationem regum vel commotionem gentium et percussionis gladium imminere. Haec enim omnia manifeste ex tune constat evenisse. Sed quia, ut scriptum est, stulti non corriguntur verbis quanto minime signis, hi qui cum malevolo animo redierunt de exilio, quidquid pro suo pertulissent facinore Leodegarii factionibus haec se incusant fuisse perpessos. His ■ 15-6 298 diebus vir Domini a commemoratis ducibus erat ob salvationem detentus a quibus de Luxovio fuerat jam eductus. Tune enim ibidem famulo suo gratia superna concesserat venerabilem dignitatem ut in illis locis tam praedicti duces quam eorum matronae simulque ministri universaeque familiae et vulgus populi ita in ejus conspirassent amore ut si necessitas immineret semetipsos pro eo non dubitarent offerre. Cumque illi secum Dei famulum retinentes, circa se manentibus potestatibus aliis nuntiassent, eo quod divinam gratiam super Dei famulum Leodegarium cognovissent, religioso christianitatis amore jam se eorum auxilio fuerant sociati et conspirantes inter se confirmaverunt ut, dum indisciplinata hujus dominationis erat exorta turbatio, si priusquam Theodericum pariter sublimassent in regnum, aliquis forsitan sanctum voluisset laedere Leodegarium, eorum protegeretur auxilio. His enim diebus egressus est de Luxovio etiam Hebroïnus, Juliano similis, qui vitam fictam monachorum tenuit. Etenim cum ipse tam amicorum quam famulorum stiparetur subito comitatu, praedicti exules ad ejus expetentes obsequium, malum quod de sua accusatione confinxerunt, ipsum in caput constituunt ut ejus auxilio vel consilio, si in Dei hominem valerent, unanimiter vindicarent. Ipse enim Hebroïnus caput relevavit venenenosum quasi vipera restaurans venena sua, simulans se esse tune Theodorici fidelem et ob hoe ad eum cum sociis quantocius festinare. Cum enim vir Domini cum sociis suprascriptis eodem festinaret itinere, factum est quantum nee unius diei itineris spatium antequam Augustidunam urbem accederent, urgentibus fautoribus, Hebroïnus immemor amicitiae dudum promissae, eum ibidem voluit comprehendere si non Oenesii metropolis Lugdunensis episcopi consiliis fuisset prohibitus aut manu valida qui cum eo aderant perterritus et fictam rursus amicitiam simulans, mixto agmine pariter pervenerunt in urbem. n°* 16 (U1) 17 (Z1) 16 (U1) Quam rem audiens tota civitas suscitata est in gaudium. Quibus cives procedentes obviam, receperunt eos cum magno triumpho laetantes eo quod recepissent Patrem quem amisisse plangebant olim gubernatorem, quem receptum collocaverunt eum in sede pristina ut frueretur cum eis laetitia. Qui cum simul laetati summo gaudio tripudiarent, cupiebat beatus Leode- 299 16-7 garius in crastinum Ebroïnum ditatum cum magnis honoribus muneribusque ad propria destinare. Idem vero Ebroïnus non est passus suos paululum requiescere, sed fuga nocte ab ipsa discessit civitate et Austrasios quos secum habuerat aiiquando adversarios, sibi sociavit ut amicos. Sed non post multum temporis, multis sceleribus gestis, collectis secum malorum sociis, Francorum per vim intravit fines et cum tyrannide crudelissima gerens, Theoderici gloriosi regis se praesentavit obtutui, atque ab eodem restitutus est in priori gradu. Major domus effectus cogitare coepit de ultione inimicorum qui eum noluerunt habere subregulum. Qui ut leo rugiens inter feras ceteras resonuit rugitus ejus per Francorum terras. Omnes vero qui adversus eum olim cogitaverant mala tremefacti, qui remanserant ex ejus caede, perrexerunt fugam. 17 (Z1) Laetatur ecclesia de Pastoris praesentia rediviva, plateae ornantur virentibus, aptant diaconi cereos, gaudet civitas tota de adventu sui Pontificis post persecutionis procellam. Nee immerito laudum ei exhibebantur excubiae qui praesente Domino ad coronam properabat martyrii ibique pro adventu praesulis delicias paraverunt etiam adversariis; crastina vero die exinde pariter promoventes ut ad occursum Theoderici pervenirent uniti. Interim dum isti coepto itinere pervenissent ad regem, de ipso itinere poene jam medio Hebroïnus tyrannus eorum deserens comitatum, ad suos usque pertransiens, clericatum abjicit, ad mulierem, ut canis ad vomitum, post sacrum velamen redit et qui in castra Christi militare non potuit, cum adversariis secularia arma arripuit et dum dereliquerat fidem et Deum, contra terrenum dominum etiam apertum se prodidit adversarium. Noviente enim villa, jam recuperato regno, tune Theodericus residebat securus cum repentino superventu Hebroïnus ibi advenisset cum Austrasiis. Quis enim enumerare plane valeat quae tune fuit direptio de regali thesauro vel ecclesiae ministerio quod, ob amorem Christianitatis, Catholici retro principes devoti in Dominicum contulerant sacrarium; Majorem domus ejus ferunt etiam interfectum. Ideo perpetravit hoe malum, quia a diabolicis viris invidis armabatur consilium. Dolebant enim se abjectos esse per meritum dum populum universum fideliter cernebant declinasse post Theodericum eoque jam confirmato in regno et Dei famulo Leodegario cum illius gratia in sua urbe residente, livore invidi torqueri coeperunt iterum quia dum justi stabant 17-8 300 erecti, ad recuperationem accedere non valebant perversi. Et quia suadente diabolo qui eos fide nudaverat dum veritatis consilium, jam caecati, non invenerunt per quod destruerent Dei sanctum, declinant ad majorem interitum per falsitatis commentum per quod in regno intulerunt magnum malum et stragem depopulationis in persecutione multorum. Denique acceperunt quemdam puerulum et Lotharii fuisse confinxerunt filium, hunc in partibus Austri secum levantes in regnum. Qua de re multum collegerunt hostiiiter populum eo quod verisimile videbatur esse. Cunctorum etenim cum depopulando patriam subjugarent, etiam in nomine sui regis quem falso fecerunt, praecepta judicibus dabant. Tune qui eis volens noluit acquiescere, aut jura potestatis amisit, aut si non fuga latitando discessit, gladii interfectione deperiit. Quanti enim per hoe calliditatis figmentum, Theodericum tune defunctum et Hlodoveum, Hlotharii filium esse crediderunt ? Erant enim in hoe mendacio prirai et quasi rectores palatii Desideratus, cognomine Deddo, qui in urbe Cabillona quondam habuerat principatum nee non et ejus collega Bolo qui civitatem Valentiam habuerat in dominium; nee enim digni sunt ut hi nominentur episcopi qui magis terrenis desideriis quam Christo Deo militant et unde districto Judici reddituri sumus rationem nihil curant. Horum talium sacerdotum et similium optimatum Hebroïnus tyrannus usus consilio, adeo usque elevatus et excaecatus est in hoe seculo, quousque impoenitens praecipitatus est in inferno. Redeamus ad opus coeptum. no* 18 (U3) 19 (U*) 20 (Z2) 18 (Us) His itaque diebus ((vir Dei Leodegarius, cum ad suam plebem resideret urbe sua)) Edua, reminiscens Ebroïnus malorum omnium ((quae circa eum cum rege Hilderico egisse putabat, tune adjunctis sibi nequissimis inimicorum sociis, consulere coepit, quemadmodum eumdem Pontificem destruere potuisset. Ex his enim consiliariis duo, videlicet Dido et Waimerus ex nomine, caput effecti malitiae, dixerunt se posse eum rapere de civitate et in eo facere vindictam, ex qua malitia Ebroïni esset satiata. Gavisus namque Ebroïnus de eorum responso, dedit eis exercitum copiosum valde; qui confestim perrexerunt ad civitatem)) Eduam et circumdantes eam cum eodem exercitu devastabant circa murorum circuitum. Haec enim vir Dei prospiciens, zelo magno accensus pro plebe sibi com- 301 18-9 missa, Domini secutus exemplum, animam suam malens ponere pro ovibus suis eosque cupiens lucrifacere quam solam lemporalem quaerere salutem, tune omnem clerum civitatis aggregari jussit et cum reliquiis, crucibus et choris psalientium obviam abiit cum Dei laudibus suis inimicis èt sponte se obtulit ad palmam martyrii si voluntas non defuisset percussoris. Qui enim venerant ad eum puniendum, absque reverentia reliquiarum eum comprehenderunt. 19 (X8) Cum jam longo tempore ipsa civitas obsessa esset et ipse (<) [[graviter lesus, non omnem cordis malitiam indulsisset. Nee diu vallatur civitas ab exercitu eodemque die ab utroque populo fuit fortiter ad vesperam dimicatum, sed cum ab agmine hostium esset civitas obsidione valida circumdata et die noctuque vociferantes ut canes circuirent urbem, respiciens vir Domini civitati imminere periculum conpescuit omne supermurale conflictum. Et his verbis suum exhortare aggressus est populum: „Sinite, quaeso, contra hos pugnando confligere; si mei tantum causa huc isti advenerunt, de memetipso paratus sum eorum satisfacere voluntati eorumque mitigare furorem. Tarnen, ne inauditi videamur egredi, mittatur unusquisque fratribus ejus inquirere de qua causa hanc obsederunt civitatem". Cum subito his Meroaldo abbati per muri baculum parassant (Z: m. repugnaculum p.; Z: m. repagulum p.) descensum, perveniens ad Deidonem ait ei: „Si haec nostra commiserunt facinora, peto ut interim evangelicam recordati sententiam, ubi Dominus dixit: si non dimiseritis hominibus peccata eorum, nee pater vester coelestis dimittet vobis peccata vestra. Et illud: in quo enim judicio judicaveritis judicabimini". Simulque imprecans ut hostem capesceret et redemptionem quam volebat acciperet. Sed quia jam tamquam lapidis duritiam sicut quondam rex Aegyptius (!) II y a évidemment une lacune entre „.... et ipse" et „graviter lesus...." Pour la combler il suffit, nous 1'avons déja dit, de prendre (n« 20) Z (qui s'est servi d'un X plus complet que ne Pest XM, le seul qui nous reste et que nous publions aux n<« 2, 19, 22 etc) le passage: „ubi destinatum pectus qui etiamsi fuisset" et de Pinsérer entre „et ipse" et „graviter lesus". K, ainsi qu'il a été dit pareillement, regarde „Cum jam — et ipse" comme appartenant encore a l'introduction qu'il prétend falte par un autre que X et que pour ce motif il ne donne pasl II est pareillement inadmissible que le même copiste, soit XM soit un prédécesseur, aurait omis par distraction toute la première partie et en outre, après les premiers mots de la seconde partie, tout un long passage etc. 19-0 302 obduraverat corda ad verba divina, nullatenus potuit emollire. Comminans non se ab impugnatione civitatis discedere quoadusque Leudgarium valeat comprehendere, suae furoris vesano desiderio satisfacere nisi Chlodoveo, quem falso regem fecerant, promitteret fidem. Haec enim erat simulata occasio, quia omnes cum sacramento Theudoricum asserebant fuisse defunctum. Audita itaque vir Domini haec verba, dedit illis haec responsa: „Hoe vobis notum sit omnibus tam amicis et fratribus quam inimicis et hostibus quia quousque me Deus in hac vita jusserit superesse, non mutabor a fide quam Theudorico promisi coram Domini conservare. Corpus meum decrevi potius in morte offere quam animam per infidelitatem turpiter denudare". Hostes vero, his auditis responsis, cuncta telorum jacula cum incendio festinanter (Z: r. cum telorum jaculis et incendio f.) undique insistebant inrumpere civitatem. Ipse vero universis fratribus valedicens, panis et vini participatione communicans eorumque dubia corda confirmans, suam eis ut Christus discipulis memoriam passionis commendans ad portam (Z: portarum) aditus perrexit intrepidus apertisque claustris sponte se obtulit pro civitate inimicis. Adversarii vero gavisi, tamquam ovem innocuam et tamquam lupi susceperunt eam in praedam]]. 20 (Z2) In illis diebus his ita gestis, per singula evolutis, postquam Hildericus est interfectus, postquam episcopi vel patricii cum optimatibus de Neustrico vel praesentia Theodorici, in partes redissent Burgundiae et jam ipso in regno confirmato, ad propria residerent securi, interim invidi hostem moverunt ex adverso primo((que agere circa eum quomodo cum rege Hilderico egisse putabant. Tune adjunctis sibi consiliariis inimicorum hequissimis sociis, consulere coepit quemadmodum eumdem Pontificem destruere potuisset. Ex his enim consiliariis duo, videlicet Deddo et Waimirus ex nomine, caput effecti malitiae, dixerunt se posse eum rapere de civitate et in eum facere vindictam ex qua malitia Hebroïni satiata esse deberet. Oavisus namque Hebroïnus de eorum responso, dedit exercitum copiosum valde, qui festini perrexerunt ad civitatem)). ((Vir autem Domini Leodegariis cum ad suam plebem restaurandam resideret in urbe sua)) Hubi(') destinatum contra se hostium (i) Comme nous venons de le dire, c'est bien probablement a ces mots de Z: „ubi destinatum contra se " que commence, au n° 19 (X) la lacune en question. Elle finit certainement aux mots du n° 20 (Z) 303 20 sensit impulsum, non est passus ut ultra fugaciter tenderet gressum sed intrepidus de se Domini exspectabat judicium. Cum enim ei tam familiares quam clerici vel fideles imminerent ut thesauros quos sibi ipse contulerat auferret et abscederet, quatenus hostes, hoe audito, a perditione civitatis vel illius persecutione desisterent, ille his nullatenus adquiescens, sed eos continuo in thesaurario convocans, omnia quae ibi addiderat, assignans, talia prosequens verba: „Haec omnia quae cernitis, fratres, quamdiu terrenorum hominum gratiam me voluit gratia Dei habere, ad communem ornatum, prout potui, hic fideliter contuli. Nunc vero forsitan irati sunt ideo mihi homines terreni, quia Dominus nos vocare dignatur ad gratiam coeli. Ut quid enim haec hinc auferam quae mecum in coelum non tollo ? Ergo si vobis placet, ego eligo consilium haec potius dari in usus pauperum quam cum turpi sarcina huc illucque oberrare per seculum et imitemur beatum Laurentium qui pro eo quod dispersit et dedit pauperibus, justitia ejus manet in seculum seculi ét cornu illius exaltatum est in gloria. Statimque jussit custodi discos argenteos cum reliquis vasis quamplurimis foras ejicere et argentarios cum malleis adesse qui minutatim cuncta confringerent, quod per fidelium dispensationem jussit pauperibus erogari, quae autem ex his fuerant ecclesiasticis usibus apta, ecclesiae addidit ministerio. Monasteria sane tam virorum quam virginum infra urbem vel territorium de eodem argento consolatus est et paupertatem multorum. Quae fuit tune vidua vel orphanitas vel omnis in commune paupertas quae ibi affuit, quae de ejus iargitate consolationem non habuisset? Vir autem Domini, ut erat plenus spiritu sapientiae, haec verba locutus est fratribus: „Ego, fratres, decrevi jam de hoe seculo nihil penitus cogitare, sed magis spiritualem nequitiam quam terrenum hostem metuere. Terrenus homo si talem a Domino acceperit potestatem ut persequatur, comprehendat, praedetur, incendat, interficiat, haec nullatenus possumus declinantes effugere et si hic tradimur de rebus transitoriis ad disciplinam, non desperemus, immo „pectus qui etiamsi fuisset" dont la continuation logique est celle qu'on trouve a ce même n° 20 (Z) ainsi qu'au n 19 (X) a savoir: „graviter lesus...." Par conséquent nous mettons notre crochet, non pas devant ce „graviter lesus" de Z (n« 20) mais déja devant „ubi destinatum" comme emprunté par Z a X, c'est-a-dire a un X plus complet a cet endroit que celui dont on ne possède que "exemplaire XM, lequel XM nous publions dans le présent supplément (n°* 2, 19 etc). 20 304 potius gaudeamus in futuro de venia. Muniamus ergo virtutibus animam simul et civitatis custodiam ne inveniant utrique hostes aditum per quod inferre possint periculum". Commonens igitur universum urbis illius populum cum triduano jejunio, cum signo crucis et reliquiis sanctorum, murorum circumiens ambitum, per singulos etiam aditus portarum terrae adhaerens, Dominum precabatur cum lacrymis ut, si illum vocabat ad passionem, plebem sibi creditam non permitteret captivari et ita praestitum est evenisse. Itaque cum ob metum hostium certatim populi undique se recepissent in urbem et meatus portarum forti obturassent seratu et super omnia stabilissent in ordine propugnacula, jussit vir Domini universos ingredi in ecclesiam, cunctorum sibi postulans indulgentiam ut, si quempiam illorum, ut adsolet, dum pro zelo rectitudinis increpasset aut verbo laesisset, ei indulgentiam darent. Sciebat autem vir Dei iter passionis ingrediens, non prodesse martyrium ubi, livore deterso, non prius fuerit cor emundatum vel caritatis lampade illustratum. Nullus fuit tune ibidem tam ferreum possidens pectus qui etiamsi fuisset graviter laesus, non omnem malitiam cordis indulsisset devotus. Post haec non diu vallatur civitas ab exercitu eodemque die ab utroque populo fuit fortiter usque ad vesperum di mica turn. Sed cum ab agmine hostium esset civitas obsidione yalida circumdata et die noctuque vociferantes ut canes circuirent urbem, perspiciens vir Domini civitatis imminere periculum, compescuit omnem supermuralem conflictum et his verbis suum exorare agressus est populum: „Sinite, quaeso, contra hos pugnando confligere. Si mei tantum causa hic isti advenerunt, de memetipso paratus sum eorum satisfacere voluntati eorumque mitigare furorem. Tarnen ne inauditi videamur egredi, mittatur unus ex fratribus eos inquirere qua de causa hanc obsident civitatem". Cum subito hi Meroaldo abbati per muri repugnaculum parassent descensum, qui perveniens ad Deddonem, ait ei: „Si haec nostra commiserunt facinpra, peto ut interim evangelicam recorderis sententiam ubi Dominus dixit: Si non dimiseritis hominibus peccata eorum, nee Pater vester coelestis dimittet vobis peccata vestra et illud: In quo enim judicio judicaveritis, judicabiminC' simulque imprecans ut hostem compesceret et redemptionem quam volebat, acciperet. Sed quia jam tamquam lapidis duritia, sicut quondam rex Egyptius, obduraverat cor, ad verba divina nullatenus potuit emolliri comminansque non 305 20-2 se ab impugnatione civitatis discedere quoadusque Leodegarium valeret comprehendere et sui furoris vesanum desiderium satisfacere, nisi Lodoveo, quem falso regem fecerant, promitteret ft'dem; haec enim erat simulata occasio, quoniam omnes xum sacramento Theodericum asserebant esse defunctum. Auditis itaque vir Domini his verbis, haec dedit illis responsa: „Hoe vobis notum sit omnibus tam amicis et patribus quam inimicis et hostibus quia quousque me Deus in hac vita jusserit superesse, non mutabor a fide quam Theoderico promisi coram Domino conservare; corpus meum decrevi potius in morte offerre, quam animam pro infidelitate turpiter denudare". Hostes vero, his auditis responsis, cum telorum jaculis et incendio festinanter undique insistebant irrumpere murum civitatis. Ipse vero universis fratribus valedicens, parris et vini participatione communicans eorumque dubia corda confirmans, suam eis ut Christus memoriam passionis commendans, ad portarum aditus perrexit intrepidus apertisque claustris sponte se obtulit pro inimicis. Adversarii vero gavisi tamquam ovem innocuam ipsum ut lupi susceperunt in praedam]]. nos 21 (U2) 22 (X2) 23 (Z2) 21 (U2) ((Qui exclamans fertur dixisse: Gratias ago omnipotenti Deo Redemptori qui me 'dignatus est hodie glorificare".)) Qui pergentes duxerunt eum extra civitatem et implentes jussa principis Ebroïni eruerunt oculos ejus a capite. Sed cum lumen sustulerunt forinsecus humanum intrinsecus incluserunt divinum. 22 (X2) [[iniquissimum poenae excogitantes commentum. Nam ab ejus capite lumen evulserunt oculorum. In qua evulsione, ultra humanam naturam, incisionem ferri visus est tolerare. Testes enim sunt multi illustres viri qui aderant in praesenti quia nee vinculum in manibus est passus imponere nee gemitum processit ab ore dum ejus oculi fuerunt evulsi a capite nisi glorificans Deum modulamina semper studuit canere psalmorum. Inter ceteros dux quidam erat Campaniae, Waimirus nomine, qui ad hoe malum perpetrandum a finibus Austriae venerat cum Deidone. Hi duo cuidam Boboni qui nuper cum anathemate fuerat de episcopatu Valentiae urbis ejectus, Augustidunum assignaverunt in dominium, imo potius devastandum. Cives vero oppressi receperunt adversarium quia jam pastorem amiserant suum per cujus dispensationem poene omnem praesidium asporta- 20 22-4 306 verat ecclesiae. Nam pro civitatis redemptione, hac occasione reperta, in quinque millibus solidorum fuit ecclesiae argentum distractum praeter spolia civium. Et quamquam ecclesia pertulisset de transitoriis rebus dispendium, nullum exinde permisit Dominus adduci captivum. Igitur cum hostes laetantes divissent spolia, 23 (Z2) ((Qui exclamans, fertur dixisse: „Qratias ago omnipotenti Redemptori, qui me dignatus est hodie glorificare".» Illi vero [[iniquissimae poenae excogitantes commentum, primo ab ejus capite lumen evellitur oculorum, in qua evulsione ultra humanam naturam incisionem ferri visus est tolerasse. Testes enim sunt multi illustres viri qui aderant in praesenti quia nee vinculum in manibus est passus imponere nee gemitus processit ex ore dum ejus oculi fuerunt abstracti a capite nisi glorificans Dominum semper, modulamina studuit canere psalmorum. Inter ceteros dux quidam erat Campaniae, Waimirus vocatus nomine, qui ad hoe malum perpetrandum a finibus Austri venerat cum Deddone; hi duo cuidam Boboni, qui nuper cum anathemate fuerat de episcopatu Valentinae urbis dejectus, Augustidunum assignaverunt in dominium, immo potius ad devastandum. Cives vero oppressi receperunt adversarium, quia jam amiserant Pastorem suum per cujus dispensationem poene omne praesidium asportaverunt ecclesiae. Nam pro civitatis redemptione, occasione recepta, in quinque millibus solidorum fuit ecclesiae argentum distractum praeter exspolia civium. Et quamquam ecclesia pertulisset de transitoriis rebus dispendium, nullum exinde permisit Dominus abduci captivum. Igitur cum hostes laetarentur, diviserunt spolia. n°» 24 (U8) 25 (Xs) 26 (Z2) 24 (U2) Et tradentes eum custodibus, in quodam eum perduxerunt coenobio in quo latuit per annos circiter duos ibique magnum reliquit exemplum suae humilitatis et patientiae. Eodem tempore ejusdem germanum, Gairinum nomine, qui ob metum supradicti Ebroïni cum aliis, quos fugaverat ex Francorum proceribus, vacabat aliis partibus, jussu regis gloriosi Theoderici ac principis Ebroïni, decretum est ad palatium reverti. ((Tune etenim beatus Leodegarius ex monasterio, in quo tenebatur absconditus, egredi et in praesentia regis jussus est accersiri.)) Qui, cum simul conjuncti et obtutibus principum fuissent oblati, 307 24 multis contumeliis affect; et opprobiis ab Ebroino susceptis, respondisse conicitur: „Haec digne patimur, quia Domino peccavimus, sed major est sua dementia qui nos dignatus est vocare ad talem gloriam. Sed tu, miser Ebroïne, qui tantam poenam ingeris Francorum genti, potius in te ulcisceris qui vitam aliis auferre cupis. Muitos equidem decepisti et exules a solo paterno fecisti, nam magis tu exul eris qui et temporalem et futuram gloriam cito perdes quoniam ((dum superare cupis omnes habitatores in tota Francia, tuam potius aufers, quam indignus accepisti, gloriam''. Tune haec audiens Ebroïnus furore repletus magno, jussit ministris Oairinum abstrahi et a germano suo separari ut separatim viderentur puniri ne simul eos delectaret talia verba fari. Cum autem duceretur, beatus Leodegarius eum alloquitur, dicens: „Aequo animo esto, frater carissime, quoniam oportet nos haec pati quia non sunt condignae passiones hujus temporis ad futuram gloriam quae revelabitur in nobis; peccata denim nostra multa sunt, sed misericordia Omnipotent is supereminens magna, qui ad abluenda delicta se laudantium semper est paratus. Haec ad tempus patimur quia mortis debitores sumus. Sed illa nos expectat vita si patienter sufferimus istam poenam ubi sine fine laetabimur in coelesti gloria.'' Tum ministri ad stipitem ligatum Oairinum lapidibus obruere coeperunt; ille vero deprecabatur Dominum, dicens: „Domine Jesu bone qui non venisti vocare justos sed peccatores suscipe spiritum servi tui et qui mihi dignatus es ad similitudinem martyrum lapidibus vitam istam mortalem auferre, jubeas clementissime veniam scelerum meorum tribuere*'. Haec dicens orando ultimum efflavit spiritum. Beatus itaque Leodegarius cupiebat cum germano vitam finire ut simul mererentur futuram ac beatam participare, sed Ebroïnus differe volens ejus exitum ut per poenas longe dilatas ei praepararet aeternas et ne coronam acciperd martyrii, quin potius careret praemiis gloriae sempiternae, tune jussit eum nudis gressibus per quamdam piscinam transduci in qua erant petrae sicut davi incidentes acutae.» Deinde evulso terrae prostratoque inciderc linguam labiaque praecepit ((ut dum oculï ablati, pedes jam forati, lingua ac labia essent incisa et dum sibi cerneret omnem feiicitatem membrorum ablatam corporisque pariter vires undique paruissent negatae dum nee oculis cerneret viam nee pedibus incedere callem nee linguae officio laudare nequiverit Creatorem ac per hoe cederet blasphemiae, 24-5 308 sperans auferre sibi salutem quam laudando coelitus adipiscf meruisset ingentem. Sed qui absque vocibus cordium auditor est Deus magisque optatur corde contrito quam elatione superbo, suscepit vocem tacentis magis quam eiate loquentis; postuiat sibi auxiiium non vocis sed humilitatem cordis. Nam cum se cognovisset praesidium omne amisisse humanum, totis viribus petiit sibi adesse divinum, nam quantum impietas humana eum revocare cupiebat ab alto, tantum pietas divina sociare fecit coelo.)) 25 (X*) supradicto Waimiro Dei hominem tradiderunt in custodiam. Qui cum eodem vel omni exercitu festinus rediit ad patriam. Desideratus vero cognomento Deidoni una cum Bobone et cum Chaldarico duce quem ipsi volebant patritium fuisse provinciae ob patriae condam perrexerunt usque (Z: f. p. subjugandae p. u.) Lugdunum ut jam exinde aduxissent Oenesium sicut de Augustoduno dudum expulerant Leodegarium. Sed manu valida populi undique collecta urbem hanc maximam Domino praesulae non permiserunt inrumpere. Hi vero qui Dei famulum duxerunt Leodegarium ut nuntiaverunt Ebrino quod fuerat factum, in silvarum secreta eum jubet retrudere et de ejus morte quasi enecatum ut quis fabulam (Z: e. in aquis f.) mendacem confingeret etiam et tumulum sepulturae ejus construere. Quod qui audire potuit aut videre, verum credidit esse. Sed qui Heliam per corvum pavit in herenum nee suum ibi deseruit famulum. Etenim post longam quam Dei martir pertulit famis inhediam, reminiscens Waimirus humanam in eo naturam non aliter ita posse durare nisi eum Christi gratia sustentaret, in domum suam eum jussit perducere. Dura enim ejus viscera pietate jam ceperant emollire. Cum enim in familiare colloquium ei fuisset assuetus, ita feritatem illius in parvo temporis tractu edomuit ac etiam ipsam conjugem ad Dei timorem convertit ut argentum ecclesiae quod nuper pro redemptione civitatis Augustiduno receperat ei devote offeret(Z: et) quidquid exinde facere decrevisset, quod (Z: d. concederet q.) vir Dei acceptum, per quemdam fidelem abbatem nomine Bertorem ad praedictam rediens urbem ipsumque juxta apostolum ad domesticos fidei dividens, voluntatem ejus opere caritatis fideliter adimplevit. Igitur cum, sicut dictum est, suum facinus diutius Ebrinus occultare non posset, de rege quem falso fecit declinat ingenium ut in Theoderici rediret palatium. Quorumdam vero factione suscipitur et iterum subito palatii major domus efficitur. Sed 309 25-6 cum eum alii gaudentes alii timentes in culmine sublimassent honoris, continuo tale dedit edictum ut si quid cuiquam in turbatione quae fuerat, intulisset dispendium vel proeda, nullius ex hoe generaretur calumnia. Haec fuit occasio ut non redderet spolia quod ministri sui ei contulerant de praedatione multorum. Cum enim tumere incredibili coepisset superbia dolens simul et metuens si superstitem haberent aemulum quorum parentibus intulerat malum. Jam enim jure potestatis adeptus dupplicavit malitiam cum invidia. Nam potiores optimates coepit instanter persequi atque quos comprehendere valuit, gladii internetione prostravit aut ad gentes extraneas, ablatis facultatibus, effugavit. Sane feminarum nobilium monasteria destruens earumque religione primarias in exilium dirigens et quia margaritarum ornamenta conculcandi acceperat potestatem, ideo sine ulla miseratione ut poreus non timuit thesaurum]] [[inrumpere Christi. Et quia non valebat respicere coelum, ideo cor ejus in terrenae cupiditatis luto ultra modum fuit defixum. Etenim cum Ebrinus de supradictis rebus suum satiasset furorem, rursum occasiones coepit exquirere ut blasphemiam suae crudelitatis valeret ab oculis humanis auferre. Tune de Childerici morte simulans se dolere cum nullus eum prior quam ipse voluisset interire. Publice enim aliter quem odisset non audebat persequi.]] Sanctum igitur Leudgarium jam ab occulis retrahi de exilio et hunc asserens cum germano suo Gaireno de Childerici morte primarium. [[Quamobrem labia ejus et faciem concavo crudeliter jussit incidere ferro necnon et linguae plectrum ferro seccante auferre.]] Praedictum vero Qairenum lapidibus jussit obprimere. Ipseque a sancto fratre comonitus Deo gratias agendo emisit spiritum. [[Sanctum itaque Domini Leodegarium diutius ad vindictam servaverunt vivum et turpiter denudatum per platearum palustria jusserunt pertrahi nudum. 26 (Z2) Et suprascripto Waimiro Dei hominem tradiderunt in custodiam; qui cum eodem exercitu festinus repedavit ad patriam. Desideratus vero, cognomine Deddo, una cum Bobone et cum Adalrico duce, quem ipsi volebant patritium esse provinciae subjugandae, perrexerunt usque ad Lugdunum ut ita exinde abducerent Genesium sicut de Augustiduno dudum expulerant Leodegarium. Sed manu valida populi undique collecti urbem hanc maximam, Deo praesule, non permiserunf inrumpere. Hi vero qui Dei famulum duxerant Leodegarium, 310 26 ut nuntiaverunt Hebroïno quod fuerat factum, in silvarum secreta eum jubet retrudi et de ejus morte, quasi necatum in aquis, fabulam mendacem confingere, etiam tumulum sepulturae ejus constituere jussit donec ipsum longae famis inedia consumeret. Quod qui audire potuit aut videre, verum credidit esse. Sed, qui Heliam per corvum pavit in eremum nee suum ibi deseruit famulum. Etenim post longam quam Dei Martyr pertulit famis inediam, reminiscens Waimirus humanam in eo naturam non aliter posse ita durare nisi eum Christi gratia sustentaret, in domum suam eum jubet perduci. Dura etenim viscera pietate coeperunt emolliri. Cum enim in familiari colloquio ei fuisset assuetus, ita feritatem illius in parvo temporis tractu edomuit et tam ipsum quam conjugem ad Dei timorem convertit ut argentum ecclesiae quod nuper pro redemptione civitatis Augustiduni receperat, ei devotus offerret et quidquid exinde facere decrevisset, concederet. Quod vir Dei acceptum per quemdam fidelem abbatem, nomine Bertonem, ad praedictam dirigens urbem ipsumque juxta Apostolum ad domesticos fidei dividens, voluntatem ejus opere caritatis fideliter adimplevit. Igitur cum, ut supra dictum est, suum facinus diufJus Hebroïnus perditus occultare non posset, de rege, quem falso fecit, declinat ingenium ut in Theoderici rediret palatium. Quorumdam factione suscipitur et iterum subito majordomus palatii efficitur. Sed cum eum alii gaudentes, alii timentes, in culmine sublimassent honoris, continuo tale dedit edictum ut, si quis quid cuiquam in turbatione quae fuerat, vel intulisset dispendium vel praedam, nulli ex hoe generaretur calumnia. Haec fuit occasio ut non redderet exspolium quod ministri sui ei contulerant de praedatione multorum. Cum enim tumere in rediviva coepisset superbia, dolens ac metuens ne superstites haberet aemulos, quorum parentibus intulerat malum; jam enim jura potestatis adeptus, duplicavit malitiam cum invidia. Nam priores optimates coepit instanter persequi et quoscumque priorum optimatum comprehendere valuit, gladii interfectione prostravit aut ad gentes extraneas, ablatis facultatibus, effugavit. Sane feminarum nobilium monasteria destruens earumque religionum primarias in exilium dirigens et quia margaritarum ornamenta conculcandi acceperat potestatem, ideo sine ulla miseratione ut poreus non timuit thesaurorum ornamenta conculcando inrumpere Christi. Et quoniam non valebat respicere coelum, ideo cor ejus in 311 26 terrenae cupiditatis luto ultra modum fuit defixum. Etenim cum Hebroïnus crudelis de supradictis rebus suum satiasset furorem, rursum occasiones coepit exquirere ut blasphemiam suae crudelitatis valeret ab oculis humanis auferre. Tune Hilderici mortem simulabat se veile vindicare cum nullus eum prior quam ipse voluisset interire; publice enim aliter, quem odisset, non audebat persequi.]] ((Jusserunt principes una cum germano sanctum Leodegarium ex monasterio in quo tenebatur absconditus, egredi et in presentia regis adsistere.)) Qui dixit ad Hebroïnum: ((„Dum superare cupis omnes habitatores in tota Francia, tuam potius aufers, quam indignus suscepisti, gloriam." Haec audiens Hebroïnus nequissimus furore magno repletus, jussit ministris Gerinum abstrahi et a germano separari ut separatim viderentur puniri ne simul eis delectarentur talia verba fari. Cum autem duceretur, beatus Leodegarius eum alloquitur dicens: „Equo animo esto, frater carissime, quoniam oportet nos haec pati quia non sunt condignae passiones hujus temporis ad futuram gloriam quae revelabitur in nobis. Peccata etenim nostra multa sunt, sed misericordia Omnipotentis supereminens magna quae ad abluenda delicta se laudantium semper est parata. Haec ad tempus patimur quia morti debitores sumus, sed illa nos exspectat vita si patienter ferimus poenam ubi sine fine laetabimur in coelesti gloria". Tune ministri ad stipitem ligatum Gerinum lapidibus obruere coeperunt; ille vero deprecabatur Dominium dicens: „Domine jesu bone qui non venisti vocare justos sed peccatores suscipe spiritum servi tui ut qui dignatus es similitudine martyrum lapidibus vitam istam mortalem auferre, jubeas clementissime veniam sceferum meorum tribuere". Haec dicens orando ultimum efflavit spiritum. Beatus itaque Leodegarius cupiebat cum germano vitam finire ut simul mererentur futuram ac beatam participare gloriam. Sed Hebroïnus tyrannus differre volens eum exitum ut per poenas longe dilatas sibi praepararet aeternas et ne coronam acciperet martyrii quin potius careret praemiis gloriae sempiternae, tune jussit eum nudis gressibus per quamdam piscinam transduci, in qua erant petrae quasi clavi incidentes acuti;)) [[quamobrem labia ejus et faciem concavo crudeliter jussit incidi ferro nee non et linguae plectrum ferro secante auferre]] ((ut dum oculi ablati, pedes jam forati, lingua ac labia incisa essent et dum sibi cerneret omnem felicitatem membrorum ablatam corporumque pariter vires undique 26-8 312 paruissent necatae, dum nee oculis cernere viam nee pedibus incedere callem nee linguae officia dantem laudare quiverit Creatorem ac per hoe cederet blasphemiae desperans, auferendo salutem quam laudando coelitus adipisci meruisset ingentem. Sed qui absque vocibus cordis auditor Deus magis optat cor contritum quam elatione superbum, suscipit vocem tacentis magis quam elatas voces loquentium, non postulat sibi auxilium vocis, sed humilitatem cordis. Nam cum se cognovisset praesidium omne amisisse humanum, totis viribus petiit sibi adesse divinum, nam quantum impietas humana revocare cupit ab alto, tantum pietas sociare fecit eum in coelo.)) [[Sanctum itaque Leodegarium diutius ad vindictam 6ervaverunt vivum et turpiter denudatum per platearum palustria jusserunt pertrahi nudum. nos 27 (U2) 28 (X*) 29 (Z2) 27 (U°) Tune quemdam accersivit ((virum, nomine Waningum. „Tu accipe'* inquit „Leodegarium quem aliquando vidisti tam virum superbum et constitue sub tuta custodia eum. Erit enim tempus suae vocationis, recipiens quod meretur a suis inimicis".)) ((Tune acceptum ad suum perduxit coenobium qui vocatur Fiscamnus ubi erat congregatio sanctimonialium ac virginum quibus praeerat Childomarga famuia Christi in quo multis diebus conversans, habita stetit sub custodia. Nam et lingua praecisa solitum recipit officium et magnum doctrinae suae semen ostendit in populo, quandocumque inter virgines accederet, tantum, ut fertur, dulcia sua fulgebant eloquia ut mirarentur quicumque audierant, quanta Dei operabatur dementia et conversi a pravis operibus, velociter peterent fructus poenitentiae.)) ((Nam diebus ac noctibus in Dei cultu pervigilans astabat ut vel paululum ad necessaria corporis vix aliquando ab ecclesia procederet vel quippiam somni ac ciborum perceptionem capere potuisset.)) 28 (X2) Eumque ad vindictam quasi deformatum tradiderunt Vaingo ut sapiens graviori dominium emitteretcruciatu spiritum.]] [[Cum enim longe esset ejus ospitium, sanctum Dei martyrem inposuerunt in vile jumentum et ut cognovit ita esse impletum aperiens hunc psalmi versiculum: „Ut jumentum" inquit „factus sum apud te et ego semper tecum". Et cum labia jam non haberet neque linguam, silere Dei laudes non potuit mens devota sed quas voces valuit insonuit de cordis archano. Cumque omnes eum sic cernerent graviter cruentatum, crediderunt ut 313 28 ob hoe emittere deberet spiritum. Etenim cum unus ex nostris fratribus abba nomine Winobertus ad praedictum usque ad ospitium a longe secutus fuisset post eum imprecans custodibus ut latenter ad ipsum ei accedere non negarent ut enim tandem obtinuit reperit eum jacentem in stramine opertum de vetusto panno tentoriae tenui spiritu palpitante. Et dum illum ad praesens crederet expirare, insperatum invenit miraculum. Nam inter sputamina sanguinum incisa lingua sine labia solitum reddi coepit eloquium. Et quia desectio labiorum ordines nudaverat dentium, tarnen abintro affluitate sonituum reddiderunt verborum. Tune (Z: r. eloquium T.) is qui ei funeris excubias venerat exhibere ad transitum coepit fiere prae gaudio. Et concito gradu Hernario episcopo nuntiat factum. Ipse quoque audiens Waingo postulat aditum ad Dei martyrem Leudgarium accedendum. Cumque etiam sub metu ei fuisset concessum (omnes enim ut leonem metuebant iratum sevum tyrannum) vulnera ejus studuit diligenter curare et arte qua valuit potu ciboque reficere vestemque quam habuit meliorem induere. Non enim jam ut terreno homini sed ut translato martyri re verenter impertivit honorem. Qua de re non solum]] indulgentiam [.[de praeteritis, verum etiam benedictionem ab eo promeruit de futuris. Postquam enim Waingus eum perduxit ad propria, Dei comitante gratia, coeperunt velocius ejus contra naturam recrescere labia similiter una cum lingua necnon et verba vidi ultra solito ab ejus ore indesinenter effluere. Cum hoe miraculum cognovisset Waingus, non obturat animum ejus impendere malum ut a tyranno fuerat jussum sed versa vice jam Dei martyrem recognoscens]] in monasterium virginum quod quondam Domino monente construxerat, ei praeparare fecit ospitium ibique ob metum fidei tam ipse quam conjux ejus universique eidem coherentes tam venerabilem exhibuerunt famulatum quam si ipsum videre meruissent Dominum Christum ob cujus assidua praedicatione omnem deposuit superbiae feritatem et orationibus ejus adjutus ita cum suis in Dei timore est devotus effectus ut quasi ex bestia agnus fuisset mutatus. [[Ubi dum intra parvo spatio oris faciei vel linguae recepisset offitium ei quod oblatus fuerat ipse jam Domino quotidianum immolare studuit sacrificium et dum intrinsecus eum lux spiritualis impleverat, de corporeis oculis nihil curabat.]] [[Igitur cum per flagella, ut decebat martirem, fideles populi ei famulatum exhiberent venerabilem 28-9 314 quia non potest sub modio lucerna abscondi, manifeste omnipotens Deus coepit tune de adversariis ejus ulcisci 29 (Z2) eumque ad vindictam quasi deformatum tradiderunt viro nomine Waningo ut sub ejus gravi dominio emitteret cruciatus spiritum.]] ((Cui et ait iniquus Hebroïnus: „Accipe" inquit „Leodegarium quem aliquando vidisti virum superbum et constitue sub arta custodia; erit enim tempus suae vocationis recipiens quod meritus est a suis inimicis".)) [[Cum enim longe esset ejus hospitium, sanctum Dei martyrem imposuerunt in vile jumentum. Et ut cognovit ita esse impletum, arripuit hunc psalmi versiculum: „Ut jumentum" inquit „factus sum apud te et ego semper tecum". Et cum labia non haberet neque linguam, silere laudes Dei non potuit mens devota, sed quas voces valuit, insonuit de cordis arcano. Cumque omnes eum sic cernerent graviter cruentatum, crediderunt ut ob hoe emittere deberet spiritum. Etenim dum unus e fratribus nosfris abba, nomine Winebertus, ad praedictum hospitium a longe secutus fuisset post eum, imprecans custodibus ut latenter eum ad ipsum accedere non negarent, ut tandem obtinuit, repperit eum jacentem in stramine opertum de vetusto panno tentorii, tenui spiritu palpitantem et dum illum ad praesens crederet expirare, insperatum invenit miraculum. Nam inter sputamina sanguinum incisa lingua sine labi's solitum reddere coepit eloquium. Et quia desectio labiorum ordines nudaverat dentium, tarnen ab intro affluitate sonituum reddiderunt eloquium. Tune is qui ejus funeri excubias venerat exhibere ad transitum, coepit fiere prae gaudio et concito gradu Hermenario episcopo nunciat factum. Ipse quoque audiens, Waningum postulat aditum ad Dei martyrem accedendi. Cumque etiam merito ei fuisset concessum (omnes enim ut leonem iratum metuebant saevum tyrannum) vulnera etiam studuit diligenter curare et arte qua valuit, potu ciboque reficere vestemque quam habuit meliorem induere. Non enim jam ut terreno homini, sed ut translato martyri reverentem impertivit honorem, qua de re non solum]] [[de praeteritis, verum etiam benedictionem ab eo promeruit de futuris. Postquam enim Waningus eum perduxit ad propria, Dei comitante gratia, coeperunt velocius ejus contra naturam recrescere labia una cum lingua nee non et verba ultra solitum ab ejus ore indesinenter effluere. Cum hoe miraculum cognovisset Waningus, .non obturat animum ei impendere malum ut a tyranno fuerat 315 29-0 jussum, sed versa vice, jam Dei martyrem cognoscensj] ((eum acceptum ad suum perduxit coenobium quod vocatur Fiscamnum ubi erat congregatio sanctimonialum ac virginum quibus praeerat Hildomarca famula Christi in quo multis diebus conversans habitator stetit sub custodia. Nam et lingua praecisa solitum recepit officium et magnum doctrinae suae semen ostendit in populo, quandoque inter virginum accedere contingerat catervam, tantum, ut fertur, dulcia sua fulgebant eloquia ut mirarentur quicumque audientes quanta Dei operaretur dementia et conversi a pravis operibus velociter peterent poenitentiae fructum.» {[Ubi dum intra parvum spatium oris, faciei vel linguae recepuset officium eo quod oblatus fuerat ipse, jam quotidianum immolare studuit sacrificium ut dum intrinsecus eum lux spiritualis impleverat, de corporeis oculis nihil curaret.]] ((Nam •diebus ac nodibus in Dei cultura pervigil astabat ut vel paululum ad necessaria corporis vix aliquando ab ecclesia procederet ut vel quippiam somni ciborumque perceptionem capere potuisset.)) [[Igitur cum post tot flagella ut decebat martyrem, fideles populi ei famulatum exhiberent venerabilem, quia non potest sub modio lucerna abscondi, manifeste hanc Omnipotens declaravit omnibus; coepit de adversariis ejus ulcisci. n°s 30 (U2) 31 (X2) 32 (Z*) 30 (U2) ((Eodem tempore vir gloriosus Theodoricus et idem Ebroïnus synodum convocaverunt et ad quamdam villam regiam venientes, multam episcoporem turbam adesse fecerunt ibique inter ceteros Didonem qui sandum virum Leodegarium cum Waimero expulit de sede sui episcopatus, qui condemnatus ab ipsa synodo et calvaria accepta in capite, expulsus et segregatus est a sancta congregatione, deinde exilio condemnatus morteque secuta, poena capitis digessit quidquid dolose in sando viro exercuit. Alii vero episcopi tune a rege per Ebroïnum in ipsa synodo poene similem poenam sortiti, perpetuo exilio sunt deportati. Waimerus etenim qui ad supradictum famulum Dei ad explenda Ebroïni dicta socius perniciei ejus extiterat, postquam ab ipso Ebroïno eo quod in ejus ultione consenserat, episcopatus gradu dolose fuerat sublimatus, post paululum intervallum positum in offensam ejus dicidens, Dei, ut opinatur, nutu, multis flagellis obstrictus est, nempe, ut fertur, laqueo suspensus, ac morte turpissima, ut decebat justi proditorem, con- 30-2 316 demnatum transmisit ad tartarum. Adhuc enim vir Dei Leodegarius in eodem monasterio sanctimonialium in quo ad custodiendum positus fuerat, commorabatur.)) ((Tune et ipsum ad eamdem synodum accersierunt; non tarnen intra concilium confirmatur fuisse, sed seorsum rex et Ebroïnus cum eodem conlationem fecisse dicitur, in qua eis multa praedixisse futura et evenisse, manifestum esse conicitur.)) Ubi et Ebroïnus in eadem pernicie perseverans „Multum tibi" inquit „verborum sublimitas persuadet loquendo, martyr esse suspicaris, ideo te tam temerarium ostendis. Adhuc multum" inquit „te dilatas, frustra tale desideras habere praemium, nam ut merueris ita eris accepturus martyrium". Optabat eum funditus extinguendum ut, quia a seculi gloria jam videbat consumptum, revocare potuisset saltem a meritis sanctorum. Nam unde eum putabat abscidi, inde potius eum faciebat Christo quem desiderabat adhaerere quia quantum propagabatur ejus poena, tanto magis ei augebantur praemia. 31 (X8) Nam cum per biennium fere ibidem in Dei laudibus resedisset aut eos illi nuntiaverunt interfectos aut pro infidelitatis culpa in regionibus aliis effugatos. Quos ille graviter deflens, non de ultione gavisus sed cur sine poenitentia eos comprehenderet mortis occasus.]] Ulgitur ad beati martyris perfabricandam coronam artifex versutus ex illis Ebrinus superfuit unus qui eam qui passioni ejus gloriam supererat adimplere deberet. Iterum antiquus serpens invidus moleste ferens se ab eodem loco ejus orationibus fuisse expulsum stimulare rursus coepït Ebrinum atque reduci eum praeeëpit ad palatium ut in episcoporum consilium ejus disrumperet vestimenta quatenus ob hoe ei esset interdictum ut ultra offerre non praesumeret sacrificium. Ubi cum ductus fuisset ad medium inquirentes ab eo verbum ut, si de Childerici morte culpabilis fuisset, confiteretur se conscium. Cognoscens igitur per diabolicum commentum rursum sibi imminere conflictum ut de humano se non excusavit delicto ita de hoe facinore nullatenus dixit fuisse se consiliatorem sed Deum potius quam homines hoe scire professus est.J] [[Et cum diu flagitantes ei aliud non valuissent elicere, tunicam consciderunt a capite. 32 (Z*) Nam dum per biennium fere ibidem in Dei laudibus resedisset ut eos illi nuntiaverunt interfectos aut pro infidelitatis causa in regionibus alios effugatos; ille graviter deflens, non 317 32 de ultione est gavisus, sed cur sine poenitentia eos comprehenderit mortis occasus, ingemiscebat.]] ((Eodem tempore vir gloriosus Theodericus rex et idem Hebroïnus synodum convocaverunt et ad quamdam villam regiam venientes, multam episcoporum turbam adesse fecerunt ibique inter ceteros Deddo qui sanctum virum Leodegarium cum Wai.niro expulit de episcopatu et poenae tradidit, condemnatus ab ipsa synodo poenam calvariae accepit in capite, expulsus et segregatus a sancta congregatione deinde exilio condemnatus morteque secuta, poena capitis digessit, quidquid doloris in sancto viro exercuit. Alii vero episcopi tune a rege per Hebroïnum in ipsa synodo poenam similem sortiti, perpetuo exilio sunt deportati. Waimirus etenim qui ad supradictum famulum Dei capiendum et ad implenda Hebroïni dicta socius perniciei extiterat, posteaquam ab ipso Hebroïno eo quod in ejus ultione consenserat, episcopatus gradu dolo fuerat sublimatus, post paululum intervallo interposito in offensam incidens, Dei, ut opinamur, nutu multis flagellis obtritus est, nempe, ut fertur, laqueo suspensum ac morte turpissima, ut decebat justi proditorem, condemnatum transmissit ad tartarum. Adhuc enim vir Dei Leodegarius in eodem monasterio sanctimonialium, in quo custodiendum positus fuerat, commorabatur.)) [[Igitur ad beati martyris fabricandam coronam artifex versutus ex illis Hebroïnus tyrannus superfuit unus qui ea, quae passionis ejus gloriae supererant, adimplere deberet. Ita enim antiquus serpens invidus, moleste ferens se ab eodem loco ejus orationibus fuisse expulsum, stimulare rursus coepit Hebroïnum atque reduci eum praecepit ad palatium ut in episcoporum concilio ejus disrumperet vestimentum quatenus ob hoe ei esset interdictum ut ultra offerre non praesumeret sacrificium. Ubi cum deductus fuisset ad medium, inquisierunt ab eo verbum ut de Hilderici morte fuisse confiteretur se socium. Cognoscens igitur per diabolicum commentum rursum sibi imminere conflictum ut de humano se non excusaret delicto ita de hoe facinore nullatenus fuisse se conscium, sed Deum potius quam homines hoe scire professus est.]] ((Tune et ipsum ad eamdem synodum accersierunt non tarnen intra concilium confirmant fuisse, sed seorsum rex et Hebroïnus cum eo collationem fecisse dicuntur in qua eis multa praedixisse fertur f utura quae evenisse manifesta convincitur.)) [[Et cum diu flagitantes ei aliud non valuissent elicere, ejus tunicam consciderunt a capite. 33-4 318 n°s 33 (Ua) 34 (X«) 35 (Zs) 33 (U2) Tune tradidit éum cuidam viro Chrodoberto. „Accipeeum" inquit „sub magna custodia servandum, adhuc veniet tempus mortis suae exitium''. ((Accepturn eum cum ad suam domum deduceret, cernens eum ex itinere ac infirmitate defessum, jussit ei dari ad refocillandum potum. Antequam pincerna ei assisteret, lumen magnum quasi in rotae circulo e coelo descendens, super caput ejus refulsit Tune trementes omnes qui hoe signum viderunt „Quid est" inquiunt „Domine quod paret super caput tuum quasi in circuli modum lumen splendidissimum emissum de coelo? Quia nobis numquam simile est visum", ille protinus in terra adoravit dicens: „Gratias tibi, omnipotens Deus, consolator omnium, refero qui super servum tuum ostendere dignatus es tale miraculum". Tune videntes omnes quasi in excessu mentis positi sunt. Tandem quidem resumpti simul glorif icantes Deum omnipotentem, conversi alter ad alterum dicebant: „Vere hic homo, Dei servus est" et pollicebantur se ad Deum totis virtutibus tendere.)) Tune deinceps ejus praedicationibus poene omnes parentes, conjunx ac familia domus ipsius conversi sunt ad Dei cultum ac per hoe ejus famam audientes per circuitum loei concurrebant ad eum verbum salutiferum audire. Ille vero non cessabat sua praedicatione cunctos instruere qualiter ad regna coelorum valerent pervenire. Sed non post multum temporis cum jam Deus omnipotens pro tanto patientiae dono decrevisset remunerare suum fidelere famulum, Ebroïnus jam obstinatus, crudeiitatem suam volens in eum perficere, velocissimos post eum emisit equites nimium pèrniciosos qui eum morte perimerent. Qui venientes susceperunt eum de domo viri cui fuerat traditus ad custodiendum. 34 (X2) Eum Chrodoberto cuidam viro qui tune comes erat palatii jussit tyrannus impius tradere et praesentem vitam in gladii percussione auferre. Laetabatur enim Dei martyr in omni patientia quia debitam, remunerante Domino, sentiebat appropinquare coronam.J] [[Etenim cum memoratus vir eum in domo propria perduxisset ita in ejus adventu benedictionem coelestem recepit ut eum omnes illic habitantes hoe manifeste cognoscerent quia si peccata propria confitendo relinquerent et certatim ad poenitentiae medicamenta confugerent,]] remissionem et gratiam a Christo Domino accepturi essent. [[Hac enim gratia suum 319 34-5 famulum Dominus illustraverat ut ubicumque exul fuisset traditus ut ei inferrentur nequitiae, versa vice famulaminis illi omnes impenderent reverentiam. Tandem pervenit dies muneris in quo persecutionis ejus esset jam finis. Tune a palatio sententia mandatur decreti Leudgarium diutius vivere non debere. Et timens impius Ebrinus ut a fidelibus christianis honor ei impenderetur martyris, in silvarum condensa jubet perquirere puteum et ibidem corpus ejus immergere trucidatum, quatenus os putei terra vel lapidibus obturatum, incognitum esset hominibus illius sepulcrum. Praefatus etenim Chrodobertus interim, eo praedicante, jam aliquantulum coeperat esse conversus. Ideo non ferens mortem viri Dei conspicere, duobus injunxit famulis ut ea quae sibi fuerant jussa deberent explere. Ut enim in illius domo pervenit hoe nuntium, ejus conjux luctu fiere coepit amarissime eo quod in viri sui ministerium pervenisset tam crudele flagitium. Igitur ut cognovit vir Dei suum adesse jam terminum mulierem coepit consolare lugentem, dicens: „Noli, quaeso, mei transitus causa fiere quia nequaquam tibi mors mea ad vindictam requïretur sed potius benedictio de coelis dabitur a Deo si corpusculum meum devote condideris in sepulcro". 35 (Zs) Eumque Rodoberto cuidam viro qui tune comes erat palatii, jussit tyrannus impius Hebroïnus tradere et praesentem vitam in gladii percussione auferre. Laetabatur enim Dei martyr in omni patientia quia debitam sibi, remunerante Domino, martyrii sentiebat appropinquare coronam.]] ((Accepto eodem, Robertus ut eum ad suam domum deduceret, cernens eum ex itinere ac infirmitate defessum, jussit ei dari ad refocillandum potum. Nam antequam ei pincerna assisteret, lumen magnum quasi in rota circuli de coelo descendens, super caput ejus refulsit. Tune trementes omnes qui hoe signum viderunt „quid est'' inquiunt „Domine, quod apparet super caput tuum quasi in circuli modum splendidissimum de coelo quod numquam a nobis simile est visum ?" Ille pronus in terram adoravit dicens: „Qratias ago tibi, omnipotens Deus, consolator omnium atque refector qui super servum tuum ostendere dignatus es tale miraculum". Tune videntes omnes quasi in excessu mentis positi, tandem quidem resumpto spiritu simul glorificantes omnipotentem Deum et conversi alter ad alterum dicentes! „Vere hic homo, Dei servus est" pollicebantur ad Deum prorsus totis se tendere viribus.)) IfEt cum memoratus vir eum in domum 35-6 320 propriam perduxisset ita in ejus adventu benedictionem coelestem recepit ut cum omnes illic habitantes, hoe manifeste cognoscerent, peccata propria confitentes relinquerent et certatim ad poenitentiae medicamenta confugerent. Hac enim Deus gratia suum famulum illustraverat ut, ubicumque exul fuisset traditus ut ei inferrentur nequitiae, versa vice famulabilem illi omnes impenderent reverentiam. Tandem pervenit dies muneris in quo persecutionis ejus jam esset finis. Tune a palatio sententia mandatur decreti Leodegarium diutius vivere non debere. Et timens impius Hebroïnus ne a fidelibus christianis honor impenderetur martyrii, inter silvarum condensa jubet perquiri puteum et ibidem corpus ejus immergi trucidatum quatinus os putei terra vel lapidibus obturatum, incognitum esset hominibus illius sepulchrum. Praefatus interim Robertus, eo praedicante, jam aliquantulum coeperat esse conversus ideoque non ferens mortem viri Dei conspicere, quatuor jussit ex famulis ut ea quae sibi fuerant jussa subirent implere. Ut enim in illius domum pervenit hic nuntius, ejus conjux luctu fiere coepit amaro eo quod in viri sui ministerium pervenisset tam crudele flagitium. Igitur ut cognovit vir Domini suum adesse jam terminum, mulierem coepit consolari lugentem dicens: „Nolo mei transistus causa te fiere quia nequaquam tibi mors mea ad vindictam requiretur, sed potius benedictio de coelis dabitur tibi a Deo si corpusculum meum devote condideris in sepulchrum". n<* 36 (U2) 37 (X») 38 (Z2) 36 (ü2) ((Et ducentes eum per incognita usque in quemdam locum quo stetit inquiens: „Non necesse habetis, filii, longius ire; ad quod venistis, cito facite ut impleatis votum maligni". Hi vero qui venerant ad eum perimendum, erant quatuor numero. Tres enim ex his provoluti sunt ad pedes ejus deprecantes ut eis indulgentiam daret et benedictionem super eos dignaretur tradere. Quartus vero superbus astabat, evaginato gladio paratus ad eum interimendum. Et postquam super eos benedictionem suam tradidit et suis interfectoribus verbum Dei annuntiavit, tune vir Dei incumbens orationi, ait: „Domine Deus omnipotens, pater Domini nostri Jesu Christi, per quem tuam notitiam accepimus, Deus virtutum et omnis creaturae ac totius generis humani creator, te benedico, te glorifico qui me dignatus es ad hanc certaminis diem perducere; rogo deprecorque, Domine, 321 36-7 ut ipse in me jubeas misericordiam tuae pietatis largiri et meritis sanctorum tuorum me dignum facias et participem et vitae aeternae consortem et tribue indulgentiam his qui tribulant me quoniam per eos in conspectu tuo, credo, clementissime pater, glorificatus fieri".» ((Cum haec diceret, percussor extendens gladium amputavit caput ejus et erectum corpus ejus substitisse quasi unius horae spatio dicitur. Sed cum nondum eum gladiator cadere cerneret, ipsum pede percussit ut vel sic citius in terram decideret. Sed non post multum percussor ejus arreptus a daemonibus et mente captus ac Dei ultione percussus, in ignem se projecit ibique vitam finivit. Tune jussu conjugis hujus viri Chrodoberti in quandam villam, Sarcingo nomine, cum magno fletu plangentium a ministris deportatus est. 37 (X2) Cum haec dixisset, urgentibus ministris, valedicens educitur in silva ut jussionis implerent sententiam. Igitur enim antea quaesierant puteum ubi corpus illius absconderetur sicut fuerat jussum et nullatenus fuit ultra ab eis repertum.]] Dum quaerentes puteum errassent frustrati et ob hoe eum morassent percutere, interim Dei martyr passus est orationi incumbere suoque transitu Domino comendare. Imminentibus vero percussoribus coepit utrisque per spiritum prophetiae futura praedicare. Unus enim ex illis ab antiquo hoste succensus ad hoe perpetrandum nimium erat cupidus. Alter vero mansuetudinis habens spiritum, tremens deprecabatur ei ne super ipsum redderet vindictam. Ille vero utrisque respondit dicens: „Tu quidem qui invitus comples mandata,' statim confitere sacerdoti peccata tua priora et penitendo etiam hanc poteris evadere culpam". Alteri namque ait: „Et tu si non similia feceris, statim Deo subitanea ultione praesentatus eris". Rursumque in oratione decumbens animam suam cum fidentia Christo Domino commendavit. [[Et surgens cervicem tetendit, gladiatorem commonuit ut quod sibi jussum fuerat adimpleret.]] Cumque ille quem supra diximus hujus caput subito amputasset beati martyris Leodgarii supernorum angelorum choros Domino praesentandum gaudens perduxit ad coelos cum omnibus sanctis regnaturum ubi Dominus noster Jesus Christus in laetitia est sanctorum qui cum Patre et Spiritu sancto vivit et regnat in secula secutorum Amen. Item de mirabilibus S. Leodegarii. Oiorificato igitur Dei martire Leudgario per cruorem effusum, mox, ut praedixerat, ultio divina gladiatorem perculit suum. Nam publice spiritualibus flammis 21 37-9 322 adustus, quarto die de corpore mugiens est avulsus. Igitur cum reliquias sancti martyris eo quod juxta saevi tyranni jussa non invenerunt puteum, in silvarum condensa studuissent abscondere quatenus hominibus incognitum permanere, 38 (Z*) Et cum haec dixisset, urgentibus ministris valedicens educitur in silvam ut jussionis implerent sententiam. Jam enim antea quaesierant puteum ut corpus illius absconderent sicut fuerat jussum et nullatenus fuit ultra ab eis repertus.]] ((Eduxerunt ergo eum per loca incognita usque in quemdam locum in quo adstitit inquiens: „Non necesse habetis, fitii, longius fatigari; ad quod venistis, cito facite ut impleatis votum maligni". Hi vero qui venerant ad perimendum illum erant quatuor. Tres autem ex his provoluti sunt ad pedes ejus, deprecantes ut eis indulgentiam suam daret et benedictionem super eos dignaretur tradere. Quartus vero superbus adstabat evaginato gladio paratus ad eum interimendum. Et postquam benedictionem super eos tradidit et suis interfectoribus verbum, Dei annuntiavit, tune vir Dei incumbens in orationibus, ait: „Domine, Deus omnipotens, pater Domini nostri Jesu Christi per quem tui notitiam accepimus, Deus virtutum et omnis creaturae ac totius humani generis creator, te benedico, te glorifico qui me dignatus es ad hanc certaminis diem perducere; rogo deprecorque, Domine, ut ipse in me jubeas misericordiam, pietatis tuae largiri et meritis sanctorum tuorum me dignum facias participem et vitae aeternae consortem ac tribue indulgentiam his qui me tribulant quoniam ego super eos in conspectu tuo, credo, clementissime pater, glorificatus fieri".)) [[Et exsurgens, cervicem tetendit, gladiatores commonuit ut quod sibi jussum fuerat adimplerent.]] ((Cum haec diceret, percussor extendens gladium, amputavit caput et erectum corpus ejus substitisse quasi unius horae spatio dicitur, sed cum nondum statim eum gladiator cadere cerneret, eum pede percussit ut vel citius in terram decideret. Sed non multo post percussor ejus arreptus a daemonibus et mente captus ac Dei ultione percussus, in ignem se projecit ibique vitam finivit. Tune jussu conjugis hujus Roberti in quamdam villam Sarcinio, cum magno fletu plangentium latenter a suis deportatus, n« 39 (U2) 40 (X2) 41 (Z2) 39 (U2) In hujus feminae decretum cum vestibus in quibus trucidatus fuerat, in parvulo oratorio beatus martyr est sepultus. 323 39-2 Hoe vero quinto die Nonarum Octobrium actum esse creditur. In quo sepulchro anm's duobus et dimidio humatus fuisse dicitur. 40 (X2) perfecta muiier eum est egressa perquirere ut sicut devoverat ipsum debere venerabiliter tumulare. Quo reperto studiose transtulit in oratorium fidenter exhibens famulatum martyri quia vere eum viderat pro Christi nomine devote desiderasse martyrium. Ex tune enim ceperunt habere iniquum (initium?) hac migrare (micare?) hominibus ei signa virtutum. Quaedam (Quae dum?) Ebrinus cum suisconsentaneis nolent, audita jobet (jubet et?) visa occultare ne cuiquam debeat innotesci, sed cum ob hujusmodi de hac credulitate errare multorum, tune ut sol in altum conscendens splendescere atque incalescere coeperunt ad gloriae suplementum. Nam loco ubi prius jacuit sanctum corpus occultum primum caecus recepit visum et debilis gressum ibique per dictae mulieris studium oratorium estedificatum et monachorum officium jugepsaUentium institutum, ubi fidelibus incessanter coruscant prodigia sanitatum, sanantur languidi, curantur obsessi, refrigerantur febricitantes, publice evomuntur spiritus immundi et quicque innumera sunt mala qua corpora vexantur humana, quicumque eadem adeunt loca, sancti martyris interventu omnium merentur invênire medelam, regnante domino nostro Jesu Christo cui est honor et gloria in secula seculorum Amen. 41 (Z2) et hujus feminae decreto cum vestibus, in quibus trucidatus fuerat, in parvulo oratorio beatus martyr est sepultus, in quo sepulchro annis duobus et dimidio humatus fuisse dicitur. nos 42 (TJ2) 43 (X2) 44 (Z2) 42 (U2) Ulo igitur in tempore sacerdos quidam qui hujus oratorii fungebatur officio, lumen splendidissimum noctibus didicit eo in loco absque humani ministerio fulsisse.)) ((Ejus rei fama in vicina loca sese diffudit. Itaque multa languentium turba ad beati martyris venerationem, orationis causa, eo adveniens a diversis morbis liberataest. Claudi gressum, caeci lumen receperunt, purgati sunt ab impuro spiritu daemoniaci. Nee raro in venerando illo loco lumen emicuit quemadmodum illius ecclesiae sacerdos testatur. Ejusdem sacerdotis minister clericus et custos illius ecclesiae quadam nocte rebus suis omnibus per fures spoliatus est, in quibus fuit etiam caligula beati martyris quam pro ejus reverentia apud se absconditam habuerat. Is ergo 42-4 324 mature ab oratorio surgens ad domicilium suum abüt et omnia sua ablata conspexit. Propere ergo redit ad beati viri sepulcrum orans ut furto erepta restituat. Et quidem tota Ulo die et nocte in oratione et psalmodia ad ejus tumulum jejunus permansit atque inde reversus domum res suas omnes sibi redditas invenit. Servi quidem illius qui hoe furtum fecerat dominus juraverat nequaquam id eum perpetrasse. Sed domum reversus, mox abüt e vita. Servus quoque scelus quod admiserat, male consummavit. 43 (X2) Item de mirabilibus S. Leodegarii. Presbiter vero deserviens in oratorium ubi transtulerant corpus sanctum in nocte saepius ad ostium vidit lumen mirificum ultra solitum [[et terribiliter cum jusjurando canticum se illic asseruit audisse angelicum.]] 44 (Z2) His itaque gestis, sacerdos quidam qui hujus oratorii fungebatur officio, lumen splendidum absque ministerio humano cognitum in eodem loco fulsisse noctibus)) [[et terribiliter cum jurejurando canticum se illic asseruit angelicum audivissej] adeo ut tremens refugeret ne insolens spirituali visui interesset, ((unde rumor magnus emanavit in circuitu loei illius. Qui venientes ad beati martyris venerandas orationes multam turbam languentium diversis infirmitatibus detentam sanavit, claudis etiam gressum dedit, caecis lumen tribuit, obsessos a daemonibus mundavit multisque virtutibus in hujus loei venerando habitaculo emicuit. Hoe itaque ejusdem ecclesiae attestantur sacerdotes, nam et hujus sacerdotis minister clericus, ipsius ecclesiae custos, quadam nocte latrocinium passus est ita ut a latronibus omnis substantia ejus fuisset ablata inter quam caligulam, inquiunt, beati martyris quam per reverentiam sibi servaverat, habebat absconditam quam latro nesciens secum portavit. Qui mature ab oratorio consurgens, ad domicilium pergens, invenit omnia sua furata et festinus pergit ad viri Dei sepulchrum, deprecans ut ei redderet quod furtim perdiderat. Nam tota illa die et sequenti nocte in oratione ad ejus tumulum, jejuniis et psalmodiae insistens astabat; cum vero, expleta oratione ad suam cellulam remeasset, omnia quae perdiderat, nihil ex iis diminutum cum caligula beati martyris salva invenit, dominus vero latronis qui pro servo jusjuraverat quod nequaquam hoe malum egisset, reversus domum protinus vitam finivit, servus vero scelus, quod fecerat, male consummavit. 325 45-6 nos 45 (IJ2) 46 (X2) 47 (Z2) 45 (U2) Turn vero fama sanctitatis beati martyris longe lateque manavit et paulo postea quae gesta fuerant, ad Ebroïni quoque notitiam pervenere. Ulo vere nuntium clam misit qui accurate inquireret et rem certam ad ipsum referret. Paret nuntius, venit ad beati viri tumulum, discit a custode)) ubi sit humatus sanctus martyr. ((Propius inde accedens, non solum precari non vult, sed etiam per contemptum pede humum percutit et Dei virtutem nesciens stulte et impie dicere non veretur: „En mortuum nulla virtutum signa efficientem". Abiit inde sed priusquam nuntiare posset ei a quo missus erat, m seipso martyris virtutem experitur, in ipso itinere subito e vita sublatus.)) ((Id ubi rescivit Ebroïnus apud sese tacitum habet nee cuiquam praeter conjugem id indicare ausus est ne forte crescente gloria martyris, ipsius apud populum existimatio diminueretur ut qui tale lumen extinguere conatus sit. Sed interim tarnen quanto plus miser ille virtutes beati viri latere cupiebat tanto illorum fama ubique augescebat magis.)) ((Tribus inde fere elapsis annis, omni lacrymarum fonte plangendus Ebroïnus qui illustrem hanc lucernam nitebatur extinguere, juxta Domini sententiam, cum muitos ipse gladio interemisset, gladio percussus ipse periit. Infelix sane et miser tantis auctus honoribus et per cuncta mundi climata ejus industriae propagata fama, apud mortales cumprimis celebris, quandoquidem noluit convenienter praecepto Domini salvatoris, inimicis suis veniam dare, sese misère perdidit, permultos ad coelestia regna transmisit.)) 46 (X1) Igitur Ebrinus audita non credidit. L'num ex suis fratribus ad verum cognoscendum direxit. Sed cum ad sepulcrum martyris Leudgarii cervice rigida [[ubinam Leudgarius jaceret inquireret et caecus qui visum receperat huic (ubi ?) in virtutibus Dei sanctus quiescit diceret et ipse recepto lumine deserviret hoe nullatenus credidit sed superbia tumidus]] dum rediret, in limine pedem inpinxit et non nisi famulorum manibus levatus surrexit et cum in lectulo projectus fuisset eadem nocte spiritum exalavit. [[Et quod elatus non credidit, aUisus compulsus est cognoscere quem dispexerat. Sed cum tanta rei divulgaret oppinio et fidelibus pervenisset ad gaudium]] [[mox etiam ut Hebrino fuit percognitum noluit corrigere quod fecerat malum sed corde jam caeco cum suis sequiacibus incredulitatis obdurat obstaculum. Jubebat enim minando abscondere quod Christus Dominus 46-7 326 ad confortandum incredulos ad gloriam sui martyris super candelabrum ecclesiae ad illustrationem fidelium dignatus est demonstrare. Etenim cum mens tyranni hebetans errabunda nutaret nullatenus ad humilitatem vel emendationem sui converteret, etiam ultra solito in fasto superbiae cervicem ejus ultra omnes diabolus riguisset, tune in eo fuit impletum Salomonis proverbium: „Priusquam humilietur cor hominis, observatur et ante ruinam exaltatur spiritus". Et ne tanti piaculi facfum impoenitens evaderet ipse sibi velut freneticus articulum mortis inquirit. Nam cuidam optimati qui tune functionem fiscale m ad mi nistrabat inventa occasione eo usque abstulit spolia donec poene auferret omne ejus praesidium. Insuper minabatur etiam mortis periculum. Cernens vir ille jam post spolium mortem sibi insuper imminere auxilium obfirmat animum atque matutinum ad ejus ostium ante lucem observat egressum. Dies enim agebatur dominicae, ideo processurus erat ad marutinorum solemnia.]] Explicit passio S. Leudgarii episcopi. 47 (Z2) Tune magis magisque fama sanctitatis beati martyris prorupit quae paulo postquam gesta sunt, Ebroïnum non latuit. Quo audito, nuntium misit occulte qui hoe inquirens studiose sibi vera nuntiaret. Qui nuntius jussis ejus obtemperans, ad ejus accessit tumulum et interrogans a custode didicit,)) [[ubinam Leodegarius jaceret. Et cum caecus qui visum receperat in virtutibus Dei, ubi sancti corpus requiescit, diceret et ipse, lumine recepto, deserviret, hoe nullatenus credidit, sed superbia tumidus]] ((accedens, orationi distulit incumbere, quin potius despiciens humum pede percussit et stulte loquifur dicens eo quod nesciret virtutem Dei: „Etenim mortuus" inquit „nequaquam virtutis faciet". Nam miser reversus, priusquam nuntiaret huic a quo missus fuerat, in semetipso cognovit quantum sanctus martyr virtutibus polleret. Dum vero iter carperet, vitam perdidit et ei a quo missus fuerat, minime renuntiavit)) [[et quem elatus non credidit, allisus compulsus est cognoscere quem despexit. Sed cum tantae rei divulgaretur opinio, fidelibus pervenit ad gaudium.]] ((His ita cognitis, Hebroïnus nequissimus tacito corde retinebat et tremens intra se verecundia praeter conjugem nemini manifestare audebat ne forte crescente gloria martyris, sua qui tale lumen extinguere cupivit, esset diminuta in populis. Nam his spatiis dierum, quantum ille miser hoe bonum latere cupiebat, tanto magis ubique rumor virtutem supradictarum 327 47 beati martyris dilatatus radiabat.)) [[Mox etiam ut Eboïno fuisset percognitum, noluit corrigere quod fecerat malum, sed se caecum cum suis sequacibus incredulitatis obdurat obstaculo. Jubebat enim minando abscondere, quod Dominus Jesus Christus ad confortandum incredulos ad gloriam sui martyris supra candelabrum ecclesiae ad illustrationem fidelium dignatus est demonstrare. Etenim cum mens tyranni hebetans errabunda nutaret et nullatenus ad humilitatem vel emendationem sui converteret etiam ultra solitum in fastu superbiae cervicem ejus contra omnes diabolus eriguisset, tune in eum Salomonis proverbium fuit impletum: „Priusquam humilietur cor horminis, elevatur et ante ruinam exaltatur spiritus''. Et ne tanti piaculi factum impunitus evaderet, ipse sibi velut phraeneticus articulum mortis inquirit. Nam cuidam optimati qui tune functionem fiscalem ministrabat, inventa occasione eousque abstulit spolia donec poene auferret omne ejus praesidium, insuper minabatur etiam mortis periculum. Cernens autem vir ille, jam post exspolium mortis sibi insuper imminere periculum, auxilio obfirmat animum atque matutinum ad ejus ostium ante lucem observat egressum. Dies enim agebatur Dominica, ideo processurus erat ad matutinorum solemnia.]] Cum enim ille pedem foras misisset de limine, ecce insperato iste prosiliens, gladio percussit eum in capite, ob cujus ictum duplicem decidit in mortem et ita est ablatum de regno ejus iniquum dominium sicut quondam David a filiis Israël abstulit opprobrium, prostrato Allophylo Phiüstaeo((Transacto vero spatio poene annorum trium, semper lugendus Ebroïnus quoniam hanc lucernam nisus est extinguere, sermo divinus in eo repletur, nam gladio quia muitos interemit, percussus gladio et ipse periit. Infelix et miser qui tantis honoribus sublimatus, in tribus mundi partibus dilatata fama industriae suae pollebat inter homines quoniam noluit suis inimicis Dei mandatum implendo indulgentiam tribuere, eos vero ulciscendo, muitos regna coelorum fecit habere. Quam ob rem verendum valde est ut, qui tantos sacerdotes et proceres ultionis suae crudelitate interemit, sibi potius poenam parasset aeternam et quod tam excelsam, quam nullus Francorum meruit habere, gloriam perdidisset et beatam vitam quam per patientiam quiverat adipisci, amisisset. Sed postquam infelix Hebroïnus vitae finem dedit, quod invidia ductus de Dei servo abconderat, magnis laudibus longe lateque percrebuit.)) 48-9 328 no» 48 (U*) 49 (Z2) 48 (U2) ((Postquam autem miser ille vivendi finem fecit, cum multa laude in palatium earum rerum rumor penetravit quas ille diu supprimere studuerat. Aderat tune illic magna episcoporum et procerum frequentia. Qui cum inter se de sancto martyre conferrent admirarenturque ea quae de illo dicebantur, vir sanctissimus Ansoaldus Pictavorum episcopus: „Utinam" inquit „liceret mihi in mea parochia habere corpus ejus quem constat fuisse parentem". At vero Ermencharius, beati viri in episcopatu Augustidunensi successor „jure quidem" inquit „mihi dabitur viri hujus corpus cum justum sit illic eum requiescere ubi fuit episcopus". Denique Vindicicianus praesul Atrabatensis in cujus dioecesi interemptus erat, ita dixisse fertur: „Nequaquam ita fiet ut vos, sancti pontifices, locuti estis, sed mihi fiat potestas sacrum beati viri corpusculum retinendi, quippe qui illi loco datus videatur in quo dignatus est quiescere". Turn una omnium episcoporum qui illic aderant sententia fuit ut jejunia et orationes in hoe conflictu fierent uti sic dignaretur Dominus ostendere in cujus dioecesi jure sacrum illud corpus condendum esset. Indicto igitur jejunio et facta oratione, in tribus parvis epistolis diff initionem scriptam super altare posuerunt ut transacta oratione per eos Dominus declararet ad cujus sortem sanctum corpus martyris perveniret. Crastina vero die oratione completa ac missarum solemniis consummatis, unus ex ministris jussus a pontificibus manum super palam posuit et cognitio veritatis ad manum suam pervenit. Quod conspicati omnes qui huic spectaculo aderant, acclamaverunt Ansoaldi pontificis esse justiores preces, chartula extracta id satis declarante. 49 (Z2) Post haec igitur ut serenitati regis ejusque palatio de virtutibus sancti martyris veraciter fuit percognitum, quod Christus Dominus ad titulum suae laudis eum clarificasset signis virtutum, cum admiratione rex credidit factum et coepit vere venerari ut martyrem quem per accusationem tyranni crediderat prius fuisse culpabilem. ((Tune perlatum est cum laude in palatio quod multis diebus ab aemulo latuit absconsum: erat enim ibi multitudo magnorum ac maximorum scilicet ac procerum qui dum collationem de sancto martyre inter se haberent et admirarentur super his quae de eo audiebantur, tune Ansoaldus Pictavensis verbum intulit dicens: „Utinam daretur mihi optio quia notum est meum esse parentem et ex parochia mihi commissa ad 329 49-0 honoris processit gloriam ut vel ejus corpusculum habere meruissem!" Ibi enim aderat Hermenarius pontifex qui ei successerat in episcopatu in Augustidunensi urbe et ipse ait: „Jure mihi datur hujus viri Dei corpus quoniam justum est ibi eum requiescere ubi fuit episcopus". Tune Vindicianus praesul Atrabatensis in cujus fuerat dioecesi interfectus dicitur respondisse: „Nequaquam ita fiet ut vos, sancti pontifices, locuti estis, sed mihi donetur facultas hujus beati corpus habere quoniam huic loco decus est in quo dignatur requiescere". Adstante vero cunctorum turba praesulum decernitur ut jejunia et orationes in hoe conflictu f ierent ut per hoe dignaretur Dominus ostendere in cujus dioecesi jure deberet requiescere. Haec audientes adquieverunt decreto et facta oratione cum jejunio tribus parvis epistolis definitio scripts est super altare positis ut, transacta oratione, per eas Dominus declararet in cujus sorte hoe sanctum beati martyris corpusculum perveniret. Crastina vero die, completa oratione ac missarum solemniis consummatis, unus ex ministris jussus a pontificibus manum incognite subter pallam posuit et cognitio veritatis in manu sua pervenit. Quod cuncti videntes qui huic spectaculo aderant et cognoscentes acclamaverunt, Ansoaldi pontificis esse justitiam quoniam hujus rei epistola apparuisse declarabatur quod veraciter teneretur. n<* 50 (U2) 51 (Z2) 50 (U2) Ita ergo sine ulla ambiguitate confirmato consilio cuidam viro Dei abbati suo Audulpho qui a sancto martyre nutritus fuerat, Ansoaldus praecepit ut ocius pro sancto corpore proficisceretur et cum debita reverentia illud usque ad Pictavense solum perduceret et ubi sese divino cultui manciparat illic ejus lucerna perpetuo emicaret. Fecit vir Dei Audulphus ut episcopus imperarat et propere abüt ad locum in quo sanctum illud corpusculum quiescebat. Ubi id audierunt qui in circuitu ejus loei habitabant turn monachi turn alii utriusque sexus homines, magna devotione compuncti confestim eo advolarunt et cum magna partim laetantium partim flentium turba, sancti martyris, ut rex jusserat, loco suo motum est corpus. Iter autem illis facientibus, res passim divulgata est. Et ecce undique sua sponte dextra laevaque occurrunt plurimi ex monasteriis, villis ac viculis monachi, clerici, laici cum crucibus, cereis suffitu et odoribus suavissimis procedunt obviam tanta hominum frequentia ut vix 50-2 330 quisquam ad feretrum posset accedere sublatumque in humeros portare. Quotquot enim aliquo laborarent morbo si feretrum manu contingere possent, illico sanabantur nee cuiquam negabatur sanitatis beneficium si ex fide feretri operimen*um aut ejus fimbrias tetigisset.)) 51 (Z2) Jam tune sine ambiguitate, confirmato consilio, quemdam virum Dei, abbatem suum, nomine Audulphum, ab eodem beato martyre Leodegario nutritum, idem pontifex Ansoaldus jussit ut festinus propter hoe sanctum corpus pergeret et cum reverentia debita ipsum usque solum Pictavensis urbis deferret ut, ubi prius inceperat cultum Dei exercere, ibi ei lucerna omni tempore sui luminis emicaret. Tune vir Dei sancti sui pontificis jussis obtemperans, gaudens cum festinatione perrexit ac pervenit ad locum ubi sancti quieverat corpusculum. Quod audientes qui habitabant in circuitu loei monachorum multitudo ceterorumque virorum ac mulierum, devotione magna compuncti, festinantes occurrebant ad locum, ibique cum sanarentur multi a languoribus suis diversis exultabant ac laetantes cum magnis laudibus et turba multorum canentium simul et flentium, ipsius sancti martyris sicut jussum erat a glorioso domino rege, promoverunt sanctum corpus. Ergo cum iter jam pergerent, divulgatum est per itineris loca. Coeperunt undique sponte dextra laevaque concurrere ex monasteriis, viculis ac villis turba monachorum, clericorum ac populi cum crucibus, et incensis cereis magnaeque suavitatis odoribus obviam procedentes. Tanta enim erat multitudo ut vix quisque accedere posset ad feretrum ut, acceptis cornibus, deferre posset scapulis. Nam quis quacumque detineretur infirmitate, etiam si feretrum accedenstangere potuisset manu, statim ad pristinam revertebatur sanitatem. Nulli enim negabatur sanitas cum ex fide tangeret hujus feretri opertorii fimbrias.)) nos 52 (U3) 53 (Zs) 52 (U3) Haec agendo, perventum est ((Carnotina in parochia)) ((in villa Oaudiaco ubi erat puella Radingua (') quae in parentum domo septem annis jacuerat caeca, muta et paralytica. Allata vero a parentibus ad beati martyris feretrum, ea nocte dormiens per visum vidisse fertur duos viros splendidissimos cum aliis (!) Nous donnons les premiers mots du n° 52 d'après les mss et non d'après Duchesne. 331 52-3 illic adstantes. Cumque evigilasset et visionem admiraretur, oculi visum, pedes gressum, lingua loquendi recepit facultatem. Itaque exclamans ait: „Oratias tibi ago, omnipotens Deus, quod per sanctum martyrem Leodegarium sanitati restituta sum'\ Ab hac laude membris omnibus sana erecta, cum parentibus domum abüt diu post victura. Deinde cum in Turonensis territorii viculo vocabulo Salnaco pervenere, quaedam daemoniaca a parentibus per brachia tracta, clamare coepit se nolle ad sancti viri feretrum accedere. Sed eo invita perducta quum paululum tetigisset feretri operimentum, a daemonio mundata est. Igitur ad sese rediens nolebat a feretro separari timens ne rursus arriperetur ab hoste a quo se cernebat liberatam. 53 (Z3) ((In pago enim Caturnio,)) quibusdam fidelibus poscentibus fratribus et praecipue petitionibus Hermenanae abbatissae quae ad hoe opusculum impatienter inter ceteros nos compulit scribendum, de sanctis quae comitabantur virtutibus relationem veram misit memoratus Audulphus ubi asseruit prae multitudine non valere scribere dum solummodo referuntur quanta, operante Domino, viderat miracula coruscare, asserens quod viderat, ad magnitudinem rei in scribendo volumen psalmorum excedere; nos vero quod per eamdem relationem cognovimus, audire desiderantibus breviter intimamus. ((In quadam villa cujus est vocabulum Gaudiacus, erat puella quaedam, nomine Radinga, quae ab annis septem in parentum domo jacebat caeca, muta et paralytica, sed cum allata a parentibus ad feretrum sancti martyris fuisset, eadem nocte sopore detenta, visum vidisse dicitur, duos viros splendidos cum reliquiis sibi adstantibus ante se stetisse, sed cum evigilasset et secum de visione miraretur et oculi ejus receperunt visum et pedes gressum et lingua locutionis officium ita ut ipsa exclamaret dicens: „Oratias tibi ago, omnipotens Deus, quia per sanctum martyrem tuum Leodegarium ad integram sanitatem restituta suum". Ab hac laude erecta omnibus membris sana cum parentibus perrexit ad propria longo tempore postmodum victura. Denique cum in territorio Turonicae civitatis pervenissent, in viculo nomine Solnaco erat quaedam muiier a daemonio vexata. Quod audientes parentes ejus, traxerunt eam per brachia et coepit clamare quia nolebat ad sancti viri feretrum accedere, sed invita tandem pertracta ad ejus pervenit feretrum, quae, cum tetigisset paululum hujus feretri vestimentum, mundata protinus est a daemonio 53-4 332 et reversa ad sensum proprium, magis circa feretrum volebat assistere quia ab adversario se iterum metuebat arripi ex quo jam libera facta discessit sana. „os 54 (jj3) 55 (Z*) 54 (Us) Inde ventum est ad Turonis urbem. Id audiens civitatis episcopus qui turn aderat Ruotbertus, cum choris psallentium et lampadibus ivit obviam acceptumque cum suis feretrum per mediam duxit urbem. Ibi turn quaedam muiier quod diceretur occidisse maritum suum, collo ac manibus catenis vincta ita exclamavit: „Subveni mihi, beate Leodegari, quandoquidem innocens pereo a falsis accusatoribus alligata". His dictis, mox rupta catena a collo et manibus decidit. Quam illa super feretrum projecit et apparuit idonea quae fuerat absque noxa punita. Cum sic autem idem pontifex sacrum corpus cum magnis laudibus per suam parochiam deduxisset et infra Pictavense solum pervenissent, paululum in vico Egorandae vocabulo quievit. Ubi claudus quidam occurrens, postquam ad sacrum corpus in preces se prostravit, statim revaluit et in pedes erectus incolumis abscessit. Audiens id quaedam muiier cujus manus propriam amiserat formam, digitis adeo incurvis ut mediae palmae infigerentur et ungues intra carnem haererent absconditi, invocato Dei nomine et sancti martyris sanata est et gratias agens Deo domum repetiit. Illud vero nequaquam silentio premendum est miraculum quod cum vir Dei Ansoaldus episcopus Pictavorum sacrum didicisset adventare corpus velocemque misisset nuntium qui ex villa ipsius quam Interamnem vocant, abunde vinum promeret unde pauperes et reliquum vulgus quod sanctum corpus prosequebatur, refici posset idque ita factum esset, non diu post indicatum est omnia vasa quae in cella, unde vinum depromptum fuit, pene vacua remanserant, adeo redundare ut vinum in pavimentum manaret et nihilominus vasa manerent plena. Post haec quum ad Vigennam fluvium in vico Sannone venissent, ventus contrarius undas commovit. Metuentes itaque nautae, nolebant admittere ut in navim intrarent ne navigantes flumen in discrimen conjicerentur. Ad vir Dei Audulphus abbas, cujus curae sacrum corpus commissum erat, sancti martyris meritis fidens, eos compulit dicens: „Mittite in navim et transite securi, potest namque Deus per sancti sui merita bas sedare undas". Cum ergo sacrum corpus esset navi 333 54-5 impositum et nautae jam navigare coepissent, confestim undae subsederunt et fluvium prospere transmiserunt. 55 (Z*) His ita gestis perventum est ad Turonem urbem. Hoe audiens hujus civitatis pontifex qui tune aderat vir Dei Robertus, processit obviam cum choris psailentium, cum lampadibus et omni honore debito et accepto cum suis feretro, cum per medium transiret civitatis, quaedam muiier accusata pro morte viri sui, collo ac manibus cum teneretur catena et traheretur a custodibus, exclamavit dicens: „Subveni mihi, beate Leodegari, quia innocens a falsis accusatoribus alligata sum". Cum hoe dixisset, illico confracta catena de collo decidit et manibus eamdem super feretrum projecit et apparuit idonea quae fuerat absque poenae noxa punita. Cum vero idem pontifex magnis laudibus per suam parochiam hoe sanctum corpus deduxisset et intra Pictavense solum introisset ad quod erat destinatum, requievit paululum in quodam viculo Ignorandae vocabulum ubi obviam occurit quidam claudus, sed cum se orationibus ad sancti viri corpus in terram projecisset, statim sanus factus et super pedes suos erectus ad propria incolumis est reversus. Tune audiens quaedam muiier a cujus manibus ablata fuerat species propria, facti enim erant ejus digiti curvi ita ut medio infixi essent palmae in tantum ut ungues in carne absconsae propriam amiserint virtutem, cum appropinquasset ad feretrum, invocato nomine Domini et sancti martyris, directam recepit manum ad pristinam sanitatem et gratias agens Deo reversa est ad propriam domum. Sed et hoe silendum non est miraculum quia vir Dei Ansoaldus audiens sanctum appropinquasse jam corpus, velocem ministrum direxit qui ex Interamnis villa sua daret abündantiam vini unde pauperes et reliquum vulgus qui comitabantur sanctum corpus, habere potuissent ad refocillandum se refectionem. Sed cum hoe fuisset factum, non post multum spatium renuntiatum est quod omnia vasa quae intra apothecam unde ipsum vinum exierat, poene vacua remanserant tam plena esse videbantur ut etiam superfluentia vina in pavimento deciderent; ipsa tarnen vascula plena remansissent. Postea vero, cum ad Vincennam fluvium in vico Sanone vocabulo pervenissent, erat ventus contrarius supereminens ut ipsum flumen undis tumidum appareret. Metuentes nautae coeperunt prohibere introire navigantes ne periclitarentur in flumine. Tune vir Dei abbas jam dichts cujus curae erat deferre sanctum corpus, confidens de meritis sancti martyris, 55-6 334 compulit eos dicens: „Mittite in - navi et transite securi" et prospere illaesi ipsum flumen transierunt. n°8 56 (U8) 57 (Z») 56 (U3) Illis vero nocte in ecclesia quiescentibus, quaedam peregrina muiier cum caeco infantulo advenit, tota illa nocte in oratione pervigilans. Et ecce mane videt infantulo redditum lumen quod amiserat. Inde recto itinere venerunt ad quandam villam nomine Gelnacum ad quam vir Dei Ansoaldus obviam progressus est cum turba clericorum, vulgi et pauperum, cum thuribulis et suffimentis, cum crucibus et accensis cereis, cum hymnis et canticis sacrumque corpus excipiens perrexit ad urbem. Ubi turn erat femina multis annis adeo curva ut caput propemodum genibus inhaereret. Cumque ea paululum sublatis oculis ad sancti martyris feretrum precata esset, corpori ejus pristinus vigor rediit. Mirabatur pontifex et qui ei adstabant virtutem Dei et beati martyris ejus. Deinde cum canticis et magnis laudibus in suburbanam pervenere ecclesiam in qua beata Radegundis quiescit. Ibi vero quidam curatus est paralyticus idemque aliquantisper feretrum secutus, permansit incolumis. Ubi autem ad beati Hilarii basilicam asportatum est sacrum corpus, alius paralyticus in via jacens tacto feretro, surrexit sanus. Paulo post caeca puella invocans sanctum martyrem, lumen recuperavit atque ad ejus tumulum perveniens, usque in praesens devota ei inservit. Postea vero sacro corpore ex urbe Pictavensi ipsius episcopi Ansoaldi et sacerdotum ac ministrorum ejus humeris aliquantisper exportato atque usque ad viculum Zezolliolum honorificentissime perducto, magna turba monachorum ex sancti Maxentii coenobio ubi quandoque Abbatis erat functus ministerio, laetabunda in ejus venit oecursum suumque pastorem magno studio suscipiens cum psalmodia in ecclesia pernoctabat. Mane vero quaedam muiier attulit infantem trium fere annorum prope exanimem qui priusquam ad corpus sancti viri accederet, fertur expirasse animam. At nihilominus mater eum sub feretro deposuit et cum lacrimis invocans sanctum martyrem: „Domine mi" inquit „redde mihi filium meum". Ita trium fere horarum spatio, illa deprecante, quasi de gravi sommo evigilans infans voce qua potuit ait ad matrem: „Mater mea ubinam es ?" Turn illa gaudens recepit filium redivivum quem planxerat extinctum. Fuit hoe sane ingens et stupendum miraculum unde etiam magna 335 56-7 in populo fides excrevit de tanti viri sanctitate cujus gloria manet in coelo sempiterna. 57 (Z3) Sed cum ibi noctu in ecclesia requievissent et quaedam peregrina muiier cum infantulo caeco illuc advenisset, tota illa nocte in oratione pervigilans, diluculo vero infans lumen quod amiserat recepit. Deinde recto itinere pergentes perventum est ad quandam villam Gelnacum ad quam vir Dei Ansoaldus antistes obviam accessit cum suis, scilicet cum multitudine clericorum, vulgi, populorum et pauperum et cum thuribulis et incenso fragranti et cum crucibus et cum cereis accensis agminibusque multis canentibus, hoe sanctum corpus suscipiens pergere coepit ad urbem. Tune ibidem quaedam faemina aderat multis annis in tantum curva ut etiam caput inflexum poene adhaereret genibus cumque paululum oculos erexisset, orans ad sancti martyris feretrum, reversum est ad pristinum vigorem ejus corpusculum. Miratus est pontifex et omnes cum eo adstantes virtutem Dei ac beatissimi martyris. Tune cum canticis et magnis laudibus perventum est ad urbem et in suburbana basilica in qua beata Radegundis requiescit, introivit pontifex cum sancto corpore martyris ibique aderat quidam paralyticus et in ejus protinus adventum sanus effectus et quodam itineris spatio secuurs feretrum remansit sanus. Sed cum ad basilicam sancti Hilarii delatum fuisset beatum corpus, alius paralyticus jacens in via, hujus tangens feretrum sanus protinus effectus est. Paulo post quaedam puella caeca sanctum Dei invocans, lumen amissum recepit quae secuta et usque ad ejus tumulum perveniens, ibi hucusque devota deservit. Igitur cum ipsum sanctum corpus amotum fuisset ab urbe et ab ipsius civitatis praesule cum suis sacerdotibus et ministris, propriis humeris fuisset quibusdam spatiis loei deportatum et Usque Zezinoialo quodam viculo cum magno triumpho fuisset delatum, ibi turba magna monachorum ex sancti Maxentii coenobio, in quo prius abba fuerat constitutus, gaudentes obviam processerunt, suum pastorem cum magno favore suscepturi, devótione magna cum psalmodia in eadem ecclesia pernoctantes. Diluculo vero quaedam accessit muiier deferens semivivum in brachiis infantulum annorum poene trium qui, priusquam ad sanctum corpus accederet, amisisse fertur spiritum. At illa deportando eum accedens posuit super feretro et cum fletu invocavit sanctum virum dicens: „Domine mi, redde mihi filium meum'' et cum fere per trium hora rum spatium 57-8 336 haec deprecando clamaret quasi de gravi somno evigilatis infans, voce qua valebat matrem requirens ait: „Mater ubi es'' ? Ipsa gaudens recepit filium redivivum quem amiserat defunctum. Hoe magnum et mirabile fuit miraculum ex quo magna fides processit in populo de tam perfecto viro cujus "gloria manet in coelo. n°» 58 (U3) 59 (Z») 58 (U3) Rursus ergo sublatum est beatissimi martyris corpus et eo quo par erat honore deportatum. In itinere autem occurrerunt ei duo pauperes, vir cum conjuge sua, alter uno altera utroque carens oculo. Utroque ad feretrum accedente muiier non haesitans amborum oculorum recepit lumen, vir dubitans, mansit etiam altero lumine orbatus. Prius autem quam accederent, vir funiculo trahebat caecam uxorem. Postea uxor videns, vicem reddidit viro, caecum eum ducens per viam. Inde perrexerunt ire ad beati Maxentii monasterium in quo cum vir beatus primo coeperit perversorum hominum animos traducere ad colendum Deum, non sine justissima Dei providentia factum videtur ut ibidem superioris vitae exemplis etiam miraculorum gloriam adjungeret. Et quidem cum monachi ejus coenobii in ejus properarent occursum, puella in afrio ejus paralytica jacens atque omnium membrorum officio destituta cum sancti Leodegarii nomen audisset, sanam se sensit. Id miraculum conspicati sunt qui illic aderant. Mox vero tanta undique confluxit multitudo ut atrium vix sufficeret capiendis hominum turbis. Interea muiier quaedam caeca ex longinqua regione veniens cum ad sancti martyris adiisset tumulum, lumen recepit. Adolescens quidam itemque puella a daemone vexati, tremebundi eo venerunt et per vomitum, daemone una cum sanguine rejecto, curati sunt. Innumerabilia per id tempus sancti martyris virtutum signa claruere. Sanabantur caeci, surdi, muti, aridi, claudi, daemoniaci.)) ((Porro in sancti martyris honorem, jubente Ansoaldo pontifice, opere Audulphi abbatis monasterii, amplissimum exstructum est templum cujus structura alia est quam ceterarum basilicarum. Eo templo exaedificato idem pontifex votum suum executurus cum omnibus ecclesiae suae sacerdotibus multisque proceribus et magna populi caterva eo venit et cum magnis laudibus sepulturae mandavit corpus beatissimi martyris. Quo in loco quotidie ' cumulantur virtutum insignia in laudem et gloriam Domini 337 58-9 nostri Jesu Christi cui est honor et virtus in secula seculorum Amen.)) 59 (Z3) Deinde sublatum est corpus beatissimi martyris et quemadmodum decebat talem virum deferri, allatum est. Ire coeperunt ad monasterium beati Maxentii in quo pater prius fuerat effectus monachorum et quia ibi coeperat prius mentes hominum perversorum mutare ad cultum divinum, justo judicio ac providentia censetur ut virtutibus fülgendo summis exemplis plurimos adnecteret Dei operibus. Cum autem deferretur, occurrerunt ei in via duo pauperes, scilicet vir cum uxore. Vir enim unum oculum ablatum habebat, conjux vero duos. Uterque accessit ad feretrum. Muiier fidens lumen recepit oculorum, vir autem ejus dubitans recessit cum uno oculo. Prius enim quam accederent, vir trahebat funiculo caecam, redientes autem uxor, accepto lumine, vicem reddens, virum trahebat postmodum caecum. Et cum monachi ex ipso coenobio in ejus properarent occursum, quaedam puella jacebat in atrio beati Maxentii paralytica de qua omne membrorum amisisse notum erat officium. Quae cum nomen audivisset beati Leodegarii, manus ejus una restituta est sanitati. Cum vero die tertia martyris corpus in ipsum perventum fuisset atrium, omnia ejus membra dissoluta, omni infirmitate amissa, in pristinis reversa est officiis et tota est incolumis reddita. Hoe viderunt qui ibidem aderant miraculum; tanta enim undique agressa fuit populi multitudo ut vix ecclesia seu atria capere potuissent omnium advenientium catervam populorum. Interea muiier alia ex longinquo veniens, lumen perditum habens oculorum cum ad sancti martyris accessisset tumulum, recepit quod amiserat lumen pristinum. Quidam adolescens simul et puella a daemonibus vexati cum tremefacti accessissent ad locum, vomitu sanguinis evulsis daemonibus, ad suam pervenerunt sanitatem. Multae et innumerabiles virtutes in illis diebus per eumdem Dei martyrem operatae sunt. Nam quicumque venissent multorum languentium, caecorum, claudorum, surdorum, mutorum, aridorum atque a daemonibus vexatorum reddita est incolumitas sanitatis.)) Nam dum in itinere deferretur, poene sine numero fuit multitudo sanitatem reportantium. Matronae vero nobiles, vestimentorum ornamenta gestantes, oblatis palliis, velamen ex auto et holoserico et ornamentis offerebant super feretrum martyris intantum ut is melior in meritis esse gauderet qui in honorem martyris prior votum suum Domino obtulisset. ((In 22 59 338 ipsius beatissimi martyris honore, jussu pontificis domini Ansoaldi, opera Audulphi patris monasterii mitae magnitudinis fabricata est domus cujus fabricae aedificium est dissimile om nium basilicarum constructionibus. Quo charismate supradictus pontifex votum quod vovit perficere volens, huic loco accessit cum omnibus suae ecclesiae sacerdotibus ac turba magnificorum catervaque plebis et populi magna. Et quidem cum magnis laudibus sepelivit sanctum corpus beati martyris, in quo loco fiunt culmina virtutum ubi ad laudem nominis Christi perpetuus fit gaudensque recursus populi ad medelam languentium et indulgentiam peccatorum et omnibus qui ex fide adeunt precum suarum obtinere conceditur supplementum, praestante Domino nostro Jesu Christo cui est honor et imperium, virtus et potestas per infinita saeculorum saecula Amen.)) Table Préface P- 3 I Les principaux ouvrages » 4 II Les quatre premiers documents » 23 A) Examinés séparément 23 1) U 23 2) X 38 3) Y 51 4) Z 57 B) Deux questions spéciales » 65 1) Comment K prétend que U n'est pas contemporain > 65 2) U n'a pas copié et n'a pas connu X . . „ 70 C) Qenèse ou parenté des quatre premiers documents » 95 III Quelques autres sources moins anciennes . . . „ 98 A) Vita metrica » 98 B) Sanct Leodegar » 99 C) Fruland 100 Introduction » 103 I Notice biographique » 103 II Opinions sur le lieu du martyre et de la sépulture „ 112 Ie Partie Le vrai lieu de Ia sépulture . . . • • » 151 IIe Partie Le vrai lieu du martyre » 195 Supplément Les actes contemporains > 285 ie Partie 285 H« Partie » 300 III» Partie » 330 LE DOGME De Ia Perpétuelle Virginité de Marie d'après les Saintes Ecritures par E. Maynon. Un volume in-8°, 500 pages, 5 francs. La savante revue théologique „De Nederlandsche Katholieke Stemmen" (T. 12, p. 127) appelle ce travail „une oeuvre scientifique, un solide morceau de Théologie Mariale". Elle ajouté: „Tout a la fois pacifique et polémique, conservateur et critique, 1'écrivain exposé et défend 1'insigne privilege de Marie contre toutes les erreurs et objections anciennes et modernes ou modernistes". On doit regretter que 1'auteur de ce compte rendu n'ait pas, dans 1'intérêt de la science, prouvé quelque peu ce que le premier contre toute attente il ajouté, se bornant a affirmer ou a douter. •Table des matières. Préface. Relations entre ce dogme et celui de la divinité du Christ. — Principales sources. Introduction. Dogmes. — Textes sacrés: le Partie. Preuves anciennes revues et complétées. Chapitre I. Avant la conception du Verbe. Au moment de cette conception Marie et Joseph étaient-ils fiancés ou mariés? — Le mariage eut il-lieu avant ou après la visite chez Elisabeth, avant ou après le départ pour Bethléem? — Si Marie quitta Elisabeth avant ou après la naissance du Baptiste? — Y eut-il un vrai mariage. — Vrai sens de accipere, accepit, dimittere, occulte. — Le voile sur ia nature de la conception du Christ. — Temps et durée du séjour en Egypte et de 1'absence de Nazareth. — Pourquoi le Christ fut concu d'une Vierge et d'une Vierge fiancée. — Vrai sens de traducere et de convenire. — Si, avant son mariage, Marie habitait chez Joseph. — Si le mariage eut lieu avant ou après la naissance du Christ. — Pourquoi d'après S.Jérome et S.Thomas d'Aquin, il y eut un homme aux cötés de la Vierge, dans l'ceuvre de 1'Incarnation ? — Depuis combien de temps, au moment de la conception, Marie et Joseph étaient fiancés? — Virgo, halma, betoulta: vierge fiancée. — La prophétie d'Isaie appliquée a Marie par 1'Ange même. — Le consentement de Marie suivi immédiatement de 1'Incarnation. Chapitre II. Dans la conception du Verbe. Preuves. — Objections. — Un article de journal. Le début du premier évangile dans certains exemplaires. — Les deux généalogies et la descendance Davidique de Marie. — Pourquoi la conception fut virginale. — En quel sens Marie est appelée muller. — Comment le Christ est dit filius foseph. — Joseph appelé père du Christ, un texte du Sinaïtique et un autre du dialogue de Timothée et Aquila. — En quel sens et jusqu'a quel point Joseph est père du Christ. — Les récits de 1'enfance ne se contredisent pas. — Adoration des Mages et fuite en Egypte. — But des évangiles de S. Mt et de S. Le. — Parthénogenèse et génération spontanée. — Réponse du Christ a Marie et a Joseph dans le temple. — Le n'a pas emprunté a Mt le récit de la conception virginale. — Source oü les évangélistes ont puisé. — Sens du prologue de S. Lc. — L'évangile de 1'enfance n'est pas interpolé. — Prétendue indifférence de la familie de Jésus envers lui: exierunt sui tenere eum. — Mc, Jn, les Actes, Paul parlent-ils de la conception virginale ? — La résurrection plus souvent rappelée. — Si les Juifs attendaient une conception virginale. — Cette conception est-elle synonyme d'origine céleste ? — Si cette croyance est postérieure a 1'an 80 ? — Serait-elle née de 1'expression mal comprise „fils de Dieu"? — Le Christ premier-né et unique enfant de Marie. Chapitre III. Depuis la conception jusqu'a la naissance du Verbe. Preuves. — Objections. — Doctrine de Tertullien. Formation du corps du Christ. — Raisons de la virginité de Marie a cette époque. — Comment la naissance se produisit. — Doctrine de certains Pères. — Vraie notion de la virginité. — La loi de la Purification. — Une page du P. Lejeune. Chapitre IV. Après la naissance du Verbe. Preuves. — Objections. — Doctrine de Tertullien. Le premier-né chez les Juifs. — Pourquoi on ne dit pas d'Elisabeth que son fils était un premier-né? — Notes marginales insérées dans le texte sacré. — Ce que Juifs, Orecs et Latins entendaient par frère, soeur. — Ce que frères signifie dans 1'évangile de S. Jean. — Les fratres du Christ n'étaient pas même vrais frères entre eux. — Le vrai sens de Maria facobi minoris et Joseph mater. - Ce qu'il faut entendre par Maria Joseph (Mc 15.47). — Comment expliquer Maria filia facobi (Mc 15.47) du Sinaïtique. — Les fratres Jude et Simon n'étaient pas de vrais frères. — Le frater Jude est-il 1'auteur d'une épttre canonique? — Ce que signifie le premier verset de 1'épitre de S.Jude. — Interprétation de L 19 de 1'épltre aux Oalates. — Actes des Apötres 9. 18-30. —I Cor. 15. 7. —Sens de .Jacobi minoris". — Le frater Jacques fut-il évêque de Jérusalem? — Le frater Simon n'est le frère d'aucun des trois autres. — Ce que signifie Cananaeus. — Le frater José et le José Barsabas des Actes. — Alphée fut-il le père du frater Jacques? — Le vrai sens de soror matris ejus Maria Cleophae. — Salomé femme de Zébédée. — Jacques et Jean ne furent pas mis a mort le même jour.— Y en eutil parmi les fratres qui devinrent apötres? — Particularités de source grecque concernant le frater Jacques. — S. Matthieu était il le frère de 1'apötre Jacques? — Si les fratres étaient les enfants d un premier mariage de Joseph. — Un faux principe dans cette question. — Degré de parenté des fratres avec le Christ et entre eux d'après Hégésippe, Eusèbe, les Constit. apost. etc. — Le grand argument en faveur de la perpétuelle virginité après la conception du Verbe. Chapitre V. Le dogme et la „Science". Le „grand savant". Ce qu'il enseigne dans sa „Vie dejésus". Nouvelle édition de cette Vie. Vie de fésus Ulastrée. Les Evangiles et la seconde génération chrétienne. Jugements sur „la plus grande lumière du XIXe siècle". IIe Partie. Un autre argument. Chapitre 1. Sa nature. Chapitre II. Son exposé. Chapitre III. Objections et déductions. III» Partie. Vceu de virginité de Marie et de Joseph. EpiLogne. Appendice. I. Les petites niaiseries de M. L. Anspach. II. Autres „savants" modernes et modernistes: Ouignebert, Houtin, Herzog. III. Un groupe de „savants". r LE FONDATEUR DE LIÉGE — Le Martyr S. Léger, Évêque d'Autun — SA PREMIÈRE SÉPÜLTURE A SAINT-TROND Étude préliminaire des principaux documents par A. LESAGE C. SS. R. RUREMONDE J. J. ROMEN ET FILS. AJ7 O J LE FONDATEUR DE LIÉGE — Le Martyr S. Léger, Évêque d'Autun — SA PREMIÈRE SÉPÜLTÜRE A SAINT-TROND Étude préliminaire des principaux documents par A. LESAGE C. SS. R. RUREMONDE J. J. ROMEN ET PILS. CUM PERMISSU SÜPERIORUM Préface. Les actes de 1'évêque-martyr du VII* siècle, S. Léger d'Autun, sont particulièrement appréciés de quiconque s'occupe d'histoire ou d'hagiographie. Et ce n'est pas sans motif. A cöté des plus grands exemples d'une éminente sainteté, on y rencontre des données d'un tel prix pour 1'époque Mérovingienne, qu'ils méritent infiniment d'être analysés et approfondis avec Ie plus grand soin. C'est a cette oeuvre d'érudition que pas mal d'écrivains s'appliquèrent, non sans un réel profit pour la science, tandis que parfois aussi, il faut bien 1'avouer, Ia critique de plusieurs autres, au lieu d'être impartiale et sérieuse, fut, tout au contraire, injuste et superficielle et par la même sans valeur. Au nombre des questions ainsi mal exposées, encore plus mal étudiées, et partant nullement résolues, il en est deux surtout, d'une importance capitaie dans l'histoire d'un martyr, celles nofamment qui concernent le lieu précis du suprème combat et de la première sépulture de 1'évêque d'Autun. On verra plus loin, relativement a ces graves et intéressants problèmes, combien les opinions sont nombreuses et même plus d'une fois diamétralement opposées. Elles le sont au point que c'est, en grande partie, dans 1'intention de mettre fin aux luttes qu'elles occasionnèrent et d'empêcher de nouveaux conflits, qu'a notre tour, nous avons voulu produire la réponse que'nous croyons vraiment motivée et, pour dire Ie mot juste, incontestable. A eet effet, il nous a paru utile et comme nécessaire de faire connaitre, avant tout, la véritable nature des premiers documents, ainsi que les principales oeuvres moins anciennes dont disposent les historiens de S. Léger. De cette manière notre solution sera d'autant plus compléte, et les travailleurs qui, en grand nombre sans nul doute, voudront, a la suite de notre doublé réponse, examiner de plus prés la vie entière de révêque-martyr, trouveront dans ces notes préliminaires de quoi clairer et faciliter leur entreprise. Nous donnons d'abord la liste, quelque peu annotée, des principaux ouvrages concernant le saint évêque d'Autun. Viendra 4 ensuite un examen détaülé des premiers documents et certaines remarques sur des points spéciaux. On ajoutera, pour finir, diverses considérations sur la parenté des premières sources et quelques données sur plusieurs écrits moins anciens. I. Principaux ouvrages concernant S. Léger. Les documents contemporains sont au nombre de quatre. II y a d'abord une vie, attribuée de tout temps et comme unanimement a un moine, prieur ou abbé de Ligugé, appelé Ursin. (Nous désignerons le plus souvent ce travail et son auteur par U). On a ensuite un récit anonyme de la passion du saint, en d'autres mots la seconde partie de sa vie (X). Le troisième document est 1'abrégé d'une relation des miracles opérés lors du transfert des reliques du martyr a Saint-Maixent. Elle fut rédigée par Audulphe, supérieur de 1'abbaye ainsi nommée, et n'existe plus ou s'est égarée. Quant a 1'abrégé, on ne le rencontre qu'a la fin, et comme troisième partie, des vies U et Z. Nous rechercherons plus loin quel en est 1'auteur (Y). La dernièré vie est anonyme, mais fut toujours attribuée jusqu'a ces derniers temps, a un moine d'Autun (Z). On ne connait de X que deux exemplaires, le premier conservé dans un manuscrit provenant de I'abbaye de Moissac (avec une lacune dès la troisième ou quatrième phrase et une autre tout a la fin) et le second, absorbé par Z dans sa deuxième partie et reproduit de cette facon dans les différents exemplaires de ce Z. Comme il existe certaines différences entre les deux copies, nous les désignerons, quand il sera nécessaire de préciser, la première par XM, 1'autre par XZ. Personne ne sait ce qu'est devenu 1'exemplaire utilisé par Z. On trouvera a la fin de ce volume, un supplément oü nous publions ces quatre ou plutöt ces trois pièces. C'est a ce supplément ou nouvelle édition que nous renvoyons chaque fois que nous indiquons un numéro de la vie du saint, sans désigner expressément une édition différente de la notre. Enfin, dans ce supplément, nous ne donnons pas d'un seul trait chacun de ces ■écrits, mais nous les découpons le mieux possible, d'après 1'ordre des faits et sans bouleverser leur contexte. Déja nous 1'avons insinué, on peut distinguer trois parties dans U et Z, non dans X qui n'est que la seconde partie soit 5 compléte (XZ) soit (a cause de plusieurs omissions) incomplète (ZM). La première s'étend depuis la naissance du saint jusqu'au siège d'Autun (n° 1-17), la seconde du siège d'Autun a Ia translation de son corps a Saint Maixent (n° 18-51), la dernière renferme tout le reste (n° 52 fin). II nous arrivera souvent de designer ces différentes parties comme suit: U', U*. U3, Z», Z2, Z3. Quant a X, XM, XZ, ils équivalent nécessairement d'après ce que nous venons de dire, a X2, XM2, XZS. On sait déja que le travail de X se retrouve presque complètement dans Z2, d'après une copie de X qui n'existe plus et qui différait parfois de celle fournie par XM (>). Cet écrivain Z a agi de même a 1'égard de U2 de sorte que Z2 tout entier n'est pas autre chose qu'une succession de passages pris a XZ et a U2, passages que Z a simplement juxtaposés. En outre U3 et Z3 sont aussi, sauf I'un ou 1'autre endroit, identiquement les mêmes. Dans U2 et U8 de notre supplément nous avons soigneusement indiqué, en le mettant entre parenthèse, tout passage qu'on en retrouve dans Z1 et Z3. Nous fermons la parenthèse dans U2 chaque fois que dans Z8 un extrait de cet U2 est suivi d un emprunt fait a X. Nous la fermons encore lorsque après un passage pris par Z2 a U2 il se présente dans U2 des mots ou des phirases non copiés par ce Z2. Pareillement pour les extraits de X qui se présentent dans Z2, nous les faisons connaitre en les placant entre crochets dans notre édition de X (= XM). Nous fermons les crochets chaque fois que dans Z1 un emprunt fait a X est suivi d'un passage pris a U2 ou qu'un passage pris par Z4X est suivi dans X de mots ou de phrases non copiés par Z2. Enfin dans Z2 et Z3 nous rappelons en les mettant entre parentheses, les phrases qu'on rencontre aussi dans U2 et U3 et entre crochets celles de Z2 qui se trouvent pareillement dans X (XM). S'il arrivé dans Z2 Z3 que plusieurs passages renfermés entre parenthèses (ou entre crochets) se suivent (!) Krusch „Neues Archjv, T. 16, p. 569, 571-2" et a sa suite „Analecta Bollandiana, T. 11, 1892" parient de passages de U» qui se rencontreraient dans L\ mais Krusch se rétracte indirectement dans „Monumenta Qermaniae historica, Passiones vitaeque etc, T. 5" en ne partant plus d'emprunts faits par Zi a U1 et en affirmant que Zi tout enter est la copie littérale de X*. qui aurait été omis dans XM. Or, les premiers extraits de U qui se rencontrent dans Z, ne se présentent'qu'a partir de Z2 et, quant a la rêtraction ou nouvelle assertion d'après laquelle X aurait eu a 1'origine une première paWie, nous verrons ailleurs ce qu u en est. 6 immédiatement c'est toujours signe qu'il y a entre ces passages de U (ou de X) des mots ou des phrases non copiés par Z; cela peut être aussi le cas pour un passage entre parenthèse qui est suivi d'un autre entre crochets, ou pour un passage entre crochets suivi d'un autre entre parenthèse. D'oü il suit. que les mots non renfermés entre parenthèse dans U* et U3 ou entre crochets dans XM sont ceux qu'on ne trouve pas dans Z2 et Zs, et de même ceux qui dans Z1 et Z' ne sont pas entre parenthèse ou entre crochets ne se lisent ni dans U2 et Us ni dans XM. Les jugements des critiques concernant Page et Ia valeur et le plus ou moins d'impartialité de U et de Z ont été fort différents et même entièrement opposés et furent énoncés sans être appuyés d'aucune preuve. Cette divergence d'appréciation provenait en partie de ce qu'on ne connaissait pas ou plutöt de ce qu'on méconnaissait la nature et la caractère propre du document XM. C'est seulement dans ces dernières années qu'on a vu clair. Toutefois il est évident qu'il aurait fallu considérer comme déraisonnable de proclamer d'une facon absolue que Z est plus ancien que U, puisqu'il est bien certain que Z a fait de nombreux emprunts a U et que pour ces parties du moins U est plus ancien que Z. Nous en reparlerons tout a Pheure ainsi que des autres questions qui se rapportent a nos premiers documents et de quelques pièces un peu moins anciennes: une vie anonyme en vers latins, une autre pareillement anonyme en vers romans et enfin la biographie par Fruland, moine de Murbach. Nous passons au relevé chronologique des principaux ouvrages imprimés que Pon consacra soit a Pétude des sources, soit aux actes du saint, soit surtout aux deux questions spéciales de notre écrit. On les désignera le plus souvent par le seul nom de leurs auteurs on par leur titre considérablement abrégé, tel que nous le dirons. Nous donnons d'abord la liste des documents anciens avec les noms de ceux qui les ont publiés et qui parfois y ajoutèrent soit des études, soit des annotations, puis les ouvrages moins anciens et enfin les revues et collections citées plus fréquemment Vies anciennes de S. Léger: 1°) Surius(L.): Deprobatissanctorum historiis, 1« édition, T. 5, 1574, p. 491-9: U, amplement revu et corrigé, mais non abrégé. Ne donne pas Z. 2°) Idem, 2« édition, T. 5, 1580, p. 545-3. 3°) De vitis sanctorum ab 7 Aloysio Lipomano olim conscriptis, nunc a L. Surio emen- datis et auctis, 3« édition, T. 5, 1581, p. 173*-5V- 4°) Idem, 4« édition, T. 10, 1618, p. 12-6. 5») Duchesne (A. et F.): Historiae Francorum scriptores T. 1, 1636, p. 617-5: U; p. 600-16: Z. U est Surius plus ou moins corrigé, Z est pris dans un ms du P. Sirmond, S.J., conservé maintenant a Berlin (Krusch, o. c. T. 5, p. 269). 6°) Robert Arnauld d'Andilly: Recueilde vies de saints il lustres, le édition, 1664, p. 367-9: traduction francaise de U de Surius. 7°) Mabillon (J. B): Acta, saec. II, 1« édition, 1669, p. 698-05: U (jusqu'a: utinam mihi daretur optio) d'après Surius collationné avec un ms de Saint-Germain-des-Prés de Paris et un autre de Saint-Corneille de Compiègne (Bouquet, T. 2,p. 1627); p. 680-98: Z d'après Duchesne et un ms conservé maintenant a Paris, Bibl. Nation. n° 5308 (Bouquet, T. 2 p. 611; Krusch p. 276). 8°) Robert Arnauld d'Andilly, 2« édition, 1675, p. 367, comme ci-dessus, 1« édition. 9°) Mabillon, Acta, saec. II, 2« édition, 1733, p. 668-5: U; p. 650-68: Z. Comme la 1« édition. 10°) Bouquet (M.): Recueil des Historiens etc, T. 2, 1739, p. 627-2: U (jusqu' j: paratus ad eum interimendum) comme Mabillon; p. 611-27: Z, comme Mabillon, avecquelques corrections. 11°) Debye (C): Acta sanctorum des Bollandistes, 2 octobre, 1« édition, 1765, p. 485-0: U (jusqu'a: humatus fuisse dicitur); p. 463-81: Z. U et Z d'après plusieurs sources que 1'on indique. 12") Smet (C.) et Ghesquiere (ƒ.): Acta sanctorum Belgii, T. 4, 1787, p. 97-6: U; p. 63-93: Z. U et Z comme dans Debye. 13°) Guizot (F.): Collection de mémoires relatifs a 1'histoire de France, T. 2, 1823, p. 325-71: Z traduit en francais. 14») Pitra (J.*B.): Histoire de S. Léger, 1846, p. 504: les premières phrases de X. 15°) Migne, Patrol. Lat. T. 96, 1851, p. 335-46: U; p. 345-74: Z. U et Z copiés dans Mabillon. 16°) Debye, 3« édition, 1866 p. 485-0: U; p. 463-81: Z. 17) Surius, 5» édition, T. 10, 1879, p. 65-78: U. 18°) Krusch est-il parfois un peu trop porté a prendre leur erreurs pour des erreurs conscientes, autrement dit, des mensonges et des falsifk cations... Dans son ardeur a prouver sa thèse, M. K va jusqu'a voir une ressemblance verbale et conséquemment un rapport de dépendance dans deux passages d'une banalité parfaite: quaedam paella ab urbe Tolosa praeclaris orta natalibus, et: fuit quidam juvenis Tolosanus claris parentibus ortas". II faut lire en entier les articles de Duchesne dans Anal, 1898, p. 421-47 et 1901, p. 241-5. On y rencontre ce jugement parfaitement exact: J'ai pu constater que M. Kse trompe parfois et gravement dans Ia classification des textes". Lire aussf Anal 1898, p. 367-9. Anal, en 1903, p. 107: „II nous est arrivé et il nous arrivera probablement encore de penser et de dire que dans tel ou tel cas, la rigueur de ses jugements ne nous parait pas suffisamment justifiée... M. K tire un argument d'un portrait postérieur de cinq siècles au personnage qu'il représente". Nouvel article d'Anal, a lire d'un bout a 1'autre, 1904, p. 106-7En 1910, p. 449, a propos d'une question, oü sans ombre de vrai fondement, K déclare qu'il n'est pas possible de douter „ut 15 dubitari nequeat" que le biographe de S. Amand n'ait utilisé une vie de S. Bonirace, la revue s'écrie: „Ut dubitari nequeat est tout de même un peu fort!" Autre étude d'Anal, en 1910, p. 447, a propos du second travail de K concernant S. Léger, travail publié dans Mon, comme il a été dit. Les critiques formulées en 1892 par cette revue sont rétractées ou passées sous silenceü La même idéé revient p. 487. Mais nulle part on ne voit aucune explication ni réfutation des objections énoncées d'abord. Derniers articles d'Anal, en 1914, p. 246-1, a 1'occasion de la publication par K et Levison du Tome VI de „Passiones". K s'occupe de S. Lambert, le grand ami de I'évêque-martyr d'Autun et lance contre lui plusieurs accusations. L'auteur du compte rendu refuse de les considérer toutes(?) comme bien établies. Plus lom (p. 357) a propos de 1'étude de Kurth sur „Vita S. Oenovevae" si mal jugée par K, la revue écrit: „La redoutable(?) critique (?) de K ne découvrit pas moins de vingtquatre ou vingt-cinq impossibilités, invraisemblances et falsifications de ce malheureux texte que 1'on croyait jusque-la un des monuments les plus vénérables et les plus authentiques de 1'épóque Mérovingienne. Mgr. Duchesne, il est vrai, lui démontra bientöt que Ia plupart de ses arguments étaient d'une étrange faiblesse (redoutable critique!) Au cours de son article, M. Kurth apprécie parfois sévèrement la méthode de K; il faut lui rendre cette justice qu'il ne le fait jamais sans donner ses raisons". De Pully (Revue apologétique, 1911, p. 732-50) appelle K un dénicheur de saints plus enragé que De Lannoy et avertit ses lecteurs qu'il veut „montrer par 1'exemple des attaques de K contre S*« Oeneviève comment la critique historique laisse parfois le terrain ferme des faits et des certitudes pour le sol mouvant des hypotheses les plus risquées et les moins naturrelles. II faut apprendre a ne pas adorer a 1'aveugle cette science allemande, trop souvent faussée par une imagination impatiente de créer ou de découvrir S'il existe — et elle existe — dans la Corporation des critiques une section de Oénies-Créateurs, il faut se hater d'y classer M. K. Sous sa baguette, du sol ingrat d'un pauvre texte bien simple jaillisent des richesses historiques insoupconnables". Voir aussi, sur le même sujet, le jugement de Kurth (Revue d'hist. ecclés. 1913). 16 Nous sommes d'avis que les critiques formulées contre le système et les procédés de K n'ont rien d'exagéré. Loin de Ik! En particulier pour ce qui regarde ses étüdes concernant S. Léger, elles ne sont pas autre chose qu'un tissu d'affirmations gratuites et de raisonnements sans valeur. Et cependant nous devons accorder, après un examen suffisamment sérieux des différents travaux de cet auteur, que ses deux écrits sur 1'évêque-martyr d'Autun ne sont pas ce qu'il a produit de plus pitoyable. Tissu d'affirmations gratuites, avons-nous dit, et nous ajoutons: d'ordinaire dans des points d'une importance capitale et qui auraient le plus besoin d'être bien établies par des preuves et des considérations sérieuses. Et c'est ce que nous voulons montrer aussitót par 1'un ou Pautre exemple, afin de pouvoir, dans la suite, nous occuper plus directement de ses „raisonnements". Nous renvoyons au premier travail paru dans Na reproduit presque littéralement dans Mon. Pour bien comprendre ce qui va suivre, il est de toute nécessité que les lecteurs, pas ou peu au courant des biographies de S. Léger, commencent par les étudier sérieusement. Comme il a été dit, on en trouve une nouvelle et complete édition dans notre supplément. On pourra aussi dès a présent prendre connaissance du chapitre dans lequel nous résumons notre étude sur la genèse ou parenté des quatre premiers documents. D'après K (p. 569, 571) le document XM a été volontairement mutilé; quelqu'un en a enleyi toute la première partie, mais celle-ci n'était pas différente de Z1 copié par Z dans un X complet. On en donne la preuve, mais une preuve tellement nulle qu'autant aurait valu une assertion entièrement gratuite. La voici: pour son récit de la Passion ou seconde partie, Z2 a copié presque entièrement U2 et X2, donc Z doit de même avoir pris ailleurs sa première partie, Z'; or, dans Z» on ne trouve pas une seule ligne provenant de LP, donc Z1 doit être la reproduction littérale du seul X> et par conséquent si XM n'a pas de première partie, ce doit être paree que quelqu'un Pen a retranchée. II faut raisonner tout autrement. Puisque Z2 est simplement LP et X2 transcrits et combinés presque entièrement, et que, par contre, dans Z1 on ne trouve pas un seul passage de LP, la conclusion doit être qu'au moment oü Z se mit a écrire son Z», U n'avait pas une première partie, mais seulement le récit 17 de la Passion du saint, et par conséquent, pour cette raison et aussi paree que rien ne s'y oppose, il est parfaitement possible qu'a ce même moment, X n'avait non plus rien d'une première partie mais seulement ce qu'on lit dans XM, toutefois sans les lacunes susdites de cet XM. Pour K la chose doit être d'autant plus probable qu'il prétend que X est antérieur a U et en outre que U aurait parfaitement connu et utilisé X, et par conséquent si X avait eu une première partie quand U prit la plume, on ne voit pas pourquoi U aussi n'aurait pas eu dès lors sa première partie qu'on devrait retrouver dans Z1, de même qu'on y rencontre, a ce qu'on prétend, Ia copie de X1. Pourquoi, en effet, Z aurait-il, dans sa première partie, transent tout X et n'y retrouve-t-on rien de U? II n'est donc nullement prouvé que Z n'a pas composé lui même sa première partie ou ne Pa pas recue d'un autre que de X. En outre, pourquoi, nous le demandons, quelqu'un se serait-il mis en tête, déja au Xe siècle au plus tard (la copie XM est d'une écriture de cette époque) de retrancher quoi que ce soit et a plus forte raison toute une partie a la vie d'un saint et d'un saint aussi illustre et aussi vénéré que 1'évêque-martyr d'Autun? K ne s'est évidemment pas posé cette question pourtant si simple. Enfin, autre remarque que K n'a pas faite, X (XM) ne donne pas seulement un prologue, mais aussi, immédiatement après ce prologue, les premiers mots de la seconde partie, a la suite desquels se présente une des lacunes susdites. K s'est imaginé que le prologue s'étendait jusque dans la lacune et partant n'était pas même complet dans cette copie XM. Or, rien dans XM ne permet de croire que, si la préface était une addition postérieure, il ne faudrait en dire autant des premiers mots de la seconde partie ou qu'entre la préface et ces mots il aurait été possible d'avoir chez XM ou chez un copiste antérieur, une omission quelconque et surtout 1'omission de toute une partie, la première. Donc, pour ce motif encore, K n'avait pas le droit de supprimer dans son édition de X, ce prologue et ces premiers mots de la seconde partie et de les remplacer par la dédicace et la première partie de Z. Dans notre supplément on trouvera ce prologue et ce commencement de la seconde partie (nos 2, 19). De ce que nous venons de dire, et de ce que nous ajouterons plus loin, il résulte que U et Z sont, aussi bien que X, contemporains de S. Léger, quoique d'aucuns et en particulier K 2 18 1'aient nié pour des motifs sans valeur, comme nous le verrons. II n'est pas probable, en effet, que U aurait composé sa première partie trés longtemps après son récit de la Passion, surtout si on prétend que X en avait une dès 1'origine et plus encore si, comme K, on affirme que U ne prit la plume que soixante ans au plus tot après X, c'est-a-dire quand U aurait parfaitement dü savoir, avec tout le monde, que X possédait une première partie. Pareillement si Z avait écrit longtemps après U et surtout après que celui-ci avait sa première partie, on ne comprendrait pas comment Z n'aurait connu que U8 et n'aurait pas copié ce prétendu U' comme il copie LR Autres assertions de K (p. 570): „L'individu qui a retranché la première partie de X 1'a remplacée par une petite introduction sans valeur, qu'il fait suivre (Pun long fragment du récit de la passion du saint par X, récit qu'il entame maladroitement au milieu d'une phrase: graviter lesus..." (n08 19, 20). Faisons remarquer, avant d'examiner ces affirmations, qu'elles sont absolument gratuites, et qu'en outre K se dispense d'expliquer pour quel motif l'individu en question aurait aussi supprimé la dédicace qui, d'après le même K, précédait dans X la première partie. S'il voulait, pour des raisons impénétrables, retrancher la première partie, que n'a-t-il du moins laissé cette dédicace, en guise d'introduction, plutót que de fabriquer une nouvelle pièce, qui, d'après K, est en outre insignifiante? Pourquoi n'avoir pas simplement retranché et dédicace et première partie, sans les remplacer par une introduction et surtout par une introduction aussi longue? Comment expliquer que cette page, qu'on dit sans valeur et nullement composée par X est cependant remplie d'une idéé qui revient constamment dans cet X? Comment K sait-il que le même individu qui rédigea 1'introduction aurait commis 1'étrange bévue de commencer, au milieu d'une phrase de X, la copie du récit de la Passion de cet X, récit qui suit son introduction? Oü est la preuve que ce ne serait pas le fait d'un copiste tout différent du prétendu rédacteur de 1'introduction? Cette question est d'autant plus légitime que, si on lit un peu attentivement la fin de 1'introduction (n°»2, 19; Pitra p. 504) on voit aussitót, comme il a été dit, qu'elle n'appartient plus a cette introduction ni davantage a une prétendue première partie de X, mais constitue, au contraire, le début de la seconde partie et que, dès les premiers mots de celle-ci, il y a une 20 Hector". Et, quelques Iignes. plus loin, K écrit: „Tout cela » n'était qu'intrigue de la part d'Hermenaire qui ambitionnait le siège de S. Léger". De plus dans Mon (p. 215) K abandonne complètement sa première déclaration. Affirmation fort étrange aussi que celle de la page 575. K y prétend que X, qui, d'après lui, possédait dès 1'origine une dédicace et trois parties, dédicace et parties qu'il dit conservées dans Z, ne se décida a prendre la plume que sur les instances de 1'abbesse Hermenana. Mais, s'il en avait été ainsi, comment expliquer que ni la dédicace, ni la première ou deuxième partie de Z (copiées de X, a ce qu'on prétend) ne citent pas même 1'abbesse de ce nom et surtout ne la citent pas dans la dédicace a cóté des autres que Z y déclare 1'avoir plus ou moins encouragé? Cela n'est dit, comme K' est forcé de le reconnaltre, qu'au début de la troisième partie, en d'autres mots au commencement de Z3. Donc, la conclusion pour être raisonnable doit dire qu'a 1'origine X était entièrement conforme en ces points a la copie XM, c'est-a-dire n'avait pas plus une troisième partie qu'une dédicace suivie d'une première partie, mais que X* fut ajouté dans la suite, plus tót toutefois que la dédicace et que la première partie. Car ce n'est pas la, mais seulement dans la dernière partie qu'on mentionne 1'abbesse susdite comme ayant engagé X a écrire la Passion du saint laquelle devint plus tard une partie seulement de son travail, la deuxième. Cette conclusion devient évidente quand on lit attentivement ce que Z dit au début de sa troisième partie. Un peu plus loin fp. 576 et Mon, p. 320-2) K affirme que dès que X se mit a écrire, il entra en possession de la relation Y et que, dans son travail, il n'en donna, précédées d'une courte introduction par lui X, que deux phrases en tout, phrases et introduction qui se retrouvent dans la relation plus longue de Z, dans son Z3. Celle-ci aurait été formée au moyen de U3 copié par Z et combiné par lui avec les susdites introduction et deux phrases de X a savoir: „Quibusdam fidelibus poscentibus....breviter intimamus" (n° 53), „nam dum in itinere.... obtulisset" (n° 59), „consummatum martyrium.... martio mense" (n° 59). On cherche en vain une ombre de preuve en faveur de ces assertions; il ne se présente que des objections pour les renverser. Par exemple, si X avait eu dès 1'origine une troisième partie, est-il probable qu'il aurait pu arriver a un copiste de 21 1'omettre, surtout de 1'omettre entièrement soit par distraction, soit pour quelque autre motif? II est vrai que K prétend que X avait aussi une prémière partie et que XM la supprima de même et complètement, mais c'est encore moins croyable, nous 1'avons vu. Et quant a la seconde assertion, con?oit-on X fabriquant une introduction a sa troisième partie, pour annoncer en détail Pceuvre de Y, et se contentant ensuite d'abréger cet Y au point de n'en donner que deux petits extraits, moins longs, pris ensemble, que son introduction! Aurait-il répondu par la i 1'attente d'Hermenana qui lui avait confié la relation Y avec permission peut-être de I'abréger mais pas jusqu'a ce point? Si donc X posséda, non dès 1'origine, mais dans la suite, une troisième partie ou résumé de Y (breviter intimamus, n° 53) elle n'aura pas différé de Z3 ni pour 1'étendue, ni pour les détails. Même page 576, K paie d'audace et affirme que U ressemble tellement a X qu'il se concoit a peine qu'on puisse nier qu'il dépend de ce dernier. Nous avons déja prouvé que U n'est nullement postérieur de „soixante ans au moins" a X mais qu'il lui est antérieur ou pour le moins aussi ancien et par conséquent qu'il ne saurait dépendre de X. Nous continuerons plus loin notre démonstration sans nous effrayer le moins du monde des téméraires assertions de K. On affirme (p. 578 et plus d'une fois ailleurs) que si U ne parle pas de tel ou tel fait raconté par X, c'est paree qu'il 1'ignorait; mais par contre, quand X ne dit mot de récits qu'on lit dans U, c'est paree que U les a inventés et qu'ils sont faux ou paree qu'il interpréte mal X! Comment expliquer une telle mentalité? C'est fort simple. K s'est imaginé et affirme a plusieurs reprises que U est trop favorable a S. Léger et que X 1'est beaucoup moins et de la que dans U tout ou presque tout est mauvais tandis que c'est Ie contraire pour X. En un mot ce n'est pas la froide raison qui juge et décide chez K! On a vu comment d'autres le lui reprochent pareillement. Deux passages de Z3 qui he se rencontrent pas dans U3 proviendraient, d'après K (p. 588) de X3, a savoir 1'introduction et la première des deux phrases qui formèrent, d'après le même K, 1'abrégé de Y dans X. Nous ignorons pourquoi K ne parle plus de deux phrases mais seulement de la première des deux. Quoi qu'il en soit, nous ne refusons pas absolument d'admettre 1'assertion dont il s'agit, pourvu qu'on prouvre d'abord qu'il 24 mais qu'il ment chaque fois que directement ou indirectement il se donne comme tel. Notre argument se confirme par le fait que ce fut a la demande d'un abbé de Saint-Maixent, d'Audulphe contemporain de S. Léger, que U écrivit, comme celui-ci le déclare dans sa dédicace. Quant a 1'autre raison de K, nous ne voyons pas pourquoi les seuls religieux de Saint-Maixent devaient être capables de se tromper. Si ce détail et autres de cette sorte sont vraiment faux n'est-ce pas la preuve de ce que nous prétendons, a savoir que Pécrit qui les donne ne provient pas de Saint-Maixent oü il aurait été plus difficile qu'ailleurs de se tromper en ces matières ? Ce serait en outre jusque trois fois que Perreur aurait été commise: U1 n» 6, LP n° 50, LP n° 56, car K prétend que U est 1'auteur de des différentes parties et nos. Bien plus Z dont certaines parties, presque identiquement les mêmes que dans U, furent copiées (d'après K) sur cet U3, Z reproduit jusque deux fois (Z2 n° 51, Zs n° 59) 1'assertion de U! Mais ce qui est encore plus fort, c'est qu'en réalité U2, LP, Z2, Z3 qui tous quatre donnent ce détail, ne sont nullement Pceuvre de U, mais de Z, voire même de X, Pinfaillible, d'après K. En effet K a simplement affirmé, sans preuve aucune, nous 1'avons vu, que X avait une troisième partie qui n'était pas la même que Z3 et U3, mais tout autre, composée de deux phrases seulement, et par conséquent il n'a pas établi que, si X avait une troisième partie, celle-ci ne disait pas et jusque deux fois, comme dans Z3 et U3, que S. Léger avait été abbé de Saint-Maixent. D'autre part, pour ce qui concerne spécialement LP et Z3, rien ne prouve qu'ils ne sont pas Pabrégé de Y, comme 1'introduction de Z3 Paffirme expressément. C'est sans aucune preuve, nous 1'avons vu, que K le nie. Or, dans cet abrégé du récit de la translation, comme dans la finale (!) de la seconde partie, non composéspar U, mais simplement ajoutés a U, on rencontre ce détail, comme il a été dit, et par conséquent ce n'est pas seulement LP et X qui se seraient trompés, mais encore Y et 1'auteur de la finale de LP! Rien ne prouve même que, si X avait une première partie, celle-ci ne donnait pas le détail comme dans LP, mais qu'elle était en tout ou en partie la même que Z1 qui n'en (i) Nous appelons „fin ou finale de U* X2, Z2" tout ce qui dans U2 X2, Z2 suit le récit de la mort d'Ebroïn jusqu'au commencement de la troisième partie. 25 parle pas. D'autre part si X2 avait une finale, elle ne différait probablement pas non plus de celle qui se lit dans U et Z chez lesquels on rapporte le fait. D'ailleurs a quel autre titre que celui de successeur de S. Léger, 1'abbé Audulphe aurait-il été préféré a cent autres personnages pour chercher le corps du saint et être autorisé a le déposer dans son couvent de SaintMaixent, plutot que dans une autre église du diocèse de Poitiers? Enfin on peut encore objecter que si 1'auteur de U avait été moine de Saint-Maixent, même en accordant a K qu'il ment en se donnant comme contemporain de Y et de S. Léger, il n'aurait certainement pas parlé d'Audulphe, auteur de Y, comme il croit pouvoir le faire, tant dans la dédicace qu'a la fin de sa seconde partie et dans sa troisième, deux pièces dont, d'après K, il est autant 1'auteur que de la dédicace qui mentionne aussi Audulphe. En effet il en parle chaque fois comme d'un étranger et de quelqu'un dont il ne dépend aucunement. Aurait-il agi de la sorte s'il avait été moine de Saint-Maixent, et surtout si, moine de cette abbaye, il avait voulu faire accroire par un mensonge qu'il était en outre contemporain de 1'abbé en question? Si 1'on était d'avis que U, le prétendu moine de Saint-Maixent, contemporain ou non de Y, aurait ajouté lui-même, comme tröisième partie de sa biographie, un abrégé de Y, il s'agirait encore d'expliquer comment il aurait osé se dispenser de dire que ce qu'il abrégeait n'était pas son oeuvre, mais celle d'un abbé de ce Saint-Maixent. En effet il n'ignore ni son existence ni son nom attendu qu'il en parle dans sa dédicace et dans la finale de sa seconde partie. Ce serait d'autant plus étrange que Z qui ne devait pas même connaitre personnellement X ou en être connu (rien du moins ne permet de le dire) et qui, d'après K, lui serait même postérieur de cent-quatre-vingts ans, Z ne manque pourtant pas de proclamer, en commencant sa troisième partie, combinée (d'après K) de U3 et de Z8, que celle-ci est un abrégé de 1'oeuvre de cet abbé. Déja avant Z, d'après K, X avait agi de la sorte pour deux pauvres petits emprunts (toujours d'après K) qu'il aurait faits a Y. Et U aurait été moine de Saint-Maixent et cependant n'aurait pas dit que 1'ceuvre qu'il abrégeait avait pour auteur Audulphe! En outre comment un religieux de cette abbaye aurait-il eu 1'idée en parlant du prédécesseur de S. Léger a Saint-Maixent, d'écrire: „Cum quidam pater obiisset" (n° 6) au lieu de citer cet aboé par son nom? 26 K affirme (Mon, p. 323) trouver dans ces mots la preuve que U, prétendu moine de Saint-Maixent, était postérieur a S. Léger de soixante ans au moins. Pourquoi faut-il soixante ans au moins pour pouvoir oublier le nom d'un abbé? Ensuite comment concevoir que, si peu de temps après la mort d'un abbé, aucun des moines de son couvent n'aurait plus connu son nom? La vérité est sans doute que pendant bien des siëcles et jusqu'a sa disparition, 1'abbaye posséda et connut la liste de ses chefs et de ses religieux. „Quidam pater..." ne prouve donc pas que 1'auteur de cette phrase écrivait soixante ans au moins après la mort de ce „pater" ni même qu'il ne connaissait pas son nom, mais plutöt qu'il n'était pas de cette abbaye et partant qu'il pouvait plus facilement ne pas donner, ignorer même, certains détails de son histoire. Enfin, pourquoi K n'explique-t-il pas comment un moine de Saint-Maixent chargé d'écrire une vie de S. Léger pouvait ignorer et ne pas avoir a sa disposition le récit de Y, abbé de cette maison ? Tous les moines de 1'abbaye auraient dü, semble-t-il, en connaitre 1'existence et le contenu. (D'après K, U ne le trouva pas même ailleurs, mais composa un nouveau récit!) Cette explication est même requise si avec nous on est d'avis que U, le biographe en question, bien qu'étranger a 1'abbaye de Saint-Maixent, écrivit pourtant a la demande du chef et des religieux de cette maison. Aussi ne sera-ce pas nous qui négligerons d'indiquer pourquoi U ne connut pas ou du moins ne put se procurer et probablement n'ajouta pas lui-même a son écrit la relation de Y. Potthast, dans sa nouvelle édition (1896, p. 1421) combine les deux thèses d'une facon étrange et nullement claire: „Auctore Ursino priore aut forte abbate Locociacensi, certe monacho Sancti-Maxentii dioecesis Pictaviensis." La preuve de ce „certe"? Le choix de U fait par Y ainsi que par 1'évêque de Poitiers et plusieurs autres (n° 1) est tout entier a la louange de ce moine et constitue la garantie compléte de sa capacité et de sa sincérité. Et de fait, pour ne parler en ce moment que du style de U, il suffit de lire quelques lignes de son travail, pour se convaincre que le latin est bien moins barbare que chez la plupart des écrivains de ce temps et même de ceux des „soixante ans au moins'' qui suivirent. Le but principal de U, comme il le dit dans sa préface, ce fut d'écrire non une oeuvre savante, mais une oeuvre d'édif ication. 27 II a parfaitement réussi. On doit seulement regretter qu'il ait oublié ou ignoré quelques faits rapportés par X et qui auraient été a leur place dans son écrit U se dit contemporain de S. Léger et rien ne permet de prétendre avec K qu'il ment. Aux arguments déja proposés on peut en ajouter plusieurs autres. Comment U, s'il en était autre ment, aurait-il osé dédier son travail a un évêque contemporain, et en outre prétendre que c'est cet évêque et Audulphe, autre contemporain, qui Pengagèrent a écrire? Comment encore expliquer que ceux qui accrochèrent a son travail Ia finale de U2 prise a Z et 1'abrégé de Y emprunté au même Z, contemporain lui aussi, comme il a été dit et comme on le prouvera plus loin, auraient osé maintenir dans ces pages, si U n'avait été contemporain des faits racontés, 1'expression „hucusque deserviit" employée a propos d'une malade guérie pendant la translation? En outre Z qui est, en partie du moins (et même, d'après K, pour tout son travail) postérieur a U, puisqu'il en a copié de longs passages dans son Z2, Z fournit cependant Ia preuve que, lui aussi, est un contemporain. II y a pareillement 1'argument qu'on peut déduire du silence complet et absolu de U au sujet d'Hermenaire, un des principaux persécuteurs du saint. II ne le nomme même pas! Enfin des mots tels que „papa, parochia, sublimare, defuncto etc" employés par U dans le sens de „évêque, diocèse, proclamer roi, enlevé par une mort violente" sont absolument de 1'époque de S. Léger. Que si on est d'avis, avec K et Anal, que U est avant tout un panégyriste exagéré de son héros, cherchant a le justifier partout et toujours, c'est une raison de plus pour dire qu'il était son contemporain; En effet, c'est dans les premiers temps, afin de rendre le culte du saint d'autant plus ardent et plus général qu'il importait de cacher ses prétendus crimes et pour cela d'exalter ses vertus et ses grandes oeuvres. On peut ajouter que U ne craint pas de citer des dates et d'indiquer la durée de plusieurs des événements dont il parle. Cela montre un homme bien renseigné et plutöt contemporain, d'autant plus qu'on n'a pas vraiment montré qu'aucune de ces dates ne serait pas exacte. D'ailleurs si, pour 1'une ou 1'autre, on parvenait a 1'établir, ce ne serait pas encore la preuve que U n'est pas contemporain; tout le monde peut se tromper. Quant a la date précise a laquelle U acheva son premier 28 travail (la Passion du saint ou U2 et probablement la dédicace) il n'est pas possible de la fixer. On ignore notamment quand moururent Ansoald et Audulphe auxquels il dédia son oeuvre. „Oallia Christiana" (T. 2, 1720, p. 1154) place la mort de 1'évêque en 696, mais on sait seulement qu'il assista a la consécration de Péglise érigée a Saint-Maixent en 1'honneur du martyr peu de temps après sa translation. D'après Cave (T. I, 1740, p. 599) U aurait écrit vers 690, mais K montre (Mon, p. 323 et Dipl. I, p. 52, 62) qu'Ansoald vivait encore en 697. Debye s'en occupe aussi (n° 287). Tout ce qu'on peut affirmer avec certitude, c'est que rien n'aura paru, concernant le saint, du vivant d'Ebroïn; mais de nouveau, on discute sur l'année de la mort de ce dernier. Nous avons déja vu qu'il est incompréhensible qu'on ait pu dire U moins contemporain et moins ancien que Z. Cela prouve de quelle facon peu sérieuse les biographies furent examinées. II est évident qu'il aurait fallu dire qu'en tout cas U* était certainement plus ancien que Z2, puisque ce Z2 est composé en grande partie de passages qui se retrouvent dans U* oü ils arrivent a leur place naturelle, tandis que dans Z2 ils se présentent comme des pièces détachées et pitoyablement combinées avec des phrases prises dans X2. Si du moins on avait examiné de prés XM, on aurait sans doute raisonné plus exactement. C'est le mérite de K de 1'avoir fait cette fois. Quant a Ceillier (Hist. générale etc, T. 11, p. 811) il n'était pas moins dans 1'erreur quand il écrivait: „L'anonyme (Z) n'étant pas entré dans un assez grand détail de la vie de S. Léger, Ansoald et Audulphe engagèrent Ursin a donner une vie plus détaillée." La vérité est que Z est presque le doublé de U et que nulle part on ne lit que U aurait été invité, pour ce motif la, a écrire une nouvelle vie. Le plus ancien exemplaire manuscrit que K (p. 592) et nous même avons rencontré est celui de Saint-Gall, coté 548. II est de la fin du VIIIe siècle. Celui qui suit immédiatement est postérieur de plus d'un siècle. On compte peu d'hagiographes du VIle siècle dont 1'oeuvre soit venue jusqu'a nous dans des codices aussi anciens. L'écrit de U eut un succès trés grand, beaucoup plus grand que X et Z ensemble, a en juger par le nombre considérabie d'exemplaires anciens que 1'on en possède encore. Nous estimons que si on ajoute les copies que K a rencontrées a celles que 29 de notre cöté nous avons examinées ou du moins relevées dans des catalogues hagiographiques et autres, il en est parvenu jusqu'a nous une soixantaine environ. Par contre on ne connait qu'un seul codice de X renfermant simplement (et non pas sans lacunes) la Passion du saint, et une quarantaine qui donnent Z! Et cependant ce dernier a eu soin, nous 1'avons vu, d'absorber complètement la Passion écrite par X et par U, et même, d'après K, la première partie de X et son résumé de Y ou X3. C'est un problème qui demande sa solution et, quand nous Paurons présentée, Pon verra qu'elle n'est aucunement a la louange de X et de Z. Mais ce qui prouve surtout la vogue extraordinaire de U c'est la conclusion qui découle d'une remarque énoncée par K. Cet écrivain reconnalt (p. 592), comme on Pa vu, que le plus ancien exemplaire de U est de la fin du VIII» siècle et d'autre part il ajoute (p. 569), que Pexemplaire de U dont la seconde partie (U*) fut combinée avec X* et se retrouve dans Z2, appartenait a une classe de copies de U déja fort altérée, la troisième d'après lui. Or, K observe encore (Mon, p. 259) que le plus ancien exemplaire de Z et partant de la combinaisOn susdite est aussi de la fin du VlIIe siècle, de sorte qu'il a suffi de quelques années tout au plus pour que les U se soient altérés, évidemment a force d'avoir été copiés, jusqu'a se laisser partager sous ce rapport en trois catégories. C'est un succès tellement colossal que nous préférons croire que la classification par K des différentes copies encore existantes de U aurait besoin d'être revue et corrigée, comme il le faudrait aUssi pour pas mal d'autres de ses arrangements de cette nature. Enfin un fait assez curieux et qui trouve sans doute son explication dans cette estime ou préférence a Pendroit de U, c'est que le U renfermé dans le n° 3809A de Paris se présente avec le titre plus long de XM et par la annonce une copie de X, mais pour tout le reste donne la vie par U. Le scribe aura probablement eu a sa disposition les deux vies et n'aura remarqué qu'il ne prenait pas la meilleure qu'après avoir transcrit le titre de la moins bonne, de X. II est temps d'examiner de plus prés les différentes parties de U. Relativement au titre, on doit remarquer que dans beaucoup de copies il commence par „passio" ou bien „vita vel passio". Ces derniers mots se rencontrent aussi dès la première ligne de la dédicace. Dans d'autres copies dont le titre porte „vita" sans 30 le mot „passio", ön lit souvent après la dédicace, en tête de la première partie, „incipit passio...." et de même a la fin „explicit passio...." bien que la Passion ne constitue pas tout le travail mais n'en forme que la seconde partie. Dans la dédicace on doit encore remarquer une allusion au supplice barbare par lequel, d'après les ordres d'Ebroïn, la passion du saint commenca, a savoir la perte de ses yeux. K (Mon, p. 323) n'y a trouvé qu'une allusion a une peine moins grave et plus courte, endurée pareillement par le saint et non rapportie dans U2 mais dans X2 et Z2: son abandon dans une forêt pendant quelques jours! Est-ce qu'a 1'origine U se présenta avec une dédicace ou bien avec une introduction dans le genre de celle qu'on lit en tête de XM ou n'avait-il ni 1'une ni 1'autre? Comme nous le verrons bientöt, la question revient a rechercher si la seconde partie de U ou la Passion, qui parut d'abord sans U1 ni U3, avait une dédicace ou une introduction? Rien ne permet de parler d'une introduction, mais il est probable qu'il y avait déja la dédicace qui existe encore. En effet, nous venons de voir qu'on y promet „vita vel passló" et de plus 1'on n'y rappelle aucun fait rapporté dans U1 ou U3, mais seulement la cécité du saint dont il est question dès les premières lignes de la Passion (U2). Ces mots et cette allusion unique s'expliquent mieux si on tient que dans le premier travail de U la dédicace était immédiatement suivie du seul récit de la Passion. En parlant de X, et plus particulièrement de XM, nous avons déja insinué qu'ils n'avaient pas d'abord une première partie et qu'il est inadmissible que XM aurait été distrait oü téméraire jusqu'a 1'omettre entièrement. II en fut de même, croyons-nous, pour U. Seulement, tandis qu'on possède encore, dans XM, un exemplaire de ce premier travail de X, il n'en existe plus un pareil, que 1'on sache, pour U; tous les exemplaires connus se présentent avec une première partie. Et cela s'explique facilement. Le premier travail de U aura recu trés tot et quand il n'en existait encore que peu de copies, sa première partie. Celles-ci auront été détruites après qu'on les avait remplacées par des copies nouvelles, plus complètes, de U. En tout cas, ce n'est ni K ni ses partisans, s'il s'en trouve, qui pourraient le nier, puisque ce serait sans preuves aucunes qu'on prétendrait que XM n'avait pas seulement a 1'origine la Passion, mais les trois parties. D'ailleurs on peut prouver ce qui précède. En effet, il était 31 raisonnable que, pour calmer quelque peu I'impatience des mnombrables dévots du saint, ses biographes donnassent d'abord et au plus tót ce qu'on demandait surtout: Ie détail de sa longue et terrible Passion. Cette considération se confirme, quant a U, par ce que nous venons de dire du supplice rappelé dans Ia dédicace ainsi que par les mots du titre qui reviennent dans la dédicace et a la fin de 1'écrit: „passio" ou bien „vita vel passio". Mais ce qu'il faut surtout remarquer c'est que Z, qui a copié presque complètement LP, n'a rien qui pnrtienne de sa,première partie, preuve évidente que U, quand Z a pillé LP, n'avait pas encore un LP. Preuve aussi, entre plusieurs, soit dit en passant, que Z lui-même est contemporain de S. Léger, contrairement a ce que d'autres et en particulier K ont prétendu. En effet rien ne permet de dire que Z2 aurait été compösé longtemps après U2 et X2 et que LP publié ensuite et après Z' ou en même temps n'aurait plus pu avoir U pour auteur, mais un autre, après la mort de U. Bien au contraire, comme nous le prouverons. On a déja dit que LP commence aux mots: „His itaque diebus..." (n° 18). Eux aussi, quand on les rapproche des derniers mots de LP, établissent que cette première partie de U fut placée devant un U2 qui n'avait pas été écrit pour venir, dès 1'origine, a la suite d'une première partie. Ils n'ont pas de rapport avec les précédents, les derniers de la première partie: „...perrexerunt fugam" (n° 16). Cet LP s'étendait primitivement, croyons-nous, jusqu'a la mort d'Ebroïn, jusqu'aux mots: „et ipse periit"(n°45). En effet, dans Z2 (composé, on le sait déja, d'extraits de LP et de X2) la phrase qui se termine par ces mots (n° 47) n'a aucun lien logique avec Ia précédente que Z a prise dans X et dont les premiers mots seulement, jusqu'a „matutinorum solemnia", se lisent dans I'exemplaire XM qu'ils terminent brusquement. Par conséquent Ia phrase de Z2: „transacto vero spatio....: ipse periit", grossièrement accrochée a la précédente, ne fut pas prise a X ni par Z ni par U, mais a encore pour auteur U auquel Z I'emprunta. U, tout comme X et Z, n'ayant pu paraïtre du yivant d'Ebroïn, pouvait et partant devait s'étendre au moins jusqu'a sa mort, lorsque 1'auteur livra son écrit au public. Les phrases qui vieiment après les mots „et ipse periit" ou la finale de LP anront été ajoutées a LP dans la sufte, prises dans un X (Z) moins mcomplet que XM et sans doute en même temp 32 que U s'augmenta de Us emprunté soit a ce même exemplaire, soit a quelque autre plus complet, lui aussi, que XM. En effet, la réflexion: „infelix et miser.... amisisset" qui suit „ipse periit" est de celles qui sont dans le goüt de X et de Z, mais qu'on ne rencontre pas dans U. Telles sont par exemple dans X (Z): „nee enim quis...." (n° 13), „nee enim impossibile.. ." (ibid.) ".sciebat autem vir Dei..." (n° 20) etc. Viennent ensuite, dans la finale, les mots: „sed postquam... percrebuit" qui se rattachent si bien a Ia phrase suivante (n° 49: post haec igitur..... culpabilem) soigneusement omise dans U, qu'on doit dire qu'ils furent écrits par X et par conséquent empruntés par Z a X et nullement a U. Nous disons: „omise dans U „a savoir pour la bonne raison qu'elle n'est pas autre chose qu'une basse flatterie a 1'adresse de la familie royale, tout a fait digne de X, Pavocat d'Hermenaire, mais que le continuateur de U n'a eu garde de copier et d'introduire dans U2. Les dernières phrases de cette finale renferment certains mots dont 1'auteur ne saurait non plus être U mais sera X auquel ils auront été pris. II s'agit des termes qui se rapportent a Audulphe (n° 50). Quand on se rappelle que la dédicace 1'a déja fait connaitre et au moyen d'une expression tout a fait convenable, on ne saurait croire que la nouvelle mention est du même auteur U qui le connaissait tout particulièrement. U8, depuis le commencement jusqu'a la mort d'Ebroïn, fut composé par U et volé par Z pour le combiner avec X2 et en former son Z2. Dans X, Z transcrivit littéralement la finale de X2 sans la mêler avec quelque autre ou du moins pas avec celle de U2 puisque ce dernier ne la recut que plus tard, après 1'apparition de Z2, et empruntée presque littéralement a ce Z2, comme il a été dit. Par contre ce n'est pas de Z2 que provient une seule des phrases qui dans U2 précédent 1'assassinat d'Ebroïn. En effet, puisque U pas plus que X ou que n'importe qui, n'aurait osé écrire avant la disparition du tyran, on ne comprendrait pas pourquoi, quand enfin U put prendre la plume, il aurait été empêché de pousser son récit de la Passion du saint au moins jusqu'a cette mort inclusivement. On ne s'expliquerait pas davantage pourquoi ce qu'on supposerait pris ainsi a Z2 et introduit dans U8 aurait été préalablement débarrassé de ce qu'il renfermait d'emprunts faits par Z2 a X8. En effet, dans ■0 34 bien (s'il était prouvé que X n'avait pas de troisième partie ou que celle-ci différait trop de Z3) après que Z eut fabriqüê luimême Z3 ou 1'eut fait composer par un autre pour 1'ajouter a son travail. En effet plusieurs passages de Z3 (X3) et surtout 1'introduction ne se lisent pas dans U8 et rien ne prouve qu'ils ne se trouvaient pas dans Z3 (X3) lorsqu'on copia ce dernier pour 1'attacher a U2. Ces passages doivent donc avoir été oubliés ou omis, et en particulier pour ce qui concerne 1'introduction qu'on lit en tête de Z3, il est inadmissible si X3 et Z8 avaient été postérieurs a U3 et transcrits de celui-ci et non vice versa, que U3 et Z8 auraient osé dire dans cette introduction qu'ils étaient les auteurs de ce qu'ils n'auraient fait que copier dans U3. D'autre part la finale de U2 ainsi que U3 ne furent ajoutés a U que lorsque X eut mêlé son X2 avec U2, comme on Pexpliquera tantöt. Enfin ces dernières pages de U2 et U3 tout entier, non composés par U, ne furent pas davantage ajoutés a son travail par U lui-même, mais par un autre, sans doute après la mort de U et partant peu de temps après qu'il eut achevé ce dont il était lui-même 1'auteur. Nous 1'avons déja établi pour ce qui regarde la fin de U2. On le prouve non moins facilement pour U8 contre K qui prétend que U en est 1'auteur. II y a en effet trois passages de Z3 qui manquent dans tous les exemplaires de U3 mais dans aucun de Z3. D'oü la conclusion, soit dit en passant, que tous nos U3 encore existants proviennent d'un même premier exemplaire et pareillement pour tous nos Z8. Le fait est assez singulier puisqu'il aurait si facilement pu se produire (par distraction ou trompé par Pidentité presque compléte de U3 et de Z3) que Pun ou 1'autre copiste, après avoir transcrit U1 et U2, y ajoutat Z3 ou bien après copie de Z1 et Z2 fit suivre U3. On devrait aussi rencontrer, semble-t-il, quelque exemplaire de U dont le copiste, dans le but d'avoir la troisième partie aussi compléte que dans Z8, aurait, après copie de U1 et U2, ajouté Z3. Or, on ne rencontre rien de semblable. Cela dit, nous re venons a nos passages de X3. Un des trois, omis par U8, est celui oü X3 déclare en commencant, qu'il abrège Y. D'après K, on se le rappelle, si cette phrase ne se lit pas dans U8, c'est paree que U ne connaissait pas Y ni son abrégé par X en deux phrases! Par conséquent, toujours d'après K, U doit être 1'auteur d'un nouveau récit de la translation, du récit que Z8 reproduit en le combinant avec Pabrégé de Y fait par X (en deux phrases). 35 Or, on peut donner une explication toute différente et bien plus raisonnable de Pomission de cette phrase au début de U3Si elle manque dans U3 c'est paree que ce dernier ou ceux qui lui donnèrent Us n'auront pas voulu être fourbes au point de se déclarer les auteurs d'un écrit qu'ils ne faisaient que copier. Quant a Z affirmant que c'est lui qui est 1'auteur de 1'abrégé (que d'après K il aurait au contraire volé a X et a U) nous ne voyons non plus de motif pour 1'accuser d'avoir menti en ce point. Son assertion peut prouver que X n'avait pas d'abrégé de Y ou en avait un tout différent du sien ou bien elle constitue une des preuves que Z est le même que X, ayant comme tel le droit de Ie copier. Quant a la première des deux autres phrases de X3 (Z3) (n° 59: nam dum . . . obtulisset), si elle manque dans U3 ce n'est pas paree qu'elle faisait partie du prétendu résumé de Y fait en deux phrases par X, résumé que U aurait ignoré, mais pour la raison toute simple que le premier qui copia X3 afin de 1'ajouter, comme troisième partie a U, 1'omit par distraction. En effet, si Xs avait voulu abréger tout un ouvrage, celui de Y, au moyen de deux extraits, il n'aurait du moins pas commencé 1'emprunt de celui dont nous nous occupons, au milieu d'une phrase, aux mots „nam dum " mais bien au commencement a „Matronae vero —". Enfin, pour ce qui concerne le dernier des deux prétendus extraits de Y destinés a former X3, c'est-adire les quelques mots qui terminent Z3, K n'en aurait sans doute pas parlé s'il avait remarqué qu'on he les rencontre que dans 1'un ou 1'autre exemplaire de Z3 (Debye, n° 256-7). D'oü la conclusion que X3 ne les avait pas, a moins qu'on ne prétende que tous les exemplaires de Z3, sauf quelques-uns, les auraient omis. II faut plutöt supposer qu'ils furent ajoutés a 1'un des exemplaires de Z3 d'oü ils auront passé dans quelques autres. Toutefois, cela même n'est pas établi, puisque cette dernière ligne ne se rencontre que dans peu d'exemplaires de U3 et partant qu'il n'est pas impossible que c'est d'un de ces U3 qu'elle a été copiée dans quelques Z3. D'oü il suit qu'il n'est pas prouvé non plus que X3 était constitué de deux phrases de Y, comme K le prétend, et pas d'une seulement! Mais comment expliquer que U, comme K 1'affirme a bon droit (p. 372, 588) sans toutefois en fournir aucune preuve ou explication, n'a pas eu entre les mains la vraie et compléte re- 36 lation de Y, bien que dans sa dédicace, il assure avoir écrit a la demande de ce dernier? En effet, d'après K, la troisième partie de U serait le travail personnel de cet U et non un abrégé qu'il aurait fait de Y. D'après nous, au contraire c'est 1'abrégé de Y mais fait par Z et transent de Z par U ou plutöt par un autre que U, pour être ajouté aux deux premières parties de U. K répond a notre question que U ment dans sa dédicace et conclut qu'il a écrit soixante ans au moins après Y. Comme s'il n'aurait pas été possible et même plus facile a un contemporain d'Y d'abuser du nom de ce dernier afin de se donner de 1'autortté! En outre, rien ne défend de supposer que Y se sera contenté de n'écrire qu'une fois sa relation (sans en faire prendre des copies) pour 1'envoyer en lecture aux religieux et a 1'abbesse dont il est parlé dans les premières lignes de 1'abrégé. II n'aura pas eu d'autre intention que d'édifier ces personnes et ne se sera pas imaginé que son récit serait remis a 1'un des biographes du saint pour être ajouté par celui-ci a son écrit. On sait le reste. L'abbesse passa la relation au moine X-Z qu'elle avait prié d'écrire la Passion et celui-ci crut devoir abréger Y avant de 1'ajouter a son X2 achevé peu auparavant. L'ceuvre de Y s'égara ensuite et peut-être même fut anéantie paree que, au jugement de X2, elle glorifiait trop le saint et disait la vérité concernant Thierry III, Hermenaire etc ou pour quelque autre motif. On ne possède en effet aucun exemplaire de l'ceuvre même de Y, mais seulement son abrégé, mal fait, ainsi que nous le verrons, ei, pour ce motif encore, ne pouvant avoir comme auteur U, mais X-Z. Voila 1'une des explications qu'on peut fournir. II fallait surtout ne pas oublier d'en donner une, si, comme K, 1'on prétend que U, bien que ne connaissant pas l'ceuvre de K, était cependant moine de son abbaye. S'il y avait en plusieurs copies de Y, c'est avant tout la que U, le prétendu moine de Saint-Maixent, en aurait trouvé 1'une ou 1'autre et en tout cas n'aurait pu ignorer 1'existence d'un pareil écrit, comme K ose le prétendre. Nous avons dit encore que U3 n'avait pas été pris a X3 (Z3) par U lui-même, pour être ajouté a U2, mais par un autre et probablement après la mort de U. On doit croire en effet, que U dont 1'écrit révèle une ame parfaitement honnête et juste n'aurait pas voulu agir de la sorte. On peut aussi se demander si U qui connaissait sans doute le peu sérieux Z et son piétre 45 En outre si 1'on attaché les mots: „ubi destinatum " a: „In illis diebus ... primo", on n'a aucun Hen logique entre les deux phrases, tandis que les mots: „ubi destinatumse laissent trés raisonnablement ajouter a: „Cum jam longo tempore ... et ipse." D'oü il suit que si, contrairement a ce que nous croyons, la première phrase de Z2 ne fut pas composée par Z, mais empruntée a un X2 plus complet que XM ne 1'est a cet endroit, ce n'est du moins pas a la place indiquée par K qu'il faudrait la restituer a X. II est regrettable que K n'ait pas remarqué que les mots: „Cum jam longo tempore ... et ipse" n'appartiennent plus a 1'introduction de X mais commencent X*; peut-être aurait-il été d'accord avec nous dans ce que nous venons de dire. Nous en reparlerons tantöt. On peut se demander s'il n'y avait pas quelques mots entre „et ipse" et „ubi destinatum'' que nous ne recontrerions plus ni dans X ni dans Z, tels que nous possédons maintenant ces écrits. Ce n'est pas impossible, mais rien ne le prouve, car la phrase „et ipse" que 1'on suppose suivie immédiatement de „ubi destinatum " ne le demande pas pour être parfaitement claire et logique. Nous avons déja vu comment Z a inséré son introduction a Z3 au milieu d'une désignation géographique fournie par Y. Ici (n° 20) nous rencontrons une autre de ses nombreuses bévues. Au lieu de copier littéralement la phrase de son X: „Cum jam longo tempore ipsa civitas obsessa esset et ipse ubi destinatum contra se hostium sensit impulsum " qui se lisait bien certainement de cette facon dans X, comme nous 'venons de Ie prouver, que fait-il? II négligé de copier les premiers mots: „Cum jam longo tempore ipsa civitas obsessa esset et ipse" par lesquels X (XM) commence son récit et les remplace par d'autres qu'il prend a U: „vir autem Domini Leodegarius cum ad suam plebem restaurandam resideret in urbe sua" qu'il fait suivre de „ubi destinatum...." Or, il est bien évident que les deux parties* de cette phrase fabriquée par Z au moyen de U et de X n'ont pas de rapport entre elles. Pourquoi Z n'a-t-il pas conservé comme introduction a sa seconde partie, les mots dont il se servait dans les éditions précédentes (X): „Cum jam longo tempore ipsa civitas obsessa esset et ipse"? Lorsqu'il eut remplacé son introduction par une dédicace et une première partie, il se sera probablement dit 50 que Z 1'a composée et 1'a fait suivre de 1'abrégé de Y tel que U3 le donne. Anal non plus n'admet donc que le premier abrégé de Y, celui de X, aurait consisté en deux phrases et que U3 ne serait ni Y ni son abrégé. Mais on peut objecter a la revue que, si 1'argument vaut contre K, il ne saurait valoir contre ceux qui avec elle admettent que U n'est aucunement menteur, et par conséquent U* peut avoir omis 1'introduction de X3, entre autres motifs, pour ne pas dire faussement que lui, U, avait fait 1'abrégé de Y: „Nos breviter intimamus." L'absence de 1'introduction de Z3 chez U3 ne prouve donc nullementque X ne 1'avait pas. II nous faut maintenant exposer les principaux défauts, négligences, distractions etc du premier travail de X, c'est-a-dire de XM. Toutefois c'est surtout dans Z et spécialement dans Tqu'ils fourmillent et qu'on apprend a bien connaltre le peu de valeur de X, alias Z. Nous ne parierons pas des fautes énormes contre la grammaire qu'on ne doit peut-être pas attribuer a X» mais a quelque copiste et sans doute au copiste XM, comme il a été dit. C'est encore lui probablement qui aura produit les lacunes déja signalées, ou qui du moins ne les aura pas remarquées si elles se trouvaient dans le manuscrit qu'il copiait. II ne s'agit donc plus que du titre, de 1'introduction et du récit de la Passion du saint jusqu'a la mort d'Ebroïn. Nous avons déja vu comment K est d'avis que X, si on excepte ses flatteries a 1'adresse d'Hermenaire, est parfait et nous en avons indiqué le vrai motif. La vérité est que tout en ne possédant pas de preuves certaines que X est menteur ou hypocrite ou hostile a S. Léger, on a néanmoins le devoir de le soupconner et de se défier de lui. En effet il ressort assez clairement de son travail que X est tout a la fois le protégé et Pavocat d'Hermenaire. En outre bien des faits, dont U ne dit mot, semblent être rapportés par X dans une intention mauvaise et pour être interprétés contre 1'évêque-martyr. Cependant, nous le répétons, il n'en est pas, d'après nous, qu'on ne puisse avec de la bonne volonté, expliquer ou excuser par quelque distraction ou négligence ou mauvaise information. En d'autres mo s X cache bien son «jeu, si jeu il y a, grace sans doute aux conseils et aux corrections de son reviseur Hermenaire. On doit surtout admirer comment X ne connait qu'un seul ennemi de S. Léger: Ebroïn et pas même Ebroïn tout court, mais le „serpens anti- 51 quus" le „diabolus" etc poussant Ebroïn! Pareillement on doit critiquer dans X son manque d'ordre et de clarté. Jamais non plus il ne donne une date ni n'indique la durée d'un événement. Plusieurs fois il a des réflexions qui ne sont que des horsd'ceuvre ou des erreurs ou pour le moins des dröleries. De tout cela nous citerons maint exemple concluant. Dans son titre et dans son introduction X cite Waning avec Ebroïn comme les deux persécuteurs du saint. Or, partout ailleurs, il ne mentionne comme tel qu'Ebroïn ou plutöt le démon et nulle part dans son écrit ni dans quelque autre on ne voit que Waning ait fait souffrir son saint prisonnier. X luimême le reconnait formellement (n° 28). Waning ne fut pas même le dernier gardien sous lequel le martyr subit la mort. Ensuite X fait mourir Guérin après qu'on a coupé les lèvres et Ia langue a son frère Léger et ajouté que ce dernier ne recouvra miraculeusement Ia parole que plus tard. Néanmoins il affirme que le saint adressa une exhortation a son frère lorsque celui-ci allait a la mort, c'est-a-dire presque immédiatement après que lui-même eut eu la langue et les lèvres coupées et par conséquent avant sa guérison miraculeuse (n° 25). Quant a ce supplice et au miracle en question, X les raconte jusque trois fois au moins et de fagon différente (n° 28). On a 1'embarras du choix et surtout on doit y mettre toute sa bonne volonté pour ne pas soupconner X de mensonge. Si K avait rencontré pareil récit dans U, une fois de plus on 1'aurait entendu s'écrier: „Er bat es gelogen!" Enfin X2 prête a S. Léger des paroles vraiment incroyables que celui-ci aurait adressées a un de ses bourreaux (n° 37). Aussi a-t-il eu soin de les omettre dans Z2. Que si K croit ou doute que le „vidi" de X ne se rapporte pas a X même, mais a Hermenaire, il a tort de ne pas déclarer que X commet au moins la sottise de mettre son verbe a la première personne pour désigner une tiercé personne. Pareillement si avec K on est d'avis que 1'abrégé de Y par X ne consistait qu'en deux courtes phrases précédées d'une introduction, il faut bien avouer que cela non plus n'est raisonnable. Et quant a cette introduction on ne peut se contenter avec K de signaler, sans la condamner, la sottise de son auteur, X, qui 1'insère entre deux noms de lieux avec lesquels elle n'a rien a voir. 3. Le récit de Ia translation par Audulphe ou Y constitue le troisième document que nous avons a examiner. On sait 53 On y lit que Ia relation fut composée „par 1'abbesse elle-même ainsi que le récit de Ia dernière (?) passion du saint sur les dépositions immédiates (!) et toutes récentes (!) de témoins oculaires". Dans son avant-propos (p. X) Pitra n'avait pas été aussi inexact, puisque la, même a plusieurs reprises, il reconnaït du moins qu'AuduIphe est 1'auteur de cet écrit. Mais a cette même page il fait d'Hermenana une abbesse de Cahors (Département du Lot) tandis que plus loin (p. 397) il sait seulement qu'elle était abbesse du Quercy qui comprend, outre la ville de Cahors et le département du Lot, encore celui de Tarn-etOaronne. Quelques lignes auparavant (p. 396) il en avait fait une abbesse du Poitou c'est-a-dire de la Vendée ou des DeuxSèvres ou de la Vienne. Est-ce sérieux ? K n'ignore pas que Ie „pagus" ou la „parochia" dont il s'agit n'ont des rapports avec 1'abbesse que par suite d'une gaffe de X reprise par Z. II ne se croit donc pas tenu a choisir Cahors ou Chartres ou Le Quercy etc, mais il est d'avis (Mon, p. 257) qu'il s'agit d'une abbesse d'Autun, puisque, d'après 1'introduction de X* „elle avaiï engagé un moine de Saint-Symphorien d'Autun k écrire". Ce n'est pas plus concluant que la preuve donnée par Pitra (p. 396) et par Du Moulin (p. 38) pour prétendre qu'Hermenana était de la familie d'Hermenaire, a savoir: Ia ressemblance des deux noms! II n'est pas requis d'être abbesse a Autun pour pouvoir s'adresser a un moine de cette ville, et pareillement ceux qui portent des noms semblables, voire même des noms absolument identiques, ne sont pas pour cela des parents! En particulier, pour Ie cas présent, congoit-on qu'une parente d'Hermenaire aurait osé ou voulu demander a n'importe qui et surtout a un homme mieux que personne au courant des intrigues de ce prélat, un écrit concernant 1'évêque-martyr? Enfin il nest pas vrai que dans 1'introduction de X8 il soit question d'un moine de Saint-Symphorien d'Autun. Et cependant il y avait du temps de S. Léger, une abbesse du nom d'Hermenana! Et 1'on doit s'étonner grandement que K, qui fait trés bien remarquer qu'en définitive on ne dit pas oü' elle était abbesse, ait songé a la chercher a Autun, sans ombre de preuve, au lieu de penser a la fille ainsi appelée du roi Dagobert, mis a mort lui aussi par ordre d'Ebroïn. Elle était abbesse a Horren prés de Trèves. Comme fille de roi et de roi-martyr elle devait être assez connue pour que X3 püt se 54 dispenser de nommer la localité oü se trouvait son abbaye et 1'on comprend sans peine que quand elle demandait un écrit, on ne pouvait convenablement le lui refuser, surtout lorsqu'il s'agissait d'une pièce au sujet d'un personnage tel que S. Léger 1'une des victimes, comme son propre père, des fureurs d'Ebroïn. Que 1'on songe en outre a ceci: S. Léger, on le prouvera longuement, fut martyrisé et enseveli dans un pays voisin de celui de TrèvesC1) et par conséquent ces événements et les miracles opérés alors en si grand nombre et qui accompagnèrent aussi 1'exhumation et la translation, durent produire dans le pays de Trèves un retentissement immense et allumer le désir, surtout chez une religieuse telle que la fille du roi-martyr, d'en obtenir la relation aussi exacte que possible. Elle devait surtout éprouver ce désir après un certain temps lorsqu'on pouvait redouter que les faits ne s'altérassent et ne finissent même par s'oublier. On peut voir sur cette sainte abbesse: Mon, script. 23, p. 48; Na, 1893, p. 620 par K; Anal, 1889, p. 285 etc. Une autre considération qui prouve que les mots „in pago Caturnio" ne se rapportent pas a 1'introduction de Z3, c'est que dans Us oü cette introduction a été omise, pour la raison déja donnée, ils n'ont pas été supprimés. Ils y sont immédiatement suivis de: „in quadam villa cujus est vocabulum Oaudiacus". Enfin si 1'on avait eu 1'intention de désigner la demeure de 1'abbesse, ne faut-iLpas reconnaltre qu'on s'y serait pris d'une facon par trop vague en se servant simplement de „pago Caturnio, parochia Carnotensi"? On n'a pas connaissance en effet qu'il y eut la au VIIe siècle une autre Hermenana, surtout aussi illustre que celle de Horren et dont il n aurait pas fallu déterminer davantage la résidence. On s'explique encore, par ce qui précède, que Y ait surtout (praecipue) écrit a la demande d'Hermenana, comme on lit dans 1'introduction de Z3 et que, dans cette même introduction, Z3 a son tour la cite seule et par son nom comme 1'ayant engagé a écrire la Passion de S. Léger. II devient aussi plus évident que si X avait déja possédé Ia dédicace qu'on lit dans Z, avant d'avoir Y ou au moment qu'il publia Y, il n'aurait pas manqué (i) Pitra parle de ce monastère (p. 356, 368) et le place encore plus prés du lieu du martyre et de la sépulture de S. Léger, a savoir 4 Tongres. Seulement 1'auteur ne dit pas oü il a fait cette découverte. II renvoie a Bouquet qui n'a rien de semblable et ne parle même pas de 1 abbesse. 55 afin de se donner de 1'autorité, d'y insérer quelques mots pour informer ses lecteurs qu'il écrivait son X2 a la demande de cette illustre fille de roi. Ne pouvant pas bien le faire dans 1'introduction (n° 2) plutöt ascétique qui précédait son premier travail (X2), il eut soin, dès qu'il fut en possession de Y de mettre en tête de son abrégé de cet Y une petite introduction spéciale afin de pouvoir, entre autres détails, mentionner sa protectrice. II ne dit pas et nous ne savons non plus d'autre part, si celle-ci fut satisfaite de ce qu'il avait abrégé Y et surtout de la fagon dont il 1'avait abrégé. II y a lieu de penser que la sainte abbesse n'aura pas bien connu le personnage X et se sera trompée sur ses connaissances et sa capacité. Quand on lit attentivement cet abrégé, conservé dans Z3, on ne peut s'empêcher de soupconner que non seulement il a retranché la plus grande partie et sans doute la plus intéressante pour qui veut rechercher le vrai lieu du martyre et de la sépulture, mais encore qu'il a gaté le style de ce qu'il a pris a Y. C'est probablement une des raisons pour lesquelles le continuateur de U, en prenant a X son X3 afin de Pajouter a U2, a cru devoir omettre 1'introduction de X3 dans laquelle X prétend, faussement sans nul doute, avoir donné un abrégé fidéle de Y. Si du moins X n'avait pas détruit ou égaré l'ceuvre de Y, comme on a le droit de 1'en soupconner! Le continuateur de U, avant de se résoudre a ajouter X3 a U2 aura bien probablement fait des recherches en vue de retrouver 1'original de Y. S'il avait réussi dans son entreprise, nous trouverions certainement chez lui l'ceuvre intégrale de Y ou du moins un abrégé sérieux. Les quelques mots d'introduction de X3 disent encore qu'Audulphe composa le recit „de la translation". On ne comprend donc pas que Debye (n° 26, 254) et Anal aient affirmé Ie premier que Y donnait, en plus de la translation, toute la dèuxième partie ou Passion du saint et le second qu'il avait au moins la finale de cette partie. Ils 1'affirmaient, Debye surtout qui n'avait pas bien compris la nature de XM (il en possédait une eopie) afin de pouvoir, en les attribuant a Y, expliquer les parties communes de U2 et de X2. Mais ils auraient dü réfléchir qu'en ce cas 1'introduction de X8 ne devait pas attribuer a Y le récit de la seule translation et qu'en outre X aurait dü la placer, non pas au commencement de X3, mais en tête de Z2 dans Ie premier cas ou devant la finale de Z2 dans 1'autre 56 cas. Gratio (Abtei Murbach) va même jusqu'a dire que Y est 1'auteur de la vie de Z avec sa dédicace et ses trois parties! Certes en voila un qui n'est du moins pas d'avis, comme K, que Z écrivit cent-quatre-vingts ans au plus tot après 1'auteur de Y. Sans doute n'étaient-ce les objections que nous venons de formuler, on pourrait dire que le récit de la translation commencait avec la finale de U2 et de Z1. Bien plus, nous ayons rencontré une vie de S. Léger ou se lisait en grands caractères, même un peu avant cette finale, après les mots „humatus fuisse dierbar" (n° 39)l'en-tête: „translatio". Mais 1'explication est aisée et il n'y a pas moyen de rien conclure. C'était une vie de U. Or, dans U, on 1'a déja dit, la petite introduction de Z3 fait défaut et partant le scribe qui a cru bon d'ajouter ce mof, a manqué du renseignement requis pour savoir oü le placer exactement. En tout cas il 1'a placé bien avant le début du récit abrégé de la translation. Dans notre étude sur U et X nous avons été obligé d'examiner d'autres questions qui concernent Y. En particulier nous y avons prouvé que Y n'est pas le premier et le plus ancien écrit sur S. Léger, mais qu'il a paru après les récits de la Passion par U et X. Nous ajoutons qu'il n'est par conséquent pas nécessaire d'attribuer avec K (p. 590) a U et non a Y ce qu'on lit a la fin de U2 a propos de 1'église Saint-Léger a Saint-Maixent et d'en conclure que U est un moine de cette abbaye et est en outre postérieur a Y! Après ce qu'on vient de lire on n'aura pas de peine a comprendre tout ce qu'il y a encore d'inexact et même d'inventé dans les lignes suivantes de Pitra (p. X-XI, 382, 396, 397): C'est le plus ancien document concernant S. Léger, écrit sur les lieux et dans le temps même de cette translation vers 681. U fut envoyé en même temps a Poitiers et a Autun. Ursin se décida a Ie compléter par le récit de la vie du saint.... Ursin et 1'anonyme ont copiè un récit trés détaillé, une sorte de procés verbal ou d'acte proconsulaire mis a leur commun usage et rédigé a Saint-Maixent par ordre de 1'abbé Audulphe.... L'abbesse Hermenana rédigea sur les dépositions immédiates et trés récentes de témoins oculaires le récit de la dernière passion du saint et celui de sa translation; elle y déclare que les miracles sont si nombreux qu'a peine un psautier contiendrait ceux qu'elle a vus" etc, etc. 61 ^t:tnt de u en un point« °n préféra y * En étudiant U et le premier et deuxième travail de X nous avons du examiner plusieurs autres questions concernant Z troisième travail de X. On voudra bien s'y reporter Pour temmer, nous indiquons quelques-unes des négligences et des hors.d'ceuvres de Z, c'est-a-dire de Z« et de hflnS de Z? amsi que de la première partie de Z2 en tant que combmée avec W. Nous avons déja fait quelques remakes co" cernant 1'ancenne introduction, remplacée dans la suite par une dédicace, ainsi qu'au sujet de son abrégé de Y(X») et de son X2 (non combiné) jusqu'a la finale exclusivement. Par la critique qui va su.vre, on verra de plus en plus que l'ceuvre de Z n'a pas grande valeur ou du moins est loin de valoir U et que Z et X sont un meme auteur. Bien souvent dans Z» Z lui-même dïïut dareCetc- q*£^£ f nï ü * "ff* Ct hors-d'««vre et restriction mentale f nt completement défaut. ««"«aie 16 Si V™ historien d'»Près K, montre qu'il croit a 1'astrologie et a 1'influence néfaste des comTtes et 62 il s'emporte contre ceux qui ne s'en inquiètent pas. Debye (n° 155) lui reproche a bon droit d'être fort obscur dans ce qu'il raconte des „duo duces" envoyés a Luxeuil. D'ailleurs ce fait, lui aussi, est raconté trop tard: „priusquam hoe evenisset". On peut encore reprocher a Z ce qu'il rapporte du siège de Lyon. C'est de nouveau un hors-d'ceuvre, intéressant en soi, mais qui n'a rien a voir dans une vie de S. Léger, ou dont Z n'aurait pu dire un mot tout au plus que lorsque pour la première fois il parle de Genesius. Autre hors-d'ceuvre: ce que Z raconte (n° 17) d'une attaque subie par Thierry III de la part d'Ebroïn et nouvelle occasion pour 1'écrivain de parler avec sympathie du roi. II ajouté qu'o« raconte que Leudèse fut tué dans cette circonstance. Z ne dit pas quand et comment Ebroïn devint maire du palais. C'est seulement dans la suite (n° 26) qu'il nous le montre a l'ceuvre en cette qualité. On avait cependant le droit d'avoir quelques détails sur ce fait, qui se présente comme incroyable, après qu'on a entendu Z raconter comment Ebroïn attaqua Thierry, vola son trésor, tua, d'après ce qu'on dit, son maire du palais etc. Le fait de cette inimitié d'Ebroïn a 1'endroit de Thierry demandait une explication. Puisqu'il avait cherché a le faire succéder a son père et a éloigner Childéric, il semble plutöt qu'Ebroïn pouvait en toute confiance se rendre auprès de lui, assuré d'être bien recu et de recouvrer son ancienne dignité. Pour finir Pexamen de Z1, signalons un dernier hors-d'ceuvre, un fait qui n'aura pas été pris au sérieux par les contemporains et dont, en tout cas, Z est absolument seul a parler, en termes vagues et sans détails: Ebroïn aurait fait proclamer roi un prétendu fils de Clotaire! On dirait que Z, le premier, a compris qu'il divaguait, car il finit par: „redeamus ad opus coeptum". Nous arrivons a la combinaison, faite par Z, de son X2 avec LP. C'est ici surtout qu'il y a moyen de constater que X est souvent peu sérieux et mérite qu'on se défie de lui dans tout le reste. Dès le début de cette seconde partie (n° 20) on peut admirer comment Z omet sans rime ni raison deux passages de U (n° 18) et par conséquent arrange trés mal les deux qu'il lui prend. Par suite de cet arrangement absurde et de 1'omission d'un des passages de U, il se fait que sa première phrase n'a pas de sens, attendu qu'il n'y a aucun Hen entre „primo" (et ce qui précède ce mot) et „que agere" (et ce qui suit ces deux 66 saurait rien trouver de bon, attendu qu'il le déclare trop favorable a S. Léger. La vérité se lit dans Anal: „Est-il si difficile de supposer que, au milieu de 1'effroyable corruption de langage qui s'observe dans la généralité des documents Mérovingiens du VIIe et de la première moitié du VIIIe siècle, il se trouvait parci par-la, dans certaines écoles épiscopales ou monastiques, quelques restes de traditions littéraires plus pures et des écrivains qui maniaient encore la langue latine avec une certaine aisance et répugnaient a 1'emploi de termes barbares en usage parmi leurs contemporains? Je ne sache pas que jusqu'ici on ait essayé de démontrer que la vie de S. Eloi, attribuée dans un grand nombre de manuscrits a son ami S. Ouen, ne peut pas être regardée comme composée par celui-ci. Or, la latinité de cette vie n'est certes pas inférieure a celle d'Ursin et S. Ouen était contemporain d'Ansoald a qui Ursin dédia la vie de S. Léger." II faut ajouter que le latin de U n'est pas tellement pur qu'on n'y trouve aucun des termes barbares de 1'époque Mérovingienne. On y rencontre a plusieurs reprises les mots „parochia" (dioecesis) „sublimare" (constituere in regem) „papa" (episcopus) etc. K lui-même fait remarquer ce dernier terme. Le second argument de K affirme que U manque de renseignements historiques propres sur la situation politique a 1'époque de S. Léger. Ceux qu'il donne auraient été pris a X et, le plus souvent, d'une manière fort inexacte. K ne cite qu'un seul fait: U affirme que S. Léger fut maire du palais! Pour les autres, K renvoie aux pages précédentes de son écrit. Nous n'examinerons a présent que le seul fait rappelé par K et parierons des autres tout a 1'heure, quand il sera question des preuves qui montrent, d'après K, que U en cachant „d'une manière trés savante" son jeu (K, p. 592) a utilisé „d'une facon le plus souvent trés stupide" (K passim) 1'écrit de X, en d'autres mots les preuves qui établissent que U, s'il est contemporain de S. Léger, est du moins postérieur a X qu'il aurait connu et pillé. Pour le moment nous ferons seulement observer que s'il est regrettable que U n'ait pas donné plus de faits historiques, on ne peut lui en faire un grief, puisqu'il avertit que son but est d'édifier et de porter a la dévotion et a la confiance envers son héros. Donc, d'après U, S. Léger aurait été pendant prés de trois ans maire du palais de Chilcféric II roi d'Austrasie et de Neustrie. C'est la ce qui indigne surtout K (p. 591, 580) qui affirme que 72 affaire d'éducation. En outre il est inouï et inadmissible que le roi, et non les parents, Paurait envoyé chez Didon. Par conséquent c'est U qui a inventé ces détails pour exalter son héros. Enfin on rencontre dans U et dans X le même mot „exortus" et de plus les expressions „a primaeva aetate" (U) et „a primaeva aetatis infantia" (X). Nous répondons: X n'est en rien opposé a U. Ce dernier a simplement quelques détails complémentaires qui ne disent d'aucune fagon que Tonele ne fut pas consulté ou que le roi envoya Léger chez son oncle a 1'insu de ses parents, et par conséquent rien ne prouve que si ces détails ne se lisent pas dans X, ce n'est pas paree que celui-ci les ignorait ou qu'il les croyait trop glorieux pour S. Léger, ou paree que, d'après lui, ils manquaient d'importance, attendu que 1'enfant, comme on lit dans U, ne resta pas longtemps au palais. Nous ferons encore remarquer que U ne dit aucunement que le prêtre chargé de 1'instruction de Léger s'en occupa pendant beaucoup d'années, mais „per plurimos annos". Quant a 1'assertion de Friedrich que Didon n'était pas encore évêque du temps de Clotaire II et que U commet un anachronisme en ce point, K déclare ne pas être de cet avis. Enfin, si on veut bien tirer une conclusion de certains mots et expressions aussi communs et aussi naturels que ceux qu'on cite, rien ne prouve, contrairement a la thèse de K, que ce n'est pas X qui a consulté et volé U, attendu que d'après K, U excelle a cacher ses larcins et aurait fait, dans Ie cas présent, tout le contraire. Autre grief de K contre U (p. 578): „D'après X (n° 5) Léger surpassait en science tous ses prédécesseurs, mais d'après U (n° 4) il ne surpassait que ses paroissiens, ce qui ne présente rien d'extraordinaire". La réponse est par trop aisée. U ne parle pas de paroissiens, mais de diocésains. II emploie „parochia" au sens qu'on lui donnait souvent a 1'époque Mérovingienne. Dans son édition de U, Debye ajouté même le mot „diocesis". Le contexte 1'indique pareillement: „omnibus ecclesiis est praelatus" par oü 1'on voit que Léger ne fut pas chargé d'une paroisse seulement, mais du diocèse entier. K n'ignore rien de tout cela, mais n'a pas voulu le savoir puisqu'il s'agit de U et d'un fait glorieux pour S. Léger. „Après sa nomination comme abbé de Saint-Maixent, dont X ne sait rien, Léger a la demande, d'après U (n°6), de Bathilde 76 pas U. En d'autres mots oü est dans tout cela la preuve que U exagère et que ce n'est pas plutöt X qui cherche a dimii.uer la gloire du saint? Oü sont les contradictions entre les deux écrivains, a moins de prétendre que silence et contradiction sont synonymes et, en tout cas, oü est la preuve que, si mensonge on erreur il y a, c'est U qui ment ou se trompe et non X? Nous arrivons a un troisième passage de X que U, au dire de K, aurait compris entièrement de travers. Étrange écrivain que cet U, s'il fallait croire K. II n'écrit pas mal le latin, mais cependant, a chaque instant, il ne le comprend pas, même quand c'est simple a 1'excès. Donc K raconte (p. 580) que d'après X (n° 9) Childéric fit venir devant lui son frère Thierry. Mais quelques-uns trouvèrent bon de lui couper les cheveux avant de le présenter a son frère (fratri suo). Celui-ci l'envoya dans une abbaye oü il fut gardé (salvatus) jusqu' a ce que sa che- velure eut repoussé (donec crinem enutriret). Par contre on lit dans U (n° 8) la pitoyable phrase que voici: „Childericus germanum suum Theodoricum cuidam Dei servo conservandum ac nutriendum dedit". 11 est évident que U n'a pas compris X. II lui a pris les mots „fratri salvatus 'enutriret et, son imagination aidant, il a fait de „fratri" un „servo Dei'' auquel Childéric confie Thierry pour être gardé et nourri, „conservandum ac nutriendum'*. Or, dans X, „fratri" indique Childéric et non un moine et „enutriret" doit s'y entendre de la chevelure de Thierry et non de ses repas. Notre réponse sera courte. K se moque évidemment de ses lecteurs, s'il prétend leur faire avaler une pareille absurdité. Un individu qui serait capable de faire ce dont K accuse U et qui n'aurait pas su comprendre dans X une phrase aussi simple que celle dont il s'agit, un pareil individu ne pourrait pas être considéré comme 1'auteur de n'importe quel écrit et surtout d'un écrit dont le style laisse fort peu a désirer et est en tout cas bien supérieur au style et a la phrase de X. Ce qui est particulièrement ridicule c'est de prétendre que U aurait changé „fratri" en „servo Dei". On ne dit pas non plus en quoi il aurait mal compris et mal employé „salvatus". En outre la phrase de U ne renferme rien qui ne se trouve implicitement dans X. En disant que Thierry fut enfermé a Saint-Denys, X par le fait même déclare qu'il n'y attendit pas seulement que ses cheveux eussent repoussé, mais qu'il y trouva encore ce 77 qui était requis pour sa subsistance. Or que fait U? II négligé de parler de toute cette question de chevelure, pas ou peu intéressante pour le genre de lecteurs qu'il a en vue et il se contente de dire le strict nécessaire: Thierry fut renfermé dans une abbaye oü il trouva le vivre et le couvert. II ne nie pas le second fait ni 1'autre motif indiqués par X. Enfin, on ne doit pas ignorer que Laeger (cf ci-dessus, p. 12) dont le but semble avoir été de pousser la critique des vies de S. Léger jusqu' aux extrêmes limites de 1'absurde, déclare pourtant (p. 28) ne pouvoir accepter Ia thèse de K dans la présente question. On lit dans X (n« 11): „Regem expetunt universi ut talia decreta daret per tria quae obtinuerat regna ut uniuscujusque patriae Iegem vel consuetudinem deberent, sicut antiquitus judices conservare „et U (n« 10): „Quidquid maxime adversus leges antiquorum regum ac magnorum procerüm, quorum vita laudabilis adstabat, reperit (rex) ineptum, ad pristinum reduxit statum." K écrit è ce propos (p. 581): „U trompé par le mot antiquitus de X dit le contraire de ce dernier. D'après X Ie roi ordonna d observer de nouveau les anciennes lois et coutumes, d'après U il fit annuler les abus contre les lois anciennes, mais laissa subsister ceux qui étaient opposés aux lois plus récentes." K conclut que cette différence constitue une de ses grandes preuves que U est un mauvais plagiat de X. Vraiment, elle vaut encore moins que les autres, cette preuve capitale que K a découverte a lui seul. II devient plus clair que jamais que K fait dire a U ce qu'il ne dit pas. Nulle part en effet celui-ci n'accuse Childéric de n'avoir corrigé que les seuls abus contre les lois anciennes, mais en s'exprimant de cette facon et en disant que le roi rétablit dans leur pureté primitive les anciennes lois, il dit implicitement qu'il supprima une foule de lois plus récentes qui n'étaient pas autre chose que des abus Bref rien ne prouve que U et X ne sont pas-parfaitement d accord et ne disent pas la même chose en termes différents Nous ajoutons que ces deux passages se présentent avec le plus de variantes dans les différents exemplaires (Debye, p. 468 z et 487 n.) C'est probablement la raison qui a fait direa Du Moulin (p. 17) qu'ils constituent des passages particulièrement obscurs. Donc c'est bien la que K devait chercher la preuve „capitale" de sa thèse. Trois nouvelles accusations contre U. K écrit (p. 581-2, 572): 82 Ces preuves ou objections n'of f rent de nouveau rien de sérieux. Que peut-on conclure de 1'emploi par U et X de 1'un ou 1'autre mot quelque peu ressemblant, voire identique ? De quelle fagon quand on écrit naturellement, aurait-on pu éviter les mots „concordes, concordem vitam, in crastina die, in crastinum"? Puisque K est d'avis que U est un fraudeur trés malin, comment n'aurait-il pas compris, si vraiment il avait copié, que ces mots devraient le trahir et n'aurait-il pas fait 1'impossible pour les éviter. K ne pose ni ne résoud la question. D'après Sismondi (T. 2, p. 69) Fauriel (T. 2, p. 469) Friedrich (p. 53) et compagnie, S. Léger, du fond de sa celluie de Luxeuil, dirigea un complot qui finit par 1'assassinat de Childéric. Pour Fauriel cela „parait certain'' (!) et il ajouté que U 1'affirme, par oü 1'on voit qu'il est loin d'accuser cet écrivain, a 1'exemple de K, d'être trop favorable a Léger. Toutefois c'est en vain que 1'on cherche pareille calomnie dans n'importe quel biographe ancien de 1'évêque-martyr, et c'est a bon droit que Du Moulin se demande (p. 91) oü Fauriel a lu cette accusation. II aurait pu faire remarquer encore a quelles terribles vengeances de la part de Thierry, successeur de Childéric, l'évêque se serait exposé. En effet il avait été de ceux qui contribuèrent a le remplacer sur le tröne de Neustrie par son frère Childéric. Aussi ne voit-on pas dans les biographes de l'évêque d'Autun que Thierry lui ait montré jamais, ou simplement au début de son règne, la plus petite amitié. Ebroïn ne semble pas davantage avoir songé a comploter, du moins dans 1'espoir d'être mieux traité par Thierry qu'il ne 1'avait été par Childéric. S'il est vrai en effet qu'Ebroïn fit proclamer roi Thierry, d'autre part aussi ce fut probablement a cause de la haine et de la défiance que ce maire s'étaient attirées, que Thierry fut rejeté. Ce dernier n'avait sans doute aucune envie de s'exposer derechef a être le jouet et la victime d'Ebroïn et celui-ci ne le savait que trop, puisque au sortir de Luxeuil il n'eut garde de se montrer auprès du nouveau roi, mais que d'abord il le considéra et le poursuivit comme son ennemi. — De ce que X seul raconte les détails de 1'assassinat de Childéric, on conclut que U ne les connaissait pas et n'est qu'un ignorant. Mais si U possédait une copie de X, comme K le prétend, comment fit-il pour ne pas remarquer ces détails et sur quoi repose 1'accusation? A ce propos toutefois K fait la lecon a Friedrich qui aurait voulu prouver par Ie mot „defuncto" dont U se sert en parlant 85 aucune. Quant a la proclamation, comme roi, d'un enfant quelconque, K, nous 1'avons vu, doit aussi la considérer comme fausse, puisque X est seul, parmi tous les historiens, a la raconter et que, d'après sa fagon d'agir a 1'égard de U, tout ce que celui-ci rapporte, soit seul, soit en plus de X, doit être considéré comme inventé. En serait-il peut-être autrement lorsqu'il s'agit de X ? Quant a cette proclamation, nous pensons que si elle eut lieu, elle ne fut qu'un guet-apens pour faire dire au samt une parole, ou lui faire poser un acte qui püt être interprété contre Thierry et produire la brouille entre le roi et l'évêque; en d'autres mots nous y voyons une preuve en plus qu'Ebroïn a ce moment avait déja recouvré les bonnes graces du roi, et agissait avec son consentement, si non par son ordre. Thierry en effet devait autant que son maire être mécontent de Leger paree qu'il lui avait préféré son frère Childéric, comme il a été dit. Nous avons déja fait remarquer combien il est étrange que X se contente de dire qu'Ebroïn redevint maire du palais après que, selon ce même X, Thierry aurait été attaqué mis en déroute, volé etc par Ebroïn. On avait le droit de savoiï sur quelles bases et a quelles conditioiïs la paix se serait conclue Quant a U qui n'a pas la plupart de ces détails, Ia raison en est claire et toujours Ia même: ces faits, s'ils sont exacts se rapportent a 1'histoire de Thierry ou d'Ebroïn et non a celle de Leger, et n'offrent rien d'intéressant pour ceux auxquels il destine son livre. D'ailleurs X lui-même semble reconnaltre, si pas qu'il a menti, du moins qu'il est sorti de son sujet, quand pour en finir, il écrit: redeamus ad opus coeptum.- Friedrich (p. 55) a découvert que d'après X (n« 19, i. e. 20) le peuple d'Autun aimait si peu son évêque qu'il Ie pria de quitter la ville avec les objets précieux de 1'église afin que I'ennemi levat le siège. K m personne d'autre n'a rien trouvé de semblable dans X, surtout dans des termes aussi durs. X en effet était un distrait, un négligent, un flatteur d'Hermenaire et plus encore du roi Thierry, mais il n'était pas imprudent au point de découvnr d'une fagon aussi ouverte ses vrais sentiments envers le saint. En outre dans la réponse qu'il met sur les lèvres de celui-ci, X a som de ne faire prononcer que des paroles de bienveillance et de grande reconnaissance. Enfin il ne dit pas seulement que le peuple Autunois demanda au saint de se retirer ailleurs avec les objets précieux pour faire lever le siège 86 mais aussi, ajoute-t-il, afin d'échapper lui-même a la fureur de ennemis. Toutefois on peut se demander si X n'avait pas une arrière-pensée et disait bien la vérité en racontant que les Autunois demandèrent a l'évêque de quitter la ville pour le motif indiqué? Ne veut-il pas par la condamner quelque peu l'évêque et faire accroire que son peuple n'était pas entièrement content de lui et ainsi préparer et justifier 1'arrivée de son ami, Pintrus ? — La petite poignée d'expressions ramassées dans U et X ne prouve de nouveau pas que U a copié X ou vice versa. Elles différent trop ou bien sont tellement naturelles qu'on aurait été en droit de soupconner, si on ne les avait pas rencontrées dans X et U que 1'un des deux les avait évitées afin de cacher un plagiat. D'après K, U surtout n'aurait pas manqué de recourir a d'autres mots puisqu'il le dit maitre-homme dans Part de cacher ses vols. En outre, s'il était vrai que U cherche a se donner hypocritement pour contemporain de S. Léger, il n'aurait pas manqué de prendre a X les mots „internicio, hostis etc" qui sont absolument du latin Mérovingien. K dira même plus loin que c'est afin d'atteindre son but qu'il a employé „papa" dans le sens de „episcopus". Quant a ce que U rapporte de la vue intérieure de 1'évêque-martyr après qu'on Peut privé de ses yeux corporels, c'est un cliché qui se présente tout naturellement a la pensée et sous la plume des écrivains dans des cas pareils a celui de Léger. — K écrit que U se contredit en affirmant qu'Ebroïn réfléchit au mal que l'évêque lui avait causé, attendu que plus haut il a affirmé que celui-ci intercéda en sa faveur. Or, puisque X, le parfait d'après K, raconte également cette intervention de Léger, le mensonge de Ia part de U devrait consister en ce qu'il écrit qu'Ebroïn tenait Léger pour son ennemi. La preuve qu'il y a un mensonge dans cette assertion de U2 ? Serait-ce par suite d'une immense affection envers Léger qu'Ebroïn le fit assiéger et maltraiter de mille facons ? — X ne dit nulle part que l'évêque se présenta seul a la porte de la ville. S'il le disait il faudrait évidemment le nier et lui préférer la version de U, a moins de fortes preuves du contraire, car 1'assertion de U se confirme par Ie reste du récit de U et de X qui tous deux témoignent continuellement de la grande bienveillance du peuple pour son évêque. Au dire de K (p. 584) c'est une colossale bévue de U que celle qu'il présente maintenant. X rapporte (n° 25, 28) que 87 l'évêque aveugle fut confié par Ebroïn a un gardien chargé de 1'abandonner dans quelque forêt pour 1'y laisser mourir de faim, mais après un essai infructueux, le gardien le prit dans sa propre' maison. Léger fut ensuite cité devant le roi, puis livré a un autre gardien qui, après 1'avoir fait souffrir de différentes manières, 1'envoya a 1'abbaye de Fécamp oü il resta pendant deux ans. D'après U (n 24, 27) Léger fut remis k un gardien qui le placa dans un couvent oü il demeura pendant deux ans, puis cité devant le roi pour être livré a un autre gardien, qui, après plusieurs mauvais traitements, 1'enferma dans 1'abbaye de Fécamps. L'objection qu'on vient de lire, si elle est fondée, établit évidemment le contraire de ce que K prétend, a savoir que U n'a pas connu X. Prouve-t-elle du moins que U se trompe et que c'est X qui a raison? Nullement, mais une fois de plus la comparaison des deux récits fournit la preuve que X est une oeuvre sans ordre, mal concue et encore plus mal exposée. En effet, si U ne parle pas de 1'abandon de S. Léger dans une forêt, le motif n'en saurait être qu'il veut cacher un des tourments dont le saint fut la victime. II en raconte assez d'autres et plus graves et plus humiliants! La vraie raison est qu'il 1'ignoraitou mieux encore que X avait été mal renseigné. En effet, il n'est pas croyable, si Ebroïn avait réellement ordonné, comme X 1'affirme, d'abandonner Léger dans une forêt pour y mourir de faim, que son ordre n'eüt pas été exécuté jusqu'au bout. II est évident d'autre part que le gardien n'était pas chargé de prendre chez lui son prisonnier. D'oü il suit qu'il faut dire avec U que Léger fut enfermé directement dans un couvent. D'ailleurs d'oü vient dans X cet abbé Berton que Léger envoie a Autun: „ad praedictam urbem dirigens"? Qu'on remarque Wen ce dernier mot: „dirigens" et non pas „rediens", attendu qu'il n'a pas été question, dans X, de son arrivée. Cela s'explique parfaitement si on admet que c'était Ie chef de 1'abbaye oü S. Léger fut confiné. En effet rien ne permet de dire avec Pitra (p. 333) que ce serait „un des compagnons de son exil". On ne voit nulle part que l'évêque fut autorisé k se faire accompagner par n'importe qui. On voit au contraire n°» 28, 30 combien il était dlfficile d'approcher du saint. II est regrettable qu'on ne connaisse pas Ie nom de 1'abbaye dont Berton était Ie chef et dans laquelle Waimir enferma le saint. Enfin on peut 90 sément une preuve que U a connu et copié ce dernier, comme K le prétend. — Nous avons déja fait remarquer comment,. d'après X, Léger eut la langue coupée avant le supplice de Ouérin et ne commenca a recouvrer la parole qu'après la mort de son frère et cependant lui tint tout un discours avant son martyre C'est donc U qu'il faut suivre puisque celui-ci n'a pas cette contradiction. Quant a 1'autre mauvais traitement, raconté de fagon différente par U et par X, rien ne prouve qu'il ne s'agit pas de deux peines entièrement diverses, ou s'il s'agit de la même peine que ce n'est pas U qu'il faut croire plutót que X. Pareillement on cherche en vain la preuve que X a exagéré par amour de son héros et que ce n'est pas X qui a diminué pour ne pas trop 1'exalter. Enfin U ne dit nulle part que Léger fut conduit directement a Fécamps sans s'arrêter chez Waning ou qu'il ne commenca a retrouver la parole qu'après son arrivée dans cette abbaye. Nous ne dirons rien des deux passages prétendüment identiques ou a peu pres dans U et U. II faut avoir des yeux tout spéciaux, que K est certainement seul a posséder, pour y trouver une ressemblance réelle et surtout pour y découvrir la preuve que 1'un a copié 1'autre et que c'est U qui a transcrit X et non vice versa. Voici, d'après K, une objection contre U particulièrement grave. X affirme que Léger fut cité devant un concile et accusé du meurtre de Childéric II et puis dégradé. Or, dans U, ce furent les ennemis de Léger que le concile chitia, tandis que lui-même ne comparut pas devant les évêques, mais seulement devant le roi et Ebroïn. Anal est d'avis que vraiment en ce point „le récit de U fourmille d'invraisemblances, d'incohérences, et d'incertitudes. Mais tout cela ne s'explique-t-il pas facilement chez un écrivain qui n'a pas été mêlé aux événements et qui rédige sa narrat ion loin du théatre oü ils se sont passés, d'après des témoignages intéressés a lui cacher Ia vérité, sous des préoccupations de panégyristes et par des lecteurs prévenus dans le même sens?" Par oü 1'on voit que Anal n'est pas d'avis non plus que ce passage prouve que U n'est pas contemporain de son héros et ment. Mais d'autre part, la revue admet que U est nul comme historiën puisqu'il s'est laissé tromper pour la raison qu'on indique et qu'il aurait dü connaltre. II s'est laissé tromper au point qu'il n'a pas Ie moins du monde remarqué que sa narration fourmille d'invraisemblances etc. K ne va pas 91 jusque la et Anal se contente d'affirmer sans prouver. II ne prouve pas non plus que X ne fourmille pas des mêmes défauts; qu'il a été plus que U, mêlé aux évènements qu'il raconte; •qu'il rédigea sa narration plus pres que U du théatre des faits et que les témoignages dont il se servait n'étaient pas intéressés è cacher la vérité etc, etc. Quant a la question en elle-même, si U avait tous les défauts qu'on lui impute, il serait vraiment incompréhensible, et K déclare ne pas le comprendre, que ni Ie contemporain Z, ni Mabillon, ni de Valois, ni Debye, ni personne d'autre, n'en auraient absolument rien remarqué. Ce n'est pas peu dire. Surtout, on ne comprend pas pourquoi K en veut tellement a U et 1'accuse de trop de bienveillance a 1'égard de son héros paree qu'il ne dit pas que Ie concile Ie dégrada honteusement. D'abord oü est la preuve que X qui 1'affirme est bien renseigné et que la chose eut vraiment lieu? Ensuite puisque Léger se déclara innocent du crime qu'on lui imputait et que ses biographes en font autant, quelle honte y aurait-il eu d'avoir subi injustement cet affront et par conséquent comment peut-on soupconner U de 1'avoir caché par crainte de jeter une tache sur le saint? S'il était prouvé que S. Léger fut victime d'un pareil traitement, il faudrait dire que U n'en a pas parlé pour ia bonne raison que c'était une accusation et un chatiment par trop injustes! Mais on observe que U ne dit pas que Léger comparut devant le concile et fut dégradé par son ordre. Non, sans doute, mais comment a-t-on pu croire et écrire le contraire et préférer XiU? Thierry et Ebroïn auraient osé montrer a un concile d'évêques dont la plupart étaient des saints et des amis de Léger, cette victime affreusement mutilée de leur haine et miraculeusement guérie d'un des horribles supplices qui lui auraient été infligés! Comment peut-on s'imaginer que les deux illustres bourreaux en auraient pu avoir seulement la pensée? II est évident que X est mal renseigné et peut-être plus ou moins volontairement afin de ne pas trop déplaire a l'évêque intrus, présent sans doute a ce concile. Si donc Léger subit 1'affront immérité dont il s'agit, cela se sera passé dans un „concile'' de quelques évêques courtisans et par trop complaisants, ayant peut-être a leur tête le pseudo-évêque cher au cceur de X. On comprend aussi trés bien que X n'ait pas davantage parlé des chatiments infligés a plusieurs des persécuteurs du saint. De cette facon il pouvait continuer de 94 afin de pouvoir 1'opposer è U et conclure que ce dernier (et non pas X évidemment) trompe ses lecteurs. Cependant 1'expression de U est claire et ne parle pas de flammes spirituelles, c'est-a-dire produites par un miracle. — L'antipathie de K contre U va jusqu'a vouloir empêcher qu'on admette que le lieu s'appelat du nom indiqué par U! Én effet X ne lui donne aucun nom et par conséquent U a menti et X a raison. — On affirme sans ombre de preuve que le miracle relaté par U est faux et fut inventé pour remplacer celui qu'on lit dans X. — II est impossible qu' Ebroïn ait envoyé un messager comme on lit dans U, car X dit qu'il envoya un de ses frères et il est inadmissible qu'un frère puisse être en même temps un messager ou vice versa! C'est d'autant plus incompatible que X est probablement le seul historiën qui parle de frères d'Ebroïn!! — Puisque U ne raconte pas les détails qu'on lit dans X concernant la mort du tyran, c'est, d'après K, paree qu'il les ignore. II est évident en effet que U ne sait rien de plus que ce qu'il raconte. — II est encore impossible, si le roi Thierry a donné 1'ordre de laisser emporter le corps du saint, qu'Ansoald ait pu enjoindre a Audulphe de 1'exécuter et" par conséquent U se contredit. C'est évident! — U ne parle pas du maire Wulfoald, mais du maire S. Léger et partant (puisque U ignore tout ce qu'il ne raconte pas) il ne sait pas que Wulfoald a été maire et c'est par suite de cette ignorance (si bien prouvée) qu'il fait de S. Léger un maire. — K décide que sur trois expressions qui se lisent dans Y et dout deux peuvent trés bien servir a prouver que cet écrit n'est pas des plus anciens concernant S. Léger et dont la troisième établit qu'il est toutefois assez contemporain, les deux premières furent seules ajoutées par U, qui réfute par la même ce qu'il prétend si souvent ailleurs, a savoir: qu'il est contemporain du saint! Pour K, il est impossible que ces expressions se soient trouvées dans Y et puissent prouver que celui-ci a écrit après U et X. Toutefois, pour finir, K déclare que de pareilles expressions (recueillies toujours et étudiées avec le plus grand soin par les vrais critiques) ne disent pas grand' chose! Et cependant on en tire des conclusions contre U! — Enfin K décide pareillement que les deux bouts de phrases dans lesquels il est dit que S. Léger fut abbé, ont été de même ajoutés a Y par U afin de confirmer 1'asserfion (mensongère d'après K) qu'on rencontre dans un des pre- 95 miers chapitres de U. Et Ia preuve que U a menti jusque trois fois? La voici: X n'en dit rien. Donc. Quand on lit attentivement U et X et plus encore quand on étudie les critiques formulées contre U par K et quelques autres, une chose est certaine entre toutes: U est contemporain de S. Léger, bien renseigné et consciencieux et il n'a pas connu et surtout n'a pas copié X. C) Genèse et parenté des quatre premiers documents. Nous croyons utile de résumer ce que nous avons établi au sujet de 1'origine et des rapports mutuels des quatre plus anciens documents. II ne sera plus question des thèses de K a ce sujet, puisque nous venons de les réfuter avec pas mal d'autres de ses assertions. II ne s'agit pas non plus de donner derechef tous nos arguments. A peine en rappellerons-nous 1'un ou 1'autre et ajouterons-nous par-ci par ia quelque considération nouvelle. Nous avons posé pour première règle certaine et évidente, que, du vivant d'Ebroïn, rien ne parut concernant 1'évêque-martyr.' Quiconque aurait osé 1'entreprendre serait devenu Ia victime du tyran. On ne 1'ignorait pas. La translation elle-même n'eut lieu qu'après la disparition d'Ebroïn et lorsque Thierry III, complice de ses violences, se mit a les regretter. Ce fut la Passion du saint par U, ou sa seconde partie (U2> qui parut d'abord. Elle ne s'étendait que jusqu'a 1'assassinat d'Ebroïn, jusqu'aux mots: „et ipse periit" (n° 45). Le reste de cette partie ainsi que toute la troisième (U3) furent pris plus tard a X ou Z et ajoutés a U2 par un autre que U. Le continuateur omit quelques phrases. Cette première édition de U etait déja accompagnée de sa dédicace telle qu'on 1'a encore. En même temps que U2 ou peu après, parut la Passion par X (X2) précédée de l'introduction (n° 2) qu'on lit en tête de XM et sans les lacunes de ce dernier. Cette Passion s'étendait au moins jusqu'a la mort d'Ebroïn et probablement jusqu'è la fm de la seconde partie, jusqu'a la translation. Elle ne vit pas le jour (pour les motifs donnés ci-dessus) avant U», mais on peut croire qu'elle parut en même temps ou a peu prés, et non beaucoup plus tard, attendu qu'en ce cas Hermenana aurait eu le temps de connaitre et de lire U2 et 1'on ne comprend pas pourquoi elle aurait encore demaqdé a X un écrit sur ce sujet 96 (X2) ainsi que celui-ci le déclare dans sa seconde édition dont nous parierons tantöt. Quant a X il serait étrange, si U avait paru longtemps avant, que déja dans son premier écrit, X n'aurait rien inséré qui fut pris a cet U, alors que dans la suite il 1'absorba complètement. Après un intervalle assez long, X donna une seconde édition de son X2 augmentée d'une troisième partie, X3 (= Z8), consistant dans un abrégé du travail que Y avait envoyé peu auparavant a Hermenana qui 1'avait remis a X. Nous disons: „un intervalle assez long" puisqu'on rencontre dans X3 des expressions qui le demandent. Cette édition de X conservait l'introduction de la précédente ou du moins n'avait pas encore une dédicace puisque, si elle 1'avait eue, soit pour remplacer soit pour continuer l'introduction, on trouverait dans la dédicace et non au commencement de X3 le nom d'Hermenana et les différents détails qui se lisent a cette dernière place. En outre 1'expression „hoe opusculum" qu'on rencontre au début de ce même X3 prouve que cette nouvelle-édition de X avait encore X2 comme dans la première, non combiné avec U2. C'est en effet un travail pareil qu'Hermenana aura demandéa X. Elle ne lui aura certainement pas manifesté le désir qu'il volat U2 au profit de son X2. II faut admettre encore que c'est dans cette édition, si on est d'avis que, pour un motif ou 1'autre, X n'aurait pu le faire dès son premier travail, qu'il compléta son X2. Jusqu'a présent on ne connalt pas d'exemplaire de cette seconde édition de X. II est vrai que pour sa première édition peu s'en est fallu qu'il n'en fut de même, puisqu'on n'a plus que le seul exemplaire XM. Peu de temps après ce second travail, X donna son édition définitive: introduction remplacée par une dédicace, puis une première partie ou X1 (= Z') enfin la seconde (X2) augmentée de U1. Seule la troisième partie, X3 (= Z3) ne subit probablement aucune altération; 1'auteur oublia même de corriger son „hoe opusculum" de la petite introduction et ce qu'il aff irmait d'Hermenana, comme il a été dit. Cette édition constituait en quelque sorte un travail tout nouveau. Aussi dans sa dédicace, X le donna 'comme tel et put dire qu'il avait attendu longtemps (diu.... tandem) avant de le présenter aussi complet. La dédicace était a 1'origine suivie de la réponse d'Hermenaire, réponse que la plupart des copistes omirent, sans doute paree qu'ils la 97 considéraient et a bon droit comme une pièce confidentielle qui ne regardait que le seul auteur, X. En même temps que ce dernier écrit de X ou peu après, fut achevé le second travail de U, c'est-a-dire U2 augmenté de U'. Cette première partie (U1) ne parut certainement pas avant, car on ne s'expliquerait aucunement que X ne 1'eüt pas combinée, en partie du moins, avec son X' comme il mêla U2 a X*. D'autre part, elle ne fut pas composée longtemps après le dernier travail de X, car en ce cas U Paurait connue et n'eüt sans doute pas manqué d'y recueillir plus d'un fait dont on retrouverait le récit dans sa première partie. On ignore si U apprit jamais que son U8 avait été confisqué au profit de X2 par le peu délicat X. Quelque temps après cette seconde publication de U, un autre que U, nous 1'avons prouvé, ajouta a U8 précédé de U1, la finale de X2 et X3. Ce continuateur se sera dit sans doute que puisque X ne s'était pas fait scrupule de voler a U son U2, il pouvait a son tour lui prendre quelque chose, d'autant plus que pour ce qui concerne X3 cette partie n'appartenait pas aX mais avait été prise par lui a Y. Toutefois le continuateur de U omit, pour les motif s déja indiqués, plusieurs passages de X8 et de la finale de X1. Voici un autre exposé de la facon dont, d'après nous, 'les biographies du saint se formèrent: 1) U2 (n°» 18, 21, 24,27,30, 33, 36, 39, 42, 45 jusqu'a: ipse periit) avec probablement la dédicace qu'on possède encore (n° 1). — 2) X2 (n» 2, 19, 22, 25, 28, 31, 34, 37, 40, 43, 46 et Ia suite qui se retrouve dans Z* n° 47: cum enim ille pedem.... Phiüstaeo, et probablement aussi les mots du même n» 47: infelix et miser.... late percrebuU, ainsi que les n« 49 et 51). — 3) X2 complété, s'il n'était déja complet dès 1'édition précédente et si ce n'est pas par suite d'une omission dans la copie XM (la seule qui nous'en reste) qu'il se présente incomplet dans cet XM (ajouter a la fin du n° 46 les mots du n° 47 de Z8: cum enim iüe pedem.... Phiüstaeo, et probablement aussi les mots du même n° 47: infelix et miser lateque percrebuit et les faire suivre des no. 49 et 51 du même Z2), et augmenté de 1'abrégé de Y ou X8 (qu'on retrouve dans Z3 n»« 53, 55, 57, 59.) — 4) X1 (= Z1 n°» 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17) augmenté de X*-U2 combinés (= 2? n~ 20, 23, 26, 29, 32, 35, 38, 41, 44, 47, 49, 51) et d'une dédicace (= Z n° 3) qui remplace l'introduction (n« 2) des 98 éditions précédentes. La troisième partie X8 resta comme dans la deuxième édition. - 5) U' (n- 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18), U2 de Pédition précédente complétée au moyen de la finale copiée dans Z* (nM 49-48, 51-50) avec omission d'un passage, U8 pris a Z3 (n™ 53-52, 55 54, 57-56, 59-58) avec plusieurs omissions. Telle est croyons-nous 1'origine et 1'histoire des quatre ou plutót des trois premiers documents: U, X (Z), Y. Pour de plus amples preuves et explications on voudra bien relire ce que nous avons dit dans les pages précédentes et surtout dans notre analyse de chaque document pris en particulier. III. Quelques sources moins anciennes A) Vita metrica S. Leodegarii. Cette vie se conservé a la bibliothèque de Saint-Gall et provient de 1'ancienne abbaye ainsi appelée. L'écriture est d'une main du IXe -Xe siècle. Elle met en vers la vie par U, nullement celle de Fruland qui lui est bien postérieure. D'après Pitra (p. X) elle est du lXe siècle et antérieure aux invasions des Normands, attendu que le poète ne dit mot des translations du corps de S. Léger qui eurent lieu alors. C'est aussi 1'opinion de ceux qui en attribuent la paternité a Walafride Strabon, mort en 849. Mabillon est le premier qui en ait parlé (Vetera anal. T. 4, 1685, p. 639. — 1723, p. 20). Debye se contente de renvoyer a Mabillon et émet la supposition que cette vie n'a pas grande valeur. Pitra (et non Canisius, comme d' aucuns l'ont affirmé) fut le premier a la publiér, a la fin de son histoire de S. Léger, 1846. II la réédita dans Migne, 1852, a Ia suite des ceuvres de Strabon (P. L. T. 114, p. 1131). Enfin Traube dans Mon (Poët. III, p. 5) en donna une nouvelle édition. Ceillier (T. 22, p. 416) rapporte que les opinions sont partagées au sujet de 1'auteur du poème. Les uns 1'attribuent a un moine de Saint-Maixent, les autres a Walafride Strabon, abbé de Reichnau. K (p. 593) tient évidemment avec la première opinion (il ne cite pas même 1'autre), attendu que le poète n'a fait que suivre U. Or, ce n'était qu'a Saint-Maixent qu'on pouvait être favorable a S. Léger, par raison d'intérêt, paree qu'on 99 y possédait son corps! Donc U et ie poème latin sont faits par des moines de cette abbaye. Vossius, Canisius, Dfimmler (Wattenbach: Deutschlands Qeschichtsquellen M. A.f 5« édition, T. 2, p. 491) etc tiennent pour Strabon. Pitra dans sa première édition du poème optait pour un moine de Saint-Maixent, paree qu'on y décrit avec soin le tombeau de S. Léger et 1'église érigée en son. honneur. L'argument est plutót faible, car le poète décrit tout aussi bien 1'abbaye de Luxeuil, comme Pitra le constate dans sa seconde édition (p. 1131) et cependant personne n'a jamais dit qu'il était moine de cette abbaye. Pitra semble 1'avoir compris, car dans Pédition suivante il attribue l'ceuvre a Strabon et la fait placer a Ia fin des écrits de ce dernier. II promet en outre d'en donner la preuve dans un des volumes de son „Spicilegium" mais cette preuve ou plutót le volume en question n'a pas paru. II suffit toutefois des considérations suivantes pour former sa conviction. D'abord Strabon était parfaitement connu a Saint-Gall, car c'est a la demande de ses moines qu'il écrivit la vie de deux de leurs saints abbés: S. Gall (en prose et .en vers) et S. Othmar. De son cöté S. Léger était fort honoré dans cette abbaye. Plusieurs des premiers exemplaires de sa vie en proviennent. Rien, d'étonnant donc que les moines eussent encore demandé a Strabon une biographie de 1'évêquemartyr. Enfin le manuscrit qui renferme le seul exemplaire connu de cette vie se conservait a 1'abbaye de Saint-Gall, et, dans ce même codex, on trouve un autre poème de Strabon. Nous pensons encore que si quelque homme sérieux faisait une étude comparative de ce poème et des autres poésies de Strabon, la même conclusion en découlerait. L'édition du poème par Traube est plus exacte et plus soignee que les deux de Pitra. C'est a bon droit qu'il critique son devancier. Toutefois son édition est loin d'être parfaite. Nous avons relevé bien des négligences et en particulier chez lui, comme chez Pitra un vers entier a été omis. Preuve, croyonsnous, que Traube suivait encore beaucoup trop les éditions précédentes. B) Sanct Leodegar. C'est le titre d'un poème roman du Xe siècie, II est composé de deux-cent-quarante-six vers diyisés en strophes de six vers. Ce curieux écrit fut retrouvé, de nos temps, a la biblio- 101 Xl« siècle, sous 1'abbé Eberhard. Peut-être d'autres ayant rencontré ce nom avaient-ils cru, bien a tort, qu'il s'agissait du parent de S. Léger portant ce nom, grand bienfaiteur de Murbach et qui mourut au VIII» siècle, en 747. Toutefois pour ce qui concerne Mabillon, la base de son opinion est autre, comme il 1'expose lui-même et comme Debye et Pitra 1'en ont copiée. Ce motif et cette erreur ne s'expliquent pourtant pas si 1'on considère que Fruland désigne U par les mots: „Antiquus passionis auctor." Ce serait un peu fort évidemment, si un écrivain du VIII* siècle qualifiait ainsi un collègue de la fin du VHe. Que serait-ce si on prétendait avec K que U était de ce même VIII* siècle? Nous avons déja dit a quelle occasion, d'après son prologue, cette vie fut composée. L'abbé Eberhard avait cru découvrir dans U tout le contraire de ce que K devait y rencontrer. II était d'avis que, dans certains passages, U mettait trop sur le même pied Léger et Ebroïn. Fruland fut chargé et se chargea volontiers de traiter plus rudement Pignoble persécuteur. Dans la seconde partie de son écrit, le biographe a plusieurs fois des vers ou bouts de vers. Sont-ils son oeuvre ou furent-ils pris par lui a un autre poème, perdu maintenant, consacré a S. Léger ou a quelque autre saint? Impossible de le dire. Depuis I'édition de Pitra on a découvert pas mal d'exemplaires de Fruland. Ils sont mentionnés et parfois quelque peu analysés dans les catalogues hagiographiques des Bollandistes, dans les catalogues de différentes bibliothèques et autres travaux de ce genre. La finale de Fruland, telle que Pitra 1'a publiée, est a compléter par ce qu'on lit dans CIp (T. 2, p 350-1, n« 1-3; T. 3, p. 36). Ces trois numéros et quelques autres récits des dernières pages de Fruland ne se rencontrent pas dans U, paree qu'ils rapportent des faits arrivés après lui. Introduction I. Notice biographique. L'étude que nous venons de terminer rend de nouveau possible et facilite même de beaucoup la reconstitution des actes de 1'évêque-martyr d'Autun. Elle fait connaitre la valeur, bien inégale, des premières sources et la facon de s'en servir sagement. Aussi serait-ce avec joie que nous entreprendrions ici même ce travail, n'était-ce que les questions, au nombre de deux seulement, qui forment le but de notre écrit, n'autorisent pas une étude aussi vaste. Elles ne réclament qu'un court résumé des nombreuses pages au bout desquelles se trouvent les données concernant ie lieu du martyre et de la sépulture de notre héros. Les lignes suivantes diront au lecteur, point ou pas assez au courant de la vie de S. Léger, quel est le personnage dont les actes présentent le doublé problème que nous cherchons a résoudre. Léger naquit vers l'an 615 d'une familie franque des bords du Rhin, tres riche en serviteurs (Pitra, p. 452) et en biens de la terre, mais surtout en saints et autres grands hommes. D'après le poète latin (ibid, p. 495) ce fut au contraire dans le diocèse de Poitiers que le futur martyr vit le jour. Le cardinal Pie le fait naitre a Poitiers même oü sa mère, Sigrade, serait venue s'établir avec son frère Didon qui devait un jour en occuper le siège épiscopal. Son successeur Ansoald, était aussi de cette familie et est qualifié de saint dans plusieurs documents anciens, notamment dans deux exemplaires de U, ceux de Trèves et de Dijon. Léger avait un frère nommé Warein, Garein, Guérin. Le nom du père est inconnu. On peut voir dans Pitra et Coornaert des tables généalogiques qui font connaitre en détail cette illustre et sainte familie. Arrivé a Page de raison, Léger fut envoyé a 1'école du palais dont les maltres étaient toujours de grands savants et d'ordinaire aussi des hommes d'une éminente vertu. Quelque temps après, on le remit a son oncle, l'évêque de Poitiers, qui chargea un 104 de ses ecclésiastiques d'achever son éducation (')• Devenu diacre, puis archidiacre, Léger fut comme le bras droit de son oncle dans Padministration du diocèse. Quelque temps après, 1'abbé de Saint-Maixent étant mort, il occupa cette charge jusqu'a ce que, six ans plus tard, la reine Bathildé, devenue veuve, le pria de venir au palais soigner 1'éducation de ses trois enfants. Vers 1'an 660, le siège d'Autun devint vacant, et dans le but de mettre fin a de graves difficultés, Léger fut désigné pour 1'occuper. Ce fut sans doute dans cette ville, probablement appelée aussi la ville du Christ, Christiacum, que le nouvel évêque tint Ie concile dont on a encore plusieurs canons et au cours duquel il rédigea son testament. Par cet acte il légua a sa cathédrale plusieurs grandes propriétés. Léger entreprit aussi d'importantes fondatlons en faveur des pauvres, surtout a Autun et dans un autre de ses domaines oü il leur fit batir des „réfectoires" qui maintenant encore y portent ce nom. L'évêque fortifia pareillement la ville dont 1'une des tours jusqu'a présent s'est appelée de son nom. L'abbaye de Saint-Symphorien oü Léger dut introduire certaines réformes, lui devint hostile. Son abbé, Hermenaire, et a sa suite la plupart des religieux, se liguèrent contre lui. L'un d'eux surtout (dont certains ont fait a tort un reclus dans le sens ordinaire du mot) semble avoir pris a cceur de servir les rancunes de son abbé et de ses confrères et de leur adjoindre tous ceux que 1'envie ou d'autres passions avaient. changé en adversaires du saint. Sur ces entrefaites les Austrasiens réclamèrent un roi pour eux seuls et Bathilde leur accorda le second de ses fils, Childéric. Elle continuait de régner en Neustrie avec son fils ainé, Clotaire, qui avait pris pour maire du palais Ebroïn. C'était un simple soldat, d'une origine trés basse mais qui a force d'audace et d'intrigues était parvenu a cette haute dignité. Afin de se maintenir au pouvoir et d'accroltre son autorité, Ebroïn ne cherchait qu'a abattre tout ce qui, par la grandeur de la naissance ou des talents, pouvait lui faire ombrage, surtout, en d'autres mots, le grand évêque des Burgondes, (!) Cette éducation ou formation cléricale fut, sans aucnn doute, fort austère. Toutefois c'est sans preuve aucune que Lambrecht écrit (Leven, dood en lijden der heiligen, 1590) qu'elle le fut au point que „1'onclele faisait concher dans sa propre chambre pour qu'il restit chaste". Lambrecht a traduit de travers un passage de U qui ne dit rien de semblable (Pitra, p. 49). 106 1'abbé et les moines de Saint-Symphorien se mirent a 1'exploiter. Plutot que d'exposer son souverain a lui öter la vie en ces jours si augustes, le magnanime évêque résolut de tout abandonner et de se retirer a Luxeuil. II s'était mis en route et allait arriver au but lorsqu'une troupe de soldats lancés a sa poursuite 1'atteignit et le ramena devant Childéric. Celui-ci se laissa fléchir et permit a l'évêque d'exécuter son projet. L'abbé de SaintSymphorien s'empara du siège épiscopal. Peu de temps après, Childéric fut assassiné et de toute part, les amis des deux exilés de Luxeuil se précipitèrent vers 1'abbaye pour en faire sortir, qui Léger, qui Ebroïn. Un instant on pouvait croire que les deux adversaires allaient travailler de commun accord au bien de la patrie. Ebroïn suivait Léger qui se dirigeait sur Autun, mais on n'était pas encore arrivé que déja 1'ancien maire avait repris toute sa haine d'autrefois, et s'il n'en avait été empêché, aurait massacré l'évêque. Orandes fêtes a Autun en Phonneur du légitime évêque rétabli sur son siège et jusqu'a un certain point en Phonneur de son compagnon de route, Ebroïn. Léger et Ebroïn étaient convenus que le lendèmain ils se rendraient, avec leur suite, a Saint-Denys pour proclamer roi Thierry qui s'y trouvait encore. Mais déja avant le lever du soleil, Ebroïn s'enfuyait de la ville avec ses partisans. Léger et ses compagnons le rejoignirent et pendant un certain temps on fit route ensemble Mais Ebroïn ne tarda guère de se séparer de Léger et de se précipiter vers le Nord pour exciter et entraïner PAustrasie. Dans 1'entretemps, Thierry était proclamé roi de Neustrie et de Bourgogne et Leudèse devenait son maire du palais. 11 ne devait pas Pêtre longtemps. Bientot Ebroïn vint attaquer Thierry, tua Leudèse et réussit a lui succéder dans sa charge. Peu après, par ordre d'Ebroïn et de connivence avec Thierry, Autun était assiégé afin d'en arracher son évêque. Celui-ci se montra admirable de courage et de dévouement. Pour épargner de plus grands maux a la ville, il se livra spontanément a ses ennemis qui, d'après les ordres recus, commencèrent par lui crever les yeux. Rien ne permet de dire, comme plusieurs Pont pourtant affirmé, que ce supplice barbare fut infligé au saint dans une forêt de 1'Artois appelée Sarcing ou n'importe comment. L'Artois était bien loin et les biographes qui nous ont donné les noms des gardiens du saint et des pays 107 oü il fut conduit, ne disent rien d'un pareil voyage, surtout immédiatement après son arrestation et afin de 1'y priver de la vue. Quant a un bois appelé Sarcingo ou situé prés d'une localité Sarcingo il n'en est pas question non plus dans aucun des documents anciens. Ils parient d'un Sarcing tout court et comme d'un lieu habité oü Ie saint fut enterré. On n'a pas davantage connaissance d'un Sarcing, forêt ou non, dans les environs d'Autun. Ce fut sans doute vers cette époque que la vénérable mère de Léger entra au monastère de Soissons. Comme celui-ci avait été bati par l'hypocrite Ebroïn, a la demande de sa femme, on peut se demander si la respectable dame n'y fut pas enfermée par ordre du tyran, en haine de son fils. Quoiqu'il en soit, Sigrade s'y sanctifia au point d'être honorée sur nos autels avec ses deux fils martyrs. Elle leur survécut sans doute et les reliques de Léger que 1'on possédait autrefois a Soissons furent peut-être données a la mère et vénérées d'abord par celle-ci. Ce fut encore dans ce monastère, après le martyre de son fils Ouérin, qu'elle recut de Léger une lettre admirable dont le texte a été conservé. II n'y eut pas jusqu'a 1'octogénaire Didon, évêque de Poitiers, oncle de Léger et de Ouérin qui ait échappé, semble-t-il, aux persécutions d'Ebroïn. On le voit en effet, vers 657, aux obsèques de S. Feuillien a Nivelles oü sa présence ne s'explique sans doute que par le fait qu'il y aurait été exilé. Plus tard Léger viendra de même dans notre pays pour y verser son noble sang. En dehors de S. Léger et de sa familie, Ebroïn se rendit coupable de 1'assassinat d'un roi au moins, d'un maire du palais, de neuf évêques, d'un grand nombre de prêtres et de religieux etc. Revenons a la plus illustre de ses victimes. Après que, sur 1'ordre d'Ebroïn, on lui eut arraché les yeux, Léger fut confié a un certain Waimir qui le conduisit en Champagne dans sa demeure, puis, sur un nouvei ordre du tyran, 1'introduisit et 1'abandonna dans une forêt pour qu'il y mourüt de faim. Mais Dieu ayant protégé son serviteur, Waimir l'enferma dans un couvent oü il resta pres de deux ans, jusqu'au moment oü Ebroïn le fit comparaltre avec son frère Ouérin devant Thierry. Lè on accusa faussement les deux frères d'avoir été complices dans le meurtre de Childéric. Ouérin, fut condamné a être lapidé et 1'exécution eut lieu incontinent. Léger eut la langue 108 et les lèvres coupées et fut jeté dans un réservoir dont le fonds était rempli de pierres aiguës, de sorte que ses pieds en étaient déchirés. Puis, ruisselant de sang, on le traina a travers des chemins fangeux, afin de 1'exposer aux injures et aux moqueries des spectateurs. Enfin le martyr fut livré a un gardien appelé Waning avec ordre de 1'accabler de mauvais traitements juqu'a le faire mourir dans le désespoir, blasphémant Dieu et par la s'attirant encore les supplices éternels. Voila jusqu'oü allait la haine du tyran! Malheureusement pour lui, Waning n'était pas capable d'exécuter des ordres aussi barbares. II était au contraire vertueux au point d'avoir mérité les honneurs des autels. 11 conduisit le saint dans sa campagne au pays de Caux, puis le placa a 1'abbaye de Fécamps dont il était le fondateur. Léger y recouvra miraculeusement la parole. Après un séjour de deux ans dans cette abbaye, l'évêque dut comparaltre devant un concile convoqué par Ebroïn. Le tyran y fit condamner i mort plusieurs de ses ennemis dont quelquesuns étaient d'anciens persécuteurs du saint. Mais craignant ses reproches et 1'impression que ses vertus et les supplices endurés produiraient sur les évêques présents, il n'eut garde de le faire comparaltre devant 1'assemblée. II se contents de le citer devant son tribunal et de le faire dégrader par 1'un ou 1'autre évêque, plus complaisant que digne et vertueux. Léger fut ensuite remis a un comte du palais nommé Robert avec ordre de le conduire dans son pays. Ebroïn lui annonca en même temps que bientót il serait chargé de faire mourir son prisonnier. Robert et sa familie et les habitants de la contrée furent vivement touchés par les exemples et les exhortations du saint qui s'était fait aussitöt leur apötre et le devint encore davantage par les miracles qu'il opéra ensuite au lieu de son martyre et de son tombeau. Enfin le comte recut I'ordre de faire décapiter l'évêque dans une forêt et de prendre soin que son corps fut jeté dans quelque fosse profonde oü personne ne saurait le découvrir et lui rendre des honneurs. Les bourreaux s'étant engagés dans une vaste forêt cherchèrent en vain un puits dans lequel il serait possible de précipiter le saint corps. Ils se contentèrent, après 1'avoir décapité, de cacher son cadavre le mieux qu'ils purent. C'était le deux Octobre, on ne sait de quelle année exactement. L'opinion la plus commune tient pour 1'an 678. D'après Molanus et Gazet ce fut plutöt en 685. C'est aussi ce qu'on trouve dans un 109 manuscrit de 1'abbaye de Brogne. Dans Baldéric, Colvener et autres, on lit qu'en cette année 685 Léger souscrivait encore un privilège accordé par le pape Jean V. Sigebert fait möurir le saint en 695 et Ribadineira (Duval-Qautier, 1752, p. 302) I'approuve. Surius au contraire fixe sa mort a 1'an 650 et même 40, dates évidemment fausses. ' Lorsque Léger eut recu le coup suprème, son corps ne se renversa pas. Pour le faire tomber, un des bourreaux le poussa du pied mais au même moment il devint possédé du démon et se précipita dans un grand feu qui eut vite fait de le dévorer. La femme du Comte Robert se mit a la recherche des restes du martyr. Elle parvint a les découvrir et les fit inhumer en cachefte, a une bonne distance de 1'endroit du martyre, dans une vieille chapelle située a Sarcinium, Sarcingum. Mais bientöt Ie secret fut trahi par les miractes qui éclatèrent dans Ie petit oratoire et continuèrent tout le temps que le saint y resta inhumé. Le tyran en eut connaissance et fut tout rempli de honte et de dépit. D'après X (n° 40) des prodiges s'opérèrent pareülement au lieu du martyre oü la femme de Robert avait construit une chapelle et établi des moines qui jour et nuit récitaient le saint office. X raconte le fait comme existant déja avant la mort d'Ebroïn. Ce n'est pas impossible, ainsi que nous le verrons ailleurs. Léger demeura enseveli a Sarcinium pendant deux ans et demi environ, jusqu'a ce qu'enfin le monstre qui avait faitpérir tant de saints tomba sous le poignard d'un leude qu'il s'était mis a persécuter. Peu de temps après, un grand nombre d'évêques se trouvant réunis au palais royal, Ansoald de Poitiers, Vindiden d'Arras et même Hermenaire d'Autun se mirent a réclamer, chacun a des «tres différents, les reliques du martyr. On finit par accepter que le soit déciderait. II favorisa l'évêque de Poitiers qui chargea Audulphe, abbé de Saint-Maixent, de serendre a Sarcinium pour en emporter le saint corps ('). La levée et la translation ne furent qu'un long triomphe pour I'illustre victime d'Ebroïn, par suite des éclatants miracles qui se produi- n£L? i^»^%\*.."M*A0Iief ude i* .soc- des Antiquaires de I'Ouest, ™e^, 18t89> P- 516" qu'Auduhjhe était présent a cette réunion d'évêJi * . unet asserhon «ju' "e «pose sur rien. Peut-être fallut-il Z t0» m tempf P°ur «'«vertir et puis attendre encore, avant qu'il put se mettre en route. M 118 cours de nos recherches, nous en avons rencontré pas mal d'exemples. En voici 1'un ou 1'autre pour convaincre ceux qui voudraient douter: „Beatus Martinus, urbis Turonis episcopus, requitvit, quem susceperunt angeli" (Missel Romain). L'auteur anonyme des Annales de Lobbes": „S. Oda... in Leodiensi parochia (dioecesi) requievif' ce qui est rendu dans Chapeavüle (T. 1, p. 115, 395) par: „S. Oda in sancto viduitatis proposito infatigabiliter Deo serviens, feitciter requievif'. Un martyrologe en parlant de S. Boniface de Bruxelles (Kieckens, p. 115): „In dicto monasterio juxta idem oppidum (Bruxellas) quievit". „S. Floribertus in magna sanctitate requievif' (Chapeavüle, T. 1, p. 145) etc. Fruland fait encore dire a S. Vindicien: „Si enim apud vos inquiescere" (tout différent de requiescere) „voluisset, nequaquam dioecesim nostram tot miraculis illustraret. Quapropter... alium locum praeter quem ipse elegit sibi, nolite vos quaerere". N'est-il pas évident que si le saint avait eu son tombeau dans le diocèse de Vindicien, celui-ci n'aurait pas réclamé son corps en vertu des seuls miracles que le martyr opérait dans ce diocèse, surtout au lieu de sa mort, mais encore et surtout paree qu'il s'y trouvait déja enterré et indiquait par ces miracles qu'il voulait y rester? II est encore quelques autres renseignements fornuis* par nos documents et pour lesquels on voudrait une opinion qui en donnat 1'explication. Le dernier gardien du saint, d'après le poète roman, s'appelait Laudebert ou Landebert et, d'après les autres, Chrodobert ou Robert. Ensuite personne n'explique ce qu'on lit dans Fruland: tous les descendants du meurtrier de S. Léger furent boiteux par chatiment divin. On ne comprend pas non plus pourquoi si le martyr ne fut pas enterré bien loin de 1'Artois, mais dans une des localités Artésiennes qu'on désigne, les évêques ou du moins S. Vindicien ne s'y seraient pas transportés pour présider a 1'exhumation au lieu d'y envoyer un autre, 1'abbé Audulphe. On voit par ce qui précède que si les détails fournis par les premiers documents ne sont pas nombreux, il est cependant inexact de dire que „la seule indication est celle de Sarcing" (Corblet, o. c.) C'est sans doute la principale indication et, s'il n'y en a pas beaucoup d'autres, c'est une preuve que Sarcing était une localité parfaitement connue qu'il ne devait pas être possible de confondre avec d'autres encore dont le nom aurait été plus ou moins semblable. 121 pas pourquoi Baldéric n'aurait pas eu le droit de suivre ces derniers. Toutefois la vérité est que les premiers historiens sont unanimes a dire le contraire de ce que Corblet attribue a 1'un d'eux. 11 se trompe encore lorsqu'il nie qu'il y ait eu dans 1'Artois une forêt dite de Saint-Léger. Nous citerons tout a 1'heure plusieurs actes dans lesquels il en est fait mention. Seulement, rien ne prouve que S. Léger aurait péri dans 1'une d'elles et que c'est en souvenir de son martyre accompli la que ce nom leur avait été donné, plutöt qu'en raison de leur voisinage d'une commune ou chapelle dédiée a ce saint ou par suite de la fausse tradition prétendant que S. Léger mourut dans 1'Artois. Rien ne dit en effet que Baldéric et les autres qui parient de „Sylva S. Leodegarii" ne la placaient tous a un endroit différent La seule chose qu'on doive considérer comme certaine et que prouve la dénomination „Sylva S. Leodegarii" donnée d'après Baldéric a la forêt oü S. Léger mourut, c'est que celle-ci fut appelée „forêt de S. Léger" jusqu'au moment oü, les arbres ayant disparu, en partie du moins, pour faire place a des habitations, le mot „forêt" aura cessé pareillement d'être employé. Mais est-il bien certain que Baldéric a plus ou moins désigné la position de Sercin et qu'il met la distance nécessaire entre le lieu du martyre et celui de la sépulture, en d'autres mots a-t-on eu raison de faire si grand cas de son texte et de s'acharner a découvrir sur les confins des diocèses de Cambrai et de Thérouane un lieu appelé Sercin? Nullement, et le simple fait qu*a l'endroit indiqué on n'est point parvenu a trouver un Sercin ou n'importe quelle localité qui aurait conservé le moindre souvenir de la sépulture du saint, aurait dü convaincre qu'au Xle siècle Baldéric ne connaissait pas une localité Artésienne ainsi nommée légitimement et dès les temps de S. Léger. Pour ce qui nous concerne, nous avons voulu, afin de savoir ce qu'il en était, étudier de trés prés 1'auteur et son oeuvre. Quant a 1'auteur, il y a de bons motifs pour ne pas admettre qu'il s'agisse de Baldéric, chantre de Thérouane. On ne sait a qui attribuer la chronique en question et cette ignorance n'est certes pas de nature a donner de la valeur au livre (Mélanges Kurth, T. 1. p. 42). D'ailleurs celui-ci contient mainte erreur qui aurait dü empêcher d'attribuer une si grande importance a ce qu'on y dit de S. Léger. Ce qui avant tout parait inadmissible c'est que malgré les nombreux miracles qui se produisirent au lieu 122 du martyre, celui-ci aurait encore été au XI» siècle une forêt et ne serait pas devenu depuis longtemps un endroit habité. Mais il y a plus. Nous avons examiné et étudié tout a notre aise le plus ancien exemplaire manuscrit du chroniqueur. II se conservé a la bibliothèque de La Haye et est du XI* siècle et par conséquent contemporain de son auteur. Outre le texte suivi, oü fautes et incorrections ne manquent pas, il y a d'une main de la même époque, de nombreuses additions insérées entre les lignes ou dans les vides ou écrites sur des bandes de parchemin cousues entre les feuillets. Enfin on y rencontre plusieurs annotations d'une écriture beaucoup plus récente. Bethmann qui a laissé une édition de Baldéric dans laquelle il signale toutes les fautes, additions et correCtions, est d'avis que non seulement le texte mais encore les premières annotations sont de la main du chroniqueur, et de la que cet éditeur les indique au moyen des expressions: „auctor ipse exaravit auctor ipse erasit etc''. La preuve que Bethmann donne en faveur de son opinion, c'est que dans ces annotations on rencontre des renvois au texte annoncés dans les termes suivants: „ut supra tetigimus" „nostris diebus" „necessarium duxi huic operi inserere". D'autre part il déclare a bon droit qu'on n'y rencontre pas, comme dans le texte, des mots mal écrits ou d'autres fautes contre la langue et que la manière d'orthographier certains mots est assez souvent différente de celle du texte. En présence de ces aveux et constatations, nous ne saurions croire que 1'auteur des premières notes est le même que celui du texte. Les trois expressions qu'on cite ne sauraient renverser Jes preuves du contraire. La première „ut supra tetigimus" . n'indique pas nécessairement un même écrivain mais tout autant quelqu'un qui cherche a compléter ou a approuver le texte d'un prédécesseur. La seconde dit seulement que Pannotateur était contemporain des événements dont il parle, c'est-a-dire, vu son écriture et vu la nature de ces événements, du XI* siècle comme 1'auteur du texte. Quant a la troisième expression, nous doutons grandement que 1'auteur des notes, s'il était le même que celui du texte, se serait exprimé de cette facon et en particulier aurait écrit Jutic operi" et par conséquent, pour ce motif encore, les deux premières expressions ne sont pas non plus de 1'auteur du texte. Relativement a cet auteur les fautes et incorrections du texte si c'est vraiment, comme Bethmann 123 le pense, I'écriture de Baldéric et pas celle d'un copiste contemporain, ne prouvent pas en faveur de la science du chroniqueur. Quiqu'il en soit toutefois de ce dernier point nous croyons, pour ce qui concerne 1'auteur des premiers annontations, que Bethmann a certainement fait erreur, ce qui du reste lui est arrivé d'autres fois encore dans ce genre d'études (Mon, Script. T. 2, in-4", p. 222). Cela dit, nous revenons a notre passage concernant S. Léger et nous remarquons avec Bethmann que le fameux renseignement „Cameracensis episcopii et Morinensis" n'appartient pas au texte, mais fut ajouté par le premier annotateur qui a profité de ce que les mots „in confinio'' qui précédent immédiatement, étaient les premiers d'une ligne, suivie elle-même d'un alinea commencant un nouveau chapitre. Au moyen de ces quatre mots 1'annotateur a rempli 1'espace resté en blanc. D'oü il suit suit que le chroniqueur disait tout simplement que Sercin se trouvait a cóté (in confinio) de „Sylva S. Leodegarii 1" C'est contraire aux documents anciens et prouve que Baldéric était trés mal renseigné, a moins qu'on ne soit d'avis que „in confinio" peut être interprété dans un sens aussi Iarge qu'on veut. Quant a 1'annotateur il n'a pas compris que „in confinio" se rapportait a Sylva S. Leodegarii, mais s'est imaginé, d'autant plus que le reste de la ligne était resté en blanc, que la phrase, par 1'oubli de quelques mots ou pour quelquè autre cause, était demeurée inachevée, et de „confinio" (limite) il aura conclu qu'il ne pouvait être question que de la limite des diocèses de Cambrai et de Thérouane! Que si 1'on prétendait malgré tout, que texte et premières annotations sont de la main de 1'auteur, le fait qu'il n'aurait pu compléter sa phrase du premier coup, serait déja une grave objection contre la valeur de son témoignage. En effet, si S. Léger avait été mis a mort et enseveli dans 1'Artois, comment aurait-il été possible que, déja au XI« siècle, il se serait trouvé quelqu'un de ce pays, et même un historiën, pour ne pas savoir indiquer aussitót les endroits oü ces faits se seraient accomplis? Et d'autre part qu'on ne se mette pas a supposer que le chroniqueur aurait suivi un document mal renseigné, perdu maintenant, car il renvoie lui-même a la vie du saint. Or, aucune de ces vies ne s'exprime de cette fa{on et par conséquent, 1'écrivain, s'il les possédait, ne les aura pas lues attentivement, mais se sera plutót tenu a des racontars et a quelque tradition sans fonde- 124 ment. Bref, si on est d'avis que Baldéric ne connaissait pas et n'était pas parvenu a apprendre d'ailleurs la situation exacte des localités qu'il appelle „Sylva S. Leodegarii.... Sercin „mais qu'il s'est contenté d'affirrner sans preuves et par pure supposition, son assertion manque évidemment de valeur. Si au contraire on prétend que lui e> ses contemporains connaissaient ces emplacements et avaient des preuves sérieuses pour y croire, on doit expliquer comment tous ces faits, encore parfaitement connus de son temps, seraient tellement tombés dans 1'oubli que de nos jours on ne parvient pas a se mettre d'accord a ce sujet, mais qu'il y a un tas d'opinions. Ils auraient pu réfléchir quelque peu a cela ceux qui accordèrent une autorité absolue au pitoyable texte de Baldéric. Un de actes auxquels nous avons fait allusion et qui parle aussi de „Sylva S. Leodegarii" est de 1149. C'est Lefèvre qui le fait connaitre. II cite en outre deux actes, le premier de 1905, le second de 1142 qui parient du lieu Sarcingo. Nous en donnons la partie qui nous concerne. On remarquera que „Sarcingo" est tout a fait le même nom que celui du lieu de la sépulture, tandis qu'il n'en est pas ainsi de „Sercin" de Baldéric. Acte de 1095 (Archives de la Cöte-d'Or, lr Cartulaire de Molesmes, f° 50, XIIe siècle): „Dedit praedictus comes Molismensi coenobio per manum suam filiorumque suorum Ingeranni et Hugonis in praesentia domini Lamberti episcopi in conspectu tocius ecclesiae Leuchodiensis in cujus templo haec facta sunt, praesente domino Roberto Molismensi abbate, qui de manu comitis donum accepit, decimas quas in ecclesiis de Leuchodio et de Sarcingo tenuerat. Acta sunt haec anno incarnationis domini 1095, XV Kal. Julii praesulatus domini Lamberti anno secundo." Comme on le voit, il n'est pas dit oü se trouve exactement Sarcing, mais le texte défend de douter qu'en 1095 il y avait une localité de ce nom dans 1'Artois. Rien toutefois ne permet de dire que ce soit la même que celle des actes de S. Léger ou que „Sercin" de Baldéric ou bien que ce nom fut appliqué a quelque endroit paree que déja en 1095 on aurait cru que le saint avait été enterré dans 1'Artois. En effet il n'est pas question de S. Léger dans cet acte. Quant a Leuchodiensis, Leuchodio nous verrons tantöt, par I'acte de 1149, qu'il s'agit de Lucheolo, une des formes du nom latin de Lucheux comme ou 125 lit dans Garnier (Map, T. 21, 1867, p. 527-8; T.29,1867, p. 193) Ce travail ne cite nulle part la forme Leuchodium comme ayant servi k designer Lucheux. La plus ancienne, rencontrée par Garnier, est de 1147 et s'écrit Luchoi. Puis viennent Luceus, Lucheu, Luceium, Lucetum etc. Si S. Léger était mort la en 678 la locahté serait certes citée souvent et longtemps avant 1147' Nous ignorons si la forme Leuchodium se rencontre, pour designer Lucheux, ailleurs que dans cet acte de 1095 et dans celui de 1142 oü chaque fois il est accompagné de Sarcingo Rien dans ces deux pièces ne permet de dire si ce dernier nom sy présente avec ou sans arrière-pensée. Nous y reviendrons Ce second acte de 1142, est une lettre d'AIvisius, évêque d Arras, en faveur de Molesmes (Archives de la Cöte-d'Or H« cartulaire de Molesmes, f» I27v): „Constat praedecessores nostros concessisse altare de Leuchodio cum appenditiis suis Sarcingo videlicet et Humberticurte. „Humbercourt, parfaitement connu, se trouve prés de Lucheux et par conséquent aussi Sarcingo, mais ni cet acte, ni aucun autre, a notre connaissance, ne déterminent sa situation précise. Rien non plus ne dit sil y a ou non quelque relation avec 1'évêque-martyr d'Autun L'acte de 1149 est une bulle d'Eugène III (BiMiothèque nationale ; fonds de Bourgogne 15, abbaye de Molesmes, recueil de chartes, p. 29): „In Atrebatensi episcopatu ecclesiam de Lucheolo cum decimis et pertinentiis, ecclesiam de Sarcingo cum decimis, capellam de Humberticurte cum decimis, ecclesiam de Sylva-SanctiLeodegarii." Dans cette pièce nous avons, en plus, une église ou chapelle située dans une „Forêt-de-Saint-Léger." Cela semble indiquer un événement religieux, prouvé ou supposé, se rapportant a notre saint et autorisant a croire que la ocalité Sarcingo existante ou inventée, a été considérée comme lieu de sa sépulture. Ni la bulle, ni aucun autre acte ne déterminent, pas plus que pour Sarcingo, la situation de cette „Sylva " Nous avoqs déja dit qu'il est inadmissible, après tous les miracles qui se produisirent au lieu du martyre, qu'au XI« siècle celui-ci eüt encore été une forêt et ne serait pas devenu un endroit habité. Par conséquent 1'église ou la chapelle n'aura été engée dans cette forêt que longtemps après la mort du saint. II en aura été de même pour 1'application a cette forêt de son nom. Peut-être ne fut-il donné a Ia forêt que paree que celle-ci se trouvait pres d'une commune appelée du nom de notre saint 126 Nous arrivons au cartulaire de 1'abbaye d'Arras du XIIe siècle par Ouimann. 11 ne mentionne aucune „Sylva-Sancti-Leodegarii". Pourtant on peut croire que si le saint était mort dans ces parages, la célèbre abbaye, qui en possédait plusieurs importantesreliques et 1'honorait tout particulièrement, aurait été propriétaire du lieu bénit de son martyre. Or, ce qui seul dans les possessions de 1'abbaye rappelle S. Léger, c'est le terrain qu'elle avait acquis dans la commune de Saint-Léger, au canton de Croisilles, et rien ne prouve que celle-ci porte le nom du saint paree qu'il y serait mort. De plus on ne connait aucun Sarcingo a la distance voulue de cette commune. Le Sarcingo des environs de Lucheux serait situé trop loin de cette localité pour qu'on püt le considérer comme lieu de la sépulture. D'autre part il deviendrait d'autant plus évident que la „Sylva-Sancti-Leodegarii" située pareillement prés de Lucheux n'est pas la forêt oü S. Léger mourut. Quant a Sercin de Baldéric et a Sarcingo des premiers documents et des trois actes que nous venons de citer, on ne les rencontre pas davantage dans le cartulaire d'Arras. L'abbaye n'aurait donc non plus possédé le sol qui servit de tombeau a son grand protecteur! On avouera que 1'argument est décisif contre 1'authenticité des origines de Sercin et Sarcingo Artésiens. Seulement nous apprenons par le cartulaire susdit que les moines avaient des propriétés a Sarchinguehem ou Serchinguehem. Van Drival (p. 470) affirme et décide que par la il s'agit de Sarcin oü S. Léger fut enterré et qu'a son tour Sarcin est la même chose que Sus-Saint-Léger. Mais ni lui ni personne d'autre n'ont donné un seul argument pour établir que Sus-Saint-Léger se soit jamais appelé du nom de Sarcin ou de Sarcinguehem ou que l'abbaye de Saint-Vaast y ait eu des possessions. On ne prouve pas même que Sarcin ou Sercin n'est pas différent de Sarcinguehem ou que ces localités n'étaient pas situées hors de 1'Artois. Nous en reparlerons. II n'existe qu'un seul écrivain au XIIIe siècle qui fournisse quelque chose d'intéressant pour notre sujet. Vincent de Beauvais (lib. 23, cap. 125) en parlant de Robert, le dernier gardien du saint, qu'il appelle tantót „dux" tantöt „miles" tantót „comes palatii" écrit: „Quem (Leodegarium) dum miles (Robertus) ad domum suam, quae longe erat, duceret " Le détail „quae longe erat" n'est sans doute pas tres précis, mais nous ne pouvons croire que Vincent se serait exprimé de cette facon s'il 127 avait voulu dire que S. Léger était mort dans 1'Artois, un pays si peu éloigné de celui qu'il habitait. C'est une preuve que Sarcingo et Sylva-Sancti-Leodegarii Artésiens n'avaient pas de rapports avec Ie vrai lieu du martyre et de la sépulture. Le Manuscrit n° 326(') du XIVe siècle provenant de l'abbaye de Saint-Trond et conservé a 1'Université de Liége fournit (fol. 24) un détail entièrement nouveau sur Ie lieu du martyre : „Patratis passio S. Leodegarii episcopi quem diversis suppliciis afflictum Ebroïnus interemit". Ceux qui opinent pour 1'Artois ne connaissent ni partant n'expliquent le nom de lieu Patratis. Nous verrons si dans notre opinion il est connu et compris. . II existe un acte du 25 0ctobre 1575, résumé comme suit dans la dissertation de Cappe i „Cet acte conservé a 1'évêché d'Arras affirme que le prieuré de Saint-Léger a Lucheux fut donné a un prêtre Bénédictin de Corbie". Rien ne dit qu'il ne s'agit pas d'une chapelle érigée longtemps après le martyre du saint par simple dévotion. Du reste en 1575, l'abbaye de Corbie, bien qu'elle eüt eu de grandes relations avec le pays oü vraiment S. Léger avait péri, pouvait 1'avoir oublié depuis longtemps et s'être imaginée que S. Léger était mort dans 1'Artois et peutêtre a 1'endroit oü ce prieuré était érigé. Gazet: „Le saint martyr fut enterré en une petite chapelle, en un village nommé Sarsin (ou Serchin et a présent s'appelle le village de Saint-Léger) en I'évesché d'Arras, 1'an de grace six eens octante cinq". Vindicien refusait a „Ermenchaire" d'enlever les reliques du saint „paree que le corps d'iceluy estoit inhumé en son diocèse". Pour un historiën bien renseigné et qui étudle avant tout les sources, en voila un! II enrichit la toponymie de deux nouvelles formes du nom de Sarcinium et quant a sa position exacte il se contente de dire qu'il s'agit du village de Saint-Léger, alors qu'il n'en n'existe pas mal de ce nom „en I'évesché d'Arras". Nous ne dirons rien de la date f385, mais on peut encore remarquer que 1'auteur est si bien renseigné et si parfaitement d'accord avec les documents anciens qu'il ne dit rien de la mort du saint en cet „évesché" et y connatt seulement (comme Vindicien, d'après lui) sa sépulture! Colvener, dans son édition de Baldéric, indique au moyen de (*) Bt non n 320 comme on dit par erreur dans Ie catalogue imprimé des mss de cette bibliothèque. Cette erreur et beaucoup d'autres furent mdiquêes et corrigées plus tard dans un supplément special. . 128 la philologie remplacement exact de Sarcingum dans 1'Artois et fournit une nouvelle forme de ce nom. 11 raconte (p. 414) sans avoir 1'air de vouloir se moquer de ses lecteurs, que le nom du village de Sus-Saint-Léger revient a Suscin-Léger et que Suscin est une corruption de Sercin! Dommage que la philologie ne lui ait pas appris de même oü se trouvait la Sylva-SanctiLeodegarii de son chroniqueur. Dans sa préface, Colvener mentionne une localité Artésienne appelée anciennement Sarchinvilla et plus tard Queant. II affirme que Baldéric, 1'auteur de la chronique, y vint au monde, mais il n'a pas même 1'idée d'examiner si le nóm a quelque rapport avec le Sarcingo oü S. Léger fut enterré. La raison en est sans doute que déja a ce moment il avait fait la précieuse découverte qu'il devait révèler plus loin: Suscin est un dérivé de Sarcingo beaucoup plus direct et plus concluant que Sarchin villa! Claude Despretz, seigneur du susdit Queant énonca une thèse nouvelle au sujet du lieu de la sépulture. II en donna avis a Roberti qui la publia, avec une joie et une reconnaissance inconcevables, dans son travail sur S. Hubert (p. 179). On y apprend que Baldéric naquit a Queant et que cette localité s'appelait autrefois Sarchinvilla, que S. Léger y fut mis a mort et que S. Hubert, évêque de Maestricht, y consacra une église en 1'honneur du martyr, église desservie pendant longtemps par des chanoines etc. C'est probablement notre Claude Despretz qui fit accepter a Colvener sa première assertion. Elle se trouve en effet dans les notes que ce dernier ajouta a Baldéric, comme nous venons de le dire. Quant au bon Roberti, i) accepta toutes les inventions du sire de Queant. II était loin en effet, d'être aussi grand philologue que Colvener! Pas plus que celui-ci ou que personne d'autre il ne réfléchit que si Baldéric était vraiment né dans la localité oü S. Léger périt et fut enterré, on avait a expliquer comment 1'intéressé Pignorait absolument et tout au contraire affirmait dans sa chronique que martyre et sépulture furent accomplis sur les confins des diocèses de Cambrai et de Thérouane, loin de Queant! Mais, voici le texte même qui donne les nouvelles dénominations du lieu du martyre et de la „Sylva-Sancti Leodegarii" a savoir Sarchinvilla et Queant, et qui chante les, gloires de la propriété de Claude Despretz: „Venit etiam S. Hubertus ad sepulcrum B. Leodegarii M. et in loco ubi interiit qui antiquftus 129 Sarchinvilla dicebatur, sede Cameracensi vacante, construxit basilicam et sacravit in honorem Martyris, cui praefuerunt usque ad tempora Dodilonis episcopi Cameracensis sacerdotes clerici monasterii S. Huberti Cam. Quo in pago notabilis exstitit confraternitas S. Huberti et etiam nunc videtur hortus juxta dictam basilicam qui S. Huberti dicitur. „Et Texcellent Roberti d'ajouter sans rien soupconner: „Locum quem Claudius Despretz antiquitus dictum fuisse ait Sarchinvillam, in margine notat hodie dici Queant cujus idem Claudius modo Dominus est. Itaque tanto majori fide dignus est(ü) quod de rebus loquitur sibi familiariter notis ut qui in illas dubio procul diligenter inquisierit." lÉfiift- Roberti, s'il vivait encore, serait sans doute fort scandalisé, d'apprendre qu'un de ses confrères, le Bollandiste auteur des actes de S. Hubert (n° 118, 120, 139) s'est permis de douter de la sincérité de Claude et que plus récemment leur revue Anal (1908 p. 390, 1910 p. 241) et Bied (Buil des antiq. de la Morinie, 237» livraison, 1911, p. 901-8) l'ont traité tout simplement de menteur et de faussaire, et ce pour de bonnes raisons. Rien de plus certain en effet et même de plus évident. Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner quelque peu le passage qu'on vient de lire. Le lieu du martyre se serait appelé Sarchinvilla et ce dernier nom aurait servi pour designer Queant! C'est une assertion inouïe. Les actes parient de „Sarcinium, Sarcingum, villa quae dicitur Sarcinium" et en font le lieu de la sépulture, non celui du martyre. Baldéric que Despretz fait naïtre k Sarchinvilla et qui par conséquent aurait dü le savoir parfaitement, Baldéric non plus ne dit mot d'une pareille localité, mais parle de „Sercin" et n'a garde d'en faire le lieu du martyre! Enfin ni Baldéric ni personne d'autre n'affirmèrent jamais que Sercin ou le lieu de la sépulture sont la même chose que Queant S. Hubert évêque de Maestricht se serait rendu a Queant et aurait profité de ce que le siège de Cambrai était vacant pour y construire et y consacrer une église en 1'honneur de S. Léger! On croit rêver en lisant de pareilles insanités. Pas un mot d'explication sur 1'origine de cette dévotion extraordinaire de S. Hubert envers un saint qui aurait péri aussi loin du diocèse de Maestricht Pas davantage la plus petite justification de 1'incompréhensible conduite du saint qui se serait arrogé des 9 130 droits qu'il ne possédait pas! Pas une ombre de preuve que du temps de S. Hubert le diocèse de Cambrai existait encore, et n'était pas, comme on 1'a toujours dit, uni a celui d'Arras! Rien non plus qui explique ce que cette église de S. Léger a Queant serait devenue. Rien pour prouver qu'il y ait jamais eu a Queant des religieux de S. Hubert de Cambrai, ou a Cambrai une abbaye de ce nom. O Vraiment maltre Claude s'est moqué de son correspondant et de ses contemporains. Enfin deux assertions qui, si elles ne sont pas fausses comme tout le reste, ne prouveni en tout cas rien de ce qu'on prétend: une „confrérie et un „jardin" de S. Hubert a Queant! De pareils faits ne sauraient prouver autre cbose qu'une certaine dévotion en vers le saint. Comment, si S. Léger avait été enterré la, ne serait-ce pas en son honneur qu'on y rencontrerait quelque oeuvre religieuse ou autre? Les découvertes de Despretz n'eurent pas de succès. Personne, a notre connaissance, ne chercha a les défendre. Roberti luimême semble avoir fini par comprendre qu'il avait été mystifié. En effet, dans sa vie de S. Lambert, il se contente de dire: „S. Léger fut exécuté au bois d'Arras." C'est une thèse nouvelle concernant le lieu du martyre, attendu que la „SylvaSancti-Leodegarii" semble s'être trouvée pres de Lucheux, a moins qu'on ne dise qu'il s'agit de celle qu'on trouve citée par Baldéric et dont la position n'est pas déterrninée, dont surtout Baldéric ne dit pas qu'elle s'appelait aussi „Bois d'Arras." N'y a-t-il donc rien de vrai dans toutes ces assertions de Despretz? II nous semble inadmissible que notre homme eut osé inventer jusqu'a ce point. II aura brodé sur 1'une ou 1'autre note ancienne concernant S. Léger ou S. Hubert, et qui était exacte, mais que lui aura cru fausse et qu'en conséquence il se sera chargé d'arranger. Cette note disait tout simplement que S. Hubert fit construire ou reconstruire et consacra une église a Sarcinium a Pendroit oü S. Léger avait été enterré. Peutêtre ajoutait-elle que Sarcinium se trouvait dans le diocèse de Liége. Tout le reste aura été inventé et fabriqué par Despretz. Nous refusons même d'admettre qu'une „tradition sans fondedement sérieux" (Van der Essen, o. c.) prétendait que S. Hubert (1) On connait a Cambrai une église Saint-Aubert et ce nom Aubert se confond parfois avec celui de Hubert. Peut-être est-ce la ce que Despretz a voulu dire, mais la preuve de ce qu'il en affirme ? 136 commentaires que celui-ci a copiés, sauf pour quelques légères additions, dans Debye. On doit même douter que Lefèvre ait lu Smet puisque celui-ci ne cache aucunnement qu'il reproduit en abrégé 1'étude de Debye. Une autre preuve qu'il n'a lu ni Debye ni Smet c'est que, parlant de Debye, il dit s'en rapporter „au témoignage de Smet'' alors que ce dernier ne cite aucunnement le témoignage de Debye, mais celui d'un anonyme. Enfin Lefèvre attribue encore a Debye ce que 1'anonyme seul, cité par Smet, raconte au sujet de Rebreuve. Quant a Topinion, considérée en elle-même, qui regarde Sars-lez-Houvin comme lieu de la sépulture, Lefèvre la rejette pour une raison fort étrange: „L'endroit indiqué sous le nom de Sarcing ou Sercin a gardé cette dénomination depuis les temps les plus reculés, jusqu'a nos jours, sans jamais changer"'. La preuve que ce nom ne pourrait pas avoir été remplace par un autre et surtout qu'il doit être resté littéralement soit Sarcing, soit Sercin? Évidemment on ne la donne pas et ce qu'on n'établit pas davantage c'est qu'il y ait eu dans 1'Artois une localité dont le nom fut toujours Sarcing ou Sercing. Enfin Lefèvre se trompe encore lorsqu'il affirme que, d'après Smet, Debye tient pour Lucheux comme lieu du martyre et qu'il parle d'une place, a Sus-SaintLéger, appelée Sercin. Smet ne dit rien de semblable, mais se contente de donner la note anonyme déja citée qui fut envoyée a Debye après que ses actes de S. Léger avaient vu le jour. Smet ne fait pas connaitre non plus (contrairement au dire de Corblet) ce que Debye ou lui-même pensaient de cette note. L'anonyme susdit raconte donc (Smet, n°41): „Certum videtur locum in quo S. Leodegarius capite truncatus est, partem hodie constituere sylvae de Lucheux. In sylva illa exstat sacellum sancto consecratum ubi eum martyrio coronatum fert traditie Omnia concurrunt ut haec opinio pro vera habeatur: 1» sacellum in sylva illa in honorem sancti exstructum 2e propinquitas quam cum confiniis episcopatus Bononiensis habet locus ille, milliari et medio dumtaxat dissitus a Rebreuve dioecesis Bononiensis vico 3° parva distantia quam habet a pago a S. Leodegario hodie Susaint{!)-Lêger nuncupato qui platea Sercin dicta etiam nunc insignitur, situs est in extremis dioecesis Atrebatensis limitibus et ecclesiam S. Leodegarii nomini dedicatam habet". Vraiment l'anonyme se contente de peu et même de rien pour déclarer que son opinion est certaine (certum videtur) et que 137 tout la prouve (pmnia concurrunt). Or, tout consiste dans une prétendue tradition et dans Paccord avec le texte de Baldéric, deux choses que plusieurs autres Iocalités déclarent ou pourraient déclarer réalisées aussi pour elles. Quant a la petite distance (parva distantia) entre Sercin (situé a „Susaint-Léger") et Lucheux, elle prouve le contraire de ce qu'on a en vue. Lucheux n'est pas le lieu du martyre ou bien Sercin n'est pas celui de Ia sépulture, puisque, [nous 1'avons vu, il faut entre les deux une distance plus grande. En outre le mot Sercin semble inventé de toutes pièces, car Lefèvre affirme qu'il est inconnu a SusSaint-Léger. Devienne: „Forêt sur les confins des diocèses d'Arras et d'Amiens appelée depuis Saint-Léger et sa mémoire y est dans une vénération singulière." On cherche en vain sur les confins des diocèses cités une localité ou forêt ainsi appelée. Et 1'on parle de „mémoire en vénération singulière" dans cette forêt!! Hennebert est déja réfuté dans ce qui précéde: „Décapité sur un coteau contigu a la forêt de Lucheu appelé autrefois Sarein (!) ou Sercin (Siricinium (!) ou Sarcinium) et aujourd'hui Bois de S. Léger." L'Annuaire du Pas-de-Calais de 1808 (p. 155): „S. Léger mourut a Saint-Léger dans le canton de Croisilles." D'après Corblet et Lefèvre, c'est aussi 1'opinion de Hénault. Le premier ajouté a bon droit que cette opinion est insoutenable mais il a oublié d'en fournir la preuve. Nous en avons déja donné plus d'une et nous en reparlerons. Hoverlant (p. 119) ne conait et ne nomme que Ie lieu du martyre et cependant il n'est pas mieux renseigné: „S. Léger, fut décapité dans la forêt de Lucheu." „On ne connait plus maintenant dans 1'Artois'' dit Leglay (p. 416) „de bois ou de forêt qui porte le nom de S. Léger, Mais tout fait penser que c'est dans le bois deXucheux que cet évêque d'Autun a recu le martyre. Sercin est le nom de la place qui se trouve au milieu du village de Sus-Saint-Léger.". Et c'est absolument tout. L'écrivain refuse de donner un seul des nombreux et graves arguments qui établissent que Jout fait penser etc" II se contente de proclamer qu'on ne connait plus maintenant de forêt de Saint-Léger. Nous ignorons si les autres preuves sont aussi fortes Bref Leglay suit 1'opinion du correspondant anonyme cité par Smet II ajouté seulement, 138 mais sans rien prouver, que la place Sercin se trouve „au milieu'' de Sus-Saint-Léger. D'autre part il ne dit pas avec Smet, comme Corblet 1'affirme, que S. Léger mourut dans cette dernière localité. Lambert: „Tué a Sarein (!) a Sus-Saint-Léger, forêt de Lucheux, appelée autrefois forêt Aquiline ou Iveline." C'est un mélange nullement clair de difféfentes opinions. En particulier, pour ce qui concerne Aquiline, ou voudra bien se rappeler ce que nous en avons dit. II est incompréhensible que Corblet ait affirmé que Lambert suit 1'opinion de Smet et de Leglay. Aucun des trois n'a complètement 1'opinion des deux autres. De Harbaville (T. I, p. 206; T. 2, p. 311) commence par nier que la forêt oü S. Léger périt, ait retenu son nom. Puis il parle d'un „manuscrit d'Arras qui rapporte que ce prélat fut décapité dans un lieu aujourdliui nommé Saint-Léger, entre Arras et Cambrai." S'il ne. s'agit pas de Saint-Léger dans le canton de Croisilles, c'est une nouvelle opinion. II est regrettable qu'on ne décrive pas quelque peu le manuscrit et qu'on n'indique ni son possesseur, ni 1'époque oü il fut composé. Quoiqu'il en soit, Harbaville rejette 1'une et 1'autre opinion et pour la même raison, a savoir: „II est aujourd'hui reconnu que ce meurtre fut commis dans la forêt de Lucheux qui avoisine le village de Sus-Saint-Léger.'' Par qui et pourquoi cela est-il reconnu? Simple affirmation, comme aussi quand il écrit que Sus-Saint-Léger est Tanden Sarcinium, Sarcingensis villa. II ne dit pas oü il a pris cette dernière forme et celle de Lucovium qu'il attribue a Lucheux. II parle d'une „manse qui remplace la chapelle de S. Léger'' sans dire s'il s'agit d'une autre chapelle et d'une autre opinion sur le lieu précis que celle dont il a déja été parlé. On n'indique pas oü Malbrahcq affirme que Sercin de Baldéric est Tanden nom de Lucheux. Oü lit-on dans Leglay que „la place" de Sus-Saint-Léger fut „jadis" appelée Sercin et faut-il suivre Malbrancq ou Leglay ? Corblet affirme que Harbaville tient, avec Smet et Leglay, que S. Léger mourut a Sus-Saint-Léger. Or, ce n'est 1'opinion d'aucun des trois. II ne tient pas non plus avec Lambert pour le lieu du martyre. Enfin Harbaville mieux renseigné que tous les documents anciens, sait encore que S. Léger „fut enterré au lieu mimi oü le martyre s'accomplit" et que Chodobert, le dernier des gardiens du saint, habitait une villa a Lucovium susdit, a Lucheux. 140 non plus du lieu du martyre mais de „Sarcin" dont le nom est resté a un „hameau" de „Su-Saint-Léger." Pétin: „Tué dans la forêt Iveline, aujourd'hui Saint-Léger..... La femme dè Robert le fit enterrer dans un petit oratoire attenant a sa maison de Sarcin dans 1'Artois etc." Delgove (p. 32) ne connait ou du moins ne mentionne que 1'opinion ou plutöt „la tradition" qui fait mourir le saint „non loin de Doullens dans le forêt qui prit son nom". Malgré ces derniers mots, ce n'est guère précis, mais fort élastique et pourtant Delgove refuse de s'incliner devant cette tradition. II ne donne pas le motif de son refus. II connait de Lucheux la forme latjne „Lucetum" qu'il fait dériyer de „Lucus, bois sacré" et dans cette étymologie il est le premier et le seul a trouver la preuve que S. Léger mourut • a Lucheux et nullement prés de Doullens. Ouérin sait aussi, il ne dit pas comment, que le comte Robert habitait 1'Artois, notamment „sur la lisière de la forêt de Sarcing, maintenant appelée Saint-Léger" et que Ie saint mourut la et non sur remplacement de la chapelle desservie par les Carmes; cette chapelle fut, au contraire, le lieu de sa sépulture. Les auteurs de „Vies de saints de Franche-Comté" (T. 1, p. 494) se contentent de copier chez 1'un ou 1'autre que S. Léger mourut dans „la forêt de Lucheux qui avoisine le village de Sus-Saint-Léger", mais Dinet tient avec Ouérin. Pourquoi? De Cardevacque et Teirninck (T. 3, p. 120) se contentent de copier aussi, sans en rien dire, que „S. Léger fut tué dans la forêt de Lucheux au lieu dit le Sarcin." Rien ne prouve qu'au temps du saint il y avait une forêt de Lucheux, mais ces écrivains sont d'avis qu'il ne faut pas s'inquiéter de si peu. Le titre seul de 1'opuscule de Lematte est déja passablement étrange. II annonce que S. Léger fut tué „dans le bois de Sarcing prés de l'antique(?) forêt de Lucheux." Dans 1'opuscule même, 1'auteur répète: „On était a la lisière de la vaste (?) et antique (?) forêt de Lucheux, dans le bois de Sarcing". Une image de piété, publiée par le même, représente „le martyre de S. Léger, dans le bois de Sarcin prés la forêt de Lucheux". Comme d'autre part 1'auteur proclame lieu du martyre la place oü prés. de Lucheux se trouve une chapelle desservie autrefois par des Carmes, il s'en suit que ce martyre n'eut pas lieu dans la forêt de Lucheux mais dans celle de Sarcing et que cette chapelle 141 ne se trouve pas dans cette forêt de Lucheux, mais dans 1'autre dont enfin on indique (sans preuves toutefois) remplacement: ,#rès de la forêt de Lucheux". Pareillement, pour tout Ie reste, 1'opuscule en question a toutes les allures d'un pieux roman, plutöt que d'une oeuvre historique. On y raconte que Léger avant d'être abbé a Saint-Maixent fut moine a Luxeuil, conseiller et ministre sous quatre rois, qu'il fut confié au maire du palais Chrodobert, que ce dernier avait un chateau 'a Lucheux et que Ie même (dont les actes anciens disent tant de bien) tenait le saint dans la prison de son chateau, que sa femme Ie fit enterrer a 1'endroit oü il était mort et qu'en outre elle fit construire une chapelle la-même, chapelle qui agrandie et embellie continua d'exister jusqu'a Ia grande révolution etc, etc. Lematte copie même par-ci par-la, quelques-unes des tirades poétiques de Harbaville. Toutefois dans la phrase oü ce dernier s'était arrogé le droit d'inventer une nouvelle forme du nom de Lucheux, Lematte s'arrête et, au lieu du pompeux Lucovium, il écrit Lucheux. Le „Mémorial d'Amiens*' dont la brochure précédente renferme un extrait, avait écrit peu auparavant: „Depuis la plus haute antiquité, Lucheux a toujours eu un culte special pour S. Léger". Donc depuis quelques siècles au moins avant la naissance du saint ou bien que veut-on dire? Nous avons vu et nous venons de rappeler qu'avant le XVI« siècle on n'a aucune preuve de „culte" et surtout de „culte spécial'' envers Ie saint a Lucheux. Van Drival (Courte notice ... p. 96) n'est pas de 1'avis de Lematte. Pour lui la forêt de Sarcins (?) ne se trouvait pas prés de Lucheux mais „a 1'endroit oü s'éleva plus tard Sus-SaintLéger". Toutefois il affirme avec Lematte que la forêt oü l'évêque d'Autun périt s'appelait de ce nom. II ne parle pas du lieu de la sépulture. Avec Butler copié par Haas on revient a la forêt Iveline; nous en avons déja parlé. Rohrbacher dans ses „Vies de Saints'' et Collin de PlancyDarras, qui reproduit la vie de S. Léger, donnée par le premier, «content que „la femme de Robert fit enterrer le saint dans 1'oratoire d'une maison de campagne nommée alors Sarcin, aujourd'hui Saint-Léger ainsi que la forêt oü il fut mis a mort". II n'est pas clair de quelle commune et forêt de S. Léger on parle. Puis oü lit-on qu'il s'agit d'une maison de campagne et de son oratoire? 143 „la forêt de Sarcing*'. II n'est question de Sarcinium ou Sarcingum que pour designer le village oü S. Léger recut Ia sépulture, laquelle, d'après les détails qu'on ajouté et que Corblet rapporte, devait se trouver a une bonne distance du lieu du martyre. Par conséquent a moins de prouver que la forêt de Sarcing était immense au point de renfermer deux endroits si distants et était cependant inconnue de tous, sauf de Corblet et de quelques autres écrivains peu anciens, de quel droit parle-t-on d'une forêt de ce nom? Elle a été inventée par des auteurs qui ont mal lu les actes contemporains. Ensuite Corblet affirme qu'il n'existe pas dans 1'Artois une „forêt de S. Léger" quoiqu'en ait dit Baldéric avec plusieurs autres. Nous étions d'avis que quelques villages appelés Saint-Léger auraient eu anciennement dans leurs environs un bois ou bosquet appelé „de Saint-Léger" a cause de son voisinage avec la commune ainsi nommée et sans relations avec ia mort du saint patron. Mais s'il était vrai que, même de cette fagon, on ne connait pas de „Forêt-de-Saint-Léger" en Artois, ce serait d'autant plus écrasant contre 1'assertion de Baldéric et consorts, et d'autre part, cela défendrait de supposer, comme Corblet Ie fait néanmoins, que la forêt actuelle de Lucheux ou n'importe quelle autre de 1'Artois se serait appelée „pendant quelque temps" du nom de S. Léger. En outre, quand et pourquoi aurait-elle remplacé ce nom par un autre, surtout si cette dénomination avait eu vraiment pour raison le martyre du saint subi Ia même? Ce changement de nom serait d'autant plus inexplicable qu'elle possède une chapelle dédiée a ce saint et que quelqu'un a même affirmé que son culte dans ce pays „existe depuis la plus haute antiquité". Quant a 1'assertion que la forêt de Saint-Léger nommée actuellement forêt de Lucheux se serait appelée anciennement forêt Iveline elle ne repose sur rien et est erronée, nous 1'avons vu. Pareillement, comme il a été dit, pour le nom de Sercin a Sus-Saint-Léger et celui de Lucovium qu'on ne rencontre dans aucun document. Bernier (T.) (Dictionnaire du Hainaut, p. 494) raconte que S. Léger fut décapité dans la forêt de Luchem en Picardie. Simple lapsus calami pour „Lucheux" ou nouvelle opinion? Wyckmans (p. 67): „Décapité dans la forêt de Saint-Léger, Pas-de-Calais, enterré a Serein (Serain, dép* de 1'Aisne).'* C'est du nouveau, servi sans preuve aucune, bien que les deux 144 départements soient absolument trop distants et surtout que dans PAisne et partout ailleurs, on cherche en vain une localité appelée Serein ou Serain et, a plus forte raison, portant indistinctement les deux noms. Bennett a trouvé le moyen d'inventer une forme en plus du nom Sarcinium. D'après lui S. Léger fut enterré a Surcin. C'est bien certainement Lefèvre qui s'est le plus occupé de nos questions. Ses deux études nous font connaitre plus d'un document ancien qui, bien étudié, confirme notre opinion en ces matières. On doit seulement regretter que si souvent chez cet écrivain la logique laisse a désirer et produit des conclusions inacceptables. C'est dès les premières lignes qu'on en trouve un échantillon: „D'après une tradition locale fort ancienne, S. Léger aurait été martyrisé sur le territoire de Lucheux ou du moins il y aurait été inhumé." Sans doute, ce n'est pas Lefèvre qui a dit que la tradition remonte „a la plus haute antiqiuté" mais enfin que veut-il par „fort ancienne" ? Plusieurs actes cités par 1'auteur insinuent que le culte du saint a Lucheux remonte assez haut, mais aucun ne le montre contemporain du martyr. Quant a 1'opinion qui 1'y fait mourir elle est énoncée" pour la première fois en 1697. Est-ce la ce qu'on appelle une tradition et une tradition „fort ancienne"? En outre on avoue que la tradition n'est pas bien déterminée: „martyrisé ou du moins inhumé". Peut-on appeler cela une tradition et saurait-il être permis d'en tenir compte? Lefèvre rapporte ensuite que la femme de Robert fit inhumer le martyr „dans sa villa de Sarcing et élever en cet endroit un petit sanctuaire" et il renvoie aux vies contemporaines qui parient d'un village et d'un oratoire déja existant, oratoire que pour plusieurs raisons il eut été souverainement imprudent de construire a cette occasion. L'écrivain ajouté que „cet oratoire devint dans la suite fort célèbre dans toute la contrée" et il renvoie aux mêmes sources, qui ne disent rien de semblable, mais parient seulement de miracles qui éclatèrent peu de temps après 1'inhumation et qui peut-être avaient déja cessé ou a peu prés avant que le corps fut transporté a Saint-Maixent. Si en effet cet oratoire avait acquis „dans la suite" une si grande célébrité, comment comprendre qu'il ne s'y fut formé une tradition précise et sérieuse qui aurait permis d'indiquer toujours et aussitöt et sans ombre de doute le lieu de cette première sépulture? Ce 146 Sercin a cöté de Lucheux. Nous avons sous les yeux deux cartes, non datées, par de 1'Isle, dans lesquelles il marqué „Le Sercin" 1'une fois au Sud, 1'autre fois au Nord de Lucheux. Dans la première, on trouve au-dessus de Lucheux les mots „Chapelle S. Léger" a la place oü la seconde marqué „Le Sercin." Ce tripotage confirme ce que nous avons déja dit de la souveraine autorité qu'il faut accorder aux fabricants de cartes! Nepouvant tout examiner et vérifier par eux-mêmes, ils se fient bien souvent aux renseignements pas toujours fort sürs qu'on leur envoye. Le troisième argument de Lefèvre, ce sont les actes cités cidessus de 1095, 1142 dans lesquels il est question de Sarcingo, mais oü rien n'indique que celui-ci se trouve plus prés de Lucheux que de Sus Saint-Léger ou de vingt autres communes. Bref, nous le répétons, il est certain qu'on a fait l'impossible pour trouver un Sarcinium en Artois et on a attribué ce nom a différentes localités, mais de laquelle s'agit-il dans les actes de 1095, 1142? Impossible de le dire avec certitude etd'ailleurs peu importe puisque rien ne prouve que ce Sarcingo est celui oü S. Léger fut enterré. Dans son second travail (p. 193, 204, 217) Lefèvre s'occupe encore de Lucheux et raconte que ce village „parait remonter a la plus haute antiquité." Comment cela parait davantage pour les origines de Lucheux que pour le culte qu'on y aurait rendu a S. Léger „depuis la plus haute antiquité" d'après un ouvrage déja cité, c'est ce qu'on ne dit pas. Cette affirmation est d'autant plus étrange que, malgré ce qui „parait," Lefèvre se contente d'origines ne rémontant pas au dela de 1'époque Mérovingienne. C'est de nouveau une simple affirmation. On décide en outre que „d'après la tradition locale" (inconnue aux nombreuses communes rivales ourejetée par elles) „Lucheux aurait appartenu a cette époque au comte Robert, nomroé dans les actes de S. Léger." L'auteur sait même, mais n'a garde de dire comment, que Robert „y possédait un vaste domaine situé au milieu d'épaisses forêts". Que faisait-il la? Cette fois pour des motifs que de nouveau on ne daigne pas exposer, on répond, non plus par une affirmation, mais par une hypothese: „De la, comme on peut le supposer, Robert exercait son autorité sur toute la contrée." Enfin, 1'écrivain affirme que „le nom de Sercin" (on ne mentionne plus même Cherchin, Le Cherchin) „s'est conservé sur le territoire de Lucheux et rappelle le Sarcing- oü S. Léger Première Partie Le lieu de la sépulture. Les vies contemporaines ne donnent pas le nom de la localité oü se tint le concile a la suite duquel Léger fut confié au comte Robert. D'autres documents moins anciens ne sont pas trés clairs et furent cause que parmi les écrivains les uns désignèrent Fécamps, tandis que d'autres préféraient Marly-le-Roi ou Maslayle-Roi, tous deux prés de Paris, ou Marlai sur les confins de la Champagne et de la Bourgogne (Pitra, p. 377,359). Une chose parait certaine et ressort du texte de U, a savoir que Robert habitait et conduisit Léger loin de 1'endroit oü s'était tenu le concile: „Cernens (Robertus) eum (Leodegarium) ex itinere defessum...." Fruland et Vincent de Beauvais, qui probablement ne connaissaient pas 1'assertion de Baldéric ou refusaient d'y croire paree qu'ils étaient mieux renseignés, affirment clairement que la demeure de Robert était loin du lieu de ce concile. Nous avons déja produit leur témoignage. Or, nous le demandons, si Robert avait eu son habitation et avait conduit Léger dans 1'Artois, est-il probable que de tous les anciens biographes du saint, aucun n'eüt nommé expressément ce pays, qui devait leur être parfaitement connu? En outre auraient-ils commis Terreur d'affirmer que 1'Artois était situé si loin soit de Fécamps, soit de Paris, soit de la Champagne? Au contraire, si on est d'avis que le pays dont il s'agit est la Hesbaie, tout s'explique. II était suffisamment éloigné(') et en outre ne devait pas être (') On a ici un échantillon de ce que devaient être anciennement beaucoup de calculs géographiques. Souvent les yeux jugaient uniquement d'après des cartes fort défectueuses pour 1'indication des noms de pays et la distance qui les séparait. Les déterminations se reduisaient a des expressions générales et vagues: loin de... trés loin de... pas loin de... prés de... pas prés de... etc. Cela devait produire bien des erreurs; on exagérait ou on diminuait. Ce dernier cas se présente dans la vie de S. Prix. Son biographe parlant de la Loire située a plus de 85 kilométres de Germont-Ferrand, raconte qu'elle coule „tout prés" de cette ville. Cela nous rappelle un autre mot, le mot „nuper" employé en parlant d'un fait arrivé plusieurs siécles auparavant (Anal, 1904, p. 107). 153 -dans l'abbaye de... Sacrinium. Quant a Hasbania, nom latin de la Hesbaie dont Sarcinium faisait partie, il est arrivé qu'on 1'a confondu avec Hispania et que pour ce motif S. Trudon a été considéré par 1'un ou 1'autre comme un saint Espagnol (>)• Nous ne nous arrêtons pas a la prétendue forme de ce nom, Harissewaing, découverte, on ne sait oü, par Roquefort (Diction. de la langue Romane, Paris, 1808) et copiée de la par Chotin (Hainaut, 1* édit., p. 61, 132). De Corswarem dans son „Mémoire étymolog. sur les communes du Limb." ne la cite pas et ne semble pas même avoir eu connaissance que d'aucuns en parlaient. A Saint-Trond le nom ancien continua d'être compris et employé. En ce moment nous avons sous les yeux un acte de 1653 dans lequel il s'agit d'une fondation de messes par un chanoine de cette ville en faveur du „pastoor van Zerckingen". Même de nos jours le nom est encore connu dans toute 1'ancienne Hesbaie et appliqué précisément a ce qui constituait autrefois le vicus ou la villa Sarcingum, de sorte que les prétentions de Lefèvre, quelque déraisonnables qu'elles soient, se trouvent réalisées: „La localité appelée Sarcinium doit avoir gardé ce nom depuis les temps les plus reculés jusqu'a nos jours". Ce n'est ni Lucheux ni les autres prétendus Sercin, Sarcin, Le Cherchin etc, etc qui remplissent cette condition. II reste lexpression Sarcingo. arx rencontrée et citée par Gomicourt. Personne n'a jamais essayé de 1'expliquer en faveur de quelque localité Artésienne. Elle se justifie parfaitement dans notre thèse. Un passage de la chronique Sainttronnaire raconte, a 1'an 1086, que la ville avait l'air, sans doute depuis longtemps, d'une place forte: „Turris monasterii quasi arx munita.... eminebat". II est un autre nom propre, un nom de personne cette fois, qui se rencontre dans les actes de S. Léger et qu'on aurait dü pareillement étudier avec un plus grand soin. Nous voulons parler du comte Robert (selon le poète Roman, Laudebert ou (') Ci-dessus nous avons vu un philologue du bon vieux temps découvrir Sercin dans Sus-Saint-Léger. Valère André (Biblioth. Belg p. 92) a démché bien autre chose dans le nom, pourtant si dair et dont le sens est évident, de Saint-Trond. Pour lui il ne s'agit pas d'un saint appelé Trudon, Trond etc, mais des Centrons, colonie de Neustriens du temps de César! Par contre, comme on lit dans Quicherat (p. 64).Un hameau du nom de Saint-Trond qui est englobé depuis longtemps dans Marseille, n'a jamais rien eu de commun avec 1'apötre du Hesbain Ce beu se disait en latin Centro, Centrone." 163 séquemment son point de départ ne peut avoir été 1'Artois, a moins de supposer un énorme détour que rien ne saurait justifier. D'abord Brogne, autrement dit Saint-Gérard, dans les environs de Namur. L'évêque-martyr y fut toujours particulièrement honoré, et considéré même comme le second patron de l'abbaye. Celle-ci prétendait posséder une bonne partie de ses reliques qui se conservaient dans une chasse spéciale. Elle était citée en second lieu, immédiatement après celle de S. Gérard, comme on voit dans la vie de ce dernier saint, publiée en 1618, par Souris, supérieur de l'abbaye. On y lit aussi que ces reliques et toutes les autres avaient été visitées en 1588, par l'évêque de Namur, frère du supérieur d'alors. En outre Usuard certifie (ad 11 April.) que Brogne célébrait, en plus de la fête du saint au 2 Octobre, celle de sa translation, au 11 Avril, et Pitra (p. 410) semble dire que ces fêtes se célébrèrent jusqu'a la suppression de l'abbaye. Enfin on soupconne comme il a été dit, qu'un des moines de Saint-Gérard, au Xe siècle, aurait composé le poème roman dont il a été parlé. Comment comprendre ce culte extraordinaire rendu a S. Léger par les moines de Brogne, si on prétend que le saint n'eut jamais quelque relation spéciale avec cette localité? II n'en existerait qu'une seule explication. On n'a pas craint de la donner et de la répéter, bien qu'au fond ce soit une sottise et une impossibilité. Brogne aurait été en possession d'une grande quantité de reliques du saint, voire même du corps entier! Baillet (p. 30) raconte en effet que les moines de cette abbaye étaient de ceux qui disputaient Ia possession du corps de S. Léger aux moines de Saint-Maixent. L'un ou 1'autre écrivain a ajouté que l'abbaye Pavait acquis au Xe siècle, grace a S. Gérard. Celui-ci d'après Debye (3 Octobre, n° 75) 1'aurait obtenu de l'abbaye de Saint-Denys, prés de Paris. Lecointe, au contraire, affirme (ad an. 681, n° 6) que les reliques vinrent a Brogne longtemps après S. Oérard. Comment a-t-on pu supposer et admettre cette dernière erreur? Si 1'on prétend que Brogne avait tout le corps ou la plus grande partie, ne faut-il pas expliquer comment Usuard, déja un siècle avant S. Gérard, en parlait dans le texte cité par Molanus et autres écrivains, texte que nous reproduirons tantöt? Aurait-on fini par oublier ses paroles? Mais qu'on se demande plutót quand et comment ce corps 167 sans pouvoir le justifier, que les dates du martyre et de la dédicace sont seules données complètement, tandis que celle de la translation dans le nouveau temple est indiquée d'une manière plus vague et moins déterminée, „mense Martio". Ensuite pour quel motif prétendre que la dédicace et la translation dans la nouvelle église furent deux cérémonies distinctes qui ne s'accomplirent pas a la même date? Enfin, comment expliquer que cette deuxième translation se serait accomplie le même mois que Ia première? Simple coïncidence? D'après Pitra (p. 397) par les mots d'Audulphe: „franslatio sancti corporis, medio mense Martii" il faudrait comprendre la translation de Poitiers a Saint-Maixent et ce serait 1'opinion de Debye. C'est une doublé erreur. Ni les biographes anciens ni Debye ni personne d'autre, ne disent que la première translation se serait terminée a Poitiers, mais a Saint-Maixent. Si 1'on objecte qu'Audulphe cite la translation après avoir mentionné la dédicace, on peut répondre qu'il agit probablement ainsi paree qu'il veut indiquer d'abord les deux événements dont il possède la date exacte. Une conclusion au sujet des origines du monastère de Brogne se dégage de ce qui précède. II faudra dorénavant suivre 1'opinion qui veut qu'il y eut des moines dans cette localité bien avant S. Gérard et que celui-ci eut seulement a leur donner une organisation plus sérieuse et plus compléte, comme il fit pour plusieurs autres abbayes. D'ailleurs oh ne lit nulle part-que Gérard aurait fait venir d'un autre couvent les religieux de Brogne. Par conséquent aussi, quand ce saint arriva auprès des moines de cette localité, S. Léger et ses reliques susdites y étaient déjè vénérées depuis plusieurs siècles et rien ne prouve que lui ou ses successeurs en acquirent d'autres du même saint. Un dernier détail qui se rattache probablement aussi au souvenir du passage des reliques par Brogne, c'est que S. Lambert, évêque de Maestricht-Liège y consacra une chapelle (Biblioth. Royale de Bruxelles, fonds Goethals, ms 171, chronique de Liége tirée du latin, composée par le R. P. Foullon S. J., 1686). Peut-être même en recut-elle pour patron 1'évêque-martyr d'Autun. Nous avons dit qu'Audulphe s'arrêta probablement aussi a Soissons. Si on admet qu'il passa par Brogne, il ne pouvait faire autrement pour aboutir a Chartres. C'était le chemin presque droit et partant le plus court. On ne le comprendrait pas aussi facilement si le cortège était arrivé de 1'Artois au lieu de partir de Brogne. 168 •La preuve que le corps du saint arriva a Soissons c'est que chez les religieuses de l'abbaye de Notre-Dame en cette ville, la tradition s'était formée, comme a Brogne, que ce couvent „possédait" ou „avait possédé le corps" du martyr. L'historien de l'abbaye, Germain (1675, p. 398; Debye n° 394) ne peut s'empêcher malgré son ardent désir d'exalter le monastère, de combattre cette assertion. II n'a pas songé a rechercher d'oü le corps de S. Léger fut transporté a Saint-Maixent et s'il ne s'agissait pas, comme pour Brogne, d'une possession momentanée ou d'un simple arrêt pendant la translation. Dans son écrit, Germain rapporte encore que S. Léger fut toujours 1'objet d'une dévotion spéciale a Soissons. Sa fête s'y célébra jusqu'a la fin et son nom était inséré dans le nécrologe de l'abbaye. Cette dévotion peut s'expliquer, en partie du moins, par le fait qu'Ebroïn, on s'en souvient, y avait enfermé la mère du martyr et que celle-ci s'y était consacrée a Dieu. Peut-être vivait-elle encore a 1'époque de la translation et fut-elle témoin du triomphe terrestre de son fils. II ne parait pas en effet que la sainte Dame mourut avant 1'an 680. Quoiqu'il en soit, en considération ou en souvenir de Sigrade, l'abbaye aura sans doute recu d'Audulphe quelque importante relique de S. Léger, plus importante que ce qu'il céda a Brogne. Nous ignorons si elle se conservé encore a Soissons ou ailleurs. Les archives de l'abbaye de Saint-Vaast d'Arras déposent aussi en faveur de notre thèse, surtout son cartulaire, composé en 1170 par Guimann et publié dans ces derniers temps par Van Drival. II fallait s'y attendre. Nous avons vu en effet que Thierry III, pour expier son crime, reconstruisit a Arras même, la ville épiscopale du diocèse dans lequel S. Léger avait péri, la célèbre abbaye de Saint-Vaast. Ce fut encore lui, sans nul doute, qui voulut, pour rendre son expiation plus solennelle, qu'on y conservat et vénérat continuellement le chef et 1'un des bras du saint. De plus, et dans la même intention, il accorda a l'abbaye de nombreuses propriétés. Or, 1'édition de Van Drival, enrichie de notes et de plusieurs études est accompagnée du fac-simile de deux des principales chartes, celles précisément dont nous avons surtout a nous occuper. Malheureusement on voit par ces fac-simile que leur copie donnée par Van Drival est fort défectueuse, tant pour la ponctuation que pour 1'orthographe de beaucoup de mots, comme on pourra le constater en 169 comparant les emprunts que nous y ferons avec leur transcription dans 1'édition susdite. Cela doit faire soupconner qu'il en est de même pour les autres pièces. Probablement est-ce une des raisons pour lesquelles, dans le dictionnaire des noms propres, a Ia fin du volume, il se rencontre tant de noms suivis de: „inconnu" „incertain". Nous croyons d'autre part que plus d'une fois Guimann lui-même, a défaut des pièces originales, se sera servi de copies fautives ou reconstituées de mémoire, c'est-a-dire plus ou moins fidèlement, après la disparition des actes authentiques. De Cardevacque (T. I, p. 34) et Mannier (Van Drival, o. c. p. 435) sont aussi de cet avis. Quoiqu'il en soit, notre but ne pouvant être de faire une étude approfondie des différents noms de lieux dont nous avons a parler, nous nous contentons le plus souvent de suivre, malgré tout, la version de Van Drival et de négliger 1'étude des variantes dans les autres éditions; Quant aux deux pièces avec fac-simile, il va sans dire que nous suivons ceux-ci et non leur transcription. Une première observation, c'est que nulle part dans ce cartulaire, il n'est dit clairement et expressément oü S. Léger fut inhumé. Quant au lieu du martyre, on rappelle une fois en tout (p. 15) qu'il se trouvait dans le diocèse d'Arras. Mais Ie lieu de la sépulture est indiqué a différentes reprises, d'une facon indirecte, surtout dans l'acte de donation de Thierry III. Ce dernier qui ne porte aucune date est évidemment postérieur a la mort et même a Ia translation de S. Léger, ainsi qu'a la reconstruction de l'abbaye d'Arras. A moins donc de prétendre que le saint ne fut pas exhumé en 680, on ne comprend pas comment Miraeus (Opera diplom. T. I, p. 126) 1'a daté de 673 et Van Drival (p. 476) de 674. S. Léger ayant été tué en 678 et exhumé en 680, la charte de Thierry ne peut pas être antérieure a ces années. Aussi est-ce 680 qu'indiquent Wauters et beaucoup d'autres. Or, un groupe de biens que, par cette charte, Thierry cède a Saint-Vaast, se trouve fort loin d'Arras et de 1'Artois, a savoir en Hesbaie et dans les environs. Est-ce assez éloquent? Est-il assez clair que Ie monarque, en agissant de la sorte, voulait une fois de plus rappeler le souvenir de celui qui fut enterré dans ce pays et exprimer publiquement ses regrets de 1'avoir persécuté? En outre on voit par plusieurs actes que l'abbaye d'Arras possédait des biens au lieu même de la sépulture, bien pour lesquels on ne trouve nulle part le 170 nom du donateur ou la date de la donation. Mais peut-on douter que c'est par la que Thierry UI a commencé la série de ses largesses? Afin de procéder avec ordre, nous copions d'abord les noms des propriétés, désignées dans la charte de Thierry III comme situées en Hesbaie et Ripuarie, puis celles que cette pièce dit se trouver un peu plus loin, et enfin les dernières qu'un autre acte, détruit ou perdu, placait a Saint-Trond même. Nous indiquons chaque fois les différentes chartes du cartulaire qui reproduisent ces passages, et nous ajoutons 1'une ou 1'autre observation. Les biens situés en Hesbaie et Ripuarie sont désignés comme suit (p. 16-17): „In pago Hasbanio et Ribuario. Haimbecha. Halmala. Torona et inter Atheim. Mariclas. Ambron, Musinium, Groslas, has villas, mansos dominicales VI. mansos servicales LXXV". Ces mêmes possessions sont de nouveau citées littéralement dans une charte non datée (vers 865) de Charles-le-Chauve (p. 38-9). Les historiens ne sont pas d'accord pour 1'identification de plusieurs de ces localités (Van Drival: o. 9. p.433; Piot: Pagi p. 124; Paquay: Bal, 1904 etc). La désignation „inter Atheim" parait surtout étrange. Heimbecha aussi est singulier. Paquay (o. c.) opine qu'il s'agit de Overheembeeck, au Sud de Vilvorde, oü de fait Saint-Vaast d'Arras possédait des biens qu'elle céda en 1161 a l'abbaye de Grimbergen (Aeb, T. 9 p. 41). Seulement cette localité ne se se trouvait ni en Hesbaie ni en Ripuarie et rien, dans le document de 1161, ne permet de dire que cette donation aurait été faite par Thierry III. Pour les autres, nous nous contentons de faire remarquer que par Ambron (inconnu d'après Van Drival, Amrem en Allemagne d'après Piot) il faut entendre Emmeren, lieu dit et ancien nom de Houppertingen (lez-Saint-Trond) dont 1'église paroissiale a pour patron S. Vaast (Leodium, T. 2, 1903, p. 91; Paquay o. c. p. 263). On reconnait encore plus facilement dans les noms cités, ceux de Halmal et de Muysen, tous deux a cöté de Saint-Trond. Pour les autres, il suffira de savoir qu'ils se trouvaient en Hesbaie ou en Ripuarie, c'est-a-dire dans les environs de cette même ville. On ignore pendant combien de temps l'abbaye d'Arras posséda ces propriétés. Le cartulaire n'en parle que les deux fois susdites, en 865 pour la dernière fois. Peut-être est-il encore 175 1169 cités ci-dessus, qu'ils y possédaient une église (sans doute la chapelle oü S. Léger fut enseveli) et une maison habitée par quelques moines, chargés probablement du culte divin et de 1'administration des biens que l'abbaye possédait dans ces contrées; „cum ecclesia et familia.... cum berberia". C'est peutêtre Ia ce que disait le texte retrouvé et falsifié par Claude Despretz: S. Hubert consacra une chapelle sur le tombeau de S. Léger k Saint-Trond (non a Queant dans le diocèse de Cambrai) et des moines de Saint-Hubert (?) de Cambrai (! = de Saint-Vaast d'Arras) résidèrent prés de cette chapelle jusque vers 887. On comprend a présent, par ce que nous venons de dire, pourquoi tant de propriétés données par Thierry III a SaintVaast étaient situées dans la Hesbaie et la Ripuarie et pays avoisinants et a Saint-Trond même. Si S. Léger avait été enterré dans 1'Artois, dans 1'une ou 1'autre des localités qu'on désigne, Cest évidemment la et dans les environs que le monarque aurait été prendre avant tout de quoi doter son abbaye. Or, c'est a peine si par Ie cartulaire on apprend (p. 470) que celle-ci possédait un terrain a „Saint-Léger" c'est a dire, comme cela ressort des autres noms de lieux au milieu desquels celui-ci se présente, a Saint-Léger dans le canton de Croisilles, mais rien a Sus-Saint-Léger, a Lucheux etc. Nous avons déja dit qu'on ignore jusqu'è quelle époque l'abbaye d'Arras conserva ses biens k Saint-Trond. Quand oubliat-elle que S. Léger avait été enterré dans cette localité et que c était le motif des donations de Thierry III la même et tout autour? Lorsque les opinions nouvelles prirent naissance, les moines de Saint-Vaast commencèrent probablement par douter et par ne rien dire, mais bientót ils auront fini par aider de leur mieux ceux qui cherchaient Sarcingo.... dans 1'Artois! » u'?eJan?toruin Remacli, Lamberti, Leodegarii, Amandi, Huberti, Trudonis, Eucherii». Tel est le titre et le contenu d'un codex cité par les Bollandistes Henschenius, Suyskens, Debye Desmedt, dans leurs vies de S. Eucher, Lambert, Léger, Hubert par K dans son étude (p.569) et dans son édition des vies de' tl;?!?'0, Le prédeux vol««ne se conservé actuellement a la Bibliothèque Royale de Bruxelles oü il est coté 14650-9 Les Bollandistes le décrivent dans leur catalogue des mss hagiographiques de cette bibliothèque (T.2, p.408) ainsi que Van den 177 justifier la présence de l'évêque d'Autun au milieu de tous ces saints Hesbignons et Liégeois. Comment d'autre part oserait-on supposer que ces écrivains furent distraits au point de ne rien remarquer? En ce cas la distraction de Demarteau serait surtout colossale. Le grand ami de Liége, sa ville natale, et qui connaissait tout aussi bien Sarchinium, a parfaitement remarqué et le titre et Ie contenu de ce volume et néanmoins il en a écrit: „Ce manuscrit comprend la vie de sept saints qui tous, sauf un seul(\!) ont tout au moins passé dans Ie pays de Liége une partie de leur existence" (o. c. p. 4). Pour expliquer la di ficulté, 1'écrivain en appelle au culte extraordinaire que S. Léger recut dans le pays de Liége. Mais la preuve et le motif de ce culte extraordinaire? II le fut si peu qu'il n'empêcha pas de laisser tomber dans 1'oubli les deux grands faits de son martyre et de sa sépulture dans ce pays! Ce culte n'eut rien d'extraordinaire et de durable, pour un motif qui, sans doute ne justifie pas cet oubli, mais qui I'explique suffisamment, ainsi que nous le verrons plus loin. Si Saint-Trond fut le lieu de la sépulture de S. Léger, on doit s'attendre a ce que ses archives conservèrent le souvenir, si pas de ce fait, du moins de reliques du saint qu'on y aurait possédées et vénérées. Les abbayes de Brogne et de Soissons en recurent bien une certaine partie pour avoir hébergé pendant quelques heures le corps du martyr, lors de sa translation. Et de fait on possède la preuve qu'Audulphe accueillit la demande de S. Trudon et de ses moines. Non seulement les archives de Saint-Trond mentionnent pareilles reliques, mais celles-ci s'y trouvent encore et telles, croyons-nous, que l'abbaye les acquit. Ces reliques ou ossements (dont plusieurs de la grandeur d'un doigt) vénérés maintenant dans un des couvents de la ville, sont cités par plusieurs anciens écrits de l'abbaye, conservés a 1'université de Liége, ainsi que par un inventaire que nous avons consulté chez un particulier a Saint-Trond même. Ce dernier manuscrit renferme aussi une grande gravure imprimée, représentant les principaux reliquaires et entre autres le buste-reliquaire du saint qui se trouve pareillement dans le couvent susdit. Ces gravures se donnaient probablement aux pèlerins, surtout a 1'occasion des ostensions septennales des reliques de l'abbaye (Bal, T. 16, p. 224). Le buste en question renferme sur une bande de parchemin le 12 178 texte que voici: „Leodegarius episcopus Eduensis et M. passus est sub Theodorico rege Francorum anno 680. Primum exoculatus, deinde lingua illi abscissa sed neque sic loquelam amittens in praedicatione perseveravit, demum quatuor speculatoribus missis ad ipsum trucidandum, tres ad ejus dulcem praedicationem conversi sunt, a quarto autem decollatus est, sed statim a demonio correptus in ignem projiciens seipsum exuritur". Est-ce tout? Nous ne le pensons pas. L'abbaye Sainttronnaire possédait probablement une autre relique dont elle finit un jour par oublier la provenance et qu'elle se contenta de conserver parmi ses saints ossements et objets sacrés, sans y attacher ni nom ni inscription aucune. II s'agit d'une relique dans le genre de celle qui se conservait a Brogne, mais plus riche et plus précieuse et dont 1'histoire se lit dans les actes du saint; il s'agit d'une des sandales liturgiques de 1'évêque-martyr, bien différente du morceau d'un de ses souillers en cuir ordinaire dont il a été parlé. On rapporte dans les vies du saint que le clerc chargé de garder son oratoire de Sarcingum avait conservé par dévotion 1'une des chaussures du martyr. Certaine nuit, des voleurs lui ayant enlevé son petit avoir ainsi que la relique en question, il recouvra le tout miraculeusement. Nous pensons que cette pièce se conserva ensuite a l'abbaye et existe encore. Un jour en effet, bien avant que nous soupconnions que S. Léger avait passé par la Hesbaie et le pays de Liége, un habitant de Saint-Trond nous fit cadeau d'une caisse de reliques provenant de 1'ancienne abbaye, mais dans un complet état de profanation. Inscriptions, étoffes et autres ornements se trouvaient pêle-mêle, arrachés et déchirés. Un écrit rédigé et signé par deux anciens religieux de l'abbaye et déposé par eux au fond du coffre disait qu'on avait recueilli ces reliques au milieu de débris de toute sorte, après le départ des révolutionnaires. C'est parmi ces objets sacrés que nous trouvames la sandale en question. Impossible de croire qu'elle ait appartenu a S. Trudon oü a S. Eucher. Les ossements et restes de vêtements de ces saints, se trouvaient dans des chasses spéciales qui purent être sauvées a temps en Allemagne (Migne, P. L., 173 p. 158). Nous eümes 1'occasion de présenter cette pièce a des connaisseurs dont plusieurs 1'étudièrent longuement et conclurent, les uns qu'on pouvait hardiment la faire remonter au Vlle siècle, les autres que certaines parties étaient probablement moins anciennes et 179 avaient été ajoutées dans la suite. Bref, nous croyons que les documents de cette sorte et de cette époque eloignée, sont trop peu nombreux pour qu'il soit possible de se prononcer avec une certitude absolue. On peut être d'avis, nous semble-t-il, que bien des études publiées sur de pareils sujets, en particulier celle de C. de Linas (Revue de 1'Art chrétien, T. 3, p. 104, 251, 337, 529) sont beaucoup trop absolues et ne tiennent pas suffisamment compte de la tradition. Lorsque a Ia suite des sottes prétentions qui partaient de 1'Artois, les moines de Saint-Trond se seront mis a douter et a finir par ne plus croire que S. Léger avait été enterré dans leur localité, ils auront de même considéré comme non authentique la sandale dont il s'agit et se seront contenté de la garder comme un objet sacré de provenance incertaine ou inconnue. II est regrettable qu'on ne possède plus Ia „pantoufle" du saint que 1'on conservait anciennemènt a Autun, ou qu'il n'en existe du moins quelque description (Pitra, p. 436). Peut-être offrirait elle un intérêt spécial dans Ia présente question. H est encore k remarquer que dans le „Recueil des vies de saints particulièrement honorés a l'abbaye de Saint-Trond „abbaye oü il fut composé en 1366 (Anal, T. 5, p. 321, 333) on rencontre la vie de S. Léger. Un autre détail qui sans nul doute a aussi son importance, c'est que du temps de S. Trudon lorsque Sarcinium n'avait pas encore de place plus sacrée que celle ou reposait Ie martyr dont le culte semblait devoir s'y conserver a tout jamais, un moine de l'abbaye portait le nom du saint, a savoir Leotardus, c'est-a-dire, comme nous le verrons, Leodgardus, Leodgarius etc. Ce fut même ce religieux qui succéda comme abbé au saint fondateur, après la mort de celui-ci. Nous ne savons s'il est permis de voir pareillement un reste du souvenir de la sépulture du martyr Autunois, dans le fait que lorsqu'en 1533 il y eut a l'abbaye Sainttronaire plusieurs consécrations d'autels, on employa a cet effet, entre autres reliques, une partie de ses ossements (Bal, T. 16, p. 217-8) Nous extrayons encore, des nombreuses notes recueillies au cours de nos recherches, quelques faits (patronat, reliques, liturgie etc) non cités pour la plupart dans les vies du saint et dont le plus souvent 1'origine se rattache, croyons-nous, au passage de 1'évêque-martyr dans notre pays. Tout d'abord plusieurs de nos communes portent Ie nom du 180 saint. L'une est située dans le Luxembourg, une autre dans le Hainaut, une troisième. comme nous le prouverons, dans les environs de Saint-Trond, la même oü il mourut. L'évêquemartyr est patron de onze paroisses sans compter les deux dont nous venons de parler qui s'appellent, on outre, de son nom: Tilff a cöté de Liége; Dottignies prés de Saint-Léger (Fland. Occid.); trois dans le Hainaut: Wannebecq, Qhislage, Gottignies; trois dans la province de Namur : Falaën, Miècret, Matreet-Verlée; enfin dans le Luxembourg: Bohan, Curfoz, Etalle. Les lieux de pèlerinage en son honneur, plus particulièrement connus, sont ceux de Tilff, de Rivage-en-pot, de Seraing (tous trois dans les environs de Liége) surtout au 2 Octobre, jour de sa fête. On a écrit a propos de Tilff (Bal, T. 4, p. 164): „Nous n'essaierons pas de remonter a son origine. S. Léger, évêque d'Autun, était contemporain de S. Lambert. Le fait pour une église du pays de Liége d'avoir choisi ce saint frangais comme patron, nous permet de conclure que sa fondation remonte a une époque trés reculée'' Parfait! surtout quand on sait que S. Léger n'est pas seulement „un contemporain de S. Lambert" et n'est pas non plus tout court „un saint francais.'' De son cöté De Ryckel écrit (Communes de la province de Liége, .p. 565): „L'église était autrefois a la collation du chapitre de la cathédrale de S. Lambert a Liége Tilff était une seig- neurie appartenant au chapitre de S. Lambert.'' On comprendra plus loin 1'importance de ces données pour notre thèse concernant le lieu du martyre (Voir aussi Bal, 1904, p. 301. Détails sur le pèlérinage a Tilff en 1'honneur du saint. dans „Buil. de la Soc. Liég. de littér. Wallonne" 1870, p. 144). Pour Ohislage nous renvoyons a: „Description de 1'assiette, maison et marquisat d'Havré" en vers francais, Mons 1606, p. 78. Outre l'église paroissiale on trouve encore a Ohislage une petite chapelle dediée au même saint. Quant a Wannebecq rien d'étonnant que son patron est S. Léger, puisque ce village appartenait en grande partie a l'abbaye de Liessies dont le saint était 1'un des titulaires. Les artistes se rappelleront le magnifique rétable de 1530 représentant son martyre, vendu en 1839 par l'église de Wannebecq aux musées de 1'état a Bruxelles. II avait été commandé bien probablement par l'abbaye de Liessies (cf Histoire de Wannebecq par Lesneucq). En fait de reliques du saint, autres que celles déja citées de 181 Brogne et de Saint-Trond, on doit mentionner les trés importantes „ex ossibus" conservées a Liége dans la basilique de Saint-Martin oü existaient aussi „deux fondations de S. Léger". En 1755 ces reliques furent remises, du moins en partie, a l'église de Tilff qui les possède encore. Pareillement, comme on voit par Aeb (T. 2, p. 355) l'église Saint-Aubain a Namur possédait en 1492, on ne sait depuis quand, des reliques du martyr. II en était de même a l'abbaye de Waulsort oü pour la consécration du maitre-autel, on se servit, entre autres reliques, de celles de de S. Léger (Mon, Script. T. 14, p. 528). Item a l'abbaye du Roeulx, comme on lit dans 1'opuscule: „Les saintes reliques de Strépy" c'est-a-dire: les reliques du Roeulx conservées maintenant a Strépy. II est même question dans cet écrit d'un second évêque d'Autun dont Le Roeulx aurait possédé des reliques. Mais c'est une erreur. S. Tasson ou Tozzo était évêque d'Augsbourg (Augustanus) et non d'Autun (Augustodunensis).(Brasseur: Sancta Sanctorum Hannoniae, p. 233. — Idem: Par Sanctorum praesulum p. 81, 89). Nous avons déja vu qu'un personnage de la familie de S. Léger, son oncle Didon, évêque de Poitiers, probablement exilé par Ebroïn au pays de Nivelles, assista aux' obsèques de S. Feuillien, martyrisé au Roeulx. On peut se demander si ce n'est pas en souvenir de sa présence a cette cérémonie «que 1'oncle accorda a l'abbaye ces reliques de son neveu, martyr lui aussi. A Bruges et dans d'autres localités de la Flandre Occidentale, oii S. Trudon et son abbaye avaient de vastes propriétés, on n'aura pas manqué d'honorer S. Léger et de posséder de ses reliques ('). Culte et reliques existent encore a Bruges dans 1'ancien et célèbre höpital de Saint-Jean oü le martyr est tout particulièrement invoqué contre les maux d'yeux. Nous savons déja qu'il est le patron de l'église de Dottignies. Nous ajoutons qu'on lit dans le journal „Le Dottignien" (Janvier-Fevrier 1912) copiant des pièces originales, que Charles de Rodoan, évêque de Bruges (1602-16) possédait et donna des reliques du crane de S. Léger a Jean de Montmorency, comte d'Estaires, gouverneur de Lens (Pas-de- (') Prés de Bruges, S. Trudon avait fondé une abbaye d'hommes qui plus tard se transporta dans la ville et, après plusieurs transformaöons devint le couvent des religieuses de S. Trudon qui existe encore. Nous avons dé]a parlé des possessions de l'abbaye Sainttronnaire a Zerkehem au bud de Bruges, ainsi qu'a Proven, Courtrai etc. Deuxième Partie Le lieu dn martyre. Les quelques renseignements fornuis par différents documents et les principales opinions au sujet du lieu du martyre, ont été exposés dans notre introduction en même temps qu'on y rapportait ce qui fut dit de 1'endroit de la première sépulture. La conclusion est que les opinions sont aussi nombreuses et aussi vanées pour 1'une que pour 1'autre question. Au sujet du lieu de 1 exécution qu'il nous faut déterminer maintenant, on est seulement d'accord pour prétendre que S. Léger mourut dans le diocèse d'Arras et que par la il s'agit de 1'Artois et même des environs immédiats de la ville d'Arras! II ne se rencontre aucun écrivain qui ait songé a se demander et a rechercher quelles étaient, a 1'époque du martyre et des premiers témoignages les limites du diocèse d'Arras, et si par hasard elles ne s'étendaient pas bien au dela des environs de Ia ville et de tout 1'Artois, de telle sorte qu'il faut faire mourir le saint dans un endroit qui depuis longtemps n'appartient plus a ce diocèse. Les localités qui furent ainsi considérées comme lieu du martyre, sans preuve aucune ou en vertu d'arguments sans valeur sont désignées, on se le rappelle, comme suit: „La forêt de Lucheux.... la forêt d'Iveline.... Sarchinville-Queant.... le bois d'Arras.... Saint-Léger, entre Arras et Cambrai.... Ia forêt de Sarcing, maintenant appelée Saint-Léger. .. la forêt de Saint-Léger a Saint-Léger-lez-Croisilles.... la forêt de Lucheux dans le bois de Sarcing etc". Comme pour le nom du lieu de la sépulture, Sarcinium, qu'on imposa a différentes localités, sans preuve réelle, plusieurs de ces noms du lieu du martyre sont de pure invention et ne se lisent dans aucun atlas ou répertoire géographique. Une conclusion générale qui découle de ce que nous avons etabll relativement au vrai lieu de la sépulture, conclusion qui prouve ce que maintenant nous venons daffirmer au sujet de 196 la grande étendue du diocèse d'Arras en 678, c'est qu'il est inadmissible, puisque Léger fut enterré a. Saint-Trond, qu'il eut péri n'importe oü dans 1'Artois et par conséquent dans quelqu'une des localités qu'on a désignées et dont nous venons de rappeler les principales. En effet s'il faut admettre, comme il a été dit, que les documents anciens et déja le simple bon sens défendent de croire qu'il eut été possible ou raisonnable d'enterrer l'évêque d'Autun a une trés grande distance du lieu de son martyre, il est évident qu'on ne peut considérer comme telles les localités susdites, situées beaucoup trop loin de Saint-Trond. II est d'ailleurs parfaitement inutile de franchir d'aussi grands espaces, puisque a la distance voulue du Sarchinium Limbourgeois on trouve tout ce qu'il faut pour s'accorder sur Ie vrai lieu du martyre. En effet pour peu que 1'on connaisse 1'histoire des- environs de Saint-Trond, il devient facile d'indiquer 1'endroit, qui, en 678, était encore une épaisse et horrible forêt, laquelle, nécessairement après le fait dont il s'agit, aura été appelée „Forêt-Léger" du nom de 1'évêque-martyr, comme d'ailleurs le document consulté par Baldéric 1'affirmait; forêt qui nécessairement aussi et bien vite transformée en lieu habité se sera dès lors appelée „Léger" tout court et aura continué de porter ce nom en dépit des plus grandes difficultés; forêt que rien ne défend, nous te prouverons, de considérer comme située, a 1'époque susdite, dans le diocèse d'Arras; forêt enfin qui possédait en ces temps une petite chapelle qu'on est en droit de considérer, vu toute son histoire, comme celle qu'un des documents anciens déclare avoir été érigée, ainsi qu'il fallait s'y attendre, sur Ie lieu du martyre. Bref, nous considérons comme certain et incontestable que la forêt oü S. Léger mourut dans les environs de Sarcinium et qui prit son nom et bien vite devint „villa" puls „vicus" enfin „urbs" et 1'une des plus grandes et des plus belles cités de notre pays, est tout simplement Liége. II suit de la que Baldéric ne connaissait pas le moins du monde ni la situation, ni 1'histoire de la véritable „Sylva S. Leodegarii" en d'autres mots de Liége, sinon il n'eüt pas parlé d'elle comme d'une forêt qui jusqu'a son époque n'aurait pas été transformée en lieu habité. Bien plus on peut douter que de son temps il existat, comme il 1'affirme, une forêt que par erreur on aurait appelée „Sylva S. Leodegarii" et que d'aucuns 212 De quels élémetits le nom Leodicus est-il composé, du germanique „leod" ou „leodic" et du latin „icus" ou „us"? Kurth (p. 14) opine pour „leod" et „icus." Nous préférons „leodic" et „us". „Leodic, leodik, leodick'' d'abord adjectif de „leod", fut aussi employé substantivement, tout comme „leod" qui donna la forme, qu'on rencontre avant toutes les autres, Leodeus, dans laquelle on peut découvrir tout autant un substantif qu'un adjectif. 11 en est de même pour Léodic, comme le prouve le nom propre Ludovicus qui ne se traduit pas par le substantif „leod, lod, chlod" ni par n'importe quel adjectif mais par le substantif LodewyA, Chlodov/A etc. La preuve se trouve encore dans le fait qu'on créa (et cela dès le Xe siècle et peut-être déja avant 884, comme Kurth le déclare, p. 37-8) 1'adjectif Leodice/zsfc, Leutici/zsts, Leodieosts, Legiensis. Cela aurait été parfaitement inutile si leodicus ne pouvait être autre chose qu'un adjectif. C'est de ce leodic, pris comme substantif, que le latin forma des noms propres par 1'addition des désinenses „us, arius, erus, ardus" etc. Si vraiment le nom de Liége n'était pas un substantif, mais, comme Kurth le prétend „un adjectif qui, en cette qualité et jusqu'a ce qu'il fut devenu substantif était accompagné du nom „vicus" comment expliquer que les plus anciennes formes se présentent sans „vicus" ainsi qu'on 1'a vu par la liste donnée ci-dessus? C'est aussi l'objection énoncée par Duchesne (o.c): „L'endroit semble s'être appelé Leodicum, ad Leodicum. Pourquoi? C'est une autre question, mais je ne vois pas de raison de faire remonter le vicus au dela. de S. Hubert et surtout au dela de S. Lambert" (')• Reste a examiner le sens que 1'on prétend attacher a Leudicus. Cela signifierait: „ce qui appartient au fisc „et ne serait qu'un inutile doublet de „publicus". II est indiscutable que Liége, en partie du moins, a appartenu au fisc. Une de ses collines s'appelait „mons publicus" et de plus nous avons vu que mainte fois son nom était accompagné des mots „vicus publicus, villa publico". Mais était-ce aussi cette même idéé qu'exprimaient le (!) On pourrait a ce propos se demander si le mot „vicus" ne fut pas employé pour distinguer ce qui appartenait au fisc, .vicus publicus", de ce qui ne lui appartenait pas et de ce qu'on aura désigné par „neuvice , c'est-a-dire .novus vicus". C'est ainsi que s'appelait la route directe qui allait du marché a la Meuse (Kurth, p. 47; Dognée, p. 9 etc). 213 nom de Liége et ses différentes formes? Kurth ne craint pas de 1'affirmer. II prétend même le prouver. Nous ne nous arrêterons pas a son assertion que „lige" Qiommt-lige) provient de „leudicus". On n'a jamais rencontré „lige" sous la forme „leudlk Ieudie, Iedgius" etc, mais dès qu'il se présente, c'est-a-dire dés Ie XI* siècle, il s'écrit „lige". Ce mot dérive plutöt de „Iigatus, ligare" comme d'autres, qu'on n'essaie pas même de réfuter l'ont trés bien expliqué. D'ailleurs, si même il était établi que' „lige" dérive de „leudicus" cela prouverait tout au plus que Liége peut aussi descendre d'un „leudicus" adjectif ou nom commun. Une autre prétendue preuve est tirée de „Leodiga silva" située prés d'Orléans, dont un canton s'appelait encore du temps d'Adrien de Valois „bois commun". Mais si la forêt indiquait par son nom, qu'elle était tout entière „un bois commun" comment expliquer qu'une partie seulement aurait été appelée de ce nom ? Rien ne prouve donc que „silva leodiga" ne renferme pas un nom propre de personne, un Léger, comme c'est le cas pour Liége. On a d'autant plus de raison de le croire que Quicherat (o. c.) et d'autres (Cauvin: Oéographie ancienne du diocese du Mans, p. 147) ne donnent pas seulement les formes que Kurth emprunte au premier, formes qu'Adrien de Valois oublie ou ne connait pas, mais encore celle, Ia plus ancienne, de „Lodova" d'oü dérive „Leodiga, Leodia, Legium" (Victriacum m Legio). Le v de „Lodova" ne rappelle pas mal les formes „Luviensis, Leuvensis etc" du pagus Liégeois. D'oü il suit probablement que ces noms sont plutöt a ajouter a Ia liste des variantes du nom de Liége. Item la forme „Loges" (Vitry-auxLoges) et, comme d'autres localités portent aussi ce nom plusieurs sans doute doivent s'expliquer de la même facon.' Quant a Beaumetz-Ies-loges, „loges" d'après Harbaville (o c.) y signifierait „nutte". II y a aussi Les loges (Map, 1867 p 519) logiae, appelés „aux Eloges, les Eloges" ('). Enfin, le dernier argument de Kurth se déduit du nom „Publicus mons" (Publémont) qui désigne une des collines de Liége. Mais comment peut-on prétendre que Liége aurait employé pour une de ses collines un mot latin (publicus) et pour lensemble un mot L«isr^ 223 LU*i^ L?yte"' Luyüe (Van Hoorebeke: Noms patron. flam. f' Lutgardis s'appelle en vrai flamand Lutzen, Luytzen (W.Ilems: Belgisch Museum, T. 5, p. 387). Pareillement les noms de lieux Talamarum, Stolmarum, Ulmirus, Sanctus-Hilarius sont devenus simplement Talmay, Estormay, Ommoy, Saint-Ylie (Quicherat o. c. p. 45) (>). Après tout ce que nous venons de dire, on comprendra que ce n est pas de notre part que s'élèvera une protestation contre les lignes suivantes de Qobert (Eaux et fontaines, p. 83)„Leodegar a donné Léger. Cette dernière mutation se rapproche singulièrement de celle dont serait sortie Legia". Singulièrement en effet, au point que c'est une seule et même chose! H est fort regrettable que 1'écrivain n'ait pas examiné de plus pres cette question. Etait-il peut-être impossible a priori que Liege renfermat le nom Léger? Qobert a imité Demarteau qui nous 1 avons yu, s'arrête aussi a mi chemin, lorsque pour attribuer a S. Hubert la devise „Sancta Legia etc" it.fi* appel a une dev.se analogue .... d'Autun et pour Ie moins aussi ancienne! bi donc il y a du Léger dans Sus-Saint-Léger et les autres communes qui ont ce saint dans leur nom et dont plusieurs pour ce mot.f, et souvent pour ce seul motif, ont été considérées comme lieu soit du martyre, soit de la sépulture, cela vaut tout autant pour le nom de Liége. II n'y manque que le qualificatif i'^TL * HO"S Verr0ns ailIeurs °-ue cela s'explique et que cette epithete devait manquer. ^dTs'lZïr^f -f'T son nomTSmmë LTégTgarS iKi TudimlS Tf^mT!? 6 D°o due,a^lle: Tudinium, Tudtoin,; 224 Mais, d'après les vies contemporaines, S. Léger fut mis a mort dans une épaisse forêt, et d'après un autre document consulté par Baldéric, cette forêt, comme de juste, avait pris le nom du saint. Nous avons déja dit que probablement cette pièce n'indiquait pas et que Baldéric ignorait la situation de la forêt et que ce fut un reviseur de son écrit qui la placa dans 1'Artois. La preuve que 1'écrivain ne connaissait pas dans 1'Artois un lieu de ce nom, c'est qu'il ressort de sa chronique que même a son époque 1'endroit oü S. Léger serait mort n'aurait pas encore été transformé en lieu habité! Heureusement pour Liége les données ne manquent pas qui établissent qu'anciennement et avant sa naissance il y avait la une épaisse forêt, dont une grande partie continua, longtemps encore après la création de la „villa" et du „vicus" d'exister dans les environs. On a d'abord le nom „Nemus Leudicum" lequel d'après un document latin du XII8 siècle, oü on 1'écrit pour la première fois, aurait été le nom primitif de Liége (Kurth, p. 63). Or, „Nemus Leudicum" est bien la même chose que „Sylva Leodegarii" et sera devenu en 678 le nom de la forêt, a la suite de 1'événement tragique que 1'on connait. II y a plus. D'après certains écrivains, le hameau Naimette, dépendant du quartier Ouest de Liége, tirerait son nom de cette forêt „nemus, nemetum" (Fabry-Rossius, dans Bil, T. 7, p. 313). On a aussi la forêt de Lede, citée dans plusieurs documents anciens (Buil. de la commission royale d'histoire, T. 9, p. 7). Le souvenir de la forêt resta probablement encore dans le nom „chateau sylvestre" qui existait autrefois a Liége, au dire de plusieurs historiens. Enfin des écrivains Liégeois lapportent que sous Notger (f971) le Publémont était encore plus ou moins boisé et un vrai repaire de brigands oü 1'hermite Ooderon s employait a servir de guide aux voyageurs, pour empêcher qu'ils ne tombassent entre leurs mains. Donc, cette fois il s'agit d'une forêt bien authentique, telle que les biographes anciens la demandent. Celles qu'on nous a présentées dans 1'Artois n'offrent aucune garantie sérieuse. On peut leur appliquer a toutes ce qu'un historiën de ce pays dit de 1'une d'elles: „S. Léger fut mis a mort d'après une tradition, que nous croyons erronée, prés de Doullens dans la forêt qui prit son nom". Debye fit 1'impossible pour découvrir dans ce pays la vraie forêt de S. Léger! En outre, une revue francaise (Map, T. 24, p. 430-526) donne le relevé de toutes les forêts 228 Mais est-il certain qu'en cette année il appartenait aux évêques de Maestricht? II est permis d'en douter lorsqu'on lit dans les vies de S. Trudon que celui-ci alla faire son éducation cléricale a Metz et qu'il céda a 1'êglise cathédrale de cette ville une grande partie de ses biens a Sarchinium. On peut du moins se demander avec les Bollandistes (Acta S. Theodardi, n° 28) si Saint-Trond n'était pas dans le cas de Ryen, Biewalt etc dont nous avons parlé. Peut-être en était-il de même de plusieurs autres localités aux environs de Saint-Trond et de Liége et faut-il par la expliquer comment un membre du clergé de Metz au Xe siècle devint même évêque du diocèse de Liége. Le fait que S. Remacle se trodva un jour a Zepperen et y recut la visite de S. Trudon ne prouve pas que le pays et 1'hóte dépendaient de sa juridiction. II est regrettable que les historiens de Diest, Léau, Waremme etc n'aient pas traité a fond la question qui nous occupe, mais se soient contentés le' plus souvent d'affirmer qu' „anciennement" ou „de tout temps" ces localités appartenaient au diocèse de Tongres-Maestricht-Liége. On lit dans Ia vie de S. Monulphe que cet évêque visita Dinant: „Dionantum quoque visitaturus." Est-on en droit d'en conclure qu'il s'agit d'une visite pastorale et que Dinant et tout le Condroz ont toujours appartenu au diocèse de Tongres? Cette conclusion est surtout f orcée si on ajouté que S. Monulphe était seigneur de Dinant et qu'il donna cette ville a son siège de Maestricht. Comment en. ce cas surtout prouverait-on qu'il s'agissait d'une visite pastorale, non d'une visite de suzerain? On voit par les vies de S. Remacle que Stavelot appartenait a son diocèse et en formait une des limites, puisque, par les mêmes documents, on apprend que Malmédy, situé un peu plus loin, n'était pas sous sa juridiction. En fut-il toujours ainsi ? S. Domitien, mort vers 560, voulut être enterré a Huy. En outre d'aucuns attribuent a S. Materne la fondation de l'église Notre-Dame en cette ville. Tous deux étaient évêques de Tongres. D'autre part, en 874, les évêques de Cambrai possédaient (depuis quand?) l'église de Huy, et mainte abbaye francaise y avait des propriétés (Buil. de la Commission royale d'histoire 1873, p. 83. — Cal, 1891). Desroches (o.c), Hénaux (Hist. du pays de Liége, p. 87) et autres ont écrit qu' anciennement le diocèse de Tongres s'éten- 229 dait jusque prés de Mouzon et ils en cherchent Ia preuve dans le fait que Falcon, un des évêques de ce siège, ayant posé un acte de juridiction dans cette ville qui était du diocèse de S. Remi, évêque de Rheims, ce dernier lui écrivit pour 1'en reprendre. Nous ne voyons pas comment ce fait prouve que Mouzon formait une des limites entre les deux diocèses. Vu la lettre si sévère de l'évêque de Rheims nous serions plutót porté a croire que Falcon était vraiment coupable et que S. Remi ne pouvait pas supposer que, par suite de la prétendue position de Mouzon sur les limites des deux diocèses, Falcon avait pu s'imaginer qu'elle était sous sa dépendance ou qu'en raison de ce voisinage il pouvait se croire autorisé k'y faire acte de juridiction. Quoi qu'il en soft, cette dispute, comme aussi les paroles de S. Vindicien telles qu'on les lit dans les vies de S. Léger, prouvent suffisamment que de tout temps les diocèses avaient leurs limites bien déterminées. Pourquoi en aurait-il été autrement? C'était si facile et d'une si grande importance pour travailler avec ordre et succès. II y a dans la lettre susdite de S. Remi un mot qui prouve la même chose: „Mosogamensis ecclesia quam metropolitani urbis Rhemorum sua semper ordinatione rexerunt." On lit encore dans Desroches: „Savoir si la juridiction de l'église de Tongres s'étendait alors (Ve et VI« siècle) dans tout le pays qu'on appela ensuite le pays de Lomme ou qu'elle n'alla que jusqu'a la Sambre, c'est ce qui ne parait pas facile a déterminer, d'autant que, dans les siècles postérieurs, les évêques de Cambrai ont disputé a ceux de Liége Ia juridiction du canton oriental, situé entre la Fagne et la Meuse, qui faisait partie du pays de Lomme". Reste le fameux passage de Baldéric (cap. 28): „Migravit ad Christum (S. Vindicianus) sepulfusque est in basilica, in loco videlicet qui dicitur Mons S. Eligii ubi quondam ipse cum aegrotaret apud Brosellam, dioecesis suae territorium, jussit se transferri pro eo quod ibi S. Eligius habitationis suae fecerat diversorium". Comment faut-il comprendre les mots: „Brossella, dioecesis suae territorium?" LVaucuns ont répondu qu'il s'agit de Bruxelles, capitale de notre pays, d'autres qu'il est question d'une localité Artésienne appelée Brocelles située prés de Saint-Omer ou ailleurs dans 1'Artois. On connait un Broxeele dans les environs de 233 construite par S. Monulphe, voire par S. Materne, mais rien ne permet de penser comme il a été dit, qu'a cette époque déja, la localité avait été sanctifiée par un événement religieux ou fut le moins du monde habitée. En tout cas puisque la chapelle avait des origines miraculeuses, comme le veut la légende, d'accord au fond avec 1'histoire, il n'est pas croyable que la localité n'aurait commencé a être habitée que beaucoup plus tard, a la fin du VII» siècle seulement. II faut donc reculer ses origines jusqu'è cette époque et se contenter de dire avec Demarteau (Bal, T. 7, 1892, p. 2) jusqu'a ce que nous ayons donné de plus amples renseignements: „Une petite église existait au hameau de Liége avant la fin du VII» siècle, avant le martyre de S. Lambert". Rien par conséquent n'empêche de dire que c'était la chapelle érigée en souvenir de Ia mort Ia même de S. Léger, mort qui d'après les actes du saint, fut effectivement accompagnée et suivie des plus éclatants prodiges. Mais ce n'est pas tout. Plusieurs autres particularités confirment notre opinion en cette matière et par la même notre thèse au sujet des origines de Liége. 11 nous faut donc les examiner avec le plus grand soin. La première question a discuter est celle qui concerne les saints patrons de la chapelle. Les écrivains qui rapportent la légende de S. Monulphe disent tous, avec elle, que l'évêque la dédia aux S. Cóme et Damien. D'autres, bien qu'ils rejettent Ia légende, soit paree qu'ils n'y croient pas, soit pour quelque autre motif, affirment cependant que ces deux saints étaient les patrons du premier oratoire de Liége, Plusieurs enfin n'en disent rien, soit par crainte de s'exposer a rappeler un souvenir trop désagréable pour d'aucuns, soit par ignorance, soit paree qu'après la disparition de la chapelle et son remplacement, dans l'église nouvelle, par un simple autel, ils ne voyaient plus guère d'intérêt a en parler. C'est seulement de nos jours que Demarteau s'est mis a prétendre que la chapelle était dédiée a la Vierge. Son étude parut d'abord en 1890 dans la Oazette de Liége (9 et 16 Janvier, 14, 21 et 28 Aoüt) puis, deux ans après, dans Bal (T. 7). Nous négligeons la première édition pour nous en tenir a la seconde. L écrivain commence par déclarer qu'il n'a pas eu 1'heur de convaincre tous ceux qui assistèrent a sa conférence et que Kurth entre autres refusa son adhésion a plusieurs points de 234 sa thèse qui „ne repose d'ailleurs que sur des présomptions, des inductions et des textes plus ou moins discutables". Mais presque aussitót après ces aveux si modestes et si justes, 1'auteur se met a défendre son opinion sur un ton qui indique qu'il veut 1'emporter malgré tout, et, en même temps, avec un mépris complet de tout ce qui, écrivains et arguments, n'est pas en sa faveur. Dès les premières lignes (p. 2) on rencontre 1'assertion qui, sous différentes formes, se répète continuellement: „C'est cinq-cents ans plus tard (après la mort de S. Monulphe), au XI» siècle, qu'on a commence a prétendre que la première église de Liége était dédiée aux S. Cöme et Damien". Si vraiment 1'écrivain était convaincu de cette proposition, il ne devait pas dire que la thèse contraire, la sienne „ne repose que sur des présomptions etc'' mais plutöt que rien ne prouve vraiment que les S. C. et D. étaient les patrons de la chapelle. Mais de quelle facon prouverait-on seulement que ces „cinq-cents ans après la mort de S. Monulphe" sont une objection contre ceux qui ne parient pas de ce saint ni de sa légende, mais se contentent de dire que la chapelle était dédiée aux saints susdits et le fut du temps de S. Lambert, de sorte que ce n'est pas plus de trois cents ans après 1'événement qu'on en aurait parlé pour la première fois? Pourquoi prétendre que, si on les considère comme patrons, il faut nécessairement admettre la légende entière de S. Monulphe et nier que la chapelle avait été érigée deux siècles après ce saint? Si même il était prouvé que tous ceux qui parient des S. C. et D. croyaient a la légende de S. Monulphe, n'était-il donc pas permis de dire que le détail concernant ces deux saints n'était pas inexact? Par conséquent, pourquoi nous parler de „cinq-cents ans" après la mort de Monulphe? Mais il y a plus fort a remarquer. Pour notre écrivain comme pour d'autres encore de nos critiques modernes, il y a le principe, grand et beau entre tous: „Un fait n'existe que s'il a été mis par écrit au moment de sa naissance ou peu après". Et s'il fut annoté, mais que 1'écrit périt ou s'égara pendant un temps plus ou moins long? Ensuite, pourquoi suffit-il qu'il ait été enregistré par un seul écrivain de 1'époque? Pourquoi se dispense-t-on de prouver qu'il eüt été impossible a un écrivain de ne pas signaler un fait arrivé de son temps? Dans la question présente le prétendu raisonnement continue: „Or, personne avant Joconde, au XI» siècle, dans sa Vita Servatii