i? ^ I V\ CR1MINALITÉ ET CONDITIONS ÉCONOMIQUES CRIMINALITE ET CONDITIONS ÉCONOMIQUES ACADEMISCH PROEFSCHRIFT TER VERKRIJGING VAN DEN GRAAD VAN DOCTOR IN DE RECHTSWETENSCHAP AAN DE UNIVERSITEIT VAN AMSTERDAM, OP GEZAG VAN DEN RECTOR MAGNIFICUS I. J. DE BUSSY, HOOGLEERAAR IN DE FACULTEIT DER GODGELEERDHEID, IN HET OPENBAAR TE VERDEDIGEN OP VRIJDAG 3 MAART 1905, DES NAMIDDAGS TE 4 URE, IN DE AULA DER UNIVERSITEIT DOOR WILLEM ADRIAAN BONGER, GEBOREN TE AMSTERDAM • • • • • Sedulo curavi, humanas actiones non ridere, non lugere, neque detestari, sed intelligere. spinoza. AMSTERDAM — G. P. TIERIE — 1905. w AAN MIJN MOEDER. AAN DE NAGEDACHTENIS VAN MIJN VADER. AAN MIJN AANSTAANDE VROUW. P R É F A C E. Une mention honorable a été accordée a la première partie de ce travail, répondant a une question proposée par la faculté juridique de 1'Université d'Amsterdam, intitulée: „Exposé systématiciue et critique de la littérature sur le rapport entre criminalité et conditions économiques." J'ai ajouté a eet exposé 1'opinion de quelques auteurs; d'autres y ont été traités plus aniplement, mais dans son ensemble cette partie est restée a peu prés conforme a 1'original. La seconde partie au contraire est presque toute nouvelle; il est vrai que dans ma réponse j'indiquais déja ce qui exigeait, selon inoi, une étude approfondie du rapport entre la criminalité et les conditions économiques. L'espace d'un an fixé par la faculté était un temps trop limité pour donner plus qu'un apercu succint de la question. J'ai laissé 1'exposé tel quel sans le refondre dans la seconde partie — devenue a présent la plus importante de 1'oeuvre — bien que je sente qu'on pourrait faire des objections, surtout quant a la forme; cependant je ne les ai pas crues assez importantes pour exiger un remaniement complet du travail. Je profite en même temps de 1'occasion pour adresser mes sincères remerciments a tous ceux qui ont bien voulu me prêter leur concours; en premier lieu au trés honoré 1'rofesseur G. A. van Hamel et a mes amis le Dr. A. Aletrino et N. W. posthumus. Amsterdam, Février 1905. TABLE DES MATIÈRES. introduction i PREMIÈRE 1'ARTIE. Exposé critique ije la littératurf. sur lk rapport entre criminalité et conditions économiques. CHAPITRE I. Auteurs ayant traité le sujet avant la naissance de la science cr1minaliste moderne 5 I. Thomas Morus 5 II. Jean Meslier 11 III. J. J. Rousseau 12 IV. Morelly 13 V. C. Beccaria 14 VT. S. N. H. Linguet 15 VII. Holbach 17 VIII. Mably 19 IX. J. P. Brissot de W'arville 20 X. W. Godwin 23 XI. R. Owen 26 XII. E. Cabet 31 XIII. F. Engels 33 CHAPITRE II. Les statisticiens*-. 36 I. A. M. Guerry 36 Ad. Quetelet 38 III. Ed. Ducpetiaux 42 IV. L. M. Moreau-Christophe 47 V. H. Mayhew et J. Binny 49 •-"VI. G. Mayr 51 VII. A. Corne 71 VIII. H. von Valentini. ... 75 IX. A. von Oettingen 78 X. Stursberg 84 XI. L. Fuld ... 86 XII. B. Weisz 90 XIII. W. Starke 93 XIV. Rettich 101 XV. A. Meyer 103 XVI. M. Tugan-Baranowsky 109 XVII. E. Tarnowski . 117 XVIII. H. Muller 119 XIX. Critique 129 CHAPITRE III. l'école italienne 134 I. C. Lombroso 134 II. R. Garofalo 142 III. E'. Ferri 146 IV. H. Kurella 188 V. E. Fornasari di Verce 191 VI. A. Niceforo 201 XII CHAPITRE' IV. L'école krantaise (1/écolf. du milieu) • • ; ; ; ; ; ; Z\ I. A. Lacassagne 206 II. G. Tarde " ....... 217 III. A. Corre 221 IV. L. Manouvrier 232 V.' A. Baer . • . . 234 CHAPITRE V. Les 234 1. Ad. Prins 238 II. W. D. Morrison ' 244 III. F. von 247 IV. P. Naecke 250 V Havelock Ellis 252 VI. Carroll D. Wright 257 CHAPITRE VI. Les spiritualistes 257 I. H. Joly 261 II. L. Proal 263 III. M. de Baets ' 266 CHAPITRE1^VII.CrlLA »terza scuola" et les socialisies . 269 I. B. Battaglia 275 II. N. Colajanni 282 III. A. Bebel. IV. F. Turati 288 v'. P. Lafargue ' ' 294 VI. H. Denis 297 VII. H. Lux 3°' VIII. P. Hirsch 304 CHAPITRE VIII. CONCLUSIONS. . . ■ • • • ■ ■ SECONDE PARTIE. Criminalité et CONDITIONS ÉCONüMIQUES. CHAPITRE 1. LE régime économ.que actuel et sks consequences . . • 3» T Le régime économique actuel ...•••• . 525 H CondUions sociales des différentes classes ■ ; ^ A. La bourgeoisie. . . • .... 328 B. La petite bourgeoisie 331 C. Le prolétariat ... 337 1) Le bas prolétariat •••.;. . . . 351 111 Les rapports de sexes et de familie 35' A. Le mariage 365 B. La familie 378 C. La prostitution 415 IV. L'alcoolisme 430 V Le militarisme 432 CHAPI TRE II. La criminalité. . 432 I Considerations generales ..... 432 A. Définition du crime. . • • • • • ■ . . . . 437 1 s. ^ r-rrr. et de ses conséquences . 459 l closes.rêndent ^ coupables de crime . 504 c. Le mariage • 5'9 d. La criminalité feminine e. La familie '....• 5^° ƒ La prostitution , 564 e. L'alcoolisme 571 'h. Le militarisme 573 i. La peine 585 j. L'imitation 589 k. Conclusions XIII D. Les différences individuelies 590 E. La classification du crime .... 592 II. Crimes économiques . 601 A. Vagabondage et mendicité . 602 B. Vol et crimes analogues 618 a. Vol commis par misère . . 618 b. Vol commis par cupidité 625 c. Vol commis par des criminels de profession 633 C. Rapine et crimes analogues 642 D. Banqueroute frauduleuse, falsification de denrées et crimes analogues 652 III. Crimes sexuels ... 661 A. Adultère 663 B. Viol et attentat k la pudeur sur des adultes 666 C. Viol et attentat k la pudeur sur des enfants 675 IV. Crimes par vengeance et autres motifs 679 A. Crimes par vengeance 680 B. Infanticide 699 V. Crimes politiques 703 VI. Crimes pathologiques 711 CHAPITRE III. conclusions 722 Littérature 727 Régistrf. 745 / INTRODUCTION. La méthode que j'ai suivie en systématisant la littérature est la suivante. Je commence par quelques extraits significatifs d'auteurs ayant écrit sur notre sujet avant la naissance de la science criminaliste moderne. Lnsuite je m occupe des statisticiens, c. a d. de ceux qui, sans appartenir a une école spéciale de criminalistes, ont traité le sujet surtout a 1'aide de la statistique. Puis je donne un exposé de 1'école qui insiste spécialement sur les facteurs individuels du crime, et n'attribue aux conditions économiques qu'une place secondaire (1'école italienne); après je traite de celle qui considère le róle joué par le milieu dans 1'étiologie du crime, comme trés important (1'école francaise) et après celle-ci de la doctrine bio-sociologue qui forme la synthèse de ces deux écoles. Vienncnt ensuite les spiritualistes c. a d. les auteurs religieux qui ont été plus ou moins influencés par la science criminaliste moderne, et finalement les auteurs qui appartiennent a la „terza scuola" et les socialistes qui considèrent 1'influence des conditions économiques comme étant trés importante, ou même décisive. ^ I.es auteurs appartenant a la même rubrique ont été traités dans 1'ordre chronologique. Comme toute classification, celle-ci aussi est plus ou moins arbitraire ; plusieurs auteurs pourraient trouver leur place sous deux rubriques. Remarquons encore que dans le courant des années les différences entre 1 école italienne et francaise s'accentuent de moins en moins; de sorte que leurs opinions et celle des bio-sociologues n'offrent plus de grandes divergences au point de vue de notre sujet. 5 PREMIÈRE PARTIE. EXPOSÉ CRITIOUE DE LA LITTÉRATURE SUR LE RAPPORT ENTRE CRIMINALITÉ ET CONDITIONS ÉCONOMIQUES. CHAPITRE PREMIER. Auteurs avant traité le sujet avant la naissaxce de la science criminaliste moderne. I. THOMAS MORUS. Dans la première partie de son „Utopia", Morus critique sévèrement les conditions économiques de son temps en Angleterre, et y rattache des observations sur la criminalité d'alors. Raphael Hythlodaeus, la personne que Morus fait parler dans son ouvrage et dont il se sert pour rendre sa propre opinion, dit: «Me trouvant un jour, par hazard, a la table du Cardinal, il y avoit la un certain Laïque, savant dans vos Lois. Celui-ci, je ne sai a quel propos, conimence a exalter cette Justice rigoureuse qu'on exercoit alors en ce Païs-la contre les Voleurs, nousdisant que, quelque fois, on en pendoit, pèle mèle, jusqu'a vingt, a une même potence. C'est ce qui fait, ajoutoit il, que je ne puis assez m'étonner comment, et par quel mauvais destin, puis que si peu de ces scélérats échapent le suplice, il y en ait tant d'autres par tout qui commettent le même crime. !) Alors je prens la parole, car j'osai bien parler librement chez le 1) Le passage suivant, emprunté au travail de Marx »Das Kapital" (I, 700) nous donne une preuve de la sévérité de ces lois. Henri VIII décréta en 1530: «Alte und arbeitsunfahige Bettler erhalten eine Bettellicenz. Dagegen Auspeitschung und I'.insperrung für handfeste Vagabunden. Sie sollen an einen Karren hinten angebunden und gegeisselt werden, bis das Blut von ihrem Körper strömt, dann einen Eid schwören, zu ihrem Geburtsplatz, oder dorthin, wo sie die letzten drei Jahre gewohnt, zurückzukehren und »sich an die Arbeit zu setzen" (to put himself to labour). Welche grausame Ironie! 1536 wird das vorige Statut wiederholt, aber durch neue Zusatze verscharft. Bei zweiter Ertappung auf Vagabundage soll die Auspeitschung wiederholt and das halbe Ohr abgeschnitten bei drittem Rückfall aber der Betroffene als schwerer Verbrecher und Feind des Gemeinwesens hingerichtet werden". Que ces lois furent sévèrement exécutées est prouvé par cc qui suit: »Und wie wenig das Regime Heinrich VIII mit sich spaszen liesz, sieht man daraus, dasz unter ihm >>72000 grosze und kleine Diebe" hingerichtet wurden, wie ein Chronist Seiner Zeit berichtet." (Geschichte des Sozialismus in Einzeldarstellungen, Erster Band II p. 439). Cardinal; n en soiez point surpris, lui dis-je; cette punition des voleurs n est ni équitable, ni utile au Public: elle est trop cruelle pour chatier le vol, et trop foible pour 1'empêcher. Le larcin n'est pas un crime assez enorme pour ineriter la mort; et d'un autre cóté, il n'y a point de peine Capitale, quelque grande qu'elle soit, qui puisse arreter les mains de ceux qui n'ont pas d'autre moïen pour vivre que de prendre le bien des autres. II me semble, donc, qu'en cela, non seulement vos Tribunaux, mais même une bonne partie du Monde imitent ces mauvais Précepteurs qui sont plus disposez a fraper leurs disciples qu'a les enseigner. On ordonne de grans et d'horribles suplices contre un Voleur': On dévroit bicn plütót pourvoir a la subsistance de ces Malheureux, afin qu'ils ne fussent point dans la necessité de voler et de périr. C'est a quoi on a pourvu suffisamment, repondit le Légiste. N'y a-t-il pas les Arts mechaniques ? Ny a-t-il pas 1 agriculture ? Oue n'embrassent ils ces vacations-la? Mais la vraie raison, c'est qu'ilsont du penchant a ne rien valoir. Ce ne sera pas par la que vous me prendrez, lui repliquai-je; car premierement ne parions point de ceux qui souvent retournent chez eux des Guerres étrangeres ou civiles avec quelques membres de moins. Vous avez vu dernièrement dans vótre Patrie, qu'après le combat de Cornouaille; et peu auparavant après celui de France, quantité de soldats estropicz pour le ser\'ice de la République,ou pour celui du Roi: leur foiblesse ne permettoit pas qu ils reprissent leur ancien métier ni leui age d en aprendre un nouveau. Encore une fois laissons-la ce genre de \ oleurs, puis qu aussi bien c'est une espèce de necessité que les Guerres se rallument de tems en tems. Considérons ce qui arrivé tous les jours. II y a un si grand nombre de Nobles, qui comme les Ouêpes, vivent dans la fainéantise, et sans produire une goute de miel, profitant ainsi du travail des autres. Fontils valoii leur terres? ils raclent tout, ils rasent jusqu'au vif, pour grossir leur revenu. Car c est la la seule frugalité de ces messieurs; Gens^ d ailleurs, qui, quand il y va de leurs plaisirs, sont prodigues jusqu a se mettre dans la mendicité: On les voit environnez, ou trainer a leur suite un nombreux cortége de domestiques, tous oisifs, et qui n ont jamais apris aucune profession pour gagner leur vie. Dès que le Maitre est mort, ou des que cès valets sont malades, on les congédie aussi tót, car les Nobles nourissent plus volontiers des fainéans que des infirmes. Souvent aussi 1'héritier du Mourant n'est pas d abord en état d'intretenir les domestiques de son père. Cependant ces valets congédiez tombent dans la nécessité; et ils périroient de faim s ils n avoient pas recours au vol. Quelle autre ressource pourroient ils avoir? A force de roder pour chercher Maitre, ils usent leurs habits, ils altèrent leur santé. Ensuite, devenus crasseux de maladie, et n étant plus couverts que de haillons, les Nobles en ont une espèce d horreur ^ et sont bien éloignez de les prendre a leur service. Les Paisans n'oseroient pas non plus les prendre chez eux. Ils savent qu'un homme élevé mollement dans 1'oisiveté est dans les plaisirs, accoutumé a^ porter le cimeterre et le bouclier; a regarder de haut en bas, et d un air de déterminé, tout le voisinage; enfin, a mépriser tout le monde excepté soi: les Paisans, dis-je, n'ignorent pas qu'un tel homme n'est nullement propre a manier la bêche et le hoi'an; a se contenter d'un petit salaire, et d'une petite nouriture; a servir un Maitre qui est lui même dans le genre des pauvres. Ce sont justement ces gens la, repond mon homme, que nous devons entretenir le plus soigneusement. Comme ils ont plus de coeur, plus de courage que les Artisans et les Laboureurs, ce sont en tems de Guerre les meilleurs soldats d'une Armee. J'aimerois autant, repliquai-je, vous entendre dire que vous devez entretenir les Voleurs; car assurément vous n'en manquerez jamais tant que vous aurez de ces vagabonds. De plus: ni les Voleurs ne sont pas de mauvais Soldats, ni les Soldats ne sont pas les plus laches des Voleurs, tant il y a de raport entre ces deux métiers. Mais quoique ce défaut la soit fort ordinaire chez vous, il ne vous est pourtant pas singulier; on le voit chez presque toutes les Nations. La France, outre ce mal-la, a une autre peste bien plus contagieuse. Tout ce grand Roïaume, même en tems de Paix, si on peut donner le beau nom de Paix a une courte cessation d'Armes, tout ce Roïaume est rempli, et comme assiegé de Soldats a païe. Cela se fait par le même préjugé qui vous a fait croire que pour le bien public vous deviez nourir des hommes Oisifs. Cette fausse persuasion est que le salut de 1'Etat consiste a avoir toujours sur pié de bonnes et vaillantes Troupes; et sur tout, qui soient composées de Soldats aguerris; car on ne se fie nullement a ceux qui n'ont point d'expérience. Ainsi on cherche la Guerre par deux motifs : 1'un de peur d'avoir de mauvais Soldats 1'autre pour empêcher que, comme dit agréablement Saluste, la main ou le coeur de ceux qui se distinguent dans l'art d'égorger les Hommes, ne s'engourdisse point. La France a apris, pour son malheur, combien il est pernicieux de nourir de telles bêtes. Les Romains, les Carthaginois, tant d'autres Nations en ont fourni des exemples. Les Armées que ces Etats entretenoient, n'ont—elles pas détruit en diverses occasions, non seulement leur Empire, mais aussi leurs terres, et même leurs Villes? Qu'il ne soit pas fort necessaire d'avoir des Troupes en tems de Paix, c'est ce qui paroit par 1'exemple que voici. Vos Soldats, quoique nouvellement levez, manquent-ils de bravoure? Les Francois, même, eux qui ordinairement sont élevez dans les Armes lors qu'ils ont combatu contre vos Gens, n'ont pas, le plus souvent sujet de se vanter d'avoir en le dessus. Je n'en dis pas d'avantage; je crains qu'on ne me soup<;onne ici de flaterie. D'ailleurs: on ne voit pas que, ni vos Artisans dans les Villes, ni vos grossiers et rustiques laboureurs les Valets des Nobles : il n'y a que ceux qui, par foiblesse de corps, manquent de force et de hardiesse ou a qui la grande dizette abbat le courage; il n'y a que ceux-la qui en aïent peur. II n'y a donc point de danger pour les robustes et les vigoureux. Les Nobles dédaignent tout ce qui n'est pas hors de la foule: ils passent la vie dans une molle et languissante Oisivité; ou leurs occupations different peu de celles des Femmes. Mais pour des gens qui savent vivre par de bons métiers, et qui se sont endurcis par des travaux proportionnez a la force humaine, ceux la ne deviendront jamais effeminez. Quoi qu'il en soit, on ne me persuadera jamais qu'il soit avantageux a vötre République pour le succès de la Guerre, vous qui ne prenez les Armes que quand vous voulez, d'entretenir ce nombre presque innombrable de Fainéants qui gatent la Paix; et cependant la Paix est aussi salutaire que la Guerre est ruineuse. Je ne prétens pas, néanmoins, que ce que je viens de dire soit la seule cause qui mette vos Insulaires dans la nécessité de voler. II y en a une autre, et qui, a ce je croi, vous est particulière. Quelle est elle? dit le Cardinal. V os Brebis repondis-je. Llles étoient autrefois si douces! e'les se contentoient de si peu! A present ? Ce sont des insatiables, des indomtables, au moins a ce qu'on dit. Oui pourroit le croire? Ces Brebis dévorent les hommes; elles pillent, elles ravagent les campagnes, les maisons, et les villes. Dans tous les endroits du Roïaume, il nait une laine plus fine, et par conséquent plus précieuse qu'auparavant. En ces lieux-la, les Nobles et les Gens de bonne familie, sans oublier quelques saints Abbez, n étant pas contens des revenus et des fruits annuels que leurs Ancêtres tiroient des héritages; et comme s'il ne leur suffisoit point cn vivant somptueusement et sans rien faire, d'êtres inutiles au Public, s'ils ne lui étoient encore nuisibles, ils ne laissent point de terres a ensemencer: ils enferment tout en paturages; ils abbatent les Maisons; ils ruinent les bourgs, enfin il ne reste que le Temple; et c'est pour servir d étable aux brebis. Kt comme si les fórets, les parcs, toutes les demeures des bêtes sauvages perdoient peu de terrain chez vous, ces bonnes Personnes changent en déserts les lieux les plus habitez, et les mieux cultivez. Ainsi, afin qu un affamé de bien, un avare insatiable, une cruelle peste de la Patric, puisse enfermer dans un même enclos quelques milliers d arpens de terres contiguës, on chasse les laboureurs; 011 les dépouille de leur fond par fourberie, ou par oppression: la plus grande grace qu on leur fait, c'est de les fatiguer si fort par des injustices qu ils sont contraints de vendre leur possession. De quelque maniere que la chose s'éxecute, il faut toüjours que ces malheureux déguerpissent: hommes, femmes, maris, épouses, orphelins, veuves, pères et mères avec de petits enfans et une familie plus nombreuse que riche; je dis nombreuse, paree que 1'agriculture a besoin de plusieurs mains. Ils sortent, donc, de leur maison, de leur pais, enfin du lieu qu ils conoissoient, et 011 ils étoient accoutumez. Ne trouvant point oü se réfugier, ils vendent a trés petit prix tout ce qu'ils emportent, et qui 11e vaut pas déja beaucoup. Encore bienheureux! car 1'acheteur auroit pu se saisir de ces effcts-la sur le pretexte que les proprietaires étoient chassez. Quand ces pauvres Gens out dépensé leur butin, ce qui se fait en très-peu de tems, quelles peuvent étre leurs dernieres ressources? II faut bien qu ils volent, et, par consequent, qu'ils risquent a finir leurs jours par la corde, comme de raison: ou, ils sont obligez de courir 9a et la, deniandant 1'aumóne. Et même, ce dernier moïen de vivre n'est pas sur pour eux. ils y perdent au moins la liberté: on les enferme comme des Vagabonds: on leur fait 1111 crime de ce qu'ils errent dans 1'oisiveté: mais cn quoi consiste-t-il ce crime? a ne trouver personne qui vcuille accepter Leur Service, quoi qu'ils 1'offrent avec le dernier empressement. Pour ce qui est de i'Agriculture, a la quelle ils sont accoutumez, il n'y a rien a faire, oü il n'y a rien a semer. Car c'est assez d'un berger; ou d'un vacher pour faire paitre des bêtes dans cette même terre qui auparavant demandoit plusieurs mains pour étre cultivée et ensemencée. Qu'arrive-t-il encore de la? C'est que les vivres en sont beaucoup plus chers en plusieurs endroits. II resulte encore un autre inconvenient. Même le prix des laines est monté si haut, que les petites gens, eux qui avoient coutume de faire vos draps, ne peuvent plus en acheter; et, par cette raison la, plusieurs tombent du travail dans 1'oisiveté. Ce qui cause la cherté des laines, c'est qu'une maladie consumante s'étant jettée sur les moutons, elle en a fait perir une infinité depuis qu'on a multiplié les paturages. II semble que Dieu a voulu par la punir la cupidité de ces Avares: le ciel a envoïé une contagion mortelle sur les troupaux: n'y eüt il point cn plus de justice, a la faire tomber sur ces têtes insatiables d'argent? Quand même le nombre des Bêtes augmenterait le plus, le prix ne diminueroit point, par ce que si cette marchandise la n'est pas en monopole puisque plusieurs en vendent, du moins, elle n'a pas un franc et libre cours. Car presque tous les moutons apartiennent en propre a peu de Personnes. Ces gens-la étant riches, rien ne les presse de vendre: ils vendent quand bon leur semble, et 1'envie leur vient de vendre quand ils y trouvent leur compte. Les autres bestiaux ne sont pas moins chers que les moutons: c'est par la même raison, et qui est encore plus forte : on a detruit les métairies: 1'Art champêtre est comme tombé; si bien qu'il ne reste que tres peu de Païsans pour avoir soin de la propagation de ces animaux. Ne croïez pas que ces Riches s'apliquent autant, a procurer la multiplication du gros bêtail que celle des moutons: ils achettent d'un autre endroit, et a bon marché, des bêtes maigres; puis, quand elles se sont engraissées au paturage, ils les revendent bien cher. C'est ce qui me fait dire que, du moins, a ce qu'il me semble, on ne sent point encore tout 1'inconvenient de cette afaire-la. Jusques a present, ces Engraisseurs de bêtes ne causent la cherté que dans les lieux oü ils vendent. Mais quand ils auront, pendant quelque tems, enlevé de 1'endroit oü ils achettent, enlevé dis-je, ces mêmes bestiaux sans leur donner le tems de multiplier, le nombre des animaux diminuant insensiblement, il faudra bien a la fin, que le Pais tombe dans une grande dizette. Ainsi, une chose qui paroissoit devoir être avantageux a Votre Ile, et contribuër beaucoup a son bonheur, cette chose la tourne a la ruinc des Habitans par la passion desordonnée que quelques uns ont pour le bien. Cette cherté des vivres oblige un chacun a diminuër son Domestique le plus qu'il peut; mais, les Congedicz, oü vont ils, je vous prie ? Mendier: ou, ce qui se persuade plus aisément aux hommes de bonne familie, ils vont se faire aprentis brigands. Ce qu'il y a de plus déplorable, c'est cette malheureuse pauvreté, cette grande dizette est jointe avec un luxe qui est tout a fait hors desaison. Chez les Serviteurs des Nobles; chez les Ouvriers; dans les Villages même, ou peu s'en faut; enfin, dans tous les Ordres du Roaïume, on voit en habits une magnificence qui n'avoit point encore paru ; et en dépense de bonne chere, un excès tout nouveau. D ailleurs, dites moi s'il vous plait; les maisons de prostitution, les endroits infames, les puantes Cavernes de Vénus, franchissons le mot, les bordels: de plus les Cabarets a vin et a biere, qui souvent sont d'autres lieux de débauche Vénerienne: enfin, tant de mauvaisjeux! Le dez, la carte, le cornet, la bale, la boule, le palet: tous ces beaux exercices, après qu'on s'y est ruiné, n' envoïent ils pas, leurs zèlez devots chercher quelque part a se réparer par le métier de voleur? Croïez moi: chassez ces pestes pernicieuses: ordonnez que ces destructeurs de metairies, que ces renverseurs de Bourgs Champêtres, remettent tout, comme il étoit; ou du moins qu'ils cedent les fonds a ceux qui s'offrent a guerir le mal, et a faire rebatir tout ce qu'on a mis en ruine. Refrénez cette sorte d'achats que les Riches font, et leur licence a en jouïr comme d'une monopole. Entretenez moins de Gens dans la faineantise; remettez 1'Agriculture en bon état: renouvellez la Manufacture de laine, afin qu'il y ait dans le Roïaume une honnête vacation a la quelle puisse s'occtiper utilement cette foule d'Oisifs, qui, jusques ici, sont devenus voleurs par la force de 1'indigence. Vous empêcherez aussi par la que les vagabonds, et les valets desoeuvrez ne se jettent dans le brigandage, ce qui ne sauroit guere manquer ni aux uns, ni aux autres. Certainement si vous ne remediez aux maux que je vous indique, c'est en vain que vous faites sonner si haut votre Justice contre le vol: cette Justice est plus specieuse qu'elle n'est equitable, ni utile. Car enfin, quand vous souffrez que ces Punissables aïent une mauvaise education, et qu on leur corrompe les moeurs dès la plus tendre enfance, en sorte que étant parvenus a 1'age d'homme, ils font voir les crimes honteux dont ils avoient donné 1111 présage continue! depuis leur premiere jeunesse, que faites vous alors sinon des voleurs? C'est vous mêmes, cependant, qui les punissez." ]) i) p. 24- 38. JEAN MESLIER, i) En parlant des fautes adhérentes a la société Meslier dit entre autres du crime ce qui suit; „Un autre abus encore et qui est presque universellement recu et autorisé dans le monde, est 1'apropriation particulière que les hommes se font des biens et des richesses de la terre, au lieu qu'ils devroient tous également les posséder en commun et en jouir aussi également tous en commun. J'entends tous ceux d'un même endroit ou d'un même Territoire, en sorte que tous ceux et celles qui seroient d'une même ville, d'un même bourg, d'un même village, ou d'un même paroisse ne composassent tous ensemble qu'une même familie, se regardant et se considérant tous les uns et les autres comme frères et soeurs, et comme étant tous les enfans de mêmes pères et de mêmes mères, et qui, pour cette raison, devroient tous s'aimer les uns les autres comme frères et comme soeurs et par conséquent devroient vivre paisiblement et communément ensemble, n'aïant tous qu' une même ou semblable nourriture et étant tous également bien vêtus, également bien logés et bien couchés et également bien chaussés, mais s'apliquant aussi également tous a la besogne, c'est-a-dire au travail, ou quelqu'autre honnête et utile emploï, chacun suivant sa profession, ou suivant ce qui séroit plus nécessaire ou plus convenable de faire, suivant les tems ou les saisons et suivant les besoins que 1'ou pouroit avoir de certaines choses, et tout cela sous la conduite, non de ceux qui seroient pour vouloir dominer impérieusement et tiranniquement sur les autres, mais seulement sous la conduite de ceux qui seroient les plus sages et les mieux intentionnés, pour 1'avancement et pour le maintien du bien public. Toutes les villes et autres communautés, voisines les unes des autres, aïant aussi, chacune de leur part, grand soin de faire alliance entr'elles et de garder inviolablement la paix et la bonne union entr'elles, afin de s'aider et de se secourir mutuellement les unes les autres dans le besoin, sans quoi le bien public ne peut nullement subsister et il faut nécessairement que la plupart des hommes soïent misérables et malheureux. Car i°. qu' arrive-t'-il de cette division particulière des biens et des richesses de la terre, pour en jouir par les particuliers, chacun séparément les uns des autres, comme bon leur semble ? II arrivé de la, que chacun s'empresse d'en avoir le plus qu' il peut, par toutes sortes de voïes, bonnes ou mauvaises: car la cupidité, qui est insatiable, et qui est, comme on sait, la racine de tous les maux, voïant pour ainsi dire par une espèce de porte ouverte a 1'accomplissement de ses désirs, elle ne manque pas de profiter de 1'occasion et fait faire aux hommes tout ce qu' ils peuvent, pour avoir abondance de biens et de richesses, tant afin de se mettre a couvert de toute indigence, qu'afin d'avoir par ce moïen le plaisir et le contentement de jouir de tout ce qu'ils souhaitent, d'oü il arrivé que ceux, qui sont les plus forts, les plus rusés, les plus habiles et souvent même aussi les plus méchans et *) »Le testament de J. Meslier". les plus indignes, sont les mieux partagés dans les biens de la terre et les mieux pourvüs de toutes les commodités de la vie." ') . . . „Ce n est pas tout, il arrivé encore de eet abus, dont je parle, que les biens, étant si mal partagés entre les hommes, les uns ai'ant tout ou aiant beaucoup plus qu il ne leur en faudroit pour leur juste portion, et les autres au contraire n'aïant rien, ou manquant de la plupart des choses, qui leur seroient nécessaires ou utiles, il arrivé de-la, dis-je, que naissent d'abord les haines et les envies entre les hommes. De-la naissent ensuite les murmures, les plaintes, les troubles, les séditions et les guerres qui causent une infinité de maux parmi les hommes. De-la naissent aussie mille et mille milliers de mauvais procés, que les Particuliere sont obligés d'avoir entr'eux pour défendre leurs biens et pour maintenir leurs droits, comme ils prétendent. Lesquels procés leur donnent mille peines du corps et mille et mille inquiétudes d esprit, et causent assez souvent la ruine entière des uns et des autres. De-la arrivé aussi que ceux, qui n'ont rien ou qui n' ont pas tout le nécessaire, sont comme contraints et obligés d'user de quantité de méchans moiens, pour avoir de quoi subsister. De-la viennent les fraudes, les tromperies, les fourberies, les injustices, les rapines, les vols, les larcins, les meurtres, les assassins et les brigandages, qui causent une infinité de maux parmi les hommes." 2) III. J. J. ROUSSEAU. Je crois que 1 observation suivante, qu'on trouve dans le „Discours sur 1 origine et les fondements de 1'inégalité parmi les hommes," vaut bien la peine d'être citée. „Le premier qui ayant enclos un terrain, s'avisa de dire, ceci est h nioi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civilc. Oue de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eüt point épargnés au Genre-humain celui qui arranchant les pieux, ou comblant le fossé, eüt crié a ses semblables: gardez-vous d'écouter eet imposteur; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont a tous, et que la Terre n'est a personne." 3) ') p. 2IO—212. 2) p. 214-215. 3) P- 67. IV. MORELLY. Dans son „Code de la Nature" 1'auteur cherche a démontrer que la concorde, dans laquelle vivaient les hommes dans la société primitive (oü existait la propriété commune) a été détruite par la propriété privée qui, née peu a peu, a changé les intéréts communs en intéréts contraires. II s'exprime la-dessus de la manière suivante: tout partage, égal ou inégal, de biens, toute propriété particulière de ces portions, sont dans toute société, ce qu'Horace appelle Summi materiam mali. Tous phénoménes politiques ou moraux sont des effets de cette cause pernicieuse; c'est par elle q'on peut expliquer et résoudre tous tkéorêmes ou problcmes sur 1'origine et les progès, 1'enchainement, 1'affinité des vertus ou des vices, des désordres et des crimes; sur les vrais motifs des actions bonnes ou mauvaises; sur toutes les déterminations ou les perplexités de la volonté humaine; ^sur la dépravation des passions; sur 1'inefficacité, 1'impuisance des préceptes et des loix pour les contenir; sur les défauts même tecniques de ces le<;ons; enfin, sur toutes les monstrueuses productions des égaremens de 1'esprit et du coeur. La raison, dis-je, de tous ces effets peut se tirer de 1'obstination générale des Législateurs, a rompre ou laisser rompre le premier lien de toute sociabilité par des possessions usurpées sur le fonds qui devoit indivisiblement appartenir a 1'humanité entière". ') Plus loin il précise la même idéé en disant: „Otez la propriété, je le repéte sans cesse, vous anéantissez pour jamais mille accidens qui conduisent 1'homme a des extrêmités désespérantes. Je dis, que délivré de ce tyran, il est impossible de toute impossibilité, que 1'homme se parte a des forfaits, qu'il soit voleur, assassin, conquérant. Les loix qui autorisent la propriété, le punissent de ces crimes: ses remords même et ses craintes, enfans des préjugés du systême de morale dans lequel il est élevé, 1'en punisent encore. Mais le plus sévére chatiment du scélérat est le plus premier sentiment de bienfaisance, pour ainsi dire, innée: cette voix intérieure de la Nature, toute réduite qu'elle est chez les hommes a 1'indifférente lecon de ne point nuire, a encore assez de force pour se faire vivement sentir au criminel". 2) 3). i) p. 79-80. a) p. 144-145- s) Voir aussi: p. 38 sqq, p. 150 sqq. V. C. BECCARIA. Le passage suivant tiré de l'Introduction du travail de Beccaria „Des Délits et des peines" n'est pas sans importance pour notre sujet: „Les avantages de la société doivent être également partagés entre tous ses membres. Cependant, parmi les hommes réunis, on remarque une tendance continuelle a rassembler sur le plus petit nombre les priviléges, la puissance et le bonheur, pour ne laisser a la multitude que misère et faiblesse. Ce n'est que par de bonnes lois qu'on peut arrêter ces efforts. Mais, pour Pordinaire, les hommes abandonnent a des lois provisoires et a la prudence du moment le soin de régler les affaires les plus importantes, ou bien ils les confient a la discrétion de ceux-la mêmes dont 1'intérêt est de s'opposer aux meilleures institutions et aux lois les plus sages." ') „Ouvrons 1'histoire; nous verrons que les lois, qui devraient être des conventions faites librement entre des hommes iibres, n'ont été le plus souvent que Pinstrument des passions du petit nombre, ou la production du hasard et du moment, jamais 1'ouvrage d'un sage observateur de la nature humaine, qui ait su diriger toutes les actions de la multitude a ce seul but \ tout le bien-être possible pour le plus grand nombre" *) Dans le § XXX („Du vol") nous lisons e. a. ce qui suit :„Un vol commis sans violance ne devrait être puni que d'une peine pécuniaire. II est juste que celui qui dérobe le bien d'autrui soit dépouillé du sien. Mais si le vol est ordinairement le crime de la misère et du désespoir, si ce délit n'est commis que par cette classe d'hommes infortunés, a qui le droit de propriété (droit terrible, et qui n'est peut-être pas necessaire) n'a laissé pour tout bien que 1'existence, les peines pécuniaires ne contribueront qu'a multiplier les vols, en augmentant le nombre des indigents, en ravissant a une familie innocente le pain qu'elles donneront a un riche peut-être criminel." 3) 1) p. 9. 2) p. 10. 3) p. 167. VI. S. N. H. LINGUET. Dans sa „Théorie des lois civiles", dirigée principalement contre „1'Esprit des Lois" de Montesquieu, et, dans laquelle 1'auteur cherche a défendre la these „1'esprit des lois, c'est la propriété", il y a quelques passages intéressants. Après avoir démontré que la propriété privée a été fondée par la violence, il traite de 1'origine des lois et, en même temps, des causes des crimes et dit: „Parmi des hommes tous égaux, tous robustes, emportés, sanguinaires, accoutumés aux armes, il se seroit élevé des disputes perpétuelles et dangereuses. II n'étoit pas possible que le hasard et 1 intelligence n'eussent mis une grande inégalité dans les différents lots. Celui qui se seroit cru lésé, auroit voulu se faire justice. L'association formée pour s'emparer du butin, auroit été troublée par la difficulté d'en jouir, et Pon ne dut pas tarder a en voir des exemples. Ces inconvéniens frapperent les esprits les plus éclairés. Ils chercherent a y trouver un remede. C étoit un art tout neuf qu ils créoient. Mais comme c'est presque toujours la science qui égare. et que la vérité n'est jamais si facile a découvrir, que quand elle est éloignée des Docteurs, ils virent sur le champ quelle route il falloit prendre. Ils sentoient qu'une premiere violence étoit incontestablement nécessaire. Ils ne pouvoient pas la désavouer, puisqu'elle seule fondoit tous leurs droits. Mais ils voyoient aussi qu'il falloit en prévenir une seconde qui seroit retombée sur eux. Ils concevoient que 1 usurpation primitive devoit être regardée comme un titre sacré: mais ils n appercevoient pus moins clairement qu'il falloit proscrire toute ursupation nouvelle, qui auroit pu contredire 1'ancienne, et la détruire. Pour y réussir, ils proposerent de n'autoriser que les brigandages qui se seroient en commun, et de punir sévérement ceux qu'on oseroit se permettre en particulier. D'après leurs insinuations, on statua que la société auroit droit de tout prendre, mais que les membres se dessaissiroient de ce droit, dès qu'ils seroient seuls. On convint que chacun posséderoit tranquillenient la part qui lui seroit échue, et que quiconque tenteroit de la lui enlever, seroit déclaré ennemi public, et poursuivi en cette qualité. Voila en peu de mots la tige de toutes les loix humaines. Elle comprend toutes les especes de droits, exepté le droit divin, dont la source est pure comme son auteur. C'est d elle que dérivent toutes les constitutions imaginables. C'est elle qui autorise le droit des gens et le droit civil, dont 1'un légitime les conquêtes, et 1'autre proscrit les larcins, qui ne punissent que les vols qu'on ne fait pas en grande com- pagnie. Klle a dirigé dans la suite les démarches de tous les politiques, de tous les fondataurs de gouvernemens et d'empires. Ils sont parvenus par difïférens moyens, dont le détail est inutile ici, a changer la premiere anarchie sociale oü ces principes furent découverts, en des administrations plus ou moins imparfaites. La violence a fait aussi le fondement de leurs droits: mais tous ont voulu ensuite posséder avec justice ce qu'ils avoient ravi très-injustement. Ils ont pris des précautions pour empêcher que ceux qui les avoient aidés a faire la conquête en grand, ne prétendissent les imiter en détail. Après s'être assurés le domaine général, ils n'ont point voulu qu'on put se disputer les partages particuliers. Ils ont confirmé par des régiemens a tous leur complices la possesion des objets, dont ils avoient eu 1'adresse ou le bonheur de s emparer. Ils ont ordonné de punir, comme coupable envers la société, quiconque, voyant ces effets ravis par la force, oseroit au même titre en démander la restitution." ') Dans le chapitre „Bien et maux que les Loix produisent" Linguet donne le jugement suivant, tranchant et satyrique: „Leur (c est-a-dire la justice et le droit) but, comme nous 1'avons dit, est de donner a la société une assiette fixe. II en résulte un ordre invaïitible qui contient chaque membre dans sa place. C'est par leur moyen que le grand nombre qui ne les connoit pas, même en les respectant, se soumet sans répugnance au petit nombre qui en est armé. Dans ce séns il n y a rien de si admirable que les loix. C'est 1'invention la plus sublime qui se soit jamais présentée a 1'esprit humain. Klle offre a quiconque sait réfléchir.le plus satisfaisant, le plus beau de tous les spectacles. Enchainer la force et la violence par des moyens pacifiques; subjuguer les passions les plus vives: assurer a des vertus pénibles la préférence sur des vices aisés et flatteurs; disposer des yeux, des mains et des coeurs des hommes; les asservir, sans les empêcher'de se croire libres; prescire des devoirs capables d'affermir le repos des esprits dociles qui les remplissent, et de les défendre contre les esprits rébelles qui voudroient s'en dispenser, voila ce que font, ou ce que doivent faire les oix. II seroit difficile de réunir a la fois plus d'avantages et de grandeur. Mais autant leur théorie est honorable pour 1'humanité qui a été capable de la saisir, autant leur pratique devient douloureuse, quand après en avoir recommandé 1'observation, il faut en venir aux chatiments prononcés les délits qui les violent. Les passions que 1'intérêt aiguillonne sans cesse nécessitent souvent cette extrêmité affligeante. Alors on voit des hommes autorisés par le consentement général, exercer sur leurs semblables une rigueur inflexible. On entend la Justice prononcer d une voix foudroyante des arrêts qui pourroient passer pour cruels, s ils n étoient indispensables. Elle met en usage les prisons, les bourreaux, les potences: la liberté, et même la vie des hommes deviennent des gages dont elle les privé a son gré quand ils en abusent. Pour expier les pertes que fait 1'Etat par les crimes qui 1'inquietent, on en retranche les criminels, et par-la il soufïfre presqu' egalement du forfait et de la punition." 2) 3) !) p. 284-288. 2) p. 186-189. 8) Voir aussi p. 199-200, et 207-209. VII. HOLBACH. Dans la 3me section de son ouvrage „Système social" portant comme titre „de 1'influence du gouvernement sur les moeurs", Holbach, en traitant des causes du crime, dit e. a.: „On punit a la Chine le mandarin dans le département duquel il s'est commis quelque grand crime. C'est a sa propre négligence ou a sa propre injustice qu'un mauvais gouvernement devroit s'en prendre du grand nombre de malfaiteurs qui se trouvent dans un Ktat. La multiplicité des criminels annonce une administration tyrannique et peu soigneuse. La rigueur des impóts, les vexations, les duretés des Riches et des grands font pulluier des malheureux que souvant la misère reduit au desespoir, et qui se livrent du crime comme du moyen le plus prompt pour s'en tirer. Si 1'opulence est la mere des vices, 1'indigence est la mere des crimes. Lorsqu'un Etat est mal gouverné, que les richesses et 1'aisance sont trop inégalement réparties, de manière que des millions d'hommes manquent du nécessaire, tandis qu'un petit nombre de citoyens regorgent de superflu, on y voit communément beaucoup de malfaiteurs, et les chatiments ne diminueront point le nombre des criminels. Si un gouvernement punit les malheureux, il laisse en repos les vices qui conduisent 1'Etat a sa ruine; il éleve des gibets pour les pauvres, tandis que c'est lui qui, en faisant des misérables, fait des voleurs, des assassins, des malfaiteurs de tout espece: il punit le crime, tandis qu'il invite sans cesse a commettre le crime."') „L'homme qui n'a rien dans un Etat, ne tient par aucuns liens a la société. Commcnt veut-on qu'une foule de misérables a qui 1'on n'a donné ni principes ni moeurs, restent les spectateurs tranquilles de 1'abondance, du luxe, de 1'opulence superflue, des richesses injustement acquises de tants de citoyens corrompus qui semblent insulter a la misere publique, et que 1'on voit rarement disposés a la soulager? De quel droit la société peut-elle punir de mort un voleur domestique qui aura été le témoin des rapines impunies et des concussions de son maïtre; ou qui verra les voleurs publics marcher le front levé, jouir de la considération et des hommages de leurs concitoyens, étaler sans pudeur, aux yeux mêmes des chefs de 1'Etat, un faste insolent, fruit de leurs extorsions? Comment fera-t-on respecter la propriété des J) P- 33-34- 2 autres, a des malheureux qui ont été eux-mêmes les victimes de la rapacité du riche, ou qui ont vu a tout moment les biens de leurs concitoyens impunément envahis par la violence ou par la fraude? Enfin comment engager a se soumettre aux loix des hommes, a qui tout prouve que ces loix, armées contre eux seuls, sont indulgentes pour les grands et les heureux de la terre, et ne sont inexorables que pour le malheureux et le pauvre? L'on ne meurt qu'une fois, 1'imagination du scélérat s'apprivoise peu-a-peu avec 1'idée des supplices les plus cruels ; il finit par les regarder comme un mauvais quart d'heuremourir pour mourir; il aime autant périr par la main du bourreau, que de périr de faim, ou même de travailler infructueusement toute sa vie." !) i) p. 36-37. VIII. MABLY. L'opinion de eet auteur sur le crime est le mieux rendue par la citation suivante, empruntée a son travail: „De la Législation ou Principes des Lois". — On y lit: „Plus j'y réfléchis et plus je suis convaincu que 1'inégalité des fortunes et des conditions décompose, pour ainsi dire, rhomme, et altère les sentimens naturels de son coeur; paree que des besoins superflus lui donnent alors des désirs inutiles pour son bonheur véritable, et remplissent son esprit des préjugés ou des erreurs les plus injustes et les plus absurdes. Je crois que 1'égalité, en entretenant la modestie de nos besoins, conserve la modestie de nos besoins, conserve dans mon ame une paix qui s'oppose a la naissance et aux progrès des passions. Par quelle étrange folie mettrions-nous de la recherche, de 1'étude et du raffinement dans nos besoins, si 1'inégalité des fortunes ne nous avoit accoutumés a regarder cette délicatesse ridicule comme une preuve de supériorité, et n'eüt valu, par-la une sorte de cosidération ? Pourquoi m'aviserois-je de regarder comme au dessous de moi un homme qui m'est peut-être supérieur en mérite; pourquoi affecterois-je quelque préférence; pourquoi prétendrois-je avoir quelque autorité sur lui, et ouvrirois-je ainsi la porte a la tyrannie, a la servitude et a tous les vices les plus funestes a la société, si 1'inégalité des conditions n'avoit ouvert mon ame a 1'ambition, comme 1'inégalité des fortunes 1'a ouverte a 1'avarice? II me semble que c'est 1'inégalité seule qui a appris aux hommes a préférer aux vertus bien des choses inutiles et pernicieuses. Je crois qu'il est démontré que dans 1'état d'égalité rien ne seroit plus aisé que de prévenir les abus et d'affermir solidement les Loix. L'égalité doit produire tous les biens, paree qu'elle unit les hommes, leur élève 1'ame et les prépare a des sentimens mutuels de bienveillance et d'amitié; j'en conclus que 1'inégalité produit tous les maux, paree qu'elle les dégrade, les humilie et sème entr'eux la division et la haine. Si j'établis des citoyens égaux, qui ne considèrent, dans les hommes, que les vertus et les talens 1'émulation se tiendra dans de justes bornes. Détruisez cette inégalité, et sur le champ 1'émulation se changera en envie et en jalousie, paree qu'elle ne proposera plus une fin honnête." ')2) P- 47-49" Voir ruissi p. 72 sqq. IX. J. P. BRISSOT DE WARVILLE. Dans sa „Théorie des loix criminelles" on trouve e. a. les passages suivants, qui sont intéressants pour le sujet qui nous occupe : „L'homme ne nait point ennemi de la société, ce sont les circonstances qui lui donnent ce titre, c'est 1'indigence, le malheur; il ne trouble la tranquillité générale que quand il a perdu la sienne; il ne cesse d'être citoyen, qu'au moment oti ce nom est nul pour lui; et c'est lorsque la misere a effacé ses privileges, qu'il ose porter atteinte a ceux de ses semblables. Rendre tous les citoyens heureux, c'est donc prévenir la naissance du crime; leur rareté est en raison directe de la bonté de 1'administration. Ce principe simple, quoiqu'inconnu jusqu'a ce siecle aux administrations, n'en est pas moins solide, pas moins lumineux, n'en doit pas moins servir de base aux gouvernemens. S'ils 1'ont négligé, c'est qu'il a paru plus facile aux chefs de punir 1'être malheureux qui réclamoit les droits que lui donnoit la nature, que de satisfaire sa justc réclamation, d'étoufifer les cris de 1'angoisse que de les changcr en acclamations. Le code pénal de tous les peuples ressemble assez au taurcau de Phalaris; son appareil imposant de formes juridiques, comme les tambours et les instrumens de ce monstre, empêche les cris des victimes de frapper leur oreilles. Les tyrans crient aux spectateurs qui les croient, que le sang est nécessaire a la süreté publique; les bons législateurs en sont avares. Le premier moyen et le plus efficace pour prévenir les crimes réside donc dans une sage administration qui procure le bonheur général. Lorsque les rayons de 1'astre bienfaisant qui gouverne étendent leur influence jusqu'aux derniers rangs de la société, on les voit rarement souillés par des forfaits: chacun se concentrant dans la sphere oü le ciel 1'a jeté, jouit et bénit le jour qui 1'éclaire (et le crime est si prés de celui que le sort force a le maudire!) Si les impóts sont légers, si la j)erception n'en est pas rigoureuse, si la subsistance est facile, le nombre des mariages augmente, ils sont heureux, et la population s'accroit. Le peuple alors ne regrette point ses travaux, puis qu'ils sont entre-mêlés de plaisirs. II s'attache a sa patrie qui lui offre le bonheur, a la vie qui lui donne le moyen d'en jouir. II ne trouble point la tranquillité, paree que son bonheur en est le fruit. Propriétaire luimême, il se garde bien de donner atteinte a la propriété, et quand la nature ne lui auroit pas inspiré de 1'horreur pour Feffusion du sang humain, ses jours lui sont trop précieux pour qu'il ose trancher le cours de ceux de ses concitoyens." ') quel souverain. dis-je, ne verra pas aisément qu'il a dans ') P- 37-39- sa main le véritable frein des crimes dans le ressort du bonheur public, et ce ressort dans la législation civile. Oui, plus elle tendra vers sa perfection, moins on aura besoin de législation criminelle; elle sera presque nulle lorsque la doublé base sur laquelle doit reposer la législation civile sera fixe et invariable, lorsque la propriété, la liberté des sujets seront respectées par le monarque, lorsque 1'infortuné que le hasard fait naitre sans propriété, quoiqu'avec des besoins, pourra par son travail corriger 1'injustice du sort, et efïfacer 1'inégalité de la répartition des richesses, lorsque' enfin le fruit de son labeur ne sera pas la proie du traitant avare. Le riche pourra 1'être alors impunément, paree que le désespoir ne prêtera plus son couteau a 1'indigent qu'insultoit sa fiere opulence. Nous posons ici pour fondement d'une bonne législation la süreté de la propriété personelle et fonciere, un chefd'oeuvre de politique seroit de la rendre inutile en 1'anéantissant s'il étoit possible: ce seroit arracher au crime sa racine. Ce fut ainsi que Lycurgue, dont on a tant calomnié les loix paree qu'elles ont paru inimitables aux esprits étroits, tarit adroitement la source de tous les crimes. Pour prévenir ceux qui blessoient la propriété, il abolit toute propriété: pour prévenir 1'adultere, il mit les fennnes en commun: pour faire du Spartiate un héros, il en fit 1'esclave de sa dure législation : enfin pour arrêter les tristes effets des passions, il ne lui permit d'avoir que celle du bien public. Voila pourquoi les crimes furent si rares a Sparte tant que ses habitants observerent fidélement ces loix. Mais lorsque Lisandre rapporta de la fatale conquête d'Athenes, des trésors, le goüt des arts, la fureur du luxe, tous les vices s'introduisirent rapidement: alors naquirent les crimes; 1'ambition fit commettre des parjures, des assassinats, des trahisons; alors le vertueux Agis qui vouloit ressusciter les moeurs, périt sous le couteau perfide de la servitude royale; alors parurent les Nabys—le Machanides; on connut enfin un code pénal, et Sparte ne fut plus qu'une ville ordinaire." ') „Doit-il paroitre étonnant que ces atteintes (c'est-a-dire aux loix sodales) soient si multipliées aujourd'hui, et qu'il y ait partout tant de voleurs et d'assassins, lorsqu'aux causes qui donnent naissance aux crimes et que nous avons développées, il faut joindre encore cette maladie horrible des états Européens, Ia mendicité ? Lorsque les eaux destinées par la nature a étancher la soif de tous les hommes, sont artificieusement detournées par des canaux particuliers pour 1'usage exclusif de quelques individus, le malheureux que le besoin tourmente, tombe du morne abattement dans le désespoir, et brise avec fureur ces canaux meurtriers, d'oü il fait retomber les éclats sur la tête de ses ennemis. Les jouissances, les propriétés exclusives ont partout produit la misère de la classe la plus nombreuse, et la misere a enfanté la mendicité qui, dérobant d'une main pour assouvir la faim, a de 1'autre plongé le poignard dans le sein du riche pour étouffer ses cris. Voila en deux mots 1'origine du vol et de 1'assassinat. Pour en extirper les racines, il faudroit ramener parmi les hommes cette égalité de conditions si prónée par les philosophcs modernes, mais qui ne peut point entrer dans le cadrc des gouvernemens actuels: il faudroit distribuer x) P- 43-45. les richesses dans une juste proportion parmi tous les citoyens: il faudroit arracher de leurs coeurs le desir corrosif de 1'ambition, modérer 1'aiguillon de leur intérêt personel: il faudroit . . . Dans ses „Recherches philosophiques sur la propriété et sur le vol" Brissot expose ce qu'est la propriété d'après la nature et d'après la société. Dans les chapitres VII et VIII portant comme titre „de la propriété civile et du vol" et „Doit-on punir de mort ou d'une peine afflictive et infamante, celui que le besoin réduit a voler?" il dit du crime: „La propriété civile est bien différente de la propriété naturelle, comme nous 1'avons déja démonrté: elle n'est point fondée sur le même titre, n'a point le même but, les mêmes bornes. Le besoin est la limite de la propriété naturelie. La propriété civile s'étend au-dela du superflu. Dans la nature, chacun a droit a tout; dans la société, 1'homme a qui ses parens ne laissent pas dc bien, n'a droit a rien. Dans la nature il seroit coupable, s'il ne satisfaisoit pas ses besoins; il est coupable dans la société, quand il les satisfait, n'étant pas propriétaire. On a donc confondu dans la société toutes les idéés que donne la nature sur la propriété. On a rompu 1'équilibre qu'elle avoit mis entre tous les êtres. L'égalité bannie, on a vu paroitre ces distinctions odieuses dc riches et de pauvres. La société a été partagée en deux classes: la première, de citoyens propriétaires, vivans dans 1'inaction: la seconde plus nombreuse, composée du peuple, a qui 1'on a vendu chérement le droit d'existcr, qu'on a avili, qu'on a condamné a un travail perpétuel. Pour affermir ce droit nouveau de propriété, 1'on a prononcé les peines les plus cruelles contre ceux qui le troubleroient, qui lui porteroient atteinte. L'atteinte portée a ce droit s'est appellée vol; et lecteurs! jugez comme nous sommes loin de la nature. Le voleur dans 1'état de nature est le riche, est celui qui a du superflu; dans la société, le voleur est celui qui dérobe a ce riche. Quel bouleversement d'idées!"2) „Si 1'homme, dans la société même, conserve toujours le privilege ineffacable de la propriété que la nature lui a donné, rien ne peut donc le lui óter, rien ne peut 1'empêcher de 1'exercer. Si les autres membres de cette société concentrent dans eux seuls la propriété de tous les fonds de terre; si dans cette spoliation ceux qui en sont privés, forcés de recourir au travail, ne peuvent par son moyen se procurer leur entiere subsistance, alors ils sont les maitres d'exiger des autres propriétaires de quoi remplir ces besoins. Ils ont droit sur leurs richesses. Ils sont maitres d'en disposer en proportions de leurs besoins. La force qui s'y oppose est violence. Ce n'est pas le malheureux affamé qui mérite d'être puni; c'est le riche assez barbare pour se refuser au besoin de son semblable, qui est digne du supplice. Ce riche est le seul voleur; il devroit seul être suspendu a ces infames gibets, qui ne semblent élevés que pour punir 1'homme né dans' la misere, d'avoir des besoins; que pour le forcer d'étouffer la voix de la nature, le cri de la liberté; que pour le contraindre a se jeter dans un dur esclavage, pour éviter une mort ignominieuse." 3) P- 74-75- 2) P- 331-333- 3) P- 333-334- X. VV. GODWIN. Au troisième chapitre du Premier Livre de son „Enquiry concerning political justice" Godwin traite de deux sortes importantes de crime: du vol et de la fraude. II en dit: „Two of the greatest abuses relative to the interior policy of nations, which at this time prevail in the world, consist in the irregular transfer of property, either first by violence, or secondly by fraud. ïf among the inhabitants of any country there existed no desire in one individual to possess himself of the substance of another, or no desire so vehement and restless as to prompt him to acquire it by means inconsistent with order and justice, undoubtedly in that country guilt could scarcely be known but by report. If every man could with perfect facility obtain the necessaries of life, and, obtaining them, feel no uneasy craving after its superfluities, temptation would lose its power. Private interest would visibly accord with public good; and civil society become what poetry has feigned of the golden age. Let us inquire into the principles to which these evils are indebted for their existence.' ') D'après lui ces crimes sont les conséquences: i° de la grande pauvreté, qui a pris des dimensions énormes; (en Angleterre sur les sept habitants il y en a un qui pendant certain temps a été secouru.) La situation est devenue telle que pour le pauvre 1'état de la société est un etat de guerre. II considère la société non comme un corps dont la destination est de maintenir des droits personnels et de procurer a chaque individu les moyens de pourvoir a sa subsistance, mais bien comme un corps protégeant la position avantageuse de quelques-uns et tenant les autres en un état de misère et de dépendance. ' 2° de 1'ostentation des riches, qui fait plus sentir au pauvre tout ci qui lui manque. 3° de la tyrannie du riche, devenue permanente par la législation, par 1'application des lois et par la division des richesses. Dans le VIIImc Livre {„ofproperty") Godwin précise les idees susnommées. Parlant de 1'amélioration morale qui s'ensuivrait de 1'abolition deJapropriété privée, il dit: „And here it is obvious that the great occasions of crime would be cut ofïf for ever. All men love justice. All men are conscious that man is a being of one common nature, and feel the propriety of the treatment they receive from one another being measured by a common Standard. Every man is desirous of assisting another; i) p. 15-16. whether we should choose to ascribe this to an instinct implanted in his nature which renders this conduct a source of persona! gratification, or to his perception of the reasonableness of such assistance. So necessary a part is this of the constitution of mind, that it may be doubted whether any man perpetrates any action however criminal, without having first invented some sophistry, some palliation, by which he proves to himself that it is best to be done. Hence it appears, that offence, the invasion of one man upon the security of another, is a thougt alien to the human mind, and which nothing could have reconciled to us but the sharp sting of necessity. To consider merely the present order of society, it is evident that the first offence must have been his who began a monopoly, and took advantage of the weakness of his neighbours to secure certain exclusive privileges to himself. The man on the other hand who determined to put an end to this monopoly, and who peremptorily demanded what was superfluous to the possessor and would be of extreme benefit to himself, appeared to his own mind to be merely avenging the violated laws of justice. Were it not for the plausibleness of this apology, it is to be presumed thad there would be no such thing as crime in the world. The fruitful source of crimes consist in this circumstance, one man's possessing in abundance that of which another man is destitute. We must change the nature of mind, before we can prevent it from being powerfully influenced by this circumstance, when brought strongly home to its perceptions by the nature of its situation. Man must cease to have senses, the pleasures of appetite and vanity must cease to gratify, before he can look 011 tamely at the monopoly of these pleasures. He must cease to have a sense of justice, before he can clearly and fully approve this mixed scene of superfluity and want. It is true that the proper methode of curing this inequality is by reason and not by yiolence. But the immediate tendency of the established administration is to persuade that reason is impotent. The injustice of which they complain is upheld by force, and they are too easily induced, by force to attempt its correction. All they endeavour is the partial correction o an injustice, which education tells them is necessary, but more powerful reason affirms to be tyrannical. Porce grew out of monopoly. It might accidentally have occurred among savages whose appetites exceded their supply, or whose passions were inflamed by the presence of the object of their desire; but it would gradually have died away, as reason and civilisation advanced. Accumulated property has fixed its empire; and henceforth all is an open contention of the strength and cunning of one party against the strength and cunning of the other. In this case the violent and premature struggles of the necessitous are undoubtedly an evil. They tend to defeat the very cause in the success of which they are most deeply interested; they tend to procrastinate the triumph of truth. But the true crime in every instance is in the selfish and partial propensities of men, thinking only of themselves, and despising the emolument of others; and of these the rich have their share. The spirit of oppression, the spirit of servility and the spirit of fraud, these are the immediate growth of the etablishcd administration of pro- perty. They are alike hostile to intellectual and moral improvement. 1'he other vices of envy, malice and revcnge are their inseparablc companions. In a state of society where men lived in the midst of plenty, and where all chared alike the bounties of nature, these sentiments would inevitably expire. The narrow principle of selfïshness would vanish. No man being obliged to guard his little store, or provide whith anxiety and pain for his restless wants, each would lose his individual existence in the thought of the general good. No man would be an enemy to his neighbour, for they would have no subject of contention; and of consequence philanthropy would resume the empire which reasons assigns her. Mind would be delivered trom her perpetual anxiety about corporal support, and free to expatiate in the field of thought which is congenial to her. Each would assist the enquiries of all. i) 2) *) P' 455-458- 2) Voir sur le charactère dc 1'homme, non inné, mais changeant d'après le milieu social le tres intéressant chapitre IV (livre I.) XI. R. O WEN. i) L'auteur dans plusieurs ouvrages nous a exprimé ses idees sur le rapport entre la criminalité et le milieu social et les conditions économiques en particulier. C'est dans son livre „The Book of the New Moral World", parit en 1844, qu'il nous rend le mieux ses idéés.2) Les voici en résumé: ce n'est pas 1'homme lui-même, ce sont les circonstances qui fornient le caractere; un milieu défavorable rendra 1'homme mauvais, un milieu favorable produira le contraire. L'organisation de la Société contemporaine est telle qu'elle éveille en 1'homme toutes les mauvaises qualités. La plus grande partie de 1'humanité vit dans les conditions les plus misérables et devient physiquement, intellectuellement et moralement inférieure. Les classes ouvrières n'ont point de demeures hygiéniques, elles accomplissent un travail trop pénible et trop long, elles sont nourries et vêtues insuffisamment. La fausse production et distribution de la richesse en sont les causes parceque le désordre et 1'anarchie y règnent. Les moyens de production, les matières et les forces productives existent suffisamment, de sorte que chacun pourrait pourvoir amplemcnt a ses besoins; mais la concurrence qui engloutit des trésors 1'empêche et produit le contraire, tandis que quelques-uns ont le superflu, la plupart n'ont pas même le nécessaire (ce qui est une cause a part pour la criminalité). La distribution fait gaspiller énormément de forces a cause du grand nombre d'intermédiaires. L'éducation et 1'enseignement sont on ne peut plus négligés. Les enfants des classes inférieures sont dénuésou presquedénués d'enseignement, ct 1'on ne saurait guère parler d'éducation, les parents n'en ayant guère eu eux-mêmes ne sont point capables et n'ont pas le loisir de leur en donner. Cependant des enfants de toutes les classes on fait des êtres égoïstes et anti-sociaux; on leur inculque la maxime de „chacun pour soi" au lieu de leur appendre que 1'amour du prochain est le principe sur lequel la société devrait être basée. Ovven trouve la cause du crime dans l'organisation de la société d'alors, fondée sur la propriété privée. Citons un passage caractéristique ') Voir aussi 1'ouvrage intitulé: »An inqtiiry into the principles of the distribution of Wealth" (chapitre II et III) de W. Thompson, disciple d'Owen. P. 17 il dit e. a.: »The unrestrained tendency of the distribution of wealth, being so much towards equality, excessive wealth and excessive poverty being removed, almost all the temptations, all the motives, which now urge to the commission of crime, would be also removed." 2) Voir e. a. ses «Essays on the formation of Character"; et «Reports of the proceedings at the several public meetings held in Dublin." du VI Volume intitulé: „General constitution of Governement and Universal Code of Law": „Private property has been, and is at this day, the cause of endless crime and misery to man, and he should hail the period when the progress of science, and the knowledge of the means to form a superior character for all the individuals of the human race, render its continitance not only unnecessary, but most injurious to all; injurious to an incalculable extent to the lower, middle, and upper classes. The possession of private property tends to make the possessor ignorantly selfish; and selfish, very generally, in proportion to the extent of the property held by its claimant. So selfish, that many possessing thousands a-year beyond all reasonable wants, calmly read or hear of thousands of their brother men daily starving for want of that employment which these wealthy withhold; and withhold often that they may preserve animals, first to destroy the wealth that the industrious create and require to support their existence, and then to consume their wealth, time, and mind in destroying these preserved wild animals in the most cruel manner, for the pastime of these most ignorantly selfish-made, wealthy, irrational creatures in human form. It may truly be said that private property has been so sadly injurious to the human race, that it trains those who possess the most of it to become, in very many instances, no better than two-legged animals, whose chief pleasure and delight, through their lives, is to destroy four-legged animals, or other two-legged of the featheréd tribe. An evident proof how little society has yet advanced from the state of brutal barbarism. Private property also deteriorates the character of its possessor in various ways; it is calculated to produce in him pride, vanity, injustice, and oppression, with a total disregard of the natural and inalienable rights of his fellow men. It limits his ideas within the little narrow circle of self, prevents the mind from expanding to perceive extended views beneficia! for the human race, and understand great general interests that could be made most essentially to improve the character and condition of all. It confines the human mind to immediate self and its petty concerns; when the possessor, if he had been trained from birth without the deteriorating influence of the desire to obtain and retain private property, might have been educated to comprehend the advantages of general interests and universal ideas; to be familiar with the whole science and practice of society, instead of possessing some mere local ideas respecting a very small part of a mystified chaos called society. Private property alienates mind from mind, is a perpetual cause of repulsive action throughout society, a never-failing source of deception and fraud between man and man, and a strong stimulus to prostitution among women. It has caused war through all the past ages of the world's known history, and been a stimulant to innumerable private murders. It is now the sole cause of poverty, and its endless crimes and miseries over the world, and in principle it is as unjust as it is unwise in practice. In a rational-made society it will never exist. Whatever may have been its necessity or utility, before the introduction of the supremacy of machinery and chemistry, it is now most unnecessary and an unmixed evil; for every one, from the highest to the lowest, may be ensured through life much more of all that is really beneficial for humanity, and the permanent happiness of the individual, through public scientific arrangements, than it is possible to obtain through the scramble and contest for procuring and maintaining private property. 1 livate property also continually interferes with or obstructs public measures which vvould greatly benefit all, and frequently to merely P'ease the whim or caprice of an ill-trained individual. \\ hen everything except mere personals shall be public property, and public property shall always be maintained in superfluity for all— and when artificial values shall cease, and intrinsic values shall be alone estimated then will the incalculable superiority of a system of public property be duly appreciated over the evils arising from private property. With a well arranged scientific system of public property, equal education and condition, there will be no mercenary or unequal marriages ; no spoiled children; and none of the evils which proceed from these errors in the present system. if crudities which pervade all the departments f life, and are thoroughly inconsistent, can be called a system of society. In fact, as soon as individuals shall be educated and placed—and it is for the best and permanent interest of society that all should be educated and placed—the saving of time, labour, and capital, between public and private property, will be beyond any estimate the mind of man can form in favour of public property. In the British empire alone it may be made to be several thousand millions sterling annually. The present contest for individual wealth creates the greatest possible extravagance and waste through every department of society, and destroys the best and finest qualities of human nature, while it cultivates and encourages all the inferior feelings and passions. Therefore the twelfth law ') will be, that— nder the Rational System of society — after the children shall have been trained to acquire new habits and new feelings, derived from a knowledge of the laws of human nature — there shall be no useless private property". 1 he old system of the world has been created and governed on the assumed principle of man 's responsibiliy to man, and by man's rcwards and punishments. And this piinciple has been assumed upon the original supposition, that man was born with power to form himself into any character he iked; to believe or disbelieve whatever he plaesed ; and that he could ove, hate, or be indifferent as to all persons and things, according to an independent will which enabled him to do as he liked in all these respects. The present system is, therefore, essentially a system supported and governed by laws of punishment and reward of man's creating, in ap- , , '' ^"e.^.es '°'s 1U' sclon Chvcn doit produire le changement de la société actuelle a la societe tuture. positon to nature's laws of punishing and rewarding. The former system is artificial, and always produces crime and misery, continually increasing, and therefore requiring new laws to correct the evils necessarily forced upon society by the old laws; thus laws are multiplied without limit by man to counteract nature's laws, and ever without success. While nature's beautiful and benevolent laws, if consistently acted upon in a system made throughout in accordance with them, would produce knowledge, goodness, and happiness, continually increasing, to the human race. By man's laws being forced upon the population of all countries, in continual opposition to nature's laws; with law added to law,in the vain attempt to remedy endless previous laws, the world had been made and kept criminal, with crimes multiplying as human laws increased. The laws of man are made to support injustice, and give additional power to the oppressor and to the man devoid of truth and honesty over the innocent and just. And such must be the result, as long as human laws, lawyers, and law parapharnalia shall be sanctioned by society. But it is not sufficiënt that men should be trained in a knowledge of the laws of human nature; it is equally necessary that they should be educated from birth to act in obedience to that knowledge, and that all the circumstances of society should be made in unison with those laws, and not, as they have been hitherto, in accordance with man's laws. Nature's laws carry with them the only just rewards and punishments that man should experience; and they are, in every case, efficient for nature's purposes, and to ensure the happiness of man in alle countries and climes; and, differing from man's puny, short-sighted laws, they are always adequate to the end intended to be accomplished. And this end is evidently to increase human knowledge and happiness. It is through these laws of nature, that man has attained the knowledge which he has acquired. He has been continually urged onward to make discoveries, and to invent, through pain experienced, or pleasure enjoyed or anticipated. But man has been trained to have his character formed, and to be governed by laws of his own making; his habits, manners, ideas, and associations of ideas have emanated, directly or indirectly, from his artificial and injurious source; and, in consequence, the niind, language, and practice of all individuals have become a chaos of confusion. And this chaos in the character and conduct of individuals has made a yet greater chaos in all the proceedings of society: and, in consequence, man is now opposing man, and nation opposing nation, all over the earth. Vet all nature declares, that it shall be by union of man with man, and nation with nation, that the human race can ever attain a high degree of permanent prosperity and happiness, or become rational. Nevertheless, while this irrational individual and general character shall remain, those men and women who have been made to receive this character, and to be so injured, must continue for a time to be governed bij these most injurious laws. The laws of nature being alone applicable to a society, whose laws are in accordance with the laws of nature. When this rational society shall be formed, and men, individually and generally, shall be trained to act in accordance with it, then shall human punishments and rewards cease, and cease for ever. The thirteenth law will therefore be, that — „As soon as the members of these scientific associations shall have been educated, from infancy, in a knowledge of the laws of their nature, trained to act in obedience to them, and surrounded by circumstances all in unison with them, there shall be no individual reward or punishment." The Rational System of society is one and indivisible in its principles and practices; each part is essential to its formation. It is one unvarying consistent system for forming the character of all individuals, and for governing their affairs; and it is essentially a system to prevent evil, and render individual punishment and reward as unnecessary, as they are unjust and most injurious to all. While, on the contrary, the present system, based on error, could not be continued without individual rewards and punishments, and, while it shall be maintained, however unjust these individual rewards and punishments must be, whcn applied to beings who do not form any part of themselves, and who are kept ignorant of their own nature, these irrational rewards, and punishments, of man's devising, must be continued. Individual punishments and rewards, ignorance, the inferior feelings and passions, with all crimes and miseries, will go together when the irrational system shall be abolished. When the cause of evil shall be removed, then will the evil eease, eind not before" ') 2) ') p. 40-45- ^ 2) On sait qu' Owen a mis ses théories en pratique en fondant la colonie de New-Lanark. Les conséquences désastreuses du capitalisme industriel comme: la durée excessive du travail, la mauvaise nourriture, les habitations malsaines, le manque d'éducation des enfants etc. etc. y étaient diminuées et évitées. Parmi la population de la colonie, alcoolisée et demorasilée par le capitalisme (les vols étaient a l'ordre du jour), amelwrée peu d pen par le milieu favorable, aucunepoursuite judiciaire n'eut lieu pendant 19 a/is. Vol, ivrognerie et naissances illégitimes ne se presentdrent plus. (Voir le prof. H. Denis. Le socialisme et les causes économiques et sociales du crime p. 283, et le prof. H. P. G. Quack vde Socialisten" II p. 279 sqq). XII. E. CABET. Dans la seconde de partie son „Voyage en Icarie" Fauteur traite du rapport entre criminalité et conditions économiques. D'après lui la monnaie, 1'inégalité de fortune et la propriété sont la cause de tous les crimes. La citation suivante nous explique son opinion (on y parle au passé de la société contemporaine vu que 1'ouvrage suppose une société avec propriété commune). „L'opulence ou le superflu étant necessairement, comme je (c'est-adire, quelpu' un qui parle d'une société oü existe la propriété privée.) vous 1'ai déja dit, une injustice et une usurpation, les pauvres ne pensaient souvent qu' a voler les riches; et le vol, sous toutes les formes (escroquerie, filouterie, banqueroute, abus de confiance, fraude, tromperie, etc.), était 1'occupation presque universelle des pauvres comme des riches. Et les pauvres ne volaient pas seulement les riches, mais ils volaient aussi les pauvres eux mêmes, en sorte que tous, riches et pauvres, étaient voleurs et volés. Je ne pourrais énumérer toutes les espèces de vols et tous les genres de voleurs. C'était vainement que les riches avaient fait des lois terribles contre le vol, c' était vainement que les prisons et les galères étaient remplies de pauvres voleurs et que leur sang était souvent versé sur les échafauds ; poussés par la misère, encouragés par 1'espoir de n'être pas découverts, les pauvres volaient dans les ckatnps, ou dans les matsous, ou sur les routes, et jusque dans les rues, pendant la nuit. L'adroit filou volait sur les personnes mêmes, en plein jour, dans les rues, les promenades, les réunions, partout. Le hardi escroc volait en employant le mensonge et la ruse, soit pour faire acheter des objets qui n'avaient qu' une valeur infiniment moindre, soit pour soutirer de 1'argent en abusant de la credulité et souvent de la bienfaisance. Parlerai - je des faux - monnayeurs et des faussaires de toute espèce ? Parlerai - je aussi des usuriers, de ces grands voleurs, les loups cerviers de la Bourse et la Banque, les accapareurs, les monopolistes et les fournisseurs ? Parlerai-je de ceux qui s' enrichissaient des calamitcs publiques qui désiraient et provoquaient les invasions ou les guerres pour faire fortune, et les famines pour amasser de 1' or au milieu des cadavres? Parlerai-je de ces voleurs qui compromettaient la santé pub lique en frelatant les aliments et les boissons qu' ils vendaient, et de ces autres grands voleurs, les chefs d'armée, qui pillaient les Peuples étrangers en exposant leur pays a de terribles représailles? Parlerai - je enfin des innombrables moyens d'amasser de 1'argent aux dépens des autres, et des innombrables individus qui, dans presque toutes les classes, les pratiquaient journellement ? Tous ces faits n'étaient pas qualifiés vols par les lois; les plus inexcusables, les plus nuisibles, ceux qui n'étaient connus que panni les riches, jouissaient même de 1'impunité légale: mais tous n'en étaient pas inoins en réalité des vols, suivant les régies d'une saine morale. Chaque classe présentait sans doute un grand nombre d' exceptions: il y avait quelques riches aussi honnêtes que possible, et beaucoup de travailleurs ou de pauvres pratiquant la probité: mais on peut dire que, par la foice des choses et par 1111e irrésistible conséquence de 1'inégalité de fortune, tous les individus, riches et pauvres, étaient généralement amenés a commettre des actions qui n'étaient en réalité que des espèces de vols. 1 Kt souvent le vol conduisait a toutes les cruautés, a 1 'assassinat, aux tortures mêmes les plus barbares, pour faire avouer oü 1'or était caché Que d' empoisonnements et de parricides n' excitait pas la soif de 1 or et des successions! On voyait des voleurs enlever et voler des enfants pour les prostituer! On en voyait même voler, et égorger des jeunes gens pour en vendre la chair! ou le cadavre! . .. !'n 1111 m°t> ■' ne pouvait y avoir ni confiance ni sécurité; chaque individu voyait des ennemis dans presque tous les autres; et la Société seniblait, pour ainsi dire, n'être qu' un eoitpe-gorge au milieu d' un forêt! Et toutes ces horreurs, que vous retrouverez plus on moins partout, etaient chez nous et sont encore ailleurs, je ne puis trop le répéter, 1 inevitable résultat du droit illimité de Popriété". ') ') P- 3I5-3I7- XIII. F. ENGELS. Parmi les conséquences désastreuses, que le capitalisme industriel entraine, 1'auteur range 1'augmentation prodigieuse de la criminalité. II nous dit dans „die Lage der arbeitenden Klasse" ce qui suit: „Die Fehler der Arbeiter lassen sich überhaupt alle auf Ztigellosigkeit der Genuszsucht, Mangel an Vorhersicht und an Fügsamkeit in die soziale Ordnung, überhaupt auf die Unfahigkeit, den augenblicklichen Genusz dem entferntern Vortheil aufzuopfern, zurückführen. Aber wie ist das zu verwundern ? Eine Klasse, die wenig und nur die sinnlichsten Genüsse sich fiir saure Arbeit erkaufen kann, musz sich die nicht toll und blind auf diese Genüsse werfen ? Eine Klasse, um deren Bildung sich niemand kümmert, die allen möglichen Zufallen unterworfen ist, die gar keine Sicherkeit der Lebenslage kennt, was für Griinde, was fiir ein Interesse hat die, Vorhersicht zu üben, ein „solides" Leben zu führen, und, statt von der Gunst des Augenblicks zu profitiren, auf einen entferntern Genusz zu denken, der gerade für sie und ihre ewig schwankende, sich überschlagende Stellung noch sehr ungewisz ist ? Eine Klasse, die alle Nachtheile der sozialen Ordnung zu tragen hat, ohne ihre Vortheiie zu genieszen, eine Klasse, der diese sociale Ordnung nur feindselig erscheint, von der verlangt man noch, dasz sie diese Ordnung respektiren soll ? Das ist wahrlich zu viel. Aber die Arbeiterklasse kann der sozialen Ordnung, so lange diese besteht, nicht entrinnen, und wenn der einzelne Arbeiter gegen sie aufsteht, so fallt der gröszte Schaden auf ihn. So macht die soziale Ordnung dem Arbeiter das Familienleben fast unmöglich; ein unwohnliches, schmutziges Haus, das kaum zum nachtlichen Obdach gut genug, schlecht möblirt und oft nicht regendicht und nicht geheizt ist, eine dumpfige Atmosphare im menschengefüllten Zimmer erlaubt keine Hauslichkeit; der Mann arbeitet den ganzen Tag, vielleicht auch die Frau und die altern Kinder, alle an verschiednen Orten, sehn sich nur Morgens und Abends — dazu die stete Versuchung zum Brantweintrinken; wo kann dabei das Familienleben existiren? Dennoch kann der Arbeiter der Familie nicht entrinnen, er musz in der Familie leben, und die I' olge davon sind fortwahrende Familienzerrüttungen und hausliche Zwiste, die sowohl auf die Eheleute wie namentlich auf ihre Kinder im höchsten Grade demoralisirend wirken. Vernachlassigung aller hauslichen Pflichten, Vernachlassigung besonders der Kinder ist nur zu haufig unter den englischen Arbeitern, und wird nur zu sehr durch die bestehenden Einrichtungen der Gesellschaft hervorgebracht. Und Kinder, die auf diese Weise wild, in der demoralisirendsten Umgebung, zu der oft genug 3 die Eltern selbst gehören, heranwachsen, die sollen nachher noch fein moralisch werden? Es ist wirklich zu naiv, welche Forderungen der selbstzufriedne Bourgeois an den Arbeiter stellt. Die Nichtachtung der sozialen Ordnung tritt am deutlichtsten in ihrem Extrem, im Verbrechen auf. Wirken die Ursachen, die den Arbeiter demoralisiren, starker, konzentrirter als gewöhnlich, so vvird er mit derselben Gewiszheit Verbrecher, mit der das Wasser bei 80 Grad Réaumur aus dem tropfbaren in den luftformigen Aggregatzustand übergeht. Der Arbeiter wird durch die brutale und brutalisirende Behandlung der Bourgeoisie grade ein so willenloses Ding wie das Wasser, und ist grade mit derselben Nothwendigkeit den Gesetzen der Natur unterworfen — bei ihm hort auf einem gewissen Punkte alle Freiheit auf. Mit der Ausdehnung des Proletariats hat daher auch das Verbrechen in Kngland zugenommen, und die britische Nation ist die verbrecherischste der Welt geworden. Aus den jahrlich veröffentlichten „Kriminal-Tabellen" des Ministeriums des Innern geht hervor, dasz in England die Vermehrung des Verbrechens mit unbegreiflicher Schnelligkeit vor sich gegangen ist. Die Anzahl der Verhaftungen fur /verbrechen betrug im Jahre 1805 4.605 1810 5.146 1815 7.898 1820 13.7! o 1825 14.437 1830 18.107 1835 20.731 184 0 27.187 184 1 27.760 184 2 3I-309 in England und Wales allein ; also versiebenfachten sich die Verhaftungen in 37 Jahren. V011 diesen Verhaftungen kommen allein auf Lancashire im Jahre 1842 — 4497» also über 14 Prozent, und auf Middlesex (einschlieszlich London) 4094, also tiber 13 Prozent. So sehn wir, dasz zwei Distrikte, die grosze Stadte mit viel Proletariat einschlieszen, allein tiber den vierten Theil des gesamniten Verbrechens hervorbringen, obgleich ihre Gesammtbevölkerung lange nicht den vierten Theil der des ganzen Landes ausmacht. Die Kriminaltabellen beweisen auch noch direkt, dasz fast alles Verbrechen auf das Proletariat fallt, denn 1842 konnten von jeden 100 Verbrechern durchschnittlich 32,35 nicht lesen und schreiben, 58,32 unvolkommen lesen und schreiben, 6,77 gut lesen und schreiben, 0,22 hatten noch höhere Bildung genossen, und von 2,34 konnte die Bildung nicht angegeben worden. In Schottland hat das Verbrechen noch viel schneller zugenommen. Hier waren 1819 nur 89, und 1837 schon 3176, 1842 sogar 4189 Kriminalverhaftungen vorgekommen. In Lanarkshire, wo Sheriff Alison selbst den offiziellen Bericht abfaszte, hat sich die Bevölkering in 30 Jahren, das Verbrechen alle 5V2 Jahre verdoppelt, also sechsmal rascher als die Bevölkerung zugenommen. — Die Verbrechen selbst sind, wie in allen civilisirten Landern, bei Weitem der Mehrzahl nach Verbrechen gegen das Eigenthum, also solche, die in Mangel dieser oder jener Art ihren Grund haben, denn was einer hat, stiehlt er nicht. Das Verhaltnisz der Verbrechen gegen Eigenthum zur Volkszahl, das sich in den Niederlanden wie I : 7140, in Frankreich wie 1 : 1804 stellt, stand zur Zeit, als Gaskell schrieb, in England wie 1 : 799! das der Verbrechen gegen Personen zur Volks zahl in den Niederlanden wie 1 : 28904, in Frankreich wie 1 : 17573, in Engeland wie 1 : 23395; das des Verbrechens überhaupt zur Volkszahl in Ackerbaudistrikten wie 1 : 1043, in Fabrikdistrikten wie 1 :84c)1); in ganz England stellt sich dies jetzt kaum auf 1 : 660 2), und es sind kaum zehn Jahre, seit Gaskell's Buch erschien!"3) !) Manuf. Popul. of Engl. chapt. 10. (N. d. F. E.). 2) Die zahl der überführten Verbrecher (22733) dividirt in die Volkszahl (circa 15 millionen). (N. de F. E.). 3) p. 132—134- Voir aussi les auteurs suivants: Platon. la République I. 5.; Ch. Fourier, Theorie des quatre mouvements 111 Partie; Le nouveau monde industriel et sociétaire sect. VI; L. Blanc. Organisation du Travail p. 57 sqq; W. Weitling, Garantien der Harmonie und Freiheit p. 53—54 et 104—105; C. Pecqueur Des Améliorations matérielles p. 86—88, 232 — 234, 239 — 241; P. J. Proudhon, de la Justice dans la Révolution et dans 1'église, p. 533-534. CHAPITRE DEUXIÈME. Les statisticiens. I. A. M. GUERRY. Dans son „Essai sur la statistique morale de la France," 1'auteur a fait des études sur 1'influence de 1'age, du sexe, des saisons, de 1'instruction etc. sur la criminalité. Mais 011 y trouve a peine un exposé de 1'influence des conditions économiques sur le sujet qui nous occupe. Les quelques phrases suivantes qui s'y rapportent ne sont pourtant pas dénuées d'intérêt. „La richesse, représentée a-la-fois par la quotité de la contribution personelle et mobilière et par le revenu territorial, se rencontre plus souvent que 1'agglomération de la population avec les attentats contre les propriétés, dont elle parait ainsi une cause indirecte. Nous observerons cependant que le maximum de la richesse établie par la combinaison de ces deux éléments tombe, il est vrai, dans les départements du nord, oü se trouve aussi le plus d'attentats contre les propriétés, et son minimum dans celle du centre, oü ces attentats sont le plus rares; mais que d'un autre cöté, dans le sud, sa moyenne est presque aussi élevée que dans le nord, suivant la direction d'une courbe qui, commencant au département de la Charente, traverse une partie de la Guyenne, du Languedocque et de la Provence. Si dans le nord, c'est la richesse qui produit indirectement les crimes contre les propriétés, pourquoi n'en est-il plus de même dans le sud? De ce que les départements les plus pauvres sont ceux oü 1'on commet le moins de crimes contre les propriétés, il serait peu rigoureux de conclure que la misère n'est pas Ia cause principale de ces crimes. Pour justifier cette dernière opinion, que d'ailleurs nous sommes loin de rejeter, il faudrait des preuves plus directes. En efTet, il est possible que les départements oü il y a le moins de richesse, ne soient cependant pas ceux oü 1'on compte le plus d'indigens, et que les départements oü se trouvent les fortunes les plus considérables, soient précisément ceux oü la misère est en même temps la plus profonde pour une certaine partie de la population. La question de 1'influence de la richesse ou de la misère sur la moralité, présente plus de difficulté qu'on ne le soupconnerait du premier abord. Pour 1'étudier, il serait indispensable d'établir, dans chaque département, le nombre proportionnel des indigens et des mendiants. Quelques documents out été publiés, il est vrai, sur ce sujet, mais ils n'ont aucun caractère authentique, et ne paraissent pas mériter assez de confiance pour que nous en donnions ici 1'analyse." ') Plus loin Guerry constate que les départements, oü le commerce et 1'industrie sont le plus développés, fournissent aussi le plus grand nombre de crimes contre la propriété. Mais 1'auteur n'a pas recherché la connexité autre ces deux symptömes. Ouoique ne rejetant donc pas entièrement 1'hypothèse que la misère n'est pas la cause principale des crimes contre la propriété, Guerry reconnait néanmoins que la causalité entre pauvreté et crime est possible c. a. d. dans ce sens, que le département ou règne la plus grande misère n'est pas pour cette raison nécessairement celui qui est le plus pauvre, ni que le plus riche est celui qui compte le moins d'indigents. — Le sujet aurait été traité avec plus de clarté sans la terminologie confuse, pour ne pas dire inexacte, de 1'auteur qui nomme le département le plus riche celui oü se trouve le plus grand nombre de capitalistes. Car il va sans dire que la richesse ne tombe pas du cielcommela manne; il existe une causalité entre pauvreté et richesse. Un pays qui comptera beaucoup de capitalistes contiendra aussi beaucoup de pauvres et doit, par conséquent donner lieu a des délits contre la propriété; tandis qu'un pays oü 1'on ne trouve que peu de riches, comptera aussi peu d'indigents et produira un chiffre restreint de ces crimes. II serait donc plus exact de qualifier de pauvre un pays oü il y a beaucoup de riches, et de riche celui oü 1'on en trouve peu. 2) Plus loin on verra qu' entre autres le Dr. N. Colajanni donne la preuve convaincante que la société se préserve le mieux des crimes contre la propriété par 1'égalité et la constance des moyens d'existence. — 1) p. 42—43- 2) Pour une opimon analogue voir Quételet «Physique Sociale" II, p. 279. II. AD. QUÉTELET. I n exposé du systéme entier de eet auteur nous conduirait trop loin. Mais les citations suivantes, tirées de sa „Physique sociale," suffiront a démontrer la largeur de ses vues et la vaste conception de ses idees sur la société. „Ainsi, pour rendre notre manière de procéder sensible par un exemple, celui qui examinerait de trop prés une petite portion d'une circonférence trés grande, tracée sur un plan, ne verrait dans cette portion détachée qu'un certaine quantité de points physiques, assemblées d'une manière plus ou moins accidentée, plus ou moins arbitraire, et comme au hasard, quel que füt d'ailleurs le soin avec lequel la ligne aurait été tracée. Ln se placant a une distance plus grande, son oeil embrasserait un plus grand nombre de points, qu'il verrait se distribuer déja avec régularité sur un are d'une certaine étendue; bientöt, en continuant a s éloigner, il perdrait de vue chacun d'eux individuellement, n'apercevrait plus les arrangements bizarres qui se trouvent accidentellement entre eux, mais il saisirait la loi qui a présidé a leur arrangement général, et reconnaitrait la nature de la courbe tracée. II pourrait se faire même que les différents points de la courbe, au lieu d'être des points matériels, fussent de petits êtres animés, libres d'agir a leur gré dans un sphère très-circonscrite, sans que ces mouvements spontanés fussent sensibles en se placant a une distance convenable. C'est de cette manière que nous étudierons les lois qui concernent 1 espèce luimaine; car en les examinant de trop prés, il devient impossible de les saisir: 1 on n'est frappé que des particularités individuelies, qui sont infinies. Dans le cas même oü les individus seraient exactement semblables entre eux, il pourrait arriver qu'en les considérant séparément, on ignorat a jamais les lois les plus curieuses auxquelles ils sont soumis sous certaines influences. Ainsi, celui qui n'aurait jamais étudié la marche de la lumière que dans des gouttes d'eau prises isolément, ne s'élèverait qu avec peine a la conception du brillant phénomène de 1'arc-en-ciel; peut-être même 1'idée ne lui en viendrait jamais s'il ne se trouvait accidentellement dans les circonstances favorables pour 1'observer." ') „Dans tout ce qui se rapporte aux crimes, les mêmes nombres se réproduisent avec une constance telle, qu'il serait impossible de Ia méconnaitre, même pour ceux des crimes qui sembleraient devoir échapper le plus a toute prévision humaine, tels que les meurtres, puisqu'ils se ') P- 94-95 1- commettent, en général, a la suite des rixes qui naissent sans motifs, et dans les circonstances, en apparence, les plus fortuites. Cependant 1'expérience prouve que non seulement les meurtres sont annuellement a peu prés en mème nombre, niais encore que les instruments qui servent a les commettre sont employés dans les mêmes proportions. Que dire alors des crimes que prépare la réflexion ? Cette constance avec laquelle !cs mCines crimes se réproduisent annuellement dans le même ordre et attirent les mêmes peines dans les mêmes proportions, est un des faits les plus curieux que nous apprennent les statistiques des tribunaux; je me suis particuliérement attaché a la mettre en évidence, dans mes différents écrits; je n'ai cessé de répéter chaque année: il est un budget quon paye avec une régularité effrayante, e'est celui des prisons, des bagnes et des échafauds; c'est celui-la surtout 539 ! 441 559 id. de correction de St. Berne (1838—47) j 3,997 5,085 440 560 id. de détent. milit. d'Alost (1838—47) 3,193 3,615 469 531 Pénitentdes femmes a Namur (1840—47) 896 1,501 374 626 id. desjeunes délinq.aSt. Hub.( 1844—47) 372 410 476 524 totaux 10,308 12,767 447 553 Dans 1'espace de 10 ans, de 1838 a 1847, 23,075 condamnés ont été écroués dans les maisons centrales du royaume: 10,308 appartenaient aux deux Flandres et 12,767 aux autres provinces; la proportion, sur 1,000 condamnés, a donc été de 447 pour les deux premières provinces et de 553 pour les sept autres. Or, cette proportion dépasse considérablement celle des populations respectives des deux grandes divisions qui, pour 1,000 habitants, n'en donne que 331 aux Flandres et 669 au reste du royaume. En d'autres termes, pendant la période décennale précitée, il y a eu un condamné écroué dans les maisons centrales sur 139 habitants dans les Flandres et sur 227 dans les sept autres provinces. 2. Le second fait est la progression du nombre des prévenus et des condamnés dans les provinces flamandes pendant les dernières années, et particulièrement depuis la crise alimentaire qui a éclaté en 1845; on pourra en juger par le relevé suivant: Condamnés Nombre des Nombre . , accuses Comdamnés a 1 emprisonnement. iu«-és con- ANNÉES. de * . . crimi- d'un de moins tradictoire- prevenus. ment et par nellement. an et P'us- d 1111 an- contumacc j Flandre Occidentale 1841 3,242 146 l,S87 85 65 1842 3,638 201 1,967 62 48 1843 3,724 273 2,071 83 64 1844 3,993 169 2,136 87 70 1845 3,8ii 192 2,280 76 62 1846 5,622 278 3,864 139 112 1847 7,132 439 5,019 119 92 Flandre Orientale. 1841 3,905 132 1,641 98 78 1842 4,403 154 1,944 69 50 1843 4,611 185 2,004 88 62 1844 4,501 193 1,965 96 69 1845 5,'73 180 2,627 32 20 1846 6,780 234 4,545 99 77 1847 9,650 443 6,415 118 85 On remarquera que, pendant un espace de 7 ans, le nombre des prévenus dans les deux Flandres a augmenté dans la proportion de 7 a 17 environ ; celui des condamnés a 1'emprisonnement s'est accru, durant le même intervalle, de 35 a 123, c'est-a-dire qu'il a presque quadruplé. L' augmentation a été moins considérable pour les accusés et les condamnés criminellement; elle se ressent cependant de 1'accroissement général du nombre des inculpés. Ces données se trouvent confirmées dans le relevé du nombre des individus écroués dans les maisons de süreté et d'arrêt des deux Flandres, ainsi que dans la population moyenne de ces établissements durant la période de 1839 a 1848: Flandre Occidentale. Individus écroués 1 | Population dans les maisons de süreté et d'arrêt de j ( moyenne Années. — ,— ——— Totaux. des Quatre Bruges Courtrai Ypres Furnes | réunte^ 1 ^39 I.578 592 572 j 169 2,911 233 1840 1,502 643 821 196 3,162 238 '84' 1 >377 795 599 175 2,946 311 1842 1,489 863 i 836 271 | 3,459 346 1843 I,478 922 790 298 3,488 374 1844 1,502 941 696 270 3,409 ' 379 1845 1,876 935 600 254 ; 3,665 376 1846 2,378 1,108 935 601 5,022 574 1847 3-751 2,012 1,238 909 7,910 820 1848 2,859 1,960 1,070 690 6,579 694 Flandre Orientale. Individus écroués dans les maisons de süreté et d'arrêt de ' Population Années. —_____ j Totaux. ! m°yenne des ' trois prisons Gand , Audenarde | Termonde I réunies. I 1 1 j 1839 2,094 842 7J4 3,690 ' 289 1840 2,311 919 852 4,082 357 1841 2,163 771 852 3,786 351 1842 2,171 844 905 3,920 333 1843 3,6io 991 870 5,471 408 '844 2,548 760 718 4,026 345 '845 2,579 1,061 1,461 5,ioi 360 1846 5,499 2,732 2,092 10,323 619 1847 7,491 6,943 3,240 17,674 972 1848 6,309 4,462 2,829 13,600 j 698 L augmentation du nombre des individus écroués dans les maisons de süreté et d arrêt des deux Flandres porte surtout sur les années 1845, 1846 et 1847; en 1848, on remarque un mouvement décroissant assez prononcé qui continue en 1849. De tous les signes propres a constater 1 existence et les progrès du pauperisme, celui-ci est peut-être le plus certain. Pendant les années désastreuses qui viennent de s'écouler, les prisons sont devenues en quelque sorte des succursules des hospices et des dépóts de mendicité; un grand nombre d'offenses ont été commises dans 1'unique but d'y trouver asile, et 1'on a vu, dans quelques localités, des malheureux se presser aux portes des parquets pour solliciter leur tour d'admission dans les lieux qui ne devaient contenir que des criminels. Depuis 1846 surtout, les campagnes ont déversé dans les villes des bandes de femmes et d'enfants affamés, qui ont dü être mis en arrestation du chef de mendicité et de vagabondage, pour être ensuite renvoyés dans leurs communes. Ainsi en 1846, 1847 et pendant le ier semestre de 1848, sur un nombre de 24.604 détenus écroués dans la seule maison de süreté de Bruxelles, il y a eu 19.456 individus des deux sexes et de tout age appartenant aux deux Handres. 3. Quant aux enfants, on comprendra l'imminence du danger lorsqu'on se répresentera que, dans le court espace de 3 ans, de 1845 a 1847, 26,247 enfants et jeunes gens des deux sexes, agés de moins de 18 ans, ont été incarcérés dans les prisons et reclus dans les dépóts de mendicité.1) La plupart de ces enfants appartenaient aux deux Flandres, un grand nombre ont été arrêtés hors des limites de leur province; voici quelle a été la progression du nombre de ceux qui ont été écroués dans les maisons de süreté de Gand et de Bruges et dans les maisons d'arrêt d'Audenarde, de Termonde, de Courtrai, d'Ypres et deFurnes: Jeunes Détenus Total pendant les 3 années. (au-dessons de ib ans) j Villes. 1 écroués en T"" T . , _____ _ ____ , n T-11 1 otal 7 1 o > i o 1 Garcons. rilles. , - , 1845 | 1846 | 1847 j ' | general. Prisons de la Flandre Orientale. Gand ... 350 1,345 I 1,898 2,671 I 922 3,593 Audenarde. 207 ! 315 674 ! 929 J 267 : 1,196 Termonde . 123 235 406 616 148 764 Prisons de la Flandre occidentale. Bruges . . 459 299 550 1,110 198 1,308 Courtrai. . 116 170 331 560 57 617 Ypres . . 70 184 250 414 90 504 Furnes . . 43 ^39 57 J5J ^ 239 Totaux . I i7368 2,687 4,166 6,451 1,770 8,221 Ce fait déplorable de 1'accroissement de la criminalité dans 1'enfance trouve son explication dans lastatistiquedel'indigence. Nous voyonseneffet que, parmi les indigents secourus dans la Flandre Orientale, en 1847, il y avait: ! Villes. [Campagnes] Total. i° Indigents Agés de moins de 6 ans 6,693 34<^37 4I>53° 20 " ld. ' id. 12 „ 8,327 37.437 45.764 30 ld. id. 18 „ 5,597 | 20,060 25,653 Total général . . 112,947 l) Ed. Ducpetiaux, Mémoire sur 1'organisation des écoles de reforme. 1848, p. 8 et 9. (Note de D). I Les chiffres des deux premières catégories sont indiqués dans „1'Exposé de la situation de la Flandre oriëntale pour 1848", page 101. Le chiftre de la troisième catégorie s'obtient en appliquant la moyenne des indigents, soit 2426/,00 p./„ dans les villes et 29™/100 p.o/0 dans les campagnes, au chiffre de la population de 12 a 18 ans, laquelle s'élève: Dans les villes, a 22,718 Dans les campagnes, a 68,002 Total . . . 90,720 En supposant que la Mandre occidentale, qui compte proportionncllement plus d indigents encore que la I'landre oriëntale, présente la mème proportion d enfants, 011 arrivé, pour les deux provinces, a un total de 225,894 indigents dont l\ige ne depasse pas dix-huit ans. Dans ce nombre, il y en a 174,588 qui n'ont pas' dépassé leur douzième année! Et il y a des milliers d'orphelins! Malgré 1 améiioration qui commence a se faire sentir, grace a la ïeprise partielle du travail et au bas prix des subsistances, beaucoup de ces jeunes infortunés continuent a se livrer au vagabondage et a la mendicité. Chassés naguère de leurs foyers par le froid et la faim, ils forment une population errante, incessamment ballotée de dépot en dé'pót, de prison en prison. A Bruxelles, dans ce moment (Juillet 1849), ^ ®e trouve encore, dans la succursale de la maison de süreté, environ 250 mendiants, parmi lesquels on compte 97 enfants au-dessous de 1'age de 17 ans. Dans les maisons de süreté, de Gand et de Bruges, leur nombre est également considérable. On remarque avec peine que les enfants fournissent toujours tin contingent considérable aux arrestations. II en ent re encore environ 50 & 60 par mois dans la seule prison de Bruges. Ces enfants appartiennent presque tous a la population rurale: ils sont généralement agés de 10 a 15 ans; 2/g appartiennent au sexe masculin, /3 environ au sexe féminin. Les uns sont avec leur familie; les autres, et c est le plus grand nombre, sont seuls; beaucoup sont orphelins." ') „C est donc la un fait bien constaté: 1'accroissement de la criminalité dans les Flandres a marché de pair avec 1'extension de la misère. Cellc-ci provoque 1 abandon des foyers, et, dans quelques communes, on a vu eet abandon favorisé par les administrations elles-mêmes: de la la mendicité, le vagabondage, le maraudage et le vol. L'incarcération forcée dun si grand nombre de malheureux entraine les conséquences les plus désatreuses. Des germes de corruption, d'abrutissement et de crime sont incessamment inoculés a une fraction nombreuse de la population. Les habitudes de travail se perdent, le ressort se détend, 1'oisiveté devient incurable. Lorsque 1 011 songe surtout a la masse d'enfants qui, pendant les dernières années, ont passé par les prisons et les dépots dé mendicité, 011 ne peut envisager sans une pitié, melée decrainte, 1'avenir de cette génération initiée, dès le premier age, a 1'existence des criminels et comdamnée aux dangers et aux maux inséparables du délaissement et de la dégradation auxquels elle est en proie." 2) P- 39-46. 2) P- 47- IV. L. M. MOREAU-CHRISTOPHE. ') Apres avoir esquissé, en parlant de 1'Angleterre, comment 1'industrialisme, en s'étendant de plus en plus, entraine après lui un accroissement du paupérisme, 1'auteur dit de la connexité entre la criminalité et les conditions économiques: „Parallèllement au chiffre ascendant du paupérisme, monte et s'élève progressivement le ehiffre croissant de la criminalité. — Le nombre des accusés traduits devant les cours d'assises d'Angleterre et du pays de Galles s'ést élevé, savoir: ' "I Années | Totaux Moyenne annuelle 1 — 1814 a 1820 78,762 11,252 1821 a 1827 | 99,842 14,263 1828 a 1834 134,062 19,152 1834 a 1840 162,502 23,214 1841 a 1847 193,445 27,760 Ainsi, dans un espace de trente-quatre ans, le nombré des crimes a plus que doublé en Angleterre, tandis que, dans le même intervalle, 1'augmentation de la population n'a guère dépassé 40 pour cent. Et eet accroissement menace de devenir encore plus grand; car les tables officielies de la criminalité pour 1848 (les dernières qui nous soient connues) portent le nombre des „criminel offenders", pour cette année, a 30,349, — chiffre qu'il n'avait pas encore atteint! Le parallélisme entre le paupérisme ascendant et la criminalité ascendante est plus frappant encore quand la comparaison s'applique aux delinquants de la juridiction sommaire des juges de paix. Jusqu'a 1'institution des „workhouses", en 1834, nous avons vu le nombre des pauvres secourus s'élever progressivement d'année en année. Eh bien! le nombre des individus arrêtés par la police métropolitaine a suivi la même progression. Ce nombre était de 72,824 en 1831, et de 77,543 en 1832. En 1833, approchent „l'Amendurcnt Act" et ses terribles „workhouses"; dès lors, le nombre des arrestations 11'est plus que de 69,959. En 1834 est promulguée la loi, et, jusqu'en 1838, elle s'exécute avec la plus grande rigueur; dès lors, nous voyons le nombre des arrestations décroitre et baisser a 64,269 en 1834, a 63,674 en 1835, a 63,584 en 1836. — En 1837, la sévérité commence a se relacher; de suite le chiffre des arrestations monte a 64,416. — En 1839, le relachement continue, et le chiffre des arrestations s'élève a 70,717. Le relachement est a son comble en 1842, et le nombre des !) »Du Problème de la misère et de la solution chez les peuples anciens et modernes." III (Peuples modernes). arrestations atteint le chiffre de 76,545 ; — ce qui donne une arrestation sur 25 habitants. A Xewcastle, en 1837, les magistrats ont condamné correctionnellement 1 individu sur 24 de la population totale. *) A Leeds, pendant une période de six ans, de 1833 a 1838 il y a eu un individu d'arrêté sur 32 habitants. 2) A Manchester, 13,345 individus ont été arrêtés, en 1841, sous prevention de diverses offenses. Le rapport du nombre des individus arretes a la population a été conime 1 a 21. Sur 21 habitants, sur moins de 5 families, 1 arrestation! Kn 1831, dix ans auparavant, la proportion netait encore que de rintervalle'^" ^ ^ 'labltantS- Elle a donc Presque quadruplé dans A Liverpool, il y a eu, en 1840, 1 arrestation sur 12 habitants!"4) '. lnfantlcide, rare antrefois, devient de plus en plus fréquent de nos jours. II s accroit en raison du nombre croissant des naissances 1 egitimes. C est par les filles-mères que la presque totalité des infanticides est commise. Le nombre moyen annuel des enfants qui re^oivent ainsi la mort est immense en Angleterre." 5) Oue dirons-nous des infanticides, bien plus nombreux, qui restent ensevehs dans le mystère de leur perpétration domestique? usage des narcotiques, employés pour faire dormir les enfants par les meres que la pauvreté force a travailler- loin d'eux dans les manufactures, est une cause latente de dépérissement et de mort pour les pauvres petites créatures a qui „1'opium" tient lieu de „crèches". Les c roguistes, intcrrogés sur ce point, ont refusé de reconnaitre 1'étendue du mal; maïs, tandis qu' ils niaient le fait, les vitres de leurs boutiques le proclamaient bien haut, en étalant aux regards des passants 1'annonce du „cordial Godfrey , du „Repos des mères", du „Sirop Calmant", etc. Des enfants qui echappent a cctte cause de mort sont recus, devenus grands, dans les „ragged Schools". Mais, hélas! en même temps que ces ecoles se propagent, le cercle du vice et de la criminalité s elargit chez 1 enfance, chez 1 adolescence en haillons. Le nombre des dehnquants au-dessons de vingt ans va, en effet, croissant, a Londres. p " , f 3n7' ! eta,t "'781: en 1838, de 14,535! en 1839, de 13,587; en 1840, de 14,031 ; en 1845, de 14,887 .... A Liverpool, dans une période de quatre ans, du ier juillet 18^^ au 3° juin 1837, le nombre des délinquants au-dessous de dix-huit ans, tradu.ts devant les magistrats de paix, a été, en 1835, de 924; en 1836, de 1,266; en 1837, de 1,859. de Manchester. ,?™^ression 'se fait remarquer chez les jeunes délinquants dc M.-C °y' W'C' Tayl°r' Tour in the Jnamifacturing districts of Lancashire, 1842. (note IZ"'"! n stat,st" Society of London, t. I, p. 324 (note de M.-C.) •') Ibid., t. II, p. 413. (note de M.-C.) 4) p. 222 — 224. '2 »Morning Chronicle" du 22 décembre 1849. (note de M -C ) ) p. 225 — 220. '/ V. H. MAYHEW ET J. BINNY. Dans leur oeuvre: „The criminal prisons of London" les auteurs essaient de prouver par la planche graphique ci-jointe qu'il n'y a pas de rapport entre criminalité et conditions économiques. ') 1'our arriver a cette conclusion ils ont comparé les prix du blé durant 15 années au cours de la criminalité durant la mcme période. Ces deux courbes YEARS. (The dotted line indicates the price of corn, and the black line the ratio of criminality). présentent bien quelque conformité, mais elle est pourtant minime, conime les auteurs eux-mêmes le font ressortir. — Mais cette conformité ne justifie pas du tout, a notre avis du moins, la conclusion citée plus haut. II y a des periodes dans lesquelles le cours des prix du blé peut servir de base a une démonstration de 1'influence des conditions économiques. Plus d'un statisticien a réussi a !) Voir p. 450-451. 4 démontrer un parallélisme entre les courbes des prix du blé et celles de la criminalité (et particulièrement celle des délits contre la propriété) durant certaines périodes; mais ils avaient plus de données a leur disposition que Mayhew et Binny. Cependant il n'est pas permis de conclure a la négation de 1'influence des conditions économiques, si 1'on ne peut pas prouver ce parallélisme. Dans une période p. e. oü le prix des blés est bas, une crise industrielle peut se produire par laquelle des milliers d'ouvriers sont réduits a 1'indigence. Dans ce cas il se peut que 1'influence de la baisse du prix des blés soit neutralisée par la crise. — VI. G. MAYR. i Les données statistiques qui servent de base au travail du Dr. Mayr „Statistik der gerichtlichen Polizei im Königreiche Bayern und in einigen anderen Landern," ') sont d'un autre genre que celles dont on se sert d'ordinaire pour un travail analogue. Car, tandisque généralement on ne prend en considération que soit le nombre des crimes connus a la justice et dont les auteurs ont été condamnés, soit celui des délinquents punis, le Dr. Mayr est d'avis que, pour obtenir une image juste de la moralité d'un peuple, il faut porter en compte le nombre des crimes connus a la police judiciaire. „VVenn man sich aber in der That ein genaues Bild von dem Sittlichkeitszustande einer Bevölkerung verschaffen will, sollte man doch vor allem fragen, wie grosz die Zahl der überhaupt bekannt geworden Reate bei den verschiedenen Arten der Rechtsverletzungen ist, bevor man fragt wie hoch sich die Zahl der Individuen belauft, welche wegen bestimmter Reate verurtheilt wurden. Die Immoralitat eines Volkes bemiszt sich doch nicht nach der Zahl der verurtheilten Individuen, sondern nach der Zahl der begangenen Reate; sonst müszte jenes Volk das Moralischste sein, bei welchem sich nie ein Thater erwischen laszt, wenn auch an sich mehr Reate begangen wurden als anderswo. Man dürfte nur dann von einer Betrachtung der an sich vorgefallenen Rechtsverletzungen absehcn und mit der Untersuchung der Zahl der abgeurtheilten oder verurtheilten Individuen sich begniigen, wenn zeitlich und raumlich das Verhaltniss der abgeurtheilten und verurtheilten Individuen zu den begangenen Reaten bei den einzelnen strafbaren Reaten stets das glcichc ware. Dies ist aber nicht der Kali." 2) La Bavière (Bayern). Les résultats des recherches pour ce qui concerne la Bavière sont représentés par les 9 planches ci-inserrées, pour 1'usage desquelles il faut observer: x) Inutile d'analyser »die Gesetzmassigkeit im Gesellschaftsleben" du même auteur, ouvrage traitant en partie la même question et basé sur des données empruntées au «Statistik der etc.'' 2) P- 2-3- a. que les lignes verticales divisent la période 1835/6—60/1 en années. b. que les colonnes horizontales contiennent: 1. Le nombre des crimes sur 100.000 habitants; 2. les prix du seigle en sechsers (+55 centimes); 3. le nombre d'émigrants sur 100.000 habitants. c. que la désignation des courbes est la suivante: la courbe marquée Sutnme V. — nombre des délits privés et publics. 1» u i) h. r. 11 ij IJ 11 . .1 .1 Off. V. = „ „ „ publics. 1, ii „ Eig. V. -- „ „ „ contre la propriété. 11 11 ii Pers. V. — „ „ „ „ „ personne. •1 11 „ Getr. P. — mouvement des prix des céréales. I, „ „ Auswdg. = nombre des émigrants. Territoire ci-Rhénan. (Gesammtgebiet diesseits des Rheins). (Voir planche N°. VIII). Une comparaison des courbes des délits contre la propriété a celles des délits contre la personne nous fait voir que la première descend lorsque 1'autre monte, et vice-versa. Kn recherchant les causes on trouve qu'en général les motifs du dernier genre de crimes sont entre autres: la grossièreté, la passion et le dérèglement, tandis que celui du premier genre de crime est le penchant a s'emparer des objets pour un usage direct. Plus il sera difficile de gagner sa vie d'une manière licite, plus ce penchant se développera. Or, cette difficulté peut étre subjective, (c. a. d. lorsque les revenus diminuent ou cessent) ou objective (c. a. d. lorsque les prix des denrées augmentent considérablement). Ces conjonctures peuvent donc donner lieu non seulement a une baisse du „standard of life", mais elles peuvent également priver les victimes même du stricte nécessaire. D'après 1'auteur, les fluctuations du prix des blés est un des facteurs les plus importants qui agissent sur la criminalité. Aussi, en examinant les 9 planches statistiques, la connexité entre la hausse ou la baisse des prix du blé, et la hausse ou la baisse du nombre des délits contre la propriété saute clairement aux yeux, même a tel point que le Dr. Mayr en conclut: „Die Linien sind so überraschend paralell, dass man nicht anstehen kann zu bekennen, dass in der Periode 1835/61 so ziemlich jeder Sechser, urn den das Getreide im Preise gestiegen ist, auf je 100000 Einwohner im Gebiete diesseits des Rheines einen Diebstahl mehr hervorgerufen had, wahrend andererseits das Fallen des Getreidepreises um einen Sechser je einen Diebstahl bei der gleichen Zahl von Einvvohnern verhütet hat". ') 1'ar contre la courbe des délits contre les personnes descend quand les prix montent, et v. v. La combinaison de 1'allégement de 1'existance, tant subjective qu'objective, (Nahrungserleichterung) doit par conséquent exerceruneinfluence considérable sur la criminalité. Cela se voit aussi trés bien sur la planche: dans les dernières années de la période 1835—61 les prix du ble étaient bas et les salaires généralement montaient. De la, dès 1857, ') p. 42, augmentation des délits contre la personne et diminution des délits contre la propriété. — Ici nousdevons faire observer que, quelque juste que soit en elle même 1'observation du Dr. Mayr, il faut se garder d'en tirer la conclusion erronée que ceux qui se ressentent le plus de 1'influence de la baisse des prix et de la hausse des salaires doivent, nécessairement d'après une loi de la nature, comn:ettre des crimes contre la personne. Cela n'est vrai que pour les individus, grossiers et incultes, qui ne savent occuper leurs loisirs, qu'en des distractions, pouvant facilement engendrer des délits contre la personne. Maisle degré decivilisationd'un individu dépendavanttoutdesconditionséconomiquesdans lesquelles il a été placé par sa naissance. II y a donc des causes économiques pour chacune des deux sortes de crimes. — Quant a 1'émigration, nous voyons qu'elle aussi, augmente dans les années, oü les prix sont élevés. Elle diminue la criminalité car elle éloigne les individus qui, autrement tomberaient facilement dans le crime; tandis que 1'affluence d'individus qui, économiquement, ne sont pas indépendants, a par contre des suites funestes. En 1846/7 le nombre des délits contre la propriété était un peu plus élevé qu'en 1853/4, kien que les prix du blé eussent monté dans ces dernières années; ce qui s'explique par 1'émigration qui, en 1853/4, fut presque le doublé de celle des années 1846/7. La Haute Bavicre (Oberbayern) (Voir planche I) ce district montre un chiffre de criminalité plus élevé qu'aucune autre province de la Bavière. C'est surtout la grande augmentation depuis 1857/8 qui saute aux yeux et qui s'explique du moins partiellement, par 1'application d'un autre système pour rechercher les délits. L'accroissement du nombre des délits contre la personne est la conséquence des années prospères, tandis que la hausse du chiffre des crimes contre la propriété s'explique par la grande affluence d'individus qui, originaires des pays environnants, au point de vue économique n'étaient pas indépendants. Dans la période de 1837/64 la population s'augmenta de 49128 personnes par la naissance, et de 66299 qui s'y établirent. La Basse-Baviire (Niederbayern) (voir planche II) donne presque le même résultat que la Haute-Bavière, c. a. d. surtout pour ce qui concerne le grand accroissement des chiffres de la criminalité durant les dernières années, dans lesquelles 1'émigration fut peu importante. Le rapport des crimes contre la propriété avec le prix des blés est plus faible dans cette province que dans les autres, a cause de sa production plus grande de céréales, qui, pour la plus grande partie, sont destinées a la consommation dans le pays même. Le Haut-Palatinat (Oberpfalz) (voir planche III). Cette planche aussi nous montre tres distinctement la justesse de la thèse du Dr. Mayr qu' „une augmentation (resp. diminution) des délits contre la propriété et une diminution (resp. augmentation) des délits contre la personne vont de pair avec une hausse (resp. baisse) du prix des blés." La Haute Francouic (Oberfranken) (voir planche IV) en donne aussi des preuves évidentes. Aussitöt que les prix montent considérablement dans cette province, 1'émigration y prend de trés grandes dimensions, d'oü une criminalité proportionellement moindre que celle des autres provinces. La Franconie Centrale (Mittelfranken) (voir planche V) Idem. La Basse-Franconie (Unterfranken) (voir planche VI). Dès que, dans ce district, les conditions économiques deviennent défavorables, 1'émigration y augmente. II n'est pas impossible que les vendanges abondantes de la fin de la période en question ont influencé 1'augmentation des délits contre la personne et des délits contre la chose publique. La Soitabe (Schwaben) (voir planche VII). Ici encore on trouve des preuves très-convaincantes pour la thèse du Dr. Mayr. La oti il traite des formes diverses des délits, nous lisons les observations suivantes, qui sont intéressantes pour notre sujet: „ainsi que nous venons de le voir, les crimes contre les personnes diminuent quand les prix des blés montent. II faut pourtant exclure de cette règle deux espèces de crimes: celui de 1'infanticide et celui de 1'avortement." Le premier de ces crimes atteignit son maximum dans les années de crise 1854/5 et le second en 1853/4. Comme preuve de la coïncidence des fluctuations des délits contre la propriété avec celles des prix du blé, dans la période précédant celle qu'il étudie spécialement le Dr. Mayr donne le tableaux suivant: Nombre des crimes contre la propriété sur 100.000 habitants. Annéf»« District de | District du Bas-! Prix du seigle ' : 1'Isar. | Danube. | a Münich. 1818/19 — 138 8 fl. 15 kr. 19/20 — 148 , 6 31 20/21 233 157 7 28 21/22 297 200 7 58 22/23 267 195 7 57 23/24 276 — 62 24/25 295 166 6 59 25/26 317 157 6 18 26/27 315 144 6 55 27/28 463 241 11 11 28/29 416 234 11 6 29/30 | 401 216 10 48 30/31 427 264 11 12 31/32 530 302 12 35 32/33 493 313 8 21 33/34 ; — | 318 ^ 42 34/35 487 318 7 47 Le Palatinat (Pfalz) (voir planche IX). Cette planche nous fait voir une fois de plus que les délits contre la propriété augmentent lorsque les prix montent, et que les délits contre la personne diminuent en même temps, et v. v. Puisque dans le Palatinat le vagabondage et la méndicité sont comptés parmi les délits privés, ce genre de délits suit également tant soit peu le mouvement des prix. Dans le chapitre IV („Zahl und Bewegung der Polizeiübertretungen im Gebiete diesseits des Rheins") le Dr. Mayr donne quelques renseignements intéressants sur les vols de bois. Le tableau suivant donne les chiffres de ces crimes dans ce district comparés a ceux des autres: Au-dessus de la moyenne (territoire ci-Rhénan). Le Haut-Palatinat. . . 18°/0 La Haute-Franconie . . 80 „ La Basse-Franconie . . 178» Au-dessous de la moyenne (territoire ci-Rhénan). La Franconie centrale . 1 °/0 La Souabe 63 „ La Haute-Bavière . . 99.2 „ La Basse-Bavière. . . 99.5 „ La grande différence entre ces chiffres s'explique par le fait que dans la Basse-Franconie un quart seulement des bois appartient a des particuliers (les autres appartiennent a des corporations etc). Dans la Haute-Bavière la propriété forestière privée est de 92°/0 et dans la BasseBavière de 961 /2°/o de la totalité. En outre, les prix du bois sont trèsélevés dans la Basse-Franconie. Donc, une fois de plus, les conditions économiques sont la cause des crimes. Sur le mouvement des chiffres de la méndicité le Dr. Mayr dit qu'ils sont fortemcnt influencés par le prix des denrées de première nécessité. „Die parallelle Bewegung der Getreidepreise und der Mendicitat bietet wenig Ueberraschendes mehr, wenn mann aus der Statistik der zur Anzeige gekommenen Verbrechen und Vergehen weiss, dass die objektive Nahrungserschwerung oder Nahrungserleichterung, welche sich als Folge der I'reisschwankungen des Getreides ergibt, einen direkten Einflusz auf die Zunahme und Abnahme schwerer Rechtsverletzungen, namentlich der Angriffe gegen das Eigenthum auszert. Es is erklarlich, dass nur ein kleiner Theil der ökonomiscli unselbstandig gewordenen Individuen zu schweren Rechtsverletzungen vorschreitet, wahrend die Mehrzahl durch die blosse Rechtsgefahrdung des Bettelns und Vagirens abgeleitetes Einkommen anstrebt. Dieselbe Wirkung, welche in der Zunahme und Abnahme der Eigentumsbeeintrachtigungen hervortritt, musz sich daher folgerichtig noch weit intensiver in den Schwankungen des Bettelns und Vagirens zeigen." Prix du seigle Nombre des mendiants et vagabonds arrêtés (boisseau de sur 100.000 habitants. Bavière). Années. Territoire >T ci-Rhénan. : Palatinat. La HauteBavière. La BasseBavière. Le Palatinat. Lc HautPalatinat. La HauteFranconie. La Franconie centrale. La BasseFranconie. La Souabe. X 3 O a "2 1835/36 653 8172696 1558 1542 19522165 1348 665 1456 1685 '836/37 731 10262100 1839 2075 22772421 1229 711 1262 1727 1837/38 10181221 2065 2483 2472 22332255 1438 639 1306 1842 '838/39 11 3013402232 1989 2056 20762195 1435 519 1640 1771 i839 40 io35 '2| 62032 1805 2238 21 ii 2584 1233 5'5 1829 1781 1840/41 84910 41887 1608 1845 171 i l8lo ioo6 410 153i 1467 i84i 42 91412.39 1777 1318 1878 1625 i814 ioo8 434 1599 1433 '84243 14'o 15 19 i.sio 1757 2479 2365 2679 1450 6152177 1893 1843/44 '4 ' '028 1905 1690 1970 2286 2264 1475 475 2151 1758 184445 15'5'3 30 1857 1698 2411 23641412 1119 4231722 1622 1845 46 19 53 21 45 2182 1836 3528 2856 1447 1475 535 2332 2033 '846/47 21 3622 44 2902 2166 4276 3757 1904 1850 949 2586 2584 1847/48 10 12 1022 1916 1635 2704 2290 1348 1364 548 1985 1746 1848/49 734 846226914392555 13601015 1270 5861545 1563 1849/50 757 8157234615282801 1782 991 1351 716 1893 1686 1850 51 12 20 13 10 2213 1790 3269 1734 1096 1294 1002 2023 1845 '851 52 17 53 '5 57 2927 2243 4562 3030 1637 2274 2236 2969 2705 '852/53 '73917462572 1918 5010 2289 2017 1795 2165 2535 2592 '853/54 23 3824 13 2932 2097 5854 2983 2127 2282 2894 2671 3027 1854/55 23 192338 2964 2591 5026 332624702215 2831 2804 3229 '855 56 174522 2 2423 1817 4637 2367 2050 1595 2515 1939 2443 '856 57 '5 26 18 5 2157 '724 3265 2059 ' '76 1412 1931 1435 1922 1857 58 12 31 1258 1956 1237 2595 1537 588 974 1621 1203 1505 1858/59 10281213 '949 11702309 1334 462 497 9401029 1255 1859/60 11 45 15 15 2084 1219 2622 1538 525 890 9941105 1419 1860/61 14 8 16 19 2055 1304 2580 1318; 484 720 7501069 1336 Moyenne 13 35 1444 2234 1741 3083 2 I 5 5 1649 1388 1120 1842 i92o1) Angleterre. En parlant de 1'influence des conditions économiques sur la mendicité, le Dr. Mayr donne le tableau suivant: p. 136-137. ANGLETERRE ET GALLES. Années. ! Prix du froment (Quarter). j Nombre des vagabonds. sh. d. 1858 44 2 22559 i's59 43 10 23353 1860 j 53 3 22666 1861 55 4 24001 1862 55 51/2 29504 1863 44 9 33I82 '864 40 2 31932 Cependant, pour ce cas-ci la cause de 1'accroissement de la mendicité ne siège pas uniquement dans les prix ëlevés, mais aussi dans la crise, qui, pesant dès 1860 sur 1'industrie cotonnière, baissait le niveau d'existence des centaines de milliers d'ouvriers ou les jetait sur le pavé. ANGLETERRE ET GALLES. Nombre et genre de cas jugés par le jury. Délitscontrc Délitscontre . Attcntats 1 Delits , •'»'! •' raux et • , » 1, la propnete la propriete f violents Autres ,r 4 , Annces. contrc la 1 . r r • fausse mon- 4 , Fotal. avcc vl°- sans vio- . contre la clelits. personnc. , ^ , maie. 1 lcnce. lcnce. propnete. 1858 14 29 233 13 2,5 4,5 296 1859 13 22 209 11 3 5 263 1860 : 11 20 207 8,5 2,5 4 253 1861 1 12 25 200 8,5 2,5 4 252 1862 | 12,5 28 203 9,5 3 6 262 1863 14,5 26 194 9 3,5 7 254 1864 15 24 190 6,5 3,5^ 7 246 Moyenne. 13 25 205 9 3 5 260 Prix de céréales 1862: 55 sh. 5'/2 d. 1863: 44 „ 9 1864: 40 „ 2 „ lei 1'influence de la baisse des prix se voit distinctement; les délits contre la propriété ont diminué; ceux contre la personne, par contre, ont augmenté. Total des délits, jugés par les jurés, et des délits non spécifiés. Attentats contre la Attentats a la propriété Années. personne sans violence | sur ioo.ooo hab. j sur 100.000 hab. 1X58 439 439 1859 438 399 1860 399 . 392 1861 393 415 1862 403 433 1863 436 392 1864 469 365 Moyenne. j 426 405 La forte baisse des prix du blé en 1863/4 est encore une fois accompagnée d'une diminution des délits contre la propriété et d'un accroissement de ceux contre la personne. On pourrait conclure de ce tableau que 1'observation concernant les crimes contre la propriété et ceux contre la personne, n'est pas applicable puisque, en 1858, le nombre des crimes contre la propriété fut très-élevé, malgré le prix réduit du blé. Voici 1'explication que le Dr. Mayr en donne: „Der Grund dürfte folgender sein: Die in der Nahrungserleichterung liegende Veranlaszung zum Uebermuth folgt uumittelbar der cintretenden Nahrungserleichterung und erlischt sofort mit eintretender Nahrungserschwerung; desshalb harmonirt die Bewegung der Angriffe gegen die Person genau mit der Bewegung der Getreidepreise. Die Wirkungen der Nahrungserschwerung sind nur zum Theil solche die unmittelbar zu strafrechtlichen Reaten führen; in den meisten Pallen wird zunachst ökonomischer Ruin veranlasst, der erst mittelbar zu Angriffen gegen das Eigenthum treibt; desshalb auszern sich die Nachwirkungen der Nahrungserschwerung auch noch zu einer Zeit, wo diese im Wesentlichen schon gehoben ist; daraus erklart sich sowohl die hohe Ziffer der Angriffe gegen das Eigenthum im Jahre i«57. wo die Nachwirkungen der unmittelbar vorhergegangenen sehr bedeutenden Nahrungserschwerung sich geltend machten, als auch die nur allmahlige Zunahme der Angriffe gegen das Eigenthum in den Jahren 1860—1862."') Nombre des personnes contre lesquelles un procés a été intenté a cause de délaissement, sur 100.000 habitants. Années. Sur 100.000 hab. 1858 20 1859 18 1860 17 1861 21 1862 21 1863 19 1864 18 Moyenne. 19 ') p. 160—161. La baisse des prix du blé in 1863/4 est donc accompagnée d'une diminution du nombre des crimes de cette nature. ') CONTRAVENTIONS CONTRE LE „VAGRANT ACT." Sur 100.000 habitants. a ' Prosti- Mennnees. tu£es diants. Sans moyens d'existance. Munis d'outils a voler avec effraction. Présence avec des intentions criminelles dans tin batiment fermé. Présencedans des lieux publiés avec des intentions criminelles. Vagabonds incorrigibles. Autres délits contre le»Vagrant Act." Total. 1 ! 1 1858 51,4 50,2 18,9 0,3 14,2 l8,0 2,0 13,0 l68 1 «59 37,i 39,2 15,9 0,3 12,2 12,7 1,6 12,0 131 1860 33,6 37,9 15,2 0,2 1 i,S 10,1 1,2 9,4 119 1861 35,4 41,3 17,7 0,4 12,5 11,7 1,2 10,7 131 1862 41,4 55,4 20,1 [ 0,4 ! 14,0 14,5 2,1 12,8 161 1863 39,2 52,9 18,6 0,2 13,3 15,3 j 2,5 15,5 157 1864 35^8 46,0 18,0 0,2 13,3 14,8 2,2 12,7 143 Moyenne' 39 | 4.6,1 17,7 j 0,3 13,0 ! 13,9 1,8 12,3 144 Le maximum des infractions au „Vagrant Act" se présenta en 1858, lorsque les suites néfastes de 1'élévation des prix du blé, qui avait immédiatement précédé, se firent encore sentir; 1'accroissement vers 1861/2 est une suite de la hausse des prix du froment et de la crise dans 1'industrie cotonnière. France. Ont été arrêtés dans le département de la Seine . , ,, . , Prix moyens du froment Annees. Sur 100.000 nab. , . , par hectol. 1855 1222 fr. 29,37 1856 1170 30,22 1857 1169 23,83 1858 1154 16,44 1859 1008 16,69 1860 1 1074 20,41 1861 ' 1128 24,25 1862 1250 23,24 1863 1133 ! 19,78 1864 1158 I 17,58 lei aussi 1'influence des prix se fait sentir. Le tableau suivant donne le nombre des personnes arrêtées dans le département de la Seine, groupées d'après les crimes présumés, comparés aux prix du froment. Groupe I = Crimes et délits contre 1'ordre public. „ II = Crimes et délits contre la personne. ,, III = Crimes et délits contre les mceurs. „ IV = Crimes et délits contre la propriété. „ V = Crimes divers. Prenant 100 comme chifFre moyen du prix du blé ainsi que des crimes dans les années économiquement favorables 1858/9, la proportion devient alors la suivante: Anneés. Prix du froment. I II III IV V I O Parmi lesquels : pour O. < p tr ja crq g otq p ^ y Mendicité Total. Parmi lesquels pour coups et blessures. Total. Vol non qualifé. Total. 1 1 l ! ' 185511781 128 122 148 76 72 100 102 n6 106 113 1856 182 117 n8 114 81 80 104 106 121 92 108 1857 144 119 127 117 82 81 98 IOI 114 IOO 108 1860 123 96 90 134 103 106 100 110 123 80 99 1861 146 95 99 105 95 96 131 116 124 103 104 1862 140 120 128 147 94 98 108 116 131 108 116 1863 119 112 119 186 90 94 92 101 114 97 105 1864 106 115 124 176 84 87 85 iii 123 84 107 D'après les données mentionnées ci-dessus le Dr. Mayr calcule la seiisibilité de chaque espèce de crime par rapport a 1'aggravation de 1'existence („Nahrungserschwerung.") L'influence de 1'aggravation de 1'existence se rapporte au nombre des crimes: !• I °tal 103 : 338 Parmi lesquels pour vagabondage 127 : 338 Mendicité 327 • 338 II- Total 9S : 338 Parmi lesquels pour coups et blessures. ... 86 : 338 III. Total 18 : 338 IV- » • • 63:338 Parmi lesquels pour vol 166 : 338 V. 30 : 338 lei il y a a observer: a. que Ie mouvement de la mendicité et du vagabondage n'est pas en corrélation directe avec celui des prix du blé. b. que le groupe IV ne présente qu'une faible corrélation avec ces prix, puisqu'on y a compris beaucoup de crimes, dont les causes ne sont pas de nature économique. c. que durant les dernières années dc cette période 1'accroissement des crimes contre la propriété fut plus grand que les chiffres des prix du blé ne feraient supposer, ce qui s'explique, selon le Dr. Mayr, par le manque de travail, suite de la guerre de sécession. La règle que les délits contre la personne augmentent quand les prix baissent, est encore confirmée ici. 1 PLANC'HE I. (OliKRBAVERN). I _ . . I Pl.AXCHE II. (NILDERHAVKRN). Planchk iii. (Ohf.rpfi ai./ r. Rigknshurg). Planche IV. (Oberfrankex). 5 I Pl.ANCHE V. (MlTTELFRANKEN). Planche VI (Unterfranken u. Aschaffenburg). ^m«u* v PLANCHE VII. (SCHWABEN U. NEUBURG). Flanche VIII. (Gebiet mess, des Rheins). Planche IX. (Pfalz). VII. A. CORNE. i) Selon 1'auteur les lois qui régissent les phénomènes moraux sont en ce moment encore voilées de nuages épais. „On peut attendre avec confiance que les nuages se dissipant, quelque grand principe, autour duquel se groupent nos connaissances de détail, nous apparaisse inondé de clartés. Tout me semble indiquer que ce principe supérieur n'est autre que le principe d'activité. En effet les premiers rudiments de la science sociale, ne nous ont encore été donnés que par 1'économie politique, et son unique fondement est 1'affirmation de 1'activité humaine. D'autre part en me livrant sans aucune préoccupation a cette étude toute spéciale sur la criminalité, j'ai été peu a peu amené par une observation attentive et minutieuse des faits, a trouver la cause générale des crimes dans 1'absence de ce même principe d'activité. En y réfléchissant, il parait bien dans 1'ordre naturel des choses que le développement de la criminalité, c'est a dire de 1'esprit de destruction et de dissolution, se manifeste lors de 1'affaiblissement ou de la disparition du principe générateur de toute production et de toute société. II y a donc la, si je ne me suis trompé, plus qu'une coïncidence fortuite mais une relation qui mérite, d'autant plus d'être notée, que c'est également du principe d'activité que 1'on voit découler aujourd'hui toutes les lois des phénomènes physiques." 2) Accompagnons 1'auteur sur le terrain des faits. Après avoir donné un exposé du mouvement de la criminalité en France, en même temps en comparaison de celle de quelques autres pays, il entame fmalement son étiologie. Pour la grande masse, dit 1'auteur, le criminel n'est qu'une espèce de monstre au milieu de la société, un monstre, qui, par ses penchants innés, est prédestiné au crime. Yue de cette manière la criminalité est 1111 mal individuel. Corne, parcontre, la croit 1111 mal social. Car, quoique la société se soit developpée sous tous les rapports, elle est néanmoins toujours imparfaite, puisque 1'ignorance et la corruption des mceurs sont grandes. L'auteur appuie fortement sur deux circonstances, savoir: la corruption ') «Essai sur la Criminalité" (Journal des Economistes 1868). 2) P. 64. des moeurs dans les classes plus élevées, et le militarisme. Non seulement que le militarisme entraine la ruine des peuples et développe les penchants violents dans 1'homme, mais il entraine encore des suites trés graves pour la moralité, puisqu'il contraint au célibat nombre de jeunes gens a un age oü les passions s'agitent. „Si les plaisirs, les préjugés ou les besoins sociaux produisent directement ou indirectement 1'affaiblissement des corps, ou 1'abaissement des esprits, comment s'étonner qu'ils préparent un trouble dont on souffrira quelque jour!"1) Selon 1'auteur il y a des faits qui pourraient peut-être donner un démenti a son opinion. Ainsi, p. e. la fluctuation des prix du blé influence la diminution ou 1'augmentation de la criminalité. Années Prix moyen de 1'hectolitre 1 Nombre des accusés et de de froment. prévenus de délits communs. fr. c. i«5° 14 32 147,757 1851 14 48 | 146,368 1852 16 75 159,79' i«53 22 39 i7i,35i 1854 28 82 170,940 1855 29 32 163,748 1856 30 75 162,049 iS57 24 37 161,556 1858 16 75 157,^'5 1859 16 75 150,94^ 1860 20 24 144,301 1861 24 55 151,112 1862 23 24 152,332 1863 19 78 144,072 1864 17 58 146,230 Quoique, d'après Corne, la cherté du blé ne soit qu'un fait accidentel, il faut pourtant bien y attacher quelque importance, vules suites funestes qui peuvent en résulter pour les families qui, sans elle, ont déja beacoup de peine a joindre les deux bouts. Mais les chiffres mentionnés ci-dessus ne prouvent pas que 1'influence soit trés grande. Car les prix montent quelque fois tandis que les autres chiffres baissent, et v. v. Et puis, 1'accroissement soudain, durant la période 1849/53, des chiffres de la 2c colonne doit être attribué a une meilleure organisation de la police judiciaire. Knsuite 1'auteur donne le tableau suivant: 1) P- 79- Nombre des condamnés Années. Prix de 1'hectolitre de blé. pour atteintes a la propriété. (sur I .OOO habitants). fr. c. 1850 14 32 14,058 1851 14 48 14,678 1852 ! 16 75 16,217 1853 22 39 16,652 1854 28 82 20,442 1855 29 32 19,223 1856 30 75 18,222 1857 24 37 17,218 1858 16 75 15,437 1859 16 75 14,655 1860 20 24 15,707 1861 24 55 16,518 1862 23 24 16,742 1863 19 78 15,309 On voit, que la coïncidence des chiffres est ici naturellement plus grande que dans le premier tableau. „La situation des criminels peut se résumer en un mot: /'isolement. La plupart d'entre eux savent a peine ce que c'est que la familie. Ils sont misérables; ils n'ont point de domicile fixe, point d'occupation sédentaire qui, ramenant sans cesse leur vie dans un même cercle, leur permette de s'attacher peu a peu aux hommes ou aux choses. Ils sont piongés dans les ténèbres de 1'ignorance. En dehors de ce qui touche a leurs besoins immédiats et physiques, le reste du monde est pour eux comme s'il n'existait pas." ') Ils sont seuls, isolés, dès leur naissance. Car parmi les jeunes détenus on compte non seulement beaucoup d'enfants illégitimes et d'orphelins, mais encore beaucoup de délaissés. Sur 8006 jeunes criminels, en détention le 31 Décembre 1864, 60 °/0 étaient enfants naturels, orphelins, ou abandonnés; 3165 ou 38^2 °/0 (dont une partie furent enfants illégitimes, orphelins ou abandonnés) étaient enfants de vagabonds, de récidivistes ou de prostituées. L'auteur peint ensuite le milieu dans lequel les enfants de prolétaires grandissent ordinairement: mauvaises circonstances hygiéniques, entourage corrupteur etc. etc., et indique 1'influence néfaste du travail dans les usines sur les jeunes personnes. Cornc considère encore comme une des causes de la criminalité le célibat, par lequel 1'individu n'a personne a soigner, ni quelqu'un qui s'intéresse a son sort. Le crime se développe beaucoup plus dans les grandes villes qu'a la campagne, parceque, a ce que l'auteur croit, les hommes sont beaucoup plus isolés, plus abandonnés a eux-mêmes dans les grandes villes qu'a la campagne. i) P. 82. — Je ferai ici 1'observation qu'habituellement ce sont des raisons économiques qui empêchent 1'homme de se marier, et que la plus grande criminalité dans les villes s'explique mieux par la difïférence tnarquée des positions économiques et que 1'occasion de nial-faire y est aussi plus fréquente.— Selon Corne un des meilleurs préservatifs contre le crime serait la propriété, car elle engendre le sentiment de la responsabilité. Le propriétaire s'efforce a augmenter son bien et a en améliorer la situation, bref, la propriété a une influence moralisatrice. — L'auteur a sans doute raison quand il dit que celui qui possède commettra moins facilement un vol qu'un autre, qui n'a rien, et cela pour la raison trés simple que le premier vit problablement dans de meilleures conditions que le second. Je crois pourtant pouvoir contredire, et a raison, 1'influence moralisatrice de la propriété sur 1'homme. ') En outre, les rêves de ceux qui ont cru a la possibilité de faire de petitspropriétaires de tout le monde, se sont montrés irréalisables par la centralisation de plus en plus forte des moyens de production. - • „La criminalité vient du manque de vitalité. C'est une anémie. Veuton rempêcher de se produire il faut exciter en 1'homme tous les sentiments d'activité!" „C'est ici qu'apparaitl'utilité de 1'instruction. L'homme qui sait lire et écrire se trouve en effet avoir entre les mains un instrument qui peut multiplier a 1'infini ses moyens d'action." 2) — Pour ce qui concerne 1'instruction il a été prouvé plus tard que son influence sur le cours de la criminalité n'a pas été très-grande. Quand 1'instruction s'étend au dela del'art de lire et d'écrire, elle a bien une influence civilisatrice, mais elle n'a pas pour résultat une baisse de la criminalité en général, puisque les causes économiques de celle-ci restent. L'instruction change bien la nature de la criminalité, mais non pas son étendue. — 3) Après avoir a juste titre, indiqué 1'influence moralisatrice du sufifrage universel, qui relève le sentiment du moi dans l'homme, l'auteur conclut en disant: „L'homme qui a une familie, l'homme qui possède, qui est instruit, qui est connu de ses concitoyens et qui a sur eux sa part d'influence, ne peut plus être eet individu que nous avons vu criminel paree qu'il était faible, isolé, qui 11e savait marcher seul sans trébucher aux moindres obstacles, sans glisser a toutes les pentes; il a désormais de 1'énergie, il a une volonté préméditée, il peut résister a ses passions paree qu'il est entouré, soutenu, paree que mille liens d'affections et d'intérêt 1'attachent a la société, a 1'ordre et au bien." 4) ') Voir la deuxième partie de eet ouvrage. 2) p. 89-90. 3) Voir p. e. Guerry »Essai de la statistique morale de la France" p. 51 et L. del Baere »De invloed van opvoeding en onderwijs". 4) P- 93- VIII. H. VON VALENTINI. L'ouvrage „Das Verbrecherthum im Preussischen Staat," publié en 1869 par le Directeur de prison von Valentini, traite surtout des résultats obtenus par le système pénal alors en vigueur en Prusse et des moyens de l'améliorer. Von Valentini voit dans le crime avant tout la conséquence des conditions sociales, du moins il considère que le meilleur moyen de le combattre est que la société ait soin d'empêcher le penchant criminel de se déclarer et qu'elle s'efforce d'élever le niveau moral du peuple puisque, selon notre auteur 90 °/0 des criminels sont des „lediglich materiell und durchaus vervvahrloste Subjecte", qui doivent subir „eine geistige Widergeburt." ') Après ces observations générales il procédé a des observations plus particulières sur les criminels mêmes dans la société. D'après la statistique il examine la proportion du nombre des criminels et de celui des habitants. Obtenant alors différentes proportions pour les différents districts prussiens il en recherche les causes. A cette fin il classifie les crimes en i° crimes par intér t personnel, et 2° crimes par passion. Trouvant alors que les provinces de 1'Est donnent 9 °/0 de crimes par intérêt personnel de plus que les autres, il croit en trouver la cause dans: „einem vorhandenen materiellen wie auch intellectuellen Nothstande, und in der Einrichtung der Gefangnisse." 2) Le chapitre III sur les „Dimensionen des Nothstandes" contient des tableaux détaillés pour chaque province, les grandes villes et les contrées riches et pauvres. II obtient alors le résultat suivant pour les huit provinces: i) p. 10. 2) p. 24. I Paupérisme. Provlnces. N. d'indigents dans les contrées les plus pauvres. sur 100 habitants. B=5—555-—5— Pourcentage ; Proportion du des crimes j pourcentage contre la | des crimes contre propriété la propriété et sur iooooo j celui du habitants. paupérisme. losen 536,495 36,1 | 32,89 | 0,91 : 1 La Prusse j 792,948 j 27,6 j 24,69 j 0,89 : 1 La Poméranie 314.383 22,6 20,57 0,91 : 1 La Silésie 517,528 15,2 36,94 2,43: • Tot. du groupe de PEst 2.161,354 23,6 115,09 4,91 : 1 Provinces Rhénanes 397,350 12,0 5,59 0,46 : 1 Le Brandebourg 84,011 3,4 26,27 7,72 : 1 La Westphalie 45,849 2,8 9,21 3,'29 : 1 La Saxe 259,901 1,3 18,33 14,10 : 1 Tot. du groupe de 1'Ouest 553,1 " 5,9 59,40 25,57: 1 L ne autre chose qui le frappe est 1 influence de la petite propriété foncière. „Der Grundbesitz, auch der kleine Grundbesitz isolirt und dieses isolieren der Haushaltungen ist ein nicht unerhebliches Praservativ gegen Eigenthumsverbrechen." J) L'auteur en donne les apercus statistiques suivants. II range dans la petite propriété foncière les biens de 30 arpents de Magd .bourg ct au dessous. Kllc se monte en total a 10,655,460 arpents sur 1,716,535 propriétés, dont la grandeur moyenne est de 6 arpents. On compte dans les provinces suivantes: "osen 57,5'9 de ces propriétés, donc 1 sur 25 habit. ja }'russe 93,793 ,, „ „ 30 „ la Poméranie 61,752 „ „ „ „ „ „ 22 „ la Silézie 230,710 „ „ „ „ „ „ ,4 „ Tot. du groupe: 443,774 donc 1 sur 18 habit. de 1'Est Provinces Rhénanes 788,473 de ces propriétés, donc I sur 4 habit. le Brandebourg 112,532 „ „ „ „ „ „ 22 „ a Westphalie 197,383 „ „ „ „ „ „ 8 „ la Saxe 174,373 ,, „ „ „ „ „ 11 „ Tot. du groupe de 1'Ouest: 1272,761 donc 1 sur 8 habit. !) p. 58. 77 „Rheinland allein hat also beinahe doppelt so viel als die vier östlichen Frovinzen zusammen! Das erklart wohl die Zifter 5,59 fïir Rheinland in Tabelle 15 (le tableau susnommé) und dann noch obenein die bedeutendste Armenpflege. Sollte überhaupt der Zusamenhang zwischen obigen Verhaltnissen und den 111 den verschieden auftredenden Eigenthumsverbrechen geleugnet weden können?" ') Par rapport a ceci il traite aussi les conditions des demeures, pour laquelle il donne les chifïfres suivants. Habitations sur 1 lieue: Posen 258 Provinces Rhénanes 901 la Prusse 230 le Brandebourg 304 la Poméranie 218 la Westphalie 579 la Silésie 546 la Saxe 529 Tot. 1252 Tot. 2313 Un apercu plus détaillé du nombre des habitants nous démontre qu'il y a en Posen, Prusse, Poméranie, Silés., Prov. Rh., Brandenb., Westph., Saxe. Dans chaque habitation 9,8 9,8 10,1 7,9 6,9 10,0 7,2 7,5 hab " '®s f 112 13,2 11,6 13,3 10,4 14,0 8,7 9,8 » >> chaque habitation $ ' J' ' " ■) les hameaux ') gg IQ g IO O g t 5 ] 9 6 7 0 6,8 >> » chaque habitation ) i) les villages ) - , g ^ _ ^ 7 0 5,7 7,7 6,7 6,5 » » chaque habitation ) " 3" " 0 Dans ces chifïfres v. Valentine voit un parallélisme avec ceux de la petite propriété dont il résulte que cette isolation des ménages est un des meilleurs préservatifs contre les délits contre la propriété. x) P- 57- IX. A. VON OETTINGEN. i) Dans le chapitrc IV „Die ungeordnete Geschlechtsgemeinschaft und die I'rostitution", 1'auteur traite de 1'influence des fhictuations des prix de quelques denrées importantes sur les crimes contre la propriété, contre les mceurs, contre les personnes et les crimes d'incendie. (Prusse). POURCENTAGE. Prix combine Années. délits con- délits con- délits con- Par boisseau de tre les Incendie. tre la pro- tre la eTïommes'de mceurs. prieté. personne. tcrre cn silber- groschen. 1854 2,26 0,43 88,41 8,90 217,1 1855 2,5 7 0,46 88,93 8,04 252,3 1856 2,65 0,43 87,60 9,32 203,3 1857 414 0,53 81,52 13,81 156,3 1858 4,45 0.60 77,92 17,03 149,3 1859 4,68 0,52 78,17 16,63 150,6 Moyenne: 3,34 0,48 84,42 11,76 188,2 T Ce tableau démontre donc: i° que les crimes contre la propriété diminuent quand les prix baissent; 2° que dans ces mêmes conditions les crimes contre les mceurs et ceux contre la personne augmentent. — Ou'on se garde pourtant bien de tirer de ce deuxième fait des conclusions erronnées. Tout ce que 1'augmentation des crimes contre les mceurs au moment oii les prix élèvent indique c'est qu'il y a 1111 nombre d'individus tellement mal nourris, qu'ils ne peuvent être poussés que par un seul besoin, celui de se procurer de quoi manger. Par contre, il est clair que les autres besoins humains se feront sentir aussitót que la possibilité de mieux se nourrir deviendra plus grande par la baisse des prix. Quiconque !) «Die Moralstatistik in ihrcr Bedentung für eine Socialethik". peut se nourrir convenablement sait bien qu'une bonnc nourriture seulc n'est pas une raison de commettre des crimes contre les moeurs. Autrement la bourgeoisie devrait sans cesse commettre de tels crimes, puisqu'elle se trouve toujours dans la position de se nourrir suffisamment. De même il n'est pas vrai qu'une des conséquenes inévitables d'une baisse des prix doit être un accroissement de crimes contre la personne. Si 1'on disposait d'une statistique compléte, on pourrait voir qu'un homme civilisé n'acquiert pas le penchant aux crimes contre la personne quand son „Standard of life" monte. — r. . „ n-iv ^ Prix des denrees. , , ! Crimes contre Delits contre | ,, Annees. ■ , i des 1861. les moeurs. les moeurs. /c . , ,. , (Seigle par boisseau.) 1862 633 2386 | 61,8 1863 714 2652 63,1 1864 695 2645 54,3 1865 | 748 2864 45,6 1866 1 667 2588 49,11 1867 653 2732 58,5 1868 | 873 2902 79,0 1869 925 2945 ■ 78,8 1870 | 631 2451 64,7 1871 j 501 1072 , 62,3 lei 1'influence de la guerre saute aux yeux, les chififres étant relativement bas aux années 1864/66 et 1870/71, tandis qu'au contraire durant ces années les prix des vivres baissent. — Mais ici il ne faut pas perdre de vue que des milliers de personnes, en d'autres temps capables de commettre de tels crimes, sont maintenant éloignés de la vie ordinaire par le service militaire. Du reste, en temps de guerre la surveillance de la police est sans doute moins sévère qu' en temps de paix. — Dans le chapitre: „Die social-ethische Lebensbethatigung in der bürgerlichen Rechtssphare" von Oettingen traite e.a. 1'influence des ppx moyens des vivres sur le vagabondage et la mendicité. Avant de le suivre sur ce terrain, je veux relever une observation, selon moi très-juste, qu'il fait sur la criminalité en général. Après quelques objections très-superficielles contre le collectivisme, il se contredit etrangcment en disant: „Der egoistische Zug des Menschen, in Folge dessen er dem Nachsten die bevorzugte Stellung oder den reicheren liesitz nicht gönnt, die Slicht für sicli zu haben und zu geniessen, verbunden mit der Scheu vor selbstverleugnender Arbeit im Schweisse des Angesichts, zeigt uns in jedem menschlichen Herzen jenen Keim des Verderbens, welcher schrankenlos und zuchtlos fortwuchernd in Verbrechen zu Tage trcten und in colossalen Dimensionen um sich greifen muss. Dass die Versuchungen von aussen, welche durch die öconomischen Verhaltnisse und das sociale wie hausliche Elend herbeigeführt werden, jcnen inneren Hang leichter zur ! hat werden lassen, versteht sich von selbst. Aber das eigentliche Motiv ruht in der zerstörenden Macht der Selbstsucht, in jenem Egoismus, den so viele moderne Nationalöconomen als den Haupthebel gesunder öconomischer Entwickelung und nationaler Lebensbewegung zu rechtfertigen und zu verherrlichen sich nicht scheuen." *) — Ici v. O. montre la plus frappante bigarrure de comprendre et ne pas comprendre. Comme 1'auteur comprend bien l'égoïsnie anti-social comme noyau de la criminalité! Au contraire, comme il fait des bévues en jugeant les circonstances de la vie de ses contemporains. II s'indigne de 1 égoïsme prêché par les économes, mais ne saisit pas que c'est justement le système de production qui a pénétré les hommes de ce principe! — Quoique, d'après 1 auteur 1'influence des prix des vivres sur le vagabondage et surtout sur la mendicité soit très-grande, il est néanmoins d avis que ce facteur est plus d'une fois influencé et même neutralisé par des facteurs sociaux-politiques, comme le prouvent les faits suivants: Tandis que les prix baissaient durant la période révolutionnaire de 1848, la mendicité augmentait tout de même, ce qui, d'après lui, doit être attribué au manque de discipline sociale." — On comprend assurément que les crimes contre la personne, augmentent pendant les révolutions; mais il n'est pas clair pourquoi le nombre des mendiants doit augmenter sous 1'influence directe de la révolution. L'erreur commise ici par von Oettingen, comme par d'autres auteurs, est celle ci: qu'ils considèrent la mendicité et le vagabondage comme des amusements pour les personnes qui s'y adonnent (page 427 v. O. dit même: „die süsse Gewohnheit der Landstreicherei" c. a d. „la douce coutume de vagabonder' ). Cette opinion sur le motif de ces crimes leur donne la conviction que seulement les chatiments sévères retiennent les gens de ces plaisirs pernicieux. Voila pourquoi von Oettingen des périodes révolutionnaires et de 1'indiscipline qui s'en suit, déduit un accroissement du nombre des vagabonds. II va sans dire qu'en réalité la mendicité et le vagabondage ne sont pas des plaisirs, mais bien une misère atroce a laquelle n'arrivent que ceux qui ne sont plus a même de travailler soit par maladie, soit par vieillesse, soit par manque de travail, soit par ignorance totale (suite du milieu dans lequel ils ont vécu et qui les a empêchés d apprendre quelque métier) ou ceux qui ne peuvent travailler par suite de débilité physique ou psychique. Oue v. O. attribué a des facteurs sociauxpolitiques la hausse des chiffres de la mendicité et du vagabondage, qui se montrent en temps de troubles a coté de la hausse des prix des vivres, est une explication fondée sur des conclusions erronnées tirces des statistiques. Le prix des vivres est sans doute un facteur économique important; mais il n'est pas du tout le seul. Surtout pour ce qui concerne la mendicité et le vagabondage il y en a de beaucoup plus importants. La hausse des prix des vivres est, sans aucun doute, au trés grand désavantage de la familie prolétarienne. Mais celle-ci 11'cst pas encore inévitablement réduite a la besace par cette hausse, tandis qu'elle l est bien par 1111 chómage forcé de longue durée. Les membres d'une familie prolétarienne n'iront pas mendier ni vagabonder aussitót que les prix des vivres montent *) P- 423- durant quelque temps, niais ils y seront réduits quand ils ne gagnent rien du tout. Von Oettingen n'a tenu compte que d'un seuf facteur économique, qui 11'est pas mème le plus important; et sa conclusion est si non fausse, en tous cas prématurée. Une révolution pourra certainement entrainer avec elle de telles suites, mais elles seront autres que ne les décrit von Oettingen. En temps de troubles violents il y a généralement manque complet de travail en beaucoup de branches industrielies; par conséquent il y a inactivité. C'est une raison beaucoup plus importante que celle nommée par von Oettingen. — Aprés avoir encore relevé dans quelques autres passages de son travail ') 1 importance des prix du blé comme facteur de la criminalité, 1 auteur appelle notre attention sur la forte influence exercée par la crise commerciale de 1857/8 sur la criminalité anglaise. Sur 100,000 habitants il y avait : a être jugés par les jurés. Années. 1'ersonnes. Crimes. I ersonnes ajuger pour | délits non-spécifiés. 1858 2,96 1,56 20,70 1859 2,63 1,38 19,89 !86o 2,53 1,24 '9»34 1861 2,52 1,36 19,62 1862 2,62 1,43 20,11 '863 2,54 1,47 20,52 1864 2,46 1,38 21,22 1865/6 2,44 i,35 22,28 1867/8 2,70 1,55 22,34 1868/9 2,64 1,52 23,49 Moyenne, j 2,60 1,42 20,95 On voit qu en 1858 toutes les rubriques se caractérisent par des chiffres élevés. La hausse, dès 1862, dans la 3111e colonne doit, probablement être attribuée a la hausse des prix des denrées, (surtout en 1867/9). L n trait caractéristique des années économiquement défavorables est la grande participation a Ia criminalité par les femmes et les enfants: En 1861/6 il y a eu en Belgique sur 27573 inculpés une moyenne de 307 Agés de moins de 16 ans et de 18671 femmes, et de criminels masculins au dessous de 21 ans. En 1846, année de crise, on comptait parmi les inculpés 911 enfants au dessous de 16 ans et 23151 femmes et criminels masculins de moins de 21 ans. A la page 486 von Oettingen nous donne le tableau suivant. Sur 100 plaintes il y a: *) P- 433, 436. Crimes contre Prix par boisseau Années. —— —. sei^le. la prop. I la pers. & Sgr.Pf. 1862 44,3 °/o 15.8 °/o j 63,10 1863 41,6 17,0 54.3 1864 41,6 , 18,4 ! 45,6 1865 38,5 17,7 49.i' 1866 44,4 14» 5 ! 58,5 1867 50,2 13,1 ; 79,° 1868 52,3 13,8 | 78,8 186 9 45,7 ï 4>3 ' ^4.7 Dans la première colonne figurent les 3 formes de vol qualifié d'après le code pénal prussien; dans la seconde se trouvent les cas de meurt re, homicide, cmpoisonnement, infanticide, crimes contre les moeurs et coups et blessures. Nous retrouvons donc ici la régie: que la hausse (resp. baisse) des prix des vivres est accompagnée d'une augmentation (resp. dimunition) des crimes contre la propriété et d'une diminution (resp. augmentation) des crimes contre la personne. Ce tableau démontre également que, si une hausse trés prononcée des prix a causé une grande augmentation de la criminalité, la baisse ultérieure des prix, se ne fait sentir sur le chiffre de la criminalité que quelque temps après son commencement. (voir les années 1867/8). Ce phénomène est aussi trés distinctement démontré par le tableau suivant: Prix total d'un boisseau de Années. Cas jugés. froment, de seigle et de pommes de terre en gr. 1854 644,483 221,6 1855 686,207 24M 1856 766,628 228,4 1857 705,291 161,1 Ce ne fut donc qu'en 1857 que la baisse des prix, remontant a 1856, commenca a produire son effet. Pour terminer nous appelons 1'attention sur les tableaux suivants: LA SAXE. Crimes contre prix du froment, du seigle et des Annees. , ^ prQp I ja pers. pommes de terre par boisseau. 1860 37,25 35,04 170 gr. 1861 40,28 33,iO 181 „ 1862 38,78 34,65 173 „ 1863 36,56 35,09 j 147 .» LA BAVIÈRE. délits contre Années. , —:— rrix du seigle. la prop. la pers. fl. kr. 1862/63 38,38 33.'6 '4, 48 1863/64 36,16 37,72 12, 16 1864/65 j 36,55 39,79 11, 53 1865/66 33,42 41,18 10, 57 Encore une fois donc affirmation de la règle que les crimes contre la propriété diminuent et que ceux contre la personne augmentent quand les prix baissent. X. STURSBERG. Dans la première partie d'une brochure, éditée en 1878 et intitulée „Die Zunahme der Vergehen und Verbrechen und ihre Ursache," 1'auteur tache de découvrir a 1'aide de la statistique dans quelle niesure la criminalité a augmenté ou diminuéen Allemagne pendant les années 1871-77. Comme résultat de ces recherches il constate une augmentation considérable des crimes et délits dans toute 1'Allemagne. ') Pour les causes de eet accroissement ce qui suit: Quoique ne reietant pas entièrement le jugement de Quételet que la société prépare le crime et que le criminel n'est que 1'instrument qui exécute 1'acte, Stursberg est pourtant d'opinion qu'il faut accorder, outre aux circonstances, une place très-importante au facteur personnel, c. a. d. a la présence ou absence de sentiments moraux et religieux. „Bist du aber nicht fromm, so ruhet die Sünde vor der Thtir." 2) II y en a, dit 1'auteur, qui cherchent la cause dans les suites de la guerre contre la France. Quoique croyant aussi que la guerre ait eu des suites défavorables sur la criminalité, il est, d'après lui, impossible, que cette guerre soit la cause de 1'accroissement de la criminalité, celle-ci ayant précisément diminué après les guerres de 1864 et 1866. Pour 1'auteur, une des causes en est la plus grande douceur des peines infligées d'après le nouveau code pénal de 1'empire. Mais selon lui cette influence n'est pas importante, comme le disent beaucoup d'autres, car depuis 1871 il y a plutót diminution qu' accroissement de la récidive. Les mauvaises conditions économiques non plus ne peuvent en être la cause, dit Stursberg; car la criminalité commencait déja a monter avant les mauvaises années, et ce n'est pas le vol qui a augmenté le plus. Néanmoins Stursberg reconnait qu'une pauvreté prolongée affaiblit les sentiments moraux, ce qui fait que criminalité et pauvreté sont étroitement liées. „Mais si le coeur se trouve au bon endroit „les besoins font prier", comme dit le proverbe allemand." (L'auteur ne nous raconte pas si la prière appaise en mème temps la faim!) Mais il y a, selon Stursberg, des causes plus graves. !) p. 442 de son »Moralstatistik" von Oettingen critique les conclusions de Stursberg et lui fait un reproche d'avoir pris pour base de comparaison 1'année 1871, dans laquelle les chiffres de la criminalité furent très-bas (suite de 1'influence de la guerre,) et en outre de ne pas avoir mis en compte qu'en 1876 le nouveau code pénal a été mis en vigueur. 2> P- 25. Suit une description de 1'élan pris par 1'industrie en Allemagne durant les premières années après 1870, description qui ne sera pas facilement dépassée quant a son insignifiance et a 1'ignorance naive dont elle fait preuve. Sans comprendre quoi que ce soit aux événements vraiment importants qui ont lieu autour de lui, 1'auteur fulmine contre quelques conséquences du capitalisme moderne naissant. — II se le représente comme né du vif désir de richesses surgissant d'emblée. Pourquoi ce désir surgit-il a ce moment? C'est ce que 1'auteur ne nous raconte pas. Mais malgré tout cela, 1'auteur a incontestablement découvert ici une des causes principales, puisque le développement prodigieux de 1'industrie, bientöt suivie d'une crise inévitable, a dü causer un accroissement de la criminalité. Puisque Stursberg traite cette question plutót en moraliste qu'en homme de science, nous n'avons aucun intérêt de nous y arrêter davantage. — Dans les premières pages de sa brochure Stursberg parle des conséquences désastreuses cLe 1'alcoolisme, suites de la loi du 21 Septbre 1869 qui a augmenté le nombre des débits de spiritueux. Armé de citations sans nombre il combat ensuite les cafés-chantants, la littérature immorale etc. etc.; après quoi il fait tout d'un coup entrer en scène la liberté professionnelle. „Une influence inappréciable que les braves et pieux maitres ont exercée pendant des siècles sur les compagnons et apprentis qui étaient comme les membres de la familie". „La liberté des métiers arriva et dénoua les liens de la piété et de la discipline qui avaient retenus les compagnons et apprentis a la maison du maitre." — Ainsi qu'on le voit, les idéés de 1'auteur sont plutöt celles d'un écrivain du moyen-age que celles d'un contemporain du capitalisme moderne. On ne peut certes nier qu'il y ait du vrai au fond de ce raissonnement. Car il est incontestable qu'aux temps des Corporations la position des compagnons était en général plus favorable que celle du prolétaire d'aujourd'hui. Mais c'est un raisonnement a tendance que celui de prétendre que la religion du maitre en fut la cause. Et une démonstration dans laqueile la liberté professionnelle est représentée comme étant en vérité une erreur du législateur, et non pas la conséquence logique et inévitable du capitalisme moderne naissant, est si peu scientifique, qu'elle n'est pas a sa place dans une recherche sur les causes de 1'accroissement de la criminalité.— Ensuite, il prêche plus spécialement contre 1'extension de plus en plus grande de 1 'etude des sciences naturelles, la démocratie socialiste, le manque de respect aux autorités constituées, etc. etc., cependant sans ailéguer la moindre preuve de la causalité de tout cela avec la criminalité croissante. Mais a la fin il dit que „la cause fondamentale de 1'augmentation des crimes et délits sont les rapides progrès de 1'irréligion, et 1'affaiblissement des sentiments chrétiens dans 1'église et 1'école." ') — A 1'appui de cette thèse, 1'auteur ne donne pas non plus de preuves. Par contre il y en a de nombreuses qui font voir que 1'influence préventive sur la criminalité de la religion par elle-même est nulle ou tout au plus très-faible. Voir la critique, donnée a la fin du chapitre intitulé „les Spiritualistes" (chap. VI.) — *) P- 5». XI. L. FULD. Avant d'entamer la recherche spéciale, 1'auteur de „der Einflusz der Lebensmittelpreise auf die Bewegung der strafbaren Handlungen" fait les observations suivantes: Partout on s'est apercu que les attentats aux moeurs avec actes de violence augmentent, quand les prix des vivres baissent. Adhérant a 1'opinion de von Oettingen „que, par suite d'une augmentation de prospérité, le penchant au crime se traduit davantage par des crimes contre les moeurs que par ceux contre la propriété," Fuld fait aussi mention de 1'opinion de Valentini „qu'en ce cas le peuple devient hardi et commet plus facilement des crimes." Voici d'autres faits saillants: que le nombre des jeunes criminels augmente et que les villes produisent un plus grand nombre de criminels que la campagne, quoique la moralité sexuelle surtout, y soit lom d'être idéale. En parlant, finalement de 1'influence de la profession, Puld mentionne que 1'accroissement du nombre des criminels, qui accompagne une hausse des prix, est plus grand pour les non-récividistes que pour les récidivistes, ce qu'il veut prouver par le tableau suivant: ANGLETERRE. Années. c^n*ct^ro Caractère inconnu. Prix du froment. jusqu alors. 1 5IT—E 1858 153576 138388 i 43 11 1859 153369 150084 43 8 1860 137574 144485 52 9 1864 167038 165808 40 2 Cependant, ce tableau ne le prouve pas. Car en 1860 la criminalité baisse, tandis que les prix sont élevés. Voici 1'explication que 1'auteur en donne : La grande masse du peuple ne mange pas de froment (pourquoi alors en donne-t-il les prix ?) et les vivres qu'il mange bien (et ce sont justement ceux que 1'auteur ne nomme pas!) furent bien chers. Puis, les suites d'une mauvaise année ne se font sentir que quelque temps après. Ainsi en 1862/3 les Pr'x furent trés élevés. (55 sh. 5 d). Aussi, la baisse des prix de 1864 ne se fait-elle sentir que plus tard, seulement pas aux gens qui sont restés honnêtes jusqu'au moment de la crise — ce qu'il explique en prétendant que la cause en doit être un facteur individuel, a savoir: les troubles politiques d'alors. (L'idée de qualifier les troubles politiques de facteur individuel est vraiment trés singulière!) Vient cnsuite la recherche spéciale: L'auteur expose que les crimes contre la propriété sont une des conséquences de la lutte pour la vie ce qui explique aussi, en partie, les chiffres élevés de la criminalité des grandes villes oü la concurrence est plus vive. Aprés eet exposé 1'auteur traite en premier lieu du vol, et il commence par dire que la connexité entre les prix des vivres et le vol est trés grande. FRANCE. Années. Vols. Prix des céréales. 1856 18,222 ± 16,75 1857 17,218 „ „ 1858 15,537 | » " 1859 14,755 1 l6'7 5 1860 15,707 2°>24 Durant les années suivantes les prix baissent. Néanmoins le nombre des vols augmente. Selon Fuld on peut en tirer la conclusion que 1 influence des prix n'est qu'une influence relative(! ?). — Ce tableau ne prouve que peu de chose. Car, tandis qu'en 1856 la criminalité atteignit son plus haut chiffre les prix furent plus bas qu'en 1860; et, tandis que les chiffres dans la première colonne diminuent beaucoup, ceux de la deuxième restent constants. — ANGLETERRE. Vols. Années. Avec violence. I Sans violence. Prix des céréales. r~ r~ Sch. D. 1857 6471 43397 42 19 1858 5723 456I8 43 11 1859 4433 41370 43 8 1860 4065 41151 ■ 52 9 1861 5062 40242 55 4 1862 5746 40191 55 5 1863 1 5433 ! 398OI 44 9 1864 | 5022 ^ 3948I 1 4° 2 1865 5160 40383 4i 10 1866 j 5088 39731 43 10 1867 6355 465o2 49 10 lei il y a quelque accord entre le nombre des vols et le prix. Mais il n'est pas aussi grand que Fuld veut le représenter. (E.a., malgré la hausse soudaine des prix en 1860 la plus forte dans ce tableau la criminalité diminue, et 1'année suivante aussi il y a encore baisse du chiffre des vols sans actes de violence). PRUSSE. Années. Vols de bois. Pcrix du, seiSle e" S. gr. a 100 pf. 1862 387000 63,10 1863 354276 54,3 1864 366667 45,6 1865 426336 49,ii 1866 42555> 58.5 1867 412165 79,0 1868 419158 78,8 1869 406662 64,7 1870 389746 62,3 •87' 439288 66,0 1872 401280 82,0 '873 337H2 93,0 i874 356859 108,0 On peut bien trouver quelque accord entre les deux colonnes, mais c'est bien tout ce qu'on peut y découvrir. (Surtout la forte hausse des prix dès 1870 s'accorde jusqu'en 1874 avec une baisse des chiffres de la criminalité). Ensuite 1'auteur dit que les difFérences des prix ne sont plus aussi grandes qu'auparavant, par suite du développement technique moderne, qui a facilité le commerce international: Années. Froment. Seigle. Avoine. Orge. Hommes de terre. l87° 113 75 76 75 27,5 1871 119 «6 69 77 33,3 1872 121 82 68 76 27,5 ,873 '3° 93 80 93 38,0 1874 117 108 108 100 33,5 1875 99 85 9° 85 27,5 1^76 104 87 90,5 86 28,2 1877 105 85,5 80 84,5 31,25 1878 101 71,5 69,5 78,5 28,25 1879 98 72 67 74 30,75 I out ce qu'il y a a constater c'est que les prix du seigle et des pommes de terre montent dès 1878; les autres prix varient trop pour qu'on puisse en concluer a un mouvement constant. Mais le vol durant la même période représente une augmentation continuelle; le nombre des délinquants masculins de 18 a 30 ans seulement varie avec les prix; les chiffres des délinquants de 30 a 60 ans suit tant soit peu un courant parallèle a celui des prix. Pour le reste il n'y a point de conformité a remarquer. Utiterschlagung (soustraction frauduleuse) montre le même cours que le vol, Raub (rapine), rauberischer Diebstahl (vol avec violence) raubensche Erpressung (chantage avec violence) de même. Betrug (fraude), Untreue (abus de confiance), Urkuudenfalsehung (faux en écrits authentiques) n'offrent rien de remarquable. Begünstigung (favorisation), Helerei (recèlement), betrügerischer Bankcrott (banqueroute frauduleuse) montrent, selon Fuld, leur rapport avec les prix par la forte augmentation numérique dès 1875. Comme pour les crimes précédents, il y a encore a remarquer 1'accroissement trés grand du nombre des crimes commis par des jeunes gens et par des femmes. Cette augmentation du nombre des femmes criminelles trouve, d'après Fuld, sa cause dans la participation de plus en plus grande par les femmes au travail industriel. La conclusion finale de Fuld sur les crimes contre la propriété est: „Que 1'influence des prix des denrées sur les délits est assez importante." — Quoique n'ayant pas a donner a ce moment mon opinionsurla justesse de ce jugement, je crois pourtant pouvoir dire que les communications statistiques de Fuld n'en ont pas, ou presque pas, donné la preuve.-— La partie suivante traite des crimes contre la vie. II est évident qu'il ne peut être question des crimes commis par passion. Les seuls qui entrent en considération sont donc ceux, commis dans un but économique. Mais puisque la statistique criminelle 11e fait pas cette distinction, les résultats de ses recherches sur les crimes contre la vie ne peuvent être que trés petits. Puisque ces crimes d'après 1'auteur, dépendent plutót de facteurs intérieurs, il en tire la conclusion que le libre arbitre est relatif(! ?) L'examen sur Mord und Todtschlag (assassinat et meurtre), Korperverletzungen, (coups et blessures), Vergiftungen, (empoisonnement), Kindestödtung, (infanticide), Abtreibung der Leibesfrneht, (avortement), ne donne pas de résultats visibles. Tout de même 1'auteur a la conviction que 1'influence des prix des vivres devrait être trés perceptible, mais il ne peut pas la prouver. Le chapitre sur les crimes contre, les moeurs ne nous donne pas non plus beaucoup de renseignements. Ehebruch (adultère) et Incest (inceste) ne fournissent point de résultats décisifs. Nothsuekt (viol) doit, a ce que Fuld croit, augmenter quand les prix baissent; il ne peut pourtant pas le prouver. Uitzucht mit Gewalt (délits contre les moeurs avec violence) ne donne point de résultats. Uitzucht mit Kindern unter 14 Jahrett (délits contre les moeurs envers enfants au-dessous de I4ans), doit augmenter en nombre; il ne peut le prouver par des chiffres. Kttppelei (maquerellage), monte en nombre a partir de 1875 ; selon Fuld les prix aussi montent a partir de cette année. Unziiclitliclie Handlungett (délits contre les moeurs): point de résultats. XII. B. WEISZ. ') „Les besoins que 1'homme doit satisfaire sont nombreux, niais il n'y en a aucun qui se fait autant sentir que la faim. S'il ne peut pas contenter ses besoins d'une facon licite, la nécessité le pousse a d'autres moyens." Pour prouver ce qu'il dit le Dr. Weisz produit le tableau suivant. FRANCE. Années. Accusations a cause de crimes. Prix du froment. 1845 5054 '9.75 1846 5077 24>°5 1847 5«57 29>01 1848 4632 '6,65 1849 4910 '5)37 1850 5320 1 14,32 1851 5287 14,48 1852 5340 17,23 1853 S440 22,39 1854 55S5 28,82 1855 4798 29,32 1856 4535 30,75 1857 4399 24,37 1858 4302 16,75 1859 ; 3918 '6,74 1860 3621 20,24 1861 3842 24,55 1862 39°6 23,24 1863 3614 '9,78 1864 3447 17,58 En général la criminalité suit les prix (sept fois elle ne le fait pas). En remplacant dans ce tableau les chififres de la criminalité générale par ceux des crimes contre la propriété, 1'accord devient plus grand: 1) »Ueber einige wirthschaftliche und moralische Wirkungen hoher Getreidepreise". I I Années. Crimes contre la propriété. Prix du froment. 1847 I 4537j 29>QI 1848 i 3020 | 16,65 1849 2895 15.37 1850 3174 '4,32 1851 3126 I4.48 1852 3327 '7.23 1853 3519 22.39 1854 376' 28,82 1855 3133 29.32 1856 2766 30.75 1857 2689 24,37 1858 2315 16,75 1859 2019 16,74 1861 2146 24,55 1862 2144 23,24 1863 1941 '9.78 1864 1744 '7.58 La Belgique. Criminalité Délits contre la Années. Prix du froment. générale. propriété. 1841 20,02 444 332 1842 22,17 468 361 1843 19,41 434 346 1844 17,75 455 336 1845 20,06 ! 387 275 1846 24,53 616 498 1847 25,20 579 496 1848 17,37 529 427 1849 17,15 451 338 1850 16,15 ; 270 168 1851 16,71 247 132 1852 20,16 290 14° 1853 25,13 264 191 1854 31,48 336 238 1855 ! 32,92 299 212 1856 j 30,73 332 268 1857 I 22,96 309 197 1858 23,55 278 167 1859 24,00 3'4 i87 1860 31,15 254 161 Qu'on observe ici: que dans les années 1850—60 la loi pénale a été changée; la corrélation n'est pas constante, mais on la voit tout de même en beaucoup de cas. Surtout les années de crise 1846/7 sont intéressantes. Années. Infanticide. 1845 5 1846 17 1852 7 1853 13 1854 12 1855 14 Angi.eterrf.. Années. Prix du froment. r . „Lriminal Onenders. 181 ö 78,6 9.091 1817 96,n 13.932 1846 54,8 20.072 1847 69,9 22.451 1852 40,9 24.443 1853 53.3 27.187 1854 72,5 27.760 1855 74,8 31-309 1856 69,2 29.591 '857 36,4 26.542 1858 44,2 24.303 — La valeur des communications du Dr. Weisz aurait été plus grande, s'il avait mis les chifïfres de la criminalité en rapport avec ceux de la population. — XIII. W. STARKE. 1) Le premier chapitre qui nous intéresse est le chapitre V (Die Umgestaltung des Volkslebens, ihre Einwirkung auf die Kriminalitat und die Erkennbarkeit der letzteren aus den statistischen Nachweisungen iiber die Strafrechtspflege), 3>rie Section (die Sorge fiir die nothwendigsten Lebensbedürfnisse und die Lebensmittelpreise). De même que 1'influence des prix des vivres se fait sentir sur les chiffres des mariages conclus et des naissances, elle est aussi visible dans les chiffres de la criminalité. Ainsi, quand la température de 1'hiver est trés basse (dans les années 1855, 56, 65 et 71), quand 1'homme a donc plus de besoins qu'a 1'ordinaire, la criminalité monte. Les vols de bois p. e. augmentent pendant ces années. Mais ce n'est que pendant une partie de 1'année que le froid se fait sentir, tandis que la cherté des vivres dure 1'anneé entière. De la que celle-ci influence beaucoup plus la criminalité. Etudions maintenant la planche I. (Voir la page suivante). L'influence de la hausse des prix se voit trés distinctement dans la période 1849—55, et la baisse succédante est aussi accompagnée d'une diminution numérique des crimes. Ouand, a partir de 1858, les prix du seigle et des pommes de terre recommencent a monter, la criminalité monte aussi quoiqug moins fort. On ne voit pas eet accord durant les années 1861-—65. Tandis que les prix montent en 1866, la criminalité baisse par suite de la guerre avec 1'Autriche et des événements économiques. 2) !) »Verbrechen und Verbrecher in Preuszen 1854—1878." Le livre de Starke a été sévèrement critiqué par Mittelstadt (Zeitschrift für die ges Strafrechtswissenschaft 1884), par Aschrolt (Jahrbuch für Gesetzgebung etc. von Schmoller 1884) et par Illing (Zeitschrift des Königlich Preussischen statistischen Bureaus 1885). Ces critiques concernent surtout le matériel statistique, qui n'est pas composé du nombrc des crimes ou des criminels, mais de celui des cas nouveaux. Ces critiques disent a juste titre que ce nombre ne donne pas une vraie image de la criminalité, dont la conséquence a été que les idees de Starke sont souvent trop optimistes. Körner (Jahrbücher für d. Nat. Oek. u. Stat. Neue Folge. Band XIII) a réfuté les opinions de ces auteurs qui attaquent en même temps les preuves de la corrélation entre la criminalité et les conditions économiques, fournies par Starke. 2) En 1869 aussi la hausse des prix fait sentir son influence sur la criminalité. Planche I. Les années 1870—71, durant lesquelles les prix montent, présentent une baisse des chiffres de la criminalité, c'est donc la deuxième exception a la règle après 1866. A partir de 1875 la criminalité augmente beaucoup, les prix par contre montent trés peu, et, quand, en 1877, les prix commencent a descendre, la courbe de la criminalité continue a monter. Pour ce qui concerne les années 1870—71 on en trouve 1'explication dans la guerre, qui renforca le sentiment de solidarité (en 1866 aussi, mais pas autant). D'ailleurs, le développement de 1'industrie commenca déja vers la fin de la guerre, et la guerre même a soustrait a la vie ordinaire beaucoup de gens qui, sans elle, auraient été capables de commettre des crimes. L'auteur mentionne aussi la grande diminution de la criminalité en France durant ces années. — Relevons cependant que des statisticiens francais (voir p. e. Lafargue) considèrent ces années, comme de peu d'importance pour 1'étude de la criminalité, puisque la police et la justice furent alors beaucoup moins actives qu'en temps ordinaires. Nous supposons qu en Prusse les mêmes causes se sont produites. — A partir du milieu de ce siècle, 1'industrie s'est lentement développée en Prusse. Mais après la guerre ce développement a pris des dimensions gigantesques. La richesse augmenta mais 11e fut pas répartie également sur toute la population comme le prouve ce qui suit. Un calcul 11e mentionnant que les contribuables (et non les membres de leurs families ni les subordonnés) donne le résultat suivant pour 1 an 1871: I. Contribuables d'après les revenus (avec Personnes. pet. un revenu de 1000 Thlr.) . . . • . • 139-556 !>2 II. Contribuables avec un revenu de a) plus de 400—1000 Th 643.628 4,6 b) 140—400 Th 4.207.163 36,4 III. Non-contribuables (Revenus de 120 Ih. en moyenne) 6.582.066 56,8 Total . . . 12.572.413 100 le total des non-contribuables et de ceux disposant d'un revenu de 400 Th. au moins, rangés dans une des quatre dernières catégories comprend. . . . 93.2 °/0 Instruction (hommes, et garcons au-dessus de 10 ans). Classes. Personnes. Pet. I. Instruction supérieure 93.000 1,023 II. „ moyenne 193.000 2,122 III. „ élémentaire 7.885.4.2 3 86,703 IV. Analphabètes 923.274 1 °»152 9.094.757 100,00 donc 96 °/0 de la population ayant eu une instruction élémentaire ou point d'instruction. Peu a peu 1'industrie dépassa tellement 1'agriculture que celle-ci ne put plus produire les vivres nécessaires. C est de ce temps que date 1 importation en masse des blés. L'an 1873 vit le commencement de la réaction terrible qui se fit sentir dans toutes les couches de la population. Le nombre des mariages diminua, celui des naissances égalenient, et la criminalité augmenta (voir la planche I). D abord les courbes du vol et de la criminalité vont parallèlement dans leurs montées et descentes. Mais, dès 1854, elles commencent déja a diverger, et cette divergence se montre surtout dès 1871. Par conséquent, il faut qu'il y ait eu autre chose qui a influencé la criminalité. Et cette autre chose, est d'après Starke, la modification de la position politique du peuple. D'après 1'auteur, la participation a la politique par la masse du peuple, devenue possible par le droit de suffrage, a été une des causes de 1'augmentation du nombre des crimes contre 1'autorité de 1'état, comme le mouvement socialiste en a été une deuxième. — Sans doute, la participation a la vie politique par toutes les classes conduira aux crimes, surtout quand dans la lutte des classes la classe possédante se sert de moyens aussi violents que tracassiers, comme cela a lieu en Allemagne. L'assertion que le mouvement socialiste cause beaucoup de crimes n'est qu'une vérité en apparence. C'est plutót par la manière et par les moyens dont les socialistes sont combattus (p. e. une loi anti-socialiste, d'après laquelle les adherents de la doctrine socialiste doivent être traités en individus inférieurs) que par la doctrine même que les socialistes sont poussés a des actes de violence. Car les socialistes ne veulent atteindre leur but que par des moyens pacifiques et légaux, politiques et économiques, et ce n'est que quand 011 tache de les contrarier par la force qu'ils excitent a faire usage de moyens violents. — Starke fait enfin la conclusion suivante sur les causes du mouvement dans la criminalité: „Kaum je haben in dem kurzen Zeitraume eines Menschenalters so viele gewaltige Faktoren verschiedenster Art auf das Leben unsers Volks eingewirkt, wie in der Zeit von 1848—1878: eine vollstandige Umgestaltung der Rechtspflege und der Polizei; eine so aussergewohnlich starke Vermehrung und Verdichtung der Bevölkerung, dass der Boden, auf dem sie lebt, nicht mehr im Stande ist, mit seinen Erzeugnissen eine so grosse Bevölkerung zu ernahren ; eine hiermit zusammenhangende gewaltige Entwicklung der Industrie bei wiederholten NothstSnden, welche durch Theuerung der nothwendigsten Lebensmittel und Epidemien hervorgerufen wurden; die Entwicklung des Weltverkehrs und Welthandels; blutige Kriege, welche durch das System der allgemeinen Wehrpflicht das ganze Volk in allen seinen Schichten berühren; eine volkswirthschaftliche Krisis, so schwer, wie noch keine bisher dagewesen ; und zu allen diesen Faktoren und in derselben Zeit: der Eintritt des Volkes in die Ausübung politischer Rechte, endlich, an diese sich anlehnend, eine tief eingreifende socialistische Bewegung. Alle diese Faktoren haben ihr Theil an der Gestaltung des Volkslebens in guter wie in schlechter Richtung, also auch auf die Bewegung des Verbrecherthums. In erster Linie stehen die Beeinflussungen des physischen Lebens durch Kalte und mangelnde Ernahrung. Die grosse Bedeutung der Winterkalte ist an der Zu- und Abnahme der Holzdiebstahle gezeigt worden. Viel machtiger noch wirkt die Sorge um das Planchf. V. Jm Jakrt ama/uruu vin UnUrsuduuu] P- 94 7 5 En position Pourcen- dépendante tage 1. Sur les 65 hommes, condamnés pour cause d'assassinat 41 | 63,7 2. Sur les 80 hommes condamnés pour cause ■ de meurtre I 59 73>7 (La grande moitié de tous les condamnés, hommes et femmes, pour assassinat ou meurtre étaient agés de 30 ans 011 au-dessous). En étudiant la courbe des infanticides, nous voyons qu elle a atteint les points les plus élevés dans les années défavorables 1857» 1863, 1866, 1867 (Prusse Orientale) et 1868. E11 1857 eut lieu la première crise commerciale, et en 1864 et 1866 le choléra sévit, et la guerre avait éclaté; nombre de pères d'enfants illégitimes moururent, ce qui causa que les filles-mères ne furent pas a même d'entretenir leurs enfants. Une comparaison entre la courbe des crimes d'mcetidie de la planche \ I (crimes et dclits contre la süretc ptiblique), commis dans le même but que les crimes contre la propriété, avec celle des crimes contre la propriété de la planche III, montre une grande ressemblance de cours: 1'augmentation de ce crime se présente aussi dans les années économiquement défavorables. ') 1) Quoique les observations faites sur quelques autres crimes ne soient pas dénuées^ d'intérêt, je ne mentionne que les crimes offrant des points de vue particulièrement intéressants pour mon travail. S^ *S* *> » g g 3 % y g § st :>!. I | iftrf pTTTTTTl s ■I! |=l | ^ SJ S % I' « 5 S? f § 1 bi AI Ni lil 1 * li* jpfe «sa lil. §ï r'l ri'ï I !ï| |M i t Planche VI. li [r i|| t? s|i XIV RETTICH. ') La partie „Crimes et Délits contre la propriété" de cette étude contient quelques observations qui sont d'importance pour le sujet qui nous occupe. Je ne saurais mieux rendre 1'opinion de 1'auteur qu'en citant ce qui suit: „Dasz die Haufigkeit der Vermögensdelikte im Zusammenhang mit den jeweiligen wirtschaftlichen Verhaltnissen stehen müsse, scheint keines Beweises zu bedürfen. Wer selbst im Ueberflusz lebt, für den fehlt, wenn auch sonst Neigung zu allen möglichen Verbrechen in ihm schlummert, jedenfalls das Genuszmotiv zur Aneignung fremden Eigentums. Ein beliebtes, aber gewisz nicht stichhaltiges Schlagwort der Sozial-demokratie ist es, dasz die Aufhebung des Privateigentums und die staatliche Regelung des Genuszlebens die ganze schwere Zahl der Vermögensdelikte vom Erdboden verschwinden machen würde. Sie vergiszt, indem sie dies behauptet, die Wahrscheinlichkeit dasz dann eben wie früher der Private, so jetzt der grosze Eigentümerstaat bestohlen werden würde und zwar von Leuten derselben Art, die heute ohne in Mangel zu leben, gleichwohl mit dem was sie rechtmasziger Weise zu erwerben im Stande waren, nicht zufrieden sind und darum die Hand nach unrechtem Gut ausstrecken. Die Apostel des Staatseigentums müszten, um ihre Behauptung glaubhaft zu machen, zum mindesten den Beweis erbringen, dasz die Vermögensdelikte, die wir heute bestrafen, sdmtlich auf Hunger und Not der Verurteilten zurück zu führen sind. Diesen Beweis aber werden sie nicht zu führen vermogen. Nicht weil die Reichsstatistik, was ja vielleicht nicht einmal unmöglich ware, keinerlei Angaben über die wirtschaftliche Lage der Verurteilten macht, sondern weil eben in der That gerade die schwersten Vergehen und Verbrechen gegen das Vermogen nicht von den Hungernden verübt werden. Der Kaufmann, der betrügerischen Bankerott macht, der Banquier, der die Depots unterschlagt, der Lebemann, der Wechsel falscht, sie alle haben, wenn nicht aus dem Ueberflusz, so doch haufig aus einem recht auskömmlichen Leben heraus den Schritt in das Verbrechen gethan. Leute dieser Art werden aber auch aus dem Sozialistischen Staate nicht verschwinden. Bei ihnen hat es nicht an der Ordnung der Gesellschaft, sondern an der individuellen sittlichen Verfassung gefehlt, deren einzige Grundlage, die Religion, die der heutige Staat aus wohlerwogenen und 1) «Die Würtembergische Kriminalitat." (Ein Beitrag zur Landeskunde auf Grundlage der Reichsstatistik). keineswegs blosz transzendenten Griinden zu fördern strebt, im Zukunftstaat günstigsten Falies blosz Piivat- und Nebensache sein soll." ') Concernant la relation entre le cours du prix de quelques céréales importantes et une grande partie de la criminalité contre la propriété, 1'auteur donne le tableau suivant: Prix moyen pour 200 K.G. en mark. Arrêts pour cause Années. - — - ; de vol sur Froment. Blé. Seigle. 10.000 personnes. 1882 22,57 23.63 IS,8I 26,0 1883 19,04 19,29 16,30 25,2 1884 18,44 i8,75 17.17 22>7 1885 17,92 18,11 16,17 2I.5 1886 17,68 17.94 14,69 20,7 1887 18,88 18,95 15,26 20,5 1888 20,23 20,64 16,19 20>3 1889 20,03 2°,52 I6,50 21 >4 1890 2M3 21,71 17,97 21,2 189 1 22,48 22,92 19,26 1^3 II y a d'abord certaine corrélation entre les chifïfres des diverses colonnes, mais elle manque surtout durant les dernières années. II est bien probable que la diminution de la criminalité contre la propriété est due, durant ces années, aux conjonctures économiques trés favorables d'alors. ') p- 360- Planhce I. vvwiuiu* a«| toooo&mvtc. | j I i li-l- l ftw5,"v*v*noyv w- 351 /" *44 wo JÏÏ\ot&m\ 05«■ 15 10 ^niudiuimi hw ^5-^ati-nuutu^»»a4, x*a \ uo XV. A. M E IJ E R. La deuxième section du deuxième chapitre („Abhangigkeit von wirthschaftlichen und sozialen Faktoren") de 1'ouvrage „Die Verbrechen in ihrem Zusammenhang mit den wirthschaftlichen und sozialen Verhaltnissen im Kanton Zürich, ') traite de 1'influence des prix des denrées et du produit de la récolte (voir la planche I). D'abord 1'auteur fixe 1'attention sur les années 1853/1861. Nous voyons que les courbes des prix des céréales et des délits contre la propriété sont alors assez parallèles. Cependant celle des prix fut le plus basse en 1858, tandis que celle des délits le fut en 1859. C'est un fait connu que les phénomènes économiques ne font sentir leur influence sur la criminalité que quelque temps après. Du reste ce n'est que 1'année suivante qu'une partie des délits, sont comptés dans la statisque criminelle. Les crimes contre la personne montent quand les prix baissent, et v. v. Moins les prix des aliments sont influencés par les mauvaises conjonctures industrielies, plus leur influence sur la criminalité sautera aux yeux. La section suivante est intitulée „Schuldbetreibungs- und Konkursstatistik als Ausdruck der vvirtschaftlichen Lage der Bevölkerung und Kriminalitat." En examinant pour la période 1832/52 la planche II, nous voyons que les courbes des faillites et des délits contre la propriété sont parallèles. En examinant la planche III (la période 1852—1892), nous observons que les délits contre la propriété sont influencés aussi bien par les faillites que par les prix du blé. Tantöt les deux forces agissent dans la même direction et se renforcent par conséquent, tantót leurs directions sont opposées, ce qui fait qu'elles se neutralisent plus ou moins. II y a encore a faire remarquer qu'en 1867 une épidémie de choléra sévit sur le canton, et que la largesse, dont on fit preuve alors, a efïfectué que le chifTre de la criminalité y resta au dessous de celui que les événements économiques auraient dü produire. La conclusion du Dr. Meyer sur ce qui précède est celle-ci: „le résultat des recherches prouve que dans la suite des années le nombre des crimes contre la propriété est étroitcment lié aux conditions matérielles; plus la difficulté de vivre est grande, plus les crimes contre la propriété sont nombreux. La statistique des crimes contre la propriété i) Voir sur ce livre la critique du prof. F. Tönnies dans »l'Archiv fiir soziale Gesetzgebung und Statistik" 1896. 1'l.ANCHK 11. Planche III. rnontre au méme tcmps le degré de la prospérité du pays, comme le prouve e. a. la statistique des faillites." ') La planche IV donne une comparaison des crimes contre la personne avec les conditions économiques et démontre que ces crimes augmentent quand les conditions économiques deviennent plus favorables. et que les vendanges plus au moins abondantes sont un facteur non sans importance. A la page 44 1'auteur commence son examen sur la criminalité dans les différents districts (Bezirken) du Canton de Ziirich, en recherchant comment les nombres des condamnés sont répartis dans les districts, d'après les districts oü les actes ont été commis, et d'aprés ceux que les auteurs habitent (Heimatort.) D'après la première répartition les districts de Ziirich, de Dielsdorf et de Horgen ont les chiffres les plus élévés; ceux de Hinweill, de Meilen et de Pfaffikon les plus bas. D'après la seconde répartition ce sont encore les districts de Dielsdorf et de Horgen qui donnent les chiffres les plus élevés tandis que les districts de Hinweill, de Meilen et de Pfaffikon occupent ici encore la dernière place. Ceux de Ziirich et de Winterthtir, qui, d'après la première répartition, tenaient la première, occupent, d'après la seconde, les huitième et dixième places. On voit de ceci que, quelque grand que soit le chiffre des crimes que les deux dernièrs districts produisent, leurs auteurs sont avant tout des gens non-originaires du canton. II compare ensuite les districts de Hinweill et de Pfaffikon qui ont les chiffres les plus bas, aux districts de Horgen et de Dielsdorf, qui ont les chiffres les plus élevés. Le Dr. Meyer conclut que les 2 premiers districts sont les plus pauvres, et les deux derniers les plus aisés, conclusion qu'il base sur différents faits, entre autres sur les subventions que les administrations de 1'Assistance publique des différents districts recoivent de 1'Ltat. Et, d'après lui, il s'ensuivrait qu'en ce cas la connexité entre conditions économiques et criminalité n'est pas directe. — II n'appert pas de ce travail si 1'auteur a fait, oui ou non, une étude de Ouételet. Mais s'il 1'a fait il est déplorable qu'il ne se soit plus souvenu du passage oü Ouételet parle de la relativeté de pauvreté et de richesse. II aurait alors évité une erreur. Pourtant, 1'auteur fait allusion a cette relativité quand il relève que la pauvreté du District de Hinweill est tout autre que celle de Horgen. — „En Hinweill", dit-il „de même qu'en Pfaffikon il existe un appauvrissement général trouvant sa cause dans les conditions défavorables du sol et de 1'état de la population, dans des hypothèques trop élevées, la mauvaise cultivation des propriétés agricoles, la diminution de 1'industrie, le manque d'instruction etc., appauvrissement qui menace de ruine des communes entières." 2) Donc, une augmentation des crimes n'est pas a craindre dans les pays, oü la pauvreté frappe la population entière. Car, aussi bien que le seigneur perd ses droits la oü il n'y a rien, le voleur ne peut rien voler. Puisque dans les districts soi-disants aisés ') p. 4i. 2) P- 57- Planche IV. les difïférences de possession sont plus tranchantes, 1'occasion de mal faire y est plus grande, et c'est ce qui fait que la criminalité y est plus grande aussi. La conclusion du Dr. M. sur ce qui précède est celle-ci: „Die Kriminalitat ist ein geschichtliches Produkt, und die wirtschaftlichen Verhaltnisse nur ein, wenn auch bedeutender, Faktor. Bei gleichen wirthschaftlichen Verhaltnissen, — auch wenn man in diesem Punkte so genau vergleichen könnte, um dies mit Recht sagen zu können — ist deshalb die Zahl der Vermögens-verbrechen nicht gleich, und braucht nicht gleich zu sein. Es kommt darauf an, wie sich die Bevölkerung mit der ökonomischen Lage abgefunden hat, ob sie höhere oder niedere Ansprüche an das Leben stellt, was fiir Anschauungen sie iiber den Zweck des menschlichen Lebens liegt, u. s. f." !) Ouant aux professions des condamnés les données du Dr. M. sont incomplètes. II en résulte que la population agricole produit un chiffre de la criminalité inférieur a celui du prolétariat industriel. En voici, d'après le Dr. M., les causes: „Eine nach unseren bisherigen Untersuchungen völlig zutreffende ErklcLrung dieser Erscheinung hat schon v. Valentini gegeben indem er sagte: „Dieser namlich (der kleine Grundbesitz) macht unmittelbare und erschöpfende Ansprüche an die Arbeitskraft einer ganzen Familie, wahrend er anderseits die nachsten und unentbehrlichsten Bedürfnisse für den Haushalt ausreichend gewahrt, so dass ebensowohl Müssiggang als Nahrungssorgen von einer solchen Familie ausgeschlossen zu sein pflegen." 2) „Anders ist es in der Industrie. Die grössere Selbstandigkeit der industriellen Arbeiter, die ganz ausschliessliche Geldlöhnung derselben, die Abhangigkeit der Industrie von den Conjuncturen des Marktes, haben die Stetigkeit der materiellen Existenz, wie sie die Landwirthschaft geniesst, zu einer schwankenden und unsicheren gestaltet. Ueberfluss sowohl als Mangel suchen diese Berufsgruppe heim, und jedes dieser beiden erzeugt die ihm entsprechende Verbrechensart." 3) — L'expression „Ueberfluss" ne proitve pas une grande connaissance du système capitaliste. Pour 1'auteur le prolétaire vit déja en „abondance", quand il gagne tant qu'il n'est pas indigent et peut dépenser une parcelle de son salaire pour ses plaisirs. 4) Une citation de Garofalo doit encore servir a indiquer plus amplement comment le prolétaire dépense une grande partie de cette „abondance" dans le cabaret. Nous n'avons pas besoin de considérer de plus prés les interprétations fausses et incomplètes, données a cette idéé d'abondance. Aussi bien que le Dr. Meyer et le Baron de Garofalo désirent passer une partie de leur temps a se divertir le prolétaire aussi a ce désir. Seulement, il n'a pas recu une bonne éducation comme eux. II n'a donc pas appris comment il doit passer son peu de loisir. Et puis, pour lui le temps du traivail est long et le travail mème trés dur — ce qui fait qu'il a besoin de stimulants trés forts, qu'il trouve e. a. dans 1'alcool. !) p. 61. 2) p. 66. 3) p. 67. 4) p. 82 1'auteur dit qu'il entend par «abondance" la possession de moyens matériels. Alors son explication n'est pas une erreur sociologique mais un solécisme, car la signification d'abondance est «avoir de trop" et non pas >>avoir suffisamment." Le Dr. Meyer termine son ouvrage en disant qu'il ne croit pas qu'une amélioration des conditions économiques doit inévitablement mener a une augmentation de crimes contre les personnes, mais que les causes en sont plutót la frivolité, la grossièreté, la vie déréglée (alcoolisme) par suite d'une amélioration des conditions. Mais.... la jeunesse ne connait pas la sagesse! Ce n'est qu'en avancant en age que 1'adolescent hardi et grossier devient sage et doux. Or, de la même facon la société perdra, un a un, les péchés de sa jeunesse! XVI. M. TUGAN-BARANOWSKY. J) Cette étude a été écrite dans le but de prouver que les crises commerciales en Angleterre des années 1823-—1850 eurent un caractère beaucoup plus violent (ce que les faits sociaux doivent démontrer) que celles des années 1871—96, qui se présentèrent moins soudainement et se firent ressentir encore longtemps après. Puisque la criminalité est un de ces phénomènes sociaux indiqués comme causés par ces crises, il vaut bien la peine de donner un abrégé de 1'ouvrage indiqué. Le Dr. Tugan-Baranowsky a examiné 1'influence que les crises commerciales ont exercée. ie. Sur les districts agricoles, a savoir: Cambridge, Essex, Norfolk, Oxford, Lincoln, Suffolk, Wilts (diagrammes 1 et 4.) 2e. Sur les districts industriels de Lancaster et de Chester (diagrammes 2 et 5). 3e. Sur toute 1'Angleterre (diagrammes 3 et 6). Observons d'abord les trois premiers diagrammes. Le premier diagramme fait voir que la crise commerciale de 1825 a eu un effet trés faible sur la criminalité. Ce sont les prix élevés du blé en 1829 qui font monter la criminalité. Le même effet est atteint par la fameuse loi de 1834 (par laquelle non seulement les secours a donner a des ouvriers pauvres furent fortement limités, mais qui prescrivit aussi le placement dans les hospices des pauvres de ceux, qui furent sans moyens d'existence) et par la crise de 1836. En 1844/5, années de bonnes récoltes, la criminalité baisse, après quoi la récolte manquée (aussi celle des pommes de terre) de 1847 occasionne un effet opposé. En considérant les cartes 2 et 3 on observera que 1'influence des crises commerciales a été plus forte dans les contrées industrielies que dans les districts agricoles. (Ce qui se voit plus distinctement sur la carte 2 que sur la carte 3). La crise commerciale de 1825 fait monter la courbe de la criminalité assez considérablement; les années favorables 1833—36 la font descendre a partir de 1834, et la crise de 1836 occasionne une augmentation du nombre des crimes en 1837. Des mauvaises années 1840—43 s'ensuit un accroissement lormidable de la populationcriminelle, qui doit aussi être attribué, du moins pour une partie, au mouvement chartiste. La période favorable qui suit effectue le contraire. II est intéressant de comparer les courbes (sur la carte 3) de 1'exportation et de la criminalité, qui s'entrecroisent presque continuellement. !) »Die sozialen Wirkungen der Handelskrisen in England." Considérons enfin les 3 derniers diagrammes. Le Dr. Tugan-Baranowsky attribue la descente de la courbe de la criminalité sur la carte 4 en premier lieu aux conditions améliorées de la population agricole. (En outre, le nombre de crimes est fortement diminué par 1'altération dans la procédure pénale dès 1879, et '1 va sans dire qu'il faut aussi compter avec cette influence quand on étudie les deux derniers diagrammes.) Par les diagrammes 5 et 6 on voit que 1'influence des crises sur la criminalité est beaucoup moins fort,' que celle d'auparavant. Ainsi p. e. la diminution de la criminalité n'a pas été empéchée par la crise du commencement de la période 1890—96. La conclusion finale du Dr. Tugan—Baranowsky est celle-ci: „Die drei ersten Diagramme geben ein Bild von dem Leben der englischen Bevölkerung im zweiten Viertel dieses Jahrhunderts. VVir sehen schroffe periodische Veranderungen wichtiger Erscheinungen des Volkslebens, vvelche in offenbarem Zusammenhange mit den Veranderungen im Zustande der Industrie stehen. Besonders sprunghaft sind die Veranderungen im Leben der Industriebevölkerung. Jede Krisis übt eine devastierende Wirkung in den Reihen der Arbeiterklasse aus, die Arbeitshauser werden mit Arbeitslosen überschwemmt, die Gefangnisse füllen sich ebenso, die Sterblichkeit steigt in einem enormen Masze, die arbeitslosen Volksmassen schliessen sich gern einer politischen Bevvegung an, und die Jahre der Krisen sind zugleich Jahre revolutionarer Bewegungen. Zur selben Zeit entwickelt sich die Industrie und der Handel des Landes rasch. Das enorme Anwachsen der Warenausfuhr Englands, dessen Kurve immer höher steigt, steht in einem schroffen Kontraste mit der Verschlechterung der Lebensverhaltnisse der arbeitenden Klasse. Die drei letzten Diagramme bieten uns ein ganz anderes Bild. Der englische Export steigt nicht mehr. An Stelle des energischen Steigens der Kurve mit starker Senkung in den Jahren der Krisen sind regelmassige wellenartige Schwankungen auf dem selben Niveau getreten. Die industrielle Entwicklung des Landes schreitet in einem verlangsamten Tempo vorwarts. Und zugleich sind im Volksleben alle Merkmale eines steigenden Wohlstandes zu beobachten. Die Sterblichkeit, die Kriminalitat und der Pauperismus sinken rasch. Die Krisen iiben nicht mehr den früheren Einfluss auf die Lage der Bevölkerung aus. Selbst in den Industriebezirken hat die Geschaftsstockung nicht mehr die frühere verderbliche Wirkung auf die Arbeiterklasse: die Sterblichkeit und die Kriminalitat steigen nicht mehr und auch die Zahl der Paupers wachst kaum merklich. Die organisierte Arbeiterschaft unterstützt ihre Arbeitslosen selbst. Die Arbeitslöhne stehen in den Jahren des industriellen Niederganges nur ein wenig niedriger, als zur Zeit des Aufschwunges! "') p- 39—40. ^ VCI^kvmwvv 9Z> * 3. 8 I r>» —-« —•« «—« ""■* «w ^ ' OD V V w w — — ® ë - ï tf ï is XVII. E. TARNOWSKI. ') A la fin de son étude 1'auteur nous donne la table suivante qui contient quelques données sur la relation entre le prix du blé et la plus 011 moins grande abondance des récoltes d'une part, et la criniinalité de 1'autre. Les chiffres dans la deuxième colonne concernent les divers genres de vol. La loi du 18 Mai 1882 ayant considérablemen't modifié le code pcnal, les chiffres des années 1882 et 1883 ne pouvaient être comparés a ceux des années précédentes. C'est pourquoi ils ont été supprimés. ! Proportion des | Nouveaux cas | Prix d'un „pud" i récoltes des céréales sur i de seigle (en j considérée k la IOO.OOOhabitants copecks). j moyenne de25 années, 1874 76 75 io5 1875 i 77 73 90 1876 78 76 95 1877 j 86 80 , 103 1878 : 95 76 106 1879 1 9° 86 j 93 1880 104 99 87 [881 103 129 105 moyenne1874"® I 89 87 —~ 1884 45 90 10,s 1885 ' 46 77 9° 1886 44 . 74 100 1887 45 67 n4 1888 43 65 108 1889 43 70 8 3 1890 46 68 97 1891 52 I29 73 1892 52 89 17 1893 50 : 61 104 1894 50 j 50 !2i moyenne 1884-94 47 7^ [ 1) »La delinquenza e la vita sociale in Kussia." Une autre pubhcation du même auteur est: »Sulle relazioni fra la delinquenza e il prezzo dei cereali. 1 uisqu elle a paru en russe, il m'est impossible d'en donner plus que le titre. D'après 1'auteur on pourrait mettre en doute, que les années de récoltes manquées puissent occasionner en Russie une augmentation du nombre des vols. Car par le prix élevé du blé la population agricole y a fait de bonnes affaires. Cependant il a été prouvé par les chiffres susnommés que ces années ont bien une influence défavorable sur la criminalité, ce qui est du reste compréhensible, si 1'on prend en considération que la plupart des paysans russes ne récoltent que pour leur propre consommation, et qu'ils sont donc gravement frappés en cas de mauvaises récoltes. XVIII. H. MÜLLER. Dans l'introduction de son oeuvre: „Untersuchungen iiber die Bewegung der Criminalitat in ihrem Zusammenhang mit den wirthschaftüchen' Verhaltnissen" le Dr. Muller décrit le résultat de ses recherches de la manière suivante: „lm Laufe der Erörterungen wird sich zeigen, dass mit der Zeit die jeweilige Lage des Ervverblebens, das grössere oder geringere Mass der Arbeitsgelegenheit, die Blüte des gesamten wirthschaftlichen Lebens und auf der anderen Seite die Stockungen desselben, die Geschaftskrisen allmahlig weit bedeutungsvoller wurden fur die Zu- oder Abnahme des Verbrecherthums als ein Steigen oder Kallen der Getreidepreise, und dass in der Gegenwart diese I'aktoren die wirthschaftliche Bedeutung der Getreidepreise im hervorgehobenen Sinne auf ein Minimum herabgedrückt haben." ') La période examinée (1854-1895) est divisée en deuxparties, paree que la statistique criminelle pour 1'Empire allemand, qui existe depuis 1882, fournit les nombres des crimes et des criminels, tandis que la statistique prussienne donne le nombre des nouveaux cas mis a 1 examen. Les chiffres de ces années sont: La Prusse 1854—1878. Nouveaux cas sur 100.000 habitants. | Contre la Contre la Contre 1'état, 1'ordre Annces. propriété. personne. public et la rcligion. :—i ö r 1854 416 78 1855 436 78 1856 472 81 47 1857 324 95 55 1858 288 103 54 1859 295 103 51 1860 310 102 56 1861 314 93 52 1862 313 io5 54 x) p- 4- n . , n . i Contre 1 etat, x , Contre la Contre la „ , , ' Annees. ., , 1 ordre public et propnete. personne. , f. . r r r la religion. 1863 288 III 53 1864 290 115 56 1S65 j 325 121 58 1866 314 109 55 1867 | 360 112 { 51 1868 392 117 52 1869 338 126 53 1870 296 99 46 1871 254 75 41 1872 281 94 56 1873 266 106 64 1874 295 125 81 1875 284 135 84 1876 315 142 89 1877 341 160 87 1878 370 164 103 La I'russe 1882 — 1895 condaninés sur 100.000 habitants au dessus de 12 ans. Années Contre la i Contre la ' Contre 1'état, 1'ordre propriéte. j personne. j public et la religion. 1882 545 328 ; 180 1883 520 343 i 174 1884 527 382 188 1885 492 385 185 1886 488 402 196 1887 475 421 203 1888 466 404 | 200 1889 503 423 197 1890 496 449 199 1891 520 443 190 1892 575 458 199 1882—91 510 404 194 1894 528 527 219 Etudions en premier lieu les critncs et clélits contre la propriéte: I. Crimes et dclits contre la propriété. La Prusse 1854—78. Nouveaux cas sur 100.000 habitants. Soustrac- „ Rcce c faux ct I k.ndom- . ... I Rapine et ment ct f Faux en Annees. Vol. t.on frau- ^ favorisa- ^„7 écrits' ment duleuse. ö t-on ment. ment. 1854 i 334 28 1,0 40 17 5,4 10 1855 354 29 1,1 34 16 5.7 8 1856 386 31 ; 1,1 43 17 6-° 8 1857 246 23 1,0 38 15 7,0 10 1858 i 213 22 | 0,8 30 ! 12 7,3 n 1859 219 22 i 0,8 25 i 12 7,5 12 1860 229 24 0,8 30 13 7,7 12 1861 232 24 0,8 26 13 8,1 12 1862 229 24 0,9 25 13 8,2 14 1863 206 23 0,8 21 14 7,5 15 1864 206 24 1,0 25 13 7,4 '7 1865 227 24 0,8 25 14 7,6 17 1866 222 23 0,8 24 14 7,2 17 1867 265 25 0,9 32 15 8,1 17 1868 293 27 1,2 36 | 16 8,0 17 1869 241 25 1,0 30 15 7,1 18 1870 211 22 0,9 27 14 6,4 17 1871 190 18 0,8 33 10 3,2 14 1872 209 20 1,4 46 11 3,4 17 1873 196 19 1,4 46 11 3.5 18 1874 216 22 1,7 50 13 3.7 l9 1875 209 23 i,7 49 13 4.2 19 1876 223 25 1,9 50 16 4,9 21 1877 238 28 j 2,4 51 18 5,5 22 1878 257 30 2,4 55 20 5,6 24 La Prusse 1882-—96. Condamnés sur 100.000 habitants au dessus de 12 ans. 1882 337 44 1,5 30 29 8,0 38 1883 323 42 1,4 27 29 7.7 37 1884 322 44 1,7 27 31 8,4 41 1885 289 44 1,4 25 30 8,0 41 1886 282 43 1,5 24 32 8,3 41 1887 267 42 1,4 24 35 8,6 43 1888 . 262 43 1,2 23 36 8,6 38 1889 289 46 1,4 25 41 10,0 40 1890 278 46 1,5 25 41 10,0 42 1891 292 47 1,6 25 44 10,9 41 1892 329 52 1,6 30 48 11,7 42 1893 298 45 i,s 26 36 9,0 41 1894 276 51 1,4 25 51 12,9 47 1895 271 53 — 24 52 13,2 — 1896 ' 259 50 — 1 22 50 12,8 — - Or, les causes qui forcent la criminalité a monter quand les conditions économiques baissent sont, d'aprés 1 auteur, les suivantes: „Der Trieb zur Selbsterhaltung, in seiner harmonischen Entwickelung der Beweggrund für den gerechten und sittlichen Kampf des Menschen um sein Dasein, in engerer Form der vornehmste Grund zu einer Erwerbsthatigkeit, fordert in seiner Entartung iiberall und zu allen Zeiten einen gewissen, oftmals hohen Prozentsatz von Opfern, die den Verbrechen, insbesondere dem Diebstahl, dem Betruge, der Unterschlagung und anderen Delikten gegen das fremde Eigenthum anheimfallen. Und es gibt als Erfahrungssatz der sich stets erprobt hat: je grösser die Sorge um die Erhaltung der Existenz, oftmals allein um die' Beschalïung des taglichen Brodes, desto grösser ist die Zahl der Delikte gegen das fremde Vermogen. Tritt die Not an den Menschen heran, so stellt sich zugleich der Trieb ein, der ihn dahin bringt, sich an dem Gute des anderen, wirthschaftlich besser gestellten zu vergreifen. Eigenthumsverletzungen sind zu einem gewissen Teile auch auf andere Beweggründe zurückzuführen ; indes spricht nichts dafiir, dass diese Motive z. B. die Habsucht und Begierde bei einem ganzen Volke in einem Jahre starker, in anderen wieder schwacher auftreten ; vielmehr muss man denselben eine gewisse Gleichmassigkeit in ihrer Einwirkung auf das verbrecherische Thun beimessen. Ausschlaggebend für das jeweilige Aufsteigen und Kallen der Vermögensdelikte bleibtder mehr oder minder hohe Wohlstand eines Volkes, Verteuerung der nothwendigsten Lebensmittel in friiheren Zeiten, das Mass der Erwerbsgelegenheit in der Gegenwart." ') Le tableau suivant donne les prix de quelques denrées importantes (par 50 Kilogr.): _ . Pommes dc Années. Eroment. beigle. terre. 1848 7,49 4.82 1,84 1849 7.29 3.97 1 »45 1850 ; 6,91 4.55 ! !>55 1851 . 7.47 6>26 2,08 1852 8,59 7.7 2 2,48 1853 10,25 8,5° 2,47 1854 12,90 10,40 3.17 1855 14.21 n.45 3.37 1856 13,51 10,64 3.13 1857 10,18 ' 6,87 ! 2,18 1858 9>°8 6,38 1,91 1859 8,93 6,79 1,98 1860 10,48 7.6 5 2,41 1861 11,04 7.7i 2>79 1862 10,68 7,79 2>47 1863 1 9,'8 i 6,78 j 2,04 1864 7,95 5,69 2>10 ') p. 24—25. _ j „ . . rommes cie Années. ] Proment. j beigle. i terre. 1865 8,13 6,24 2,03 1866 9,80 7,30 2,05 1867 12,89 | 9,87 2,95 1868 12,48 j 9,84 2,62 1869 9,70 8,08 2,16 1870 10,14 7,78 2,58 1871 11,70 8,60 3»°5 1872 12,10 i 8,40 2,95 1873 13,20 9,60 3.00 1874 12,00 9,90 3,35 1875 9,80 8,60 2,75 1876 10,50 8,70 2,82 1877 11,50 8,85 3,18 1878 10,10 7,15 2>82 1879 9,80 7,20 3>°8 1880 10,95 9,65 3,25 1881 11,00 10,10 2,85 Une comparaison do ces chiffres a ceux de la criminalité fera voir que les délits contre la propriété montent dans les années trés chères jusqu' en 1855 (Des années aussi chères sont celles de 1867—68, 1871 — 76 et 1891). En 1857 les prix tombent et les délits contre la propriété également. Dans les chiffres concernant les pays étrangers on voit beaucoup moins cette relation. Le Dr. Weisz a bien réussi a démontrer une relation pareille pour la France, mais pour la Belgique elle est beaucoup plus faible. Pour 1'Angleterre on ne peut pas démontrer qu'il y ait parallélisme entre les courbes de la criminalité et celles des prix du blé. Les années 1831—40 et 1841—50 donnent même des descentes des courbes de la criminalité, tandis que les vivres furent alors chères. II faut donc qu'il y ait une autre cause, et bien celle-ci que 1'Angleterre a eu, longtemps avant tous les autres pays, un grand développement industriel. Après un développement extrêmement rapide jusqu'en 1847 1'industrie dut passer par une crise formidable, qui commenca en 1847—48. 1 andisque la moyenne annuelle du nombre des condamnés en Angleterre et Galles fut 20.445, et que ce chiffre tomba jusqu'a 18.100 et a 17.400 dans les années favorables 1845 1846, elle monta durant les années decrise 1847—48 jusqu' a 21.500 et 22.900, pour redescendre jusqu' a 21.000 en 1849 c. a d. lorsque les affaires eurent repris leur marche normale. Dans les années suivantes 1'industrie reprit un enorme élan. Par la découverte des mines d or en Californie, par 1 abolition des droits d'entrée sur les céréales, et par beaucoup d'autres causes encore, 1'industrie put se développer de plus en plus. \ int alors en 1857 „Krach", qui frappa tous les pays industriels, surtout 1 Angleterre. En 1856—60 il y eut une moyenne de condamnés de 13565 par an; en 1857 elle fut de 15307, donc une augmentation de i2"/o! Qu'on ne puisse pas observer les suites de cette crise dans les chiffres de la criminalité en Prusse, doit être attribué au fait que dans ce pays le développement de 1'industrie fut encore de peu d'iniportance. Après les années trés chères 1852-—56 'es Pr'x du blé restèrent assez constants en Prusse. Ce ne fut qu'en 1860—62 qu ils montèrent un peu et occasionnèrent une augmentation des cas de fraude et de vol. 1867-—-68 sont des années qui se distinguent par les prix extraordinairement élevés du blé, qui ont bien quelque influence sur la criminalite, sans égaler celle des années chères comme par exemple 1852—56- La criminalité a diminué dans ces années de guerre 1866 et 1870/71 et trouve d'après le Dr. M., sa cause dans les deux circonstances suivantes: ie qu' une grande partie de la population, capable de conimettre des crimes, était alors envoyé hors du pays; et 2e que le sentiment de solidarité est plus fort en temps de guerre. Malgré la hausse des prix du blé de 1871-—74 'a criminalité a fortement baissé après la guerre de 1870. Une modification de la loi pénale ne peut pas en être la cause; celle-ci a une origine plus profonde. Dès 1871 1'Allemagne a vu son industrie se développer d une manière prodigieuse. La prospérité fut de courte durée, car a 1'été de 1873 suivit la crise, qui dura jusqu'en 1878. Or, c'est durant ces années que les crimes contre la propriété ont beaucoup augmenté. En étudiant cette période dans d'autres pays, p.e. en Autriche et en Angleterre, nous voyons encore 1111 développement formidable de 1 industrie et du commerce, acconipagné d'une baisse de la criminalité. Le nombre des criminels en Autriche fut en moyenne 32800 pour les années 1860—70 et 26900 pour les années 1871—75. Pour 1'Angleterre ces chiffres furent durant les mêmes périodes 14100 resp. 11200. La France seulement fait une exception, car dans ce pays ce ne fut pas immédiatement après la guerre que 1'industrie commenca a se développer. ■) Mais en Autriche et en Angleterre, les conséquences de la crise se firent sentir sur la criminalité tout comme en Prusse ; en Autriche p.e. elle monta de IOU/0! A partir d'environ 1878 les affaires se rétablirent en Prusse et aussi dans les autres pays, et peu a peu le nombre des crimes contre la propriété y baissa en même temps. (durant la période de 1885 a 1890 de 7°/0 en France, de 9°/0 en Autriche et de 20°/0 en Angleterre.) En 1889 encore une fois grave perturbation dans la vie économique, se prolongeant jusqu'en 1892. Durant ces années nouvelle hausse de la criminalité: en Autriche p.e. la moyenne des condamnés fut de 29483 en 1890/94, contre 28834 durant les 5 années précédentes. En Angleterre 011 observe le même phénomène ; et en Prusse également (voir les tableaux.) Le Dr. M. fixe 1'attention sur la forte baisse des prix du blé en 1892 et y voit une preuve qu'en ces années les prix n'ont plus une grande influence. Dès 1892 nouvelle période de floraison et en même temps diminution constante des crimes contre la propriété. 1) Voir a ce sujet Lafarque. «Die Kriminalitat in Frankreich 1840 — 86". En 'rrance le développement de 1'industrie ne prit son élan qu'en 1874, et c'est aussi de . ette année que date la baisse de la criminalité. II. Crimes contre les personnes. a. 1854/78, Nouveaux cas sur 100.000 habitants. Crimeset j Assas- j blessures 1 Selte, (Ju- Années délits contre Injures. sinat et blesesnures PniesC0I^e «ntr^hberte j les moeurs. j meurtre. j généraL j crime.) | P<-rso"elle- 1854 ' 8,7 32 1,1 34 6-7 o,9 1855 IO,2 32 0,9 32 4,5 0,7 1856 10,8 34 o.9 37 3,o o,t> 1857 12,6 36 0,9 42 i>8 I'° 1858 12,5 40 °>8 46 ',8 I>1 1859 13,1 39 °>8 47 I>8 1860 12,4 4° °,9 46 1 J>5 °>8 1861 11,6 33 °>7 44 i,7 i,° 1862 12,9 39 °>8 49 '>4 !,4 1863 14,2 1 40 0,7 53 1,6 1,2 1864 14,0 43 °>9 54 l>6 J>4 1865 14,9 44 °,8 58 !>7 !>3 1866 13,4 4° °>8 5° i,5 !>3 1867 14,0 44 °,9 50 1,6 1,0 1868 14,8 47 o,9 52 2,8 1,0 1869 | 14,9 45 ï,° | 58 i 2>8 ; I,3 1870 | 12,3 39 0,8 ] 49 | 1,9 I'1 1871 5,3 26 °,7 39 I>2 l'20 1872 j 6,2 34 j 0,8 ! 50 2,0 ! 1,8 1873 j 6,7 38 | 0,9 i 56 2,4 | 2,8 1874 7,8 47 I>1 64 3,o 3,3 1875 8,2 50 1,2 ! 65 2,9 3,6 1876 9,3 5i 1,2 73 5,5 4,i 1877 1 I,I 54 j i,3 86 5,o 4,7 1878 12,3 54 i,4 89 2,5 5,5 b. 1882/95: Condamnés sur 100.000 habitants agés de plus de I2ans 1882 7,8 117 ; 1,0 60 in 10 1883 7,6 119 i,o 63 121 11 1884 7,6 127 0,8 68 142 15 1885 7,6 119 0,9 65 151 '7 1886 8,9 124 0,8 68 153 19 1887 8,8 133 0,8 68 163 19 1888 9,1 130 0,6 64 156 i8 1889 8,4 131 0,6 68 166 21 1890 8,8 138 0,6 74 175 23 1891 8,5 133 0,6 74 !73 24 1892 9,0 137 °,9 76 177 26 1882/91 8,3 129 0,8 ,68 153 18 1894 10,5 156 0,7 87 208 29 1895 10,9 161 0,7 — 220 1896 11,1 i58 , °,6 — 1 220 — III. Crimes contre Fordre public. a. 1854/78: Nouveaux cas. Crimes et p ^ Années. Rébellion. délits contre aux . ausse Lèse-majesté. 1'ordrepublic, j scrment- ™nna.e. 1854 18,6 — 3,0 0,83 0,63 1855 18,2 16,7 1 2,6 1 0,64 | 0,71 1856 18,0 23,2 2,7 0,71 0,40 1857 19,5 29,8 2,9 0,49 0,34 1858 19,7 28,7 2,7 0,50 o,53 1859 18,6 26,9 2,9 0,48 : 0,68 1860 19,7 30,2 i 3,0 0,39 | 0,51 1861 17,2 29,6 3,0 0,42 0,38 1862 19,9 29,0 3,0 0,50 0,47 1863 20,8 26,9 | 3,2 0,38 j 1,16 1864 23,1 26,6 | 3,2 ; 0,40 j 1,00 1865 23,8 28,1 3,4 0,28 0,64 1866 23,4 24,2 3,1 0,39 1 1,94 1867 23,1 21,9 3,0 0,49 0,91 1868 22,5 22,8 3,4 0,57 0,54 1869 23,5 23,6 3,6 0,48 : 0,38 1870 19,0 21,7 | 3,1 0,36 I 0,66 1871 19,4 17,9 2,4 0,45 i 0,96 1872 23,6 26,4 3,2 0,38 0,67 1873 24,7 31,8 , 3,2 0,41 0,73 1874 28,6 43,7 3,7 0,45 1,23 1875 32,2 41,3 , 3,8 0,87 : 1,26 1876 32,7 47,0 4,2 1,21 0,86 1877 33,8 43,4 4,8 i,45 °>9 3 1878 | 33,7 49,6 5,5 2,24 9,93 b. 1882/96: condamnés. Ann,M I Violence envers | Violation de L ~ I Soustraction crimi- Annees" lesfonctionnaires domicile. Faux sermcnt' nelle servlce militaire. 1882 j 40 56 3,1 49 5883 ; 39 52 2,7 54 !884 42 60 3,0 55 1885 40 57 3,0 57 1886 42 61 I 2,5 61 1887 43 58 ; 8,8 66 1888 39 53 8,5 72 1889 39 58 8,6 61 1890 40 59 8,7 61 1891 40 57 8,5 56 1892 41 59 ; 8,5 58 1882/91 41 58 8,8 60 1894 47 : 62 8,3 51 1895 47 65 1896 47 63 I — I — Le Dr. M. nous rappelle que les statisticiens moralistes précédents, e. a. von Oettingen ont relevé le fait que les crimes contre la personne augmentaient quand les prix du ble baissaient, et v. v., cc qui se voit enÖ effet distinctement sur les tableaux des années 1854/60. Mais il y a un changement durant les 10 années suivantes (1860—70). En 1867/68 les prix du blé furent élevés, mais les crimes contre la personne et contre 1'ordre public montèrent aussi. Tout comme les délits contre la propriété ceux contre la personne baissèrent aussi dans les années de guerre 1860 et 1870. Dès 1871 les crimes contre la personne diminuent en «^énéral, surtout par suite des conditions économiquement favorables. (On^doit la diminution des crimes contre les moeurs surtout a une modification de la loi, qui prescrit qu'un cas ne peut être poursuivi que sur plainte, 1'augmentation a partir de 1876 est due a la révocation de cette prescription.) Les crimes susnommés montèrent de nouveau considérablement après la crise d'environ 1874. Voici donc une exception importante a la règle que les anciens statisticiens ont arrêtée, savoir que les crimes contre la personne diminuent quand les conditions écono- miques s'empirent. „Die gewaltige wirthschaftliche Krisis seit 1873 wurde von der charakteristischen Erscheinung begleitet dass wahrend derselben l nzufriedenheit mit den bestehenden wirthschaftlichen, gesellschaftlichen und staatlichen Zustanden weitere Kreise als bisher ergriff, dass sie die Gemüter verbitterte und scharfe Gegensatze und Kampfe der Erwerbsklassen gegen einander, insbesondere den Kampf der Arbeit gegen das Kapital \eraufbeschwor. Das Bedürfnis nach einer wirthschaftlichen Reform wurde mehr und mehr erweckt, die nach dem Willen der Gewaltthatigen mit Gewalt, nach der Anschauung der Besonnenen durch eine soziale Gesetzgebung zu erstreben ist, und das ganze öffentliche Leben ist seit den siebziger Jahren von dieser Idee beherrscht." ') lei aussi les conditions économiques sont causes de la criminalité, et se révèlent principalement par la résistance aux fonctionnaires etc. Ces tableaux montrent aussi une augmentation des cas de parjure, d'injures corporelles et d'autres crimes qui sont les conséquences de la grossièreté. L'augmentation des parjures est due, d'après le Dr. Muller aux mauvaises conditions économiques. Car par elles le nombre des procés civils monta de 60000 (la moyenne de 1871 73) jusqu' a 120 OO—135000 (1876/77) et c'est par ces procés que tant de parjures devinrent possibles. II faut attribuer aux mêmes causes le grand accroissement du nombre des cas de privation de liberté (dès 1876 aussi a 1 abolition de la plainte, qui, jusque la, avait été nécessaire pour une poursuite). •„Die Hauptursachen dafür, dass dieses Delikt (P reiheitsberaubung) wie überhaupt die meisten, die sich gegen die 1'erson und die öffentliche Ordnung richten, besonders die Körperverletzungen... noch bis auf die Ge^enwart fortgesetzt zunehmen... sind neben der wachsenden Unzufriedenheit mit den heutigen gesellschaftlichen Zustanden einerseits in dem Einfluss zu suchen, den als üble Beigabe die Ausbreitung der Grossindustrie auf die Störung des Eamilienlebens zu haben pflegt und den damit zusammenhangenden Mangel sittlicher und religiöser Erziehung, i) p. 56. die frühzeitige Nötigung zum selbstandigen Erwerb oftmals ohnehinreichende Vorbildung für eine bestimmte Erwerbsthatigkeit, anderseits in der heutigen Genusssucht und nicht zum wenigsten gerade in den schadlichen Einwirkungen, welche der übermassige Genuss des Alkohols auszuüben pflegt; denn dass dieser Uebelstand eine sehr ergiebige Quelle für die Vermehrung der Criminalitat ist, dürfte kaum bezweifelt werden." *) La conclusion finale du Dr. M. est la suivante: „Es gilt daher für uns als Wahrheit, dass der letzte Grund für die Ab- oder Zunahme der gesamten Criminalitat zu suchen ist in dem Vorhandensein von Arbeitsgelegenheit und Verdienst und in dem Mangel hieran, in der Lage der einzelnen Erwerbzweige und in dem mehr oder minder starken Grade der hierauf beruhenden Consumfahigkeit unter den breiten Schichten der Bevölkerung." 2) i) p. 60—61. 2) p. 65—66. Voir aussi: Whitworth Russell, Abstract of the statistics of crime in England and Wales, from 1839 to 1843. J. Fletcher, Moral and educational statistics of England and Wales. G. R. Porter, The infhience of education shown by> facts recorded in the criminal tables for 1845 and [846. L. Faucher, Mémoire sur le caractère et sur le mouvement de la criminalité en Angleterre. J. Clay, On the effect of good or bad times on committals to prison. R. Everest, On the influence of social degradation in producing pauperism and crime, as exemplified in the free coloured citizens and foreigners in the United States. «Criminality promoted bv distress." (The economist 1856). R. H. Walsh, A deducation from the statistics of crime for the last ten years. W. Westgarth, Statistics of crime in Australia. Bernard, De la criminalité'en France depuis 1826 et de la repression pénale au point de vue de 1'amendement des prisonniers. J. H. Elliot, The increase of material prosperity and of moral agents compared with the State of crime and pauperism. E. Levasseur, La population francaise II p. 442—444. Prof. I)r. B. Földes, Einige F.rgebnisse der neueren Kriminalstatistik, p. 544 sqq. XIX. CRITIQUK. Les auteurs que j'ai traités dans ce chapitre, et beaucoup d'autres que je traiterai ailleurs, mais que j'ai dü ranger sous une autre rubrique paree qu'ils appartiennent a une école spéciale de criminalistes, ont tous quelque chose de commun, car tous tachent de trouver les causes du crime au moyen de la statistique. Parions en premier lieu de la statistique criminelle. II va saris dire que cette statistique ne donne qu'une image imparfaite de la criminalité, qu'elle n'en rend pas la grandeur réelle, mais seulement 1'étendue approximative. Car un grand nombre de crimes reste inconnu aux personnes lésées (p.e. beaucoup de cas de petits vols). II y en a d'autres dont la justice ne prend jamais connaissance, paree que 1'offensé n'a pas déposé de plainte, soit paree qu'il a pardonné a 1'offenseur, soit qu'il craint les dérangements qui résulteront pour lui d'un procés criminel quand il doit témoigner en justice, etc. 1'uis, il va sans dire que beaucoup de crimes encore (p.e. surtout des crimes sexuels, comme 1'inceste etc. etc.) restent inconnus. L'organisation des institutions, chargées des recherches, doit excercer une grande influence sur le nombre des crimes dont la justice prend connaissance. Cette organisation différe naturellement beaucoup dans les différents pays, ce qui est déja une des causes qui imposent une extréme prudence,quand on fait des études de criminalité comparative afin d'en tirer des conclusions, p.e. sur la relation entre criminalité et conditions économiques. Mais il y a encore d'autres raisons qui obligent a ne pas perdre de vue cette prudence. Et parmi elles il faut ranger en premier lieu la différence des lois pénales des divers pays.1) P.e. de grandes différences existent déja par la seule circonstance que dans un pays un crime ne peut être poursuivi que sur plainte, tandis que dans 1111 autre il est poursuivi d'office. Qu'on pense aussi a la dissemblance de procédure, par laquelle le juge doit rendre sentence, soit par conviction intime, soit par preuves légales etc. 1) Voir p.e. p. 445 Levasseur, »La population fr:in<:aise,": »Tous les Etats n'ont pas la mêmc législation pénale, et ceux qui ont des lois semblables, n'ont pas exactement la mêmc police pour les appliquer. On risquerait donc de commettre de trés graves erreurs si 1'on assignait un rang aux nations d'après le nombre des condamnations qu'enregistre leur statistique judiciaire". 1'uis, v. Oettingen, »Moralstatistik" p. 455; le Dr. E. Würzburger, »Ueber die Vergleichbarkeit kriminalstatistischer Daten"; (Jahrb. f. Nationaloekonomie u. Statistik, 1887); le prof. G. Tarde, »La philosophie pénale p. 72-73; le prof. Dr. B. Rildes, «Einige Ergebnisse der neueren Kriminalstatistik" (p. 517—518 Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. XI.) 9 En dehors de tout cela je dois encore fixer 1'attention sur la difïférence des données qui peuvent servir de base a la statistique criminelle. Car on peut prendre comme base aussi bien le nombre des condamnés, des condaninations, que celui des crimes dont la police judiciaire a pris connaissance. *) Ces quelques observations suffiront a faire voir qu'il ne faut accepter que sous réserve les résultats acquis par la comparaison de la criminalité dans les divers pays, comme elle a été arrêtée par la statistique. Ces mèmes arguments compteront aussi en partie, pour 1'étude de la statistique criminelle d'un pays durant des périodes successives. Car il faudra avoir bien soin de faire attention a des changements éventuels dans la loi pénale, dans la procédure pénale, ou dans 1'organisation de la police judiciaire. 2) Cependant la cause de 1'impossibilité d'acquérir de la certitude sur les causes du crime par la méthode statistique doit ête recherchée dans le fait que la statistique judiciaire tient compte seulement de la distinction technique de la loi pénale, et non des motifs qui ont poussé 1'auteur a commettre 1'acte. Et pourtant cette distinction serait la seule qui produirait des résultats sürs pour 1'étiologie du crime. La statistique criminelle distingue des crimes contre les personnes, contre la propriété, etc. Considérons p.e. le crime d'injures corporelles. Nous verrons alors qu'il peut être commis par esprit de vengeance, par envie de se battre, par crainte de se voir découvert comme auteur d'un autre crime, ou bien afin de pouvoir dépouiller ou violer la victime. II y a une quantité de motifs qui, quelque différente que soit leur nature, peuvent mener au même crime. Citons encore un seul exemple: on peut se parjurer pour se venger d'un ennemi, mais aussi pour des motifs cconomiques p.e. dans le cas oü quelqu'un se rend coupable de faux serment, de crainte de perdre son emploi, et d'en trouver difficilement un autre. Sur cette question le prof. von Liszt dit ce qui suit: „Die Kriminalstatistik wird und musz so lange huiter dein durch ihre Anfgabe ihr gesteckten Ziele zur Hek bleiben, als sie sie/i darnit begntigt, einfach mit den teehnisch-juristisehen Deliktsbegriffen des Strafgesetzbuchs zu arbeiten. Die einzelnen Paragraphen und die einzelnen Abschnitte des Strafgesetzbuclis entsprechen ebensowenig den soziologischen wie den anthropologischen Einheiten des Verbrechens. Das Strafgesetzbuch gestaltet seine Deliktsbegriffe in erster Linie nach den durch die That verletzten oder gefahrdeten Interessen; der Kriminal-Sociologie aber kommt es auf die Antriebe zur That, insbesondere auf die auszern gesellschaftlichen Verhaltnisse an, welche für diese bestimmend gewesen sind. Darüber aber erfahrt sic aus der Kriminalstatistik so gut wie nichts!"3) Enfin je dois faire observer — et cela compte naturellement aussi pour toute autre statistique — que 1'exactitude avec laquelle elle a été composée n'est pas la même dans tous les pays, d' öu il suit que les images de la criminalité n'y sont pas partout tracées de la même facon. Observons en second lieu la statistique économique. 11 ne sera pas nécessaire de dire qu'elle est loin d'être compléte. ') Voir p.e. Földcs in Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. XI p. 519—520. -) Voir p.e. v. Oettingen, sMoralstatistik" p. 4.56. 3) «Kriminalpolitische Aufgaben" (p. 474. Zeitschr f. d. ges. Strafrw.) Voir aussi d'Haussonvillc »Le combat contre le vice" (Rev. d. deux Mondes 1887). Pour ne citer qu'un exemple parmi plusieurs, la statistique ne fournit point ou trés peu de données sur le phénomène du chómage forcé, phénomène qui est de la plus haute importance pour la criminalité. Cependant, plusieurs auteurs ont réussi, comme nous 1'avons vu, a prouver la relation entre criminalité et conditions économiques. Ainsi p.e. il a été constaté que la criminalité contre la propriété diminue et les crimes contre les personnes augmentent quand les prix du blé baissent, et v. v. Mais il a été démontré que cette relation ne compte que pour certaines périodes. En parlant de la corrélation entre le nombre des mariages conclus et les conditions économiques, le Prof. G. v. Mayr dit ce qui suit, et ce qui, du reste, s'applique également a la relation entre criminalité et conditions économiques: „Am nachsten.... liegt die Aufsuchung der Einflüsse, welche wirthschaftlichen Vorgangen nicht sowohl auf den Hochoder Tiefstand der Trauungsziffer als solche, als vielmehr auf deren in den einzelnen Zeitabschnitten eintretende Aufwarts-oder Abwartsbewegung zuzuschreiben ist. Dasz die wirthschaftlichen Vorgange die Eheschliessungshaufigkeit beeinflusscn, ist in unverkennbarer drastischer Weise an dem Rückgang der Ehen zur Zeit wirthschaftlicher Katastrophen zu ersehen. Der Gedanke liegt nahe an der Vergleichung wirthschafts- und bevölkerungsstatistischer Kurven zu erproben, ob nicht auch in daucrnder Weise ein Einflusz ökonomischer Verhaltnisse erkennbar sei. In alterer Zeit und zwar schon seit Siisstnilch, und bis herab iiber die Halfte des Jahrhunderts, fand man in dem statistisch klargelegten Parallelismus von Getreidepreisen und E/iesc/iliessungen den Nachweis eines solchen Zusammenhangs. Die Gesetzmaszigkeit dieser Erscheinung schien als eine allgemeine auszer Zweifel; und doch hat auch sie schlieszlich nur als eine historische Kategorie sich erwiesen. So lange die europaischen Lander, insbesondere auch Deutschland, aus eigener Produktion allein ihren Getreidebedarf deckten, waren die Jahre niedriger Getreidepreise im allgemeinen, falls der Preissturz nicht zu tief ging, zugleich die Jahre reicher Ernten. Der Bauer fand im vermehrten Verkauf die Entschadigung für den niedrigen Preis und die Getreideverbraucher waren durch billiges Brod in ihrem Haushalt erleichtert. Diese Verhaltnisse haben sich seit dem Vordringen der Weltwirthschaft geandert. Niedrige Getreidepreise sind nicht mehr der Ausdruck reicher heimischer Ernten, sondern steigender Weltproduktion, kommen sie auch dem Getreideverbrauche zu Gute, so können sic doch weite bauerliche Kreise schadigen. Dazu kommt weiter, dasz mit der Zunahme des Industrialismus und mit der Hebung der allgemeinen Lebenshaltung der breiten Massen die Bedeutung, welche der Brodpreis im Haushalt dieser Massen hat, sehr zusammengeschrumpft ist, wahrend auf der andern Seite die I' rage ausgiebiger und gut gelohnter Arbeitsbethatigung in den Vordergrund tritt. An die Stelle des Parallelismus von Getreidepreisen und Trauungsziffern setzt deszhalb die moderne sozialwissenschaftliche Forschung den Parellelismus von Trattuugsziffern und Produktionsgesliiltung (ausgedrückt durch die Ausfuhrmasse im auswartigen Handel), oder den Zusammenhang zwischen Trauungsziffern und den Wellenbewegungen der wirthschaftlichenKrisen.' 1) l) p. 385 — 386. wStatistik und Gesellschaftslehrc" II. Cette citation prouve suffisamment combien il faut être prudent quand on veut tirer des conclusions des courbes de la criminalité comparées a celles des prix du blé; des jugements comme ceux-ci: „il n'y a pas de corrélation entre criminalité et conditions économiques paree que ces courbes ne sont pas parallèles", sont donc dénués de fondements. Voici pourquoi surtout il faut se garder de tirer des conclusions hatives de la statistique: c'est qu'elle indique presque exclusivement des facteurs économiques directs comme causes de la criminalité. II est vrai que, considéré en lui-même, ce grief n'est pas trés important, mais en procédant ainsi on court le danger d'oublier facilement qu'il y a des facteurs indirects de haute importance. Ce qui suit servira d'exemple a ce que je viens de dire. Comme j'ai fait voir, dans les pages précèdentes, plusieurs auteurs ont démontré que les crimes contre la propriété diminuent dans des périodes de prospérité, tandis que les crimes contre la personne augmentent alors. II est nécessaire d'expliquer ce dernier phénomène. 11 ne suffit pas de s'en débarrasser en soutenant que 1'homme commettra plus facilement des excès coupables, quand il parviendra a de meilleures conditions économiques. Tous les criminalistes savent, d'après ce qu'ils ont pu observer dans leur propre milieu, que les personnes, qui ont une position sociale égale a la leur, n'acquièrent point le penchant de s'enivrer et de molester leurs semblables, quand ils parviennent a améliorer leur position. Cela se présente seulement dans la classe des prolétaires, dans cette classe de gens qui gagnent trop peu ou rien du tout, s'épuisent dés leur jeunesse a un travail dur et long, habitent de mauvaises demeures, bref mènent une vie de misères matérielle et morale, par laquelle, il leur est impossible de se civiliser et d'apprendre a jouir de la facon des gens bien élevés. II s'ensuit donc qu'en temps de prospérité, dans lequel 1'ouvrier gagne un peu plus que ce dont il a besoin pour le stricte nécessaire pour lui et les siens, qu'il ne sait comment utiliser son plus grand revenu; il arrivé alors facilement que eet argent soit dépensé en plaisirs grossiers, qui donnent lieu a des crimes. Comment pourrait-on s'attendre a ce qu'il en soit autrement? Celui qui mène une vie rude et difficile ne s'occupera pas pendant ses loisirs de distractions civilisatrices. L'augmentation des crimes contre la personne dans des périodes favorables n'est donc comme je 1'ai déja indiqué autre part, qu'une conséquence du régime capitaliste qui divise les gens en possesseurs et non-possesseurs et attaché a cette distinction la possibilité de pouvoir se civiliser ou non. En résumé nous obtenons ces conclusions: La statistique criminelle, régistre du crime, sans laquelle une recherche approfondie de la criminalité serait impossible, n'est pas compléte, (la plupart dés statistiques criminelles n'indiquent pas ou peu de données sur 1'éducation, les conditions économiques des condamnés, etc.) et n'est pas propre a une recherche sociologique du crime. Pour ces raisons les résultats de 1'étiologie du crime a 1'aide de la statistique ne sauraient être qu'incomplets. La différence des lois pénales, etc., selon les divers pays font qu'une recherche comparative du crime ne donne que des résultats admissibles sous réserve. La statistique économique est trés imparfaite; on ne peut y avoir recours que pour certains phénomènes économiques. Cependant, mêmo si ce n'était pas le cas il est nécessaire de ne pas perdre de vue qu'on doit être avant tout sociologue pour la recherche de la question, dont nous nous occupons, et qu'il ne suffit pas d'être statisticien c. a. d., quelqu'un qui ne se sert que d'une seule méthode dans son travail scientifique. Pour une recherche sociologique la statistique est un puissant moyen, nous en trouvons les preuves dans les contributions importantes que certains stdti£ticier.r: ont appoitées a la question, mais elle ne reste qu'un moyen. CHAPITRE III. l'ecole italienne. ') I. C. LOMBROSO. Dans „Le crime, causes et remèdes," le dernier de ses ouvrages parus, le prof. Lombroso traite e. a. de 1'influence des conditions économiques sur la criminalité. Le chapitre VI, ayant comme titre „Alimentation (disette, prix du pain)" est le premier dans lequel nous trouvons quelques observations qui nous intéressent spécialenient. A 1'aide de données, empruntées a von Oettingen, Starke, Corre, Fornasari di Verce, que nous traitons séparément, 1'auteur fixe 1'attention sur le fait que le cours de la criminalité est tant soit peu influencé par le prix des vivres. A la fin il tire alors la conclusion suivante: „Mais tout en admettant 1'action de 1'alimentation trop restreinte sur 1'accroissement des vols, — et sur les homicides, sur les crimes de débauche et de blessure quand clle est trop abondante, — on comprend son minimum d'influence sur la variation de la criminalité en général; car si un groupe de crimes augmente dans une condition alimentaire donnée, un autre groupe diminue dans la condition opposée et vice versa; et alors même qu'elle agit dans une direction constante, elle ne modifie pas essentiellement la proportion de certains crimes: 1'action, par exemple, du renchérissements des aliments sur les vols qualifiés est notable en Italië; mais sa plus grande dififérence oscille entre 184 et 205, c'est-a-dire avec une variabilité de '9/oooo- Et quand les crimes de débauche croissent, grace au bon marché, la plus grande dififérence en est de 2'14/ooo"» ce Qui se comprend aisément quand on pense a la bien plus grande influence organique, héréditaire, et aux influences climatériques et éthniques." 2) !) Les opinions des partisans de 1'école italienne sur la corrélation qui existe entre criminalité et conditions économiques sont trés différentes. Surtout M. Garofalo et le prof. Fcrri ne sont point d'accord la-dessus. Néanmoins je crois devoir les ranger dans la même catégorie, a cause de l'uniformité de leurs points de vue sur la question de la criminalité en général. 2) p. 98—99. Les circonstances: que „les vols de comestibles" représentent a peine '/ïoo de la totalité des cas de vol (d'après Guerry), qu' a Londres le pain n'occupe que la 43e place parmi 43 catégories d'objets volés; et que Joly a démontré que les cas des vols de monnaie et de billets de banque sont beaucoup plus nombreux que ceux de farine, d'animaux domestiques, etc. — tout cela mène enfin 1'auteur a la conclusion suivante: que la proportion des délits, causés par manque de nourriture, par véritable misère, est moins grande qu'on ne le pense ordinairement. — Je 11e ferai point ici de critique sur ce qui précède; je préfère m'y arrêter en analysant les ouvrages mêmes. L'exposé p. e. de 1'ouvrage du Dr. G. Mayr démontre combien sont superficielles les observations faites par le prof. Lombroso. (Voir aussi Panalyse de 1'ouvrage du Dr. Müller, dans laquelle il est démontré pourquoi de nos jours le prix des vivres n'est plus un grand facteur de la criminalité). Je ne veux que fixer 1'attention sur Terreur, sur la naïveté même de la dernière observation du prof. Lombroso, c. a. d. qu'il n'y a que peu d'objets volés qui puissent immédiatement pourvoir a des besoins pressants, ce qui prouverait que la misère n'est pas un facteur important de la criminalité. Si dans une société non-basée sur 1'échange des marchandises un phénomène pareil se présentait, 011 pourrait a la rigueur approuver une telle assertion; mais elle ne repose sur rien dans la société actuelle, oü 1'on peut acheter tout ce qu'on veut a prix d'argent. Les causes pourquoi on vole plus d'argent que de vivres sont entre autres: 1° que 1'argent est moins volumineux, et par conséquent se laisse plus facilement prendre et cacher: 2° que 1'argent a plus de valeur que la même quantité de vivres ce qui fait qu'en se donnant la même peine on peut se procurer davantage. Mais cela ne prouve rien pour 1'influence de la misère sur la criminalité. — ') Dans la deuxième partie du chapitre le prof. Lombroso tache de démontrer que 1'action de la faim sur les révoltes n'est par trés grande. II cite nombrc de cas oü il n'y eut point de révoltes quoique les prix des denrées fussent trés élevés et le travail moindre. Ainsi p. e. a Strasbourg de 1451 a 1500 et de 1601 a 1625: le prix du bteuf augmenta de i34°/o et celui du porc de 92°/o, et durant beaucoup d'années les salaires baissèrent de 1 o°/0; et malgré tout cela il n'y eut point de révolte. — Je dois énergiquement protester contre une argumentation pareille, qui, selon moi, n'a aucune valeur. Je laisserai hors de considération le dernier exemple qui surtout ne prouve que trés peu, puisque pendant ces époques le prix du pain peut bien avoir été trés bas, ce qui peut avoir neutralisé 1'influence défavorable des salaires minimes (et puis, il est fort problématique que les classes pauvres de la population fussent grands consommateurs de bceuf et de porc!) Mais il est inexacte de conclure du fait „que les prix furent élevés et qu'il n'y eut point de révolte a 1'absence d'influence des conditions économiques directes. II peut y avoir nombre de facteurs qui agissent en sens opposé et qui empêchent la manifestation du facteur économique. Pour n'en citer qu un seul : il se peut que dans ces temps-la une loi pénale excessivement sévère füt en 1) Voir lc Dr. B. Battaglia »La dinamica del delitto" p. 227-228. vigueur, menacant de mort cruelle la moindre tcntative de révolte, etc. — Résumons ensuite le chapitre IX (Influence économique—Richesse). Après avoir dit qu'il est trés difficile de faire une évaluation tant soit peu exacte des richesses d'un pays, 1'auteur produit les données suivantes dans la première section de ce chapitre: il divise les provinces de 1'Italie en 3 groupes selon la richesse totale (taxes de consommation, impositions directes et taxes sur les affaires), et compare les chiffres acquis a quelques-uns des principaux genres de crimes, pour arriver enfin aux résultats suivants: 1885—1886. 1890—93 (Bodio). Richesse. Richesse. Maxima. | Moyenne. | Minime Maxima. I Moyenne Minime. Crimes contre la foi publique . . 70.6 66.— 43.— 55.13 39.45 37.39 Crimes contre les mceurs. . . . 15.6 13.4 19.6 16.15 j 15.28: 21.49 Vols 206.— 143.— 148.— 361.28! 329.51 419.05 ') Homicides . . . 11.3 17.— 23 8.34 j 13.39 1540 Escroqueries, fraudes, banqueroutes. I 81.39 53.27! 46.53 _J Le prof. Lombroso en tire la conclusion: „que les escroqueries et en général les crimes contre la bonne foi publique vont définitivement en augmentant avec 1'augmentation de la richesse; il en est de même des vols; mais, si on y ajoute aussi les vols champêtres, on atteint le maximum la oü la richesse est moindre. Kt cela a toujours lieu pour les homicides." 2) „Ouant aux crimes contre les mceurs, les résultats sont plus inattendus: ils présentent chez nous leur minimum la 0C1 la richesse est moyenne et leur maximum la oü la richesse est moindre; ce qui est en évidente contradiction avec 1'allure habituelle des crimes contre les mceurs, qui croissent toujours avec 1'accroissement de la richesse." 3) Une autre maniere de calculer la richesse totale d'un pays est celle au moyen des taxes de succession. Pour les différentes régions italiennes 011 obtient par la les résultats suivants: 1) Y compris les vols champêtres. (N. d. L.) 2) p. Hi- 3) P. 142- Crimes dénoncés au M. P. et aux juges de paix Richesse (moyenne 1887-89 sur 100.000 hab.). moyenne. j Escro- i ,Vols s"r |Homici-i Bles- Vols. 1 . 1 lesgrands-1 , I quenes. | chemins. | des- | sures- 1 ! 1 1 i Latium 3.333 639 (IX) 116 (X) i8(X) 25 (IX) 513 (IX) LiguH? \ 2'746 267 (V) 44(V) 7(VII) 7(IX) l64(IV) Lombardie 2.400 227 (111) 44 (VI) 3 (III) i 3 (I) 124 (II) Toscane j 2.164 1 211 (I) 34 (II) j 6 (IV) \ 7 (V) 165 (V) Vénitie 1.935 :389(VII) 43 (IV); 3 (I) 4 (II) 98 (!) Règne ! 1.870 320 (V6is) 49(VIIfoj) 7 (VI bis) \ i3(VItór) 287(VII£.) Emilie 1.762 2.50(IV) 38 (III); 6 (V) 6 (III) 130 (III). Sicile 1.471 '346 (VI) 65 (VII) | 16 (IX) 26 (X) 1410(VIII) Napolitain 1-333 -+35(VIII) 47 (VII) j 6 (VI) 21 (VIII) 531 (X) Ombrie j 1-227 222 (II) 33 ^ 3 (II) 10 (VI) 239 (VI) Sardaigne — 670 (X) ii3(IX) 14 (VIII) 20 (VII) 277 (VII) Ce tableau donne trés peu de renseignements quant a 1'influence de la richesse sur la criminalité, puisqu'on peut en tirer les conclusions les plus contradictoires. Qu'on fasse p. e. atteniion au fait que les chiffres les plus élevés des vols se présentent dans les régions du Latium et de la Sardaigne, c. a d. dans la plus riche et la plus pauvre des régions, etc. etc. — Plus d'une fois j'ai eu 1'occasion de démontrer que la valeur de telles recherches est fictive. Ce n'est pas la totalité mais la distribution des richesses qui importe a la criminalité. (Voir e. a. Ouetelet et Colajanni). — Dans la 3111e section 1'auteur traite 1'influence du chömage involontaire. VVright communiqué qu'au Massachussets il y avait, sur 220 condamnés, 147 sans travail régulier et que 68 °/0 des criminels étaient des gens sans travail. D'après le prof. Lombroso cela s'explique aisément par le fait que les criminels n'aiment pas a travailler. Selon Bosco il n'y avait que 18 °/0 des assassins dans les Etats-Unis sans travail (—la proportion n'étant pas donnée pour les non-criminels, cette statistique n'a pas grande valeur —). Ensuite le prof. Lombroso mentionne encore 1'opinion de Coghlan, qui dit que la désoccupation n'a aucune influence sur la criminalité en South-VVales (— sur quoi cette opinion se baset-elle on 1'ignore —). — Ces quelques données (a ce sujet de si haute importance 1'auteur ne voue qu'une trentaine de lignes)lui suffisent pour conclure que le phénomène susnommé n'est que de peu d'importance pour la criminalité. Je n'ai qu'a rappeler les études étendues sur ce sujet de Mayr, Uenis, Müller, Lafargue e. a., pour prouver 1'inexactitude de cette opinion. — Dans le tableau suivant les chiffres de criminalité de différents pays sont comparés aux journées de salaires équivalentes au coüt annuel des aliments. Ces chiffres donnent donc en même temps une image des prix des vivres et du montant des salaires. j , Condamnés pour Condamnés pour Journées de salaire Condamnés poui coups et blessures crimes contre les Condamnés pour vols équivalentes au coüt homicide (sur 100.000 (sur 100.000 bonnes mceurs (sur (sur 100.000 habitants). annuel des aliments. habitants). habitants). 100.000 habitants). i 2 3 4 5 Anglet. et Gallesj Ecosse 0,51 Anglet. et Galles 2,57 Espagne 1,03 Espagne 59,63 Irlande f 127 Anglet. et Galles 0,56 Irlande 6,24, Irlande 0,85 Belgique 110,44 Ecosse » 'irlande 1,06'Ecosse uWEcosse 1,41 France 110,95 Belgique 130 Allemagne 1,11 Espagne 43,17 f Anglet. et Galles 1,66 Italië 165,89 France 132 Belgique 1,44 France 63,40 : Italië 4,QI r Irlande 65,81 Allemagne 148 France 1,53 Allemagne 126,40 Autriche 9>33< Anglet.et Galles 165,63 Autriche 152 Autriche 2,43 Italië 1 55.35 France io,26( Ecosse 268,39 Italië 153 Espagne 8,25 Belgique 175.39 Belgique 13,83 Allemagne 226,02 Espagne 154 Italië 9,53 Autriche 230,45 | Allemagne 14,07 — NOTE. — La colonne I est extraite de Mulhall's, »Dictionary of Statistics" (rapporté dans Coghlan's «The Wealth and Progress of New South Wales," Sydney, 1893). Les colonnes 2—5 sont calculées sur les données (rapportées a pag. XLI—XLVIII du «Movimento della delinquenza secondo le statistiche degli anni 1873—83", Roma 1886), publiées par la Direction générale de la statistique italienne. I3« Ce tableau démontre: i° que 1'excès du travail en rapport avec le minimum du salaire, c'est-a-dire avec une plus grande dénutrition, a une correspondance certaine avec 1'homicide; 2° qu'il y a aussi une certaine correspondance avec les délits de coups et blessures. (Excepté 1'Espagne et la Belgique); 30 que les crimes contre les mceurs sont les plus nombreux la oü 1'on trouve le minimum des journées de travail, et vice versa, (excepté e. a. la Grande Bretagne); 40 que le vol ne montre pas de correspondance. *) D'une autre manière encore le prof. Lombroso tache de comparer les conditions économiques des différents pays a la criminalité respective, c. a. d. au moyen du nombre de livrets des caisses d'épargne. 1'our ce qui concerne 1'Europe les chiffres sont les suivants (empruntés a Coghlan): CRIMES. PAYS. LIVRETS. Homicidesen Vols en °/0000- °/«000- Suisse. . . 1 livret chaque 4.5 personnes. 16 114 Danemarck . 1 „ „ 5-— » J3 I!4 Suède. . . 1 „ „ 7-— » !3 Angleterre . 1 „ „ 10.— „ 5.6 163 Prusse. . . 1 1 „ „ 10.— „ ! 5.7 246 France . . 1 1 „ ,, 12.— „ 18 103 Autriche 1 „ „ H-— » 2 5 io3 Italië . . . 1 „ „ 25.— „ 96 150 Ces chiffres démontrent comment les homicides vont en ligne inverse du nombre des livrets, pendant que c'est le contraire qui a lieu pour les vols. — L'auteur oublie de relever qu'il y a cinq exceptions a cette règle. — En Italië le plus grand nombre de livrets correspond au plus petit nombre d'homicides et au plus petit nombre de vols, comme le montre le tableau suivant: Moyennes de 20 provinces avec richesse Maxima Moyenne Minima. Suivant le nombre des livrets. Crimes contre la foi publique 57 45 45 „ „ les bonnes mceurs 11 12.6 20 Vols 132 133 160 Homicides. 10 12.6 27.4 ') Commc l'auteur le fait observer lui-même, les conclusions tirées de ce tableau doivent être accueillies sous certaine réserve, 4 cause de la grande différence des lois pénales de ces pays. II y a plusieurs exceptions a cette règle; p. e. les provinces les plus riches, comme Palerme, Rome, Naples, Livourne, donnent de tres hauts chififres d'homicides (resp. 42, 27, 26 et 21). D'après le prof. Lombroso ils s'expliquent, pour cc qui concerne Palerme et Naples, par la situation géographique; pour Palerme par la race et 1'abus d'alcool, et pour Rome par la race, 1'abus d'alcool et les situations politiques. Pour la France nous obtenons les résultats suivants: Dans les départements. Assassinats. Vols. | Viols. i & richesse minime on a une moyenne de 64 83 17 0 » moyenne» » » » » 66 99 26 » » maxima » » » » » *) 89 186 29 Voici justement 1'opposé de ce qui se voit en Italië. L'auteur 1'explique de la manière suivante: l() les contrées les plus riches sont les régions industrielles, oü l'affluence d'émigrants est la plus forte; (ces derniers commettent en général 4 fois plus de crimes que les Francais), 2° a cause des facteurs ethniques et climatiques; 30 par la plus grande richesse de la France (qui est au moins 4 fois aussi riche que 1'Italie); 40 par ce qu'une richesse vite acquise démoralise. 2) L'activité industrielle d'un pays fait considérablement accroitre la criminalité, surtout quand elle remplace l'activité agricole. En France sur 42 départements agricoles 26 °/o ont un nombre d'assassinats qui dépasse le chiffre moyen, sur 26 départements agricoles-industriels il y a 38 n/0, et sur 17 départements industriels il y a 41 °/o dépassant le chiffre moyen. Les cas de viol sur les adultes et de crimes contre la personne offrent la même image: ,r. , Crimes contre V ïols. ; . les personnes. Dans les 42 départements agricoles la moyenne surpassée par le j 33 °/o , 4-8 °/o Dans les 26 départements agricoles-industr. la moyenne surpassée par le j 39 » , 39 » Dans les 17 départements industriels la j moyenne surpassée par le j 52 » 59 » : Non seulement la pauvreté, mais souvent aussi la richesse est la cause des crimes. C'est pourquoi quelques régions trés riches présentent un chiffre de criminalité aussi élevé que de trés pauvres. II n'est pas 1) La richesse est calculée d'après le nombre de livrets sur 1000 habitants pendant les années 1884—85. 2) — Mon exposé deviendrait trop étendu si je voulais examiner de plus pres cette explication, qui me parait insuffisante. Qu'on voie e. a. 1'éminente explication du plus grand nombre d'assassinats dans des pays qui, intellectucllement, sont arrièrés: «L'homicide en Italië" par le Dr. N. Colajznni (Revue socialiste 1901). — difficile d'en donner une explication. D'un cöté la pauvreté conduit au crime puisqu'elle oblige quelques-uns a voler s'ils ne veulent mourir de faim, parfois menie elle mène au meurtre, a 1'élimination d'individus qui, sans cela, seraient a la charge de ceux qui ne peuvcnt pourvoir a leurs propres besoins. Puis, la misère cause souvent 1'abus de 1'alcool, qui, comme 1'anémie, les scrofules, etc. dégénéré a son tour les hommes, cc qui se manifeste souvent chez les descendants en fornie d'épilepsie, de • folie morale. Enfin la pauvreté est unc cause indirecte des crimes contre les mceurs, paree que les pauvres ne peuvent pas satisfaire a leurs désirs sexuels par la prostitution, 011 bien paree que la promiscuité précoce dans les mines et dans les usines, etc. les y mène. Un individu aisé par contre saura, par sa meilleure nutrition et sa plus saine discipline morale, mieux résister aux désirs qui le poussent a commettre un crime. Mais la richesse est a son tour une source de dégénération, p. e. par le syphilis, 1'épuisement etc.; elle conduit au crime par vanité, pour „figurer dans le monde". On demandera peut-être comment il se fait alors que les détenus dans les prisons sont presque toujours des pauvres et trés rarement des riches ? La réponse a cette question est, selon 1'auteur, celle-ci: que, par 1'influence de sa fortune, de sa familie etc. le riche peut plus facilement se soustraire aux lois pénales que le pauvre, que personne 11e connait, qui ne peut choisir un avocat de nom etc., etc. Le prof. Lombroso résumé son opinion ainsi: „Le facteur économique a une grande influence sur la criminalité; non, cependant, que la misère en soit la cause principale; car, la richesse exagérée, 011 trop rapidement acquise, y prend pour le moins une aussi large part; et misère et richesse sont souvent paralysées par 1'action ethnique et climatique." ') i) p. 161 II. R. GAROFALO. Dans le 3111e chapitre de sa „Criminologie," et plus spécialement dans la première partie, ayant comme titre „la Misère," eet auteur traite de 1'influence des conditions économiques sur la criminalité.') La question qu'il faut résoudre, pour ce qui concerne ce sujet, est, d'aprés M. Garofalo, la suivante : „1'iniquité économique, condition sociale par laquelle les citoyens sont divisés en propriétaires et en prolétaires, est-elle la cause principale, ou au moins une des causes les plus importantes de la criminalité." 2) II se peut qu'un ouvrier, c. a. d. quelqu'un qui ne peut pourvoir a ses propres besoins et a ceux des siens qu'en vendant sa force d'activité, ne trouve pas d'ouvrage et par cela en vient au vol; mais 1'auteur est d'opinion que de nos jours cela n'arrive presque plus, (en laissant de cöté les périodes de crise), et que, si le cas se présente, 1'ouvrier trouve généralement quelqu'un dans son entourage prêt a le secourir et que le crime n'est donc pas une nécessité. II y a bien de la pauvreté absolue, mais elle est presque toujours la conséquence d'un manque de courage et d'activité, et non pas celle du manque de travail. Ce n'est pas par la faim mais bien par la cupidité de se procurer les mêmes jouissances que les plus favorisés du sort peuvent se permettre, que 1'ouvrier est souvent poussé a commettre un crime. Mais cela n'est pas seulement le cas pour la classe ouvrière, mais aussi pour les autres classes. Car cette cupidité est propre a chaque homme; le millionaire p. e. enviera le milliardaire etc. Pour que cette cupidité mène au crime, il ne faut pas qu'il y ait une condition économique particulière, mais bien qu'il y ait une condition psychique particulière dans laquelle 1'individu se trouve, c. a. d. son instinct de probité doit être affaibli ou faire défaut. La cupidité ne mènera plus au crime quand il n'y aura plus aucnn avantage a le commettre et puisque cela n'est pas imaginable, le crime existera toujours. Cela explique pourquoi le nombre des cas de vols commis par les prolétaires est trés grand, mais en même temps pourquoi le nombre des cas de faux, de banqueroutes etc. est trés important dans les autres classes. En 1880 le chiffre des crimes contre la propriété (et crimes analogues) commis en Italië par des prolétaires comparé a celui commis par des propriétaires, fut de 88 a 12, tandisque la proportion du nombre des prolétaires a celui des propriétaires était de 90 a 10. Ces proportions sont a peu prés les mêmes, ce qui prouve !) Voir du même auteur: »La superstition socialiste"' et »Le crime comme phénomène social." (Annales de 1'Inst. intern, de Sociologie II.) 2) p. 168. que, pour ce qui concerne les crimes contre la propriété et les crimes analogues, la classe prolétarienne n'est nullement plus criminelle que les autres. Quelques auteurs sont d'opinion que les crimes contre les personnes sont également pour la plus grande partie causés par les mauvaises conditions économiques, puisque mauvaise éducation, manque de discernement etc. en sont les conséquences. D'après M. Garofalo cetteopinion est aussi inexacte, vu que les mauvaises conditions, dans lesquelles les prolétaires vivent, mènent bien a la rudesse, c. a. d. les rendent plus insensibles aux souffrances d'autrui, mais il ne s'ensuit point que les prolétaires soient totalement dépourvus de sentiments moraux. Les chiffres de la statistique criminelle de 1'Italie (1880) démontrent que 16°/0 de la criminalité correctionnelle ont été commis par les propriétaires, quoiqu'ils ne forment que 10 a 11% de la population. M. Garofalo tache de prouver aussi 1'exactitude de sa thèse en classifiant les criminels d'après les métiers. Les agriculteurs en Italië, la classe la plus misérable et la plus ignorante, forment 25,39°/0 des prévenus de délits correctionnels, tandis que les industriels, les marchands, les militaires etc. donc les gens instruits, qui sont beaucoup moins nombreux, en forment 13.58°/0. En 1881 la population italienne comptait 67.25n/0 d'analphabètes, et en 1880 des correctionnellement condamnés il y en avait 68.09°/n qui étaient analphabètes. En outre il a été démontré bien des fois qu'une amélioration des conditions économiques est accompagnée d'une augmentation des crimes. En Erance p. e. les salaires ont augmenté, la consommation de céréales ainsi que celle de viande est devenue plus grande et le nombre d'enfants qui jouissent de 1'enseignement primaire s'est étendu — et malgré tout cela !a criminalité s'est fortement accrue dans la même période. A 1'objection possible: „que plusieurs auteurs, e. a. Mayr, ont prouvé que la hausse des prix du blé est accompagnée d'une augmentation des crimes contre la propriété, et vice versa ; que les conditions économiques sont donc bien une cause importante du crime," M. Garofalo répond: que les crimes contre les personnes augmentent en même temps que les prix du blé baissent, et que par conséquent par les alternations dans la vie économique il y a bien modification du genre, mais non de 1'étendue de la criminalité. Les événements exceptionnels, tels que la famine, les crises commerciales etc., n'augmentent les crimes qu'en apparence. En examinant la question plus a fond (— 1'auteur apparemment ne 1'a pas fait lui-mêine, du moins il n'en mentionne pas de résultats —) il est probable qu'on découvrivait que ce n'est que la forme de la criminalité qui a changé, c. a. d. qui est devenue plus grave; p. e. un vagabond deviendra en pareil cas voleur de grand chemin etc. Les conclusions finales de 1'auteur sont les suivantes: „i°. L'ordre économique actuel, c'est-a-dire la manière dont la richesse est répartie, n'est pas une des causes de la criminalité en général. 2°. Les fluctuations qui ont lieu habituellement dans l'ordre économique peuvent amener 1'augmentation d'une forme de criminalité, qui est compensée par la diminution d'une autre forme. Ce sont donc des causes possibles de criminalité spécifique') ') p. 191—192. — Ma critique sur ce qui précède se bornera a quelques points capitaux seulement. i°. L'auteur se défait de la question en ne comprenant par conditions économiques que „misère", et cela encore dans le sens trés limité de manque du stricte necessaire. II faut que celui qui écrit sur la liaison entre crime et conditions économiques, analyse le système économique actuel, et expose 1'influence que ce système exerce sur la vie sociale entière, et ne s'arrête pas seulement a une des conséquences de ce système, c. a. d. a la misère dans laquelle se trouve le prolétariat. Par conséquent toute 1'argumentation de M. Garofalo, tendant a la démonstration que la bourgeoisie a une grande part dans les crimes contre la propriété, est superflue,' car par le capitalisme résulte aussi pour la bourgeoisie la plus grande incertitude d'existence. Ii est donc trés compréhensible que cette classe aussi se rende coupable de ce genre de crimes. D'après Fornasari di Verce p. e. les statistiques italiennes démontrent cependant que la classe aisée participe en moindre degré a la criminalité que les pauvres. D'après lui sur tous les condamnés des années 1887—89 13 °/0 étaient aisés, ce qui représente, d'après un calcul brut, 40 "/0 de la population entière. (Voir aussi le Dr. N. Colajanni „La Sociologia Criminale" II p. 536 sqq.). Par cette restriction arbitraire du sujet les observations de l'auteur sont de peu d'importance. Mais out re cela il y a encore des griefs bien graves contre la manière dont il a traité le sujet. 2°. M. Garofalo croit que, pour 1'étude de la question, il suffit de diviser les hommes en possesseurs et non-possesseurs, oubliant que ces derniers se composent de deux éléments trés hétérogènes, c. a. d. de travailleurs et de ceux qu'on appelle en allemand „Lumpenproletariat" C'est sur les premiers que toute société est basée, paree qu'elle ne saurait exister sans leur travail, tandis que les autres en sont, avec les riches fainéants, les parasites. Et 1'existence de ces parasites, et le fait qu'un si grand nombre de travailleurs soient forcés de rester inactifs, forment un phénomène propre a des stades déterminés de la société et non propre a chacune de ses phases. Un phénomène des plus saillants et des plus tristes de la mode de production capitaliste est justement celui-ci: que le nombre de travailleurs qui deviennent nécessiteux augmente sans cesse par 1'accroissement des machines économisant la main d'oeuvre; c'est ainsi que les ouvriers se négligent et se démoralisent avec les leurs, et par conséquent sont pour toujours incapables de travailler finalement. Cela frise 1'incroyable que quelqu'un qui écrit sur les conditions économiques, soit si peu au courant de ce sujet qu'il ose dire que dans notre société quiconque veut travailler peut travailler. 30. Comme j'ai déja eu plus d'une fois 1'occasion de le démontrer, ce ne sont que des raisons purement économiques qui sont causes de 1'augmentation des crimes contre les personnes pendant des périodes de prospérité économique. (Voir p.e. p. 132). 40. M. Garofalo a, je crois, bien raison de faire 1'observation que la cupidité (c. a. d. le désir de s'enrichir) est une des sources du crime, mais il se trompe par contre quand il se représente ce phénomène comme n'ayant aucun rapport avec les conditions économiques. Cette soif de 1'or, cette cupidité se rencontre dans une société basée sur 1'échange des marchandises, et spécialemenl sur le capitalisme. Des peuples qui vivent en communisme, ne savent pas ce que c'est que cette cupidité. II n'y a pas de riches dans le monde, paree que les hommes sont de nature si cupide, niais paree que certaine phase du développement social fut cause que quelques-uns seulement s'enrichirent, ce qui fit naitre chez les uns le désir de conserver cette richesse, chez les autres d'en acquérir. Celui qui est riche se crée des besoins afin de dépenser le superflu, et ces besoins créés deviennent a la longue des besoins réels pour lui et son entourage. 5°. D'après 1'auteur il y a quelques circonstances qui peuvent induire a commettre un crime. Mais la vraie cause du crime se trouve dans 1'absence ou la dimunition de 1'instinct de probité. II est vrai qu'en général les seules circonstances ne peuvent pas changer un honnête homme en criminel, (quoiqu'il y ait naturellement des circonstances imaginables dans lesquelles chacuti parviendrait a commettre un crime), car il faudrait en ce cas un manque de moralité. Pourtant il est insoutenable que les conceptions morales soient innées, c. a. d. acquises par des générations successives. De même qu'011 ne nait pas avec des connaissances positives, on ne nait pas avec des conceptions morales. Ce n'est que la capacité de les recueillir qui est innée. Comme les hommes différent en tout, il y en a parmi eux qui se prêtent plus facilement que les autres aux prescriptions morales. Par son hypothèse erronnée M. Garofalo en est arrivé a la supposition inexacte que le manque d'éducation ne peut occasionner 1'immoralité. (Qu'on se rappelle ici les résultats splendides obtenus par Owen en pratiquant ses théories pédagogiques parmi une population totalement démoralisée). II croit pouvoir le prouver en attirant 1'attention sur la circonstance qu'il y a aussi des criminels dans les classes plus élevées oü 1'on se donne généralement de la peine pour 1'éducation. Dans la deuxième partie de ce travail je tacherai de démontrer que le manque d'éducation morale dans la bourgeoisie est une des causes de la criminalité parmi elle. — 10 III. E. F E R R I. Afin de rendre 1'opinion du prof. Ferri, j'analyserai „Socialismo e criminalita" et un passage, se rattachant a notre sujet, emprunté a la „Sociologie criminelle." ') Cette analyse sera plus détaillée que celle de la plupart des autres auteurs puisque 1'opinion du prof. Ferri est en réalité la synthese de 1'opinion de beaucoup d'autres autorités. Pour cette raison et bien d'autres elle est de la plus haute importance. „Socialismo e criminalita" est une oeuvre polémique dirigée en partie contre „II delitto e la questione sociale" de Turati, en partie contre „Ie socialisme pour ce qui concerne la méthode révolutionnaire et son romantisme nébuleux d'alors" comme le prof. Ferri lui-même le dit dans son ouvrage „Socialismo e scienza positiva." Après avoir traité en peu de mots dans les „Preliminari" la question de savoir „si le socialisme même induit a commettre des crimes" (ce qui n'arrive que rarement, d'après 1'auteur) le prof. Ferri donne les trois définitions suivantes du mot socialisme: „Mi pare che la parola — socialismo — possa assumere tre principali significati. Uno generico, opposto a quello di — individualismo — rapprescnterebbe semplicemente una delle due tendenze e dottrine generali che si contendono il campo in tutte le scienze sociali, teoriche od applicate, e derivano dal prendere come base del proprio sistema o 1'individuo o la societa, che sono i due poli entro cui vive e palpita il genero umano. Un altro significato, divenuto ormai, nella seconda meta del nostro secoio, il piü difïfuso, se non il piü preciso, racchiuderebbe nella parola — socialismo — un complesso di critiche, di deduzioni e di aspirazioni, tendenti ad una riforma, od anche ad una soppressione, piü o meno instantanee e violenti, degli istituti fondamentali, ond' è plasmato 1'organismo sociale presente, ma surrogandoli con un assetto sostanzialmente diverso, con riguardo principalissimo al lato economico dei fatti sociali, e quindi delle inovazioni da attuare. Infine c'e un terzo signifato, attribuito a quella parola da un intelligente e simpatico socialista, a cui ebbi occasione di chiedere privatamente risposta o rettifica ad alcune delle osservazioni che sto per esporre, e di recente 1) Voir aussi »Studi sulla Criminalita in Francia (1826—1876)." poi affermato implicitamente da un mio carissimo amico in una geniale pubbiicazione, che è 1'esame meno uncompleto ch'io conosca delle relazioni appunto fra il delitto ed i sistemi socialisti. Quell'egregio socialista mi rispondeva, colla sua cortesia a tutti nota, che in fin dei conti anch'io sono un socialista, perchè, additando o ricercando „i nuovi orrizonti del diritto penale", miro ad una riforma di quella parte dell'ordinamento sociale, che è 1'oggetto de' mei studi. Egli cioè assegnava alla parola — socialismo — il significato molto largo, ma secondo me, poco proprio, di tendenza in genere ad un avvenire inigliore del presente. E il Turati a pag. 37 scrive: „II socialismo non è un sistema chiuso e prefisso, ma sempliceniente un grande indirrizzo, movente da intuizioni ed osservazioni inconcusse, suscettivo di ampliamenti e addatamenti continui alle esigenze dell' ambiente storico — e questa indeterminatezza o piuttosto virtualita, che gli avversari gli rimproverano, è appunto la sua forza e la sua garanzia." Ui modo che, dice il Turati, „in ogni mente elevata, grattate un poco, troverete il germe socialista, se anche la parola, a quei tempi, non era peranco coniata" (p. 19). ') Cette citation démontre suffisamment que 1'auteur ne combattra pas le socialisme scientifique; ce qui suit le prouve également. II y parle des écoles socialistes de Morelly, d'Owen et de Cabet. II y cite en grande partie le manifeste de la „Partito socialista revoluzionaria di Romagna," parti qui espère beaucoup d'un bouleversement violent de la société; il s'y élève contre les projets d'une organisation sociale future; il y indique la différence entre la sociologie, qui est si parfaitement scientifique, et le socialisme qui 1'est si peu, mais il n'y fait pas mention, même pas une seule fois, du socialisme scientifique. — II y aurait lieu, il me semble qu'on peut s'étonner de cette omission. Le „manifeste communiste" de Marx et d'Engels parut déja en 1847; en 1859 parut 1'oeuvre „zur Kritik der politischen Oekonomie," oü se trouve 1'exposition classique du matérialisme historique; en 1867 parut le premier volume du „Kapital" et le livre du prof. IHerri est daté de 1883! De la qu'il est étonnant, que dans son livre 1'auteur fulmine contre le socialisme „a cause de son manque d'esprit scientifique," tandis que le système scientifique de Marx et d'Engels existait depuis longtemps. — A la fin des „Preliminari" on trouve exposé les idees que les socialistes ont, d'après 1'auteur, sur le crime: I. „La genesi del fenomeno criminoso risiede nclla societa, com'c ora constituita. II. 1'iü specialmente, ed anzi esclusivamente, il malessere economico delle populazioni, prodotto dalla iniqua disuguaglianza di individui e di classi, è causa di ogni altro malessere morale ed intellettuale, e quindi anche del delitto. III. Awenuta la trasformazione o rivoluzione sociale, nel senso socialistico, 1'ambiente sociale sara ottimo. IV. E nell'ordine socialistico anche 1'uomo individuo sara moralmente molto superiore all'uomo corrotto o demoralizzato dalle presenti condizioni. i) p. 17-18. V. Ed allora il delitto, corae la miseria, come 1'ignoranza, come la prostituzione, come 1'immoralita in generc, avra finito la sua triste tirannide nel mondo umano." — II est certain qu'un adhérent du socialisme scientifique ne conviendra pas que ces thèses soient tout a fait exactes. Ainsi p. e. la deuxième, que la mauvaise condition économique de la population est la cause du crime, car 1'expression de „condition économique" a ici un sens trop limité, savoir celui de pauvreté, de misère etc. Au lieu de se servir de celle-la il aurait dü parler de „mode de production." C'est celle-ci qui, d'après les Marxistes, régit en dernière instance la vie sociale tout entière. — Le premier chapitre de 1'ouvrage du prof. Ferri, portant comme titre „la genesi sociale e individuale del delitto," commence par 1'observation que tous les socialistes s'en prennent a la société comme étant la cause de tous les maux, e. a. de la misère et du crime. La plupart d'entre eux le font, plus ou moins sans s'en rendre compte, par un procés psychologique, et la minorité, parmi laquelle se trouve aussi Carl Marx, le fait aussi bien par le même procés que par „strategie de propagande." Ils 11c font généralement pas attention aux facteurs individuels, ou bien, ils ne les reconnaissent qu'en partie, mais en attribuent 1'origine a la société aussi. Ce procés psychologique est alors la contre-réaction de 1'individualisme outré, émané de la révolution francaise qui a son tour est une réaction contre le socialisme empirique (dans la première signification du mot; voir quelques pages plus haut). Entre ces deux directions exagérées se trouve la sociologie criminelle, qui dit que les causes du crime sont, soit individuelies soit sociales, et qui fonde cette opinion sur des recherches positives et scientifiques. — Observons ici que 1'assertion que c'est „par stratégie de propagande" que Marx cherche les causes de divers maux dans 1'organisation sociale n'est nullement prouvée. Car elle veut dire que Marx ne fournit point de preuves a ses thèses, et ne parle ainsi que pour se faire des partisans. La lecture des ceuvres de Marx est un bon remède pour celui qui trouve dans 1'opinion du prof. Ferri ne füt-ce qu'un seinblant de vérité. Nous dépasserions notre but en faisant ici des réflexions sur la question de savoir s'il est scientifiquement exact d'expliquer 1'individualisme, né après ia révolution francaise, en disant que c'est une contre-réaction des idéés précédentes. D'après moi 011 n'éclaircit pas la question en se servant des mots „réaction" et „contre-réaction," paree qu'ils ne font que constater des faits. L'explication se trouve plutót dans lanaissance d'un nouveau système économique, le „grand-capitalisme", dont 1'individualisme plus intense fut la conséquence. — Ensuite 1'auteur attire 1'attention sur ce qu'il croit être les groupes de facteurs du crime: les facteurs anthropologiques ou individuels, les facteurs physiques ou cosmiques, et les facteurs sociaux. Puisque beaucoup d'auteurs partagent entièrement ou partiellement cette doctrine, nous traiterons ces facteurs un a un, et en ferons la critique, ce qui rendra superflu une critique spéciale de 1'école italienne. Ces facteurs ont été examinés plus amplement dans la „Sociologie criminelle" que dans le „Socialismo e Criminalita," je me permettrai donc d'emprunter ce qui suit a la „Sociologie criminelle". Le prof. Ferri niet donc en avant qu'il y a trois groupes de facteurs, dont tantót 1'un, tantót 1'autre est le plus important. „Chaque crime est la résultante des conditions individuelles, physiques et sociales." ') Cependant le facteur individuel est, d'après lui, le plus important, pour ainsi dire le facteur primordial, car il dit: „Le milieu social donne la forme au crime; mais celui-ci a sa source dans une constitution biologique anti-sociale (organique et psychique)." 2) Les facteurs indiqués sont les suivants: „Les facteurs anthropologiques, inhérents a la personne du criminel, sont la première condition du crime, et se distinguent en trois sousclasses, selon que la personne du criminel est envisagée au point de vue organique, psychique ou social. La constitution organique dn criminel constitue la première sousclasse des facteurs anthropologiques et comprend toutes les anomalies du crane, du cerveau, des viscères, de la sensibilité, de 1'activité réflexe et tous les caractères somatiques en général, comme physionomie, tatouage, etc. La constitution psychique du criminel comprend les anomalies de 1'intelligence et du sentiment, surtout du sens moral et les spécialités de la littérature et de Pargot criminel. Les caractères persotmels du criminel comprennent ses conditions purement biologiques, comme la race, 1'age, le sexe, et les conditions bio-sociales, comme 1'état civil, la profession, le domicile, la classe sociale, rinstruction, 1'éducation, qui ont été jusqu'ici 1'objet presque exclusif de la statistique criminelle. Les facteurs physiques du crime sont le climat, la nature du sol, la périodicité diurne et nocturne, les saisons, la température annuelle, les conditions météoriques, la production agricole. Les facteurs sociaux comprennent la densité de la population; 1'opinion publique, les moeurs, la religion; les conditions de la familie; lc régime éducatif; la production industrielle; 1'alcoolisme; les conditions économiques et politiques; 1'administration publique, la justice, la policc; et en général 1'organisation législative, civile et pénale. C'est-a-dire une foule de causes latentes, qui s'entrelacent et se combinent dans toutes les parties de 1'organisme social et qui échappent presque toujours ;i 1'attention des téoriciens et des praticiens, des criminalistes et den législateurs." 3) Facteurs anthropologiques. Considérons d'abord les „caractères personnels du criminel." Lc prof. Ferri conclut a 1'existence de facteurs anthropologique's en général de cc qui suit: „Fn cfTet, si le crime était le produit exclusif du milieu social, comment expliquerait-on ce fait quotidien, que dans le même milieu social et dans des circonstances égales de misère, d'abandon, de man- !) Sociologie criminelle p. 161. 2) » » p. 43- 3) » » p. 150—151. que d'éducation, sur 100 individus, par exemple, 60 ne commettent pas de crimes, et des 40 qui restent, 5 préfèrent le suicide au crime; 5, au contraire, deviennent fous; 5 n'arrivent qu'a se faire mendiants ou vagabonds non dangereux, et les 25 autres commettent-ils des crimes? Et parmi ceux-ci, tandis que plusieurs se limitent, par exemple, au vol sans violence, pourquoi d'autres commettent-ils des vols avec violence et même, de prime abord, avant que la victime se révolte, ou menace, ou appelle au secours, commettent un assassinat avec le seul but du vol ?" ') — II me semble qu'il y a beaucoup d'objections a faire a cette conclusion tirée un peu a la légère. En premier lieu le prof. Ferri est d'opinion qu'il va de soi qu'011 trouve facilement des groupes de gens dont un quart seulement devient criminel quoique tous vivent dans le même milieu. Pour résoudre une telle question il faudrait faire des recherches p.e. parmi les plus avilis du „Lumpenproletariat" d'une métropole c. a. d. parmi les plus viles prostituées, parmi les souteneurs etc. II sera difficile, je crois, de trouver sur 100 individus de ce genre 75 qui n'aient jamais été condamnés, et les rares individus parmi eux qui n'ont jamais subi de condamnation auront probablement été incapables de commettre des crimes par suite de leur condition physique. Cependant, même en admettant que 1'assertion soit exacte, donc que sur les 100 personnes vivant dans un même et mauvais milieu, une partie seulement tombe dans la criminalité, je crois qu'il est impossible" de trouver, même deux personnes qui vivent et ont vécu dans un milieu, exactement pareil et dont les parents aussi ont toujours vécu dans les_ mêmes conditions. De cette facon seulement la qucütion aurait été nettement posée. Ce sont non seulement les conditions actuelles qui ont influencé 1'homme; toutes les conditions passées ont leur part dans les motifs des actes présents. On ne saurait nier que le présent renferme le passé. Les conditions qui ont influencé les parents ne doivent pas être exceptées non plus. Posons le cas suivant: A, B et C vivent dans les mêmes c. a. d. de trés mauvaises conditions. A se suicide, B devient fou, C commet un crime. Les parents de A étaient des gens aisés, ont donné une bonne éducation a leur enfant et 1'ont donc accoutumé a beaucoup d'exigences. Tombé dans la misère, dés lors afifaibli et devenu incapable de bien travailler A croit qu'il lui est impossible de se relever. Les idéés morales, acquises dans sa jeunesse, s'opposent a 1'action du crime. Et puis, les quelques francs qu'il pourrait peut-être voler ne suffiraient pas a lui procurer une existence comme celle a laquelle il s'est accoutumé. Par conséquent il se suicide. B est 1'enfant d'un père devenu alcooliste par misère matérielle. Par cela inférieur, B est incapable de soutenir la lutte pour la vie, et a la fin devient fou. Les parents de C étaient des indigents. II n'a jamais re<;u d'éducation; les idéés morales lui sont entièrement étrangères ; il n'a vécu que dans la misère et commet un vol quand 1'occasion s'en présente et sans aucune hésitation. Dans ces trois cas, se présentant tous les jours, les circonstances sont donc le seul facteur qui entre en considération. Plus haut j'ai dit qu'il n'y a pas deux personnes qui vivent dans !) p. 157. Soc. crim. des circonstances exacteineiit les mêrnes. Ce root cxcictcmcut n a pas été nommé par Ie prof. Ferri, a tort, selon nioi. Dans la vie ordinaire on parle de grandes et petites causes. Mais en traitant des questions scientifiques il est assurément défendu de le faire. Car personne n'ignore, que 1'événement apparemment le plus minime peut avoir les conséquences les plus étendues. Qu'on me permette de faire ici la citation d'une page intéressante du prof. L. Manouvrier sur cette question: „Oue 1'influence du milieu soit généralenient comprise d'une facon trop étroite, on en voit tous les jours& la preuve dans les appréciations émises sur les causes qui ont déterminé certaines dififérences de valeur productive ou de cónduite morale. S'agit-il, par exemple, de deux frères? On fait remarquer qu'ils ont été élevés excicteineiit de la même manière, qu ils ont rt'cu absolument la même éducation, et la question de 1'influence du milieu se trouve ainsi tranchée. Aussitöt les docteurs d invoquer 1 atavisme, de tater les bosses du crane, de scruter de 1'oeil les asymétries faciales, etc. II faut bien avoir recours a 1'anatomie, puisque 1 action du milieu a été mise hors de cause. Et 1'on peut bien accuser la malechance quand on ne trouve ni bosse, ni creux, ni asymétrie quelconques capables de servir, bon gré mal gré, de solution a la question. Reste toujours, d'ailleurs, la ressource d'invoquer des vices de constitution interne, invisibles, hypothétiques. Les phrénologistes étaient dans une situation relativement difficile: il leur fallait trouver un caractcre anatomique déterminé, une bosse a fonction spécifiée d'avance, ou bien ils étaient obligés d'imaginer des luttes de bosse contre bosse. La mode actuelle est moins exigeantc: il suffit de trouver n'importe quoi s'écartant de la perfection morphologique, sans qu'il soit même besoin de montrer la liaison qui peut exister entre ce n'importe quoi et 1'infériorité psychologique a expliquer. Oue dis-je! il s'agit souvent d'une infériorité d'ordre sociologiquè et 1'on ne prend même pas la peine de s'assurer préalablement qu'elle correspond a une infériorité psychologique. Ce serait pourtant la une operation préliminaire indispcnsable, et elle ne suffirait pas encore; il faudrait s assurei que cette infériorité implique un trouble fonctionnel avant de faire intervenir a tout hasard 1'anatomie pathologique. On a bientöt fait de déclarer que deux frères ont eté soumis aux mêrnes influences de milieu paree qu'ils ont été élevés dans la même niaison, instruits dans le même collége, également vêtus et nourris. Le seul fait d'être né le premier ou le second n'est pas sans importance. Avoir été élevé avec un frêre ainé ou avec un petit frère constituent des conditions de milieu fort différentes qui peuvent avoir puissamment contribué a différencier les caractères psychologiques des deux enfants. Ajoutez a cela des variations de milieu provenant des nourrices, des domestiques, des maladies, des jeux, etc. etc. et vous aurez ouvert autant de chapitrcs dans lesquels pourraient être classées des influences de milieu en nombre illimité. II n'v a pas de petites choses en pareille matière. Les biographies actuelles ne sont tout au plus que des ombres chTnöïsèS si 1'on songe a ce que devraient être des biographies vraiment psychologiques. Avoir été instruit dans le même collége, voila pour deux frères, une silimitude de milieu qui peut caeher et cache certainement les plus énormes différences. Ils n ont pas eu les mêrnes maitres, ni les mêmes condisciples, ni surtout les mêmes camarades. Entre 1'éducation donnée et celle qui est effectivement recue, la dissemblance peut être grande. Les préceptes de 1'éducateur sont comparables a des coups de pinceau plus ou moins habiles donnés chaque jour par un peintre sur une toile déja peinte et qui continuerait a être barbouillée du matin au soir par des allants et venants. Les influences qui s'exercent sur 1'enfant en deliors du programme des éducateurs ont d'autant plus de chances d'agir que le programme est exécuté d'une facon plus désagréable." ') Par ce qui précède je crois que la conclusion du prof. Ferri qu'il y a des facteurs anthropologiques du crime est précipitée. Mais on saurait y faire d'autres objections encore. Supposons, ce qui est presque impossible, que Z et Y aient eu des ascendants qui ont toujours vécu dans les mêmes conditions, n'ont connu et ne connaissent encore qu'un même entourage et que tous les deux soient excessivement harcelés par X, ce qui fait que Z, et non pas Y, par vengeance attente a la vie de X. On pourra se poser la question suivante: comment se fait-il que Z et non pas Y, commet un crime ?" Réponse: la cause en est p. e. que Z est plus agé, par conséquent plus fort et plus audacieux que Y et, „ceteris paribus," se décidera plutót que Y a maltraiter son persécuteur. En posant d'autres „casus positiones" pareils nous verrons p. e. que de deux personnes vivant dans les mêmes circonstances, celle qui commet un crime a plus de besoins, ou est plus intelligente que la deuxième qui ne le commet pas etc., etc. Voila donc les fameux „facteurs individuels". Ces facteurs individuels sont donc: l^ageLJe§_besoins, la force, 1'intelligence etc. etc., que chaque homme possède a différents degrés, et qui amèneront 1'un plutót que 1'autre a faire un crime. Maintenant nous sommes forcés de nous demander: „Est-ce-que 1'age, les besoins, la force, etc. conduisent donc a commettre des crimes?" La réponse sera: „mais non, cela dépend des circonstances." Le nommé Z, devenu soldat, la force et Paudace ^_dont il dispose lui auraient probablement fait gagner la croix d'honneur et ne 1'auraient pas mené en prison. Celui qui croit que les qualités humaines susnommées sont du ressort de 1'étiologie du crime n'a pas pénétré la criminalité comme phénomène historique. Ce qui fut un crime ne le devient plus après, et réciproquement. Tandis que les soi-disants facteurs anthropologiques sont constants.jou presque constants, la criminalité diffère suivant le lieu et le temps, tantót peu, tantöt moins, a mesure que les conditions sociales se modifient. Cela prouve clairement que ces facteurs ne sont point des facteurs du crime. 2) !) »Les aptitudes et les actes." p. 328 — 329. *) Comparez la page suivante du prof. L. Manouvrier: »11 y a cependant des individus plus portés au crime que d'autres, toutes conditions égales d'ailleurs. Certes! comme 1'homme est plus porté au crime que la femme, comme 1'homme robuste et hardi est plus porté aux crimes par violence que 1'homme chetif et timide, etc., quoiqu'en somme chaque genre de conformation trouve quelque genre de crime praticable, ne fut-ce que 1'incendie. L'athlète sera plus porté ;i frapper, le beau parleur a escroquer, mais nous ne criminaliserons point pour cela la force musculaire, ni la facilité d'élocution, ni la hardiesse, ni 1'agilité, ni 1'adresse. Nous ne criminaliserons pas davantage la violence, ni la ruse, qualités définies d'après 1'emploi vicieux d'aptitudes trés honnêtement utilisables." (p. 451 «Genese normale du crime.") De même pour ce qui concerne le sexe. La position de la femme varie selon le développement social, et c'est par suite de la position sociale de la femme de nos jours que sa criminalité est tout autre que celle de 1'homme, La prostitution fournit a 1'entretien d'un grand nombre de femmes qui, sans cela tomberaient dans le crime. De la e.a., que la criminalité de la femme donne un chifïfre moins élevé de crimes contre la propriété. L'organisation sociale de nos jours est cause qu'en général les occupations de la femme setournent vers les occupations du ménage, la mettent moins directement que 1'homme en contact avec la lutte pour la vie; de la un moins grand abus d'alcool et une plus petite criminalité contre la personne ctc. etc. A mesure que sa position sociale se modifie sa participation au crime se modifie aussi. Kt cette participation devient a peu prés égale a celle de 1'homme aussitót que la position sociale égale la sienne.') On objectera peut-être que la cause de la plus petite criminalité de la femme contre la personne doit être recherchée aussi dans le fait que la femme est moins forte et moins courageuse que 1'homme, et que la grande part qu'elle a dans 1'infanticide ne s'explique que par son sexe. Je 11e discuterai pas la question de savoir jusqu'a quel point cette force et ce courage inférieurs trouvent leur origine dans 1'éducation de la femme et dans le milieu dans lequel elle vit. Supposons pourtant que la dififérence de sexe en soit la cause. Mais je crois tout de même que cette différence de force et de courage en soi n'ont rien affaire avec le crime. Par sa plus grande force 1'homme ne doit pas nécessairement en abuser. Au contraire, il pourra aussi bien en faire un trés bon emploi. Cela dépend tout a fait des circonstances. Et pour ce qui concerne la part de la femme dans 1'infanticide supposons qu'une femme qui est heureuse en ménage, devienne mère. La maternité sera pour elle la cause d'un grand d'amour pour son enfant. Supposons-la maintenant non mariée, trompée et abondonnée par 1'homme qu'elle aime. Elle ne peut pourvoir a son entretien ni a celui de son enfant; la société la méprise, la rejette et est cause qu elle devient misérable. Alors la maternité peut lui faire prendre son enfant en haine et, ne sachant plus oü donner de la téte, elle le tue. Ici aussi ce sont les circonstances qui sont la „causa causarum", et non pas le sexe qui, dans les deux cas est le même et 11'explique donc rien.'-) Je suis donc d'avis que les soi-disants caractères personnels du criniinel, c. a. d. ses conditions purement biologiques n'ont aucun rapport spécial avec le crime, étant des facteurs de tous les actes humaiits. 3) Un acte, 1) I'our les preuves dc cette assertion voir e. a. le Dr. N. Colajanni «Sociologia criminale." II. Capitolo III. .... 2) l'our de plus amples observations sur les causes sociales de la criminalité dc la femme voir: le Dr. C. Loosjes: »Bijdrage tot dc studie van de criminaliteit dei vrouw", et le chapitre susnomvné de vla Socio'ogia criminale' du Dr. Colajanni, qui dit e.a.: „La donna infatti esposta alla stcsse condizioni sociali deH'uomo, e alla influenza delle stesse occasioni e degli stesse motivi che su di lui agiscono delinque tanto quanto 1'uomo ..." (p. 91.) 3) En parlant ainsi il est évident que je ne veux pas dirc que les recherches statistiques sur 1'age etc. par rapport au crime sont superflues. Je ne conteste nullement leur importance pour la sociologie criminelle. qu'il soit criminel ou non, nécessite 1'existence d'un homme c. a. d. d'un être qui a: 1° des besoins, 2° un cerveau, c. a. d. un organe capable de choisir les moyens de pourvoir a ses besoins ; 30 des organes par lesquels il peut exécuter les idéés formées. Quand on s'occupe de 1'étiologie du crime on ne recherche pas les facteurs qui composent toas les actes, mais exclusivement les facteurs spéciaux. ') Parmi les facteurs anthropologiques le prof. Ferri range aussi: l'instrnction, la profession, Fétat civil, etc., nommcs tons ensemble les conditions bio-soeiales. Je suis d'opinion que ces facteurs ne doivent pas ctre rangés parmi les facteurs anthrologiques mais parmi les facteurs sociaux. Car le mariage, 1'enseignement, etc. 11e sont que des institutions sodales. 2) Traitons ensuite la race. J'appelle 1'attention sur les points suivants: i°. L'étüde de la criminalité des diverses races, nous forcerait a avoir recours a la statistique criminelle des divers états, pour en tirer des conclusions éventuelles. Les mots race et état, que j'ai mis en italique, démontrent déja 1'impossibilité d'une telle recherche au moyen de la statistique criminelle. Car race et état ne sont pas des conceptions coïncidantes. En général un état s'est formé pour des causes politiques et non pour des causes d'identité de race. Pour prouver ce que je viens de dire, je fixe 1'attention sur 1'opinion du prof. P. Topinard, qui dit: „En France, il y a trois races principales qui, malgré les croisements incessants sur tous les points de notre territoire depuis les temps préhistoriques, ne sont pas assez fusionnées pour qu'on puisse anthropologiquement parler d'une race francaise. Des trois, deux surtout se rencontrent partout dans les moindres localités, mais Tune des trois prédomine visiblement presque toujours: la race brune et petite dans le midi; la race celtique brachycéphale du centre de la Bretagne a 1'Auvergne et aux Alpes; la race blonde et grande dans le nord. En Allemagne, les trois mêmes races se retrouvent dans les mêmes conditions, c'est-a-dire : partout dans le moindre village peut-être; leurs proportions ca et la ont seules changées. Le professeur Virchow, la plus haute autorité en cette matière, après avoir vainement cherché a prouver 1'unité de la race germanique par 1'anthropologie, y a renonce et admet, comme moi, deux races envahissantes pour le moins, qui, dit-il, seraient venues simultanément de 1'Asie centrale. En Russie, les races sont nombreuses: les Slaves brachycéphales; deux sortes de Finnois, pour nous, les uns brachycéphales les autres dolicocéphales; les Scandinaves qui, a 1'origine au moins, ont joué un róle; les Mongols, ne serait-ce que par les Samoyèdes du nord et les Kalmoucks *) On connait 1'expression du prof. Lacassagne que »le criminel est le microbe qui ne se développe que dans le bouillon prédisposé." Les adversaires de 1'hypothèse du «milieu social" y répondent triomphalement: »donc il faut qu'il existe avant tout un microbe!" Cela va sans dire: sans homme point d'actes humains, et par conséquent point d'actes criminels. 2) Voir le prof. G. Tarde »la Philosophie pénale", p. 72. du sud-est; les Juifs, assez nombreux; et les Tsiganes. Encore ne parlons-nous pas du Caucase, oü d'autres races s'entrevoicnt auxquclles, du reste, il serait difficile de donner des noms positifs. Par conséquent, ni en France, ni en Allemagne, ni en Russie, 1 idee de race n'a de connexité avec celle de nationalité. Dire c[ue la France est principalement celtique, 1'Allemagne principalement germanique et la Russie principalement slave, serait se contenter de peu. Mais, observera-t-on, ce sont des pays ouverts, sillonnés de voies naturelles, faciles, dans lesquelles le flux et le reflux des races s est opéré avec facilité. L'Italie n'est pas dans ce cas; elle a des frontières naturelles, c'est une péninsule allongée, ouverte a 1'une de ses extrémités seulement. Les premiers habitants étaient de la race brune, petite et dolicocéphale dont j'ai déja parlé en France. Les Ligures, les Ombres, les Etrusques, les Gaulois s'ajoutèrent successivement a eux dans le nord. A Rome, a la suite de ses fondateurs, une poignée d'aventuriers sans doute, s'entassèrent des échantillons de toutes les races de la Méditerranée, de tous les peuples avec lesquels la République était en guerre, de tous les Barbares, qui vinrent après. Aujourd'hui, en Italië, on peut réduiic les races principales qui se dégagent, au même chiffre de trois: la race dolicocéphale petite et brune, dite méditerranéenne, représentée dans les cavernes de 1'age du renne, a Menton et précédemment peut-être, une race brachycéphale, dont 1'origine celtique ou ligure est difficile a établir et qui pourrait fort bien n'être qu'un croisement de 1 autochtone avec le Celte ; et la race blonde, attribuable aux Gaulois et aux Lombards plus particulièrement." ') Non seulement, les populations des différents états ne sont pas originaires d'une seule race, mais 1'immigration, qui, grace aux moyens de communication améliorés, s'est énormement étendue dans les tcmps modernes, a été trés favorable au croisement, dont 1'importance a été démontrée par ce qui suit: „Und doch kann die historische Rassenmischung, bei vvelcher ein Volk dem andern als ganzes gegenüber tiitt, noch kaum einen Vergleich aushalten mit den enormen Wirkungen der kulturellen Mischung 'in Folge der Auswanderung der Einzelnen. Im Alterthume wie im Mittelalter hat diese stellenweise grosse Dimensionen angenommen; so wurden die Pro vinzen Gallien und Hispaniën, so wurde Ost-Deutschland und Deutsch-österreich mehr durch Kolonisten als durch Legionen und Kriegsmannen latinisirt, resp. germanisirt. Aber heutzutage hat in Folge der immer verbesserten Verkehrsmittel dieser Völkerstrom geradezu ungeheure Dimensionen angenommen. Linige Zahlen mogen hier einen Hegriff von der Höhe des modernen Völkeraustausches geben. Nach den Vereinigten Staaten wanderten 1820—1876 8.956.370 Europaer aus; aus Deutschland allein wanderten dahin von 1820 1870 2.367.000 Menschen aus, sodann 1872 1 55-595) dann sank die Ziffer z. B. 1877 auf 21.964, aber schon 1880 wieder auf 106.190 Deutsche. Aus Groszbritannien wanderten aus: 1878 147.663, 1879 217.163, ') p. 131 —132. »Lc principe des nationalités" [Revue d'anthropologie 1886]. Sur cette question voir aussi: K. Kautsky : »F.in materialistischer Histoi iker (Neue Zeit 1883), K. Kautsky: »Die moderne Nationalitat" (Neue Zeit 1887), I)r. Guido Hammer: »Uie Zersetzung der modernen Nationalit&ten »(Neue Zeit 1887*, Dr. F. Mehring »die LessingLegende, nebst einem Anhange iiber den historischen Materialismus p. 488 sqq. 1880 332.294, 1 SS 1 392.514, 1882 413.288, also schon fast einc halbe Million! Die italienische Ausvvanderung betrug 1878 72.367 und erhob sich 1882 schon auf 93.930, gegenwartig übersteigt sie die Jahreszififer 100.000. hs leben nach dem Statistiker O'Neill heute 18.740.803 Menschen auszerhalb ihres Vaterlandes, in Frankreich allein 1.oio.OOO Fremde; in Deutschland ergab die Volkszahlung von 1875 257.856 Auslander, die von 1880 dagegen schon 425.616, es waren also in diesen fünf Jahren durchschnittlich 33.000 Fremde jahrlich eingewandert. Die Einwanderung betrug in Groszbritannien 1878 77.951, 1880 68.316, 1882 78.268, in Belgien 1878 14.325, 1880 16.490, 1881 17.702. Blos an Italicnern wanderten nach Frankreich 187939.713, 188043.172, 1881 50.753, 1882 53-°37; ebenso nach Oesterreich 1S80 20.493, 1881 20.503, 1882 20.430." i) 2°. Bien que toutes les nations se composent de diverses races — 11 '0' a f"ls 11011 pl'ls nne seule race pure. Citons comme preuve 1'opinion d'une autorité, celle du prof. Topinard, qui dit k cc sujet: „La race est une abstraction; elle n'existe que dans notie esprit, elle ne se touche 011 ne se voit nulle part a la surface du globe. Les rassemblements humains auxquels on donne le nom de tribus, de hordes, de peuples, de nations ont, de tout temps, été ballottés au gré des événements; ils se sont unis, désunis, mélangés, croisés, sans que les distinctions de races, de castes, d'habitats ou de milieux aient été un obstacle. Chaque individu et, par conséquent, chaque groupe, a en lui le sang de nombreux ancêtres de races diverses. Certaines unions, dans 1111 même pays, prédominent sur d'autres et entretienncnt les types généraux qui se perpétuent. Les populations que 1'on a sous les yeux ne sont donc point homogènes, le type principal en est difficile a saisir, la race pure est 1111 mythe aussi bien chez les tribus sauvages que chez les nations civilisées. Un peuple est un composé d'éléments divers de plusieurs provenances oü figure toute 1'histoire du passé: vainqueurs et vaincus de toute époque, maitres et serviteurs, nomades et sédentaires, esclaves des deux sexes. Dans cette confusion cependant, et en vertu de la loi des majorités, les races dominantes se maintiennent plus ou moins dans le temps et peuvent être retracées par la science. C'est un travail laborieux. Par 1'analyse, on détaille sur les masses les caractères qui se répètent et s'associent le plus souvent, quelques-uns plus vigoureusement exprimés. Sur quelques individus, on les retrouve merveilleusement rassemblés et rendus. Ces individus sont rares et sont dits typiques; a leur défaut, 1 esprit les concoit et les voit dans sa pensée. L'ensemble des caractères qu' ils présentent constitue un type: on en rencontre habituellement de deux a trois au plus dans une population, chaque type admis ou démontré comme héréditaire, répondant a une race. La ressemblance d'individus se perpétuant de génération en génération dans une population, a travers les événements de 1'histoire, telle est, en effet, la notion de ') p. 180- 181. Dr. G. Hammer »die Zersetzung der modernen Nationalitaten." Voir pour des chiffres de date plus récente le prof. E. v. 1'hilippovich. »Die Vereinigten Staaten und die europaische Ausvvanderung" (Archiv f. soc. Gesetze. u. Stat. 1893). 6 race. Elle implique 1'idée d'une parente, d'une continuité de sang, d'une filiation qu'on démontre de facons trés diverses, quelquefois, mais non toujours. La race, ainsi que je 1'ai dit, est donc une conception de 1'esprit et non une réalité tangible, dans les conditions présentes et dans toutes celles, que nous connaissons jusqu' aux temps préhistoriques. 1 ous les peuples civilisés, barbares et sauvages, y compris les Esquimaux, les Australiens, les Boshimans qu' on se laisse si volontiers aller a qualifier de races unes, sont formés de plusieurs races juxtaposées, entremêlées ou en voie de fusion. Lorsque cette fusion est trés avancée, que la plupart se ressemblent par leurs traits essentiels et qu' on ne découvre que ca et la des exceptions par atavisme, on dit qu'une race nouvelle s'est produite. Mais cette fusion parfaite est rare, si même elle existe."') 3". Pour les deux raisons susdites il est déja impossible de déterminer jusqu'a quel point la race peut être cause du crime. Supposons cependant qu'il existe une nation composée d une seule ïace absolument pure, supposons encore que les individus qui composent cette race aient des tendances criminelles et nous arrivons a la question: d oü proviennent ces tendances criminelles? Car, en disant „la race est une des causes de la criminalité", on explique aussi peu que le croyant qui 1'attribue a la nature coupablc de 1'homme. II est sur qu'il n'existe point d'organes spéciaux pour le crime chcz 1'homme, de la impossibilite pour que tendance au \ol p.c. soit uuiee. Figurons-nous p.e. une race avec des penchants unies au vol, une ïace dont chaque individu aspire a voler ses semblables, quoiqu il puisse satisfaire légalenient a tous ses besoins! (Dans ce cas le vol ne saurait être considéré comme crime.) Ou bien, supposons une autre race, criminelle dans ce sens, que ses membres cherchent a s entretuer sans y être poussés par des causes extérieures, etc. (IJans ce cas 1 homicide ne saurait être considéré comme crime.) De tels cas ne seraient possibles que si une race entière ne se composait que d individus pathologiques. Une nation, toujours a supposcr une race absolument pure, peut difierer d'une autre en force, en énergie, en intelligence, etc. (question a part a quel point ces qualités ont été acquises par 1'influence du milieu sur les ancêtres),. tout cela est indépendant, comme je 1'ai déja fait remarquer, du crime en particulier. Oue la race soit si souvent nommée comme cause de tel ou tel trait caractéristique d'un pcuple, ne provient que du manque des recherches minutieuses, souvent trés difficiles, sur les conditions dans lesquelles^ ce peuple vit, et de 1'emploi d'une explication commode qui a 1'air d'être fort expressive. Le Dr. Colajanni dit a juste titre: „popoli appartenenti alla stessa razza presentano in un dato momento condizioni morali e intellcctuali diverse-, e popoli appartenenti a razze differenti invece le offrono otnologhe2) . Pour prouver la justesse de ce que je viens de dirs, je veux nnale- ') Voir l'art. cité p. 130— 131 ct aussi Dr. N. Colajanni, sla Sociologia criminale II p. 191 — 196. 2) Soc. Crim. II p. 220. ment fixer 1'attention sur la citation suivante: „Nun aber noch ein sehr merkwürdiges Bcispicl dafür wie bei vollkommener Gleichheit von Klima und Rasse verschiedene Produktionsweisen den gesammten Lebensprozesz in verschiedener Weise bestimmen. Wir entnehmen es einer Schrift des berühmten amerikanischen Reisenden Kennan, der mit seinem hellen Auge und seinem geraden Verstande schon als zwanzigjahriger Bursch den historischen Materialismus in seiner \\ eise auch entdeckt hat, ohne eine Ahnung von Marx oder Engels oder auch nur von seinem Landsmanne Morgan zu haben. Im nördlichen Theile der Halbinsel Kamtschatka, so ziemlich dem unwirthlichsten Theile der bevvohnbaren Erde, hausen die Korjaken, ein aus etwa vierzig patriarchalischen Eamilien bestehender Stamm, der von der Zahmung und Zucht des Rennthiers lebt. Sie sind durch diese Produktionsweise zu einem nomadischen Leben gezwungen. „Eine Herde von vier- oder fïinftausend Rennthieren wühlt in einigen Tagen den Schnee im Umkreise von einer Meile auf und verzehrt alles vorhandene Moos, und dann musz natürlich ein frisches Lager aufgesucht werden. Die Korjaken müssen wandern, wenn ihre Herde nicht Hungers sterben soll, und deren Vernichtung würde die ihrige unvermeidlich folgen." Diese Produktionsweise halt die Korjaken nun aber nicht allein in kindischen religiösen Vorstellungen fest, sondern zwingt sie auch zu barbarischen Gewohnheiten, zur Verleugnung dessen, was Kennan die „starksten Regungen der menschlichen Natur" nennt. Sie tödten alle bejahrten Leute; sie spicszen oder steinigen ihre Kranken, wenn sie keine Hoffnung auf Genesung mehr haben ; mit einer „schaudererregenden Genauigkeit" wissen sie die verschiedenen Arten der Tödtung auseinanderzusetzen. Aber alle Korjaken sehen in einem gewaltsamen Tode durch die Hand ihrer nachsten Angehörigen das natürliche Ende ihres Daseins; keiner will es anders haben. „Die Unfruchtbarkeit des Bodens in Nordost-Siberien und die Strenge des langen Winters veranlaszten den Menschen als einziges Mittel, sich Unterhalt zu schaffen, das Rennthier zu zahmen; die Zahmung des Rennthiers machte das Nomadenleben zur Nothwendigkeit; das Umherziehen liesz Krankheit und Altersschwache sowohl für die davon Betroffenen als auch für ihre Umgebung auszerordentlich lastig erscheinen, und dies fiihrte endlich zum Morde der Alten und Kranken, als einer von Klugheit und Mitleid vorgeschriebenen Maszregei." Und abermals mit Recht hebt Kennan hervor, dasz diese scheuszliche Sitte keineswegs eine angeborene, ursprüngliche Rohheit der Korjaken voraussetze. Sie ist eine Eolge derselben Produktionsweise, die aus den nomadischen Korjaken einen ehrlichen, gastfreundlichen, groszmüthigen, kiihnen, unabhangigen Menschenschlag macht. Die Korjaken behandeln ihre Frauen und Kinder mit groszer Güte; wahrend seines mehr als zweijahrigen Verkehrs mit ihnen sah Kennan nie, dasz eine Frau oder ein Kind geschlagen wurde, und er selbst wurde von ihnen „mit so viel Güte und so groszmüthiger Gastfreundschaft behandelt," wie er nur je in einem zivilisirten Lande von christlichen Bewohnern erfahren hat. Nun haben etwa drei- bis vierhundert Korjaken durch eine Seuche ihre Rennthiere verloren und sind dadurch zu einem ansassigen Leben gezwungen worden. Sie wohnen in Hausern von Treibholz an der Seeküste, treiben Fisch- und Seehundsfang; auch machen sie Jagd auf die Walfischgerippe, von den amerikanischen \\ alfischfangern ihres Specks entblöszt und vom Meer an die Küste getrieben worden sind. Sie stehen im Handeisverkehr mit russischen Bauern und Handlern, mit amerikanischen Walfischfangern. Horen wir nun Kennan darüber, \vie diese veranderte Produktionsweise den ganzen Lebensprozesz der Korjaken verandert hat! Er schreibt: „Die am Penschinagoii ansassigen Korjaken sind unstreitig die schlimmsten, haszlichsten, rohesten und verderbtesten Kingeborenen von ganz Nordost-Sibirien Sie sind grausam und roh von Natur, unverschamt gegen Jedermann, rachsüchtig, unehrlich und unwahr. \ 011 den nomadischen Korjaken sind sie in allem das Gegentheil. Kr führt dann im Kinzelnen diese Veranderungen auf den Handeisverkehr der ansassigen Korjaken zurück und schlieszt: „Ich hege für viele der wandernden Korjaken aufrichtige und herzliche Bewunderung, aber ihre ansassigen Verwandten sincï die schlimmste Menschensorte, die ich in Nordasien von der Behringsstrasze bis zum Uralgebirge kennen gelernt habe." Und doch ware, was Klima und Rasse und alle sonstigen Naturbedingungen anbetriftt, auch mit der scharfsten Lupe nicht die kleinste Spur eines Unterschieds zwischen den ansassigen und den wandertiden Korjaken zu entdecken." !) . . , . . C'est a cause des raisons susnommées que je suis d'opimon que la race ne doit pas être mise au nombre des facteurs du crime. -) Finalement il y a encore a traiter deux groupes de facteurs anthropologiques: la constitntion organique du criminel, comrae p.e. les anomalies du crane, du cerveau etc. et la constitutionpsychique du criminel, comme p.e. les anomalies de 1'intelligence et du sentiment. Je ne parlerai point de la question de savoir si tous les stigmates nommcs par le prof. Ferri sont bien des stigmates spécialement propres aux criminels. (Ce me semble être une terminologie étrange que de nommer p.e. les anomalies des viscères un facteur du crime!). On sait qu'elle est fortement combattue, et, d'après moi, a juste titre. Le tatouage e.a. est aussi bien répandu parmi les marins que parmi les criminels et pour nommer „einen Dritten im Bunde," qui sera peut-être assez étonné de se voir réuni a ces deux compagnons, dans les derniers temps 1 aristocratie anglaise a aussi contracté cette habitude 3). etc. etc. Pour notre sujet il suffit maintenant de constater, qu'il soit prouve que quelques crimes (pas tous, au contraire, la minorité) trouvent leur cause en partie dans des anomalies anthropologiques. P.e., quand quelqu'un, en état „d'aura épileptique," commet un assassinat, sans motif quelcónque; ou quand quelqu'un, qui peut satisfaire légalement a tous ses besoins, s'accapare sans cesse d'une manière illégale des objets inutiles 1) Dr. F. Mehring «Die Lessing-Legende, nebst cinem Anhange über den historischen Materialismus." p. 495-498. Nous dépasserions notre but en accumulant plus de preuves pour la thèse susnommée. Voir le dr. Colajanni: Soc. crim. lip. 224 sqq. 2) Voir aussi sur cette question (outre le chapitre tres intéressant »la Razza" dans »la Sociol. crim." du Dr. Colajanni) le prof. G. Tarde »la Philosophie pénale" chapitre VrI, 1,4, »les influences physiologiques." . . . :i) '>I.e tatouage dans le grand monde." (p. 760 Archives d Anthropologie Cuminelle. 1895). et peu coüteux; etc. etc. On a affaire a de vrais facteurs individuels, car ils sont propres a qnelques individus et non a chaqtte individu ; ce ne sont donc pas des facteurs de tous les actes de 1'homme. Ceux qui montrent de pareilles anomalies peuveut être disposés au crime, (non tous, car il y en a qui sont prédisposés a de grandes actions). Pour faire d'un pareil individu un criminel il faut aussi des causes sociales. II est en effet fort douteux qu'il naisse des individus qui dans tantes les circonstances seraient criminels. Factkurs phvsiques. II est évident que la nature du sol, le climat, en un mot que le milieu physique doit avoir une influence importante sur le mode de production et, par conséquent, sur la structure de la société. ') Que les peuples qui habitent les régions sibériennes, couvertes de neige ne soient pas devenus des agriculteurs; que la Hollande, sans mine de fer ni houillères, ne soit pas devenue un important pays industriel; que par sa situation sur la mer et par les grands fleuves qui la traversent elle soit par contre devenue un pays commercial, tout cela se comprend facilement. Mais ces facteurs physiques sont restés constants ou presque constants durant les périodes historiques, tandis que 1'organisation de la société a subi, et subit encore des altérations trés influentes. On ne peut donc pas expliquer ces altérations au moyen d'un facteur constant. C'est ce que G. Plechanow formule trés distinctement de la manière suivante dans sa „BeitragezurGeschichtedesMaterialismus". „DerCharakter des natürlichen umgebenden Milieus bestimmt den Charakter seiner (c. a. d. de 1'homme) produktiven Thatigkeit, seiner Produktionsmittel.DieProduktionsmittel bestimmen aber die wechselseitigen Beziehungen der Menschen in dem Produktionsprozess ebenso unvermeidlich, wie die Bewaffnung einer Armee ihre ganze Organisation, alle wechselseitigen Beziehungen der Individuen bestimmt, aus denen sie sich zusammensetzt. Nun bestimmen aber die wechselseitigen Beziehungen der Menschen in dem gesellschaftlichen Produktionsprozess die ganze Struktur der Gesellschaft. Der Einfluss des natürlichen Milieus auf diese Struktur ist also unbestreitbar. Der Charakter des natürlichen Milieus bestimmt den des sozialen Milieus. Ein Beispiel: „die Nothwendigkeit, die Perioden der Nilbewegung zu berechnen. schuf die Egyptische Astronomie und mit ihr die Herrschaft der Priesterkaste als Leiterin der Agrikultur." Aber das ist uur die eine Scite der Sache. Noch eine andere muss gleichfalls berücksichtigt werden, will man nicht zu ganz falschen Schlüssen kommen. Die Produktionsverhaltnisse sind die Wirkrtng, die Produktivkrafte die Ursaclie. Aber die Wirkung wird ihrerseits zur Ursache; die Produktionsverhaltnisse werden eine neue Ouelle der Entwicklung der Produktivkrafte. Dies führt zu einem doppelten Resultat. !) II n'est pas exact, selon moi, de ranger aussi parmi ces facteurs »la production agricole," comme le prof. Ferri le fait: car c'est plutöt un des «facteurs sociaux." 1. Die gegenseitige Einwirkung der Produktionsverhaltnisse und Produktivkrafte verursacht eine soziale Bewegung, welche ihre Logik und ihre von dem natürlichen Milieu unabhangige Gesetze hat. Ein Beispiel: Das Privateigenthum ist in der primitiven Phase seiner Entwicklung stets die Frucht der Arbeit des Eigenthümers selbst, wie man dies sehr gut in den russischen Dörfern beobachten kann. Es kommt aber mit Nothwendigkeit eine Zeit, in der es das Gegentheil dessen wird, was es zuvor war: es setzt die Arbeit eines anderen voraus, es wird zuni kapitalistischen Privateigenthum, wie wir dies gleichfalls alle Tage in den russischen Dörfern sehen können. Dies Phanomen ist eine Wirkung der immanenten Gesetze der Evolution des Privateigenthums. Alles, was das natiirliche Milieu in diesem Falie vermag, besteht darin, diese Bewegung durch die Begiinstigung der Entwicklung der P'roduktivkrafte zu besehleunigen. 2. Da die soziale Evolution ihre eigenthümliche, von jedem direkten Einfluss des natürlichen Milieu unabhangige Logik hat, so kann es sich ereignen, dass dasselbe Volk, obschon es dasselbe Land bewohnt und seine physischen Eigenschaften fast dieselben bleiben, in verschiedenen Epochen seiner Geschichte soziale und politische Einrichtungen besitzt, die einander sehr wenig ahnlich, ja ganz verschieden von einander sind." ') ^ Le crime étant un phénomène social, et la sociéte étant influencee, comme nous venons de le voir, par le milieu physique, on pourrait dire que ce milieu est un facteur de la criminalité. Celui qui raisonne ainsi devra accorder que le milieu physique n'est qu'un facteur indirect, donc une cause trés éloignée. II serait aussi juste de dire que 1'invention de la poudre est une des causes de tous les assassinats commis au moyen d'armes a feu. Pourtant je crois qu'en raisonnant ainsi, on oublie que le crime est un phénomène historique, se modifiant d après la condition de la société, et, par conséquent, régi par des lois, qui ne dépendent pas du milieu physique. En d'autres termes, ce milieu est cause qu'un peuple pourvoit a ses besoins en travaillant le matériel que la nature lui a fourni; mais la manière dont ce travail est fait est indépendante de ce milieu. Et c'est de cette manière de travailler que dépend la criminalité. Un exemple, emprunté a la pratique, éclaircira ce que je viens de dire. _ . Par la nature du sol en Sicile, il est possible d y exploiter des soufrières. La criminalité de la Sicile est trés grande, surtout dans les parties oü 1'on trouve ces mines, et on y coramet particulièrement beaucoup d'assassinats. On serait donc disposé a croire, a tort selon moi, qu ici des facteurs physiques sont mis en jeu :1a nature du sol est cause de 1'exploitation des mines; cependant la criminalité dépend entièrement de la manière dont 1'exploitation est faite, et celle-ci n'a ft son tour rien affaire a\oc le milieu physique. In conereto: ces mines sont exploitées de la fnarnere capitaliste, c. ft. d. dans le but d' en tirer autant de profit que possible, ce qui fait que les ouvriers sont incultes, démoralisés et dégénérés par 1111 travail excessivement dur, dans une atmosphère i) p. 199—201. malsaine, et peu rétribué. De la donc le chiffre plus élevé de la criminalité. ') Supposons que le travail dans ces contrées profite non a quelquesuns, mais a tous, que les mineurs n'aient pas a travailler des heures d'arrache-pied, qu'ils vivent avec les leurs dans des conditions suffisantes, qu'ils soient bien instruits et civilisés et il est clair que le chiffre de la criminalité serait beaucoup plus bas ou presque nul. 2) La plupart des auteurs qui se sont occupés de 1'influence des facteurs physiques, n'ont observé que 1'influence directe de ces facteurs sur 1'homme. Plusieurs d'entre eux n'ont pas fait attention a 1'importance qu'ils peuvent avoir sur le caractère de la société, et ils n'ont pas mis en ligne de compte que celle-ci se développe selon des lois indépendantes du milieu physique. II est évident que cette omision se venge. On a attribué a 1'influence directe des phénomènes, qui ne s'y rapportent point du tout. C'est un fait assez généralement reconnu par exemple que le nombre des crimes violents est beaucoup plus élevé dans les pays méridionaux que dans les pays septentrionaux. On donne alors comme cause ce cjui est a première portée, c. a. d. la différence du cljmat. Mais on omet que la phase du développement social est toute différente pour les pays du MiHT que pour ceux du Nord, et que cette différence explique celle de la criminalité contre la personne. A ce sujet le prof. Tarde dit: „Une statistique faite a des époques oü, la civilisation n'ayant pas encore passé du Midi au Nord, le Nord était plus barbare, eüt certainement montré que les crimes de sang étaient plus nombreux dans les climats septentrionaux, oü maintenant ils sont plus rares, et provoqué les Quetelets d'alors a formuler une loi précisément inverse de la loi ci-dessus. (C'est-a-dire la loi de 1'influence du climat.) Par exemple, si 1'on divise 1'Italie actuelle en trois zones, Lombardie, Italië centrale, Midi, on trouve que dans la première il y a par an sur 100.000 habitants trois homicides, dans la seconde prés de dix, dans la troisième plus de seize. Mais n'estimera-t-on pas probable qu'aux beaux jours de la Grande-Grèce, quand florissaient Crotone et Sybaris, au Sud de la péninsule toute peuplée de brigands et de barbares dans le Nord, a 1'exception des seuls Etrusques, la proportion des crimes sanglants aurait pu être renversée? Actuellement, il y a en Italië, a chiffre égal de population, seize fois plus d'homicides qu'en Angleterre, neuf fois plus qu'en Belgique, cinq fois plus qu'en France. Mais on peut bien jurer que, 1) Voir a ce sujet A. Niceforo: «Criminalita e condizioni economiche in Sicilia" (Rivista scientifica del diritto 1897) et le Dr. N. Colajanni: »L'homicide en Italië" (Revue Socialiste, Juillet 1901). Ce dernier dit e. a: »Le maximum (des homicides) est fourni par ceux qui sont employés dans les travaux souterrains, dans les mines et dont 1'instruction est trés faible ou k peu prés nulle. Ce dernier résultat, qui est comraun a 1'Italie entiére, m'est confirmé pour la Sicile par des recherches personnelles; et c'est il 1'influence de ce plus fort coëfficiënt de mineurs qu' est due la proportion trés élevée des homicides dans les provinces de Girgenti et de la Caltanissetta, oü les travailleurs des mines de soufre sont astreints a une vie absolument bestiale et sont presque tous illettrés." (p. 50). 2) Voir sur 1'influence des facteurs physiques comme facteurs constants: P. Lafargue. »I)er wirtschaftli' he Materialismus" p. 32. K. Kautsky. »Die materialistische Geschichtsauffassung und der psychologische Antrieb." (Neue Xeit 1895- 96 II p. 655). Le I)r. N. Colajanni. »Sociologia Criminale" II p. 421 sqq. Voir aussi la citation, se trouvant quelques pages plus haut, empruntée k la «Lessing-Legende" du Dr. F. Mehring. sous 1'empire romain, il en était autrement, et que les sauvages Bretons, les Beiges mêmes et les Gaulois 1'emportaient en férocité habituelle de moeurs, en bravour et en fureur vindicative, sur les Romains amollis. D'après Summer Maine, la littérature Scandinave démontre que 1'homicide, aux époques de barbarie, était „un accident journalier chcz ces peuples du Nord, précisément les plus doux a présent et les plus inoffensifs de toute 1'Europe. ') La Corse aujourd'hui, comparée a la France, présente un chitfre exceptionnel d'homicides causés par la vendetta, et, en revanche, un minimum de vols. Mais sept ou huit cents ans avant 1 ère chrétienne, quand 1'Etrurie, après Carthage, apporta ses arts industriels et agricoles a cette ile, pendant que la Gaule était encore plongée dans la barbarie, il est a croire que le chiffre Continental des crimes inspirés par la vengeance, passion dominante des barbares, n était pas inférieur au chiffre insulaire." 2) II est évident que, par ce qui précède, je n'ai pas voulu nier 1 ïnfluence directe du milieu physique sur 1'homme. •') Du reste, c est un fait, que tout le monde a observé. D'après beaucoup de gens donc, nombre de recherches scientifiques sur ce sujet ont démontré, qu une ciiminalité importante contre la personne découle d une température chaude, et qu'une température bassc amène par contre beaucoup de crimes contie la propriété. Cela veut donc dire que non seulement le genre de criminalité dans les pays chauds est différente de celle des pays froids, mais aussi que le changement des saisons et les variations de température qui en résultent amènent les suites susnommées. Je ne veux pas fatiguer le lecteur en citant des exemples a 1'infini, pour prouver que les exceptions a cette règle sont tiès nombreuses. On ne trouve pas un plus grand nombre de crimes contre la personne et un plus petit chiffre de crimes contre la propriété a chaque degré plus prés de 1'équateur. Si c'était le cas, 1'improbité serait inconnue a 1'équateur et tout le monde devrait y être violent. II y a des pays qui, bien que se trouvant au même degré de latitude, offrent des images de criminalité tout différentes, comme il y en a d autres, qui produisent le même nombre de crimes quoiqu'ils soient trés éloignés 1 un de 1'autre4), etc. etc. Les adhérents de la théorie du „milieu physique" expliquent ces exceptions en disant qu'elles sont causées par le „milieu 1) En Espagne, même contraste. Les provinces du Nord y donnent une moyenne de crimes, surtout de crimes contre les personnes, inférieure ;\ celle des provinces du Midi. Au temps de la domination arabe, pense-t-on qu il en etait de meme. et croit-on qu'alors, comme aujourd'hui, 1'ensemble de la criminalité violente, dans cette péninsule, était quatre fois plus élevé qu'en France? (Note de Tarde). 2) «Criminalité comparée." p. 153 — 154- . , ... 3) Je veux fixer 1'attention sur la circonstance que 1'influence directe du milieu physique diminue successivement. Car le pouvoir de 1'homme sur la nature augmente toujours, ce qui fait que les influences défavorables du milieu physique peuvent etre limitées. . _ . , ■i) C'est surtout le Dr. N. Colajanni qui, dans sa »Sociologia criminale 11 a citc un grand nombre dexemples de ce genre. Voir les chapitres VII, VIII, IX. Yoir aussi ses »Oscillations thermométriques et délits contre les personnes (Archives d anthr. crim. 1886>. Prof. li. Földes donne dans son article «Einige Ergebnisse der neueren Kriminalstatistik" (Zeitsrhr. I". d. ges. Strafrechtswissenschaft XI p. 544), "n exemple trés frappant. social." En cela ils reconnaissent donc que celui-ci peut entièrement altérer, même anéantir 1'influence de celui-la. Nous nous occuperons plutót des differents genres de crime et rechercherons 1'influence que le milieu physique y exerce. ^ En premier lieu 1'assertion que le froid fait augmenter le nombre de crimes contre la propriété. Inutile d'en parler longueinent; car presque tous les auteurs sont d'accord qu'ici ce ne sont pas des causes physiques mais des causes économiques qui sont mises en jeu. Le froid augmente les besoins de 1'homme: il lui faut des vêtements plus chauds et un logis bien chauffé. Mais il est clair que tout cela n'est pas un motif pour voler. Car celui qui est aisé se procure par ses propres moyens, les objets dont il a besoin. C'est 1'organisation sociale actuelle qui pendant la saison rigoureuse, ne permet pas aux gens de se pourvoir a des besoins plus nombreux alors, car l^ocaasion de travail.ler manque plus en hiver qu'en été. Si les crimes contre les personnes croissent quand la température monte cela s'explique en partie, d'une manière négative, par ce qui précède. Quand on souffre de la faim et qu'on est sans abri il n'y a qu'une seule nécessité qui se fasse le plus sentir: celle d'apaiser sa faim et de se trouver a couvert. Tous les autres besoins, comme le besoin sexuel, sont alors réduits au silence. Mais aussitót que le printemps arrivé et qu'on trouve par conséquent plus facilement 1'occasion de gagner quelque chose, que les besoins les plus pressants peuvent donc être plus vite satisfaits, les autres se font de nouveau valoir avec plus de force. Le prof. Ferri est d'opinion que 1'influence directe de la température est la suivante: „Die Frequenzzunahme der Gewaltthaten gegen die Personen, die bei höheren Warme-graden beobachtet wird, diirfte iiberwiegend von der direkten physiologischen Einwirkung der Hitze auf den menschlichen Organismus abhangen: davon namlich, dasz dabei der Stofifverbrauch zur Produktion der tierischen Warme abnimmt und deshalb ein zu anderen Zwecken verwertbarer Krafttiberschusz aufgespeichert wird, dieser aber, im Verein mit der gesteigerten Gemütserregbarkeit, leichter zu jener verbrecherischen Thatigkeit ausarten kann, die sich durch Gewaltthaten gegen die Personen aüszert. Zu dieser physiologischen Wirkung der Hitze gesellt sich zwar unter den die Mehrzahl der Bevölkerung bildenden armeren Standen die leichtere und reichlichere Beschaffung der Nahrung, doch ist dieses soziale Moment hier von geringeren Belange als der direkte biologische Einflusz." ') On s'étonnera de la première expücation que le prof. Ferri donne, car chacun sent par soi-même que la chaleur a une autre influence que la susdite. Le fait que pendant la chaleur la consonmiation de matière est moins grande que durant le froid ne peut pas être considéré comme le point le plus important de la question de la criminalité. La chaleur énerve 1'homme, ammollit 1'organisme et est cause que-T'Romme agit le moins possible. Elle devrait donc avoir »I )as Verbrechen in seiner Abhilngigkcit von dem jilhrlichcn Temperatur ■ wechsel," (Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. II p. 13) comme effct tout juste 1'opposé d'une sensibilité plus grande („gesteigerten Gemütserregbarkeit"). ') Plus d'une fois déja j'ai eu 1'occasion d'indiquer, qu'il est injuste de croire qu'une nutrition améliorée en été des classes pauvres puisse être une cause de la plus grande criminalité pendant cette saison. Si c'était le cas, les gens qui se nourrissent bien durant toutes les saisons, devraient fournir le plus grand contingent de criminels violents. Or, on sait que c'est justement le contraire. D'après moi il ne faut chercher 1'explication du fait constaté que dans la circonstance qu'en été les rapports entre les hommes sont plus nombreux, d'oü il résulte qu'il y a plus d'occasion de mal faire.2) Mais ceci en soi ne peut naturellement pas expliquer 1'accroissement des crimes. Les stations balnéaires, oü la bourgeoisie essaie de fuir les influences énervantes de la chaleur, ne sont point des lieux oü les crimes contre les personnes se présentent en abondance. Pourtant la concentration de beaucoup de personnes sur une petite superficie y est trés grande. Le degré de civilisation des individus détermine le plus ou moins de facilité avec laquelle naissent les rixes. Et cc qui prouve que cc degré n'a pas besoin d'être bien élevé c'est que les actes de violencc sont trés rares parmi les bourgeois, dont une grande partie ne possèdc qu'un semblant de civilisation. v L'augmentation des crimes sexuels aux saisons chaudes, s'explique en partie par la plus grande facilité de grendre les auteurs qui agissent alors plus en plein air. Sans compter ceia, il parait que les penchants sexuels se renforcent un peu par la chaleur, ce qui fait que les actes sexuels augmentent. Mais cela ne veut pas dire que les actes soient pour cela criminels. Ceci dépend, tout comme pour les facteurs anthropologiques, du milieu social. 3) Je déduis de tout ce qui précède que les facteurs physiques ne ') Voir la »Soc. crim." II p. 427 sqq. du Dr. N. Colajanni, qui démontre par des oitations de différents auteurs, l'inexactitude de la thèse du prof. Ferri. II dit: e. a. ..SuH'azione Jisiologica del caldo, la parolo autorevole credo che puö venirci dai medici. L'hanno data da gran tempo per constatare che i climi caldi e le stagioni calde snervano e indeboliscono. Di consequenza le passioni allora si deprimono;...' (p. 427). Voir pour la même opinion : le prof.Tarde. «Philosophie pénale" p. 303.Quetelet. «l'hysique sociale" II p. 288. le doet. Colajanni oSoc. Crim.' II. p. 43' sil- s) En dehors des auteurs cités voir pour 1'influence des facteurs physiques: le Dr. Mischler «Hauptergebnissein moralischer Hinsicht." (Handbuch des Gefangniswesens II, p. 485). Prof. Fr. von Liszt. »Die sozialpolitische Auffassung des Verbrechens" (Sozial-politisches Centralblatt 1892I. Celui-ci y donne 1'excellent passage suivant stil 1'influence du milieu physique: »Im Gegensatze zu Montesquieu, zu Quetelet und gar manchem neueren Schriftsteller, glauben wir nicht mehr an eine durch Klima und Bodenbeschaffenheit bestimmte fauna oder flora criminalis; wir glauben nicht dass durch die Zahl der Breitengrade die Zahl und die Art der Verbrechen unmittelbar bestimmt werde. Ob im Lande die Weinrebe gedeiht oder Kartoffelschnaps gebrannt wil d ; ob schiffbare Ströme und sichere Hafen den Austausch der Menschen, Güter, Gedanken und Laster befördern, oder unwirthliche Gebirgszüge, ausgedehnte VV üste oder Waldei ein ansteckungsfreies (iebiet schaffen, wird freilich auch für die Kriminalitat nicht ohnc Bedeutung bleiben. Aber dass der Einfluss des Klim.1 s und der Bodenbeschaffenheit ein mittelbarer ist, vermittelt durch die gesellschaftlichen \ erhaltnisse unterliegt uns keinem Zweifel. Will man uns lehren, dass die Temperatur an sich »den Hang zum Verbrechen" bestimme, so lehnen wir diese Belehrung dankend ab. Es ist richtig dass in kalten Wintern mehr Holz gestolilen wird als im Sommer; doivent pas être rangés dans 1'étiologie du crime. Ils ont leur influence sur rhomme; mais il dépend des circonstances sociales que cette influence prenne une direction criminelle, oui ou non. Facteurs Sociaux. Enfin il me reste a traiter les facteurs sociaux, mais puisque je le ferai dans la deuxième partie de eet ouvrage, il me semble superflu d'en donner ici un exposé eritique. La succession des facteurs comme le prof. Ferri la donne n'est pas juste, a mon avis. Parmi les autres facteurs sociaux il nomme aussi les facteurs économiques; ceux-ci auraient dü précéder car en les expliquant exactement les facteurs sociaux en découlent logiquement. Les conditions économiques sont la base sur laquelle s'appuie tout 1'édifice social. Avant de reprendre notre analyse de „Socialismo e Criminalita", je tiens a faire remarquer que cette distinction en trois groupes de facteurs vise exclusivement 1'individu criminel et perd ainsi de vue la question, (conséquence de la réaction outrée contre 1'ancienne école pénale) pourquoi une telle action, dans un lieu quelconque, a une époque quelconque, est criminelle ou non ? Une pareille recherche démontrerait qu'il ne s'agit en ceci que de facteurs sociaux. — Reprenons 1'exposé du chapitre I „La genesi sociale e individuale del delitto" de „Socialismo e criminalita". Turati, dans son „II Delitto e la Questione sociale" a fait les objections suivantes aux thèses du prof. Ferri. Le prof. Ferri distingue cinq catégories de criminels, savoir: criminelsfous, criminels-nés incorrigibles, criminels habituels, criminels par passion et criminels d'occasion. Dans les deux premières catégories les facteurs individuels jouent un röle trés important; cependant, d'après les recherches du prof. Ferri, ces deux groupes ne comptent a eux deux que 20 a 25 °/„ de la totalité des criminels, et déduction faite des fous, il ne reste que 10 °/0. Puisque les criminels ne forment que la minorité de la population, et que les facteurs physiques n'ont sur elle qu'une influence minime, il en résulte que ces facteurs influencent plutót la forme que la cause du crime. Les trois facteurs agissent presque toujours a la fois. II est donc clair que les deux autres facteurs seuls ne seront pas assez puissants pour donner naissance au crime, du moment que le facteur social sera éliminé, comme il a été prouvé par la colonie socialiste de New-Lanark qui fut durant quatre ans d'une moralité exemplaire. Puis, si 1'on ne aber es bedarf keines Nachweises, dass die Kalte nur mittelbar wirkt, und nicht die tiefste Temperatur des Jahres, sondern die gleichmassige Kalte mehrerer Wochen und Monate den Ausschlag giebt. Dass im \vunderschönen Monat Mai alle Knospen springen, das haben wir gewusst lang' ehe es ein Kriminalstatistik gab; und dass der Höhepunkt der Sittlichkeitsdelikte im Sommer und nicht im Winter zu suchen sei, konnte uns nicht überrasschen. Aber darum glauben wir doch nicht, dass, uie gar manche Kriminalisten der Gegenwart annehmen, die Hitze, die sonst erschlaffend wirkt, den sexuellen Trieb zum Siedepunkt erhitze; sonst ware es ja auch nicht zu erkliiren, dass gerade im Juni und nicht im Juli oder August luiben und driiben vom Rhein die meisten Unzuchtsdelikte begangen werden", (p. 4). compte pas les crimes qui sont la conséquence, soit de la vie vicieuse actuelle, soit de la condition économique anormale, les auteurs des grands crimes (excepté les crimes techniques ou professionnels) sont moins nombreux dans les classes aisées que dans les classes inférieui es, oü les éléments anthropologiques sont en grande partie identiques. Et si les différentes classes présentent entre elles des différences anthropologiques, ce n'est pas par le fait que ces différences seraient innéesaux individus puisqu'ils appartiennent aux classes inférieures, mais bien paree qu'elles sont produites et entretenues par la misère, la mauvaise éducation, etc. Les vraies causes du crime sont par conséquent les conditions sociales, en dernière instance les conditions economiques. L'argumentatien du prof. Ferri contre ce qui précède peut se résumer de la manière suivante: N'aura-t-on point d'ambiant social dans un état socialiste r Ou bien, eet ambiant y sera-t-il si parfait que le germe du plus petit facteur social du crime ne s'y présente pas? Supposons la misère supprimee la jalousie disparaitra-t-elle alors en même temps ? Supposons le manage légal aboli est-ce que cela pourra empêcher que les facteurs individuels et* physiques puissent pousser un homme laid a violer ou a assassiner une belle femme, paree que celle-ci refuse de 1'épouser? On objectera peut-être qu'en ce cas eet homme n'est pas un criminel d'habitude ou d'occasion, mais un criminel-né, ou un criminel-fou, ou qu'il a commis 1'acte par passion. A la bonne heure; mais alors dans 1'état futur, nous serons cncore bien éloignés d'un paradis terrestre. Turati commit les erreurs suivantes dans son argumentation : 1°. il met de cöté les criminels-fous; a tort, d'après le prof. I'erri, car, quoique fous, ce sont des criminels. 2". ce pourcentage des criminels-nés et des criminels-fous monte jusqu' a 20, ce qui est un trés grand nombre sur les 60.000 détenus. 3°. Ie prof. Ferri prétend qu'il est inexact de dire que les autres causes sont réduites a zéro, du moment que les facteurs sociaux du crime sont supprimés. Car, même chez les criminels d'occasion, 011 le milieu joue un role trés important, un facteur individuel doit se faire valoir, sinon 1'individu ne serait pas devenu criminel. Le prof. Ferri demande par contre: Comment se fait-il que, sur 100 ouvriers, vivant tous dans un même milieu, il n y en ait que trés peu qui tombent dans le crime ? Cela ne peut s'expliquer qu'en admettant des causes individuelies et physiques. Quand les socialistes disent que ces différences individuelles sont innées par suite de la misère oü les ancêtres ont vécu durant des milliers d'années, 1'auteur admet ce rai^sonnement en grande partie, mais croit néanmoins avoir raison en prétendant que ces qualités sont innées a quelques individus du temps présent. Le fait que la moralité fut trés grande durant 4 ans en New-Lanark fait dire a 1'auteur: i°. qu'il aurait bien voulu se convaincre de ses propres yeux, surtout paree qu'il avait lu que dans cette colonie „Si conservo 1'abitudine di festeggiare la vigilia di Natale con eccessivc libazioni. 2°.t'Squ'il sait qu'on avait pourtant commis des crimes dans une colonie communiste d'alors; de plus n'oublions pas quelesdifticultés augmentent dans une grande ville. Le chapitre suivant est intitulé: „Benessere e criminalita". A 1'assertion non-prouvée des socialistes que les mauvaises conditions économiques sont la cause principale sinon unique du crime, 1'auteur opposera des faits pour prouver que leur thèse est en grande partie inexacte. Dans ce but il divise les crimes en trois groupes : i° crimes contre la propriété, 2° crimes contre la personne ou délits de sang et 3° crimes contre les moeurs. En dehors de ces trois catégories il y a encore beaucoup de crimes qui n'ont, ni directement ni indirectement, aucun rapport avec les mauvaises conditions économiques; p. e. les crimes contre 1'honneur, injures ou abus de pouvoir. — D'abord donc les crimes contre la propriété. L'auteur reconnait que la ■ plupart de ces crimes trouvent leur cause dans les mauvaises conditions économiques. Mais on exagère, dit-il, en disant que tous ces crimes en résultent. Ou'on ne pense qu' aux crimes contre la propriété par vengeance. Cependant dans une société communiste il faut aussi qu'il y ait des cas de vol, sans compter encore les cas de kleptomanie et d'aliénation. Car les articles de consommation rostent la propriété privée. Et pourquoi 11e volerait-t-on pas son concitoyen par jalousie ? Ou n'est-il pas probable que quelqu'un préfère prendre a son voisin un objet dont il a besoin que de faire une course de quelques kilomètres, afin de le chercher dans le magasin central? Mais admettons que les mauvaises conditions économiques de 1'époque soient causes des crimes contre la propriété, il reste a trouver les causes des crimes des autres groupes. Tout en reconnaissant que les conditions économiques occupent une place dans 1'étiologie de ces derniers crimes comme p.e. assassinat par cupidité, l'auteur ne croit pas, qu'on puisse en faire la règle générale. Quand les socialistes objectent que 1'homme futur sera moralement amélioré, le prof. Eerri est d'opinion qu'en ce moment-ci nous n'avons affaire qu'aux hommes d'aujourd'hui et non pas aux hommes futurs. „L'étude de la criminalité en France durant les années 1825/80" a fait voir un accroissement extraordinaire de crimes contre la personne et contre les mceurs pendant les années 1848/52. Un examen minutieux a démontré a l'auteur qu'il était dii a la grande augmentation de la consommation de viande et de vin, tous les deux en ces temps trés bon marché, et aussi a la hausse des salaires. Le résultat de 1'amélioration des conditions économiques fut donc une augmentation des crimes nommés. Le prof. Ferri en trouve une autre preuve dans le tableau suivant: NOMBRE DES ACCUSÉS PAR 100.000 HABITANTS DE CHAQUE CLASSE (FRANCE.) CRIMES. Classe agricole. Classe manufacturière. Arts et métiers. | Autres professions. Sans profession, vagabonds, etc. Vols qualifiés. j 6,6 12,9 18,1 11,1 j 136,3 Faux. 0,7 1,3 1 2,1 3,4 8,3 Incendie dc maisons habitécs. j 0.4 0,4 ! 0,5 0,3 j 5'2 Infanticide. 0,4 0,3 0,4 0,4 4,1 Coups et blessures graves. ! 1,0 1,2 ! 1,8 J 0,8 j 2,7 Homicide. 0,5 0,4 0,6 0,5 2,4 Assassinat. 0,9 0,7 i,i 0,9 j 5>8 Crimes contre les moeurs avec violence. j 0,4 0,7 1,0 0,4 1 1,9 Attcntats a la pudeur des enfants. 0,7 1,4 2,1 1,1 5.5 Moyenne de tous les crimes. 13,9 23,0 32,5 22,4 193,0 II rcsulte de ce tableau en exceptant les vagabonds, que la classe agricole, dont les membres sont des personnes de moindre aisance, fournit un chiffre proportionnellement plus bas que les autres classes, et que 1'assertion des socialistes que ceux qui viennent s'asseoir sur le banc des accusés sont presque tous des prolétaires, est inexacte. — Je ne discuterai pas la question même, c. a. d. si ce sont les prolétaires qui fournissent un contingent proportionnellement plus élevé de criminels que les autres classes. Les arguments du prof. Ferri ne me semblent pas trés forts: „classe agricole" p. e. est une distinction trop vague. Quelle énorme difference entre le riche fermier et le pauvre journalier, qui ne gagne que quelques francs par semaine! 1'ourtant 1'un et 1'autre appartiennent au premier groupe. — En examinant le cours de la criminalité en France durant la période 1826/80, on voit une augmentation importante des délits contre la propriété, les moeurs et la personne, tandis que les conditions économiques se sont améliorées durant ces années, même pour les prolétaires. A quelle cause pcut-on attribuer cette augmentation? II est impossible de 1'attribuer a une répression relachée dc la justice et de la policc. Au contraire; car 1'activité de celles-ci a alors été plus grande. Du reste, la oü il est évident qu'il y a des causes si fortes du crime, ce serait une folie de croire qu' une plus grande sévérité des peines mène a une diminution de la criminalité. C'est pour cela que 1'école, a laquelle 1'auteur appartient, n'insiste pas sur 1'aggravation des peines, mais bien sur 1'élimination des causes. De la la doctrine des „substitutifs penaux." La vraic cause est la suivante: Plus la nutrition de 1'hommc est abondante, plus ses forces organiques se développent; donc il y a une plus grande activité qui s'exprime par un plus grand nombre d'actes honnêtes (travail) mais qui peut s'exprimer aussi par un plus grand nombre d'actes illicites. Et puis, il ne faut pas perdre de vue, surtout pour ce qui concerne les crimes contre les mceurs, 1'existence d'une loi biologique et d'une loi sociologique, c. a. d. i°. que la force générative des animaux et de 1'homme croit en proportion de 1'abondance de la facilité de nutrition; 2°. que, par un développement continuel de prévoyance, les nations qui suivent lc conseil de Malthus, donnent de plus en plus un démenti a la loi par lui formulée, puisque chez cux la population montre une tendance a s'accroitre moins rapide que les moyens d'existence, et presque en raison inverse de 1'aisance. Voila pourquoi la criminalité augmente en France, 011 le système de prévoyance est trés développé et oü la population jouit d'une meilleure nutrition qu'autrefois. Le prof. Ferri est d'opinion qu'on peut, d'après les faits observés, arrêter les régies suivantes: i°. la criminalité prend des proportions plus grandes, mais elle diminue de violence; 2°. la disette fait augmenter les crimes contre la propriété, et diminuer ceux contre la personne, tandis que 1'abondance a un effet opposé; 3°. la civilisation fait diminuer le nombre d'homicides, mais augmenter les suicides; 4". un développement dc prévoyance de naissances empêche 1111 accroissement excessif de la population et par la du paupérisme, mais augmente le chiffre des crimes contre les moeurs. Turati a fait les objections suivantes a ces thèses: En premier lieu : dans les pays civilisés les crimes contre la personne sont beaucoup moins nombreux, que les crimes contre la propriété et justement en proportion du degré de la civilisation. Pourquoi ne seraitil pas vraisemblable qu'a la fin 1'influence criminogene de la nutrition disparaisse par suite de la loi, d'après laquclle les crimes augmentent en nombre mais diminuent en grossièreté et en intensité? En outre, il est douteux que cette influence soit si forte. La vraie cause n'est pas la bonne nutrition mais le frein malthusien, et c'est ce dernier qui, justement dans le prolétariat, mène au crime, puisque dans cette classe la prostitution ne peut pas fonctionner cumme soupape dc süreté; et les mauvaises conditions économiques sont la cause du „moral restraint." Le prof. Ferri reconnait qu'il y a une vórité partielle dans ce raisonnement, mais fait encore les objections suivantes: que les délits de sang, qui sont plus nombreux que les crimes contre les mceurs, n'ont pourtant aucun rapport avec le frein malthusien; que, pour ce qui concerne les crimes contre les moeurs, il n'est pas exact de dire que ce ne sont que les prolétaires qui y soient poussés par des causes économiques; que ce sont au contraire les prolétaires qui se multiplient le plus, que ce sont les classes plus aisées qui ne veulent pas avoir un grand nombre d'enfants; et que les facteurs individuels et biologiques (la nutrition améliorée) resteront toujours et mèneront a des crimes contre les per- sonnes, mcme en admettant que la cause susnomniée des crimes sexuels disparaisse. Dans les chapitres suivants 1 'auteur traitera 1 assertion de Turati que 1'amélioration de 1'éducation et le nouvel „ambiant social amèneront un changement. — La critique sur le chapitre dont je viens de parler se resumé de la manière suivante: Comme tant d'autres auteurs le prof. Ferri prend 1'expression „conditions économiques" dans un sens trés limité. II n'y comprend que les influences directes, et de cette facon il est trés facile de prouver qu'elles n'expliquent qu'en partie la criminalité. (Turati donne par sa brochure en quelque sorte lieu a cette interprétation. Car, en examinant les causes, il appuie fortement sur les conditions misérables du prolétariat, tandis qu il s arrête trop peu au mode de production actuel qui mène aussi beaucoup de membres de la classe possédante au crime). Mais cette interprétation est trés incomplète, puisque toute la vie sociale est influencée par les conditions économiques. En constatant donc, comme beaucoup d autres auteurs, qu'une amélioration de la position économique des ouvriers est bien accompagnée d'une diminution de crimes contre la propriété, mais en même temps d'un accroissement de ceux contre les mceurs et contre la personne, le prof. Ferri oublie non seulement que le manque d éducation les mène a des crimes de violence, mais aussi que dans la société actuelle la possibilité de satisfaire a des appétits sexuels dépend de la position sociale de 1'individu. L'argument contre les thèses de Turati „que le Malthusianisme est appliqué surtout par les gens de certaine aisance" n'est pas d'un heureux choix pour celui qui veut prouver que les conditions économiques ne sont pas d'une influence importante. Car les causes en sont justement la difficulté de pouvoir procurer une bonne position a beaucoup d'enfants et, pour ce qui concerne surtout 1 agriculture, le désir d'éviter une trop nombreuse division du sol après le décès; ce sont donc de pures causes économiques. — „Educazione e crimitialita" forment le sujet du troisième chapitre. Le cerveau de 1'homme est un mécanisme organique, pareil en ceci a une machine inorganique -— en exceptant les différences nombreuses qu'il est soumis a la grande loi de 1'épargne de force, qui se manifeste e. a. par celle de 1'inertie. De la que 1'homme, de tout temps, a eu le penchant irrésistible de se servir d'un principe général lui servant de base sur laquelle s'élèvent ses constructions logiques. Sans cela il serait forcé de toujours recomposer ses constructions depuis le commencement, ce qui entrainerait le gaspillage d'une trop grande quantité d énergie cérébrale. Opposée a cette loi il y en a une autre qui nous apprend que la vie est impossible dans un repos absolu, mais qu elle exige un changement permanent des matériaux organiques et fisio-psychiques. De la que les vérités éternelles et absolues changent dans differentes périodes, et qu'elles semblent seulement être plus stables que les vérités secondaires, qui sont plus sujettes a la mode. lJar exemple la regie que les fruits d une forêt appartiennent a celui qui les trouve et les prend pour se nourrir, regie innée chez 1'homme aussi bien que chez 1'animal, doit son origine a la nécessité de vivre, et elle restera toujours, donc aussi dans une société communiste. ') D'après 1'auteur il y a donc des vérités qui sont plus générales et presque inaltérables, mais il y en a d'autres qui, générales aussi, mais plus secondaires, ne se maintiennent que durant quelques générations, et a la fin se modifient. Telles p. e. les vues concernant la vie humaine, formulées par les grands penseurs, puis acceptées par la majorité, et et a la fin supplantées par d'autres vérités. Voila pourquoi la science fait des progrès par des dogmes. C'est la science moderne qui a fait le grand pas en reconnaissant que ces dogmes sont relatifs et altérables. Contre ce raisonnement on peut alléguer deux objections. D'abord que Spencer a donné le nom d'hypothèse a sa doctrine de 1'évolution, tandis que le prof. Ferri la nomme dogme. L'auteur par contre croit que ses opinions ainsi que celles de Spencer se ressemblent exactement. Car lui nomme la doctrine en question un dogme relatif, altérable, et Spencer (Darwin aussi) en dit: ce que je donne est une hypothese; mais tant qu'il n'y en a pas de meilleure, qui explique un plus grand nombre de faits, j'ai le droit de la considérer comme 1'image de la réalité connaissable, jusqn' a ce que le contraire soit prouvé. En second lieu on peut demander: „Est-ce que 1'homme oscillera donc toujours entre la vérité et 1'erreur; ne connaitra-t-il jamais une vérité absolue et éternelle?" Selon le prof. Ferri la réponse a cette question n'est pas difficile. L'origine aussi bien que le but de la foi est 1'effort de donner aux hommes 1111 appui relativement stable, qu'ils ne peuvent trouver autre part. Toute discussion avec les adhé'rents d'une opinion théologique est exclue; et les autres, ne doivent-ils pas reconnaïtre que la vie de la pensée humaine est justement la preuve constante de la modification continuelle des vérités soi-disantes éternelles, modification qui est plus soudaine pour les vérités secondaires que pour celles enracinées dans les conditions vitales humaines et animales? Après cette introduction l'auteur entame lc sujet même. Au commencement du 19c siècle règnait le dogme que /'enseignement était la panacée contre tous les crimes. Plus tard beaucoup de publicistes, parmi lesquels aussi les socialistes, ont défendu 1'opinion que le vrai remède contre la criminalité était Védneation. De même que la première thèse n'était pas exacte, le prof. Ferri démontrera que la deuxième ne 1'est pas non plus. La question est celle-ci: 1'éducation peut-elle conduire 1'homme au bien ou au mal; et, si elle le peut, jusqu, a quel point le peut-elle? Les pédagogues scientifiques n'ont pas traité cette question, au su de l'auteur. Sans fournir de preuves les socialistes admettent que 1'éducation peut modifier les hommes sous beaucoup de rapports. Owen p. e. dit: „chaque enfant peut être élevé de manière a 11'avoir !) — Tout en laissant hors de considération si 1'on pourrait trouver des exemplcs a 1'appui de cette thèse, il me semble que le choix de cette règle, n'est pas trés heureux, puisque, même dans la société actuelle, elle n'est plus en vigueur. Les fruits d'une forêt n'appartiennent pas au trouveur, mais au propriétaire de la forèt; et dans une société communiste ils n'appartiendront probablement pas non plus au trouveur, mais bien a la communauté. — dans sa vie future que de bonnes habitudes ou de mauvaises, ou un mélange des deux selon son éducation." II faut distinguer trois genres d'éducation: la physique, 1'intellectuelle et la morale. D'abord une observation générale appliquable a tous les genres d'éducation. D'après sa construction physique, intellectuelle et morale chaque individu est le produit d'un nombre illimité d'ancêtres, auxquels il se rattache par les lois inébranlables de 1'héridité. Par cela il est clair que la force de 1'éducation, qui n'agit que durant un nombre limité d'années, n'est que petite comparée a celle des influences subies par les ancêtres durant des milliers d'années. La question, devient donc celle-ci: „quelles sont les limites d'une pareille modification ?" II faut en outre fixer jusqu'a quel point cette modification est due a 1'éducation ou au milieu. Car 1'éducation proprement dite, c. a. d. 1'influence directe et méthodique de 1'éducateur sur son disciple, diffère sous beaucoup de rapports de celle du milieu physique et social. Voila pourquoi 1'auteur traitera cette dernière dans un chapitre spécial et il se bornera maintenant a 1'éducation seule. La question est donc réduite a celle-ci: „jusqu'oti 1'influence d'un homme (éducateur) peut-elle modifier la constitution d'un autre homilie (disciple)?" Une autre observation devra encore précéder 1'étude proprement dite de la question, c. a. d. qu'une force, ou un complexe de forces ne peut être influencé que par d'autres forces homogènes. Cette loi s'applique aussi bien a la dynamique inorganique qua la dynamique organique et psychique. Or, en examinant jusqu'a quel point 1'éducation physique ou biologique peut faire sentir son influence, nous voyons que celle-ci peut être trés grande, quoique naturellement limitée, ce qui suit de la connaissance qu'on a de la structure et du fonctionnement des organcs qu'on tache de modifier. Ouant a 1'éducation intellectuelle, les résultats en sont beaucoup moins grands, puisque la connaissance des organcs qui s y rapportent est plus petite. Quant a 1'éducation morale, la question suivante : „jusqu'a quel point la morahté ou 1'immoralité, le bon ou le mauvais caractère, dépendent-ils de 1'éducation recue a 1'école ou dans la familie"? est justement celle a laquelle les pédagogues ont fait si peu attention. Dans son ouvrage „Les bases de la morale" Spencer pose la règle fondamentale que la conduite morale de 1'homme ne peut être étudiée scientifiquement qu' a la condition d'être considérée comme faisant partie de la conduite en général, et aussi de 1'activité en général de tous les êtres vivants. Sergi est de la même opinion. Et elle est trés exacte, d'après le prof. Ferri, si 1'on agit comme les deux auteurs nommés, c. a. d. quand on étudie la conduite et le caractère de 1'homme dans leurs éléments constitutifs, dans leur genèse et leur développement, sans prendre en considération spéciale la variabilité du caractère et, par conséquent, de la conduite de 1'homme par son éducation. I'our notre cas, c. a. d. pour 1'étude des éléments constitutifs, la genèse, le développement et la variabilité de la partie morale du caractère et de la conduite de 1'homme, il est nécessaire de séparer ces parties et de nous bomer a 1'étude spéciale d'une d'elles. Tous les psychologues sont d'accord que la conduite morale de 1'homme (donc aussi sa criminalité) quoique ayant naturellement certain rapport avec sa condition musculaire et intellectuelle, dépend directement et intimement de la condition de ses sentiments, de ses émotions, de ses passions dans leur aspect moral. De la il est ciair que le problème est le suivant: „jusqu'a quel point ces sentiments peuvent-ils être modifïés par 1'éducation ?" Remarquons avant tout que 1'expression „un homme est bon ou mauvais de naissance" ne veut pas dire qu'il y a des gens qui sont tout a fait bons ou tout a fait mauvais, mais que ces deux qualités se présentent toujours combinées. Cette expression indique seulement que ce sont les bonnes ou les mauvaises qualités qui prédominent. II est certain que quelques gens sont devenus criminels par manque d'éducation morale, jointe a un mauvais entourage. En ce cas ce manque d'éducation a favorisé un développement plus fort des mauvais germes, ce qui pourtant ne donne nullement le droit de conclure a 1'inverse, c. a. d. que 1'éducation peut améliorer le caractère moral, donc fortifier les bons germes a tel point qu'ils 1'emporteront sur les mauvais. Et cela pour la raison suivante. Les mauvais germes sont les plus forts et peuvent se développer plus facilement que les bons. Car il ne faut pas perdre de vue deux choses: 1° que les mauvais germes qui se trouvent dans la société actuelle, sont des instincts anti-sociaux, contraires a la sociabilité et a la sympathie, sur lesquelles se base la vie, tandis que les bons germes sont les instincts sociaux ; 2" que, puisque 1'individu reproduit morphologiquement et psychologiquement durant sa vie, les phases diverses que 1'homme et 1'animal ont parcourues, c'est dans les plus profondes couches de son caractère, que 1'homme garde les traces et les germes des sentiments sauvages et anti-sociaux, qui sont les conséquences de la condition dans laquelle 1'homme a vécu autrefois, tandis que les germes des idéés sociales modernes se trouvent dans les parties supérieures et récentes. De la donc que les instincts anti-sociaux, de date plus ancienne que les instincts sociaux, sont plus forts que ceux-ci et ne sont point étoufies par eux. Et puis, le milieu, la civilisation d'a présent en est aussi la cause pour une partie. C'est pourquoi 1'auteur est d'accord avec Sergi que dans la société actuelle il y a des individus qui sont poussés sans cesse au crime par leur constitution organique et psychique, formée en grande partie de couches profondes et anti-sociales (les criminels-nés incorrigibles) et qu'il y en a d'autres, dont la constitution est formée en premier lieu de couches plus récentes el sociales, qui ne deviennent criminels que par des impulsions extraordinaires, pour ainsi dire par une éruption volcanique des couches plus profondes et anti-sociales (délinquents par passion). Tandis que Sergi est d'avis que les instincts anti-sociaux deviendront peu a peu latents, perdront même leur force et cesseront de fonctionner, le prof. Ferri est d'opinion que cela ne sera le cas qu'avec une minorité d'hommes. Or, afin d'afïfaiblir les tendances anti-sociales et de fortifier les tendances sociales, il est, selon 1'auteur, nécessaire qu'on sache: i°. leur siège; 2°. leur composition. Jusqu' a présent la psychologie n'a pas fait d'étude des passions, des émotions et des sentiments humains, et, par conséquent, n'a pu nous éclaircir la-dessus. II faut donc considérer comme impossible que 1'éducation puisse tellement étouffer les mauvais germes existants et fortifier les bons, que ces derniers aient a la longue le dessus. L'éducation morale ne se compose que d'une série de sensations auditives et visuelles empreintes a 1'individu au moyen de conseils et d'exemples, ce qui fait qu'elle est plus spécialenient un enseignement moral, qui laisse ses traces dans /'intellect de 1'individu, mais laisse intact le siège des passions et des sentiments, qui sont les véritables torces motrices de IeT conduite morale. L'éducation morale devient peu a peu plus systématique, se base plus qu'auparavant sur lc principe biologique que c'haque organe et chaque fonction se développe par 1'exercice, et s'améliore par conséquent. L'auteur croit qu'il ne faut pas néanmoins trop s'illusionner, tant que la genese et la condition des germes moraux et immoraux de 1'homme sont inconnues. D'ailleurs il est d'opinion, que le produit des siècles ne peut pas être détruit en quelques années. Pour prouver ce qui précède l'auteur cite 1'exemple suivant, qui, d'après lui, n'est pas rare. Une familie compte quatre ou cinq garcons; tous sont élevés avec le plus grand soin, c. a. d. chacun d eux de manière différente, d'après son caiactère. Le résultat de cette éducation est que trois ou quatre deviennent des hommes plus ou moins bons et laborieux, tandisqu'un d'cux devient un vagabond incorrigible. Cette différence 11e dépend donc pas de l'éducation. Maintenant on demandera: est ce que l'éducation est donc toujours et tout a fait inutile? Ici encore il faut bien distinguer. II y a une catégorie peu nombreuse de gens qui sont bons et honnêtes et qui le restent dans toutes les circoiistances, et cela exclusivement pai leurs cunditions organiques. Opposé a celle-ci il y a un autre groupe d individus, qui sont toujours mauvais et montrent des penchants anti-sociaux. Ces derniers sont tels par une anomalie organique et psychique innée. Entre ces deux se trouve la trés nombreuse classe d'individus dans lesquels les bonnes et mauvaises qualités se trouvent combinées. Pour cette dernière catégorie l'éducation peut être de quelque importance, mais lc milieu peut encore beaucoup plus. De la que, poui faire baissei le • nombre des criminels d'occasion, la sociologie criminelle requiert les „substitutifs pénaux." Car c'est dans cette classe moyenne que ces criminels se recrutent. Cependant, milieu et éducation sont d'une moindre importance pour cette catégorie que 1'héridité. Les conclusions de l'auteur sont donc: i°. que le développement de la physiologie et de la psychologie des passions humaines est fort désirable, afin d améliorer les moyens dont l'éducation morale dispose; 2°. que le jugement mentionné d'Ovven, que 1 éducation peut rendre 1'honinie bon ou mauvais, a été prouvé inexact. Dans ma critique je me borncrai aux questions principales. En premier lieu je crois que 1'argumentation du prof. Eerri que 1'opinion des socialistes scientifiques „l'éducation est de fait omnipotent est vaine. Car les socialistes scientifiques 11'ont pas cette opinion. * 'wen (qui appartient aux Utopistes) a beau porter un jugement dans ce sens (la citation d'Owen ne prouve pas du tout qu'il parle ici d'éducation dans le sens limité que le prof. Ferri lui donne), il sera trés difficile de citer, une opinion analogue de Marx ou d'Engels ou d'un de leurs adhérents. Quoique approuvant que les circonstances ont une trés grande influence sur 1'individu, ils ne 1'attribuent pas exclusivement a 1'influence systématique, consciente d'un individu sur 1'autre (éducation). Pour 1'argumentation du prof. Ferri il est assurément trés utile de faire unedistinction bien nette de 1'éducation et de 1'ambiant; mais cette distinction n'est pas pour cela justifïée. Les impressions acquises par un enfant, soit de son ambiant, soit de son éducateur, ne se distinguent presque pas. A peine sorti de la classe il joue avec ses camarades, ce qui peut lui faire oublier toutes les leijons morales qu'il vient de recevoir. Une mère défendra quelque chose a son enfant, et quelques moments après il verra qu'un membre plus agé de la familie peut faire impunément ce qui lui était défendu. C'est par cette distinction trop nette que 1'argumentation de 1'auteur perd beaucoup de sa valeur. En second lieu — 1'auteur lui-même 1'admet en partie — 1'influence que 1'éducation peut exercer ne peut encore être fixée, et cela quels que soient les progrès de la science pédagogique, pour les raisons suivantes. Ce n'est qu'a 1'école que la méthode scientifique pédagogique est appliquée, mais évidemment d'une maniére incomplète et imparfaite. Pour enseigner et élever les enfants, il est nécessaire qu'ils soient bien nourris et bien habillés. Sans cela les résultats resteront trés minimes. Les écoliers insuffisamment nourris et vêtus se comptent par millions. Une des premières conditions pour tirer profit de 1'éducation est celle-ci: que les instituteurs soient bien rémunérés et au fait de la pédagogie. Mais combien de fois n'est-ce-pas le contraire! II est aussi nécessaire qu'une classe compte le moins d'éléves possible, afin que 1 instituteur ne doive pas trop partager son attention, si 1'on veut que 1'individualisation d'après le caractére et les capacités, qui est si nécessaire dans 1'enseignement, aboutisse a quelque chose. Et pourtant, combien de cas y a-t-il oü cela se présente? Ces quelques raisons, aux quelles on pourrait facilement ajouter d'autres qui sont toutes de nature exclusivement éconotniques sont causes que 1'école ne contribue pas autant qu'elle le pourrait a 1'éducation morale. L'avantage de 1'éducation a 1'école sur celle qui est donnée par les parents consiste dans son application pratique, du moins en partie, d'après les régies pédagogiques. On peut les compter, les parents qui s'appliquent a élever leurs enfants d'une maniére scientifique. Presque tous sont novices dans ce métier si difficile; peu importe que les parents soient ignorants ou instruits, bons ou mauvais, patients ou irascibles, en un mot capables ou incapables d'élever leurs enfants. L'organisation actuelle de la société est e. a. basée sur la fiction que celui qui donne la vie a un enfant est aussi apte a 1'élever. En outre les conditions sociales existantes mettent beaucoup de parents, qui seraient peut-être trés capables d'élever leurs enfants, hors d'état de leur vouer tous leurs soins: qu'on ne pense qu'aux longues journées de travail des ouvriers, au travail des femmes mariées etc. Ces observations suffisent déja, a ce qu'il me parait, pour démontrer qu'en ce moment on ne peut arriver a cette conclusion: 1'influence de 1'éducation ne peut s'étendre que jusqu'a tel ou tel point, et pas au dela. En troisième lieu il reste a faire des objections valables contre la these principale qui forme Ie fondement de ce chapitre. Voici cette these en abrégé: il y a eu un temps oü les hommes vécurent dans des conditions" anti-sociales; tous étaient ennemis les uns des autres. Cette situation a dure des siècles jusqu' a ce que les sentiments sociaux naquirent au fur et a mesure que la civilisation se développa. Mais ces germes anti-sociaux ayant etc hérités durant des siccles, tandis que les germes sociaux ne sont que de date relativement récente, il s ensuit que fes premiers sont généralement beaucoup plus forts. Voila pourquoi le penchant au mal prédomine dans 1'homme, et voila pourquoi le crime a des dimensions si énormes. Je suis d'opinion que cette argumentation est basee sur une erreur Dans la deuxième partie de eet ouvrage je tacherai de démontrer que 1'opinion du prof. Ferri (et d'autres auteurs encore), qu'aux premieres périodes tous les hommes étaient ennemis et animés seulement de sentiments anti-sociaux, est fausse. Je m'efforcerai aussi de démontrer que 1'organisation actuelle de la société ne fait pas naitre des sentiments sociaux, tnais bien au contraire des sentiments anti-sociaux. Enfin u est trés problématique que 1'hypothèse, dont se sert 1'auteur, a savoir que les qualités acquises sont hériditaires, soit soutenable; on est de plus en plus enclin a croire le contraire. Mais on ne pourra en tous cas jamais admettre la transmission par 1'héridité de la moralité même, comme le fait le prof. Ferri, puisqu'il parle d'hommes qui restent bons en toutes circonstances, par conséquent d'hommes qui doivent être nés avec des prescriptions morales innées. Un enfant ne nait jamais avec des comiaissancespositives; il nait seulement avec un cerveau plus ou moins propre a la réception et a la conversion des connaissances. Aussi n'y a-t-il jamais d enfant qui, dès sa naissance, connaisse les régies morales „tu ne voleras point , „tu ne tueras point" etc. Mais les organes, destinés a devemr le siege de la moralité, différent chez tous, comme les autres organes. Ouand 1'auteur dit donc qu'il y a des hommes qui sont et restent bons en toutes circonstances, il veut 'dire qu'il y a des hommes qui ont les organes relatifs a la moralité trés susceptibles et qui resteront donc meilleurs que ceux dont ces organes sont moins susceptibles. Par conséquent Paccumulation par la voie de 1'héridité de sentiments anti-sociaux dans 1'homme d'a present n'est que fictive. Enfin, le prof. Ferri, négligé de hxer 1'attention sur la différence entre la nature et 1'intensité des besoins des hommes. Car elle est cause de la grande inégalité des résultats obtenus par la même éducation a égale capacité de recevoir les impressions morales. II faudra a celui qui a de grands besoins, un effort moral beaucoup plus intense pour 11e pas les satisfaire d'une manière immorale qu' a celui qui a des besoins plus faibles. Le chapitre suivant „Ambiente e criminalita" commence par 1'assertion du prof. Ferri que la thése des socialistes concernant 1'influence de 1'ambiant sur toutes les manifestations de 1'activité humaine, et par conséquent aussi sur celle de la criminalité, est juste en grande partie. La difference entre socialisme et sociologie n'est donc ici qu'une question de limites. D'après 1'auteur voici cette these: aussitót que la révolution ou la transformation sociale dans le sens socialiste aura eu lieu tout 1 .imbiant 12 social sera excellent et 1'homme d'alors sera donc moralement plus élevé que 1'homme d'a présent. Ensuite il examine une a une les difFérentes parties de cette these. D'abord le prof. Ferri donne la formule classique du matérialisme historique que Marx a donnée dans son „Zur Kritik der politischen Oekonomie," et qu'il emprunte a la Critique de 1'ceuvre de Puviani dans la „Rivista critica delle scienze giuridiche e sociali'' de Loria: „Nella memorabile prefazione alla K.vitik dev pohtise/ieii Ockotiotnie, pubblicata nel i^59> ij Marx espone per la prima volta 1'ardita dottrina, che tutte le manifestazioni dell' umanita umana, sia nell' ordine giuridico che nell ordine religioso, filosofico, artistico, criminoso, ecc., siano esclusivainente determinate dai rapporti economici, cosicchè ad ogni fase di questi corrisponda una forma diversa di quelle manifestazioni e ne sia il necessario prodotto. Questo concetto, che trovö, or fa un anno (in un discorso alla Accademia di Bruxelles), un brillante e simpatico difensore in Emilio di Laveleye, forma la tesi principale dell' opera di Puviani (Del sistema economico borghese in raporto alla civilta, Bologna 1883) ; la quale si propone di mostrare come la evoluzione sociale non sia che il prodotto dell evoluzione economica, determinata a sua volta dall' incremento costante della popolazione." De même que dans la biologie les phenomènes de la nutrition se rapportent aux autres phenomènes vitaux, 1 aspect économique de 1 activite humaine se rapporte aux autres aspects. Les conditions économiques ont donc une trés grande influence sur la vie sociale, mais 1 auteui croit trés exagéré de dire que les conditions économiques la fixent excluswcment. Outre cela, dans cette thèse on n a pas fait attention a ce que ces phénomènes réagissent aussi a leur tour sur les conditions économiques, et deviennent donc facteurs déterminants. Ensuite il est dit aussi que 1'homme sera moralement meilleur quand il se trouvera dans un milieu purifié. L auteur admet en paitie ceci et il est clair de voir jusqu'oü si 1'on connait son opinion sur les facteurs physiques, individuels et sociaux du crime, de même que ses idéés sur 1'éducation. _ Comme la plupart des thèses des socialistes, celle-ci aussi a, d aprésle prof. Ferri, le défaut d'être trop simple et parlatropabsolue. La vie humaine est déja tellement compliquée (et la vie sociale 1 est encore plus) qu 011 n'explique que trés peu avec des formules si simples. II est facile de dire: „abolissez la propriété individuelle, et tous les cas de vol disparaitront . „abolissez le mariage légal, et l'adultere, 1'uxoricide, 1'infanticide et les crimes contrc les mceurs disparaitront. Mais pour cela ce n est pas encore vrai. Car, même dans une société communiste, un vagabond-né, qui, par sa constitution, a le travail en aversion, commettra tout de même des vols. A tout cela on peut objecter que ces cas sont pathologiques et que ces personnes doivent être enfermées dans un hospice d aliénés mais en raisonnant ainsi on convient en même temps qu une pareille^ société future ne sera pas encore un paradis terrestre. En outre ce n est que de la pure métaphysique de croire que des institutions sodales, aussi fondainentales que la propriété et la familie, sont les conséquences du caprice d un homme ou d'une classc dominante, et peuvent donc être abolies par 1111 seul trait de plume. lout cc qui existe, dans la nature comme dans la société, est le résultat de causes qui ne sont que les chainons d'une chaine infinie. De la impossibilité de modifier tout d'un coup la société d'après un plan arrêté par un théoricien. II est clair que cela ne veut pas dire que toute modification de la société soit exclue; au contraire la situation, prédite par les socialistes est d'une beauté si supérieure a la présente qu'elle 11e serait pas un pas, mais un bond en avant. Et par leur prédiction ils nient 1'évolution, car ils prêchent sans cesse aux prolétaires que tout se réalisera dans un avenir tres proclie. Abordons maintenant la recherche de la prémise de la thèse socialiste, c. a. d. de la révolution ou transformation sociale. ') La question que le prof. Ferri par rapport a celle-la pose aux socialistes est celle-ci: dans cotnbien de temps aurez-vous réalisé vos projets?" II y a deux réponses a donner selon que 1'on croit cette réalisation possible par révolution ou par évolution. D'abord celle par révolution. Tout en laissant de cóté qu une révolution ne se fait pas sans cruautés et par conséquent ébranle les sentiments moraux, il faut tout de même se dcmander avant tout s'il est facile de causer une révolution. L'auteur est d'opinion que Laveleye a parfaitement raison quand il dit: „qu'une révolution politique^ est devenue chose facile; qu'une évolution sociale est inévitable; mais qu'une révolution sociale est impossible, puisqu'on ne peut pas changer de force en un seul jour la constitution économique de la société." Ni le mot ni le fait de la révolution n'inspire de crainte a l'auteur. II reconnait qu'elle peut se trouver dans la ligne de 1'évolution, quoiqu'elle reste une exception et soit en effet une manifestation pathologique de 1'évolution. Néanmoins il se demande: que signifie la révolution d'un jour, d'un mois, d'un an même, en comparaison de 1'évolution qui dure des milliers d'années. Une révolution n'amène-t-elle pas toujours une réaction? Supposons pourtant que cette réaction n'arrive pas: le peuple entier sera-t-il alors devenu plus moral par cette seule secousse ? Ou'est-ce que la grande révolution francaise a effectué ? Beaucoup en apparence; en réalité peu de chose. II s'ensuit de ce qui précède: qu'on peut modifier le milieu d une fa<;on et avec une célérité qui paraitront grandes a une génération mais petites a 1'humanité enticre. Maintenant celle par évolution. Comme nous 1'avons déja fait remarquer, le prof. Ferri reconnait que la criminalité diminuera par l'amélioration du milieu. Cependant, puisqu'il est impossible de faire tout de suite des modifications générales et substantielles, il faudra faire tous ses efforts afin d'obtenir des améliorations partielles. Voila pourquoi 1'école pénale positive défend la doctrine des „substitutifs pénaux." Dans „II delitto etc." Turati les nomme palliatifs; il dit qu'il est impossible de trouver 1111 remède spécial a chaque délit; il n'y a qu'un seul remède universel: la répartition égale d'aisance, d'éducation, et de bonheur par 1 amour et par la science, en tant qu'elle sera socialement possible. Le prof. Ferri — Je n'analvserai ni 1c passage sur la vitcssc du progres h u ma in, ni la question de savoir si le systeme socialiste ne doit pas sc modifier selon les différents pays, car il n'y a qu'un rapport éloigné entre ces deux questions et celle de la criminalité. — croit que les reproches de Turati ne sont pas appuyés par de bonnes raisons, paree que i°. la théorie des substitutifs pénaux ne se borne point a la désignation de moyens spéciaux pour des crimes spéciaux, mais qu'elle donne aussi des moyens universels pour tous les genres de crimes; 2°. les améliorations défendues par 1'auteur et ses adherents ont le grand avantage d'avoir été proposées d'après des recherches scientifiques et d'être immédiatement pratiquables. Comment pourra-t-on jamais arriver a la transformation désirée, si le système entier des substitutifs pénaux n'est qu'un palliatif inutile? II n'y a que deux chemins qui conduisent a la réussite: celle d'une révolution violente — et Turati rejette ce moyen — et celle des améliorations successives. Mais c'est justement ce que 1'école pénale positive désire, et c'est pourquoi la différence entre cette école et les socialistes scientifiques a entièrement disparu. Cependant Terreur des socialistes est toujours qu'ils veulent d un seul coup atteindre a tout, et qu ils comptent trop peu avec ce qui est a notre portée. II y a beaucoup de socialistes qui craignent que la bourgoisie ne se départira jamais sans contrainte de ses privileges et qui, a cause de cette idéé, ont encore beaucoup de sympathie pour la révolution. Cependant cette crainte n'est pas fondée. Car la plupart des améliorations sociales ont été faites par les classes règnantes sans qu'elles y fussent poussées par la force révolutionnaire. Le prof. Ferri tire la conclusion que le milieu social est circonscrit pour la plus grande partie par les conditions économiques, et que celles-ci ont une trés grande influence sur la criminalité. Les socialistes et les sociologues évolutionistes différent donc d'opinions en ceci : que les premiers croient se rendre utiles en protestant et en prophétisant, tandis que les autres sont d'opinion qu'il est plus pratique et plus scientifique de s'appliquer a des améliorations partielles. — On ne peut lire ce chapitre sans s'étonner du ton décidé dont 1'auteur se déclare contre une théorie, qu'il 11e connaissait alors que par ce qu'il en avait entendu dire. La formule classique du matérialisme historique est citée de seconde main d'après une critique du prof. A. Loria ') sur un ouvrage de Puviani, qui dit que 1'évolution économique est a son tour déterminée par 1'augmentation constante de la population (théorie entièrement opposée a celle de Marx). Et comment 1'idée de cette théorie est-elle rendue? Que le lecteur juge lui-même! Dans 1'original on lit: „In der gesellschaftlichen Produktion ihres Lebens gehen die Menschen bestimmte, nothwendige, von ihrem Willen unabhangige Verhaltnisse ein, Produktionsverhaltnisse, die einer bestimmten Kntwicklungsstufe ihrer materiellen Produktivkrafte entsprechen. Die Gesammtheit dieser Produktionsverhaltnisse bildet die ökonomische Struktur der Gesellschaft, die reale Basis, worauf sich ein juristischer und politischer Ueberbau erhebt, und vvelcher bestimmte gesellschaftliche Bewusztseinsformen entsprechen. Die Produktionsweise 1) Qu'on lise le jugement de F. Engels sur le prof. A. Loria comme homme scientifique: p. XIX sqq. Vorwort »Das Kapital.r Dritter Band. 11 accuse eet auteur de fausser la conception matérialiste de 1'histoire. des materiellen Lebcns bedingt den sozialcn, politischen und geistigen Lebensprozesz überhaupt. Es ist nicht das Bevvusztsein der Menschen, das ihr Sein, sondern umgekehrt ihr gesellschaftliches Sein, das ihr Bewusztsein bestimmt." ') II est inutile de nous arrêter longtemps sur ce point. Le prof. A. Loria a inexactement rendu la théorie, et le prof. Ferri, qui 1'a empruntée a Loria, combat une chose qui n'a pas été dite par Marx et croit y découvrir encore Terreur qu'elle ne compte pas avec le fait que chaque cause est a son tour une conséquence, et vice versa. Cette faute aussi est trés injustement imputée aux fondateurs du matérialisme historique. Engels dit a ce sujet: „...d'après la conception matérialiste de 1'histoire, la production et la reproduction de la vie matérielle sont, en dcrnicre instance, le moment déterminant dans 1'histoire. Marx et moi n'avons jamais prétendu davantage. Lorsqu'on dénature cette proposition ainsi: le moment économique est le senl déterminant, on transforme cette proposition en une phrase vide de sens, abstraite, absurde. La situation économique est la base, mais les différents moments de la superstructure .— formes politiques de la lutte des classes et ses résultats — constitutions imposées par la classe victorieuse après la bataille gagnée, etc. — formes juridiques, et aussi les reflets de toutes ces luttes réeïles dans le cerveau de ceux qui y participent, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses et leur développement ultérieur en systèmes de dogmes, ont aussi leur influence sur la marche des luttes historiques et en déterniinent dans bien des cas surtout la forme. Tous ces moments agissent les uns sur les autres, et finalement le mouvement économique finit nécessairement par 1'emporter a travers la foule infinie des hasards (c'est-a-dire de choses et d'événements dont 1'enchainement intime est si éloigné ou si indémontrable que nous pouvons le tenir pour nonexistant, et le négliger). Sans cela 1'application de la théorie a une période historique quelconque serait plus facile que la résolution d'une simple équation du premier degré." 2) Parmi les reproches que le prof. Ferri jette a la tête des socialistes il y a aussi celui-ci: qu'ils croient a tort pouvoir changer la société tout d'un coup. L'auteur y rattache quelques observations sur la révolution et l'évolution. 11 est nécessaire d'aborder cette question, puisque, ici non plus le prof. Ferri n'a pas rendu 1'opinion des Marxistes. II est indubitable que Marx et ses adhérents ne supposent pas qu'on puisse changer tout a coup la société. Ouoique évolutionnistes, Marx et les siens se nomment révolutionnaires. Beaucoup d'adversaires considèrent cela commc une contradiction. Je crois cependant qu'ils ont tort, et qu'au contraire, Topposé de la thèse est vraie c. a d. que chaque évolutionniste en matières sociales qui n'est pas révolutionnaire n'a pas le courage de supporter les conséquences de sa doctrine. Car celui qui croit que la société subit incessamment des changements quantitatifs devra reconnaitre que ces changements doivent a la longue mener a une différence qualitative, donc qu'une révolution a eu lieu. Les 1) Vorwort p. XI »Zur Kritik der politischen Oekonomie." 2) p. 229-230 >>La conception matérialiste de 1'histoire" (Devenir Social 1897). Marxistes sont par conséquent évolutionnistes et en même temps revolutionnaires puisque, reconnaissant qu il y a sans cesse des modifications quantitatives, ils tendent au renversement total de la société basée sur le système capitaliste, et par la a la fondation de 1'ordre socialiste. Tout cela ne se rapporte donc qu'a une révolution économique et sociale. II suit donc logiquement de ce qui précède que les socialistes scientifiques n'aspirent pas avant tout a une révolution politique; au contraire ils veulent atteindre antant que possible leur but justement par des moyens légaux; nut nut que possible, ce qui veut dire: si les classes règnantes ue /es empêchent pas d'obtenir par ces moyens légaux ce qu'ils désirent. Mais dans le cas contraire ils ne redoutent pas d'entreprendre même une révolution politique aussitót que le prolétariat sera suffisamment préparé et organisé. Le prof. Perri est encore d avis qu il n y a plus de différence entre les socialistes qui sont en même temps évolutionnistes et les sociologues puisque tous tendent a des changements quantitatifs. Pourtant le prof. Ferri oublie de dire que 1'abolition de la propriété privée des moyens de production n'est pas un de ses „substitutifs pénaux", et que par conséquent il subsiste une différence fondamentale puisque les socialistes ne défendent que les modifications qui s'accordent avec les tendances du collectivisme. Le prof. Ferri est enfin d'opinion que la bourgeoisie abdiquera volontairement ses privileges, comme des classes règnantes 1'ont déja fait si souvent. II ne donne point de preuves, ce qui lui serait fort difficile, a 1'appui de cette thèse, inexacte a mon avis. Je le démontrerais si je ne dépassais pas les limites de ce travail. — Le titre du 5111e chapitre est: „IJciwenire morille del/' wnciiiitèi. Les socialistes — c'est ainsi que 1'auteur commence — croient qu'il y a une grande différence entre eux et les sociologues positivistes, c. a d. que ceux-ci considèrent le crime comme un mal social inévitable, tandisque les socialistes voient dans le crime un phénomène passager. Le prof. Ferri au contraire prétend que le crime, c. a d. 1 acte qui met en danger les conditions de 1'existence aussi bien que la peine c. a d. la réaction correspondante, défcndante et préventive, ont tous les deux leurs racines dans le règne animal, et qu'ils sont par conséquent des phénomènes plus ou moins inséparables de 1'humanité. Cependant cette induction sociologique ne doit pas être prise dans un sens absolu, mais dans ce sens relatif: in. que dans la criminalité il faut distinguer deux divisions, dont 1'une est déterminée par la saturation normale, et 1'autre par la sursaturation anormale; ') 2n. que 1'auteur et ses adhérents n entendent pas par „nécessité absolue" du crime que le crime existe toujours, mais sculement qu'il existera durant les premières périodes a venir (19e et 20e siècle), et qu'ils se sont servis de cette expression paree qu'ils jugent inutiles et impossibles des prédictions concernant des temps, qui sont encore plus éloignés. A propos de la morale future le prof. Ferri s'occupera dans cc chapitre des deux thèses socialistes suivantes: ') Voir lk-dessus »in extenso": »la Sociologie criminelle" p. 178 sqq. I. La lutte pour la vie qui, jusqu'ici, a régné parmi les hommes ne se trouvera plus dans la société socialiste. II. Dans la société socialiste 1'égoïsme, qui a été, et est toujours la base do toute la vie morale et sociale, devra s'efïfacer devant 1'altruisme. D'abord donc la thèse sur la durée éternelle ou non de la lutte pour la vie. Le prof. Ferri cite ici les opinions de Labusquière (Rivista Internazionale del socialismo 1880) et du prof. A. Loria (Discorso sur Carlo Darwin 1882). En abrégé Labusquière dit ce qui suit: Est-ce que la lutte pour la vie, partie intégrante de 1'évolution des animaux, est aussi une „conditio sine qua non" du développement de 1'humanité? Non, elle y est formellement opposée, puisqu'elle empêche le développement total en mettant la plus grande partie des hommes dans la situation la plus récaire. O11 ne peut pas se figurer 1'homme vivant tout seul. II a toujours vécu et devra toujours vivre dans une société. Cette circonstance exige une certaine solidarité. sans laquelle une société n'est pas imaginable. On ne peut donc pas admettre la necessité d'une lutte continuelle a moins de croire qu'il soit nécessaire pour quelques-uns de recueillir les fruits des travaux des autres. La lutte pour 1'existence est nécessaire entre les animaux, puisqu'ils ne savent pas produire et, par conséquent, ne peuvent subsister qu'au moyen des fruits tels que la nature les donne. Mais 1'homme peut produire, et les forces productives augmenteraient justement si les hommes se soutenaient plus les uns les autres. L'opinion du prof. Loria est en résumé celle-ci: la thèse que la théorie de Darwin s'applique aussi entièrement a 1'économie politique est fausse. On dit qu'elle justifie 1'inégalité sociale; la nature étant aristocrate, dans la société aussi 1'aristocratie occupe une place qui lui appartient. D'après le prof. Loria eet argument est aussi insensé que si 1'on disait: la nature est meurtrière; donc le meurtre est une chose justifiable. Cette opinion n'est pas la conséquence de la théorie de Darwin, mais simplement une fausse interprétation de quelques-uns de ses adherents. II n'y a pas de raisons pour que cette lutte existe toujours, mais on peut trés bien justifier la supposition qu'elle disparaitra et n'aura été qu'un stade transitoire. Car, tant que 1'égoïsme a été le seul motif humain, le combat pour la vie a été une condition nécessaire a 1'initiative ct aux progrès. Mais 1'altruisme se développe de plus en plus, et cc n'est point une utopie que de croire qu'un jour 1'homme tendra a la perfection physique ct morale, non pas dans le but de vaincre ses semblables moins favorisés, mais seulement dans le but plus élevé dc développer ses propres qualités. On n'oublie que trop, combien est énorme la différence entre le combat pour la vie des animaux et celui des hommes. Tandis que dans la nature ce sont les plus forts, les plus robustes et les plus habiles qui sortent du combat en vainqueurs et par conséquent survivent, dans le combat actuel ce ne sont pas les meilleurs (les travailleurs et les capitalistes qui introduisent des méthodes de travail améliorées), mais bien ceux qui se sont enrichis par le travail des autres qui sont vainqueurs. Dans la lutte sociale on s'apercoit de trois phénomènes, que le combat dans la nature ne nous montre pas: la sclcction militaire (qui est un obstacle au perfectionnement de la race humaine); la sclection sexuelle (non pas la force et la beauté, mais 1'argent et les préjugés de classe arrêtent le choix); et le systhne économiqne (qui, par 1'accumulation de capitaux entre les mains de quelques-uns, force les travailleurs a mener unc existence qui les épuise, et est cause que les classes mal nourries forment la majorité numérique). Voila pourquoi les résultats de la lutte pour la vie sont pour 1'homnie si différents de ceux du combat dans la nature. Le prof. Ferri fait les objections suivantes contre ce qui a été dit plus haut: En traitant des questions comme celle-ci, il ne faut pas embrouiller deux théories, celle de Spencer et celle de Darwin. Car celle-ci se rattache a celle-la, comme la partie au tout. Le Darwinisme se personnifie dans la loi de la sélection naturelle, tandis que la théorie de Spencer est celle de 1'évolution, une loi qui régit non seulement le monde animal et humain, mais aussi le monde connaissable tout entier. Après cette observation introductive il attaque les thèses que Labusquière et Loria ont développées. La grande erreur commise par Labusquière et par la plupart des socialistes, c'est le manque de la notion de la continuité et de la naturalité des phénomènes sociaux. II résulte en pareils cas une division erronnée entre sociétés d'hommes et d'animaux; de la qu'ils ne voient pas que ce combat, constaté toujours chez les animaux comme chez les hommes, est une loi naturelle. Et puis, Labusquière et les siens n'oublient que trop que les sociologues expliquent bien ce combat, mais que cela ne veut pas dire qu'ils le justifient. En tout cas 1'assertion des socialistes qu'il serait possible de faire cesser ce combat des main tenant, c. a d. dans un trés bref délai, est fausse. Ouant a la question de savoir s'il cessera jamais, elle sera examinée après. D'abord le prof. Ferri avertit qu'on ne doit pas confondre le principe d'une loi naturelle avec ses manifestations. Dans le cas dont il s' agit cela veut dire qu'en reconnaissant que la lutte pour la vie est une loi qui régit le règne animal et les hommes, il faudrait accepter aussi que les fortnes de ce combat ont été et resteront les mêmes. L'auteur croit p. e. qu'il serait désirable d'atténuer le combat économique actuel entre les hommes et de le porter a un niveau plus élevé, sans être pour cela adhérent de la maxime de: „chacun d'après ses besoins", dont 1'application perdrait entièrement le genre humain. En critiquant la loi de la lutte pour la vie on oublie trés souvent qu'elle n'est pas la seule, qu'a cöté d'elle il y en a une autre, qui nivelle a la longue toutes les inégalités produites par cette lutte. On voit ainsi que des individus, des families, des races s'élèvent au-dessus du niveau, atteignent le maximum de pouvoirs, de richesse, d'intelligcnce, pour retomber après au-dessous du niveau. On ne peut pas admettre que ce combat pour la vie, qui est un principe même de 1'existence et la cause de 1'évolution animale et humaine, disparaisse un jour paree que des hommes, animés d'idées humanitaires, le désirent ardemment. L'opinion que dans le cours des temps ce combat s'est fait, et se fera de moins en moins violemment et brutalement, est scientifiquement plus juste et aussi humanitaire. II se peut qu'il y ait, après des siècles et des siècles, un jour oü chaque individu aura sou existence matérielle assurée. Mais lc combat pour /'existence morale 11c disparaitra pas encore pour cela. Car cliaque besoin satisfait en fait a son tour naitre de nouveaux, et rallume donc le combat. Les socialistes font preuve d'une grande partialité en ne comprenant par le combat pour la vie cjue le combat pour les vivres, oubliant qu'il y a combat dans chaque sphère. On prétend qu'il y a une différence essentielle entre lf combat pour la vie des hommes et des animaux, et que par conséquent les résultats différent, que dans le règne animal ce sont les plus forts qui restent vainqueurs, et parmi les hommes ce n'est qu'une petite minorité de moins forts et de moins laborieux qui règne sur la majorité formant les classes mal nourries. D'après le prof. Ferri cette opinion aussi est inexacte ; sans cela, les suites de ce combat devraient avoir un résultat tout contraire que dans le règne animal; le genre humain devrait reculer au lieu d'avancer. Eh bien — les faits sont la pour le prouver — le genre humain a fait des progrès organiques, psychiques, sociaux et économiques. La survivance des moins forts, des moins laborieux n'est que partielle et apparente. Malon dit que dans la société actuelle ce ne sont pas les individuelle111 ent supérieurs qui vainquent, mais bien ceux qui ont la disposition exclusive des forces sociales. Mais comment cette force est-elle tombée entre les mains de ces quelques-uns ? Seulement paree que, dans cette phase de Vévolution humaine, ils étaient les plus forts, les plus adaptés. On oublie qu'il n'y a pas seulement combat entre les classes, mais aussi entre les individus, et que, par 1'accroissement de plus en plus grand de 1'altruisme, ce sont aussi les ouvriers et les patrons les plus altruistes qui vaincront. Car un ouvrier altruiste, qui travaille avec zèle et prend a cojur les intéréts de son patron, et un patron altruiste, qui traite bien ses ouvriers, seront plutót a même de se maintenir que ceux qui agissent contrairement. Ce n'est donc qu'cn apparence que les possesseurs moins laborieux et moins forts sont vainqueurs: et si cela se fait, cela ne tardera pas a disparaitre. La conclusion de 1'auteur est donc celle-ci: le combat pour la vie, qui a un aspect normal dans 1'activité honnêtc, et un aspect anormal dans 1'activité criminelle, est la loi suprème du genre humain, dans le passé et dans le présent, donc aussi dans 1'avenir; mais ce combat s'effcctuera avec des moyens de moins en moins grossiers et sanglants. La deuxième partie de ce chapitre traite de 1'égoïsme et de 1'altruisme. L'individu, considéré comme tel (Selbstwesen), n'est qu'égoïste; mais considéré comme membre d'une communauté (Gliedwesen) il est aussi altruiste. II faut donc que nous interprétions le sujet de la manière suivante: qu'une lente évolution a lieu de 1'égoïsme vers 1'altruisme, entre lesquels se trouve donc 1'égo-altruisme. II y a maintenant deux questions auxquelles il faut répondre: i°. 1'homme parviendra-t-il jamais a être pur altruiste? 2°. dans cc cas-la, en combien de temps pourra-t-il 1'ètre? D'après 1'auteur chaque évolutionniste doit répondre affirmativement a la première question, du moins si 1'on exclut la forme absolue dans laquelle elle est posée par beaucoup de socialistes, savoir: que 1'égoïsme disparaitra entièrement, car la lente et continuellc évolution de la morale apprend que 1'égoïsme diminue toujours et que 1'altruisme augmente. Maïs combien de temps faudra-t-il pour que ce paradis moral se réalise ? Les réponses faites a cette question par les socialistes et par les sociologues différent beaucoup. Ceux-la sont d'opinion que ce sera possible d'ici peu ou du moins dans un petit espace de temps, tandis que ceux-ci croient qu'il est impossible que cela se fasse si vite. Puisque 1'auteur s'est occupé dans les chapitres précédents de 1'influence de 1'éducation sur la moralité, il se bornera maintenant a traiter la question de savoir: combien de temps il faudra a ce progres mor al} D'après le prof. Ferri, on ne saissit pas bien cette question si 1'on ne reconnait pas que 1'évolution de la morale n'a progressé que trés lentement durant les siècles passés. Sans doute, beaucoup a été fait, mais pas autant que cela justifierait la prédiction des socialistes. Lejugement de Soury „qu'on se trompe beaucoup en croyant que 1'homme d'a présent différe tant de celui de i'antiquité, du barbare et du sauvage" est trés sensé. En examinant la période de barbarie nous voyons que 1 homicide, le cannibalisme et le vol forment la plus grande partie de la criminalité, tandis que les deux premiers ne sont souvent pas punis par la tribu, qu'ils sont même obligatoires. L'impétuosité des passions, la férocité, 1'insensibilité de ses douleurs et de celles d'autrui, la déloyauté, le désir de vengeance implacable, 1'imprévoyance et la superstition forment la partie principale de la vie morale. Tous ces traits de caractère existent encore, bien que moins forts qu'autrefois dans 1'homme d'a présent, et surtout dans 1'individu né dans une classe inférieure. Excepté dans des cas pathologiques le cannibalisme ne se montre plus dans le monde civilisé, mais cela n'exclut pas qu'il pourrait reparaitre en temps de grande famine. Cependant les hautes qualités morales que 1'homme actuel peut montrer, se présentent aussi chez les sauvages; seulement avec des différences graduelles. (Voir les exemples donnés par le prof. Ferri, pages 197—201, empruntés a Spencer, Lubbock, Wake, Waitz etc.) Le nombre de personnes honnêtes et morales a proportionnellement augmenté, ce qui donne la certitude que, dans 1'avenir, la moralité s'élèvera plus haut qu' a présent, cela ne se fera pas vite, mais trés lentement, comme toutes les autres modifications se sont faites. II est donc impossible que la prédiction des socialistes se réalise sous peu, c. a. d. que le crime, la misère, 1'ignorance et 1'immoralité disparaitront aussitöt que la société sera transformée ou révolutionnée. Elle 11e sera que le but sublime auquel le genre humain doit toujours aspirer. — Afin d'éviter des répétitions je ne ferai pas de critique sur ce chapitre, critique qui devrait être détaillée, paree que je devrais réfuter presque toutes les thèses qui y sont données, mais je traiterai de la question du „combat pour la vie" et de celle de „1'égoïsme et de 1'altruisme", dans la 2™ partie de eet ouvrage. — Dans sa „Conclusione" '), le prof. Ferri compare la société a un !) Je ne parlerai pas du Vie chapitre, qui a le titre trés expressif: »Un sogno de socialista e la realta di un sociologo criminalista", qui n'est qu'une répétition du thème repris plusieurs fois, «combien les sociologues sont hommes de science et combien les socialistes le sont peu." malade, au lit duqucl se trouvent trois amis, qui tous lui veulent du bien. Lc premier déclare en pleine confiance que 1'ame dominc Ie corps et que par conséquent les remèdes matériels ne servent a nen. Le deuxième par contre dit que ce n'est que le changement total du milieu oü il vit, qui peut guérir le malade. Le troisiéme aussi croit que des modifications sont nécessaires; seulement, il se contente d'ameliorations partielles, quoique le deuxième ami ne les nomme que des palliatits. Le premier, c'est le spiritualiste, le second le socialiste, le troisieme 1e sociologiste. Ayant donné après chaque chapitre mon opinion, une critique d'ensemble sur „Socialismo e criminalita" est superflue. L'impression du livre est étrange, 1'auteur en veut a ces „socialistes excessivement antiscientifiques et sentimentaux" tandis qu'il vante le „grand caractere scientifique des sociologues", — car ces derniers, malgre ce grand caractere scientifique combattent une doctrine qu'ils ne connaissent qu en partie ou point du tout. Le socialisme scientifique est resté en dehors du debat. La meilleure preuve de la faiblesse de son attaque contre le socialisme se trouve bien dans le fait que 1'auteur s'est rangé depuis plusieurs années parmi les socialistes dont il est devenu un des chefs les plus fervents et les plus intelligents. ..... . , Pour ce qui concerne son opinion sur la question criminelle le piot. Ferri n'a point ou presque point changé (Voir „Le crime commc phénomène social", (Annales de 1'institut international de Sociologie 1896 p. 414) et „Kriminelle Anthropologie und boziahsmus. (iNcuc ^cit 1895—96 II). — IV. H. KURELLA. Cct auteur consacre quelques pages de sa „Naturgeschichte des Verbrechers" au sujet qui nous occupe. Résunions de la manière suivante ce qu'il dit. Les tentatives pour tirer des parallèles entre les oscillations des prix du blé et celles des chiffres de la criminalité ne prouvent rien d'après 1'auteur, tant qu'on ne pourra les comparer aux statistiques des salaires et du chömage forcé. En effet quelqu'un qui veut démontrer ainsi la corrélation entre criminalité et conditions économiques, emploie une „petitio principii", c. a d. que la misère est la cause principale du crime. Outre cela 1'hypothèse que la régularité avec laquelle se présentent les actes humains est fixée par la condition de la société oü ils se présentent, tombe peu a peu. En vertu d'examens personnels et en vertu de communications faites par Ferri et par von Oettingen (— cc qui prouve que la littérature sur notre [sujet n'est que partiellement connue a 1'auteur —) le dr. Kurella croit pouvoir faire la conclusion qu'une nutrition insuffisante, causée par cherté ou par des salaires minimes, ne fait pas commettre de crimes. Une mauvaise nutrition peut bien influencer indirectement la criminalité, c. a d. qu'elle peut causer après quelques générations successives la dégénération, qui a son tour prédispose au crime. A priori il est incontestable qu'on ne peut se figurer une société, ftitelle fondée par les socialistes, ') dans laquelle la cupidité, la haine et 1'instinct oppresseur, les motifs capitaux du crime, seraient anéantis ou privés de leur influence par suite d'institutions sociales. Néanmoins il est d'importance que Morrison, Garofalo et Ferri 2) ont, d'après 1'auteur, démontré que la misère n'est pas un facteur de la criminalité. Au congrès international d'Anthropologie criminelle a Uruxelles on a essayé de défendre le contraire, ce qui d'après le dr. Kurella, n'a pourtant pas réussi. •) P. 217 1'auteur insinue, sans apporter la moindre preuve, que des personnes avec dispositions criminelles ont souvent contribué a la formation des théories socialistes. 2) Voir mes eritiques sur ces auteurs. 11 n'est pas bien clair pourquoi le prof. Ferri est cité comme adhérent de 1'opinion exprimée par le dr. Kurella; car il accorde une place importante dans 1'étiologie du crime aux facteurs économiques. (Selon lui il se pourrait qu'en cas de chómage forcé soudain un individu, jusque la honnête, commet un vol par indigence). La nécessité momentanée n'étant par conséquent que rarement cause de criminalité, les anomalies sociales actuelles produisent non seulement une augmentation de la dégénérescence comme il a été dit plus haut, mais cncore qu'il y a un nombre considérable de gens qui habitent des maisons mal et anti-hygiéniquement baties, ce qui nuit a la vie de familie et empêche le développement des sentiments de probité, de pudeur etc. Et ce sont aussi les anomalies sociales qui influencent fortement 1'alcoolisme, un des facteurs importants du crime. L'auteur tire la conclusion suivante: „So wenig wie eine Aenderung der Lebensbedingungen des Milieu ein individuum einer Art unmittelbar in ein Individuum einer anderen Art verwandein kann, so wenig wir jemals unter noch so modifizierten Verhaltnissen einen Chimpanse in einen Gorilla sich verwandein sehen, so wenig machen soziale taktoren einen normal veranlagten Menschen zum Verbrecher. In vereinzelten Kallen mag der Anschein entstehen, als batten Leidenschaft oder Gelegenheit ein Verbrechen veranlasst; soziale Momente wirken wohl auf das Individuum, werden dasselbe aber in'seinen fundamentalsten Eigenschaften — und dazu gehort der Cha- rakter nicht wesentlich andern; die minimalen Modifikationen, die der Einzelne durch das Milieu erfahrt, müssen immer wieder auftreten, sich im Lauf der Generationen addieren, bis eine sozial bcdeutungsvolle Aenderung des Typus zustande kommt. So sind es also die dauernden, sozialen Leiden, die chronischen Uebel der Gesellschaft, die auf die Kriminalitat wirken, weil sie durch unmerkliche Einwirkungen den ïnnersten Kern des Menschen im Lauf der Generationen annagen; Misere, intellektuelle und sittliche Verwahrlosung müssen so lange wirken, wie im Kirchenstaate, im Königreich Neapel, in Irland, in dem seit Jahrhunderten vom Grundadel ausgesaugten Polen, ehe ein ganzes Volk von dem „penchant au crime" durchseugt ist." x) Peur ce qui concerne notre critique faisons les observations suivantes. . . II est tout a fait inexacte de dire que les statisticiens qui ont démontré qu'il y a corrélation entre la hausse et la baisse des prix du blé ou une crise commerciale, et 1'augmentation 011 la diminution de la criminalité, se seraient servis d'une „petitio principii", c. a. d. que la misère est une des causes pricipales de la criminalité. Au contraire, leur travail statistique démontre qu'il y a une grande harmonie entre les courbes des crimes contre la propriété et celles des prix du blé (dans les derniers temps ceux-ci sont de moindre importance pour ce sujet et sont remplacés par les crises commerciales). Et cette harmonie nc peut ét re accidentelle puisqu'on la constate tres souvent. il faut qu il ^ ait causalité. II ne serait même pas absurde du tout de prétendre que la misère, non prise dans le sens arbitraire de manque du stricte nécessaire est une des causes principales de la criminalité contre la propriété. Cai quand 1111 individu vole il sent en lui le besoin de posséder quelque i) p. 179. chose qu'il n'aurait pu se procurer d'une facon honnête ou bien en se donnant plus de peine; ce ne sont que des aliénés (cleptomanes) qui volent des objets qu'ils auraient pu se procurer facilement d'une facon honnête. Le dr. Kurella ne produit point de preuves pour 1'opinionquelarégularité des actes humains n'est pas déterminée par la condition de la société. II serait curieux de savoir quelles preuves 1'auteur pourrait citer a 1'appui de son assertion; tant qu'il ne le fera pas, inutile de débattre la question, d'autant plus que des autorités considérables sont d'un avis tout a fait contraire. Du moment que 1'auteur ne parle pas sans dédain de déduction, comme il le fait a la page 152, il aurait mieux valu de ne pas faire lui-même la déduction erronnée que nous trouvons a la page 171. Car il y dit qu'il est certain a priori qu'on ne peut se figurer une société dans laquelle la cupidité, la haine, et 1'instinct opprimeur disparaitraient ou seraient dépourvus d'influence par suite de réformes sociales. La lecture d'une oeuvre comme „1'Urgesellschaft" de L. Morgan 1'aurait déja gardé de cette erreur. Car les traits de caractère sus-nommés, propres aux hommes d'a présent, sont en grande partie étrangers aux hommes vivant dans d'autres phases de développement de la société. Qu'on lise p. e. Morgan sur le „gens" des Indiens: „Freiheit, Gleichheit und Brüderlichkeit, obwohl nie formulirt, waren die Grundprinzipien der „Gens" '). II a été prouvé que ces traits caractéristiques n'étaient pas innés par le fait que les mêmes individus, forcés par la nécessité économique, étaient collectivement, c. a. d. vis-a-vis de leurs ennemis communs, vindicatifs et haineux. La convoitise de richesses, le trait caractéristique par excellence de l'homme de nos jours ne leur est pas propre. „Ein Verlangen nach Eigenthum hatte sich im Gemüth der Wilden kaum gebildet, weil das Eigenthum selbst kaum bestand. Es blieb der damals noch fernen Perioden der Zivilisation beschieden, jene Gier nach Gevvinn (studium lucri) zu voller Lebenskraft zu entwickeln, welche gegenwartig im menschlichen Geist so übermachtig herrscht." 2) Cela indique en même temps pourquoi 1'opinion du dr. Kurella sur 1'invariabilité du caractère humain est fausse. (Voir encore la critique sur Garofalo). Car il est aussi absurde de croire que la distance entre 1'honnête homme et l'homme malhonnête est aussi grande que celle entre le chimpanzé et le gorille, que de croire que le sentiment de probité est inné a l'homme. 1) »I)ie Urgesellschaft." p. 73. 2) »I)ic Urgesellschaft." p. 455. V. E. FORNASARI Dl VERCE. i) Au premier chapitre „Miseria e criminalita in Italia", 1'auteur porte d'abord 1'attention sur les faits suivants. D'après la statistique de 1881 il y avait en Italië sur IOOO habitants (des deux sexes et au-dessus de neuf ans) 390,66 gens riches, aisés, médiocrement aisés et avec des moyens d'existence suffisants, et 609,34 qui avaient a peine le stricte nécessaire. Sur 100 condamnés il y eut: 1887 1888 1889 56,34 57,45 56>°° nécessiteux. 22,99 30,77 32,15 individus n'ayant que le nécessaire. 11,54 9,98 10,13 médiocrement aisés. 2,13 1,80 1,72 aisés et riches. Ici Finfluence favorable de 1'aisance ressort distinctement. Donc 4O°/0 de la population sont aisés et 60°/0 sont nécessiteux; parmi les condamnés 13°/0 aisés et 87°/„ nécessiteux a peu pres. Ensuite le dr. Fornasari di Verce donne une esquisse de 1'innucnce de la misère qui fait dégénércr lc prolétaire et par la le prédispose au crime, car la misère nuit beaucoup aux organes psychiques de 1'homme. II cité a 1'appui de ce qu'il dit plusieurs auteurs qui font autorité. En comparant les difïférentes régions italiennes, groupces autour de leur chiffre moyen de richesse par habitant, au nombre de détenus sur 100.000 habitants, groupés d'après leurs lieux d origine -), on obtient le résultat suivant: 1) »La criminalita e le vicendc economiche d'Ttalia dal 1873 a! 1890 e osservazioni sommarie per il Regno Unito della Gran Brctagna c Irlanda (1840-1890) e per la Nova Galles del Sud (1882-1891)". . 2) Selon le dr. Fornasari di Verce on obtient de cette facon une mei Ueure image de 1'influence dégénérescente de la misère qu'en groupant les chiffres des crimes d'après les lieux oü ils ont été commis. Richesse. Déténus d'après le lieu d'origine. (3.333) Latium VII — VI — — V — (2,746) Piémont—Ligurie IV 1 Lombardie (43) (2,400) Lombardie III ' Piémont—Ligurie (51) ( Vénétie (53) — II Toscane (76) (2,164) Toscane I Emilie (95) 0,935) Vénétie I \ (1,876) Royaume > o1 S \ Royaume (118) (liTfa) Emilie j S S \ i°. Marchcs—Ombrie (137) (1,470 Sicile ( 0 \ Sardai^ne (167) (1,333) Naples ) 2 ' \ Sarda'&ne (10/^ (1,227) Marches—Ombrie 30. Naples (173) (?) Sardaigne 4". — 5°. Sicile (212) 6«. — 7°. Latium (250) Selon 1'auteur ce tableau démontre que richesse et criminalité présentent quelque symétrie, en ce sens que les régions riches ont en général une plus petite criminalité que les régions pauvres. Ce n'est que le Latium qui y fait exception, ce qui s'explique d'après le dr. Fornasari di Verce, i°. par la circonstance que la capitale est située dans cette région, 2°. par le climat, et 30. surtout par le fait que la richesse absolue d'une contrée ne donne point d'indices sur la répartition de la richesse. O11 peut justement s'attendre que la oü les grandes richesses se sont amoncelées le paupérisme sera aussi considérable. ') Non seulement la misère prédispose au crime, elle en fournit aussi les motifs. Conduisant a 1'alcoolisme, elle est cause de crimes violents; elle force les gens qui ne peuvent trouver de travail au vagabondage et a la mendicité, qui, a leur tour, sont 1'école préparatoire de crimes plus graves; elle met le grand nombre de ceux qui ne peuvent pourvoir honnêtement a leurs besoins, dans la nécessité de voler. Et quand ces facteurs agissent sur un homme prédisposé, ils aboutissent menie au meurt re. Dans le tableau suivant les différentes régions italiennes, ainsi que les crimes commis, ont été rangés autour de leurs chiffres nioyens. 1) — Ccttc dernière explication du dr. Fornasari di Vcrce est sclon moi, tres jtiste. 1'ar contre elle diminue de beaucoup la valeur dti tableau entier sus-mentionné, puisqu'on y calcule d'après la richesse absolue. — Richesse. Crimes. (3.333) Latium VII — — VI — _ V — (2,747) Piémont-Ligurie IV — (2,400) Lombardie III / Lombardie (649) / \ Toscane (710) (2,164) Toscane I Piémont-Ligurie (732) ^ I Emilie (749) / \ Marches—Ombrie (774) (1,935) Vénétie i 1 0 k Vénétie (857) (1,876) Royaume ■ o§ Royaume (926) (1,762) Emilie \ ( Sicile (1021) — i°. Naples (1150) (i,47') Sicile ) 2o k Sardaigne (1440) (1,333) Naples _ ) ( (1,227) Marches—Ombrie 30. — Sardaigne 4°- Latium (1797) (774) D'après 1'auteur il ressort de ce tableau que, en exceptant Ie Latium, les régions avec une richesse qui dépasse le chiffre moyen, produisent un chiffre de criminalité inférieur au chiffre moyen. Tout de mêrne les régions avec un chiffre de richesse dépassant la moyenne c. a. d. Piémont-Ligurie, Lombardie et Latium, donnent un plus grand nombre de crimes, qu'on ne s'y attendrait vu leurs chiffres de richesse, tandis que la Sicile, Naples, Marchcs-Ombrie et la Sardaigne présentent justement un chiffre de crimes inférieur a celui qu'on pourrait supposer. Cette opposition n'est qu'apparente, d'après lc Dr. Fornasari di Verce, et s'explique de la manière suivante: i°. Puisque, la 011 il y a de la richesse on peut aussi s'attendre a trouver de la pauvreté et 1'occasion fréquente de voler. 2°. 1'arce que les individus dangereux afflueront moins aux endroits 011 il y a moins de richesse. 3°- 1'aice que, comme dit Stuart Mill, il résulte des conditions sociales de nos jours que 1'éducation du pauvre est nulle et celle du riche mauvaise. Le deuxième chapitre, ayant comme titre: „II fattore economico e la delinquenza. — Dinamica", contient en premier lieu quelques données sur le courant dc la criminalité dans la période en question. La criminalité en général augmente: les crimes graves restent a peu pres stationnaires, les crimes moins graves augmentent. Comme la observé berri, la criminalité diminue, aussi en Italië, quant a son intensité et sa violence mais s'accroit par contre en étendue et en nombre. Ensuite 1'auteur considèrc 1'influence de / cmigration. Ce sont surtout les crimes contre la propriété qui en ressentent une influence favorable, de même que 1'assassinat, pour ce qui concerne les crimes contre les p'ersonnes. La cause de cette influence favorable s'explique facilement. 13 L'émigration éloigne nombre de personnes qui, n'ayant pas de moyens d'existence deviendraient facilement criminelles. Les conséquences des évènements dans Pagriculture (vicende dell'agricoltura) sont les suivantes: les années aux récoltes abondantes présentent une dimunition de la criminalité, les mauvaises années par contre un accroissement; cependant les heureuses vendanges amènent le même résultat. Ce sont surtout les crimes contre la propriété (spécialement les vols champêtres) qui subissent 1'influence du degré d'abondance de la récolte ; tandis que parmi les crimes contre les personnes ce sont les coups et blessures qui ressentent surtout 1'influence des événements agricoles. II est évident que la classe agricole éprouve avant tout les suites défavorables d'une mauvaise récolte. Durant les mauvaises années 1887—1889 la proportion des agriculteurs parmi les condamnés montait de 35,3°/o a 37.8°/0 et 38,20/0-1) L'influence de la Jluctuation des prix des vivres les plus nécessaires est la suivante : la criminalité en général ressent fortement cette influence. Quand les prix baissent la criminalité diminue, et vice versa. On s'en apercoit plus distinctement encore dans la criminalité contre la propriété. Les crimes contre les personnes augmentent surtout quand le prix du vin est bas, et vice versa. Quand une baisse des prix des vivres coïncide avec celle du prix du vin, 1'accroissement des crimes contre les personnes est grand. D'après le Dr. Fornasari di Verce la cause de 1'accroissement des crimes contre les personnes en cas de bas prix des vivres ne se trouve pas dans la meilleure nutrition qui en résulte, mais dans la plus grande consommation d'alcool qui s'ensuit. Les autres crimes ressentent moins l'influence des fluctuations des prix des denrées. Puis /'industrie (par suite de la défectuosité de la statistique officielle les données sont trés incomplètes). Durant la période dont parle 1'auteur, 1'industrie s'est énormément développée et la criminalité en général a aussi augmenté. Cependant les formes graves ont diminué, tandis que les formes moins graves se sont accrues. Les crises industrielles amenaient surtout une augmentation des crimes contre les personnes. Les conditions des ouvriers. D'après 1'auteur il serait de la plus haute importance de pouvoir établir pour chaque année le nombre d'ouvriers industriels. Car cela a une plus grande importance pour la criminalité que les prix des denrées et le taux des salaires. Faute de données officielles une telle recherche ne peut avoir lieu, et il faut se borner a un examen des salaires. A quelques exceptions prés, ces salaires ont augmenté, de 35 °/0 environ durant la période 1873—89. Cependant, pour obtenir une image plus nette de la condition des ouvriers, 1'auteur a combiné les fluctuations des salaires avec celles des prix du blé, c. a. d. il a fait le calcul !) Afin de ne pas trop étendre ce résumé, je me vois forcé de me borner ii la communication des principaux résultats des recherches. Le livre entier du Dr. Fornasari di Verce étant rempli de chifïfres, il est rcgrettable que tous ces chiffres ne soient pas reproduits en cartes graphiques. L'unique carte statistique qui y figure se trouve reproduite a la page 200. du nombre d'heures que chaque ouvrier a dü travailler afin de pouvoir se procurer IOO kilogr. de blé. !) Aprés avoir fixé 1'attention sur la circonstance que la moyenne des salaires des ouvriers italiens est plus basse que celle des autres pays industriels, les recherches donnent les résultats suivants: 1'influence des fluctuations des salaires sur la criminalité en général est minime et presque toujours subordonnée a celle des fluctuations des prix des denrées. Cependant ici il ne faut pas oublier que les salaires ne rendent pas toujours exactement la condition dans laquelle se trouve la majorité des prolétaires. A quelques exceptions prés, tous les crimes contre la propriété diminuent, quand les salaires montent (en combinaison avec les prix du blé). Cette influence ne se remarque pas dans les crimes commerciaux et fausse monnaie. Les crimes contre la personne augmentent un peu quand les salaires montent; mais, quand cette circonstance coïncide avec un prix bas du vin, ils augmentent considérablement. L'influence des grcves est exclusivement limitée au crime de rebellion. De la recherche sur la criminalité et les événements commerciaux relevons ceci: La banqueroute frauduleuse, et en grande partie aussi le faux, sont presque tout a fait indépendants des événements économiques ; et la fluctuation du nombre des crimes commerciaux, pour autant qu'ils ne sont pas influencés par les autres faits économiques, s'explique en grande partie par les événements commerciaux. Les événements financiers (crédit et épargnes) ne se font pas ressentir dans la criminalité en général, mais bien dans les crimes contre la propriété et les crimes commerciaux. L'auteur conclut enfin de 1'augmentation "constatée de la fortune privée et de 1'accroissement des salaires a une corrélation de ces phénomènes avec une diminution de quelques formes graves de la criminalité. 2) Les résultats de la recherche sont réunis dans le tableau suivant: — ') Les données qui servent de base M'opinion de l'auteur sont trés insignifiantes. On pourrait encore objecter: i". Les prix du blé ne prouvent rien pour le prix des autres nécessités; p. e. les lovers et les contributions se sont fortement accrus les derniers temps dans presque tous les pays industriels; 2". pour juger de la vraie condition du prolétariat il faut non seulement être au courant des salaires et des prix des denrées, mais il faut aussi savoir le degré d'enrichi'ssement de la classe possédante. Car il n'est possible de juger des conditions d'une classe qu'en les comparant a celles des autres classes. Voir p. 136 du livre du Dr. Fornasari di Verce, oü l'auteur niême produit les chiffres, qui démontrent que la richesse totale s'est accrue en plus grande mesure que les salaires ne sont montés. — 2) Dans le tableau suivant l'auteur donne la proportion entre 1'accroissement des salaires et 1'augmentation de la fortune privée: de 1875/79—1880/84. de 1880/84—1885/89. Accroissement 8„, 6,i9»/0 des salaires par heure. Augmentation > ,2 ,o0/„ 6,450/0 de la fortune pnvee. S Différence 1 »52°/0 CRIMES , , , ,, Subissant 1'influence des événements économiques et variant avec ceux-ci, r.n denors de 1 intiuence ^ des événements économ. Directement Inversement. !) Excepté: vols champêtres, ranges parmi les vols de tous genres. 2) Excepté: banqueroute frauduleuse. 3) Excepté: rebellion et violence contre les autorités publiques. L'auteur a été induit a la conclusion sus-dite par la circonstance suivante: L'accroissement de la fortune privée a toujours été plus fort que 1'augmentation des salaires, mais la proportion entre eet accroissement et cette augmentation n'est pas restée la même pour les deux périodes. Elle a baissé dans la deuxième. — D'après moi, l'auteur a tort. Car, dans les deux périodes la fortune augmente plus que les salaires ne se sont élevés. La distance entre les deux ne diminue donc pas dans la 2me période, mais 1'agrandissement de la différence y est moins grande; ce qui n'enipêche pas que la différence entre salaires et fortune (non-possesseurs et possesseurs) n'a pas amoindri. 11 est donc impossible que la diminution de quelques formes graves de criminalité, constatée par l'auteur, puisse être attribuée h la cause qu'il en donne. — a. Vols de tous genres. ^ b. Tromperie, soustraction et autres fraudes, beaucoup: c. Crimes contre la propriéte (de la compétenci j du préteur). ') [ d. Crimes commerciaux. 2) / e. Assauts et chantages (sans homicide), extorsioi l et rapine. suffisamment: ƒ. Crimes contre 1'ordre de la familie. (g. Crimes contre les personnes (de la compétenci du préteur). I h. Crimes contre 1'ordre public, peu : -j i. Crimes contre 1'administration publique. 3) I j. Faux en écriture et fausse-monnaie. , . / I. Assaut et chantage avec homicide. Cnmes sur \ jj Rejjellion et violence contre les autorités publi lesquels 1 influ-' ence du vin i jjj Homicide de toute nature, predomme: [ {y Cou et b[cssures voulus. * | — Attentats aux moeurs. presque pas dui k; Attentats a la süreté de 1'Etat tout ( taux temoignages, calomme, etc. / m. Banqueroute frauduleuse. ^ 11. Diffamation et injures. pas du tout: \ 0. Crimes contre la religion de 1'Etat et les autn I cultes. p. Incendie et dommages aux propriétés d'autri D'après 1'auteur il résulte donc de son examen: que les facteurs économiques occupent bien une place éminemment importante dans 1'étiologie du crime, mais qu'on ne peut pas expliquer au moyen d'eux toute la criminalité. Le Dr. Fornasari di Verce est d'opinion que, si 1'on veut efficacement combattre la criminalité, il sera nécessaire d'appliquer les „substitutifs pénaux", indiqués par le professeur E. Ferri. L'auteur traite de la même manière 1'influence des événements économiques sur la criminalité de la Grande-Bretagne et de 1'Irlande. En voici les résultats: beaucoup j Crimes contre la propriété sans violence. | suffisamment j „ „ „ „ avec „ | l „ „ „ „ avec destruction I ) préméditée. peu „ autres que les sus-nommés ou ceux I contre la circulation monétaire et contre les personnes. j I l Crimes sur les-l 1 quels 1 influen-1 ^ contre les personnes. ce de 1'alcool ; I prédomine I pas du tout j Délits et contraventions. presque pas j Crimes de faux et de circulation monétaire. CRIMES ET DÉLITS Ne subissant pas gubissant 1'influence des événements 1 influence des eve- économiques et variant avec ceux-ci, nem. economiques. Directement. Inversement. L'examen pour ce qui concerne la Nouvelle-Galles-du-Sud donne les résultats suivants: CRIMES ET DÉLITS Subissant 1'influence des événements économiques et variant avec ceux-ci, Directenient. Inversement. beaucoup j suffisam- ^ ment j peu . Crimes et délits sur lesquels 1'influence de 1'alcool prédomine Me subissant pas ' 1'influence des évéTients économiques. 1. Vol et recel. 2. Escamotage. 3. Vol de chevaux. 4. Petits délits contre la propriété. 5. Vol dans des maisons habitées. 6. Vol de moutons. 7. Faux. 8. Abigéat. 9. Assassinat. 10. Incendie. 11. Homicide. 12. Coups et blessures. 13. Extorsion. 14. Rapine. 15. Autres délits peu graves. I. Attentat a la pudeur. II. Délits contre les mceurs (homosexualité). III. Délits contre les mceurs. IV. Délits peu graves contre les personnes. A. Concussion et tromperie. B. Faux serment. — II est incontestable que les recherches du Dr. Fornasari di Verce doivent être placées au premier rang parmi les oeuvres, démontrant la justesse de la thèse, que les facteurs économiques sont les facteurs les plus importants de la criminalité. Cependant il est trés regrettable que 1'auteur n'ait pas toujours rendu les résultats de ses recherches en graphiques, ce qui aurait donné beaucoup plus de valeur a son travail. En ne voyant que des pages couvertes de chiffres suivis de brèves conclusions il est trés difficile de se faire une juste idéé de ces résultats. Une autre objection qu'on pourrait faire est celle-ci: que la question a été concue d'une fa^on trop mécanique, conséquence de la méthode exclusivement statistique. II cherche la corrélation entre chaque phénomène économique séparé et la criminalité, au lieu de celle de 1'ensemble de ces phénomènes, la vie économique n'existant pas en réalité de parties séparées et isolées, mais formant un grand tout, une masse compacte, dont les parties s'engrènent. Quand il se présente un événement économique important, duquel on pourrait attendre des conséquences considérables pour la criminalité (p.e. une forte baisse) il faut se garder de tirer trop vite la conclusion que eet événement n'est d'aucune importance pour la criminalité, quand les conséquences prévues (p.e. cette baisse) font défaut; car il se pourrait, que des facteurs neutralisants auraient empêché ces conséquences. A cette observation se rattache ma dernière et plus importante objection. L'auteur n'a pas prouvé par ses recherches la justesse de sa conclusion, qui est aussi partagée par le prof. Ferri dans son „Socialisme et Science possitive" !): que la criminalité ne peut pas s'expliquer exclusivement au moyen des conditions économiques. Car, quoique ses recherches comprennent des facteurs trés importants, 1'auteur laisse de cöté beaucoup de facteurs économiques et, a une exception prés (1'influence dégénérescente de la misère) les nombreuses suites indirectes des conditions économiques, qui sont de haute importance dans la question qui nous occupe. En d'autres termes 1'auteur n'a pas fixé 1'attention sur le fait que nous vivons sous un système économique de date relativement récente et ayant des traits caractéristiques particuliers, qui sont de grande importance pour la criminalité. (II est vrai que, d'après le titre de son ouvrage, 1'auteur n'avait pas 1'intention de le faire. Mais c'est justement a cause de cela que sa demière conclusion est prématurée.) II a bien indiqué quelques conséquences trés importantes de ce système, mais il n'a pas analysé le système même. Je suis d'opinion que le travail que je viens de traiter, et qui a une grande valeur pour notre sujet, démontre que les conditions économiques sont de haute importance pour la criminalité. Cependant, il ne prouve pas, selon moi, que cette influence ne dépasse pas celle qui est démontrée par la statistique. — •) Voir p. 29 édition hollandaise. Ore 4i la»oro n*c*t«arie ad ott«nere l>quivtleo1« d< 100 kg di pant impuUti coodannat» dalle »•'<« maristratnr» («opr» 10,000 tb ). Or« di l»»«ro ad ®(lcnfe P fqoivalent# d< t quintale d> frorr.flnto ReaU deounnati p*r i qaai prowiderv gl« urfici del P. M. (»•!*% 10,000 ab ) F-tniermirti (•opr» 10.000 tb y AilenUti a;la propriela (Reati deoaniitti). Alteotat' alle pertooe (R^tti deoonnati). Ati«nut< alla aicorezia dello Su 184S 1 ^54» '865 1868, 1872—1876, dans lesquelles le prix du froment fut élevé, 011 trouve aussi un grand nombre de crimes contre la propriété. La seule année 1855 y fait exception, car alors les crimes contre la propriété n augmentèrent pas, quoique le prix du blé füt trés élevé. Ceci s explique du fait que le gouvernement prit alors des mesures afin de diminuer les suites de cette calamité. En outre d'autres vivres furent alors trés bon marché. !) . Depuis 1860 le nombre de crimes contre la propriété diminue, ce qui, selon 1'auteur, s'explique de 1'importation du blé de qui augmente beaucoup dès cette époque. L'influence de la production et de la consommation de 1 alcool se fait fortement ressentir dans les crimes contre les personnes, surtout dans les coups et blessures. Je veux encore fixer 1'attention sur le rapport fait par le prof. Lacassagne au IVc Congrès d'Anthropologie Griminelle a Geneve, intitulc. „Les vols a 1'étalage et dans les grands magasins," dans lequel il démontre comment 1'étalage dans les grands bazars, qui doit fasciner les visiteurs et les forcer pour ainsi dire a acheter, mène au crime des individus prédisposés a la cleptomanie. Le prof. Lacassagne est toujours resté fidéle au jugement qu'il a une fois porté: aux Congrès de Bruxelles2) et d'Amsterdam3) il la répété: „Les sociétcs out les crimimls qu'elles méritent." 1) Dans cette étude 1'auteur distingue trois groupes d'influences: i°. modificateurs physico-chimiques (température etc.) 2°. modificateurs biologiques ou ïndividuelles (sexe, age, etc.) 3". modificateurs sociologiques. Au fond cette division est la meme que celle du prof. Ferri (comme celui-ci le reconnait p. 152 Soc. Crim.) Cela prouve que les différances entre les écoles italienne et francaise, et entre celle-ci et les bio- sociologues, ne sont pas trés grandes: il y a plutót nuance que diversité d'opinions. Tout de même je juge mieux de suivre la division en écoles différentes. 2) Actes p. 240. 8) Compte Rendu p. 232. II. G. TARD E. Cet auteur considère la criminalité comme étant avant tout un phenomène social, qui, comme tous les phénornènes sociaux, s'explique par 1'imitation. „Tous les actes importants de la vie sociale sont exécutés sous 1'empire de 1'exemple. On engendre ou 1'on n'engendre pas, par imitation : la statistique des naissances nous 1'a démontré. On tue ou on ne tue pas, par imitation: est-ce qu'on aurait aujourd'hui 1'idée de se battre en duel, de déclarer la guerre, si 1'on ne savait que cela s'est toujours fait dans le pays que 1'on habite ? On se tue 011 on ne se tue pas, par imitation: il est reconnu que le suicide est un phenomène imitatif au plus [ïaut degré; impossible, en tout cas, de refuser ce caractère a ces „suicides en masse de peuples vaincus échappant, par la mort, a la honte de la défaite et au joug de 1'étranger, comme ceux des Sidoniens défaits par Artaxerxès Orchus, des Tyriens par Alexandre, des Sagontins par Scipion, des Achéens par Métellus, etc. etc." Comment douter après cela, qu on vole ou qu'on ne vole pas, qu'on assassine ou qu'on n'assassine pas, par imitation?" ') L'imitation, dit 1'auteur, est régie par deux lois, c. a d. que les hommes s imitent plus a mesure qu'ils sont plus rapprochés et que 1 imitation se fait surtout du haut en bas (p. e. que les coutumes de la noblesse sont imitées par le peuple, etc. etc.). Si 1'on met la criminalité a 1 épreuve d après ces régies, on verra qu'elles se confirment aussi ici. Kt 1 auteur donne e. a. les exemples suivants a 1'appui: „Le vagabondage, sous ses mille formes actuelles, est un délit essentiellement plébéien ; mais, en remontant dans le passé, il ne serait pas malaisé de rattacher nos vagabonds, nos chanteurs de carrefour, aux pélerins nobles, aux ménestrels nobles du moyen-age. Le braconnage, autre pépinière criminelle, qui a joué dans le passé, avec la contrebande,' un róle comparable a celui du vagabondage a présent, se rattache plus directement encore a la vie seigneuriale.2) „L'incendie, ce crime des plus basses classes aujourd'hui, a été une prérogative des seigneurs féodaux. „N'entendit-on pas le margrave de Brandebourg se vanter un jour d avoir brülé dans sa vie 170 villages?" La fausse monnaie se ') p. 319 «Philosophie pénale". 2) p. 329 «Philosophie pénale.'' réfugié a présent dans quelques cavernes des montagnes, dans quelques sous-sols des villes, on sait qu'elle a été longtemps un monopole royal. Le vol, enfin, si dégradant de nos jours, a eu un brillant passé. Montaigne nous apprend, sans trop s'en indigner, que beaucoup de jeunes gentilshommes de sa connaissance, a qui leur père ne donnait pas assez d'argent, se procuraient des ressources en volant." ') II y eut donc un temps oü la criminalité se répandit des classes élevées vers les classes plus basses; a présent les nouvelles formes de crimes prennent naissance dans les grandes villes et se répandent de la sur la campagne. L'accroissement de la criminalité est trés important dans les grandes villes, et il est trés probable d après la loi citée qu a la longue la criminalité s'accroitra enfin a la campagne aussi fortement. Ce sont surtout les crimes d'assassinat, d'attentats a la pudeur des mineurs, d'avortement et d'infanticide qui ont augmenté. Aussi 1'opinion de plusieurs criminalistes italiens „que les crimes contre les personnes diminuent la oü les crimes contre la propriété augmentent, et vice versa," est, d'après le prof. Tarde, erronnée, puisque les deux sortes de crimes augmentent dans les grandes villes. .... „En somme, 1'action prolongée des grandes villes sur la criminalité est manifeste, ce nous semble, dans la substitution lente non pas dc la ruse a la violence précisément, mais de la violence cupide, astucieuse et voluptueuse, a la violence vindicative et brutale. -) .... Néanmoins la civilisation améliore les hommes, la criminalité grandissante est donc en contradiction avec la civilisation de plus en plus croissante. Cette contradiction est expliquée par 1'auteur au moyen d'une autre loi d'imitation: la loi d'insertion, c. a. d. le passage alternatif de la mode a la coutume. „Toute industrie s'alimente ainsi par un afflux de perfectionnements, innovations aujourd'hui, traditions demain; toute science, tout art, toute langue, toute religion, obéit a cette loi du passage de la coutume a la mode et du retour de la mode a la coutume, mais a la coutume élarcie. &Car a chacun de ces pas en avant le domaine territorial de 1'imitation s'agrandit, le chainp de 1'assimilation sociale, de la fraternité humaine, s'étend, et ce n'est pas, nous le savons, 1'effet le moins salutaire de 1'action imitative au point de vue moral. 3) Après avoir mentionné comment ces différents courants d ïnutation se rencontrent, 1'auteur applique les idéés susdites a 1 influence de 1'instruction sur la criminalité. II constate que 1'instruction, prise isolément, n'est pas un reméde contre le crime, puisqu'elle peut fournir de nouveaux moyens a commettre des crimes, et qu'elle fait donc changer la criminalité de caractère seulement. Ensuite 1'auteur indique 1 influence du travail sur la criminalité en combattant e. a. la thèse de M. Foletti qui uit qu u faut aussi porter en compte le développement économique, p. e. si durant la période 1826—1878 la criminalité en France s'est augmentée dans la proportion de 100 a 254, et 1'activité productrice s'est quadruplée, 1) p. 331. »Philosophie pénale". 2) p. 353. «Philosophie pénale". ») p. 356—357. oPhilosophie pénale". la criminalité n'a pas augmenté, mais en réalité diminué. L'erreur fondamentale dans 1'argumentation de Poletti est, selon le prof. Tarde, qn'il considère le crime comme un efifet régulier, permanent et inévitable de l'industrialisme. „Seulement il y a travail et travail; et si dans une classe plus laborieuse, le travail est mal réparti, excessif pous les uns qu'il énerve et affole, insuffisant pour les autres qui se dissipent, ou s'il est mal dirigé, tourné vers des compositions et des lectures malsaines qui surexcitent les sens et la vanité et poussent au délire la convoitise du plaisir prématuré ou 1'émulation en vue des prix, dans ce cas, il se peut fort bien que le progrès en travail s'accompagne d'un progrès en indiscipline, en vices et en fautes scolaires de divers genres. Un phénomène analogue a lieu dans nos villes oü la frénésie du luxe dépasse 1'ascension des salaires, et oü les délits contre les moeurs ont sextuplé ou septuplé pendant que la fortune publique triplait ou quadruplait seulement. Les socialistes donc, ont raison d'imputer, en partie, a 1'injuste répartition ou a la direction facheuse de 1'activité productrice le mal moral qui grandit avec elle, et qui d'ailleurs ne diminue pas quand elle s'afifaiblit. Car, depuis 1'époque oü s'arrêtaient les renseignements de M. Poletti sur la prospérité francaise, elle a cessé de croitre, elle a baissé rapidement, comme on ne le sait que trop, mais le délit a continué sa marche ascendante avec un élan plus marqué. En somme il ne reste rien de la loi posée par eet écrivain distingué, et toutes les statistiques la démentent. La délictuosité, comme le fait remarquer M. Garofalo, est si peu proportionnelle a 1'activité commerciale que 1'Angleterre, oü le crime et le délit sont en décroissance, est la nation la plus remarquable par 1'accroissement extraordinaire de son commerce, et que 1'Espagne et 1'Italie, oü la criminalité est supérieure a celle des principaux états de 1'Europe, viennent loin derrière eux pour le développement des affaires. Ajoutons qu'en France la classe la plus laborieuse de la nation sans contredit, c'est la classe des paysans, et que c'est aussi 1'une des moins délinquantes a chiffre égal de population, malgré les conditions défavorables de son existence. Concluons que le travail est en soi 1'adversaire du délit, que s'il le favorise, c'est par une action indirecte, nullement nécessaire, et que ses rapports avec lui sont analogues aux rapports mutuels de deux genres de travaux antagonistes." !) Uans la section qui suit 1'auteur traite 1'influence de la richesse et de la pauvreté sur la criminalité. II mentionne les opinions différentes de Turati et de Colajanni d'une part, et de Perri et de Garofalo d'une autre; ceux-la ont essayé de prouver que la pauvreté est souvent cause qu'un pauvre devient criminel. Garofalo a essayé de le prouvrer en fixant e.a. 1'attention sur le fait que, d'après la statistique criminelle de 1'Italie de 1'an 1880, les possesseurs commettent proportionnellement autant de crimes que les prolétaires. Le prof. Tarde y oppose que la statistique criminelle francaise en 1887 démontre qu'il y eut, sur 100.000 membres d'une même classe de la population, les nombres suivants d'accusés: 20 de celle des domestiques, c. a. d. d'une des classes les plus pauvres, 12 de celle des ') P- 377—378 «Philosophic pénale." professions libres, y compris les propriétaires et rentiers, 139 de celle des vagabonds et des gens sans professions, par conséquent de la classe la plus nécessiteuse, 21 de celle du commerce, 26 de cellederindustrie (un chiffre trés élevé vu l'importance des bénéfices dans cette periode) et 14 de celle des agriculteurs (chiffre trés bas en considérant leur pauvreté relative). . L'auteur expose de la manière suivante a quoi nous devons ces contradictions: . „N'oublions pas que, le désir de s'enrichir étant le mobile oidinaire, et de plus en plus prépondérant du délit, comme le mobile unique du travail industriel, la possession de la richesse doit éloigner du delit 1'homme le plus malhonnête comme du travail industrieel homme le plus laborieux — car il est contradictoire de désirer ce qu'on a, — si du moins la satisfaction de ce désir n'en a pas été la surexcitation, comme il arrivé souvent, mais jusqu'a un certain point seulement et pas toujours. Or, dans les milieux affairés, oü, grace au mutuel enfièvrement, renrichissement constant plutót que la richesse mème est le but poursuivi, la fortune est comme ces liqueurs poivrées qui attisent la soif encoie plus qu'elles ne 1'apaisent; de la sans doute, a cöté de 1'agitation de ces milieux, leur délictuosité égale a celle des domestiques. De mème, dans les milieux licencieux, grandes villes, agglomérations ouvnères, les attentats aux mceurs sont d'autant plus nombreux que les plaisirs des sens y sont plus faciles. Mais on pourrait poser en principe que la 01. la richesse est un obstacle a 1'affairement, elle est aussi un obstacle au délit, a peu prés comme le pouvoir politique cesse d'être dangereux au moment oü il cesse d'être brouillon et ambitieux; il en est ainsi par mi les propriétaires ruraux, pctits ou grands, parmi les rentiers et menie dans la plupart des professions libérales, la oü elles sont, comme en France, assez peu absorbantes et enfièvrantes; content de son bien-etre relatif, 1'homme s'y repose dans un demi-travail intellectuel, artistique plus que mécanique, honorifique plus que vénal, et s'y abstient des moyens délictueux d'obtenir une augmentation de revenus qu 1 desire modérément. Le paysan francais, en général, partage cette moderation de désirs, et, riche de sa sobriété, de son stoïcisme, de son epargne, de son lopin de terre acquis enfin, il est plus heureux que le millionnaire, financier ou politicien fiévreux, poussé par ses millions meines a en faire la semence de ses spéculations véreuses, de ses escroquenes et de ses concussions sur une vaste échelle. Les cultivateurs les plus aises sont d'ailleurs les plus honnètes en général. Ne parions pas de richesse et de pauvreté, a vrai dire, pas mème de bien-étre et de mal-etre, parions de bonheur et de malheur, et gardons-nous de nier cette vente vieille comme le monde, que 1'excuse du méchant est d'être souvent un malheureux. Fils de ce siècle, avouons, quoi qu'il en cóute a notre amourpropre filial, — car il n'est rien de plus vénéré que cette paternite-la, avouons que, sous ses brillants dehors, notre société n est pas heureuse, et, n'eussions-nous d'autres garants de ses grands maux que ses nombreux délits, sans songer mème a ses suicides et a ses cas de folie qui se multiplient, sans prèter 1'oreille aux cns d'envie, de souffrance et de haine qui dominent le tapage de nos cités, nous ne saurions revoquer en doute ses douleurs. 14 De quoi souffre-t-elle ? De son trouble intérieur, de son état illogique et instable, des contradictions intestines que remue en elle le succes même de ses découvertes et de ses inventions inouïes, précipitées les unes sur les autres, aliments de théories contraires, sources de besoins effrénés, égoistes et antagonistes. En cette gestation obscure, un grand Credo, un grand but commun se fait attendre; c'est la création avant le Fiat Lux. La science multiplie les notions, elle élabore une haute conception de 1'Univers, sur laquelle elle finira, je 1'espère, par nous mettre d'accord; mais oü est la haute conception de la vie, de la vie humaine, qu'elle est prête a faire prévaloir? L'industrie multiplie les produits, mais oü est 1'oeuvre collective qu'elle enfante? L'harmonie préétablie des intéréts fut un rève de Bastiat, 1'ombre d'un rêve de Leibnitz. Les citoyens d'un Etat s'échangent des renseignements scientifiques ou autres, par le livre, par le journal, par la conversation, mais au profit de leurs croyances contradictoires; ils s'échangent des services, mais au profit de leurs intéréts rivaux; plus ils s'assistent ainsi mutuellement, donc, plus ils nourrissent leurs contradictions essentielles, qui ont pu être aussi profondes en d'autres temps, jamais aussi conscientes, jamais aussi douloureuses, jamais, par suite aussi dangereuses." ') Supposé, qu'il n'y eüt plus de guerre extérieure, comment pourraiton éviter la guerre civile? se demande 1'auteur. Cependant il y a des périodes historiques, p. e. au moyen-age, oü il exista encore un autre but commun, savoir la foi, qui unissait les individus. De nos jours ce but ne peut être autre chose que „1'art, la philosophie, la culture supérieure de 1'esprit et de 1'imagination, la vie .esthétique." Afin de pouvoir répondre a la question si la civilisation (le nom collectif pour instruction, éducation, religion, science, arts, industrie, richesse, ordre public etc.) fait diminuer la criminalité, oui ou won, il faut distinguer deux stades de civilisation. Dans le premier un afflux d'inventions; c'est dans ce stade que se trouve 1'Europe en ce moment. Dans le deuxième eet afflux diminue beaucoup et il se forme un cohérent entier. Une civilisation peut donc être trés riche et peu cohérente, comrne 1'actuelle, ou bien trés cohérente et peu riche, comme p. e. celle de la commune au moyen-age. „Mais est-ce par sa richesse ou par sa cohésion, qu'elle (c. a. d. la civilisation) fait reculer le dclit ? I'ar sa cohésion sans nul doute. Cette cohésion de la religion, de la science, de toutes les formes du travail et du pouvoir, de toutes les espèces d'initiations différentes, se confirmant mutuellement, en réalité ou en apparence, est une vraie coalition implicite contre le crime, et alors même que chacune de ces branches fruitières de 1'arbre social, ne combattrait que faiblement la branche gourmande, leur accord suffirait a détourner de lui toute la sève." 2) — Ce n'est pas le lieu de faire une critique sur la théorie de 1'imitation en général, avec laquelle le prof. Tarde croit qu'on peut expliquer chaque phénomène social. ') P- 383—385. «Philosophie pénale." 2) p. 386—387. «Philosophie pénale." Les autres parties du Vie chapitre («le crime") de »la Philosophie pénale," a laquelle ce qui précède a été emprunté, ne contiennent plus d'observations intéressantes pour notre sujet. Selon mon opinion cette théorie, pour autant que nouvelle, n'est pas juste, et pour autant que juste elle n'est pas nouvelle. Elle est juste pour autant qu'elle explique coniment un phénomène social, qui a pris naissance dans un endroit, s'est fortement répandu, ou bien comment il se présente encore quoique les causes primaires n'existent plus. Cependant il est manifeste qu'au moyen de 1'imitation on ne peut donner qu'une explication partielle des phénomènes susdits. II faudra désigner d'autres facteurs encore pour expliquer p. e. pourquoi quclque chose se répand partout par suite de 1'imitation a un certain moment, tandisqu'auparavant elle passait inapercu; etc. J'accorde donc que la signification de 1'imitation et de la tradition est de trés grande importance pour 1'explication des phénomènes sociaux, mais suis d'opinion que 1'imitation et la tradition, représentant un élément conservateur, ne nous renseignent point sur la naissance de nouveaux phénomènes sociaux.') Dans le domaine de la criminalité 1'imitation joue aussi un grand róle. Des enfants, élevés dans un milieu corrompu, contractent aisément par imitation de mauvaises habitudes; 1'influence néfaste de la prison est proverbiale; un crime sensationnel arnène souvent des crimes analogues. C'est aussi par 1'imitation qu'on explique, du moins en partie, 1'existence de la mafia et de la camorra, dont le prof. Lombroso dit e. a.: „En effet: la longue pcrsistance, la ténacité de quelques associations malfaisantes comme la mafia, la camorra et le brigandage semblent provenir en premier lieu de 1'ancienneté de leur existence; car, la longue répétition des memes actes les transforme en habitude et par suite en loi; et 1'histoire nous apprend, que tous les phénomènes ethniques qui eurent une longue durée, difficilement disparaissent tout d'un coup, etc." 2) Pour que les phénomènes nommés restent permanents, il faut d'autres facteurs sociaux importants n'ayant d'eux-mèmes rien a démêler avec 1'imitation. Ainsi p. e. la foi, dont 1'étendue est basée en grande partie sur la tradition, mais qui aurait disparu depuis longtemps et malgré la tradition s'il n'y avait point de facteurs dans la société actuelle qui la font durer. Tout en admettant ce qui précède il n'y a pas lieu de voir dans la plupart des exemples produits par 1'auteur a 1'appui de sa théorie, autre chose que des preuves de sa grande connaissance de détails historiques, peu ou point importants pour la question de la criminalité. Ou est p. e. la connexion entre les ménétriers du moyen-age et les vagabonds de nos jours? II n'y en a certes aucune autre que celle-ci: tous les deux allaient de lieu en lieu. Mais même s'il n'y avait jamais eu un ménétrier ambulant, le phénomène social qui s'appelle „vagabondage aurait existé tout de même. II n a rien a faire avec 1'imitation, par contre tout avec 1'organisation sociale actuelle. C'est elle qui, expulsant impitoyablement ') Voir a ce sujet K. Kautsky, p. 655. »Die materialistische Geschichtsauffassung und der psychologische Antrieb." (Neue Zeit 1895—96 !'•) Voir la critique sévère sur la théorie d'imitation par le prof. K. ferri dans le Devenir Social 1895, intitulée »La théorie sociologique de M. Tarde." 2) »Le Crime" p. 253. chaque non-possesseur qui ne peut travailler, soit que les forces nécessaires pour travailler lui manquent par suite de maladie ou de vieillesse, soit qu'on ne fasse pas de demande de travailleurs, 1'oblige a aller mendier et vagabonder et 1'empêche finalement ainsi pour toujours de pouvoir retourner a la vie régulière. On pourrait prouver par maints exemples que le prof. Tarde exagère ainsi 1'étendue de la sphère d'influence de 1'imitation. II ne faut pas non plus perdre de vue que 1'imitation ne nous apprend rien des causes essentielies d'un phénomène social. En recherchant les causes d'une maladie de quelqu'un on verra parfois qu'elle est la conséquence d'une contagion ; on saura donc que la maladie qui 1'a produite est contagieuse, et cette connaissance pourra nous indiquer les précautions a prendre pour restreindre ou empêcher 1'extension de la maladie; mais quant aux causes de la maladie même, on n'en sait encore rien. De même pour ce qui concerne le crime. II est certain que les idéés et les coutumes immorales sont facilement contractées par des enfants. L'enlèvement des enfants a un milieu nuisible est donc un moyen préventif contre 1'extension du crime. Mais nous ignorons encore tout ce qui concerne la genese de ces idéés et coutumes immorales, ce qui est pourtant 1'essentiel. A propos des observations de 1'auteur sur 1'influence du travail, de la richesse, de la pauvreté et de la civilisation, je fais remarquer seulement que ces questions trés importantes et trés compliquées n'occupent que quelques pages dans son ouvrage. II serait donc bien superflu de relever tout au long que 1'ensemble a été traité d'une manière trés incompléte, quoiqu'on y trouve des observations trés justes, (p. e. celles sur la mauvaise répartition du travail, et sur le désir de s'enrichir comme causes du crime etc.). Outre dans un article paru dans la „Revue Philosophique" (1890), intitulé „Misère et Criminalité", le prof. Tarde a repris son sujet dans un rapport: „la criminalité et les phénomènes économiques" (5e Congrès d'Anthropologie Criminelle a Amsterdam). C'est de ce rapport que nous communiquerons un résumé. Depuis que, d'après le prof. Tarde, il a été reconnu que les facteurs sociaux de la criminalité sont les plus importants, il y a une tendance manifeste a exagérer 1'influence des facteurs économiques. Leur haute importance, qui est incontestable, ne justitie pas du tout 1'oubli de 1'action plus forte ou plus décisive des croyances et des sentiments dans les aberrations de la volonté. Laquelle des deux sources de la criminalité, 1'économique ou la religieuse (ou intellectuelle) est la plus importante? Cela n'est pas a décider. Mais il est beaucoup plus important de savoir dans quelles phases, de quels cötés la vie économique est criminogene. Chaque phase économique, comme p.e. 1'économie domestique ou 1'économic urbaine a sa forme spéciale de criminalité. Mais les transformations politiques et rcligieuses, correspondant ou non aux transformations du mode de production, ont peut-être une part beaucoup plus grande dans la criminalité que les transformations économiques. L'économie domestique p.e. donne naissance a différents crimes dans lesquels aucun facteur économique n'est en jeu; ainsi p.e. 1'uxoricide. Ni la seule pauvreté, ni la seule richesse n'est un éceuil a la probité. Des peuples ou des classes pauvres, habitués a leur pauvreté, sont souvent trés probes, et de grandes différences de richesse n'ont pas non plus besoin de conduire au crime. Mais ce sont les brusques passages de la richesse a la pauvreté et de la pauvreté a la richesse qui sont trés dangereux pour la moralité. „En somme, la criminalité et la moralité d'un pays tiennent bien moins a son ctat économique qu'a ses transformations économiques. Ce n'est pas le capitalisme comme tel qui est démoralisateur, c'est la crise morale qui accompagne le passage de la production artisane a la production capitaliste, ou de tel mode de celle-ci a tel autre mode. Les phénomènes économiques peuvent être envisagés sous trois aspects: i°. au point de vue de leur répétition, qui a trait surtout a la propagation des habitudes de consommation appelées besoins, et des habitudes de travail correspondantes; 2°. au point de vue de leur opposition, qui comprend principalement: les luttes des producteurs entre eux par la concurrence aiguë ou chronique, en temps de grève, pendant les crises de surproduction, — ou bien les luttes des consommateurs entre eux par les lois somptuaires, aristocratiques ou démocratiques, par les monopoles de consommation qu'ils se disputent de mille manières, en temps de famine, de disette, de sous-production quelconque, — ou les luttes des producteurs avec les consommateurs, par leurs tentatives d'exploitation réciproque, lois de maximum ou prix d'accaparement, tarifications municipales ou droits protectionistes, etc; — 3°. enfin au point de vue de leur adaptation, toujours renouvelée et toujours incomplète, qui embrasse la série des inventions réussies, heureuses associations d'idées d'oü procèdent toutcs les associations fécondes des hommes, depuis la division du travail et de 1'échange, association spontanée et implicite, jusqu'aux sociétés industrielies, commcrciales, financicres, syndicales, etc . ..." l) Ce n'est que par le deuxième aspect que la vie économique peut donner une explication directe du crime; celle qui en est donnée par les deux autres n'est qu'une explication indirecte. Cela veut dire que chaque invention donne lieu a un combat mutuel des producteurs et que le progrès de 1'industrie crée la possibilité de satisfaire a des besoins, mais en même temps en fait fortement sentir le manque a ceux qui, faute de moyens, n'y peuvent tout de même satisfaire. Chaque individu doit satisfaire a un ccrtain nombre de besoins qui ont leurs retours marqués. Une société paisible et honnête sera celle dont la grande majorité des individus qui la composent seront en mesure de satisfaire a ces besoins. „Des habitudes régulières de consommation ou de production, c'est la la première condition d'une bonne santé morale, soit collective, soit individuelle, de même que des digestions régulières sont le fondament d'une bonne santé physique. Les irréguliers deviennent facilement des déclassés. Et rien n'est plus contagieux que le désordre." 2) Dc la donc 1'importance pour la criminalité des crises sociales, 1) Compte Rendu p. 199. 2) Compte Rendu p. 200. durant lesquelles la productien et la consommation sont dérangées.') D'après le prof. Tarde, les contradictions sodales, qui sont la crise ckronique des sociétés peuvent être seules causes de la criminalité. Si une société réussissait a éviter chaque contradiction intérieure c'est a peine s'il serait encore question de crime. Nos opinions peuvent toujours s'harmoniser avec celles de notre entourage, tandis que nous lui restons étrangers par nos désirs et nos sentiments. „Le criminel est celui, alors, qui, subissant le conformisme des idéés ambiantes, échappe au conformisme des sentiments et des actes ambiants. II agit contrairement a ses propres principes qui sont ceux de la société." „Ce n'est donc point a une crise sociale qu'il faut remonter, c'est a une crise psychologique qu'il faut descendre, pour expliquer le crime." 2) Les crises sociales sont de deuxnatures: politico-religieuses 011 économiques. A l'opposite de divers statisticiens, qui sont d'opinion que les premières font diminuer la criminalité, 1'auteur est d'opinion que cette diminution n'est qu'apparente, et qu'en réalité le nombre de crimes augmente en ces temps la, ce qui est démontré p.e. pour la France par 1'addition des faits poursuivis et des faits non-poursuivis. Ouant a I'effet des crises économiques, les statisticiens ne 1'ont pas encore examiné, a ce que prétend le prof. Tarde. II lui semble qu'il n'y ait point de paralellisme entre les crises économiques et la criminalité. La lutte des classes, qui nait et grandit durant les périodes de crise, est un grand danger pour la moralité publique, puisqu'elle fait naitre un esprit de classe et par la augmente le mépris des droits des individus d'une autre classe. Cependant la lutte des classes n'augmente pas le nombre des attentats individuels, mais bien celui des attentats collectifs. En résumant, le prof. Tarde est donc d'opinion que les crises sociales en général et les crises économiques en particulier ne sont pas la source unique, ni la source continue du crime. La question de savoir qu'elle est la cause des crises économiques, reste inexpliquée. Pour la résoudre on devrait alléguer toute 1'économie politique. Les causes de ces crises économiques sont en abrégé: i°. une concurrence effrénée; 2°. des catastrophes inattendues. „Ajoutons que ces luttes aigues poussent au suicide plus qu'au crime ; elles sont un facteur du crime bien moins important que les luttes sourdes, les fièvres lentes et continues des époques troublées a la recherche d'un état stable. Et ce sont moins alors les luttes de la production avec elle-même, ou les luttes de la production avec la consommation, que les luttes de la consommation avec elle-même, c'est-a-dire les conflits des besoins accrus, impuissants a se satisfaire a la fois dans les limites des salaires 011 des profits toujours insuffisants, qui sont fertiles en suggestions délictueuses. Ouand le travail ne suffit plus a satisfaire les besoins légitimes par 1'exemple ambiant, le désir du gain sans travail envahit le coeur et devient général. Le seul remède a ce danger serait 1'agrandissement de 1'industrie et sa réorganisation sur un plan plus vaste et mieux concu, si, en même temps que pour un travail moindre chaque progrès 1) Je ne traiterai pas ici ce que dit le prof. Tarde sur «les crises sociales et la criminalité," de G. Richard puisque j'en parlerai plus tard. 2) p. 204. industriel donne plus de richesse, il ne faisait naitrc cncore plus de besoins nouveaux. L'organisation individuelle des besoins, leur Jnerarchisation, vertil d'une certaine unanimité des principes fondamentaux, devra précéder l'organisation sociale des travaux si 1'on veut que celle-ci soit vraiment pacificatrice et moralisatrice." !) Le rapport du prof. Tarde se caractérise par beaucoup d'obser- vations trés justes (ainsi p. e. que chaque phase économique a sa forme particuliere de criminalité; que des transitions soudaines de richesse a la pauvreté, et vice verse, sont plus dangereuses pour la moralité que les changements lents, etc. etc.), mais en même temps et surtout, par une certaine élasticité, un manque de logique serrée. De la qu'il est presque impossible d'en donner une critique en suivant le rapport pas a pas. Voici cependant quelques remarques. Selon 1'auteur il y a deux sources de criminalité, 1'une économique, 1'autre intellectuelle. Je considère que cette distinction n'est pas juste. Chaque crime a une source intellectuelle, dans ce sens, qu'il est un acte concu par 1'intellect. II est donc impossible de voir a cóté de cette source une cause économique. Cependant 1'intellect considéré en lui-mème est vide; c'cst du milieu qu'il doit tirer la matière qu'il transformera en idéés. Par conséquent la question devient celle-ci. jusqu'a quel point le milieu économique est-il cause de la formation de pensées criminelles. Intellect et conditions économiques ne se tiennent donc pas 1'un a cöté des autres, mais 1'un a la suite des autres. Cc n'est cjue se servir d'un lieu commun que de dire que le crime a une source intellectuelle: cela n'explique rien. En lisant les premières pages du rapport on s attend, apres 1'exposé historique qui dit que chaque phase économique a sa forme particuliere de criminalité, a un exposé du système économique actuel, et a un examen pour savoir jusqu'a quel point la criminalité de nos jours s'y rattache. Cela aurait été, je crois, le plus important ^ et aurait servi a faire avancer la question. La plus gravc objection qu on saurait présenter c'est qu il ne L'ait pas fait. Tout ce qui suit n est qu un enchainement de considérations isolées qui ne sont justes qu en partie et dans lesquelles toute la question se trouve réduite a celle des crises économiques, quoique le titre parle de conditions économiques.^ II est inexact que les statisticiens n'auraient pas recherché 1'influence des crises économiques, comme 1'a prouvé le deuxième chapitre de cc travail, dans lequel j'ai analysé les travaux de différents auteurs qui se ont spécialement occupés de ce sujet. Enfin je veux encore fixer 1'attention sur le fait qu'il n appuie par aucune preuve 1'assertion que la lutte des classes prend naissance dans des périodes de crises — ce qui serait sans doute tres difficile! Ce que le prof. Tarde a voulu dire quand il parlait: ,,d agrandissement de 1'industrie et sa réorganisation sur un plan plus vaste et mieux concu" n'est pas clair. Mais il est certain que 1'observation finale qu'il est nécessaire qu'une „organisation individuelle des besoins," précede la réorganisation de 1'industrie restera toujours une utopie. Car c'est i) p. 203-204. tout juste un des phénomènes caractéristiques de notre société actuelle qu'elle a vivement excité la cupidité des hommes, et celle-ci ne disparaitra que quand sa cause aura cessé d'exister. Tous les travaux sur la criminalité du prof. Tarde nous convainquent du grand savoir de leur auteur. Le rapport dont je viens de parler contient aussi des idees qui sont souvent trés originales, mais ceci n'empêche pas qu'il faille avouer qu'il n'a pas beaucoup contribué a la solution du problème dont il s'agit. — III. A. CORRE. Dans le troisième livre de son „Crime et Suicide" 1'auteur traite de 1'influence des conditions économiques sur la criminalité, en commencjant par „travail, salaires et besoins". Le Dr. Corre relève d'abord la vraie condition de 1'ouvrier libre. I'ersonne n'est obligé de lui donner du travail ou du pain, et il est défendu de mendier 011 même de chömer. „II n'est pas d'opinion plus monstrueuse, plus révoltante et plus lache. Elle est un crime social, autant que la plus dangereuse des sottises. Car enfin, il faut être logique. Si vous obligez 1'homme a vivre, en toutes circonstances, d'après ses seuls moyens, au sein d'un milieu ferme, oü les places sont distribuées a 1'avance, les terres partagées jusqu'a leurs moindres fragments, si vous lui refusez le droit a 1'aumöne, après le droit au travail, c est quelque chose comme robligation que vous lui imposeriez de ne pas rester dans la rue, après avoir barre les issues et clos chaque maison. Alors vous 1'acculez au suicide.... ou a 1'attentat: il se tue ou prend chez d'autres ce qu'il na pas chez lui." ') II faut qu'on donne du travail a chacun qui veut travailler, afin qu'il puisse s'entretenir soi-même et les siens, et il faut qu'on apporte du secours aussi bien a celui auquel on ne peut donner de travail, qu'a 1'ouvrier qui ne peut plus travailler par suite de maladie ou de vieillesse. Par contre il faut aussi punir la paresse, ainsi qui le crime professionnel. Le salaire doit être si élevé, qu'il suffise non seulement a satisfaire aux besoins strictement nécessaires, mais encore a d'autres, p. e. a unc éducation progressive, cependant sans éveiller dans la classe ouvrière le désir du luxe qui corrompt toujours les moeurs. Tout en faisant une seule réserve, le Dr. Corre est d'opinion que généralement les salaires sont trés insuffisants, surtout si 1'on prend en considération qu'il y a des temps de chómage, de maladie etc. pendant lesquels on ne gagne rien du tout. La question des salaires est d'une haute importance pour 1'étiologie de la criminalité. Néanmoins, toutes les améliorations de la condition matérielle de la classe ouvrière n'effectueront rien du tout, a moins qu'il y ait en même temps une amélioration morale. Comme d'autres auteurs 1'ont déja prouvé, les prix du pain aussi ont une influence sur le cours de la criminalité. i) p. 412. Dans la rubrique „conditions économiques", il fixe en second lieu 1'attention sur „assistance, épargne, propriété." En examinant 1'influence de 1'assi.stance sur la criminalité dans les départements de la France, on voit que la mendicité et le vagabondage diminuent et que les crimes sont de médiocre fréquence la oü 1'assistance officielle est la plus petite, tandis que la criminalité est assez intensive ou même accroissante la oü 1'assistance est la plus grande. „Ainsi 1'assistance trés réduite comporterait moins d'inconvénient que la plus large. Telle est 1'interprétation que donne a 1'esprit la comparaison des statistiques économiques et judiciaires. L'excès dans le secours, difficilement séparable d'une mauvaise répartition, aurait donc une influence démoralisatrice; il énerve et stérilise et ses fruits apparaitraient plus amers, s'il était possible de dévoiler tous les petits secrets de 1'assistance, sous les mille formes qu'elle revêt." ') „L'épargne élargit le champ des besoins du travailleur, lui donne la sécurité pour 1'avenir, affermit son indépendance vis-a-vis de 1'Etat, sa dignité vis-a-vis des autres citoyens; elle lui permet d'entourer sa familie d'une plus grande sommc de bien-être, et par 1'instruction d'élever ses enfants dans la hiérarchie professionnelle. Elle est donc utile et moralisatrice." 2) ') P- 43°2) P- 43'- Cependant, 1'épargne exagérée est trés préjudiciable a la moralité. Car elle dégénéré en avidité et devient ainsi cause de crimes. On trouve souvent le nombre moyen de déposants dans les caisses d'épargne particuliéres dans ces départements qui fournissent le chitfre le moins élevé de crimes. Les départements avec des chiffres de déposants au-dessus et en-dessous de ce nombre moyen ont ordinairement des chiffres de criminalité élevés. „L'on peut critiquer, du fond d un cabinet, lc mot célèbre de Proudhon: „lil propriété c'ast lc vol! Lc réfuter serait parfois difficile. Je n'entends pas dire que toute propriété soit un vol, mais je soutiens que la propriété, dans une mesure a fixer, 11 est pas autre chose. Telle qu'elle est organisée chez nous, elle est souvent immorale et 1 un des facteurs les plus énergiques de 1'attentat anti-social, latent ou objectif. ') D'après 1'auteur celui qui possède est un soutien de 1'état. C'est pour cela que le nombre des petits propriétaires doit être augmenté, même si cela n'est possible que par le partage de la grande propriété, qui s'est pourtant presque toujours formée par des moyens immoraux: par des „pilleries," par le payement de salaires trés bas dans 1'industrie, par ïe jeu etc. „Toutes sont le fruit d'une habilcté ou d'un défaut de scrupule, a leur point de départ, qui n obtiendra jamais la sanction d une collectivité vraiment équitable; a leur éclat, qui narguc la misère, les cupidités s'allument et les sourdes colères des revendications se mettent a germer. Comment faire accepter, a des gens qui n'ont rien et s'épuisent en vains efforts pour gagner le strict nécessaire, le droit de possédcr tout, chez des gens qui ne besognent guère_ ou s occupent a samuser. On aura beau parler de prescription, la conscience se révoltcia devant une doctrine qui consacre la propriété dans lc vol au-dela d un certain temps d'impunité, et aboutit a cettc déclaration cynique: tout objet, toute terre, accaparés par un crime, est la légitime possession du bandit, si pendant 5, 10, 20, 30 années, il réussit a se préserver des atteintes de la loi."2) Non seulement la propriété a été souvent acquise d'une manière illicite, la transmission aussi est immorale. Car c est par elle qu'il y a des personnes qui obtiennent une grande fortune, qu'elles 11'auraient jamais pu gagner par leur travail. II serait plus préférable de faire échoir les fortunes particuliéres, déduction faite d'une partie qui resterait a 1'épouse et aux enfarits, a 1 Etat „pour subvenir aux besoins des individus utiles et stérilisés par la misère, pour renforcer le travail collcctif." De telle manière une prospérité générale remplacerait les grandes richesses; celle-la fera augmenter le sentiment de solidante, tandis que celle-ci reveille la cupidité dans les hommes et les pousse a commettre des crimes. Les départements les plus riches donnent aussi les plus hauts chiffres de criminalité. Par la suppression ou la limitation de 1'héritage on supprimerait aussi les nombreux crimes contic la vie qui en résultent. Non seulement la cupidité, qui mainte fois conduit au crime, est éveillee par 1'appat de 1'héritage, mais aussi, par le jeu. Dans le sixième chapitre, dans lequel le Dr. Corre exannne 1 impor- 1) p. 434—435- 2) P- 436- tatice relative des principaux facteurs sociologiques, il résumé son opinion sur 1'influence des conditions économiques sur la criminalité. Un trop grand bien-être et une trop grande misère sont, tous les deux, cause de crimes. „Le premier corrompt et la seconde dégrade; tous les deux poussent a 1'attentat par l'amoindrissement des résistances vis-a-vis des sollicitations qui promettent la satisfaction des besoins fictifs ou réels, et, quand ils s'exaltent face a face, dans le même milieu, donnent plus de vigueur momentanée aux impulsivités mauvaises, plus de violence aux conflits. Le repu par la satiété des jouissances vit dans 1'immoralité; renforcé dans son égoisme, il 1'étale et ses dédains redoublent les convoitises et les haines jalouses chez 1'affamé." ') Voila pourquoi la classe agricole, oü règne un médiocre bien-être, est la moins criminelle. Le moyen par lequel la condition est a améliorer est complexe: „il n'est pas tout entier dans la solution des questions de salaires; il est surtout dans un meilleur système de moralisation des masses, dans la réduction des influences qui les sollicitent a 1'imprévoyance et a la paresse, les conduisent a 1'ivrognerie et a 1'alcoolisme." 2) — La deuxième partie de ce travail démontrera suffisamment pourquoi, d'après moi, le traitement est confus et incomplet, malgré la justesse de quelques observations faites par le Dr. Corre a propos du sujet qui m'occupe. La critique de 1'auteur sur 1'organisation de la société actuelle est petit-bourgeoise; il n'attend le salut que de l'augmentation de la petite proprieté et espère d'elle qu'elle rendra 1'humanité plus heureuse. Cependant, le développement de la grande industrie me porte a croire que 1'accomplissement de eet espoir ne se fera jamais. — i) p. 561. *) p. 568. IV. L. MANOUVRIER. De tous les adhérents de „1'hypothèse du milieu", le prof. Manouvrier est sans doute celui qui a exposé cette doctrine de la manière la plus claire. Etant anthropologue il est évident qu'il n'a pas porté son attention plus spécialement a 1'influence des conditions économiques sur la criminalité. Mais il me parait que tout ce qu'il en dit en combattant la théorie du prof. Lombroso et en défendant celle du „milieu", est de la plus haute importance. Je résumerai donc sa „Genèse normale du crime" ') et le ferai en citant, autant que possible, ses propres paroles, afin de ne pas nuire a leur importance. Ouoiqu'il n'y ait point de connexion entre la doctrine du prof. Lombroso et ses adhérents et ce travail, je serai forcé de suivre sa démonstration tout entière, a cause de 1'entrelacement de la réfutation des théories de 1'école italienne et 1'exposition détaillée de la doctrine du „milieu". La doctrine de 1'innéité du crime et la phrénologie de Gall et Spurzheim se tiennent de prés. Gall était d'opinion d'avoir découvert dans le cerveau les organes de 1'homicide et du vol, sans pourtant nier pour cela 1'importance de 1'ambiant, ainsi il expliquait un cas de vol au moyen des circonstances, quand la bosse du vol manquait a un voleur. Cette doctrine a été entièrement supplantée par les théories de Lamarck et de Darwin. „Au lieu d'attribuer au milieu le róle d'un simple joueur d'orgue de Barbarie, Lamarck voyait en lui un musicien véritable, jouant sur l'instrument des airs quelconques suivant la complexité et les qualités de celui-ci. Bien plus! la qualité et les dispositions de l'instrument pouvaient être modifiées, transformées sous 1'influence de ce musicien merveilleux et de la musique exécutée. C'était la ruine de la craniomancie. Les diagnostics de la phrénologie se trouvaient limités du coup et pour toujours aux facultés, aux dispositions élémentaires que Gall et Spurzheim avaient tenté vainement de découvrir et qui comportent 1'éxécution d'actes indéfiniment variables. Les phrénologistes avaient raison de rattacher les „propriétés de 1'ame et de 1'esprit" a 1'organisation, mais ils se trompaient dans leur facon 1) Voir aussi du même auteur: »Lcs cranes des suppliciés»Les aptitudes et les actes", «L'atavisme et le crime" et ses rapports aux Congrès d'Anthr. Crimin. de Paris et de Bruxelles. de rattacher des actes tels que le vol et le meurtre a des causes organiques, comme si ces actes eussent eu la valeur de véritables fonctions irréductibles." ') Malgré le lien entre la phrénologie et 1'école positiviste, celle-ci ne s'appuie pas sur la doctrine nommée rnais sur la théorie transformiste, c. a. d. sur la doctrine qui fixe 1'attention justement sur le milieu. La cause en est que Terreur fondamentale qui forma le point de départ de la phrénologie est encore universellement répandue. „Cette erreur consiste a croire que des actes définis sociologiquement, comme les crimes, peuvent être rattachés a la conformation anatomique sans avoir été ramenés préalablement, par 1'analyse psychologique a leurs éléments physiologiques, les seuls qui relèvent directement de 1'anatomie, soit normales soit pathologiques. La même erreur consiste a confondre les combinaisons d'aptitudes formées sous 1'influence du milieu et les aptitudes élémentaires résultant de 1'organisation native ou de ses modifications successives. La même erreur conduit a méconnaitre ce fait capital: que deux individus semblablement conformés peuvent être amenés par suite d'influences de milieu dissemblables, subies depuis leur naissance, a se conduire de facons différentes et même entièrement opposées, sans que leurs actes cessent jamais, pour cela, d'être conformés a leur constitution anatomique." 2) C'est un fait bien connu aux biologues que chez les êtres vivants il se présente souvent des qualités qui ne se présentaient pas chez leurs ascendants directs mais bien chez des générations plus lointaines. Cette réapparition de ces qualités est nommée „atavisme". On a cependant beaucoup exagéré son importance, et 1'on en a fait une parole magique, avec laquelle on croyait pouvoir tout expliquer, aussi en matière de crime. On a raisonné comme suit: le crime est un des phénomènes ordinaires chez les sauvages et doit donc 1'avoir été aussi chez les ancêtres des peuples civilisés. On observe que chez les criminels de nos jours, on remarque plus de stigmates anatomiques indiquant 1'atavisme, que chez les non-criminels, par conséquent le crime est un phénomène d'atavisme! II y a dans ce raisonnement de nombreuses erreurs: „Puisqu'il s'agit ici du crime, il faudrait d'abord savoir ce qu'on entend par crime, en donner une définition permettant de savoir a quoi le crime peut correspondre physiologiquement et a quel ordre de caractères anatomiques pourrait correspondre la tendance physiologique aux crimes. Considérés en eux-mêmes, ces actes supposent seulement 1'existence d'une conformation permettant, et de besoins réclamant leur accomplissement. Si une telle conformation et de tels besoins physiologiques n'existaient plus a 1'état normal chez les peuples civilisés, oü néanmoins les actes en question sont fréquents, il y aurait lieu de rechercher sur leurs auteurs des caractères anormaux, non pas n'importe lesquels, mais des caractères que 1'anatomie et la physiologie permissent de rattacher a ces aptitudes et a ces besoins devenus anormaux". 3) Parmi les stigmates anatomiques observés chez les criminels emprisonnés il y en a plusieurs qui, considérés en eux-mêmes, n'ont rien d'anormal; aucun d'entre eux 11e pourrait servir a caractériser des 1) p. 408—409. 2) p. 409—410. s) p. 414-415. criminels. On trouve souvent p. e. que des assassins ont des machoires relativement larges, et qui sont ordinairement aussi uil indice d une conformation disposant a la brutalité; „mais cette brutalité est absolument de mêine ordre que celle de 1'homme comparé a la femme; c est uii caractère masculin, et la conformation masculine est indubitablement favorable aux crimes de violence beaucoup plus que la conformation féminine; mais il arrivé heureusement que la plupart des hommes, dans les pays civilisés, vivent dans des conditions oü leur brutalité naturelle ne les empêche pas d'être des citoyens trés paisibles, encore qu il soit imprudent de les molester. Les hommes trés vigoureux sont ordinairement doués de mandibules carrées et trés solides; ce sont des hommes d'attaque et de défense, qui peuvent être fort utiles a la société ou fort nuisibles, suivant les cas. Portés a agir vigoureusement et brutalement, ils peuvent 1'être, mais enclins au crime ils ne le sont pas plus que les hommes a petites machoires dont la douceur est souvent 1'effet de la faiblesse musculaire, et que, pour être peu portés a frapper, a enfoncer les portes n'ent savent pas moins être brutaux et violents a leur manière."J) . . Cependant on pourrait croire que ces caractères anatomiques, quoique pas dangereux en eux soicnt tout de même un indice du penchant de celui chez lequel ils sc présentent a agir comme les sauvages. Mais ce n'est pas le cas; ces caractères „sont des accidents morphologiques purement locaux et compatibles avec la plus heureuse conformation. Mais cela ne veut pas dire que toute particularité doit rester inutilisée. Ainsi il y a p. e. des hommes qui savent mouvoir le pavillon de 1'oreille. „Si le meurtre et le vol étaient des actes aussi peu compliqués et aussi peu importants que celui de mouvoir le pavillon de 1 oreille, et si ces actes devenus criminels ne supposaient pas des coordinations anatomiques et psychologiques trés complexes ; s'il y avait, en d autres termes comme le supposait Gall, des organes cérébraux spécialement et nativement agencés pour le meurtre et le vol, on pouirait croiie que la seule présence atavique de ces organes constituerait une tendance a commettre ces crimes; mais ni 1'analyse anatomo-physiologique, ^ ni la psychologie ne justifient aujourd hui une conception aussi simpliste . -) Et puis, il n'est pas prouvé que le meurtre et le vol étaient habituels chez nos ancêtres; il n'y auront eu recours que quand la nécessité les y forcait, tout comme 'chaque homme bien conformé de nos jours. Considérés a un point de vue anatomique les moyens de nuirc a nos semblables ont diminué ; par contre nous disposons maintenant d autres moyens (armes a feu etc.). „Quant au besoin de jouir et de vivre, il 11 a pu que s accroiti e, et jamais les convoitises n'ont pu être plus excitées que dans nos sociétés civilisées. Jamais la tentation de s'approprier le bien d autrui n a pu être plus forte, plus fréquente. La civilisation tend a développer les besoins et les appétits, d'oü cette extension colossale des moyens de répression et de coercition employés dans les pays policés pour rendre périlleuses les tentatives criminelles, pour que le crime 11e soit pas un moyen trop ') p. 416—417. 2) p. 418-419. commode d'acquérir le bien-être. Hormis les cas purement pathologiques, le criminel est mü par des besoins, par des défauts qui n'ont rien d'extraordinaire; quand un homme a intérêt ou croit avoir intérêt a commettre un crime, il met en jeu les aptitudes musculaires et cérébrales que possède tout homme normal, les mêmes aptitudes élémentaires que celles dont il etit pu se servir dans d'autres circonstances pour poursuivre et punir un criminel." ') Quelques faits biologiques s'expliquent par 1'atavisme; leur explication reste cependant mystérieuse. Mais 1'atavisme perd toute son importance comme moyen d'explication du moment qu'on sait expliquer un fait par des causes actuelles, comme c'est le cas pour le crime. „On comprendrait encore qu'il füt question de tendances ataviques si les assassins tuaient pour 1'unique plaisir de tuer, si les voleurs volaient pour le plaisir de voler; or le vol et le meurtre ne sont, on le sait bien, que des moyens dont 1'emploi est qualifié „traval/" par les criminels de professions. S'ils préfèrent ce genre de travail, c'est paree qu'il est beaucoup plus expéditif et moins pénible que le travail régulier." 2) On pourrait objecter ici que 1'horreur du sang étant propre a la plupart des hommes il falla.it recourir quand même a 1'atavisme pour expliquer le meurtre. Cette horreur du sang subsiste assurément dans la plupart des hommes, mais seulement autant que leur intérêt 1'exige. Pas un seul chirurgien, ou boucher ou équarrisseur ne fait son métier sanglant par atavisme, mais seulement puisqu'il y est forcé par ses intéréts. Plus d'un bourgeois-né croit bien qu'il ne mangerait jamais de viande plutót que de devoir tuer lui-même un boeuf, mais ce n'est qu'une pure illusion ou une inconsciente hypocrisie. Car il le ferait sans doute, s'il ne pouvait gagner sa vie d'une autre manière. Est-ce que la bourgeoisie ne fait pas fusiller ses concitoyens inofifensifs qui se sont révoltés contre une condition sociale que personne n'oserait nommer idéale ? Est-ce qu'elle 11e fait pas mitrailler des peuples sauvages pour partager leur pays; ou est-ce qu'elle ne fait pas la guerre a d'autres états, pour protéger des intéréts comrr.erciaux ? On objectera peut-être que tous ces faits ne sont point des crimes; question de définition, mais ce sont assurément bien des équivalents du crime. „Ce n'est pas seulement dans les prisons que 1'on trouve des criminels-nés; nous le sommes tous, si 1'on veut entendre par cette expression abusive la possession des tendances héréditaires a jouir, en cas de besoin, au détriment de ses semblables. Les crimes humains auxquels je viens de faire allusion indiquent surtout la cruauté et la férocité de 1'espèce et des collectivités ethniques, sociales ou autres. Quant aux équivalents individuels du crime, je rappellerai encore qu'ils ne sont pas difficiles a découvrir dans la conduite des honnêtes gens, dont la plupart ne se gênent guère pour user de moyens tout aussi nuisibles et immoraux que ceux dont usent les uomini delinqucnti. Les équivalents du crime chez les honnêtes gens présentent, il est vrai, le grand avantage de rester plus ou moins inapercus du code pénal, de la police tout au moins et des psychologues de la Nouvelle-Ecole. mais ils n'en sont pas 1) p. 419. 2) p. 429. moins reconnus comme immoraux et nuisibles par ceux-la mêmes qui y ont personnellement recours, et ils sufifisent a montrer de quelle facon se conduiraient les honnètes gens si les conditions dans lesquelles ils vivent et ont vécu ne les éloignaient du crime selon la loi avec autant de force que d'autres y sont poussés par les conditions de milieu opposées." •) Après avoir fait de plus amples observations sur la question que les professions cruelles et répugnantes sus-citées ne sont pas exercées par suite de penchants atavistiques, mais seulement par nécessité, 1'auteur termine cette partie de son article comme suit: „II n'en reste pas moins une énorme difïférence entre le meurtre d'un animal et celui d'un homilie, au point de vue moral, cela va sans dire, et aussi au point de vue des motifs généralement propres a détourner du meurtre. Mais il faut remarquer que ces motifs se rattachent a des influences de milieu extremement variables et qui, pour trop de gens, sont considérablement diminués en même temps que remplacés par des influences de milieu opposées. La plupart des assassins ont recu une certaine culture appropriée a la conception du meurtre et a sa réalisation simplement facilitée par leur conformation nullement exceptionnelle. Des besoins trés ordinaires les poussent ensuite et c'est la férocité qui manque le moins. S'il suffisait a qui que ce soit de tourner le pouce dans sa poche pour supprimer un ennemi ou un gêneur, nous n'aurions plus qu'a faire tous nos efforts pour n offenser et ne gêner personne. Déja trop d'honnêtes gens peuvent ordonner des meurtres qu'ils ne seraient pas assez courageux pour exécuter. Félicitonsnous de ce que 1'intérêt détourne du meurtre bien plus souvent qu'il n'y poussc, car tout homme normal possède cérébralement et musculairement les qualités ou défauts nécessaires pour concevoir, préparer et exécuter le crime. Pas n'est besoin, je le répète, d invoquer le retoui aux instincts animaux par atavisme. La continuité de 1'hom me et des animaux est bien plus parfaite que ne le prétend 1'école atavistique. L'homme est toujours un animal; le plus dangereux de tous paree qu'il est le plus intelligent et paree qu'il peut utiliser ses facultés de toutes sortes d'une facon nuisible ou utile a ses semblables, suivant son intérêt. Faire en sorte que tout homme ait toujours plus d'intérêt a être utile a ses semblables qu'a leur nuire, voila la formule a appliquer. Le progrès sous ce rapport serait plus rapide, sans cette funeste prédilection pour les causes occultes qui pousse encore tant d excellents esprits a chercher dans les nuages des explications qu'on a sous la main, mais qui demandent pourtant a être trouvées la oü elles sont. Ces instincts féroces qui semblent „revenir" de 1'autre monde en temps de révolution ou dans les rixes, ne reviennent pas le moins du monde attendu qu'ils n'ont jamais disparu. Ils 11e se sont pas inanifestés pendant un certain temps chez 1'individu ou dans la familie paree qu il n'y avait pas besoin qu'ils se manifestassent; ou bien ils se sont inanifestés de facons relativement peu dangereuses, en rapport avec des circonstances ordinaires et relativement favorables a la tranquillité. Mais vienne, chez n'importe qui, le besoin d'une „mobilisation des forces défensives ou offensives" alors la mobilisation a lieu et 1 homme le plus i) p. 431—432- 15 civilisé apparait sous la forme dc 1'animal dangereux qu'il n'a jamais cessé d'être, heureusement pour lui et pour son espèce. Cet homme que vous prenez pour un revenant par atavisme ne vous parait tel que paree que vous n'avez pas su reconnaitre sous leur forme anodine, chez vous et chez les autres, la brutalité et 1'égoisme fondamentaux de 1'espèce humaine. Malgré les conditions civilisatrices au milieu desquelles vous avez vécu, malgré les habitudes paisibles que vous avez contractées et toute 1'horreur que vous inspirent les habitudes opposées dont vous craignez d'être victime, il suffirait que vous fussiez vous-même sollicité un peu vivement par un ensemble de circonstances facheuses pour devenir, vous aussi, un individu dangereux. Quand on veut étudier le crime en anthropologiste et en psychologue, il ne faut pas craindre de regarder la vérité en face, et il importe de purger préalablement son esprit, autant qu'on le peut, des illusions de 1'amour-propre et des conventions mensongères." ') Ensuite le prof. Manouvrier critique d'une manière aussi juste que spirituelle 1'hypothèse de „l'homme délinquent". II démontre que, d'après la méthode de la „nouvelle Ecole", on pourrait aussi bien composer un travail sur „l'homme chasseur" plein d'observations scicntifiques sur son argot, sur ses fanfaronnades etc. etc., bref sur toutes sortes de signes qui devraient indiquer que le goüt pour la chasse est un phénomène atavistique. L'explication du crime par 1'atavisme, est aussi peu vraie que ceci, car tous deux peuvent trés bien être expliqués par le milieu. Si 1'on tient absolument a 1'expression de criminel-né, l'homme en est un, comme le chien est nagcur-né. Chaque chien sait trés bien nager, ce qui n'empêche pourtant pas que nombre de chiens ne nagent jamais, puisque ordinairement il existe une manière plus commode pour passer 1'eau. De la même facon chaque homme est criminel-né, mais la plupart des gens ne sont pas criminels, puisque cela leur est plus avantageux que le contraire. „Que les influences éducatrices subies pendant toute la vie et surtout pendant 1'enfance, que les sollicitations de 1'intérèt soient extrêmement variables suivant les circonstances et pour les différents individus; que les influences éducatrices et les sollicitations de 1'intérêt se réunissent trés généralement pour motiver la conduite criminelle et la conduite honnête, c'est ce que personne n'ignore et c'est ce qui gouverne continuellement la manière d'agir de chacun dans ses rapports avec les autres; c'est ce qu'il ne faudrait pas oublier lorsqu'il s'agit d'anthropologie, anatomique, physio-psychologique ou sociologique. On ne 1'oublie guère dans la vie courante. Tous autant que nous sommes, nous savons que notre facon de nous comporter, quelque soit notre caractère fondamental et quelles que soient les habitudes honnêtes que nous avons pu contracter, pourrait varier considérablement sous 1'influence de changements dans notre milieu et proportionnellement a ces changements. II est telle tentation a laquelle l'homme le plus austère redouterait fort d'être exposé, a laquelle il ne s'exposera jamais volontairement, paree qu'il sait que les penchants, prétendus ataviques et tout simplement humains, imputés i) p. 434—436- aux criminels, ne font pas défaut chez lui. Ces penchants qui ont trouvé d'abondantes et honnêtes satisfactions pendant de longues années en deviennent d'autant plus redoutables, et risqucnt fort de devenir criminels dès que disparaissent les moyens de satisfaction légale. L homme a qui ces moyens viennent a faire défaut se trouve dans une situation bien plus dangereuse, au point de vue de la criminalité, que celui qui a été habitué aux privations." ') Le prof. Manouvrier commence la dernière section de son étude en se demandant: quelle est donc la signification des particularités anatomiques, observées chez les soi-disant criminels-nés. „Ce qui est vrai ou tout au moins probable, c'est que 1'on trouve dans une série de criminels de la catégorie emprisonnée plus de caractères inférieurs ou anormaux que dans une série de gens quelconque. Mais cela ne prouve en rien que ceux d'entre les criminels qui présentent de tels caractères aient été prédestinés au crime par leur conformation. Ceux qui sont bien conformés n'en ont pas moins été criminels et, d'autre part, les honnêtes gens porteurs de caractères criminalisês n'en sont pas moins restés honnêtes. La vérité, c'est que la „nouvelle école" n'a considéré comme criminels que le rebut de cette catégorie, les prisonniers, de même que lorsqu'elle a voulu dépeindre les prostituées, clle a opéré sur de pauvres filles syphilitiques ayant séjourné au moins trois ans dans des lupanars, c'est-a-dire sur le rebut d'un rebut. Dans quelles conditions familiales et sociales se trouvaient ces criminels et ces prostituées pendant leur enfance et après, c'est cc qu'il est facile d'imaginer quand on a seulement entrevu les bas-fonds des villes industrielles. Pour échapper au crime et a la prostitution ou a la mendicité quand on a été élevé dans des milieux pareils, il faudrait avoir des vertus extrêmement rares chez les honnêtes gens, d'autant plus qu'aux sollicitations provenant de la misère et du luxe environnant se joint ordinairement 1'exemple et même cette éducation d'un genre particulier que 1'on peut appeler 1 éducation criminelle. On peut bien résister a tout cela pendant quelque temps, mais il n y a que le premier pas qui coüte. Les qualités elles-mêmes que 1 on possède deviennent des causes de crime. On pourrait même soutenir que les qualités physiques poussent au crime plus énergiquement que les défauts, une fois réalisées les conditions extérieures favorables au crime. -) Le fait qu'on trouve généralement plus d'individus inférieurs parmi les criminels emprisonnés que parmi les autres hommes, doit être attribué aux deux circonstances suivantes: i°. que les criminels qui ne sont pas arrêtés doivent leur liberté en général a cc qu ils sont mieux doués, ct 2^. que dans toutes les classes sociales il s accomplit une sélection, par laquelle les mieux constitués possèdent toujours les moyens d existence les plus avantageux et les moins pénibles, tandis qu aux moins privilégiés échoient les professions infimes „et finissent tót ou tard pat tomber dans un fossé commun oü les influences qui poussent au crime atteignent leur maximum de fréquence et de puissance, tandisque les motifs qui en éloignent s'affaiblissent proportionnellement. Ceux qui ont connu un i) p. 445-446. 2 p. 449—450. plus grand bien-être préfèrent parfois le suicide au crime; mais ceux qui sont nés dans le fossé, ne connaissent pas d'autre vie et sont par conséquent amenés au crime. Ce qui est beaucoup plus étonnant que le crime c'est le fait que les ouvriers travaillent courageusement et patiemment durant dix ou douze heures par jour et, malgré cela, ne mènent qu'une vie misérable. La cause en est que, dès leur enfance, ils n'ont jamais connu autre chose que le travail et ont toujours dü se contenter d'amusements trés simples. II va sans dire qu'un homme est plus porté a commettre des crimes qu'un autre, quoique les conditions dans lesquelles ils vivent tous les deux soient les mêmes, de menie qu'un athlète usera plus vite de violence qu'un être faible. Mais 11 est pas une raison pour déclarer la force un facteur du crime, attendu, qu'elle sert aussi a des actes trés utiles. Quelques actes qui contrarient le bon fonctionnement de la société, ont été nommés anormaux pour cela, et normaux ceux qui le favorisent. Cependant il n'est donc pas permis de transférer cette distinction sur le domaine biologique et de qualifier le criminel d'anormal. „Des aptitudes trés normales physiologiquement peuvent étre employées a des actes également normaux physiologiquement, mais qui, au point de vue social, seront qualifiés anormaux comme étant contraires a la prospérité sociale. Encore est-ce la un abus du terme anormal, paree que les sociétés actuellcs comportent dans leur fonctionnement normal d'innombrables causes de conflit entre leur propre intérêt et les intéréts individuels. Et de méme que les facheuses conséquences de nos erreurs nous font souvent reconnaitre la vérité, les crimes servent bien souvent a indiquer aux sociétés les réformes qu'elles doivent accomplir pour se perfectionner. Chaque individu a des besoins a satisfaire, besoins primordiaux ou secondaires qui peuvent se compliquer a 1'infini et revétir des formes d'autant plus variées que le milieu ambiant se complique dayantage. Or il arrivé, dans toute société, et surtout dans les sociétés trés civilisées, que les différents individus ne rencontrent pas les mêmes facilités et ne possèdent pas d'ailleurs les mêmes moyens d'action. II y a disproportion évidente entre les besoins existants et les moyens anodins de satisfaction, d'oü la lutte pour 1'existence et le bien-être. Dans notre appréciation de la valeur intrinsèque des criminels, nous ne devons pas négliger de tenir compte de ce fait: que la plupart des honnêtes gens ne se privent d'aucune des jouissances qui sont le but des criminels et que la plupart des criminels auraient eu besoin, pour échapper au crime, de vertus trés rares. Parmi les moyens légaux de satisfaction offerts par la société, il en est de faciles et agréables, entre autres celui qui consiste a toucher les rentes du capital amassé par ses parents. II en est aussi de difficiles et pénibles qui sont lc lot de ceux que 1'hérédité pécuniaire n'a pas assurés contre la soi-disant hérédité criminelle. I our partager légalement les jouissances dont ils sont témoins, ceux que 1'on nomme les déshérités de la fortune doivent faire des efïforts dont les rentiers-nés n'ont aucune idée. C'est pourquoi, si ces déshérités cherchent a prendre des chemins de traverse; il faut, avant de les considérer comme des êtres monstrueux, se demander si on eüt été capable soi-même, dans des conditions identiques, de se maintenir dans la voie légale. La lutte pour 1'existence et le bien-être est réglée par les lois sodales. Si celles-ci étaient parfaites, chaque individu pourrait satisfaire a ses besoins dans une mesure équitable, c'est-a-dire dans la mesure de ses facultés, de son travail et des services qu'il rend a la communauté. Les crimes seraient diminués alors dans une énorme proportion, mais ils ne seraient pas supprimés, car il y aurait encore des compétitions inévitables et 1'on n'arrivera jamais, vraisemblablement, a obtenir d une part que chaque individu contracte exclusivement les besoins que sa valeur sociale lui permettra de satisfaire légalement, et d'autre part qu il possède assez de vertu pour renoncer a la satisfaction des besoins, même factices, qu'il aura une fois contractés, sans pouvoir remplir les conditions que la loi la plus juste aura imposées pour cette satisfaction." ') La loi pénale est un des moyens qui ont en vue de combattre la satisfaction illegale des besoins. Chacun sait que ce moyen n atteint pourtant pas toujours le but visé. La loi penale ne pioduira en effct une diminution de la criminalité que lorsqu elle aura effectué de profondes modifications pénales et pénitentiaires, c. a. d. quand punition ne voudra plus dire que réaction utile et nécessaire contre des actes nuisibles au bonheur de la communauté et au développement de la société. II est a constater qu'il y a, a cóté de la genèse normale du crime, qui est 1'ordinaire, une genèse pathologique, c. a. d. 1'extraordinaire. L'atavisme n'a rien a faire avec cette genèse pathologique. „II est fort inutile de faire intervenir des tendances atavistiquement rappelées par la dégénérescence pathologique pour expliquer les facheux efïfets de cette dégénérescence et des maladies mentales sur la manière d agir des dégénérés et des malades. Le moindre trouble fonctionnel suffit pour altérer nos sensations, notre jugement, nos imaginations, nos délibérations et, par conséquent, pour nous faire agir de travers." -) La théorie de 1'innéité du crime par atavisme est donc tout a fait erronée. „II serait malséant, de ma part, de la faire remonter, par atavisme, au pcchc ofigiiiel et a la voix du sti/ig des anciens mélodrames. Je ne dirai même pas qu'elle dérive par la tradition, qui est une influence de milieu, de 1'ancienne doctrine phrénologique, bien que ce soit une erreur du même genre. Les erreurs, en effet, sont comme les crimes: elles n'ont pas besoin de l'atavisme, ni de 1'hérédité immédiate, ni même de la tradition pour se répéter. Causes d'erreur ou causes de crime, les sources sont loin d'en être taries. Elles coulent toujours abondamment. II est nécessaire, en science, de réagir contre les erreurs et, en société, de réagir contre les crimes. Mais il ne faut jamais oublier que tout homrne est exposé, trés normalement, a commettre des erreurs et des crimes." 3) Je ne ferai que quelques observations quant a 1'étude du prof. Manouvrier, travail qui, selon moi, est un des meilleurs, pour ne pas dire le meilleur, sur la genèse du crime et qui, dans ses cinquante pages environ, cxplique plus que maint grand travail de centaines de pages. p. 452—453P- 455s) p. 456. En premier lieu ceci: le prof. Manouvrier constate que de nos jours les besoins augmentent fort, et il croit que la civilisation en est la cause. Je suis d'opinion que cette dernière assertion n'est pas exacte et que la civilisation n'a rien a y voir. Beaucoup d'écrivains commettent cette erreur de confondre civilisation et mode de production actuel, et c'est justement pour cctte raison qu'il est utile et nécessaire de la relever et de la combattre. Tous les maux qui ont etc suscités aux peuples de 1'Afrique et de la Chine, la guerre, 1'alcool, une religion qui ne leur plait pas etc. etc., tout cela est nommé d un noni collectif „civilisation". En réalité ceux-la sont des barbares, ceux qui ont répandu toutes ces calamités dans ces pays, ceux qui ont essayé de détruire une véritable civilisation séculaire comme celle de la Chine. Ce n'est pas un instinct civilisateur qui a poussé les états européens a une politique d'expension, mais bien la cupidité, 1'avidité du gain de la classe possédante, qui cherche un nouveau débouché pour ses marchandises, donc en un mot, lc mode de production d'a présent: le capitalisme. II en est de même pour ce qui concerne 1'augmentation incessante des besoins; c'est le systême actuel qui crée les besoins. Sans cesse on invente de nouveaux moyens afin de se procurer des profits, et c est seulement dans ce but aussi qu'on fait des inventions qui, en grande partie sont inutiles, souvent nuisibles même. Et d un autre cöté il y a une categorie de gens qui saisissent tous les moyens, même les plus ridicules, pour passer le temps et qui disposent de revenus pour se procurer ces moyens. Et ces besoins naissent aussi chez d'autres personnes, et 1'impossibilité de pouvoir y satisfaire les rend plus avides. Par conséquent ce n'est pas la civilisation, mais le capitalisme qui doit être désigné comme cause de ce phénomène. En second lieu, le prof. Manouvrier croit que la criminalité diminuerait énormément, sans pourtant disparaitre entièrement, si les lois sociales étaient parfaites, c. a. d. si chaque individu pouvait satisfaire a ses besoins selon ses facultés, son travail et les services rendus par lui a la communauté. Cette opinion est, selon moi, tout a fait juste; mais la maxime de Saint-Simon „a chacun selon ses capacités, a chaque capacité selon ses ceuvres", qui, d'après le prof. Manouvrier, est parfaite ne 1'est pas d'après beaucoup d'autres, quoiqu'elle soit supérieure a la distribution existante des biens. On peut opposer a cette règle: „que chacun travaile selon ses facultés et ses forces, et recoive selon ses besoins." Füt-elle réalisée, le crime serait devenu une chose presque inimaginable. Beaucoup de gens sont d'opinion que pareille chose ne pourra jamais se réaliser. Mais ceux-la oublient que c'est exclusivement par 1'ambiant que se sont formées les énormes différences des besoins (la femme d'un milliardaire a peut-être mille fois plus de besoins que celle d'un prolétaire). Si ces deux personnes étaient nées et avaient été élevées dans des milieux identiques, les besoins de 1'une seraient a ceux de 1'autre peut-être comme i a 3, mais certainement pas plus, ou même moins. Et puis, ceux qui croient a la future réalisation d'une distribution selon les besoins, sont d'opinion (se flattant de pouvoir le prouver) si dans 1'organisation actuelle de la société 1'égoisme est omnipotente, le sentiment de solidarité sera tellcment fortifié chez les hommes dans une future organisation sociale, que l'homme doué de grandes facultés et de beaucoup d'énergie n'enviera pas a son semblable moins doué la satisfaction de tous ses besoins. Je voudrais en même temps faire encore une remarque concernant 1'école du milieu en général, remarque qu'il ne faudra pas considérer comme une cntiquc, «.ar je suis parfaitement d'accord que c'est 1'ambiant qui fait naitre le criminel. Voici cette remarque: il ne suffit pas, pour le traitement de la question de la criminalité, de fournir la preuve a 1'assertion que la cause du crime n'est pas inhérente a 1'homme, mais il est aussi nécessaire de démontrer sous quels rapports le milieu est criminogène, et de quelle manière on peut 1'améliorer. Or, 1'Ecole francaise n'a prêté que peu d'attention a cela. — V. A. B AE R. L'ceuvre du dr. Bacr „Der Verbrecher in anthropologischer Beziehung" n'a qu'une importance indirecte pour mon sujet, comnie 1'indique le titre. Puisque ses études médicales et anthropologiques 1'induisent a la conclusion que 1'ambiant social est la cause fondamentale du crime, il vaut la peine de relever son opinion. A cette fin il suffira de citer les paroles concluantes de son oeuvre: „Für uns ist das Verbrechen wie Prins vortrefflich ausführt, kein individuelies Phanomen, sondern ein soziales. „Das Verbrecherthum ensteht aus den Elementen der menschlichen Gesellschaft selbst, es ist nicht transcendent, sondern immanent. Man kann in ihm eine Art von Degenerescenz des socialen Organismus sehen Der Verbrecher und der ehrliche Mensch hangt jeder ab von seiner Umgebung. Es giebt soziale Verhaltnisse, die der sittlichen Gesundheit günstig sind, hier giebt es keine Neigung, keinen Hang zum Verbrechen; es giebt ein soziales Milieu, wo die Atmosphare verdorben ist, wo ungesunde Elemente sich anhaufen, wo das Verbrechen sich wie der Russ auf den Rauchfang niederschlagt, wo der Hang zum Verbrechen fruchtbar wird." Wenn Ferri in neuester Zeit die Ansicht vcrtritt, dass der Verbrecher das Resultat dreier Faktoren ist, welche zu gleicher Zeit wirken, dass diese drei Ursachen individueller, d. h. anthropologischer, somatischer und sozialer Natur sind, so werden nach unserm Dafiirhalten diese drei Ursachen thatsachlich zu einer einzigen wenn man, wie er selbst andeutet, in Erwiigung zieht, dass die beiden ersten Ursachen von den sozialen Bedingungen abhangen. Die anthropologischen und somatischen Merkmale bei Verbrechern sind, wie wir oben zu zeigen bernüht waren zum aller"•rössten Theile ganz allein durch die Lebensverhaltnisse der Verbrecherklassen, d. h. durch die Einfliisse und Verhaltnisse ihrcr Umgebung bedingt. Das Verbrechen, so wollen wir diese Arbeit schliessen, ist nicht die Folge einer besonderen Organisation des Verbrechers, einer Organisation, welche nur dem Verbrecher eigenthümlich ist, und welche ihn zum Begehen der verbrecherischen Handlungen zwingt. Der Verbrecher, der gewohnheitsmassige und der scheinbar als solcher geborene, tragt viele Zeichen einer körperlichen und geistigen Missgestaltung an sich, diese haben jedoch weder in ihrcr Gesammtheit noch einzeln ein so bestimmtes und eigenartiges Gepriige, dass sie den Verbrecher als etwas Typisches von seinen Zeit-und Stammesgenossen unterscheiden und kcnnzeichnen. Der Verbrecher triigt die Spuien der Entartung an sich, welche in den niederen Volksklassen, denen cr meist entstammt, haufig vorkommen, welche, durch die sozialen Lebensbedingungen erworben und vererbt, bei ihm bisweilen in potenzirter Gestalt auftrcten. \\ er die Verbrechen beseitigen will, muss die sozialen Schaden, in denen das Verbrechen wurzelt und wuchert, beseitigen, muss bei den beststellungen der Strafarten und bei ihrem Vollzuge mehr Gewicht auf die Individualitat des Verbrechers als auf die Kategorie des Verbrechens legen. ') i) p. 410—411.. Voir aussi: Dr. A. Bournet, »De la criminalité en France et en Italië G. Richard. .)I.es crises sodales et la criminalité." (Lannée sociologique 1898 1899). CHAPITRE CINQUIÈME. Les Bio-sociologues. I. AD. PRINS. Je ne saurais mieux rendre 1'opinion du Prof. Prins sur le sujet de mon travail qu'en citant ce qu'il en dit dans son livre „Criminalité et répression", et plus spécialement au chapitre I, intitulé „De la criminalité en général. Des classes criminelles. Des délinquants d'accident et des délinquants de profession." On y lit: „II n'existe pas un type abstrait de 1'homme moral et un type abstrait du coupable; le crime n'est pas un phénomène individuel, mais un phénomène social. La criminalité sort des éléments mêmes de 1'humanité; elle n'est pas transcendante, mais immanente; on peut voir en elle une sorte de dégénérescence de 1'organisme social." ') „II y a un milieu social favorable a la santé morale: le penchant au crime y est presque nul; il y a un milieu social oü 1'atmosphère est corrompue, 011 les éléments malsains s'amoncellent, oü les plus vigoureux dépérissent, 011 la criminalité s'abat comme la moisissure sur le fumier: le penchant au crime y est formidable, et 1'on peut dire en ce sens qu'il est un fait social avec une cause sociale et qu'il est en connexion intime avec une organisation sociale donnée. Considérons un instant notre époque: un siècle de progrès et de raffinement est un siècle de vices; la complication croissante de notre mécanisme crée, avec des tentations nouvelles, de nouvelles occasions de chutes. Le char de la civilisation, semblable a celui du dieu DjaggerNath, écrase beaucoup de ceux qui se précipitent sous ses roues. Le monde a des appétits énormes qu'il ne peut satisfaire: la sensualité, 1'avidité au gain, le goüt et la facilité des spéculations; le contraste entrc la grande richesse et 1'extrême pauvreté; les nécessités brutales du combat pour la vie en face de la concentration de la propriété et du capital; les défectuosités de 1'organisation industrielle, qui abandonne le prolétariat au hasard, qui 11e surveille pas 1'apprentissage et laisse 1'enfant de 1'ouvrier aux excitations de la rue et a la promiscuité de l) P- '3' 1'atelier, qui, enfin, aiguise partout les instincts obscurs de 1 animalité, tout cela retentit sur la criminalité avec une certitude déplorable. Combien on aurait tort, dans une pareille mêlee, d'opposer simplement le délinquant a 1'honnête homme! Ce sont deux états sociaux qui s opposent 1 un a 1'autre: 1'un est fondé sur 1'aisance, la sociabilité, la protection reciproque, le travail utile et 1'épargne; 1'autre, sur la misère, 1'isolement, 1'égoïsme, le travail improductif. Kt dans les grandes agglomérations urbaines le pauperisme, la mendicité et le vagabondage, la paresse, 1'esprit d'aventures, la prostitution, 1'éparpillement des forces, tout, enfin, concourt naturellement a développer 1'anémie sociale. Prenez n'importe quelle région pauvre, inculte, sauvage, et toujours vous trouverez dans les grandes villes, Londres ou Paris, New-\ ork ou San Francisco, un milieu inférieur au premier, quelque chose de plus dépravé. C'est ici, dans les bas-fonds oti jamais ne pénètre une lueur de bien-être physique ou moral, que vivent les déshérités. Ils entrevoient 1'éclat du luxe pour le haïr; ils ne respectent ni la propriété ni la vie, paree que ni la vie ni la propriété n'ont pour eux de valeur réelle; ils naissent, s'étiolent, luttent et meurent sans soupconner que, pour certaines gens, 1'existence est un bonheur, la propriété un droit, la vertu une habitude et le calme un état constant. Tel est le foyer naturel et fatal de la criminalité. Dans un quartier soumis a une détestable hygiëne, bati sur un sol marécageux, privé de canalisation et d'eau potable, sillonné de rues étroites et sales, couvert de masures sans air ni lumières, oü végètc une population atrophiée, les épidémies sont inévitables et se propagent avec une grande intensité. De même, le crime trouve une proie facile et certaine au milieu des misérables d'une capitale. Les enfants naturels et abandonnés, les enfants des repris de justice et des prostituées, les vagabonds etc., sont autant de recrues désignées. Sans familie, sans traditions, sans domicile fixe, sans occupations sédentaires, sans relations avec les classes dirigeantes, quoi d'étonnant a ce qu'ils n'éprouvent que le besoin physique, a ce qu'ils n'aient d'autre mobile que 1 égoïsme a outrance, a ce qu'ils ne connaissent d'autre activité intéressée et passagère pour la satisfaction immédiate de leurs appétits matériels! L'émigration des campagnes vers les villes accroit encore cette armée et augmente les chances de criminalité. Ouand les fils des paysans quittent la charrue pour 1'atelier et viennent chercher fortune dans la fournaise des grandes villes, ils obéissent a 1'esprit d'aventure; il leur faut a tout prix un gagne-pain, et comme la concurrence est ardente et que les tentations surgissent a chaque pas, les prisons profitent de eet excédent que la campagne donne a la ville. Une autre conséquence, c est que 1 immigration rurale fait déborder la population; la place manque, et le salaire descend au-dessous du nécessaire. Ducpetiaux montrait, en 1S56, que le budget de 1'ouvrier des grandes villes est inférieur même alasomme qui représente le budget de 1'ouvrier des prisons. Cette situation n'a pas cliangé, et les classes laborieuses, mal logees, mal nourries, végetent a la merci des crises économiques. L'ouvrier est toujours sur la limite du vagabondage; le vagabond est toujours sur la limite du crime. Le prolétariat entier est ainsi exposé en première ligne et, qu'il s'agisse de la maladie ou du crime, c'est lui qui succombe le premier. Sous le vernis de leur luxe, les villes dissimulent donc les hontes, les soufifrances sociales, elles étalent a la fois „la parure et la fange" de la civilisation. Elles possèdent 1'élite et la quintessence de 1'esprit humain; elles possèdent aussi les êtres disposés a répondre aux excitations mauvaises et sensibles aux moindres vibrations du dehors." x) „Telles sont les conditions de développement des classes criminelles, c'est-a-dire des classes oïi 1'on rencontre le penchant au crime. Et, il importe de le remarquer, on peut, au regard de la justice répressive, déterminer leur caractère légal: ce sont les vagabonds et les délinquants de profession. lis s'opposent nettement aux vagabonds et aux délinquants d'accident. Cette distinction, que la statistique moderne a mise en relief, est désormais la base de la science pénale, et le juge ne peut plus s'en passer. Les délinquants d'occasion constituent la minorité, leur vie est réguliere, leurs instincts sont droits; une passion soudaine, un emportement irréfléchi, un affaissement passager de la volonté, les entraine au crime; une sorte de fièvre les a dominés et, 1'accès passé, la vie normale reprend son cours. Au contraire les délinquants de profession, qui forment la grande majorité de la population des prisons, sont véritablement la classe criminelle. Ce sont les endurcis, les incorrigibles, les récidivistes. C'est, a cóté de la société régulière, la „grande tribu rebelle", oü viennent se confondre la misère, 1'ignorance, 1'alcoolisme, le vice, la paresse, la prostitution. Les soldats de cettc armée n'obéissent point a un désir momentané, mais a une tendance permanente. Ils ne commettent pas toujours le crime pour le crime, mais 1'incident le plus futile les pousse a le commettre; ils profitent de toute occasion, et 1'on peut dire que, de même que dans certains groupes la vertu est 1111 acte réflexe, de même cliez eux le crime devient un acte réflexe. Bien plus, ils ont, tout commc le monde civilisé, une opinion publique qui les soutient, qui les excite, leur donne leur genre de popularité et constitue, en un mot, un aiguillon pour les héros du vice, de même qu'elle encourage les soldats du devoir. Ce qui est vrai quand on considère ainsi l'ensemble de la société, est également vrai quand on prend 1'individu comme tel. Dans chaque infraction, il y a, a cóté du facteur accidentel, c'esta-dire de 1'age, du caractère, du tempérament, en un mot, des dispositions personnelles, le facteur collectif ou social, c'est-a-dire le milieu, les circonstances permanentes, les lois générales. Chez le délinquant d'occasion, le facteur individuel prédomine, c'est surtout l'homme qui apparait. Chez le délinquant d'habitude, c'est le facteur social, c'est la collectivité qui entre en scène. Dans les classes aisées, instruites, policées, qui n'ont tnanqué de rien, qui ont dès le berceau profité de toutes les influences civilisatrices, la faute est surtout personelle, et elle est 1'exception. Dans les couches profondes, quand tout a fait défaut, quand pour combattre le mal, l'homme n'a ni dans le présent la protection sociale, ni dans le passé des généra- i) p. 13-18. tions d'ancêtres qui ont joui de la puissance, de la richesse et des lumières, la faute est la règle, elle est surtout collective. En ce sens donc dans la criminalité, les forces collectives ont une action dominante, pour' la combattre, il faut agir sur ces dernières, et le legislateur ne trouve dans la loi qu'une arme émoussée s'il meconnait cette veritc suprème: le caractère social de la criminalité. ) i) p. 19—22 II. W. D. MORRISON. La préface de „Crime and its causes" contient déja un abrégé de 1'opinion de 1'auteur sur 1'influence des conditions économiques. II y dit: „Economie prosperity, however widely diftuscd, will not extinguish crime. Many people imagine that all the evils afflicting society spring from want, but this is only partially true. A small number of crimes are probably due to sheer lack of food, but it has to be borne in mind that crime would stil] remain an evil of enormous magnitude even if there were no such calamities as destitution and distress. As a matter of fact easy circumstances have less influence on conduct than is generally believcd; prosperity generate criminal inclinations as well as adversity, and 011 the whole the rich are just as much addicted to crime as the poor." ') Le chapitre „Climate and crime" contient quelques observations qui sont intéressantes pour notre sujet. En parlant des grands chiffres des crimes contre les personnes en Italië, 1'auteur dit: „Nor can it be said to be entirely due to economie distress. A condition of social misery has undoubtedly something to do vvith the production of crime. In countries where there is much wealth side by side with much misery, as in Erance and England, adverse social circumstances drive a certain portion of the community into criminal courses. But where this great inequality of social conditions does not exist—where all are poor as in Ireland or Italy—poverty alone is not a weighty factor in ordinary crime. In Ireland, for example, there is almost as much poverty as exists in Italy, and if the amount of crime were determined by economie circumstances alone, Ireland ought to have as black a record as her southern sister. Instead of that she is on the whole as free from crime as the most prosperous countries of Europe." '-) — Cette citation est un des meilleurs échantillons de la logique et de la connaissance des faits de M. Morrison! L'Italie est pauvre; 1'Irlande est pauvre; le premier pays compte beaucoup de crimes, le dernier en a peu. Par conséquent: les conditions économiques ne sont pas un facteur important. Pour ne pas parler de la prudence qu'il faut observer en comparant deux pays oü loi pénale, 1) p. 6. 2) P- 37• police, justice etc. différent beaucoup, il y a dans la citation une erreur de logique. Car la pauvreté peut, dans un des pays, bien être un déterminant qui mène a certain phénomène, tandis que, dans un autre pays, elle n'y mène pas, puisqu'elle y est neutralisée par un contrcdéterminant. Et puis, la connaissance des faits dont M. Morrison donne la preuve ici, n'est pas grande. II n'est pas du tout vrai qu'en Italië tout le monde soit pauvre. Au contraire, il y a assez de riches dans ce pays, tandis que 1'Irlande par contre est épuisée par les propriétaires, qui séjournent ailleurs. Le Dr. Colajanni, dans sa „Sociologia criminale" (p. 558 II) indique que 1'altruisme des Irlandais date encore des temps oü, chez eux, la propriété était commune, ce qui a été longtemps le cas. — Le chapitre qui nous intéresse ensuite est celui qui est intitulé „Destitution and crime." „A destitute person" is a person who is without house or home, who "has 110 work, who is able and willing to work but can get none, and has nothing but starvation staring him in the face." ') Selon M. Morrison il y a deux sortes de crimes, dont une „destitute person" peut se rendre coupable, a savoir le vol et la mendicité. II faut donc répondre a deux questions: l°. combien pour cent compte-t-on deces crimes? 2U. jusqu'oü peut-on reprocher le vol et la mendicité au „destitution" ? . > Durant les années 1887—88 le nombre des cas jugés en Angleterre et Wales fut de 726.698, dont 8 °/0 étaient des crimes contre la propriété et 7 u/n des contraventions aux „Vagrancy Acts." 1'ar conséquent 15 °/0 de tous les crimes auraient pu être commis par „destitution". D après les renseignements pris par lui-même, la moitié des voleurs avait du travail au moment oü ils commettaient leurs crimes, et gagnaient quelque chose. Maintenant il reste encore a expliquer 50 °/c ^cs cas "e Les auteurs de ces vols étaient donc sans travail; mais il y avait parmi eux des criminels d'habitude, et ceux-ci pourraient bien trouver du travail, mais ils ne veulent pas travaillcr. Donc, ces gens ne sont point de „destitute persons". Restent encore 25 °/o des voleurs. Chez eux la „destitution" est maintenant vraiment la cause directe. Cependant ce n'est pas le manque de travail qui est la seule cause, mais bien aussi le fait que des enfants de prolétaires sont abandonnés a eux-mèmes quand leurs parents sont morts ou malades. Kt puis, beaucoup d ouvriers agés deviennent encore criminels puisqu'ils sont trop vieux pour pouvoir travailler et que personne ne les entretient. Des ivrognes aussi en viennent parfois a commettre des crimes par la misère, puisqu'ils trouvent difficilement du travail. Le calcul dcvient donc comme suit. Proportion des criminels, gagnant au moment de 1'arrestation. . 4°/o „ „ voleurs d'habitude 2 „ „ adultes sans abri et vieillards.... 1 „ (> H „ ivrognes, vagabonds 1 »» crimes contre la propriété comparés au tf ff ff A ü 0/ total des crimes /o i) p. 82—83. Viennent ensuite les contraventions des „Vagrancy Acts". Les infractions qui sont punies selon cette loi sont surtout la prostitution, la présence dans des lieux publics avec des intentions criminelles, la présence dans une maison particulière avec des intentions criminelles, le port d'outils a efifraction. Prostitution a part, selon 1'auteur „destitution" ne doit pas être considéré dans ces cas comme cause de ces infractions, attendu que les coupables sont des gens qui ordinairement ne veulent point travailler et ne voudraient pas échanger leur sort contre celui d'autrui. La classe des vagabonds n'est pas plus malheureuse qu'aucune autre, elle a même sa propre philosophie. (— Qui pourrait alors encore être malheureux ? Après eet exposé on aurait grande envie de demander a M. Morrison: comment se fait-il donc qu'il n'y ait pas de gens aisés qui aient choisi cette carrière enviable? —) Le même raisonnement s'applique a la plupart des mendiants (45°/0 parmi ceux qui font infraction aux „Vagrancy Acts"), il ne veulent pas travailler. Une autre fraction se compose de ceux qui ne peuvent pas trouver d'ouvrage; leur nombre est difficile a déterminer, selon le sentiment de M. Morrison il n'est pas trés élevé (il 1'évalue a 2°/0 pour les mendiants). Ce sont surtout des personnes agées qui appartiennent a cette catégorie. Les deux principales raisons a cela sont : La première c'est 1'emploi de plus en plus grand des machines, qui rend les ouvriers superflus, tandis qu'elle augmente la possibilité du travail par les femmes et les enfants. — Ouelque juste que soit cette observation, elle est néanmoins trés incomplète. Ce n'est pas la machine qui est la cause, mais bien le système du travail libre, qui abandonne a lui-mème celui qui ne peut plus travailler, n'importe que ce soit par manque de travail ou puisque la personne en question ne peut plus travailler. — Une deuxième cause de vagabondage et de mendicité doit être trouvée dans les Trade-Unions. Car ces Unions ont su obtenir un salaire réglementaire et les ouvriers agés doivent, d'après ces règlements, gagner autant que les jeunes, quoiqu'ils ne puissent plus livrer autant de travail que ces jeunes. Les patrons alors ne peuvent pas leur donner le salaire entier et les jettent donc sur le pavé. La circonstance qu'il y a plus de mendiants que de mendiantes est pour M. Morrison une preuve de plus que les conditions économiques ne sont pas la cause de la mendicité etc., car les femmes vivent ordinairement dans des conditions pires que les hommes. „The only possible explanation of this state of thing is that vagrancy is, to a very large extent, entirely unconnected with economie conditions ; the position of trade either for good or evil is a very secondary factor in producing this disease in the body politic; its extirpation would not be effected by the advent of an economie millennium; its roots are, as a rule, in the disposition of the individual and not to any serious degree in the industrial constitution of society." ') Après avoir exposé que, selon lui, la prostitution non plus n'a pas !) p. 106—107. beaucoup affaire avec des conditions économiques, l) M. Morrison arrivé a la conclusion que i4°/o des délinquants contre les „Vagrancy s. y ont été amenés par „destitution" ; comme ceux-ci fornient les 7 /o dans le total de la population criminelle ces „destitute persons" forment les 2°/0 du total. En ajoutant ces 2% aux 2°/0 „destitute persons" parmi les voleurs on arrivre au total de 4°/0. En outre 1 auteur évalue les „destitute persons" parmi les criminels (donc non ceux qui sont punis poui vol ou pour infraction aux „Vagrancy Acts") a i°/0. Cinq pour cent de tous les criminels le sont donc devenus par „destitution", selon M. Morrison. Je n'insisterai pas pour prouver que ces calculs n'ont que peu de valeur. En premier lieu presque tous les chiffres ne sont que des êvalnations, sans indication aucune sur quoi elles reposent. En second lieu M. Morrison a seulement prouvé, a supposer que ses évaluatmos soient justes, que 5°/0 des criminels appartiennent a une categorie, dehnie par 1'auteur lui-même. Tout cela ne donne absolument pas le droit de conclure que les conditions économiques ne sont pas des facteurs puissants du crime. La oü l'écrivain croit que la question est résolue, les difficultés commencent proprement. Veut-on traiter p. e. la question du vagabondage d'une manière scientifique il faut se demander: comnient se&fait-il que dans le mode de production actuel (le vagabondage n est pas selon les on-dit aussi vieux que le monde lui-même) il se trouve des gens qui préfèrent le vagabondage au travail. C'est une des questions qu'il faut résoudre, et cependant elle ne parait pas exister pour M. Morrison. Les causes du vol professionnel, de 1'alcoolisme etc., ne semblent guère avoir affaire, selon 1'auteur, avec les conditions économiques. Je montrerai dans la seconde partie de mon ouvrage combien il se trompe. — Le chapitre suivant traite de „poverty and crime . 1 our piouver le peu de causalité entre ces deux, M. Morrison cite la statistique suivante: , Italië 1080—4 Las nouveaux ae vois par au sui iuu.uw ... F rance 1879—83 „ „ „ » » » » » Belgique 1876—80 „ >, .. ». » » >» » " '43 Allemagne 1882—83 „ „ „ » » » » •» " 2 Angleterre 1880—84 „ „ „ » •> » » » " Ecosse 1880—84 „ „ „ „ » » » ■> " 2 9 Irlande 1880—84 „ „ » » » » » " " Hongrie 1876—80 „ „ »» » » » » " " ~ Espagne 1883—4 „ » « " ». » " " r ' a nn-iotorro pcf :i neu nrès 6 fois nlus riche que 1 Italië et ie chiffre de la criminalité y est plus grand; par conséquent: les conditions économiques 11'en sont pas causes, etc, etc. 11 M Morrison renvoie pour ccttc question c. a. k 1'opinion de I arcnt-Duchatelet. Ceüendant la lecture du travail de Parent-Duchatelet »De la prostitution dans la viUe de' Paris" donne une toute autre impression. On y lit p. e ce qtii sinl: «l le touK. les causes de la prostitution, particulièrcment k Paris probablemen et dans les autres grandes villes, il n'en est pas de plus actives que le defaut de travail et la nuscre, suite inévitable do salaires insuffisants. (p. 103 1). 16 — II y a déja bien des années que Quetelet indiqua (voir p. 40 de mon travail) que ia richesse absolue ne dit rien pour éclairer la question crimineiie, attendu que la richesse dans son ensemble ne donne pas une idéé de sa répartition ; et cependant M. Morrison croit que le tableau précédent est une preuve de la justesse de sa thèse! — L'auteur voit une deuxième preuve a 1'appui de son raisonnement dans le fait que pendant la période florissante de 1870 a 1874 la criminalité en Angleterre était plus grande que pendant la période de dépression économique de 1884 a 1888 (— Voir nos résumés sur les ouvrages de Tugan-Baranowsky (p. 109 sqq.) et de Muller (p. 119 sqq.), oü l'on démontre que les conditions économiques a cette époque ont cependant un rapport avec la criminalité. —) En 1888 011 comptait aux Indes un accusé sur 195 habitants et un sur 42 en Angleterre; 1'Angleterre étant plus riche que les Indes les conditions économiques ne sont pas un facteur important dans 1'étiologie du crime telie est la conclusion de M. Morrison. En Amérique les immigrants commettent en moyenne moins de crimes que ceux qui sont nés dans le pays; la position de ces derniers étant meilleure, les conditions économiques ne sont pas causes du crime. (— Comme si des assertions aussi vagues que celle-ci: „1'Américain a une position meilleure que 1'immigrant", pouvaient avoir quelque valeur!—) M. Morrison voit encore une preuve dans le fait que la criminalité dans la colonie anglaise Victoria, oü la prospérité est assez générale, diffère peu de celle d'autres pays, oü la prospérité est moindre (— Voir A. Sutherland „Résultats de la déportation en Australië, (Compte Rendu du Vc Congr. d'Anthr. Crim. p. 270.) oü il est démontré que la criminalité en Australië par suite de la déportation des criminels anglais était assez grande, mais baisse continuellement depuis 1850, et est maintenant moins élevée qu'en Italië, en Suède, en Saxe et en Prusse. Ainsi cette preuve, donnée par l'auteur, est peu convaincante —). Ensuite l'auteur attire 1'attention sur Ie fait que selon lui le nombre des criminels dans les difïférentes classes de la société en Angleterre est proportionnel a la population respective de chacune de ces classes. Enfin M. Morrison croit aussi que sa thèse est appuyée par le fait que durant les mois d'été les prisons en Angleterre sont plus peuplées que durant les mois d'hiver. — L'auteur se trompe, si l'on veut s'assurer qu'en hiver il se commet plus de crimes qu'en été il ne faut point consulter la statistiqué des prisons mais celle de la justice; la première ne donne pas de renseignements concernant 1'époque oü le délit a été commis; il est même probable qu'une partie des prisonniers enfermés en été ont commis leurs délits en hiver. Beaucoup d'écrivains, qui ne sont pas tombés dans cette erreur sont arrivés a cette conclusion que les crimes et délits contre la propriété (dont il s'agit ici principalement) augmentent en hiver et diminuent en été. Si l'on voulait composer une critique compléte sur 1'ouvrage de M. Morrison, il faudrait y opposer une autre oeuvre, tant est grand selon moi le nombre de ses erreurs et de ses omissions, c'est pourquoi je renvoie a la seconde partie de mon ouvrage. L'erreur fondamentale de 1'auteur c'est qu'il croit que la question: en quoi les conditions économiques mènent au crime, est épuisée quand on a recherché jusqu'a quel point la pauvreté est la cause du crime; et ce n'est a mon avis qu'une partie importante, il est vrai, de la question, car cette question si simple en apparence est beaucoup plus compliquée. Enfin il faut que je proteste contre le reproche immérité que les syndicats anglais sont la cause de la criminalité parmi les ouvriers agés. Nous vivons dans une société oü une grande partie des hommes s'épuisent en échange d'un petit salaire pour en enrichir d'autres, et oü les ouvriers agés qui ne peuvent plus ou presque plus travailler sont rejetés comme les oranges dont on a pressé le jus; quand ceux-ci commettent donc des crimes c'est la société qui en est la cause et non les syndicats qui après des années de lutte acharnée sont parvenus a obtenir pour leurs membres un salaire plus élevé que celui de leurs camarades non-syndiqués. — Voir du même auteur: »Juveni'.e Offenders" (chap. VII et VIII) et «The interdretation of criminal statistics". (Journal of the royal Statistical Society 1897). III. F. VON LISZT. La citation suivante, empruntée a „Die gesellschaftlichen Ursachen des Verbrechens" rend en peu de mots 1'opinion de eet auteur: „Das Verbrechcn ist das nothwendige Ergebniss aus dem Zusammenwirken zweier Gruppen von Bedingungen. Die erste Gruppe ist gegeben durch die theils angeborne, theils erworbene Eigenart des Thaters; die andere durch die ihn umgebenden ausseten Verhaltnisse. Der Mikrobe des Verbrechens gedeiht nur in der Nahrflüssigkeit der Gesellschaft. Mit diesem Satze, der allmahlig zum Gemeinplatze geworden ist, ist die Bedeutung der gesellschaftlichen Verhaltnisse fiir Gestaltung und Entwicklung des Verbrecherthums nachgevviesen." ') „Das durch eine Verbesserung der Gesellschaftsordnung eine Verminderung in der Zahl bestimmter Verbrechen herbeigeführt werden kann, liegt auf der flachen Hand. Der Antrieb zum Verbrechen wird durch die gesellschaftlichen Verhaltnisse unzweifelhaft bald gestiirkt, bald geschwacht. Politische und religiöse Delikte werden sich umso zahlreicher einstellen, je geschlossener, je rticksichtsloser die herrschende Ansicht gegen abweichende Ueberzeugungen auftritt. Wenn heute eine Richtung der Kunst staatliche Anerkennung und den Schutz der Strafgesetzgcbung erlangen sollte, so werden morgen die asthetischen Ketzer verfolgt werden, wie die religiösen in früheren Jahrhunderten. Der Geschlechtstrieb wird stets nach Befriedigung verlangen und sie nehmen, wo er sie findet. Versagt Ihr ihm die Möglichkeit sich innerhalb der Schranken der Rechtsordnung zu bethatigen, so wird er die Schranken brechen und zum Verbrechen führen. Und wer weder Brot noch Arbeit findet der wird in Weitaus den meisten Kallen Mittel und Wege sich zu eröflnen wissen, die ihm auf Kosten der Gesellschaft das eine ohne die andere sichern. Ich glaube nicht an „die Bestie im Menschen." Heute noch miissen wir an sie glauben. Sie ist da, in allen Kreisen, in allen Schichten unseres Volkes. Wer sie nicht sehen will,, dem freilich kann nicht geholfen werden. Und dadurch, dass wir die Schriftsteller kreuzigen, die schildern was sic gesehen, so gut wie wir gesehen, aber besser als wir beobachtet haben, schaffen wir die unangenehme Thatsache nicht aus der Welt. Aber die Bestie mit all' ihren wilden Leidenschaften, mit Zorn und Hass, mit Gier und Neid, mit Blutdurst und unersattlicher Eitelkeit — stammt sie nicht von Papa oder Mama, die die Geniisse des Lebens oder das Elend des Lebens gekostet haben bis zur Neige, ') P- 59- die verfault waren in Blut und in den Knochen durch ihre Schuld oder ohne ihre Schuld, ehe sie den Keim ins Leben setzten, dem sie den Fluch der Vorfahren als Erbtheil mitgegeben auf den Lebensweg? Eine bessernde Umgestaltung unserer Gesellschaftsordnung wird den Antrieb zum Verbrechen in den heute lebenden Menschen wesentlich mindern. Aber unendlich viel wichtiger, unendlich viel dauernder wird ihre Wirkung auf die kommenden Geschlechter sein. Sie wird indem sie die Zahl der erblich belasteten mindert, die Bestie im Menschen zahmen. Das ist keine „Utopie". Es wird wohl leichter sein, die Wirkung einer solchen Umgestaltung zu underschatzen, als sie richtig in ihrer vollen Tragweite zu wtirdigen. Aber welche Umgestaltung? Das ist die Frage, auf die wir Antwort geben rnüssen, wollen wir nicht als harmlose Schwarmer bei Seite geschoben werden. Auf der Suggestion beruht unsere ganze Erziehung, in der Schule wie im Leben. Was uns vom Verbrechen abhalt, das sind die „Hemmungsvorstellungen", die uns anerzogen, die uns eingepragt werden, bis sie in unser Fleisch und Blut übergehen und unser Thun und Lassen beherrschen, olifie das wir uns dessen bewusst werden. „Das solist Du", „das solist Du nicht" — diese allgemeinen Vorschriften des Rechts und der Sitte, der Religion und der Menschenliebe oder wie Ihr es nennen wollt, die mussen uns bestimmen, ohne dass wir überlegen, ohne dass wir schwanken oder zaudern. Was die Rechtsordnung von uns verlangt, das mussen wir leisten können, wie die Gewehrgrifïfe, auf Ein, Zwei Drei, selbst im Halbschlummer. Wer „Haltung" hat, verliert sie nicht, auch wenn der Alkohol seine Sinne umnebelt. Die Hemmungsvorstellungen aber bewahren ihre Kraft nur, wenn wir im Kreise der Genossen, im geschlossenen, durch gleiche Anschauungen und durch die Gemeinschaft der Interessen zusammengehaltenen Kreise leben. Auf sich selbst gestellt, bewahrt sich der echte Mann. Aber die sind dünn gesaht, die das vermogen. Die grosse Mehrzahl von uns braucht ausseren Halt. Wer hat es nicht an sich selbst eifahren, wie Urtheil und Vorurtheil, wie Glaubcn und Aberglauben seiner Genossen bestimmend auf ihn wirkten; wie er die anderen hielt und wie er von ihnen gehalten wurde? Zerstört die geschlossenen Kreise und Ihr schv acht oder vernichtet die Hemmungsvorstellungen; atomisiert die Gesellschaft, dass jeder auf sich gestellt ist im Kampfe aller gegen alle, und Ihr entfesselt was an bösen 1 rieben in uns wurzeltdckhxssivt den Menschen und Ihr habt ihn dem Verbrechen in die Arme getrieben. Und diese Deklassirung hat unsere heutige Wirthschaftsordung reichlichst besorgt. Sie hat den Egoismus entfesselt, ohne ihn schranken zu setzen. Sie erntet, was sie gesaet. In dem Proletariat hat sie den Nahrboden selbst geschaffen, in dem der Mikrobe des Verbrechens gedeiht. Neben dem Reichthum Einzelner das Massenelend. Dann wundern wir uns noch wie der Kriminalstatistiker über die steigende Menge der Zahlkarten klagt. Jede Gesellschaft hat die Verbrecher die sie verdient. Wobei neben den vielen kleinen die wenigen Grossen nicht vergessen werden sollten." ') i) p. 59 6o. — L'opinion du prof. von Liszt et des autres bio-sociologues sur le crime est un alliage de la doctrine des écoles italienne et fran^aise. Ayant déja donné une critique sur ces écoles, je me bornerai a faire quelques observations seulement. La formule: „chaque crime est le produit d'un facteur individuel d'un cöté, et de facteurs sociaux de 1'autre", est de peu de valeur pour la question, étant appliquable a chaque acte même au plus louable, et explique trés peu ce qui concerne le crime en particulier. Un examen plus spécial du facteur soi-disant individuel du crime démontre aussi qu'il est formé p. e. de grands besoins, d'une force musculaire trés développée, bref de choses qui ne sont pas propres au crime seulement; ou bien qu'il n'est qu'un manque de conceptions morales (suite d'un ambiant défavorable, d'une mauvaise éducation, etc). Un véritable facteur individuel ne se retrouve que dans quelques cas spéciaux, la oü le crime est le résultat d'une prédisposition, résultant d'une condition mentale morbide, combinée a des circonstances défavorables. Parfois donc le crime est la résultante d'un facteur individuel avec un facteur social; dans la plupart des cas il ne 1'est pas. En soutenant que ce sont toujours ces deux ensemble qui font naitre le crime, on se sert d'un lieu commun, attendu que par facteurs individuels on entend conditions nécessaires a chaque acte, ou bien 1'on dit quelque chose de tout a fait inexacte. Enfin on peut dire aussi des bio-sociologues que la plupart d'entr'eux tout en reconnaissant la grande influence exercée par 1'ambiant, ne donne pas d'exposé de eet ambiant. II ne suffit pas de nommer une série d'imperfections sociales existant de nos jours et de demander leur réforme, 1'une après 1'autre; il faut avant tout rechercher si ces imperfections sont en rapport avec le système économique existant, et pourraient être éloignées sans attaquer le système lui-même. — Voir aussi du même auteur: »Die Reichskriminalstatistik des Jahres 1883". p. 377 (Zeitschrift f. d. ges. Strafrw. VI); «Das Verbrechcn als sozial-pathologischeErscheinung." IV. P. N A E C K E. Dans son oeuvre „Verbrechen und Wahnsinn beun Weibe le dr. Nacke traite la question criminelle en premier lieu a un point de vue médico-anthropologique. Cependant ses observations sur le hen qui existe entre conditions économiques et crime sont tres importantes. Dans le ce chapitre, intitulé „die anthropologisch-biologischen Beziehungen zum Verbrechen und Wahnsinn beim Weibe" il pose dabordk question. est-ce qu'on peut déterminer anatomiquement 1 idee „crime . D'après lui la réponse doit être absolument negative. „bemal nat recht wenn er sagt: „le sens moral est donc une acquisition lente et graduelle dans la succession des ages La conscience des peuples, comme celle de 1'individu, nomme moral tout acte utile a 1 agent lui- même ou aux autres " jedes Volk setzt also nach dem derze.t.g bei ihm geitenden Moralcodex den Begriff „ l erbrechen fest, er liegt somit nicht im Menschen physiologisch begründet, sondern ist wie Manouvrier glanzend darthut, ein rein socwlogischer. Es ist demnac/i eigentlich ein Nonsens, nach anthropologischen Merkmalen fur eunn sociolo^ische/i Bcs'fiff zu fuhtidcn. , . « i, Aber auch cine andere Erwagung führt uns zu gleichem Resultate. Der Bestand eines Volkes verlangt die Aufrichtung gewisser Schranken Gesetze" genannt, deren Ueberschreitung die sociale Ürdnunj, store könnte, daher bestraft werden muss. Die Gesetze bilden aber nur e'nze ne Grenzsteine, keine feste Umfnedigung, so dass zwischen denselben , wissentlich oder nicht passieren, ohne gefasst, ohne bestraft *u w^n, auszerdem decken sich die Gesetze einer hoheren Moral nicht immer mit dem geitenden Jus, d. h. also, viele Vergehen und Verbrechen bestehen als solche vor der Moral, nicht aber vor dem Gesetze was bekanntlich Gewissenlose sich nutzbar machen. SchQndarausgehtkki hervor, das es ungezahlte Uebertretungen gibt, die nicht besti aft werden unzahlige Verbrecher, die als „ehrliche" Leute gelten, dass man sonut also eigentlich nicht von Verbrechem mui ehrlichen Leuten, sondern nur von Bestraften und Unbcstrafteu sprechen kamt. „ . . Die Strafe ist aber, wie wir schon sahen, ein schlechtes Kritenum, Gewohnheitsverbrecher sind oft lange nicht so depraviert als manche Unbescholtene, besonders in gewissen Regionen, denen Moralbegnffe sehr elastischer Natur eigen, oder als andere, die zwar nur ein einzigesmal bestraft wurden, aber in ihrem ganzen bisherigen Thun und Treiben abgefeimte Verbrecher sind." !) „Wie es keine absolute körperliche und geistige Gesundheit gibt, ebenso gibt es keine absolut „ehrlichen" Menschen. „Wir sind allzumal Sünder" — und zwar nicht nur in Gedanken, — sagt mit vollem Recht die Heilige Schrift, und Keiner von uns, ist dagegen gefeit, unter gewissen Umstanden ein Verbrecher, selbst ein groszer, zu werden." 2) „Es gibt eine unendliche Scala vom reinsten bis zum schlechtesten Menschen. Sprechen wir also schlechthin von „Verbrechern", so meinen wir nur die auf der auszersten Stufe stehenden, die aber nicht immer die schlimmsten sind. Es handelt sich also um den Absehaum (le rebut) der Welt, nicht nm das eigentliehe Verbrechen. In jedem Milieu wird es stets Individuen geben, die allein oder vorwiegend durch die Umstande Uebelthater wurden — diese Möglichkeit dürfte keinem Sterblichen erspart sein — und auf der andern Seite solche, die dies zum Teil — selten aber allein — ihrer mehr minder invaliden geistigen Persönlichkeit verdanken, welche sie der geitenden Moral fremd gegenüber treten liesz und zum Rechtsbruche trieb; Letztere bilden die Verbrecher in engerem Sinn." 3) Dans le chapitre VI „Zusammenhang von Verbrechen und Wahnsinn" 1'auteur explique qu'en cas d'existence d'un facteur individuel ce n'est pas lui tout seul ordinairement qui mènera au crime, mais qu'il faut qu'il soit doublé d'un facteur social. Voici ce que le Dr. Nacke dit sur les causes de ce facteur individuel: „Ja, in letzter Instanz ist sogar wahrscheinlich der individuelle Factor vom Milieu abhangig, indem dieses die Eltern, Groszeltern etc. so beeinfluszte, dass der Keim der nachtsten Generation direkt oder spater durch schlechte Safte der Mutter oder enges Becken derselben (beides wieder abhangig vom Milieu) geschadigt werden musste." 4) Plus loin il spécifie cette idee, en examinant les différentes causes du crime. Parmi ces causes 1'auteur cite e. a.: 1. Lésion du germe (favorisée surtout par des mariages de dégénérés). 2. Alcoolisme. 3. Syphilis. 4. Mauvaise nutrition et vie nialsaine. 5. Travail démesuré des femmes et des enfants. 6. Mauvaise vie domestique. 7. Abandon dans lequel on laisse les enfants en bas-age. L'auteur se résumé dans les termes suivants: „In Obigem haben wir einige Faden des complexen sozialen Getriebes aufzuheben und zu verfolgen gesucht, in der festen Ueberzeugung, dass nur eine Besserung des Milieus in seinen tausendfaltigen Ausstrahlungen das Verbrechen wirksam bekampfen kann, und allmahlig auch den gewiss nicht zu unterschatzenden individuellen Factor, direct oder indirect, giinstig zu beeinflussen vermag, 1) p. 96- 97. 2) P- 98- 3) P- 98—99- 4) P- 177- Ueberschauen wir das Ganzc, so konimt schlieszlich alles auf die Magen/rage hinaus; nur solange diese nicht gelost wird — vielleicht überhaupt befriedigend nie gelost werden kann — haben wir die obigen Gesichtspunkte praktisch ins Auge zu fassen, die mit der Lösung jener zum groszen Teile hinfallig werden." •) i) p. 208. Voir aussi du même auteur: »Die ncuern Erscheinungen auf kriminal-anthropologischem Gebiete und ihre Bedeutung" (Zeitschrift f. d. ges. Strafrw. XIV). V. HAVELOCK ELLIS. ») Le travail du Dr. Havelock Ellis, ayant comme titre „Verbrecher und Verbrechen" ne contient qu'un seul passage qui soit d'importance pour le traitement de la question criminelle, considérée a un point de vue économique. Comme la plupart des bio-sociologues il considère les facteurs sociaux comme les plus importants. Voici une seule citation, empruntée au travail sus-nommé: „Die Criminalitat ist kein isolirtes Phanomen, das sich unter einseitiger Beachtung irgend eines einzelnen Punktes behandeln liesse, vielmehr zeigt uns die nahere Betrachtung, wie innig das Problem verwachsen ist mit allen jenen socialen Problemen, die heute ihrer Lösung harren. Die steigende Fluth der Criminalitat ist kein Grund zu pessimistischer Verzweiflung, sie ist nur ein weiterer Sporn zu der grossen Arbeit der socialen Organisation, welche das kommende Jahrhundert von uns erwartet. Es ist nutzlos oder schlimmer als das, uns mit der Verbesserung der Behandlung des Verbrechers zu beschaftigen, so iange die socialen Zustande vielen das Gefangniss als willkommenes und erwünschtes Asyl erscheinen lassen. So lange wir die Entwickelung der Verkommenheit fördern, fördern wir die der Criminalitat. So lange man im Londoner Ostend Schaaren von Weibern findet, deren Philosophie sich in die Worte fasst: „Für mich giebt es noch zwei Chancen: die Themsebrücke oder Jack den Aufschiitzer, darauf will ich wetten," wird es eine noch grössere Zahl von Menschen geben, die das Gefangniss zu den natürlichen Chancen ihres Lebens rechnen. Die Freiheit hat für den Werth, der Nahrung, Kleidung und Obdach hat; er wird gewöhnlich nicht die Laufbahn des Verbrechens betreten, es sei denn, dass er nach genauer Berechnung gefunden zu haben glaubt, dass für ihn das Risico, eingesperrt zu werden, sehr klein ist; für die Anderen ist Nahrung und Obdach mehr werth als die Freiheit, und das finden sie im Gefangniss. Wie die Dinge liegen, würden Irrenanstalt und Arbeitshaus, welche ') Dans son introduction eet auteur distingue 3 groupes de facteurs: les cosmiques, les biologiques et les sociaux. Par lk il pourrait être rangé dans la même catégorie avec le prof Ferri. Cependant, j'ai cru devoir le ranger plutöt parnii les bio-sociologues puisqu'il attribtie une importance prépondcrante aux facteurs sociaux. Comme il le dit lui-même (p. VII de 1'introduction), s >n travail est une des preuves que les divergences d'opinions des écoles criminalistes ne sont plus tres grandes. ausserst unbeliebt sind, viel abschreckender wirken als das Gefangniss. In Paris wissen am Morgen 50.000 Menschen nicht, was sie essen und wo sie die Nacht schlafen werden. Dasselbe gilt von jeder grosseren Stadt; für diese Elenden muss das Gefangniss eine Heimath sein. Bekanntlich ist das Loos der Strafgefangenen bei aller seiner Dürftigkeit, monotonen Routine und druckender Ueberwachung noch behaglicher, müheloser und weit gesünder als das Loos, zu dem Tausende ehrlicher Arbeiter weit und breit in England bestimmt sind." ') !) p. 324 — 325. Voir aussi p. 27. VI. CARROLL D. WRIGHT. L'auteur de la brochure „The relation of economie conditions to the causes of crime" commence par relever qu'il y a deux sortes de criminels: des gens qui le sont devenus par suite de leur constitution psycho-physique, et d'autres qui le sont devenus par les circonstances. Ce n'est que de ces derniers qu'il s'agira ici: „I believe the criminal is an undeveloped man in all his elements, whether you think of him as a worker or as a moral and intellectual being. His faculties are all undeveloped, not only those which enable him to labor honestly and faithfully for the care and support of himself and his family, but also all his moral and intellectual faculties. He is not a fallen being: he is an undeveloped individual." ') L'auteur continue alors en déclarant que, puisqu'il y a un rapport plus ou moins grand entre toutes les importantes questions sociales et le „labor question", il est nécessaire de s'occuper de celle-ci aussi pour 1'étude de la question criminelle. On a connu trois grands systèmes de travail: le système du travail reposant sur 1'esclavage, le système féodal et le système actuellement en vigueur, c. a. d. celui du travail libre. Dans les deux premiers, qui, intrinsèquement, ne dififéraient pas de beaucoup, le crime avait un tout autre caractère que sous le dernier. Sous le système féodal les paysans vivaient dans les plus tristes conditions, sans espoir de jamais les voir s'améliorer. Dans plusieurs pays ces conditions étaient tcllement mauvaises que de grandes bandes de voleurs et de brigands les parcouraient. Pendant le règne de Henri VIII, qui a duré 38 ans, 72.000 criminels ont été exécutés. „Pauperism, therefore, did not attract legislation, and crime, the offspring of pauperism and idleness, was brutally treated; ') P- 97- and these conditions, betokening an unsound social condition, existed until progress made pauperism and crime as well, the disgrace of a nation, and it was then tliat pauperism began to be recognized as a condition which might be relieved through legislation." ') A la fin le système féodal fut renversé et celui du travail libre, le système actuel, dévint le système général. Dès lors les différences entre pauvreté et richesse apparurent plus distinctement. „Carry industry to a country not given to mechanical production or to any systematic form of labor, employ threefourth of its inhabitants, give them a taste of education, of civilization, make them feel the power of moral forces even to a slight degree, and the misery of the other fourth can be gauged by the progress of the three-fourths, and a class of paupers and resultant criminals will be observed. We have in our own day a inost emphatic illustration of this in the emancipation of slaves in this country. (America). Under the old system the negro slave was physically comfortable, as a rule. He was cared for, he was nursed in sickness, féd and clothed, and in old age his physical comforts were continued. He had no responsibility, and, indeed, exercised no skill beyond what was taught him. To eat, to work and to sleep were all that was expected of him, and, unless, he had a cruel master, he lived the life that belongs to the animal. Since his emancipation and his endowment with citizenship he lias been obliged to support himselfand his family, and to contend with all obstacles belonging to a person in a state of freedom. Under the system of villeinage in the old country it could not be said that there were any general poor, for the master and the lord of the nianor took care of the laborers their whole lives; and in our Southern towns, during slavery, this was true, so that in the South there were few, if any, poorhouses, and few, if any, inmates of penal institutions. The South to day knows what pauperism is, as England learned when the system of villeinage departed. Southern prisons have become activc, and all that belongs to the defectivc, the dependent, and the delinquent classes has come to be familiar to the South." „But so far as the modern industrial order superinduces idleness or unemployment, in so far it must be considered as having a direct relation to the causes of crime." 2) Après avoir essayé de démontrer, a 1'aide de quelques exemples historiques, que les conditions dans le système qui a précédé le nótre, étaient de 'nature beaucoup plus graves que celles de nos jours, il continue comme suit: „In the study of economie conditions, and whatever bearmg they mav have upon crime, I can do no better than to ïepeat, as a general idea, a statement made some years ago by Mr. Ira Steward, of Massachusetts, one of the leading labor reformers in that state in his day. He said': „Starting in the labor problem from whatever point me may, we reach, as the ultimate cause of our industrial, social, moral, and material difficulties, the terrible fact of poverty. By poverty we mean 1) p. 99. 2) p. 100—101. something more than pauperism. The latter is a condition of entire dependence upon charity, while the former is a condition of want, of lack, of being without, though not necessarily a condition of complete dependence." It is in this view that the proper understanding of the subject given me, in its comprehensiveness and the developpement of the principleg which underlie it, means the consideration of the abolition of pauperism and the eradication of crime; and the definitions given by Mr. Steward carry witli them all the elements of those great special inquiries embodied in the very existence of our vast charitable, penal, and reformatory institutions, „How shall poverty be abolished, and crime be eradicated?" ') Que les circonstances fussent favorables ou défavorables, que les gouvernements fussent libéraux ou despotiques, avec toutes les religions et tous les systèmes commerciaux, en un mot toujours le crime a existé. Voila pourquoi il existerait quand tnême encore qu'il n'y eut plus de chömage forcé, que chacun eut recu de 1'éducation, et que les attentes des sociétés de tempérance et des réformateurs sociaux fussent réalisées et que le christianisme fut universel. Mais, toutes ces bonnes influences reünies réduiront assurément le crime au minimum. La criminalité ne diminuera que trés peu si les améliorations ne visent que la condition sanitaire, et non pas en même temps les conditions morales et intellectuelles. 11 est par contre indiscutable, selon 1'auteur, qu'un développement de ces dernières qualités aura une influence favorable sur la criminalité. Car celui qui a recu de 1'instruction se laissera moins vite aller au crime que 1'ignorant, attendu que grace a son instruction il pourra généralement trouver du travail, le protégeant contre la misère et le crime. Le manque de travail est une cause importante du crime, p.e. parmi les condamnés de 1'Etat de Massachusetts, il y avait 68 o/o de sans-travail a un moment donné, et dans tous les Etats-Unis parmi les assassins de 74'Vo de sans-travail (1890). Ce désceuvrement peut être la suite d'une antipathie contre le travail 011 d'un manque d'occasion de s'occuper. Et c'est ce dernier cas surtout qui 11e se présente que trop souvent dans 1'organisation sociale actuelle. De grandes améliorations s'imposent d'urgence; il faut que les conditions vitales deviennent meilleures et plus saines et que le travail soit mieux récompensé. Le grief fondamental de 1'écrivain contre 1'économie politique c'est qu'elle n'a pas considéré les forces morales comme 1111 de ses éléments. Aussitót qu'elle les aura considérées comme telles, elle entrera dans la voie qui conduit a de véritables améliorations. Après avoir indiqué qu'elles doivent être ces améliorations, 1'auteur poursuit en ces termes: „In a State in which labor had all its rights there would bc, of course, little pauperism and little crime. On the other hand, the undue subjection of the laboring man must tend to make paupers and criminals, and entail a financial burden upon wealth which it would have been easier to prevent than to endure; and this prevention must come in a large degree through educated labor. Do not understand me as desiring to give the impression that I ') p. 103—104. believe crime to bc a necessary accompaniment of our industrial system. I have labored in other places and at other times to prove the reverse, and I believe the reverse to be true. Our sober, industrious working men and women are as free from vicious and criminal courses as any other class. Wh at I am contending for, relates entirely to conditions aftecting the few. The great volume of crime is found outside the real ranks of industry.' ') Ön pourrait encore se demander si la civilisation favorise le criir.e. La réponse devra être affirmative et négative en même temps. Affirmative dans des temps exceptionnels; et sans cela négative. l'lus la civilisation avancera, plus les conditions des ouvriers s'amélioreront, plus la repartition du profit sera équitable, et le crime diminuera. Les essais a ce sujet pris par Robert Owen et tant d'autres sont la pour en prouver la justesse. L'auteur termine son étude en ces termes: „1 rade instruction, technical education, manual training — all these are efficient elements in the reduction of crime, because they all help to better and truer economie conditions. I think, from what I have said, the clements of solution are clearly discernible. Justice to labor, equitable distribution of profits under some system which 1 feel sure will supersede the present, and without resorting to socialism, instruction in trades by which a man can earn his living outside a penal institution, the practical application of the great moral law in all business relations—all these elements, with the more enlightened treatment of the criminal when apprehended, will lead to a reduction in the volume of crime, but not to the millennium; for „human experience from time inmemorial tells us that the earth neither was, nor is, nor ever will be, a heaven, nor yet a heil, (ür. A. Schafflc) but the endeavor of right-minded men and women, the endeavor of every government, should be to make it less a heil and more a heaven." 2) L'étude de M. Carroll D. Wright contient quelques observations trés justes sur la relation entre crime et conditions économiques (e. a. sur la différence de la position de 1'esclave et de 1'ouvrier libre, dont la liberté consiste surtout en ceci: qu'il peut mourir de faim s'il ne peut trouver de travail ou s'il n'est plus a même de travailler). Mais en général 1'opuscule porte 1'empreinte du vague et de 1'hésitation, propres a toute 1'école des économistes et sociologues a laquelle appartient eet écrivain. Ils condamnent quelques manifestations du capitalisme, mais veulent maintenir leur ,,causa causarum , le systéme même. Ce n est pas ici la place pour en parler plus amplement, et je me bornerai a fixer 1'attention sur quelques erreurs historiques de 1 auteur. En premier lieu on n'est pas complet en ne nommant que trois systémes économiques. 11 est trés étonnant que cette erreur ait été faite par un Américain. Car les Indiens de 1'Amérique du Nord p. e., dont la race est maintenant presque entièrement éteinte, ne vécurent ni sous le système féodal, ni sous celui du travail libre, et pour la plus grande partie ils ne connurent non plus 1'esclavage: l'auteur a oublié de nommer le mode de production communiste-primitif. x) p- "3- 2) p. 115—116. En second lieu il est inexact de nommer „pauvres" tous ceux qui vivaient sous le système féodal. En troisième lieu ce n'était pas au système féodal que se rattachaient les fameuses exécutions qui eurent lieu sous Henri VIII, niais bien au capitalisnie naissant, qui, expropriant un grand nombre de paysans, en fit des pauvres. (Comparer Th. Morus „Utopia", K. Marx, „Kapital" I p. 682 sqq.). — Parmi les partisans de la doctrine bio-sociologique, je crois pouvoir ranger quelques auteurs encore, p. e. L. Gordon Rylands „Crime its causes and remedy"; le prof. J. Dallemagne (Voir e. a. p. 224 des Actes du Ille Congrès d'Anthrop. Crimin.); le Dr. I). Drill (voir p. e. «Des principes fondamentaux de 1'école d'anthropologie criminelle" et x.Les fondements et le but de la responsabilité pénale"); M. Orchanski (»les Criminels russes"). (Sur les criminalistes russes voir: le Dr. A. Frassati «die neue positive Schule des Strafrechts in Ruszland"). Les criminalistes nollandais doivent être comptés aussi parmi les bio-sociologues. Ainsi le prof. Dr. G. A. van Hamel (voir p. e. «L'anarchisme et le combat contre 1'anarchisme au point de vue de 1'anthropologie criminelle"); le prof. Dr. G. Jelgersma (voir p. e. »De geboren misdadiger"); le Dr. A. Aletrino (voir p. e. »Tvvee opstellen over crimineele anthropologie"); le Dr. S. R. Steinmetz (voir p. e. »De ziekten der maatschappij"). Le prof. Dr. C. Winkler incline, & ce qu'il me semble, plutot vers 1 opinion des criminalistes italiens (Voir p. e. «Iets over crimineele anthropologie"). CHAPiikfc, SIXIEME. Les Spiritualistes. I. H. JOLY. C'est dans le douzième chapitre de son travail „la France criminelle", ayant pour titre „Richesse et misère", que 1'auteur communiqué son opinion sur la connexion entre criminalité et conditions économiques. *) D'après M. Joly 1'opinion, exprimée par beaucoup de personnes, que la misère est le grand facteur de la criminalité, parait être trés juste, du moins a première vue; car le problème est en effet trés compliqué et trouble. En premier lieu il faut distinguer misère voulue et misère mvolontaire. „Chez les vagabonds de profession, chez les mendiants par choix et par spéculation, chez les ivrognes, chez ceux qui ont pris la résolution de vivre n'importe comment et qui se sont par la mêmc fermé toutes les professions régulières, chez les jouisseurs qui ont dévoré systématiquement leur capital et celui de leur familie, chez les ouvriers qui n'ont cessé leur travail qu'avec accompagnement de rebellion et par haine contre la société, oui, chez tous ceux-la la misère conduit au crime."2) Le deuxième genre de misère prend naissance de maladie, accidents etc. c. a. d. de causes indépendantes de la volonté de 1'homme. „II y a donc évidemment des misères innocentes; et il y en a d'autres d'autant plus pardonnables que les suites en ont été aggravées par la faute des autres. Est-ce donc dans la région intermédiaire qu'il faut chercher les influences qui portent au mal? Soit. Cette région ne nous est pas inconnue. Cherchons-y sans parti pris d aucune espèce, et examinons les faits du mieux qu'il nous sera possible." 3) A 1'opposite de 1'augmentation continuelle de la criminalité 1 auteur constate 1'accroissemcnt de la richesse nationale, quoique et c est ce qu'il ne faut pas oublier — la propriété foncière, en exceptant la petite propriété, diminue; la condition des ouvriers ruraux au contraire s est améliorée. En second lieu M. Joly fixe 1'attention sur la condition des ouvrieis dans les villes. D'après lui il faut répondre négativement a la demande si elle a empiré, car 1'émigration de la campagne vers les grandes villes 1) Voir aussi chapitres TI & IV. 2) p. 346. 3) P- 348—349- 1; dure toujours. Malgré leur salaire plus élevé ils n'y sont pas plus heureux, puisqu'ils dépensent en amusements ce qu'ils gagnent en plus. Si la criminalité augmente de la sorte, ce n'est donc pas dans la misère involontaire que 1'on en trouve la cause. En même temps que 1'augmentation des salaires il faut observer le prix des vivres. Dans la plupart des départements francais ces prix se sont élevés dans la même proportion que les salaires. Par cela l'oiivrier n'est pas devenu plus aisé. Ses besoins ont augmenté, mais quand il a pu les satisfaire, il ne lui reste souvent pas assez pour le nécessaire. Ce ne sont donc pas des facteurs économiques, mais bien des facteurs moraux qui sont en jeu ici. L'augmentation proportionelle des salaires et du prix des vivres, dont il a été fait mention plus haut, dans les différents départements de la France, ne se rencontre pas dans les départements du Morbihan, de la Vendée, des Bouches-du-Rhóne et de 1'Hérault. Dans les deux premiers les prix ont beaucoup plus augmenté que les salaires, tandis que le contraire est constaté dans Jes deux derniers. Pour ce qui concerne la criminalité, les deux premiers se rangent parmi ceux qui produisent les chiffres les plus bas, les deux derniers par contre parmi ceux qui ont les chiffres les plus élevés. M. Joly en tire la conclusion que la vie sociale est trop compliquée pour que la seule hausse, ou baisse des salaires puisse nous renseigner sur la moralité des personnes. En tout cas il est sur, d'après lui, que l'augmentation constatée de la criminalité n'est pas due a la misère, et qu'on n'a donc pas le droit de dire que la misère en général est une des causes premières du crime. Pourtant il ne faut pas perdre de vue qu'en parlant de 1'accroissement de la richesse et de la hausse des salaires on ne parle que de chiffres moyens, qu'il y a donc beaucoup d'individus dont les salaires restent en dessous de cette moyenne. „Or, oü voit-on le plus de différences et oü les sent-on le plus vivement? Précisément dans les époques riches et dans les milieux riches. Aussi est-ce dans les départements- pauvres que les crimes contre la propriété se développent le moins. II y a a cela deux raisons, 1'une psychologique, 1'autre sociale. Ce qui tient le plus au cceur d'un homme quel qu'il soit, ce n'est pas tant d'être ou d'avoir absolument; c'est d'être ou d'avoir plus ou moins que ceux qui 1'entourent. Ce qui devrait pousser au crime ou au délit sera donc surtout la comparaison de la richesse et de la pauvreté." ') M. Joly croit pouvoir produire encore quelques données sur la connexion entre pauvreté et criminalité en contrölant quel est le genre d'object qu'on vole le plus. Sur 1.000 cas de vol (cour d'assises 1830—1860) il y avait 395 cas de vol d'argent, ensuite viennent les vols d'objets mobiliers et objets divers, puis après ceüx de linge et d'effets d'habillement, et successivement encore ceux de marchandises diverses, bijoux et argenterie, comestibles, blé ou farine (55 par mille) et animaux domestiques vivants. Ces renseignements ne nous apprennent pas beaucoup sur la relation en question. Car les objets volés peuvent être vendus, ce qui empêche de découvrir les motifs du crime. ') P- 355- L'analyse de la valeur des objets volés nous donne aussi peu de renseignements. Durant une période de 25 années les cas de vol de 10 a 50 francs étaient les plus nonibreux (3O°/0 environ), ensuite ceux de 100 a 1.000 francs, puis ceux de moins de 10 francs. Oix ans apres les plus nombreux étaient ceux de 100 a 1.000 francs (33°/o)- Cependant en vertu des déclarations d'un ancien policier, M. Joly croit pouvoir tirer la conclusion que la misère n entre que poui une petite partie dans la cause de crime. Pourtant la circonstance souvent constatée que la hausse du prix du blé comporte un augmentation des crimes contre la propriété est en contradiction avec ce qui vient d'être dit. D'après M. Joly cette contradiction n'est qu'apparente. „Les disettes sont, en somme, exceptionnelles: le vol est constant; et tandis que les disettes vonttoujours en diminuant, le vol va toujours en augmentant. Supposons que dans les années ordinaires on ne vole pas, ou qu on vole trés peu: les moments difficiles trouveraient les gens plus patients, plus résolus a n'avoir recours qu'aux moyens légaux et permis; on ne les verrait pas si prompts a se tirer d'affaire en prenant justement et simplement le bien d'autrui. Mais sur quelle résistanee peut-on compter chez ceux qui, de longue date, ont contracté 1'habitude de voler par gourmandise, fantaisie ou cupidité ? Ouelle résistanee espérer surtout quand 1 habitude a commencé dès 1'adolescence ? Or, nous avons vu que le tiers des vols est commis par des enfants mineurs." ') La faiblesse de 1'influence des conditions économiques sur la criminalité est, d'après M. Joly, encore prouvée par le fait qu'en ternps de prospérité il n'y a pas diminution du nombre, mais modification dans^ le genre des crimes commis (comrae le prouve la statistique francaise et fait sur lequel Prins et Garofalo ont aussi fixé 1'attention). Le bon marché du vin fait augmenter la plupart des crimes contre les personnes. Mais la baisse des prix du bic a le même effet, puisque 1'ouvrier, quand il a tant soit peu amélioré sa condition, dépense tout ce qu'il a gagné en plus a toutes sortes d'amusements, qui, a leur tour, peuvent ètre la source de crimes. Cela est prouvé p. e. par le fait qu'a Marseille les suicides sont le plus nombreux le dimanche et le lundi, et le moins le vendredi et le samedi, ce qui s'explique par les jours de paie pour les ouvriers. C'est appliquable aussi aux crimes contre les personnes. Pour prouver sa thèse 1'auteur rappelle: que les domestiques, quoique mis a 1'abri des privations fournissent un grand pourcentage des vols; que le pourcentage des vols commis par des célibataires va toujours en augmentant; enfin que la recherche (sur 107 affaires jugées dans 10 années par la cour d'assises de Reims), faite par un magistrat (Ch. \ ucbat), a prouvé que les facteurs économiques ont peu d'importance pour la criminalité, et les facteurs moraux beaucoup. „En résumé, ce n est pas l'accroissement de la misère qui est la cause de 1 accroissement du \ ol, cc n'est pas la misère en général qui pousse au crime contre la piopriété. Cela ne veut pas dire du tout que la misère et la misère innocente n'existe pas, cela ne veut pas dire qu'elle 11e soit pas mauvaise conseillère, cela ne veut pas dire que les hautes classes et lc gouvernement n'aient pas le devoir de se préoccuper du sort des pauvres. Cela veut ]) P- 358—359- dire que l'homme est moins porté a la méchanceté par les fautes des autres ou par celle de la destinée que par ses fautes personnelles." i) — Si 1'on considère 1'étude de la question par M. Joly a un point de vue critique, le fait qui saute alors le plus aux yeux est bien celui-ci: qu'il met les causes économiques a cóté des causes morales de la criminalité. Comme je 1'ai déja plus d'une fois fait remarquer, cela n'a pas de sens. Chaque crime trouve son origine dans des causes morales ou, mieux dit, dans le manque d'idées morales définies, qui sont dominantes dans une certaine période. Mais une des questions principales a résoudre est celle-ci: jusqu'a quel point ces idéés morales trouventelles leur origine dans des conditions économiques définies ? M. Joly étant spiritualiste n'est pas parvenu a bien formuler le problème, et encore moins a le résoudre. Tout son traité sur la relation entre criminalité et conditions économiques se caractérise par une étroitesse frappante. II y parle de pauvreté et de richesse comme si elles étaient les choses les plus naturelles du monde, qui n'ont pas besoin d'étre analysées et expliquées. Puis, M. Joly fait une distinction entre „misère voulue" et „misère involontaire", et exclue alors celle-la de la discussion comme n'ayant rien a faire avec le problème en question. Cette manière de raisonner a plutót 1'air d'un sermon de pénitence que d'une recherche scientifique. „Misère voulue" est une contradiction „in terminis". Car l'homme tache, autant qu'il lui est possible, de s'épargner la douleur et de se procurer le bonheur. II n'y peut donc jamais être question de „misère voulue." M. Joly veut seulement indiquer en termes malheureusement choisis du reste, que la misère d'une personne peut être originaire soit des circonstances, soit d'elle-même. Mais en traitant ce problème il est défendu de se taire sur une partie trés importante, mais en même temps trés difficile, c. a. d. de ne pas demander jusqu'a quel point ces causes individuelies de la misère se relient au système économique en vigueur. Si la question traitée par M. Joly, est incomplète, ce qu'il en dit n'a pas grande valeur non plus et ne prouve pas du tout la thèse par lui défendue que 1'influence des conditions économiques est minime. Dans quelques pages seulement M. Joly traite de la question excessivement difficile si le „Standard of life" de la classe ouvrière s'est élevé; il constate le fait universellement observé de 1'accroissement des besoins pour toutes les classes, mais il ne semble pas s'attendre a ce qu'il soit intimement relié au mode de production existant; il cite le témoignage d'un ancien policier et la recherche d'un magistrat (recherche, qui soit dit en passant, s'étend sur le chifTre colossal de 107 affaires) pour prouver que la plupart des crimes ne sont pas commis par suite de privations momentanées — comme si avec tout cela la question jusqu'a quel point les conditions économiques sont du ressort de 1'étiologie du crime était résolue etc. etc. — *) P- 365- II. L. PROAL. i) Dans le IXe chapitre, intitulé „Le crime et la misère", eet auteur consacre quelques pages au sujet qui nous occupe. II est incontestable, d'après M. Proal, que la misère exerce une influence sur la criminalité. Le nombre des crimes augmente dans les années de niauvaises récoltes, ou de manque de travail par suite de crises industrielies ou agricoles. Ainsi p. e. la criminalité atteignait de trés grands chiffres en 1840, 1847 et 1854» puisque les prix du blé étaient alors élevés. En vertu du cela et de son expérience personnelle (1'auteur fait partie de la magistrature) il estime injuste 1'opinion de Garofalo que la misère ne donne que la forme a la criminalité mais n'en est pas la cause. Car 1'indigence met non seulement la moralité en danger puisqu'elle privé quelques-uns du strict nécessaire, mais elle est aussi la cause que les enfants des indigents dans les grandes villes sont élevés d'une manière pitoyable. Ouoique 1'auteur soit donc de cette opinion, il ne souscrit point du tout pour cela a celle qui dit „que 1'homme pauvre est voué au crime. Au contraire; une trés grande partie d'entre eux sont aussi probes que possible et n'ont que le travail honnête comme unique moyen de subsistance. Les statistiques judiciaires démontrent que les riches se rendent aussi bien coupables de crimes que les pauvres. „On voit donc que, lors même que tous les citoyens auraient de 1'aisance et de 1'instruction, il y aurait toujours des criminels; le nombre pourrait en être un peu diminué, mais pas beaucoup. II y aurait toujours des négociants trompant sur la qualité et la quantité des marchandises, des commercants falsifiant les denrées, des employés abusant de la confiance de leurs patrons, des notaires détournant des fonds déposés chez eux; il y aurait toujours des femmes empoisonnant leurs maris et des maris tuant leurs femmes, des instituteurs laïques et congréganistes commettant des attentats a la pudeur." 2) La plupart des crimes ne sont pas commis afin de se soustraire a la misère, mais bien pour se procurer le luxe et les plaisirs. De la que ce sont aussi bien les riches que les pauvres qui en commettent. „En résumé, je ne crois pas que le riche soit moins tenté de prendre le bien d'autrui que le pauvre. Plus on possède de richesses, plus on 1) »Le Crime et la peine." 2) p. 204—205. en veut posséder; en outre, plus les richcsses augmentent plus les besoins factises s aceroissent, et si les richesses deviennent insuffisantes pour satisfaire ces besoins, la pensee de les augmenter par tous les moyens ne tarde pas a venir. En admettant que les hommes un jour soient tous riches et instruits, ce qui me parait un rêve irrealisable, la cupidité fera toujours des voleurs, des escrocs et des faussaires; la haine et la vengeance inspireront toujours des meurtres, des assassinats et des incendies; la débauche fera toujours commettre des attentats aux moeurs. Le progres matériel et le progrès intellectuel ne supprimeront jamais les passions et ne dispenseront pas 1'homme de la lutte qu'il doit soutenir contre elles. II devra toujours réprimer sa colère, sa sensualité, mettre un frein a sa cupidité, en un mot affranchir son ame des passions et la rendre libre. L'accroissement du bien-être et de 1'instruction ne rendra jamais inutiles la force publique et le code pénal." ') II est superflu de donner une critique sur cette exposition: Nous avons déja rencontré plusieurs auteurs qui envisagent le sujet de la même manière. II partage le point de vue de ceux qui 11e savent même pas poser la question de 1'influence des conditions économiques dans toute sa pureté, de ceux qui ne comprennent pas que pauvreté et richesse sont toutes les deux des conséquences inévitables d'un même système. — ') p. 207. III. M. DE BAETS.') C'est un fait incontestable, 1'influence de la misère sur la criminalité est immense." C'est ainsi que s'exprime 1'auteur dans 1'introduction de son travail. Et il défend ensuite cette thèse comme je 1'exposerai dans les lignes suivantes. La plus funeste suite de la misère est la tentation de se procurer illicitement ce qui manque au bien-être. Nous pouvons le voir dans les crimes des foules aussi bien que dans les crimes individuels. Au 3e congrès d'anthropologie crimininelle le prof. H. Denis e. a. fait quelques Communications sur la corrélation entre criminalité et les variations de 1 état économique. 2) Durant les années de 1845 a 1849 la courbe de la criminalité s'accorde exactement avec celle du froment. Mais a partir de 1850 les deux courbes *è divergent, même quand celle du froment est remplacée par celle des vivres les plus nécessaires. Si 1 on suit attentivement le courant des salaires on remarquera qu'eux aussi sont plus élevés dans les dernières années. L'augmentation de la criminalité ne s'explique donc pas par cette hausse non plus. A quoi alors est-elle due. D'après 1'auteur il faut remarquer: iO. que le chómage forcé augmente; 2°. que pauvreté et richesse n'ont de valeur que par comparaison. Le bien-être de 1'ouvrier a bien augmenté, mais celui des hommes en "•énéral encore beaucoup plus. Cela n'explique qu'en partie le phénomène sus-nommé. Le reste de son explication est donné par ce qui suit: „II est, en effet, d'autres éléments, qui peuvent neutraliser 1'action du milieu. A toutes les sollicitations du vice 011 du crime, l'homme peut opposer une résistance, trouvant son ressort et son appui dans la force morale. . .., „ , Or, allcz au malheureux, au misérable; demandez-lui ce qui 1 empccnc de dévaler rapidement la pente du crime, vous trouverez dans sa bouche 1'expression, naïve mais forte, de 1'idée du devoir; et cette idee du devoir, vous ne la trouverez précise et nette que dans celle de la soumission a une autorité absolue, incontestable, inconditionnée celle: de üieu. Un homme que 1'on nc saurait soupconner de bienveillance outree pour ce qui touche a la Religion, M. Jules Simon, ne disait-il pas, il y a peu de mois: „il faut ramener les peuples a Dieu, si 1'on veut faire régner la justice et 1'ordre." 1) ..Les influences de la misère sur la criminalité." Voir du même auteur e. a. «L'école d'anthropologie criminelle." -) Voir le chapitre suivant. Ceux même qui ne croient pas, ne doivent-ils pas reconnaitre dans cctte idee du devoir, de la loi imposée par uil Dieu, auteur de la nature, „une idée-force", source par elle-même d'énergie et d'activité contre le mal et pour le bien ? C'est dans cette diminution de cette énergie, c'est dans les efforts que 1'on a faits pour arracher au coeur des pauvres cette racine dont la fleur est 1'espérance, et le fruit la vertu, que je veux voir une des grandes causes de 1'effrayante progressicm du crime que tous constatent, quelques-uns avec surprise, tout le monde avec effroi." i) Dans la deuxième partie de sa conférence 1'auteur relève les influences dégénérescentes de la misère. Ouoique 1'homme ait a sa disposition uil libre arbitre, il lui faut tout de même un organisme afin de pouvoir exécuter des actes. De la que la dégénérescence fait sentir son influencc sur 1'homme. „Or, la misère, c'est précisement 1'ensemble des désirs les plus impérieux demeurés sans satisfaction; c'est 1'amour de la vie, 1'amour du bien-être resté inassouvi; c'est la soufifrance d'une femme que 1'on voudrait voir heureuse ; c'est la faim pour des enfants auxquels on voudrait donner du pain. Et ce pain que 1'on ne trouve point, si le crime peut le donner; toutes ces appétitions, tous ces désirs, si le crime peut les satisfaire, celui-ci se présente avec les attraits les plus puissants, avec un charme fascinateur. Le malheureux aura-t-il 1'énergie suprème, 1'héroïsme de préférer le devoir a la jouissance ?" 2) La misère est une mauvaise école préparatoire pour cette lutterun organisme affaibli succombera plus facilement a la tentation qu'un autre. Et généralement elle est encore accompagnée de manque d'éducation et de développement des facultés plus élevées. A suivre lc cours de la vie d'un prolétaire, on voit que 1'enfant du prolétaire porte, souvent déja dès sa naissance, les signes de la dégénérescence, puisque sa mère était forcée de travailler dur pendant sa grossesse. Dès son bas age, il est mal nourri, et il grandit dans un milieu malsain. II ne peut presque pas être question d'éducation, car son père et sa mère travaillent dans 1'usine, ce qui fait qu'il n'y a pas de vie de familie. L'enfant n'est pas attaché a la demeure des parents et erre plutót dans la rue, oü il prend de mauvaises habitudes. Arrivé a 1 adolescence il entre a la fabrique, pour y passer la plupart de son temps a des occupations monotones. Et une fois adulte, pour lui la vie ne consiste qu en un travail routinier monotone et sans fin. „Cependant, il a une ame, eet homme, il a une intelligence! Mais celle-ci s'endort et s'engourdit dans une perpétuelle inertie. Rien, dans sa vie, ne relève ce qu il y a de grand, de noble, de divin dans cette créature raisonnable. Comment veut-on que survivent 1'énergie morale et la sublime ambition du bien?" 3) Quelque triste que soit cette manière de vivre, il y manque encore ') p. 18—20. p. 22 — 23. 3) p. 31 -32. le plus grand malheur qui puisse arriver au prolétaire: 1'inaction forcec. Elle surtout est une des causes qui peuvent pousser a commettre des crimes! . Et puis, il y a un autre fléau de la classe ouvrière: 1 alcoolisme. „Source de misère, sans ancun doute, mais fruit de la misère incontestablement." Enfin, de tous les prolétaires les plus malheureux ce sont encore les femmes. Les bas salaires et la monotonie du travail ennuyeux, n'en font que trop souvent des prostituées. A toutes ces causes criminogènes le chrétien doit opposer ses sentiments moraux qui proviennent de la religion; il faut que sa devise soit: „potius mori quam foedari." Mais pour cela il faut avoir un courage héroïque, qui manque a la majorité. Peut-être que devant Dieu ces pécheurs trouveront grace. Mais tout cela ne peut être une raison pour la société pour laisser subsister ces conditions scandaleuses, qui en peu de mots, se composent de: „Insuffisance des moyens de subsistance; travail trop long en proportion de 1'énervement qui en résulte; travail obligé des mères de familie; travail exagéré et mal approprié des enfants; conditions du travail dans certaines industries." ') II faut que cela change et c'est possible. Cependant non avec 1'aide de 1'Etat. Car alors 1'élasticité, si nécessaire a 1'industrie, se perdrait. Mais le changement doit s'opérer par 1'association des prolétaires. „Dans 1'individualisme forcé des travailleurs s'est trouvée la cause de leur ruïne; dans 1'association doit se trouver le salut." L'auteur termine en renvoyant a 1'encyclique „Rerum novarum, dans laquelle il est dit que les ouvriers chrétiens doivent s'associer, et en encourageant les riches a secourir leurs semblables moins priviligies. x) p. 43- Voir aussi: d'Haussonville. »Le combat, contre le vice II >>la criminalité" p. 592 sqq. ct Dr. J. Jaeger «Zunahme der Verbrechen und Abhilfe" p. 9-10. IV. CRITIQUE. Vc.s au^eurs dont jc viens dc parler ont cette idéé en commun que 1 irréligion qui augmente toujours est la cause de 1'accroissenient dc la criminalité, en d'autres termes que 1'irréligieux est prédisposé au crime. Nous examinerons brièvement la justesse de cette thèse. Ni les auteurs nommés, ni des hommes profondément religieux, comme von Oettingen et Stursberg, n'en ont fourni des preuves, ce qui fait présumer que la chose est difïicile sinon impossible. Un examen des données sur cette question fournit pour ce qui concerne les Pays-Bas, les résultats suivants: D'après les recensements de 1889 et 1899 les proportions entre ceux qui sont membres d'un culte quelconque et ceux qui ne le sont pas sont les suivantes: II y a 1 personne qui n'est pas membre d'un culte sur ceux Provinces. qui le sont: en 1889 en 1899 Drenthe ) Groningue [ 21 20 Frise ] Hollande-Septentrionale . . . / Utrecht j 6 3 26 Zélande j Hollande Méridionale . . . . U 121 Gueldre Ij Overyssel j '7° 101 Limbourg ' > Brabant-Septentrional . . . . j 114° 806 ) Les différences entre les extrêmes, Drenthe, Groningue et Frise d une part et Limbourg et Brabant septentrional de 1'autre, sont énormes. Dans les trois premières provinces on compte, en proportion des populations, 40 a 50 fois plus d'incrédules que dans les deux autres. Si la these des spiritualistes était exacte, 011 devrait le voir par les chiffres de la statistique criminclle, attendu que ces différences sont si grandes. Examinons donc ces chiffres. Pendant les années 1887')—1899 le chiffre moyen des accuses (1887—1895) et des condamnés (1896—1899) pour crime et délit par les tribunaux d'arrondissement dans les provinces du Limbourg et du Brabant septentrional était de 4-238; en rapport avec le chiffre moyen de la population dans ces années, il résulte qu'il y a eu 1 condamné sur 189 habitants. Pour Drenthe, Groningue et la Frise ce chiffre est de 2.900, c. a. d. 1 condamné sur 264 habitants. Ces résultats démontrent donc tont juste Popposc de la these de ces auteurs: dans les régions ou Virrêligion est beaucoup plus grande, la criminalite est moindre. 2) . La statistique judiciaire des Pays-Bas, fournit aussi des chirtres, pour les quatre dernières années, concernant la confession des condamnés. Tandis que le dernier recensement (1899) Porte 1 personne sans confession sur 44 habitants, la statistique judiciaire donne les chiffres suivants: il y a eu en 1896: sur 15.589 condamnés par les tribunaux d arrondissement 93 pers. sans confession, soit 1 sur 167; en 1897 : sur 16.096 de ces condamnés 88 pers. sans conf. soit 1 sur 182 , en 1898: sur 15.664 de ces condamnés 73 „ „ ,, 1 » 2I4i eten 1899: sur 15.391 de ces condamnés 74 „ „ „ » 1 » 207! Dans ces quatre années la criminalite des irréligieux était beaucoup tnoins êlevée que celle des au tres. Ces résultats confirment 1'opinion de différents criminalistes renommes. Le Dr. N. Colajanni termine ses recherches sur la question dans son „Sociologia criminale II" en ces termes: „non è rapporto di causahta tra la religione e la moralita." 3) Dans son „1'homme criminel ) et dans „le crime" 5) le prof. Lombroso cite de nombreux exemples de criminels trés religieux. Le prof. Ferri trouvait sur 700 criminels un athée et un indifférent; dans sa „Sociologie criminelle" il dit sur le sujet qui nous occupe: „II faut renoncer a 1'illusion psychologique commune d'après laquelle le sentiment religieux serait par lui-même un préventif du crime, arrivé au contraire que la grande majorité des criminels sont des croyants sincères, et parmi les athées il y a d'honnêtes gens et.des coquins comme il y en a parmi les croyants. Car la religion ne donne qu une sanction, avec les peines ou les plaisirs de 1 éternité, aux reg es c u sens moral de telle ou telle époque, de tel ou tel pays." 6) 1) Une nouvelle loi pénale ayant été mise en vigueur en 1886, il n'est pas bien praticable de comparer entre elles les données des années precedentes et celles des dM^pSrrïui concerne 1'étendue de la criminalité, ce sont les provinces du Limbourg et du Brabant septentrional, qui occupent le premier rang; placequ1 elles cedent aux provinces de la Hollande septentrionale et de a Hollande "^rid on de avec es grands centres de population d'Amsterdam, Rotterdam et la Haye, quant a la gravite de la criminalité. 3) p. 634. 4) p. 162. sqq. i p ^40 Voir encore sur cette question: le prof. E. Ferri p. 123 des Actes du piemier Congr. d'Anthr. crimin. W. Starke.»Verbrechen und Verbrecher in Preuszeiv p 151-152; le prof. l)r. li. Földes »Einige Ergebnisse der neueren Knminal-btatistik. p. 5b- sqq. Si, tout en laissant de cöté la question jusqu'a que! point la religion est en rapport avec les conditions économiques, nous examinons en quoi consiste 1 erreur des spiritualistes quand ils considèrent 1'accroissement de 1'irréligion comme cause de celui de la criminalité, nous verrons: i°. Ou'ils sont d'opinion que la ou il n'y a point de religion il n'y a point de morale. est inutile de réfuter au long cette thèse. Chaque croyant dont 1'amour de la vérité nest pas obscurci par son zèle religieux sait par expérience qu'un incrédule n'est pas plus immoral qu'un croyantpuisqu'ilest incroyant, et qu'un croyant n'a pas nécessairement plus de sens moral que 1'irréligieux pnisqu il est croyant. Les principes religieux et les préceptes moraux se rencontrent trés souvent mêlcs, mais cela n'empêche pas que la morale existe aussi en dehors de la religion. L accroissement de 1 irréligiosité d'un pays ne prouve encore rien du tout pour ce qui concerne sa moralité. ') 2ft. La thèse des spiritualistes démontre qu'ils font trop valoir 1'importance des sentiments moraux en matière de criminalité, tandis qu'ils ne reconnaissent pas assez de valeur aux facteurs criminogènes adhérents a 1 organisation sociale. f-u ^ y°irTlk;dessus e. a.: le Dr. F. Lütgenau sNatürliche und soziale Religion." Chap. X. «Religion und Ethik." CHAPITRE SEPTIEME. La „terza scuola" ') et les socialistes. I. B. BATTAGLIA. 2) Avant de parler de 1'influence des facteurs économiques sur la criminalité, je me vois obligé d'indiquer, par la citation suivante, ceque 1'auteur de „La dinamica del delitto" comprend par crime: „Primieramente, è d'uopo avvertire che il delitto, per sè stesso, non è un fenomeno che riveste il carattere criminoso per sua propria indole per sua propria natura; ma, il carattere criminoso viene affermato o negato, a seconda certe circostanze puramente accessorie, che accompagnano il fatto, ed, in tutti i casi, il delitto è tale per rapporto alle relaziom sociali . ) i) Voir cncore commc membres de la «Terza Scuola": M. A. Vaccaro «Genesi e funzione delle leggi penali»; le prof E. Carnevale »Unaf terza. scuola ch d.n o Denale" • le prof. B. Alimena «Naturalismo cntxco e diritto penalt. . Dans les «Mitteiluno-en der internationalen kriminalistischen Vereinigung' (Band IV) se trouve uf article dü Dr. E. Rosenfeld, intitulé »Die dritte Schule", dans lequel la doctnne de cette école est traitée amplement. Marxisme oue Dans un discours, qui se distinguait plutot pal^ sa haine contre:1e .^arxlsme que par sa connaissance de cette doctrine, le prof. Benedikt dit au Congr p o criminelle tenu a Bruxelles: „les partisans de la Terza Scuola nesont en ^ealite que des Marxistes". Parmi ceux qu'on considere comme appartenant k - il n'v a pas un seul Marxiste, d'après ce que je sais. Le prof. «eiiedikt. aura tt trc probablement induit en erreur par la circonstance que le Dr. Cola ami, un des DrinciDaux partisans de la Terza Scuola, et aussi un des rares criminalistes de cette école qui ont écrit plus spécialement sur 1'affinité entre criminalité et conditions économiques, est d'accord cn ceci avec les Marxistes, qu'en dernière instance ™ e les causes du crime dans les conditions econonnques. C est pourquoi je parle du Dr. Colajanni, comme représentant de la „Terza scuola» et des s0"all^tes q^n même chapitre. Quoique le Dr. Colajanni se nomme repubhca.n en ni.^ ticrc: p.?1 tK,uc il est tout de même partisan d'un socialisme eclectique. (Voir »Il Socia .smo ) Cest pour cette raison aussi qu'il est bon de le nommer dans ce chapitre D ^autres part sans de la «Terza Scuola" sont aussi, a ce qu'il parait, plus ou moins de cette opinion (voir p e. p? 18 de »Die dritte Schule" oü le Dr. Rosenfeld traite du prof. ^ Cependant de la manière dont le Dr. Colajanni traite la question, il est evident qu il " eSt2)PQUoiqueUleT Dr. Battaglia ne soit pas considéré comme partisan de cjuelque école cnminaliste, il faut parler de lui dans ce chapitre kcause de son la question qui m'occupe. Un examen des chapitres X ^ runn:tre dans leciuel coniprendre aussi pourquoi il a trouvé une place dans le même chap.t.e dans lequel je parle des socialistes. 3) p. 20I. „Dal punto di vista umano, il dclitto rappresenta la soddisfazione di un bcsogno del delinquente, simile alla soddisfazione di qualunque altro bisogno, ed entra nclla legge della lotta per 1'esistenza. Infatti, un bisogno non soddisfatto, constituisce un dolore, ed il dolore, qualunque sia la sua natura, eccita da prima, e quindi deprime la potenza funzionale dell' organismo e 1'esaurisce. L organismo, in preda al dolore, perde una quantita di fosfati relativa alla intensita dolorifica; si rompe 1'equilibrio fisiologico, e si neutralizzano alcune funzioni importanti per 1'economia. L organismo, per la legge di conservazione e chiamato a respingere il dolore, e spesso lo puè fare senza danno altrui; altravolta è obbligato a cozzare contro gli interessi sociali, ed in tal caso, eccolo caduto nel delitto." •) Après avoir parlé des caractères anatomiques et physiologiques qu'on a observés chez les criminels, le Dr. Battaglia arrivé a la recherche des causes criminogènes. En examinant les facteurs du crime nous verrons, d'après Pauteur, qu'üs se composent de deux grands groupes: i°. facteurs criminogènes, et 2°. facteurs occasionnels. Ces derniers ne sont importants que quand ils se présentent avec les premiers. Parmi ces derniers il faut ranger en premier lieu: 1'age, les événements météoriques etc. bref, les influences subies par Ia population entière. En second lieu: le sexe, les conditions economiques, 1 enseignement, 1 éducation etc. c. a. d. les influences qui ont une sphère moins universelle. Cependant aucun de ces facteurs occasionnels ne peut, a lui seul, faire naitre un crime. Sans cela toute une population devrait être criminelle de la même manière, puisque quelques facteurs, p. e. le climat, exercent leur influence sur la population entière. Pour pouvoir induire au crime, ces facteurs doivent influer sur des facultés intellectuelles spécialement disposées au crime. „I fattori, veramente criminogeni, sono quelli che creano certe condizioni fisico-psichiche, dal cui complesso risulti la capacita personale a delinquere, quali: le malattie ed i vizi di sviluppo e di nutrizione cianici, ed intracianici; 1 educazione scoretta, le eredita psichiche, le reversioni ataviche. Ouando tali fattori hanno preparato le condizioni mentali, diversamente da tutti gli altri, una occasione qualunque è un fattore psichico sufficiente, e si delinque. Dunque, i fattori criminogeni sono quelli, che hanno la vera importanza sociale, perchè preparano inevitabilmente la delinquenza. E vero, per altro, che alcuni dei fattori occasionali, agendo con una certa intensita, persistenza e maniera, possono essere produttori di fattori criminogeni, come 1'educazione, 1'alimentazione." 2) L'auteur traite d'abord de quelques-uns des soi-disants „facteurs occasionnels, comme p. e. l age, le sexe, la religion. Je ne relèverai que ce que le Dr. Battaglia dit sur 1'influence de 1'alcoolisme et de la misèie sur la criminalité, puisque cela est intéressant pour mon travail. Valcoolisme est de deux facons cause de crime: i°. d'une facon 1) p. 202. 2) P' 235—238. directe, c. a. d. qu'il y a des crimes commis sous 1'influence directe de 1'ivroo-nerie; 2». d'une facon indirecte, puisque 1'alcoolisme chronique dégénéré et démoralise. Comme preuves a 1'appui, 1'auteur cite les optnions de Baer, de Virgilio et d'autres qui font autorite. Ouant a la misère, le Dr. Battaglia fait remarquer que 1 opinion du prof. Lombroso sur ce sujet ne peut être juste. Ce savant croit que 1'importance du fait que les crimes contre la propnete augmentent quand les prix baissent, est affaiblie par ia circonstance que, selon Guerry, le vol de vivres n'occupe que la centième place dans la statistique des objets volés. Selon le Dr. Battaglia cela n'a pas d .mportance pour 1'analyse critique de 1'influence de la misère. Car quelqu un qui est poussé au vol par la faim tachera de préférence de s emparer d objets qui sont de grande valeur ct petits de volume, puisqu il peut les echcingei immédiatement contre d'autres articles qui sont directement consumables. De plus il ne faut pas oublier que 1'alcoolisme, la mauvaise education (un grand nombre des détenus sont orpbelins et enfants illégitimes) sont intimement unis a la misère, et mènent a leur tour aussi au crime. Non seule ment la faim acute incite au vol d'une maniere indirecte, elle peut aussi y conduire directement, car elle peut (selon le prof. tollet) provoquer un délire. La faim chronique et la mauvaise alimentation peuvent occasionner le pellagre, le rachitisme, la tuberculose, les scrofules etc. ou prédisposer a ces maux, qui, a leur tour, peuvent aussi faire naitre des crimes. . ,, Dans la deuxième partie de „La dinamica del delitto auteui s'occupe de 1'examen de ce qu'il a nommé les „facteurs criminogenes . Le crime est un phénomène qui se développe dans la societe d apres certaines lois constantes. Par conséquent les facteurs criminogènes doiyent se trouver dans la société. Pour les rechercher il faudra donc examiner les différentes institutions sociales. Ia familie. Dans la nature et dans la société pnmitive règne une sélection naturelle, par laquelle les individus faibles et malsains ne peuvent se reproduire ou se reproduisent moins que les plus forts. Maïs a present elle ne se fait plus sentir; même les plus chétifs, les plus maladifs peuvent procréer, puisqu'il arrivé sans cesse que les mariages se font dans un but secondaire. De la, transmission de la degenerescence d une eénération a 1'autre, et conséquemment propagation indirecte du crime. La position sociale de la femme. La position inférieure dans laquelle se trouve la femme en général (la cause en est aux conditions sociales, car chez les divers peuples la position de la femme vane) occasionne le crime de différentes manières. D'abord, puisque la femme ne participe pas a la vie publique, elle est bornée d esprit, et, de la vaniteuse, égoiste ct ignorante. II s'ensuit que son influence sur se's enfants est souvent trés mauvaise. Puis, par sa position inferieure elle devient facilement la victime d'hommes sans scrupules qui la seduisent, ce qui fait qu'elle est souvent poussée a la prostitution. 1'ar son ignorance elle se marie souvent avec un homme qui 1'a demandee en manage dans un but intéressé. De plus, sa facon de vivre (manque de travail sain etc.) peut provoquer des névroses qui sont transmissibles a ses enfants. , . . , . , La reproduction hitmaine. Comme 1'animal 1 homme doit satisfanc c deux nécessités prédominantes, celle de se nourrir et celle de procréer. Quoique cette [dernière ne soit pas aussi forte que 1'autre, elle doit néanmoins être] satisfaite, sans quoi 1'organisme humain pourrait ressentir des suites trés facheuses. Le célibat est nuisible a la moralité: il conduit a la prostitution (avec ses suites, comme la syphilis), a 1'inconduite, et de la, a 1'abus de 1'alcool etc., bref il favorise la naissance de sentiments anti-sociaux. Le règlement actuel des rapports entre homme et femme est aussi nuisible a la moralité. L'auteur a ici surtout en vue 1'insolubilité du mariage. Quand le motif d'un mariage a cessé d'exister, savoir quand 1'amour mutuel n'existe plus, le mariage devrait pouvoir être dissous. Aussi sont-elles nombreuses les néfastes suites de cette insolubilité. L'adultère et beaucoup d'homicides en découlent; 1'éducation des enfants en souffre énormément; et enfin si la mère attend un enfant, le chagrin par suite de désaccord, peut exercer une influence défavorable sur le nouveau-né. V éducation. Le développement de 1'intellect et surtout des sentiments, est de la plus haute importance pour la moralité. P. e.: Si le désaccord dans les opinions est résolu d'une manière amicale, ou tout au moins sans qu'on en vienne aux voies de fait, quand il survient dans une société de gens bien-élevés, il donnera souvent lieu a des rixes aussitöt que les gens sont mal-élevés. L'éducation est une tache trés compliquée et difficile, qui exige beaucoup de tact et de savoir. II n'est pas étonnant que dans la pratique elle laisse tant a désirer. Aussi les suites de cette absence de bonne éducation est excessivement favorable au développement de la criminalité. Cependant, il ne faut pas oublier que quelques personnes, par suite de qualités transmises par la voie de 1'hérédité, deviennent immorales malgré la meilleure éducation qu'on puisse s'imaginer. La réponse a la demande: „l'éducation doit-elle être abandonnée aux parents, c. a. d. a des personnes privées, qui peuvent donc entièrement vicier leurs pupilles, et ne doit-il pas y avoir de controle public" doit, selon le Dr. Battaglia, être absolument négative. Pour que l'éducation puisse être fructueuse dans la familie elle doit être secondée par une influence moralisatrice de 1'ambiant, qui, lui aussi, joue un röle important dans l'éducation de 1'enfant. Les grandes agglomérations de personnes dans les villes p. e., doivent disparaitre a cause de leur mauvaise influence. Eiiseignement. Le doublé but de J'enseignement est en premier lieu de fortifier 1'intelligence en 1'exercant, d'oü résulte un plus grand pouvoir sur les sentiments; et en second lieu de fournir une certaine quantité de connaissances positives, par lesquelles 1'individu est mis en état de s'adapter a son milieu et de prévoir les conséqucnces de ses actes. De la que 1'enseignement a une importance éminente pour la criminalité. Ceux qui la nient, entendent par „homme instruit" quelqu'un qui a appris a lire et a écrire; mais il est évident qu'une telle instruction ne suffit pas pour exercer une influence passablement importante. II est indéniable que des gens bien élevés peuvent aussi devenir criminels, mais en tout cas leurs crimes ont un caractère moins féroce que ceux des gens sans éducation. Religion et Etat. La religion contrarie le progrès, le développement des sciences et la vulgarisation du savoir qui améliore les hommes et augmente la solidarité, et elle incite a 1'intolérance. En outre, 1'enseignement confessionnel est nuisible aux facultés intellectuelles des enfants. L'État met des obstacles au libre mouvement des individus; maintient le mariage civil; empêclie la libre discussion, une des premières exigences du progrès; il institue 1'enseignement obligatoire mais ne s'oppose pas a ce que la population soit élevée dans Perreur ; en entretenant de grandes armées, il soustrait les meilleures forces a 1 agriculture et a 1 industrie, et par la les individus vigoureux se marient tard, ce qui favorise la prostitution; il tolère la bourse et la loterie; il favorise 1'agglomération dans les grandes villes, ce qui est encore trés favorable, directement et indirectement, au crime (mauvaiscs conditions des habitations, alcoolisme, etc). Dans le chapitre qui suit, le prof. Battaglia réduit les facteurs qu'il venait de nommer „criminogènes" a des éléments économiques. ,,1 utti gl'inconvenienti, le anomalie, gli errori, i disordini riscontrati nella famiglia, nello Stato, nei rapporti sociali, religiosi, ecc. Sono provocati, in fin dei conti, dalla situazione economica in cui muovesi la nostra societa. . . . ') État civil. Dans les villages communistes en Russie il est avantageux pour un père de familie d'avoir beaucoup d enfants, paree que le travail dans les champs communs se fait alors plus facilement. De la que des mariages de personnes de moins de 20 ans y sont trés nombreux. Dans le reste de 1'Europe la situation est tout autre. En se mariant un homnie amoindrit sa position et a chaque naissance d'un enfant les soucis augmentent. De la que les mariages sont remis au plus taid (surtout par des gens qui exercent des professions libres), quand 1 homme ne peut pas& fournir aux besoins des siens. Pour des raisons analogues quelques-uns dénient leurs désirs sexuels et contractent un mai iage pour améliorer leur position. Dans les deux cas les conditions économiques exercent donc une influence défavorable. Puisque ses revenus sont trop faibles pour pouvoir s'entretenir avec les siens suffisamment, 1'ouvrier est obligé de travailler durant plus de temps que ses forces ne lui le permettent; lui et sa familie ne se nourrissent pas assez, leur habitation est mauvaise; par tout cela 1 état physique diminue. Les conséquences sont non seulement des maladies, comme les scrofules, le pellagre, la phtisie, 1'anémie etc., mais encore une plus grande prédisposition a les contracter. La misère mine 1'organisme, épuise la force. ^ Par les conditions économiques actuelles il est possible d'amasser des richesses énormes; mais les besoins par contre ont encore plus augmenté relativement, ce qui fait que abus de confiance, fraudes etc. sont trés souvent commis aussi par des gens aisés, surtout puisque les sentiments moraux se perdent quand 011 ne songe qu a gagnei de 1 argent. Mais la richesse est inconstante : celui qui, aujourd'hui, possède beaucoup, peut étre archi-pauvre demain. Voila ce qui cause 1 inquiétude et 1 agitation qui caractérisent la bourgeoisie et dont les névroses sont souvent la suite. Enfin 1'auteur fixe 1'attention encore sur le travail des femmes et des enfants, si nuisible a la moralité et a la santé. Alcoolisme. La conséquence inéritable de la misère est 1 abus des boissons alcooliques. Celui qui trav'aille trop, mange trop peu, est mal- ') P- 4°4- 18 logé, s'habille insuffisamment et n'a point d'occupation intellectuelle trouve dans 1'alcool un moyen pour oublier sa misère. La vie menée par une grande partie de la bourgeoisie conduit aussi a 1'alcoolisme. Les suites néfastes de 1'alcoolisme 'sont nombreuses et spécialement pour la criminalité, paree que i°. il pousse directement a des crimes violents, et 2°. favorise indirectement la dégénérescence. Patrimoine. Ce n'est que pour des raisons économiques que le mariage légal, son insolubilité et tout ce qui s'y rattache sont maintenus. Si chacun des parents gardait son indépendance économique, il n'y aurait aucune raison de s'occuper d'une réglementation légale, et ainsi 1'intérêt de savoir si le père d'un enfant est oui ou non 1'époux légitime de la mère n'existerait plus pour 1'Etat. Prostitution. La plupart des prostituées sortent des basses couches du peuple. Comme les criminels, elles présentent des signes de dégénérescence. Et par le seul fait que la dégénérescence a pris de plus grandes proportions dans le prolétariat que dans les autres classes, la chance que ces femmes se recruteront dans cette classe est déja plus grande. Les autres causes de la prostitution sont de nature économique, comme exploitation par les parents, mauvaise habitation, etc. Par la prostitution se répand la syphilis qui a son tour favorise la dégénérescence. De plus, par 1'affaiblissement de leurs sentiments moraux, les prostituées sont plus facilement induites a commettre des crimes. Ignorance. La cause de la grande ignorance des ouvriers — facteur important de la criminalité — est de nature économique. Les ouvriers doivent trop s'épuiser, et n'ont ni le loisir ni les moyens de se développer intellectuellement. Reldchement des mceurs. Dans les families indigentes tous les membres couchent dans une pièce, souvent même dans un lit. De la que la moralité sexuelle y fait défaut. Les parents, souvent absents par suite de leur travail, abandonnent les enfants, a leur sort ces derniers n'apprennent pas a veiller sur eux-mêmes et contractent facilement les mauvaises habitudes d'autres enfants. L'éducation des enfants de la bourgeoisie n'est pas favorable non plus. Souvent on ne leur apprend que ce qu'il leur faut pour gagner de 1'argent, ou pour acquérir une position sociale ou faire un „bon" mariage, ce qui les incite a beaucoup de faussetés et d'intrigues pour arriver au but. Plutocratie. Les grands armements et les guerres des puissances européennes sont des conséquences du système actuel de concurrence qui oblige a chercher sans cesse de nouveaux débouchés. Plutocratie de l'église. Ce n'est que sur ses ressources économiques que se base la grande puissance de l'église. Corollaire. La misère toute seule cause maintes situations morales dont le crime doit logiquement résulter. La majorité des criminels sont en effet recrutés parmi les classes moins privilégiées. Mais Sparte ne rit pas encore puisque Messène est attristée; la bourgeoisie n'est pas encore heureuse paree que le prolétariat est malheureux. La cause du malheur de tous deux est dans les conditions économiques actuelles, par lesquelles la grande majorité de la population végète dans la plus noire misère, tandis que les autres oisifs se piongent dans le luxe. 11 n'y a qu'un seul remède pour effacer cette injustice, c'est de partager le produit total du travail aux ouvriers et non pas aux capitalistes. II. N. COLAJANNI. Le premier tome tout entier et les premiers chapitres du deuxième tome de „La sociologia criminale" ') contiennent une critique des thèses de 1'école italienne, dont 1'auteur nie en général la justesse, puisqu'il croit qu'on doit considérer les causes anthropologiques et physiques co mme étant sans, ou de peu, d'importance, comme il le démontre en détail. Dans les derniers chapitres le Ur. Colajanni traite des facteurs sociaux et économiques. Tout en admettant qui les conditions économiques sont de la plus haute importance pour le développement de la vie sociale tout entièie, donc aussi pour la criminalité, 1'auteur n'est pourtant pas d accord avec Marx et Loria, qui considèrent chaque événement social, qu'il soit de nature politique, ou religieuse, ou esthétique, ou morale, comme le produit unique et direct d'un phénomène économique. 2) Selon 1'auteur cette assertion est poussée a 1'excès, puisque les sentiments et les passions de gens supérieurs, qui ne songent pas a des profits matériels, influencent la masse a certains moments. Un grand nombre de philosophes, de moralistes, de poètes, de statisticiens et d'économistes ont vu dans les conditions économiques la „causa causarum" de la morale, et par conséquent aussi du crime. 1'ietro Ellero e. a. énonce trés décisivement: „Dalla proprieta privata, derivano tutti, o quasi, i reati. La proprieta ingenera la^ cupidigia, la supremazia e la superbia da un lato e 1'avvilimento dall altro, anche quando non produca la tirannia perfetta degli uni e la degradazione degli altri. Essa è autrice della maggior parte delle passioni malvagie, delle colpe e dei delitti che si commettono, delle angustie, delle ansiet.i, delle diffidenze, dei rammarichi, dei cruci che soffrono abbicnti e non abbienti sulla terra. L'influenza immorale della proprieta si continua poi e terribilmente nella organizzazione attuale della famiglia gener.ita quasi sempre dal calcolo!" 3) II est incontestable que les conditions économiques ont une influence directe sur 1'origine du crime. Le manque de moyens pour satisfaire aux nombreux besoins de 1'homme est déja un aiguillon pour se procurer ces moyens de n'importe quelle manière, soit honnête ou malhonnête. Kt c'est la voie malhonnête qu'on choisira de préférence quand la société 1) Voir aussi du même auteur: »La delinquen/a della Sicilia c lc sue cause. 2) C'est le Dr. C. qui si irompe ici: Marx n a jamais formulé une theorie aussi étrange. 3) p. 456—457- rend difficile ou impossible d'agir autrement. Un coupeur de bourse londonien gagne en moyenne £ 300 par an; par contre la misère de cenx qui veulent honnctement gagner leur vie est indescriptible ! En outre pour 1'ouvrier honnête la chance d'être tué ou de devenir incapable pour le travail est plus grande que ne Pest pour un voleur celle d'être puni. Donc, du travail honnête résultent moins d'avantages et plus de dangers que du travail malhonnête. L'influence indirecte n'est pas moins importante que 1'influence directe. La guerre, 1'industrie actuelle, la familie, le mariage, les institutions politiques, les révolutions, le vagabondage, la prostitution, 1'éducation etc. sont autant de causes importantes du crime, mais toutes peuvent être réduites a des causes économiques. Selon beaucoup de personnes 1'éducation est Vunique moyen préventif contre les niaux moraux, mais Stuart Mill a déja dit: dans la société actuelle les indigents n'ont point d'éducation et celle des riches est mauvaise. II ne peut être question d'une bonne éducation si un certain bien-être matériel fait défaut. De la que 1'opinion de ceux qui, dans les circonstances actuelles, attendent tout de 1'éducation est inexacte. Mais 011 est-ce que le bien-être cesse et oü la pauvreté commencet-elle ? L'un et 1'autre ne sont que des conceptions relatives; par conséquent on ne peut fixer leurs limites. Pour atteindre le minimum de criminalité dans une société donnée, il faudrait la certitude des moyens de subsistance, la stabilité des conditions économiques et Vêgalité dans la répartition des richesses. Ouelques auteurs nient que les révolutions politiques aient leurs causes dans les conditions économiques. Lombroso et Laschi p. e. tachent de les expliquer surtout par des influences physiques ; ce qui est déja étonnant par le seul fait que, d'après 1'opinion générale, ce sont bien les conditions économiques qui les font naitre. Ils relèvent e. a., pour étayer leur opinion, que sur 142 révoltes survenues en Europe de 1793 a 1880, un tiers seulement est attribuable a des conditions économiques. II va sans dire que cela ne prouve pas du tout la justesse de cette these, puisque dans tous ces cas, les auteurs ne parient que des causes directes, tandis que la plupart des révolutions militaires, des révoltes contre le pouvoir royal etc., découlent de conditions économiques, alors même qu'elles sont indirectes. II est vrai qu'au XIXme siècle, l'influence révolutionnaire directe des crises et des disettes a diminué grace aux mesures prises par les gouvernements, ce qui n'empêche pas qu'il y ait encore eu des révoltes causées par de telles circonstances. (Lyon en 1831 etc.) Les révoltes fréquentes en Belgique et en France, pays riches ne fournissent point de preuve contre la thèse du Dr. Colajanni; car malgré la grande richesse de ces pays, rien ne prouve qu'elle soit également répartie. Aussitót que la misère d'un peuple a dépassé ccrtaines limites, on verra que dans ce pays il n'y a ni crimes, ni révolutions, ni suicides, puisque toute énergie est alors éteinte. Une autre question est celle-ci: jusqu'a quel point y a-t-il corrélation entre lesprogrés faits par le socialisme et 1'accroissement de la criminalité.') ') Voir pour plus de détails le rapport du Dr. Colajanni au Ve Congres d'Anthropologie criminelle, ayant comrne titre: »Le socialisme et sa propagande en rapport avec la criminalité." Plusieurs auteurs, comme Garofalo p. e., sont d'opinion qu il y a unc liaison intime entre les deux. Mais ils ne fournissent point dc faits comme preuves a 1'appui de leur assertion, qui est au contraire démentie par les faits. Les pays oti le socialisme s'est le plus répandu ne présentent pas les chiffres les plus élevés de criminalité; c'est plutót le contraire. Les régions allemandes ou italiennes qui comptent le plus grand nombre d'adhérents au socialisme ne sont pas non plus les plus criminelles: Comment pourrait-il en être autrement? Tandisque le socialisme est la réaction cotisciente et collective a 1'ordre des choses existant, le crime est la réaction inconsciente et individuelle de eet ordre. „II socialismo non generatore di delitti; ma è il piü grande reatopolitico dell' epoca moderna. L'avvenire ci dira se alle condamne seguira 1'apoteosi. ') Ensuite le Dr. Colajanni fixe 1'attention sur Voisiveté et le vagabondage, qui, tous les deux, sont causes de crime: sur 32.943 vols a Paris en 1882, 57°/o qu' étaient commis par des vagabonds. Mais 1'oisiveté et le vagabondage, considérés en eux-mêmes sont- ils aussi des délits? L'homme est nuisible a son espèce, dit Féré, quand il 11e collabore pas, soit matériellement, soit intellectuellement, a la production. D après le Dr. Colajanni 1'oisiveté et le vagabondage, observés a un tel point de vue social trés élevé, sont en effet des délits. Mais alors tous les riches fainéants sont aussi coupables de ces délits. Enfin quelles sont les causes de ces crimes? Spencer, Féré et Serge disent: les vagabonds sont les faibles, les dégénérés, les parasites de la société. La question est donc celle-ci: ces phénomènes trouvent-ils leur origine dans 011 hors de 1'organisme humain ? Romagnosi dit que le vagabondage et la fainéantise ne doivent être punissables que quand ils ne sont pas excusables. 1 our les rendre inexcusables il faudrait procurer du travail a tout hornme dc bonne volonté. Spencer, Serge et Garofalo par contre sont d opinion que ces crimes sont presque toujours imputables aux personnes mêmes. Cependant Spencer n'aurait pas dü oublier que dans son propre pays, en dehors des crises industrielies, des événements considérables ont forcé un grand nombre de personnes a devenir fainéants et vagabonds en dehors de leur faute, comme p. e. les nombreux fermiers irlandais et écossais, expulsés de leurs terres par le „Land-Lord. Et Garofalo aurait dü savoir que c'est bien le capitalisme qui est cause du travail des femmes et des enfants, qui rend superflu celui des hommes, et que cette cause ne réside donc pas dans ceux qui en éprouvent le domnuige; en outre, que la cause de crises économiques n est pas dans leurs victimes, mais dans le système en vigueur. Un examen des causes de ces deux phénomènes oblige a distinguer le vagabondage habituel et le vagabondage accidentel, forcé. Cependant — et c'est ce qu'011 n'oublie que trop souvent — celui-ci se transforme a la longue en celui-la, car le goüt du travail est, tout comme la moralite, un produit social acquis. C'est pourquoi cette qualité se perd quand on est longtemps sans travail. i) p. 478. Une des causes les plus importantes de la transformation possible d'un ouvrier en vagabond c'est une maladie de longue durée. Ayant perdu 1'habitude du travail et affaibli, il trouvera difficilement a se faire embaucher. S'il n'y réussit pas il descend de degré en dcgré pour en arriver definitivenient a la mendicité. Mais ce sont surtout les transforniations économiques, les inventions, la surproduction, qui doivent ctre nommées les „causae causarum" des phénomènes cités plus haut. (Voir les pages 494—500 . dans lesquelles 1'auteur prouve la justesse de sa thèse a 1'aide de nombreuses citations.) La prostitntion, qui occupc une place importante dans 1'étiologie du crime, trouve, dans presque tous les cas, son origine dans la misère, dans une mauvaise éducation, et dans un ambiant pervertissant, ainsi que le prouvent les enquêtes officielles et les écrits de savants-spécialistes, comme Parent-Duchatelet, Fiaux, Augagneur et tant d'autres. (Voir les citations faites par le Dr. Colajanni aux pages 504—510.) La corrélation qui existe entre les crimes contre la propriété et les conditions économiques est trés évidente, et est directe. Cette causalité se présente aussi pour les crimes contre les personnes. Seulement, elle est alors indirecte. L'influence de la misère sur la criminalité est surtout trés grande, quand elle a été de longue durée. Proudhon a parfaitement raison quand il dit: „fame di tutti gPistanti, di tutto 1'anno, di tutta la vita, fame che non uccide in un giorno, ma che si compone di tutte le privazioni e di tutti i dispiaceri, che senza cessa consuma il corpo, rovina lo spirito, demoralizza la coscienza, imbastardisce le razze, genera tutti i vizie e tutte le malattie, 1'ubbriachezza tra gli altri, e 1'invidia e il disgusto del lavoro e del risparmio, la bassezza d'animo, 1'indelicatezza di coscienza, la grossolanita dei costumi, la pigrizia, la pitoccheria (gueuserie), la prostituzione col furto." ') Cette longue misère, la famine, qui a sévi sur beaucoup de régions italiennes, y a été 1'origine de toutes sortes de crimes. Le fait que le nombre des vols de vivres est relativement petit n'a que peu d'iniportance comme argument opposé, puisqu'un voleur tachera toujours de voler quelque cliose qui soit de petit volume et de grande valeur et qu'il puisse échanger contre d'autres objets. Aussi ne faut-il pas oublier que de petits vols de vivres passent trés souvent sans qu'on les remarque ou bien sans qu'on en porte plainte, puisque le parti lésé ne considère pas comme crime un tel acte, cotnmis par nécessité. Une autre preuve convaincante de l'influence des conditions économiques est le fait incontestable qu'il arrivé sans cesse qu'un individu vient se declarer coupable d'un crime qui n'a pas été commis, et ce seulement pour trouver un logis dans la prison. L.e grand pourcentage formé par les crimes commis par cupidité, ainsi que le fait que le nombre des récidives est plus grand pour les crimes contre la propriété que pour les autres crimes, démontrent l'influence importante des conditions économiques. L'étude de la moralité des peuples primitifs nous apprend que p. c. le crime d'avortement, 1'infanticide et 1'homicide sur les vieillards ont leur origine dans les conditions économiques exclusivement, les ') P- 513- moyens dc subsistance n'ctant pas suffisants chez ces peuples pour pouvoir entretenir une population nombreuse. Ouand chez des peuples civilisés, les crimes de cette nature se produisent ils ont les mêmes causes P. e. les cas d'infanticide sont trés fréquents en Irevise, une des provinces les plus pauvres de 1'Italie. Le manque d'éducation ou 1'influence d'autres facteurs, qui ont un effet contraire, sont la cause que dans les basses classes souvent 1'influence corruptrice dont on vient de parler sévit dans toute sa force. Pour prouver la justesse de 1'assertion que les conditions economiques n'ont point d'influence importante sur la criminalité, quelques auteurs citent le fait que 1'Angleterre avec ses grandes richesses presente un plus grand nombre de crimes contre la propnété que 1 Italië, qui est beaucoup plus pauvre. Celui qui raisonne de cette facon oublie que a richesse absolue d'un pays peut trés bien être énorme, sans que la répartition en soit proportionnelle. L'Angleterre nous en fourmt la preuve: dans aucun autre pays la différence entre riche et pauvre n est plus prononcée, et sans la présence d'autres facteurs importants et opposes, la criminalité y serait beaucoup plus grande qu'elle ne 1 est maintenant. On pourrait aussi relever la différence entre la criminalité moindre en Irlande malgré sa pauvreté proverbiale et la grande ciiminalite de 1'Italie. Cependant, une comparaison des conditions des deux pays demontre que celles de 1'Italie laissent encore plus a desirer que celles de 1'Irlande, ce qui explique la cause de sa plus grande criminalité contre la propriété. Les assassinats mystérieux des grands proprictaires et de leurs agents en Irlande trouvent aussi tous leur cause dans la mauvaise répartition des terres. En Belgique la criminalité est la plus élevée la oü le bien-être est le plus petit (les Flandres). Dapiès les recherches de von Liszt et de Starke les provinces les plus pauvres de 1'Allemagne sont aussi celles qui sont les plus crimineües; etc. Sur la position êconomique des criminels 1'auteur lournit les donnees suivantes (après avoir prealablement relevé que la distmction statistique en possesseurs et non-possesseurs ne donne absolument point d indication décisive sur la condition réelle des individus, puisque parmi les premiers nommés p. e. on compte des paysans archi-pauvres, et parmi les derniers par contre des personnes qui jouissent de salaires eleves). jrn 1870 1871 il y avait sur les détenus dans la prison de JNeucnatel iO°/(l qui possédaient une certaine fortune, et 89 °/0 que n'avaient que leur travail pour subsister (Dans la population non-criminelle le pourcentage de ceux-ci est beaucoup plus petit). D'après les donnees de Stevens les prisonniers en Belgique se divisaient comme suit: 1 °/0 d aises, 11 /0 cle eens avec certains revenus et 88 °/0 d'indigents. o > 1 " La statistique des récidivistes en Suède de 1870—1872 donne les informations suivantes: , 0.64"/o Aises .''''rr ,nnS Avec des moyens de subsistance . " insuffisants 43-54 misérables 45-63 » ii n » » » Marro, dans son travail ,,I caratteri dei delinquenti", nous communiqué ce qui suit: Criminels. Non-criminels. Non possesseurs 79,6 °/„ 43,4% Enfants mineurs de parents aisés. 4,1 „ 10,5 Petits possesseurs 6,7 „ 18,4 „ Possesseurs 9,4 „ 2y,6 „ Au moment qu'ils commettaient leurs crimes 43 °/0 de ces criminels en général, et plus de 50 °/0 des criminels contre la propriété étaient sans travail. Tout ce qui a été communiqué plus haut concernait la statique, ce qui va suivre traite de la dynamique. La règle universellement observée est celle-ci: des modifications dans les conditions économiques il suit des modifications dans la criminalité. Ouand celles-ci empirent, le nombre des crimes (et surtout ceux contre la propriété) augmente, et vice versa. C est surtout la classe des prolétaires, qui ne disposent pas de moyens pour résister aux influences défavorables de crises, de haussements de prix etc., qui est dans ces cas frappée le plus fortement. Pour ce qui concerne les quelques données sur 1'Italie: en 1880 une forte augmentation de la criminalité y coïncidait avec un manque de travail et avec des prix élevés des vivres. La lente dimunition de la criminalité durant 1881 doit étre attribuée a la bonne récolte et a la grande émigration. En Belgique: le nombre des détenus montait durant la crise de 1846 de 6.750 a 9.884. En Norvège: par la dépression économique de 1869 les crimes contre la propriété atteignaient le maximum. Le nombre des détenus en Suède s'élevait de 1835 a 1839, et surtout par suite de la misère, de 12.799 & 18-357. Une forte augmentation de la criminalité avait lieu en Angleterre par suite de crises, e. a. de celles le 1826, 1830 et 1847. Aux Etats-Unis il y avait en 1884 pas moins de 400.OOO ouvriers sans travail, ce qui explique les chiffres suivants: En 1883 ■ En 1884 Homicides ^94j Cas de lynchage Q2 219 Suicides 9IO 1-897 Par les crises économiques de 1839, 1840, 1843, 1847, 1867, 1876 et 18S1 le nombre des assassinats augmentaient en Erance. ') ]) Voir sur Starke auquel le Dr. Colajanni emprunte ensuite plusieurs données p. 93 sqq. de ce travail. Le maximum de stabilité et le minimum de défaut de propoytion dans la repartition de la riehesse est le meilleur préservatif contre le crime. La justesse de cette regie est prouvée par les faits. La moindre criminalite des Irlandais s'explique par leurs sentiments altruistes, conséquence de leurs institutions sociales d'avant la conqucte de leur pays par les Anglais. Chez les musulmans le crime est rare. Aussi peut-on remarquer chez eux une vraie démocratie, basée sur 1 égalité et la fraternité. Les Yorouba (Afrique orientale) ont le caractère doux, et ils sont bienveillants et fidèles a leur parole ; chez eux la terre est considéree comme propriété commune etc. etc. „Ouesti sono i fatti e questi parlano chiaro: il collettivismo della dessa giavanese, della diemda berbera, del mir russo, della zadrouga slava, della comunita di vilaggio ariana e delle 1 elli Rossi, produce dapertuto, sotto tutti i climi e presso ogni razza, gli stessi identici risultati: la moralita e la solidarieta. Si noti ancora, che dovunque e in ogni tempo, nelle zone temperate o nelle freddissime; al Nord, al Sud e all' Kquatore, le leggi e le istituzioni, che mirano ad assicurare stabilmente la sussistenza e conservano una certa uguaglianza, attenuano di molto la delinquenza e 1 attenuano in modo da rendere piü morali degli altri uomini soggetti ad istituzioni e leggi diverse coloro, che dalle prime sono governati. Di che se ne avranno esempii spiccati tra Lbrei, Irocchesi, Peruviani, Chinesi, Berberi ec. quantunque difFerenti tra loro pel grado di civilta raggiunto. -) !) D. 562 563. . , n J 2) Voir aussi Chapitre XIII, dans lequel le Dr. C. traite e. a. de 1'mfluence du militarisme sur la criminalite. III. A. BEBEL. Dans „Die Frau und der Sozialismus" 1'auteur consacre les pages suivantes a la relation entre 1'organisation sociale actuelle et le crirne: „Die Verbrechen aller Art und ihre Zunahme stehen in innigster Beziehung zu dem sozialen Zustande der Gesellschaft, was diese freilich nicht W'ort haben will. Sie steekt, wie der Vogel Strausz, den Kopf in den Sand, um die sie anklagenden Zustande nicht eingestehen zu müssen, und liigt sich zur Selbsttauschung vor, daran sei nur die „Faulheit" und „Genuszsucht" der Arbeiter und ihr Mangel an „Religion" schuld. Das ist ein Selbstbetrug der schlimmsten oder eine Heuchelei der widrigsten Art. Je ungünstiger der Zustand der Gesellschaft für die Mehrheit ist, um so zahlreicher und schwerer sind die Verbrechen. Der Kampf um das Dasein nimmt seine roheste und gewaltthatigste Gestalt an, er versetzt den Menschen in einen Zustand, in dem der Eine in dem Anderen seinen Todtfeind erblickt. Die gesellschaftlichen Bande lockern sich mit jedem Tage mehr. Die herrschenden Klassen, die den Dingen nicht auf den Grund sehen oder nicht auf den Grund sehen wollen, versuchen nach ihrer Art den Uebeln zu begegnen. Nehtnen Armuth und Noth und in Folge davon Demoralisation und Verbrechen zu, so sucht man nicht nach der Ouelle des Uebels, um diese zu verstopfen, sondern man bestraft die 1'rodukte dieser Zustande. Und je gröszer die Uebel werden und damit die Zahl der Uebelthater sich vermehrt, um so hiirtere Strafen und Verfolgungen meint man anwenden zu müssen. Man glaubt den Teufel mit Beelzebub austreiben zu können. Auch prof. Hackel findet es in der Ordnung, dasz man mit möglichst schweren Strafen gegen Verbrecher vorgehe und namentlich die Todesstrafe nachdrücklich anwende. Kr ist darin mit den Rückschrittlern aller Schattirungen in schönster Uebereinstimmung, die sonst ihm todtfeindlich gesinnt sind. Hackel meint, unverbesserliche Verbrecher und Taugenichtse müszten wie Unkraut ausgerottet werden, das den Pflanzen Licht, Luft und Bodenraum nimmt. Hatte Hackel sich auch ein wenig mit dem Studium der Sozialwissenschaft befaszt, statt ausschlieszlich sich mit Naturwissenschaft zu beschaftigen, er würde dann wissen, dasz diese Verbrecher meist in niitzliche, brauchbare Glieder der menschlichen Gesellschaft umgewandelt werden könnten, falls die Gesellschaft entsprechende Existenzbedingungen ihnen bieten würde. Er würde ferncr finden, dasz Vernichtung oder Unschadlichmachung des einzelnen Verbrechers in der Gesellschaft so wenig das Entstehen neuer Verbrechen verhindert, wie wenn man auf einem Grundstücke zwar das Unkraut beseitigt, abcr iibersieht, Wurzeln und Samen mit zu vcrnichtcn. Die Bildung schadlicher Organismen in der Natur absolut zu verhitten, wird dem Menschen nie möglich sein, aber seine eigene, durch ihn selbst geschaffene Gescllschaftsorgauisation so zu verbesseru, das.:: sie gunstige Existenzbedingungen für Alle schafft, gletehe Entivicklungsfreilieit jedem EinzeInen giebt, da/uit er nicht tnehr nöthig hat, seinen Hunger, oder seinen Eigenthumstrieb, oder seinen Ehrgeiz auf Kosten Andere) zu befriedigen, das ist möglich. Man studire die Ursachen der Verbrechen und beseitige sie, und man wird die Verbrechen beseitigen. Diejenigen, welche die Verbrechen beseitigen wollen, in dem sie die Ursachen dazu beseitigen, können sich selbstverstandlich nicht mit gewaltsamen Unterdrückungsmitteln befreunden. Sie können die Gesellschaft nicht hindern, in ihrer Art sich gegen die Verbrecher zu schützen, die sie unmöglich in ihrem Treiben gewahren lassen kann, abcr sie verlangen dafiir um so dringender die Umgestaltung der Gesellschaft von Grund aus, d. h. die Beseitigung der Ursachen der Verbrechen. Der Zusammenhang zwischen dem Sozialzustand der Gesellschaft und den Vergehen und Verbrechen ist von Statistikern und Sozialpolitikern vielfach nachgewiesen worden. Kins der naheliegcndsten Vergehen das unsere Gesellschaft, ungeachtet aller christlichen Lehren von der Wohlthatigkeit, als Vergehen ansicht — ist in Zeiten schlechten Geschaftsgangs die Bettelei. Da belchrt uns die Statistik des Königreichs Sachsen, dasz in dem Masze, wie die letzte grosze Absatzkrise zunahm, die in Deutschland 1890 begann und noch kein Ende absehen laszt, auch die Zahl der wegen Bettelei gerichtlich bestraften Personen stieg. Im Jahre 1889 wurden wegen dieses Delikts im Königreich Sachsen 8566 Personen bestraft, 1890 8815 Personen, 1891 10075 und 1892sogar13120, eine sehr starke Steigerung. Massenverarmung auf der einen, mit steigendem Reiclithum auf der anderen Seite, ist überhaupt die Signatur unserer Periode. 1873 kam in Oesterreich auf 724 Personen ein Armer, 1882 schon auf 622 Personen. Die Verbrechen und Vergehen zeigen eine ahnliche Richtung. 1874 wurden in Oesterreich-Ungarn strafrechtlich verurthcilt 308605 Personen, 1892 über 600000. Im Deutschen Reich wurden 1882 wegen Verbrechen und Vergehen gegen Reichsgesetze verurtheilt im Ganzen 329968 Personen, d. h. auf IOOOO über 12 Jahre alte Kinwohner kamen 103,2 Personen; im Jahre 1892 betrug die Zahl der Verurtheilten 422327 Personen und im Verhaltnisz wie vorstehend 143,3, das eine Zunahme um 39 I'rozcnt. L nter den Verurtheilten befanden sich Bestrafte wegen Vergehen und Verbrechen wider das Vermogen: t 1882 169334 Personen, 53>° au^ 10000 über 12 Jahre alte Linw. 1891 196437 „ 55,8 „ 10000 „ 12 „ „ „ Wir denken, diese Zahlen sprechen Bande, siê zeigen, wie die Verschlechterung des Sozialzustandes Armuth, Noth, Vergehen und Verbrechen erhöht und vermehrt." ') i) p. 295—297. IV. F. T U R A T I. Dans le premier chapitre de son „II delitto e la questione sociale", 1'auteur relève que parmi les nombreux malheurs, que le prolétariat supporte, il faut remarquer encore que c'est presque exclusivement dans ses rangs que se recrutent les criminels. „II tributo criminoso è il privilegio quasi esclusivo d'une classe sociale. E siccome la borghesia non seppe fin qui escogitare di meglio che opporre alla degradazione delitto un altra degradazione che si chiama pena, cosi alla privativa del tributo criminoso si aggiunge, fra la povera gente, la privativa del tributo penale." ') Après avoir parlé dans le chapitre suivant de la question du „libre arbitre," le Dr. Turati fixe ensuite 1'attention sur un jugement du Dr. Lelorrain qui dit qu'il faut modifier 1'homme si 1'on veut faire disparaitre ou diminuer la criminalité. Le Dr. Turati objecte qu'il est excessivement difficile de changer 1'homme, et qu'il y a un moyen plus efficace et plus facile, savoir la modification de la société. Dans une société qui est tout a fait mauvaise, oü 1'exploitation de 1'un par 1'autre est la règle, oü quelquesuns jouissent au détriment d'autrui et ce sous la protection de la loi, dans une société pareille il y a incitation perpétuelle au crime. C'est 1'idéal du socialisme de créer une société dans laquelle le crime n'est ni nécessaire ni utile. Quelque courte qu'ait été sa durée, la colonie de New-Lanark, fondée par Owen, est une des meilleures preuves de la justesse de cette idée. Dans une société formée d'après eet idéal socialiste le crime ne se présentera qu'exceptionnellement, p.e. par atavisme, mais il cessera d'ctre un danger général et toujours menacant. „La questione sociale penale è questione anzitutto di transformazione sociale." On a fait beaucoup d'objections a cette these. L'école de Lombroso et de Ferri y oppose son hypothese de la triplicité des facteurs du crime: les facteurs cosmiques, les facteurs individuels et les facteurs sociaux. En modifiant donc la société de telle facon que les intéréts de 1'individu et ceux de la communauté soient identiques, ce ne serait qu'une partie du crime qui disparaitrait; p. e. on ne pourrait pas empêcher qu'une chaleur extraordinaire causat des crimes contre les mceurs. Selon le Dr. Turati il n'est pas impossible de réfuter cette objection, quoiqu'il soit difficile de le faire. En premier lieu Ferri reconnait que i) p. 42. les causes sociales sont plus importantes que les deux autres reünies. II estime que le nombre des délinquants poussés par des raisons sociales (par passion et d'occasion) dépasse même les 6o°/0; les autres, (les délinquants fous ou demi-fous, nés-incorrigibles et habituels,) forment donc la minorité. Mais parmi ceux-ci il y a beaucoup de cnminels par habitude, qui ne sont pas nés comme tels, mais le sont devenus par les circonstances. Le Dr. Turati estime donc que 70 a 7 5°/0 des délinquants sont arrivés a commettre des crimes par suite de causes sociales. Ln tenant compte encore du fait que i8°/0 environ des détenus sont alienes, le nombre des criminels qui le sont devenus par suite d autres causes que des causes sociales s'élèvera a io°/o au plus de la totalité. Selon le Dr. Turati les facteurs physiques et anthropologiques exercent une influence sur la forme, mais non pas sur la nature du crime, Ln outre, ces trois facteurs se présentent dans chaque crime, mais presque aucun crime ne sera commis s'il n' y a pas de cause sociale. C est ce dernier facteur qui est toujours le facteur prépondérant. Donc en 1 e oignant les deux autres déterminants sont réduits a zéro. Les faits lont prouvé; les habitants de la colonie d'Owen n'étaient pas tormes d une matière particuliere, et leur ambiant physique n'était m meilleur ni „plus honnête" que tout autre. Néanmoins, le crime y etait inconnu. Mais 1'auteur fournit encore d'autres preuves a 1'appui de cette these que les causes physiques et anthropologiques ne sont rien en ettet quand on les compare aux causes sociales, qui a leur tour dependent de conditions économiques. Tout en exceptant les crimes commis par la classe des possesseurs, qui sont ordinairement la conséquence cl une cupidité excessive, ou d'un malaise commercial, et qui ïpso facto disparaïtront sans doute, la société une fois autrement organisee, le plus grand contingent des criminels est fourni par la classe des non-posses seurs Or toutes les influences physiques, telles que climat, etc. agissent sur les deux classes de la même facon ; il n' y a pas non plus de difference des facteurs anthropologiques entre ces deux classes, et cependant la dififérence pour ce qui concerne les penchants criminels est bien grande entre elles. Donc ce ne sont que les facteurs sociaux qui peuvent expliquer cette dififérence. „ Cependant il faut faire ici encore une autre observation. ferri cite, pêle-mêle, comme facteurs sociaux: 1'augmentation de population, 1'émigration, 1'opinion publique, les coutumes, etc. Mais en examinant et en classifiant minutieusement ces facteurs, il devient clair qu en realite ils ne sont basés que sur les conditions économiques. Fourtant cette observation n'est pas appliquable aux „delinquents par passion", puisque sur eux 1'action du milieu ne parait être que faible. Lombroso estime qu'ils ne forment que 5 H/0 de tous les criminels, et Ferri est d'opinion que 5»/0 seulement de ceux qui ont commis un crime contre les personnes sont des criminels par passion. Une des causes anthropologiques du crime c est „1 homilie , et une des causes cosmiques c'est „1'univers". Mais toutes deux n ont rien a faire avec le crime comme tel. Autrement 1'air que nous respirons, et les mets que nous mangeons seraient causes de la crimina ite. lar contre 1'organisation de la société est bien cause de crime, et les in u ences physiques et anthropologiques n'en sont alors que des conditions. (Ce n'est pas scientifiquement parlé que de séparer les causes des conditions; mais 011 s'en sert ordinairement dans ce sens.) Si les causes cessent d'exister les conditions n'ont plus d'irnportance. Ensuite le Dr. Turati traite de quelques sortes de crimes. D'abord les crimes contre la propriété. Ainsi que presque chaque criminaliste 1'admet, ces crimes sont intimement reliés a la répartition inégale de la richesse. „Mais il n'y a rien a changer au moyen des institutions sociales aux influences cosmiques, telles^ qu'une basse température, ou la non-réussite de la récolte, qui, toutes les deux, causent une augmentation de crimes contre la propriété," objectera un adversaire. Cependant ceux qui sont de cette opinion oublient qu'on ne devient pas criminel puisqu'il fait froid, mais que celui qui souffre par suite de la basse température ne devient criminel, que si la société ne pourvoit pas aux besoins nés du froid. L'influence de Ia société ne se voit pas si distinctement quand il s'agit des crimes contre les personnes. Tout de même elle est trés grande; les conditions économiques de nos jours influent de deux facons: la misère d'une part, 1'injustice de 1'autre. La misère nuit non seulement au physique mais aussi au moral de Phomme puisqu'elle le laisse dans 1'ignorance et la grossièreté et ne développe point ses sentiments moraux. Le malheur rend mauvais. Et puis on supporte plus difficilement les maux causés par la société que ceux qui sont les conséquences de la nature. En second lieu, 1'inégalité économique étouffe le sentiment du juste dans 1'homme, puisqu'elle 1'accoutume a cette inégalité. „La loi est égale pour tous" n'est qu'une phrase, car tous ne sont pas socialement égaux. Une des objections les plus répandues quant a la thèse que les crimes sont nés des conditions sociales est celle-ci: que si une amélioration de ces conditions amène une diminution des crimes contre la propriété, le nombre des crimes contre les personnes augmente alors. En opposant a ce fait, observé e. a. par Ferri et considéré comme un des arguments les plus efficaces contre la thèse de Turati et de ses partisans, une autre observation de Ferri, celle que la criminalité prend de plus grandes proportions mais devient moins intense et moins crue, on verra assez clairement qu'il peut y avoir un puissant contre-déterminant aux penchants a commettre des crimes contre les personnes, résultant d'une bonne nutrition etc., c. a. d. 1'éducation. Ouant aux crimes sexuels, ils augmentent quand la nutrition s'améliore. En voici la cause: les besoins sexuels se rapportent directement a la nutrition. Cependant une augmentation des besoins sexuels en eux-mêmes n'a rien a faire avec la criminalité. Ce n'est que 1'organisation sociale qui change ces penchants sexuels devenus plus intenses, en crimes, puisqu'elle a subordonné la satisfaction de ces besoins a des raisons économiques. II y a en outrc encore beaucoup d'autres causes sociales, comme p. e. les mauvaises conditions d'habitation, qui poussent le prolétaire a commettre les crimes en question. Ensuite 1'auteur indique l'influence énorme sur la criminalité de 1'abus d'alcool, dont les causes se trouvent aussi dans 1'organisation sociale. Un autre argument de Ferri doit encore nécessairement être réfuté, c. a d. que Turati et ses partisans attachent trop de poids a 1'éducation. Malgré 1'égalité de 1'éducation de deux frères, dit Ferri, 1'un devient un filou et 1'autre un héros. A quoi 1'auteur répond qu'on peut dire a aussi bon droit: gr ace a 1'éducation lc frère d'un filou devient un héros. Mais en parlant d'éducation Ferri vise cellc de la bourgeoisie, ^ qui est en opposition avec la réalité et ne peut par conséquent n avoir qu une petite influence. . , . , . Du jour oü 1'état de la société sera devenu sain, et que les interets de tous seront pris a cceur, la morale pourra étre en harmonie avec lei réalite. „II vero sostitutivo penale que tutti li abbraccia è la diffusione egualitaria fin dove è socialemente possibile, del benesserc e dell' educazione, delle gioie d'amore e del pensiero." V. P. LAFARGUE. La première partie de 1'étude „die Kriminalitat in Frankreich von 1840—1886" est remplie par 1'examen du mouvement de la criminalité durant ces années. L'auteur aboutit a la conclusion que dans cette période la criminalité s'est accrue, et que la ligne qui démontre eet accroissement se compose d'une succession de courbes alternativement concaves et convexes. ') Dans la deuxième partie il traite des causes du crime. Après avoir relevé la croyance que les idéés de liberté, d'égalité et de fraternité de la révolution francaise une fois proclamées, la criminalité diminuerait bientöt, mais que cette opinion était entièrement démentie par les faits, l'auteur fixe 1'attention sur 1'opinion, universellement répandue dans la première moitié de ce siècle, qu'une des plus importantes causes de la criminalité serait le manque d'enseignement. Cette hypothèse a été reconnue fausse, en général, a la suite de 1'examen des faits. Selon Lafargue, qui sur cela est tout a fait d'accord avec Ouetelet, il ne faut pas examincr les qualités de 1'individu seulement, mais il faut aussi et surtout analyser la société et essayer de rechercher de telle manière les origines du crime. Ensuite l'auteur démontre quelques résultats des recherches de Ouetelet sur 1'influence de la saison, de 1'age et du sexe sur la criminalité, et il expose et critique brièvement les théories de Lombroso et de ses partisans sur rhomme criminel. Nous irions trop loin si nous communiquions plus amplement sa réfutation aussi spirituelle que juste. Ouelques statisticiens rattachent les résultats des récoltes et des vendanges a la criminalité. Un examen pareil pour ce qui concerne la France donne aussi quelques résultats: les années 1847, 1854, 1868 et 1874, qui se caractérisaient par une forte augmentation de la criminalité, étaient précédées d'années de mauvaises récoltes. La moyenne des récoltes des blés était: de 1840 a 1853 environ 80 millions d'hcctolitres „ 1856 „ 1885 „ 100 la récolte montait: !) — Nous 11e pouvons que regretter que l'auteur n'ait pas tenu compte du mouvement de la population. S'il 1'avait fait, son étude aurait eu plus de valeur encore. — en 1846 a 61 millions d'hectolitres „ 1853 » 63 „ 1867 „ 83 „ 1873 „ 84 „ Cependant les mauvaises récoltes de 1855» 1861 et 1879 neurent pas ces suites, et avec les bonnes récoltes de 1847 a 1852 la criminalité augmentait. ïci il y avait donc encore d autres déterminants. 1 ar conséquent, quoique les prix du blé puissent partiellement causer les ondulations de la criminalité, ils n'expliquent nullement 1'accroissement général de 1840 a 1886. L'auteur combat encore 1'opinion du prof. Lacassagne que les crimes contre les personnes sont avant tout sous 1'influence de la production et de la consommation du vin. Si cela était, les départements vinicoles devraient fournir le chifïfre le plus élevé des crimes contre les personnes, ce qui est contraire a la vérité. Par contre Lafargue est d opinion que, sous ce rapport, la consommation de 1'eau-de-vie est de la plus grande importance. L'abus toujours accroissant d'alcool (c. a. d. de boissons fortes comme 1'eau-de-vie), qui, a son tour, est une suite de la condition misérable des prolétaires, est une des causes de la criminalité accroissante. Ouantité d'alcool consommée: Année. En total. rar naDitant. (Hectolitres) (Litres). 1850 585.200 1,46 1855 7I4-8I3 2'°° 1860 851.825 2,27 1865 873.007 2,34 1875 1.010.052 2,82 1880 i-313-849 3.64 1885 1-444-342 , , 3,86 Dans la troisième partie l.atargue rena ses recnercnes »ui la corrélation entre conditions économiques et criminalité. La théorie de Lombroso fut-elle vraie, la criminalité devrait diminuer ; les mauvaises récoltes de vin et de blé n'expliquent pas 1'augmentation non plus, et le climat ne s'est pas altéré durant cette période. Cependant, 1'accroissement de la criminalité coincidait avec 1 augmentation énorme des forces productives en France. 1840 1860 1880 1884 I . — Force de chevaux des machinesk vapeur ) 34.";o 177.652 544.152 683.090 industrielles et agricoles S j Consommation de charbon de terre (en ) 4,256.000 270.000 28.846.000 30.941.000 tonnes) > Production de fer (en tonnes) 585.000 1.430.000 2.790.000 2.747.000 Production d'acier (en tonnes) j 8.262 j 30.000; 389.000 503.000 Mouvement commercial annuel. (Impor- j tation et exportation en millions de. 1.44- ' 4-'74j 8.501 francs) ) 1 Montant des successions (en millions de ) 1 1,608; 2.724' 5.265 5.244 francs) H | . , Richesse nationale (en millions de francs) 64.320 108.960 210.60c 209.7bo '9 II existe donc une forte harmonie entre le développement des forces économiques et 1'accroissement de la criminalité. Faut-il y voir du hasard seulement ou y aurait-il causalité entre ces deux? Ouetelet déja a relevé que les districts les plus pauvres, c. a d. ceux dans lesquels la richesse absolue n'est pas grande, mais dans lesquels les contrastes de possession ne sont pas bien marqués, fournissent les plus bas chiffres criminels, et que les provinces les plus riches ont par contre les chiffres les plus élevés. Eh bien, selon Lafargue cette circonstance est devenue encore plus saillante par le développement du capitalisme. „Die kolossale Entvvicklung der Produktivkrafte unddes Nationalreichthums führte nicht dazu, den Wohlstand aller Mitglieder der Gesellschaft zu vermehren, sondern auf der einen Seite riesige Vermogen, und auf der andern Elend und Noth der groszen Mehrheit des Volks aufzuhaufen." ') „Wenn die Vermehrung, Abstufung und Vervollkommung der Strafen unfahig war, den aufsteigenden Gang der Kriminalitat aufzuhalten, so bevveist das, dass die Verbrechen und Vergehen gegen das gemeine Recht nothwendige Produkte der Verhaltnisse sind, eng verkniipft mit der Art und Weise der Schaffung des gesellschaftlichen Reichthums in der kapitalistischen Gesellschaft. Die Entwicklung der kapitalistischen Produktionsweise ist keine gleichmiiszige: manchmal überstiirzt sie sich, dan stockt sie wieder und erleidet Krisen, welche die Existenz von Tausenden und Millionen von Individuen über den Haufen werfen. Ist es richtig, dass die moderne Kriminalitat eine nothwendige Folge der Art der Reichthumserzeugung in der kapitalistischen Gesellschaft ist, dan miissen die Schwankungen im Gang der Verbrechen und Vergehen mit den VVandlungen der Produktion zusammenfallen: ihre Zahl musz in Zeiten van Krisen zunehmen und in Zeiten wirthschaftlichen Aufschwungs sich verringern; mit andern \\ orten, die Kriminalitat wird bestimmt durch das Blühen oder Darnieaerliegen der kapitalistischen Produktionsweise."2) Or, comme mesure comparative des conditions économiques Lafargue a pris le nombre des faillites par année. 8) 11 a en outre tracé une courbe du prix des farines. 4) 1) p. 107. 2) p. 108—109. 8) La loi sur les banqueroutes ne s'occupe pas de l'agriculture. Cependant l° 1'industrie est beaucoup plus importante que l'agriculture dans le mode de production capitaliste; et 20 la courbe des hypothèques (qui nous désigne Fétat de l'agriculture) est parallèle a celle des faillites, ce qui prouve que l'agriculture a la même sort que le commerce et 1'industrie. 4) En examinant les tableaux statistiques il faudra bien se rappeler qu'ils ne rendent pas une image réelle de la criminalité, quoique les lignes aient été tracées pour les années 1870—1871. Car: 1" tous les gendarmes etc. étaient sous les armes; 2" les cours martiales jugèrent les crimes et délits civils; 3" une trés grande partie de la population masculine agée de 21 a 4° :*ns faisait son service militaire actif. Planche i. Léeende: I. Crimes contre les personnes et contre la propriete, juges par les cours d'assises. II. Criminalité générale (crimes et délits). III. Delits contre le droit commun, jugés par les tribunaux correctionnels. IV. Prix d un sac de farine aux Halles de Paris. V. Nombre des faillites. En examinant la première planche nous voyons que les lignes II et III quoique n'étant pas tout a fait parallèles a V, la suivent pourtant en gé'néral. Selon Lafargue il y a trois contre-déterminants qui causent les déviations: i° changements des prix de farine; 2° événements politiques • 30 activité industrielle extraordinaire. Ainsi p. e. ce sont les événements politiques de 1848—1852 qui empêchent la baisse de la ciinnnalité durant ces années, quoique les faillites et les prix de farine eussent diminué, et a partir de 1854 un développement économique fiévreux recommence de nouveau, qui combine aux prix de farine diminuants (1856— 59) cause une baisse de la criminalité durant ces années. En même temps les faillites montent un peu; cependant les chiffres ne sont pas tixcs en proportion du nombre des entreprises industrielles et commerciales; autrement, la ligne aurait certainement dü être tracée d une autre fatzon dans cette période. La forte baisse des prix de farine en 1869 neutralisait 1'augmentation des faillites et faisait même diminuer la criminalité. De 1874 a 1878 nouvelle revivifïcation industrielle qui rend stationnaire ou fait baisser la criminalité. Dès 1876 les faillites augmentent fortement et la criminalité suit un peu moins fort; les prix du blé baissants (1811 a 1885) ont certainement exercé ici leur influence. Plaxche II. Légende: I. Vols commis avec circonstances aggravantes, jugés par les cours d'assises, et vols simples, jugés par les tribunaux correctionnels. II Vol, fraude, soustraction, jugés par les tribunaux correctionnels. 111. Nombres des faillites et prix des farines combinés. Les courbes sont presque sans cesse parallèles; les déviations sont causées par les événements politiques et par la revivification industrielle. Plaxche III. Légende: I. Vagabondage et mendicité. II. Faillites. 111. Repris de justice condamnés par les cours d'assises ou par les tribunaux correctionnels. Vagabondage et mendicité prennent lc menie cours que les faillites; cependant ils montent de 1848 a 1852 par suite des troubles politiques de ces années. L)ès 1878 les faillites et le vagabondage et la mendicité montent et sont parallèles. Dans des périodes de revivification industrielle (1854—1859 et 1874—1876) vagabondage et mendicité baissent fortement. En examinant la courbe de la récidive il ne faudra pas oublier que depuis 1884, beaucoup de récidivistes sont condamnés a la déportation. Planche IV. Légende: I. Viol de mineurs. II. Consommation d'alcool. III. Faillites. Ici nous voyons 1'effet contraire de celui des planches précédentes. si les faillites augmentent les viols diminuent généralement, et vice versa. D'après ce tableau la consommation d'alcool n'a point de rapport avec les crimes contre les mceurs. A la fin de son étude 1'auteur fait la conclusion suivante: „die Wirkung der Bankerotte auf die Kriminalitat und die Politik ist ein unleugbarer; sie bildet einen der schlagendsten Beweise für die Richtigkeit der historischen Theorie von Karl Marx, die die krscheinungen, der Litteratur und Kunst, der Moral und Religion, der Philosophie und Politik in der menschlichen Gesellschaft zurückfiihrt auf die Erscheinungen der ökonomischen Entwicklung." ') !) p. 116. VI. H. DENIS. Le prof. H. Denis commence son rapport au 3me Congrès d'anthropologie criminelle, intitulé „La criminalité et la crise économique", en attirant 1'attention sur 1'influence que la crise de 1846—1847 a exercée sur la criminalité. Les récoltes du froment, du seigle et surtout des pommes de terre avaient été mauvaises, ce qui avait élevé le prix de ces denrées. La dissolution du travail domestique et 1'introduction des machines opéraient en même temps une révolution dans 1'industrie linière. Aussi les chiffres de la criminalité indiquent-ils un accroissement énorme durant ces années et, a partir de cette époque, une décroissance continue. (Voir aussi la planche.) Années. Délinquants sur 10.000 habitants. 1845 28,8 1846 47,9 1847 65,3 1848 42,4 1849 25,— 1850 19,8 1851 19,8 1852 19,2 1853 19,7 Ensuite 1'auteur traite de 1'effet produit sur la criminalité par les crises de 1874 et des années suivantes. Le prix du blé ne donnant plus, par suite de 1'importation, une image exacte des conditions économiques, la planche ci-jointe contient aussi les „nombres indicateurs" (de 28 des plus importants articles de commerce). Un examen de la courbe des „nombres indicateurs" sur la planche ci-jointe indique une hausse ondulatoire durant la période de 1850 a 1865 et une baisse ondulatoire durant la période qui suit les années 1874—1875. Durant la première période, dans laquelle les conditions économiques étaient favorables, (les années 1870 a 1873 se caractérisent même par un fiévreux développement économique) la criminalité reste assez stationnaire. (Ce n'est que durant les années 1856—1857 et 1861 •—1862 qu'on observe une augmentation, qu'il faut probablement attribuer a la hausse des prix du blé). La dépression économique qui commence après 1874 se fait rigoureusement sentir, la criminalité augmente sans cesse sans que le prix du blé BELCiqUE toujours diminuant puisse empêcher eet aeeroissement '). Le prof. Denis termine son rapport dans les termes suivants: „La solution du problème de la criminalité doit être en partie demandée aux institutions économiques, et plus le mouvement social de la richesse sera régulier et constant, plus on se rapprochera d'un équilibre normal des fonctions collectives, plus on pénétrera de justice les institutions économiques, et plus aussi on se rendra maitre de la criminalité. Un savant criminaliste italien, Ferri, étudiant 1'évolution de la criminalité en France, dans ses rapports avec le revenu de la classe la plus nombreuse, a montré qu'avec 1'augmentation générale du salaire, on voit décroitre certaines classes de délits. L'accroissement général du bienêtre est un gage certain de diminution de la criminalité. Mais il en est un autre, c'est la diminution de ces oscillations plus ou moins profondes du monde économique, dont le retour périodique est certainement 1'un des aspects les plus graves de 1'état social moderne. En second lieu, les causes économiques qui affectent la tendance au crime révèlent une solidarité immense, qui va toujours s'étendant dans 1'espace comme 1'hérédité plonge dans le temps ses racines profondes. Les grandes fluctuations des prix sont communes au monde tout entier, et 1'individu que ces perturbations poussent au crime par une suite de répercussions, re^oit 1'ébranlement d'un grand nombre d'autres individus, sans qu'il ait jamais conscience de cette solidarité infinie. Mais la science doit s'efforcer d'en recueillir les témoignages. Enfin, ces grandes influences économiques tendent, d'une part, a réduire le champ de la responsabilité individuelle, et, d'autre part, a donner un caractère précis a la responsabilité de la société qui s'y rattache; elle est responsable, en effet, dans les limites oü, pouvant contenir ou conjurer les fluctuations économiques et en corriger les effets, elle négligé de le faire. C'est la que le mot terrible de Quetelet est encore vrai; elle arme elle-même le bras du criminel." 2) ') A la page 367 du Compte Rendu du Ve Congr. d'Anthr. crim. un des membres, M. v. Kan exprime son sentiment qu'entre la thèse du prof. Denis et les faits il existe une flagrante opposition. A mon avis cette opinion n'est pas juste. Une augmentation des prix a en elle-même des suites facheuses pour les consommateurs, et la criminalité s'en ressent; un abaissement au contraire a ordinairement une bonne influence. Mais une dimunition des prix peut aussi représenter un ralentissement de Pactivité économique, c. ü. d. une crise, et c'est le cas pour le fait que cite le prof. Denis, oü le travail devient plus rare, de sorte que les conditions sont bien pires que par suite d'une augmentation des prix. II va donc de soi que l'abaissement des prix ne peut neutraliser une influence aussi importante sur le crime. Les faits et la thèse du prof. Denis sont donc parfaitement d'accord. a) p. 370—371 Actes du troisième Congrès international d'antliropologic criminelle. Voir du même auteur: xL'influence de la crise économique sur la criminalité et le penchant au crime de Quetelet" et »Le socialisme et les causes économiques et sociales du crime." VII. H. LUX.') Dans le chapitre „die degenerirenden Einwirkungen des Kapitalismus" eet auteur traite de la question de la criminalité et de sa relation avec les conditions économiques actuelles. „Die Besitzenden, Diejenigen, die sich im Genusz aller staatlichen und gesellschaftlichen Institutionen befinden, haben allein ein „Recht auf Existenz", die Besitzlosen genieszen dasselbe nicht — trotz der diesbezüglichen Eiktion des preuszischen Landrechtes. Der einfache Selbsterhaltungstrieb veranlaszt diese zu einem steten Ansturm gegen das einzig die Starkeren schützende Recht; und dieser Ansturm ist eben das, was die im Besitz der Macht Befindlichen, Diejenigen, die zur Sicherung der Macht das Recht dekretirten, als eine Rechtsverletzung, als Verbrechen bezeichnen. — Das sind die einfachsten Beziehungen zwischen Gesellschaftsform und Verbrechen. Natürlich treten hierin die verschiedensten Komplikationen ein. — Je starker die Besitzlosen, die Entrechteten, durch einen Zufall selbst werden, desto mehr modifiziren sie das von dem frtiher Starkeren statuirte Recht, desto mehr Komplikationen entstehen in dem ursprtinglich einfachen Eigenthumsrecht, dem Eherecht, dem Recht zuni Schutz gesellschaftlicher Institutionen, desto gröszer und komplizirter wird der Kreis der Verbrechen." 2) Après avoir ensuite brièvement parlé du „libre arbitre," et après avoir relevé qu'il est inexact de lier la criminalité a un seul phénomène social seulement, puisque le mécanisme social est trop compliqué, 1'auteur commence par traiter les crimes contre la propriété. En premier lieu il donne les tableaux suivants: ') ixSozialpolitisches Handbuch," 2) P- 143—144- ALLEMAGNE. Prix ' Sur 10.000 habit. ,, -fyv, ~ rï?~ au-dessus de 12ans: Années. | en Marcs pour i .ooo Kilogr. enPfenn.pouriK. , i de pain. de pois. ƒ °™re^ dc ,X£llf' de Porc- ^prop.^'" Vols' 1881 198 251 43,5 114 128 j — — 1882 1 171 236 56,5 116 128 52,9 32,6 1883 155 241 45,5 120 128 51,0 31,6 1884 145 229 47,0 120 120 50,7 30,1 1885 147 212 38,0 119 120 48,6 27,9 1886 130 209 39,5 117 119 48,1 27,2 1887 135 198 41,5 113 115 47,1 26,0 1888 144 219 59,0 112 114 45,9 25,4 1889 162 209 42,0 117 128 j! 49,3 28,i1) HONGRIE. 1881 1882 1883 1884 1885 1886 1887 1888 Condamnés pour vol .... 19 26,7 25,7 23,432,2 22,0 21,7 22,3 Récolte de maïs par hectare. 16,120,0 16,8 17,220,5 15»5 r4>2 18,0 „ „ pommes de terre par hectare . . . 81,8 110,7 109.9 80,1 92,0 77,2 79,0 85,4 Enfin le Dr. Lux cite encore quelques chiffres du travail de Kolb „Handbuch der vergleichenden Statistik," qui démontrent 1'étroite liaison entre les crimes contre la propriété et les conditions économiques. Crimes politiqaes. „Bei den Verbrechen gegen Staat, öffentliche Ordnung und Religion is die Abhangigkeit von den Gesellschaftsformen unmittelbar einleuchtend. Der Klasscnstaat, d. h. die Summe der Besitzenden, erblickt eben in den von ihm eingesetzten Institutionen, in allen bestehenden Staatseinrichtungen — und nicht in letzter Linie in der Religion — die festeste Stiitze fiir die privatkapitalistische Wirthschaftsform, die um jeden 1'reis erhalten bleiben soll. Die Besitzenden haben die Macht, ihre Sonderstellung durch Gesetze zu schützen, die sich gegen alle Diejenigen kehren, welche die Macht der Besitzenden brechen wollen. Und langen die Gesetze nicht mehr aus, so tritt an deren Stelle die Interpretation der Klassenjustiz. Das ist nur logisch und konsequent und entspricht ganz dem Geist und dem Zweck der Gesetzgebung überhaupt. Je mehr sich aber die durch den Besitz begründeten Rechte der Besitzenden vergröszern, desto mehr fühlen sich die Besitzlosen 1) — Dans les deux dernières colonnes il y a »crimes", corrigé plus tard par 1'auteur lui-même en «criminels." Voir Neue Zeit 1892—1893, II p. 719 et 1893-1894 lp. 184 et P- 535- — als Entrechtete — im weitesten Sinne des Wortes — in ihrer Existenz, in ihrem volkommenen Ausleben gefahrdet, und desto energischer ist die Reaction gegen die als Willkür empfundenen Gesetze, desto heftiger ist der Ansturm gegen dieselben. — Uebrigens eine charakteristische Erscheinung aller Uebergangsperioden der Gesellschaftsformen." ') La question qui se présente maintenant est celle-ci: jusqu'a quel point ces facteurs se rattachent-ils aux conditions économiques actuelles ? Avant de 1'entamer 1'auteur fixe 1'attention sur le milieu dans leqiiel vivent les enfants des prolétaires et surtout eeux des „Lumpenproletarier" milieu oü la misère et le vice se disputent le pas. II n'y peut presque pas etre question d'apprendre des conceptions éthiques. De la aussi que de nos jours la criminalité parmi les jeunes gens a beaucoup augmenté. Pourtant il faudra encore nommer 1'alcoolisme comme une des plus importantes causes des perturbations psychiques. Ce ne sont seulement les non-possesseurs, mais aussi les possesseurs, qui sont poussés a commettre des crimes par les conditions économiques existantes. „Aber nicht blos für die Besitzlosen, für das Proletariat, schafift der Kapitalismus die psychischen Vorbedingungen für das Verbrechen . . . . sondern auch für die Besitzenden selbst. Ganz abgesehen von der Kategorie von Handlungen, von Geschiiftspratiken, die auf der haarscharfen Schneide zwischen Recht und Unrecht stehen, abgesehen von den jenigen Eigenthumsdelikten, Betriigereien, Falschungen etc., vvelche durch die zu leichte Gelegenheit hervorgerufen werden, zeitigt das hastende Treiben nach Erwerb, die Beschleunigung des Geschaftsverkehrs mit Eisenbahn, Dampfschifif, Telegraph und Telephon, die Zunahme der Handelskrisen, die friiher intermittirend auftraten, jetzt aber eine permanente Begleiterscheinung des sozialen Lebens geworden sind, eine durch alle Kreise der Gesellschaft gehende Nervositeit, die sich bestandig steigert und die Vorlauferin schwerer Psychosen ist. Die erschreckliche Zunahme von Irrsinnsfallen (in Preussen auf 10.000 Einwohner 1871 : 5>94> i^75 : 7>2^> 1880: 9,87), erscheint somit direkt bedingt durch die kapitalistische Gesellschaft." 2) Cependant dans 1'homme agissent comme contre-déterminants, qui combattcnt les facteurs criminogènes nommés, les facteurs éthiques (ethische Hemmungsvorstellungen) qui sont déterminés par 1'éducation, la peur de punition, le caractère etc. Ceux qui ne veulent pas rechercher les causes les plus profondes de la criminalité sont d'opinion que le meilleur moyen de combattre le crime c'est d'aggraver les peines. Les personnes qui parient ainsi oublient que les soi-disants facteurs éthiques n ont plus aucun effet aussitót que les circonstances ont atteint un certain degré de gravité. Crimes contre les personnes. Ce sont les ouvriers dans 1'industrie qui forment le plus grand contingent des criminels contre les personnes. Et c'est bien évident. „Die bestandig wechselnden Erwerbsverhaltnisse, Trunksucht, die geringen Einflüsse der Familie, das enge Zusammenleben bei mangelhafter Erziehung und geringer Bildung (sofern die Bethatigung 1) p. 150. 2) p. 156-157. an den Bestrebungen der Sozialdemokratie nicht die heute fast werthlose Erziehung in Familie und Schule ersetzt) — sie allen züchten mit Nothwendigkeit Rohheitsverbrechen heran; ganz abgesehen von dem Gewohnheitsrowdythum der Zuhalter (Louis), das als Konsequenz der Prostitution zu erachten ist." ') A cóté des circonstances extrinsèques sus-nommées il faut aussi observer la personne du critninel. On peut considérer comme prouvé que, dans quelques cas de criminalité, une des causes est une perturbation psychique (p. e. celle par des excès d'alcool). Ces perturbations jouent un grand röle dans les crimes contre les mceurs (penchants pervers). Ce qui caractérise le plus ces anomalies psychiques c'est qu'elles engourdissent les instincts sociaux. Mais il existe encore une autre cause de dégénérescence psychique: „Es ist ein algemein gültiges psycho-physisches Gesetz, dasz der Mensch, „je mehr er sich an den Zustand angenehmer Reize fiir die befriedigten Sinne gewöhnt hat, er immer starkere Reize bedarf, um auch nur das gewohnte Behagen des Lebensgenusses behaupten zu können." Die Genüsse, besonders die sinnlichen Genüsse, müssen immer intensiver, immer pikanter werden, damit sie Befriedigung schaffen, aber je mehr sie sich in ihrer Intensitat steigern, desto mehr werden sie auch die Nerven reizen und abspannen, desto rascher legen sie den Grund für psychische Erkrankungen des Individuums selbst oder seiner Nachkommen. — Unbetont aber darf nicht bleiben, dass eine solche Steigerung der Reize nur dem reichlich Begüterten möglich ist, für ihn also in erster Linie diese Quellen der Seelenstörungen in Betracht kommen." 2) Après avoir encore fixé 1'attention sur la forte recidive des délinquants du sexe féminin, sur le grand accroissement de la criminalité de nos jours, et sur le grand pourcentage des jeunes gens dans le nombre des criminels, 1'auteur termine ses considérations par les termes suivants: „In der auf den Kapitalismus gegründeten Gesellschaft gehort eben das VerDrechen zu denselben nothwendigen Requisiten, wie die Prostitution, wie die Vernichtung zahlloser Menschenleben durch die wirthschaftliche Ausbeutung etc." 1) p. 152. 2) P- i59- VIII. P. HIRSCH. Après avoir démontré, dans le premier chapitre de son travail „Verbrechen und Prostitution", la relation entre criminalité et prostitution, et 1'accroissement des deux dans les derniers temps, 1 auteur donne, dans le deuxième chapitre, un court exposé de la doctrine de 1'anthropologie criminelle, et dans le troisième chapitre il entanie la doctrine de i'ambiant social. Alors il traite d'abord de la „Beförderung von Prostitution und Verbrechen durch Ehehemnisse". Les mariages augmentent ou diminuent selon que les conditions économiques s'améliorent ou empirent. Ainsi p. e. en Prusse il y a eu, de 1866 a 1870, 1605 mariages sur 100.000 habitants; ce nombre s'élève a 1896, dans la période de prospérité de 1870 a 1875, pour diminuer jusqu'a 1624, en 1888. Dans d'aussi mauvaises périodes, le nombre des naissances illégitimes augmente par conséquent. II est trés compréhensible que les enfants naturels fournissent un plus grand nombre de criminels que les enfants légitimes, puisqu'ils ont plus de peinc a supporter le combat pour la vie que les autres. Ensuite il expose comme cause criminogène „der Einflusz der hciuslichen Verhaltnisse." Quand les parents appartiennent déja a la classe des criminels, il est presque inévitable que leurs enfants, jeunes encorc, tombent entre les mains du juge. Et le système de production actuel est cause que 1'éducation des enfants des prolétaires est presque nulle, puisqu'il oblige le père, et trés souvent la mcre aussi, a travailler dehors durant la plus grande partie du jour et souvent même de la nuit. La situation est encore plus défavorable pour les enfants qui ont perdu leurs parents quand ils étaient encore tout jeunes: d après la reniarque de Starke environ 57 °/0 des enfants légitimes parmi les jeunes détenus dans la prison de Plötzensee étaient orphelins ou abandonnés par leurs parents. . La troisième partie porte comme titre „die Wohnungsverhaltmsse des Proletariats". „Eine menschenwürdige Wohnung ist die erste \ orbedingung für das lcibliche und geistige Wohl der Familie, sie ist die Voraussetzung für ein geordnetes Eamilienleben und für die Erziehung der Kinder zu sittlichcn Menschen. Unzahlbar sind die aus der Wohnungsnoth entspringende Miszstande, schier unerschöpflich ist diese Quellc des Verbréchens, der Prostitution und Laster jeglicher Art." >). Toutes les données démontrent que c'est lc prolétaire qui, de toutes les classes de la population, paie le plus de loyer et est le plus misérablcmentf logé. A Berlin p. e. les classes les plus pauvres ont a dépenser en moyen le quart de leur revenu pour le loyer; a Hainbourg la partie du revenu qui devait être dépensée pour le loyer se montait, pour la classe avec un revenu de 600 a 1200 Marcs, en 18C8 k 18,77 °/0, en 1874 a 20,90°/0, en 1882 a 23,51 °/o et en 1892 a 24,71 °/0, tandis que le pourcentage restait le même ou diminuait pour les autres classes. Pour combler le déficit qui en résulte 011 loge alors souvent des hötes pour la nuit („Schlafleute."). „Die Nachtheile der Aufnahme von Aftermiethern liegen klar auf der Hand. „„Kinder beiderlei Geschlechts müssen mit Kltern und oft mit Fremden im gleichen Raume, oft auch im gleichen Bette hausen, die Vortheile der Hauslichkeit gehen verloren, das Wirthshaus bietet vielen eine angenehmere Erholung als das Zusammensein mit Frau und Kind in einem Raume, der mit Fremden getheilt werden musz, in dem die Gelegenheit zu Zank und Streit infolge des engen Aneinanderwohnens ununterbrochen besteht. Es werden die schlechten Wohnungen somit eine der Ursachen des steigenden Alkoholismus, der Zerriittung des Familienlebens, der mangelnden Erziehung der Jugend" (Braun)" 2). Le chapitre qui nous importe ensuite contient: „die gewerbliche Nebenbeschiiftigung von Schulkindern." II va sans dire que, dans les cas oü le salaire du père de familie doit être augmenté par le travail de la mère, les enfants aussi doivent être mis au travail rémunérateur déja a un age oü ils devraient passer leurs loisirs en s'amusant. Car, quoique le travail des enfants soit un peu limité par le législateur pour ce qui concerne le travail dans les usines, il est encore communément pratiqué dans 1'industrie en chambre. Outre cela la plupart des enfants des prolétaires doivent dans leurs loisirs faire toutes sortes de travaux nuisibles a leur physique et a leur moral. „Es liegt klar auf der Hand, in wie hohem Masze die Schulkinder durch die gewerbliche Nebenbeschiiftigung geschïidigt werden. Ganz abgesehen von dem Schaden, den sie in gesundheitlicher Beziehung erleiden, ganz abgesehen davon, dasz die ermüdeten Kinder den Worten des Lehrers nicht mit genügender Aufmerksamheit folgen können und dasz infolge dessen fiir viele von ihnen der Schulunterricht so gut wie hinfallig wird, ist von allen Dingen ihre Sittlichkeit in hohem 7\Iasze gefahrdet. Unter dem Druck der Noth lernen solche Kinder jeden Vortheil, ob erlaubt oder unerlaubt, wahrnehmen, und werden schon frühzeitig — nicht durch ihre Schuld, sondern durch die Schuld der Gesellschaft — mit dem Laster vertraut."3) „Wer diese Verhaltnisse überschaut, den kann es nicht in Erstaunen setzen, dasz nach den Mitttheilungen des Superintendenten Sckönberger auf der im Frühjahr 1895 zu Berlin tagenden Kreissynode von 100 jngendlichen Geftingenen, in der Strafanstalt Plötzensee bei Berlin 70 wcikrend der Schulzeit als 1) p. 40. 2) p- 41. 8) P- 54- Frühstücks-, Zeitungstrager, Rolljungen, Laufburschen, Kegeljungcn u s w beschaftigt waren und zwar morgens friih von 4V2 Uhr an, in einigen Pallen noch früher, bis zur Schulzeit, und nachmittags entweder voll oder von 4 bis 7V2 bezw. 8^2 Uhr abends. ') Ensuite Hirsch exaniine Vinjhtence des crises êconomiques. II emprunte e. a. ce qui suit aux recherches de J. S(chmidt). Pendant une dépression économique de 1875 a 1878 le nombre des punitions infligées par la Ordnungspolizei" dans le pays de Bade montait de 16.21b a 22.624, et celui des peines infligées par la „Sittenpolizei" du même pays de 1905 a 4.485; donc il y avait des augmentations de 40 et 125 Dans la période de prospérité de 1882 a 1885 ces chiffres tombaient de 22.765 a 18.856 (16 w/c) et de 4.106 a 4.007 (3 Durant les années de crise de 1889 a 1892 le nombre des récidivistes condamnés pour vol augmentait de 18 o/0, et celui des autres condamnés pour vol de 6°/„. Dans la période de 1875 a 1878 (années de crise) le nombre des dehts contre la propriété augmentait de i74ü/o et diminuait de 13 /0 dans les années 1882 a 1885 (période de prospérité). Pour en finir 1'auteur fixe 1'attention sur le fait qu il y a aussi des criminels qui sont prédisposés au crime par leur constitution physique (perturbation des facultés mentales) et il traite de „la répression du crime et de la prostitution." P- 54- Voir aussi: P. Kropotkinc, ^Parolcs dun révolté," p. 241 sqq. et he coming anarchy," p. 161 (Ninetcenth century 1887). J. Stern »Einflusz der sozialen Zusti de auf alle Zweige des Kulturlebens" p. 24 sqq. E. Belfort Bax «Ethics of Socialism. («Criminal Luw under Socialism.") T. W. Teifen, »)Das soziale Elend und die besitzcnden Klassen in Oesterreich" p. 132-137, '7°—I7i- J- S^m'dt '^int],usz und der Steieerung der Lebensmittelpreise auf das Gesellschaftsleben p. 16 19, 3. H Wetzker. »Die Zunahme der Verbrechen" (Socialistische Monatshefte 1902 .) Voir encore Chapitre I dans lequel j'ai traité e. a. de plusleurs socialistes, qm devraient être placés dans ce chapitre I, puisqu lis ont ecnt avant la naissance de la criminologie moderne. CHAPITRE HUITIEME. CONCLUSIONS. Arrivé a la fin de mon exposé, il me reste encore a résumer les differents chapitres. Comme nous avons vu, une trés petite partie des auteurs qui se sont occupés du sujet nient 1'existence de la relation entre criminalité et conditions économiques, et a mon avis ils n'ont pu prouver la justesse de leur thèse.') 1) A la page 365 sqq. du «Compte-rendu du cinquième Congrès d'anthropologie criminelle" M. van Kan fixe 1'attention sur le fait que les opinions sur la question différent tant, que d'une part quelques auteurs rejettent une influence, si minime qu'elle soit, des conditions économiques; et que d'autre part il y a des auteurs qui attribuent un pouvoir absolu a ces influences Cette divergence frappe d'autant plus, que les deux opinions sont défendues par des criminalistes »qui sont positivistes les uns comme les autres et puisent, les uns comme les autres, leurs matériaux dans la réalité tangible de la statistique et des faits observés." L'explication que M. van Kan donne de ce fait est la suivante: en recherchant la relation sus-nommée on a confondu la portée de la recherche statique avec celle de la recherce dynamique. Celle-la est la seule qui soit destinée a mesurer 1'influence des divers facteurs a une époque donnée et dans un pays déterminé. Cependant la plupart des criminalistes se sont servis de la méthode dynamique; ils ont comparé la courbe de la criminalité contre la propriété a celle des événements économiques, et du paralléllisme presque constant de ces courbes ils ont tiré la conclusion que les crimes contre la propriété sont déterminés presque exclusivement par des facteurs économiques. D'après M. van Kan cette conclusion est inexacte, puisque le paralléllisme des courbes nommées n'exprime pas une «relation également constante et intime entre les deux phénomènes observés, la criminalité et 1'état économique, mais simplement entre leurs mouvements." En comparaison des autres facteurs, des influences sociales et telluriques, le facteur économique est le plus sujet aux changements. De la que la criminalité se modifie cn même temps que les conditions économiques. Mais cela ne veut pas encore dire que la criminalité contre la propriété tout entière soit déterminée par les conditions économiques. Car les autres facteurs, restés constants durant ces moditïcations, ont aussi occasionné une partie de la criminalité, partie restée constante durant ce temps. Je suis d'avis qu'il est impossible que cette explication soit juste, en vertu des raisons suivantes: A priori déja il est impossible qu'une différence de mode de recherche (statique ou dynamique) puisse aboutir & une différence aussi importante. Une étude comparative des auteurs qui sont d'opinion que 1'influence des conditions économiques n'existe pas du tout, et de ceux qui estiment cette influence trés grande, démontre que ceux-la n'ont absolument pas fait de recherche exclusivement statique, et que la recherche de ceux-ci n'a pas du tout été exclusivement dynamique. Pour ce qui concerne ceux qui nient 1'influence des conditions économiques et qui ont fait La grande majorité des auteurs sont d'opinion que les conditions économiques ont une influence plus ou moins importante, mais que d'autres facteurs agissent a cóté d'elles. J'ai essayé de démontrer que pour autant que ces facteurs sont de nature cosmique ou religieuse, cette thèse ne peut être exacte; que pour autant qu ils sont de nature anthropologique, ces facteurs ne jouent de róle que dans une partie de la criminalité. . . Enfin nous avons vu qu'une petite partie des auteurs sont d opinion que 1'influence des facteurs économiques est souveraine. Dans les bases de leur thèse je n'ai pu trouver d'inexactitudes. Presque tous les auteurs — plus tard, je parlerai des exceptions — ont en commun qu'ils donnent 1111 sens trés restreint a 1 expression „conditions économiques," sous laquelle ils ne comprennent que pauvreté en partie des recherches statiques comme p. e. M. Morrison, il est démontré que, par suite de la diversité des lois pénales etc. et de la difficulté de reprodtnre les conditions économiques par des chiffres, une recherche statique domie des resultats qui ne peuvent être acceptés que sous réserve. (Voir la critique sur Morrison). Ouant aux auteurs qui estiment trés grande 1'influence des événements économiq) La bourgeoisie par sa position économique étant arrivée a une idéé erronnée du système actuel, ne considère pas le prolétariat comme la classe qui par son travail soutient la société, mais comme un mal nécessaire. Selon la bourgeoisie, chaque grève est une diminution de ses droits, un empiétement sur ce qui lui appartient. Sur le terrain politique la bourgeoisie agit, malgré la division intrinsèque, comme une unité contre les prolétaires qui se sont organisés comme classe, ce qui n'exclut pas que dans cette classe il y ait des intéréts opposés. D'abord lutte des différents groupes de capitalistes (industriels contre agrairiens etc.) et ensuite dans chaque groupe intéréts opposés des producteurs. B. LA PET1TE BOURGEOISIE. En réalité la ligne de démarcation entre bourgeoisie et petite bourgeoisie n'est pas dessinée avec la précision nécessaire et permise dans un exposé théorétique. De même qu'il y a des nuances dans la bourgeoisie, il y en a aussi de nombreuses dans la petite bourgeoisie. La petite bourgeoisie actuelle est celle qui a parmi les différentes classes les plus anciennes traditions. II y a eu un temps qu'elle était puissante et forte. Mais le développement du capitalisme a changé tout cela. L'industrialisme est né et mine cette classe a sa base. Dans ce combat le petit capitaliste doit a la longue avoir le dessous. II ne dispose pas, comme ses adversaires, de forces scientifiques, n'a pas de grand crédit, ne peut, par suite de 1'insuffisance de son capital, appliquer les nouvelles inventions, bref, ses armes sont inférieures a celles de ses antagonistes. Tout cela ne le fait pas renoncer vite au combat, au contraire, cela 1'excite a mettre toutes ses forces en jeu. Par suite de sa position dans la vie économique la largeur de vue lui fait défaut. II ne peut comprendre que ce qui a durant tant d'années procuré le !) Dans son travail »Die Lage der arbeitenden Klasse in England" F. Engels dit, après avoir parlé des conditions du prolétariat anglais: » die arbeitende Klasse (ist) allmalig ein ganz anderes Volk geworden, als die englische Bourgeoisie. Die Bourgeoisie hat mit allen andern Nationen der Erde mehr Venvandtes, als mit den Arbeitern, die dicht neben ihr wohnen. Die Arbeiter sprechen andre Dialekte, haben andre Ideen und Vorstellungen, andre Sitten und Sittenprinzipien, andre Religion und Politik als die Bourgeoisie. Es sind zwei ganz verschiedne Völker,...." (p. 127). Ce qu'en 1845 Engels dit de 1'Angleterre y est toujours encore appliquable et aussi a d'autres pays capitalistes. pain a ses ancêtres, disparaitra. C'est la raison pour laquelle le petit industriel se surmène, non seulement lui-même mais aussi ses ouvriers, aussitöt que le grand capital commence a lui faire concurrence, de plus il tache de restreindre encore les salaires, et d'allonger les journées et si possible d'embaucher des femmes et des enfants pour remplacer les ouvriers. La concurrence pousse le commercant a amorcer les clients par toutes sortes de manoeuvres qui font distinctement ressortir le caractère du commerce. Faire le commerce c'est acheter au meilleur marché possible afin de vendre le plus cher possible : opposition d'intérêts entre commercant et fabricant d'une part, et entre commercant et cliënt de 1'autre. C'est pourquoi le commercant est amené a déprécier 1'article quand il 1'achète et a le vanter quand il le vend. Cette tendance devient naturellement plus forte quand la concurrence est trés acharnee: la réclame, tissu de mensonges, est inventée afin d'attirer a tout prix des acheteurs; on arrivé même a ne plus donner le poids exact; („mes concurrents ne le donnent non plus" se dit le marchand) a vendre des marchandises dont la qualité est moindre qu'on ne 1 a annoncée et de la a falsifier il n'y a plus qu'un pas. Voila pourquoi le commerce a son propre code moral. Cependant, malgré sa résistance poussée a 1'extrême la situation de la petite bourgeoisie va en rétrogradant ce qui a des suites sociales trés importantes pour elle, e. a. 1'augmentation du travail des femmes hors de chez elles. Des groupes entiers de petits bourgeois sont tellement tombés en décadence que leur niveau d'existence est devenu le même que celui du prolétariat, ou s'est abaissé au-dessous de cc dernier même. Lnfin ce n'est non seulement a la rétrogradation, mais a la ruine totale du petit bourgeois, que rnêne le combat contre le grand capital. S il arrivé un temps de crise, les petits capitalistes sont les premiers a en subir les contre-coups. Leur ruine peut avoir lieu de différentes manières: leur industrie peut être entièrement anéantie — et en ce cas ils sont pour tout de bon repoussés dans les rangs du prolétariat — ou bien elle peut devenir dépendante du grand capital sous le nora d'industrie a domicile c. a d. travail salarié masqué sous 1'apparence d'indépendance. Ceux-la seuls qui ont pu sauver une partie de leur capital de la debacle peuvent encore tenter la fortune dans une autre branche oü le grand capital ne leur fait pas encore concurrence, mais ils y sont poursuivis et finalement rattrapés par leur ennemi. Comme dans la bourgeoisie, les rapports que les différents petits bourgeois ont entre eux sont déterminés par le système économique: la concurrence acharnée, la vie dans un petit cercle oü les idéés ne peuvent s'étendre, tout cela engendre 1'envie, la haine et la petitesse. ') 1) Voir sur la petite bourgeoisie 1'excellent article du Dr. B. Schönlank »Zur Psychologie des Kleinbürgerthums" (Neue Zeit 1890) dont j'ai emprunté le passage suivant: . , „ , . , . , . T »Der Individtialismus der bürgerlichen (jesell schaft findet sich in den Normen verwirklicht, welche die Lebensführung des Kleinburgers bestimmen. Die Loslösung des Einzelnen von der Gesammtheit, die Vereinsamung des Individuums, das ganz auf sich angewiesen nur Sinn hat für die Auszenwelt, soweit sic sein Ich und die Accidenzen seines Ich betrifft, entfaltet sich hier zur reichsten Blüthe. Die Sozialethik gilt als Unding, die isolirte Wirthschaft wird als Ideal der Kthik betrachtet, der Nutzen und die Glückseligkeit beherrschen als oberste Grundsatze die Persönlichkeit. Quant au degré de culture intellectuelle une grande partie de la petite bourgeoisie se range entre le prolétariat et la bourgeoisie. Généralement les enfants de cette classe sont plus instruits que ceux du prolétariat. Mais puisque le champ de leurs idéés est trés restreint et le combat pour la vie exige tout leur temps le niveau intellectuel reste en général bien au dessous du niveau moven de la bourgeoisie. D'autres Wie in der urwüchsigen Hausindustrie des platten Landes. heute noch lebendig in Halb- und Ganzasien, alle ökonomischen Bediirfnisse von dem Einzelhaushalt selbst gedeckt werden, so fordert die kleinbürgerliche Moral, dasz alle sittlichen Bediirfnisse von der Einzelwirthschaft befriedigt werden. Zerrissen sind die innigen Bande, welche den Einzelnen an die Genossen knüpften, dafür gelangte die Idee des xguten Familienvaters", für welchen unsere Belletristen so sehr begeistert sind, zur unumschrankten Geltung. Wie hiitte es auch anders kommen können ? Der Kampf um das tagliche Brot, jede Stunde mit gröszerer Erbitterung ausgefochten, muszte zur Vereinzelung fiihren. Die kapitalistische Produktion warf rücksichtslos die alten Götterbilder in den Staub, sttirzte die Tempel der stiindisch gegliederten Gesellschaft und begann ihre Hexentanze auf den Trummern der Vergangenheit. Ihr war nichts heilig, als der Mammon; was für die Ewigkeit errichtet schien, warf sie ohne weiteres in die Rumpelkammer, sie verflüchtigte die festesten Begriffe, sie revolutionirte das wirthschaftliche System und sie revolutionirte dadurch die Köpfe. Der Handwerksman, welcher in der dumpfen Enge seines Stadtchens sein kargliches, aber sicheres Einkommen gefunden, muszte sehen, wie eine Schranke nach der anderen fiel, die unangenehmen Wettbewerb ihm ferngehalten, der Oualm der Fabrikschlöte raubte ihm die Lebensluft, der Boden wankte ihm unter den Füszen. Aehnlich erging es dem Kramer, ahnlich dem kleinen Landwirth, die alte Gemüthlichkeit, der Schlendrian der früheren Zeiten waren unwiderruflich dahin. War die genossenschaftliche Vereinigung zerstört, wozu bedurfte man dann einer genossenschaftlichen Moral ? Einer gegen Alle, Alle gegen Einen wurde die Losung. Da sich der Nahrungsspielraum verengte, so wurde auch die Grundlage, auf welcher das Ethos sich auf baute, schmaler: keine Verpflichtung gegen Genossen trat warnend dem Einzelnen entgegen. Der Stachel der ungezügelten Selbstsucht drang ohne Widerstand zu tinden in die Gemüther, und dasz dies geschah, ergab sich aus den Verhiiltnissen. Wollte der Kleinbiirger sich auf der Oberflache halten, so muszte er nicht achtend der Anderen, die mit ihm in dem gleichen Strudel trieben, die Fluthen rücksichtslos theilen. Der Untergang sollte verhütet, das Dasein gefristet werden. Die heftigen Angriffe, welche der beutelüsterne Groszbetrieb gegen den kleinbtirgerlichen Besitzstand richtete, steigerten die Angst, den Groll, die Leidenschaften des Bedrohten. Die drückende Sorge, das Bischen Hab' und Gut, die Scholle Erde, die dürftige Werkstatt, das Hauschen, das von einem Geschlecht auf das andere sich vererbt hatte, zu verlieren, bildet die Grundstimmung. Die Zahigkeit, mit welcher solch ein Kleinbiirger sich an seinen Besitz und an die Zugchörigkeit zu der Kaste klammert, welche ihn niemals für voll ansieht und sich seiner nur in Stunden der Gefahr erinnert, wo man schwielige Fauste und blinden Gehorsam brauchen kann, ist sein besonderes Merkmal. Um emporzukommen, Reichthum aufzuhaufen, eine glanzende Stellung einzunehmen, Ehrenstellen und einfluszreiche Aemter, prunkende Titel und andere Gnadenbezeugungen zu ei werben, sind gewisse Durchschnittsmengen von Kapital oder wissenschaftlicher Bildung, oder eine Reihe von Ahnen nöthig. Diese Bedingungen aber sind von der grossen Masse der Kleinbiirger, und von dieser wird gesprochen, nicht zu erfüllen, sie ist gezwungen in dem niederen Kreise zu verharren, welcher mit dem Kleinkram des Gelderwerbs zich tagaus tagein zu mühen hat. Diese Sphare gleicht der Abtheilung der Münze, wo die Bronze, das Kupfer und Nickel verarbeitet werden, wahrend die Groszbtirger die Banknotenpresse und die Pragstöcke, auf welchen das gleiszende Gold und das weisze Metall geschlagen wird, für sich in Anspruch nchmen. Ein gutes Wort des deutschen Mittelalters, das leider aus dem Sprachgebrauch ausgeschieden is, bezeichnet wohlfeile Waaren als Pfennigwerth. Man könnte unsere Klasse den Sozialen Pfennigwerth nennen. Mit scheuer Ehrfurcht und dumpfem, thatenlosem Aerger, der unbewuszt in den Herzen wirkt und nur stoszweise zttm Ausbruch kommt, blieken die Parias der Kapitalistenklasse zu den Machtigen empor. welche alle Schatze der Erde aufspeichern, alle Genüsse der Kultur durchkosten und von ihren Schreibstuben, Waarenlagern, Fabriken und Komptoirs die Welt regieren.'' (p. 120—121.) encore qui sont au dernier degré de la petite bourgeoisie, ont le raême développement que celui des prolétaires. La petite bourgeoisie se recrute surtout chez les descendants de cette classe, ensuite chez les bourgeois qui n'ont pas fait de bonnes affaires, et enfin d'exprolétaires; ces derniers ne peuvent vendre leur force de travail pour une raison quelconque et essayent de gagner leur vie en faisant valoir par le négoce un capital insignifiant. Leur niveau d'existance ne diffère pas de celui du prolétariat ou lui est inférieur. Une seule observation sur ce qui concerne la position de la petite bourgeoisie vis-a-vis des autres classes. ^ Klle est naturellement hostile a la bourgeoisie, puisque c'est celle-ci qui 1'a privée et la privé toujours encore de son influence. ^ctte hostilité est pourtant d'une autre nature que celle que la classe ouvrière a pour la bourgeoisie. La petite bourgeoisie envie la bourgeoisie. elle aussi aime a devenir riche et par cela puissante. Elle ne se sent pas non-plus solidaire de la classe ouvrière, dont la ferme volonté de s'émanciper du salariat lui semble une abomination. La position politiquc de la petite bourgeoisie, placée comme elle 1'cst entre la bourgeoisie et le prolétariat, est forcément devenue une position équivoque. C. Le prolétariat. Le prolétariat, c. a. d. cette classe de personnes qui ne disposent pas de moyens de production et qui ne peuvent exister que par la vente de leur force de travail, date des teinps modernes. Lntre 1 artisan indépendant et le prolétaire moderne se trouvait le compagnon, qui représente pour ainsi dire 1'anneau de la chaine. Cependant la difference entre compagnon et prolétaire est grande. Le compagnon était en général logé chez son maitre, il était son collaborateur et considéié comme membre de la familie. Et puisque les moyens de production étaient encore minimes et que le compagnon pouvait économiser sui son gain, il avait la chance de devenir tót ou tard maitre a son toui. 1 )ans eet espoir il se considérait plus ou moins solidaire avec son patron. La situation du prolétaire est tout différente: son travail est indépendant de celui de son patron; le prolongement de sa journée n implique pas que le capitaliste travaille plus longtemps aussi; on demeure sépaié, et peu importe au patron comment 1'ouvrier est logé et nouiri. Les moyens de production étant trés chers et les connaissances nécessaires lui faisant défaut pour diriger une affaire le prolétaire ne peut presque jamais devenir patron. Comme 1'exposé du système économique 1'a démontré ce sont des petits bourgeois ruinés qui ont formé les premières souches du prolétariat. Ouoiqu'il soit toujours encore renforcé de la même manière, la plus grande partie du prolétariat se compose maintenant des descendants des prolétaires. ,, . > On comprend aisément la situation du prolétariat pourvu qu on ne perde pas de vue la base du système économique actuel, c. a. d. que la production a lieu dans le but de produire au profit de quelques-uns la plus forte plus-value au préjudice du reste de la population. L'enfant du prolétaire est mis au travail a un age 0C1 celui du bourgeois mène encore une vie insouciante et n'a qu'a développer ses capacités. Le jeune prolétaire envoyé a la fabrique, se trouve placé dans un milieu composé de gens ignorants et grossiers qui ne se soucient guère de l'enfant qui prend bientót leurs mauvaises habitudes. C'est dans ce milieu que le prolétaire passera la plus grande partie de. sa vie sans espoir de jamais s'élever au dessus de sa condition. La plupart des métiers exercés ont une influence défavorable, parfois même trés nuisible sur la santé des ouvriers (grande chaleur, beaucoup de poussière, ou de gaz malsains etc.) On pourrait supprimer ou prévenir ces influences préjudiciables; mais 1'assainissement d'une fabrique étant coüteuse et ne rapportant pas d'intérêts, on négligé généralement les prescriptions hygiéniques. Nombre de métiers menacent sans cesse les ouvriers de mort 011 de mutilation ; et quoique des mesures de süreté puissent presque toujours conjurer ces dangers, pour les mêmes raisons sus-dites elles restent maintes fois encore inappliquées. Ensuite la durée de la journée. Un travail modéré est un agrément, un travail démesuré par contre est un tourment. Les journées ont été allongées au point de ne laisser que le temps strictement nécessaire au sommeil et aux repas propres a refaire les forces du travailleur (a part 1'influence des lois sur le travail et celle des syndicats). Même que la nuit soit la pour se reposer ne compte pas pour beaucoup d'ouvriers; dans un grand nombre de fabriques 1'équipe de nuit relève celle du jour. On a beau lire dans la sainte Ecriture qu'un jour a été institué pour le repos, cela n'empêche pas que pour beaucoup d'ouvriers le dimanche soit un jour de travail avec le système capitaliste, bien que nous vivions dans une société chrétienne. En général le travail dans les fabriques est monotone et par la abrutissant, et de plus trés fatiguant par sa grande intensité. En outre on y maintient une discipline parfois agacante. Ouelque nuisibles que s) Un examen attentif de cette théorie, qui est une application de la théorie de sélection darwinienne a la société, montre de prime abord, a supposer qu'elle soit exacte, qu'une différence importante se manifeste entre la lutte pour 1'existence dans la nature, et celle dans la société. Dans la nature les vaincus sont ou anéantis, ou mis dans 1'impossibilité de se procrécr, tandis que dans la société ce sont les classes les plus basses qui se procréent beaucoup plus que les classes supérieures. La il ne saurait être question non plus de survivance des plus aptes et d'anéantissement des incapables, comme dans la nature. Oui est ce qui reste vainqueur dans la lutte pour la vie sociale? Pour répondre il faut d'abord résoudre la question suivante: les chances sont-elles égales pour tous? Si ce n'est pas le cas il ne saurait être question du triomphe des meilleurs. II y a peu de questions sur lesquelles on difïfère autant d'opinion que sur'celle-ci. Généralement ces opinons ne sont que des conjectures, car elles ne sont pas basées sur un examen de faits. C'est pour cela que je veux rendre ici en quelques mots les trés importantes conclusions du prof. Odin dans sa „Genèse des grands hommes," travail considérable non seulement par la richesse des documents dont 1 auteur dispose, mais encore par sa trés scrupuleuse méthode dexaminer. Le prof. Odin a fait des études sur le milieu éducateur, le milieu économique, le milieu éthnologique, etc. etc. de tous les gens de lettres nés en f rance entre 1300 et 1830, au nombre de 6.382. Quant au milieu éducateur 1'auteur a pu se procurer des informations 1) On trouvc dans le travail du ür. L. Woltmann »I)ie Darwinsche Theorie und der Sozialismus" (p. Bi —135) lin résumé détaillé des oeuvres des auteurs qui se rangent a cette opinion. exactes sur 827 personnes : une bonne éducation avait été donnéeaSu soit 98, i°/n et 16 ou 1,9°/„ avaient eu une mauvaise éducation. Par des circonstances extraordinaires ces derniers ont pu suppléer au manque d'une bonne éducation. „Tout nous force .. .. a admettre que 1'éducation joue un róle non seulement important, mais capital, décisif, dans le développement de 1'homme de lettres". ') Le milieu économique dans lequel les gens de lettres avaient passé leur jeunesse a pu être découvert pour ce qui concerne 619 d'entre eux. 562 ou 9o,7°/o ont passé leur jeunesse a 1'abri de tout soucis matériel, 57 ou 9,3°/0 ont passé leur jeunesse dans 1'indigence ou 1'insécurité. En conséquence 1'auteur fait 1'observation suivante: „Comme on le voit, la onzième partie seulement des gens de lettres de talent ont passé leur jeunesse dans des conditions économiques difficiles. Cette proportion, déja trés faible en soi, parait bien plus frappante encore lorsqu'on cherche a se représenter le rapport numérique qui a dü exister, pour 1'ensemble de la population, entre les families aisées et celles qui ne 1'étaient pas. II est impossible, sans doute, de dire exactement quel a été en moyenne ce rapport pour toute 1'époque moderne. Mais il est clair que nous resterons encore bien au-dessous de la réalité, si nous admettons que les families de la seconde catégorie ont été trois ou quatre fois plus nombreuses que celles de la première. C'est dire que, par le seul fait des conditions économiques au sein desquelles ils ont grandi, les enfants de families aisées ont eu au moins de quarante a cinquante fois plus de chances de se faire un nom dans les lettres que ceux qui appartenaient a des families pauvres ou simplement a position économique instable !" 2) En outre, 1'auteur démontre que par des circonstances fortuites ces 57 gens de lettres qui ont passé leur jeunesse dans un milieu économique défavorable ont été mis a même de développer leur capacités. (Cinq seulement parmi eux ont aussi rec^u une mauvaise éducation.) Enfin le milieu social dont les gens de lettres sont sortis: Nombre des gens de lettres de talent CLASSES SOCIALES. relativement a la population totale de chaque classe sociale. Noblesse. 159 Magistrature. 62 Professions libérales. 24 Bourgeoisie. 7 Main d'oeuvre. 0.8 En examinant ces recherches, on voit que: sur 2 personnes de qualités innées égales celle qui est issue de la noblesse a environ 200 fois plus de chance pour devenir un homme d'une certaine importance que celle qui sort de la classe de la main d'oeuvre. La lutte de nos jours 1) p. 527 o. c. I. 2) p. 529 O. c. 1. a été caractérisée en la comparant a une course avec handicap, dans laquelle le premier doit parcourir la piste avec un fardeau sur le dos, le second a cheval, le troisième en exprès. Cependant la réalité est encore plus forte! Sans doute il ne faut pas oublier que les recherches du prof. Odin comprennent en partie une période qui sous bien des rapports, diffère essentiellement de la nótre (de la entre autre le petit contingent de la bourgeoisie) et que, depuis ce temps 1'instruction est devenue plus solide et beaucoup plus génerale, ce qui augmente les chances de réussite pour un homme doué sortant d'un milieu nécessiteux. En second lieu ce sont les gens de lettres et non pas les capitalistes qui étaient le sujet des recherches, et puisque ceux-la doivent sans doute disposer de plus grandes aptitui^es innées que ceux-ci, il est tout naturel que quelqu'un sans argent parviendra plus facilement a gagner un capital, que ne le ferait supposer les chiffres mentionnés qui n'ont en vue que les gens de lettres. Pourtant tout cela n'empêche pas qu'il ne soit prouvé par les recherches du prof. Odin que le fait d'être né dans une classe oü la jeunesse est sans soucis et jouit d'une bonne éducation procure un avantage énorme dans la lutte pour la vie. !) Afin d'empechcr de fausses interprétations je veux encore reproduire la conclusion du prof. Odin, d'oü il ressort qu'il ne nie absolument pas que les capacités innées différent beaucoup entre elles (ce qui du reste, n'est combattu que par peu de gens et peut être considéré comme décidé): „L'hérédité et le milieu concourent 1'un et 1'autre au développement du talent. On pourrait caractériser comme suit leur sphère d'action respective: a qualités héréditaires identiques, — a supposer le cas possible, — c'est le milieu qui cause toute la dififérence entre les individus; a milieu identique, c'est l'hérédité. Posée en ces termes, la proposition est banale. Ce qui 1'est moins, puisque cela a été établi ici pour la première fois peut-ètre avec certitude, c'est que l'hérédité a elle seule ne peut rien. Si puissantes que soient les dispositions naturelles données par l'hérédité, elles ne peuvent se développer que dans un milieu favorable. Jetées dans un milieu défavorable, elles s'atténuent dans la mesure oü ce milieu leur est contraire, et peuvent mëme finir par s'atrophier au point de ne plus être sensibles pour nous. La toute-puissance prétendue de 1 hérédité n'est qu'une illusion, résultant d'une confusion élémentaire entre l'hérédité et la simple parenté. Ce n'est pas tout. Nous avons pu détcminer de plus prés quel est le milieu indispensable au développement du talent littéraire. C est une bonne éducation, rcndue possible par certaines circonstances sodales et économiques avantageuses, en d'autres termes, un milieu socialconvenable. -) 1) Comme on le sait, Galton est un des auteurs qui nient cette thèse. Un des rares exemples qu'il produit comme preuve est d'Alembert, qui, malgré le milieu éducateur défavorable, est devenu une célébrité. (Voir p. 34—39 de »I lereditary Genius"). Malheureusement pour Galton, le prof. Odin prouve que d'Alembert a eu une excellente éducation et a vécu dans des conditions économiques relativement favorables (Voir p. 538 I de »Genèse des grands hommes"). Voir encore la critique sur Galton par le prof. Odin (p. 192 sqq. o. c. I). =) p. 562 o. c. I. Comme seconde forme de handicap, il faut parler de 1'héritage. Impossible d'évaluer en chiffres eet avantage, mais il est incontestable que celui qui est devenu riche de cette manière n'a pas besoin de grandes connaissances ni de grande intelligence, pour rester riche. 1'ourvu qu'il ne spécule pas, ou ne dissipe pas son argent, il pourra en jouir durant toute sa vie; la lutte pour 1'existence lui est donc inconnue: dès le „start" il a déja un pied tout prés du „but". Ces deux circonstances déja ont pour résultat que les classes ne correspondent absolument pas aux groupes qui séparent les hommes d'après leurs capacitós. Cependant nous devons maintenant laisser de cóté les cas dans lésquels 1'un a une avance sur 1'autre, et donner réponse a la demande: „En quoi excellent les vainqueurs dans la lutte ? D'abord il faut attirer 1'attention sur un groupe de capitalistes qui ont acquis leurs richesses sans que leurs aptitudes fussent en jeu mais qui était redevable de tout a la chance c. a. d. les spéculateurs, les gagnants de gros lots, les gens qui font de riches mariages, etc. etc. Ensuite mentionnons les autres capitalistes, les grands fabricants et commercants. En quoi se distinguent-ils ? D'abord par 1 énergie et 1 activité puis par un grand talent organisateur, et surtout une main heureuse dans le choix de leurs principaux employés, enfin par un besoin de luxe qui ne doit pas être exagéré pour ne pas mettre la formation du capital en danger, ni trop restreint pour ne pas faire supposer que la fortune périclite. Les premières de ces aptitudes doivent certainement être considérées comme des plus favorables; le talent organisateur surtout est de haute importance, car il est sans contredit un facteur de progrès social. C'est a cause de ce talent et non pour leur richesse fabuleuse seule que les noms de Pierpont Morgan, de Rockefeller et d'autres directeurs de trusts ne seront pas tout a fait oubliés après leur mort. Mais ce ne sont pas les seules capacités dont ces gens doivent disposer. Pour diriger une entreprise capitaliste, il faut entre autre disposer d'une bonne dose d'insensibilité aussi bien pour ses ouvriers que pour ses clients (qu'on pense p. e. combien le pétrole de la Standard Oil Company est inflammable, ce qui augmente les bénéfices, mais aussi les chances d incendie, etc.); puis il ne faut pas être trop scrupuleux pour ce qui concerne la vérité (réclame etc.), ni trop montrer de caractère (quelque impertinents que soient ses clients le capitaliste accepte tout dans la crainte de les voir passer chez un concurrent etc.). Pourtant, celui qui dispose de toutes ces qualites n est pas sür du tout encore de pouvoir améliorer, ou mème se maintenir dans sa position; les crises (ainsi qu'il a été démontré, sont inévitablement liées au capitalisme mème), frappent parfois aussi les capitalistes les plus solides et les plus énergiques; par une nouvelle méthode de travailler ou par une invention quelconque 1'entrepreneur le plus actif, le plus intelligent peut se voir devancé par un concurrent. En dehors de toutes circonstances fortuites, dans la société actuelle la lutte jxrnr 1'existence est une lutte entre les mieux armés, c. a. d. entre ceux qui ont les meilleures machines etc. Mais le fabricant qui peut se procurer les meilleures machines, qui peut donner a son établissement un aménagement qui répond aux dernières exigences techniques et autres, qui peut s'attacher les plus aptes techniciens, etc. ce fabricant est celui qui a le plus de capital. La lutte a lieu, en réalité, entre capitaux. Dans son travail „die Darwinsche Theorie und der Sozialismus" le Dr. L. Woltmann a bien fait ressortir en quelques phrases la différence entre le combat dans la nature et celui qui a lieu dans la société. II dit: „Auch die Kulturgeschichte des Menschengeschlechts vollzieht sich auf Grund der grossen biologischen Prinzipien der Anpassung, Vererbung und Vervollkommnung im Kampf ums Dasein. Aber zwischen ihrem YValten im Tierreich und in der Menschenwelt bestehen folgende wesentliche Unterschiede. Erstens findet bei den Tieren der Daseinskampf mit organischen Mitteln zu organischen Zwecken statt, wahrend bei den Menschen die technischen Werkzeuge und wirthschaftlichen Produktionsmittel hinzutreten, welche ausserlich ohne notwendigen genetischen Zusammenhang den einzelnen Individuen zur Verftigung stehen. Zweitens ist die Vererbung bei den Tieren eine organische, wahrend bei den Menschen noch eine aussere juristisch geregelte Vererbung von technischen Arbeitsinstrumenten und weiterhin von Kapital hinzutritt. Bei den Tieren ist drittens der Daseinskampf ein Wetteifer der organischen Produktion und Reproduktion, wahrend bei den Menschen, speziell in der kapitalistischen Ordnung, eine Konkurrenz um Waren und Stellen, ein Kampf nm den Profit stattfindet, der mit der natiirlichen Zuchtwahl kaum etwas gemein hat". ') Ainsi on voit donc clairement qui peut monter de la classe nonpossédante a celle des possesseurs: ce sont ceux a qui le sort est particulièrement favorable, ou qui, disposant des qualités nécessaires au capitaliste, ont la chance de rencontrer des circonstances qui les mettent en évidence. Ceux qui sont rejetés de la classe des capitalistes, sont ceux qui ont été malheureux ou ceux qui ne possèdent pas les qualités requises pour les capitalistes. La réponse a la question posée „les classes actuelles sont-elles aussi les groupes oü les hommes peuvent être rangés selon leurs qualités" doit décidément être négative. La bourgeoisie n'est pas ia classe régnante paree que les gens les plus intelligents et les plus énergiques se trouvent partni ses membres : on y compte aussi des personnes sans énergie, des gens stupides, bref de moindre valeur de même que parmi les petits bourgeois et les prolétaires se rencontrent également des gens trés capables. Le fait d'être exclu de la classe des possesseurs n'est donc pas encore une preuve d'infériorité. Si les supérieurs étaient ceux qui mènent la société ce devraient être les grands penseurs, les savants, car ce sont eux qui ont fait progresser 1'humanité, et qui ont voulu son bien. Car même si les capitalistes avaient plus que d'autres servi le progrès, c'eut été par hasard puisqu'ils n'ont toujours eu qu'en vue leur propre profit. L'intelligence peut se faire illusion et croire qu'elle dirige le monde, en réalité elle est exploitée par les capitalistes et a leur profit. Je pourrais facilement citer nombre d'auteurs célèbres dont 1'opinion est unanime que les vainqueurs dans la lutte actuelle ne le sont pas paree J) p. 80. qu'ils sont dos hommes supérieurs. ') Je veux me borner a rappeler 1 opinion de quelqu'un dout personne ne contestera 1'autorité, c. a. d. Ch. Darwin. Voici ce que Wallace communiqué la-dessus : „In einer meincr letzten Unterhaltungen mit Darwin sprach er sich sehr wenig hoftnungsvoll tiber die Zukunft der Menschheit aus, und zwar auf Grund der Beobachtung, dass in unserer modernen Civilisation eine natürliche Auslese nicht zu Stande komme und die Tüchtigsten nicht iiberlebten. Die Sieger im Kampf um das Geld sind keineswegs die Besten oder die Kltigsten, und bekanntlich erneuert sich unsere Bevölkerung in jeder Generation in starkerem Maasse aus den unteren als aus den mittleren und oberen Klassen." 2) Un examen de la lutte pour 1'existence de la classe moyenne démontre que tout ce qui arrivé en grand dans la bourgeoisie s y reproduit en petit. Celui qui a pen de capital est dépassé par un concurrent qui en a un plus grand, même quoique le premier soit entièrement apte a ses affaires, des crises exercent ici également leur influence ruineuse, et frappent aussi bien les habiles que les inhabilcs. La différence, pour ce qui concerne la lutte pour 1'existence, entre la classe en qucstion et la bourgeoisie, consiste en ceci: le moins énergique, le moins intelligent de la classe moyenne court plus de danger a retomber hors des rangs que quelqu'un de la bourgeoisie qui est son égal. Enfin le prolétariat. Ici aussi élimination de beaucoup d individus non paree qu'ils sont incapables, mais superflus dans le mode de production actuel, ensuite de ceux que la vieillesse ou la maladie rendent impropres au travail. Ici il faut mettre en ligne de compte un facteur, qui est de moindre importance dans les autres classes, c. a d. la force corporelle et la santé. Tandis que le prolétaire n a besoin ni de beaucoup de savoir, ni de grande intelligence, pour exercer son métier, il a une arme puissante pour soutenir la lutte pour 1'existence dans sa force musculaire et la santé, et des conditions défavorables ayant une forte influence sur lui (profession malsaine, longue durée du travail, etc.) le faible et le maladif devra „ceteris paribus" dans la lutte actuelle pour 1'existence le céder a un concurrent plus fort et mieux portant. Et enfin, dans cette lutte aussi, le moins actif, le moins solide parmi les ouvriers, aura le moins de chances de réussite, supposé les conditions égales. Ainsi nous voila revenus a notre point de départ, le bas prolétariat. II ne se compose donc pas seulement, comme on le prétend parfois, d'êtres inférieurs de nature, de personnes qui ne sont propres a rien. Dans la grande majorité des cas les conditions sociales sont les causes exclusives et directes de leur position inférieure et non leurs aptitudes. A 1'appui je donnerai quelques chiffres, qui démontrent aussi 1'importance des causes comparées entre elles. !) Voir p. 32—81, et p. 334 sqq. du travail cité du Dr. L. Woltmann, ou il cite plusieurs auteurs qui sont de cette opinion. ... Sur le sujet entier voir e. a. le Dr. A. Ploetz »Die lüchtigkeit unsrer kasse und der Schutz der Schwachen'' et le Dr. D. van Lnibden ^Darwinisme en Deinokratie, 2) p. 10. »Menschliche Auslese" (Zukunft, 1894). EMPIRE ALLEMAND. (1885) Sur 100 pauvres assistes (total de 1.592.386). Blessures de la personne assistée même „ du soutien de la familie . . Mort tt ji 11 » ti • • • »» ff tf tt . tt tt ... Maladie de 1'assisté ou d'un des siens. Infirmités corporelles ou intellectuelles. Faiblesse de l'&ge Grand nombre d'enfants Chómage forcé Alcoolisme Paresse Autres causes désignées „ „ non-désignées .... Co-assistés. ') par accident non Par . . accident 1,04 0,09 0,36 8.35 15,24 8.97 12,32 i,34 2,23 0,88 0,71 4,09 0,06 44,32 100,00 2) Le tableau indique que 44,32°/0 des assistés sont co-assistés; que 8,8°/0 des assistés sont devenus indigents par la mort ou par les blessures du soutien de la familie ensemble donc 53,12°/„ des assistés, dont la cause de 1'indigence ne se trouve pas dans les personnes mêmes, mais dans le milieu social. (Généralement on désigne ces personnes ainsi: pauvres qui ne le sont pas devenus par leur „propre faute"; on ferait bien de ne plus se servir d'une expression si vague que celle de „propre faute".) i,34°/o sont des gens avec une grande familie, c. a. d. des gens dont le salaire est trop petit pour qu'ils puissent entretenir les leurs; 2,23°/,) sont des sans-travail, c. a. d. des personnes qui veulent bien travailler, mais qui ne peuvent trouver d'occupation. 12,32°/0 sont fourni par ceux qui ne peuvent plus travailler par suite de 1'age. Par conséquent 69,01 °/0 déja des assistés sont devenus indigents par des causes ne dépendant pas d'eux-mêmes! Viennent ensuite 25,25°/0 des assistés qui ont été blessés, ou qui sont malades, ou qui ont des infirmités corporelles ou intellectuelles. Ce sont encore des causes sociales qui jouent un grand róle dans 1'étiologie de ce qui précède (mauvaises conditions d'habitation favorisant la 1) D'après cette statistique 1'on compte comme co-assistés tous les enfants et petits-enfants (ügés de moins de 14 ans) et les femmes, qui demeurent avec 1'assisté. II suffit de constater que 1'indigence de ces co-assistés ne trouve pas sa cause dans les personnes mêmes, mais dans les circonstances; les causes de 1'indigence des soutiens de familie se trouvent dans les rubriques citées ci dessus. 2) Ce calcul est fait d'après le «Statistisches Jahrbuch für das Deutsche Reich" X, 1889, p. 206—208. tuberculose, manque de mesures protectrices contrc les dangers aux quels exposent des machines comme cause d'accidents etc. etc.). D'autres de ces personnes sont nées faibles ou maladives, dans ces cas on peut donc parler de causes individuelles de pauvreté, quoique les conditions sociales aient contribué a leur tour par leur influence sur les parents a rendre les enfants chétifs. C'est pourtant un phénomène social que des prolétaires malades et faibles sont abandonnés a eux-mêmes: ils ne se trouvent dans cette condition que paree qu'ils ne posscdent pas de moyens de production et ne sont plus en état de vendre leur force de travail. Maintes fois on lit dans des traités sur la morale combien il est honteux que des peuples nomades abandonnent ou tuent leurs vieillards et leurs malades, et comme par ces coutumes, ils donnent une preuve de plus de leur infériorité morale. Mais ceux qui parient de cette facon oublient que, malgré notre civilisation actuelle, un grand nombre de personnes passent encore leur vieillesse dans la plus noire miscre; ils oublient aussi que de la manière dont vivent les peuples nomades, ceux-ci sont bien forces de se défaire des vieillards et des malades, puisqu'il leur est impossible de les emmener avec eux; ils oublient aussi que, par le peu de pouvoir qu'ils ont sur la nature, les nomades se trouvent souvent dans des circonstances matérielies excessiveinent difficiles, de sorte que leur manière d'agir n'est jugée immorale par aucun des leurs;1) enfin, ils oublient que la productivité du travail est si énorme a présent que tous les vieillards et tous les malades pourraient être secourus: une partie des dépenses faites en luxe superflu y suffirait déja. Nous avons maintenant encore a examiner les deux dernières rubriques: paresse et alcoolisme. Comme les chiffres donnés plus haut le font voir, elles ne forment qu'une trés petite partie des causes : ensemble i,59°/02). Parmi les causes qui ont amené ces personnes au point oü elles en sont il y a aussi des facteurs sociaux. 1'lus loin je parlerai du rapport entre le système économique actuel et 1'alcoolisme. Mais maintenant nous pouvons constater, pour ce qui concerne les 0,71 °/0 despersonr.es qui ne veulent pas travailler, qu'une partie d'entre elles, dont il est impossible de fixer le nombre, ont grandi dans un milieu nefaste, oü elles n'ont jamais été habituées au travail assidu et régulier, de sorte que, pour toute leur vie elles sont devenues incapables. lt Qu>on lise le passage suivant de «Illustrations of the manners, customs and conditions of the North-American Indians" par G. Catlin : »This cruel custom of exposing their aged people, belongs, I think, to all the tribes who roam about the prairies, making severe marches, when such decrepit persons are totally unable to go, unable to ride or to walk, — when they have no means of carrying them. It often becomes absolutely necessary in such cases that they should be left; and they uniformly insist upon it, saying as this old man did (c a. d. un vieillard rencontre par 1'auteur dans ses voyages), that they are old and of no further use — that they left their fathers in the same manner — that they wish to die, and their childien must not mourn for them." (1. p. 217). Voir encore pag. 158 de mon livre, oü je cite un passage semblable. 2) Les chitfres, donnés par J. S. dans »Aus den Ergebnissen der sachsischen Armenstatistik" (Neue Zeit [894—95 II), confirment ceux du tableau mentionne, si 1'on ne perd pas de vue que j. S. ne donne pas les co-assistes separement. Sur 100 assistés continuellement il n'y en avait que 3,85 qui 1'etaient par suite de paresse et d'alcoolisme. Les chiffres de Ch. üooth dans son «Paupensm demontrent que Reste encore a nommer un deuxième facteur social : les grands désagréments résultant de plusieurs professions, empirés par la longueur des journées et les salaires minimes. Pour ne citer qu'un exemple : le mineur obligé de travailler des heures entières dans une atmosphère viciée, dans une position souvent pénible, et sans cesse entouré de dangers, tout cela pour un salaire minime; si 1'on pense a cela on s'étonnera bien plus qu'il y ait des millions de travailleurs qui passent ainsi leur vie, tandis qu'en comparaison un nombre trés restreint s'y refuse. Cependant, si 1'on met tout cela en ligne de coinpte il est certain qu'il y a, parmi le bas-prolétariat des gens qui sont prédisposés a la fainéantise par leur constitution congénitale. II est indubitable que ces gens sont des malades. Le prof. M. Benedikt dit en parlant de la neurasthénie physique: „Sie reprasentirt nicht so sehr eine absolute Schwache, sondern vielmehr eine baldige Erschöpfung verbunden mit einem peinlichen Schwachegefühl. Wir machen in unsrer Kindheit mehr Muskelbewegungen als notwendig ist, und aus dem Lustgefühl, das daraus entspringt, entwickeln sich die ersten Elemente der Lust an der Arbeit. Wenn jedoch das Kind rasch ermüdet und die Muskelaktion baldigst ein lebhaftes Unlustgefühl erzeugt, so entwickelt sich daraus Arbeitsscheu oder physische Neurasthenie') On doit soigner et guérir si possible ces malades, si non les empêcher de procréer afin qu'ils ne nuisent pas a la société. Le nombre de ceux dont la pauvreté trouve sa cause en eux-mêmes, n'est donc pas trés considérable. Néanmoins il est un peu plus élevé que les statistiques données ne le font supposer, car il y a aussi quelques bourgeois et petits-bourgeois ruinés par suite du manque des capacités exigées etc., qui sont peu a peu descendus plus bas et se sont vus incorporés finalement dans le bas proletariat. 1'alcoolisme forme un plus important facteur dans les deux endroits qu'il a étudiés (i2,6n/o et 21,90/d); pour la paresse les chiffres sont 1,9 et 10,6°/„. Une statistique des Pays-Bas confirme en général les chiffres de celle de 1'empire d'Allemagne: Assistes temporaires. Causes d'indigence | 10 ' /o Maladie ou autres j maux 1 -*'1 Manque ou amoin- „ drissement de travail " '9 Alcoolisme 2,6 j 2,6 Autres causes I 24,4 ' 23,4 100,0 100,0 continuellement assistes. Causes d'indigence ' 1 10 h< Maladie ou défauts ,oie Verwandtschaftsorganisationen der Australneger" p. 184 sqq.). !) Voir Steinmetz o. c. p. 817. 2) On voit clairement combien il est inexact de vouloir expliquer la position sociale actuelle de la femme par la soi-disante «théorie de la violence", d'après laquelle on raisonne comme suit: «en moyenne 1'homme est plus fort et plus intelligent que la femme, ce qui fait qu'il a réussi k la subjuguer." Si cette théorie était juste, la position de la femme devrait être toujours et partout la niême, ce qu'elle n'est pas, comme nous le verrons plus loin. La vérité est que ce n'est pas la prépondérance physique et intellectuelle (dont la mesure ne peut être déterminée par suite de la différence énorme de 1'éducation et du milieu des hommes et des femmes) qui règle les rapports des sexes, mais bien le mode de production. Chez les peuples primitifs sus-nommés ce n'est pas puisqu'il est plus fort que la femme, que 1'homme règne, mais paree que sa plits grande force est de si haute importance dans leur mode de production. 23 les outils dont il a besoin pour ses occupations; la femme recueille des racines et des lierbes, prépare la nourriture et se livre a d'autres travaux de ménage. Quelques-uns de ces peuples sont a même de produire plus que cc dont ils ont besoin, ce qui occasionne un commerce assez important, d'oü parfois une grande inégalité dc fortune bien que le sol soit propriété commune. A ce degré de développement la femme est d'une grande utilité, ce qui fait qu'un père ne donne pas sa fiile mais qu'il la vend. Puisque 1'homme a donc acheté sa femme, eile devient sa possession, il peut en disposer comme il veut; son intidélité est punie de mort. Si 1'acquéreur n'a pu entièrement s'acquitter, ou s'il a re^u des cadeaux de valeur de son beau-père, ou d'autres parents de sa femme, il est un peu limité dans son pouvoir surtout puisque, dans le dernier des cas nommés, il est obiigé de rendre les cadeaux quand il veut répudier la femme. Pourtant un mari ne répudie que rarement, puisque la femme est trés utile a 1'homme et qu'il 1'a ordinairement payée cher. Voila aussi pourquoi la polygynie, quoique presque partout permise, est rare: les trés riches seulement peuvent se permettre le luxe de plus d'une femme. La position de la femme est la moins mauvaise dans le cas oü elie 11e suit pas le mari, mais ou c'est lui qui vient habiter chez elle, c. a d. chez son père a eile. Cela arrivé parfois quand 1'homme n'a pu payer le prix d'achat tout entier, parlois quand le beau-père est beaucoup plus riche que le gendre. Dans ce dernier cas le gendre préfère profïter de la richesse et du pouvoir de son beau-père, qui du reste ne demande pas mieux que de garder sa fille dans sa maison, de cette fa^on au lieu de perdre une force de travail il en gagne une seconde par la venue du mari. Nons arrivons maintenant aux „peuples pasteurs' habitant principedement 1'Asie et 1'Afrique. ') De même que la chasse n est pas la seule ressource des groupes précédents, 1'élevage du betail n'est pas exclusivement celle de ce groupe-ci, mais simplement la principale: de la leur nom. L'élevage du bétail est le travail des hommes attendu qu'il est procédé génétiquement de la chasse, exclusivement exercée par les hommes, tandis que les femmes, ici encore, recuëillent des racines, des fruits et des herbes et s'occupent du ménage. Quoique la terre soit en commun, il y a des différences importantes de possession, puisque le bétail, qui forme la plus grande ressource, est propriété individuelle, et aussi puisque guerre et rapine sont parfois des ressources importantes. La polygynie est permise et les nomades prennent autaut de femmes qu'il leur est possible d'en payer et d'en entretenir. De la que ce 11e sont pourtant que les riches qui sont a même de s'acheter plus d'une femme, puisque les pères se les lont bien payer. Ayant été achetée, la femme est devenue propriété entière de 1 homme qui peut 1'expioiter de toute fa$on, l'abandonner, et quand il vient a mourir, la laisse, tout comme le reste de ses richesses a ses héritiers. L adultère de la ') Les modes de production dont il y est successivement question ne forment point d'enchainement; en Amérique p. e. il ne peut etre question de peuples pasteurs. ^Voir Grosse, o. c. p. 29). femme est sévèrement puni, tandis que i'homme est libre. Souvent il faut entendre la polygynie dans ce sens que ce n'est qu'une des femmes qui est considérée comme 1'épouse légitime dont les enfants seuls ont droit a 1'liéritage, tandis que les autres femmes ne sont que des concubines. La position de 1'épouse légitime vis-a-vis de son mari ne 1'empêche pas d'être esclave comme les autres femmes. Nulie part la femme n'est aussi humbie que chez les peuples pasteurs, et nulle part non plus le röle de I'homme dans la vie économique n'est aussi important que chez ces peuples. Examinons ensuite les „agricuiteurs inférieurs" (parmi lesquels e. a. la plupart des Peaux-Rouges de 1'Amérique septentrionale, et un grand nombre de peuples de 1'Afrique et des lndes Orientales). Quand les peuples chasseurs, par des circonstances fortuites (grande richesse en gibier etc.), ont cessé d'errer continuellement, la possibilite pour eux est de passer a 1'état d'agriculteurs. ') L'agnculture est a son tour fait que ceux qui 1'exercent deviennent de plus en plus sédentaires. La culture du sol s'est développée en connexité avec la récolte des fruits et des racines, de la que primitivement elle fait partie du champ de travail de la femme, ainsi 1'importance économique de la femme monte, et un père est de moins en moins disposé a donner ses filles en mariage contre un petit équivalent. Le futur mari est obligé soit d'acquérir sa femme contre un prix d'achat important, soit de la „gagner", en servant temporairement le futur beau-père. Ainsi, quoique la polygynie soit permise, ce ne sont que les riches et les chefs qui peuvent se procurer plus d'une femme. Puisque 1'agriculture exige beaucoup de bras, les parents essayent de garder chez eux leurs enfants aussi iongtemps que possible. -) Ainsi se crée 1'habitude de plusieurs families de vivre dans la même maison et que le mari vient habiter avec sa femme chez la familie de cette dernière quand il ne peut pas payer le prix d'achat convenu. Si ce n'est pas le cas, une relation étroite existe quand même entre la femme et sa familie, dans laquelle elle retourne, avec ses enfants, quand son mari vient a mourir. Plus la position de la femme dans la vie économique devient importante, plus il arrivé que la femme mariée reste dans sa familie, et son mari dans la sienne, et que leur union ne consiste qu'en des visites plus ou moins fréquentes, rendues par I'homme a sa femme, II s'explique pourquoi la position de la femme, dans cette période, en général est meilleure que dans les précédentes. D'ordinaire c'est la femme qui laboure la terre et qui soigne le ménage, tandis que I'homme chasse et confectionne les outils dont il a besoin; et puisque 1'agriculture donne une production plus régulière et plus süre que la chasse, il en résulte que la position de la femme s'améliore. La femme devient moins dépendante de I'homme, atel point que par exemple elle aussi peut rompre le mariage, ce qui n'existe pas dans les autres stades comme nous 1'avons vu, oü la femme était 1a propriété de I'homme. (Les excepüons assez nombreuses s'expliquent !) Sur 1'origine de 1'agriculture voir: H. Cunow «Arbeitstheilung und Frauenrecht" (Neue Zeit 1900—1901; i p. 102 sqq.). 2) Voir la-dessus : C. N. Starcke «Die primitive Familie" p. 106—107. du fait que les hommes contribuent alors aussi a la culture du sol). Cela est surtout le cas quand se formait une communauté domestique dans laquelle les femmes gouvernaient (matriarcat). ') Ainsi se développe même parfois une situation, dans laquelle les femmes ont une influence assez importante même en dehors de la familie (gynécocratie). Comme les considérations précédentes 1'ont déja démontré ce n'est pas la familie qui, dans ce stade de developpement, se trouve au premier plan. Tandis que, durant les périodes que j'ai examinées avant celle-ci, le „clan" (en latin „gens" en allemand „Sippe") c. a d. un groupe de personnes qui, toutes, descendent d'une seule, n'ont d'importance que sous ce rapport qu'il leur est défendu de se marier entre elles, chez les cultivateurs inférieurs le clan se développe en un groupe de gens consanguins, qui vivent en communauté et, dans la plupart des cas, le clan est maternel, c. a d. la descendance et le droit de succession sont réglés d'après la ligne maternelle. Cependant aussitót que 1'agriculture devient de plus en plus importante, surtout quand 1'élevage du bétail, le commerce et 1'industrie commencent a se développer a cóté d'elle, le rapport entre les sexes se modifie d'une manière considérable. L'homme abandonne la chasse, cette ressource toujours moins importante, et s'applique de plus en plus a 1'agriculture et a d'autres branches, et la femme le seconde seulement dans ces occupations. Par suite de la productivité sans cesse croissante du travail, l'homme peut produire plus qu'il ne lui faut pour la consommation. La possession d'esclaves devenant donc avantageuse, 1'esclavage prend des proportions de plus en plus grandes et de cette facon aussi la position de la femme dans la vie économique devient moins importante. L'homme devient donc de nouveau la cheville ouvrière et son autorité redevient aussi forte que durant les périodes dont il a été question au commencement. Ce n'est plus l'homme qui habite chez sa femme et sa familie, mais c'est au contraire la femme qui demeure chez lui. Nous avons vu plus haut que chez les cultivateurs inférieurs c'est le clan, et surtout le clan maternel qui tient la première place. Par le développement économique le clan maternel dut céder au clan paternel. Dans le clan il y avait égalité, puisque la terre, le moyen de production le plus important, et la maison se possédaient en commun, mais sa disparition provint du developpement du commerce et de 1'industrie dont les produits étaient, dès le commencement, propriété privée. Cette inégalité a été encore augmentée premièrement paree que la propriété privée de terre commen9a a se former a cóté de la propriété en commun. En second lieu par la guerre car le butin n'était pas le même pour tous les guerriers, et il se forma grace a elle une classe de gens (esclaves) dont les intéréts étaient opposés a ceux des vainqueurs. Ce développement de la possession privée induit nécessairement a un changement graduel du clan maternel au clan paternel. Car dans le premier cas un père devait laisser ') Le droit de la mère de léguer son nom a 1'enfant (Mutterrecht) est bien distinct du matriarcat; ce droit se rencontre chez des peuples oü 1'on ne connait pas le matriarcat. Voir encore sur 1'origine du matriarcat: le Dr. L. v. Dargun «Mutterrecht und Vaterrecht" p. 67 scjq. ses propriétés aux membres de son clan (nous avons vu que c'était 1'homme qui devenait le propriétaire des richesses privées). Et puisque ses enfants appartenaient toujours a un autre clan que le sien, c. a d. au clan de leur mère, les enfants n'héritaient pas de leur père. De la le changement sus-nommé. ') Mais ce ne fut pas tout. Par les grandes modifications dans le mode de production, dont nous avons déja parlé, 1'importance du clan diminua de plus en plus, et a la longue il disparut tout a fait. Tant qu'il y avait égalité entre les membres du clan, tant que les rapports sociaux étaient peu compliqués, le clan et les organisations qui en découlaient et qui n'étaient que des combinaisons de clans suffisaient entièrement comme organisation sociale. Mais une telle organisation purement démocratique n'était plus adaptable a une société avec des riches et des pauvres, avec des hommes libres et des esclaves, et dans laquelle il y avait donc un groupe nombreux d'opprimés, etun groupe plus petit d'oppresseurs. Le clan et les combinaisons des différents clans furent remplacés par 1'Etat, c. a d. par une organisation qui avait pour but principal de maintenir autant que possible 1'orclre extérieur dans une société, dans laquelle les intéréts des différents groupes se contrarient ainsi que ceux des individus, et d'avoir soin que ce combat des intéréts se fasse régulièrement. 2) Cette organisation est par conséquent toute autre que celle du clan, dont le but était de prendre a coeur les intéréts de la communauté; et il est évident que dans une organisation pareille c'est la classe la plus importante et la plus influente qui prime. D'un cóté donc le clan se perd dans 1'Etat; de 1'autre la familie, jouant un röle secondaire durant la période oü le clan était généralement répandu, devient de plus grande importance. Le clan se divise en „grandes families" (en allemand: Grossfamilien), c. a. d. mari, femme et leurs enfants non-mariés de même que leurs descendants males avec leurs femmes et enfants etc; le père est le maitre de toutes ces personnes et de toutes les richesses. Cependant ce n'est que peu a peu et au fur et a mesure que 1'on s'éloigne du clan, que 1'autorité du père devient illimitée. Cette fornie de familie s'est niaintenue jusqu'a nos jours en Chine et au Japon et était générale durant les premières périodes de 1'antique Rome. En Chine la femme, dont la travail est entièrement limité aux occupations ménagères, a une position qui, sous tous les rapports, est celle d'une subordonnée. Pour sa vie entière elle est soumise a 1'homme: elle ne peut jamais obtenir le divorce, tandis que le mari peut dissoudre le mariage pour rien; le mari qui surprend sa femme en adultère a le droit de la tuer; lui par contre peut prendre des concubines. Au Japon la position de la femme est a peu prés la même; dans la Rome de 1'antiquité aussi, quoiqu'elle y fut un peu moins dépendante (au commencement 1'homme eut le „jus vitae ac necis", plus tard seulement pour le cas d'adultère) et dans le cours des temps elle s'y améliora même. 1) Voir k ce sujet L. H. Morgan, »Die Urgesellschaft", p. 292 et v. Dargun, o. c. p. 131 —132. , 2) Le cadre de ce livre ne permet naturellement pas d'entrer dans des details. Voir: Morgan, o. c. II« P. ehap. X et XIII, et F. Engels «Ursprung der Familie, des Privateigenthums und des Staats", chap. V, VI, VIII. A mesure que le mode de production se développa et que, par suite la vie sociale se modifia, la „grande familie" disparut') pour être remplacée par la familie moderne, c. a d. le mari avec sa femme et leurs enfants non-mariés. Par 1'extension de plus en plus grande donnée a la répartition du travail, les fils purent plus facilement subvenir euxmêmes a leurs besoins et se soustraire ainsi a 1'autorité paternelle, (rappelons le „peculium castrense" et „quasi-castrense" des Romains) et le pouvoir croissant de 1'Etat favorisa cette tendance en limitant 1'autorité du père. Les meilleures sources d'études sur les premières phases du mariage monogame nous sont fournies par Tanden ne Grèce. La encore soumission absolue de la femme a l'homme. Après le décès de celui-ci la femme est sous la tutelle de son fils. L'homme peut répudier sa femme, la donner a un autre. Lui, a la pleine liberté d'avoir commerce avec d'autres femmes; la femme adultère par contre est sévèrement punie. Les occupations de la femme se bornent a tisser a filer et a s'occuper du ménage; sa vie se concentre dans la maison oü son autorité est trés limitée, tandis qu'elle est entièrement nulle au dehors. En comparant la position de la femme durant la période nommée et les périodes antérieures (celle des „agriculteurs inférieurs" exceptée) on voit qu'en général cette position ne s'est que peu améliorée, du moins si 1'on s'attache aux grandes Iignes en négligeant les détails. La monogamie n'existait en réalité que pour un des partis, car les hommes étaient libres d'entretenir des concubines, tandis qu'ils faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour empêcher 1'infidélité des femmes, en les isolant du monde extérieur. Aussi n'est-il pas vrai, comme on veut souvent le faire accroire que la monogamie soit la conséquence d'un instinct ni qu'elle soit due a un degré de culture plus élevée, devenu possible par la productivité augmentée du travail.2) Au contraire, chez les „agriculteurs inférieurs", bien moins civilisés que les anciens Grecs, la position de la femme était meilleure que chez ceux-ci; plus libre la femme jouissait en général d'une plus haute considération. L'origine de la monogamie ne s'explique que par les modifications que le mode de production a subies. Par elles l'homme a de nouveau repris la plus importante place dans la vie économique, c'est lui qui gouverne et la femme n'a qu'a obéir. C'est ainsi que par 1'accroissement continuel de la propriétée privée provint la monogamie, c. a d. 1'union de l'homme et de la femme dans le but d'engendrer des enfants légitimes auxquels passait la propriété du père après le décès de celui-ci. 3) Depuis ce temps-la la monogamie s'est maintenue jusqu'a nos jours. Ouelque importantes que soicnt les modifications que le mode de production a subies a partir de l'origine de la monogamie, il n'a pas changé, en tant qu'une certaine partie du travail nécessaire a 1'existence et consistant dans la préparation de la nourriture, 1'entretien de la maison, etc., restent toujours les travaux du ménage, qui, comme autrefois, sont exécutés par !) Comme il a été observé phis haut déja, ellc existe encore en Chine et au Japon. Dans ce dernier pays cependant elle tend a disparaitre par le développement rapide dn capitalisme. 2) Voir Engels o. c. p. 51. 8) Voir la dessus e. a. Morgan o. c. p. 395 sqq. et Engels o c. p. 47 sqq. la femme Les autres travaux, les plus importants, incombent a 1'homme, de la sa prépondérance encore persistante. La position de la femme mariée s'est tant soit peu améliorée quand on la compare a celle de ses semblables du commencement de la civilisation, néanmoins une étude des codes civils existants (surtout du code civil francais et de ceux auxquels il a servi de modèle) démontre que la femme mariée est en général encore dans un état de grande dépendance. La femme doit obéissance a son mari et doit le suivre partout oü il le voudra; sauf les exceptions stipulées dans les contrats de mariage le mari a la gérance de la fortune de la femme et les revenus de celles-ci lui appartiennent; c'est 1'homme qui exerce le pouvoir paternel; la femme ne peut comparaïtre en droit sans 1'assistance de son mari; etc. etc. La dififérence entre la situation de la femme mariée d'a présent et celle d'autrefois, quand naquit la monogamie, consiste principalement en ceci: il faut le consentement des deux partis pour conclure le mariage; le mari ne peut plus répudier sa femme, mais peut seulement faire dissoudre 1'union pour des raisons importantes (adultère, sévices etc.) et la femme aussi peut, pour les mêmes mot^, obtenir la séparation ou le divorce. Ici s'impose la question: pourquoi le mariage ne peut-il pas être dissout aussitöt que, pour une raison ou une autre, ne comptant pas devant la loi, la vie commune devient intolérable a 1'un des partis quand 1'autre ne veut être consentant ?') La réponse doit être la suivante. Par la position prépondérante de 1'homme dans la vie économique, il est clair que la femme a son bon plaisir ne saurait délier les liens du mariage, hormis les cas prévus par la loi, attendu que 1'homme ne saurait permettre une aussi grave atteinte a son autorité. A ce point de vue la monogamie et les anciennes formes du mariage se ressemblent car la femme n'a jamais pu obtenir le divorce a son bon plaisir, excepté chez les agriculteurs inférieurs, oü par 1'importance de sa position dans la vie économique, elle usait des mêmes droits que 1'homme. L'organisation actuelle de la societé empêche 1'homme, de son cóté, de divorCer autrement que dans certains cas prévus par la loi, car s'il était possible au mari de rompre le mariage a son bon plaisir, la société actuelle n'aurait plus la solidité et la stabilité nécessaires; le mariage serait une entreprise trés hasardeuse pour la femme puisque, par la nature de ses occupations, elle n'est généralement pas en mesure de pourvoir seule a ses besoins; 1'entretien et 1'éducation des enfants par les parents seraient aussi moins garantis. Mais ce n'est pas tout encore. Comme nous 1'avons vu la monogamie s'est créée aussitót que la propriété privée devint générale. Réciproquement, la monogamie est une des causes qui entretient et augmente 1'esprit de la propriété dans les 1) Comme on le sait le divorce est impossible dans quelques pavs qui subissent 1'infliience de 1'église catholique. II va sans dire que 1'église défend 1'indissolubilité du mariage, sans cela elle perdrait encore un de ses movens d'influence dont elle a tant besoin pour le maintien de sa position de plus en plus menacée. Néanmoins. elle n'a pas conservé injtégralement son dogme de 1'indissolubilité du mariage: partout la séparation de corps et de biens est possible. hommes. C'est dans le cercle restreint de la familie, en dehors du contact de la société, qu'un vif penchant de posséder se développe chez les enfants. Les racines les plus profondes du manage actuel se trouvent dans la société actuelle basée sur la propriété privée; a son tour, le mariage est un appui pour cette société. Voila aussi la caus2 de la désapprobation des unions libres par le plus grand nombre, même si les motifs de ces unions sont des plus nobles. Et voila aussi pourquoi plus on est conservateur (c. a d. plus on tient a la propriété privée) plus on tient a la forme existante du mariage, fait qui serait autrement inexpliquable. Un examen des modifications, faites dans le courant du dernier siècle dans le droit matrimonial et dans ce qui s'y rapporte, montre que la position de Ia femme mariée s'est petit a petit améliorée. Pour ne citer que quelques exemples: le code civil francais ne donnait a la femme mariée le droit de divorce en cas d'adultère de la part de son mari que s'il entretenait une concubine dans la demeure commune (art. 230). En 1884 eet article a été modifié de manière que la femme peut a présent tout comme 1'homme, faire dissoudre le mariage par le divorce dans tous les cas d'adultère. (L'art. 337 du code pénal francais punit cependant toujours encore la femme adultère d'une réclusion de 3 mois a 2 ans; l'art. 339 de ce code 11e punit 1'homme adultère que s'il a une concubine dans la demeure commune, et seulement d'une amende de 100 a 2.000 francs). Avant 1870 la femme mariée avait en Angleterre une position trés dépendante vis-a-vis de son mari: le droit de posséder ses biens mobiliers ainsi que 1'administration et la iouissance de ses biens immobiliers étaient dévolus a ce dernier. Après 1870 et 1882 il y a eu au profit de la femme des changements de grande importance dans le droit matrimonial, e. a. qu'elle est seule propriétaire de sa fortune etc. etc. l) Dans les pays oü, durant le XIX siècle, on n'a pas apporté de modifications sur ce chapitre 1'opinion publique est telle qu'on peut être sur que la position de la femme mariée y sera améliorée au cas d'une révision éventuclle du droit matrimonial. En recherchant les causes des changements d'opinion sur cette question on découvre qu'ici encore elles sont en dernière instance dues a la vie économique. Ceci provient de ce que le nombre des femmes qui travaillent indépendamment, qui gagnent leur pain elles-mêmes, augmente sans cesse. Les causes qui font gagner leur vie a bien des femmes sont de diverses natures, inais peuvent se réduire a ce qui suit. En premier lieu, le nombre des mariages contractés diminue en général, et eet amoindrissement est du au nombre sans cesse plus restreint des mariages dans les classes possédantes, et ces mariages se contractent également plus tard qu'autrefois. 2) II n'est pas difficile de '■) Voir sur ce sujet e. a. A. lïebel «Die Frau und der Sozialismus" p. 265 sqq. 2) Voir les chiffres sur la diminution des mariages dans le Neue Zeit 1888 p. 239; G. v. Mayr «Stntistik tmd Gesellschaftslehre" II p. 384; F. v. d. Goes «Socialisme en Feminisme" (Tweemaandeliiksch Tijdschrift VI igoo) p. 430—445. Ce dernier démontre que la diminution des mariages en général est due a la diminution des mariages contractés par la bourgeoisie. Voir sur ce sujet aussi L. Braun »Die Frauen- comprendre qu'un mouvement retrograde dans les mariages de la bourgeoisie (bourgeoisie prise dans le sens Ie plus large du mot) doive se manifester. Le mariage amène bien une augmentation de dépenses, niais en même temps aussi une augmentation de revenus pour le prolétaire (soit paree que la femme gagne de Pargent en travaillant dehors, soit paree qu'elle en épargne en faisant tous les travaux de son ménage elle-même). Pour le berge^is n->r contre il n'entraïne que des désavantages pécuniaires, du moins si 1'on excepte les cas oü la femme est plus ou moins riche. Le combat pour 1'existence devenant de plus en plus difficile, surtout pour les membres de la petite bourgeoisie et pour ceux qui exercent les professions libérales la bourgeoisie ne contracte plus de mariages qu'a un age plus avancé, et en général le nombre de ces mariages diminue. ') A cela il faut encore aiouter que dans les pays européens et dans quelques états de PAmérique du Nord le nombre des femmes dépasse assez celui des hommes. 2) L'occasion pour les femmes de se marier diminuant dans les classes plus ou moins aisées les oblige a gagner elles-mêmes leur vie. Le changement que le ménage a subi et subit encore doit également être pris en considération. L'importance du ménage baisse sans cesse par suite de Pextension prise par la grande industrie, qui absorbe Pun après 1'autre tous les travaux spéciaux de la ménagère. Tandis qu'autrefois les vêtements ce confectionnaient a la maison, qu'on y cuisait le pain etc, a présent il ne reste plus a la ménagère que le soin de la préparation des aliments et de la tenue de son ménage. Et même ces occupations lui seront peut-être bientöt prises par 1'industrie3). Les bourgeoises nonmariées pouvaient souvent autrefois trouver un logis chez des membres de leur familie, puisqu'elles pouvaient leur être utiles par leur travail. A présent elles ne sont en général que des personnes superflues dans un ménage. Même les bourgeoises mariées a cóté des célibataires se voient de plus en plus forcées a contribuer aux revenus de la familie en travaillant pour de Pargent4), et ceci pour les raisons déja citées en parlant des femmes non-mariées: la difficulté croissante du combat pour la vie et la diminution de l'importance des occupations ménagères. En dehors de celles que leur position économique oblige au travail salarié, le nombre de femmes (en majeure partie des célibataires, sans exclure les mariées) frage" p. 166 sqq. C. Zet kin »Geistiges Prolctariat. Frauenfrage und Sozialismits" p. 4—5. Voir sur les mariages contractés de plus en plus tard qu'autrefois C. Zetkin o. c. p. 5. ') II est évident que dans eet exposé les causcs principales seules peuvent être indiquées. Pour de plus amples détails voir Rebel o. c. chap. intitulé: «Ehehemmnisse und Ehehindernisse"; v. d. Goes o. c. p. 445—458; Braun o. c. p. 166—170; Zetkin, o. c. p. 5—6. 2) L'exeédent des femmes n'est pas causé par un plus grand nombre de naissances de filles que de garcons; le contraire est la vérité. Une des plus importantes causes doit être recherchée dans la plus grande mortalité des hommes par suite de conditions sodales défavorables, et i'émigration v contribue aussi. Voir Rebel o. c. p. 159: v. d. Goes. o. c. p. 458 sqq. et Rraun, o. c. p. 165—166. s) Sur la diminution continuelle de l'importance du ménage voir Rebel o. c. p. 223 sqq.; v. d. Goes o. c. (Année VII 1901) p. 120 sqq.; Zetkin, o. c. p. 3—4 et du même auteur «I)ie Arbeiterinnen- und Frauenfrage der Gegenwart", p. 3 sqq. 4) Sur 1'étendue du travail de la bourgeoise mariée voir Braun, o. c. p. 181. qui cherchent a gagner, commence a devenir de plus en plus grand. Chez celles-ci ce n'est pas la nécessité qui les y force, niais 1'esprit d'indépendance, éveillé en elles par 1'exemple donné. Si d'un cóté 1'offre de force de travail des femmes augmente, de 1'autre cóté la demande augmente aussi, car bien que 1'on ait allégué que la femme n'est capable que de faire le ménage, elle a prouvé ses aptitudes pour bien des professions. Et puis, la force de travail des femmes est trés recherchée, car ne s'étant pas encore solidarisées comrne les hommes, elles n'ont pu obtenir un salaire égal a celui de leurs collègues. Et si les femmes de la bourgeoisie font de plus en plus un travail rétribué, il y a longtemps déja que la femme de la classe prolétaire s'y est astreinte. Le travail des femmes est devenu possible par le développement de la technique, comme notre exposé du système économique actuel 1'a démontré. Dés lors ce travail industriel est devenu un phénomène qui prend sans cesse des proportions plus larges. Les femmes non-mariées de la classe prolétaire sont toutes obligées de pourvoir ellesmêmes a leurs besoins, les femmes mariées souvent, et leur nombre devient toujours plus grand. ') Par ce qui précède il a été indiqué quelle est 1'importante modification qui a eu lieu et a encore lieu dans la position économique de la femme. C'est cette modification qui est en dernière instance la cause que les femmes se sont de plus en plus révoltées contre la position inférieure dans laquelle la loi les place, et que leur opposition s'est déja manifestée par des faits. De la aussi que la position légale de la femme est la meilleure en général dans ces pays, oü elle s'est le plus afifranchie par son travail indépendant comme p. e. aux Etats-Unis. Jusqu'ici nous n'avons examiné que le cóté formel (légal) de la question. II faudra donc encore faire suivre quelques observations concernant le cóté materiel. Les codes civils reposent entre autre sur la fiction que tous les gens sont égaux. II 11 y est pas fait mention de division en classes distinctes; il en est de mème pour le mariage. Devant la loi les mariages sont tous égaux, tandis qu'en réalité ils ne le sont pas. II est donc nécessaire de traiter des conditions conjugales des dififérentes classes. En premier lieu le mariage dans la classe bourgeoise. Les conditions de la vie pour les deux sexes sont bien dififérentes avant le mariage. Tout en laissant de cóté que le nombre des femmes qui subviennent a leurs besoins augmente (elles forment encore la minorité), il est incontestable que les aspirations des femmes de la bourgeoisie tendent au mariage et cela le plus tót et le mieux possible, afin d'être ainsi assurées pour Ic reste de la vie. Et puisque la possibilité de ,,faire un bon mariage" est plus rare, la chasse au mari avec toutes ses conséquences défavorables devient de plus en plus apre. Tandis que toute 1'éducation des femmes ne vise que le mariage, celle de la grande majorité des jeunes gens a la richesse ou une ') Voir sur le travail des femmes prolétaires Braun, o. c.. Zweiter Abschnitt, Kapitel IV und V. position importante le plus tót possible pour but. Même lorsqu'un mariale ést contracté par suite d'une inclination réciproque, la conception de la vie si différente chez les deux partis renferme les germes qui peuvent le rendre malheureux. En parlant de ces cas si fréquents Mme Dr. Adams-Lehman dit trés justement: „Die Beiden (mari et femme) versteken sicJt nicht. Getrennt in Allem, was zum Leben gehort, von Kindesbeinen an, gelingt is der Natur nur kurz, sie an einem Punkte zu vereinen. Von diesem Punkte aus gehen ihre Wege in jeder Richtung wieder auseinander. Der Mann klagt oft und bitter, dasz ihn die Frau nicht versteht. Wie sollte sie es auch, da sie einer ganz anderen Kultur angehört?Sie hat ihre eigenen Tugenden, ihre eigenen Mangel und Laster, aber sie sind nicht die des Mannes und dienen höchstens dazu, sie mit ihm zu entzweien. Auch vom Marine, iiber dessen Verstandniszlosigkeit sich das Weib ebenso oft und ebenso bitter beklagt, gilt „caeteris paribus" dasselbe. Zweierlei Kuituren, zweierlei Ziele, zweierlei Ideale, wie soll da die Gemeinschaftlichkeit gedeiher ?" ') Mais ces causes seront encore renforcées lorsque des motifs économiques auront plus ou nioins influencé le mariage. Les deux partis s'unissant dans ces conditions sans se les cacher, ne seront pas exigents et sauront se soumettre a 1'inévitable; la situation est pire quand (ce qui arrivé pour 1'ordinaire) 1'union a été contractée sous des prétextes mensongers.2) Tl ressort donc de la combien peu la forme légale fait connaitre la réaüté: pour que le mariage puisse se contracter il faut le consentement des deux partis — n'importe de quelle facon s'obtient ce consentement. Ce sont trés souvent les parents qui ont choisi et qui, par leur influence ont porté leurs enfants a consentir, ne se laissant guider dans leurs actes que par le calcul. Telle est la réalité,et le libre consentement formel n'est que 1'apparence. Des causes importantes nées des conditions sociales font donc souvent du mariage une vie de haine et de discorde. En dehors des causes citées, il en est une autre encore ne découlant pas de conditions sociales: même quand 1'union a été contractée par inclination mutuelle, la garantie que cette inclination durera n'existe pas. Non seulement on peut s'être trompés sur le caractère et le tempérament, mais les sentiments aussi peuvent se modifier, et les liens du mariage deviennent insupportables. La loi ne permet le divorce que dans des cas déterminés. Le divorce entrainant d'importants désavantages économiques pour la femme, et parfois aussi pour 1'homme, on n'y recourt pas très-souvent. La crainte de perdre 1'estime de son milieu peut aussi empêcher le divorce. Et cette crainte de blame si 1'on veut se quitter, prouve une fois de plus combien peu 1'amour rcel est en rapport avec 1'origine de la monogamie. 1) »Das Weib und der Stier." (Neue Zeit 1900 —1901 II p. 6—7.) 2) Sur le mariage dans la bourgeoisie voir Ch. Fourier »Théorie des quatre mouvements" (Oeitvres complètes 1. p. 162 sqq.); A. E. F. Schaffle »Bau und Leben" etc. III p. 36. 50. M. Nordau «I)ie conventionnellen Lügen der Kulturmenschheit" p. 263 sqq; Bebel, o. c. p. 103 sqq. et le Dr. E. Gystrow »Liebe und Liebesleben im XIX Jahrhundert" p. 26 sqq. S'il est donc difficile sinon impossible de rompre !e mariage, la conséquence doit être 1'adultère, surtout du cóté de 1'homme puisque sa manière de vivre lui en facilite 1'occasion, et qu'il n'a pas a en craindre les suites comme la femme. La différence entre la monogamie et les formes conjugales plus anciennes n'est donc pas grande. Devant la loi seulement la monogamie est reconnue et la polygamie défendue; mais en réalité la polygamie existe toujours. Passons a présent au mariage dans la classe des prolétaires. ') lei il ne saurait être question d'une éducation différente de garcon et fille: tous deux doivent se mettre au travail encore enfants et leurs relations sont libres. Dans le cercle ouvrier on se marie généralement jeune paree que 1'ouvrier atteint assez rapidement le maximum de son gain, par conséquent inutile pour lui d'attendre longtemps pour se marier, d'autant plus qu'il est plus tót homme fait que le bourgeois. Souvent le mariage est contracté après avoir été consommé et que le commerce sexuel a eu ses suites. Cela est tres compréhensible quand on observe la yie des prolétaires, leurs conditions d'habitation, le travail en commun etc. Pas toujours, comme on 1'affirme parfois a tort, paree qu'ici aussi les intéréts matériels jouent quelque fois un róle, les mariages dans la classe prolétaire sont le plus souvent des mariages d'inclination. Donc, une des causes importantes qui rendent malheureux souvent les mariages dans la bourgeoisie n'existe pas ici. Par contre il y a d'autres causes qui peuvent mener chez les prolétaires au même résultat. D'abord, le manque de développement intellectuel qui peut rendre supportables les difficultés de la vie. Par ce manque, des moindres différends peuvent sortir de grandes altercations, et les causes des misères sont recherchées dans la personne et non dans les circonstances, dont elle est cependant la victime. En second lieu les durs soucis du combat pour la vie. Si une familie ouvrière a déja beaucoup de peine a joindre les deux bouts en temps ordinaires c'est surtout en cas de maladie ou de chómage forcé que sa misère est extréme, et c'est cette misère qui cause souvent les disputes et les voies de fait. Puis, le travail des femmes, les tristes conditions d'habitation, et 1'alcoolisme conduisent au même résultat. Et par les soucis perpétuels et le dur labeur la femme de 1'ouvrier vieillit vite. Dans la classe prolétaire les mariages se voient donc minés par bien des raisons. 2) II y a, en dehors de tout cela, une différence trés importante entre les mariages bourgeois et prolétaires, quant a leurs bases. Le pouvoir prépondérant de 1'homme dans le mariage bourgeois n'est pas aussi grand dans celui des prolétaires, et surtout dans les families dans lesquelles la femme pourvoit aussi bien que 1'homme a ses besoins par un travail rétribué. Ce qui n'existe pas non plus chez les 1) Inutile de parler en particulier du mariage dans la classe moyenne: au fond il ne diffère pas de celui dont je viens de traiter; il est seulement un peu plusmesquin. Voir le I)r. I!. Schoenlank »Zur Psychologie des Kleinbürgerthums" p. 123—124 (Neue Zeit 1890). 2) Sur le mariage des prolétaires voir e. a. Iiebel, o. c. p. 123—125 et Gystrow, 0. c. p. 33 sqq. prolétaires, c'est la propriété privée, a laquelle la monogamie est due. Les conséquences sont les suivantes: i(). que 1'union entre 1'homme et la femme sans sanction légale n'est pas du tout aussi méprisée par les prolétaires que par les autres classes; 2°. qu'on se décide beaucoup plus facilement dans la classe prolétaire que dans la classe bourgeoise a dissoudre 1'union, soit légale soit libre. ') Sur le mariage dans le bas-prolétariat quelques remarques suffisent. Si ces gens sont des déclassés récents, ils gardent, pour le mariage, comme en tout les idéés de la classe dont ils sont sortis. Mais quand ils sont nés du bas-prolétariat, ou quand leur misère dure depuis longtemps ils sont démoralisés, et les relations entre homme et femme s'en ressentent, alors il 11c peut plus être question de rapports réguliers dans la vie sexuelie. 2) — Nous voila a la fin de notre exposé. II me semble qu'il a été démontré, que les différentes formes du mariage sont en dernière instance déterminées par les modes de production respectifs. Knsuite que 1'origine de la forme la plus récente du mariage, c. a d. la monogamie, ne se trouve pas dans le désir inné de 1'homme et de la femme de s unir pour toute la vie, penchant qui serait sanctionné par la loi. Bien au contraire les hommes ne sont pas tous monogames, et encore moins monogames durant toute la vie, circonstance par laquelle les conditions économiques actuelles ont produit le mariage légal, obligeant deux personnes de rester ensemble ; s'il en était autrement, la loi ne s'occuperait pas des relations entre homme et femme. Des modifications importantes ont eu, et ont encore lieu concernant ce sujet. Les bases sur lesquelles le mariage actuel repose changent. Ceci s'explique par différentes causes. D'abord la femme occupe peu a peu une position sociale plus élevée et plus indépendante. Knsuite 1 importance du ménage dans la vie économique diminue. La seule base morale du mariage devient peu a peu la sympathie et 1'amour réciproques, car le véritable amour ne peut exister qu'entre des personnes libres et égales. 3) De plus en plus augmente le nombre de ceux qui, au lieu de stigmatiser d'immorale une union non-légitime mais conclue par sympathie et amour réciproques, 1'estiment au contraire supérieure a un mariage légal, conclu pour des raisons économiques. B. La kamille. Dans les pages précédentes nous avons principalement fixe 1'attention sur les rapports entre 1'homme et la femme, maintenant il nous reste a traiter de la position des enfants nés de leur union. C'est un fait biologique que la mère est désignée par la nature !) Sur ce sujet voir Engels, o. c. p. 59—60 et le Dr. A. Blaschko »Die Prostitution im XIX Jahrhundert", p. 12. 2) Voir sur ce sujet e. a. «Englands industrielle Reservearmee" p. 215 216 (Neue Zeit 1884). ;i) Voir sur cc sujet o. c. Engels o. c. p. 63—74. pour avoir soin de 1'enfant durant ses premières années et par conséquent ïl existe dans toutes les phases du développement social. II est donc supertlu d'en parler dans uil traite- sociologique. Mais la sociologie déniontre qu'il n'est pas vrai que la nature désigne les parents pour ies soins et 1'éducation a donner aux eafants et que pour cette raison ils y soient le plus aptes. Les relations entre parents et enfant n'ont pas toujours été les mémes dans les diverses phases du développement social, il est donc impossible de parler ici de relations instituées par la nature. Un coup d'oeil des situations respectives dans les diverses périodes montre que, chez „les chasseurs inférieurs", ou la femme est considerée comme la propriété de 1'homme, les enfants nés d'eile sont aussi en la puissance absolue du père, qui a droit de vie et de mort sur ses enfants, et dont le pouvoir sur eux ne cesse que quand il a vendu ses filles a leur mari, ou quand ses fïls, devenus aduites, sont reconnus comme membres de la tribu. ') Chez les „chasseurs supérieurs" et les „peuples pasteurs" c'est, comme pour les peuples sus-nommés, en général au père qu'appartiennent i) Voir E. Grosse »Die Formen der Familie und die Formen der Wirthschaft" P- 49—53- Ce cerait a tort qu'on pourrait conclure que chez les peuples primitifs, les enfants n'étaient pas bien traités. Le Dr. S. R. Steinmetz a démontre que chez ces peuples, les enfants sont en général traités, non seulement sans sévérité maïs avec beaucoup de tendresse même, et que ce traitement devient justement plus sévère a mesure que ces peuples atteignent un plus haut degré de développement. (Voir ses ceuvres oEthnologische Studiën zur ersten Entwicklung der Strale" II p. 179—253 et »Das Verhaltniss zwischen Eltern und Kindern bei den Naturvölkern", Zeitschrift für Socialwissenschaft, 1898). Voici d'aprés lui les plus importantes causes de ce fait: les difficultés des conditions 0Ï1 vivent ces peuples, demandent qu'on entoure les enfants, dont 1'existence serait autrement trop menacée, de beaucoup de soins et de tendresse. Les peuples chez lesquels les enfants étaient traites durement couraient donc un plus grand risque de s'éteindre. Puis, la vie de ces peuples est si peu compliquée, que les enfants n'ont qu a se faire a peu de normes, de la peu d'infractions et par conséquent peu de punitions. Ensuite cnez ces peuples les enlants sont plus vite aclultes, et 11e connaissent donc pas ces années difficiles qui chez les peuples civilisés, exigent une education plus sévère. Et enfin la plupart de ces peuples ne battent jamais leurs enfants ni les traitent brutalement de crainte de les rendre serviles et rampants, et d'en faire ainsi de mauvais guerriers. L'affection pour les enfants chez ces peuples, ne se porte pas exclusivement sur leurs propres enfants, mais plutót sur les enfants en géneral. A ce sujet le Dr. S. K. Steinmetz dit:.... »La grande facilité de 1'adoption et la mise de pair des enfants adoptés avec les propres enfants souvent constatée, démontrent provisoirement que la grande altection pour les enfants concernait piutót les enfants en général, qu'exclusivement les enfants, dont on sesavait être lepèreou lamère. yuandiepatnarchat est déja arrivé a un assez grand développement et chez des peuples déjii assez avancés, 1'homme ne nomme-t-il pas du reste siens, tous les enfants nés de sa femme. Ce n'est que dans les périodes du plus haut développement du patnarchat, et la oti la monogamie existait, qu'on fait attention a la purete du sang et a une descendance sans tache. Dans les périodes anttrieures le père ne se soucie que d'avoir des descendants, n'importe de quelle manière. 11 semble même que le sentiment maternel se souciait peu de 1'identité de ses enfants: on n'a qu'a se ressouvenir de la facilité avec laquelle ies mères chez les Peaux Rouges adoptent des prisonniers de guerre pour remplacer leurs fils tués, et la mise au pair des enfants adoptés avec les propres enfants, dont nous parlions plus haut." (»De sFosterage" of opvoeding in vreemde families". Tijdschrift van het Kon. Nederlandsch Aardrijkskundig Genootschap. 1893 p. 511—512.) les enfants, ou auquel ils doivent obéissance. La mère, soumise ellemême au père, n'a généralement peu ou point d autorité sur ses enfants.') Chez les „cultivateurs inférieurs" les conditions en question différent relativement de beaucoup. Ainsi qu'il a été démontre dans les considérations sur le manage chez ces peuples, la position de la femme y est souvent tout autre que durant les périodes précédentes. Llle n'est pas du tout aussi soumise, sa position n'est pas sans importance même, grace a la place qu'elle occupe dans ia vie économique. Ét cette importance se démontre aussi par ses relations avec ses enfants. K11 général e est a la mère que revient 1'éducation des enfants, tandis que 1'influence du père est nulle ou minime. Dans ces derniers cas un pouvoir plus ou moins grand sur les enfants revient au frère de la mère (dans le matriarcat le grand-père et le père des enfants appartiennent a un autre clan, et Tonele maternel et les enfants sont du clan de la mère).'-) Comme il a été déja dit plus haut, ïl y a eu des conditions patriarcales chez les „cultivateurs supérieurs", c. a d. que chez ces peuples le père a un pouvoir iliimite sur ses filles non-mariées et sur tous ses fils avec leurs descendants. 3) C'est de ces soi-disantes „grandes-famiiles" que provient la forme actuelle de la familie (mari, femme et leurs enfants non encore émancipes) par suite du fait que les fils adultes ont pu s'émanciper par les modifications qu a subi la vie sociale. Dès ce moment surtout 1'affection pour les enfants en général qui se trouve presque chez tous les hommes, prend son caractère fort exclusif, c. a d. qu'il est iimité aux propres enfants, car la monogamie est avant tout une suite du désir de 1'iiomme dès que nait la propriété privée, de laisser ses biens en liéritage aux enfants, dont il se sait le père. 4) Dans son essence cette forme de la familie s'est maintenue jusqu'a nos jours. Les modifications qu'elle a subies peuvent être réduites aux deux suivantes. 5) En premier lieu que, par suite de sa position améliorée comme épouse, la mère a obtenu une plus grande influence sur 1 'éducation de ses enfants; malgré cela pourtant son pouvoir est, de par la 1) Voir Grosse, o. c. p. 78 -82, 120—123. *) Voir Grosse, o. c. p. 183—186. 11 n'est pas inuiile de remémorer ici que 1'ethnologie a tixé 1'attention sur la circonstance que, chez les peuples primitits, les entants ne sont parfois élevés ni par le père, ni par la mère, mais par des étrangers (,1e soi-disant «fosterage"). Dans 1'article déja cité du Dr. Steinmetz eet auteur démontre que ce phénomène se présente pour le matriarcat, qui supplante une puissance paternelle antérieure, ou vice verse. »L)'une part et parfois ie ofosterage" était pour le groupe ou pour les personnes qui jusque la avaient eu des droits sur 1'enfant, un moyen de garder celui-ci, ou bien de le défendre contre une puissance surgissante; d'autre part c'était une réduction de ce droit et comme tel un moyen de contenter les sus-dites personnes par un séjour relativement court, soit une reconnaissance symbolique de leur droit qui effectivement avait vieilli.'' (p. 1092 de larticle cité.) Voila des preuves bien concluantes que les parents n'ont pas toujours été les personnes qui ont élevé leur enfant et qui exer^aient le pouvoir sur \u\,puisqu'ils étaient ses parents: 1" que 1'oncle de 1'enfant était un de ceux qui avait 1'autonté: 2Uque ni le père, ni la mère n'étaient du nombre de ceux qui avaient le pouvoir sur 1 enfant! a) Voir Grosse o. c. p. 220—221, 222—223, 226—228, 230—234. 4) Voir v. Dargun o. c. p. 12. r') Voir M. Kovalevvsky «Tableau des origines et de 1'évolution de la familie et de la propriété." p. 150—161. loi, subordonné, sous tous les rapports, a celui de son mari. En second lieu, l'influence sans cesse croissante que 1'état s'est attribuée dans les relations entre parents et enfants. D'abord, 1'état inipose aux parents mariés la tache d'entretenir et d'élever leurs enfants et défend par la loi pénale, de les tuer ou de les abandonner. L'origine de ces prescriptions doit étre recherchée dans ia circonstance que 1'état est intéressé a ce que les enfants soient soignés, et la population aussi nombreuse que possible. (L'état une fois en formation, les causes de 1'infanticide chez les peuples primitifs ayant presque disparu, la loi n'apporta pas de grands changements a la situation existante). Si ies parents mariés n'étaient pas forcés par l'état d'entretenir et d'élever leurs enfants, (loi qui ne change pas beaucoup a ia situation qui existerait sans elle, puisque la plupart des parents s'en chargeraient aussi sans y étre contrahits) on devrait pouvoir iniposer cette tache a d'autres institutions qui n'existent pas dans la société actuelle. L'état nest pas une institution de salut public; il est avant tout un moyen puur maintenir 1'ordre extérieur dans le désordre résuitant du mode de production capitaliste embrouillé et compliqué: ii est, avant tout „l'état gendarme". S il en était autrement, l'état considérerait comme un de ses premiers devoirs de destituer de leur droit ies parents qui ne rempiissent pas leur tache ou qui la remplissent mal, et d'avoir soin de 1'entretien et de l'éducation de ces enfants, et de ceux dont les parents sont morts ou dans 1'impossibiiité absolue de remplir cette tache. Car la société entière a, aussi bien que ces enfants mênies, uil trés grand intérêt a la chose. Cependant, i'état en général ne se charge point de devoirs vis-a-vis des enfants délaissés ou négligés mais encore ce n'est qu'en liésitant qu'il intervient quand il s'agit de punir ou de destituer du pouvoir paternel ceux qui se rendent coupables de teis actes. ') Peu a peu, a mesure que les idéés sur ies devoirs de i'état se moditient, (et ceci principalement sous 1'influence de la classe ouvrière qui s'organise et qui vise a une transformation de l'état en une communauté organisée), il s'intéresse pourtant plus a la personne de i'enfant. Quant au soin a apporter a ce que peut posséder I'enfant tous les codes sont déja trés détailiés! C'est sur deux points que l'état intlue assez généralenient sur le sort de I'enfant: iu. II défend ou limite son travail salarié; 2°. II oblige les parents a envoyer leurs enfants a 1'école. Plus liaut nous avons déja parlé de cette défense devenue nécessaire, par ce que ia condition physique des classes ouvrières empire et paree que le mouvement ouvrier exerce une pression sur l'état. L'enseignement obligatoire (moins universei que la limitation ou la défense du travail des enfants (la Belgique p. e. ne le connait pas encore et dans les Pays-Bas il n'existe que depuis peu de temps) a son origine d'une part, dans la circonstance que, pour 1'exercise de quelques professions, le capitalisme !) Voir k ce sujet L. Ferriani «Entartete Mütter" p. 24—50. On sait que 1'Angleterre est un des rares pays ou l'état soigne les enfants délaissés et abandonnés. Dans ies autres pays on commence généralement par s'occuper de leur sort quand il est trop tard, c. a d. quand les enfants se sont déja rendus coupables de délits. ne peut pas se servir d'ouvriers tout a fait ignorants, d'autre part, dans celle que sans 1'enseignement obligatoire, la jeunesse ouvrière s'abrutirait encore plus qu'elle ne le fait déja. L'opposition contre 1'enseignement obligatoire de la part de tout ce qui est conscrvateur démontre encore une fois clairement quel lien étroit existe entre la familie individuelle et le système économique actuel. La position économique de 1'homme comme gagnepain de la femme et des enfants, est la cause de son désir d'être le moins possible limité dans son pouvoir. Jusqu'ici nous n'avons traité que des conditions passées, et de celles d'aujourd'hui, en tant qu'elles sont réglées par la loi (le cöté formel), nous devons maintenant procéder au traitement des conditions réelles (le cóté matériel). Ici il faut considérer trois sujets: 1'éducation physique, intellectuelle et morale. En traitant de criminalité nous n'avons, naturellement, point ou peu a nous occuper des deux premières, tandis que la troisième est de la plus haute importance pour nous. Quant a 1'éducation physique, il suffit de dire qu'elle est la „conditio sine qua non" des deux autres. Les qualités intellectuelles et morales d'un enfant, qui est physiquement mal soigné, ne peuvent jamais se développer entièrement; les parents (et 1'enfant aussi) emploient toutes leurs forces afin de pourvoir a leurs besoins physiques, de sorte que pour les autres besoins il ne leur en reste plus. Le Dr. A. Baer dit a juste titre dans son livre „Der Selbstmord im kindlichen Lebensalter" : „Kinder dieser Art (c. a d. enfants des classes pauvres) tragen schon früh die Sorgen und Leiden, die das Leben ihnen auferlegt; sie werden früh mit den Anforderungen und Ansprüchen des Lebens bekannt und nicht selten schon sehr früh von Lebensverhaltnissen beeinflusst, die ihnen fern bleiben müssten". ') Ce n'est que pour la bourgeoisie et pour la partie aisée de la petitebourgeoisie qu'il peut être question pour les enfants d'une éducation physique suffisante. Chez les prolétaires et leurs égaux pour les condiditions matérielies dans la petite bourgeoisie elle est insuffisante et, si possible encore, plus triste dans le bas-prolétariat. Cependant s'il y a manque chez les derniers, il y a parfois surabondance chez la bourgeoisie. La 011 élève souvent les enfants dans de grands besoins qui en font tót des blasés et les rendent malheureux dans 1'avenir. Dans son oeuvre déja citée le Dr. A. Baer dit a ce sujet: „Andere (cette citation fait suite dans 1'original a la première, mentionnée plus haut) Verhaltnisse und Ursachen sind es, durch welche die Kinder der reicheren und vvohlhabenderen Gesellschaftskreise in den Zustand der Frühreife und mit dieser in krankhafte Empfindlichkeit, dünkelhafte Ueberschatzunggelangen. Hier ist das Wohlleben, die Ueppigkeit und der Ueberfluss an leiblichen Genüssen, die friihzeitige Gewöhnung an Theater, Tanz und an ausseres Gesellschaftsleben, das sie für die harmlose Freude des kindlichen Lebens unempfanglich macht. Ungeeignete Erziehung in der Familie ist in vveiten Gesellschaftsklassen daran schuld, dass die Kinder in frühem i) p. 48- 24 Alter schon sich selbst überlassen bleiben und in schlechte Bahnen gerathen. „Man muss, meint von Krafift-Ebing, in der Grossstadt gelebt haben und in die Hütten der Armen und in die Palaste der Reichen gekommen sein, um zu wissen, welche Erziehungsfehler da begangen werden, wo die Kinder der Armen in Schmutz und Schnaps, die der Reichen in Ueppigkeit und Lumperei leiblich und sittlich verkommen. . . . Ganz alltagliche Erscheinungen sind verschlafene Kinder im Theater und anderen Vergnügungsorten, welche der Unverstand und die Genusssucht der Eltern dahinschleppen. Andere Eltern verschaffen ihren Kindern das zweifelhafte Glück von Kinderballen und Soireen. Kann es da VVunder nehmen wenn man, zumal in den Grossstadten, nur mehr selten wirkliche Kinder trifift ?"" ') Dans les pays oü 1'enseignement est obligatoire, il y a garantie que tous les enfants peuvent acquérir une certaine somme de connaissances. Inutile de dire qu'en général ces connaissances ne sont que trés petites pour les enfants des classes pauvres et consistent dans les premiers éléments de la lecture, 1'écriture et le calcul, ce qui fait que, quant a ces enfants, il ne peut être question d'une vérltable éducation intellectuelle. Pour les enfants de la bourgeoisie 011 y pourvoit tout autrement; ici il y a plutót hypertrophie qu'atrophie des moyens intellectuels. La grande concurrence dans la société actuelle, la surabondance de forces intellectuelles, le désir ardent de faire parvenir les enfants quand même, tout cela oblige les parents a pousser plus loin les exigences des qualités intellectuelles de leurs enfants, et au détriment de leurs autres qualités. „Was in der Familie des modernen Gesellschaftslebens am meisten dazu beitragt dem Kinde eine einseitige, disharmonische Entwicklung zu geben, das ist, dass zu wenig Gewicht auf die Entfaltung des Gemüths und zu viel auf die Entwicklung des Verstandes gelegt wird. Bei der mangelhaften Einwirking auf das Gemüths- und Geftihlsleben wird das Denkvermogen des Kindes oft von zarter Jugend an auch auf das Materielle, Sinnliche, auf das Genussleben gelenkt und danach gestrebt, seinen Sinn lediglich auf das Praktische, Nutzbringende zu lenken". 2) Ainsi nous abordons le sujet même que nous avions en vue, 1'éducation morale. Comme je 1'ai déja fait remarquer plus haut, une des différences caractéristiques entre 1'éducation chez les peuples primitifs et celle de nos jours est celle-ci: que, par suite de la grande complication de la société actuelle et aussi des collisions sans nombre des intéréts individuels, la tache imposée a 1'éducateur est maintenant beaucoup plus lourde et plus ample. II est hors de doute que la première condition qu'on puisse exiger de quelqu'un qui devra former d'un enfant un homme moral, c.ad. a un homme de caractère, est bien celle ci: que lui-même soit un homme de caractère. Ici il va sans dire aussi que personne ne peut donner plus qu'il n'a. Tout en laissant encore de cöté pour le moment les criminels, 1) p. 48—49- 2) Le Pr. A. Baer, o. c. p. 49. Voir encore les p. 58—59. II convient d'ajouter encore a la conclusion du Dr. Baer que 1'éducation intellectuelle excessive des enfants de la bourgeoisie empêche qu'ils forment aussi leur esprit en s'occupant d'un travail manuel, ce qui pour les enfants des prolétaires est tout juste le contraire. dont je traiterai plus loin, il est clair que celui qui n'a point de caractère ou qui est faible de caractère ne pourra jamais élever ses enfants afin qu'ils deviennent des hommes a sentiments moraux bien développés. Certes, il pourra leur apprendre a distinguer le bien du mal mais de telles le$ons ne concernent que la partie intellectuelle et non pas la partie morale, et elles ne peuvent pas transformer les enfants en personnes qui senteiit moralement. On ne pourra nier que le nombre des gens qui ne sentent pas moralement est grand et que ceux-ci procréent. Sans oublier le fait que si c'est au père que la loi impose particulièrement le pouvoir paternel, c'est sur la mère généralement que repose en réalité la tache de 1'éducation, paree que dans la société actuelle 1'homme est presque toujours occupé dehors '). Mais la position inférieure de la femme depuis des siècles et des siècles déja, a été trés nuisible a son caractère, il arrivé donc souvent, que ce manque de caractère passé aussi aux enfants.2) Une deuxième condition, sans laquelle une bonne réussite de 1'éducation est impossible, c'est que les éducateurs aient les qualités innées de leur tache. On douterait, et non sans raison, du sens commun de quelqu'un qui oserait prétendre que chacun peut devenir un bon sculpteur, ou qui voudrait soutenir que chacun, même après apprentissage, ferait un excellent menuisier ? de même personne ne pourrait dire que chacun possède les qualités naturelles requises pour un art aussi difficile que 1'éducation. Pour être bon éducateur, il faut beaucoup aimer les enfants, avoir beaucoup de patience et de zèle, savoir se mettre a la hauteur de 1'enfant, avoir une intelligence pratique et perspicace, et ce surtout quand 1'affection pour 1'enfant est trés vive, sans quoi eet excès lui sera nuisible. II y a des parents qui possèdent ces qualités a un trés haut degré, on ne peut que regretter qu'ils n'élèvent que leurs propres enfants, et non ceux aussi de parents auxquels les dispositions pédagogiques font entièrement défaut. Ensuite, vient le groupe nombreux qui possède la moyenne des qualités requises et enfin, le groupe moindre se composant de ceux qui sont peu ou point aptes a cette tache. Cependant les moins propres a donner une bonne éducation ce sont les psychopathes a cause de leur caractère mobile, leur facile emportement, etc. De même que les éducateurs différent beaucoup par leurs qualités pédagogiques innées, les enfants ont besoin d'être guidés de manières !) Si les parents s'occupent tous les deux de 1'éducation il est nécessaire qu'ils vivent en parfaite intelligence, sans cela 1'éducation ne vaudra que tres peu. Néanrnoins, il y a encore des personnes qui s'opposent a rendre le divorce plus facile en allcguant vque cela nuirait aux enfants" ?! '2) Voir k ce sujet C. Zetkin »Die Arbeiterinnen-und Frauenfrage der Gegenwart" (p. 23—39), qui dit e. a: »Wer erziehen will, der musz selbst erst erzogen sein. Es ist überflüssig, dabei zu verweilen, wie wenig die F ra 11 von hente dieser Forderung, in ihrem weitesten Sinne gefaszt, entspricht. Seit Jahrhunderten geknechtet und versklavt, systematisch in einem Zustande der Untergeordnetheit gehalten, von Geburt an die Ziclscheibe einer systematisch durchgeführten körperlichen und geistigen Verkümmerung, ist die Frau nothwendiger Weise ein unvollkommenes und einseitig entwickeltes Geschöpf" (p. 34). différentes. S'il y a des enfants qui exigent peu de soins pour s'adapter plus tard aux exigences de la société, d'autres, qui forment la grande majorité, en demandent plus et enfin une seconde minorité qui pour devenir des hommes assez utiles demande des soins minutieux et continuels. 1'armi ces derniers il faut ranger aussi les enfants victimes de 1'hérédité. Ont-ils des parents sans grandes qualités pédagogiques, ce qui est souvent le cas pour ces psychopathes, les résultats seront encore plus mauvais. Outre les qualités innées, il faut que celui qui agit en éducateur ait recu 1'enseignement nécessaire. L'éducateur sans notions de psychologie, de pédagogie etc., se trompera souvent, même s'il a toutes les qualités innées qui sont requises (p. e. la spécialisation si nécessaire dans 1'éducation, vu la difference de dispositions chez les enfants) et fera dévier le caractère des enfants. L'instituteur doit apprendre son métier, s'il en est ainsi, pourquoi l'éducateur chargé du moral de 1'enfant n'aurait-il-pas besoin d'apprentissage ? (1'école actuelle ne sert-elle pas surtout a développer les qualités intellectuelles) 1'éducation morale n'étant pas une tache moins difficile que 1'éducation intellectuelle. Pourtant il est incontestable, que de nos jours dans toutes les classes de la société 1'éducation morale est en général exercée en dilettante, comme autrefois c'était aussi le cas pour 1'éducation intellectuelle !). Enfin il reste encore a nommer comme condition que l'éducateur doit pouvoir disposer du temps nécessaire s il veut remplir sa tache, sans cela le plus capable même ne pourra jamais obtenir de bons résultats. Après eet examen des principales conditions qu'on peut formuler en général, prenons encore la peine d'examiner en peu de mots 1'éducation telle qu'elle se pratique dans les différentes classes. Commencons par la bourgeoisie. Comme il a été déja remarqué, les enfants y sont souvent gatés par le grand luxe qui les entoure, et puis par le fait que leurs qualités intellectuelles sont en général développées au détriment des qualités morales. Mes remarques concernant les capacités, le caractère etc. s'appliquent a toutes les classes, par conséquent aussi a la bourgeoisie. Inutile donc d'en parler plus amplement. Seulement il faudra observer que, en ce qui concerne les connaissances positives de la pédagogie, la bourgeoisie dépasse de beaucoup le prolétariat, de la il résulte entre autre que 1'éducation est bien meilleure chez celle-la que chez celui-ci. Le caractère 1) Voir p. e. J. Stern «Thesen über den Sozialismus" p. 24 et C. Zetkin, o. c. p. 30 sqq. ,, Un exposé de toutes les erreurs commises dans le systeme pedagogique depasserait naturellement le cadre de ce travail. Je veux seulement fixer 1'attention sur 1 habitude de battre les enfants, habitude assez générale dans le prolétariat, et pas encore tout a fait abandonnée par la bourgeoisie. II est évident qu'on ne pourra jamais développer les sentiments moraux d'un enfant en le battant. Au contraire on éveille alors des sentiments de haine et d'irritation. (Voir plus haut oü j'ai fait ressortir que chez les peu pies primitifs les enfants n'étaient pas frappés e. a. afin de ne pas gater leur caractère). Voir 1'éminente critique sur cette manière d'élever les enfants dans E. Key «Das Jahrhundert des Kindes", p. 135 sqq; voir aussi L. Ferriani «EntarteteMütter p. 148—150. de la bourgeoise qui occupe comme toutes les femmes un rang inférieur dans la société, a encore plus souffert par sa vie le plus souvent oisive, et cette faiblesse de caractère se transmet aux enfants, si elle les élève elle-même. II faut bien ajouter cette condition, car la fréquentation de son monde, en d'autres termes, 1'habitude de ne rien faire du tout, est trés souvent cause que les mères font élever leurs enfants par des personnes qui n'ont ni les aptitudes naturelles ni les capacités acquises dans ce but, mais qui ne se chargent des enfants que pour avoir une position. II y a même des enfants qui ne sont pas allaités par leurs mères mais par des nourrices puisque les mères ont peur de voir diminuer ainsi leurs charmes. Ceci prouve encore une fois de plus la fragilité de 1'allégation que les parents sont les éducateurs naturels de 1'enfant; ici on voit même que la milieu social peut mener a une renonciation des devoirs vraiment naturels. >) L'éducation morale des enfants de la bourgeoisie est généralemcnt superficielle, et vise surtout a apprendre aux enfants a se conduire suivant les convenances (ou plutót suivant leurs mensonges), et beaucoup moins a développer les sentiments réellement moraux. 2) En second lieu cette éducation développe chez eux un trés fort sentiment de classe, de sorte qu'ils considèrent les membres du prolétariat comme des êtres inférieurs, par leur essence nés pour servir la bourgeoisie, au lieu de n'y voir que des semblables qui ne sont devenus différents que par des circonstances surtout fortuites. En troisième lieu, l'éducation actuelle rend les enfants égoïstes, ceux de la bourgeoisie plus que les prolétaires. Par cette assertion on contredit de nombreux auteurs qui sont convaincus du contraire et croient que l'éducation actuelle dans la familie est une source d'altruisme. 3) lis ont bien raison quand ils disent que des sentiments altruistes entre les membres mêmes de la familie sont nés dans le cercle de la familie. Durant longtemps la vie dans la familie constituait toute la vie de 1'homme (c'est encore le cas pour une trés grande nombre de femmes), mais dans la société actuelle on passé une trés grande partie de sa vie en dehors du cercle de la familie, et c'est pour cela que 1'opinion de ces auteurs et que partagent beaucoup de gens, n'est pas exacte. Dans le cercle de la familie 1'enfant, surtout quand il n'a ni frères ni soeurs remarque bientöt que ses intéréts priment tous les autres, que le monde extérieur est son ennemi, et que devenu grand, il doit s'y faire une part aussi large que possible. Peu importe que les intéréts d'autrui soient alors lésés. II faudra, encore remarquer que si d'un cöté la familie est une unité économique, et que les intéréts des membres de la familie sont pour cela parallèles, d'un autre cóté il y existe aussi des intéréts économiquement opposés (héritage), qui peuvent détruire 1'homogénéité des intéréts. II se peut qu'on objecte ici que, dans la société actuelle, formée 1) Voir a ce sujet C. Zetkin, o. c. p. 24. -) Voir k ce sujet L. Ferriani »Schlaue und glückliche Verbrecher", p. 34—35' 8) Pour ne nommer qu'un scul parnii les nombreux auteurs: M. Kovalewsky. Voir p. 160—161 de son oeuvre «Tableau des origines et de 1'évolution de la familie et de la propriété". principalemcnt d'adhérents du christianismc, on enseignc pourtant a la plupart des enfants qu'il faut aimer son prochain comme soi-même. Cela est vrai, mais dans une société comme la nótre, oü les intéréts de tous les hommes sont opposés, 1'effet de ce commandement ne saurait étre grand, ou 11e serait pratiqué qu'en paroles et non de fait, et aboutit ainsi a 1'hypocrisie. Celui qui veut suivre a la lettre ce commandement se voit aussitöt rejeté du combat pour la vie a moins qu'il ne change d'opinion. >) Personne n'a, a mon su, mieux caractérisé 1'éducation actuelle, qui conduit a 1'égoïsme, que Owen. Aussi me permettrai-je de citer le passage suivant: „As society is novv constituted, no children can by possibility be really well educated. The fundamental errors on which it has been based, filling the early mind with error and hypocrisy and all manner of conflicting ideas, opposed to facts and to nature, render it impracticable for any child to be rationally trained or treated by society. And the more education of this kind is given to children, the more they will be estranged from a knowledge of themselves, or of human nature generally, and the less competent will they be to understand what society has been made to be, and yet less what it ought to be, and how it may bc made what it 'is desirable it should be, for the well-being and happiness of all. Mothers and fathers thus taught, are inicompetent to teach and educate their children in the spirit, manner, and conduct, which should, for the benefit of all, to be given to all children. Their afféetions also, especially the strong natural animal affections of the mother, are, in almost all cases, too strong for the very limited powers of judging accurately respecting their own children and those of other parents, which females now acquire from their present mal-education. The individual family arrangements confining the children to the limited number of ideas among them — to their exclusive and isolated feelings — to their early deep impressions in favour of family interests and supposed rights — to the narrow and partial experience of a family and its usual small connexions, are equally destructive of a good sound practical education or well-training of children. The individual system of society which has so long prevailed in all nations, and among almost all people, is also a strong barrier to the proper education of beings intended to be made rational. The individual system of society is injurious to man now, under every point of view in which it can be considered; but especially in the education of the children of all classes. It confines all their strongest feelings to self first, then to family, afterwards to kindred, and then to small neighbourhoods and districts, regularly and systeniatically training each child to become at maturity a mere localizcd ignorantly selfish animal, fïlied with family and geographical prejudices. 1) Comparcz e. a. E. Key »üas Jahrhundert des Kindes", qui dit: »Aber der für die Mcnschheit gefahrlich'ste aller Missgriffe der Erziehung ist... dass man die Kinder lehrt, die Moral des neuen Testamentes als absolut bindend zu betrachten, deren Gebote das Kind bei seinen ersten Schritten ins Leben allenthalben verletzen sieht. Denn die ganze industrialistische und kapitalistische Gesellschaft ruht gerade auf dein Gegensatz des christlichen Gebotes - seinen Nachsten zu lieben wie sich sclbst — namlich auf dem Gebot: »Jeder ist sich selbst der Nachste!'' (p. 316). As long as this individual system shall be continued, it will be vain to expect that any child can be well educated, or properly trained to become a rational being — a man with the full physical and mental powers of humanity, intelligent, moral, and virtuous. The isolated character formed by the individual system will, as long as children shall be educated under it, and in accordance with all its innumerable errors in principle and practice, render it impossible for any child to be so educated and placed in society as not to become, more or less, a cause of anxiety to its parents. Every child under this system comes into society, at its birth, opposed by the capital and experience of society; and as it advances in its progress, and has to take its part in the jostle, bustle and business of life, it has to contend for itself, often, not only against these general powers of society, but, on the death of parents, or sometimes even before, with brothers and sisters, for individual property or other advantages. Besides, children, before they have any resisting powers of mind, being forced to receive the errors of their parents and others early instructors, respecting their supposed faculties of believing and disbelieving, loving and hating, are, by this process, placed through life in direct opposition to their nature; and, as vice has been made, by the gross errors of ours ancestors, to consist in acting in accordance with nature, and virtue in acting in opposition to it, and as nature continually impels the individual to desire to act in accordance with its own lavvs, in defiance of nian's unwise and unjust laws, the great probability is that children will be more liable to obey nature than man; and thus, vvhere there are children, they must be a source of constant anxiety to parents; and that anxiety must be injurious to the best formation of the organization of the remainder of the infants who may be bom to them." ') II faudra encore fixer 1'attention sur 1'éducation sexuelle des enfants de la bourgeoisie. Dans notre société la' morale sexuelle chrétienne est la morale dominante, souvent même parmi des non-chrétiens, sans que ceux-ci en soient conscients. D'après cette morale toute vie sexuelle procédé de 1'esprit malin, l'homme serait meilleur sans ses penchants sexuels. 2) C'est pour cela que les enfants sont en général élevés dans une ignorance absolue a ce sujet, ou bien on leur fait des mensonges. La nature ne pouvant être contrainte il s'en suit que la curiosité des enfants n'en devient que plus ardente, et que la conduite des hommes est hypocrite sous ce rapport. 3) En second lieu 1'éducation dans la petite bourgeoisie. La-dessus nous pouvons être trés succincts. Une partie de cette classe se rattache au prolétariat par les conditions de sa vie; une autre partie a la bourgeoisie. Inutile donc d'en parler amplement. Ce n'est que le noyau de la petite bourgeoisie, qui, ayant encore gardé les traditions de sa classe, ofïfre des diftcrences a eet égard. Ici il ne saurait être question de 1'influence démoralisatrice de 1'entourage luxueux des riches, puis la 1) p. (j—ji, Third part. »The Book of the New Moral World . 2) Voir sur 1'origine de cette morale K. Kautsky, »Die Entstehung des Christenthums" (Neue Zeit 1885). 8) Voir a ce sujet e. a. L. Ferriani p. 48 >>Schlaue und glückliche Verbrecher'. surveillance du père est plus grande et ainsi 1'éducation plus sévère, mais la conception bornée de la vie et les efforts continuels des parents avides de procurer aux leurs des avantages, développent chez leurs enfants 1'égoïsme a un haut degré. Ensuite le prolétariat. Comme il a été déja démontré plus haut, ce sont en premier lieu les conditions matérielies qu'exige une éducation suffisante, qui manquent a cette classe. Les conditions d'habitation sont ici de la plus grande importance. Généralement elles sont telles qu'il n'y a pas d'espace qui permette d'occuper les enfants a la maison, de sorte qu'ils passent une grande partie de la journée dans la rue. Ensuite elles sont parfois la cause que les enfants sont en contact avec des personnes dont 1'influence leur est nuisible (prostituees etc.). Et enfin les petits logis font, que les enfants sont trop tót et de facon mauvaise informés sur la vie sexuelle (couchés dans la menie étroite chambre des parents, ou couchés dans le même lit avec des enfants de 1'autre sexe; etc.). Puis les enfants ont besoin pour grandir d'un milieu que les soucis n'empoisonnent pas, oü la misère n'endurcit pas les coeurs, n'éteint pas la gaité, et oü les connaissances surtout en matière d'éducation, ne font pas défaut, ce qui est malheureusement trop souvent le cas. En outre dans cette classe le père n'a généralement pas 1'occasion de s'occuper de 1'éducation de ses enfants, par suite de la longue durée de son travail quotidien au dehors. Un grand nombre d'ouvriers sont obligés de sortir de chez eux, pour aller a leur travail, longtemps avant que leurs enfants se réveillent, pour ne rentrer que quand les petits sont déja couchés; il en est de même pour les ouvriers qui travaillent la nuit, et dorment par conséquent le jour. Le développement du capitalisme a conduit au travail salarié de la femme mariée, et par la a une des plus importantes causes de la démoralisation des enfants des ouvriers. Alors il n'y a personne pour veiller sur 1'enfant qui ainsi abandonné a lui-même, se démoralise. Dans son oeuvre „Die Lage der arbeitenden Klasse in England", F. Engels a succinctement caractérisé cette situation: „Die Beschaftigung der Frau in der Fabrik lost die Familie nothwendig ganzlich auf, und diese Auflösung hat in dem heutigen Zustande der Gesellschaft, der auf der Familie beruht, die demoralisirendsten Folgen, sowohl für die Eheleute wie für die Kinder. Eine Mutter, die nicht die Zeit hat sich um ihr Kind zu bekümmern, ihm wahrend der ersten Jahre die gewöhnlichsten Liebesdienste zu erweisen, eine Mutter, die ihr Kind kaum zu sehn bekommt, kann diesem Kinde keine Mutter sein, sie inusz nothwendig gleichgiiltig dagegen werden, es ohne Liebe, ohne Fürsorge behandeln wie ein ganz fremdes Kind; und Kinder, die in solchen Verhaltnissen aufgewachsen, sind spater für die Familie ganzlich verdorben, konnen nie in der Familie, die sie selber stiften, sich heimisch fiihlen, weil sie nur ein isolirtes Leben kennen gelernt haben, und mUssen deshalb zur ohnehin schon allgemeinen Untergrabung der Familie bei den Arbeitern beitragen." ') f p. l^f/. Voir aitssi L. liraun »I)ie Frauenfrage" p. 318 sqq. et C. Zetkin o. c. p. 26. Sur 1'éducation des enfants ouvriers en général, voir encore: G. Schönfeldt »Die Enfin, quand, pour n'importe quelle raison les parents ne sont plus a même d'entretenir et d'élever leurs enfants, ou qu'ils viennent a mourir, ceux-ci sont abandonnés a leur sort s'il n'y a pas de personnes charitables ou des institutions de bienfaisance qui veuillent se charger de les soigner. Car, pour des raisons, exposées déja plus haut, 1'état ne s'impose pas de devoirs concernant 1'éducation de tels enfants. 11 me reste maintenant encore a parler de la dernièrc categorie, du bas-prolétariat, parnii lequel se rangent aussi les criminels et les prostituees. L'éducation des enfants de ces gens est non seulement fort négligéc, conime c'est souvent le cas pour les enfants des prolétaires, dont on pourrait dire qu'ils recoivent une éducation négative, — mais encore les premiers ont trés souvent une éducation positive dans le mal. II est possible qu'on discute sur les résultats d'une bonne éducation, mais il est indiscutable que les enfants élevés par des gens immoraux, ou même incités au mal (prostitution ou crime) courent le plus grand risque, lorsque des circonstances exceptionnelles ne se présentent pas, de devenir des hommes nuisibles a la société. ^ Par rapport a ceci, il faut enfin fixer 1'attention sur la condition dans laquelle se trouvent les enfants illégitimes. Puisque le mariage, comme conséquence des conditions sociales actuelles, et a son tour leur soutien, est la seule union sexuelle légalement reconnue, les enfants illégitimes sont légalement et socialement traités en parias. *) II est difficile de se former une idéé du grand nombre d'enfants qui, dans la société actuelle, sont négligés ou abandonnés. Les faits suivants, viennent a 1'appui: „Will sich der Leser einen Zug van 109.000 Kindern vorstellen, der an ihm vorbeizieht, und Kind nach Kind, wie es an ihm vorübergeht, aufmerksam betrachten, so wird er einen ungefiihren Pegriff von der Ausdehnung des Leidens der Kinder erhalten, mit dem sich die „Nationale Gesellschaft zur Verhütung von Grausamkeit gegen Kinder in England" thatsachlich wahrend der ersten zehn Jahre ihres Bestehens beschaftigt hat. Die ersten 25.437 sind Duider von Gewaltthatigkeiten geübt mit Stiefeln, Geschirr, Pfannen, Schaufeln, Riemen, Tauen, Schüreisen, 1-eucr, kochendem Wasser, kurz mit allen erdenklichen Waffen, die in die Hande ihrer brutalen und rachsüchtigen Eltern kamen—bedeckt mit Beulen und Wunden, verbrannt, verbrüht, voll Pflastern und Bandagen. Dann kommen 62.887 Duider von Vernachlassigung und Verhungerung — voll Schmutz, Ausschlag und Geschwiiren, zitternd, in Lumpen, halbnackt, bleich, schvvach, ohnmachtig, schvvachlich, verkümmert, verhungert, sterbend — viele getragen auf den Armen der Pflegerinnen der Hospitaier. Dann kommen 712 Leichenbegangnisse, wo Miszhandlung tödtlich endigte. Dann kommen 12.663 kleine Wesen, den Leiden ausgesetzt, urn die heutige Arbeiterfamilie und die öfifentliche Erziehung vorschulpflichtiger Kinder' (Neue Zeit 1898—1899 I). l) Les situations légales les concernant ne sont pas les mêmes dans les différents pays. En Allemagne p. e. leur position est moins mauvaise qu'en France, oü, comme en Hollande, la recherche de la paternité est encore interdite. Cependant, dans tous les pays leur position est pire que celle des enfants légitimes. trage und grausame Wohlthatigkeit der Strasze denen zuzuwenden, die für ihre Bleiche, Magerkeit, Husten verantwortlich sind — auch sie meist noch auf dem Arm; aber auf den Armen fauler Trunkenbolde und Vaganten. Dann kommen 4.460 bemitleidensvverthe Madchen, die Opfer der sinnlichen Lust menschlicher Ungeheuer. Dann kommen 3.205 kleine Sklaven unpassender und schadlicher Beschaftigung und gefahrlicher Auffiihrungen, Miszgeburten in reisenden Buden, Akrobaten auf Messen, Trapez- und Drahtseilkünstler in Zirkussen, arbeitend unter zu schweren Last und leidend unter verschiedenster Frevelthat. Der Zug ist 60 Meilen lang und braucht 24 Stunden, um an uns vorüber zuziehen." ') La société précitée est une société privée. L'étendue de ses travaux est donc restreinte, ce qui fait qu'elle n'a pas pris connaissance d'un grand nombre de cas oü les enfauts sont traités de la sorte. Au moment 011 le rapport, auquel les chiffres cités ont été empruntés, venait de paraitre, elle ne fonctionnait que depuis dix ans, dont les cinq dernières plus efficacement, puisque 1'organisation de son service avait pris une partie des cinq premières années. Enfin, le domaine du travail de cette société ne comprend que le Royaume-Uni, tandis que le capitalisme règne sur une grande partie du monde et a partout les mcmes conséquences. En envisageant ces faits on peut se former une idéé de 1'énorme délaissenient dans lequel se trouve une multitude d'enfants, et quels hommes doivent se former d'enfants traités ainsi. En résumant ce qui a été dit plus haut, on voit que le système d'éducation pour les enfants n'a pas toujours été réglé comme il 1'est a présent, et qu'ici on ne peut donc point parler d'institutions créées par la nature, excepté pour ce qui concerne les rapports entre la mère et son enfant durant les premières années de sa vie. II a été démontré que, a ce que je crois, 1'organisation actuelle de 1'éducation se rattache étroitement au mode de production de nos jours. Personne ne peut contester que la aussi nous sommes encore bien loin de vivre dans „le meilleur des mondes." 2) C. La Prostitution. Par prostitution il faut entendre le fait social qu'il y a des femmes qui vendent leur corps pour 1'exercice d'actes sexuels, et en font une profession. 3) ') Le Dr. C.Hugo »Kind und Gesellschaft" p. 562 (Neuc Zeit 1894— 1895 I). Voir aussi L. Ferriani »Entartete Mütter". 2) Comme critique sur le système d'éducation actuel, voir aussi: A. C. F. Schatïle »Hau und Leben des socialen Körpers" I p. 262; Ch. Letotirneau »L'évolution du mariage et de la familie" p. 444; E. Key «Das Jahrhundert des Kindes" p. 109 sqq.; Th. Schlesinger Eckstein » Die Frau im XIX Jahrhundert" p. 54—56. a) Comme cette définition le démontre, je me borne a la seule prostitution féminine, tandis qu'il y a aussi une prostitution masculine. Cette restriction estfaite: 1°. puisque cclle-ci, comparée a celle-lk, est insignifiantc: 2°. puisque quelques-unes des causes que je vais nommer de la prostitution féminine forment aussi 1'étiologie La mise a la disposition d'autrui de son corps, afin de commettre des actes sexuels, constitue donc parfois la vente d'une marchandise. Pour rechercher 1'étiologie de la prostitution dans la société actuelle il faut donc commencer par se demander: „quelles sont les causes de la demande de cette marchandise." Ces causes doivent être réduites aux suivantes: a. L'impossibilité ou la difficulté de pouvoir se marier oü se trouvent beaucoup d'hommes. Plus haut (voir p. 360—361) nous avons déja vu que dans la société actuelle il y a accroissement permanent du nombre de petits bourgeois et de ceux qui exercent des professions libérales qui, par suite d'insuffisance de leurs revenus, ne peuvent se marier ou ne peuvent le faire qu'a un kge assez avancé. Comme nous 1'avons déja vu ce n'est pas en général le cas pour les prolétaires. Ils atteignent déja le maximum, ou peu s'en faut, de leurs salaires, encore assez jeunes, et sont aussi moins exigeants pour les besoins matériels. Tout cela fait qu'ils se marient plus tót et ont donc moins recours a la prostitution. (Excepté les soldats et les marins, qui sont souvent forcés de rester célibataires). b. A cóté des gens dont je viens de parler il faudra mentionner ceux qui ne veulent pas s'attacher pour la vie a une seule femme. Puis, 1'éducation séparée qui amène une vie différente pour les deux sexes, est souvent un obstacle a la rencontre facile de deux personnes qui pourraient conclure un mariage d'inclination. Des hommes supérieurs renoncent souvent au mariage, puisque la moyenne inteliectuclle des femmes est tout autre que la leur, encore par suite de 1'éducation et de la manière de vivre, et qu'aussi, chez elles la pensée d'améliorer ainsi leur position économique prédomine '). Autrefois presque personne de 1'autre prostitution. (Voir sur ce dernier point F. Carlier. »Les deux prostitutions" II partie). D'après la définition que je viens de donner 1'acte de celui ou de celle qui, pour des raisons économiques, contracte un mariage est intrinsèquement égal k celui des prostitués. Aussi y a-t-il des auteurs qui donnent une définition plus large de la prostitution, définition par laquelle les personnes sus-nommées devraient réellement être comptées parmi les prostitués. Yves Guyot p. e. donne la définition^ suivante dans son oeuvre »La prostitution": »est prostituée toute personne pour qui les rapports sexuels sont subordonnés k la question de gain" (p. 8). Ouoique les actes soient tous les deux intrinsèquement égaux, il est néanmoins inexacte de donner une signification si large au mot »prostitution". Une définition doit formuler ce qui est, mais ne doit pas prescrire la loi k la réalité. Et dans le cas en question la réalité est celle-ci: que 1'on nomme prostituées ces femmes seules, qui font profession de la vente de leur corps, pour en vivre, ou pour augmenter un gain trop modique. •) Voir a le sujet C. Zetkin »Geistigcs Proletariat, Frauenfrage und Sozialismus." Elle dit e. a. «Manche, und gerade oft die tüchtigsten Manner, halt... ein . .. innerer ( ■rund von der Verehelichung zuriick, je reicher und feiner sich ihre Persönlichkeit entwickelt, je tieferen Gehalt sic ihrem Leben geben, um so schwerer finden sie unter den heutigen Vcrhaltnissen eine passende Lebensgefahrtin. liedeutungsvolle ethische Momente erzeugen für sie eine »Khenoth". Verschiedene Umstande, unter denen eine verkehrte Krziehung nicht an letzter Stelle steht, rauben vielen bürgerlichen Madchen die Fühigkcit und den Willen, Hausfrauen im guten alten Sinne des W'ortes 7.11 sein. Gleichzeitig vorenthalten sic ihnen die Möglichkeit, sich zu kraftvollen gesunden Persönlichkeiten zu entwicklen, welche dem Manne verstSndniszvolle Genossinnen des Lebens und Wirkens sein könnten." (p. 5—6). Voir aussi dans le même ordre d'idées le l)r. J. Jeannel «De la prostitution dans les grandes villes au XIX" siècle" p. 187—188. n'exigeait beau coup de 1'intellect de la femme. Mais c'est justement par son émancipation qui commence a prévaloir et prouve qu'elle peut être apte a autre chose qu'au ménage, que les hommes supérieurs exigent aussi plus d'elle que dans le temps. Le plus grand contingent des hommes qui fréquentent des prostituées est formé de célibataires >), et le plus petit d'hommes mariés. De la la cause suivante: c. Souvent le mariage ne se contracte pas par suite d'une inclination, mais pour des raisons financières, ce qui fait que les hommes se dédommagent souvent chez des prostituées. Mais cela s'applique aussi a ces cas, oü le mariage n'a pas été conclu pour les raisons nommées, mais dans lesquels, pour n'importe quelles raisons, est née une forte antipathie entre les époux, sans que le mariage soit dissout, paree que la loi met obstacle au divorce ou le rend impossible, ou paree que des raisons financières ou de convenance empêchent un des partis a s'y décider. La monogamie ne provenant pas d'un penchant inné des hommes la prostitution est un corrélatif nécessaire du mariage. d. L'entretien de maitresses dépensiaires est un passe-temps pour ceux qui ont été démoralisés par une vie luxueuse et oisive, et en même temps un moyen par lequel ces gens jettent leurs revenus. e. Enfin la prostitution est le moyen par lequel de riches pervertis satisfont a leurs penchants. Avant de quitter les causes de la demande en prostituées, il faut encore fixer 1'attention sur ce qui suit. II faut bien que ceux qui fréquentent les prostituées aient une ignoble opinion de la femme, qu'ils ne la considèrent que comme un objet, existant pour le plaisir et qui doit être prêt aussitót que 1'homme veut se le procurer en payant et non par affection. Cette vile facon d'envisager la femme a été universelle durant des siècles et a ce moment elle est encore assez générale. Elle s'explique par la position sociale inférieure de la femme a travers des siècles et des siècles. Nous avons vu que cette position s'est peu a peu améliorée, et que le résultat de cette amélioration a été qu'il y a augmentation du nombre des hommes qui ont une opinion plus élevée sur la femme, et qui ne veulent avoir de relations sexuelles avec une femme, que quand ils ont aussi de Tafifection pour elle et que ce sentiment est réciproque. Ces personnes forment jusqu'a présent encore une petite minorité. En présence d'une majorité pensant encore différemment il est absurde de prêcher la totale abstinence sexuelle a tous les jeunes gens non-mariés, comme le font certains moralistes. (p. e. Tolstoï). S'il y a des hommes qui s'abstiennent sans que cela nuise a leur santé, ces moralistes oublient que la satisfaction des désirs sexuels est un des plus importants besoins de la plupart des hommes, (la vie de nos jours augmente certainement ces désirs), et que les conditions sociales actuelles l) Chaque conséquence devient a son tour cause; ici encore, car pour une grande partie la prostitution est la conséquence de 1'impossibilité de pouvoir se marier; mais & son tour la prostitution devient aussi cause que, par suite de l'influence démoralisatrice des prostituées, il y a des hommes qui ne se marient pas, quoique leur condition économique soit telle qu'ils pourraient le faire. sont cause que les hommes considèrent la femme comme inférieure. Le Dr. Blaschko dans son oeuvre „Die Prostitution im XIX Jahrhundert", dit avec raison: „Das geschlechtliche Bedürfnis ist beim Menschen wie bei allen anderen Wesen ein ganz natürliches. Sicher ist es nicht so stark und so zwingend wie das Bedürfnis nach Speise und Trank; es kann bei jedem zeitweilig und bei manchem dauernd ohne Gesundheitsschadigung unterdrückt werden. Was aber für den einen und den anderen zutrifft, gilt nicht für die Gesammtheit, für welche der Geschlechtsverkehr zweifellos ein Bedürfnis ist." ') II est maintenant nécessaire d'examiner pourquoi un oftre suffisant se présente contre la demande. En voici les principales causes 2): a. Milieu immoral. Nous 1'examinerons avant tout en ce qui concerne les enfants. En parcourant les statistiques qui font mention de 1'age des prostituées, on est particulièrement frappé du fait qu'un grand nombre d'entre elles sont encore trés jeunes. Pour citer quelques exemples: le Dr. G. Richelot donne les chiffres suivants dans sen oeuvre „La prostitution en Angleterre": " LONDRES 1836—1854. Prostituées, condamnées pour affaires de jurisdiction sommaire: Asre. Sur 10.000. o De 10 a 15 ans 27 „ 15 .. 20 2463 „ 20 „ 25 „ 3-623 „ 25 et au-dessus 3.887 3) EDIMBOURG 1835—1842. Sur IOOO prostituées, admises dans le „Lock Hospital": Au-dessous de 15 ans. 42 De 15 a 20 ans. 662 „ 20 a 25 „ 199 „ 2 5 et au-dessus. 97 4) •) p. 14. Voir encore du même auteur: »Die moderne Prostitution", p. 14—15 (Neue Zeit 1891—92 II), et „Hygiene der Prostitution und venerischen Krankheiten" p. 39. Voir aussi le Dr. V. Augagneur: »La prostitution des filles mineures" (Archives d'anthropologie criminelle III) qui dit e. a.: »EUe (c. k. d. la prostitution) est la preuve constante que nos lois et les exigences physiologiques ne sont pas adéquates" (p. 224). 2) Une explication claire des causes de la prostitution nécessite de les traiter chacune a part; ce qui naturellement n'exclut pas que plusieurs causes peuvent agir simultanément sur le même individu. II y a naturellement aussi effet réciproque entre offre et demande: Pabondance de 1'offre est une des causes secondaires de la demande 8) p. 571. On trouvera cette étude dans le deuxième tome de 1'oeuvre de A. J. B. Parent-Duchatelet »De la Prostitution dans la ville de Paris". *) o. c. p. 643. Dans les „Reports from the select committee of the House of Lords on the Law relating to the protection of young girls" on peut trouver les chiffres suivants. Furent revues dans un „Asile pour filles et femmes" : ANGLETERRE 1881—1882. Age. Nombre. 12 a 14 ans 8 14 » 15 6 16 „ 18 „ 28 18 „ 20 „ 34 20 „ 23 „ 9 23 25 „ 25 2 5 .. 39 » __27_ 137 Pourcentage. 55 45 100 ') Dans son oeuvre „De la Prostitution dans la ville de Paris" ParentDuchatelet donne les chiffres suivants: PARIS 1831. Age. J Prostituées inscrites. Pourcentage. 12 ans 1 13 .. 3 1 14 „ 8 15 17 f 16 „ 44 ( 17 .. 55 1 23>6 18 „ 101 l 19 » 115 | 20 „ 216 21 „ 204 I 22 „ 249 \ 23 .. 240 24 „ 207 76,4 25 .. 193 26 et au-dessus. 1.582 3.235 100,0 -) ') p. 39 (Scssion 1882). 2) o. c. tome 1 p. 91—92, C. J. Lecour donne le tableau suivant: PARIS 1855—1869. - — ' ———————————— Age. Prostituées inscrites. Pourcentage. Au-dessous de 18 ans I 513 i 8 De 18 a 21 ans ! 1.704 26,6 Au-dessus de 21 ans. 4I9° ! 65,4 6.407 100,0 ») Le Dr. Augagneur mentionne les ages suivants des prostituées admises a 1'höpital: LYON. Années. Filles majeures. Killes mineures. Total. 1877 520(65,5»/») 274(34,50/0) 794 1887 144(68,20/0) 67 (31,80/0) 211 664 "(66,07 0/0) 34i (33-73 u/o) 1.0052) S. Sighele donne les chifïfres suivants: ITALIË. Année 1875. Prostituées soumises. Pourcentage. De 16 a 20 ans 2.455 26,98 „ 21 „ 30 „ 4-766 52,50 „ 31 ans et au-dessus. 1.867 20,52 9.088 100,00 Année 1881. 1 " I ; Prostituées soumises. Pourcentage. De 17 a 20 ans. 2.953 31,9 „ 21 „ 30 „ 5-456 58,92 „ 31 ans et au-dessus. 850 9,18 9.259 100,00 1) Calculés d'après le tableau p. 125 de »La Prostitution k Paris et k Londres." 2) o. c. p. 211. Annke 1885. Prostituées soumises. Pourcentage. Jusqu'a 20 ans 3-228 27,76 De 20 a 30 ans 4-589 54.7° Au-dessus de 30 ans I-471 154 8.388 100,00x) Le Dr. L. Fiaux mentionne les résultats d'une enquête officielle. Sur un total de 17.603 prostituées: RUSSIE 1889. Age. Pourcentage. 15 ans et au-dessous 0,3 \ De 15 a 16 ans 1,3 1 „ 16 „ 17 ,, 3.5 f „ 17 .. i8 .. 6.9 ( 69.9 „ 18 „ 19 „ 8,8 \ „ 19 » 20 » 10>8 „ 20 „ 25 „ 38,3 / „ 25 et au-dessus 30,1 30,1 100,0 100,02) Le Dr. A. Baumgarten donne les chiffres suivants: VIKNNE. Age. Prostituées insoumises. 13 4 14 19 16 94 17 97 18 iii 19 119 20 83 527 Sur un total de 1.000 : 52,7 °/0 s). 1) p. 205 — 206 »Le Crime a Deux". Pour quelques chiffres sur Berlin voir encore le Dr. B. Schoenlank »Zur Statistik der Prostitution in Berlin", p. 335 — 336 (Archiv für soziale Gesetzgeb. u Stat. Vil). 2) p. 195. »La prostitution en Russie" (Progrès médical 1893). 3) p. 8. »I)ie Beziehungen der Prostitution zum Verbrechen" (Archiv f. Kriminal Anthropologie u. Krin.inalistik XI.) Comme le démontrent ces chiffres, une importante partie des prostituées se compose de mineures, mais sans nous renseigner du nombre des majeures qui avaient déja embrassé la profession étant encore mineures. Quant a celles-ci les chiffres suivants: Le Dr. Bonhoeffer mentionne que 1'age auquel ies prostituées qu'il a exatninées ont commencé a exercer leur profession était le suivant: BRESLAU. a 16 ans, ou plus jeune 30 ] entre 17 et 18 ans 44 > 54 °/0 „ 19 „ 20 „ 28 ) „ 21 „ 50 „ 88 46 o/o 190 IOO !) Parent-Duchatelet donne le tableau suivant: PARIS. Age au moment de 1'inscription. 10 ans 2 11 ,, 3 12 „ 3 13 6 14 „ 20 15 .. 51 16 „ iii 17 .. 149 18 „ 279 19 „ 322 20 „ 389 21 „ 303 Au-dessus de 21 ans 1.610 3.248 50,4 °/o 49.6 °/n ioo.o 2) Le Dr. Fiaux donne les chiffres suivants: !) p. 188 »Zur Kenntnis des groszstadtischen Bettel- und Vagabundentums". Zweiter Beitrag: «Prostituirte" (Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. XXXIII.) 2) o. c. I. p. 92—93. 25 RUSSIE. Age au moment de 1'inscription. de li et moins 1,2 , 13 a 15 9,0 I 15 „ 16 12,9 > 80,5 16 „ 18 30,8 l 18 „ 21 26,6 ] 21 et au-dessus 19,5 19,5 100,0 100,0 ') Donc une grande majorité des piostituées ont été inscrites sur les régistres de la police des moeurs étant encore mineures. On peut bien dire, sans avoir a craindre de se tromper, qu'une grande partie de celles qui ont été inscrites a un age plus avancé, appartenaient tout de même déja a la prostitution clandestine. Le dr. Augagneur est même de 1'opinion suivante: „Combien de ces femmes, vouées indéfininient a la vie de fille publique, en auraient fui toutes les horreurs, si une société soucieuse des intéréts de tous les siens, les avait munies de moyens de défense suffisants a 1'age oü toutes ont succombé: avant 21 ans! Quand une femme ne sest pas prostituee avant 21 ans, elle ne se prostitue pas plus tarci. Cherchez les exceptions contraires a eet axiome et vous verrez comrae elles sont peu fréquentes. La femme plus agée, plus expérimentée, sait les conséquences de ses actes, sait faire la différence des situations sociales; moins passionnée, moins faible et moins impressionnable, elle résiste mieux a un premier entrainement dont les suites ne lui échappent pas." 2) Quoiqu'il en soit, il est certain qu'une trés grande partie des prostituées ont embrassé cette profession, ou ont été séduites encore trés jeunes. Sur ce dernier point les chifïfres suivants nous renseignent: ANGLETERRE. Age auquel les prostituées furent séduites. a 11 ans 3 „ 12 „ 5 1 ,, 13 .. 16 I 14 79 | „iS „ i89 „ 16 „ 184 J> 58 «/„ „ 17 .. 247 1 „ 18 „ 221 l „ 19 „ 297 1 „ 20 „ 280 ! „21 „ 256 I „21 „ et au-dessus 1.299 42 °/o 3) 3.076 100 ') o. c. p. 210. — 2) o. c. p. 215—216. Voir encore sur 1'étendue de la prostitution d'en- fants les i'Reports" etc., et >>Les scandales de Londres dévoilés par la Pall Mali Gazette". Tous les deux passim. — s) p. 52 Appendix li. »Reports from the select committee" ctc. Dans son oeuvre „La Prostitution clandestine" le Dr. L. Martineau communiqué que 1'age, auquel les prostituées qu'il a observées furent déflorées, se répartit comme suit: FRANCE. Age. Nombre. Age. Nombre. 5 ans i i5 ans 86 9 » 2 16 „ 87 10 „ 2 17 „ 115 11 „ 2 18 „ 93 12 „ 5 19 .. 50 13 ,, 11 20 „ 37 14 „ 31 21 „ 27 549 Sur un total de 607 : 90 °/o')• Ces circonstances font déja tout de suite présumer que la prostitution se recrute pour une trés grande partie dans les classes moins aisées ou le délaissement des enfants a pris des proportions énormes, et non dans les classes plus favorisées oü les enfants bien gardés sont tenus éloignés d'influences défavorables. L'exactitude de cette conclusion est démontrée par un examen des faits. Pour n'en citer que quelquesuns, ce qui suit: D'après une statistique dans les „Reports" etc. il n'y avait que 44 sur 3.076 prostituées, donc 1,4 °/o> qu' étaient sorties des classes aisées. 2) Dans son oeuvre „Sozialpolitisches Handbuch" le Dr. Lux publie la statistique suivante: BERLIN 1871—1878. Profession des parents de prostituées. Nombre. Pourcentage. Artisans ; 1.015 48 Ouvriers d'usine 467 j * 22 Fonctionnaires inférieurs | 305 | 14 Commerce et transport 222 11 Agriculture etc. 87 j 4 Militaires 26 1 2.122 1003) !) p. 42—44 et 46—66. 2) p. 52 Appendix B. 3) P- 133- Le Dr. Bonhoeffer trouva que les pères des prostituées qu'il a examinées exercaient les professions suivantes: BRESLAU. °/o Industrie et métiers 72 42 Ouvriers non-qualifiés 32 '9 Fonctionnaires inférieurs 24 14 Commerce 13 8 Transport 12 ^ Logeur 6 3>5 Agriculture 8 5 Musiciens ambulants 2 1 Fonctionnaires supérieurs 1 0,5 170 100 ') Le Dr. Fiaux donne les chiffres suivants: RUSSIK. Classes sociales dans lesquelles se recrutent les prostituées. Paysannes 47>5 Bourgeoises 36,3 Femmes et filles de soldats 7>2 Autres classes 4>7 Sujettes étrangères 1,5 Nobles et filles d'employés 1,8 Marchandes et bourgeoises notables 0,5 Filles de membres du clergé 0,5_ 100,0 2) Ainsi que le démontre la statistique sus-nommée, les prostituées russes se recrutent en plus grand nombre dans la bourgeoisie, que dans les autres pays de 1'Europe; cependant cette bourgeoisie russe ne saurait être comparée a celle des autres pays, ou tout au plus a la petite-bourgeoisie des autres élats de 1'Europe comme le prouve la citation empruntée au Dr. Fiaux: „Le comité considère que la grande masse des femmes inscrites appartiennent a des classes inférieures." Le fait que sur 100 prostituées, 83 sortent de families pauvres, 16 de families aisées, et 1 de familie riche, le prouve également. Après avoir communiqué les professions de 3.332 pères de prostituées,3) Parent-Duchatelet arrivé a la conclusion suivante : „.... les prosti- !) o. c. p. 108. 2) o. c. p. 196. 8) Voir les chiffres o. c. 1 p. 67 — 70. tuées nées a Paris sortent toutes, d'une manière pour ainsi dire exclusive, de la classe des artisans, et... . il n'est pas vrai, ainsi que me 1'ont assuré quelques personnes, qu'il s'en trouvait un bon nombre appartenant a des families trés distinguées;. . .') En parlant des prostituées nées hors de Paris il dit: „ . .. il nous reste une masse plus que suffisante de faits pour nous prouver que les départements ne différent en aucune manière de Paris, relativement a la classe de la société d'oü sortent les prostituées; on ne voit, sur notre dernier tableau, comme sur le premier, que des ouvriers et des gens peu favorisés sous le rapport de la fortune, et qui, par conséquent, ne peuvent ni soigner 1'éducation de leurs filles, ni les surveiller, et encore moins pourvoir a leurs besoins quand elles ont acquis un certain age ; " 2) II est nécessaire que nous spécialisions ces influences défavorables du milieu. Nous rencontrons d'abord le fait qu'une partie des jeunes prostituées ont été incitées a leur profession par leurs parents. Parent-Duchatelet fait mention de 16 cas dans lesquels la mère et la fille étaient toutes les deux prostituées inscrites 3); von Oettingen emprunte ce qui suit aux données du Dr. Tait: EDIMBOURG. Se trouvaient parmi les prostituées: 2 mères avec 4 filles 5 » » 3 tt 10 ,, ,, 2 „ 24 1 fille 41 mères avec 67 filles. *) En second lieu il faudra parler du délaissement des enfants des classes pauvres. Nul savant sérieux n'admet que les idéés morales soient innées, mais que 1'enfant nouveau-né est plus ou moins apte a s'approprier de telles idéés. II s'ensuit qu'on ne peut pas beaucoup attendre d'un enfant dont la formation morale a été ncgligée dans la jeunesse, füt-il même doué d'une grande capacité innée. De la donc que les enfants des families dans lesquelles il y a manque de soins et d'éducation par la mort de la mère, ou de celles dont le père est alcoolique, ou dont le père et la mère travaillent tous les deux au dehors durant la plus grande partie du jour, ou de celles encore 011 la moralité n'est pas grande, courent beaucoup de danger de se perdre. Voici quelques chiffres a 1'appui de cette assertion: o. c. 1 p. 68. 2) o. c. 1 p. 71. Les données du même auteur démontrent que 1.078 sur 3.095 (35 "In) pères de prostituées ne savaient pas signer leur nom. 8) o. c. I p. 108. 4) Moralstatistik p. 198. Sur cette cause de la prostitution voit' encore: I)r. G. Richelot o. c.p. 582—583; Dr. C. Röhrmann »Der sittliche Zustand von Berlin" p. 45—46; »Die Prostitution in Von Oettingen communiqué que, d'après le Dr. Ryan, 12 a 14.000 prostituées a Londres sont devenues femmes de mauvaise vie par suite d'une enfance délaissée. ') Dans les „Reports from the select committee" etc., se trouve !a statistique suivante: Sur 3,075 prostituées 921 (29 °/0) avaient perdu soit leur père, soit leur mère, et 1,481 (48 °/0) étaient orphelines. 2) Dans son oeuvre: „La prostitution clandestine a Paris", le Dr. Commenge donne les chififres suivants concernant 2.368 prostituées qu'il a observées durant les années 1878—1887: 692 (29 °/fl) étaient orphelines; 456 (i9°/o) avaient perdu leur mère; Sn (35 °/o) » » .. père.3) Sur un total de 190 cas, le Dr. Konhoeffer constatait 72 cas (38 %) dans Jesquels 1'éducation avait été positivement mauvaise (criminalité ou prostitution chez les parents, négligence des soins et de la surveillance etc.); 106 cas (56°/0) dans lesquels 1'éducation avait été mauvaise ou probablement mauvaise; et seulement 12 cas (6 °/0) dans lesquels il était prouvé que 1'éducation avait été bonne. 4) Pour la Russie le Dr. Fiaux donne les chififres suivants: Sur 100 prostituées 3,6 avaient encore père et mère; 47,5 n'avaient que des parents éloignés et 18,5 étaient sans aucune familie.5) A propos de la cause nommée de la prostitution le Dr. Augagneur dit ce qui suit: „La plupart des prostituées sont nées a la prostitution en même temps qu'a la puberté. Leur sens moral, si tant est, qu'on ait jamais essayé de le réveiller, s'est fait sans secousse a leur situation: elles sont prostituées sans regrets et sans honte. Elles sont sorties de la société honnête et normale, sans se douter presque de son existence, Bcrlin" p. 86—87; L. Faucher «Etudes sur 1'Angleterre" I p. 74; Lecour, o. c. p. 202—204; Carlier o. c. p. 35—36; G. Tomel et H. Rollet »Les enfants en prison" p. 156 sqq.; L. Ferriani »Entartete Mütter", p. 161; le Dr. O. Commenge »La prostitution clandestine k Paris", p. 33—35. 1) o. c p. 198. 2) p. 52 Appendix B. s) o. c. p. 42. 4) o. c. p. 108. Puisque 1'éducation donnée a des enfants illégitimes est généralement trés insuffisante, on peut s'attendre 4 ce que nombre de prostituées sont des enfants illiégitimes. Dans son oeuvre «Die Prostitution in Hamburg" Ie Dr. H. I.ippert communiqué que plus que la moitié des prostituées de Hambourg sont des enfants naturelles ip. 78); Parent-Duchatelet constatait 385 naissances illégitimes sur 3.667 prostituées, soit 10,46 °/0 (o. c. p. 77 I); le Dr. Jeannel donne pour Bordeaux (1860) un pourcentage d'environ 12, pour Strasbourg (1854) un de 10 (o. c. p. 144); le Dr. Bonhoeffer donne 22 sur les 190 soit 11,5%. Une comparaison de ces chiffres avec ceux des naissances illégitimes en général (Le Dr. Jeannel donne pour la France 7,8 °/n. et en 1899 le pourcentage se montait & 9 pour 1'Allemagne ip. 10 Statistisches Jahrbuch für das Deutsche Reich XXII) démontre que Finfluence de 1'illégitimité est moins grande qu'on le supposerait. Les principales causes doivent être: in. la mortalité des enfants illégitimes est plus grande que celle des enfants légitimes; par conséquent le pourcentage de personnes illégitimes est inférieur aux chiffres sus-cités; 2°. une partie des enfants illégitimes, qui sont nés dans la classe ouvrière, recoivent une éducation pareillc & celle des enfants légitimes, puisque une tille-mère est moins méprisée dans ces classes du peuple que dans les autres. a) o. c. p. 197. sans le dcsir d'y rentrer jamais. Tl leur a manqué, pour devenir d'honnêtes femmes, les enseignements de la vertu, les exemples de leurs proches, la surveillance soupconneuse de leurs nières et le bien-être matériel. Les filles du peuple ne sont pas, au jour de leur naissance, d unc pate inférieure a celle des filles de la bourgeoisie ou de la noblesse, elles ne sont naturellement ni moins intelligentes, ni plus perverses. Et pourtant, si vous examinez 1'état civil de cent prostituées, vous verrez que 95 au moins sortent des couches les plus inférieures de la société. C'est dire que Pinégalité sociale est seule responsable dans cette inégale repartition. ') Enfin, je veux encore citer 1'opinion de Parent-Duchatelet, qui est de grande valeur, puisque eet auteur est incontestablement le meilleur sociologue qui ait traité le sujet. II dit: „L'inconduite des parents et les mauvais exemples de toute espèce qu'ils donnent a leurs enfants doivent être considérés pour beaucoup de filles, et en particulier de l'aris, comme une des causes premières de leur détermination. L,es dossiers de chaque fille et les procès-verbaux des interrogatoires font sans cesse mention de désordre dans les ménages, de pères veufs vivant avec des concubines, des amants des mères veuves ou mariées, de pères et de mères séparés, etc. Quelle surveillance de tels parents peuvent-ils exercer sur leurs enfants, et s'ils jugent convenable de faire une réprimande ou de donner un bon avis, quel poids et quelle autorité pourront avoir dans leur bouche de pareilles observations ? Ainsi la dépravation, 1'insouciance, la position nécessiteuse de beaucoup de gens de la dernière classe provoquent, 11e préviennent pas, ou ne peuvent empêcher la corruption des enfants; on peut dire en gcneral pour un bon nombre de prostituées ce que 1'observation de tous les jours apprend a 1'égard des malfaiteurs, c'est qu'ils ont pour la plupart une origine ignoble." 2) En troisième lieu il faut nommer comme cause démoralisatrice dans la jeunesse les mauvaises conditions d'habitation. Un des traits caractéristiques les plus prononcés de 1'enfant c'est son penchant a 1'imitation. De la que le fait qu'une familie entière doit habiter et dormir dans une ou deux pièces, a les conséquences les plus néfastes pour la moralité sexuelle des enfants. La vie sexuelle 11 a plus de secrets pour 1'enfant des classes pauvres a un age, oü cette vie est encore chose inconnue pour les enfants des classes aisées. Je veux donner ici quelques chiffres pour démontrer combien les logis sont exigus: D'après une enquête faite a Berlin en 1895 il y avait 4-71 ^ habitations sans foyer et occupées par 13.700 habitants; plus de 200.000 habitations se composaient d'une pièce avec foyer, dans 22.160 habitaient plus de 6 personnes. Sur 100 habitations il y a les cas suivants !) o. c. p. 215. 2) o. c. I p. 102. Sur cette cause de la prostitution voir encore: Dr. Richelot, o. c. p. 574—575; Dr. Fr S. Hiigel »Zur Geschichte, Statistik und Regelung der Prostitution" p. 206— 207; I)r. [eannel o. c. p. 145—146; A. C. Fr. Schaffle »Bau und Leben des socialen Körpers" I p. 261; H. Stursberg >>Die Prostitution in Deutschland und ihre Bekampfung" p. 44—45; le Dr. E. Laurent "Les habitués des prisons de Paris" p. 585—589 (description de types); G. Schönfeldt «Heitrage zur Geschichte des Pauperismus und der Prostitution in Hamburg" p. 269. de „surpopulation" (qui, pour la statistique officielle, se présente s'il y a plus de 6 personnes dans une pièce avec foyer, et plus de 8 personnes dans deux pièces avec foyer ou dans une pièce avec cuisine attenante): a Königsberg io,6; a Halle 10,3; a Breslau 9,9; a Liibeck 8,75 ; a Görlitz 6,91 ; a Leipzig 7,85 ; a Altona 7,62 ; a Münich 4,41 ; a Kiel 4,46 ; a Mannheim 11,8. En 1890 il demeurait dans des habitations avec surpopulation sur 1.000 personnes: a Berlin 784; a Münich 533; a Breslau 754. ') D'après 1'enquête de 1890 il y avait a Vienne 23.921 habitations composées d'une seule pièce, avec 64.621 habitants et 103.433 habitations de deux pièces avec 411.314 occupants. Ces deux groupes formaient a eux deux ensemble 44 °/0 de toutes les habitations et 35 °/0 de la population entière y habitaient. Le prof. von Philippovich, a 1'article duquel les données citées ont été empruntées, constatait que dans les quartiers ouvriers viennois Ottakring, Meidling et Favoriten, de toutes les habitations avec une ou deux pièces resp 29,3, 30,8 et 31,26 °/0 étaient occupées „en surpopulation" (c. a d. 3—5 personnes dans une pièce). 2) Le recensement dans les Pays-Bas de 31 décenibre 1899 a donné les résultats que voici: II y avait 307.937 habitations, occupées par 1.172.014 personnes (soit 22,7 °/0 de la population), et qui étaient composées d'une pièce habitée; il y avait 334.355 habitations, occupées par 1.497.353 personnes (soit 29 °/0 de la population), se composant de deux pièces (parmi lesquelles sont comprises des cuisines, des alcoves et des galeries couvertes). 3) La spécialisation de ces chiffres fait encore mieux connaitre la situation : il y avait 45.641 habitations d'une seule pièce avec 4 personnes; 62.548 habitations de plus d'une pièce avec 5 ou 6 personnes; 41.877 habitations d'une seule pièce, occupées par 6 personnes ou par plus de 6; il y avait 45.363 habitations composées de 2 pièces qui étaient occupées par 3 ou 4,personnes ; 20.582 habitations de deux pièces avec 4 a 6, et 706 habitations de 2 pièces avec 6 occupants ou plus. 4) Ce qui en outre fait souvent défaut c'est 1'espace pour placer un nombre suffisant de lits ou bien les moyens de se les procurer. Dans un trés grand nombre de cas des enfants de différents sexes doivent dormir ensemble dans un seul lit ou bien avec des personnes adultes. II arrivé aussi souvent que les habitants de ces demeures déja insuffisantes sont obligés de prendre des commensaux (Schlafburschen). Sur 1.000 habitations on a constaté les nombres suivants de logis avec commensaux: a Leipzig 175, a Breslau 125 et a Berlin 158 5); a Vienne 6,4 °/(), et a Berlin les 6,1 °/0 de la population sont des commensaux. f>) II va sans dire que parmi ces gens en garnis il y a des personnes démoralisées, trés dangereuses pour les enfants. Dans son oeuvre „Ver- A. Pappritz, »Die wirthschaftlichen Ursachen der Prostitution", p. 14. 2) p. 221 223. vWiencr Wohnungsverhaltnisse", (Archiv f. soz. Gesetzg. u. Statist. VII). s) Bijdragen tot de Statistiek van Nederland XXIV7, Uitkomsten der woningstatistiek. p. 52. 4) o. c. p. 98. 6) Pappritz o. c. p. 15. fi) v. Philippovich o. c. p. 222. brechen und Prostitution", P. Hirsch dépeint ces dangers comme suit: „Man denke sich, auf einem wie engen Raum oft eine ganze Familie zusanimengepfercht ist, wie schwer eine Trennung der Geschlechter bisweilen selbst dann sich ermöglichen laszt, wenn der Geschlechtstrieb der heranwachsenden Kinder bereits in der Entwicklung begriffen ist! Die Kinder wohnen leider nur all zu haufig selbst den intimsten Vorgangen bei und verlieren schon früh jedes Schamgefühl. Wie sollen vollends diejenigen Kinder Anstand und gute Sitten lernen, deren Eltern gezwungen sind, an Prostituirte zu vermiethen? Wer schützt diese Unglücklichen vor der moralischen Ansteckung ? Oft wird in ihrer Gegenwart ein Wort gesprochen, oft spielen sich vor ihren Augen Vorgange ab, die sie jetzt vielleicht noch nicht zu erkennen vermogen. Aber das kindliche Gemüth ist für derartige Eindrticke empfanglich, und was sich in seiner Gegenwart vollzieht, fallt auf einen fruchtbaren Boden. Was in seiner Erinnerung aus frühester Jugend haften geblieben ist, das wird, wenn spater einmal seine Sinnlichkeit angeregt ist, schreckliche Früchte tragen. Wir wundern uns, wenn wir 12 bis 13 j.ïhrige Madchen Gesprache fiihren horen, die wir sonst nur von Prostituirten zu vernehnien pflegen, die lange Jahre ihrem Gewerbe nachgehen, wir staunen iiber die Abgefeimtheit mancher ganz jungen Personen und sind leicht geneigt, ein ungtinstiges Urtheil iiber sie zu fallen. Wahrlich, unser Urtheil würde ganz anders ausfallen, wir würden Mitleid mit ihnen empfinden und zum Nachdenken angeregt werden, wenn wir die Höhlen kennen lernten, in denen diese armen Geschöpfe ihre Kindheit verbracht haben." ') Comme cause de la démoralisation de jeunes filles il faudra enfin fixer 1'attention sur le travail des enfants. En premier lieu il y a beaucoup d'enfants qu'on envoie vendre des fleurs, des allumettes, etc., ce qui est cause qu'ils sont négligés ou qu'ils fréquentent de mauvaises compagnies. La-dessus Hirsch dit: „Man lasse sich nur einmal in ein Gesprach ein oder man belausche nur einmal die Unterhaltung jener Kinder, die in den Groszstadten des Abends Blumen, Streichhölzer u. dgl. feilbieten, und man wird erstaunen iiber ihre Verschlagenheit; man sollte es kaum glauben, mit welcher Schamlosigkcit solche Knaben mit den unter gleichen Verhaltnissen heranwachsenden Madchen iiber geschlechtliche Vorgange sprechen, ohne zu erröthen, als iiber etwas ganz Selbstverstandliches, da sie es von frühester Kindheit an gewöhnt sind. Kein Wunder, wenn aus diesen Kreisen der Prostitution und dem Verbrecherthum ein recht betrachtlicher Naclnvuchs entsteht. ..2) En second lieu le travail dans les usines, par lequel les filles viennent en contact avec des adultes, qui, par leurs manières et leur langage souvent grossiers, par leur propre manque de sentiments moraux, corrompent ces enfants pour toute la vie. Après avoir parlé des autres dangers qui menacent la moralité des enfants, Lecour dit: „A-t-elle échappé a 1) p. 42. Voir encore sur 1'influence des mauvaises conditions d'habitation: Kichclot o. c. p. 573—574; W. Acton «Prostitution considered in its moral, social and sanitary aspects" p. 181 sqq.; Jeannel o. c. p. 143; Lecour o. c. p. 246; »Reports from the select committee etc." p. 39 (Session 1882); Stursberg o. c. p. 46—47; Commenge o. c. p. 32. 2) o. c. p. 54. ccs dangers, 1'enfant placée trop jeune en apprentissage, rcncontrcra d'autres périls. II y aura lc contact de filles plus agées et déja perverties, celui d'ouvriers qui ne respectent ni la jeunesse ni 1'innocence, fanfarons de débauche, qui propagent 1'immoralité et flétrissent les filles de leurs camarades. II y aura parfois 1'impure domination d'un patron ou d'un contre-maitre." •) Nous voila arrivés a la fin de nos observations sur les influences démoralisatrices sur les enfants, et nous examinerons maintenant en quelques mots ces influences sur les femmes adultes. II faudra parler en premier lieu de 1'influence de la profession. Les chifïfres suivants servent a faire voir quelles sont les professions dans lesquelles les prostituees se recrutent le plus: BERLIN, 1855. Ouvrières de fabriques ) 7 3 j Couturières, blanchisseuses, repasseuses f ërS'ë 16 f , 0, Main d'oeuvre L •§ > f 23 L '° Ouvrières a doniicile I °"e 32 ; Domestiques 22 9 „ Sans profession déclarée 70 30 „ 236 100 1873- (O \ Ouvrières de fabriques j 355 i Industrie en chambre et demoiselle de ' crS'C f ^. 0/ boutique k •§ > g 936 l '° Gardiennes dans niagasins ] °'g 139 / Domestiques • 794 35,7 „ 2.224 100,0 1898. Ouvrières, couturières et boutiquicrcs 66 43,4 °/„ Domestiques 78 5J>3 » Chez leurs parents 7 i Bonnes d'enfants 1 ^ " 1 52 100,0 2) o. c. p. 247. Voir cncorc sur les suites démoralisatrices du travail des enfants: Parent-Duchatelet, o. c. I p. 103; Röhrmann o. c. p. 44; Jeannel o. c. p. 146 148; Keports etc. p. 15—17 (Session 1882); K. Strunz, p. 183 sqq. «Die Krwerbsvnaszige Kinderarbeit und die Schule" (Neue Zeit 1898—1899 I.) 2) Dr. A. Iilaschko »Die Prostitution im XIX Jahrhundert" p. 22; du même «Hygiene der 1'rostitution" p. 40—41. Dans les „Reports from the select committee" etc. se trouve la statistique suivante: ANGLETERKE. Domestiques 1 -5^9 60,7 °/o Couturières, tailleuses et autres professions industr. 967 36,9 „ Filles de brasseries 64 2,4 „ 2.620 100,0 ') BRESLAU, 1901. Domestiques 72 3^ °/« Ouvrières de fabriques 37 20 » Couturières 28 15 „ Boutiquières 14 7 » Modistes ^ o , Tailleuses \ ' Filles de brasseries l Bouquetières / 13 7 » Coiffeuses ) Danseuses 4 2 » Sans profession et chez leurs parents 14 7 » 190 100 2) Dans „La Prostitution a Paris" de Parent-Duchatelet se trouve une statistique d'après laquelle les domestiques a pro rata de leur nombre fournissent le plus grand contingent de prostituees, et que les ouvrières qui tachent de pourvoir a leurs besoins par 1'aiguille en fournissent aussi une trés grande partie. 3) Le Dr. Jeannel constata qu'en 1859, des 298 prostituées inscrites a Bordeaux 40 % avaient été domestiques, et 37 % des ouvrières qui avaient essayé de vivre par le travail de 1'aiguille (modistes, couturières, lingères etc. 4) Sur un total de 6.842 prostituées clandistines a Paris (de 1878—1887) le Dr. Commenge trouva que 2.681 (39, ï8 %) avaient été domestiques et 1.326 (19%) couturières.5) Le Dr. Baumgarten mentionne la statistique suivante. Sur 1.721 prostituées: ') p 52 Appendix 15. I)r. Bonhocffer o. c. p. 109. 3) Voir les statistiques détaillées p. 79—84 o. c. I. 4) o. c. p. 148. 5) 0. c. p. 336. VIENNE. Servantes 58,00 Main-d'oeuvre 16,00 Caissières 14,00 Ouvrières de fabriques 5,50 Employées de bureau 0,38 Bonnes d'enfants 0,36 Chanteuses 0,28 Coifïfeuses / _ Modèles S ^>4 100,00 ') Le Dr. Fiaux donne les chiffres suivants: RUSSIE. % Servantes 45,0 Lingères, couturières 8,4 Ouvrières de fabrique 3,7 Blanchisseuses 1,4 Gouvernantes et bonnes 1,3 Marchandes, boulangères et autres 1,3 Cigarières 0,7 Chanteuses, écuyères, saltimbanques et autres artistes 0,3 Exercant différents métiers, professions 2,7 Femmes entretenues 2,0 Sans profession déterminée 6,4 Vivant du travail de leur mari T,7 Vivant dans leur familie ou chez des parents plus ou moins éloignés 22,3 Ces statistiques font voir qu'une assez importante partie des prostituées ont été ouvrières dans des usines. (Excepté en Russie 0111'industrie n'est pas encore aussi développée que dans d'autres pays de 1'Europe.) On peut accepter comme indubitable que ce travail a en général des conséquences trés désavantageuses pour le moral des ouvrières. Dans son oeuvre „Lage der arbcitenden Klasse in England", Engels dépeint ces conséquences en ces termes: „Die Vereinigung beider Geschlechter und aller Alter in einem Arbeitssaale, die unvermeidliche Annaherung zwischen ihnen, die Anhaufung von Leuten, denen weder intellektuelle, noch sittliche Bildung gegeben worden ist, auf einem engen Raume ist eben nicht geeignet, von günstigen Folgén für die Entwicklung ') o. c. p. 5. 2) O. c. p. 197. des weiblichen Charakters zu sein. Der Fabrikant kann, selbst wenn er darauf sieht, nur dann einschreiten, wenn wirklich einmal etwas Skandalöses passirt; die dauernde, weniger auffallende Einwirkung lockerer Charaktere auf die moralischeren und namentlich die jüngeren kann er nicht erfahren, also auch nicht verhüten. Diese Einwirkung ist aber gerade die schadlichste. Die Sprache, die in den Fabriken geführt wird, ist den Fabrikkommissaren von 1833 von vielen Seiten als „unanstandig", „schlecht", „schmutzig" u. s. w. geschildert worden (Cowell, evid. P- 35» 37» un9°/o) qui, elles aussi, sont devenues prostituées par suite de cette séduction et de la misère). Ferriani produit la statistique qui suit: ITALIË. Abandonnées par le mari, les parents ou par d'autres membres de la familie 794 Décès du mari, des parents ou d'autres personnes subvenant a leur entretien, ou autre cas de misère 2.139 Afin de pourvoir aux besoins d'enfants, de père ou de mère, ou d'autres membres de sa familie pauvres et malades . . 393 3-326 Sur un total de 10.422:31,9°/0. 2) (D'après la statistique que j'ai déja reproduite (voir p. 399) 24,7 °/0 des prostituées le sont devenues par suite de séduction, donc en partie également par la misère.) Dans son oeuvre „Die Prostitution im XIX Jahrhundert" le Dr. Blaschko communiqué que les ,Ergebnissen der von den Bundesregierungen angestellten Ermittelungen über die Lolmverhaltnisse der Arbeiterinnen in den Waschefabriken und der Konfektionsbranche im Jahre 1888" demontrent, que le chömage forcé dans la branche de la confection durant plusieurs mois est cause d'une augmentation de la prostitution.3) Comme nous 1'avons vu dans la première partie de ce travail il a été démontré a différentes reprises que les crimes contre la propriété diminuent ou augmentent selon que la conjoncture économique est favorable ou défavorable. Si la misère est une des causes de la prostitution, il faut que le nombre des prostituées se modifie en même temps que la conjoncture. La statistique prouve que cela arrivé en etïet. Cependant, il faudra encore prendre en considération que ces chiffres ne se rapportent qu' 1) p. 52 (Session 1882 Appendix B). 2) o. c. p. 169. 3) p. 17—18. Voir k ce sujet aussi Dr. B. Schönlank »Zur Lage der in der Waschefabrikation und Konfectionsbranche Deutschlands beschaftigten Arbeiterinnen" p. 126—127 (Neue Zeit 1888); Hirsch, o. c. p. 46; Pappritz, o. c. p. 10. exclusivement aux prostituees inscrites; si 1'on pouvait disposer aussi des chifFres des filles insoumises, ils démontreraient naturellement des modifications encore plus grandes. BERLIN. j Nombre des Sur 100.000 ■ ! Nombre des j Sur 100.000 Année. prostituées i de la | Année. prostituées | de la inscrites. | population. j | inscrites. | population. 1869 1709 ! 223 1882 3900 326 1870 IÓOÖ | 203 1883 3769 | 306 1871 IÖ2S 197 1884 3724 293 1872 1701 198 1885 3598 273 1873 1742 j 195 | 1886 3000 J 230 1874 I956 2IO 1887 3063 2IÓ 1875 2241 232 1888 3392 231 1876 2386 242 1889 3703 244 1877 2547 248 1890 4039 255 1878 2767 262 1891 4304 273 1879 3033 277 1892 4663 288 1880 3186 284 1893 4794 292 1881 3465 298 ') En laissant de cóté les années anormales 1870—1871, on s'apercevra que les années prospères 1872 —1873 donnent des chiffres trés bas. A partir de cette période la conjoncture devient continuellement plus défavorable, tandis que les chiffres des prostituées indiquent aussi une hausse importante. Dès 1'année 1882 les conditions économiques commencent a s'atnéliorer et les chiffres des prostituées y correspondant, baissent en même temps, pour s'élever de nouveau trés sensiblement pendant les années défavorables 1889—1892. Dans son oeuvre „Statistik der gerichtlichen Polizei im Königreiche Bayern und in einigen anderen Landern", le Dr. Mayr donne aussi les preuves convaincantes du parallélisme entre les changements dans la vie économique et la prostitution. Ces chiffres ayant été déja reproduits dans la première partie de ce travail, il suffit d'y renvoyer (voir p. 59). 2) Cependant, ce n'est pas seulement le chómage forcé amenant la profonde misère qui est une des causes de la prostitution: il faut aussi considérer comme telle la circonstance que les salaires accordés aux femmes sont souvent si minimes, qu'il leur est impossible de se payer même le strict nécessaire, ce qui les oblige a se procurer des gains supplémentaires. Dans son oeuvre déja citée: „Die wirthschaftlichen Ursachen der Prostitution", Pappritz fixe le minimum dont une ouvrière a Berlin a ') Les chiffres absolus ont été empruntés au Dr. B. Schoenlank »Zur Statistik der Prostitution in Berlin" p. 331 et k Hirsch o. c. p. 57. 2) Voir encore les auteurs suivants qui relèvent eet effet réciproque: Faucher, o. c. I p. 277; Bebel, o. c. p. 194 et Schaffle, o. c. 1 p. 261. besoin pour pourvoir aux dépenses les pius strictement nécessaires (logis, nourriture, habits etc.) durant un an a 600 marcs. La plupait des ouvrières de fabriques ne gagnent généralenient que 500 marcs. Le gain moyen dans une année (en 1897) était de 457 marcs pour les tailleuses, de 354 niarcs pour celles qui font les boutonnières (travail manuel). Et puis, les salaires payés a Berlin ne sont pas encore les plus bas; le salai're moyen des femmes était pour 1'Allemagne entière, de 322 marcs. 1) II ne me serait pas difficile de citer encore plusieurs auteurs qui, traitant ce sujet pour 1'Allemagne, se sont exprimés dans le même sens. Mais je dois être succinct et pour cela me borner a citer le passage de 1'important travail du Dr. K. Frankenstein „Die Lage der Arbeiterinnen in den deutschen Groszstadten", dans lequel il résumé le résultat de ses études sur ce sujet: „Eiu selir groszer Theil der Arbeiterinnen unserer Groszstadte erhalt Löhne, welche nicht hinreichen, die nothwendigsten Bedürfnisse des Lebens zu befriedigen, und befindet sicli aus diesem Grunde in der Zwangslage, entweder einen erganzenden Erwerbszweig in der 1'rostitution zu suchen oder den unabwendbaren Folgen körperlicher und geistiger Zerrüttung zu verfallen". 2) II est évident qu'il en est de même pour tous les pays ou règne le capitalisme. Voici ce que Faucher p. e. en dit dans ses „Etudes sur 1'Angleterre": „Les ouvrages a l'aiguiile sont si peu rétribués a Londres, que les jeunes personnes qui s'y livrent ont de la peine a gagner 3^4 shillings (3 francs 75 centimes a 5 francs) par semaine, en travaillant seize .ï dix-huit heures par jour. Le salaire d'une brodeuse est, pour une forte journée, de 50 a 60 centimes; les lingères obtiennent généralenient 30 centimes pour coudre une chemise, et 20 a 25 centimes pour un pantalon. On ne saurait rien imaginer de plus affreux que 1'existence de ces pauvres filles. 11 faut qu'elles se lèvent dès quatre ou cinq heures du matin, dans toutes les saisons, pour se mettre a 1'ouvrage ou pour aller recevoir les commandes des marchands. Elles travaillent sans relache, jusque vers minuit, dans des chambres étroites, oü elles sont reünies, pour plus d'économie dans 1'usage du feu et de la lumière, par cinq ou par six. Sont-elles adniises a demeurer dans un magasin de modes ou de lingerie, 011 les nourrit mal, et sous prétexte d'urgence, on les tient a la tache jour et nuit, en leur donnant a peine quatre ou cinq heures de sommeil, qui sont encore régulièrement supprimées le samedi. Cette vie sédentaire et cette application constante les vieillissent avant 1'age, quand la phthisie les épargne. Doit-on s'étonner si quelquesunes, effrayées ou rebutées de trouver le chemin de la vertu aussi rude, tendent les bras a la prostitution ?" 3) A ces journées et a ces salaires il faut opposer la vie oisive et commode et les revenus parfois assez considérables — du moins au commencement de leur carrière — dont jouissent les prostituées. MoreauChristophe dans son „Du Problème de la Misère" communiqué qu'il y a 1) p. 8-9. 2) p. 188. Jahrbuch für Gesetzgebung, Verwaltung und Volkswirthschaft XII 2. Voir aussi le traité circonstancié des salaires de femmes dans le travail de L. Braun »I)ie Frauenfrage", p. 227 sqq. et 287 sqq. s) 1 P- 65. a Londres des prostituees qui gagnent £ 20 a 30 par semaine, et même plus, et que leur bénéfice moyen est de £ 2 par semaine. •) Pour en finir je veux encore attirer 1'attention sur 1'opinion de ParentDuchatelet concernant eet état des choses a Paris. II en dit: „De toutes les causes de la prostitution, particulièrement a Paris, et probablenient dans les autres grandes villes, il n'en est pas de plus actives que le défaut de travail et la misère, suite inévitable de salaires insuffisants. Oue gagnent nos couturières, nos lingères, nos ravaudeuses, et en général toutes celles qui s'occupent de 1'aiguille? Que 1'on compare le gain des plus habiles avee celui que peuvent faire celles qui 11'ont que des talents médiocres, et 1'on verra s'il est possible a ces dernières de se procurer le strict nécessaire; que 1'on compare surtout le prix de leur travail avec celui de leur déshonneur, et 1'on cessera d'être surpris d'en voir un si grand nombre tomber dans un désordre pour ainsi dire inévitable." 2) Non seulement la misère, prise dans le sens de manque du strict nécessaire est cause de prostitution, mais encore la misère relative qui met certaines femmes dans 1'impossibilité de se procurer certaines jouissances (bijoux, riches vêtements, etc.); dans cette catégorie de femmes la paresse joue également un certain róle. L'opinion générale concernant ces facteurs est qu'ils sont exclusivement de nature individuelle, qu'ils sont innés a quelques femmes, et qu'ils n'ont, par conséquent, rien a faire avec le milieu social. D'après moi cette opinion est tout a fait erronnée. Les hommes sont nés avec certains besoins. La non-satisfaction de ces besoins cause la mort ou le dépérissetnent de 1'organisme. Ces besoins sont ce qu'on nomme le strict nécessaire. Tons les autres besoins sont éveillés par le milieu, c. a d. que chacun les possède en germe mais a 1'état latent, aussi longtemps que 1'ambiant ne les a pas développés. Exemple: Personne n'aurait souffert de 1'abstention du tabac, s'il 11'avait vu fumer un autre; aucune femme ne désirerait de somptueux vêtements si d'autres femmes n'en portaient; etc. Le désir de s'habiller richement, 1) III p. 168. Voir encore: »Reports from the select committee etc." p. 15—16 (Session 1882). La aussi est relevée la différence entre les petits salaires des couturières et les grands revenus des prostituées a Liverpool. 2) o. c. I p. 103 — 104. Voir aussi les auteurs suivants qui considèrent comme étant un des plus importants déterminants de la prostitution: la misère en général et particulièrement les petits salaires; savoir: Richelot, o. c. p. 577—579! Frégier, o. c. I p. 97—985 Ed. Ducpetiaux »De la condition physique et morale des jeunes ouvriers", I. p. 315; Anonyme »l)ie Prostitution in Berlin", p. 84—85; le Dr. Ph. Loewe »Die Prostitution", p. 135—136; Röhrmann, o. c. p. 24—25; Moreau-Christophe, o. c. III p. 167—168; Acton, o. c. p. 180 sqq.; Hügel, o. c. p. 208; Jeannel, o. c. p. 140—142; Lccour, o. c. p. 248; M. du Camp »La prostitution a Paris", p. 257—258 (Journal^ des économistes 1870); le Dr. F. W. Muller »De Prostitutie", p. 10—11; Dr. J. Kühn »Die Prostitution im XIX Jahrhundert", p. 37—38; Schaffle, o. c. p. 261; von Oettingen, o. c. p. 193—194; F. Domela Nieuwenhuis »Zur Frage der Prostitution", p. 254 sqq. (Neue Zeit 1884); Stursberg, o. c. p. 51—53; I-ux «Die Prostitution", p. 10—12; Schönfeldt, o. c. p. 269 sqq.; T. YV. Teifen »Das soziale Elend und die besitzenden Klassen in Oesterreich", p. 150 sqq.; Taxil, o. c. p. 33—38; De Baets, o. c. p; 36—37; Commenge, o. c. p. 28—29, 36—37; Blaschko »Die Prostitution im XIX Jahrhundert", p. 16—21. de porter des bijoux, etc. n'est donc pas du tout une qualité individuelle des ouvrières; le germe de ce besoin est inné a chaque individu, sans aucune exception bien qu'a différents degrés. L'organisation actuelle de la société qui permet a quelques femmes de dépenser des sommes colossales pour un luxe insensé éveille chez d'autres le besoin de les imiter autant que possible. Dès que ces dernières n'ont pas les ressources exigées pour briller, ellcs cherchent oü les trouver, et comme il n'y a que la voie de la prostitution, beaucoup la suivent. Ajoutons a cela qu'un grand nombre d'hommes usent de leur argent et de leurs manières distinguées pour décider les hésitantes. C'est donc aussi une des causes que la prostitution se recrute si souvent parmi les couturières et les domestiques, c. a. d. parmi ces personnes qui, par leur profession, sont en contact direct avec le luxe d'autrui. ') Une autre cause qui pousse les femmes a désirer les futilités précieuses, c'est leur peu de culture qui ne leur montre rien de préférable au-dela de la possession du luxe. Et la oü des femmes qui ont tout le loisir et les moyens de s'occuper de choses plus sérieuses donnent 1'exemple de la frivolité on ne saurait s'étonner que celles qui n'en disposent pas essayent de suivre leur exemple. De même pour ce qui concerne la paresse. Si chaque personne qui en est capable, produisait une certaine quantité de travail, chaque individu normal aurait honte de passer sa journée a ne rien faire. Mais la circonstance qu'il y a des femmes qui sont estimées, tout en restant oisives, éveille chez d'autres femmes, obligées a un travail long et dur le désir de ne rien faire non plus. L.a prostitution leur ouvrant le moyen de rester inoccupées elles y ont recours pour satisfaire leur désir. L'ironie, qui ressort si souvent de la vie sociale se montre aussi dans ce cas : les femmes riches qui méprisent les prostituées ne se doutent pas qu'elles sont en partie causes de la décheance de ces dernières et que placées dans des conditions pauvres elle n'agiraient pas différemment. 2) Tous ceux qui rangent les causes citées en dernier lieu parmi les causes individuelles, basent leur opinion sur la thèse aussi singtilière qu' 1) En parlant du grand contraste entre richesse et pauvreté comme cause de la prostitution, L. Braun dit k juste titre: »Der Reichtum früherer Zeiten zog sich vornehm in Pa laste und Patrizierliiiuser zurück, der moderne Reichtum strahlt blendend aus dem Glanz der Kaufhauser, der Pracht der Hotels, er wird in den Luxuszügen und Dampfschiffen, die Weltstadt mit Weltstadt verbinden, in den Modebadern und durch die Presse mit allen Mitteln der Vervielfaltigungskunst den Massen vor Augen geführt. Und wo die Not nicht ausreicht um zur Prostitution zu zwingen, da gaukelt die Gewaltdies er Verführungskünste den armen Madchen Glück und Freiheit vor."(o.c.p. 555.) Voir aussi: Köhrmann, o. c. p. 46—47; Pappritz, o. c. p. 12. Le Dr. A. Després dans son oeuvre »La prostitution en France", (p. 36) prétend que la misère ne saurait être une des principales causes de la prostitution, attendu que dans les départemcnts les plus riches de la France, la prostitution est le plus développée. L'auteur se trompe en ce sens, qu'il n'a envisagé la richesse que dans le sens absolu, oubliant que la 011 règne 1'opulence s'étale ordinairement aussi la grande misère, et que ce contraste est une des causes importantes de la prostitution. 2) Dans son oeuvre déja citée, le Dr. Kühn dit: »Wie schön lasst es sich in den Salons beim warmen Kamin moralisieren! Man lasse die Töchter reicher Leute einmal herabsteigen von dem weichen Lager ihrer Pfühle auf den harten Boden des hlends und sie sind sicher noch eher verloren als das Dicnstmadchen über das sie noch eben die Nase gerümpft haben." (p. 38). inexacte qu'il y a deux sortes d'hommes: ceux qui, par naissance, sont destinés a commander et a jouir, et ceux qui, par naissance, n'ont qu'a obéir, a travailler et a ne pas jouir du tout. Considéré a ce point de vue celui qui se refuse a ces conditions constitue une anomalie individuelle. Peut-être objectera-t-on que sans admettre de causes individuelles on ne saurait résoudre la question, attendu que nombre de femmes vivent dans les conditions nommées et qu'une fraction seulement se prostitue. Ceux qui raisonnent de cette fa$on commettent Terreur, que je relevais déja plus haut (voir p. 149 sqq.), de voir des circonstances égales la oü cependant elles différent. II n'y a pas deux personnes qui vivent dans des conditions exactement pareilles, a plus forte raison des milliers. Pour ne nommer qu'un exemple: toutes les femmes qui ne gagnent que le strict nécessaire n'ont pas été élevées dans le même ambiant; celles qui ont grandi dans un milieu favorable sous tous les rapports, auront peut-être une si grande aversion pour la prostitution, qu'elles préfèreront une vie mesquine a 1'abondance dans la prostitution. II se pourrait que ces femmes aimeraient même mieux se suicider que de se vendre, si elles venaient a se trouver dans un état de dénuement complet; etc. En second lieu, il est nécessaire qu'une femme ne soit pas trop laide, sans cela la possibilité de gagner sa vie par la prostitution est exclue. Personne n'osera cependant prétendre que la beauté féminiue est une des causes de la prostitution : placée dans un autre milieu une femme ne se prostituera pas simplement pour sa beauté. Quoique les raisons citées réfutent déja pour une grande partie 1'objection supposée, il faut avouer qu' ainsi la question n'est pas entièrement résoulue. De même que tous les êtres d'une même espèce différent entre eux ces femmes diffèreront naturellement entre elles quant a leurs qualités innées. L'une aura des besoins plus intenses et plus nombreux qu'une autre, elle sera moins laborieuse, plus frivole etc., (qualités qui en elles-mêmes n'ont rien a faire avec la prostitution) et „ceteris paribus", sera plus exposée qu'une autre a devenir prostituée. Tout cela est parfaitement vrai, mais n'a rien a avoir a 1'étiologie d'un phénomène social, comme la prostitution. Car, nous voila en présence de deux problèmes bien distincts: pourquoi de deux personnes placées dans les mêmes conditions (supposé que cela soit possible), l'une sera plus en danger de devenir prostituée que 1'autre, et le deuxième: quelles sont 'les causes du phénomène social, qui s'appelle prostitution? La réponse a la première question doit être celle-ci: en partie puisque les gens différent entre eux quant a 1'intensité de leurs qualités et de leurs appétits. A la deuxième il faudra répondre: les conditions sociales. Quand deux personnes de longueur inégale passent une rivicre a gué, et que la plus petite se noie dans un creux, aura-t-on le droit de dire que la différence entre la taille des personnes est une des causes pour lesquelles il y a des gens qui se noient? Je ne le crois pas. La seule cause qu'il y a des gens qui se noient c'est que 1'homme ne peut pas vivre dans 1'eau, ce qui n'exclut pourtant pas que 1 un court plus de risque de se noyer que 1'autre. Quant a la prostitution maintenant, 1'ambiant dans lequel vivent certaines femmes est cause de leur chüte, ce qui n empêche pas que quelques-unes d'entre elles en courent plus le danger que les autres. A chaque instant 011 peut constater la justesse de cette assertion par 1'observation des faits. Parmi les femmes qui ne sont pas prostituées il y en a aussi de plus paresseuses, de plus frivoles etc. que les autres; pourtant elles ne se sont pas prostituées; seulement, si elles avaient vécu dans un ambiant défavorable, et dans la misère elles auraient couru plus de danger de le devenir que d'autres. Voila tout. Si toutes les femmes étaient exactement égales, la prostitution serait aussi grande qu'elle 1'est maintenant; en ce cas, ce serait exclusivement le hasard (le milieu) qui déciderait quelle femme deviendrait prostituée, tandis qu'en réalité, a cöté du milieu les différences individuelies aussi déterminent laquelle court plus de risque qu'une autre. Ceux qui croient qu'il y a ici des causes individuelles en jeu, se placent toujours encore au point de vue que la société n'est pas un organisme, mais qu'elle n'est qu'une agglomération d'individus, et que, par conséquent il suffirait de 1'examen d'un individu pour expliquer les phénomènes sociaux. C'est justement par 1'examen de la prostitution, p. e. comme phénomène social qu'il ressort que les différences individuelles ne jouent aucun róle dans 1'étiologie de la prostitution. d. Parmi les causes de la prostitution il ne faut pas oublier que beaucoup de gens y ont des intéréts pécuniaires. Sans cela bien des femmes ne seraient jamais devenues des prostituées ou bien elles ne le seraient pas restées, et 1'occasion pour 1'homme de se la procurer comme telle ne serait pas si facile. Le capital s'est niche la aussi comme partout oü il y a des profits a tirer. La profession de tenancier d'une maison de tolérance étant trés lucrative, 011 a placé de grands fonds dans cette „branche". Afin de fournir le matériel nécessaire a ces capitalistes, il s'est créé un commerce international, dont les ramifications s'étendent sur presque le monde entier et qui dispose de grands capitaux1) (La traite des blanches). Souvent avant leur entrée dans les maisons de tolérance les prostituées ont déja exercé leur métier, (c'est surtout au sortir de 1'hopital, que les agents de ces maisons guettent les filles qui sans argent et sans protection leur sont une proie facile),2) mais maintes filles innocentes deviennent aussi dupes des belles et fausses promesses de ces trafiquants et sont livrées aux tenanciers des maisons publiques. Dans son ceuvre „Der Madchenhandel" le Dr. K. Hatzigdit: „Die Madchen werden, so weit sie sich nicht freiwillig als Handelsobjekt hingeben, meist unter Vorspiegelungen einer glanzenden Zukunft verlockt. ... Man bietet den Madchen in der Regel vorteilhafte Stellungen im Ausland an, wahrend der unzüchtige Zweck verschwiegen wird. Darauf sind insbesondere die massenhaften Transporte ungarischer Madchen nach !) Voir p. e. le Dr. K. Hatzig «Der Madchenhandel" (Zeitschrift für die gesammte Strafrechtswissenschaft XX): »Für den internationalen Handel bestehen weitverzweigte Gesellschaften, die mit groszem Kapital und besten Verbindungen arbeiten" (p. 514). Voir aussi Bebel o. c. p. 190—192; sReports from the select committee" etc. (Session 1881); >>Les scandales de Londres" passim; et le Dr. W. L, A. Collard «De Handel in blanke slavinnen" (p. 4—56). 2) Le mépris qu'on ressent en général pour les prostituées, et la difficulté de se caser honorablemcnt qui en résulte, est une des causes qui les empêchent de changer de vie. Ruszland zurückzuführen, denen Engagements in Petersburg als Tiinzerinnen versprochen werden. Sind dann die unglücklichen Opfer erst einmal an ihrem Bestimmungsort angelangt, so dürften sie schwer den Handen der Madchenhandler entrinnen. In hilfloser Lage, im Ausland der Stütze ihrer Angehörigen und ihres Staates beraubt, erlicgen sie dann dem Schicksal, an öfïfentliche Hauser verschachert zu werden." ') Une fois tombées entre les mains du tenancier il est presque impossible a ces femmes de s'enfuir. II les tient par toutes sortes de moyens. Par exemple il remplacera les vêtements qu'elles portent par d'autres peu propres a mettre dans la rue et d'un prix si élevé qu'elles s'endettent; souvent elles ne comprennent pas la langue du pays oü elles sont; etc. Légalement 1'esclavage est aboli, mais en réalité il existe toujours pour ces femmes. 2) e. L'ignorance d'une partie des femmes, conséquence du milieu dans lequel elles ont été élevées, est aussi une des causes, bien que peu importante, de la prostitution. Pour citer quelques preuves. Le Dr. Richelot donne les chiffres suivants: LONDRES (1837—1854). Dans le nombre total des killes puuliques arrêtées, IL Y EN AVAIT, SUR IO.OOO: Ne sachant ni lire, ni écrire 3-49^ Sachant lire seulement ou { 6 120 „ „ et écrire imparfaitement i y „ bien lire et bien écrire 351 Douées d'une instruction supérieure 22 10.000 3) MANCHESTER (1840—1855). Ne sachant ni lire ni écrire ........ 5.161 Sachant lire seulement ou lire et / ^ " „ „ écrire imparfaitement ^ ' „ bien lire et écrire 78 Ayant recu une instruction supérieure I (?) 10.000 4) Dans les „Reports from the select committee" etc. on trouve la statistique suivante: 1) o. c. p. 514—515. 2) Voir è. ce sujet c. a. Collard, o. c. p. 13—15. Sur Ic proxénétisme en général voir Parent-Duchatelet. o. c. I p. 430—436; Richelot, o. c. p. 583—588; Acton o. c. p. 165; Lecour, o. c. p. 195—202; Carlier, o. c. chap. II; Stursberg, o. c. p. 53; Commenge, o. c. p. 60— 90; Blaschko,»Hygiëne der Prostitution und venerischen Krankheiten" p. 37—38. 3) o. c. p. 600. <) o. c. p. 637. ANGLETERRE. Ne sachant ni lire ni écrire 1.213 40 °/n Sachant lire seulenient 464 15 » „ „ et écrire imparfaitement . 1.016 33 „ „ bien lire et écrire _37| 12 » 3.064 IOO °/„ ') 1'arcnt-Duchatclet donne les chiffres suivants: PARIS. N'ont pas pu signer 2.503 56 °/0 Ont signé, mais mal 1.868 42 „ Ont signé bien, et même souvent trés bien 110 2 „ 4.481 IOO °/„ 2) Le Dr. Commenge cite la statistique que voici: PARIS (1878—1887). Insoumises sachant lire et écrire .... 4-297 68,12 ('/0 „ „ signer .... 988 15,66 „ „ „ „ mais ne sachant ni écrire ni signer . . 11 0,18 „ „ 11e „ lire ni écrire . . . 1.012 16,04 •> 6.308 100,00 "/o 3) D'un examen des statistiques données il résulte que le nombre des analphabètes est trés important, quoiqu'il soit en diminution maintenant que 1'enseignement primaire aux enfants des classes non-possédantes devient de 'plus en plus général. Savoir lire et écrire prouve encore trés peu pour la culture de 1'individu. Les statistiques citées ne démontrent donc que le nombre des prostituées totalement illettrées; mais il faut assurément aussi compter beaucoup d'autres parmi les ignorantes. II est clair que 1'ignorance seule ne conduira pas a la prostitution. Mais il est incontestable que beaucoup de prostituées ne le seraient pas devenues, ou n'auraient pas prêté 1'oreille aux offres séduisantes de belles ') p. 52 (Session 1882) Appendix B. 2) o. c. I p. 86. 3) o. c. p. 334. Afin de pouvoir comparer le nombre des analphabetes parmi les non-prostituées, les chiffres suivants. Sur 100 femmes qui se mariaient dans les départements de la Seine, Seine & Oise, Seine Infle et Seine & Marne, c. d. dans les départements qui fournissent de beaucoup le plus grand contingent des prostituées, il y avait en 1883, 1'année du milieu de la période observée, resp. 4,1; 6,5; 16,7 et 5,6 qui ne savaient pas signer leur nom. (Annuaire statistique de laFrance. 1886). positions a 1'étranger, etc. si elles avaient su quelle vie abominable les y attendait. Parmi les causes secondaires de la prostitution il faut certainement aussi ranger: f. 1'Alcoolisme. Non seulement plusieurs femmes ont été séduites lorsqu'elles avaient trop bu et par la ont abouti a la prostitution mais la démoralisation cjui est la suite de 1'abus constant de 1'alcool peut avoir le même effet. ') g. La dégénérescence. Selon quelques médecins (parmi lesquels les professeurs Lombroso et Tarnowsky, pour ne citer que les plus célèbres) la cause de la prostitution ne se trouve pas avant tout dans le milieu, mais surtout dans un dtat pathologique (ou atavistique). Ces auteurs ont examiné uil certain nombre de prostituées et ont tiré de eet examen la conclusion que les stigmates de dégénérescence, souvent constatés chez elles indiquent un état qui, d'après eux, est cause de leur inconduite: la prostitution se composerait pour une grande partie de prostituées-nées.2) II y a une objection sérieuse a faire contre une telle manière d'agir; c. a d. dans ce sens qu'il faut d'abord donner une définition précise du phénomène social qui s'appelle prostitution. Cette définition, qui ne peut être donnée que par la sociologie et non par la biologie, démontre déja qu'il est bien difficile de se représenter que quelqu'un soit né avec le penchant de commettre des actes sexuels pour des raisons économiques. Aussi le prof. Lombroso entend-il tout autre chose par prostitution que ce que c'est en réalité. II dit: „A 1'origine quelque fois le mariage n'existe même pas et la prostitution est la règle générale," 3) et comme exemple il cite que les Naïrs vivent en promiscuité compléte. Donc, partout oü il n'y a pas de mariage, il y a, d'après le prof. Lombroso, prostitution. En d'autres termes, d'après lui la nature entière est un grand lupanar dans lequel hormis les femmes mariées, toutes les femelles seraient prostituées ! II est clair que le professor Lombroso a des opinions sociologiques tout a fait a part. Ces auteurs prétendent donc que les prostituées présentent souvent des stigmates de dégénérescence.4) Cependant, en examinant les chiffres, 1) Voir e. a. Richelot, o. c. p. 664—665; Acton, o. c. p. 165; Pappritz, o. c. p. 17—18. 2) A la p. 108 sqq. de son «Prostitution und Abolitionismus" le prof. Tarnowsky dit qu'un nombre assez limité parmi les prostituées qui avaient trouvé un refuge dans une institution philanthropiquc a St. I'étersbourg sont restées dans la bonne voie après leur sortie de 1'établissement; de lk 1'auteur conclut que le milieu ne saurait être la cause principale de la prostitution, mais au contraire un penchant inné. A la lecture de eet argument on serait tenté de croire que ce n'est pas un célèbre médecin Tnais un simple curé de village qui parle, pour croire que le moral change a la suite de quelques piêches. II est absolument impossible que toutes les prostituées, par un sejour plus ou moins long dans un asile, changent k tel point qu'elles abandonnent pour toujours leur ancienne manière de vivre. Les impressions de longues années ne peuvent être effacées du jour au lendemain; en outre les motifs économiques qui les ont poussées k cette vie, se retrouvent k leur sortie de 1'asile. •') C. Lombroso et G. Fcrrero »La femme criminelle et la prostituee", p. 212. 4) Ces recherches concernent naturellement surtout les filles soumises, se trouvant dans les höpitaux. Dans sa «Genèse normale du crime" le prof. Manouvrier dit: »la nouvelle école a opéré sur de pauvres filles syphilitiques ayant séjourné au moins trois ans dans des lupanars, c'est a dire sur le rebut d'un rebut." (p. 449J. De telle manière on n'obtient pas du tout une véritable image des prostituées en général. 1 on voit que 63 °/0 de toutes les prostituées examinées n'ont presque aucun stigmate de dégénérescence. ') Pour 63 °/0 d'entre elles la dégénérescence ne peut donc absolument pas être la cause, et cela ne prouve pas encore que, pour les 37 °/n restantes la cause de leur manière de vivre doit par conséquent se trouver dans la dégénérescence. Car maintes femmes avec ces stigmates ne sont pas du tout devenues prostituées. Pour faire ressortir 1 importance des recherches en question il est nécessaire de les mettre a cóté des résultats d un examen des non-prostituées. C'est pour cela que je veux fixer 1'attention sur 1'oeuvre du Dr. P. Nacke „Verbrechen und Wahnsinn beim Weibe", dans lequel 1'auteur arrivé au résultat que seulement 3 sur 100 des femmes normales examinées par lui ne présentent pas de stigmates de dégénérescence. -) II 111e semble donc que la oü 1 on trouve des chifïfres aussi bas parmi les femmes normales, la thèse du prof. Lombroso n'est pas prouvée. Füt-elle juste, la prostitution devrait se recruter dans toutes les classes de la population, car la dégénérescence se présente dans toutes les classes. Mais, comme nous 1'avons vu plus haut (voir p. 387—3^9) e^e lle se recrute que presque exclusivement dans les classes pauvres. Le prof. Lombroso croit réduire a néant cette circonstance (qui, a elle seule, renverse déja toute sa thèse) en disant: „La femme qui, provenant des classes pauvres, finit par devenir pensionnaire du lupanar, dans les hautes classes devient une adultère incorrigible. . . 3) Par conséquent, d'après Lombroso il n'y a pas de différence entre une prostituée et une femme adultère. 11 n'y a pas a polémiser contre des idéés si singulières (pour ne pas employer de terme plus fort): elles se réfutent d'elles-mêmes. Néanmoins, la théorie nommée n'est pas sans importance pour le problème de la prostitution. La citation suivante, empruntée a 1 étude récente du Dr. Bonhoeffer démontre quelle est son importance: „Von einer angeborenen Prostitution zu sprechen, liegt für uns kein Grund vor, ebensowenig als wir von einem geborenen Trinker reden. Angeboren ist die durch den psychischen Defektzustand gegebene Disposition. Aber ob ein psychisch defektes weibliches Individuum gerade Prostituirte vvird, ist in gewissem Sinne vom Zufall und von auszeren Dingen abhangig. *) II y a des personnes qui sont nées avec des défectuosités psychiques. Ces gens ne s'adaptent que difficilement au milieu dans lequel ils vivent et ont une plus petite chance de réussir que les autres dans la société actuelle dont le principe fondamental est la lutte de tous contre tous. De la qu'ils ont une plus grande chance de chercher des moyens dont les autres ne se servent pas (in concreto: prostitution). Si la défectuosité de la personne se rapporte spécialement a sa sphère sexuelle, de sorte qu'elle sent p. e. des besoins sexuels extraordinaires, le danger pour elle de devenir prostituee devient fort grande 5). Menie quand le milieu !) o. c. p. 581. 2) p. 132. 8) o. c. p. 574. 4) o. c. p. 118—119. 5) Voir quelques exemples typiques cités par le Dr. Magnan dans son rapport dans lequel vivent de telles personnes est trés favorable, il est néanmoins certain que leurs actes présenteront des disseniblances avec ceux des autres sans inclure que les personnes doivent infailliblement devenir prostituées. II est certain que ces cas morbides sont rares en général, et trés rares parmi les prostituées *). Parent-Duchatelet p. e. dit: „Enfin, il est des filles qui se livrent a la prostitution par suite d'un dévergondage qu'on ne peut expliquer chez elles que par 1'action d'une maladie mentale ; mais en général ces Messalines sont rares; je n'ai trouvé qu'une opinion unanime sur ce fait que mes recherches particulières ont pleinement confirmé". 2) La théorie nommée que la cause principale de la prostitution se trouve dans des défectuosités psychiques innées contient, comme dit le Dr. Biaschko dans son oeuvre „Die Prostitution im XIX Jahrhundert" „un petit grain de vérité dans un amas d'exagérations". Une trés petite partie des prostituées seulement se sont, pour cette raison, livrées a leur métier, et il est sur et certain qu'elles ne seraient pas devenues ce qu'elles sont si les circonstances n'y avaient pas contribué. 3) Nous sommes maintenant arrivés a la fin de nos observations sur la prostitution. D'après notre avis, il a été démontré qu'elle est d'une part le complément inévitable de la monogamie légale existante, d'autre part la suite des mauvaises conditions dans lesquelles beaucoup de jeunes au 2mo Congrès d'Anthrop. Crim.: »De 1'enfance des criminels dans les rapports avec la prédisposition naturelle au crime". (Actes p. 60—63). ') Les gens qui n'ont jamais fait d'études sur la prostitution sont généralement d'opinion qu'un instinct sexuel trés prononcé est la cause principale, si non la seule de la prostitution. Ils ont tort. Voici k ce sujet ce que dit le Dr. Commenge p. e.: »Nous ne croyons pas que la satisfaction des sens et le besoin d'avoir des rapports sexuels avec les hommes doivent être classes parmi les causes sérieuses de la prostitution. Nous avons interrogé des milliers de femmes sur ce sujet et il n'y en a qu'un trés petit nombre qui nous aient dit avoir été poussées k la prostitution par une ardeur génésique qu'elles tenaient k satisfaire. Beaucoup, dira-t-on, n'ont pas voulu avouer ce motif? Bien que les filles qui se livrent k la prostitution manquent souvent de sincérité, nous croyons que, sur ce point, elles ne cherchent pas a tromper. Lorsqu'elles ont des besoins génésiques, elles ne s'en cachent pas; elles mettent, au contraire, un certain amour-propre a le constater; elles semblent trouver dans cette affirmation un motif suffisant pour expliquer la vie qu'elles mènent." (o. c. p. 107). Voir dans le même sens Y. Guyot, o. c. p. 4—7, et Lombroso et Ferrero, o. c. p. 390. Une preuve que la prostitution est une profession, exercée pour gagner de 1'argent et non pour d'autres raisons, c'est que presque chaque prostituée k un amant de coeur. qui ne la paie jamais. Üne autre opinion trés répandue c'est que les vices que 1'on rencontre si souvent chez les prostituées, sont cause de leur conduite. On confond alors la cause avec la conséquence, car une profession aussi démoralisatrice ne peut que tuer a la longue tout sentiment moral dans la personne qui 1'exerce. Dans son «Strafrechtsreform oder Sittenpolizei" le Dr. A. Kom dit: »Wird sie (c. a. d. la prostitution) dauernd als Gewerbe betrieben, so führt sie zu einer völligen geistigen und körperlichen Entartung der ihr ergebenen Weibspersonen. Die Fahigkeit zu irgendwie anstrengender Arbeit hort bei ihnen auf; das Gefühl für Recht und Unrecht stumpft sich ab; Gedachtnisschwache. gedanken ose Geschwatzigkeit, Lügenhaftigkeit, aus bloszem Hange zum Lügen und unüberwindliche Arbeitsscheu charakterisieren diese Art der Degeneration." (p. 78 Jahrbuch für Gesetzgebung, Verwaltung und Volkswirthschaft XXI, 3.) 2) o. c. I p. 106. 8) Voir encore les adversaires de la théorie de Lombroso c. s.: R. Calwer »Die erbliche Belastung der Prostituirten" (Neue Zeit XII 2); Hirsch, o. c. p. 15 sqq. et Pappritz, o. c. p. 3—6. filles grandissent, la suite de la misère physique et psychique dans laquelle vivent les femmes du prolétariat, et rla conséquence aussi de la position inférieure de la femme dans la société actuelle. Quand on fait exception pour quelques cas qui ont une certaine dégénérescence pour cause, a cöté du milieu défavorable la prostitution actuelle est donc une conséquence des conditions sociales existantes, qui, a leur tour, découlent du système économique de nos jours. II se pourrait qu'on m'objecte ici que la prostitution s'est présentée aussi dans d'autres systèmes économiques. Je ne 1'ignore pas, mais je sais aussi que 3 X 4 = 12 de même que 2 X 6 = 12 aussi, c'est a dire que deux différentes causes peuvent mener au même résultat. La prostitution de nos jours peut être une conséquence du capitalisme, tandis que celle des périodes antérieures peut avoir été la conséquence des modes de production de ces périodes. Du reste, un examen des époques dans lesquelles la prostitution était aussi un phénomène général (elle n'a jamais pris de proportions aussi élevées que sous le capitalisme), ') nous montre qu'elies ne different pas beaucoup de celle d'aujourd'hui, sous les rapports qui importent au sujet qui nous occupe, c. a. d. position sociale inférieure de la femme et forts contrastes dans les fortunes. Bien des auteurs, qui se sont occupés de la question de la prostitution, déclarent qu'elle est aussi vieille que 1'humanité même. Si 1'on entend par prostitution ce qu'elle est en réalité et non ce que l'imagination en fait, cette assertion est absolument fausse. La prostitution est de trés ancienne date, mais elle n'a pas toujours existé. Westermarck, un des auteurs les plus compétents dans cette matière, dit e. a.: „ prostitution is rare among people^ living in a state of nature and unaffected by foreign influence. It is contrary to woman's natural feelings as involving a suppression of individual inclinations." 2) A ceux qui, malgré tout, veulent quand même soutenir que la prostitution est partout et toujours, je conseille de faire des recherches chez les peuples oü existe le matriarcat, je ne serais pas étonné si leurs recherches sur 1'éternité de la prostitution durent une éternité. !) Voir p. e. le Dr. A. Blaschko »Die Prostitution im XIX Jahrhundert", p. 9. 2) »The history of human marriage" p. 70—71. IV. L'A LCOOLISME. On entend par alcoolisme le phénomène social qui consiste dans I'abus chronique des boissons alcooliques auquel s'adonnent nombre de personnes. ') Avant d'entamer 1'étiologie de ce phénomène il faudra déterminer le fait biologique : pourquoi consomme-t-on de 1'alcool ? Toujours et partout il a été constaté que le penchant pour les narcotiques est propre a 1'homme. Ceux qui croient que la nature humaine est enclin au mal, que les excès lui sont innés, trouvent la solution du problème trés simple. Ils raisonnent comme suit: „par 1'alcool ce penchant inné peut être satisfait; 1'homme est enclin a faire des excès, ergo .... 1'alcoolisme." Ceux qui nient la nature mauvaise de 1'homme rencontrent au contraire ici la difficulté du problème. Car, disent-ils, les faits sont la pour prouver que 1'homme n'a pas toujours et partout été intempérant; il faut donc qu'il y ait d'autres causes que ce soi-disant instinct du péché. On consommé des boissons alcooliques 1° puisqu'elles ont un goüt agréable (du moins quelques-unes); 2° et surtout, puisqu'elles ont en dehors du goüt, le pouvoir d eveiiler des sensations agréables. Dans son oeuvre „Der Alkoholismus" ~Tê~Dr. A. Grotjahn s'exprime ainsi sur ce point: „Narkotische Stofife wirken nicht in erster Linie durch ihren Geschmack genussbringend, sondern beeinflussen direkt die Grosshimrinde und ervvecken Lustempjinduiigen, die von der 1 hatigkeit der Sinneswerkzeuge oder von lusterweckenden Wahrnehmungen aus der Aussenwelt vollkommen unabhangig sind. Dadurch nimmt der Genuss, der durch die Einverleibung narkotischer Stoffe entsteht, eine ganz aussergewöhnliche Stellung im Genussleben ein. Es giebt kein anderes Mittel, sich unabhangig von den aus der Aussenwelt stammenden Wahrnehmungen und unabhangig von den Funktionen der Sinneswerkzeuge Lustempfindungen zu verschaffen, deren Intensiteit und Dauer vvir noch dazu dosieren können. Nur so ist es zu erklaren, dass das Bedürfnis nach dem Genuss narkotischer Mittel eine so allgemeine Verbreitung gewinnen 1) L'abus de 1'alcool est beaucoup plus grand qu'on ne le croit généralement. Le Dr. Grotjahn indique dans son «Der Alkoholismus" comme quantum qu'un homilie normal peut prendre par jour sans que cela lui nuise: 30—45 gr. d'alcool absolu, soit un litrc de bicre, ou un demi-litre de vin léger. (p. 143) und so ticfe, unausrottbare Wurzel schlagen konntc, nachdem der Mensch cinmal diese Mittel kennen gelernt hatte." •) Si 1'on consommé donc régulièrement de 1'alcool pour chasser des sensations désagréables, la consommation doit nécessairement augmenter a la longue si 1'individu veut atteindre la même condition psychique, car 1'usage continuel affaiblit 1'effet de 1'alcool. Comme pour l'étiologïë d'autres phénomènes sociaux, il faut aussi pour 1'alcoolisme traiter séparément ses dififérentes causes, quoiqu'il arrivé naturellement souvent que plusieurs ensemble rendent 1'homme alcoolique. Nous commencons par les causes qui y induisent dans le prolétariat, car c'est dans cette classe que 1'abus de 1'alcool est le plus répandu et fait les plus grands ravages, d'abord puisque la qualité des boissons consommées est trés mauvaise, ensuite puisque l'aTcóol a des efïfets d'autant plus nuisibles sur un corps mal nourri. a. II y a des professions qui, par leur nature, amènent les ouvriers qui 1'exercent presque inévitablement a 1'abus de 1'alcool. Ce sont en premier lieu celles qui nécessitent un travail dans des / températures anormales. Ainsi que dit le Dr. Grotjahn: „Es leidet dadurch, mag die Temperatur zu hoch oder zu niedrig sein, das psychische Befinden, weniger die Arbeitsfahigkeit selbst. Das bei der Arbeit überaus störende Unbehagen kann entweder durch Regulierung der Temperatureinflüsse (Kleidung, VVohnung, Heizung, Ventilation) beseitigt werden oder man kann den Unlustgefühlen durch reichliches Trinken von geistigen Getranken die Spitze abbrechen. Daher der eigenttimliche Gebrauch, sovvohl gegen grosse Hitze als auch gegen grosse Kalte Alkohol zu geniessen, was widersinnig ware, wenn der Alkohol specifisch dem einen oder anderen Temperaturextrem entgegen wirkte und nicht bloss die Unlustempfindungen, die die abnorme Temperatur hervorruft, milderte. In gleicher Weise sind daher Seeleute, Forstarbeiter, Fuhrleute bei grosser Kalte erhöhter Versuchung zum Trinken ausgesetzt, 2) wie bei abnorm hoher Temperatur die Machinisten, Heizer und Erntearbeiter." 3) En second lieu les industries oü se développent beaucoup de poussière ou de gaz. Citons encore le Dr. Grotjahn: „Der Staub, unter dem die unter freiem Himmel beschaftigten Arbeiter zeitiveise, die im geschlossenen Raum arbeitenden fast immer zu leiden haben, erzeugt durch direkte Reizung der Schleimhaute der Mundhöhle, des Gaumens und des Rachens in diesen Organen ein höchst lastiges Geftihl von Trockenheit, das zum Trinken von Bier und Branntwein machtig anreizt. Man hort übereinstimmend von Arbeitern, die ausserhalb der Arbeitszeit durchaus massig oder enthaltsam sind, dass weder durch Wasser noch durch Aufgussgetranke der bei Staubentw icklung entstehende Durst annahernd so ') p. 126—127. -') Pour les ouvriers qui travaillent en plein air une des causes importantes de 1'abus de 1'alcool est encore 1'humidité jointe a 1'insuffisance de leurs vêtements. 3) o. c. p. 287—288. Voir aussi encore «Enquête betreffende werking en uitbreiding der wet van 19 September 1874 en naar den toestand van fabrieken en werkplaatsen", V. p. 59 et 78; et L. Vandervelde «Het alkoholisme en de arbeidsvoorwaarden in België" (Nieuwe Tijd IV) p. 260, 267 et 269. gelöscht würde, als durch den Genuss von Spirituosen. Erfahrungsgeinass zeigen auch die Angehörigen der Berufe, deren Ausübung besonders mit Staubentwickelung verbunden ist, eine bedenkliche Neigung zum Bierund Branntweintrinken und zum schnellen Uebergang vom massigen zum unmassigen Spirituosengenuss, so die Maurer, Zimmerer, Tischler, besonders aber die Schleifer und Steinbrucharbeiter. Die Entwickelung reizender Dampfe in den chemischen Gewerben wirkt ahnlich, haufig noch intensiver als der gewöhnliche Staub". r) En troisième lieu les industries par lesquelles les ouvriers sont en contact direct avec 1'alcool. Ainsi p. e. les ouvriers des distilleries,2) brasseries, entrepots d'alcool; puis les dégustateurs de vin, les ouvriers qui ont besoin d'alcool pour leur travail (p. e. les apprêteurs de soieries), et enfin ceux qui sont souvent obligés de faire leurs affaires dans des établissements oü 1'on détaille des boissons alcooliques comme les commisvoyageurs, et les tenanciers de ces établissements. 3) b. La durée fort longue de la journée. Les ouvriers qui sont forcés de travailler beaucoup plus longtemps que 1'organisme humain ne le supporte sont enclins a 1'abus de 1'alcool pour deux raisons. D'abord puisqu'ils y trouvent le moyen de réparer temporairement la dimunition de force causée par la grande fatigue. L'alcool ne donnant qu'une augmentation temporaire de capacité, son usage continuel, et par la son abus, est donc presque inévitable. Voila e. a. la cause du grand développement de 1'alcoolisme parmi les dockers, qui souvent travaillent 24 heures de suite, et même plus. 4) En second lieu, une durée démesurée du travail produit une véritable torture qui peut être apaisée par de fortes quantités d'alcool. Ceux qui ont intérêt a ce que 1'ouvrier travaille aussi longtemps que possible, ont toujours essayé d'empêcher la diminution de la journée en prétendant que par elle 1'abus de l'alcool augmenterait. Les faits ont cependant démontré que c'est juste le contraire qui est vrai : ils ont prouvé que ce n'est pas la dimunition de la durée de la journée, mais au contraire sa trop longue durée qui est une des causes importantes de 1'abus de l'alcool. Aussi n'est-ce pas par hasard que les cabaretiers comptent parmi les adversaires les plus zélés du mouvement pour la diminution de la journée. 5) !) O. c. p. 288; voir aussi p. 264—267, oü 1'on trouve la description d'un cas typique d'un ouvrier travaillant dans des circonstances identiqucs. Voir encore 1'enquêtc citée V, p. 78. 2) Voir la-dessus e. a. H. Roland Holst «Arbeiders en Alkohol" (Nieuwe Tijd VII) p. 527, et Grotjahn, o. c., p. 225. 3) Voir e. a. Dr. D. Verhaeghe »De 1'alcoolisation" p. 215—216. 4) Sur les expériences qui ont démontré que l'alcool a le pouvoir de rehausser temporairement la capacité d'un homme fatigué, voir Grotjahn, o. c., p. 35—41. •"•) Voir J. Rae »Der Achtstunden-Arbeitstag p. 249—250, oü il fait mention de 1'opposition des cabaretiers, dans 1'état australien de Victoria, au mouvement pour la journée de huit heures. Sur la dimunition de la journée et la dimunition de l'abus de l'alcool voir aussi p. 96, 107. 108 de 1'oeuvre citée; le Dr. H. Lux «Socialpolitisches Handbuch", p. 328—329, le Dr. G. M. den Tex «Verkorting van den arbeidsdag" p. 28, 29, 34, 80. 117—120, 140; «Onmatig lange arbeidstijd en misbruik van sterke drank", (Brochure Anonyme) p. 17—20; Grotjahn, o. c,, p. 288—289, Roland Holst, o. c. p. 530—532; le Dr. V. Augagneur «Les vraies causes et les vrais remèdes de 1'alcoolisme", p. 76—77 (Mouvement Socialiste 1900); le Dr. D. Verhaeghe, «Le parti socialiste et la lutte contre l'alcool" p. 25—26 (Mouvement Socialiste 1900). 27 c. Nourriture mauvaise et insuffisante. II y a quantité cl ouvriers dont la nourriture est tout a fait insuffisante pour 1'entretien du corps. Afin de chasser les sentiments de malaise qui en résultent, 1'usage de boissons alcooliques est trés répandu parmi eux. Dans ces cas la nourriture est donc insuffisante aussi bien objectivement (c. a d. considerée a un point de vue physiologique) que subjectivement (c. a d. qu'elle ne satisfait pas 1'individu). A cóté de ceux-ci se trouve la partie du prolétariat qui peut se procurer une quantité suffisante de substances alimentaires, mais a laquelle manquent les moyens nécessaires de varier les mets, et de remplacer les aliments trés volumineux et difficiles a digérer (surtout pommes de terre, pain, farineux etc., d'autant plus désagréables pour ceux qui sont enfermés et forcés de rester longtemps assis) par d'autres, moins volumineux mais plus nutritifs (surtout par la viande). L.es personnes qui, en combattant 1'abus de 1'alcool, espèrent tout de la persuasion, fixent 1'attention sur les sommes énormes dépensées cn boissons spiritueuses, et calculent ensuite le nombre de millions de pains, de lits et autres choses utiles qu'on aurait pu se procurer avec eet argent. Tout cela est bel et bien, seulement en raisonnant ainsi on commet 1'insigne erreur de se représenter un ouvrier comme une espèce de machine 'qui se dit: „Je ne gagne pas assez pour pourvoir au nécessaire des miens, n'achetons pas d alcool, car il est nuisible, mangeons de préférence plus de pommes de terre, il est vrai que le malaise persiste, mais .... je me suis du moins nourri aussi bien que possible." Cependant, puisque 1'ouvrier n'est pas plus que les autres hommes un être qui se contente de raisonner, mais qui sent, les calculs de ces utopistes s'en vont a vau-l'eau. Outre la mauvaise qualité et 1'insuffisante quantité de la nourriture, trés souvent les families ouvrières n'ont pas les moyens et 11e savent pas donner un goüt agréable aux mets, et dans les families oti la femme mariée elle-même travaille au dehors, 011 est souvent obligé de se contenter d'aliments froids. Dans ces cas les boissons spiritueuses servent a combattre le malaise de la monotonie et du grand volume de la nourriture. Parmi le nombre de preuves qu'on peut porter a 1'appui de ce qui a éte dit plus haut, citons les recherches sur la relation entre 1'alcoolisme et la nourriture dans les classes ouvrières, recherches faites par un Suisse M. Schuier, inspecteur des fabriques!) et d'oü il ressort ce qui suit: Dans les cantons de Genève, du Pays de Vaud, et de Neufchatel la condition alimentaire de la classe ouvrière est la meilleure: petite consommation de pommes de terre et une assez grande consommation de viande. L'eau-de-vie s'y boit peu, la consommation d'alcool s'y limite a une grande consommation de vin. Les ouvriers dans le canton de Neufchatel, en tant qu'ils 11e sont pas employés dans 1'horlogerie, vivent dans des conditions inférieures, mangent beaucoup de pommes de terre et consomment aussi beaucoup d'eau-de-vie. Dans les cantons de Berne et de Lucerne les conditions vitales des ouvriers et particulièrement la nourriture sont trés mauvaises: beaucoup ') Une communication détaillée de ces recherches se trouve dans 1'oeuvre citée de Grotjahn (p. 277—283). de farineux et peu de viande; dans ces contrées on boit extraordinai rement beaucoup d'eau-de-vie. Dans 1'Argovie il y a une difïférence importante entre la condition du prolétariat industriel et celle du prolétariat agricole. La nourriture de celui-la est insuffisante: les pommes de terre en forment le plat de résistance; la durée de la journée y est en outre trés longue, la consommation d'eau-de-vie y est trés importante. La nourriture des ouvriers agricoles par contre est de beaucoup meilleure (plus grande consommation de viande et de lait) et la consommation d'eau-de-vie bien moindre que chez les ouvriers industriels. Dans le canton de Zurich les conditions sont a peu prés les mêmes que celles de 1'Argovie. Tout cela démontre clairement qui c'est la mauvaise condition matérielle du prolétariat qui est cause de 1'alcoolisme, car, partout oü la condition vitale de 1'ouvrier industriel s'élève au-dessus de celle de la population agricole (comme p. e. chez les ouvriers qualifiés a Winterthur), la consommation d'eau-de-vie est moindre parmi ces ouvriers. De même aussi la condition matérielle des petits propriétaires ruraux dans le canton de Zug est moindre que celle des ouvriers industriels, et la consommation d'eau-de-vie par la population agricole y est importante. ') d. Mauvaises conditions d'habitation. Ces conditions sont cause que 1'ouvrier, en revenant de son travail, va souvent au cabaret au lieu de rentrer chez lui. Son habitation est ordinairement petite, trop étroite pour une grande familie, sans comfort, ni agrément, triste et souvent froide en hiver.... au cabaret par contre il y a de la lumière, de la chaleur et de la gaité, on y trouve ses camarades, on y parle d'autres choses que des éternels soucis et, surtout, pour peu d'argent, on se procure de quoi faire momentanément oublier les misères de la vie. -) e. L'incertitude de 1'existence et le chömage forcé. Les continuelles difficultés, 1'angoisse de ne pas savoir ce que 1'avenir réserve, produisent un abattement que 1'on chasse pour un moment par la consommation d'alcool. Dans Partiele déja cité de Roland Holst se trouve la réponse suivante, donnée par un ouvrier a la demande: quelles sont les principales causes de 1'alcoolisme? „Un des principaux facteurs c'est la peine qu'on a de gagner le nécessaire pour sa familie, et aussi — et surtout — le souci, le souci éternel du lendemain, qui s'attache a la vie de 1'ouvrier comme un glouteron, et qui, dans les temps oü 1'ouvrage ') Voir encore sur la relation entre la nourriture mauvaise et insuffisante et 1'alcoolisme le Dr. N. Colajanni »L'alcoolismo" p. 153 sqq.; A. Zerboglio »L'alcoolisme: causes et remèdes", p. 123—124 (Devenir Social 1895); E. Vandervelde, o. c. p. 260 et «Die ökonomischen Faktoren des Alkoholismus", p. 747—748 (Neue Zeit 1901—1902 I); le Dr. D. Verhaeghe o. c. p. 203—205. Sur le fait que 1'abus de 1'alcool a des conséquences beaucoup plus désavantageuses pour un hommc mal nourri que pour un autre voir: le Dr. A. Baer. »Der Alkoholismus" p. 286; Colajanni, o. c. p. 183; Grotjahn, o. c. p. 273; Verl ghe »De Talcoolisation", p. 203. 2) Sur la relation entre les mauvaises conditions d'habitation et 1'alcoolisme voir encore Colajanni, o. c. p. 177—178; A. Braun «lierliner Wohnungsverhaltnisse" p. 22; Grotjahn, o. c. p. 290-292; Verhaeghe »De 1'alcoolisation" p. 205 — 208 et 217; Vandervelde vDie ökonomischen Faktoren des Alkoholismus" p. 747. devient plus rare, lc désespère: c'est lui qui est la cause principale de 1'alcoolisme. Enlevez ce souci, et 1'on boirra beaucoup tnoins d'alcool, car alors le coeur pourra s'ouvrir a la joie au lieu de s'engourdir, ce qui, a présent, lui est presque une nécessité. lJour beaucoup de personnes eet' engourdissement est le seul quoique le fatal moyen de se débarasser pour un moment de cette terrible pensée „qu'est-ce qui arriverait si j'avais le malheur d'être sans travail ou de tomber malade?" ') Le chómage venu soit pour cause de maladie, ou manque de travail la démoralisation qui en résulte souvent, mène parfois a 1'alcoolisme: „„L'oisiveté est la mère de tous les vices", dit un ancien adage : mais entre tous les vices, celui qui découle le plus directement de l'oisiveté, c'est, sans nul doute, 1'ivrognerie. Oue faire dans ces longues et monotones heures de désoeuvrement ? L'homme riche, instruit, bien élevé, trouve comment passer son temps agréablement (soit qu'il s'occupe, qu'il lise, ou qu'il aille dans le monde). Mais le pauvre n'a que le cabaret oü il est irrésistiblement entrainé. La première fois il y va pour donner le change a 1'ennui; puis par habitude et enfin par une nécessité désormais instinctive de son organisme, qui, a un moment donné, sent le besoin de quelque chose qut aiguillonne ses nerfs. C'est dans les boissons alcooliques qu'il trouve ce qui lui manque. Le désoeuvré est un candidat a 1'alcoolisme. Coupeau est la vivante incarnation de 1'alcoolique". 2) ƒ. L'ignorance. Le manque d'autres moyens de jouissances. Une des moindres causes de 1'alcoolisme, assez importante cependant pour être nommée, c'est l'ignorance. II y a un grand nombre de personnes qui estiment que la consommation régulière de grandes quantités d'alcool n'est pas nuisible, qui croient mêrne que 1'alcool a une grande valeur nutritive et que par conséquent la consommation en est mêrne utile. 3) A un autre point de vue cependant l'ignorance, le manque de culture, le vide de 1'existence sont des causes trés importantes si non les plus importantes de 1'alcoolisme. Le désir de se procurer des jouissances est inné a chaque hotnme, et aussi a 1'ouvrier, dont la vie est dure sous tous les rapports. Mais pour lui il y a des difficultés presque insurmontables de jouir de tout ce qui ,est vraiment beau, de tout ce que la nature, 1'art et les sciences peuvent ofifrir a l'homme. D'abord, et surtout, a cause de difficultés matérielles. Dans la société actuelle on ne peut jouir que moyennant beaucoup d'argent. Le salaire de 1'ouvrier n'y suffït pas. Souvent il est trop fatigué, sa journée finie, pour s'occuper encore de quelque chose qui exige des effbrts, enfin sa demeure est trop petite et trop mal-agencée pour y lire ou s'y distraire d une autre faErgebnisse einer Umfrage über den Alkoholgenuss der Schulkinder in NiederOesterreich" tp. 82. Résumés des discours annoncés). Voir aussi Ducpetiaux, o. c. P- 367~37°- '•) Voir sur climat et alcoolisme e. a. I3aer, o. c. p. 144—145; Colajanni, o. c. p. 139-142; Grotjahn o. c. p. 178—179; Verhaeghe »De 1'alcoolisation" p. 209 —211 et Vandervelde «Die ökonomisclien Faktoren des Alkoholismus" p. 741 — 742. différences que par la race (différence qui aurait encore besoin elle-même d'être expliquée, car pourquoi une race quelconque serait-elle plus enclin a 1'usage de 1'alcool qu'une autre voila qui n'est pas encore clair). Pour citer un exemple. Les peuples de race germanique sont plus intempérants que les peuples de race latine (ce qui s'explique déja par le climat et aussi par le fait que dans les pays méridionaux le vin est meilleur marché); cette différence doit, dit-on, s'expliquer en partie par la race, ce qui cependant n'empêche pas que 1'usage de 1'eaude-vie augmente dans 1'Italie septentrionale proportionnellement avec 1'accroissement de 1'industrialisme, que la France septentrionale industrielle donne un chiffre trés élevé de consoinniation d'eau-de-vie, et que les Beiges de race latine ne le cèdent pas a leurs compatriotes germaniques quant a 1'usage de 1'alcool.') La tempérance proverbiale des Juifs est souvent attribuée a leur race, tandisqu'on devrait plutöt se demander si cette tempérance ne s'explique pas mieux par leur manière de vivre, qui diffère tant de celle des autres peuples. II est trés probable que les ouvriers industriels juifs p. e., qui ont rompu avec les habitudes de leurs corréligionnaires, sont aussi devenus consommateurs de boissons spiritueuses. Pour ce qui concerne les diamantaires d'Amsterdam le fait est du moins avéré.2) Le penchant qu'on observe souvent chez les peuples slaves de se griser périodiquement d'une facon extraordinaire, et qu'on attribue a la race, se remarque aussi chez les non-slaves, p. e. dans les contrées oü les salaires sont trés bas, ce qui empéche de consonimer régulièrement 1'alcool en petites quantités, de sorte qu'on se rattrape les jours de paie.3) Je crois qu'on exagère enortnément 1'influence de la race sur 1'alcoolisme, ce qui naturellement n'implique pas que je nie toute influence. La petite expansion p. e. de 1'alcoolisme parmi les peuples ariens orientaux et parmi les Mongols (chez lesquels du reste 1'alcool est remplacé, et avec des suites non moins funestes, par d'autres narcotiques, principalement par 1'opium) s'explique en partie par la race. d. La condition psycho- ou névro-pathologique de quelques personnes rentre dans 1'étiologie de 1'alcoolisme des trois manières suivantes: En premier lieu, 1'usage régulier de petites quantités d'alcool peut, chez les dites personnes, aboutir a 1'alcoolisme. En second lieu, il se peut que des quantités d'alcool qui n'ont que des suites imperceptibles chez l'homme normal causent une ivresse trés forte chez le névropathe. En troisième lieu 1'alcoolisme se présente comme symptöme unique, ou important chez les dipsomanes, comme symptöme secondaire chez les personnes qui souffrent de manie, de mélancolie ou de démence paralytique. 4) Après ces observations concernant les causes de la consommation de 1'alcool, quelques mots encore sur sa production. !) Voir e. a. Grotjahn, o. c. p. 300 — 301. 2) Voir Roland Holst, o. c., p. 530. 8) Voir Vandervelde »Die ökonomischen Faktoren des Alkoholismus''p. 742 —743. 4) Voir k ce sujet Zerboglio, o. c.. p. 125-127; Grotjahn, o. c., p. 149—155; Verhaeghe, o. c., p. 187—189. Comme celle de la plupart des autres articles, la production de 1'alcool est capitaliste, c. a d. en vue du bénéfice. La consommation n'est qu'une condition pour parvenir a ce but, si les bénéfices pouvaient être plus lucratifs sans production, elle cesserait. ') Outre les producteurs, c'est aussi 1'état qui a grand intérêt a la consommation de 1'alcool, puisqu'il en tire des revenus importants. Les suites du fait que la production d'alcool est de la production capitaliste, sont d'une haute importance sociale. Pour d'en citer que quelques-unes. i°. Le nombre des endroits oü 1'on peut boire de 1'alcool est trés grand. Plus on en consommé, plus il y a de profit pour les producteurs et pour les commercants. Comme conséquence: beaucoup de réclame, beaucoup de cabarets, oü se paient souvent les salaires et oü 1'on embauche les ouvriers. Ces deux circonstances augmentent bien les bénéfices du cabaretier, mais elles exercent aussi une pression indirecte sur les ouvriers en les forcant a boire.2) 2°. Le prix de 1'alcool qui diminue sans cesse. Comme on 1'a vu plus haut il y a dans le systéme économique actuel, tendance a faire baisser le prix des marchandises, puisque chaque producteur tache d'augmenter, ne füt-ce que temporairement, ses bénéfices, en cherchant a améliorer le procés de production. Ceci s'applique aussi a 1'alcool. 3°. La falsification de 1'alcool. Sous le système capitaliste la production ne se fait pas pour fournir un produit aussi parfait que possible mais pour arriver a des bénéfices aussi élevés que possible. De la chez les producteurs le penchant a falsifier leurs marchandises, c. a d. un penchant a livrer des marchandises d'une qualité inférieure a celle qu'on leur attribue, afin de se procurer de telle manière de plus grands profits. La falsification si fréquente de 1'alcool a des suites physiques et psychiques qui sont trés pernicieuses aux consommatcurs. 3) L'exposé que je viens de donner de 1'étiologie de 1'alcoolisme, indique ses principales causes et démontre qu'elles se trouvent en dernière instance presque toutes dans la constitution actuelle de la société. II est possible qu'on me fera ici 1'objection que cela ne peut être le cas, qu'il faut qu'il y ait encore, en dehors des causes pathologiques, des causes individuelles, puisqu'il arrivé que parmi les personnes vivant dans le même mileu quelques-uns d'entre elles deviennent alcooliques, tandis que d'autres ne le deviennent pas. Le dernier fait est incontestable, mais s'explique partiellement par la circonstance qu'il y a beaucoup de personnes qui vivent dans des milieux qu'on peut nommer a pen pres les mêmes, mais qu'il n'y a pas deux individus dont les milieux soient exactement pareils. Prenons p. e. deux ouvriers. L'un aura passé sa jeunesse dans un milieu oü 1'on buvait peu ou point d'alcool, et oü on lui remontrait que 1'abstinence est trés ') C'est ce qui est arrivé: quelques propriétaires de fabriqucs de whisky qui s'étaient joints au «whisky trust" trouvaient plus de profit en cessant leur industrie qu'en continuant a produire. 2) Voir Vandervelde, »Het alcoholisme en de arbeidsvoorwaarden in Belgie", p. 268. 3) Voir Grotjahn, o. e., p. 219 221. salutaire, tandis que 1'autre ne voyait que des exemples d'intempérance. II se peut que dans cette difïférence se trouve 1'explication du fait que le premier est resté tempérant tandis que 1'autre ne 1'est pas quoique tous deux vivent dans des milieux a peu prés pareils. Mais supposé que le milieu soit et ait toujours été exactement le même pour un groupe de personnes, on verra alors que la tendance pour 1'abus de 1'alcool n'est pas la même pour chaque individu. Personne ne saurait le contredire, pourtant il est vrai que le milieu est cause de 1'abus de 1'alcool. Les différences individuelies font que 1'un est plus portc a 1'usage de 1'alcool que 1'autre, mais les circonstances expliquent pourquoi le premier est devenu alcoolique. Ces différences ne pourront non plus jamais expliquer pourquoi, dans une certaine période, 1'abus de 1'alcool est oui ou non un phénomène universel. Les preuves sont évidentes. En examinant p. e. une période comme celle du capitalisme naissant en Angleterre, comme elle est décrite par Fr. Engels dans son oeuvre „Lage der arbeitenden Klasse in England", c. a d. une période, pendant laquelle la classe ouvrière se trouvait dans des conditions matérielies et morales trés désavantageuses, on remarque que les ouvriers, a de rares exceptions prés, appartiennent aux consommateurs d'alcool, qu'ils en abusent même. Depuis ce temps les conditions se sont améliorées. Le niveau moral et matériel s'étant élevé, ceux dont le penchant pour 1'alcool était le moins fort et qui avaient des qualités morales innées plus prononcées n'ont plus abusé de 1'alcool. A mesure que les conditions s'améliorent ceux qui sont plus faibles suivent peu a peu la même voie dans la tempérance. Cette observation peut encore être faite chez les groupes d'ouvriers non-organisés, parmi lesquels 1'abus de 1'alcool est généralement grand. Aussitót qu'ils commencent a s'organiser, et au fur et a mesure que leur organisation se développe, on voit que ce sont d'abord les plus intelligents etc., parmi eux qui deviennent tempérants, et qu'ils sont peu a peu suivis par les autres. C'est un fait biologique que toujours et partout les hommes présentent des différences quantitatives; ce facteur constant qui ne donne aucune explication sur les changements que subit la société n'est donc pas d'une grande importance pour la sociologie qui, tout en en tenant compte, a pour tache d'expliquer ces changements. Ce sont justement les changements qui, durant le cours des siècles ont eu lieu dans 1'usage des boissons alcooliques, qui démontrent que le milieu social est la cause principale de 1'alcoolisme. Dans 1'antiquité on ne connaissait pas 1'alcoolisme. II est bien vrai que chez les Israëlites p. e. 1'abus de 1'alcool se présentait parfois, mais le fait qu'on n'y attachait point d'importance prouve que 1'alcoolisme proprement dit n'existait pas. ') Chez les anciens Grecs il ne se rencontrait non plus. A chaque repas et dans les réunions on buvait du vin coupé; inutile de dire que ces „symposia" n'étaient pas détestés mais au contraire trés appréciés par les Grecs. „Die Anschauung der Griechen fand im Rausch nichts Unwiirdiges, nur eine gewisse Beherrschung in der Trunkenheit galt als unerlasslich. Rohes, gewaltthatiges Benehmen war wie das Trinken ungemischten Weines Sitte der Barbaren und eines !) V'oir Grotjahn, o. c., p. 5—12. Griechen unwürdig".') La Rome de 1'antiquité ne connaissait pas non plus 1'alcoolisme, quoique chez les Romains grossiers en comparaison des Grecs, et démoralisés par leurs immenses richesses, 1'abus de 1'alcool se rencontrait souvent. Mais ce n'était que le trés petit groupe des riches qui s'y adonnait. Quand les barbares anéantirent Tanden monde, ils n'étaient pas capables de s'assimiler a la civilisation des peuples qu'ils venaient de subjuguer, tout en adoptant leurs plaisirs, ce qui ne nécessitait pas un haut degré de développement. Voila la cause du grand abus de 1'alcool parmi les Germains. 2) (On observe encore le même phénomène chez les peuples barbares forcés de se soumettre aux peuples civilisés eux aussi apprennent 1'habitude des boissons alcooliques, mais non la civilisation). L'incertitude de 1'existence, les conditions misérables durant les migrations des peuples, étaient favorables a eet abus. Au XVe et au XVIe siècle 1'abus de 1'alcool avait atteint un haut degré parmi les riches. La cause en était dans le capitalisme naissant, par lequel de grandes richesses s'accumulaient entre les mains de quelquesuns sans qu'ils eussent 1'occasion d'en placer une grande partie comme nouveau capital, ce qui joint au peu de culture intellectuelle d'alors explique comment il se faisait qu'on dépensait des sommes exorbitantes pour le boire et le manger. 3) La découverte, au milieu du XVIe siècle, de la distillation de 1'eau-de-vie du blé, provoqua une baisse importante du prix de cette boisson, qui ainsi fut a la portée des moins riches. (Bien plus tót des médecins arabes avaient déja trouvé le secret de tirer de 1'eau-de-vie du vin. Au commencement cette eau-de-vie servait seulement de medicament et de préservatif contre des maladies). L'immense misère occasionnée par la guerre de trente ans développa énormément 1'emploi de 1'eau-de-vie, et la naissance d'un prolétariat industriel y contribua également. Ne fait-on pas mention, pour la première fois de 1'usage régulier de 1'eaude-vie, afin de rehausser la somme de travail, en 1550, chez les mineurs hongrois, première categorie d'ouvriers qui vivaient dans des conditions a peu prés identiques a celles du prolétariat industriel moderne. Avec le développement toujours croissant du capitalisme le roi alcool commenca sa marche triomphale qui continue sans grand obstacle encore de nos jours. L'alcoolisme a ses plus profondes causes dans la misère matérielle et intellectuelle créée par le systèmé économique actuellement en vigueur. C'cst avec raison que le prof. Gruber a dit: „Man wird sich der Wahrheit nicht verschliessen können, dass der Alkohol mit ein Fundament unserer heutigen Gesellschaftsordnung ist. Ohne ihn ware sie für den leidenden Teil schon langst unertraglich geworden." 1) Grotjahn, o. c., p. 9. Voir encore sur le fait que 1'antiquité ne connaissait pas 1'alcoolisme: Dr. Hirschfeld, »Die historische Entwicklung des Alcoholmisbrauchs" (VIII Intern. Congres gegen den Alkoholismus). 2) C'est bien a tort qu'on prétend que les Germains étaient adonnés a 1'alcool avant leur invasion dans 1'empire romain. Le peu de développement de 1'agriculture chez ces peuples empêchait déjk une importante consommation réguliere d'alcool. Voir Kautsky, o. c. p. 46—47 et Grotjahn, o. c. p. 13—15. 3) Voir Kautsky, o. c. p. 47 et Grotjahn, o. c. p. 20 sqq. V. LE MILITARISME. Nous pouvons être trés succincts sur la corrélation entre le militarisme et le système économique actuel. Cette corrélation est tellement claire qu'il n'y a que peu de personnes qui la nient. Les motifs qui sous les modes de production antérieurs ont engendré des guerres étaient principalement de nature économique. Mais a cóté d'eux il y en avait parfois d'autres; nous n'avons pas a rechercher ici quelle était en derniére instance leur corrélation avec le mode de production d'alors. Les rapports entre le capitalisme et la guerre sont toutefois tellement étroits, que 1'on peut retrouver dans la vie économique les causes directes des guerres, faites sous 1'empire du capitalisme. Comme nous 1'avons vu plus haut, dans notre exposé du système économique actuel, une partie de la plus-value, qui revient a la classe possédante, est placée comme nouveau capital. La somme du capital sans cesse augmentant ne trouve cependant pas son entier placement dans un pays oü le capitalisme est déja depuis longtemps en vigueur. C'est pourquoi la classe possédante désire placer comme capital une partie de cette plus-value dans des pays oü le capitalisme n'a pas encore pénétré. Si les habitants du pays choisi comme champ d'opération, s'y opposent ou bien, si d'autres puissances capitalistes convoitent ce même pays 1'antagonisme qui en résulte amène généralement la guerre. En second lieu, les producteurs ne peuvent écouler dans leur propre pays qu'une partie de la quantité croissante de produits; de la, eftbrts pour trouver un débouché dans d'autres pays. Mais comme le capitalisme se répand avec une vitesse accélérée sur la terre entière, la difficulté de trouver des pays avec une population en état d'achcter, et oü le capitalisme n'ait pas encore pénétré, devient de plus en plus grande. Des chocs avec d'autres puissances capitalistes, poursuivant le même but, en sont la conséquence inévitable. C'est a 1'état qu'incombe la tache de trouver soit de nouveaux terrains, oü le capital puisse se placer, soit des débouchés pour les marchandises qui ne trouvent pas d'acheteurs dans le pays de production même. A cóté du devoir de 1'état de maintenir un certain ordre dans une société aussi confuse et compliquée par suite de la nature de la vie économique (jurisprudence civile et criminelle) son devoir le plus important est celui de repousser, ou au besoin, d'attaquer par la force des armes d'autres groupes de concurrents. ') Mais l'armée ne sert pas seulement a agir contre 1'étranger d'une faijon défensive ou offensive, elle a également a remplir un devoir a rintérieur. Dans les cas, oïi la police n'est pas a même de maintenir 1'ordre, 1'armée renforce la police. L'armée doit surtout agir au moment des grandes grêves, quand le travail soit-disant libre doit être protégé, c. a d. quand les patrons essaient de remplacer les ouvriers grévistes par d'autres, qui par suite de misère ou par manque d'organisation, mettent leurs intéréts personnels au dessus de ceux de leurs compagnons; de même lors des grands mouvements politiques, comme pour obtenir le suffrage universel p. e. Le militarisme existant est donc une conséquence du capitalisme, le doublé devoir de l'armée le prouve, car elle doit donner a la bourgeoisie les moyens de contenir le prolétariat dans son propre pays, et en outre ceux de repousser, ou d'attaquer les forces des pays étrangers. !) Voir sur 1'orgine des états modernes centralisés, qui ont remplacé les états féodaux qui avaient peu de cohésion, attendu que ces derniers ne satisfaisaient plus aux exigences du capitalisme naissant, e. a. K. Kautsky «Thomas More und seine Utopie" p. 14 sqq. CHAPITRE II. LA CRIMINALITE. I. CONSIDKRATIONS GÉNÉRALES. A. DKFINITION DU CRIME. J) Le crime appartient a la catégorie des actes punissables. Cependant comme il ne forme qu'une partie de ces actes, il est donc nécessaire de préciser. Le meilleur moyen selon moi, d'atteindre ce but consiste dans 1'exclusion successive de tous les groupes d'actes, qui, tout en appartenant a la grande catégorie d'actes punissables, ne sont cependant pas des crimes. La première exclusion a faire se rattache a la question: „Qui estce qui punit?" On ne peut qualifier crime 1'acte contre lequel un ou plusieurs individus réagissent „proprio motu," et oü le groupe social, auquel ils appartiennent, ne réagit pas comme tel. Dans ce cas le mot punir est donc un terme impropre alors paree qu'il s'agit de vengeancepersonnelle. On ne peut non plus qualifier de crime 1'acte commis par un groupe de personnes formant ensemble une unité sociale, contre un groupe analogue, acte qui est suivi d'une réaction de ce dernier groupe. Ceci est la soi-disante vengeance de groupe, dite de sang (Blut- ou Gruppenrache), qui, en réalité, n'est autre chose que la guerre. 2) La deuxième exclusion concerne la nature de la punition. Les actes qui n'entrainent pas d'autre punition que la désapprobation moraie ne comptent pas comme des crimes. On ne les nomme ainsi que quand ils sont menacés d'un mal plus intense que celui de la désapprobation morale. 3) 1) Nous nous servons des mots »crime" et »délit" sans faire attention a la distinction juridique entre crime et délit; cette distinction est sans intérêt dans un ouvrage sociologique. 2) Voir a ce sujet le Dr. A. H. Post »Die Geschlechtsgenossenschaft der Urzeit und die Entstehung der Ehe" p. 156; le Dr. S. R. Steinmetz »Ethnologische Studiën zur ersten Entwicklung der Strafe" I p. 365 sqq.; le Dr. J. Makarewitz tiEvolution de la peine" p. 137 (Achives d'Anthropologie Criminelle XIII.) Sur la vengeance de sang voir spécialement le Dr. J. Kohier «Shakespeare vor dem Forum der Jurisprudenz". s) De nos jours on estime généralement, qu'il va de soi, que la désapprobation morale n'est pas considérée comme une des plus sévères punitions; cette évidence n'existe pourtant pas. L'éthnologie a démontré que chez certains peuples elle formait au contraire la plus sévère des punitions connues. Ce n'est pas ici le moment de s'étendre sur la question, mais j'y reviendrai. Le résultat provisoire est donc le suivant: Le crime est un acte commis au sein d'un groupe de personnes qui forment une unité sociale '), et dont 1'auteur est puni, par le groupe (ou par une partie) en sa qualité, ou par des organes désignés a eet effet, et cc d'une peine dont on estime la nature plus grave que celle de désapprobation morale. Cependant cette définition ne concerne que le cóté formel de la conception du crime; elle ne dit rien quant a son essence. II convient donc d'observer maintenant le cöté matériel. Le crime est un acte. 2) La question qui se présente avant tout est celle-ci: le crime considéré au point de vue biologique est-il un acte anormal} La réponse a cette question, qui est de la plus haute importance pour 1'étiologie du crime, doit être négative. A un point de vue biologique, presque tous les crimes (quelques crimes sexuels e. a. forment exception) doivent être rangés parmi les actes normaux. Le procés qui se déroule dans le cerveau d'un gendarme qui tue un braconnier qui s'oppose a son arrestation, est identique a celui qui se déroule dans le cerveau du braconnier qui tue le gendarme qui le poursuit. Ce n'est que le milieu social qui ne qualifie pas 1'acte du premier de crime, mais bien celui du second. Au point de vue biologique 1'homicide n'est pas un acte anormal; la sociologie et 1'histoire prouvent qu'on a toujours et partout tué quand on le jugeait nécessaire. Personne ne soutiendra p. e. que ceux qui prennent part a une guerre soient des individus biologiquement anormaux. La même observation peut être appliquée aux coups et blessures. Pas un seul anthrooologue soutiendra qu'un agent de police, distribuant des coups aux grévistes soit de ce fait un être biologiquement anormal, ou bien que les grévistes soient des êtres anormaux paree qu'ils ne veulent pas se laisser maltraiter sans se défendre. Ce sont les circonstances sociales seules, qui qualifient cette défense de crime, et qui font que 1'acte de 1'agent de police n'est pas considéré comme crime. De même pour ce qui concerne le vol. Durant des siècles on a considéré (et dans les guerres coloniales on le fait parfois encore) comme le droit des soldats de piller le pays du vaincu. Pourtant les soldats ne sont pas, de ce fait, considérés comme des individus biologiquement anormaux. Cependant, il n'y a pas de différence biologique entre ces actes et ceux du voleur ordinaire; car 1'anthropologue n'a pas a se demander si 1'on ne vole qu'en grand et non en petit.3) ') De cette facon on exclut les actes commis au sein de groupes de personnes qui se sont volontairement unies. II ne peut être question de crime que dans ces groupes de personnes dont on est forcê d'être membre (donc, dans la société actuelle, 1'état). 2) Les soi-disants délits par omission sont si peu nombreux et si peu importants qu'ils peuvent rester hors de considération. 3) Sous certains rapports il a été préjudiciable a la science criminelle qu'au début elle n'ait été étudiée surtout que par des médecins et par des anthropologues qui, sans se rendre exactement compte de ce que c'est que le crime, ne se sont occupés que de recherches anthropologiques sur des personnes en prison. Un développement simultané de la sociologie et de 1'anthropologie criminelles aurait épargné mainte défaite k celle-ci. Le premier, je crois, qui ait relevé que le crime n'est pas une anormalité biologique, c'est le Dr. Albrecht (voir Actes du I congrès d'anthr. crim. p. 110 sqq.). Son discours n'a cependant pas fait beaucoup d'impression, ce qu'il faut 28 En poursuivant les recherches sur 1'essence du crime, il ressort i°. qu'il fait partie des actes immoraux; 2°. qu'il est un acte immoral de nature grave. Pourquoi trouve-t-on un acte immoral? Cette question ne saurait être résolue en demandant a chaque individu séparément: pourquoi estimez-vous tel ou tel acte immoral? La désapprobation morale est avant tout une question de sentiment; ordinairement on ne se rend pas compte pourquoi on approuve tel acte ou désapprouve tel autre. La sociologie seule peut résoudre la question en mettant les actes considérés commc immoraux en rapport avec 1'organisation sociale dans laquelle ils ont lieu. Et en agissant ainsi on observe que les actes nommés immoraux sont ceux qui sont nuisibles aux intéréts d'un groupe de personnes, unies par les mêmes intéréts. Puisque la structure sociale se modifie continuellement, les idéés sur ce qui est immoral (et par conséquent sur ce qui est ou non criminel) changent avec ces modifications. ') Ainsi considéré du cöté matériel, le crime est un acte qui nuit dans une mesure considérable aux intéréts d'un certain groupe de personnes (acte anti-social). 2) Cependant, cette définition n'est pas encore compléte, beaucoup d'actes de cette nature ne sont pas du tout des crimes. Le mieux qu'on puisse faire pour rechercher ce qui manque a cette définition, c'est d'examiner un fait concret. II y a peu de temps qu'on a ajouté au code pénal hollandais un nouvel article, menacant de la prison durant quelques années, 1'employé de chemin de fer qui se met en grève. Le projet pour cette loi, présenté après une gréve partielle des employés des chemins de fer, provoqua une grande indignation parmi les ouvriers organisés, tandis que la bourgoisie en général estimait qu'une grève pareille est un acte trés immoral, qui dorénavant devait être suivie d'une peine sévère. Malgré la véhémente opposition de la part des députés du parti ouvrier le projet a été accepté. II est clair que ce qu'il faut ajouter a notre définition (et ce qui est déja contenu implicitement dans la définition formelle) c'est que 1'acte attribuer en partie au fait que ce savant, en ajoutant a cette observation, sijusteen elle-même, »que 1'hoirimc non-criminel est par conséquent une anormalité" (sic), 1'a rendue absurde. Sur cette question voir encore les auteurs suivants: Le Dr. B. Battaglia »La dinamica del delitto" p. 201—202; M. A. Vaccaro, »Genesi e funzioni delle legge penali" p. 211—212; le professeur L. Manouvrier »Genèse normale du crime", qui dit e. a. »Parce que certains actes sont contraires au bon fonctionnement de la société et sont appelés pour cela anormaux, d'oü 1'épithète normaux attribuée par antithése aux actes utiles et a leurs auteurs, ce n'est pas une raison pour transporter cette antithése dans le domaine biologique, en opposant le mot nor mal (entendu physiologiquement) au moral criminel. Kien ne justifie une pareille opposition", (p. 451—452). Yoir encore p. 221—231 de mon ouvrage, oü la théorie du professeur Manouvrier est expliquée plus amplement; et pour finir le Dr. P. Naecke »Verbrechen und Wahnsinn beim W'eibe" qui dit e. a. DÜer iïegriff »Verbrechett" liegt nicht im Menschen physiologisch begründet, sondern ist ein rein soeiologischer. Es ist demnach eigentlich t in Nonsens nach anthropologischen Merkmalen für einen sociologischen Begrijf zit fa/inden" (p. 96). Voir le Dr. A. H. Post «Bausteine für eine allgemeine Rechtswisscnschaft'I p. 224: »Es giebt. ... keine Handlung, welche an sich verbrecherisch «are, und es giebt auch keine Handlung, welche nicht unter Umstanden straf bar werden könnte." 2) Les contraventions c. il d. les actes de peu ou point d'importance pour la criminologie, restent donc en dehors de considération. doit porter préjudice aux intéréts de ceux qui disposent du pouvoir. Un acte ne peut être qualifié de crime que par celui qui a le pouvoir d'en punir 1'auteur. Si, dans le cas précité, les députés du prolétariat avaient formé la majorité, le code pénal hollandais ne contiendrait point de pénalités contre des employés de chemin de fer qui se mettent en grève. Le pouvoir est donc la condition nécessaire pour ceux qui veulent qualifier certain acte de crime. •) 11 en résulte que, dans chaque société qui est divisée en une classe dominante et une classe dominéé, le droit pénal a été formé priricipalement d'après la volonté de la première. Ajoutons immédiatement que les prescriptions pénales existantes ne sont pas toujours dirigées contre la classe dominéé, que la plupart sont même dirigées contre des actes qui portent également préjudice aux intéréts des dominés (p. e. homicide, viyl, etc.). Ces actes resteraient sans doute considérés comme criminels si le pouvoir était aux mains des dominés d'aujourd'hui. Cependant, dans chaque code pénal actuel presqu'aucun acte n'est puni s'il ne nuit pas aussi aux intéréts de la classe dominante et s'il protégé donc seulement les intéréts de la classe dominéé. 2) Les rares exceptions s'expliquent par le fait que le classe dominéé n'est pas entièrement dépourvue de puissance. Avant de clore nos observations il faudra encore poser la question: quel est le but de la peine ? II me semble qu'il y a des éléments de differente nature dans la peine comme elle est prescrite dans les codes de pénalité actuels. En premier lieu, le but de la peine réside dans les sentiments de vengeance excités par le crime et auxquels on veut donner satisfaction. Ensuite la peine a en vue: ') La sociologie s'est en général tres peu occupée de la question de 1'essence du crime. Les auteurs qui y ont prêté attention ont, selon moi, tout k fait négligé que le droit pénal est avant tout une question de pouvoir. Dans un article intitulé »De la définition du cirme" (Arch. d'anthrop. crim. VIII) M. A. Hamon p. e. donne la définition suivante: »Tout acte qui lèse la liberté individuelle est crime." II va sans dire que cette définition n'est pas du tout ce qui constituc le crime, inais bien ce que M. A. Hamon, s'il en avait le pouvoir, qualifierait de crime. Car un nombre d'actes criminelles a présent n'emplètent pas sur la liberté individuelle, et beaucoup d'infractions a la liberté individuelle ne sont pas des crimes. Des définitions aussi fantaisistes n'ont point de valeur scientifique. La définition que M. Garofalo (un des quelques criminalistes italiens qui ont jugé nécessaire de s'occuper de la question) en donne dans son oeuvre «Criminologie (voir p. i—52), a le même défaut, parmi d'autres encore. (Voir la critique trés juste de M. A. Vaccaro, o. c., p. 154 sqq.) 2) Un des auteurs qui a tres bien exposé cc caractère de classe du droit pénal c'est M. A. Vaccaro. Après avoir examiné les différents stades de 1'évolution du droit pénal, il aboutit a la conclusion suivante: dSoIo le asioni che i dominatori reputano motto dannose ai loro interessi, e c/te la morale, Fopinione pubblica, la religiotie e simi/i non riescono a contenere, sono da essi viettate sot/o ta minaccia d'un do/ore corporale. E precisamente a queste azioni che si dii il nonie speciale di delitti." (p. 144.) Voir aussi A. Zerboglio vLa lutte de classe dans la législation pénale". (Devenir social 1896). Le caractère de classe du droit pénal actuel n'exclut naturellement pas qu'il soit aussi dirigé contre les bourgeois qui nuisent aux intéréts généraux de leur propre classe. i° de mettre le criminel dans 1'impossibilité de nuire, soit pour toujours, soit pour un certain temps. 2° d'inspirer au criminel, et en même temps aux autres personnes la crainte du crime. 3° de corriger autant que possible le criminel. La plupart des criminalistes n'admettent pas que la peine soit encore en grande partie la manifestation d'une vengeance (quoique réglementée). Néanmoins il est indubitable que celui qui désire que quelqu'un soit puni senlement puisqu'il a méfait, et sans que la punition soit de quelque utilité pour le criminel ou pour les autres, ne veut que satisfaire des sentiments de vengeance. Les théories les plus subtiles pour défendre ce point de vue, ne peuvent arriver a démentir ce fait. Ceux qui du haut de leur savoir dédaignent les peuples primitifs qui pratiquaient „oeil pour oeil, dent pour dent", sont cependant sous ce rapport au même niveau que ceux qu'ils méprisent. >) Inutile de dire que la minorité, qui veut exclure toute idee de vengeance du droit pénal, et qui n'y voit qu'un moyen de mettre la société en sureté, et, si possible, d'améliorer le criminel soit encore trés petite, de sorte que son opinion n'est presque pas réalisée dans la peine actuelle. 2) Notre conclusion est donc celle-ci: que le crime est un acte commis au sein d'un groupe de personnes, formant une unité sociale, qu'il y porte un important préjudice aux intéréts de tous ou de ceux qui, 'dans ce groupe, sont les puissants; que, pour cette raison, 1'auteur du crime est puni par le groupe (ou une partie du groupe) en sa qualité ou par des organes spécialement désignés, et ce d'une peine estimée plus grave que la désapprobation morale. Four rechercher les causes du crime, il faudra donc résoudre d'abord la question: „Pourquoi un individu nuit-il aux intéréts de ceux avec lesquels il forme une unité sociale?" en d'autres termes: „Pourquoi un homme agit-il égoïstement ?" 1) V'oir le Dr. Steinmetz: »La théorie pénale dite absolue est encore au niveau de la vengeance collective masquée légèrement par des théories superficielles et mystiques''. (»L'ethnologie et 1'anthropologie criminelle." Compte rendu du Ye Congres d'anthr. crim. p. 105.) 2) 11 est superflu de rechercher ici 1'origine et 1'évolution de la peine. Nous ne pouvons qu'attirer 1'attention sur les oeuvres des auteurs qui se sont occupés de la solution du problème. Voir a ce sujet les oeuvres déja citées de Steinmetz, Makarewitz et de E. Westermarck «Der Ursprung der Strafe" (Zeitschrift für Socialwissenschaft 1900). B. L'ORIGINE D'ACTES ÉGOÏSTES EN GÉNÉRAL.!) Quelles sont les causes des actes égoïstes ? Comment se fait-il qu'un homme porte préjudice a un autre?2) Les réponses qu'on a donné a cette archi-vieille question peuvent être divisées en deux grands groupes. Le premier attribue les causes a 1'homme lui-même, le deuxième au milieu. La grande majorité des personnes qui agitent cette question la résolvent en faveur de l'égoïsme inné. Elles sont d'opinion que 1'homme est égoïste par nature et que le milieu ne peut rien y changer (qu'on se rappelle le dogme chrétien du „péché originel"). Cette opinion pour être acceptée comme vraie a besoin de faits qui démontrent que l'égoïsme toujours et partout a été le même parmi les hommes. D'autres personnes, parmi lesquelles se trouvent la plupart des sociologues connus considèrent aussi l'égoïsme comme le trait fondamental de 1'homme, mais sont en même temps d'avis que peu a peu, l'égoïsme a diminué, que 1'altruisme s'est développé, et que ce mouvement continue. 3) 1) J'ai 1'intention de traiter dans les pages suivantes du problème de 1'origine des actes égoïstes, qu'ils soient oui ou non qualifiés d'immoraux ou de criminels par les personnes dans le groupe desquelles ils ont été commis. Plus tard il s'agira de résoudre la question pourquoi certains actes égoïstes ont été qualifiés de crimes, tandis que d'autres ne l'ont pas été. 2) Peu de conceptions donnent lieu k une confusion aussi grande que celles de l'égoïsme et de 1'altruisme. En définissant 1'égoïste comme un être qui n'aspire qu'k son propre bonheur, dans 1'acception la plus large du mot, chacun serait égoïste, car même celui qui veut favoriser le bonheur d'autrui n'agit ainsi que dans le but de se rendre heureux lui-même. Si cette définition était exacte, il n'y aurait point d'altruisme et, par conséquent, point d'égoïsme. Cette confusion ne cesse qu'en ne perdant pas de vue qu'égoïsme et altruisme ne sont que des idéés relatives, que 1'homme tout seul ne saurait être ni égoïste ni altruiste. L'égoïste est celui auquel le bonheur du prochain ne procure pas de joie. ni son malheur de chagrin et qui est insensible au jugement de ses semblables, par conséquent un être dépourvu de 1'énergie nécessaire pour 1'empêcher de nuire k son semblable. Par contre 1'altruiste est celui qui partage la joie et la douleur du prochain, 'vsqui est sensible a son jugement et dispose de cette énergie qui le porte k ne pas nuire a son semblable. La limite extréme de l'égoïsme consiste donc k trouver son bonheur dans le malheur d'autrui et celle de 1'altruisme k faire son bonheur de celui de son prochain. Entre les deux extrêmes se trouvent les nombreux degrés de transition. Puisque une grande partie des actes humains ne se rapportent pas k d'autres personnes, il est évident que ni l'égoïsme ni 1'altruisme n'a rien k y voir. Et il est évident aussi que le même acte peut être égoïste et altruiste k la fois: tel p. e. le vol commis par celui qui prend au profit d'autres personnes. 8) II me parait superflu de m'étendre ici sur les causes indiquées pour 1'accroissement continu de 1'altruisme (les principales sont: i° par le développement de leurs facultés intellectuelles, les hommes comprendraient de mieux en mieux qu'ils ont besoin les uns des autres et se favorisent donc indirectement eux-mêmes en agissant en altruistes; 2° par la voie de sélection les individus trés égoïstes seraient éliminés). Cela ne deviendra nécessaire que si 1'existence de eet accroissement est réellement démontré, ce qui reste k savoir. Pour que cette hypothèse soit juste, il faut qu'il soit démontré par les faits: i° que les peuples placés a un degré de civilisation de beaucoup inférieur au nötre présentent des traits de caractère beaucoup plus égoïstes.') 2° que les animaux dont 1'homme descend sont des égoïstes invétérés. Cette théorie est naturellement de la plus haute importante pour la science criminelle, et elle le devient encore plus par le fait que, selon le professeur Lonibroso, le crime est une manifestation d'atavisme, c. a d. que quelques individus présentent de nouveau des traits de caractère propres a leurs ancêtres trés éloignés. Le criminel serait donc un „sauvage" dans la société actuelle. II convient donc d'examiner si la dite théorie est exacte. On n'a qu'a consulter une des oeuvres fondamentales de la zoologie pour s'apercevoir que sur ce terrain la théorie ne peut se soutenir. II y a des animaux qui sont de parfaits égoïstes: p. e. deux harpies (oiseau de proie de 1'Amérique du Sud) mises ensemble, s'attaqueront tout de suite et se battront jusqu'a ce que 1'une d'elles ait succombé. D'autres animaux montrent au contraire des traits de caractère trés altruistes, ce que prouve e. a. la citation suivante empruntée au „Descent of man" de Darwin: „Animals of many kinds are social;.... We will confine our attention to the higher social animals; and pass over insects, although some of these are social, and aid one another in many important ways. The most common mutual service in the higher animals is to warn one another of danger by means of the united senses of all. Every sportsman knows, as Dr. Jaeger remarks, how difficult it is to approach animals in a herd or troop. Wild horses and cattle do not, I believe, make any danger-signal; but the attitude of any one of them vvho first discovers an enemy, warns the others. Rabbits stamp loudly on the ground vvith their hind-feet as a signal; sheep and chamois do the same vvith their fore-feet, uttering likewise a whistle. Many birds, and some mammals, post sentinels, which in the case of seals are said generally to be the females. The leader of a troop of monkeys acts as the sentinel, and utters cries expressive both of danger and of safety. Social animals perform many little services for cacli other: horses nibble, and cows lick each other, on any spot which itches: monkeys search each other for eternal parasites; and Brehm states that after a troop of the Cercopithecus griseo-viridis has rushed through a thorny brake, each monkey stretches itself on a branch, and another rnonkey sitting by, „conscientiously" examines its fur, and extracts every thorn or burr. Animals also render more important services to one another: thus wolves and some other beasts of prey hunt in packs, and aid one another in attacking their victims. Pelicans fish in concert. The Hamadryas baboons turn over stones to find insects, etc.; and when they come to a large one, as many as can stand round, turn it over together and share the booty. Social animals mutually defend each other. Buil *) Voir e. a. H. Spencer dans son oeuvre »Principles of sociology" I: »Sociality, strong in the civilized man, is less strong in the savage man." (p. 79). bisons in N. America, when there is danger, drive the cows and calves on the middle of the herd, wliilst they defend the outside In Abyssinia, Brehm encountered a great troop of baboons, who were crossing a valley: some had already ascended the opposite mountain, and some were still in the valley : the latter were attacked by the dogs, but the old males immediately hurried down from the rocks, and with mouths widely opened roared so fearfully, tb at the dogs quickly drew back. They were again encouraged to the attack; but by this time all the baboons had reascended the heights, excepted a young one, about six months old, who, loudly calling for aid, climbed on a block of rock, and was surrounded. Now one of the largest males, a true hero, came down again from the mountain, slowly went to the young one, coaxed hini, and triumphantly led him away—the dogs being too much astonished to make an attack. I cannot resist giving another scene which was witnessed by this same naturalist; an eagle seized a young Cercopithecus, which, by clinging to a branch, was not at once carried off; it cried loudly for assistance, upon which the other members of the troop, with much uproar, rushed to the rescue, surrounded the eagle, and pulled out so many feathers, that he no longer thought of his prey, but only how to escape.... It is certain that associated animals have a feeling of love for each other, which is not feit by non-social adult animals".!) Plus loin je traiterai de la question pourquoi quelques espèces animales présentent des penchants altruistes, et d'autres ne le font pas. A présent je veux avant tout examiner si les peuples, qui se trouvent a un degré de civilisation de beaucoup inférieur au nótre sont beaucoup plus égoïstes. Le célèbre explorateur F. Nansen, en parlant des Esquimaux, parmi lesquels il a longtemps séjourné, dit ce qui suit: „Der Grönlander ist von allen Menschen, die unser Herrgott erschaffen hat, der gesitteste. Gutmüthigkeit, Friedfertigkeit und Vertraglichkeit sind die Hauptzüge seines Charakters. Er will gern mit allen seinen Mitmenschen auf möglichst gutem Fusze stehen und denkt daher nicht dran, sie zu verletzen, geschweige denn ihnen Grobheiten zu sagen. Er widerspricht nicht gern, selbst wenn ihm jemand etwas erzahlt, was, wie er weisz, sich anders verhalt. Jeden Einwand kleidet er in die mildeste Form, und es würde ihm sehr schwer fallen, den anderen geradeheraus die Unwahrheit zu zeigen. Er sagt anderen auch nicht gern YVahrheiten, die sie seiner Ansicht nach unangenehm berühren können. In solchem Falie bedient er sich lieber unbestimmter Ausdrücke, auch wenn es sich um so gleichgültige Dinge, wie Wind und Wetter, handelt. Seine Friedfertigkeit geht soweit, dasz er, wenn ihm etwas gestohlen wird, — was freilich selten vorkommt — das Seinige in der Regel nicht zuriickfordert, obgleich er oft weisz, wer der Dieb ist.... !) Ch. IV p. 97—99. Superflu de produire encore des preuves k 1'appui de cette assertion. Je renvoie encore k K. Kautsky »Die sozialen Triebe in der Tierwelt" (Neue Zeit 1883), Ch. Letourneau «Levolution de la morale" p. 59-64; et surtout au trÈs intéressant article de P. Kropotkin «Mutual aid among animals" (Nineteenth Century 1890). Infolge dessen giebt es dort selten oder nie Streit." ') „Das Einzige, was sein (Eskimo) Glück zu trtiben vermag, ist, andere Not leiden zu sehen, und deshalb teilt er mit ihnen, so lange er selbst etwas zu teilen hat." 2) „Der Grönlander steht der Not anderer wie ein mitleidiges Kind gegenüber; sein erstes Staatsgesetz ist anderen zu helfcn." 3) „Einer der hübschesten und markantesten Züge im Charakter des Eskimos ist wohl seine Ehrlichkeit .... Für den Eskimo ist es von besonderer Bedeutung, dasz er sich auf seine Mitmenschen und Nachbarn verlassen kann. Damit aber dieses gegenseitiges Vertrauen, ohne das ja jedes Zusammenschlieszen im Daseinskampf unmöglich ist, auch Bestand habe, ist es notwendig, dasz jeder gegen den anderen ehrlich handle. Er halt es daher für unredlich, seinen Hausgenossen oder Leuten aus seinem Wohnorte etwas zu stehlen, was demnach auch sehr selten vorkommt." 4) „Das Schlimmste, was einem Grönlander passieren kann, ist vor seinen Mitbürgern lacherlich oder verachtlich gemacht zu werden." 5) Sur les Peaux-Rouges qui habitent dans la région de 1'Orégon, le Dr. Waitz fait la communication suivante: „Als Tugenden gelten diesen Vólkern Ehrlichkeit und Wahrheitsliebe, Tapferkeit, Gehorsam gegen Eltern und Hauptlinge, Liebe zu Weib und Kind, und die Selisch, deren moralische Vorstellungen sich namentlich hierin ausgesprochen finden kommen diesen Anforderungen im Allgemeinen gut nach. Bei ihnen und bei den verwandten „Pends-d'Oreilles" und Spokane sind überhaupt Verbrechen sehr selten und ein bloszer Verweis den der Hauptling ertheilt, von groszer Wirksamheit. Auch das Alter findet bei den Selisch hülfreiche Unterstützung und Pflege, nur Kinder die das Unglück haben ihren Vater zu verlieren, haben öfters ein trauriges Schicksal, ihr Eigenthum wird ihnen entrissen. Die meisten dieser Völker sind aufrichtig und ehrlich, leben unter einander auszerst friedlich und verkehreii freundlich mit den Weiszen." 6) G. Catlin, un des auteurs qui sont le mieux au courant de tout ce qui concerne les Peaux-Rouges de TAmérique du Nord, dit de leur caractère: „I have roamed about from time to time during seven or eight years, visiting and associating with, some three or four liundred thousand of these people, under an almost infinite variety of circumstances; and from the very many and decided voluntary acts of their hospitality and kindness I feel bound to pronounce them, by nature, a kind and hospitable people. I have been welcomed generally in their country, and treated to the best that they could give me, without any charges made for my board ; they have often escorted me through their enemies' country at some !) sEskimoleben", p. 84 — 85. 2) o. c. p. 87. 3) o. c. p. 97. 4) o. c. p. 132. 5) o. c. p. 156. Voir dans le même sens sur les Esquimaux: le Dr. Th. Waitz »Anthropologie der Naturvölker" III p. 309 — 310, 314 — 315; H. Spencer vDescriptive Sociology" N°. 6 (American Races) p. 28 - 29. 6) o. c. p. II, p. 342-343- hazard to their own lives, and aided me in passing mountains and rivers with my awkward baggage; and under all of these circumstances of exposure, no Indian ever betrayed me, struck me a blow, or stole from me a shilling's vvorth of my property that I ara aware of. This is saying a great deal, (and proving it too, if the reader believe me) in favour of the virtues of these people; when it is borne in mind, as it should be, that there is no law in their land to punish a man for theft — that locks and keys are not known in their country — that the commandments have never been divulged amongst them; nor can any human retribution fall upon the head of thief, save the disgrace which attachés as a stigma to his character, in the eyes of his people about him. And thus in these little communities, strange as it may seem, in the absence of all systems of jurisprudence, I have often beheld peace and happiness, and quiet, reigning supreme, for which even kings and emperors might envy them. I have seen rights and virtue protected, and wrongs redressed; and I have seen conjugal, filial and paternal affection in the simplicity and contentedness of nature. I have unavoidably, formed warm and enduring attachments to some of these men which I do not wish to forget — who have brought me near to their hearts, and in our final separation have embraced me in their arms, commended me and my affairs to the keeping of the great Spirit." ') En traitant de la question qui des deux sont les plus heureux, soit les nations civilisées, soit les peuples qu'il a visités, le même auteur dit encore: „I have long looked with the eye of a critic, into the jovial faces of these sons of the forest, unfurrowed with cares — where the agonizing feeling of poverty had never stamped distress upon the brow. I have watched the bold, intrepid step — the proud, yet dignified deportment of Nature's man, in fearless freedom, with a soul unalloyed by mercenary lusts, too great to yield to laws or power except from God. As these independent fellows are all joint-tenants of the soil, they are all rich, and none of the steepings of comparative poverty can strangle their just claims to renown. Who (I could ask) can look without admiring, into a society where peace and harmony prevail — where virtue is cherished — where rights are protected and wrongs are redressed — with no laws, but the laws of honour, which are the supreme laws of their land. Trust the boasted virtues of civilized society for awhile, with all its intellectual refinements, to such a tribunal, and then write down the degradation of the „lawless savage" and our transcendent virtues." 2) L. H. Morgan, qui a passé une grande partie de sa vie parmi les Iroquois, raconte de ce peuple: „Alle Mitglieder einer irokesischen Gens waren persönlich frei und verpflichtet, Einer des Andern Freiheit zu ') P* 9—10 I »lllustrations of the manners, customs, and conditions of the North American Indians". 2) p. 61- 62. Les faits, prouvant que les Peaux-Rouges de 1'Amérique du Nord sont le contraire d'égoïstes, du moins vis-k-vis de ceux avec lesquels ils vivent en un groupe, sont trop nombreux pour pouvoir les citer tous. schützen; sie waren einander gleich in Befugnissen und persönlichen Rechten, denn weder Sachems noch Hauplinge beanspruchten irgend welchen Vorrang, und sie waren eine durch Blutbande verkntipfte Brüderschaft. Freiheit, Gleichheit und Brüderlichkeit, obwohl nie formulirt, waren die Grundprinzipien der Gens. Diese Thatsachen sind wesentlich, weil die Gens die Einheit eines ganzen gesellschaftlichen Systems war, die Grundlage, auf welcher die Indianergesellschaft organisirt war. Ein aus solchen Einheiten zusammengefügter Bau muszte nothwendig die Merkmale ihres Karakters zeigen, denn wie die Einheit, so das Geftige. Dies erklart hinlanglich den Unabhangigkeitssinn und die persönliche Würde des Auftretens, die allgemein als Attribute des Indianer-Karakters anerkant sind." L'hospitalité des peuples nommés est décrite corame suit par 1'auteur mentionné: „Among the Iroquois hospitality was an established usage. If a man entered an Indian house in any of their villages, whether a villager, a tribesman, or a stranger, it was the duty of the women therein to set food before him. An omission to do this would have been a discourtesy amounting to an affront. If hungry, he ate; if not hungry, courtesy required that he should taste the food and thank the giver. This would be repeated at every house he entered, and at whatever hour in the day. As a custom it was upheld by a rigorous public sentiment. The same hospitality was extended to strangers from their own and from other tribes. Upon the advent of the European race among them it was also extended to them. This characteristic of barbarous society, wherein food was the principal concern of life, is a remarkable fact. The law of hospitality, as administered by the American aborigines, tended to the final equalization of subsistence. Hunger and destitution could not exist at one end of an Indian village or in one section of an encampment while plenty prevailed elsewhere in the same village or encampment." 2) A. R. Wallace dit ce qui suit sur la population primitive de rAmérique du Sud et de 1'Archipel Indien: „I have lived with communities of savages in South America and in the East, who have no laws or law courts but the public opinion of the village freely expressed. Each man scrupulously respects the rights of his fellow, and any infraction of those rights rarely or never takes place. In such a community, all are nearly equal. There are none of those wide distinctions, of education and ignorance, wealth and poverty, master and servant, which are the product of our civilization; there is none of that wide-spread division of labour, which, while it increases wealth, produces also conflicting interests; there is not that severe competition and struggle for existence, or for wealth, which the dense population of civilized countries inevitably creates. All incitements to great crimes are thus wanting, and petty ones are repressed, partly by the influence of public opinion, but chiefly !) p. 73 «Die Urgesellschaft." 2) p. 45. *>Houses and house-life of the American Aborigines." Voir aussi les trés intéressants chapitres II et III de 1'oeuvre citée. Pour ce qui concerne les Indiens de 1'Amérique du Nord résidant k 1'est des Montagnes Rocheuses, voir Waitz, o. c. III p. 160 sqq. by that natural sense of justice and of his neighbour's right, which seenis to be, in some degree, inherent in every race of man." ') Dans son oeuvre „Village Communities in the East and West," H. Summer Maine dit: „Whenever a corner is lifted up of the veil which hides from us the primitive condition of mankind, even of such parts of it as we known to have been destined to civilisation, there are two positions, now very familiar to us, which seem to be signally falsified by all we are permitted to see—All men are brothers, and all men are equal. The scene before us is rather that which the animal world presents to the mental eye of those who have the courage to bring home to themselves the facts answering to the memorable theory of Natural Selection. Each fierce little community is perpetually at war with its neighbour, tribe with tribe, village with village. The never-ceasing attacks of the strong on the weak end in the manner expressed by the monotonous formula which so often recurs in the pages of Thucydides, „they put the men to the sword, the women and children they sold into slavery". Yet, even amid all this cruelty and carnage, we find the germs of ideas, which have spread over the world. There is still a place and a sense in which men are brothers and equals. The universal belligerency is the belligerency of one total group, tribe, or village, with another; but in the interior of the groups the regimen is one not of conflict and confusion but rather of ultra-legality. The men who composed the primitive communities believed themselves to be kinsmen in the most literal sense of the word; and surprising as it may seem, there are a multitude of indications that in one stage of thought they must have regarded themselves as equals." 2) Des dizaines de pages, et plus même, pourraient être remplies avec des faits prouvant que les peuples primitifs de toutes les races et de toutes les parties du monde, n'étaient nullement égoïstes, mais plutót le contraire, vis-a-vis de ceux qui vivaient avec eux. Pour en finir je veux encore relever les opinions de deux sociologues distingués, Steinmetz et Kovalewsky, opinions qui empruntent une signification importante du fait que ces auteurs disposent de connaissances ethnologiques trés grandes. Au 5"ie Congrès d'Anthropologie criminelle le Dr. Steinmetz, en parlant sur 1'explication du crime par 1'hypothèse de 1'atavisme, dit: „Du reste, ce n'est guère probable que notre vrai criminel-né ressemble au sauvage normal. Le premier est caractérisé surtout par son égoïsme féroce, tandis que le second n'est rien sinon un membre dévoué du groupe dont il respecte les moeurs et défend tous les intéréts; le sauvage est trés tendre envers les enfants que le criminel abandonne; le sauvage n'est que cruel contre 1'ennemi, le criminel contre tout le monde." 3) Aprés avoir cité différents traits altruistes de peupies primitifs Kovalewsky dit: „L'énumération dépasserait votre patience, si 1'on citait x) p. 283. »The Malay archipelago", II; voir encore sur 1'Amérique du Sud, Waitz, o. c. III, oü 1'on trouvera en général la même opinion que celle qui a été donnée plus haut sur le caractère non-égoïste des habitants primitifs vis-a-vis de ceux avec lesquels ils vivaient réunis. Voir aussi: H. Spencer, »Descriptive Sociology'' N°. 6. (American Races) p. si—T2. 2) p. 225—226. 8) »L'ethnologie et 1'anthropologie criminelle" p. 100—101. toutes les preuves que narrent les voyageurs sur le souci que les sauvages et les barbares ont de leur bien-être mutuel et 1'aisance de leur charité. A ces faits, qui marquent 1'existence prolongée d'une sorte de communisme, correspondent d'autres . . . ') Je suis d'avis qu'après avoir pris connaissance des faits pré-cités, personne ne peut soutenir, soit que 1'homme a toujours et partout montré les mêmes traits de caractère trés égoïstes, soit qu'il y a eu depuis 1'existence de 1'humanité une lente évolution de 1'égoïsme vers 1'altruisme. Quand on observe comment chez les peuples primitifs cités les membres d'un seul groupe s'entre-aidaient et prêtaient aussi assistance a leurs hötes, malgré leur peu de pouvoir sur les forces de la nature, causede grande misère souvent parmi eux, et quand on songe combien la crainte de la honte exercait son influence et quand on compare a ces peuples primitifs la société actuelle, oü malgré ses gigantesques forces productrices, la grande majorité des hommes vit dans les plus misérables conditions matérielles et intellectuelles, tandis que la petite minorité vivant dans une abondance également pernicieuse, considère leur abondance et la misère des autres comme les choses les plus naturelles, et les tentatives des moins favorisés de la fortune pour améliorer leur position comme une atteinte effrontée a leurs richesses, et enfin quand on voit combien peu dans la société actuelle la désapprobation morale a d'influence de sorte qu'elle est remplacée en grande partie par la crainte de la punition et 1'espoir d'une récompense, comment saurait on supposer qu'il existe une évolution de 1'égoïsme vers 1'altruisme. Tout de même, il serait inexacte de croire que des peuples primitifs présentent sous tous les rapports les traits de caractères altruistes que j'ai cités. Plus haut (p. 352 sqq.) j'ai déja fait remarquer qu'en général la position de la femme est trés dépendante. 2) En général les peuples primitifs aiment beaucoup leurs enfants et les soignent avec une grande tendresse (voir p. 366 de ce travail). Néanmoins 1'infanticide n'est pas rare chez ceux qui se trouvent a un bas degré de civilisation. Et j'ai déja fait remarquer (p. 347) que, chez les peuples nomades, les vieillards et les inalades étaient souvent abandonnés. Voila donc des contradictions, qu'il faudra expliquer. Suivant 1'apparence — mais ce n'est qu'une apparence — une évolution de 1'égoïsme vers 1'altruisme a réellement eu lieu et ne discontinue pas. Cette apparence est 1'effet de 1'altération du caractère de 1'égoïsme sous le système économique actuel: il est devenu moins violent que dans les périodes antérieures. (II est impossible de soutenir que la civilisation ait apporté une diminution continuelle de violence: le moyen-age p. e. n'était, certainement pas plus doux sous ce rapport ') «Tableau des origines et de 1'évolution de la familie et de la propriété." p. 56. J'aimerais encore a citer les articles trés intéressants de Kautsky »Die sozialen Triebe in der Menschenxvelt" (Neue Zeit 1884) et de Kropotkin «Mutual aid among savages" (Nineteenth Century 1891) et »Mutual aid among the barbarians" (Nineteenth Century 1892) dans lesquels 011 cite beaucoup de faits, qui confirment ce qui a été dit plus haut. 2) L'asservissement de la femme n'implique naturellement pas qu'elle ait toujours été mal traitée. Voir e. a, A. Sutherland, »The origin and growth of the moral instinct" 1, p. 236—240. que 1'antiquité). Le combat ne se poursuit pas en général avec les armes blanches ou a feu, mais avec d'autres non moins dangereuses, et c'est ce qu'on perd généralement de vue. On fait remarquer que, jadis, les prisonniers étaient tués; que, plus tard, ils eurent la vie sauve pour servir d'esclaves; que 1'esclavage a été remplacé par le servage qui, a son tour, a été aboli et changé en travail libre. Mais ce n est pas un sentiment altruiste se développant toujours qui a été le motif de ces altérations. La vie des prisonniers de guerre n'a pas été épargnée pour des raisons d'humanité, mais paree que 1'extension de la productivité du travail rendait plus avantageux de faire travailler un prisonnier, au lieu de le tuer. Et 1'esclavage n'a pas été remplacé par le système du travail libre paree que les propriétaires des esclaves étaient devenus moins égoïstes, mais paree qu'il est plus avantageux de faire travailler des ouvriers libres que des esclaves. •) On ne peut parler d'une diminution d'égoïsme, mais d'un adoucissement de la violence dans le cours des temps. Impossible de soutenir qu'un capitaliste qui par un lock-out, veut forcer ses ouvriers a rompre avec leur syndicat et les condamne de cette facon eux et les leurs a la faim, dans le but d'échapper au danger d'un abaissement de bénéfices en cas de grève, soit moins égoïste qu'un propriétaire d'esclaves qui les eontraint a un travail plus intense. Le premier n'use pas de force, c'est inutile, il dispose d'une arme plus süre, la misère dont il peut frapper ses ouvriers, il senible moins égoïste, mais en réalité il est aussi égoïste que le second. Le spéculateur en grand qui, par suite de ses machinations, oblige des milliers de gens a payer plus cher ce qu'il leur faut pour subsister et lui sont pour ainsi dire tributaires, n'est pas moins égoïste que le chevalier-brigand du moyen-age qui, les armes a la main, forfait les marchands en voyage a lui payer un tribut. La différence entre eux c'est que le prerr.ier atteint son but sans user de la violence comme le chevalier. Le capitalisme est un système d'exploitation oü, au lieu de dépouiller 1'exploité, on le eontraint par la misère a user toutes ses forces au profit de 1'exploiteur. II en est de même pour 1'histoire coloniale. D'abord les indigènes des pays explorés par les Européens étaient souvent pillés et massacrés. II y a déja longtemps qu'on est revenu de ce système, cependant non par altruisme, mais paree qu'il est plus avantageux de faire travailler une population soumise que de la piller ou de 1'exterminer. Quand elle ne se soumet pas de bonne volonté on use encore de la force comme autrefois. Cette apparence a encore une autre cause. Le christianisme prêche „aime ton prochain comme toi-même." Et puisque cette maxime a été si souvent prêchée, et que nombre des chrétiens 1'ont toujours a la bouche, on en est arrivé a croire qu'elle est réellement mise en pratique. Le contraire est vrai. Le fait qu'on insiste tant sur le devoir d'agir en altruiste est la preuve la plus convaincante q/t'en général on ne le fait pas, sans quoi ') Lire le passage suivant de Morgan, «Das Privateigenthum war es, das zur Sklaverei von Menschen führte, als Werkzeug zur Produktion von Reichthum; dasselbe Privateigenthum veranlaszte nach den Erfahrungen von mehreren tausend Jahren die Abschaffung der Sklaverei, als man entdeckt hatte, dasz ein freier Arbeiter eine bessere Machine zur Erzeugung von Reichthum sei" (p. 432 «Die Urgesellschaft"). on n'en parlerait pas tant et on ne le prêcherait pas. De nos jours nombreux sont les gens qui 11e demandent pas mieux que de voir les hommes agir en altruistes, mais ils prêchent dans le désert: leur souhait n'est pas réalité. La société actuelle est pétrie d'égoïsme. Cependant, 1'égoïsme est moins violent, mais plus déguisé. Avant de parler des causes réelles de 1'égoïsme et de 1'altruisme, il n'est pas superflu de tacher de résoudre la question: d'011 ces idéés inexactes ? II n'est pas difficile, selon moi, d'expliquer comment il se fait que bien des hommes croient que partout et toujours le „homo homini lupus" de Hobbes ait été vrai. Les adhérents de cette opinion ont observé surtout les hommes vivant sous le capitalisme, ou ceux qui ont vécu durant la civilisation; leur juste conclusion a été que 1'égoïsme était le trait de caractère dominant de ces hommes, et ils ont choisi 1'explication la plus simple en disant que ce trait de caractère doit être inné. S'ils avaient connu les périodes antérieures a la civilisation '), ils auraient remarqué que „homo homini lupus" est un phénomène historique, appüquable durant une période relativement courte -) et que par conséquent, il est impossible que 1'égoïsme soit inné a 1'homme. Ouelque grandes qu'aient été les modifications sociales durant la civilisation, le but principal des hommes a été, et est toujours encore a'acquérir des richesses personnelles et les hommes continuent a rester divisés en classes c. a d. en groupes, dont les intéréts économiques sont contraires. C'est pour cela que 1'examen des périodes antérieures est de si haute importance pour la sociologie. Une interprétation erronée de la théorie darwinienne a aussi contribué a faire naitre 1'idée bizarre de 1'éternité du combat de tous contre tous. Dar win lui-même n'y est pour rien. Dans son „Origin of species" il dit en termes trés clairs que le combat entre les individus d'une même espèce n'arrive pas du tout dans chaque espèce: „ . . . . there must in every case be a struggle for existence, either one individual vvith another of the same species, or with the individuals of distinct species, or with the physical conditions of life." 3) L'explication de la deuxiéme hypothése, celle de 1'évolution de 1'égoïsme vers 1'altruisme est plus compliquée. D'abord les faits cités a 1'appui ne sont pas nombreux, et ils servent plutöt a illustrer une théorie ') Morgan évalue 1'espace de temps entre le commencement de 1'existence de 1'humanité et la période moyenne de la barbarie a quatre cinquièmes de la durée totale de 1'existence de 1'humanité (p. 458 »Urgesellschaft"). La civilisation n'est donc qu'une période assez courte comparée aux temps depuis 1'apparition de 1'homme. 2) A comparer le passage suivant de H. S. Maine: » wherever we can observe the primitive groups still surviving to our day, we find that competition has very feeble play in their domestic transactions, competition (that is) in exchange and in the acquisition of property. 'I'his phenomenon, with several others, suggests that Competition, that prodigious social force of which the action is measured by political economy, is of relatively modern origin" (o. c. p. 227 — 228). 3) p. 50. A comparer les p. 59—61 o. c. oü Darwin fait remarquer que la oü les individus de même espèce se combattent, la iutte est le plus acharné. qu'a fournir les matériaux dont on saurait tirer une explication. En second lieu une partie des matériaux ethnologiques ayant rapport a la question ne sauraient être utilisés. Recueillis soit par des personnes convaincues a priori de la supériorité de la morale chrétienne a toute autre, et par conséquent désapprouvant tout ce qui s'y oppose, soit par des personnes qui par leurs propres agissements ont été cause de 1'inimitié que leur témoignaient les peuples avec lesquels ils étaient entrés en relation. Nulle part 1'histoire de la civilisation n'ofifre un speetacle plus hideux que celui de la colonisation. Fraude, vol, homicide et tutti quanti du commencement jusqu'a la fin. ') En troisième lieu il faut exclure les peuples dont le contact avec les Européens ou avec d'autres peuples égalenient civilisés remonte assez haut. En quatrième lieu, on perd souvent de vue que les peuples primitifs montrent de grandes difterences de développement et par conséquent, ne peuvent pas être placés au même rang. 2) P. e. si les peuples gouvernés despotiquement montrent de forts penchants égoïstes, on n'a pas le droit de déclarer que tous les peuples primitifs sont égoïstes. Enfin, en examinant des peuples primitifs, il est de la plus haute importance qu'on fasse bien la distinction entre les actes qui concernent les personnes formant entre elles 1111 groupe social, et ceux qui concernent les personnes qui y sont étrangères. Unedesprincipalescausesdelaqualification d'égoïstes, donnée aux peuples primitifs, se trouve dans le fait qu'on oublie de faire attention au dualisme de 1'éthique. Dans les citations que j'ai reproduites (e. a. dans celles empruntées a Maine et a Steinmetz), la grande différence entre les actes, commis dans et en dehors du groupe, a été déja relevée. Nous avons vu que les Indiens de 1'Amérique du Nord, quoique trés altruistes vis-a-vis de ceux qui forment avec eux le même groupe, ainsi que vis-a-vis de leurs hötes, sont les ennemis les plus impitoyables de ceux qui attaquent leur indépendance, ou leur domaine de chasse. Aussi a-t-on généralement jugé ces peuples d'après les derniers actes, en négligeant les autres. II est facile de comprendre combien cela est inexacte puisque ce „dualisme de 1'éthique" existe toujours. Grand serait 1'etonnement si 1'on entendait prétendre que la guerre sud-africaine proeve que les Anglais sont un peuple d'assassins et d'incendiaires; pourtant cette assertion tout inexacte qu'elle est s'applique couramment aux peuples primitifs. 3) Comment se fait-il que quelques espèces animales sont sociales et que d'autres ne le sont pas ? II est impossible de soutenir avec quelques !) Dans son article >>Die sozialen Trieben in der Menschenwelt", Kautsky produit quelques exemples intéressants des agissements des Européens au Brésil et dans la Nouvelle-Calédonie. Dans »Die lndianerfrage" (Neue Zeit 1885) eet auteur traite des pratiques des Américains vis-a-vis des Indiens de 1'Amérique septentrionale. D'ailleurs, il est sup'erflu d'en parler plus amplement: les atrocités de la colonisation sont sufSsamment connues. 2) Sur cette question trés importante voir le Dr. S. R. Steinmetz, sClassification des types sociaux et catalogue des peuples" (Année sociologique 111). s) Sur le dualisme de 1'éthique voir e.a.: Kulischer «Der Dualismus der Ethik bei den primitiven Vólkern" (Zeitschr. f. Ethnologie 1885): Kropotkin «Mutual aid among savages" p. 558—559; Kovalexvsky »Les origines du devoir", p. 85 sqq. (Revue internationale de sociologie 11). auteurs qu'on observe une sociabilité qui augmente selon le degré de développement atteint par 1'anifnal. ') Quelques insectes, p. e. les abeilles et les fourmis, sont des animaux doués de sentiments sociaux prononcés; quelques espèces d'oiseaux et les félins sont par contre insociaux. Néanmoins, ceux-ci occupent cependant un degré plus élevé dans 1'échelle que ceux-la. L'explication doit donc être cherchée ailleurs. 2) II y a diverses raisons qui amènent un nombre plus ou moins considérable d'animaux d'une même espèce a un même lieu. Par exemple, le fait d'être nés au même endroit. La plupart des animaux sont sociaux quand ils sont jeunes, même ceux qui ne le sont plus une fois grands, comme les arachnides. \Une autre cause qui amène les animaux en présence c'est l'émigration vers une contrée par suite de grandes changements de température. Une troisième cause, probablement la plus importante, qui réunit des animaux d'une même espèce c'est la richesse en nourriture de certaines contrées. Cependant, la réunion occasionnelle d'animaux ne peut expliquer pourquoi certaines espèces sont sociales, tandis que d'autres ne le sont pas. Les lions p. e. se rencontrent souvent aux endroits oü ils viennent boire; pourtant, ils ne sont pas devenus sociaux. II n'est pas probable qu'il y ait des animaux qui soient restés ensemble paree qu'ils avaient compris les avantages de la vie en commun, cequi supposerait chez ces animaux une intelligence, qu'il est difficile de leur attribuer. Pour que des animaux restent ensemble il faut qu'ils le trouvent agréable, et désagréable d'être isolés. En examinant les espèces animales sociales on remarque que la vie en commun est en général une de leurs armes les plus pnissantes dans le combat pour l'existence sans laquelle il leur serait impossible ou a peu prés de soutenir ce combat. Par conséquent, les animaux pour lesquels la vie en commun est avantageuse, et qui possèdent des penchants sociaux plus forts que d'autres, ont, réunis par n'importe quelle cause, une plus grande chance de rester vainqueurs dans le combat pour la vie que les autres. 3) Par contre, les animaux qui doivent épier leur proie, ont plus de chance d'existence quand la vie en commun leur est désagréable. C'est donc par sélection que les sentiments sociaux se sont fortement développés dans quelques espèces animales, et non dans d'autres.4) 1) Voir e. a. Sutherland o. c. I ch. X. Comparer Ch. Letourneau »L'évolution de la morale"; p. 55 eet auteur dit: » chez les animaux, le degré de perfection des penchants sociaux est loin de coïncider rigoureusement avec le rang hiérarchique, occupé par 1'espèce dans la classification zoologique." 2) Pour 1'exposé suivant je me suis surtout servi de 1'oeuvre de Kautsky »Die sozialen Triebe in der Tierwelt". 8) Dans ses olnquiries into human faculty and its development" F. Galton parle de ses études sur la race bovine sud-africaine, et fait observer que si un de ces animaux se sépare du troupeau il devient une proie süre des lions, tandis que le troupeau est garanti des attaques de 1'ennemi. L'individu qui ne possède que peu de sentiments sociaux et se sépare du troupeau a moins de chance de transmettre ses traits de caractère k sa progéniture, attendu qu'il est en danger d'être dévoré par les carnassiers. (p. 68—82). *) Darwin («Descent of man" p. 102) et d'autres auteurs (e. a. Sutherland, o. c. 1 Chap. X) sont d'opinion que la sympathie est une extension de 1'amour paternel et de 1'amour filial. II ne convient pas au cadre de ce travail, et je ne me L'habitude et la tendance a imiter augmentent considérablement ces sentiments. Les avantages, résultant pour certaines espèces animales de la vie en commun, sont de deux natures. En premier lieu une défense plus efficace contre 1'ennemi; en second lieu une plus grande facilité de se procurer la subsistance. Les boeufs sauvages nous offrent un exemple du premier cas (voir la note 3 de la page 448); les loups qui, en hiver, se réunissent en troupes pour chercher leur proie paree que la nourriture devient rare donnent un exemple du second cas. Pour d'autres animaux, (p. e. quelques simiens) les sentiments sociaux leur sont avantageux des deux facons. II est inutile de s'étendre ici plus amplement sur les deux manières dont la vie en groupes est avantageuse a certaines espèces d'animaux. II reste encore a fixer 1'attention sur les qualités développées par le combat en commun pour 1'existence. Un des principaux traits de caractère d'animaux sociaux c'est le plaisir qu'ils éprouvent a vivre en commun; si par hasard un animal social est séparé de ses semblables, avec lesquels il vivait dans un même groupe, il se sent malheureux. II est en outre nécessaire que celui qui ne peut vivre isolé, et se sent heureux avec son groupe, doit aussi éprouver de la sympathie pour ce groupe. Si quelques individus éprouvent un déplaisir ce sentiment réagit sur tout le groupe, de même s'il s'agit d'une sensation agréable. Un être social tachera donc de favoriser les intéréts de ses semblables tant qu'il le pourra, et en tant qu'il comprendra ces intéréts. Cette sympathie ne s'étendra pas sur toute 1'espèce, mais seulement sur le groupe. L'intérêt général d'un groupe ne permet pas que la sympathie embrasse 1'espèce entière, mais au contraire qu'un groupe combat 1'autre, si celui-ci p. e. lui dispute sa nourriture. Et dans le sein du groupe même l'intérêt général peut exiger qu'on abandonne un individu malade ou blessé, quand par sa présence p. e. il attirerait des fauves, et mettrait ainsi 1'existence de tous en danger. La sympathie trés développée fait naitre 1'esprit de sacrifice, qui pousse 1'individu a supporter les plus fortes contrariétés voire même a risquer sa vie, afin de secourir ses compagnons. (Voir aux p. 438-—439 la citation empruntée a Darwin, dans laquelle il parle de cas pareils chez des animaux) Cette qualité est renforcée encore par le désir d'obtenir les louanges et d'éviter le blame de ses semblables, désir qui, a son tour, ne nait que par la vie en commun. Car, celui qui vit réuni avec d'autres et y prend son plaisir, celui dont les intéréts sont ceux des membres de son groupe, doit être sensible a 1'approbation et a la désapprobation crois pas compétent pour m'étendre sur cette matière. Sclon mon avis, O. Ammon a démontré d'une manière convaincante dans son travail »Der Ursprung der socialen Triebe" (Zeitschrift fiir Socialwissenschaft IV) qu'il n'y a point de causalité entre les sentiments sociaux et 1'amour paternel et 1'amour filial, mais qu'ils forment deux parties distinctes de la vie mentale. En outre eet auteur prouve qu'il n'y a point de relation entre 1'amour paternel et 1'amour filial et les sentiments sexuels. Probablement il y a connexité entre 1'hypothèse de Darwin et la théorie longtemps acceptée mais repoussée depuis qui veut que 1'origine de la sociéte humaine est due a des families vivant d'abord isolées et qui se sont réunies pour se protéger mutuellement. Ce n'est pas la société qui s'est développée de la familie, mais la familie, comme unité économique, qui s'est développée de la société. 29 de ses actes par les autres, puisque les sentiments de plaisir, aussi bien que ceux de déplaisir, qu'il a suscités, retombeut sur lui-même. Le manque de la parole chez les animaux empêche que 1'influence de la louange ou du blame soit trés grande chez eux. Nous abordons maintenant la question: quelles sont les causes de l'altruisme chez les hommes? ') II faudra considérer comme certain que 1'homme a toujours vécu en des groupes plus ou moins grands z), et il est même trés probable qu'il descend d'animaux également sociaux. 3) Un examen des moyens dont 1'homme dispose pour soutenir le combat pour la vie, prouve qu'ils sont de telle nature que 1'homme aurait succombé s'il avait vécu isolé. Kautsky 1'a formulé ainsi: „ . ... der Mensch . . .dessen machtigste und furchtbarste, ja fast einzige Waffe im Kampfe um's Dasein die Gesellschaft ist. Wohl zeichnet sich der Mensch vor anderen Tieren noch durch seine Intelligenz aus, aber auch sie ist die Frucht der Gesellschaft, der isolirte Mensch verdummt und wird völlig stumpfsinnig. Alle seine anderen Wafifen im Kampfe ums Dasein aber stehen hinten denen der Tiere zurück. Es stehen dem Menschen keine Angriffswaffen zu Gebote, wie den Raubtieren, noch schüzt ihn die Grösze, wie den Elephanten, das Fluszpferd und das Nashorn. Es fehlt ihm die Schnelligkeit des Eichkazchens und Rehes, auch vermag er nicht seine Verluste durch iibergrosze Fruchtbarkeit wettzumachen." 4) C'est donc par suite de sa constitution et du combat qu'il avait a soutenir pour son existence, que 1'homme est un étre social; en d'autres termes, ceux qui présentaient des instincts sociaux plus forts que les autres couraient moins de danger de succomber dans le combat pour la vie, et avaient plus de chance de transmettre leurs penchants a leur progéniture. Comme il dispose de facultés intellectuelles beaucoup plus grandes que celles des animaux, 1'homme est plus capable de comprendre les causes de la douleur ou de la joie de ses semblables; il est donc mieux en état de lui éviter les unes et de favoriser les autres. 5) En second lieu, il dispose d'un langage développé, par lequel le blame ou 1'approbation peuvent avoir une influence beaucoup plus grande sur sa conduite. 6) Le fait que 1'homme nait avec des penchants sociaux n'explique cependant pas assez l'altruisme, car parmi les espèces animales il n'en existe pas une seule dont les individus se soient fait autant de mal que les hommes, qui, tout en étant des êtres sociaux, sont cependant capables •) lei je me suis principalement servi de 1'oeuvre de K. Kautsky «Die sozialen Triebe in der Menschenwelt." 2) Tant que les hommes ne se nourrissaient que de fruits et de racines sauvages ou des produits de la chasse, les groupes ne pouvaient être que peu nombreux attendu qu'un grand terrain était nécessaire a leur subsistance. A mesure que la productivité du travail augmente les groupes deviennent petit ü petit des agglomérations d'hommes pouvant vivre sur un terrain relativement plus restreint. 3) Voir Darwin sDescent of man", p. 105. 4) »Die sozialen Triebe in der Tierwelt", p. 27. 5) II est clair que 1'intelligence en soi n'a rien a voir a 1'égoïsme ou l'altruisme; elle n'est qu'une arme, dont on peut se servir pour chacun d'eux. Celui qui a beaucoup d'intelligence peut en user aussi bien au préjudice qu'on profit de ses semblables. 6) Voir Darwin «Descent of man" p. 95—96, 106. de commettre les actes les plus égoïstes; comment expliquer ces contradictions ? Plus haut nous avons vu que les peuples primitifs, que nous avons cités, présentaient des traits de caractère trés altruistes. Les membres d'un groupe s'entre-aidaient, étaient, vis-a-vis les uns des autres bienveillants, honnêtes, véridiques et trés susceptibles a 1'opinion d'autrui, ') etc. Impossible d'expliquer ceci soit par b, race a laquelle appartenaient ces peuples, soit par le climat dans lequel ils vivaient (du reste il est difficile de saisir le rapport qu'il y aurait entre race ou climat et ces traits de caractère), car les peuples cités sont de races trés différentes (p. e. les Indiens de 1'Amérique du Nord et les Hindous de la presqu'ile du Gange) et vivent sous des climats différents (p. e. les Esquimaux et les Indiens de 1'Amérique du Sud). En dehors de cela, quelques-uns de ces peuples montrent vis-a-vis des groupes étrangers des traits de caractère diamétralement opposés a ceux qu'ils ont pour les individus de leur groupe. Ainsi p. e. les Indiens de 1'Amérique du Nord sont, comme nous 1'avons déja remarqué, les ennemis les plus cruels, les plus impitoyables pour ceux qui n'appartiennent pas a leurs groupes, tandis qu'ils sont le contraire pour ceux qui en font partie. A plus forte raison donc leurs sentiments altruistes n'ont aucun rapport ni avec la race, ni avec le climat. 2) Par conséquent la cause ne peut résider que dans le milieu social, a son tour détèrminé par le mode de production. La suite va démontrer, qu'en dernière instance c'est le mode de production en effet qui peut développer la prédisposition sociale innée a 1'homme 3) (non dans la même mesure pour chaque individu, ceci est une question sur laquelle je reviendrai) ou empêcher cette prédisposition de se développer ou même 1'anéantir entièrement. En examinant les modes de production en vigueur chez les peuples cités (qui ne se trouvent pas au même degré de développement; les habitants des communautés de village p. e. sont au-dessus des Indiens de 1'Amérique du Nord) on voit qu'ils se caractérisent par les traits suivants, trés différents de ceux du système actuel. Le premier de ces traits caractéristiques est celui-ci: la production a lieu chez ces peuples pour la consommation personnelle et non pour Véchange, comme dans la socicté actuelle. 1) Sur ce sujet spécial voir encore: Maine «Village communities". En parlant des droits et des devoirs dans les communautés de village, il dit: »In the almost inconceivable case of disobedience to the award of the village council, the sole punishment, or the sole certain punishment, would appear to be universal disapprobation.'' (p. 68). Dans son «Ursprung und I-.ntwicklungs-Geschichte des Eigenthums", Dargun dit sur 1'influence de 1'opinion publique parmi les Iroquois, un des peuples indiens typiques de 1'Amérique du Nord: »Einzige Stiitze der öffentlichen Gewalt war die öffentliche Meinung, Exekutive gab es nicht, Hochschatzung war der höchste Lohn, Verachtung die strengste Strafe, die verhangt werden konnten ... ." (p. 45). 2) Comparez aussi p. 158—159 de la première partie de ce travail. 8) II est évident que le fait que 1'homme nait avec un germe social, ne confirme pas la théorie «des idéés morales innées". L'homme naït avec la disposition naturelle au travail intellectuel. Si cette disposition n'est pas développée, si 1'on ne cultive pas son intelligence, l'homme restera aussi ignorant que la béte. De même quant a la morale: la disposition sociale de 1'homme est la base sur laquelle sa moralité peut se développer, mais seulement a condition de la développer. On a souvent prétendu que les pcuples primitifs vivaient en communisme. 1'rise dans la signification de communisme de production, cette assertion n'est vraie qu'en partie; exception faite des chasses parfois entreprises en commun par des peuples chasseurs la production n'était pas faite en commun mais était individuelle. Les armes et les outils de chasse étaient proprieté privée, le terrain de chasse' par contre propriété commune. ') De même dès que la technique architecturale a fait plus de progrès les maisons sont souvent devenues propriété commune. A son début 1'agriculture non plus ne fut exercée en commun. Ce n est, que quand elle a atteint un certain développenient, que c'est parfois le cas. 2) Mais si 1'on prend le communisme dans le sens de consommation en commun, alors 1'assertion sus-citée est beaucoup plus exacte. Je ne veux pas dire que la consommation se faisait toujours en commun (quoique plusieurs peuples primitifs prissent leurs repas en commun), mais quand pour n'importe quellc cause les uns n'avaient pas réussi a produire les autres membres du groupe qui avaient été plus heureux les secouraient. La productivité du travail était encore petite; un excédent continuel de travail de certaine importance n'avait généralement pas lieu. Même s'il y en avait il ne ne pouvait être question d'échange attendu que la division du travail était trés minime et que chacun était par conséquent capable de faire lui-inême ce que d'autres auraient pu offrir en échange. Le deuxième trait caractéristique des modes de production cités c est qu'zV n'y avait ni richesse, ni pauvreté, trait caractéristique qui est en étroite relation avec le premier. S'il y a privation (p. e. puisque le gibier fait défaut) tous souft'rent; s'il y a parfois abondance, tous en profitent.3) Le troisième fait sur lequel je dois fixer 1'attention, c'est que la subordination de l'/iomme a la nature était tres grande, si grande, que nous, qui avons actuellement assujetti en grande partie les forces de la nature ne pouvons plus nous en faire une idée. Si réunis en un seul groupe, les gens primitifs étaient tres faibles vis-a-vis de la nature, individuellement ils n'étaient absolument pas en état de lutter contre elle, ainsi ils étaient donc forcés de se serrer les uns contre les autres. Si 1'on considère les traits caractéristiques des modes de production primitifs tous ensemble, il devient clair, il me semble, pourquoi les peuples primitifs étaient si peu égoïstes. II n'y avait ni riches, ni pauvres; les intéréts économiques, au lieu d'être opposés, étaient soit paralléles, soit égaux (ceci dans le cas de production en commun); la vie économique ne suscitait donc point d'idées égoïstes; chez les hommes, 1'homme, n'est pas „induit en tentation", comme dit la sainte Ecriture. La oü lc système économique ne produit point d'idées egoïstes, il habitué aussi les hommes a ne pas être égoïstes, et si exceptionellement les 1) En opposition avec beaucoup d'autres qui font autorité, Dargun défend, dans son oeuvre »Ursprung und Entwicklung des Eigenthums", la thèse que, chez les peuples chasseurs, la terre n'était point propriété commune. 11 me semble que 1'auteur n'a pu démontrer la parfaite exactitude de sa thèse. Quoi qu'il en soit, pour ce qui concerne la terre il ne saurait être question de propriété privée dans le sens que nous lui attribuons de nos jours. S'il n'y avait pas de propriété commune chez ces peuples, cela v ressemblait cependant bien plus qu'a notre propriété privée du sol. -) Voir e. a. Dargun «Egoisnuis und Altruismus in der Nationalökonomie", p. IOO—IOI. 8) Voir Dargun o. c. p. 34. intéréts sont cn conflit, lc différent! est vide d'une tnanière uitruiste et non égoïste. Et puisque la vie économique est la „conditio sine qua non" de la vie, et occupe donc la plus importante place dans 1'existence des hommes, elle marqué la vie entièrc de son estampille non-égoïste. La lutte pour 1'existence devant être soutenue en comtnun contrc la nature, si elle veut être efificace lie les intéréts humains si étroitement, qu'ils sont inséparables: 1'intérêt de 1'un est aussi celui de 1'autre. On comprendra maintenant pourquoi les hommes primitifs se sentaient avarit tout membres d'une unité; pourquoi ils s'abstenaient non seulement d'actes nuisibles a leurs compagnons, mais venaient même a leur secours autant qu'ils le pouvaient; pourquoi ils étaient honnêtes, véridiques et bienveillants pour leur entourage, et pourquoi 1'opinion publique avait une grande influence sur eux; traits caractéristiques que mes citations antérieures ont démontrés. La cause de ces faits se trouve dans le Diode de prodiiction, qui avait effectué une conformité dintéréts de geus réunis en tin seul groupe, les avait obligés a s' entre-aider dans la lutte difficile et ininterrompue pour l'existeuce, et qui en avait fait des hommes libres et égaux, puisqiCil n'y avait ni rieliesse ni pauvretê, et, par conséquent, non plus de possibilité d'oppression. -) Ce n'est que dans un milieu pareil que les instincts sociaux, innés a l'homme, peuvent bien se développer, et plus le mode de production resserre les intéréts des hommes, plus ce développement sera grand. C'est une vérité aussi vieille que le monde que 1'on respecte les intéréts des autres, qu'on ne les trompe pas, alors seulement qu'ils ne cherchent pas a vous rendre la vie difficile, mais vous aident a la supporter. Si non, les sentiments sociaux seront étouffés et il se formera des sentiments contraires. Le développement des sentiments sociaux est basé sur la réciprocité. Quand celle-ci fait défaut, ces sentiments végètent; quand elle existe, ils~se fortifïent sans cesse comme par ricochets pour ainsi dire. 3) II existe encore une autre raison qui a contribué a renforcer la solidarité parmi les membres d'un même gr.oupe. Les peuples primitifs, qui ne pratiquent pas, ou peu 1'agriculture, ont besoin d'un immense terrain pour pourvoir a leurs besoins. Les terrains, dont la population semblerait peu élevée aux Européens de nos jours, ont en réalité une population dont la densité est aussi grande que le mode de production le permet. De la naissent des guerres continuelles entre les groupes qui se disputent les terrains. La nécessité de défendre ensemble un terrain acquis ou d'en conquérir un nouveau, avait pour résultat de serrer toujours 1) Inutilc, jc suppose, de dire que les citations reproduites n'ont pas été choisies dans le but d'appuyer une opinion préconsue. Je n'ai pas manqué de chercher dans les recueils ethnologiques dont je disposais des faits réfutatoires. Mais je n'ai pu trouver de peuples qui, vivant dans les conditions sus-mentionnées, présentaient des traits caractéristiques fortement égoïstes. II est évident que cela ne prouve pas qu'ils manquent absolument, mais je suppose que leur nombre ne peut pas être bien considérable. 2) La cause mentionnée peut, a ce qu'il me semble, etre ajoutee a celles que ouvant jamais avouer leur véritable intenlion — 1'afïfaiblissement des voisins. Le prolétariat. Pour être complet, nous commencons par faire mention d'une des conséquences de la position économique du prolétariat, dont il a été déja brièvement traité plus haut, c. a d. la dépendance dans laquelle le prolétariat se trouve par suite de son manque de moyens de production, ce qui a une influence préjudiciable sur son caractère. L'opprimé a recours a des moyens qu'il mépriserait sans cela. Comme nous 1'avons vu plus haut, la base des sentiments sociaux, c'est la réciprocité. Aussitót que celle-ci est foulée aux pieds par la classe dirigeante les sentiments sociaux des opprimcs s'affaiblissent vis-a-vis d'eux. Nous conformant a 1'exposé du premier chapitre de la deuxième partie, nous abordons en premier lieu les suites du travail des jeunes gens (plus loin nous parierons de 1'influence des conditions domestiques sur les enfants, puisque ces conditions ne sont pas du ressort des conséquences directes du système économique). Sous differents rapports le travail salarié des jeunes gens exerce une influence défavorable. D'abord, il les force, quand ils sont encore trés jeunes, a ne songer qu'a leurs propres interets, ensuite en relation avec des personnes peu civilisées et indifférentes a leur bien-être, ils suivent bien vite, grace au penchant d'imitation, les mauvaises habitudes, la grossièreté de langage, etc., de ces derniers. Enfin, par le travail salarié les jeunes gens deviennent justement plus ou moins indépendants a un age oü ils ont le plus besoin d'être guidés. Les chiffres, démontrant 1'influence sur la criminalité, du travail salarié d'enfants et de jeunes gens sont assez rares, a ma connaissance. Ceux qui sont connus font ressortir cette influence. Dans la première partie j'ai déja communiqué les chiffres dont P. Hirsch dispose. J'y renvoie donc les lecteurs. ') Le directeur du „Erziehungsheim am Urban" a Zehlendorf prés Berlin, M. L. Plasz mentionne que 80 °/0 de ses pupilles avaient autrefois excercé un métier. 2) La statistique des Pays-Bas donne les chiffres suivants: o j Sur 100 enfants Total des con- . Sur 100 condam- en général de 10 a , , Lxercant nés il y en avait , ff ANNEES. damnesde 10 un ^ #) ; ex> ient al6anS" unmétier" ^aient im métier. 1899 791 363 45,8 I 18,5 1900 671 347 51,7 — 1901 | 674 344 51— | — 4) Ces chiffres sont trés démonstratifs: parmi les jeunes délinquants il y avait 2 a 3 fois plus de personnes exer<;ant un métier que parmi les non-délinquants. Je ne connais point d'autres statistiques qui donnent des ren- 1) Voir p. 302—303. 2) »Fürsorgccrziehung" (VVoche V no. 51). 8) Ce nombre est au dessous de la réalité: on a aussi classé parmi les personnes sans métier celles dont la profession était inconnue. 4) Ces chiffres ont éte empruntés h »de Crimineele Statistiek" pour les années seignements sur la corrélation sus-dite d'après le critérium direct. II nous reste encore a démontrer cette corrélation par voie indirecte. La méthode statique (géographie du crime) dans ce cas est peu propre. D'abord, il y a les difficultés de nature technique. Les statistiques criminelles en général ne donnent pas des renseignements sur la géographie de la criminalité juvénile, dans laquelle on tient compte des chiffres de la population non-criminelle, *) excepté dans les statistiques criminelles allemande et italienne. 2) En second lieu, il est nécessaire d'avoir des chiffres exacts concernant 1'étendue locale du travail des enfants et des jeunes gens en général. Outre ces difficultés techniques 011 peut, pour la méthode statique, appliqué a la criminalité d'un seul état, faire valoir, en partie, la difficulté relevée déja plus haut (voir p. 129—13°)> °ü Je parle de la comparaison de la criminalité des différents pays. Cette difficulté consiste dans le fait que 1'activité de la police et les interprétations de la justice peuvent offrir dans les différentes provinces d'un même état, tant de diversité que la statistique donne une idéé contraire de la réalité. 3) On peut émettre le même grief, du moins partiellement contre la méthode dynamique, dans ce sens, que les interprétations judiciaires se modifient aussi. Mais puisque ces modifications, comme on le sait, ne se font pas trés vite, ce grief est de bien moindre importance que pour la méthode statique. Je suis donc d'opinion que 1'application de la méthode dynamique, la 0C1 ce sera possible, est de beaucoup préférable. Llle pourra aussi servir dans la question de 1'influence sur la criminalité du travail salarié d'enfants et de jeunes gens. Par suite de la circonstance que le nombre relatif des prolétaires 1899, 1900 et 1901, et aux «Uitkomsten der achtste tienjaarlijksche volkstelling" et aux «Uitkomsten der beroepstelling van 1899". 1) La plupart des statistiques criminelles n'auront jamais pour la sociologie criminelle une valeur aussi grande, qu'elles le pourraient, tant qu'elles ne donnent pas, partout oü la nécessité s'en fait senlir, les chiffres de la population non-criminelle avec les calculs correspondants. 11 est impossible qu'un particulier, travaillant sans auxiliaires, puisse faire ces nombreux calculs. Sous ce rapport encore la statistique allemande est de beaucoup supérieure a toutes les autres. 2) Voir «Kriminalstatistik für das Jahr 1898'', p. 1 52 sqq. et «Notizie complementari alle statistiche giudiziare penali degli anni 1890—1895 , p. XLIX—L. 8) La statistique criminelle des Pays-Bas nous en fournit un exemple intéressant. On trouve, pour 1'année 1901, un chiffre fort élevé de condamnations pour mendicité et vagabondage dans la province d'Utrecht: 29,1 sur 10.000 habitants. Les provinces de la Hollande septentrionale et méridionale et 1'état tout entier donnent 0,3, 1.—et 3,5 sur 10.000 habitants. 11 en résulterait donc que dans la province d'Utrecht il y a cent fois autant de mendiants et de vagabonds que dans la Hollande septentrionale. En réalité cette grande différence s'explique, en notable partie, par 1'esprit qui dicte aux organes judiciaires 1'application de la loi. Yoci un autre exemple, emprunté a la statistique criminelle allemande. En 1896 il y avait, sur 100 condamnations de jeunes gens de 12 a 18 ans, un nombre d'acquittements, bases sur § 56 du Code I'énal (qui prescrit que les personnes agées de 12 a 18 ans doiveilt être acquittées quand elles n'ont pas agi avec discernement) de 3,6 pour 1'Allemagne, par contre de 10,2 pour le district de Cologne, et de 0,5 pour le district d'Oldenbourg. Cette différence d'interprétation devient encore plus grande lk oit il s'agit d'enfants de 12 a 14 ans. De 1894 a 1896 il y avait, sur 100 condamnés de 12 a 14 ans, des acquittements basés sur le § cité, montant a 10,8 pour 1'empire et 57,1 pour le district de Colmar et a 0,5 pour celui de Brunswick. (»Kriminalstatistik für das Jahr 1896'', p. I 65 et 68). augmente toujours, il y a un accroissement constant du travail des jeunes gens. Nous empruntons, comme exemple, a une des meilleures statistiques des professions les chiffres suivants. Du dénombrement des professions dans 1'empire d'Allemagne en 1895, il résulte que sur 100 personnes agées de moins de 20 ans, il y avait en 1882 un nombre de 16,46 qui exercaient une profession (excepté celle de domestique) contre un nombre de 17,97 en 1895 !). Par conséquent, une augmentation de 9,1 °/0. Les chiffres absolus sont les suivants: En 1882 le nombre de personnes au-dessous de 20 ans exei^ant une profession était de 3.333.791; en 1895 il était de 4.161.600; c. a d. qu'il y avait une augmentation de 827.809. Pour 1895 le nombre des personnes agées de moins de 20 ans se répartissait comme suit sur les différents ages: au dessous de 12 ans exerqant une profession: 32.687 „ 12 a 14 » ft tt 148.766 „ 14 & 16 „ „ tt tt 1.131.723 „ 16 a 18 „ „ „ „ 1 -397• ï6 1 „ 18 a 20 „ „ „ „ 1.451.2632). (Parmi ces nombres sont compris également les patrons; leur total est cependant si peu élevé qu'il peut passer inapercju ; du reste leur nombre a diminué depuis 1882 jusqu'a 1895. L'influence délétère de la participation a la vie économique ne sera pas moindre pour eux que pour les ouvriers). Si le travail salarié des jeunes gens a donc réellement une influence sur la criminalité juvénile la statistique criminelle doit nécessairement démontrer une augmentation de cette criminalité a moins qu'il n'y ait d'autres déterminants, qui agissent dans une direction contraire et qui, selon moi, n'existent pas. Les chiffres suivants ont rapport a ce sujet. ALLEMAGNE 1882—1896. Nombre de condamnés agés de 12 a 18 ans, sur 100.000 habitants . .... . du même age, dans les années: Delits ou crimes. 3 ' 1882[ 1883 1S84 il85j 1886j 18871188S; 1889] 1890! 1891 18921189311894; 1S9511896 Crimes en général. . 568 549 578 560 565 576 563 614 665 672 729 686 716 702 702 Vol et détournement. 370 | 353 358 ! 335 : 337 \ 337 334 369 5 391 392 ; 430 1 376 | 393 380 ' 373 Coups et blessures. . 63 65 78 81 84 86 82 88 | 99 101 108 118 121 126 , 130 Dégats 31 27 31 j 33 j 30 | 34 32 34 40 j 38 j 40 j 41 45 41 46 Fraude 20 20 21 J 20 21 j 22 22 26 27 j 28 j 31 j 26 28 28 26 Injures 10 10 12 j 13 13 13 13 13 16 15 l7 !9 20 '9 '9 Viol etc 12 10 11 11 11 12 11 12 12 13 14 14 16 15 15 Violation de domicile. 7 6 9 7 918 8 8 11 ! 11 12 12 14 14 '4 Faux en écritures ..5 6 ó|6 6|6 7 7 8 I 9 10 9 9 9 10 Rébellion 4 5 5 5 4,6 4 5 5 j 5 5 " 7 7 8 Incendie 3 3 3 33 3 2 223 3 32 2 3 Crimes contre la vie . 1 1 1 1 1 1 1 1 I 1 1 1 1 1 1 1 Fausse-monnaie. . . 0,3 . 0,3 0,4 0,3! 0,3 0,3 0,4 0,21 0,3 0,5 0,4 0,2; 0,5 0,5 0,3') !) »Die berutliche und soziale Gliederung des Deutschen Volkes nach der Berufszahlung vom 14 Juni 1895" (Stat. des Deutschen Reichs. Neue Folge, Band 111). 2) o. c. p. 143 et 144. 8) p. I 22 — 23. «Kriminalstatistik für das Jahr 1896. Erlauterungen' . Dans le tableau reproduit je n'ai cité que les délits et crimes les plus importants. 30 Par conséquent, en Allemagne la criminalité juvcnile augmente fort et constamment, aussi bien pour ce qui concerne presque tous les crimes séparément que pour la criminalité en général. Le tableau suivant démontre la participation au crime des jeunes gens en comparaison des adultes. ALLEMAGNE 1882—1896. Nombre de personnes ftgées de 12 a 18 ans sur 100 condamnés pour les crimes mentionnés ci-contre dans les années: Délits ou crimes. . j j 7 , 1 , i i F 1882 1882! 1883 18841885 1886 1887 188818891890189111892! 1893 18941895 1896; k : J ! ! Incendie 24 21 22 26 26 27 29 32 30 37 31 37 29 ''28~ 35 28 Crimes contre les moeurs 23 19 22 20 I 18 21 I 21 22 23 24 25 24 24 1 22 21 21 Vol et détournement. . 17 16 17 17 18 19 19 20 22 21 21 21 21 21 21 19 Dégats 14 13 13 ; 13 12 '4 IS ! IS s 17 17 i 17 ! 16 17 j 15 10 | IS Faux en écritures. . . 8 10 10 1 10 ! 11 10 12 j 12 13 ' 14 13 13 12 11 12 j 11 Fraude 9 9 9 \ 9 \ 9 9 9 | 10 ! 10 | 10 i 10 | 8 69189 Fausse monnaie ... 6 1 6 8 8 7 j 9 12 1 6 10 : 14 10 ; 6 15 10 j 8 j 9 Crimes en général . . 9 1 9 9 8 8)9 9 [ 9 j 10 I 11 j 11 I 10 10 j 9 | 9 1 9 Coups et blessures .. 5 ; 5 6 ( 6 6 6 667 7 7 7 7 ! 7 I 7 ! 6 Crimes contre la vie. . 5 4 5 5 4)5 4 j 6 ï 616166 5 ; 5 j 6 j 5 Violation de domicile . 2 2 3 ! 2 3 1 2 3 3 3 4 , 4 i 4 4 1 4 : 4 j 3 Rébellion 1 1 1 2 1 2 1 2 2 2 2 ! 2 , 2 2 2 1,6 Injures 1 1 11 1 1 11 2 ! 2 i 2 2 2 2 2 ''41 lil! I ! 1 Si 1'on ne perd pas de vue que, d'après le recensement de 1890, les personnes de 12 a 18 ans représentent 12,75 °/0 de la population, 2) 1'étude de ce tableau met en évidence la grande participation des jeunes gens a quelques crimes et a la criminalité en général. Encore ne faut-il pas oublier (et cette observation est naturellement applicable a tous les pays 3) que la statistique criminelle ne contient qu'une partie des crimes réellement commis, et que cette défectuosité porte surtout sur les crimes commis par les jeunes gens, puisque les personnes lésées, par pitié pour 1'age, se déterminent moins vite a portér plainte contre eux que contre les adultes. •) Calculé d'après 1'oeuvre citée, p. I 18 — 21. 2) p. 5. «Statistisches Jahrbuch ftir das Deutsche Reich", 1896. 8) Dans son oeuvre »Juvenile Oftenders", W. D. Morrison, en parlant du cours de la criminalité juvénile en Angleterre, dit : >> the attitude of the public mind and the attitude of the judicial mind towards juvenile offenders has been and is still undergoing important modifications in the direction of greater leniency and indulgence. The result of this is that there is less inclination on the part of the public to prosecute than used to be the case; and when prosecutions do take place there is a distinct tendency to mitigate the seriousness of the charges preferred against the young." (p. 5). ANGLETERRE 1893—1899. Condamnés agés de moins 0 „ oio ^ I ö I „ „ I de 21 ans. 1893 1894 ; 1895 | 1896 | 1897 | 1898 | 1899 Condamnés 42.926 43.950 138.994 138.637 139.821 43.538 39.111 Envoyés aux wlndustrial schools" 3.180 | 3.703 3.311 : 4.658 4.289 4.635 ' 4.981 20 n/n de ceux qui ont été acquittés en raison de la 16e Section du S.J. A.') 4.255 | 4.543 5-125 5-955 6.640 j 7.114 7.547 Totaux 50.361 j 52.196 47.430 [49.260 50.750 j 55.287 51.639 Sur 100.000 habitants . 169.39 j 173.63 | 156.05 160.26 163.33 !'75-98 j 162.572) L accroissement de Ia criminalité juvénile est, d'après les chifïfres sus-donnés (qui, du reste, ne roulent que sur une courte période) moins grand en Angleterre qu'en Allemagne. Ici il ne faut pas pcrdre de vue: i°. les nombres élevés des acquittements (voir la première note); 2n. que la criminalité des jeunes gens n'est nulle part mieux combattue qu'en Angleterre, avec son système des „Industrial and Reformatory Schools" ; 3°. que 1'industrialisation a plutöt eu lieu en Angleterre que partout ailleurs, et que 1'accroissement de la criminalité, pendant la période désignée, n'y peut donc plus être aussi grand que dans d'autres pays moins industrialisés. Enfin encore le tableau suivant, pour faire voir quels sont surtout les crimes dont les jeunes gens se rendent coupables en Angleterre. ANGLETERRE 1893—1899. Nombre des jeunes gens de AnNÉES. moins de 21 ans sur 100 condammationspour: 1893 j 1894 1895 1896 1897 1898 1899 Vo1 simPle ,45.51 47.31 44.73 44.54 44.14 45.27 43.19 44.95 Vol par les domestiques . '41,07 43,17 40,26 43,12 42,60 42,71 40,70 41,80 Effraction 41.27 40,65 36,83 36,67 38,83 38,30 39,86 38,91 Vol sur la personne . . . 32,93 29,73 ! 27,53 ! 28,77 28,95 26,85 27,68 28,93 Dég;\ts 21,51 25,95 22,89 19.98 27,22 29,29 26,82 24,80 Rapine 26,61 28,99 25,35 27,22 16,42 23,26 21,60 23,92 Crimes contre les moeurs . 25,44 23,73 23,57 j 23,07 23,22 22,23 21,96 23,32 Crimes commis avec violence 20,48 22,33 22,76 25,82 24,69 23,82 22,77 23,23 Faux H.OI 15,56 ! 18,62 14,34 10,63 16,74 14,64 14,93 Escroquerie 14,12 13,98 14,75 13.&0 14,08 11,56(12,02 13,46 Fausse monnaie 24,39 IO.IO' 11,53 H.7Ö 9,19 20,17 7,61 13,53 Coups et blessures. . . . 14,74 14,20 | 13,22 12,93 12,39 13.44 ".57 I3,2I3) 1 !) La loi anglaise (Summary Jurisdiction Act) donne le droit au juge de ne pas condamner. même si la preuve est fournie, au cas oü il estime que le crime n'est pas assez grave. Pour rendre tout de même une image assez exacte de la criminalité des jeunes gens, la statistique anglaise additionne une partie (20 "/„) des acquittés aux totaux. A mon avis le Dr. H. Hoegel a raison quand il dit, dans son » Die Strafifalligkeit der Jugendlichen" (Archiv für Kriminal-Anthropologie und Kriminalistik X) que trés probablement une plus grande partie que 2o°/0 du nombre toujours accroissant des acquittés, sont des jeunes gens et que le total des jeunes criminels augmente donc en une plus grande mesure que les chiffres sus-reproduits ne le font supposer. 2) p. 64. «Judicial Statistics, England and Wales. Part. I Criminal Statistics 1899''. 3) o. c. p. 65 Si 1'on prend en considération que généralement env. 23 °/0 de la population se composent de jeunes gens de 10 a 21 ans, ce tableau démontre leur grande participation a quelques-uns des crimes. AUTRICHE 1881 — 1899. (Crimes.) Nombre de jeunes condamnés AnNÉES. 7 Sur 100 de II a 14ans. de 14 a 20ans. lotaux. condamnés. 1881 460 5405 5865 17.5 1882 525 5258 5783 l8-~ 1883 525 5256 1 57^1 I9- 1884 579 5538 6117 19,9 1885 S66 5249 I 5815 l8,8 1886 546 5287 5833 19.6 1887 625 5358 5983 20,8 1888 593 5241 5834 20,8 1889 614 5617 623i 2i,8 1890 578 6001 6579 22,6 1891 650 5779 6429 22.2 I8g2 803 6238 7041 22,8 1893 842 5959 6801 23>2 US94 826 6378 7204 23,9 1895 , 766 597Ö ; 6742 . 23,5 1896 818 5945 6763 23,4 1897 812 6473 7285 24,5 1898 1026 7569 8595 24,9 ,899 1015 6665 7680 ; 22,81) l'ar conséquent, ici encore il y a, aussi bien dans les nombres absolus, que dans la proportion a 1'égard de la criminalité des adultes, une augmentation de la criminalité juvénile (en 18 années environ de 23 /„). Les calculs sur la population mineure non-criminelle faisant défaut, l'image rendue n'est pas exacte. II ne faut pas oublier que la loi autrichienne range e. a. vol simple, fraude, coups et blessures légers parmi les contraventions, et que celles-ci ne figurent pas dans cette statistique. Les chiffres des totaux des jeunes criminels sont donc beaucoup plus eleves. Le tableau suivant indique de quels crimes les jeunes gens se rendcnt surtout coupables. 1) p. L. »I)ic Ergcbnisse der Strafrcchtspflege in den im Reichsrathe vertretcncn Königrcichcn und Lilndcrn im Jahre 1099 . AUTRICHE 1882—1899. Ont été condamnés de 1882—1899 pour les crimes nommés ci-contre. Des personnes de CRIMES. 1 14 a 20 ans. En total. I o Chiffres Sur 100 absolus. j condamnés. Viol et autres graves crimes contre les 17. iS7 54-543 32>2 moeurs Vol qualifié 268.686 67.106 j 25.- Rapine 2.257 547 ; 24,2 Fausse monnaie 642 113 17.6 Infanticide 1 -7 34 3°2 I7>4 Meurtre 4-209 611 14,5 Coups et blessures graves .... 85.055 12.202 14,3 Diffamation 3 -139 410 I3-- Assassinat 2.478 1 312 | 12,6 Fraude 51 -4^7 5-651 ; IO>9 Lèse-majesté 5-3Ö9 3^o 7-_') BELGIQUE 1861 — 1885. . , Sur 100 prévenus il y a Total des Moins de 16 & 21 , Moins de , Années des prevenus au-dessous prévenus. 16 ans. ans. 21 ans. dg ^ ans 1861 24.673 1.043 I 2-429 3-472 '4.1 1862 25.357 1.224 2.355 3.579 14,1 1863 24.133 1.206 2.456 3.662 15,1 1864 24.185 1.245 2-307 3-552 !4-6 1865 24.236 1.115 | 2,483 3.598 14,8 1866 24.608 1.141 2.396 3.537 '4,3 1867 25.041 1.220 2.750 3-970 15-8 1868 27.469 1.500 3.064 4*564 l6,6 1869 26.883 1.107 2.923 4-030 14.9 1870 26.507 1.298 3.075 4-373 i6,4 1871 28.819 !-550 3-344 4-894 i6,9 1872 28.047 '-336 j 3-255 4-59' ! I£-3 ') o. c. p. L—LI. Dans toutes les statistiques, citées par rapport de cette matière, je ne nonime que les crimes qui, par leur nature ou par leur fréquence, ont une importance spéciale pour la sociologie criminelle. ^ . I „ . , Sur 100 prevenus ïl y a Total des Moins de 16 a. 21 Moins de , , Annees.; , , des prevenus au-dessous prevenus. 10 ans. ans. 21 ans. . r de 21 ans. 1873 29.569 1.448 3.451 4.899 16,5 1874 31-653 1-261 3.408 4.669 14,7 1875 30.867 1.371 3.767 5.138 16,6 1876 33-366 1-445 4-363 5-So8 17,4 1877 37-964 2.183 5-096 7-279 19.1 i«78 : 37-34-8 1.994 5.245 7.239 19,3 1879 : 36.614 1.873 5.074 6.947 18,9 1880 I 41.653 2.546 5.680 8.226 19,7 1881 44361 2.634 6.271 8.905 20,0 1882 45.895 2.695 ! 6.487 9.182 20,0 1883 | 45.325 2.681 j 6.942 9.623 i 21,2 1884 45.665 3.325 ! 7.063 9.388 : 20,5 1885 : 46.479 2.398 ! 7.279 9.677 20,8!) En Belgique aussi un trés fort accroissement de la criminalité des jeunes gens a eu lieu. Pour ce qui concerne la France, nous empruntons les chiffres suivants a 1'exposé du cours de la criminalité de 1881 —1900. FRANCE 1881—1900. Cours d'assises. Accusés. I 1881—1885 J 1886—1890 [ 1891—1895 I 1896—1900 Age. Nombres absolus. , Sur 100 accusés. Nombres absolus. Sur 100 accusés. j Nombres absolus. j Sur 100 accusés. Nombres absolus. Sur 100 accusés. Moins de 16 ans. 32 0,7 31 0,7 31 0,7 26 ' O,7 De 16 a 21 ans. 750 ! 17,1 618 j 14,5 631 15,6 574 | 16,8 Moins de 21 ans. 782 j 17,8 649 I 15,2 662 16,3 ÓOO | I7,52) En prenant en considération que la population de la France s'est 1111 peu accrue dans la période nommée, ce tableau démontre (quand on excepte la période 1891 —1895) une diminution tant soit peu importante de la criminalité juvénile. Néannioins, cette diminution est moins grande que celle de la criminalité en général. ') Calculés d'après p. 81 »Administration de la Justice criminelle et civile de la Belgique, période de 1881 —1885. Résumé statistique". 2) Calculés d'après p. CIX, tableau no. 3 du «Rapport sur 1'administration de la justice criminelle de 1881 a 1900". (Compte général de 1'administration de la justice criminelle pendant 1'année 1900). FRANCE 1881—1900. Tribunaux conrectionnels. Prévenus de délits communs. I 1881—1885 I 1886—1890 I 1891—1895 I 1896—1900 Age. Nombres absolus. Sur 100 prévenus. Nombres absolus. Sur 100 prévenus. Nombres absolus. Sur 100 prévenus. Nombres absolus. Sur 100 prévenus. Moins de 16ans. 5'^4^ 3-— 6.980 3)4 6.903 3>2 5-776 2i9 De 16 k 21 ans. 28.688! 15,1 27.309 i 13,6 31.119 14,8 30.485 , 15,7 Moins de 21 ans. 34-534 18,1 34*289 ^7-— 3^-022 18.— 36.261 l8,6') Donc, ici encore une petite diminution (sauf, pour Ia période de 1891 a 1895) de la criminalité juvénile mais une diminution proportionnellement moins grande que celle de la criminalité en général. On se tromperait en concluant de ces chiffres a la preuve positive de la diminution effective de la criminalité des jeunes gens. II ne faut pas négliger que ces chiffres ne comprennent pas les délinquantsdont la poursuite fut abandonnée, soit puisqu'ils étaient censés avoir agi sans discernement, soit puisque leur méfait était considéré comme trop léger. On sait que les juges (non seulement en France, mais dans la plupart des pays) inclinent de plus en plus a 1'opinion de ne pas condamner les jeunes délinquants, mais de les envoyer dans une maison de correction ou de les placer sous la garde d'un patron. 2) Ce que les chiffres susproduits démontrent bien,' c'est que 1'accroissement de la criminalité juvénile en France n'a pas été aussi fort qu'en Allemagne. (Je ne dispose pas de chiffres quant au travail salarié des jeunes gens en trance, probablement son augmentation sera moindre que dans 1'Allemagne plus industrielle. La différence, observée dans le cours de la criminalité juvénile en France et en Allemagne, s'y trouverait alors expliquée, du moins en partie.) Enfin les chiffres suivants pour faire voir quels sont les crimes et délits dont les jeunes délinquants se rendent le plus souvent coupables. ') Calculés d'après p. CXVI, tableau no. 8 o. c. 2) L'auteur du rapport sur le cours de la criminalité en France pendant la période de 1888—1900, attribue aussi la diminution, indiquée par les chiffres, pour une grande partie aux causes sus-dites, et qui justitïent donc le doute k la diminution réclle. (p. Lil o. c.). Dans son étude «Criminalité juvénile" (Archives d'anthropologie criminelle XVIII) M. Grosmolard tire la conclusion que la diminution réelle n'existe pas. Le Dr. L. Albanel dans »Le crime dans la familie" p. 194, fait ressortir le grand nombre d'enfants criminels qui ne comparaissent pas même devant le juge. FRANCE 1900. j Cours d'assises. Accusés. J Crimes. Accusés. Au-desssous de 21 ans. Sur 100 accusési y en a au-dessous de 21 ans. Vols qualifiés (de toute nature) .... 1300 367 28,2 Viol et attentat a la pudeur sur les adultes 65 18 27,6 Fausse monnaie 120 27 22,5 Infanticide i 95 21 22,1 Coups et blessures graves ! 203 33 16,2 Homicide (de toute nature) 620 100 16,1 Incendie 15 7 '9 l2>1 Viol et attentat a la pudeur sur les enfants. 383 42 10,9') FRANCE 1900. Tribunaux correctionnels. Prévenus. . , , Surioopré- Ages de ., _ - t, , ö • . venus u y en delits. Prevenus. moins de aau.deJous 21 ans" de 21 ans. Vols 42.127 12.483 | 29,6 Délits contre les moeurs. . . . I 2.939 643 21,8 Rébellion 3-315 676 20,3 Coups et blessures volontaires. . I 36.592 6.600 18.- Vagabondage 11.804 i-9'4 Escroquerie 3-179 37® Mendicité 9-°57 77$ ^,52) Comme dans la plupart des pays, ce sont les vols, les délits contre les moeurs et les violences dont les jeunes délinquants se rendent le plus souvent coupables en France. ]) Calculés d'après le »Compte Général de 1'administration de la justice criininelle pendant 1'année 1900" p. 32 tableau XVI. *) Calculés d'après p. 54 du tableau XXIX. ITALIË 1887— 1S89. CöNDAMNÉS AU-DESSOUS DE 21 ANS. I jusqu'ü 1'age de J dc ^ lg ans I de 18 & 21 ans. I ensemble. 14 ans. | | I _ Années. Chiffres absolus. Sur 100 condamnés. Sur 1.000 habit. de 9 a 14 ans. Chiffres absolus. Sur 100 condamnés. Sur 1.000 habit. de 14 & 18 ans. Chiffres absolus Sur 100 condamnés. Sur 1.000 habit. de 18 ü 21 ans. Chiffres absolus Sur 100 concondamnés. Sur 1.000 habit. de moins de 21 ans. 1SS7 4.566 1,48 1,60 22.361 7,24 10,55 36.871 11,93 24,52 63.798 20,65 ; 9,85 1888 5.743 1,72 2,01 22.991 6,90 10,84 42.436 12,73 28,23 71.171 21,35 IO>99 1889 6.426 1,88 2,25 24.229 7,08 11,43 38.697 11,30 25,24 69.352 20,26 10,71' 1 _____ — Cette statistique démontre que l'augmentation des délinquants de moins de 18 ans est assez grande, et qu'il y a une augmentation et une diminution pour ce qui concerne ceux de 18 a 21 ans. Cependant, la période est trop courte pour pouvoir en tirer des conclusions d importance. ITALIË 1890—1895. CÖNDAMNÉS AGÉS de 9 k 14 ans. j de 14 & 18 ans. | de 18 k 21 ans. | de 9 k 21 ans. Années. Chiffres absolus. Sur 100 condamnés. Chiffres absolus. Sur 100 condamnés. Chiffres absolus. Sur 100 condamnés. Chiffres absolus. Sur 100 condamnés. 1890 2.92O 2,23 12.208 ' 9,31 14.980 11,42 30.108 22,96 1891 3.605 2,50 14-287 9,95 16.166 11,25 34-058 23,70 1892 3.354 | 2,25 I3-952 ! 9»36 16.896 ii,34 34-202 | 22,95 1893 3.008 2,12 12.998 9,18 15.800 11,16 31.806 22,46 1894 3.838 2,54 13.948 9.21 17-826 11,77 35.612 23,52 1895 4.026 2,40 15.468 9,21 19.615 11,67 39.109 ! 23,282) Ce tableau démontre (excepté pour 1893) un accroissement du nombre des jeunes délinquants (d'environ 30 °/0 en 6 années), qui reste important même si 1'on tient compte de l'augmentation de la population. Les chiffres suivants renseignent sur la nature des crimes dont les jeunes délinquants se rendent surtout coupables. •) «Statistica giudiziaria penale per 1'anno 1889". p. CXV1I. En 1890 une nouvelle loi pénale ayant été mise en vigueur le deuxième tableau ne put être joint & celui-ci. „ 2) uNotizie complementari alle statistiche giudiziarie penali degli anni 1890—1695. p. XLI. ITALIË 1891—1895. Sur 100.000 pers. de chaque groupe d'age: Crimes. deg a I4ans. de 14a i8ans.|de iSa2ians. Vol simple 59,50 j 278,89 ! 302,86 Coups et blessures légers . 14,64 J 83,40 j 215,04 Vol qualifié 30,95 | 128,96 I 157,28 Rébellion 1,25 | 24,94 i 83,58 Coups et blessures graves. 5,22 28,56 82,07 Menaces 1,11 j 15,10 j 47,71 Escroquerie etc 1,54 13,96 30,00 Homicide (simple et involon- taire) 0,49 3,97 15,78 Viol 1,02 6,36 9,62 Rapine, chantage .... 0,41 3,55 9,07 Attentat a la pudeur des mineurs et outragea la pudeur. 0,38 2,93 5,70 Délits contre 1'ordre public. 1,01 j 2,14 j 4,95 Assassinat 0,07 0,75 3,55 Infanticide 0,01 | 0,02 | 0,36') Nous terminerons la série des chifïfres concernant le cours de la criminalité juvénile par quelques renseignements sur les Pays-Pas. 2) PAYS-BAS 1896—1901. CONDAMNÉS. Années. j j AgÉS de 1 g c «-o ^ Entotalité. nioins de 16 16 a 21 de moins de s ans. j ans. | 21 ans. ! m m I o rr T5 1896 15-567 683 2.941 3.624 23,2 1897 16.086 666 3.024 3.690 22,9 1898 15.662 ! 712 2.967 3.679 23,4 1899 I5-390 ; 619 2.895 3.514 22,8 1900 1 14.488 J 537 j 2.670 3.207 22,8 1901 14.730 504 2.616 3.120 22,i3) !) «Notizie complementari alle statistique giudiziarie pcnali degli anni 1890—95'', p. XLV'il. 2) Je n'ai pu obtenir de données pour les Etats-Unis. Le criminaliste américain A. Drahms dit dans son oeuvre »The Criminal" que la criminalité des jeunes gens va en augmentant dans les Etats-Unis (p. 279) W. D. Morrison en fait également mention dans son travail »Juvenile Offenders" (p. 17). Cet auteur relève aussi, mais sans citer de chiffres, qu'une telle augmentation se voit ausji en Russie et en Hongrie. En parlant des Pays-Bas, Morrison dit que dans ce pays la criminalité des enfants de moins de 16 ans a doublé durant les dernières 20 années. II serait intéressant d'apprendre sur quoi cette opinion de 1'auteur se base, car la statistique criminelle pour cette période n'indique point du tout un tel accroissement. 3) Chiffres empruntés k »De Gerechtelijke Statistiek van het Koninkrijk der Cette statistique comprend un nombre trop petit d'années pour pouvoir en tirer des conclusions importantes. *) Tandis quc la criminalité en général baissait (sauf en 1897), celle des jeunes criminels diminuait aussi un peu, et la proportion des jeunes criminels a la totalité générale restait constante. Comme je 1'ai déja observé plus haut, il y a de quoi supposer que la réalité est tout autre. La statistique citée ne contient que les chiffres des irrévocablement condamnés, et les juges adhèrent de plus en plus a 1'opinion que la criminalité juvénile est mal combattue par des condamnations. De la que le nombre de ceux auxquels on donne un patron ou qu'on envoie a une institution augmente sans cesse. Les chiffres suivants démontrent quels sont les crimes le plus souvent commis par les jeunes délinquants. PAYS-BAS 1896—1901. Chiffres moyens pour la période de 1896-1901. r Nombre des condamnés i ^ur ,IC!° con" L.RIME». I damnes il y en a de moins de moins de en total. 2I ans | 2J ans Vol qualifié 894 1 416 46,4 Délits contre les moeurs 202 j 63 31,1 Vol 1.713 526 3°>7 Dégats 756 S 226 29>9 Coups et blessures . . 3-927 1.030 26,2 Violation de domicile. . 3^ 72 22,6 Rébellion 1.056 216 20,4 2) Tout en ne perdant pas de vue, que de nos jours les jeunes criminels sont généralement moins souvent condamnés qu'autrefois, un examen des différentes statistiques sus-citées démontre: i°. que la criminalité des jeunes gens augmente; 2°. que eet accroissement est important dans les pays oü 1'industrie se développe sans cesse comme l'Allemagne, 1'Autriche et la Belgique, tandis que dans les pays industriellement moins développés, comme la France et la Hollande, il est moindre; 3°. que 1'Angleterre, oü le capitalisme est trés intense, présente Nederlanden" pour les années 1896 a 1899 et aux «Bijdragen tot de Statistiek van Nederland/' Nieuwe volgreeks XVII, XXVII. Crimineele statistiek over de jaren 1900 en 1901". . . , 1) La statistique criminelle d'avant 1896 ne divise les condamnés qu'en deux groupes, en-dessous et au-dessus de seize ans; on ne peut donc pas indiquer de données pour 1'age si important de seize k vingt et un an; cette statistique si peu compléte n'a donc pas besoin d'être citée. 2) Calculés d'après les statistiques citées. aussi une tres importante criminalité juvénile. (Ou'on fasse p. e. attention au nombre tres élevé des jeunes gens qui s'y rendent coupables de vol. Voir le tableau p. 468). En vertu des données directes ainsi que des données indirectes concernant 1'influence du travail salarié sur la criminalité juvénile 011 a selon moi, raison de conclure a ce que ces chiffres prouvent 1 existence réelle de cette influence. Ouoique de moindre importance que le manque de soins des enfants prolétaires, elle est tout de même un des facteurs dans 1'étiologie.l) -ui Si nous suivons 1'exposé que nous avons donnc dans le chapitre I de la seconde partie (voir p. 332) rious arrivons a 1 influence de la longue durée du travail. On a dit avec raison du travail qu il est un vigoureux facteur moralisateur. Mais il est vrai aussi que le travail démesuré a une influence contraire. II abrutit 1'homme, le rend incapable de sentiments élevés, tue, comme dit E. Key dans son oeuvre „das Jahrhundert des Kindes", 1'homme dans la béte, tandis que le travail mesuré ennoblit la béte dans 1'homme.2) _ . . , Les conditions d'habitation du prolétariat ont aussi pour la criminalité une importance assez significative, et pour le groupe spécial des délits sexuels leur importance est même grande. Nous réservant d en parler plus amplement quand nous traiterons spécialement de ces délits, nous ne fixons pour le moment 1'attention que sur leurs conséquences générales. La malpropreté et le désordre de la maison se communiquent a ses habitants; 1'étroitesse de 1'espace oblige les enfants a vivre durant une grande partie de la journée dans la rue, ce qui en fait des gamins, et les met en contact avec les co-locotaires souvent démoralisés. Ensuite la cohabitation de beaucoup de personnes dans un logis étroit est, par le manque d'éducation une cause permanente de querelles et de rixes. Les conditions d'habitation pour les commensaux (Schlafleute) sont spécialement défavorables, comme nous 1'avons déja indiqué antérieurement. Dans la première partie nous avons cité quelques auteurs qui ont fixé 1'attention sur 1'importance de la question d'habitation pour la criminalité 3), et en traitant des causes de la prostitution et de 1 alcoolisme (voir p. 391—393 resp. p. 419) nous indiquions encore la gravité de cette question. On pourrait encore citer plusieurs auteurs qui se sont occupés de 1) Voir a ce sujet encore: Ed. Ducpétiaux »De la condition physique et morale des jeunes ouvriers" livre I ch. 2; Starke «Verbrecher und Verbrechen in Preuszen p. 210-211; L. Ferriani »Minderjahrige Verbrecher" p. 144 sqq., 177—185; «Entartete Mütter" et «Schlaue und glückliche Verbrecher' p. 443—444, 458—475! K. Agahd »Die Erwerbsthatigkeit schulpflichtiger Kinder im Deutschen Reiche" (Archiv ftir soziale Gesetzgebung und Statistik XII) et K. Strunz »Die erwerbmassige Kinderarbeit und die Schule" (Neue Zeit 1898—1899 I); A. Dix »Die Jugendhchen in der Sozial- und Kriminalpolitik"; Dr. L. Albanel «Le crime dans la familie" p. 41-43; prof. G. Aschaffenburg »l)as Verbrechen und seine Bekampfung" p. 119—123; H. Joly »L'enfance coupable" p. 24—25, 126. 2) Voir aussi F. Engels »Die Lage der arbeitenden Klasse in England , p. 121 —122. 3) E. a. Hirsch p. 301—302. 1'influence des conditions d'habitation sur la moralité. ') Pourtant, ïl est naturellement tres difficile d'exprimer cette influence par des chiffres. 1 our autant que ie sais, c'est le Dr. E. Laspeyres qui, dans son oeuvre „Der Einflusz der Wohnung auf die Sittlichkeit," produit les donnees les plus importantes a ce sujet. J'emprunte a cette étude statistique, dans laquelle on trouve les résultats d'une enquête sur les „Chambres Garnies (sur 2.360 habitations), les chiffres suivants: PARIS 1849. Tableau I. Arrondissements. Bonnes habitations. °/o Conduite des habitants. Hommes. Femmes. Trés t> Trés B°™e- mauv. B(Te- mauv. lo °/n /o °/o Les 6 arrondissements avec J j le plus petit nombre de 1 35 4^ 10 20,4 19 bonnes habitations. Les 6 arrondissements avec I le plus grand nombre de ,44.5 5° 2>5 21 >7 !4 bonnes habitations. J 1 Les 12 arrond. ensemble. 39 4& 1 6,4 2j,0 1 16,6 Les chiffres sus-cités en 89 96 j 156 97 M4 proportion a tout ! Paris = 100. 114 104 39 ^3 1 §6 100 100 J 100 100 | 1002) 11 Voir e. a. les auteurs suivants: Ch. L. Brace »The dangerous Classes of Ne\\York" r> ci saq • O. S. »Die Verbrecherwelt von Berlin" p. 120 sqq. (Zeitschr. f.d. gesammte Strafrechtswissenschaft V); prof. Dr. B. Földes Einige Ergebmsse der neueren Kriminalstatistik" p. 54» (Zeitschr. f. d. gesammte Strafrechtsw. XI); le Dr. H. Lux «Sozialpolitisches Handbuch" p. 58 sqq.; prof. Dr. K. y°n hilippuvici «Wiener Wohnungsverhaltnisse", p. 264 (Archiv für soziale Gesetzgebung und Statistik VI)- 4. Dix ))Sozial-Moral", p. 15-18; L. Ferriani «Schlaue und gluckhche Verhrprbér" n' tAX sqq.; prof. F. v. Liszt «Das Verbrechen als sozial-pathologische Frscheinung" p 22; Th. Holmes oPictures and problems from London Police Courts n 70 Lr," Albanel o. c. p. n sqq.; Aschaffenburg o. c. p. 108. L'oeuvre de C. Wagner »üie Sittlichkeit auf dem Lande'' et celle de 1L Wittenberg et C. W agner „Die o-eschlechtlich sittlichen VerhaltnissederevangelischenLandbewohner ïm Deutschen Reiche" quoique traitant surtout de la moralité sexuelle, contiennent aussi plusieurs faits intéressants quant i 1'influence des habitations sur la moralité en general. 2) p. 10. Tableau II. Arrondissements. Trés mauv. habitations. °/o Conduite des habitants. Hommes. Femmes. I Bonne. Trés ■. j;onne mauv. 0; mauv. | 0/ 0/ ' /o 01 Io Les 6 arrondissements avec j le plus grand nombre de 13,6 9 45 20,2 21,3 trés mauvaises habitat. I Les 6 arrondissements avec j le plus petit nombre de 6,0 2,2 52 11,7 21,0 trés mauvaises habitations. ' Les 12 arrond. ensemble. 11 6,4 48 16,6 ' 21,0 Les chiffres sus-cités en i 124 141 j 94 122 101 proportion a tout Paris = 100. '55 34 108 70 100 100 100 100 100 I 1001) Tableau iii. Arrondissements. Bonnes et assez bonnes habitations. Conduite des habitants. Hommes J~~ Femmes bonne et assez bonne. (°/«) mauvaise et trés mauvaise (0/o) bonne et assez bonne. CYo) mauvaise et trés mauvaise (°/o) Les 6 arrondissements avec le I plus petit nombre de bonnes et 75 70 30 50 50 assez bonnes habitations. J Les 6 arrondissements avec le plus J grand nombre de bonnes et assez 86 81 j 19 58 42 bonnes habitations. I Les 12 arrondissements ensemble. 80 74,5 ] 25,5 53 j 47 Les chiffres sus-cités en proportion / 94 94 ' 118 96 | 106 a tout Paris = 100.. * 107 109 71 109 91 100 100 100 100 ioo2) 1) p. 12. 2) p. 12. Sur la spécification de ces chiffres voir les taoleaux détaillés la fin de loeuvre citée. Ouoique la division des habitants d'après une bonne et une mauvaise conduite ne soit pas tout a fait exempte d'arbitraire, ces chiffres parient assez net a tous ceux qui savent les lire: les mauvaises habitations exercent une mauvaise influence sur la conduite de leurs habitants, les bonnes par contre ont une influence bienfaisante. II est évident qu'il y a un efifet réciproque entre la condition d'habitation et la conduite des habitants, mais cette circonstance ne diminue en rien 1'influence de 1'habitation. *) Enfin encore quelques chiffres sur la 1'influence des chambres garnies comme demeure, empruntés a 1'oeuvre citée du Dr. Laspeyres, et que eet auteur a calculés d'après les résultats d'une enquête sur 1'industrie a Paris, faite en 1860 et comprenant 400.000 personnes: PARIS 1860. I. Hommes. en chambres Conduite douProfessions. garnies. teuse et mauv. (°/o) (°/o) 90 professions 5 3 90 „ J4 9 90 28 12 270 professions 20 9 Proportion a toutes les professions = 100. 90 professions 25 13 90 „ 70 100 90 „ 140 133 270 professions 100 1002) i) Sur eet effet réciproque voir 1'oeuvre citée de Laspeyres p. 86—91, oü 1'auteur démontre que 1'influcnce de 1'habitation sur la conduite est plus grande que cello de la conduite sur le choix de 1'habitation. s) P- 19- II. Femmes. I en chambres j Conduite douProfessions. garnies. teuse et mauv. . (°/o) (°/o) 110 professions — 3 60 4 6 60 „ 14 r5 230 professions 7 9 Proportion a la moyenne des 230 professions = 100. 110 professions 0 33 60 „ 59 68 60 „ 206 169 230 professions 100 j 100 *) La mauvaise influence de demeurer en chambres garnies ressort évidemment par ces chiffres. Comme il a été déja dit au commencement des observations quant a 1'influence de la vie économique sur le développement des sentiments sociaux du prolétariat, le cóté égoïste du caractère humain se développe par le fait que 1'individu est dépendant, qu'il vit dans une position subordonnée, qu'il se sent pauvre et privé de tout. Cependant, tant que le prolétaire vend sa force de travail, il est garanti de la famine, quelque misérable que soit sa condition, et, conscient de 1'utilité de son röle dans la société, il se sent, malgré sa misère, un homme qui, est indépendant, sauf vis a vis de son patron. Mais, soit par défaut de travail, soit puisque le prolétaire, malade ou infirme, n'est pas capable de travailler, il y a parfois du chómage, et il va sans dire que ces temps sont fort démoralisateurs. Le manque de travail assidu, 1'horrible misère dont lui et les siens sont frappés, et la longue suite de malheureuses conséquences que 1'un et 1'autre entrainent après eux, tuent les sentiments sociaux dans 1'homme, car comme nous 1'avons vu plus haut, ces sentiments ne se développent que quand ils sont réciproques. Qu'on se familiarise avec la pensée de la condition de celui qui vit dans la plus grande misère, c. a d. de celui qui est abandonné de tous, 1'on comprendra quels sentiments égoïstes doivent se développer chez ces personnes. De la position dans laquelle se trouvent les prolétaires il résulte que, a 1'égard les uns des autres, ce sont plutot des sentiments altruistes que des sentiments égoïstes qui se développeront chez eux: vivant moins isolés que les bourgeois, ils voient le malheur qui atteint ') p. 21. Pour les détails de ces chiffres voir les tableaux circonstanciés a. la fin de 1'oeuvre citée. leur prochain et qui les a également frappés, et surtout leurs intéréts économiques ne sont pas contraires. Le chómage forcé — a présent chronique, et, dans les temps de crise, acute — modifie parfois cette condition: elle fait des concurrents des ouvriers, qui s'arrachent le pain les uns aux autres. !) Le prolétaire n'est jamais sür de son existence: comme une véritable épée de Damoclès, la désoccupation le menace a chaque moment. A ce sujet F. Engels dit: „Aber noch viel demoralisirender als die Armuth wirkt auf die englischen 2) Arbeiter die Unsicherheit der Lebensstellung, die Nothwendigkeit, vom Lohn aus der Hand in den Mund zu leben, kurz das, was sie zu Proletariern macht. Unsre kleinen Bauern in Deutschland sind groszentheils auch arm, und leiden oft Mangel, aber sie sind weniger abhangig vom Zufall, sie haben wenigstens etwas Festes. Aber der Proletarier, der gar nichts hat, als seine beiden Hande, der heute verzehrt, was er gestern verdiente, der von allen möglichen Zufallen abhangt, der nicht die geringste Garantie fiir seine Fahigkeit besitzt, sich die nöthigsten Lebensbedürfnisse zu erwerben, — jede Krisis, jede Laune seines Meisters kann ihn brotlos machen — der Proletarier ist in die empörendste, unmenschlichste Lage versetzt, die ein Mensch sich denken kann." 8) Cette incertitude d'existence est une des raisons qui expliquent pourquoi, en des temps relativement prospères, l'ouvrier dépense souvent son salaire aussitót qu'il 1'a touché, car il sait que ses écononiies sont tellement minimes, qu'il ne pourra jamais être préservé de la misère en cas de chómage. Enfin, il faudra encore parler de 1'ignorance, du manque de culture du prolétariat, comme facteur de la criminalité. Comme on le sait, cette question d'instruction est une de celles qui sont le plus discutées dans la sociologie criminelle. Certains auteurs ont prédi que chaque nouvelle école rendrait une prison superflue, d'un autre cóté on a prétendu que 1'ignorance et le manque de civilisation n'ont rien a voir a 1'étiologie du crime, qu'au contraire le savoir et la civilisation sont même des facteurs du crime. Ouoiqu'on n'émette presque plus ces opinions extrêmes, les idéés sur ce point en litige différent cependant encore beaucoup. 4) Selon moi, on n'a jamais apporté d'arguments bien décisifs pour 1'opinion que la condition intellectuelle des hommes n'exerce aucune influence sur la criminalité. En général on raisonne comme suit: 1'ignorance diminue; par contre, le crime augmente plutót qu'il ne diminue; donc 1'ignorance ne peut pas en être un facteur. Un raisonnement pareil est trés superficiel, car 1'ignorance n'est pas a coup sür la seule cause du crime. Son influence peut donc être neutralisée par d'autres facteurs. Et puis, 1) Voir F. Engels »Lage der arbeitenden Klasse in England" p. 78 sqq. 2) Ce qui s'applique naturellement aussi aux ouvriers d'autres pays. s) p. 119. Qu'on lise tout ce chapitre de 1'oeuvre de Engels: il y a de main de maïtre décrit la condition morale du prolétariat. (Je Pai déja cité pour une partie P 3<) Pour les différentes opinions voir le Dr. I,. Del Haerc »De invloed van opvoeding en onderwijs op de criminaliteit", p. 23 sqq., et prof. Dr. 15. Eöldes, tEinige Ergebnisse der neueren Kriminalstatistik", p. 552~559 (^eitschr. f. d. ges. Strw. XI) 31 k un point de vue statistique il n'est pas permis d'appliquer la méthode indirecte quand la directe est praticable. Dans la plupart des statistiques criminelles ou des prisons, on trouve le pourcentage des analphabètes parmi les criminels, et on n'a qu £1 mettre a cöté de ces chiffres ceux des analphabètes parmi la population non-criminelle pour se convaincre de 1'existence ou de 1'absence du rapport nommé. Nous commencerons donc par donner les chiffres qu; nous sont connus. ANGLETERRE 1894—1900. Sur ioopersonnes DÉTENUS RECONNUS COUPABI.ES déclarant vouloir se marier, il y en ~~ 7 ^ r » I • ï avait qui ne Ne sachant ni Sachant lire ou insuffi- Sachant bien Ayant une instruc- savajent pas signet w lire ni écrire samment lire et écrire lire et écrire tion superieure jeur nom_ >« i i i Ï5 I * Hommes Femmes Hommes 1 Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes „ < I I I ! — s ë 8 3 I 8 S I 83! i 8 3 8 3 | 1 8 3 83 I 8 3 5 § £ = °/„ !S1 °/« SS °/o Si °/o fel °/o °/o || °/«,|| % * * Ö-S 5-S I 5-S 15-g 5* 1 15-g 5* - IS-g 1 ! ,803 — — — - — - — - - — — — - I — ! — 5-0 5,7 189420.76018,411.45727,486.63976,629.62070,75.5544,9 797 1,9 102 °>' 3 0,0 0,0 °>° 1895 18.840!I8,2 11.143 27,8 80.409177,9128.511 71,2 3.879 3,8i386 j 1.0 89 0,1 2 0,0 0,0 | 0,0 189619.37718,1 111.844128,5 85.199 79,2 29.261 70,6 2.806 ! 2,6 ! 307 o,7 52 |0,i 2 0,0 0,0 ; o, 189718.588 17,4 11.783 27,8 84.777 79,7 30-290 7',4 2.980 2,8 344 0,8 68 0,1 4 0,0 0,0 , 189818.59116,612.092:26,886.67577,3132.35071,66.680,6.0:726 1,6 158 0,1 7 0,0 0,0 ( , 189917.703 16,3 11.483 25,3 84.854 78,4 35.114 73-" 5-658 5,2 74o 1,6 84 0,1 6 0,0 0,0 , 190016.583 16,6 11.519 25,6 77-967 77,8 33.169 73,5 5.460 5,5 420 9 81 °-' 5 °,° ->9 3,4) i I ; : l 1 I 1 i >) Empruntés aux «Judicial Statistics of England and Wales". Part I^Criminal Statistics 1894 1900. Les deux dernières colonnes sont empruntées an «The Statesman's Year-Book 1902", p. 39. ETATS-UNIS DE L'AMKRIQUE DU NORD 1890. Sur 82.329 détenus IL Y AVAIT Sur IOO ha- bitants de | Chiffres absolus | °/0 plusdeioans Analphabètes i 19.631 | 23,83 13,3 ') AUTRICHE 1881—1899. Sur 100 personnes condamnées pour crimes /\ nnt 'pq ne savaient ni lire J savaient j avaient une instruc- ni écrire. i lire et écrire. tion supérieure. 1881—1885 46,2 53,5 0,2 1886—1890 41,0 58,7 0,3 1891—1895 37,5 62,2 0,2 1896 33,0 60,3 0,7 1897 34.9 64,4 0,7 1898 33,2 66,1 0,7 1899 33,0 66,2 o,8«) Les chiffres ci-joints renseignent sur les différents crimes : AUTRICHE 1899. Sur 100 condamnés Nature des _ crimes. * 1 h b Savaient Savaient lire Instruction " ' lire. et écrire. supérieure. Incendie .... 44,2 2,6 53,2 — Calomnie. . . . 41,7 0,8 57,1 0,4 Coups et blessures 40,5 1,4 58,0 0,1 Infanticide ... 39,5 2,6 57,9 — Homicide . . . 39,3 3,1 57,4 0,2 Rapine .... 35,0 1,6 63,4 — Vol 32,6 i,2 65,7 0,5 Tous les crimes . 31,7 1,3 66,2 0,8 Fraude .... 30,8 1,3 65,2 2,7 Extorsion . . . 27,3 1,5 70,4 0,8 Dégats .... 21,6 1,1 77,3 — Menaces .... 21,0 1,7 76,9 0,4 Lèse-majesté . . 19,7 1,6 76,2 2,5 Viol etc 17,2 1,7 79,3 1,8 Abus de confiance 6,0 0,2 86,4 7,43) !) Les chiffres concernant les détenus sont empruntés k 1'oeuvre de A. Drahms »The Criminal" p. 74; ceux de ladernière colonne au »TheStatesman's Year-lSook 1902'', p. 1203. 2) Empruntés aux «Die Ergebnisse der Strafrechtspflege in den im Rcichsrate vertretenen Königreichen und Landern im Jahre 1899". p. XLVIII. s) Calculés d'après le tableau F. A 11 des »Ergebnisse der Strafrechtspflege in den im Reichsrate vertretenen Königreichen und Landern" 1899. FRANCE 1882—1898. FRANCE 1896—1900. Années. Sur 100 détenus il y avait, au moment de leur entrée en prison Possédant A^'ant |!nc Sur 100 , „t Sachant Sachant 1'instruc- '"s ^ " pers. qui se Illettrés. lire et lire, écrire tion , ïLstruc- manal?nt écrire. et calculer. primaire ■ ne savaient compléte. primaire< passigner. ~H. I F. H. I F. | H. F. I H. F. H. | F. H. F. H. F. 1882 27,6038,04 12,621541 30,5632,3621,1713,01 6,240,87 1,81 0,31 14,4 22,6 1883 30,0836,11 11,91 16,78 30,4830,60 19.-15,28 6,600,87 1,93 0,36 14,2 22,4 1884 27,5442,61 10,1415,02 31,7130,57 21,67 9.93 5,72 1,39 2,18 0,46 13,6] 22,2 1885 28,4440,25 10,1916,15 30,0233,53 23,55 9,17 5,330,69 2,47 0,21 12,7 20,2 1886 26,6339,93 11,2014,52 31,1936,6422,8118,06 5,63,0,85 2,54 | — 1) 11,6:18,7 1887 26,5137,49 12,4914,31 33,8938,90 21,04 8,38 4,05 0,92 2,02 j — 10,7 , 17.— 1888 24,9032,29 14,0512,92 32,5042,4322,5010,77 4,181,59 2,17,— 10,6 16,2 1889 22,50*35,13 14,1827,22 30,0627,78 24,99 7,70 5,80 2,17 2,47 ! — 9,8 15,2 1890 20,1234,94 14,1926,34 30,7629,71 25,97, 6,47 6,342,54 2,52 I — 8,8 ,13,6 1891 20,0533,32 12,792244 31,1433,39 26,52 8,37 6,57 2,06 2,93 J042 8,4 12,6 1892 20,3833,80 13,2424,89 28,2930,60 28,3Os 7,34 6,33:2,64 3,46 0,73 8,1 | 12,1 1893 22,o8'29,78 11,1924,75 28,0332,75 27,33' 9,22 7,5'j 2,82 3,86,0,68 - | — 1894 20,8931,14 13,1522,57 27,6435,86 27,84 7,42 6,70! 2,47 3,78 j0,54 6,8 10,4 1895 20,5030,43 13,8018,82 26,6638,39 30,15 9,80 6,41 [ 2,32 2,48 0,24 — — 1896 20,9128,58 x 1,9717,09 31.-38,7023,7812,04 10,40 3,22 1,94 i 0,37 — 1 — 1897 21,0928,57 10,5915,67 27,7740,4830,4012,10 8,15248 2.- 0,69 — , 1808 21.7031,6c Q, 11 8,70 31,0546,67 27,77, 8,69 6,81 3,65 1,56 ':o,69 4,5 7,22; [Sur 100 accusés de chaque crime Nature des crimes. i'ya des accusés complètement illettrés Incendie 26 Infanticide 21 Empoisonnement 20 Viols et attentats a la pudeur sur des enfants 20 Coups et blessures graves 16 Assassinat 16 Meurtre 15 Viols et attentats ala pudeur sur des adultes 14 Tous les crimes 14 Vols qualifiés de toute espèce .... 12 I'arricide 10 Coups et blessures envers des ascendants. 10 Banqueroute frauduleuse 10 Vol sur un chemin public 8 Fausse monnaie 7 Faux divers 2 Abus de confiance 2 3) ') A partir de cette année jusqu'a 1891 il n'est pas fait mention des femmes dans cette rubrique; elles sont donc comprises dans la rubrique précédente. 2) Les deux dernières colonnes ont été empruntées a «l'Annuaire Statistique de la France" XVI et sqq.; les autres a la «Statistique Penitentiaire" 1882—1898. ») p. XXV «Rapport sur 1'administration de la justice criminelle de 1881 a 1900." ITALIË 1881—1889. (/} 3 1892 19,3 48,8 28,6 3,3 1893 19,0 45,6 31,8 3,6 1894 18,8 43,8 33,8 3,6 1896 18,3 41,3 37.0 3.4 1897 18,3 43,3 35.2 3.21) I I PAYS-BAS 1865—1900. Ne savaient ni lire ni écrire. Années. Condamnés au moment Miliciens, de leur incarceration. (%) (°/o) 1865 38 ; 18,2 1870 30 j 16,3 1875 25 12,3 1880 25 11,5 1885 22 ' 10,5 1890 24 7,2 1892 25 5.4 1893 22 5,6 1894 20 5,0 1895 20 5,4 1896 20 4,7 1897 19 4,° 1898 19 3.6 1899 18 2,8 1900 16 2,32) ') Empruntés au »Year-Book of the New-York State Reformatory" 1881 a 1886 et 1888 k 1894, 1896 a 1897. Dans »The dangerous classes of New-York'' (p. 32) Ch. L. Brace mentionne, pour 1'année 1870, que env. 31 °h, des criminels adultes dans 1'Etat de New-York étaient analphabètes, tandis que des adultes non-criminels de la population il n'y en avait que 6,08 °|0. 2) Empruntés aux «Jaarcijfers voor het Koninkrijk der Nederlanden. Rijk in Europa," 1901, p. 47. Les chiffres suivants nous donnent un aper<;u sur quelques crimes spécifiés. PAYS-BAS 1901. Sur 100 condamnés sachant Naturk des Crimes. . . ni lire ni ecrire. Maraudage 16,6 Mendicité et vagabondage ... 10,0 Vol simple 9>9 Dégats etc 9>4 Vol qualifié 9>r Tous les crimes 8,6 Coups et blessures 7»9 Violation de domicile 7>5 Recel 7> 4 Outrage 6,9 Outrage public a la pudeur. . 6,5 Détournement 5 >8 Rébellion 5 >7 Viol et autres crimes sexuels . . 4,3 Escroquerie 1,7') PRUSSE 1894—1897. II y avait sur 18.049 récidivistes au ier Oct. 1894 déja admis, ou dans la période du ier Oct. 1894 a 31 Sur 100 recrues Mars 1897 recus dans les (de 1894a 1897) T . etaient sans prisons prussiennes: instruct. prim. Sans in- |Très peu Instruct. j Instruct. -potaux. struct. id'instruct. primaire, jsupérieur. Nombre absolu. I-491 8.589 7-7^2 187 18.049 Pourcentage. 8,3 47,6 43,1 1,0 IOO 0,2 32) ') Calculé d'après le tableau II de la «Crimineele Statistiek" 19c». *) Empruntés a G. Evert »Zur Statistik rückfalliger Verbrecher in Preussen" (Zeitschr. des Kör. Preuss. Stat. Bureau's XXXIX) p. 197, et le dernier chiffre au «Stat. Jahrbuch f. d. Deutsche Reich" 1896, 1897 et 1898. SUISSE 1892—1896. Hommes Femmes Instruction Ch.abs. °/0 Ch.abs. °/0 Analphabètes 352 j 3 82 j 5 Instr. primaire .... 8.665 ! 87 1.580 j 92 „ moyenne et super.. 856 9 45 | 2 Inconnue 109 1 15 1 Ensemble 9.982 100 1.722 100') Les chiffres de ceux qui ont suivi 1'école primaire peuvent être détaiilés corame suit: Hommes Femmes Etat d'instruction —j Ch.abs. °l0 Ch.abs. °/0 Bon 4.394 51 764 48 Médiocre 4.125 47 750 : 48 Sachant lire seulement . 146 2 66 I 4 Ensemble 8.665 100 1.580 100') Le rédacteur de la Statistique officielle de la Suisse fait 1'observation qu'il n'y a pas de données pour fixer le chififre des analphabètes parmi la population non-criminelle; la statistique des recrues sur les années 1891 a 1895 démontre que I90/o environ des recrues avaient suivi des écoles supérieures. ') Je suis d'opinion que les statistiques citées, comprenant des millions de criminels, sont trés expressives : les analphabètes fournissent en général une grande partie des criminels, une partie beaucoup plus grande que les analphabètes parmi la population non-criminelle. (Dans les pays avec un chififre relativement petit d'illettrés, comme p. e. 1'Angleterre, les PaysBas et ln Prusse, les différences entre le pourcentage des illettrés parmi les criminels et celui des illettrés parmi les non-criminels sont naturellement beaucoup plus grandes que celles dans les pays oü il y a beaucoup d'analphabètes, comme p. e. 1'Italie. En Prusse e. a. il y a environ 36 fois plus d'analphabètes parmi les récidivistes que parmi les recrues). Cependant, la plupart des statistiques donnent outre les chiffres des illettrés d'autres qui démontrent combien de gens réellement instruits se trouvent parmi les criminels. Et alors on remarque que la trés grande ') p. 38- «Die Ergebnisse der Schweizerischen Kriminalstatistik wahrend der Jahre 1892—1896" (Schweizcrische Statistik, 125 Lieferung). majorité des criminels sont des individus ignorants, incultes. En Angleterre p. e. il y a, parmi les criminels masculins, 1 sur 1.000, et parmi les femmes criminelles pas méme 1 sur i.OOO, qui sache plus, que bien lire et écrire; en Autriche un peu plus de 4 sur 1.000, en France un peu plus de 2 sur 100 parmi les hommes et 4 a 5 sur 1.000 parmi les femmes. Le rapport entre 1'ignorance et la criminalité ne peut donc se contredire. Mais, il est inipussible de fixer jusqu'oü s'étend 1'influence de celle-la sur celle-ci, car 1'ignorance se sépare difficilement d'autres facteurs qui coïncident ordinairement, comme p. e. la pauvreté. L'ancienne opinion que le crime n'était qu'une conséquence de 1'ignorance n'a pas besoin d'être traitée, car la moralité et 1'intellect sont deux parties distinctes de la vie psychique, bien qu'il existe une certaine relation entre elles. La première raison pourquoi 1'ignorance et le manque de culture doivent être rangés parmi les facteurs généraux ') de la criminalité, est celle-ci: celui qui, dans la société actuelle, oü la grande majorité des parents se ne soucient que trés peu de 1'éducation de leurs enfants, n'a pas suivi Pécole, est privé des idéés morales (honnêteté, etc.) qu'on y enseigne, et il passé ordinairement son temps dans la fainéantise et le vagabondage. La seconde raison qui rend 1'ignorance (et non pas 1'alphabétisme tout court; car il n'est que la condition a surmonter afin de pouvoir arriver a certain savoir) facteur du crime, c'est la circonstance que généralement 1'ignorant est, plus qu'un autre, un homme agissant sous 1'impulsion du moment, qui se laisse gouverner par ses passions, et est induit a commettre des actes, qu'il n'aurait pas faits si ses conditions intellectuelles eussent été autres. En troisième lieu, c'est pour les raisons suivantes encore que 1'ignorance et le manque de culture sont du ressort de 1'étiologie du crime. L'esprit de celui dont les qualités psychiques, soit dans le domaine des arts, soit dans celui des sciences, ont été développées est devenu moins propre a la conception de mauvaises idéés. Sa condition intellectuelle constitue aussi un frein, qui peut empêcher les mauvaises pensées a se réaliser car le véritable art et la vraie science fortifient les instincts sociaux. Les chiffres cités plus haut ne fournissent qu'une faible contribution a la question. II est hors de doute que si 1'on avait a sa disposition des chiffres, indiquant la quantité des criminels dont 1'art et la science occupent une partie de 1'existence on verrait que le nombre est trés minime. On ne pourra pas objecter que la cause en est dans les qualités innées des criminels ; certes, Pun est né avec des aptitudes plus grandes que 1'autre, maischaquepersonne est née avec quelques capacités qui, développées, peuventdevenirunesource de bonheur; un homme heureux, dit le proverbe, n'est pas méchant. 2) !) L'ignorancc ct le manque de culture sont, d'après moi, des facteurs tres importants de certains délits. Plus loin, en traitant de ccux-ci, j'y reviendrai. 2) Si je parle ici de 1'influence du manque de civilisation ct d'instruction dans la rubrique du prolctariat c'est paree qu'elle s'y fait le plus sentir, ce qui n'empêche pas qu'elle nc se retrouve aussi dans une partie de la bourgeoisie, soit que le milieu dans le jeune üge n'ait pas été propiee, soit a causc de 1'apre lutte pour 1'existence. Enfin 1'ignorance est encore de la fa<;on suivante un facteur du crime. Trés souvent 1'auteur d'un crime le conijoit et 1'exécute d'une fa^on si béte et avec si peu de chancc de réussite, qu'il ne 1 aurait certainement pas commis s'il n'avait pas été un ignorant, ne connaissant pas les forces auxquelles il aurait affaire. Quand on a reproché a 1'école italienne de faire ses recherches seulement sur des détenus et non sur des criminels et leurs égaux libres, on a dit que ce ne sont que les criminels stupides et ignorants qui sont en prison, tandis que les autres, les rusés et les malins restent en liberté. II y a assurément beaucoup de vrai dans cette assertion. ') Le bas-prolétariat. Dans les pages précédantes j'ai déja parlé de 1'influence exercée par les mauvaises circonstances matérielies sur le caractère de 1'homme; j'y ai indiqué les conséquences morales des mauvaises conditions d'habitation, et aussi comment 1'homme devient méchant et s'aigrit par le manque de tout ce dont il a besoin pour vivre. Tout cela s'applique au prolétariat, mais a plus forte raison encore a tous ceux qui, par une raison quelconque, ne vendent pas leur force de travail, c. a d. au bas-prolétariat. Si les habitations des ouvriers sont mauvaises, celles du basprolétariat se trouvent dans un état plus pitoyable encore. Y a-t-il, par chómage ou par maladie, dans la vie de presque chaque ouvrier des périodes de la pire misère — pour le bas-prolétaire ces périodes sont sans relache: sa misère est chronique. Et quand la misère se fait sentir longtemps de suite, les qualités intellectuelles s'émoussent, jusqu'a ce qu'il ne reste de 1'homme que la brute, luttant pour 1'existence. Quoique la misère matérielle et intellectuelle du bas-prolétariat soit beaucoup plus grande que celle du prolétariat, la différence entre elles n'est que quantitative. Cependant sous un seul rapport il y a aussi une différence qualitative, trés importante même, c. a d. celle-ci: que 1'ouvrier est un être utile, sans lequel la société ne peut exister. Ouelque opprimé qu'il soit, c'est un homme qui possède le sentiment de 1'amour-propre. II en est différemment du bas-prolétaire. II n'est pas utile, mais nuisible. II ne produit rien, et essaie de vivre de ce que font les autres; on ne fait que le tolérer. Celui qui a longtemps vécu dans la misère, perd tout sentiment d'amour-propre, se prête a n'importe quoi, pourvu que cela puisse prolonger son existence. Bref, la misère (prise dans le sens de manque absolu) tue les sentiments sociaux dans 1'homme, anéantit toute relation entre les hommes. Celui qui est abandonné de tous ne peut plus avoir de sentiments pour ceux qui 1'ont abandonné a son sort. ») En suivant 1'exposé de la condition du prolétariat, donné au premier chapitre de la seconde partie, on remarque que les tendances qui influent le prolétariat en sens opposé vont suivre. Puisque ce sont maintenant les tendances égoïstes de la société actuelle qui sont soumises a 1'examen, ce n'est pas ici la place pour parler des autres. Plus loin, c. a d. en traitant des délits spéciaux, je produirai des chiffres pour démontrer que c'est dans 1'organisation du prolétariat que se trouve la tendance & diminuer la criminalité de cette classe. b. La proportion dans laquelle les différcntes classes se rendent coupables de crime. Après avoir traité des conséquences directes du système économique actuel sur les différentes classes, je me permets d'aborder cette question, qui est d'importance pour le problème de la criminalité, avant d'entamer 1'influence des conséquences indirectes. Comme je 1'ai déja observé dans la première partie, les opinions sur cette proportion sont trés divergentes. II y en a parmi les auteurs (e. a. Garofalo, voir p. 143 de ce travail) qui sont d'opinion que la bourgeoisie, en raison de sa force numérique, commet autant de crimes que le prolétariat; par contre il y en a d'autres qui soutiennent que les prisons ne contiennent que des pauvres. L'opinion de 1'auteur sus-nommé est inexacte pour ce qui concerne 1'Italie, cela a été démontré par les statistiques que j'ai produites et qui ont été rédigées par le Dr. Fornasari di Verce (voir p. 191 de ce travail) et par celles du Dr. Marro (citées p. 280 de ce travail.)') Les chiffres donnés par le Dr. Fornasari di Verce concernaient les personnes condamnées par les cours d'assises, les tribunaux correctionnels, et les jugesdepaix. Ils faisaient voir que 56°/0 des condamnés étaient indigents, 31 °/0 n'avaient que le strict nécessaire, 10 % étaient médiocrement aisés et 2 °/0 étaient aisés ou riches, tandis que parmi les non-criminels 40 °/0 environ étaient riches, aisés ou assez aisés et les autres 60 °/q étaient indigents ou ne possédaient que le strict nécessaire. Mais lc: chiffre des non-possesseurs devient beaucoup plus grand si 1'on ne prend que les chiffres de ceux qui ont été condamnés par les cours d'assises, c. a d. des véritables criminels. ITALIË 1887—1889 (Cours d'assises). ~ TT , 1887 1888 1889 Conditions de lortune. (®j ) (*V ) (*7 ) Indigents .... 79,57 , 79,62 77,58 Ayant le strict nécessaire .... 9,39 10,21 13,31 Passablement aisés . 7,35 6,62 6,12 Aisés et riches . . 3.69 3,55 j 2,98 IOO.— IOO.— IOO.—2) I.es chiffres suivants indiquent la condition de fortune des condamnés pour les différents crimes: '1 A trouver p. 265 de 1'oeuvre du Dr. A. Marro »I caratteri dei delinquenti" *) Empruntés a «Statistica giudiziaria penale". 1887, 18S8, 1889. ITALIË 1889. (Cours d'assises). Sur 100 condamnés pour les crimes ci-contre il y avait Cwmes. ayant le jpassable 1 aisés ^ Indigents. strict né- ment riches | cessaire. ' aisés. j ———_—————————■ Infanticide 88,1 7,1 j 4,8 j 0,0 Vol de toute nature 81,5 j 13,4 3,3 j 1,7 Fausse monnaie etc 80,3 10,4 j 7,7 | 1,6 Rébellion, sévices, injures . . . 79,5 11,4 j 0,0 9,1 Homicide de toute nature . . . 79,0 10,8 j 6,8 3,4 Coups et blessures graves . . . 78,7 j 12,4 j 7>4 !>5 Vol sur le grand chemin . . . 77,8 I 17,5 4,0 0,7 Viol et autres délits sexuels . . 77,3 14,8 j 5,6 i 2,3 Extorsion 74,7 13,1 7,8 4,4 Faux en écritures 47,5 24,7 j 11, X 16,71) L'Italie n'étant pas un pays riche, il est évident que les rubriques „passablement aisés" et „aisés et riches" ont été trés chargées. Sans cela elles n'auraient jamais a elles deux, pu, former presque 4O0/u de la population. Mais même en ne tenant pas compte de ce fait, ces chiffres démontrent que la part que les indigents, c. a d. les soi-disant basprolétaires et les prolétaires sans travail, ont a la criminalité, est beaucoup plus grande que celle qu'ils ont a la population, et que la part que les aisés y ont est, au contraire, beaucoup plus petite. D'autres données, affirmant aussi les conclusions concernant 1'Italie, ont été produites par le Dr. Colajanni (voir p. 297 de ce travail) et empruntées a différents auteurs; elles concernent la Belgiqtie (empruntées a „Les prisons cellulaires en Belgique de J. Stevens, p. 238), le canton de Neuchdtel et la Snede. Du reste les statistiques indiquant la condition de fortune des criminels ne sont pas nombreuses, pour ce que j'en sais. Voici celles qui me sont connues. AUTRICHE 1881 —1899. CONDITIONS DE FORTUNE. aNNEES. — - , —— Sans fortune. j Un peu de fortune. | Aisés. 1881 —1885 89,1 10,4 0,3 1886 —1890 90,0 9,4 0,4 1891 —1895 89,6 9,9 0,4 1896 86,7 13,0 0,3 1897 86,0 13,5 o, s 1898 85,9 13,7 0,4 1899 86,7 13,0 0,3 2) ^Calculésd'après le tableau XXVIII de la «Statistica giudiziaria penale per 1'anno 1889". 2) Empruntes ïl »Die Ergebnisse der Strafrechtspflege in den im Reichsrate vertretenen Königreichen und Landcrn im Jahre 1899", p. XLV1II. Les chiffres suivants nous renseignent sur les proportions pour les différents crimes: AUTRICHE 1899. Sur 100 condannés (de chaque sexe) pour les crimes ci-contre il y avait des: Nature des crimes. Sans fortune. junpeudefortunej Aisés. Hommes, j Femmes. Hommes. Femmes. Hommes. Femmes. Rapine 96,6 | 100,0 3,4 0,0 0,0 0,0 Vol 92,0 94,7 7,8 5,3 0,2 0,0 Viol etc 91,2 | 100,0 8,6 ! 0,0 0,2 i 0,0 Crime de lèse majesté * et offenses contref „ * \ * \ les membres de lal 9 93>* 9» , >9 °<3 °> familie impériale.' Menaces .... 90,0 81,5 9,9 18,5 0,1 0,0 Rébellion ou mena-1 cescontrelesfonc-, 87,3 j 74,9 12,4 ; 24,8 0,3 0,3 tionnaires . . .) Crimes en général . 86,4 } 88,4 13,2 | 11,4 0,4 j 0,2 Extorsion. . . . 86,2 j 80,0 13,5 ! 20,0 0,3 1 0,0 Coups et blessures/ „ ^ ^ „ gI!aves j 79.0 70,2 20,6 29,8 0,4 0,0 Fraude 74,8 75,1 23,6 24,3 1,6 0,6 Meurtre, assassinat. 73,0 87,2 26,7 12,8 0,3 0,0 Infanticide, avorte-J ^ ~ „„n ment .S 0,0 9°' °'° 9,2 °'° 0,0 * Je n'ai pu réussir a me procurer les chiffres démontrant la condition de fortune de la population autrichienne en général. (Du reste, ils n'auraient pas été de beaucoup d'utilité, puisque le critérium de la division des criminels dans ces trois groupes sus-nommés, n'est pas connu.) Mais on peut considérer comme certain qu'il y a plus de personnes aisées en Autriche que 3 °/00 environ de la population, et aussi qu'il y a plus de personnes avec un peu de fortune que les chiffres indiquant le pourcentage des criminels de cette rubrique. Donc, comme en Italië, les pauvres s'y rendent plus coupables de crimes que les gens aisés (et beaucoup plus même de certains crimes). II est intéressant de remarquer en examinant ces chiffres, que les femmes aisées ne se rendent absolument pas coupables de la plupart des crimes. 1) Calculés d'après le tableau F. a. II de »Die Ergebnisse der Strafrechtspflege in den im Reichsrate vertretenen Königreichen und Liindern im Jahre 1899". PRUSSE 1894—1897. Parmi les récidivistes se trouvant dans les prisons prussiennes. il y en avait avec des revenus de étaient indigents moins de M. 900 M. 9c» a M. 2.000 M. 2.000 & M. 5.000 Hommes. Femmes. Hommes. Femmes. Hommes. Femmes. Hommes. Femmes. ChifFre' 0. Chiffre 0, Chiffre! n, Chiffre 0, Chiffre 0. Chiffre 0, Chiffre! 0, Chiffre 0, absolu ■ '° absolu '0 absolu j '° absolu '° absolu j '° absolu '° absolu j '° absolu '° ^—- 13-931 9° 2424 96-5 M24 9.2 66 2,6 46 0,3 2 0,1 74 0,5 18 0,8 n L II n'y avait donc pas de riches parmi les récidivistes: ceux avec un revenu de plus de M. 5.000 font défaut. Par contre, trés nombreux sont ceux qui n'ont que des revenus trés restreints (surtout parmi les femmes). II est dommage que le premier groupe ne soit pas plus subdivisé; car „moins de M. 900.—" est un groupe encore trés large. Les chifïfres suivants donnent une image de la condition de fortune des criminels suisses. SUISSE 1892—1896. Des détenus il y avait: Nombres absolus. (°/0) Ayant de la fortune 589 5,0 Expectative (Anwartschaft) 1.140 9,7 Ni 1'un ni 1'autre 9*569 81,8 Condition de fortune inconnue. . . . 406 3,5 11.704 100 Possédant un livret de caisse d'épargne 202 1,7 Ne possédant pas de do 9.608 82,1 Inconnu 1.894 16,2 11.704 1002) Toutes les statistiques citées 3) démontrent donc que (pour ne parler que des deux grandes catégories) les pauvres fournissent un trés grand contingent des condamnés, en tous cas plus grand que celui qu'ils forment de la population en général, et les aisés n'en forment qu'une moindre partie. ') Calculés d'après le tableau p. 199 de G. Evert »Zur Statistik rückfalliger Verbrecher in Preussen." 2) Empruntés a «Die Ergebnisse der Schweizerischen Kriminalstatistik wahrend der Jahre 1892—1896", p. 37. 3) Concernant la Hongric le prof. Füldes communiqué (sans designer 1'année) que 92 °/0 des crimes y sont commis par des personnes sans aucune fortune, tandis qu'elles ne représentent que 85 °/0 de la population en général (p. 545 de »Einige Ergebnisse der neueren Kriminalstatistik". Zeitschr. f. d. ges. Strw. XI). II y a encore d'autres manières pour s'enquérir des parts que prennent les difïférentes classes a la criminalité. L'une d'elles consiste en un examen de la statistique du degré de développement intellectuel des condamnés, car les illettrés et ceux qui ne savent qu'imparfaitement lire et écrire, de même que ceux qui n'ont recu qu'une instruction primaire, appartiennent, presque sans exceptions, aux classes sans fortune. Ces statistiques ont déja été communiquées plus haut (voir p. 482—488), et elles confirment entièrement les conclusions qu'on peut tirer dc la statistique des conditions de fortune des condamnés. La troisième fa^on de résoudre le problème en question, c'est un examen de la statistique des professions des condamnés. Ici cependant se présentent de grandes difficultés. D'abord toutes les statistiques criminelles ne font pas la distinction entre patron et ouvrier dans telle ou telle profession. Et c'est justement ce qu'il nous faut ici. En second lieu il faut, a cóté de la statistique criminelle, une autre concernant les professions de la population en général, toutes les deux dressées d'après la même méthode. Même dans ce cas, Pimage rendue par ces statistiques ne serait pas encore exacte, car il y a parmi les patrons beaucoup de personnes qui ne sont qu'apparemment indépendantes, (ouvriers a domicile, etc.) ou bien tout en étant patrons, des personnes qui ne sont, quant a leur niveau d'existance que des égaux des prolétaires, et non des bourgeois. !) Sur cette question voici des chiffres qui nous renseignent: 1) Sur les difficultés qui se présentent ici, voir e. a. le Dr. H. Coutagne »De 1'influence des professions sur la criminalité" (Actes du deuxième Congres d'Anthropologie criminelle) et le rapport au troisième congrès sous le même titre; voir aussi le prof. Földes, o. c. p. 560. ALLEMAGNE 1894—1896. 496 Groupes de professions. —^^ Sur 10.000 personnes au-dessus de 12 ans de chaque groupe de professions il y avait: Crimes en | général. Vol. Vol qualifié. Soustraction.j F raude. | Viol etc.. 1 Inceste. Injures. Violences et menaces contre des fonctionnaires publics. Violation de domicile. Parjure. Coups et blessures graves, Homicide. Dégüts. Incendie. Infanticide. 1 i r I • I : ' I. Agriculture „ a. Indépendants 1) . . . 75,1 7,1 0,2 1,5 1,7 0,210,1019,1 1,5 2,9 0,22 14,10,02 2,30,080,03 b. Ouvriers 142,1128,9 : 3,1 4,8 J 6,0 j 1,67 J 0,18 9,8 ; 3,1 6,8 0,31 36,4 0,05 6,5 0,36 0,37 II. Industrie ! 1 I 1 1 a. Indépendants .... 129,9! 7)1 j 0°,4 °>7 8,8 i6>4 1,35 49,4 5,9 7,4 °,59 21,80,04 3,40,100,01 b. Ouvriers 222,6 35,2 6,7 22,0 18,3 2,22 0,09 20,8 10,3 8,8 0,32 26,3 0,05 6,1 0,06 o,o5 IV. Domestiques 52,8 27,1 2) 2,o2) 3,1 2) 4,o2) 0,06 0,15 2,4 0,4 0,8 0,20 1,4 0,01 0,6 0,12 0,31 V. Service public et prof. libres 79,3 5,9 1,2 4,8 5,6 1,690,0620,0 2,0 2,2 0,14 6,60,01 1,60,020,00 VI. Populationau-dessus de i2ans 120,1 j 19,2 ! 2,5 5,2 ; 5,4 1,17 0,13 14,7 4,5 5,5 °,22 22,3 °,°3 , 4,6 0,13 0,09 ) | 1 111 1) Parmi les indépendants figurent non seulcment les propriétaires, niais aussi les directeurs de sociétés anonymes etc., et les contremaïtres, etc. (Angestellte.) II me parait que ces derniers y sont englobés a tort, puisqu'ils appartiennent plutöt a la classe des ouvriers. 2) Seulement des servantes. £. r v , 3) Empruntés & «Soziale Faktoren der Kriminalitat" par le Dr. F. Prinzing. (Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. XXII). Les chiffres de la criminalité sont les chiffres moyens des années 1894—1896; les chiffres concernant les professions sont celles du recensement des professions du 14 Juin 1895. ... La statistique criminelle allemande ne fait pas mention de la profession d apres le sexe. Attendu que la participation aux (Iitlerents crimes ainsi qu'aux dififérentes professions présente beaucoup de différences pour les femmes, les chiffres produits ne donnent pas une image exacte de la réalité. Les chiffres sous «infanticide" ne se rapportent qu'i des femmes. ALLEMAGNE 1896. Sur 100.000 personnes au-dessus de 12 ans et excergant une profession, il y a sur chaque groupe de professions: Gr.upes de S. j | | j f ! | | M 6 | 11 | j J » | j f | I 1 Üf i | : | li > * i n i i il cl i * n i; JSjj 11 t 1 s* I l g [ l i 1" "• i - "3! as g-° ^* Agriculture 1.208,7 238,1 26,2 35,8 1,2 1,1 54,1 | 9.0 12,1 ! 127,2 ! 84,1 299,81 24,6 55.0 2,8' 0,42 Industrie 2.144,3 304,3' 58,4 86,6 2,3 2,6 97,9 ! 19.0 j 26,31225,3 141,8 496,1 105,3 120.0 3,2 i 0,51 Commerce et transport . 2.566,2 276,9 40,1 159,3 1,2 j 6,3 194,5 50,5 1 19,5 353,4 126,31 256,8j 84,8 8o,1 4.0 ; 0,64 Ouvriers et journaliers >) . 10.402,6 2.622,7 439,3 5H,7 20,8 15,3 459,7 88,8 107,8 829,8 669,5 1.679,5 664,2 439,5 9,7 ! 1,60 Domestiques 530,3 305,7! 25,3 29,4 0,23! 0,45 46,8 > 9,2 | 0,83; 24,8 ! 7,4 13,4 4,3 IO-° 2,2 ! °,°8 Service public; prof. libres 798,6 70,7, 13,1 48,9 0,631,6 65,3 18,7' 17,1 193.0 33,2 70,8 19,7 21,4 2,1 0,13 Employés, professeurs, mé- decins 4i8,6 19,2 1,7 9,9 o,ooj 0,71 19,8 6,8 ; 12,4 120.0 14,3' 25,8: 8,6 7,8 10,99 °,I4 Rentiers, étudiants, se- courus 224,5 17,3 o,7i 4,3 0,00 0,65 9,2 ! 1,8 4,6 65,7 14,8! 30,6! 8,3 12,7 0,59: 0,06*) 497 !) Cette catégorie comprend les ouvriers non-qualifiés; comme 1'auteur de la statistique le dit lui-même, cette rubrique n'est pas trés süre puisqu'elle comprend tous ceux qui sans exercer de profession déterminée se disent ouvriers. 2) Empruntés a «Kriminalstatistik für das Jahr 1896" (Erlauterungen) II, p. 38- 39. M Ces statistiques, les meilleures probablement sur ce sujet, en disent long a tou% ceux qui savent lire les chiffres. Ils constituent la preuve évidente de 1'énorme influence des facteurs sociaux dans 1'étiologie du crime. II est impossible d'alléguer que 1'influence s'opère en sens inverse, c. a d. que la disposition morale influence sur le choix de la profession. Le Dr. Prinzing a raison de dire dans son article cité: „Es ist ja ganz ausgeschlossen, dasz etwa die Erwerbstatigen in den drei groszen Berufsgruppen, Landwirtschaft, Industrie und Handel, Personen verschiedenartiger sittlicher Veranlagung sind; im Gegenteil, bei den groszen Schiebungen, die sich standig vor unsern Augen vollziehen, durch die der Landbewohner zum Stadter, der in der Landwirtschaft Aufgewachsene zum Arbeiter und Gehilfen in Industrie und Handel wird, ist die Annahme, dasz die sittliche Veranlagung in allen Gruppen annahernd die Gleiche ist, vollauf gerechtfertigt." ') D'après le premier tableau, les ouvriers sont impliques, dans une mesure beaucoup plus grande que les indépendants, dans tous les crimes, excepté dans celui d'injures (ce qui s explique par le fait que ce crime est un de ceux qui ne sont poursuivis qu après plainte, et que les ouvriers se décident beaucoup moins vite a la porter que les bourgeois), et, pour ce qui concerne certains crimes, ce sont les commerpants indépendants qui les commettent plus que les ouvriers de la même catégorie (ici il ne faudra pas oublier que beaucoup de petits commer<;ants vivent dans des conditions identiques a celles des ouvriers). Les professions libérales présentent par contre des chiffres trés bas, ce qui se remarque aussi trés clairement quand on examine le second tableau, oti 1'attention se fixe sur les chiffres trés bas du groupe des rentiers et des étudiants (et qui comprend en outre les secourus, tout étonnés de se retrouver en compagnie). La participation a tous les crimes des ouvriers non-qualifiés est énorme, même si 1'on prend en considération que ces chiffres sont surchargés. Les chiffres suivants ont rapport a: ANGLETERRE 1894—1900. Parmi les détenus condamnés il y avait: I 1894—1900 Prnfessions I ! i Moyenne, rroiessions. l8g4 i895 ^ i897 i898 1899 1900 —— Chirfr.1 j jabsol. 1 °/0 ih 948; 729; 832 651 662 667( 604 729I 0,7 Domestiques jf_ l 876i , 53QI I-4I7 1.369! 1.424 1.986 2.042, 1.663 3,9 Ouvriers, femmes de Ih. 75-539 6g-944 72.725 73-204 77-321 75-22o 69.168 73-3'> 68,0 ménage, couturières . ff. 11.083 10.596 10.574 12.394 14-376 14.960 14-179 I2-594 29,2 „ . , , , . \h. 3.7631 2.420] 3.2I21 2.855 3.019) 2.590 2.331: 2.94I: 2,7 Ouvriers de fabnques . jf_ 3 I2;| 2.926 2 7Ó2I 3.o86 3.367 3.498 3.217 7,5 Mécaniciens et ouvriers \h. 20.702 18.747 19-216 19.179 20.914 20.351 19.126 19.870 18,4 qualifiés >f. 677 646 1.220 1.342 1.527 1-34» i-48o I.I77 2,7 Contre-maitres, inspec- Ih. 80 75: 65 64 60 75 61 68 0,1 teurs rf. 2 3, 4i 5; 2 1 2 - °P Commis de magasin et de kh. 2.869 2.652' 2.805! 2.5o6j 2.877 2.677 2.550 2.705 2,5 bureau )f- 125 83 77! 84j 102 161 237> 124 0,3 x) P- 585—586. Parmi les détenus condamnés il y avait: Professions. I I I I | | 'Moyen^0 1894 1895 | 1896 1897 | 1898 1899 1900 y Chiffr. 1 absol. | °/0 Marchands et commer- Jh. 4.054. 4.085 4.410I 3.984 4.3521 4.0521 3.461 4.056^ 3,7 9ants |f. 4-127, 4-°o4' 4-2491 4.087^ 4.820J 4.513! 4.179) 4.282' 9,9 Professions libérales . . }?• 239 231 20S 223: 194 209 204 215 0,2 . ,, . 24 23 34 23: 33; 24 28 27 0,1 Marins, soldats de terre et de mer 3.620, 3.338 3.433J 3.227) 3.2021 3.082 3.327 3.318 3,1 Prostituees 5-132 5.105 7.411 6.746 6.413 6.092 6.715 6.230^ 14,5 Sans profession. . . . IJ?" 746 644 550 518 391 320 648 o,6 (f. 15.067, 14.910! 13.494! 13.606 13.361 12.888! 12.745 I3-725| 31,9 Totaux ij?- io7-86i ioo,o (f. 43.04 Ij 100, o1) Je n'ai pu me procurer la statistique compléte concernant les professions de la population totale en Angleterre. Néanmoins, il ne me semblait pas inutile de mentionner les chitïres concernant les professions des criminels, car considérés a eux seuls, ils indiquent clairement que la participation a la criminalité par des classes non-fortunées est trés importante. Au moins 95 °/0 des hommes n'ont pas de fortune (il faudrait y ajouter aussi une partie des marchands) au moins 58 °/0 des femmes sont pauvres (il faudrait y ajouter aussi une partie des marchandes) et 31,9 °/0 sont sans profession, et il est certain qu'une grande partie d'entre elles sont aussi des personnes sans fortune. La statistique suivante concerne: LA FRANCE 1898—1900. Nombre des accusés sur 100.000 Groupes de professions. habitants de chaque groupe. 1898 1899 1900 Agriculture 8 9 8 Industrie 20 22 24 Commerce 29 33 27 Services domestiques 16 16 13 Professions libérales et services publics ^ 15 15 ) 1) Empruntés et calculés d'après »[udicial statistics, England and Wales, part 1 Criminal Statistics" 1894—1900. 2) Empruntés il p. XXVI du «Rapport au Président de la république fran^aise sur 1'administration de la justice criminelle de 1881 i 1900''. D'après information de 1'autetir de la statistique, le recensement de 1896 a servi de base au calcul des chiffres cités. Puisque cette statistique ne fait point dc distinction entre ïndependants et dépendants, elle n'avance pas beaucoup la question et la seule observation importante qu'on puisse en tirer est que 1 agriculture et les professions libérales donnent les plus bas chiffres. Une image plus distincte nous est fournie par la statistique suivante, concernant les detenus. Je pourrais encorc produire d'autrcs statistiques dU> SS"» et, par conséquent, n'a que trés peu de valeur. FRANCE 1890—1895. Sur 100 détenus dans les maisons centrales de force et de correction et les pénitenciers agricoles au moment du jugement: 1890 I 1891 1892 I 1893 1894 1895 Professions. — r 1 H. F. H- F- H- ! F- H- F- H" | F H" F" ~ ~ " " Propriétaires, rentiers. . 0,58 1,10 0,62 2,21 0,62 0,99 0,66 1,45 0,66 1,78 0,65 2,07 Professions libérales . . 2,36 1,03 2,92 1,66 2,64 1,42 2,41 1,90 2,64 1,62 2,50 1,33 Employés 5.00 0,55 5,40 ! 0,34 5,07 0,36 4,81 ! 0,30 5,26 0,62 5,49 !.33 Commercants, fabricants. 3,77 4,47 3>25 j 4,80 3.49 4,35 3,39 j 3,81 3,64 4,7* 3>l9 5,72 Professions alimentaires . 3,12 1,24 3,41 0,92 3,53 0,85 3,60 1,52 4,31 1,78 4,27 | i,<2 Ouvriers d'atelier et de fabrique 8,39 13,14 8,93 |i2,03 8,73 12,17 7,86 15,16 9,46 16,08 9,39 15,34 Industries du batiment et du mobilier .... 16,76 0,211) 16,09 0,28') 17,11 0,49 17,68 0,23 17,51 1,23 17,92 0,66 Ouvriers agricoles, jour- naliers 48,31 62,45 48,85 61,02 47,94 63,17 49,52 56,44 45,7* 56,03 44,93 54,15 Professions nomades . . 3>99 | 4,68 3,89 4,63 4>l9 4,77 3,79 4,72 3,77 4,79 3,82 4,48 Militaires et marins . . 2,41 | — 2,23 — 2,29 1,94 1,75 0 Vagabonds, mendiants . 1,48 4,742) °,^2 4,^52) 0,94 4,77 I»°3 5,7! 1>27 4,95 !>52 5>14 Individus a la charge de leurs families . . . ■ 3,83 6,39 — 7,46 3,45 5,66 3,31 8,76 4^02 6,41 4,72 ; 7,96 100,00100,00 r 00,00:00,00 100,00100,00 100,00100,00 ioo,oo| 100,00 100,00100,00 501 1) Industrie du mobilier seulement. 2) Vagabondcs, filles publiques. 8) Empruntés a la »Statistique pénitcntiaire". 1890—1895. Quoique la statistique des professions de la population non-criminelle correspondante fasse défaut, les chifïfres cités valent bien la peine d'être mentionnés. II en ressort que les journaliers (ouvriers non-qualifiés) forment une trés grande partie des détenus, en tout cas une partie plus grande que celle qu'ils constituent de la population en général; et que les fabricants et les commerijants forment une plus petite partie des détenus, qu'ils ne le sont dans la population en général, car ils représentent certainement plus de environ 3,45 °/o de 'a population, surtout en France, pays oü la petite-industrie est encore trés générale. ITALIË 1891 —1895. CONDAMNÉS. Groupes de professions. Moyenne annuelle sur 100.000 habitants de chaque groupe de professions. Agriculture 1.009,03 Industrie, arts et métiers 855,78 Commerce, transport, navigation, pêcherie 1.677,46 Service domestique 410,96 Employés, professions libérales, capi- talistes, retraités 288,58 ') Ces chifïfres démontrent qu'en Italië aussi les capitalistes et les professions libérales fournissent un chiffre de criminalité, inférieur a ceux des autres groupes De même les chiffres suivants: ITALIË 1891 —1895. CONDAMNÉS. Moyenne annuelle sur 100.000 habitants. Groupes de professions. I'atrons ou gérants - , ,, . , . Dependants. d une industrie. \ r Agriculture 307.43 1*368,99 Industrie, arts et métiers. 678,56 861,57 Commerce 1.278,11 1 -585,032) ') p. LXI, «Notizie complementari alle statistiche giudiziarie penali degli anni 1890—1895." Le rédacteur de la statistique communiqué que les calculs ont été faits d'après le recensement de 1881, le dernier en date. La valeur de ces chiffres n'est donc que relative. 2) o. c. p. LXXXII. La statistique suivante est plus détaillée pour certaines professions: ITALIË 1891—1895. CONDAMNES. Moyenne annuelle sur Professions. _ 100000 habitants- Patrons ou | Dé dants. gerants. | r Hommes. Industrie du batiment 1 -654,52 1.895,18 . ^ textile, mécanique, chimique, / alimentaire, arts et métiers . . . 837,80 1.443,22 Cordonnerie 1.080,95 2.254,63 Boucherie 3-92S»95 3-900>6i Cafés, estaminets etc 1.542,12 914,68 Commercants de commestibles et de com- ! bustibles 1.035,58 2.411,66 Autres genres de commerce 1.649,80 1.383,12 Navigation, pécherie 259,11 1.769,94 Femmes. . \ des mines, du batiment, du tabac, Industrie t textjjej aümentaire, arts et métiers. 133.7° '93-38 Couturières, tailleuses et modistes 285,00 138,15 Commercantes de commestibles et de com- bustibles 460,46 511,49 Autres genres de commerce 2.403,88 3.113,34' Nous voila a la fin des observations sur les professions parmi les criminels. II y a bien a citer d'autres statistiques encore, mais leurs chiffres ne sont pas a comparer aver ceux de la population non-criminelle 2), ou pour d'autres raisons sans importance. Du reste, il me semble que celles que j'ai citées suffisent a démontrer que, proportionnellement, les non-possesseurs se rendent plus coupables de crimes que les possesseurs. La thèse sus-dite se voit donc confirmée de trois facons diflerentes.3) La question qui reste encore a résoudre est celle-ci: a quoi faut-il attribuer la plus grande criminalité parmi les non-possesseurs? Comme il a été remarqué au cominencement de la section qui nous occupe en ce moment-ci (la tendance égoïste du système économique 1) o. c. p. LXXXIII—LXXXIV. 2) p. e. les Pays-Bas. . . . 3) On a allégué que la statistique donne un chiffre trop bas ae criminels aises, puisque ceux-ci ont plus que les autres h leur dispositio des moyens de se soustraire ia justice (de bons avocats etc.) Cela est certainement vrai, maïs il ne faut pas oublier par contre que les non-possesseurs portent beaucoup moins vite plainte que les possesseurs. actuel et ses conséquences) il y a trois questions qui se présentent dans 1'étiologie du crime: i°. quelle est 1'origine de 1'idée criminelle? 2°. quelles sont les forces dans 1'homme qui peuvent empêcher que cette idéé se réalise? 30. 1'occasion de commettre le crime. Pour le moment noüs nous occupons seulement de la seconde question: et nous nous posons donc la question: est-ce que ces forces sont plus faibles chez les non-possesseurs que chez les autres ? II est fort difficile, si non impossible, de donner une réponse a cette question, car elle est trés compliquée. D'abord il faut constater que le milieu des non-possesseurs suscite des pensées, auxquelles celui des possesseurs ne donne pas lieu. Les circonstances dans lesquelles la classe aisée vit en général sont d'une nature telle, que la force morale n'a pas besoin de combattre puisque la pensée criminelle n'existe pas. P. e. dans les délits économiques un des importants provocateurs d'idées criminelles c'est la misère, qui est inconnue a la bourgeoisie. II s'ensuit qu'il n'y a rien de décisif a dire sur les forces respectives des sentiments moraux de ces deux groupes de la population comme contre-poids a ces idéés. On pourrait encore ajouter d'autres exemples a celui-ci, et je suis d'opinion que cette influence du milieu ambiant serait, a elle seule, déja a même d'expliquer la difïférence de criminalité entre ces deux groupes. II est impossible de décider avec assurance si, en dehors de 1'influence sus-dite du milieu, le système économique actuel et ses conséquences ont une influence nuisible plus fortc sur les sentiments sociaux des nonpossesseurs que sur ceux des possesseurs. II faut bien considérer comme certain (et les chiffres que je donnerai plus loin le démontrent aussi) que les circonstances dans lesquelles vivent les enfants et les jeunes gens parmi le prolétariat est cause que leur démoralisation est beaucoup plus grande que pour les enfants de la bourgeoisie. Les influences agissant sur les adultes des deux classes différent tellement de nature et d'intensité, qu'il est impossible d'opposer les deux résultantes. II est presque inutile de dire que dans ce qui précède, la classe possédante n'a été opposée qu'au prolétariat seul et non au bas-prolétariat. II va de soi que le milieu oü vivent ces gens en a fait la classe la plus dépourvue de sens moral de toute la population. En suivant 1'ordre d'après lequel il a été procédé au premier chapitre de la seconde partie nous aborderons 1'influence sur la criminalité du: c. Mariage. Pour arriver a se former une idéé s'il existe une relation entre le crime et le mariage, et dans ce cas, de sa nature il est nécessaire de recourir a la statistique. Presque toutes les statistiques criminelles donnent des renseignements sur 1'état civil des criminels (1'Angleterre est la seule exception je crois). Nous commencerons par: AUTRICHE i S81—1899. Années Etat civil. , , , . , 1881—1885 | 1886—1890 J 1891—1895 ! 1896 I 1897 1898 | 1899 Célibataires . 56,8 59,9 60,7 J 62,2 i 62,9 ! 61,7 i 61,3 Mariés . . . 39,9 36,9 36,2 | 34,7 1 34,1 35,3 1 35,3 Veufs • • • 3,2 [ 3,1 3,o | 3,1 3,0 j 3,° J 3,3x) lei les célibataires surpassent de beaucoup les mariés. Ces proportions sont cependant autres dans un pays voisin: HONGRIE 1888. Sur 100 condamnés: Etat civil. Hommes. Femmes. Cours Tribunaux Cours Tribunaux d'assises corr. d'assises corr. Célibataires 42,89 32,99 33,51 18,03 Mariés . . 54,66 62,31 53,08 69,29 Veufs . . 2,36 4,06 13,08 11,46 Divorcés . 0,09 0,64 0,33 1,22 2) lei ce sont donc les mariés qui surpassent de beaucoup les célibataires. Cependant, ni 1'une ni 1'autre de ces statistiques n'a pas beaucoup de valeur, car i°. rien ne démontre que du chiffre total des célibataires on a soustrait le nombre de ceux qui n'ont pas encore atteint 1'age nubile, ce qui fait que le pourcentage des célibataires estexagéré; 2n. les chiffres correspondants pour la population non-criminelle font défaut; il est donc impossible de faire une comparaison entre les deux. Sous ces rapports les statistiques suivantes sont meilleures: ITALIË 1891 —1895. Etat civil Moyenne annuelle sur 100.000 habitants agés de plus de 14 ans de chaque groupe. Célibataires . 97$,47 Mariés. . . v 622,27 Veufs. . . 291,843) J) Empruntés k p. XLVIII de «Die Ergebnisse der Strafrechtspflege in den im Reichsrate vertretenen Königreichen und Landern im Jahre 1899". 2) Empruntés au Dr. F. Prinzing »Der Einflusz der Ehe auf die Kriminalitat des Mannes ' p. 41, et »Die Erhöhung der Kriminalitat des Weibes durch die Ehe" (Zeitschr. f. Socialwissenschaft II) p. 437. 3) Empruntés k p. LII de »Notizie complementari alle statistiche giudiziarie penali degli anni 1890—1895." Mais comme la statistique hongroise 1'a déji fait voir, il est nécessaire de faire une division d'après les sexes, car i°. la femme a un chiffre de criminalité beaucoup moins élevé que 1'homme; 2°. la population entière ne se compose pas de deux moitiés égales d hommes et de femmes. Les défauts signalés jusqu'a présent ont été évités dans les statistiques suivantes: FRANCE 1881—1890. Sur 100.000 habitants de même condition il y a des accusés (cours d'assises) Etat civil. Hommes. Femmes. 18 81 —-1885 1896—1900 1881—^1885 1896- 1900 Célibataires .62 41 8 5 Mariés. . . 18 12 3 2 Veufs ... 24 14 5 3 ') PAYS-BAS 1899. Hommes. Femmes. Etat civil. Sur 100 h. j Sur 100 con- Sur 100 f. | Sur 100 con- nubiles 1 damnés nubiles nubiles damnées nubiles il y avait il y avait il y avait | il y avait Célibataires . 34,8 59,1 3^,2 3^,7 Mariés. . . 58,8 3^,7 52>4 52>6 Veufs et di- vorcés . 6,4 4>2 1 !>4 I0>7 ) SUISSE 1892—1896. Hommes. Femmes. Etat civil. Sur 100 habit. g détenus ^lifde ^a Sur 100 détenus de plus de 12 a. ,, avait de plus de 2 a. ü y ayait il y avait \ J 11 y avait ——————t—— —— Célibataires . 49,3 64,0 45>7 4^,5 Mariés. . . 44,8 26.6 4!>9 33>° Veufs. . . 5,5 5,7 u>7 ">6 Divorcés . . 0,4 3,7 °>7 ">9 ) 1) p. XXIII «Rapport au Président de la République francaise sur 1'administration de la justice criminelle de 1881—1900". t> 2) Calculés d'après «Uitkomsten der achtste tienjaarlijksche volkstelling et a la «Gerechtelijke Statistiek over 1899". ... „ . . , • j 3) Empruntés a «Die Ergebnisse der Schweizenschen Knminalstatistik wahrend der Jahre 1892—1896", p. 21. Ces statistiques font voir que, généralement, les célibataires se rendent moins coupables de crimes que les mariés, que cette difïférence est cependant moins grande pour ce qui concerne les femmes (aux Pays-Bas et en Suisse elle est même beaucoup plus petite) Cependant, il faut être circonspecte quant a ce point. ') Dans toutes ces statistiques on a omis de rattacher 1'état civil a 1'age, ce qui rédnit presque a néant leur importance, d'abord paree que le penchant au crime diffère beaucoup avec l'&ge, et en second lieu paree qu'aux différents degrés d'age le pourcentage des gens mariés n'est pas le même. II est donc nécessaire de comparer les mariés et les célibataires d'un même age. La statistique criminelle allemande est la seule qui fournit les matériaux nécessaires, et ce ne sont que les résultats qu'on en tire qui donnent des renseignements sürs concernant la relation entre criminalité et mariage. Cette statistique a servi de base aux deux études déja citées du Dr. Fr. Prinzing auxquelles nous empruntons les tableaux suivants. D'abord, la relation entre mariage et crime chez les hommes. II faudra cependant faire remarquer que 1'acquittement se présente plus souvent chez les mariés que chez les célibataires, circonstance par laquelle, dans les statistiques suivantes, les célibataires ont été un peu trop chargés, comme on'peut le voir par le tableau ci-dessous: ALLEMAGNE 1886—1890. Nombres des acquittés de 100 accusés de chaque catégorie d'age et d'état civil. \ Céliba- ,T ., Veufs et Age. . . Mariés. ,. ö taires. divorces. 18—21 15,0 20,7 — 21—25 15.8 18,4 — 25—30 15,9 20,1 16,1 30—40 15,1 22,3 , 16,0 40—50 13,4 23,7 15,2 50—60 13,4 24,9 18,0 plus de 60 14,2 28,1 22,32) Maintenant les chiffres sur la corrélation entre mariage et criminalité : *) Le nombre des auteurs qui se sont trompés dans cette matière est assez grand. Leur opinion préconcue sur 1'influence moralisatrice du mariage et 1'emploi peujudicieux de statistiques les y ont probablement induits. 2) p. 556—557 Dr. F. Prinzing «Soziale Faktoren der Kriminalitat." ALLEMAGNE 1888. CRIMES EN GENÉRAL. ^e' Nombre dc condamnés sur 100.000 pers. de chaque categorie. Célibataires. | Mariés. j Veufs et divorcés. Ensemble. 18—21 2.994,5 6.413,0 — 3-009,2 21—25 3-107,0 3*566,3 — 3-103.8 25—30 2.950,9 ! 2.504,7 ' 4.273,7 | 2.740,7 30—40 2.880,9 1.961,2 3-797,3 ! 2.171,5 40—50 2.205,7 | 1.487,8 j 2.626,3 1.599,8 50—60 1.241,9 1.009,8 1.267,8 1.052,5 plus de 60 494,6 49°,1 342,7 45°>S II ressort donc de ce tableau: i°. qu'en général les célibataires commettent plus de crimes que les mariés; 2°. que le contraire a cependant licu dans les périodes de 18 a 25 ans; 30. que la criminalité de ceux qui ont été mariés est trés grande. Les chiffres suivants concernent quelques importants crimes écono- miques 2): VOL SIMPLE. Age. r i Célibataires. | Mariés. Veufs et divorcés.! Ensemble. 18—21 551,7 1-418,3 — 555,3 21—25 427,7 685,9 j 627,2 457,7 25-30 382,6 412,6 : 572,1 398,5 30—40 4H,9 296,9 I 55°,° ! ' 40—50 365,0 216,2 1 420,0 237,4 50-60 233,1 151,6 231,1 ^4,6 plus de 60 109,2 j 84,0 ! 67,2 | • > | C'est donc dans les périodes de 18 a 30 ans que les mariés se rendent plus coupables de vol que les célibataires; après 30 ans les röles sont changés; si 1'on excepte les deux dernières catégories d'age, ici aussi les veufs et divorcés représentent les plus hauts chiffres. !) p. 42 »Der Einflusz der Ehe auf die Kriminalitat des Mannes". 2) Les chiffres de la criminalité sont des chiffres moyens desannées 1882—1893. Tous les nombres sont des réductions sur 100.000 personnes de chaque catégorie. 8) 0. c. p. 117. 1~ DÉTOURNEMENT. AGE" ciibataires. | Mariés. | Veufs et divorcés. j Ensemble. 18—21 123,2 338,7 — I24,4 21—25 131 163*6 295,6 13 5 > 5 25—30 139,7 I09,S 291,6 126,1 •?o—40 161,8 86,1 279,6 I03,4 40—50 128,0 61,1 168,8 7i,3 50—60 66,2 37,7 7I,3 4-2,7 plus de 60 28,3 16,6 13,9 1 >7 ) Dans ce crime aussi une plus grande criminalité pour les mariés de 18 a 25 ans que pour les célibataires, et 1'opposé pour les periodes suivantes. La situation est tout autre dans le crime qui suit. BANQUEROUTE FRAUDULEUSE. AGES- Célibataires. Mariés! Veufs et divorcés. Ensemble. ———— 1 18—21 0,3 33,9 — °«3 21—25 2,3 21,3 4,5 25—30 3,9 !4>8 9,3 30—40 4,3 9,9 15>9 9>° 40—50 2,2 6,6 7,2 6,2 50—60 i,1 4>° 4,1 3*7 plus de 60 0,4 1,7 r'4 'ö lei donc une criminalité plus élevée chez les mariés de tous les ages. II est superflu de donner les chiffres pour tous les crimes économiques et il suffit, quant aux autres, de mentionner seulement les résultats. Les célibataires alors sont plus impliqués que les maries dans les crimes suivants: vol qualifié (a tous les ages); rapines et extorsions (excepté aux ages de 21 a 25); fraude et abus de confiance (excepte aux ages de 21 a 25); faux en écritures (excepté aux ages de 21 a 25 et de plus de 60) et fausse-monnaie. _ Les délits suivants sont plus commis par des maries que par des célibataires: favorisation et recel (excepté entre 30 et 40 ans); yiolation de secrets usure et proxénétisme. II faut encore remarquer que les veufs et divorcés ont des chiffres trés élevés pour les délits économiques. Quant aux crimes sexuels, les chiffres suivants. •) o. c. p. 117. 2) o. c. p. 119. Inceste. Débauche sous abus de confiance. _ j . j | AQp. Céliba- Mo,;< Veufset En- Céliba- ,, .. Veufs et .. ,, taires. ' ' divorcés.! semble. taires. ' anes- divorcés. emble- 18—21 0,7 — — | 0,7 0,03 — — 0,03 21—25 0,8 1,4 — ; 0,9 0,20 0,4 — 0,20 25—30 1,0 0,9 — 1,0 0,30 0,3 — 0,30 30—40 1,0 1,4 22,7 1,7 0,20 0,5 2,3 0,40 40—50 0,9 i,7 26,3 2,5 0,40 0,4 1,2 0,50 50—60 0,8 1,2 12,4 2,1 o, 20 0,3 0,7 0,30 plusdeöo 0,2 0,4 1,9 0,8 — 0,1 0,1 o.io1) Par conséquent, pour ces crimes une plus grande participation des mariés que des célibataires; les veufs et divorcés y occupent le premier rang. vlol etc. Age. | vpiifc pt Célibataires. Mariés. divorcés Ensemble. 21—25 26,3 24,1 — | 26,1 25—30 26,2 j 15,7 — 21,2 30—40 39,7 12,8 61,4 18,6 40—50 44,5 9,9 56,2 14,8 50—60 36,8 ! 8,4 | 28,3 i 12,3 60—70 28,3 6,8 18,7 11,1 plus de 70 18,7 5,6 10,3 8,6 2) lei les célibataires sont plus impliqués que les mariés, et les veufs et divorcés plus que ceux-la. Pour ce qui concerne la débauche contre nature, la aussi ce sont les célibataires qui sont le plus impliqués. Enfin encore quelques chifTres sur les plus importants crimes restants: Rébellion. Age. | yeufs et Celibataires. j Maries. j jjvorc^s Ensemble. 18—21 130,5 211,7 — 130,8 21—25 199.0 143.6 — 192,0 25—30 228,2 113,8 258,0 174,2 30—40 262,6 83,1 236,2 119,4 40—50 206,6 55,6 160,4 73,6 50—60 92,0 34,2 59,6 40,8 plus de 60 25,2 14,5 ii,2 14,3 3) ') o. c. p. III. 2) o. c. p. 112. 8) o. c. p. 109. INJURES. Célibataires. ] Mariés. | Veufs et divorcés. j Ensemble. 18—21 111,1 444,5 — 112,5 21—25 173,3 279,0 ' 448,0 186,7 25—30 222,9 270,6 381,4 249,3 30—40 277,3 316,2 377,3 312,8 40—50 240,7 311,3 317,3 307,3 50—60 158,1 237,7 i87,5 229,4 plus de 60 66,4 122,9 66,6 103,71) lei les mariés ont donc a tous les ages les plus hauts chiffres. COUPS ET BLESSURES. Célibataires. j Mariés. | Veufs et divorcés. | Ensemble. 18—21 1.084,2 1.778,2 — 1-087,3 21—25 i-ï32,5 1-051,5 i-344,o 1.124,1 25—30 904,6 692,9 964,7 803,3 30—40 552,6 434,1 1 602,3 459.7 40—50 262,9 268,1 316,1 269,6 ,0—60 117,7 161,9 144,6 157,2 plus de 60 43,5 68,6 40,9 i 59-02) Les célibataires montrent en général de plus hauts chiffres que les mariés (excepté pour la période de 18 a 21 ans). ASSASSINAT ET MEURTRE. ^C,E' Célibataires.! Mariés. Veufs et divorcés. Ensemble. 18—21 2,2 — — 2,2 21—25 3,1 2,1 — 3,0 25—3° 3,1 2.° — 2>6 30—40 3,3 1.4 *3,6 1,9 40—50 1,8 0,9 6,0 1,2 50—60 0,8 0,5 2,1 0,7 plus de 60 0,2 0,3 0,2 0,33) La plus forte participation a ces crimes donc par les veufs et divorcés, puis par les célibataires. >) o. c. p. 113. 2) O. c. p. I 14. 3) 0. c. p. 114. Pour quelques autres délits nous donnerons seulement les résultats. Les mariés sont plus impliqués que les célibataires dans les suivants: violation de domicile (excepté dans les périodes de 25 a 50 ans), parjure (excepté dans les périodes de 21 a 25 et de 30 a 40 ans) et d'autres délits contre 1'obligation de prestation de serment, dénonciation calomnieuse, homicide involontaire (excepté pour la période de 25 a 30ans); délits contre la liberté personnelle (excepté pour les périodes de 30 a 50 ans), crimes et délits commis par des fonctionnaires publics. Pour les délits suivants ce sont par contre les célibataires qui occupent le premier rang: crimes et délits contre le culte public (excepté aux ages de 21 a 25 ans), destruction et dégradation de biens (excepté dans la période de 18 a 21 ans) et incendie. II est a remarquer que, pour presque tous ces délits, les veufs et divorcés montrent des chiffres trés élevés. Après un examen des résultats trouvés, il est impossible de dire que les mariés présentent absolument un chiffre de criminalité plus bas que les célibataires: il y a variation pour les délits aussi bien que pour les ages. Seulement, considéré en général, le penchant au crime est moins grand chez les mariés que chez les célibataires. Comme le prouvent les données suivantes, la corrélation entre crime et mariage est tout autre chez la femme. II est cependant nécessaire de produire le tableau suivant, avant de donner les chiffres a 1'appui de cette assertion. ALLEMAGNE 1886—1890. Nombres d'acquittements sur 100 accu^ sées de chaque catégorie d'&ge. Célibataires. Mariées. j Veuves et divor- cees. 18—21 15,1 25,6 — 21—25 16,8 24,5 24,1 25—30 16,7 24,2 19,7 30—40 17,3 23,4 19,6 40—50 18,2 24,2 21,7 50—60 18,2 25,8 24,4 plus de 60 19,8 | 27,0 27,7') Comme chez les hommes il en résulte donc 1111 plus grand pourcentage d'acquittées pour les mariées que pour les célibataires. ') P- 559 L)r. Fr. Prinzing «Soziale Faktoren der Kriminalitat." ALLEMAGNE. 1882—1893. CRIMES EN GENERAL. Sur 100.000 personnes de chaquc catégorie d'age AGE. il y avait des condamnées Célibataires. Mariées. divorcLs! 18—21 415,2 I 602,5 ' — 21—25 417.5 469,9 1339.3 25—30 440,7 1 454,5 1149.2 30-—40 446,2 ! 500,0 1029,9 40—50 334,7 468,2 709,9 50—60 221,5 299,5 369.2 plus de 60 102,2 133,4 111,2 ') La femme mariée de tous les ages est donc plus impliquée que la célibataire dans la criminalité en général, les veuves et divorcées y donnent les plus hauts chiffres. Les tableaux suivants concernent quelques crimes importants.2) Nous commencons par les crimes économiques. VOL SIMPLE. AGE. Célibataires. Mariées. Ycuv e® ct Ensemble. divorcees. 18—21 210,6 | 209,3 — 210,6 21—25 I77.I H7.8 3«5,7 169,3 25—30 158,5 132,0 318,5 144,0 3O—4O 136,6 127,1 265,9 135.1 40-—50 92,2 104,0 175.9 111,6 50—60 61,2 64,4 i 88,6 70,3 plus de 60 32,0 31,1 28,0 29,5 3) Les mariées montrent donc des chiffres un peu inférieurs a ceux des célibataires (excepté pour les périodes de 40 a 60 ans) et les veuves et divorcées donnent les chiffres les plus élevés. 1) P- 437 c'e »Die Erhöhung der Kriminalitat des Wei bes durch die Ehe". 2) Ce tableau ct ceux qui suivent se rapportent tous k la période de 1882—1893, et sont calculés pour 100.000 personnes de chaque catégorie. s) o. c. p. 443. 33 DETOURNEMENT. FAVORISATION ET RECEL. A<;E' CJ v*r Es,n- Sr Wv"ra hr talres- divorcées. ble- ta'rCS- divorcées. ble- 18—21 25,3 35,2 — 25,8 9,2 33,7 — 10,7 21 25 25,9 23,4 92,8 25,4 IO,6 26,3 48,2 ; 15,3 25—30 26,0 20,3 so-7 23,2 12,6 23,9 52,4 20,2 30—40 25,3 21,6 63,4 24,2 17,2 32,6 61,3 31,4 4o—5o 18,6 18,3 40,3 21,1 l6,i 36,4 56,4 36,6 50—60 11,0 10,3 17,2 12,2 11,4 22,6 29,6 23,3 plus de 60 4,4 4,3 4>6 4,4 4>5 ^>8 7,4 7,6') Dans „détournement" les célibataires sont donc un peu plus impliquées que les mariées (excepté entre 18 et 21 ans), dans les crimes de favorisation et de recel les mariées plus que les célibataires, et dans les deux délits ce sont les veuves et divorcées qui montrent les plus grands chiffres. PROXENETISME. AGE. j T — Célibataires. Mariées. divorcées1 Ensemble. 18—21 0,6 5,2 — 0,9 21—25 2,1 8,2 33,8 3,9 25—30 6,4 10,1 47,5 9-2 30—40 10,9 11,7 47.3 13.2 40—50 7,0 9,7 28,4 ii,7 50—60 3,5 4.5 I0>4 5.9 plus de 60 1,1 1,8 2,5 2,22) Donc, ici les chiffres les plus élevés se trouvent aussi chez les veuves et divorcées, les plus bas chez les célibataires. Dans les délits économiques suivants, ce sont les femmes mariées qui sont le plus impliquées, savoir: vol qualifié (excepté aux ages de 18 a 21 et après 60), banqueroute frauduleuse, faux en écritures (excepté aux ages de 25 a 50), et violation de secrets. II y a encore a remarquer que les veuves et divorcées montrent en général des chiffres trés élevés. Ouant aux délits sexuels voir le tableau suivant: 1) O. c. p. 444. 2) O. C. p. 440. INCESTE. AGIj. Wmvps Cehbataires. Mariées. divorcées Ensemble. 18—21 2,7 1,4 — 2,6 21—25 2,1 0,6 — 1,7 25—30 2,3 0,2 8,0 1,1 30—40 2,5 0,2 | 6,2 0,8 40—50 0,6 0,1 1,2 0,3 50—60 0,1 0,1 | 0,6 0,2 plus de 60 0,1 0,02 0,1 j 0,07!) Ici les veuves et divorcées sont en tête, les mariées les dernières. Les autres délits sexuels donnent des chiffres trop minimes pour les femmes pour qu'ils puissent servir. Quelques-uns des crimes qui restent encore a mentionner ofïfrent les chiffres suivants: INJIKKS. AGL» Vpiivp? ft" Célibataircs. Mariées. . Ensemble. divorcees. 18—21 24,3 88,5 — 27,9 21—25 34-9 85,7 157.» 50,0 25—30 44,2 99,8 137,1 76,7 30—40 57,3 116,7 138,4 108,1 40—50 58,4 121,4 121,7 U4-5 50—60 43,6 84,8 77,1 78,5 plus de 60 22,4 38,3 26,7 30,2 2) Les chiffres les plus élevés pour les veuves (excepté aux ages audessus de 50), et les plus bas pour les célibataires. VIOLATION Dl. IX)MICILE. Célibataire.. Mariées. Veuves et Ensemble. divorcees. 18—21 5,4 16,9 — 6,0 21—25 6,9 13,3 28,6 8,9 25—30 8,6 15,2 28,2 13,0 30—40 11,1 21,2 32,7 20,1 40—50 10,6 23,9 27,2 22,8 50—60 6,2 15,3 15,9 14,4 plus de 60 3,0 6,0 4,2 4,73) 1) o. c. p. 439. 2) o. c. p. 440. 8) O. C. p. 438. Les chififres les plus élevés chez les veuves, les plus bas chez les célibataires. COUPS ET BLESSURES. Célibataires. Mariées. diVorcées' Ensemble. 18—21 20,4 67,5 — 23,0 21—25 24,9 6l>1 96.4 35.7 25—30 29,8 58,7 88,9 48,3 30—40 29,9 61,0 70,2 56,4 40-50 21,3 55.3 46,8 50,4 50—60 13,9 33,9 25.7 29,5 plus de 60 7,0 14,2 , 8,6 10,4') Les chififres les plus élevés chez les mariées, excepté dans les périodes de 21 a 40 ans, oü ils se trouvent chez les veuves. CRIMES CONTRE LA V1E D'UN^ENFANT. Célibataires. Mariées. divorcées' Ensemble. 18—21 5,6 4.3 — 5,5 21—25 9,8 1,7 7,1 7,4 25—30 9.3 1.4 16,1 4,5 30—40 5,4 1,1 12,5 2,4 40—50 1,3 0,8 3,4 1,2 50—60 0,5 0,5 0,7 j 0,6 plus de 60 0,1 0,3 0,2 0,22) Chez les veuves les chififres de beaucoup les plus élevés, les plus bas chez les mariées. Enfin encore les résultats seulement de quelques autres délits. Les mariées sont plus représentées que les célibataires dans les suivants: Rébellion (excepté aux ages de 21 a 40), infraction a la loi sur les fabriques et industries (Gewerbeordnung), crimes contre la liberté individuelle, destruction et dégradation de biens (excepté aux ages de 25 a 40 ans). Dans les suivants ce sont les célibataires qui présentent des chififres dépassant ceux des mariées: Parjure, fausse plainte, assassinat et meurtre (excepté aux ages au-dessus de 50 ans), homicide involontaire (excepté après 50 ans), incendie. i) o. c. p. 442. !) o. c. p. 442. II faut encore observer que les veuves et divorcées sont en tête. La conclusion a déduire des chiffres est donc celle-ci: la femme mariée commet en général plus de crimes que la femme non-mariée, quoique cela ne s'applique ni a tous les crimes, ni a tous les ages. Voila pour les chiffres mêmes; a présent leur explication. II est trés difficile, quand on examine 1'influence du mariage sur la criminalité, de séparer ses conséquences morales des autres facteurs. On se tromperait p. e. en attribuant a 1'effet moralisateur du mariage le fait, que, quant a la majorité des délits économiques, ce sont les hommes et les femmes mariés qui y participent moins que les célibataires. Le fait que quelqu'un se marie est ordinairement une indication qu'il vit dans une situation matérielle plus ou moins bonne. Le danger qu'il commettra un délit économique devient alors beaucoup moins grand que quand il est dans une situation moins aisée. La justesse de cette thèse est clairement démontrée par les statistiques citées, d'après lesquelles les mariés encore jeunes donnent un chiffre supérieur a celui des célibataires. La cause en est dans le fait que les prolétaires se marient encore jeunes: les soucis matériels de ces mariés sont alors plus grands que plus tard, quand leurs enfants ont déja quitté la maison paternelle ou bien gagnent eux-mêmes leur pain. Si 1'on examine la statistique des injures, on observe que des hommes et des femmes mariés s'en rendent beaucoup plus coupables que les célibataires. II serait trés erronné d'en conclure que le mariage augmente le penchant a injurier. L'explication se trouve dans le fait que, si une seule maison (plutót dit caserne) est 1'habitation commune de plusieurs families d'ouvriers, cette condition d'habitation devient facilement une source permanente de disputes. Dans ce cas donc ce n'est pas le mariage, mais bien la mauvaise condition d'habitation, qui se montre comme facteur dans 1'étiologie du crime. S'il était possible de séparer ces conditions ou ces conséquences matérielles du mariage de ses conséquences morales, la différence entre la criminalité des mariés et des non-mariés ne se montrerait pas trés grande. Surtout quand on ne perd pas de vue que le bourgeois se marie en moyenne a un age plus avancé que le prolétaire, ce qui fait qu'il y a plus de bourgeois parmi les mariés d'&ge moyen ou plus avancé que parmi les jeunes mariés; et, puisque, par d'autres causes, la bourgeoisie commet moins 'de crimes que le prolétariat (voir p. 491 sqq.), 1'influence du mariage semble ici plus grande qu'elle ne 1'est. Pour la criminalité des femmes il faut remarquer que les bourgeoises non-mariées représentent une plus grande partie des femmes nonmariées, que les femmes bourgeoises en forment des femmes en général, puisque le nombre des femmes célibataires est proportionnellement plus petit parini les prolétaires que parmi la classe possédante. Et puisque par d'autres causes, la criminalité des femmes de cette dernière catégorie est trés petite (voir p. 493 sqq.), le mariage semble ici avoir une influence moins favorable que celle qu'il a en réalité. En examinant les conséquences du mariage sur la moralité — seul sujet pour le moment, qui nous intéresse, — je crois qu'elles sont les suivantes. Quand 1'homme et la femme s'entendent, quand ils sont heureux par leur union alors personne ne contredira que le mariage exerce une influence trés moralisatrice, car selon le proverbe les gens heureux ne sont pas méchants. La preuve en est que les hommes mariés participent moins que les célibataires a des crimes de rébellion, coups et blessures, meurtre et assassinat par exemple, tandis que les veufs y participent bien plus, s'adonnant après le décès de leur femmes a 1'alcool, ou se démoralisant d'autres faq:ons. Cependant, il serait plus exact de parler ici de 1'influence moralisatrice de 1'amour, que du mariage pris dans le sens de monogamie légale. Les mariés heureux ne doivent pas leur bonheur a la sanction légale, sans elle ce bonheur ne serait pas moins grand. A présent le revers de la médaille; si les époux sont mal assortis, pour 1'une ou 1'autre raison, alors le mariage a une influence trés démoralisatrice. La monogamie légale entre alors en jeu en ce sens qu'elle empêche ou rend difficile la séparation de personnes, qui ne s'entendent pas, ou dont 1'une est alcoolique p. e. ou se conduit mal d'une autre facon etc. Le grand pouvoir de 1'homme marié sur sa femme, par suite de sa prépondérance économique, peut égaiement être une cause démoralisatrice. II est sur qu'il y aura toujours abus de pouvoir chez nombre de ceux, que les circonstances sociales ont revêtus d'une certaine puissance. Que de femmes qui doivent supporter les grossièretés et les mauvais traitements de la part de leurs maris, et qui n'hésiteraient pas de les quitter * s'il n'y avait pas leur dépendance économique et la loi pour les en empêcher! Th. Holmes, 1'auteur de „Pictures and problems froni London police courts", qui durant des années a été témoin de toutes les misères qui défilent devant ces tribunaux dit a ce propos: „A good number of Englishmen seem to think that they have as perfect a right to thrash or kick their wives as the American had to „lick his nigger." Yes, and some of these fellows are completely astonished when a magistrate ventures to hold a different opinion. I well remember a great hulking fellow, with a leg-of-mutton fist, being charged with assaulting a policeman. After all the evidence had been given, the magistrate inquired whether the prisoner had been previously charged. „Yes, your worship, he was here two months ago, charged with assaulting a female." As the prisoner declared this was false, and indignantly denied that he had ever assaulted a female, the goaler brought in his book and proved the conviction. The prisoner then looked up in astonishment, and said: „Oh, why, it was only my own wife!" Only their wives; but how those wives suffer! Is there any misery equal to theirs, any slavery to compare with theirs? If so, I never heard of it. I have seen thousands of them, and their existence is our shame and degradation." •) Sans cette prépondérance les hommes n'agiraient pas ainsi, et les suites démoralisatrices n'auraient pas lieu. En outre il va sans dire que le mariage conclu a un point de vue intéressé est démoralisateur. Quoique les conséquences sus-dites du mariage dussent être mentionnées, afin d'être aussi complet que possible, et quoiqu'elles puissent être de certaine importance pour 1'étiologie du crime, leur influence ') p. 40. néanmoins n'est trés grande. II y a des causes de criminalité beaucoup plus importantes, qui peuvent entièrement mettre celles qui ont eté nommées a 1'arrière-plan. Avant d'entamer les conséquences criminelles de la familie, je suis d'opinion que c'est ici le lieu propice pour fixer un instant 1'attention sur la criminalité féminine. En traitant plus haut (voir p. 351 sqq.) de 1'origine du mariage actuel, nous avons, en même temps, parlé de la position sociale de la femme. ') d. La criminalité féminine. Afin de donner une image de son étendue et de sa nature, il est nécessaire de commencer par en donner quelques statistiques. ALLEMAGNE 1886—1895. Sur 100.000 personnes de plus de 12 ans du même sexe, il y avait un nombre CRIMES. ; moyen de condamnés de: Hommes. Femmes. Vol simple 352>49 '32,25 Vol qualifié 57>95 7,'9 Détournement j 80,97 18,25 Rapine et extorsion I 2,44 °>10 Recel 28-2' ,6>33 Fraude | 88,06 l9,5o Faux en écritures 18,78 3>75 Parjure 6,83 2,31 Menaces 4°,3" Proxénétisme 5>21 |7>23| Viol, etc 2°>63 0>T7 Injures ! 2°4>32 69,52 Violation de domicile 9°>38 i2,25 Dég&ts ! 80,37 4,85 Incendie • • • • 2>43 °>54 Violenceset menacescontre lesfonctionnaires 77,45 5,9° Coups et blessures légères 118,30 12,71 Coups et blessures graves 356,86 25,99 Assassinat > °»56 °,ï3 Meurtre °>75 °'lSa Crimes en général j 1847,°3 ! 380,42 ") Ce tableau, contenant le chiffre moyen de 10 ans et dans lequel on a tenu compte du chiffre proportionnel des sexes, démontre que les 1) J'ai déjk succinctement parlé de la criminalité de la femme dans la critique du travail du professeur Ferri «Socialismo e Criminalita" (voir p. 153). Pourtant, ce n'était pas lk le lieu pour approfondir la question. 2) Empruntés a p. 26- 27 11 de »Kriminalstatistik für das Jahr 1899." Erl&uterungen femmes ont une criminalité générale de 4 a 5 fois plus petite que celle des hommes. Le chififre des femmes ne dépasse celui des hommes que pour un seul délit (proxénétisme); pour les autres il est plus petit, et pour quelques-uns beaucoup plus petit même (p. e. coups et blessures, assassinat, meurtre.) Le tableau suivant nous fournit une image encore plus détaillée et plus claire. ALLEMAGNE 1896. Nombre dc condamnés ^°robre sur 100.000 personrfes condamnees CRIMES. du même sexc. P|r;haPP°rt 100 hommes Hommes. Femmes. condamnés. ► Abandon d'enfants 0,02 0,1 800,0 Avortement 0,4 1,7 437,3 Proxénétisme 6,0 9,2 167,7 Recel (récidive répétée) 0,07 0,1 158,3 Recel simple 26,5 13,1 53,9 Vol simple 274,6 100,8 40,1 Parjure 3,1 1,2 38,7 Injures 223,7 76,5 34,2 Vol simple (récidive répétée). ... 51,7 14,4 30,5 Homicide 0,5 0,1 22,0 Incendie 2,2 0,5 21,8 Détournement 85,6 17,6 20,6 Eraude (aussi en récidive répétée) . . ioi,7 20,4 20,1 Crimes en général 2177,07 388,9 ' 17,9 Extorsion 3,0 0,4 14,3 Vol qualifié 45,0 5,6 13,5 Violation de domicile 103,8 12,3 11,8 Coups et blessures légers 138,3 15,4 11,1 Vol qualifié (récidive répétée). . . . 14,4 1,2 9,1 Coups et blessures graves 448,4 32,8 7,3 Violences et menaces contre fontion- naires publics 88,3 5,6 6,3 Violences et menaces 60,7 3,6 5,9 Destruction et dégradation de biens . 93,6 5,4 5,8 Rapine 2,4 0,07 2,9 Crimes contre les moeurs commis sur des enfants 25,3 0,2 0,7 ') Le pays sur lequel nous allons fixer 1'attention c'est: 5) P- 33- "• «Kriminalstatistik für das Jahr 1896", Erlauterungen. L'ANGLETERRE 1893—1900. Nombre de femmes sur 100 AXNÉES pcrsonnes condamnés pour Offences tried Offences tried | on indictment. summarily. 1893 13,07 23,39 1894 12,95 23,50 1895 13,26 23,94 1896 11,75 23,58 1897 12,00 23,99 1898 11,82 ; 23,66 1S99 11,70 23,89 1900 11,51 24,671) En examinant ce tableau, et aussi celui qui suit, il faudra remarquer que les femmes forment plus de la moitié de la population (d'après le recensement du ier Avril 1901 : 51,5 °/0). 2) Le tableau suivant indique la proportion relative pour les groupes de délits les plus importants: ANGLETERRE 1893—1894. Nombre de femmes sur Crimes 100 condamnés. 1893 1894 Avortement et omission de déclaration de naissance 91 86 Enlèvement et cruauté contre des enfants. 70 57 Fausse monnaie etc 18 21 Destruction et dégradation de biens . 15 20 Crimes contre la propriété sans violence. 19 19 Autres crimes 16 16 Crimes de violence contre des personnes. 11 13 Rapine et extorsion 10 11 Faux 9 8 Efïfraction etc 3 4 Crimes sexuels 4 33) Ces statistiques montrent donc qu'en Angleterre aussi la criminalité de la femme est moins grande que celle de rhomme. Cependant il y a une divergence importante dans les chiffres des crimes pris séparément. ') Empruntés a p. 55 «Judicial statistics, England and Wales, 1'art. I, Criminal Statistics, 1899" et pour 1900 calculés d'après 1'année 1900. 2) p. 14 »The Statesman's Vearbook 1902''. 3) p. 19 >>Judic. statistics England and Wales, Crim. Stat. 1894". AUTRICHE 1899. De 100 condanincs pour CRIMES. chaque crime il y avait Hommes. Femmes. Abandon d'enfants 7>l 92>S Avortement 10,7 89,2 Assassinat 69,6 30,3 Fraude 79-1 2°>8 Vol 80,4 19.5 Diffamation 80,9 19,0 Incendie 85,2 14,7 Crimes en général 86,1 I3>9 Rébellion 89,5 10,4 Lèse-majesté 9!>6 8,3 Abus de confiance 93,4 6,5 Crime contre le culte 94>& 5>! Rapine 95-1 4>8 Coups et blessures graves 95,8 4,1 Crimes sexuels 96,7 3,2 Dégats 96,8 3»1 Homicide 97>3 2>6 Chantage 97.4 2>5') En examinant ce tableau il faudra remarquer que, d'après le recensement de 1890, 51,6°/0 de la population au dessus de 14 ans se composait de femmes. Ici donc encore une plus grande criminalité des hommes que des femmes. Les chifïres qui suivent concernent LA FRANCE 1881 —1900. (Cours d'assises. Accusés). 1881-1885. 1886—1890. 1891—1895. 1896-190a XT , j Nombres »T i Nombres v , Nombres V1 1 Nombres Sexe. Nombres Nombres Nombres Nombres _ mo>'c"s tionnels m0ye"5 tionnels mo>'en,s tionnels tionnels annuels" sur 100. annucls- sur .00. annuels' sur 100. an,U,els' sur .00. __ ' ————— I Hommes 3.767 86 3.583 ! 85 3.389 ! 84 2.900 ; 85 Femmes 615 14 646 15 631 16 500 15 2) 1) p. XLIX ')Die Ergebnisse der Strafrechtspflege in den im Reichsrate vertretenen Königreichen und Landern im Jahre 1899". 2) p. XIX du «Rapport au président de la république francaise sur 1'admini- stration de la justice criminelle de 1881—1900". lei il y a a remarquer que les femmes formaient 50,3 °/0 de la population totale de plus de 16 ans en 1887, et 50,8 °/0 en 1900.') FRANCE 1881—1900. (Tribunaux correctionnels. Prévenus). 1881 — 1885. 1886—1890. 1891—1895. 1896—1900. , i Nombres . - , Nombres .. , Nombres .. . „ Nombres Sexe. Nombres propor- Nombres propor- NombrCS propor- NombrCS propor- m°yen.s donnels m°-ve"S tfonnols tionncls l'onnels annuels" sur 100. annuels- sur 100. annuels' sur 100. annucls" sur 100. Hommes 162.573 8(3 172.162 86 179.194 86 165.586 86 Femmes 26.330 14 27.719 14 29.992 14 28.049 14®) Comme les deux tableaux suivants le font voir, la participation des femmes aux crimes divers est trés divergente, comme dans les pays cités plus haut. FRANCE 1900. (Cours d'assises.) Sur 100 accuses CRIMES. il y a : Hommes.; Femmes. Infanticide 5 95 Avortement 12 88 Vol domestique 82 18 Assassinat 84 16 Banqueroute frauduleuse 84 16 Incendie 84 16 Fausse monnaie 85 15 Blessures graves 86 14 Crimes en général 86 14 Meurtre 90 10 Autres vols qualifées 91 9 Parricide .92 8 Faux en écritures 92 8 Suppression 011 supposition d'enfant . . 93 7 Viol et attentat a la pudeur sur des enfants 98 2 Abus de confiance 98 2 Vol a 1'aide de violences 98 23) Pour les tribunaux correctionnels les chiffres sont ainsi qu'il suit: 1) Ibidem, p. XXI. 2) Ibidem; calculés d'après tableau 8 p. CXVI. Les chiffres se rapportent sculement aux délits communs. 3) Calculés d'après p. 30—31 tableau XV du «Compte général de 1'administration de la justice criminelle pendant 1'année 1900" FRANCE igoo. (Tribunaux correctionnels.) Sur 100 prévenus il y a: DÉLirs. Hommes. Femmes. Suppression d'enfants 5 95 Attentat aux moeurs 29 71 Adultère 5° 5° Difïfamation et injures 75 ' 25 Vol 80 20 Escroquerie 83 17 Outrage public a la pudeur .... 85 | 15 Tous des délits 87 13 Abus de confiance 88 1 12 Coups et blessures %'olontaires. . . . 89 11 Mendicité 89 11 Violation de domicile 91 ' 9 Rébellion 92 8 Vagabondage 95 51) Ce n'est qu'a quelques délits et crimes que les femmes participent plus que les hommes (infanticide, avortement, suppression d'enfants, attentats aux moeurs, qui comprennent aussi le proxénétisme; a tous les autres elles participent moins, et dans la plupart des cas mcme beaucoup moins que les hommes. Pour ce qui concerne 1'Italië, il y a les chiffres suivants a produire. ITALIË 1884—1895. Nombres de femmes condamnées. Juges de paix. |Tribunaux correct. Cours d'assises. Ensemble. Années. chiffres'Sur 100 Chiffres Sur icölCHIffrés 'fiur 100 Chiffres Sur 100 nhsolus condamn absolus. condamn. absolus. condamn. absolus. condamn. 1884 46.683 18,31 — — 304 6— — 1885 48.063 17,58 — — 3°4 5,9' 1886 51.199 ' 18,23 — — 297 6,38 1887 45-598 | 17,58 4.690 9.30 265 5,11 jO-553 1 16,05 ,888 49-I25 : 17,38 4.4S2 8,56 290 5,8I 53>97 '5,86 1889 53.690 18,38 4-9'o I 9,o8 272 j 5,68 58.872*) 16,78 1896 - ! - - I - 23-984 >8,29 ,8^1 26.182 18,23 ,892 _ _ - - 25.638 17,21 ,893 - - - - - - "-959 16,21 1804 — - — — — — 26.274 17,34 ,895 - - - - - ~ 28.502 i 16,963) 1) Calculés d'après tableau XXIX p. 54—62 de 1'oeuvre citée. Comme dans le tableau précédent, je ne reproduis que quelques délits quantitativement ou quali- tativement importants. 2) La mise en vigueur d'un nouveau code penal en 1890 est cause du changement important du chiffre total. ») Empruntés pour les années 1884—1889 a la «Statistica giudiziaria penale per 1'anno 1889", et pour les années suivantes a la «Notizie complementari alle statistiche giudiziarie penali degli anni 1890—95". Cette dernière statistique ne donne pourtant pas les chiffres pour les différents orgar.es judiciaires. Le tableau suivant nous renseigne sur la participation aux différents crimes et délits par les femmes: ITALIË 1891 —1895. Sur 100 condamnés de chaque crime 011 CRIMES ET DELITS. délit il y a: Hommes, j Femmes. _ . Infanticide 7.7° 92>3° Proxénétisme I9»11 80,89 Avortement 21,65 78,35 Diffamation 53.7° 46,3° Injures 54,78 45>22 Délits contre les moeurs et 1'ordre de la familie (exceptés ceux qui suivent) .... 58,27 4!,73 Abandon d'enfants, abus de moyens de correction 62,85 37,15 Vol simple 75,63 24,37 Fraude en commerce et industrie 79,46 20,54 Crimes et délits en général 82,81 17,19 Coups et blessures légers 83,32 16,68 Corruption de mineurs et outrage a la pudeur. 84,80 1 5,20 Fraude etc 85,74 14,26 Vol qualifié 88,77 11,23 Menaces 90,68 9,32 Rébellion et injures contre des fonctionnaires publics 9°>95 9,°5 Faux en écritures 92,49 7>51 Coups et blessures graves 93,61 6,39 Assassinat 93,91 6,09 Fausse monnaie et faux billets de banque . . 95,02 4,98 Meurtre 96,74 3,26 Délits contre 1'ordre public 97,70 2,30 Rapine etc 97,77 2,23 Viol etc 99.04 0,96') I Selon le recensement de 1881 (il n'a pas été publié de chiffres plus récents a ce que je sache) la population se composait pour 50,12 °/0 d'hommes et pour 49,88 °/0 de femmes. 2) Enfin encore quelques chiffres concernant: 1) o. c. p. XXXVII. 2) »Annuario Statistico Italiano" 1900, p. 191. LES PAYS-BAS 1896—1901. Nombres de condamnes. Hommes. Femmes. Axnkfs — —— j—— Chiffres Sur 100 Chiffres Sur IOO absolus. condamnes. absolus. , condamnés. 1896 13964 89,6 1.625 10>4 1897 14483 90,0 1-613 IO'° 1898 14.018 89,5 1.646 10,5 1899 13.928 90,5 1.463 9>5 1900 I3.234 91 >3 1 -254 8>7 1901 13409 91,0 1.321 9,0 ') La participation de la femme aux différents crimes est comme suit: PAYS-BAS 1901. Sur IOO condamnés il y avait: Crimes. — r Hommes. Femmes. Excitation ou favorisation de la débauche d'un mineur 6,2 I 93>8 Injures simples 64,9 ! 35»1 Vol simple 79»° 21,0 Escroquerie 80,0 20,0 Outrage public a la pudeur .... 81,8 ' 18,2 Homicide 89,5 10,5 Vol qualifié 9°>5 9» 5 Détournement 91»1 8>9 Recel 91.8 8-2 Faux en écritures 92,1 7>9 Coups et blessures volontaires. . . . 93,5 i 6,5 Coups et blessures graves (de touteespèce) 94,7 5>3 Destruction ou dégradation de biens . 95,5 4,5 Vagabondage et mendicité 96,5 j 3>5 Coups et blessures envers des fonction- naires 97,3 2>7 Violation de domicile 98,1 1,9 Rébellion 98,7 !»32) 1) Empruntés a ode Gerechtelijke Statistiek van het Koningrijk der Nederlanden", 1896—1899, et a »de Crimineele Statistiek" 1900 et 1901. Pour des renseignements plus détaillés sur les Pays-Bas voir du l)r. C. Loosjes «Bijdrage tot de studie van de criminaliteit der vrouw", p. 8—30. *) Calculés d'après le tableau 1 de la «Krimineele Statistiek over het jaar 1901". La population entière se divisant, en 1901, en 50,5 °/0 de femmes et 49,5 °/0 d'hommes, x) les chifïfres sus-cités font apparaitre la criminalité de la femme un peu plus grande qu'elle n'est en réalité. Voici donc les faits, qui peuvent être réduits a ceci: que dans tous les pays nommés la criminalité de la femme est de beaucoup inférieure a celle de 1'homme. Cependant, elle est plus grande qu'on ne le jugerait d'après les chifïfres, attendu que presque toutes les statistiques citées concernaient les condamnês (exceptée celle de la France) et que 1'acquittement est plus fréquent pour les femmes que pour les hommes. A 1'appui de cette assertion les chifïfres suivants: Pour 1'Allemagne nous avons déja communiqué les chifïfres, quand nous parlions de 1'influence du mariage sur la criminalité. (voir. p. 507 et 512). Kn Angleterre le pourcentage des accusés qui se virent condamnês fut de 82 °/0 pour les hommes, et de 79 °/0 pour les femmes.2) Pour la France les différences sont encore plus grandes: FRANCF 1881 — 1890. (Cours d'assises). Acquittements sur 100 accusés. Sf.xe. 1 1 -[ 1881 —1885 1886—1890 1891—1895 1896—1900 Hommes. . 25 25 26 28 Femmes. . 45 47 50 523) 1896—1900. (Tribunaux correctionnels). Acquittements sur 100 prévenus de chaque catégorie d'age. Sexk. moins de 16 ans. 16 ans k 21 ans. plus de 21 ans. Hommes. . 57 6 5 Femmes. . 58 9 74) Ces chiffres font présumer que dans les autres pays aussi 1'acquittement des femmes est généralement plus grand que celui des hommes.5) ') P- 5 "Jaarcijfers voor het Koningrijk der Nederlanden, Kijk in Europa, 1901". 2) p. 27 «triminal Statistics, 1899". Voir ibidem 1'explication pourquoi les chiffres cités représentent 1'acquittement des femmes comme trop petit. Morrison mentionne même qu'en Angleterre il y a une acquittée sur 4 femmes accusées et par contre un acquitté sur 6 hommes accusés (p. 46 «Juvenile Ofifcnders"). 3) p. XXXIV, Kapport etc. 4) o. c. p. LVI. Dans les statistiques de 1'Autriche et de 1'Italie je n'ai pu trouver dedonnées sur le sexe des acquittés. Dans la période 1851 1896 1'acquittement des femmes ne dépassait pas celui des hommes dans les Pays-Bas. (Voir Loosjes, o. c. p. 223). D'autres raisons pourquoi la criminalité de la femme semble plus petite qu'elle n'est en réalité sont les suivantes: Comme il ressort des statistiques citées, les délits dont la femme se rend le plus coupable sont aussi ceux dont la découverte est le plus difficile c. a d. les délits commis sans violences. Puis, ceux qui ont été lésés par un crime sont moins disposés a porter plainte contre des femmes que contre des hommes. >) Mais, mênie en prenant en considération les circonstances sus-dites, la criminalité de la femme est de beaucoup plus petite que celle de 1'homme. Ce fait peut s'expliquer en grands traits par ce qui suit: i°. Un examen des tableaux indiquant la participation de la femme aux divers crimes fait voir, qu'elle est plus petite pour les crimes qui demandent de la force ou du courage (comme sévices, vol qualifé). La première cause se trouve donc dans le fait que la femme moyenne de nos jours a moins de force et de courage que 1'homme et qu'elle commettra, pour cela, en moyenne moins de crimes que 1'homme. 2°. Puis, il est clair que la participation aux crimes sexuels est trés petite (pas a celui de proxénétisme qui n'est pas un délit sexuel, mais économique), ce qui s'explique par la circonstance que la plupart de ces crimes, vu leur nature, ne peuvent être commis par des femmes (p. e. le viol). Une autre raison c'est que le röle de la femme dans la vie sexuelle en général (et aussi dans la vie sexuelle criminelle) est plutót passif, d'oü il résulte que la participation active a ces crimes est naturellement aussi plus petite. 3°. La plus petite participation de la femme a presque tous les délits économiques, n'importe qu'ils soient, commis par suite de misère absolue ou bien de cupidité, s'explique en partie par la prostitution, qui donne en général des revenus plus grands et plus sürs que le crime, et oü le „risque professionnel" des voleurs (la prison) est exclue. 4°. Une comparaison de statistiques criminelles des pays respectifs n'a pas beaucoup de valeur pour des raisons différentes et déja exposées plus haut (voir p. 130). Seulement quand ces chiffres different beaucoup on peut en tirer une conclusion. II ressort de la comparaison des tableaux reproduits qu'en général la criminalité des femmes ne diffère pas beaucoup dans les pays nommés. Cependant, en fixant 1'attention sur les crimes et délits plus ou moins graves des tableaux de la criminalité italienne (cours d'assises et tribunaux correctionnels) on découvrira qu'il y a une différence importante p. e. entre 1'Angleterre d'un cöté et 1'Italie de 1'autre. Tandisque le premier pays donnait env. 12 °/„ (Offences tried on indictment) et env. 23 °/0 (Offences tried summarily) de femmes parmi les condamnés, ces chiffres sont de jja 6 (cours d'assises) et env. 9 u/o (trib. corr.) pour le second pays. Cette différence indique la direction dans laquelle il faut rechercher la cause principale de la plus petite criminalité de la femme: c. a d. dans sa position sociale. Celle-ci diffère beaucoup moins de celle de 1'homme en Angleterre qu en Italië. Cependant, on peut relever des chiffres de beaucoup plus significatifs que ceux que je viens de citer. Dans la période de 1S93—1899 le 1) Voir h ce sujet: «Colajanni, Sociologia criminale" 11, p. 83; Földes, o. c. p. 630- 631, et Morrison, o. c. p. 46. pourcentage des femmes sur les condamnés a la prison en Ecosse était de 36 a 37 *). Au Danemarck il y avait de 1876—1885 environ 26°/0 de femmes parmi les condamnés2). C'est un fait incontestable que le Danemarck et 1'Ecosse sont des pays oü la position sociale de la femme se rapproche le plus de celle de 1'homme. Opposons-y maintenant un pays comme 1'Algérie, oü la vie de la femme est tout autre que celle de 1'homme. II ressort que la il y avait (1881—1900) des femmes parmi les condamnés a raison de 3 °/0 parmi les accusés (cours d'assises) et 4 °/0 des prévenus (trib. corr.)3). Un examen de la criminalité de la femme dans les parties d'un même pays démontre, p. e. pour 1'Allemagne, que les plus grands chififres de la criminalité féminine sont fournis par les grandes villes et les contrées les plus économiquement développées. ALLEMAGNE 1897—1898. Sur 100 condamnés il y Villes ou contrées. avait des femmes: 1897 j 1898 Berlin 27,8 27,6 Hambourg . . . 24,7 j 25,3 Royme de Saxe. . 22,0 21,7 Prusse 21,8 i 21,5 Allemagne . . . 20,6 I 20,3 Bavière 18,6 j 18,6 Alsace-Lorraine. . 17,3 j 18,1 Wurtemberg . . . 16,7 15,8 Hesse 15,2 14,4 Bade 13,8 12,1 4) Pour ce qui concerne 1'Angleterre, Morrison dit que pour les délits (offences determined summarily) on en compte commis par les femmes: a Londres (Metropolitan Police District) 25 °/0, a Manchester 33 °/0; par contre dans le comté de Surrey env. 10 °/0 et en Lancaster env. i4°/oDonc, les grands pourcentages dans les contrées oü la position sociale de la femme est le plus 1'égale de celle de 1'homme 5). Le Dr. H. Hoegel donne le tableau suivant pour 1'Autriche. Comme le dit 1'auteur il prouve que les pays, oü la femme participe le plus a ') p. 54 ïCriminal Statistics of England and Wales, 1899." 2) Loosjes, o. c. p. 50. 3) Calculés d'après tableaux 23 ct 24 du «Rapport au president de la république francaise etc." 4) p. 73 II, «Kriminalstatistik ftir das Jahr 1898". 5) p. 47 «Juvenile Offenders". 34 la vie économique, donnent aussi les plus hauts chiffres de criminalité féminine. AUTRICHE 1889—1893. Nombre de femmes sur Nombre dc con- PaYS damnat, pour crime , , . Sur ioocondam- sur 10.000 habit. 100 habuants. nés pour crimes. Moravie 52>5 '8,0 !5>9 Silésie 52,5 i7,S *7-8 Salzbourg 5°,9 j 17>6 !7>6 Bohème 52>° x7>2 8,9 Basse-Autriche .... 5X,4 l(^<7 '4,1 Haute-Autriche. . . . 5°>9 I^>1 J3»9 Autriche 51,4 H,9 I2-6 Carinthie 5!>6 l4,7 '^>5 Gallicie 51.0 13,7 13,7—10,4') Tyrol et Vorarlberg . . 51,4 *3,5 I0>5—i2,o2) Styrie 5°,7 I2>9 '7,3 Buchovine 5°>° 13»3 Littoral de Trieste . . 5°,2 8,8 !4-2 Carniole 52>5 7,5 '9,5 Dalmatie 5°>° 6,8 Ouant au mouvement de la criminalité des femmes, les données, que j'en ai produites, et d'autres que j'ai encore a ma disposition, sont de trop peu d'importance pour qu'on puisse en tirer des conclusions décisives. En Angleterre on constatait une petite dimunition pour les crimes graves, et une petite augmentation pour les moins graves. (La période citée est pourtant de trés courte durée). Dans la période 1881 —1900 la criminalité féminine en France en proportion de celle de 1'homme resta constante; les chiffres absolus ont baissé pour les cours d'assises, et augmenté jusqu'a 1895, pour baisser un peu après cette année, pour ies tribunaux correctionnels. En Italië (tous genres de jurisdiction ensemble) il y a, de 1890—1895, augmentation des chiffres absolus, et une petite diminution flottante des chiffres relatifs. Dans les Pays-Bas les chiffres proportionnels sont restés assez constants durant 1896—1901. Les chiffres suivants concernent: 1) Gallicie Occidentale et Orientale séparément. -) Tyrol ct Vorarlberg séparément. 8) P- 233 u lJie Stratt'alligkeit des Weibes" (Archiv für Kriminal-Anthropologie und Kriminalistik V). ALLEMAGNE 1888—1900. Nombre de condamnés Nombre de con- ANNÉFS u — damneespar rapport lr'^. sur 100.000 homm. sur 100.000 fcmmes a chaque 100 de plus de 12 ans. de plus de 12 ans. condamnés. 1888 1.821,7 35^,0 19,7 1894 2.164,3 374.9 18,7 1896 2.177,7 388,9 17,9 1898 — — 19,5 1900 — — 18,3 ') Donc, une augmentation de la criminalité de la femme, mais moins grande que celle de 1'homme (excepté en 1898). AUTRICHE 1881—1899. Nombre de femmes sur 100 condamnés pour crime. 1881—1885 i 1886—1890 j 1891—1895 j 1896 | 1897 j 1898 1899 14,8 14,6 14,7 I4.i '4.4 13,5 13,92) Par conséquent une petite diminution flottante en comparaison de la criminalité de 1'homme. II faudra reconnaitre que les chifïfres cités ne contribuent pas beaucoup a 1'appui de la thèse, que c'est surtout la position sociale de la femme qui est cause de sa moindre criminalité. Cette position s'est modifiée durant les années sur lesquelles portent les chifïfres cités. Beaucoup plus qu'autrefois la femme prend part a toute la vie économique et sociale. On pourrait donc a première vue s'attendre a une forte augmentation de la criminalité. Néanmoins, ces chiffres ne peuvent non plus servir a combattre la thèse sus-dite, a ce qu'il me semble. Voici pourquoi. En premier lieu, les statistiques citées portent sur une période assez courte. Leur démonstration n'est donc pas trés efficace; car, malgré 1'accroissement continuel de 1'importance du róle de la femme dans la vie économique, la modification de sa position dans toute la vie sociale ne se fait pas si vite, qu'on puisse s'attendre a une forte augmentation de la criminalité féminine dans les statistiques criminelles des années les plus récentes. En second lieu, la plupart des chiffres donnent la proportion de la criminalité de la femme vis a vis de celle de 1'homme; ils ne 111011trent donc pas si la baisse du pourcentage est due a une diminution de la criminalité de la femme, ou bien a une augmentation de celle de 1'homme (Le dernier cas se présente e. a. en Allemagne) 3). !) Empruntés a »Kriminalstatistik" 1888, 1894, 1896, 1898 et 1900. Dans les deux dernières années il n'est plus fait mention de la proportion a la population. 2) p. XLV1I1 de »Die Ergebnisse etc." 8) Dans son oeuvre déja citée le Dr. Loosjes a traité amplement de la criminalité de la femme aux Pays-Bas. Quoique les chiffres démontrent la diminution du pourcentage de cctte criminalité, 1'auteur est d'opinion que cette diminution n'est due qu'a la grande augmentation de la criminalité de 1'homme (p. 11—12). En troisième lieu, les statistiques dont je disposais ne sont pas assez détaillées sur le mouvement de la criminalité de la femme, ce qui empêche d'observer s'il y a eu des changements dans son caractère qualitatif quoique son caractère quantitatif restat a peu prés le même.') Une preuve trés décisive pour la thèse, que c'est la position sociale de la femme qui explique sa moindre criminalité, c'est ce qui suit. La difïférence de manière de vivre etc. de 1'homme et de la femme diminue a mesure qu'on descend 1'échelle sociale. Quand la position sociale de la femme est donc un déterminant important de sa moindre criminalité, il faut que les chiffres démontrent que la criminalité de 1'homme et celle de la femme des classes aisées présentent des différences plus grandes que celles des classes moins privilégiées. Que nos lecteurs veuillent revoir les tableaux que j'ai donnés plus haut (p. 482 sqq.) sur le de°ré de développement intellectuel des criminels: ils confirment complètement 1'hypothèse sus-dite. De même les tableaux sur les conditions de fortune des criminels (voir p. 493—494); en Autriche p. e. 0,2 °/0 des femmes condamnées en 1899 sont sorties des classes aisées, 0,4 °/0 des hommes. Et il n'y a pas de femmes aisées du tout parmi les condamnés pour les plus graves crimes. De même encore dans la statistique des récidivistes prussiens^ dont les femmes forment 4 °/0 des condamnés aisés (2.000 a 5.000 Mes. de revenu) et 14 °/0 des condamnés non-aisés (revenu de moins de 900 mes). 2) Enfin, la statistique de 1'influence du mariage sur la criminalité démontre (voir p. 513 sqq.) que celle des veuves est trés grande. Ce fait prouve que la cause de la plus petite criminalité de la femme ne doit pas être recherchée dans des qualités innées, mais bien dans le milieu social. Car les veuves sont généralement plus que d'autres femmes, forcées d'être en contact avec la vie économique et sociale. II nous reste maintenant encore a expliquer de quelle facon la position sociale est cause de sa moindre criminalité. Ouant aux délits économiques, il faut remarquer que la plus petite~ participation de la femme a la vie économique a pour conséquence, que le désir de s'enricher aux dépens d'autrui est moins suscité dans la femme que dans 1'homme, et que 1'occasion de le faire se présente aussi moins souvent a elle qu'a lui. Quant aux crimes commis par vengeance etc., la femme vivant plus retirée, entre moins vite en conflit avec d'autres, de la une diminution proportionnelle du danger de commettre de tels crimes. La participation presque nulle de la femme a la vie politique explique comment il se fait qu'elle ne se rend presque pas coupable des crimes politiques, genre de crime du reste déja assez rare. ') Voir k ce sujet Loosjes, o. c. p. 12, oü il est démontré que la baisse du pourcentage de la criminalité féminine est pour une grande partie due la diminution de la mendieité. 2) La statistique de la profession des détenus en France, donnee p. 501, fait, apparemment, une exception: les femmes propriétaires et rentières constituent un plus grand pourcentage que les hommes de la même categorie. Si 1'on avait a cóté de cette statistique, une autre portant sur la population nor. criminelle on verrait qu'il y a proportionnellement plus de proprietaires et rentières parmi les' femmes aisées que parmi les hommes aisés, puisqu'il y a parmi celles-la moins de personnes exercant une profession que parmi ceux-ci. Après le long détour que nous avons fait (et auquel nous étions forcés pour pouvoir faire comprendre ce qui suit), nous abordons maintenant et enfin le sujet qui nous occupe spécialement dans cette section, c. a d. 1 influence de la vie économique et sociale sur les sentiments sociaux de la femme. II résulte de eet examen que d'un cóté, la femme sent géneraleinent moins que 1'homme les influences directes nuisibles du système économique actuel et celles de 1'alcoolisme; que les influences, trés importantes pour la criminalité, du milieu dans lequel elle passé sa jeunesse agissent sur elle aussi fort que sur 1'homme; et que le militarisme n'a aucune influence, de même que la prostitution sur la plupart des femmes. Ensuite la femme a vécu durant des siècles dans un état d'oppression, nuisant au développement de ses penchants sociaux et la fonjant a recourir au mensonge et a 1'hypocrisie, ces deux armes de défense des oppressés. De même sa vie retirée a été un obstacle au développement de ses sentiments de solidarité a 1'égard de personnes étrangères a la familie. En jugeant le probléme tout entier encore une fois d'un coup d'oeil, je ne vois rien qui puisse justifier 1'opinion que la moindre criminalité de la femme indique une moralité plus élevée, soit innée soit acquise. Les conséquences de sa manière de vivre, en tant que nuisibles a la formation du caractère, sont bien probablement contrebalancées par celles qui la favorisent. Sa plus petite criminalité est comme la santé d'une plante de serre: celle-ci ne la doit pas a des qualités innées, mais a la serre, qui la protégé contre des influences nuisibles. La vie de la femme füt-elle égale a celle de 1'homme la criminalité de tous deux ne differerait pas, ou presque pas. ') e. La familie. Ici nous avons a traiter de la question: jusqu'a quel point la familie dans laquelle le criminel a été élevé a-t-elle contribué a le rendre ainsi ? II serait bon de faire précéder d'abord quelques observations théoriques sur la question : quelle est 1'influence de 1'éducation morale sur 1'enfant, (dans !e sens le plus large de 1'ambiant moral) et jusqu'a quel point cette éducation agit-elle ultérieurement sur 1'adulte? II est superflu de nous y arrêter longtemps. Les faits, que nous citerons plus bas, sont plus convaincants que toutes les observations théoriques, et ils démontrent clairement combien cette influence est grande. Néanmoins, quelques observations succinctes sont nécessaires. On n'est pas loin de la vérité, a ce qu'il me semble, si 1'on dit que le pouvoir de 1'éducation morale sur le caractère, et celui de 1'éducation intellectuelle sur l'mtelligencc, sont égaux. On a soutenu la these que les capacités intellectuelles de tous les hommes sont égales, et que 1'éducation est la seule cause des grandes dififérences qui existent en !) A 1'exception prés de quelques criminalistes italiens, la plupart des auteurs qui se sont occupés de la criminalité de la femme sont d'opinion que c'est la position sociale de la femme qui est cause de sa plus petite criminalité. Dans 1'oeuvrc citée du Dr. Loosjes on trouve (p. 75—108) un exposé détaillé de ces opinions. réalité. Aucune personne raisonnable ne voudrait défendre cette theorie: les hommes différent énormément de capacités intellectuelles innées; quelques-uns ont de grandes capacités, d'autres en ont trés peu, et entre ces deux extrèmes on trouve la grande moyenne. Ouel est maintenant le róle que joue 1'éducation? . Ceux qui n'ont que peu de facultés intellectuelles ne deviendront naturellement jamais des hommes supérieurs,.leur éducation fut-elle même la meilleure qu'on puisse imaginer; pourtant grace a 1 éducation ils pourront devenir assez utiles. (On n'a qu'a songer aux résultats étonnants obtenus, par une éducation intellectuelle rationnelle d'enfants pathologiques, dont nous ne nous occupons pas du reste ici). Ceux qui possèdent de grandes facultés intellectuelles ont aussi besoin, quoique dans une mesure moindre que la classe moyenne, d'une éducation, sans laquelle leurs facultés resteraient latentes. Darvvin n'aurait jamais composé sa celcbre doctrine s'il était né et avait été élevé dans les bas-fonds d'une grande ville, et s'il n'avait rien appris (a supposer que faible de santé comme il 1'était il n'eüt pas succombé dans un pareil milieu). Son entourage 1'aurait bien estimé intelligent, mais le monde scientifique n'aurait jamais entendu pariet' de lui. . II doit en être a peu prés de même quant aux facultés morales. On ne nait pas avec des prescriptions morales dans la tête, mais seulement avec une plus ou moins grande prédisposition a devenir moral. Si cette prédisposition, même si elle était trés forte, n'est pas cultivée, il ne saurait être question de moralité. , ... . Uenfant, de même que Vhomme, (quoique ce dernier le soit a un deo-ré moindre) est imitateur et enclin a la suggestion en toute ehose mais surtout en tnorale. Si 1'on pose la question: comment se fait-il qu'il y a des honnêtes gens? la réponse doit être: en grande partie puisque dans leur jeunesse, ils ont été aecoutumés a être honnêtes.1) Dans son „Desccnt' of man" Darvvin dit:.... habit in the individual would play a very important part in guiding the conduct of each member; for the social instinct, together with sympathy, is like any other instinct, greatly strengthened by habit, and so consequently would be obedience to the wishes and judgment of the community." 2) Une grande partie des criminels le sont devenus par ce qu'ils n ont eu autour d'eux que de mauvais exemples, ou qu'ils ont été élevés dans ce but3). Même ceux qui sont doués de grandes capacités morales 1) Dans son »Die gesellschaftlichen Ursachen des Verbrechens", le professeur F. von Liszt dit que toute 1'éducation de 1'homme est basée sur la suggestion (voir n. 24; de mon travail). Comme il ressort de ce qui a été dit plus haut, je suis d'ooinion que cette assertion est juste (du moins, si on lit imitation et suggestion), en grande partie, mais non tout a fait. Si elle ctait entièrement juste le repentir serait presque inexpliqt.able, car se repentir nest pas du tout synonyme du sentiment desaeréable résultant d'un agissement contraire a 1 habitude. Le professur von Lisa oublie que 1'homme est un être social, né avec des instincts sociaux, qui, a la condition d'êtrc développcs, peuvent empêcher 1'homme de commettre des actes criminels. 2) p. o6, chap. IV. i s) Dans la criminologie on accepte trés souvent 1 heredité comme cause du crime, quoique des causes plus évidentes ne fassent pas défaut. Est-ce qu'on attribuera a 1'hérédité que le tïls d'un paysan devienne aussi paysan, ou que celui dun forgeron suive le métier de son père? Assurément non. Eh bien, pour la menie innées ne pcuvent se soustraire a dc pareilles influences. Un des hommes les plus compétents en cette matière, M. Raux, directeur d'une des circonscriptions pénitentiaires en France, et auteur d'une des meilleures oeuvres sur la criminalité juvénile dit dans son „Nos jeunes détenus", après avoir peint 1'ambiant misérable des jeunes criminels: „Qu'on 11e vienne pas nous dire après ces révélations que 1'enfant, né dans des milieux qui moralement 1'asphyxient, pouvait échapper au vice. Aucune nature ne résisterait a autant d'agents de démoralisation. II suffirait, pour se convaincre de 1'exactitude de notre assertion, de tenter une expcrience qui, si elle était possible, ne manquerait pas que d'être probante. II s'agirait de transporter quelques enfants de la classe moyenne ou de la classe riche, qui ne fournissent 1'une et 1'autre aucun sujet a nos maisons, dans des families considérées comme types de celles des jeunes délinquants et de substituer aux enfants soustraits aux families raison il n'est pas nécessaire de parler d'hérédité quand le tils d'un voleiir devient voleur, lui-aussi. On a minutieusement décrit plusieurs families qui comptent beaucoup dc criminels, de prostituées etc., parmi leurs membres (Leur nombre est naturellement trés grand. Les plus connues sont les «Jukes" (nora tictif), décritspar R. L. Dugdale; voir encore le Dr. A. Corre «Crime et suicide"', p. 110—113; le Dr. H. Kurella, «Xaturgeschichte des Verbrechers", p. 136 sqq., et le Dr. P. Aubry «Contagion du meurtre", p. 25 sqq.) En lisant les biographies de ces families on se dira que 1'explication la plus simple et la plus naturelle de la grande criminalité dans une même familie est celle-ci: qu'elle est due a 1'ambiant, dans lequel grandissent les enfants des criminels, et que 1'hérédité peut être mise hors de propos. Dans son étude trés intéressante et déja citée, Dugdale aussi tire la conclusion que le facteur prépondérant, c'est le milieu (voir p. 65—66). Le Dr. P. Xaecke aussi est d'opinion qu'il n'y a rien qui oblige a chercher 1'explication de tels cas dans 1'hérédité (voir p. 157—158 de «Verbrechen und Wahnsinu beim Weibe"). A juste titre eet auteur observe que le penchant au crime, comme tel, ne peut jamais s'hériter puisque 1'homme n'a point d'organes spéciaux du crime. Én parlant de 1'hérédité, dans 1'étiologie du crime le Dr. G. Aschaffenburg tire la conclusion suivante: » .... die Hypothese wird entbehrlich, dasz sich verbrecherische Neigungen, etwa wie gelegentlich künstlerische, von den Eltern auf die Kinder vererben. Entbehrlich sage ich ausdrücklich, denn sie wird weder widerlegt noch bewiesen werden können" (p. 104 »Das Verbrechen und seine Bekampfung"). Cet auteur a certainement raison en disant que la preuve positive ne peut pas être fournie attendu qu'on ne peut en faire 1'expérience, cependant on peut citer des faits, d'après lesquels il est plus que vraisemblable, que 1'ambiant surpasse en importance 1'hérédité. Un des départements de la France, celui de la Xièvre, recoit tous les ans un millier d'enfants parisiens délaissés, qui y sont élevés, et dont la plupart une fois adultes, restent dans le département. Si 1'hérédité des penchants criminels existait en etfet, la Xièvre devrait marquer un chiffre élevé de criminalité. Pourtant, c'est justement le contraire. Sur 100.000 habitants la France entière compte 14 accusés 011 prévenus de crimes ou délits contre les moeurs, la Xièvre 7; pour des crimes avec violence on en compte 73 pour la France, et 43 pour la Xièvre; et les chiffres respectifs des crimes qualifiés contre la propriété sont de 140 et 87 (H. Joly, «La France criminelle", p. 198—199). Les faits concernant la criminalité en Australië sont encore plus convaincants puisque 1'Angleterre y a déporté, durant nombre d'années, les plus dangereux criminels. Jusqu'en 1850 on y envoya 95.495 déportés, tandis que 1'énnigration de personnes libres (de 1830 a 1850) monta a 96.000. En dchors de ces deux catégories de personnes il y avait k ce moment-lk, 55.000 habitants, nés dans le pays, dont 40.000 enfants de déportés. Donc, les criminels et leurs enfants formaient la grande majorité de la population (135.000 contre 110.000). Si 1'hérédité est en effet un grand facteur de la criminalité, celle de 1'Australie doit donc indiquer un chiffre exception- aisées ceux des families pauvres. Cette doublé substitution aurait des efifets immédiats. II faudrait peu de temps, bien peu, nous en sommes convaincus, aux premiers, pour perdre toute tracé de leur première éducation et devenir d'excellents mauvais sujets. Quant aux seconds, un nellement élevé, en comparaison de celui d'autres pays. Mais, ceci n'est pas le cas, comme on le verra par le tableau suivant. Sur 10.000 habitants il y avait des PAYS. Crimes graves. Homicides. Italië .... 10,10 1,34 Suède .... 9,83 0,20 Prusse .... 9,52 Saxe 9,14 Australië . . . 7,79 1 0,24 France .... 6,12 0,23 Danemarck . . 5,75 j — Autriche . . . 5,26 ' 0,32 Pays-Bas . . . 4,64 Angleterre. . . 4,60 0,16 Hongrie ... — 1,07 Espagne ... — 1 1,05 Etats-Unis. . . — 0,44 Suisse .... — 0,39 Canada.... — 0,33 Russie .... — 0,21 Belgique ... — 0,16 Allemagne. . . — ! 0,14 Norvège ... — 0,13 Ni pour les crimes graves en général, ni pour les homicides, 1'Australie 11e montre donc des chiffres élevés. Cependant pour des raisons données déja plus haut, une comparaison de statistiques interr.ationales n'a pas de grande valeur. Les chiffres suivants ont plus d'importance: Nombre de crimes sur 10.000 habitants: La Colonie du Cap 13)4° Le Canada 11,40 L'Australie 6,22 La Grande Bretagne 3,03 Dans ces pays les lois sont k peu prés les mêmes: les chiffres se prêtent donc mieux a une comparaison. La Colonie du Cap et le Canada n'ont jamais recu de déportés. Tout de même, leurs chiffres sont plus élevés que ceux de 1'Australie. Enfin encore les chiffres des différentes parties de 1'Australie: Sur 10.000 habitants il y avait des crimes en: (Chiffres moyens annuels de 1888 k 1898). L'Australie de 1'Ouest 15,0 La Nouvelle Galle du Sud ... 8,8 Queensland 7,4 Victoria 5,2 Nouvelle-Zélande 4,7 L'Australie du Sud 3,7 La Tasmanie 3.7 La Tasmanie donne donc les chiffres les plus bas. Néanmoins, c'est le pays qui a recu le plus grand nombre de déportés. On y a envoyé 67.655 criminels et le total des immigrés libres est de 32.218. Les données sont empruntées aux «Résultats mouvement moral contraire se produirait en eux, mais beaucoup plus lentement. Les vices sont comme les nialadies, ils vous saisissent vite et disparaissent difficilement. II resterait longtemps a ces derniers le goüt du vagabondage et des plaisirs grossiers. Mais quand même ces habitudes et impressions d'enfance s'effaceraient péniblement, le bien-être, les conseils et les soins éloigneraient toujours 1'enfant du vol et après un certain temps d'épreuve passé au sein de ces families honnêtes et aisées, le public tiendrait certainement nos sujets, devenus hommes, pour des gens probes et dignes d'une entière confiance. Ainsi, nous aurions transformé de braves enfants en malfaiteurs et du malfaiteur nous aurions fait un honnête homme. Cette expériencc, qu'aucune bonne familie ne consentirait a tenter, par crainte du résultat>), prouverait, d'une part, que tout enfant placé dans les conditions d'existance 4e la plupart de nos jeunes délinquants devient inévitablement vicieux et criminel, de 1'autre, que si les circonstances font facilement de 1'enfant bien élevé un malfaiteur, il est beaucoup plus difficile de transformer un mauvais' sujet en honnête homme En conséquence de ce que nous venons de dire on peut poser deux questions : i° est ce que tous ceux qui sont élevés dans un milieu pareil deviennent infailliblement criminels? 2° n'y a-t-il donc point de différence, quant a la moralité, entre deux personnes, dont 1'une est née avec une forte, 1'autre avec une faible disposition morale (supposé que tous les deux vivent dans un même milieu défavorable) ? La réponse a la première question posée doit être qu'il arrivera peut-être bien quelques fois que ceux qui, malgré le trés mauvais ambiant dans leur jeunesse, ont tout de même réussi. (Comme nous 1'avons vu un expert comme Raux nie cette possibilité.) Mais en tous cas, ils seront trés rares et ne prouvent rien contre la théorie du milieu, car il se peut trés bien que de telles personnes rencontrent un meilleur milieu (p. e. 1'école), qui les met sur le bon chemin, si elles ont une forte disposition morale innée. A la deuxième question il faudra répondre que quelqu'un, doué d'une forte disposition morale, et élevé dans un milieu défavorable deviendra bien criminel, mais qu'il n'a néanmoins pas besoin d'être aussi mauvais qu'un autre, avec une trés faible disposition morale, élevé dans un milieu pareil. de la déportation en Australië" par A. Sutherland. Compte-rendu du Ve Congrès d'Anthrop. crim.). Sans doute, la criminalité en Australië (la déportation de PAngleterre dans ce pays pourrait presque être nommée une expérience en grand) est une indication importante de 1'influence prédominante du milieu. EUe ne prouve naturellement pas que l'infhience de 1'hérédité en matière de la criminalité soit nulle. Cc serait une these que je ne voudrais pas défendre. Mais clle démontre bien que 1'explication la plus simple et la moins recherchée de la descendance de criminels de families criminelles se trouve dans les circonstances, et que ce n'est que le second rang qui y revient a 1'hérédité. !) Comme elle est juste, cette observation! Les partisans de la théorie que le crime ne s'explique pas par le milieu, ne sauraient que faire si leurs enfants étaient forcés vivre durant un certain temps dans les quartiers pauvres d'une grande ville. La nature est plus forte qu'une théorie (erronée)! 2) p. 24—25. II y a criminels ct criminels. Tous ccux qui se sont donné la peine de lire des biographies de grand criminels savent, que tous ne sont pas entièrement corrompus. I! en est de la morale conime de 1'intelligence: dans des circonstances défavorables Darvvin ne serait jamais devenu un génie, mais dans son milieu il aurait tout de même été reconnu conime intelligent; quelqu'un avec de grandes facultés morales ne deviendra pas un honnête homme quand élevé dans un milieu de voleurs et d'assassins, mais, parmi les siens, il sera considéré comme un bon garcon. ') A cóté des milieux trés mauvais se trouvent la grande masse des milieux moyens, dans lesquels les enfants n'ont ni de mauvais exemples, ni ne sont délaissés proprement dit, mais dans lesquels tout de même ils ne recoivent pas une éducation positivement bonne. Quelle est maintenant 1'influence de tels milieux ? Ils sont absolument insuffisants pour des enfants avec peu de disposition morale. Ceux-ci ont besoin d'un guide fort et instruit, sans lequel ils courent beaucoup de danger de quitter tót ou tard le droit chemin. II est évident qu'une éducation comme celle qui est en question est insuffisante, aussi pour la grande classe moyenne: le sort futur de ces jeunes gens dépendra surtout des circonstances dans lesquelles le hasard les placera. Le milieu cité suffira pour ceux qui ont de grandes capacités morales, non pas dans ce sens qu'un meilleur milieu n'aurait pas eu un meilleur efifet sur leur moralité, mais bien dans celui-ci: qu'ils sont plus susceptibles aux bonnes qu'aux mauvaises impressions et — sauf des circonstances exceptionnelles — qu'ils causeront moins de peine a leurs semblables. Enfin encore la question: jusqu'oü s'étend 1'influence d'une bonne éducation? Ou'est-ce qu'une bonne éducation peut effectuer sur quelqu'un ne avec de faibles instincts sociaux? (Comme dans tout eet exposé les individus pathologiques restent hors de considération.) Ceci est la controverse connue. Car personne ne nie que ceux qui sont doués de forts instincts sociaux, aussi bien que ceux qui n'en ont que de moyens, et qui forment la grande majorité, ne deviennent pas des gens mauvais, quand ils sont élevés dans un bon milieu. II sera bien impossible de donner a cette question une réponse décisive. Car, puisqu'on ne peut pas faire d'expériences sur des personnes vivantes, on ne peut obtenir de résultats certains. Et puis, une éducation réellement bonne, est une rareté tellement grande, que le nombre de cas oü des enfants avec peu de disposition morale soient excellement élevés, sera certainement trés petit. 2) On peut bien considérer comme certain que les enfants ayant peu de disposition morale ne deviendront jamais trés altruistes, même s'ils sont élevés dans les meilleures conditions qu'on puisse se figurer. Mais, d'un autre cóté, on ne saurait mettre en doute qu'un milieu favorable ne parvienne tant soit peu a développer ces faibles instincts sociaux (car personne n'en est entièrement dépourvu). 1'our le moment on ne peut encore décider jusqu'oü cette influence peut s'étendre. 1) Les exemples qu'on peut citer sont nombreuses, j'y reviendrai plus tard. Un type en est le voleur décrit par M. Gorky dans son »Asile de nuit'' qui vole puisqu'il a été élevé a le faire, mais a tout de même un bon coeur. 2) Vroir a ce sujet p. 176—177 de ce travail, oü j'en pariais dejk en faisant la critique de la théorie du professeur Ferri. Après cette introduction nous abordons 1'organisation de 1'éducation dans la société actuelle. Avant de nientionner les faits, il est nécessaire de résumer brièvement cc que nous en avons dit plus haut (voir p. 365 sqq.). L'organisation de la société actuelle charge les parents légitimes de 1'enfant de 1'entretenir et de lui donner son éducation. La plupart des auteurs qui s'occupent de la familie s'enthousiasment a tel point qu'ils perdent tout sens critique. Ils relèvent qu'il y a des parents qui aimcnt bien leurs enfants, remplissent vis-a-vis d'cux tous leurs devoirs etc., et veulent nous faire croire que c'est la la règle générale. II faut considérer le sujet avec plus de sang froid. Certes, il serait ridicule de nier 1'importance sociale de la familie, on peut même dire sans hésiter que, sans elle, la société actuelle ne pourrait exister. *) Mais tout cela ne saurait être un motif pour ne pas voir ses défauts. N'y a-t-il pas nombre de méchants, même en dehors des criminels? La majorité des hommes ne se compose-t-elle pas de faibles de caractère? N'y a-t-il pas beaucoup d'alcooliques ? N'y a-t-il pas des gens qui n'aiment que peu ou pas du tout les enfants? N'est-il pas grand le nombre de ceux qui ont peu de patience et de tact pour mener les enfants, ou qui sont dépourvus des autres qualités pédagogiques? N'est-il pas vrai que presque tout le monde ignorc les préceptes psychologiques et pédagogiques? Et la plupart des hommes n'ont-ils pas tout leur temps pris par la lutte pour 1'existence, et ne peuvent donc s'occuper de 1'éducation de leurs enfants? Voila ce qu'il faut se demander. Et la réponse a toutes ces questions est catégoriquement: oui. Et toutes ces personnes n'ont-elles point de progéniture? Trés certainement. Alors on peut s'imaginer les résultats. II serait de la plus haute importance de savoir combien, d'enfants, re<;oivent une éducation vraiment bonne. Je ne connais point de statistique portant sur un trés grand nombre d'enfants. Mais on ne sera pas trés éloigné de la vérité, si 1'on attribue la valeur des chifilres suivants non seulement a un nombre restreint, mais en général a tous les enfants. Ces chitïres sont pris dans 1'oeuvre de L. Ferriani „Schlaue und gliickliche Verbrecher": Sur chaque 100 enfants de 8 a 12 ans: Bonne éducation 5 Éducation médiocre 10 „ superficielle .20 „ partiellement négligée .... 17 „ entièrement „ .... 42 Mauvaise éducation 6 100 2) 1) L'utilité sociale de la familie est causc qu'on la loue, sans qu'on en soit conscient. Plus les bases de la société se moditient, plus les idees concernant la familie changeront aussi. Pas plus que dans n'importe quelle autre branche scientifique, il s'agit de consulter son sentiment, quand on examine une question sociologique. Les sentiments de 1'hommc actuel 1'empêchent de se figurer que, il y aura plus tard, peut-être une organisation sociale dans laquelle des parents laisseront le soin de 1'éducation de leurs enfants a d'autres plus aptes qu'eux sous ce rapport. Mais ce sentiment ne saurait être un argument contre 1'assertion que de grandes modilications auront lieu sur ce point. 2) p. 34. Voir la section entiè'e !>l'hypocrisie dans 1'éducation" fp. 29—49), oü 1'auteur critique sévèrement 1'éducation contemporaine. Un des traits de 1'éducation, c'est qu'elle rend les enfants égoïstes. On ne peut que s'y attendre. L'organisation de la société oblige les hommes a être égoïstes, et „tel père, tel fils". Une moralité apparente en est la conséquence. On n'apprend pas aux enfants qu'ils doivent faire ou laisser ceci ou cela, paree qu'il faut secourir ses semblables et ne pas leur porter préjudice, mais paree qu'il est avantageux d'agir d'après la morale ou paree qu'autrement ils seraient punis, etc. Inutile de dire qu'élevé de telle manière, 1'individu ne reculera pas devant le crime grace a un frein moral quand 1'occasion se presentera d'en tirer profit, et que le risque d'être puni ne sera pas grand. Quant a 1'éducation dans les classes aisées elle est surtout egoïste. Les enfants — il est bien entendu que nous parions comme toujours en général — sont élevés dans 1'idée qu'ils doivent parvenir n'importe comment; 011 leur représente que le meilleur but a atteindre c'est de gagner beaucoup d'argent et de briller dans le monde. De telles principes sont incompatibles avec une éducation vraiment morale, et la leur ne vise qu'une moralité apparente au lieu de développer une moralité réelle. !) Óuelque grands que soient les défauts de cette éducation, il est au moins question d'éducation: les enfants sont surveillés, on les empêche de fréquenter les mauvaises sociétés, etc. La conséquence en est que les enfants des classes aisées n'ont presque jamais affaire a la justice: ce triste monopole est réservé aux enfants des pauvres 2). Cela ne veut pas dire que les défauts de 1'éducation dans les classes aisées ne soient pas non plus un des facteurs de la criminalité que 1'on recontre chez les adultes de ces classes. Quand un pauvre diable comparait en justice il arrivé assez souvent que son défenseur attire 1'attention sur la circonstance, que le milieu, dans leqeul son cliënt a grandi, est une des causes de sa chute; mais on peut compter les cas 011 1'avocat invoque cette circonstance quand son cliënt sort des classes aisées. On croit en général que rien n'aura manqué a 1'éducation morale de celui qui n'a pas connu la misère, et n'a pas été négligé; on se trompe pourtant. II n'y a pas de doute, un des facteurs de la criminalité dans la bourgeoisie, c'est la mauvaise éducation. Les chiffres des tableaux suivants démontrent que les enfants des classes pauvres presque exclusivement, se rendent coupables de crimes. ANGLETERRE ET ECOSSE. Selon la loi anglaise les parents des enfants placés dans un „Reformatory" ou dans une „Industrial School" doivent, s'ils le peuvent, contribuer aux frais causés par leurs enfants. Le tableau suivant fait voir quelles étaient en 1882 les cotisations dues (en shillings par semaine). 1) Voir le Dr. A. Corre »Crime et Suicide", p. 327—328 et L. Ferriani »Minderjührige Verbrecher," p. 284—295, 372 — 373. 2) II y a naturellement, a cöté de la meilleure éducation, aussi d'autres causes de 1'insignifiance de la criminalité juvénile des classes aisées; ainsi p. e. 1'absence de misère, la facilité des moyens de jouissance, etc. +2 (J) JZ wi cn C/5 C/5 ^ O-, c tr £ Xi J2 -C .3 .G J2 JS ■g £ 'o - «"cu^Oh^o-^d* ! H * £ i_ « +-» N ^ co^ Th <_» 1^ rn TJ (U O O O I U-i Reformatories nombres absolus . . 6.6oi 3.858 257 1.818 573 ■ 66 15 14 pourcentage . . . 100,0 58,5 3,9 | 27,5 8,7 1,0 0,2 0,2 Industrial schools nombres absolus . . 17.641 10.406 600 3.904 2.316{ 301 67 20 pourcentage . . . 100,0 59,1 j 3,4 22,2; 13,1 1,7 ; 0,4 0,1') Un peu moins de 60 °/0 des parents ne pouvaient donc pas contribuer, 25 a 30 °/n d'entre eux pouvaient payer a un shillling ou moins seulement, les autres enfants, c. a d. 10 a 15 °/0, étaient des enfants d'ouvriers tant soit peu aisés (il n'y avait point d'enfants sortis d'autres classes). 2) FRANCE. La „statistique pénitentiaire" francaise renseigne sur la condition financière des parents des enfants recueillis dans les „Etablissements d'éducation correctionnelle". Les chifl'res suivants, portant sur les années 1878 a 1882, en donnent une idée. (II est superflu de mentionner les chiffres courant sur un plus grand nombre d'années, car en général les résultats sont les mêmes). 1878—1882 1878 1879 1880 1881 1882 Chilifremoyen Enfants appar- • sur 100 tenant k des j, parents § SS ~ G. F. G. F. G. ; F. G. F. G. F. ! E U . ■ Aisés. ... 81 32 75 60 61 3 50 4 43 5 0,9 1,2 Vivant de leur travail . . 5.874 1.254 5.799 1.177 5-8°° t-224 5-455 '->54 5-3°° ; i-°9° 79>3 68»7 Mendiants, vagabonds, pro- tituées . . . 923 421 956 433 809 429 726 395 697 349 11,5 23,6 Inconnus, disparus, décédés 707 133 684 138 545 102 546 84 486 101 8,3 6,5 Ensemble . 7.585 11.840 7.514 1.808 7.215 1.758 6.777 1.637 6:527 1.545 100,0 100,o3) - III ') Empruntés h. W. I). Morrison. »Juvenile Offenders", p. 160 2) Voir Morrison, o. c. p. 159. 3) Empruntés a et calculés d'après «1'Annuaire statistique de la France", V—IX. Après 1882 la statistique penitentiaire ne fait plus mention de la condition financière, mais de la profession des parents. Les résultats confirment ceux que nous venons de citer. FRANCE 1890—189;. —1890— 1895 i8qo 1891 1892 1893 1894 1895 Chiffremoyen ^ 7 sur 100. Enfants appartenant a des j Pmn" G. F. G. .F G. F. G. F. G. F. G. F. G. . F. Propriétaires ou rentiers .29 2 36 1 36 i 36 2 34 2 29 o 0,6 0,1 Exercant des professions , „ libérales 31 2 28 o 31 o 30 o 42 17 46 o 0,8 0,0 » » » agricoles 1.000 1 125 1.192 105 1.199 101 1.252 j 138 893 102 929 | 115 .0,8 10,0 » , »industrielies 1.252 193 I.186 179 1.059 163 1.237 240 1.304 300 1.317 304 -3.7 » » » diverses 2.084 572 1-937 493 2.130 4'3 >-866 373 2.199 311 2.120 3.7 39.8 36,4 3,. » «4 ==4 4=3 «r 440 403 486 333 3S 7,8 *3,3 Inconnus ou disparus . ■ 364 j 9« 342 X33 347 136 374 129 3*5 95 263 106 6.5 «M Ensemble . . 5.151 1.1k 5-155 I "35 5-225 i.i°i 5-235 '-'76 s-^oo '-'3' 5-°37 '-'52 -o»,» n Emoruntés a et calculés d'après la «Statistique Pénitentiaire", 1890-1895. Ces chiffres démontrent clairement que ce n'est qu'un nombre insignifiant de criminels qui sortent des classes aisées. *) Je n'ai pu me procurer que peu de données pour d'autres pays; leurs résultats sont en général identiques aux chiffres de 1'Angleterre et de la France. ITALIË. Des 2.000 jeunes criminels examinés par L. Ferriani il en avait 1.758, soit 87,9 °/0, sortant de families oü régnait une profonde misère 148 (7,4°/o) seulement n'avaient jamais connu la misère.2) PRUSSE. 77,8 o/0 des entants, recueillis dans les Etablissements d'éducation correctionnelle durant 1'année 1901 a 1902, sortaient de families trés pauvres.3) Ce sont donc les classes les plus pauvres qui forment le plus grand contingent des jeunes criminels. Nous arrivons maintenant a 1'éducation dans le prolétariat. Ici nous rencontrons: i°. 1'insuffisance des moyens pécuniaires que 1'éducation nécessite; 2°. la mauvaise condition d'habitation, qui oblige les enfants a passer une grande partie de la journée dans la rue; 30. 1'absence totale de notions pédagogiques; 40. l'éloignement durant la plus grande . partie de la journée, du père de familie, et, dans beaucoup de cas, même de la mère. Le nombre des femmes mariées qui travaillent au-dehors augmente toujours. En 1882 il y avait p. e. en Allemagne 507.784 ouvrières mariées, en 1895 ce chiffre s'élevait a 807.172: par conséquent en 13 années une augmentation de 299.388, soit 59 °/c. Sur 100 ouvrières il y en avait de mariées, en 1882: 17,3, en 1895: 21,5.4) Dans „die Frauenfrage" L. Braun fait le calcul (il n'existe pas de chiffres officiels) qu'en Allemagne il y a 500.000 enfants de moins de 14 ans, dont les mères sont ouvrières.5) En Autriche 44,6 °/0 des ouvrières sont mariées, en France 20,6 °/0.6) Plus haut p. 465 sqq.) nous avons vu que la criminalité juvénile augmente. Cela s'explique en partie par 1'augmentation du travail des femmes mariées, d'oü il résulte qu'un nombre de plus en plus élevé d'enfants grandissent, sans recevoir les soins nécessaires. Dans les classes ouvrières il n'est pas question d'éducation proprement dite. On peut déja regarder les enfants comme privilégiés quand leurs parents ne leur donnent pas 1'exemple du mal, quand il n'y a pas continuellement des disputes et que 1'on ne s'adonne pas a 1'alcool. II ') Dans son »Nos jeunes détenus" Raux aboutit a la même conclusion; de même Grosmolard dans sa »Criminalité juvénile". Ce dernier auteur dite. a.: »Les situations aisées se rencontrent panni les families des jeunes détenus de longs intervalles; elles ne sont que 1'exception. Les pensionnaires de 1'administration penitentiaire n'ont pas d'attaches avec les hautes classes de la société; ils en ont rarement avec les classes moyennes" (p. 199). 2) «Minderjiihrige Verbrecher", p. 76 et 440, 3) L. Plasz, »Fürsorgeerziehung" (Woche V no. 51). 4) L. Braun, »die Frauenfrage", p. 279—280. o. c. p. 320. e) Braun, o. c. p. 278. est évident que tout cela ne constitue pas encore une éducation convenable ; et, pourtant, combien n'y a-t-il pas d enfants qui tie connaissant pas même une pareille éducation ? T) Dans le bas-prolétariat la situation est naturellement pire. Non seulenient on y trouve le manque dc tous soins et de toute surveillance, mais on y voit même les enfants élevés pour le crime. Jusqu'ici nous avons supposé que les parents étaient vivants. De 1'organisation actuelle de 1'éducation il résulte que la condition des enfants des pauvres devient généralement trés mauvaise, aussitöt que les parents ou même 1'un d'eux viennent a mourir. Souvent la charité particuliere ou publique intervient mais, en général, la communauté ne doit rien a 1'orphelin. Comme dernière consécjuence du système actuel il faut encore relever que les enfants nés d'unions illégitimes ont dans plusieurs pays une condition encore plus précaire dans leur enfancepuisque c'est la mère qui seule doit les protéger. La communauté (dans ce cas donc: 1'état) se soucie peu ou pas de 1'éducation des enfants; elle prescrit (du moins dans quelques pays) 1'enseignement obligatoire et óte aux parents le pouvoir sur leurs enfants pour en prendre la charge quand ceux-ci les négligent par trop (ceci aussi dans quelques pays seulement). Maintenant nous arrivons aux faits. Ils prouveront que 1'ambiant, dans lequel vivent beaucoup d'enfants, est un facteur trés important dans 1'étiologie du crime. Les chiffres dont je dispose ne sont pas aussi nombreux que je le désirerais, mais, nous savons que les statistiques officielles ne sont pas suffisamment établies en vue des recherches sociologiques. En lisant les statistiques qui vont suivre, il ne faudra pas perdre de vue qu'en citant un certain pourcentage d'enfants, élevés dans un mauvais milieu, il ne s'en suit pas encore que les autres aient joui d'une bonne éducation. La statistique n'enrégistre que les cas trés graves, comme par exemple ceux, oü les parents ont été condamnés, ou bien oü les enfants ont été tout a fait délaissés, etc. II est plus facile de constater, quand on fait une enquête sur la condition d'une familie, que les enfants ne recoivent pas de bonne éducation, que le contraire. Dans sou oeuvre déja citée Raux dit que 36 °/0 des parents des jeunes criminels qu'il a examinés, jouissaient d'une bonne réputation. L'auteur ajoute cependant que cc chiffre est trop élevé pour la raison suivante: „Pour certains fonctionnaires chargés de fournir des renseignements a eet égard, tout homrae qui, sans être absolumcnt irréprochable, n a fait 1'objet d aucune plainte, est' unc personne de bonne moralité. C'est ainsi que nous avons du assimiler aux gens de bonne réputation certaines families oü le père ivrogne, paresseux et quelquefois indélicat, donne les plus regrettables exemples a son fils."2) 1) Sur 1'cducation clans le prolétariat voir encore: E. Ducpetiaux, »De la condition physique et morale des jeunes ouvriers", I, livre deuxième, p. 199 sqq., et le Dr. A. Corre, «Crime et Suicide", p. 330—332. 2) P- 9- Certains lecteurs ne verront peut-être, dans ce qui va suivre, qu'une ennuyeuse quantité de chiffres; a tort, car ceux qui savent bicn lire les chiffres leur trouvent un langage beaucoup plus convainquant et plus effrayant, que celui qu'on peut exprimer en paroles ]). ANGLETERRE ET ÉCOSSE 1887—1899.2) Pour ce qui concerne les enfants recueillis dans les „Industrial Schools" durant les années 1887 a 1891, il y a a fournir les données suivantes: 5°/o étaient illégitimes, tandis qu'il y avait dans la même période, sur la totalité des enfants nés-vivants, 4,52 °/0 de naissance illégitime.3) Ici il faut prendre en considération que la mortalité des enfants illégitimes est beaucoup plus grande que celle des enfants légitimes; en 1875 (on n'a pas de données plus récentes) elle s'éleva en Angleterre au doublé (dans quelques contrées au quadruple). II y avait 4 »>/„ d'orphelins de père et de mère, 20 «/„ d'orphelins de pèie seulement et 14^/0 ^ mère seulement j 6 ^/q étaient abandonnés par leur parents, et 2 % enfants de criminels par habitude. Donc un total de 5i°/o de ces enfants vivaient dans des conditions défavorablcs. Pour les pupilles des „Reformatories" dans la même période ce pourcentage est de 53 et confirme donc ce qui a été dit plus haut. 4) Les chiffres suivants portent sur les mêmes données en indiquant les nombres pour les deux sexes: 1) Quelque invraisemblable que cela paraissc, il y a des personnes qui attachent peu de valeur aux statistiques (généralement, elles contrarient leur opinion). Dans son »Minderjahrige Verbrecher" (p. 150) Ferriani donne, avec raison k de tels gens le conseil d'aller voir de leurs propres yeux la réalité, s'ils ne veulent pas qu'on les considère comme jugeant légèrement. Peut-être qu'alors leur opinion changera: la réalité est toujours plus terrible qu'on ne peut la rendre. 2) Je traite des différents pays dans 1'ordre alphabétique. J'aurais donc dü commencer par 1'AUemagne. Mais je n'ai pu réussir a me procurer des statistiques autres que de quelques états séparément. La statistique criminelle allemande ne donne point de renseignements a ce sujet pas même sur 1'illégitimité. Voir pour 1'AUemagne encore les auteurs suivants: le Dr. P. Nacke «Verbrechen und Wahnsinn beim Weibe", p. 161 — 162; le professeur F. von Liszt »Das \'erbrechen als sozial-pathologische Erscheinung", p. 22—23; W. Rein, »Jugendliches Verbrecherthum", jZeitschrift f. Socialwissenschaft 111); H. Wetzker »Die Zunahme der Verbrechen"; le Dr. G. Aschaffenburg. o. c. p. 101—109; voir aussi p. 301 de ce livre oü je communiqué 1'opinioh de P. Hirsch en cette matière. II est évident que dans les villes les enfants sont le plus laissés k 1'abandon. Cependant, il est indéniable qu'a la campagne, 1'éducation laisse aussi beaucoup k désirer. Voir a ce sujet: H. VVittenberg et C. Wagner »Die geschlechtlich-sittlichen Verhaltnisse der evangelischen Landbewohner im Deutschen Reiche", et C. Wagner »Die Sittlichkeit auf dem Lande" (Un référé trés détaillé du premier'de ces travaux se trouve dans Zeitschr. f. Socialwissenschaft I, de la main de J. Wolf et intitulé »Das Verhaltnis von Eltern und Kindern bei dem Landvolk in Deutschland"). 3) G. v. Mayr, «Statistik und Gesellschaftslehre", II, p. 197. 4) Empruntés a W. D. Morrison «Juvenile Offenders", p. 122—147. 35 INDUSTRIAL SCHOOLS 1891. ^* Gar^ons. Killes. Nombres 0< Nombres 0< absolus. '° absolus. — — Naissances illégitimes 233 j 6,8 108 11,6 Orphelins de père et de mère .... 115 3.4 05 °>7 „ seulement 532 15,6 181 18,6 :: 535 15,7 w1 ^ Abandonnés par les parents 193 5>7 7 j 7>4 Père °" mère pervertis ou criminels . . "8 3,5 53 5.5 et Père et mère en vie et a même de prendre soin des enfants i.68i 49>3^ 3J7 32»7 Ensemble . . "3.407 «oo,o 97* ji°°.o II est intéressant d'observer que, chez les filles, 1'influence de mauvaises circonstances de familie est encore plus forte que chez les gabons; dIus de 2U vivaient dans des circonstances anormales. Cependant, pour nous bomer aux chiffres portant sur la periode ,887—1891 :49 resp. 47% des enfants sortaient donc de families normales. Dans ce qui suit nous verrons ce qu'est leur education; differents témoins compétents devant la „Royal commission 011 Reformatory and Industrial Schools" affirmèrent que le milieu, d ou les enfants sortaient, était fort défavorable. Le plus important des temoignages etait celui de M. Macdonald, un des préposés chargés de la perception des cotisations des parents aux frais des „Industrial Schools . D après lui, 6 /0 seulement des enfants avaient un interieur convenable a leur education rnorale. A Manchester 68% des parents d'enfants dans les „Industrial Schools avaient mauvaise réputation, 14,7 % ^taient de caractere douteux et 17 O/a seulement, se conduisaient bien. 2) De 1.2OQ jeunes délinquants dans des pnsons anglaises (1891 p)) qo (7,4%) n'avaient point eu d'éducation, 512 (42,3%) en avaient eu trés peu 496 (41%) une éducation mediocre, et de 111(9,1 /0) seulement pouvait dire qu'elle était bonne. 211 (i7,40/o) etaient sans père et mère, 183 (15,1 °/o) avaient un mauvais interieur, 198 (16,3%) n'en avaient point du tout, et 30 (2,4%) couchaient dans des asiles de nuit. Si le milieu, dans lequel les jeunes criminels ont vécu, est cause de leur chüte, une partie importante d'entre eux devrait donc revenir dans le bon chemin grace a 1'éducation, re<;ue dans les ecoles sus-nommees. Si ce n'est pas le cas pour tous, cela ne prouve rien contre 1 influence n Empruntés a sjugendliche Kriminalitat und Verwahrlosung in Grosz-Britannien" par le Dr. Ferd. Tönnies, p. 9°4 (Zeitschr. f. d. ges. Strw. XIII). 2^1 EniDruntés a Morrison, o. c. p. 148— IS1* , , „ _ 3-, \v M Douglas, »The Criminal: Some social ard> economie aspects , p. 106 („Proceedings of the royal philosophieal society of Glasgow , vol. XXXIII 1901 1902). du milieu, car les impressions revues par 1'enfant, dans lc milieu oü il a vécu avant sa condamnation peuvent être si fortes, qu'elles ne sauraient être effacées par un sejour relativcment court dans un établissement d'éducation (en outrc personne n'oserait affirmer que ces sortes d'établissements pour jeunes criminels soient parfaits). Ensuite après la mise en liberté, le milieu peut de nouveau avoir contribué a la recidive. Voici quelques chiffres qui nous renseignent: II avait sur 100 libérés Gabons Killes Annécs. V~, f~ . . | , i se con- do con- r^ci(j: conduite se con- de con- . .. conduite duisant duite vjstes incon- duisant duite rec' incon- bien. douteuse. ' nue. bien. douteuse. vlstes- nue. a. Reformatory Schools. 1882 76 3 14 7 72 7 6 15 lg83 76 3 14 7 69 9 8 14 1884 78 2 14 6 70 9 6 15 1885 79 2 14 5 72 9 6 13 •886 77 3 14 6 73 11 5 u 1887 78 2 14 6 75 10 5 10 1888 76 1 17 6 75 9 6 10 1889 74 2 18 6 76 96 9 1890 78 2 14 6 73 10 7 10 1891 78 2 14 6 76 8 5 11 b. Industrial Schools. 1882 81 4 s 10 79 7 1 13 1883 80 4 5 11 79 7 2 12 1884 81 45 10 80 7 2 11 1885 81 3 5 11 81 7 2 10 1886 82,5 3 4,5 10 83 8 1 8 '887 83,3 3 5 9 84 7 , 8 1888 83 3 5 9 81 8 1 IO 1889 83 3 5 9 82 8 1 9 1890 84 2 5 9 83 71 9 '89' 85,5 2 4,5 8 84 7 1 gi) Le pourcentage de ceux qui se conduisent bien est donc important et indique suffisamment combien 1'influence du milieu dévavorable a e;té grande sur ces enfants. 2) AUTRICHE 1883—1899. Les chiffres suivants renseignent sur Fillégitimité parmi les criminels emprisonnés dans les années 1883 et 1884. !) p. 38 le Dr. A. Lenz «Die Zwangserziehung in England". 2) Sur 1'Angleterre voir encore: L. Cordon Rylands «Crime, its causes and retnedy", p. 18—19, 37~42- ~ i883 | 1884 I De naissance illé- De naissance ille- e Total des I gitime. Total des gitime. :=,eXe- criminels criminels —j— - emprisonnés.!... f , Sur 100 emprisonnes. T j j Sur 100 H | lotal- prisonniers. pnsonniers. . Hommes . . 4-988 I 597 11 >9 4-512 626 13,8 Femmes . . 781 | 149 j l9,° 751 156 2°<7 Ensemble 5-769 I 746 | 12,9 5*263 I 782 j i4>8 Récidivistes. Hommes . . 2.719 392 ! '4.4 2.353 366 15,5 Femmes . . 425 93 I 21,8 335 97 ! 2 *5 Ensemble 3-'44 485 I !5>4 2.718 1 463 I 17.0 ) 1 ! lil Pour les années 1896 et 1899 j a' 'es donnees suivantes, portant sur les personnes condamnées pour crime durant ces années. 1896 i899_ I De naissance illé- j naissance illé- Sexe. Total des j gitime. Total des condamnés. | s 100 condamnés. Sur IOO TotaL condamnés. ta '[ condamnés. Hommes . . 24.833 2.095 8,4 28.984 2.838 9,7 Femmes . . 4-°65 621 _ 1 5<2 4-679 642 13>7 Ensemble 28.898" 2.716 9,3 33-663 3-4«o 10,3 2) L l'our pouvoir faire une comparaison il faut avoir les chiffres des naissances illégitimes dans la population en général; pour 1'Autriche ils sont trés élevés: dans les années 1876—1880 il y avait 13,84 naissances illégitimes sur 100 enfants nés-vivants, dans la période 1887 1891 il y en avait 14,67 %3). Au premier abord on en concluerait que 1 illegitinnte de naissance n'influe pas sur la criminalité, mais en considérant, comme il convient de le faire, que la mortalité est beaucoup plus grande pour les enfants illégitimes que pour les légitimes, les chiffres proportionnels deviennent différents a 1'age oü 1'on peut commettre des crimes. Durant la période n Empruntés a, et calculés d'après les: Tabelle IV et I »Statistisches Uebersicht der Verhaltnisse der Oesterreichischen Strafanstalten und der Gericht sgefangnisse \\ Empruntés a, et calculés d'après Tabelle Va de >)die Ergebnisse der Strafrechtspflege in den ivn Keichsrate vertretenen Königreichen und Landern", 1896 et 1899. :i) Dr. G. v. Mayr, «Statistik und Gesellschaftslehre", 11, p. 197. 1883 a 1892 p. e. il y eut 24,9 décès sur 100 enfants d'un an ou moins en général, contre 30,3 sur 100 enfants illégitimes '). BADE 1887—1891. En 1887 on introduisit dans le grand duché de Bade Féducation correctionnellc (Zwangserziehung). Les conditions familiales des enfants, recueillis de 1887 a 1891, étaient les suivantes: Sur chaque 100 enfants il y avait Annees. ornhclins I de na.ssance depèreetde °rPheJins | orphelins ïllegitime. mère niere. de perc. 1887 18,s 3^3 | 21^8 24,3 1888 17,0 4,7 ! 16,2 30,2 1889 15,9 s,o | 16,5 30,6 1890 15,0 4,8 16,6 32,8 1891 15,6 4,1 17,7 32,6 2) En examinant les chifïfres de 1'illégitimité il faut prendre en considération que dans ce pays 7,88 % des enfants nés sont de naissance illégitime 3). Un enfant illégitime court donc deux fois plus de danger d'entrer dans un établissement d'éducation correctionnelle, qu'un enfant légitimc. Les pourcentages des enfants orphelins ou demi-orphelins sont aussi beaucoup plus élevés que pour toute la population. FRANCE 1890—1895. Les importantes données suivantes, concernant les enfants dans les „Etablissements d'éducation correctionelle", ont été extraites de la „Statistique penitentiaire" francaise: !) Mayr, o. c. p. 282. 2) J. S. »Zur Venvahrlosung der Kinder in der kapitalistischen Gesellschaft-' (Neue Zeit, 1893—94, II). 3) «Statistisches Jahrbuch für das Deutsche Reich-', 1884, p. 22. Sur ioo enfants nés viables il y avait 8,41 enfants illégitimes 1890—1895 1890 1891 1892 1893 1894 1895 moyenne sur IOO. Condition de familie. — G. j F. G. F. G. F. G. | F. G. I F. G. F. G. j F. De naissance illégitime. . 693 236 669, 238 654 277 635 295 589 289 535 395 I2>' 25>' Orphelins de père ou de , I „ mère 1.676 432 1.641 419 1-753 418 1.634 4'° >-690 428 1.492 45- 31,7 37,« Orphelins de père et de ' , mère 384! I52 3'° 172 323 203 333: 212 324 236 27* 223 6>- '7,4 Dont les parents .... avaient subi une ou plusi- | o q . ' .00 ~ « eurs condamnations . . 977: 4i2 875 443 864 57° 922 566 853 ^ 481 801 488 17,0 43,0 étaient mendiants, vaga- | ! , o , bonds ou prostituees . 391, 201 434j 224 423 j 287 44° j 294 403! 286 333 300 7,8 23,1 étaient inconnus ou avaient ! | \ j e. , ,~r> disparu 364 91 342 j 133 347] 136 374 '29 325j 95 2Ó3 '°6 6,5 tO,Q Total des jeunes détenus . 5.151 1.186 5.155 1.135 5.225 1.101 5.2351 1.176 5-2°° ï-'S* 5-°37 ■ i-'52 550 ') Empruntés k, et calculés d'après la «Statistique pénitentiaire," 1890—1895. (1887—-1891) '), tandis que la mortalité dans la première année de la vie s'élevait a 28,8 sur 100 enfants illégitimes et a 16,7 sur 100 enfants légitimes (1883—1890). 2) Les chiffres sus-dits renferment une accusation accablante contre la société actuelle; si nous supposons que le nombre de personnes qui ont atteint 1'age auquel il est physiquement possible de commettre un crime et qui sont nées d'unions illégitimes est 6% de la population entière (chiffre qui est certainement plutót trop bas que trop élevé), il ressort qu'un enfant (garcon) naturel court deux fois plus de danger de devenir criminel qu'un enfant légitime, et que ce danger est méme quatre fois plus grand pour une fille illégitime. Les autres données aussi sont frappantes, surtout celles qui concernent les filles. II y avait 54 % d'orphelines ou de demi-orphelines; 43 °/0 avaient des parents criminels; 33 °/0 des parents vagabonds ou des prostituées, ou avaient été abandonnées par leurs parents!3) Les statistiques offlcielles ne fournissant point d'autres données, nous passerons a quelques-unes de celles qui ont été communiquées par des personnes particulières. Dans son oeuvre, déja plus d'une fois citée, Raux donne la statistique suivante, basée sur des recherches soigneuses et portant sur 385 jeunes détenus, recueillis dans le „Quartier correctionnel" a Lyon, sur lequel sont dirigés les jeunes criminels qui se sont rendus coupables d'actes trés graves: I soumis a une surveillance normale 51 51 1370 „ faible 90 1 „ „ „ impuissante . . . . 44 158 41 „ brutale 24 ) i Moralement abandonnés 98 ) g $ i Complètemer.t „ , 47 ^ " § I Excités au délit par 1'exemple des parents -.15) I Ayant commis le délit sous 1'instigation et avec > 31 8 „ \ la complicité de leurs parents 16 * Total . 385 385 ioo*) Seulement 13 °/0 d'entre eux jouissaient d'une éducatien normale (et qui pourrait dire jusqu'a quel point elle était réellement bonne): 87 °/0 avaient eu une éducation insuffisante ou mauvaise. L'auteur arrivé a la conclusior. que voici: la population du quartier correctionnel de Lyon, plus malheureuse que coupable, se recrute depuis plus de 16 années dans des families dont la majorité portaient en elles, en raison des vices de leur constitution, le principe de désagrégation de leurs éléments; que la moralité en était détestable ou fort douteuse et que les moyens d'existence y étaient insufifisants ou faisaient totalement défaut. ') v. Mayr, o. c. p. 197. 2) v. Mayr, o. c. p. 282. 3) A. von Oettingen mentionne qu'en 1864 il y avait en France sur 8.006 jeunes détenus 6on/„ qui étaient enfants illégitimes ou orphelins, et 38,5 °/n qui descendaient de criminels, vagabonds et prostituées (Moralstatistik, p. 335). Ces chiffres correspondent donc assez bien avec ceux des années 1890—95. 4) o. c. p. 17. C'est a ces diverses causes que les jeunes délinquants devaient d'abord leurs antécédents déplorables, ensuite leur abandon au moment du délit, leur perversité, leur corruption, leur ignorance, et finalement, leur arrestation". ') L'opinion de M. Grosmolard, de haute valeur a cause de la grande conipétence de 1'auteur, qui a été attaché aux établissements pénitentiaires de Lyon, est entièrement d'accord avec ce qui précède. Après avoir parlé de la forte influence de la misère sur la criminalité juvénile Grosmolard continue ainsi: „A cóté de la misère matérielle, et comme auxiliaire de ce facteur, on trouve la misère morale du foyer, manifestée par la désorganisation de la familie. Ou'elle soit due a 1'inconduite du père et de la mère, ou des deux, la dislocation, occulte par séparation volontaire des époux, ou officielle par le divorce, n'a pas pour les enfants des conséquences moins déplorables. C'est toujours le spectacle déprimant des discordes intestines, 1'abandon du foyer, 1'affaiblissement de la tutelle paternelle." '-) De 400 enfants se trouvant dans un établissement de patronage a Paris on possède la statistique suivante: Etaient enfants naturels 11,25 °/0 „ orphelins de 1'un des deux parents 35>°° » „ „ de père et de mère 10,00 „ Avaient des parents disparus ou frappés par la justice. 13,25 „ „ „ „ séparés, soit de fait, soit par divorce 16,25,, „ une familie normale 14,25 „ 100,00 °/03) Ces résultats concordent donc avec ceux de la statistique officielle et celle de Raux. Les families normales étaient celles qui ne présentaicnt pas de stigmates exterieurs de démoralisation, et il est plus que probable que cette „moralité", dans beaucoup des cas, n'était qu'apparente. Sur 600 families, dont de jeunes criminels étaient issus, étudiées par le Dr. L. Albanel, 303 (50,5 °/0) avaient été désorganisées par le décès, le divorce, 1'abandon, etc. Dans 268 families (44,6 °/o) 'es pères et mères traivaillaient au dehors, et les enfants étaient donc entièrement négligés, 291 enfants (48,5 °/0) étaient confiés aux soins de personnes étrangères (par conséquent il ne saurait être question d'éducation par le père dans les milieux d'oü sortent les jeunes criminels) et 41 (6,8 °/0) étaient élevés par les grands-parents etc.4) Pour en finir encore ce qui suit sur les enfants soumis a la correction a Paris durant 1'époque 1874—1878: a peu prés 68 °/„ d'entre eux 11e recevaient de visites de qui que ce soit, pas méme des parents. Ouel comble de misère! sur 100 enfants 68 auxquels personne ne s'intéressait, méme quand ils étaient en prison. 5) Les résultats obtenus par 1'éducation correctionnelle (du reste en France x) o. c. p. 48. 2) o. c. p. 201. 8) H. Joly «L'enfance coupable", p. 37. Voir encore tout le chapitre III. 4) »Le crime dans la familie", p. 27, 38. b) M. Motet, »De 1'éducation correctionnelle", p. 186 (Actes du 11e Congrès d'anthropologie crimtnelle). probablement^aussi peu perfectionnée qu'ailleurs) prouvent la justesse de ce qui a été avancé. Si la thèse que le milieu est cause de la criminalité des mineurs est exacte, la conduite de la plupart des libérés doit être bonne. Voici les résultats obtenus dans le „Ouartier correctionnel de Lyon." ioi libérés se trouvaient en bonne voie .... soit 60 °/0 20 „ se conduisaient passablement .... „ 12 „ 24 „ étaient mal notés „ 14 „ 24 „ „ disparus (morts etc.) .... „ 14 „ 169 libérés 100 ®/0') Comme je 1'ai déja remarqué plus haut, la circonstance que tous ne se trouvaient pas dans la bonne voie ne prouve encore rien contre la théorie du milieu, car il est bien possible que les mauvaises influences antérieures ne peuvent être éliminées dans un délai relativement court. Pour prouver quelle forte influence exerce a nouveau le milieu sur les libérés, fixons 1'attention sur les chiffres suivants, concernant également les pupilles du „Quartier correctionnel" lyonnais: Libérés, dont les parents Amendements. Récidives. jouissent d'une bonne réputation .... 83 °/0 5 °/0 „ „ réputation douteuse. . . 52 „ 16 „ mauvaise . . 37 „ 19 „ ont subi des condamnations 50 „ 29 „ 2) IRLANDE 1891. Parmi les enfants soumis a 1'éducation correctionnelle en 1891, il y avait: 1,2 °/0 de naissance illégitime; 8,1 °/0 qui avaient perdu leurs parents; 16,2 °/0 qui n'avaient plus de père ; 19,3 °/n sans mère ; et 0,6 °/0 qui avaient cté abandonnés ou dont les parents étaient inconnus. 3) Donc, 43>ö "/0 d'entre eux étaient entièrement ou partiellement orphelins. Ces chiffres n'ont pas de grande valeur, puisqu'ils ne portent que sur un petit total (160). ITALIË 1885—1889. Sur 1'illégitimité de naissance parmi les criminels j'ai des données sur les années 1885, 1886 et 1889. Dans ces années il y avait parmi les condamnés par les Cours d'assises resp. 2,35 °/0, 2,25 °/0 et 2,21 °/0 de naissance illégitime. 4) Le nombre d'enfants naturels en général sur !) Raux, o. c. p. 181. 2) Raux, o. c. p. 211. Voir encore les auteurs suivants pour la Krance • H. Joly, »La France criniinelle," Ch. VI; le Dr. A. Corre «Crime et Suicide", p. 485—490; G. Tomel et H. Rollet, «Les enfants en prison", et le Dr. P. Aubry, »La Contagion du meurtre", p. 17—51. 3) Lenz, o. c. p. 70. 4) Empruntés au Dr. N. Colajanni «Sociologia criminale", 11, p. 107 et ü la «Statistica giudiziaria penale per 1'anno 1889", p. CXV, ioo était, dans les années 1872—1889, d'environ 7 °/n '), la mortalité parmi les enfants en général dans la première année de 19 °/o et celle parmi les enfants illégitimes de 26 n/n (ces pourcentages sont les moyennes des années 1884—1893). 2) L'Italie fait donc exception a la règle, constatée partout ailleurs, que les illégitimes fournissent une plus grande quote-part des criminels que de la population en général. Dans son oeuvre „Entartete Mütter", L. Ferriani communiqué que plus de 25 °/0 de 806 jeunes criminels par lui examinés 1'étaient devenus par suite de la dépravation de leur familie.3) Dans son travail „Minderjahrige Verbrecher" il donne les résultats suivants d'un examen se portant sur 2.000 jeunes criminels: 207 (10,3 %) descendaient de families dont un ou plusieurs membres avaient été condamnés; 53 (2,6 °/0) de families entièrement démoralisées; 701 (35>°l)/o) de families de mauvaise réputation; et 169 (8,4 °/o) de families avec une réputation douteuse, ensemble 56,3 °/0; 896 (44,8 °/„) avaient été corrompus par de mauvais exemples. 4) Le Dr. A. Marro donne les chiffres suivants. Sur 5°7 criminels par lui examinés il y avait: 19 (3.6°/0) dont le père ou la mère était criminel 98 (13,4,,) qui avaient un frère ou une soeur criminel 1 15 (22,6 „) dont le père était immoral ou violent 56 (ii,o„) „ la mère „ immorale ou violente 209 (41,0 „) „ le père était alcoolique 26 ( 5,1 „) „ la mère „ 120 (24,1 „) avaient perdu leur père avant 1'age de 16 ans 90 (18,1 ,,) ft ff ff mère rr tJ tt ,, <, et 36 ( 7,0 „) étaient orphelins avant 1'age de 16 ans.5) NEW-YORK (Etat) 1875—1897. R. L. Dugdale fait mention de la statistique suivante dans son oeuvre „The Jukes". Cette statistique porte sur 233 criminels, emprisonnés en 1875 dans les prisons de New-York. 40,77 % étaient orphelins; 46,780/0 avaient été négligés dans leur jeunesse: 17,16 °/0 descendaient de families criminelles, et 42,49 °/o de families d'intempérants. 6) Les chiffres trés intéressants qui suivent ont été tirés des „Annual Reports of the Elmira-Reformatory". !) «Annuario statistico italiano 1900", p. 95. 2) v. Mayr, o. c. p. 282. 3) p. 164. 4) P- 76- 5) »I caratteri dei delinquenti", p. 237 et 250. Pour 1'Italie voir encore: le I)r. M. Carrara »Les petits criminels de Cagliari" (Compte rendu du Ve Congrès d'anthropologie criminelle). 6) p. 85. Sur chaque IOO détenus .11 Caractère du milieu Durée du séjour dans leur • Parents alcooliques. . _ .. c J u ■s> n domestique. familie. g . Avaient quitté la maison < Manifeste-Probable- Médiocre H Avant 1' ' Bientót ment. ment. m;iuvais age de ™ '° aprèsl age io ans. i '43 3.o i,5 29,6 1901 2,5 0,8 15,0 1,5 1,5 ! 19,6 PRUSSE 1891 —1900. Voici les données sur 1'illégitimité parmi les détenus: Sur IOO détenus il y en avait nés d'unions illégitimes dans les maisons de dans les prisons cor- dans les établissements détention rectionnelles d'éducation correction- (1891 — 1900) (1896—1900) nel le (1895—1900) Hommes Femmes Hommes | Fenimes Hommes j Femmes 8,5 10,2 8,3 12,5 11,6 15,1') Dans les années 1887—1891 il y avait 7,81 enfants illégitimes sur 100 enfants nés-vivants; de 100 enfants illégitimes 35,7 mouraient dans la première année, contre 20,8 °/0 des enfants en général (1884—1893). 2) En Prusse aussi 1'influence de 1'illégïtimé sur la criminalité est trés visible. La statistique suivante porte sur 18.049 récidivistes, détenus dans les maisons de détention prussiennes dans les années 1894—1897. Nombres 0, absolus. 0 De naissance illégitime 2.128 11,2 Avaient perdu leur père avant 1'age de 14 ans . . . 3.230 17,8) s » » mère » » »»»... 2.116 11,7> 35,1 9 » tous les deux avant 1'age de 14 ans . . 1.027 5>6j 0 » leur père après » » » 0 mais avant celui de 18 ans ... 1.183 6,5 v » » leur mère après Page de 14 ans I mais avant celui de 18 ans . . . 880 4,8> 12,2 i) » tous les deux après 1'ftge de 14 ans V mais avant celui de 18 ans .... 167 0,9' » commis leur premier crime avant 1'age de 14 ans 1.150 6,3) .. ^ » >> » » a 1'age de 14 k 18 ans 4.936 27,3i s !) Aschaffenburg, o. c. p. 105. 2) v. Mayr, o. c. p. 197 et 282. 3) Empruntés a, et calculés d'après G. Evert «Zur Statistik zurückfalliger Verbrecher in Preussen". Par conséquent 47,3 °/0 avaient perdu leur père ou mère, ou tous les deux, avant d'avoir atteint 1'age de 18 ans; 11,2 °/„ étaient de naissance illégitime; donc un total de 58,5 °/0 élevés dans des circonstances domestiques anormales. Et quel a été Ie milieu dans lequel ont vécu les autres 41,5 °/0? La statistique ne donne point de réponse a cette question. Mais, en se basant sur les chiffres cités plus haut, on peut se le figurer. SUISSE 1892—1896. Parmi les 14.612 personnes détenues dans les prisons suisses durant les années 1892—1896, il y avait 1.359 (9>3 °/o) enfants naturels, savoir 1.044 (8,5 °/o) hommes et 315 (13,9 °/0) femrnes. Sur 100 naissances il n'y avait dans la période 1871 —1890, que 5 illégitimes, ') tandis que la mortalité dans la première année sur 100 enfants naturels était de 24,0 contre 16,4 sur 100 enfants en général. -) L'influence de la naissance illégitime sur la criminalité est donc trés grande en Suisse: un enfant naturel est au moins trois fois plus sujet a devenir criminel qu'un enfant légitime. Pour ce qui est de 1'éducation des criminels, 22 °/0 des femmes et 17 °/0 des hommes avaient été élevés par des personnes étrangères. La statistique suivante porte sur les autres, c. a d., sur ceux élevés dans leur familie: Nombres des détenus: Éducation. Hommes. Femmes. Détenus illegitimes. Total. j o/n Total. j •/, % , _ Bonne 4.696 57 586 44 37,6 Défectueuse 3.096 37 619 46 47,6 Mauvaise 481 6 141 10 14,8 Ensemble . . 8.273 IC,o !-34Ó 100 1003) Ces chiffres démontrent donc que 1'éducation d'un trés grand nombre de criminels était trés insuffisante et surtout pour les enfants naturels. La statistique suivante, portant sur le canton de Berne, spécifie encore mieux. !) Empruntés a »Die Ergebnisse der Schweizerischen Kriminalstatistik wahrend der Jahre 1892—1896", p. 34. -) v. Mayr, o. c. p. 282. 3) »Die Ergebnisse etc." p. 35, 37, 38. Sur 100 condamnés de chaquc catégorie ci-contre, CATÉGORIES DE CON- 1'éducation avait été DAMNl'.S. bonnc. défectueuse. mauvaise. pas indiquée. De naissance légitime 33,0 54,0 11,0 2,0 illégitime . 8,4 63,4 25,3 2,8 Elevés dans leur propre familie 38,0 11,0 49,0 2,0 Elevés dans une familie étrangère 9,0 17,0 73,0 1,0 Elevés dans un établis- ment 16,0 18,0 53,0 13,01) Les chiffres concernant la „mauvaise éducation" des personnes illégitimes et des enfants élevés par des étrangers sont trés frappants; 9 °/0 seulement avaient eu une „bonne" éducation — dans le sens de la statistique, bien entendu. WURTEMBERG 1877—1888. Les données suivantes concernent les 3.181 criminels, en prison dans le Wurtemberg dans les années 1877—1888: Sur 100 personnes de chaque groupe il y avait des naissances illégitimes: Total des détenus 27,0 Criminels habituels 30,6 „ occasionnels 17,4 Voleurs 32,4 Escrocs 23,1 Criminels contre les moeurs . . . . 21,0 Parjures 13,0 Incendiaires 12,9 Sur 100 naissances il y avait 8,76 illégitimes (1876—1885), la mortalité des enfants dans la première année se montait a 32 °/0 pour les enfants illégitimes et a 26,1 °/0 pour les enfants engénéral( 1884—1893).2) L'influence de 1'illégitimité est donc trés forte ici. Sur IOO personnes de chaque catégorie il y en avait qui étaient élevés par des étrangers: Total des détenus 16,0 Criminels habituels 19,3 „ d'occasion 7,6 Voleurs 20,9 Incendiaires 11,0 Escrocs 10,8 Criminels contre les moeurs .... 9,4 Parjures 6,0 1) Weinberg, o. c. p. 19. 2) v. Mayr, o. c. p. 283. — Toutes les autres données sont empruntées & E. Sichart, •;Ueber individuelle Eaktoren des Verbrechens". (Zeitschrift f. d. ges. Strafrw. X). Sur 100 pcrsonnes de chaque categorie il y en avait dont un des parents ou tous les deux menaient une vie immorale ou criminelle: Total des détenus 43,7 Criminels contre les moeurs . . . . 51,3 Voleurs 47,4 Escrocs 34,8 Incendiaires 31,0 Parjures 23,0 Enfin il faut encore mentionner que 16,2 °/0 des 1.714 condamnés a la détention descendaient d'alcooliques. Nous sommes au bout de nos données statistiques et en même temps de nos considérations sur le milieu dans lequel les criminels sont élevés; car il me parait superflu de faire encore des commentaires: la trés grande influence du milieu est indubitable. Tomel et Rollet terminent leur oeuvre „Enfants en prison" par les paroles suivantes, que je fais miennes et qui sont appliquables aussi bien aux criminels adultes qu'aux jeunes criminels: „La société fait-elle tout ce qu'elle doit pour éviter la prison aux enfants? Nous croyons qu'avec nous il (c. a d. le lecteur) répondra: „Non!" Chaque enfant auquel nous refusons protection deviendra un réfractaire. C'est un loup que nous préparons a la bergerie. Si demain il fait payer a ses semblables son arrièré d'injustices, s'il vole, s'il tue, il ne dira pas: „Je commets un crime"; il dira: „J'use de représailles". ') f. La prostitution. La prostitution a une importance spéciale pour 1'étiologie des délits sexuels et du proxénétisme. Cependant, ce n'est pas d'elle que nous avons a nous occuper pour le moment, mais de la corrélation entre la prostitution et la criminalité en général, c. a d. dans ce sens, que la prostitution a un effet démoralisateur sur les femmes qui la professent et sur ceux qui les fréquentent. Commencons par 1'influence qu'elle exerce sur les prostituées elles-mêmes. Comme toutes les observations sur la relation de certains phénomènes sociaux avec la eriminalité, celles-ci doivent ètre précédées de données statistiques. Quel est la quote-part des prostituées dans la criminalité? C'est une question trés difficile a résoudre, puisque, iO la plupart des statistiques criminelles ne font pas mention de la profession de prostituée, 2° ces statistiques, quand elle le font, ne rendent pas la réalité exacte, attendu que la profession sera trés souvent cachée par 1'intéressée, 3° 1'étendue de la prostitution est presque inconnue, de sorte qu'on ne peut faire les calculs nécessaires. Les chiffres suivants nous donnent quelques renseignements sur le sujet: i) p. 298. ALLEMAGNE 1885. Sur ce pays je n'ai pu trouver que ce qui suit (la statistique criminelle ne fait pas mention de la prostitution comme profession): Parmi les 2.900 femmes détenues dans les 16 grandes prisons allemandes se trouvaient, en 1885, 500 (17,2 %) femmes autrefois déja punies r cause de „gewerbmassige Unzucht."') Ouoiqu'il n'y ait point de données positives sur 1'étendue de la prostitution, il est néanmoins certain que beaucoup moins que 17,2 °/0 des femmes en général sont prostituees. Le chifïfre cité prouve donc que les prostituées présentent une participation relativement grande au crime. ANGLETERRE 1836—1900. La statistique pénitentiaire anglaise indique si les femmes détenues sont prostituées, ou non. Comme nous 1'avons vu plus haut (voir p. 499) le pourcentage des prostituées se montait de 1894—1900 a environ 15 °/u du total; les chiffres portant sur des années plus reculées montrent pourtant un pourcentage encore beaucoup plus élevé : dans les années 1836—-1854 il y avait sur 100 femmes condamnées (a Londres) 25,2 prostituees;2) dans les années 1858—1862 24,7 o/0 des femmes arrêtées étaient prostituées. 3) Cependant, en examinant ces chiffres exceptionnellement élevés, il ne faut pas oublier que, selon la „Vagrant Act", le fait d'être prostituée constitue a lui seul déja une contravention: une partie de ces femmes ont donc été condamnées pour cela et non pas puisqu'elles avaient commis d'autres délits. Pourtant, le chiffre suivant, 0C1 cette circonstance est exclue, fait aussi voir une trés grande participation des prostituées, qui gagne encore de 1'iniportance si 1'on considère que beaucoup de victimes ne portent pas plainte par crainte de scandale: sur chaque 100 personnes des deux sexes, condamnées a Londres dans la période de 1843 a 1854 pour „vol sur la personne", il y avait 36,0 prostituées. 4) AUTRICHE 1896—1898. C'est a 1'étude du Dr. A. Baumgarten „Die Beziehungen der Prostitution zum Verbrechen", que j'emprunte la statistique suivante (qui, a ce que je crois, se rapporte seulement a Vienne): dans les années 1896—1898 ii y avait, sur un total de 2.400 prostituées, tous les ans 34 condamnées, c. a d. 1,4 °/0, sans compter celles qui étaient punies pour infractions aux règlements sur la prostitution. 5) L'auteur cité trouve que cette participation est trés petite. Je me permets d'être d'une autre opinion. Si 1'on remarque que la statistique criminelle, p. e. celle de 1'Allemagne, démontre qu'il n'y a annuellement que 0,3 condamnées ') (1. S. »I)ie weibliche Lohnarbeit und ihr Einflusz auf die Sittlichkeit und Kriminalitat", p. 751 (Neue Zeit 1899—1900 II). 2) Le Dr. G. Richelot »La prostitution en Angleterre", p. 571. 8) Le Dr. G. Mayr, »Statistik der gerichtlichen Polizei im Königreiche ttayern und in einigen andern Landern", tableau CXVIII. 4) Parent-Duchatelet ïDe la prostitution dans la ville de l'aris". 11, p. 612. 5) p. 10. 36 sur 100 femmes au-dessus de 12 ans, la part que les prostituées prennent au crime doit être nommée plutót grande que petite. FRANCE 1890—1895. En citant les chiffres sur la profession des détenus (1890—1895), nous avons montré (voir p. 501) que 5 °/0 environ étaient prostituées. Comparé a celui des statistiques analogues de 1'Angleterre, ce pourcentage est petit. 11 faut pourtant prendre en considération qu'un grand nombre de prostituées d'occasion figurent dans la statistique penitentiaire sous une autre profession. ITALIË 1891 —1895. 1.949 (1,5 °/0) des 126.717 femmes, condamnées dans les années ïggi—1895, étaient prostituées.') Ici aussi il laudra prendre enconsidération que ce nombre n'est formé que de prostituées de profession, et que celles qui 1'exercent comrne profession auxiiiaire, sont comprises dans d'autres professions. Aussi, L. Ferriani, dans son oeuvre „Minderjahrige Verbrecher", conclut que des 460 jeunes criminelles, étudiées par lui, 243 (52,8 °/o) étaient prostituées. 2) Je n'ai pu me procurer d'autres données. 3) Elles ne prouvent pas, il est vrai, mais ellcs justifient la supposition qu'il est trés probable, que les prostituées présentent une criminalité importante. D'après moi il faut expliquer ce phénomène comnie suit: i°. Par sa nature la profession ouvre un vaste champ pour com- mettre des délits économiques. 2C. La prostitution a un effet trés démorahsateur sur celles qui 1'excercent. Ceux qui ne se sont pas suffisamment rendu compte des causes réelles de la prostitution, sont d'opinion que cette thèse est une permutation de cause et d'effet, et que c'est au contraire la démoralisation qui cause la prostitution. En raisonnant ainsi on oublie qu'une partie des prostituées ont été forcées par la misère de prendre cette profession, et que dans ce cas on n'a pa sbesoin de supposer la démoralisation. Quoique ce soit vrai pour d'autres, la profession peut cependant augmenter la démoralisation qui existe déja. ^ Tous les auteurs qui se sont occupés de la question sont d accord que c'est aussi le cas en réalité. On ne peut s'imaginer une condition plus indigne que celle d'une prostituee. La personne qui est continuellement forcée d'agir contre ses sentiments, qui est obligée d'etre en i) Calculés d'après p. LXXVIII «Notizie complementari alle statistiche giudiziarie penali degli anni 1890—95". ») La'statistique criminelle suisse déjk mentionnée indique pour la prostitution comme cause de la criminalité 3,3 "/o (Pour les femmes 14,6 «/o et les hommes 0,6 °/0). L'auteur lui-même reconnait que cette statistique est peu digne de confiance. relation intime avec chacun, même avec 1'homme le plus abject, qui se désaccoutume de tout travail, et qui est méprisée perd inévitablement tout respect d'elle-même et tombe de plus en plus bas. ') Un deuxième lien entre criminalité et prostitution, c'est que celle-ci rend possible 1'existence d'une catégorie de gens, qui forment un danger permanent pour la société, c. a d. les souteneurs. Les prostituées non inscrites ont besoin d'un homme qui les protégé, et auquel elles s'attachent dans leur délaissement. En échange de cette protection, la prostituée cède la plus grande partie de ce qu'elle gagne a son souteneur. En examinant les biographies de grands criminels, on voit qu'une grande partie d'entre eux appartiennent a cette catégorie de gens. II est évident que les personnes démoralisées seules peuvent mener une vie pareille, mais cette vie a son tour augmente leur abjection. 2) En troisième lieu, la prostitution a une influence démoralisatrice sur les hommes qui sont en contacte avec les prostituées. On ne peut attribuer au hasard que, dans beaucoup de procédures pénales, il est démontré que les inculpés ont des relations avec le monde de la prostitution. Ce monde même ne comprend qu'un nombre relativement petit de personnes; mais les hommes qui le fréquente sont nombreux et la démoralisation qui s'ensuit porte préjudice a la société. Cette démoralisition s'explique aisément, le Dr. Lux la dépeint dans son „Sozialpolitisches Handbuch", en ces mots: „Die Kauflichkeit der Liebesfreuden entwiirdigt den Genusz; der Mann lernt in dem Weibe immer mehr nur ein Mittel, seine Lüste zu stillen, kennen; jede höhere Achtung vor dem Weibe geht ihm verloren, seine Denkvveise wird frivol und zynisch, sein Charakter immer gemeiner. Wer Gelegenheit hat, die Jugend der groszen Stadte kennen zu lernen, musz, wenn er von ihrer Gesinnung nicht auch schon angesteckt ist, erschrecken uber die Brutalitat und Gemeinheit ihrer Denk- und Sprachweise. Der einzige Gespriichstoff unserer „jeunesse dorée" besteht in unflathigen Zoten und in der Erzahlung von Obscönitaten; man prahlt mit Thaten, deren beschuldigt zu werden einem anstandigen Menschen das Blut in's Gesicht treiben müszte. Der 1) Sur la démoralisation des prostituées par leur profession, voir encore: ParentDuchatelet, o. c. p. 139—142; L. Faucher «Etudes sur 1'Angleterre", I, p. 77—78; C. L. ISrace »The dangerous classes of New-York", p. 116—117; «Einiges über die Prostitution in Gegenwart und Zukunft", p. 519 ( Article anonyme. Neue Zeit 1891—92 I); le I)r. O. Commenge »La prostitution clandestine k Paris", p. 129— 131; le Dr. A. Blaschko, »Die Prostitution irn XIX Jahrhundert", p. 27—28. Voir aussi p. 413 dc mon travail, oü je citais 1'opinion du I)r. A. Kom. Comme je 1'ai déjk dit plus haut, le Dr. Baumgarten est d'opinion que la participation au crime par les prostituées est petite. 11 croit que la cause réside dans le manque de toute énergie montré en général par ces femmes (p. 14). Sans être d'accord avec 1'auteur que la participation en question n'est pas grande, on peut tout dc même lui donner raison que ce fait est une des causes que la criminalité n'est pas encore plus forte parmi les prostituées. -) Sur les souteneurs et leur participation a la criminalité, voir: Parent-Duchatelet, o. c. 1 Chap. II § 12; H. A. Frégier, »Les classes dangereuses'', I, p. 168—170; Dr. P. Ladarne, »De la prostitution dans ses rapports avec 1'alcoolisme, le crime et la folie", p. 16; E. Sichart, »Ueber individuelle Faktoren des Verbrechens", p. 44; Baumgarten, o. c. p. 17—19; et H. Stursberg, «Die Prostitution in Deutschland und ihre Bekampfung", p. 76- 82. Cet auteur donne les biographies de deux souteneurs (cas typiques); le mauvais milieu est la cause principale de leur condition. Umgang mit Prostituirten demoralisirt und verwildert die Jugend, deren Sittlichkeit er bewahren soll, er erstickt in ihr jedes edlere Gefühl. ') g. L'alcoolisme. Ici nous n'avons a nous occuper que d'une seule des différentes facons dont l'alcoolisme se rattache a la criminalité, attendu que 1'empoisonnement aigu par 1'alcool ne se présente que dans 1'étiologie des délits sexuels et de ceux qui sont commis par vengeance etc., mais n'a presque point de rapport avec la plus grande des catégories, c. a d. avec les délits économiques. II ne peut donc pas trouver sa place dans les considérations générales. II en est autrement pour l'alcoolisme chronique; celui qui y est sujet subit unz dêmoralisation générale par laquelle il est prédisposé, même quand il n'est pas ivre, a conimettre un délit. La manière dont cette démoralisation a lieu n'est pas une question du ressort sociologique: nous n'avons pas a nous en occuper, il nous suffit que la conséquence sus-dite de 1 alcoolisme chronique soit universellement reconnue. 2) . , Pour démontrer 1'influence de 1 alcoolisme chronique sur la criminalité, on ne peut se servir que de la méthode statistique directe; c. a d. qu il faut chercher le nombre des alcooliques chroniques parmi les criminels, ensuite il faudrait placer a cóté de ces chiffres celui de leurs pareils parmi la population non-criminelle, afin de pouvoir comparer, ces derniers faisant défaut la comparaison est impossible. Pourtant, comme nous le verrons, le pourcentage des alcooliques chroniques est si grand parmi les criminels, qu'on peut affirmer que parmi les non-criminels le pourcentage est plus petit. Par conséquent une influence plus ou moins grande de l'alcoolisme chronique est indubitablement démontrée. Voici la reproduction des statistiques dont nous disposons: ALLEMAGNE. Une enquête faite par le Dr. A. Baer sur les détenus dans les prisons allemandes, dans la période après 1870, donne le résultat suivant. Sur la conséquence susdite de la prostitution, voir encore: F. Engels, »Der Ursorune der Familie, des Privateigenthums und des Staats , p. 63; Stursberg, o. c. p. 28—29; Faure, «Souvenirs de la Roquette" p. 360; Baumgarten, o. c. p. 20; Blaschko, o. c. p. 28—29. . ... . . , , • „ T m Sur le rapport entre prostitution et criminalité en general, voir encoie: L M. Moreau-Christophe, »Du problème de la misère", 111, p. 167—170; Richelot, o. c., D £IO ie i)r. F. C. B. Avé-Lallemant, »Das Deutsche Gaunerthum , II, d 28—->q et'336, III, p. 157 et 165; A. von Oettingen, »Moralstatistik", p. 207—215; Ladame, o. c, p. 15 sqq.; C. Lombroso et G. Ferrero, »La femme cnminelle et la prostituée", p. 535—538. . , . , TT , , ,, « 1» 2) Voir e. a. le Dr. A. Krauss, »Die Psychologie des Verbrechens , p. 68-69; le Dr. A. Grotjahn, «Der Alkoholismus", p. 87. Nombre des buveurs. i) ^déteruis^68 S^n^ral. Occasionnels. Habituels. Absolu. o/0 Absolu. °/q Absolu. °/o Hommes. 30.041 13.199 43,9 7.071 23,5 6.128 20,4 Femmes. 2.796 507 18,1 198: 7,1 309 ii,- Ensemble. 32.837 13.706 41,7 7.269j 22,1 6.437 19,62) Pour les différents crimes et délits les chiffres sont les suivants: Parmi les buveurs il y avait Nombre I-*0"1 étaient des buveurs . buveurs. CRIMES ET DELITS. ,occasionnels. habituels. detenus (hommes), \ombre 0, Nombre 0, Nombre 0, absolu. '° absolu. : '° absolu. i '° A. maisons de force. Coups et blessures ... 773 575 74,5 418 72,7 157 27,3 Rapine et vol sur le grand chemin 898 618 68,8 353 57,1 265 42,9 Meurtre 348 220 63,2 129 58,6 91 41,4 viol> etc 954 575 60,2 352 61,2 223 ! 38,8 vo1 10.033 5-212 51,9 2.513 48,2 2.699 5i,8 Tentative de meurtre . . 252 128 50,8 78 60,9 50 39,1 Incendie volontaire . . . 804 383 47,6 184 48,0 199 52,0 Assassinat 514 237 46,1 139 58,6 98 41,4 Divers crimes 1.689 712 42,2 358 50,2 354 49,8 Faux serment 590 157 26,6 82 52,2 75 47,8 B. Maisons de détention. Délits contre les moeurs . 200 154 77,0 113 73,3 41 26,7 Rebellion 652 499 76,5 445 89,0 54 11,0 Coups et blessures . . . 1.130 716 63,4 581 81,1 135 18,0 Rapine 48 28 58,3 16 57,0 12 43,0 Violation de domicile . . 411 223 54,2 210 94,2 13 5,8 Révolte et perturbation de la paix publique ... 34 18 52,9 12 j 66,6 6 33,3 Divers délits 826 433 52,4 306 70,7 127 29,3 Incendie volontaire ... 23 11 48,0 5 1 45,4 6 54,6 Vol 3.282 1.048 32,0 666 63,5 382 36,5 Escroquerie, faux et détour- nement 786 194 24,7 111 57,2 83 42,83) ') Sous «buveurs" on n'entend naturellement pas les non-abstinents, mais ceux qui abusent de 1'alcool. 2) »Der Alcoholismus", p. 348. s) o. c. p. 351. Voir aussi p. 354 oü le Dr. Baer dit que tous les hommes compétents sont d'accord que 1'alcoolisme est une des causes principales du crime. Sur un total de 359 vagabonds et mendiants le Dr. K. Bonhoefïfer constatait 281 (78,2 °/0) alcooliques.») ANGLETERRE ET GALLES 1858—1897. Les chifïres suivants sont empruntés a la statistique policière. Dont étaient buveurs habituels: Anaées. F— I EraemMe. poursuivies. Nombre n, Nombre 0/ Nombre 0/ absolu. /o absolu. absolu. U'° 1858 434-492 13-553 3.7 4-I30 4-5 I7-6«3 4,i 1859 419.929 18.440 5,6 5.303 5,9 23.743 ! 5,7 1860 409.780 19.471 6,o 5.210 6,0 24.681 6,o 1861 421.891 19.475 5.8 4-96o 5.7 24.435 5.8 1862 438.228 20.830 6,0 5.209 5,8 26.039 5,9 1894 698.761 19.224 3,3 6.557 5.3 25.781 3,6 1895 687.075 16.268 2,8 5.695 4.7 21.963 3,1 1896 728.374 17-308 2,8 6.015 4.7 23.323 3,2 1S97 757-485 17.012 2,7 6.084 4,6 23.096 , 3,0-) Ces chiffres n'ont pas de grande valeur; ils présentent le nombre des buveurs habituels bien moindre qu'il ne 1'est en réalité. La statistique précitée divise toutes les personnes poursuivies en 8 groupes (criminels habituels, prostituées, vagabonds, etc.) et sous la rubrique des buveurs habituels ne figurent que les alcooliques, qui ne sont pas portés sous d'autres rubriques. Si un vagabond, p. e., est aussi un buveur habituel, il comptera parmi les vagabonds et non parmi les buveurs habituels; de la que ce dernier groupe est en réalité beaucoup plus grand que les chiffres ne le font présumer. 3) BELGIQUE 1874—1900. M. Masoin communiqué que sur 2.588 condamnés (a 5 ans d em" prisonnement au moins), entrés durant 1'époque de 1874 a 1895 dans la maison centrale a Louvain, il y en avait 1.157 (44.7 °/o) adonnés a 1'ivrognerie. Sur 216 condamnés aux travaux forcés a perpétuité, il y en avait^i 18 (54,6%), et sur 202 condamnés a mort 121 (6o°/0). 4) 1) »Ein Beitrag zur Kenntnis des groszstadtischen Bettel- und Vagabondentums" (Zeitschr. f. d. ges. Strw. XXI). „ „ 2) Pour les années 1858—1862 empruntés k 1'oeuvre du Dr. G. Mayr, ïbtatistlk der gerichtlichen Polizei im Königreiche Bayern und in einigen^ anderen Landern', tabl. CXVIII. et pour les autres années aux »Criminal Statistics", 1894 1897. Sur 1'Angleterre voir encore: L. Gordon Rylands, oCrime, its causes and rernedy , ü. 17, 20—22; J. Baker, «Rapport sur 1'influence de 1'alcoolisme sur la criminalité" et \V. C. Sullivan, idem (Actes du Congres pénitentiaire international de Bruxelles 1900. IV). . . . , ,1. „ ■ 4) »L'alcoolisme dans ses rapports avec la criminalité", p. 411, 413, 415 (Bulletin de 1'académie royale de médecine de Belgique, 1896). Dans la prison de Mons sur 325 récidivistes le Dr. J. Morel constatait 181 (53,9 °/o) adonnés aux excès alcooliques. !) II ressort de la Statistique Judiciaire de la Belgique de 1900, que, en 1898, sur 16.169 récidivistes (hommes) il y avait 5-97^ (31 »2 °/o) antérieurement condamnés pour infraction a la loi sur 1'ivrognerie, et sur 22.904 non-récidivistes (hommes) 1.984 (8,7 °/o)- Parmi les femtnes ces chififres étaient de 8 °/o (récidivistes) et 1,1 °/o (non-récividistes). 2) DANEMARK 1871—1897. Sur 2.982 détenus recus de 1871 a 1880, dans la prison de Vridslöselille, 797 (27 °/0) étaient ivrognes. La statistique pénitentiaire communiqué que, durant les années 1891 —1897, des non-récidivistes, étaient adonnés a la boisson 16,3 °/0 des hommes et 4,6 °/0 des femmes. 3) FRANCE. Au Congrès pénitentiaire de Bruxelles (1900) M. V. Marambat, connu par ses études sur la relation entre criminalité et alcoolisme, communiquait la statistique suivante: Nombre Nombre Propor- CRIMES ET DÉLITS. d,es co,n" d'ivrog- tions. damnes. nes. "/o Assassinat, meurtre, coups et blessures et autres crimes et délits de violence. . . 7^7 649 82,4 Destruction d'édifices, bris de clöture etc. . 433 344 79>4 Vol, récel, abus de confiance et autres crimes et délits économiques 3-359 2.156 64,2 Incendie volontaire 42 61,9 Viol, attentat a la pudeur et autres crimes et délits contre les moeurs 683 352 51,5 Autres délits 18 . 9 5°»° Totaux . . . 5.322 3.536 66,41) Au même congrès le Dr. J. Malgat faisait communication des résultats suivants d'une enquête faite par lui a la prison de Nice: 1) »La prophylaxie et le traitement du criminel récidiviste" p. 64 (Compte Rendu Ve Congrès d'Anthropologie crimininelle.) 2) Prof. A. Löffler, s>Alkohol und Verbrechen", p. 511 (Zeitschr. f. d. ges. Strw. XXIII). . s) M. N. Dalhoff, «Rapport sur 1'influence de 1'alcoolisme sur la criminalité, p. 4.0—41. (Actes du Congres pénitentiaire internat, de Bruxelles. IV). 4) Actes p. 112. DÉLITS. Entrees. Buveurs. * ropoitions Outrage et rébellion 138 91 | 65,9 Vol 579 357 ; 61,6 Escroquerie 56 34 60,7 Coups et blessures 275 160 | 58,1 Vagabondage et mendicité . . . 346 196 | 56,6 Attentats a la pudeur .... 52 29 j 55,7 Meurtre 33 iS 54,5 Expulsion 175 95 54,2 Abus de confiance 63 33 i 52>3 Autres délits 133 80 } 60,1 Totaux 1.850 1.093 j 56,3') ITALIË. Sur un total de 507 criminels examinés par lui, le Dr. A. Marro constatait 379 (74,7 °/0) adonnés a 1'alcool, et seulement 8 (1,5 °/'o) abstinents ou „inconnus". 2) NEW-YORK (Etat) 1869—1870. Dans son oeuvre „The dangerous classes of New-York", Ch. L. Brace communiqué que, en 1870, sur 49.423 criminels dans les prisons de New-York City il y avait 30.507 (61,6%) ivrognes habituels, et 893 (81,6 °/0) sur les 1.093 détenus dans la „Albany Penitentiary" (Les derniers chitifres portent sur les années 1869—1870). 3) R. L. Dugdale donne le tableau suivant portant sur 233 criminels examinés par lui. Ivrognes habiCRIMES. tuels sur 100 criminels. Vol sur la personne . . . 55,00 Rapine 47,36 Crimes contre les personnes 40,47 Vol 39,28 Tous les crimes .... 39,05 Crimes contre la propriété . 38,74 Effraction 33,33 4) PAYS-BAS 1900—1901. Ce n'est qu'en 1900 que la Statistique criminelle fait, pour la !) Actes p. 106. Voir encore sur la France: le Dr. E. Laurent, »Les habitués des prisons de Paris," p. 297 sqq.: le Dr. A. Corre «Crime et Suicide", p. 182 sqq., et le Dr. D. Verhaeghe »De 1'alcoolisation", p. 144. 2) >'I caratteri dei delinquenti". p. 296. 8) p. 66. *) »The Jukes", p. 85. première fois, mention du nombre d'ivrognes habituels parmi les condamnés. Voici les résultats: Nombre d'ivrognes _ , habituels sur chaque CRIMES EI DEL1TS. ioo condamnés de chaque catégorie. Escroquerie 16 Crimes contre 1'autorité publique 13 Mendicité et vagabondage ... 10 Violences 10 Crimes contre les moeurs ... 10 Tous les crimes 8,31 Coups et blessures 7 Vol 7 Récel 5 Braconnage 3 Parmi les récidivistes il se trouvait ii,6°/o d'ivrognes habituels. Les données pour 1901 sont plus détaillées et aussi plus dignes de confiance. Nombre d'ivrognes ha- T«,. bituels sur chaque Crimes ei dei.11 s. ioo COIUjamnés de chaque catégorie. Mendicité et vagabondage ... 24,51 Rébellion 21,16 Détournement 19,20 Escroquerie ! 18,26 Coups et blessures graves ... 16,94 Destruction 16,59 Outrage envers un fonctionnaire . j 16,10 Perturbation du repos public . . : 14.33 Vol simple 11,61 Crimes et délits sexuels .... 10,84 Coups et blessures i !0,47 Injures , . . 9,96 Vol qualifié 8,84 Braconnage 1,46 Tous les crimes .... 13,00 Parmi les rccidivistes il y avait 21,96 °/0 ivrognes habituels. PRUSSE 1894—1897. Sur les 18.049 récidivistes, présents dans les maisons de force dans les années 1894—1897, il y avait 4.930 (27,3 °/0) ivrognes habituels, savoir: 4.473 (28,7%) hommes et 457 (18,2 °/0) femmes.') SUÈDE 1887—1897. Sur 27.452 for^ats et réclusionnaires dans les prisons durant les années 1887—1897, il y avait 3.273 (11,9 °/0) adonnés a la boisson, savoir: 3.101 (12,7 °/o) hommes et 99 (3,2%) femmes. 2) Cependant ces chifïfres sont au-dessous de la réalité, puisqu'on n'a compté que les alcooliques, qui, au moment du crime n'étaient pas ivres. Quand on prend en consideration que le nombre de criminels qui étaient en état d'ivresse quand ils commettaient leurs crimes, était de 52,6 0/0, il est certain qu'un nombre important d'entre eux sont aussi des ivrognes habituels. SUISSE 1892—1896. Le ier Janvier 1892 il y avait 2.201 personnes dans les 35 pénitenciers, savoir: 1.816 hommes et 385 femmes. I'armi eux il y avait 880 (39,9 °/o) ivrognes, savoir: 762 (42%) hommes, et 118 (31 °/0) femmes.3) Dans les années 1892—1890, la statistique criminelle suisse donne Palcoolisme comme cause du crime dans 23,1 sur les 100 cas. 4) Cependant ce chiffre n'est pas de grande valeur; non seulement cette statistique concernant l'alcoolisme comme cause est peu digne de foi, comme son propre auteur i'avoue (il est impossible du reste de parler de „la cause" d'un acte criminel attendu qu'il y en a toujours plusieurs), mais encore cette statistique n'indique pas si l'alcoolisme est aigu ou chronique. WURTEMBERG 1887—1888. I'armi les 3.181 détenus, examinés par E. Sichart dans les années 1887—1888, il y avait 939 (29,5 °/n) ivrognes habituels. Pour ce qui concerne quelques crimes importants les chifïfres étaient les suivants: Nombre d'ivrognes r, habituels sur CRIMES. 100 personnes de chaque catégorie. Crimes contre les moeurs . 36,3 Incendie volontaire . . . 34,2 Vol 28,0 Escroquerie 25,7 Faux serment 24,0 5) ') G. Evert, "Zur Statistik rückfalliger Verbrecher in Preussen," p. 198. 2) S. Wieselgren, >>L'influcnce de l'alcoolisme sur la criminalité, p. 164 (Actes du Congrès pénitent. intern, de Bruxelles). 8) M. G. Schaffroth, «L'influence de l'alcoolisme sur la criminalité", p. 128 (Actes du Congr. pénit. etc. Bruxelles). 4) »Die Ergebnisse der Schweizerischen Kriminalstatistik wahrentl der Jahre 1892—1896", p. 36. 5) vUeber individuelle Faktoren des Verbrechens", p. 42. Les données précitées démontrent, a ce qu'il me semble, suffisamment qu'il y a relation entre 1'alcoolisme chronique et la criminalité. Malgré leur divergence, les pourcentages dans les différents pays sont généralement trés élevés, et en tous cas beaucoup plus élevés que parmi les non-criminels. Le danger que ces statistiques soient basées sur des données inexactes n'est pas grand, attendu qu'un inculpé a tout intérêt de feindre que 1'acte a été commis en état d'ivresse, afin d'étre moins sévérement puni, et non qu'il est alcoolique chronique. A présent il reste encore a répondre a la question, quel est le degré d'influence de 1'alcoolisme chronique sur la criminalité? On exagérerait en admettant, (comme le font parfois les abstinents) chaque fois qu'un criminel est alcoolique habituel, que 1'alcoolisme est une des causes plus ou moins importantes de son crime. II est évident que, dans beaucoup de cas, il n'est qu'un phénomène accidentel. Néanmoins les chiffres précités s'accordcnt avec la thèse que 1'alcoolisme chronique est démoralisateur et, comme tel du domaine de 1'étiologie du crime. Son influence ne peut naturellement pas être exprimée au juste par des chiffres. h. Le militarisme. Quoique 1'influence du militarisme sur la criminalité, comparée a quelques autres causes, ne soit pas un facteur important, il faut tout de méme en parler ici brièvement, et sous deux rapports: son influence en temps de paix, et 1 influence de la guerre même. D'abord 1'influence du militarisme en temps de paix. L'armée se recrute pour une trés grande majorité parmi les nonvolontaires, c. a d. les personnes qui n'ont pas le moindre gout pour la vie militaire et ne se rendent sous les drapeaux que par crainte d encourir des peines sévéres. Ensuite un grand nombre de volontaires ne sont devenus militaires que forcément paree qu'il leur était impossible de trouver place dans une autre carrière. Enfin une catégorie de volontaires se sont engagés trés jeunes pour longtemps, soit sur les instances de leurs parents, soit attiré par 1'uniforme brillant ou par d autres moyens de réclame propres a l'armée. Inutile d'ajouter que pour ces deux dernières catégories, le service militaire est souvent une déception, qui leur fait regretter de s'être engagés. La première source de démoralisation d'une armée se trouve dans sa composition. Quand on réunit bien des gens, pour la plupart pcu civilisés, que rien ne porte a se rapprocher sinon la contrainte, et parmi lesquels se trouvent certes de mauvais éléments, une influence démoralisatrice se fait naturellement sentir. Aucun lien moral n unit ces gens, au contraire une sourde irritation se propage. Et ce démoralisateur n est pas contrecarré par le grand moralisateur le travail, une grande paitie du temps se passant chez les militaires en loisirs forcés, et le reste a apprendre des choses auxquelles on s'intéresse trés peu, si 1 on n en sent pas d'aversion. Ce n'est naturellement que par une discipline de fer qu on peutréussir au maintien de 1'ordrc et resuma pprcndre le métier aux recrues. Aussitötqu un homtne est abaissé par une discipline outrée au róle de machine, ses qualités morales dépérissent; 1'état de choses ainsi créé fait que le grand pouvoir donné aux supérieurs dégénéré souvent en soif dedomination et rend serviles les subordonnés qui se croient tout permis pourvu qu'on n'cn sache rien. ') Puisque la plupart des militaires ne sont que pour peu de temps sous les armes, les conséquences nommées ne sont pas de grande importance quant a ceux-la, mais elles n'en existent pas moins pour les militaires de profession. Je ne connais qu'une statistique sur la criminalité parmi les militaires, celle de Hausner,2) qui la montre comme 25 fois plus grande que celle du civil. Cependant, cette statistique n'a que peu de valeur, paree que parmi la population civile elle ne compte pas seulement les hommes qui ont le même age que les militaires, mais toutes les autres personnes, Du reste, une comparaison statistique de la criminalité militaire et civile rencontrera toujours de grandes difficultés car i°. il y a des délits d'ont les militaires seuls peuvent se rendre coupables, 20. le nombre des militaires n'est pas constant non plus dans une même année. Ouoiqu'on ne puisse donc pas exprimer par des chifïfres les infiuences néfastes du militarisme, elle existent tout de même. A supposer même qu'on dit ces chiffres et qu'ils démontrent — acceptons le cas trés invraisemblable comme possible — que la criminalité parmi les militares 11e soit pas plus grande que parmi les non-militaires, tout cela ne diminuerait en rien la vérité de ces infiuences puisque la répression et la crainte de la punition sont plus grandes parmi les militaires que parmi les civils et que la misère absolue, un des puissants facteurs de la criminalité économique, y fait défaut. 3) On peut poser la question si les conséquences nuisibles sus-dites sont inseparables de chaque organisation d'armée? La réponse sera que c'est le cas en partie seulement. Elles disparaitront partiellement quand 1'armée est appropriée a 1'esprit démocratique, et que le service reste limité au temps strictement nécessaire pour faire un bon soldat, mais la circonstance que la grande masse, dont 1'armée se compose n'a pas de sympathie pour le but auquel elle est destinée et n'y reste que par contrainte, n'en subsiste moins. Cette dernière circonstance ne disparaitra que dans le pays oü 1'armée sert exclusivement a la défense, pour repousser un ennemi, qui voudrait confisquer les institutions démocratiques. Abordons a présent 1'influence de la guerre. Ce qui, en temps ordinaires, est un des crimes les plus graves, 1'homicide, est ordonné pendant la guerre, les ravages et les incendies sont a Pordre du jour. II est inévitable que ceux qui sont poussés a commettre de tels actes, perdent peu a peu tout respect pour la vie et les biens de leurs semblables. La guerre suscite un esprit de violence, aussi bien chez ceux qui y prennent part, que dans la population entière. En voici un exemple frappant. !) II faut aussi envisager la question d'un autre cóté et accepter que le service militaire peut avoir une influence favorablc sur des individus totalement négligés et déréglés qui apprennent ainsi 1'ordre et la-discipline, ce qui n'empêche pourtant pas que les autres désavantages restent. (Voir e. a. C. Bleibtreu, "Der Militarismus im XIX Jahrhundert," p. 15—16). 2) Cité par von Oettingen dans son viMoralstatistik", p. 481. 3) Sur les conséquences démoralisatrices du militarisme, voir encore: v. Oettingen, o. c. p. 687; le Dr. N. Colajanni, v,Sociologia criminale" II, p. 572—589; le Dr. A. Corre, «Crime ct Suicide," p. 337; le Dr. H. Lux «Socialpolitisches Handbuch" p. 250; C. Wagner, «Die Sittlichkeit auf dem Lande," p. 77—81; C. Lombroso, »Le Crime", p. 239 - 241; 1c Dr. S. R. Steinmetz, «Der Krieg als sociologisches Problem", p. 37; Bleibtreu, o. c., p. 16 et surtout le livre intéressant de A. Hamon «Psychologie du militaire professionnel" Ch. V- VIII. Un assassin, qui avait pris part a la guerre de 1866, dit e. a. pour sa défcnse qu'il avait vu mourir tant de personnes, qu'une de plus ou de moins n'y faisait pas grand, chose. I) Heureusement les guerres ne sont plus si nombreuses et ne durent plus si longtemps qu'autrefois, ce qui fait que leurs conséquences n'ont plus une aussi grande portee. La recherche statistique de 1'influence de la guerre sur la criminalité est trés difficile, car la criminalité baisse en temps de guerre d'une facon anormale, i° puisqu'une grande partie de la population masculine ayant atteint 1'age auquel elle est le plus prédisposée au crime est alors sous les armes; 2° la répression du crime étant moins forte la criminalité parait plus petite qu'elle ne 1'est en réalité, ce qui explique aussi pourquoi en temps de guerre il y aurait moins de femmes et de jeunes gens criminels, cornme 1'indiquent les statistiques criminelles. 2) Souvent on relève que la guerre a aussi une influence moralisatrice, puisque toute une nation est alors animée d'un idéal commun. Cela est vrai, mais seulement dans ces cas trés rares oü une guerre est vraiment populaire, au lieu d'être un moyen de procurer des profits matériels a une petite minorité, et oü la grande majorite reste indifférente. II va sans dire que, même dans ces cas exceptionnels, les conséquences nuisibles aux participants, ne sauraient être écartées. 3) Nous avons examiné les tendances du système économique actuel et de ses conséquences. Avant de finir il faudra encore traiter de 1 influence de i. La peine. Les codes actuels font surtout mention de trois genres de peines: Tarnende, les différentes formes d'emprisonnement et la peine capitale. 4) Nous n'avons naturellement pas a parler de la première sorte de peine, car il n'y peut être question de son influence sur la caractère du condamné. Tout ce qu'on peut en dire c'est que cette punition manque en général son but, puisque, en 1'infligeant, on ne tient pas, ou presque pas compte de la condition financière du condamné; il résulte que la peine est insignifiante pour le riche, tandis qu elle est trés dure pour le pauvre. Souvent la condamnation a Tarnende est pour le pauvre qui ne peut la payer, une condamnation a un court emprisonnement. •) Lombroso, o. c., p. 240. Voir aussi Hamon, o. c. ch. III. 2) Voir p. 94 et 291 de ce livre oü les graphiques indiquent combien bas étaient les chiffres de la criminalité en Prusse et en France pendant la guerre de 1870—71. Aussitöt la guerre finie, les courbes recommencent S monter, cependant moins fort en Prusse qu'en France, ce qui s'explique partiellement par la condition économique trés favorable dans laquelle se trouvait la Prusse dans les années immédiatement après la guerre. ... ■ • v 3) Sur 1'influence de la guerre, voir encore: A. Corre, »Essai sur la criminalité , p. 78 (Journal des Economistes, 1868); Colajanni, o. c., II, p. 572 589; le Dr. P. Aubry, »La contagion du meurtre", p. 247 249; lc professeur Fr. v. Liszt, »Das Verbrechen als sozial-pathologische Erscheinung", p. 17. *) Dans plusieurs pays on a encore gardé la peine corporelle comme punition disciplinaire dans les prisons. 11 est évident que cettc punition a un effet trés démoralisateur sur 1'exécuteur aussi bien que sur les victimes. Voir il ce sujet H. Leuss, »Aus dem Zuchthause", p. 203 sqq. La peine de mort reste naturellement aussi hors de discussion. Je ferai seulement observer que parmi les nombreux arguments contre cettc peine il faut remarquer que les exécutions n'ont pas une influence intimidante sur les assistants, comrae on serait enclin a le croire, mais au contraire une influence démoralisatrice; en outre 1'attention de la masse incivilisée est attirée sur le crime et sur son auteur. Les condamnés a mort ont presque tous assistés a des exécutions. Sur un totalde5H, au prés desquels on s'en était informé, il n'y en avait que I 5 (env. 3 °/0) qui n'avaient jamais été témoins d'une exécution. ') En examinant 1'influence de la peine sur la moralité ce n'est donc que celle de l'emprisonnement qu'on puisse prendre en considération, d'autant plus qu'en cas de crimes tant soit peu graves, c'est elle qui est presque toujours infligée, attendu que la peine capitale est ou entièrement abolie, comme dans quelques pays, ou bien qu'elle n'est que rarement prononcée plus rarement encore exécutée ; 2°. Tarnende n'est infligée que pour des délits insignifiants, et elle est alors trés souvent remplacée par l'emprisonnement, en cas de pauvreté du condamné. Le tableau suivant démontre combien de fois la peine d'emprisonnement est prononcée en comparaison aux autres peines: ALLEMAGNE 1882—1895. Peines prononcées, sur chaque 1.000 condamnés: ANNÉES. . Tous les Admonesta- de genres de Amende. tion en mor ' détention. public.2) 1882 0,3 736,3 253 10 1883/87 ^moyenne 0,2 697,4 29' 11 1888/92 Unnuelle. O, I 660,2 323 17 1893 0,1 619,2 363 18 1894 0,1 607,2 375 18 1895 0,1 595,2 386 193) Donc, 60 a 70 °/0 des peines sont des peines de privation de la liberté. Ouelle en est maintenant 1'influence ? La réponse a cctte question peut être trouvée dans la statistique de la récidive. Voici les chiffres pour quelques pays européens, qui, trés probablement, 11e présenteront pas beaucoup de différence avec les résultats dans d'autres pays. ') Le Dr. P. Aubry, »La contagion du nieurtre" p. 70; voir encorc le chapitre III, intitulé »Contagion par le spectacle des exécutions publiques." A comparer aussi Aschaffenburg, o. c. p. 212. 2) Une punition existant aussi dans quelques autres pays, e. a. en Italië, maïs qui, naturellement, est peu importante. s) I p. 31, «Kriminalstatistik für das Jahr 1895". ALLEMAGNE 1882—1900. Nombre de gur 100.000 habitants dc plus de 12 ans il y avait . , récidivistes des récidivistes qui étaient condamnés ANNEES. sur IOO —— —, ; condamnés. unc fois. deux fois. 3^-5 fois- 6 plus- 1882 24,9 1 15 56 64 23 1883 25,8 119 59 69 20 1884 26,3 127 63 72 1885 27,4 127 63 75 26 1886 28,0 129 65 79 30 1887 28,8 131 66 81 34 1888 29,3 127 65 80 35 1889 31.2 142 71 87 4° 1890 32,7 !SO 76 93 43 1891 34.o 158 79 99 47 1892 34,7 169 87 107 54 1893 35.2 171 88 111 57 1894 36,9 181 I 93 120 1895 37» 9 i84 96 i I24 | 69 1896 38,8 183 96 129 75 1897 39.6 186 99 129 78 1898 40,1 189 100 133 83 1899 40,8 187 100 133 85 1900 41,2 180 96 '31 86 ') La récidive a donc régulièrement augmenté: en 18 ans avec a peu prés 65 °/n. _ KIle se présente d'une manière tres variée dans les différents crimes, quant aux crimes suivants, elle est trés grande. ALLEMAGNE 1882—1895. Nombre de récidivistes ayant subi une peine d'emprisonnement sur chaque CRIMES. 100 condamnés dans les années: 1882 1886 1890 ; 1895 Crime de lèse-majesté 4°.7 4!,3 43>2 52,8 Rébellion 3',8 4!>3 46,8 52,7 Rapine et chantage 44.4 45.6 5°>9 Fausse accusation 34.8 37,1 42>i 48,3 Fraude et déloyauté 32>9 38.9 42.9 45.4 Crimes contre la liberté personnelle 26,6 32>3 i 37.8 42,8 Vol et détournement . 32»1 35,2 37,2 40,4 Crimes contre les moeurs. . . . 24,1 | 3^3 1 35,9 38,3 Fausse monnaie 28,5 . ( 3i,i 35,i 38,22) _——— 1) Empruntés h et calculés d'après 1 p. 18—19 «Kriminalstatistik für das Jahr 1900". 2) I p. 25, «Kriminalstatistik für das Jahr 1895. Les chiffres suivants donnent une image de la récidive en ANGLETERRE ET GALLES 1871 — 1900. Nombres d^ ^ur 100 cor>damnés emprisonnés étaient récidi- AnnfES récidivistes sur vistes, qui avaient été condamnés 100 con- I .. i j damnés. Une fois 2—5 fois 6—10 fois 1 ITT20 P usf e 3 fois 20 fois 1871—1877 40 — — — — — 1880—1892 48 — I — — — — 1894 54,5 15,2 18,3 7,7 6,2 6,9 iS95 55.5 15.7 18.0 8,9 6,9 5,9 1896 57.3 14.8 19.1 9.o 7,7 6,6 1897 57,6 14,9 19,0 8,8 7,6 7,1 1898 59,9 16,2 20,0 8,9 7,5 7,1 1899 60,2 16,4 19,9 9,2 7,6 7,0 190 o 59,3 15,8 19,2 9,2 7,7 7,4') Donc ici aussi, comme en Allemagne, un trés grand accroissement: en 29 ans de 72 °/0. Pour quelques délits la récidive est plus fréquente que pour d'autres ; les chiffres suivants nous donnent des renseignements a ce sujet. ANGLETERRE ET GALLES 1899—1900. (Assises et „Quarter Sessions"). Nombres des récidivistes sur 100 condamnés pour les crimes suivants: r . Crimes, com- Crimes, com- ,, . Faux et -^utrcscr'ln(;s> ANNEES. Crimes mis ave'c vio- mis sans vio- Uftruction crimes de "°n compns contrc la lences,contrelences,contre de 51cns fausse dan^ ceux personne. , ' •✓ , ' . x. . etc. • nommes ^ la propnete. la propnete. monnaie. r r r r ci-contre. 1894 32,1 67,3 64,1 42,5 41,1 27,9 1895 35,2 67,3 66,1 51,8 38,5 24,4 1896 36,1 67,2 66,3 44,3 37,4 25,0 1897 38,0 68,7 66,4 51,1 40,0 28,1 •898 39.3 68,1 68,3 56,0 43,2 32,4 1899 37-7 69,9 67,4 58,3 40,0 35,2 1900 39,7 71,0 68,9 59,4 40,9 29,82) !) Les chiffres pour les années 1871 —1892 ont été empruntés k p. 228 „The criminal'', de A. Driihms; les autres sont calculés d'après les «Criminal Statistics," 1894—1900, tableau XXXV. 2) Calculés d'après «Criminal Statistics" 1894—1900 tableau IX. La statistique suivante concerne: AUTRICHE 1866—1899. Sur 100 condamnés pour crime il y en avait qui avaient été avaient été avaient été antérieure- déjk condam- ! antérieure- AnNEES. ment con- nés pour j Ensemble ment con" i étaient damnéspour crime 1 L ' damnéspour récidivistes. crime une plusieurs \ délit ou con- fois. | fois. | ! travention. 1866—1870 11,9 !S.S 27.4 I7.S 44.9 1871 —1875 11,6 14,2 25,8 17,9 43,7 1876—1880 10,9 14,6 25,5 22,2 47,7 1881—1885 10,6 14,2 24,8 25,2 50,0 1886—1890 10,9 12,9 23,S 27,9 51,7 1891—1895 11,1 12,5 23,6 28,9 52,5 1896 12,5 ïo,7 23,2 31,5 54,7 1X97 12,7 10,6 23,3 30,4 53,8 1898 12,5 9,9 22,4 29,1 51,5 1899 12,4 10,1 22,5 29,8 52.41) Cette statistique n'est que de peu d'importance pour le problème de la récidive ; elle 11e porte que sur les condamnés pour crimes et laisse hors de considération les condamnés pour délits, et dans les deux dernières colonnes sont aussi compris ceux qui ont été condamnés pourcontraventions, gens qui ne doivent pas figurer dans une statistique de la récidive. Les chiffressuivants sont de beaucoupplus d'importance; ils portent sur FRANCE 1850—1900. Nombres des récidivistes sur 100 condamnés de chaque groupe. ANNEES. „ ,, Tribunaux t- , , Cours d assises. corrcctlünnels. j Ensemble. 1850—1855 33 — — 1856—1860 36 — 31 1861 —1865 38 — 34 1866—1870 41 — 38 1871 —1875 47 — 42 1876—1880 48 — 44 1881—1885 52 44 44 1886—1890 56 47 47 1891—1895 57 46 46 1896—1900 57 46 462) 1) p. Li des »Ergebnisse der Strafrechtsptlege in den im Reichsrate vertretenen Königreichen und Landern im Jahre 1899". 2) Les chiffres pour 1S50—18S0 ont été empruntés a 1'oeuvre du l)r. A. Boumet, 37 Donc ici aussi une augmentation constante, arrêtée seulement dans les dernières 15 années par la loi sur la récidive du 27 Mai 1885. Le tableau suivant démontre la récidive pour quelques crimes et délits. Nombres des récidivistes sur CRIMES ET DELITS. 100 condamnés: 1881—85 1886—90 1891—95 1896—1900 Ivresse 81 79 79 86 Vagabondage 73 7^ 79 82 Mendicité 72 77 75 80 Coups envers des ascendants .69 63 55 80 Vol qualifié 73 77 79 79 Fausse monnaie 50 54 57 55 Rébellion et outrages .... 48 50 51 51 Escroquerie 51 5° 51 5° Meurtre 42 5° 52 5° Assassinat 46 44 ! 44 4^ Incendies 53 5° 52 4^ Vol 47 5i 47 46 Coups et blessures graves. 40 35 42 46 Vols domestiques 47 45 42 44 Faux divers 37 43 46 44 Banqueroute frauduleuse ... 33 26 31 | 44 Délits de pêche 35 39 39 41 Abus de confiance 41 43 41 39 Délits de chasse 26 32 34 38 Coups et blessures 32 36 35 35 Délits contre les moeurs ... 31 30 j 32 j 31 Abus 32 25 21 25 Infanticide 7 6 8 7 ') »De la criminalité cn France et en Italië", p. 31, pour ce qui concerne les Cours d'assises, et a H. Joly, »La France criminelle", p. 166, pour ce qui concerne les autres; les chiffres pour 1881—1900 sont pris dans le «Rapport sur 1'administration de la justice criminelle de 1881 h 1900," p. LXII. !) «Rapport etc", p. LXIV et LXV. Voici les chiffres suivants concernant ITALIË 1876—1889. Nombres des récidivistes sur 100 accusés resp. prévenus. Années. ■ Cours Tribunaux d'assises. correctionnels. 1876 IO,4 — 1877 11,2 — 1878 13,2 — 1879 20,7 — 1880 21,5 — 1881 26,5 20,2 1882 28,8 21,1 1883 29,4 22,6 1884 32,8 23,6 1885 34,7 2 7,6 1886 34,0 27,8 1887 36,0 32,2 1888 32,2 30,6 1889 36,3 32,3') Donc, en Italië aussi une augmentation continuelle (si 1'on excepte 1888) de la recidive. Pour en fïnir, voici la statistique de la récidive des PAYS-BAS 1896—1901. . Sur 100 condamnés il y avait des Totnl Hes Total des Recidivistes récidivistes qui avaient été AnnÉES. j . sur 100 condamnés condamnés. recidivistes. condamnés. „ condamnés une fois. 2 ^ fois. j 6 foisou plus. 1896 17.205 5.o97 29,6 17,1 io,3 2,2 1897 16.832 5.566 33,0 19,6 11,6 1,8 1898 16.368 5.997 36,6 21,2 13,2 2,2 1899 15631 6.092 38,9 20,7 15,4 2,8 1900 15.169 6.048 39,8 20,3 16,2 3,32) i) Pour les années 1876—1880 calculé d'après p. 32 de »De la criminalité en France et en Italië" par le Dr. A. Bournet; pour'les autres années emprunté a «Statistica giudiziaria penale", 1881—1889. La statistique criminelle portant sui les années 1890 95 contient la récidive de tous les condamnés, aussi de ceux qui ont été condamnés par les juges de paix, ce qui rend ces chiffres pcu propres a etre comparés avec ceux qui ont été cités plus haut. «) Empruntés a et calculés d'après p. 121 des «Jaarcijfers voor het Koninkrijk der Nederlanden", 1901. . .... La statistique de la récidive antérieure celle dc 1896 était tout a fait ïnsumsante, et ne pouvait être comparée avec les chiffres cités. L'imperfection de la manière actuelle de combattre le crime est démontrée jusqu'a 1'évidence par les statistiques reproduites. ') On ne saurait se figurer un fiasco plus complet; au lieu de diminution, il y a augmentation de la récidive: au lieu d'améliorer, la prison rend plus mauvais. 2) Voici succinctement 1'explication de ce fait. Comme nous 1'avons déja observé plus haut, en traitant de la définition du crime (voir p. 436), un des plus importants éléments de la punition actuelle consiste, pour beaucoup de gens, dans le penchant a donner satisfaction a leurs sentiments de vengeance que le crime a suscités. Ceux qui sont manière de voir que la punition vise surtout 1'amélioration du criminel ne forment qu'une petite minorité. Les formes actuelles de la peine et la manière dont elle est exécutée, ne s'accordent donc pas ou presque pas avec cette dernière manière de voir. A présent la peine 11'est pas beaucoup plus qu'un mal, fait au criminel pour satisfaire a la vengeance d'une grande partie des hommes et, en même temps, pour mettre le criminel hors d'état de nuire, soit pour toujours, soit pour un temps déterminé, et enfin pour 1'effrayer, lui et les autres hommes, afin de les détourner du crime. 3) Tant que la punition aura ce trait caractéristique, tant qiïelle 11e visera pas a 1'amélioration du criminel, la punition n ejfectuera pas une diminution, mais au contraire une augmentation de la criminalité comme les faits le prouvent en effet. Personne, pas même le criminel le plus dangereux 11'est, si peu que ce soit, moralement améliorée par la vengeance tirée !) A la p. 228 uc 1'oeuvre dc A. Drahms «The criminal", on trouve encore quelques statistiques de la récidive. Eiles aussi démontrent que dans d'autres pays la récidive s'accroit, tout comme dans les pays cités. Je suis d'opinion que ces chiffres ne sont pourtant pas toujours dignes de foi. Pour les Pays-Bas p. e. ils indiquent comme pourcentage de récidive en 1872 le chiffre 80, chiffre qui, il n'y a pas a en douter, est beaucoup trop grand. 2) On a fait 1'observation, et k juste titre, que 1'augmentation des chiffres de la récidive est due aussi a la circonstance que la justice peut de mieux en mieux reconnaitre les récidivistes (Bertillonage, dactyloscopie, etc.), quand même, 1'augmentation reste trés grande. En examinant la statistique de la récidive il ne faudra pas oublier qu'elle est encore beaucoup plus grande que les chiffres ne le font supposer. Car iu un grand nombre de récidivistes réussissent encore k cacher qu'ils le sont; 2U la récidive est sujette prescription; 30 selon quelques codes la récidive n'est pas générale, mais spéciale, c. a d. qu'on n'est récidiviste qu'en commettant de nouveau un crime pour lequel on a déja été condamné. 3) Le système pénal actuel remplit aussi trés insuffisamment la partie de sa tache qui consiste dans la mise hors d'état de nuire. Car il rend la liberté k des individus tres dangereux, après les avoir retenus en prison durant un nombre prêfixé d'années, non-seulement sans les avoir améliorés, si peu que ce soit mais après les avoir rendus plus mauvais. L'unique bonne qualité a attribuer a la punition actuelle, c'est peut-être son intimidation. Jusqu'oü eet effet s'étend, on ne saurait le dire. Mais son existence est indubitable. La statistique de la récidive prouve que la peur de la punition est surtout la peur de 1'inconnu. Cette intimidation perd son effet presque totalement sur ceux que ont été en prison. 11 y a des criminalistes qui en ont conclu k ce que les criminels sont trop bien soignés en prison, et qu'il faut donc rendre la peine plus lourde. Si 1'on prête 1'oreille a ces conseils, nous retournerons a la fin aux instruments de torture de jadis. Pourtant, ils n'ont jamais pu vaincre la criminalité. Est-ce que 1'opinion opposée ne serait pas plus juste, celle qui dit que les conditions de la vie hors de la prison sont souvent si affreuses que le contraste n'est pas grand? sur elle: la vengeance n'engendre que la vengeance, et point d'autres sentiments.') On ne peut s'attendre a voir de bons résultats de la peine, que si le criminel, par la manière dont il est traité, s'apercevra qu'on ne veut que son bien, qu'on tache de 1'améliorer, et que son acte était mauvais et intolérable. II y a deux régimes d'emprisonnement: la peine en commun et la peine cellulaire. II est trés facile de comprendre que la peine subie en commun a des conséquences funestes pour le détenu. C'est grace a ce régime que la prison a eu le surnom d'école du crime, ce qui ferait rire, si le fait était moins triste. Tous les genres de criminels, les jeunes et les vieux, ceux qui ont été condamnés a cause d'un léger délit2) et ceux qui ont un crime trés grave sur la conscience, criminels contre la propriété et ceux contre la personne etc., bref, tous se trouvent réunis, ce qui a pour résultat que personne ne sort de prison amélioré, mais la plupart la quittent plus mauvais qu'ils n'étaient en entrant. On ne travaille pas, ou bien on est occupé a les travaux abrutissants, comme celui du triage des pois etc.; un vrai métier n'est ni exercé, ni appris. 3) Les désavantages de ce système ont induit au régime cellulaire, par lequel les influences contagieuses de la prison sont écartées. On a beaucoup espéré des résultats, cependant la statistique de la récidive démontre que eet espoir était mal fondé: la peine cellulaire non plus n'a pas amélioré le criminel. Ce fait n'est pas difficile a expliquer. Partant de la théorie inexacte !) Ce qui est reconnu par tous ceux qui sont au fait de la criminalité (ce qui s'explique facilement pour ceux qui s'occupent de 1'étiologie du crime, mais qui. par contre, doit être inexpliquable pour tous les non-déterministes) c'est que la majorité des grands criminels (excepté quelques criminels d'occasion ou passionnels) ne montrent pas le moindre repentir. Voir e. a. F. M. Dostojewsky, «Memoiren aus einem Totenhaus", qui dit:».... ich habe im Verlauf von mehreren Jahren unter diesen Menschen (c. a d. ces codétenus) nicht das kleinste Anzeichen einer Reue bemerkt, auch nicht die geringsten Gewissensbisse über das begangene Verbrechen, und dasz sich der gröszere Theil von ihnen innerlich für vollkommen gut halt.'' (p. 22.) 2) Voilé. la cause des grands préjudices de 1'emprisonnement decourte durée pour les légers délits; voir k ce sujet le professeur Fr. von Liszt «Kriminalpolitische Aufgaben", V, »Die kurzzeitige Freiheitsstrafe" (Zeitschr. f. d. ges. Strw. IX) oü sont citées les opinions désapprobatrices de plusieurs auteurs. 3) La punition en commun, comme elle est exercée actuellement, est, presque unanimement désapprouvée. Aussi est-il inutile de citer en détail la littérature sur ce sujet, mentionnons seulement les oeuvres suivantes: E. Gautier (qui, ayant été condamné pour crime politique a un emprisonnement de plusieurs années, peut juger par expérience), «Le monde des prisons" (Archives d'anthropologie criminelle III). 11 tire la conclusion suivante: »Le meilleur moyen de rendre la prison efficace, c'est encore d'y mettre Ie moins de monde possi'ble" (p. 563); Colajanni, .>Sociologia criminale", II p. 671- 679; Laurent, «Les habitués des prisons de Paris", p. 592—596; Havelock Ellis, «Verbrecher und Verbrechen" p. 266—276, oü 1'on trouve citées les opinions de beaucoup de criminalistes. Les opinions sur la corruption des prisons, exprimées par différents grands-criminels, comme Lacenaire, sont intéressantes; voir G. Moreau, «Le monde des prisons", p. 280—282; Aubry, «La contagion du meurtre", Ch. II «La contagion par la vie en commun des prisonniers"; prof. C. Lombroso, «Les palimpsestes des prisons", p. 379—381. que l'homme a une volonté libre, ') les non-déterministes ont cru, et croient malheureusement encore, que le criminel, laissé a lui-même et a ses réflexions se repentira. Comme J. Sacker dans „Der Riickfall , le remarque judicieusement, le criminel ne doit être abandonné a ses pensees s'il en a — mais il faut lui donner de nouvelles idéés. Et il est inutile de démontrer que ce n'est pas la vie en celluie qui les lui apportera. 1) II va sans dire qu'il n'est pas nécessaire de combattre ici la théorie du libre arbitre. Tous les arguments qu'on peut y opposer ont été donnés: je ne pourrais donc faire que des redites. D'ailleurs une discussion philosophique sur le determinisme est superflue dans un travail dans lequel on n'essaie que de rechercher les causes du crime: si 1'on réussit & indiquer ces causes, on a en même temps démontré 1 ïmpossibilité du libre arbitre. Celui qui s'occupe de 1'étiologie du crime, est, & ce moment-Ik, par conséquent déterministe: un sociologue non-déterministe est la contradiction personifiée. Cependant, pour nous déterministes, se présente cette question importante: comment se fait-il que les partisans du déterminisme restent encore si peu nombreux; corament se fait-il que tous les codes sont encore basés sur le libre arbitre, et que les personnes qui les appliquent rejettent en général le déterminisme ? Sans vouloir traiter amplement cette question, je me permets cependant d'y fixer pour un moment 1'attention. . En prenant une décision, l'homme se sent libre, c. a d. rAu il nest pas conscient des causes qui déterminent sa volonté. Peu a peu la science a réussi a demontrer que ces causes existent. C'est a des aliénistes comme Pinel, Esquirol et autres, qu'incombe 1'honneur d'avoir prouvé que les aliénés, gens considéres durant des siècles comme criminels, c. a d. comme des individus agissant dapres leur libre arbitre sont des malades, qu'on ne doit pas punir, mais qui ont besoin d etre soignés. Cette doctrine a lentement pénétré aussi dans le droit, tant civil que penal, et (bien souvent seulement après un dur combat entre les médecins experts et les juristes) les juges considèrent les psychopathes comme irresponsables de leurs actes. (Pour un exposé plus détaillé voir Dr. A. Aletrino, »Over Ontoerekenbaarheid ). Tout cela ne concerne que des malades. De 1'autre coté les sciences naturelles, se développant de plus en plus, et la sociologie naissante ont démontré que chaque acte, même celui de l'homme normal, a ses causes: que l'homme est le produit de 1'hérédité et du milieu. Les preuves a 1'appui de cette thèse ont augmenté de jour en jour. augmentent encore, et chaque personne exempte de préjugés doit reconnaitre sa justesse irrécusable. Les mêmes chiffres reviennent tout les ans, avec de petites différences dans la statistique criminelle, de sorte qu'on peut dire, avec une certitude absolue, que, si dans un pays quelconque il y a p. e. io.ooo individus qui sont condamnés dans une année quelconque, il n'y en aura pas ioo.ooo ni i.ooo 1'année suivante, mais encore une fois environ io.ooo, qui seront condamnés ice qui serait inexplicable si le crime provenait du libre arbitre). Celui qui saisit la signincation de ce fait ne pourra hésiter, a reconnaïtre 1'exactitude du déterminisme. La voie empirique a conduit aussi k ce que Spinoza (et d'autres avant lui, seulement avec moins de précision) avait prouvé, par voie philosophique: que le libre arbitre nest qu'une chimère. Et malgré tout, les adhérents de la doctrine du libre arbitre sont beaucoup plus nombreux que ceux qui le nient. (II est intéressant d'observer combien chaque n0J1_ déterministe, est déterministe aussitöt qu'on lui reproche quelque chose: combien de raisons pour expliquer son action). La première cause de la majorité des non-deterministes se trouve dans ceci: la grande masse, et nombre de personnes plus instruites aussi, ignorent les résultats des sciences qui ont démontré 1'impossibilité du libre arbitre. Elles considèrent donc encore leur idéé subjective de liberté comme une vérite objective. Cette cause de la persistance du non-déterminisme est en train de diminuer petit a petit. . , Pourtant, ce serait une folie de vouloir assurer que tous les adversaires au déterminisme le sont par suite de leur ignorance de cette doctrine. II y en a naturellement beaucoup parmi eux qui ne 1'ignorent pas. ... En examinant quelle est la conviction sociale et politique des non-détermimstes et des déterministes, il ressort que, plus on est conservateur, plus on tient généralement a la doctrine du libre arbitre, et que pour ce qui concerne les déterministes, c'est le L'homme est un être sociable; sans la vie avec ses semblables, il est comme un animal vivant hors de son élément. Comment deviendraitil meilleur s'il vit tout seul? La celluie abrutit; 1'isolement et la monotonie font de l'homme une machine, qui plus tard ne sera plus apte a la vie en liberté. Je ne connais pas de meilleure description des conséquences de la peine cellulaire, que celle qui en a été donnée par Pauteur compétent de „Pictures and problems from London Police Courts" Th. Holmes. II pose les questions suivantes et y répond comme suit: „How is it that a man's facial expression changes during a long detention? How is it that his voice becomes hard and unnatural? How is it that his ages become shifty, cunning and wild? It is no fault of the prison officials; they cannot help these things; from the governor downwards they are not to blame. It is not because of hard work. From conversation with, and knowledge of, such men, I gather that some of them at any rate would be thankfull for more work. It is the system that does it, the long-continued, soul-and-mind-destroying contraire. Voici une indication importante pour la direction dans laquelle il faut résoudre le problème: il y a une relation évidente entre les idéés sociales et politiques d'une personne et son opinion sur le libre arbitre. Tous eeux qui désirent conserver indéfinement les bases actuelles de la soeiété, ont le plus souvent, sans s'en rendre eompte, une grande aversion pour le déterminisme. Chaque partisan de cette théorie en discutant le sujet avec un adversaire, aura souvent entendu eet argument: 1'application pratique du déterminisme est impossible, avec lui s'effondrcrait la soeiété. Cette allégation contient une grande exagération car on peut trés bien se figurer la soeiété actuelle sans s'attacher a la fiction du libre arbitre, quoiqu'il y ait quelque chose de vrai dans cette objection. Le libre arbitre apparait dans le mariage, le contrat et le droit pénal. Quand un mariage est malheureux pour les intéressés, quand 1'un des deux partis désire divorcer et que 1'autre s'y refuse »on" dit qu'ils auraient dü réfléchir avant le mariage, qu'ils ont contracté en toute liberté. Le partisan du déterminisme par contre, tout en reconnaissant que le mariage légal est une nécessité dans la soeiété actuelle, est convaincu que les penchants de l'homme sont déterminés par des causes qui en dernière instance sont indépendantes de sa volonté, et qu'ainsi personne ne saurait en répondre k 1'avance. De même pour le contrat. Quand quelqu'un se plaint des conséquences d un contrat »on" ne manque jamais de dire que c'est sa propre faute, qu'il 1'a voulu ainsi. Mais le déterministe ne remarque rien d'une volonté libre. Dans beaucoup de cas (et surtout quand il est question d'un contrat de travail) il voit même la plus forte des contraintes, puisqu'un ouvrier, sous peine de mourir de faim, doit vendre sa force, quelque défavorables que soient les conditions stipulées; ainsi son admiration d'une soeiété oü une contrainte pareille est nommée liberté, ne saurait augmenter. Enfin le droit pénal. La fiction du libre arbitre disparue, la peine ne subsisterait pas moins pour cela — la répression deviendrait même plus forte sous certains rapports, — pourtant les conséquences seraient considérables. On verrait clairement de cette facon, que la punition est en majeure partie une vengeance collective, et tout le monde comprendrait iu que le criminel doit être traité autrement qu'k 1'heure actuelle; 2° qu'il y a dans notre soeiété des facteurs tres importants qui sont causes du crime, et qu'un grand nombre de criminels ne sont donc que des victimes du mode de production actuel et de ses conséquences. La crainte instinctive du déterminisme, plus forte qu'aucun raisonnement, propre a tous les conservateurs, n'est donc pas sans raison. Plus le déterminisme fait de progrès, plus 1'aversion pour la soeiété actuelle augmente. Cette crainte provient donc chez la classe dominante, sans qu'elle s'en rende eompte, d'un sentiment de préservation. Telle est, & mon idéé, avant tout, la relation qui existe entre le déterminisme et le mode de production actuel. monotony, the long, silent nights in which for hours men lie avvake thinking, thinking, thinking, driven in upon themselves and to be their ovvn selves' only companion. No interchange of ideas is possible, no sound of human voices comes to call forth their own, and their own vocal organs rust. Nor does returning day bring change, nothing but the same duties, performed in the same vvay, at the same hour, and the same food, in the same quantities, served in the same demoralizing way. They become strangers to the usages of civilized society, and devour their food even as the beasts, but not with the wild beast's relish. To the use of knife and fork they become strangers; to a knowledge of their own lineaments they become strangers; to high thoughts, amiable words, courtesy, love of truth, and all that makes a man they become strangers, for these virtues cannot dweil with senseless monotony. But if these things die of atrophy, other but less desirable qualities are developed. A low cunning takes their place; the wits are sharpened to deceive or to gain small ends; hypocrisy is developed, and men come out of prison hating it, loathing it, but less fitted to perform the duties of life than when they entered it." ') Qu'on lise aussi 1'opinion de Dostojewsky: „Ich bin fest iiberzeugt, dasz das berühmte Zellensystem nur ein falsches, triigerisches und auf das Aeussere gerichtetes Ziel verfolgt; es saugt die Lebenskraft aus dem Menschen, entnervt seinen Geist, schwacht und schreckt ihn und prasentirt endlich die sittlich gedörrte Mumie eines Halbwahnsinniggewordenen als ein Bild der Besserung und Reue". 2) On pourrait ainsi remplir des pages en citant les opinions bien argumentées de ceux qui considèrent le système cellulaire comme „une aberration du XlXe siècle" (Ferri).3) En résumant nous arrivons donc a la conclusion, que le système d'cmprisonnement n'est pas en état d'arrêter le courant de la criminalité, mais encore qu'il est mêrne une des causes de son accroissement puisqu'il rend les détenus encore plus mauvais. 4) II se peut que, par suite de ce que je viens de dire, le lecteur fasse 1'observation qu'il n'y a pas d'autres moyens que 1'incarcération, soit en commun, soit en celluie. Quoique la question du traitement du 1) p. 142—143- 2) O. C. p. 22. s) J'indique ici encore les auteurs suivants: A. Prins, >>Criminalité et répression'', Ch. V; E. Ferri, »La sociologie criminelle", p. 546—554, et *>Eine Verirrung des neunzehnten Jahrhunderts" (Neue Zeit, 189S—1899 II); Sacker, o. c. p. 70—74; le Dr. J. R. B. de Roos, »De strafmiddelen in de nieuwere strafrechtswetenschap", Ch. VIII »De cel en het cellulair systeem"; Leuss, o. c. p. 176—193. La derniere oeuvre surtout est de grande importance, puisque 1'auteur, condamné pour une cause d'honneur, (faux serment dans le but de sauver la réputation d'une femme) a passé lui-même quelques années en prison et en a protité pour faire des observations trés intéressantes. 4) Afin d'éviter des malentendus il faut que je fasse ici remarquer que je ne suis naturellement pas d'opinion que 1'efFet démoralisateur de la peine actuelle soit la cause unique de 1'accroissement de la recidive. Cc phénomènc a encore une autre cause et qui est mêrne plus importante: je veux dire, la difficulté pour un libéré de trouver du travail. L'offre de force ouvrière étant toujours plus grande que la demande dans la société actuelle, les ex-prisonniers sont naturellement refusés en général. crimincl comme il devrait être, ne soit pas de celles dont nous avons a nous occupcr maintenant, je me perinets quand mème quelques mots a ce sujet. II est possible de pratiquer un troisième régime, qui tire son origine de 1'idée que le crime ne provient pas de la libre volonté, niais de causes, qu'il faudrait essayer d'enlever, au lieu de frapper le criminel _d'unc peine inutile. C'est une gloire pour 1'Etat de New-York qu'il soit le premier qui ait mis en pratique un système pareil pour combattre le crime (Elmira Reformatory). La on s'efforce de faire un homme du criminel, 011 tache qu'il devienne un individu fort et sain; on lui apprend un métier, on ennoblit son esprit, on ranime en lui le sentiment d'honneur, bref, on fait tout ce qui est nécessaire pour stimuler le développement de ce qui est humain dans 1 homme. Kt les ïésultats obtenus prouvent que, en agissant ainsi, on est sur le bon chemin. ') II n'y a qu'une seule objection fondée contre ce système: que bien des gens, qui n'ont pas commis de crime, mènent une vie qui, sous différents rapports, est beaucoup plus mauvaise que celle des criminels ainsi traités. Cependant, cette objection tres juste ne condamne pas le système, mais bien 1'organisation actuelle de la société, qui oblige un grand nombre de personncs a trainer une existence si misérable. Le rapport entrc la question du crime et la question sociale est inséparable; celui qui examine la première sans 1'autre ne pourra jamais beaucoup contribuer a la résoudre. j. hnilation. Avant de finir il faudra fïxer encore 1'attention sur un facteur: 1'imitation. Nous 1'indiquions déja en parlant de 1 éducation morale de la jeunesse, mais aussi quoique dans une mesure moins forte, cette imitation se retrouve chez les adultes. Quand la société montre des tendances trés égoïstes, c'est 1'imitation qui les renforce considérablement; quand on voit les personnes, avec lesquelles on est en relation, agir toujours en égoïstes, les forces anti-égoistes s affaiblissent peu a peu et 1'on finit par faire comme les autres. 2) Les preuves a 1'appui de la force d'imitation dans 1'étiologie du crime se trouvent dans les biographies de la plupart des grands criminels; lc mauvais exemple joue généralement un róle prépondérant dans le drame de leur vie. Je ne connais qu'une seule statistique qui donne des renseignements exacts sur 1'ambiant dans lequel les criminels ont vécu, et qui offre donc une idéé de 1'influence de 1'imitation. C'est celle de „1'Elmira Reformatory". D'après 1e „Tvventy-Second Yearbook" (1897) 1) Voir les »Reports" etc. déjk cités, et A. Winter, «The New-York State Reformatory in Elmira." 2)* Comme je 1'ai déja fait remarquer plus haut lp. 206—2ioi (>. larde est 1'auteur qui a attiré 1'attention sur le róle de 1'imitation dans 1'étiologie du crime; il faudra aussi nommer les oeuvres de S. Sighele, "Le crime a deux , «La foule criminelle" et »La psychologie des sectes", et du I)r. P. Aubry, »La contagion du meurtre". — Voir aussi L. Kerriani, uMinderjahrige Verbrecher , p. 203 211. le caractère des gens que les internes fréquentaient (character of associations) était le suivant: Détenus. Nature du caractère. Nombres 0/ absolus. 0 Positivement mauvais. . . . 4.511 j 54,2 Moins mauvais . 3.614 43,4 Douteux .... 81 1,4 Bon 113 1,0 Total . . 8.319 100,0') Une deuxième preuve de 1'influence de la contagion du crime se trouve dans le fait que la criminalité dans les villes, oü les gens ont plus de rapports entre eux, est en général plus grande qu'a la campagne. Ouoiqu'il soit évident qu'011 ne peut pas 1'imputer exclusivement a 1'imitation, (e. a. a une plus grande difïférence de fortune aussi) elle joue cependant un róle important. '-) Les chiffres suivants donnent une image de la criminalité dans les grandes villes et a la campagne. ANGLETERRE ET GALLES 1S94—1898. Crimes connus a la police, calculés sur 100.000 habit. Tous genres Crimes Crimes contre la personne. ENDROITS. flndictaWe contre la Crimes de Crimes offeftses). __pr0prR'tC- violence. sexuels. 1894 1898 1894 1898 1894 1898 1894 1898 Londres 416,77391,56 386,241358,90 10,63 ",95 5,93 ! 5,72 Districts miniers .... 234,33230,84 214,32211,07 8,39 7,19 8,11 ; 7,89 Villes industrielles. . . . 351,841325,93 332,48 306,21 6,66 6,74 4,43 4.00 Ports de mer 643,60611,10 597,91575,60 22,54 16,72 8,44 5,95 Stations balnéaires, etc.. . 265,70302,25 250,37283,34 4,38 5,93 4,14 6.16 Districts agricoles divises en: i°. Districts de 1'est . . . 128.20120,23 119,06107,84 3,76 3,22 3,63 5,45 20. Du sud-ouest .... 182,97195,86 163,52176,55 5,29 6,22 8,10 8,70 3°. Districts autour de L. . 202.13198,07 185,97181,41 4,29 4,94 6,53 6,32 Angleterre et Galles . . . 296,70284,20 275,93262,83 7,28 7,39 6,09 5,94 ! i 8) ) y- J/. 2) Une belle description de la démoralisation dans les grandes villes se trouve dans »Die Lage der arbeitenden Klasse in England'', p. 122 sqq., de Fr. Engels. s) «Criminal Statistics", 1894 et 1898, p. 24 et 31. La statistique suivante a rapport a BAVIËRE 1883—1897. Nombres dc condamnés sur 10.000 habitants de plus de 12 ans. CRIMES. 1883—1887 | 1888— 1892 | 1893- 1897 Cnm- Cam- ,Cam- Villc' pagne. pagne. X 1 c' pagnc. Coups et blessures '9-9 27<7 r9,9 3',2 224 Vol (grave et aussi en recidive) . . . 37,4 26,6 39,7 2°'1 37,3 -5>9 Fraude (aussi en récidive) 10,2 5,0 12,1 ^ 0.9 12,5 ; ,9 Violences et menaces contre des fonc- tionnaires 4,7 2>7 4,5 2-4 4,9 > Tous les crimes 137?1 1 '4,° 133»7 "9,6 139^4 -3> Conime en Angleterre, la criminalité dans les villes, est en general plus grande qu'a la campagne. On retrouve la même image dans la statistique concernant FRANCE 1881—1900. Nombre des accusés sur 100.000 de la population. Domicile. 1881 — 1885 1S96—1900 Urbain . I5>4 II>1 Rural. . 7-8 5>4") Les chiffres suivants spécifient pour quelques crimes importants. Nombres proportionnels sur 100 des accusés habitants des communêsjhabitants descomtnunes CRIMES. rurales. | urbaines. 1881 1900 18S1 1900 Assassinat 64 50 36 5° Meurtre 54 42 4& Coups et blessures non qualifiés meurtres . 5° 5^ 5° 44 Attentats a la pudeur. 55 53 45 47 Faux 37 37 63 ^3 Abus de confiance . . 35 I4 ^5 Incendie 77 74 23 2" Vols 33 21 67 79 ) 1) Dr. Fr. 1'rinzing »Soziale Faktoren der Kriminalitat , p. 5^5 2) «Rapport sur 1'administration de la justice criminelle de 1881 a 1900 ,p. XXIX. 3) «Rapport etc.-' p. XXX. En examinant Ie précédent tableau il faudra remarquer que de 1881 —1885 et de 1896—1900 sur chaque 100 habitants on comptait resp. 66 et 61 ruraux et 34 et 39 urbains. PAYS-BAS 1901. Sur 100 condamnés il y en avait qui : Sur 100 commettaient leur crime dans des groupes habit. il y de communes désignés ci-contre. en avait Lieux 0C1 le délit a 1 i i i— domi- été conirnis. TotaldesJ Coups et , ciliés dans condam-Rébcllion. blessures ,Vo V.°' grou- nés. simples. s,mPlc- ) Les fluctuations de la pensée chez celui en qui nait 1'idée du crime peuvent se comparer aux oscillations de la balance; c'est a la sociologie qu'incombe la taehe d'examiner les forces qui excercent une pesée pour ou contre. 2) Quand 1'organisation de la société influence sur les hommes en un sens fort altruiste (et plus haut, p. 439—444, nous avons vu qu'une telle influence n'est pas une imagination et qu'il y a eu un temps oü elle existait), i! y a alors une force importante qui peut empêcher que la balance penche du cóté égoïste. Dans la société actuelle, dont 1'organisation n'exerce pas cette influence en sens altruiste, cette force n'existe pas ou n'est que faible. Cependant, puisque, dans n'importe quelle société, l'homme doit s'abstenir d'un nombre d'actes égoïstes, 011 a inventé des équivalents, auxquels incombe la tache de remplacer les sentiments sociaux faibles ou qui font même défaut. L'espoir de récompense (soit terrestre, soit céleste) et la crainte d'être puni (soit par les hommes, soit par Dieu) doivent retenir les hommes dans la bonne voie. Comme les croyants eux-mêmes le savent trés bien, la plupart des gens ne sont pas trés sensibles pour les récompenses et les punitions divines, le ciel et 1'enfer sont si loin. Ne sont-ce pas les croyants !) Sentir pour le malheur d'autrui est une force morale plus grande que la valeur qu'on attaché a 1'opinion d'autrui. L'auteur d'un acte mauvais toujourslachancede rester inconnu. En ce cas 1'acte ne le déshonore pas aux des autres; cette possibilité rend la peur de la honte une répression moins forte que la compassion pour autrui. 2) En se représentant ce procés comme une pesée, on obtient aussi une idee plus distincte de 1'origine du repentir. Le repentir est le sentiment de regret d'avoir commis un acte, sachant qu'on ne le commettrait plus si 1'on se trouvait de nouveau dans la possibilité d'agir. C'est le cas oü pour ainsi dire les oscillations de la balance ont été longues, c. a d. oü les forces morales et la pensée criminelle se contre-balancent presque. Si en ce cas 1'acte est tout de même commis, un des plateaux se voit considérablement allégé. car généralement. un désir satisfait est aussi un désir oublié. Les sentiments sociaux restant dans 1'autre plateau font alors pencher la balance de leur cóté, et le résultat c'est le repentir. Cependant, beaucoup de crimes sont commis sans longue hésitation préalable de la balance; le plateau penche alors tout de suite du cóté du crime. En ce cas il ne penche pas de 1'autre cóté, aussitót que 1'acte est commis, car eet autre cóté n'est que peu chargé. (Voir Ch. Darwin, «Descent of man", Chap. IV', p. 108—110). qui sont les plus fermes partisans des récompenses et de punitions icibas pour les actes humains? Pourtant, eet équivalent n'est que trés insuffisant, on sait trop bien que les récompenses se font trés souvent attendre et les punitions de même. Ce qüi fait qu'un grand nombre de personnes, comptant la-dessus risquent leur mauvais coup. Le milieu actuel exerce une influence en sens égoïste sur tous les hommes. Nous tous participons e. a. a 1'échange qui, nous 1'avons vu plus haut, est un grand facteur égoïste; on pourrait encore en nommer d'autres qui agissent sur chacun. Par contre, il y a d'autres facteurs égoïstes qui n'exercent leur influence que sur quelques-uns d'entre nous. Comparons deux milieux tout différents, oü grandit un individu. Placons-le d'abord dans les bas-fonds d'une grande ville; son père est alcoolique, sa tnère prostituée; il n'a jamais fréquenté 1'école, passant son temps en vagabondage jusqu'au jour oü jeune encore il a été mis en prison, oü son éducation dans le crime s'est achevée. Supposons ce même individu grandi dans un milieu sain, oü ni la misère, ni 1'extrême richesse n'exercent leur influence pernicieuse. II a été élevé par des parents raisonnables et aimants, son esprit s'est développé, il a trouvé, plus tard une bonne carrière sans que l'„auri sacra fames" soit éveillé en lui. On aura alors devant soi deux extrêmes entre lesquelles se trouvent un grand nombre de degrés. Le milieu est une cause trés importante de la grande diversité de moralité chez les hommes. Pourtant, ce n'est pas la seule; il faut donc que nous fixions encore pour un moment 1'attention sur D. Les différences individuelles. Les hommes différent en taille, en force, en poids, en capacité intellectuelle, bref, en tout. Apparemment on ne peut pas voir de régularité dans leur diversité. P. e., si 1'on regarde une foule et si 1'on fait attention a la taille des personnes, il semble qu'il n'existe aucune régularité. Cependant, ce n'est que 1'apparence. En placant toutes ces personnes d'après leur longueur sur une seule ligne, de manière que la plus petite se trouve a 1'extrémité de gauche et la plus grande a 1'extrémité de droite, et en tirant alors une ligne audessus des têtes, on obtient toujours une courbe de la forme suivante a peu prés, (plus le nombre est grand, plus le point A baisse, plus le point D s'élève, et plus la ligne B C est horizontale). 1 i t l 1 1 I I Tl I ~1 L'irrégularité n'est donc qu'apparente; il y a de la régularité, et dans ce sens que les personnes de longueur moyenne prédominent trés fort en nombre, et que les personnes trés grandes ou trés petites forment la minorité. Cette régularité dans les difïférences individuelles, découverte par Ad. Quetelet, a été reconnue comme une loi universelle, appliquable a tout ce qui vit. Le savant cité ne 1'a pas démontré seulement pour la longueur du corps humain, mais également pour son poids, sa force, sa vitesse etc. >) F. Galton a prouvé 1'existence de cette loi pour ce qui concerne les capacités intellectuelles de rhomme, et nombre d'autres savants 1'ont fait pour le règne animal et le règne végétal. 2) De sorte que „1'uniformité dans la variabilité" pour la nature vivante entière doit être considérée comme une loi universelle. II doit être de mcme pour ce qui concerne les qualités morales de rhomme. En rangeant un nombre quelconque de personnes d'après 1'intensité de leurs sentiments sociaux inncs (supposé qu'il soit possible de trouver une mesure), on verrait que la aussi la loi en question est juste: la grande majorité se compose de gens d'une intensité moyenne, une petite minorité est d'une petite intensité, et une seconde petite minorité possède une forte intensité. Nous n'avons pas besoin de revenir sur 1'influence que le milieu exerce, nous avons vu qu'il donne a tous une impulsion égoïste ou altruiste, différant naturellement selon 1'individu. Supposé que le milieu soit le même pour tous, il y aura toujours de grandes difïférences entre les hommes, quant a 1'intensité de leurs sentiments sociaux. Quelle est maintenant 1'importance de ce fait pour 1'étiologie du crime? A mon avis, la réponse a cette question ne difïère pas de celles qui ont été données a des questions analogues quand il s'est agi de 1'étiologie de la prostitution et de 1'alcoolisme (voir p. 407-—408 et 428) a savoir que: dans chaque société, partout et toujours, un individu selon le plus ou moins d'intensité de ses sentiments sociaux, court plus ou moins risque qu'un autre de devenir criminel, supposé que le milieu etc. soient égaux pour tous deux. Celui qui, d'après 1'intensité de ses sentiments sociaux, doit être placé sur la ligne A B court plus de danger de devenir criminel, que celui qui se trouve placé sur la ligne C—D. 3) Ce point est de haute importance pour celui qui recherche comment il se fait que le premier soit tombé dans le crime, et non 1'autre. Mais il est de peu de poids pour la sociologie criminelle, qui ne s'occupe pas de personnes déterminées, mais seulement de faits sociaux. La constatation que les individus différent, partout et toujours, ') Voir »Physique sociale". 2) Voir k ce sujet e. a. le professeur H. de Vries, «Eenheid in Veranderlijkheid", p. 3—6. Cet auteur cite e. a. comme exemples, la longueur de crevettes, et le poids en sucre des betteraves, qui 1'un et 1'autre suivent la loi de Quetelet. 8) Quand tous les deux ont des enfants, il est probable (non certain) que ceux du premier auront également moins de sentiments sociaux que ceux du deuxième, et que, ceteris paribus, ces enfants-la courent donc plus de danger de devenir criminels que les premiers. Ceci peut donc aussi expliquer comment il se fait que les enfants des criminels suivent si souvent 1'exemple de leurs parents. quantitativement, ne donne pas 1'explication des problèmes dont la sociologie recherche la solution, quoique pourtant elle doive en tenir compte. C'est a elle qu'incombe la tache d'expliquer pourquoi les individus qui, par suite de leurs qualités itmées, courent plus de danger de deveuir criminels que d' au tres, le deviennent en effet. Celui qui est né avec de faibles instincts sociaux court plus de danger qu'un autre de devenir criminel. Cependant, la certitude qu'il le deviendra n'existe pas: cela dépend du milieu. En résumant, je suis donc d'opinion que les difterences individuelies sont d'une grande importance pour celui qui étudie un individu a part mais qu'elles ne sont pas du doniaine de 1'étiologie de la criminalité. ') E. La Classification du Crime. Avant de procéder au traitement des crimes séparément, il est nécessaire de les diviser en quelques groupes principaux. C'est une erreur grave (cependant commise par plusieurs criminalistes) de ne pas tenir compte de la nature trés différente des crimes, si 1'on s'occupe de leur étiologie. II est bien permis de traiter conjointement des forces morales qui peuvent empêcher 1'exécution des idéés criminelles et qui s'appliquent a tous les crimes. Aussi 1'ai-je fait dans les pages précédentes. Mais on ne peut agir de cette facon quand on recherche 1'origine de 1'idée criminelle même. II y a criminels et criminels: il y a des difierences énormes entre le voleur de profession et celui qui en état d'ivresse s'est rendu coupable de coups et blessures, de même entre celui qui a commis un viol et le criminel politique. Et celui qui ne tient pas compte de ces différences doit nécessairement se bomer a quelques généralités. Je me propose de traiter, dans les pages suivantes, des crimes divisés en quatre catégories d'après les motifs qui ont porté les auteurs a les commettre. 2) Trois d'entre ces catégories forment des unités bien déterminées tandis que la quatrième est plus hétérogène. La première se compose des actes qui ont un but économique (crimes économiques). La plupart des soi-disant crimes contre la propriété tels que vol, détournement, etc. en font partie, mais non tous, car les dégats p. e. sont le plus souvent dictés par un sentiment de vengeance. Par contre plusieurs crimes contre la personne e. a. proxénétisme, dont les motifs sont de nature économique et non sexuelle, en font partie. Pour ce qui concerne les crimes contre 1'état, il faudra encore ranger dans cette première catégorie la fabrication de fausse monnaie et de faux billets de banque. Quant a d'autres crimes, il y en a qui i) Dans la première partie de ce travail j'ai classé le professeur F. von Liszt parmi les bio-sociologues. Plus tard, quand cette partie était déjk imprimée, j'ai, a ma grande satisfaction, appris par la lecture d'un article de eet auteur, intitulé »Die gesellschaftlichen Faktoren der Kriminalitat" (Zeitschr. f. d. ges. Strw. XXIII), qu'il :i changé d'opinion, et qu'il ne reconnaït les facteurs individuels que pour 1'examen d'un seul individu, mais que, pour le reste, on peut s'en passer dans 1'étiologie de la criminalité. Je rectifie donc maintenant mon erreur involontaire et range le professeur von Liszt parmi les partisans de la théorie du milieu. Plus haut (p. 129—130) j'exposais déjü 1'inutilité, pour la sociologie criminelle, de la division juridique en crimes contre la propriété, crimes contre la personne, etc. sont commis soit pour des motifs économiques, soit pour des motifs non-économiques: e. a. assassinat (pour vol ou par vengeance), parjure (pour le gain d'une procédure civile économique, ou pour empêcher la condamnation d'un ami) et incendie (pour toucher 1'argent de 1'assurance, ou par vengeance) etc. II se peut qu'on fasse ici 1'observation que, malgré la conformité de leurs motifs, ces crimes présentent pourtant beaucoup de dififérences. En partie, c'est juste. Aussi je leS ai partagés en sousdivisions. Mais d'autre part ces dififérences ne sont pas bien grandes au point de vue de la sociologie criminelle. Pour le juriste la différence entre fabriquer de faux billets de banque, incendier sa maison pour se faire payer 1'assurance, et le proxénétisme, est trés importante; mais pour la sociologie elle 1'est beaucoup moins. Celui qui sait faire de faux billets de banque conimettra ce crime, quand il voudra pour n'importe quelle raison, s'enrichir d'une fapon malhonnête, mais il 11e deviendra ni incendiaire, ni proxénète. Une ex-prostituée par contre ne pensera pas a la fabrication de faux billets de banque, mais deviendra proxénète. Le genre du crime économique, commis par quelqu'un qui en a 1'intention, dépend surtout du hasard (profession, etc.). La deuxième catégorie comprend les crimes sexuels, et la quatrième les crimes politiques, ainsi deux catégories bien distinctes. Les autres délits et crimes forment la troisième catégorie et sont assez hétérogènes. Le principal mobile de ces crimes est la vengeance. O11 compte parmi eux les injures, destruction de biens, coups et blessures, meurtre etc. D'autres motifs sont: la peur de la honte (infanticide, qui, cependant, peut aussi être commis pour des raisons économiques); puis, crainte de tomber entre les mains de la justice (parjure, rébellion) et quelques autres encore. 1) Afin de donner une image de la proportion quantitative des principaux crimes, je fais suivre ici quelques chiffres sur la criminalité dans quelques pays européens. Ces chiffres pourront en même temps servir a faire voir a ceux, qui ne prennent pas connaissance des statistiques criminelles, combien le crime a un cours régulier d'une année a 1'autre. 1) Je ne parle pas de tous les crimes, non plus de tous les motifs de ceux dont je traite; je ne m'occupe que des crimes fréquents ou de ceux qui, pour d'autres raisons, sont importants. Pour 1'énumération compléte des motifs de crimes, voir le Dr. W. Starke, »Des éléments essentiels qui doivent figurer dans la statistique criminelle et des moyens de les rendre comparables", p. 77—78 (Bulletin de 1'institut international de statistique, 1889), et le professeur F. von Liszt, »Die psychologischen Grundlagen der Kriminalpolitik", p. 490—494 (Zeitsclir. f. d. ges, Strw. XVI). 38 J ALLEMAGNE 1896—1900. Nombres des personnes condamnées pour les crimes suivants en 1896—1900 Crimes. _ . „ „ „ „ Moyenne. 1896 1897 1898 1899 1900 r Nombres j 0i absolus. Vol et détournement . . 109.545 112.591 1 116.977 ! 113.159 I 114.831 113.420 < 29,96 Assistance subséquente et recel 8.164 7.922 ! 8.490 i 8.124 8.068 8.153 2,15 Proxénétisme etc. ... 2.816 2.671 ; 2.765 ' 2.622 [ 2.648 2.711 0,72 Fausse monnaie. . . . 234 j 166 j 203 212 j 186 200 0,05 Faux serment 1.523 ; 1450 j 1478 i 1.316 i 1.198 1-393 0,37 Escroquerie et abus de confiance 28.649 25.169 i 26.546 1 26.580 26.079 25.604 j 6,76 Faux en écritures . . . 4.761 5.068 5.185 5.479 j 5.231 5-I44 '>36 Rapine et extorsion . . 1.048 995 1.114 1.114 \ 1.009 1.056 0,28 Banqueroute frauduleuse. 931 924 , 871 952 1 905 916 0,24 Total des crimes écono- miqties — I — — — I — — 41,89 Bigamie 76 72 [ 64 70 64 69 0,02 Inceste 462 ! 381 j 397 : 411 448 419 0,11 Viol etc 4.483 1 4.182 j 4.507 } 4.597 4.762 4.506 J 1,19 Total des crimes sexuels. — — | — j — i — j 1,32 Injures 53.968 54.143 | 55.988 j 55.514 52.883 54499 j H,39 Destruction de biens . . 17.485 17486 ; 18.213 18.858 18.261 18.060 | 4,77 Incendie 479 468 501 519 472 487 j 0,13 Coups et blessures. . . 116.613 117.864 122.561 126.490 124.646 121.632 j 32,12 Rébellion 18.377 18.484 17.968 19.187 17.951 !8-393 ] 4,86 Homicide 1.511 1.562 i 1.468 i 1.542 1.580 1-532 | 0,40 Total des crimes par vengeance etc. ... — — — ! — — — ' 56,67 Crimes politiques ... 561 428 466 416 305 435 0,12 Total général _ _ _ j _ j _ 378.629 j 100,ooi) Par conséquent, ce sont les crimes par vengeance etc. qui forment le plus grand groupe, ensuite viennent les crimes économiques, puis les crimes sexuels et politiques, tous les deux avec des chiffres peu élevés. En 11e comptant pas dans le troisième groupe le délit peu important des injures, les premier et troisième groupes sont a peu prés de la même force numérique. !) Empruntés & et calculés d'après II p. 7—13 de la iKriminalstatistik für das Jahr 1900". ANGLETERRE 1881 — 1900. Nombres d'accusés pour chacun des crimes ci-contre: _ Moyennes annuelles Moyenne CRIMES. 1881-1900 1881-18851886-18901891-1895.896-1900 °'o Vol (de toute nature) 57-373 { 52-573 | 50.432 45.960 51.584 j 32,92 Détournement 1.475 1.345 1.335 1.387 1.385 0,88 Recel 1.302 1*239 : 1.348 1.241 1.282 0,82 Effraction • . . 1.464 i-53o j 1.665 1.630 1.572 1,00 Rapine et extorsion 320 322 j 310 278 307 0,20 Fraude 1.054 965 997 870 971 0,62 Fausse monnaie etc C34 410 r 16 S ! 30a 402 0,26 Parjure 100 85 78 77 85 0^05 Banqueroute frauduleuse .... 49 41 . 43 35 42 0,03 Total des crimes économiques . . — — — j — — 36,78 Bigamie 116 99 104 103 105 0,07 Attentat k la pudeur sur des filles de moins de 16 ans — 305 j 258 236 249 | 0,16 Viol etc. sur des adultes .... 647 639 636 595 629 0,40 Total des crimes sexuels .... — — — — — | 0,63 Destruction de bien 21.779 19.646 j 18.484 17.470 19.594 | 12,51 Incendie 155 133 j 117 j 104 127 ! 0,08 Coups et blessures 72.707 66.020 63.601 J 59.611 65.484 ; 41,80 » » » contre des fonc- tionnaires 322 1 285 j 291 i 278 294 j 0,19 Homicide (inclus. tentative). . . . 13.223 11.850 12.626 ; 12.524 12.555 j 8,01 Total des crimes par vengeance etc — — — — — 62,59 Crimes politiques 4 o o o 1 0,00 Total général ........ — — { — — 156.668 ! 100,00!) : En Angleterre il ne se commet donc presque pas de crimes politiques. Comparés avec d'autres crimes, les crimes sexuels y sont, comme en Allemagne trés rares, et ce sont les crimes économiques et ceux commis par vengeance etc. qui sont les plus importants. Ces derniers sont encore plus prépondérants en Angleterre qu'en Allemagne. Les chiffres suivants concernent: ') Empruntés k et calculés d'après p. 27—30 »Criminal Statistics", 1900. FRANCE 1881—1900. Nombres d'accusés (resp. prévenus) pour chacun des crimes ci-contre Moyenne CRIMES. Moyennes annuelles 1881—1900 1881-1885 1886-1890 1891-1895 1896-1900 N°mbr«| 0jQ Vagabondage 15.629 19.050 18.449 14.148 16.819 'M7 Mendicité 9.421 14.625 14-707 "-274 12.506 8,30 Vol qualifié (de toute nature) . . 1.668 j 1.715 j 1.517 1.308 1-5S2 I>°3 Vol non-qualifié 44-596 j 47-941 49-J45 43-75° 46.358 3°>78 Fausse monnaie 98 141 134 111 121 °,°8 Attentat aux moeurs en favorisant la débauche 341 ! 361 406 304 353 0,23 Faux en écritures (de toute nature) 355 304 237 | 224 280 i 0,19 Escroquerie 4.210 4.422 3-898 3.496 4.006 | 2,66 Abus de confiance 4.106 4495 4.488 4-834 4.480 2,98 Fraudes commerciales 3.212 3'°'5 2.607 2.931 2.941 i>95 Banqueroute frauduleuse. ... 86 63 63 44 64 J 0,04 ij simple 934 967 802 860 890 j 0,59 Faux témoignages et faux serment 126 126 151 136 134 0,09 Total des crimes économiques. . — — — — — 60,09 Bigamie 6 6 8 8 7 0,00 Adultère 1.038 1.758 1.838 2.212 1.711 1,14 Viol et attentat k la pudeur sur dos adultes 103 76 95 70 86 0,06 Viol et attentat a la pudeur'sur des enfants '. . . 717 592 584 452 586 0,39 Total des crimes sexuels .... — — — — — 1,59 Difïfamation et injures 3.513 2.918) 2.940 2.877 3.062 2,03 Outrages envers des fonctionnaires. 13492 ] 13.728 15.258 13-45° i3-9^2 9>28 Destruction (de toute nature) . . 3.291 4.876 4-53° 4-382 4-269 2,84 Incendie 207 245 263 213 252 0,17 Coups et blessures graves . . . 187 j 155 178 183 175 0,12 » » » volontaires. . 27.768 I 28.971 33.443 36.158 31.585 20,97 Rébellion 3.721 1 3.746 3.926 3.502 3.723 2,47 Homicide 518 506 515 461 500 0,33 Infanticide 191 j 191 157 118 164 0,11 Total des crimes par vengeance etc — — — — - 38,32 Crimes politiques 4 1 2 o 1 0,00 Total général — - - - 150.607 100,001) lei aussi les crimes politiques et les délits sexuels donnent des chiffres fort minimes. Les crimes économiques surpassent ceux qui ont été commis par vengeance etc. d'une manière assez importante, ce qui, pour une grande partie, est dü au fait que le vagabondage et la mendicité ont été comptés parmi les crimes économiques. 1) Empruntés k et calculés d'après tabl. 1, 2 et 7 du «Rapport sur 1'admini stration" etc. Ces statistiques ne se prêtent qu'a peine a une comparaison internationale, puisque quelques infractions sont considérées comme délits dans 1'un des pays, comme contraventions dans 1'autre. ITALIË 1891—1895. Nombres de condamnés pour chaque crime ci-contre. Moyenne Crimes. 1891—1895 1891 1892 1893 1894 1895 Nombres 0( absolus. i '° i Vol simple 44-38° 38-75° i 35-343 37-°22 1 41.875 39-474 29,.07 » qualifié H-512 !5-i°3 15.230 J 15.238 I 17.132 15.441 11,37 Fraude (de toute nature) 6.288 6.202 i 6.446 | 6.861 7.917 6.742 i 4,97 Fausse monnaie etc. . . 85 59 I 59 68 90 72 0,05 Faux 788 j 626 | 683 726 j 839 732 | 0,54 Proxénétisme 182 188 | 185 ! 162 | 267 196 I 0,15 Rapine, extorsion etc. . 683 i 719 824 879 966 814 0,60 Total des crimes écono- miques _ - — - 46,75 Viol etc 724 ; 797 879 902 1.066 873 0,64 Corruption de mineurs et autres délits contre les moeurs et 1'ordre de la familie 1.036 1 1.246 1.269 I-373 1.411 1.267 °>93 Total des crimes sexuels. — — — — — — 1,57 Diffamation et injures. . 9.030 j 9.957 9.°°5 n.247 12.196 10.287 ; 7,58 Destruction etc 5-396 I 4.938 4-493 ! 5.069 5.617 5.102 3,76 Incendie 213 [ 156 197 ; 210 i 197 194 0,14 Coups et blessures légères 24.275 27.617 23.740 j 27.479 i 28.924 26.407 19,45 » » » graves 6.491 1 8.440 9.124 | 8.211 i 9.199 8.293 1 6,11 Menaces 4.788 ; 5.997 5.875 : 6.702 | 8.053 6.283 ! 4^3 Violence, outrage etc. en- vers des fonctionnaires . 10.293 11.829 j 11.999 j 11.835 ! 11.800 11.5 51 8,51 Homicide 1.686 i 1.946 j 2.145 I 2.035 i 2.049 ••972 j 1,45 Infanticide et avortement 60 59 54 64 81 63 i 0,05 Total des crimes par ven- geance etc — — — — — — 51,68 Crimes contre la süreté de 1'état 11 9 10 10 12 10 0,00 Total général — — — — — 135-773 J 100,00') Les résultats de la statistique italienne s'accordent en général avec celles qui la précédent. Enfin quelques chiffres portant sur: ') Empruntés a et calculés d'après p. X et XI des sNotizie complementari alle statistiche penali degli anni 1890—1895." PAYS-BAS 1897—1901. Nombres de condamnés pour chaque crime ci-contre. Moyenne Crimes 1897-1901 1897 1898 1899 1900 1901 r Nombres; 0, absolus. t '° Vagabondage et mendicité 2.139 2.173 i 2.209 1.873 1 -857 2.050 16,42 Vol simple 1.685 1.830 | 1.74° 1 M44 1 758 1 -711 ! 13»7i » qualiiié 936 919 761 837 1.029 896 7,18 Recel 95 69 88 82 98 86 j 0,69 Détournement 320 262 295 309 j 269 291 | 2,33 Excitation ou favorisation de la débauche d'un mineur 14 ! 6 | 10 14 | 16 12 0,10 Escroquerie 102 i H5 97 112 n5 IQ8 °>87 Extorsion et chantage. . 8 12 [ 6 . 9 5 8 0,07 Faux en écritures ... 75 72 j 49 : 64 42 60 0,48 Faux serment 29 j 18 15 22 18 20 0,16 Banqueroute frauduleuse. 14 14 12 20 12 14 0,11 Total des crimes écono- miques — j — j — j — | — — 1 42,i2 Viol, attentat k la pudeur sur des adultes. ... 88 81 j 94 , 110 97 94 i °;75 Viol, attentat k la pudeur 1 j ! sur des enfants. ... !3 5 '3 6 18 11 °>°9 Total des crimes sexuels. — j — j — | — J — — i °>^4 Outrage simple .... 356 1 319 33° | 288 291 316 2,53 Outrage envers des fonc- I I I tionnaires 549 508 I 431 j 421 44° 4^9 3)7" Dég&ts ou dégradation de I i j biens 916 900 861 857 874 881 7,06 Incendie 10 12 22 25 15 17 °»I4 Rébellion etc 1.188 1.091 | i-o69 '-l66 I-112 '-I25 9»01 Coups et blessures. . . 4.241 4.020 4.101 3-814 3-715 3-978 31 >87 Coups et blessures envers j des fonctionnaires. . . 340 286 331 330 296 316 2,53 Homicide 16 16 12 14 19 15 °;12 Infanticide et avortement 4 3 j 4 4 0 3 °)02 Total des crimes par vengeance etc — — — i — ~~ — j57>°4 Crimes politiques ... 3 1 1 | o o 1 I Q»00 Total général — — — I — 1 ~ 12.482 J 100,00!) Ces chiffres aussi confirment en général les résultats des tableaux qui précédent: les crimes les plus fréquents sont ceux commis par vengeance etc., et les crimes économiques. Les crimes sexuels n'at- 11 Empruntés a et calcu'és d'après tableau I de la «Gerechtelijke Statistiek", 1897—1899 et de la *>Crimineele Statistiek", 1900—1901. teignent que des chififres minimes et les crimes poütiques ne se rencontrent pour ainsi dire pas. Nous avons placé quelques crimes, comnie 1'homicide et 1'incendie dans tous les tableaux, parmi les crimes par vengeance etc., quoiqu'ils puissent aussi être commis pour un motif économique. Les statistiques criminelles fran9aise et italienne renseignent sur la fréquence des motifs qui poussent a ces crimes. FRANCE 1881—1900. Nombres proportionnels sur 100 des crimes MOUFS PRESUMES DES (homicide et incendie) dus ü chaque cause CRIMES. ' — 1881—1885 ; 1886—1890 1891—1895 1896—1900 Cupidité 26 28 31 26 Amour, jalousie ... 2 2 6 3 Adultère 3 3 2 2 Concubinage, débauche .6 6 5 8 Haine, vengeance. . . 24 27 28 28 Discussions domestiques. 15 13 9 12 Querelles de cabaret. .2 1 1 1 Motifs divers .... 22 20 18 20 ') Donc, environ 28 °/0 de ces crimes se rattachent a la vie économique, environ 12 °/0 a la vie sexuelle et 40 °/0 ont été commis par vengeance etc. Les chififres suivants portent sur: ITALIË 1880—1881. Nombres proportionnels sur 100 des crimes de sansf MOTIFS PRESUMES DES CRIMES. dus a chaque cause. 1880 1881 Cupidité 9,2 9,98 Question d'intérêts 4,2 8,76 Amour licite et illicite 7>5 8,76 Relations de familie et questions d'honneur. . 2,6 3,11 Défense de la vie 4,9 3,04 „ „ propriété 1,7 1,89 Discussions domestiques 3,0 4,43 Colère 30,3 23,67 Haine et vengeance 26,5 28,46 Cruauté 4,1 2,72 Ivresse 3,2 4,25 Politique O, I 0,14 Divers et inconnus 2,6 0,792) !) p. XXXVII du »Rapport sur l'administration" etc. 2) Pour 1880 empruntés a p. 328 de E. Ferri «Atlante antropologico-statistico dell' omicidio", pour 1881 k p. XC et XCI de «Statistica giudiziaria penale per 1'anno 1881". Enfin il ne faudra pas oublier que quelques crimes de nature différente (p. e. celui de lèse-majesté, dégats) sont parfois commis dans le but exclusif qu'a 1'auteur d'être emprisonné, et qu'ils sont alors des crimes économiques. Maintenant nous pouvons entamer la question: jusqu'a quel point les différents crimes sont-ils en rapport avec les conditions économiques ? Nous ne donnerons qu'une esquisse détaillée du sujet, traiter la question plus amplement exigerait des monographies copieuses. Nous nous bornerons a indiquer les lignes générales. II. CRIMES ÉCONOMIQUES. II est nécessaire de diviser ces crimes en des groupes séparés; malgré leur analogie, ils différent trop entre eux, pour qu'on puisse les traiter ensemble. Je me propose d'en parler dans les quatre groupes suivants: A. Vagabondage et mendicité; B. Vol, et crimes analogues; C. Rapine, homicide pour des raisons économiques etc., c. a d. crimes économiques commis avec violence ou dirigés contre la vie; D. Banqueroute frauduleuse, falsification de denrées alimentaires etc., c. a d. crimes économiques commis presque exclusivement par des bourgeois, tandis que ceux des trois premières catégories sont commis, presque exclusivement, par des non-possesseurs. Quelques crimes, comme par exemple le détournement, appartiennent aussi bien a la deuxième qu'a la quatrième catégorie (p. e. détournement d'un vélocipède loué par un ouvrier, et détournement de dépots par un directeur de banque). II me semble inutile expliquer cette division. Elle crée quatre groupes bien distincts, qui contiennent tous les crimes économiques. Cependant, il faudra indiquer en peu de mots pourquoi je traite aussi du vagabondage et de la mendicité, attendu qu'en général tous deux ne sont pas des délits, mais des contraventions. Proprement dit, ils ne doivent donc pas figurer dans un travail sur la criminalité. Les raisons pourquoi ils trouvent tout de même une place ici sont les suivantes: i° ce sont les plus importantes et les plus fréquentes contraventions; 2° il existe une relation trés intime entre le vagabondage et la mendicité d'une part, et la criminalité proprement dite de 1'autre. Cette relation a été démontrée par beaucoup d'auteurs. Comme le dit le professeur Prins dans son oeuvre „Criminalité et répression", le vagabondage et la mendicité sont le stage du crime. Je ne veux que rappeler ici les opinions de deux écrivains, J. Flynt et E. Sichart. Le premier, 1'auteur de „Tramping with tramps", a sacrifié une partie de sa vie a errer durant des années en Amérique, en Allemagne et en d'autres pays, afin de se familiariser avec 1'existence du vagabond et du criminel; son opinion a donc une grande valeur. II est d'avis que les vagabonds doués d'une grande énergie deviennent des criminels de profession, pour retomber au vagabondage, aussitót que leurs forces physiques et psychiques déclinant ne leur permettent plus d'exercer avec succès leur métier de criminel.') Le directeur de prison E. Sichart, qui a examiné 3.181 forcats, trouva que 28 °/0 d'entre eux avaient été déja antérieurement condamnés pour vagabondage, et 27 °/o pour mendicité, ensemble 55 °/0. Ces chiffres difïféraient selon les genres de criminels: il y avait sur: chaque 100 voleurs 44,2 vagabonds, 35,0 mendiants „ 100 escrocs ii,i „ 20,2 „ „ 100 qui avaient commis des J délits contre les moeurs) „ 100 incendiaires .... 15,1 „ 15,5 „ 100 parjures 4,2 „ 4,7 „ 2) Pour ces deux raisons il est donc nécessaire de traiter du vagabondage et de la mendicité. A. Vagabondage et Mendicité. En examinant 1'étiologie de ces contraventions, 011 s'apercoit que différentes causes y mènent. Nous les traiterons successivement et rechercheront leur relation avec la vie économique. i°. Comnie première cause du vagabondage et de la mendicité c'est qu'ii y a toujours sous le capitalisme, des ouvriers, qui ne peuvent vendre leur force de travail. Le nombre de ces personnes augmente beaucoup en temps de crise. 8) Quand les chómeurs n'ont pas d'aide dans leur familie et qu'ils ne re<;oivent point de subsides de leur syndicat, ils sont obligés d'aller d'un lieu a un autre, afin de chercher du travail et, s'ils n'y réussissent pas, ils doivent recourir a la mendicité pour ne pas mourir de faim. La statistique fournit ia preuve, que 1'armée des vagabonds et des mendiants est en efïfet formée en partie de ces sans-travail qui tout en le voulant ne peuvent trouver de 1'ouvrage. En premier lieu, le vagabondage et la mendicité augmentent en hiver (comnie en général toute la criminalite économique), quand le !) p. 6, 14 — 18. 2) p. 40—41 »Ueber individuelle Faktoren des Verbrechens". Voir aussi sur la relation entre vagabondage et mendicité et criniinalité: le Dr. N. Colajanni, »Sociologia Criminale", II, p. 478—479 (cité p. 277 prem. partie) le Dr. H. Kurella, »Naturgeschichte des Verbrechers", p. 206—207; J. Sacker, *>Der Rückfall", p. 56 — 57; le Dr. E. Fornasari di Verce, »La criminalitk e le vicende economiche d'Italia", p. 19; le Dr. A. Meyer, »Die Verbrechen in ihrem Zusammenhang mit den wirthschaftlichen und sozialen Verhaltnissen im Kanton Zürich", p. 59; L. Ferriani, «Minderjahrige Verbrecher", p. 144 sqq.; A. Bérard, »Le vagabondage en Francc", p. 609—610 (Arch. d'anthr. crim. XIII, a trouver aussi chez A. Lacassagne, •> V'acher 1'éventreur et les crimes sadiques"); E. Florian et G. Cavaglieri, «I Vagabondi", II, p. 181—197 ; A. Loewenstimm, »Das Bettelgewerbe", p. 124—128 (Kriminalistische Studiën); L. Rivière, «Mendiants et vagabonds", p. 227—228. ') Sur ce sujet voir 1'exposé théorétique aux p. 321—324. chomage forcé est a son comble et les besoins plus pressants, tandisqu'ils diminuent en cté. Les chiffres suivants, concernant quelques états allemands, démontrent ce fait. GRAND DUCHÉ DE BADE 1884—1891. Nombres des Nombres des Mr.,c condamnés pour condamnés par vagabondage et jour et le mendicité. minimum - - 100. Janvier . . 7.232 364 Février . . 6.315 336 Mars. . . 4.816 235 Avril. . . 2.945 148 Mai . . . 2.743 133 Juin . . . 2.475 I24 Juillet . . 2.540 124 Aotit. . . 2.410 118 Septembre . 1.989 100 Octobre. . 2.672 130 Novembre . 3.857 195 Décembre . 5-3!0 259 HESSE 1899—1900. Nombres des condamnés pour vagabondage et MOIS. mendicité. Nombres ' Moyenne absolus. par jour. Décembre—Février . . 479 5,32 Mars—Mai 334 3,63 Juin—Aoüt 259 , 2,82 Septembre—Novembre . 331 1 3,642) Les chiffres suivants confirment ceux qui précédent; ils portent sur 1) Neue Zeit, 1893 — 1894 II p. 443- ti u ta__ r -t wr 1 *» /a —u:.. r.-.« -1 jj, 11. * /ai « ,1 ivi, "i'a^ L4V. uv.li uv.1 » t auuv.1 ai iuvii anthropologie und Kriminalstatistik XIII). ROYAUME DE SAXE 1882—1887. Nombres de condamnés pour vagabondage et mendicité. Ier trimestre. He trimestre. Ille trimestre. IVe trimestre. AnnÉES. i Pourcen- Pourcen- Pourcen- j Pourcen- Nombres tage du Nombres1 tage du Nombres tage du Nombres tage du absolus. total absolus. total absolus. total absolus. 1 total annuel. annuel. annuel. annuel. 1882 6.752 36,1 4.220 22,6 3.181 17,0 4.546 24,3 1883 6.619 ! 36,6 3.934 ! 21,7 2.957 | 16,5 4.567 25,2 1884 6.641 | 37,6 3.855 21,8 2.721 ! 15,5 4.462 25,2 1885 6.555 | 35,9 3.424 18,7 2.872 : 15,7 5.440 29,7 1886 7.139 41,5 3.507 20,4 2.654 15,4 3-9°° 22,7 1887 5.787 , 39,1 3.344 , 22,6 2.251 j 15,2 3.411 23,1") Ces statistiques justifient la conclusion" faite par H. Oswald, auquel j'empruntais les chiffres sur le grand duché de Hesse. Cet auteur a lui-même, durant un temps assez considérable erré comme vagabond; il est donc compétent. II dit: „Diese Zahlen widerlegen geradezu die Behauptung, dasz Widerwillen gegen geregelte Arbeit die Hauptquelle der Landstreicherei und Bettelei bilden, zumal es im Winter kein Vergnügen ist, die Landstrasze zu frequentieren. Es ist die Not der Arbeitslosigkeit, die diese Aermsten hinausstöszt; und wer die Landstreicherei beseitigen wil, der musz die wirthschaftliche Existenz der arbeitenden Bevölkerung sichern, anstatt die Opfer des Elends durch drakonische Strafen zu züchtigen." 2) Une autre preuve a 1'appui de 1'assertion que le chómage est cause de la mendicité et du vagabondage se trouve dans ce qui suit: les chiffres du vagabondage et de la mendicité s'élèvent considérablement dans les périodes de crise. Le même phénomène se produit plus ou moins quand les prix du blé ou du pain augmentent. Ceux alors qui n'ont qu'un travail faiblement rétribué doivent trouver un moyen d'augmenter leurs ressources; ensuite quand le pain est cher on peut acheter moins d'autres choses ce qui entraine une diminution de production, et par la, une augmentation du chomage forcé. Dans la première partie j'ai fait mention des auteurs qui ont démontré, pour différents pays, que la courbe du vagabondage monte ou baisse a mesure que les conditions économiques empirent ou s'améliorent. J'ajoute ici encore les données que j'ai pu trouver autre part. ') Neue Zeit 1893—1894 II p. 58. 2) Oswald, o. c. p. 313. 11 existe quelques exceptions k la règle que le vagabondage et la mendicité augmentent en hiver et diminuent en été. (Voir p. e. Florian et Cavaglieri o. c. II p. in—112). Mais cela n'est pas une raison pour ne pas faire valoir la cause susdite. II est possible qu'il y a des contre-déterminants qui annulent 1'influence favorable de 1'été. P. e. a Londres on ferme en été les asiles de nuit, ce qui fait que les vagabonds sont plus a la merci de la police. 605 ANGLETERRE 1856—1896. Chiffres absolus Annees. vagabonds condamnés. Sur 100.000 de la population. Chiffres . absolus Annees. ^ vagabonds condamnés. Sur ioo.oooj de la population. 1856—57 19.270 99,7 1876—77 22.475 90,9 1857—58 21.473 io9,9 1877—78 23.662 94,5 1858—59 16.401 83,0 1878—79 25.790 101,6 1859—60 16.374 82,2 1879—80 30.323 117.5 ,860—61 17.496 86,9 1880—81 28.088 107,8 1861—62 20.636 101,4 1881—82 28.729 109,0 1862—63 21.758 105,8 1882—83 28.825 108,2 1863—64 20414 97,7 1883—84 28.370 105,3 1864—65 20.307 96,7 1884—85 27.467 100,9 1865—66 19.607 91,8 1885—86 26.546 96,4 1866—67 | 21.071 ; 97,5 1886—87 28.690 103,0 1867—68 I 24.125 : 110,2 1887—88 31.3S0 111,5 1868—69 29.890 134,8 1888—S9 28.032 98,5 1869—70 28.367 126,3 i889—9° 25.001 86,5 1870—71 24.902 109,4 1890—91 22.577 77.6 1871—72 ' 21.325 92,4 1891—92 23.623 80,3 1872—73 j 19433 1 s3.2 I, 1893 ! 24.830 ; 83,3 1873—74 Ï9-582 82,8 1894 25.676 85,4 1874—75 17.692 73,5 1895 23.524 77,4 ,875—76 19.841 81,4 1896 25.188 81,9') En comparant maintenant ces chiffres au cours des événements économiques, on voit ce qui suit: 1856 était une année économiquement mauvaise, 1857 et 1858 encore plus mauvaises; en 1859 la situation s'améliorait, pour empirer de nouveau en 1860, 1861 et 1862. L'amélioration revenait en 1863, tandis que 1864 et 1865 étaient médiocres; en 1866, 1867 et 1868 les conditions devenaient de nouveau plus mauvaises, pour s'améliorer a partir de 1869 jusqu'a 1874. Dès 1875 la conjoncture redevient plus mauvaise, ce qui dure jusqu'a 1879, oü une légère amélioration se manifeste; 1880, 1881 et 1882 étaient médiocres, tandis que 1883 était une année passablement bonne. En 1884 commen^ait une période mauvaise, qui durait jusqu'a 1S88, année après laquelle survenait une amélioration durant jusqu'a 1891, suivie des années moins bonnes de 1892 a 1894. En 1895 la conjoncture s'améliorait de nouveau.2) A quelques exceptions prés la courbe du vagabondage monte et descend donc a mesure que les conditions économiques s'améliorent ou empirent. ') Empruntés k Florian et Cavaglieri, o. c., II, p. XL ct XLI. 2) Cette esquissc de la conjoncture économique a été empruntée aux oeuvres citées dans la première partie, des docteurs Fornasari di Verce et Iugan-Baranowsky. Sur 1'Angleterre (1858—1864) voir encore p. 57 et 59 de la première partie (données du Dr. G. Mayr). HAVIÈRE 1835—1861. Le Dr. G, Mayr a prouvé quc, durant la dite période, il y a une relation intime entre le mouvement des prix du blé et celui du vagabondage. (V. p. 56 première partie). FLANDRE 1839—1848. Ed. Ducpetiaux a donné les preuves de la dite corrélation (V. p. 42—46 prem. part.) ERANCE 1840—1886. P. Lafargue a démontré que le vagabondage et la mendicité suivent en général la courbe des faillites (V. p. 292—293 première partie). ') HESSE 1895—1900. Nombres de condamnés pour vagabondage et mendicité. ANNÉES. Chiffres j Sur 100.000 absolus. ' habitants. 1895 2.583 21,96 1896 2.244 21,49 1897 1.968 18,49 1898 1.658 15,60 1899 1.267 11,82 1900 I.442 : 12,95 2) I Dans cette période la dépression économique en Allemagne, datant d'environ 1890, commenqait a diminuer. PAYS-BAS 1860—1891. Puisqu'il n'existe point de recherches statistiques concernant le cours du vagabondage et de la mendicité, j'ai composé, d'après des données officielies, la planche suivante Légende: I. Nombre des condamnés pour vagabondage et mendicité, calculé sur 100.000 habitants. II. Prix du pain (par kilogramme, en cents.) ') Pour la France voir encore Bérard, o. c. p. 607—6o3. 2) Empruntés il Oswald, o. c. p. 313. Une comparaison des deux courbes fait voir qu'il y a un parallélisme passablement constant jusqu'en 1869. Après cette année il cesse, a quelques exceptions prés. La forte baisse des prix du pain dès 1878 (conséquence de la crise agraire) coïncide même avec une augmentation importante du vagabondage et de la mendicité. Pour 1'expliquer il faut consulter la statistique des faillites. Elle démontre que la forte augmentation du vagabondage et de la mendicité coïncide avec une augmentation également forte des faillites, commencant en 1875 et durant jusqu'a 1882 (une augmentation de 89,4 a 191,1 sur 100.000 contribuables pour 1'impöt de la patente). Pour les années suivantes on ne constate plus de relation entre ces deux phénomènes. 1'RUSSE 1854—1870. J'ai pu composer le tableau suivant au moyen des dififérentes données, empruntées a 1'oeuvre du Dr. Starke „Verbrechen und Verbrecher in Preuszen", (p. 55 et 115): Nombre des _ . , . nouveaux Pnx dc 5° kilogr. (en Marcs) . T / cas de i ANNKF.S. vagabondage ct de. , Froment. Seigle. Pommes de mendicite. & | terre. 1854 14.619 12,90 10,40 3,17 1855 16.665 14-21 11,45 3.37 1856 20.414 13.5' 10.64 3,13 1857 15.801 10,18 6,87 2,18 1858 15.318 9,08 6,38 1,91 1859 16.978 8,93 6,79 1,98 1860 16.320 10,48 7,65 2,41 1861 14239 ".04 7.7i 2,79 1862 12.846 10,68 I 7,97 2,47 1863 11.840 9,18 6,78 2,04 1864 12.026 7,95 5,69 2,10 1865 11.640 8,13 6,24 2,03 1866 13.664 9,80 7,30 2,05 1867 15339 12,89 9>87 2,95 1868 14.801 12,48 1 9,84 2,Ó2 1869 15 091 9,70 8,08 2,l6 1870 13-320 10,14 7,7 8 2,58 Quoique les courbes des prix des denrées alimentaires et celle du vagabondage ne présentent pas de conformité exacte, 1'influence des prix est néanmoins évidente: les trois périodes des prixélevés (1854—56, 1860—62 et 1867—68) coïncident avec des chitïres élevés du vagabondage et de la mendicité (II est a remarquer que 1'effet d'une dépression économique ne se fait parfois sentir que 1'année suivante). ROYAUME DE SAXE 1889—1892. A. Bebel démontrait que la mendicité augmentait fortement dans la dite période (crise de grande intensité). (V. p. 283 première partie). Je suis d'avis que ces données dynamiques ') démontrent suffisamment que 1'augmentation ou la diminution du vagabondage et de la mendicité sont régies par la conjoncture économique, en d'autres termes, qu'un grand nombre de personnes se rendent coupables de ces contraventions non pas puisqu'elles ne veulent pas travailler, mais exclusivement par suite du milieu économique défavorable. II y a des exceptions a cette règle. Plus haut déja (p. 135—136) j'exposais que ces exceptions n'affaiblissent en rien la conclusion citée: 1'influence défavorable de la dépression économique peut être neutralisée par des contre-déterminants. Quant au vagabondage et a la mendicité, il faut encore remarquer spécialement, que 1'application des articles de la loi relatifs a ces contraventions est assez arbitraire et qu'il arrivé en temps de crise q*ue les tribunaux ne punissent pas les victimes qui se sont rendus coupables des dites contraventions, d'oü il résulte que la statistique ne rend pas alors d'image exacte de la réalité.2) On ne peut préciser jusqu'oü s'étend 1'influence des dépressions économiques, en d'autres termes: on ne peut fixer le nombre des vagabonds et des mendiants devenus tels directement par le chómage forcé. Quand — ainsi qu'il arrivé — il faut enrégistrer tout de même un certain nombre de condamnations pour vagabondage et mendicité, quoique les conditions économiques soient les plus favorables, alors on ne saurait encore dire que cela prouve que ces condamnations ne tombent que sur des personnes qui peuvent bien trouver a travailler, mais qui ne le veulent pas. 3) ') Sur la dynamique du vagabondage et de la mendicité voir encore: Florian et Cavaglieri II. p. 120—128. II est impossible de parler ici des faits concernant 1'augmentation du vagabondage et de la mendicité par suite d'arrêts dans la vie économique avant 1'existence de la statistique criminelle. Sur 1'augmentation extraordinaire des dites contraventions en Angleterre après 1'expulsion des paysans, au commencement du mode de production capitaliste, voir Th. Morus, «Utopia" (voir partie I p. 5—10) et en Allemagne, après la guerre de trente ans, P. Kampffmeyer, «Geschichte der modernen Gesellschaftsklassen in Deutschland," p. 32—35. 11 me parait de peu d'utilité de parler plus amplement de la statique: pour des raisons exposées plus haut la dynamique est préférable partout oü 1'on peut 1'appliquer. Florian et Cavaglieri ont démontré (o. c. II. p. 133 sqq.) qu'en général le vagabondage et la mendicité se présentent le plus dans les provinces (il est tout a fait impossible de faire des comparaisons entre les divers pays) oü les difterenccs de propriété sont les plus fortes, oü la vie économique est la plus intense et oü les crises de présentent le plus souvent. 2) Voir Bérard, o. c. p. 605—606. 8) 11 y a plusieurs auteurs (voir e. a. Loewenstimm, o. c. p. 85) qui, & 1'appui de 1'assertion que ce n'est pas le chómage forcé mais bien la paresse qui est une des causes primordiales, citent le fait suivant. Quelques philanthropes a Paris résolurent de procurer du travail durant quelques jours k tous ceux qui voulaient travailler, <1 raison de quelques francs par jour. Un nombre relativement petit seulement prolitant de cette offre, on se croit en droit de tirer la dite conclusion. D'après ces auteurs le chómage n'est donc qu'une rare exception ! A quoi donc attribuer le parallélisme Sous lc système économique actuel le désoeuvrement est chronique, c. a d. qu'il se présente même en des temps de prospérité économique. Par conséquent il n'est pas prouvé que ceux qui sont condamnés en ces périodes, soient nécessairement des paresseux qui ne veulent pas travailler (voir encore la note p. 305, de mon travail). Le seul chififre que j'ai pu trouver concernant 1'importance de cette cause du vagabondage et de la mendicité est celui-ci: qu'en Allemagne, sur un total de 200.000 mendiants, il y a 80.000 (40"/rt) qui sont réellement en quête de travail. ') Ce chififre n'étant qu'approximatif, sa signification n'est pas grande. Avant d'abandonner cette cause, il faudra encore dire quelques mots au sujet de 1'objection éventuelle que les ouvriers, qui par une longue désoccupation, tombent a la fin dans le vagabondage et la mendicité, sont des ouvriers inférieurs a la moyenne et qui, généralement, ne connaissent point de métier et sont souvent adonnés a 1'alcool; par conséquent, qu'en ce cas un facteur individuel joue un róle a cóté du facteur économique. II est vrai que la plupart des vagabonds et des mendiants ne connaissent point de métier, ni ne valent beaucoup comme ouvriers. Dans son étude le Dr K. Bonhoeffer dit que 55,4% des vagabonds et mendiants examinés par lui n'avaient pas appris de métier ou 1'avaient appris insuffisamment. 2) Cet auteur démontre également (nous y reviendrons plus bas) qu'une grande partie de ces gens sont sous le rapport du physique inférieurs a la moyenne. Cette infériorité est d'une part, non la cause, mais 1'effet des conditions dans lesquelles ils vivent (nourriture insuffisante etc.), 3) et d'autre part, faiblesse congénitale. Cependant, supposé que chacun de ces individus sache un métier, supposé aussi que tous soient robustes et sains et en état de bien travailler régulièrement, est-ce qu'il y aurait alors moins de sans travail qu'a présent? La réponse a cette question doit ctre ncgative. Même si chaque ouvrier connaissait un métier, ce fait n'augmenterait pas la demande d'ouvriers qualifiés. Quel que soit le moment, le marché de travail ne demande qu'un nombre déterminé d'ouvriers qualifiés et un autre nombre déterminé d'ouvriers non-qualifiés, la grandeur du nombre d'ouvriers non-qualifiés présents n'exerce aucune influence. 11 en est de même quant a 1'aptitude au travail, si tous les ouvriers avaient la même énergie, le même zèle etc., cela n'augmenterait pas la demande d'ouvriers; cette demande est régie par d'autres facteurs. Selon moi, il ne saurait être question de causes individuelles; les différences individuelies expliquent partiellement qui reste sans travail et devient ainsi vagabond; mais c'est le système économique qui est cause si fréquent des courbes des événcments économiques et des contraventions en question ? Ces faits, portant sur des dizaines de milliers de personnes, ont plus de valeur que 1e petit fait peu important, qui ne porte que sur quelques centaines de personnes, et qui est trop incomplètement exposé pour qu'on puisse en tirer une conclusion décisive. J) Flynt, o. c., p. 170 2) »Ein Beitrag zur Kenntnis des groszstiidtischen Bettel-und Vagabondentums" (Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. XXI). 3> Voir Ostwald, o. c., p. 306—307. 39 de 1'existence des sans-travail. Le vagabondage et la mendicité ne seraient pas moins grauds même si tous les ouvriers connaissaient un métier ou étaient égaux en zèle et en énergie. 2°. En second lieu le monde des vagabonds et des mendiants se compose de gens trop agés pour travailler, ou plus ou moins incapables de le faire pour des causes physiques ou psychiques, de sorte qu'on ne les engage plus. D'après ce que je sais, les données concernant 1'age des vagabonds et des mendiants ne sont pas nombreuses ; ie peux citer celles qui suivent. ANGLETERRK 1894—1900. Dont il y en avait d'un kge de Nombres de 50 — 60 ans. plus de 60 ans. ANNÉES. mendiants — —j— condamnés. Nombres ' 0, Nombres j 0, absolus. '° absolus. j '° 1894 13.021 I.638 12 I.916 14 1895 10.49; r-3S7 13 i-49° 1896 11-839 1.512 12 1.801 15 1897 10.735 1-338 12 1.701 15 1898 11047 1.540 13 1.838 16 1899 9.308 1.374 14 1.667 17 1900 8.402 1-253 j l4 1.690 20') En examinant ces chiffres, il faudra ne pas perdre de vue qu'cn général un ouvrier est vite usé et n'est plus embauché alors. PAYS-BAS 1896—1901. Nombres decon- Dont avaient 1 age de Années damnés pour 50—60 ans. plus de 60 ans. vagabondage Nombres j 0, Nombres j 0, | et mendicité. absolus. | /o absolus. , /o 1896 2.181 541 24 273 12 1897 2.139 529 25 278 13 1898 2.173 534 24 291 13 1899 2.215 564 25 285 12 1901 1.857 49i j 26 257 i32) ! 1 Pour en finir encore les chiffres suivants sur RUSSIE 1897. Dans le travail déja cité de Loewenstimm nous trouvons mentionné que, sur un total de 7.916 mendiants arrêtés a St. Pétersbourg, 1.185 !) Calculés d'après le tableau XIII des «Criminal Statistics", 1894—1900. 2) Calculés d'après »de Gerechtelijke Statistiek", 1896—1899 et »de Crimineele Statistiek", 1901. La «Crimineele Statistiek" de 1900 ne donne que le groupe d'age de plus de 50 ans. (14,9%) avaient un ège de 50 a 60 ans, et 982 (12,4 °/0) de plus de 60 ans. *) Comme il a été dit, un certain nombre de vagabonds se compose d'individus invalides, maladifs, et par la totalement ou presque totalement incapables de travailler. Dans son oeuvre „Les habitués des prisons de Paris", le Dr. E. Laurent donne la description suivante de quelques vagabonds observés par lui, de vrais types de ce genre d'individus. „J'ai connu ces temps derniers, a la Santé, un individu qui a passé presque toute sa vie en prison, qui est né et a vécu dans le malheur. Enfant naturel, sa mère 1'accueille comme une faute et un fardeau et elle essaie de se détruire avec lui. Plus tard, les convulsions le tordent sur un lit d'hópital et il reste hémiphlégique. Sachant a peine lire et écrire, il ne voit presque pas clair, car une taie opaque voile son oeil gauche ; il a subi plus de vingt condamnations pour mendicité et vagabondage, et il n'a encore que 37 ans. II ne sort de prison que pour y rentrer. Aussi, il se plaint avec amertume, récrimine contre les autorités judiciaires qui, au lieu de le placer dans un hospice, oü il serait a sa vraie place, le jettent en prison paree que, dit-il, la nourriture y coüte moins cher. Un individu agé de 29 ans, fils d'un ivrogne et d'une tuberculeuse, a déja subi sept condamnations pour mendicité. II est hémiphlégique depuis 1'ège de 13 mois et ne peut marcher qu'avec des béquilles. Epileptique par-dessus le marché, il roule de prison en prison. Ces faits sont trés fréquents, et on ne saurait se figurer combien de ces pauvres diables vivent dans les prisons, qui sont pour eux des espèces de refuges. Dernièrement je voyais un aveugle arrêté pour mendicité et condaniné a quinze jours de prison." 2) Les chiffres suivants, empruntés a 1'étude citée du Dr. Bonhoefifer, nous renseignent sur le nombre de tels individus. BRESLAU. Conditions physiques et Nombres 0, psychiques. j absolus. '° Condition physique faible . . | 337 91 et par la incapables pour le ser- j vice militaire j 236 64 Anomalies psychiques.... 322 87 entre autres épilepsie .... 43 11 imbécilité. ... 86 23 Total des individus examinés . 369 1003) ') Calculés d'après p. 30—31. 2) p. 40—41. s) Calculés d'nprf-s ln dite éttide. lei il faudra faire remarquer que, dans les années 1896—1897 il n'y avait en moyenne que 9 °/0 des conscrits de la Silésie qui étaient incapables pour le service militaire. Les autres chiffres connus s'accordent avec ceux que je viens de citer: le Dr. Kurella trouvait 20 a 30 °/0 d'imbéciles ou d'épileptiques parmi les vagabonds.!) Le Dr. Mendel constatait aussi un grand nombre d'anormaux psychiques parmi les vagabonds.2) Tout ce que je viens de dire démontre, a ce que je crois, suffisamment, que la sus-dite cause joue un róle important dans 1'étiologie du vagabondage et de la mendicité. II est encore nécessaire de donner une réponse a la question: est-ce que tous les individus, qui tonibent dans les conditions défavorables nommées sous 1 et 2, deviennent vagabonds ou mendiants? II est évident que la réponse doit être négative. Trois expédients s'offrent a celui qui est tombé dans la misère la plus noire: la mendicité, le vol et le suicide. C'est partiellement le hasard (occasion etc.), partiellement la prédisposition individuelle qui fixent, ce qu'un individu étant dans les dites conditions, deviendra, mendiant ou voleur. Généralement ceux qui disposent encore de quelque énergie ou intelligence deviennent voleurs, les autres vagabonds.3) Le troisième expédient, le suicide, se présente aussi trés souvent parmi les bas-prolétaires.4) Ceux qui y ont recours sont, soit ceux qui ont connu de meilleures conditions et trouvent que la misérable existence que procure la mendicité ne vaut pas la peine d'être vécue, soit ceux qui ont perdu toute énergie. Parfois il arrivé que le suicide est commis pour échapper a la honte de mendier ou de voler. Ce sont ceux que 1'on nomme quelque fois „les héros de la vertu"; mais, considérés a un autre point de vue, 011 peut aussi leur donner le nom de „victimes du vice" — des autres, bien entendu! Ceux-la sont nés avec une disposition morale trés forte et ont vécu dans un milieu oü cette disposition a été développée. Ces cas prouvent le degré d'intensité que les sentiments sociaux peuvent atteindre, ils sont plus forts que le désir primaire de vivre, quoique ceux, auxquels ils 11e veulent pas porter préjudice, renient ces sentiments sociaux, en abandonnant leurs semblables qui se trouvent dans la misère. 30. Une troisième catégorie de mendiants et de vagabonds est formée cTenfants et de jeunes gens. Examinons quel rapport il y a cntre ce fait et le milieu économique et social. Tous ceux qui se sont occupés de ce sujet sont d'accord qu'une ^rande partie de ces enfants ont systématiquement appris a mendier de feurs parents. Quelle que puisse étre la cause pour laquelle les parents a^issent ainsi, ^ces enfants sont entièrement les victimes de 1'ambiant détestable dans lequel ils sont forcés de vivre. Elevés dans un milieu sain, ils ne seraient pas devenus ni mendiants ni vagabonds. 5) 1) »Naturgeschichte des Verbrechers", p. 208. 2) Florian et Cavaglicri, o. c., II, p. 22. Voir aussi tout le § 5, IV, chap. 2 des mêmes auteurs. „ 3) Voir p. 47 et 49 R. L. Dugdale »The Jukes', et Hynt, o. c. p. 6. 4) Voir e. a. Florian et Cavaglieri, o. c. II p. 34 — 35' 177 I7^* 5) Sur cette cause de la mendicité et du vagabondage voir: G. Tomel et H. Kollet, »Les enfants en prison", p. 55—76; le Dr. L. Puibaraud, »Les malfaiteurs de profession", p. 217—230; le Dr. L. Albanel, #Le crime dans la familie", p. 88; Loewenstimm, o. c., p. 89-99; H. Joly, oL'enfance coupable", p. 60 sqq. Une autre partie se compose d'enfants qui sont ou des illégitimes, ou orphelins, ou délaissés par leurs parents, ou forcés par les mauvais traitements des leurs a fuir la maison. Tomel et Rollet font mention du cas suivant typique : une fille de 16 ans fut accusée de vagabondage et fit devant le tribunal le récit navrant de sa situation: „Je suis allee trouver vendredi le commissaire de police du quartier des Halles; je lui ai déclaré que depuis cinq jours j'étais sans asile, et que je n'avais pas mangé depuis quarante-huit heures. J'étais employee chez un marchand de vin qui, a la mort de ma mère, il y a de cela trois ans, m'a recueillie en qualité de servante, (employee a 13 ans) aux appointements de deux sous par jour. Mais mon patron a fait faillite, sa boutique a été fermée, j'ai dü alors errer en quête de travail, et sans rien trouver. Mon père, condamné aux travaux forcés a perpétuité, est mort a la Nouvelle-Calédonie. Je n'ai plus ma mère, et comme je ne veux pas imiter ma grande soeur qui se conduit mal, j'ai préféré me faire arrêter."1) II est difficile de fix. 590). Mais cela n'empêche qu'ils ne seraient devenus vagabonds, s'ils avaient toujours pu trouver du travail. Cependant il y a encore autre chose a dire de 1'ambiant dans la genèse de ces individus. En premier lieu: la longue durée, la monotonie !) Voir e. a. Florian et Cavaglieri, o. c., II, p. 11 —14. 2) Voir e. a. Loewenstimm, o. c., p. 17 et 92. 3) Voir e. a. Bérard, o. c. p. 605. et les désagréments du travail des prolétaires, qui, par tout cela, est plutót détesté qu'aimé. ') En second licu, les petits salaires d une grande partie des ouvriers, et les montants assez grands que des mendiants adroits savent ramasser. Flynt mentionne les données suivantes sur ce que peuvent „gagner" des „tramps": a New-Vork par jour I dollar; dans Pest des Etats-Unis 50 cents de dollar a 2 dollars, sans compter la nourriture; a New-Orléans 1111 mendiant habile peut „gagner" 1 dollar par jour; il évalue qu'en Allemagne le produit journalier du mendiant est de 1,50 a 4 marcs et la nourriture; en Angleterre la plupart des mendiants récoltent iS pence a 2 shillings, et quelques trés habiles même prés de 10 shillings par jour. -) Loewenstimm raconte qu'a St. Pétersbourg un mendiant habile a un revenu journalier de 3 roubles.3) Florian et Cavaglieri disent qu'a Paris un mendiant recueille 4 francs, et, s'il est trés adroit, même 25 francs par jour. *) Dans quelques cas il est donc plus avantageux, et dans tous les cas il est plus facile, de ne pas travailler.5) Par suite de ces faits on lit trés souvent que le public ne devrait pas donner d'aumónes a ces paresseux. Mais le public ne peut pas distinguer cette categorie de mendiants des autres. II est certainement vrai que la mendicité professionnelle diminuerait si 1'on ne donnait rien a des mendiants; mais d'un autre cóté, 1'effrayante misère parmi les autres pauvres s'aggraverait alors encore plus. Et je me permets de douter que 1'avantage, ainsi acquis d'un cóté. contrebalancerait le désavantage, créé de 1'autre cóté. Et ces doléances au sujet de la bétise du public sont alors généralement accompagnées de 1'anathème sur ceux qui préférent la vie d'un parasite, au travail. Personne naturellement ne voudra excuser ces individus. Mais il faut considérer la question des deux cótés. Si 1'on exprime 1111 blame contre ces gens, il ne faut pas le ménager a la société, ou le travail honnête est si mal payé, que la mendicité est souvent plus lucrative. Ces individus sont des égoïstes rusés et tant que la socicté sera organisée telle qu'elle Pest, ils ont raison a leur point de vue. Certes, ils n'ont point de sentiment d'honneur, ils n'attachent aucune valeur a 1'opinion des autres, mais le sentiment d'honneur n'est pas inné, mais acquis. Ainsi que les faits le démontrent, les vagabonds sortent généralement d'un milieu oü il ne saurait être question d'un développement des qualités morales. Le Dr. Bonhoeffer p. e. constata, chez environ 45 °/0 des vagabonds, examinés par lui qu'ils avaient été élevés dans de mauvaises circonstances domestiques (alcoolisme des pa- 1) Dans ses oeuvres sMinderjahrige Verbrcchcr" (p. 177 sqq.) ct sSchlaue und glückliche Verbrecher" (p. 460 sqq.) Ferriani indique que plusieurs vagabonds le sont devenus par la haine qu'ils ont congue du travail par suite du surmenage dans leur jeunesse. 2) o. c. p. 97, 103, 110, 182 et 244. 8) o. c. p. 38. *) o. c. I, p. iii—112. 5) En égard a ces faits, il est difficile de comprendre pourquoi le nombre des mendiants n'est pas encore plus grand qu'il l est. La cause en est que, pour pouvoir «réusMr" comme vagabond, il est nécessaire de disposer de qualités particulières, qu'une grande partie de ces gens ne possèdent pas. Aussi, Ia plupart d'entre eux mènent une existence fQrt déplorable (Voir Flynt, o. c., p. 138—139). rents, etc.). Puis, comme nous 1'avons vu plus haut, les sentiments sociaux ne se dévcloppent que s'il y a réciprocité. Je voudrais bien savoir si la société s'intéresse en effet a tel point au sort des misérables, qu'a leur tour ceux-ci se soucient grandement de 1'opinion de cette société? Pour sür que non: ce sont des parias, et comme tels le mépris d'un monde hostile leur est indifférent. ') Nous voila presque a la fin de nos observations sur 1'étiologie du vagabondage et de la mendicité, il nous reste encore a fixer 1'attention sur une catégorie, celle des natures indolentes. II est des individus chez lesquels tout travail assidu éveille un fort sentiment de malaise.2) Comme nous 1'avons déja relevé plus haut, en parlant de la pauvreté en général (voir p. 348), la cause de ce phénomène est une espèce de neurasthénie, plus spécialement physique. II faut le reconnaitre, ces gens sont des êtres antipathiques, mais ce sont des malades, qui doivent être soignés, si la société ne veut pas en subir les désagréments. D'ailleurs, le professeur Benedikt, qui a été le premier a indiquer la neurasthénie physique, reconnait lui-même3) que de tels malades n'ont pas besoin de devenir des vagabonds, quand ils ont été élevés dans un milieu propice et que plus tard, la lutte pour 1'existence ne leur a pas été pénible. En résumant, il ressort que les causes importantes du vagabondage et de la mendicité sont le désoeuvrement, le manque de soins pour les vieillards, les invalides et lesTaibles, le délaissement des enfants pauvres, les petits salaires et les longues journées des ouvriers. Les personnes qui courent le plus de danger d être incorporées dans Parmée des vagabonds, ce sont les faibles tant physiques et psychiques, sans que cela soit pourtant nécessaire; la „causa causarum", c'est le milieu. L'histoire le prouve également. Si le vagabondage et la mendicité résultaient des qualités innées de l'homme, il y aurait toujours eu des vagabonds et des mendiants, ce qui n'est pas le cas. Leur apparition se rattache a la structure économique de la société. Nous ne pouvons pas nous étendre sur le sujet et renvoyons a 1'oeuvre capitale „I vagabondi" de Florian et Cavaglieri (I, Parte prima). Ces auteurs démontrent que le premier type du vagabond a été 1'esclave évadé, puis le serf qui s'est sauvé de chez son seigneur. Dans les époques suivantes les peines dont les vagabonds étaient menacés (et elles étaient trés sévères), devaient surtout servir a forcer le prolétariat a se soumettre aux exigences ') Pour les études éthiques une oeuvre comme celle de J. Flynt »Tramping with tramps" est trés intéressante. L'idée qu'on se fait généralement du monde des vagabonds professionnels est tout a fait inexacte. On se tïgurc que ces gens ne connaissent aucune morale entre eux, comine ils n'en connaissent point envers les autres hommes. Cependant, comme Flynt en a fait 1'expérience dans ses observations durant des années les »tramps" sont serviables entre eux et bienveillants. (Voir e. a p. 153, 239 et 265 de son livre. Voir aussi le Dr. S. van Mesdag, »Iets over landloopers en bedelaars", p. 227—230. Tijdschrift voor Strafrecht XV). Ici aussi, dualisme de l'ethique. 2) Dans son »Minderjahrige Verbrecher" (p. 152—154) Kerriani a décrit le type d'un malade de ce genre. Voir aussi Tomel et Rollet o. c. p. 24—27. :i) p. 715. «Die Vagabondage und ihre Behandlung". (Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. XI). des possesseurs des moyens de production. ') A mesure que le nombre des ouvriers disponibles augmentait et que le prolétariat s'est soumis a la volonté des capitalistes cette cause diminuait d'importance pour disparaitre presque complètement de nos jours. C'est plutöt le contraire qui a lieu, attendu que 1'armée des vagabonds et des mendiants se compose actuellement pour la majorité de prolétaires qui n'ont pu trouver de travail. Le vagabondage et la mendicité sont a présent punissables a cause du dommage et de 1'importunité qu'en éprouvent surtout les gens qui habitent la campagne, et aussi a cause du danger qui en résulte pour la société, puisque les criminels dangereux se recrutent en majeure partie parmi les vagabonds et les mendiants. B. Vol et crimes analogues. Avant d'examiner les motifs induisant a commettre le vol (le plus important des crimes de ce groupe; la plupart des autres n'en sont que des modifications) il faudra s'arrêter d'abord un moment a la question: „1'honnêteté est-elle une qualité innée ou bien une qualité acquise?" A mon avis il n'est plus possible de la discuter, 1'honnêteté est aussi peu innée que n'importe quelle conception morale.2) Aucun enfant ne sait faire de distinction entre le mien et le tien, ce n'est que peu a peu qu'il en concoit 1'idée. Par contre il a le penchant de s'accaparer tout ce qu'il désife (instinct préhenseur le nomme Lafargue).3) C'est justement eet instinct qui doit être combattu pour rendre un enfant honnéte. On serait donc plus en droit de dire que la malhonnêteté est innée. En ne tenant pas compte de ce fait, il est impossible de donner 1'étiologie du vol et des crimes de même nature. Les motifs, pour lesquels les crimes, dont nous nous occupons maintenant, sont commis, étant au nombre de trois, nous en parierons en les divisant en trois groupes différents. Le premier groupe comprend les crimes commis par la misère, le second ceux qui résultent de la cupidité, et dans le troisième groupe nous traiterons les criminels de profession. a. Vol commis par misère. II y a des besoins que 1'homme doit satisfaire, sans quoi son existence est impossible. Ce sont des besoins fondamentaux, nés indépendamment du milieu. Si 1'homme n'a pas une nourriture suffisante, s'il n'a pas (du moins dans les régions non-tropicales) de vêtements pour se garantir contre le froid, si 1'occasion de se reposer lui manque, etc. sa vie est en danger. Dans la société actuelle il y a toujours un nombre de per- ') Voir Marx, sKapital", I, ch. XXIV, 3, p. 699 sqq. 2) Voir sur 1'impossibilité des conceptions morales innées, le Dr. 1'. Naecke, «Die neuern Erscheinungen auf kriminal-anthropologischen Gebiete und ihre Bedeutung", p. 342 (Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. XIV). 3) »Der Ursprung der Idee des Gerechten und Ungerechten'', p. 470—47i.(Neue Zeit 1898- 1899 II). sonnes auxquelles le stricte nécessaire même fait défaut, et qui sont donc obligées de voler s'ils ne veulent pas succomber de misère. ') II est évident que le mot misère doit être pris dans son sens littéral de sorte que celui qui peut acheter encore un morceau de pain et vole quand même doit être considéré comme un voleur par misère. II faut que nous placions ici encore une observation, avant d'entamer les preuves de cette thèse. Nous avons défini le crime comme un acte égoïste, ce qu'il est aussi dans tous les cas. Cependant, un même acte peut être égoïste et altruiste a la fois, et ceci c'est le cas pour quelques crimes commis par misère: quand un individu vole afin de ne pas laisser mourir de faim ceux qui sont a sa charge. Quels beaux conflits de devoirs engendre notre société actuelle! Les preuves que la misère absolue provoque une quantité de vols sont de trois natures. Les deux premières sont basées sur la dynamique de la criminalité. i°. En hiver, 1'époque 011 la misère est la plus pressante, la quantité de vols etc. est aussi beaucoup plus grande qu'en été. Ce fait est trés connu; il est donc inutile d'en donner des preuves détaillées, et je crois sufïfïsant de donner les statistiques ci-dessous, portant sur deux pays importants et sur un grand nombre d'années. ALLEMAGNE 1883—1892. CRIMES. -') Nombres d'actes punissables commis dans les mois de: Janvier. F évrier. Mars. Avril. Mai. Juin. Juillet. Aoüt. Scptembrc. Octobre. Novembre. Déccmbre. ! ! ' 1 1 ! ! ol simple (aussi \ a I 7.991 7.342 6.909! 5.777 6.097 6.0031 6.230 6.481 6.249 7436 7.966 8.523 écidive répétée). j b 113, 115 98 85 87; 88 88 92 92 106, 117 121 enrécidivcllSS1!a 913 877 830 777 840 856 879 866 818 956 971 996 répétée). 'b 102 107 92 89 94 98 98 96 94 106 112 111 Jétournement *a ' 539 <-358 '454 1-397 1.505 1485 i-583 1-55* 1459 «-604 1-573 1-659 fb 100 97 94 94 98 100 103 101 98 104 105 108 (ceel !a 682 615 571 442 458 447 444 451 451 556 643 789 'b 123 122 103 82 82 83 80 81 81 100 120 142 (ecel profession- la 3 5 4 81 4 3 j 3 3 6 31 31 5 nel et habituel. ) b 71 130 94 1951 94 73! 71 71 146 71! 73 118 raude !a 2l'74 2-°5° u9°9 '-744 1.823 1.869. 1-932 '*845 '-758 2.065 2.2791 2.432 'b 107 111 94 89 90 95 95 91 90 102 116 120 1 !) Plus haut (p. 612) en traitant du vagabondage j'ai déja indiqué pourquoi toutes les personnes qui se trouvent dans des circonstances pareilles ne deviennent pas criminelles. Voir encore sur vol commis par misère Frégier o. c. I, p. 206—213 et Ed. Ducpetiaux, »De la condition physique et morale des jeunes ouvriers,''II p. 208—210. 2i Les chiffres sub a sont les chiffres absolus (moyennes annuelles), ceux sub b sont des nombres relatifs: quand il y a 100 actes commis dans un jour de 1'année, il y a dans un jour des mois désignés les chiffres sub b. 3) II, p. 53 «Kriminalstatistik für das Jahr 1894''. Donc, pour tous les crimes une augmentation assez considérable vers les mois d'hiver, et une dimination vers les mois d'été. Je fixe 1'attention des lecteurs plus spécialement sur la diminution et l'augmentation trés importantes pour les délits: vol simple et recel, et sur le mouvement beaucoup moins accentué pour vol qualifié, détournement et recel professionnel et habituel (le maximum du dernier nommé des crimes ne sc presente même pas dans les mois d'hiver). Ces trois derniers délits sont, plus que les deux autres, qui ont surtout la misère pour motif, commis par cupidité et par des criminels de profession. Les chitifres suivants, empruntés au calendrier criminel composé par le professeur Lacassagne, concernent FRANCE 1827—1870. Nombre de crimes contre la propriété, pour chaque mois ramené a une durée égale de 31 jours. Janvier. F évrier. Mars. Avril. Mai. Juin. Juillet. Aout. Septembre. Octobre. Novembre. Décembre. 16.350 15.400 14.250 13.450 13.625 13.450 13.225 13.425 I3-875 H400 16.100 16.825 I 1 j *) Donc, ici, comme toujours2), aussi une forte augmentation vers 1'automne et les mois d'hiver, et une diminution vers le printemps et les mois d'été. 20. Une deuxième preuve de 1'importance de la misère absolue comme cause de vol, etc. est fournie par la circonstance qu'il y a un accroissement considérable des crimes sus-dits en temps de dépression économique (prix élevés du pain, manque de travail, etc.). Dans la première partie j'ai cité beaucoup d'oeuvres 011 ce phénomène est démontré pour plusieurs pays. Je renvoie donc aux plus importantes d'entre elles, tout en y ajoutant encore quelques données. ALLEMAGNE 1882—1898. Comme statistique de cette corrélation concernant 1'Allemagne tout entière, j'e n'ai pu faire mention, dans la première partie que du petit tableau du Dr. Lux (p. 298). Une étude détaillée et trés intéressante en a été écrite par H. Berg sous le titre de „Getreidepreisen und •) ï>Marche de la criminalité en Frauce, 1825—1880". (Revue scientifique 1881), a trouver aussi chez E. Levasseur, >)La population frangaise," II, p. 458. 2) Une exeeption apparente (la seule qui me soit eonnue) sur cette règle se trouve dans la statistique criminelle des Pays-Bas. Celle de 1898 eontient un diagramme d'après lequel les crimes contre la propriété ne suivent pas cette règle. Mais le rédacteur a pris les nombres des condamnés par jour ce qui est une base erronée, ces chiffres ne renseignant pas comme on le sait, sur le moment oü le crime a été commis. Et c'est cela justement qui nous intéresse maintenant. Kriminalitat in Deutschland seit 1882." ') J'en emprunte le tableau suivant: Prix de 1.000 Nombre de condamnés pour les crimes ci-dessous kilogr. de sur 100.000 habitants au-dessous de 12 ans. ANNEÉS. seigle et de fromenten Vol Vol Roce, p d Détourne- Marcs. simple. qualihe. ment. 1882 185 250 28 26 37 46 1883 165 241 25 24 38 46 1884 159 231 25 23 39 46 1885 154 214 22 22 38 45 1886 147 2IO 20 21 41 45 1887 145 198 2 1 20 43 44 1888 155 194 21 20 44 44 1889 169 211 , 23 21 49 47 1890 l8l 206 I 24 21 50 47 1891 216 216 25 22 54 50 1892 184 236 31 25 59 52 1893 146 202 I 26 22 58 51 1894 127 198 27 22 ÖO 52 1895 132 192 24 22 6l 53 1896 I39 184 24 19 58 50 1897 152 188 23 18 6l 51 1898 170 191 25 19 63 52 I I | I 2) Si, en examinant le tableau précédent, on 11e perd pas de vue que 1'effet de la hausse ou de la baisse des prix du blé ne se fait pas ressentir immédiatement, et que parfois on enrégistre dans la statistique les criminels qui ont commis leur crime dans une année précédente, il sera clair combien 1'influence du mouvement~éconómique sur les crimes économiques est immense. Comme le tablau le démontre, 1'influence des variations des prix n'est pas la même pour tous les crimes; elle est la plus grande pour le vol simple (il n'y a eu qu'une seule exception dans 17 ans), ensuite pour recel et vol qualifié, et la plus petite pour fraude et détournement. D'ailleurs, ces derniers crimes ont beaucoup moins pour motif la misère absolue que p.e. Ie vol simple. Aussi ne faut-il pas pordre de vue encore que la période de 1889— 1892 se caractérisait par une crise économique aiguë. ') 1) A raon regret ce livre ne m'est parvenu qu'après la mise sous presse de la première partie de 111011 ouvrage; saus cela je 1'aurais naturellement cité li. 2) p. 10, 12, 17, 18. ') Berg a démontré que la conclusion du Dr. Muller (voir p. 119 de la première partie) sur la diminution de 1'influence des prix du blé sur la criminalité économique en AUemagne, est un peu prématurée, quoiqu'elle soit exacte pour la période, que Müller a observée. Néanmoins je suis de 1'opinion de M. (voir aussi la citation du prof. v. Mayr dans la première partie p. 131) qu'Ji 1'avenir 1'influence des crises économiques sur la criminalité économique dépassera de plus en plus celle des prix du blé. ANGLETERRE 1823—1896. Le Ur. Tugan Baranowsky prouvait pour les periodes de 1823—1850 et 1871—1896 la corrélation entre 1'amélioration et la rétrogradation de la conjoncture économique et la baisse et la hausse de la criminalité. Pour la période 1858—1864 la même preuve était donnée par le Dr. G. Mayr (voir p. 57—58); et pour les années 1840—1890 par le Dr. Eornasari di Verce (p. 197). Les chiffres du premier se rapportent seulement au crime en général et ne font donc pas suffisamment ressortir 1'infiuence sur les seuls crimes économiques. GRAND-DÜCHÉ DE BADE 1875—1892. Le statisticien J, S(chmidt) démontrait le parallélisme des deux courbes pour la dite période (p. 303). BAVIÈRE 1835—1861. Le Dr. G. Mayr a été un des premiers statisticiens qui aient démontré 1'influence des prix du blé sur la criminalité contré la propriété (p. 51—70). BELGIQUE 1839—1890. Le Dr. Weisz a prouvé 1'influence des prix du blé durant la période 1841 —1860 (p. 91) et le prof. Denis celle des événements économiques pour la periode 1840—1890 (p. 294—296), tandis que Ed. Dupetiaux attirait surtout 1'attention sur 1'augmentation énorme de la criminalité durant les années de crise 1846—1847 dans les Flandres (p. 42—46). FRANCE 1825—1886. L'influence des prix du blé sur la criminalité contre la propriété a été démontrée, respectivement pour les périodes 1845 —1864, 1850—-1864 et 1855—1864 par les Drs. Weisz (p. 90—91), Corne (p. 72—73) et Mayr (p. 50—60). Le prof. Lacassagne et P. Lafargue démontraient la corrélation entre les fluctuations de la vie économique et celles de la criminalité économique, respectivement pour les années 1825— 1880 et 1840—1886 (p. 205 et 288 sqq). ITALIË 1873—1890. Pour cette période le Dr. Fornasari di Verce démontrait le parallélisme entre les courbes des événements économiques et de la criminalité économique (p. 191 —197). NOUVELLES GALLES DU SUD 1882—1891. Le même auteur démontrait ici aussi la même corrélation (p. PAYS-BAS 1860—1891. Puisque les recherches sur notre sujet manquaient pour ce pays i'ai composé, d'après des données officielies, le diagramme suivant: Légende: I. Nombre de condamnés pour vol, calculé sur 100.000 habitants. II. Prix du pain par kilogr. en cents. Le parallélisme des deux courbes est frappant (seulement une petite exception aux années 1871 —1873). L'accroissement du vol aux années 1879—18S1 coincide avec la trés forte augmentation des faillites, qui continua jusqu'a 1882. PRUSSE 1854—1895. Les Drs. Starke et Müller ont prouvé la dite corrélation (p. 93 sqq. et 199 sqq.). RUSSIE 1874—1894. E. Tarnowsky fixait 1'attention sur 1'influence des prix du blé sur la criminalité en général (p. 117—118). WURTEMBERG 1882—1891. Rettich démontrait qu'il existe quelque rapport entre le courant des prix du blé et celui du vol (p. 101 —102). ZÜRICH 1832—1892. Le Dr. Meyer prouvait 1'existence du sus-dit parallélisme (p. 101 sqq.) •) !) II faut encore nommer comme auteurs sur la dynamique de la criminalité : J. Sacker, »Der Riickfall" (p. 39 — 40); le prof. G. Aschaffenburg, »Das Verbrechen und seine Bekampfung" (p. 87 sqq.) en H. Leuss, »Aus dem Zuchthause" (p. 228 sqq.). Attendu que ces auteurs n'apportent point de données nouvelles, il n'est pas nécessaire de traiter leurs oeuvres. Des observations tout k fait spéciales sur la relation entre criminalité et crises sociales ont été faites par G. Richard dans son oeuvre »Les crises sociales et les conditions de la criminalité" (Année sociologique III). Cet auteur trouve qu'il y a Feu de thèses sociologiques ont été prouvés comme celle dont nous venons de parler, a ce qu'il me semble: 1'importante influence du courant des événenients économiques sur celui de la criminalité économique a été démontrée pour 13 pays pour difïérentes périodes du XlXe siècle. Quelques auteurs sont d'avis que la misère 11e peut être la cause des crimes qui sont commis quand les conditions économiques sont des plus favorables, et que les crimes économiques ont par conséquent atteint leur minimum. Cette assertion a besoin d'ètre encore plus amplement prouvée, comme je 1'ai déja dit plus haut (p. 350 et 608), puisqu'il y a encore pas mal de personnes auxquelles le stricte nécessaire fait défkut même en des périodes de prospérité. t_ Je dois encore dire ici quelques mots en réponse a une objection éventuelle contre 1'observation précédente: 1'accroissement du vol, etc., en temps de dépression économique est, pour une grande partie, une conséquence non de la misère absolue, mais de 1'impossibilité de pouvoir satisfaire aux besoins, nés a des époques plus favorables. L'accroissement serait donc, pour une grande partie, dü a une augmentation des crimes commis par la cupidité et non de ceux commis par la misère. Cela peut être vrai dans quelques cas, mais ne 1'est certainement pas, a mor avis, dans la majorité des cas, pour les raisons suivantes: Quand la conjoncture économique est favorable, quand on gagne plus qu'a 1'ordinaire et que par suite les besoins augmentent et deviennent plus intenses, chacun peut-il aussi satisfaire les désirs éveillés en lui par 1'esprit d'imitation ? Bien sur que non: même en ces temps de prospérité il y a encore beaucoup d'individus chez lesquels le désir est éveillé, mais qui ne sont pas a même d'y satisfaire d'une facon légale. Par contre, les besoins diminuent en général en temps de crise; la cupidité s'éveilk donc moins, et avec des revenus restreints on est déja bien content de pouvoir vivre quand il y en a tant d'autres auxquels inanque même le strict nécessaire. A mon avis, les crimes par cupidité diminuent plutót qu'ils n'augmentent en temps de prospérité, tandis qu'en des périodes de dépression le contraire a lieu. (La statistique ne faisant pas cette distinction comme on le sait, elle ne peut servir a en fournir la preuve). L'augmentation et respectivement la diminution des crimes par misère sont cause que les chifïfres de cas de vol et de crimes adéquats ne le démontrent pas. 1\ contradiction dans le fait que la société serait cause du crime et qu'elle menacc cependant le criminel de punition. L'explication de cette contradiction se trouverail dans la circonstance »que la société k 1'état normal organise la résistance aux tendances criminelles et détermine 1'apparition de la criminalité quand elle est ;i 1'état de crise". II est superflu d'en parler amplement, puisque tout notre travai' est un essai tendant ü expliquer cette contradiction d'une manière différente. La démonstration faite par eet auteur ne peut être exacte, puisque la criminalité st présente aussi en des périodes de prospérité économique. L'auteur nomme facétie la considération de Marx sur le fétichisme de la marchandise. S'il avait mieux connut la doctrine de Marx, il aurait compris que la contradiction réside dans 1'essence de la société actuelle. (Voir encore la critique de Cl. Tarde sur 1'étude de Richard Compte rendu Ve congrès d'Anthrop. crim., p. 200—201.) ') Le Prof. Aschaffenburg est parmi les auteurs qui attribuent 1'augmentatior des crimes économiques en temps de dépression ;\ l'augmentation des crimes pai cupidité (o. c. p 93—95). 11 est un peu en contradiction avec lui-même en recon naissant, ü la page 95, que les périodes de prospérité économique font augmentei les cas de détournement et de fraude. Cela est appliquable aussi au vol, bien qui dans une mesure moins grande. 3°. La troisième preuve que la misère est un grand facteur dans 1'étiologie du vol, c'est le nombre énorme de veuves et de femmes divorcées qui participent a ces crimes (voir p. 513—514). II n'y a aucune raison de croire que ces femmes soient plus cupides que les femmes mariées ou célibataires; mais ce qui est bien certain c'est que leur condition économique est souvent trés onéreuse. Nous n'appliquerons pas d'autres méthodes afin de démontrer leur corrélation (p. e. en examinant la statique): pour des raisons déja nommées plus haut, elles ne peuvent mener qu'a un résultat sanS grande importance. D'ailleurs, il me semble que 1'exactitude de la thèse a été suffisamment démontrée par les preuves citées. Nous voila maintenant a la fin de nos considérations au sujet du vol commis par misère. C'est de deux manières qu'elle est la cause du vol; d'un cóté elle incite a s'approprier le bien d'autrui, de 1'autre elle exerce une influence démoralisatrice. b. Vol commis par cupidité. Nous avons maintenant affaire aux crimes des personnes qui ne volent pas par misère absolue, ni par profession. Ceux qui s'en rendent coupabies gagnent assez pour satisfaire aux besoins les plus pressants •), et ils ne volent que quand 1'occasion s'en présente (de la leur nom de criminels d'occasion), 2) afin de satisfaire a des besoins de luxe. La première question donc qu'il faudra résoudre est celle-ci: comment ces besoins naissent-ils ? La réponse peut être brève: ils sont éveillés par le milieu. Dans une société oü quelques-uns sont riches, c. a d. ont plus de revenus qu'il ne leur en faut pour leurs besoins fondamentaux, et qui s'en créent d'autres, dans une telle société la cupidité de ceux qui ne disposent pas de ces revenus sera éveiilée. Les besoins auxquels les criminels dont nous parions désirent satisfaire par leurs méfaits, ne différent point de ceux des gens aisés. 11 va sans Quelque intéressant que soit 1'oeuvre de eet auteur, les parties traitant de 1'influence du milieu économique sont les moins heureuses. A la page 93 il dit que le fait, que la plupart des vols n'étant pas des vols de vêtements et de denrées alimentaires, cela lui prouve que ce n'est pas la misère qui constitue le facteur le plus important dans 1'étiologie des crimes contre la propriété. L'auteur ignore-t-il donc qu'avec de 1'argent on peut tout se procurer? 1) En réalité il y a de nombreuses transitions entre crime commis par misère ou par cupidité. Cependant, on peut et il faut même les négliger dans une étude théorique, oü il s'agit tout juste de bien indiquer les démarcations. On ne peut décider par ex. si c'est par misère ou par cupidité qu'a été commis le crime dont j'entendais parler un de ces jours: un vieil ouvrier, qui ne gagnait qu'un salaire trés minime, volait en hiver tous les jours un peu de houille dans la cave de son patron, afin de pouvoir faire du feu chez lui, ce que son modique salaire ne lui permettait pas. Lui et sa femme ne seraient pas morts, il est vrai, par ce manque de feu, tout de même, on ne peut dire non plus que le vol a été commis par cupidité. *) En général on distingue les criminels en: criminels d'occasion, d'habitude, et de profession. Pourtant, les criminels d'habitude sont aussi des criminels d'occasion, car ils ne cherchent pas 1'occasion, comme les criminels de profession, mais en profitent chaque fois qu'elle se présente, lis sont le trait d'union entre le premier et le troisième genre de criminels. A mon avis, inutile de parler d'eux séparément ici. 40 dire que jamais personne n'a désiré un objet de luxe, s'il n'a pas vu d'autres en jouir. Ce ne serait que gaspiller du temps que de discuter cette vérité. Chaque besoin qui n'est pas strictement néces- saire n'est pas inné mais acquis. Si 1'un a beaucoup, 1'autre — imitateur — le vcut aussi. II n'y a qu'un conseil a donner a ceux qui ne sont pas convaincus de cette vérité bien simple: au'ils lisent quelques oeuvres ethnologiques qui traitent de peuples chez lesquels il n'y a encore ni riches ni pauvres. Ils verront alors que la cupidité, a présent qualité universelle, était alors inconnue. ') La division entre riches et pauvres date déja de nombre de siècles et n'est pas propre au capitalisme seul, bien que sous le capitalisme la distance entre les deux a augmenté et augmente toujours. Plus la distance est grand plus, ceteris paribus, la cupidité s'accroit.2) La cupidité de ceux qui ne peuvent satisfaire qu'aux besoins strictement nécessaires, n'est pas éveillée dans la même mesure dans chacun d'eux. Comme 1'ont déja remarqué Guerry et Quetelet (voir première partie p. 37 et 40—41), les crimes économiques sont les plus nombreux dans les contrées oü 1'industrie et le commerce sont les plus développés, et oü les contrastes de fortune sont par conséquent les plus grands. 3) C'est pour la même raison que les villes, oü les contrastes entre pauvreté et ') Voir le passage emprunté Mably ;i la p. 19 de la première partie. Voir aussi F. Lassalle «Oftènes Antwort-Schreiben", dans lequel il dit e. a.: „Alles menschliche Leiden und Entbehreti und alle menschlichen Befindungen, also jede mcnschliche Lage bemiszt sich somit nur durch den Vergleich mit der Lage, in welcher sich andere Menschen derselben Zeit in Bezug auf die gewohnheitsmaszigen Lebensbedürfnisse derselben befinden" (p. 426—427 !I Reden und Schriften). Les ascètes modernes (e. a. les Tolstoïciens) ont raison quand ils disent que les hommes seraient plus heureux s'ils ne connaissaient pas tant de besoins. Mais ils ont tort quand c'est pour cela qu'ils prêchent 1'ascétisme, car tout en passant sous silence que leur doctrine ne peut avoir de résultats, toute civilisation deviendrait impossible s'ils atteignaient leur but. L'idéal serait plutöt que certaines gens ne se créent pas sans cesse de nouveaux besoins auxquels d'autres ne peuvent satisfaire, mais que chacun put donner satisfaction aux besoins existants. 2) Comparez le prof. B. Földes «Einige Ergebnisse der neueren Kriminalstatistik," p. 548. En parlant des crimes par cupidité la dynamique est de peu ou d'aucune importance, attendu que les causes de ces crimes ne changent guère d'année en année. Si 1'on étudie le cours de la criminalité économique en général depuis 1'existence de la statistique criminelle elle augmente plutöt qu'elle ne diminue. Attendu que la statistique n'établit pas de distinction entre les crimes par misère et par cupidité on ne peut décider avec certitude d'oü provient cette augmentation mais elle est due vraisemblablement aussi a la cupidité toujours croissante. s) Puisque la statistique criminelle ne démontre pas qu'un délit a été commis par misère ou par cupidité, la statistique n'est pas de grande importance pour 1'étiologie des crimes économiques commis par cupidité. La statistique criminelle de 1'Allemagne p. e. démontre que les grandes villes présentent un chiffre élevé de vol etc. Mais les provinces orientales, 011 les contrastes de propriété sont moins grands que dans les villes, présentent également un chiffre élevé. On serait donc enclin k y voir une exception a la règle sus-dite; cette exception n'est qu'apparente. On sait que la criminalité importante contre la propriété dans les provinces orientales est causée par la misère absolue qui y règne (voir e. a. Aschaffenburg, o. c., p. 38). La même contradiction qui se rencontre en Italië (voir première partie, p. 137 et 192—193), a probablement la même solution. richesse sont les plus fortes, donnent aussi de trés grands chiffres de _ délits contre la propriété (voir p. 586—588)- Ceux qui habitent la même contrée ou la même ville, n'ont pas, malgré cela, le même milieu. Chaque grande ville compte des milliers d'ouvriers qui, par le genre de leur travail, n'ont presqu'aucun. rapport avec le luxe ; chez d'autres au contraire le désir du luxe s'éveille par leur genre de travail qui les met en contact avec la richesse. De la e. a. la grande participation aux crimes économiques par des ouvriers, occupés dans le commerce (voir p. 496). II y a des ouvriers qui n'ont jamais été habitués a plus de bien-être qu'ils ne pourraient en gagner plus tard, mais il y en a aussi qui ont connu de meilleurs jours et auxquels l'impossibilité de satisfaire a des besoins antérieurement acquis est une source de soufïfrance continuelle. Cependant, le contraste entre riche et pauvre ne constitue pas la seule cause de 1'origine de la cupidité. Aussi faudra-t-il désigner, a cóté de la cause sus-dite, surtout la manière dont le capital commercial / tache d'attirer les acheteurs. Ils sont loin de nous les temps oü le producteur travaillait principalement sur commande. L'industrie moderne fabrique des quantités énormes de produits sans que le débouché en soit connu. L'envie d'acheter doit donc être suscitée dans Ie public: on fait de beaux étalages, des éclairages éblouissants et 1'on se sert d'autres moyens encore pour atteindre le but voulu. Le perfectionnement de ce système est atteint dans le grand magasin moderne, oü 1'entrée est libre, oü 1'on peut voir et palper tous les articles, bref, oü le public est attiré comme le papilion par la lumière. La conséquence de cette tactique c'est que la cupidité de la foule est éveillée au plus haut degré. ') Après ce qui précède il est inutile de nous arrêter encore plus longtemps aux difïférentes manières dont la cupidité est éveillée dans la société actuelle. Cependant, il faut que je fixe 1'attention sur ce qui suit: presque tous les vols (c. a d. ceux qui sont commis par les délin- l) On sait qu'une surveillance plus vigilante dans des magasins de ce genre préviendrait une grande partie des vols qu'on y commet. Le controle n'est pas trés sévère puisque le dommage, causé par les vols est minime en rapport du débit, et que le public deviendrait moins cupide en se sentant partout surveillé. Quant k la littérature sur le vol a 1'étalage, je renvoie surtout au prof. A. Lacassagne, «Les vols a 1'étalage et dans les grands magasins-' (Compte rendu du IV Congrès d'anthr. crim.) et au Dr. P. IJubuisson, «Les voleuses de grands magasins" (Arch. d'anthr. crim. XVI). Voir aussi Lombroso et Ferrero, «La femme criminelle et la prostituée", p. 481—482; Albanel, o. c., p. 91—95. Dans son «Au bonheur des dames", E. Zola a magistralement décrit comment la cupidité est éveillée par les grands magasins et comment ils induisent quelques visiteurs & commettre des vols. Je profite de 1'occasion pour rappeler que les oeuvres des réalistes modernes sont un complément nécessaire de la sociologie criminelle, et parmi eux c'est surtout E. Zola qu'il faut nommer. Dans un article intitulé «Emile Zola. In memoriam. Seine Beziehung zur Kriminalanthropologie und Sociologie" (Archiv f. Kriminal-Anthr. und Kriminalistik XI), le Dr. P. Nacke a exposé sa valeur pour la criminologie. Comparez le prof. E. Ferri, «Les criminels dans l'art et la littérature" et K. Laschi, «Le crime financier'' ch. IV. Récemment des écrits de valeur pour la psychologie criminelle ont été écrits en Hollande par M. J. Brusse («Boefje" et «Onder de Menschen") et par G. v. Hulzen («Van de zelfkant der samenleving"). quents soi-disant d'occasion) sont des vols de trés petite valeur (voir la statistique p. 259); les exceptions sont les vols de fortes sommes d'argent. Les auteurs de ces derniers sont en général des employés de banques etc. c. a d. des gens, qui par la nature de leur travail, ont 1'occasion d'accaparer 1'argent d'autrui. En examinant comment ils sont parvenus a commettre leur méfait, on verra 9 cas sur 10 (je ne peux le prouver par des chiffres, mais on ne me contredira pas) que le criminel est un spéculateur qui a perdu, ou bien un individu qui fréquente des prostituées et a donc un grand bcsoin d'argent. La cupidité est ainsi suscitée par le milieu, mais non dans la même mesure pour chacun, le milieu n'étant pas le même pour tous. Cependant, supposé que le milieu soit exactement identique pour un certain nombre de personnes, la cupidité ne sera pas suscitée dans la même mesure chez les unes que chez les autres, attendu qu'elles ne sont pas pareilles, car 1'une nait avec des besoins plus intenses que 1'autre (en admettant que le milieu les éveille). Plus les besoins de quelqu'un sont intenses plus il court risque „ceteris paribus", d'être aux prises avec la justice. Comme je le faisais déja remarquer plus haut, c'est important pour celui qui recherche les causes pourquoi A et non B a volé, quoique tous les deux vivent dans des circonstances presque identiques; pour la sociologie ce fait n'est que d'importance secondaire, car elle ne demande pas „qui devient criminel?," mais bien „comment se fait-il qu'il y ait des crimes?" Nous avons maintenant examiné 1'un des cótés de la question: la principale cause de ces crimes, c'est la cupidité suscitée par le milieu. S'il était autre, la cupidité ne serait pas suscitée et les crimes qui en résultent ne seraient pas commis. Selon moi, la plupart des criminalistes n'apprécient pas assez 1'importance de ce fait. II est trés difficile pour quelqu'un qui vit a 1'aise de se former une idéé de ce qui se passé dans celui qui n'a que le strict nécessaire et doit se priver de toute aisance et de tout- amusement, tandis qu'il voit d'autres qui ont trop et travaillent souvent moins que lui. Examinons maintenant 1'autre cóté de la question. Pour cela nous reprenons 1'image dont nous nous servions déja, en comparant a une pesée le procés qui se déroule dans le cerveau de quelqu'un qui hésite. Sur 1'un des plateaux c'est la cupidité qui exerce sa force, dans des mesures différant selon les personnes. Quelles sont sur 1'autre plateau les forces qui contrebalancent la première? Ce sont les forces morales qui entrent en considération en premier lieu. Plus haut j'ai amplement expliqué comment le milieu économique et social a empêché les penchants sociaux de se développer chez 1'homme et combien cela compte spécialement pour certaines catégories de personnes. Inutile donc de le répéter ici. II faudra seulement relever quelques points, qui sont d'une importance spéciale pour le genre de crimes dont nous nous occupons pour le moment. Celui qui vole porte préjudice a un autre, lui occasionne un mal, nuit en même temps a la société dont 1'existence deviendrait impossible si le vol était permis. Selon moi, 1'organisation de la société actuelle, donc la lutte de tous contre tous est le principe fondamental, a réduit a des dimensions minimes ce facteur de la morale. Dans le domaine économique chacun doit être égoïste, sans cela il est perdu dans la lutte pour la vie. En cas de vol et de crimes adéquats les lésés sont presque exclusivement des personnes aisées, pour lesquelles le préjudice est bien désagréable, mais qui en général n'en souffrent pas beaucoup. Les voleurs par contre sont presque exclusivement des personnes qui doivent vivre de trés peu de chose. Comment s'attendre a ce qu'un pauvre se garde de porter un petit préjudice a celui qui est riche, par la crainte de lui causer du désagrément tandis que la plupart des riches sont insensibles aux soufïfrances qui accablent 'sans relache le pauvre? De 1'organisation de la société actuelle il résulte que le peu de sensibilité pour le malheur d'autrui n'offre qu'un léger contrepoids au penchant de réaliser ses désirs d'une facon malhonnête. ') L'idée que la société en soi est lésée par le vol ne peut non plus constituer un contre-poids important, car celui qui transgresse le huitième commandement, ne peut guère se sentir solidaire d'une société, qui ne 1'a point secouru, quand il s'est trouvé dans des circonstances pénibles. Après cette observation générale, passons aux remarques particulières qui sont relatives a quelques catégories de personnes seulement. Comment se fait-il qu'une grande partie des hommes sont honnêtes ? A cette question il faudra répondre „puisqu'ils y ont été accoutumés dès leur enfance." L'opposé aussi est vrai: un grand nombre des voleurs le sont devenus puisqu'il ne peut être question d'éducation morale dans le milieu oti ils ont été élevés. Ils satisfont a leur „instinct préhenseur" sans être conscients de faire le mal. Chez eux, la balance penche du cóté malhonnête, sans qu'il s'y trouve un contre-poids de certaine importance. Plus haut (p. 545 sqq.) nous avons vu que, la plupart des criminels sortent de milieux totalement corrompus, surtout les voleurs. 2) Ceci ne s'applique pas a une autre catégorie des voleurs; ceux-ci !) Unc preuve intéressante de la vérité de cette assertion se trouve dans Partiele du Dr. P. v. Gizycki, intitulé »Wie urteilen Schulkinder über Funddiebstahl ?" (Zeitschrift für Kinderforschung VIII). Un jour eet auteur donna, aux jeunes filles (de 11 a 15 ans) d'une école de pauvres a Berlin, la composition suivante: »Vous allez a la foire de Noël, sans argent sur vous, car vos parents sont pauvres. Votre père n'a pas de travail. Vous trouvez un portemonnaie contenant unc pièce de cinq mares. Qu'en faites vous?" Les enfants n'étaient pas préparées au sujet et n'avaient re^u aucune indication sur la fagon dont elles devaient le traiter. Seulement 5 °/0 des jeunes filles disaient qu'elles rendaient 1'argent puisqu'elles avaient pitié de celui qui 1'avait perdu et qui était peut-être aussi pauvre. Toutes les autres parmi celles qui voulaient aussi rendre 1'argent (53 °/0) avaient d'autres motifs. Celles qui au contraire voulaient garder 1'argent, désiraient, sans exception, ce qui est trés-remarquable, 1'utiliser pour donner a leurs parents des objets dont ceux-ci avaient besoin. Qui osera encore dire que les enfants qui voulaient garder 1'argent trouvé (la plupart d'entre elles croyaient de bonne foi y avoir droit) pour le donner a d'autres, avaient moins de sentiments sociaux, que la plupart des riches, qui, sans rougir, voient la misère des pauvres? 1)ans le même ordre d'idées le fait emprunté au livre déj& cité de Brusse. dans lequel il décrit la vie d'un jeune voleur, est aussi intéressant. Ce gamin avait dérobé k un pauvret un jouet, auquel celui-ci tenait beaucoup. Quand on lui exposa que le volé serait certainement trés désolé, il le lui rendit immédiatement, sans faire la moindre observation. 2) Sur le mauvais ambiant de 1'enfance des voleurs, voir encore: M. Raux, »Nos jeunes détenus,'- p. 42, et L. Ferriani, «Minderjahrige Verbrecher", p. 264 sqq. ne sortent pas d'un milieu absolument corrompu, mais ce milieu n'est non plus bon et sain. Ferriani ') et le prof. Aschaffenburg2) vont jusqu'a dire que presque chaque enfant a une fois volé quelque chose. II se peut que ce soit un peu exagéré, mais au fond, c est certainement la vérité. Si 1'enfant n'a point d'éducateur qui se donne la peine de lui faire comprendre qu'il ne doit pas voler, il est plus que probable que celui-ci aura a répondre de vol plus tard (le vol d'occasion est commis surtout par des enfants et par des mineurs). II est vrai que tous les enfants dont 1'éducation a été défectueuse, même la majorité d'entre eux ne deviennent pas des voleurs, il y en a a qui une seule défense suffit pour qu'ils respectent, durant toute leur vie, la propriété d autrui. II y en a d'autres aussi, des caractères faibles, qui malgré cette défense, ne peuvent résister quand la tentation est forte. Si leur éducation avait été bonne, le milieu, dans lequel ils ont été élevés plus favorable, ils n auraient pas été traduits en justice. Qu'on ecoute 1'opinion de 1 un des hommes les plus compétents en la matière, Raux, qui, s'étant posé la question: est-ce que les jeunes détenus dans le Quartier correctionnel de Lyon ont un véritable penchant au vol, y répond ce qui suit: „Evidemment non. Sans entrer dans 1'analyse des circonstances qui provoquent le délit, nous donnerons, a 1'appui de notre assertion, une observation aussi simple que probante: des jeunes détenus jugés pour vol nous ont montré en différentes occasions une probité, un désintéressement dignes d'éloges, en présence d'objets qu'ils auraient pu s'appropier sans s exposer a aucune répression." 8) On pourrait mettre ici un terme aux observations sur le vol par cupidité si 1'on ne craignait 1'objection suivante a ce qui précèdc: si le voleur occasionnel 1'est devenu, d'un cóté par la cupidité éveillée en lui, de 1'autre par le manque de bonne éducation, et qu'il ne diffère pas qualitativement, mais seulement quantitativement de 1 honnête homme (que son acte n'est donc pas la conséquence par exemple de 1'atavisme) possédant moins de fermeté de caractère que la moyenne des hommes, supposé que tout cela soit vrai, alors les chiltres du vol devraient être plus élevés que les statistiques criminelles ne le démontrent. Ceci prouverait 1'inexactitude de la thèse, d'après laquellc les malhonnêtes gens ne sont pas une anomalie biologique. D'accord, la thèse ne tiendrait plus debout si 1'objection ne pouvait être réfutée. Voici mes arguments. i°. Les forces morales ne constituent pas le seul contrepoids au penchant du vol. Le frein moral manquant souvent d efficacité on a créé une autre force, agissant dans le même sens afin de détourner 1'égoïste du crime, je veux dire la peine qui doit inspirer une certaine crainte. II serait bien naïf de croire que tous ceux qui se trouvent dans 1'occasion de voler et n'en profitent pas en sont détournés par des !) o. c., p. 28. 2) »Das Verbrechen etc.," p. 115—116. 8j o. c., p. 42. forces morales. Sans le chatement, la criminalité serait bien plus grande qu'elle ne 1'est en réalité. Dès que le danger d'être surpris n'est pas grand le nombre des improbités est énorme, (qu'on pense p. e. aux fraudes contre les impóts.)1) 2°. Bien des individus restent honnêtes, non pour des raisons morales, mais puisqu'ils manquent de courage, d'habileté ou d'autres qualités, nécessaires pour ne pas 1'être, qualités qui en eiles n'ont rien a voir au crime. 3°. D'autres encore restent honnêtes pour des raisons bien réfléc'nies. Ils trouvent qu'il est trop dangereux de commettre un délit, mais n'hésitent pas devant des actes essentiellement criminels, bien qu'ils ne tombent pas sous le coup de la loi. 2) Personne ne 1'ignore, seuls quelques anthropologistes qui n'examinent que des prisonniers, 1'ont perdu de vue. Ceux qui composent le monde des criminels sont de nature trés diverse. Quelques uns sont les individus les plus dangereux qu'on puisse se figurer, d'autres sont plus ignorants et faibles que mauvais. Parmi ces derniers se rangent la plupart des criminels d'occasion, qui, ensemble, forment bien un danger pour la société, mais qui, pris individuellement, ne sont point des hommes dangereux dans le strict sens. Leuss qui a appris a connaitre les criminels, non comme juge, ni comme expert médecin, mais comme prisonnier lui-même, dit a ce propos: „Die grosse Masse der Gefangenen ist gutmütiger als der Durchschnitt der Menschen; die Gutrniltigkeit der Diebe korrespondiert mit ihrer Willensschwache, dem unüberwindlichsten Hindernis für sie sich in der Erwerbswelt zu behaupten. Es muss immer wieder betont werden, dass diese willensschwachen gutmütigen Leute es sind, welche die Ziffer des Verbrechens anschwellen machen" 3). En piacant a cóté des voleurs d'occasion ceux qui ne volent jamais, mais commettent toutes sortes d'actes répréhensibles, la comparaison n'est pas a Pavantage de ces derniers. Leur ruse, leur égoïsme sans pitié les rendent souvent plus dangereux que les autres pour la société; ce devrait être une raison de plus pour 1'anthropologie criminelle de ne pas édifier un système basé seulement sur des recherches portant sur des détenus. 4°. Enfin, il se commel beaucoup plus de crimes que la statistique criminelle n'en mentionne. Bien que j'ai déja relevé ce fait (p. 129), je dois y revenir. En premier lieu, la plupart des statistiques crimineiles ne donnent que les chififres des condamnés, les acquittés n'y f.gurent pas, bien qu'a quelques exceptions prés, il y ait eu crime cependant. On sait que le nombre des acquittements est important: en Allemagne p. e. il y a 1) Comparez L. Ferriani, »Schlaue und glückliche Verbrecher", p. 39, et S. Sighele, «Psychologie des sectes", p. 141-—142. 2) Ferriani a décrit aussi ce genre de criminels, qui ne commettent jamais de crime propement dit, dans ce même intéressant livre. Qu'on compare aussi A. Zerboglio, »Les inconvénients de i'honnêteté". (Ere nouvelle 1894). 3) »Aus dem Zuchthause", p. 122. eu 15 a 20 acquittements sur 100 cas jugés (1882—1896)'); en Italië le nombre d'acquittés sur 100 accusés était mêmc de 51,37 (1890—1895) 2). En second lieu, dans bien des cas le procés est classé pour différentes raisons, de sorte qu'il n'y a ni acquittement ni condamnation. Puis, il faut classer un certain nombre d'afifaires, puisque la justice n'a pu en décowir les auteurs. En Allemagne p. e. de toutes les affaires dont les parquets se virent chargés en 1881 —1891, 43 a 45% seulement furent portées devant le juge 3). Durant la période de 1886—1890 les juges d'instruction en Erance rendirent en moyenne chaque année 8.900 ordonnances de non-lieu, soit que 1'auteur restat inconnu, soit faute de preuves suffisantes. Dans la même période et pour les mêmes raisons, 98.741 affaires en moyenne ne furent pas poursuivis par les parquets4). Les auteurs de 25 °/0 environ des crimes commis en Italië restèrent inconnus (1887—1894)5). Ces deux raisons montrent déja que le nombre des crimes est beaucoup plus grand que les statistiques ne le font supposer en général, même si 1'on ne perd pas de vue que parmi les plaintes adressées aux parquets il y en a de fausses. En troisième lieu ceci: jusqu'a présent nous n'avons parlé que de crimes qui sont portés a la connaissance de la justice, tandis que pour un grand nombre de délits on ne porte pas plainte, surtout pour les petits vols, soit que la personne lésée veut éviter 1'ennui de comparaitre en justice comme témoin etc., soit qu'elle veuille épargner le délinquant. En quatrième lieu, un grand nombre de petits vols restent inconnus, même pour le lésé, qui ne s'aper^oit pas du dommage qu'on lui a causé. Tout cela démontre, que le crime, pris dans le sens strict du mot, et surtout le vol, est beaucoup plus étendu qu'on ne le supposerait de prime abord, et 1'objection qu'on pourrait éventuellement faire contre ma thèse est non avenue. II est évident que 1'on ne peut fixer avec certitude le nombre des criminels impunis. Le Dr. Puibaraud 1'évalue a 50°/0 6); G. Tarde le croit plus grand7); Yvernès, le statisticien francais bien connu, dit que 90 °/0 des voleurs de profession restent inconnus, et le Dr. Thomsen, auquel j'emprunte cette dernière remarque, dit que cela s'applique aussi a d'autres catégories de criminels 8). Quoiqu'il en soit, leur nombre est en tout cas trés important. !) I, p. 14 oKriminalstatistik für das Jahr 1896", Erlauterungen. 2) p. VIII «Notizie complementari alle statistiche giudiziarie penali degli anni 1890—95". 3) Prof. F. Tönnies, »Das Verbrechen als soziale Erscheinung" p. 334 (Arch. f. Soz. Gesetzgeb. u. Stat. VIII). 4) G. Tarde, »Les délits impoursuivis", p. 207. (Essais et mélanges sociologiques). 5) p. LXXXll, «Statistica giudiziaria penale per 1'anno 1894". Voir encore les statistiques détaillées citées par Ferriani, o. c., p. 112—118. 6) P- '39 i-es malfaiteurs de profession". 7) p. 167 oLes transformations de 1'impunité" (publié par le prof. Lacassagne dans «Vacher 1'éventreur et les crimes sadiqucs"). 8) p. 278 «Betrachtungen über ein Sammeln der verbrecherischen Motiven'' (Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. XVII). Voir aussi Földes, o. c. p. 516—519. En résumant, je crois avoir démontré que les causes fondamentales du vol et des crimes adéquats commis par cupidité, sont: d'un cöté la cupidité éveillée par le milieu, de 1'autre 1'enfance négligée dans les classes pauvres. Ce sont surtout les faibles de caractère qui, plus spécialcment, courent le danger de se rendre coupables de ces crimes. c. Vol commis par des trimine Is de pro fession. En considérant tous les genres de vol et les crimes analogues, on observe que les vols commis par des criminels de profession ne représentent qu'une minorité. Mais, aussitót qu'on ne considère que les fornies graves du vol, comme ceux commis avec effraction, ou les vols conséquents, on découvrira qu'ils ne sont commis, presque exclusivement, que par des criminels de profession, c. a d. par des individus dont la profession principale ou accessoire est le vol, et qui en général, ne le considèrent pas comme honteux, et n'en ressentent pas le moindre repentir. Comment est-il possible qu'on embrasse une profession si abjecte, qu'on devienne un parasite si nuisible? Voila la question qui se présente ici. ') II y a des auteurs qui veulent faire croire qu'il y a des individus qui choisissent le crime pour leur plaisir. Comme H. Leuss 1'observe dans son oeuvre „Aus dem Zuchthause", cette opinion est tellement absurde, que ee serait gaspiller son temps de s'en occuper. Celui qui est sain d'esprit ne peut préférer une profession si abominable et, considérée au point de vue de simple calcul, si risquée. II faut qu'il y ait d'autres raisons de Fexistence de telles personnes. -) Si 1'on veut rechercher ces causes, il faudra commencer par diviser les criminels de profession en groupes séparés. La première catégorie se compose d'enfants. Tout triste qu'il est le !) Dans un travail sur 1'étiologie du crimc inutile d'exposer cn détail les trucs nombreux, dont les criminels de profession se servent pour duper le public et la police. Nous indiquons seulement sur ce sujet quelques oeuvres importantes: H.A. Frégier, «Les classes dangereuses de la population dans les grandes villes", I, Deuxième partie, Ch. VII; F. C. B. Avé-Lallemant, »Das Deutsche Gaunerthum", III, p. 118—340; O. S., »Die Verbrecherwelt von Berlin", III, (Zeitschr. f. d. ges. Strw. V); Puibaraud, »Les malfaiteurs de profession'". Les crimes, dont cette catégorie de criminels se rendent surtout coupables, sont: vol, recel et fraude; cette dernière commise principalement par des individus ayant recu quelque éducation intellectuelle. II n'existe pas de raisons pour traiter les deux groupes séparément. 2) Comparez le passage suivant de »Travnping with tramps" de J. Flynt: »One more regret which nearly all criminals of the class I am considering have experienced at one time or another in their lives, is that circumstances have led them into a criminal career. Their remorse may be only for a moment, and an exaggerated indifference often follows it; but while it lasts it is genuine and sincere. I have nevei known a criminal well who has not confessed to me something of this sort; and he has often capped it with a further confidence — his sorrow that it was now too late to try anything else". (p. 25—26). fait est pourtant vrai. II est évident que pas un seul enfant n'exerce la profession de voleur pour son plaisir, car un enfant préfère ne pas travailler du tout. Ces enfants apprennent donc a voler par leurs parents. S'ils ne sont pas trés nombreux, dans les grandes villes il se présente toujours des cas de ce genre. Le Dr. Puibaraud, ancien fonctionnaire de police de Paris, en décrit un comme il suit: „Nous nous rappelons que, visitant un jour la Petite-Roquette, nous trouvames en celluie un bambin de huit ans a peine, au museau éveillé, a 1'oeil vif, qui avait déja une p'nysionomie trés particulière.C'était un jeune voleur a la tire qui avait été trouvé ivre sur la voie publique, et qui, ramassé par un agent, conduit au poste, avait dü avouer que 1'or dont il était nanti provenait d'un vol commis par lui a 1'insu de son „papa". Cette capture n'était pas ordinaire et toute la familie avait fini par être arrêtée au gite, prés de la place Maubert. Ce gamin était fort intelligent et voici ce qu'il nous raconta et qui d'ailleurs avait été déja constaté par 1'instruction: „Mon père m'a montré a voler le monde. Mais je ne „fais" encore que les dames, paree que c'est plus facile. Avec les messieurs, 011 peut toucher ia jambe en plongeant la main dans la poche et iis se retournent: c'est pas dróle! Avec les dames on n'arrive pas si prés et elles ne sentent pas la main. C'est pas difficile du tout. Papa m'a bien appris. Nous allions tous les jours ensemble aux omnibus du Palais-Royal et de ia place de la Bastille. Ca ne vaut rien cette station-la. La meilleure c'est la Madeleine, mais la mère G. . .. la fait et elle dispute papa. Nous n'y allons plus. La semaine dernière papa m'avait dit de 1'attendre aux omnibus du Palais-Royal. II n'arrivait pas. Je m'ennuyais et, ma foi! j'ai travaillé tout seul. J'ai „eu" un porte-monnaie d'une vieille dame. II y avait soixante francs dedans. Papa ne venait toujours pas. J'ai liché un coup et puis j'ai été arrêté." >) Comme on le voit, eet enfant trouve le vol la cnose ia plus naturelle du monde (et chaque autre enfant dans le même milieu penserait de même); il „travaillé" avec son père. Si, a de tels enfants, il ne se présente pas par hasard des circonstances exceptionnellement favorables, ils appartierxdront durant toute leur vie a 1'armée des criminels de profession. Maintenant les autres, ceux qui, bien qu'ils n'aient pas été élevés pour le crime, rexercent tout de même comme profession. Comment peut-on expliquer leur manière de vivre ? La réponse a cette question ne se trouve que dans les oeuvres de ceux, qui se sont familiarisés avec la vie des criminels, et qui ont vécu au milieu d'eux afin de les connaitre (comme p. e. Flynt), ou qui, par leur profession, étaient a même de les étudier en particulier et sont devenus leurs confidents (comme les aumóniers bien connus de ia Grande Roquette: Crozes, Moreau et Faure). 2) ï) p. 131—132 o. c. Voix encore pour Péducation des enfants pour le vol Faucher: » Etudes sur PAngleterre'' I p. 89 sqq.; Tomel et Rollet, »Les enfants en prison," p. 195—197. 2) Quoiqu'il existe des oeuvres importantes sur ce sujet la sociologie criminelle tirerait grand profit de la publication de quelques milliers de biographies de criminels et surtout de grands-criminels. Figurez-vous un hópital oü 1'on n'apoint de nosographies des patients. Sauf quelques circonstances accessoires, la vie du criminel de profession peut se résumer ainsi: A de trés rares exceptions prés, il sort d'un milieu corrompu, ou bien il a perdu ses parents quand il était encore trés jeune, ou bien encore il a été abandonné par eux. ') S'étant fourvoyé en mauvaise compagnie, il se rend, encore enfant, coupable d'un vol d'occasion qu'il doit expier par 1'emprisonnement; il se peut parfois qu'il soit entré en prison a cause d'un méfait non-économique. Cependant, c'est une exception trés rare.2) Comme nous 1'avons déja remarqué plus haut, la prison ne 1'améliore jamais, le rend en général plus mauvais. S'il y est en contact avec les autres prisonniers, parmi lesquels il y en a naturellement qui sont de fïeffés criminels, il entend les récits de leur vie aventurière, apprend leurs trucs et tout ce qu'il lui faut encore pour être au courant de „ia profession". La celluie non plus ne lui sera profitable, attendu qu'il est déja abruti par son triste milieu antérieur. Le voila, après un certain temps, mis en liberté: il retourne dans la société. Les partisans de la théorie du libre arbitre disent qu'il a expié sa faute et peut maintenant recommencer une vie nouvelle. Cela est facile a dire, certes la justice ne s'occupera plus de lui avant qu'il commette de nouveau un méfait. Mais cela ne veut pas dire que la société lui paraonne et 1'aide, afin qu'il reste dans le bon chemin. Au contraire, oubliant qu'il faut pardonner a ceux qui 1'ont offensée comme ie recornmande celui qu'elle prétend suivre, la société lui rend la vie difficile. II lui est presque impossible de trouver du travail; il suffit d'avoir été en prison pour qu'on soit partout refusé. Pourquoi un patron embaucherait-il un ancien aétenu, quand il peut avoir tant d'autres, qui n'ont jamais comparu devant la justice? Et puis, la plupart des criminels n'ont jamais bien appris un métier, ce qui est une raison de plus, pour qu'il ne puisse pas facilement trouver a s'occuper. Le libéré devient un nomade, commence par perdre tout contact (supposé qu'il 1'ait jamais eu) avec le monde normal et se sent un paria de la société. D'un autre cóté, il a des relations de plus en plus fréquentes et assidues avec les „bas fonds" de la société, avec ceux qui ne reconnaissent point de clevoirs envers cette société qui ne s'est pas intéressée a leur sort. Son sens moral baisse ainsi de plus en plus, jusqu'a ce qu il devienne un criminel de profession, n ayant ni honte de ses actes, ni repentir. Le public ignorant, qui n'entend parler du criminel de profession que quand il comparait devant le tribunal, est tout a fait étonné qu'il y ait des individus si abjects. Cet étonnement égale celui de quelqu'un qui n'a jamais vu batir une maison et ne peut se figurer comment un colosse pareil a pu s'éiever. Mais celui qui a vu comment la maison a été érigée par i'assemblage de beaucoup de petites briques, ne s'en 1) Un criminel de profession pariant de son père, écrit dans sa biographie la phrase suivante bien tragique: »Je n'ai connu mon père que par deux ou trois claques qu'il me donna''), (p. 243> C. Lombroso, »Les palimpsestes des prisons ). ^ 2) Comparez e. a. G. Moreau, «Souvenirs de la petite et de la grande Roquette , I, p. 27, et #Le monde des prisons", e. a. p. 11, 16; L. Gordon Rylands, »Crime, its causes and remedy", p. 18 sqq. étonne plus. De même pour ce qui conccrne le criminel de profession, celui qui a suivi sa vie reconnaitra avec le Dr. Havelock Ellis, que son crime est le dernier anneau d'une chaine solidement forgée. Généralement le criminel de profession ne donne pas le moindre signe de repentir. II nuit a la société autant qu'il peut, sans en avoir honte. Et cependant.... il n'est pas entièrement dépourvu de sens moral. seulement celui-ci ne s'étend qu'a ses égaux. Tous les récits du monde des criminels de profession qui les dépeignent affranchis de tout devoir envers leurs semblables sont plutót sortis de 1'imagination des auteurs que des faits réellement observés. Les seuls auteurs compétents sont ceux, qui ont pu étudier le criminel dans son propre milieu, et non dans la prison, oü son véritable caractère se fait aussi peu connaïtre que celui d'un animal en cage. Qu'on écoute p. e. 1'opinion de Flynt: „It is often said that his (c. a d. du criminel de profession) lack of remorse for his crimes proves him to be morally incompetent; but this opinion is formed on insufficiënt knowledge of his life. He has two systems of morality: one for his business, and the other for the hangout." ') Vient ensuite la description des rapports qui existent entre lui et la société, et dont nous avons déja parlé, après quoi 1'auteur continue ainsi: „In the bosom of his hang-out, hovvever — and this is where we ought to study his ethics, — he is a very different man. His code of morals there will compare favorably with that of any class of society; and there is no class in which fair dealing is more seriously preached, and unfair dealing more severely condainned. The average criminal will stand by a fellow-craftsman trough thick and thin; and the only human being he will ,not tolerate is the one who turns traitor. The remorse of this traitor when brought to bay by his former brethren I have never seen exceeded anywhere". 2) Après s'être encore étendu sur ce sujet, Flynt continue: „It is thought by criminologists that the good fellowship of the criminal is due to self-preservation and the fear that each man will hang separately if all do hang together. Tliey maintain that his good feeling is not genuine and spontaneous emotion, and that it is immaterial what happens to a „pal" so long as he himself succeeds. This is not my experience in his company. He has never had the slightest intimation that I would return favors that he did me; and in the majority of instances he has had every reason to know that it was not in my power to show him the friendliness he wanted. Yet he has treated me with an altruism that even a Tolstoi might admire. At the hang-out I have been hospitably entertained on all occasions; and I have never met a criminal there who would not have given me money or seen me through a squable, had I needed his assistance and he was able to give it. This same comradeship is noticeable in all his relations with men who are in the least connected with his life and business; and it is notorious fact that he will „divvy" his last meal with a pal. To have to refuse the request of one of his fellows, or to do him an unkindness, is as x) o. c. p. 21—22. 2) 0. C. p. 22, much regretted by the criminal as by any one else; and I have never known him to teil me a lie or to cheat me or to make fun of me behind my back". ') C'est tout autre chose que ce qui est généralement dit et écrit par ceux qui se laissent entrainer par leur fantasie. II est évident que la manière d'agir des criminels envers la société qui leur est hostile, ne manquera pas d'influencer les relations qu'ils ont avec leurs semblables, de même que la guerre pour ceux qui y prennent part ne peut laisser indemne leur sens moral envers leurs compatriotes. Cependant rien ne permet de mettre sur la tnême ligne les agissements de ces personnes entre elles et envers la société. A mon avis ce fait a une grande importance pour le moraliste et pour le criminaliste; il est une des formes du dualisme de 1'éthique. II est de si haute importance pour le criminaliste, puisqu'il démontre que 1'on fait fausse route pour la répression du crime, comme elle a lieu jusqu'a présent, attendu qu'elle favorise justement les formes graves du crime. En enfermant des jeunes gens qui n'ont commis que des délits de peu d'importance et qui n'ont pas rompu encore tout commerce avec la société normale, et en les mettant en contact avec d'autres criminels invétérés, ou bien en les reléguant comme des bêtes dans une cage de quelques mètres carrés, et sans chercher a éclairer leur esprit abruti, sans leur apporter aussi quelque morale et sans les rendre plus capables de soutenir la lutte pour 1'existence en leur apprenant un métier, on élève des criminels de profession. La punition, comme moyen d'intimidation, manque même en grande partie son but, car les criminels de profession se recrutent parmi les individus qui ne se laissent pas intimider facilement. Nous voila arrivé insensiblement a la question pourquoi un certain nombre seulement de ceux dont 1'enfance a été négligée et ont commis un léger délit deviennent criminels de profession. En premier lieu, il y a ceux auxquels le hasard est favorable, puisqu'ils sont assistés soit par leur familie, soit par un philanthrope et ainsi rentrent dans le droit chemin. II y en a aussi qui ont 1'avantage de pouvoir trouver du travail, puisque personne n'apprend qu'ils ont été en prison. D'autres ont moins de chance: personne ne les aide, pour eux point de travail, tous cependant ne deviennent pas voleurs de profession. Ceux qui le deviennent sont les plus intelligents, les plus énergiques, les plus ambitieux et les plus courageux de ces échoués, les autres deviennent vagabonds et mendiants. Voici 1'opinion de Hynt sur le criminel de profession, opinion s'accordant avec celle d'autres auteurs compétents: „I must say that those criminals who are known to me are not, as is also popularly supposed, the scum of their !) o. c. p. 23—24. Dans le même sens O. S., o. c. p. 136—137. II faut remarquer aussi que les criminels de profession ne se conduisent pas de la même manière envers les nécessiteux qu'envers les riches. Flynt en dit: »He (le criminel de profession) is too near the poor, in both birth and sentiment, not to feel remorse for such an action (c. a d. porter préjudice a un pauvre), and I have known him to send back money after he had discovered that de person from whom he took it needed it more than he" (o. c. p. 24). Voir aussi Moreau, qui, dans »Le Monde des prisons", cite des exemples trés intéressants. (Voir e. a. p. 44 —45 et 47—52)- environment. On the contrary, they are above their environment, and are often gifted with talents which would enable them to do well in any class, could they only be brought to realize its responsabilities and to take advantage of its opportunities. The notion that the criminal is the lowest type of his class arises froin a false conception of that class and of the people who compose it." ') „In this same class, however, there are some who are born with ambitions, and who have energy enough to try to fulfil them. These break away from class conditions; but unfortunately, the ladder of respectable business has no foothold in their environment .... Not all of these ambitious ones are endowed with an equal amount of energy. Some are capable only of tramp life, which, despite its many trials and vicissitudes, is more attractive than the life they seak to escape. Those with greater energy go into crime proper; and they may be called, mentally as well as physically, the aristocracy of their class. This is my analysis of the majority of the criminal men and women I have encountered in the open, and I believe it will hold good throughout their entire class." 2) II y a peut-être des lecteurs qui trouveront que ces qualités du criminel de profession donnent un démenti a 1'hypothèse du milieu, puisqu'on reconnaït de cette fa<;on des facteurs individuels. Quant a moi, je ne le trouve pas. Les dites qualités n'ont rien a voir au crime comme tel; on peut les utiliser aussi bien au profit qu'au détriment de la société : il dépendra du milieu dans lequel 1'individu a été élevé quelle direction prendra celui qui en est doué. II ne serait pas difficile de nommer plusieurs personnes historiques célèbres (p. e. Napoléon I) qui, si elles étaient nées dans les bas-fonds d'une grande ville, au lieu d'un milieu favorable, n'auraient eu que cette triste célébrité de quelques criminels exceptionnellement doués. La psychologie de ce genre de criminels n'est pourtant pas encore compléte. Outre 1'intelligence, 1'énergie et le courage, on trouve, parmi leurs traits caractéristiques, surtout la cupidité. Ils voient d'autres personnes qui peuvent jouir, sans travailler fort et c'est ce qu'ils ambitionnent aussi, coüte que coüte. Le hasard étant cause qu'ils ne peuvent y arriver honnêtement, ils risquent une autre manière. Ce type de criminels est parfaitement dessiné dans 1'observation faite par le grandcriminel bien connu Lemaire, quand celui-ci dit au président de la cour: „Si j'avais des rentes, je ne serais pas ici."3) Avoir des rentes, dépenser beaucoup d'argent, ne pas avoir a travailler beaucoup, voila leur idéal; partager le sort d'un ouvrier, qui, malgré son travail dur et assidu, ne réussit pourtant jamais a pouvoir se donner les jouissances des riches, rend a leurs yeux la vie insipide. 4) 1) o. c. p. 5. 2) o. c. p. 5—6; qu'on compare aussi p. 11—12. Dans le même sens, voiraussi: Starke, «Verbrechen und Verbrecher in Preussen", p. 221; Havelock Ellis, »Verbrecher und Verbrechen", p. 24—25, et Leuss, »Aus dem Zuchthause", p. 125. 8) Actes du II Congrès d'Anthr. crim., p. 163. 4) Flynt communiqué le fait remarquable que le crimiminel de profession dans son propre milieu est trés conservateur; après quoi Pauteur continue: »I think this M. Gisquet, ancien préfet de police, raconte dans ses „Memoires" 1'aveu suivant de Leblanc, célèbre criminel de profession: „Si je n'étais pas voleur par vocation, je le serais par calcul; c'est la meilleure profession. J'ai supputé les chances bonnes ou mauvaises de toutes les autres, et je me suis convaincu, par la comparaison, qu'il n'en est pas une plus favorable, plus indépendante que celle de voleur, et qui n'offre au moins une somine égale de dangers. Que serais-je devenu dans la société des honnêtes gens ? Enfant naturel, n'ayant personne pour me protéger, pour me recommander, je ne pouvais que choisir un métier pénible, me faire garpon de boutique ou, tout au plus, arriver a une misérable place d'expéditionnaire dans un bureau ; et la, surnuméraire pendant plusieurs années, je serais mort de faim avant d'obtenir six cents francs d'appointements. Ouvrier dans une classe quelconque, on s'épuise vite par les fatigues du travail pour gagner un chétif salaire et vivre au jour le jour; puis quand arrivé un accident, une maladie, des infirmités, alors plus de ressource, il faut aller demander 1'aumöne ou mourir a 1'höpital Dans notre état nous ne dépendons que de nous-mêmes; et si nous acquérons de 1'habileté et de 1'expérience, du moins elles ne profitent qu'a nous. Je sais bien que nous avons des chances a courir; que la police et les tribunaux sont la, que la prison n'est pas loin; mais sur huit mille voleurs qui sont a Paris, vous n'en avez jamais que sept ou huit cents sous la main; ce n'est pas la dixième de la totalité; donc nous jouissons, terme moyen, de neuf années de liberté contre une passée entre quatre murs. Eh bien! quel est 1'ouvrier qui n'ait pas une morte saison ? D'ailleurs, comment fait-il quand il est sans ouvrage? II va porter ses efifets au Mont-de-Piété; tandis que nous autres, si nous sommes libres, nous ne manquons de rien; notre existence est une suite continuelle de bombance, de plaisirs." ') C'est le type du parfait égoïste. En rangeant les hommes d'après 1'intensité de leurs sentiments sociaux, un individu pareil serait mis a 1'extrémité la plus basse. Et puis, il a grandi dans des circonstances défavorables (enfant naturel, etc.). L'égoïsme inné de eet individu sera peut-être qualifié de facteur individuel. Selon moi, on aurait fort raison, mais cela ne diminue en rien la vérité de 1'hypothèse du milieu, car, pour le moment nous traitons de la question pourquoi eet individu determiné est devenu criminel, et non de celle des causes de 1'existence des criminels de profession. Et ces deux questions sont loin d'ètre identiques. L'existence des différences individuelies est cause que 1'un court plus de danger de devenir criminel de profession que 1'autre ; mais c'est le milieu qui fait qu'un individu prédisposé le devient effectivement. L'inexactitude de 1'hypothèse du milieu aurait été démontrée si de tels is characteristic of the criminal that might be turned to good account if he should ever be won over to respectable living; in affairs of the state, provided he had a fair share of this world's goods, he would be found invariably on the conservative rather than on the radical side". (p. 21). Ce fait ne contient rien d'inexpliquable pourc eux qui connaissent le caractère du mouvement ouvrier moderne; il ne sera pas bien clair & ceux qui dans le mouvement ouvrier ne voient qu'une sagitation criminelle". •) IV. p. 386—388. Voir aussi Zerboglio »Les inconvénients de 1'honnêteté" p. 385 sqq. individus seraient devenus criminels sous riimporte quelles circonstances. Et c'est ce qui n'est naturellement pas le cas. Aussitót que des individus pareils ne sont pas élevés dans ur. milieu de misère, aussitót qu'ils ne voient pas, d'un cóté quelques personnes qui jouissent tout en ne faisant rien du tout, d'un autre cóté d'autres qui, tout en peinant beaucoup, vivent dans la misère, — ils ne deviendront certainement pas des exemples d'altruisme, mais ne se rendront non plus coupables d'un crime. Ils peuvent même devenir des membres trés utiles de la société, puisque, en général, ils disposent d'une plus grande dose d'intelligence, d'énergie et de courage que la moyenne des hommes. Conduites dans une bonne direction, ces qualités sont trés utiles; mais mal dirigées elles sont trés nuisibles a la société. Jusqu'ici nous traitions de 1'étiologie du vol et des crimes analogues ; nous finirons cette section en faisant quelques observations sur les causes qui ont induit a qualifier ces actes de crime. Le vol ne constitue de crime que puisqu'il est trés nuisible a la société '). Si dans la majorité des cas, 1'individu ne s'en rend pas compte, cette assertion n'en est pas moins vraie. Tout ce qui est nuisible a la société 1'individu le considère comme immoral. (Le pourquoi est une question psychologique, dont nous n'avons pas a nous occuper ici). Qu'on se figure la société actuelle, basée sur 1'échange, sans que le vol soit sévèrement défendu, il est clair qu'elle ne pourrait pas exister. La vie serait surtout impossible dans une société oü la division du travail a atteint un haut degré de développement, s'il était permis de prendre quelque chose, sans donner en échange une valeur équivalente. Depuis que le genre humain existe, il y a eu propriété privée, quelque minime et de peu d'importance qu'elle füt. 11 est donc trés invraisemblable que le vol ait jamais été permis 2) (il est impossible de produire des preuves a 1'appui), puisqu'il est difficile de se figurer que quelqu'un consentit a se voir dérober des objets a son propre usage, et auxquels il est plus ou moins attaché. 3) Mais, il y a une grande différence entre un acte défendu et un crime. II est prouvé que chez des peuples primitifs le vol ne comptait pas parmi les crimes. Qu'on écoute 1'opinion d'un des meilleurs spécialistes sur ce terrain, du Dr. Post: „Es findet sich hier und dort die ftir unsere heutigen Anschauungen sehr aufifallige Erscheinung, dass der Diebstahl als ein Vergehen überall nicht angesehen, der Dieb vielmehr wegen seiner Schlauheit geachtet ') Comparez le Dr. A. H. Post, »Bausteine für eine allgemeine Rechtswissenschaft", I, p. 293, ct »Grundriss der ethnologischen Jurisprudenz", II, p. 421 sqq., oü eet auteur relève que chez des peuples éleveurs c'est le vol de bétail, et chez des peuples cultivateurs le vol de produits agricoles qui est sévèrement puni. Cela prouve donc que c'est le préjudice porté a la société qui est cause de sa répression. 2) Dans son sGrundriss der ethnologischen Jurisprudenz", II, p. 213, le Dr. Post nomme différents peuples qui ne considèrent pas le vol comme blamable, mais louable au contraire. II est trés probable que ceci se rapporte au vol commis au détriment d'un autre groupe et non au préjudice des membres du propre groupe. 11 est évident que ce n'est que de la dernière espèce de vol que nous traitons dans un travail sur le crime. Comparez M. Kovalewsky, »Les origines du devoir'', p. 88—89 (Revue internationale de sociologie II). 3) Dans le même sens voir Kovalewsky, o. c., p. 88—89, note. wird. Das Höchste, wozu der Diebstahl den Dieb verpflichtet, ist einfache Restitution des Gestohlenen. Es ist also die Folge des Diebstahls lediglich eine civilrechtliche Restitutionspflicht; es tritt weder Blutrache noch Friedloslegung, weder Busse noch Friedensgeld, noch irgend eine Strafe ein. Der Diebstahl liegt ganz ausserhalb des Gebiets des Strafrechts und der Gebiete, welche dieses in der friedensgenossenschaftlichen Zeit ersetzen." >) II n'est pas difficile de s'expliquer la cause de ce qui précède. Qu'on se figure les formes primaires de la société, si différentes des formes actuelles: les contrastes de possession étaient inconnus, et les besoins des hommes par conséquent peu nombreux, la production ne se faisait que pour la propre consommation et non pour 1'échange. Si par hasard, la production formait un excédent, le superflu était donné aux autres2), car il était impossible de 1'échanger, ni de le conserver durant quelques temps, la techniaue n'ayant pas encore fait les progrès nécessaires. „La loi de 1'hospitalité," était universelle prescrivant de procurer a ceux qui en avaient besoin tout ce qu'il leur fallait3). II est compréhensible qu'a un pareil degré de développement le vol ne se présentait pour ainsi dire pas, car les motifs qui y poussent faisaient détaut. D'un cóté la cupidité n'était pas éveillée, et de la misère absolue ne résultait pas le vol, puisque dans ce cas tout le monde en soufïfrait 4). De 1'autre cöté les penchants sociaux fortement développés par ce milieu, constituaient un frein qui aurait empêché 1'exécution d'un vol si la pensée en était venue. Supposons que dans cette société, un vol se soit néanmoins commis (n'importe pour quelle raison), — il aurait été peu compté, et certainement le voleur n'aurait pas été sévèrement puni car son acte aurait peu nui a la société. A mesure que la structure sociale changeait, les idéés sur le vol changeaient également; avec 1'origine du système de 1'échange et des contrastes de la propriété, de puissants motifs incitaient au vol et en même temps les penchants sociaux s'affaiblissaient. Ainsi le vol fut considéré, plus qu'auparavant, comme un fait grave, contre lequel il fallait réagir avec plus de vigueur, et la gradation des peines, commenBausteine etc.", I, p. 288 sqq. 41 C. Rapine et crimes analogues. Comme les chiftres, reproduits plus haut (voir p. 594—598), 1'ont démontré, les crimes, dont nous avons maintenant a nous occuper, sont relativement trés rares. Inutile de dire qu'il n'en a pas toujours été ainsi, qu'il y a eu des changements importants sous ce rapport. A un moment donné la rapine et les crimes violents adéquats étaient les formes ordinaires du crime professionnel. Heureusement pour les gens paisibles, ce n'est plus le cas; ces crimes ont surtout été remplacés par d'autres moins graves, comme le vol et la fraude.') Tous les états modernes n'ont pas atteint le même degré de développement, et toutes les parties d'un même état non plus. II y en a qui, plus que d'autres, nous rappellent le passé. II en est de même de la criminalité. Tandis que la rapine ne se présente pour ainsi dire plus dans les états septentrionaux de 1'Europe, elle a encore lieu beaucoup plus souvent dans un pays comme 1'Italie, et se rencontre moins fréquemment dans 1'Italie septentrionale modernisée que dans 1'Italie méridionale arriérée, comme le démontrent les chiftres suivants: ITALIË 1887—1889. Chiffres moyens sur 100.000 habitants. PROVINCES. Vol a main Vol a main armée et 1 armée et chantage avec chantage sans homicide. homicide, rapine. Pouilles 5,Ol 0,27 Basilicata 2,42 4,18 Sardaigne 2,06 12,11 Sicilië 1,22 14,56 Ligurie 1,07 8,65 Calabres 0,97 6,36 Latium 0,89 I7>IS Campanie et Molise 0,71 8,08 Piémont 0,63 4,67 Royaume 0,63 6,47 Abruzzes 0,58 2,07 Marche et Ombrie 0,55 2,46 Venise 0,33 2,58 Emilie 0,28 ' 5,80 Lombardie 0,21 3,14 Toscane — ! 5 >682) !) Comparez le prof. Fr. v. Liszt, p. 126—127, »Das gewerbmassige Verbrechen'' (Zeitschr. f. d. ges. Strw. XXI). 2) p. CLIV —CLV «Statistica giudiziaria penale per 1'anno 1889". D'après les données du Dr. A. Bosco dans son étude „Della statistica dell' omicidio negli stati Uniti d'America" (Bulletin de 1'Institut intern, de statistique X) dans les Etats-Unis aussi, les états les plus arriérés donnent les chiffres les plus élevés d'homicide. ') Les classes pauvres ressemblent plus aux gens des temps passés que les classes aisées; il ressort de la statistique (voir p. 492 sqq.) que la criminalité économique y a un caractère plus violent que parmi les autres. 2) Un examen des causes de ce changement dans les formes de la criminalité économique, indique aussi les causes principales de 1'existence persistante de ce genre de crime, quoiqu'il soit moins fréquent qu'autrefois. Selon moi ces causes sont les suivantes: i°. L'occasion de les commettre se présentait autrefois plus souvent, attendu que les moyens de communication étaient trés primitifs, que les voyageurs devaient traverser des contrées inhabitées, etc., en outre les états n'étaient pas si bien organisés qu'a présent et ne disposaient pas de moyens énergiques pour empêcher 1'existence de bandes de brigands. 2°. En même temps que diminuait l'occasion de commettre, avec des chances de succès, les crimes économiques violents, augmentait l'occasion de commettre d'autres crimes économiques, telsque vol, détournement, fraude. L'accumulation de grandes richesses dans les villes, le développement du crédit, bref, 1'énorme extension du capitalisme a multiplié l'occasion des crimes économiques sans violence. 3°. Une des conséquences du développement de la société a été la diminutlon graduelle de Pimportance du röle joué par la violence, et puisque la criminalité se présente toujours et partout sous les mêmes formes que la vie normale, la criminalité économique violente a aussi commencé par former une partie de plus en plus minime de la criminalité économique en général. L'assertion que la violence a perdu 1'importance de son röle sur la scène humaine pourrait surprendre et paraitre une ironie dans un temps comme le nótre, oü la guerre est a 1'état chronique, oü les armements de tous les états ont atteint un degré inconnu; la violence cependant a diminué pour autant qu'elle est exercée par 1'individu comme tel. Plus 1'état centralisé devint fort, plus il s'attribua le droit exclusif d'user de la violence dans les cas oü il le jugeait nécessaire, et plus il défendit a 1'individu d'en faire autant. Ce n'est pas le développement de 1'état qui seul agit dans cette direction: le système économique actuel même le fait aussi. Sous le capitalisme, la violence ne sert a rien: celui qui est maitre des moyens de production peut atteindre son but, c. a d. faire des bénéfices, sans user de violence; la oü c'est nécessaire on ne recule cependant pas, les guerres d'expansion en sont la preuve. 4°. Enfin la civilisation (dans le sens propre du mot) est devenue plus générale. Autrefois, privilège de quelques-uns, elle s'est étendue a !) p. 40 sqq. 2) Comparez A. Niceforo, p. 642 sqq., «Les transformations du crime et la civilisation moderne". (Scuola Positiva XI). présent a un plus grand nombre. La grande masse en est encore privée, mais 1'enseignement primaire contribue a la développer. •) En considérant la lente diminution des crimes économiques commis avec violence, il ressort clairement combien est fausse 1'opinion que celui qui commet un tel crime est pour cette raison déja, un être biclogiquement anormal. Oserait-on prétendre que le nombre des personnes biologiquement anormales a constamment diminué ? Le contraire est plus probable. Nous n'avons pas a nous occuper en détails de cette question, apres le prof. Manouvrier qui 1'a traitée a fond (voir p. 224 226 de la première partie). Celui qui, pour arriver a un but économique, use de violence, peut être un homme qui, considéré au point de vue physiologique, est parfaitement normal. Combien d'enfants n usent pas de force pour prendre un joujou a un enfant plus faible; faut-il pour cela les qualifier d'anormaux ? Et sont-ils anormaux tous ceux qui participent volontairement a une guerre ? Certes, il y a une grande différence entre celui qui prend part a une guerre, et celui qui, pour des motifs économiques, commet un crime, mais cette différence est de nature sociale: nos idéés concernant la guerre et 1'homicide ne sont pas les mêmes, mais 1'acte de tuer son prochain reste identique. Si 1'homicide était la preuve évidente de 1'anormalité biologique le soldat aussi serait anormal. On ne saurait résoudre que par la raison et non par le sentiment les questions scientifiques. Nous qui éprouvons une profonde répulsion pour un meurtrier, nous le tenons pour un être a part puisque nous nous sentons si éloignés de lui. La recherche scientifique nous dit que ce sentiment n'est pas inné mais acquis, car nous détestons de tels actes paree que le milieu dans lequel nous avons vécu nous a accoutumés a les haïr. Si notre milieu différait nos sentiments difïféreraient également. La guerre prouve d'ailleurs que ces sentiments ne sont pas innés puisqu'en peu de temps elle parvient a rendre durs les gens les plus doux. Avec le temps le nombre des personnes qui ont la violence en horreur a augmenté. Cela prouve-t-il aussi que les hommes soient devenus meilleurs, ou simplement que la répulsion porte sur la violence de 1'acte seulement, et non sur son effet? J. J. Rousseau a dit une fois: „S il suffisait, pour devenir le riche héritier d'un mandarin, qu'on n'aurait jamais vu, dont on n'aurait jamais entendu parler, et qui habiterait le fin fond de la Chine, de pousser un bouton pour le faire mourir, qui de nous ne pousserait ce bouton? II est certain qu'a cóté d'un grand nombre de personnes qui ne voudraient pas charger leur concience d'un tel crime il y en aura aussi beaucoup qui le comrnettraient et leur nombre serait en tout cas assez grand pour que les mandarins chinois passent bientöt a 1'état de légende. II n'existe pas de raison pour admettre que de nos jours il y a moins de personnes en état de commettre de tels actes qu'autrefois, si 1) En traitant des crimes par vengeance etc., pour lesquels cette influence est trés importante, je me propose d'y revenir plus amplement. 1'on n'est plus aussi violent on ne recule pas moins quand il s'agit de faire supprimer par un tiers ceux qui vous font obstacle, témoin les guerres d'expansion. Les .motifs de ces crimes étant les mêmes que ceux des crimes économiques sans violence, nous traiterons i° ceux«qui ont la misère pour mobile, 2°. ceux qui sont commis par cupidité, et 30. ceux des criminels de profession. La statistique démontre qu'une partie des crimes économiques avec violence se commettent par misère, car leur mouvement est influencé par les fluctuations des conditions économiques. Nous empruntons a la statistique criminelle allemande le tableau suivant du cours de ces crimes dans les différents mois de 1'année. ALLEMAGNE 1888—1892. Nombre des crimes par jour dans les différents mois, s'il y a IOO crimes en moyenne commis chaque jour dans 1'année. CRIMES. Janvier. Février. Mars. Avril. Mai. Juin. Juillet. Aoüt. Septembre. 1 Octobre. Novembre. Décembre. Rapine et extorsion . . 100 87 78 84 94 98 99 106 84 120 132 nó1^ Les chiffres les plus élevés se présentent aux mois d'hiver, quand la misère est a son comble. (La légere augmentation d'Avril a Aoüt, augmentation qui se voit aussi pour plusieurs autres crimes économiques, est pour moi inexplicable). Comme nous avons vu dans les statistiques de la première partie, la conjoncture économique exerce aussi son influence sur le mouvement de ces crimes dans le courant des années. Nous y renvoyons en ajoutant encore quelques autres. !) »Kriminalstatistik fur das Jahr 1894," 11, p. 53. ALLEMAGNE 1882—1898. Prix du j gur 100.000 habitants de froment et plus de 12 ans il y avait Années. I du seigle par des condamnés pour: 100 kilogr. 1 en Marks. Rapirie. | Extorsion. 1882 185,19 1,3 1,7 1883 165,37 1,3 1,5 1884 159,73 1,4 i,5 1885 154,01 1,1 1,4 1886 147,26 I 1,3 i,3 1887 145,99 i>a 1888 155,43 1,2 i,3 1889 169,64 1,2 1,4 1890 181,32 1,3 1,4 1891 216,31 1,3 1,4 1892 184,00 1,4 1,8 1893 146,94 I,1 !>6 1894 127,10 1,3 1,7 1895 132,17 1,1 1,9 1896 139,29 1,2 i,7 1897 152,08 1,0 1,7 1898 j 170,55 1,3 1,6 ! | ') Quoiqu'il y ait a constater des exceptions, 1'influence des prix du bic se fait ressentir; il faut remarquer que les années 1889—1892 étaient des années de crise. • FRANCE 1825—1882. Dans son étude „De la criminalité en France et en Italië" le Dr. A. Bournet démontre que dans la période sus-dite les maxima d'assassinats coïncident avec les années de crise économique, savoir: 1839, 1840, 1843, 1844, 1847, 1867, 1876 et 188x. 2) II est a remarquer que les assassinats ne sont pas commis seulement pour des motifs économiques, mais aussi pour d'autres raisons, d'oü il résulte que le parallélisme ne peut pas être aussi fort que pour les crimes économiques qui ne sont pas commis pour d'autres motifs.3) ITALIË 1873—1890. Le Dr. Fornasari prouve que les événements économiques ont une influence assez grande sur ces crimes (voir première partie p. 196). •) H. Berg, «Getreidepreise und Kriminalitat in Deutschland seit 1882'', p. 10,18. 2) p. 47, Voir planche p. 40—41. . 3) Le meurtre, n'étant presque jamais commis pour des motifs économiques, a un tout autre cours que 1'assassinat. PRUSSE 1854—1896. Le Dr. Starke (voir première partie, p. 95, planches I et II) et le Dr. Müller (voir p. 121 —124) ont prouvé que les changements des conditions économiques sont, ici au^si, causes d'une diminution ou augmentation de ces crimes (qu'on remarque surtout les années de crise 1873 et suivantes. Voir p. 121). Quoique ces données soient moins nombreuses qu'on ne le désirerait, elles démontrent suffisamment que, en partie, les crimes économiques violents sont commis par la misère. ') Plus haut j'ai déja exposé comment il se fait que ce ne sont que quelques-uns parmi ceux qui vivent dans la misère absolue, qui arrivent a commettre un crime. Nous n'avons donc qu'a nous demander, pourquoi 1'un commet un crime économique avec violence et 1'autre sans violence ? Les causes sont de différentes natures. Le plus souvent c'est le hasard, c. a d. 1'occasion, qui en est la cause. Personne n'use de violence si ce n'est pas nécessaire, et attendu que 1'occasion de commettre avec succès un vol p. e., est beaucoup plus grande que de commettre un crime économique avec violence, on s'en tient plutót au premier. Ceux qui poussés par une profonde misère, commettent un crime économique avec violence, quand 1'occasion s'en présente, sont des gens qui ne manquent ni de la force ni du courage nécessaires et auxquels le milieu oti ils vivent n'a pas inspiré une grande aversion pour la violence. Du reste, la misère absolue est un déterminant d'une force si grande qu'elle peut souvent neutraliser les influences importantes de 1'éducation et du milieu. 2) Par ciipidité. La catégorie des criminels, qui usent de la violence ou qui commettent un homicide par cupidité, est trés petite. Elle ne forme qu'une partie minime des crimes économiques violents, qui euxmêmes sont déja peu fréquents. Pour démontrer jusqu'oü va 1'influence du milieu économique, je citerai quelques cas marquants pris au hasard. i°. En 1892 un certain Schefïfer fut condamné a Linz (Autriche) pour tentative d'assassinat. Son crime était le suivant: lui et sa femme ne pouvaient gagner leur pain qu'en travaillant dur, ils ne connaissaient que la pauvreté. Le hasard apporta un changement. Une de leurs parentes, jeune fille qui perdit en peu de temps son père et sa mère, vint habiter avec le couple. La jeune fille étant trés riche, la condition des Scheffer changea du tout au tout; dès ce moment ils purent vivre dans 1'abondance. Une fois habitués a cette richessc ils eurent grand peur que leur parente ne se mariat et que sa fortune ne passat a un autre. Peu a !) Ces données statistiques sont assez rares, puisque i". dans la plupart des pays ces crimes se commettent trés peu, ce qui fait que les chitfres en sont trop petits pour la statistique, 20. 1'homicide n'est pas commis exclusivement pour des motifs économiques, mais aussi pour d'autres. 2) Comme homicide par misère il faut considérer aussi ces cas oü quelqu'un, tombé dans le plus profond dénuement, et r.e sachant plus oïi donner de la tête, se suicide après avoir tué les personnes qui sont k sa charge, lnutile naturellement de dire que ceux-la sont tout différents des sus-dits criminels par misère. Leur acte est en effet plutot un syicide indirecte qu'un crime. Comparez Kr. von Holzendorff, »I)ie Psychologie d>.:s Mordes", p. 16—18 et Dr. A. Krauss, »L)ie Psychologie des Verbrechens", p. 309—312, peu s'éveilla chez eux 1'idée de décider la jeune fille a faire un testament en leur faveur et de la tuer ensuite, idéé qu'ils rejetèrent d'abord, mais qui néanmoins devint de plus en plus forte. Par des circonstances imprévues le crime ne fut pas consommé et n'en demeura qu'a la tentative. ') 2°. Dans un petit village sur les frontières de 1'Autriche et de la Bavière fut commis en 1893 uil assassinat suivi de vol dans les circonstances suivantes: un soir, en retournant chez lui par un chemin désert, un riche paysan qui avait 1'habitude de porter sur lui une assez forte somme d'argent fut tué et volé. II fut prouvé que son domestique était 1'auteur du crime. C'était un enfant naturel, trés pauvre, qui avait du travailler trés dur pendant toute sa vie. Voyant ses forces diminuer il eut grand peur de ne plus gagner assez. Sa seule jouissance, dans sa vie monotone et pénible était de s'enivrer le dimanche. II était aussi comme la plupart des habitants de sa commune, un braconnier passionné.2) 3°. En 1892 la femme d'un employé de la poste fut assassinée dans sa demeure a Berlin, et tout son argent volé. Les auteurs de ce crime étaient deux jeunes ouvriers de 17 et 18 ans, dont 1'un savait par hasard que la femme possédait quelques économies. 3) Ces trois cas, prototypes de centaines d'autres, ont en commun 1'occasion qui avait excité, dans une mesure extraordinaire, la cupidité des auteurs (surtout dans le premier des cas cités), et que ceux-ci se trouvaient dans des conditions trés pauvres. Quelles que soient encore les autres causes a citer, il est certain que sans la grande différence de tortune entre les auteurs et leurs victimes, les crimes n'auraient pas été commis. Ensuite nous abordons 1'influence du milieu sur la moralité des auteurs du crime. Comme nous 1'avons vu les conditions dans lesquelles les criminels ont été élevés sont en général trés défavorables, et cela est surtout le cas pour les criminels dangereux. Qu'on considère p. e. le deuxième cas (on ne communiqué rien du milieu des criminels dans le premier). Quelle vie eet assassin a-t-il derrière lui! Les influences qui sont cause que la plupart des gens ont une aversion de la violence, font entièrement défaut. Au contraire, le milieu a abruti eet homme. Enfant naturel, il a été élevé dans des circonstances trés pauvres, est abruti par un travail dur et continu. Son seul amusement consiste a s'enivrer le dimanche, occasion pour se battre a 1'ordinaire. *) Personne n'admettrait que ce mêrne individu serait tout de même devenu assassin, s'il avait vécu dans des conditions tout autres. Ou bien qu'on fasse attention, au troisième cas, le plus fréquent des homicides commis par cupidité. Un des coupables a été élevé dans des conditions domestiques défavorables, (sur 1'cducation de 1'autre 1) Emprunté k S. Sighele, »Le crime k deux", p. 122-125. 2) Emprunté a »l'Archiv für Kriminal-anthropologie und Kriminalistik XI, P' 3°) Emprunté au Dr. A. Baer, sUeber jugendliche Mörder und Todtschlager" (Archiv. f. Krim.-Anthr. und Krim. XI). 4) Qu'on fasse attention au trés grand nombre d'alcooliques parmi ceux qui se sont rendus coupables de rapine ou d'assassinat. (Voir p. 565 on ne sait rien), tous les deux ont été forcés, tout jeunes, a gagner leur vie et ont fréquenté de mauvaises compagnies, et 1'un avait déja été condamné une fois a 1'emprisonnement. II est inexacte de croire qu'un cas pareil soit une exception au lieu de la règle générale Celui qui se donne la peine de lire la biographie de ces criminels, sait qu'ils ont toujours £té élevés dans un milieu trés défavorable, qu'ils ont été emprisonnés de bonne heure et sont tombés de plus en plus bas. Autant que je sache, il n'y a point de statistiques sur ce sujet excepté celle du Dr. Baer dans son étude déja citée: sur 22 jeunes assassins examinés par lui 9 (40 °/0) avaient eu une mauvaise éducation, 11 (50°/o) une éducation défectueuse, et seulement 2 (io°/0) une meilleure éducation; 8 (3 6 °/0) étaient orphelins; II (50 °/0) avaient été élevés dans des circonstances trés pauvres et devaient, tout jeunes, contribuer par leur travail aux besoins de leur familie ; 10 (45 °/0) avaient grandis dans les rues d'une grande ville et avaient été ainsi exposés a la démoralisation, .et 13 (6o°/0) avaient recu un enseignement primaire insuffisant'). Les recherches du Dr. Baer portent sur 1'Allemagne, mais elles peuvent compter aussi pour d'autres pays. Qu'on prenne p. e. 1'opinion de Tomel et Rollet, auteurs d'une grande expérience. En parlant du „type criminel" ils disent r „Eh bien, non, ce type n'existe pas, puisque nous retrouvons toujours les mêmes circonstances dans la genèse du tempérament criminel, et que, si ces circonstances d'éducation et de milieu avaient manqué, la destinée du petit assassin eüt pu être tout autre." 2) II faut que nous fixions encore 1'attention plus spécialement sur un cóté du milieu dans lequei ont ordinairement vécu les auteurs des crimes dont nous nous occupons en ce moment. Ils sortent généralement d'un milieu 0C1 i°. 1'éducation ne consiste souvent que dans l'administration d'une bonne raclée a 1'enfant, ce qui le fait a 1'idée que 1'usage de la violence est un acte trés ordinaire, d'autant plus qu'il voit les membres de sa familie se battre souvent; 2°. les hommes portent ordinairement un couteau sur eux, arrne qui sert dans beaucoup de cas a commettre un attentat et n'hésitent pas d'en menacer, ou de s'en servir même, en cas de dispute. II est évident que 1'impression en est grande sur le caractère encore si sensible dans 1'enfance. Le penchant a la violence combattu chez les enfants des classes aisées, est au contraire souvent fortifié chez ceux des classes pauvres. Si plus tard le hasard les place dans 1'occasion de profiter de quelque chose par la violence ils reculeront moins que les autres. 3) Les auteurs de crimes économiques violents sortent presque toujours des classes inférieurs de la population ; les exceptions peuvent se compter. Nous traiterons une de ces exceptions qui a causé beaucoup de bruit, preuve évidente de la rareté de ces cas. !) o. c. p. 166—167. 2) »Les enfants en prison", p. 215. 3) Comparez L. Ferriani, oMinderjahrige Verbrecher", p. 279 sqq., oü 1'on trouvera cité un cas typique. En 1878 une vieille femme fut assassinée a Paris, et tous ses papiers de valeur furent volés. II fut démontré que Barré, agent d'affaires, et Lebiez, étudiant en médecine, qui tous deux avaient passé leur jeunesse dans un milieu favorable, en étaient les auteurs. Ce cas est un de ceux trés rares, qu'on pourrait objecter, avec un semblant de droit a 1'hypothèse du milieu, mais un exan^pn plus approfondi montre que le milieu a bien joué son róle dans cette affreuse tragédie. Les deux criminels sortaient de families assez aisées de la province, étant allés a Paris, ils y vivaient dans des conditions nécessiteuses. Au moment oii ils résolurent le crime leur condition pécuniaire était méme trés mauvaise (cas limite entre crime par misère et crime par cupidité). En second lieu, tous les deux fréquentaient des prostituées, en troisième lieu, et principalement, tous les deux étaient spéculateurs passionnés. Par ses occupations Barré était en contact avec ceux qui jouent a la bourse et voyant des gens s'enrichir sans rien faire, il entreprit fiévreusement des spéculations. II perdit, entraina son père dans de nouveaux coups, et fut encore malheureux. Afin de pouvoir continuer et de rattraper ainsi ses pertes, il employa les sommes qu'on lui avait confiées (son premier crime), mais perdit encore. D'une malversation a 1'autre il recourut enfin pour sortir d'embarras au crime sus-dit. Son complice se trouvait dans des circonstances a peu prés identiques. *) L'influence du milieu se retrouve donc aussi facilement dans ce dernier cas que dans ceux qui ont été cités antérieurement. Pour ne nous bomer qu'a l'influence principale: si ces individus n avaient jamais eu de contact avec le monde des spéculateurs, leur cupidité n'aurait pas été excitée a tel point et ne les aurait pas induits a commettre leur crime. Ici se montre clairement le róle, que joue le hasard en des cas pareils: s'ils avaient été heureux dans leurs spéculations, ils n'auraient jamais été criminels. Comme dans tous les crimes, la question se présente d'elle-même jusqu'a quel point des facteurs individuels sont en jeu, en d'autres termes les individus qui se rendent coupables de tels crimes ne dififèrent-ils pas des autres gens ? Certainement et méme beaucoup. Mais en 1'accordant on ne reconnait pas encore 1'existence d'une différence qualitative entre ces individus et les autres hommes, qui en fait des individus biologiquement anormaux. Les motifs qui ont induit ces individus au crime se présentent, quoique. dans une mesure trés petite, chez chacun. Ceux qui commettent de tels crimes ont par leur nature des besoins matériels trés intenses; placés sur la courbe A. D. (voir p. 590) ils occupent les places prés de D. Pour ce qui concerne 1'intensité de leurs sentiments sociaux, ils prennent rang a 1'autre bout de la courbe, et leur répulsion pour la violence est trés minime. En outre ils disposent d'un certain courage et de la force nécessaire.2) Si 1'on considère combien est petite la chance que tout cela se trouve réuni dans un seul individu, il est clair que peu d individus soient prédisposés a ces crimes et se commettent-ils leur auteur se 1) Emprunté k G. Moreau «Souvenirs de la petite et de la grande Roquette," II, ch. VIII. Voir aussi H. Joly, »Le crime ', p. 97 sqq. *) Comparez Manouvrier "Les cranes des suppliciés" (Arch. d'anthr. crim. I) ou il démontre que la conformation du cranes des assassins offre le type le plus grossier sans rien de plus. trouve et s'est trouvé dans un milieu spécial. A mon avis il ne saurait donc être question de facteurs individuels: ce n'est que le milieu qui décide ici. II y aura toujours et partout des individus qui, plus que d'autres courent le danger de commettre un pareil crime (les différences individuelles expliquent donc lequel dans le nombre le commettra) ; mais c'est le milieu qui décidera s'il le commettra ou non. Criminels dc profession. La grande majorité des crimes économiques violents sont commis par des criminels de profession. Supposé qu'un individu soit tombé, par n'importe quelle cause, jusque dans le monde des criminels de profession, tót ou tard viendra aussi le moment oü il devra user de violence, s'il veut atteindre son but. H. Joly le dit trés bien dans son étude sociale „Le Crime": „L'homme qui a pris 1'habitude de forcer les portes et de fracturer les cofïfres-forts, est forcément amené, un jour ou ï'autre, a se débarrasser des témoins qui le surprennent ou de la victime inachevée qui pourrait encore le reconnaitre". ]) Pour ces individus, on ne saurait admettre a priori moins que pour tout autre, qu'ils ont un penchant spécial pour assassiner, un penchant qui devrait être expliqué par 1'atavisme ou quelque chose d'approchant. Ils ont vécu dans un milieu dans lequel de tels actes sont considérés comme un mal nécessaire, inhérent a leur métier.2) Poussés par le penchant d'imitation ils font de même. Certes il y en a qui ne commettent pas ces crimes, mais cela ne prouve rien contre la dite thèse, car ou bien le hasard les a favorisés et ils n'ont jamais été dans la nécessité d'user de violence, ou ils ont moins de courage et de force que l'homme moyen, ou bien encore, ils ont une aversion innée et exceptionnelle pour la violence. Comme le prof. Manouvrier le fait remarquer, la chose serait toute différente si de tels criminels tuaient sans motifs plausibles, s'ils commettaient 1'assassinat rien qu'en vue de 1'acte. Les faits démontrent qu'il n'en est pas ainsi. Qu'on prenne p. e. connaissance de 1'opinion de Flynt: „The taking of life is ..., (a) deed that he (c. a d. le criminel de profession) regrets more than he has been given credit for. One thinks of the criminal as the man who has no respect for life, as one who takes it without any twitchings of conscience; but this is not the general rule. The business criminal never takes a life, if he can help it".3) Nous n'avons pas a traiter ici des causes cjui ont fait qualifier ces actes de crimes: elles sont les mémes qui ont été nommées plus haut, en parlant des crimes économiques sans violence. Le préjudice causé par ces crimes est naturellement plus grand que celui des crimes économiques sans violence, puisque non-seulement ils mettent en danger la propriété, mais aussi la vie des lésés. II est intéressant de faire remarquer ici encore le dualisme de 1'éthique: beaucoup de peuples primitifs considéraient ces actes comme des crimes lorsqu'ils étaient commis dans le 1) p. 47—48. 2) Quelques criminalistcs injustement mettent tous les assassins sur la même ligne, attendu que le criminel par passion «git sous 1'impulsion du moment, tandis que 1'assassin pour raison économique agit de sang-froid et par calcul. 8) uTramping v.ith tramps", p. 24. Comparez aussi G. Moreau, »Le Monde des prisons", p. 62. sein du groupe même, mais trés honorables une fois commis en dehors du groupe. ') D'ailleurs, chez les peuples modernes cette différence existe encore: les guerres coloniales ressemblent souvent a une rapine colossale. D. Banqueroute frauduleuse, falsification de denrées, et crimes analogues. Nous entamons maintenant le dernier groupe des crimes économiques, ceux qui sont commis exclusivement, ou pour la plus grande partie, par des bourgeois. Les motifs de ces crimes ne sont pas tous les mêmes; pour eux aussi il est nécessaire de faire des distinctions. Les catégories dans lesquelles il faudra ranger les motifs qui mènent a ces crimes sont analogues a celles qui mènent au vol et aux crimes adéquats, c. a d. la misère et la cupidité. Et, de même que pour le vol, il faut ajouter une troisième catégorie, celle des grands criminels, qui peuvent être comparés avec les criminels de profession. La première catégorie peut être comparée a celle du vol commis par misère: ceux qui s'en rendent coupables sont les personnes qui, par une raison ou une autre, ont vu leurs affaires décliner outre mesure, et qui ne sachant plus comment se tirer d'embarras, espèrent rattraper leurs pertes et se sauver en commettant un méfait.2) J'emprunte a „Le Monde des Prisons" de G. Moreau un cas typique: après avoir décrit comment un certain R. a réussi a s'établir comme patron et a été heureux dans ses affaires, 1'auteur dit ce qui suit: „Malheureusement, la crise commerciale qui nous étreint depuis si longtemps le surprend un des premiers. Les affaires deviennent plus mauvaises. En quelques mois, il perd plusieurs milliers de francs. Deux de ses voyageurs fuient avec ses marchandises; les commandes ne viennent plus. C-'est la faillite, c'est le déshonneur. II combat, mais il échoue ...3) Afin d'échapper a la ruine menacante, il commet un abus de confiance; il est découvert et condamné. On ne peut pas dire que ce soit la misère absolue qui pousse de tels individus a commettre un crime, car généralement il leur reste encore assez pour qu'ils ne meurent pas de faim. Et si non, ils ont en géncral des membres de familie, a même de les sauvegarder contre la pire misère. Aussi peuvent-ils essayer de pourvoir a leurs besoins par un travail salarié. Tout de même, ces cas sont quelque peu analogues a ceux de la misère absolue. Qu'on se représente la disposition d'esprit de quelqu'un qui a mené une vie plus ou moins large, qui était indépendant, qui jouissait de 1'estime accordé a un homme aisé, et qui voit que le moment 1) Comparez Post, «Der Ursprung des Rechts", p. 116, »Bausteine etc.", I, p. 300—302, et »Grundriss der ethnoiogischen Jurisprudenz", II, p. 444- 2) II dépend principalement du hasard quel sera le crime qu'on commettra: un banquier p. e. détournera des dépots d'argent, un autre trompera les compagnies d'assurance en mettant le feu, etc. Ces crimes different beaucoup pour le juriste, mais pour le criminaliste il importe peu d'examiner de plus prés ces différences. «) p. 318. approche oü tout cela prendra fin, qu'il ne lui restera rien que d'accepter un petit emploi mal rétribué, et de mener dorénavant une existence qui ne pourra le satisfaire sous aucun rapport. Qu'on se figure aussi que le hasard le met a même de commettre, avec une certaine possibilité de réussite, un crime. II faudra alors accorder que nous nous trouvons en présence de déterminants trés puissants qui exercent sur 1'individu leur influence dans la direction du crime. •) Cette cause de ce genre de crimes est de nature entièrement sociale. Sous un autre mode de production, p. e. sous celui des communautés de village, 1'idée de commettre des crimes pareils n'aurait pu naïtre. C'est pour cela qu'on ne saurait dire que les causes sociales n'y font souvent rien, mais qu'il ne faut imputer qu'a soi, qu'a sa propre faute, si les affaires déclinent (terminologie assez vague qui veut dire que quelqu'un n'a pas les capacités nécessaires pour diriger une entreprise). Cela est certainement vrai parfois; mais c'est 1'organisation actuelle de la société qui ouvre la possibilité d'etre placéa la tête d entre-prises pour des gens qui n'en sont pas capables tandis que souvent des personnes aptes a ce travail ne trouvent pas 1'emploi de leurs capacités. Ce nest que dans une société, oü règne une anarchie compléte dans la vie économique, qu'il est possible que celui qui dispose de capital se croit aussi capable de diriger une entreprise. Examinons maintenant 1'autre cöté de la question. Quelles sont les forces capables d'empêcher ces projets de se réaliser. Quel est le milieu dans lequel ont été élevés plusieurs de ces individus qui se rendent coupables des crimes sus-dits? Certes, ils ont appris qu'il faut être honnête, qu'il ne faut jamais voler a la tir etc., et ne failliront pas sous ce rapport. Mais ce qu'ils ont appris aussi c est que le but principal de la vie c'est de s'enrichir, de parvenir. Trop souvent, cela est contraire au principe de la probité. „Be honest, be honest, if possible, but .... make money!" Voila la principale règle imprimée dans 1'esprit des enfants de quelques milieux bourgeois. C'est une honnêteté d'un genre spécial, point d'honnêteté morale, mais de 1'honnêteté par propre intérêt qu'on leur a inculqué. „La probité est la meilleure politique" dit le précepte quasi-moral. Ceux dont la probité 1 a pour base, n'ont qu'un faible frein pour les empêcher de devenir criminel, si la pensée du mal surgit en eux. Ils restent honnêtestant que cela leur est avantageux, mais, malheur a la société si cela n est plus le cas! II y a encore plus. Le milieu dans lequel de tels individus ont vécu après leur jeunesse n'a non plus contribué au renforcement des sentiments sociaux, et par la, a celui des forces agissant en une direction anti-criminelle. „Chacun pour soi" est le principe pour réussir dans un pareil milieu. II est évident (je laisse naturellement ici hors de considération des déterminants opposés) que les sentiments sociaux doivent être fortement contrariés dans leur développement, si la maxime sus-dite est la maxime qui domine. Agir moralement veut dire sacrifier, au profit 1) II y a des cas (e. a. celui que je viens de citer) oü le délinquent n'est pas poussé seulement par son propre intéret mais aussi afin de sauver sa familie d une ruine financière complete. Par conséquent, un de ces conflits de devoirs, si frequents dans la société actuelle. du bien-être général, son propre avantage direct. Celui qui est toujours forcé de prendre a coeur ses propres intéréts nepeut ressentir que trés peu pour les intéréts de tous. Comme pour tous les crimes, il faut, pour ceux-ci aussi, se poser la question : les individus qui s'en rendent coupables sont-ils, quant a leur qualités innées, semblables a ceux qui ont vécu et vivent encore dans les mèmes conditions? Et, tout comme pour les autres crimes, il faut, ici aussi, y donner une réponse négative. Ceux qui s'en rendent coupables sont, en général, ceux qui, sur la courbe d'après laquelle on peut grouper les gens selon 1'intensité de leurs qualités morales, prennent rang au-dessous de la moyenne. (Donc, sur la courbe A. D. ils seront placés sur la ligne A. B.) Ils sont plutót faibles que mauvais; ils ont bien le sentiment du mal qu'ils font aux autres, et en ont honte, mais ils sont trop faibles pour pouvoir résister aux circonstances extérieures trés pressantes. Comme toujours, c'est le milieu qui est cause que les crimes ont lieu; ce sont les différences individuelies qui expliquent en partie qui s'en rend coupable. En variant la célèbre conclusion de Quetelet, on peut dire: „c'est la société qui prépare les crimes, ce sont les hommes de qualité morale inférieure qui les exécutent". Le milieu füt-il tout autre, les hommes de qualité morale inférieure ne se rendraientTpas coupables de crime. On observera peut-être que s'il est vrai qu'il est superflu d'accepter 1'explication d'une prédisposition spéciale de 1'individu pour ces crimes, ils devraient être plus nombreux qu'ils ne le sont en réalité. Cette observation me parait fondée, mais elle ne réfute pas 1'opinion qui a été exprimée. Car, i°. comme tous les autres, ces crimes sont plus nombreux que les statistiques criminelles ne les donnent; 2°. il y a des raisons que quelqu'un ne commet pas le crime, quoique les circonstances 1'y induisent et que, moralement, il n'y trouve rien. P. ex., il y en a qui, par suite de la lutte pour 1'existence, ont perdu toute énergie et tout courage, et qui abandonnent la lutte, aussi la lutte malhonnête; d'autres, de nature avisée prennent en considération que, quelque mauvaise que soit leur situation, celle-ci devient encore pire si le crime est découvert, etc. La statistique prouve que c'est bien le déclin des affaires qui est réellement la cause d'un grand nombre de crimes bourgeois. Dans la première partie j'en ai nommé quelques-unes qui relévent cette corrélation, savoir: ITALIË 1873—1890. Pour ce pays les statistiques qui y ont rapport (voir p. 196) ont été composées par le Dr. Fornasari di Verce. Cet auteur a démontré que si 1'on excepte la banqueroute frauduleuse, (chose étonnante et incompréhensible) les crimes commerciaux sont fortement influencés par les événements économiques. PRUSSE 1854—1878. Le Dr. Starke a prouvé que la courbe de ces crimes est parallèle & celle des événements économiques, (p. 97 et la planche III). ') Comme on le comprendra ces statistiques ne sont pas bien nombreuses, les chifïfres des crimes commis exclusivement par des bourgeois étant petits, et les autres crimes économiques, comme p. e. le vol, étant beaucoup plus importants, voila la cause pour laquelle ils attirent plus 1'attention des statisticiens. 2) Nous arrivons maintenant a la deuxième catégorie: les crimes économiques bourgeois par cupidité (comme toujours la démarcation entre ce groupe et le précédant n'est pas aussi distinctement tracée qu'il est nécessaire dans un exposé théorique, car il y a de nombreuses gradations entre les deux groupes). Ils sont commis non pas par ceux dont les affaires sont au déclin, comme c'est le cas pour ceux de la première catégorie, mais par ceux dont les affaires sont plus ou moins florissantes. Le seul motif qui les pousse est donc la cupidité; ce qu'ils gagnent aux affaires honnêtes ne leur suffit pas, ils veulent plus s'enrichir. Après tout ce qui a déja été dit plus haut de la cupidité, il est inutile d'en parler ici encore une fois en détail. II a été démontré que ce n'est que sous certaines conditions spéciales que ce désir de richesse nait, et qu'il est inconnu sous d'autres. II faudra seulement fixer 1'attention sur la circonstance que, quoique la cupidité soit un fort motif dans toutes les classes de la société actuelle, elle 1'est surtout dans la bourgeoisie, par suite de sa position dans la vie économique. Voila donc la première et la plus importante cause de ces crimes, cause qui n'est pas de nature individuelle, mais entièrement de nature sociale. En second lieu, 1'occasion de commettre ces méfaits impunément (et je vise ici surtout la falsification des denrées) est énorme. En général les consommateurs ne peuvent pas juger si les marchandrses sont oui ou non falsifiées, dans la plupart des cas le controle par des experts n'existe pas, ou bien il ne vaut rien, puisque ces experts ont été nommés par les producteurs mémes. En troisième lieu, nous avons a nous demander: de quelle manière le milieu, dans lequel vivent ces individus, exerce-t-il une influence sur leurs sentiment sociaux. Nous avons déja appelé 1'attention sur ce point quelques pages plus haut et pouvons donc être bref. Ce milieu tend a affaiblir les sentiments sociaux de 1'homme qui pourraient être un frein aux actes trés égoïstes. Considérée au point de vue des consommateurs, la falsification de denrées est un crime grave, car elle nuit a la santé et peut même la mettre en danger. Mais quel inconvénient vioral y verra un producteur, qui tire de gros bénéfices de 1'exploitation d'enfants, ou qui, par un „corner" en blé, est cause d'une forte augmentation des prix du pain? Pour l'Allemagne voir encore H. Berg, «Getreidepreise und Kriminalitat in Deutschland seit 1882", p. 18. 2) De même que pour les autres crimes économiques je ne fais pas mention ici de la géographie de ces crimes, car elle ne nous renseigne que trés peu sur leur étiologie. La statistique démontre clairement qu'ils atteignent le plus grand chilïre aux endroits oü la vie économique est la plus intense, c. k d., dans les grandes villes. Et y a-t-il, sociologiquement parlé, une dilïërence entre ces deux groupes d'actes ? Certainement non, 1'un est aussi nuisible que 1'autre, etcelui-ci probablement encore plus que 1'autre. Ce genre de méfaits doit désespérer tous ceux qui cherchent avant tout les causes du crime dans une anomalie biologique queiconque des criminels, car ici 1'anomalie formerait a peu prés la règle. Le Dr. Puibaraud a raison de dire dans son oeuvre „les Malfaiteurs de profession": „La falsification des denrées alimentaires se commet sous nos yeux, a notre porte, et nous ne disons rien, tellement nous y sommes habitués. On met de la fuchsine dans notre vin, de la cervelle de mouton dans notre lait, de la margarine dans notre beurre, de la chicorée dans notre café, du suif dans notre chocolat, nous avalons le tout avec une bonhomie parfaite. A quoi servirait de regimber? C'est ainsi, et le commerce „ne pourrait s'en sortir" s'il nous donnait des denrées pures de toute sophistication. Nous avalons tout sans sourciller, sans broncher. Pourvu que 9a ne nous empoisonne pas — trop vite — nous nous déclarons satisfaits." ') Tout le monde sait que la falsification des denrées alimentaires est énorme. Que celui qui en doute lise les rapports des chimistes sur un produit queiconque dont la falsification se fait facilement, comme p. e. le lait. II verra son doute disparaitre rapidement: au moins la moitié du lait est falsifié. Ce n'est que la falsification de denrées alimentaires qui constitue un délit, cependant celle d'autres articles n'en diffère pas 2) quand on la considère au point de vue sociologique, et il est certainement superflu de dire que la encore la falsification est énorme. II y a certes des fabricants et des commenjants qui ne se rendent jamais coupables de tels actes. i°. Pour la raison que certains articles ne sauraient être falsifiés, 2°. que pour certaines branches (p. e. le matérial de chemin de fer, dont la fabrication se fait souvent sous la surveillance d'ingénieurs, désignés par la société) le controle des consommateurs est trés rigoureux, 30. puisque certains producteurs trouvent plus avantageux d'être honnétes, sachant se procurer par la une clientèle fixe et étendue. Ces trois raisons n'ont rien a voir a la moralité, comme la 40. oti une partie des producteurs ont des scrupules contre de telles pratiques. Considérons encore une fois la courbe des différences individuelles. Les individus qui doivent être placés sur la partie entre A. et B. sont ceux qui commettront, les circonstances antérieurement nommées se présentant, un méfait du genre qui nous occupe, sans scrupule aucun. La grande classe moyenne, entre B. et C. sont ceux qui, en général, ne se rendent pas coupables d'actes défendus par la loi, mais qui commettent bien des actes qui, en réalité, n'en différent pas beaucoup, et, en tous cas, ne sont pas permis d'après le code moral des consommateurs (car le commerce a une morale a lui). Ce sont les per- *) p. 375—376. 2) L'impunité avec laquelle beaucoup de falsifications peuvent être faites s'explique en partie par la grande puissance des producteurs. Mais même sans elle, il serait tout de même difheile d'y remédier radicalement: jamais il n'y aurait assez dejuges pour punir tous les coupables. sonnes qui, tout en restant probes durant toute leur vie, dans le sens qu'ils ne voleront pas un sou se défont de leurs marchandises au moyen de toutes sortes de trucs et de détours, se taisent sur les mauvaises qualités de leur marchandise et exagèrent les bonnes ; ce sont les laitiers qui coupent d'eau leur lait („car le lait tout pur n'est pas sain", disent-ils); les médecins qui viennent faire des visites même quand elles ne sont plus nécessaires; ce sont ceux qui Mais arrêtons- nous, on pourrait remplir des pages a nommer toutes les pratiques qui ne peuvent résister a 1'épreuve de 1'honnêteté ]). En allant de B. a C., cette aversion morale, observée chez les individus, devient successivement plus grande et le danger qu'ils commettront de telles pratiques diminue, et on approche enfin de ceux qui doivent être placés etre C. B., c. a d. de ceux qui ne se rendent d'aucune fac^on coupables de tels actes. 2) Comme c'est toujours le cas pour les crimes économiques, c'est don." le milieu, qui en est cause, tandis que les différences individuelles expliquent, en partie, quels en sont les auteurs. Nous arrivons enfin a la dernière categorie de criminels de ce groupe, aux grands-criminels, c. a d. a ceux qui se jettent dans des entreprises gigantesques tout en sachant d'avance qu'elles échoueront certainement ou trés probablement, ou bien ceux qui font de grands achats de titres et causent ensuite une hausse en répandant de fausses nouvelles, etc. S'il y a un genre de crimes qui est la conséquence exclusive du milieu économique, c'est bien ce genre-ci. De tels crimes ne peuvent naitre que dans un temps comme le nótre, avec sa soif insatiable de 1'or, avec 1'occasion illimitée de tromper le public avide de gros bénéfices. Une connaissance superficielle de 1'histoire économique suffit déja pour compendre que tous les crimes bourgeois, et surtout ceux dont il s'agit maintenant, ne peuvent être commis que sous un systéme économique d'une nature comme le nótre. Cela doit faire réfléchir les anthropologistes qui veulent toujours trouver les causes du crime dans 1'homme même et non dans son ambiant. Naturellement, les auteurs de tels méfaits se distinguent par des traits caractéristiques. Mais il n'y aucune raison pour admettre que des personnes avec des dispositions pareilles n'auraient pu naitre aussi sous d'autres modes de production. Et pourtant, de tels crimes ne se présentaient pas alors. Quel est le genre de personnes qui commettent ces crimes que la société prépare? ') _ On trouve une bonne description de cas typiques dans »Les inconvénients de 1'honnêteté" (Ere nouvelle 1894) par A. Zerboglio. A eet égard »Glückliche und schlaue Verbrecher'', IV, de L. Ferriani est aussi intéressant. 2) Pour être clair j'ai ehoisi -.ies cas simples, en acceptant que tous les individus sont quantitativenient égaux, quant k leurs besoins, ce qui en réalité n'est pas vrai. Aussi ai-je laissé hors de considération 1'influence du milieu dans la jeunesse, influence qui peut être cause qu'une personne au haut bout de la courbe, n'a néanmoins point d'aversion pour la malhonnêteté. Nous en parlions déjk plus haut, et n'avons donc pas besoin d'en traiter ici amplement. 42 Remarquons d'abord que le hasard doit avoir placé de tels individus dans un milieu propre a un crime de ce genre, s ils étaient nés dans la classe des cultivateurs p. e., 1'idée de le commettre ne leurs erait jamais venue: ce n'est que dans un milieu spécial que de tels crimes peuvent être commis. Ces gens se caractérisent en premier lieu par une cupidite excessive. Sous ce rapport ils occupent le haut de la courbe. Leur prodigalité est sans bornes; une fois le grand coup exécuté, ils achètent des palais splendides, donnent des fêtes coüteuses, entretiennent plusieurs maitresses, etc. Un type de ces individus, Arton, avait une maitresse qui lui couta fr. 300.000 en une année; aussi avait-il besoin d un petit million pour couvrir ses dépenses annuelles. J) C'est pourquoi ils ne se contentent pas des larges revenus qu'ils peuvent se procurer honnêtement, ils veulent surpasser chacun en richesses, étant aussi ordinairement trés vaniteux. ) Nous faisons 1'observation que de tels individus auraient probablement réussi a se procurer honnêtement de larges revenus, car tous sont d une intelligence supérieure. En suivant leurs machinations, on est étonné de leur perspicacité et de leur habileté. Jamais des plans comme les leurs n'auraient pu être concus et encore moins exécutés, par un homme d'une intelligence médiocre. 8) „Je crois", dit le prof. Morselli dans sa préface au travail sus-cite de R. Laschi, „en effet qu'il faut une intelligence peu commune pour dissimuler longtemps des malversations, pour organiser des escroqueries habiles, des banqueroutes et des fraudes tapageuses, des exploitations de la crédulité publique. II ne faut pas plus de talent, il en faut moins peut-être, pour accomplir une foule d'actions utiles et honnêtes, pour faire même une soi-disante découverte ou une invention. Nous avons, comme je 1'ai dit ailleurs, un fétichisme pour les dénominations de o-énialité, de talent, d'intelligence supérieure. L'effort d'énergte mentale que suppose le complexe agencement et 1'exécution d un crime financier peut 11e pas différer, quant a la dynamique cérébrale, de l'effort requis par une action parfaitement régulière au point de vue moral. 4) . En troisième lieu, ce sont des personnes qui, quant a 1 intensite de leurs sentiments moraux, occupent les toutes dernières places (sur la courbe A. D. dorc celles prés A. Voir p. 590). Ce qu'un cnminel ordinaire fait en petit, est fait par eux sur une échelle gigantesque; tandis que celui-la ne nuit qu'a un seul ou a quelques-uns, eux suscitent des malheurs a de nombreuses personnes. Et ils le font avec indifférence car la désapprobation des honnêtes gens ne les touche pas. Le^ót^humoristique dela chose, c'est que la cupidité aussi induit les victimes h se faire tromper. Un de ces criminels dit au prof. Lombroso : »La fievre du gain qui nous pousse k tromper pousse nos victimes k se faire tromper \ (Laschi, o. c., p. 113). II connaissait son monde, celui-lü! s) Laschi, o. c., p. 106. s) Voir Laschi, o. c., p. 97 sqq. . . , , - _ - Pour ne citer qu'un exemple de nos jours, qui est-ce qui n a pas ete etonne de 1'intelligence de Thérèse Humbert ? <) p. XX et XXL Comme je 1'ai déja exposé ailleurs, élevés dans n'importe quel milieu de tels individus n'excelleront pas par la force de leurs sentiments sociaux. Mais j'ai ajouté que tout de même 1'influence du milieu sur la morale de ces personnes est grande. On ne sait pas beaucoup des circonstances dans lesquelles ils ont passé leur jeunesse. Du moins R. Laschi n'en fait nulle part mention dans „Le crime financier", 1'oeuvre principale sur ce genre de méfaits. II est plus que probable que leur éducation morale a tout a fait défaut ou n'a été que trés superficielle. Thérése Humbert p. e. était déja instruite par son père dans 1'escroquerie sur une grande échelle. Par contre, on connait le milieu dans lequel ils ont en général passé leur vie ultérieure. Ils sortent du monde des spéculateurs, des brasseurs d'affaires, des commercants au terme etc., c. a d. d'un milieu qui a des idéés trés spéciales sur la morale économique. Dans la plupart des procés de ce genre il se découvre des faits, qui montrent que les idéés morales de ces milieux different beaucoup du reste des hommes. II est évident que ceux qui commettent des crimes vont plus loin que la morale de ce monde ne le permet. Mais il faut une grande perspicacité morale pour distinguer sur ce terrain les démarcations entre ce qui est permis et ce qui ne 1'est pas, et c'est justement cette perspicacité qui manque a quelques-uns. C'est pourquoi la plupart des criminels de ce genre, quand ils comparaissent en justice, disent en toute conviction (et il y a raison pour accepter qu'a eet égard, ils disent une fois la vérité) qu'ils sont innocents, et qu'ils n'ont rien fait qui soit incompatible avec la morale (de leur milieu). ') 1'uis, la spéculation etc. est un des moyens infaillibles pour tuer tous les sentiments sociaux qui peuvent se trouver dans quelqu'un: c'est 1'égoïsme dans toute sa nudité. Peut-on s'étonner que quelques-uns de ces individus 2) (ils ne sont pas trés nombreux, naturellement, ceux qui réunissent en eux de telles qualités) dans un tel milieu entrent en conflit avec la loi pénale? II me semble que non. De même il n'y a aucune raison pour accepter que, a un point de vue biologique, ils soient anormaux. Aussi, même 1'école italienne a dü admettre que les stigmates, constatés ailleurs, ne peuvent pas être indiqués chez ces individus.3) Du reste, dans cette matière il serait difficile de parler d'atavisme: il se peut que nos ancétres aient peut-être beaucoup péché, tout de même il n'est pas probable qu'ils se soient jamais rendus coupables d'escroqueries de cette espèce. II n'est pas nécessaire de parler amplement des raisons qui qualifient ces actes de crime. Ils sont nuisibles a la marche régulière du capitalisme et, par conséquent, sont menacés de peines. La falsification de denrées au contraire est une conséquence de 1'opposition des consommateurs contre un des effets nuisibles de ce système. A eet égard il est encore intéressant de faire remarquer i° que !) Voir Laschi, o. c., p. 107. 2) Une description magnifique d'un tel individu a été faite par E. Zola dans »L'argent". 8) Voir Laschi, o. c., p. 180. les peines édictées contre ces crimes, sont relativement légères comparées a celles qui sont prononcées contre les crimes économiques ord.na.res comme vol p. e„ surtout quand on considère que leurs préjudices sont beaucoup plus grands; 2°. que le nombre des actes punissables est assez restreint, quand on le compare a celui des actes qu. Ie menteraient CÊcalement. Comme Vaccaro 1'observe dans son oeuvre „Genesi e funzione delle leggi penali" ce sont ces crimes qui indiquent clairement le caractère de classe du droit pénal. ') >) p. 147—148. III. CRIMES SEXUELS. La plupart des auteurs qui traitent de la corrélation entre criminalité et conditions économiques, ont avant tout voué leur attention aux crimes économiques, et ont peu ou point traité des crimes sexuels. Les penchants sexuels de I'homme, n'ont rien a voir a la vie économique, ils sont un facteur a part dans la vie de I'homme, donc il n'y a point de corrélation entre la sexualité criminelle et les conditions économiques, disent-ils. Nous nous flattons de pouvoir démontrer que leur opinion est erronée, qn'il existe une relation entre criminalité sexuelle et conditions économiques, quoiqu'elle soient de nature moins directe que celle qui existe entre crimes économiques et mode de production. Ayant déja relevé que les formes sodales de la vie sexuelle (mariage et prostitution) sont, en dernière instance, déterminées par le mode de production, nous n'y reviendrons pas. Parler de Ia relation entre 1'intensité de la vie sexuelle en géneral et les conditions économiques, n'entre pas dans ce travail. Par 1'histoire nous voyons que la vie sexuelle joue tantót un röle trés important, tantót un róle moindre. On peut difficilement admettre que les causes de ces changements se trouvent dans I'homme et non hors de lui, surtout puisque c'est dans le milieu que résident des causes plus évidentes. Qui ne voit pas que la relation entre 1'intensité de la vie sexuelle des classes élevées de 1'ancienne Rome de la décadence, s'explique par le luxe exagéré, 1'existence oisive de ce groupe et la position dépendante d'une partie des femmes (esclaves). Dans la société actuelle, la relation entre la vie sexuelle et les conditions économiques est également claire. Chacun sait que la sexualité occupant une trés grande place chez cette partie de la bourgeoisie qui passé sa vie dans 1'oisiveté et la prodigalité, est la conséquence de cette manière de vivre. D'un autre cóté la condition intellectuelle inférieure du prolétariat, est la cause d'une vie sexuelle beaucoup plus intense qu'elle ne le serait si le milieu permettait un développement harmonique de toutes les qualités. F. Engels dit dans son oeuvre „Die Lage der arbeitenden Klasse in England", des prolétaires anglais, et ce qui s'applique aussi aux ouvriers dans d'autres pays: „Neben der Ziigellosigkeit im Genusz geistiger Getranke bildet die Zügellosigkeit des geschlechtlichen Verkehrs eine Hauptuntugend vieler englischen Arbeiter. Auch diese folgt mit eiserner Konsequenz, mit unumganglicher Nothwendighet aus der Lage einer Klasse, die sich selbst überlassen wird, ohne" die Mittel zu besitzen, von dieser Freiheit geeigneten Gebrauch zu machen. Die Bourgeoisie hat ihr nur diese beiden Genüsse gelassen, wahrend sie ihr eine Menge von Miihen und Leiden auferlegt hat, und die Folge davon ist, dasz die Arbeiter, um doch etwas vom Leben zu haben, alle Leidenschaft auf diese beiden Genüsse konzentriren, und sich ihnen 'im Uebermasz und auf die regelloseste Weise ergeben". •) En outre la position économique dépendante de la femme dans la société actuelle est aussi un facteur de 1'augmentation d'intensité de la vie sexuelle. C'est 1'homme qui prescrit la loi; si la position de la femme était indépendante, 1'homme serait forcé de mettre un plus grand frein a ses penchants sexuels. Cependant nous n'avons pas a nous occuper ici plus amplement de cette question et nous fixons 1'attention sur la criminalité sexuelle. Ici aussi il faut diviser les crimes en groupes; car ils différent trop entre eux pour pouvoir les traiter ensemble. Nous parierons successivement de: A. Adultère; B. Viol et attentat a la pudeur sur des adultes; C. Viol et attentat a la pudeur sur des enfants. 2) *) P- 131» . - 2) Nous laissons de cóté 1'inceste et 1 uramsme actes non-indiques comme crimes dans les codes les plus avancés sous ce rapport (e. a. Ie code praal de la Hollande). On ne sait pas encore avec certitude pourquoi Vinceste k été qualifié de crime, dans des temps trés reculés. La cause la plus probable, c'est la crainte de la décadence de la race. Tant que les hommes vivaient en petits groupes unis par les liens de parenté, le danger de 1'inceste était grand, mais il diminua a mesure que la population devint 'plus dense. II est donc probable que 1'aversion morale de eet acte ne reside que dans la tradition. II n'y a aucune raison pour admettre que ces actes seraient plus fréquents s'ils n'étaient 'plus punis, et en tout cas ils n'augmenteraient pas assez pour mettre la race en danger. Dans les cas trés rares dont^ la justice a a s'occuper ce sont presque toujours des individus abrutis qui ont a répondre de ce crime commis le plus souvent en état d'ivresse. Cependant, sa principale cause c'est la triste condition d'habitation des plus pauvres parmi lesquels ce crime apparait presque exclusivement. C'est comme le dit le prof. Ferri dans son oCriminels dans 1'art et la littérature" : vL'inceste est, pour ainsi dire, un crime démodé aujourd hui, ou, s'il persiste encore, c'est dans les plus pauvres taudis urbains et dans les cabanes 0u' la misère contraint parents et enfants des deux sexes a un monstrueux rapprochement de nudités." (p. 33- Comparez encore e. a.: le Dr. H. Lux, »Die Sittlichkeitsverbrechen in Deutschland in kriminalstatistischer lieleuchtung , p. 253 sqq. Archiv für soziale Gesetzgebung und Statistik V, et «Reports on the law relating to the protection of young girls, 1882, p. 37). Les causes sus-dites seront aussi examinées en parlant des autres crimes sexuels, cette courte mention sumt donc ici. , , , v , La cause pour laquelle Vuranisme a ete qualifié de crime u y a des siecles, n'est pas bien claire. Une de ces causes se trouve peut-être dans la circonstance que les peupies qui n'avaient point, ou peu d'accroissement de population, ont taché (naturellement en vain) d'y rémédier de cette fa^on; une deuxième, — et k ce qu'il me parait, la principale 'cause — se trouve dans 1'aversion physique éprouvee par les hétérosexuels pour 1'homosexualité, aversion qu'ils ont reporté sur le terrain de la morale; une troisième cause c'est 1'opinion que des homosexuels émane une forte dépravation. Puisque la population s'accroit continuellement dans presque tous les pays, ce ne peut être une raison pour qualifier 1'uranisme de crime; dans les A. Adultère. On a dit: „1'histoire de la propriété, c'est aussi celle du vol". Au même titre on peut dire que 1'histoire de la monogamie est celle de 1'adultère, en d'autres termes, point de monogamie sans adultère. II faut donc qu'il y ait des causes trés fortes et constantes pour occasionner ce délit. Comme nous 1'avons vu plus haut, quand nous exposions brièvement 1'histoire du mariage (voir p. 353), 1'adultère par 1'homme aux différents degrés du développement social était un acte permis. ') Si 1'on demande pourquoi les hommes commettaient eet acte permis, on n'en peut alléguer qu'une seule cause: c'est qifils ne sont pas monogames par nature. Pour la femme le même acte constituait par contre le plus souvent un délit trés grave, menacé des peines les plus sévères, ce qui n'empêchait pas les cas d'adultère de ce cóté aussi. La cause n'en diffère pas pour les deux sexes: la femme aussi n'est pas monogame par nature, quoique peut-être dans une mesure moins forte que 1'homme. Par ce que nous venons de dire 1'étiologie de ce crime est terminée. La seule difterence entre le présent et le passé c'est que 1'adultère par 1'homme est aussi puni de nos jours, mais pour 1'étiologie il n'y a rien de changé. On dira peut-être que la cause fondamentale de 1'adultère se trouve donc dans 1'homme, qu'elle est de nature anthropologique et non de pays qui n'indiquent pas un fort accroissement dc la populntion on n'est du reste pas assez sot pour 1'attribuer a 1'homosexualité. Quant a 1'aversion physique, le nombre des hétérosexuels qui sont d'opinion que cette aversion ne peut jamais justifier une condamnation morale et beaucoup moins encore une condamnation judiciaire, augmente toujours. Et enfin, quant a la question de la dépravation émanant des homosexuels, elle n'est pas plus grande que celle qui émane des hétérosexuels, comme il a été démontré par les recherches les plus récentes (Voir e. a. le Dr. A. Aletrino, x>La situation sociale de Puraniste", (Compte-rendu du V Congrès d'Anthr. crim.); le Dr. M. Hirschfeld, sUrsachen und Wesen des Uranismus" (Jahrbuch f. sex. Zwischenstufen, V); le Dr. P. Nacke, »Ein Besuch bei den Homosexuellen in Berlin'' (Archiv f. Kriminalanthropologie und Kriminalstatistik, XV). Selon ces auteurs 1'uraniste est une variété biologique non de nature pathologique; ses penchants sont innés et ne peuvent d'aucune fagon être modifiés, tout comme les penchants de 1'hétérosexuel. L'homosexuel n'est donc pas un individu nuisible, quand même c'est un individu inutile considéré au point de vue sexuel. 11 est bien probable que le temps n'est pas trés éloigné oii le code pénal de tous les pays ne s'occupera plus de 1'uranisme. Comparez le ür. F. Auer, »Soziales Strafrecht'', p. 10—11. Nous laisserons aussi de cöté un troisième délit, figurant dans tous les codes, l'outrage d la pudeur publique. Dans beaucoup de cas ce délit est insignifiant; dans quelques-uns ce sont des individus, dont on reconnait facilement la nature psychopathologique (exhibitionisme), qui le commettent. ') Comparez le Dr. A. H. Post, sGrundriss der ethnologischen Jurisprudenz": i)Der Ehebruch des Ehemannes ist bei den meisten Vólkern der Erde überall nicht strafbar" (II, p. 359), et Ch. Letournau, »L'évolution du mariage et de la familie": » généralement, le seul adultère, puni k titre de faute morale, a été celui de la femme" (p. 257). Comparez aussi P. Lafargue, »Der Ehebruch in Gegenwart und Vergangenheit" (Neue Zeit VII) et G. Ferrero, »Le crime d'adultère — son passc, son avenir". (Archives d'anthrop. crim. IX). nature sociale. Je ne puis admettre cette manière de voir, de même qu'il m'est impossible de croire que la causa causarum du vol est la nécessité de manger afin de vivre. Si la cause fondamentale du délit dont nous nous occupons se trouvait en effet dans 1'homme, il faudrait aussi que le délit se présente toujours et partout, indépendamment du milieu. La sociologie démontre cependant qu'il n'en est pas ainsi. A un certain degré de développement social l'homnie aussi bien que la femme sont libres a eet egard, dans d'autres cas (et généralement) ce n'est que la femme qui est tenue a rester fidéle a son mari, et parfois tous les deux y sont forcés. Par conséquent, pour celui qui ne considère pas la société comme un corps immobile, mais qui voit que „tout est en mouvement" pour celui-la, la cause fondamentale de ce crime se trouve dans la structure de la société, qui, dans certains cas, défend a 1'homme de satisfaire ses penchants naturels. Ouand, in casu les penchants polygames, sont plus forts que la pression de la société, un crime se commet. *) Si 1'on ne consultait que la statistique criminelle, 1'adultère serait un délit qui ne se présente presque pas. II est superflu d'ajouter que sur ce point les lois pénales sont rédigées de facon qu'une poursuite pour adultère n'a presque jamais lieu; il va sans dire qu'en réalité ce délit est trés fréquent. En premier lieu, il faut examiner la question: dans quelles classes de la société ce délit se présente-t-il le plus souvent? Ouoiqu'il n'y ait point de statistiques a citer a 1'appui, je crois ne pas être loin de la vérité en affirmant que 1'adultère a lieu le plus souvent dans cette partie de la bourgeoisie qui vit dans 1'oisiveté, souvent aussi dans le prolétariat, et le moins dans la bourgeoisie intellectuelle et la petite bourgeoisie. En recherchant les causes de ce fait il ressort clairement qu'elles ne peuvent se trouver dans 1'homme même, car les individus qui forment les classes, ne différent guère quant aux qualités innées. Par conséquent, ces causes doivent se trouver dans le milieu; les suivantes sont les principales: i°. Plus le mariage est contracté par convention plus le danger de 1'adultère est grand. Voila e.a. pourquoi 1'adultère est si fréquent parmi les „upper ten thousand", oü le mariage n'est souvent qu'une affaire commerciale, et pourquoi il est moins fréquent dans la bourgeoisie intellectuelle, dans laquelle il y a plus de maridges d'inclination. 2°. Plus une classe mène une vie frivole et légère, plus 1'adultère y sera fréquent. Ceci est une autre raison pourquoi 1'adultère est fréquent i) Du reste, chez tous les peuples et a tous les degrés de développement tous les crimes sexuels sont trés différents. Le Dr. Post dit a ce sujet dans son oeuvre «Grundriss der ethnologischen Jurisprudenz": >>Die geschlechtlichen Sitten sind bei den verschiedenen Vólkern der Erde nach der Eigenart derselben und nach der sozialen Organisationsform den starksten Ausweichungen unterworfen, und so tragen denn auch die Rechtsbrüche gogen die geschlechtlichen Sitten einen sehr verschiedenen Charakter. Handlungen, welche bei einem Volke als geschlechtliche Rechtsbrüche angesehen werden, sind bei einem andern durchaus erlaubt, und auch in der Geschichte eines einzelnen Volkes veründern sich c'.ie Anschauungen darüber, was als Rechtsbruch in geschlechtlicher Beziehung anzusehen ist, sehr erheblich". (II, p. 356). parmi les riches oisifs et moins fréquent dans la bourgeosie intellectuelle, ainsi que dans la petite bourgeosie. 3°. Plus les causes sociales du niariage se font sentir dans certaine classe, plus 1'aversion morale de 1'adultère y est forte aussi, ce qui fait qu'il y sera cotnmis moins souvent, que dans les classes autrement conditionnées. De la e. a. que ce délit se présente proportionnellement moins souvent dans la petite bourgeoisie que dans la classe ouvrière. 4°. Plus le nombrc des mariages conclus seulement pour des motifs physiques est grand donc sans que les facteurs intellectuels soient placés en ligne de compte, plus le nombre d'adultères sera grand aussi. Cela s'applique surtout au prolétariat, dans lequel la plupart des mariages se contractent par affection, mais oü, par suite du manque de culture il ne saurait souvent ctre question de communion intellectuelle. Quand cette harmonie fait défaut, il arrivé que les difficultés de la vie, si grandes dans cette classe, causent un éloignement d'oti résultent parfois des infidélités. Enfin, encore quelques mots sur la question: quels sont, dans les différentes classes, les individus qui se rendent coupables d'adultère.') La prédisposition a la polygamie n'est pas la même pour tous. En second lieu, les penchants sexuels sont beaucoup plus intenses chez 1'un que chez 1'autre. En troisième lieu le milieu dans lequel a vécu 1'un n'est pas égal a celui de 1'autre (sans oublier que 1'un est plus sensible aux impressions morales que 1'autre) et 1'occasion ne se présente pas de la même facon pour chacun. Le concours de ces causes explique suffisamment pourquoi tel individu se rend coupable du délit en question, tandis qu'un autre ne le commet pas. En même temps que 1'étiologie de 1'adultère, nous exposions pourquoi il a été qualifié de délit. Peu a peu les conceptions du mariage se modifient, par suite des changements sociaux qui ont lieu ; il est grandissant le nombre de ceux qui considèrent seulement moralement permise la vie en commun si les époux le désireraient aussi sans y être contraints par la loi. Les partisans de cette opinion désapprouvent 1'adultère, mais pour des raisons différentes que les autres personnes, qui le considèrent comme une infraction a un droit acquis. Le prof. Ferri formule cette nouvelle morale comme suit: „Ce qu'il y a de vil dans 1'adultère, ce n'est pas 1'attentat porté a une propriété individuelle, c'est la déloyauté de 1'acte, sa sournoiserie, son hypocrisie". 2) Tout en trouvant 1'adultère immoral les adhérents de cette opinion 1) Inutile de parler de la mesure dans laquelle les deux sexes se rendent conpables d'adultère. Personne ne contredira que les hommes s'en rendent plus souvent coupables que les femmes. Les raisons principales se trouvent dans la manière de vivre, les hommes qui sont plutöt dans 1'occasion de fauter que les femmes, ensuite que la désapprobation morale de la femme adultère est plus grande que celle de 1'homme, puis la femme en craint les conséquences; et enfin, que peut-etre la femme est de nature moins polygame que 1'homme. 2) »Les criminels dans 1'art ét la littérature", p. 141. Comparez aussi Ch. Letourneau, sKvolution du mariage", p. 282—283. croient que la loi n'a pas le droit d'intervenir. Même les personnes qui ne partagent pas cette manière de voir croient, que le code pénal n'a plus a s'occuper de ce délit. De la e. a. que les articles de ce code sont rédigés de telle fa^on, que des poursuites sont trés rares. II est probable que 1'adultère disparaitra de la liste des délits.l) B. VlOL ET ATTENTAT A LA PUDEUR SUR DES ADULTES. Dans son oeuvre „Genèse normale du crime" le prof. Manouvrier s'exprime ainsi qu'il suit sur le crime de viol: „Tout homme normalement conformé serait un violateur-né si 1'appétit génital ne trouvait d'autre moyen de satisfaction que le viol. Ce crime est pourtant rare, nous savons pourquoi: il y a des femmes pour les plus laids et les plus misérables. Cependant la famine peut arriver; il y a aussi 1'occasion, 1'herbe tendre et maints diables capables d'inauire en tentation la brute qu'est tout homme a sa naissance. Car, il ne faut pas que les „criminologistes" se fassent d'illusions sur ce point, s'ils veulent faire de la criminologie anthropologiquement et scientifiquement: nous ne savons quelle étrange béte deviendrait un enfant trés bien né dans une familie européenne et distinguée si on 1'isolait dés sa naissance de toutes les influences de milieu qui ne seraient pas strictement nécessaires a la conservation de sa vie. Nous savons d'autre part, que derrière notre politesse acquise subsiste trés bien notre brutalité naturelle".2) Voila en quelques mots la théorie du milieu sur la genèse d'un des plus graves crimes sexuels. Avec des faits voyons si cette théorie est juste. Avant tout il s'agit de remarquer que ce crime n'est pas 1'acte d'un étre pervers mais d'une brute. II importe de ne pas 1'oublier, attendu que la perversité joue au contraire un röle dans les crimes dont nous nous occuperons sub C. Quelques auteurs ne font pas de distinction entre ces deux genres de crimes, ce qui empêche d'en traiter 1'étiologie a fond. Examinons ce que le mouvement de ce crime nous apprend. Sa courbe dans differents mois montre qu'elle s'clève, vers le printemps, pour atteindre son point culminant en été, après quoi elle s'abaisse régulièrement, pour arriver a son point le plus bas en hiver. Comme exemple on peut consulter le tableau suivant, qui renferme aussi les délits sexuels commis sur des enfants. 1) Dans le projet original du code pénal néerlandais actuel, 1'adultère ne figurait plus comme délit, et ce n'est que par la pression exercée par le parti conservateur, qu'on a fini par 1'y remettre. (Comparez le Dr. H. J. Smidt «Geschiedenis van het Wetboek van Strafrecht", II, p. 277 sqq.) *) p. 444—445- FRANCE 1827—1869. Crimes sexuels commis sur Jours de concep- des adultes. des enfants. tion 1871. Mois. i j Chiffres 0/ Chiffres 0/ Chiffres 0, absolus. '° absolus. '° absolus. | 10 Janvier .... 584 7>®9 1.106 5 > 5 7 2.603 7,84 Février .... 563 6,84 1.041 5,24 2.661 8,02 Mars 643 7.82 1.366 6,88 2.608 , 7,85 Avril 608 7,39 1.700 8,56 2.887 8,69 Mai 904 10,98 2.175 10,95 3.060 9,21 Juin 1.043 12,67 2.585 13,03 3018 9,08 Juillet 860 10,45 2.459 I2>42 2.911 8,76 Aoüt 794 9,64 2.208 11,13 2.742 8,25 Septembre ... 653 7,93 1-773 8,93 2.810 8,46 Octobre .... 532 6,46 1-447 7,29 2.625 7,9' Novembre ... 514 6,24 983 4,95 2.620 7,89 Décembre . . . 534 6,49 939 5>°5 2.665 8,02') Le mouvement des crimes sexuels ne nous renseigne pas beaucoup sur leur étiologie. II est évident que 1'occasion de les commettre se présente beaucoup plus en été qu'en hiver, et la chance de prendre 1'auteur en flagrant délit est aussi beaucoup plus grande durant les mois les plus chauds. Sans la statistique, nous saurions tout de même que la tentation est plus forte durant les c.haleurs et en outre 1'élévation de la température vers le printemps augmente (probablement) les penchants sexuels. 2) Mais tout cela n'explique pas la genèse de ce méfait, car s'il est vrai que les penchants sexuels augmentent chez 1'homme par 1'élévation de la température vers le printemps, cela compte pour la vie sexuelle eti général, et non seulement pour la cïivunulité sexuelle (comme le 1) p 11, Aschaffenburg, «Das Verbrechen [und seine Bekampfung". Dans tous les pays la courbe présente a peu prés le même cours. Comparez encore A. v. Oettingen, oMoralstatistik", p. 221-222; prof. A. Tardieu, «Etude medico-legale sur les attentats aux moeurs", p. 22—23; le dr. P. Bernard, »Des viols et attentats a la pudeur sur adultes", p. 562 (Arch. d'anthr. crim. II), ainsi que la statistique criminelle allemande de 1894. . 2) Dans son »Das Verbrechen in seiner Abhangigheit von dem jahrlichen lemperaturwechsel" (Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. II) le prof. Ferri défend la thèse que chaque élévation de la température amène aussi un accroisement des penchants sexuels, et que par conséquent, les courbes des crimes sexuels et de la température sont parralléles 1'une a 1'autre. Un tableau sur la France donne un semblant de vente 1'appui de cette thèse, mais pas plus. Dans un article, intitulé sOscillations thermométriques et délits contre les personnes" (Arch. d'anthr. crim. I), le Dr. Colajanni démontre qu'il y a quelques graves erreurs dans 1'étude du prof. Pern, et que sa thèse n'était donc pas du tout prouvée. Le Dr. Colajanni produit aussi, sur Italië, quelques données trés intéressantes qui diminuent de beaucoup la vraisemblance de la thèse en question. Naturellement, c'est aux biologistes, et non aux sociologues, que revient le dernier mot dans cette question, mais il est peu probable que chaque élévation thermométrique amène un plus fort stimulant, puisque ce nest pas dans les mois les plus chauds que se présentent les plus hauts chiffres de conception. démontre la colonne des jours de conception) du tableau ci-contre. ') II faut donc que les vrais facteurs criminogènes se trouvent ailleurs. De menie le mouvement de ces crimes dans le cours des années, nc nous renseigne que peu a mon avis, sur leur étiologie. Dans la première partie de ce travail nous avons fait mention de quelques statistiques le concernant, en voici la récapitulation, augmentée encore de quelques données. ANGLETERRE. L'auteur de la statistique criminelle anglaise de 1899 fixe 1'attention sur le fait que le maximum des crimes sexuels a été atteint en 1893 et 1894, quand les prix du froment étaient trés bas. (p. 48). FRANCE 1825—1878. Comme le prof. Ferri le démontre dans sa dite étude sur 1 influence de la température, la courbe du viol commis sur des adultes offre quelque ressemblance avec celle des événements économiques, dans ce sens, que les années économiquement mauvaises coincident avec des chiffres moindre pour le crime en question. Ainsi les années défavorables de 1835—37, 1846—47, 1865—68 amenèrent une diminution de viols commis sur adultes, et les années favorables de 1832—35, 1847—50, 1857—59 une augmentation. Ouoiqu'il se présente des exceptions, 1'influence des événements économiques est indubitable. ITALIË 1873—1890. Le Dr. Fornasari di Verce mentionne que les attentats aux moeurs augmentent avec lamélioration des conditions économiques, et vice-versa. (première partie p. 196). 1'ar contre, le Dr. N. Colajanni constatait pour les différentes contrées de 1'Italie (1S75—1880) qu une plus grande consommation de viande n amenait, dans la plupart des cas (22 sur 35) point d'augmentation pour les attentats aux moeurs, et vice-versa. (o. c. p. 501—504). NOUVELLES GALLES DU SUD 1882—1S91. Comme nous 1'avons vu p. 198 de la première partie le Dr. Fornasari di Verce a démontre que, dans ce pays, les crimes sexuels augmentent durant les années florissantes, et vice-versa. PRUSSE 1854—1896. Quant a ce pays, le prof. v. Oettingen donna, pour les années ,854—1859 et 1862—1871, quelques chiffres qui indiquent une faible relation entre les prix du blé et la criminalité sexuelle. (prem. partie p. 78—79). Le Dr. Müller aussi démontra (voir les tableaux p, 122—123 et p. 125) que les événements économiques exercent une influence sur les crimes sexuels; ainsi p. e. les années 1857—1859 ') C'est un phénomène général que lc nombre (les conceptions est le plus grand vers le printemps. Comparez G. v. Mayr, ))Die Gesetzmüssigkeit im Gesellschaftslebenj p. 239 sqq., et «Statistik und Gesellschaltslehre", 11, p. 170—!7'- étaient caractérisées par le bon marché du blé et par des chiftres élevés de crimes sexuels, il en était de même les années 1863—1866 et 1869; par contre les années 1854—1856 et 1861 par la chèreté du blé et des chiftres plus bas des crimes en question (il reste a constater quelques exceptions). Durant la crise de 1873—74, les crimes sexuels 11e diminuent pourtant pas, et dans les années suivantes on ne remarque pas non plus de concordance entre la courbe de ces crimes et celle des événements économiques. (Voir le tableau des prix du Dr. Berg p. 621). Les données sur la relation entre la conjoncture économique et ces crimes ne sont donc pas aussi nombreuses que celles sur la relation entre la conjoncture et les crimes économiques, et les exceptions en outre sont assez nombreuses. Sous quelques réserves, on peut néanmoins admettre qu'une amélioration des conditions économiques tend a une augmentation des crimes en question. Cependant, cela ne nous apprend pas beaucoup sur 1'étiologie: la statistique des naissances nous a déja depuis longtemps démontré que la vie sexuelle est plus intense durant les périodes de prospérité économique, que durant celles de dépression. ) Une meilleure nourriture rend les penchants sexuels plus forts, sans qu'il soit nécessaire qu'ils se manifestent d une facon criminelle, la preuve en est fournie par ceux qui se nourrissent suffisamment, aussi bien dans les périodes de prospérité que dans celles de dépression et ne se rendent presque pas coupables de ces crimes. (Pour les preuves statistiques voir plus loin). . II faut donc que nous essayions de recliercher les v rais facteurs criminogènes dans d'autres données statistiques. D'abord posons la question qui se rend plus coupable de ce crime, mariés ou célibataires. Comme nous 1'avons vu plus haut, la statistique criminelle allemande est la seule qui donne ici des renseignements absolument sürs. Elle démontre (voir p. 510) qu'a tous les ages, les célibataires, les veufs et les divorcés se rendent plus coupables de crimes sexuels que les manes, et a certains ages beaucoup plus même. Malheureusement cette statistique ne distingue pas les viols commis sur des adultes et ceux qui sont commis sur des enfants. Les données du Dr. J. Socquet, nous renseignent tant soit peu sur ce sujet: Sur 1.000.000 habitants de chaque groupe Etat civil. ci-contre il y avait des accusés pour viol sur des adultes Célibataires . . 8 Mariés .... 3 Veufs .... 3 2) Donc le mariage tend a diminuer le nombre de ces crimes. ï^a vic 1) Voir G. v. Mayr, »Gezetzm;issigkeit 1111 t.esellsciiaitsiujen , p. sim-, «Statistik und Gesellschaftslehre", I, p. 180 „ T 2) p. 60, »Contribution h 1'étude statistique de la cnminalite en I ranceLe Ur A Bournet dans »De la criminalité en F rance et en Italië , p. 68, et terri, o. c., p. 39 et Bernard, o. c. p. 566 arrivent i la même conclusiun. FRANCE 1876—1880. économique ayant è son tour de 1'influence sur le nombre des mariages conclus, les rapports entre cette vie et le crime en question sont clairs. Si la position économique de beaucoup de personnes ne les empêchait pas de contracter un mariage a 1'age oü la nature 1 indique, ces crimes seraient moins fréquents. Comme le dit le Dr. Augagneur: „nos lois et les exigences physiologiques ne sont pas adéquates . Une deuxième question est celle-ci: quelle est la classe de la population qui commet le plus ces crimes ? > * • u Comme nous 1'avons vu, les statistiques de 1'Italie et de 1 Autriche démontrent (voir p. 492—493) que ce sont presque exclusivernent les classes pauvres qui se rendent coupables de crimes sexuels. En Italië 92,i°/0 sont indigents ou ont le strict nécessaire, en Autriche 91,2 °/0 sans fortune et seulement 0,2 °/0 aisés (parmi les femmes même 100 °/0 sans fortune). La statistique des professions des condamnés en Allemagne (voir p. 496) démontre aussi que ceux qui ont a se justifier de crimes sexuels sont surtout des ouvriers, et avant tout des ouvriers non-qualifiés (parnn lesquels la statistique range aussi les souteneurs, les criminels de profession etc. voir p. 497)- Malheureusement, ces statistiques ne font point de distinction entre crimes sexuels commis sur des adultes ou sur des enfants. La statistique suivante nous fait voir que le nombre des ouvriers est plus grand pour le premier que pour le second de ces crimes. FRANCE 1836—1880. 1836—1840 1876—1880 Sur 100 accusés de viol et attentat k la pudeur commis sur des des des des adultes. j enfants. ! adultes. j enfants. Attachés a 1'exploitation du sol, \ laboureurs, journaliers, domes- , 38 33 52 39 tiques de ferme. ) Ouvriers chargés de mettre en ï oeuvre les produits du sol, le , 30 26 25 25 fer, le bois etc. ' Boulangers, bouchers,menuisiersetc. 5444 Tailleurs, perruquiers, chapeliers etc. 7836 Commen;ants. 3 5 3 5 Mariniers, voituriers, commission- j g 4 3 naires. ^ Aubergistes,logeurs,cafetiers,domes- | 3 4 34 tiques attachés a la personne. 1) Socquet, o. c., p. 60. 2) Comparez encore Bournet, o, c., p. 68 et liernard, o. c., p. 507. ^ La géographie de ce crime en France démontre que les departements ou se trouvent de grandes villes, présentent des chiffres assez bas. ») Les deux premières colonnes ont été empruntees i Bernard, o. c., p. 509, la dernière est calculée d'aprés l'»Annuaire statistique de la France', VII, p. 52b. En se basant sur cette statistique on a donc le droit de dire que ce crime n'est presque pas commis par ceux qui ont recu une instruction supérieure a 1'instruction primaire. Ce fait anéantit la thèse que „la béte humaine" se présente indépendamment du milieu ; si elle était exacte, ce crime devrait proportionnellement ètre aussi fréquent parmi les gens plus développés que parmi ceux qui le sont moins. Cette statistique prouve ce qu'on oublie parfois dans 1'anthropologie criminelle, qu'un homme ne devient une brute que dans des circonstances déterminées, et qu'il commet alors des actes qui lui répugneraient s'il vivait dans un autre milieu. Les auteurs de ce crime sortent des couches de la population, qui, par suite de leurs conditions vitales, ne considèrent la vie sexuelle qu'a un point de vue purement animal. Quel est le milieu, dans lequel grandissent les enfants des couches inférieures de la société, quelle est la morale sexuelle qu'ils enretirent? La vérité trés simple c'est qu'il n'y a pour ainsi dire pas de moralité sexuelle pour eux. Par les détestables conditions d'habitation (comparez ce qui a été dit a ce sujet quand je traitais de la prostitution), par la mauvaise société qu'ils fréquentent etc., les enfants sont tout a fait au courant de la vie sexuelle dans ses manifestations les plus bestiales. Leur attention s'attache a la vie sexuelle, quand ils sont a un ège oü elle est encore lettre close pour les enfants, élevés dans un milieu sain. Comme le dit le Dr. Lux dans son excellente étude sur les crimes sexuels: „Not, Elend, Laster sind die natürliche Umgebung der Kinder des Proletariats, vor allem des Lumpenproletariats; sie bilden das Milieu, aus welchem das Kind seine ersten und nachhaltigsten Eindrücke schöpft, sie sind die Schule, aus welcher es die Lehren einer Ethik zieht, die in schneidendem Kontrast zu der Ethik der fortschreitenden Menschheit steht. Ethische Hemmungsvorstellungen können in den Sprösslmgen der niedersten Proletarier kaum wach werden; sie werden im Gegenteil, soweit die geschlechtllche Sphare in Betracht kommt von vornherein durch den unverhüllten, geschlechtlichen Verkehr der Eltern, anderer Erwachsener, der Prostituierten, mit denen allen sie in stete Berührung kommen, unterdrückt...') Une des conséquenses de la position inférieure de la femme dans la société actuelle c'est que 1'honime considère la femme comme destinée a se soumettre a sa volonté sexuelle. C est surtout le cas dans les dernières couches de la population, dans lesquelles la femme n'est souvent qu'un moyen par lequel 1'homme peut satisfaire ses désirs. A la fin, il faut encore citer comme facteur criminogène : 1'alcoolisme. 1) p. 266. «Die Sittlichkeitsverbrechen in Deutschland in kriminalstatistischer Beleuchtung". Comparez encore 1'enquête trés intéressante sur la vie sexuelle parmi la population rurale en Allemagne »Die geschlechtlich sittlichen Verhaltnisse der evangelischen Landbewohner im Deutschen Reiche" de H. Wittenberg et C. Wagner, et du dernier auteur nommé »Die Sittlichkeit auf dem Lande". Voir aussi encore L. Ferriani, »Minderjahrige Verbrecher", p. 96 sqq., et L. Braun, »Die Frauenfrage'', p. 385—385. Plus haut (p. 565 sqq.) nous avons déja vu qu'il y a beaucoup d'alcooliques chroniques parmi les auteurs de ces crimes, c. a d. des individus démoralisés par 1'abus de 1'alcool. En Allemagne 23,3 °/0 et 20,5 °/0, en France 51,5 "/o et 55,7 °/c dans les Pays-Bas 10,84 °/o> au Wurtemberg 36,3°/0. C'est encore d'une autre facon que 1'alcoolisme figure dans 1'étiologie de ces crimes. Les penchants sexuels sont stimulés dans un certain stade d'ivresse, tandis que les forces morales s'affaiblissent. ') Aussi dans les cas oü un crime sexuel se commet dans un état d'ivresse 011 peut être sür que 1'alcool en a été un des principaux facteurs. Les chiffres suivants nous renseignent sous ce rapport. ANGLETERRE. Dans son rapport au „Congrès pénitentiaire international de Bruxelles", le Dr. M. W. C. Sullivan démontre, a la suite d'un examen, que plus de 50 °/0 des crimes sexuels trouvaient leur cause dans 1'alcoolisme, et que 1'alcoolisme aigu jouait un röle surtout dans les cas de viol sur des adultes. 2) AUTRICHE 1896—97 (VIENNE et KORNEUBOURG). Sur 179 cas de viol, etc. il y en avait 46 (25,7 °/0) commis en état d'ivresse. 3) FRANCE. Dans son rapport au congrès sus-dit, V. Marambat mentionne que 6,6 °/0 des viols et attentats a la pudeur avaient été commis en état d'ivresse. 4) PAYS-BAS 1901. La statistique criminelle communiqué que 11,82 °/0 des condamnés pour des crimes sexuels commettaient 1'acte sous 1'influence de boissons alcooliques. 5) SUÈDE. Sigfrid Wieselgren, directeur général des établissements pénitentiaires de la Suède, mentionne dans son rapport au congrès sus-dit une statistique, qui montre que 36 °/0 environ des auteurs d'attentats contre les moeurs étaient ivres au moment du crime. 6) ') Voir e. a. Dr. A. Grotjahn, »Der Alkoholismus", p. 53 et 86. =) p. 151 «Actes du congres penitentiaire international de liruxelles". s) p. 518—521, Prof. A. Loeffler, » Alkohol und Verbrechen" (Zeitschrift f. d.ges. Strafrw. XXIII). 4) p. 113 »Actes du congres etc." Voir pour la France également Bournet, o. c., p. 69, oü 1'on trouve aussi indiquée la corrélation entre alcoolisme et crimes sexuels en Italië. 5) p. XXVII «Criniintele Statistiek voor het jaar 1901". 6) «Actes etc.", p. 167 43 SUISSE 1892—1896. D'après la statistique criminelle 21,5 °/o de tous les crimes sexuels sont dus a 1'alcoolisme. *) En résumant, nous voyons que les causes de ces crimes sont: la condton économique qui empêche quelques individus de se maner a l'acrp voulu Dar la nature, la position inférieure sociale de la femme, l'afcoolisme, et avant tout la démoralisation sexuelle et le manque de rivilisation des plus basses couches de la societe. II est évident que tous les individus qui vivent dans ce milieu se rendent pas coupables de ces crimes. Les penchants sexuels " nas de force égale a tout age (voir les statistiques aux p. 466 4/ 5. oü il est prouvé que ce sont surtout des jeunes hommes qu. s'en rendent coupables) ni chez tous les individus. II y a des individus qui on es oenchants' sexuels trés prononcés, d'autres qui, sous ce rapport, sont nresque indifférents, et entre ces deux extrèmes il y a la grande majorite. C'est seulement pour la première catégone que le danger d un cnnie coSre les moeurs est grand, pour le» autres il 1'occasion (le viol est presque toujours un crime d occasion), se present oo"r ces o-ens prédisposés le trein moral qui pourrait les reten,r fait défaut S'ils avaient vécu dans un autre nnlieu, eet actc leui aurait ïepugne comme le prouve la statistique, car ce crime n'est pas commis pai des gens d'aums elasses. quoiqu'il y ait „aturellement pa™, ceU^ pronortionnellement autant d'individus que parmi les autres, avec des nench"nts sexuels d'égale intensité. L'occasion de commettre ces crimes n est, heureusement, &pas trés fréquente; comme Vota, re ladit: „le viol est un crime aussi difheile a prouver qu a commettre . Encore quelques mots sur 1'historique de ce crime et les causes qUi °Comate'l'expose ifür Post, la prineipale autorité en cette matiére ») chez beaucoup de peuples primitifs (c. a d. chez ceux ou la position de la femme est trés inférieure) le viol n'est considéré que comme un preiudice porté a la propriété de 1'homme. Ce nest que peu a peu et a mesure que la position de la femme s'améliore, et que ^n mdmdualite est reconnue, que le viol est considéré comme un grave emp.ctemen sur la liberté de la femme, et qu'il est puni comme tel. l) p 36 vDie Ergebnisse der schwcizerischen Kriminalstatistik wahrend der 37l. et sGrundriss der ethnolog,schen Junsprudenz , II. p. C. VlOL ET ATTENTAT A LA PUDEUR SUR DES ENFANTS. Un examen de 1'étiologie des crimes sus-dits démontre qu'une grande partie des individus qui s'en rendent coupables appartiennent a la même categorie de criminels que ceux qui commettent des crimes sexuels sur des adultes. S'ils séduisent ou violent un enfant et non une femme, c'est par des circonstances accidentelies (occasion, manque de force corporelle, etc.), ce sont des brutes qui veulent satisfaire a tout prix leur instinct sexuel; pourtant, ils ne sont pas pervertis. Quoiqu'il y ait une différence quantitative entre celui qui viole un adulte et celui qui commet eet acte sur un enfant (dans ce sens que celui-ci est encore plus grossier et plus égoïste que celui-la), il n'y a point de différence qualitative entre les deux, du moins, quant a une grande partie des criminels dont nous nous occupons maintenant. Nous ne pourrions que nous répéter si nous traitions encore amplement 1'étiologie de ces crimes. Comme pour les crimes dont il est parlé plus haut, il y a aussi pour les crimes sexuels sur des enfants une forte augmentation vers le printemps, le maximum est atteint au rnois de Juin, après lequel il se manifeste une diminution, qui est la plus grande en hiver. ') Les données statistiques pour la France font voir aussi que dans ce pays, les périodes de prospérité économique amènent un accroissement, et celles de dépression un décroissement de ces crimes (Voir Lafargue p. 293, Garraud et Bernard, o. c., p. 408—409), ce qui justifie la supposition qu'il en est de même dans d'autres pays. Comme il a été dit aussi pour les crimes, dont j'ai traité dans la section précédente, tout cela ne nous renseigne que trés peu sur 1'étiologie de ces crimes; 1'intensité de la vie sexuelle en général s'élève et s'abaisse suivant les changements des évéments économiques. Ici aussi ce sont les mariés qui y participent moins que les célibataires et les veufs; les classes pauvres s'en rendent plus coupables que les classes possédantes (voir p. 670); les illettrés et les personnes qui ne savent que lire et écrire figurent aussi dans la statistique avec des chiffres proportionnellement plus élevés que les gens civilisés,2) et 1'alcoolisme se range aussi parmi les causes importantes de ce méfait. 3) 1) Voir e. a. le Dr. R. Garraud et le Dr. P. Bernard, p. 404—405, »Des attentats a la pudeur et des viols sur les enfants". (Arch. d'anthr. crim. I). 2) Quelques cas de crimes sexuels sur des enfants sont causés par 1'extrême ignorance et 1'affreuse superstition dans les plus basses classes de la population, qui croient que le coït avec un enfant est un remède contre des maladies vénériennes. (Comp. sReports on the law relating to the protection of young girls", 1882, p. 37; le Dr. P. Ladame, »De la prostitution dans ses rapports avec 1'alcoolisme, le crime et la folie", p. 24—26; et A. Amschl, »Aberglauben als Heilmittel", p. 397—398 (Archiv f. Krim.-Anthr. und Kriminalistik, XV). 3) L'augmentation en France, dans le courant du XlXe siècle, des cas de viol sur des enfants s'explique probablement, pour une grande partie, par l'augmentation de 1'alcoolisme. L'accroissement réel de ces crimes n'est pourtant pas aussi grand que les chiffres le font supposer. II faut être trés prudent quand il s'agit de conclure du mouvement des chiffres, portant sur une longue période, & un accroissement ou un décroissement réels de la criminalité. De même ici: l'augmentation énorme s'explique, en grande partie par deux révisions de la !oi pénale (1832 en 1863), qui ont élargi la conception de ce crime, en second lieu, il est probable que la police a été améliorée Une comparaison minutieuse des statistiques des crimes sexuels commis sur des adultes et sur des enfants démontre qu'une partie de ceux-ci ont un caractère tout autre que ceux-la. , En comparant p. e. les statistiques de 1 état civil des accuses, on voit que le nombre des mariés qui se rendent coupables de ces crimes sur des enfants est plus grand que celui des mariés parmi ceux qui violent des adultes. Le tableau suivant en fournit la pieuve. FRANCE 1876—1880. Sur 1.000.000 d'habitants de chaque groupe Ftat Civil. ü y a des accusés Pour vio1 sur des adultes. | des enfants. Célibataires $ 37 Mariés 3 2 5 Veufs 3 5° ') La comparaison des statistiques des professions des deux groupes de ces criminels (voir p. 670) montre que dans les crimes sur des enfants, les professions libérales représentent le doublé de ceux commis sur des adultes; de même pour les commercants. 2) Les chiffres sur le degré d'instruction des accusés des deux genres de crimes font voir, que les illettrés sont a peu prés aussi nombreux dans les deux groupes, mais que le pourcentage de ceux qui ont eu une instruction supérieure est de 5 parmi les auteurs du crime sur des enfants, et de 1 a peine parmi ceux qui 1'ont commis sur des adultes. Tandis que, comme nous 1'avons vu plus haut, les crimes sexuels sur des adultes se commettent surtout a la campagne, les villes et les centres d'industrie, occupent une place beaucoup plus importante dans la statistique de ceux sur des enfants; comme preuve le tableau suivant: durant cette longue période et que par conséquent le nombre des cas decouverts a auementé. Comparez Tardieu, o. c., p. 2r—22 ; E. Levasseur, »La population francaise , 11 o La philosophic penale', p. 350, et Leuss, o. c., p. 106. 3) Comparez p. 121 —122 de »Les passions criminelles", par M. Hérard des Glajeux. IV. CRIMES PAR VENGEANCE ET AUTRES MOTIES. En dehors de la criminalité économique, sexuelle et politique, il y a encore une quatrième categorie de crimes dont les motifs sont divers. Nous en traiterons successivement: A. Crimes par vengeance, et B. Infanticide. Le premier groupe est aussi bien qualitativement que quantitativement important; le second 1'est surtout qualitativement. Les crimes commis par d'autres motifs sont soit trés rares, soit trés insignifants, ou bien ils s'expliquent par les mêmes causes que ceux compris sous A, et peuvent donc être passés sous silence.l) i) D'autres motifs de crimes sont encore: a. ambition de dommer (excessivement rare); b. vanitê (aussi trés rare); dans les quelques cas de crimes dont cette qualité est un facteur, elle est ordinairement associée ü d'autres motifs plus importants; c. superstition et fanatisme religieux, se présentant trés rarement dans les pays occidentaux, par contre beaucoup plus souvent dans un pays peu civilisé p. e. la Russie. Comme il est universellement reconnu, ce motif de crime disparait entièrement, aussitöt qu'une population tout entière a atteint un certain degré de civilisation. (Comparez A. Loewenstimm, «Fanatismus und Verbrechen", et >>Aberglauben und Strafrecht"); d. méckanceté et grossièreté', ces crimes ont surtout 1'alcoolisme pour cause, ou sont commis par des jeunes gens des couches les moins civilisées de la population; e. les soit-disants délits par omission, c. a d. délits commis par néqligence. Ces crimes sont causés par 1'excessive ignorance ou par le manque de sentiment de responsabilité de leurs auteurs. Nous nous bornerons seulement a fixer 1'attention sur la circonstance que, dans la société actuelle avec sa vie économique anarchiste, les devoirs qui requièrent nécessairement un fort sentiment de responsabilité, incombent souvent a des personnes, qui par leurs disposition aussi bien que par 1'éducation. n'en sont pas capables. Ou'on pense aussi aux délits d'omission de préposés des chemins de fer, qui par suite de surmenage, ne peuvent plus düment remplir leur tAche; f. crHaute. Ce motif se presente plus souvent que les précédents, mais est néanmoins rare en comparaison p. e. des crimes commis par vengeance. Mauvais traitements des soldats et sévices contre des enfants sont les formes ordinaires des crimes par cruauté. Pour être cruel il faut avoir un grand pouvoir sur autrui et dans les deux cas précités cette condition est remplie (militarisme et pouvoir paternel presque illimité). Plus ce pouvoir est grand, plus est grande aussi la probabilité que celui qui le possède, se permet d'exercer des cruautés sur ses subordonnés (qu'on se souvienne des cruautés sur des esclaves), tandis que cc grand pouvoir est aussi un important facteur de démoralisation. Comme deuxième cause de cruauté on doit nommer le manque absolu de sentiments altruistes. Quand ces deux conditions se trouvent réunies dans un même individu, il est presque sur que celui-ci sera cruel. Du point de vue de 1'égoïstc complet, une cruauté n'est autre chose qu'un A. Crimes commis par vengeance. Dans un travail sociologique comme le nótre, nous n'avons pas a nous occuper de la psychologie de la vengeance. >) Pour notre sujet il suffit de constater que le sentiment de vengeance est inné a chacun, bien qu'a des degrés différents. Aussitót qu'on a porté préjudice a quelqu'un soit corporellement, soit dans ses intéréts, soit a son honneur, etc. le désir de réagir d'une manière ou d'une autre, apparait immédiatement. S'il se transforme en un acte, eet acte provoque a son tour une réaction plus forte de la partie adverse etc. C'est ce penchant qu'on appelle le sentiment de vengeance. 2) II faudra donc commencer par traiter des causes excitant les sentiments de vengeance 3), et fixer 1'attention sur les deux principales catégories de causes: celles qui découlent de la vie économique, et celles qui proviennent de la vie sexuelle. Parions d'abord des causes qui résultent de la vie économique. Le principe fondamental du mode de production dans lequel nous vivons, c'est la concurrence, la lutte, en d'autres termes c'est porter préjudice aux autres. Aussi sont-ils innombrables les cas dans lesquels amusement qu'il se procure en voyant la conduite trés sdróle" du maltraité. A mon avis, il n'y a pas de raison pour considérer la cruauté comme une qualité distincte. En examinant les causes principales de sévices contre des enfants, on découvre qu'elles sont: le manque total de connaissances pédagogiques dans les classes les plus inférieures de la population (c'est lk que ces crimes se présentent presque exclusivement), dans lesquelles les gifies et les coups de pied, considérés comme la panacée dans 1'éducation. induisent facilement & des sévices. Tres souvent 1'enfant maltraité est malade, ou d'humeur hargneuse et par cela difficile a élever. (Comparez Tomel et Rollet, «Les enfants en prison", p. ioS sqq.). En deuxième lieu, le milieu démoralisé, d'oü sortent les auteurs, et la misère abrutissante et 1'ignorance dans lesquelles ils vivent (comparez L. Ferriani, oEntartete Mütter", p. 75 sqq.). En troisième lieu, 1'alcoolisme (comparez C. Hugo, «Kind und Gesellschaft", p. 565). II est évident que parmi les personnes vivant dans les conditions désignées, ce nesont que ceux dont 1'amour paternel inné est minime, et dont les sentiments sociaux innés ont aussi peu d'intensité, qui se rendent coupables de ces crimes. (Sur ce genre de crimes en général, voir encore le Dr. P. Aubry, »De 1'homicide commis par la femme", III, »Les libéricides" dans les Arch. d'anthr crim. VI, et S. Sighele, »Le crime a deux", ch. VI). Pour une énumération compléte de motifs de crime, voir: le prof. Fr. v. Liszt, «Die psvchologischen Grundlagen der Kriminalpolitik", p. 490—494 (Zeitschr. f. d. ges. Strw. XVI) et le Dr. W. Starke, «Des éléments essentiels qui doivent figurer dans la statistique criminelle et des moyens de les rendre comparables", p. 77-78 (Bulletin de 1'inst. intern, de statistique 1889). 1) Sur la psychologie de la vengeance, voir le Dr. S. R. Steinmetz, «Ethnologische Studiën zur ersten Entwicklung der Strafe", I, p. 99 sqq. -) Sur les sentiments de vengeance innés: le Dr. A. H. Post, »Bausteine für eine allgemeine Rcchtswissenschaft", I, p. 140 sqq.; le Dr. N. Colajanni, «Sociologia criminale", II, p. 64; Ch. Letourneau, »L'évolution juridique", p. 7 sqq.; P. Lafargue, «Der Ursprung der Idee des Gerechten und Ungerechten", p.421 (NeueZeit, 1898-1899II). 3) II y a aussi des crimes qui sont commis sans que les sentiments, qui ont poussé 1'auteur, aient été excités par des causes extérieures mais dans lesquels ce n'est que 1'antipathie qui est en jeu, cependant ces cas appartiennent a de rares exceptions. II arrivé pourtant souvent que dans les crimes par vengeance, 1'antipathie innée est un de leurs facteurs. Si on le laisse de cóté, l'étiologie des crimes par haine est u peu prés la même que ceux commis par vengeance. le sentiment de vengeance est suscité par la vie économique. Beaucoup de sociologues relèvent la beauté de cette lutte et prétendent qu'elle a d'excellentes conséquences pour la société. Nous nous abstiendrons d'examiner si cette assertion est juste ou non; pour le sujet dont nous nous occupons il importe de ne pas fixer 1'attention sur les heureux vainqueurs, mais au contraire sur les vaincus. Après 1'exposé antérieur du système de production actuel, il est superflu de démontrer tous les intéréts économiques opposés et les sentiments des intéressés qui en résultent, mentionnons-en quelques-uns, les autres se comprendront aisément. Qu'on s'imagine p. e. la disposition d'esprit d'un petit détaillant qui se voit totalement ruiné par la concurrence que lui fait le grand bazar du voisinage ; ou bien celle d'ouvriers souffrant de fortes privations durant une grève qui se voient supplantés par d'autres qui ne songeant qu'a leur intérêt immédiat font ainsi avorter la grève; qu'on se figure encore les innombrables cas dans iesquels des questions d'héritage éveillcnt des sentiments de vengeance etc. Et a cóté de tout cela, qu'on se représente la vie économique des communautés de villages oü tous les intéréts économiques étaient parallèles, et oü par conséquent la vie économique n'engendrait ni envie, ni jalousie. Celui qui saisit les énormes dilïérences entre ces deux modes de production, comprend aussi combien les sentiments de vengeance sont excités par le système de production actuel '). En second lieu: jusqu'a quel point les sentiments de vengeance sontils suscités par la sexualité ?2) Comme le remarque Sutherland dans son „Origin and grovvth of the moral instinct," il n'y a point de peuples qui ne soient pas pius ou moins jaloux dans la vie sexuelle 3) mais on peut, sous ce rapport, observer de trés grandes ditiférences. Tandis que p. e. Fr. Nansen raconte que les femmes des Esquimaux ignorent presque la jalousie sexuelle 4), il y a d'autres peuples, chez Iesquels la femme est tuée par son mari, quand un homme étranger lui témoigne quelques égards 5). Les faits démontrentfi) que, plus le pouvoir de 1'homme sur la femme est grand, plus est grande aussi la jalousie sexuelle de 1'homme, jalousie qui se manifeste e. a. par la punition trés sévère de 1'adultère. Sous ce rapport il faut relever le fait que les mauvaises conditions d'habitation, dans lesquelles les classes pauvres vivent forcément, donnent souvent lieu a des querelles. C'est ce qui explique probablement la grande participation des femmes mariées ü ce genre de crimes (voir p. 515—516). Comparez lc Dr. F. Prinzing, »Soziale Faktoren der Kriminalitat", p. 558, et prof. Aschaffenburg, «Das Verbrechen und seine Bekampfung", p. 135. 2) Sur cc genre de crimes (soi-disant crimes passionnels) voir les deux monographies: L. Ferriani, «L'amorc in tribunali'', ct le Dr. L. Holtz, »Les crimes passionnels". 3) II, p. 131. • 4) p. 143, «Eski'moleben". Cette jalousie si pèu prononcée ne trouve pas son origine dans la race ou le climat, ainsi que le protive la circonstance que 1'influence des moeur* des Européens y a apporté de grands changements. (Voir o. c., p. 145). r>) Voir Ch. Letourneau, »L'évolution du mariage et de la familie", p. 275. G) Voir Steinmetz, o. c., II, p. 303, et Sutherland, o. c.. I, ch. VIII. Celui qui a un droit sur quelque chose veut la garder pour lui seul, et ne tolère pas qu'un autre y porte atteinte. Quand 1'homme considere la femme comme sa chose, ou quand il a un grand pouvoir sur elle la jalousie sexuelle se joint aux sentiments résultant de la propriété. Ces derniers sentiments étaient plus prédominants chez les peuples prinntifs que la véritable jalousie sexuelle, le fait que chez beaucoup de ces peuples un des devoirs de 1'hospitalité prescrivait de mettre la femme a la disposition de 1'höte, en est une preuve. De la forme actuelle du mariage (de même que chez beaucoup de peuples primitifs) il résulte que les deux partis ont un droit 1 un sur 1'autre. ') La violation de ce droit est considérée comme un grave prejudice qui fait naitre des sentiments de vengeance. Ce phénomène n'est pas naturel mais historique. Si 1'état de la société tel qu il est de nos jours ne nécessitait pas une stabilité artificielle des relations sexuelles, si 1'homme et la femme étaient économiquement indépendants, ils ne croiraient pas avoir des droits 1'un sur 1 autre.-) Voila le premier lien entre la jalousie sexuelle et 1'ambiant social. Mais il y en a encore un second, quoique plus éloigné, c. a d. que ce n'est que chez ceux qui n'ont qu'une conception grossière de la vie entre mari et femme, que surviennent des sentiments de vengeance quand 1'amour disparait chez 1'un deux. Ceux qui grace au milieu dans lequel ils vivent ont une autre idéé des relations entre homme et fetnme, tout en ressentant la plus violente douleur, restent étrangers aux sentiments de vengeance. Celui qui sait que ni 1'amour ni la sympathie ne se commandent, sait aussi qu'un droit dans cette matière, ne saurait apporter de changement dans les sentiments et ne resterait qu'apparent; il ne voit que 1'action de la fatalité, la oü la brute ne voit que mauvaise volonté. Voila e. a. pourquoi le nombre des crimes passionnels est moins grand parmi les civilisés que parmi les non-civilisés. II faut que je fixe encore 1'attention sur une sorte de crime passionnel: sur la vengeance de la femme séduite et puis abandonnée. A cóté de la jalousie sexuelle il y a, dans ces cas, encore d'autres motifs qui jouent leur róle. Souvent la femme ne s est pas donnée seulement par amour, mais aussi avec la perspective d'un mariage ou d'une amehoration de sa position économique. Ce n'est donc pas la vengeance sexuelle qui est ici souvent le motif, mais aussi la vengeance pour des raisons 1) II est évident que cela intlue aussi les relations qui ne sont pas sanctionnées ^ 2) Les faits sont la pour prouver que ce raisonnement n'est pas hypothétique. On ne trouve presque pas de mention de jalousie sexuelle la ou 1'homme et la femme occupent tous deux une position indépendante. Comparez L. H. Morgan, »Die Ur- ^ Le mariale actuel se relie encore d'une autre facon aux crimes dont nous traitons ici, sans que "la vengeance soit le seul motif c. a d. 1'assassinat dun des epoux par 1'autre, afin de rendre possible un mariage avec un tiers. . . „ Quand les statistiques criminelles parient de sdiscussions domestiques comme cause de crime, des motifs économiques peuvent être en jeu (discussions entre marl et femme paree que le salaire n'est pas remis a la femme, etc.), ou bien des motifs sexuels, ou encore des disputes par suite d'incompatibihte d humeur. Ces motifs se relient & leur tour a 1'indissolubilité du mariage qui contraint des personnes qui par leur nature ne sont pas propres a etre unies, a vivre ensemble. économiques. ') Relevons encore que dans ces cas la défense de la paternité peut aussi être un facteur qui augmente les sentiments de vengeance. 2) Après avoir indiqué les deux principales catégories des causes qui éveillent des sentiments de vengeance, il faudra maintenant exaniiner pourquoi ces sentiments se traduisent en actes, chez quelques individus. 3) Beaucoup de criminalistes veulent que pour ces crimes curtout li. iiiilieu soit peu important et les facteurs individuels prépondérants. Examinons si les faits donnent raison a cette thèse. Commencjons par nous demander ce que le mouvement de ces crimes nous apprend? Comme la statistique le démontre, ils augmentent vers le printemps, atteignent leur maximum en été, après quoi commence la diminution, pour arriverau minimum en hiver. Comme preuvele tableau suivant: ALLEMAGNE 1783—1892. CRIMES. S'il se présente dans 1'année 100 crimes par jour, il y en aura dans les mois suivants par jour Janvier. Février. Mars. Avril. Mai. Juin. Juillet. . Aoüt. Septembre. Octobre. Novembrc. Décembre. : ' ! ; : I Coups et bles- 88 84 100 84 102 116 119 116 110 106 93 80 sures graves. Meurtre 75 78 78 95 108 113 118 133 124 106 93 78 *) Quelques auteurs cherchent au loin une explication, qui se trouve pourtant bien prés: en été les gens ont plus de contact entre eux, ce qui fait naitre 1'occasion de disputes, et un plus grand danger de méfaits qui en résultent. On peut résumer les principales données sur le mouvement de ces ') Comparez Holtz, o. c., p. 52—54. 2) Comparez Holtz, o. c., p. 147—149. 8) Les crimes qui constituent une réaction & un préjudice subi, s'étendent de 1'injure, délit insignifiant trés fréquent mais peu puni, jusqu'au plus grave des crimes, c. a d. 1'homicide. Pour des raisons facilement compréhensibles, nous ne traiterons ici que des graves réactions. Plus le préjudice est sensible, plus le danger, que la réaction le soit aussi, est grand. En second lieu, il dépendra de la personne lésée et de son milieu, de quelle facon la réaction se fera. Une personne faible se vengera plutót par des injures qu'en usant de la violence, tandis qu'un individu vigoureux emploiera plutöt la force; etc. 4) «Kriminalstatistik für das Jahr 1894," II, p. 52. II est intéressant d'observer que la courbe du meurtre n'a pas un cours aussi régulier que celle des coups et blessures graves. II est probable que la cause en doit être recherchée dans le fait que le meurtre est aussi commis pour des causes économiques. La courbe de 1'assassinat (commis surtout pour des raisons économiques) a un cours tout différent. crimes dans le courant des années, en rapport avec la conjoncture économique, citées dans la première partie comme suit: ANGLETERRE 1840—1890. Le Dr. Fornasari di Verce attirait 1'attention sur le fait que les crimes contre la personne (représentés, pour une grande partie. pai les crimes par vengeance) augmentent en des périodes de prospérité économique, et vice versa (voir p. 197. Voir ausi les données du Dr. Mayr P- 57 et 58). BAVIËRE 1835—1861. Le Dr. Mayr démontrait pour cette période que les crimes contre la personne augmentent .quand les prix du blé baissent, et vice versa. (Voir p. 52—54, et les diagrammes p. 62—70). ITALIË 1873—1890. D'après 1'étude du Dr. Fornasari di Verce il y a diminution d homicide et de coups et blessures quand les conditions économiques empirent, et vice versa. (Voir p. 196). NOUVELLES GALLES DU SUD 1882—1891. Le même auteur mentionne que, homicide et coups et blessures augmentent, que les délits peu graves contre les personnes par contre diminuent quand les conditions économiques empirent, et vice versa (voir p. 198). PRUSSE 1854—1896. Le Dr. Starke et le Dr. Miiller démontraient que les crimes, dont nous nous occupons en ce moment, augmentent, quand les conditions économiques s'améliorent, et diminuent quand les conditions empirent (Voir p. 97 et 127, ainsi que les tableaux et les chifïfres annexes). Cependant ils démontraient en même temps que ces phénomènes n'ont eu lieu qu'au commencement de la période observée par eux; plus tard ces crimes suivent leur propre chemin. ') ZÜRICH (CANTON DE —) 1853—1892. Pour 'a dite période le Dr. Meyer prouvait que les délits contre les personnes augmentent quand les conditions économiques s'améliorent. (Voir p. 160 et planche IV.) En examinant ces résultats 011 s aper(joit que les crimes en question tendent a augmenter dans des périodes de prospérité, et vice 1) Dans son oeuvre >>Getreidepreise und Kriminalitat in Deutschland", H. Berg démontrait que, durant les années 1882—1898, les délits contre les personnes en Alle mag ne n'ont été nullement influencés par les événements économiques (\ oir P 3 J'ai' comparé moi-même la courbe du meurtre en France durant la période 1825—1882, et celle des événements économiques, et je n'ai non plus remarque de rapport entre celle-ci et cclle-la. versa; mais on voit en même temps qu'il y a aussi des exceptions importantes (Nouvelles Galles du Sud et France), et qu'en Allemagne dans les dernières 20 a 30 années cette tendance ne se présente pas non plus. II n'cst pas difficile, a ce qu'il me semble, d'expliquer pourquoi ces crimes veulent augmenter en des périodes de prospérité. Les hommes ont alors des rapports plus fréquents, ils vivent un peu plus pour leur amusement, et consomment (et ceci est certainement une des plus importantes raisons) plus d'alcool qu'a 1'ordinaire. Quelques auteurs voient dans ce mouvement des délits contre les personnes une loi naturelle, d'après laquelle la criniinalité serait une quantité fixe, se manifestant en crimes économiques dans des périodes de dépression économique, et en crimes contre les personnes dans des périodes de prospérité. Comme je 1'ai déja dit plus d'une fois, cette opinion est erronnée. S'il était vrai en effet qu'une amélioration des conditions économiques dut inévitablement amener une augmentation de délits contre des personnes, la classe d'individus qui se trouvent toujours dans d'assez bonnes circonstances se rendrait aussi dans une grande mesure coupables de ces crimes. La statistique nous apprend le contraire. Ainsi nous abordons maintenant la question trés importante: quelles sont les classes de la population qui se rendent surtout coupables de ces crimes? Comme le démontrent les statistiques antérieurement citées, ce sont les classes les plus pauvres (voir p. 492 sqq.). En Italië p. e. 89,8 °/„ de ceux qui commettaient un homicide, et 91,1 °/0 de ceux qui se rendaient coupables de coups et blessures, étaient „indigents ou avaient le strict nécessaire", qui ne forment que 60 °/0 de la population non-criminelle. De même pour ce qui concerne 1'Autriche, et la statistique des professions donne le même résultat pour 1'Allemagne (voir p. 496 et 497)- La statistique qui donne des renseignements sur le degré d'instruction de ces criminels est plus intéressante encore. Comme nous 1'avons vu plus haut, il n'y avait que 0,1 °/0 de ceux qui se rendaient coupables de coups et blessures, qui avaient eu une instruction supérieure, tandis que 40,5 °/o de ces criminels étaient analphabètes, et 59,4 °/0 ne savaient que lire, ou lire et écrire. En France étaient illettrés complets en 1896—1900: 16 °/0 des auteurs de coups et blessures, et 15 °/0 des assassins, tandis que sur la population en général, il n'y avait que 4,50/0 qui ne savaient pas signer leur nom. En Italië 1% seulement des assassins et 0,6 °/o ^es coupables de coups et blessures graves avaient eu une instruction supérieure, 99 resp. 99,4 °/0 d'eux étaient analphabètes, ou ne savaient que lire et écrire. Voila des chiffres frappants. Sous ce rapport nous nous arrêterons un moment a la géographie de ces crimes et placerons, a cóté de ces chiffres, ceux de 1'analpbabétisme. Nous commencons par 1111 tableau des chiffres de Phomicide et des coups et blessures suivis de mort, portant sur quelques pays de 1'Europe Homicidcs et coups et bles- j : Analpha- PAYS. Années. j sures suivis de : Années. ■ bétisme. I mort sur i mill. j j % d'habit. Italië 1880—84 70,0 1882 57,43 Espagne 1883—84 64,9 1889 68,10 Hongrie 1876—So1 $6,2 1880 S9>7° Autriche 1877—81 10,8 „ 4°,10 Belgique 1876—80 8,5 „ 21,66 Irlande 1880—84 8,1 1882 ±30,00 France „ 6,4 „ 13>10 Ecosse „ 4,4 » ±11,00 Angleterre „ 3,9 1883 14,00 Allemagne 1882—84; 3,4 1881—82 1,54 Hollande 1880—81 3,1 1880 11,50') Personne ne niera le parallélisme frappant entre les deux colonnes: les chifïfres les plus élevés de 1'homicide etc. se trouvent la oti se trouve aussi le plus grand chiffre des analphabètes. Ainsi que nous 1'avons vu déja, les statistiques internationales offrent certains défauts inhérents qui en amoindrissent sensiblement la valeur. Les chififres suivants sont meilleurs sous ce rapport. AMÉRIQUE DU NORD. (Etats-Unis de 1'-). Nombres d'homici- Tiiettrés ORIGINES. dessur ioo.ooohabit. 0, immigrés. '° Suisse, Norvège, Danemark 5,8 ± 0,42 Allemagne 9,7 ; „ °,57 Angleterre et Ecosse . . 10,4 „ 2,50 Autriche 12,2 „ 16,73 Irlande 17,5 >»4I»6S France 27,4 „43,60 Italië 58,1 „ 51,77 2) 1) Les chiffres sur 1'homicide etc. ont été empruntés k E. Ferri, «Atlante antropologico-statistico dell' Omicidio", p. 246—248. L'auteur donne encore les chififres d'autres pays, mais dont je n'ai pu me procurer de données sur 1'analphabétisme. Les statistiques des analphabètes ont été prises, celles de 1'Italie, de la Belgique, de la France, de 1'Allemagne et de la Hollande dans les statistiques officielies; les autres dans «The Statesman's Year Book, 1902". 2) Empruntés au Dr. N. Colajanni, «L'homicide en Italië", p. 49 (Revue Socialiste 1901). Donc, ici aussi un parallélisme frappant. Nous entamerons maintenant la géographie de 1'homicide etc., dans les différentes parties d'un pays; quelques-unes des fautes inhérentes a la géographie du crime en sont donc éliminées. ALLEMAGNE 1893—1897. FTATS Nombre de con Nombre Nombre de voix LTATS damnés pour coups d>ana, ha. données k dessoci. ET ° ) essures gya\es bètes sur alistes, lors de 1'élec- sur 100.000 habi- loorecrues. tion l8 8 sur PROVINCES. izans" (,892~93'' voix valables*). Bavière 391 °>°3 18,0 Prusse occidentale ... 334 4>01 4»9 Posnanie 326 1,72 1,7 Brême 277 0,28 46,6 Prusse oriëntale .... 265 0,98 18,3 Silésie 252 0,57 22,3 Bade (Grand Duché) . . 250 0,02 19,1 Hesse 248 0,03 33,9 Alsace-Lorraine .... 237 0,30 22,7 Poméranie 227 0,22 17,2 Westphalie 223 0,08 17,7 Allemagne 219 0,38 27,1 Prusse 211 0,59 24,1 Province rhénane ... 201 0,08 15,0 Wurtemberg 197 0,04 20,3 Saxe (province) .... 185 0,07 34,0 Brandebourg 184 0,15 3) 35,6 Hesse-Nassau 161 0,14 30,9 Hanovre 146 0,04 25,6 Berlin (Ville) 137 0,15 3) 59,5 Hambourg 120 0,00 62,4 Slesvig-Holstein .... 106 0,10 38,9 Saxe (Royaume). ... 82 0,01 49>4*) Le parallélisme entre les deux premières colonnes est indéniable, tous les états et les provinces dont les chiffres analphabétiques sont bas t) j>ai choisi le crime de coups et blessures graves, puisqu'il est commis spécialement par vengeance, et puisque les chiffres du meurtre sont trop petits en Allemagne pour pouvoir servir comme matériel de statistique. 2) Plus loin j'expliquerai pourquoi ces chiffres sont aussi mentionnés ici. 8) La statistique que j'avais a ma disposition ne donnait qu'un seul chiffre pour le Brandebourg et Berlin ensemble. 4) La première colonne a été empruntée ii «Kriminalstatistik für das Jahr 1898" II, p. 27—30; la deuxième & «Statistisches Jahrbuch für das Deutsche Reich, 1894", p. 151; la dernière est calculée d'après «Statistik der Reichstagswahlen von 1898", p. 3. présentent également des chiffres peu élevés pour le crime et vice versa, a quelques exceptions prés, surtout pour la Bavière et la ville de Brême. La raison pour laquelle la Bavière est en téte c'est sans doute paree que 1'alcoolisme y règne trés fort. AMÉRIQUE DU NORD (Etats-Unis de 1'-) (1890—1900). Etats. Nombre d'habit. en 19c» J sur chaque assassinat (chiffre moyen annuel de 1890—1900). ; Analphabètes sur chaque( 100 habit. de plus de j 10 ans (1900). Etats. Nombre d habit. en 1900 sur chaque assassinat (chiffre moyen annuel j de 1890—1900). Analphabètes sur chaque | 100 habit. de plus de I 10 ans (1900). Nevada. ..J 1.086 12,8 Nebraska .... 6.360 3,1 Colorado . . . 2.141 5,2 Caroline du Nord . 6.645 35.7 Montana . . . 2.704 5,5 Etats-Unis .... 7.649 13,3 Texas . . . j 2.986 j 19,7 Rhode-Island . . . 8.241 9,8 Mississippi. . . 3.001 40,0 Missouri 8.582 9,1 Floride. . . . 3.367 27,8 Dakota du Sud . . 8.924 4,2 Californie . . . 3-5!9 7.7 Dakota du Nord. . 11.005 6,0 Delaware . . . | 3.849 14,3 Virginie occidentale .! 11.021 14,4 Louisiane . . . 3-^59 45.^ Indiana 11.037 6,3 Alabama . . . 3966 41,0 Minnesota .... n.105 6,0 Wyoming . . . 4.206 3,4 Iowa 11.147 3.6 Maryland . . . 4-250 15.7 Michigan .... 11.810 5,9 Arkansas . . . 4.300 ! 26,6 Connecticut. . . . 12.443 5,3 Utah .... 4-855 5,6 Ohio 12.523 5,2 Tenessee . . . | 4-957 ! 26,6 Wisconsin .... 13-43 5 6,7 Washington . . 5-°79 4.3 New-York .... 14*195 5.5 Orégon ... 5.235 4,1 Illinois i5-3°6 5.2 Kentucky . . . 5-394 21,6 New-Yersey . . . 15.697 6,5 Georgie . . . 5.817 ; 39,8 Pennsylvanie . . . 20.169 6,8 Idaho .... 5.992 5,1 Massachusetts . . . 29.222 6,2 Caroline du Sud. 6.064 45.° Maine 3S.581 3,3 Virginie . . . 6.079 3°>2 New-Hampshire . . 45-732 6,8 Kansas. . . . 6.253 4,0 Vermont 57-274 6,71) Quoique moins complet que dans la statistique précédente, le parallélisme est tout de méme frappant; tous les états, saufun, qui sont en dessous de la moyenne de 1'analphabétisme, se rangent aussi au bas de la liste de 1'homicide. II reste a citer quelques exceptions trés remarquables, c. a d. il y a des états avec de petits chiffres d'analphabétisme et qui ont tout de méme des chiffres élevés d'homicide. II ne m'est pas ') Empruntés h Appendix B de H. M. Boies, »The Science of penology". possible d'en expliquer la cause, les détails sur ce pays me faisant défaut (il est trés remarquable que les états, qui constituent les exceptions, sont généralement des états récents). Le rapport entre ces crimes et 1 analphabétisme est pourtant indéniable. italië 1880—1883. PROVINCES. Homicides simples et coups et blessures suivis de mort sur 100.000 habitants. Analphabètes parmi j les conscrits i PROVINCES. (1896). °/o x) | Homicides simples et coups et blessures suivis de mort sur 100.000 habitants. Analphabètes parmi es conscrits (1896). °/o Girgenti. . . 36,5 65,15 Macerata . . 7,5 43,43 Campobasso . 29,5 56,35 ^alie • • ■ • 7,° 36,65 Avellino. . . 29,5 56,07 Lecce. ... 6,9 5»,57 Caltanissetta . 29,0 58,02 Ascoli Piceno . 6,7 53,»i Catanzaro . . 27,3 65,76 Pise .... 6,0 35,«6 Trapani ... 26,1 58,49 Trévise ... 5,9 24,95 Cosenza . . . 25,7 44,17 Cunéo • • • 5,5 i8,W> Palerme. . . 22,3 45,21 Alexandne. . 5,2 9,»6 Naples . . . 22,2 45,15 Tunn • • • 4,9 I9,7« Potenza . . . 21,4 55,63 Florence. . . 4,3 35,10 Caserte ... 21,3 43,11 Gènes. ... 4,2 24,16 Aquila . . . 20,7 38,56 Mantoue. . . 4,0 25,06 Calabre . . . 19,5 43,95 Udine. ... 4,0 ",08 Rome . . . 17,7 35,33 Vemse. ... 3,9 31,92 Salerne ... 17,4 60,37 Bologne ... 3,9 24,68 Catane . . . 16,7 64,04 Sienne. ... 3,9 4»,56 Chieti . . . 16,6 57,44 Piacenza. . . 3,5 37,82 Sassari ... 16,1 53,09 Padoue ... 3,0 34,32 Livourne . . 14,0 15,68 Porto Maunnio. 3,0 13,64 Teramo . . . 13,8 61,37 Novara ... 2,9 12,18 Arezzo ... 13,4 38,60 Bergame. . . 2,8 27,00 Ancone ... 13,1 36,24 Vicence ... 2,5 31,41 Lucques. . . ii,9 i8-49 Brescia ... 2,5 20,72 Messine . . . 10,9 49,52 Emilie . . . 2,4 33,0 Forli .... 10,2 49,63 Cóme. ... 2,3 8,89 Grosseto. . . 10,2 61,42 Pavie. ... 2,3 21,39 Bari .... 10,1 64,60 Véronne. . . 2,3 3',86 Ravenne. . . 10,1 43,23 Perraie . . . 2,2 36,9" Perugia . . . 10,0 48,99 Modène ... 1,8 35,4' Cagliari . . . 9>7 68,08 Bellune ... 1,7 25, 2 PesaroeUrbino. 9,4 53,94 Crémone. . . 1,6 12,71 Massa e Carrara. 8,3 34,46 Milan. ... 1,4 1 >5 Parme ... 1,1 31,6i>" 1) A mon regret je n'ai pu me procurer des chiffres portant sur 1880—1883; les férences entre les provinces sont probablement les mêmes que pour 1896. «, Empruntés a Ferri, «Atlante dell'01 -cidio," p. 250-251; les deuxiemes colonnes t été empruntées a »Annuario statistico u iano 1900, p. 177 17"* Dans ce pays aussi le parallélisme est indéniable: presque toutes les provinces avec de petits chiffres d'analphabètes ont aussi des chifïfres peu élevés de criminalité, et vice-versa. Pour finir quelques chiffres portant sur: PAYS-BAS 1901. _ , Analphabètes Coups et ,es PROVINCES. blessures sur £onscrits. 10.000 habit. 0/0 Drente 15»9 7>2 Limbourg 13»7 3>6 Brabant septentrional. . . ; 12,9 4,1 Groningue ! 12 >6 \ 2>^ Zélande 1 8,3 2>3 Overyssel 8,2 3)3 Gueldre 8,2 1,7 Pays-Bas 7>6 2>3 la Frise 7>3 2>3 Utrecht 6,9 1,1 Hollande méridionale. . . 4.2 I>1 „ septentrionale . . 3.^ I>2') Donc ici aussi en général confirmation de la règle constatée dans d'autres pays.2) 1 En vertu de toutes les données precedentes ïl faut conclure que ce sont les individus les moins civilisés qui commettent ce genre de crimes. Comment 1'expliquer? C'est ce que nous allons examiner. La première cause en est que, plus une personne est civilisée, moins les sentiments de vengeance naitront, quand d'une manière ou d'une autre il lui est porté préjudice. Plus on connait le mobile des actions moins le sentiment de vengeance surgira. Un enfant veut même se venger sur un objet inanimé auquel il se blesse; il en est presque ainsi pour les aens peu civilisés, qui se rendent si rarement compte du mobile des actions humaines. II n'y a pas encore si longtemps qu'on se vengeait des aliénés, fait qui a présent ne saurait plus se produire. En second lieu, quand 1'idée de vengeance surgit chez un liomme civilisé celui-ci sera plus a même de se contenir; il est moins impulsif que 1'homme peu civilisé; il sait que, plus tard, il se repentirait de son acte et aussi qu'il peut entrainer des suites föcheuses pour lui. i\ La première colonne calculée d'après »De crimineele statistiek van 1901", la deuxième prise des «Jaarcijfers voor het Koninkrijk der Nederlanden, 1901 , p. 47- 3) Ie n'ai pu me procurer de chiffres sur d'autres pays. Pour !o. Hongrie Dr Colajanni communiqué, dans son oeuvre déja citée, que la aussi ces crimes sont le plus nombreux dans les contrées les moins civilisées (p. 47); cela peut etre aussi dit, en général, de la Russie (p. 48). Je ne connais qu'un seul pays ou, en general, ces crimes n'uient pas de parallélisme avec 1'analphabetisme, c est la France. En troisième lieu, la civilisation inspire une grande aversion pointes actes violents. Ainsi nous arrivons a la corrélation entre ces crimes et 1'éducation dans les classes pauvres. L'enfant est souvent porté a la vengeance; il n'a point de frein intérieur pour contenir ses passions. Quand son éducation a été négligée il courra, avec 1'age, plus que d'autres, le danger de se rendre coupable de ces crimes. Et puis, l'enfant est trés imitateur. Si 1'on avait une bonne statistique sur les criminels violents, on verrait qu'ils sortent presque toujours d'un ambiant dans lequel on usait souvent de violence. Tous les auteurs qui se sont spécialement occupés de ce sujet sont d'accord sur ce point. ') Le moyen d'éducation, si souvent employé dans les classes inférieures (c. a d. les coups), a pour conséquence naturelle que les enfants, devenus grands ne craignent pas non plus de faire usage de la violence. 2) II faudra faire ici encore une observation. Beaucoup de personnes sont d'opinion qu'il est trés naturel, qu'on n'a pas le droit de se faire justice a soi-même pour se venger d'un préjudice soufïfert. La sociologie nous apprend qu'il en est autrement. Chez les peuples primitifs la vengeance au lieu d'être un acte défendu, était au contraire un devoir sacré. Peu a peu la vengeance d'abord illimitée se réduisit a „oeil pour oeil, dent pour dent", remplacé plus tard par la soi-disante composition, qui a son tour dut céder la place aux peines, infligées par une autorité placée au-dessus des deux parties. 3) Si 1'on recherche quelles sont les contrées oti 1'homicide et les coups et blessures se commettent le plus fréquemment, on voit que ce sont celles qui sont les plus arriérées vis a vis des autres parties de 1'Europe, et présentent ainsi une image des temps passés. Ici nous avons spécialement en vue la Sicile (voir le tableau sur 1'Italie quelques pages plus haut) et la Corse (tandis que dans la période de 1880—1884 il y avait en France en moyenne 6,4 homicides et coups et blessures suivis de mort sur 1.000.000 d'habitants, le chifïfre pour la Corse pour 1'homicide seul était de 110,2). Rien n'est plus inexacte que de croire que nous avons affaire ici a une question d| race. Comme le fait remarquer 1e prof. Tarde (voir la citation p. 162—163), il y a eu un temps oü les habitants de ces pays étaient au contraire beaucoup moins violents que les peuples septentrionaux si peu enclins a présent a ce genre de crime. Ces deux iles ont un chiffre si élevé puisque la „vendetta" y est encore universelle et qu'on la considère comme un devoir.4) Quoique dans une mesure moins grande, il en est a peu prés de 1) Comparez le Dr. P. Moreau de Tours, «L'homicide commis par les enfants", p. 53 et 77; L. Ferriani, »Entartete Mütter", p. 73 et 167, et sMinderjahrige Ver- brecher", p. 134 sqq. 2) E. Key communiqué dans »Das Jahrhundert des Kindes", qu'en Italië les enfants re$oivent trés souvent des coups (p. 149), ce qui est certainement une des raisons, pour lesquelles 1'Italie montre des chiffres si élevés pour ces crimes. 3) Le Dr. Steinmetz, «Ethnologischen Studiën zur ersten Entwicklungder Strafe" I, p. 299 sqq. <) Comparez Colajanm, o. c., p. 39. mêmc pour ce qui conccrne cette criminalité parmi les classes inferieures danT'd'autres pays. Ce sont elles qui, par leur mamère de v.vre ressemblent le plus a nos ancêtres lointains. Elles ne sont. du moms pas autant que les autres classes de la société, penetrees de 1 idee, quon n'a pas le droit de se venger personnellement. Au contraire on > considère souvent comme une lacheté de laisser passer une offense o un préjudice, sans en tirer vengeance. ') Voila pourquoi on y^ resist souvent aussi a la police, considérée comme une intruse, qui s occupe "^tlfsont lPesSprincipales causes pour lesquelles les classes les moins civilisées se rendent le plus coupables de ces erin , et ainsi 1'on voit également leur étiologie. Au premier tableau donné sur la relation entre analphabètes et coups et blessures graves (Allemagne), nous ajoutions aussi le pourcentage des voix données aux socialistes. Comme le dit-tablrau fe démontre le pourcentage de ces voix est en general le plus petit dans les régions, oü le genre de crime dont nous traitons est le plus fréquent et vicUersa. II est donc évident qu'il y a une corrélation entre ces deux phénomènes, et elle s'explique facilement. Dans les milieux ouvriers 0C1 le socialisme commence a se frayer un chemin, grandit petit a petit un intérêt pour d'autres choses que celles dont ouvriers s'occupaient autre fois dans leurs heures libres. Ils commencent a se civiliser, et a prendre en aversion les amusements grossiers En même temps leurs sentiments de solidanté sont reveilles, et ainsi se forme un puissant frein moral contre le crime. C'était spécialement les chiffres des crimes commis par vengeance nue nous placions a cóté de ceux des voix données a des socialistes, puisque la relation entre les deux phénomènes en ressort tres distinctement. Cependant, cette corrélation existe aussi pour le reste de 1 criminalité, car presque toutes les contrees avec un grand nombre de votants socialistes présentent aussi des chiffres assez bas de criminalité et vice-versa. Tout de même, cette corrélation n est pas aussi giande pour les autres genres de crimes que pour ceux dont ïl est questio \ présent ce qui s'explique par le fait, qu'une grande partie des criminels qui s'en rendent coupables ne ressemblent pas beaucoup aux autres criminels, et prineipalement a ceux qu, ne res,«cte„t pas k oropriété d'autrui (excepté les criminels par misere). Ces derniers, avides de jouissances, toujours agissant pour leur propre avantage sont ceux qui, quant a 1'intensité de leurs instincts sociaux, occupent les demières places. Tout cela ne peut pas s'appl.quer aux violents: ils peuvent être dangereux, maïs mauvais litteralement 1 ne le sont pas toujours et, souvent, ils montrent, apres leur mefait, 1) I.c jury acquittant trés souvent les criminels passionnels tnontrepiiracom- bien est peu généralisée encore 1'idée qu'un individu n'a pas le dro.t de se venger personneUernent traces de la féodalité n'ont pas encore disparu exist? toujZrï parmi^V jasses plus élevées le duel, comme pendant desenmes sus-cités parmi les classos inférieures. „n renentir sincère. Le socialisme n'excerce pas encore d'influence sur la catégorie d'individus parmi lesquels se recrutent les cnmmels cconomiques (par cupidité) ne songeant qua leur propie interet, et semontrant insensfbles a un mouvement visant le bien-être de toute la classe OUVrNous) avons encore a parler d'une question qui en traitant de ce sujet est parfois posée. S'il est vrai, dit-on, que c est prmcipalement par 'suite de leur ignorance et de leur manque de civilisation que les classes inférieures commettent les crimes en question, ces crimes doivent nécessairement peu a peu se présenter moins souvent car le degre de développement de ces classes s'élève quoique lentement. La statistique criminelle montre en effet une diminution lente de ces crimes L'homicide, la forme la plus grave, a continuellement diminue en \ngleterre, en Suisse, en France, en Suéde, ou il s est reduit a un chifffe trés p tit, et en Italië aussi, oü 1'on constate une d.mmut.on importante2) Si 1'on possédait des stat istiques cnmmelles beaucoup pTusanciennes que celles qui existent, il apparaitrait que ce même énormément diminué, comparé a des pénodes eloignees Le progres de la civilisation dans les plus basses couches de la societe n avance que trés lentement, et les statistiques cnminelles ne sont que de date reIatÏTl!elaTneenteest a ce que je sais, le seul pays oü, dans les dernières L, Le angmentation importante de ce. ceux contre la vie) a eu lieu. Cette exception ne saurait, a mon avis, rendre la règle inexacte. Le manque de civilisation dans les classes inférieures n'est pas la seule cause de ces crimes: les innombrables conflits engendrés par la société actuelle, en sont aussi la cause En outre 1'élan pris par le développement économique en Allemagne dans cette période a peu été égalé Par dautres pays: elle a vu sa population Srandir et s'agglomérer, ce qui a augmenté dans lainieme mesure les conflits 3), cause a même de neutraliser la tendance de la civilisation oui s'accroit Et puis, la possibilité que, dans cette periode, la police ?a iustSe a'ient agi avecP plus de rigueur, n'est pas du tout exclue; 1'auementation de 'ces crimes paraitrait alors p us grande qu elle ne est en réalité 4). Enfin, 1'alcoolisme s'étend, et peut donc egalement neutraliser la tendance de la civilisation. >, rf-u-ret me nrocurer des chiffres sur le pourcentage des i) Je n ai pu, a mo ,.|é ^ Contrées dont les chiffres de la criminahte en votants socialistes dans es d fferen es c Colajanni communiqué (voir Compte- SEn,de",.3:rS.dUe •»« uniti d' America' (Bulletin etc. ^'^^^/^VeTbrerben und Verbrecher in Preuszen", 8) Comparez dans JemèmesensJ^^K^utschland scit l88a", p. 34 sqq. P' 23>f Comparez leUr. H. Lux, »Sozial-politisches Handbuch", p. 152, ft berg, o. c. p. 36. Nous voici arrivés a une des plus importantes causes de ce genre de crimes, a 1'alcoolisme. Non seulement 1'alcoolisme chronique démoralise (nous avous vu p. 565 sqq. qu'une grande partie des criminels dont nous nous occupons en ce moment sont des alcooliques chroniques), mais 1'ivresse a 1'état aigu rend en général 1'individu plus disposé a commettre des actes de violence, de destruction etc., et en même temps moins en état de maitriser ses instincts et ses passions. De plus le degré de civilisation atteint par 1'individu est d'unc grande influence sur sa conduite quand il est en état d'ivresse: 1'homme civilisé est alors beaucoup moins dangereux que 1'homme sans éducation. Le Dr. Grotjahn le formule comme suit: „Die Ausbildung des moraliscken Bewusstseitis ist nicht ohne Einflusz auf die Harmlosigkeit oder Gefahrlichkeit des Rausches. Personen, denen durch Erziehung, mogen sie diese ihren Lehrern oder Eltern oder der eigenen Lebenserfahrung verdanken, das Gefiihl der Verantwortlichkeit fiir die Tragweite ihrer Handluugeti gescharft ist, werden sich, falls sie sich überhaupt bis zum Eintritt von Bewusstseinstrtibung berauschen, doch stets einen Rest von Ueberlegung wahren, der sie im gegebenen Augenblick vor gewaltsamen und folgeschweren Handlungen zuriickhalt. Umgekehrt werden bei Personen, die jeder moralischen Erziehung bar sind, die sparlichen moralischen Hemmungen, die ihr Triebleben eindammen, meist friih schwinden." ') Le procés physiologique causé par les grandes doses d'alcool, ne devant pas être examiné dans un travail sociologique comme le nótre, il suffiit de constater ici qu'il est hors de doute que de grandes quantités d'alcool ont eet effet. 2) Passons a la question de la corrélation entre la criminalité violente et 1'alcoolisme a 1'état aigu. C'est de diiTérentes faijons qu'on a essayé de la résoudre. Dans la première partie nous avons vu que quelques auteurs ont taché de le faire par la voie dynamique, e. a. le Dr. Eornasari di Verce indiquait qu'en Italië, dans la Grande-Bretagne, en Irlande, et dans les Nou velles Galles du Sud, ces crimes augmentent et diminuent avec la consommation de 1'alcool. (Voir p. 196—198). Le Prof. Ferri démontrait que, durant les années 1849—1880, en France 1'augmentation et la diminution de cas de coups et blessures coincidaient avec la bonne ou la mauvaise réussite des vendanges. 3) Une autre méthode consiste a rechercher quel jour de la semaine les coups et blessures sont le plus fréquents. Si 1'abus de 1'alcool est en effet un facteur d'importance dans 1'étiologie de ces crimes il faut que la plupart se commettent le dimanche et aussi les samedie et lundi, car ces jours 1'abus de 1'alcool est le plus grand. Le tableau suivant nous renseigne sur ce sujet. 1) »Der Alkoholismus", p. 57. Comparez aussi O. Lang, «Alkoholgenusz und Verbrechen'', p. 50—51. 2) A ce sujet voir le Dr. A. Baer, »Der Alcoholismus', p. 30 sqq.; Grotjahn, o. c., p. 52 sqq., le I)r. G. Aschaffenburg, «Alkoholgenusz und Verbrechen", p. 94^-96 (Zeitschr. f. ges. Strafw. XX, se trouve aussi dans »Das Verbrechen und seine Bekampfung, p. 69—72). 8) «Sociologie criminelle", p. 222. Nombre des coups et blessures commis aux différents jours a: 1 i I I Vienne ' Korneubourg Dusseldorf Worms. (.896-18971.(1896-1897).' xt Dussc'd rf- U896-.898). Dimanche. . 68 72 121 '42 Lundi ... 49 12 22 32 57 Mardi ... 27 11 1 9 34 Mercredi . 19 l4 )A, 9 34 Jeudi ... 19 r5 \ ') 5 35 Vendredi . . 18 4 4 27 Samedi. . . 28 11 18 35 37") Les résultats et la thèse s'accordent donc parfaitement. II est évident qu'il ne faudra pas mettre sur le compte de 1'alcool tous les cas survenant le dimanche, puisque les gens se fréquentent plus cejourque les autres et ainsi le danger d'entrer en conflit est alors plus grand, mais la plupart des cas du dimanche sont certaincment dus a 1'alcool. D autres auteurs encore ont comparé la géographie de ces crimes et de la consommation de 1'alcool. Le piof. Aschatïenburg e. a., dans son étude déja citée, fixe 1'attention sur le fait qu en Allemagne les contrées avec le maximum de coups et blessures sont aussi celles qui présentent le maximum de la consommation de 1'alcool. 3) Cependant quoique ces méthodes indirectes ne soient pas dépourvues d importance, il me semble qu'elles le cedent a la méthode directe, puisqu'elles renferment trop d'éléments incertains.4) C'est pour cela que je me servirai ici plutót de la méthode directe, et que j'indiquerai le pourcentage de ceux qui ont commis ces crimes lorsqu ils étaient en état d'ivresse. En me servant de cette méthode directe, je ne la crois pas infaillible, mais elle est moins erronnée que les autres. Ce qu'011 lui reproche surtout c'est que les accusés feignent, par intérét, avoir commis le crime en état d'ébriété. Une bonne statistique ne se fie pourtant pas aux seules énonciations subjectives de 1'accusé, mais aussi aux faits que révèle le procés. Et puis, comme le prof. Löffler le fait remarquer, tous les accusés ne sont pas assez fins pour simuler un état d'ivresse, même il y en a qui, soit par crainte d'une punition plus sévère, soit pas honte, nient 1'ivresse tout en s'y étant donnés. La plupart des statistiques criminelles 11e s'occupent pas de ce sujet. Aussi celles qui le font sont moins détaillées qu'on ne le souhai- ') De ces 41 cas il y en a encore 25 commis la nuit ou a 1'auberge. _ 2) Les deux premières colonnes ont été empruntées a oAlkohol und Verbrechen" P- 533—534 du Prof- A- Löffler> la troisième k Lang, o. c., p. 43 et les deux dermères k Aschaffenburg, o. 0., p. 86 et 88. . , 8) p. 92. Sur la méthode géographique voir surtout la monographie ties detaulee sur la corrélation entre ivresse et criminalité le Pr. A. H. J. Merens, «Over het onderzoek n;iiir den invloed der dionkenschap op de criminaliteit", p. 170- 200. i) Voir la critique de ces méthodes dans Merens, o. c., p. 128 sqq. terait. Néanmoins, elles suffisent, je crois, pour prouver la corrélation en question. AUTRICHE 1896—1897. I Pourcentage des condamnés qui ont commis leurs crimes en état CRIMES. d'ivresse. Viënne. [ Korneubourg. Rébellion 77>7 7°>° Dégats 63,4 43 >5 Menaces 5^,8 4°,7 Coups et blessures graves 54.1 56>4 ) BADE (Grand Duché de) 1895. En 1895 64°/o des cas de rébellion, et 46% des coups et blessures avaient été commis en état d ébriété. ~) BELGIQUE 1872—1895. Des 2045 condamnés entrés de 1874—1895 a la prison centrale de Louvain, 344 ou 16,8% avaient été ivres au moment du crime;des 130 condamnés aux travaux forcés a perpétuite (1875—'I»95) 53 ou 40 70/o' des 88 condamnés a mort 38 ou 43,1 o-3) Si Ion considère qu'un trés grand nombre de ces crimincls se sont rendus coupables de crimes économiques, et n'ont sans doute pas agi en etat d ivresse, les dits pourcentages de ceux qui ont commis des crimes par vengeance deviennent trés élevés. FRANCE. Au congrès pénitentiaire de Bruxelles V. Marambat communiquait* que, sur un total de 787 condamnées pour homicide, coups et blessures etc. étudiés par lui, il y avait 260 ou 33 °/0 qui avaient commis leur crime en état d'ivresse. *) HONGRIE 1897. ' Au même congrès le Dr. J. Fekete faisait la communication qu'en i8q7 75 °/n des 25.000 rixes dans la rue, 660,odes i574cas de violence contre les autorités, 50% des 13.564 lésions corporelles graves et la plupart des homicides avaient été commis en etat d ivresse. 5) 1) Löffler, 0. c., p. 518—521. *) Aschaffenburg, o. c., p. 85. ... 8) M. Masoin, «L'alcoolisme dans ses rapports avec la cnrmnahte , p. 410 414 (Bulletin de 1'académie royale de médecine de Belgique, 1896). 4) Actes etc. p. 113. 5) Actes etc. p. 5®- MASSACHUSETTS 1894—1895. Sur chaque 100 crimes furent Crimes. commis en état d'ivresse. Dégats 7° Meurt re 64,7 Menace et violence. . . . 59>6 Assassinat 2 5 Rébellion 19') NORVÈGE 1886—1889 Sur chaque 100 détenus avaient CRIMES. commis leur crimes en état d'ivresse. Rébellion 81,8 Meurtre 66,6 Coups et blessures. ... 55>° Menaces 4°>° PAYS—BAS 1901. La statistique criniinelle néerlandaise étant une des rares statistiques qui donnent des renseignements sur cette matière, les chiffres ci-dessous sont d'une réelle importance: Sur chaque 100 condamnés il y en avait qui commettaient CRIMES. ]eur crjme sous 1'influence de Talcool. Rébellion 5^>°4 Coups et blessures graves . . 51.**8 Dégats 41 >69 Menaces 39 >77 Coups et blessures .... 31»2?3) SUÈDE 1887—1897. Dans cette période il y- avait parnii les condamnés pour crimes contre les autorités 1.648 sur 2.020 ou £>1,5 "/o et Pour assassinat, homicide et autres violences 4.3 58 sur 6.464 ou 67,4 % qui avaient commis leur crime, ivres. 4) 1) Merens, o. c., p. 126. 2) Merens, o. c., p. 107. 3) sCrimineele Statistiek, 1901", p. XXVI —XXVII. . . 4) p. 167. S. Wieselgren, «Rapport sur 1'influence de 1 alcoolisme sur la criminalite (Actes du Congrès penitent, de liruxelles). SUISSE 1892—1896. La statistique officielle de ces années mentionne que 34,8°/o des coups et blessures et homicides trouvaient leur cause dans l alcoolisme.') Sans vouloir prétendre que tous ces crimes n auraient pas été commis si leurs auteurs n'avaient pas été ivres, chacun m accordera cependant que ces pourcentages élevés indiquent 1 alcoolisme a 1 état aigu comme une cause trés importante. Nous voila maintenant a la fin dc nos considérations sur 1 étiologie de ces crimes. Nous croyons avoir démontré que les causes principales se trouvent: . _ i0- dans la structure actuelle de la société, qui porte a d ïnnom- brables conflits; 2®. dans le manque de civilisation et d éducation dans les classes pauvres; 3°. dans 1'alcoolisme, a son tour consequence du milieu social. Ouel est, dans ces crimes, le róle, rempli par les soi-disants facteirrs individuels? Voila la question que nous avons a nous poser finalement. II me semble qu'il est pareil a celui que jouent les facteurs individuels dans les autres crimes, ils expliquent, en partie, quels sont les individus qui s'en rendent coupables,2) mais ils 11 expliquent pas pourquoi ces crimes ont lieu. • • r Ceci est tout a fait contraire a ce que beaucoup de criminalistes prétendent, c. a d. que ce sont particulièrement les facteurs individuels qu'on voit agir dans ces crimes. La statistique prouve 1 inexactitude de leur opinion. Si elle était juste, ces crimes devraient se présenter en proportion égale dans toutes les classes de la société, ce qui 11 est pas le cas comme nous 1'avons vu. Le cholérique court naturellement plus de danger pour commettre un tel crime que le fleginatique; maispeisonne ne niera que dans toutes les classes il y a proportionnellement un nombie égal de cholériques. Cependant, 1'influence du milieu effectue que, dans les classes aisées, les cholériques même ne courent qu'un trés petit danger de se rendre coupables d'un tel crime.3) La civilisation supetficielle (car une grande partie de la bourgeoisie 11e possède qu'un vernis de civilisation) est déja de force pour limiter ces crimes a un minimum insignifiant. 1) p. 36, »Ergebnisse der schweizerischen Kriminalstatistik wahrend der Jahre ^ 2) Comme toujours, je laisse iei aussi hors de considération les cas pathologiques. s) Pour simplifier j'ai seulement opposé ici 1'itne a 1 autre les dififerences de tempérament, en laissant inobservées les différences d'intensite des sentiments de vengeance, de même que les différences dmtensité des sentiments sociaux Ceux qui sous ce rapport se placent a 1'extrémité inférieure de la courbe, sont plus exposes naturellement a commettre ces crimes que les autres. Pourtant les impulsifs, peuvent, dans un moment de colère, se rendre coupables d'un mefait, sans que, pour cela, leurs sentiments sociaux soient nécessairement faibles. Aussi montrent-ils generalement un repentir sincère, aussitöt que leurs passions se sont calmees. Comparez L. Ferriani, «Amore in tribunali", p. 129—131. L'évidence des raisons qui ont fait qualifier ces actes de „crime", est telle, qu'il est inutile d'en parler. Dans une société comme la nótre, avec ses conflits nombreux et sa densité de population, la vie serait impossible, s'il n'était pas défendu a 1'individu de se venger personnellement. La sociologie nous apprend que la vengeance, d'abord permise et obligatoire même, est devenue un acte prohibé, a cause des graves torts qu'elle porte a la société. ') B. Infanticide. II y a principaletnent deux motifs qui, soit séparément, soit ensemble, poussen't a 1'infanticide, savoir la crainte du déshonneur et la misère 2). Nous parierons d'abord de la première de ces causes. Posons avant tout la question : quelles sont les personnes qui se rendent coupables de ce méfait ? La statistique criminelle répond: i°. ce sont, presque sans exception, des femmes; 2°. les femmes non-mariées s'en rendent beaucoup plus souvent coupables que les femmes mariées; 3°. celles qui s'en rendent coupables sont, presque exclusivement, des femmes trés puuvres: d'après les statistiques italiennes 8S, I °/0 d'entre elles sont indigentes; en Autriche 90,8 n/„ sont sans fortune; il ne se trouve point de femmes riches ou aisées parmi elles; 4°. les femmes de la classe ouvrière s'en rendent beaucoup plus coupables que celles de la classe des indépendantes, et la classe des domestiques surtout fournit un chiffre trés élevé. (Allemagne). Ces résultats sont confirmés par les données sur d'autres pays: en Autriche 80"/0 des condannées de 1880—1882 étaient des domestiques3), en France (1876—1880) 35°/o d'entre elles 1'étaient également;4) 5°. surtout les femmes travaillant aux champs s'en rendent coupables (Allemagne); les données sur d'autres pays démontrent aussi que c'est surtout a la campagne que ce crime est commis. 1'our ce qui concerne la France, le Dr. Socquet démontrait que de 1871 —1875 il y avait, sur 1 million d'habitants, 35 accusées sur la population rurale et 22 sur la population urbaine;5) 6°. 1'analphabétisme est trés fréquent parmi les condamnées pour infanticide. 1'. e., nous avons vu qu'en Autriche 39,5 °/0, en France 20 °/o, en Italië 92,9% étaient des analphabètes. Des femmes sachant plus que lire et écrire ne se trouvaient pas parmi ces criminelles. La plupart des cas d'infanticide sont identiques; généralement c'est, ') Comparez Steinmetz, o. c., I, Ille partie. 2) Voir pour quelques autres mobiles de ce crime, qui ne se présentent que tres rarement Ferriani, »La infanticida". s) p. 171, T. W. Teifen, »Das soziale Elend und die besitzenden Klassen in Oesterrcich." 4) p. 41, Socquet, viContribution k 1'étude statistique de la criminalité en France, 1826—1880". 5) o- c., p. 36. comme le dit Fourier, „une fille, qui se laissc faire un enfant sans permission de la municipalité," et qui a été abandonnee parson amant. Les idéés morales régnantes la placent devant un dilemme effrayant, si la grossesse est connue par son entourage, si 1 enfant reste vivant elle est couverte d'ignominie, et c'est une v.e pen.ble qui lattend, lar contre si elle fait disparaitre 1'enfant, les autres ignorent tout, et elle evite le déshonneur avec ses suites. Elle tache donc de cacher sa grossesse aussi longtemps que possible, dans 1'espoir d'une fausse couche. Mais quand elle se voit désappointée, quand non seulement les ternbles dojeurs physiques, mais aussi les tortures psychiques la rendent presque folie ) — alors il arrivé qu'elle tue son enfant. La statistique démontre que la plupart de ces crimes sont commis par des femmes des classes inférieures. Le nombre des filles-mères y est relativement grand ; 1'infanticide est un crime assez rare (quoique bien un peu plus fréquent qu'on ne le supposerait d apres la statistique criminelle). II faut donc des circonstances speciales pour amener quelques-unes de ces femmes a ce crime. Comme nous 1 avons deja vu, en traitant du mariage, les idéés sur les relat.ons intimes; entre des personnes non-mariées sont beaucoup moins sevères dans le proletariat, que dans la bourgeoisie (conséquence du fait que les causes sociales du mariage sont moins fortes dans celui-la que dans celle-ci), de sorte que dans le prolétariat ces relations sont assez nombreuses. Si elles ont des suites, le père et la mère se marient géneralement. Dans ce ca 1'idée de tuer 1'enfant ne vient pas a la femme. Les filles-meres (tres souvent des domestiques), qui se rendent coupables de ce crime ^ont surtout celles qui séduites et puis abandonnees par des hommes de classes plus élevées n'ont point de familie qui puisse les recevoir. En dehors des femmes de la classe ouvrière, il y a aussi parmi les infanticides, quelques-unes de la petite bourgeoisie, ou la desapprobation morale du commerce sexuel extra-matnmonial est fort severe. Toutes les femmes se trouvant dans les dites circonstances ne commettent évidemment pas le crime en question. L une raisonnera plus que 1'autre, et préfèrera le deshonneur au danger d avoir affaire a la justice, une femme a 1'instinct maternel plus developpe que 1 autre etc Ouant aux sentiments sociaux, on voit ïci le contraire de ce qui arrivé pour la plupart des autres crimes. Le crime est un acte egoïste c a d un acte, qui nuit aux intéréts d'autrui. C est aussi le cas pour 1'infanticide, mais celui-ci diffère de la plupart des, autres crimes sous ce rapport, qu'il est souvent commis afin d'éviter la desapprobation morale, tandis que les autres ne sont commis que pour en tirer des profits personnels ou pour satisfaire ses passions. Yoila pourquoi es coupables d'infanticides ne sont géneralement pas des personnes avec peu d'intensité de sentiments sociaux, comme le sont surtout les personnes qui se rendent coupables de crimes économiques ou sexuels Les infanticides sont tout juste les personnes sensibles a 1 opinion. d autrui, 1) Comparez le Dr. Audriffent, «Quelques considérations sur 1'infanticide p. 5 (Archives d'anthrop. crim. XVII). tandis que celles qui n'ont que peu dc sentiments sociaux, supportent facile- ment la honte. !) .. Ces différences individuelles expliquent bien pour une partie quelles sont les personnes qui se rendent coupables du crime en question, maïs non la cause de son existence. II n'y a que peu de crimes dont 1 origine sociale soit aussi claire que celle de 1'infanticide. Si la structure actuelle de la société ne rendait pas la forme actuelle du manage necessaire et n'entrainait pas ainsi la désapprobation morale des relations sexuelles extramatrimoniales, il ne pourrait être question d'infanticide par crainte dc déshonneur.2) r ^ La répression de quelques-uns des plus forts penchants naturels, exiffée par la société actuelle, est si grande, que ces exigences doivent nécessairement être violées par quelques individus, qui ont ces penchants trés prononcés. II en est ainsi non seulement dans la vie economique, mais aussi dans la vie sexuelle. Tant que la cupidité sera éveillee chez plusieurs, tandis que quelques-uns seulement peuvent la satisfaire, le vol existera • tant que la satisfaction des penchants sexuels ne sera permise qu'après qu'on ait rempli certaines conditions économiques, on violera cêtte défense, et quelques personnes tacheront de faire disparaitre les suites de leur acte. 3) En dehors de la crainte de la honte, c'est aussi la misère quijoue un röle dans 1'étiologie de 1'infanticide. Souvent cncore ce sont ces deux motifs réunis qui se présentent. Le grand nombre d infanticides parmi les domestiques ne sont pas commis par la seule crainte de la honte mais aussi, puisque la coupable, abondonnée de chacun (surtout dans ' les pays oü la recherche de la paternité est interdite) ne sait par quel moyen entretenir son enfant. Outre ces cas il y en a aussi quelques-uns commis exclusivement par la misère, par exemple quand ce sont des femmes mariées qui commettent ce crime (ce qui du reste n'arrive que trés rarement). Ouelques données statistiques démontrent que la misère est un facteur assez important dans 1'étiologie de 1 infanticide. lï Comparez W. Starke, »Verbrechen und Verbrecher in Preuszen", p. 156; le Dr. C. Loosjes, «Bijdrage tot de studie van de criminaliteit der vrouw, p 164-165; C. Lombroso, »La femme criminelle et la prostitutee , p. 494; H. Jol), «Le crime , P' 2Ó2) Dant son »Evolution de la morale", Ch. Letourneau communiqué que dans des contrées oü 1'opinion publique est trés indulgente pour la fragilite feminine 1'infanticide est a peu prés inconnu. (p. 73)- , , , . . . Comparez la citation suivmte, empruntee k «Theorie des lois criminolles" (1780 nar 1 1'. Hrissot de Warville, dans laquclle 1 auteur expose les causes sodales de l infanticide, sans pourtant évidemment concevoir celles du mépris échéant a la fille-mère. II dit: «L'infanticidc, si commun de nos jours, est le résultat de la contrariété de la nature avec nos moeurs. A eet &ge heureux ou la nature soufflant dans les coeurs le feu de 1 amour porte les deux sexes 1 un vers 1'autre, la société contrariant cc but sacre, leur defend de s a.mer. L opinion publique déshonore les ieunes personnes qui, succombant a une faiblesse, en portent; le tnste fruit- la loi condamne a la mort celles qui veulent evjter leur déshonneur par 1 avortement, 1'exposition ou le meurtre dun enfant Quelle foule de contranetes! Pourquoi la société contrarie-t-elle le but de la nature? pourquo, 1 opinion publique tlétrit-elle une action que commande la nature? et pourquoi la justice purnt-elle un délit que produit la seule influencc de 1'opmion publique sur 1 imagination des tilles. (1, P- 95)- Le Dr. B. Weisz indiquait qu'en Belgique 1'infanticide augmentait beaucoup dans les années économiquement mauvaises (voir p. 92 de la première partie) et le Dr. Starke en faisait de même pour la Prusse (voir p. 98 et planche V). Comme nous 1'avons déja relevé plus haut, 1'infanticide par misère était assez général chez les peuples primitifs, puisqu'ils n'étaient pas a même d'entretenir une grande population. C'est pour cela que eet acte n'était pas considéré comme immoral, qu'il était même ordonné dans quelques cas. Par suite de la productivité toujours grandissante du travail, 1'infanticide tombait de plus en plus en désuétude, et en même temps on le trouvait aussi de plus en plus répréhensible. ') l) Comparez A. Sutherland, »Origin and growth of the moral instinct," I, p. 113 sqq. V. CRIMES POLITIQUES. Enfin nous avons encore a traiter des délits politiques, délits qui, cn comparaison des autres, se présentent trés rarement et qui par leur nature, différent totalement de ceux-ci. ') L'origine de 1'état, et la possibilité des crimes politiques se rattachent a une certaine phase du développenient de la vie économique, c. a d. a l'origine d'importants contrastes de fortune. Ceux qui avaient accaparé le pouvoir dans 1'état défendaient leur position par des lois dont 1'infraction était menacée de peines sévères. Cependant les conditions économiques subissent de continuels changements, quand ils ont atteint un certain degré, la classe opprimée devenue de plus en plus puissante, brise le pouvoir politique de la classe régnante pour s en emparer. Si la classe dominante fait tout ce qu'elle peut pour maintenir jusqu au dernier moment 1'intégralité de sa position, il en résultera nécessairement que ce développenient amène a des crimes politiques.2) Ce genre 1) II me semble que le prof. C. Lombroso et R. Laschi etendent trop loin la conception du délit politique en qualifiant aussi comme tel toute revolte contre 1 autorite comme ils le font dans leur oeuvre »Der politische \ erbrecher und die Revolutionen . Trés souvent ces troubles ne sont que des batteries plus ou moins sérieuses avee la police, et auxquelles tout caractère politique fait défaut. Dans »I1 fattore economico nei moti rivoluzionari" (Archivio di psichiatria, scienzi penali ed antropologia criminale IX)" du Dr. V. Rossi, je lis que eet auteur compte parmi »les moti rivoluzionari'' aussi les troubles causés en 1876 a Amsterdam par 1'abolition de la foire. Personne en Hollande ne les a pourtant considérés comme un mouvement révolutionnaire, ce que je crois. . , D'un autre cöté Lombroso et Laschi donnent une signification trop restreinte a 1'idée de délit politique en le définissant comme xjedes gewaltsame Attentat" (I p. 46). D'après cette définition le crime de lèse-majesté ne serait pas un crime politique. 2) Dans 1'oeuvre nommée Lombroso et Laschi appellent le conservatisme du mot grec misonéisme, et son opposé philoneisme — comme si un changement de noms pouvait hater la solution d'un problème! Si ces auteurs veulent faire croire aux lecteurs que misonéisme est une qualité générale des hommes, ils se trompent. On aurait aussi peu le droit de dire que le philonéisme est une qualité generale. Ils semblent oublier qu'un même individu est tantöt misonéiste, tantöt philonéiste (comme p. e. un fabricant qui applique toutes les inventions les plus récentes dans son industrie, mais qui est trés misonéiste dans la politique). C'est dans le milieu et non dans 1'homme qu'il faut rechercher leurs causes. L'homme possede le germe des deux qualités et il ne dépend que du milieu lequelle se développe le plus. (Comparez la critique trés juste de 1'oeuvre citée qu'en donne le prof. Odin dans son travail de crime politique pourrait être nommé la grande criminalite politique. Dans 1'Europe occidentale la dernière grande lutte de cette nature a été celle des classes féodales et de la bourgeoisie. Celles-ci, jadir necessaires, étaient devenues superflues et nuisibles; la bourgeoisie par contre, d'une classe insignifiante était devenue la classe la plus importante. Elle renversa tout le système politique qui la genait, s empara du pouvoir, et transforma 1'état suivant les exigences du systeme economique. Nous assistons en ce moment a la repetition de ce changement dans 1'Europe oriëntale en Russie. Le developpement economique ne cadre plus avec le système politique, qui, tot ou tard, maïs ïnevitablement, sera remplacé par le système moderne. Ce serait perdre son temps que d'insister sur le fait que ceux qui commettent ces actes, n'ont que le nom en commun avec les cximine^s ordinaires. La plupart de ces crimmels sont des individus dont 1 intensitc de sentiments sociaux est minime, ils ne nuisent aux autres que pour satisfaire leurs propres désirs. Les criminels politiques en question au contraire sont a 1'opposite, ils risquent leurs interets les plus sacresleur liberté et leur vie, a 1'avantage de la societe; .Is ne nuisent a la.classe diriceante que pour aider les classes oppnmées et par la toute 1 humanite. Tandis que le criminel ordinaire est généralement „1 homme canaille , le criminel politique est r„homo nobilis" (terminologie du prof. van Benedikt dans son „Biologie und Kriminalistik"). Du reste 1 histoire fait iustice, le nom du grand criminel ordinaire nest prononce qu avec horreur et finit par tomber dans 1'oubli, tandis que le criminel politique survit, dans la mémoire de la postérité, comme un heros. II faut mettre sur la même ligne les criminels politiques qui vise a délivrer de ses oppresseurs un peuple subjugué. Les auteurs de ces crimes n'ont rien de commun non plus avec le criminel ordinaire. A cöte de ces deux genres de crimes politiques, evidemment toujour commis en collectivité, il y a les cas individuels qui pour la plupart sont des attentats a la vie d'un monarque ou d un de ses representant^ Plus un gouvernement est absolu, plus la liberte est opprimee mom il y a de chance de voir la situation changer par des moyens legaux, plus on verra grandir le danger qu'un des oppnmes tue 1 autocrate dans le but d'améliorer la situation, ou afin de se venger de ce qu on lui a fait souffrir a lui et aux siens. Celui qui veut suivre la genese de ce genre de crimes a fixe son attention sur la Russie. La se rencontrent tous NatJrgeschichte dés politischcn Vo.brechers" iNcuc Zcit 1892—93, II)et dans »I.onv broso und ^ Verthcidiger" (Neue Zcit .893- 94 II), n'est que menteo. les facteurs qui mènent au meurtre politique: une oppression de toute liberté, un fonctionnarisme corrompu, 1'impossibilité d'obtenir le moindre changement par des moyens légaux. Ces circonstances excitent naturellement des sentiments de vengeance qui, tót ou tard, se manifestent par des actes. Tout en ayant la conviction que ces actes sont presque toujours inutiles, tout en éprouvant une aversion profonde pour la violence — cela ne justifie pas de mettre sur la même ligne ces criminels et les criminels ordinaires. On a beau abhorrer la violence, tout homme raisonnable la justifiera quand elle sert a se défendre, et la plupart des actes des criminels politiques en Russie ne sont que des actes de défense contre les cruautés et les violences inouïes de la part du gouvernement. ') Enfin il reste encore un troisième genre de crimes politiques, analogues au crime ordinaire: 1'assassinat du monarque par des individus, qui tachent d'arriver ainsi eux-mêmes au pouvoir. Ceux-la sont poussés tout comme 1'assassin-voleur, par les motifs les plus vils, la cupidité, 1'esprit de domination, etc. Quels sont maintenant les crimes politiques commis de nos jours? En laissant de cóté la Russie, qui se trouve dans une période par laquelle 1'Europe occidentale a passé un jour, ce ne sont que les crimes politiques des socialistes et des anarchistes. II n'y a que peu d'observations a faire sur ceux qui sont commis par les socialistes. La démocratie socialiste internationale s'efforce d'atteindre son but par des moyens légaux. Depuis la chüte de 1'absolutisme, il est possible d'exercer une influence sur 1'état par cette voie, influence qui varient selon les pays. C'est de cette possibilité que la démocratie socialiste se sert. Conformément a ses principes fondamentaux, elle rejette toute violence contre le chef de 1'état. Aussi, ses partisans n'ont jamais commis de tels actes. Plus la constitution d'un pays est démocratique, plus la possibilité de manifester tout le pouvoir dont elle dispose dans 1'état est grande, moins la démocratie socialiste aura a se justifier de crimes politiques; comme p. e. en Suisse, pays dont le code pénal d'ailleurs ne mentionne qu'un nombre trés restreint de crimes politiques. Dans d'autres pays, oü les institutions démocratiques sont faibles, oü la monarchie constitutionnelle a encore un caractère absolutistc et, oü la démocratie socialiste est devenue puissante, comme p. e. en Allemagne, les crimes politiques sont inévitables. Cependant, leur nombre est insignifiant en comparaison de celui des crimes ordinaires. A un point de vue criminologue, ils sont peu importants, quoique souvent punis de peines sévères; ils se bornent généralement au crime de lèse-majesté. Les démocrates socialistes se rendent donc parfois coupables de la petite criminalité politique, et dans quelques pays seulement. Si dans 1'avenir ce parti ne se rend pas coupable de la grande criminalité politique, en 1) Ne serait-il pas difficile aux anthropologistes, qui veulent démontrer les penchants criminels d'un individu d'après son crane, de faire un choix entre les cranes de Bobrikoff et von Plehve d'un cöté, et ccux de leurs assassins de 1'autre. Ne vaudrait-il pas mieux qu'on étudiat d'abord la tête des premiers? 45 d'autres termes si une fois ce parti n'arrive pas a la révolution politique, c'est une autre question et a laquelle personne ne saurait répondre avec certitude. Tout comme la bourgeoisie quand elle avait encore a lutter contre les classes féodales, la démocratie socialiste est une classe révolutionnaire, c. a d. qu'elle veut placer la société sur une base différente de 1'actuelle. 11 est possible que dans des pays démocratiques, elle y arrivé par des moyens légaux, et, par conséquent, sans qu'il puisse être question de crime politique. Cependant il se pourrait aussi qu'a un moment donne le prolétariat forme la majorité dans les corps législatifs, et qu'alors la classe régnante recoure a un coup d'état, c. a d. a un crime politique, afin d'empêcher le prolétariat de gouverner. Cette possibilité est même une probabilité pour quelques pays, oü les oppositions de classes sont trés marquantes. En Allemagne p. e. oii la démocratie socialiste est puissante, il est vraisemblable que le gouvernement tachera un jour de supprimer le suffrage universel par un coup d'état. Ce n'est que dans un cas pareil que la démocratie socialiste a son tour abandonnerait pcut-être la \oie légale et se verrait forcée a recourir a d'autres moyens. En second lieu les crimes politiques des anarchistes. Leur nombre n'est pas assez grand pour que la statistique puisse nous renseigner sur leur étiologie '). II faut donc analyser des cas individuels. Ouels sont les individus qui s'en rendent coupables ? Les anarchistes de la propagande par le fait sont presque exclusivement, des jeunes gens. Léauthier et Langs avaient 20 ans, Angelillo aussi, Henry 21, Caserio 21, Schwabe 23, 1'allas 24, Lucheni 25, Vaillant et Bresci 31, Salvador 33 ans, au moment oü ils commirent leurs crimes, et, en tant que je sais, il n'y en a pas qui étaient plus agés que 33 ans. Quant a leur caractère, ce sont des exaltés. Aussitöt qu une idéé s'est emparée d'eux ils ne pensent plus a autre chose. Le hasard les met en rapport avec 1'anarchisme qui dès ce moment les conquiert. Elevés dans un autre milieu, ils seraient devenus p. e. des exaltés religieux; Caserio, Salvador, Vaillant, Cyvoct, Henry 1'étaient en effet avant d'être anarchistes 2). Un individualisme outré leur est également propre 3). Ils abhorrent la discipline, de la aussi e. a. qu'ils nourissent une haine particulière pour le militarisme (Caserio p. e. s'expatria afin de se soustraire au service militaire). Même la forme adoucie de la discipline, p. e. celle d'un parti dont on devient volontairement membre, leur est insupportable. Ouelques-uns parmi eux ont été socialistes mais ont bientót quitté ce parti. Ainsi p. e. Henry qui dans sa défense a dit. „Pour un instant je fus attiré par le socialisme, mais je ne tardai pas a m éloigner de ce parti. J'avais trop d'amour pour la liberté, trop de respect pour 1) Voir la citation des principaux attentats anarchistes de F. Dubois, »Le péril anarchiste", p. 25 sqq.; Aubry, »La contagion du meurtre", p. 256 sqq. et le Dr. F. B. Enthoven, »Het anarchisme van de daad'', ch. II. 2| Comparez le prof. C. Lombroso, »Les anarchistes", p. 116. 3) Comparez A. Hamon, «Psychologie de 1'anarchiste-socialiste" (titre qui devrait plutót être «Psychologie de 1'anarchiste", car il n'y est pas du tout question de socialistes), ch. IV. Quoique ce livre ne traite pas spécialement de 1'anarcliisme par le fait, sous ce rapport la psychologie de tous les anarchistes est la meme. 1'initiative individuelle, trop de répugnance pour 1'incorporation, pour prendre un numéro dans 1'armée matriculée du quatrième Etat." •) Une autre caractéristique, propre a presque tous les anarchistes par le fait, et intimement liée a la précédente, c'est une grande vanité. Lucheni p. e. en parlant de son crime a dit: „J'ai voulu tuer un personnage de marqué pour que 9a fut imprimé." Vaillant se fit photographier avant de commettre son attentat, distribua des portraits de droite et de gauche, et demanda, une fois arrêté, si les journaux le reproduisaient, etc. Ces traits de caractère, observés chez ces individus, ne sont pas rares, les individualistes exaltés et vaniteux sont assez nombreux et cependant 'presqu'aucun d'entre eux ne devient anarchiste par le fait, c'est donc ailleurs qu'il faut en rechercher 1'explication. II faut que nous nous demandions: dans quel milieu ont-ils vécu? Lorsque le président du tribunal, devant lequel Lucheni comparut, lui demanda quel était le motif qui 1'avait poussé a commettre son acte, il répondit: „C'est la misère." Cela est appliquable a presque tous les anarchistes par le fait. Voyons p. e. la vie de Vaillant. Knfant illégitime, sans éducation aucune il doit gagner son pain a lage de 12 ans se sauva de chez son patron oü il était en pension, et conjura sa mère de le reprendre. Rebuté, il se fait arrêter par la police, ramené chez ses parents, ceux-ci refusent de nouveau de le garder. II essaie de faire son chemin, mais échoue dans tout ce qu'il entreprend. C'est aigri par toutes les misères éprouvées qu'il prend connaissance du socialisme, le trouve trop théorique, se range du cóté des anarchistes, et le dernier chainon dans cette chaine de misère — c'est son attentat bien connu. 2) II y a des auteurs qui prétendent qu il ne faut pas considérer la misère comme un des plus importants facteurs de 1 anarchisme par le fait; a 1'appui de leur assertion ils citent Henry et quelques autres, qui, tout en ne vivant pas dans des 'conditions aisées, n'ont pas connu cependant la plus noire misère. Ceux qui raisonnement ainsi ont une notion fausse des motifs qui poussent les anarchistes par le fait. Ce n'est pas seulement la misère éprouvée par eux-mêmes mais aussi, et sans doute en premier lieu, la misère d'autrui qui les pousse. Ceux qui restent insensibles aux souffrances du prochain ne deviennent jamais anarchistes, ne pouvant tirer aucun profit personnel de ^'anarchisme, ils le considèrent comme une folie. 1'lacés dans des conditions défavorables de tels gens deviennent des criminels ordinaires, ou se suicident, mais ne se sacrifient jamais a un idéal. Ainsi nous arrivons a un autre trait psychologique des anarchistes par le fait c. a d. qu'ils sont nés avec des penchants altruistes prononcés.3) 1) Lombroso, »Les anarchistes", p. 143-144- ... Dans son »Péril anarchiste'', (p. 49) F- Dubois fixe 1 attention sur le fait que la plupart des anarchistes se recrutent parmi des ouvriers travaillant isolement, circonstance qui augmente leur caractère individualiste. 2) Comparez le prof. H. Seuffert, »Anarchismus und Strafrecht', p. 12 sqq., comme un des auteurs qui cherchent les causcs de 1'anarchisme, principalement dans la misère des classes inférieures. . „ 8) Comparez Hamon, o. c., ch. V, et Lombroso, »Les anarchistes , p. 131 sqq. C'est leur altruismc qui les sépare du grand-criminel ordinaire, chez lequel les instincts sociaux sont trés faibles. ') II semble paradoxal de dire que des individus, ayant commis de tels actes sont de nature altruiste. Pourtant le paradoxe n'est qu'apparent. Quand deux personnes, 1'une égoïste et 1'autre altruiste voient qu'on maltraité un enfant, la première poursuit son chemin en se disant qu'elle pourrait s'attirer des ennuis, 1'autre par contre, délivre 1'enfant de son bourreau auquel il administre pcut-être encore par-dessus le marché une bonne correction. Ici le violent est 1'altruiste, 1'autre 1'égoïste. Toute comparaison cloche, il en est de même de celle-ci, cependant il y a quelque analogie entre 1'acte cité et ceux des anarchistes par le fait. Le crime qu'ils commettent est égoïste vis a vis de quelques-uns, mais son sens intentionnel est en même temps altruiste vis a vis d'autres. Comme conséquence de leur propre misère et de 1'irritation qu'ils ressentent en voyant celle de leurs semblables, ils ont pris la société en haine et veulent se venger. Ces sentiments ne sont pas tempérés par un développement intellectuel plus ou moins prononcé. C'est un facteur trés important dans 1'étiologie de 1'anarchism'e par le fait. Presque tous ces gens sont ou ignorants, ou n'ont eu qu'une instruction trés élémentaire, quelques-uns seulement savent un peu plus, et des gens d'une instruction solide ') Quelques auteurs prétendent que les anarchistes par le fait sont des criminels ordinaires (E. a. J. Gouzer dans son article «Psychologie de 1'anarchiste", Archives d'anthr. crim. IX, et A. Bérard dans »Les hommes et les théories de 1'anarchie" Archives d'anthr. crim. VII). Ceux qui raissonnent ainsi ne connaissent ni le criminel ni 1'anarchiste par le fait. Ces auteurs se sont probablement formé cette opinion erronnée paree que quelques grands criminels se disent anarchistes sans 1'être espérant ainsi se disculper, ou bien attirer 1'attention publique. A. Hamon dit trés justement: »I1 existe des individus qui se couvrent du titre d'»anarchistes" dans 1'espérance de légitimer certains de leurs actes, de jeter un certain vernis altruistique sur maintes de leurs actions immorales par leur motif, leur perpétration, leur but. Ce sont de simples criminels qui n'ont, avec les adeptes des doctrines anarchistes socialistes, aucun rapport autre que le titre même." (o. c. p. 15). L'autrichien Stellmacher et Ravachol sont des types de ces pseudo-anarchistes, dont le premier avait plusieurs crimes ordinaires a se reprocher et s'était même offert au gouvernement pour servir d'espion parmi ses compagnons. (Voir la brochure »Process gegen den Anarchisten Hermann Stellmacher"). Quant a Ravachol, il avait commis par cupidité des assassinats monstrueux, et en sa qualité de trésorier d'un cercle ouvrier, il vola même ses camarades. (Voir p. 546 de M. Raux, »Etude psychologique de Ravachol" dans les Arch. d'anthr. crim. XVIII). B. Doehn compte parmi ces pseudo-anarchistes Lucheni (»Der Anarchismus und seine Bekampfung" Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. XX). Avant son attentat contre 1'impératrice d'Autriche Lucheni n'avait pas commis de crime, quoique le triste milieu oü il passa sa jeunesse, aurait pu 1'y induire. Bien que le crime ordinaire se trouve dans 1'esprit de 1'ouvrage »Der Einzige und sein Eigenthum" de Stirner, qu'il faut ranger parmi les théoriciens de 1'anarchisme, cela ne démontre pas encore que les anarchistes par le fait soient des criminels ordinaires. Une grande partie des criminels ordinaires agissent pleinement d'après la doctrine de Stirner, (sans la connaitre bien entendu) ce qui veut dire qu'ils portent k leur profit préjudice a autrui mais les anarchistes par le fait, se sacrifient a un idéal Tout en rejetant leur doctrine on n'a pas le droit de les confondre avec les criminels ordinaires. Un adhérent de Stirner ne se sacrifie pas, mais s'avantage lui-mème. (Comp. encore le prof. G. A. van Hamel p. 115, »L'anarchisme et le combat contre 1'anarchisme au point de vue de 1'anthropologie criminelle". Comp. aussi 1'opinion de Flynt sur les criminels ordinaires (voir p. 638—639) qui, selon lui, doivent être rangés parmi les «conservateurs".) ne se trouvent point parmi eux. ') En outre la plupart n'ont pas des aptitudes intellectuelles prononcées, ce sont plutöt des impulsifs. 2) Ces individus, exaltés, vaniteux, ayant peu d'aptitudes intellectuelles, et ignorants par-dessus le marché, mais frappés, par leur propre misère et celle d'autrui, et remplis de haine contre la société, entrent en contacte avec 1'anarchisme. II esi inutiie d exposer ici cette doctrine3): les anarchistes par le fait dans leur ignorance, ne se rendent pas compte de n'importe quelle théorie, a plus forte raison d'une chose aussi vague et confuse que 1'anarchisme. Ils ont entendu dire qu'il vise a la formation d'une société oü il n'y aura plus de misère, c'est ce cóté qui agit sur leur penchants altruistes; 1'anarchisme attribue en même temps un róle prépondérant a 1'individu ce qui attire leur vanité. Ainsi leur haine augmente et se rapporte en même temps a des personnes déterminées que 1'anarchisme rend responsables des conditions actuelles. En outre on leur a inculqué 1'opinion absurde que d'un seul coup la société pourrait être changée et que pour y arriver il était nécessaire d'user de violence. Faut-il s'étonner que de tels individus arrivent a commettre un attentat ? Non; certes, tous les gens de cette catégorie n'y parviennent pas, pour cela il faut que d'autres conditions psychologiques encore soient remplies. II est évident que des individus ayant une grande aversion pour la violence courent peu le risque de commettre un attentat, a d'autres c'est le courage qui manque, d'autres encore attachent trop de prix a la vie et a la liberté pour vouloir les risquer etc. II faut que nous fixions 1'attention plus spécialement sur ce dernier point. Généralement les anarchistes par le fait sont des personnes qui ne font aucun cas de la vie dont elles n'attendent plus rien. Leur conduite devant le tribunal et leur indifférence devant la mort en sont les preuves; sachant d'avance qu'il est presque sur qu'il ne sera pas commis impunément, leur acte est souvent un suicide indirect. Si 1'on demande ce que les anarchistes par le fait veulent obtenir par leurs attentats, la réponse est surtout: ils veulent se venger sur la société de la misère éprouvée par d'autres et par eux-mêmes4), ils veulent terroriser les classes régnantes, pour les forcer a d'importantes réformes sociales, il veulent donner un exemple aux classes ouvrières et enfin, ils veulent satisfaire a leur vanité, en faisant parler d'eux 1) Ce sera bien une des principales causes pour lesquelles les anarchistes par le fait sont assez nombreux dans des pays comme 1'Espagne et 1'Italie, oü 1'analphabétisme est fort grand. 2) Sur Caserio p. e. voir 1'étude détaillée du prof. A. Lacassagne dans les Archives d'anthr. crim. IX, »L'assassinat du president Carnot", p. 535 et 539, et 1'article non-signé dans les Arch. d'anthr. crim. XVI, «Caserio en prison". Sous un seul rapport le prof. Lacassagne, selon moi, fait erreur dans son jugement sur Caserio, quand il le tient pour un homme insensible. La correspondance de Caserio en prison prouve le contraire (Voir A. Raux, »Les actes, 1'attitude et la correspondance de Caserio en prison", dans les Arch. d'anthr. crim. XVIII). 3) Un exposé objectif des théories anarchistes a été donné par le Dr. P. Eltzbacher, »Der Anarchismus", une trés juste critique sur ce sujet est celle de G. Plechanow, «Anarchismus und Sozialismus". 4) Dans son oeuvre «Les crimes de haine" (Arch. d'anthr. crim. IX, reproduit aussi dans «Essais et mélanges sociologiques"), G. Tarde a fixé 1'attention surtout sur ce motif des attentats anarchistes. par suite de leur attentat. Une fois commis, le crime est souvent le commencement d'un cercle vicieux, puisque la société se venge sur 1'auteur, qui, a son tour, est vengé par un des siens; 1'imitation aussi induit a de nouveaux attentats. Comme pour tous les autres crimes je ne trouve, pour l'anarchisme par le fait, que des causes sociales, et en dernière instance, que des causes économiques. Evidemment, les individus qui commettent ces crimes, y sont prédisposés; cela s'applique aussi aux autres crimes. Seulement, la prédisposition a ces derniers est simple, tandis que celle aux attentats anarchistes est beaucoup plus compliquée. Par la e. a. ils sont plus rares que les crimes ordinaires. l) Cependant, cette seule prédisposition n'explique rien. A ceux qui sont d'opinion que des facteurs individuels y jouent un róle, je voudrais demander: est-ce que des personnes fanatiques, et présentant tous les autres traits caractéristiques des anarchistes de nos jours, n'ont pas été de tous les temps et de tous les pays? Je crois bien que tout le monde répondra par 1'affirmative. Et bien! les attentats anarchistes ne se présentent pourtant que dans une certaine période et dans certains pays. Saurait-on peut-être nier qu'il y a autant de personnes prédisposées aux attentats anarchistes dans un pays, comme 1'Allemagne, qu'en Italië p. e. ? Pourtant, les attentats anarchistes ne se font pas en Allemagne, pour la bonne raison que les conditions matérielies du prolétariat y sont moins inauvaises qu'en Italië, et que le degré de développement intellectuel des ouvriers y est beaucoup plus élevé: un ouvrier allemand se moque de la naïveté des anarchistes et déteste leurs attentats inutiles. Ce n'est que dans le milieu, qu'on peut trouver les causes de l'anarchisme par le fait: la misère, et 1'ignorance dans lesquelles se trouvent les classes inférieures. 1) Le prof. Lombroso dans son oeuvre »Der politische Verbrecher" et le Dr. E. Régis dans son travail »Les régicides", défendent la thèse que la plupart des régicides étaient fous ou dégénérés. Ils sont d'opinion qu'on peut en dire autant de la plupart des anarchistes par le fait. Si leur thèse est exact, on pourrait croire a un facteur individuel des crimes anarchistes. L'opinion de ces auteurs ne semble pas prouvee. II n'est pas question chez eux de recherches vraiment scientifiques: la diagnose ne se base généralement que sur des renseignements obtenus par des tiers, et sur d'autres données de ce genre. Le Prof. Lombroso p. e. déclare que Caserio est un dégénéré (Voir »Les anarchistes") et le Dr. Régis le dit aussi (Voir »Le régicide Caserio" dans les Arch. d'anthr. crim. X); mais le prof. Lacassagne en doute (Voir »L'assassinat du président Carnot"). Lucheni est déclaré épileptique par le prof. Lombroso, maïs les bases de cette opinion sont trés fragiles. (Comp. le prof. A. Gauthier, »Le proces Lucheni", p. 353 sqq. dans «Schweizerische Zeitschr. f. Strafrecht^ XI) etc. Cette thèse tout en n'étant pas prouvée peut .tout de même être exacte, et il n'y aurait rien de bien étonnant si des fous ou demi-fous arrivaient k concevoir des idéés si absurdes. Quoiqu'il en soit. ce facteur individuel s'il existe doit cependant le céder aux facteurs sociaux. Dans tous les pays les dégénérés ne manqueront pas, tandis que 'anarchisme par le fait se présente dans quelques-uns seulement. VI. CRIMES PATHOLOGIQUES. Jusqu'a présent nous avons examiné le crime dans son rapport avec le milieu économique et social. Nous n'avons rien pu découvrir de 1'existence des facteurs individuels, la célèbre formule „crime = facteur individuel + facteur social" a été démontrée inexacte, si 1'on recherche les causes du crime, au lieu de se demander pourquoi un individu déterminé est devenu criminel. La conclusion obtenue par la sociologie est la même a laquelle d'autr^i auteurs comme p. e. Manouvrier, Baer et Naecke ont abouti par 1'anthropologie. Cependant, il arrivé que celui qui essaie de déterminer le crime a 1 aide de la sociologie, rencontre parfois des cas qui ne peuvent pas être expliqués de cette manière. Par exemple: quelqu'un vole des objets qui non seulement lui sont inutiles, mais qu il a les moyens de s acheter, ou quelqu'un blesse ou tue un autre sans provocation, etc. II est vrai, ces cas forment une exception en comparaison des autres, cependant, ils se présentent, et ne peuvent donc pas être négligés.1) Ici nous avons donc affaire a de véritables facteurs individuels, a des facteurs propres a quelques individus seulement. Les autres crimes, la grande majorité, se commettent par des motifs qui forment la base de tous les actes humains, mais ils agissent plus chez quelques-uns que chez la plupart des hommes. Ce sont les individus qui courent, plutöt que la majorité des gens, le danger de commettre un crime, lorsqu'ils vivent dans un certain milieu. La grande masse des criminels ne dififère que quantitativement des personnes qui n'ont pas a comparaitre en justice, les criminels sur lesquels nous allons maintenant fixer 1'attention en différent par contre qualitativement. Avant de nous demander, quel est ce facteur individuel, une observation encore. Comme plusieurs auteurs l'ont fait remarquer, il arrivé trés 1) II est impossible de fixer le pourcentage de ces cas. Si les juges etaient plus au courant des idéés modernes sur le droit pénal, si les expertises médicales judiciaires étaient par conséquent plus nombreuses, on pourrait obtenir une bonne statistique. Le nombre de ceux dont la poursuite a été abandonnée par suite d'un avis medical est certainement au-dessous de la réalité. Les pourcentages pour les divers crimes différent assurément beaucoup entre eux: ils sont probablement les plus eleves poui les crimes sexuels, et les plus bas pour les crimes économiques. souvent que, même dans les cas dont nous traitons a présent, il y a aussi un facteur social. ') La preuve en est que les individus ainsi prédisposés au crime, niais appartenant aux classes aisées, arrivent rarement a le commettre, paree qu'on s'en aper^oit plus tot et qu'alors on apporte plus de soins a leur éducation, on les surveille mieux, et 1'on arrivé ainsi souvent a éviter que le crime se commette. Les criminelsnés c. a d. ceux qui deviennent criminels sous rïimporte quelles circonstances (et c'est bien la seule signification qu'on puisse donner ici au mot né), sont sans doute trés rares. Quelle est maintenant la nature de ce facteur individuel? C'est surtout 1'école italienne qui s'est occupée de ce problème, et en le faisant elle a rendu service a la science, bien qu'e'le ait attribué une importance exagérée a ce facteur individuel qu'elle veut trouver dans tous les crimes. La première hypothèse donnée par le prof. Lombroso fut celle de 1'atavïsme, d'après laquelle le crimininel serait un individu dans lequel réapparaissent les qualités de nos ancêtres lointains, c. a d. le désir du vol, de 1'homicide etc. On n'est pas loin de la vérité en prétendant que parrni les savants compétents, presque personne n'accepte cette hypothèse d'atavisme comme exacte. Elle a été attaquée du cöté sociologique et du cóté anthropologique. Les sociologues ont prouvé que les faits contredisent la thèse du prof. Lombroso c. s., les peuples primitifs ne sont ni voleurs, ni assassins, et nos aïeux par conséquent ne 1'ont pas été non plus. 2) Les anthropologues aussi se sont énergiquement opposés a cette hypothèse. Dans son article „De geboren misdadiger" (le criminel-né) le prof. G. Jelgersma dit que la plupart des anomalies observées chez quelques criminels n'ont point de caractère atavistique, comme p. e. les oreilles ou les yeux asymétriques, la croissance anormale des cheveux etc. 3) Le Dr. A. Baer fait la même remarque dans son „Der Verbrecher in anthropologischer Beziehung" et poursuit ainsi: „Die Zahl derjenigen Abnormalitaten, welche einen fremdartigen und einen scheinbar wirklich atavis- tischen Zustand verrathen, ist so gering und so accidentell, dass in ihnen niemals ein Moment anerkannt werden kann, das zur Erklarung der Kriminalitat oder zum ursachlichen Zusammenhang mit der kriminellen Natur eines Individuums dienen kann. Aus diesem Geniisch von Merkmalen heterogenster Abstammung und Dignitat den einheitlichen Grund in dem atavistischen Charakter finden zu wollen heisst den Thatsachen mehr als den zulassigen Zwang anthun". 4) ') Voir e. a. le prof. M. Benedikt, »Biologie und Kriminalistik" p. 489 (Zeitschr. f. d. ges. Strw. VII); le Dr. P. Naecke, »Verbrechen und Wahnsinn beim Weibe", p. 175; »Die neueren Erscheinungen auf kriminal-anthropologischem Gebiete und ihre Bedeutung", p. 340 (Zeitschr. f. d. ges. Strw. XIV.) 2) Aux p. 439 sqq. j'ai cité aussi quelques faits qui demontrent combien 1 hypothèse de 1'atavisme, considérée au point de vue sociologique, est inexacte. Voir encore le Dr. J. G. Patijn, «Atavisme en Misdaad" (Tijdschrift v. Strafr. V). 3) p. 106, Tijdschrift v. Strafrecht VI. 4) P- 339- Et ainsi on pourrait citer nombre d'auteurs faisant autorité. ') Dès le commencement, 1'école italienne a encore donné une autrc explication a laquelle ellc attacha plus d'importance a mesure que 1'hypothèse de 1'atavisme tomba en discrédit. Le criminel serait un fou-moral, ou un épileptique. Ouoique 1'exactitude de cette hypothèse n'ait pas été connrmée non plus, -) 1'école italienne se trouva cette fois sur un terrain que les anthropologistes-criminalistes reconnaissent de plus en plus comme étant le véritable. A présent on a méme le droit de dire, que 1'opinion a eet égard est presque unanime.3) L'origine des penchants d'une peirtie des criminels se trouve dans la nature pathologique de ces individus. 4) Ce sont des déséquilibrés ou des dégénérés, non pas comme certains auteurs veulent le faire croire, des individus difïférant plus ou moint de la moyenne, mais des gens qui souffrent de maladies mentales, ou dont le système nerveux est affecté.') Parmi les déséquilibrés et les dégénérés certains individus ®) ont des penchants qui ne se trouvent pas chez autrui (p. e. le désir de tuer pour tuer), ou des sentiments moraux excessivement faibles. Nous fixons ici 1'attention sur le fait que nous avons déja rencontré plus haut la dégénérescence. Elle doit aussi être nommée parmi les causes de 1'alcoolisme et de la prostitution. En traitant des crimes économiques, nous avous vu que les dégénérés courent aussi plus de danger, que les autres gens de succomber dans la lutte pour 1'existence, et deviennent ainsi plus facilement criminels. Nous rencontrons donc la dégénérescence comme cause directe et indirecte du crime. Nous pourrions en rester la, car nous sommes arrivés sur un autre terrain que celui de la sociologie. Cependant une question se présente encore. Jusqu'a quel point le système économique actuel et ses conséquences sont-ils la cause de ces maladies? II est évident que cette importante question est a sa place dans un travail sociologique. Aussi tacheronsnous d'y répondre succinctement, a 1'aide d'auteurs compétents. 1) Voir encore la réfutation de 1'hypothèse de 1'atavisme au point de vue anthropologique chez le Dr. Ch. Féré, «Dégénérescence et criminalité , ch. \ ; le prof. L. Manouvrier, «L'atavisme et le crime" (L'ère nouvelle 1894); le prof. J. Dallemagne, »Les théories de la criminalité'' ch. I et le prof.G. Aschaffenburg, »Das Verbrechen und seine Bekampfung", p. 160. 2) Sur le criminel comme fou-moral, voir: Baer, o. c. p. 380 sqq.; Naecke, o. c., p. 341, et Dallemagne, o. c., ch. III. Sur le criminel comme épileptique voir: Baer, o. c., p. 384 sqq.; Dallemagne, ch. III, et Aschaffenburg, o. c., p. 160—161. 3) Comparez e. a. le Prof. A. Lacassagne et le Dr. E. Martin, «Des resultats positifs et indiscutables que 1'anthropologie criminelle peut fournir a 1 élaboration ou 1'application des lois " (Compte rendu du Ve Congrès d anthrop. crim.l. 4) Le Dr. Kurella est un des rares auteurs qui nlent le caractère pathologique du facteur individuel qui se présente chez quelques criminels (voir «Naturgeschichte des Verbrechers", p. 258 sqq.). 5) A la page 107 de son article cité le prof. Jelgersma relève que les quelques stigmates réellement atavistiques, constatés chez certains criminels, s expliquent tres bien par la dégénérescence. fi) Pourquoi quelques dégénérés ont ces penchants tandis que d autres ne les ont pas, c'est a la biologie de répondre, il suffit a la sociologie de constater le lait. Avant tout, notons que 1'héridité joue un grand róle dans ces maladies. Les auteurs qui se sont occupés de ce sujet sont d'accord. II est a remarquer que: i°. 1'héridité n'est pas fatale, c. a d. qu'elle n'est pas inévitable; des parents dégénérés peuvent avoir des enfants sains, bien que les chances ne soient pas bien grandes; 2°. la maladie même des parents n'est pas toujours transmise comme telle a 1'enfant, mais 1'enfant peut être prédisposé a cette même maladie ou a une maladie analogue, ou bien il a une maladie pareille a celle de ses parents. Le Dr. Ch. Féré s'exprime la-dessus comme suit: „Les maladies du système nerveux constituent une seule familie indissolublement unie par les lois d'hérédité .... chacun d eux (c. a d. de ceux qui ont ces maladies), s'il est encore fécond, peut les reproduire tous ...!) En parlant de 1'hérédité nous arrivons a la première relation entre les maladies en question et le milieu social, dans ce sens que, dans la société actuelle, la reproduction humaine est intimement liée a la vie économique. Un individu malade mais riche est souvent a même de se marier et de procréer, tandis q'il n'aurait qu'une minime chance si la sélection sexuelle seule était en jeu. Par contre beaucoup d'individus sains et forts sont de nos jours empêchés de fonder une familie puisque les moyens de 1'entretenir leur manquent. Une deuxiéme „sélection a rebours" dans la société actuelle, c est le militarisme qui prend les individus les plus forts, les décime en temps de guerre, ou les rend a la société afïfaiblis et maladifs, tandis que les faibles ont plus de chance de procréer. En troisième lieu, 1'ignorance des suites néfastes de la reproduction des dégénérés pour 1'humanité, est un des facteurs importants que la dégénérescense se présente si fréquemment. Cette ignorance est grande dans les classes aisées, et naturellement plus grande encore dans les classes pauvres. On répète souvent et avec raison que l'homme prend bien des soins pour 1'amélioration de son bétail par sélection, mais n en prend aucun quand il s'agit de sa propre race; les faibles et les malades continuent a procréer au détriment de la société entière. Aussi le manque du sentiment de responsabilité, propre a notre société intensivement individualiste, contribue également pour sa part, a faire naitre tant de malheureux pour lesquels il eüt mieux valu ne jamais exister. Si 1'on pose la qMestion comment il se fait que 1'un ou 1'autre individu est dégénéré, il faut répondre que trés souvent cette dcgcncrcscence est due a 1'hérédité, soit en partie, ou en totalité. Si 1'on s informe par contre des causes de la dégénérescence en général, 1'hérédité cesse d'en être la cause. Comme le dit le prof. Dallemagne dans son oeuvre „Dégénérés et déséquilibrés": „. . . . 1'héridité ne crée rien; d'hérédité en hérédité il faut toujours remonter a la cause." 2) *) p. io, »La familie névropathique". 2) p. 168. Ouels sont a présent les traits saillants de la relation entre la dégénérescence et le système économique actuel et ses suites? Ouelques auteurs en traitant de 1'étiologie de la dégénérescense ne s'expriment qu'en termes généraux et n'indiquent comme cause que des circonstances défavorables". Le prof. Jelgersma p. e. dit: „Les simples psychoses, la mélancolie, la manie, etc. sont causées par les circonstances défavorables. La cause des psychoses de dégénérescence est plus profonde, les circonstances défavorables ont exercé leur influence de génération en génération, et c'est ainsi que naquit un individu, déja anormal dès sa naissance." ') w , , , . ,, , Dans son oeuvre „Die Entartung des Menschengeschlechts , le Dr. M. Kende dépeint ainsi le procés de la dégénérescence, causée par des circonstances défavorables: „Der Verlauf des Actes, der zur Ertartung führt hat man sich so vorzustellen, dass der Normale unter gewissen ungünstigen Umstanden oder bei unmassiger Lebensweise verkümmert und dann auch Verkümmerte, Krankliche zeugt; wenn nun ein solcher mit einer gleichfalls verkümmerten Ehehalfte zusammenkommt oder wenn die ungünstigen Umstande auch auf letztere einwirken, werden noch Verkümmertere gezeugt, die entweder schon selbst oder deren unmittelbare Nachkommenschaft der Degeneration anheim fallen können. Vom Normalen entsteht daher Normales, vom gesch wachten Normalen unter ungünstigen Umstanden Verkiimmertes, Krankliches vom Verkümmertem, Kriinklichem noch melir Verkümmerteres, Kranklicheres, beziehungsweise Entartetes." 2) Ces circonstances défavorables doivent donc être plus prccisees. Nous les divisons en quatre grands groupes.3) i°. La condition matérielle des classes pauvres. „Pour se bien porter , dit le Dr. E. Toulouse dans son oeuvre „Les causes de la folie," „il faut se nourrir suffisamment, se vêtir selon la saison, être propre, ne pas travailler au-dessus de ses forces et être plus ou moins exempt de soucis. ) Voila une vérité bien simple, dont tout le monde est convaincu s'ü s'agit de lui-même ou des siens, mais que les médecins n'oublient que trop souvent quand ils parient des causes sodales des maladies.5) En premier lieu, les classes pauvres se nourrissent insuffisamment et mal, par conséquent elles s'affaiblissent et les enfants qui naissent sont inférieurs sous le rapport physique et psychique. L'alimentation insuffisante de la mère durant sa grossesse et celle qui continue dans les inêmes conditions pour 1'enfant dans les premières années lui est surtout funeste. Puis, ceux qui sont mal nourris sont prédisposés a la tuberculose, aux scrofules et au rachitisme, qui a leur tour, peuvent être des causes i) o. c. p., 102. 3) Dans beaucoup de cas ces influcnccs agisscnt conjointement sur le même individu. 2 s'ur ^individualisme dans la science médieale, comme conséquence de 1'indivi- dualisme économique, voir le Dr. Stinca, »Le milieu social comme facteur patho- logique" p. 148, (Ere nouvelle 1894). de dégénérescence ') Les femmes rachitiques ont souvent un rétrécissement du bassin, qui met obstacle a 1'accouchement et peut être cause d'une lésion du cerveau de 1'enfant. Fixons e. a. 1'attention sur 1'opinion du Dr. Naecke. II dit: „Das sociale Elend, die schiechte Hygiene und Kost.... erzeugen oft genug eine elende Generation und mussen schon den Keim schadigen. Dieselben Ursachen erzeugen aber auf der andern Seite leicht schwachliche Frauen mit qualitativ und quantitativ ungenügcnder Milch, vor allem aber haufig mit engem Becken, wodurch schvvere Geburten veranlasst werden, und das Gehirn des Kindes nachteilig beeinflusst wird. Wirken nun auch spater auf das Kind obige Momenten ein, so wird sich die Ernahrungsstörung nur noch steigern, und es ist kein Wunder, wenn allerlei rachitische, scrophulöse Erscheinungen am Körper und allerlei Kinderkrankheiten, die Körper und Geist schadigen, auftreten".'-) En second lieu, les habitations malsaines et les vêtements souvent insuffisants sont la cause de toutes sortes de maladies, et principalement de la tuberculose, qui a leur tour, peuvent amener la dégénérescence. 3) La densité de la population dans les grandes villes exerce son influence dans le même sens. En troisième lieu, la longue durée et intensité du travail auquel le prolétaire se voit forcé contribuent également a la dégénérescence. Pour chaque individu il y a une mesure déterminée de travail qu'il ne doit pas dépasser sous peine d'éprouver des suites nuisibles pour son corps et son esprit. C'est ainsi que le Dr. Lewy les décrit: „Die Folgen der übermassigen Arbeitszeit sind: eine gewisse Ueberreiztheit des Nervensystems, die spater einer bleibenden Erschlafïfung Platz macht, zu welcher sich dumpfer Kopfschmerz, ja sogar Unvermögen, klar zu denken, gesellen können. Halt die übrige Arbeit langere Zeit an, so werden bald alle Systeme des Körpers ergriffen, das Herz und ebenso die gröszere Gefasze in Funktion und Struktur beeintrachtigt, es zeigen sich Störungen des regelmassigen Kreislaufes, manifestirt theils durch Schwellungen in den verschiedenen Theilen des Körpers, insbesondere in den Füszen, theils durch Blutbrechen. Das Gehirn hört auf regelmaszig zu funktioniren, es treten sogenannte Gehirnsymptome ein, als: Schwindel, Sausen in den Ohren, Taubheit, mangelhaftes Sehvermögen, Lahmungen und Schlaganfalle. In derselben Weise können auch Leber und Nieren und der Verdauungtrakt in den allgemeinen Schwacheprozesz einbezogen werden. Die Muskeln werden schwach und schlafif, Jer Körper zu epidemischen Krankheiten disponirt, aber auch für die Berufskrankheiten vorbereitet, welchen körperlich herabgekommene Individuen am leichtesten zum Opfer fallen. Wird dann das Ende des Arbeiters nicht vorzeitig durch interkurrirende Krankheiten, wie Typhus, herbeigeführt, so verbraucht doch der tibermaszig angestrengte Arbeiter die Summe der vorhandenen Krafte rascher als er im Stande ist, sie zu ersetzen — er verkümmert an Lungentuberkulose und zwar um so schneller, je schwacher sein Orga- !) Sur la relation cntre ces maladies et la dégénérescence voir Féré, «La familie névropathique", p. 133 sqq. 2) p. 155, vVerbrechen und Wahnsinn beim Weibe". 3) Comparez H. Maudsley, »The physiology and pathology of mind", p. 232 — 233. nismus von Haus aus angelegt ist, demnach, je jiinger cr war, als er sich der übermaszigen Arbeit unterziehen muszte." ') Les suites nuisibles de la longue durée du travail se font ressentir surtout dans les métiers qui sont déja dangereux pour la santé, comme ceux qui provoquent un grand développement de poussière, ou dans lesquels 011 se sert de poisons comme le mercure, le plomb etc. 2) La monotonie du travail jointe a sa longue durée, est aussi une cause de dégradation corporelle et intellectuelle. Le prof. A. Vogt en dit ce qui suit: „Je weniger Mannigfaltigkeit die Arbeit darbietet, um so ermüdender ist sie, weil sie einseitig immer nur die gleichen Muskelpartien in Anspruch nimmt, wiihrend die übrige Muskulatur nach einem bekannten physiologischen Gesetze infolge Nichtgebrauches entartet und schwindet. In noch höherem Masze verzehrend wirkt die Einförmigheit der Arbeit auf die Geisteskrafte: sie ermühen eher und erlahmen geschwinder bei fortgesetzter Ermüdung als die Muskeln, warend die nicht geübten Geistesthatigkeiten dabei verkümmern." 3) Le système économique actuel a aussi amené le travail des femmes et des enfants, et par conséquent une cause importante de la dégénérescence de la race. Le nombre des femmes obligées a des métiers auxquels leur nature se prête trés mal, est fort grand. La crainte d'être renvoyées et 1'impossibilité de se passer de leur salaire font que des femmes enceintes continuent a travailler jusqu'au dernier moment de leur grossesse, et recommencent trés peu de temps après leur accouchement, ce qui amène des suites trés facheuses autant pour elles que pour les enfants.4) A son tour le travail des enfants empêche leur développement normal et les vieillit prématurément.5) Ensuite, les soucis et 1'inquiétude, conséquences de 1'incertitude de 1'existence, peuvent être des causes de rafifaiblissement du système nerveux et 1'origine d'une névrose. Enfin quand un individu de cette classe tombe malade, son rétablissement peut être entravé par le manque de soins et de secours médicaux et la nécessité de reprendre trop tót son travail. 6) 1) Cité chez Lux, »Sozialpolitisches Handbuch", p. 71—72. 2) Comparez le Dr. J. Zadek, »Der Achtstundentag eine gesundhcitliche Forderung p. 12 sqq. ') Cité chez Lux, p. 173. Voir aussi Toulouse, o. c., p. 68. <) Sur les suites du travail industriel des femmes voir L. Braun, «Die Frauen- frage", p. 312 sqq. &) Comparez Naecke, »Verbrechen und Wahnsinn beim Weibe , p. 196. f') Sur le rapport de la condition des classes pau vres avec la dégénérescence, comparez: A Zerboglio, »La fin de la névrose" (Devenir Social I) et »Les bases économiques de la santé" (Devenir Social UI); »Die Not des Vierten Standes" (oeuvre anonyme); le Dr. Fornasari di Verce »La criminalita e le vicende economiche in Italia", p. 5—10; le prof. Dallemagne, «Dégénérés et déséquilibrés", p. 142, oü il cite 1'opinion de Morel, le fondateur de la théorie de la dégénérescence; le prof. Aschaffenburg, «Das Verbrechen und seine Bekampfung," p. 162. , Ouelques pseudo-darxviniens défendent 1 opimon, que 1 amehoration de condition des classes pauvres induirait a la décadence de la race, puisqu ellc contrarierait 1'élimination des individus faibles. On doit s'étonner que ces auteurs ne se posent pas avant tout la question préliminaire, si les circonstances ne sont pas la cause de la naissance de ces faibles individus. 2°. La condition des classes aisées. La plupart des causes génératrices de la dégénérescence dans les classes pauvres ne se présentent pas dans les classes aisées. La il ne saurait être question de nutrition et de vêtements insuffisants, ou d'habitations malsaines. Cependant dans les classes aisées les oisifs, par leur facon de vivre dans Pabondance et leur manque de travail régulier, sont amenés a des excès de tous genres qui peuvent les rendre sujets, eux aussi, d'une autre manière, a la dégénérescence. !) Dans la partie active de la bourgeoisie, chez les fabricants, les commerc^ants etc., Ie cas est différent. Ils sont sans cesse préoccupés de quelle facon augmenter leurs richesses, ou, si le sort leur est défavorable, ils vivent dans la crainte de perdre la position conquise. Ils sont dans une agitation, une surexcitation permanentes. Aussi sont-ils nombreux dans ce groupe de la bourgeoisie, ceux qui se fatiguent trop 1'esprit, ce qui peut provoquer la neurasthénie, même sans que 1'individu y soit prédisposé. Tout cela s'applique aussi aux professions libérales, quoique a un moindre degré; la aussi 1'énorme concurrence a des suites néfastes pour les nerfs. Dans „La familie névropathique" le Dr. Féré décrit ainsi les suites du surmenage: „ . . . le travail cérébral excessif, le surmenage inteliectuel et surtout moral, les continuelles préoccupations de la lutte pour 1'existence sont des conditions éminemment propres a déterminer des troubles fonctionnels dans les éléments nerveux. La neurasthénie peut être considérée, au même titre que 1'hystérie, comme une fatigue chronique. Du reste la fatigue donne lieu a bon nombre de troubles mentaux propres a la neurasthénie. Et ces troubles, ne seraient-ils que passagers, ne peuvent manquer d'avoir les plus facheuses conséquences sur les enfants procréés dans ces conditions". 2) L'opinion du célèbre aliéniste Maudsley est aussi trés intéressante; il dit a ce sujet: „Perhaps one, and certainly not tjie least, of the ill effects which spring from some of the conditions of our present civilization, is seen in the general dread und disdain of pöverty, in the eager passion to become rich. The practical gospel of the age, testified everywhere by faith and works, is that of money-getting; men are estimated mainly by the amount of their wealth, take social rank accordingly, and consequently bend all their energies to acquire that which gains them esteem and influence. The result is that in the higher departments of trade and commerce speculations of all sorts are eagerly entered on, and that many people are kept in a continued state of excitement and anxiety by the fluctuations of the money market. In the lower branches of trade there is the same eager desire for petty gains; and the continued absorption of the mind in these small acquisitions generates a littleness of mind and meanness of spirit, where it does not lead to actual dishonesty, which are nowhere displayed in a more pitiable form than by certain petty tradesmen. The occupation which a man is entirely engaged in does not fail to modify his character, and the reaction upon the individual's nature of a life which is being spent with the sole aim of becoming rich, is most baneful. It is not thaï the 1) Comparez Toulouse, o. c., p. 86, et A. Zerboglio, »La fin de la névrose", p. 630. 2) p. 103—104. fluctuations of excitement unhinge the merchant's mind and lead to maniacal outbreaks, although that does sometimes happen ; it is not that failure in the paroxysm of some crisis prostates his energies and makes him melancholie, although that also is occasionally witnessed; but it is that exclusiveness of his life-aim and occupation too often saps the moral or altruistic element in his nature, makes him become egoistic, formal, and unsympathetic, and in his person deteriorates the nature of humanity. What is the consequence ? If one conviction has been fixed in my mind more distinctly than anothcr by observation of instances, it is that it is extremely unlikely such a man will beget healthy children; on the contrary, it is extremely likely that the deterioration of nature which he has acquired will be transmitted as an evil heritage to his children. In several instances in which the father has toiled upwards from poverty to vast wealth, with the aim and hope of founding a family, I have witnessed the results in a degeneracy, mental and physical, of his offspring, which has sometimes gone as far as extinction of the family in the third or fourth generation. When the evil is not so extreme as madness or ruinous vice, the savour of a mother's influence having been present, it may still be manifest in a instinctive cunning and duplicity, and an extreme selfishness of nature a nature not having the capacity of a true moral conception or altruistic feelinc. Whatever opinion other more experienced observers may hold, I cannot but think, after what I have seen, that the extreme passion for getting rich, absorbing the whole energies of life, does predispose to mental& degeneration in the offspring — either to moral defect, or to moral and intellectual defeciency, or to outbreaks of positive insanity under the conditions of life".!) On pourrait encore citer nombre d'auteurs compétents, pour prouver que le système économique actuel exige, aussi de ceux qui dirigent la production, des efforts intellectuels, que le système nerveux ne peut supporter a la longue. 2) 3°. La syphilis. Outre que cette maladie est trés probablement la cause de la paralysie générale,3) elle se range parmi les facteurs importants de la dégénérescence, a savoir dans ce sens, que les enfants de syphilitiques sont souvent dégénérés. (_*ette conséquence ctant uni\ersellement reconnue, nous n'avons pas a nous y arrêter longtemps. Le célèbre syphilologue allemand Hlaschko en dit. „Die Syphilis führt zur Geburt geistig und körperlich verkümmerter und oft verkriippelter und blödsinniger Kinder". 4) Ce ne serait pas ici le moment de parler de la syphilis commi ■2 Comparez ^encore? le Dr. B. Battaglia, »La dinamica del delitto," p. 412; Naecke, o c d 1 c6 • A. Zerboglio, »La fin de la névrose", p. 629; Toulouse, o. c., p. 85; le prof.' K. Kraèpelin, «Psychiatrie", I. p. 88-89: le Dr. W. Hellpach, »Soziale Utsachen und Wirkungen der Nervositat", (Politisch-anthropologische Revue, I). 3) Comparez Toulouse, o. c., p. 224 sqq. 4) »Die Prostitution im XIX Jalirhundert", p. 33; voir aussi du meme auteur »Hveiene der Prostitution und venerischen Krankheiten", p. 7 sqq. Comparez aussi Kende, o. c., p. 90 et le Dr. M. Alsberg, »Erbliche Entartung bedingt durch soziale Éinflüsse", p. 20. cause de dégénérescence, si 1'extension de cette maladie n était intimément liée a la prostitution, a son tour déterminée par le milieu économique. Le Dr. Blaschko en dit: „Die Hauptquelle der venerischen Infektionen ist und bleibt natürlich der auszereheliche Geschlechtsverkehr, ins besondere die Prostitution." ') Comme causes sociales de la grande extension de la syphilis, il convient d'indiquer la profonde ignorance sur 1'étendue et le danger des maladies vénériennes, 2) dont on s'occupe moins que des autres (höpitaux qui n'acceptent pas ceux qui en sont atteints, caisses de secours qui ne paient pas en cas de syphilis etc.) De même que les autres maladies, celle-ci a également les plus facheuses conséquences pour ceux qui vivent dans de mauvaises conditions. 3) 4°. L'alcoolisme. L'alcoolisme appartient indubitablement aux causes trés importantes de ia dégénérescence. II y a peu de questions sur lesquelles les auteurs compétents soient aussi unanimes que sur cclle-ci. Si 1'on veut en citer, on n'a que 1'embarras du choix. Nous nous bornerons aux paroles empruntées aux „Dégénérés et déséquilibrés du prof. Dallemagne, qui, après avoir cité 1'opinion d autorités comme Morel, Magnan et d'autres, conclut comme il suit: „L'aicool est un facteur essentiel de dégénérescence. II peut créer a lui seul tous les états dégénératifs et déséquilibrés, et cette question parait définitivement tranchée. 4) Le Dr. Legrain mentionne les chiffres suivants sur les suites de 1 alcoolisme chronique 5) des parents sur les enfants: sur 215 families d alcooliques dans quatre générations (814 individus) on constata: 42,20°/" d'alcooliques, 60,90 °/(, de dégénérés, 13,9° °/0 de fous moraux, 22,70 °/° avaient eu des convulsions, 20 °/o d'hystériques ou d épileptiques, et 190/0 d'aliénés.6) Voila des chiffres saillants qui excluent tout doute sur 1'influence néfaste de 1'alcool! II faudra encore faire observer que: i°. la falsification trés fréquente ') »Hygiene der Prostitution etc.", p. 35. Plus haut (p. 403) nous avons vu que la prostitution augmente et diminue avec les fluctuations des conditions économiques; le Dr. B. Schoenlank prouve dans son: «Die Syphilis und die Sozialzustande" (Neue Zeit 1887) que la syphilis augmente et diminue aussi dans ces périodes, preuve de plus du rapport intime de la syphilis et de la prostitution. 2) Comp. W. Hellpach, «Der Kampf gegen die Geschlechtskrankhciten , p. 197 (Sozialistische Monatshefte VII). 8) Blaschko, »Die Prostitution etc.", p. 32. 4) p. 167. 5) Quelques auteurs sont d'opinion que des enfants concus pendant 1 ivressc courent le danger d'être dégénérés; d'autres cependant en doutent. Voir Grotjahn, «Der Alkoholismus", p. 165. . «'•) «Conséquences sociales de l'alcoolisme des ascendants au point de vue de la dégénérescence, de la morale et de la criminalité", p. 160—161 (Compte Rendu IV Congr. d'anthr. crim.). Pour d'autres chiffres voir encore: le Dr. de Vaucleroy, «Influence de 1'hérédité alcoolique sur la folie et la criminalité" (Actes du III Congr.d'anthr. crim.); Grotjahn, o. c., p. 166 sqq., et Verhaeghe, «De 1'alcoohsation", p. 112 sqq. Le Dr. P. Garnier dans son Rapport sur 1'influence de l'alcoolisme sur la criminalité" (Actes du Congr. Pénit. de Bruxelles, IV, p. 77 sqq. et dans «La criminalité juvénile" (Compte Rendu du V Congr. d'anthr. crim.), et le Dr. E. Laurent dans son travail «Les habitués des prisons de Paris" lp. 20 sqq.) démontrent que les descendants d'alcooliques chroniques représentent souvent des anomalies, spécialement des anomalies morales. de 1'alcool a des conséquences spécialement facheuses '); 2°. que 1'alcool exerce une influence trés nuisible sur des individus mal nourris.-) Nous voila a la fin de nos observations sur les causes économiques et sociales de la dégénerescence. Bien que évidemment elles ne soient pas les seules, il est pourtant certain que leur róle dans 1'étiologie de la dégénérescence est trés important, et même prépondérant. 1) Voir Toulouse, o. c., p. 163—167, et Grotjahn, o. c., p. 220. 2) Voir Toulouse, o. c., p. 178. 46 CHAPITRE III. CONCLUSIONS. Quelles sont les conclusions a tirer de ce qui précède? En résumant les résultats obtenus, il ressort que les conditions économiques occupent dans 1'étiologie de la criminalité une place beaucoup plus importante que la plupart des auteurs, qui se sont occupés de la question, ne lui attribuent. Tout d'abord, nous avons vu que le système économique actuel et ses conséquences, affaiblissent le développement des sentiments sociaux. La base du système économique de nos jours étant 1'échange, les intéréts économiques des hommes se trouvent nécessairement opposés. C'est ce que le capitalisme a de commun avec d'autres modes de production. Mais son principal trait caractéristique c'est que la plupart des hommes sont privés des moyens de production qui se trouvent entre les mains de quelques-uns seulement. Par la les non-posesseurs se voient contraints de vendre leur force de travail aux possesseurs qui, par leur préponderance économique, les contraignent a faire 1'échange contre ce qu'il faut strictement pour vivre, et a travailler autant que leurs forces le permettent. Cet état de choses surtout détruit les sentiments sociaux des hommes: il développe 1'esprit de domination et 1'insensibilité pour les maux d'autrui cliez ceux qui disposent de la puissance, tandis qu'il éveille la jalousie et la servilité chez ceux qui sont dépendants. En outre les intéréts contraires des possesseurs et la vie luxueuse et oisive de quelques-uns d'entre eux contribuent aussi a 1'affaiblissement des dits sentiments. La condition matérielle, et par conséquent aussi la condition intellectuelle du prolétariat sont causes que le niveau moral de cette classe n'est pas élevé. Le travail des enfants les met en contact avec des personnes, dont la fréquentation gate souvent leur moralité. La longue durée et la monotonie du travail abrutissent ceux qui y sont forcés; les mauvaises habitations contribuent aTissi a abaisser le sens moral, de même 1'incertitude de 1'existence, et enfin la misère absolue, suite fréquente des maladies ou du chömage. L'ignorance et le manque de culture apportcnt leur quote-part a cet état. Quant au bas-prolétariat, nous avons vu que son état est des plus démoralisateurs. La position économique et sociale inférieure de la femme contribue aussi a 1'affaiblissement des sentiments sociaux. i L'organisation actuelle de la familie a une grande importance pour ) la criminalité. Elle charge les parents légitimes de 1'enfant du soin de son éducation; la communauté ne s'en occupe que peu. II s'ensuit qu'un grand nombre d'enfants sont élevés par des personnes qui en sont totalement incapables. Le cercle de la familie si exclusif contribue a augmenter (surtout dans les classes aisées) l'égoïsme dans les enfants. Pour ce qui concerne le prolétariat il ne saurait être question d'éducation proprement dite le manque des moyens, les mauvaises habitations et surtout 1'absence forcée de 1'un ou des deux parents en sont la cause. L'école tend a remédier a eet état de choses, mais n'y parvient qu'insuffisamment. Les conséquences nuisibles de 1 organisation actuelle de la familie se font ressentir surtout pour les enfants du bas-prolétariat, les orphelins, et les enfants illégitimes. 1'our eux la communauté ne fait que* peu ou rien, quoiqu'ils aient plus que tout autre besoin de secours efficaces. La prostitution, 1'alcoolisme et le militarisme, résultant en dernière instance du système économique actuel, sont des phénomènes sociaux qui ont des conséquences démoralisatrices. Quant aux différents genres de crimes, nous avons démontré que le trés important groupe de la criminalité économique trouve son origine, d'une part dans la misère absolue et dans la cupidité excitée par le milieu économique actuel, d'autre part dans 1'abandon moral et la mauvaise éducation des enfants des classes pauvres. Ensuite les criminels de profession se recrutent principalement parmi les criminels d'occasion qui, se voyant partout renvoyés après leur libération, tombent de plus en plus bas. Le dernier groupe des crimes économiques (banqueroute frauduleuse etc.), se rattache si intimement au mode de production actuel, que sous un autre il ne saurait même se commettre. Le rapport entre les crimes sexuels et les conditions économiques est moins direct, néanmoins ces crimes aussi en éprouvent une influence décisive. Nous avons fixé 1'attention sur les quatre circonstances suivantes: ~ jo. ,1 existe un rapport indirect entre le délit d'adultère et l'organisation actuelle de la société, qui exige que la rupture légale du mariage soit impossible oü trés difficile; 2°. les crimes sexuels sur des adultes sont commis surtout par des célibataires; le nombre des mariages dépendant a son tour de la conjoncture économique, le rapport en question est clair; les auteurs sont en outre presque exclusivement des individus pauvres, analphabétes, grossiers, (surtout des campagnards), élevés dans un milieu presque sans moralité sexuelle, et qui ne considèrent la vie sexuelle que de son cóté animal; 3°. les causes des crimes sexuels sur des enfants sont en partie les mêmes que ceux dont nous venons de parler, mais il faut y ajouter encore la prostitution; 4°. 1'alcoolisme favorise d'une manière trés forte les attentats sexuels. Quant au rapport entre les crimes par vengeance et l'organisation actuelle de la société, nous avons remarqué qu'elle fait naitre des conflits sans nombre; la statistique a fait voir, que leurs auteurs sont presque sans exception des individus pauvres et incivilisés, et que i'alcoolisme est parmi les causes les plus importantes de ces crimes. L'infanticide est causé d'une part par la misère, d'autre part par 1'opprobre qu'encoure la fille-mère (opprobre résultant de 1'utilité sociale du mariage). La criminalité politique provient uniquement du système économique actuel et de ses conséquences. Enfin les conditions économiques et sociales sont aussi des facteurs importants dans 1'étiologie de la dégénérescence, a son tour cause d'une partie de la criminalité. En se basant sur ce qui précède, on a le droit de dire que le róle, joué par les conditions économiques dans la criminalité, est prépondérant, et même qu'il est décisif. Cette conclusion est de la plus haute importance pour la prévention du crime. S'il était principalement la conséquence de qualités humaines innées (p. e. atavisme), la conclusion pessimiste que le crime est un phénomène inséparablement lié a toute vie sociale, serait fondée. Mais les faits démontrent que c'est justement la conclusion optimiste qu'il faut tirer, que la oü le crime est la conséquence de certaines conditions économiques et sociales, on peut le combattre efficacement en modifiant ces conditions. Ouelque important que soit le crime comme phénomène social, quelque terribles que soient les préjudices et le mal qu'il cause a 1'humanité, le développement de la société ne dépendra pas de la question: quelles sont les conditions qui pourraient restreindre le crime ou le faire disparaitre si possible? L'évolution de la société se fera indépendamment de cette question. Quelle sera la direction que la société prendra dans ces rnodifications continuelles ? Ce n'est pas ici le lieu de traiter amplement ce sujet. Selon moi, les faits indiquent clairement quelle sera cette direction. La productivité du travail a augmenté d'une manière inouïe, et augmentera assurément dans 1'avenir. La concentration des moyens de production entre les mains de quelques-uns progresse continuellement; dans plusieurs branches elle a même atteint un tel degré, que le principe fondamental du système économique actuel, la concurrence, en est exclu et a été remplacé par le monopole. Par contre la classe ouvrière s'organise de plus en plus, et chez elle s'accrédite 1'opinion que les causes de ses misères matérielles et intellectuelles ne peuvent être éliminées que par la mise en commun des moyens de production. Supposons que cela se réalise en efïfet, quelles en seront les conséquences pour la criminalité? Occupons-nous encore un moment de cette question. Bien qu'on ne puisse émettre que des idéés personnelles sur les détails d'une telle société, les lignes principales peuvent en être tracées objectivement. La différence capitale entre une société basée sur la communauté des moyens de production et la société actuelle est celle-ci: on ne connaitre plus de misère matérielle. Ainsi une grande partie de la criminalité économique (de même qu'une partie de 1 infanticide) sera rendue impossible, et un des plus puissants demora hsateurs de la société actuelle sera anéanti. Et puis, de cette facon les phenomènes sociaux si importants pour la criminalité, la prostitution et alcoolisme, verront disparaitre un de leur principaux facteurs. Le travail des enfants et le surnjenage n'auront plus lieu, et les mauvaises habitations, sources de misères physiques et morales n existeront plus. Avec la misère matérielle disparaitra aussi peu a peu la misere intellectuelle, qui pèse si lourdement sur le prolétariat: la civilisation ne sera plus le privilège de quelques-uns, maïs le bien commun a tous Les conséquences pour la criminalité en seront tres importantes, car nous avons vu que, même dans la société actuelle avec ses nombreux conflits, les membres des classes possedantes, dont la civilisation n est trop souvent que trés superficielle, ne se rendent presque jamais coupables de crimes par vengéance. Raison de plus pour admettre que dans une société oü les intéréts ne sont pas opposes, et ou la civilisation est universelle, ces crimes ne se présenteront plus, surtout puisque 1'alcoolisme provient aussi en grande partie de la misere intellectuelle des classes pauvres. Et puis, ce qui compte pour les crimes commis par vengeance, peut également être dit par rapport aux crimes sexuels, en tant qu'ils ont la même étiologie. Une o-rande partie de la criminalité économique (et en partie aussi la prostitution) trouve son origine dans la cupidité excitée par le milieu économique actuel. Dans une société basee sur ia movens de production, les grandes oppositions de fortune faisantdetaut de'même que le capital commercial, cette cupidite ne saurait trouver Ces crimes ne disparaitront pas tout a fait, tant que la repartition des b^ n'aura pas lieu d'après la maxime „a chacun selon ses besoins , qui s^verra vraisemblablement réalisé, mais certainement pas dans 1'avenir prochain. . . . Les changements dans la position de la femme, qui se presentent dans la société actuelle, mèneront, sous ce mode de production futur au résultat définitif de son indépendance économique, et par consequent aussi sociale. II est donc probable que la criminalité de la femme augmentera en raison de celle de 1'homme durant les periodes de transition. Mais le résultat final sera tout de même la disparition des suites nuisibles de la prépondérance économique et sociale de 1 homme. Quant a 1'éducation des enfants dans ces nouvelles conditions ïl serait difficile de se prononcer. Pourtant, il est certain, que la communauté s'occupera sérieusement de leur bien-être. Elle ve.llera avant tout a ce que les enfants, dont les parents ne veulent ou ne peuvent se charger, soient bien soignés. En agissant ainsi elle fera disparaitre une des plus importantes causes de la criminalité. II est hors de doute que la communauté exercera aussi un controle seyere sur 1 education des enfants; cependant on ne saurait afifirmer qu >1 arr.vera un temps oü les enfants de plusieurs parents seront eleves ensemble par des personnes capables, cela dépendra pnncipalement de 1 intensite que peuvent atteindrc les sentiments sociaux. Aussitöt que les intéréts de tous ne sont plus opposés, comme ils le sont dans la société actuelle, il ne sera plus question ni de politique (donc a plus forte raison plus de crimes politiques), ni de militarisme. Une telle société future ne fera pas seulement disparaitre les causes qui dans la société actuelle, ont fait de Thomme un égoïste, mais éveillera au contraire un fort sentiment d'altruisme. Nous avons vu que cela était déja le cas chez les peuples primitifs, oü les intéréts économiques n'étaient pas opposés. Dans une plus large mesure la chose se réalisera sous un mode de production en commun, les intéréts de tous étant les mêmes. Dans une telle société il ne saurait être question de crime proprement dit. L'éminent criminaliste Manouvrier, en traitant de la prévention du crime, s'exprime ainsi: „Faire en sorte, que tout homme ait toujours plus d'intérêt a être utile a ses semblables qu'a leur nuire, voila la formule a appliquer." Et c'est justement dans une société oü la communauté des moyens de production sera réalisée, que cette formule obtiendra son application compléte. II y aura bien des crimes commis par des individus pathologiques, mais ces cas seront plutót de la compétence des médecins que de celle d'un juge. Et puis, on peut même s'attendre a ce que ces cas diminueront dans une importante mesure attendu que les causes sociales de la dégénérescence disparaitront et que les dégénérés se procréeront moins, puisque la connaissance des lois de 1'hérédité sera plus universelle, et aussi puisque la responsabilité morale deviendra , / plus grande. „C'est la société qui prépare le crime" dit lejuste adage de Ouetelet. Pour tous ceux qui en sont pénétrés et ne sont pas insensibles aux soutïrances de 1'humanité cette conclusion est triste mais renferme aussi un espoir. Elle est triste paree que la société frappe d'une peine sévère ceux qui exécutent le crime, qu'elle a préparé elle-même. Elle^jAferme un espoir, puisqu'elle promet a 1'humanité la possibilité de se aelivrer un jour d'un de ses plus hideux fléaux. FIN. LITTÉRATURE. (OUVRAGES CITÉS.) Acton, W. I'rostitution, considered in its moral, social and sanitary aspects. London 1870. Adams—Lehraann, H. B. Das Weib und der Stier. Neue Zeit Ad m?n i sUat ion de la justice criminelle et civile de la Belgique. Période de 1881 a 1885. Bruxelles 1888. . T Aaahd, K. Die Erwerbsthiitigkeit schulpflichtiger Kinder ïm Deutschen Reich. Archiv f. soz. Gesetzgeb. u. Stat. XII. Al ba nel, L. Le crime dans la familie. Paris 19:0. Alb recht, P. La criminalité de 1'homme au point de vue de 1'anatomie comparée. Actes du I Congr. d anthr. crim. Aletrino, A. Twee opstellen over crimineele anthropologie. Amst. 1898. Over ontoerekenbaarheid. Amsterdam 1899. La situation sociale de 1'uraniste. Compte Rendu Ve Congr. d'anthr. crim. Over eenige oorzaken der prostitutie. Amsterdam 1901. Alimena, B. Naturalismo critico e diritto penale. 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Hellpach (voir Gystrow) 7I9, 720Hirsch, 301, 306, 393, 398, 399, 402, 403, 413, 463, 476, 545Hirschberg 334. Hirschfeld 429, 663. Hobbes 446. Hoegel 467, 529Holbach 17. Holmes 477, 518, 583, 614. Holtz 681, 683. Holzendorfif von 647. Hügel 391, 4°5Hugo 378, 680. Hulzen van 627. Hling 93Jaeger 265. Jeannel 379, 390, 391, 393, 394, 395, 405. Jelgersma 256, 712, 713, 715• Jhering von 456. Joly 257, 476, 535, 552, 553, 578, 612, 650, 651, 701. Kampffmeyer 608. Kan van 296, 304. Kautsky 155, 162, 211, 307, 336, 349, 375, 421, 423, 424,429,431, 439, 444, 447, 448, 45°. 704Kelles-Krauz 352. Kende 715, 719. Key 372, 374, 378, 476, 691. Kohier 432. Kolb 298. Korn 413, 563Körner 93. Kovalewsky 367, 373, 443,447,640. Kraepelin 719. Krafft-Ebing 677. Krauss 564, 647. Kropotkine 303, 439, 444,447,454Kiihn 405, 406. Kulischer 447. Kurella 188, 535, 602, 612, 713. Labusquière 183, 184. Lacassagne 1 54, 204, 289, 602, 620, 622, 627, 632, 709, 7I3Ladame 423, 563, 564, 675, 677. Lafargue 95, 124, 137, '62, 288, 306, 307, 606, 618,622,663,675, 680. Lamarck 221. Lang 694, 695. Laschi 276, 658, 659, 703. Laspeyres 477, 479. Lassalle 460, 626. Laurent 391, 568, 581, 611, 720. Laveleye 179. Lecour 383, 390, 393, 400, 4°5, 4°9Legrain 720. Lelorrain 284. Lenz 547, 553- Letourneau 357, 378, 439,448,453, 641, 663, 665, 680, 681, 701. Leuss 573, 5S4, 623, 631, 633,638, 678. Levasseur, 128, 129, 620, 676. Lewy 716. Linguet 15. Lippert 390. Liszt von 130, 165, 244, 279, 477, 534, 545, 573, 581, 592,593,642, 680. j Loewe 405- I Loevvenstimm 602, 608, 612, 614, 615, 616, 679. Löffler 566, 673, 695, 696. j Logan 423. Lombroso 134, 211, 221, 267, 271, 276, 284, 285, 288, 289, 411, 412, 413, 423, 438, 461, 564, 572, 573, 581, 627, 635, 701, 703, 704, 706, 707, 710, 712. Loosjes 153, 526,527,529,531,532, 533, 70i. Loria 178, 180, 181, 183, 184, 275. Lubbock 186. Lütgenau 268. Lux 297, 306, 307, 334, 339. 387, 398, 405, 417, 477, 563, 572,620, 662, 672, 674, 694, 717. Mably 19, 626. Magnan 412. Maine 443, 446, 447, 451. Makarewitz 432, 436. Malgat 567. Malthus 170. Mandl 460. Manouvrier 151, 152» 22ï> 4II»434» 644, 650, 651, 666, 711,713, 726Marambat 567, 673, 696. Marro 279, 491, 5 54» 568. Martin 713. Martineau 387. Marx 5, 147. 148, 176, 178, 180, 181, 256, 275, 306, 307, 312, 334618, 624. Masoin 566, 696. Maudsley 716, 718. Mayhew 49. Mayr von 51, 131, 135> 137» 3^0, 403, 545» 548, 549» 551 > 554» 55^, 557. 558, 559» 56i, 566,605,606, 621, 622, 668, 669, 684. Mehring 155, 159» IÓ2Mendel 612. Merens 695, 697. Mesdag van 617. Meslier 11. Meyer 103, 588, 602, 623, 684. Mill Stuart 276. Mischler 165. Mittelstadt 93. Moreau 461, 581, 634, 635, 637, 650, 651, 652. Moreau (de Tours) 091. Moreau-Christophe 47, 339, 404, 405, 564. Morel 567. Morelly 13, 147. Morgan 190, 349, 352> 357» 358, 441, 445, 446, 455, 457» 641, 682. Morrison 188, 239, 305, 466, 474» 527, 528» 529» 541» 545» 546Morselli 658. Morus 5, 256, 608. Motet 552. Müller F. W. 405. Muller H. 119, 135» 137» 242, 621, 623, 647, 668, 684. Naecke 247, 412, 434, 535» 545» 618, 627, 663, 711, 712» 713. 7l6» 717, 719Nansen 439, 455» 681. Niceforo 162, 201, 643. Nordau 363. O. S. 477, 633, 637. Odin 340, 342, 703. Oettingen von 78, 84, 86, 129, 130, 134, 188, 266, 389,390,405,551, 564, 572, 667, 668. Orchanski 256. Ostwald 603, 604, 606, 609, 614. Owen 26, 145, 147, 175» 17^> 255» 2 84, 374Pappritz 392, 399, 402» 403» 406, 4"' 413- n „ Parent—Duchatelet 241, 278, 381, 382, 385, 388, 389, 390» 391» 394» 395» 399» 400» 4°5» 409» 410, 413, 423, 56I, 563. Patijn 712. Pecqueur 35. Philippovich von 156, 335» 392» 477- Pinel 582. Pinsero 203. Plasz 463, 543. Platon 35. Plechanow 160, 709. Ploetz 345. Poletti 207, 208. Porter 128. Post 432, 434, 640, 641, 652, 663, 664, 674, 680. Prins 234, 259, 584, 601. Prinzing 496, 498, 505, 5°7> 5I2> 587, 588, 681. Proal 261. Proudhon 35, 278. Puibaraud 612, 632, 633, 634, 656. Puviani 178. Quack 30. Quetelet 37, 38, 84, 106, 137» ^5» ~ 242, 288, 591, 615,626,654,726. Rae 417. Raux 535, 537, 543» 544» 551» 552» 553, 629, 630, 708, 709. Régis 710. Rein 545. Rettich 101, 623. Richard 214, 233, 623. Richelot 381, 389, 391, 393» 405, 409, 411, 561, 564. Rivière 602. Röhrmann 389, 394, 405, 406. Roland—Holst 335, 417, 419, 420, 421, 426. 390, 553, 560, 612,613,614, 617, 634, 649, 680. Roos de 584. Rosenfeld 269. Rossi 203, 703. Rousseau 12, 644. Ryan 390. S. G. 398, 561. Sacker, 582, 584, 602, 623. Schaffle von 363, 378, 391, 403, 405, 460. Schaffroth 570. Schippel 334. Schlesinger—Eckstein 378. S(chmidt) J. 303, 347, 549, 622. Schönfeldt 376, 391, 405. Schönlank 329, 364, 384, 402, 403, 720. Schuier 418. Sergi 173, 174, 277. Seufïfert 707. Sichart 559, 563, 570, 601, 602. Sighele 383, 585, 631, 648, 680. Smidt 666. Socquet 669, 670, 671, 677, 699. Soury 186. Spencer 172, 173,184,186, 277, 438, 440, 443, 454. Spinoza 582. Spurzheim 221. Starcke 351, 355. Starke 93, 134, 267, 279, 280, 476, 593, 607, 623, 647, 654, 676, 680, 684, 693, 701, 702. Steinmetz, 256, 351, 353, 366, 367, 432, 436, 443, 447, 453, 572,641, 680, 681, 691, 699. Stern 303, 372, 460. Stevens 279, 492. Stinca 715. Stirner 708. Strunz 394, 476. Stursberg 84, 266, 391, 393, 397, 399, 405, 409, 563, 564. Sullivan 566, 673. Sutherland 242, 444, 448, 454, 535, 681, 702. Tait 389. Tarde 129, 154, 159, 162,165,206, 585, 588, 624, 632, 678, 709, Tardieu 667, 676. Tarnowski E. 117, 623. Tarnowsky 411, Taxil 400, 405. Teifen 303, 334, 339, 405, 699. Tex den 417. Thomsen 632. Thompson 26. Tolstoï 380. Tomel 390, 553, 560, 612,613,614, 617, 634, 649, 680. Tönnies 103, 545, 632. Topinard 154, 156. Toulouse 715, 717, 718, 719, 721. Tugan-Baranowsky 109, 242, 605, 622. Turati 146, 171, 179, 180,208,284. Tylor 454. Vaccaro 269, 434, 435, 660. Valentini 75, 86. Vandervelde 416, 419,421,425,426, 427. Vaucleroy de 720. Verhaeghe 417, 419, 420, 421,423, 424, 425, 426, 528, 720. Virchow 154. Virgilio 271. Vogt 717. Voltaire 674Vries de 591. Vuébat 259. Wagner 477, 545, 572, 672. Waitz 186, 440, 442, 443. Wake 186. Wallace 345, 442. Walsh 128. Weinberg 555, 559. Weisz 90, 123, 622, 702. Weitling 35. Wellenbergh 677. Westermarck 351, 352, 353, 414, 436. YVestgarth 128. Wetzker 303, 345. Whitworth Russcll 128. Wieselgren 570, 673, 697. Winkler 256. Winter 585. Wittenberg 477, 545i 672Wolf 545. Woltmann 340, 344, 345• Wright 137, 252. Würzburger 129. Wynaendts Francken 351. Yvernès 632. Zadek 717. Zerboglio 419, 420, 424, 426, 631, 639, 657, 717, 7'-8, 7; Zetkin C. 361, 37', 373, 37^, Zetkin O. 339. Zola 627, 659. RÉGISTRE. A.ctu.i 393, 405, 409, 4ii- Adams-Lehman 363. Agahd 476. Albanel 471, 476, 477. 552, 612, 613. Albrecht 433. Aletrino 256, 400, 582, 663. Alimena 269. Alsberg 719. Ammon 448. Amschl 675. Aschaffenburg 476, 477, 534, 545, 557, 574, 623, 624,626,630,667, 681, 694, 695, 696, 713, 717. Aschrott 93. Aubry 461, 534, 553, 573» 574. 58l> 585, 680, 706. Audriftent yoo. Auer 663. Augagneur 278, 381, 383, 386, 390, 417, 421, 670. Avé-Lallemant 564, 633. Bachofen 351. Baer 232, 271, 369, 370, 419, 425. 564, 565, 648, 649, 694, 711, 712, 713- Baere del 74, 481. Baets de 263, 397, 405. Baker 566. Battaglia 135, 269, 307, 422, 424, 433. 719- „ , Baumgarten 384, 395, 561, 563, 564. Bebel 282, 360, 361, 363, 364, 398, 403, 448, 608, 676. Beccaria 14. Belfort Bax 303. Benedikt 269, 348, 617, 704, 712. Bérard 602, 606, 608, 615, 708. Bérard des Glajeux 678. Berg 620, 621, 646, 655, 669, 684, 693, 694. Bernard 128, 667, 671, 675, 676, 677. Binny 49. Blanc 35. Blaschko 365, 394, 398, 402, 405, 409, 413, 414, 563, 564. 719» 720. Bleibtreu 572. Boies 688. Bonhoeffer 385, 388, 390, 395, 412, 423, 566, 609, 611, 616. Booth 334, 339. 347Bosco 137, 643, 693. Bournet 233, 577, 579, 646, 669, 671, 673. 677Brace 477, 486, 563, 568. Braun A. 335, 419Braun L. 335, 360, 361, 362, 376, 398, 400, 404, 406, 543, 672, 717Brissot de Warville 20, 701. Brusse 627, 629, Cabet 31, 147Calwer 413. Camp du 405. Carlier 379, 390, 409. Carnevole 269. Carrara 554. Catlin 347, 440. Cavaglieri 602, 604, 605, 608, 612, 613,615,616,617. Clay 128. Coghlan 137. Colajanni 37, 137, 14°. *44. ^3. 157. 159. l62. i63. 165,208,239, 267, 269, 275, 307,419,420,421, 423, 424, 425, 492, 528, 553, 572, 573, 581, 602, 615,667,668,680, 686, 690, 69 t, 693. 47* Collard 408, 409, Commenge 390, 393, 395. 397. 39s, 400, 405, 409, 410, 4!3» 5°3Corne 71, 622. Corre 134. 217. 535. 540, 544.553. 568, 572, 573. Coutagne 495. Crozes 634. Cuénoud 461. Cunow 349, 352, 355, 455. 457Dalhoff 567. Dallemagne 256, 713, 714, 7*7. 72°Dargun von, 356, 357, 367, 45*, 452» 456, 641. Darwin 172, 183, 184, 221, 345, 43", 446, 448, 449, 45°,'455. 534. 538. 589. Denis 30, 137, 263, 294, t>22. Després 406, 677. Dix 476, 477. Doehn 708. _Doniela Nieuwenhuis 405. Dostojewsky 581, 5^4. 614. Douglas 546. Drahms 474, 483, 555, 576, 580. Drill 256. Dubois 706, 707. Dubuisson 627. Ducpetiaux 42, 405, 422> 425> 476, 544, 606, 619, 622. Dugdale 535, 554. 568, 6l2Ellero 275. F.lliot 128. Ellis 250, 580, 636, 638. Eltzbacher 709. Embden van 345. Engels 33, 147, 176, l8o> 181,306, 307, 328, 334. 336, 352> 357. 358. 365. 376, 396, 397, 422> 428. 476, 481, 564, 586, 661. Enthoven 706. Esquirol 582. Everest 128. Evert 487, 494, 557, 57°Faucher 128, 390, 397, 4°3, 4°4, 563, 634- Faure, 564, 634. Fekete 696. Féré 277, 713, 714, 716, 718. Ferrero 411, 413, 423, 564, 627, 663. Ferri 134, 146, 188, 193, 198» 2°8, 211, 250. 267, 284,285,286,306, 500, 519', 538, 584, 599,662,665, 667, 668, 669, 670, 686, 689, 694. Ferriani 368, 372> 373, 375, 378, 390, 397, 399. 4C>2> 461, 476, 477, 539, 540, 543, 545, 554, 562, 585, 6C2, 614, 617, 629,630, 631,632, 649, 657, 672, 680,681,691,698, 699. Fiaux 278, 384, 385, 388, 390, 396. Fletcher 128. . Florian 602, 604, 605, 608, ui2, GI?. 615, 616, 617. Flynt 601, 609, 609, 612, 614,616, 617, 633, 636, 637, 638, 65 1, 708. Földes 128, 129. 130, 163,267, 477, 481, 494, 495, 528, 626, 632. Follet 271. Fornasari di Verce 134, l44> '91. 491, 602, 605, 622, 646,654,668, 684. 694, 717. Fourier 35, 363, 699. Frankenstein 404. Frassati 256. Frégier 400, 4°5, 563, 613, 619, 633Fröhlich 424. Fuld 86. Gall 221. Galton 342, 448, 591. i Garnier 720. Garofalo 107, 134, l42> *88, I9°i 208, 259, 261, 277, 305, 435, 491Garraud 675, 676, 677. Gauthier 710, i Gautier 581. | Gisquet 639. Gizycki 629. Godwin 23. Goes van der 360, 361. Gordon Rylands 256, 547,566,635. ; Gorki 538. | Gouzer 708Grosmolard 471, 543, 552Grosse 351, 352, 354, 366, 367! Grotjahn 415, 416, 417, 418,419,421, 422, 425, 426, 427, 428, 429, 564, 673, 694, 720, 721. Gruber 429. Guerry 36, 74, 135» 27!, 626. CORRIGENDA ET ADDENDA. Pages. Lignes. 18 ajouter: Helvetius, «De 1 hommc p. 49. E. Mercier, «Influence du bien-être matériel sur la criminalite. Le Dr. J. A. v. Royen, «Wetgeving en armoede, beschouwd in betrekking tot het misdrijf." Chaillou des Barres, «L'influence du bien-être materiel sur la moralité d'un peuple" (Journal des Economistes 1846). Le Dr. C. J. A. den Tex, »De causis criminum" § 13. 78 10 lire: baissent, au lieu de: élèvent. I2g 20 ajouter: M. A. de Malarce, «Moralité comparee des diverses parties de la France d'après la criminalite" (Journ. de la Soc. d. Stat. de Paris 1860). E. Bertrand, »Essai sur la moralité comparative des diverses classes de la population et principalement des classes ouvrières" (Journ. de la Soc. d. Stat. de Paris 1871—1872). G. F. Kolb, «Handbuch der vergleichenden Statistik" p. 516—517. 2at, 17 lire: interprétation, au lieu de: interdredation. ,gr ,, H. Reusz, «Noth und Verbrechen" (Preuszische Jahrbücher 1901). 458 ij ' lire: C. Tendances etc., au lieu de: B. Tendances etc. C73 note 3. lire: Corne, au lieu de: Corre. 40 ajouter: le Dr. M. Kende, »Die Entartung des Menschengeschlechts . 742 44 le Dr. E. Toulouse, »Les causes de la folie". 734 49 le prof. E. Kraepelin, «Psychiatrie" I.