i? ^ I V\ CR1MINALITÉ ET CONDITIONS ÉCONOMIQUES CRIMINALITE ET CONDITIONS ÉCONOMIQUES ACADEMISCH PROEFSCHRIFT TER VERKRIJGING VAN DEN GRAAD VAN DOCTOR IN DE RECHTSWETENSCHAP AAN DE UNIVERSITEIT VAN AMSTERDAM, OP GEZAG VAN DEN RECTOR MAGNIFICUS I. J. DE BUSSY, HOOGLEERAAR IN DE FACULTEIT DER GODGELEERDHEID, IN HET OPENBAAR TE VERDEDIGEN OP VRIJDAG 3 MAART 1905, DES NAMIDDAGS TE 4 URE, IN DE AULA DER UNIVERSITEIT DOOR WILLEM ADRIAAN BONGER, GEBOREN TE AMSTERDAM • • • • • Sedulo curavi, humanas actiones non ridere, non lugere, neque detestari, sed intelligere. spinoza. AMSTERDAM — G. P. TIERIE — 1905. w AAN MIJN MOEDER. AAN DE NAGEDACHTENIS VAN MIJN VADER. AAN MIJN AANSTAANDE VROUW. P R É F A C E. Une mention honorable a été accordée a la première partie de ce travail, répondant a une question proposée par la faculté juridique de 1'Université d'Amsterdam, intitulée: „Exposé systématiciue et critique de la littérature sur le rapport entre criminalité et conditions économiques." J'ai ajouté a eet exposé 1'opinion de quelques auteurs; d'autres y ont été traités plus aniplement, mais dans son ensemble cette partie est restée a peu prés conforme a 1'original. La seconde partie au contraire est presque toute nouvelle; il est vrai que dans ma réponse j'indiquais déja ce qui exigeait, selon inoi, une étude approfondie du rapport entre la criminalité et les conditions économiques. L'espace d'un an fixé par la faculté était un temps trop limité pour donner plus qu'un apercu succint de la question. J'ai laissé 1'exposé tel quel sans le refondre dans la seconde partie — devenue a présent la plus importante de 1'oeuvre — bien que je sente qu'on pourrait faire des objections, surtout quant a la forme; cependant je ne les ai pas crues assez importantes pour exiger un remaniement complet du travail. Je profite en même temps de 1'occasion pour adresser mes sincères remerciments a tous ceux qui ont bien voulu me prêter leur concours; en premier lieu au trés honoré 1'rofesseur G. A. van Hamel et a mes amis le Dr. A. Aletrino et N. W. posthumus. Amsterdam, Février 1905. TABLE DES MATIÈRES. introduction i PREMIÈRE 1'ARTIE. Exposé critique ije la littératurf. sur lk rapport entre criminalité et conditions économiques. CHAPITRE I. Auteurs ayant traité le sujet avant la naissance de la science cr1minaliste moderne 5 I. Thomas Morus 5 II. Jean Meslier 11 III. J. J. Rousseau 12 IV. Morelly 13 V. C. Beccaria 14 VT. S. N. H. Linguet 15 VII. Holbach 17 VIII. Mably 19 IX. J. P. Brissot de W'arville 20 X. W. Godwin 23 XI. R. Owen 26 XII. E. Cabet 31 XIII. F. Engels 33 CHAPITRE II. Les statisticiens*-. 36 I. A. M. Guerry 36 Ad. Quetelet 38 III. Ed. Ducpetiaux 42 IV. L. M. Moreau-Christophe 47 V. H. Mayhew et J. Binny 49 •-"VI. G. Mayr 51 VII. A. Corne 71 VIII. H. von Valentini. ... 75 IX. A. von Oettingen 78 X. Stursberg 84 XI. L. Fuld ... 86 XII. B. Weisz 90 XIII. W. Starke 93 XIV. Rettich 101 XV. A. Meyer 103 XVI. M. Tugan-Baranowsky 109 XVII. E. Tarnowski . 117 XVIII. H. Muller 119 XIX. Critique 129 CHAPITRE III. l'école italienne 134 I. C. Lombroso 134 II. R. Garofalo 142 III. E'. Ferri 146 IV. H. Kurella 188 V. E. Fornasari di Verce 191 VI. A. Niceforo 201 XII CHAPITRE' IV. L'école krantaise (1/écolf. du milieu) • • ; ; ; ; ; ; Z\ I. A. Lacassagne 206 II. G. Tarde " ....... 217 III. A. Corre 221 IV. L. Manouvrier 232 V.' A. Baer . • . . 234 CHAPITRE V. Les 234 1. Ad. Prins 238 II. W. D. Morrison ' 244 III. F. von 247 IV. P. Naecke 250 V Havelock Ellis 252 VI. Carroll D. Wright 257 CHAPITRE VI. Les spiritualistes 257 I. H. Joly 261 II. L. Proal 263 III. M. de Baets ' 266 CHAPITRE1^VII.CrlLA »terza scuola" et les socialisies . 269 I. B. Battaglia 275 II. N. Colajanni 282 III. A. Bebel. IV. F. Turati 288 v'. P. Lafargue ' ' 294 VI. H. Denis 297 VII. H. Lux 3°' VIII. P. Hirsch 304 CHAPITRE VIII. CONCLUSIONS. . . ■ • • • ■ ■ SECONDE PARTIE. Criminalité et CONDITIONS ÉCONüMIQUES. CHAPITRE 1. LE régime économ.que actuel et sks consequences . . • 3» T Le régime économique actuel ...•••• . 525 H CondUions sociales des différentes classes ■ ; ^ A. La bourgeoisie. . . • .... 328 B. La petite bourgeoisie 331 C. Le prolétariat ... 337 1) Le bas prolétariat •••.;. . . . 351 111 Les rapports de sexes et de familie 35' A. Le mariage 365 B. La familie 378 C. La prostitution 415 IV. L'alcoolisme 430 V Le militarisme 432 CHAPI TRE II. La criminalité. . 432 I Considerations generales ..... 432 A. Définition du crime. . • • • • • ■ . . . . 437 1 s. ^ r-rrr. et de ses conséquences . 459 l closes.rêndent ^ coupables de crime . 504 c. Le mariage • 5'9 d. La criminalité feminine e. La familie '....• 5^° ƒ La prostitution , 564 e. L'alcoolisme 571 'h. Le militarisme 573 i. La peine 585 j. L'imitation 589 k. Conclusions XIII D. Les différences individuelies 590 E. La classification du crime .... 592 II. Crimes économiques . 601 A. Vagabondage et mendicité . 602 B. Vol et crimes analogues 618 a. Vol commis par misère . . 618 b. Vol commis par cupidité 625 c. Vol commis par des criminels de profession 633 C. Rapine et crimes analogues 642 D. Banqueroute frauduleuse, falsification de denrées et crimes analogues 652 III. Crimes sexuels ... 661 A. Adultère 663 B. Viol et attentat k la pudeur sur des adultes 666 C. Viol et attentat k la pudeur sur des enfants 675 IV. Crimes par vengeance et autres motifs 679 A. Crimes par vengeance 680 B. Infanticide 699 V. Crimes politiques 703 VI. Crimes pathologiques 711 CHAPITRE III. conclusions 722 Littérature 727 Régistrf. 745 / INTRODUCTION. La méthode que j'ai suivie en systématisant la littérature est la suivante. Je commence par quelques extraits significatifs d'auteurs ayant écrit sur notre sujet avant la naissance de la science criminaliste moderne. Lnsuite je m occupe des statisticiens, c. a d. de ceux qui, sans appartenir a une école spéciale de criminalistes, ont traité le sujet surtout a 1'aide de la statistique. Puis je donne un exposé de 1'école qui insiste spécialement sur les facteurs individuels du crime, et n'attribue aux conditions économiques qu'une place secondaire (1'école italienne); après je traite de celle qui considère le róle joué par le milieu dans 1'étiologie du crime, comme trés important (1'école francaise) et après celle-ci de la doctrine bio-sociologue qui forme la synthèse de ces deux écoles. Vienncnt ensuite les spiritualistes c. a d. les auteurs religieux qui ont été plus ou moins influencés par la science criminaliste moderne, et finalement les auteurs qui appartiennent a la „terza scuola" et les socialistes qui considèrent 1'influence des conditions économiques comme étant trés importante, ou même décisive. ^ I.es auteurs appartenant a la même rubrique ont été traités dans 1'ordre chronologique. Comme toute classification, celle-ci aussi est plus ou moins arbitraire ; plusieurs auteurs pourraient trouver leur place sous deux rubriques. Remarquons encore que dans le courant des années les différences entre 1 école italienne et francaise s'accentuent de moins en moins; de sorte que leurs opinions et celle des bio-sociologues n'offrent plus de grandes divergences au point de vue de notre sujet. 5 PREMIÈRE PARTIE. EXPOSÉ CRITIOUE DE LA LITTÉRATURE SUR LE RAPPORT ENTRE CRIMINALITÉ ET CONDITIONS ÉCONOMIQUES. CHAPITRE PREMIER. Auteurs avant traité le sujet avant la naissaxce de la science criminaliste moderne. I. THOMAS MORUS. Dans la première partie de son „Utopia", Morus critique sévèrement les conditions économiques de son temps en Angleterre, et y rattache des observations sur la criminalité d'alors. Raphael Hythlodaeus, la personne que Morus fait parler dans son ouvrage et dont il se sert pour rendre sa propre opinion, dit: «Me trouvant un jour, par hazard, a la table du Cardinal, il y avoit la un certain Laïque, savant dans vos Lois. Celui-ci, je ne sai a quel propos, conimence a exalter cette Justice rigoureuse qu'on exercoit alors en ce Païs-la contre les Voleurs, nousdisant que, quelque fois, on en pendoit, pèle mèle, jusqu'a vingt, a une même potence. C'est ce qui fait, ajoutoit il, que je ne puis assez m'étonner comment, et par quel mauvais destin, puis que si peu de ces scélérats échapent le suplice, il y en ait tant d'autres par tout qui commettent le même crime. !) Alors je prens la parole, car j'osai bien parler librement chez le 1) Le passage suivant, emprunté au travail de Marx »Das Kapital" (I, 700) nous donne une preuve de la sévérité de ces lois. Henri VIII décréta en 1530: «Alte und arbeitsunfahige Bettler erhalten eine Bettellicenz. Dagegen Auspeitschung und I'.insperrung für handfeste Vagabunden. Sie sollen an einen Karren hinten angebunden und gegeisselt werden, bis das Blut von ihrem Körper strömt, dann einen Eid schwören, zu ihrem Geburtsplatz, oder dorthin, wo sie die letzten drei Jahre gewohnt, zurückzukehren und »sich an die Arbeit zu setzen" (to put himself to labour). Welche grausame Ironie! 1536 wird das vorige Statut wiederholt, aber durch neue Zusatze verscharft. Bei zweiter Ertappung auf Vagabundage soll die Auspeitschung wiederholt and das halbe Ohr abgeschnitten bei drittem Rückfall aber der Betroffene als schwerer Verbrecher und Feind des Gemeinwesens hingerichtet werden". Que ces lois furent sévèrement exécutées est prouvé par cc qui suit: »Und wie wenig das Regime Heinrich VIII mit sich spaszen liesz, sieht man daraus, dasz unter ihm >>72000 grosze und kleine Diebe" hingerichtet wurden, wie ein Chronist Seiner Zeit berichtet." (Geschichte des Sozialismus in Einzeldarstellungen, Erster Band II p. 439). Cardinal; n en soiez point surpris, lui dis-je; cette punition des voleurs n est ni équitable, ni utile au Public: elle est trop cruelle pour chatier le vol, et trop foible pour 1'empêcher. Le larcin n'est pas un crime assez enorme pour ineriter la mort; et d'un autre cóté, il n'y a point de peine Capitale, quelque grande qu'elle soit, qui puisse arreter les mains de ceux qui n'ont pas d'autre moïen pour vivre que de prendre le bien des autres. II me semble, donc, qu'en cela, non seulement vos Tribunaux, mais même une bonne partie du Monde imitent ces mauvais Précepteurs qui sont plus disposez a fraper leurs disciples qu'a les enseigner. On ordonne de grans et d'horribles suplices contre un Voleur': On dévroit bicn plütót pourvoir a la subsistance de ces Malheureux, afin qu'ils ne fussent point dans la necessité de voler et de périr. C'est a quoi on a pourvu suffisamment, repondit le Légiste. N'y a-t-il pas les Arts mechaniques ? Ny a-t-il pas 1 agriculture ? Oue n'embrassent ils ces vacations-la? Mais la vraie raison, c'est qu'ilsont du penchant a ne rien valoir. Ce ne sera pas par la que vous me prendrez, lui repliquai-je; car premierement ne parions point de ceux qui souvent retournent chez eux des Guerres étrangeres ou civiles avec quelques membres de moins. Vous avez vu dernièrement dans vótre Patrie, qu'après le combat de Cornouaille; et peu auparavant après celui de France, quantité de soldats estropicz pour le ser\'ice de la République,ou pour celui du Roi: leur foiblesse ne permettoit pas qu ils reprissent leur ancien métier ni leui age d en aprendre un nouveau. Encore une fois laissons-la ce genre de \ oleurs, puis qu aussi bien c'est une espèce de necessité que les Guerres se rallument de tems en tems. Considérons ce qui arrivé tous les jours. II y a un si grand nombre de Nobles, qui comme les Ouêpes, vivent dans la fainéantise, et sans produire une goute de miel, profitant ainsi du travail des autres. Fontils valoii leur terres? ils raclent tout, ils rasent jusqu'au vif, pour grossir leur revenu. Car c est la la seule frugalité de ces messieurs; Gens^ d ailleurs, qui, quand il y va de leurs plaisirs, sont prodigues jusqu a se mettre dans la mendicité: On les voit environnez, ou trainer a leur suite un nombreux cortége de domestiques, tous oisifs, et qui n ont jamais apris aucune profession pour gagner leur vie. Dès que le Maitre est mort, ou des que cès valets sont malades, on les congédie aussi tót, car les Nobles nourissent plus volontiers des fainéans que des infirmes. Souvent aussi 1'héritier du Mourant n'est pas d abord en état d'intretenir les domestiques de son père. Cependant ces valets congédiez tombent dans la nécessité; et ils périroient de faim s ils n avoient pas recours au vol. Quelle autre ressource pourroient ils avoir? A force de roder pour chercher Maitre, ils usent leurs habits, ils altèrent leur santé. Ensuite, devenus crasseux de maladie, et n étant plus couverts que de haillons, les Nobles en ont une espèce d horreur ^ et sont bien éloignez de les prendre a leur service. Les Paisans n'oseroient pas non plus les prendre chez eux. Ils savent qu'un homme élevé mollement dans 1'oisiveté est dans les plaisirs, accoutumé a^ porter le cimeterre et le bouclier; a regarder de haut en bas, et d un air de déterminé, tout le voisinage; enfin, a mépriser tout le monde excepté soi: les Paisans, dis-je, n'ignorent pas qu'un tel homme n'est nullement propre a manier la bêche et le hoi'an; a se contenter d'un petit salaire, et d'une petite nouriture; a servir un Maitre qui est lui même dans le genre des pauvres. Ce sont justement ces gens la, repond mon homme, que nous devons entretenir le plus soigneusement. Comme ils ont plus de coeur, plus de courage que les Artisans et les Laboureurs, ce sont en tems de Guerre les meilleurs soldats d'une Armee. J'aimerois autant, repliquai-je, vous entendre dire que vous devez entretenir les Voleurs; car assurément vous n'en manquerez jamais tant que vous aurez de ces vagabonds. De plus: ni les Voleurs ne sont pas de mauvais Soldats, ni les Soldats ne sont pas les plus laches des Voleurs, tant il y a de raport entre ces deux métiers. Mais quoique ce défaut la soit fort ordinaire chez vous, il ne vous est pourtant pas singulier; on le voit chez presque toutes les Nations. La France, outre ce mal-la, a une autre peste bien plus contagieuse. Tout ce grand Roïaume, même en tems de Paix, si on peut donner le beau nom de Paix a une courte cessation d'Armes, tout ce Roïaume est rempli, et comme assiegé de Soldats a païe. Cela se fait par le même préjugé qui vous a fait croire que pour le bien public vous deviez nourir des hommes Oisifs. Cette fausse persuasion est que le salut de 1'Etat consiste a avoir toujours sur pié de bonnes et vaillantes Troupes; et sur tout, qui soient composées de Soldats aguerris; car on ne se fie nullement a ceux qui n'ont point d'expérience. Ainsi on cherche la Guerre par deux motifs : 1'un de peur d'avoir de mauvais Soldats 1'autre pour empêcher que, comme dit agréablement Saluste, la main ou le coeur de ceux qui se distinguent dans l'art d'égorger les Hommes, ne s'engourdisse point. La France a apris, pour son malheur, combien il est pernicieux de nourir de telles bêtes. Les Romains, les Carthaginois, tant d'autres Nations en ont fourni des exemples. Les Armées que ces Etats entretenoient, n'ont—elles pas détruit en diverses occasions, non seulement leur Empire, mais aussi leurs terres, et même leurs Villes? Qu'il ne soit pas fort necessaire d'avoir des Troupes en tems de Paix, c'est ce qui paroit par 1'exemple que voici. Vos Soldats, quoique nouvellement levez, manquent-ils de bravoure? Les Francois, même, eux qui ordinairement sont élevez dans les Armes lors qu'ils ont combatu contre vos Gens, n'ont pas, le plus souvent sujet de se vanter d'avoir en le dessus. Je n'en dis pas d'avantage; je crains qu'on ne me soup<;onne ici de flaterie. D'ailleurs: on ne voit pas que, ni vos Artisans dans les Villes, ni vos grossiers et rustiques laboureurs les Valets des Nobles : il n'y a que ceux qui, par foiblesse de corps, manquent de force et de hardiesse ou a qui la grande dizette abbat le courage; il n'y a que ceux-la qui en aïent peur. II n'y a donc point de danger pour les robustes et les vigoureux. Les Nobles dédaignent tout ce qui n'est pas hors de la foule: ils passent la vie dans une molle et languissante Oisivité; ou leurs occupations different peu de celles des Femmes. Mais pour des gens qui savent vivre par de bons métiers, et qui se sont endurcis par des travaux proportionnez a la force humaine, ceux la ne deviendront jamais effeminez. Quoi qu'il en soit, on ne me persuadera jamais qu'il soit avantageux a vötre République pour le succès de la Guerre, vous qui ne prenez les Armes que quand vous voulez, d'entretenir ce nombre presque innombrable de Fainéants qui gatent la Paix; et cependant la Paix est aussi salutaire que la Guerre est ruineuse. Je ne prétens pas, néanmoins, que ce que je viens de dire soit la seule cause qui mette vos Insulaires dans la nécessité de voler. II y en a une autre, et qui, a ce je croi, vous est particulière. Quelle est elle? dit le Cardinal. V os Brebis repondis-je. Llles étoient autrefois si douces! e'les se contentoient de si peu! A present ? Ce sont des insatiables, des indomtables, au moins a ce qu'on dit. Oui pourroit le croire? Ces Brebis dévorent les hommes; elles pillent, elles ravagent les campagnes, les maisons, et les villes. Dans tous les endroits du Roïaume, il nait une laine plus fine, et par conséquent plus précieuse qu'auparavant. En ces lieux-la, les Nobles et les Gens de bonne familie, sans oublier quelques saints Abbez, n étant pas contens des revenus et des fruits annuels que leurs Ancêtres tiroient des héritages; et comme s'il ne leur suffisoit point cn vivant somptueusement et sans rien faire, d'êtres inutiles au Public, s'ils ne lui étoient encore nuisibles, ils ne laissent point de terres a ensemencer: ils enferment tout en paturages; ils abbatent les Maisons; ils ruinent les bourgs, enfin il ne reste que le Temple; et c'est pour servir d étable aux brebis. Kt comme si les fórets, les parcs, toutes les demeures des bêtes sauvages perdoient peu de terrain chez vous, ces bonnes Personnes changent en déserts les lieux les plus habitez, et les mieux cultivez. Ainsi, afin qu un affamé de bien, un avare insatiable, une cruelle peste de la Patric, puisse enfermer dans un même enclos quelques milliers d arpens de terres contiguës, on chasse les laboureurs; 011 les dépouille de leur fond par fourberie, ou par oppression: la plus grande grace qu on leur fait, c'est de les fatiguer si fort par des injustices qu ils sont contraints de vendre leur possession. De quelque maniere que la chose s'éxecute, il faut toüjours que ces malheureux déguerpissent: hommes, femmes, maris, épouses, orphelins, veuves, pères et mères avec de petits enfans et une familie plus nombreuse que riche; je dis nombreuse, paree que 1'agriculture a besoin de plusieurs mains. Ils sortent, donc, de leur maison, de leur pais, enfin du lieu qu ils conoissoient, et 011 ils étoient accoutumez. Ne trouvant point oü se réfugier, ils vendent a trés petit prix tout ce qu'ils emportent, et qui 11e vaut pas déja beaucoup. Encore bienheureux! car 1'acheteur auroit pu se saisir de ces effcts-la sur le pretexte que les proprietaires étoient chassez. Quand ces pauvres Gens out dépensé leur butin, ce qui se fait en très-peu de tems, quelles peuvent étre leurs dernieres ressources? II faut bien qu ils volent, et, par consequent, qu'ils risquent a finir leurs jours par la corde, comme de raison: ou, ils sont obligez de courir 9a et la, deniandant 1'aumóne. Et même, ce dernier moïen de vivre n'est pas sur pour eux. ils y perdent au moins la liberté: on les enferme comme des Vagabonds: on leur fait 1111 crime de ce qu'ils errent dans 1'oisiveté: mais cn quoi consiste-t-il ce crime? a ne trouver personne qui vcuille accepter Leur Service, quoi qu'ils 1'offrent avec le dernier empressement. Pour ce qui est de i'Agriculture, a la quelle ils sont accoutumez, il n'y a rien a faire, oü il n'y a rien a semer. Car c'est assez d'un berger; ou d'un vacher pour faire paitre des bêtes dans cette même terre qui auparavant demandoit plusieurs mains pour étre cultivée et ensemencée. Qu'arrive-t-il encore de la? C'est que les vivres en sont beaucoup plus chers en plusieurs endroits. II resulte encore un autre inconvenient. Même le prix des laines est monté si haut, que les petites gens, eux qui avoient coutume de faire vos draps, ne peuvent plus en acheter; et, par cette raison la, plusieurs tombent du travail dans 1'oisiveté. Ce qui cause la cherté des laines, c'est qu'une maladie consumante s'étant jettée sur les moutons, elle en a fait perir une infinité depuis qu'on a multiplié les paturages. II semble que Dieu a voulu par la punir la cupidité de ces Avares: le ciel a envoïé une contagion mortelle sur les troupaux: n'y eüt il point cn plus de justice, a la faire tomber sur ces têtes insatiables d'argent? Quand même le nombre des Bêtes augmenterait le plus, le prix ne diminueroit point, par ce que si cette marchandise la n'est pas en monopole puisque plusieurs en vendent, du moins, elle n'a pas un franc et libre cours. Car presque tous les moutons apartiennent en propre a peu de Personnes. Ces gens-la étant riches, rien ne les presse de vendre: ils vendent quand bon leur semble, et 1'envie leur vient de vendre quand ils y trouvent leur compte. Les autres bestiaux ne sont pas moins chers que les moutons: c'est par la même raison, et qui est encore plus forte : on a detruit les métairies: 1'Art champêtre est comme tombé; si bien qu'il ne reste que tres peu de Païsans pour avoir soin de la propagation de ces animaux. Ne croïez pas que ces Riches s'apliquent autant, a procurer la multiplication du gros bêtail que celle des moutons: ils achettent d'un autre endroit, et a bon marché, des bêtes maigres; puis, quand elles se sont engraissées au paturage, ils les revendent bien cher. C'est ce qui me fait dire que, du moins, a ce qu'il me semble, on ne sent point encore tout 1'inconvenient de cette afaire-la. Jusques a present, ces Engraisseurs de bêtes ne causent la cherté que dans les lieux oü ils vendent. Mais quand ils auront, pendant quelque tems, enlevé de 1'endroit oü ils achettent, enlevé dis-je, ces mêmes bestiaux sans leur donner le tems de multiplier, le nombre des animaux diminuant insensiblement, il faudra bien a la fin, que le Pais tombe dans une grande dizette. Ainsi, une chose qui paroissoit devoir être avantageux a Votre Ile, et contribuër beaucoup a son bonheur, cette chose la tourne a la ruinc des Habitans par la passion desordonnée que quelques uns ont pour le bien. Cette cherté des vivres oblige un chacun a diminuër son Domestique le plus qu'il peut; mais, les Congedicz, oü vont ils, je vous prie ? Mendier: ou, ce qui se persuade plus aisément aux hommes de bonne familie, ils vont se faire aprentis brigands. Ce qu'il y a de plus déplorable, c'est cette malheureuse pauvreté, cette grande dizette est jointe avec un luxe qui est tout a fait hors desaison. Chez les Serviteurs des Nobles; chez les Ouvriers; dans les Villages même, ou peu s'en faut; enfin, dans tous les Ordres du Roaïume, on voit en habits une magnificence qui n'avoit point encore paru ; et en dépense de bonne chere, un excès tout nouveau. D ailleurs, dites moi s'il vous plait; les maisons de prostitution, les endroits infames, les puantes Cavernes de Vénus, franchissons le mot, les bordels: de plus les Cabarets a vin et a biere, qui souvent sont d'autres lieux de débauche Vénerienne: enfin, tant de mauvaisjeux! Le dez, la carte, le cornet, la bale, la boule, le palet: tous ces beaux exercices, après qu'on s'y est ruiné, n' envoïent ils pas, leurs zèlez devots chercher quelque part a se réparer par le métier de voleur? Croïez moi: chassez ces pestes pernicieuses: ordonnez que ces destructeurs de metairies, que ces renverseurs de Bourgs Champêtres, remettent tout, comme il étoit; ou du moins qu'ils cedent les fonds a ceux qui s'offrent a guerir le mal, et a faire rebatir tout ce qu'on a mis en ruine. Refrénez cette sorte d'achats que les Riches font, et leur licence a en jouïr comme d'une monopole. Entretenez moins de Gens dans la faineantise; remettez 1'Agriculture en bon état: renouvellez la Manufacture de laine, afin qu'il y ait dans le Roïaume une honnête vacation a la quelle puisse s'occtiper utilement cette foule d'Oisifs, qui, jusques ici, sont devenus voleurs par la force de 1'indigence. Vous empêcherez aussi par la que les vagabonds, et les valets desoeuvrez ne se jettent dans le brigandage, ce qui ne sauroit guere manquer ni aux uns, ni aux autres. Certainement si vous ne remediez aux maux que je vous indique, c'est en vain que vous faites sonner si haut votre Justice contre le vol: cette Justice est plus specieuse qu'elle n'est equitable, ni utile. Car enfin, quand vous souffrez que ces Punissables aïent une mauvaise education, et qu on leur corrompe les moeurs dès la plus tendre enfance, en sorte que étant parvenus a 1'age d'homme, ils font voir les crimes honteux dont ils avoient donné 1111 présage continue! depuis leur premiere jeunesse, que faites vous alors sinon des voleurs? C'est vous mêmes, cependant, qui les punissez." ]) i) p. 24- 38. JEAN MESLIER, i) En parlant des fautes adhérentes a la société Meslier dit entre autres du crime ce qui suit; „Un autre abus encore et qui est presque universellement recu et autorisé dans le monde, est 1'apropriation particulière que les hommes se font des biens et des richesses de la terre, au lieu qu'ils devroient tous également les posséder en commun et en jouir aussi également tous en commun. J'entends tous ceux d'un même endroit ou d'un même Territoire, en sorte que tous ceux et celles qui seroient d'une même ville, d'un même bourg, d'un même village, ou d'un même paroisse ne composassent tous ensemble qu'une même familie, se regardant et se considérant tous les uns et les autres comme frères et soeurs, et comme étant tous les enfans de mêmes pères et de mêmes mères, et qui, pour cette raison, devroient tous s'aimer les uns les autres comme frères et comme soeurs et par conséquent devroient vivre paisiblement et communément ensemble, n'aïant tous qu' une même ou semblable nourriture et étant tous également bien vêtus, également bien logés et bien couchés et également bien chaussés, mais s'apliquant aussi également tous a la besogne, c'est-a-dire au travail, ou quelqu'autre honnête et utile emploï, chacun suivant sa profession, ou suivant ce qui séroit plus nécessaire ou plus convenable de faire, suivant les tems ou les saisons et suivant les besoins que 1'ou pouroit avoir de certaines choses, et tout cela sous la conduite, non de ceux qui seroient pour vouloir dominer impérieusement et tiranniquement sur les autres, mais seulement sous la conduite de ceux qui seroient les plus sages et les mieux intentionnés, pour 1'avancement et pour le maintien du bien public. Toutes les villes et autres communautés, voisines les unes des autres, aïant aussi, chacune de leur part, grand soin de faire alliance entr'elles et de garder inviolablement la paix et la bonne union entr'elles, afin de s'aider et de se secourir mutuellement les unes les autres dans le besoin, sans quoi le bien public ne peut nullement subsister et il faut nécessairement que la plupart des hommes soïent misérables et malheureux. Car i°. qu' arrive-t'-il de cette division particulière des biens et des richesses de la terre, pour en jouir par les particuliers, chacun séparément les uns des autres, comme bon leur semble ? II arrivé de la, que chacun s'empresse d'en avoir le plus qu' il peut, par toutes sortes de voïes, bonnes ou mauvaises: car la cupidité, qui est insatiable, et qui est, comme on sait, la racine de tous les maux, voïant pour ainsi dire par une espèce de porte ouverte a 1'accomplissement de ses désirs, elle ne manque pas de profiter de 1'occasion et fait faire aux hommes tout ce qu' ils peuvent, pour avoir abondance de biens et de richesses, tant afin de se mettre a couvert de toute indigence, qu'afin d'avoir par ce moïen le plaisir et le contentement de jouir de tout ce qu'ils souhaitent, d'oü il arrivé que ceux, qui sont les plus forts, les plus rusés, les plus habiles et souvent même aussi les plus méchans et *) »Le testament de J. Meslier". les plus indignes, sont les mieux partagés dans les biens de la terre et les mieux pourvüs de toutes les commodités de la vie." ') . . . „Ce n est pas tout, il arrivé encore de eet abus, dont je parle, que les biens, étant si mal partagés entre les hommes, les uns ai'ant tout ou aiant beaucoup plus qu il ne leur en faudroit pour leur juste portion, et les autres au contraire n'aïant rien, ou manquant de la plupart des choses, qui leur seroient nécessaires ou utiles, il arrivé de-la, dis-je, que naissent d'abord les haines et les envies entre les hommes. De-la naissent ensuite les murmures, les plaintes, les troubles, les séditions et les guerres qui causent une infinité de maux parmi les hommes. De-la naissent aussie mille et mille milliers de mauvais procés, que les Particuliere sont obligés d'avoir entr'eux pour défendre leurs biens et pour maintenir leurs droits, comme ils prétendent. Lesquels procés leur donnent mille peines du corps et mille et mille inquiétudes d esprit, et causent assez souvent la ruine entière des uns et des autres. De-la arrivé aussi que ceux, qui n'ont rien ou qui n' ont pas tout le nécessaire, sont comme contraints et obligés d'user de quantité de méchans moiens, pour avoir de quoi subsister. De-la viennent les fraudes, les tromperies, les fourberies, les injustices, les rapines, les vols, les larcins, les meurtres, les assassins et les brigandages, qui causent une infinité de maux parmi les hommes." 2) III. J. J. ROUSSEAU. Je crois que 1 observation suivante, qu'on trouve dans le „Discours sur 1 origine et les fondements de 1'inégalité parmi les hommes," vaut bien la peine d'être citée. „Le premier qui ayant enclos un terrain, s'avisa de dire, ceci est h nioi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civilc. Oue de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eüt point épargnés au Genre-humain celui qui arranchant les pieux, ou comblant le fossé, eüt crié a ses semblables: gardez-vous d'écouter eet imposteur; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont a tous, et que la Terre n'est a personne." 3) ') p. 2IO—212. 2) p. 214-215. 3) P- 67. IV. MORELLY. Dans son „Code de la Nature" 1'auteur cherche a démontrer que la concorde, dans laquelle vivaient les hommes dans la société primitive (oü existait la propriété commune) a été détruite par la propriété privée qui, née peu a peu, a changé les intéréts communs en intéréts contraires. II s'exprime la-dessus de la manière suivante: tout partage, égal ou inégal, de biens, toute propriété particulière de ces portions, sont dans toute société, ce qu'Horace appelle Summi materiam mali. Tous phénoménes politiques ou moraux sont des effets de cette cause pernicieuse; c'est par elle q'on peut expliquer et résoudre tous tkéorêmes ou problcmes sur 1'origine et les progès, 1'enchainement, 1'affinité des vertus ou des vices, des désordres et des crimes; sur les vrais motifs des actions bonnes ou mauvaises; sur toutes les déterminations ou les perplexités de la volonté humaine; ^sur la dépravation des passions; sur 1'inefficacité, 1'impuisance des préceptes et des loix pour les contenir; sur les défauts même tecniques de ces le<;ons; enfin, sur toutes les monstrueuses productions des égaremens de 1'esprit et du coeur. La raison, dis-je, de tous ces effets peut se tirer de 1'obstination générale des Législateurs, a rompre ou laisser rompre le premier lien de toute sociabilité par des possessions usurpées sur le fonds qui devoit indivisiblement appartenir a 1'humanité entière". ') Plus loin il précise la même idéé en disant: „Otez la propriété, je le repéte sans cesse, vous anéantissez pour jamais mille accidens qui conduisent 1'homme a des extrêmités désespérantes. Je dis, que délivré de ce tyran, il est impossible de toute impossibilité, que 1'homme se parte a des forfaits, qu'il soit voleur, assassin, conquérant. Les loix qui autorisent la propriété, le punissent de ces crimes: ses remords même et ses craintes, enfans des préjugés du systême de morale dans lequel il est élevé, 1'en punisent encore. Mais le plus sévére chatiment du scélérat est le plus premier sentiment de bienfaisance, pour ainsi dire, innée: cette voix intérieure de la Nature, toute réduite qu'elle est chez les hommes a 1'indifférente lecon de ne point nuire, a encore assez de force pour se faire vivement sentir au criminel". 2) 3). i) p. 79-80. a) p. 144-145- s) Voir aussi: p. 38 sqq, p. 150 sqq. V. C. BECCARIA. Le passage suivant tiré de l'Introduction du travail de Beccaria „Des Délits et des peines" n'est pas sans importance pour notre sujet: „Les avantages de la société doivent être également partagés entre tous ses membres. Cependant, parmi les hommes réunis, on remarque une tendance continuelle a rassembler sur le plus petit nombre les priviléges, la puissance et le bonheur, pour ne laisser a la multitude que misère et faiblesse. Ce n'est que par de bonnes lois qu'on peut arrêter ces efforts. Mais, pour Pordinaire, les hommes abandonnent a des lois provisoires et a la prudence du moment le soin de régler les affaires les plus importantes, ou bien ils les confient a la discrétion de ceux-la mêmes dont 1'intérêt est de s'opposer aux meilleures institutions et aux lois les plus sages." ') „Ouvrons 1'histoire; nous verrons que les lois, qui devraient être des conventions faites librement entre des hommes iibres, n'ont été le plus souvent que Pinstrument des passions du petit nombre, ou la production du hasard et du moment, jamais 1'ouvrage d'un sage observateur de la nature humaine, qui ait su diriger toutes les actions de la multitude a ce seul but \ tout le bien-être possible pour le plus grand nombre" *) Dans le § XXX („Du vol") nous lisons e. a. ce qui suit :„Un vol commis sans violance ne devrait être puni que d'une peine pécuniaire. II est juste que celui qui dérobe le bien d'autrui soit dépouillé du sien. Mais si le vol est ordinairement le crime de la misère et du désespoir, si ce délit n'est commis que par cette classe d'hommes infortunés, a qui le droit de propriété (droit terrible, et qui n'est peut-être pas necessaire) n'a laissé pour tout bien que 1'existence, les peines pécuniaires ne contribueront qu'a multiplier les vols, en augmentant le nombre des indigents, en ravissant a une familie innocente le pain qu'elles donneront a un riche peut-être criminel." 3) 1) p. 9. 2) p. 10. 3) p. 167. VI. S. N. H. LINGUET. Dans sa „Théorie des lois civiles", dirigée principalement contre „1'Esprit des Lois" de Montesquieu, et, dans laquelle 1'auteur cherche a défendre la these „1'esprit des lois, c'est la propriété", il y a quelques passages intéressants. Après avoir démontré que la propriété privée a été fondée par la violence, il traite de 1'origine des lois et, en même temps, des causes des crimes et dit: „Parmi des hommes tous égaux, tous robustes, emportés, sanguinaires, accoutumés aux armes, il se seroit élevé des disputes perpétuelles et dangereuses. II n'étoit pas possible que le hasard et 1 intelligence n'eussent mis une grande inégalité dans les différents lots. Celui qui se seroit cru lésé, auroit voulu se faire justice. L'association formée pour s'emparer du butin, auroit été troublée par la difficulté d'en jouir, et Pon ne dut pas tarder a en voir des exemples. Ces inconvéniens frapperent les esprits les plus éclairés. Ils chercherent a y trouver un remede. C étoit un art tout neuf qu ils créoient. Mais comme c'est presque toujours la science qui égare. et que la vérité n'est jamais si facile a découvrir, que quand elle est éloignée des Docteurs, ils virent sur le champ quelle route il falloit prendre. Ils sentoient qu'une premiere violence étoit incontestablement nécessaire. Ils ne pouvoient pas la désavouer, puisqu'elle seule fondoit tous leurs droits. Mais ils voyoient aussi qu'il falloit en prévenir une seconde qui seroit retombée sur eux. Ils concevoient que 1 usurpation primitive devoit être regardée comme un titre sacré: mais ils n appercevoient pus moins clairement qu'il falloit proscrire toute ursupation nouvelle, qui auroit pu contredire 1'ancienne, et la détruire. Pour y réussir, ils proposerent de n'autoriser que les brigandages qui se seroient en commun, et de punir sévérement ceux qu'on oseroit se permettre en particulier. D'après leurs insinuations, on statua que la société auroit droit de tout prendre, mais que les membres se dessaissiroient de ce droit, dès qu'ils seroient seuls. On convint que chacun posséderoit tranquillenient la part qui lui seroit échue, et que quiconque tenteroit de la lui enlever, seroit déclaré ennemi public, et poursuivi en cette qualité. Voila en peu de mots la tige de toutes les loix humaines. Elle comprend toutes les especes de droits, exepté le droit divin, dont la source est pure comme son auteur. C'est d elle que dérivent toutes les constitutions imaginables. C'est elle qui autorise le droit des gens et le droit civil, dont 1'un légitime les conquêtes, et 1'autre proscrit les larcins, qui ne punissent que les vols qu'on ne fait pas en grande com- pagnie. Klle a dirigé dans la suite les démarches de tous les politiques, de tous les fondataurs de gouvernemens et d'empires. Ils sont parvenus par difïférens moyens, dont le détail est inutile ici, a changer la premiere anarchie sociale oü ces principes furent découverts, en des administrations plus ou moins imparfaites. La violence a fait aussi le fondement de leurs droits: mais tous ont voulu ensuite posséder avec justice ce qu'ils avoient ravi très-injustement. Ils ont pris des précautions pour empêcher que ceux qui les avoient aidés a faire la conquête en grand, ne prétendissent les imiter en détail. Après s'être assurés le domaine général, ils n'ont point voulu qu'on put se disputer les partages particuliers. Ils ont confirmé par des régiemens a tous leur complices la possesion des objets, dont ils avoient eu 1'adresse ou le bonheur de s emparer. Ils ont ordonné de punir, comme coupable envers la société, quiconque, voyant ces effets ravis par la force, oseroit au même titre en démander la restitution." ') Dans le chapitre „Bien et maux que les Loix produisent" Linguet donne le jugement suivant, tranchant et satyrique: „Leur (c est-a-dire la justice et le droit) but, comme nous 1'avons dit, est de donner a la société une assiette fixe. II en résulte un ordre invaïitible qui contient chaque membre dans sa place. C'est par leur moyen que le grand nombre qui ne les connoit pas, même en les respectant, se soumet sans répugnance au petit nombre qui en est armé. Dans ce séns il n y a rien de si admirable que les loix. C'est 1'invention la plus sublime qui se soit jamais présentée a 1'esprit humain. Klle offre a quiconque sait réfléchir.le plus satisfaisant, le plus beau de tous les spectacles. Enchainer la force et la violence par des moyens pacifiques; subjuguer les passions les plus vives: assurer a des vertus pénibles la préférence sur des vices aisés et flatteurs; disposer des yeux, des mains et des coeurs des hommes; les asservir, sans les empêcher'de se croire libres; prescire des devoirs capables d'affermir le repos des esprits dociles qui les remplissent, et de les défendre contre les esprits rébelles qui voudroient s'en dispenser, voila ce que font, ou ce que doivent faire les oix. II seroit difficile de réunir a la fois plus d'avantages et de grandeur. Mais autant leur théorie est honorable pour 1'humanité qui a été capable de la saisir, autant leur pratique devient douloureuse, quand après en avoir recommandé 1'observation, il faut en venir aux chatiments prononcés les délits qui les violent. Les passions que 1'intérêt aiguillonne sans cesse nécessitent souvent cette extrêmité affligeante. Alors on voit des hommes autorisés par le consentement général, exercer sur leurs semblables une rigueur inflexible. On entend la Justice prononcer d une voix foudroyante des arrêts qui pourroient passer pour cruels, s ils n étoient indispensables. Elle met en usage les prisons, les bourreaux, les potences: la liberté, et même la vie des hommes deviennent des gages dont elle les privé a son gré quand ils en abusent. Pour expier les pertes que fait 1'Etat par les crimes qui 1'inquietent, on en retranche les criminels, et par-la il soufïfre presqu' egalement du forfait et de la punition." 2) 3) !) p. 284-288. 2) p. 186-189. 8) Voir aussi p. 199-200, et 207-209. VII. HOLBACH. Dans la 3me section de son ouvrage „Système social" portant comme titre „de 1'influence du gouvernement sur les moeurs", Holbach, en traitant des causes du crime, dit e. a.: „On punit a la Chine le mandarin dans le département duquel il s'est commis quelque grand crime. C'est a sa propre négligence ou a sa propre injustice qu'un mauvais gouvernement devroit s'en prendre du grand nombre de malfaiteurs qui se trouvent dans un Ktat. La multiplicité des criminels annonce une administration tyrannique et peu soigneuse. La rigueur des impóts, les vexations, les duretés des Riches et des grands font pulluier des malheureux que souvant la misère reduit au desespoir, et qui se livrent du crime comme du moyen le plus prompt pour s'en tirer. Si 1'opulence est la mere des vices, 1'indigence est la mere des crimes. Lorsqu'un Etat est mal gouverné, que les richesses et 1'aisance sont trop inégalement réparties, de manière que des millions d'hommes manquent du nécessaire, tandis qu'un petit nombre de citoyens regorgent de superflu, on y voit communément beaucoup de malfaiteurs, et les chatiments ne diminueront point le nombre des criminels. Si un gouvernement punit les malheureux, il laisse en repos les vices qui conduisent 1'Etat a sa ruine; il éleve des gibets pour les pauvres, tandis que c'est lui qui, en faisant des misérables, fait des voleurs, des assassins, des malfaiteurs de tout espece: il punit le crime, tandis qu'il invite sans cesse a commettre le crime."') „L'homme qui n'a rien dans un Etat, ne tient par aucuns liens a la société. Commcnt veut-on qu'une foule de misérables a qui 1'on n'a donné ni principes ni moeurs, restent les spectateurs tranquilles de 1'abondance, du luxe, de 1'opulence superflue, des richesses injustement acquises de tants de citoyens corrompus qui semblent insulter a la misere publique, et que 1'on voit rarement disposés a la soulager? De quel droit la société peut-elle punir de mort un voleur domestique qui aura été le témoin des rapines impunies et des concussions de son maïtre; ou qui verra les voleurs publics marcher le front levé, jouir de la considération et des hommages de leurs concitoyens, étaler sans pudeur, aux yeux mêmes des chefs de 1'Etat, un faste insolent, fruit de leurs extorsions? Comment fera-t-on respecter la propriété des J) P- 33-34- 2 autres, a des malheureux qui ont été eux-mêmes les victimes de la rapacité du riche, ou qui ont vu a tout moment les biens de leurs concitoyens impunément envahis par la violence ou par la fraude? Enfin comment engager a se soumettre aux loix des hommes, a qui tout prouve que ces loix, armées contre eux seuls, sont indulgentes pour les grands et les heureux de la terre, et ne sont inexorables que pour le malheureux et le pauvre? L'on ne meurt qu'une fois, 1'imagination du scélérat s'apprivoise peu-a-peu avec 1'idée des supplices les plus cruels ; il finit par les regarder comme un mauvais quart d'heuremourir pour mourir; il aime autant périr par la main du bourreau, que de périr de faim, ou même de travailler infructueusement toute sa vie." !) i) p. 36-37. VIII. MABLY. L'opinion de eet auteur sur le crime est le mieux rendue par la citation suivante, empruntée a son travail: „De la Législation ou Principes des Lois". — On y lit: „Plus j'y réfléchis et plus je suis convaincu que 1'inégalité des fortunes et des conditions décompose, pour ainsi dire, rhomme, et altère les sentimens naturels de son coeur; paree que des besoins superflus lui donnent alors des désirs inutiles pour son bonheur véritable, et remplissent son esprit des préjugés ou des erreurs les plus injustes et les plus absurdes. Je crois que 1'égalité, en entretenant la modestie de nos besoins, conserve la modestie de nos besoins, conserve dans mon ame une paix qui s'oppose a la naissance et aux progrès des passions. Par quelle étrange folie mettrions-nous de la recherche, de 1'étude et du raffinement dans nos besoins, si 1'inégalité des fortunes ne nous avoit accoutumés a regarder cette délicatesse ridicule comme une preuve de supériorité, et n'eüt valu, par-la une sorte de cosidération ? Pourquoi m'aviserois-je de regarder comme au dessous de moi un homme qui m'est peut-être supérieur en mérite; pourquoi affecterois-je quelque préférence; pourquoi prétendrois-je avoir quelque autorité sur lui, et ouvrirois-je ainsi la porte a la tyrannie, a la servitude et a tous les vices les plus funestes a la société, si 1'inégalité des conditions n'avoit ouvert mon ame a 1'ambition, comme 1'inégalité des fortunes 1'a ouverte a 1'avarice? II me semble que c'est 1'inégalité seule qui a appris aux hommes a préférer aux vertus bien des choses inutiles et pernicieuses. Je crois qu'il est démontré que dans 1'état d'égalité rien ne seroit plus aisé que de prévenir les abus et d'affermir solidement les Loix. L'égalité doit produire tous les biens, paree qu'elle unit les hommes, leur élève 1'ame et les prépare a des sentimens mutuels de bienveillance et d'amitié; j'en conclus que 1'inégalité produit tous les maux, paree qu'elle les dégrade, les humilie et sème entr'eux la division et la haine. Si j'établis des citoyens égaux, qui ne considèrent, dans les hommes, que les vertus et les talens 1'émulation se tiendra dans de justes bornes. Détruisez cette inégalité, et sur le champ 1'émulation se changera en envie et en jalousie, paree qu'elle ne proposera plus une fin honnête." ')2) P- 47-49" Voir ruissi p. 72 sqq. IX. J. P. BRISSOT DE WARVILLE. Dans sa „Théorie des loix criminelles" on trouve e. a. les passages suivants, qui sont intéressants pour le sujet qui nous occupe : „L'homme ne nait point ennemi de la société, ce sont les circonstances qui lui donnent ce titre, c'est 1'indigence, le malheur; il ne trouble la tranquillité générale que quand il a perdu la sienne; il ne cesse d'être citoyen, qu'au moment oti ce nom est nul pour lui; et c'est lorsque la misere a effacé ses privileges, qu'il ose porter atteinte a ceux de ses semblables. Rendre tous les citoyens heureux, c'est donc prévenir la naissance du crime; leur rareté est en raison directe de la bonté de 1'administration. Ce principe simple, quoiqu'inconnu jusqu'a ce siecle aux administrations, n'en est pas moins solide, pas moins lumineux, n'en doit pas moins servir de base aux gouvernemens. S'ils 1'ont négligé, c'est qu'il a paru plus facile aux chefs de punir 1'être malheureux qui réclamoit les droits que lui donnoit la nature, que de satisfaire sa justc réclamation, d'étoufifer les cris de 1'angoisse que de les changcr en acclamations. Le code pénal de tous les peuples ressemble assez au taurcau de Phalaris; son appareil imposant de formes juridiques, comme les tambours et les instrumens de ce monstre, empêche les cris des victimes de frapper leur oreilles. Les tyrans crient aux spectateurs qui les croient, que le sang est nécessaire a la süreté publique; les bons législateurs en sont avares. Le premier moyen et le plus efficace pour prévenir les crimes réside donc dans une sage administration qui procure le bonheur général. Lorsque les rayons de 1'astre bienfaisant qui gouverne étendent leur influence jusqu'aux derniers rangs de la société, on les voit rarement souillés par des forfaits: chacun se concentrant dans la sphere oü le ciel 1'a jeté, jouit et bénit le jour qui 1'éclaire (et le crime est si prés de celui que le sort force a le maudire!) Si les impóts sont légers, si la j)erception n'en est pas rigoureuse, si la subsistance est facile, le nombre des mariages augmente, ils sont heureux, et la population s'accroit. Le peuple alors ne regrette point ses travaux, puis qu'ils sont entre-mêlés de plaisirs. II s'attache a sa patrie qui lui offre le bonheur, a la vie qui lui donne le moyen d'en jouir. II ne trouble point la tranquillité, paree que son bonheur en est le fruit. Propriétaire luimême, il se garde bien de donner atteinte a la propriété, et quand la nature ne lui auroit pas inspiré de 1'horreur pour Feffusion du sang humain, ses jours lui sont trop précieux pour qu'il ose trancher le cours de ceux de ses concitoyens." ') quel souverain. dis-je, ne verra pas aisément qu'il a dans ') P- 37-39- sa main le véritable frein des crimes dans le ressort du bonheur public, et ce ressort dans la législation civile. Oui, plus elle tendra vers sa perfection, moins on aura besoin de législation criminelle; elle sera presque nulle lorsque la doublé base sur laquelle doit reposer la législation civile sera fixe et invariable, lorsque la propriété, la liberté des sujets seront respectées par le monarque, lorsque 1'infortuné que le hasard fait naitre sans propriété, quoiqu'avec des besoins, pourra par son travail corriger 1'injustice du sort, et efïfacer 1'inégalité de la répartition des richesses, lorsque' enfin le fruit de son labeur ne sera pas la proie du traitant avare. Le riche pourra 1'être alors impunément, paree que le désespoir ne prêtera plus son couteau a 1'indigent qu'insultoit sa fiere opulence. Nous posons ici pour fondement d'une bonne législation la süreté de la propriété personelle et fonciere, un chefd'oeuvre de politique seroit de la rendre inutile en 1'anéantissant s'il étoit possible: ce seroit arracher au crime sa racine. Ce fut ainsi que Lycurgue, dont on a tant calomnié les loix paree qu'elles ont paru inimitables aux esprits étroits, tarit adroitement la source de tous les crimes. Pour prévenir ceux qui blessoient la propriété, il abolit toute propriété: pour prévenir 1'adultere, il mit les fennnes en commun: pour faire du Spartiate un héros, il en fit 1'esclave de sa dure législation : enfin pour arrêter les tristes effets des passions, il ne lui permit d'avoir que celle du bien public. Voila pourquoi les crimes furent si rares a Sparte tant que ses habitants observerent fidélement ces loix. Mais lorsque Lisandre rapporta de la fatale conquête d'Athenes, des trésors, le goüt des arts, la fureur du luxe, tous les vices s'introduisirent rapidement: alors naquirent les crimes; 1'ambition fit commettre des parjures, des assassinats, des trahisons; alors le vertueux Agis qui vouloit ressusciter les moeurs, périt sous le couteau perfide de la servitude royale; alors parurent les Nabys—le Machanides; on connut enfin un code pénal, et Sparte ne fut plus qu'une ville ordinaire." ') „Doit-il paroitre étonnant que ces atteintes (c'est-a-dire aux loix sodales) soient si multipliées aujourd'hui, et qu'il y ait partout tant de voleurs et d'assassins, lorsqu'aux causes qui donnent naissance aux crimes et que nous avons développées, il faut joindre encore cette maladie horrible des états Européens, Ia mendicité ? Lorsque les eaux destinées par la nature a étancher la soif de tous les hommes, sont artificieusement detournées par des canaux particuliers pour 1'usage exclusif de quelques individus, le malheureux que le besoin tourmente, tombe du morne abattement dans le désespoir, et brise avec fureur ces canaux meurtriers, d'oü il fait retomber les éclats sur la tête de ses ennemis. Les jouissances, les propriétés exclusives ont partout produit la misère de la classe la plus nombreuse, et la misere a enfanté la mendicité qui, dérobant d'une main pour assouvir la faim, a de 1'autre plongé le poignard dans le sein du riche pour étouffer ses cris. Voila en deux mots 1'origine du vol et de 1'assassinat. Pour en extirper les racines, il faudroit ramener parmi les hommes cette égalité de conditions si prónée par les philosophcs modernes, mais qui ne peut point entrer dans le cadrc des gouvernemens actuels: il faudroit distribuer x) P- 43-45. les richesses dans une juste proportion parmi tous les citoyens: il faudroit arracher de leurs coeurs le desir corrosif de 1'ambition, modérer 1'aiguillon de leur intérêt personel: il faudroit . . . Dans ses „Recherches philosophiques sur la propriété et sur le vol" Brissot expose ce qu'est la propriété d'après la nature et d'après la société. Dans les chapitres VII et VIII portant comme titre „de la propriété civile et du vol" et „Doit-on punir de mort ou d'une peine afflictive et infamante, celui que le besoin réduit a voler?" il dit du crime: „La propriété civile est bien différente de la propriété naturelle, comme nous 1'avons déja démonrté: elle n'est point fondée sur le même titre, n'a point le même but, les mêmes bornes. Le besoin est la limite de la propriété naturelie. La propriété civile s'étend au-dela du superflu. Dans la nature, chacun a droit a tout; dans la société, 1'homme a qui ses parens ne laissent pas dc bien, n'a droit a rien. Dans la nature il seroit coupable, s'il ne satisfaisoit pas ses besoins; il est coupable dans la société, quand il les satisfait, n'étant pas propriétaire. On a donc confondu dans la société toutes les idéés que donne la nature sur la propriété. On a rompu 1'équilibre qu'elle avoit mis entre tous les êtres. L'égalité bannie, on a vu paroitre ces distinctions odieuses dc riches et de pauvres. La société a été partagée en deux classes: la première, de citoyens propriétaires, vivans dans 1'inaction: la seconde plus nombreuse, composée du peuple, a qui 1'on a vendu chérement le droit d'existcr, qu'on a avili, qu'on a condamné a un travail perpétuel. Pour affermir ce droit nouveau de propriété, 1'on a prononcé les peines les plus cruelles contre ceux qui le troubleroient, qui lui porteroient atteinte. L'atteinte portée a ce droit s'est appellée vol; et lecteurs! jugez comme nous sommes loin de la nature. Le voleur dans 1'état de nature est le riche, est celui qui a du superflu; dans la société, le voleur est celui qui dérobe a ce riche. Quel bouleversement d'idées!"2) „Si 1'homme, dans la société même, conserve toujours le privilege ineffacable de la propriété que la nature lui a donné, rien ne peut donc le lui óter, rien ne peut 1'empêcher de 1'exercer. Si les autres membres de cette société concentrent dans eux seuls la propriété de tous les fonds de terre; si dans cette spoliation ceux qui en sont privés, forcés de recourir au travail, ne peuvent par son moyen se procurer leur entiere subsistance, alors ils sont les maitres d'exiger des autres propriétaires de quoi remplir ces besoins. Ils ont droit sur leurs richesses. Ils sont maitres d'en disposer en proportions de leurs besoins. La force qui s'y oppose est violence. Ce n'est pas le malheureux affamé qui mérite d'être puni; c'est le riche assez barbare pour se refuser au besoin de son semblable, qui est digne du supplice. Ce riche est le seul voleur; il devroit seul être suspendu a ces infames gibets, qui ne semblent élevés que pour punir 1'homme né dans' la misere, d'avoir des besoins; que pour le forcer d'étouffer la voix de la nature, le cri de la liberté; que pour le contraindre a se jeter dans un dur esclavage, pour éviter une mort ignominieuse." 3) P- 74-75- 2) P- 331-333- 3) P- 333-334- X. VV. GODWIN. Au troisième chapitre du Premier Livre de son „Enquiry concerning political justice" Godwin traite de deux sortes importantes de crime: du vol et de la fraude. II en dit: „Two of the greatest abuses relative to the interior policy of nations, which at this time prevail in the world, consist in the irregular transfer of property, either first by violence, or secondly by fraud. ïf among the inhabitants of any country there existed no desire in one individual to possess himself of the substance of another, or no desire so vehement and restless as to prompt him to acquire it by means inconsistent with order and justice, undoubtedly in that country guilt could scarcely be known but by report. If every man could with perfect facility obtain the necessaries of life, and, obtaining them, feel no uneasy craving after its superfluities, temptation would lose its power. Private interest would visibly accord with public good; and civil society become what poetry has feigned of the golden age. Let us inquire into the principles to which these evils are indebted for their existence.' ') D'après lui ces crimes sont les conséquences: i° de la grande pauvreté, qui a pris des dimensions énormes; (en Angleterre sur les sept habitants il y en a un qui pendant certain temps a été secouru.) La situation est devenue telle que pour le pauvre 1'état de la société est un etat de guerre. II considère la société non comme un corps dont la destination est de maintenir des droits personnels et de procurer a chaque individu les moyens de pourvoir a sa subsistance, mais bien comme un corps protégeant la position avantageuse de quelques-uns et tenant les autres en un état de misère et de dépendance. ' 2° de 1'ostentation des riches, qui fait plus sentir au pauvre tout ci qui lui manque. 3° de la tyrannie du riche, devenue permanente par la législation, par 1'application des lois et par la division des richesses. Dans le VIIImc Livre {„ofproperty") Godwin précise les idees susnommées. Parlant de 1'amélioration morale qui s'ensuivrait de 1'abolition deJapropriété privée, il dit: „And here it is obvious that the great occasions of crime would be cut ofïf for ever. All men love justice. All men are conscious that man is a being of one common nature, and feel the propriety of the treatment they receive from one another being measured by a common Standard. Every man is desirous of assisting another; i) p. 15-16. whether we should choose to ascribe this to an instinct implanted in his nature which renders this conduct a source of persona! gratification, or to his perception of the reasonableness of such assistance. So necessary a part is this of the constitution of mind, that it may be doubted whether any man perpetrates any action however criminal, without having first invented some sophistry, some palliation, by which he proves to himself that it is best to be done. Hence it appears, that offence, the invasion of one man upon the security of another, is a thougt alien to the human mind, and which nothing could have reconciled to us but the sharp sting of necessity. To consider merely the present order of society, it is evident that the first offence must have been his who began a monopoly, and took advantage of the weakness of his neighbours to secure certain exclusive privileges to himself. The man on the other hand who determined to put an end to this monopoly, and who peremptorily demanded what was superfluous to the possessor and would be of extreme benefit to himself, appeared to his own mind to be merely avenging the violated laws of justice. Were it not for the plausibleness of this apology, it is to be presumed thad there would be no such thing as crime in the world. The fruitful source of crimes consist in this circumstance, one man's possessing in abundance that of which another man is destitute. We must change the nature of mind, before we can prevent it from being powerfully influenced by this circumstance, when brought strongly home to its perceptions by the nature of its situation. Man must cease to have senses, the pleasures of appetite and vanity must cease to gratify, before he can look 011 tamely at the monopoly of these pleasures. He must cease to have a sense of justice, before he can clearly and fully approve this mixed scene of superfluity and want. It is true that the proper methode of curing this inequality is by reason and not by yiolence. But the immediate tendency of the established administration is to persuade that reason is impotent. The injustice of which they complain is upheld by force, and they are too easily induced, by force to attempt its correction. All they endeavour is the partial correction o an injustice, which education tells them is necessary, but more powerful reason affirms to be tyrannical. Porce grew out of monopoly. It might accidentally have occurred among savages whose appetites exceded their supply, or whose passions were inflamed by the presence of the object of their desire; but it would gradually have died away, as reason and civilisation advanced. Accumulated property has fixed its empire; and henceforth all is an open contention of the strength and cunning of one party against the strength and cunning of the other. In this case the violent and premature struggles of the necessitous are undoubtedly an evil. They tend to defeat the very cause in the success of which they are most deeply interested; they tend to procrastinate the triumph of truth. But the true crime in every instance is in the selfish and partial propensities of men, thinking only of themselves, and despising the emolument of others; and of these the rich have their share. The spirit of oppression, the spirit of servility and the spirit of fraud, these are the immediate growth of the etablishcd administration of pro- perty. They are alike hostile to intellectual and moral improvement. 1'he other vices of envy, malice and revcnge are their inseparablc companions. In a state of society where men lived in the midst of plenty, and where all chared alike the bounties of nature, these sentiments would inevitably expire. The narrow principle of selfïshness would vanish. No man being obliged to guard his little store, or provide whith anxiety and pain for his restless wants, each would lose his individual existence in the thought of the general good. No man would be an enemy to his neighbour, for they would have no subject of contention; and of consequence philanthropy would resume the empire which reasons assigns her. Mind would be delivered trom her perpetual anxiety about corporal support, and free to expatiate in the field of thought which is congenial to her. Each would assist the enquiries of all. i) 2) *) P' 455-458- 2) Voir sur le charactère dc 1'homme, non inné, mais changeant d'après le milieu social le tres intéressant chapitre IV (livre I.) XI. R. O WEN. i) L'auteur dans plusieurs ouvrages nous a exprimé ses idees sur le rapport entre la criminalité et le milieu social et les conditions économiques en particulier. C'est dans son livre „The Book of the New Moral World", parit en 1844, qu'il nous rend le mieux ses idéés.2) Les voici en résumé: ce n'est pas 1'homme lui-même, ce sont les circonstances qui fornient le caractere; un milieu défavorable rendra 1'homme mauvais, un milieu favorable produira le contraire. L'organisation de la Société contemporaine est telle qu'elle éveille en 1'homme toutes les mauvaises qualités. La plus grande partie de 1'humanité vit dans les conditions les plus misérables et devient physiquement, intellectuellement et moralement inférieure. Les classes ouvrières n'ont point de demeures hygiéniques, elles accomplissent un travail trop pénible et trop long, elles sont nourries et vêtues insuffisamment. La fausse production et distribution de la richesse en sont les causes parceque le désordre et 1'anarchie y règnent. Les moyens de production, les matières et les forces productives existent suffisamment, de sorte que chacun pourrait pourvoir amplemcnt a ses besoins; mais la concurrence qui engloutit des trésors 1'empêche et produit le contraire, tandis que quelques-uns ont le superflu, la plupart n'ont pas même le nécessaire (ce qui est une cause a part pour la criminalité). La distribution fait gaspiller énormément de forces a cause du grand nombre d'intermédiaires. L'éducation et 1'enseignement sont on ne peut plus négligés. Les enfants des classes inférieures sont dénuésou presquedénués d'enseignement, ct 1'on ne saurait guère parler d'éducation, les parents n'en ayant guère eu eux-mêmes ne sont point capables et n'ont pas le loisir de leur en donner. Cependant des enfants de toutes les classes on fait des êtres égoïstes et anti-sociaux; on leur inculque la maxime de „chacun pour soi" au lieu de leur appendre que 1'amour du prochain est le principe sur lequel la société devrait être basée. Ovven trouve la cause du crime dans l'organisation de la société d'alors, fondée sur la propriété privée. Citons un passage caractéristique ') Voir aussi 1'ouvrage intitulé: »An inqtiiry into the principles of the distribution of Wealth" (chapitre II et III) de W. Thompson, disciple d'Owen. P. 17 il dit e. a.: »The unrestrained tendency of the distribution of wealth, being so much towards equality, excessive wealth and excessive poverty being removed, almost all the temptations, all the motives, which now urge to the commission of crime, would be also removed." 2) Voir e. a. ses «Essays on the formation of Character"; et «Reports of the proceedings at the several public meetings held in Dublin." du VI Volume intitulé: „General constitution of Governement and Universal Code of Law": „Private property has been, and is at this day, the cause of endless crime and misery to man, and he should hail the period when the progress of science, and the knowledge of the means to form a superior character for all the individuals of the human race, render its continitance not only unnecessary, but most injurious to all; injurious to an incalculable extent to the lower, middle, and upper classes. The possession of private property tends to make the possessor ignorantly selfish; and selfish, very generally, in proportion to the extent of the property held by its claimant. So selfish, that many possessing thousands a-year beyond all reasonable wants, calmly read or hear of thousands of their brother men daily starving for want of that employment which these wealthy withhold; and withhold often that they may preserve animals, first to destroy the wealth that the industrious create and require to support their existence, and then to consume their wealth, time, and mind in destroying these preserved wild animals in the most cruel manner, for the pastime of these most ignorantly selfish-made, wealthy, irrational creatures in human form. It may truly be said that private property has been so sadly injurious to the human race, that it trains those who possess the most of it to become, in very many instances, no better than two-legged animals, whose chief pleasure and delight, through their lives, is to destroy four-legged animals, or other two-legged of the featheréd tribe. An evident proof how little society has yet advanced from the state of brutal barbarism. Private property also deteriorates the character of its possessor in various ways; it is calculated to produce in him pride, vanity, injustice, and oppression, with a total disregard of the natural and inalienable rights of his fellow men. It limits his ideas within the little narrow circle of self, prevents the mind from expanding to perceive extended views beneficia! for the human race, and understand great general interests that could be made most essentially to improve the character and condition of all. It confines the human mind to immediate self and its petty concerns; when the possessor, if he had been trained from birth without the deteriorating influence of the desire to obtain and retain private property, might have been educated to comprehend the advantages of general interests and universal ideas; to be familiar with the whole science and practice of society, instead of possessing some mere local ideas respecting a very small part of a mystified chaos called society. Private property alienates mind from mind, is a perpetual cause of repulsive action throughout society, a never-failing source of deception and fraud between man and man, and a strong stimulus to prostitution among women. It has caused war through all the past ages of the world's known history, and been a stimulant to innumerable private murders. It is now the sole cause of poverty, and its endless crimes and miseries over the world, and in principle it is as unjust as it is unwise in practice. In a rational-made society it will never exist. Whatever may have been its necessity or utility, before the introduction of the supremacy of machinery and chemistry, it is now most unnecessary and an unmixed evil; for every one, from the highest to the lowest, may be ensured through life much more of all that is really beneficial for humanity, and the permanent happiness of the individual, through public scientific arrangements, than it is possible to obtain through the scramble and contest for procuring and maintaining private property. 1 livate property also continually interferes with or obstructs public measures which vvould greatly benefit all, and frequently to merely P'ease the whim or caprice of an ill-trained individual. \\ hen everything except mere personals shall be public property, and public property shall always be maintained in superfluity for all— and when artificial values shall cease, and intrinsic values shall be alone estimated then will the incalculable superiority of a system of public property be duly appreciated over the evils arising from private property. With a well arranged scientific system of public property, equal education and condition, there will be no mercenary or unequal marriages ; no spoiled children; and none of the evils which proceed from these errors in the present system. if crudities which pervade all the departments f life, and are thoroughly inconsistent, can be called a system of society. In fact, as soon as individuals shall be educated and placed—and it is for the best and permanent interest of society that all should be educated and placed—the saving of time, labour, and capital, between public and private property, will be beyond any estimate the mind of man can form in favour of public property. In the British empire alone it may be made to be several thousand millions sterling annually. The present contest for individual wealth creates the greatest possible extravagance and waste through every department of society, and destroys the best and finest qualities of human nature, while it cultivates and encourages all the inferior feelings and passions. Therefore the twelfth law ') will be, that— nder the Rational System of society — after the children shall have been trained to acquire new habits and new feelings, derived from a knowledge of the laws of human nature — there shall be no useless private property". 1 he old system of the world has been created and governed on the assumed principle of man 's responsibiliy to man, and by man's rcwards and punishments. And this piinciple has been assumed upon the original supposition, that man was born with power to form himself into any character he iked; to believe or disbelieve whatever he plaesed ; and that he could ove, hate, or be indifferent as to all persons and things, according to an independent will which enabled him to do as he liked in all these respects. The present system is, therefore, essentially a system supported and governed by laws of punishment and reward of man's creating, in ap- , , '' ^"e.^.es '°'s 1U' sclon Chvcn doit produire le changement de la société actuelle a la societe tuture. positon to nature's laws of punishing and rewarding. The former system is artificial, and always produces crime and misery, continually increasing, and therefore requiring new laws to correct the evils necessarily forced upon society by the old laws; thus laws are multiplied without limit by man to counteract nature's laws, and ever without success. While nature's beautiful and benevolent laws, if consistently acted upon in a system made throughout in accordance with them, would produce knowledge, goodness, and happiness, continually increasing, to the human race. By man's laws being forced upon the population of all countries, in continual opposition to nature's laws; with law added to law,in the vain attempt to remedy endless previous laws, the world had been made and kept criminal, with crimes multiplying as human laws increased. The laws of man are made to support injustice, and give additional power to the oppressor and to the man devoid of truth and honesty over the innocent and just. And such must be the result, as long as human laws, lawyers, and law parapharnalia shall be sanctioned by society. But it is not sufficiënt that men should be trained in a knowledge of the laws of human nature; it is equally necessary that they should be educated from birth to act in obedience to that knowledge, and that all the circumstances of society should be made in unison with those laws, and not, as they have been hitherto, in accordance with man's laws. Nature's laws carry with them the only just rewards and punishments that man should experience; and they are, in every case, efficient for nature's purposes, and to ensure the happiness of man in alle countries and climes; and, differing from man's puny, short-sighted laws, they are always adequate to the end intended to be accomplished. And this end is evidently to increase human knowledge and happiness. It is through these laws of nature, that man has attained the knowledge which he has acquired. He has been continually urged onward to make discoveries, and to invent, through pain experienced, or pleasure enjoyed or anticipated. But man has been trained to have his character formed, and to be governed by laws of his own making; his habits, manners, ideas, and associations of ideas have emanated, directly or indirectly, from his artificial and injurious source; and, in consequence, the niind, language, and practice of all individuals have become a chaos of confusion. And this chaos in the character and conduct of individuals has made a yet greater chaos in all the proceedings of society: and, in consequence, man is now opposing man, and nation opposing nation, all over the earth. Vet all nature declares, that it shall be by union of man with man, and nation with nation, that the human race can ever attain a high degree of permanent prosperity and happiness, or become rational. Nevertheless, while this irrational individual and general character shall remain, those men and women who have been made to receive this character, and to be so injured, must continue for a time to be governed bij these most injurious laws. The laws of nature being alone applicable to a society, whose laws are in accordance with the laws of nature. When this rational society shall be formed, and men, individually and generally, shall be trained to act in accordance with it, then shall human punishments and rewards cease, and cease for ever. The thirteenth law will therefore be, that — „As soon as the members of these scientific associations shall have been educated, from infancy, in a knowledge of the laws of their nature, trained to act in obedience to them, and surrounded by circumstances all in unison with them, there shall be no individual reward or punishment." The Rational System of society is one and indivisible in its principles and practices; each part is essential to its formation. It is one unvarying consistent system for forming the character of all individuals, and for governing their affairs; and it is essentially a system to prevent evil, and render individual punishment and reward as unnecessary, as they are unjust and most injurious to all. While, on the contrary, the present system, based on error, could not be continued without individual rewards and punishments, and, while it shall be maintained, however unjust these individual rewards and punishments must be, whcn applied to beings who do not form any part of themselves, and who are kept ignorant of their own nature, these irrational rewards, and punishments, of man's devising, must be continued. Individual punishments and rewards, ignorance, the inferior feelings and passions, with all crimes and miseries, will go together when the irrational system shall be abolished. When the cause of evil shall be removed, then will the evil eease, eind not before" ') 2) ') p. 40-45- ^ 2) On sait qu' Owen a mis ses théories en pratique en fondant la colonie de New-Lanark. Les conséquences désastreuses du capitalisme industriel comme: la durée excessive du travail, la mauvaise nourriture, les habitations malsaines, le manque d'éducation des enfants etc. etc. y étaient diminuées et évitées. Parmi la population de la colonie, alcoolisée et demorasilée par le capitalisme (les vols étaient a l'ordre du jour), amelwrée peu d pen par le milieu favorable, aucunepoursuite judiciaire n'eut lieu pendant 19 a/is. Vol, ivrognerie et naissances illégitimes ne se presentdrent plus. (Voir le prof. H. Denis. Le socialisme et les causes économiques et sociales du crime p. 283, et le prof. H. P. G. Quack vde Socialisten" II p. 279 sqq). XII. E. CABET. Dans la seconde de partie son „Voyage en Icarie" Fauteur traite du rapport entre criminalité et conditions économiques. D'après lui la monnaie, 1'inégalité de fortune et la propriété sont la cause de tous les crimes. La citation suivante nous explique son opinion (on y parle au passé de la société contemporaine vu que 1'ouvrage suppose une société avec propriété commune). „L'opulence ou le superflu étant necessairement, comme je (c'est-adire, quelpu' un qui parle d'une société oü existe la propriété privée.) vous 1'ai déja dit, une injustice et une usurpation, les pauvres ne pensaient souvent qu' a voler les riches; et le vol, sous toutes les formes (escroquerie, filouterie, banqueroute, abus de confiance, fraude, tromperie, etc.), était 1'occupation presque universelle des pauvres comme des riches. Et les pauvres ne volaient pas seulement les riches, mais ils volaient aussi les pauvres eux mêmes, en sorte que tous, riches et pauvres, étaient voleurs et volés. Je ne pourrais énumérer toutes les espèces de vols et tous les genres de voleurs. C'était vainement que les riches avaient fait des lois terribles contre le vol, c' était vainement que les prisons et les galères étaient remplies de pauvres voleurs et que leur sang était souvent versé sur les échafauds ; poussés par la misère, encouragés par 1'espoir de n'être pas découverts, les pauvres volaient dans les ckatnps, ou dans les matsous, ou sur les routes, et jusque dans les rues, pendant la nuit. L'adroit filou volait sur les personnes mêmes, en plein jour, dans les rues, les promenades, les réunions, partout. Le hardi escroc volait en employant le mensonge et la ruse, soit pour faire acheter des objets qui n'avaient qu' une valeur infiniment moindre, soit pour soutirer de 1'argent en abusant de la credulité et souvent de la bienfaisance. Parlerai - je des faux - monnayeurs et des faussaires de toute espèce ? Parlerai - je aussi des usuriers, de ces grands voleurs, les loups cerviers de la Bourse et la Banque, les accapareurs, les monopolistes et les fournisseurs ? Parlerai-je de ceux qui s' enrichissaient des calamitcs publiques qui désiraient et provoquaient les invasions ou les guerres pour faire fortune, et les famines pour amasser de 1' or au milieu des cadavres? Parlerai-je de ces voleurs qui compromettaient la santé pub lique en frelatant les aliments et les boissons qu' ils vendaient, et de ces autres grands voleurs, les chefs d'armée, qui pillaient les Peuples étrangers en exposant leur pays a de terribles représailles? Parlerai - je enfin des innombrables moyens d'amasser de 1'argent aux dépens des autres, et des innombrables individus qui, dans presque toutes les classes, les pratiquaient journellement ? Tous ces faits n'étaient pas qualifiés vols par les lois; les plus inexcusables, les plus nuisibles, ceux qui n'étaient connus que panni les riches, jouissaient même de 1'impunité légale: mais tous n'en étaient pas inoins en réalité des vols, suivant les régies d'une saine morale. Chaque classe présentait sans doute un grand nombre d' exceptions: il y avait quelques riches aussi honnêtes que possible, et beaucoup de travailleurs ou de pauvres pratiquant la probité: mais on peut dire que, par la foice des choses et par 1111e irrésistible conséquence de 1'inégalité de fortune, tous les individus, riches et pauvres, étaient généralement amenés a commettre des actions qui n'étaient en réalité que des espèces de vols. 1 Kt souvent le vol conduisait a toutes les cruautés, a 1 'assassinat, aux tortures mêmes les plus barbares, pour faire avouer oü 1'or était caché Que d' empoisonnements et de parricides n' excitait pas la soif de 1 or et des successions! On voyait des voleurs enlever et voler des enfants pour les prostituer! On en voyait même voler, et égorger des jeunes gens pour en vendre la chair! ou le cadavre! . .. !'n 1111 m°t> ■' ne pouvait y avoir ni confiance ni sécurité; chaque individu voyait des ennemis dans presque tous les autres; et la Société seniblait, pour ainsi dire, n'être qu' un eoitpe-gorge au milieu d' un forêt! Et toutes ces horreurs, que vous retrouverez plus on moins partout, etaient chez nous et sont encore ailleurs, je ne puis trop le répéter, 1 inevitable résultat du droit illimité de Popriété". ') ') P- 3I5-3I7- XIII. F. ENGELS. Parmi les conséquences désastreuses, que le capitalisme industriel entraine, 1'auteur range 1'augmentation prodigieuse de la criminalité. II nous dit dans „die Lage der arbeitenden Klasse" ce qui suit: „Die Fehler der Arbeiter lassen sich überhaupt alle auf Ztigellosigkeit der Genuszsucht, Mangel an Vorhersicht und an Fügsamkeit in die soziale Ordnung, überhaupt auf die Unfahigkeit, den augenblicklichen Genusz dem entferntern Vortheil aufzuopfern, zurückführen. Aber wie ist das zu verwundern ? Eine Klasse, die wenig und nur die sinnlichsten Genüsse sich fiir saure Arbeit erkaufen kann, musz sich die nicht toll und blind auf diese Genüsse werfen ? Eine Klasse, um deren Bildung sich niemand kümmert, die allen möglichen Zufallen unterworfen ist, die gar keine Sicherkeit der Lebenslage kennt, was für Griinde, was fiir ein Interesse hat die, Vorhersicht zu üben, ein „solides" Leben zu führen, und, statt von der Gunst des Augenblicks zu profitiren, auf einen entferntern Genusz zu denken, der gerade für sie und ihre ewig schwankende, sich überschlagende Stellung noch sehr ungewisz ist ? Eine Klasse, die alle Nachtheile der sozialen Ordnung zu tragen hat, ohne ihre Vortheiie zu genieszen, eine Klasse, der diese sociale Ordnung nur feindselig erscheint, von der verlangt man noch, dasz sie diese Ordnung respektiren soll ? Das ist wahrlich zu viel. Aber die Arbeiterklasse kann der sozialen Ordnung, so lange diese besteht, nicht entrinnen, und wenn der einzelne Arbeiter gegen sie aufsteht, so fallt der gröszte Schaden auf ihn. So macht die soziale Ordnung dem Arbeiter das Familienleben fast unmöglich; ein unwohnliches, schmutziges Haus, das kaum zum nachtlichen Obdach gut genug, schlecht möblirt und oft nicht regendicht und nicht geheizt ist, eine dumpfige Atmosphare im menschengefüllten Zimmer erlaubt keine Hauslichkeit; der Mann arbeitet den ganzen Tag, vielleicht auch die Frau und die altern Kinder, alle an verschiednen Orten, sehn sich nur Morgens und Abends — dazu die stete Versuchung zum Brantweintrinken; wo kann dabei das Familienleben existiren? Dennoch kann der Arbeiter der Familie nicht entrinnen, er musz in der Familie leben, und die I' olge davon sind fortwahrende Familienzerrüttungen und hausliche Zwiste, die sowohl auf die Eheleute wie namentlich auf ihre Kinder im höchsten Grade demoralisirend wirken. Vernachlassigung aller hauslichen Pflichten, Vernachlassigung besonders der Kinder ist nur zu haufig unter den englischen Arbeitern, und wird nur zu sehr durch die bestehenden Einrichtungen der Gesellschaft hervorgebracht. Und Kinder, die auf diese Weise wild, in der demoralisirendsten Umgebung, zu der oft genug 3 die Eltern selbst gehören, heranwachsen, die sollen nachher noch fein moralisch werden? Es ist wirklich zu naiv, welche Forderungen der selbstzufriedne Bourgeois an den Arbeiter stellt. Die Nichtachtung der sozialen Ordnung tritt am deutlichtsten in ihrem Extrem, im Verbrechen auf. Wirken die Ursachen, die den Arbeiter demoralisiren, starker, konzentrirter als gewöhnlich, so vvird er mit derselben Gewiszheit Verbrecher, mit der das Wasser bei 80 Grad Réaumur aus dem tropfbaren in den luftformigen Aggregatzustand übergeht. Der Arbeiter wird durch die brutale und brutalisirende Behandlung der Bourgeoisie grade ein so willenloses Ding wie das Wasser, und ist grade mit derselben Nothwendigkeit den Gesetzen der Natur unterworfen — bei ihm hort auf einem gewissen Punkte alle Freiheit auf. Mit der Ausdehnung des Proletariats hat daher auch das Verbrechen in Kngland zugenommen, und die britische Nation ist die verbrecherischste der Welt geworden. Aus den jahrlich veröffentlichten „Kriminal-Tabellen" des Ministeriums des Innern geht hervor, dasz in England die Vermehrung des Verbrechens mit unbegreiflicher Schnelligkeit vor sich gegangen ist. Die Anzahl der Verhaftungen fur /verbrechen betrug im Jahre 1805 4.605 1810 5.146 1815 7.898 1820 13.7! o 1825 14.437 1830 18.107 1835 20.731 184 0 27.187 184 1 27.760 184 2 3I-309 in England und Wales allein ; also versiebenfachten sich die Verhaftungen in 37 Jahren. V011 diesen Verhaftungen kommen allein auf Lancashire im Jahre 1842 — 4497» also über 14 Prozent, und auf Middlesex (einschlieszlich London) 4094, also tiber 13 Prozent. So sehn wir, dasz zwei Distrikte, die grosze Stadte mit viel Proletariat einschlieszen, allein tiber den vierten Theil des gesamniten Verbrechens hervorbringen, obgleich ihre Gesammtbevölkerung lange nicht den vierten Theil der des ganzen Landes ausmacht. Die Kriminaltabellen beweisen auch noch direkt, dasz fast alles Verbrechen auf das Proletariat fallt, denn 1842 konnten von jeden 100 Verbrechern durchschnittlich 32,35 nicht lesen und schreiben, 58,32 unvolkommen lesen und schreiben, 6,77 gut lesen und schreiben, 0,22 hatten noch höhere Bildung genossen, und von 2,34 konnte die Bildung nicht angegeben worden. In Schottland hat das Verbrechen noch viel schneller zugenommen. Hier waren 1819 nur 89, und 1837 schon 3176, 1842 sogar 4189 Kriminalverhaftungen vorgekommen. In Lanarkshire, wo Sheriff Alison selbst den offiziellen Bericht abfaszte, hat sich die Bevölkering in 30 Jahren, das Verbrechen alle 5V2 Jahre verdoppelt, also sechsmal rascher als die Bevölkerung zugenommen. — Die Verbrechen selbst sind, wie in allen civilisirten Landern, bei Weitem der Mehrzahl nach Verbrechen gegen das Eigenthum, also solche, die in Mangel dieser oder jener Art ihren Grund haben, denn was einer hat, stiehlt er nicht. Das Verhaltnisz der Verbrechen gegen Eigenthum zur Volkszahl, das sich in den Niederlanden wie I : 7140, in Frankreich wie 1 : 1804 stellt, stand zur Zeit, als Gaskell schrieb, in England wie 1 : 799! das der Verbrechen gegen Personen zur Volks zahl in den Niederlanden wie 1 : 28904, in Frankreich wie 1 : 17573, in Engeland wie 1 : 23395; das des Verbrechens überhaupt zur Volkszahl in Ackerbaudistrikten wie 1 : 1043, in Fabrikdistrikten wie 1 :84c)1); in ganz England stellt sich dies jetzt kaum auf 1 : 660 2), und es sind kaum zehn Jahre, seit Gaskell's Buch erschien!"3) !) Manuf. Popul. of Engl. chapt. 10. (N. d. F. E.). 2) Die zahl der überführten Verbrecher (22733) dividirt in die Volkszahl (circa 15 millionen). (N. de F. E.). 3) p. 132—134- Voir aussi les auteurs suivants: Platon. la République I. 5.; Ch. Fourier, Theorie des quatre mouvements 111 Partie; Le nouveau monde industriel et sociétaire sect. VI; L. Blanc. Organisation du Travail p. 57 sqq; W. Weitling, Garantien der Harmonie und Freiheit p. 53—54 et 104—105; C. Pecqueur Des Améliorations matérielles p. 86—88, 232 — 234, 239 — 241; P. J. Proudhon, de la Justice dans la Révolution et dans 1'église, p. 533-534. CHAPITRE DEUXIÈME. Les statisticiens. I. A. M. GUERRY. Dans son „Essai sur la statistique morale de la France," 1'auteur a fait des études sur 1'influence de 1'age, du sexe, des saisons, de 1'instruction etc. sur la criminalité. Mais 011 y trouve a peine un exposé de 1'influence des conditions économiques sur le sujet qui nous occupe. Les quelques phrases suivantes qui s'y rapportent ne sont pourtant pas dénuées d'intérêt. „La richesse, représentée a-la-fois par la quotité de la contribution personelle et mobilière et par le revenu territorial, se rencontre plus souvent que 1'agglomération de la population avec les attentats contre les propriétés, dont elle parait ainsi une cause indirecte. Nous observerons cependant que le maximum de la richesse établie par la combinaison de ces deux éléments tombe, il est vrai, dans les départements du nord, oü se trouve aussi le plus d'attentats contre les propriétés, et son minimum dans celle du centre, oü ces attentats sont le plus rares; mais que d'un autre cöté, dans le sud, sa moyenne est presque aussi élevée que dans le nord, suivant la direction d'une courbe qui, commencant au département de la Charente, traverse une partie de la Guyenne, du Languedocque et de la Provence. Si dans le nord, c'est la richesse qui produit indirectement les crimes contre les propriétés, pourquoi n'en est-il plus de même dans le sud? De ce que les départements les plus pauvres sont ceux oü 1'on commet le moins de crimes contre les propriétés, il serait peu rigoureux de conclure que la misère n'est pas Ia cause principale de ces crimes. Pour justifier cette dernière opinion, que d'ailleurs nous sommes loin de rejeter, il faudrait des preuves plus directes. En efTet, il est possible que les départements oü il y a le moins de richesse, ne soient cependant pas ceux oü 1'on compte le plus d'indigens, et que les départements oü se trouvent les fortunes les plus considérables, soient précisément ceux oü la misère est en même temps la plus profonde pour une certaine partie de la population. La question de 1'influence de la richesse ou de la misère sur la moralité, présente plus de difficulté qu'on ne le soupconnerait du premier abord. Pour 1'étudier, il serait indispensable d'établir, dans chaque département, le nombre proportionnel des indigens et des mendiants. Quelques documents out été publiés, il est vrai, sur ce sujet, mais ils n'ont aucun caractère authentique, et ne paraissent pas mériter assez de confiance pour que nous en donnions ici 1'analyse." ') Plus loin Guerry constate que les départements, oü le commerce et 1'industrie sont le plus développés, fournissent aussi le plus grand nombre de crimes contre la propriété. Mais 1'auteur n'a pas recherché la connexité autre ces deux symptömes. Ouoique ne rejetant donc pas entièrement 1'hypothèse que la misère n'est pas la cause principale des crimes contre la propriété, Guerry reconnait néanmoins que la causalité entre pauvreté et crime est possible c. a. d. dans ce sens, que le département ou règne la plus grande misère n'est pas pour cette raison nécessairement celui qui est le plus pauvre, ni que le plus riche est celui qui compte le moins d'indigents. — Le sujet aurait été traité avec plus de clarté sans la terminologie confuse, pour ne pas dire inexacte, de 1'auteur qui nomme le département le plus riche celui oü se trouve le plus grand nombre de capitalistes. Car il va sans dire que la richesse ne tombe pas du cielcommela manne; il existe une causalité entre pauvreté et richesse. Un pays qui comptera beaucoup de capitalistes contiendra aussi beaucoup de pauvres et doit, par conséquent donner lieu a des délits contre la propriété; tandis qu'un pays oü 1'on ne trouve que peu de riches, comptera aussi peu d'indigents et produira un chiffre restreint de ces crimes. II serait donc plus exact de qualifier de pauvre un pays oü il y a beaucoup de riches, et de riche celui oü 1'on en trouve peu. 2) Plus loin on verra qu' entre autres le Dr. N. Colajanni donne la preuve convaincante que la société se préserve le mieux des crimes contre la propriété par 1'égalité et la constance des moyens d'existence. — 1) p. 42—43- 2) Pour une opimon analogue voir Quételet «Physique Sociale" II, p. 279. II. AD. QUÉTELET. I n exposé du systéme entier de eet auteur nous conduirait trop loin. Mais les citations suivantes, tirées de sa „Physique sociale," suffiront a démontrer la largeur de ses vues et la vaste conception de ses idees sur la société. „Ainsi, pour rendre notre manière de procéder sensible par un exemple, celui qui examinerait de trop prés une petite portion d'une circonférence trés grande, tracée sur un plan, ne verrait dans cette portion détachée qu'un certaine quantité de points physiques, assemblées d'une manière plus ou moins accidentée, plus ou moins arbitraire, et comme au hasard, quel que füt d'ailleurs le soin avec lequel la ligne aurait été tracée. Ln se placant a une distance plus grande, son oeil embrasserait un plus grand nombre de points, qu'il verrait se distribuer déja avec régularité sur un are d'une certaine étendue; bientöt, en continuant a s éloigner, il perdrait de vue chacun d'eux individuellement, n'apercevrait plus les arrangements bizarres qui se trouvent accidentellement entre eux, mais il saisirait la loi qui a présidé a leur arrangement général, et reconnaitrait la nature de la courbe tracée. II pourrait se faire même que les différents points de la courbe, au lieu d'être des points matériels, fussent de petits êtres animés, libres d'agir a leur gré dans un sphère très-circonscrite, sans que ces mouvements spontanés fussent sensibles en se placant a une distance convenable. C'est de cette manière que nous étudierons les lois qui concernent 1 espèce luimaine; car en les examinant de trop prés, il devient impossible de les saisir: 1 on n'est frappé que des particularités individuelies, qui sont infinies. Dans le cas même oü les individus seraient exactement semblables entre eux, il pourrait arriver qu'en les considérant séparément, on ignorat a jamais les lois les plus curieuses auxquelles ils sont soumis sous certaines influences. Ainsi, celui qui n'aurait jamais étudié la marche de la lumière que dans des gouttes d'eau prises isolément, ne s'élèverait qu avec peine a la conception du brillant phénomène de 1'arc-en-ciel; peut-être même 1'idée ne lui en viendrait jamais s'il ne se trouvait accidentellement dans les circonstances favorables pour 1'observer." ') „Dans tout ce qui se rapporte aux crimes, les mêmes nombres se réproduisent avec une constance telle, qu'il serait impossible de Ia méconnaitre, même pour ceux des crimes qui sembleraient devoir échapper le plus a toute prévision humaine, tels que les meurtres, puisqu'ils se ') P- 94-95 1- commettent, en général, a la suite des rixes qui naissent sans motifs, et dans les circonstances, en apparence, les plus fortuites. Cependant 1'expérience prouve que non seulement les meurtres sont annuellement a peu prés en mème nombre, niais encore que les instruments qui servent a les commettre sont employés dans les mêmes proportions. Que dire alors des crimes que prépare la réflexion ? Cette constance avec laquelle !cs mCines crimes se réproduisent annuellement dans le même ordre et attirent les mêmes peines dans les mêmes proportions, est un des faits les plus curieux que nous apprennent les statistiques des tribunaux; je me suis particuliérement attaché a la mettre en évidence, dans mes différents écrits; je n'ai cessé de répéter chaque année: il est un budget quon paye avec une régularité effrayante, e'est celui des prisons, des bagnes et des échafauds; c'est celui-la surtout 539 ! 441 559 id. de correction de St. Berne (1838—47) j 3,997 5,085 440 560 id. de détent. milit. d'Alost (1838—47) 3,193 3,615 469 531 Pénitentdes femmes a Namur (1840—47) 896 1,501 374 626 id. desjeunes délinq.aSt. Hub.( 1844—47) 372 410 476 524 totaux 10,308 12,767 447 553 Dans 1'espace de 10 ans, de 1838 a 1847, 23,075 condamnés ont été écroués dans les maisons centrales du royaume: 10,308 appartenaient aux deux Flandres et 12,767 aux autres provinces; la proportion, sur 1,000 condamnés, a donc été de 447 pour les deux premières provinces et de 553 pour les sept autres. Or, cette proportion dépasse considérablement celle des populations respectives des deux grandes divisions qui, pour 1,000 habitants, n'en donne que 331 aux Flandres et 669 au reste du royaume. En d'autres termes, pendant la période décennale précitée, il y a eu un condamné écroué dans les maisons centrales sur 139 habitants dans les Flandres et sur 227 dans les sept autres provinces. 2. Le second fait est la progression du nombre des prévenus et des condamnés dans les provinces flamandes pendant les dernières années, et particulièrement depuis la crise alimentaire qui a éclaté en 1845; on pourra en juger par le relevé suivant: Condamnés Nombre des Nombre . , accuses Comdamnés a 1 emprisonnement. iu«-és con- ANNÉES. de * . . crimi- d'un de moins tradictoire- prevenus. ment et par nellement. an et P'us- d 1111 an- contumacc j Flandre Occidentale 1841 3,242 146 l,S87 85 65 1842 3,638 201 1,967 62 48 1843 3,724 273 2,071 83 64 1844 3,993 169 2,136 87 70 1845 3,8ii 192 2,280 76 62 1846 5,622 278 3,864 139 112 1847 7,132 439 5,019 119 92 Flandre Orientale. 1841 3,905 132 1,641 98 78 1842 4,403 154 1,944 69 50 1843 4,611 185 2,004 88 62 1844 4,501 193 1,965 96 69 1845 5,'73 180 2,627 32 20 1846 6,780 234 4,545 99 77 1847 9,650 443 6,415 118 85 On remarquera que, pendant un espace de 7 ans, le nombre des prévenus dans les deux Flandres a augmenté dans la proportion de 7 a 17 environ ; celui des condamnés a 1'emprisonnement s'est accru, durant le même intervalle, de 35 a 123, c'est-a-dire qu'il a presque quadruplé. L' augmentation a été moins considérable pour les accusés et les condamnés criminellement; elle se ressent cependant de 1'accroissement général du nombre des inculpés. Ces données se trouvent confirmées dans le relevé du nombre des individus écroués dans les maisons de süreté et d'arrêt des deux Flandres, ainsi que dans la population moyenne de ces établissements durant la période de 1839 a 1848: Flandre Occidentale. Individus écroués 1 | Population dans les maisons de süreté et d'arrêt de j ( moyenne Années. — ,— ——— Totaux. des Quatre Bruges Courtrai Ypres Furnes | réunte^ 1 ^39 I.578 592 572 j 169 2,911 233 1840 1,502 643 821 196 3,162 238 '84' 1 >377 795 599 175 2,946 311 1842 1,489 863 i 836 271 | 3,459 346 1843 I,478 922 790 298 3,488 374 1844 1,502 941 696 270 3,409 ' 379 1845 1,876 935 600 254 ; 3,665 376 1846 2,378 1,108 935 601 5,022 574 1847 3-751 2,012 1,238 909 7,910 820 1848 2,859 1,960 1,070 690 6,579 694 Flandre Orientale. Individus écroués dans les maisons de süreté et d'arrêt de ' Population Années. —_____ j Totaux. ! m°yenne des ' trois prisons Gand , Audenarde | Termonde I réunies. I 1 1 j 1839 2,094 842 7J4 3,690 ' 289 1840 2,311 919 852 4,082 357 1841 2,163 771 852 3,786 351 1842 2,171 844 905 3,920 333 1843 3,6io 991 870 5,471 408 '844 2,548 760 718 4,026 345 '845 2,579 1,061 1,461 5,ioi 360 1846 5,499 2,732 2,092 10,323 619 1847 7,491 6,943 3,240 17,674 972 1848 6,309 4,462 2,829 13,600 j 698 L augmentation du nombre des individus écroués dans les maisons de süreté et d arrêt des deux Flandres porte surtout sur les années 1845, 1846 et 1847; en 1848, on remarque un mouvement décroissant assez prononcé qui continue en 1849. De tous les signes propres a constater 1 existence et les progrès du pauperisme, celui-ci est peut-être le plus certain. Pendant les années désastreuses qui viennent de s'écouler, les prisons sont devenues en quelque sorte des succursules des hospices et des dépóts de mendicité; un grand nombre d'offenses ont été commises dans 1'unique but d'y trouver asile, et 1'on a vu, dans quelques localités, des malheureux se presser aux portes des parquets pour solliciter leur tour d'admission dans les lieux qui ne devaient contenir que des criminels. Depuis 1846 surtout, les campagnes ont déversé dans les villes des bandes de femmes et d'enfants affamés, qui ont dü être mis en arrestation du chef de mendicité et de vagabondage, pour être ensuite renvoyés dans leurs communes. Ainsi en 1846, 1847 et pendant le ier semestre de 1848, sur un nombre de 24.604 détenus écroués dans la seule maison de süreté de Bruxelles, il y a eu 19.456 individus des deux sexes et de tout age appartenant aux deux Handres. 3. Quant aux enfants, on comprendra l'imminence du danger lorsqu'on se répresentera que, dans le court espace de 3 ans, de 1845 a 1847, 26,247 enfants et jeunes gens des deux sexes, agés de moins de 18 ans, ont été incarcérés dans les prisons et reclus dans les dépóts de mendicité.1) La plupart de ces enfants appartenaient aux deux Flandres, un grand nombre ont été arrêtés hors des limites de leur province; voici quelle a été la progression du nombre de ceux qui ont été écroués dans les maisons de süreté de Gand et de Bruges et dans les maisons d'arrêt d'Audenarde, de Termonde, de Courtrai, d'Ypres et deFurnes: Jeunes Détenus Total pendant les 3 années. (au-dessons de ib ans) j Villes. 1 écroués en T"" T . , _____ _ ____ , n T-11 1 otal 7 1 o > i o 1 Garcons. rilles. , - , 1845 | 1846 | 1847 j ' | general. Prisons de la Flandre Orientale. Gand ... 350 1,345 I 1,898 2,671 I 922 3,593 Audenarde. 207 ! 315 674 ! 929 J 267 : 1,196 Termonde . 123 235 406 616 148 764 Prisons de la Flandre occidentale. Bruges . . 459 299 550 1,110 198 1,308 Courtrai. . 116 170 331 560 57 617 Ypres . . 70 184 250 414 90 504 Furnes . . 43 ^39 57 J5J ^ 239 Totaux . I i7368 2,687 4,166 6,451 1,770 8,221 Ce fait déplorable de 1'accroissement de la criminalité dans 1'enfance trouve son explication dans lastatistiquedel'indigence. Nous voyonseneffet que, parmi les indigents secourus dans la Flandre Orientale, en 1847, il y avait: ! Villes. [Campagnes] Total. i° Indigents Agés de moins de 6 ans 6,693 34<^37 4I>53° 20 " ld. ' id. 12 „ 8,327 37.437 45.764 30 ld. id. 18 „ 5,597 | 20,060 25,653 Total général . . 112,947 l) Ed. Ducpetiaux, Mémoire sur 1'organisation des écoles de reforme. 1848, p. 8 et 9. (Note de D). I Les chiffres des deux premières catégories sont indiqués dans „1'Exposé de la situation de la Flandre oriëntale pour 1848", page 101. Le chiftre de la troisième catégorie s'obtient en appliquant la moyenne des indigents, soit 2426/,00 p./„ dans les villes et 29™/100 p.o/0 dans les campagnes, au chiffre de la population de 12 a 18 ans, laquelle s'élève: Dans les villes, a 22,718 Dans les campagnes, a 68,002 Total . . . 90,720 En supposant que la Mandre occidentale, qui compte proportionncllement plus d indigents encore que la I'landre oriëntale, présente la mème proportion d enfants, 011 arrivé, pour les deux provinces, a un total de 225,894 indigents dont l\ige ne depasse pas dix-huit ans. Dans ce nombre, il y en a 174,588 qui n'ont pas' dépassé leur douzième année! Et il y a des milliers d'orphelins! Malgré 1 améiioration qui commence a se faire sentir, grace a la ïeprise partielle du travail et au bas prix des subsistances, beaucoup de ces jeunes infortunés continuent a se livrer au vagabondage et a la mendicité. Chassés naguère de leurs foyers par le froid et la faim, ils forment une population errante, incessamment ballotée de dépot en dé'pót, de prison en prison. A Bruxelles, dans ce moment (Juillet 1849), ^ ®e trouve encore, dans la succursale de la maison de süreté, environ 250 mendiants, parmi lesquels on compte 97 enfants au-dessous de 1'age de 17 ans. Dans les maisons de süreté, de Gand et de Bruges, leur nombre est également considérable. On remarque avec peine que les enfants fournissent toujours tin contingent considérable aux arrestations. II en ent re encore environ 50 & 60 par mois dans la seule prison de Bruges. Ces enfants appartiennent presque tous a la population rurale: ils sont généralement agés de 10 a 15 ans; 2/g appartiennent au sexe masculin, /3 environ au sexe féminin. Les uns sont avec leur familie; les autres, et c est le plus grand nombre, sont seuls; beaucoup sont orphelins." ') „C est donc la un fait bien constaté: 1'accroissement de la criminalité dans les Flandres a marché de pair avec 1'extension de la misère. Cellc-ci provoque 1 abandon des foyers, et, dans quelques communes, on a vu eet abandon favorisé par les administrations elles-mêmes: de la la mendicité, le vagabondage, le maraudage et le vol. L'incarcération forcée dun si grand nombre de malheureux entraine les conséquences les plus désatreuses. Des germes de corruption, d'abrutissement et de crime sont incessamment inoculés a une fraction nombreuse de la population. Les habitudes de travail se perdent, le ressort se détend, 1'oisiveté devient incurable. Lorsque 1 011 songe surtout a la masse d'enfants qui, pendant les dernières années, ont passé par les prisons et les dépots dé mendicité, 011 ne peut envisager sans une pitié, melée decrainte, 1'avenir de cette génération initiée, dès le premier age, a 1'existence des criminels et comdamnée aux dangers et aux maux inséparables du délaissement et de la dégradation auxquels elle est en proie." 2) P- 39-46. 2) P- 47- IV. L. M. MOREAU-CHRISTOPHE. ') Apres avoir esquissé, en parlant de 1'Angleterre, comment 1'industrialisme, en s'étendant de plus en plus, entraine après lui un accroissement du paupérisme, 1'auteur dit de la connexité entre la criminalité et les conditions économiques: „Parallèllement au chiffre ascendant du paupérisme, monte et s'élève progressivement le ehiffre croissant de la criminalité. — Le nombre des accusés traduits devant les cours d'assises d'Angleterre et du pays de Galles s'ést élevé, savoir: ' "I Années | Totaux Moyenne annuelle 1 — 1814 a 1820 78,762 11,252 1821 a 1827 | 99,842 14,263 1828 a 1834 134,062 19,152 1834 a 1840 162,502 23,214 1841 a 1847 193,445 27,760 Ainsi, dans un espace de trente-quatre ans, le nombré des crimes a plus que doublé en Angleterre, tandis que, dans le même intervalle, 1'augmentation de la population n'a guère dépassé 40 pour cent. Et eet accroissement menace de devenir encore plus grand; car les tables officielies de la criminalité pour 1848 (les dernières qui nous soient connues) portent le nombre des „criminel offenders", pour cette année, a 30,349, — chiffre qu'il n'avait pas encore atteint! Le parallélisme entre le paupérisme ascendant et la criminalité ascendante est plus frappant encore quand la comparaison s'applique aux delinquants de la juridiction sommaire des juges de paix. Jusqu'a 1'institution des „workhouses", en 1834, nous avons vu le nombre des pauvres secourus s'élever progressivement d'année en année. Eh bien! le nombre des individus arrêtés par la police métropolitaine a suivi la même progression. Ce nombre était de 72,824 en 1831, et de 77,543 en 1832. En 1833, approchent „l'Amendurcnt Act" et ses terribles „workhouses"; dès lors, le nombre des arrestations 11'est plus que de 69,959. En 1834 est promulguée la loi, et, jusqu'en 1838, elle s'exécute avec la plus grande rigueur; dès lors, nous voyons le nombre des arrestations décroitre et baisser a 64,269 en 1834, a 63,674 en 1835, a 63,584 en 1836. — En 1837, la sévérité commence a se relacher; de suite le chiffre des arrestations monte a 64,416. — En 1839, le relachement continue, et le chiffre des arrestations s'élève a 70,717. Le relachement est a son comble en 1842, et le nombre des !) »Du Problème de la misère et de la solution chez les peuples anciens et modernes." III (Peuples modernes). arrestations atteint le chiffre de 76,545 ; — ce qui donne une arrestation sur 25 habitants. A Xewcastle, en 1837, les magistrats ont condamné correctionnellement 1 individu sur 24 de la population totale. *) A Leeds, pendant une période de six ans, de 1833 a 1838 il y a eu un individu d'arrêté sur 32 habitants. 2) A Manchester, 13,345 individus ont été arrêtés, en 1841, sous prevention de diverses offenses. Le rapport du nombre des individus arretes a la population a été conime 1 a 21. Sur 21 habitants, sur moins de 5 families, 1 arrestation! Kn 1831, dix ans auparavant, la proportion netait encore que de rintervalle'^" ^ ^ 'labltantS- Elle a donc Presque quadruplé dans A Liverpool, il y a eu, en 1840, 1 arrestation sur 12 habitants!"4) '. lnfantlcide, rare antrefois, devient de plus en plus fréquent de nos jours. II s accroit en raison du nombre croissant des naissances 1 egitimes. C est par les filles-mères que la presque totalité des infanticides est commise. Le nombre moyen annuel des enfants qui re^oivent ainsi la mort est immense en Angleterre." 5) Oue dirons-nous des infanticides, bien plus nombreux, qui restent ensevehs dans le mystère de leur perpétration domestique? usage des narcotiques, employés pour faire dormir les enfants par les meres que la pauvreté force a travailler- loin d'eux dans les manufactures, est une cause latente de dépérissement et de mort pour les pauvres petites créatures a qui „1'opium" tient lieu de „crèches". Les c roguistes, intcrrogés sur ce point, ont refusé de reconnaitre 1'étendue du mal; maïs, tandis qu' ils niaient le fait, les vitres de leurs boutiques le proclamaient bien haut, en étalant aux regards des passants 1'annonce du „cordial Godfrey , du „Repos des mères", du „Sirop Calmant", etc. Des enfants qui echappent a cctte cause de mort sont recus, devenus grands, dans les „ragged Schools". Mais, hélas! en même temps que ces ecoles se propagent, le cercle du vice et de la criminalité s elargit chez 1 enfance, chez 1 adolescence en haillons. Le nombre des dehnquants au-dessons de vingt ans va, en effet, croissant, a Londres. p " , f 3n7' ! eta,t "'781: en 1838, de 14,535! en 1839, de 13,587; en 1840, de 14,031 ; en 1845, de 14,887 .... A Liverpool, dans une période de quatre ans, du ier juillet 18^^ au 3° juin 1837, le nombre des délinquants au-dessous de dix-huit ans, tradu.ts devant les magistrats de paix, a été, en 1835, de 924; en 1836, de 1,266; en 1837, de 1,859. de Manchester. ,?™^ression 'se fait remarquer chez les jeunes délinquants dc M.-C °y' W'C' Tayl°r' Tour in the Jnamifacturing districts of Lancashire, 1842. (note IZ"'"! n stat,st" Society of London, t. I, p. 324 (note de M.-C.) •') Ibid., t. II, p. 413. (note de M.-C.) 4) p. 222 — 224. '2 »Morning Chronicle" du 22 décembre 1849. (note de M -C ) ) p. 225 — 220. '/ V. H. MAYHEW ET J. BINNY. Dans leur oeuvre: „The criminal prisons of London" les auteurs essaient de prouver par la planche graphique ci-jointe qu'il n'y a pas de rapport entre criminalité et conditions économiques. ') 1'our arriver a cette conclusion ils ont comparé les prix du blé durant 15 années au cours de la criminalité durant la mcme période. Ces deux courbes YEARS. (The dotted line indicates the price of corn, and the black line the ratio of criminality). présentent bien quelque conformité, mais elle est pourtant minime, conime les auteurs eux-mêmes le font ressortir. — Mais cette conformité ne justifie pas du tout, a notre avis du moins, la conclusion citée plus haut. II y a des periodes dans lesquelles le cours des prix du blé peut servir de base a une démonstration de 1'influence des conditions économiques. Plus d'un statisticien a réussi a !) Voir p. 450-451. 4 démontrer un parallélisme entre les courbes des prix du blé et celles de la criminalité (et particulièrement celle des délits contre la propriété) durant certaines périodes; mais ils avaient plus de données a leur disposition que Mayhew et Binny. Cependant il n'est pas permis de conclure a la négation de 1'influence des conditions économiques, si 1'on ne peut pas prouver ce parallélisme. Dans une période p. e. oü le prix des blés est bas, une crise industrielle peut se produire par laquelle des milliers d'ouvriers sont réduits a 1'indigence. Dans ce cas il se peut que 1'influence de la baisse du prix des blés soit neutralisée par la crise. — VI. G. MAYR. i Les données statistiques qui servent de base au travail du Dr. Mayr „Statistik der gerichtlichen Polizei im Königreiche Bayern und in einigen anderen Landern," ') sont d'un autre genre que celles dont on se sert d'ordinaire pour un travail analogue. Car, tandisque généralement on ne prend en considération que soit le nombre des crimes connus a la justice et dont les auteurs ont été condamnés, soit celui des délinquents punis, le Dr. Mayr est d'avis que, pour obtenir une image juste de la moralité d'un peuple, il faut porter en compte le nombre des crimes connus a la police judiciaire. „VVenn man sich aber in der That ein genaues Bild von dem Sittlichkeitszustande einer Bevölkerung verschaffen will, sollte man doch vor allem fragen, wie grosz die Zahl der überhaupt bekannt geworden Reate bei den verschiedenen Arten der Rechtsverletzungen ist, bevor man fragt wie hoch sich die Zahl der Individuen belauft, welche wegen bestimmter Reate verurtheilt wurden. Die Immoralitat eines Volkes bemiszt sich doch nicht nach der Zahl der verurtheilten Individuen, sondern nach der Zahl der begangenen Reate; sonst müszte jenes Volk das Moralischste sein, bei welchem sich nie ein Thater erwischen laszt, wenn auch an sich mehr Reate begangen wurden als anderswo. Man dürfte nur dann von einer Betrachtung der an sich vorgefallenen Rechtsverletzungen absehcn und mit der Untersuchung der Zahl der abgeurtheilten oder verurtheilten Individuen sich begniigen, wenn zeitlich und raumlich das Verhaltniss der abgeurtheilten und verurtheilten Individuen zu den begangenen Reaten bei den einzelnen strafbaren Reaten stets das glcichc ware. Dies ist aber nicht der Kali." 2) La Bavière (Bayern). Les résultats des recherches pour ce qui concerne la Bavière sont représentés par les 9 planches ci-inserrées, pour 1'usage desquelles il faut observer: x) Inutile d'analyser »die Gesetzmassigkeit im Gesellschaftsleben" du même auteur, ouvrage traitant en partie la même question et basé sur des données empruntées au «Statistik der etc.'' 2) P- 2-3- a. que les lignes verticales divisent la période 1835/6—60/1 en années. b. que les colonnes horizontales contiennent: 1. Le nombre des crimes sur 100.000 habitants; 2. les prix du seigle en sechsers (+55 centimes); 3. le nombre d'émigrants sur 100.000 habitants. c. que la désignation des courbes est la suivante: la courbe marquée Sutnme V. — nombre des délits privés et publics. 1» u i) h. r. 11 ij IJ 11 . .1 .1 Off. V. = „ „ „ publics. 1, ii „ Eig. V. -- „ „ „ contre la propriété. 11 11 ii Pers. V. — „ „ „ „ „ personne. •1 11 „ Getr. P. — mouvement des prix des céréales. I, „ „ Auswdg. = nombre des émigrants. Territoire ci-Rhénan. (Gesammtgebiet diesseits des Rheins). (Voir planche N°. VIII). Une comparaison des courbes des délits contre la propriété a celles des délits contre la personne nous fait voir que la première descend lorsque 1'autre monte, et vice-versa. Kn recherchant les causes on trouve qu'en général les motifs du dernier genre de crimes sont entre autres: la grossièreté, la passion et le dérèglement, tandis que celui du premier genre de crime est le penchant a s'emparer des objets pour un usage direct. Plus il sera difficile de gagner sa vie d'une manière licite, plus ce penchant se développera. Or, cette difficulté peut étre subjective, (c. a. d. lorsque les revenus diminuent ou cessent) ou objective (c. a. d. lorsque les prix des denrées augmentent considérablement). Ces conjonctures peuvent donc donner lieu non seulement a une baisse du „standard of life", mais elles peuvent également priver les victimes même du stricte nécessaire. D'après 1'auteur, les fluctuations du prix des blés est un des facteurs les plus importants qui agissent sur la criminalité. Aussi, en examinant les 9 planches statistiques, la connexité entre la hausse ou la baisse des prix du blé, et la hausse ou la baisse du nombre des délits contre la propriété saute clairement aux yeux, même a tel point que le Dr. Mayr en conclut: „Die Linien sind so überraschend paralell, dass man nicht anstehen kann zu bekennen, dass in der Periode 1835/61 so ziemlich jeder Sechser, urn den das Getreide im Preise gestiegen ist, auf je 100000 Einwohner im Gebiete diesseits des Rheines einen Diebstahl mehr hervorgerufen had, wahrend andererseits das Fallen des Getreidepreises um einen Sechser je einen Diebstahl bei der gleichen Zahl von Einvvohnern verhütet hat". ') 1'ar contre la courbe des délits contre les personnes descend quand les prix montent, et v. v. La combinaison de 1'allégement de 1'existance, tant subjective qu'objective, (Nahrungserleichterung) doit par conséquent exerceruneinfluence considérable sur la criminalité. Cela se voit aussi trés bien sur la planche: dans les dernières années de la période 1835—61 les prix du ble étaient bas et les salaires généralement montaient. De la, dès 1857, ') p. 42, augmentation des délits contre la personne et diminution des délits contre la propriété. — Ici nousdevons faire observer que, quelque juste que soit en elle même 1'observation du Dr. Mayr, il faut se garder d'en tirer la conclusion erronée que ceux qui se ressentent le plus de 1'influence de la baisse des prix et de la hausse des salaires doivent, nécessairement d'après une loi de la nature, comn:ettre des crimes contre la personne. Cela n'est vrai que pour les individus, grossiers et incultes, qui ne savent occuper leurs loisirs, qu'en des distractions, pouvant facilement engendrer des délits contre la personne. Maisle degré decivilisationd'un individu dépendavanttoutdesconditionséconomiquesdans lesquelles il a été placé par sa naissance. II y a donc des causes économiques pour chacune des deux sortes de crimes. — Quant a 1'émigration, nous voyons qu'elle aussi, augmente dans les années, oü les prix sont élevés. Elle diminue la criminalité car elle éloigne les individus qui, autrement tomberaient facilement dans le crime; tandis que 1'affluence d'individus qui, économiquement, ne sont pas indépendants, a par contre des suites funestes. En 1846/7 le nombre des délits contre la propriété était un peu plus élevé qu'en 1853/4, kien que les prix du blé eussent monté dans ces dernières années; ce qui s'explique par 1'émigration qui, en 1853/4, fut presque le doublé de celle des années 1846/7. La Haute Bavicre (Oberbayern) (Voir planche I) ce district montre un chiffre de criminalité plus élevé qu'aucune autre province de la Bavière. C'est surtout la grande augmentation depuis 1857/8 qui saute aux yeux et qui s'explique du moins partiellement, par 1'application d'un autre système pour rechercher les délits. L'accroissement du nombre des délits contre la personne est la conséquence des années prospères, tandis que la hausse du chiffre des crimes contre la propriété s'explique par la grande affluence d'individus qui, originaires des pays environnants, au point de vue économique n'étaient pas indépendants. Dans la période de 1837/64 la population s'augmenta de 49128 personnes par la naissance, et de 66299 qui s'y établirent. La Basse-Baviire (Niederbayern) (voir planche II) donne presque le même résultat que la Haute-Bavière, c. a. d. surtout pour ce qui concerne le grand accroissement des chiffres de la criminalité durant les dernières années, dans lesquelles 1'émigration fut peu importante. Le rapport des crimes contre la propriété avec le prix des blés est plus faible dans cette province que dans les autres, a cause de sa production plus grande de céréales, qui, pour la plus grande partie, sont destinées a la consommation dans le pays même. Le Haut-Palatinat (Oberpfalz) (voir planche III). Cette planche aussi nous montre tres distinctement la justesse de la thèse du Dr. Mayr qu' „une augmentation (resp. diminution) des délits contre la propriété et une diminution (resp. augmentation) des délits contre la personne vont de pair avec une hausse (resp. baisse) du prix des blés." La Haute Francouic (Oberfranken) (voir planche IV) en donne aussi des preuves évidentes. Aussitöt que les prix montent considérablement dans cette province, 1'émigration y prend de trés grandes dimensions, d'oü une criminalité proportionellement moindre que celle des autres provinces. La Franconie Centrale (Mittelfranken) (voir planche V) Idem. La Basse-Franconie (Unterfranken) (voir planche VI). Dès que, dans ce district, les conditions économiques deviennent défavorables, 1'émigration y augmente. II n'est pas impossible que les vendanges abondantes de la fin de la période en question ont influencé 1'augmentation des délits contre la personne et des délits contre la chose publique. La Soitabe (Schwaben) (voir planche VII). Ici encore on trouve des preuves très-convaincantes pour la thèse du Dr. Mayr. La oti il traite des formes diverses des délits, nous lisons les observations suivantes, qui sont intéressantes pour notre sujet: „ainsi que nous venons de le voir, les crimes contre les personnes diminuent quand les prix des blés montent. II faut pourtant exclure de cette règle deux espèces de crimes: celui de 1'infanticide et celui de 1'avortement." Le premier de ces crimes atteignit son maximum dans les années de crise 1854/5 et le second en 1853/4. Comme preuve de la coïncidence des fluctuations des délits contre la propriété avec celles des prix du blé, dans la période précédant celle qu'il étudie spécialement le Dr. Mayr donne le tableaux suivant: Nombre des crimes contre la propriété sur 100.000 habitants. Annéf»« District de | District du Bas-! Prix du seigle ' : 1'Isar. | Danube. | a Münich. 1818/19 — 138 8 fl. 15 kr. 19/20 — 148 , 6 31 20/21 233 157 7 28 21/22 297 200 7 58 22/23 267 195 7 57 23/24 276 — 62 24/25 295 166 6 59 25/26 317 157 6 18 26/27 315 144 6 55 27/28 463 241 11 11 28/29 416 234 11 6 29/30 | 401 216 10 48 30/31 427 264 11 12 31/32 530 302 12 35 32/33 493 313 8 21 33/34 ; — | 318 ^ 42 34/35 487 318 7 47 Le Palatinat (Pfalz) (voir planche IX). Cette planche nous fait voir une fois de plus que les délits contre la propriété augmentent lorsque les prix montent, et que les délits contre la personne diminuent en même temps, et v. v. Puisque dans le Palatinat le vagabondage et la méndicité sont comptés parmi les délits privés, ce genre de délits suit également tant soit peu le mouvement des prix. Dans le chapitre IV („Zahl und Bewegung der Polizeiübertretungen im Gebiete diesseits des Rheins") le Dr. Mayr donne quelques renseignements intéressants sur les vols de bois. Le tableau suivant donne les chiffres de ces crimes dans ce district comparés a ceux des autres: Au-dessus de la moyenne (territoire ci-Rhénan). Le Haut-Palatinat. . . 18°/0 La Haute-Franconie . . 80 „ La Basse-Franconie . . 178» Au-dessous de la moyenne (territoire ci-Rhénan). La Franconie centrale . 1 °/0 La Souabe 63 „ La Haute-Bavière . . 99.2 „ La Basse-Bavière. . . 99.5 „ La grande différence entre ces chiffres s'explique par le fait que dans la Basse-Franconie un quart seulement des bois appartient a des particuliers (les autres appartiennent a des corporations etc). Dans la Haute-Bavière la propriété forestière privée est de 92°/0 et dans la BasseBavière de 961 /2°/o de la totalité. En outre, les prix du bois sont trèsélevés dans la Basse-Franconie. Donc, une fois de plus, les conditions économiques sont la cause des crimes. Sur le mouvement des chiffres de la méndicité le Dr. Mayr dit qu'ils sont fortemcnt influencés par le prix des denrées de première nécessité. „Die parallelle Bewegung der Getreidepreise und der Mendicitat bietet wenig Ueberraschendes mehr, wenn mann aus der Statistik der zur Anzeige gekommenen Verbrechen und Vergehen weiss, dass die objektive Nahrungserschwerung oder Nahrungserleichterung, welche sich als Folge der I'reisschwankungen des Getreides ergibt, einen direkten Einflusz auf die Zunahme und Abnahme schwerer Rechtsverletzungen, namentlich der Angriffe gegen das Eigenthum auszert. Es is erklarlich, dass nur ein kleiner Theil der ökonomiscli unselbstandig gewordenen Individuen zu schweren Rechtsverletzungen vorschreitet, wahrend die Mehrzahl durch die blosse Rechtsgefahrdung des Bettelns und Vagirens abgeleitetes Einkommen anstrebt. Dieselbe Wirkung, welche in der Zunahme und Abnahme der Eigentumsbeeintrachtigungen hervortritt, musz sich daher folgerichtig noch weit intensiver in den Schwankungen des Bettelns und Vagirens zeigen." Prix du seigle Nombre des mendiants et vagabonds arrêtés (boisseau de sur 100.000 habitants. Bavière). Années. Territoire >T ci-Rhénan. : Palatinat. La HauteBavière. La BasseBavière. Le Palatinat. Lc HautPalatinat. La HauteFranconie. La Franconie centrale. La BasseFranconie. La Souabe. X 3 O a "2 1835/36 653 8172696 1558 1542 19522165 1348 665 1456 1685 '836/37 731 10262100 1839 2075 22772421 1229 711 1262 1727 1837/38 10181221 2065 2483 2472 22332255 1438 639 1306 1842 '838/39 11 3013402232 1989 2056 20762195 1435 519 1640 1771 i839 40 io35 '2| 62032 1805 2238 21 ii 2584 1233 5'5 1829 1781 1840/41 84910 41887 1608 1845 171 i l8lo ioo6 410 153i 1467 i84i 42 91412.39 1777 1318 1878 1625 i814 ioo8 434 1599 1433 '84243 14'o 15 19 i.sio 1757 2479 2365 2679 1450 6152177 1893 1843/44 '4 ' '028 1905 1690 1970 2286 2264 1475 475 2151 1758 184445 15'5'3 30 1857 1698 2411 23641412 1119 4231722 1622 1845 46 19 53 21 45 2182 1836 3528 2856 1447 1475 535 2332 2033 '846/47 21 3622 44 2902 2166 4276 3757 1904 1850 949 2586 2584 1847/48 10 12 1022 1916 1635 2704 2290 1348 1364 548 1985 1746 1848/49 734 846226914392555 13601015 1270 5861545 1563 1849/50 757 8157234615282801 1782 991 1351 716 1893 1686 1850 51 12 20 13 10 2213 1790 3269 1734 1096 1294 1002 2023 1845 '851 52 17 53 '5 57 2927 2243 4562 3030 1637 2274 2236 2969 2705 '852/53 '73917462572 1918 5010 2289 2017 1795 2165 2535 2592 '853/54 23 3824 13 2932 2097 5854 2983 2127 2282 2894 2671 3027 1854/55 23 192338 2964 2591 5026 332624702215 2831 2804 3229 '855 56 174522 2 2423 1817 4637 2367 2050 1595 2515 1939 2443 '856 57 '5 26 18 5 2157 '724 3265 2059 ' '76 1412 1931 1435 1922 1857 58 12 31 1258 1956 1237 2595 1537 588 974 1621 1203 1505 1858/59 10281213 '949 11702309 1334 462 497 9401029 1255 1859/60 11 45 15 15 2084 1219 2622 1538 525 890 9941105 1419 1860/61 14 8 16 19 2055 1304 2580 1318; 484 720 7501069 1336 Moyenne 13 35 1444 2234 1741 3083 2 I 5 5 1649 1388 1120 1842 i92o1) Angleterre. En parlant de 1'influence des conditions économiques sur la mendicité, le Dr. Mayr donne le tableau suivant: p. 136-137. ANGLETERRE ET GALLES. Années. ! Prix du froment (Quarter). j Nombre des vagabonds. sh. d. 1858 44 2 22559 i's59 43 10 23353 1860 j 53 3 22666 1861 55 4 24001 1862 55 51/2 29504 1863 44 9 33I82 '864 40 2 31932 Cependant, pour ce cas-ci la cause de 1'accroissement de la mendicité ne siège pas uniquement dans les prix ëlevés, mais aussi dans la crise, qui, pesant dès 1860 sur 1'industrie cotonnière, baissait le niveau d'existence des centaines de milliers d'ouvriers ou les jetait sur le pavé. ANGLETERRE ET GALLES. Nombre et genre de cas jugés par le jury. Délitscontrc Délitscontre . Attcntats 1 Delits , •'»'! •' raux et • , » 1, la propnete la propriete f violents Autres ,r 4 , Annces. contrc la 1 . r r • fausse mon- 4 , Fotal. avcc vl°- sans vio- . contre la clelits. personnc. , ^ , maie. 1 lcnce. lcnce. propnete. 1858 14 29 233 13 2,5 4,5 296 1859 13 22 209 11 3 5 263 1860 : 11 20 207 8,5 2,5 4 253 1861 1 12 25 200 8,5 2,5 4 252 1862 | 12,5 28 203 9,5 3 6 262 1863 14,5 26 194 9 3,5 7 254 1864 15 24 190 6,5 3,5^ 7 246 Moyenne. 13 25 205 9 3 5 260 Prix de céréales 1862: 55 sh. 5'/2 d. 1863: 44 „ 9 1864: 40 „ 2 „ lei 1'influence de la baisse des prix se voit distinctement; les délits contre la propriété ont diminué; ceux contre la personne, par contre, ont augmenté. Total des délits, jugés par les jurés, et des délits non spécifiés. Attentats contre la Attentats a la propriété Années. personne sans violence | sur ioo.ooo hab. j sur 100.000 hab. 1X58 439 439 1859 438 399 1860 399 . 392 1861 393 415 1862 403 433 1863 436 392 1864 469 365 Moyenne. j 426 405 La forte baisse des prix du blé en 1863/4 est encore une fois accompagnée d'une diminution des délits contre la propriété et d'un accroissement de ceux contre la personne. On pourrait conclure de ce tableau que 1'observation concernant les crimes contre la propriété et ceux contre la personne, n'est pas applicable puisque, en 1858, le nombre des crimes contre la propriété fut très-élevé, malgré le prix réduit du blé. Voici 1'explication que le Dr. Mayr en donne: „Der Grund dürfte folgender sein: Die in der Nahrungserleichterung liegende Veranlaszung zum Uebermuth folgt uumittelbar der cintretenden Nahrungserleichterung und erlischt sofort mit eintretender Nahrungserschwerung; desshalb harmonirt die Bewegung der Angriffe gegen die Person genau mit der Bewegung der Getreidepreise. Die Wirkungen der Nahrungserschwerung sind nur zum Theil solche die unmittelbar zu strafrechtlichen Reaten führen; in den meisten Pallen wird zunachst ökonomischer Ruin veranlasst, der erst mittelbar zu Angriffen gegen das Eigenthum treibt; desshalb auszern sich die Nachwirkungen der Nahrungserschwerung auch noch zu einer Zeit, wo diese im Wesentlichen schon gehoben ist; daraus erklart sich sowohl die hohe Ziffer der Angriffe gegen das Eigenthum im Jahre i«57. wo die Nachwirkungen der unmittelbar vorhergegangenen sehr bedeutenden Nahrungserschwerung sich geltend machten, als auch die nur allmahlige Zunahme der Angriffe gegen das Eigenthum in den Jahren 1860—1862."') Nombre des personnes contre lesquelles un procés a été intenté a cause de délaissement, sur 100.000 habitants. Années. Sur 100.000 hab. 1858 20 1859 18 1860 17 1861 21 1862 21 1863 19 1864 18 Moyenne. 19 ') p. 160—161. La baisse des prix du blé in 1863/4 est donc accompagnée d'une diminution du nombre des crimes de cette nature. ') CONTRAVENTIONS CONTRE LE „VAGRANT ACT." Sur 100.000 habitants. a ' Prosti- Mennnees. tu£es diants. Sans moyens d'existance. Munis d'outils a voler avec effraction. Présence avec des intentions criminelles dans tin batiment fermé. Présencedans des lieux publiés avec des intentions criminelles. Vagabonds incorrigibles. Autres délits contre le»Vagrant Act." Total. 1 ! 1 1858 51,4 50,2 18,9 0,3 14,2 l8,0 2,0 13,0 l68 1 «59 37,i 39,2 15,9 0,3 12,2 12,7 1,6 12,0 131 1860 33,6 37,9 15,2 0,2 1 i,S 10,1 1,2 9,4 119 1861 35,4 41,3 17,7 0,4 12,5 11,7 1,2 10,7 131 1862 41,4 55,4 20,1 [ 0,4 ! 14,0 14,5 2,1 12,8 161 1863 39,2 52,9 18,6 0,2 13,3 15,3 j 2,5 15,5 157 1864 35^8 46,0 18,0 0,2 13,3 14,8 2,2 12,7 143 Moyenne' 39 | 4.6,1 17,7 j 0,3 13,0 ! 13,9 1,8 12,3 144 Le maximum des infractions au „Vagrant Act" se présenta en 1858, lorsque les suites néfastes de 1'élévation des prix du blé, qui avait immédiatement précédé, se firent encore sentir; 1'accroissement vers 1861/2 est une suite de la hausse des prix du froment et de la crise dans 1'industrie cotonnière. France. Ont été arrêtés dans le département de la Seine . , ,, . , Prix moyens du froment Annees. Sur 100.000 nab. , . , par hectol. 1855 1222 fr. 29,37 1856 1170 30,22 1857 1169 23,83 1858 1154 16,44 1859 1008 16,69 1860 1 1074 20,41 1861 ' 1128 24,25 1862 1250 23,24 1863 1133 ! 19,78 1864 1158 I 17,58 lei aussi 1'influence des prix se fait sentir. Le tableau suivant donne le nombre des personnes arrêtées dans le département de la Seine, groupées d'après les crimes présumés, comparés aux prix du froment. Groupe I = Crimes et délits contre 1'ordre public. „ II = Crimes et délits contre la personne. ,, III = Crimes et délits contre les mceurs. „ IV = Crimes et délits contre la propriété. „ V = Crimes divers. Prenant 100 comme chifFre moyen du prix du blé ainsi que des crimes dans les années économiquement favorables 1858/9, la proportion devient alors la suivante: Anneés. Prix du froment. I II III IV V I O Parmi lesquels : pour O. < p tr ja crq g otq p ^ y Mendicité Total. Parmi lesquels pour coups et blessures. Total. Vol non qualifé. Total. 1 1 l ! ' 185511781 128 122 148 76 72 100 102 n6 106 113 1856 182 117 n8 114 81 80 104 106 121 92 108 1857 144 119 127 117 82 81 98 IOI 114 IOO 108 1860 123 96 90 134 103 106 100 110 123 80 99 1861 146 95 99 105 95 96 131 116 124 103 104 1862 140 120 128 147 94 98 108 116 131 108 116 1863 119 112 119 186 90 94 92 101 114 97 105 1864 106 115 124 176 84 87 85 iii 123 84 107 D'après les données mentionnées ci-dessus le Dr. Mayr calcule la seiisibilité de chaque espèce de crime par rapport a 1'aggravation de 1'existence („Nahrungserschwerung.") L'influence de 1'aggravation de 1'existence se rapporte au nombre des crimes: !• I °tal 103 : 338 Parmi lesquels pour vagabondage 127 : 338 Mendicité 327 • 338 II- Total 9S : 338 Parmi lesquels pour coups et blessures. ... 86 : 338 III. Total 18 : 338 IV- » • • 63:338 Parmi lesquels pour vol 166 : 338 V. 30 : 338 lei il y a a observer: a. que Ie mouvement de la mendicité et du vagabondage n'est pas en corrélation directe avec celui des prix du blé. b. que le groupe IV ne présente qu'une faible corrélation avec ces prix, puisqu'on y a compris beaucoup de crimes, dont les causes ne sont pas de nature économique. c. que durant les dernières années dc cette période 1'accroissement des crimes contre la propriété fut plus grand que les chiffres des prix du blé ne feraient supposer, ce qui s'explique, selon le Dr. Mayr, par le manque de travail, suite de la guerre de sécession. La règle que les délits contre la personne augmentent quand les prix baissent, est encore confirmée ici. 1 PLANC'HE I. (OliKRBAVERN). I _ . . I Pl.AXCHE II. (NILDERHAVKRN). Planchk iii. (Ohf.rpfi ai./ r. Rigknshurg). Planche IV. (Oberfrankex). 5 I Pl.ANCHE V. (MlTTELFRANKEN). Planche VI (Unterfranken u. Aschaffenburg). ^m«u* v PLANCHE VII. (SCHWABEN U. NEUBURG). Flanche VIII. (Gebiet mess, des Rheins). Planche IX. (Pfalz). VII. A. CORNE. i) Selon 1'auteur les lois qui régissent les phénomènes moraux sont en ce moment encore voilées de nuages épais. „On peut attendre avec confiance que les nuages se dissipant, quelque grand principe, autour duquel se groupent nos connaissances de détail, nous apparaisse inondé de clartés. Tout me semble indiquer que ce principe supérieur n'est autre que le principe d'activité. En effet les premiers rudiments de la science sociale, ne nous ont encore été donnés que par 1'économie politique, et son unique fondement est 1'affirmation de 1'activité humaine. D'autre part en me livrant sans aucune préoccupation a cette étude toute spéciale sur la criminalité, j'ai été peu a peu amené par une observation attentive et minutieuse des faits, a trouver la cause générale des crimes dans 1'absence de ce même principe d'activité. En y réfléchissant, il parait bien dans 1'ordre naturel des choses que le développement de la criminalité, c'est a dire de 1'esprit de destruction et de dissolution, se manifeste lors de 1'affaiblissement ou de la disparition du principe générateur de toute production et de toute société. II y a donc la, si je ne me suis trompé, plus qu'une coïncidence fortuite mais une relation qui mérite, d'autant plus d'être notée, que c'est également du principe d'activité que 1'on voit découler aujourd'hui toutes les lois des phénomènes physiques." 2) Accompagnons 1'auteur sur le terrain des faits. Après avoir donné un exposé du mouvement de la criminalité en France, en même temps en comparaison de celle de quelques autres pays, il entame fmalement son étiologie. Pour la grande masse, dit 1'auteur, le criminel n'est qu'une espèce de monstre au milieu de la société, un monstre, qui, par ses penchants innés, est prédestiné au crime. Yue de cette manière la criminalité est 1111 mal individuel. Corne, parcontre, la croit 1111 mal social. Car, quoique la société se soit developpée sous tous les rapports, elle est néanmoins toujours imparfaite, puisque 1'ignorance et la corruption des mceurs sont grandes. L'auteur appuie fortement sur deux circonstances, savoir: la corruption ') «Essai sur la Criminalité" (Journal des Economistes 1868). 2) P. 64. des moeurs dans les classes plus élevées, et le militarisme. Non seulement que le militarisme entraine la ruine des peuples et développe les penchants violents dans 1'homme, mais il entraine encore des suites trés graves pour la moralité, puisqu'il contraint au célibat nombre de jeunes gens a un age oü les passions s'agitent. „Si les plaisirs, les préjugés ou les besoins sociaux produisent directement ou indirectement 1'affaiblissement des corps, ou 1'abaissement des esprits, comment s'étonner qu'ils préparent un trouble dont on souffrira quelque jour!"1) Selon 1'auteur il y a des faits qui pourraient peut-être donner un démenti a son opinion. Ainsi, p. e. la fluctuation des prix du blé influence la diminution ou 1'augmentation de la criminalité. Années Prix moyen de 1'hectolitre 1 Nombre des accusés et de de froment. prévenus de délits communs. fr. c. i«5° 14 32 147,757 1851 14 48 | 146,368 1852 16 75 159,79' i«53 22 39 i7i,35i 1854 28 82 170,940 1855 29 32 163,748 1856 30 75 162,049 iS57 24 37 161,556 1858 16 75 157,^'5 1859 16 75 150,94^ 1860 20 24 144,301 1861 24 55 151,112 1862 23 24 152,332 1863 19 78 144,072 1864 17 58 146,230 Quoique, d'après Corne, la cherté du blé ne soit qu'un fait accidentel, il faut pourtant bien y attacher quelque importance, vules suites funestes qui peuvent en résulter pour les families qui, sans elle, ont déja beacoup de peine a joindre les deux bouts. Mais les chiffres mentionnés ci-dessus ne prouvent pas que 1'influence soit trés grande. Car les prix montent quelque fois tandis que les autres chiffres baissent, et v. v. Et puis, 1'accroissement soudain, durant la période 1849/53, des chiffres de la 2c colonne doit être attribué a une meilleure organisation de la police judiciaire. Knsuite 1'auteur donne le tableau suivant: 1) P- 79- Nombre des condamnés Années. Prix de 1'hectolitre de blé. pour atteintes a la propriété. (sur I .OOO habitants). fr. c. 1850 14 32 14,058 1851 14 48 14,678 1852 ! 16 75 16,217 1853 22 39 16,652 1854 28 82 20,442 1855 29 32 19,223 1856 30 75 18,222 1857 24 37 17,218 1858 16 75 15,437 1859 16 75 14,655 1860 20 24 15,707 1861 24 55 16,518 1862 23 24 16,742 1863 19 78 15,309 On voit, que la coïncidence des chiffres est ici naturellement plus grande que dans le premier tableau. „La situation des criminels peut se résumer en un mot: /'isolement. La plupart d'entre eux savent a peine ce que c'est que la familie. Ils sont misérables; ils n'ont point de domicile fixe, point d'occupation sédentaire qui, ramenant sans cesse leur vie dans un même cercle, leur permette de s'attacher peu a peu aux hommes ou aux choses. Ils sont piongés dans les ténèbres de 1'ignorance. En dehors de ce qui touche a leurs besoins immédiats et physiques, le reste du monde est pour eux comme s'il n'existait pas." ') Ils sont seuls, isolés, dès leur naissance. Car parmi les jeunes détenus on compte non seulement beaucoup d'enfants illégitimes et d'orphelins, mais encore beaucoup de délaissés. Sur 8006 jeunes criminels, en détention le 31 Décembre 1864, 60 °/0 étaient enfants naturels, orphelins, ou abandonnés; 3165 ou 38^2 °/0 (dont une partie furent enfants illégitimes, orphelins ou abandonnés) étaient enfants de vagabonds, de récidivistes ou de prostituées. L'auteur peint ensuite le milieu dans lequel les enfants de prolétaires grandissent ordinairement: mauvaises circonstances hygiéniques, entourage corrupteur etc. etc., et indique 1'influence néfaste du travail dans les usines sur les jeunes personnes. Cornc considère encore comme une des causes de la criminalité le célibat, par lequel 1'individu n'a personne a soigner, ni quelqu'un qui s'intéresse a son sort. Le crime se développe beaucoup plus dans les grandes villes qu'a la campagne, parceque, a ce que l'auteur croit, les hommes sont beaucoup plus isolés, plus abandonnés a eux-mêmes dans les grandes villes qu'a la campagne. i) P. 82. — Je ferai ici 1'observation qu'habituellement ce sont des raisons économiques qui empêchent 1'homme de se marier, et que la plus grande criminalité dans les villes s'explique mieux par la difïférence tnarquée des positions économiques et que 1'occasion de nial-faire y est aussi plus fréquente.— Selon Corne un des meilleurs préservatifs contre le crime serait la propriété, car elle engendre le sentiment de la responsabilité. Le propriétaire s'efforce a augmenter son bien et a en améliorer la situation, bref, la propriété a une influence moralisatrice. — L'auteur a sans doute raison quand il dit que celui qui possède commettra moins facilement un vol qu'un autre, qui n'a rien, et cela pour la raison trés simple que le premier vit problablement dans de meilleures conditions que le second. Je crois pourtant pouvoir contredire, et a raison, 1'influence moralisatrice de la propriété sur 1'homme. ') En outre, les rêves de ceux qui ont cru a la possibilité de faire de petitspropriétaires de tout le monde, se sont montrés irréalisables par la centralisation de plus en plus forte des moyens de production. - • „La criminalité vient du manque de vitalité. C'est une anémie. Veuton rempêcher de se produire il faut exciter en 1'homme tous les sentiments d'activité!" „C'est ici qu'apparaitl'utilité de 1'instruction. L'homme qui sait lire et écrire se trouve en effet avoir entre les mains un instrument qui peut multiplier a 1'infini ses moyens d'action." 2) — Pour ce qui concerne 1'instruction il a été prouvé plus tard que son influence sur le cours de la criminalité n'a pas été très-grande. Quand 1'instruction s'étend au dela del'art de lire et d'écrire, elle a bien une influence civilisatrice, mais elle n'a pas pour résultat une baisse de la criminalité en général, puisque les causes économiques de celle-ci restent. L'instruction change bien la nature de la criminalité, mais non pas son étendue. — 3) Après avoir a juste titre, indiqué 1'influence moralisatrice du sufifrage universel, qui relève le sentiment du moi dans l'homme, l'auteur conclut en disant: „L'homme qui a une familie, l'homme qui possède, qui est instruit, qui est connu de ses concitoyens et qui a sur eux sa part d'influence, ne peut plus être eet individu que nous avons vu criminel paree qu'il était faible, isolé, qui 11e savait marcher seul sans trébucher aux moindres obstacles, sans glisser a toutes les pentes; il a désormais de 1'énergie, il a une volonté préméditée, il peut résister a ses passions paree qu'il est entouré, soutenu, paree que mille liens d'affections et d'intérêt 1'attachent a la société, a 1'ordre et au bien." 4) ') Voir la deuxième partie de eet ouvrage. 2) p. 89-90. 3) Voir p. e. Guerry »Essai de la statistique morale de la France" p. 51 et L. del Baere »De invloed van opvoeding en onderwijs". 4) P- 93- VIII. H. VON VALENTINI. L'ouvrage „Das Verbrecherthum im Preussischen Staat," publié en 1869 par le Directeur de prison von Valentini, traite surtout des résultats obtenus par le système pénal alors en vigueur en Prusse et des moyens de l'améliorer. Von Valentini voit dans le crime avant tout la conséquence des conditions sociales, du moins il considère que le meilleur moyen de le combattre est que la société ait soin d'empêcher le penchant criminel de se déclarer et qu'elle s'efforce d'élever le niveau moral du peuple puisque, selon notre auteur 90 °/0 des criminels sont des „lediglich materiell und durchaus vervvahrloste Subjecte", qui doivent subir „eine geistige Widergeburt." ') Après ces observations générales il procédé a des observations plus particulières sur les criminels mêmes dans la société. D'après la statistique il examine la proportion du nombre des criminels et de celui des habitants. Obtenant alors différentes proportions pour les différents districts prussiens il en recherche les causes. A cette fin il classifie les crimes en i° crimes par intér t personnel, et 2° crimes par passion. Trouvant alors que les provinces de 1'Est donnent 9 °/0 de crimes par intérêt personnel de plus que les autres, il croit en trouver la cause dans: „einem vorhandenen materiellen wie auch intellectuellen Nothstande, und in der Einrichtung der Gefangnisse." 2) Le chapitre III sur les „Dimensionen des Nothstandes" contient des tableaux détaillés pour chaque province, les grandes villes et les contrées riches et pauvres. II obtient alors le résultat suivant pour les huit provinces: i) p. 10. 2) p. 24. I Paupérisme. Provlnces. N. d'indigents dans les contrées les plus pauvres. sur 100 habitants. B=5—555-—5— Pourcentage ; Proportion du des crimes j pourcentage contre la | des crimes contre propriété la propriété et sur iooooo j celui du habitants. paupérisme. losen 536,495 36,1 | 32,89 | 0,91 : 1 La Prusse j 792,948 j 27,6 j 24,69 j 0,89 : 1 La Poméranie 314.383 22,6 20,57 0,91 : 1 La Silésie 517,528 15,2 36,94 2,43: • Tot. du groupe de PEst 2.161,354 23,6 115,09 4,91 : 1 Provinces Rhénanes 397,350 12,0 5,59 0,46 : 1 Le Brandebourg 84,011 3,4 26,27 7,72 : 1 La Westphalie 45,849 2,8 9,21 3,'29 : 1 La Saxe 259,901 1,3 18,33 14,10 : 1 Tot. du groupe de 1'Ouest 553,1 " 5,9 59,40 25,57: 1 L ne autre chose qui le frappe est 1 influence de la petite propriété foncière. „Der Grundbesitz, auch der kleine Grundbesitz isolirt und dieses isolieren der Haushaltungen ist ein nicht unerhebliches Praservativ gegen Eigenthumsverbrechen." J) L'auteur en donne les apercus statistiques suivants. II range dans la petite propriété foncière les biens de 30 arpents de Magd .bourg ct au dessous. Kllc se monte en total a 10,655,460 arpents sur 1,716,535 propriétés, dont la grandeur moyenne est de 6 arpents. On compte dans les provinces suivantes: "osen 57,5'9 de ces propriétés, donc 1 sur 25 habit. ja }'russe 93,793 ,, „ „ 30 „ la Poméranie 61,752 „ „ „ „ „ „ 22 „ la Silézie 230,710 „ „ „ „ „ „ ,4 „ Tot. du groupe: 443,774 donc 1 sur 18 habit. de 1'Est Provinces Rhénanes 788,473 de ces propriétés, donc I sur 4 habit. le Brandebourg 112,532 „ „ „ „ „ „ 22 „ a Westphalie 197,383 „ „ „ „ „ „ 8 „ la Saxe 174,373 ,, „ „ „ „ „ 11 „ Tot. du groupe de 1'Ouest: 1272,761 donc 1 sur 8 habit. !) p. 58. 77 „Rheinland allein hat also beinahe doppelt so viel als die vier östlichen Frovinzen zusammen! Das erklart wohl die Zifter 5,59 fïir Rheinland in Tabelle 15 (le tableau susnommé) und dann noch obenein die bedeutendste Armenpflege. Sollte überhaupt der Zusamenhang zwischen obigen Verhaltnissen und den 111 den verschieden auftredenden Eigenthumsverbrechen geleugnet weden können?" ') Par rapport a ceci il traite aussi les conditions des demeures, pour laquelle il donne les chifïfres suivants. Habitations sur 1 lieue: Posen 258 Provinces Rhénanes 901 la Prusse 230 le Brandebourg 304 la Poméranie 218 la Westphalie 579 la Silésie 546 la Saxe 529 Tot. 1252 Tot. 2313 Un apercu plus détaillé du nombre des habitants nous démontre qu'il y a en Posen, Prusse, Poméranie, Silés., Prov. Rh., Brandenb., Westph., Saxe. Dans chaque habitation 9,8 9,8 10,1 7,9 6,9 10,0 7,2 7,5 hab " '®s f 112 13,2 11,6 13,3 10,4 14,0 8,7 9,8 » >> chaque habitation $ ' J' ' " ■) les hameaux ') gg IQ g IO O g t 5 ] 9 6 7 0 6,8 >> » chaque habitation ) i) les villages ) - , g ^ _ ^ 7 0 5,7 7,7 6,7 6,5 » » chaque habitation ) " 3" " 0 Dans ces chifïfres v. Valentine voit un parallélisme avec ceux de la petite propriété dont il résulte que cette isolation des ménages est un des meilleurs préservatifs contre les délits contre la propriété. x) P- 57- IX. A. VON OETTINGEN. i) Dans le chapitrc IV „Die ungeordnete Geschlechtsgemeinschaft und die I'rostitution", 1'auteur traite de 1'influence des fhictuations des prix de quelques denrées importantes sur les crimes contre la propriété, contre les mceurs, contre les personnes et les crimes d'incendie. (Prusse). POURCENTAGE. Prix combine Années. délits con- délits con- délits con- Par boisseau de tre les Incendie. tre la pro- tre la eTïommes'de mceurs. prieté. personne. tcrre cn silber- groschen. 1854 2,26 0,43 88,41 8,90 217,1 1855 2,5 7 0,46 88,93 8,04 252,3 1856 2,65 0,43 87,60 9,32 203,3 1857 414 0,53 81,52 13,81 156,3 1858 4,45 0.60 77,92 17,03 149,3 1859 4,68 0,52 78,17 16,63 150,6 Moyenne: 3,34 0,48 84,42 11,76 188,2 T Ce tableau démontre donc: i° que les crimes contre la propriété diminuent quand les prix baissent; 2° que dans ces mêmes conditions les crimes contre les mceurs et ceux contre la personne augmentent. — Ou'on se garde pourtant bien de tirer de ce deuxième fait des conclusions erronnées. Tout ce que 1'augmentation des crimes contre les mceurs au moment oii les prix élèvent indique c'est qu'il y a 1111 nombre d'individus tellement mal nourris, qu'ils ne peuvent être poussés que par un seul besoin, celui de se procurer de quoi manger. Par contre, il est clair que les autres besoins humains se feront sentir aussitót que la possibilité de mieux se nourrir deviendra plus grande par la baisse des prix. Quiconque !) «Die Moralstatistik in ihrcr Bedentung für eine Socialethik". peut se nourrir convenablement sait bien qu'une bonnc nourriture seulc n'est pas une raison de commettre des crimes contre les moeurs. Autrement la bourgeoisie devrait sans cesse commettre de tels crimes, puisqu'elle se trouve toujours dans la position de se nourrir suffisamment. De même il n'est pas vrai qu'une des conséquenes inévitables d'une baisse des prix doit être un accroissement de crimes contre la personne. Si 1'on disposait d'une statistique compléte, on pourrait voir qu'un homme civilisé n'acquiert pas le penchant aux crimes contre la personne quand son „Standard of life" monte. — r. . „ n-iv ^ Prix des denrees. , , ! Crimes contre Delits contre | ,, Annees. ■ , i des 1861. les moeurs. les moeurs. /c . , ,. , (Seigle par boisseau.) 1862 633 2386 | 61,8 1863 714 2652 63,1 1864 695 2645 54,3 1865 | 748 2864 45,6 1866 1 667 2588 49,11 1867 653 2732 58,5 1868 | 873 2902 79,0 1869 925 2945 ■ 78,8 1870 | 631 2451 64,7 1871 j 501 1072 , 62,3 lei 1'influence de la guerre saute aux yeux, les chififres étant relativement bas aux années 1864/66 et 1870/71, tandis qu'au contraire durant ces années les prix des vivres baissent. — Mais ici il ne faut pas perdre de vue que des milliers de personnes, en d'autres temps capables de commettre de tels crimes, sont maintenant éloignés de la vie ordinaire par le service militaire. Du reste, en temps de guerre la surveillance de la police est sans doute moins sévère qu' en temps de paix. — Dans le chapitre: „Die social-ethische Lebensbethatigung in der bürgerlichen Rechtssphare" von Oettingen traite e.a. 1'influence des ppx moyens des vivres sur le vagabondage et la mendicité. Avant de le suivre sur ce terrain, je veux relever une observation, selon moi très-juste, qu'il fait sur la criminalité en général. Après quelques objections très-superficielles contre le collectivisme, il se contredit etrangcment en disant: „Der egoistische Zug des Menschen, in Folge dessen er dem Nachsten die bevorzugte Stellung oder den reicheren liesitz nicht gönnt, die Slicht für sicli zu haben und zu geniessen, verbunden mit der Scheu vor selbstverleugnender Arbeit im Schweisse des Angesichts, zeigt uns in jedem menschlichen Herzen jenen Keim des Verderbens, welcher schrankenlos und zuchtlos fortwuchernd in Verbrechen zu Tage trcten und in colossalen Dimensionen um sich greifen muss. Dass die Versuchungen von aussen, welche durch die öconomischen Verhaltnisse und das sociale wie hausliche Elend herbeigeführt werden, jcnen inneren Hang leichter zur ! hat werden lassen, versteht sich von selbst. Aber das eigentliche Motiv ruht in der zerstörenden Macht der Selbstsucht, in jenem Egoismus, den so viele moderne Nationalöconomen als den Haupthebel gesunder öconomischer Entwickelung und nationaler Lebensbewegung zu rechtfertigen und zu verherrlichen sich nicht scheuen." *) — Ici v. O. montre la plus frappante bigarrure de comprendre et ne pas comprendre. Comme 1'auteur comprend bien l'égoïsnie anti-social comme noyau de la criminalité! Au contraire, comme il fait des bévues en jugeant les circonstances de la vie de ses contemporains. II s'indigne de 1 égoïsme prêché par les économes, mais ne saisit pas que c'est justement le système de production qui a pénétré les hommes de ce principe! — Quoique, d'après 1 auteur 1'influence des prix des vivres sur le vagabondage et surtout sur la mendicité soit très-grande, il est néanmoins d avis que ce facteur est plus d'une fois influencé et même neutralisé par des facteurs sociaux-politiques, comme le prouvent les faits suivants: Tandis que les prix baissaient durant la période révolutionnaire de 1848, la mendicité augmentait tout de même, ce qui, d'après lui, doit être attribué au manque de discipline sociale." — On comprend assurément que les crimes contre la personne, augmentent pendant les révolutions; mais il n'est pas clair pourquoi le nombre des mendiants doit augmenter sous 1'influence directe de la révolution. L'erreur commise ici par von Oettingen, comme par d'autres auteurs, est celle ci: qu'ils considèrent la mendicité et le vagabondage comme des amusements pour les personnes qui s'y adonnent (page 427 v. O. dit même: „die süsse Gewohnheit der Landstreicherei" c. a d. „la douce coutume de vagabonder' ). Cette opinion sur le motif de ces crimes leur donne la conviction que seulement les chatiments sévères retiennent les gens de ces plaisirs pernicieux. Voila pourquoi von Oettingen des périodes révolutionnaires et de 1'indiscipline qui s'en suit, déduit un accroissement du nombre des vagabonds. II va sans dire qu'en réalité la mendicité et le vagabondage ne sont pas des plaisirs, mais bien une misère atroce a laquelle n'arrivent que ceux qui ne sont plus a même de travailler soit par maladie, soit par vieillesse, soit par manque de travail, soit par ignorance totale (suite du milieu dans lequel ils ont vécu et qui les a empêchés d apprendre quelque métier) ou ceux qui ne peuvent travailler par suite de débilité physique ou psychique. Oue v. O. attribué a des facteurs sociauxpolitiques la hausse des chiffres de la mendicité et du vagabondage, qui se montrent en temps de troubles a coté de la hausse des prix des vivres, est une explication fondée sur des conclusions erronnées tirces des statistiques. Le prix des vivres est sans doute un facteur économique important; mais il n'est pas du tout le seul. Surtout pour ce qui concerne la mendicité et le vagabondage il y en a de beaucoup plus importants. La hausse des prix des vivres est, sans aucun doute, au trés grand désavantage de la familie prolétarienne. Mais celle-ci 11'cst pas encore inévitablement réduite a la besace par cette hausse, tandis qu'elle l est bien par 1111 chómage forcé de longue durée. Les membres d'une familie prolétarienne n'iront pas mendier ni vagabonder aussitót que les prix des vivres montent *) P- 423- durant quelque temps, niais ils y seront réduits quand ils ne gagnent rien du tout. Von Oettingen n'a tenu compte que d'un seuf facteur économique, qui 11'est pas mème le plus important; et sa conclusion est si non fausse, en tous cas prématurée. Une révolution pourra certainement entrainer avec elle de telles suites, mais elles seront autres que ne les décrit von Oettingen. En temps de troubles violents il y a généralement manque complet de travail en beaucoup de branches industrielies; par conséquent il y a inactivité. C'est une raison beaucoup plus importante que celle nommée par von Oettingen. — Aprés avoir encore relevé dans quelques autres passages de son travail ') 1 importance des prix du blé comme facteur de la criminalité, 1 auteur appelle notre attention sur la forte influence exercée par la crise commerciale de 1857/8 sur la criminalité anglaise. Sur 100,000 habitants il y avait : a être jugés par les jurés. Années. 1'ersonnes. Crimes. I ersonnes ajuger pour | délits non-spécifiés. 1858 2,96 1,56 20,70 1859 2,63 1,38 19,89 !86o 2,53 1,24 '9»34 1861 2,52 1,36 19,62 1862 2,62 1,43 20,11 '863 2,54 1,47 20,52 1864 2,46 1,38 21,22 1865/6 2,44 i,35 22,28 1867/8 2,70 1,55 22,34 1868/9 2,64 1,52 23,49 Moyenne, j 2,60 1,42 20,95 On voit qu en 1858 toutes les rubriques se caractérisent par des chiffres élevés. La hausse, dès 1862, dans la 3111e colonne doit, probablement être attribuée a la hausse des prix des denrées, (surtout en 1867/9). L n trait caractéristique des années économiquement défavorables est la grande participation a Ia criminalité par les femmes et les enfants: En 1861/6 il y a eu en Belgique sur 27573 inculpés une moyenne de 307 Agés de moins de 16 ans et de 18671 femmes, et de criminels masculins au dessous de 21 ans. En 1846, année de crise, on comptait parmi les inculpés 911 enfants au dessous de 16 ans et 23151 femmes et criminels masculins de moins de 21 ans. A la page 486 von Oettingen nous donne le tableau suivant. Sur 100 plaintes il y a: *) P- 433, 436. Crimes contre Prix par boisseau Années. —— —. sei^le. la prop. I la pers. & Sgr.Pf. 1862 44,3 °/o 15.8 °/o j 63,10 1863 41,6 17,0 54.3 1864 41,6 , 18,4 ! 45,6 1865 38,5 17,7 49.i' 1866 44,4 14» 5 ! 58,5 1867 50,2 13,1 ; 79,° 1868 52,3 13,8 | 78,8 186 9 45,7 ï 4>3 ' ^4.7 Dans la première colonne figurent les 3 formes de vol qualifié d'après le code pénal prussien; dans la seconde se trouvent les cas de meurt re, homicide, cmpoisonnement, infanticide, crimes contre les moeurs et coups et blessures. Nous retrouvons donc ici la régie: que la hausse (resp. baisse) des prix des vivres est accompagnée d'une augmentation (resp. dimunition) des crimes contre la propriété et d'une diminution (resp. augmentation) des crimes contre la personne. Ce tableau démontre également que, si une hausse trés prononcée des prix a causé une grande augmentation de la criminalité, la baisse ultérieure des prix, se ne fait sentir sur le chiffre de la criminalité que quelque temps après son commencement. (voir les années 1867/8). Ce phénomène est aussi trés distinctement démontré par le tableau suivant: Prix total d'un boisseau de Années. Cas jugés. froment, de seigle et de pommes de terre en gr. 1854 644,483 221,6 1855 686,207 24M 1856 766,628 228,4 1857 705,291 161,1 Ce ne fut donc qu'en 1857 que la baisse des prix, remontant a 1856, commenca a produire son effet. Pour terminer nous appelons 1'attention sur les tableaux suivants: LA SAXE. Crimes contre prix du froment, du seigle et des Annees. , ^ prQp I ja pers. pommes de terre par boisseau. 1860 37,25 35,04 170 gr. 1861 40,28 33,iO 181 „ 1862 38,78 34,65 173 „ 1863 36,56 35,09 j 147 .» LA BAVIÈRE. délits contre Années. , —:— rrix du seigle. la prop. la pers. fl. kr. 1862/63 38,38 33.'6 '4, 48 1863/64 36,16 37,72 12, 16 1864/65 j 36,55 39,79 11, 53 1865/66 33,42 41,18 10, 57 Encore une fois donc affirmation de la règle que les crimes contre la propriété diminuent et que ceux contre la personne augmentent quand les prix baissent. X. STURSBERG. Dans la première partie d'une brochure, éditée en 1878 et intitulée „Die Zunahme der Vergehen und Verbrechen und ihre Ursache," 1'auteur tache de découvrir a 1'aide de la statistique dans quelle niesure la criminalité a augmenté ou diminuéen Allemagne pendant les années 1871-77. Comme résultat de ces recherches il constate une augmentation considérable des crimes et délits dans toute 1'Allemagne. ') Pour les causes de eet accroissement ce qui suit: Quoique ne reietant pas entièrement le jugement de Quételet que la société prépare le crime et que le criminel n'est que 1'instrument qui exécute 1'acte, Stursberg est pourtant d'opinion qu'il faut accorder, outre aux circonstances, une place très-importante au facteur personnel, c. a. d. a la présence ou absence de sentiments moraux et religieux. „Bist du aber nicht fromm, so ruhet die Sünde vor der Thtir." 2) II y en a, dit 1'auteur, qui cherchent la cause dans les suites de la guerre contre la France. Quoique croyant aussi que la guerre ait eu des suites défavorables sur la criminalité, il est, d'après lui, impossible, que cette guerre soit la cause de 1'accroissement de la criminalité, celle-ci ayant précisément diminué après les guerres de 1864 et 1866. Pour 1'auteur, une des causes en est la plus grande douceur des peines infligées d'après le nouveau code pénal de 1'empire. Mais selon lui cette influence n'est pas importante, comme le disent beaucoup d'autres, car depuis 1871 il y a plutót diminution qu' accroissement de la récidive. Les mauvaises conditions économiques non plus ne peuvent en être la cause, dit Stursberg; car la criminalité commencait déja a monter avant les mauvaises années, et ce n'est pas le vol qui a augmenté le plus. Néanmoins Stursberg reconnait qu'une pauvreté prolongée affaiblit les sentiments moraux, ce qui fait que criminalité et pauvreté sont étroitement liées. „Mais si le coeur se trouve au bon endroit „les besoins font prier", comme dit le proverbe allemand." (L'auteur ne nous raconte pas si la prière appaise en mème temps la faim!) Mais il y a, selon Stursberg, des causes plus graves. !) p. 442 de son »Moralstatistik" von Oettingen critique les conclusions de Stursberg et lui fait un reproche d'avoir pris pour base de comparaison 1'année 1871, dans laquelle les chiffres de la criminalité furent très-bas (suite de 1'influence de la guerre,) et en outre de ne pas avoir mis en compte qu'en 1876 le nouveau code pénal a été mis en vigueur. 2> P- 25. Suit une description de 1'élan pris par 1'industrie en Allemagne durant les premières années après 1870, description qui ne sera pas facilement dépassée quant a son insignifiance et a 1'ignorance naive dont elle fait preuve. Sans comprendre quoi que ce soit aux événements vraiment importants qui ont lieu autour de lui, 1'auteur fulmine contre quelques conséquences du capitalisme moderne naissant. — II se le représente comme né du vif désir de richesses surgissant d'emblée. Pourquoi ce désir surgit-il a ce moment? C'est ce que 1'auteur ne nous raconte pas. Mais malgré tout cela, 1'auteur a incontestablement découvert ici une des causes principales, puisque le développement prodigieux de 1'industrie, bientöt suivie d'une crise inévitable, a dü causer un accroissement de la criminalité. Puisque Stursberg traite cette question plutót en moraliste qu'en homme de science, nous n'avons aucun intérêt de nous y arrêter davantage. — Dans les premières pages de sa brochure Stursberg parle des conséquences désastreuses cLe 1'alcoolisme, suites de la loi du 21 Septbre 1869 qui a augmenté le nombre des débits de spiritueux. Armé de citations sans nombre il combat ensuite les cafés-chantants, la littérature immorale etc. etc.; après quoi il fait tout d'un coup entrer en scène la liberté professionnelle. „Une influence inappréciable que les braves et pieux maitres ont exercée pendant des siècles sur les compagnons et apprentis qui étaient comme les membres de la familie". „La liberté des métiers arriva et dénoua les liens de la piété et de la discipline qui avaient retenus les compagnons et apprentis a la maison du maitre." — Ainsi qu'on le voit, les idéés de 1'auteur sont plutöt celles d'un écrivain du moyen-age que celles d'un contemporain du capitalisme moderne. On ne peut certes nier qu'il y ait du vrai au fond de ce raissonnement. Car il est incontestable qu'aux temps des Corporations la position des compagnons était en général plus favorable que celle du prolétaire d'aujourd'hui. Mais c'est un raisonnement a tendance que celui de prétendre que la religion du maitre en fut la cause. Et une démonstration dans laqueile la liberté professionnelle est représentée comme étant en vérité une erreur du législateur, et non pas la conséquence logique et inévitable du capitalisme moderne naissant, est si peu scientifique, qu'elle n'est pas a sa place dans une recherche sur les causes de 1'accroissement de la criminalité.— Ensuite, il prêche plus spécialement contre 1'extension de plus en plus grande de 1 'etude des sciences naturelles, la démocratie socialiste, le manque de respect aux autorités constituées, etc. etc., cependant sans ailéguer la moindre preuve de la causalité de tout cela avec la criminalité croissante. Mais a la fin il dit que „la cause fondamentale de 1'augmentation des crimes et délits sont les rapides progrès de 1'irréligion, et 1'affaiblissement des sentiments chrétiens dans 1'église et 1'école." ') — A 1'appui de cette thèse, 1'auteur ne donne pas non plus de preuves. Par contre il y en a de nombreuses qui font voir que 1'influence préventive sur la criminalité de la religion par elle-même est nulle ou tout au plus très-faible. Voir la critique, donnée a la fin du chapitre intitulé „les Spiritualistes" (chap. VI.) — *) P- 5». XI. L. FULD. Avant d'entamer la recherche spéciale, 1'auteur de „der Einflusz der Lebensmittelpreise auf die Bewegung der strafbaren Handlungen" fait les observations suivantes: Partout on s'est apercu que les attentats aux moeurs avec actes de violence augmentent, quand les prix des vivres baissent. Adhérant a 1'opinion de von Oettingen „que, par suite d'une augmentation de prospérité, le penchant au crime se traduit davantage par des crimes contre les moeurs que par ceux contre la propriété," Fuld fait aussi mention de 1'opinion de Valentini „qu'en ce cas le peuple devient hardi et commet plus facilement des crimes." Voici d'autres faits saillants: que le nombre des jeunes criminels augmente et que les villes produisent un plus grand nombre de criminels que la campagne, quoique la moralité sexuelle surtout, y soit lom d'être idéale. En parlant, finalement de 1'influence de la profession, Puld mentionne que 1'accroissement du nombre des criminels, qui accompagne une hausse des prix, est plus grand pour les non-récividistes que pour les récidivistes, ce qu'il veut prouver par le tableau suivant: ANGLETERRE. Années. c^n*ct^ro Caractère inconnu. Prix du froment. jusqu alors. 1 5IT—E 1858 153576 138388 i 43 11 1859 153369 150084 43 8 1860 137574 144485 52 9 1864 167038 165808 40 2 Cependant, ce tableau ne le prouve pas. Car en 1860 la criminalité baisse, tandis que les prix sont élevés. Voici 1'explication que 1'auteur en donne : La grande masse du peuple ne mange pas de froment (pourquoi alors en donne-t-il les prix ?) et les vivres qu'il mange bien (et ce sont justement ceux que 1'auteur ne nomme pas!) furent bien chers. Puis, les suites d'une mauvaise année ne se font sentir que quelque temps après. Ainsi en 1862/3 les Pr'x furent trés élevés. (55 sh. 5 d). Aussi, la baisse des prix de 1864 ne se fait-elle sentir que plus tard, seulement pas aux gens qui sont restés honnêtes jusqu'au moment de la crise — ce qu'il explique en prétendant que la cause en doit être un facteur individuel, a savoir: les troubles politiques d'alors. (L'idée de qualifier les troubles politiques de facteur individuel est vraiment trés singulière!) Vient cnsuite la recherche spéciale: L'auteur expose que les crimes contre la propriété sont une des conséquences de la lutte pour la vie ce qui explique aussi, en partie, les chiffres élevés de la criminalité des grandes villes oü la concurrence est plus vive. Aprés eet exposé 1'auteur traite en premier lieu du vol, et il commence par dire que la connexité entre les prix des vivres et le vol est trés grande. FRANCE. Années. Vols. Prix des céréales. 1856 18,222 ± 16,75 1857 17,218 „ „ 1858 15,537 | » " 1859 14,755 1 l6'7 5 1860 15,707 2°>24 Durant les années suivantes les prix baissent. Néanmoins le nombre des vols augmente. Selon Fuld on peut en tirer la conclusion que 1 influence des prix n'est qu'une influence relative(! ?). — Ce tableau ne prouve que peu de chose. Car, tandis qu'en 1856 la criminalité atteignit son plus haut chiffre les prix furent plus bas qu'en 1860; et, tandis que les chiffres dans la première colonne diminuent beaucoup, ceux de la deuxième restent constants. — ANGLETERRE. Vols. Années. Avec violence. I Sans violence. Prix des céréales. r~ r~ Sch. D. 1857 6471 43397 42 19 1858 5723 456I8 43 11 1859 4433 41370 43 8 1860 4065 41151 ■ 52 9 1861 5062 40242 55 4 1862 5746 40191 55 5 1863 1 5433 ! 398OI 44 9 1864 | 5022 ^ 3948I 1 4° 2 1865 5160 40383 4i 10 1866 j 5088 39731 43 10 1867 6355 465o2 49 10 lei il y a quelque accord entre le nombre des vols et le prix. Mais il n'est pas aussi grand que Fuld veut le représenter. (E.a., malgré la hausse soudaine des prix en 1860 la plus forte dans ce tableau la criminalité diminue, et 1'année suivante aussi il y a encore baisse du chiffre des vols sans actes de violence). PRUSSE. Années. Vols de bois. Pcrix du, seiSle e" S. gr. a 100 pf. 1862 387000 63,10 1863 354276 54,3 1864 366667 45,6 1865 426336 49,ii 1866 42555> 58.5 1867 412165 79,0 1868 419158 78,8 1869 406662 64,7 1870 389746 62,3 •87' 439288 66,0 1872 401280 82,0 '873 337H2 93,0 i874 356859 108,0 On peut bien trouver quelque accord entre les deux colonnes, mais c'est bien tout ce qu'on peut y découvrir. (Surtout la forte hausse des prix dès 1870 s'accorde jusqu'en 1874 avec une baisse des chiffres de la criminalité). Ensuite 1'auteur dit que les difFérences des prix ne sont plus aussi grandes qu'auparavant, par suite du développement technique moderne, qui a facilité le commerce international: Années. Froment. Seigle. Avoine. Orge. Hommes de terre. l87° 113 75 76 75 27,5 1871 119 «6 69 77 33,3 1872 121 82 68 76 27,5 ,873 '3° 93 80 93 38,0 1874 117 108 108 100 33,5 1875 99 85 9° 85 27,5 1^76 104 87 90,5 86 28,2 1877 105 85,5 80 84,5 31,25 1878 101 71,5 69,5 78,5 28,25 1879 98 72 67 74 30,75 I out ce qu'il y a a constater c'est que les prix du seigle et des pommes de terre montent dès 1878; les autres prix varient trop pour qu'on puisse en concluer a un mouvement constant. Mais le vol durant la même période représente une augmentation continuelle; le nombre des délinquants masculins de 18 a 30 ans seulement varie avec les prix; les chiffres des délinquants de 30 a 60 ans suit tant soit peu un courant parallèle a celui des prix. Pour le reste il n'y a point de conformité a remarquer. Utiterschlagung (soustraction frauduleuse) montre le même cours que le vol, Raub (rapine), rauberischer Diebstahl (vol avec violence) raubensche Erpressung (chantage avec violence) de même. Betrug (fraude), Untreue (abus de confiance), Urkuudenfalsehung (faux en écrits authentiques) n'offrent rien de remarquable. Begünstigung (favorisation), Helerei (recèlement), betrügerischer Bankcrott (banqueroute frauduleuse) montrent, selon Fuld, leur rapport avec les prix par la forte augmentation numérique dès 1875. Comme pour les crimes précédents, il y a encore a remarquer 1'accroissement trés grand du nombre des crimes commis par des jeunes gens et par des femmes. Cette augmentation du nombre des femmes criminelles trouve, d'après Fuld, sa cause dans la participation de plus en plus grande par les femmes au travail industriel. La conclusion finale de Fuld sur les crimes contre la propriété est: „Que 1'influence des prix des denrées sur les délits est assez importante." — Quoique n'ayant pas a donner a ce moment mon opinionsurla justesse de ce jugement, je crois pourtant pouvoir dire que les communications statistiques de Fuld n'en ont pas, ou presque pas, donné la preuve.-— La partie suivante traite des crimes contre la vie. II est évident qu'il ne peut être question des crimes commis par passion. Les seuls qui entrent en considération sont donc ceux, commis dans un but économique. Mais puisque la statistique criminelle 11e fait pas cette distinction, les résultats de ses recherches sur les crimes contre la vie ne peuvent être que trés petits. Puisque ces crimes d'après 1'auteur, dépendent plutót de facteurs intérieurs, il en tire la conclusion que le libre arbitre est relatif(! ?) L'examen sur Mord und Todtschlag (assassinat et meurtre), Korperverletzungen, (coups et blessures), Vergiftungen, (empoisonnement), Kindestödtung, (infanticide), Abtreibung der Leibesfrneht, (avortement), ne donne pas de résultats visibles. Tout de même 1'auteur a la conviction que 1'influence des prix des vivres devrait être trés perceptible, mais il ne peut pas la prouver. Le chapitre sur les crimes contre, les moeurs ne nous donne pas non plus beaucoup de renseignements. Ehebruch (adultère) et Incest (inceste) ne fournissent point de résultats décisifs. Nothsuekt (viol) doit, a ce que Fuld croit, augmenter quand les prix baissent; il ne peut pourtant pas le prouver. Uitzucht mit Gewalt (délits contre les moeurs avec violence) ne donne point de résultats. Uitzucht mit Kindern unter 14 Jahrett (délits contre les moeurs envers enfants au-dessous de I4ans), doit augmenter en nombre; il ne peut le prouver par des chiffres. Kttppelei (maquerellage), monte en nombre a partir de 1875 ; selon Fuld les prix aussi montent a partir de cette année. Unziiclitliclie Handlungett (délits contre les moeurs): point de résultats. XII. B. WEISZ. ') „Les besoins que 1'homme doit satisfaire sont nombreux, niais il n'y en a aucun qui se fait autant sentir que la faim. S'il ne peut pas contenter ses besoins d'une facon licite, la nécessité le pousse a d'autres moyens." Pour prouver ce qu'il dit le Dr. Weisz produit le tableau suivant. FRANCE. Années. Accusations a cause de crimes. Prix du froment. 1845 5054 '9.75 1846 5077 24>°5 1847 5«57 29>01 1848 4632 '6,65 1849 4910 '5)37 1850 5320 1 14,32 1851 5287 14,48 1852 5340 17,23 1853 S440 22,39 1854 55S5 28,82 1855 4798 29,32 1856 4535 30,75 1857 4399 24,37 1858 4302 16,75 1859 ; 3918 '6,74 1860 3621 20,24 1861 3842 24,55 1862 39°6 23,24 1863 3614 '9,78 1864 3447 17,58 En général la criminalité suit les prix (sept fois elle ne le fait pas). En remplacant dans ce tableau les chififres de la criminalité générale par ceux des crimes contre la propriété, 1'accord devient plus grand: 1) »Ueber einige wirthschaftliche und moralische Wirkungen hoher Getreidepreise". I I Années. Crimes contre la propriété. Prix du froment. 1847 I 4537j 29>QI 1848 i 3020 | 16,65 1849 2895 15.37 1850 3174 '4,32 1851 3126 I4.48 1852 3327 '7.23 1853 3519 22.39 1854 376' 28,82 1855 3133 29.32 1856 2766 30.75 1857 2689 24,37 1858 2315 16,75 1859 2019 16,74 1861 2146 24,55 1862 2144 23,24 1863 1941 '9.78 1864 1744 '7.58 La Belgique. Criminalité Délits contre la Années. Prix du froment. générale. propriété. 1841 20,02 444 332 1842 22,17 468 361 1843 19,41 434 346 1844 17,75 455 336 1845 20,06 ! 387 275 1846 24,53 616 498 1847 25,20 579 496 1848 17,37 529 427 1849 17,15 451 338 1850 16,15 ; 270 168 1851 16,71 247 132 1852 20,16 290 14° 1853 25,13 264 191 1854 31,48 336 238 1855 ! 32,92 299 212 1856 j 30,73 332 268 1857 I 22,96 309 197 1858 23,55 278 167 1859 24,00 3'4 i87 1860 31,15 254 161 Qu'on observe ici: que dans les années 1850—60 la loi pénale a été changée; la corrélation n'est pas constante, mais on la voit tout de même en beaucoup de cas. Surtout les années de crise 1846/7 sont intéressantes. Années. Infanticide. 1845 5 1846 17 1852 7 1853 13 1854 12 1855 14 Angi.eterrf.. Années. Prix du froment. r . „Lriminal Onenders. 181 ö 78,6 9.091 1817 96,n 13.932 1846 54,8 20.072 1847 69,9 22.451 1852 40,9 24.443 1853 53.3 27.187 1854 72,5 27.760 1855 74,8 31-309 1856 69,2 29.591 '857 36,4 26.542 1858 44,2 24.303 — La valeur des communications du Dr. Weisz aurait été plus grande, s'il avait mis les chifïfres de la criminalité en rapport avec ceux de la population. — XIII. W. STARKE. 1) Le premier chapitre qui nous intéresse est le chapitre V (Die Umgestaltung des Volkslebens, ihre Einwirkung auf die Kriminalitat und die Erkennbarkeit der letzteren aus den statistischen Nachweisungen iiber die Strafrechtspflege), 3>rie Section (die Sorge fiir die nothwendigsten Lebensbedürfnisse und die Lebensmittelpreise). De même que 1'influence des prix des vivres se fait sentir sur les chiffres des mariages conclus et des naissances, elle est aussi visible dans les chiffres de la criminalité. Ainsi, quand la température de 1'hiver est trés basse (dans les années 1855, 56, 65 et 71), quand 1'homme a donc plus de besoins qu'a 1'ordinaire, la criminalité monte. Les vols de bois p. e. augmentent pendant ces années. Mais ce n'est que pendant une partie de 1'année que le froid se fait sentir, tandis que la cherté des vivres dure 1'anneé entière. De la que celle-ci influence beaucoup plus la criminalité. Etudions maintenant la planche I. (Voir la page suivante). L'influence de la hausse des prix se voit trés distinctement dans la période 1849—55, et la baisse succédante est aussi accompagnée d'une diminution numérique des crimes. Ouand, a partir de 1858, les prix du seigle et des pommes de terre recommencent a monter, la criminalité monte aussi quoiqug moins fort. On ne voit pas eet accord durant les années 1861-—65. Tandis que les prix montent en 1866, la criminalité baisse par suite de la guerre avec 1'Autriche et des événements économiques. 2) !) »Verbrechen und Verbrecher in Preuszen 1854—1878." Le livre de Starke a été sévèrement critiqué par Mittelstadt (Zeitschrift für die ges Strafrechtswissenschaft 1884), par Aschrolt (Jahrbuch für Gesetzgebung etc. von Schmoller 1884) et par Illing (Zeitschrift des Königlich Preussischen statistischen Bureaus 1885). Ces critiques concernent surtout le matériel statistique, qui n'est pas composé du nombrc des crimes ou des criminels, mais de celui des cas nouveaux. Ces critiques disent a juste titre que ce nombre ne donne pas une vraie image de la criminalité, dont la conséquence a été que les idees de Starke sont souvent trop optimistes. Körner (Jahrbücher für d. Nat. Oek. u. Stat. Neue Folge. Band XIII) a réfuté les opinions de ces auteurs qui attaquent en même temps les preuves de la corrélation entre la criminalité et les conditions économiques, fournies par Starke. 2) En 1869 aussi la hausse des prix fait sentir son influence sur la criminalité. Planche I. Les années 1870—71, durant lesquelles les prix montent, présentent une baisse des chiffres de la criminalité, c'est donc la deuxième exception a la règle après 1866. A partir de 1875 la criminalité augmente beaucoup, les prix par contre montent trés peu, et, quand, en 1877, les prix commencent a descendre, la courbe de la criminalité continue a monter. Pour ce qui concerne les années 1870—71 on en trouve 1'explication dans la guerre, qui renforca le sentiment de solidarité (en 1866 aussi, mais pas autant). D'ailleurs, le développement de 1'industrie commenca déja vers la fin de la guerre, et la guerre même a soustrait a la vie ordinaire beaucoup de gens qui, sans elle, auraient été capables de commettre des crimes. L'auteur mentionne aussi la grande diminution de la criminalité en France durant ces années. — Relevons cependant que des statisticiens francais (voir p. e. Lafargue) considèrent ces années, comme de peu d'importance pour 1'étude de la criminalité, puisque la police et la justice furent alors beaucoup moins actives qu'en temps ordinaires. Nous supposons qu en Prusse les mêmes causes se sont produites. — A partir du milieu de ce siècle, 1'industrie s'est lentement développée en Prusse. Mais après la guerre ce développement a pris des dimensions gigantesques. La richesse augmenta mais 11e fut pas répartie également sur toute la population comme le prouve ce qui suit. Un calcul 11e mentionnant que les contribuables (et non les membres de leurs families ni les subordonnés) donne le résultat suivant pour 1 an 1871: I. Contribuables d'après les revenus (avec Personnes. pet. un revenu de 1000 Thlr.) . . . • . • 139-556 !>2 II. Contribuables avec un revenu de a) plus de 400—1000 Th 643.628 4,6 b) 140—400 Th 4.207.163 36,4 III. Non-contribuables (Revenus de 120 Ih. en moyenne) 6.582.066 56,8 Total . . . 12.572.413 100 le total des non-contribuables et de ceux disposant d'un revenu de 400 Th. au moins, rangés dans une des quatre dernières catégories comprend. . . . 93.2 °/0 Instruction (hommes, et garcons au-dessus de 10 ans). Classes. Personnes. Pet. I. Instruction supérieure 93.000 1,023 II. „ moyenne 193.000 2,122 III. „ élémentaire 7.885.4.2 3 86,703 IV. Analphabètes 923.274 1 °»152 9.094.757 100,00 donc 96 °/0 de la population ayant eu une instruction élémentaire ou point d'instruction. Peu a peu 1'industrie dépassa tellement 1'agriculture que celle-ci ne put plus produire les vivres nécessaires. C est de ce temps que date 1 importation en masse des blés. L'an 1873 vit le commencement de la réaction terrible qui se fit sentir dans toutes les couches de la population. Le nombre des mariages diminua, celui des naissances égalenient, et la criminalité augmenta (voir la planche I). D abord les courbes du vol et de la criminalité vont parallèlement dans leurs montées et descentes. Mais, dès 1854, elles commencent déja a diverger, et cette divergence se montre surtout dès 1871. Par conséquent, il faut qu'il y ait eu autre chose qui a influencé la criminalité. Et cette autre chose, est d'après Starke, la modification de la position politique du peuple. D'après 1'auteur, la participation a la politique par la masse du peuple, devenue possible par le droit de suffrage, a été une des causes de 1'augmentation du nombre des crimes contre 1'autorité de 1'état, comme le mouvement socialiste en a été une deuxième. — Sans doute, la participation a la vie politique par toutes les classes conduira aux crimes, surtout quand dans la lutte des classes la classe possédante se sert de moyens aussi violents que tracassiers, comme cela a lieu en Allemagne. L'assertion que le mouvement socialiste cause beaucoup de crimes n'est qu'une vérité en apparence. C'est plutót par la manière et par les moyens dont les socialistes sont combattus (p. e. une loi anti-socialiste, d'après laquelle les adherents de la doctrine socialiste doivent être traités en individus inférieurs) que par la doctrine même que les socialistes sont poussés a des actes de violence. Car les socialistes ne veulent atteindre leur but que par des moyens pacifiques et légaux, politiques et économiques, et ce n'est que quand 011 tache de les contrarier par la force qu'ils excitent a faire usage de moyens violents. — Starke fait enfin la conclusion suivante sur les causes du mouvement dans la criminalité: „Kaum je haben in dem kurzen Zeitraume eines Menschenalters so viele gewaltige Faktoren verschiedenster Art auf das Leben unsers Volks eingewirkt, wie in der Zeit von 1848—1878: eine vollstandige Umgestaltung der Rechtspflege und der Polizei; eine so aussergewohnlich starke Vermehrung und Verdichtung der Bevölkerung, dass der Boden, auf dem sie lebt, nicht mehr im Stande ist, mit seinen Erzeugnissen eine so grosse Bevölkerung zu ernahren ; eine hiermit zusammenhangende gewaltige Entwicklung der Industrie bei wiederholten NothstSnden, welche durch Theuerung der nothwendigsten Lebensmittel und Epidemien hervorgerufen wurden; die Entwicklung des Weltverkehrs und Welthandels; blutige Kriege, welche durch das System der allgemeinen Wehrpflicht das ganze Volk in allen seinen Schichten berühren; eine volkswirthschaftliche Krisis, so schwer, wie noch keine bisher dagewesen ; und zu allen diesen Faktoren und in derselben Zeit: der Eintritt des Volkes in die Ausübung politischer Rechte, endlich, an diese sich anlehnend, eine tief eingreifende socialistische Bewegung. Alle diese Faktoren haben ihr Theil an der Gestaltung des Volkslebens in guter wie in schlechter Richtung, also auch auf die Bewegung des Verbrecherthums. In erster Linie stehen die Beeinflussungen des physischen Lebens durch Kalte und mangelnde Ernahrung. Die grosse Bedeutung der Winterkalte ist an der Zu- und Abnahme der Holzdiebstahle gezeigt worden. Viel machtiger noch wirkt die Sorge um das Planchf. V. Jm Jakrt ama/uruu vin UnUrsuduuu] P- 94 7 5 En position Pourcen- dépendante tage 1. Sur les 65 hommes, condamnés pour cause d'assassinat 41 | 63,7 2. Sur les 80 hommes condamnés pour cause ■ de meurtre I 59 73>7 (La grande moitié de tous les condamnés, hommes et femmes, pour assassinat ou meurtre étaient agés de 30 ans 011 au-dessous). En étudiant la courbe des infanticides, nous voyons qu elle a atteint les points les plus élevés dans les années défavorables 1857» 1863, 1866, 1867 (Prusse Orientale) et 1868. E11 1857 eut lieu la première crise commerciale, et en 1864 et 1866 le choléra sévit, et la guerre avait éclaté; nombre de pères d'enfants illégitimes moururent, ce qui causa que les filles-mères ne furent pas a même d'entretenir leurs enfants. Une comparaison entre la courbe des crimes d'mcetidie de la planche \ I (crimes et dclits contre la süretc ptiblique), commis dans le même but que les crimes contre la propriété, avec celle des crimes contre la propriété de la planche III, montre une grande ressemblance de cours: 1'augmentation de ce crime se présente aussi dans les années économiquement défavorables. ') 1) Quoique les observations faites sur quelques autres crimes ne soient pas dénuées^ d'intérêt, je ne mentionne que les crimes offrant des points de vue particulièrement intéressants pour mon travail. S^ *S* *> » g g 3 % y g § st :>!. I | iftrf pTTTTTTl s ■I! |=l | ^ SJ S % I' « 5 S? f § 1 bi AI Ni lil 1 * li* jpfe «sa lil. §ï r'l ri'ï I !ï| |M i t Planche VI. li [r i|| t? s|i XIV RETTICH. ') La partie „Crimes et Délits contre la propriété" de cette étude contient quelques observations qui sont d'importance pour le sujet qui nous occupe. Je ne saurais mieux rendre 1'opinion de 1'auteur qu'en citant ce qui suit: „Dasz die Haufigkeit der Vermögensdelikte im Zusammenhang mit den jeweiligen wirtschaftlichen Verhaltnissen stehen müsse, scheint keines Beweises zu bedürfen. Wer selbst im Ueberflusz lebt, für den fehlt, wenn auch sonst Neigung zu allen möglichen Verbrechen in ihm schlummert, jedenfalls das Genuszmotiv zur Aneignung fremden Eigentums. Ein beliebtes, aber gewisz nicht stichhaltiges Schlagwort der Sozial-demokratie ist es, dasz die Aufhebung des Privateigentums und die staatliche Regelung des Genuszlebens die ganze schwere Zahl der Vermögensdelikte vom Erdboden verschwinden machen würde. Sie vergiszt, indem sie dies behauptet, die Wahrscheinlichkeit dasz dann eben wie früher der Private, so jetzt der grosze Eigentümerstaat bestohlen werden würde und zwar von Leuten derselben Art, die heute ohne in Mangel zu leben, gleichwohl mit dem was sie rechtmasziger Weise zu erwerben im Stande waren, nicht zufrieden sind und darum die Hand nach unrechtem Gut ausstrecken. Die Apostel des Staatseigentums müszten, um ihre Behauptung glaubhaft zu machen, zum mindesten den Beweis erbringen, dasz die Vermögensdelikte, die wir heute bestrafen, sdmtlich auf Hunger und Not der Verurteilten zurück zu führen sind. Diesen Beweis aber werden sie nicht zu führen vermogen. Nicht weil die Reichsstatistik, was ja vielleicht nicht einmal unmöglich ware, keinerlei Angaben über die wirtschaftliche Lage der Verurteilten macht, sondern weil eben in der That gerade die schwersten Vergehen und Verbrechen gegen das Vermogen nicht von den Hungernden verübt werden. Der Kaufmann, der betrügerischen Bankerott macht, der Banquier, der die Depots unterschlagt, der Lebemann, der Wechsel falscht, sie alle haben, wenn nicht aus dem Ueberflusz, so doch haufig aus einem recht auskömmlichen Leben heraus den Schritt in das Verbrechen gethan. Leute dieser Art werden aber auch aus dem Sozialistischen Staate nicht verschwinden. Bei ihnen hat es nicht an der Ordnung der Gesellschaft, sondern an der individuellen sittlichen Verfassung gefehlt, deren einzige Grundlage, die Religion, die der heutige Staat aus wohlerwogenen und 1) «Die Würtembergische Kriminalitat." (Ein Beitrag zur Landeskunde auf Grundlage der Reichsstatistik). keineswegs blosz transzendenten Griinden zu fördern strebt, im Zukunftstaat günstigsten Falies blosz Piivat- und Nebensache sein soll." ') Concernant la relation entre le cours du prix de quelques céréales importantes et une grande partie de la criminalité contre la propriété, 1'auteur donne le tableau suivant: Prix moyen pour 200 K.G. en mark. Arrêts pour cause Années. - — - ; de vol sur Froment. Blé. Seigle. 10.000 personnes. 1882 22,57 23.63 IS,8I 26,0 1883 19,04 19,29 16,30 25,2 1884 18,44 i8,75 17.17 22>7 1885 17,92 18,11 16,17 2I.5 1886 17,68 17.94 14,69 20,7 1887 18,88 18,95 15,26 20,5 1888 20,23 20,64 16,19 20>3 1889 20,03 2°,52 I6,50 21 >4 1890 2M3 21,71 17,97 21,2 189 1 22,48 22,92 19,26 1^3 II y a d'abord certaine corrélation entre les chifïfres des diverses colonnes, mais elle manque surtout durant les dernières années. II est bien probable que la diminution de la criminalité contre la propriété est due, durant ces années, aux conjonctures économiques trés favorables d'alors. ') p- 360- Planhce I. vvwiuiu* a«| toooo&mvtc. | j I i li-l- l ftw5,"v*v*noyv w- 351 /" *44 wo JÏÏ\ot&m\ 05«■ 15 10 ^niudiuimi hw ^5-^ati-nuutu^»»a4, x*a \ uo XV. A. M E IJ E R. La deuxième section du deuxième chapitre („Abhangigkeit von wirthschaftlichen und sozialen Faktoren") de 1'ouvrage „Die Verbrechen in ihrem Zusammenhang mit den wirthschaftlichen und sozialen Verhaltnissen im Kanton Zürich, ') traite de 1'influence des prix des denrées et du produit de la récolte (voir la planche I). D'abord 1'auteur fixe 1'attention sur les années 1853/1861. Nous voyons que les courbes des prix des céréales et des délits contre la propriété sont alors assez parallèles. Cependant celle des prix fut le plus basse en 1858, tandis que celle des délits le fut en 1859. C'est un fait connu que les phénomènes économiques ne font sentir leur influence sur la criminalité que quelque temps après. Du reste ce n'est que 1'année suivante qu'une partie des délits, sont comptés dans la statisque criminelle. Les crimes contre la personne montent quand les prix baissent, et v. v. Moins les prix des aliments sont influencés par les mauvaises conjonctures industrielies, plus leur influence sur la criminalité sautera aux yeux. La section suivante est intitulée „Schuldbetreibungs- und Konkursstatistik als Ausdruck der vvirtschaftlichen Lage der Bevölkerung und Kriminalitat." En examinant pour la période 1832/52 la planche II, nous voyons que les courbes des faillites et des délits contre la propriété sont parallèles. En examinant la planche III (la période 1852—1892), nous observons que les délits contre la propriété sont influencés aussi bien par les faillites que par les prix du blé. Tantöt les deux forces agissent dans la même direction et se renforcent par conséquent, tantót leurs directions sont opposées, ce qui fait qu'elles se neutralisent plus ou moins. II y a encore a faire remarquer qu'en 1867 une épidémie de choléra sévit sur le canton, et que la largesse, dont on fit preuve alors, a efïfectué que le chifTre de la criminalité y resta au dessous de celui que les événements économiques auraient dü produire. La conclusion du Dr. Meyer sur ce qui précède est celle-ci: „le résultat des recherches prouve que dans la suite des années le nombre des crimes contre la propriété est étroitcment lié aux conditions matérielles; plus la difficulté de vivre est grande, plus les crimes contre la propriété sont nombreux. La statistique des crimes contre la propriété i) Voir sur ce livre la critique du prof. F. Tönnies dans »l'Archiv fiir soziale Gesetzgebung und Statistik" 1896. 1'l.ANCHK 11. Planche III. rnontre au méme tcmps le degré de la prospérité du pays, comme le prouve e. a. la statistique des faillites." ') La planche IV donne une comparaison des crimes contre la personne avec les conditions économiques et démontre que ces crimes augmentent quand les conditions économiques deviennent plus favorables. et que les vendanges plus au moins abondantes sont un facteur non sans importance. A la page 44 1'auteur commence son examen sur la criminalité dans les différents districts (Bezirken) du Canton de Ziirich, en recherchant comment les nombres des condamnés sont répartis dans les districts, d'après les districts oü les actes ont été commis, et d'aprés ceux que les auteurs habitent (Heimatort.) D'après la première répartition les districts de Ziirich, de Dielsdorf et de Horgen ont les chiffres les plus élévés; ceux de Hinweill, de Meilen et de Pfaffikon les plus bas. D'après la seconde répartition ce sont encore les districts de Dielsdorf et de Horgen qui donnent les chiffres les plus élevés tandis que les districts de Hinweill, de Meilen et de Pfaffikon occupent ici encore la dernière place. Ceux de Ziirich et de Winterthtir, qui, d'après la première répartition, tenaient la première, occupent, d'après la seconde, les huitième et dixième places. On voit de ceci que, quelque grand que soit le chiffre des crimes que les deux dernièrs districts produisent, leurs auteurs sont avant tout des gens non-originaires du canton. II compare ensuite les districts de Hinweill et de Pfaffikon qui ont les chiffres les plus bas, aux districts de Horgen et de Dielsdorf, qui ont les chiffres les plus élevés. Le Dr. Meyer conclut que les 2 premiers districts sont les plus pauvres, et les deux derniers les plus aisés, conclusion qu'il base sur différents faits, entre autres sur les subventions que les administrations de 1'Assistance publique des différents districts recoivent de 1'Ltat. Et, d'après lui, il s'ensuivrait qu'en ce cas la connexité entre conditions économiques et criminalité n'est pas directe. — II n'appert pas de ce travail si 1'auteur a fait, oui ou non, une étude de Ouételet. Mais s'il 1'a fait il est déplorable qu'il ne se soit plus souvenu du passage oü Ouételet parle de la relativeté de pauvreté et de richesse. II aurait alors évité une erreur. Pourtant, 1'auteur fait allusion a cette relativité quand il relève que la pauvreté du District de Hinweill est tout autre que celle de Horgen. — „En Hinweill", dit-il „de même qu'en Pfaffikon il existe un appauvrissement général trouvant sa cause dans les conditions défavorables du sol et de 1'état de la population, dans des hypothèques trop élevées, la mauvaise cultivation des propriétés agricoles, la diminution de 1'industrie, le manque d'instruction etc., appauvrissement qui menace de ruine des communes entières." 2) Donc, une augmentation des crimes n'est pas a craindre dans les pays, oü la pauvreté frappe la population entière. Car, aussi bien que le seigneur perd ses droits la oü il n'y a rien, le voleur ne peut rien voler. Puisque dans les districts soi-disants aisés ') p. 4i. 2) P- 57- Planche IV. les difïférences de possession sont plus tranchantes, 1'occasion de mal faire y est plus grande, et c'est ce qui fait que la criminalité y est plus grande aussi. La conclusion du Dr. M. sur ce qui précède est celle-ci: „Die Kriminalitat ist ein geschichtliches Produkt, und die wirtschaftlichen Verhaltnisse nur ein, wenn auch bedeutender, Faktor. Bei gleichen wirthschaftlichen Verhaltnissen, — auch wenn man in diesem Punkte so genau vergleichen könnte, um dies mit Recht sagen zu können — ist deshalb die Zahl der Vermögens-verbrechen nicht gleich, und braucht nicht gleich zu sein. Es kommt darauf an, wie sich die Bevölkerung mit der ökonomischen Lage abgefunden hat, ob sie höhere oder niedere Ansprüche an das Leben stellt, was fiir Anschauungen sie iiber den Zweck des menschlichen Lebens liegt, u. s. f." !) Ouant aux professions des condamnés les données du Dr. M. sont incomplètes. II en résulte que la population agricole produit un chiffre de la criminalité inférieur a celui du prolétariat industriel. En voici, d'après le Dr. M., les causes: „Eine nach unseren bisherigen Untersuchungen völlig zutreffende ErklcLrung dieser Erscheinung hat schon v. Valentini gegeben indem er sagte: „Dieser namlich (der kleine Grundbesitz) macht unmittelbare und erschöpfende Ansprüche an die Arbeitskraft einer ganzen Familie, wahrend er anderseits die nachsten und unentbehrlichsten Bedürfnisse für den Haushalt ausreichend gewahrt, so dass ebensowohl Müssiggang als Nahrungssorgen von einer solchen Familie ausgeschlossen zu sein pflegen." 2) „Anders ist es in der Industrie. Die grössere Selbstandigkeit der industriellen Arbeiter, die ganz ausschliessliche Geldlöhnung derselben, die Abhangigkeit der Industrie von den Conjuncturen des Marktes, haben die Stetigkeit der materiellen Existenz, wie sie die Landwirthschaft geniesst, zu einer schwankenden und unsicheren gestaltet. Ueberfluss sowohl als Mangel suchen diese Berufsgruppe heim, und jedes dieser beiden erzeugt die ihm entsprechende Verbrechensart." 3) — L'expression „Ueberfluss" ne proitve pas une grande connaissance du système capitaliste. Pour 1'auteur le prolétaire vit déja en „abondance", quand il gagne tant qu'il n'est pas indigent et peut dépenser une parcelle de son salaire pour ses plaisirs. 4) Une citation de Garofalo doit encore servir a indiquer plus amplement comment le prolétaire dépense une grande partie de cette „abondance" dans le cabaret. Nous n'avons pas besoin de considérer de plus prés les interprétations fausses et incomplètes, données a cette idéé d'abondance. Aussi bien que le Dr. Meyer et le Baron de Garofalo désirent passer une partie de leur temps a se divertir le prolétaire aussi a ce désir. Seulement, il n'a pas recu une bonne éducation comme eux. II n'a donc pas appris comment il doit passer son peu de loisir. Et puis, pour lui le temps du traivail est long et le travail mème trés dur — ce qui fait qu'il a besoin de stimulants trés forts, qu'il trouve e. a. dans 1'alcool. !) p. 61. 2) p. 66. 3) p. 67. 4) p. 82 1'auteur dit qu'il entend par «abondance" la possession de moyens matériels. Alors son explication n'est pas une erreur sociologique mais un solécisme, car la signification d'abondance est «avoir de trop" et non pas >>avoir suffisamment." Le Dr. Meyer termine son ouvrage en disant qu'il ne croit pas qu'une amélioration des conditions économiques doit inévitablement mener a une augmentation de crimes contre les personnes, mais que les causes en sont plutót la frivolité, la grossièreté, la vie déréglée (alcoolisme) par suite d'une amélioration des conditions. Mais.... la jeunesse ne connait pas la sagesse! Ce n'est qu'en avancant en age que 1'adolescent hardi et grossier devient sage et doux. Or, de la même facon la société perdra, un a un, les péchés de sa jeunesse! XVI. M. TUGAN-BARANOWSKY. J) Cette étude a été écrite dans le but de prouver que les crises commerciales en Angleterre des années 1823-—1850 eurent un caractère beaucoup plus violent (ce que les faits sociaux doivent démontrer) que celles des années 1871—96, qui se présentèrent moins soudainement et se firent ressentir encore longtemps après. Puisque la criminalité est un de ces phénomènes sociaux indiqués comme causés par ces crises, il vaut bien la peine de donner un abrégé de 1'ouvrage indiqué. Le Dr. Tugan-Baranowsky a examiné 1'influence que les crises commerciales ont exercée. ie. Sur les districts agricoles, a savoir: Cambridge, Essex, Norfolk, Oxford, Lincoln, Suffolk, Wilts (diagrammes 1 et 4.) 2e. Sur les districts industriels de Lancaster et de Chester (diagrammes 2 et 5). 3e. Sur toute 1'Angleterre (diagrammes 3 et 6). Observons d'abord les trois premiers diagrammes. Le premier diagramme fait voir que la crise commerciale de 1825 a eu un effet trés faible sur la criminalité. Ce sont les prix élevés du blé en 1829 qui font monter la criminalité. Le même effet est atteint par la fameuse loi de 1834 (par laquelle non seulement les secours a donner a des ouvriers pauvres furent fortement limités, mais qui prescrivit aussi le placement dans les hospices des pauvres de ceux, qui furent sans moyens d'existence) et par la crise de 1836. En 1844/5, années de bonnes récoltes, la criminalité baisse, après quoi la récolte manquée (aussi celle des pommes de terre) de 1847 occasionne un effet opposé. En considérant les cartes 2 et 3 on observera que 1'influence des crises commerciales a été plus forte dans les contrées industrielies que dans les districts agricoles. (Ce qui se voit plus distinctement sur la carte 2 que sur la carte 3). La crise commerciale de 1825 fait monter la courbe de la criminalité assez considérablement; les années favorables 1833—36 la font descendre a partir de 1834, et la crise de 1836 occasionne une augmentation du nombre des crimes en 1837. Des mauvaises années 1840—43 s'ensuit un accroissement lormidable de la populationcriminelle, qui doit aussi être attribué, du moins pour une partie, au mouvement chartiste. La période favorable qui suit effectue le contraire. II est intéressant de comparer les courbes (sur la carte 3) de 1'exportation et de la criminalité, qui s'entrecroisent presque continuellement. !) »Die sozialen Wirkungen der Handelskrisen in England." Considérons enfin les 3 derniers diagrammes. Le Dr. Tugan-Baranowsky attribue la descente de la courbe de la criminalité sur la carte 4 en premier lieu aux conditions améliorées de la population agricole. (En outre, le nombre de crimes est fortement diminué par 1'altération dans la procédure pénale dès 1879, et '1 va sans dire qu'il faut aussi compter avec cette influence quand on étudie les deux derniers diagrammes.) Par les diagrammes 5 et 6 on voit que 1'influence des crises sur la criminalité est beaucoup moins fort,' que celle d'auparavant. Ainsi p. e. la diminution de la criminalité n'a pas été empéchée par la crise du commencement de la période 1890—96. La conclusion finale du Dr. Tugan—Baranowsky est celle-ci: „Die drei ersten Diagramme geben ein Bild von dem Leben der englischen Bevölkerung im zweiten Viertel dieses Jahrhunderts. VVir sehen schroffe periodische Veranderungen wichtiger Erscheinungen des Volkslebens, vvelche in offenbarem Zusammenhange mit den Veranderungen im Zustande der Industrie stehen. Besonders sprunghaft sind die Veranderungen im Leben der Industriebevölkerung. Jede Krisis übt eine devastierende Wirkung in den Reihen der Arbeiterklasse aus, die Arbeitshauser werden mit Arbeitslosen überschwemmt, die Gefangnisse füllen sich ebenso, die Sterblichkeit steigt in einem enormen Masze, die arbeitslosen Volksmassen schliessen sich gern einer politischen Bevvegung an, und die Jahre der Krisen sind zugleich Jahre revolutionarer Bewegungen. Zur selben Zeit entwickelt sich die Industrie und der Handel des Landes rasch. Das enorme Anwachsen der Warenausfuhr Englands, dessen Kurve immer höher steigt, steht in einem schroffen Kontraste mit der Verschlechterung der Lebensverhaltnisse der arbeitenden Klasse. Die drei letzten Diagramme bieten uns ein ganz anderes Bild. Der englische Export steigt nicht mehr. An Stelle des energischen Steigens der Kurve mit starker Senkung in den Jahren der Krisen sind regelmassige wellenartige Schwankungen auf dem selben Niveau getreten. Die industrielle Entwicklung des Landes schreitet in einem verlangsamten Tempo vorwarts. Und zugleich sind im Volksleben alle Merkmale eines steigenden Wohlstandes zu beobachten. Die Sterblichkeit, die Kriminalitat und der Pauperismus sinken rasch. Die Krisen iiben nicht mehr den früheren Einfluss auf die Lage der Bevölkerung aus. Selbst in den Industriebezirken hat die Geschaftsstockung nicht mehr die frühere verderbliche Wirkung auf die Arbeiterklasse: die Sterblichkeit und die Kriminalitat steigen nicht mehr und auch die Zahl der Paupers wachst kaum merklich. Die organisierte Arbeiterschaft unterstützt ihre Arbeitslosen selbst. Die Arbeitslöhne stehen in den Jahren des industriellen Niederganges nur ein wenig niedriger, als zur Zeit des Aufschwunges! "') p- 39—40. ^ VCI^kvmwvv 9Z> * 3. 8 I r>» —-« —•« «—« ""■* «w ^ ' OD V V w w — — ® ë - ï tf ï is XVII. E. TARNOWSKI. ') A la fin de son étude 1'auteur nous donne la table suivante qui contient quelques données sur la relation entre le prix du blé et la plus 011 moins grande abondance des récoltes d'une part, et la criniinalité de 1'autre. Les chiffres dans la deuxième colonne concernent les divers genres de vol. La loi du 18 Mai 1882 ayant considérablemen't modifié le code pcnal, les chiffres des années 1882 et 1883 ne pouvaient être comparés a ceux des années précédentes. C'est pourquoi ils ont été supprimés. ! Proportion des | Nouveaux cas | Prix d'un „pud" i récoltes des céréales sur i de seigle (en j considérée k la IOO.OOOhabitants copecks). j moyenne de25 années, 1874 76 75 io5 1875 i 77 73 90 1876 78 76 95 1877 j 86 80 , 103 1878 : 95 76 106 1879 1 9° 86 j 93 1880 104 99 87 [881 103 129 105 moyenne1874"® I 89 87 —~ 1884 45 90 10,s 1885 ' 46 77 9° 1886 44 . 74 100 1887 45 67 n4 1888 43 65 108 1889 43 70 8 3 1890 46 68 97 1891 52 I29 73 1892 52 89 17 1893 50 : 61 104 1894 50 j 50 !2i moyenne 1884-94 47 7^ [ 1) »La delinquenza e la vita sociale in Kussia." Une autre pubhcation du même auteur est: »Sulle relazioni fra la delinquenza e il prezzo dei cereali. 1 uisqu elle a paru en russe, il m'est impossible d'en donner plus que le titre. D'après 1'auteur on pourrait mettre en doute, que les années de récoltes manquées puissent occasionner en Russie une augmentation du nombre des vols. Car par le prix élevé du blé la population agricole y a fait de bonnes affaires. Cependant il a été prouvé par les chiffres susnommés que ces années ont bien une influence défavorable sur la criminalité, ce qui est du reste compréhensible, si 1'on prend en considération que la plupart des paysans russes ne récoltent que pour leur propre consommation, et qu'ils sont donc gravement frappés en cas de mauvaises récoltes. XVIII. H. MÜLLER. Dans l'introduction de son oeuvre: „Untersuchungen iiber die Bewegung der Criminalitat in ihrem Zusammenhang mit den wirthschaftüchen' Verhaltnissen" le Dr. Muller décrit le résultat de ses recherches de la manière suivante: „lm Laufe der Erörterungen wird sich zeigen, dass mit der Zeit die jeweilige Lage des Ervverblebens, das grössere oder geringere Mass der Arbeitsgelegenheit, die Blüte des gesamten wirthschaftlichen Lebens und auf der anderen Seite die Stockungen desselben, die Geschaftskrisen allmahlig weit bedeutungsvoller wurden fur die Zu- oder Abnahme des Verbrecherthums als ein Steigen oder Kallen der Getreidepreise, und dass in der Gegenwart diese I'aktoren die wirthschaftliche Bedeutung der Getreidepreise im hervorgehobenen Sinne auf ein Minimum herabgedrückt haben." ') La période examinée (1854-1895) est divisée en deuxparties, paree que la statistique criminelle pour 1'Empire allemand, qui existe depuis 1882, fournit les nombres des crimes et des criminels, tandis que la statistique prussienne donne le nombre des nouveaux cas mis a 1 examen. Les chiffres de ces années sont: La Prusse 1854—1878. Nouveaux cas sur 100.000 habitants. | Contre la Contre la Contre 1'état, 1'ordre Annces. propriété. personne. public et la rcligion. :—i ö r 1854 416 78 1855 436 78 1856 472 81 47 1857 324 95 55 1858 288 103 54 1859 295 103 51 1860 310 102 56 1861 314 93 52 1862 313 io5 54 x) p- 4- n . , n . i Contre 1 etat, x , Contre la Contre la „ , , ' Annees. ., , 1 ordre public et propnete. personne. , f. . r r r la religion. 1863 288 III 53 1864 290 115 56 1S65 j 325 121 58 1866 314 109 55 1867 | 360 112 { 51 1868 392 117 52 1869 338 126 53 1870 296 99 46 1871 254 75 41 1872 281 94 56 1873 266 106 64 1874 295 125 81 1875 284 135 84 1876 315 142 89 1877 341 160 87 1878 370 164 103 La I'russe 1882 — 1895 condaninés sur 100.000 habitants au dessus de 12 ans. Années Contre la i Contre la ' Contre 1'état, 1'ordre propriéte. j personne. j public et la religion. 1882 545 328 ; 180 1883 520 343 i 174 1884 527 382 188 1885 492 385 185 1886 488 402 196 1887 475 421 203 1888 466 404 | 200 1889 503 423 197 1890 496 449 199 1891 520 443 190 1892 575 458 199 1882—91 510 404 194 1894 528 527 219 Etudions en premier lieu les critncs et clélits contre la propriéte: I. Crimes et dclits contre la propriété. La Prusse 1854—78. Nouveaux cas sur 100.000 habitants. Soustrac- „ Rcce c faux ct I k.ndom- . ... I Rapine et ment ct f Faux en Annees. Vol. t.on frau- ^ favorisa- ^„7 écrits' ment duleuse. ö t-on ment. ment. 1854 i 334 28 1,0 40 17 5,4 10 1855 354 29 1,1 34 16 5.7 8 1856 386 31 ; 1,1 43 17 6-° 8 1857 246 23 1,0 38 15 7,0 10 1858 i 213 22 | 0,8 30 ! 12 7,3 n 1859 219 22 i 0,8 25 i 12 7,5 12 1860 229 24 0,8 30 13 7,7 12 1861 232 24 0,8 26 13 8,1 12 1862 229 24 0,9 25 13 8,2 14 1863 206 23 0,8 21 14 7,5 15 1864 206 24 1,0 25 13 7,4 '7 1865 227 24 0,8 25 14 7,6 17 1866 222 23 0,8 24 14 7,2 17 1867 265 25 0,9 32 15 8,1 17 1868 293 27 1,2 36 | 16 8,0 17 1869 241 25 1,0 30 15 7,1 18 1870 211 22 0,9 27 14 6,4 17 1871 190 18 0,8 33 10 3,2 14 1872 209 20 1,4 46 11 3,4 17 1873 196 19 1,4 46 11 3.5 18 1874 216 22 1,7 50 13 3.7 l9 1875 209 23 i,7 49 13 4.2 19 1876 223 25 1,9 50 16 4,9 21 1877 238 28 j 2,4 51 18 5,5 22 1878 257 30 2,4 55 20 5,6 24 La Prusse 1882-—96. Condamnés sur 100.000 habitants au dessus de 12 ans. 1882 337 44 1,5 30 29 8,0 38 1883 323 42 1,4 27 29 7.7 37 1884 322 44 1,7 27 31 8,4 41 1885 289 44 1,4 25 30 8,0 41 1886 282 43 1,5 24 32 8,3 41 1887 267 42 1,4 24 35 8,6 43 1888 . 262 43 1,2 23 36 8,6 38 1889 289 46 1,4 25 41 10,0 40 1890 278 46 1,5 25 41 10,0 42 1891 292 47 1,6 25 44 10,9 41 1892 329 52 1,6 30 48 11,7 42 1893 298 45 i,s 26 36 9,0 41 1894 276 51 1,4 25 51 12,9 47 1895 271 53 — 24 52 13,2 — 1896 ' 259 50 — 1 22 50 12,8 — - Or, les causes qui forcent la criminalité a monter quand les conditions économiques baissent sont, d'aprés 1 auteur, les suivantes: „Der Trieb zur Selbsterhaltung, in seiner harmonischen Entwickelung der Beweggrund für den gerechten und sittlichen Kampf des Menschen um sein Dasein, in engerer Form der vornehmste Grund zu einer Erwerbsthatigkeit, fordert in seiner Entartung iiberall und zu allen Zeiten einen gewissen, oftmals hohen Prozentsatz von Opfern, die den Verbrechen, insbesondere dem Diebstahl, dem Betruge, der Unterschlagung und anderen Delikten gegen das fremde Eigenthum anheimfallen. Und es gibt als Erfahrungssatz der sich stets erprobt hat: je grösser die Sorge um die Erhaltung der Existenz, oftmals allein um die' Beschalïung des taglichen Brodes, desto grösser ist die Zahl der Delikte gegen das fremde Vermogen. Tritt die Not an den Menschen heran, so stellt sich zugleich der Trieb ein, der ihn dahin bringt, sich an dem Gute des anderen, wirthschaftlich besser gestellten zu vergreifen. Eigenthumsverletzungen sind zu einem gewissen Teile auch auf andere Beweggründe zurückzuführen ; indes spricht nichts dafiir, dass diese Motive z. B. die Habsucht und Begierde bei einem ganzen Volke in einem Jahre starker, in anderen wieder schwacher auftreten ; vielmehr muss man denselben eine gewisse Gleichmassigkeit in ihrer Einwirkung auf das verbrecherische Thun beimessen. Ausschlaggebend für das jeweilige Aufsteigen und Kallen der Vermögensdelikte bleibtder mehr oder minder hohe Wohlstand eines Volkes, Verteuerung der nothwendigsten Lebensmittel in friiheren Zeiten, das Mass der Erwerbsgelegenheit in der Gegenwart." ') Le tableau suivant donne les prix de quelques denrées importantes (par 50 Kilogr.): _ . Pommes dc Années. Eroment. beigle. terre. 1848 7,49 4.82 1,84 1849 7.29 3.97 1 »45 1850 ; 6,91 4.55 ! !>55 1851 . 7.47 6>26 2,08 1852 8,59 7.7 2 2,48 1853 10,25 8,5° 2,47 1854 12,90 10,40 3.17 1855 14.21 n.45 3.37 1856 13,51 10,64 3.13 1857 10,18 ' 6,87 ! 2,18 1858 9>°8 6,38 1,91 1859 8,93 6,79 1,98 1860 10,48 7.6 5 2,41 1861 11,04 7.7i 2>79 1862 10,68 7,79 2>47 1863 1 9,'8 i 6,78 j 2,04 1864 7,95 5,69 2>10 ') p. 24—25. _ j „ . . rommes cie Années. ] Proment. j beigle. i terre. 1865 8,13 6,24 2,03 1866 9,80 7,30 2,05 1867 12,89 | 9,87 2,95 1868 12,48 j 9,84 2,62 1869 9,70 8,08 2,16 1870 10,14 7,78 2,58 1871 11,70 8,60 3»°5 1872 12,10 i 8,40 2,95 1873 13,20 9,60 3.00 1874 12,00 9,90 3,35 1875 9,80 8,60 2,75 1876 10,50 8,70 2,82 1877 11,50 8,85 3,18 1878 10,10 7,15 2>82 1879 9,80 7,20 3>°8 1880 10,95 9,65 3,25 1881 11,00 10,10 2,85 Une comparaison do ces chiffres a ceux de la criminalité fera voir que les délits contre la propriété montent dans les années trés chères jusqu' en 1855 (Des années aussi chères sont celles de 1867—68, 1871 — 76 et 1891). En 1857 les prix tombent et les délits contre la propriété également. Dans les chiffres concernant les pays étrangers on voit beaucoup moins cette relation. Le Dr. Weisz a bien réussi a démontrer une relation pareille pour la France, mais pour la Belgique elle est beaucoup plus faible. Pour 1'Angleterre on ne peut pas démontrer qu'il y ait parallélisme entre les courbes de la criminalité et celles des prix du blé. Les années 1831—40 et 1841—50 donnent même des descentes des courbes de la criminalité, tandis que les vivres furent alors chères. II faut donc qu'il y ait une autre cause, et bien celle-ci que 1'Angleterre a eu, longtemps avant tous les autres pays, un grand développement industriel. Après un développement extrêmement rapide jusqu'en 1847 1'industrie dut passer par une crise formidable, qui commenca en 1847—48. 1 andisque la moyenne annuelle du nombre des condamnés en Angleterre et Galles fut 20.445, et que ce chiffre tomba jusqu'a 18.100 et a 17.400 dans les années favorables 1845 1846, elle monta durant les années decrise 1847—48 jusqu' a 21.500 et 22.900, pour redescendre jusqu' a 21.000 en 1849 c. a d. lorsque les affaires eurent repris leur marche normale. Dans les années suivantes 1'industrie reprit un enorme élan. Par la découverte des mines d or en Californie, par 1 abolition des droits d'entrée sur les céréales, et par beaucoup d'autres causes encore, 1'industrie put se développer de plus en plus. \ int alors en 1857 „Krach", qui frappa tous les pays industriels, surtout 1 Angleterre. En 1856—60 il y eut une moyenne de condamnés de 13565 par an; en 1857 elle fut de 15307, donc une augmentation de i2"/o! Qu'on ne puisse pas observer les suites de cette crise dans les chiffres de la criminalité en Prusse, doit être attribué au fait que dans ce pays le développement de 1'industrie fut encore de peu d'iniportance. Après les années trés chères 1852-—56 'es Pr'x du blé restèrent assez constants en Prusse. Ce ne fut qu'en 1860—62 qu ils montèrent un peu et occasionnèrent une augmentation des cas de fraude et de vol. 1867-—-68 sont des années qui se distinguent par les prix extraordinairement élevés du blé, qui ont bien quelque influence sur la criminalite, sans égaler celle des années chères comme par exemple 1852—56- La criminalité a diminué dans ces années de guerre 1866 et 1870/71 et trouve d'après le Dr. M., sa cause dans les deux circonstances suivantes: ie qu' une grande partie de la population, capable de conimettre des crimes, était alors envoyé hors du pays; et 2e que le sentiment de solidarité est plus fort en temps de guerre. Malgré la hausse des prix du blé de 1871-—74 'a criminalité a fortement baissé après la guerre de 1870. Une modification de la loi pénale ne peut pas en être la cause; celle-ci a une origine plus profonde. Dès 1871 1'Allemagne a vu son industrie se développer d une manière prodigieuse. La prospérité fut de courte durée, car a 1'été de 1873 suivit la crise, qui dura jusqu'en 1878. Or, c'est durant ces années que les crimes contre la propriété ont beaucoup augmenté. En étudiant cette période dans d'autres pays, p.e. en Autriche et en Angleterre, nous voyons encore 1111 développement formidable de 1 industrie et du commerce, acconipagné d'une baisse de la criminalité. Le nombre des criminels en Autriche fut en moyenne 32800 pour les années 1860—70 et 26900 pour les années 1871—75. Pour 1'Angleterre ces chiffres furent durant les mêmes périodes 14100 resp. 11200. La France seulement fait une exception, car dans ce pays ce ne fut pas immédiatement après la guerre que 1'industrie commenca a se développer. ■) Mais en Autriche et en Angleterre, les conséquences de la crise se firent sentir sur la criminalité tout comme en Prusse ; en Autriche p.e. elle monta de IOU/0! A partir d'environ 1878 les affaires se rétablirent en Prusse et aussi dans les autres pays, et peu a peu le nombre des crimes contre la propriété y baissa en même temps. (durant la période de 1885 a 1890 de 7°/0 en France, de 9°/0 en Autriche et de 20°/0 en Angleterre.) En 1889 encore une fois grave perturbation dans la vie économique, se prolongeant jusqu'en 1892. Durant ces années nouvelle hausse de la criminalité: en Autriche p.e. la moyenne des condamnés fut de 29483 en 1890/94, contre 28834 durant les 5 années précédentes. En Angleterre 011 observe le même phénomène ; et en Prusse également (voir les tableaux.) Le Dr. M. fixe 1'attention sur la forte baisse des prix du blé en 1892 et y voit une preuve qu'en ces années les prix n'ont plus une grande influence. Dès 1892 nouvelle période de floraison et en même temps diminution constante des crimes contre la propriété. 1) Voir a ce sujet Lafarque. «Die Kriminalitat in Frankreich 1840 — 86". En 'rrance le développement de 1'industrie ne prit son élan qu'en 1874, et c'est aussi de . ette année que date la baisse de la criminalité. II. Crimes contre les personnes. a. 1854/78, Nouveaux cas sur 100.000 habitants. Crimeset j Assas- j blessures 1 Selte, (Ju- Années délits contre Injures. sinat et blesesnures PniesC0I^e «ntr^hberte j les moeurs. j meurtre. j généraL j crime.) | P<-rso"elle- 1854 ' 8,7 32 1,1 34 6-7 o,9 1855 IO,2 32 0,9 32 4,5 0,7 1856 10,8 34 o.9 37 3,o o,t> 1857 12,6 36 0,9 42 i>8 I'° 1858 12,5 40 °>8 46 ',8 I>1 1859 13,1 39 °>8 47 I>8 1860 12,4 4° °,9 46 1 J>5 °>8 1861 11,6 33 °>7 44 i,7 i,° 1862 12,9 39 °>8 49 '>4 !,4 1863 14,2 1 40 0,7 53 1,6 1,2 1864 14,0 43 °>9 54 l>6 J>4 1865 14,9 44 °,8 58 !>7 !>3 1866 13,4 4° °>8 5° i,5 !>3 1867 14,0 44 °,9 50 1,6 1,0 1868 14,8 47 o,9 52 2,8 1,0 1869 | 14,9 45 ï,° | 58 i 2>8 ; I,3 1870 | 12,3 39 0,8 ] 49 | 1,9 I'1 1871 5,3 26 °,7 39 I>2 l'20 1872 j 6,2 34 j 0,8 ! 50 2,0 ! 1,8 1873 j 6,7 38 | 0,9 i 56 2,4 | 2,8 1874 7,8 47 I>1 64 3,o 3,3 1875 8,2 50 1,2 ! 65 2,9 3,6 1876 9,3 5i 1,2 73 5,5 4,i 1877 1 I,I 54 j i,3 86 5,o 4,7 1878 12,3 54 i,4 89 2,5 5,5 b. 1882/95: Condamnés sur 100.000 habitants agés de plus de I2ans 1882 7,8 117 ; 1,0 60 in 10 1883 7,6 119 i,o 63 121 11 1884 7,6 127 0,8 68 142 15 1885 7,6 119 0,9 65 151 '7 1886 8,9 124 0,8 68 153 19 1887 8,8 133 0,8 68 163 19 1888 9,1 130 0,6 64 156 i8 1889 8,4 131 0,6 68 166 21 1890 8,8 138 0,6 74 175 23 1891 8,5 133 0,6 74 !73 24 1892 9,0 137 °,9 76 177 26 1882/91 8,3 129 0,8 ,68 153 18 1894 10,5 156 0,7 87 208 29 1895 10,9 161 0,7 — 220 1896 11,1 i58 , °,6 — 1 220 — III. Crimes contre Fordre public. a. 1854/78: Nouveaux cas. Crimes et p ^ Années. Rébellion. délits contre aux . ausse Lèse-majesté. 1'ordrepublic, j scrment- ™nna.e. 1854 18,6 — 3,0 0,83 0,63 1855 18,2 16,7 1 2,6 1 0,64 | 0,71 1856 18,0 23,2 2,7 0,71 0,40 1857 19,5 29,8 2,9 0,49 0,34 1858 19,7 28,7 2,7 0,50 o,53 1859 18,6 26,9 2,9 0,48 : 0,68 1860 19,7 30,2 i 3,0 0,39 | 0,51 1861 17,2 29,6 3,0 0,42 0,38 1862 19,9 29,0 3,0 0,50 0,47 1863 20,8 26,9 | 3,2 0,38 j 1,16 1864 23,1 26,6 | 3,2 ; 0,40 j 1,00 1865 23,8 28,1 3,4 0,28 0,64 1866 23,4 24,2 3,1 0,39 1 1,94 1867 23,1 21,9 3,0 0,49 0,91 1868 22,5 22,8 3,4 0,57 0,54 1869 23,5 23,6 3,6 0,48 : 0,38 1870 19,0 21,7 | 3,1 0,36 I 0,66 1871 19,4 17,9 2,4 0,45 i 0,96 1872 23,6 26,4 3,2 0,38 0,67 1873 24,7 31,8 , 3,2 0,41 0,73 1874 28,6 43,7 3,7 0,45 1,23 1875 32,2 41,3 , 3,8 0,87 : 1,26 1876 32,7 47,0 4,2 1,21 0,86 1877 33,8 43,4 4,8 i,45 °>9 3 1878 | 33,7 49,6 5,5 2,24 9,93 b. 1882/96: condamnés. Ann,M I Violence envers | Violation de L ~ I Soustraction crimi- Annees" lesfonctionnaires domicile. Faux sermcnt' nelle servlce militaire. 1882 j 40 56 3,1 49 5883 ; 39 52 2,7 54 !884 42 60 3,0 55 1885 40 57 3,0 57 1886 42 61 I 2,5 61 1887 43 58 ; 8,8 66 1888 39 53 8,5 72 1889 39 58 8,6 61 1890 40 59 8,7 61 1891 40 57 8,5 56 1892 41 59 ; 8,5 58 1882/91 41 58 8,8 60 1894 47 : 62 8,3 51 1895 47 65 1896 47 63 I — I — Le Dr. M. nous rappelle que les statisticiens moralistes précédents, e. a. von Oettingen ont relevé le fait que les crimes contre la personne augmentaient quand les prix du ble baissaient, et v. v., cc qui se voit enÖ effet distinctement sur les tableaux des années 1854/60. Mais il y a un changement durant les 10 années suivantes (1860—70). En 1867/68 les prix du blé furent élevés, mais les crimes contre la personne et contre 1'ordre public montèrent aussi. Tout comme les délits contre la propriété ceux contre la personne baissèrent aussi dans les années de guerre 1860 et 1870. Dès 1871 les crimes contre la personne diminuent en «^énéral, surtout par suite des conditions économiquement favorables. (On^doit la diminution des crimes contre les moeurs surtout a une modification de la loi, qui prescrit qu'un cas ne peut être poursuivi que sur plainte, 1'augmentation a partir de 1876 est due a la révocation de cette prescription.) Les crimes susnommés montèrent de nouveau considérablement après la crise d'environ 1874. Voici donc une exception importante a la règle que les anciens statisticiens ont arrêtée, savoir que les crimes contre la personne diminuent quand les conditions écono- miques s'empirent. „Die gewaltige wirthschaftliche Krisis seit 1873 wurde von der charakteristischen Erscheinung begleitet dass wahrend derselben l nzufriedenheit mit den bestehenden wirthschaftlichen, gesellschaftlichen und staatlichen Zustanden weitere Kreise als bisher ergriff, dass sie die Gemüter verbitterte und scharfe Gegensatze und Kampfe der Erwerbsklassen gegen einander, insbesondere den Kampf der Arbeit gegen das Kapital \eraufbeschwor. Das Bedürfnis nach einer wirthschaftlichen Reform wurde mehr und mehr erweckt, die nach dem Willen der Gewaltthatigen mit Gewalt, nach der Anschauung der Besonnenen durch eine soziale Gesetzgebung zu erstreben ist, und das ganze öffentliche Leben ist seit den siebziger Jahren von dieser Idee beherrscht." ') lei aussi les conditions économiques sont causes de la criminalité, et se révèlent principalement par la résistance aux fonctionnaires etc. Ces tableaux montrent aussi une augmentation des cas de parjure, d'injures corporelles et d'autres crimes qui sont les conséquences de la grossièreté. L'augmentation des parjures est due, d'après le Dr. Muller aux mauvaises conditions économiques. Car par elles le nombre des procés civils monta de 60000 (la moyenne de 1871 73) jusqu' a 120 OO—135000 (1876/77) et c'est par ces procés que tant de parjures devinrent possibles. II faut attribuer aux mêmes causes le grand accroissement du nombre des cas de privation de liberté (dès 1876 aussi a 1 abolition de la plainte, qui, jusque la, avait été nécessaire pour une poursuite). •„Die Hauptursachen dafür, dass dieses Delikt (P reiheitsberaubung) wie überhaupt die meisten, die sich gegen die 1'erson und die öffentliche Ordnung richten, besonders die Körperverletzungen... noch bis auf die Ge^enwart fortgesetzt zunehmen... sind neben der wachsenden Unzufriedenheit mit den heutigen gesellschaftlichen Zustanden einerseits in dem Einfluss zu suchen, den als üble Beigabe die Ausbreitung der Grossindustrie auf die Störung des Eamilienlebens zu haben pflegt und den damit zusammenhangenden Mangel sittlicher und religiöser Erziehung, i) p. 56. die frühzeitige Nötigung zum selbstandigen Erwerb oftmals ohnehinreichende Vorbildung für eine bestimmte Erwerbsthatigkeit, anderseits in der heutigen Genusssucht und nicht zum wenigsten gerade in den schadlichen Einwirkungen, welche der übermassige Genuss des Alkohols auszuüben pflegt; denn dass dieser Uebelstand eine sehr ergiebige Quelle für die Vermehrung der Criminalitat ist, dürfte kaum bezweifelt werden." *) La conclusion finale du Dr. M. est la suivante: „Es gilt daher für uns als Wahrheit, dass der letzte Grund für die Ab- oder Zunahme der gesamten Criminalitat zu suchen ist in dem Vorhandensein von Arbeitsgelegenheit und Verdienst und in dem Mangel hieran, in der Lage der einzelnen Erwerbzweige und in dem mehr oder minder starken Grade der hierauf beruhenden Consumfahigkeit unter den breiten Schichten der Bevölkerung." 2) i) p. 60—61. 2) p. 65—66. Voir aussi: Whitworth Russell, Abstract of the statistics of crime in England and Wales, from 1839 to 1843. J. Fletcher, Moral and educational statistics of England and Wales. G. R. Porter, The infhience of education shown by> facts recorded in the criminal tables for 1845 and [846. L. Faucher, Mémoire sur le caractère et sur le mouvement de la criminalité en Angleterre. J. Clay, On the effect of good or bad times on committals to prison. R. Everest, On the influence of social degradation in producing pauperism and crime, as exemplified in the free coloured citizens and foreigners in the United States. «Criminality promoted bv distress." (The economist 1856). R. H. Walsh, A deducation from the statistics of crime for the last ten years. W. Westgarth, Statistics of crime in Australia. Bernard, De la criminalité'en France depuis 1826 et de la repression pénale au point de vue de 1'amendement des prisonniers. J. H. Elliot, The increase of material prosperity and of moral agents compared with the State of crime and pauperism. E. Levasseur, La population francaise II p. 442—444. Prof. I)r. B. Földes, Einige F.rgebnisse der neueren Kriminalstatistik, p. 544 sqq. XIX. CRITIQUK. Les auteurs que j'ai traités dans ce chapitre, et beaucoup d'autres que je traiterai ailleurs, mais que j'ai dü ranger sous une autre rubrique paree qu'ils appartiennent a une école spéciale de criminalistes, ont tous quelque chose de commun, car tous tachent de trouver les causes du crime au moyen de la statistique. Parions en premier lieu de la statistique criminelle. II va saris dire que cette statistique ne donne qu'une image imparfaite de la criminalité, qu'elle n'en rend pas la grandeur réelle, mais seulement 1'étendue approximative. Car un grand nombre de crimes reste inconnu aux personnes lésées (p.e. beaucoup de cas de petits vols). II y en a d'autres dont la justice ne prend jamais connaissance, paree que 1'offensé n'a pas déposé de plainte, soit paree qu'il a pardonné a 1'offenseur, soit qu'il craint les dérangements qui résulteront pour lui d'un procés criminel quand il doit témoigner en justice, etc. 1'uis, il va sans dire que beaucoup de crimes encore (p.e. surtout des crimes sexuels, comme 1'inceste etc. etc.) restent inconnus. L'organisation des institutions, chargées des recherches, doit excercer une grande influence sur le nombre des crimes dont la justice prend connaissance. Cette organisation différe naturellement beaucoup dans les différents pays, ce qui est déja une des causes qui imposent une extréme prudence,quand on fait des études de criminalité comparative afin d'en tirer des conclusions, p.e. sur la relation entre criminalité et conditions économiques. Mais il y a encore d'autres raisons qui obligent a ne pas perdre de vue cette prudence. Et parmi elles il faut ranger en premier lieu la différence des lois pénales des divers pays.1) P.e. de grandes différences existent déja par la seule circonstance que dans un pays un crime ne peut être poursuivi que sur plainte, tandis que dans 1111 autre il est poursuivi d'office. Qu'on pense aussi a la dissemblance de procédure, par laquelle le juge doit rendre sentence, soit par conviction intime, soit par preuves légales etc. 1) Voir p.e. p. 445 Levasseur, »La population fr:in<:aise,": »Tous les Etats n'ont pas la mêmc législation pénale, et ceux qui ont des lois semblables, n'ont pas exactement la mêmc police pour les appliquer. On risquerait donc de commettre de trés graves erreurs si 1'on assignait un rang aux nations d'après le nombre des condamnations qu'enregistre leur statistique judiciaire". 1'uis, v. Oettingen, »Moralstatistik" p. 455; le Dr. E. Würzburger, »Ueber die Vergleichbarkeit kriminalstatistischer Daten"; (Jahrb. f. Nationaloekonomie u. Statistik, 1887); le prof. G. Tarde, »La philosophie pénale p. 72-73; le prof. Dr. B. Rildes, «Einige Ergebnisse der neueren Kriminalstatistik" (p. 517—518 Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. XI.) 9 En dehors de tout cela je dois encore fixer 1'attention sur la difïférence des données qui peuvent servir de base a la statistique criminelle. Car on peut prendre comme base aussi bien le nombre des condamnés, des condaninations, que celui des crimes dont la police judiciaire a pris connaissance. *) Ces quelques observations suffiront a faire voir qu'il ne faut accepter que sous réserve les résultats acquis par la comparaison de la criminalité dans les divers pays, comme elle a été arrêtée par la statistique. Ces mèmes arguments compteront aussi en partie, pour 1'étude de la statistique criminelle d'un pays durant des périodes successives. Car il faudra avoir bien soin de faire attention a des changements éventuels dans la loi pénale, dans la procédure pénale, ou dans 1'organisation de la police judiciaire. 2) Cependant la cause de 1'impossibilité d'acquérir de la certitude sur les causes du crime par la méthode statistique doit ête recherchée dans le fait que la statistique judiciaire tient compte seulement de la distinction technique de la loi pénale, et non des motifs qui ont poussé 1'auteur a commettre 1'acte. Et pourtant cette distinction serait la seule qui produirait des résultats sürs pour 1'étiologie du crime. La statistique criminelle distingue des crimes contre les personnes, contre la propriété, etc. Considérons p.e. le crime d'injures corporelles. Nous verrons alors qu'il peut être commis par esprit de vengeance, par envie de se battre, par crainte de se voir découvert comme auteur d'un autre crime, ou bien afin de pouvoir dépouiller ou violer la victime. II y a une quantité de motifs qui, quelque différente que soit leur nature, peuvent mener au même crime. Citons encore un seul exemple: on peut se parjurer pour se venger d'un ennemi, mais aussi pour des motifs cconomiques p.e. dans le cas oü quelqu'un se rend coupable de faux serment, de crainte de perdre son emploi, et d'en trouver difficilement un autre. Sur cette question le prof. von Liszt dit ce qui suit: „Die Kriminalstatistik wird und musz so lange huiter dein durch ihre Anfgabe ihr gesteckten Ziele zur Hek bleiben, als sie sie/i darnit begntigt, einfach mit den teehnisch-juristisehen Deliktsbegriffen des Strafgesetzbuchs zu arbeiten. Die einzelnen Paragraphen und die einzelnen Abschnitte des Strafgesetzbuclis entsprechen ebensowenig den soziologischen wie den anthropologischen Einheiten des Verbrechens. Das Strafgesetzbuch gestaltet seine Deliktsbegriffe in erster Linie nach den durch die That verletzten oder gefahrdeten Interessen; der Kriminal-Sociologie aber kommt es auf die Antriebe zur That, insbesondere auf die auszern gesellschaftlichen Verhaltnisse an, welche für diese bestimmend gewesen sind. Darüber aber erfahrt sic aus der Kriminalstatistik so gut wie nichts!"3) Enfin je dois faire observer — et cela compte naturellement aussi pour toute autre statistique — que 1'exactitude avec laquelle elle a été composée n'est pas la même dans tous les pays, d' öu il suit que les images de la criminalité n'y sont pas partout tracées de la même facon. Observons en second lieu la statistique économique. 11 ne sera pas nécessaire de dire qu'elle est loin d'être compléte. ') Voir p.e. Földcs in Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. XI p. 519—520. -) Voir p.e. v. Oettingen, sMoralstatistik" p. 4.56. 3) «Kriminalpolitische Aufgaben" (p. 474. Zeitschr f. d. ges. Strafrw.) Voir aussi d'Haussonvillc »Le combat contre le vice" (Rev. d. deux Mondes 1887). Pour ne citer qu'un exemple parmi plusieurs, la statistique ne fournit point ou trés peu de données sur le phénomène du chómage forcé, phénomène qui est de la plus haute importance pour la criminalité. Cependant, plusieurs auteurs ont réussi, comme nous 1'avons vu, a prouver la relation entre criminalité et conditions économiques. Ainsi p.e. il a été constaté que la criminalité contre la propriété diminue et les crimes contre les personnes augmentent quand les prix du blé baissent, et v. v. Mais il a été démontré que cette relation ne compte que pour certaines périodes. En parlant de la corrélation entre le nombre des mariages conclus et les conditions économiques, le Prof. G. v. Mayr dit ce qui suit, et ce qui, du reste, s'applique également a la relation entre criminalité et conditions économiques: „Am nachsten.... liegt die Aufsuchung der Einflüsse, welche wirthschaftlichen Vorgangen nicht sowohl auf den Hochoder Tiefstand der Trauungsziffer als solche, als vielmehr auf deren in den einzelnen Zeitabschnitten eintretende Aufwarts-oder Abwartsbewegung zuzuschreiben ist. Dasz die wirthschaftlichen Vorgange die Eheschliessungshaufigkeit beeinflusscn, ist in unverkennbarer drastischer Weise an dem Rückgang der Ehen zur Zeit wirthschaftlicher Katastrophen zu ersehen. Der Gedanke liegt nahe an der Vergleichung wirthschafts- und bevölkerungsstatistischer Kurven zu erproben, ob nicht auch in daucrnder Weise ein Einflusz ökonomischer Verhaltnisse erkennbar sei. In alterer Zeit und zwar schon seit Siisstnilch, und bis herab iiber die Halfte des Jahrhunderts, fand man in dem statistisch klargelegten Parallelismus von Getreidepreisen und E/iesc/iliessungen den Nachweis eines solchen Zusammenhangs. Die Gesetzmaszigkeit dieser Erscheinung schien als eine allgemeine auszer Zweifel; und doch hat auch sie schlieszlich nur als eine historische Kategorie sich erwiesen. So lange die europaischen Lander, insbesondere auch Deutschland, aus eigener Produktion allein ihren Getreidebedarf deckten, waren die Jahre niedriger Getreidepreise im allgemeinen, falls der Preissturz nicht zu tief ging, zugleich die Jahre reicher Ernten. Der Bauer fand im vermehrten Verkauf die Entschadigung für den niedrigen Preis und die Getreideverbraucher waren durch billiges Brod in ihrem Haushalt erleichtert. Diese Verhaltnisse haben sich seit dem Vordringen der Weltwirthschaft geandert. Niedrige Getreidepreise sind nicht mehr der Ausdruck reicher heimischer Ernten, sondern steigender Weltproduktion, kommen sie auch dem Getreideverbrauche zu Gute, so können sic doch weite bauerliche Kreise schadigen. Dazu kommt weiter, dasz mit der Zunahme des Industrialismus und mit der Hebung der allgemeinen Lebenshaltung der breiten Massen die Bedeutung, welche der Brodpreis im Haushalt dieser Massen hat, sehr zusammengeschrumpft ist, wahrend auf der andern Seite die I' rage ausgiebiger und gut gelohnter Arbeitsbethatigung in den Vordergrund tritt. An die Stelle des Parallelismus von Getreidepreisen und Trauungsziffern setzt deszhalb die moderne sozialwissenschaftliche Forschung den Parellelismus von Trattuugsziffern und Produktionsgesliiltung (ausgedrückt durch die Ausfuhrmasse im auswartigen Handel), oder den Zusammenhang zwischen Trauungsziffern und den Wellenbewegungen der wirthschaftlichenKrisen.' 1) l) p. 385 — 386. wStatistik und Gesellschaftslehrc" II. Cette citation prouve suffisamment combien il faut être prudent quand on veut tirer des conclusions des courbes de la criminalité comparées a celles des prix du blé; des jugements comme ceux-ci: „il n'y a pas de corrélation entre criminalité et conditions économiques paree que ces courbes ne sont pas parallèles", sont donc dénués de fondements. Voici pourquoi surtout il faut se garder de tirer des conclusions hatives de la statistique: c'est qu'elle indique presque exclusivement des facteurs économiques directs comme causes de la criminalité. II est vrai que, considéré en lui-même, ce grief n'est pas trés important, mais en procédant ainsi on court le danger d'oublier facilement qu'il y a des facteurs indirects de haute importance. Ce qui suit servira d'exemple a ce que je viens de dire. Comme j'ai fait voir, dans les pages précèdentes, plusieurs auteurs ont démontré que les crimes contre la propriété diminuent dans des périodes de prospérité, tandis que les crimes contre la personne augmentent alors. II est nécessaire d'expliquer ce dernier phénomène. 11 ne suffit pas de s'en débarrasser en soutenant que 1'homme commettra plus facilement des excès coupables, quand il parviendra a de meilleures conditions économiques. Tous les criminalistes savent, d'après ce qu'ils ont pu observer dans leur propre milieu, que les personnes, qui ont une position sociale égale a la leur, n'acquièrent point le penchant de s'enivrer et de molester leurs semblables, quand ils parviennent a améliorer leur position. Cela se présente seulement dans la classe des prolétaires, dans cette classe de gens qui gagnent trop peu ou rien du tout, s'épuisent dés leur jeunesse a un travail dur et long, habitent de mauvaises demeures, bref mènent une vie de misères matérielle et morale, par laquelle, il leur est impossible de se civiliser et d'apprendre a jouir de la facon des gens bien élevés. II s'ensuit donc qu'en temps de prospérité, dans lequel 1'ouvrier gagne un peu plus que ce dont il a besoin pour le stricte nécessaire pour lui et les siens, qu'il ne sait comment utiliser son plus grand revenu; il arrivé alors facilement que eet argent soit dépensé en plaisirs grossiers, qui donnent lieu a des crimes. Comment pourrait-on s'attendre a ce qu'il en soit autrement? Celui qui mène une vie rude et difficile ne s'occupera pas pendant ses loisirs de distractions civilisatrices. L'augmentation des crimes contre la personne dans des périodes favorables n'est donc comme je 1'ai déja indiqué autre part, qu'une conséquence du régime capitaliste qui divise les gens en possesseurs et non-possesseurs et attaché a cette distinction la possibilité de pouvoir se civiliser ou non. En résumé nous obtenons ces conclusions: La statistique criminelle, régistre du crime, sans laquelle une recherche approfondie de la criminalité serait impossible, n'est pas compléte, (la plupart dés statistiques criminelles n'indiquent pas ou peu de données sur 1'éducation, les conditions économiques des condamnés, etc.) et n'est pas propre a une recherche sociologique du crime. Pour ces raisons les résultats de 1'étiologie du crime a 1'aide de la statistique ne sauraient être qu'incomplets. La différence des lois pénales, etc., selon les divers pays font qu'une recherche comparative du crime ne donne que des résultats admissibles sous réserve. La statistique économique est trés imparfaite; on ne peut y avoir recours que pour certains phénomènes économiques. Cependant, mêmo si ce n'était pas le cas il est nécessaire de ne pas perdre de vue qu'on doit être avant tout sociologue pour la recherche de la question, dont nous nous occupons, et qu'il ne suffit pas d'être statisticien c. a. d., quelqu'un qui ne se sert que d'une seule méthode dans son travail scientifique. Pour une recherche sociologique la statistique est un puissant moyen, nous en trouvons les preuves dans les contributions importantes que certains stdti£ticier.r: ont appoitées a la question, mais elle ne reste qu'un moyen. CHAPITRE III. l'ecole italienne. ') I. C. LOMBROSO. Dans „Le crime, causes et remèdes," le dernier de ses ouvrages parus, le prof. Lombroso traite e. a. de 1'influence des conditions économiques sur la criminalité. Le chapitre VI, ayant comme titre „Alimentation (disette, prix du pain)" est le premier dans lequel nous trouvons quelques observations qui nous intéressent spécialenient. A 1'aide de données, empruntées a von Oettingen, Starke, Corre, Fornasari di Verce, que nous traitons séparément, 1'auteur fixe 1'attention sur le fait que le cours de la criminalité est tant soit peu influencé par le prix des vivres. A la fin il tire alors la conclusion suivante: „Mais tout en admettant 1'action de 1'alimentation trop restreinte sur 1'accroissement des vols, — et sur les homicides, sur les crimes de débauche et de blessure quand clle est trop abondante, — on comprend son minimum d'influence sur la variation de la criminalité en général; car si un groupe de crimes augmente dans une condition alimentaire donnée, un autre groupe diminue dans la condition opposée et vice versa; et alors même qu'elle agit dans une direction constante, elle ne modifie pas essentiellement la proportion de certains crimes: 1'action, par exemple, du renchérissements des aliments sur les vols qualifiés est notable en Italië; mais sa plus grande dififérence oscille entre 184 et 205, c'est-a-dire avec une variabilité de '9/oooo- Et quand les crimes de débauche croissent, grace au bon marché, la plus grande dififérence en est de 2'14/ooo"» ce Qui se comprend aisément quand on pense a la bien plus grande influence organique, héréditaire, et aux influences climatériques et éthniques." 2) !) Les opinions des partisans de 1'école italienne sur la corrélation qui existe entre criminalité et conditions économiques sont trés différentes. Surtout M. Garofalo et le prof. Fcrri ne sont point d'accord la-dessus. Néanmoins je crois devoir les ranger dans la même catégorie, a cause de l'uniformité de leurs points de vue sur la question de la criminalité en général. 2) p. 98—99. Les circonstances: que „les vols de comestibles" représentent a peine '/ïoo de la totalité des cas de vol (d'après Guerry), qu' a Londres le pain n'occupe que la 43e place parmi 43 catégories d'objets volés; et que Joly a démontré que les cas des vols de monnaie et de billets de banque sont beaucoup plus nombreux que ceux de farine, d'animaux domestiques, etc. — tout cela mène enfin 1'auteur a la conclusion suivante: que la proportion des délits, causés par manque de nourriture, par véritable misère, est moins grande qu'on ne le pense ordinairement. — Je 11e ferai point ici de critique sur ce qui précède; je préfère m'y arrêter en analysant les ouvrages mêmes. L'exposé p. e. de 1'ouvrage du Dr. G. Mayr démontre combien sont superficielles les observations faites par le prof. Lombroso. (Voir aussi Panalyse de 1'ouvrage du Dr. Müller, dans laquelle il est démontré pourquoi de nos jours le prix des vivres n'est plus un grand facteur de la criminalité). Je ne veux que fixer 1'attention sur Terreur, sur la naïveté même de la dernière observation du prof. Lombroso, c. a. d. qu'il n'y a que peu d'objets volés qui puissent immédiatement pourvoir a des besoins pressants, ce qui prouverait que la misère n'est pas un facteur important de la criminalité. Si dans une société non-basée sur 1'échange des marchandises un phénomène pareil se présentait, 011 pourrait a la rigueur approuver une telle assertion; mais elle ne repose sur rien dans la société actuelle, oü 1'on peut acheter tout ce qu'on veut a prix d'argent. Les causes pourquoi on vole plus d'argent que de vivres sont entre autres: 1° que 1'argent est moins volumineux, et par conséquent se laisse plus facilement prendre et cacher: 2° que 1'argent a plus de valeur que la même quantité de vivres ce qui fait qu'en se donnant la même peine on peut se procurer davantage. Mais cela ne prouve rien pour 1'influence de la misère sur la criminalité. — ') Dans la deuxième partie du chapitre le prof. Lombroso tache de démontrer que 1'action de la faim sur les révoltes n'est par trés grande. II cite nombrc de cas oü il n'y eut point de révoltes quoique les prix des denrées fussent trés élevés et le travail moindre. Ainsi p. e. a Strasbourg de 1451 a 1500 et de 1601 a 1625: le prix du bteuf augmenta de i34°/o et celui du porc de 92°/o, et durant beaucoup d'années les salaires baissèrent de 1 o°/0; et malgré tout cela il n'y eut point de révolte. — Je dois énergiquement protester contre une argumentation pareille, qui, selon moi, n'a aucune valeur. Je laisserai hors de considération le dernier exemple qui surtout ne prouve que trés peu, puisque pendant ces époques le prix du pain peut bien avoir été trés bas, ce qui peut avoir neutralisé 1'influence défavorable des salaires minimes (et puis, il est fort problématique que les classes pauvres de la population fussent grands consommateurs de bceuf et de porc!) Mais il est inexacte de conclure du fait „que les prix furent élevés et qu'il n'y eut point de révolte a 1'absence d'influence des conditions économiques directes. II peut y avoir nombre de facteurs qui agissent en sens opposé et qui empêchent la manifestation du facteur économique. Pour n'en citer qu un seul : il se peut que dans ces temps-la une loi pénale excessivement sévère füt en 1) Voir lc Dr. B. Battaglia »La dinamica del delitto" p. 227-228. vigueur, menacant de mort cruelle la moindre tcntative de révolte, etc. — Résumons ensuite le chapitre IX (Influence économique—Richesse). Après avoir dit qu'il est trés difficile de faire une évaluation tant soit peu exacte des richesses d'un pays, 1'auteur produit les données suivantes dans la première section de ce chapitre: il divise les provinces de 1'Italie en 3 groupes selon la richesse totale (taxes de consommation, impositions directes et taxes sur les affaires), et compare les chiffres acquis a quelques-uns des principaux genres de crimes, pour arriver enfin aux résultats suivants: 1885—1886. 1890—93 (Bodio). Richesse. Richesse. Maxima. | Moyenne. | Minime Maxima. I Moyenne Minime. Crimes contre la foi publique . . 70.6 66.— 43.— 55.13 39.45 37.39 Crimes contre les mceurs. . . . 15.6 13.4 19.6 16.15 j 15.28: 21.49 Vols 206.— 143.— 148.— 361.28! 329.51 419.05 ') Homicides . . . 11.3 17.— 23 8.34 j 13.39 1540 Escroqueries, fraudes, banqueroutes. I 81.39 53.27! 46.53 _J Le prof. Lombroso en tire la conclusion: „que les escroqueries et en général les crimes contre la bonne foi publique vont définitivement en augmentant avec 1'augmentation de la richesse; il en est de même des vols; mais, si on y ajoute aussi les vols champêtres, on atteint le maximum la oü la richesse est moindre. Kt cela a toujours lieu pour les homicides." 2) „Ouant aux crimes contre les mceurs, les résultats sont plus inattendus: ils présentent chez nous leur minimum la 0C1 la richesse est moyenne et leur maximum la oü la richesse est moindre; ce qui est en évidente contradiction avec 1'allure habituelle des crimes contre les mceurs, qui croissent toujours avec 1'accroissement de la richesse." 3) Une autre maniere de calculer la richesse totale d'un pays est celle au moyen des taxes de succession. Pour les différentes régions italiennes 011 obtient par la les résultats suivants: 1) Y compris les vols champêtres. (N. d. L.) 2) p. Hi- 3) P. 142- Crimes dénoncés au M. P. et aux juges de paix Richesse (moyenne 1887-89 sur 100.000 hab.). moyenne. j Escro- i ,Vols s"r |Homici-i Bles- Vols. 1 . 1 lesgrands-1 , I quenes. | chemins. | des- | sures- 1 ! 1 1 i Latium 3.333 639 (IX) 116 (X) i8(X) 25 (IX) 513 (IX) LiguH? \ 2'746 267 (V) 44(V) 7(VII) 7(IX) l64(IV) Lombardie 2.400 227 (111) 44 (VI) 3 (III) i 3 (I) 124 (II) Toscane j 2.164 1 211 (I) 34 (II) j 6 (IV) \ 7 (V) 165 (V) Vénitie 1.935 :389(VII) 43 (IV); 3 (I) 4 (II) 98 (!) Règne ! 1.870 320 (V6is) 49(VIIfoj) 7 (VI bis) \ i3(VItór) 287(VII£.) Emilie 1.762 2.50(IV) 38 (III); 6 (V) 6 (III) 130 (III). Sicile 1.471 '346 (VI) 65 (VII) | 16 (IX) 26 (X) 1410(VIII) Napolitain 1-333 -+35(VIII) 47 (VII) j 6 (VI) 21 (VIII) 531 (X) Ombrie j 1-227 222 (II) 33 ^ 3 (II) 10 (VI) 239 (VI) Sardaigne — 670 (X) ii3(IX) 14 (VIII) 20 (VII) 277 (VII) Ce tableau donne trés peu de renseignements quant a 1'influence de la richesse sur la criminalité, puisqu'on peut en tirer les conclusions les plus contradictoires. Qu'on fasse p. e. atteniion au fait que les chiffres les plus élevés des vols se présentent dans les régions du Latium et de la Sardaigne, c. a d. dans la plus riche et la plus pauvre des régions, etc. etc. — Plus d'une fois j'ai eu 1'occasion de démontrer que la valeur de telles recherches est fictive. Ce n'est pas la totalité mais la distribution des richesses qui importe a la criminalité. (Voir e. a. Ouetelet et Colajanni). — Dans la 3111e section 1'auteur traite 1'influence du chömage involontaire. VVright communiqué qu'au Massachussets il y avait, sur 220 condamnés, 147 sans travail régulier et que 68 °/0 des criminels étaient des gens sans travail. D'après le prof. Lombroso cela s'explique aisément par le fait que les criminels n'aiment pas a travailler. Selon Bosco il n'y avait que 18 °/0 des assassins dans les Etats-Unis sans travail (—la proportion n'étant pas donnée pour les non-criminels, cette statistique n'a pas grande valeur —). Ensuite le prof. Lombroso mentionne encore 1'opinion de Coghlan, qui dit que la désoccupation n'a aucune influence sur la criminalité en South-VVales (— sur quoi cette opinion se baset-elle on 1'ignore —). — Ces quelques données (a ce sujet de si haute importance 1'auteur ne voue qu'une trentaine de lignes)lui suffisent pour conclure que le phénomène susnommé n'est que de peu d'importance pour la criminalité. Je n'ai qu'a rappeler les études étendues sur ce sujet de Mayr, Uenis, Müller, Lafargue e. a., pour prouver 1'inexactitude de cette opinion. — Dans le tableau suivant les chiffres de criminalité de différents pays sont comparés aux journées de salaires équivalentes au coüt annuel des aliments. Ces chiffres donnent donc en même temps une image des prix des vivres et du montant des salaires. j , Condamnés pour Condamnés pour Journées de salaire Condamnés poui coups et blessures crimes contre les Condamnés pour vols équivalentes au coüt homicide (sur 100.000 (sur 100.000 bonnes mceurs (sur (sur 100.000 habitants). annuel des aliments. habitants). habitants). 100.000 habitants). i 2 3 4 5 Anglet. et Gallesj Ecosse 0,51 Anglet. et Galles 2,57 Espagne 1,03 Espagne 59,63 Irlande f 127 Anglet. et Galles 0,56 Irlande 6,24, Irlande 0,85 Belgique 110,44 Ecosse » 'irlande 1,06'Ecosse uWEcosse 1,41 France 110,95 Belgique 130 Allemagne 1,11 Espagne 43,17 f Anglet. et Galles 1,66 Italië 165,89 France 132 Belgique 1,44 France 63,40 : Italië 4,QI r Irlande 65,81 Allemagne 148 France 1,53 Allemagne 126,40 Autriche 9>33< Anglet.et Galles 165,63 Autriche 152 Autriche 2,43 Italië 1 55.35 France io,26( Ecosse 268,39 Italië 153 Espagne 8,25 Belgique 175.39 Belgique 13,83 Allemagne 226,02 Espagne 154 Italië 9,53 Autriche 230,45 | Allemagne 14,07 — NOTE. — La colonne I est extraite de Mulhall's, »Dictionary of Statistics" (rapporté dans Coghlan's «The Wealth and Progress of New South Wales," Sydney, 1893). Les colonnes 2—5 sont calculées sur les données (rapportées a pag. XLI—XLVIII du «Movimento della delinquenza secondo le statistiche degli anni 1873—83", Roma 1886), publiées par la Direction générale de la statistique italienne. I3« Ce tableau démontre: i° que 1'excès du travail en rapport avec le minimum du salaire, c'est-a-dire avec une plus grande dénutrition, a une correspondance certaine avec 1'homicide; 2° qu'il y a aussi une certaine correspondance avec les délits de coups et blessures. (Excepté 1'Espagne et la Belgique); 30 que les crimes contre les mceurs sont les plus nombreux la oü 1'on trouve le minimum des journées de travail, et vice versa, (excepté e. a. la Grande Bretagne); 40 que le vol ne montre pas de correspondance. *) D'une autre manière encore le prof. Lombroso tache de comparer les conditions économiques des différents pays a la criminalité respective, c. a. d. au moyen du nombre de livrets des caisses d'épargne. 1'our ce qui concerne 1'Europe les chiffres sont les suivants (empruntés a Coghlan): CRIMES. PAYS. LIVRETS. Homicidesen Vols en °/0000- °/«000- Suisse. . . 1 livret chaque 4.5 personnes. 16 114 Danemarck . 1 „ „ 5-— » J3 I!4 Suède. . . 1 „ „ 7-— » !3 Angleterre . 1 „ „ 10.— „ 5.6 163 Prusse. . . 1 1 „ „ 10.— „ ! 5.7 246 France . . 1 1 „ ,, 12.— „ 18 103 Autriche 1 „ „ H-— » 2 5 io3 Italië . . . 1 „ „ 25.— „ 96 150 Ces chiffres démontrent comment les homicides vont en ligne inverse du nombre des livrets, pendant que c'est le contraire qui a lieu pour les vols. — L'auteur oublie de relever qu'il y a cinq exceptions a cette règle. — En Italië le plus grand nombre de livrets correspond au plus petit nombre d'homicides et au plus petit nombre de vols, comme le montre le tableau suivant: Moyennes de 20 provinces avec richesse Maxima Moyenne Minima. Suivant le nombre des livrets. Crimes contre la foi publique 57 45 45 „ „ les bonnes mceurs 11 12.6 20 Vols 132 133 160 Homicides. 10 12.6 27.4 ') Commc l'auteur le fait observer lui-même, les conclusions tirées de ce tableau doivent être accueillies sous certaine réserve, 4 cause de la grande différence des lois pénales de ces pays. II y a plusieurs exceptions a cette règle; p. e. les provinces les plus riches, comme Palerme, Rome, Naples, Livourne, donnent de tres hauts chififres d'homicides (resp. 42, 27, 26 et 21). D'après le prof. Lombroso ils s'expliquent, pour cc qui concerne Palerme et Naples, par la situation géographique; pour Palerme par la race et 1'abus d'alcool, et pour Rome par la race, 1'abus d'alcool et les situations politiques. Pour la France nous obtenons les résultats suivants: Dans les départements. Assassinats. Vols. | Viols. i & richesse minime on a une moyenne de 64 83 17 0 » moyenne» » » » » 66 99 26 » » maxima » » » » » *) 89 186 29 Voici justement 1'opposé de ce qui se voit en Italië. L'auteur 1'explique de la manière suivante: l() les contrées les plus riches sont les régions industrielles, oü l'affluence d'émigrants est la plus forte; (ces derniers commettent en général 4 fois plus de crimes que les Francais), 2° a cause des facteurs ethniques et climatiques; 30 par la plus grande richesse de la France (qui est au moins 4 fois aussi riche que 1'Italie); 40 par ce qu'une richesse vite acquise démoralise. 2) L'activité industrielle d'un pays fait considérablement accroitre la criminalité, surtout quand elle remplace l'activité agricole. En France sur 42 départements agricoles 26 °/o ont un nombre d'assassinats qui dépasse le chiffre moyen, sur 26 départements agricoles-industriels il y a 38 n/0, et sur 17 départements industriels il y a 41 °/o dépassant le chiffre moyen. Les cas de viol sur les adultes et de crimes contre la personne offrent la même image: ,r. , Crimes contre V ïols. ; . les personnes. Dans les 42 départements agricoles la moyenne surpassée par le j 33 °/o , 4-8 °/o Dans les 26 départements agricoles-industr. la moyenne surpassée par le j 39 » , 39 » Dans les 17 départements industriels la j moyenne surpassée par le j 52 » 59 » : Non seulement la pauvreté, mais souvent aussi la richesse est la cause des crimes. C'est pourquoi quelques régions trés riches présentent un chiffre de criminalité aussi élevé que de trés pauvres. II n'est pas 1) La richesse est calculée d'après le nombre de livrets sur 1000 habitants pendant les années 1884—85. 2) — Mon exposé deviendrait trop étendu si je voulais examiner de plus pres cette explication, qui me parait insuffisante. Qu'on voie e. a. 1'éminente explication du plus grand nombre d'assassinats dans des pays qui, intellectucllement, sont arrièrés: «L'homicide en Italië" par le Dr. N. Colajznni (Revue socialiste 1901). — difficile d'en donner une explication. D'un cöté la pauvreté conduit au crime puisqu'elle oblige quelques-uns a voler s'ils ne veulent mourir de faim, parfois menie elle mène au meurtre, a 1'élimination d'individus qui, sans cela, seraient a la charge de ceux qui ne peuvcnt pourvoir a leurs propres besoins. Puis, la misère cause souvent 1'abus de 1'alcool, qui, comme 1'anémie, les scrofules, etc. dégénéré a son tour les hommes, cc qui se manifeste souvent chez les descendants en fornie d'épilepsie, de • folie morale. Enfin la pauvreté est unc cause indirecte des crimes contre les mceurs, paree que les pauvres ne peuvent pas satisfaire a leurs désirs sexuels par la prostitution, 011 bien paree que la promiscuité précoce dans les mines et dans les usines, etc. les y mène. Un individu aisé par contre saura, par sa meilleure nutrition et sa plus saine discipline morale, mieux résister aux désirs qui le poussent a commettre un crime. Mais la richesse est a son tour une source de dégénération, p. e. par le syphilis, 1'épuisement etc.; elle conduit au crime par vanité, pour „figurer dans le monde". On demandera peut-être comment il se fait alors que les détenus dans les prisons sont presque toujours des pauvres et trés rarement des riches ? La réponse a cette question est, selon 1'auteur, celle-ci: que, par 1'influence de sa fortune, de sa familie etc. le riche peut plus facilement se soustraire aux lois pénales que le pauvre, que personne 11e connait, qui ne peut choisir un avocat de nom etc., etc. Le prof. Lombroso résumé son opinion ainsi: „Le facteur économique a une grande influence sur la criminalité; non, cependant, que la misère en soit la cause principale; car, la richesse exagérée, 011 trop rapidement acquise, y prend pour le moins une aussi large part; et misère et richesse sont souvent paralysées par 1'action ethnique et climatique." ') i) p. 161 II. R. GAROFALO. Dans le 3111e chapitre de sa „Criminologie," et plus spécialement dans la première partie, ayant comme titre „la Misère," eet auteur traite de 1'influence des conditions économiques sur la criminalité.') La question qu'il faut résoudre, pour ce qui concerne ce sujet, est, d'aprés M. Garofalo, la suivante : „1'iniquité économique, condition sociale par laquelle les citoyens sont divisés en propriétaires et en prolétaires, est-elle la cause principale, ou au moins une des causes les plus importantes de la criminalité." 2) II se peut qu'un ouvrier, c. a. d. quelqu'un qui ne peut pourvoir a ses propres besoins et a ceux des siens qu'en vendant sa force d'activité, ne trouve pas d'ouvrage et par cela en vient au vol; mais 1'auteur est d'opinion que de nos jours cela n'arrive presque plus, (en laissant de cöté les périodes de crise), et que, si le cas se présente, 1'ouvrier trouve généralement quelqu'un dans son entourage prêt a le secourir et que le crime n'est donc pas une nécessité. II y a bien de la pauvreté absolue, mais elle est presque toujours la conséquence d'un manque de courage et d'activité, et non pas celle du manque de travail. Ce n'est pas par la faim mais bien par la cupidité de se procurer les mêmes jouissances que les plus favorisés du sort peuvent se permettre, que 1'ouvrier est souvent poussé a commettre un crime. Mais cela n'est pas seulement le cas pour la classe ouvrière, mais aussi pour les autres classes. Car cette cupidité est propre a chaque homme; le millionaire p. e. enviera le milliardaire etc. Pour que cette cupidité mène au crime, il ne faut pas qu'il y ait une condition économique particulière, mais bien qu'il y ait une condition psychique particulière dans laquelle 1'individu se trouve, c. a. d. son instinct de probité doit être affaibli ou faire défaut. La cupidité ne mènera plus au crime quand il n'y aura plus aucnn avantage a le commettre et puisque cela n'est pas imaginable, le crime existera toujours. Cela explique pourquoi le nombre des cas de vols commis par les prolétaires est trés grand, mais en même temps pourquoi le nombre des cas de faux, de banqueroutes etc. est trés important dans les autres classes. En 1880 le chiffre des crimes contre la propriété (et crimes analogues) commis en Italië par des prolétaires comparé a celui commis par des propriétaires, fut de 88 a 12, tandisque la proportion du nombre des prolétaires a celui des propriétaires était de 90 a 10. Ces proportions sont a peu prés les mêmes, ce qui prouve !) Voir du même auteur: »La superstition socialiste"' et »Le crime comme phénomène social." (Annales de 1'Inst. intern, de Sociologie II.) 2) p. 168. que, pour ce qui concerne les crimes contre la propriété et les crimes analogues, la classe prolétarienne n'est nullement plus criminelle que les autres. Quelques auteurs sont d'opinion que les crimes contre les personnes sont également pour la plus grande partie causés par les mauvaises conditions économiques, puisque mauvaise éducation, manque de discernement etc. en sont les conséquences. D'après M. Garofalo cetteopinion est aussi inexacte, vu que les mauvaises conditions, dans lesquelles les prolétaires vivent, mènent bien a la rudesse, c. a. d. les rendent plus insensibles aux souffrances d'autrui, mais il ne s'ensuit point que les prolétaires soient totalement dépourvus de sentiments moraux. Les chiffres de la statistique criminelle de 1'Italie (1880) démontrent que 16°/0 de la criminalité correctionnelle ont été commis par les propriétaires, quoiqu'ils ne forment que 10 a 11% de la population. M. Garofalo tache de prouver aussi 1'exactitude de sa thèse en classifiant les criminels d'après les métiers. Les agriculteurs en Italië, la classe la plus misérable et la plus ignorante, forment 25,39°/0 des prévenus de délits correctionnels, tandis que les industriels, les marchands, les militaires etc. donc les gens instruits, qui sont beaucoup moins nombreux, en forment 13.58°/0. En 1881 la population italienne comptait 67.25n/0 d'analphabètes, et en 1880 des correctionnellement condamnés il y en avait 68.09°/n qui étaient analphabètes. En outre il a été démontré bien des fois qu'une amélioration des conditions économiques est accompagnée d'une augmentation des crimes. En Erance p. e. les salaires ont augmenté, la consommation de céréales ainsi que celle de viande est devenue plus grande et le nombre d'enfants qui jouissent de 1'enseignement primaire s'est étendu — et malgré tout cela !a criminalité s'est fortement accrue dans la même période. A 1'objection possible: „que plusieurs auteurs, e. a. Mayr, ont prouvé que la hausse des prix du blé est accompagnée d'une augmentation des crimes contre la propriété, et vice versa ; que les conditions économiques sont donc bien une cause importante du crime," M. Garofalo répond: que les crimes contre les personnes augmentent en même temps que les prix du blé baissent, et que par conséquent par les alternations dans la vie économique il y a bien modification du genre, mais non de 1'étendue de la criminalité. Les événements exceptionnels, tels que la famine, les crises commerciales etc., n'augmentent les crimes qu'en apparence. En examinant la question plus a fond (— 1'auteur apparemment ne 1'a pas fait lui-mêine, du moins il n'en mentionne pas de résultats —) il est probable qu'on découvrivait que ce n'est que la forme de la criminalité qui a changé, c. a. d. qui est devenue plus grave; p. e. un vagabond deviendra en pareil cas voleur de grand chemin etc. Les conclusions finales de 1'auteur sont les suivantes: „i°. L'ordre économique actuel, c'est-a-dire la manière dont la richesse est répartie, n'est pas une des causes de la criminalité en général. 2°. Les fluctuations qui ont lieu habituellement dans l'ordre économique peuvent amener 1'augmentation d'une forme de criminalité, qui est compensée par la diminution d'une autre forme. Ce sont donc des causes possibles de criminalité spécifique') ') p. 191—192. — Ma critique sur ce qui précède se bornera a quelques points capitaux seulement. i°. L'auteur se défait de la question en ne comprenant par conditions économiques que „misère", et cela encore dans le sens trés limité de manque du stricte necessaire. II faut que celui qui écrit sur la liaison entre crime et conditions économiques, analyse le système économique actuel, et expose 1'influence que ce système exerce sur la vie sociale entière, et ne s'arrête pas seulement a une des conséquences de ce système, c. a. d. a la misère dans laquelle se trouve le prolétariat. Par conséquent toute 1'argumentation de M. Garofalo, tendant a la démonstration que la bourgeoisie a une grande part dans les crimes contre la propriété, est superflue,' car par le capitalisme résulte aussi pour la bourgeoisie la plus grande incertitude d'existence. Ii est donc trés compréhensible que cette classe aussi se rende coupable de ce genre de crimes. D'après Fornasari di Verce p. e. les statistiques italiennes démontrent cependant que la classe aisée participe en moindre degré a la criminalité que les pauvres. D'après lui sur tous les condamnés des années 1887—89 13 °/0 étaient aisés, ce qui représente, d'après un calcul brut, 40 "/0 de la population entière. (Voir aussi le Dr. N. Colajanni „La Sociologia Criminale" II p. 536 sqq.). Par cette restriction arbitraire du sujet les observations de l'auteur sont de peu d'importance. Mais out re cela il y a encore des griefs bien graves contre la manière dont il a traité le sujet. 2°. M. Garofalo croit que, pour 1'étude de la question, il suffit de diviser les hommes en possesseurs et non-possesseurs, oubliant que ces derniers se composent de deux éléments trés hétérogènes, c. a. d. de travailleurs et de ceux qu'on appelle en allemand „Lumpenproletariat" C'est sur les premiers que toute société est basée, paree qu'elle ne saurait exister sans leur travail, tandis que les autres en sont, avec les riches fainéants, les parasites. Et 1'existence de ces parasites, et le fait qu'un si grand nombre de travailleurs soient forcés de rester inactifs, forment un phénomène propre a des stades déterminés de la société et non propre a chacune de ses phases. Un phénomène des plus saillants et des plus tristes de la mode de production capitaliste est justement celui-ci: que le nombre de travailleurs qui deviennent nécessiteux augmente sans cesse par 1'accroissement des machines économisant la main d'oeuvre; c'est ainsi que les ouvriers se négligent et se démoralisent avec les leurs, et par conséquent sont pour toujours incapables de travailler finalement. Cela frise 1'incroyable que quelqu'un qui écrit sur les conditions économiques, soit si peu au courant de ce sujet qu'il ose dire que dans notre société quiconque veut travailler peut travailler. 30. Comme j'ai déja eu plus d'une fois 1'occasion de le démontrer, ce ne sont que des raisons purement économiques qui sont causes de 1'augmentation des crimes contre les personnes pendant des périodes de prospérité économique. (Voir p.e. p. 132). 40. M. Garofalo a, je crois, bien raison de faire 1'observation que la cupidité (c. a. d. le désir de s'enrichir) est une des sources du crime, mais il se trompe par contre quand il se représente ce phénomène comme n'ayant aucun rapport avec les conditions économiques. Cette soif de 1'or, cette cupidité se rencontre dans une société basée sur 1'échange des marchandises, et spécialemenl sur le capitalisme. Des peuples qui vivent en communisme, ne savent pas ce que c'est que cette cupidité. II n'y a pas de riches dans le monde, paree que les hommes sont de nature si cupide, niais paree que certaine phase du développement social fut cause que quelques-uns seulement s'enrichirent, ce qui fit naitre chez les uns le désir de conserver cette richesse, chez les autres d'en acquérir. Celui qui est riche se crée des besoins afin de dépenser le superflu, et ces besoins créés deviennent a la longue des besoins réels pour lui et son entourage. 5°. D'après 1'auteur il y a quelques circonstances qui peuvent induire a commettre un crime. Mais la vraie cause du crime se trouve dans 1'absence ou la dimunition de 1'instinct de probité. II est vrai qu'en général les seules circonstances ne peuvent pas changer un honnête homme en criminel, (quoiqu'il y ait naturellement des circonstances imaginables dans lesquelles chacuti parviendrait a commettre un crime), car il faudrait en ce cas un manque de moralité. Pourtant il est insoutenable que les conceptions morales soient innées, c. a. d. acquises par des générations successives. De même qu'011 ne nait pas avec des connaissances positives, on ne nait pas avec des conceptions morales. Ce n'est que la capacité de les recueillir qui est innée. Comme les hommes différent en tout, il y en a parmi eux qui se prêtent plus facilement que les autres aux prescriptions morales. Par son hypothèse erronnée M. Garofalo en est arrivé a la supposition inexacte que le manque d'éducation ne peut occasionner 1'immoralité. (Qu'on se rappelle ici les résultats splendides obtenus par Owen en pratiquant ses théories pédagogiques parmi une population totalement démoralisée). II croit pouvoir le prouver en attirant 1'attention sur la circonstance qu'il y a aussi des criminels dans les classes plus élevées oü 1'on se donne généralement de la peine pour 1'éducation. Dans la deuxième partie de ce travail je tacherai de démontrer que le manque d'éducation morale dans la bourgeoisie est une des causes de la criminalité parmi elle. — 10 III. E. F E R R I. Afin de rendre 1'opinion du prof. Ferri, j'analyserai „Socialismo e criminalita" et un passage, se rattachant a notre sujet, emprunté a la „Sociologie criminelle." ') Cette analyse sera plus détaillée que celle de la plupart des autres auteurs puisque 1'opinion du prof. Ferri est en réalité la synthese de 1'opinion de beaucoup d'autres autorités. Pour cette raison et bien d'autres elle est de la plus haute importance. „Socialismo e criminalita" est une oeuvre polémique dirigée en partie contre „II delitto e la questione sociale" de Turati, en partie contre „Ie socialisme pour ce qui concerne la méthode révolutionnaire et son romantisme nébuleux d'alors" comme le prof. Ferri lui-même le dit dans son ouvrage „Socialismo e scienza positiva." Après avoir traité en peu de mots dans les „Preliminari" la question de savoir „si le socialisme même induit a commettre des crimes" (ce qui n'arrive que rarement, d'après 1'auteur) le prof. Ferri donne les trois définitions suivantes du mot socialisme: „Mi pare che la parola — socialismo — possa assumere tre principali significati. Uno generico, opposto a quello di — individualismo — rapprescnterebbe semplicemente una delle due tendenze e dottrine generali che si contendono il campo in tutte le scienze sociali, teoriche od applicate, e derivano dal prendere come base del proprio sistema o 1'individuo o la societa, che sono i due poli entro cui vive e palpita il genero umano. Un altro significato, divenuto ormai, nella seconda meta del nostro secoio, il piü difïfuso, se non il piü preciso, racchiuderebbe nella parola — socialismo — un complesso di critiche, di deduzioni e di aspirazioni, tendenti ad una riforma, od anche ad una soppressione, piü o meno instantanee e violenti, degli istituti fondamentali, ond' è plasmato 1'organismo sociale presente, ma surrogandoli con un assetto sostanzialmente diverso, con riguardo principalissimo al lato economico dei fatti sociali, e quindi delle inovazioni da attuare. Infine c'e un terzo signifato, attribuito a quella parola da un intelligente e simpatico socialista, a cui ebbi occasione di chiedere privatamente risposta o rettifica ad alcune delle osservazioni che sto per esporre, e di recente 1) Voir aussi »Studi sulla Criminalita in Francia (1826—1876)." poi affermato implicitamente da un mio carissimo amico in una geniale pubbiicazione, che è 1'esame meno uncompleto ch'io conosca delle relazioni appunto fra il delitto ed i sistemi socialisti. Quell'egregio socialista mi rispondeva, colla sua cortesia a tutti nota, che in fin dei conti anch'io sono un socialista, perchè, additando o ricercando „i nuovi orrizonti del diritto penale", miro ad una riforma di quella parte dell'ordinamento sociale, che è 1'oggetto de' mei studi. Egli cioè assegnava alla parola — socialismo — il significato molto largo, ma secondo me, poco proprio, di tendenza in genere ad un avvenire inigliore del presente. E il Turati a pag. 37 scrive: „II socialismo non è un sistema chiuso e prefisso, ma sempliceniente un grande indirrizzo, movente da intuizioni ed osservazioni inconcusse, suscettivo di ampliamenti e addatamenti continui alle esigenze dell' ambiente storico — e questa indeterminatezza o piuttosto virtualita, che gli avversari gli rimproverano, è appunto la sua forza e la sua garanzia." Ui modo che, dice il Turati, „in ogni mente elevata, grattate un poco, troverete il germe socialista, se anche la parola, a quei tempi, non era peranco coniata" (p. 19). ') Cette citation démontre suffisamment que 1'auteur ne combattra pas le socialisme scientifique; ce qui suit le prouve également. II y parle des écoles socialistes de Morelly, d'Owen et de Cabet. II y cite en grande partie le manifeste de la „Partito socialista revoluzionaria di Romagna," parti qui espère beaucoup d'un bouleversement violent de la société; il s'y élève contre les projets d'une organisation sociale future; il y indique la différence entre la sociologie, qui est si parfaitement scientifique, et le socialisme qui 1'est si peu, mais il n'y fait pas mention, même pas une seule fois, du socialisme scientifique. — II y aurait lieu, il me semble qu'on peut s'étonner de cette omission. Le „manifeste communiste" de Marx et d'Engels parut déja en 1847; en 1859 parut 1'oeuvre „zur Kritik der politischen Oekonomie," oü se trouve 1'exposition classique du matérialisme historique; en 1867 parut le premier volume du „Kapital" et le livre du prof. IHerri est daté de 1883! De la qu'il est étonnant, que dans son livre 1'auteur fulmine contre le socialisme „a cause de son manque d'esprit scientifique," tandis que le système scientifique de Marx et d'Engels existait depuis longtemps. — A la fin des „Preliminari" on trouve exposé les idees que les socialistes ont, d'après 1'auteur, sur le crime: I. „La genesi del fenomeno criminoso risiede nclla societa, com'c ora constituita. II. 1'iü specialmente, ed anzi esclusivamente, il malessere economico delle populazioni, prodotto dalla iniqua disuguaglianza di individui e di classi, è causa di ogni altro malessere morale ed intellettuale, e quindi anche del delitto. III. Awenuta la trasformazione o rivoluzione sociale, nel senso socialistico, 1'ambiente sociale sara ottimo. IV. E nell'ordine socialistico anche 1'uomo individuo sara moralmente molto superiore all'uomo corrotto o demoralizzato dalle presenti condizioni. i) p. 17-18. V. Ed allora il delitto, corae la miseria, come 1'ignoranza, come la prostituzione, come 1'immoralita in generc, avra finito la sua triste tirannide nel mondo umano." — II est certain qu'un adhérent du socialisme scientifique ne conviendra pas que ces thèses soient tout a fait exactes. Ainsi p. e. la deuxième, que la mauvaise condition économique de la population est la cause du crime, car 1'expression de „condition économique" a ici un sens trop limité, savoir celui de pauvreté, de misère etc. Au lieu de se servir de celle-la il aurait dü parler de „mode de production." C'est celle-ci qui, d'après les Marxistes, régit en dernière instance la vie sociale tout entière. — Le premier chapitre de 1'ouvrage du prof. Ferri, portant comme titre „la genesi sociale e individuale del delitto," commence par 1'observation que tous les socialistes s'en prennent a la société comme étant la cause de tous les maux, e. a. de la misère et du crime. La plupart d'entre eux le font, plus ou moins sans s'en rendre compte, par un procés psychologique, et la minorité, parmi laquelle se trouve aussi Carl Marx, le fait aussi bien par le même procés que par „strategie de propagande." Ils 11c font généralement pas attention aux facteurs individuels, ou bien, ils ne les reconnaissent qu'en partie, mais en attribuent 1'origine a la société aussi. Ce procés psychologique est alors la contre-réaction de 1'individualisme outré, émané de la révolution francaise qui a son tour est une réaction contre le socialisme empirique (dans la première signification du mot; voir quelques pages plus haut). Entre ces deux directions exagérées se trouve la sociologie criminelle, qui dit que les causes du crime sont, soit individuelies soit sociales, et qui fonde cette opinion sur des recherches positives et scientifiques. — Observons ici que 1'assertion que c'est „par stratégie de propagande" que Marx cherche les causes de divers maux dans 1'organisation sociale n'est nullement prouvée. Car elle veut dire que Marx ne fournit point de preuves a ses thèses, et ne parle ainsi que pour se faire des partisans. La lecture des ceuvres de Marx est un bon remède pour celui qui trouve dans 1'opinion du prof. Ferri ne füt-ce qu'un seinblant de vérité. Nous dépasserions notre but en faisant ici des réflexions sur la question de savoir s'il est scientifiquement exact d'expliquer 1'individualisme, né après ia révolution francaise, en disant que c'est une contre-réaction des idéés précédentes. D'après moi 011 n'éclaircit pas la question en se servant des mots „réaction" et „contre-réaction," paree qu'ils ne font que constater des faits. L'explication se trouve plutót dans lanaissance d'un nouveau système économique, le „grand-capitalisme", dont 1'individualisme plus intense fut la conséquence. — Ensuite 1'auteur attire 1'attention sur ce qu'il croit être les groupes de facteurs du crime: les facteurs anthropologiques ou individuels, les facteurs physiques ou cosmiques, et les facteurs sociaux. Puisque beaucoup d'auteurs partagent entièrement ou partiellement cette doctrine, nous traiterons ces facteurs un a un, et en ferons la critique, ce qui rendra superflu une critique spéciale de 1'école italienne. Ces facteurs ont été examinés plus amplement dans la „Sociologie criminelle" que dans le „Socialismo e Criminalita," je me permettrai donc d'emprunter ce qui suit a la „Sociologie criminelle". Le prof. Ferri niet donc en avant qu'il y a trois groupes de facteurs, dont tantót 1'un, tantót 1'autre est le plus important. „Chaque crime est la résultante des conditions individuelles, physiques et sociales." ') Cependant le facteur individuel est, d'après lui, le plus important, pour ainsi dire le facteur primordial, car il dit: „Le milieu social donne la forme au crime; mais celui-ci a sa source dans une constitution biologique anti-sociale (organique et psychique)." 2) Les facteurs indiqués sont les suivants: „Les facteurs anthropologiques, inhérents a la personne du criminel, sont la première condition du crime, et se distinguent en trois sousclasses, selon que la personne du criminel est envisagée au point de vue organique, psychique ou social. La constitution organique dn criminel constitue la première sousclasse des facteurs anthropologiques et comprend toutes les anomalies du crane, du cerveau, des viscères, de la sensibilité, de 1'activité réflexe et tous les caractères somatiques en général, comme physionomie, tatouage, etc. La constitution psychique du criminel comprend les anomalies de 1'intelligence et du sentiment, surtout du sens moral et les spécialités de la littérature et de Pargot criminel. Les caractères persotmels du criminel comprennent ses conditions purement biologiques, comme la race, 1'age, le sexe, et les conditions bio-sociales, comme 1'état civil, la profession, le domicile, la classe sociale, rinstruction, 1'éducation, qui ont été jusqu'ici 1'objet presque exclusif de la statistique criminelle. Les facteurs physiques du crime sont le climat, la nature du sol, la périodicité diurne et nocturne, les saisons, la température annuelle, les conditions météoriques, la production agricole. Les facteurs sociaux comprennent la densité de la population; 1'opinion publique, les moeurs, la religion; les conditions de la familie; lc régime éducatif; la production industrielle; 1'alcoolisme; les conditions économiques et politiques; 1'administration publique, la justice, la policc; et en général 1'organisation législative, civile et pénale. C'est-a-dire une foule de causes latentes, qui s'entrelacent et se combinent dans toutes les parties de 1'organisme social et qui échappent presque toujours ;i 1'attention des téoriciens et des praticiens, des criminalistes et den législateurs." 3) Facteurs anthropologiques. Considérons d'abord les „caractères personnels du criminel." Lc prof. Ferri conclut a 1'existence de facteurs anthropologique's en général de cc qui suit: „Fn cfTet, si le crime était le produit exclusif du milieu social, comment expliquerait-on ce fait quotidien, que dans le même milieu social et dans des circonstances égales de misère, d'abandon, de man- !) Sociologie criminelle p. 161. 2) » » p. 43- 3) » » p. 150—151. que d'éducation, sur 100 individus, par exemple, 60 ne commettent pas de crimes, et des 40 qui restent, 5 préfèrent le suicide au crime; 5, au contraire, deviennent fous; 5 n'arrivent qu'a se faire mendiants ou vagabonds non dangereux, et les 25 autres commettent-ils des crimes? Et parmi ceux-ci, tandis que plusieurs se limitent, par exemple, au vol sans violence, pourquoi d'autres commettent-ils des vols avec violence et même, de prime abord, avant que la victime se révolte, ou menace, ou appelle au secours, commettent un assassinat avec le seul but du vol ?" ') — II me semble qu'il y a beaucoup d'objections a faire a cette conclusion tirée un peu a la légère. En premier lieu le prof. Ferri est d'opinion qu'il va de soi qu'011 trouve facilement des groupes de gens dont un quart seulement devient criminel quoique tous vivent dans le même milieu. Pour résoudre une telle question il faudrait faire des recherches p.e. parmi les plus avilis du „Lumpenproletariat" d'une métropole c. a. d. parmi les plus viles prostituées, parmi les souteneurs etc. II sera difficile, je crois, de trouver sur 100 individus de ce genre 75 qui n'aient jamais été condamnés, et les rares individus parmi eux qui n'ont jamais subi de condamnation auront probablement été incapables de commettre des crimes par suite de leur condition physique. Cependant, même en admettant que 1'assertion soit exacte, donc que sur les 100 personnes vivant dans un même et mauvais milieu, une partie seulement tombe dans la criminalité, je crois qu'il est impossible" de trouver, même deux personnes qui vivent et ont vécu dans un milieu, exactement pareil et dont les parents aussi ont toujours vécu dans les_ mêmes conditions. De cette facon seulement la qucütion aurait été nettement posée. Ce sont non seulement les conditions actuelles qui ont influencé 1'homme; toutes les conditions passées ont leur part dans les motifs des actes présents. On ne saurait nier que le présent renferme le passé. Les conditions qui ont influencé les parents ne doivent pas être exceptées non plus. Posons le cas suivant: A, B et C vivent dans les mêmes c. a. d. de trés mauvaises conditions. A se suicide, B devient fou, C commet un crime. Les parents de A étaient des gens aisés, ont donné une bonne éducation a leur enfant et 1'ont donc accoutumé a beaucoup d'exigences. Tombé dans la misère, dés lors afifaibli et devenu incapable de bien travailler A croit qu'il lui est impossible de se relever. Les idéés morales, acquises dans sa jeunesse, s'opposent a 1'action du crime. Et puis, les quelques francs qu'il pourrait peut-être voler ne suffiraient pas a lui procurer une existence comme celle a laquelle il s'est accoutumé. Par conséquent il se suicide. B est 1'enfant d'un père devenu alcooliste par misère matérielle. Par cela inférieur, B est incapable de soutenir la lutte pour la vie, et a la fin devient fou. Les parents de C étaient des indigents. II n'a jamais re<;u d'éducation; les idéés morales lui sont entièrement étrangères ; il n'a vécu que dans la misère et commet un vol quand 1'occasion s'en présente et sans aucune hésitation. Dans ces trois cas, se présentant tous les jours, les circonstances sont donc le seul facteur qui entre en considération. Plus haut j'ai dit qu'il n'y a pas deux personnes qui vivent dans !) p. 157. Soc. crim. des circonstances exacteineiit les mêrnes. Ce root cxcictcmcut n a pas été nommé par Ie prof. Ferri, a tort, selon nioi. Dans la vie ordinaire on parle de grandes et petites causes. Mais en traitant des questions scientifiques il est assurément défendu de le faire. Car personne n'ignore, que 1'événement apparemment le plus minime peut avoir les conséquences les plus étendues. Qu'on me permette de faire ici la citation d'une page intéressante du prof. L. Manouvrier sur cette question: „Oue 1'influence du milieu soit généralenient comprise d'une facon trop étroite, on en voit tous les jours& la preuve dans les appréciations émises sur les causes qui ont déterminé certaines dififérences de valeur productive ou de cónduite morale. S'agit-il, par exemple, de deux frères? On fait remarquer qu'ils ont été élevés excicteineiit de la même manière, qu ils ont rt'cu absolument la même éducation, et la question de 1'influence du milieu se trouve ainsi tranchée. Aussitöt les docteurs d invoquer 1 atavisme, de tater les bosses du crane, de scruter de 1'oeil les asymétries faciales, etc. II faut bien avoir recours a 1'anatomie, puisque 1 action du milieu a été mise hors de cause. Et 1'on peut bien accuser la malechance quand on ne trouve ni bosse, ni creux, ni asymétrie quelconques capables de servir, bon gré mal gré, de solution a la question. Reste toujours, d'ailleurs, la ressource d'invoquer des vices de constitution interne, invisibles, hypothétiques. Les phrénologistes étaient dans une situation relativement difficile: il leur fallait trouver un caractcre anatomique déterminé, une bosse a fonction spécifiée d'avance, ou bien ils étaient obligés d'imaginer des luttes de bosse contre bosse. La mode actuelle est moins exigeantc: il suffit de trouver n'importe quoi s'écartant de la perfection morphologique, sans qu'il soit même besoin de montrer la liaison qui peut exister entre ce n'importe quoi et 1'infériorité psychologique a expliquer. Oue dis-je! il s'agit souvent d'une infériorité d'ordre sociologiquè et 1'on ne prend même pas la peine de s'assurer préalablement qu'elle correspond a une infériorité psychologique. Ce serait pourtant la une operation préliminaire indispcnsable, et elle ne suffirait pas encore; il faudrait s assurei que cette infériorité implique un trouble fonctionnel avant de faire intervenir a tout hasard 1'anatomie pathologique. On a bientöt fait de déclarer que deux frères ont eté soumis aux mêrnes influences de milieu paree qu'ils ont été élevés dans la même niaison, instruits dans le même collége, également vêtus et nourris. Le seul fait d'être né le premier ou le second n'est pas sans importance. Avoir été élevé avec un frêre ainé ou avec un petit frère constituent des conditions de milieu fort différentes qui peuvent avoir puissamment contribué a différencier les caractères psychologiques des deux enfants. Ajoutez a cela des variations de milieu provenant des nourrices, des domestiques, des maladies, des jeux, etc. etc. et vous aurez ouvert autant de chapitrcs dans lesquels pourraient être classées des influences de milieu en nombre illimité. II n'v a pas de petites choses en pareille matière. Les biographies actuelles ne sont tout au plus que des ombres chTnöïsèS si 1'on songe a ce que devraient être des biographies vraiment psychologiques. Avoir été instruit dans le même collége, voila pour deux frères, une silimitude de milieu qui peut caeher et cache certainement les plus énormes différences. Ils n ont pas eu les mêrnes maitres, ni les mêmes condisciples, ni surtout les mêmes camarades. Entre 1'éducation donnée et celle qui est effectivement recue, la dissemblance peut être grande. Les préceptes de 1'éducateur sont comparables a des coups de pinceau plus ou moins habiles donnés chaque jour par un peintre sur une toile déja peinte et qui continuerait a être barbouillée du matin au soir par des allants et venants. Les influences qui s'exercent sur 1'enfant en deliors du programme des éducateurs ont d'autant plus de chances d'agir que le programme est exécuté d'une facon plus désagréable." ') Par ce qui précède je crois que la conclusion du prof. Ferri qu'il y a des facteurs anthropologiques du crime est précipitée. Mais on saurait y faire d'autres objections encore. Supposons, ce qui est presque impossible, que Z et Y aient eu des ascendants qui ont toujours vécu dans les mêmes conditions, n'ont connu et ne connaissent encore qu'un même entourage et que tous les deux soient excessivement harcelés par X, ce qui fait que Z, et non pas Y, par vengeance attente a la vie de X. On pourra se poser la question suivante: comment se fait-il que Z et non pas Y, commet un crime ?" Réponse: la cause en est p. e. que Z est plus agé, par conséquent plus fort et plus audacieux que Y et, „ceteris paribus," se décidera plutót que Y a maltraiter son persécuteur. En posant d'autres „casus positiones" pareils nous verrons p. e. que de deux personnes vivant dans les mêmes circonstances, celle qui commet un crime a plus de besoins, ou est plus intelligente que la deuxième qui ne le commet pas etc., etc. Voila donc les fameux „facteurs individuels". Ces facteurs individuels sont donc: l^ageLJe§_besoins, la force, 1'intelligence etc. etc., que chaque homme possède a différents degrés, et qui amèneront 1'un plutót que 1'autre a faire un crime. Maintenant nous sommes forcés de nous demander: „Est-ce-que 1'age, les besoins, la force, etc. conduisent donc a commettre des crimes?" La réponse sera: „mais non, cela dépend des circonstances." Le nommé Z, devenu soldat, la force et Paudace ^_dont il dispose lui auraient probablement fait gagner la croix d'honneur et ne 1'auraient pas mené en prison. Celui qui croit que les qualités humaines susnommées sont du ressort de 1'étiologie du crime n'a pas pénétré la criminalité comme phénomène historique. Ce qui fut un crime ne le devient plus après, et réciproquement. Tandis que les soi-disants facteurs anthropologiques sont constants.jou presque constants, la criminalité diffère suivant le lieu et le temps, tantót peu, tantöt moins, a mesure que les conditions sociales se modifient. Cela prouve clairement que ces facteurs ne sont point des facteurs du crime. 2) !) »Les aptitudes et les actes." p. 328 — 329. *) Comparez la page suivante du prof. L. Manouvrier: »11 y a cependant des individus plus portés au crime que d'autres, toutes conditions égales d'ailleurs. Certes! comme 1'homme est plus porté au crime que la femme, comme 1'homme robuste et hardi est plus porté aux crimes par violence que 1'homme chetif et timide, etc., quoiqu'en somme chaque genre de conformation trouve quelque genre de crime praticable, ne fut-ce que 1'incendie. L'athlète sera plus porté ;i frapper, le beau parleur a escroquer, mais nous ne criminaliserons point pour cela la force musculaire, ni la facilité d'élocution, ni la hardiesse, ni 1'agilité, ni 1'adresse. Nous ne criminaliserons pas davantage la violence, ni la ruse, qualités définies d'après 1'emploi vicieux d'aptitudes trés honnêtement utilisables." (p. 451 «Genese normale du crime.") De même pour ce qui concerne le sexe. La position de la femme varie selon le développement social, et c'est par suite de la position sociale de la femme de nos jours que sa criminalité est tout autre que celle de 1'homme, La prostitution fournit a 1'entretien d'un grand nombre de femmes qui, sans cela tomberaient dans le crime. De la e.a., que la criminalité de la femme donne un chifïfre moins élevé de crimes contre la propriété. L'organisation sociale de nos jours est cause qu'en général les occupations de la femme setournent vers les occupations du ménage, la mettent moins directement que 1'homme en contact avec la lutte pour la vie; de la un moins grand abus d'alcool et une plus petite criminalité contre la personne ctc. etc. A mesure que sa position sociale se modifie sa participation au crime se modifie aussi. Kt cette participation devient a peu prés égale a celle de 1'homme aussitót que la position sociale égale la sienne.') On objectera peut-être que la cause de la plus petite criminalité de la femme contre la personne doit être recherchée aussi dans le fait que la femme est moins forte et moins courageuse que 1'homme, et que la grande part qu'elle a dans 1'infanticide ne s'explique que par son sexe. Je 11e discuterai pas la question de savoir jusqu'a quel point cette force et ce courage inférieurs trouvent leur origine dans 1'éducation de la femme et dans le milieu dans lequel elle vit. Supposons pourtant que la dififérence de sexe en soit la cause. Mais je crois tout de même que cette différence de force et de courage en soi n'ont rien affaire avec le crime. Par sa plus grande force 1'homme ne doit pas nécessairement en abuser. Au contraire, il pourra aussi bien en faire un trés bon emploi. Cela dépend tout a fait des circonstances. Et pour ce qui concerne la part de la femme dans 1'infanticide supposons qu'une femme qui est heureuse en ménage, devienne mère. La maternité sera pour elle la cause d'un grand d'amour pour son enfant. Supposons-la maintenant non mariée, trompée et abondonnée par 1'homme qu'elle aime. Elle ne peut pourvoir a son entretien ni a celui de son enfant; la société la méprise, la rejette et est cause qu elle devient misérable. Alors la maternité peut lui faire prendre son enfant en haine et, ne sachant plus oü donner de la téte, elle le tue. Ici aussi ce sont les circonstances qui sont la „causa causarum", et non pas le sexe qui, dans les deux cas est le même et 11'explique donc rien.'-) Je suis donc d'avis que les soi-disants caractères personnels du criniinel, c. a. d. ses conditions purement biologiques n'ont aucun rapport spécial avec le crime, étant des facteurs de tous les actes humaiits. 3) Un acte, 1) I'our les preuves dc cette assertion voir e. a. le Dr. N. Colajanni «Sociologia criminale." II. Capitolo III. .... 2) l'our de plus amples observations sur les causes sociales de la criminalité dc la femme voir: le Dr. C. Loosjes: »Bijdrage tot dc studie van de criminaliteit dei vrouw", et le chapitre susnomvné de vla Socio'ogia criminale' du Dr. Colajanni, qui dit e.a.: „La donna infatti esposta alla stcsse condizioni sociali deH'uomo, e alla influenza delle stesse occasioni e degli stesse motivi che su di lui agiscono delinque tanto quanto 1'uomo ..." (p. 91.) 3) En parlant ainsi il est évident que je ne veux pas dirc que les recherches statistiques sur 1'age etc. par rapport au crime sont superflues. Je ne conteste nullement leur importance pour la sociologie criminelle. qu'il soit criminel ou non, nécessite 1'existence d'un homme c. a. d. d'un être qui a: 1° des besoins, 2° un cerveau, c. a. d. un organe capable de choisir les moyens de pourvoir a ses besoins ; 30 des organes par lesquels il peut exécuter les idéés formées. Quand on s'occupe de 1'étiologie du crime on ne recherche pas les facteurs qui composent toas les actes, mais exclusivement les facteurs spéciaux. ') Parmi les facteurs anthropologiques le prof. Ferri range aussi: l'instrnction, la profession, Fétat civil, etc., nommcs tons ensemble les conditions bio-soeiales. Je suis d'opinion que ces facteurs ne doivent pas ctre rangés parmi les facteurs anthrologiques mais parmi les facteurs sociaux. Car le mariage, 1'enseignement, etc. 11e sont que des institutions sodales. 2) Traitons ensuite la race. J'appelle 1'attention sur les points suivants: i°. L'étüde de la criminalité des diverses races, nous forcerait a avoir recours a la statistique criminelle des divers états, pour en tirer des conclusions éventuelles. Les mots race et état, que j'ai mis en italique, démontrent déja 1'impossibilité d'une telle recherche au moyen de la statistique criminelle. Car race et état ne sont pas des conceptions coïncidantes. En général un état s'est formé pour des causes politiques et non pour des causes d'identité de race. Pour prouver ce que je viens de dire, je fixe 1'attention sur 1'opinion du prof. P. Topinard, qui dit: „En France, il y a trois races principales qui, malgré les croisements incessants sur tous les points de notre territoire depuis les temps préhistoriques, ne sont pas assez fusionnées pour qu'on puisse anthropologiquement parler d'une race francaise. Des trois, deux surtout se rencontrent partout dans les moindres localités, mais Tune des trois prédomine visiblement presque toujours: la race brune et petite dans le midi; la race celtique brachycéphale du centre de la Bretagne a 1'Auvergne et aux Alpes; la race blonde et grande dans le nord. En Allemagne, les trois mêmes races se retrouvent dans les mêmes conditions, c'est-a-dire : partout dans le moindre village peut-être; leurs proportions ca et la ont seules changées. Le professeur Virchow, la plus haute autorité en cette matière, après avoir vainement cherché a prouver 1'unité de la race germanique par 1'anthropologie, y a renonce et admet, comme moi, deux races envahissantes pour le moins, qui, dit-il, seraient venues simultanément de 1'Asie centrale. En Russie, les races sont nombreuses: les Slaves brachycéphales; deux sortes de Finnois, pour nous, les uns brachycéphales les autres dolicocéphales; les Scandinaves qui, a 1'origine au moins, ont joué un róle; les Mongols, ne serait-ce que par les Samoyèdes du nord et les Kalmoucks *) On connait 1'expression du prof. Lacassagne que »le criminel est le microbe qui ne se développe que dans le bouillon prédisposé." Les adversaires de 1'hypothèse du «milieu social" y répondent triomphalement: »donc il faut qu'il existe avant tout un microbe!" Cela va sans dire: sans homme point d'actes humains, et par conséquent point d'actes criminels. 2) Voir le prof. G. Tarde »la Philosophie pénale", p. 72. du sud-est; les Juifs, assez nombreux; et les Tsiganes. Encore ne parlons-nous pas du Caucase, oü d'autres races s'entrevoicnt auxquclles, du reste, il serait difficile de donner des noms positifs. Par conséquent, ni en France, ni en Allemagne, ni en Russie, 1 idee de race n'a de connexité avec celle de nationalité. Dire c[ue la France est principalement celtique, 1'Allemagne principalement germanique et la Russie principalement slave, serait se contenter de peu. Mais, observera-t-on, ce sont des pays ouverts, sillonnés de voies naturelles, faciles, dans lesquelles le flux et le reflux des races s est opéré avec facilité. L'Italie n'est pas dans ce cas; elle a des frontières naturelles, c'est une péninsule allongée, ouverte a 1'une de ses extrémités seulement. Les premiers habitants étaient de la race brune, petite et dolicocéphale dont j'ai déja parlé en France. Les Ligures, les Ombres, les Etrusques, les Gaulois s'ajoutèrent successivement a eux dans le nord. A Rome, a la suite de ses fondateurs, une poignée d'aventuriers sans doute, s'entassèrent des échantillons de toutes les races de la Méditerranée, de tous les peuples avec lesquels la République était en guerre, de tous les Barbares, qui vinrent après. Aujourd'hui, en Italië, on peut réduiic les races principales qui se dégagent, au même chiffre de trois: la race dolicocéphale petite et brune, dite méditerranéenne, représentée dans les cavernes de 1'age du renne, a Menton et précédemment peut-être, une race brachycéphale, dont 1'origine celtique ou ligure est difficile a établir et qui pourrait fort bien n'être qu'un croisement de 1 autochtone avec le Celte ; et la race blonde, attribuable aux Gaulois et aux Lombards plus particulièrement." ') Non seulement, les populations des différents états ne sont pas originaires d'une seule race, mais 1'immigration, qui, grace aux moyens de communication améliorés, s'est énormement étendue dans les tcmps modernes, a été trés favorable au croisement, dont 1'importance a été démontrée par ce qui suit: „Und doch kann die historische Rassenmischung, bei vvelcher ein Volk dem andern als ganzes gegenüber tiitt, noch kaum einen Vergleich aushalten mit den enormen Wirkungen der kulturellen Mischung 'in Folge der Auswanderung der Einzelnen. Im Alterthume wie im Mittelalter hat diese stellenweise grosse Dimensionen angenommen; so wurden die Pro vinzen Gallien und Hispaniën, so wurde Ost-Deutschland und Deutsch-österreich mehr durch Kolonisten als durch Legionen und Kriegsmannen latinisirt, resp. germanisirt. Aber heutzutage hat in Folge der immer verbesserten Verkehrsmittel dieser Völkerstrom geradezu ungeheure Dimensionen angenommen. Linige Zahlen mogen hier einen Hegriff von der Höhe des modernen Völkeraustausches geben. Nach den Vereinigten Staaten wanderten 1820—1876 8.956.370 Europaer aus; aus Deutschland allein wanderten dahin von 1820 1870 2.367.000 Menschen aus, sodann 1872 1 55-595) dann sank die Ziffer z. B. 1877 auf 21.964, aber schon 1880 wieder auf 106.190 Deutsche. Aus Groszbritannien wanderten aus: 1878 147.663, 1879 217.163, ') p. 131 —132. »Lc principe des nationalités" [Revue d'anthropologie 1886]. Sur cette question voir aussi: K. Kautsky : »F.in materialistischer Histoi iker (Neue Zeit 1883), K. Kautsky: »Die moderne Nationalitat" (Neue Zeit 1887), I)r. Guido Hammer: »Uie Zersetzung der modernen Nationalit&ten »(Neue Zeit 1887*, Dr. F. Mehring »die LessingLegende, nebst einem Anhange iiber den historischen Materialismus p. 488 sqq. 1880 332.294, 1 SS 1 392.514, 1882 413.288, also schon fast einc halbe Million! Die italienische Ausvvanderung betrug 1878 72.367 und erhob sich 1882 schon auf 93.930, gegenwartig übersteigt sie die Jahreszififer 100.000. hs leben nach dem Statistiker O'Neill heute 18.740.803 Menschen auszerhalb ihres Vaterlandes, in Frankreich allein 1.oio.OOO Fremde; in Deutschland ergab die Volkszahlung von 1875 257.856 Auslander, die von 1880 dagegen schon 425.616, es waren also in diesen fünf Jahren durchschnittlich 33.000 Fremde jahrlich eingewandert. Die Einwanderung betrug in Groszbritannien 1878 77.951, 1880 68.316, 1882 78.268, in Belgien 1878 14.325, 1880 16.490, 1881 17.702. Blos an Italicnern wanderten nach Frankreich 187939.713, 188043.172, 1881 50.753, 1882 53-°37; ebenso nach Oesterreich 1S80 20.493, 1881 20.503, 1882 20.430." i) 2°. Bien que toutes les nations se composent de diverses races — 11 '0' a f"ls 11011 pl'ls nne seule race pure. Citons comme preuve 1'opinion d'une autorité, celle du prof. Topinard, qui dit k cc sujet: „La race est une abstraction; elle n'existe que dans notie esprit, elle ne se touche 011 ne se voit nulle part a la surface du globe. Les rassemblements humains auxquels on donne le nom de tribus, de hordes, de peuples, de nations ont, de tout temps, été ballottés au gré des événements; ils se sont unis, désunis, mélangés, croisés, sans que les distinctions de races, de castes, d'habitats ou de milieux aient été un obstacle. Chaque individu et, par conséquent, chaque groupe, a en lui le sang de nombreux ancêtres de races diverses. Certaines unions, dans 1111 même pays, prédominent sur d'autres et entretienncnt les types généraux qui se perpétuent. Les populations que 1'on a sous les yeux ne sont donc point homogènes, le type principal en est difficile a saisir, la race pure est 1111 mythe aussi bien chez les tribus sauvages que chez les nations civilisées. Un peuple est un composé d'éléments divers de plusieurs provenances oü figure toute 1'histoire du passé: vainqueurs et vaincus de toute époque, maitres et serviteurs, nomades et sédentaires, esclaves des deux sexes. Dans cette confusion cependant, et en vertu de la loi des majorités, les races dominantes se maintiennent plus ou moins dans le temps et peuvent être retracées par la science. C'est un travail laborieux. Par 1'analyse, on détaille sur les masses les caractères qui se répètent et s'associent le plus souvent, quelques-uns plus vigoureusement exprimés. Sur quelques individus, on les retrouve merveilleusement rassemblés et rendus. Ces individus sont rares et sont dits typiques; a leur défaut, 1 esprit les concoit et les voit dans sa pensée. L'ensemble des caractères qu' ils présentent constitue un type: on en rencontre habituellement de deux a trois au plus dans une population, chaque type admis ou démontré comme héréditaire, répondant a une race. La ressemblance d'individus se perpétuant de génération en génération dans une population, a travers les événements de 1'histoire, telle est, en effet, la notion de ') p. 180- 181. Dr. G. Hammer »die Zersetzung der modernen Nationalitaten." Voir pour des chiffres de date plus récente le prof. E. v. 1'hilippovich. »Die Vereinigten Staaten und die europaische Ausvvanderung" (Archiv f. soc. Gesetze. u. Stat. 1893). 6 race. Elle implique 1'idée d'une parente, d'une continuité de sang, d'une filiation qu'on démontre de facons trés diverses, quelquefois, mais non toujours. La race, ainsi que je 1'ai dit, est donc une conception de 1'esprit et non une réalité tangible, dans les conditions présentes et dans toutes celles, que nous connaissons jusqu' aux temps préhistoriques. 1 ous les peuples civilisés, barbares et sauvages, y compris les Esquimaux, les Australiens, les Boshimans qu' on se laisse si volontiers aller a qualifier de races unes, sont formés de plusieurs races juxtaposées, entremêlées ou en voie de fusion. Lorsque cette fusion est trés avancée, que la plupart se ressemblent par leurs traits essentiels et qu' on ne découvre que ca et la des exceptions par atavisme, on dit qu'une race nouvelle s'est produite. Mais cette fusion parfaite est rare, si même elle existe."') 3". Pour les deux raisons susdites il est déja impossible de déterminer jusqu'a quel point la race peut être cause du crime. Supposons cependant qu'il existe une nation composée d une seule ïace absolument pure, supposons encore que les individus qui composent cette race aient des tendances criminelles et nous arrivons a la question: d oü proviennent ces tendances criminelles? Car, en disant „la race est une des causes de la criminalité", on explique aussi peu que le croyant qui 1'attribue a la nature coupablc de 1'homme. II est sur qu'il n'existe point d'organes spéciaux pour le crime chcz 1'homme, de la impossibilite pour que tendance au \ol p.c. soit uuiee. Figurons-nous p.e. une race avec des penchants unies au vol, une ïace dont chaque individu aspire a voler ses semblables, quoiqu il puisse satisfaire légalenient a tous ses besoins! (Dans ce cas le vol ne saurait être considéré comme crime.) Ou bien, supposons une autre race, criminelle dans ce sens, que ses membres cherchent a s entretuer sans y être poussés par des causes extérieures, etc. (IJans ce cas 1 homicide ne saurait être considéré comme crime.) De tels cas ne seraient possibles que si une race entière ne se composait que d individus pathologiques. Une nation, toujours a supposcr une race absolument pure, peut difierer d'une autre en force, en énergie, en intelligence, etc. (question a part a quel point ces qualités ont été acquises par 1'influence du milieu sur les ancêtres),. tout cela est indépendant, comme je 1'ai déja fait remarquer, du crime en particulier. Oue la race soit si souvent nommée comme cause de tel ou tel trait caractéristique d'un pcuple, ne provient que du manque des recherches minutieuses, souvent trés difficiles, sur les conditions dans lesquelles^ ce peuple vit, et de 1'emploi d'une explication commode qui a 1'air d'être fort expressive. Le Dr. Colajanni dit a juste titre: „popoli appartenenti alla stessa razza presentano in un dato momento condizioni morali e intellcctuali diverse-, e popoli appartenenti a razze differenti invece le offrono otnologhe2) . Pour prouver la justesse de ce que je viens de dirs, je veux nnale- ') Voir l'art. cité p. 130— 131 ct aussi Dr. N. Colajanni, sla Sociologia criminale II p. 191 — 196. 2) Soc. Crim. II p. 220. ment fixer 1'attention sur la citation suivante: „Nun aber noch ein sehr merkwürdiges Bcispicl dafür wie bei vollkommener Gleichheit von Klima und Rasse verschiedene Produktionsweisen den gesammten Lebensprozesz in verschiedener Weise bestimmen. Wir entnehmen es einer Schrift des berühmten amerikanischen Reisenden Kennan, der mit seinem hellen Auge und seinem geraden Verstande schon als zwanzigjahriger Bursch den historischen Materialismus in seiner \\ eise auch entdeckt hat, ohne eine Ahnung von Marx oder Engels oder auch nur von seinem Landsmanne Morgan zu haben. Im nördlichen Theile der Halbinsel Kamtschatka, so ziemlich dem unwirthlichsten Theile der bevvohnbaren Erde, hausen die Korjaken, ein aus etwa vierzig patriarchalischen Eamilien bestehender Stamm, der von der Zahmung und Zucht des Rennthiers lebt. Sie sind durch diese Produktionsweise zu einem nomadischen Leben gezwungen. „Eine Herde von vier- oder fïinftausend Rennthieren wühlt in einigen Tagen den Schnee im Umkreise von einer Meile auf und verzehrt alles vorhandene Moos, und dann musz natürlich ein frisches Lager aufgesucht werden. Die Korjaken müssen wandern, wenn ihre Herde nicht Hungers sterben soll, und deren Vernichtung würde die ihrige unvermeidlich folgen." Diese Produktionsweise halt die Korjaken nun aber nicht allein in kindischen religiösen Vorstellungen fest, sondern zwingt sie auch zu barbarischen Gewohnheiten, zur Verleugnung dessen, was Kennan die „starksten Regungen der menschlichen Natur" nennt. Sie tödten alle bejahrten Leute; sie spicszen oder steinigen ihre Kranken, wenn sie keine Hoffnung auf Genesung mehr haben ; mit einer „schaudererregenden Genauigkeit" wissen sie die verschiedenen Arten der Tödtung auseinanderzusetzen. Aber alle Korjaken sehen in einem gewaltsamen Tode durch die Hand ihrer nachsten Angehörigen das natürliche Ende ihres Daseins; keiner will es anders haben. „Die Unfruchtbarkeit des Bodens in Nordost-Siberien und die Strenge des langen Winters veranlaszten den Menschen als einziges Mittel, sich Unterhalt zu schaffen, das Rennthier zu zahmen; die Zahmung des Rennthiers machte das Nomadenleben zur Nothwendigkeit; das Umherziehen liesz Krankheit und Altersschwache sowohl für die davon Betroffenen als auch für ihre Umgebung auszerordentlich lastig erscheinen, und dies fiihrte endlich zum Morde der Alten und Kranken, als einer von Klugheit und Mitleid vorgeschriebenen Maszregei." Und abermals mit Recht hebt Kennan hervor, dasz diese scheuszliche Sitte keineswegs eine angeborene, ursprüngliche Rohheit der Korjaken voraussetze. Sie ist eine Eolge derselben Produktionsweise, die aus den nomadischen Korjaken einen ehrlichen, gastfreundlichen, groszmüthigen, kiihnen, unabhangigen Menschenschlag macht. Die Korjaken behandeln ihre Frauen und Kinder mit groszer Güte; wahrend seines mehr als zweijahrigen Verkehrs mit ihnen sah Kennan nie, dasz eine Frau oder ein Kind geschlagen wurde, und er selbst wurde von ihnen „mit so viel Güte und so groszmüthiger Gastfreundschaft behandelt," wie er nur je in einem zivilisirten Lande von christlichen Bewohnern erfahren hat. Nun haben etwa drei- bis vierhundert Korjaken durch eine Seuche ihre Rennthiere verloren und sind dadurch zu einem ansassigen Leben gezwungen worden. Sie wohnen in Hausern von Treibholz an der Seeküste, treiben Fisch- und Seehundsfang; auch machen sie Jagd auf die Walfischgerippe, von den amerikanischen \\ alfischfangern ihres Specks entblöszt und vom Meer an die Küste getrieben worden sind. Sie stehen im Handeisverkehr mit russischen Bauern und Handlern, mit amerikanischen Walfischfangern. Horen wir nun Kennan darüber, \vie diese veranderte Produktionsweise den ganzen Lebensprozesz der Korjaken verandert hat! Er schreibt: „Die am Penschinagoii ansassigen Korjaken sind unstreitig die schlimmsten, haszlichsten, rohesten und verderbtesten Kingeborenen von ganz Nordost-Sibirien Sie sind grausam und roh von Natur, unverschamt gegen Jedermann, rachsüchtig, unehrlich und unwahr. \ 011 den nomadischen Korjaken sind sie in allem das Gegentheil. Kr führt dann im Kinzelnen diese Veranderungen auf den Handeisverkehr der ansassigen Korjaken zurück und schlieszt: „Ich hege für viele der wandernden Korjaken aufrichtige und herzliche Bewunderung, aber ihre ansassigen Verwandten sincï die schlimmste Menschensorte, die ich in Nordasien von der Behringsstrasze bis zum Uralgebirge kennen gelernt habe." Und doch ware, was Klima und Rasse und alle sonstigen Naturbedingungen anbetriftt, auch mit der scharfsten Lupe nicht die kleinste Spur eines Unterschieds zwischen den ansassigen und den wandertiden Korjaken zu entdecken." !) . . , . . C'est a cause des raisons susnommées que je suis d'opimon que la race ne doit pas être mise au nombre des facteurs du crime. -) Finalement il y a encore a traiter deux groupes de facteurs anthropologiques: la constitntion organique du criminel, comrae p.e. les anomalies du crane, du cerveau etc. et la constitutionpsychique du criminel, comme p.e. les anomalies de 1'intelligence et du sentiment. Je ne parlerai point de la question de savoir si tous les stigmates nommcs par le prof. Ferri sont bien des stigmates spécialement propres aux criminels. (Ce me semble être une terminologie étrange que de nommer p.e. les anomalies des viscères un facteur du crime!). On sait qu'elle est fortement combattue, et, d'après moi, a juste titre. Le tatouage e.a. est aussi bien répandu parmi les marins que parmi les criminels et pour nommer „einen Dritten im Bunde," qui sera peut-être assez étonné de se voir réuni a ces deux compagnons, dans les derniers temps 1 aristocratie anglaise a aussi contracté cette habitude 3). etc. etc. Pour notre sujet il suffit maintenant de constater, qu'il soit prouve que quelques crimes (pas tous, au contraire, la minorité) trouvent leur cause en partie dans des anomalies anthropologiques. P.e., quand quelqu'un, en état „d'aura épileptique," commet un assassinat, sans motif quelcónque; ou quand quelqu'un, qui peut satisfaire légalement a tous ses besoins, s'accapare sans cesse d'une manière illégale des objets inutiles 1) Dr. F. Mehring «Die Lessing-Legende, nebst cinem Anhange über den historischen Materialismus." p. 495-498. Nous dépasserions notre but en accumulant plus de preuves pour la thèse susnommée. Voir le dr. Colajanni: Soc. crim. lip. 224 sqq. 2) Voir aussi sur cette question (outre le chapitre tres intéressant »la Razza" dans »la Sociol. crim." du Dr. Colajanni) le prof. G. Tarde »la Philosophie pénale" chapitre VrI, 1,4, »les influences physiologiques." . . . :i) '>I.e tatouage dans le grand monde." (p. 760 Archives d Anthropologie Cuminelle. 1895). et peu coüteux; etc. etc. On a affaire a de vrais facteurs individuels, car ils sont propres a qnelques individus et non a chaqtte individu ; ce ne sont donc pas des facteurs de tous les actes de 1'homme. Ceux qui montrent de pareilles anomalies peuveut être disposés au crime, (non tous, car il y en a qui sont prédisposés a de grandes actions). Pour faire d'un pareil individu un criminel il faut aussi des causes sociales. II est en effet fort douteux qu'il naisse des individus qui dans tantes les circonstances seraient criminels. Factkurs phvsiques. II est évident que la nature du sol, le climat, en un mot que le milieu physique doit avoir une influence importante sur le mode de production et, par conséquent, sur la structure de la société. ') Que les peuples qui habitent les régions sibériennes, couvertes de neige ne soient pas devenus des agriculteurs; que la Hollande, sans mine de fer ni houillères, ne soit pas devenue un important pays industriel; que par sa situation sur la mer et par les grands fleuves qui la traversent elle soit par contre devenue un pays commercial, tout cela se comprend facilement. Mais ces facteurs physiques sont restés constants ou presque constants durant les périodes historiques, tandis que 1'organisation de la société a subi, et subit encore des altérations trés influentes. On ne peut donc pas expliquer ces altérations au moyen d'un facteur constant. C'est ce que G. Plechanow formule trés distinctement de la manière suivante dans sa „BeitragezurGeschichtedesMaterialismus". „DerCharakter des natürlichen umgebenden Milieus bestimmt den Charakter seiner (c. a. d. de 1'homme) produktiven Thatigkeit, seiner Produktionsmittel.DieProduktionsmittel bestimmen aber die wechselseitigen Beziehungen der Menschen in dem Produktionsprozess ebenso unvermeidlich, wie die Bewaffnung einer Armee ihre ganze Organisation, alle wechselseitigen Beziehungen der Individuen bestimmt, aus denen sie sich zusammensetzt. Nun bestimmen aber die wechselseitigen Beziehungen der Menschen in dem gesellschaftlichen Produktionsprozess die ganze Struktur der Gesellschaft. Der Einfluss des natürlichen Milieus auf diese Struktur ist also unbestreitbar. Der Charakter des natürlichen Milieus bestimmt den des sozialen Milieus. Ein Beispiel: „die Nothwendigkeit, die Perioden der Nilbewegung zu berechnen. schuf die Egyptische Astronomie und mit ihr die Herrschaft der Priesterkaste als Leiterin der Agrikultur." Aber das ist uur die eine Scite der Sache. Noch eine andere muss gleichfalls berücksichtigt werden, will man nicht zu ganz falschen Schlüssen kommen. Die Produktionsverhaltnisse sind die Wirkrtng, die Produktivkrafte die Ursaclie. Aber die Wirkung wird ihrerseits zur Ursache; die Produktionsverhaltnisse werden eine neue Ouelle der Entwicklung der Produktivkrafte. Dies führt zu einem doppelten Resultat. !) II n'est pas exact, selon moi, de ranger aussi parmi ces facteurs »la production agricole," comme le prof. Ferri le fait: car c'est plutöt un des «facteurs sociaux." 1. Die gegenseitige Einwirkung der Produktionsverhaltnisse und Produktivkrafte verursacht eine soziale Bewegung, welche ihre Logik und ihre von dem natürlichen Milieu unabhangige Gesetze hat. Ein Beispiel: Das Privateigenthum ist in der primitiven Phase seiner Entwicklung stets die Frucht der Arbeit des Eigenthümers selbst, wie man dies sehr gut in den russischen Dörfern beobachten kann. Es kommt aber mit Nothwendigkeit eine Zeit, in der es das Gegentheil dessen wird, was es zuvor war: es setzt die Arbeit eines anderen voraus, es wird zuni kapitalistischen Privateigenthum, wie wir dies gleichfalls alle Tage in den russischen Dörfern sehen können. Dies Phanomen ist eine Wirkung der immanenten Gesetze der Evolution des Privateigenthums. Alles, was das natiirliche Milieu in diesem Falie vermag, besteht darin, diese Bewegung durch die Begiinstigung der Entwicklung der P'roduktivkrafte zu besehleunigen. 2. Da die soziale Evolution ihre eigenthümliche, von jedem direkten Einfluss des natürlichen Milieu unabhangige Logik hat, so kann es sich ereignen, dass dasselbe Volk, obschon es dasselbe Land bewohnt und seine physischen Eigenschaften fast dieselben bleiben, in verschiedenen Epochen seiner Geschichte soziale und politische Einrichtungen besitzt, die einander sehr wenig ahnlich, ja ganz verschieden von einander sind." ') ^ Le crime étant un phénomène social, et la sociéte étant influencee, comme nous venons de le voir, par le milieu physique, on pourrait dire que ce milieu est un facteur de la criminalité. Celui qui raisonne ainsi devra accorder que le milieu physique n'est qu'un facteur indirect, donc une cause trés éloignée. II serait aussi juste de dire que 1'invention de la poudre est une des causes de tous les assassinats commis au moyen d'armes a feu. Pourtant je crois qu'en raisonnant ainsi, on oublie que le crime est un phénomène historique, se modifiant d après la condition de la société, et, par conséquent, régi par des lois, qui ne dépendent pas du milieu physique. En d'autres termes, ce milieu est cause qu'un peuple pourvoit a ses besoins en travaillant le matériel que la nature lui a fourni; mais la manière dont ce travail est fait est indépendante de ce milieu. Et c'est de cette manière de travailler que dépend la criminalité. Un exemple, emprunté a la pratique, éclaircira ce que je viens de dire. _ . Par la nature du sol en Sicile, il est possible d y exploiter des soufrières. La criminalité de la Sicile est trés grande, surtout dans les parties oü 1'on trouve ces mines, et on y coramet particulièrement beaucoup d'assassinats. On serait donc disposé a croire, a tort selon moi, qu ici des facteurs physiques sont mis en jeu :1a nature du sol est cause de 1'exploitation des mines; cependant la criminalité dépend entièrement de la manière dont 1'exploitation est faite, et celle-ci n'a ft son tour rien affaire a\oc le milieu physique. In conereto: ces mines sont exploitées de la fnarnere capitaliste, c. ft. d. dans le but d' en tirer autant de profit que possible, ce qui fait que les ouvriers sont incultes, démoralisés et dégénérés par 1111 travail excessivement dur, dans une atmosphère i) p. 199—201. malsaine, et peu rétribué. De la donc le chiffre plus élevé de la criminalité. ') Supposons que le travail dans ces contrées profite non a quelquesuns, mais a tous, que les mineurs n'aient pas a travailler des heures d'arrache-pied, qu'ils vivent avec les leurs dans des conditions suffisantes, qu'ils soient bien instruits et civilisés et il est clair que le chiffre de la criminalité serait beaucoup plus bas ou presque nul. 2) La plupart des auteurs qui se sont occupés de 1'influence des facteurs physiques, n'ont observé que 1'influence directe de ces facteurs sur 1'homme. Plusieurs d'entre eux n'ont pas fait attention a 1'importance qu'ils peuvent avoir sur le caractère de la société, et ils n'ont pas mis en ligne de compte que celle-ci se développe selon des lois indépendantes du milieu physique. II est évident que cette omision se venge. On a attribué a 1'influence directe des phénomènes, qui ne s'y rapportent point du tout. C'est un fait assez généralement reconnu par exemple que le nombre des crimes violents est beaucoup plus élevé dans les pays méridionaux que dans les pays septentrionaux. On donne alors comme cause ce cjui est a première portée, c. a. d. la différence du cljmat. Mais on omet que la phase du développement social est toute différente pour les pays du MiHT que pour ceux du Nord, et que cette différence explique celle de la criminalité contre la personne. A ce sujet le prof. Tarde dit: „Une statistique faite a des époques oü, la civilisation n'ayant pas encore passé du Midi au Nord, le Nord était plus barbare, eüt certainement montré que les crimes de sang étaient plus nombreux dans les climats septentrionaux, oü maintenant ils sont plus rares, et provoqué les Quetelets d'alors a formuler une loi précisément inverse de la loi ci-dessus. (C'est-a-dire la loi de 1'influence du climat.) Par exemple, si 1'on divise 1'Italie actuelle en trois zones, Lombardie, Italië centrale, Midi, on trouve que dans la première il y a par an sur 100.000 habitants trois homicides, dans la seconde prés de dix, dans la troisième plus de seize. Mais n'estimera-t-on pas probable qu'aux beaux jours de la Grande-Grèce, quand florissaient Crotone et Sybaris, au Sud de la péninsule toute peuplée de brigands et de barbares dans le Nord, a 1'exception des seuls Etrusques, la proportion des crimes sanglants aurait pu être renversée? Actuellement, il y a en Italië, a chiffre égal de population, seize fois plus d'homicides qu'en Angleterre, neuf fois plus qu'en Belgique, cinq fois plus qu'en France. Mais on peut bien jurer que, 1) Voir a ce sujet A. Niceforo: «Criminalita e condizioni economiche in Sicilia" (Rivista scientifica del diritto 1897) et le Dr. N. Colajanni: »L'homicide en Italië" (Revue Socialiste, Juillet 1901). Ce dernier dit e. a: »Le maximum (des homicides) est fourni par ceux qui sont employés dans les travaux souterrains, dans les mines et dont 1'instruction est trés faible ou k peu prés nulle. Ce dernier résultat, qui est comraun a 1'Italie entiére, m'est confirmé pour la Sicile par des recherches personnelles; et c'est il 1'influence de ce plus fort coëfficiënt de mineurs qu' est due la proportion trés élevée des homicides dans les provinces de Girgenti et de la Caltanissetta, oü les travailleurs des mines de soufre sont astreints a une vie absolument bestiale et sont presque tous illettrés." (p. 50). 2) Voir sur 1'influence des facteurs physiques comme facteurs constants: P. Lafargue. »I)er wirtschaftli' he Materialismus" p. 32. K. Kautsky. »Die materialistische Geschichtsauffassung und der psychologische Antrieb." (Neue Xeit 1895- 96 II p. 655). Le I)r. N. Colajanni. »Sociologia Criminale" II p. 421 sqq. Voir aussi la citation, se trouvant quelques pages plus haut, empruntée k la «Lessing-Legende" du Dr. F. Mehring. sous 1'empire romain, il en était autrement, et que les sauvages Bretons, les Beiges mêmes et les Gaulois 1'emportaient en férocité habituelle de moeurs, en bravour et en fureur vindicative, sur les Romains amollis. D'après Summer Maine, la littérature Scandinave démontre que 1'homicide, aux époques de barbarie, était „un accident journalier chcz ces peuples du Nord, précisément les plus doux a présent et les plus inoffensifs de toute 1'Europe. ') La Corse aujourd'hui, comparée a la France, présente un chitfre exceptionnel d'homicides causés par la vendetta, et, en revanche, un minimum de vols. Mais sept ou huit cents ans avant 1 ère chrétienne, quand 1'Etrurie, après Carthage, apporta ses arts industriels et agricoles a cette ile, pendant que la Gaule était encore plongée dans la barbarie, il est a croire que le chiffre Continental des crimes inspirés par la vengeance, passion dominante des barbares, n était pas inférieur au chiffre insulaire." 2) II est évident que, par ce qui précède, je n'ai pas voulu nier 1 ïnfluence directe du milieu physique sur 1'homme. •') Du reste, c est un fait, que tout le monde a observé. D'après beaucoup de gens donc, nombre de recherches scientifiques sur ce sujet ont démontré, qu une ciiminalité importante contre la personne découle d une température chaude, et qu'une température bassc amène par contre beaucoup de crimes contie la propriété. Cela veut donc dire que non seulement le genre de criminalité dans les pays chauds est différente de celle des pays froids, mais aussi que le changement des saisons et les variations de température qui en résultent amènent les suites susnommées. Je ne veux pas fatiguer le lecteur en citant des exemples a 1'infini, pour prouver que les exceptions a cette règle sont tiès nombreuses. On ne trouve pas un plus grand nombre de crimes contre la personne et un plus petit chiffre de crimes contre la propriété a chaque degré plus prés de 1'équateur. Si c'était le cas, 1'improbité serait inconnue a 1'équateur et tout le monde devrait y être violent. II y a des pays qui, bien que se trouvant au même degré de latitude, offrent des images de criminalité tout différentes, comme il y en a d autres, qui produisent le même nombre de crimes quoiqu'ils soient trés éloignés 1 un de 1'autre4), etc. etc. Les adhérents de la théorie du „milieu physique" expliquent ces exceptions en disant qu'elles sont causées par le „milieu 1) En Espagne, même contraste. Les provinces du Nord y donnent une moyenne de crimes, surtout de crimes contre les personnes, inférieure ;\ celle des provinces du Midi. Au temps de la domination arabe, pense-t-on qu il en etait de meme. et croit-on qu'alors, comme aujourd'hui, 1'ensemble de la criminalité violente, dans cette péninsule, était quatre fois plus élevé qu'en France? (Note de Tarde). 2) «Criminalité comparée." p. 153 — 154- . , ... 3) Je veux fixer 1'attention sur la circonstance que 1'influence directe du milieu physique diminue successivement. Car le pouvoir de 1'homme sur la nature augmente toujours, ce qui fait que les influences défavorables du milieu physique peuvent etre limitées. . _ . , ■i) C'est surtout le Dr. N. Colajanni qui, dans sa »Sociologia criminale 11 a citc un grand nombre dexemples de ce genre. Voir les chapitres VII, VIII, IX. Yoir aussi ses »Oscillations thermométriques et délits contre les personnes (Archives d anthr. crim. 1886>. Prof. li. Földes donne dans son article «Einige Ergebnisse der neueren Kriminalstatistik" (Zeitsrhr. I". d. ges. Strafrechtswissenschaft XI p. 544), "n exemple trés frappant. social." En cela ils reconnaissent donc que celui-ci peut entièrement altérer, même anéantir 1'influence de celui-la. Nous nous occuperons plutót des differents genres de crime et rechercherons 1'influence que le milieu physique y exerce. ^ En premier lieu 1'assertion que le froid fait augmenter le nombre de crimes contre la propriété. Inutile d'en parler longueinent; car presque tous les auteurs sont d'accord qu'ici ce ne sont pas des causes physiques mais des causes économiques qui sont mises en jeu. Le froid augmente les besoins de 1'homme: il lui faut des vêtements plus chauds et un logis bien chauffé. Mais il est clair que tout cela n'est pas un motif pour voler. Car celui qui est aisé se procure par ses propres moyens, les objets dont il a besoin. C'est 1'organisation sociale actuelle qui pendant la saison rigoureuse, ne permet pas aux gens de se pourvoir a des besoins plus nombreux alors, car l^ocaasion de travail.ler manque plus en hiver qu'en été. Si les crimes contre les personnes croissent quand la température monte cela s'explique en partie, d'une manière négative, par ce qui précède. Quand on souffre de la faim et qu'on est sans abri il n'y a qu'une seule nécessité qui se fasse le plus sentir: celle d'apaiser sa faim et de se trouver a couvert. Tous les autres besoins, comme le besoin sexuel, sont alors réduits au silence. Mais aussitót que le printemps arrivé et qu'on trouve par conséquent plus facilement 1'occasion de gagner quelque chose, que les besoins les plus pressants peuvent donc être plus vite satisfaits, les autres se font de nouveau valoir avec plus de force. Le prof. Ferri est d'opinion que 1'influence directe de la température est la suivante: „Die Frequenzzunahme der Gewaltthaten gegen die Personen, die bei höheren Warme-graden beobachtet wird, diirfte iiberwiegend von der direkten physiologischen Einwirkung der Hitze auf den menschlichen Organismus abhangen: davon namlich, dasz dabei der Stofifverbrauch zur Produktion der tierischen Warme abnimmt und deshalb ein zu anderen Zwecken verwertbarer Krafttiberschusz aufgespeichert wird, dieser aber, im Verein mit der gesteigerten Gemütserregbarkeit, leichter zu jener verbrecherischen Thatigkeit ausarten kann, die sich durch Gewaltthaten gegen die Personen aüszert. Zu dieser physiologischen Wirkung der Hitze gesellt sich zwar unter den die Mehrzahl der Bevölkerung bildenden armeren Standen die leichtere und reichlichere Beschaffung der Nahrung, doch ist dieses soziale Moment hier von geringeren Belange als der direkte biologische Einflusz." ') On s'étonnera de la première expücation que le prof. Ferri donne, car chacun sent par soi-même que la chaleur a une autre influence que la susdite. Le fait que pendant la chaleur la consonmiation de matière est moins grande que durant le froid ne peut pas être considéré comme le point le plus important de la question de la criminalité. La chaleur énerve 1'homme, ammollit 1'organisme et est cause que-T'Romme agit le moins possible. Elle devrait donc avoir »I )as Verbrechen in seiner Abhilngigkcit von dem jilhrlichcn Temperatur ■ wechsel," (Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. II p. 13) comme effct tout juste 1'opposé d'une sensibilité plus grande („gesteigerten Gemütserregbarkeit"). ') Plus d'une fois déja j'ai eu 1'occasion d'indiquer, qu'il est injuste de croire qu'une nutrition améliorée en été des classes pauvres puisse être une cause de la plus grande criminalité pendant cette saison. Si c'était le cas, les gens qui se nourrissent bien durant toutes les saisons, devraient fournir le plus grand contingent de criminels violents. Or, on sait que c'est justement le contraire. D'après moi il ne faut chercher 1'explication du fait constaté que dans la circonstance qu'en été les rapports entre les hommes sont plus nombreux, d'oü il résulte qu'il y a plus d'occasion de mal faire.2) Mais ceci en soi ne peut naturellement pas expliquer 1'accroissement des crimes. Les stations balnéaires, oü la bourgeoisie essaie de fuir les influences énervantes de la chaleur, ne sont point des lieux oü les crimes contre les personnes se présentent en abondance. Pourtant la concentration de beaucoup de personnes sur une petite superficie y est trés grande. Le degré de civilisation des individus détermine le plus ou moins de facilité avec laquelle naissent les rixes. Et cc qui prouve que cc degré n'a pas besoin d'être bien élevé c'est que les actes de violencc sont trés rares parmi les bourgeois, dont une grande partie ne possèdc qu'un semblant de civilisation. v L'augmentation des crimes sexuels aux saisons chaudes, s'explique en partie par la plus grande facilité de grendre les auteurs qui agissent alors plus en plein air. Sans compter ceia, il parait que les penchants sexuels se renforcent un peu par la chaleur, ce qui fait que les actes sexuels augmentent. Mais cela ne veut pas dire que les actes soient pour cela criminels. Ceci dépend, tout comme pour les facteurs anthropologiques, du milieu social. 3) Je déduis de tout ce qui précède que les facteurs physiques ne ') Voir la »Soc. crim." II p. 427 sqq. du Dr. N. Colajanni, qui démontre par des oitations de différents auteurs, l'inexactitude de la thèse du prof. Ferri. II dit: e. a. ..SuH'azione Jisiologica del caldo, la parolo autorevole credo che puö venirci dai medici. L'hanno data da gran tempo per constatare che i climi caldi e le stagioni calde snervano e indeboliscono. Di consequenza le passioni allora si deprimono;...' (p. 427). Voir pour la même opinion : le prof.Tarde. «Philosophie pénale" p. 303.Quetelet. «l'hysique sociale" II p. 288. le doet. Colajanni oSoc. Crim.' II. p. 43' sil- s) En dehors des auteurs cités voir pour 1'influence des facteurs physiques: le Dr. Mischler «Hauptergebnissein moralischer Hinsicht." (Handbuch des Gefangniswesens II, p. 485). Prof. Fr. von Liszt. »Die sozialpolitische Auffassung des Verbrechens" (Sozial-politisches Centralblatt 1892I. Celui-ci y donne 1'excellent passage suivant stil 1'influence du milieu physique: »Im Gegensatze zu Montesquieu, zu Quetelet und gar manchem neueren Schriftsteller, glauben wir nicht mehr an eine durch Klima und Bodenbeschaffenheit bestimmte fauna oder flora criminalis; wir glauben nicht dass durch die Zahl der Breitengrade die Zahl und die Art der Verbrechen unmittelbar bestimmt werde. Ob im Lande die Weinrebe gedeiht oder Kartoffelschnaps gebrannt wil d ; ob schiffbare Ströme und sichere Hafen den Austausch der Menschen, Güter, Gedanken und Laster befördern, oder unwirthliche Gebirgszüge, ausgedehnte VV üste oder Waldei ein ansteckungsfreies (iebiet schaffen, wird freilich auch für die Kriminalitat nicht ohnc Bedeutung bleiben. Aber dass der Einfluss des Klim.1 s und der Bodenbeschaffenheit ein mittelbarer ist, vermittelt durch die gesellschaftlichen \ erhaltnisse unterliegt uns keinem Zweifel. Will man uns lehren, dass die Temperatur an sich »den Hang zum Verbrechen" bestimme, so lehnen wir diese Belehrung dankend ab. Es ist richtig dass in kalten Wintern mehr Holz gestolilen wird als im Sommer; doivent pas être rangés dans 1'étiologie du crime. Ils ont leur influence sur rhomme; mais il dépend des circonstances sociales que cette influence prenne une direction criminelle, oui ou non. Facteurs Sociaux. Enfin il me reste a traiter les facteurs sociaux, mais puisque je le ferai dans la deuxième partie de eet ouvrage, il me semble superflu d'en donner ici un exposé eritique. La succession des facteurs comme le prof. Ferri la donne n'est pas juste, a mon avis. Parmi les autres facteurs sociaux il nomme aussi les facteurs économiques; ceux-ci auraient dü précéder car en les expliquant exactement les facteurs sociaux en découlent logiquement. Les conditions économiques sont la base sur laquelle s'appuie tout 1'édifice social. Avant de reprendre notre analyse de „Socialismo e Criminalita", je tiens a faire remarquer que cette distinction en trois groupes de facteurs vise exclusivement 1'individu criminel et perd ainsi de vue la question, (conséquence de la réaction outrée contre 1'ancienne école pénale) pourquoi une telle action, dans un lieu quelconque, a une époque quelconque, est criminelle ou non ? Une pareille recherche démontrerait qu'il ne s'agit en ceci que de facteurs sociaux. — Reprenons 1'exposé du chapitre I „La genesi sociale e individuale del delitto" de „Socialismo e criminalita". Turati, dans son „II Delitto e la Questione sociale" a fait les objections suivantes aux thèses du prof. Ferri. Le prof. Ferri distingue cinq catégories de criminels, savoir: criminelsfous, criminels-nés incorrigibles, criminels habituels, criminels par passion et criminels d'occasion. Dans les deux premières catégories les facteurs individuels jouent un röle trés important; cependant, d'après les recherches du prof. Ferri, ces deux groupes ne comptent a eux deux que 20 a 25 °/„ de la totalité des criminels, et déduction faite des fous, il ne reste que 10 °/0. Puisque les criminels ne forment que la minorité de la population, et que les facteurs physiques n'ont sur elle qu'une influence minime, il en résulte que ces facteurs influencent plutót la forme que la cause du crime. Les trois facteurs agissent presque toujours a la fois. II est donc clair que les deux autres facteurs seuls ne seront pas assez puissants pour donner naissance au crime, du moment que le facteur social sera éliminé, comme il a été prouvé par la colonie socialiste de New-Lanark qui fut durant quatre ans d'une moralité exemplaire. Puis, si 1'on ne aber es bedarf keines Nachweises, dass die Kalte nur mittelbar wirkt, und nicht die tiefste Temperatur des Jahres, sondern die gleichmassige Kalte mehrerer Wochen und Monate den Ausschlag giebt. Dass im \vunderschönen Monat Mai alle Knospen springen, das haben wir gewusst lang' ehe es ein Kriminalstatistik gab; und dass der Höhepunkt der Sittlichkeitsdelikte im Sommer und nicht im Winter zu suchen sei, konnte uns nicht überrasschen. Aber darum glauben wir doch nicht, dass, uie gar manche Kriminalisten der Gegenwart annehmen, die Hitze, die sonst erschlaffend wirkt, den sexuellen Trieb zum Siedepunkt erhitze; sonst ware es ja auch nicht zu erkliiren, dass gerade im Juni und nicht im Juli oder August luiben und driiben vom Rhein die meisten Unzuchtsdelikte begangen werden", (p. 4). compte pas les crimes qui sont la conséquence, soit de la vie vicieuse actuelle, soit de la condition économique anormale, les auteurs des grands crimes (excepté les crimes techniques ou professionnels) sont moins nombreux dans les classes aisées que dans les classes inférieui es, oü les éléments anthropologiques sont en grande partie identiques. Et si les différentes classes présentent entre elles des différences anthropologiques, ce n'est pas par le fait que ces différences seraient innéesaux individus puisqu'ils appartiennent aux classes inférieures, mais bien paree qu'elles sont produites et entretenues par la misère, la mauvaise éducation, etc. Les vraies causes du crime sont par conséquent les conditions sociales, en dernière instance les conditions economiques. L'argumentatien du prof. Ferri contre ce qui précède peut se résumer de la manière suivante: N'aura-t-on point d'ambiant social dans un état socialiste r Ou bien, eet ambiant y sera-t-il si parfait que le germe du plus petit facteur social du crime ne s'y présente pas? Supposons la misère supprimee la jalousie disparaitra-t-elle alors en même temps ? Supposons le manage légal aboli est-ce que cela pourra empêcher que les facteurs individuels et* physiques puissent pousser un homme laid a violer ou a assassiner une belle femme, paree que celle-ci refuse de 1'épouser? On objectera peut-être qu'en ce cas eet homme n'est pas un criminel d'habitude ou d'occasion, mais un criminel-né, ou un criminel-fou, ou qu'il a commis 1'acte par passion. A la bonne heure; mais alors dans 1'état futur, nous serons cncore bien éloignés d'un paradis terrestre. Turati commit les erreurs suivantes dans son argumentation : 1°. il met de cöté les criminels-fous; a tort, d'après le prof. I'erri, car, quoique fous, ce sont des criminels. 2". ce pourcentage des criminels-nés et des criminels-fous monte jusqu' a 20, ce qui est un trés grand nombre sur les 60.000 détenus. 3°. Ie prof. Ferri prétend qu'il est inexact de dire que les autres causes sont réduites a zéro, du moment que les facteurs sociaux du crime sont supprimés. Car, même chez les criminels d'occasion, 011 le milieu joue un role trés important, un facteur individuel doit se faire valoir, sinon 1'individu ne serait pas devenu criminel. Le prof. Ferri demande par contre: Comment se fait-il que, sur 100 ouvriers, vivant tous dans un même milieu, il n y en ait que trés peu qui tombent dans le crime ? Cela ne peut s'expliquer qu'en admettant des causes individuelies et physiques. Quand les socialistes disent que ces différences individuelles sont innées par suite de la misère oü les ancêtres ont vécu durant des milliers d'années, 1'auteur admet ce rai^sonnement en grande partie, mais croit néanmoins avoir raison en prétendant que ces qualités sont innées a quelques individus du temps présent. Le fait que la moralité fut trés grande durant 4 ans en New-Lanark fait dire a 1'auteur: i°. qu'il aurait bien voulu se convaincre de ses propres yeux, surtout paree qu'il avait lu que dans cette colonie „Si conservo 1'abitudine di festeggiare la vigilia di Natale con eccessivc libazioni. 2°.t'Squ'il sait qu'on avait pourtant commis des crimes dans une colonie communiste d'alors; de plus n'oublions pas quelesdifticultés augmentent dans une grande ville. Le chapitre suivant est intitulé: „Benessere e criminalita". A 1'assertion non-prouvée des socialistes que les mauvaises conditions économiques sont la cause principale sinon unique du crime, 1'auteur opposera des faits pour prouver que leur thèse est en grande partie inexacte. Dans ce but il divise les crimes en trois groupes : i° crimes contre la propriété, 2° crimes contre la personne ou délits de sang et 3° crimes contre les moeurs. En dehors de ces trois catégories il y a encore beaucoup de crimes qui n'ont, ni directement ni indirectement, aucun rapport avec les mauvaises conditions économiques; p. e. les crimes contre 1'honneur, injures ou abus de pouvoir. — D'abord donc les crimes contre la propriété. L'auteur reconnait que la ■ plupart de ces crimes trouvent leur cause dans les mauvaises conditions économiques. Mais on exagère, dit-il, en disant que tous ces crimes en résultent. Ou'on ne pense qu' aux crimes contre la propriété par vengeance. Cependant dans une société communiste il faut aussi qu'il y ait des cas de vol, sans compter encore les cas de kleptomanie et d'aliénation. Car les articles de consommation rostent la propriété privée. Et pourquoi 11e volerait-t-on pas son concitoyen par jalousie ? Ou n'est-il pas probable que quelqu'un préfère prendre a son voisin un objet dont il a besoin que de faire une course de quelques kilomètres, afin de le chercher dans le magasin central? Mais admettons que les mauvaises conditions économiques de 1'époque soient causes des crimes contre la propriété, il reste a trouver les causes des crimes des autres groupes. Tout en reconnaissant que les conditions économiques occupent une place dans 1'étiologie de ces derniers crimes comme p.e. assassinat par cupidité, l'auteur ne croit pas, qu'on puisse en faire la règle générale. Quand les socialistes objectent que 1'homme futur sera moralement amélioré, le prof. Eerri est d'opinion qu'en ce moment-ci nous n'avons affaire qu'aux hommes d'aujourd'hui et non pas aux hommes futurs. „L'étude de la criminalité en France durant les années 1825/80" a fait voir un accroissement extraordinaire de crimes contre la personne et contre les mceurs pendant les années 1848/52. Un examen minutieux a démontré a l'auteur qu'il était dii a la grande augmentation de la consommation de viande et de vin, tous les deux en ces temps trés bon marché, et aussi a la hausse des salaires. Le résultat de 1'amélioration des conditions économiques fut donc une augmentation des crimes nommés. Le prof. Ferri en trouve une autre preuve dans le tableau suivant: NOMBRE DES ACCUSÉS PAR 100.000 HABITANTS DE CHAQUE CLASSE (FRANCE.) CRIMES. Classe agricole. Classe manufacturière. Arts et métiers. | Autres professions. Sans profession, vagabonds, etc. Vols qualifiés. j 6,6 12,9 18,1 11,1 j 136,3 Faux. 0,7 1,3 1 2,1 3,4 8,3 Incendie dc maisons habitécs. j 0.4 0,4 ! 0,5 0,3 j 5'2 Infanticide. 0,4 0,3 0,4 0,4 4,1 Coups et blessures graves. ! 1,0 1,2 ! 1,8 J 0,8 j 2,7 Homicide. 0,5 0,4 0,6 0,5 2,4 Assassinat. 0,9 0,7 i,i 0,9 j 5>8 Crimes contre les moeurs avec violence. j 0,4 0,7 1,0 0,4 1 1,9 Attcntats a la pudeur des enfants. 0,7 1,4 2,1 1,1 5.5 Moyenne de tous les crimes. 13,9 23,0 32,5 22,4 193,0 II rcsulte de ce tableau en exceptant les vagabonds, que la classe agricole, dont les membres sont des personnes de moindre aisance, fournit un chiffre proportionnellement plus bas que les autres classes, et que 1'assertion des socialistes que ceux qui viennent s'asseoir sur le banc des accusés sont presque tous des prolétaires, est inexacte. — Je ne discuterai pas la question même, c. a. d. si ce sont les prolétaires qui fournissent un contingent proportionnellement plus élevé de criminels que les autres classes. Les arguments du prof. Ferri ne me semblent pas trés forts: „classe agricole" p. e. est une distinction trop vague. Quelle énorme difference entre le riche fermier et le pauvre journalier, qui ne gagne que quelques francs par semaine! 1'ourtant 1'un et 1'autre appartiennent au premier groupe. — En examinant le cours de la criminalité en France durant la période 1826/80, on voit une augmentation importante des délits contre la propriété, les moeurs et la personne, tandis que les conditions économiques se sont améliorées durant ces années, même pour les prolétaires. A quelle cause pcut-on attribuer cette augmentation? II est impossible de 1'attribuer a une répression relachée dc la justice et de la policc. Au contraire; car 1'activité de celles-ci a alors été plus grande. Du reste, la oü il est évident qu'il y a des causes si fortes du crime, ce serait une folie de croire qu' une plus grande sévérité des peines mène a une diminution de la criminalité. C'est pour cela que 1'école, a laquelle 1'auteur appartient, n'insiste pas sur 1'aggravation des peines, mais bien sur 1'élimination des causes. De la la doctrine des „substitutifs penaux." La vraic cause est la suivante: Plus la nutrition de 1'hommc est abondante, plus ses forces organiques se développent; donc il y a une plus grande activité qui s'exprime par un plus grand nombre d'actes honnêtes (travail) mais qui peut s'exprimer aussi par un plus grand nombre d'actes illicites. Et puis, il ne faut pas perdre de vue, surtout pour ce qui concerne les crimes contre les mceurs, 1'existence d'une loi biologique et d'une loi sociologique, c. a. d. i°. que la force générative des animaux et de 1'homme croit en proportion de 1'abondance de la facilité de nutrition; 2°. que, par un développement continuel de prévoyance, les nations qui suivent lc conseil de Malthus, donnent de plus en plus un démenti a la loi par lui formulée, puisque chez cux la population montre une tendance a s'accroitre moins rapide que les moyens d'existence, et presque en raison inverse de 1'aisance. Voila pourquoi la criminalité augmente en France, 011 le système de prévoyance est trés développé et oü la population jouit d'une meilleure nutrition qu'autrefois. Le prof. Ferri est d'opinion qu'on peut, d'après les faits observés, arrêter les régies suivantes: i°. la criminalité prend des proportions plus grandes, mais elle diminue de violence; 2°. la disette fait augmenter les crimes contre la propriété, et diminuer ceux contre la personne, tandis que 1'abondance a un effet opposé; 3°. la civilisation fait diminuer le nombre d'homicides, mais augmenter les suicides; 4". un développement dc prévoyance de naissances empêche 1111 accroissement excessif de la population et par la du paupérisme, mais augmente le chiffre des crimes contre les moeurs. Turati a fait les objections suivantes a ces thèses: En premier lieu : dans les pays civilisés les crimes contre la personne sont beaucoup moins nombreux, que les crimes contre la propriété et justement en proportion du degré de la civilisation. Pourquoi ne seraitil pas vraisemblable qu'a la fin 1'influence criminogene de la nutrition disparaisse par suite de la loi, d'après laquclle les crimes augmentent en nombre mais diminuent en grossièreté et en intensité? En outre, il est douteux que cette influence soit si forte. La vraie cause n'est pas la bonne nutrition mais le frein malthusien, et c'est ce dernier qui, justement dans le prolétariat, mène au crime, puisque dans cette classe la prostitution ne peut pas fonctionner cumme soupape dc süreté; et les mauvaises conditions économiques sont la cause du „moral restraint." Le prof. Ferri reconnait qu'il y a une vórité partielle dans ce raisonnement, mais fait encore les objections suivantes: que les délits de sang, qui sont plus nombreux que les crimes contre les mceurs, n'ont pourtant aucun rapport avec le frein malthusien; que, pour ce qui concerne les crimes contre les moeurs, il n'est pas exact de dire que ce ne sont que les prolétaires qui y soient poussés par des causes économiques; que ce sont au contraire les prolétaires qui se multiplient le plus, que ce sont les classes plus aisées qui ne veulent pas avoir un grand nombre d'enfants; et que les facteurs individuels et biologiques (la nutrition améliorée) resteront toujours et mèneront a des crimes contre les per- sonnes, mcme en admettant que la cause susnomniée des crimes sexuels disparaisse. Dans les chapitres suivants 1 'auteur traitera 1 assertion de Turati que 1'amélioration de 1'éducation et le nouvel „ambiant social amèneront un changement. — La critique sur le chapitre dont je viens de parler se resumé de la manière suivante: Comme tant d'autres auteurs le prof. Ferri prend 1'expression „conditions économiques" dans un sens trés limité. II n'y comprend que les influences directes, et de cette facon il est trés facile de prouver qu'elles n'expliquent qu'en partie la criminalité. (Turati donne par sa brochure en quelque sorte lieu a cette interprétation. Car, en examinant les causes, il appuie fortement sur les conditions misérables du prolétariat, tandis qu il s arrête trop peu au mode de production actuel qui mène aussi beaucoup de membres de la classe possédante au crime). Mais cette interprétation est trés incomplète, puisque toute la vie sociale est influencée par les conditions économiques. En constatant donc, comme beaucoup d autres auteurs, qu'une amélioration de la position économique des ouvriers est bien accompagnée d'une diminution de crimes contre la propriété, mais en même temps d'un accroissement de ceux contre les mceurs et contre la personne, le prof. Ferri oublie non seulement que le manque d éducation les mène a des crimes de violence, mais aussi que dans la société actuelle la possibilité de satisfaire a des appétits sexuels dépend de la position sociale de 1'individu. L'argument contre les thèses de Turati „que le Malthusianisme est appliqué surtout par les gens de certaine aisance" n'est pas d'un heureux choix pour celui qui veut prouver que les conditions économiques ne sont pas d'une influence importante. Car les causes en sont justement la difficulté de pouvoir procurer une bonne position a beaucoup d'enfants et, pour ce qui concerne surtout 1 agriculture, le désir d'éviter une trop nombreuse division du sol après le décès; ce sont donc de pures causes économiques. — „Educazione e crimitialita" forment le sujet du troisième chapitre. Le cerveau de 1'homme est un mécanisme organique, pareil en ceci a une machine inorganique -— en exceptant les différences nombreuses qu'il est soumis a la grande loi de 1'épargne de force, qui se manifeste e. a. par celle de 1'inertie. De la que 1'homme, de tout temps, a eu le penchant irrésistible de se servir d'un principe général lui servant de base sur laquelle s'élèvent ses constructions logiques. Sans cela il serait forcé de toujours recomposer ses constructions depuis le commencement, ce qui entrainerait le gaspillage d'une trop grande quantité d énergie cérébrale. Opposée a cette loi il y en a une autre qui nous apprend que la vie est impossible dans un repos absolu, mais qu elle exige un changement permanent des matériaux organiques et fisio-psychiques. De la que les vérités éternelles et absolues changent dans differentes périodes, et qu'elles semblent seulement être plus stables que les vérités secondaires, qui sont plus sujettes a la mode. lJar exemple la regie que les fruits d une forêt appartiennent a celui qui les trouve et les prend pour se nourrir, regie innée chez 1'homme aussi bien que chez 1'animal, doit son origine a la nécessité de vivre, et elle restera toujours, donc aussi dans une société communiste. ') D'après 1'auteur il y a donc des vérités qui sont plus générales et presque inaltérables, mais il y en a d'autres qui, générales aussi, mais plus secondaires, ne se maintiennent que durant quelques générations, et a la fin se modifient. Telles p. e. les vues concernant la vie humaine, formulées par les grands penseurs, puis acceptées par la majorité, et et a la fin supplantées par d'autres vérités. Voila pourquoi la science fait des progrès par des dogmes. C'est la science moderne qui a fait le grand pas en reconnaissant que ces dogmes sont relatifs et altérables. Contre ce raisonnement on peut alléguer deux objections. D'abord que Spencer a donné le nom d'hypothèse a sa doctrine de 1'évolution, tandis que le prof. Ferri la nomme dogme. L'auteur par contre croit que ses opinions ainsi que celles de Spencer se ressemblent exactement. Car lui nomme la doctrine en question un dogme relatif, altérable, et Spencer (Darwin aussi) en dit: ce que je donne est une hypothese; mais tant qu'il n'y en a pas de meilleure, qui explique un plus grand nombre de faits, j'ai le droit de la considérer comme 1'image de la réalité connaissable, jusqn' a ce que le contraire soit prouvé. En second lieu on peut demander: „Est-ce que 1'homme oscillera donc toujours entre la vérité et 1'erreur; ne connaitra-t-il jamais une vérité absolue et éternelle?" Selon le prof. Ferri la réponse a cette question n'est pas difficile. L'origine aussi bien que le but de la foi est 1'effort de donner aux hommes 1111 appui relativement stable, qu'ils ne peuvent trouver autre part. Toute discussion avec les adhé'rents d'une opinion théologique est exclue; et les autres, ne doivent-ils pas reconnaïtre que la vie de la pensée humaine est justement la preuve constante de la modification continuelle des vérités soi-disantes éternelles, modification qui est plus soudaine pour les vérités secondaires que pour celles enracinées dans les conditions vitales humaines et animales? Après cette introduction l'auteur entame lc sujet même. Au commencement du 19c siècle règnait le dogme que /'enseignement était la panacée contre tous les crimes. Plus tard beaucoup de publicistes, parmi lesquels aussi les socialistes, ont défendu 1'opinion que le vrai remède contre la criminalité était Védneation. De même que la première thèse n'était pas exacte, le prof. Ferri démontrera que la deuxième ne 1'est pas non plus. La question est celle-ci: 1'éducation peut-elle conduire 1'homme au bien ou au mal; et, si elle le peut, jusqu, a quel point le peut-elle? Les pédagogues scientifiques n'ont pas traité cette question, au su de l'auteur. Sans fournir de preuves les socialistes admettent que 1'éducation peut modifier les hommes sous beaucoup de rapports. Owen p. e. dit: „chaque enfant peut être élevé de manière a 11'avoir !) — Tout en laissant hors de considération si 1'on pourrait trouver des exemplcs a 1'appui de cette thèse, il me semble que le choix de cette règle, n'est pas trés heureux, puisque, même dans la société actuelle, elle n'est plus en vigueur. Les fruits d'une forêt n'appartiennent pas au trouveur, mais au propriétaire de la forèt; et dans une société communiste ils n'appartiendront probablement pas non plus au trouveur, mais bien a la communauté. — dans sa vie future que de bonnes habitudes ou de mauvaises, ou un mélange des deux selon son éducation." II faut distinguer trois genres d'éducation: la physique, 1'intellectuelle et la morale. D'abord une observation générale appliquable a tous les genres d'éducation. D'après sa construction physique, intellectuelle et morale chaque individu est le produit d'un nombre illimité d'ancêtres, auxquels il se rattache par les lois inébranlables de 1'héridité. Par cela il est clair que la force de 1'éducation, qui n'agit que durant un nombre limité d'années, n'est que petite comparée a celle des influences subies par les ancêtres durant des milliers d'années. La question, devient donc celle-ci: „quelles sont les limites d'une pareille modification ?" II faut en outre fixer jusqu'a quel point cette modification est due a 1'éducation ou au milieu. Car 1'éducation proprement dite, c. a. d. 1'influence directe et méthodique de 1'éducateur sur son disciple, diffère sous beaucoup de rapports de celle du milieu physique et social. Voila pourquoi 1'auteur traitera cette dernière dans un chapitre spécial et il se bornera maintenant a 1'éducation seule. La question est donc réduite a celle-ci: „jusqu'oti 1'influence d'un homme (éducateur) peut-elle modifier la constitution d'un autre homilie (disciple)?" Une autre observation devra encore précéder 1'étude proprement dite de la question, c. a. d. qu'une force, ou un complexe de forces ne peut être influencé que par d'autres forces homogènes. Cette loi s'applique aussi bien a la dynamique inorganique qua la dynamique organique et psychique. Or, en examinant jusqu'a quel point 1'éducation physique ou biologique peut faire sentir son influence, nous voyons que celle-ci peut être trés grande, quoique naturellement limitée, ce qui suit de la connaissance qu'on a de la structure et du fonctionnement des organcs qu'on tache de modifier. Ouant a 1'éducation intellectuelle, les résultats en sont beaucoup moins grands, puisque la connaissance des organcs qui s y rapportent est plus petite. Quant a 1'éducation morale, la question suivante : „jusqu'a quel point la morahté ou 1'immoralité, le bon ou le mauvais caractère, dépendent-ils de 1'éducation recue a 1'école ou dans la familie"? est justement celle a laquelle les pédagogues ont fait si peu attention. Dans son ouvrage „Les bases de la morale" Spencer pose la règle fondamentale que la conduite morale de 1'homme ne peut être étudiée scientifiquement qu' a la condition d'être considérée comme faisant partie de la conduite en général, et aussi de 1'activité en général de tous les êtres vivants. Sergi est de la même opinion. Et elle est trés exacte, d'après le prof. Ferri, si 1'on agit comme les deux auteurs nommés, c. a. d. quand on étudie la conduite et le caractère de 1'homme dans leurs éléments constitutifs, dans leur genèse et leur développement, sans prendre en considération spéciale la variabilité du caractère et, par conséquent, de la conduite de 1'homme par son éducation. I'our notre cas, c. a. d. pour 1'étude des éléments constitutifs, la genèse, le développement et la variabilité de la partie morale du caractère et de la conduite de 1'homme, il est nécessaire de séparer ces parties et de nous bomer a 1'étude spéciale d'une d'elles. Tous les psychologues sont d'accord que la conduite morale de 1'homme (donc aussi sa criminalité) quoique ayant naturellement certain rapport avec sa condition musculaire et intellectuelle, dépend directement et intimement de la condition de ses sentiments, de ses émotions, de ses passions dans leur aspect moral. De la il est ciair que le problème est le suivant: „jusqu'a quel point ces sentiments peuvent-ils être modifïés par 1'éducation ?" Remarquons avant tout que 1'expression „un homme est bon ou mauvais de naissance" ne veut pas dire qu'il y a des gens qui sont tout a fait bons ou tout a fait mauvais, mais que ces deux qualités se présentent toujours combinées. Cette expression indique seulement que ce sont les bonnes ou les mauvaises qualités qui prédominent. II est certain que quelques gens sont devenus criminels par manque d'éducation morale, jointe a un mauvais entourage. En ce cas ce manque d'éducation a favorisé un développement plus fort des mauvais germes, ce qui pourtant ne donne nullement le droit de conclure a 1'inverse, c. a. d. que 1'éducation peut améliorer le caractère moral, donc fortifier les bons germes a tel point qu'ils 1'emporteront sur les mauvais. Et cela pour la raison suivante. Les mauvais germes sont les plus forts et peuvent se développer plus facilement que les bons. Car il ne faut pas perdre de vue deux choses: 1° que les mauvais germes qui se trouvent dans la société actuelle, sont des instincts anti-sociaux, contraires a la sociabilité et a la sympathie, sur lesquelles se base la vie, tandis que les bons germes sont les instincts sociaux ; 2" que, puisque 1'individu reproduit morphologiquement et psychologiquement durant sa vie, les phases diverses que 1'homme et 1'animal ont parcourues, c'est dans les plus profondes couches de son caractère, que 1'homme garde les traces et les germes des sentiments sauvages et anti-sociaux, qui sont les conséquences de la condition dans laquelle 1'homme a vécu autrefois, tandis que les germes des idéés sociales modernes se trouvent dans les parties supérieures et récentes. De la donc que les instincts anti-sociaux, de date plus ancienne que les instincts sociaux, sont plus forts que ceux-ci et ne sont point étoufies par eux. Et puis, le milieu, la civilisation d'a présent en est aussi la cause pour une partie. C'est pourquoi 1'auteur est d'accord avec Sergi que dans la société actuelle il y a des individus qui sont poussés sans cesse au crime par leur constitution organique et psychique, formée en grande partie de couches profondes et anti-sociales (les criminels-nés incorrigibles) et qu'il y en a d'autres, dont la constitution est formée en premier lieu de couches plus récentes el sociales, qui ne deviennent criminels que par des impulsions extraordinaires, pour ainsi dire par une éruption volcanique des couches plus profondes et anti-sociales (délinquents par passion). Tandis que Sergi est d'avis que les instincts anti-sociaux deviendront peu a peu latents, perdront même leur force et cesseront de fonctionner, le prof. Ferri est d'opinion que cela ne sera le cas qu'avec une minorité d'hommes. Or, afin d'afïfaiblir les tendances anti-sociales et de fortifier les tendances sociales, il est, selon 1'auteur, nécessaire qu'on sache: i°. leur siège; 2°. leur composition. Jusqu' a présent la psychologie n'a pas fait d'étude des passions, des émotions et des sentiments humains, et, par conséquent, n'a pu nous éclaircir la-dessus. II faut donc considérer comme impossible que 1'éducation puisse tellement étouffer les mauvais germes existants et fortifier les bons, que ces derniers aient a la longue le dessus. L'éducation morale ne se compose que d'une série de sensations auditives et visuelles empreintes a 1'individu au moyen de conseils et d'exemples, ce qui fait qu'elle est plus spécialenient un enseignement moral, qui laisse ses traces dans /'intellect de 1'individu, mais laisse intact le siège des passions et des sentiments, qui sont les véritables torces motrices de IeT conduite morale. L'éducation morale devient peu a peu plus systématique, se base plus qu'auparavant sur lc principe biologique que c'haque organe et chaque fonction se développe par 1'exercice, et s'améliore par conséquent. L'auteur croit qu'il ne faut pas néanmoins trop s'illusionner, tant que la genese et la condition des germes moraux et immoraux de 1'homme sont inconnues. D'ailleurs il est d'opinion, que le produit des siècles ne peut pas être détruit en quelques années. Pour prouver ce qui précède l'auteur cite 1'exemple suivant, qui, d'après lui, n'est pas rare. Une familie compte quatre ou cinq garcons; tous sont élevés avec le plus grand soin, c. a. d. chacun d eux de manière différente, d'après son caiactère. Le résultat de cette éducation est que trois ou quatre deviennent des hommes plus ou moins bons et laborieux, tandisqu'un d'cux devient un vagabond incorrigible. Cette différence 11e dépend donc pas de l'éducation. Maintenant on demandera: est ce que l'éducation est donc toujours et tout a fait inutile? Ici encore il faut bien distinguer. II y a une catégorie peu nombreuse de gens qui sont bons et honnêtes et qui le restent dans toutes les circoiistances, et cela exclusivement pai leurs cunditions organiques. Opposé a celle-ci il y a un autre groupe d individus, qui sont toujours mauvais et montrent des penchants anti-sociaux. Ces derniers sont tels par une anomalie organique et psychique innée. Entre ces deux se trouve la trés nombreuse classe d'individus dans lesquels les bonnes et mauvaises qualités se trouvent combinées. Pour cette dernière catégorie l'éducation peut être de quelque importance, mais lc milieu peut encore beaucoup plus. De la que, poui faire baissei le • nombre des criminels d'occasion, la sociologie criminelle requiert les „substitutifs pénaux." Car c'est dans cette classe moyenne que ces criminels se recrutent. Cependant, milieu et éducation sont d'une moindre importance pour cette catégorie que 1'héridité. Les conclusions de l'auteur sont donc: i°. que le développement de la physiologie et de la psychologie des passions humaines est fort désirable, afin d améliorer les moyens dont l'éducation morale dispose; 2°. que le jugement mentionné d'Ovven, que 1 éducation peut rendre 1'honinie bon ou mauvais, a été prouvé inexact. Dans ma critique je me borncrai aux questions principales. En premier lieu je crois que 1'argumentation du prof. Eerri que 1'opinion des socialistes scientifiques „l'éducation est de fait omnipotent est vaine. Car les socialistes scientifiques 11'ont pas cette opinion. * 'wen (qui appartient aux Utopistes) a beau porter un jugement dans ce sens (la citation d'Owen ne prouve pas du tout qu'il parle ici d'éducation dans le sens limité que le prof. Ferri lui donne), il sera trés difficile de citer, une opinion analogue de Marx ou d'Engels ou d'un de leurs adhérents. Quoique approuvant que les circonstances ont une trés grande influence sur 1'individu, ils ne 1'attribuent pas exclusivement a 1'influence systématique, consciente d'un individu sur 1'autre (éducation). Pour 1'argumentation du prof. Ferri il est assurément trés utile de faire unedistinction bien nette de 1'éducation et de 1'ambiant; mais cette distinction n'est pas pour cela justifïée. Les impressions acquises par un enfant, soit de son ambiant, soit de son éducateur, ne se distinguent presque pas. A peine sorti de la classe il joue avec ses camarades, ce qui peut lui faire oublier toutes les leijons morales qu'il vient de recevoir. Une mère défendra quelque chose a son enfant, et quelques moments après il verra qu'un membre plus agé de la familie peut faire impunément ce qui lui était défendu. C'est par cette distinction trop nette que 1'argumentation de 1'auteur perd beaucoup de sa valeur. En second lieu — 1'auteur lui-même 1'admet en partie — 1'influence que 1'éducation peut exercer ne peut encore être fixée, et cela quels que soient les progrès de la science pédagogique, pour les raisons suivantes. Ce n'est qu'a 1'école que la méthode scientifique pédagogique est appliquée, mais évidemment d'une maniére incomplète et imparfaite. Pour enseigner et élever les enfants, il est nécessaire qu'ils soient bien nourris et bien habillés. Sans cela les résultats resteront trés minimes. Les écoliers insuffisamment nourris et vêtus se comptent par millions. Une des premières conditions pour tirer profit de 1'éducation est celle-ci: que les instituteurs soient bien rémunérés et au fait de la pédagogie. Mais combien de fois n'est-ce-pas le contraire! II est aussi nécessaire qu'une classe compte le moins d'éléves possible, afin que 1 instituteur ne doive pas trop partager son attention, si 1'on veut que 1'individualisation d'après le caractére et les capacités, qui est si nécessaire dans 1'enseignement, aboutisse a quelque chose. Et pourtant, combien de cas y a-t-il oü cela se présente? Ces quelques raisons, aux quelles on pourrait facilement ajouter d'autres qui sont toutes de nature exclusivement éconotniques sont causes que 1'école ne contribue pas autant qu'elle le pourrait a 1'éducation morale. L'avantage de 1'éducation a 1'école sur celle qui est donnée par les parents consiste dans son application pratique, du moins en partie, d'après les régies pédagogiques. On peut les compter, les parents qui s'appliquent a élever leurs enfants d'une maniére scientifique. Presque tous sont novices dans ce métier si difficile; peu importe que les parents soient ignorants ou instruits, bons ou mauvais, patients ou irascibles, en un mot capables ou incapables d'élever leurs enfants. L'organisation actuelle de la société est e. a. basée sur la fiction que celui qui donne la vie a un enfant est aussi apte a 1'élever. En outre les conditions sociales existantes mettent beaucoup de parents, qui seraient peut-être trés capables d'élever leurs enfants, hors d'état de leur vouer tous leurs soins: qu'on ne pense qu'aux longues journées de travail des ouvriers, au travail des femmes mariées etc. Ces observations suffisent déja, a ce qu'il me parait, pour démontrer qu'en ce moment on ne peut arriver a cette conclusion: 1'influence de 1'éducation ne peut s'étendre que jusqu'a tel ou tel point, et pas au dela. En troisième lieu il reste a faire des objections valables contre la these principale qui forme Ie fondement de ce chapitre. Voici cette these en abrégé: il y a eu un temps oü les hommes vécurent dans des conditions" anti-sociales; tous étaient ennemis les uns des autres. Cette situation a dure des siècles jusqu' a ce que les sentiments sociaux naquirent au fur et a mesure que la civilisation se développa. Mais ces germes anti-sociaux ayant etc hérités durant des siccles, tandis que les germes sociaux ne sont que de date relativement récente, il s ensuit que fes premiers sont généralement beaucoup plus forts. Voila pourquoi le penchant au mal prédomine dans 1'homme, et voila pourquoi le crime a des dimensions si énormes. Je suis d'opinion que cette argumentation est basee sur une erreur Dans la deuxième partie de eet ouvrage je tacherai de démontrer que 1'opinion du prof. Ferri (et d'autres auteurs encore), qu'aux premieres périodes tous les hommes étaient ennemis et animés seulement de sentiments anti-sociaux, est fausse. Je m'efforcerai aussi de démontrer que 1'organisation actuelle de la société ne fait pas naitre des sentiments sociaux, tnais bien au contraire des sentiments anti-sociaux. Enfin u est trés problématique que 1'hypothèse, dont se sert 1'auteur, a savoir que les qualités acquises sont hériditaires, soit soutenable; on est de plus en plus enclin a croire le contraire. Mais on ne pourra en tous cas jamais admettre la transmission par 1'héridité de la moralité même, comme le fait le prof. Ferri, puisqu'il parle d'hommes qui restent bons en toutes circonstances, par conséquent d'hommes qui doivent être nés avec des prescriptions morales innées. Un enfant ne nait jamais avec des comiaissancespositives; il nait seulement avec un cerveau plus ou moins propre a la réception et a la conversion des connaissances. Aussi n'y a-t-il jamais d enfant qui, dès sa naissance, connaisse les régies morales „tu ne voleras point , „tu ne tueras point" etc. Mais les organes, destinés a devemr le siege de la moralité, différent chez tous, comme les autres organes. Ouand 1'auteur dit donc qu'il y a des hommes qui sont et restent bons en toutes circonstances, il veut 'dire qu'il y a des hommes qui ont les organes relatifs a la moralité trés susceptibles et qui resteront donc meilleurs que ceux dont ces organes sont moins susceptibles. Par conséquent Paccumulation par la voie de 1'héridité de sentiments anti-sociaux dans 1'homme d'a present n'est que fictive. Enfin, le prof. Ferri, négligé de hxer 1'attention sur la différence entre la nature et 1'intensité des besoins des hommes. Car elle est cause de la grande inégalité des résultats obtenus par la même éducation a égale capacité de recevoir les impressions morales. II faudra a celui qui a de grands besoins, un effort moral beaucoup plus intense pour 11e pas les satisfaire d'une manière immorale qu' a celui qui a des besoins plus faibles. Le chapitre suivant „Ambiente e criminalita" commence par 1'assertion du prof. Ferri que la thése des socialistes concernant 1'influence de 1'ambiant sur toutes les manifestations de 1'activité humaine, et par conséquent aussi sur celle de la criminalité, est juste en grande partie. La difference entre socialisme et sociologie n'est donc ici qu'une question de limites. D'après 1'auteur voici cette these: aussitót que la révolution ou la transformation sociale dans le sens socialiste aura eu lieu tout 1 .imbiant 12 social sera excellent et 1'homme d'alors sera donc moralement plus élevé que 1'homme d'a présent. Ensuite il examine une a une les difFérentes parties de cette these. D'abord le prof. Ferri donne la formule classique du matérialisme historique que Marx a donnée dans son „Zur Kritik der politischen Oekonomie," et qu'il emprunte a la Critique de 1'ceuvre de Puviani dans la „Rivista critica delle scienze giuridiche e sociali'' de Loria: „Nella memorabile prefazione alla K.vitik dev pohtise/ieii Ockotiotnie, pubblicata nel i^59> ij Marx espone per la prima volta 1'ardita dottrina, che tutte le manifestazioni dell' umanita umana, sia nell' ordine giuridico che nell ordine religioso, filosofico, artistico, criminoso, ecc., siano esclusivainente determinate dai rapporti economici, cosicchè ad ogni fase di questi corrisponda una forma diversa di quelle manifestazioni e ne sia il necessario prodotto. Questo concetto, che trovö, or fa un anno (in un discorso alla Accademia di Bruxelles), un brillante e simpatico difensore in Emilio di Laveleye, forma la tesi principale dell' opera di Puviani (Del sistema economico borghese in raporto alla civilta, Bologna 1883) ; la quale si propone di mostrare come la evoluzione sociale non sia che il prodotto dell evoluzione economica, determinata a sua volta dall' incremento costante della popolazione." De même que dans la biologie les phenomènes de la nutrition se rapportent aux autres phenomènes vitaux, 1 aspect économique de 1 activite humaine se rapporte aux autres aspects. Les conditions économiques ont donc une trés grande influence sur la vie sociale, mais 1 auteui croit trés exagéré de dire que les conditions économiques la fixent excluswcment. Outre cela, dans cette thèse on n a pas fait attention a ce que ces phénomènes réagissent aussi a leur tour sur les conditions économiques, et deviennent donc facteurs déterminants. Ensuite il est dit aussi que 1'homme sera moralement meilleur quand il se trouvera dans un milieu purifié. L auteur admet en paitie ceci et il est clair de voir jusqu'oü si 1'on connait son opinion sur les facteurs physiques, individuels et sociaux du crime, de même que ses idéés sur 1'éducation. _ Comme la plupart des thèses des socialistes, celle-ci aussi a, d aprésle prof. Ferri, le défaut d'être trop simple et parlatropabsolue. La vie humaine est déja tellement compliquée (et la vie sociale 1 est encore plus) qu 011 n'explique que trés peu avec des formules si simples. II est facile de dire: „abolissez la propriété individuelle, et tous les cas de vol disparaitront . „abolissez le mariage légal, et l'adultere, 1'uxoricide, 1'infanticide et les crimes contrc les mceurs disparaitront. Mais pour cela ce n est pas encore vrai. Car, même dans une société communiste, un vagabond-né, qui, par sa constitution, a le travail en aversion, commettra tout de même des vols. A tout cela on peut objecter que ces cas sont pathologiques et que ces personnes doivent être enfermées dans un hospice d aliénés mais en raisonnant ainsi on convient en même temps qu une pareille^ société future ne sera pas encore un paradis terrestre. En outre ce n est que de la pure métaphysique de croire que des institutions sodales, aussi fondainentales que la propriété et la familie, sont les conséquences du caprice d un homme ou d'une classc dominante, et peuvent donc être abolies par 1111 seul trait de plume. lout cc qui existe, dans la nature comme dans la société, est le résultat de causes qui ne sont que les chainons d'une chaine infinie. De la impossibilité de modifier tout d'un coup la société d'après un plan arrêté par un théoricien. II est clair que cela ne veut pas dire que toute modification de la société soit exclue; au contraire la situation, prédite par les socialistes est d'une beauté si supérieure a la présente qu'elle 11e serait pas un pas, mais un bond en avant. Et par leur prédiction ils nient 1'évolution, car ils prêchent sans cesse aux prolétaires que tout se réalisera dans un avenir tres proclie. Abordons maintenant la recherche de la prémise de la thèse socialiste, c. a. d. de la révolution ou transformation sociale. ') La question que le prof. Ferri par rapport a celle-la pose aux socialistes est celle-ci: dans cotnbien de temps aurez-vous réalisé vos projets?" II y a deux réponses a donner selon que 1'on croit cette réalisation possible par révolution ou par évolution. D'abord celle par révolution. Tout en laissant de cóté qu une révolution ne se fait pas sans cruautés et par conséquent ébranle les sentiments moraux, il faut tout de même se dcmander avant tout s'il est facile de causer une révolution. L'auteur est d'opinion que Laveleye a parfaitement raison quand il dit: „qu'une révolution politique^ est devenue chose facile; qu'une évolution sociale est inévitable; mais qu'une révolution sociale est impossible, puisqu'on ne peut pas changer de force en un seul jour la constitution économique de la société." Ni le mot ni le fait de la révolution n'inspire de crainte a l'auteur. II reconnait qu'elle peut se trouver dans la ligne de 1'évolution, quoiqu'elle reste une exception et soit en effet une manifestation pathologique de 1'évolution. Néanmoins il se demande: que signifie la révolution d'un jour, d'un mois, d'un an même, en comparaison de 1'évolution qui dure des milliers d'années. Une révolution n'amène-t-elle pas toujours une réaction? Supposons pourtant que cette réaction n'arrive pas: le peuple entier sera-t-il alors devenu plus moral par cette seule secousse ? Ou'est-ce que la grande révolution francaise a effectué ? Beaucoup en apparence; en réalité peu de chose. II s'ensuit de ce qui précède: qu'on peut modifier le milieu d une fa<;on et avec une célérité qui paraitront grandes a une génération mais petites a 1'humanité enticre. Maintenant celle par évolution. Comme nous 1'avons déja fait remarquer, le prof. Ferri reconnait que la criminalité diminuera par l'amélioration du milieu. Cependant, puisqu'il est impossible de faire tout de suite des modifications générales et substantielles, il faudra faire tous ses efforts afin d'obtenir des améliorations partielles. Voila pourquoi 1'école pénale positive défend la doctrine des „substitutifs pénaux." Dans „II delitto etc." Turati les nomme palliatifs; il dit qu'il est impossible de trouver 1111 remède spécial a chaque délit; il n'y a qu'un seul remède universel: la répartition égale d'aisance, d'éducation, et de bonheur par 1 amour et par la science, en tant qu'elle sera socialement possible. Le prof. Ferri — Je n'analvserai ni 1c passage sur la vitcssc du progres h u ma in, ni la question de savoir si le systeme socialiste ne doit pas sc modifier selon les différents pays, car il n'y a qu'un rapport éloigné entre ces deux questions et celle de la criminalité. — croit que les reproches de Turati ne sont pas appuyés par de bonnes raisons, paree que i°. la théorie des substitutifs pénaux ne se borne point a la désignation de moyens spéciaux pour des crimes spéciaux, mais qu'elle donne aussi des moyens universels pour tous les genres de crimes; 2°. les améliorations défendues par 1'auteur et ses adherents ont le grand avantage d'avoir été proposées d'après des recherches scientifiques et d'être immédiatement pratiquables. Comment pourra-t-on jamais arriver a la transformation désirée, si le système entier des substitutifs pénaux n'est qu'un palliatif inutile? II n'y a que deux chemins qui conduisent a la réussite: celle d'une révolution violente — et Turati rejette ce moyen — et celle des améliorations successives. Mais c'est justement ce que 1'école pénale positive désire, et c'est pourquoi la différence entre cette école et les socialistes scientifiques a entièrement disparu. Cependant Terreur des socialistes est toujours qu'ils veulent d un seul coup atteindre a tout, et qu ils comptent trop peu avec ce qui est a notre portée. II y a beaucoup de socialistes qui craignent que la bourgoisie ne se départira jamais sans contrainte de ses privileges et qui, a cause de cette idéé, ont encore beaucoup de sympathie pour la révolution. Cependant cette crainte n'est pas fondée. Car la plupart des améliorations sociales ont été faites par les classes règnantes sans qu'elles y fussent poussées par la force révolutionnaire. Le prof. Ferri tire la conclusion que le milieu social est circonscrit pour la plus grande partie par les conditions économiques, et que celles-ci ont une trés grande influence sur la criminalité. Les socialistes et les sociologues évolutionistes différent donc d'opinions en ceci : que les premiers croient se rendre utiles en protestant et en prophétisant, tandis que les autres sont d'opinion qu'il est plus pratique et plus scientifique de s'appliquer a des améliorations partielles. — On ne peut lire ce chapitre sans s'étonner du ton décidé dont 1'auteur se déclare contre une théorie, qu'il 11e connaissait alors que par ce qu'il en avait entendu dire. La formule classique du matérialisme historique est citée de seconde main d'après une critique du prof. A. Loria ') sur un ouvrage de Puviani, qui dit que 1'évolution économique est a son tour déterminée par 1'augmentation constante de la population (théorie entièrement opposée a celle de Marx). Et comment 1'idée de cette théorie est-elle rendue? Que le lecteur juge lui-même! Dans 1'original on lit: „In der gesellschaftlichen Produktion ihres Lebens gehen die Menschen bestimmte, nothwendige, von ihrem Willen unabhangige Verhaltnisse ein, Produktionsverhaltnisse, die einer bestimmten Kntwicklungsstufe ihrer materiellen Produktivkrafte entsprechen. Die Gesammtheit dieser Produktionsverhaltnisse bildet die ökonomische Struktur der Gesellschaft, die reale Basis, worauf sich ein juristischer und politischer Ueberbau erhebt, und vvelcher bestimmte gesellschaftliche Bewusztseinsformen entsprechen. Die Produktionsweise 1) Qu'on lise le jugement de F. Engels sur le prof. A. Loria comme homme scientifique: p. XIX sqq. Vorwort »Das Kapital.r Dritter Band. 11 accuse eet auteur de fausser la conception matérialiste de 1'histoire. des materiellen Lebcns bedingt den sozialcn, politischen und geistigen Lebensprozesz überhaupt. Es ist nicht das Bevvusztsein der Menschen, das ihr Sein, sondern umgekehrt ihr gesellschaftliches Sein, das ihr Bewusztsein bestimmt." ') II est inutile de nous arrêter longtemps sur ce point. Le prof. A. Loria a inexactement rendu la théorie, et le prof. Ferri, qui 1'a empruntée a Loria, combat une chose qui n'a pas été dite par Marx et croit y découvrir encore Terreur qu'elle ne compte pas avec le fait que chaque cause est a son tour une conséquence, et vice versa. Cette faute aussi est trés injustement imputée aux fondateurs du matérialisme historique. Engels dit a ce sujet: „...d'après la conception matérialiste de 1'histoire, la production et la reproduction de la vie matérielle sont, en dcrnicre instance, le moment déterminant dans 1'histoire. Marx et moi n'avons jamais prétendu davantage. Lorsqu'on dénature cette proposition ainsi: le moment économique est le senl déterminant, on transforme cette proposition en une phrase vide de sens, abstraite, absurde. La situation économique est la base, mais les différents moments de la superstructure .— formes politiques de la lutte des classes et ses résultats — constitutions imposées par la classe victorieuse après la bataille gagnée, etc. — formes juridiques, et aussi les reflets de toutes ces luttes réeïles dans le cerveau de ceux qui y participent, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses et leur développement ultérieur en systèmes de dogmes, ont aussi leur influence sur la marche des luttes historiques et en déterniinent dans bien des cas surtout la forme. Tous ces moments agissent les uns sur les autres, et finalement le mouvement économique finit nécessairement par 1'emporter a travers la foule infinie des hasards (c'est-a-dire de choses et d'événements dont 1'enchainement intime est si éloigné ou si indémontrable que nous pouvons le tenir pour nonexistant, et le négliger). Sans cela 1'application de la théorie a une période historique quelconque serait plus facile que la résolution d'une simple équation du premier degré." 2) Parmi les reproches que le prof. Ferri jette a la tête des socialistes il y a aussi celui-ci: qu'ils croient a tort pouvoir changer la société tout d'un coup. L'auteur y rattache quelques observations sur la révolution et l'évolution. 11 est nécessaire d'aborder cette question, puisque, ici non plus le prof. Ferri n'a pas rendu 1'opinion des Marxistes. II est indubitable que Marx et ses adhérents ne supposent pas qu'on puisse changer tout a coup la société. Ouoique évolutionnistes, Marx et les siens se nomment révolutionnaires. Beaucoup d'adversaires considèrent cela commc une contradiction. Je crois cependant qu'ils ont tort, et qu'au contraire, Topposé de la thèse est vraie c. a d. que chaque évolutionniste en matières sociales qui n'est pas révolutionnaire n'a pas le courage de supporter les conséquences de sa doctrine. Car celui qui croit que la société subit incessamment des changements quantitatifs devra reconnaitre que ces changements doivent a la longue mener a une différence qualitative, donc qu'une révolution a eu lieu. Les 1) Vorwort p. XI »Zur Kritik der politischen Oekonomie." 2) p. 229-230 >>La conception matérialiste de 1'histoire" (Devenir Social 1897). Marxistes sont par conséquent évolutionnistes et en même temps revolutionnaires puisque, reconnaissant qu il y a sans cesse des modifications quantitatives, ils tendent au renversement total de la société basée sur le système capitaliste, et par la a la fondation de 1'ordre socialiste. Tout cela ne se rapporte donc qu'a une révolution économique et sociale. II suit donc logiquement de ce qui précède que les socialistes scientifiques n'aspirent pas avant tout a une révolution politique; au contraire ils veulent atteindre antant que possible leur but justement par des moyens légaux; nut nut que possible, ce qui veut dire: si les classes règnantes ue /es empêchent pas d'obtenir par ces moyens légaux ce qu'ils désirent. Mais dans le cas contraire ils ne redoutent pas d'entreprendre même une révolution politique aussitót que le prolétariat sera suffisamment préparé et organisé. Le prof. Perri est encore d avis qu il n y a plus de différence entre les socialistes qui sont en même temps évolutionnistes et les sociologues puisque tous tendent a des changements quantitatifs. Pourtant le prof. Ferri oublie de dire que 1'abolition de la propriété privée des moyens de production n'est pas un de ses „substitutifs pénaux", et que par conséquent il subsiste une différence fondamentale puisque les socialistes ne défendent que les modifications qui s'accordent avec les tendances du collectivisme. Le prof. Ferri est enfin d'opinion que la bourgeoisie abdiquera volontairement ses privileges, comme des classes règnantes 1'ont déja fait si souvent. II ne donne point de preuves, ce qui lui serait fort difficile, a 1'appui de cette thèse, inexacte a mon avis. Je le démontrerais si je ne dépassais pas les limites de ce travail. — Le titre du 5111e chapitre est: „IJciwenire morille del/' wnciiiitèi. Les socialistes — c'est ainsi que 1'auteur commence — croient qu'il y a une grande différence entre eux et les sociologues positivistes, c. a d. que ceux-ci considèrent le crime comme un mal social inévitable, tandisque les socialistes voient dans le crime un phénomène passager. Le prof. Ferri au contraire prétend que le crime, c. a d. 1 acte qui met en danger les conditions de 1'existence aussi bien que la peine c. a d. la réaction correspondante, défcndante et préventive, ont tous les deux leurs racines dans le règne animal, et qu'ils sont par conséquent des phénomènes plus ou moins inséparables de 1'humanité. Cependant cette induction sociologique ne doit pas être prise dans un sens absolu, mais dans ce sens relatif: in. que dans la criminalité il faut distinguer deux divisions, dont 1'une est déterminée par la saturation normale, et 1'autre par la sursaturation anormale; ') 2n. que 1'auteur et ses adhérents n entendent pas par „nécessité absolue" du crime que le crime existe toujours, mais sculement qu'il existera durant les premières périodes a venir (19e et 20e siècle), et qu'ils se sont servis de cette expression paree qu'ils jugent inutiles et impossibles des prédictions concernant des temps, qui sont encore plus éloignés. A propos de la morale future le prof. Ferri s'occupera dans cc chapitre des deux thèses socialistes suivantes: ') Voir lk-dessus »in extenso": »la Sociologie criminelle" p. 178 sqq. I. La lutte pour la vie qui, jusqu'ici, a régné parmi les hommes ne se trouvera plus dans la société socialiste. II. Dans la société socialiste 1'égoïsme, qui a été, et est toujours la base do toute la vie morale et sociale, devra s'efïfacer devant 1'altruisme. D'abord donc la thèse sur la durée éternelle ou non de la lutte pour la vie. Le prof. Ferri cite ici les opinions de Labusquière (Rivista Internazionale del socialismo 1880) et du prof. A. Loria (Discorso sur Carlo Darwin 1882). En abrégé Labusquière dit ce qui suit: Est-ce que la lutte pour la vie, partie intégrante de 1'évolution des animaux, est aussi une „conditio sine qua non" du développement de 1'humanité? Non, elle y est formellement opposée, puisqu'elle empêche le développement total en mettant la plus grande partie des hommes dans la situation la plus récaire. O11 ne peut pas se figurer 1'homme vivant tout seul. II a toujours vécu et devra toujours vivre dans une société. Cette circonstance exige une certaine solidarité. sans laquelle une société n'est pas imaginable. On ne peut donc pas admettre la necessité d'une lutte continuelle a moins de croire qu'il soit nécessaire pour quelques-uns de recueillir les fruits des travaux des autres. La lutte pour 1'existence est nécessaire entre les animaux, puisqu'ils ne savent pas produire et, par conséquent, ne peuvent subsister qu'au moyen des fruits tels que la nature les donne. Mais 1'homme peut produire, et les forces productives augmenteraient justement si les hommes se soutenaient plus les uns les autres. L'opinion du prof. Loria est en résumé celle-ci: la thèse que la théorie de Darwin s'applique aussi entièrement a 1'économie politique est fausse. On dit qu'elle justifie 1'inégalité sociale; la nature étant aristocrate, dans la société aussi 1'aristocratie occupe une place qui lui appartient. D'après le prof. Loria eet argument est aussi insensé que si 1'on disait: la nature est meurtrière; donc le meurtre est une chose justifiable. Cette opinion n'est pas la conséquence de la théorie de Darwin, mais simplement une fausse interprétation de quelques-uns de ses adherents. II n'y a pas de raisons pour que cette lutte existe toujours, mais on peut trés bien justifier la supposition qu'elle disparaitra et n'aura été qu'un stade transitoire. Car, tant que 1'égoïsme a été le seul motif humain, le combat pour la vie a été une condition nécessaire a 1'initiative ct aux progrès. Mais 1'altruisme se développe de plus en plus, et cc n'est point une utopie que de croire qu'un jour 1'homme tendra a la perfection physique ct morale, non pas dans le but de vaincre ses semblables moins favorisés, mais seulement dans le but plus élevé dc développer ses propres qualités. On n'oublie que trop, combien est énorme la différence entre le combat pour la vie des animaux et celui des hommes. Tandis que dans la nature ce sont les plus forts, les plus robustes et les plus habiles qui sortent du combat en vainqueurs et par conséquent survivent, dans le combat actuel ce ne sont pas les meilleurs (les travailleurs et les capitalistes qui introduisent des méthodes de travail améliorées), mais bien ceux qui se sont enrichis par le travail des autres qui sont vainqueurs. Dans la lutte sociale on s'apercoit de trois phénomènes, que le combat dans la nature ne nous montre pas: la sclcction militaire (qui est un obstacle au perfectionnement de la race humaine); la sclection sexuelle (non pas la force et la beauté, mais 1'argent et les préjugés de classe arrêtent le choix); et le systhne économiqne (qui, par 1'accumulation de capitaux entre les mains de quelques-uns, force les travailleurs a mener unc existence qui les épuise, et est cause que les classes mal nourries forment la majorité numérique). Voila pourquoi les résultats de la lutte pour la vie sont pour 1'homnie si différents de ceux du combat dans la nature. Le prof. Ferri fait les objections suivantes contre ce qui a été dit plus haut: En traitant des questions comme celle-ci, il ne faut pas embrouiller deux théories, celle de Spencer et celle de Darwin. Car celle-ci se rattache a celle-la, comme la partie au tout. Le Darwinisme se personnifie dans la loi de la sélection naturelle, tandis que la théorie de Spencer est celle de 1'évolution, une loi qui régit non seulement le monde animal et humain, mais aussi le monde connaissable tout entier. Après cette observation introductive il attaque les thèses que Labusquière et Loria ont développées. La grande erreur commise par Labusquière et par la plupart des socialistes, c'est le manque de la notion de la continuité et de la naturalité des phénomènes sociaux. II résulte en pareils cas une division erronnée entre sociétés d'hommes et d'animaux; de la qu'ils ne voient pas que ce combat, constaté toujours chez les animaux comme chez les hommes, est une loi naturelle. Et puis, Labusquière et les siens n'oublient que trop que les sociologues expliquent bien ce combat, mais que cela ne veut pas dire qu'ils le justifient. En tout cas 1'assertion des socialistes qu'il serait possible de faire cesser ce combat des main tenant, c. a d. dans un trés bref délai, est fausse. Ouant a la question de savoir s'il cessera jamais, elle sera examinée après. D'abord le prof. Ferri avertit qu'on ne doit pas confondre le principe d'une loi naturelle avec ses manifestations. Dans le cas dont il s' agit cela veut dire qu'en reconnaissant que la lutte pour la vie est une loi qui régit le règne animal et les hommes, il faudrait accepter aussi que les fortnes de ce combat ont été et resteront les mêmes. L'auteur croit p. e. qu'il serait désirable d'atténuer le combat économique actuel entre les hommes et de le porter a un niveau plus élevé, sans être pour cela adhérent de la maxime de: „chacun d'après ses besoins", dont 1'application perdrait entièrement le genre humain. En critiquant la loi de la lutte pour la vie on oublie trés souvent qu'elle n'est pas la seule, qu'a cöté d'elle il y en a une autre, qui nivelle a la longue toutes les inégalités produites par cette lutte. On voit ainsi que des individus, des families, des races s'élèvent au-dessus du niveau, atteignent le maximum de pouvoirs, de richesse, d'intelligcnce, pour retomber après au-dessous du niveau. On ne peut pas admettre que ce combat pour la vie, qui est un principe même de 1'existence et la cause de 1'évolution animale et humaine, disparaisse un jour paree que des hommes, animés d'idées humanitaires, le désirent ardemment. L'opinion que dans le cours des temps ce combat s'est fait, et se fera de moins en moins violemment et brutalement, est scientifiquement plus juste et aussi humanitaire. II se peut qu'il y ait, après des siècles et des siècles, un jour oü chaque individu aura sou existence matérielle assurée. Mais lc combat pour /'existence morale 11c disparaitra pas encore pour cela. Car cliaque besoin satisfait en fait a son tour naitre de nouveaux, et rallume donc le combat. Les socialistes font preuve d'une grande partialité en ne comprenant par le combat pour la vie cjue le combat pour les vivres, oubliant qu'il y a combat dans chaque sphère. On prétend qu'il y a une différence essentielle entre lf combat pour la vie des hommes et des animaux, et que par conséquent les résultats différent, que dans le règne animal ce sont les plus forts qui restent vainqueurs, et parmi les hommes ce n'est qu'une petite minorité de moins forts et de moins laborieux qui règne sur la majorité formant les classes mal nourries. D'après le prof. Ferri cette opinion aussi est inexacte ; sans cela, les suites de ce combat devraient avoir un résultat tout contraire que dans le règne animal; le genre humain devrait reculer au lieu d'avancer. Eh bien — les faits sont la pour le prouver — le genre humain a fait des progrès organiques, psychiques, sociaux et économiques. La survivance des moins forts, des moins laborieux n'est que partielle et apparente. Malon dit que dans la société actuelle ce ne sont pas les individuelle111 ent supérieurs qui vainquent, mais bien ceux qui ont la disposition exclusive des forces sociales. Mais comment cette force est-elle tombée entre les mains de ces quelques-uns ? Seulement paree que, dans cette phase de Vévolution humaine, ils étaient les plus forts, les plus adaptés. On oublie qu'il n'y a pas seulement combat entre les classes, mais aussi entre les individus, et que, par 1'accroissement de plus en plus grand de 1'altruisme, ce sont aussi les ouvriers et les patrons les plus altruistes qui vaincront. Car un ouvrier altruiste, qui travaille avec zèle et prend a cojur les intéréts de son patron, et un patron altruiste, qui traite bien ses ouvriers, seront plutót a même de se maintenir que ceux qui agissent contrairement. Ce n'est donc qu'cn apparence que les possesseurs moins laborieux et moins forts sont vainqueurs: et si cela se fait, cela ne tardera pas a disparaitre. La conclusion de 1'auteur est donc celle-ci: le combat pour la vie, qui a un aspect normal dans 1'activité honnêtc, et un aspect anormal dans 1'activité criminelle, est la loi suprème du genre humain, dans le passé et dans le présent, donc aussi dans 1'avenir; mais ce combat s'effcctuera avec des moyens de moins en moins grossiers et sanglants. La deuxième partie de ce chapitre traite de 1'égoïsme et de 1'altruisme. L'individu, considéré comme tel (Selbstwesen), n'est qu'égoïste; mais considéré comme membre d'une communauté (Gliedwesen) il est aussi altruiste. II faut donc que nous interprétions le sujet de la manière suivante: qu'une lente évolution a lieu de 1'égoïsme vers 1'altruisme, entre lesquels se trouve donc 1'égo-altruisme. II y a maintenant deux questions auxquelles il faut répondre: i°. 1'homme parviendra-t-il jamais a être pur altruiste? 2°. dans cc cas-la, en combien de temps pourra-t-il 1'ètre? D'après 1'auteur chaque évolutionniste doit répondre affirmativement a la première question, du moins si 1'on exclut la forme absolue dans laquelle elle est posée par beaucoup de socialistes, savoir: que 1'égoïsme disparaitra entièrement, car la lente et continuellc évolution de la morale apprend que 1'égoïsme diminue toujours et que 1'altruisme augmente. Maïs combien de temps faudra-t-il pour que ce paradis moral se réalise ? Les réponses faites a cette question par les socialistes et par les sociologues différent beaucoup. Ceux-la sont d'opinion que ce sera possible d'ici peu ou du moins dans un petit espace de temps, tandis que ceux-ci croient qu'il est impossible que cela se fasse si vite. Puisque 1'auteur s'est occupé dans les chapitres précédents de 1'influence de 1'éducation sur la moralité, il se bornera maintenant a traiter la question de savoir: combien de temps il faudra a ce progres mor al} D'après le prof. Ferri, on ne saissit pas bien cette question si 1'on ne reconnait pas que 1'évolution de la morale n'a progressé que trés lentement durant les siècles passés. Sans doute, beaucoup a été fait, mais pas autant que cela justifierait la prédiction des socialistes. Lejugement de Soury „qu'on se trompe beaucoup en croyant que 1'homme d'a présent différe tant de celui de i'antiquité, du barbare et du sauvage" est trés sensé. En examinant la période de barbarie nous voyons que 1 homicide, le cannibalisme et le vol forment la plus grande partie de la criminalité, tandis que les deux premiers ne sont souvent pas punis par la tribu, qu'ils sont même obligatoires. L'impétuosité des passions, la férocité, 1'insensibilité de ses douleurs et de celles d'autrui, la déloyauté, le désir de vengeance implacable, 1'imprévoyance et la superstition forment la partie principale de la vie morale. Tous ces traits de caractère existent encore, bien que moins forts qu'autrefois dans 1'homme d'a présent, et surtout dans 1'individu né dans une classe inférieure. Excepté dans des cas pathologiques le cannibalisme ne se montre plus dans le monde civilisé, mais cela n'exclut pas qu'il pourrait reparaitre en temps de grande famine. Cependant les hautes qualités morales que 1'homme actuel peut montrer, se présentent aussi chez les sauvages; seulement avec des différences graduelles. (Voir les exemples donnés par le prof. Ferri, pages 197—201, empruntés a Spencer, Lubbock, Wake, Waitz etc.) Le nombre de personnes honnêtes et morales a proportionnellement augmenté, ce qui donne la certitude que, dans 1'avenir, la moralité s'élèvera plus haut qu' a présent, cela ne se fera pas vite, mais trés lentement, comme toutes les autres modifications se sont faites. II est donc impossible que la prédiction des socialistes se réalise sous peu, c. a. d. que le crime, la misère, 1'ignorance et 1'immoralité disparaitront aussitöt que la société sera transformée ou révolutionnée. Elle 11e sera que le but sublime auquel le genre humain doit toujours aspirer. — Afin d'éviter des répétitions je ne ferai pas de critique sur ce chapitre, critique qui devrait être détaillée, paree que je devrais réfuter presque toutes les thèses qui y sont données, mais je traiterai de la question du „combat pour la vie" et de celle de „1'égoïsme et de 1'altruisme", dans la 2™ partie de eet ouvrage. — Dans sa „Conclusione" '), le prof. Ferri compare la société a un !) Je ne parlerai pas du Vie chapitre, qui a le titre trés expressif: »Un sogno de socialista e la realta di un sociologo criminalista", qui n'est qu'une répétition du thème repris plusieurs fois, «combien les sociologues sont hommes de science et combien les socialistes le sont peu." malade, au lit duqucl se trouvent trois amis, qui tous lui veulent du bien. Lc premier déclare en pleine confiance que 1'ame dominc Ie corps et que par conséquent les remèdes matériels ne servent a nen. Le deuxième par contre dit que ce n'est que le changement total du milieu oü il vit, qui peut guérir le malade. Le troisiéme aussi croit que des modifications sont nécessaires; seulement, il se contente d'ameliorations partielles, quoique le deuxième ami ne les nomme que des palliatits. Le premier, c'est le spiritualiste, le second le socialiste, le troisieme 1e sociologiste. Ayant donné après chaque chapitre mon opinion, une critique d'ensemble sur „Socialismo e criminalita" est superflue. L'impression du livre est étrange, 1'auteur en veut a ces „socialistes excessivement antiscientifiques et sentimentaux" tandis qu'il vante le „grand caractere scientifique des sociologues", — car ces derniers, malgre ce grand caractere scientifique combattent une doctrine qu'ils ne connaissent qu en partie ou point du tout. Le socialisme scientifique est resté en dehors du debat. La meilleure preuve de la faiblesse de son attaque contre le socialisme se trouve bien dans le fait que 1'auteur s'est rangé depuis plusieurs années parmi les socialistes dont il est devenu un des chefs les plus fervents et les plus intelligents. ..... . , Pour ce qui concerne son opinion sur la question criminelle le piot. Ferri n'a point ou presque point changé (Voir „Le crime commc phénomène social", (Annales de 1'institut international de Sociologie 1896 p. 414) et „Kriminelle Anthropologie und boziahsmus. (iNcuc ^cit 1895—96 II). — IV. H. KURELLA. Cct auteur consacre quelques pages de sa „Naturgeschichte des Verbrechers" au sujet qui nous occupe. Résunions de la manière suivante ce qu'il dit. Les tentatives pour tirer des parallèles entre les oscillations des prix du blé et celles des chiffres de la criminalité ne prouvent rien d'après 1'auteur, tant qu'on ne pourra les comparer aux statistiques des salaires et du chömage forcé. En effet quelqu'un qui veut démontrer ainsi la corrélation entre criminalité et conditions économiques, emploie une „petitio principii", c. a d. que la misère est la cause principale du crime. Outre cela 1'hypothèse que la régularité avec laquelle se présentent les actes humains est fixée par la condition de la société oü ils se présentent, tombe peu a peu. En vertu d'examens personnels et en vertu de communications faites par Ferri et par von Oettingen (— cc qui prouve que la littérature sur notre [sujet n'est que partiellement connue a 1'auteur —) le dr. Kurella croit pouvoir faire la conclusion qu'une nutrition insuffisante, causée par cherté ou par des salaires minimes, ne fait pas commettre de crimes. Une mauvaise nutrition peut bien influencer indirectement la criminalité, c. a d. qu'elle peut causer après quelques générations successives la dégénération, qui a son tour prédispose au crime. A priori il est incontestable qu'on ne peut se figurer une société, ftitelle fondée par les socialistes, ') dans laquelle la cupidité, la haine et 1'instinct oppresseur, les motifs capitaux du crime, seraient anéantis ou privés de leur influence par suite d'institutions sociales. Néanmoins il est d'importance que Morrison, Garofalo et Ferri 2) ont, d'après 1'auteur, démontré que la misère n'est pas un facteur de la criminalité. Au congrès international d'Anthropologie criminelle a Uruxelles on a essayé de défendre le contraire, ce qui d'après le dr. Kurella, n'a pourtant pas réussi. •) P. 217 1'auteur insinue, sans apporter la moindre preuve, que des personnes avec dispositions criminelles ont souvent contribué a la formation des théories socialistes. 2) Voir mes eritiques sur ces auteurs. 11 n'est pas bien clair pourquoi le prof. Ferri est cité comme adhérent de 1'opinion exprimée par le dr. Kurella; car il accorde une place importante dans 1'étiologie du crime aux facteurs économiques. (Selon lui il se pourrait qu'en cas de chómage forcé soudain un individu, jusque la honnête, commet un vol par indigence). La nécessité momentanée n'étant par conséquent que rarement cause de criminalité, les anomalies sociales actuelles produisent non seulement une augmentation de la dégénérescence comme il a été dit plus haut, mais cncore qu'il y a un nombre considérable de gens qui habitent des maisons mal et anti-hygiéniquement baties, ce qui nuit a la vie de familie et empêche le développement des sentiments de probité, de pudeur etc. Et ce sont aussi les anomalies sociales qui influencent fortement 1'alcoolisme, un des facteurs importants du crime. L'auteur tire la conclusion suivante: „So wenig wie eine Aenderung der Lebensbedingungen des Milieu ein individuum einer Art unmittelbar in ein Individuum einer anderen Art verwandein kann, so wenig wir jemals unter noch so modifizierten Verhaltnissen einen Chimpanse in einen Gorilla sich verwandein sehen, so wenig machen soziale taktoren einen normal veranlagten Menschen zum Verbrecher. In vereinzelten Kallen mag der Anschein entstehen, als batten Leidenschaft oder Gelegenheit ein Verbrechen veranlasst; soziale Momente wirken wohl auf das Individuum, werden dasselbe aber in'seinen fundamentalsten Eigenschaften — und dazu gehort der Cha- rakter nicht wesentlich andern; die minimalen Modifikationen, die der Einzelne durch das Milieu erfahrt, müssen immer wieder auftreten, sich im Lauf der Generationen addieren, bis eine sozial bcdeutungsvolle Aenderung des Typus zustande kommt. So sind es also die dauernden, sozialen Leiden, die chronischen Uebel der Gesellschaft, die auf die Kriminalitat wirken, weil sie durch unmerkliche Einwirkungen den ïnnersten Kern des Menschen im Lauf der Generationen annagen; Misere, intellektuelle und sittliche Verwahrlosung müssen so lange wirken, wie im Kirchenstaate, im Königreich Neapel, in Irland, in dem seit Jahrhunderten vom Grundadel ausgesaugten Polen, ehe ein ganzes Volk von dem „penchant au crime" durchseugt ist." x) Peur ce qui concerne notre critique faisons les observations suivantes. . . II est tout a fait inexacte de dire que les statisticiens qui ont démontré qu'il y a corrélation entre la hausse et la baisse des prix du blé ou une crise commerciale, et 1'augmentation 011 la diminution de la criminalité, se seraient servis d'une „petitio principii", c. a. d. que la misère est une des causes pricipales de la criminalité. Au contraire, leur travail statistique démontre qu'il y a une grande harmonie entre les courbes des crimes contre la propriété et celles des prix du blé (dans les derniers temps ceux-ci sont de moindre importance pour ce sujet et sont remplacés par les crises commerciales). Et cette harmonie nc peut ét re accidentelle puisqu'on la constate tres souvent. il faut qu il ^ ait causalité. II ne serait même pas absurde du tout de prétendre que la misère, non prise dans le sens arbitraire de manque du stricte nécessaire est une des causes principales de la criminalité contre la propriété. Cai quand 1111 individu vole il sent en lui le besoin de posséder quelque i) p. 179. chose qu'il n'aurait pu se procurer d'une facon honnête ou bien en se donnant plus de peine; ce ne sont que des aliénés (cleptomanes) qui volent des objets qu'ils auraient pu se procurer facilement d'une facon honnête. Le dr. Kurella ne produit point de preuves pour 1'opinionquelarégularité des actes humains n'est pas déterminée par la condition de la société. II serait curieux de savoir quelles preuves 1'auteur pourrait citer a 1'appui de son assertion; tant qu'il ne le fera pas, inutile de débattre la question, d'autant plus que des autorités considérables sont d'un avis tout a fait contraire. Du moment que 1'auteur ne parle pas sans dédain de déduction, comme il le fait a la page 152, il aurait mieux valu de ne pas faire lui-même la déduction erronnée que nous trouvons a la page 171. Car il y dit qu'il est certain a priori qu'on ne peut se figurer une société dans laquelle la cupidité, la haine, et 1'instinct opprimeur disparaitraient ou seraient dépourvus d'influence par suite de réformes sociales. La lecture d'une oeuvre comme „1'Urgesellschaft" de L. Morgan 1'aurait déja gardé de cette erreur. Car les traits de caractère sus-nommés, propres aux hommes d'a présent, sont en grande partie étrangers aux hommes vivant dans d'autres phases de développement de la société. Qu'on lise p. e. Morgan sur le „gens" des Indiens: „Freiheit, Gleichheit und Brüderlichkeit, obwohl nie formulirt, waren die Grundprinzipien der „Gens" '). II a été prouvé que ces traits caractéristiques n'étaient pas innés par le fait que les mêmes individus, forcés par la nécessité économique, étaient collectivement, c. a. d. vis-a-vis de leurs ennemis communs, vindicatifs et haineux. La convoitise de richesses, le trait caractéristique par excellence de l'homme de nos jours ne leur est pas propre. „Ein Verlangen nach Eigenthum hatte sich im Gemüth der Wilden kaum gebildet, weil das Eigenthum selbst kaum bestand. Es blieb der damals noch fernen Perioden der Zivilisation beschieden, jene Gier nach Gevvinn (studium lucri) zu voller Lebenskraft zu entwickeln, welche gegenwartig im menschlichen Geist so übermachtig herrscht." 2) Cela indique en même temps pourquoi 1'opinion du dr. Kurella sur 1'invariabilité du caractère humain est fausse. (Voir encore la critique sur Garofalo). Car il est aussi absurde de croire que la distance entre 1'honnête homme et l'homme malhonnête est aussi grande que celle entre le chimpanzé et le gorille, que de croire que le sentiment de probité est inné a l'homme. 1) »I)ie Urgesellschaft." p. 73. 2) »I)ic Urgesellschaft." p. 455. V. E. FORNASARI Dl VERCE. i) Au premier chapitre „Miseria e criminalita in Italia", 1'auteur porte d'abord 1'attention sur les faits suivants. D'après la statistique de 1881 il y avait en Italië sur IOOO habitants (des deux sexes et au-dessus de neuf ans) 390,66 gens riches, aisés, médiocrement aisés et avec des moyens d'existence suffisants, et 609,34 qui avaient a peine le stricte nécessaire. Sur 100 condamnés il y eut: 1887 1888 1889 56,34 57,45 56>°° nécessiteux. 22,99 30,77 32,15 individus n'ayant que le nécessaire. 11,54 9,98 10,13 médiocrement aisés. 2,13 1,80 1,72 aisés et riches. Ici Finfluence favorable de 1'aisance ressort distinctement. Donc 4O°/0 de la population sont aisés et 60°/0 sont nécessiteux; parmi les condamnés 13°/0 aisés et 87°/„ nécessiteux a peu pres. Ensuite le dr. Fornasari di Verce donne une esquisse de 1'innucnce de la misère qui fait dégénércr lc prolétaire et par la le prédispose au crime, car la misère nuit beaucoup aux organes psychiques de 1'homme. II cité a 1'appui de ce qu'il dit plusieurs auteurs qui font autorité. En comparant les difïférentes régions italiennes, groupces autour de leur chiffre moyen de richesse par habitant, au nombre de détenus sur 100.000 habitants, groupés d'après leurs lieux d origine -), on obtient le résultat suivant: 1) »La criminalita e le vicendc economiche d'Ttalia dal 1873 a! 1890 e osservazioni sommarie per il Regno Unito della Gran Brctagna c Irlanda (1840-1890) e per la Nova Galles del Sud (1882-1891)". . 2) Selon le dr. Fornasari di Verce on obtient de cette facon une mei Ueure image de 1'influence dégénérescente de la misère qu'en groupant les chiffres des crimes d'après les lieux oü ils ont été commis. Richesse. Déténus d'après le lieu d'origine. (3.333) Latium VII — VI — — V — (2,746) Piémont—Ligurie IV 1 Lombardie (43) (2,400) Lombardie III ' Piémont—Ligurie (51) ( Vénétie (53) — II Toscane (76) (2,164) Toscane I Emilie (95) 0,935) Vénétie I \ (1,876) Royaume > o1 S \ Royaume (118) (liTfa) Emilie j S S \ i°. Marchcs—Ombrie (137) (1,470 Sicile ( 0 \ Sardai^ne (167) (1,333) Naples ) 2 ' \ Sarda'&ne (10/^ (1,227) Marches—Ombrie 30. Naples (173) (?) Sardaigne 4". — 5°. Sicile (212) 6«. — 7°. Latium (250) Selon 1'auteur ce tableau démontre que richesse et criminalité présentent quelque symétrie, en ce sens que les régions riches ont en général une plus petite criminalité que les régions pauvres. Ce n'est que le Latium qui y fait exception, ce qui s'explique d'après le dr. Fornasari di Verce, i°. par la circonstance que la capitale est située dans cette région, 2°. par le climat, et 30. surtout par le fait que la richesse absolue d'une contrée ne donne point d'indices sur la répartition de la richesse. O11 peut justement s'attendre que la oü les grandes richesses se sont amoncelées le paupérisme sera aussi considérable. ') Non seulement la misère prédispose au crime, elle en fournit aussi les motifs. Conduisant a 1'alcoolisme, elle est cause de crimes violents; elle force les gens qui ne peuvent trouver de travail au vagabondage et a la mendicité, qui, a leur tour, sont 1'école préparatoire de crimes plus graves; elle met le grand nombre de ceux qui ne peuvent pourvoir honnêtement a leurs besoins, dans la nécessité de voler. Et quand ces facteurs agissent sur un homme prédisposé, ils aboutissent menie au meurt re. Dans le tableau suivant les différentes régions italiennes, ainsi que les crimes commis, ont été rangés autour de leurs chiffres nioyens. 1) — Ccttc dernière explication du dr. Fornasari di Vcrce est sclon moi, tres jtiste. 1'ar contre elle diminue de beaucoup la valeur dti tableau entier sus-mentionné, puisqu'on y calcule d'après la richesse absolue. — Richesse. Crimes. (3.333) Latium VII — — VI — _ V — (2,747) Piémont-Ligurie IV — (2,400) Lombardie III / Lombardie (649) / \ Toscane (710) (2,164) Toscane I Piémont-Ligurie (732) ^ I Emilie (749) / \ Marches—Ombrie (774) (1,935) Vénétie i 1 0 k Vénétie (857) (1,876) Royaume ■ o§ Royaume (926) (1,762) Emilie \ ( Sicile (1021) — i°. Naples (1150) (i,47') Sicile ) 2o k Sardaigne (1440) (1,333) Naples _ ) ( (1,227) Marches—Ombrie 30. — Sardaigne 4°- Latium (1797) (774) D'après 1'auteur il ressort de ce tableau que, en exceptant Ie Latium, les régions avec une richesse qui dépasse le chiffre moyen, produisent un chiffre de criminalité inférieur au chiffre moyen. Tout de mêrne les régions avec un chiffre de richesse dépassant la moyenne c. a. d. Piémont-Ligurie, Lombardie et Latium, donnent un plus grand nombre de crimes, qu'on ne s'y attendrait vu leurs chiffres de richesse, tandis que la Sicile, Naples, Marchcs-Ombrie et la Sardaigne présentent justement un chiffre de crimes inférieur a celui qu'on pourrait supposer. Cette opposition n'est qu'apparente, d'après lc Dr. Fornasari di Verce, et s'explique de la manière suivante: i°. Puisque, la 011 il y a de la richesse on peut aussi s'attendre a trouver de la pauvreté et 1'occasion fréquente de voler. 2°. 1'arce que les individus dangereux afflueront moins aux endroits 011 il y a moins de richesse. 3°- 1'aice que, comme dit Stuart Mill, il résulte des conditions sociales de nos jours que 1'éducation du pauvre est nulle et celle du riche mauvaise. Le deuxième chapitre, ayant comme titre: „II fattore economico e la delinquenza. — Dinamica", contient en premier lieu quelques données sur le courant dc la criminalité dans la période en question. La criminalité en général augmente: les crimes graves restent a peu pres stationnaires, les crimes moins graves augmentent. Comme la observé berri, la criminalité diminue, aussi en Italië, quant a son intensité et sa violence mais s'accroit par contre en étendue et en nombre. Ensuite 1'auteur considèrc 1'influence de / cmigration. Ce sont surtout les crimes contre la propriété qui en ressentent une influence favorable, de même que 1'assassinat, pour ce qui concerne les crimes contre les p'ersonnes. La cause de cette influence favorable s'explique facilement. 13 L'émigration éloigne nombre de personnes qui, n'ayant pas de moyens d'existence deviendraient facilement criminelles. Les conséquences des évènements dans Pagriculture (vicende dell'agricoltura) sont les suivantes: les années aux récoltes abondantes présentent une dimunition de la criminalité, les mauvaises années par contre un accroissement; cependant les heureuses vendanges amènent le même résultat. Ce sont surtout les crimes contre la propriété (spécialement les vols champêtres) qui subissent 1'influence du degré d'abondance de la récolte ; tandis que parmi les crimes contre les personnes ce sont les coups et blessures qui ressentent surtout 1'influence des événements agricoles. II est évident que la classe agricole éprouve avant tout les suites défavorables d'une mauvaise récolte. Durant les mauvaises années 1887—1889 la proportion des agriculteurs parmi les condamnés montait de 35,3°/o a 37.8°/0 et 38,20/0-1) L'influence de la Jluctuation des prix des vivres les plus nécessaires est la suivante : la criminalité en général ressent fortement cette influence. Quand les prix baissent la criminalité diminue, et vice versa. On s'en apercoit plus distinctement encore dans la criminalité contre la propriété. Les crimes contre les personnes augmentent surtout quand le prix du vin est bas, et vice versa. Quand une baisse des prix des vivres coïncide avec celle du prix du vin, 1'accroissement des crimes contre les personnes est grand. D'après le Dr. Fornasari di Verce la cause de 1'accroissement des crimes contre les personnes en cas de bas prix des vivres ne se trouve pas dans la meilleure nutrition qui en résulte, mais dans la plus grande consommation d'alcool qui s'ensuit. Les autres crimes ressentent moins l'influence des fluctuations des prix des denrées. Puis /'industrie (par suite de la défectuosité de la statistique officielle les données sont trés incomplètes). Durant la période dont parle 1'auteur, 1'industrie s'est énormément développée et la criminalité en général a aussi augmenté. Cependant les formes graves ont diminué, tandis que les formes moins graves se sont accrues. Les crises industrielles amenaient surtout une augmentation des crimes contre les personnes. Les conditions des ouvriers. D'après 1'auteur il serait de la plus haute importance de pouvoir établir pour chaque année le nombre d'ouvriers industriels. Car cela a une plus grande importance pour la criminalité que les prix des denrées et le taux des salaires. Faute de données officielles une telle recherche ne peut avoir lieu, et il faut se borner a un examen des salaires. A quelques exceptions prés, ces salaires ont augmenté, de 35 °/0 environ durant la période 1873—89. Cependant, pour obtenir une image plus nette de la condition des ouvriers, 1'auteur a combiné les fluctuations des salaires avec celles des prix du blé, c. a. d. il a fait le calcul !) Afin de ne pas trop étendre ce résumé, je me vois forcé de me borner ii la communication des principaux résultats des recherches. Le livre entier du Dr. Fornasari di Verce étant rempli de chifïfres, il est rcgrettable que tous ces chiffres ne soient pas reproduits en cartes graphiques. L'unique carte statistique qui y figure se trouve reproduite a la page 200. du nombre d'heures que chaque ouvrier a dü travailler afin de pouvoir se procurer IOO kilogr. de blé. !) Aprés avoir fixé 1'attention sur la circonstance que la moyenne des salaires des ouvriers italiens est plus basse que celle des autres pays industriels, les recherches donnent les résultats suivants: 1'influence des fluctuations des salaires sur la criminalité en général est minime et presque toujours subordonnée a celle des fluctuations des prix des denrées. Cependant ici il ne faut pas oublier que les salaires ne rendent pas toujours exactement la condition dans laquelle se trouve la majorité des prolétaires. A quelques exceptions prés, tous les crimes contre la propriété diminuent, quand les salaires montent (en combinaison avec les prix du blé). Cette influence ne se remarque pas dans les crimes commerciaux et fausse monnaie. Les crimes contre la personne augmentent un peu quand les salaires montent; mais, quand cette circonstance coïncide avec un prix bas du vin, ils augmentent considérablement. L'influence des grcves est exclusivement limitée au crime de rebellion. De la recherche sur la criminalité et les événements commerciaux relevons ceci: La banqueroute frauduleuse, et en grande partie aussi le faux, sont presque tout a fait indépendants des événements économiques ; et la fluctuation du nombre des crimes commerciaux, pour autant qu'ils ne sont pas influencés par les autres faits économiques, s'explique en grande partie par les événements commerciaux. Les événements financiers (crédit et épargnes) ne se font pas ressentir dans la criminalité en général, mais bien dans les crimes contre la propriété et les crimes commerciaux. L'auteur conclut enfin de 1'augmentation "constatée de la fortune privée et de 1'accroissement des salaires a une corrélation de ces phénomènes avec une diminution de quelques formes graves de la criminalité. 2) Les résultats de la recherche sont réunis dans le tableau suivant: — ') Les données qui servent de base M'opinion de l'auteur sont trés insignifiantes. On pourrait encore objecter: i". Les prix du blé ne prouvent rien pour le prix des autres nécessités; p. e. les lovers et les contributions se sont fortement accrus les derniers temps dans presque tous les pays industriels; 2". pour juger de la vraie condition du prolétariat il faut non seulement être au courant des salaires et des prix des denrées, mais il faut aussi savoir le degré d'enrichi'ssement de la classe possédante. Car il n'est possible de juger des conditions d'une classe qu'en les comparant a celles des autres classes. Voir p. 136 du livre du Dr. Fornasari di Verce, oü l'auteur niême produit les chiffres, qui démontrent que la richesse totale s'est accrue en plus grande mesure que les salaires ne sont montés. — 2) Dans le tableau suivant l'auteur donne la proportion entre 1'accroissement des salaires et 1'augmentation de la fortune privée: de 1875/79—1880/84. de 1880/84—1885/89. Accroissement 8„, 6,i9»/0 des salaires par heure. Augmentation > ,2 ,o0/„ 6,450/0 de la fortune pnvee. S Différence 1 »52°/0 CRIMES , , , ,, Subissant 1'influence des événements économiques et variant avec ceux-ci, r.n denors de 1 intiuence ^ des événements économ. Directement Inversement. !) Excepté: vols champêtres, ranges parmi les vols de tous genres. 2) Excepté: banqueroute frauduleuse. 3) Excepté: rebellion et violence contre les autorités publiques. L'auteur a été induit a la conclusion sus-dite par la circonstance suivante: L'accroissement de la fortune privée a toujours été plus fort que 1'augmentation des salaires, mais la proportion entre eet accroissement et cette augmentation n'est pas restée la même pour les deux périodes. Elle a baissé dans la deuxième. — D'après moi, l'auteur a tort. Car, dans les deux périodes la fortune augmente plus que les salaires ne se sont élevés. La distance entre les deux ne diminue donc pas dans la 2me période, mais 1'agrandissement de la différence y est moins grande; ce qui n'enipêche pas que la différence entre salaires et fortune (non-possesseurs et possesseurs) n'a pas amoindri. 11 est donc impossible que la diminution de quelques formes graves de criminalité, constatée par l'auteur, puisse être attribuée h la cause qu'il en donne. — a. Vols de tous genres. ^ b. Tromperie, soustraction et autres fraudes, beaucoup: c. Crimes contre la propriéte (de la compétenci j du préteur). ') [ d. Crimes commerciaux. 2) / e. Assauts et chantages (sans homicide), extorsioi l et rapine. suffisamment: ƒ. Crimes contre 1'ordre de la familie. (g. Crimes contre les personnes (de la compétenci du préteur). I h. Crimes contre 1'ordre public, peu : -j i. Crimes contre 1'administration publique. 3) I j. Faux en écriture et fausse-monnaie. , . / I. Assaut et chantage avec homicide. Cnmes sur \ jj Rejjellion et violence contre les autorités publi lesquels 1 influ-' ence du vin i jjj Homicide de toute nature, predomme: [ {y Cou et b[cssures voulus. * | — Attentats aux moeurs. presque pas dui k; Attentats a la süreté de 1'Etat tout ( taux temoignages, calomme, etc. / m. Banqueroute frauduleuse. ^ 11. Diffamation et injures. pas du tout: \ 0. Crimes contre la religion de 1'Etat et les autn I cultes. p. Incendie et dommages aux propriétés d'autri D'après 1'auteur il résulte donc de son examen: que les facteurs économiques occupent bien une place éminemment importante dans 1'étiologie du crime, mais qu'on ne peut pas expliquer au moyen d'eux toute la criminalité. Le Dr. Fornasari di Verce est d'opinion que, si 1'on veut efficacement combattre la criminalité, il sera nécessaire d'appliquer les „substitutifs pénaux", indiqués par le professeur E. Ferri. L'auteur traite de la même manière 1'influence des événements économiques sur la criminalité de la Grande-Bretagne et de 1'Irlande. En voici les résultats: beaucoup j Crimes contre la propriété sans violence. | suffisamment j „ „ „ „ avec „ | l „ „ „ „ avec destruction I ) préméditée. peu „ autres que les sus-nommés ou ceux I contre la circulation monétaire et contre les personnes. j I l Crimes sur les-l 1 quels 1 influen-1 ^ contre les personnes. ce de 1'alcool ; I prédomine I pas du tout j Délits et contraventions. presque pas j Crimes de faux et de circulation monétaire. CRIMES ET DÉLITS Ne subissant pas gubissant 1'influence des événements 1 influence des eve- économiques et variant avec ceux-ci, nem. economiques. Directement. Inversement. L'examen pour ce qui concerne la Nouvelle-Galles-du-Sud donne les résultats suivants: CRIMES ET DÉLITS Subissant 1'influence des événements économiques et variant avec ceux-ci, Directenient. Inversement. beaucoup j suffisam- ^ ment j peu . Crimes et délits sur lesquels 1'influence de 1'alcool prédomine Me subissant pas ' 1'influence des évéTients économiques. 1. Vol et recel. 2. Escamotage. 3. Vol de chevaux. 4. Petits délits contre la propriété. 5. Vol dans des maisons habitées. 6. Vol de moutons. 7. Faux. 8. Abigéat. 9. Assassinat. 10. Incendie. 11. Homicide. 12. Coups et blessures. 13. Extorsion. 14. Rapine. 15. Autres délits peu graves. I. Attentat a la pudeur. II. Délits contre les mceurs (homosexualité). III. Délits contre les mceurs. IV. Délits peu graves contre les personnes. A. Concussion et tromperie. B. Faux serment. — II est incontestable que les recherches du Dr. Fornasari di Verce doivent être placées au premier rang parmi les oeuvres, démontrant la justesse de la thèse, que les facteurs économiques sont les facteurs les plus importants de la criminalité. Cependant il est trés regrettable que 1'auteur n'ait pas toujours rendu les résultats de ses recherches en graphiques, ce qui aurait donné beaucoup plus de valeur a son travail. En ne voyant que des pages couvertes de chiffres suivis de brèves conclusions il est trés difficile de se faire une juste idéé de ces résultats. Une autre objection qu'on pourrait faire est celle-ci: que la question a été concue d'une fa^on trop mécanique, conséquence de la méthode exclusivement statistique. II cherche la corrélation entre chaque phénomène économique séparé et la criminalité, au lieu de celle de 1'ensemble de ces phénomènes, la vie économique n'existant pas en réalité de parties séparées et isolées, mais formant un grand tout, une masse compacte, dont les parties s'engrènent. Quand il se présente un événement économique important, duquel on pourrait attendre des conséquences considérables pour la criminalité (p.e. une forte baisse) il faut se garder de tirer trop vite la conclusion que eet événement n'est d'aucune importance pour la criminalité, quand les conséquences prévues (p.e. cette baisse) font défaut; car il se pourrait, que des facteurs neutralisants auraient empêché ces conséquences. A cette observation se rattache ma dernière et plus importante objection. L'auteur n'a pas prouvé par ses recherches la justesse de sa conclusion, qui est aussi partagée par le prof. Ferri dans son „Socialisme et Science possitive" !): que la criminalité ne peut pas s'expliquer exclusivement au moyen des conditions économiques. Car, quoique ses recherches comprennent des facteurs trés importants, 1'auteur laisse de cöté beaucoup de facteurs économiques et, a une exception prés (1'influence dégénérescente de la misère) les nombreuses suites indirectes des conditions économiques, qui sont de haute importance dans la question qui nous occupe. En d'autres termes 1'auteur n'a pas fixé 1'attention sur le fait que nous vivons sous un système économique de date relativement récente et ayant des traits caractéristiques particuliers, qui sont de grande importance pour la criminalité. (II est vrai que, d'après le titre de son ouvrage, 1'auteur n'avait pas 1'intention de le faire. Mais c'est justement a cause de cela que sa demière conclusion est prématurée.) II a bien indiqué quelques conséquences trés importantes de ce système, mais il n'a pas analysé le système même. Je suis d'opinion que le travail que je viens de traiter, et qui a une grande valeur pour notre sujet, démontre que les conditions économiques sont de haute importance pour la criminalité. Cependant, il ne prouve pas, selon moi, que cette influence ne dépasse pas celle qui est démontrée par la statistique. — •) Voir p. 29 édition hollandaise. Ore 4i la»oro n*c*t«arie ad ott«nere l>quivtleo1« d< 100 kg di pant impuUti coodannat» dalle »•'<« maristratnr» («opr» 10,000 tb ). Or« di l»»«ro ad ®(lcnfe P fqoivalent# d< t quintale d> frorr.flnto ReaU deounnati p*r i qaai prowiderv gl« urfici del P. M. (»•!*% 10,000 ab ) F-tniermirti (•opr» 10.000 tb y AilenUti a;la propriela (Reati deoaniitti). Alteotat' alle pertooe (R^tti deoonnati). Ati«nut< alla aicorezia dello Su 184S 1 ^54» '865 1868, 1872—1876, dans lesquelles le prix du froment fut élevé, 011 trouve aussi un grand nombre de crimes contre la propriété. La seule année 1855 y fait exception, car alors les crimes contre la propriété n augmentèrent pas, quoique le prix du blé füt trés élevé. Ceci s explique du fait que le gouvernement prit alors des mesures afin de diminuer les suites de cette calamité. En outre d'autres vivres furent alors trés bon marché. !) . Depuis 1860 le nombre de crimes contre la propriété diminue, ce qui, selon 1'auteur, s'explique de 1'importation du blé de qui augmente beaucoup dès cette époque. L'influence de la production et de la consommation de 1 alcool se fait fortement ressentir dans les crimes contre les personnes, surtout dans les coups et blessures. Je veux encore fixer 1'attention sur le rapport fait par le prof. Lacassagne au IVc Congrès d'Anthropologie Griminelle a Geneve, intitulc. „Les vols a 1'étalage et dans les grands magasins," dans lequel il démontre comment 1'étalage dans les grands bazars, qui doit fasciner les visiteurs et les forcer pour ainsi dire a acheter, mène au crime des individus prédisposés a la cleptomanie. Le prof. Lacassagne est toujours resté fidéle au jugement qu'il a une fois porté: aux Congrès de Bruxelles2) et d'Amsterdam3) il la répété: „Les sociétcs out les crimimls qu'elles méritent." 1) Dans cette étude 1'auteur distingue trois groupes d'influences: i°. modificateurs physico-chimiques (température etc.) 2°. modificateurs biologiques ou ïndividuelles (sexe, age, etc.) 3". modificateurs sociologiques. Au fond cette division est la meme que celle du prof. Ferri (comme celui-ci le reconnait p. 152 Soc. Crim.) Cela prouve que les différances entre les écoles italienne et francaise, et entre celle-ci et les bio- sociologues, ne sont pas trés grandes: il y a plutót nuance que diversité d'opinions. Tout de même je juge mieux de suivre la division en écoles différentes. 2) Actes p. 240. 8) Compte Rendu p. 232. II. G. TARD E. Cet auteur considère la criminalité comme étant avant tout un phenomène social, qui, comme tous les phénornènes sociaux, s'explique par 1'imitation. „Tous les actes importants de la vie sociale sont exécutés sous 1'empire de 1'exemple. On engendre ou 1'on n'engendre pas, par imitation : la statistique des naissances nous 1'a démontré. On tue ou on ne tue pas, par imitation: est-ce qu'on aurait aujourd'hui 1'idée de se battre en duel, de déclarer la guerre, si 1'on ne savait que cela s'est toujours fait dans le pays que 1'on habite ? On se tue 011 on ne se tue pas, par imitation: il est reconnu que le suicide est un phenomène imitatif au plus [ïaut degré; impossible, en tout cas, de refuser ce caractère a ces „suicides en masse de peuples vaincus échappant, par la mort, a la honte de la défaite et au joug de 1'étranger, comme ceux des Sidoniens défaits par Artaxerxès Orchus, des Tyriens par Alexandre, des Sagontins par Scipion, des Achéens par Métellus, etc. etc." Comment douter après cela, qu on vole ou qu'on ne vole pas, qu'on assassine ou qu'on n'assassine pas, par imitation?" ') L'imitation, dit 1'auteur, est régie par deux lois, c. a d. que les hommes s imitent plus a mesure qu'ils sont plus rapprochés et que 1 imitation se fait surtout du haut en bas (p. e. que les coutumes de la noblesse sont imitées par le peuple, etc. etc.). Si 1'on met la criminalité a 1 épreuve d après ces régies, on verra qu'elles se confirment aussi ici. Kt 1 auteur donne e. a. les exemples suivants a 1'appui: „Le vagabondage, sous ses mille formes actuelles, est un délit essentiellement plébéien ; mais, en remontant dans le passé, il ne serait pas malaisé de rattacher nos vagabonds, nos chanteurs de carrefour, aux pélerins nobles, aux ménestrels nobles du moyen-age. Le braconnage, autre pépinière criminelle, qui a joué dans le passé, avec la contrebande,' un róle comparable a celui du vagabondage a présent, se rattache plus directement encore a la vie seigneuriale.2) „L'incendie, ce crime des plus basses classes aujourd'hui, a été une prérogative des seigneurs féodaux. „N'entendit-on pas le margrave de Brandebourg se vanter un jour d avoir brülé dans sa vie 170 villages?" La fausse monnaie se ') p. 319 «Philosophie pénale". 2) p. 329 «Philosophie pénale.'' réfugié a présent dans quelques cavernes des montagnes, dans quelques sous-sols des villes, on sait qu'elle a été longtemps un monopole royal. Le vol, enfin, si dégradant de nos jours, a eu un brillant passé. Montaigne nous apprend, sans trop s'en indigner, que beaucoup de jeunes gentilshommes de sa connaissance, a qui leur père ne donnait pas assez d'argent, se procuraient des ressources en volant." ') II y eut donc un temps oü la criminalité se répandit des classes élevées vers les classes plus basses; a présent les nouvelles formes de crimes prennent naissance dans les grandes villes et se répandent de la sur la campagne. L'accroissement de la criminalité est trés important dans les grandes villes, et il est trés probable d après la loi citée qu a la longue la criminalité s'accroitra enfin a la campagne aussi fortement. Ce sont surtout les crimes d'assassinat, d'attentats a la pudeur des mineurs, d'avortement et d'infanticide qui ont augmenté. Aussi 1'opinion de plusieurs criminalistes italiens „que les crimes contre les personnes diminuent la oü les crimes contre la propriété augmentent, et vice versa," est, d'après le prof. Tarde, erronnée, puisque les deux sortes de crimes augmentent dans les grandes villes. .... „En somme, 1'action prolongée des grandes villes sur la criminalité est manifeste, ce nous semble, dans la substitution lente non pas dc la ruse a la violence précisément, mais de la violence cupide, astucieuse et voluptueuse, a la violence vindicative et brutale. -) .... Néanmoins la civilisation améliore les hommes, la criminalité grandissante est donc en contradiction avec la civilisation de plus en plus croissante. Cette contradiction est expliquée par 1'auteur au moyen d'une autre loi d'imitation: la loi d'insertion, c. a. d. le passage alternatif de la mode a la coutume. „Toute industrie s'alimente ainsi par un afflux de perfectionnements, innovations aujourd'hui, traditions demain; toute science, tout art, toute langue, toute religion, obéit a cette loi du passage de la coutume a la mode et du retour de la mode a la coutume, mais a la coutume élarcie. &Car a chacun de ces pas en avant le domaine territorial de 1'imitation s'agrandit, le chainp de 1'assimilation sociale, de la fraternité humaine, s'étend, et ce n'est pas, nous le savons, 1'effet le moins salutaire de 1'action imitative au point de vue moral. 3) Après avoir mentionné comment ces différents courants d ïnutation se rencontrent, 1'auteur applique les idéés susdites a 1 influence de 1'instruction sur la criminalité. II constate que 1'instruction, prise isolément, n'est pas un reméde contre le crime, puisqu'elle peut fournir de nouveaux moyens a commettre des crimes, et qu'elle fait donc changer la criminalité de caractère seulement. Ensuite 1'auteur indique 1 influence du travail sur la criminalité en combattant e. a. la thèse de M. Foletti qui uit qu u faut aussi porter en compte le développement économique, p. e. si durant la période 1826—1878 la criminalité en France s'est augmentée dans la proportion de 100 a 254, et 1'activité productrice s'est quadruplée, 1) p. 331. »Philosophie pénale". 2) p. 353. «Philosophie pénale". ») p. 356—357. oPhilosophie pénale". la criminalité n'a pas augmenté, mais en réalité diminué. L'erreur fondamentale dans 1'argumentation de Poletti est, selon le prof. Tarde, qn'il considère le crime comme un efifet régulier, permanent et inévitable de l'industrialisme. „Seulement il y a travail et travail; et si dans une classe plus laborieuse, le travail est mal réparti, excessif pous les uns qu'il énerve et affole, insuffisant pour les autres qui se dissipent, ou s'il est mal dirigé, tourné vers des compositions et des lectures malsaines qui surexcitent les sens et la vanité et poussent au délire la convoitise du plaisir prématuré ou 1'émulation en vue des prix, dans ce cas, il se peut fort bien que le progrès en travail s'accompagne d'un progrès en indiscipline, en vices et en fautes scolaires de divers genres. Un phénomène analogue a lieu dans nos villes oü la frénésie du luxe dépasse 1'ascension des salaires, et oü les délits contre les moeurs ont sextuplé ou septuplé pendant que la fortune publique triplait ou quadruplait seulement. Les socialistes donc, ont raison d'imputer, en partie, a 1'injuste répartition ou a la direction facheuse de 1'activité productrice le mal moral qui grandit avec elle, et qui d'ailleurs ne diminue pas quand elle s'afifaiblit. Car, depuis 1'époque oü s'arrêtaient les renseignements de M. Poletti sur la prospérité francaise, elle a cessé de croitre, elle a baissé rapidement, comme on ne le sait que trop, mais le délit a continué sa marche ascendante avec un élan plus marqué. En somme il ne reste rien de la loi posée par eet écrivain distingué, et toutes les statistiques la démentent. La délictuosité, comme le fait remarquer M. Garofalo, est si peu proportionnelle a 1'activité commerciale que 1'Angleterre, oü le crime et le délit sont en décroissance, est la nation la plus remarquable par 1'accroissement extraordinaire de son commerce, et que 1'Espagne et 1'Italie, oü la criminalité est supérieure a celle des principaux états de 1'Europe, viennent loin derrière eux pour le développement des affaires. Ajoutons qu'en France la classe la plus laborieuse de la nation sans contredit, c'est la classe des paysans, et que c'est aussi 1'une des moins délinquantes a chiffre égal de population, malgré les conditions défavorables de son existence. Concluons que le travail est en soi 1'adversaire du délit, que s'il le favorise, c'est par une action indirecte, nullement nécessaire, et que ses rapports avec lui sont analogues aux rapports mutuels de deux genres de travaux antagonistes." !) Uans la section qui suit 1'auteur traite 1'influence de la richesse et de la pauvreté sur la criminalité. II mentionne les opinions différentes de Turati et de Colajanni d'une part, et de Perri et de Garofalo d'une autre; ceux-la ont essayé de prouver que la pauvreté est souvent cause qu'un pauvre devient criminel. Garofalo a essayé de le prouvrer en fixant e.a. 1'attention sur le fait que, d'après la statistique criminelle de 1'Italie de 1'an 1880, les possesseurs commettent proportionnellement autant de crimes que les prolétaires. Le prof. Tarde y oppose que la statistique criminelle francaise en 1887 démontre qu'il y eut, sur 100.000 membres d'une même classe de la population, les nombres suivants d'accusés: 20 de celle des domestiques, c. a. d. d'une des classes les plus pauvres, 12 de celle des ') P- 377—378 «Philosophic pénale." professions libres, y compris les propriétaires et rentiers, 139 de celle des vagabonds et des gens sans professions, par conséquent de la classe la plus nécessiteuse, 21 de celle du commerce, 26 de cellederindustrie (un chiffre trés élevé vu l'importance des bénéfices dans cette periode) et 14 de celle des agriculteurs (chiffre trés bas en considérant leur pauvreté relative). . L'auteur expose de la manière suivante a quoi nous devons ces contradictions: . „N'oublions pas que, le désir de s'enrichir étant le mobile oidinaire, et de plus en plus prépondérant du délit, comme le mobile unique du travail industriel, la possession de la richesse doit éloigner du delit 1'homme le plus malhonnête comme du travail industrieel homme le plus laborieux — car il est contradictoire de désirer ce qu'on a, — si du moins la satisfaction de ce désir n'en a pas été la surexcitation, comme il arrivé souvent, mais jusqu'a un certain point seulement et pas toujours. Or, dans les milieux affairés, oü, grace au mutuel enfièvrement, renrichissement constant plutót que la richesse mème est le but poursuivi, la fortune est comme ces liqueurs poivrées qui attisent la soif encoie plus qu'elles ne 1'apaisent; de la sans doute, a cöté de 1'agitation de ces milieux, leur délictuosité égale a celle des domestiques. De mème, dans les milieux licencieux, grandes villes, agglomérations ouvnères, les attentats aux mceurs sont d'autant plus nombreux que les plaisirs des sens y sont plus faciles. Mais on pourrait poser en principe que la 01. la richesse est un obstacle a 1'affairement, elle est aussi un obstacle au délit, a peu prés comme le pouvoir politique cesse d'être dangereux au moment oü il cesse d'être brouillon et ambitieux; il en est ainsi par mi les propriétaires ruraux, pctits ou grands, parmi les rentiers et menie dans la plupart des professions libérales, la oü elles sont, comme en France, assez peu absorbantes et enfièvrantes; content de son bien-etre relatif, 1'homme s'y repose dans un demi-travail intellectuel, artistique plus que mécanique, honorifique plus que vénal, et s'y abstient des moyens délictueux d'obtenir une augmentation de revenus qu 1 desire modérément. Le paysan francais, en général, partage cette moderation de désirs, et, riche de sa sobriété, de son stoïcisme, de son epargne, de son lopin de terre acquis enfin, il est plus heureux que le millionnaire, financier ou politicien fiévreux, poussé par ses millions meines a en faire la semence de ses spéculations véreuses, de ses escroquenes et de ses concussions sur une vaste échelle. Les cultivateurs les plus aises sont d'ailleurs les plus honnètes en général. Ne parions pas de richesse et de pauvreté, a vrai dire, pas mème de bien-étre et de mal-etre, parions de bonheur et de malheur, et gardons-nous de nier cette vente vieille comme le monde, que 1'excuse du méchant est d'être souvent un malheureux. Fils de ce siècle, avouons, quoi qu'il en cóute a notre amourpropre filial, — car il n'est rien de plus vénéré que cette paternite-la, avouons que, sous ses brillants dehors, notre société n est pas heureuse, et, n'eussions-nous d'autres garants de ses grands maux que ses nombreux délits, sans songer mème a ses suicides et a ses cas de folie qui se multiplient, sans prèter 1'oreille aux cns d'envie, de souffrance et de haine qui dominent le tapage de nos cités, nous ne saurions revoquer en doute ses douleurs. 14 De quoi souffre-t-elle ? De son trouble intérieur, de son état illogique et instable, des contradictions intestines que remue en elle le succes même de ses découvertes et de ses inventions inouïes, précipitées les unes sur les autres, aliments de théories contraires, sources de besoins effrénés, égoistes et antagonistes. En cette gestation obscure, un grand Credo, un grand but commun se fait attendre; c'est la création avant le Fiat Lux. La science multiplie les notions, elle élabore une haute conception de 1'Univers, sur laquelle elle finira, je 1'espère, par nous mettre d'accord; mais oü est la haute conception de la vie, de la vie humaine, qu'elle est prête a faire prévaloir? L'industrie multiplie les produits, mais oü est 1'oeuvre collective qu'elle enfante? L'harmonie préétablie des intéréts fut un rève de Bastiat, 1'ombre d'un rêve de Leibnitz. Les citoyens d'un Etat s'échangent des renseignements scientifiques ou autres, par le livre, par le journal, par la conversation, mais au profit de leurs croyances contradictoires; ils s'échangent des services, mais au profit de leurs intéréts rivaux; plus ils s'assistent ainsi mutuellement, donc, plus ils nourrissent leurs contradictions essentielles, qui ont pu être aussi profondes en d'autres temps, jamais aussi conscientes, jamais aussi douloureuses, jamais, par suite aussi dangereuses." ') Supposé, qu'il n'y eüt plus de guerre extérieure, comment pourraiton éviter la guerre civile? se demande 1'auteur. Cependant il y a des périodes historiques, p. e. au moyen-age, oü il exista encore un autre but commun, savoir la foi, qui unissait les individus. De nos jours ce but ne peut être autre chose que „1'art, la philosophie, la culture supérieure de 1'esprit et de 1'imagination, la vie .esthétique." Afin de pouvoir répondre a la question si la civilisation (le nom collectif pour instruction, éducation, religion, science, arts, industrie, richesse, ordre public etc.) fait diminuer la criminalité, oui ou won, il faut distinguer deux stades de civilisation. Dans le premier un afflux d'inventions; c'est dans ce stade que se trouve 1'Europe en ce moment. Dans le deuxième eet afflux diminue beaucoup et il se forme un cohérent entier. Une civilisation peut donc être trés riche et peu cohérente, comrne 1'actuelle, ou bien trés cohérente et peu riche, comme p. e. celle de la commune au moyen-age. „Mais est-ce par sa richesse ou par sa cohésion, qu'elle (c. a. d. la civilisation) fait reculer le dclit ? I'ar sa cohésion sans nul doute. Cette cohésion de la religion, de la science, de toutes les formes du travail et du pouvoir, de toutes les espèces d'initiations différentes, se confirmant mutuellement, en réalité ou en apparence, est une vraie coalition implicite contre le crime, et alors même que chacune de ces branches fruitières de 1'arbre social, ne combattrait que faiblement la branche gourmande, leur accord suffirait a détourner de lui toute la sève." 2) — Ce n'est pas le lieu de faire une critique sur la théorie de 1'imitation en général, avec laquelle le prof. Tarde croit qu'on peut expliquer chaque phénomène social. ') P- 383—385. «Philosophie pénale." 2) p. 386—387. «Philosophie pénale." Les autres parties du Vie chapitre («le crime") de »la Philosophie pénale," a laquelle ce qui précède a été emprunté, ne contiennent plus d'observations intéressantes pour notre sujet. Selon mon opinion cette théorie, pour autant que nouvelle, n'est pas juste, et pour autant que juste elle n'est pas nouvelle. Elle est juste pour autant qu'elle explique coniment un phénomène social, qui a pris naissance dans un endroit, s'est fortement répandu, ou bien comment il se présente encore quoique les causes primaires n'existent plus. Cependant il est manifeste qu'au moyen de 1'imitation on ne peut donner qu'une explication partielle des phénomènes susdits. II faudra désigner d'autres facteurs encore pour expliquer p. e. pourquoi quclque chose se répand partout par suite de 1'imitation a un certain moment, tandisqu'auparavant elle passait inapercu; etc. J'accorde donc que la signification de 1'imitation et de la tradition est de trés grande importance pour 1'explication des phénomènes sociaux, mais suis d'opinion que 1'imitation et la tradition, représentant un élément conservateur, ne nous renseignent point sur la naissance de nouveaux phénomènes sociaux.') Dans le domaine de la criminalité 1'imitation joue aussi un grand róle. Des enfants, élevés dans un milieu corrompu, contractent aisément par imitation de mauvaises habitudes; 1'influence néfaste de la prison est proverbiale; un crime sensationnel arnène souvent des crimes analogues. C'est aussi par 1'imitation qu'on explique, du moins en partie, 1'existence de la mafia et de la camorra, dont le prof. Lombroso dit e. a.: „En effet: la longue pcrsistance, la ténacité de quelques associations malfaisantes comme la mafia, la camorra et le brigandage semblent provenir en premier lieu de 1'ancienneté de leur existence; car, la longue répétition des memes actes les transforme en habitude et par suite en loi; et 1'histoire nous apprend, que tous les phénomènes ethniques qui eurent une longue durée, difficilement disparaissent tout d'un coup, etc." 2) Pour que les phénomènes nommés restent permanents, il faut d'autres facteurs sociaux importants n'ayant d'eux-mèmes rien a démêler avec 1'imitation. Ainsi p. e. la foi, dont 1'étendue est basée en grande partie sur la tradition, mais qui aurait disparu depuis longtemps et malgré la tradition s'il n'y avait point de facteurs dans la société actuelle qui la font durer. Tout en admettant ce qui précède il n'y a pas lieu de voir dans la plupart des exemples produits par 1'auteur a 1'appui de sa théorie, autre chose que des preuves de sa grande connaissance de détails historiques, peu ou point importants pour la question de la criminalité. Ou est p. e. la connexion entre les ménétriers du moyen-age et les vagabonds de nos jours? II n'y en a certes aucune autre que celle-ci: tous les deux allaient de lieu en lieu. Mais même s'il n'y avait jamais eu un ménétrier ambulant, le phénomène social qui s'appelle „vagabondage aurait existé tout de même. II n a rien a faire avec 1'imitation, par contre tout avec 1'organisation sociale actuelle. C'est elle qui, expulsant impitoyablement ') Voir a ce sujet K. Kautsky, p. 655. »Die materialistische Geschichtsauffassung und der psychologische Antrieb." (Neue Zeit 1895—96 !'•) Voir la critique sévère sur la théorie d'imitation par le prof. K. ferri dans le Devenir Social 1895, intitulée »La théorie sociologique de M. Tarde." 2) »Le Crime" p. 253. chaque non-possesseur qui ne peut travailler, soit que les forces nécessaires pour travailler lui manquent par suite de maladie ou de vieillesse, soit qu'on ne fasse pas de demande de travailleurs, 1'oblige a aller mendier et vagabonder et 1'empêche finalement ainsi pour toujours de pouvoir retourner a la vie régulière. On pourrait prouver par maints exemples que le prof. Tarde exagère ainsi 1'étendue de la sphère d'influence de 1'imitation. II ne faut pas non plus perdre de vue que 1'imitation ne nous apprend rien des causes essentielies d'un phénomène social. En recherchant les causes d'une maladie de quelqu'un on verra parfois qu'elle est la conséquence d'une contagion ; on saura donc que la maladie qui 1'a produite est contagieuse, et cette connaissance pourra nous indiquer les précautions a prendre pour restreindre ou empêcher 1'extension de la maladie; mais quant aux causes de la maladie même, on n'en sait encore rien. De même pour ce qui concerne le crime. II est certain que les idéés et les coutumes immorales sont facilement contractées par des enfants. L'enlèvement des enfants a un milieu nuisible est donc un moyen préventif contre 1'extension du crime. Mais nous ignorons encore tout ce qui concerne la genese de ces idéés et coutumes immorales, ce qui est pourtant 1'essentiel. A propos des observations de 1'auteur sur 1'influence du travail, de la richesse, de la pauvreté et de la civilisation, je fais remarquer seulement que ces questions trés importantes et trés compliquées n'occupent que quelques pages dans son ouvrage. II serait donc bien superflu de relever tout au long que 1'ensemble a été traité d'une manière trés incompléte, quoiqu'on y trouve des observations trés justes, (p. e. celles sur la mauvaise répartition du travail, et sur le désir de s'enrichir comme causes du crime etc.). Outre dans un article paru dans la „Revue Philosophique" (1890), intitulé „Misère et Criminalité", le prof. Tarde a repris son sujet dans un rapport: „la criminalité et les phénomènes économiques" (5e Congrès d'Anthropologie Criminelle a Amsterdam). C'est de ce rapport que nous communiquerons un résumé. Depuis que, d'après le prof. Tarde, il a été reconnu que les facteurs sociaux de la criminalité sont les plus importants, il y a une tendance manifeste a exagérer 1'influence des facteurs économiques. Leur haute importance, qui est incontestable, ne justitie pas du tout 1'oubli de 1'action plus forte ou plus décisive des croyances et des sentiments dans les aberrations de la volonté. Laquelle des deux sources de la criminalité, 1'économique ou la religieuse (ou intellectuelle) est la plus importante? Cela n'est pas a décider. Mais il est beaucoup plus important de savoir dans quelles phases, de quels cötés la vie économique est criminogene. Chaque phase économique, comme p.e. 1'économie domestique ou 1'économic urbaine a sa forme spéciale de criminalité. Mais les transformations politiques et rcligieuses, correspondant ou non aux transformations du mode de production, ont peut-être une part beaucoup plus grande dans la criminalité que les transformations économiques. L'économie domestique p.e. donne naissance a différents crimes dans lesquels aucun facteur économique n'est en jeu; ainsi p.e. 1'uxoricide. Ni la seule pauvreté, ni la seule richesse n'est un éceuil a la probité. Des peuples ou des classes pauvres, habitués a leur pauvreté, sont souvent trés probes, et de grandes différences de richesse n'ont pas non plus besoin de conduire au crime. Mais ce sont les brusques passages de la richesse a la pauvreté et de la pauvreté a la richesse qui sont trés dangereux pour la moralité. „En somme, la criminalité et la moralité d'un pays tiennent bien moins a son ctat économique qu'a ses transformations économiques. Ce n'est pas le capitalisme comme tel qui est démoralisateur, c'est la crise morale qui accompagne le passage de la production artisane a la production capitaliste, ou de tel mode de celle-ci a tel autre mode. Les phénomènes économiques peuvent être envisagés sous trois aspects: i°. au point de vue de leur répétition, qui a trait surtout a la propagation des habitudes de consommation appelées besoins, et des habitudes de travail correspondantes; 2°. au point de vue de leur opposition, qui comprend principalement: les luttes des producteurs entre eux par la concurrence aiguë ou chronique, en temps de grève, pendant les crises de surproduction, — ou bien les luttes des consommateurs entre eux par les lois somptuaires, aristocratiques ou démocratiques, par les monopoles de consommation qu'ils se disputent de mille manières, en temps de famine, de disette, de sous-production quelconque, — ou les luttes des producteurs avec les consommateurs, par leurs tentatives d'exploitation réciproque, lois de maximum ou prix d'accaparement, tarifications municipales ou droits protectionistes, etc; — 3°. enfin au point de vue de leur adaptation, toujours renouvelée et toujours incomplète, qui embrasse la série des inventions réussies, heureuses associations d'idées d'oü procèdent toutcs les associations fécondes des hommes, depuis la division du travail et de 1'échange, association spontanée et implicite, jusqu'aux sociétés industrielies, commcrciales, financicres, syndicales, etc . ..." l) Ce n'est que par le deuxième aspect que la vie économique peut donner une explication directe du crime; celle qui en est donnée par les deux autres n'est qu'une explication indirecte. Cela veut dire que chaque invention donne lieu a un combat mutuel des producteurs et que le progrès de 1'industrie crée la possibilité de satisfaire a des besoins, mais en même temps en fait fortement sentir le manque a ceux qui, faute de moyens, n'y peuvent tout de même satisfaire. Chaque individu doit satisfaire a un ccrtain nombre de besoins qui ont leurs retours marqués. Une société paisible et honnête sera celle dont la grande majorité des individus qui la composent seront en mesure de satisfaire a ces besoins. „Des habitudes régulières de consommation ou de production, c'est la la première condition d'une bonne santé morale, soit collective, soit individuelle, de même que des digestions régulières sont le fondament d'une bonne santé physique. Les irréguliers deviennent facilement des déclassés. Et rien n'est plus contagieux que le désordre." 2) Dc la donc 1'importance pour la criminalité des crises sociales, 1) Compte Rendu p. 199. 2) Compte Rendu p. 200. durant lesquelles la productien et la consommation sont dérangées.') D'après le prof. Tarde, les contradictions sodales, qui sont la crise ckronique des sociétés peuvent être seules causes de la criminalité. Si une société réussissait a éviter chaque contradiction intérieure c'est a peine s'il serait encore question de crime. Nos opinions peuvent toujours s'harmoniser avec celles de notre entourage, tandis que nous lui restons étrangers par nos désirs et nos sentiments. „Le criminel est celui, alors, qui, subissant le conformisme des idéés ambiantes, échappe au conformisme des sentiments et des actes ambiants. II agit contrairement a ses propres principes qui sont ceux de la société." „Ce n'est donc point a une crise sociale qu'il faut remonter, c'est a une crise psychologique qu'il faut descendre, pour expliquer le crime." 2) Les crises sociales sont de deuxnatures: politico-religieuses 011 économiques. A l'opposite de divers statisticiens, qui sont d'opinion que les premières font diminuer la criminalité, 1'auteur est d'opinion que cette diminution n'est qu'apparente, et qu'en réalité le nombre de crimes augmente en ces temps la, ce qui est démontré p.e. pour la France par 1'addition des faits poursuivis et des faits non-poursuivis. Ouant a I'effet des crises économiques, les statisticiens ne 1'ont pas encore examiné, a ce que prétend le prof. Tarde. II lui semble qu'il n'y ait point de paralellisme entre les crises économiques et la criminalité. La lutte des classes, qui nait et grandit durant les périodes de crise, est un grand danger pour la moralité publique, puisqu'elle fait naitre un esprit de classe et par la augmente le mépris des droits des individus d'une autre classe. Cependant la lutte des classes n'augmente pas le nombre des attentats individuels, mais bien celui des attentats collectifs. En résumant, le prof. Tarde est donc d'opinion que les crises sociales en général et les crises économiques en particulier ne sont pas la source unique, ni la source continue du crime. La question de savoir qu'elle est la cause des crises économiques, reste inexpliquée. Pour la résoudre on devrait alléguer toute 1'économie politique. Les causes de ces crises économiques sont en abrégé: i°. une concurrence effrénée; 2°. des catastrophes inattendues. „Ajoutons que ces luttes aigues poussent au suicide plus qu'au crime ; elles sont un facteur du crime bien moins important que les luttes sourdes, les fièvres lentes et continues des époques troublées a la recherche d'un état stable. Et ce sont moins alors les luttes de la production avec elle-même, ou les luttes de la production avec la consommation, que les luttes de la consommation avec elle-même, c'est-a-dire les conflits des besoins accrus, impuissants a se satisfaire a la fois dans les limites des salaires 011 des profits toujours insuffisants, qui sont fertiles en suggestions délictueuses. Ouand le travail ne suffit plus a satisfaire les besoins légitimes par 1'exemple ambiant, le désir du gain sans travail envahit le coeur et devient général. Le seul remède a ce danger serait 1'agrandissement de 1'industrie et sa réorganisation sur un plan plus vaste et mieux concu, si, en même temps que pour un travail moindre chaque progrès 1) Je ne traiterai pas ici ce que dit le prof. Tarde sur «les crises sociales et la criminalité," de G. Richard puisque j'en parlerai plus tard. 2) p. 204. industriel donne plus de richesse, il ne faisait naitrc cncore plus de besoins nouveaux. L'organisation individuelle des besoins, leur Jnerarchisation, vertil d'une certaine unanimité des principes fondamentaux, devra précéder l'organisation sociale des travaux si 1'on veut que celle-ci soit vraiment pacificatrice et moralisatrice." !) Le rapport du prof. Tarde se caractérise par beaucoup d'obser- vations trés justes (ainsi p. e. que chaque phase économique a sa forme particuliere de criminalité; que des transitions soudaines de richesse a la pauvreté, et vice verse, sont plus dangereuses pour la moralité que les changements lents, etc. etc.), mais en même temps et surtout, par une certaine élasticité, un manque de logique serrée. De la qu'il est presque impossible d'en donner une critique en suivant le rapport pas a pas. Voici cependant quelques remarques. Selon 1'auteur il y a deux sources de criminalité, 1'une économique, 1'autre intellectuelle. Je considère que cette distinction n'est pas juste. Chaque crime a une source intellectuelle, dans ce sens, qu'il est un acte concu par 1'intellect. II est donc impossible de voir a cóté de cette source une cause économique. Cependant 1'intellect considéré en lui-mème est vide; c'cst du milieu qu'il doit tirer la matière qu'il transformera en idéés. Par conséquent la question devient celle-ci. jusqu'a quel point le milieu économique est-il cause de la formation de pensées criminelles. Intellect et conditions économiques ne se tiennent donc pas 1'un a cöté des autres, mais 1'un a la suite des autres. Cc n'est cjue se servir d'un lieu commun que de dire que le crime a une source intellectuelle: cela n'explique rien. En lisant les premières pages du rapport on s attend, apres 1'exposé historique qui dit que chaque phase économique a sa forme particuliere de criminalité, a un exposé du système économique actuel, et a un examen pour savoir jusqu'a quel point la criminalité de nos jours s'y rattache. Cela aurait été, je crois, le plus important ^ et aurait servi a faire avancer la question. La plus gravc objection qu on saurait présenter c'est qu il ne L'ait pas fait. Tout ce qui suit n est qu un enchainement de considérations isolées qui ne sont justes qu en partie et dans lesquelles toute la question se trouve réduite a celle des crises économiques, quoique le titre parle de conditions économiques.^ II est inexact que les statisticiens n'auraient pas recherché 1'influence des crises économiques, comme 1'a prouvé le deuxième chapitre de cc travail, dans lequel j'ai analysé les travaux de différents auteurs qui se ont spécialement occupés de ce sujet. Enfin je veux encore fixer 1'attention sur le fait qu'il n appuie par aucune preuve 1'assertion que la lutte des classes prend naissance dans des périodes de crises — ce qui serait sans doute tres difficile! Ce que le prof. Tarde a voulu dire quand il parlait: ,,d agrandissement de 1'industrie et sa réorganisation sur un plan plus vaste et mieux concu" n'est pas clair. Mais il est certain que 1'observation finale qu'il est nécessaire qu'une „organisation individuelle des besoins," précede la réorganisation de 1'industrie restera toujours une utopie. Car c'est i) p. 203-204. tout juste un des phénomènes caractéristiques de notre société actuelle qu'elle a vivement excité la cupidité des hommes, et celle-ci ne disparaitra que quand sa cause aura cessé d'exister. Tous les travaux sur la criminalité du prof. Tarde nous convainquent du grand savoir de leur auteur. Le rapport dont je viens de parler contient aussi des idees qui sont souvent trés originales, mais ceci n'empêche pas qu'il faille avouer qu'il n'a pas beaucoup contribué a la solution du problème dont il s'agit. — III. A. CORRE. Dans le troisième livre de son „Crime et Suicide" 1'auteur traite de 1'influence des conditions économiques sur la criminalité, en commencjant par „travail, salaires et besoins". Le Dr. Corre relève d'abord la vraie condition de 1'ouvrier libre. I'ersonne n'est obligé de lui donner du travail ou du pain, et il est défendu de mendier 011 même de chömer. „II n'est pas d'opinion plus monstrueuse, plus révoltante et plus lache. Elle est un crime social, autant que la plus dangereuse des sottises. Car enfin, il faut être logique. Si vous obligez 1'homme a vivre, en toutes circonstances, d'après ses seuls moyens, au sein d'un milieu ferme, oü les places sont distribuées a 1'avance, les terres partagées jusqu'a leurs moindres fragments, si vous lui refusez le droit a 1'aumöne, après le droit au travail, c est quelque chose comme robligation que vous lui imposeriez de ne pas rester dans la rue, après avoir barre les issues et clos chaque maison. Alors vous 1'acculez au suicide.... ou a 1'attentat: il se tue ou prend chez d'autres ce qu'il na pas chez lui." ') II faut qu'on donne du travail a chacun qui veut travailler, afin qu'il puisse s'entretenir soi-même et les siens, et il faut qu'on apporte du secours aussi bien a celui auquel on ne peut donner de travail, qu'a 1'ouvrier qui ne peut plus travailler par suite de maladie ou de vieillesse. Par contre il faut aussi punir la paresse, ainsi qui le crime professionnel. Le salaire doit être si élevé, qu'il suffise non seulement a satisfaire aux besoins strictement nécessaires, mais encore a d'autres, p. e. a unc éducation progressive, cependant sans éveiller dans la classe ouvrière le désir du luxe qui corrompt toujours les moeurs. Tout en faisant une seule réserve, le Dr. Corre est d'opinion que généralement les salaires sont trés insuffisants, surtout si 1'on prend en considération qu'il y a des temps de chómage, de maladie etc. pendant lesquels on ne gagne rien du tout. La question des salaires est d'une haute importance pour 1'étiologie de la criminalité. Néanmoins, toutes les améliorations de la condition matérielle de la classe ouvrière n'effectueront rien du tout, a moins qu'il y ait en même temps une amélioration morale. Comme d'autres auteurs 1'ont déja prouvé, les prix du pain aussi ont une influence sur le cours de la criminalité. i) p. 412. Dans la rubrique „conditions économiques", il fixe en second lieu 1'attention sur „assistance, épargne, propriété." En examinant 1'influence de 1'assi.stance sur la criminalité dans les départements de la France, on voit que la mendicité et le vagabondage diminuent et que les crimes sont de médiocre fréquence la oü 1'assistance officielle est la plus petite, tandis que la criminalité est assez intensive ou même accroissante la oü 1'assistance est la plus grande. „Ainsi 1'assistance trés réduite comporterait moins d'inconvénient que la plus large. Telle est 1'interprétation que donne a 1'esprit la comparaison des statistiques économiques et judiciaires. L'excès dans le secours, difficilement séparable d'une mauvaise répartition, aurait donc une influence démoralisatrice; il énerve et stérilise et ses fruits apparaitraient plus amers, s'il était possible de dévoiler tous les petits secrets de 1'assistance, sous les mille formes qu'elle revêt." ') „L'épargne élargit le champ des besoins du travailleur, lui donne la sécurité pour 1'avenir, affermit son indépendance vis-a-vis de 1'Etat, sa dignité vis-a-vis des autres citoyens; elle lui permet d'entourer sa familie d'une plus grande sommc de bien-être, et par 1'instruction d'élever ses enfants dans la hiérarchie professionnelle. Elle est donc utile et moralisatrice." 2) ') P- 43°2) P- 43'- Cependant, 1'épargne exagérée est trés préjudiciable a la moralité. Car elle dégénéré en avidité et devient ainsi cause de crimes. On trouve souvent le nombre moyen de déposants dans les caisses d'épargne particuliéres dans ces départements qui fournissent le chitfre le moins élevé de crimes. Les départements avec des chiffres de déposants au-dessus et en-dessous de ce nombre moyen ont ordinairement des chiffres de criminalité élevés. „L'on peut critiquer, du fond d un cabinet, lc mot célèbre de Proudhon: „lil propriété c'ast lc vol! Lc réfuter serait parfois difficile. Je n'entends pas dire que toute propriété soit un vol, mais je soutiens que la propriété, dans une mesure a fixer, 11 est pas autre chose. Telle qu'elle est organisée chez nous, elle est souvent immorale et 1 un des facteurs les plus énergiques de 1'attentat anti-social, latent ou objectif. ') D'après 1'auteur celui qui possède est un soutien de 1'état. C'est pour cela que le nombre des petits propriétaires doit être augmenté, même si cela n'est possible que par le partage de la grande propriété, qui s'est pourtant presque toujours formée par des moyens immoraux: par des „pilleries," par le payement de salaires trés bas dans 1'industrie, par ïe jeu etc. „Toutes sont le fruit d'une habilcté ou d'un défaut de scrupule, a leur point de départ, qui n obtiendra jamais la sanction d une collectivité vraiment équitable; a leur éclat, qui narguc la misère, les cupidités s'allument et les sourdes colères des revendications se mettent a germer. Comment faire accepter, a des gens qui n'ont rien et s'épuisent en vains efforts pour gagner le strict nécessaire, le droit de possédcr tout, chez des gens qui ne besognent guère_ ou s occupent a samuser. On aura beau parler de prescription, la conscience se révoltcia devant une doctrine qui consacre la propriété dans lc vol au-dela d un certain temps d'impunité, et aboutit a cettc déclaration cynique: tout objet, toute terre, accaparés par un crime, est la légitime possession du bandit, si pendant 5, 10, 20, 30 années, il réussit a se préserver des atteintes de la loi."2) Non seulement la propriété a été souvent acquise d'une manière illicite, la transmission aussi est immorale. Car c est par elle qu'il y a des personnes qui obtiennent une grande fortune, qu'elles 11'auraient jamais pu gagner par leur travail. II serait plus préférable de faire échoir les fortunes particuliéres, déduction faite d'une partie qui resterait a 1'épouse et aux enfarits, a 1 Etat „pour subvenir aux besoins des individus utiles et stérilisés par la misère, pour renforcer le travail collcctif." De telle manière une prospérité générale remplacerait les grandes richesses; celle-la fera augmenter le sentiment de solidante, tandis que celle-ci reveille la cupidité dans les hommes et les pousse a commettre des crimes. Les départements les plus riches donnent aussi les plus hauts chiffres de criminalité. Par la suppression ou la limitation de 1'héritage on supprimerait aussi les nombreux crimes contic la vie qui en résultent. Non seulement la cupidité, qui mainte fois conduit au crime, est éveillee par 1'appat de 1'héritage, mais aussi, par le jeu. Dans le sixième chapitre, dans lequel le Dr. Corre exannne 1 impor- 1) p. 434—435- 2) P- 436- tatice relative des principaux facteurs sociologiques, il résumé son opinion sur 1'influence des conditions économiques sur la criminalité. Un trop grand bien-être et une trop grande misère sont, tous les deux, cause de crimes. „Le premier corrompt et la seconde dégrade; tous les deux poussent a 1'attentat par l'amoindrissement des résistances vis-a-vis des sollicitations qui promettent la satisfaction des besoins fictifs ou réels, et, quand ils s'exaltent face a face, dans le même milieu, donnent plus de vigueur momentanée aux impulsivités mauvaises, plus de violence aux conflits. Le repu par la satiété des jouissances vit dans 1'immoralité; renforcé dans son égoisme, il 1'étale et ses dédains redoublent les convoitises et les haines jalouses chez 1'affamé." ') Voila pourquoi la classe agricole, oü règne un médiocre bien-être, est la moins criminelle. Le moyen par lequel la condition est a améliorer est complexe: „il n'est pas tout entier dans la solution des questions de salaires; il est surtout dans un meilleur système de moralisation des masses, dans la réduction des influences qui les sollicitent a 1'imprévoyance et a la paresse, les conduisent a 1'ivrognerie et a 1'alcoolisme." 2) — La deuxième partie de ce travail démontrera suffisamment pourquoi, d'après moi, le traitement est confus et incomplet, malgré la justesse de quelques observations faites par le Dr. Corre a propos du sujet qui m'occupe. La critique de 1'auteur sur 1'organisation de la société actuelle est petit-bourgeoise; il n'attend le salut que de l'augmentation de la petite proprieté et espère d'elle qu'elle rendra 1'humanité plus heureuse. Cependant, le développement de la grande industrie me porte a croire que 1'accomplissement de eet espoir ne se fera jamais. — i) p. 561. *) p. 568. IV. L. MANOUVRIER. De tous les adhérents de „1'hypothèse du milieu", le prof. Manouvrier est sans doute celui qui a exposé cette doctrine de la manière la plus claire. Etant anthropologue il est évident qu'il n'a pas porté son attention plus spécialement a 1'influence des conditions économiques sur la criminalité. Mais il me parait que tout ce qu'il en dit en combattant la théorie du prof. Lombroso et en défendant celle du „milieu", est de la plus haute importance. Je résumerai donc sa „Genèse normale du crime" ') et le ferai en citant, autant que possible, ses propres paroles, afin de ne pas nuire a leur importance. Ouoiqu'il n'y ait point de connexion entre la doctrine du prof. Lombroso et ses adhérents et ce travail, je serai forcé de suivre sa démonstration tout entière, a cause de 1'entrelacement de la réfutation des théories de 1'école italienne et 1'exposition détaillée de la doctrine du „milieu". La doctrine de 1'innéité du crime et la phrénologie de Gall et Spurzheim se tiennent de prés. Gall était d'opinion d'avoir découvert dans le cerveau les organes de 1'homicide et du vol, sans pourtant nier pour cela 1'importance de 1'ambiant, ainsi il expliquait un cas de vol au moyen des circonstances, quand la bosse du vol manquait a un voleur. Cette doctrine a été entièrement supplantée par les théories de Lamarck et de Darwin. „Au lieu d'attribuer au milieu le róle d'un simple joueur d'orgue de Barbarie, Lamarck voyait en lui un musicien véritable, jouant sur l'instrument des airs quelconques suivant la complexité et les qualités de celui-ci. Bien plus! la qualité et les dispositions de l'instrument pouvaient être modifiées, transformées sous 1'influence de ce musicien merveilleux et de la musique exécutée. C'était la ruine de la craniomancie. Les diagnostics de la phrénologie se trouvaient limités du coup et pour toujours aux facultés, aux dispositions élémentaires que Gall et Spurzheim avaient tenté vainement de découvrir et qui comportent 1'éxécution d'actes indéfiniment variables. Les phrénologistes avaient raison de rattacher les „propriétés de 1'ame et de 1'esprit" a 1'organisation, mais ils se trompaient dans leur facon 1) Voir aussi du même auteur: »Lcs cranes des suppliciés»Les aptitudes et les actes", «L'atavisme et le crime" et ses rapports aux Congrès d'Anthr. Crimin. de Paris et de Bruxelles. de rattacher des actes tels que le vol et le meurtre a des causes organiques, comme si ces actes eussent eu la valeur de véritables fonctions irréductibles." ') Malgré le lien entre la phrénologie et 1'école positiviste, celle-ci ne s'appuie pas sur la doctrine nommée rnais sur la théorie transformiste, c. a. d. sur la doctrine qui fixe 1'attention justement sur le milieu. La cause en est que Terreur fondamentale qui forma le point de départ de la phrénologie est encore universellement répandue. „Cette erreur consiste a croire que des actes définis sociologiquement, comme les crimes, peuvent être rattachés a la conformation anatomique sans avoir été ramenés préalablement, par 1'analyse psychologique a leurs éléments physiologiques, les seuls qui relèvent directement de 1'anatomie, soit normales soit pathologiques. La même erreur consiste a confondre les combinaisons d'aptitudes formées sous 1'influence du milieu et les aptitudes élémentaires résultant de 1'organisation native ou de ses modifications successives. La même erreur conduit a méconnaitre ce fait capital: que deux individus semblablement conformés peuvent être amenés par suite d'influences de milieu dissemblables, subies depuis leur naissance, a se conduire de facons différentes et même entièrement opposées, sans que leurs actes cessent jamais, pour cela, d'être conformés a leur constitution anatomique." 2) C'est un fait bien connu aux biologues que chez les êtres vivants il se présente souvent des qualités qui ne se présentaient pas chez leurs ascendants directs mais bien chez des générations plus lointaines. Cette réapparition de ces qualités est nommée „atavisme". On a cependant beaucoup exagéré son importance, et 1'on en a fait une parole magique, avec laquelle on croyait pouvoir tout expliquer, aussi en matière de crime. On a raisonné comme suit: le crime est un des phénomènes ordinaires chez les sauvages et doit donc 1'avoir été aussi chez les ancêtres des peuples civilisés. On observe que chez les criminels de nos jours, on remarque plus de stigmates anatomiques indiquant 1'atavisme, que chez les non-criminels, par conséquent le crime est un phénomène d'atavisme! II y a dans ce raisonnement de nombreuses erreurs: „Puisqu'il s'agit ici du crime, il faudrait d'abord savoir ce qu'on entend par crime, en donner une définition permettant de savoir a quoi le crime peut correspondre physiologiquement et a quel ordre de caractères anatomiques pourrait correspondre la tendance physiologique aux crimes. Considérés en eux-mêmes, ces actes supposent seulement 1'existence d'une conformation permettant, et de besoins réclamant leur accomplissement. Si une telle conformation et de tels besoins physiologiques n'existaient plus a 1'état normal chez les peuples civilisés, oü néanmoins les actes en question sont fréquents, il y aurait lieu de rechercher sur leurs auteurs des caractères anormaux, non pas n'importe lesquels, mais des caractères que 1'anatomie et la physiologie permissent de rattacher a ces aptitudes et a ces besoins devenus anormaux". 3) Parmi les stigmates anatomiques observés chez les criminels emprisonnés il y en a plusieurs qui, considérés en eux-mêmes, n'ont rien d'anormal; aucun d'entre eux 11e pourrait servir a caractériser des 1) p. 408—409. 2) p. 409—410. s) p. 414-415. criminels. On trouve souvent p. e. que des assassins ont des machoires relativement larges, et qui sont ordinairement aussi uil indice d une conformation disposant a la brutalité; „mais cette brutalité est absolument de mêine ordre que celle de 1'homme comparé a la femme; c est uii caractère masculin, et la conformation masculine est indubitablement favorable aux crimes de violence beaucoup plus que la conformation féminine; mais il arrivé heureusement que la plupart des hommes, dans les pays civilisés, vivent dans des conditions oü leur brutalité naturelle ne les empêche pas d'être des citoyens trés paisibles, encore qu il soit imprudent de les molester. Les hommes trés vigoureux sont ordinairement doués de mandibules carrées et trés solides; ce sont des hommes d'attaque et de défense, qui peuvent être fort utiles a la société ou fort nuisibles, suivant les cas. Portés a agir vigoureusement et brutalement, ils peuvent 1'être, mais enclins au crime ils ne le sont pas plus que les hommes a petites machoires dont la douceur est souvent 1'effet de la faiblesse musculaire, et que, pour être peu portés a frapper, a enfoncer les portes n'ent savent pas moins être brutaux et violents a leur manière."J) . . Cependant on pourrait croire que ces caractères anatomiques, quoique pas dangereux en eux soicnt tout de même un indice du penchant de celui chez lequel ils sc présentent a agir comme les sauvages. Mais ce n'est pas le cas; ces caractères „sont des accidents morphologiques purement locaux et compatibles avec la plus heureuse conformation. Mais cela ne veut pas dire que toute particularité doit rester inutilisée. Ainsi il y a p. e. des hommes qui savent mouvoir le pavillon de 1'oreille. „Si le meurtre et le vol étaient des actes aussi peu compliqués et aussi peu importants que celui de mouvoir le pavillon de 1 oreille, et si ces actes devenus criminels ne supposaient pas des coordinations anatomiques et psychologiques trés complexes ; s'il y avait, en d autres termes comme le supposait Gall, des organes cérébraux spécialement et nativement agencés pour le meurtre et le vol, on pouirait croiie que la seule présence atavique de ces organes constituerait une tendance a commettre ces crimes; mais ni 1'analyse anatomo-physiologique, ^ ni la psychologie ne justifient aujourd hui une conception aussi simpliste . -) Et puis, il n'est pas prouvé que le meurtre et le vol étaient habituels chez nos ancêtres; il n'y auront eu recours que quand la nécessité les y forcait, tout comme 'chaque homme bien conformé de nos jours. Considérés a un point de vue anatomique les moyens de nuirc a nos semblables ont diminué ; par contre nous disposons maintenant d autres moyens (armes a feu etc.). „Quant au besoin de jouir et de vivre, il 11 a pu que s accroiti e, et jamais les convoitises n'ont pu être plus excitées que dans nos sociétés civilisées. Jamais la tentation de s'approprier le bien d autrui n a pu être plus forte, plus fréquente. La civilisation tend a développer les besoins et les appétits, d'oü cette extension colossale des moyens de répression et de coercition employés dans les pays policés pour rendre périlleuses les tentatives criminelles, pour que le crime 11e soit pas un moyen trop ') p. 416—417. 2) p. 418-419. commode d'acquérir le bien-être. Hormis les cas purement pathologiques, le criminel est mü par des besoins, par des défauts qui n'ont rien d'extraordinaire; quand un homme a intérêt ou croit avoir intérêt a commettre un crime, il met en jeu les aptitudes musculaires et cérébrales que possède tout homme normal, les mêmes aptitudes élémentaires que celles dont il etit pu se servir dans d'autres circonstances pour poursuivre et punir un criminel." ') Quelques faits biologiques s'expliquent par 1'atavisme; leur explication reste cependant mystérieuse. Mais 1'atavisme perd toute son importance comme moyen d'explication du moment qu'on sait expliquer un fait par des causes actuelles, comme c'est le cas pour le crime. „On comprendrait encore qu'il füt question de tendances ataviques si les assassins tuaient pour 1'unique plaisir de tuer, si les voleurs volaient pour le plaisir de voler; or le vol et le meurtre ne sont, on le sait bien, que des moyens dont 1'emploi est qualifié „traval/" par les criminels de professions. S'ils préfèrent ce genre de travail, c'est paree qu'il est beaucoup plus expéditif et moins pénible que le travail régulier." 2) On pourrait objecter ici que 1'horreur du sang étant propre a la plupart des hommes il falla.it recourir quand même a 1'atavisme pour expliquer le meurtre. Cette horreur du sang subsiste assurément dans la plupart des hommes, mais seulement autant que leur intérêt 1'exige. Pas un seul chirurgien, ou boucher ou équarrisseur ne fait son métier sanglant par atavisme, mais seulement puisqu'il y est forcé par ses intéréts. Plus d'un bourgeois-né croit bien qu'il ne mangerait jamais de viande plutót que de devoir tuer lui-même un boeuf, mais ce n'est qu'une pure illusion ou une inconsciente hypocrisie. Car il le ferait sans doute, s'il ne pouvait gagner sa vie d'une autre manière. Est-ce que la bourgeoisie ne fait pas fusiller ses concitoyens inofifensifs qui se sont révoltés contre une condition sociale que personne n'oserait nommer idéale ? Est-ce qu'elle 11e fait pas mitrailler des peuples sauvages pour partager leur pays; ou est-ce qu'elle ne fait pas la guerre a d'autres états, pour protéger des intéréts comrr.erciaux ? On objectera peut-être que tous ces faits ne sont point des crimes; question de définition, mais ce sont assurément bien des équivalents du crime. „Ce n'est pas seulement dans les prisons que 1'on trouve des criminels-nés; nous le sommes tous, si 1'on veut entendre par cette expression abusive la possession des tendances héréditaires a jouir, en cas de besoin, au détriment de ses semblables. Les crimes humains auxquels je viens de faire allusion indiquent surtout la cruauté et la férocité de 1'espèce et des collectivités ethniques, sociales ou autres. Quant aux équivalents individuels du crime, je rappellerai encore qu'ils ne sont pas difficiles a découvrir dans la conduite des honnêtes gens, dont la plupart ne se gênent guère pour user de moyens tout aussi nuisibles et immoraux que ceux dont usent les uomini delinqucnti. Les équivalents du crime chez les honnêtes gens présentent, il est vrai, le grand avantage de rester plus ou moins inapercus du code pénal, de la police tout au moins et des psychologues de la Nouvelle-Ecole. mais ils n'en sont pas 1) p. 419. 2) p. 429. moins reconnus comme immoraux et nuisibles par ceux-la mêmes qui y ont personnellement recours, et ils sufifisent a montrer de quelle facon se conduiraient les honnètes gens si les conditions dans lesquelles ils vivent et ont vécu ne les éloignaient du crime selon la loi avec autant de force que d'autres y sont poussés par les conditions de milieu opposées." •) Après avoir fait de plus amples observations sur la question que les professions cruelles et répugnantes sus-citées ne sont pas exercées par suite de penchants atavistiques, mais seulement par nécessité, 1'auteur termine cette partie de son article comme suit: „II n'en reste pas moins une énorme difïférence entre le meurtre d'un animal et celui d'un homilie, au point de vue moral, cela va sans dire, et aussi au point de vue des motifs généralement propres a détourner du meurtre. Mais il faut remarquer que ces motifs se rattachent a des influences de milieu extremement variables et qui, pour trop de gens, sont considérablement diminués en même temps que remplacés par des influences de milieu opposées. La plupart des assassins ont recu une certaine culture appropriée a la conception du meurtre et a sa réalisation simplement facilitée par leur conformation nullement exceptionnelle. Des besoins trés ordinaires les poussent ensuite et c'est la férocité qui manque le moins. S'il suffisait a qui que ce soit de tourner le pouce dans sa poche pour supprimer un ennemi ou un gêneur, nous n'aurions plus qu'a faire tous nos efforts pour n offenser et ne gêner personne. Déja trop d'honnêtes gens peuvent ordonner des meurtres qu'ils ne seraient pas assez courageux pour exécuter. Félicitonsnous de ce que 1'intérêt détourne du meurtre bien plus souvent qu'il n'y poussc, car tout homme normal possède cérébralement et musculairement les qualités ou défauts nécessaires pour concevoir, préparer et exécuter le crime. Pas n'est besoin, je le répète, d invoquer le retoui aux instincts animaux par atavisme. La continuité de 1'hom me et des animaux est bien plus parfaite que ne le prétend 1'école atavistique. L'homme est toujours un animal; le plus dangereux de tous paree qu'il est le plus intelligent et paree qu'il peut utiliser ses facultés de toutes sortes d'une facon nuisible ou utile a ses semblables, suivant son intérêt. Faire en sorte que tout homme ait toujours plus d'intérêt a être utile a ses semblables qu'a leur nuire, voila la formule a appliquer. Le progrès sous ce rapport serait plus rapide, sans cette funeste prédilection pour les causes occultes qui pousse encore tant d excellents esprits a chercher dans les nuages des explications qu'on a sous la main, mais qui demandent pourtant a être trouvées la oü elles sont. Ces instincts féroces qui semblent „revenir" de 1'autre monde en temps de révolution ou dans les rixes, ne reviennent pas le moins du monde attendu qu'ils n'ont jamais disparu. Ils 11e se sont pas inanifestés pendant un certain temps chez 1'individu ou dans la familie paree qu il n'y avait pas besoin qu'ils se manifestassent; ou bien ils se sont inanifestés de facons relativement peu dangereuses, en rapport avec des circonstances ordinaires et relativement favorables a la tranquillité. Mais vienne, chez n'importe qui, le besoin d'une „mobilisation des forces défensives ou offensives" alors la mobilisation a lieu et 1 homme le plus i) p. 431—432- 15 civilisé apparait sous la forme dc 1'animal dangereux qu'il n'a jamais cessé d'être, heureusement pour lui et pour son espèce. Cet homme que vous prenez pour un revenant par atavisme ne vous parait tel que paree que vous n'avez pas su reconnaitre sous leur forme anodine, chez vous et chez les autres, la brutalité et 1'égoisme fondamentaux de 1'espèce humaine. Malgré les conditions civilisatrices au milieu desquelles vous avez vécu, malgré les habitudes paisibles que vous avez contractées et toute 1'horreur que vous inspirent les habitudes opposées dont vous craignez d'être victime, il suffirait que vous fussiez vous-même sollicité un peu vivement par un ensemble de circonstances facheuses pour devenir, vous aussi, un individu dangereux. Quand on veut étudier le crime en anthropologiste et en psychologue, il ne faut pas craindre de regarder la vérité en face, et il importe de purger préalablement son esprit, autant qu'on le peut, des illusions de 1'amour-propre et des conventions mensongères." ') Ensuite le prof. Manouvrier critique d'une manière aussi juste que spirituelle 1'hypothèse de „l'homme délinquent". II démontre que, d'après la méthode de la „nouvelle Ecole", on pourrait aussi bien composer un travail sur „l'homme chasseur" plein d'observations scicntifiques sur son argot, sur ses fanfaronnades etc. etc., bref sur toutes sortes de signes qui devraient indiquer que le goüt pour la chasse est un phénomène atavistique. L'explication du crime par 1'atavisme, est aussi peu vraie que ceci, car tous deux peuvent trés bien être expliqués par le milieu. Si 1'on tient absolument a 1'expression de criminel-né, l'homme en est un, comme le chien est nagcur-né. Chaque chien sait trés bien nager, ce qui n'empêche pourtant pas que nombre de chiens ne nagent jamais, puisque ordinairement il existe une manière plus commode pour passer 1'eau. De la même facon chaque homme est criminel-né, mais la plupart des gens ne sont pas criminels, puisque cela leur est plus avantageux que le contraire. „Que les influences éducatrices subies pendant toute la vie et surtout pendant 1'enfance, que les sollicitations de 1'intérèt soient extrêmement variables suivant les circonstances et pour les différents individus; que les influences éducatrices et les sollicitations de 1'intérêt se réunissent trés généralement pour motiver la conduite criminelle et la conduite honnête, c'est ce que personne n'ignore et c'est ce qui gouverne continuellement la manière d'agir de chacun dans ses rapports avec les autres; c'est ce qu'il ne faudrait pas oublier lorsqu'il s'agit d'anthropologie, anatomique, physio-psychologique ou sociologique. On ne 1'oublie guère dans la vie courante. Tous autant que nous sommes, nous savons que notre facon de nous comporter, quelque soit notre caractère fondamental et quelles que soient les habitudes honnêtes que nous avons pu contracter, pourrait varier considérablement sous 1'influence de changements dans notre milieu et proportionnellement a ces changements. II est telle tentation a laquelle l'homme le plus austère redouterait fort d'être exposé, a laquelle il ne s'exposera jamais volontairement, paree qu'il sait que les penchants, prétendus ataviques et tout simplement humains, imputés i) p. 434—436- aux criminels, ne font pas défaut chez lui. Ces penchants qui ont trouvé d'abondantes et honnêtes satisfactions pendant de longues années en deviennent d'autant plus redoutables, et risqucnt fort de devenir criminels dès que disparaissent les moyens de satisfaction légale. L homme a qui ces moyens viennent a faire défaut se trouve dans une situation bien plus dangereuse, au point de vue de la criminalité, que celui qui a été habitué aux privations." ') Le prof. Manouvrier commence la dernière section de son étude en se demandant: quelle est donc la signification des particularités anatomiques, observées chez les soi-disant criminels-nés. „Ce qui est vrai ou tout au moins probable, c'est que 1'on trouve dans une série de criminels de la catégorie emprisonnée plus de caractères inférieurs ou anormaux que dans une série de gens quelconque. Mais cela ne prouve en rien que ceux d'entre les criminels qui présentent de tels caractères aient été prédestinés au crime par leur conformation. Ceux qui sont bien conformés n'en ont pas moins été criminels et, d'autre part, les honnêtes gens porteurs de caractères criminalisês n'en sont pas moins restés honnêtes. La vérité, c'est que la „nouvelle école" n'a considéré comme criminels que le rebut de cette catégorie, les prisonniers, de même que lorsqu'elle a voulu dépeindre les prostituées, clle a opéré sur de pauvres filles syphilitiques ayant séjourné au moins trois ans dans des lupanars, c'est-a-dire sur le rebut d'un rebut. Dans quelles conditions familiales et sociales se trouvaient ces criminels et ces prostituées pendant leur enfance et après, c'est cc qu'il est facile d'imaginer quand on a seulement entrevu les bas-fonds des villes industrielles. Pour échapper au crime et a la prostitution ou a la mendicité quand on a été élevé dans des milieux pareils, il faudrait avoir des vertus extrêmement rares chez les honnêtes gens, d'autant plus qu'aux sollicitations provenant de la misère et du luxe environnant se joint ordinairement 1'exemple et même cette éducation d'un genre particulier que 1'on peut appeler 1 éducation criminelle. On peut bien résister a tout cela pendant quelque temps, mais il n y a que le premier pas qui coüte. Les qualités elles-mêmes que 1 on possède deviennent des causes de crime. On pourrait même soutenir que les qualités physiques poussent au crime plus énergiquement que les défauts, une fois réalisées les conditions extérieures favorables au crime. -) Le fait qu'on trouve généralement plus d'individus inférieurs parmi les criminels emprisonnés que parmi les autres hommes, doit être attribué aux deux circonstances suivantes: i°. que les criminels qui ne sont pas arrêtés doivent leur liberté en général a cc qu ils sont mieux doués, ct 2^. que dans toutes les classes sociales il s accomplit une sélection, par laquelle les mieux constitués possèdent toujours les moyens d existence les plus avantageux et les moins pénibles, tandis qu aux moins privilégiés échoient les professions infimes „et finissent tót ou tard pat tomber dans un fossé commun oü les influences qui poussent au crime atteignent leur maximum de fréquence et de puissance, tandisque les motifs qui en éloignent s'affaiblissent proportionnellement. Ceux qui ont connu un i) p. 445-446. 2 p. 449—450. plus grand bien-être préfèrent parfois le suicide au crime; mais ceux qui sont nés dans le fossé, ne connaissent pas d'autre vie et sont par conséquent amenés au crime. Ce qui est beaucoup plus étonnant que le crime c'est le fait que les ouvriers travaillent courageusement et patiemment durant dix ou douze heures par jour et, malgré cela, ne mènent qu'une vie misérable. La cause en est que, dès leur enfance, ils n'ont jamais connu autre chose que le travail et ont toujours dü se contenter d'amusements trés simples. II va sans dire qu'un homme est plus porté a commettre des crimes qu'un autre, quoique les conditions dans lesquelles ils vivent tous les deux soient les mêmes, de menie qu'un athlète usera plus vite de violence qu'un être faible. Mais 11 est pas une raison pour déclarer la force un facteur du crime, attendu, qu'elle sert aussi a des actes trés utiles. Quelques actes qui contrarient le bon fonctionnement de la société, ont été nommés anormaux pour cela, et normaux ceux qui le favorisent. Cependant il n'est donc pas permis de transférer cette distinction sur le domaine biologique et de qualifier le criminel d'anormal. „Des aptitudes trés normales physiologiquement peuvent étre employées a des actes également normaux physiologiquement, mais qui, au point de vue social, seront qualifiés anormaux comme étant contraires a la prospérité sociale. Encore est-ce la un abus du terme anormal, paree que les sociétés actuellcs comportent dans leur fonctionnement normal d'innombrables causes de conflit entre leur propre intérêt et les intéréts individuels. Et de méme que les facheuses conséquences de nos erreurs nous font souvent reconnaitre la vérité, les crimes servent bien souvent a indiquer aux sociétés les réformes qu'elles doivent accomplir pour se perfectionner. Chaque individu a des besoins a satisfaire, besoins primordiaux ou secondaires qui peuvent se compliquer a 1'infini et revétir des formes d'autant plus variées que le milieu ambiant se complique dayantage. Or il arrivé, dans toute société, et surtout dans les sociétés trés civilisées, que les différents individus ne rencontrent pas les mêmes facilités et ne possèdent pas d'ailleurs les mêmes moyens d'action. II y a disproportion évidente entre les besoins existants et les moyens anodins de satisfaction, d'oü la lutte pour 1'existence et le bien-être. Dans notre appréciation de la valeur intrinsèque des criminels, nous ne devons pas négliger de tenir compte de ce fait: que la plupart des honnêtes gens ne se privent d'aucune des jouissances qui sont le but des criminels et que la plupart des criminels auraient eu besoin, pour échapper au crime, de vertus trés rares. Parmi les moyens légaux de satisfaction offerts par la société, il en est de faciles et agréables, entre autres celui qui consiste a toucher les rentes du capital amassé par ses parents. II en est aussi de difficiles et pénibles qui sont lc lot de ceux que 1'hérédité pécuniaire n'a pas assurés contre la soi-disant hérédité criminelle. I our partager légalement les jouissances dont ils sont témoins, ceux que 1'on nomme les déshérités de la fortune doivent faire des efïforts dont les rentiers-nés n'ont aucune idée. C'est pourquoi, si ces déshérités cherchent a prendre des chemins de traverse; il faut, avant de les considérer comme des êtres monstrueux, se demander si on eüt été capable soi-même, dans des conditions identiques, de se maintenir dans la voie légale. La lutte pour 1'existence et le bien-être est réglée par les lois sodales. Si celles-ci étaient parfaites, chaque individu pourrait satisfaire a ses besoins dans une mesure équitable, c'est-a-dire dans la mesure de ses facultés, de son travail et des services qu'il rend a la communauté. Les crimes seraient diminués alors dans une énorme proportion, mais ils ne seraient pas supprimés, car il y aurait encore des compétitions inévitables et 1'on n'arrivera jamais, vraisemblablement, a obtenir d une part que chaque individu contracte exclusivement les besoins que sa valeur sociale lui permettra de satisfaire légalement, et d'autre part qu il possède assez de vertu pour renoncer a la satisfaction des besoins, même factices, qu'il aura une fois contractés, sans pouvoir remplir les conditions que la loi la plus juste aura imposées pour cette satisfaction." ') La loi pénale est un des moyens qui ont en vue de combattre la satisfaction illegale des besoins. Chacun sait que ce moyen n atteint pourtant pas toujours le but visé. La loi penale ne pioduira en effct une diminution de la criminalité que lorsqu elle aura effectué de profondes modifications pénales et pénitentiaires, c. a. d. quand punition ne voudra plus dire que réaction utile et nécessaire contre des actes nuisibles au bonheur de la communauté et au développement de la société. II est a constater qu'il y a, a cóté de la genèse normale du crime, qui est 1'ordinaire, une genèse pathologique, c. a. d. 1'extraordinaire. L'atavisme n'a rien a faire avec cette genèse pathologique. „II est fort inutile de faire intervenir des tendances atavistiquement rappelées par la dégénérescence pathologique pour expliquer les facheux efïfets de cette dégénérescence et des maladies mentales sur la manière d agir des dégénérés et des malades. Le moindre trouble fonctionnel suffit pour altérer nos sensations, notre jugement, nos imaginations, nos délibérations et, par conséquent, pour nous faire agir de travers." -) La théorie de 1'innéité du crime par atavisme est donc tout a fait erronée. „II serait malséant, de ma part, de la faire remonter, par atavisme, au pcchc ofigiiiel et a la voix du sti/ig des anciens mélodrames. Je ne dirai même pas qu'elle dérive par la tradition, qui est une influence de milieu, de 1'ancienne doctrine phrénologique, bien que ce soit une erreur du même genre. Les erreurs, en effet, sont comme les crimes: elles n'ont pas besoin de l'atavisme, ni de 1'hérédité immédiate, ni même de la tradition pour se répéter. Causes d'erreur ou causes de crime, les sources sont loin d'en être taries. Elles coulent toujours abondamment. II est nécessaire, en science, de réagir contre les erreurs et, en société, de réagir contre les crimes. Mais il ne faut jamais oublier que tout homrne est exposé, trés normalement, a commettre des erreurs et des crimes." 3) Je ne ferai que quelques observations quant a 1'étude du prof. Manouvrier, travail qui, selon moi, est un des meilleurs, pour ne pas dire le meilleur, sur la genèse du crime et qui, dans ses cinquante pages environ, cxplique plus que maint grand travail de centaines de pages. p. 452—453P- 455s) p. 456. En premier lieu ceci: le prof. Manouvrier constate que de nos jours les besoins augmentent fort, et il croit que la civilisation en est la cause. Je suis d'opinion que cette dernière assertion n'est pas exacte et que la civilisation n'a rien a y voir. Beaucoup d'écrivains commettent cette erreur de confondre civilisation et mode de production actuel, et c'est justement pour cctte raison qu'il est utile et nécessaire de la relever et de la combattre. Tous les maux qui ont etc suscités aux peuples de 1'Afrique et de la Chine, la guerre, 1'alcool, une religion qui ne leur plait pas etc. etc., tout cela est nommé d un noni collectif „civilisation". En réalité ceux-la sont des barbares, ceux qui ont répandu toutes ces calamités dans ces pays, ceux qui ont essayé de détruire une véritable civilisation séculaire comme celle de la Chine. Ce n'est pas un instinct civilisateur qui a poussé les états européens a une politique d'expension, mais bien la cupidité, 1'avidité du gain de la classe possédante, qui cherche un nouveau débouché pour ses marchandises, donc en un mot, lc mode de production d'a présent: le capitalisme. II en est de même pour ce qui concerne 1'augmentation incessante des besoins; c'est le systême actuel qui crée les besoins. Sans cesse on invente de nouveaux moyens afin de se procurer des profits, et c est seulement dans ce but aussi qu'on fait des inventions qui, en grande partie sont inutiles, souvent nuisibles même. Et d un autre cöté il y a une categorie de gens qui saisissent tous les moyens, même les plus ridicules, pour passer le temps et qui disposent de revenus pour se procurer ces moyens. Et ces besoins naissent aussi chez d'autres personnes, et 1'impossibilité de pouvoir y satisfaire les rend plus avides. Par conséquent ce n'est pas la civilisation, mais le capitalisme qui doit être désigné comme cause de ce phénomène. En second lieu, le prof. Manouvrier croit que la criminalité diminuerait énormément, sans pourtant disparaitre entièrement, si les lois sociales étaient parfaites, c. a. d. si chaque individu pouvait satisfaire a ses besoins selon ses facultés, son travail et les services rendus par lui a la communauté. Cette opinion est, selon moi, tout a fait juste; mais la maxime de Saint-Simon „a chacun selon ses capacités, a chaque capacité selon ses ceuvres", qui, d'après le prof. Manouvrier, est parfaite ne 1'est pas d'après beaucoup d'autres, quoiqu'elle soit supérieure a la distribution existante des biens. On peut opposer a cette règle: „que chacun travaile selon ses facultés et ses forces, et recoive selon ses besoins." Füt-elle réalisée, le crime serait devenu une chose presque inimaginable. Beaucoup de gens sont d'opinion que pareille chose ne pourra jamais se réaliser. Mais ceux-la oublient que c'est exclusivement par 1'ambiant que se sont formées les énormes différences des besoins (la femme d'un milliardaire a peut-être mille fois plus de besoins que celle d'un prolétaire). Si ces deux personnes étaient nées et avaient été élevées dans des milieux identiques, les besoins de 1'une seraient a ceux de 1'autre peut-être comme i a 3, mais certainement pas plus, ou même moins. Et puis, ceux qui croient a la future réalisation d'une distribution selon les besoins, sont d'opinion (se flattant de pouvoir le prouver) si dans 1'organisation actuelle de la société 1'égoisme est omnipotente, le sentiment de solidarité sera tellcment fortifié chez les hommes dans une future organisation sociale, que l'homme doué de grandes facultés et de beaucoup d'énergie n'enviera pas a son semblable moins doué la satisfaction de tous ses besoins. Je voudrais en même temps faire encore une remarque concernant 1'école du milieu en général, remarque qu'il ne faudra pas considérer comme une cntiquc, «.ar je suis parfaitement d'accord que c'est 1'ambiant qui fait naitre le criminel. Voici cette remarque: il ne suffit pas, pour le traitement de la question de la criminalité, de fournir la preuve a 1'assertion que la cause du crime n'est pas inhérente a 1'homme, mais il est aussi nécessaire de démontrer sous quels rapports le milieu est criminogène, et de quelle manière on peut 1'améliorer. Or, 1'Ecole francaise n'a prêté que peu d'attention a cela. — V. A. B AE R. L'ceuvre du dr. Bacr „Der Verbrecher in anthropologischer Beziehung" n'a qu'une importance indirecte pour mon sujet, comnie 1'indique le titre. Puisque ses études médicales et anthropologiques 1'induisent a la conclusion que 1'ambiant social est la cause fondamentale du crime, il vaut la peine de relever son opinion. A cette fin il suffira de citer les paroles concluantes de son oeuvre: „Für uns ist das Verbrechen wie Prins vortrefflich ausführt, kein individuelies Phanomen, sondern ein soziales. „Das Verbrecherthum ensteht aus den Elementen der menschlichen Gesellschaft selbst, es ist nicht transcendent, sondern immanent. Man kann in ihm eine Art von Degenerescenz des socialen Organismus sehen Der Verbrecher und der ehrliche Mensch hangt jeder ab von seiner Umgebung. Es giebt soziale Verhaltnisse, die der sittlichen Gesundheit günstig sind, hier giebt es keine Neigung, keinen Hang zum Verbrechen; es giebt ein soziales Milieu, wo die Atmosphare verdorben ist, wo ungesunde Elemente sich anhaufen, wo das Verbrechen sich wie der Russ auf den Rauchfang niederschlagt, wo der Hang zum Verbrechen fruchtbar wird." Wenn Ferri in neuester Zeit die Ansicht vcrtritt, dass der Verbrecher das Resultat dreier Faktoren ist, welche zu gleicher Zeit wirken, dass diese drei Ursachen individueller, d. h. anthropologischer, somatischer und sozialer Natur sind, so werden nach unserm Dafiirhalten diese drei Ursachen thatsachlich zu einer einzigen wenn man, wie er selbst andeutet, in Erwiigung zieht, dass die beiden ersten Ursachen von den sozialen Bedingungen abhangen. Die anthropologischen und somatischen Merkmale bei Verbrechern sind, wie wir oben zu zeigen bernüht waren zum aller"•rössten Theile ganz allein durch die Lebensverhaltnisse der Verbrecherklassen, d. h. durch die Einfliisse und Verhaltnisse ihrcr Umgebung bedingt. Das Verbrechen, so wollen wir diese Arbeit schliessen, ist nicht die Folge einer besonderen Organisation des Verbrechers, einer Organisation, welche nur dem Verbrecher eigenthümlich ist, und welche ihn zum Begehen der verbrecherischen Handlungen zwingt. Der Verbrecher, der gewohnheitsmassige und der scheinbar als solcher geborene, tragt viele Zeichen einer körperlichen und geistigen Missgestaltung an sich, diese haben jedoch weder in ihrcr Gesammtheit noch einzeln ein so bestimmtes und eigenartiges Gepriige, dass sie den Verbrecher als etwas Typisches von seinen Zeit-und Stammesgenossen unterscheiden und kcnnzeichnen. Der Verbrecher triigt die Spuien der Entartung an sich, welche in den niederen Volksklassen, denen cr meist entstammt, haufig vorkommen, welche, durch die sozialen Lebensbedingungen erworben und vererbt, bei ihm bisweilen in potenzirter Gestalt auftrcten. \\ er die Verbrechen beseitigen will, muss die sozialen Schaden, in denen das Verbrechen wurzelt und wuchert, beseitigen, muss bei den beststellungen der Strafarten und bei ihrem Vollzuge mehr Gewicht auf die Individualitat des Verbrechers als auf die Kategorie des Verbrechens legen. ') i) p. 410—411.. Voir aussi: Dr. A. Bournet, »De la criminalité en France et en Italië G. Richard. .)I.es crises sodales et la criminalité." (Lannée sociologique 1898 1899). CHAPITRE CINQUIÈME. Les Bio-sociologues. I. AD. PRINS. Je ne saurais mieux rendre 1'opinion du Prof. Prins sur le sujet de mon travail qu'en citant ce qu'il en dit dans son livre „Criminalité et répression", et plus spécialement au chapitre I, intitulé „De la criminalité en général. Des classes criminelles. Des délinquants d'accident et des délinquants de profession." On y lit: „II n'existe pas un type abstrait de 1'homme moral et un type abstrait du coupable; le crime n'est pas un phénomène individuel, mais un phénomène social. La criminalité sort des éléments mêmes de 1'humanité; elle n'est pas transcendante, mais immanente; on peut voir en elle une sorte de dégénérescence de 1'organisme social." ') „II y a un milieu social favorable a la santé morale: le penchant au crime y est presque nul; il y a un milieu social oü 1'atmosphère est corrompue, 011 les éléments malsains s'amoncellent, oü les plus vigoureux dépérissent, 011 la criminalité s'abat comme la moisissure sur le fumier: le penchant au crime y est formidable, et 1'on peut dire en ce sens qu'il est un fait social avec une cause sociale et qu'il est en connexion intime avec une organisation sociale donnée. Considérons un instant notre époque: un siècle de progrès et de raffinement est un siècle de vices; la complication croissante de notre mécanisme crée, avec des tentations nouvelles, de nouvelles occasions de chutes. Le char de la civilisation, semblable a celui du dieu DjaggerNath, écrase beaucoup de ceux qui se précipitent sous ses roues. Le monde a des appétits énormes qu'il ne peut satisfaire: la sensualité, 1'avidité au gain, le goüt et la facilité des spéculations; le contraste entrc la grande richesse et 1'extrême pauvreté; les nécessités brutales du combat pour la vie en face de la concentration de la propriété et du capital; les défectuosités de 1'organisation industrielle, qui abandonne le prolétariat au hasard, qui 11e surveille pas 1'apprentissage et laisse 1'enfant de 1'ouvrier aux excitations de la rue et a la promiscuité de l) P- '3' 1'atelier, qui, enfin, aiguise partout les instincts obscurs de 1 animalité, tout cela retentit sur la criminalité avec une certitude déplorable. Combien on aurait tort, dans une pareille mêlee, d'opposer simplement le délinquant a 1'honnête homme! Ce sont deux états sociaux qui s opposent 1 un a 1'autre: 1'un est fondé sur 1'aisance, la sociabilité, la protection reciproque, le travail utile et 1'épargne; 1'autre, sur la misère, 1'isolement, 1'égoïsme, le travail improductif. Kt dans les grandes agglomérations urbaines le pauperisme, la mendicité et le vagabondage, la paresse, 1'esprit d'aventures, la prostitution, 1'éparpillement des forces, tout, enfin, concourt naturellement a développer 1'anémie sociale. Prenez n'importe quelle région pauvre, inculte, sauvage, et toujours vous trouverez dans les grandes villes, Londres ou Paris, New-\ ork ou San Francisco, un milieu inférieur au premier, quelque chose de plus dépravé. C'est ici, dans les bas-fonds oti jamais ne pénètre une lueur de bien-être physique ou moral, que vivent les déshérités. Ils entrevoient 1'éclat du luxe pour le haïr; ils ne respectent ni la propriété ni la vie, paree que ni la vie ni la propriété n'ont pour eux de valeur réelle; ils naissent, s'étiolent, luttent et meurent sans soupconner que, pour certaines gens, 1'existence est un bonheur, la propriété un droit, la vertu une habitude et le calme un état constant. Tel est le foyer naturel et fatal de la criminalité. Dans un quartier soumis a une détestable hygiëne, bati sur un sol marécageux, privé de canalisation et d'eau potable, sillonné de rues étroites et sales, couvert de masures sans air ni lumières, oü végètc une population atrophiée, les épidémies sont inévitables et se propagent avec une grande intensité. De même, le crime trouve une proie facile et certaine au milieu des misérables d'une capitale. Les enfants naturels et abandonnés, les enfants des repris de justice et des prostituées, les vagabonds etc., sont autant de recrues désignées. Sans familie, sans traditions, sans domicile fixe, sans occupations sédentaires, sans relations avec les classes dirigeantes, quoi d'étonnant a ce qu'ils n'éprouvent que le besoin physique, a ce qu'ils n'aient d'autre mobile que 1 égoïsme a outrance, a ce qu'ils ne connaissent d'autre activité intéressée et passagère pour la satisfaction immédiate de leurs appétits matériels! L'émigration des campagnes vers les villes accroit encore cette armée et augmente les chances de criminalité. Ouand les fils des paysans quittent la charrue pour 1'atelier et viennent chercher fortune dans la fournaise des grandes villes, ils obéissent a 1'esprit d'aventure; il leur faut a tout prix un gagne-pain, et comme la concurrence est ardente et que les tentations surgissent a chaque pas, les prisons profitent de eet excédent que la campagne donne a la ville. Une autre conséquence, c est que 1 immigration rurale fait déborder la population; la place manque, et le salaire descend au-dessous du nécessaire. Ducpetiaux montrait, en 1S56, que le budget de 1'ouvrier des grandes villes est inférieur même alasomme qui représente le budget de 1'ouvrier des prisons. Cette situation n'a pas cliangé, et les classes laborieuses, mal logees, mal nourries, végetent a la merci des crises économiques. L'ouvrier est toujours sur la limite du vagabondage; le vagabond est toujours sur la limite du crime. Le prolétariat entier est ainsi exposé en première ligne et, qu'il s'agisse de la maladie ou du crime, c'est lui qui succombe le premier. Sous le vernis de leur luxe, les villes dissimulent donc les hontes, les soufifrances sociales, elles étalent a la fois „la parure et la fange" de la civilisation. Elles possèdent 1'élite et la quintessence de 1'esprit humain; elles possèdent aussi les êtres disposés a répondre aux excitations mauvaises et sensibles aux moindres vibrations du dehors." x) „Telles sont les conditions de développement des classes criminelles, c'est-a-dire des classes oïi 1'on rencontre le penchant au crime. Et, il importe de le remarquer, on peut, au regard de la justice répressive, déterminer leur caractère légal: ce sont les vagabonds et les délinquants de profession. lis s'opposent nettement aux vagabonds et aux délinquants d'accident. Cette distinction, que la statistique moderne a mise en relief, est désormais la base de la science pénale, et le juge ne peut plus s'en passer. Les délinquants d'occasion constituent la minorité, leur vie est réguliere, leurs instincts sont droits; une passion soudaine, un emportement irréfléchi, un affaissement passager de la volonté, les entraine au crime; une sorte de fièvre les a dominés et, 1'accès passé, la vie normale reprend son cours. Au contraire les délinquants de profession, qui forment la grande majorité de la population des prisons, sont véritablement la classe criminelle. Ce sont les endurcis, les incorrigibles, les récidivistes. C'est, a cóté de la société régulière, la „grande tribu rebelle", oü viennent se confondre la misère, 1'ignorance, 1'alcoolisme, le vice, la paresse, la prostitution. Les soldats de cettc armée n'obéissent point a un désir momentané, mais a une tendance permanente. Ils ne commettent pas toujours le crime pour le crime, mais 1'incident le plus futile les pousse a le commettre; ils profitent de toute occasion, et 1'on peut dire que, de même que dans certains groupes la vertu est 1111 acte réflexe, de même cliez eux le crime devient un acte réflexe. Bien plus, ils ont, tout commc le monde civilisé, une opinion publique qui les soutient, qui les excite, leur donne leur genre de popularité et constitue, en un mot, un aiguillon pour les héros du vice, de même qu'elle encourage les soldats du devoir. Ce qui est vrai quand on considère ainsi l'ensemble de la société, est également vrai quand on prend 1'individu comme tel. Dans chaque infraction, il y a, a cóté du facteur accidentel, c'esta-dire de 1'age, du caractère, du tempérament, en un mot, des dispositions personnelles, le facteur collectif ou social, c'est-a-dire le milieu, les circonstances permanentes, les lois générales. Chez le délinquant d'occasion, le facteur individuel prédomine, c'est surtout l'homme qui apparait. Chez le délinquant d'habitude, c'est le facteur social, c'est la collectivité qui entre en scène. Dans les classes aisées, instruites, policées, qui n'ont tnanqué de rien, qui ont dès le berceau profité de toutes les influences civilisatrices, la faute est surtout personelle, et elle est 1'exception. Dans les couches profondes, quand tout a fait défaut, quand pour combattre le mal, l'homme n'a ni dans le présent la protection sociale, ni dans le passé des généra- i) p. 13-18. tions d'ancêtres qui ont joui de la puissance, de la richesse et des lumières, la faute est la règle, elle est surtout collective. En ce sens donc dans la criminalité, les forces collectives ont une action dominante, pour' la combattre, il faut agir sur ces dernières, et le legislateur ne trouve dans la loi qu'une arme émoussée s'il meconnait cette veritc suprème: le caractère social de la criminalité. ) i) p. 19—22 II. W. D. MORRISON. La préface de „Crime and its causes" contient déja un abrégé de 1'opinion de 1'auteur sur 1'influence des conditions économiques. II y dit: „Economie prosperity, however widely diftuscd, will not extinguish crime. Many people imagine that all the evils afflicting society spring from want, but this is only partially true. A small number of crimes are probably due to sheer lack of food, but it has to be borne in mind that crime would stil] remain an evil of enormous magnitude even if there were no such calamities as destitution and distress. As a matter of fact easy circumstances have less influence on conduct than is generally believcd; prosperity generate criminal inclinations as well as adversity, and 011 the whole the rich are just as much addicted to crime as the poor." ') Le chapitre „Climate and crime" contient quelques observations qui sont intéressantes pour notre sujet. En parlant des grands chiffres des crimes contre les personnes en Italië, 1'auteur dit: „Nor can it be said to be entirely due to economie distress. A condition of social misery has undoubtedly something to do vvith the production of crime. In countries where there is much wealth side by side with much misery, as in Erance and England, adverse social circumstances drive a certain portion of the community into criminal courses. But where this great inequality of social conditions does not exist—where all are poor as in Ireland or Italy—poverty alone is not a weighty factor in ordinary crime. In Ireland, for example, there is almost as much poverty as exists in Italy, and if the amount of crime were determined by economie circumstances alone, Ireland ought to have as black a record as her southern sister. Instead of that she is on the whole as free from crime as the most prosperous countries of Europe." '-) — Cette citation est un des meilleurs échantillons de la logique et de la connaissance des faits de M. Morrison! L'Italie est pauvre; 1'Irlande est pauvre; le premier pays compte beaucoup de crimes, le dernier en a peu. Par conséquent: les conditions économiques ne sont pas un facteur important. Pour ne pas parler de la prudence qu'il faut observer en comparant deux pays oü loi pénale, 1) p. 6. 2) P- 37• police, justice etc. différent beaucoup, il y a dans la citation une erreur de logique. Car la pauvreté peut, dans un des pays, bien être un déterminant qui mène a certain phénomène, tandis que, dans un autre pays, elle n'y mène pas, puisqu'elle y est neutralisée par un contrcdéterminant. Et puis, la connaissance des faits dont M. Morrison donne la preuve ici, n'est pas grande. II n'est pas du tout vrai qu'en Italië tout le monde soit pauvre. Au contraire, il y a assez de riches dans ce pays, tandis que 1'Irlande par contre est épuisée par les propriétaires, qui séjournent ailleurs. Le Dr. Colajanni, dans sa „Sociologia criminale" (p. 558 II) indique que 1'altruisme des Irlandais date encore des temps oü, chez eux, la propriété était commune, ce qui a été longtemps le cas. — Le chapitre qui nous intéresse ensuite est celui qui est intitulé „Destitution and crime." „A destitute person" is a person who is without house or home, who "has 110 work, who is able and willing to work but can get none, and has nothing but starvation staring him in the face." ') Selon M. Morrison il y a deux sortes de crimes, dont une „destitute person" peut se rendre coupable, a savoir le vol et la mendicité. II faut donc répondre a deux questions: l°. combien pour cent compte-t-on deces crimes? 2U. jusqu'oü peut-on reprocher le vol et la mendicité au „destitution" ? . > Durant les années 1887—88 le nombre des cas jugés en Angleterre et Wales fut de 726.698, dont 8 °/0 étaient des crimes contre la propriété et 7 u/n des contraventions aux „Vagrancy Acts." 1'ar conséquent 15 °/0 de tous les crimes auraient pu être commis par „destitution". D après les renseignements pris par lui-même, la moitié des voleurs avait du travail au moment oü ils commettaient leurs crimes, et gagnaient quelque chose. Maintenant il reste encore a expliquer 50 °/c ^cs cas "e Les auteurs de ces vols étaient donc sans travail; mais il y avait parmi eux des criminels d'habitude, et ceux-ci pourraient bien trouver du travail, mais ils ne veulent pas travaillcr. Donc, ces gens ne sont point de „destitute persons". Restent encore 25 °/o des voleurs. Chez eux la „destitution" est maintenant vraiment la cause directe. Cependant ce n'est pas le manque de travail qui est la seule cause, mais bien aussi le fait que des enfants de prolétaires sont abandonnés a eux-mèmes quand leurs parents sont morts ou malades. Kt puis, beaucoup d ouvriers agés deviennent encore criminels puisqu'ils sont trop vieux pour pouvoir travailler et que personne ne les entretient. Des ivrognes aussi en viennent parfois a commettre des crimes par la misère, puisqu'ils trouvent difficilement du travail. Le calcul dcvient donc comme suit. Proportion des criminels, gagnant au moment de 1'arrestation. . 4°/o „ „ voleurs d'habitude 2 „ „ adultes sans abri et vieillards.... 1 „ (> H „ ivrognes, vagabonds 1 »» crimes contre la propriété comparés au tf ff ff A ü 0/ total des crimes /o i) p. 82—83. Viennent ensuite les contraventions des „Vagrancy Acts". Les infractions qui sont punies selon cette loi sont surtout la prostitution, la présence dans des lieux publics avec des intentions criminelles, la présence dans une maison particulière avec des intentions criminelles, le port d'outils a efifraction. Prostitution a part, selon 1'auteur „destitution" ne doit pas être considéré dans ces cas comme cause de ces infractions, attendu que les coupables sont des gens qui ordinairement ne veulent point travailler et ne voudraient pas échanger leur sort contre celui d'autrui. La classe des vagabonds n'est pas plus malheureuse qu'aucune autre, elle a même sa propre philosophie. (— Qui pourrait alors encore être malheureux ? Après eet exposé on aurait grande envie de demander a M. Morrison: comment se fait-il donc qu'il n'y ait pas de gens aisés qui aient choisi cette carrière enviable? —) Le même raisonnement s'applique a la plupart des mendiants (45°/0 parmi ceux qui font infraction aux „Vagrancy Acts"), il ne veulent pas travailler. Une autre fraction se compose de ceux qui ne peuvent pas trouver d'ouvrage; leur nombre est difficile a déterminer, selon le sentiment de M. Morrison il n'est pas trés élevé (il 1'évalue a 2°/0 pour les mendiants). Ce sont surtout des personnes agées qui appartiennent a cette catégorie. Les deux principales raisons a cela sont : La première c'est 1'emploi de plus en plus grand des machines, qui rend les ouvriers superflus, tandis qu'elle augmente la possibilité du travail par les femmes et les enfants. — Ouelque juste que soit cette observation, elle est néanmoins trés incomplète. Ce n'est pas la machine qui est la cause, mais bien le système du travail libre, qui abandonne a lui-mème celui qui ne peut plus travailler, n'importe que ce soit par manque de travail ou puisque la personne en question ne peut plus travailler. — Une deuxième cause de vagabondage et de mendicité doit être trouvée dans les Trade-Unions. Car ces Unions ont su obtenir un salaire réglementaire et les ouvriers agés doivent, d'après ces règlements, gagner autant que les jeunes, quoiqu'ils ne puissent plus livrer autant de travail que ces jeunes. Les patrons alors ne peuvent pas leur donner le salaire entier et les jettent donc sur le pavé. La circonstance qu'il y a plus de mendiants que de mendiantes est pour M. Morrison une preuve de plus que les conditions économiques ne sont pas la cause de la mendicité etc., car les femmes vivent ordinairement dans des conditions pires que les hommes. „The only possible explanation of this state of thing is that vagrancy is, to a very large extent, entirely unconnected with economie conditions ; the position of trade either for good or evil is a very secondary factor in producing this disease in the body politic; its extirpation would not be effected by the advent of an economie millennium; its roots are, as a rule, in the disposition of the individual and not to any serious degree in the industrial constitution of society." ') Après avoir exposé que, selon lui, la prostitution non plus n'a pas !) p. 106—107. beaucoup affaire avec des conditions économiques, l) M. Morrison arrivé a la conclusion que i4°/o des délinquants contre les „Vagrancy s. y ont été amenés par „destitution" ; comme ceux-ci fornient les 7 /o dans le total de la population criminelle ces „destitute persons" forment les 2°/0 du total. En ajoutant ces 2% aux 2°/0 „destitute persons" parmi les voleurs on arrivre au total de 4°/0. En outre 1 auteur évalue les „destitute persons" parmi les criminels (donc non ceux qui sont punis poui vol ou pour infraction aux „Vagrancy Acts") a i°/0. Cinq pour cent de tous les criminels le sont donc devenus par „destitution", selon M. Morrison. Je n'insisterai pas pour prouver que ces calculs n'ont que peu de valeur. En premier lieu presque tous les chiffres ne sont que des êvalnations, sans indication aucune sur quoi elles reposent. En second lieu M. Morrison a seulement prouvé, a supposer que ses évaluatmos soient justes, que 5°/0 des criminels appartiennent a une categorie, dehnie par 1'auteur lui-même. Tout cela ne donne absolument pas le droit de conclure que les conditions économiques ne sont pas des facteurs puissants du crime. La oü l'écrivain croit que la question est résolue, les difficultés commencent proprement. Veut-on traiter p. e. la question du vagabondage d'une manière scientifique il faut se demander: comnient se&fait-il que dans le mode de production actuel (le vagabondage n est pas selon les on-dit aussi vieux que le monde lui-même) il se trouve des gens qui préfèrent le vagabondage au travail. C'est une des questions qu'il faut résoudre, et cependant elle ne parait pas exister pour M. Morrison. Les causes du vol professionnel, de 1'alcoolisme etc., ne semblent guère avoir affaire, selon 1'auteur, avec les conditions économiques. Je montrerai dans la seconde partie de mon ouvrage combien il se trompe. — Le chapitre suivant traite de „poverty and crime . 1 our piouver le peu de causalité entre ces deux, M. Morrison cite la statistique suivante: , Italië 1080—4 Las nouveaux ae vois par au sui iuu.uw ... F rance 1879—83 „ „ „ » » » » » Belgique 1876—80 „ >, .. ». » » >» » " '43 Allemagne 1882—83 „ „ „ » » » » •» " 2 Angleterre 1880—84 „ „ „ » •> » » » " Ecosse 1880—84 „ „ „ „ » » » ■> " 2 9 Irlande 1880—84 „ „ » » » » » " " Hongrie 1876—80 „ „ »» » » » » " " ~ Espagne 1883—4 „ » « " ». » " " r ' a nn-iotorro pcf :i neu nrès 6 fois nlus riche que 1 Italië et ie chiffre de la criminalité y est plus grand; par conséquent: les conditions économiques 11'en sont pas causes, etc, etc. 11 M Morrison renvoie pour ccttc question c. a. k 1'opinion de I arcnt-Duchatelet. Ceüendant la lecture du travail de Parent-Duchatelet »De la prostitution dans la viUe de' Paris" donne une toute autre impression. On y lit p. e ce qtii sinl: «l le touK. les causes de la prostitution, particulièrcment k Paris probablemen et dans les autres grandes villes, il n'en est pas de plus actives que le defaut de travail et la nuscre, suite inévitable do salaires insuffisants. (p. 103 1). 16 — II y a déja bien des années que Quetelet indiqua (voir p. 40 de mon travail) que ia richesse absolue ne dit rien pour éclairer la question crimineiie, attendu que la richesse dans son ensemble ne donne pas une idéé de sa répartition ; et cependant M. Morrison croit que le tableau précédent est une preuve de la justesse de sa thèse! — L'auteur voit une deuxième preuve a 1'appui de son raisonnement dans le fait que pendant la période florissante de 1870 a 1874 la criminalité en Angleterre était plus grande que pendant la période de dépression économique de 1884 a 1888 (— Voir nos résumés sur les ouvrages de Tugan-Baranowsky (p. 109 sqq.) et de Muller (p. 119 sqq.), oü l'on démontre que les conditions économiques a cette époque ont cependant un rapport avec la criminalité. —) En 1888 011 comptait aux Indes un accusé sur 195 habitants et un sur 42 en Angleterre; 1'Angleterre étant plus riche que les Indes les conditions économiques ne sont pas un facteur important dans 1'étiologie du crime telie est la conclusion de M. Morrison. En Amérique les immigrants commettent en moyenne moins de crimes que ceux qui sont nés dans le pays; la position de ces derniers étant meilleure, les conditions économiques ne sont pas causes du crime. (— Comme si des assertions aussi vagues que celle-ci: „1'Américain a une position meilleure que 1'immigrant", pouvaient avoir quelque valeur!—) M. Morrison voit encore une preuve dans le fait que la criminalité dans la colonie anglaise Victoria, oü la prospérité est assez générale, diffère peu de celle d'autres pays, oü la prospérité est moindre (— Voir A. Sutherland „Résultats de la déportation en Australië, (Compte Rendu du Vc Congr. d'Anthr. Crim. p. 270.) oü il est démontré que la criminalité en Australië par suite de la déportation des criminels anglais était assez grande, mais baisse continuellement depuis 1850, et est maintenant moins élevée qu'en Italië, en Suède, en Saxe et en Prusse. Ainsi cette preuve, donnée par l'auteur, est peu convaincante —). Ensuite l'auteur attire 1'attention sur Ie fait que selon lui le nombre des criminels dans les difïférentes classes de la société en Angleterre est proportionnel a la population respective de chacune de ces classes. Enfin M. Morrison croit aussi que sa thèse est appuyée par le fait que durant les mois d'été les prisons en Angleterre sont plus peuplées que durant les mois d'hiver. — L'auteur se trompe, si l'on veut s'assurer qu'en hiver il se commet plus de crimes qu'en été il ne faut point consulter la statistiqué des prisons mais celle de la justice; la première ne donne pas de renseignements concernant 1'époque oü le délit a été commis; il est même probable qu'une partie des prisonniers enfermés en été ont commis leurs délits en hiver. Beaucoup d'écrivains, qui ne sont pas tombés dans cette erreur sont arrivés a cette conclusion que les crimes et délits contre la propriété (dont il s'agit ici principalement) augmentent en hiver et diminuent en été. Si l'on voulait composer une critique compléte sur 1'ouvrage de M. Morrison, il faudrait y opposer une autre oeuvre, tant est grand selon moi le nombre de ses erreurs et de ses omissions, c'est pourquoi je renvoie a la seconde partie de mon ouvrage. L'erreur fondamentale de 1'auteur c'est qu'il croit que la question: en quoi les conditions économiques mènent au crime, est épuisée quand on a recherché jusqu'a quel point la pauvreté est la cause du crime; et ce n'est a mon avis qu'une partie importante, il est vrai, de la question, car cette question si simple en apparence est beaucoup plus compliquée. Enfin il faut que je proteste contre le reproche immérité que les syndicats anglais sont la cause de la criminalité parmi les ouvriers agés. Nous vivons dans une société oü une grande partie des hommes s'épuisent en échange d'un petit salaire pour en enrichir d'autres, et oü les ouvriers agés qui ne peuvent plus ou presque plus travailler sont rejetés comme les oranges dont on a pressé le jus; quand ceux-ci commettent donc des crimes c'est la société qui en est la cause et non les syndicats qui après des années de lutte acharnée sont parvenus a obtenir pour leurs membres un salaire plus élevé que celui de leurs camarades non-syndiqués. — Voir du même auteur: »Juveni'.e Offenders" (chap. VII et VIII) et «The interdretation of criminal statistics". (Journal of the royal Statistical Society 1897). III. F. VON LISZT. La citation suivante, empruntée a „Die gesellschaftlichen Ursachen des Verbrechens" rend en peu de mots 1'opinion de eet auteur: „Das Verbrechcn ist das nothwendige Ergebniss aus dem Zusammenwirken zweier Gruppen von Bedingungen. Die erste Gruppe ist gegeben durch die theils angeborne, theils erworbene Eigenart des Thaters; die andere durch die ihn umgebenden ausseten Verhaltnisse. Der Mikrobe des Verbrechens gedeiht nur in der Nahrflüssigkeit der Gesellschaft. Mit diesem Satze, der allmahlig zum Gemeinplatze geworden ist, ist die Bedeutung der gesellschaftlichen Verhaltnisse fiir Gestaltung und Entwicklung des Verbrecherthums nachgevviesen." ') „Das durch eine Verbesserung der Gesellschaftsordnung eine Verminderung in der Zahl bestimmter Verbrechen herbeigeführt werden kann, liegt auf der flachen Hand. Der Antrieb zum Verbrechen wird durch die gesellschaftlichen Verhaltnisse unzweifelhaft bald gestiirkt, bald geschwacht. Politische und religiöse Delikte werden sich umso zahlreicher einstellen, je geschlossener, je rticksichtsloser die herrschende Ansicht gegen abweichende Ueberzeugungen auftritt. Wenn heute eine Richtung der Kunst staatliche Anerkennung und den Schutz der Strafgesetzgcbung erlangen sollte, so werden morgen die asthetischen Ketzer verfolgt werden, wie die religiösen in früheren Jahrhunderten. Der Geschlechtstrieb wird stets nach Befriedigung verlangen und sie nehmen, wo er sie findet. Versagt Ihr ihm die Möglichkeit sich innerhalb der Schranken der Rechtsordnung zu bethatigen, so wird er die Schranken brechen und zum Verbrechen führen. Und wer weder Brot noch Arbeit findet der wird in Weitaus den meisten Kallen Mittel und Wege sich zu eröflnen wissen, die ihm auf Kosten der Gesellschaft das eine ohne die andere sichern. Ich glaube nicht an „die Bestie im Menschen." Heute noch miissen wir an sie glauben. Sie ist da, in allen Kreisen, in allen Schichten unseres Volkes. Wer sie nicht sehen will,, dem freilich kann nicht geholfen werden. Und dadurch, dass wir die Schriftsteller kreuzigen, die schildern was sic gesehen, so gut wie wir gesehen, aber besser als wir beobachtet haben, schaffen wir die unangenehme Thatsache nicht aus der Welt. Aber die Bestie mit all' ihren wilden Leidenschaften, mit Zorn und Hass, mit Gier und Neid, mit Blutdurst und unersattlicher Eitelkeit — stammt sie nicht von Papa oder Mama, die die Geniisse des Lebens oder das Elend des Lebens gekostet haben bis zur Neige, ') P- 59- die verfault waren in Blut und in den Knochen durch ihre Schuld oder ohne ihre Schuld, ehe sie den Keim ins Leben setzten, dem sie den Fluch der Vorfahren als Erbtheil mitgegeben auf den Lebensweg? Eine bessernde Umgestaltung unserer Gesellschaftsordnung wird den Antrieb zum Verbrechen in den heute lebenden Menschen wesentlich mindern. Aber unendlich viel wichtiger, unendlich viel dauernder wird ihre Wirkung auf die kommenden Geschlechter sein. Sie wird indem sie die Zahl der erblich belasteten mindert, die Bestie im Menschen zahmen. Das ist keine „Utopie". Es wird wohl leichter sein, die Wirkung einer solchen Umgestaltung zu underschatzen, als sie richtig in ihrer vollen Tragweite zu wtirdigen. Aber welche Umgestaltung? Das ist die Frage, auf die wir Antwort geben rnüssen, wollen wir nicht als harmlose Schwarmer bei Seite geschoben werden. Auf der Suggestion beruht unsere ganze Erziehung, in der Schule wie im Leben. Was uns vom Verbrechen abhalt, das sind die „Hemmungsvorstellungen", die uns anerzogen, die uns eingepragt werden, bis sie in unser Fleisch und Blut übergehen und unser Thun und Lassen beherrschen, olifie das wir uns dessen bewusst werden. „Das solist Du", „das solist Du nicht" — diese allgemeinen Vorschriften des Rechts und der Sitte, der Religion und der Menschenliebe oder wie Ihr es nennen wollt, die mussen uns bestimmen, ohne dass wir überlegen, ohne dass wir schwanken oder zaudern. Was die Rechtsordnung von uns verlangt, das mussen wir leisten können, wie die Gewehrgrifïfe, auf Ein, Zwei Drei, selbst im Halbschlummer. Wer „Haltung" hat, verliert sie nicht, auch wenn der Alkohol seine Sinne umnebelt. Die Hemmungsvorstellungen aber bewahren ihre Kraft nur, wenn wir im Kreise der Genossen, im geschlossenen, durch gleiche Anschauungen und durch die Gemeinschaft der Interessen zusammengehaltenen Kreise leben. Auf sich selbst gestellt, bewahrt sich der echte Mann. Aber die sind dünn gesaht, die das vermogen. Die grosse Mehrzahl von uns braucht ausseren Halt. Wer hat es nicht an sich selbst eifahren, wie Urtheil und Vorurtheil, wie Glaubcn und Aberglauben seiner Genossen bestimmend auf ihn wirkten; wie er die anderen hielt und wie er von ihnen gehalten wurde? Zerstört die geschlossenen Kreise und Ihr schv acht oder vernichtet die Hemmungsvorstellungen; atomisiert die Gesellschaft, dass jeder auf sich gestellt ist im Kampfe aller gegen alle, und Ihr entfesselt was an bösen 1 rieben in uns wurzeltdckhxssivt den Menschen und Ihr habt ihn dem Verbrechen in die Arme getrieben. Und diese Deklassirung hat unsere heutige Wirthschaftsordung reichlichst besorgt. Sie hat den Egoismus entfesselt, ohne ihn schranken zu setzen. Sie erntet, was sie gesaet. In dem Proletariat hat sie den Nahrboden selbst geschaffen, in dem der Mikrobe des Verbrechens gedeiht. Neben dem Reichthum Einzelner das Massenelend. Dann wundern wir uns noch wie der Kriminalstatistiker über die steigende Menge der Zahlkarten klagt. Jede Gesellschaft hat die Verbrecher die sie verdient. Wobei neben den vielen kleinen die wenigen Grossen nicht vergessen werden sollten." ') i) p. 59 6o. — L'opinion du prof. von Liszt et des autres bio-sociologues sur le crime est un alliage de la doctrine des écoles italienne et fran^aise. Ayant déja donné une critique sur ces écoles, je me bornerai a faire quelques observations seulement. La formule: „chaque crime est le produit d'un facteur individuel d'un cöté, et de facteurs sociaux de 1'autre", est de peu de valeur pour la question, étant appliquable a chaque acte même au plus louable, et explique trés peu ce qui concerne le crime en particulier. Un examen plus spécial du facteur soi-disant individuel du crime démontre aussi qu'il est formé p. e. de grands besoins, d'une force musculaire trés développée, bref de choses qui ne sont pas propres au crime seulement; ou bien qu'il n'est qu'un manque de conceptions morales (suite d'un ambiant défavorable, d'une mauvaise éducation, etc). Un véritable facteur individuel ne se retrouve que dans quelques cas spéciaux, la oü le crime est le résultat d'une prédisposition, résultant d'une condition mentale morbide, combinée a des circonstances défavorables. Parfois donc le crime est la résultante d'un facteur individuel avec un facteur social; dans la plupart des cas il ne 1'est pas. En soutenant que ce sont toujours ces deux ensemble qui font naitre le crime, on se sert d'un lieu commun, attendu que par facteurs individuels on entend conditions nécessaires a chaque acte, ou bien 1'on dit quelque chose de tout a fait inexacte. Enfin on peut dire aussi des bio-sociologues que la plupart d'entr'eux tout en reconnaissant la grande influence exercée par 1'ambiant, ne donne pas d'exposé de eet ambiant. II ne suffit pas de nommer une série d'imperfections sociales existant de nos jours et de demander leur réforme, 1'une après 1'autre; il faut avant tout rechercher si ces imperfections sont en rapport avec le système économique existant, et pourraient être éloignées sans attaquer le système lui-même. — Voir aussi du même auteur: »Die Reichskriminalstatistik des Jahres 1883". p. 377 (Zeitschrift f. d. ges. Strafrw. VI); «Das Verbrechcn als sozial-pathologischeErscheinung." IV. P. N A E C K E. Dans son oeuvre „Verbrechen und Wahnsinn beun Weibe le dr. Nacke traite la question criminelle en premier lieu a un point de vue médico-anthropologique. Cependant ses observations sur le hen qui existe entre conditions économiques et crime sont tres importantes. Dans le ce chapitre, intitulé „die anthropologisch-biologischen Beziehungen zum Verbrechen und Wahnsinn beim Weibe" il pose dabordk question. est-ce qu'on peut déterminer anatomiquement 1 idee „crime . D'après lui la réponse doit être absolument negative. „bemal nat recht wenn er sagt: „le sens moral est donc une acquisition lente et graduelle dans la succession des ages La conscience des peuples, comme celle de 1'individu, nomme moral tout acte utile a 1 agent lui- même ou aux autres " jedes Volk setzt also nach dem derze.t.g bei ihm geitenden Moralcodex den Begriff „ l erbrechen fest, er liegt somit nicht im Menschen physiologisch begründet, sondern ist wie Manouvrier glanzend darthut, ein rein socwlogischer. Es ist demnac/i eigentlich ein Nonsens, nach anthropologischen Merkmalen fur eunn sociolo^ische/i Bcs'fiff zu fuhtidcn. , . « i, Aber auch cine andere Erwagung führt uns zu gleichem Resultate. Der Bestand eines Volkes verlangt die Aufrichtung gewisser Schranken Gesetze" genannt, deren Ueberschreitung die sociale Ürdnunj, store könnte, daher bestraft werden muss. Die Gesetze bilden aber nur e'nze ne Grenzsteine, keine feste Umfnedigung, so dass zwischen denselben , wissentlich oder nicht passieren, ohne gefasst, ohne bestraft *u w^n, auszerdem decken sich die Gesetze einer hoheren Moral nicht immer mit dem geitenden Jus, d. h. also, viele Vergehen und Verbrechen bestehen als solche vor der Moral, nicht aber vor dem Gesetze was bekanntlich Gewissenlose sich nutzbar machen. SchQndarausgehtkki hervor, das es ungezahlte Uebertretungen gibt, die nicht besti aft werden unzahlige Verbrecher, die als „ehrliche" Leute gelten, dass man sonut also eigentlich nicht von Verbrechem mui ehrlichen Leuten, sondern nur von Bestraften und Unbcstrafteu sprechen kamt. „ . . Die Strafe ist aber, wie wir schon sahen, ein schlechtes Kritenum, Gewohnheitsverbrecher sind oft lange nicht so depraviert als manche Unbescholtene, besonders in gewissen Regionen, denen Moralbegnffe sehr elastischer Natur eigen, oder als andere, die zwar nur ein einzigesmal bestraft wurden, aber in ihrem ganzen bisherigen Thun und Treiben abgefeimte Verbrecher sind." !) „Wie es keine absolute körperliche und geistige Gesundheit gibt, ebenso gibt es keine absolut „ehrlichen" Menschen. „Wir sind allzumal Sünder" — und zwar nicht nur in Gedanken, — sagt mit vollem Recht die Heilige Schrift, und Keiner von uns, ist dagegen gefeit, unter gewissen Umstanden ein Verbrecher, selbst ein groszer, zu werden." 2) „Es gibt eine unendliche Scala vom reinsten bis zum schlechtesten Menschen. Sprechen wir also schlechthin von „Verbrechern", so meinen wir nur die auf der auszersten Stufe stehenden, die aber nicht immer die schlimmsten sind. Es handelt sich also um den Absehaum (le rebut) der Welt, nicht nm das eigentliehe Verbrechen. In jedem Milieu wird es stets Individuen geben, die allein oder vorwiegend durch die Umstande Uebelthater wurden — diese Möglichkeit dürfte keinem Sterblichen erspart sein — und auf der andern Seite solche, die dies zum Teil — selten aber allein — ihrer mehr minder invaliden geistigen Persönlichkeit verdanken, welche sie der geitenden Moral fremd gegenüber treten liesz und zum Rechtsbruche trieb; Letztere bilden die Verbrecher in engerem Sinn." 3) Dans le chapitre VI „Zusammenhang von Verbrechen und Wahnsinn" 1'auteur explique qu'en cas d'existence d'un facteur individuel ce n'est pas lui tout seul ordinairement qui mènera au crime, mais qu'il faut qu'il soit doublé d'un facteur social. Voici ce que le Dr. Nacke dit sur les causes de ce facteur individuel: „Ja, in letzter Instanz ist sogar wahrscheinlich der individuelle Factor vom Milieu abhangig, indem dieses die Eltern, Groszeltern etc. so beeinfluszte, dass der Keim der nachtsten Generation direkt oder spater durch schlechte Safte der Mutter oder enges Becken derselben (beides wieder abhangig vom Milieu) geschadigt werden musste." 4) Plus loin il spécifie cette idee, en examinant les différentes causes du crime. Parmi ces causes 1'auteur cite e. a.: 1. Lésion du germe (favorisée surtout par des mariages de dégénérés). 2. Alcoolisme. 3. Syphilis. 4. Mauvaise nutrition et vie nialsaine. 5. Travail démesuré des femmes et des enfants. 6. Mauvaise vie domestique. 7. Abandon dans lequel on laisse les enfants en bas-age. L'auteur se résumé dans les termes suivants: „In Obigem haben wir einige Faden des complexen sozialen Getriebes aufzuheben und zu verfolgen gesucht, in der festen Ueberzeugung, dass nur eine Besserung des Milieus in seinen tausendfaltigen Ausstrahlungen das Verbrechen wirksam bekampfen kann, und allmahlig auch den gewiss nicht zu unterschatzenden individuellen Factor, direct oder indirect, giinstig zu beeinflussen vermag, 1) p. 96- 97. 2) P- 98- 3) P- 98—99- 4) P- 177- Ueberschauen wir das Ganzc, so konimt schlieszlich alles auf die Magen/rage hinaus; nur solange diese nicht gelost wird — vielleicht überhaupt befriedigend nie gelost werden kann — haben wir die obigen Gesichtspunkte praktisch ins Auge zu fassen, die mit der Lösung jener zum groszen Teile hinfallig werden." •) i) p. 208. Voir aussi du même auteur: »Die ncuern Erscheinungen auf kriminal-anthropologischem Gebiete und ihre Bedeutung" (Zeitschrift f. d. ges. Strafrw. XIV). V. HAVELOCK ELLIS. ») Le travail du Dr. Havelock Ellis, ayant comme titre „Verbrecher und Verbrechen" ne contient qu'un seul passage qui soit d'importance pour le traitement de la question criminelle, considérée a un point de vue économique. Comme la plupart des bio-sociologues il considère les facteurs sociaux comme les plus importants. Voici une seule citation, empruntée au travail sus-nommé: „Die Criminalitat ist kein isolirtes Phanomen, das sich unter einseitiger Beachtung irgend eines einzelnen Punktes behandeln liesse, vielmehr zeigt uns die nahere Betrachtung, wie innig das Problem verwachsen ist mit allen jenen socialen Problemen, die heute ihrer Lösung harren. Die steigende Fluth der Criminalitat ist kein Grund zu pessimistischer Verzweiflung, sie ist nur ein weiterer Sporn zu der grossen Arbeit der socialen Organisation, welche das kommende Jahrhundert von uns erwartet. Es ist nutzlos oder schlimmer als das, uns mit der Verbesserung der Behandlung des Verbrechers zu beschaftigen, so iange die socialen Zustande vielen das Gefangniss als willkommenes und erwünschtes Asyl erscheinen lassen. So lange wir die Entwickelung der Verkommenheit fördern, fördern wir die der Criminalitat. So lange man im Londoner Ostend Schaaren von Weibern findet, deren Philosophie sich in die Worte fasst: „Für mich giebt es noch zwei Chancen: die Themsebrücke oder Jack den Aufschiitzer, darauf will ich wetten," wird es eine noch grössere Zahl von Menschen geben, die das Gefangniss zu den natürlichen Chancen ihres Lebens rechnen. Die Freiheit hat für den Werth, der Nahrung, Kleidung und Obdach hat; er wird gewöhnlich nicht die Laufbahn des Verbrechens betreten, es sei denn, dass er nach genauer Berechnung gefunden zu haben glaubt, dass für ihn das Risico, eingesperrt zu werden, sehr klein ist; für die Anderen ist Nahrung und Obdach mehr werth als die Freiheit, und das finden sie im Gefangniss. Wie die Dinge liegen, würden Irrenanstalt und Arbeitshaus, welche ') Dans son introduction eet auteur distingue 3 groupes de facteurs: les cosmiques, les biologiques et les sociaux. Par lk il pourrait être rangé dans la même catégorie avec le prof Ferri. Cependant, j'ai cru devoir le ranger plutöt parnii les bio-sociologues puisqu'il attribtie une importance prépondcrante aux facteurs sociaux. Comme il le dit lui-même (p. VII de 1'introduction), s >n travail est une des preuves que les divergences d'opinions des écoles criminalistes ne sont plus tres grandes. ausserst unbeliebt sind, viel abschreckender wirken als das Gefangniss. In Paris wissen am Morgen 50.000 Menschen nicht, was sie essen und wo sie die Nacht schlafen werden. Dasselbe gilt von jeder grosseren Stadt; für diese Elenden muss das Gefangniss eine Heimath sein. Bekanntlich ist das Loos der Strafgefangenen bei aller seiner Dürftigkeit, monotonen Routine und druckender Ueberwachung noch behaglicher, müheloser und weit gesünder als das Loos, zu dem Tausende ehrlicher Arbeiter weit und breit in England bestimmt sind." ') !) p. 324 — 325. Voir aussi p. 27. VI. CARROLL D. WRIGHT. L'auteur de la brochure „The relation of economie conditions to the causes of crime" commence par relever qu'il y a deux sortes de criminels: des gens qui le sont devenus par suite de leur constitution psycho-physique, et d'autres qui le sont devenus par les circonstances. Ce n'est que de ces derniers qu'il s'agira ici: „I believe the criminal is an undeveloped man in all his elements, whether you think of him as a worker or as a moral and intellectual being. His faculties are all undeveloped, not only those which enable him to labor honestly and faithfully for the care and support of himself and his family, but also all his moral and intellectual faculties. He is not a fallen being: he is an undeveloped individual." ') L'auteur continue alors en déclarant que, puisqu'il y a un rapport plus ou moins grand entre toutes les importantes questions sociales et le „labor question", il est nécessaire de s'occuper de celle-ci aussi pour 1'étude de la question criminelle. On a connu trois grands systèmes de travail: le système du travail reposant sur 1'esclavage, le système féodal et le système actuellement en vigueur, c. a. d. celui du travail libre. Dans les deux premiers, qui, intrinsèquement, ne dififéraient pas de beaucoup, le crime avait un tout autre caractère que sous le dernier. Sous le système féodal les paysans vivaient dans les plus tristes conditions, sans espoir de jamais les voir s'améliorer. Dans plusieurs pays ces conditions étaient tcllement mauvaises que de grandes bandes de voleurs et de brigands les parcouraient. Pendant le règne de Henri VIII, qui a duré 38 ans, 72.000 criminels ont été exécutés. „Pauperism, therefore, did not attract legislation, and crime, the offspring of pauperism and idleness, was brutally treated; ') P- 97- and these conditions, betokening an unsound social condition, existed until progress made pauperism and crime as well, the disgrace of a nation, and it was then tliat pauperism began to be recognized as a condition which might be relieved through legislation." ') A la fin le système féodal fut renversé et celui du travail libre, le système actuel, dévint le système général. Dès lors les différences entre pauvreté et richesse apparurent plus distinctement. „Carry industry to a country not given to mechanical production or to any systematic form of labor, employ threefourth of its inhabitants, give them a taste of education, of civilization, make them feel the power of moral forces even to a slight degree, and the misery of the other fourth can be gauged by the progress of the three-fourths, and a class of paupers and resultant criminals will be observed. We have in our own day a inost emphatic illustration of this in the emancipation of slaves in this country. (America). Under the old system the negro slave was physically comfortable, as a rule. He was cared for, he was nursed in sickness, féd and clothed, and in old age his physical comforts were continued. He had no responsibility, and, indeed, exercised no skill beyond what was taught him. To eat, to work and to sleep were all that was expected of him, and, unless, he had a cruel master, he lived the life that belongs to the animal. Since his emancipation and his endowment with citizenship he lias been obliged to support himselfand his family, and to contend with all obstacles belonging to a person in a state of freedom. Under the system of villeinage in the old country it could not be said that there were any general poor, for the master and the lord of the nianor took care of the laborers their whole lives; and in our Southern towns, during slavery, this was true, so that in the South there were few, if any, poorhouses, and few, if any, inmates of penal institutions. The South to day knows what pauperism is, as England learned when the system of villeinage departed. Southern prisons have become activc, and all that belongs to the defectivc, the dependent, and the delinquent classes has come to be familiar to the South." „But so far as the modern industrial order superinduces idleness or unemployment, in so far it must be considered as having a direct relation to the causes of crime." 2) Après avoir essayé de démontrer, a 1'aide de quelques exemples historiques, que les conditions dans le système qui a précédé le nótre, étaient de 'nature beaucoup plus graves que celles de nos jours, il continue comme suit: „In the study of economie conditions, and whatever bearmg they mav have upon crime, I can do no better than to ïepeat, as a general idea, a statement made some years ago by Mr. Ira Steward, of Massachusetts, one of the leading labor reformers in that state in his day. He said': „Starting in the labor problem from whatever point me may, we reach, as the ultimate cause of our industrial, social, moral, and material difficulties, the terrible fact of poverty. By poverty we mean 1) p. 99. 2) p. 100—101. something more than pauperism. The latter is a condition of entire dependence upon charity, while the former is a condition of want, of lack, of being without, though not necessarily a condition of complete dependence." It is in this view that the proper understanding of the subject given me, in its comprehensiveness and the developpement of the principleg which underlie it, means the consideration of the abolition of pauperism and the eradication of crime; and the definitions given by Mr. Steward carry witli them all the elements of those great special inquiries embodied in the very existence of our vast charitable, penal, and reformatory institutions, „How shall poverty be abolished, and crime be eradicated?" ') Que les circonstances fussent favorables ou défavorables, que les gouvernements fussent libéraux ou despotiques, avec toutes les religions et tous les systèmes commerciaux, en un mot toujours le crime a existé. Voila pourquoi il existerait quand tnême encore qu'il n'y eut plus de chömage forcé, que chacun eut recu de 1'éducation, et que les attentes des sociétés de tempérance et des réformateurs sociaux fussent réalisées et que le christianisme fut universel. Mais, toutes ces bonnes influences reünies réduiront assurément le crime au minimum. La criminalité ne diminuera que trés peu si les améliorations ne visent que la condition sanitaire, et non pas en même temps les conditions morales et intellectuelles. 11 est par contre indiscutable, selon 1'auteur, qu'un développement de ces dernières qualités aura une influence favorable sur la criminalité. Car celui qui a recu de 1'instruction se laissera moins vite aller au crime que 1'ignorant, attendu que grace a son instruction il pourra généralement trouver du travail, le protégeant contre la misère et le crime. Le manque de travail est une cause importante du crime, p.e. parmi les condamnés de 1'Etat de Massachusetts, il y avait 68 o/o de sans-travail a un moment donné, et dans tous les Etats-Unis parmi les assassins de 74'Vo de sans-travail (1890). Ce désceuvrement peut être la suite d'une antipathie contre le travail 011 d'un manque d'occasion de s'occuper. Et c'est ce dernier cas surtout qui 11e se présente que trop souvent dans 1'organisation sociale actuelle. De grandes améliorations s'imposent d'urgence; il faut que les conditions vitales deviennent meilleures et plus saines et que le travail soit mieux récompensé. Le grief fondamental de 1'écrivain contre 1'économie politique c'est qu'elle n'a pas considéré les forces morales comme 1111 de ses éléments. Aussitót qu'elle les aura considérées comme telles, elle entrera dans la voie qui conduit a de véritables améliorations. Après avoir indiqué qu'elles doivent être ces améliorations, 1'auteur poursuit en ces termes: „In a State in which labor had all its rights there would bc, of course, little pauperism and little crime. On the other hand, the undue subjection of the laboring man must tend to make paupers and criminals, and entail a financial burden upon wealth which it would have been easier to prevent than to endure; and this prevention must come in a large degree through educated labor. Do not understand me as desiring to give the impression that I ') p. 103—104. believe crime to bc a necessary accompaniment of our industrial system. I have labored in other places and at other times to prove the reverse, and I believe the reverse to be true. Our sober, industrious working men and women are as free from vicious and criminal courses as any other class. Wh at I am contending for, relates entirely to conditions aftecting the few. The great volume of crime is found outside the real ranks of industry.' ') Ön pourrait encore se demander si la civilisation favorise le criir.e. La réponse devra être affirmative et négative en même temps. Affirmative dans des temps exceptionnels; et sans cela négative. l'lus la civilisation avancera, plus les conditions des ouvriers s'amélioreront, plus la repartition du profit sera équitable, et le crime diminuera. Les essais a ce sujet pris par Robert Owen et tant d'autres sont la pour en prouver la justesse. L'auteur termine son étude en ces termes: „1 rade instruction, technical education, manual training — all these are efficient elements in the reduction of crime, because they all help to better and truer economie conditions. I think, from what I have said, the clements of solution are clearly discernible. Justice to labor, equitable distribution of profits under some system which 1 feel sure will supersede the present, and without resorting to socialism, instruction in trades by which a man can earn his living outside a penal institution, the practical application of the great moral law in all business relations—all these elements, with the more enlightened treatment of the criminal when apprehended, will lead to a reduction in the volume of crime, but not to the millennium; for „human experience from time inmemorial tells us that the earth neither was, nor is, nor ever will be, a heaven, nor yet a heil, (ür. A. Schafflc) but the endeavor of right-minded men and women, the endeavor of every government, should be to make it less a heil and more a heaven." 2) L'étude de M. Carroll D. Wright contient quelques observations trés justes sur la relation entre crime et conditions économiques (e. a. sur la différence de la position de 1'esclave et de 1'ouvrier libre, dont la liberté consiste surtout en ceci: qu'il peut mourir de faim s'il ne peut trouver de travail ou s'il n'est plus a même de travailler). Mais en général 1'opuscule porte 1'empreinte du vague et de 1'hésitation, propres a toute 1'école des économistes et sociologues a laquelle appartient eet écrivain. Ils condamnent quelques manifestations du capitalisme, mais veulent maintenir leur ,,causa causarum , le systéme même. Ce n est pas ici la place pour en parler plus amplement, et je me bornerai a fixer 1'attention sur quelques erreurs historiques de 1 auteur. En premier lieu on n'est pas complet en ne nommant que trois systémes économiques. 11 est trés étonnant que cette erreur ait été faite par un Américain. Car les Indiens de 1'Amérique du Nord p. e., dont la race est maintenant presque entièrement éteinte, ne vécurent ni sous le système féodal, ni sous celui du travail libre, et pour la plus grande partie ils ne connurent non plus 1'esclavage: l'auteur a oublié de nommer le mode de production communiste-primitif. x) p- "3- 2) p. 115—116. En second lieu il est inexact de nommer „pauvres" tous ceux qui vivaient sous le système féodal. En troisième lieu ce n'était pas au système féodal que se rattachaient les fameuses exécutions qui eurent lieu sous Henri VIII, niais bien au capitalisnie naissant, qui, expropriant un grand nombre de paysans, en fit des pauvres. (Comparer Th. Morus „Utopia", K. Marx, „Kapital" I p. 682 sqq.). — Parmi les partisans de la doctrine bio-sociologique, je crois pouvoir ranger quelques auteurs encore, p. e. L. Gordon Rylands „Crime its causes and remedy"; le prof. J. Dallemagne (Voir e. a. p. 224 des Actes du Ille Congrès d'Anthrop. Crimin.); le Dr. I). Drill (voir p. e. «Des principes fondamentaux de 1'école d'anthropologie criminelle" et x.Les fondements et le but de la responsabilité pénale"); M. Orchanski (»les Criminels russes"). (Sur les criminalistes russes voir: le Dr. A. Frassati «die neue positive Schule des Strafrechts in Ruszland"). Les criminalistes nollandais doivent être comptés aussi parmi les bio-sociologues. Ainsi le prof. Dr. G. A. van Hamel (voir p. e. «L'anarchisme et le combat contre 1'anarchisme au point de vue de 1'anthropologie criminelle"); le prof. Dr. G. Jelgersma (voir p. e. »De geboren misdadiger"); le Dr. A. Aletrino (voir p. e. »Tvvee opstellen over crimineele anthropologie"); le Dr. S. R. Steinmetz (voir p. e. »De ziekten der maatschappij"). Le prof. Dr. C. Winkler incline, & ce qu'il me semble, plutot vers 1 opinion des criminalistes italiens (Voir p. e. «Iets over crimineele anthropologie"). CHAPiikfc, SIXIEME. Les Spiritualistes. I. H. JOLY. C'est dans le douzième chapitre de son travail „la France criminelle", ayant pour titre „Richesse et misère", que 1'auteur communiqué son opinion sur la connexion entre criminalité et conditions économiques. *) D'après M. Joly 1'opinion, exprimée par beaucoup de personnes, que la misère est le grand facteur de la criminalité, parait être trés juste, du moins a première vue; car le problème est en effet trés compliqué et trouble. En premier lieu il faut distinguer misère voulue et misère mvolontaire. „Chez les vagabonds de profession, chez les mendiants par choix et par spéculation, chez les ivrognes, chez ceux qui ont pris la résolution de vivre n'importe comment et qui se sont par la mêmc fermé toutes les professions régulières, chez les jouisseurs qui ont dévoré systématiquement leur capital et celui de leur familie, chez les ouvriers qui n'ont cessé leur travail qu'avec accompagnement de rebellion et par haine contre la société, oui, chez tous ceux-la la misère conduit au crime."2) Le deuxième genre de misère prend naissance de maladie, accidents etc. c. a. d. de causes indépendantes de la volonté de 1'homme. „II y a donc évidemment des misères innocentes; et il y en a d'autres d'autant plus pardonnables que les suites en ont été aggravées par la faute des autres. Est-ce donc dans la région intermédiaire qu'il faut chercher les influences qui portent au mal? Soit. Cette région ne nous est pas inconnue. Cherchons-y sans parti pris d aucune espèce, et examinons les faits du mieux qu'il nous sera possible." 3) A 1'opposite de 1'augmentation continuelle de la criminalité 1 auteur constate 1'accroissemcnt de la richesse nationale, quoique et c est ce qu'il ne faut pas oublier — la propriété foncière, en exceptant la petite propriété, diminue; la condition des ouvriers ruraux au contraire s est améliorée. En second lieu M. Joly fixe 1'attention sur la condition des ouvrieis dans les villes. D'après lui il faut répondre négativement a la demande si elle a empiré, car 1'émigration de la campagne vers les grandes villes 1) Voir aussi chapitres TI & IV. 2) p. 346. 3) P- 348—349- 1; dure toujours. Malgré leur salaire plus élevé ils n'y sont pas plus heureux, puisqu'ils dépensent en amusements ce qu'ils gagnent en plus. Si la criminalité augmente de la sorte, ce n'est donc pas dans la misère involontaire que 1'on en trouve la cause. En même temps que 1'augmentation des salaires il faut observer le prix des vivres. Dans la plupart des départements francais ces prix se sont élevés dans la même proportion que les salaires. Par cela l'oiivrier n'est pas devenu plus aisé. Ses besoins ont augmenté, mais quand il a pu les satisfaire, il ne lui reste souvent pas assez pour le nécessaire. Ce ne sont donc pas des facteurs économiques, mais bien des facteurs moraux qui sont en jeu ici. L'augmentation proportionelle des salaires et du prix des vivres, dont il a été fait mention plus haut, dans les différents départements de la France, ne se rencontre pas dans les départements du Morbihan, de la Vendée, des Bouches-du-Rhóne et de 1'Hérault. Dans les deux premiers les prix ont beaucoup plus augmenté que les salaires, tandis que le contraire est constaté dans Jes deux derniers. Pour ce qui concerne la criminalité, les deux premiers se rangent parmi ceux qui produisent les chiffres les plus bas, les deux derniers par contre parmi ceux qui ont les chiffres les plus élevés. M. Joly en tire la conclusion que la vie sociale est trop compliquée pour que la seule hausse, ou baisse des salaires puisse nous renseigner sur la moralité des personnes. En tout cas il est sur, d'après lui, que l'augmentation constatée de la criminalité n'est pas due a la misère, et qu'on n'a donc pas le droit de dire que la misère en général est une des causes premières du crime. Pourtant il ne faut pas perdre de vue qu'en parlant de 1'accroissement de la richesse et de la hausse des salaires on ne parle que de chiffres moyens, qu'il y a donc beaucoup d'individus dont les salaires restent en dessous de cette moyenne. „Or, oü voit-on le plus de différences et oü les sent-on le plus vivement? Précisément dans les époques riches et dans les milieux riches. Aussi est-ce dans les départements- pauvres que les crimes contre la propriété se développent le moins. II y a a cela deux raisons, 1'une psychologique, 1'autre sociale. Ce qui tient le plus au cceur d'un homme quel qu'il soit, ce n'est pas tant d'être ou d'avoir absolument; c'est d'être ou d'avoir plus ou moins que ceux qui 1'entourent. Ce qui devrait pousser au crime ou au délit sera donc surtout la comparaison de la richesse et de la pauvreté." ') M. Joly croit pouvoir produire encore quelques données sur la connexion entre pauvreté et criminalité en contrölant quel est le genre d'object qu'on vole le plus. Sur 1.000 cas de vol (cour d'assises 1830—1860) il y avait 395 cas de vol d'argent, ensuite viennent les vols d'objets mobiliers et objets divers, puis après ceüx de linge et d'effets d'habillement, et successivement encore ceux de marchandises diverses, bijoux et argenterie, comestibles, blé ou farine (55 par mille) et animaux domestiques vivants. Ces renseignements ne nous apprennent pas beaucoup sur la relation en question. Car les objets volés peuvent être vendus, ce qui empêche de découvrir les motifs du crime. ') P- 355- L'analyse de la valeur des objets volés nous donne aussi peu de renseignements. Durant une période de 25 années les cas de vol de 10 a 50 francs étaient les plus nonibreux (3O°/0 environ), ensuite ceux de 100 a 1.000 francs, puis ceux de moins de 10 francs. Oix ans apres les plus nombreux étaient ceux de 100 a 1.000 francs (33°/o)- Cependant en vertu des déclarations d'un ancien policier, M. Joly croit pouvoir tirer la conclusion que la misère n entre que poui une petite partie dans la cause de crime. Pourtant la circonstance souvent constatée que la hausse du prix du blé comporte un augmentation des crimes contre la propriété est en contradiction avec ce qui vient d'être dit. D'après M. Joly cette contradiction n'est qu'apparente. „Les disettes sont, en somme, exceptionnelles: le vol est constant; et tandis que les disettes vonttoujours en diminuant, le vol va toujours en augmentant. Supposons que dans les années ordinaires on ne vole pas, ou qu on vole trés peu: les moments difficiles trouveraient les gens plus patients, plus résolus a n'avoir recours qu'aux moyens légaux et permis; on ne les verrait pas si prompts a se tirer d'affaire en prenant justement et simplement le bien d'autrui. Mais sur quelle résistanee peut-on compter chez ceux qui, de longue date, ont contracté 1'habitude de voler par gourmandise, fantaisie ou cupidité ? Ouelle résistanee espérer surtout quand 1 habitude a commencé dès 1'adolescence ? Or, nous avons vu que le tiers des vols est commis par des enfants mineurs." ') La faiblesse de 1'influence des conditions économiques sur la criminalité est, d'après M. Joly, encore prouvée par le fait qu'en ternps de prospérité il n'y a pas diminution du nombre, mais modification dans^ le genre des crimes commis (comrae le prouve la statistique francaise et fait sur lequel Prins et Garofalo ont aussi fixé 1'attention). Le bon marché du vin fait augmenter la plupart des crimes contre les personnes. Mais la baisse des prix du bic a le même effet, puisque 1'ouvrier, quand il a tant soit peu amélioré sa condition, dépense tout ce qu'il a gagné en plus a toutes sortes d'amusements, qui, a leur tour, peuvent ètre la source de crimes. Cela est prouvé p. e. par le fait qu'a Marseille les suicides sont le plus nombreux le dimanche et le lundi, et le moins le vendredi et le samedi, ce qui s'explique par les jours de paie pour les ouvriers. C'est appliquable aussi aux crimes contre les personnes. Pour prouver sa thèse 1'auteur rappelle: que les domestiques, quoique mis a 1'abri des privations fournissent un grand pourcentage des vols; que le pourcentage des vols commis par des célibataires va toujours en augmentant; enfin que la recherche (sur 107 affaires jugées dans 10 années par la cour d'assises de Reims), faite par un magistrat (Ch. \ ucbat), a prouvé que les facteurs économiques ont peu d'importance pour la criminalité, et les facteurs moraux beaucoup. „En résumé, ce n est pas l'accroissement de la misère qui est la cause de 1 accroissement du \ ol, cc n'est pas la misère en général qui pousse au crime contre la piopriété. Cela ne veut pas dire du tout que la misère et la misère innocente n'existe pas, cela ne veut pas dire qu'elle 11e soit pas mauvaise conseillère, cela ne veut pas dire que les hautes classes et lc gouvernement n'aient pas le devoir de se préoccuper du sort des pauvres. Cela veut ]) P- 358—359- dire que l'homme est moins porté a la méchanceté par les fautes des autres ou par celle de la destinée que par ses fautes personnelles." i) — Si 1'on considère 1'étude de la question par M. Joly a un point de vue critique, le fait qui saute alors le plus aux yeux est bien celui-ci: qu'il met les causes économiques a cóté des causes morales de la criminalité. Comme je 1'ai déja plus d'une fois fait remarquer, cela n'a pas de sens. Chaque crime trouve son origine dans des causes morales ou, mieux dit, dans le manque d'idées morales définies, qui sont dominantes dans une certaine période. Mais une des questions principales a résoudre est celle-ci: jusqu'a quel point ces idéés morales trouventelles leur origine dans des conditions économiques définies ? M. Joly étant spiritualiste n'est pas parvenu a bien formuler le problème, et encore moins a le résoudre. Tout son traité sur la relation entre criminalité et conditions économiques se caractérise par une étroitesse frappante. II y parle de pauvreté et de richesse comme si elles étaient les choses les plus naturelles du monde, qui n'ont pas besoin d'étre analysées et expliquées. Puis, M. Joly fait une distinction entre „misère voulue" et „misère involontaire", et exclue alors celle-la de la discussion comme n'ayant rien a faire avec le problème en question. Cette manière de raisonner a plutót 1'air d'un sermon de pénitence que d'une recherche scientifique. „Misère voulue" est une contradiction „in terminis". Car l'homme tache, autant qu'il lui est possible, de s'épargner la douleur et de se procurer le bonheur. II n'y peut donc jamais être question de „misère voulue." M. Joly veut seulement indiquer en termes malheureusement choisis du reste, que la misère d'une personne peut être originaire soit des circonstances, soit d'elle-même. Mais en traitant ce problème il est défendu de se taire sur une partie trés importante, mais en même temps trés difficile, c. a. d. de ne pas demander jusqu'a quel point ces causes individuelies de la misère se relient au système économique en vigueur. Si la question traitée par M. Joly, est incomplète, ce qu'il en dit n'a pas grande valeur non plus et ne prouve pas du tout la thèse par lui défendue que 1'influence des conditions économiques est minime. Dans quelques pages seulement M. Joly traite de la question excessivement difficile si le „Standard of life" de la classe ouvrière s'est élevé; il constate le fait universellement observé de 1'accroissement des besoins pour toutes les classes, mais il ne semble pas s'attendre a ce qu'il soit intimement relié au mode de production existant; il cite le témoignage d'un ancien policier et la recherche d'un magistrat (recherche, qui soit dit en passant, s'étend sur le chifTre colossal de 107 affaires) pour prouver que la plupart des crimes ne sont pas commis par suite de privations momentanées — comme si avec tout cela la question jusqu'a quel point les conditions économiques sont du ressort de 1'étiologie du crime était résolue etc. etc. — *) P- 365- II. L. PROAL. i) Dans le IXe chapitre, intitulé „Le crime et la misère", eet auteur consacre quelques pages au sujet qui nous occupe. II est incontestable, d'après M. Proal, que la misère exerce une influence sur la criminalité. Le nombre des crimes augmente dans les années de niauvaises récoltes, ou de manque de travail par suite de crises industrielies ou agricoles. Ainsi p. e. la criminalité atteignait de trés grands chiffres en 1840, 1847 et 1854» puisque les prix du blé étaient alors élevés. En vertu du cela et de son expérience personnelle (1'auteur fait partie de la magistrature) il estime injuste 1'opinion de Garofalo que la misère ne donne que la forme a la criminalité mais n'en est pas la cause. Car 1'indigence met non seulement la moralité en danger puisqu'elle privé quelques-uns du strict nécessaire, mais elle est aussi la cause que les enfants des indigents dans les grandes villes sont élevés d'une manière pitoyable. Ouoique 1'auteur soit donc de cette opinion, il ne souscrit point du tout pour cela a celle qui dit „que 1'homme pauvre est voué au crime. Au contraire; une trés grande partie d'entre eux sont aussi probes que possible et n'ont que le travail honnête comme unique moyen de subsistance. Les statistiques judiciaires démontrent que les riches se rendent aussi bien coupables de crimes que les pauvres. „On voit donc que, lors même que tous les citoyens auraient de 1'aisance et de 1'instruction, il y aurait toujours des criminels; le nombre pourrait en être un peu diminué, mais pas beaucoup. II y aurait toujours des négociants trompant sur la qualité et la quantité des marchandises, des commercants falsifiant les denrées, des employés abusant de la confiance de leurs patrons, des notaires détournant des fonds déposés chez eux; il y aurait toujours des femmes empoisonnant leurs maris et des maris tuant leurs femmes, des instituteurs laïques et congréganistes commettant des attentats a la pudeur." 2) La plupart des crimes ne sont pas commis afin de se soustraire a la misère, mais bien pour se procurer le luxe et les plaisirs. De la que ce sont aussi bien les riches que les pauvres qui en commettent. „En résumé, je ne crois pas que le riche soit moins tenté de prendre le bien d'autrui que le pauvre. Plus on possède de richesses, plus on 1) »Le Crime et la peine." 2) p. 204—205. en veut posséder; en outre, plus les richcsses augmentent plus les besoins factises s aceroissent, et si les richesses deviennent insuffisantes pour satisfaire ces besoins, la pensee de les augmenter par tous les moyens ne tarde pas a venir. En admettant que les hommes un jour soient tous riches et instruits, ce qui me parait un rêve irrealisable, la cupidité fera toujours des voleurs, des escrocs et des faussaires; la haine et la vengeance inspireront toujours des meurtres, des assassinats et des incendies; la débauche fera toujours commettre des attentats aux moeurs. Le progres matériel et le progrès intellectuel ne supprimeront jamais les passions et ne dispenseront pas 1'homme de la lutte qu'il doit soutenir contre elles. II devra toujours réprimer sa colère, sa sensualité, mettre un frein a sa cupidité, en un mot affranchir son ame des passions et la rendre libre. L'accroissement du bien-être et de 1'instruction ne rendra jamais inutiles la force publique et le code pénal." ') II est superflu de donner une critique sur cette exposition: Nous avons déja rencontré plusieurs auteurs qui envisagent le sujet de la même manière. II partage le point de vue de ceux qui 11e savent même pas poser la question de 1'influence des conditions économiques dans toute sa pureté, de ceux qui ne comprennent pas que pauvreté et richesse sont toutes les deux des conséquences inévitables d'un même système. — ') p. 207. III. M. DE BAETS.') C'est un fait incontestable, 1'influence de la misère sur la criminalité est immense." C'est ainsi que s'exprime 1'auteur dans 1'introduction de son travail. Et il défend ensuite cette thèse comme je 1'exposerai dans les lignes suivantes. La plus funeste suite de la misère est la tentation de se procurer illicitement ce qui manque au bien-être. Nous pouvons le voir dans les crimes des foules aussi bien que dans les crimes individuels. Au 3e congrès d'anthropologie crimininelle le prof. H. Denis e. a. fait quelques Communications sur la corrélation entre criminalité et les variations de 1 état économique. 2) Durant les années de 1845 a 1849 la courbe de la criminalité s'accorde exactement avec celle du froment. Mais a partir de 1850 les deux courbes *è divergent, même quand celle du froment est remplacée par celle des vivres les plus nécessaires. Si 1 on suit attentivement le courant des salaires on remarquera qu'eux aussi sont plus élevés dans les dernières années. L'augmentation de la criminalité ne s'explique donc pas par cette hausse non plus. A quoi alors est-elle due. D'après 1'auteur il faut remarquer: iO. que le chómage forcé augmente; 2°. que pauvreté et richesse n'ont de valeur que par comparaison. Le bien-être de 1'ouvrier a bien augmenté, mais celui des hommes en "•énéral encore beaucoup plus. Cela n'explique qu'en partie le phénomène sus-nommé. Le reste de son explication est donné par ce qui suit: „II est, en effet, d'autres éléments, qui peuvent neutraliser 1'action du milieu. A toutes les sollicitations du vice 011 du crime, l'homme peut opposer une résistance, trouvant son ressort et son appui dans la force morale. . .., „ , Or, allcz au malheureux, au misérable; demandez-lui ce qui 1 empccnc de dévaler rapidement la pente du crime, vous trouverez dans sa bouche 1'expression, naïve mais forte, de 1'idée du devoir; et cette idee du devoir, vous ne la trouverez précise et nette que dans celle de la soumission a une autorité absolue, incontestable, inconditionnée celle: de üieu. Un homme que 1'on nc saurait soupconner de bienveillance outree pour ce qui touche a la Religion, M. Jules Simon, ne disait-il pas, il y a peu de mois: „il faut ramener les peuples a Dieu, si 1'on veut faire régner la justice et 1'ordre." 1) ..Les influences de la misère sur la criminalité." Voir du même auteur e. a. «L'école d'anthropologie criminelle." -) Voir le chapitre suivant. Ceux même qui ne croient pas, ne doivent-ils pas reconnaitre dans cctte idee du devoir, de la loi imposée par uil Dieu, auteur de la nature, „une idée-force", source par elle-même d'énergie et d'activité contre le mal et pour le bien ? C'est dans cette diminution de cette énergie, c'est dans les efforts que 1'on a faits pour arracher au coeur des pauvres cette racine dont la fleur est 1'espérance, et le fruit la vertu, que je veux voir une des grandes causes de 1'effrayante progressicm du crime que tous constatent, quelques-uns avec surprise, tout le monde avec effroi." i) Dans la deuxième partie de sa conférence 1'auteur relève les influences dégénérescentes de la misère. Ouoique 1'homme ait a sa disposition uil libre arbitre, il lui faut tout de même un organisme afin de pouvoir exécuter des actes. De la que la dégénérescence fait sentir son influencc sur 1'homme. „Or, la misère, c'est précisement 1'ensemble des désirs les plus impérieux demeurés sans satisfaction; c'est 1'amour de la vie, 1'amour du bien-être resté inassouvi; c'est la soufifrance d'une femme que 1'on voudrait voir heureuse ; c'est la faim pour des enfants auxquels on voudrait donner du pain. Et ce pain que 1'on ne trouve point, si le crime peut le donner; toutes ces appétitions, tous ces désirs, si le crime peut les satisfaire, celui-ci se présente avec les attraits les plus puissants, avec un charme fascinateur. Le malheureux aura-t-il 1'énergie suprème, 1'héroïsme de préférer le devoir a la jouissance ?" 2) La misère est une mauvaise école préparatoire pour cette lutterun organisme affaibli succombera plus facilement a la tentation qu'un autre. Et généralement elle est encore accompagnée de manque d'éducation et de développement des facultés plus élevées. A suivre lc cours de la vie d'un prolétaire, on voit que 1'enfant du prolétaire porte, souvent déja dès sa naissance, les signes de la dégénérescence, puisque sa mère était forcée de travailler dur pendant sa grossesse. Dès son bas age, il est mal nourri, et il grandit dans un milieu malsain. II ne peut presque pas être question d'éducation, car son père et sa mère travaillent dans 1'usine, ce qui fait qu'il n'y a pas de vie de familie. L'enfant n'est pas attaché a la demeure des parents et erre plutót dans la rue, oü il prend de mauvaises habitudes. Arrivé a 1 adolescence il entre a la fabrique, pour y passer la plupart de son temps a des occupations monotones. Et une fois adulte, pour lui la vie ne consiste qu en un travail routinier monotone et sans fin. „Cependant, il a une ame, eet homme, il a une intelligence! Mais celle-ci s'endort et s'engourdit dans une perpétuelle inertie. Rien, dans sa vie, ne relève ce qu il y a de grand, de noble, de divin dans cette créature raisonnable. Comment veut-on que survivent 1'énergie morale et la sublime ambition du bien?" 3) Quelque triste que soit cette manière de vivre, il y manque encore ') p. 18—20. p. 22 — 23. 3) p. 31 -32. le plus grand malheur qui puisse arriver au prolétaire: 1'inaction forcec. Elle surtout est une des causes qui peuvent pousser a commettre des crimes! . Et puis, il y a un autre fléau de la classe ouvrière: 1 alcoolisme. „Source de misère, sans ancun doute, mais fruit de la misère incontestablement." Enfin, de tous les prolétaires les plus malheureux ce sont encore les femmes. Les bas salaires et la monotonie du travail ennuyeux, n'en font que trop souvent des prostituées. A toutes ces causes criminogènes le chrétien doit opposer ses sentiments moraux qui proviennent de la religion; il faut que sa devise soit: „potius mori quam foedari." Mais pour cela il faut avoir un courage héroïque, qui manque a la majorité. Peut-être que devant Dieu ces pécheurs trouveront grace. Mais tout cela ne peut être une raison pour la société pour laisser subsister ces conditions scandaleuses, qui en peu de mots, se composent de: „Insuffisance des moyens de subsistance; travail trop long en proportion de 1'énervement qui en résulte; travail obligé des mères de familie; travail exagéré et mal approprié des enfants; conditions du travail dans certaines industries." ') II faut que cela change et c'est possible. Cependant non avec 1'aide de 1'Etat. Car alors 1'élasticité, si nécessaire a 1'industrie, se perdrait. Mais le changement doit s'opérer par 1'association des prolétaires. „Dans 1'individualisme forcé des travailleurs s'est trouvée la cause de leur ruïne; dans 1'association doit se trouver le salut." L'auteur termine en renvoyant a 1'encyclique „Rerum novarum, dans laquelle il est dit que les ouvriers chrétiens doivent s'associer, et en encourageant les riches a secourir leurs semblables moins priviligies. x) p. 43- Voir aussi: d'Haussonville. »Le combat, contre le vice II >>la criminalité" p. 592 sqq. ct Dr. J. Jaeger «Zunahme der Verbrechen und Abhilfe" p. 9-10. IV. CRITIQUE. Vc.s au^eurs dont jc viens dc parler ont cette idéé en commun que 1 irréligion qui augmente toujours est la cause de 1'accroissenient dc la criminalité, en d'autres termes que 1'irréligieux est prédisposé au crime. Nous examinerons brièvement la justesse de cette thèse. Ni les auteurs nommés, ni des hommes profondément religieux, comme von Oettingen et Stursberg, n'en ont fourni des preuves, ce qui fait présumer que la chose est difïicile sinon impossible. Un examen des données sur cette question fournit pour ce qui concerne les Pays-Bas, les résultats suivants: D'après les recensements de 1889 et 1899 les proportions entre ceux qui sont membres d'un culte quelconque et ceux qui ne le sont pas sont les suivantes: II y a 1 personne qui n'est pas membre d'un culte sur ceux Provinces. qui le sont: en 1889 en 1899 Drenthe ) Groningue [ 21 20 Frise ] Hollande-Septentrionale . . . / Utrecht j 6 3 26 Zélande j Hollande Méridionale . . . . U 121 Gueldre Ij Overyssel j '7° 101 Limbourg ' > Brabant-Septentrional . . . . j 114° 806 ) Les différences entre les extrêmes, Drenthe, Groningue et Frise d une part et Limbourg et Brabant septentrional de 1'autre, sont énormes. Dans les trois premières provinces on compte, en proportion des populations, 40 a 50 fois plus d'incrédules que dans les deux autres. Si la these des spiritualistes était exacte, 011 devrait le voir par les chiffres de la statistique criminclle, attendu que ces différences sont si grandes. Examinons donc ces chiffres. Pendant les années 1887')—1899 le chiffre moyen des accuses (1887—1895) et des condamnés (1896—1899) pour crime et délit par les tribunaux d'arrondissement dans les provinces du Limbourg et du Brabant septentrional était de 4-238; en rapport avec le chiffre moyen de la population dans ces années, il résulte qu'il y a eu 1 condamné sur 189 habitants. Pour Drenthe, Groningue et la Frise ce chiffre est de 2.900, c. a. d. 1 condamné sur 264 habitants. Ces résultats démontrent donc tont juste Popposc de la these de ces auteurs: dans les régions ou Virrêligion est beaucoup plus grande, la criminalite est moindre. 2) . La statistique judiciaire des Pays-Bas, fournit aussi des chirtres, pour les quatre dernières années, concernant la confession des condamnés. Tandis que le dernier recensement (1899) Porte 1 personne sans confession sur 44 habitants, la statistique judiciaire donne les chiffres suivants: il y a eu en 1896: sur 15.589 condamnés par les tribunaux d arrondissement 93 pers. sans confession, soit 1 sur 167; en 1897 : sur 16.096 de ces condamnés 88 pers. sans conf. soit 1 sur 182 , en 1898: sur 15.664 de ces condamnés 73 „ „ ,, 1 » 2I4i eten 1899: sur 15.391 de ces condamnés 74 „ „ „ » 1 » 207! Dans ces quatre années la criminalite des irréligieux était beaucoup tnoins êlevée que celle des au tres. Ces résultats confirment 1'opinion de différents criminalistes renommes. Le Dr. N. Colajanni termine ses recherches sur la question dans son „Sociologia criminale II" en ces termes: „non è rapporto di causahta tra la religione e la moralita." 3) Dans son „1'homme criminel ) et dans „le crime" 5) le prof. Lombroso cite de nombreux exemples de criminels trés religieux. Le prof. Ferri trouvait sur 700 criminels un athée et un indifférent; dans sa „Sociologie criminelle" il dit sur le sujet qui nous occupe: „II faut renoncer a 1'illusion psychologique commune d'après laquelle le sentiment religieux serait par lui-même un préventif du crime, arrivé au contraire que la grande majorité des criminels sont des croyants sincères, et parmi les athées il y a d'honnêtes gens et.des coquins comme il y en a parmi les croyants. Car la religion ne donne qu une sanction, avec les peines ou les plaisirs de 1 éternité, aux reg es c u sens moral de telle ou telle époque, de tel ou tel pays." 6) 1) Une nouvelle loi pénale ayant été mise en vigueur en 1886, il n'est pas bien praticable de comparer entre elles les données des années precedentes et celles des dM^pSrrïui concerne 1'étendue de la criminalité, ce sont les provinces du Limbourg et du Brabant septentrional, qui occupent le premier rang; placequ1 elles cedent aux provinces de la Hollande septentrionale et de a Hollande "^rid on de avec es grands centres de population d'Amsterdam, Rotterdam et la Haye, quant a la gravite de la criminalité. 3) p. 634. 4) p. 162. sqq. i p ^40 Voir encore sur cette question: le prof. E. Ferri p. 123 des Actes du piemier Congr. d'Anthr. crimin. W. Starke.»Verbrechen und Verbrecher in Preuszeiv p 151-152; le prof. l)r. li. Földes »Einige Ergebnisse der neueren Knminal-btatistik. p. 5b- sqq. Si, tout en laissant de cöté la question jusqu'a que! point la religion est en rapport avec les conditions économiques, nous examinons en quoi consiste 1 erreur des spiritualistes quand ils considèrent 1'accroissement de 1'irréligion comme cause de celui de la criminalité, nous verrons: i°. Ou'ils sont d'opinion que la ou il n'y a point de religion il n'y a point de morale. est inutile de réfuter au long cette thèse. Chaque croyant dont 1'amour de la vérité nest pas obscurci par son zèle religieux sait par expérience qu'un incrédule n'est pas plus immoral qu'un croyantpuisqu'ilest incroyant, et qu'un croyant n'a pas nécessairement plus de sens moral que 1'irréligieux pnisqu il est croyant. Les principes religieux et les préceptes moraux se rencontrent trés souvent mêlcs, mais cela n'empêche pas que la morale existe aussi en dehors de la religion. L accroissement de 1 irréligiosité d'un pays ne prouve encore rien du tout pour ce qui concerne sa moralité. ') 2ft. La thèse des spiritualistes démontre qu'ils font trop valoir 1'importance des sentiments moraux en matière de criminalité, tandis qu'ils ne reconnaissent pas assez de valeur aux facteurs criminogènes adhérents a 1 organisation sociale. f-u ^ y°irTlk;dessus e. a.: le Dr. F. Lütgenau sNatürliche und soziale Religion." Chap. X. «Religion und Ethik." CHAPITRE SEPTIEME. La „terza scuola" ') et les socialistes. I. B. BATTAGLIA. 2) Avant de parler de 1'influence des facteurs économiques sur la criminalité, je me vois obligé d'indiquer, par la citation suivante, ceque 1'auteur de „La dinamica del delitto" comprend par crime: „Primieramente, è d'uopo avvertire che il delitto, per sè stesso, non è un fenomeno che riveste il carattere criminoso per sua propria indole per sua propria natura; ma, il carattere criminoso viene affermato o negato, a seconda certe circostanze puramente accessorie, che accompagnano il fatto, ed, in tutti i casi, il delitto è tale per rapporto alle relaziom sociali . ) i) Voir cncore commc membres de la «Terza Scuola": M. A. Vaccaro «Genesi e funzione delle leggi penali»; le prof E. Carnevale »Unaf terza. scuola ch d.n o Denale" • le prof. B. Alimena «Naturalismo cntxco e diritto penalt. . Dans les «Mitteiluno-en der internationalen kriminalistischen Vereinigung' (Band IV) se trouve uf article dü Dr. E. Rosenfeld, intitulé »Die dritte Schule", dans lequel la doctnne de cette école est traitée amplement. Marxisme oue Dans un discours, qui se distinguait plutot pal^ sa haine contre:1e .^arxlsme que par sa connaissance de cette doctrine, le prof. Benedikt dit au Congr p o criminelle tenu a Bruxelles: „les partisans de la Terza Scuola nesont en ^ealite que des Marxistes". Parmi ceux qu'on considere comme appartenant k - il n'v a pas un seul Marxiste, d'après ce que je sais. Le prof. «eiiedikt. aura tt trc probablement induit en erreur par la circonstance que le Dr. Cola ami, un des DrinciDaux partisans de la Terza Scuola, et aussi un des rares criminalistes de cette école qui ont écrit plus spécialement sur 1'affinité entre criminalité et conditions économiques, est d'accord cn ceci avec les Marxistes, qu'en dernière instance ™ e les causes du crime dans les conditions econonnques. C est pourquoi je parle du Dr. Colajanni, comme représentant de la „Terza scuola» et des s0"all^tes q^n même chapitre. Quoique le Dr. Colajanni se nomme repubhca.n en ni.^ ticrc: p.?1 tK,uc il est tout de même partisan d'un socialisme eclectique. (Voir »Il Socia .smo ) Cest pour cette raison aussi qu'il est bon de le nommer dans ce chapitre D ^autres part sans de la «Terza Scuola" sont aussi, a ce qu'il parait, plus ou moins de cette opinion (voir p e. p? 18 de »Die dritte Schule" oü le Dr. Rosenfeld traite du prof. ^ Cependant de la manière dont le Dr. Colajanni traite la question, il est evident qu il " eSt2)PQUoiqueUleT Dr. Battaglia ne soit pas considéré comme partisan de cjuelque école cnminaliste, il faut parler de lui dans ce chapitre kcause de son la question qui m'occupe. Un examen des chapitres X ^ runn:tre dans leciuel coniprendre aussi pourquoi il a trouvé une place dans le même chap.t.e dans lequel je parle des socialistes. 3) p. 20I. „Dal punto di vista umano, il dclitto rappresenta la soddisfazione di un bcsogno del delinquente, simile alla soddisfazione di qualunque altro bisogno, ed entra nclla legge della lotta per 1'esistenza. Infatti, un bisogno non soddisfatto, constituisce un dolore, ed il dolore, qualunque sia la sua natura, eccita da prima, e quindi deprime la potenza funzionale dell' organismo e 1'esaurisce. L organismo, in preda al dolore, perde una quantita di fosfati relativa alla intensita dolorifica; si rompe 1'equilibrio fisiologico, e si neutralizzano alcune funzioni importanti per 1'economia. L organismo, per la legge di conservazione e chiamato a respingere il dolore, e spesso lo puè fare senza danno altrui; altravolta è obbligato a cozzare contro gli interessi sociali, ed in tal caso, eccolo caduto nel delitto." •) Après avoir parlé des caractères anatomiques et physiologiques qu'on a observés chez les criminels, le Dr. Battaglia arrivé a la recherche des causes criminogènes. En examinant les facteurs du crime nous verrons, d'après Pauteur, qu'üs se composent de deux grands groupes: i°. facteurs criminogènes, et 2°. facteurs occasionnels. Ces derniers ne sont importants que quand ils se présentent avec les premiers. Parmi ces derniers il faut ranger en premier lieu: 1'age, les événements météoriques etc. bref, les influences subies par Ia population entière. En second lieu: le sexe, les conditions economiques, 1 enseignement, 1 éducation etc. c. a. d. les influences qui ont une sphère moins universelle. Cependant aucun de ces facteurs occasionnels ne peut, a lui seul, faire naitre un crime. Sans cela toute une population devrait être criminelle de la même manière, puisque quelques facteurs, p. e. le climat, exercent leur influence sur la population entière. Pour pouvoir induire au crime, ces facteurs doivent influer sur des facultés intellectuelles spécialement disposées au crime. „I fattori, veramente criminogeni, sono quelli che creano certe condizioni fisico-psichiche, dal cui complesso risulti la capacita personale a delinquere, quali: le malattie ed i vizi di sviluppo e di nutrizione cianici, ed intracianici; 1 educazione scoretta, le eredita psichiche, le reversioni ataviche. Ouando tali fattori hanno preparato le condizioni mentali, diversamente da tutti gli altri, una occasione qualunque è un fattore psichico sufficiente, e si delinque. Dunque, i fattori criminogeni sono quelli, che hanno la vera importanza sociale, perchè preparano inevitabilmente la delinquenza. E vero, per altro, che alcuni dei fattori occasionali, agendo con una certa intensita, persistenza e maniera, possono essere produttori di fattori criminogeni, come 1'educazione, 1'alimentazione." 2) L'auteur traite d'abord de quelques-uns des soi-disants „facteurs occasionnels, comme p. e. l age, le sexe, la religion. Je ne relèverai que ce que le Dr. Battaglia dit sur 1'influence de 1'alcoolisme et de la misèie sur la criminalité, puisque cela est intéressant pour mon travail. Valcoolisme est de deux facons cause de crime: i°. d'une facon 1) p. 202. 2) P' 235—238. directe, c. a. d. qu'il y a des crimes commis sous 1'influence directe de 1'ivroo-nerie; 2». d'une facon indirecte, puisque 1'alcoolisme chronique dégénéré et démoralise. Comme preuves a 1'appui, 1'auteur cite les optnions de Baer, de Virgilio et d'autres qui font autorite. Ouant a la misère, le Dr. Battaglia fait remarquer que 1 opinion du prof. Lombroso sur ce sujet ne peut être juste. Ce savant croit que 1'importance du fait que les crimes contre la propnete augmentent quand les prix baissent, est affaiblie par ia circonstance que, selon Guerry, le vol de vivres n'occupe que la centième place dans la statistique des objets volés. Selon le Dr. Battaglia cela n'a pas d .mportance pour 1'analyse critique de 1'influence de la misère. Car quelqu un qui est poussé au vol par la faim tachera de préférence de s emparer d objets qui sont de grande valeur ct petits de volume, puisqu il peut les echcingei immédiatement contre d'autres articles qui sont directement consumables. De plus il ne faut pas oublier que 1'alcoolisme, la mauvaise education (un grand nombre des détenus sont orpbelins et enfants illégitimes) sont intimement unis a la misère, et mènent a leur tour aussi au crime. Non seule ment la faim acute incite au vol d'une maniere indirecte, elle peut aussi y conduire directement, car elle peut (selon le prof. tollet) provoquer un délire. La faim chronique et la mauvaise alimentation peuvent occasionner le pellagre, le rachitisme, la tuberculose, les scrofules etc. ou prédisposer a ces maux, qui, a leur tour, peuvent aussi faire naitre des crimes. . ,, Dans la deuxième partie de „La dinamica del delitto auteui s'occupe de 1'examen de ce qu'il a nommé les „facteurs criminogenes . Le crime est un phénomène qui se développe dans la societe d apres certaines lois constantes. Par conséquent les facteurs criminogènes doiyent se trouver dans la société. Pour les rechercher il faudra donc examiner les différentes institutions sociales. Ia familie. Dans la nature et dans la société pnmitive règne une sélection naturelle, par laquelle les individus faibles et malsains ne peuvent se reproduire ou se reproduisent moins que les plus forts. Maïs a present elle ne se fait plus sentir; même les plus chétifs, les plus maladifs peuvent procréer, puisqu'il arrivé sans cesse que les mariages se font dans un but secondaire. De la, transmission de la degenerescence d une eénération a 1'autre, et conséquemment propagation indirecte du crime. La position sociale de la femme. La position inférieure dans laquelle se trouve la femme en général (la cause en est aux conditions sociales, car chez les divers peuples la position de la femme vane) occasionne le crime de différentes manières. D'abord, puisque la femme ne participe pas a la vie publique, elle est bornée d esprit, et, de la vaniteuse, égoiste ct ignorante. II s'ensuit que son influence sur se's enfants est souvent trés mauvaise. Puis, par sa position inferieure elle devient facilement la victime d'hommes sans scrupules qui la seduisent, ce qui fait qu'elle est souvent poussée a la prostitution. 1'ar son ignorance elle se marie souvent avec un homme qui 1'a demandee en manage dans un but intéressé. De plus, sa facon de vivre (manque de travail sain etc.) peut provoquer des névroses qui sont transmissibles a ses enfants. , . . , . , La reproduction hitmaine. Comme 1'animal 1 homme doit satisfanc c deux nécessités prédominantes, celle de se nourrir et celle de procréer. Quoique cette [dernière ne soit pas aussi forte que 1'autre, elle doit néanmoins être] satisfaite, sans quoi 1'organisme humain pourrait ressentir des suites trés facheuses. Le célibat est nuisible a la moralité: il conduit a la prostitution (avec ses suites, comme la syphilis), a 1'inconduite, et de la, a 1'abus de 1'alcool etc., bref il favorise la naissance de sentiments anti-sociaux. Le règlement actuel des rapports entre homme et femme est aussi nuisible a la moralité. L'auteur a ici surtout en vue 1'insolubilité du mariage. Quand le motif d'un mariage a cessé d'exister, savoir quand 1'amour mutuel n'existe plus, le mariage devrait pouvoir être dissous. Aussi sont-elles nombreuses les néfastes suites de cette insolubilité. L'adultère et beaucoup d'homicides en découlent; 1'éducation des enfants en souffre énormément; et enfin si la mère attend un enfant, le chagrin par suite de désaccord, peut exercer une influence défavorable sur le nouveau-né. V éducation. Le développement de 1'intellect et surtout des sentiments, est de la plus haute importance pour la moralité. P. e.: Si le désaccord dans les opinions est résolu d'une manière amicale, ou tout au moins sans qu'on en vienne aux voies de fait, quand il survient dans une société de gens bien-élevés, il donnera souvent lieu a des rixes aussitöt que les gens sont mal-élevés. L'éducation est une tache trés compliquée et difficile, qui exige beaucoup de tact et de savoir. II n'est pas étonnant que dans la pratique elle laisse tant a désirer. Aussi les suites de cette absence de bonne éducation est excessivement favorable au développement de la criminalité. Cependant, il ne faut pas oublier que quelques personnes, par suite de qualités transmises par la voie de 1'hérédité, deviennent immorales malgré la meilleure éducation qu'on puisse s'imaginer. La réponse a la demande: „l'éducation doit-elle être abandonnée aux parents, c. a. d. a des personnes privées, qui peuvent donc entièrement vicier leurs pupilles, et ne doit-il pas y avoir de controle public" doit, selon le Dr. Battaglia, être absolument négative. Pour que l'éducation puisse être fructueuse dans la familie elle doit être secondée par une influence moralisatrice de 1'ambiant, qui, lui aussi, joue un röle important dans l'éducation de 1'enfant. Les grandes agglomérations de personnes dans les villes p. e., doivent disparaitre a cause de leur mauvaise influence. Eiiseignement. Le doublé but de J'enseignement est en premier lieu de fortifier 1'intelligence en 1'exercant, d'oü résulte un plus grand pouvoir sur les sentiments; et en second lieu de fournir une certaine quantité de connaissances positives, par lesquelles 1'individu est mis en état de s'adapter a son milieu et de prévoir les conséqucnces de ses actes. De la que 1'enseignement a une importance éminente pour la criminalité. Ceux qui la nient, entendent par „homme instruit" quelqu'un qui a appris a lire et a écrire; mais il est évident qu'une telle instruction ne suffit pas pour exercer une influence passablement importante. II est indéniable que des gens bien élevés peuvent aussi devenir criminels, mais en tout cas leurs crimes ont un caractère moins féroce que ceux des gens sans éducation. Religion et Etat. La religion contrarie le progrès, le développement des sciences et la vulgarisation du savoir qui améliore les hommes et augmente la solidarité, et elle incite a 1'intolérance. En outre, 1'enseignement confessionnel est nuisible aux facultés intellectuelles des enfants. L'État met des obstacles au libre mouvement des individus; maintient le mariage civil; empêclie la libre discussion, une des premières exigences du progrès; il institue 1'enseignement obligatoire mais ne s'oppose pas a ce que la population soit élevée dans Perreur ; en entretenant de grandes armées, il soustrait les meilleures forces a 1 agriculture et a 1 industrie, et par la les individus vigoureux se marient tard, ce qui favorise la prostitution; il tolère la bourse et la loterie; il favorise 1'agglomération dans les grandes villes, ce qui est encore trés favorable, directement et indirectement, au crime (mauvaiscs conditions des habitations, alcoolisme, etc). Dans le chapitre qui suit, le prof. Battaglia réduit les facteurs qu'il venait de nommer „criminogènes" a des éléments économiques. ,,1 utti gl'inconvenienti, le anomalie, gli errori, i disordini riscontrati nella famiglia, nello Stato, nei rapporti sociali, religiosi, ecc. Sono provocati, in fin dei conti, dalla situazione economica in cui muovesi la nostra societa. . . . ') État civil. Dans les villages communistes en Russie il est avantageux pour un père de familie d'avoir beaucoup d enfants, paree que le travail dans les champs communs se fait alors plus facilement. De la que des mariages de personnes de moins de 20 ans y sont trés nombreux. Dans le reste de 1'Europe la situation est tout autre. En se mariant un homnie amoindrit sa position et a chaque naissance d'un enfant les soucis augmentent. De la que les mariages sont remis au plus taid (surtout par des gens qui exercent des professions libres), quand 1 homme ne peut pas& fournir aux besoins des siens. Pour des raisons analogues quelques-uns dénient leurs désirs sexuels et contractent un mai iage pour améliorer leur position. Dans les deux cas les conditions économiques exercent donc une influence défavorable. Puisque ses revenus sont trop faibles pour pouvoir s'entretenir avec les siens suffisamment, 1'ouvrier est obligé de travailler durant plus de temps que ses forces ne lui le permettent; lui et sa familie ne se nourrissent pas assez, leur habitation est mauvaise; par tout cela 1 état physique diminue. Les conséquences sont non seulement des maladies, comme les scrofules, le pellagre, la phtisie, 1'anémie etc., mais encore une plus grande prédisposition a les contracter. La misère mine 1'organisme, épuise la force. ^ Par les conditions économiques actuelles il est possible d'amasser des richesses énormes; mais les besoins par contre ont encore plus augmenté relativement, ce qui fait que abus de confiance, fraudes etc. sont trés souvent commis aussi par des gens aisés, surtout puisque les sentiments moraux se perdent quand 011 ne songe qu a gagnei de 1 argent. Mais la richesse est inconstante : celui qui, aujourd'hui, possède beaucoup, peut étre archi-pauvre demain. Voila ce qui cause 1 inquiétude et 1 agitation qui caractérisent la bourgeoisie et dont les névroses sont souvent la suite. Enfin 1'auteur fixe 1'attention encore sur le travail des femmes et des enfants, si nuisible a la moralité et a la santé. Alcoolisme. La conséquence inéritable de la misère est 1 abus des boissons alcooliques. Celui qui trav'aille trop, mange trop peu, est mal- ') P- 4°4- 18 logé, s'habille insuffisamment et n'a point d'occupation intellectuelle trouve dans 1'alcool un moyen pour oublier sa misère. La vie menée par une grande partie de la bourgeoisie conduit aussi a 1'alcoolisme. Les suites néfastes de 1'alcoolisme 'sont nombreuses et spécialement pour la criminalité, paree que i°. il pousse directement a des crimes violents, et 2°. favorise indirectement la dégénérescence. Patrimoine. Ce n'est que pour des raisons économiques que le mariage légal, son insolubilité et tout ce qui s'y rattache sont maintenus. Si chacun des parents gardait son indépendance économique, il n'y aurait aucune raison de s'occuper d'une réglementation légale, et ainsi 1'intérêt de savoir si le père d'un enfant est oui ou non 1'époux légitime de la mère n'existerait plus pour 1'Etat. Prostitution. La plupart des prostituées sortent des basses couches du peuple. Comme les criminels, elles présentent des signes de dégénérescence. Et par le seul fait que la dégénérescence a pris de plus grandes proportions dans le prolétariat que dans les autres classes, la chance que ces femmes se recruteront dans cette classe est déja plus grande. Les autres causes de la prostitution sont de nature économique, comme exploitation par les parents, mauvaise habitation, etc. Par la prostitution se répand la syphilis qui a son tour favorise la dégénérescence. De plus, par 1'affaiblissement de leurs sentiments moraux, les prostituées sont plus facilement induites a commettre des crimes. Ignorance. La cause de la grande ignorance des ouvriers — facteur important de la criminalité — est de nature économique. Les ouvriers doivent trop s'épuiser, et n'ont ni le loisir ni les moyens de se développer intellectuellement. Reldchement des mceurs. Dans les families indigentes tous les membres couchent dans une pièce, souvent même dans un lit. De la que la moralité sexuelle y fait défaut. Les parents, souvent absents par suite de leur travail, abandonnent les enfants, a leur sort ces derniers n'apprennent pas a veiller sur eux-mêmes et contractent facilement les mauvaises habitudes d'autres enfants. L'éducation des enfants de la bourgeoisie n'est pas favorable non plus. Souvent on ne leur apprend que ce qu'il leur faut pour gagner de 1'argent, ou pour acquérir une position sociale ou faire un „bon" mariage, ce qui les incite a beaucoup de faussetés et d'intrigues pour arriver au but. Plutocratie. Les grands armements et les guerres des puissances européennes sont des conséquences du système actuel de concurrence qui oblige a chercher sans cesse de nouveaux débouchés. Plutocratie de l'église. Ce n'est que sur ses ressources économiques que se base la grande puissance de l'église. Corollaire. La misère toute seule cause maintes situations morales dont le crime doit logiquement résulter. La majorité des criminels sont en effet recrutés parmi les classes moins privilégiées. Mais Sparte ne rit pas encore puisque Messène est attristée; la bourgeoisie n'est pas encore heureuse paree que le prolétariat est malheureux. La cause du malheur de tous deux est dans les conditions économiques actuelles, par lesquelles la grande majorité de la population végète dans la plus noire misère, tandis que les autres oisifs se piongent dans le luxe. 11 n'y a qu'un seul remède pour effacer cette injustice, c'est de partager le produit total du travail aux ouvriers et non pas aux capitalistes. II. N. COLAJANNI. Le premier tome tout entier et les premiers chapitres du deuxième tome de „La sociologia criminale" ') contiennent une critique des thèses de 1'école italienne, dont 1'auteur nie en général la justesse, puisqu'il croit qu'on doit considérer les causes anthropologiques et physiques co mme étant sans, ou de peu, d'importance, comme il le démontre en détail. Dans les derniers chapitres le Ur. Colajanni traite des facteurs sociaux et économiques. Tout en admettant qui les conditions économiques sont de la plus haute importance pour le développement de la vie sociale tout entièie, donc aussi pour la criminalité, 1'auteur n'est pourtant pas d accord avec Marx et Loria, qui considèrent chaque événement social, qu'il soit de nature politique, ou religieuse, ou esthétique, ou morale, comme le produit unique et direct d'un phénomène économique. 2) Selon 1'auteur cette assertion est poussée a 1'excès, puisque les sentiments et les passions de gens supérieurs, qui ne songent pas a des profits matériels, influencent la masse a certains moments. Un grand nombre de philosophes, de moralistes, de poètes, de statisticiens et d'économistes ont vu dans les conditions économiques la „causa causarum" de la morale, et par conséquent aussi du crime. 1'ietro Ellero e. a. énonce trés décisivement: „Dalla proprieta privata, derivano tutti, o quasi, i reati. La proprieta ingenera la^ cupidigia, la supremazia e la superbia da un lato e 1'avvilimento dall altro, anche quando non produca la tirannia perfetta degli uni e la degradazione degli altri. Essa è autrice della maggior parte delle passioni malvagie, delle colpe e dei delitti che si commettono, delle angustie, delle ansiet.i, delle diffidenze, dei rammarichi, dei cruci che soffrono abbicnti e non abbienti sulla terra. L'influenza immorale della proprieta si continua poi e terribilmente nella organizzazione attuale della famiglia gener.ita quasi sempre dal calcolo!" 3) II est incontestable que les conditions économiques ont une influence directe sur 1'origine du crime. Le manque de moyens pour satisfaire aux nombreux besoins de 1'homme est déja un aiguillon pour se procurer ces moyens de n'importe quelle manière, soit honnête ou malhonnête. Kt c'est la voie malhonnête qu'on choisira de préférence quand la société 1) Voir aussi du même auteur: »La delinquen/a della Sicilia c lc sue cause. 2) C'est le Dr. C. qui si irompe ici: Marx n a jamais formulé une theorie aussi étrange. 3) p. 456—457- rend difficile ou impossible d'agir autrement. Un coupeur de bourse londonien gagne en moyenne £ 300 par an; par contre la misère de cenx qui veulent honnctement gagner leur vie est indescriptible ! En outre pour 1'ouvrier honnête la chance d'être tué ou de devenir incapable pour le travail est plus grande que ne Pest pour un voleur celle d'être puni. Donc, du travail honnête résultent moins d'avantages et plus de dangers que du travail malhonnête. L'influence indirecte n'est pas moins importante que 1'influence directe. La guerre, 1'industrie actuelle, la familie, le mariage, les institutions politiques, les révolutions, le vagabondage, la prostitution, 1'éducation etc. sont autant de causes importantes du crime, mais toutes peuvent être réduites a des causes économiques. Selon beaucoup de personnes 1'éducation est Vunique moyen préventif contre les niaux moraux, mais Stuart Mill a déja dit: dans la société actuelle les indigents n'ont point d'éducation et celle des riches est mauvaise. II ne peut être question d'une bonne éducation si un certain bien-être matériel fait défaut. De la que 1'opinion de ceux qui, dans les circonstances actuelles, attendent tout de 1'éducation est inexacte. Mais 011 est-ce que le bien-être cesse et oü la pauvreté commencet-elle ? L'un et 1'autre ne sont que des conceptions relatives; par conséquent on ne peut fixer leurs limites. Pour atteindre le minimum de criminalité dans une société donnée, il faudrait la certitude des moyens de subsistance, la stabilité des conditions économiques et Vêgalité dans la répartition des richesses. Ouelques auteurs nient que les révolutions politiques aient leurs causes dans les conditions économiques. Lombroso et Laschi p. e. tachent de les expliquer surtout par des influences physiques ; ce qui est déja étonnant par le seul fait que, d'après 1'opinion générale, ce sont bien les conditions économiques qui les font naitre. Ils relèvent e. a., pour étayer leur opinion, que sur 142 révoltes survenues en Europe de 1793 a 1880, un tiers seulement est attribuable a des conditions économiques. II va sans dire que cela ne prouve pas du tout la justesse de cette these, puisque dans tous ces cas, les auteurs ne parient que des causes directes, tandis que la plupart des révolutions militaires, des révoltes contre le pouvoir royal etc., découlent de conditions économiques, alors même qu'elles sont indirectes. II est vrai qu'au XIXme siècle, l'influence révolutionnaire directe des crises et des disettes a diminué grace aux mesures prises par les gouvernements, ce qui n'empêche pas qu'il y ait encore eu des révoltes causées par de telles circonstances. (Lyon en 1831 etc.) Les révoltes fréquentes en Belgique et en France, pays riches ne fournissent point de preuve contre la thèse du Dr. Colajanni; car malgré la grande richesse de ces pays, rien ne prouve qu'elle soit également répartie. Aussitót que la misère d'un peuple a dépassé ccrtaines limites, on verra que dans ce pays il n'y a ni crimes, ni révolutions, ni suicides, puisque toute énergie est alors éteinte. Une autre question est celle-ci: jusqu'a quel point y a-t-il corrélation entre lesprogrés faits par le socialisme et 1'accroissement de la criminalité.') ') Voir pour plus de détails le rapport du Dr. Colajanni au Ve Congres d'Anthropologie criminelle, ayant comrne titre: »Le socialisme et sa propagande en rapport avec la criminalité." Plusieurs auteurs, comme Garofalo p. e., sont d'opinion qu il y a unc liaison intime entre les deux. Mais ils ne fournissent point dc faits comme preuves a 1'appui de leur assertion, qui est au contraire démentie par les faits. Les pays oti le socialisme s'est le plus répandu ne présentent pas les chiffres les plus élevés de criminalité; c'est plutót le contraire. Les régions allemandes ou italiennes qui comptent le plus grand nombre d'adhérents au socialisme ne sont pas non plus les plus criminelles: Comment pourrait-il en être autrement? Tandisque le socialisme est la réaction cotisciente et collective a 1'ordre des choses existant, le crime est la réaction inconsciente et individuelle de eet ordre. „II socialismo non generatore di delitti; ma è il piü grande reatopolitico dell' epoca moderna. L'avvenire ci dira se alle condamne seguira 1'apoteosi. ') Ensuite le Dr. Colajanni fixe 1'attention sur Voisiveté et le vagabondage, qui, tous les deux, sont causes de crime: sur 32.943 vols a Paris en 1882, 57°/o qu' étaient commis par des vagabonds. Mais 1'oisiveté et le vagabondage, considérés en eux-mêmes sont- ils aussi des délits? L'homme est nuisible a son espèce, dit Féré, quand il 11e collabore pas, soit matériellement, soit intellectuellement, a la production. D après le Dr. Colajanni 1'oisiveté et le vagabondage, observés a un tel point de vue social trés élevé, sont en effet des délits. Mais alors tous les riches fainéants sont aussi coupables de ces délits. Enfin quelles sont les causes de ces crimes? Spencer, Féré et Serge disent: les vagabonds sont les faibles, les dégénérés, les parasites de la société. La question est donc celle-ci: ces phénomènes trouvent-ils leur origine dans 011 hors de 1'organisme humain ? Romagnosi dit que le vagabondage et la fainéantise ne doivent être punissables que quand ils ne sont pas excusables. 1 our les rendre inexcusables il faudrait procurer du travail a tout hornme dc bonne volonté. Spencer, Serge et Garofalo par contre sont d opinion que ces crimes sont presque toujours imputables aux personnes mêmes. Cependant Spencer n'aurait pas dü oublier que dans son propre pays, en dehors des crises industrielies, des événements considérables ont forcé un grand nombre de personnes a devenir fainéants et vagabonds en dehors de leur faute, comme p. e. les nombreux fermiers irlandais et écossais, expulsés de leurs terres par le „Land-Lord. Et Garofalo aurait dü savoir que c'est bien le capitalisme qui est cause du travail des femmes et des enfants, qui rend superflu celui des hommes, et que cette cause ne réside donc pas dans ceux qui en éprouvent le domnuige; en outre, que la cause de crises économiques n est pas dans leurs victimes, mais dans le système en vigueur. Un examen des causes de ces deux phénomènes oblige a distinguer le vagabondage habituel et le vagabondage accidentel, forcé. Cependant — et c'est ce qu'011 n'oublie que trop souvent — celui-ci se transforme a la longue en celui-la, car le goüt du travail est, tout comme la moralite, un produit social acquis. C'est pourquoi cette qualité se perd quand on est longtemps sans travail. i) p. 478. Une des causes les plus importantes de la transformation possible d'un ouvrier en vagabond c'est une maladie de longue durée. Ayant perdu 1'habitude du travail et affaibli, il trouvera difficilement a se faire embaucher. S'il n'y réussit pas il descend de degré en dcgré pour en arriver definitivenient a la mendicité. Mais ce sont surtout les transforniations économiques, les inventions, la surproduction, qui doivent ctre nommées les „causae causarum" des phénomènes cités plus haut. (Voir les pages 494—500 . dans lesquelles 1'auteur prouve la justesse de sa thèse a 1'aide de nombreuses citations.) La prostitntion, qui occupc une place importante dans 1'étiologie du crime, trouve, dans presque tous les cas, son origine dans la misère, dans une mauvaise éducation, et dans un ambiant pervertissant, ainsi que le prouvent les enquêtes officielles et les écrits de savants-spécialistes, comme Parent-Duchatelet, Fiaux, Augagneur et tant d'autres. (Voir les citations faites par le Dr. Colajanni aux pages 504—510.) La corrélation qui existe entre les crimes contre la propriété et les conditions économiques est trés évidente, et est directe. Cette causalité se présente aussi pour les crimes contre les personnes. Seulement, elle est alors indirecte. L'influence de la misère sur la criminalité est surtout trés grande, quand elle a été de longue durée. Proudhon a parfaitement raison quand il dit: „fame di tutti gPistanti, di tutto 1'anno, di tutta la vita, fame che non uccide in un giorno, ma che si compone di tutte le privazioni e di tutti i dispiaceri, che senza cessa consuma il corpo, rovina lo spirito, demoralizza la coscienza, imbastardisce le razze, genera tutti i vizie e tutte le malattie, 1'ubbriachezza tra gli altri, e 1'invidia e il disgusto del lavoro e del risparmio, la bassezza d'animo, 1'indelicatezza di coscienza, la grossolanita dei costumi, la pigrizia, la pitoccheria (gueuserie), la prostituzione col furto." ') Cette longue misère, la famine, qui a sévi sur beaucoup de régions italiennes, y a été 1'origine de toutes sortes de crimes. Le fait que le nombre des vols de vivres est relativement petit n'a que peu d'iniportance comme argument opposé, puisqu'un voleur tachera toujours de voler quelque cliose qui soit de petit volume et de grande valeur et qu'il puisse échanger contre d'autres objets. Aussi ne faut-il pas oublier que de petits vols de vivres passent trés souvent sans qu'on les remarque ou bien sans qu'on en porte plainte, puisque le parti lésé ne considère pas comme crime un tel acte, cotnmis par nécessité. Une autre preuve convaincante de l'influence des conditions économiques est le fait incontestable qu'il arrivé sans cesse qu'un individu vient se declarer coupable d'un crime qui n'a pas été commis, et ce seulement pour trouver un logis dans la prison. L.e grand pourcentage formé par les crimes commis par cupidité, ainsi que le fait que le nombre des récidives est plus grand pour les crimes contre la propriété que pour les autres crimes, démontrent l'influence importante des conditions économiques. L'étude de la moralité des peuples primitifs nous apprend que p. c. le crime d'avortement, 1'infanticide et 1'homicide sur les vieillards ont leur origine dans les conditions économiques exclusivement, les ') P- 513- moyens dc subsistance n'ctant pas suffisants chez ces peuples pour pouvoir entretenir une population nombreuse. Ouand chez des peuples civilisés, les crimes de cette nature se produisent ils ont les mêmes causes P. e. les cas d'infanticide sont trés fréquents en Irevise, une des provinces les plus pauvres de 1'Italie. Le manque d'éducation ou 1'influence d'autres facteurs, qui ont un effet contraire, sont la cause que dans les basses classes souvent 1'influence corruptrice dont on vient de parler sévit dans toute sa force. Pour prouver la justesse de 1'assertion que les conditions economiques n'ont point d'influence importante sur la criminalité, quelques auteurs citent le fait que 1'Angleterre avec ses grandes richesses presente un plus grand nombre de crimes contre la propnété que 1 Italië, qui est beaucoup plus pauvre. Celui qui raisonne de cette facon oublie que a richesse absolue d'un pays peut trés bien être énorme, sans que la répartition en soit proportionnelle. L'Angleterre nous en fourmt la preuve: dans aucun autre pays la différence entre riche et pauvre n est plus prononcée, et sans la présence d'autres facteurs importants et opposes, la criminalité y serait beaucoup plus grande qu'elle ne 1 est maintenant. On pourrait aussi relever la différence entre la criminalité moindre en Irlande malgré sa pauvreté proverbiale et la grande ciiminalite de 1'Italie. Cependant, une comparaison des conditions des deux pays demontre que celles de 1'Italie laissent encore plus a desirer que celles de 1'Irlande, ce qui explique la cause de sa plus grande criminalité contre la propriété. Les assassinats mystérieux des grands proprictaires et de leurs agents en Irlande trouvent aussi tous leur cause dans la mauvaise répartition des terres. En Belgique la criminalité est la plus élevée la oü le bien-être est le plus petit (les Flandres). Dapiès les recherches de von Liszt et de Starke les provinces les plus pauvres de 1'Allemagne sont aussi celles qui sont les plus crimineües; etc. Sur la position êconomique des criminels 1'auteur lournit les donnees suivantes (après avoir prealablement relevé que la distmction statistique en possesseurs et non-possesseurs ne donne absolument point d indication décisive sur la condition réelle des individus, puisque parmi les premiers nommés p. e. on compte des paysans archi-pauvres, et parmi les derniers par contre des personnes qui jouissent de salaires eleves). jrn 1870 1871 il y avait sur les détenus dans la prison de JNeucnatel iO°/(l qui possédaient une certaine fortune, et 89 °/0 que n'avaient que leur travail pour subsister (Dans la population non-criminelle le pourcentage de ceux-ci est beaucoup plus petit). D'après les donnees de Stevens les prisonniers en Belgique se divisaient comme suit: 1 °/0 d aises, 11 /0 cle eens avec certains revenus et 88 °/0 d'indigents. o > 1 " La statistique des récidivistes en Suède de 1870—1872 donne les informations suivantes: , 0.64"/o Aises .''''rr ,nnS Avec des moyens de subsistance . " insuffisants 43-54 misérables 45-63 » ii n » » » Marro, dans son travail ,,I caratteri dei delinquenti", nous communiqué ce qui suit: Criminels. Non-criminels. Non possesseurs 79,6 °/„ 43,4% Enfants mineurs de parents aisés. 4,1 „ 10,5 Petits possesseurs 6,7 „ 18,4 „ Possesseurs 9,4 „ 2y,6 „ Au moment qu'ils commettaient leurs crimes 43 °/0 de ces criminels en général, et plus de 50 °/0 des criminels contre la propriété étaient sans travail. Tout ce qui a été communiqué plus haut concernait la statique, ce qui va suivre traite de la dynamique. La règle universellement observée est celle-ci: des modifications dans les conditions économiques il suit des modifications dans la criminalité. Ouand celles-ci empirent, le nombre des crimes (et surtout ceux contre la propriété) augmente, et vice versa. C est surtout la classe des prolétaires, qui ne disposent pas de moyens pour résister aux influences défavorables de crises, de haussements de prix etc., qui est dans ces cas frappée le plus fortement. Pour ce qui concerne les quelques données sur 1'Italie: en 1880 une forte augmentation de la criminalité y coïncidait avec un manque de travail et avec des prix élevés des vivres. La lente dimunition de la criminalité durant 1881 doit étre attribuée a la bonne récolte et a la grande émigration. En Belgique: le nombre des détenus montait durant la crise de 1846 de 6.750 a 9.884. En Norvège: par la dépression économique de 1869 les crimes contre la propriété atteignaient le maximum. Le nombre des détenus en Suède s'élevait de 1835 a 1839, et surtout par suite de la misère, de 12.799 & 18-357. Une forte augmentation de la criminalité avait lieu en Angleterre par suite de crises, e. a. de celles le 1826, 1830 et 1847. Aux Etats-Unis il y avait en 1884 pas moins de 400.OOO ouvriers sans travail, ce qui explique les chiffres suivants: En 1883 ■ En 1884 Homicides ^94j Cas de lynchage Q2 219 Suicides 9IO 1-897 Par les crises économiques de 1839, 1840, 1843, 1847, 1867, 1876 et 18S1 le nombre des assassinats augmentaient en Erance. ') ]) Voir sur Starke auquel le Dr. Colajanni emprunte ensuite plusieurs données p. 93 sqq. de ce travail. Le maximum de stabilité et le minimum de défaut de propoytion dans la repartition de la riehesse est le meilleur préservatif contre le crime. La justesse de cette regie est prouvée par les faits. La moindre criminalite des Irlandais s'explique par leurs sentiments altruistes, conséquence de leurs institutions sociales d'avant la conqucte de leur pays par les Anglais. Chez les musulmans le crime est rare. Aussi peut-on remarquer chez eux une vraie démocratie, basée sur 1 égalité et la fraternité. Les Yorouba (Afrique orientale) ont le caractère doux, et ils sont bienveillants et fidèles a leur parole ; chez eux la terre est considéree comme propriété commune etc. etc. „Ouesti sono i fatti e questi parlano chiaro: il collettivismo della dessa giavanese, della diemda berbera, del mir russo, della zadrouga slava, della comunita di vilaggio ariana e delle 1 elli Rossi, produce dapertuto, sotto tutti i climi e presso ogni razza, gli stessi identici risultati: la moralita e la solidarieta. Si noti ancora, che dovunque e in ogni tempo, nelle zone temperate o nelle freddissime; al Nord, al Sud e all' Kquatore, le leggi e le istituzioni, che mirano ad assicurare stabilmente la sussistenza e conservano una certa uguaglianza, attenuano di molto la delinquenza e 1 attenuano in modo da rendere piü morali degli altri uomini soggetti ad istituzioni e leggi diverse coloro, che dalle prime sono governati. Di che se ne avranno esempii spiccati tra Lbrei, Irocchesi, Peruviani, Chinesi, Berberi ec. quantunque difFerenti tra loro pel grado di civilta raggiunto. -) !) D. 562 563. . , n J 2) Voir aussi Chapitre XIII, dans lequel le Dr. C. traite e. a. de 1'mfluence du militarisme sur la criminalite. III. A. BEBEL. Dans „Die Frau und der Sozialismus" 1'auteur consacre les pages suivantes a la relation entre 1'organisation sociale actuelle et le crirne: „Die Verbrechen aller Art und ihre Zunahme stehen in innigster Beziehung zu dem sozialen Zustande der Gesellschaft, was diese freilich nicht W'ort haben will. Sie steekt, wie der Vogel Strausz, den Kopf in den Sand, um die sie anklagenden Zustande nicht eingestehen zu müssen, und liigt sich zur Selbsttauschung vor, daran sei nur die „Faulheit" und „Genuszsucht" der Arbeiter und ihr Mangel an „Religion" schuld. Das ist ein Selbstbetrug der schlimmsten oder eine Heuchelei der widrigsten Art. Je ungünstiger der Zustand der Gesellschaft für die Mehrheit ist, um so zahlreicher und schwerer sind die Verbrechen. Der Kampf um das Dasein nimmt seine roheste und gewaltthatigste Gestalt an, er versetzt den Menschen in einen Zustand, in dem der Eine in dem Anderen seinen Todtfeind erblickt. Die gesellschaftlichen Bande lockern sich mit jedem Tage mehr. Die herrschenden Klassen, die den Dingen nicht auf den Grund sehen oder nicht auf den Grund sehen wollen, versuchen nach ihrer Art den Uebeln zu begegnen. Nehtnen Armuth und Noth und in Folge davon Demoralisation und Verbrechen zu, so sucht man nicht nach der Ouelle des Uebels, um diese zu verstopfen, sondern man bestraft die 1'rodukte dieser Zustande. Und je gröszer die Uebel werden und damit die Zahl der Uebelthater sich vermehrt, um so hiirtere Strafen und Verfolgungen meint man anwenden zu müssen. Man glaubt den Teufel mit Beelzebub austreiben zu können. Auch prof. Hackel findet es in der Ordnung, dasz man mit möglichst schweren Strafen gegen Verbrecher vorgehe und namentlich die Todesstrafe nachdrücklich anwende. Kr ist darin mit den Rückschrittlern aller Schattirungen in schönster Uebereinstimmung, die sonst ihm todtfeindlich gesinnt sind. Hackel meint, unverbesserliche Verbrecher und Taugenichtse müszten wie Unkraut ausgerottet werden, das den Pflanzen Licht, Luft und Bodenraum nimmt. Hatte Hackel sich auch ein wenig mit dem Studium der Sozialwissenschaft befaszt, statt ausschlieszlich sich mit Naturwissenschaft zu beschaftigen, er würde dann wissen, dasz diese Verbrecher meist in niitzliche, brauchbare Glieder der menschlichen Gesellschaft umgewandelt werden könnten, falls die Gesellschaft entsprechende Existenzbedingungen ihnen bieten würde. Er würde ferncr finden, dasz Vernichtung oder Unschadlichmachung des einzelnen Verbrechers in der Gesellschaft so wenig das Entstehen neuer Verbrechen verhindert, wie wenn man auf einem Grundstücke zwar das Unkraut beseitigt, abcr iibersieht, Wurzeln und Samen mit zu vcrnichtcn. Die Bildung schadlicher Organismen in der Natur absolut zu verhitten, wird dem Menschen nie möglich sein, aber seine eigene, durch ihn selbst geschaffene Gescllschaftsorgauisation so zu verbesseru, das.:: sie gunstige Existenzbedingungen für Alle schafft, gletehe Entivicklungsfreilieit jedem EinzeInen giebt, da/uit er nicht tnehr nöthig hat, seinen Hunger, oder seinen Eigenthumstrieb, oder seinen Ehrgeiz auf Kosten Andere) zu befriedigen, das ist möglich. Man studire die Ursachen der Verbrechen und beseitige sie, und man wird die Verbrechen beseitigen. Diejenigen, welche die Verbrechen beseitigen wollen, in dem sie die Ursachen dazu beseitigen, können sich selbstverstandlich nicht mit gewaltsamen Unterdrückungsmitteln befreunden. Sie können die Gesellschaft nicht hindern, in ihrer Art sich gegen die Verbrecher zu schützen, die sie unmöglich in ihrem Treiben gewahren lassen kann, abcr sie verlangen dafiir um so dringender die Umgestaltung der Gesellschaft von Grund aus, d. h. die Beseitigung der Ursachen der Verbrechen. Der Zusammenhang zwischen dem Sozialzustand der Gesellschaft und den Vergehen und Verbrechen ist von Statistikern und Sozialpolitikern vielfach nachgewiesen worden. Kins der naheliegcndsten Vergehen das unsere Gesellschaft, ungeachtet aller christlichen Lehren von der Wohlthatigkeit, als Vergehen ansicht — ist in Zeiten schlechten Geschaftsgangs die Bettelei. Da belchrt uns die Statistik des Königreichs Sachsen, dasz in dem Masze, wie die letzte grosze Absatzkrise zunahm, die in Deutschland 1890 begann und noch kein Ende absehen laszt, auch die Zahl der wegen Bettelei gerichtlich bestraften Personen stieg. Im Jahre 1889 wurden wegen dieses Delikts im Königreich Sachsen 8566 Personen bestraft, 1890 8815 Personen, 1891 10075 und 1892sogar13120, eine sehr starke Steigerung. Massenverarmung auf der einen, mit steigendem Reiclithum auf der anderen Seite, ist überhaupt die Signatur unserer Periode. 1873 kam in Oesterreich auf 724 Personen ein Armer, 1882 schon auf 622 Personen. Die Verbrechen und Vergehen zeigen eine ahnliche Richtung. 1874 wurden in Oesterreich-Ungarn strafrechtlich verurthcilt 308605 Personen, 1892 über 600000. Im Deutschen Reich wurden 1882 wegen Verbrechen und Vergehen gegen Reichsgesetze verurtheilt im Ganzen 329968 Personen, d. h. auf IOOOO über 12 Jahre alte Kinwohner kamen 103,2 Personen; im Jahre 1892 betrug die Zahl der Verurtheilten 422327 Personen und im Verhaltnisz wie vorstehend 143,3, das eine Zunahme um 39 I'rozcnt. L nter den Verurtheilten befanden sich Bestrafte wegen Vergehen und Verbrechen wider das Vermogen: t 1882 169334 Personen, 53>° au^ 10000 über 12 Jahre alte Linw. 1891 196437 „ 55,8 „ 10000 „ 12 „ „ „ Wir denken, diese Zahlen sprechen Bande, siê zeigen, wie die Verschlechterung des Sozialzustandes Armuth, Noth, Vergehen und Verbrechen erhöht und vermehrt." ') i) p. 295—297. IV. F. T U R A T I. Dans le premier chapitre de son „II delitto e la questione sociale", 1'auteur relève que parmi les nombreux malheurs, que le prolétariat supporte, il faut remarquer encore que c'est presque exclusivement dans ses rangs que se recrutent les criminels. „II tributo criminoso è il privilegio quasi esclusivo d'une classe sociale. E siccome la borghesia non seppe fin qui escogitare di meglio che opporre alla degradazione delitto un altra degradazione che si chiama pena, cosi alla privativa del tributo criminoso si aggiunge, fra la povera gente, la privativa del tributo penale." ') Après avoir parlé dans le chapitre suivant de la question du „libre arbitre," le Dr. Turati fixe ensuite 1'attention sur un jugement du Dr. Lelorrain qui dit qu'il faut modifier 1'homme si 1'on veut faire disparaitre ou diminuer la criminalité. Le Dr. Turati objecte qu'il est excessivement difficile de changer 1'homme, et qu'il y a un moyen plus efficace et plus facile, savoir la modification de la société. Dans une société qui est tout a fait mauvaise, oü 1'exploitation de 1'un par 1'autre est la règle, oü quelquesuns jouissent au détriment d'autrui et ce sous la protection de la loi, dans une société pareille il y a incitation perpétuelle au crime. C'est 1'idéal du socialisme de créer une société dans laquelle le crime n'est ni nécessaire ni utile. Quelque courte qu'ait été sa durée, la colonie de New-Lanark, fondée par Owen, est une des meilleures preuves de la justesse de cette idée. Dans une société formée d'après eet idéal socialiste le crime ne se présentera qu'exceptionnellement, p.e. par atavisme, mais il cessera d'ctre un danger général et toujours menacant. „La questione sociale penale è questione anzitutto di transformazione sociale." On a fait beaucoup d'objections a cette these. L'école de Lombroso et de Ferri y oppose son hypothese de la triplicité des facteurs du crime: les facteurs cosmiques, les facteurs individuels et les facteurs sociaux. En modifiant donc la société de telle facon que les intéréts de 1'individu et ceux de la communauté soient identiques, ce ne serait qu'une partie du crime qui disparaitrait; p. e. on ne pourrait pas empêcher qu'une chaleur extraordinaire causat des crimes contre les mceurs. Selon le Dr. Turati il n'est pas impossible de réfuter cette objection, quoiqu'il soit difficile de le faire. En premier lieu Ferri reconnait que i) p. 42. les causes sociales sont plus importantes que les deux autres reünies. II estime que le nombre des délinquants poussés par des raisons sociales (par passion et d'occasion) dépasse même les 6o°/0; les autres, (les délinquants fous ou demi-fous, nés-incorrigibles et habituels,) forment donc la minorité. Mais parmi ceux-ci il y a beaucoup de cnminels par habitude, qui ne sont pas nés comme tels, mais le sont devenus par les circonstances. Le Dr. Turati estime donc que 70 a 7 5°/0 des délinquants sont arrivés a commettre des crimes par suite de causes sociales. Ln tenant compte encore du fait que i8°/0 environ des détenus sont alienes, le nombre des criminels qui le sont devenus par suite d autres causes que des causes sociales s'élèvera a io°/o au plus de la totalité. Selon le Dr. Turati les facteurs physiques et anthropologiques exercent une influence sur la forme, mais non pas sur la nature du crime, Ln outre, ces trois facteurs se présentent dans chaque crime, mais presque aucun crime ne sera commis s'il n' y a pas de cause sociale. C est ce dernier facteur qui est toujours le facteur prépondérant. Donc en 1 e oignant les deux autres déterminants sont réduits a zéro. Les faits lont prouvé; les habitants de la colonie d'Owen n'étaient pas tormes d une matière particuliere, et leur ambiant physique n'était m meilleur ni „plus honnête" que tout autre. Néanmoins, le crime y etait inconnu. Mais 1'auteur fournit encore d'autres preuves a 1'appui de cette these que les causes physiques et anthropologiques ne sont rien en ettet quand on les compare aux causes sociales, qui a leur tour dependent de conditions économiques. Tout en exceptant les crimes commis par la classe des possesseurs, qui sont ordinairement la conséquence cl une cupidité excessive, ou d'un malaise commercial, et qui ïpso facto disparaïtront sans doute, la société une fois autrement organisee, le plus grand contingent des criminels est fourni par la classe des non-posses seurs Or toutes les influences physiques, telles que climat, etc. agissent sur les deux classes de la même facon ; il n' y a pas non plus de difference des facteurs anthropologiques entre ces deux classes, et cependant la dififérence pour ce qui concerne les penchants criminels est bien grande entre elles. Donc ce ne sont que les facteurs sociaux qui peuvent expliquer cette dififérence. „ Cependant il faut faire ici encore une autre observation. ferri cite, pêle-mêle, comme facteurs sociaux: 1'augmentation de population, 1'émigration, 1'opinion publique, les coutumes, etc. Mais en examinant et en classifiant minutieusement ces facteurs, il devient clair qu en realite ils ne sont basés que sur les conditions économiques. Fourtant cette observation n'est pas appliquable aux „delinquents par passion", puisque sur eux 1'action du milieu ne parait être que faible. Lombroso estime qu'ils ne forment que 5 H/0 de tous les criminels, et Ferri est d'opinion que 5»/0 seulement de ceux qui ont commis un crime contre les personnes sont des criminels par passion. Une des causes anthropologiques du crime c est „1 homilie , et une des causes cosmiques c'est „1'univers". Mais toutes deux n ont rien a faire avec le crime comme tel. Autrement 1'air que nous respirons, et les mets que nous mangeons seraient causes de la crimina ite. lar contre 1'organisation de la société est bien cause de crime, et les in u ences physiques et anthropologiques n'en sont alors que des conditions. (Ce n'est pas scientifiquement parlé que de séparer les causes des conditions; mais 011 s'en sert ordinairement dans ce sens.) Si les causes cessent d'exister les conditions n'ont plus d'irnportance. Ensuite le Dr. Turati traite de quelques sortes de crimes. D'abord les crimes contre la propriété. Ainsi que presque chaque criminaliste 1'admet, ces crimes sont intimement reliés a la répartition inégale de la richesse. „Mais il n'y a rien a changer au moyen des institutions sociales aux influences cosmiques, telles^ qu'une basse température, ou la non-réussite de la récolte, qui, toutes les deux, causent une augmentation de crimes contre la propriété," objectera un adversaire. Cependant ceux qui sont de cette opinion oublient qu'on ne devient pas criminel puisqu'il fait froid, mais que celui qui souffre par suite de la basse température ne devient criminel, que si la société ne pourvoit pas aux besoins nés du froid. L'influence de Ia société ne se voit pas si distinctement quand il s'agit des crimes contre les personnes. Tout de même elle est trés grande; les conditions économiques de nos jours influent de deux facons: la misère d'une part, 1'injustice de 1'autre. La misère nuit non seulement au physique mais aussi au moral de Phomme puisqu'elle le laisse dans 1'ignorance et la grossièreté et ne développe point ses sentiments moraux. Le malheur rend mauvais. Et puis on supporte plus difficilement les maux causés par la société que ceux qui sont les conséquences de la nature. En second lieu, 1'inégalité économique étouffe le sentiment du juste dans 1'homme, puisqu'elle 1'accoutume a cette inégalité. „La loi est égale pour tous" n'est qu'une phrase, car tous ne sont pas socialement égaux. Une des objections les plus répandues quant a la thèse que les crimes sont nés des conditions sociales est celle-ci: que si une amélioration de ces conditions amène une diminution des crimes contre la propriété, le nombre des crimes contre les personnes augmente alors. En opposant a ce fait, observé e. a. par Ferri et considéré comme un des arguments les plus efficaces contre la thèse de Turati et de ses partisans, une autre observation de Ferri, celle que la criminalité prend de plus grandes proportions mais devient moins intense et moins crue, on verra assez clairement qu'il peut y avoir un puissant contre-déterminant aux penchants a commettre des crimes contre les personnes, résultant d'une bonne nutrition etc., c. a. d. 1'éducation. Ouant aux crimes sexuels, ils augmentent quand la nutrition s'améliore. En voici la cause: les besoins sexuels se rapportent directement a la nutrition. Cependant une augmentation des besoins sexuels en eux-mêmes n'a rien a faire avec la criminalité. Ce n'est que 1'organisation sociale qui change ces penchants sexuels devenus plus intenses, en crimes, puisqu'elle a subordonné la satisfaction de ces besoins a des raisons économiques. II y a en outrc encore beaucoup d'autres causes sociales, comme p. e. les mauvaises conditions d'habitation, qui poussent le prolétaire a commettre les crimes en question. Ensuite 1'auteur indique l'influence énorme sur la criminalité de 1'abus d'alcool, dont les causes se trouvent aussi dans 1'organisation sociale. Un autre argument de Ferri doit encore nécessairement être réfuté, c. a d. que Turati et ses partisans attachent trop de poids a 1'éducation. Malgré 1'égalité de 1'éducation de deux frères, dit Ferri, 1'un devient un filou et 1'autre un héros. A quoi 1'auteur répond qu'on peut dire a aussi bon droit: gr ace a 1'éducation lc frère d'un filou devient un héros. Mais en parlant d'éducation Ferri vise cellc de la bourgeoisie, ^ qui est en opposition avec la réalité et ne peut par conséquent n avoir qu une petite influence. . , . , . Du jour oü 1'état de la société sera devenu sain, et que les interets de tous seront pris a cceur, la morale pourra étre en harmonie avec lei réalite. „II vero sostitutivo penale que tutti li abbraccia è la diffusione egualitaria fin dove è socialemente possibile, del benesserc e dell' educazione, delle gioie d'amore e del pensiero." V. P. LAFARGUE. La première partie de 1'étude „die Kriminalitat in Frankreich von 1840—1886" est remplie par 1'examen du mouvement de la criminalité durant ces années. L'auteur aboutit a la conclusion que dans cette période la criminalité s'est accrue, et que la ligne qui démontre eet accroissement se compose d'une succession de courbes alternativement concaves et convexes. ') Dans la deuxième partie il traite des causes du crime. Après avoir relevé la croyance que les idéés de liberté, d'égalité et de fraternité de la révolution francaise une fois proclamées, la criminalité diminuerait bientöt, mais que cette opinion était entièrement démentie par les faits, l'auteur fixe 1'attention sur 1'opinion, universellement répandue dans la première moitié de ce siècle, qu'une des plus importantes causes de la criminalité serait le manque d'enseignement. Cette hypothèse a été reconnue fausse, en général, a la suite de 1'examen des faits. Selon Lafargue, qui sur cela est tout a fait d'accord avec Ouetelet, il ne faut pas examincr les qualités de 1'individu seulement, mais il faut aussi et surtout analyser la société et essayer de rechercher de telle manière les origines du crime. Ensuite l'auteur démontre quelques résultats des recherches de Ouetelet sur 1'influence de la saison, de 1'age et du sexe sur la criminalité, et il expose et critique brièvement les théories de Lombroso et de ses partisans sur rhomme criminel. Nous irions trop loin si nous communiquions plus amplement sa réfutation aussi spirituelle que juste. Ouelques statisticiens rattachent les résultats des récoltes et des vendanges a la criminalité. Un examen pareil pour ce qui concerne la France donne aussi quelques résultats: les années 1847, 1854, 1868 et 1874, qui se caractérisaient par une forte augmentation de la criminalité, étaient précédées d'années de mauvaises récoltes. La moyenne des récoltes des blés était: de 1840 a 1853 environ 80 millions d'hcctolitres „ 1856 „ 1885 „ 100 la récolte montait: !) — Nous 11e pouvons que regretter que l'auteur n'ait pas tenu compte du mouvement de la population. S'il 1'avait fait, son étude aurait eu plus de valeur encore. — en 1846 a 61 millions d'hectolitres „ 1853 » 63 „ 1867 „ 83 „ 1873 „ 84 „ Cependant les mauvaises récoltes de 1855» 1861 et 1879 neurent pas ces suites, et avec les bonnes récoltes de 1847 a 1852 la criminalité augmentait. ïci il y avait donc encore d autres déterminants. 1 ar conséquent, quoique les prix du blé puissent partiellement causer les ondulations de la criminalité, ils n'expliquent nullement 1'accroissement général de 1840 a 1886. L'auteur combat encore 1'opinion du prof. Lacassagne que les crimes contre les personnes sont avant tout sous 1'influence de la production et de la consommation du vin. Si cela était, les départements vinicoles devraient fournir le chifïfre le plus élevé des crimes contre les personnes, ce qui est contraire a la vérité. Par contre Lafargue est d opinion que, sous ce rapport, la consommation de 1'eau-de-vie est de la plus grande importance. L'abus toujours accroissant d'alcool (c. a. d. de boissons fortes comme 1'eau-de-vie), qui, a son tour, est une suite de la condition misérable des prolétaires, est une des causes de la criminalité accroissante. Ouantité d'alcool consommée: Année. En total. rar naDitant. (Hectolitres) (Litres). 1850 585.200 1,46 1855 7I4-8I3 2'°° 1860 851.825 2,27 1865 873.007 2,34 1875 1.010.052 2,82 1880 i-313-849 3.64 1885 1-444-342 , , 3,86 Dans la troisième partie l.atargue rena ses recnercnes »ui la corrélation entre conditions économiques et criminalité. La théorie de Lombroso fut-elle vraie, la criminalité devrait diminuer ; les mauvaises récoltes de vin et de blé n'expliquent pas 1'augmentation non plus, et le climat ne s'est pas altéré durant cette période. Cependant, 1'accroissement de la criminalité coincidait avec 1 augmentation énorme des forces productives en France. 1840 1860 1880 1884 I . — Force de chevaux des machinesk vapeur ) 34.";o 177.652 544.152 683.090 industrielles et agricoles S j Consommation de charbon de terre (en ) 4,256.000 270.000 28.846.000 30.941.000 tonnes) > Production de fer (en tonnes) 585.000 1.430.000 2.790.000 2.747.000 Production d'acier (en tonnes) j 8.262 j 30.000; 389.000 503.000 Mouvement commercial annuel. (Impor- j tation et exportation en millions de. 1.44- ' 4-'74j 8.501 francs) ) 1 Montant des successions (en millions de ) 1 1,608; 2.724' 5.265 5.244 francs) H | . , Richesse nationale (en millions de francs) 64.320 108.960 210.60c 209.7bo '9 II existe donc une forte harmonie entre le développement des forces économiques et 1'accroissement de la criminalité. Faut-il y voir du hasard seulement ou y aurait-il causalité entre ces deux? Ouetelet déja a relevé que les districts les plus pauvres, c. a d. ceux dans lesquels la richesse absolue n'est pas grande, mais dans lesquels les contrastes de possession ne sont pas bien marqués, fournissent les plus bas chiffres criminels, et que les provinces les plus riches ont par contre les chiffres les plus élevés. Eh bien, selon Lafargue cette circonstance est devenue encore plus saillante par le développement du capitalisme. „Die kolossale Entvvicklung der Produktivkrafte unddes Nationalreichthums führte nicht dazu, den Wohlstand aller Mitglieder der Gesellschaft zu vermehren, sondern auf der einen Seite riesige Vermogen, und auf der andern Elend und Noth der groszen Mehrheit des Volks aufzuhaufen." ') „Wenn die Vermehrung, Abstufung und Vervollkommung der Strafen unfahig war, den aufsteigenden Gang der Kriminalitat aufzuhalten, so bevveist das, dass die Verbrechen und Vergehen gegen das gemeine Recht nothwendige Produkte der Verhaltnisse sind, eng verkniipft mit der Art und Weise der Schaffung des gesellschaftlichen Reichthums in der kapitalistischen Gesellschaft. Die Entwicklung der kapitalistischen Produktionsweise ist keine gleichmiiszige: manchmal überstiirzt sie sich, dan stockt sie wieder und erleidet Krisen, welche die Existenz von Tausenden und Millionen von Individuen über den Haufen werfen. Ist es richtig, dass die moderne Kriminalitat eine nothwendige Folge der Art der Reichthumserzeugung in der kapitalistischen Gesellschaft ist, dan miissen die Schwankungen im Gang der Verbrechen und Vergehen mit den VVandlungen der Produktion zusammenfallen: ihre Zahl musz in Zeiten van Krisen zunehmen und in Zeiten wirthschaftlichen Aufschwungs sich verringern; mit andern \\ orten, die Kriminalitat wird bestimmt durch das Blühen oder Darnieaerliegen der kapitalistischen Produktionsweise."2) Or, comme mesure comparative des conditions économiques Lafargue a pris le nombre des faillites par année. 8) 11 a en outre tracé une courbe du prix des farines. 4) 1) p. 107. 2) p. 108—109. 8) La loi sur les banqueroutes ne s'occupe pas de l'agriculture. Cependant l° 1'industrie est beaucoup plus importante que l'agriculture dans le mode de production capitaliste; et 20 la courbe des hypothèques (qui nous désigne Fétat de l'agriculture) est parallèle a celle des faillites, ce qui prouve que l'agriculture a la même sort que le commerce et 1'industrie. 4) En examinant les tableaux statistiques il faudra bien se rappeler qu'ils ne rendent pas une image réelle de la criminalité, quoique les lignes aient été tracées pour les années 1870—1871. Car: 1" tous les gendarmes etc. étaient sous les armes; 2" les cours martiales jugèrent les crimes et délits civils; 3" une trés grande partie de la population masculine agée de 21 a 4° :*ns faisait son service militaire actif. Planche i. Léeende: I. Crimes contre les personnes et contre la propriete, juges par les cours d'assises. II. Criminalité générale (crimes et délits). III. Delits contre le droit commun, jugés par les tribunaux correctionnels. IV. Prix d un sac de farine aux Halles de Paris. V. Nombre des faillites. En examinant la première planche nous voyons que les lignes II et III quoique n'étant pas tout a fait parallèles a V, la suivent pourtant en gé'néral. Selon Lafargue il y a trois contre-déterminants qui causent les déviations: i° changements des prix de farine; 2° événements politiques • 30 activité industrielle extraordinaire. Ainsi p. e. ce sont les événements politiques de 1848—1852 qui empêchent la baisse de la ciinnnalité durant ces années, quoique les faillites et les prix de farine eussent diminué, et a partir de 1854 un développement économique fiévreux recommence de nouveau, qui combine aux prix de farine diminuants (1856— 59) cause une baisse de la criminalité durant ces années. En même temps les faillites montent un peu; cependant les chiffres ne sont pas tixcs en proportion du nombre des entreprises industrielles et commerciales; autrement, la ligne aurait certainement dü être tracée d une autre fatzon dans cette période. La forte baisse des prix de farine en 1869 neutralisait 1'augmentation des faillites et faisait même diminuer la criminalité. De 1874 a 1878 nouvelle revivifïcation industrielle qui rend stationnaire ou fait baisser la criminalité. Dès 1876 les faillites augmentent fortement et la criminalité suit un peu moins fort; les prix du blé baissants (1811 a 1885) ont certainement exercé ici leur influence. Plaxche II. Légende: I. Vols commis avec circonstances aggravantes, jugés par les cours d'assises, et vols simples, jugés par les tribunaux correctionnels. II Vol, fraude, soustraction, jugés par les tribunaux correctionnels. 111. Nombres des faillites et prix des farines combinés. Les courbes sont presque sans cesse parallèles; les déviations sont causées par les événements politiques et par la revivification industrielle. Plaxche III. Légende: I. Vagabondage et mendicité. II. Faillites. 111. Repris de justice condamnés par les cours d'assises ou par les tribunaux correctionnels. Vagabondage et mendicité prennent lc menie cours que les faillites; cependant ils montent de 1848 a 1852 par suite des troubles politiques de ces années. L)ès 1878 les faillites et le vagabondage et la mendicité montent et sont parallèles. Dans des périodes de revivification industrielle (1854—1859 et 1874—1876) vagabondage et mendicité baissent fortement. En examinant la courbe de la récidive il ne faudra pas oublier que depuis 1884, beaucoup de récidivistes sont condamnés a la déportation. Planche IV. Légende: I. Viol de mineurs. II. Consommation d'alcool. III. Faillites. Ici nous voyons 1'effet contraire de celui des planches précédentes. si les faillites augmentent les viols diminuent généralement, et vice versa. D'après ce tableau la consommation d'alcool n'a point de rapport avec les crimes contre les mceurs. A la fin de son étude 1'auteur fait la conclusion suivante: „die Wirkung der Bankerotte auf die Kriminalitat und die Politik ist ein unleugbarer; sie bildet einen der schlagendsten Beweise für die Richtigkeit der historischen Theorie von Karl Marx, die die krscheinungen, der Litteratur und Kunst, der Moral und Religion, der Philosophie und Politik in der menschlichen Gesellschaft zurückfiihrt auf die Erscheinungen der ökonomischen Entwicklung." ') !) p. 116. VI. H. DENIS. Le prof. H. Denis commence son rapport au 3me Congrès d'anthropologie criminelle, intitulé „La criminalité et la crise économique", en attirant 1'attention sur 1'influence que la crise de 1846—1847 a exercée sur la criminalité. Les récoltes du froment, du seigle et surtout des pommes de terre avaient été mauvaises, ce qui avait élevé le prix de ces denrées. La dissolution du travail domestique et 1'introduction des machines opéraient en même temps une révolution dans 1'industrie linière. Aussi les chiffres de la criminalité indiquent-ils un accroissement énorme durant ces années et, a partir de cette époque, une décroissance continue. (Voir aussi la planche.) Années. Délinquants sur 10.000 habitants. 1845 28,8 1846 47,9 1847 65,3 1848 42,4 1849 25,— 1850 19,8 1851 19,8 1852 19,2 1853 19,7 Ensuite 1'auteur traite de 1'effet produit sur la criminalité par les crises de 1874 et des années suivantes. Le prix du blé ne donnant plus, par suite de 1'importation, une image exacte des conditions économiques, la planche ci-jointe contient aussi les „nombres indicateurs" (de 28 des plus importants articles de commerce). Un examen de la courbe des „nombres indicateurs" sur la planche ci-jointe indique une hausse ondulatoire durant la période de 1850 a 1865 et une baisse ondulatoire durant la période qui suit les années 1874—1875. Durant la première période, dans laquelle les conditions économiques étaient favorables, (les années 1870 a 1873 se caractérisent même par un fiévreux développement économique) la criminalité reste assez stationnaire. (Ce n'est que durant les années 1856—1857 et 1861 •—1862 qu'on observe une augmentation, qu'il faut probablement attribuer a la hausse des prix du blé). La dépression économique qui commence après 1874 se fait rigoureusement sentir, la criminalité augmente sans cesse sans que le prix du blé BELCiqUE toujours diminuant puisse empêcher eet aeeroissement '). Le prof. Denis termine son rapport dans les termes suivants: „La solution du problème de la criminalité doit être en partie demandée aux institutions économiques, et plus le mouvement social de la richesse sera régulier et constant, plus on se rapprochera d'un équilibre normal des fonctions collectives, plus on pénétrera de justice les institutions économiques, et plus aussi on se rendra maitre de la criminalité. Un savant criminaliste italien, Ferri, étudiant 1'évolution de la criminalité en France, dans ses rapports avec le revenu de la classe la plus nombreuse, a montré qu'avec 1'augmentation générale du salaire, on voit décroitre certaines classes de délits. L'accroissement général du bienêtre est un gage certain de diminution de la criminalité. Mais il en est un autre, c'est la diminution de ces oscillations plus ou moins profondes du monde économique, dont le retour périodique est certainement 1'un des aspects les plus graves de 1'état social moderne. En second lieu, les causes économiques qui affectent la tendance au crime révèlent une solidarité immense, qui va toujours s'étendant dans 1'espace comme 1'hérédité plonge dans le temps ses racines profondes. Les grandes fluctuations des prix sont communes au monde tout entier, et 1'individu que ces perturbations poussent au crime par une suite de répercussions, re^oit 1'ébranlement d'un grand nombre d'autres individus, sans qu'il ait jamais conscience de cette solidarité infinie. Mais la science doit s'efforcer d'en recueillir les témoignages. Enfin, ces grandes influences économiques tendent, d'une part, a réduire le champ de la responsabilité individuelle, et, d'autre part, a donner un caractère précis a la responsabilité de la société qui s'y rattache; elle est responsable, en effet, dans les limites oü, pouvant contenir ou conjurer les fluctuations économiques et en corriger les effets, elle négligé de le faire. C'est la que le mot terrible de Quetelet est encore vrai; elle arme elle-même le bras du criminel." 2) ') A la page 367 du Compte Rendu du Ve Congr. d'Anthr. crim. un des membres, M. v. Kan exprime son sentiment qu'entre la thèse du prof. Denis et les faits il existe une flagrante opposition. A mon avis cette opinion n'est pas juste. Une augmentation des prix a en elle-même des suites facheuses pour les consommateurs, et la criminalité s'en ressent; un abaissement au contraire a ordinairement une bonne influence. Mais une dimunition des prix peut aussi représenter un ralentissement de Pactivité économique, c. ü. d. une crise, et c'est le cas pour le fait que cite le prof. Denis, oü le travail devient plus rare, de sorte que les conditions sont bien pires que par suite d'une augmentation des prix. II va donc de soi que l'abaissement des prix ne peut neutraliser une influence aussi importante sur le crime. Les faits et la thèse du prof. Denis sont donc parfaitement d'accord. a) p. 370—371 Actes du troisième Congrès international d'antliropologic criminelle. Voir du même auteur: xL'influence de la crise économique sur la criminalité et le penchant au crime de Quetelet" et »Le socialisme et les causes économiques et sociales du crime." VII. H. LUX.') Dans le chapitre „die degenerirenden Einwirkungen des Kapitalismus" eet auteur traite de la question de la criminalité et de sa relation avec les conditions économiques actuelles. „Die Besitzenden, Diejenigen, die sich im Genusz aller staatlichen und gesellschaftlichen Institutionen befinden, haben allein ein „Recht auf Existenz", die Besitzlosen genieszen dasselbe nicht — trotz der diesbezüglichen Eiktion des preuszischen Landrechtes. Der einfache Selbsterhaltungstrieb veranlaszt diese zu einem steten Ansturm gegen das einzig die Starkeren schützende Recht; und dieser Ansturm ist eben das, was die im Besitz der Macht Befindlichen, Diejenigen, die zur Sicherung der Macht das Recht dekretirten, als eine Rechtsverletzung, als Verbrechen bezeichnen. — Das sind die einfachsten Beziehungen zwischen Gesellschaftsform und Verbrechen. Natürlich treten hierin die verschiedensten Komplikationen ein. — Je starker die Besitzlosen, die Entrechteten, durch einen Zufall selbst werden, desto mehr modifiziren sie das von dem frtiher Starkeren statuirte Recht, desto mehr Komplikationen entstehen in dem ursprtinglich einfachen Eigenthumsrecht, dem Eherecht, dem Recht zuni Schutz gesellschaftlicher Institutionen, desto gröszer und komplizirter wird der Kreis der Verbrechen." 2) Après avoir ensuite brièvement parlé du „libre arbitre," et après avoir relevé qu'il est inexact de lier la criminalité a un seul phénomène social seulement, puisque le mécanisme social est trop compliqué, 1'auteur commence par traiter les crimes contre la propriété. En premier lieu il donne les tableaux suivants: ') ixSozialpolitisches Handbuch," 2) P- 143—144- ALLEMAGNE. Prix ' Sur 10.000 habit. ,, -fyv, ~ rï?~ au-dessus de 12ans: Années. | en Marcs pour i .ooo Kilogr. enPfenn.pouriK. , i de pain. de pois. ƒ °™re^ dc ,X£llf' de Porc- ^prop.^'" Vols' 1881 198 251 43,5 114 128 j — — 1882 1 171 236 56,5 116 128 52,9 32,6 1883 155 241 45,5 120 128 51,0 31,6 1884 145 229 47,0 120 120 50,7 30,1 1885 147 212 38,0 119 120 48,6 27,9 1886 130 209 39,5 117 119 48,1 27,2 1887 135 198 41,5 113 115 47,1 26,0 1888 144 219 59,0 112 114 45,9 25,4 1889 162 209 42,0 117 128 j! 49,3 28,i1) HONGRIE. 1881 1882 1883 1884 1885 1886 1887 1888 Condamnés pour vol .... 19 26,7 25,7 23,432,2 22,0 21,7 22,3 Récolte de maïs par hectare. 16,120,0 16,8 17,220,5 15»5 r4>2 18,0 „ „ pommes de terre par hectare . . . 81,8 110,7 109.9 80,1 92,0 77,2 79,0 85,4 Enfin le Dr. Lux cite encore quelques chiffres du travail de Kolb „Handbuch der vergleichenden Statistik," qui démontrent 1'étroite liaison entre les crimes contre la propriété et les conditions économiques. Crimes politiqaes. „Bei den Verbrechen gegen Staat, öffentliche Ordnung und Religion is die Abhangigkeit von den Gesellschaftsformen unmittelbar einleuchtend. Der Klasscnstaat, d. h. die Summe der Besitzenden, erblickt eben in den von ihm eingesetzten Institutionen, in allen bestehenden Staatseinrichtungen — und nicht in letzter Linie in der Religion — die festeste Stiitze fiir die privatkapitalistische Wirthschaftsform, die um jeden 1'reis erhalten bleiben soll. Die Besitzenden haben die Macht, ihre Sonderstellung durch Gesetze zu schützen, die sich gegen alle Diejenigen kehren, welche die Macht der Besitzenden brechen wollen. Und langen die Gesetze nicht mehr aus, so tritt an deren Stelle die Interpretation der Klassenjustiz. Das ist nur logisch und konsequent und entspricht ganz dem Geist und dem Zweck der Gesetzgebung überhaupt. Je mehr sich aber die durch den Besitz begründeten Rechte der Besitzenden vergröszern, desto mehr fühlen sich die Besitzlosen 1) — Dans les deux dernières colonnes il y a »crimes", corrigé plus tard par 1'auteur lui-même en «criminels." Voir Neue Zeit 1892—1893, II p. 719 et 1893-1894 lp. 184 et P- 535- — als Entrechtete — im weitesten Sinne des Wortes — in ihrer Existenz, in ihrem volkommenen Ausleben gefahrdet, und desto energischer ist die Reaction gegen die als Willkür empfundenen Gesetze, desto heftiger ist der Ansturm gegen dieselben. — Uebrigens eine charakteristische Erscheinung aller Uebergangsperioden der Gesellschaftsformen." ') La question qui se présente maintenant est celle-ci: jusqu'a quel point ces facteurs se rattachent-ils aux conditions économiques actuelles ? Avant de 1'entamer 1'auteur fixe 1'attention sur le milieu dans leqiiel vivent les enfants des prolétaires et surtout eeux des „Lumpenproletarier" milieu oü la misère et le vice se disputent le pas. II n'y peut presque pas etre question d'apprendre des conceptions éthiques. De la aussi que de nos jours la criminalité parmi les jeunes gens a beaucoup augmenté. Pourtant il faudra encore nommer 1'alcoolisme comme une des plus importantes causes des perturbations psychiques. Ce ne sont seulement les non-possesseurs, mais aussi les possesseurs, qui sont poussés a commettre des crimes par les conditions économiques existantes. „Aber nicht blos für die Besitzlosen, für das Proletariat, schafift der Kapitalismus die psychischen Vorbedingungen für das Verbrechen . . . . sondern auch für die Besitzenden selbst. Ganz abgesehen von der Kategorie von Handlungen, von Geschiiftspratiken, die auf der haarscharfen Schneide zwischen Recht und Unrecht stehen, abgesehen von den jenigen Eigenthumsdelikten, Betriigereien, Falschungen etc., vvelche durch die zu leichte Gelegenheit hervorgerufen werden, zeitigt das hastende Treiben nach Erwerb, die Beschleunigung des Geschaftsverkehrs mit Eisenbahn, Dampfschifif, Telegraph und Telephon, die Zunahme der Handelskrisen, die friiher intermittirend auftraten, jetzt aber eine permanente Begleiterscheinung des sozialen Lebens geworden sind, eine durch alle Kreise der Gesellschaft gehende Nervositeit, die sich bestandig steigert und die Vorlauferin schwerer Psychosen ist. Die erschreckliche Zunahme von Irrsinnsfallen (in Preussen auf 10.000 Einwohner 1871 : 5>94> i^75 : 7>2^> 1880: 9,87), erscheint somit direkt bedingt durch die kapitalistische Gesellschaft." 2) Cependant dans 1'homme agissent comme contre-déterminants, qui combattcnt les facteurs criminogènes nommés, les facteurs éthiques (ethische Hemmungsvorstellungen) qui sont déterminés par 1'éducation, la peur de punition, le caractère etc. Ceux qui ne veulent pas rechercher les causes les plus profondes de la criminalité sont d'opinion que le meilleur moyen de combattre le crime c'est d'aggraver les peines. Les personnes qui parient ainsi oublient que les soi-disants facteurs éthiques n ont plus aucun effet aussitót que les circonstances ont atteint un certain degré de gravité. Crimes contre les personnes. Ce sont les ouvriers dans 1'industrie qui forment le plus grand contingent des criminels contre les personnes. Et c'est bien évident. „Die bestandig wechselnden Erwerbsverhaltnisse, Trunksucht, die geringen Einflüsse der Familie, das enge Zusammenleben bei mangelhafter Erziehung und geringer Bildung (sofern die Bethatigung 1) p. 150. 2) p. 156-157. an den Bestrebungen der Sozialdemokratie nicht die heute fast werthlose Erziehung in Familie und Schule ersetzt) — sie allen züchten mit Nothwendigkeit Rohheitsverbrechen heran; ganz abgesehen von dem Gewohnheitsrowdythum der Zuhalter (Louis), das als Konsequenz der Prostitution zu erachten ist." ') A cóté des circonstances extrinsèques sus-nommées il faut aussi observer la personne du critninel. On peut considérer comme prouvé que, dans quelques cas de criminalité, une des causes est une perturbation psychique (p. e. celle par des excès d'alcool). Ces perturbations jouent un grand röle dans les crimes contre les mceurs (penchants pervers). Ce qui caractérise le plus ces anomalies psychiques c'est qu'elles engourdissent les instincts sociaux. Mais il existe encore une autre cause de dégénérescence psychique: „Es ist ein algemein gültiges psycho-physisches Gesetz, dasz der Mensch, „je mehr er sich an den Zustand angenehmer Reize fiir die befriedigten Sinne gewöhnt hat, er immer starkere Reize bedarf, um auch nur das gewohnte Behagen des Lebensgenusses behaupten zu können." Die Genüsse, besonders die sinnlichen Genüsse, müssen immer intensiver, immer pikanter werden, damit sie Befriedigung schaffen, aber je mehr sie sich in ihrer Intensitat steigern, desto mehr werden sie auch die Nerven reizen und abspannen, desto rascher legen sie den Grund für psychische Erkrankungen des Individuums selbst oder seiner Nachkommen. — Unbetont aber darf nicht bleiben, dass eine solche Steigerung der Reize nur dem reichlich Begüterten möglich ist, für ihn also in erster Linie diese Quellen der Seelenstörungen in Betracht kommen." 2) Après avoir encore fixé 1'attention sur la forte recidive des délinquants du sexe féminin, sur le grand accroissement de la criminalité de nos jours, et sur le grand pourcentage des jeunes gens dans le nombre des criminels, 1'auteur termine ses considérations par les termes suivants: „In der auf den Kapitalismus gegründeten Gesellschaft gehort eben das VerDrechen zu denselben nothwendigen Requisiten, wie die Prostitution, wie die Vernichtung zahlloser Menschenleben durch die wirthschaftliche Ausbeutung etc." 1) p. 152. 2) P- i59- VIII. P. HIRSCH. Après avoir démontré, dans le premier chapitre de son travail „Verbrechen und Prostitution", la relation entre criminalité et prostitution, et 1'accroissement des deux dans les derniers temps, 1 auteur donne, dans le deuxième chapitre, un court exposé de la doctrine de 1'anthropologie criminelle, et dans le troisième chapitre il entanie la doctrine de i'ambiant social. Alors il traite d'abord de la „Beförderung von Prostitution und Verbrechen durch Ehehemnisse". Les mariages augmentent ou diminuent selon que les conditions économiques s'améliorent ou empirent. Ainsi p. e. en Prusse il y a eu, de 1866 a 1870, 1605 mariages sur 100.000 habitants; ce nombre s'élève a 1896, dans la période de prospérité de 1870 a 1875, pour diminuer jusqu'a 1624, en 1888. Dans d'aussi mauvaises périodes, le nombre des naissances illégitimes augmente par conséquent. II est trés compréhensible que les enfants naturels fournissent un plus grand nombre de criminels que les enfants légitimes, puisqu'ils ont plus de peinc a supporter le combat pour la vie que les autres. Ensuite il expose comme cause criminogène „der Einflusz der hciuslichen Verhaltnisse." Quand les parents appartiennent déja a la classe des criminels, il est presque inévitable que leurs enfants, jeunes encorc, tombent entre les mains du juge. Et le système de production actuel est cause que 1'éducation des enfants des prolétaires est presque nulle, puisqu'il oblige le père, et trés souvent la mcre aussi, a travailler dehors durant la plus grande partie du jour et souvent même de la nuit. La situation est encore plus défavorable pour les enfants qui ont perdu leurs parents quand ils étaient encore tout jeunes: d après la reniarque de Starke environ 57 °/0 des enfants légitimes parmi les jeunes détenus dans la prison de Plötzensee étaient orphelins ou abandonnés par leurs parents. . La troisième partie porte comme titre „die Wohnungsverhaltmsse des Proletariats". „Eine menschenwürdige Wohnung ist die erste \ orbedingung für das lcibliche und geistige Wohl der Familie, sie ist die Voraussetzung für ein geordnetes Eamilienleben und für die Erziehung der Kinder zu sittlichcn Menschen. Unzahlbar sind die aus der Wohnungsnoth entspringende Miszstande, schier unerschöpflich ist diese Quellc des Verbréchens, der Prostitution und Laster jeglicher Art." >). Toutes les données démontrent que c'est lc prolétaire qui, de toutes les classes de la population, paie le plus de loyer et est le plus misérablcmentf logé. A Berlin p. e. les classes les plus pauvres ont a dépenser en moyen le quart de leur revenu pour le loyer; a Hainbourg la partie du revenu qui devait être dépensée pour le loyer se montait, pour la classe avec un revenu de 600 a 1200 Marcs, en 18C8 k 18,77 °/0, en 1874 a 20,90°/0, en 1882 a 23,51 °/o et en 1892 a 24,71 °/0, tandis que le pourcentage restait le même ou diminuait pour les autres classes. Pour combler le déficit qui en résulte 011 loge alors souvent des hötes pour la nuit („Schlafleute."). „Die Nachtheile der Aufnahme von Aftermiethern liegen klar auf der Hand. „„Kinder beiderlei Geschlechts müssen mit Kltern und oft mit Fremden im gleichen Raume, oft auch im gleichen Bette hausen, die Vortheile der Hauslichkeit gehen verloren, das Wirthshaus bietet vielen eine angenehmere Erholung als das Zusammensein mit Frau und Kind in einem Raume, der mit Fremden getheilt werden musz, in dem die Gelegenheit zu Zank und Streit infolge des engen Aneinanderwohnens ununterbrochen besteht. Es werden die schlechten Wohnungen somit eine der Ursachen des steigenden Alkoholismus, der Zerriittung des Familienlebens, der mangelnden Erziehung der Jugend" (Braun)" 2). Le chapitre qui nous importe ensuite contient: „die gewerbliche Nebenbeschiiftigung von Schulkindern." II va sans dire que, dans les cas oü le salaire du père de familie doit être augmenté par le travail de la mère, les enfants aussi doivent être mis au travail rémunérateur déja a un age oü ils devraient passer leurs loisirs en s'amusant. Car, quoique le travail des enfants soit un peu limité par le législateur pour ce qui concerne le travail dans les usines, il est encore communément pratiqué dans 1'industrie en chambre. Outre cela la plupart des enfants des prolétaires doivent dans leurs loisirs faire toutes sortes de travaux nuisibles a leur physique et a leur moral. „Es liegt klar auf der Hand, in wie hohem Masze die Schulkinder durch die gewerbliche Nebenbeschiiftigung geschïidigt werden. Ganz abgesehen von dem Schaden, den sie in gesundheitlicher Beziehung erleiden, ganz abgesehen davon, dasz die ermüdeten Kinder den Worten des Lehrers nicht mit genügender Aufmerksamheit folgen können und dasz infolge dessen fiir viele von ihnen der Schulunterricht so gut wie hinfallig wird, ist von allen Dingen ihre Sittlichkeit in hohem 7\Iasze gefahrdet. Unter dem Druck der Noth lernen solche Kinder jeden Vortheil, ob erlaubt oder unerlaubt, wahrnehmen, und werden schon frühzeitig — nicht durch ihre Schuld, sondern durch die Schuld der Gesellschaft — mit dem Laster vertraut."3) „Wer diese Verhaltnisse überschaut, den kann es nicht in Erstaunen setzen, dasz nach den Mitttheilungen des Superintendenten Sckönberger auf der im Frühjahr 1895 zu Berlin tagenden Kreissynode von 100 jngendlichen Geftingenen, in der Strafanstalt Plötzensee bei Berlin 70 wcikrend der Schulzeit als 1) p. 40. 2) p- 41. 8) P- 54- Frühstücks-, Zeitungstrager, Rolljungen, Laufburschen, Kegeljungcn u s w beschaftigt waren und zwar morgens friih von 4V2 Uhr an, in einigen Pallen noch früher, bis zur Schulzeit, und nachmittags entweder voll oder von 4 bis 7V2 bezw. 8^2 Uhr abends. ') Ensuite Hirsch exaniine Vinjhtence des crises êconomiques. II emprunte e. a. ce qui suit aux recherches de J. S(chmidt). Pendant une dépression économique de 1875 a 1878 le nombre des punitions infligées par la Ordnungspolizei" dans le pays de Bade montait de 16.21b a 22.624, et celui des peines infligées par la „Sittenpolizei" du même pays de 1905 a 4.485; donc il y avait des augmentations de 40 et 125 Dans la période de prospérité de 1882 a 1885 ces chiffres tombaient de 22.765 a 18.856 (16 w/c) et de 4.106 a 4.007 (3 Durant les années de crise de 1889 a 1892 le nombre des récidivistes condamnés pour vol augmentait de 18 o/0, et celui des autres condamnés pour vol de 6°/„. Dans la période de 1875 a 1878 (années de crise) le nombre des dehts contre la propriété augmentait de i74ü/o et diminuait de 13 /0 dans les années 1882 a 1885 (période de prospérité). Pour en finir 1'auteur fixe 1'attention sur le fait qu il y a aussi des criminels qui sont prédisposés au crime par leur constitution physique (perturbation des facultés mentales) et il traite de „la répression du crime et de la prostitution." P- 54- Voir aussi: P. Kropotkinc, ^Parolcs dun révolté," p. 241 sqq. et he coming anarchy," p. 161 (Ninetcenth century 1887). J. Stern »Einflusz der sozialen Zusti de auf alle Zweige des Kulturlebens" p. 24 sqq. E. Belfort Bax «Ethics of Socialism. («Criminal Luw under Socialism.") T. W. Teifen, »)Das soziale Elend und die besitzcnden Klassen in Oesterreich" p. 132-137, '7°—I7i- J- S^m'dt '^int],usz und der Steieerung der Lebensmittelpreise auf das Gesellschaftsleben p. 16 19, 3. H Wetzker. »Die Zunahme der Verbrechen" (Socialistische Monatshefte 1902 .) Voir encore Chapitre I dans lequel j'ai traité e. a. de plusleurs socialistes, qm devraient être placés dans ce chapitre I, puisqu lis ont ecnt avant la naissance de la criminologie moderne. CHAPITRE HUITIEME. CONCLUSIONS. Arrivé a la fin de mon exposé, il me reste encore a résumer les differents chapitres. Comme nous avons vu, une trés petite partie des auteurs qui se sont occupés du sujet nient 1'existence de la relation entre criminalité et conditions économiques, et a mon avis ils n'ont pu prouver la justesse de leur thèse.') 1) A la page 365 sqq. du «Compte-rendu du cinquième Congrès d'anthropologie criminelle" M. van Kan fixe 1'attention sur le fait que les opinions sur la question différent tant, que d'une part quelques auteurs rejettent une influence, si minime qu'elle soit, des conditions économiques; et que d'autre part il y a des auteurs qui attribuent un pouvoir absolu a ces influences Cette divergence frappe d'autant plus, que les deux opinions sont défendues par des criminalistes »qui sont positivistes les uns comme les autres et puisent, les uns comme les autres, leurs matériaux dans la réalité tangible de la statistique et des faits observés." L'explication que M. van Kan donne de ce fait est la suivante: en recherchant la relation sus-nommée on a confondu la portée de la recherche statique avec celle de la recherce dynamique. Celle-la est la seule qui soit destinée a mesurer 1'influence des divers facteurs a une époque donnée et dans un pays déterminé. Cependant la plupart des criminalistes se sont servis de la méthode dynamique; ils ont comparé la courbe de la criminalité contre la propriété a celle des événements économiques, et du paralléllisme presque constant de ces courbes ils ont tiré la conclusion que les crimes contre la propriété sont déterminés presque exclusivement par des facteurs économiques. D'après M. van Kan cette conclusion est inexacte, puisque le paralléllisme des courbes nommées n'exprime pas une «relation également constante et intime entre les deux phénomènes observés, la criminalité et 1'état économique, mais simplement entre leurs mouvements." En comparaison des autres facteurs, des influences sociales et telluriques, le facteur économique est le plus sujet aux changements. De la que la criminalité se modifie cn même temps que les conditions économiques. Mais cela ne veut pas encore dire que la criminalité contre la propriété tout entière soit déterminée par les conditions économiques. Car les autres facteurs, restés constants durant ces moditïcations, ont aussi occasionné une partie de la criminalité, partie restée constante durant ce temps. Je suis d'avis qu'il est impossible que cette explication soit juste, en vertu des raisons suivantes: A priori déja il est impossible qu'une différence de mode de recherche (statique ou dynamique) puisse aboutir & une différence aussi importante. Une étude comparative des auteurs qui sont d'opinion que 1'influence des conditions économiques n'existe pas du tout, et de ceux qui estiment cette influence trés grande, démontre que ceux-la n'ont absolument pas fait de recherche exclusivement statique, et que la recherche de ceux-ci n'a pas du tout été exclusivement dynamique. Pour ce qui concerne ceux qui nient 1'influence des conditions économiques et qui ont fait La grande majorité des auteurs sont d'opinion que les conditions économiques ont une influence plus ou moins importante, mais que d'autres facteurs agissent a cóté d'elles. J'ai essayé de démontrer que pour autant que ces facteurs sont de nature cosmique ou religieuse, cette thèse ne peut être exacte; que pour autant qu ils sont de nature anthropologique, ces facteurs ne jouent de róle que dans une partie de la criminalité. . . Enfin nous avons vu qu'une petite partie des auteurs sont d opinion que 1'influence des facteurs économiques est souveraine. Dans les bases de leur thèse je n'ai pu trouver d'inexactitudes. Presque tous les auteurs — plus tard, je parlerai des exceptions — ont en commun qu'ils donnent 1111 sens trés restreint a 1 expression „conditions économiques," sous laquelle ils ne comprennent que pauvreté en partie des recherches statiques comme p. e. M. Morrison, il est démontré que, par suite de la diversité des lois pénales etc. et de la difficulté de reprodtnre les conditions économiques par des chiffres, une recherche statique domie des resultats qui ne peuvent être acceptés que sous réserve. (Voir la critique sur Morrison). Ouant aux auteurs qui estiment trés grande 1'influence des événements économiq) La bourgeoisie par sa position économique étant arrivée a une idéé erronnée du système actuel, ne considère pas le prolétariat comme la classe qui par son travail soutient la société, mais comme un mal nécessaire. Selon la bourgeoisie, chaque grève est une diminution de ses droits, un empiétement sur ce qui lui appartient. Sur le terrain politique la bourgeoisie agit, malgré la division intrinsèque, comme une unité contre les prolétaires qui se sont organisés comme classe, ce qui n'exclut pas que dans cette classe il y ait des intéréts opposés. D'abord lutte des différents groupes de capitalistes (industriels contre agrairiens etc.) et ensuite dans chaque groupe intéréts opposés des producteurs. B. LA PET1TE BOURGEOISIE. En réalité la ligne de démarcation entre bourgeoisie et petite bourgeoisie n'est pas dessinée avec la précision nécessaire et permise dans un exposé théorétique. De même qu'il y a des nuances dans la bourgeoisie, il y en a aussi de nombreuses dans la petite bourgeoisie. La petite bourgeoisie actuelle est celle qui a parmi les différentes classes les plus anciennes traditions. II y a eu un temps qu'elle était puissante et forte. Mais le développement du capitalisme a changé tout cela. L'industrialisme est né et mine cette classe a sa base. Dans ce combat le petit capitaliste doit a la longue avoir le dessous. II ne dispose pas, comme ses adversaires, de forces scientifiques, n'a pas de grand crédit, ne peut, par suite de 1'insuffisance de son capital, appliquer les nouvelles inventions, bref, ses armes sont inférieures a celles de ses antagonistes. Tout cela ne le fait pas renoncer vite au combat, au contraire, cela 1'excite a mettre toutes ses forces en jeu. Par suite de sa position dans la vie économique la largeur de vue lui fait défaut. II ne peut comprendre que ce qui a durant tant d'années procuré le !) Dans son travail »Die Lage der arbeitenden Klasse in England" F. Engels dit, après avoir parlé des conditions du prolétariat anglais: » die arbeitende Klasse (ist) allmalig ein ganz anderes Volk geworden, als die englische Bourgeoisie. Die Bourgeoisie hat mit allen andern Nationen der Erde mehr Venvandtes, als mit den Arbeitern, die dicht neben ihr wohnen. Die Arbeiter sprechen andre Dialekte, haben andre Ideen und Vorstellungen, andre Sitten und Sittenprinzipien, andre Religion und Politik als die Bourgeoisie. Es sind zwei ganz verschiedne Völker,...." (p. 127). Ce qu'en 1845 Engels dit de 1'Angleterre y est toujours encore appliquable et aussi a d'autres pays capitalistes. pain a ses ancêtres, disparaitra. C'est la raison pour laquelle le petit industriel se surmène, non seulement lui-même mais aussi ses ouvriers, aussitöt que le grand capital commence a lui faire concurrence, de plus il tache de restreindre encore les salaires, et d'allonger les journées et si possible d'embaucher des femmes et des enfants pour remplacer les ouvriers. La concurrence pousse le commercant a amorcer les clients par toutes sortes de manoeuvres qui font distinctement ressortir le caractère du commerce. Faire le commerce c'est acheter au meilleur marché possible afin de vendre le plus cher possible : opposition d'intérêts entre commercant et fabricant d'une part, et entre commercant et cliënt de 1'autre. C'est pourquoi le commercant est amené a déprécier 1'article quand il 1'achète et a le vanter quand il le vend. Cette tendance devient naturellement plus forte quand la concurrence est trés acharnee: la réclame, tissu de mensonges, est inventée afin d'attirer a tout prix des acheteurs; on arrivé même a ne plus donner le poids exact; („mes concurrents ne le donnent non plus" se dit le marchand) a vendre des marchandises dont la qualité est moindre qu'on ne 1 a annoncée et de la a falsifier il n'y a plus qu'un pas. Voila pourquoi le commerce a son propre code moral. Cependant, malgré sa résistance poussée a 1'extrême la situation de la petite bourgeoisie va en rétrogradant ce qui a des suites sociales trés importantes pour elle, e. a. 1'augmentation du travail des femmes hors de chez elles. Des groupes entiers de petits bourgeois sont tellement tombés en décadence que leur niveau d'existence est devenu le même que celui du prolétariat, ou s'est abaissé au-dessous de cc dernier même. Lnfin ce n'est non seulement a la rétrogradation, mais a la ruine totale du petit bourgeois, que rnêne le combat contre le grand capital. S il arrivé un temps de crise, les petits capitalistes sont les premiers a en subir les contre-coups. Leur ruine peut avoir lieu de différentes manières: leur industrie peut être entièrement anéantie — et en ce cas ils sont pour tout de bon repoussés dans les rangs du prolétariat — ou bien elle peut devenir dépendante du grand capital sous le nora d'industrie a domicile c. a d. travail salarié masqué sous 1'apparence d'indépendance. Ceux-la seuls qui ont pu sauver une partie de leur capital de la debacle peuvent encore tenter la fortune dans une autre branche oü le grand capital ne leur fait pas encore concurrence, mais ils y sont poursuivis et finalement rattrapés par leur ennemi. Comme dans la bourgeoisie, les rapports que les différents petits bourgeois ont entre eux sont déterminés par le système économique: la concurrence acharnée, la vie dans un petit cercle oü les idéés ne peuvent s'étendre, tout cela engendre 1'envie, la haine et la petitesse. ') 1) Voir sur la petite bourgeoisie 1'excellent article du Dr. B. Schönlank »Zur Psychologie des Kleinbürgerthums" (Neue Zeit 1890) dont j'ai emprunté le passage suivant: . , „ , . , . , . T »Der Individtialismus der bürgerlichen (jesell schaft findet sich in den Normen verwirklicht, welche die Lebensführung des Kleinburgers bestimmen. Die Loslösung des Einzelnen von der Gesammtheit, die Vereinsamung des Individuums, das ganz auf sich angewiesen nur Sinn hat für die Auszenwelt, soweit sic sein Ich und die Accidenzen seines Ich betrifft, entfaltet sich hier zur reichsten Blüthe. Die Sozialethik gilt als Unding, die isolirte Wirthschaft wird als Ideal der Kthik betrachtet, der Nutzen und die Glückseligkeit beherrschen als oberste Grundsatze die Persönlichkeit. Quant au degré de culture intellectuelle une grande partie de la petite bourgeoisie se range entre le prolétariat et la bourgeoisie. Généralement les enfants de cette classe sont plus instruits que ceux du prolétariat. Mais puisque le champ de leurs idéés est trés restreint et le combat pour la vie exige tout leur temps le niveau intellectuel reste en général bien au dessous du niveau moven de la bourgeoisie. D'autres Wie in der urwüchsigen Hausindustrie des platten Landes. heute noch lebendig in Halb- und Ganzasien, alle ökonomischen Bediirfnisse von dem Einzelhaushalt selbst gedeckt werden, so fordert die kleinbürgerliche Moral, dasz alle sittlichen Bediirfnisse von der Einzelwirthschaft befriedigt werden. Zerrissen sind die innigen Bande, welche den Einzelnen an die Genossen knüpften, dafür gelangte die Idee des xguten Familienvaters", für welchen unsere Belletristen so sehr begeistert sind, zur unumschrankten Geltung. Wie hiitte es auch anders kommen können ? Der Kampf um das tagliche Brot, jede Stunde mit gröszerer Erbitterung ausgefochten, muszte zur Vereinzelung fiihren. Die kapitalistische Produktion warf rücksichtslos die alten Götterbilder in den Staub, sttirzte die Tempel der stiindisch gegliederten Gesellschaft und begann ihre Hexentanze auf den Trummern der Vergangenheit. Ihr war nichts heilig, als der Mammon; was für die Ewigkeit errichtet schien, warf sie ohne weiteres in die Rumpelkammer, sie verflüchtigte die festesten Begriffe, sie revolutionirte das wirthschaftliche System und sie revolutionirte dadurch die Köpfe. Der Handwerksman, welcher in der dumpfen Enge seines Stadtchens sein kargliches, aber sicheres Einkommen gefunden, muszte sehen, wie eine Schranke nach der anderen fiel, die unangenehmen Wettbewerb ihm ferngehalten, der Oualm der Fabrikschlöte raubte ihm die Lebensluft, der Boden wankte ihm unter den Füszen. Aehnlich erging es dem Kramer, ahnlich dem kleinen Landwirth, die alte Gemüthlichkeit, der Schlendrian der früheren Zeiten waren unwiderruflich dahin. War die genossenschaftliche Vereinigung zerstört, wozu bedurfte man dann einer genossenschaftlichen Moral ? Einer gegen Alle, Alle gegen Einen wurde die Losung. Da sich der Nahrungsspielraum verengte, so wurde auch die Grundlage, auf welcher das Ethos sich auf baute, schmaler: keine Verpflichtung gegen Genossen trat warnend dem Einzelnen entgegen. Der Stachel der ungezügelten Selbstsucht drang ohne Widerstand zu tinden in die Gemüther, und dasz dies geschah, ergab sich aus den Verhiiltnissen. Wollte der Kleinbiirger sich auf der Oberflache halten, so muszte er nicht achtend der Anderen, die mit ihm in dem gleichen Strudel trieben, die Fluthen rücksichtslos theilen. Der Untergang sollte verhütet, das Dasein gefristet werden. Die heftigen Angriffe, welche der beutelüsterne Groszbetrieb gegen den kleinbtirgerlichen Besitzstand richtete, steigerten die Angst, den Groll, die Leidenschaften des Bedrohten. Die drückende Sorge, das Bischen Hab' und Gut, die Scholle Erde, die dürftige Werkstatt, das Hauschen, das von einem Geschlecht auf das andere sich vererbt hatte, zu verlieren, bildet die Grundstimmung. Die Zahigkeit, mit welcher solch ein Kleinbiirger sich an seinen Besitz und an die Zugchörigkeit zu der Kaste klammert, welche ihn niemals für voll ansieht und sich seiner nur in Stunden der Gefahr erinnert, wo man schwielige Fauste und blinden Gehorsam brauchen kann, ist sein besonderes Merkmal. Um emporzukommen, Reichthum aufzuhaufen, eine glanzende Stellung einzunehmen, Ehrenstellen und einfluszreiche Aemter, prunkende Titel und andere Gnadenbezeugungen zu ei werben, sind gewisse Durchschnittsmengen von Kapital oder wissenschaftlicher Bildung, oder eine Reihe von Ahnen nöthig. Diese Bedingungen aber sind von der grossen Masse der Kleinbiirger, und von dieser wird gesprochen, nicht zu erfüllen, sie ist gezwungen in dem niederen Kreise zu verharren, welcher mit dem Kleinkram des Gelderwerbs zich tagaus tagein zu mühen hat. Diese Sphare gleicht der Abtheilung der Münze, wo die Bronze, das Kupfer und Nickel verarbeitet werden, wahrend die Groszbtirger die Banknotenpresse und die Pragstöcke, auf welchen das gleiszende Gold und das weisze Metall geschlagen wird, für sich in Anspruch nchmen. Ein gutes Wort des deutschen Mittelalters, das leider aus dem Sprachgebrauch ausgeschieden is, bezeichnet wohlfeile Waaren als Pfennigwerth. Man könnte unsere Klasse den Sozialen Pfennigwerth nennen. Mit scheuer Ehrfurcht und dumpfem, thatenlosem Aerger, der unbewuszt in den Herzen wirkt und nur stoszweise zttm Ausbruch kommt, blieken die Parias der Kapitalistenklasse zu den Machtigen empor. welche alle Schatze der Erde aufspeichern, alle Genüsse der Kultur durchkosten und von ihren Schreibstuben, Waarenlagern, Fabriken und Komptoirs die Welt regieren.'' (p. 120—121.) encore qui sont au dernier degré de la petite bourgeoisie, ont le raême développement que celui des prolétaires. La petite bourgeoisie se recrute surtout chez les descendants de cette classe, ensuite chez les bourgeois qui n'ont pas fait de bonnes affaires, et enfin d'exprolétaires; ces derniers ne peuvent vendre leur force de travail pour une raison quelconque et essayent de gagner leur vie en faisant valoir par le négoce un capital insignifiant. Leur niveau d'existance ne diffère pas de celui du prolétariat ou lui est inférieur. Une seule observation sur ce qui concerne la position de la petite bourgeoisie vis-a-vis des autres classes. ^ Klle est naturellement hostile a la bourgeoisie, puisque c'est celle-ci qui 1'a privée et la privé toujours encore de son influence. ^ctte hostilité est pourtant d'une autre nature que celle que la classe ouvrière a pour la bourgeoisie. La petite bourgeoisie envie la bourgeoisie. elle aussi aime a devenir riche et par cela puissante. Elle ne se sent pas non-plus solidaire de la classe ouvrière, dont la ferme volonté de s'émanciper du salariat lui semble une abomination. La position politiquc de la petite bourgeoisie, placée comme elle 1'cst entre la bourgeoisie et le prolétariat, est forcément devenue une position équivoque. C. Le prolétariat. Le prolétariat, c. a. d. cette classe de personnes qui ne disposent pas de moyens de production et qui ne peuvent exister que par la vente de leur force de travail, date des teinps modernes. Lntre 1 artisan indépendant et le prolétaire moderne se trouvait le compagnon, qui représente pour ainsi dire 1'anneau de la chaine. Cependant la difference entre compagnon et prolétaire est grande. Le compagnon était en général logé chez son maitre, il était son collaborateur et considéié comme membre de la familie. Et puisque les moyens de production étaient encore minimes et que le compagnon pouvait économiser sui son gain, il avait la chance de devenir tót ou tard maitre a son toui. 1 )ans eet espoir il se considérait plus ou moins solidaire avec son patron. La situation du prolétaire est tout différente: son travail est indépendant de celui de son patron; le prolongement de sa journée n implique pas que le capitaliste travaille plus longtemps aussi; on demeure sépaié, et peu importe au patron comment 1'ouvrier est logé et nouiri. Les moyens de production étant trés chers et les connaissances nécessaires lui faisant défaut pour diriger une affaire le prolétaire ne peut presque jamais devenir patron. Comme 1'exposé du système économique 1'a démontré ce sont des petits bourgeois ruinés qui ont formé les premières souches du prolétariat. Ouoiqu'il soit toujours encore renforcé de la même manière, la plus grande partie du prolétariat se compose maintenant des descendants des prolétaires. ,, . > On comprend aisément la situation du prolétariat pourvu qu on ne perde pas de vue la base du système économique actuel, c. a. d. que la production a lieu dans le but de produire au profit de quelques-uns la plus forte plus-value au préjudice du reste de la population. L'enfant du prolétaire est mis au travail a un age 0C1 celui du bourgeois mène encore une vie insouciante et n'a qu'a développer ses capacités. Le jeune prolétaire envoyé a la fabrique, se trouve placé dans un milieu composé de gens ignorants et grossiers qui ne se soucient guère de l'enfant qui prend bientót leurs mauvaises habitudes. C'est dans ce milieu que le prolétaire passera la plus grande partie de. sa vie sans espoir de jamais s'élever au dessus de sa condition. La plupart des métiers exercés ont une influence défavorable, parfois même trés nuisible sur la santé des ouvriers (grande chaleur, beaucoup de poussière, ou de gaz malsains etc.) On pourrait supprimer ou prévenir ces influences préjudiciables; mais 1'assainissement d'une fabrique étant coüteuse et ne rapportant pas d'intérêts, on négligé généralement les prescriptions hygiéniques. Nombre de métiers menacent sans cesse les ouvriers de mort 011 de mutilation ; et quoique des mesures de süreté puissent presque toujours conjurer ces dangers, pour les mêmes raisons sus-dites elles restent maintes fois encore inappliquées. Ensuite la durée de la journée. Un travail modéré est un agrément, un travail démesuré par contre est un tourment. Les journées ont été allongées au point de ne laisser que le temps strictement nécessaire au sommeil et aux repas propres a refaire les forces du travailleur (a part 1'influence des lois sur le travail et celle des syndicats). Même que la nuit soit la pour se reposer ne compte pas pour beaucoup d'ouvriers; dans un grand nombre de fabriques 1'équipe de nuit relève celle du jour. On a beau lire dans la sainte Ecriture qu'un jour a été institué pour le repos, cela n'empêche pas que pour beaucoup d'ouvriers le dimanche soit un jour de travail avec le système capitaliste, bien que nous vivions dans une société chrétienne. En général le travail dans les fabriques est monotone et par la abrutissant, et de plus trés fatiguant par sa grande intensité. En outre on y maintient une discipline parfois agacante. Ouelque nuisibles que s) Un examen attentif de cette théorie, qui est une application de la théorie de sélection darwinienne a la société, montre de prime abord, a supposer qu'elle soit exacte, qu'une différence importante se manifeste entre la lutte pour 1'existence dans la nature, et celle dans la société. Dans la nature les vaincus sont ou anéantis, ou mis dans 1'impossibilité de se procrécr, tandis que dans la société ce sont les classes les plus basses qui se procréent beaucoup plus que les classes supérieures. La il ne saurait être question non plus de survivance des plus aptes et d'anéantissement des incapables, comme dans la nature. Oui est ce qui reste vainqueur dans la lutte pour la vie sociale? Pour répondre il faut d'abord résoudre la question suivante: les chances sont-elles égales pour tous? Si ce n'est pas le cas il ne saurait être question du triomphe des meilleurs. II y a peu de questions sur lesquelles on difïfère autant d'opinion que sur'celle-ci. Généralement ces opinons ne sont que des conjectures, car elles ne sont pas basées sur un examen de faits. C'est pour cela que je veux rendre ici en quelques mots les trés importantes conclusions du prof. Odin dans sa „Genèse des grands hommes," travail considérable non seulement par la richesse des documents dont 1 auteur dispose, mais encore par sa trés scrupuleuse méthode dexaminer. Le prof. Odin a fait des études sur le milieu éducateur, le milieu économique, le milieu éthnologique, etc. etc. de tous les gens de lettres nés en f rance entre 1300 et 1830, au nombre de 6.382. Quant au milieu éducateur 1'auteur a pu se procurer des informations 1) On trouvc dans le travail du ür. L. Woltmann »I)ie Darwinsche Theorie und der Sozialismus" (p. Bi —135) lin résumé détaillé des oeuvres des auteurs qui se rangent a cette opinion. exactes sur 827 personnes : une bonne éducation avait été donnéeaSu soit 98, i°/n et 16 ou 1,9°/„ avaient eu une mauvaise éducation. Par des circonstances extraordinaires ces derniers ont pu suppléer au manque d'une bonne éducation. „Tout nous force .. .. a admettre que 1'éducation joue un róle non seulement important, mais capital, décisif, dans le développement de 1'homme de lettres". ') Le milieu économique dans lequel les gens de lettres avaient passé leur jeunesse a pu être découvert pour ce qui concerne 619 d'entre eux. 562 ou 9o,7°/o ont passé leur jeunesse a 1'abri de tout soucis matériel, 57 ou 9,3°/0 ont passé leur jeunesse dans 1'indigence ou 1'insécurité. En conséquence 1'auteur fait 1'observation suivante: „Comme on le voit, la onzième partie seulement des gens de lettres de talent ont passé leur jeunesse dans des conditions économiques difficiles. Cette proportion, déja trés faible en soi, parait bien plus frappante encore lorsqu'on cherche a se représenter le rapport numérique qui a dü exister, pour 1'ensemble de la population, entre les families aisées et celles qui ne 1'étaient pas. II est impossible, sans doute, de dire exactement quel a été en moyenne ce rapport pour toute 1'époque moderne. Mais il est clair que nous resterons encore bien au-dessous de la réalité, si nous admettons que les families de la seconde catégorie ont été trois ou quatre fois plus nombreuses que celles de la première. C'est dire que, par le seul fait des conditions économiques au sein desquelles ils ont grandi, les enfants de families aisées ont eu au moins de quarante a cinquante fois plus de chances de se faire un nom dans les lettres que ceux qui appartenaient a des families pauvres ou simplement a position économique instable !" 2) En outre, 1'auteur démontre que par des circonstances fortuites ces 57 gens de lettres qui ont passé leur jeunesse dans un milieu économique défavorable ont été mis a même de développer leur capacités. (Cinq seulement parmi eux ont aussi rec^u une mauvaise éducation.) Enfin le milieu social dont les gens de lettres sont sortis: Nombre des gens de lettres de talent CLASSES SOCIALES. relativement a la population totale de chaque classe sociale. Noblesse. 159 Magistrature. 62 Professions libérales. 24 Bourgeoisie. 7 Main d'oeuvre. 0.8 En examinant ces recherches, on voit que: sur 2 personnes de qualités innées égales celle qui est issue de la noblesse a environ 200 fois plus de chance pour devenir un homme d'une certaine importance que celle qui sort de la classe de la main d'oeuvre. La lutte de nos jours 1) p. 527 o. c. I. 2) p. 529 O. c. 1. a été caractérisée en la comparant a une course avec handicap, dans laquelle le premier doit parcourir la piste avec un fardeau sur le dos, le second a cheval, le troisième en exprès. Cependant la réalité est encore plus forte! Sans doute il ne faut pas oublier que les recherches du prof. Odin comprennent en partie une période qui sous bien des rapports, diffère essentiellement de la nótre (de la entre autre le petit contingent de la bourgeoisie) et que, depuis ce temps 1'instruction est devenue plus solide et beaucoup plus génerale, ce qui augmente les chances de réussite pour un homme doué sortant d'un milieu nécessiteux. En second lieu ce sont les gens de lettres et non pas les capitalistes qui étaient le sujet des recherches, et puisque ceux-la doivent sans doute disposer de plus grandes aptitui^es innées que ceux-ci, il est tout naturel que quelqu'un sans argent parviendra plus facilement a gagner un capital, que ne le ferait supposer les chiffres mentionnés qui n'ont en vue que les gens de lettres. Pourtant tout cela n'empêche pas qu'il ne soit prouvé par les recherches du prof. Odin que le fait d'être né dans une classe oü la jeunesse est sans soucis et jouit d'une bonne éducation procure un avantage énorme dans la lutte pour la vie. !) Afin d'empechcr de fausses interprétations je veux encore reproduire la conclusion du prof. Odin, d'oü il ressort qu'il ne nie absolument pas que les capacités innées différent beaucoup entre elles (ce qui du reste, n'est combattu que par peu de gens et peut être considéré comme décidé): „L'hérédité et le milieu concourent 1'un et 1'autre au développement du talent. On pourrait caractériser comme suit leur sphère d'action respective: a qualités héréditaires identiques, — a supposer le cas possible, — c'est le milieu qui cause toute la dififérence entre les individus; a milieu identique, c'est l'hérédité. Posée en ces termes, la proposition est banale. Ce qui 1'est moins, puisque cela a été établi ici pour la première fois peut-ètre avec certitude, c'est que l'hérédité a elle seule ne peut rien. Si puissantes que soient les dispositions naturelles données par l'hérédité, elles ne peuvent se développer que dans un milieu favorable. Jetées dans un milieu défavorable, elles s'atténuent dans la mesure oü ce milieu leur est contraire, et peuvent mëme finir par s'atrophier au point de ne plus être sensibles pour nous. La toute-puissance prétendue de 1 hérédité n'est qu'une illusion, résultant d'une confusion élémentaire entre l'hérédité et la simple parenté. Ce n'est pas tout. Nous avons pu détcminer de plus prés quel est le milieu indispensable au développement du talent littéraire. C est une bonne éducation, rcndue possible par certaines circonstances sodales et économiques avantageuses, en d'autres termes, un milieu socialconvenable. -) 1) Comme on le sait, Galton est un des auteurs qui nient cette thèse. Un des rares exemples qu'il produit comme preuve est d'Alembert, qui, malgré le milieu éducateur défavorable, est devenu une célébrité. (Voir p. 34—39 de »I lereditary Genius"). Malheureusement pour Galton, le prof. Odin prouve que d'Alembert a eu une excellente éducation et a vécu dans des conditions économiques relativement favorables (Voir p. 538 I de »Genèse des grands hommes"). Voir encore la critique sur Galton par le prof. Odin (p. 192 sqq. o. c. I). =) p. 562 o. c. I. Comme seconde forme de handicap, il faut parler de 1'héritage. Impossible d'évaluer en chiffres eet avantage, mais il est incontestable que celui qui est devenu riche de cette manière n'a pas besoin de grandes connaissances ni de grande intelligence, pour rester riche. 1'ourvu qu'il ne spécule pas, ou ne dissipe pas son argent, il pourra en jouir durant toute sa vie; la lutte pour 1'existence lui est donc inconnue: dès le „start" il a déja un pied tout prés du „but". Ces deux circonstances déja ont pour résultat que les classes ne correspondent absolument pas aux groupes qui séparent les hommes d'après leurs capacitós. Cependant nous devons maintenant laisser de cóté les cas dans lésquels 1'un a une avance sur 1'autre, et donner réponse a la demande: „En quoi excellent les vainqueurs dans la lutte ? D'abord il faut attirer 1'attention sur un groupe de capitalistes qui ont acquis leurs richesses sans que leurs aptitudes fussent en jeu mais qui était redevable de tout a la chance c. a. d. les spéculateurs, les gagnants de gros lots, les gens qui font de riches mariages, etc. etc. Ensuite mentionnons les autres capitalistes, les grands fabricants et commercants. En quoi se distinguent-ils ? D'abord par 1 énergie et 1 activité puis par un grand talent organisateur, et surtout une main heureuse dans le choix de leurs principaux employés, enfin par un besoin de luxe qui ne doit pas être exagéré pour ne pas mettre la formation du capital en danger, ni trop restreint pour ne pas faire supposer que la fortune périclite. Les premières de ces aptitudes doivent certainement être considérées comme des plus favorables; le talent organisateur surtout est de haute importance, car il est sans contredit un facteur de progrès social. C'est a cause de ce talent et non pour leur richesse fabuleuse seule que les noms de Pierpont Morgan, de Rockefeller et d'autres directeurs de trusts ne seront pas tout a fait oubliés après leur mort. Mais ce ne sont pas les seules capacités dont ces gens doivent disposer. Pour diriger une entreprise capitaliste, il faut entre autre disposer d'une bonne dose d'insensibilité aussi bien pour ses ouvriers que pour ses clients (qu'on pense p. e. combien le pétrole de la Standard Oil Company est inflammable, ce qui augmente les bénéfices, mais aussi les chances d incendie, etc.); puis il ne faut pas être trop scrupuleux pour ce qui concerne la vérité (réclame etc.), ni trop montrer de caractère (quelque impertinents que soient ses clients le capitaliste accepte tout dans la crainte de les voir passer chez un concurrent etc.). Pourtant, celui qui dispose de toutes ces qualites n est pas sür du tout encore de pouvoir améliorer, ou mème se maintenir dans sa position; les crises (ainsi qu'il a été démontré, sont inévitablement liées au capitalisme mème), frappent parfois aussi les capitalistes les plus solides et les plus énergiques; par une nouvelle méthode de travailler ou par une invention quelconque 1'entrepreneur le plus actif, le plus intelligent peut se voir devancé par un concurrent. En dehors de toutes circonstances fortuites, dans la société actuelle la lutte jxrnr 1'existence est une lutte entre les mieux armés, c. a. d. entre ceux qui ont les meilleures machines etc. Mais le fabricant qui peut se procurer les meilleures machines, qui peut donner a son établissement un aménagement qui répond aux dernières exigences techniques et autres, qui peut s'attacher les plus aptes techniciens, etc. ce fabricant est celui qui a le plus de capital. La lutte a lieu, en réalité, entre capitaux. Dans son travail „die Darwinsche Theorie und der Sozialismus" le Dr. L. Woltmann a bien fait ressortir en quelques phrases la différence entre le combat dans la nature et celui qui a lieu dans la société. II dit: „Auch die Kulturgeschichte des Menschengeschlechts vollzieht sich auf Grund der grossen biologischen Prinzipien der Anpassung, Vererbung und Vervollkommnung im Kampf ums Dasein. Aber zwischen ihrem YValten im Tierreich und in der Menschenwelt bestehen folgende wesentliche Unterschiede. Erstens findet bei den Tieren der Daseinskampf mit organischen Mitteln zu organischen Zwecken statt, wahrend bei den Menschen die technischen Werkzeuge und wirthschaftlichen Produktionsmittel hinzutreten, welche ausserlich ohne notwendigen genetischen Zusammenhang den einzelnen Individuen zur Verftigung stehen. Zweitens ist die Vererbung bei den Tieren eine organische, wahrend bei den Menschen noch eine aussere juristisch geregelte Vererbung von technischen Arbeitsinstrumenten und weiterhin von Kapital hinzutritt. Bei den Tieren ist drittens der Daseinskampf ein Wetteifer der organischen Produktion und Reproduktion, wahrend bei den Menschen, speziell in der kapitalistischen Ordnung, eine Konkurrenz um Waren und Stellen, ein Kampf nm den Profit stattfindet, der mit der natiirlichen Zuchtwahl kaum etwas gemein hat". ') Ainsi on voit donc clairement qui peut monter de la classe nonpossédante a celle des possesseurs: ce sont ceux a qui le sort est particulièrement favorable, ou qui, disposant des qualités nécessaires au capitaliste, ont la chance de rencontrer des circonstances qui les mettent en évidence. Ceux qui sont rejetés de la classe des capitalistes, sont ceux qui ont été malheureux ou ceux qui ne possèdent pas les qualités requises pour les capitalistes. La réponse a la question posée „les classes actuelles sont-elles aussi les groupes oü les hommes peuvent être rangés selon leurs qualités" doit décidément être négative. La bourgeoisie n'est pas ia classe régnante paree que les gens les plus intelligents et les plus énergiques se trouvent partni ses membres : on y compte aussi des personnes sans énergie, des gens stupides, bref de moindre valeur de même que parmi les petits bourgeois et les prolétaires se rencontrent également des gens trés capables. Le fait d'être exclu de la classe des possesseurs n'est donc pas encore une preuve d'infériorité. Si les supérieurs étaient ceux qui mènent la société ce devraient être les grands penseurs, les savants, car ce sont eux qui ont fait progresser 1'humanité, et qui ont voulu son bien. Car même si les capitalistes avaient plus que d'autres servi le progrès, c'eut été par hasard puisqu'ils n'ont toujours eu qu'en vue leur propre profit. L'intelligence peut se faire illusion et croire qu'elle dirige le monde, en réalité elle est exploitée par les capitalistes et a leur profit. Je pourrais facilement citer nombre d'auteurs célèbres dont 1'opinion est unanime que les vainqueurs dans la lutte actuelle ne le sont pas paree J) p. 80. qu'ils sont dos hommes supérieurs. ') Je veux me borner a rappeler 1 opinion de quelqu'un dout personne ne contestera 1'autorité, c. a. d. Ch. Darwin. Voici ce que Wallace communiqué la-dessus : „In einer meincr letzten Unterhaltungen mit Darwin sprach er sich sehr wenig hoftnungsvoll tiber die Zukunft der Menschheit aus, und zwar auf Grund der Beobachtung, dass in unserer modernen Civilisation eine natürliche Auslese nicht zu Stande komme und die Tüchtigsten nicht iiberlebten. Die Sieger im Kampf um das Geld sind keineswegs die Besten oder die Kltigsten, und bekanntlich erneuert sich unsere Bevölkerung in jeder Generation in starkerem Maasse aus den unteren als aus den mittleren und oberen Klassen." 2) Un examen de la lutte pour 1'existence de la classe moyenne démontre que tout ce qui arrivé en grand dans la bourgeoisie s y reproduit en petit. Celui qui a pen de capital est dépassé par un concurrent qui en a un plus grand, même quoique le premier soit entièrement apte a ses affaires, des crises exercent ici également leur influence ruineuse, et frappent aussi bien les habiles que les inhabilcs. La différence, pour ce qui concerne la lutte pour 1'existence, entre la classe en qucstion et la bourgeoisie, consiste en ceci: le moins énergique, le moins intelligent de la classe moyenne court plus de danger a retomber hors des rangs que quelqu'un de la bourgeoisie qui est son égal. Enfin le prolétariat. Ici aussi élimination de beaucoup d individus non paree qu'ils sont incapables, mais superflus dans le mode de production actuel, ensuite de ceux que la vieillesse ou la maladie rendent impropres au travail. Ici il faut mettre en ligne de compte un facteur, qui est de moindre importance dans les autres classes, c. a d. la force corporelle et la santé. Tandis que le prolétaire n a besoin ni de beaucoup de savoir, ni de grande intelligence, pour exercer son métier, il a une arme puissante pour soutenir la lutte pour 1'existence dans sa force musculaire et la santé, et des conditions défavorables ayant une forte influence sur lui (profession malsaine, longue durée du travail, etc.) le faible et le maladif devra „ceteris paribus" dans la lutte actuelle pour 1'existence le céder a un concurrent plus fort et mieux portant. Et enfin, dans cette lutte aussi, le moins actif, le moins solide parmi les ouvriers, aura le moins de chances de réussite, supposé les conditions égales. Ainsi nous voila revenus a notre point de départ, le bas prolétariat. II ne se compose donc pas seulement, comme on le prétend parfois, d'êtres inférieurs de nature, de personnes qui ne sont propres a rien. Dans la grande majorité des cas les conditions sociales sont les causes exclusives et directes de leur position inférieure et non leurs aptitudes. A 1'appui je donnerai quelques chiffres, qui démontrent aussi 1'importance des causes comparées entre elles. !) Voir p. 32—81, et p. 334 sqq. du travail cité du Dr. L. Woltmann, ou il cite plusieurs auteurs qui sont de cette opinion. ... Sur le sujet entier voir e. a. le Dr. A. Ploetz »Die lüchtigkeit unsrer kasse und der Schutz der Schwachen'' et le Dr. D. van Lnibden ^Darwinisme en Deinokratie, 2) p. 10. »Menschliche Auslese" (Zukunft, 1894). EMPIRE ALLEMAND. (1885) Sur 100 pauvres assistes (total de 1.592.386). Blessures de la personne assistée même „ du soutien de la familie . . Mort tt ji 11 » ti • • • »» ff tf tt . tt tt ... Maladie de 1'assisté ou d'un des siens. Infirmités corporelles ou intellectuelles. Faiblesse de l'&ge Grand nombre d'enfants Chómage forcé Alcoolisme Paresse Autres causes désignées „ „ non-désignées .... Co-assistés. ') par accident non Par . . accident 1,04 0,09 0,36 8.35 15,24 8.97 12,32 i,34 2,23 0,88 0,71 4,09 0,06 44,32 100,00 2) Le tableau indique que 44,32°/0 des assistés sont co-assistés; que 8,8°/0 des assistés sont devenus indigents par la mort ou par les blessures du soutien de la familie ensemble donc 53,12°/„ des assistés, dont la cause de 1'indigence ne se trouve pas dans les personnes mêmes, mais dans le milieu social. (Généralement on désigne ces personnes ainsi: pauvres qui ne le sont pas devenus par leur „propre faute"; on ferait bien de ne plus se servir d'une expression si vague que celle de „propre faute".) i,34°/o sont des gens avec une grande familie, c. a. d. des gens dont le salaire est trop petit pour qu'ils puissent entretenir les leurs; 2,23°/,) sont des sans-travail, c. a. d. des personnes qui veulent bien travailler, mais qui ne peuvent trouver d'occupation. 12,32°/0 sont fourni par ceux qui ne peuvent plus travailler par suite de 1'age. Par conséquent 69,01 °/0 déja des assistés sont devenus indigents par des causes ne dépendant pas d'eux-mêmes! Viennent ensuite 25,25°/0 des assistés qui ont été blessés, ou qui sont malades, ou qui ont des infirmités corporelles ou intellectuelles. Ce sont encore des causes sociales qui jouent un grand róle dans 1'étiologie de ce qui précède (mauvaises conditions d'habitation favorisant la 1) D'après cette statistique 1'on compte comme co-assistés tous les enfants et petits-enfants (ügés de moins de 14 ans) et les femmes, qui demeurent avec 1'assisté. II suffit de constater que 1'indigence de ces co-assistés ne trouve pas sa cause dans les personnes mêmes, mais dans les circonstances; les causes de 1'indigence des soutiens de familie se trouvent dans les rubriques citées ci dessus. 2) Ce calcul est fait d'après le «Statistisches Jahrbuch für das Deutsche Reich" X, 1889, p. 206—208. tuberculose, manque de mesures protectrices contrc les dangers aux quels exposent des machines comme cause d'accidents etc. etc.). D'autres de ces personnes sont nées faibles ou maladives, dans ces cas on peut donc parler de causes individuelles de pauvreté, quoique les conditions sociales aient contribué a leur tour par leur influence sur les parents a rendre les enfants chétifs. C'est pourtant un phénomène social que des prolétaires malades et faibles sont abandonnés a eux-mêmes: ils ne se trouvent dans cette condition que paree qu'ils ne posscdent pas de moyens de production et ne sont plus en état de vendre leur force de travail. Maintes fois on lit dans des traités sur la morale combien il est honteux que des peuples nomades abandonnent ou tuent leurs vieillards et leurs malades, et comme par ces coutumes, ils donnent une preuve de plus de leur infériorité morale. Mais ceux qui parient de cette facon oublient que, malgré notre civilisation actuelle, un grand nombre de personnes passent encore leur vieillesse dans la plus noire miscre; ils oublient aussi que de la manière dont vivent les peuples nomades, ceux-ci sont bien forces de se défaire des vieillards et des malades, puisqu'il leur est impossible de les emmener avec eux; ils oublient aussi que, par le peu de pouvoir qu'ils ont sur la nature, les nomades se trouvent souvent dans des circonstances matérielies excessiveinent difficiles, de sorte que leur manière d'agir n'est jugée immorale par aucun des leurs;1) enfin, ils oublient que la productivité du travail est si énorme a présent que tous les vieillards et tous les malades pourraient être secourus: une partie des dépenses faites en luxe superflu y suffirait déja. Nous avons maintenant encore a examiner les deux dernières rubriques: paresse et alcoolisme. Comme les chiffres donnés plus haut le font voir, elles ne forment qu'une trés petite partie des causes : ensemble i,59°/02). Parmi les causes qui ont amené ces personnes au point oü elles en sont il y a aussi des facteurs sociaux. 1'lus loin je parlerai du rapport entre le système économique actuel et 1'alcoolisme. Mais maintenant nous pouvons constater, pour ce qui concerne les 0,71 °/0 despersonr.es qui ne veulent pas travailler, qu'une partie d'entre elles, dont il est impossible de fixer le nombre, ont grandi dans un milieu nefaste, oü elles n'ont jamais été habituées au travail assidu et régulier, de sorte que, pour toute leur vie elles sont devenues incapables. lt Qu>on lise le passage suivant de «Illustrations of the manners, customs and conditions of the North-American Indians" par G. Catlin : »This cruel custom of exposing their aged people, belongs, I think, to all the tribes who roam about the prairies, making severe marches, when such decrepit persons are totally unable to go, unable to ride or to walk, — when they have no means of carrying them. It often becomes absolutely necessary in such cases that they should be left; and they uniformly insist upon it, saying as this old man did (c a. d. un vieillard rencontre par 1'auteur dans ses voyages), that they are old and of no further use — that they left their fathers in the same manner — that they wish to die, and their childien must not mourn for them." (1. p. 217). Voir encore pag. 158 de mon livre, oü je cite un passage semblable. 2) Les chitfres, donnés par J. S. dans »Aus den Ergebnissen der sachsischen Armenstatistik" (Neue Zeit [894—95 II), confirment ceux du tableau mentionne, si 1'on ne perd pas de vue que j. S. ne donne pas les co-assistes separement. Sur 100 assistés continuellement il n'y en avait que 3,85 qui 1'etaient par suite de paresse et d'alcoolisme. Les chiffres de Ch. üooth dans son «Paupensm demontrent que Reste encore a nommer un deuxième facteur social : les grands désagréments résultant de plusieurs professions, empirés par la longueur des journées et les salaires minimes. Pour ne citer qu'un exemple : le mineur obligé de travailler des heures entières dans une atmosphère viciée, dans une position souvent pénible, et sans cesse entouré de dangers, tout cela pour un salaire minime; si 1'on pense a cela on s'étonnera bien plus qu'il y ait des millions de travailleurs qui passent ainsi leur vie, tandis qu'en comparaison un nombre trés restreint s'y refuse. Cependant, si 1'on met tout cela en ligne de coinpte il est certain qu'il y a, parmi le bas-prolétariat des gens qui sont prédisposés a la fainéantise par leur constitution congénitale. II est indubitable que ces gens sont des malades. Le prof. M. Benedikt dit en parlant de la neurasthénie physique: „Sie reprasentirt nicht so sehr eine absolute Schwache, sondern vielmehr eine baldige Erschöpfung verbunden mit einem peinlichen Schwachegefühl. Wir machen in unsrer Kindheit mehr Muskelbewegungen als notwendig ist, und aus dem Lustgefühl, das daraus entspringt, entwickeln sich die ersten Elemente der Lust an der Arbeit. Wenn jedoch das Kind rasch ermüdet und die Muskelaktion baldigst ein lebhaftes Unlustgefühl erzeugt, so entwickelt sich daraus Arbeitsscheu oder physische Neurasthenie') On doit soigner et guérir si possible ces malades, si non les empêcher de procréer afin qu'ils ne nuisent pas a la société. Le nombre de ceux dont la pauvreté trouve sa cause en eux-mêmes, n'est donc pas trés considérable. Néanmoins il est un peu plus élevé que les statistiques données ne le font supposer, car il y a aussi quelques bourgeois et petits-bourgeois ruinés par suite du manque des capacités exigées etc., qui sont peu a peu descendus plus bas et se sont vus incorporés finalement dans le bas proletariat. 1'alcoolisme forme un plus important facteur dans les deux endroits qu'il a étudiés (i2,6n/o et 21,90/d); pour la paresse les chiffres sont 1,9 et 10,6°/„. Une statistique des Pays-Bas confirme en général les chiffres de celle de 1'empire d'Allemagne: Assistes temporaires. Causes d'indigence | 10 ' /o Maladie ou autres j maux 1 -*'1 Manque ou amoin- „ drissement de travail " '9 Alcoolisme 2,6 j 2,6 Autres causes I 24,4 ' 23,4 100,0 100,0 continuellement assistes. Causes d'indigence ' 1 10 h< Maladie ou défauts ,oie Verwandtschaftsorganisationen der Australneger" p. 184 sqq.). !) Voir Steinmetz o. c. p. 817. 2) On voit clairement combien il est inexact de vouloir expliquer la position sociale actuelle de la femme par la soi-disante «théorie de la violence", d'après laquelle on raisonne comme suit: «en moyenne 1'homme est plus fort et plus intelligent que la femme, ce qui fait qu'il a réussi k la subjuguer." Si cette théorie était juste, la position de la femme devrait être toujours et partout la niême, ce qu'elle n'est pas, comme nous le verrons plus loin. La vérité est que ce n'est pas la prépondérance physique et intellectuelle (dont la mesure ne peut être déterminée par suite de la différence énorme de 1'éducation et du milieu des hommes et des femmes) qui règle les rapports des sexes, mais bien le mode de production. Chez les peuples primitifs sus-nommés ce n'est pas puisqu'il est plus fort que la femme, que 1'homme règne, mais paree que sa plits grande force est de si haute importance dans leur mode de production. 23 les outils dont il a besoin pour ses occupations; la femme recueille des racines et des lierbes, prépare la nourriture et se livre a d'autres travaux de ménage. Quelques-uns de ces peuples sont a même de produire plus que cc dont ils ont besoin, ce qui occasionne un commerce assez important, d'oü parfois une grande inégalité dc fortune bien que le sol soit propriété commune. A ce degré de développement la femme est d'une grande utilité, ce qui fait qu'un père ne donne pas sa fiile mais qu'il la vend. Puisque 1'homme a donc acheté sa femme, eile devient sa possession, il peut en disposer comme il veut; son intidélité est punie de mort. Si 1'acquéreur n'a pu entièrement s'acquitter, ou s'il a re^u des cadeaux de valeur de son beau-père, ou d'autres parents de sa femme, il est un peu limité dans son pouvoir surtout puisque, dans le dernier des cas nommés, il est obiigé de rendre les cadeaux quand il veut répudier la femme. Pourtant un mari ne répudie que rarement, puisque la femme est trés utile a 1'homme et qu'il 1'a ordinairement payée cher. Voila aussi pourquoi la polygynie, quoique presque partout permise, est rare: les trés riches seulement peuvent se permettre le luxe de plus d'une femme. La position de la femme est la moins mauvaise dans le cas oü elie 11e suit pas le mari, mais ou c'est lui qui vient habiter chez elle, c. a d. chez son père a eile. Cela arrivé parfois quand 1'homme n'a pu payer le prix d'achat tout entier, parlois quand le beau-père est beaucoup plus riche que le gendre. Dans ce dernier cas le gendre préfère profïter de la richesse et du pouvoir de son beau-père, qui du reste ne demande pas mieux que de garder sa fille dans sa maison, de cette fa^on au lieu de perdre une force de travail il en gagne une seconde par la venue du mari. Nons arrivons maintenant aux „peuples pasteurs' habitant principedement 1'Asie et 1'Afrique. ') De même que la chasse n est pas la seule ressource des groupes précédents, 1'élevage du betail n'est pas exclusivement celle de ce groupe-ci, mais simplement la principale: de la leur nom. L'élevage du bétail est le travail des hommes attendu qu'il est procédé génétiquement de la chasse, exclusivement exercée par les hommes, tandis que les femmes, ici encore, recuëillent des racines, des fruits et des herbes et s'occupent du ménage. Quoique la terre soit en commun, il y a des différences importantes de possession, puisque le bétail, qui forme la plus grande ressource, est propriété individuelle, et aussi puisque guerre et rapine sont parfois des ressources importantes. La polygynie est permise et les nomades prennent autaut de femmes qu'il leur est possible d'en payer et d'en entretenir. De la que ce 11e sont pourtant que les riches qui sont a même de s'acheter plus d'une femme, puisque les pères se les lont bien payer. Ayant été achetée, la femme est devenue propriété entière de 1 homme qui peut 1'expioiter de toute fa$on, l'abandonner, et quand il vient a mourir, la laisse, tout comme le reste de ses richesses a ses héritiers. L adultère de la ') Les modes de production dont il y est successivement question ne forment point d'enchainement; en Amérique p. e. il ne peut etre question de peuples pasteurs. ^Voir Grosse, o. c. p. 29). femme est sévèrement puni, tandis que i'homme est libre. Souvent il faut entendre la polygynie dans ce sens que ce n'est qu'une des femmes qui est considérée comme 1'épouse légitime dont les enfants seuls ont droit a 1'liéritage, tandis que les autres femmes ne sont que des concubines. La position de 1'épouse légitime vis-a-vis de son mari ne 1'empêche pas d'être esclave comme les autres femmes. Nulie part la femme n'est aussi humbie que chez les peuples pasteurs, et nulle part non plus le röle de I'homme dans la vie économique n'est aussi important que chez ces peuples. Examinons ensuite les „agricuiteurs inférieurs" (parmi lesquels e. a. la plupart des Peaux-Rouges de 1'Amérique septentrionale, et un grand nombre de peuples de 1'Afrique et des lndes Orientales). Quand les peuples chasseurs, par des circonstances fortuites (grande richesse en gibier etc.), ont cessé d'errer continuellement, la possibilite pour eux est de passer a 1'état d'agriculteurs. ') L'agnculture est a son tour fait que ceux qui 1'exercent deviennent de plus en plus sédentaires. La culture du sol s'est développée en connexité avec la récolte des fruits et des racines, de la que primitivement elle fait partie du champ de travail de la femme, ainsi 1'importance économique de la femme monte, et un père est de moins en moins disposé a donner ses filles en mariage contre un petit équivalent. Le futur mari est obligé soit d'acquérir sa femme contre un prix d'achat important, soit de la „gagner", en servant temporairement le futur beau-père. Ainsi, quoique la polygynie soit permise, ce ne sont que les riches et les chefs qui peuvent se procurer plus d'une femme. Puisque 1'agriculture exige beaucoup de bras, les parents essayent de garder chez eux leurs enfants aussi iongtemps que possible. -) Ainsi se crée 1'habitude de plusieurs families de vivre dans la même maison et que le mari vient habiter avec sa femme chez la familie de cette dernière quand il ne peut pas payer le prix d'achat convenu. Si ce n'est pas le cas, une relation étroite existe quand même entre la femme et sa familie, dans laquelle elle retourne, avec ses enfants, quand son mari vient a mourir. Plus la position de la femme dans la vie économique devient importante, plus il arrivé que la femme mariée reste dans sa familie, et son mari dans la sienne, et que leur union ne consiste qu'en des visites plus ou moins fréquentes, rendues par I'homme a sa femme, II s'explique pourquoi la position de la femme, dans cette période, en général est meilleure que dans les précédentes. D'ordinaire c'est la femme qui laboure la terre et qui soigne le ménage, tandis que I'homme chasse et confectionne les outils dont il a besoin; et puisque 1'agriculture donne une production plus régulière et plus süre que la chasse, il en résulte que la position de la femme s'améliore. La femme devient moins dépendante de I'homme, atel point que par exemple elle aussi peut rompre le mariage, ce qui n'existe pas dans les autres stades comme nous 1'avons vu, oü la femme était 1a propriété de I'homme. (Les excepüons assez nombreuses s'expliquent !) Sur 1'origine de 1'agriculture voir: H. Cunow «Arbeitstheilung und Frauenrecht" (Neue Zeit 1900—1901; i p. 102 sqq.). 2) Voir la-dessus : C. N. Starcke «Die primitive Familie" p. 106—107. du fait que les hommes contribuent alors aussi a la culture du sol). Cela est surtout le cas quand se formait une communauté domestique dans laquelle les femmes gouvernaient (matriarcat). ') Ainsi se développe même parfois une situation, dans laquelle les femmes ont une influence assez importante même en dehors de la familie (gynécocratie). Comme les considérations précédentes 1'ont déja démontré ce n'est pas la familie qui, dans ce stade de developpement, se trouve au premier plan. Tandis que, durant les périodes que j'ai examinées avant celle-ci, le „clan" (en latin „gens" en allemand „Sippe") c. a d. un groupe de personnes qui, toutes, descendent d'une seule, n'ont d'importance que sous ce rapport qu'il leur est défendu de se marier entre elles, chez les cultivateurs inférieurs le clan se développe en un groupe de gens consanguins, qui vivent en communauté et, dans la plupart des cas, le clan est maternel, c. a d. la descendance et le droit de succession sont réglés d'après la ligne maternelle. Cependant aussitót que 1'agriculture devient de plus en plus importante, surtout quand 1'élevage du bétail, le commerce et 1'industrie commencent a se développer a cóté d'elle, le rapport entre les sexes se modifie d'une manière considérable. L'homme abandonne la chasse, cette ressource toujours moins importante, et s'applique de plus en plus a 1'agriculture et a d'autres branches, et la femme le seconde seulement dans ces occupations. Par suite de la productivité sans cesse croissante du travail, l'homme peut produire plus qu'il ne lui faut pour la consommation. La possession d'esclaves devenant donc avantageuse, 1'esclavage prend des proportions de plus en plus grandes et de cette facon aussi la position de la femme dans la vie économique devient moins importante. L'homme devient donc de nouveau la cheville ouvrière et son autorité redevient aussi forte que durant les périodes dont il a été question au commencement. Ce n'est plus l'homme qui habite chez sa femme et sa familie, mais c'est au contraire la femme qui demeure chez lui. Nous avons vu plus haut que chez les cultivateurs inférieurs c'est le clan, et surtout le clan maternel qui tient la première place. Par le développement économique le clan maternel dut céder au clan paternel. Dans le clan il y avait égalité, puisque la terre, le moyen de production le plus important, et la maison se possédaient en commun, mais sa disparition provint du developpement du commerce et de 1'industrie dont les produits étaient, dès le commencement, propriété privée. Cette inégalité a été encore augmentée premièrement paree que la propriété privée de terre commen9a a se former a cóté de la propriété en commun. En second lieu par la guerre car le butin n'était pas le même pour tous les guerriers, et il se forma grace a elle une classe de gens (esclaves) dont les intéréts étaient opposés a ceux des vainqueurs. Ce développement de la possession privée induit nécessairement a un changement graduel du clan maternel au clan paternel. Car dans le premier cas un père devait laisser ') Le droit de la mère de léguer son nom a 1'enfant (Mutterrecht) est bien distinct du matriarcat; ce droit se rencontre chez des peuples oü 1'on ne connait pas le matriarcat. Voir encore sur 1'origine du matriarcat: le Dr. L. v. Dargun «Mutterrecht und Vaterrecht" p. 67 scjq. ses propriétés aux membres de son clan (nous avons vu que c'était 1'homme qui devenait le propriétaire des richesses privées). Et puisque ses enfants appartenaient toujours a un autre clan que le sien, c. a d. au clan de leur mère, les enfants n'héritaient pas de leur père. De la le changement sus-nommé. ') Mais ce ne fut pas tout. Par les grandes modifications dans le mode de production, dont nous avons déja parlé, 1'importance du clan diminua de plus en plus, et a la longue il disparut tout a fait. Tant qu'il y avait égalité entre les membres du clan, tant que les rapports sociaux étaient peu compliqués, le clan et les organisations qui en découlaient et qui n'étaient que des combinaisons de clans suffisaient entièrement comme organisation sociale. Mais une telle organisation purement démocratique n'était plus adaptable a une société avec des riches et des pauvres, avec des hommes libres et des esclaves, et dans laquelle il y avait donc un groupe nombreux d'opprimés, etun groupe plus petit d'oppresseurs. Le clan et les combinaisons des différents clans furent remplacés par 1'Etat, c. a d. par une organisation qui avait pour but principal de maintenir autant que possible 1'orclre extérieur dans une société, dans laquelle les intéréts des différents groupes se contrarient ainsi que ceux des individus, et d'avoir soin que ce combat des intéréts se fasse régulièrement. 2) Cette organisation est par conséquent toute autre que celle du clan, dont le but était de prendre a coeur les intéréts de la communauté; et il est évident que dans une organisation pareille c'est la classe la plus importante et la plus influente qui prime. D'un cóté donc le clan se perd dans 1'Etat; de 1'autre la familie, jouant un röle secondaire durant la période oü le clan était généralement répandu, devient de plus grande importance. Le clan se divise en „grandes families" (en allemand: Grossfamilien), c. a. d. mari, femme et leurs enfants non-mariés de même que leurs descendants males avec leurs femmes et enfants etc; le père est le maitre de toutes ces personnes et de toutes les richesses. Cependant ce n'est que peu a peu et au fur et a mesure que 1'on s'éloigne du clan, que 1'autorité du père devient illimitée. Cette fornie de familie s'est niaintenue jusqu'a nos jours en Chine et au Japon et était générale durant les premières périodes de 1'antique Rome. En Chine la femme, dont la travail est entièrement limité aux occupations ménagères, a une position qui, sous tous les rapports, est celle d'une subordonnée. Pour sa vie entière elle est soumise a 1'homme: elle ne peut jamais obtenir le divorce, tandis que le mari peut dissoudre le mariage pour rien; le mari qui surprend sa femme en adultère a le droit de la tuer; lui par contre peut prendre des concubines. Au Japon la position de la femme est a peu prés la même; dans la Rome de 1'antiquité aussi, quoiqu'elle y fut un peu moins dépendante (au commencement 1'homme eut le „jus vitae ac necis", plus tard seulement pour le cas d'adultère) et dans le cours des temps elle s'y améliora même. 1) Voir k ce sujet L. H. Morgan, »Die Urgesellschaft", p. 292 et v. Dargun, o. c. p. 131 —132. , 2) Le cadre de ce livre ne permet naturellement pas d'entrer dans des details. Voir: Morgan, o. c. II« P. ehap. X et XIII, et F. Engels «Ursprung der Familie, des Privateigenthums und des Staats", chap. V, VI, VIII. A mesure que le mode de production se développa et que, par suite la vie sociale se modifia, la „grande familie" disparut') pour être remplacée par la familie moderne, c. a d. le mari avec sa femme et leurs enfants non-mariés. Par 1'extension de plus en plus grande donnée a la répartition du travail, les fils purent plus facilement subvenir euxmêmes a leurs besoins et se soustraire ainsi a 1'autorité paternelle, (rappelons le „peculium castrense" et „quasi-castrense" des Romains) et le pouvoir croissant de 1'Etat favorisa cette tendance en limitant 1'autorité du père. Les meilleures sources d'études sur les premières phases du mariage monogame nous sont fournies par Tanden ne Grèce. La encore soumission absolue de la femme a l'homme. Après le décès de celui-ci la femme est sous la tutelle de son fils. L'homme peut répudier sa femme, la donner a un autre. Lui, a la pleine liberté d'avoir commerce avec d'autres femmes; la femme adultère par contre est sévèrement punie. Les occupations de la femme se bornent a tisser a filer et a s'occuper du ménage; sa vie se concentre dans la maison oü son autorité est trés limitée, tandis qu'elle est entièrement nulle au dehors. En comparant la position de la femme durant la période nommée et les périodes antérieures (celle des „agriculteurs inférieurs" exceptée) on voit qu'en général cette position ne s'est que peu améliorée, du moins si 1'on s'attache aux grandes Iignes en négligeant les détails. La monogamie n'existait en réalité que pour un des partis, car les hommes étaient libres d'entretenir des concubines, tandis qu'ils faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour empêcher 1'infidélité des femmes, en les isolant du monde extérieur. Aussi n'est-il pas vrai, comme on veut souvent le faire accroire que la monogamie soit la conséquence d'un instinct ni qu'elle soit due a un degré de culture plus élevée, devenu possible par la productivité augmentée du travail.2) Au contraire, chez les „agriculteurs inférieurs", bien moins civilisés que les anciens Grecs, la position de la femme était meilleure que chez ceux-ci; plus libre la femme jouissait en général d'une plus haute considération. L'origine de la monogamie ne s'explique que par les modifications que le mode de production a subies. Par elles l'homme a de nouveau repris la plus importante place dans la vie économique, c'est lui qui gouverne et la femme n'a qu'a obéir. C'est ainsi que par 1'accroissement continuel de la propriétée privée provint la monogamie, c. a d. 1'union de l'homme et de la femme dans le but d'engendrer des enfants légitimes auxquels passait la propriété du père après le décès de celui-ci. 3) Depuis ce temps-la la monogamie s'est maintenue jusqu'a nos jours. Ouelque importantes que soicnt les modifications que le mode de production a subies a partir de l'origine de la monogamie, il n'a pas changé, en tant qu'une certaine partie du travail nécessaire a 1'existence et consistant dans la préparation de la nourriture, 1'entretien de la maison, etc., restent toujours les travaux du ménage, qui, comme autrefois, sont exécutés par !) Comme il a été observé phis haut déja, ellc existe encore en Chine et au Japon. Dans ce dernier pays cependant elle tend a disparaitre par le développement rapide dn capitalisme. 2) Voir Engels o. c. p. 51. 8) Voir la dessus e. a. Morgan o. c. p. 395 sqq. et Engels o c. p. 47 sqq. la femme Les autres travaux, les plus importants, incombent a 1'homme, de la sa prépondérance encore persistante. La position de la femme mariée s'est tant soit peu améliorée quand on la compare a celle de ses semblables du commencement de la civilisation, néanmoins une étude des codes civils existants (surtout du code civil francais et de ceux auxquels il a servi de modèle) démontre que la femme mariée est en général encore dans un état de grande dépendance. La femme doit obéissance a son mari et doit le suivre partout oü il le voudra; sauf les exceptions stipulées dans les contrats de mariage le mari a la gérance de la fortune de la femme et les revenus de celles-ci lui appartiennent; c'est 1'homme qui exerce le pouvoir paternel; la femme ne peut comparaïtre en droit sans 1'assistance de son mari; etc. etc. La dififérence entre la situation de la femme mariée d'a présent et celle d'autrefois, quand naquit la monogamie, consiste principalement en ceci: il faut le consentement des deux partis pour conclure le mariage; le mari ne peut plus répudier sa femme, mais peut seulement faire dissoudre 1'union pour des raisons importantes (adultère, sévices etc.) et la femme aussi peut, pour les mêmes mot^, obtenir la séparation ou le divorce. Ici s'impose la question: pourquoi le mariage ne peut-il pas être dissout aussitöt que, pour une raison ou une autre, ne comptant pas devant la loi, la vie commune devient intolérable a 1'un des partis quand 1'autre ne veut être consentant ?') La réponse doit être la suivante. Par la position prépondérante de 1'homme dans la vie économique, il est clair que la femme a son bon plaisir ne saurait délier les liens du mariage, hormis les cas prévus par la loi, attendu que 1'homme ne saurait permettre une aussi grave atteinte a son autorité. A ce point de vue la monogamie et les anciennes formes du mariage se ressemblent car la femme n'a jamais pu obtenir le divorce a son bon plaisir, excepté chez les agriculteurs inférieurs, oü par 1'importance de sa position dans la vie économique, elle usait des mêmes droits que 1'homme. L'organisation actuelle de la societé empêche 1'homme, de son cóté, de divorCer autrement que dans certains cas prévus par la loi, car s'il était possible au mari de rompre le mariage a son bon plaisir, la société actuelle n'aurait plus la solidité et la stabilité nécessaires; le mariage serait une entreprise trés hasardeuse pour la femme puisque, par la nature de ses occupations, elle n'est généralement pas en mesure de pourvoir seule a ses besoins; 1'entretien et 1'éducation des enfants par les parents seraient aussi moins garantis. Mais ce n'est pas tout encore. Comme nous 1'avons vu la monogamie s'est créée aussitót que la propriété privée devint générale. Réciproquement, la monogamie est une des causes qui entretient et augmente 1'esprit de la propriété dans les 1) Comme on le sait le divorce est impossible dans quelques pavs qui subissent 1'infliience de 1'église catholique. II va sans dire que 1'église défend 1'indissolubilité du mariage, sans cela elle perdrait encore un de ses movens d'influence dont elle a tant besoin pour le maintien de sa position de plus en plus menacée. Néanmoins. elle n'a pas conservé injtégralement son dogme de 1'indissolubilité du mariage: partout la séparation de corps et de biens est possible. hommes. C'est dans le cercle restreint de la familie, en dehors du contact de la société, qu'un vif penchant de posséder se développe chez les enfants. Les racines les plus profondes du manage actuel se trouvent dans la société actuelle basée sur la propriété privée; a son tour, le mariage est un appui pour cette société. Voila aussi la caus2 de la désapprobation des unions libres par le plus grand nombre, même si les motifs de ces unions sont des plus nobles. Et voila aussi pourquoi plus on est conservateur (c. a d. plus on tient a la propriété privée) plus on tient a la forme existante du mariage, fait qui serait autrement inexpliquable. Un examen des modifications, faites dans le courant du dernier siècle dans le droit matrimonial et dans ce qui s'y rapporte, montre que la position de Ia femme mariée s'est petit a petit améliorée. Pour ne citer que quelques exemples: le code civil francais ne donnait a la femme mariée le droit de divorce en cas d'adultère de la part de son mari que s'il entretenait une concubine dans la demeure commune (art. 230). En 1884 eet article a été modifié de manière que la femme peut a présent tout comme 1'homme, faire dissoudre le mariage par le divorce dans tous les cas d'adultère. (L'art. 337 du code pénal francais punit cependant toujours encore la femme adultère d'une réclusion de 3 mois a 2 ans; l'art. 339 de ce code 11e punit 1'homme adultère que s'il a une concubine dans la demeure commune, et seulement d'une amende de 100 a 2.000 francs). Avant 1870 la femme mariée avait en Angleterre une position trés dépendante vis-a-vis de son mari: le droit de posséder ses biens mobiliers ainsi que 1'administration et la iouissance de ses biens immobiliers étaient dévolus a ce dernier. Après 1870 et 1882 il y a eu au profit de la femme des changements de grande importance dans le droit matrimonial, e. a. qu'elle est seule propriétaire de sa fortune etc. etc. l) Dans les pays oü, durant le XIX siècle, on n'a pas apporté de modifications sur ce chapitre 1'opinion publique est telle qu'on peut être sur que la position de la femme mariée y sera améliorée au cas d'une révision éventuclle du droit matrimonial. En recherchant les causes des changements d'opinion sur cette question on découvre qu'ici encore elles sont en dernière instance dues a la vie économique. Ceci provient de ce que le nombre des femmes qui travaillent indépendamment, qui gagnent leur pain elles-mêmes, augmente sans cesse. Les causes qui font gagner leur vie a bien des femmes sont de diverses natures, inais peuvent se réduire a ce qui suit. En premier lieu, le nombre des mariages contractés diminue en général, et eet amoindrissement est du au nombre sans cesse plus restreint des mariages dans les classes possédantes, et ces mariages se contractent également plus tard qu'autrefois. 2) II n'est pas difficile de '■) Voir sur ce sujet e. a. A. lïebel «Die Frau und der Sozialismus" p. 265 sqq. 2) Voir les chiffres sur la diminution des mariages dans le Neue Zeit 1888 p. 239; G. v. Mayr «Stntistik tmd Gesellschaftslehre" II p. 384; F. v. d. Goes «Socialisme en Feminisme" (Tweemaandeliiksch Tijdschrift VI igoo) p. 430—445. Ce dernier démontre que la diminution des mariages en général est due a la diminution des mariages contractés par la bourgeoisie. Voir sur ce sujet aussi L. Braun »Die Frauen- comprendre qu'un mouvement retrograde dans les mariages de la bourgeoisie (bourgeoisie prise dans le sens Ie plus large du mot) doive se manifester. Le mariage amène bien une augmentation de dépenses, niais en même temps aussi une augmentation de revenus pour le prolétaire (soit paree que la femme gagne de Pargent en travaillant dehors, soit paree qu'elle en épargne en faisant tous les travaux de son ménage elle-même). Pour le berge^is n->r contre il n'entraïne que des désavantages pécuniaires, du moins si 1'on excepte les cas oü la femme est plus ou moins riche. Le combat pour 1'existence devenant de plus en plus difficile, surtout pour les membres de la petite bourgeoisie et pour ceux qui exercent les professions libérales la bourgeoisie ne contracte plus de mariages qu'a un age plus avancé, et en général le nombre de ces mariages diminue. ') A cela il faut encore aiouter que dans les pays européens et dans quelques états de PAmérique du Nord le nombre des femmes dépasse assez celui des hommes. 2) L'occasion pour les femmes de se marier diminuant dans les classes plus ou moins aisées les oblige a gagner elles-mêmes leur vie. Le changement que le ménage a subi et subit encore doit également être pris en considération. L'importance du ménage baisse sans cesse par suite de Pextension prise par la grande industrie, qui absorbe Pun après 1'autre tous les travaux spéciaux de la ménagère. Tandis qu'autrefois les vêtements ce confectionnaient a la maison, qu'on y cuisait le pain etc, a présent il ne reste plus a la ménagère que le soin de la préparation des aliments et de la tenue de son ménage. Et même ces occupations lui seront peut-être bientöt prises par 1'industrie3). Les bourgeoises nonmariées pouvaient souvent autrefois trouver un logis chez des membres de leur familie, puisqu'elles pouvaient leur être utiles par leur travail. A présent elles ne sont en général que des personnes superflues dans un ménage. Même les bourgeoises mariées a cóté des célibataires se voient de plus en plus forcées a contribuer aux revenus de la familie en travaillant pour de Pargent4), et ceci pour les raisons déja citées en parlant des femmes non-mariées: la difficulté croissante du combat pour la vie et la diminution de l'importance des occupations ménagères. En dehors de celles que leur position économique oblige au travail salarié, le nombre de femmes (en majeure partie des célibataires, sans exclure les mariées) frage" p. 166 sqq. C. Zet kin »Geistiges Prolctariat. Frauenfrage und Sozialismits" p. 4—5. Voir sur les mariages contractés de plus en plus tard qu'autrefois C. Zetkin o. c. p. 5. ') II est évident que dans eet exposé les causcs principales seules peuvent être indiquées. Pour de plus amples détails voir Rebel o. c. chap. intitulé: «Ehehemmnisse und Ehehindernisse"; v. d. Goes o. c. p. 445—458; Braun o. c. p. 166—170; Zetkin, o. c. p. 5—6. 2) L'exeédent des femmes n'est pas causé par un plus grand nombre de naissances de filles que de garcons; le contraire est la vérité. Une des plus importantes causes doit être recherchée dans la plus grande mortalité des hommes par suite de conditions sodales défavorables, et i'émigration v contribue aussi. Voir Rebel o. c. p. 159: v. d. Goes. o. c. p. 458 sqq. et Rraun, o. c. p. 165—166. s) Sur la diminution continuelle de l'importance du ménage voir Rebel o. c. p. 223 sqq.; v. d. Goes o. c. (Année VII 1901) p. 120 sqq.; Zetkin, o. c. p. 3—4 et du même auteur «I)ie Arbeiterinnen- und Frauenfrage der Gegenwart", p. 3 sqq. 4) Sur 1'étendue du travail de la bourgeoise mariée voir Braun, o. c. p. 181. qui cherchent a gagner, commence a devenir de plus en plus grand. Chez celles-ci ce n'est pas la nécessité qui les y force, niais 1'esprit d'indépendance, éveillé en elles par 1'exemple donné. Si d'un cóté 1'offre de force de travail des femmes augmente, de 1'autre cóté la demande augmente aussi, car bien que 1'on ait allégué que la femme n'est capable que de faire le ménage, elle a prouvé ses aptitudes pour bien des professions. Et puis, la force de travail des femmes est trés recherchée, car ne s'étant pas encore solidarisées comrne les hommes, elles n'ont pu obtenir un salaire égal a celui de leurs collègues. Et si les femmes de la bourgeoisie font de plus en plus un travail rétribué, il y a longtemps déja que la femme de la classe prolétaire s'y est astreinte. Le travail des femmes est devenu possible par le développement de la technique, comme notre exposé du système économique actuel 1'a démontré. Dés lors ce travail industriel est devenu un phénomène qui prend sans cesse des proportions plus larges. Les femmes non-mariées de la classe prolétaire sont toutes obligées de pourvoir ellesmêmes a leurs besoins, les femmes mariées souvent, et leur nombre devient toujours plus grand. ') Par ce qui précède il a été indiqué quelle est 1'importante modification qui a eu lieu et a encore lieu dans la position économique de la femme. C'est cette modification qui est en dernière instance la cause que les femmes se sont de plus en plus révoltées contre la position inférieure dans laquelle la loi les place, et que leur opposition s'est déja manifestée par des faits. De la aussi que la position légale de la femme est la meilleure en général dans ces pays, oü elle s'est le plus afifranchie par son travail indépendant comme p. e. aux Etats-Unis. Jusqu'ici nous n'avons examiné que le cóté formel (légal) de la question. II faudra donc encore faire suivre quelques observations concernant le cóté materiel. Les codes civils reposent entre autre sur la fiction que tous les gens sont égaux. II 11 y est pas fait mention de division en classes distinctes; il en est de mème pour le mariage. Devant la loi les mariages sont tous égaux, tandis qu'en réalité ils ne le sont pas. II est donc nécessaire de traiter des conditions conjugales des dififérentes classes. En premier lieu le mariage dans la classe bourgeoise. Les conditions de la vie pour les deux sexes sont bien dififérentes avant le mariage. Tout en laissant de cóté que le nombre des femmes qui subviennent a leurs besoins augmente (elles forment encore la minorité), il est incontestable que les aspirations des femmes de la bourgeoisie tendent au mariage et cela le plus tót et le mieux possible, afin d'être ainsi assurées pour Ic reste de la vie. Et puisque la possibilité de ,,faire un bon mariage" est plus rare, la chasse au mari avec toutes ses conséquences défavorables devient de plus en plus apre. Tandis que toute 1'éducation des femmes ne vise que le mariage, celle de la grande majorité des jeunes gens a la richesse ou une ') Voir sur le travail des femmes prolétaires Braun, o. c.. Zweiter Abschnitt, Kapitel IV und V. position importante le plus tót possible pour but. Même lorsqu'un mariale ést contracté par suite d'une inclination réciproque, la conception de la vie si différente chez les deux partis renferme les germes qui peuvent le rendre malheureux. En parlant de ces cas si fréquents Mme Dr. Adams-Lehman dit trés justement: „Die Beiden (mari et femme) versteken sicJt nicht. Getrennt in Allem, was zum Leben gehort, von Kindesbeinen an, gelingt is der Natur nur kurz, sie an einem Punkte zu vereinen. Von diesem Punkte aus gehen ihre Wege in jeder Richtung wieder auseinander. Der Mann klagt oft und bitter, dasz ihn die Frau nicht versteht. Wie sollte sie es auch, da sie einer ganz anderen Kultur angehört?Sie hat ihre eigenen Tugenden, ihre eigenen Mangel und Laster, aber sie sind nicht die des Mannes und dienen höchstens dazu, sie mit ihm zu entzweien. Auch vom Marine, iiber dessen Verstandniszlosigkeit sich das Weib ebenso oft und ebenso bitter beklagt, gilt „caeteris paribus" dasselbe. Zweierlei Kuituren, zweierlei Ziele, zweierlei Ideale, wie soll da die Gemeinschaftlichkeit gedeiher ?" ') Mais ces causes seront encore renforcées lorsque des motifs économiques auront plus ou nioins influencé le mariage. Les deux partis s'unissant dans ces conditions sans se les cacher, ne seront pas exigents et sauront se soumettre a 1'inévitable; la situation est pire quand (ce qui arrivé pour 1'ordinaire) 1'union a été contractée sous des prétextes mensongers.2) Tl ressort donc de la combien peu la forme légale fait connaitre la réaüté: pour que le mariage puisse se contracter il faut le consentement des deux partis — n'importe de quelle facon s'obtient ce consentement. Ce sont trés souvent les parents qui ont choisi et qui, par leur influence ont porté leurs enfants a consentir, ne se laissant guider dans leurs actes que par le calcul. Telle est la réalité,et le libre consentement formel n'est que 1'apparence. Des causes importantes nées des conditions sociales font donc souvent du mariage une vie de haine et de discorde. En dehors des causes citées, il en est une autre encore ne découlant pas de conditions sociales: même quand 1'union a été contractée par inclination mutuelle, la garantie que cette inclination durera n'existe pas. Non seulement on peut s'être trompés sur le caractère et le tempérament, mais les sentiments aussi peuvent se modifier, et les liens du mariage deviennent insupportables. La loi ne permet le divorce que dans des cas déterminés. Le divorce entrainant d'importants désavantages économiques pour la femme, et parfois aussi pour 1'homme, on n'y recourt pas très-souvent. La crainte de perdre 1'estime de son milieu peut aussi empêcher le divorce. Et cette crainte de blame si 1'on veut se quitter, prouve une fois de plus combien peu 1'amour rcel est en rapport avec 1'origine de la monogamie. 1) »Das Weib und der Stier." (Neue Zeit 1900 —1901 II p. 6—7.) 2) Sur le mariage dans la bourgeoisie voir Ch. Fourier »Théorie des quatre mouvements" (Oeitvres complètes 1. p. 162 sqq.); A. E. F. Schaffle »Bau und Leben" etc. III p. 36. 50. M. Nordau «I)ie conventionnellen Lügen der Kulturmenschheit" p. 263 sqq; Bebel, o. c. p. 103 sqq. et le Dr. E. Gystrow »Liebe und Liebesleben im XIX Jahrhundert" p. 26 sqq. S'il est donc difficile sinon impossible de rompre !e mariage, la conséquence doit être 1'adultère, surtout du cóté de 1'homme puisque sa manière de vivre lui en facilite 1'occasion, et qu'il n'a pas a en craindre les suites comme la femme. La différence entre la monogamie et les formes conjugales plus anciennes n'est donc pas grande. Devant la loi seulement la monogamie est reconnue et la polygamie défendue; mais en réalité la polygamie existe toujours. Passons a présent au mariage dans la classe des prolétaires. ') lei il ne saurait être question d'une éducation différente de garcon et fille: tous deux doivent se mettre au travail encore enfants et leurs relations sont libres. Dans le cercle ouvrier on se marie généralement jeune paree que 1'ouvrier atteint assez rapidement le maximum de son gain, par conséquent inutile pour lui d'attendre longtemps pour se marier, d'autant plus qu'il est plus tót homme fait que le bourgeois. Souvent le mariage est contracté après avoir été consommé et que le commerce sexuel a eu ses suites. Cela est tres compréhensible quand on observe la yie des prolétaires, leurs conditions d'habitation, le travail en commun etc. Pas toujours, comme on 1'affirme parfois a tort, paree qu'ici aussi les intéréts matériels jouent quelque fois un róle, les mariages dans la classe prolétaire sont le plus souvent des mariages d'inclination. Donc, une des causes importantes qui rendent malheureux souvent les mariages dans la bourgeoisie n'existe pas ici. Par contre il y a d'autres causes qui peuvent mener chez les prolétaires au même résultat. D'abord, le manque de développement intellectuel qui peut rendre supportables les difficultés de la vie. Par ce manque, des moindres différends peuvent sortir de grandes altercations, et les causes des misères sont recherchées dans la personne et non dans les circonstances, dont elle est cependant la victime. En second lieu les durs soucis du combat pour la vie. Si une familie ouvrière a déja beaucoup de peine a joindre les deux bouts en temps ordinaires c'est surtout en cas de maladie ou de chómage forcé que sa misère est extréme, et c'est cette misère qui cause souvent les disputes et les voies de fait. Puis, le travail des femmes, les tristes conditions d'habitation, et 1'alcoolisme conduisent au même résultat. Et par les soucis perpétuels et le dur labeur la femme de 1'ouvrier vieillit vite. Dans la classe prolétaire les mariages se voient donc minés par bien des raisons. 2) II y a, en dehors de tout cela, une différence trés importante entre les mariages bourgeois et prolétaires, quant a leurs bases. Le pouvoir prépondérant de 1'homme dans le mariage bourgeois n'est pas aussi grand dans celui des prolétaires, et surtout dans les families dans lesquelles la femme pourvoit aussi bien que 1'homme a ses besoins par un travail rétribué. Ce qui n'existe pas non plus chez les 1) Inutile de parler en particulier du mariage dans la classe moyenne: au fond il ne diffère pas de celui dont je viens de traiter; il est seulement un peu plusmesquin. Voir le I)r. I!. Schoenlank »Zur Psychologie des Kleinbürgerthums" p. 123—124 (Neue Zeit 1890). 2) Sur le mariage des prolétaires voir e. a. Iiebel, o. c. p. 123—125 et Gystrow, 0. c. p. 33 sqq. prolétaires, c'est la propriété privée, a laquelle la monogamie est due. Les conséquences sont les suivantes: i(). que 1'union entre 1'homme et la femme sans sanction légale n'est pas du tout aussi méprisée par les prolétaires que par les autres classes; 2°. qu'on se décide beaucoup plus facilement dans la classe prolétaire que dans la classe bourgeoise a dissoudre 1'union, soit légale soit libre. ') Sur le mariage dans le bas-prolétariat quelques remarques suffisent. Si ces gens sont des déclassés récents, ils gardent, pour le mariage, comme en tout les idéés de la classe dont ils sont sortis. Mais quand ils sont nés du bas-prolétariat, ou quand leur misère dure depuis longtemps ils sont démoralisés, et les relations entre homme et femme s'en ressentent, alors il 11c peut plus être question de rapports réguliers dans la vie sexuelie. 2) — Nous voila a la fin de notre exposé. II me semble qu'il a été démontré, que les différentes formes du mariage sont en dernière instance déterminées par les modes de production respectifs. Knsuite que 1'origine de la forme la plus récente du mariage, c. a d. la monogamie, ne se trouve pas dans le désir inné de 1'homme et de la femme de s unir pour toute la vie, penchant qui serait sanctionné par la loi. Bien au contraire les hommes ne sont pas tous monogames, et encore moins monogames durant toute la vie, circonstance par laquelle les conditions économiques actuelles ont produit le mariage légal, obligeant deux personnes de rester ensemble ; s'il en était autrement, la loi ne s'occuperait pas des relations entre homme et femme. Des modifications importantes ont eu, et ont encore lieu concernant ce sujet. Les bases sur lesquelles le mariage actuel repose changent. Ceci s'explique par différentes causes. D'abord la femme occupe peu a peu une position sociale plus élevée et plus indépendante. Knsuite 1 importance du ménage dans la vie économique diminue. La seule base morale du mariage devient peu a peu la sympathie et 1'amour réciproques, car le véritable amour ne peut exister qu'entre des personnes libres et égales. 3) De plus en plus augmente le nombre de ceux qui, au lieu de stigmatiser d'immorale une union non-légitime mais conclue par sympathie et amour réciproques, 1'estiment au contraire supérieure a un mariage légal, conclu pour des raisons économiques. B. La kamille. Dans les pages précédentes nous avons principalement fixe 1'attention sur les rapports entre 1'homme et la femme, maintenant il nous reste a traiter de la position des enfants nés de leur union. C'est un fait biologique que la mère est désignée par la nature !) Sur ce sujet voir Engels, o. c. p. 59—60 et le Dr. A. Blaschko »Die Prostitution im XIX Jahrhundert", p. 12. 2) Voir sur ce sujet e. a. «Englands industrielle Reservearmee" p. 215 216 (Neue Zeit 1884). ;i) Voir sur cc sujet o. c. Engels o. c. p. 63—74. pour avoir soin de 1'enfant durant ses premières années et par conséquent ïl existe dans toutes les phases du développement social. II est donc supertlu d'en parler dans uil traite- sociologique. Mais la sociologie déniontre qu'il n'est pas vrai que la nature désigne les parents pour ies soins et 1'éducation a donner aux eafants et que pour cette raison ils y soient le plus aptes. Les relations entre parents et enfant n'ont pas toujours été les mémes dans les diverses phases du développement social, il est donc impossible de parler ici de relations instituées par la nature. Un coup d'oeil des situations respectives dans les diverses périodes montre que, chez „les chasseurs inférieurs", ou la femme est considerée comme la propriété de 1'homme, les enfants nés d'eile sont aussi en la puissance absolue du père, qui a droit de vie et de mort sur ses enfants, et dont le pouvoir sur eux ne cesse que quand il a vendu ses filles a leur mari, ou quand ses fïls, devenus aduites, sont reconnus comme membres de la tribu. ') Chez les „chasseurs supérieurs" et les „peuples pasteurs" c'est, comme pour les peuples sus-nommés, en général au père qu'appartiennent i) Voir E. Grosse »Die Formen der Familie und die Formen der Wirthschaft" P- 49—53- Ce cerait a tort qu'on pourrait conclure que chez les peuples primitifs, les enfants n'étaient pas bien traités. Le Dr. S. R. Steinmetz a démontre que chez ces peuples, les enfants sont en général traités, non seulement sans sévérité maïs avec beaucoup de tendresse même, et que ce traitement devient justement plus sévère a mesure que ces peuples atteignent un plus haut degré de développement. (Voir ses ceuvres oEthnologische Studiën zur ersten Entwicklung der Strale" II p. 179—253 et »Das Verhaltniss zwischen Eltern und Kindern bei den Naturvölkern", Zeitschrift für Socialwissenschaft, 1898). Voici d'aprés lui les plus importantes causes de ce fait: les difficultés des conditions 0Ï1 vivent ces peuples, demandent qu'on entoure les enfants, dont 1'existence serait autrement trop menacée, de beaucoup de soins et de tendresse. Les peuples chez lesquels les enfants étaient traites durement couraient donc un plus grand risque de s'éteindre. Puis, la vie de ces peuples est si peu compliquée, que les enfants n'ont qu a se faire a peu de normes, de la peu d'infractions et par conséquent peu de punitions. Ensuite cnez ces peuples les enlants sont plus vite aclultes, et 11e connaissent donc pas ces années difficiles qui chez les peuples civilisés, exigent une education plus sévère. Et enfin la plupart de ces peuples ne battent jamais leurs enfants ni les traitent brutalement de crainte de les rendre serviles et rampants, et d'en faire ainsi de mauvais guerriers. L'affection pour les enfants chez ces peuples, ne se porte pas exclusivement sur leurs propres enfants, mais plutót sur les enfants en géneral. A ce sujet le Dr. S. K. Steinmetz dit:.... »La grande facilité de 1'adoption et la mise de pair des enfants adoptés avec les propres enfants souvent constatée, démontrent provisoirement que la grande altection pour les enfants concernait piutót les enfants en général, qu'exclusivement les enfants, dont on sesavait être lepèreou lamère. yuandiepatnarchat est déja arrivé a un assez grand développement et chez des peuples déjii assez avancés, 1'homme ne nomme-t-il pas du reste siens, tous les enfants nés de sa femme. Ce n'est que dans les périodes du plus haut développement du patnarchat, et la oti la monogamie existait, qu'on fait attention a la purete du sang et a une descendance sans tache. Dans les périodes anttrieures le père ne se soucie que d'avoir des descendants, n'importe de quelle manière. 11 semble même que le sentiment maternel se souciait peu de 1'identité de ses enfants: on n'a qu'a se ressouvenir de la facilité avec laquelle ies mères chez les Peaux Rouges adoptent des prisonniers de guerre pour remplacer leurs fils tués, et la mise au pair des enfants adoptés avec les propres enfants, dont nous parlions plus haut." (»De sFosterage" of opvoeding in vreemde families". Tijdschrift van het Kon. Nederlandsch Aardrijkskundig Genootschap. 1893 p. 511—512.) les enfants, ou auquel ils doivent obéissance. La mère, soumise ellemême au père, n'a généralement peu ou point d autorité sur ses enfants.') Chez les „cultivateurs inférieurs" les conditions en question différent relativement de beaucoup. Ainsi qu'il a été démontre dans les considérations sur le manage chez ces peuples, la position de la femme y est souvent tout autre que durant les périodes précédentes. Llle n'est pas du tout aussi soumise, sa position n'est pas sans importance même, grace a la place qu'elle occupe dans ia vie économique. Ét cette importance se démontre aussi par ses relations avec ses enfants. K11 général e est a la mère que revient 1'éducation des enfants, tandis que 1'influence du père est nulle ou minime. Dans ces derniers cas un pouvoir plus ou moins grand sur les enfants revient au frère de la mère (dans le matriarcat le grand-père et le père des enfants appartiennent a un autre clan, et Tonele maternel et les enfants sont du clan de la mère).'-) Comme il a été déja dit plus haut, ïl y a eu des conditions patriarcales chez les „cultivateurs supérieurs", c. a d. que chez ces peuples le père a un pouvoir iliimite sur ses filles non-mariées et sur tous ses fils avec leurs descendants. 3) C'est de ces soi-disantes „grandes-famiiles" que provient la forme actuelle de la familie (mari, femme et leurs enfants non encore émancipes) par suite du fait que les fils adultes ont pu s'émanciper par les modifications qu a subi la vie sociale. Dès ce moment surtout 1'affection pour les enfants en général qui se trouve presque chez tous les hommes, prend son caractère fort exclusif, c. a d. qu'il est iimité aux propres enfants, car la monogamie est avant tout une suite du désir de 1'iiomme dès que nait la propriété privée, de laisser ses biens en liéritage aux enfants, dont il se sait le père. 4) Dans son essence cette forme de la familie s'est maintenue jusqu'a nos jours. Les modifications qu'elle a subies peuvent être réduites aux deux suivantes. 5) En premier lieu que, par suite de sa position améliorée comme épouse, la mère a obtenu une plus grande influence sur 1 'éducation de ses enfants; malgré cela pourtant son pouvoir est, de par la 1) Voir Grosse, o. c. p. 78 -82, 120—123. *) Voir Grosse, o. c. p. 183—186. 11 n'est pas inuiile de remémorer ici que 1'ethnologie a tixé 1'attention sur la circonstance que, chez les peuples primitits, les entants ne sont parfois élevés ni par le père, ni par la mère, mais par des étrangers (,1e soi-disant «fosterage"). Dans 1'article déja cité du Dr. Steinmetz eet auteur démontre que ce phénomène se présente pour le matriarcat, qui supplante une puissance paternelle antérieure, ou vice verse. »L)'une part et parfois ie ofosterage" était pour le groupe ou pour les personnes qui jusque la avaient eu des droits sur 1'enfant, un moyen de garder celui-ci, ou bien de le défendre contre une puissance surgissante; d'autre part c'était une réduction de ce droit et comme tel un moyen de contenter les sus-dites personnes par un séjour relativement court, soit une reconnaissance symbolique de leur droit qui effectivement avait vieilli.'' (p. 1092 de larticle cité.) Voila des preuves bien concluantes que les parents n'ont pas toujours été les personnes qui ont élevé leur enfant et qui exer^aient le pouvoir sur \u\,puisqu'ils étaient ses parents: 1" que 1'oncle de 1'enfant était un de ceux qui avait 1'autonté: 2Uque ni le père, ni la mère n'étaient du nombre de ceux qui avaient le pouvoir sur 1 enfant! a) Voir Grosse o. c. p. 220—221, 222—223, 226—228, 230—234. 4) Voir v. Dargun o. c. p. 12. r') Voir M. Kovalevvsky «Tableau des origines et de 1'évolution de la familie et de la propriété." p. 150—161. loi, subordonné, sous tous les rapports, a celui de son mari. En second lieu, l'influence sans cesse croissante que 1'état s'est attribuée dans les relations entre parents et enfants. D'abord, 1'état inipose aux parents mariés la tache d'entretenir et d'élever leurs enfants et défend par la loi pénale, de les tuer ou de les abandonner. L'origine de ces prescriptions doit étre recherchée dans ia circonstance que 1'état est intéressé a ce que les enfants soient soignés, et la population aussi nombreuse que possible. (L'état une fois en formation, les causes de 1'infanticide chez les peuples primitifs ayant presque disparu, la loi n'apporta pas de grands changements a la situation existante). Si ies parents mariés n'étaient pas forcés par l'état d'entretenir et d'élever leurs enfants, (loi qui ne change pas beaucoup a ia situation qui existerait sans elle, puisque la plupart des parents s'en chargeraient aussi sans y étre contrahits) on devrait pouvoir iniposer cette tache a d'autres institutions qui n'existent pas dans la société actuelle. L'état nest pas une institution de salut public; il est avant tout un moyen puur maintenir 1'ordre extérieur dans le désordre résuitant du mode de production capitaliste embrouillé et compliqué: ii est, avant tout „l'état gendarme". S il en était autrement, l'état considérerait comme un de ses premiers devoirs de destituer de leur droit ies parents qui ne rempiissent pas leur tache ou qui la remplissent mal, et d'avoir soin de 1'entretien et de l'éducation de ces enfants, et de ceux dont les parents sont morts ou dans 1'impossibiiité absolue de remplir cette tache. Car la société entière a, aussi bien que ces enfants mênies, uil trés grand intérêt a la chose. Cependant, i'état en général ne se charge point de devoirs vis-a-vis des enfants délaissés ou négligés mais encore ce n'est qu'en liésitant qu'il intervient quand il s'agit de punir ou de destituer du pouvoir paternel ceux qui se rendent coupables de teis actes. ') Peu a peu, a mesure que les idéés sur ies devoirs de i'état se moditient, (et ceci principalement sous 1'influence de la classe ouvrière qui s'organise et qui vise a une transformation de l'état en une communauté organisée), il s'intéresse pourtant plus a la personne de i'enfant. Quant au soin a apporter a ce que peut posséder I'enfant tous les codes sont déja trés détailiés! C'est sur deux points que l'état intlue assez généralenient sur le sort de I'enfant: iu. II défend ou limite son travail salarié; 2°. II oblige les parents a envoyer leurs enfants a 1'école. Plus liaut nous avons déja parlé de cette défense devenue nécessaire, par ce que ia condition physique des classes ouvrières empire et paree que le mouvement ouvrier exerce une pression sur l'état. L'enseignement obligatoire (moins universei que la limitation ou la défense du travail des enfants (la Belgique p. e. ne le connait pas encore et dans les Pays-Bas il n'existe que depuis peu de temps) a son origine d'une part, dans la circonstance que, pour 1'exercise de quelques professions, le capitalisme !) Voir k ce sujet L. Ferriani «Entartete Mütter" p. 24—50. On sait que 1'Angleterre est un des rares pays ou l'état soigne les enfants délaissés et abandonnés. Dans ies autres pays on commence généralement par s'occuper de leur sort quand il est trop tard, c. a d. quand les enfants se sont déja rendus coupables de délits. ne peut pas se servir d'ouvriers tout a fait ignorants, d'autre part, dans celle que sans 1'enseignement obligatoire, la jeunesse ouvrière s'abrutirait encore plus qu'elle ne le fait déja. L'opposition contre 1'enseignement obligatoire de la part de tout ce qui est conscrvateur démontre encore une fois clairement quel lien étroit existe entre la familie individuelle et le système économique actuel. La position économique de 1'homme comme gagnepain de la femme et des enfants, est la cause de son désir d'être le moins possible limité dans son pouvoir. Jusqu'ici nous n'avons traité que des conditions passées, et de celles d'aujourd'hui, en tant qu'elles sont réglées par la loi (le cöté formel), nous devons maintenant procéder au traitement des conditions réelles (le cóté matériel). Ici il faut considérer trois sujets: 1'éducation physique, intellectuelle et morale. En traitant de criminalité nous n'avons, naturellement, point ou peu a nous occuper des deux premières, tandis que la troisième est de la plus haute importance pour nous. Quant a 1'éducation physique, il suffit de dire qu'elle est la „conditio sine qua non" des deux autres. Les qualités intellectuelles et morales d'un enfant, qui est physiquement mal soigné, ne peuvent jamais se développer entièrement; les parents (et 1'enfant aussi) emploient toutes leurs forces afin de pourvoir a leurs besoins physiques, de sorte que pour les autres besoins il ne leur en reste plus. Le Dr. A. Baer dit a juste titre dans son livre „Der Selbstmord im kindlichen Lebensalter" : „Kinder dieser Art (c. a d. enfants des classes pauvres) tragen schon früh die Sorgen und Leiden, die das Leben ihnen auferlegt; sie werden früh mit den Anforderungen und Ansprüchen des Lebens bekannt und nicht selten schon sehr früh von Lebensverhaltnissen beeinflusst, die ihnen fern bleiben müssten". ') Ce n'est que pour la bourgeoisie et pour la partie aisée de la petitebourgeoisie qu'il peut être question pour les enfants d'une éducation physique suffisante. Chez les prolétaires et leurs égaux pour les condiditions matérielies dans la petite bourgeoisie elle est insuffisante et, si possible encore, plus triste dans le bas-prolétariat. Cependant s'il y a manque chez les derniers, il y a parfois surabondance chez la bourgeoisie. La 011 élève souvent les enfants dans de grands besoins qui en font tót des blasés et les rendent malheureux dans 1'avenir. Dans son oeuvre déja citée le Dr. A. Baer dit a ce sujet: „Andere (cette citation fait suite dans 1'original a la première, mentionnée plus haut) Verhaltnisse und Ursachen sind es, durch welche die Kinder der reicheren und vvohlhabenderen Gesellschaftskreise in den Zustand der Frühreife und mit dieser in krankhafte Empfindlichkeit, dünkelhafte Ueberschatzunggelangen. Hier ist das Wohlleben, die Ueppigkeit und der Ueberfluss an leiblichen Genüssen, die friihzeitige Gewöhnung an Theater, Tanz und an ausseres Gesellschaftsleben, das sie für die harmlose Freude des kindlichen Lebens unempfanglich macht. Ungeeignete Erziehung in der Familie ist in vveiten Gesellschaftsklassen daran schuld, dass die Kinder in frühem i) p. 48- 24 Alter schon sich selbst überlassen bleiben und in schlechte Bahnen gerathen. „Man muss, meint von Krafift-Ebing, in der Grossstadt gelebt haben und in die Hütten der Armen und in die Palaste der Reichen gekommen sein, um zu wissen, welche Erziehungsfehler da begangen werden, wo die Kinder der Armen in Schmutz und Schnaps, die der Reichen in Ueppigkeit und Lumperei leiblich und sittlich verkommen. . . . Ganz alltagliche Erscheinungen sind verschlafene Kinder im Theater und anderen Vergnügungsorten, welche der Unverstand und die Genusssucht der Eltern dahinschleppen. Andere Eltern verschaffen ihren Kindern das zweifelhafte Glück von Kinderballen und Soireen. Kann es da VVunder nehmen wenn man, zumal in den Grossstadten, nur mehr selten wirkliche Kinder trifift ?"" ') Dans les pays oü 1'enseignement est obligatoire, il y a garantie que tous les enfants peuvent acquérir une certaine somme de connaissances. Inutile de dire qu'en général ces connaissances ne sont que trés petites pour les enfants des classes pauvres et consistent dans les premiers éléments de la lecture, 1'écriture et le calcul, ce qui fait que, quant a ces enfants, il ne peut être question d'une vérltable éducation intellectuelle. Pour les enfants de la bourgeoisie 011 y pourvoit tout autrement; ici il y a plutót hypertrophie qu'atrophie des moyens intellectuels. La grande concurrence dans la société actuelle, la surabondance de forces intellectuelles, le désir ardent de faire parvenir les enfants quand même, tout cela oblige les parents a pousser plus loin les exigences des qualités intellectuelles de leurs enfants, et au détriment de leurs autres qualités. „Was in der Familie des modernen Gesellschaftslebens am meisten dazu beitragt dem Kinde eine einseitige, disharmonische Entwicklung zu geben, das ist, dass zu wenig Gewicht auf die Entfaltung des Gemüths und zu viel auf die Entwicklung des Verstandes gelegt wird. Bei der mangelhaften Einwirking auf das Gemüths- und Geftihlsleben wird das Denkvermogen des Kindes oft von zarter Jugend an auch auf das Materielle, Sinnliche, auf das Genussleben gelenkt und danach gestrebt, seinen Sinn lediglich auf das Praktische, Nutzbringende zu lenken". 2) Ainsi nous abordons le sujet même que nous avions en vue, 1'éducation morale. Comme je 1'ai déja fait remarquer plus haut, une des différences caractéristiques entre 1'éducation chez les peuples primitifs et celle de nos jours est celle-ci: que, par suite de la grande complication de la société actuelle et aussi des collisions sans nombre des intéréts individuels, la tache imposée a 1'éducateur est maintenant beaucoup plus lourde et plus ample. II est hors de doute que la première condition qu'on puisse exiger de quelqu'un qui devra former d'un enfant un homme moral, c.ad. a un homme de caractère, est bien celle ci: que lui-même soit un homme de caractère. Ici il va sans dire aussi que personne ne peut donner plus qu'il n'a. Tout en laissant encore de cöté pour le moment les criminels, 1) p. 48—49- 2) Le Pr. A. Baer, o. c. p. 49. Voir encore les p. 58—59. II convient d'ajouter encore a la conclusion du Dr. Baer que 1'éducation intellectuelle excessive des enfants de la bourgeoisie empêche qu'ils forment aussi leur esprit en s'occupant d'un travail manuel, ce qui pour les enfants des prolétaires est tout juste le contraire. dont je traiterai plus loin, il est clair que celui qui n'a point de caractère ou qui est faible de caractère ne pourra jamais élever ses enfants afin qu'ils deviennent des hommes a sentiments moraux bien développés. Certes, il pourra leur apprendre a distinguer le bien du mal mais de telles le$ons ne concernent que la partie intellectuelle et non pas la partie morale, et elles ne peuvent pas transformer les enfants en personnes qui senteiit moralement. On ne pourra nier que le nombre des gens qui ne sentent pas moralement est grand et que ceux-ci procréent. Sans oublier le fait que si c'est au père que la loi impose particulièrement le pouvoir paternel, c'est sur la mère généralement que repose en réalité la tache de 1'éducation, paree que dans la société actuelle 1'homme est presque toujours occupé dehors '). Mais la position inférieure de la femme depuis des siècles et des siècles déja, a été trés nuisible a son caractère, il arrivé donc souvent, que ce manque de caractère passé aussi aux enfants.2) Une deuxième condition, sans laquelle une bonne réussite de 1'éducation est impossible, c'est que les éducateurs aient les qualités innées de leur tache. On douterait, et non sans raison, du sens commun de quelqu'un qui oserait prétendre que chacun peut devenir un bon sculpteur, ou qui voudrait soutenir que chacun, même après apprentissage, ferait un excellent menuisier ? de même personne ne pourrait dire que chacun possède les qualités naturelles requises pour un art aussi difficile que 1'éducation. Pour être bon éducateur, il faut beaucoup aimer les enfants, avoir beaucoup de patience et de zèle, savoir se mettre a la hauteur de 1'enfant, avoir une intelligence pratique et perspicace, et ce surtout quand 1'affection pour 1'enfant est trés vive, sans quoi eet excès lui sera nuisible. II y a des parents qui possèdent ces qualités a un trés haut degré, on ne peut que regretter qu'ils n'élèvent que leurs propres enfants, et non ceux aussi de parents auxquels les dispositions pédagogiques font entièrement défaut. Ensuite, vient le groupe nombreux qui possède la moyenne des qualités requises et enfin, le groupe moindre se composant de ceux qui sont peu ou point aptes a cette tache. Cependant les moins propres a donner une bonne éducation ce sont les psychopathes a cause de leur caractère mobile, leur facile emportement, etc. De même que les éducateurs différent beaucoup par leurs qualités pédagogiques innées, les enfants ont besoin d'être guidés de manières !) Si les parents s'occupent tous les deux de 1'éducation il est nécessaire qu'ils vivent en parfaite intelligence, sans cela 1'éducation ne vaudra que tres peu. Néanrnoins, il y a encore des personnes qui s'opposent a rendre le divorce plus facile en allcguant vque cela nuirait aux enfants" ?! '2) Voir k ce sujet C. Zetkin »Die Arbeiterinnen-und Frauenfrage der Gegenwart" (p. 23—39), qui dit e. a: »Wer erziehen will, der musz selbst erst erzogen sein. Es ist überflüssig, dabei zu verweilen, wie wenig die F ra 11 von hente dieser Forderung, in ihrem weitesten Sinne gefaszt, entspricht. Seit Jahrhunderten geknechtet und versklavt, systematisch in einem Zustande der Untergeordnetheit gehalten, von Geburt an die Ziclscheibe einer systematisch durchgeführten körperlichen und geistigen Verkümmerung, ist die Frau nothwendiger Weise ein unvollkommenes und einseitig entwickeltes Geschöpf" (p. 34). différentes. S'il y a des enfants qui exigent peu de soins pour s'adapter plus tard aux exigences de la société, d'autres, qui forment la grande majorité, en demandent plus et enfin une seconde minorité qui pour devenir des hommes assez utiles demande des soins minutieux et continuels. 1'armi ces derniers il faut ranger aussi les enfants victimes de 1'hérédité. Ont-ils des parents sans grandes qualités pédagogiques, ce qui est souvent le cas pour ces psychopathes, les résultats seront encore plus mauvais. Outre les qualités innées, il faut que celui qui agit en éducateur ait recu 1'enseignement nécessaire. L'éducateur sans notions de psychologie, de pédagogie etc., se trompera souvent, même s'il a toutes les qualités innées qui sont requises (p. e. la spécialisation si nécessaire dans 1'éducation, vu la difference de dispositions chez les enfants) et fera dévier le caractère des enfants. L'instituteur doit apprendre son métier, s'il en est ainsi, pourquoi l'éducateur chargé du moral de 1'enfant n'aurait-il-pas besoin d'apprentissage ? (1'école actuelle ne sert-elle pas surtout a développer les qualités intellectuelles) 1'éducation morale n'étant pas une tache moins difficile que 1'éducation intellectuelle. Pourtant il est incontestable, que de nos jours dans toutes les classes de la société 1'éducation morale est en général exercée en dilettante, comme autrefois c'était aussi le cas pour 1'éducation intellectuelle !). Enfin il reste encore a nommer comme condition que l'éducateur doit pouvoir disposer du temps nécessaire s il veut remplir sa tache, sans cela le plus capable même ne pourra jamais obtenir de bons résultats. Après eet examen des principales conditions qu'on peut formuler en général, prenons encore la peine d'examiner en peu de mots 1'éducation telle qu'elle se pratique dans les différentes classes. Commencons par la bourgeoisie. Comme il a été déja remarqué, les enfants y sont souvent gatés par le grand luxe qui les entoure, et puis par le fait que leurs qualités intellectuelles sont en général développées au détriment des qualités morales. Mes remarques concernant les capacités, le caractère etc. s'appliquent a toutes les classes, par conséquent aussi a la bourgeoisie. Inutile donc d'en parler plus amplement. Seulement il faudra observer que, en ce qui concerne les connaissances positives de la pédagogie, la bourgeoisie dépasse de beaucoup le prolétariat, de la il résulte entre autre que 1'éducation est bien meilleure chez celle-la que chez celui-ci. Le caractère 1) Voir p. e. J. Stern «Thesen über den Sozialismus" p. 24 et C. Zetkin, o. c. p. 30 sqq. ,, Un exposé de toutes les erreurs commises dans le systeme pedagogique depasserait naturellement le cadre de ce travail. Je veux seulement fixer 1'attention sur 1 habitude de battre les enfants, habitude assez générale dans le prolétariat, et pas encore tout a fait abandonnée par la bourgeoisie. II est évident qu'on ne pourra jamais développer les sentiments moraux d'un enfant en le battant. Au contraire on éveille alors des sentiments de haine et d'irritation. (Voir plus haut oü j'ai fait ressortir que chez les peu pies primitifs les enfants n'étaient pas frappés e. a. afin de ne pas gater leur caractère). Voir 1'éminente critique sur cette manière d'élever les enfants dans E. Key «Das Jahrhundert des Kindes", p. 135 sqq; voir aussi L. Ferriani «EntarteteMütter p. 148—150. de la bourgeoise qui occupe comme toutes les femmes un rang inférieur dans la société, a encore plus souffert par sa vie le plus souvent oisive, et cette faiblesse de caractère se transmet aux enfants, si elle les élève elle-même. II faut bien ajouter cette condition, car la fréquentation de son monde, en d'autres termes, 1'habitude de ne rien faire du tout, est trés souvent cause que les mères font élever leurs enfants par des personnes qui n'ont ni les aptitudes naturelles ni les capacités acquises dans ce but, mais qui ne se chargent des enfants que pour avoir une position. II y a même des enfants qui ne sont pas allaités par leurs mères mais par des nourrices puisque les mères ont peur de voir diminuer ainsi leurs charmes. Ceci prouve encore une fois de plus la fragilité de 1'allégation que les parents sont les éducateurs naturels de 1'enfant; ici on voit même que la milieu social peut mener a une renonciation des devoirs vraiment naturels. >) L'éducation morale des enfants de la bourgeoisie est généralemcnt superficielle, et vise surtout a apprendre aux enfants a se conduire suivant les convenances (ou plutót suivant leurs mensonges), et beaucoup moins a développer les sentiments réellement moraux. 2) En second lieu cette éducation développe chez eux un trés fort sentiment de classe, de sorte qu'ils considèrent les membres du prolétariat comme des êtres inférieurs, par leur essence nés pour servir la bourgeoisie, au lieu de n'y voir que des semblables qui ne sont devenus différents que par des circonstances surtout fortuites. En troisième lieu, l'éducation actuelle rend les enfants égoïstes, ceux de la bourgeoisie plus que les prolétaires. Par cette assertion on contredit de nombreux auteurs qui sont convaincus du contraire et croient que l'éducation actuelle dans la familie est une source d'altruisme. 3) lis ont bien raison quand ils disent que des sentiments altruistes entre les membres mêmes de la familie sont nés dans le cercle de la familie. Durant longtemps la vie dans la familie constituait toute la vie de 1'homme (c'est encore le cas pour une trés grande nombre de femmes), mais dans la société actuelle on passé une trés grande partie de sa vie en dehors du cercle de la familie, et c'est pour cela que 1'opinion de ces auteurs et que partagent beaucoup de gens, n'est pas exacte. Dans le cercle de la familie 1'enfant, surtout quand il n'a ni frères ni soeurs remarque bientöt que ses intéréts priment tous les autres, que le monde extérieur est son ennemi, et que devenu grand, il doit s'y faire une part aussi large que possible. Peu importe que les intéréts d'autrui soient alors lésés. II faudra, encore remarquer que si d'un cöté la familie est une unité économique, et que les intéréts des membres de la familie sont pour cela parallèles, d'un autre cóté il y existe aussi des intéréts économiquement opposés (héritage), qui peuvent détruire 1'homogénéité des intéréts. II se peut qu'on objecte ici que, dans la société actuelle, formée 1) Voir a ce sujet C. Zetkin, o. c. p. 24. -) Voir k ce sujet L. Ferriani »Schlaue und glückliche Verbrecher", p. 34—35' 8) Pour ne nommer qu'un scul parnii les nombreux auteurs: M. Kovalewsky. Voir p. 160—161 de son oeuvre «Tableau des origines et de 1'évolution de la familie et de la propriété". principalemcnt d'adhérents du christianismc, on enseignc pourtant a la plupart des enfants qu'il faut aimer son prochain comme soi-même. Cela est vrai, mais dans une société comme la nótre, oü les intéréts de tous les hommes sont opposés, 1'effet de ce commandement ne saurait étre grand, ou 11e serait pratiqué qu'en paroles et non de fait, et aboutit ainsi a 1'hypocrisie. Celui qui veut suivre a la lettre ce commandement se voit aussitöt rejeté du combat pour la vie a moins qu'il ne change d'opinion. >) Personne n'a, a mon su, mieux caractérisé 1'éducation actuelle, qui conduit a 1'égoïsme, que Owen. Aussi me permettrai-je de citer le passage suivant: „As society is novv constituted, no children can by possibility be really well educated. The fundamental errors on which it has been based, filling the early mind with error and hypocrisy and all manner of conflicting ideas, opposed to facts and to nature, render it impracticable for any child to be rationally trained or treated by society. And the more education of this kind is given to children, the more they will be estranged from a knowledge of themselves, or of human nature generally, and the less competent will they be to understand what society has been made to be, and yet less what it ought to be, and how it may bc made what it 'is desirable it should be, for the well-being and happiness of all. Mothers and fathers thus taught, are inicompetent to teach and educate their children in the spirit, manner, and conduct, which should, for the benefit of all, to be given to all children. Their afféetions also, especially the strong natural animal affections of the mother, are, in almost all cases, too strong for the very limited powers of judging accurately respecting their own children and those of other parents, which females now acquire from their present mal-education. The individual family arrangements confining the children to the limited number of ideas among them — to their exclusive and isolated feelings — to their early deep impressions in favour of family interests and supposed rights — to the narrow and partial experience of a family and its usual small connexions, are equally destructive of a good sound practical education or well-training of children. The individual system of society which has so long prevailed in all nations, and among almost all people, is also a strong barrier to the proper education of beings intended to be made rational. The individual system of society is injurious to man now, under every point of view in which it can be considered; but especially in the education of the children of all classes. It confines all their strongest feelings to self first, then to family, afterwards to kindred, and then to small neighbourhoods and districts, regularly and systeniatically training each child to become at maturity a mere localizcd ignorantly selfish animal, fïlied with family and geographical prejudices. 1) Comparcz e. a. E. Key »üas Jahrhundert des Kindes", qui dit: »Aber der für die Mcnschheit gefahrlich'ste aller Missgriffe der Erziehung ist... dass man die Kinder lehrt, die Moral des neuen Testamentes als absolut bindend zu betrachten, deren Gebote das Kind bei seinen ersten Schritten ins Leben allenthalben verletzen sieht. Denn die ganze industrialistische und kapitalistische Gesellschaft ruht gerade auf dein Gegensatz des christlichen Gebotes - seinen Nachsten zu lieben wie sich sclbst — namlich auf dem Gebot: »Jeder ist sich selbst der Nachste!'' (p. 316). As long as this individual system shall be continued, it will be vain to expect that any child can be well educated, or properly trained to become a rational being — a man with the full physical and mental powers of humanity, intelligent, moral, and virtuous. The isolated character formed by the individual system will, as long as children shall be educated under it, and in accordance with all its innumerable errors in principle and practice, render it impossible for any child to be so educated and placed in society as not to become, more or less, a cause of anxiety to its parents. Every child under this system comes into society, at its birth, opposed by the capital and experience of society; and as it advances in its progress, and has to take its part in the jostle, bustle and business of life, it has to contend for itself, often, not only against these general powers of society, but, on the death of parents, or sometimes even before, with brothers and sisters, for individual property or other advantages. Besides, children, before they have any resisting powers of mind, being forced to receive the errors of their parents and others early instructors, respecting their supposed faculties of believing and disbelieving, loving and hating, are, by this process, placed through life in direct opposition to their nature; and, as vice has been made, by the gross errors of ours ancestors, to consist in acting in accordance with nature, and virtue in acting in opposition to it, and as nature continually impels the individual to desire to act in accordance with its own lavvs, in defiance of nian's unwise and unjust laws, the great probability is that children will be more liable to obey nature than man; and thus, vvhere there are children, they must be a source of constant anxiety to parents; and that anxiety must be injurious to the best formation of the organization of the remainder of the infants who may be bom to them." ') II faudra encore fixer 1'attention sur 1'éducation sexuelle des enfants de la bourgeoisie. Dans notre société la' morale sexuelle chrétienne est la morale dominante, souvent même parmi des non-chrétiens, sans que ceux-ci en soient conscients. D'après cette morale toute vie sexuelle procédé de 1'esprit malin, l'homme serait meilleur sans ses penchants sexuels. 2) C'est pour cela que les enfants sont en général élevés dans une ignorance absolue a ce sujet, ou bien on leur fait des mensonges. La nature ne pouvant être contrainte il s'en suit que la curiosité des enfants n'en devient que plus ardente, et que la conduite des hommes est hypocrite sous ce rapport. 3) En second lieu 1'éducation dans la petite bourgeoisie. La-dessus nous pouvons être trés succincts. Une partie de cette classe se rattache au prolétariat par les conditions de sa vie; une autre partie a la bourgeoisie. Inutile donc d'en parler amplement. Ce n'est que le noyau de la petite bourgeoisie, qui, ayant encore gardé les traditions de sa classe, ofïfre des diftcrences a eet égard. Ici il ne saurait être question de 1'influence démoralisatrice de 1'entourage luxueux des riches, puis la 1) p. (j—ji, Third part. »The Book of the New Moral World . 2) Voir sur 1'origine de cette morale K. Kautsky, »Die Entstehung des Christenthums" (Neue Zeit 1885). 8) Voir a ce sujet e. a. L. Ferriani p. 48 >>Schlaue und glückliche Verbrecher'. surveillance du père est plus grande et ainsi 1'éducation plus sévère, mais la conception bornée de la vie et les efforts continuels des parents avides de procurer aux leurs des avantages, développent chez leurs enfants 1'égoïsme a un haut degré. Ensuite le prolétariat. Comme il a été déja démontré plus haut, ce sont en premier lieu les conditions matérielies qu'exige une éducation suffisante, qui manquent a cette classe. Les conditions d'habitation sont ici de la plus grande importance. Généralement elles sont telles qu'il n'y a pas d'espace qui permette d'occuper les enfants a la maison, de sorte qu'ils passent une grande partie de la journée dans la rue. Ensuite elles sont parfois la cause que les enfants sont en contact avec des personnes dont 1'influence leur est nuisible (prostituees etc.). Et enfin les petits logis font, que les enfants sont trop tót et de facon mauvaise informés sur la vie sexuelle (couchés dans la menie étroite chambre des parents, ou couchés dans le même lit avec des enfants de 1'autre sexe; etc.). Puis les enfants ont besoin pour grandir d'un milieu que les soucis n'empoisonnent pas, oü la misère n'endurcit pas les coeurs, n'éteint pas la gaité, et oü les connaissances surtout en matière d'éducation, ne font pas défaut, ce qui est malheureusement trop souvent le cas. En outre dans cette classe le père n'a généralement pas 1'occasion de s'occuper de 1'éducation de ses enfants, par suite de la longue durée de son travail quotidien au dehors. Un grand nombre d'ouvriers sont obligés de sortir de chez eux, pour aller a leur travail, longtemps avant que leurs enfants se réveillent, pour ne rentrer que quand les petits sont déja couchés; il en est de même pour les ouvriers qui travaillent la nuit, et dorment par conséquent le jour. Le développement du capitalisme a conduit au travail salarié de la femme mariée, et par la a une des plus importantes causes de la démoralisation des enfants des ouvriers. Alors il n'y a personne pour veiller sur 1'enfant qui ainsi abandonné a lui-même, se démoralise. Dans son oeuvre „Die Lage der arbeitenden Klasse in England", F. Engels a succinctement caractérisé cette situation: „Die Beschaftigung der Frau in der Fabrik lost die Familie nothwendig ganzlich auf, und diese Auflösung hat in dem heutigen Zustande der Gesellschaft, der auf der Familie beruht, die demoralisirendsten Folgen, sowohl für die Eheleute wie für die Kinder. Eine Mutter, die nicht die Zeit hat sich um ihr Kind zu bekümmern, ihm wahrend der ersten Jahre die gewöhnlichsten Liebesdienste zu erweisen, eine Mutter, die ihr Kind kaum zu sehn bekommt, kann diesem Kinde keine Mutter sein, sie inusz nothwendig gleichgiiltig dagegen werden, es ohne Liebe, ohne Fürsorge behandeln wie ein ganz fremdes Kind; und Kinder, die in solchen Verhaltnissen aufgewachsen, sind spater für die Familie ganzlich verdorben, konnen nie in der Familie, die sie selber stiften, sich heimisch fiihlen, weil sie nur ein isolirtes Leben kennen gelernt haben, und mUssen deshalb zur ohnehin schon allgemeinen Untergrabung der Familie bei den Arbeitern beitragen." ') f p. l^f/. Voir aitssi L. liraun »I)ie Frauenfrage" p. 318 sqq. et C. Zetkin o. c. p. 26. Sur 1'éducation des enfants ouvriers en général, voir encore: G. Schönfeldt »Die Enfin, quand, pour n'importe quelle raison les parents ne sont plus a même d'entretenir et d'élever leurs enfants, ou qu'ils viennent a mourir, ceux-ci sont abandonnés a leur sort s'il n'y a pas de personnes charitables ou des institutions de bienfaisance qui veuillent se charger de les soigner. Car, pour des raisons, exposées déja plus haut, 1'état ne s'impose pas de devoirs concernant 1'éducation de tels enfants. 11 me reste maintenant encore a parler de la dernièrc categorie, du bas-prolétariat, parnii lequel se rangent aussi les criminels et les prostituees. L'éducation des enfants de ces gens est non seulement fort négligéc, conime c'est souvent le cas pour les enfants des prolétaires, dont on pourrait dire qu'ils recoivent une éducation négative, — mais encore les premiers ont trés souvent une éducation positive dans le mal. II est possible qu'on discute sur les résultats d'une bonne éducation, mais il est indiscutable que les enfants élevés par des gens immoraux, ou même incités au mal (prostitution ou crime) courent le plus grand risque, lorsque des circonstances exceptionnelles ne se présentent pas, de devenir des hommes nuisibles a la société. ^ Par rapport a ceci, il faut enfin fixer 1'attention sur la condition dans laquelle se trouvent les enfants illégitimes. Puisque le mariage, comme conséquence des conditions sociales actuelles, et a son tour leur soutien, est la seule union sexuelle légalement reconnue, les enfants illégitimes sont légalement et socialement traités en parias. *) II est difficile de se former une idéé du grand nombre d'enfants qui, dans la société actuelle, sont négligés ou abandonnés. Les faits suivants, viennent a 1'appui: „Will sich der Leser einen Zug van 109.000 Kindern vorstellen, der an ihm vorbeizieht, und Kind nach Kind, wie es an ihm vorübergeht, aufmerksam betrachten, so wird er einen ungefiihren Pegriff von der Ausdehnung des Leidens der Kinder erhalten, mit dem sich die „Nationale Gesellschaft zur Verhütung von Grausamkeit gegen Kinder in England" thatsachlich wahrend der ersten zehn Jahre ihres Bestehens beschaftigt hat. Die ersten 25.437 sind Duider von Gewaltthatigkeiten geübt mit Stiefeln, Geschirr, Pfannen, Schaufeln, Riemen, Tauen, Schüreisen, 1-eucr, kochendem Wasser, kurz mit allen erdenklichen Waffen, die in die Hande ihrer brutalen und rachsüchtigen Eltern kamen—bedeckt mit Beulen und Wunden, verbrannt, verbrüht, voll Pflastern und Bandagen. Dann kommen 62.887 Duider von Vernachlassigung und Verhungerung — voll Schmutz, Ausschlag und Geschwiiren, zitternd, in Lumpen, halbnackt, bleich, schvvach, ohnmachtig, schvvachlich, verkümmert, verhungert, sterbend — viele getragen auf den Armen der Pflegerinnen der Hospitaier. Dann kommen 712 Leichenbegangnisse, wo Miszhandlung tödtlich endigte. Dann kommen 12.663 kleine Wesen, den Leiden ausgesetzt, urn die heutige Arbeiterfamilie und die öfifentliche Erziehung vorschulpflichtiger Kinder' (Neue Zeit 1898—1899 I). l) Les situations légales les concernant ne sont pas les mêmes dans les différents pays. En Allemagne p. e. leur position est moins mauvaise qu'en France, oü, comme en Hollande, la recherche de la paternité est encore interdite. Cependant, dans tous les pays leur position est pire que celle des enfants légitimes. trage und grausame Wohlthatigkeit der Strasze denen zuzuwenden, die für ihre Bleiche, Magerkeit, Husten verantwortlich sind — auch sie meist noch auf dem Arm; aber auf den Armen fauler Trunkenbolde und Vaganten. Dann kommen 4.460 bemitleidensvverthe Madchen, die Opfer der sinnlichen Lust menschlicher Ungeheuer. Dann kommen 3.205 kleine Sklaven unpassender und schadlicher Beschaftigung und gefahrlicher Auffiihrungen, Miszgeburten in reisenden Buden, Akrobaten auf Messen, Trapez- und Drahtseilkünstler in Zirkussen, arbeitend unter zu schweren Last und leidend unter verschiedenster Frevelthat. Der Zug ist 60 Meilen lang und braucht 24 Stunden, um an uns vorüber zuziehen." ') La société précitée est une société privée. L'étendue de ses travaux est donc restreinte, ce qui fait qu'elle n'a pas pris connaissance d'un grand nombre de cas oü les enfauts sont traités de la sorte. Au moment 011 le rapport, auquel les chiffres cités ont été empruntés, venait de paraitre, elle ne fonctionnait que depuis dix ans, dont les cinq dernières plus efficacement, puisque 1'organisation de son service avait pris une partie des cinq premières années. Enfin, le domaine du travail de cette société ne comprend que le Royaume-Uni, tandis que le capitalisme règne sur une grande partie du monde et a partout les mcmes conséquences. En envisageant ces faits on peut se former une idéé de 1'énorme délaissenient dans lequel se trouve une multitude d'enfants, et quels hommes doivent se former d'enfants traités ainsi. En résumant ce qui a été dit plus haut, on voit que le système d'éducation pour les enfants n'a pas toujours été réglé comme il 1'est a présent, et qu'ici on ne peut donc point parler d'institutions créées par la nature, excepté pour ce qui concerne les rapports entre la mère et son enfant durant les premières années de sa vie. II a été démontré que, a ce que je crois, 1'organisation actuelle de 1'éducation se rattache étroitement au mode de production de nos jours. Personne ne peut contester que la aussi nous sommes encore bien loin de vivre dans „le meilleur des mondes." 2) C. La Prostitution. Par prostitution il faut entendre le fait social qu'il y a des femmes qui vendent leur corps pour 1'exercice d'actes sexuels, et en font une profession. 3) ') Le Dr. C.Hugo »Kind und Gesellschaft" p. 562 (Neuc Zeit 1894— 1895 I). Voir aussi L. Ferriani »Entartete Mütter". 2) Comme critique sur le système d'éducation actuel, voir aussi: A. C. F. Schatïle »Hau und Leben des socialen Körpers" I p. 262; Ch. Letotirneau »L'évolution du mariage et de la familie" p. 444; E. Key «Das Jahrhundert des Kindes" p. 109 sqq.; Th. Schlesinger Eckstein » Die Frau im XIX Jahrhundert" p. 54—56. a) Comme cette définition le démontre, je me borne a la seule prostitution féminine, tandis qu'il y a aussi une prostitution masculine. Cette restriction estfaite: 1°. puisque cclle-ci, comparée a celle-lk, est insignifiantc: 2°. puisque quelques-unes des causes que je vais nommer de la prostitution féminine forment aussi 1'étiologie La mise a la disposition d'autrui de son corps, afin de commettre des actes sexuels, constitue donc parfois la vente d'une marchandise. Pour rechercher 1'étiologie de la prostitution dans la société actuelle il faut donc commencer par se demander: „quelles sont les causes de la demande de cette marchandise." Ces causes doivent être réduites aux suivantes: a. L'impossibilité ou la difficulté de pouvoir se marier oü se trouvent beaucoup d'hommes. Plus haut (voir p. 360—361) nous avons déja vu que dans la société actuelle il y a accroissement permanent du nombre de petits bourgeois et de ceux qui exercent des professions libérales qui, par suite d'insuffisance de leurs revenus, ne peuvent se marier ou ne peuvent le faire qu'a un kge assez avancé. Comme nous 1'avons déja vu ce n'est pas en général le cas pour les prolétaires. Ils atteignent déja le maximum, ou peu s'en faut, de leurs salaires, encore assez jeunes, et sont aussi moins exigeants pour les besoins matériels. Tout cela fait qu'ils se marient plus tót et ont donc moins recours a la prostitution. (Excepté les soldats et les marins, qui sont souvent forcés de rester célibataires). b. A cóté des gens dont je viens de parler il faudra mentionner ceux qui ne veulent pas s'attacher pour la vie a une seule femme. Puis, 1'éducation séparée qui amène une vie différente pour les deux sexes, est souvent un obstacle a la rencontre facile de deux personnes qui pourraient conclure un mariage d'inclination. Des hommes supérieurs renoncent souvent au mariage, puisque la moyenne inteliectuclle des femmes est tout autre que la leur, encore par suite de 1'éducation et de la manière de vivre, et qu'aussi, chez elles la pensée d'améliorer ainsi leur position économique prédomine '). Autrefois presque personne de 1'autre prostitution. (Voir sur ce dernier point F. Carlier. »Les deux prostitutions" II partie). D'après la définition que je viens de donner 1'acte de celui ou de celle qui, pour des raisons économiques, contracte un mariage est intrinsèquement égal k celui des prostitués. Aussi y a-t-il des auteurs qui donnent une définition plus large de la prostitution, définition par laquelle les personnes sus-nommées devraient réellement être comptées parmi les prostitués. Yves Guyot p. e. donne la définition^ suivante dans son oeuvre »La prostitution": »est prostituée toute personne pour qui les rapports sexuels sont subordonnés k la question de gain" (p. 8). Ouoique les actes soient tous les deux intrinsèquement égaux, il est néanmoins inexacte de donner une signification si large au mot »prostitution". Une définition doit formuler ce qui est, mais ne doit pas prescrire la loi k la réalité. Et dans le cas en question la réalité est celle-ci: que 1'on nomme prostituées ces femmes seules, qui font profession de la vente de leur corps, pour en vivre, ou pour augmenter un gain trop modique. •) Voir a le sujet C. Zetkin »Geistigcs Proletariat, Frauenfrage und Sozialismus." Elle dit e. a. «Manche, und gerade oft die tüchtigsten Manner, halt... ein . .. innerer ( ■rund von der Verehelichung zuriick, je reicher und feiner sich ihre Persönlichkeit entwickelt, je tieferen Gehalt sic ihrem Leben geben, um so schwerer finden sie unter den heutigen Vcrhaltnissen eine passende Lebensgefahrtin. liedeutungsvolle ethische Momente erzeugen für sie eine »Khenoth". Verschiedene Umstande, unter denen eine verkehrte Krziehung nicht an letzter Stelle steht, rauben vielen bürgerlichen Madchen die Fühigkcit und den Willen, Hausfrauen im guten alten Sinne des W'ortes 7.11 sein. Gleichzeitig vorenthalten sic ihnen die Möglichkeit, sich zu kraftvollen gesunden Persönlichkeiten zu entwicklen, welche dem Manne verstSndniszvolle Genossinnen des Lebens und Wirkens sein könnten." (p. 5—6). Voir aussi dans le même ordre d'idées le l)r. J. Jeannel «De la prostitution dans les grandes villes au XIX" siècle" p. 187—188. n'exigeait beau coup de 1'intellect de la femme. Mais c'est justement par son émancipation qui commence a prévaloir et prouve qu'elle peut être apte a autre chose qu'au ménage, que les hommes supérieurs exigent aussi plus d'elle que dans le temps. Le plus grand contingent des hommes qui fréquentent des prostituées est formé de célibataires >), et le plus petit d'hommes mariés. De la la cause suivante: c. Souvent le mariage ne se contracte pas par suite d'une inclination, mais pour des raisons financières, ce qui fait que les hommes se dédommagent souvent chez des prostituées. Mais cela s'applique aussi a ces cas, oü le mariage n'a pas été conclu pour les raisons nommées, mais dans lesquels, pour n'importe quelles raisons, est née une forte antipathie entre les époux, sans que le mariage soit dissout, paree que la loi met obstacle au divorce ou le rend impossible, ou paree que des raisons financières ou de convenance empêchent un des partis a s'y décider. La monogamie ne provenant pas d'un penchant inné des hommes la prostitution est un corrélatif nécessaire du mariage. d. L'entretien de maitresses dépensiaires est un passe-temps pour ceux qui ont été démoralisés par une vie luxueuse et oisive, et en même temps un moyen par lequel ces gens jettent leurs revenus. e. Enfin la prostitution est le moyen par lequel de riches pervertis satisfont a leurs penchants. Avant de quitter les causes de la demande en prostituées, il faut encore fixer 1'attention sur ce qui suit. II faut bien que ceux qui fréquentent les prostituées aient une ignoble opinion de la femme, qu'ils ne la considèrent que comme un objet, existant pour le plaisir et qui doit être prêt aussitót que 1'homme veut se le procurer en payant et non par affection. Cette vile facon d'envisager la femme a été universelle durant des siècles et a ce moment elle est encore assez générale. Elle s'explique par la position sociale inférieure de la femme a travers des siècles et des siècles. Nous avons vu que cette position s'est peu a peu améliorée, et que le résultat de cette amélioration a été qu'il y a augmentation du nombre des hommes qui ont une opinion plus élevée sur la femme, et qui ne veulent avoir de relations sexuelles avec une femme, que quand ils ont aussi de Tafifection pour elle et que ce sentiment est réciproque. Ces personnes forment jusqu'a présent encore une petite minorité. En présence d'une majorité pensant encore différemment il est absurde de prêcher la totale abstinence sexuelle a tous les jeunes gens non-mariés, comme le font certains moralistes. (p. e. Tolstoï). S'il y a des hommes qui s'abstiennent sans que cela nuise a leur santé, ces moralistes oublient que la satisfaction des désirs sexuels est un des plus importants besoins de la plupart des hommes, (la vie de nos jours augmente certainement ces désirs), et que les conditions sociales actuelles l) Chaque conséquence devient a son tour cause; ici encore, car pour une grande partie la prostitution est la conséquence de 1'impossibilité de pouvoir se marier; mais & son tour la prostitution devient aussi cause que, par suite de l'influence démoralisatrice des prostituées, il y a des hommes qui ne se marient pas, quoique leur condition économique soit telle qu'ils pourraient le faire. sont cause que les hommes considèrent la femme comme inférieure. Le Dr. Blaschko dans son oeuvre „Die Prostitution im XIX Jahrhundert", dit avec raison: „Das geschlechtliche Bedürfnis ist beim Menschen wie bei allen anderen Wesen ein ganz natürliches. Sicher ist es nicht so stark und so zwingend wie das Bedürfnis nach Speise und Trank; es kann bei jedem zeitweilig und bei manchem dauernd ohne Gesundheitsschadigung unterdrückt werden. Was aber für den einen und den anderen zutrifft, gilt nicht für die Gesammtheit, für welche der Geschlechtsverkehr zweifellos ein Bedürfnis ist." ') II est maintenant nécessaire d'examiner pourquoi un oftre suffisant se présente contre la demande. En voici les principales causes 2): a. Milieu immoral. Nous 1'examinerons avant tout en ce qui concerne les enfants. En parcourant les statistiques qui font mention de 1'age des prostituées, on est particulièrement frappé du fait qu'un grand nombre d'entre elles sont encore trés jeunes. Pour citer quelques exemples: le Dr. G. Richelot donne les chiffres suivants dans sen oeuvre „La prostitution en Angleterre": " LONDRES 1836—1854. Prostituées, condamnées pour affaires de jurisdiction sommaire: Asre. Sur 10.000. o De 10 a 15 ans 27 „ 15 .. 20 2463 „ 20 „ 25 „ 3-623 „ 25 et au-dessus 3.887 3) EDIMBOURG 1835—1842. Sur IOOO prostituées, admises dans le „Lock Hospital": Au-dessous de 15 ans. 42 De 15 a 20 ans. 662 „ 20 a 25 „ 199 „ 2 5 et au-dessus. 97 4) •) p. 14. Voir encore du même auteur: »Die moderne Prostitution", p. 14—15 (Neue Zeit 1891—92 II), et „Hygiene der Prostitution und venerischen Krankheiten" p. 39. Voir aussi le Dr. V. Augagneur: »La prostitution des filles mineures" (Archives d'anthropologie criminelle III) qui dit e. a.: »EUe (c. k. d. la prostitution) est la preuve constante que nos lois et les exigences physiologiques ne sont pas adéquates" (p. 224). 2) Une explication claire des causes de la prostitution nécessite de les traiter chacune a part; ce qui naturellement n'exclut pas que plusieurs causes peuvent agir simultanément sur le même individu. II y a naturellement aussi effet réciproque entre offre et demande: Pabondance de 1'offre est une des causes secondaires de la demande 8) p. 571. On trouvera cette étude dans le deuxième tome de 1'oeuvre de A. J. B. Parent-Duchatelet »De la Prostitution dans la ville de Paris". *) o. c. p. 643. Dans les „Reports from the select committee of the House of Lords on the Law relating to the protection of young girls" on peut trouver les chiffres suivants. Furent revues dans un „Asile pour filles et femmes" : ANGLETERRE 1881—1882. Age. Nombre. 12 a 14 ans 8 14 » 15 6 16 „ 18 „ 28 18 „ 20 „ 34 20 „ 23 „ 9 23 25 „ 25 2 5 .. 39 » __27_ 137 Pourcentage. 55 45 100 ') Dans son oeuvre „De la Prostitution dans la ville de Paris" ParentDuchatelet donne les chiffres suivants: PARIS 1831. Age. J Prostituées inscrites. Pourcentage. 12 ans 1 13 .. 3 1 14 „ 8 15 17 f 16 „ 44 ( 17 .. 55 1 23>6 18 „ 101 l 19 » 115 | 20 „ 216 21 „ 204 I 22 „ 249 \ 23 .. 240 24 „ 207 76,4 25 .. 193 26 et au-dessus. 1.582 3.235 100,0 -) ') p. 39 (Scssion 1882). 2) o. c. tome 1 p. 91—92, C. J. Lecour donne le tableau suivant: PARIS 1855—1869. - — ' ———————————— Age. Prostituées inscrites. Pourcentage. Au-dessous de 18 ans I 513 i 8 De 18 a 21 ans ! 1.704 26,6 Au-dessus de 21 ans. 4I9° ! 65,4 6.407 100,0 ») Le Dr. Augagneur mentionne les ages suivants des prostituées admises a 1'höpital: LYON. Années. Filles majeures. Killes mineures. Total. 1877 520(65,5»/») 274(34,50/0) 794 1887 144(68,20/0) 67 (31,80/0) 211 664 "(66,07 0/0) 34i (33-73 u/o) 1.0052) S. Sighele donne les chifïfres suivants: ITALIË. Année 1875. Prostituées soumises. Pourcentage. De 16 a 20 ans 2.455 26,98 „ 21 „ 30 „ 4-766 52,50 „ 31 ans et au-dessus. 1.867 20,52 9.088 100,00 Année 1881. 1 " I ; Prostituées soumises. Pourcentage. De 17 a 20 ans. 2.953 31,9 „ 21 „ 30 „ 5-456 58,92 „ 31 ans et au-dessus. 850 9,18 9.259 100,00 1) Calculés d'après le tableau p. 125 de »La Prostitution k Paris et k Londres." 2) o. c. p. 211. Annke 1885. Prostituées soumises. Pourcentage. Jusqu'a 20 ans 3-228 27,76 De 20 a 30 ans 4-589 54.7° Au-dessus de 30 ans I-471 154 8.388 100,00x) Le Dr. L. Fiaux mentionne les résultats d'une enquête officielle. Sur un total de 17.603 prostituées: RUSSIE 1889. Age. Pourcentage. 15 ans et au-dessous 0,3 \ De 15 a 16 ans 1,3 1 „ 16 „ 17 ,, 3.5 f „ 17 .. i8 .. 6.9 ( 69.9 „ 18 „ 19 „ 8,8 \ „ 19 » 20 » 10>8 „ 20 „ 25 „ 38,3 / „ 25 et au-dessus 30,1 30,1 100,0 100,02) Le Dr. A. Baumgarten donne les chiffres suivants: VIKNNE. Age. Prostituées insoumises. 13 4 14 19 16 94 17 97 18 iii 19 119 20 83 527 Sur un total de 1.000 : 52,7 °/0 s). 1) p. 205 — 206 »Le Crime a Deux". Pour quelques chiffres sur Berlin voir encore le Dr. B. Schoenlank »Zur Statistik der Prostitution in Berlin", p. 335 — 336 (Archiv für soziale Gesetzgeb. u Stat. Vil). 2) p. 195. »La prostitution en Russie" (Progrès médical 1893). 3) p. 8. »I)ie Beziehungen der Prostitution zum Verbrechen" (Archiv f. Kriminal Anthropologie u. Krin.inalistik XI.) Comme le démontrent ces chiffres, une importante partie des prostituées se compose de mineures, mais sans nous renseigner du nombre des majeures qui avaient déja embrassé la profession étant encore mineures. Quant a celles-ci les chiffres suivants: Le Dr. Bonhoeffer mentionne que 1'age auquel ies prostituées qu'il a exatninées ont commencé a exercer leur profession était le suivant: BRESLAU. a 16 ans, ou plus jeune 30 ] entre 17 et 18 ans 44 > 54 °/0 „ 19 „ 20 „ 28 ) „ 21 „ 50 „ 88 46 o/o 190 IOO !) Parent-Duchatelet donne le tableau suivant: PARIS. Age au moment de 1'inscription. 10 ans 2 11 ,, 3 12 „ 3 13 6 14 „ 20 15 .. 51 16 „ iii 17 .. 149 18 „ 279 19 „ 322 20 „ 389 21 „ 303 Au-dessus de 21 ans 1.610 3.248 50,4 °/o 49.6 °/n ioo.o 2) Le Dr. Fiaux donne les chiffres suivants: !) p. 188 »Zur Kenntnis des groszstadtischen Bettel- und Vagabundentums". Zweiter Beitrag: «Prostituirte" (Zeitschr. f. d. ges. Strafrw. XXXIII.) 2) o. c. I. p. 92—93. 25 RUSSIE. Age au moment de 1'inscription. de li et moins 1,2 , 13 a 15 9,0 I 15 „ 16 12,9 > 80,5 16 „ 18 30,8 l 18 „ 21 26,6 ] 21 et au-dessus 19,5 19,5 100,0 100,0 ') Donc une grande majorité des piostituées ont été inscrites sur les régistres de la police des moeurs étant encore mineures. On peut bien dire, sans avoir a craindre de se tromper, qu'une grande partie de celles qui ont été inscrites a un age plus avancé, appartenaient tout de même déja a la prostitution clandestine. Le dr. Augagneur est même de 1'opinion suivante: „Combien de ces femmes, vouées indéfininient a la vie de fille publique, en auraient fui toutes les horreurs, si une société soucieuse des intéréts de tous les siens, les avait munies de moyens de défense suffisants a 1'age oü toutes ont succombé: avant 21 ans! Quand une femme ne sest pas prostituee avant 21 ans, elle ne se prostitue pas plus tarci. Cherchez les exceptions contraires a eet axiome et vous verrez comrae elles sont peu fréquentes. La femme plus agée, plus expérimentée, sait les conséquences de ses actes, sait faire la différence des situations sociales; moins passionnée, moins faible et moins impressionnable, elle résiste mieux a un premier entrainement dont les suites ne lui échappent pas." 2) Quoiqu'il en soit, il est certain qu'une trés grande partie des prostituées ont embrassé cette profession, ou ont été séduites encore trés jeunes. Sur ce dernier point les chifïfres suivants nous renseignent: ANGLETERRE. Age auquel les prostituées furent séduites. a 11 ans 3 „ 12 „ 5 1 ,, 13 .. 16 I 14 79 | „iS „ i89 „ 16 „ 184 J> 58 «/„ „ 17 .. 247 1 „ 18 „ 221 l „ 19 „ 297 1 „ 20 „ 280 ! „21 „ 256 I „21 „ et au-dessus 1.299 42 °/o 3) 3.076 100 ') o. c. p. 210. — 2) o. c. p. 215—216. Voir encore sur 1'étendue de la prostitution d'en- fants les i'Reports" etc., et >>Les scandales de Londres dévoilés par la Pall Mali Gazette". Tous les deux passim. — s) p. 52 Appendix li. »Reports from the select committee" ctc. Dans son oeuvre „La Prostitution clandestine" le Dr. L. Martineau communiqué que 1'age, auquel les prostituées qu'il a observées furent déflorées, se répartit comme suit: FRANCE. Age. Nombre. Age. Nombre. 5 ans i i5 ans 86 9 » 2 16 „ 87 10 „ 2 17 „ 115 11 „ 2 18 „ 93 12 „ 5 19 .. 50 13 ,, 11 20 „ 37 14 „ 31 21 „ 27 549 Sur un total de 607 : 90 °/o')• Ces circonstances font déja tout de suite présumer que la prostitution se recrute pour une trés grande partie dans les classes moins aisées ou le délaissement des enfants a pris des proportions énormes, et non dans les classes plus favorisées oü les enfants bien gardés sont tenus éloignés d'influences défavorables. L'exactitude de cette conclusion est démontrée par un examen des faits. Pour n'en citer que quelquesuns, ce qui suit: D'après une statistique dans les „Reports" etc. il n'y avait que 44 sur 3.076 prostituées, donc 1,4 °/o> qu' étaient sorties des classes aisées. 2) Dans son oeuvre „Sozialpolitisches Handbuch" le Dr. Lux publie la statistique suivante: BERLIN 1871—1878. Profession des parents de prostituées. Nombre. Pourcentage. Artisans ; 1.015 48 Ouvriers d'usine 467 j * 22 Fonctionnaires inférieurs | 305 | 14 Commerce et transport 222 11 Agriculture etc. 87 j 4 Militaires 26 1 2.122 1003) !) p. 42—44 et 46—66. 2) p. 52 Appendix B. 3) P- 133- Le Dr. Bonhoeffer trouva que les pères des prostituées qu'il a examinées exercaient les professions suivantes: BRESLAU. °/o Industrie et métiers 72 42 Ouvriers non-qualifiés 32 '9 Fonctionnaires inférieurs 24 14 Commerce 13 8 Transport 12 ^ Logeur 6 3>5 Agriculture 8 5 Musiciens ambulants 2 1 Fonctionnaires supérieurs 1 0,5 170 100 ') Le Dr. Fiaux donne les chiffres suivants: RUSSIK. Classes sociales dans lesquelles se recrutent les prostituées. Paysannes 47>5 Bourgeoises 36,3 Femmes et filles de soldats 7>2 Autres classes 4>7 Sujettes étrangères 1,5 Nobles et filles d'employés 1,8 Marchandes et bourgeoises notables 0,5 Filles de membres du clergé 0,5_ 100,0 2) Ainsi que le démontre la statistique sus-nommée, les prostituées russes se recrutent en plus grand nombre dans la bourgeoisie, que dans les autres pays de 1'Europe; cependant cette bourgeoisie russe ne saurait être comparée a celle des autres pays, ou tout au plus a la petite-bourgeoisie des autres élats de 1'Europe comme le prouve la citation empruntée au Dr. Fiaux: „Le comité considère que la grande masse des femmes inscrites appartiennent a des classes inférieures." Le fait que sur 100 prostituées, 83 sortent de families pauvres, 16 de families aisées, et 1 de familie riche, le prouve également. Après avoir communiqué les professions de 3.332 pères de prostituées,3) Parent-Duchatelet arrivé a la conclusion suivante : „.... les prosti- !) o. c. p. 108. 2) o. c. p. 196. 8) Voir les chiffres o. c. 1 p. 67 — 70. tuées nées a Paris sortent toutes, d'une manière pour ainsi dire exclusive, de la classe des artisans, et... . il n'est pas vrai, ainsi que me 1'ont assuré quelques personnes, qu'il s'en trouvait un bon nombre appartenant a des families trés distinguées;. . .') En parlant des prostituées nées hors de Paris il dit: „ . .. il nous reste une masse plus que suffisante de faits pour nous prouver que les départements ne différent en aucune manière de Paris, relativement a la classe de la société d'oü sortent les prostituées; on ne voit, sur notre dernier tableau, comme sur le premier, que des ouvriers et des gens peu favorisés sous le rapport de la fortune, et qui, par conséquent, ne peuvent ni soigner 1'éducation de leurs filles, ni les surveiller, et encore moins pourvoir a leurs besoins quand elles ont acquis un certain age ; " 2) II est nécessaire que nous spécialisions ces influences défavorables du milieu. Nous rencontrons d'abord le fait qu'une partie des jeunes prostituées ont été incitées a leur profession par leurs parents. Parent-Duchatelet fait mention de 16 cas dans lesquels la mère et la fille étaient toutes les deux prostituées inscrites 3); von Oettingen emprunte ce qui suit aux données du Dr. Tait: EDIMBOURG. Se trouvaient parmi les prostituées: 2 mères avec 4 filles 5 » » 3 tt 10 ,, ,, 2 „ 24 1 fille 41 mères avec 67 filles. *) En second lieu il faudra parler du délaissement des enfants des classes pauvres. Nul savant sérieux n'admet que les idéés morales soient innées, mais que 1'enfant nouveau-né est plus ou moins apte a s'approprier de telles idéés. II s'ensuit qu'on ne peut pas beaucoup attendre d'un enfant dont la formation morale a été ncgligée dans la jeunesse, füt-il même doué d'une grande capacité innée. De la donc que les enfants des families dans lesquelles il y a manque de soins et d'éducation par la mort de la mère, ou de celles dont le père est alcoolique, ou dont le père et la mère travaillent tous les deux au dehors durant la plus grande partie du jour, ou de celles encore 011 la moralité n'est pas grande, courent beaucoup de danger de se perdre. Voici quelques chiffres a 1'appui de cette assertion: o. c. 1 p. 68. 2) o. c. 1 p. 71. Les données du même auteur démontrent que 1.078 sur 3.095 (35 "In) pères de prostituées ne savaient pas signer leur nom. 8) o. c. I p. 108. 4) Moralstatistik p. 198. Sur cette cause de la prostitution voit' encore: I)r. G. Richelot o. c.p. 582—583; Dr. C. Röhrmann »Der sittliche Zustand von Berlin" p. 45—46; »Die Prostitution in Von Oettingen communiqué que, d'après le Dr. Ryan, 12 a 14.000 prostituées a Londres sont devenues femmes de mauvaise vie par suite d'une enfance délaissée. ') Dans les „Reports from the select committee" etc., se trouve !a statistique suivante: Sur 3,075 prostituées 921 (29 °/0) avaient perdu soit leur père, soit leur mère, et 1,481 (48 °/0) étaient orphelines. 2) Dans son oeuvre: „La prostitution clandestine a Paris", le Dr. Commenge donne les chififres suivants concernant 2.368 prostituées qu'il a observées durant les années 1878—1887: 692 (29 °/fl) étaient orphelines; 456 (i9°/o) avaient perdu leur mère; Sn (35 °/o) » » .. père.3) Sur un total de 190 cas, le Dr. Konhoeffer constatait 72 cas (38 %) dans Jesquels 1'éducation avait été positivement mauvaise (criminalité ou prostitution chez les parents, négligence des soins et de la surveillance etc.); 106 cas (56°/0) dans lesquels 1'éducation avait été mauvaise ou probablement mauvaise; et seulement 12 cas (6 °/0) dans lesquels il était prouvé que 1'éducation avait été bonne. 4) Pour la Russie le Dr. Fiaux donne les chififres suivants: Sur 100 prostituées 3,6 avaient encore père et mère; 47,5 n'avaient que des parents éloignés et 18,5 étaient sans aucune familie.5) A propos de la cause nommée de la prostitution le Dr. Augagneur dit ce qui suit: „La plupart des prostituées sont nées a la prostitution en même temps qu'a la puberté. Leur sens moral, si tant est, qu'on ait jamais essayé de le réveiller, s'est fait sans secousse a leur situation: elles sont prostituées sans regrets et sans honte. Elles sont sorties de la société honnête et normale, sans se douter presque de son existence, Bcrlin" p. 86—87; L. Faucher «Etudes sur 1'Angleterre" I p. 74; Lecour, o. c. p. 202—204; Carlier o. c. p. 35—36; G. Tomel et H. Rollet »Les enfants en prison" p. 156 sqq.; L. Ferriani »Entartete Mütter", p. 161; le Dr. O. Commenge »La prostitution clandestine k Paris", p. 33—35. 1) o. c p. 198. 2) p. 52 Appendix B. s) o. c. p. 42. 4) o. c. p. 108. Puisque 1'éducation donnée a des enfants illégitimes est généralement trés insuffisante, on peut s'attendre 4 ce que nombre de prostituées sont des enfants illiégitimes. Dans son oeuvre «Die Prostitution in Hamburg" Ie Dr. H. I.ippert communiqué que plus que la moitié des prostituées de Hambourg sont des enfants naturelles ip. 78); Parent-Duchatelet constatait 385 naissances illégitimes sur 3.667 prostituées, soit 10,46 °/0 (o. c. p. 77 I); le Dr. Jeannel donne pour Bordeaux (1860) un pourcentage d'environ 12, pour Strasbourg (1854) un de 10 (o. c. p. 144); le Dr. Bonhoeffer donne 22 sur les 190 soit 11,5%. Une comparaison de ces chiffres avec ceux des naissances illégitimes en général (Le Dr. Jeannel donne pour la France 7,8 °/n. et en 1899 le pourcentage se montait & 9 pour 1'Allemagne ip. 10 Statistisches Jahrbuch für das Deutsche Reich XXII) démontre que Finfluence de 1'illégitimité est moins grande qu'on le supposerait. Les principales causes doivent être: in. la mortalité des enfants illégitimes est plus grande que celle des enfants légitimes; par conséquent le pourcentage de personnes illégitimes est inférieur aux chiffres sus-cités; 2°. une partie des enfants illégitimes, qui sont nés dans la classe ouvrière, recoivent une éducation pareillc & celle des enfants légitimes, puisque une tille-mère est moins méprisée dans ces classes du peuple que dans les autres. a) o. c. p. 197. sans le dcsir d'y rentrer jamais. Tl leur a manqué, pour devenir d'honnêtes femmes, les enseignements de la vertu, les exemples de leurs proches, la surveillance soupconneuse de leurs nières et le bien-être matériel. Les filles du peuple ne sont pas, au jour de leur naissance, d unc pate inférieure a celle des filles de la bourgeoisie ou de la noblesse, elles ne sont naturellement ni moins intelligentes, ni plus perverses. Et pourtant, si vous examinez 1'état civil de cent prostituées, vous verrez que 95 au moins sortent des couches les plus inférieures de la société. C'est dire que Pinégalité sociale est seule responsable dans cette inégale repartition. ') Enfin, je veux encore citer 1'opinion de Parent-Duchatelet, qui est de grande valeur, puisque eet auteur est incontestablement le meilleur sociologue qui ait traité le sujet. II dit: „L'inconduite des parents et les mauvais exemples de toute espèce qu'ils donnent a leurs enfants doivent être considérés pour beaucoup de filles, et en particulier de l'aris, comme une des causes premières de leur détermination. L,es dossiers de chaque fille et les procès-verbaux des interrogatoires font sans cesse mention de désordre dans les ménages, de pères veufs vivant avec des concubines, des amants des mères veuves ou mariées, de pères et de mères séparés, etc. Quelle surveillance de tels parents peuvent-ils exercer sur leurs enfants, et s'ils jugent convenable de faire une réprimande ou de donner un bon avis, quel poids et quelle autorité pourront avoir dans leur bouche de pareilles observations ? Ainsi la dépravation, 1'insouciance, la position nécessiteuse de beaucoup de gens de la dernière classe provoquent, 11e préviennent pas, ou ne peuvent empêcher la corruption des enfants; on peut dire en gcneral pour un bon nombre de prostituées ce que 1'observation de tous les jours apprend a 1'égard des malfaiteurs, c'est qu'ils ont pour la plupart une origine ignoble." 2) En troisième lieu il faut nommer comme cause démoralisatrice dans la jeunesse les mauvaises conditions d'habitation. Un des traits caractéristiques les plus prononcés de 1'enfant c'est son penchant a 1'imitation. De la que le fait qu'une familie entière doit habiter et dormir dans une ou deux pièces, a les conséquences les plus néfastes pour la moralité sexuelle des enfants. La vie sexuelle 11 a plus de secrets pour 1'enfant des classes pauvres a un age, oü cette vie est encore chose inconnue pour les enfants des classes aisées. Je veux donner ici quelques chiffres pour démontrer combien les logis sont exigus: D'après une enquête faite a Berlin en 1895 il y avait 4-71 ^ habitations sans foyer et occupées par 13.700 habitants; plus de 200.000 habitations se composaient d'une pièce avec foyer, dans 22.160 habitaient plus de 6 personnes. Sur 100 habitations il y a les cas suivants !) o. c. p. 215. 2) o. c. I p. 102. Sur cette cause de la prostitution voir encore: Dr. Richelot, o. c. p. 574—575; Dr. Fr S. Hiigel »Zur Geschichte, Statistik und Regelung der Prostitution" p. 206— 207; I)r. [eannel o. c. p. 145—146; A. C. Fr. Schaffle »Bau und Leben des socialen Körpers" I p. 261; H. Stursberg >>Die Prostitution in Deutschland und ihre Bekampfung" p. 44—45; le Dr. E. Laurent "Les habitués des prisons de Paris" p. 585—589 (description de types); G. Schönfeldt «Heitrage zur Geschichte des Pauperismus und der Prostitution in Hamburg" p. 269. de „surpopulation" (qui, pour la statistique officielle, se présente s'il y a plus de 6 personnes dans une pièce avec foyer, et plus de 8 personnes dans deux pièces avec foyer ou dans une pièce avec cuisine attenante): a Königsberg io,6; a Halle 10,3; a Breslau 9,9; a Liibeck 8,75 ; a Görlitz 6,91 ; a Leipzig 7,85 ; a Altona 7,62 ; a Münich 4,41 ; a Kiel 4,46 ; a Mannheim 11,8. En 1890 il demeurait dans des habitations avec surpopulation sur 1.000 personnes: a Berlin 784; a Münich 533; a Breslau 754. ') D'après 1'enquête de 1890 il y avait a Vienne 23.921 habitations composées d'une seule pièce, avec 64.621 habitants et 103.433 habitations de deux pièces avec 411.314 occupants. Ces deux groupes formaient a eux deux ensemble 44 °/0 de toutes les habitations et 35 °/0 de la population entière y habitaient. Le prof. von Philippovich, a 1'article duquel les données citées ont été empruntées, constatait que dans les quartiers ouvriers viennois Ottakring, Meidling et Favoriten, de toutes les habitations avec une ou deux pièces resp 29,3, 30,8 et 31,26 °/0 étaient occupées „en surpopulation" (c. a d. 3—5 personnes dans une pièce). 2) Le recensement dans les Pays-Bas de 31 décenibre 1899 a donné les résultats que voici: II y avait 307.937 habitations, occupées par 1.172.014 personnes (soit 22,7 °/0 de la population), et qui étaient composées d'une pièce habitée; il y avait 334.355 habitations, occupées par 1.497.353 personnes (soit 29 °/0 de la population), se composant de deux pièces (parmi lesquelles sont comprises des cuisines, des alcoves et des galeries couvertes). 3) La spécialisation de ces chiffres fait encore mieux connaitre la situation : il y avait 45.641 habitations d'une seule pièce avec 4 personnes; 62.548 habitations de plus d'une pièce avec 5 ou 6 personnes; 41.877 habitations d'une seule pièce, occupées par 6 personnes ou par plus de 6; il y avait 45.363 habitations composées de 2 pièces qui étaient occupées par 3 ou 4,personnes ; 20.582 habitations de deux pièces avec 4 a 6, et 706 habitations de 2 pièces avec 6 occupants ou plus. 4) Ce qui en outre fait souvent défaut c'est 1'espace pour placer un nombre suffisant de lits ou bien les moyens de se les procurer. Dans un trés grand nombre de cas des enfants de différents sexes doivent dormir ensemble dans un seul lit ou bien avec des personnes adultes. II arrivé aussi souvent que les habitants de ces demeures déja insuffisantes sont obligés de prendre des commensaux (Schlafburschen). Sur 1.000 habitations on a constaté les nombres suivants de logis avec commensaux: a Leipzig 175, a Breslau 125 et a Berlin 158 5); a Vienne 6,4 °/(), et a Berlin les 6,1 °/0 de la population sont des commensaux. f>) II va sans dire que parmi ces gens en garnis il y a des personnes démoralisées, trés dangereuses pour les enfants. Dans son oeuvre „Ver- A. Pappritz, »Die wirthschaftlichen Ursachen der Prostitution", p. 14. 2) p. 221 223. vWiencr Wohnungsverhaltnisse", (Archiv f. soz. Gesetzg. u. Statist. VII). s) Bijdragen tot de Statistiek van Nederland XXIV7, Uitkomsten der woningstatistiek. p. 52. 4) o. c. p. 98. 6) Pappritz o. c. p. 15. fi) v. Philippovich o. c. p. 222. brechen und Prostitution", P. Hirsch dépeint ces dangers comme suit: „Man denke sich, auf einem wie engen Raum oft eine ganze Familie zusanimengepfercht ist, wie schwer eine Trennung der Geschlechter bisweilen selbst dann sich ermöglichen laszt, wenn der Geschlechtstrieb der heranwachsenden Kinder bereits in der Entwicklung begriffen ist! Die Kinder wohnen leider nur all zu haufig selbst den intimsten Vorgangen bei und verlieren schon früh jedes Schamgefühl. Wie sollen vollends diejenigen Kinder Anstand und gute Sitten lernen, deren Eltern gezwungen sind, an Prostituirte zu vermiethen? Wer schützt diese Unglücklichen vor der moralischen Ansteckung ? Oft wird in ihrer Gegenwart ein Wort gesprochen, oft spielen sich vor ihren Augen Vorgange ab, die sie jetzt vielleicht noch nicht zu erkennen vermogen. Aber das kindliche Gemüth ist für derartige Eindrticke empfanglich, und was sich in seiner Gegenwart vollzieht, fallt auf einen fruchtbaren Boden. Was in seiner Erinnerung aus frühester Jugend haften geblieben ist, das wird, wenn spater einmal seine Sinnlichkeit angeregt ist, schreckliche Früchte tragen. Wir wundern uns, wenn wir 12 bis 13 j.ïhrige Madchen Gesprache fiihren horen, die wir sonst nur von Prostituirten zu vernehnien pflegen, die lange Jahre ihrem Gewerbe nachgehen, wir staunen iiber die Abgefeimtheit mancher ganz jungen Personen und sind leicht geneigt, ein ungtinstiges Urtheil iiber sie zu fallen. Wahrlich, unser Urtheil würde ganz anders ausfallen, wir würden Mitleid mit ihnen empfinden und zum Nachdenken angeregt werden, wenn wir die Höhlen kennen lernten, in denen diese armen Geschöpfe ihre Kindheit verbracht haben." ') Comme cause de la démoralisation de jeunes filles il faudra enfin fixer 1'attention sur le travail des enfants. En premier lieu il y a beaucoup d'enfants qu'on envoie vendre des fleurs, des allumettes, etc., ce qui est cause qu'ils sont négligés ou qu'ils fréquentent de mauvaises compagnies. La-dessus Hirsch dit: „Man lasse sich nur einmal in ein Gesprach ein oder man belausche nur einmal die Unterhaltung jener Kinder, die in den Groszstadten des Abends Blumen, Streichhölzer u. dgl. feilbieten, und man wird erstaunen iiber ihre Verschlagenheit; man sollte es kaum glauben, mit welcher Schamlosigkcit solche Knaben mit den unter gleichen Verhaltnissen heranwachsenden Madchen iiber geschlechtliche Vorgange sprechen, ohne zu erröthen, als iiber etwas ganz Selbstverstandliches, da sie es von frühester Kindheit an gewöhnt sind. Kein Wunder, wenn aus diesen Kreisen der Prostitution und dem Verbrecherthum ein recht betrachtlicher Naclnvuchs entsteht. ..2) En second lieu le travail dans les usines, par lequel les filles viennent en contact avec des adultes, qui, par leurs manières et leur langage souvent grossiers, par leur propre manque de sentiments moraux, corrompent ces enfants pour toute la vie. Après avoir parlé des autres dangers qui menacent la moralité des enfants, Lecour dit: „A-t-elle échappé a 1) p. 42. Voir encore sur 1'influence des mauvaises conditions d'habitation: Kichclot o. c. p. 573—574; W. Acton «Prostitution considered in its moral, social and sanitary aspects" p. 181 sqq.; Jeannel o. c. p. 143; Lecour o. c. p. 246; »Reports from the select committee etc." p. 39 (Session 1882); Stursberg o. c. p. 46—47; Commenge o. c. p. 32. 2) o. c. p. 54. ccs dangers, 1'enfant placée trop jeune en apprentissage, rcncontrcra d'autres périls. II y aura lc contact de filles plus agées et déja perverties, celui d'ouvriers qui ne respectent ni la jeunesse ni 1'innocence, fanfarons de débauche, qui propagent 1'immoralité et flétrissent les filles de leurs camarades. II y aura parfois 1'impure domination d'un patron ou d'un contre-maitre." •) Nous voila arrivés a la fin de nos observations sur les influences démoralisatrices sur les enfants, et nous examinerons maintenant en quelques mots ces influences sur les femmes adultes. II faudra parler en premier lieu de 1'influence de la profession. Les chifïfres suivants servent a faire voir quelles sont les professions dans lesquelles les prostituees se recrutent le plus: BERLIN, 1855. Ouvrières de fabriques ) 7 3 j Couturières, blanchisseuses, repasseuses f ërS'ë 16 f , 0, Main d'oeuvre L •§ > f 23 L '° Ouvrières a doniicile I °"e 32 ; Domestiques 22 9 „ Sans profession déclarée 70 30 „ 236 100 1873- (O \ Ouvrières de fabriques j 355 i Industrie en chambre et demoiselle de ' crS'C f ^. 0/ boutique k •§ > g 936 l '° Gardiennes dans niagasins ] °'g 139 / Domestiques • 794 35,7 „ 2.224 100,0 1898. Ouvrières, couturières et boutiquicrcs 66 43,4 °/„ Domestiques 78 5J>3 » Chez leurs parents 7 i Bonnes d'enfants 1 ^ " 1 52 100,0 2) o. c. p. 247. Voir cncorc sur les suites démoralisatrices du travail des enfants: Parent-Duchatelet, o. c. I p. 103; Röhrmann o. c. p. 44; Jeannel o. c. p. 146 148; Keports etc. p. 15—17 (Session 1882); K. Strunz, p. 183 sqq. «Die Krwerbsvnaszige Kinderarbeit und die Schule" (Neue Zeit 1898—1899 I.) 2) Dr. A. Iilaschko »Die Prostitution im XIX Jahrhundert" p. 22; du même «Hygiene der 1'rostitution" p. 40—41. Dans les „Reports from the select committee" etc. se trouve la statistique suivante: ANGLETERKE. Domestiques 1 -5^9 60,7 °/o Couturières, tailleuses et autres professions industr. 967 36,9 „ Filles de brasseries 64 2,4 „ 2.620 100,0 ') BRESLAU, 1901. Domestiques 72 3^ °/« Ouvrières de fabriques 37 20 » Couturières 28 15 „ Boutiquières 14 7 » Modistes ^ o , Tailleuses \ ' Filles de brasseries l Bouquetières / 13 7 » Coiffeuses ) Danseuses 4 2 » Sans profession et chez leurs parents 14 7 » 190 100 2) Dans „La Prostitution a Paris" de Parent-Duchatelet se trouve une statistique d'après laquelle les domestiques a pro rata de leur nombre fournissent le plus grand contingent de prostituees, et que les ouvrières qui tachent de pourvoir a leurs besoins par 1'aiguille en fournissent aussi une trés grande partie. 3) Le Dr. Jeannel constata qu'en 1859, des 298 prostituées inscrites a Bordeaux 40 % avaient été domestiques, et 37 % des ouvrières qui avaient essayé de vivre par le travail de 1'aiguille (modistes, couturières, lingères etc. 4) Sur un total de 6.842 prostituées clandistines a Paris (de 1878—1887) le Dr. Commenge trouva que 2.681 (39, ï8 %) avaient été domestiques et 1.326 (19%) couturières.5) Le Dr. Baumgarten mentionne la statistique suivante. Sur 1.721 prostituées: ') p 52 Appendix 15. I)r. Bonhocffer o. c. p. 109. 3) Voir les statistiques détaillées p. 79—84 o. c. I. 4) o. c. p. 148. 5) 0. c. p. 336. VIENNE. Servantes 58,00 Main-d'oeuvre 16,00 Caissières 14,00 Ouvrières de fabriques 5,50 Employées de bureau 0,38 Bonnes d'enfants 0,36 Chanteuses 0,28 Coifïfeuses / _ Modèles S ^>4 100,00 ') Le Dr. Fiaux donne les chiffres suivants: RUSSIE. % Servantes 45,0 Lingères, couturières 8,4 Ouvrières de fabrique 3,7 Blanchisseuses 1,4 Gouvernantes et bonnes 1,3 Marchandes, boulangères et autres 1,3 Cigarières 0,7 Chanteuses, écuyères, saltimbanques et autres artistes 0,3 Exercant différents métiers, professions 2,7 Femmes entretenues 2,0 Sans profession déterminée 6,4 Vivant du travail de leur mari T,7 Vivant dans leur familie ou chez des parents plus ou moins éloignés 22,3 Ces statistiques font voir qu'une assez importante partie des prostituées ont été ouvrières dans des usines. (Excepté en Russie 0111'industrie n'est pas encore aussi développée que dans d'autres pays de 1'Europe.) On peut accepter comme indubitable que ce travail a en général des conséquences trés désavantageuses pour le moral des ouvrières. Dans son oeuvre „Lage der arbcitenden Klasse in England", Engels dépeint ces conséquences en ces termes: „Die Vereinigung beider Geschlechter und aller Alter in einem Arbeitssaale, die unvermeidliche Annaherung zwischen ihnen, die Anhaufung von Leuten, denen weder intellektuelle, noch sittliche Bildung gegeben worden ist, auf einem engen Raume ist eben nicht geeignet, von günstigen Folgén für die Entwicklung ') o. c. p. 5. 2) O. c. p. 197. des weiblichen Charakters zu sein. Der Fabrikant kann, selbst wenn er darauf sieht, nur dann einschreiten, wenn wirklich einmal etwas Skandalöses passirt; die dauernde, weniger auffallende Einwirkung lockerer Charaktere auf die moralischeren und namentlich die jüngeren kann er nicht erfahren, also auch nicht verhüten. Diese Einwirkung ist aber gerade die schadlichste. Die Sprache, die in den Fabriken geführt wird, ist den Fabrikkommissaren von 1833 von vielen Seiten als „unanstandig", „schlecht", „schmutzig" u. s. w. geschildert worden (Cowell, evid. P- 35» 37» un9°/o) qui, elles aussi, sont devenues prostituées par suite de cette séduction et de la misère). Ferriani produit la statistique qui suit: ITALIË. Abandonnées par le mari, les parents ou par d'autres membres de la familie 794 Décès du mari, des parents ou d'autres personnes subvenant a leur entretien, ou autre cas de misère 2.139 Afin de pourvoir aux besoins d'enfants, de père ou de mère, ou d'autres membres de sa familie pauvres et malades . . 393 3-326 Sur un total de 10.422:31,9°/0. 2) (D'après la statistique que j'ai déja reproduite (voir p. 399) 24,7 °/0 des prostituées le sont devenues par suite de séduction, donc en partie également par la misère.) Dans son oeuvre „Die Prostitution im XIX Jahrhundert" le Dr. Blaschko communiqué que les ,Ergebnissen der von den Bundesregierungen angestellten Ermittelungen über die Lolmverhaltnisse der Arbeiterinnen in den Waschefabriken und der Konfektionsbranche im Jahre 1888" demontrent, que le chömage forcé dans la branche de la confection durant plusieurs mois est cause d'une augmentation de la prostitution.3) Comme nous 1'avons vu dans la première partie de ce travail il a été démontré a différentes reprises que les crimes contre la propriété diminuent ou augmentent selon que la conjoncture économique est favorable ou défavorable. Si la misère est une des causes de la prostitution, il faut que le nombre des prostituées se modifie en même temps que la conjoncture. La statistique prouve que cela arrivé en etïet. Cependant, il faudra encore prendre en considération que ces chiffres ne se rapportent qu' 1) p. 52 (Session 1882 Appendix B). 2) o. c. p. 169. 3) p. 17—18. Voir k ce sujet aussi Dr. B. Schönlank »Zur Lage der in der Waschefabrikation und Konfectionsbranche Deutschlands beschaftigten Arbeiterinnen" p. 126—127 (Neue Zeit 1888); Hirsch, o. c. p. 46; Pappritz, o. c. p. 10. exclusivement aux prostituees inscrites; si 1'on pouvait disposer aussi des chifFres des filles insoumises, ils démontreraient naturellement des modifications encore plus grandes. BERLIN. j Nombre des Sur 100.000 ■ ! Nombre des j Sur 100.000 Année. prostituées i de la | Année. prostituées | de la inscrites. | population. j | inscrites. | population. 1869 1709 ! 223 1882 3900 326 1870 IÓOÖ | 203 1883 3769 | 306 1871 IÖ2S 197 1884 3724 293 1872 1701 198 1885 3598 273 1873 1742 j 195 | 1886 3000 J 230 1874 I956 2IO 1887 3063 2IÓ 1875 2241 232 1888 3392 231 1876 2386 242 1889 3703 244 1877 2547 248 1890 4039 255 1878 2767 262 1891 4304 273 1879 3033 277 1892 4663 288 1880 3186 284 1893 4794 292 1881 3465 298 ') En laissant de cóté les années anormales 1870—1871, on s'apercevra que les années prospères 1872 —1873 donnent des chiffres trés bas. A partir de cette période la conjoncture devient continuellement plus défavorable, tandis que les chiffres des prostituées indiquent aussi une hausse importante. Dès 1'année 1882 les conditions économiques commencent a s'atnéliorer et les chiffres des prostituées y correspondant, baissent en même temps, pour s'élever de nouveau trés sensiblement pendant les années défavorables 1889—1892. Dans son oeuvre „Statistik der gerichtlichen Polizei im Königreiche Bayern und in einigen anderen Landern", le Dr. Mayr donne aussi les preuves convaincantes du parallélisme entre les changements dans la vie économique et la prostitution. Ces chiffres ayant été déja reproduits dans la première partie de ce travail, il suffit d'y renvoyer (voir p. 59). 2) Cependant, ce n'est pas seulement le chómage forcé amenant la profonde misère qui est une des causes de la prostitution: il faut aussi considérer comme telle la circonstance que les salaires accordés aux femmes sont souvent si minimes, qu'il leur est impossible de se payer même le strict nécessaire, ce qui les oblige a se procurer des gains supplémentaires. Dans son oeuvre déja citée: „Die wirthschaftlichen Ursachen der Prostitution", Pappritz fixe le minimum dont une ouvrière a Berlin a ') Les chiffres absolus ont été empruntés au Dr. B. Schoenlank »Zur Statistik der Prostitution in Berlin" p. 331 et k Hirsch o. c. p. 57. 2) Voir encore les auteurs suivants qui relèvent eet effet réciproque: Faucher, o. c. I p. 277; Bebel, o. c. p. 194 et Schaffle, o. c. 1 p. 261. besoin pour pourvoir aux dépenses les pius strictement nécessaires (logis, nourriture, habits etc.) durant un an a 600 marcs. La plupait des ouvrières de fabriques ne gagnent généralenient que 500 marcs. Le gain moyen dans une année (en 1897) était de 457 marcs pour les tailleuses, de 354 niarcs pour celles qui font les boutonnières (travail manuel). Et puis, les salaires payés a Berlin ne sont pas encore les plus bas; le salai're moyen des femmes était pour 1'Allemagne entière, de 322 marcs. 1) II ne me serait pas difficile de citer encore plusieurs auteurs qui, traitant ce sujet pour 1'Allemagne, se sont exprimés dans le même sens. Mais je dois être succinct et pour cela me borner a citer le passage de 1'important travail du Dr. K. Frankenstein „Die Lage der Arbeiterinnen in den deutschen Groszstadten", dans lequel il résumé le résultat de ses études sur ce sujet: „Eiu selir groszer Theil der Arbeiterinnen unserer Groszstadte erhalt Löhne, welche nicht hinreichen, die nothwendigsten Bedürfnisse des Lebens zu befriedigen, und befindet sicli aus diesem Grunde in der Zwangslage, entweder einen erganzenden Erwerbszweig in der 1'rostitution zu suchen oder den unabwendbaren Folgen körperlicher und geistiger Zerrüttung zu verfallen". 2) II est évident qu'il en est de même pour tous les pays ou règne le capitalisme. Voici ce que Faucher p. e. en dit dans ses „Etudes sur 1'Angleterre": „Les ouvrages a l'aiguiile sont si peu rétribués a Londres, que les jeunes personnes qui s'y livrent ont de la peine a gagner 3^4 shillings (3 francs 75 centimes a 5 francs) par semaine, en travaillant seize .ï dix-huit heures par jour. Le salaire d'une brodeuse est, pour une forte journée, de 50 a 60 centimes; les lingères obtiennent généralenient 30 centimes pour coudre une chemise, et 20 a 25 centimes pour un pantalon. On ne saurait rien imaginer de plus affreux que 1'existence de ces pauvres filles. 11 faut qu'elles se lèvent dès quatre ou cinq heures du matin, dans toutes les saisons, pour se mettre a 1'ouvrage ou pour aller recevoir les commandes des marchands. Elles travaillent sans relache, jusque vers minuit, dans des chambres étroites, oü elles sont reünies, pour plus d'économie dans 1'usage du feu et de la lumière, par cinq ou par six. Sont-elles adniises a demeurer dans un magasin de modes ou de lingerie, 011 les nourrit mal, et sous prétexte d'urgence, on les tient a la tache jour et nuit, en leur donnant a peine quatre ou cinq heures de sommeil, qui sont encore régulièrement supprimées le samedi. Cette vie sédentaire et cette application constante les vieillissent avant 1'age, quand la phthisie les épargne. Doit-on s'étonner si quelquesunes, effrayées ou rebutées de trouver le chemin de la vertu aussi rude, tendent les bras a la prostitution ?" 3) A ces journées et a ces salaires il faut opposer la vie oisive et commode et les revenus parfois assez considérables — du moins au commencement de leur carrière — dont jouissent les prostituées. MoreauChristophe dans son „Du Problème de la Misère" communiqué qu'il y a 1) p. 8-9. 2) p. 188. Jahrbuch für Gesetzgebung, Verwaltung und Volkswirthschaft XII 2. Voir aussi le traité circonstancié des salaires de femmes dans le travail de L. Braun »I)ie Frauenfrage", p. 227 sqq. et 287 sqq. s) 1 P- 65. a Londres des prostituees qui gagnent £ 20 a 30 par semaine, et même plus, et que leur bénéfice moyen est de £ 2 par semaine. •) Pour en finir je veux encore attirer 1'attention sur 1'opinion de ParentDuchatelet concernant eet état des choses a Paris. II en dit: „De toutes les causes de la prostitution, particulièrement a Paris, et probablenient dans les autres grandes villes, il n'en est pas de plus actives que le défaut de travail et la misère, suite inévitable de salaires insuffisants. Oue gagnent nos couturières, nos lingères, nos ravaudeuses, et en général toutes celles qui s'occupent de 1'aiguille? Que 1'on compare le gain des plus habiles avee celui que peuvent faire celles qui 11'ont que des talents médiocres, et 1'on verra s'il est possible a ces dernières de se procurer le strict nécessaire; que 1'on compare surtout le prix de leur travail avec celui de leur déshonneur, et 1'on cessera d'être surpris d'en voir un si grand nombre tomber dans un désordre pour ainsi dire inévitable." 2) Non seulement la misère, prise dans le sens de manque du strict nécessaire est cause de prostitution, mais encore la misère relative qui met certaines femmes dans 1'impossibilité de se procurer certaines jouissances (bijoux, riches vêtements, etc.); dans cette catégorie de femmes la paresse joue également un certain róle. L'opinion générale concernant ces facteurs est qu'ils sont exclusivement de nature individuelle, qu'ils sont innés a quelques femmes, et qu'ils n'ont, par conséquent, rien a faire avec le milieu social. D'après moi cette opinion est tout a fait erronnée. Les hommes sont nés avec certains besoins. La non-satisfaction de ces besoins cause la mort ou le dépérissetnent de 1'organisme. Ces besoins sont ce qu'on nomme le strict nécessaire. Tons les autres besoins sont éveillés par le milieu, c. a d. que chacun les possède en germe mais a 1'état latent, aussi longtemps que 1'ambiant ne les a pas développés. Exemple: Personne n'aurait souffert de 1'abstention du tabac, s'il 11'avait vu fumer un autre; aucune femme ne désirerait de somptueux vêtements si d'autres femmes n'en portaient; etc. Le désir de s'habiller richement, 1) III p. 168. Voir encore: »Reports from the select committee etc." p. 15—16 (Session 1882). La aussi est relevée la différence entre les petits salaires des couturières et les grands revenus des prostituées a Liverpool. 2) o. c. I p. 103 — 104. Voir aussi les auteurs suivants qui considèrent comme étant un des plus importants déterminants de la prostitution: la misère en général et particulièrement les petits salaires; savoir: Richelot, o. c. p. 577—579! Frégier, o. c. I p. 97—985 Ed. Ducpetiaux »De la condition physique et morale des jeunes ouvriers", I. p. 315; Anonyme »l)ie Prostitution in Berlin", p. 84—85; le Dr. Ph. Loewe »Die Prostitution", p. 135—136; Röhrmann, o. c. p. 24—25; Moreau-Christophe, o. c. III p. 167—168; Acton, o. c. p. 180 sqq.; Hügel, o. c. p. 208; Jeannel, o. c. p. 140—142; Lccour, o. c. p. 248; M. du Camp »La prostitution a Paris", p. 257—258 (Journal^ des économistes 1870); le Dr. F. W. Muller »De Prostitutie", p. 10—11; Dr. J. Kühn »Die Prostitution im XIX Jahrhundert", p. 37—38; Schaffle, o. c. p. 261; von Oettingen, o. c. p. 193—194; F. Domela Nieuwenhuis »Zur Frage der Prostitution", p. 254 sqq. (Neue Zeit 1884); Stursberg, o. c. p. 51—53; I-ux «Die Prostitution", p. 10—12; Schönfeldt, o. c. p. 269 sqq.; T. YV. Teifen »Das soziale Elend und die besitzenden Klassen in Oesterreich", p. 150 sqq.; Taxil, o. c. p. 33—38; De Baets, o. c. p; 36—37; Commenge, o. c. p. 28—29, 36—37; Blaschko »Die Prostitution im XIX Jahrhundert", p. 16—21. de porter des bijoux, etc. n'est donc pas du tout une qualité individuelle des ouvrières; le germe de ce besoin est inné a chaque individu, sans aucune exception bien qu'a différents degrés. L'organisation actuelle de la société qui permet a quelques femmes de dépenser des sommes colossales pour un luxe insensé éveille chez d'autres le besoin de les imiter autant que possible. Dès que ces dernières n'ont pas les ressources exigées pour briller, ellcs cherchent oü les trouver, et comme il n'y a que la voie de la prostitution, beaucoup la suivent. Ajoutons a cela qu'un grand nombre d'hommes usent de leur argent et de leurs manières distinguées pour décider les hésitantes. C'est donc aussi une des causes que la prostitution se recrute si souvent parmi les couturières et les domestiques, c. a. d. parmi ces personnes qui, par leur profession, sont en contact direct avec le luxe d'autrui. ') Une autre cause qui pousse les femmes a désirer les futilités précieuses, c'est leur peu de culture qui ne leur montre rien de préférable au-dela de la possession du luxe. Et la oü des femmes qui ont tout le loisir et les moyens de s'occuper de choses plus sérieuses donnent 1'exemple de la frivolité on ne saurait s'étonner que celles qui n'en disposent pas essayent de suivre leur exemple. De même pour ce qui concerne la paresse. Si chaque personne qui en est capable, produisait une certaine quantité de travail, chaque individu normal aurait honte de passer sa journée a ne rien faire. Mais la circonstance qu'il y a des femmes qui sont estimées, tout en restant oisives, éveille chez d'autres femmes, obligées a un travail long et dur le désir de ne rien faire non plus. L.a prostitution leur ouvrant le moyen de rester inoccupées elles y ont recours pour satisfaire leur désir. L'ironie, qui ressort si souvent de la vie sociale se montre aussi dans ce cas : les femmes riches qui méprisent les prostituées ne se doutent pas qu'elles sont en partie causes de la décheance de ces dernières et que placées dans des conditions pauvres elle n'agiraient pas différemment. 2) Tous ceux qui rangent les causes citées en dernier lieu parmi les causes individuelles, basent leur opinion sur la thèse aussi singtilière qu' 1) En parlant du grand contraste entre richesse et pauvreté comme cause de la prostitution, L. Braun dit k juste titre: »Der Reichtum früherer Zeiten zog sich vornehm in Pa laste und Patrizierliiiuser zurück, der moderne Reichtum strahlt blendend aus dem Glanz der Kaufhauser, der Pracht der Hotels, er wird in den Luxuszügen und Dampfschiffen, die Weltstadt mit Weltstadt verbinden, in den Modebadern und durch die Presse mit allen Mitteln der Vervielfaltigungskunst den Massen vor Augen geführt. Und wo die Not nicht ausreicht um zur Prostitution zu zwingen, da gaukelt die Gewaltdies er Verführungskünste den armen Madchen Glück und Freiheit vor."(o.c.p. 555.) Voir aussi: Köhrmann, o. c. p. 46—47; Pappritz, o. c. p. 12. Le Dr. A. Després dans son oeuvre »La prostitution en France", (p. 36) prétend que la misère ne saurait être une des principales causes de la prostitution, attendu que dans les départemcnts les plus riches de la France, la prostitution est le plus développée. L'auteur se trompe en ce sens, qu'il n'a envisagé la richesse que dans le sens absolu, oubliant que la 011 règne 1'opulence s'étale ordinairement aussi la grande misère, et que ce contraste est une des causes importantes de la prostitution. 2) Dans son oeuvre déja citée, le Dr. Kühn dit: »Wie schön lasst es sich in den Salons beim warmen Kamin moralisieren! Man lasse die Töchter reicher Leute einmal herabsteigen von dem weichen Lager ihrer Pfühle auf den harten Boden des hlends und sie sind sicher noch eher verloren als das Dicnstmadchen über das sie noch eben die Nase gerümpft haben." (p. 38). inexacte qu'il y a deux sortes d'hommes: ceux qui, par naissance, sont destinés a commander et a jouir, et ceux qui, par naissance, n'ont qu'a obéir, a travailler et a ne pas jouir du tout. Considéré a ce point de vue celui qui se refuse a ces conditions constitue une anomalie individuelle. Peut-être objectera-t-on que sans admettre de causes individuelles on ne saurait résoudre la question, attendu que nombre de femmes vivent dans les conditions nommées et qu'une fraction seulement se prostitue. Ceux qui raisonnent de cette fa$on commettent Terreur, que je relevais déja plus haut (voir p. 149 sqq.), de voir des circonstances égales la oü cependant elles différent. II n'y a pas deux personnes qui vivent dans des conditions exactement pareilles, a plus forte raison des milliers. Pour ne nommer qu'un exemple: toutes les femmes qui ne gagnent que le strict nécessaire n'ont pas été élevées dans le même ambiant; celles qui ont grandi dans un milieu favorable sous tous les rapports, auront peut-être une si grande aversion pour la prostitution, qu'elles préfèreront une vie mesquine a 1'abondance dans la prostitution. II se pourrait que ces femmes aimeraient même mieux se suicider que de se vendre, si elles venaient a se trouver dans un état de dénuement complet; etc. En second lieu, il est nécessaire qu'une femme ne soit pas trop laide, sans cela la possibilité de gagner sa vie par la prostitution est exclue. Personne n'osera cependant prétendre que la beauté féminiue est une des causes de la prostitution : placée dans un autre milieu une femme ne se prostituera pas simplement pour sa beauté. Quoique les raisons citées réfutent déja pour une grande partie 1'objection supposée, il faut avouer qu' ainsi la question n'est pas entièrement résoulue. De même que tous les êtres d'une même espèce différent entre eux ces femmes diffèreront naturellement entre elles quant a leurs qualités innées. L'une aura des besoins plus intenses et plus nombreux qu'une autre, elle sera moins laborieuse, plus frivole etc., (qualités qui en elles-mêmes n'ont rien a faire avec la prostitution) et „ceteris paribus", sera plus exposée qu'une autre a devenir prostituée. Tout cela est parfaitement vrai, mais n'a rien a avoir a 1'étiologie d'un phénomène social, comme la prostitution. Car, nous voila en présence de deux problèmes bien distincts: pourquoi de deux personnes placées dans les mêmes conditions (supposé que cela soit possible), l'une sera plus en danger de devenir prostituée que 1'autre, et le deuxième: quelles sont 'les causes du phénomène social, qui s'appelle prostitution? La réponse a la première question doit être celle-ci: en partie puisque les gens différent entre eux quant a 1'intensité de leurs qualités et de leurs appétits. A la deuxième il faudra répondre: les conditions sociales. Quand deux personnes de longueur inégale passent une rivicre a gué, et que la plus petite se noie dans un creux, aura-t-on le droit de dire que la différence entre la taille des personnes est une des causes pour lesquelles il y a des gens qui se noient? Je ne le crois pas. La seule cause qu'il y a des gens qui se noient c'est que 1'homme ne peut pas vivre dans 1'eau, ce qui n'exclut pourtant pas que 1 un court plus de risque de se noyer que 1'autre. Quant a la prostitution maintenant, 1'ambiant dans lequel vivent certaines femmes est cause de leur chüte, ce qui n empêche pas que quelques-unes d'entre elles en courent plus le danger que les autres. A chaque instant 011 peut constater la justesse de cette assertion par 1'observation des faits. Parmi les femmes qui ne sont pas prostituées il y en a aussi de plus paresseuses, de plus frivoles etc. que les autres; pourtant elles ne se sont pas prostituées; seulement, si elles avaient vécu dans un ambiant défavorable, et dans la misère elles auraient couru plus de danger de le devenir que d'autres. Voila tout. Si toutes les femmes étaient exactement égales, la prostitution serait aussi grande qu'elle 1'est maintenant; en ce cas, ce serait exclusivement le hasard (le milieu) qui déciderait quelle femme deviendrait prostituée, tandis qu'en réalité, a cöté du milieu les différences individuelies aussi déterminent laquelle court plus de risque qu'une autre. Ceux qui croient qu'il y a ici des causes individuelles en jeu, se placent toujours encore au point de vue que la société n'est pas un organisme, mais qu'elle n'est qu'une agglomération d'individus, et que, par conséquent il suffirait de 1'examen d'un individu pour expliquer les phénomènes sociaux. C'est justement par 1'examen de la prostitution, p. e. comme phénomène social qu'il ressort que les différences individuelles ne jouent aucun róle dans 1'étiologie de la prostitution. d. Parmi les causes de la prostitution il ne faut pas oublier que beaucoup de gens y ont des intéréts pécuniaires. Sans cela bien des femmes ne seraient jamais devenues des prostituées ou bien elles ne le seraient pas restées, et 1'occasion pour 1'homme de se la procurer comme telle ne serait pas si facile. Le capital s'est niche la aussi comme partout oü il y a des profits a tirer. La profession de tenancier d'une maison de tolérance étant trés lucrative, 011 a placé de grands fonds dans cette „branche". Afin de fournir le matériel nécessaire a ces capitalistes, il s'est créé un commerce international, dont les ramifications s'étendent sur presque le monde entier et qui dispose de grands capitaux1) (La traite des blanches). Souvent avant leur entrée dans les maisons de tolérance les prostituées ont déja exercé leur métier, (c'est surtout au sortir de 1'hopital, que les agents de ces maisons guettent les filles qui sans argent et sans protection leur sont une proie facile),2) mais maintes filles innocentes deviennent aussi dupes des belles et fausses promesses de ces trafiquants et sont livrées aux tenanciers des maisons publiques. Dans son ceuvre „Der Madchenhandel" le Dr. K. Hatzigdit: „Die Madchen werden, so weit sie sich nicht freiwillig als Handelsobjekt hingeben, meist unter Vorspiegelungen einer glanzenden Zukunft verlockt. ... Man bietet den Madchen in der Regel vorteilhafte Stellungen im Ausland an, wahrend der unzüchtige Zweck verschwiegen wird. Darauf sind insbesondere die massenhaften Transporte ungarischer Madchen nach !) Voir p. e. le Dr. K. Hatzig «Der Madchenhandel" (Zeitschrift für die gesammte Strafrechtswissenschaft XX): »Für den internationalen Handel bestehen weitverzweigte Gesellschaften, die mit groszem Kapital und besten Verbindungen arbeiten" (p. 514). Voir aussi Bebel o. c. p. 190—192; sReports from the select committee" etc. (Session 1881); >>Les scandales de Londres" passim; et le Dr. W. L, A. Collard «De Handel in blanke slavinnen" (p. 4—56). 2) Le mépris qu'on ressent en général pour les prostituées, et la difficulté de se caser honorablemcnt qui en résulte, est une des causes qui les empêchent de changer de vie. Ruszland zurückzuführen, denen Engagements in Petersburg als Tiinzerinnen versprochen werden. Sind dann die unglücklichen Opfer erst einmal an ihrem Bestimmungsort angelangt, so dürften sie schwer den Handen der Madchenhandler entrinnen. In hilfloser Lage, im Ausland der Stütze ihrer Angehörigen und ihres Staates beraubt, erlicgen sie dann dem Schicksal, an öfïfentliche Hauser verschachert zu werden." ') Une fois tombées entre les mains du tenancier il est presque impossible a ces femmes de s'enfuir. II les tient par toutes sortes de moyens. Par exemple il remplacera les vêtements qu'elles portent par d'autres peu propres a mettre dans la rue et d'un prix si élevé qu'elles s'endettent; souvent elles ne comprennent pas la langue du pays oü elles sont; etc. Légalement 1'esclavage est aboli, mais en réalité il existe toujours pour ces femmes. 2) e. L'ignorance d'une partie des femmes, conséquence du milieu dans lequel elles ont été élevées, est aussi une des causes, bien que peu importante, de la prostitution. Pour citer quelques preuves. Le Dr. Richelot donne les chiffres suivants: LONDRES (1837—1854). Dans le nombre total des killes puuliques arrêtées, IL Y EN AVAIT, SUR IO.OOO: Ne sachant ni lire, ni écrire 3-49^ Sachant lire seulement ou { 6 120 „ „ et écrire imparfaitement i y „ bien lire et bien écrire 351 Douées d'une instruction supérieure 22 10.000 3) MANCHESTER (1840—1855). Ne sachant ni lire ni écrire ........ 5.161 Sachant lire seulement ou lire et / ^ " „ „ écrire imparfaitement ^ ' „ bien lire et écrire 78 Ayant recu une instruction supérieure I (?) 10.000 4) Dans les „Reports from the select committee" etc. on trouve la statistique suivante: 1) o. c. p. 514—515. 2) Voir è. ce sujet c. a. Collard, o. c. p. 13—15. Sur Ic proxénétisme en général voir Parent-Duchatelet. o. c. I p. 430—436; Richelot, o. c. p. 583—588; Acton o. c. p. 165; Lecour, o. c. p. 195—202; Carlier, o. c. chap. II; Stursberg, o. c. p. 53; Commenge, o. c. p. 60— 90; Blaschko,»Hygiëne der Prostitution und venerischen Krankheiten" p. 37—38. 3) o. c. p. 600. <) o. c. p. 637. ANGLETERRE. Ne sachant ni lire ni écrire 1.213 40 °/n Sachant lire seulenient 464 15 » „ „ et écrire imparfaitement . 1.016 33 „ „ bien lire et écrire _37| 12 » 3.064 IOO °/„ ') 1'arcnt-Duchatclet donne les chiffres suivants: PARIS. N'ont pas pu signer 2.503 56 °/0 Ont signé, mais mal 1.868 42 „ Ont signé bien, et même souvent trés bien 110 2 „ 4.481 IOO °/„ 2) Le Dr. Commenge cite la statistique que voici: PARIS (1878—1887). Insoumises sachant lire et écrire .... 4-297 68,12 ('/0 „ „ signer .... 988 15,66 „ „ „ „ mais ne sachant ni écrire ni signer . . 11 0,18 „ „ 11e „ lire ni écrire . . . 1.012 16,04 •> 6.308 100,00 "/o 3) D'un examen des statistiques données il résulte que le nombre des analphabètes est trés important, quoiqu'il soit en diminution maintenant que 1'enseignement primaire aux enfants des classes non-possédantes devient de 'plus en plus général. Savoir lire et écrire prouve encore trés peu pour la culture de 1'individu. Les statistiques citées ne démontrent donc que le nombre des prostituées totalement illettrées; mais il faut assurément aussi compter beaucoup d'autres parmi les ignorantes. II est clair que 1'ignorance seule ne conduira pas a la prostitution. Mais il est incontestable que beaucoup de prostituées ne le seraient pas devenues, ou n'auraient pas prêté 1'oreille aux offres séduisantes de belles ') p. 52 (Session 1882) Appendix B. 2) o. c. I p. 86. 3) o. c. p. 334. Afin de pouvoir comparer le nombre des analphabetes parmi les non-prostituées, les chiffres suivants. Sur 100 femmes qui se mariaient dans les départements de la Seine, Seine & Oise, Seine Infle et Seine & Marne, c. d. dans les départements qui fournissent de beaucoup le plus grand contingent des prostituées, il y avait en 1883, 1'année du milieu de la période observée, resp. 4,1; 6,5; 16,7 et 5,6 qui ne savaient pas signer leur nom. (Annuaire statistique de laFrance. 1886). positions a 1'étranger, etc. si elles avaient su quelle vie abominable les y attendait. Parmi les causes secondaires de la prostitution il faut certainement aussi ranger: f. 1'Alcoolisme. Non seulement plusieurs femmes ont été séduites lorsqu'elles avaient trop bu et par la ont abouti a la prostitution mais la démoralisation cjui est la suite de 1'abus constant de 1'alcool peut avoir le même effet. ') g. La dégénérescence. Selon quelques médecins (parmi lesquels les professeurs Lombroso et Tarnowsky, pour ne citer que les plus célèbres) la cause de la prostitution ne se trouve pas avant tout dans le milieu, mais surtout dans un dtat pathologique (ou atavistique). Ces auteurs ont examiné uil certain nombre de prostituées et ont tiré de eet examen la conclusion que les stigmates de dégénérescence, souvent constatés chez elles indiquent un état qui, d'après eux, est cause de leur inconduite: la prostitution se composerait pour une grande partie de prostituées-nées.2) II y a une objection sérieuse a faire contre une telle manière d'agir; c. a d. dans ce sens qu'il faut d'abord donner une définition précise du phénomène social qui s'appelle prostitution. Cette définition, qui ne peut être donnée que par la sociologie et non par la biologie, démontre déja qu'il est bien difficile de se représenter que quelqu'un soit né avec le penchant de commettre des actes sexuels pour des raisons économiques. Aussi le prof. Lombroso entend-il tout autre chose par prostitution que ce que c'est en réalité. II dit: „A 1'origine quelque fois le mariage n'existe même pas et la prostitution est la règle générale," 3) et comme exemple il cite que les Naïrs vivent en promiscuité compléte. Donc, partout oü il n'y a pas de mariage, il y a, d'après le prof. Lombroso, prostitution. En d'autres termes, d'après lui la nature entière est un grand lupanar dans lequel hormis les femmes mariées, toutes les femelles seraient prostituées ! II est clair que le professor Lombroso a des opinions sociologiques tout a fait a part. Ces auteurs prétendent donc que les prostituées présentent souvent des stigmates de dégénérescence.4) Cependant, en examinant les chiffres, 1) Voir e. a. Richelot, o. c. p. 664—665; Acton, o. c. p. 165; Pappritz, o. c. p. 17—18. 2) A la p. 108 sqq. de son «Prostitution und Abolitionismus" le prof. Tarnowsky dit qu'un nombre assez limité parmi les prostituées qui avaient trouvé un refuge dans une institution philanthropiquc a St. I'étersbourg sont restées dans la bonne voie après leur sortie de 1'établissement; de lk 1'auteur conclut que le milieu ne saurait être la cause principale de la prostitution, mais au contraire un penchant inné. A la lecture de eet argument on serait tenté de croire que ce n'est pas un célèbre médecin Tnais un simple curé de village qui parle, pour croire que le moral change a la suite de quelques piêches. II est absolument impossible que toutes les prostituées, par un sejour plus ou moins long dans un asile, changent k tel point qu'elles abandonnent pour toujours leur ancienne manière de vivre. Les impressions de longues années ne peuvent être effacées du jour au lendemain; en outre les motifs économiques qui les ont poussées k cette vie, se retrouvent k leur sortie de 1'asile. •') C. Lombroso et G. Fcrrero »La femme criminelle et la prostituee", p. 212. 4) Ces recherches concernent naturellement surtout les filles soumises, se trouvant dans les höpitaux. Dans sa «Genèse normale du crime" le prof. Manouvrier dit: »la nouvelle école a opéré sur de pauvres filles syphilitiques ayant séjourné au moins trois ans dans des lupanars, c'est a dire sur le rebut d'un rebut." (p. 449J. De telle manière on n'obtient pas du tout une véritable image des prostituées en général. 1 on voit que 63 °/0 de toutes les prostituées examinées n'ont presque aucun stigmate de dégénérescence. ') Pour 63 °/0 d'entre elles la dégénérescence ne peut donc absolument pas être la cause, et cela ne prouve pas encore que, pour les 37 °/n restantes la cause de leur manière de vivre doit par conséquent se trouver dans la dégénérescence. Car maintes femmes avec ces stigmates ne sont pas du tout devenues prostituées. Pour faire ressortir 1 importance des recherches en question il est nécessaire de les mettre a cóté des résultats d un examen des non-prostituées. C'est pour cela que je veux fixer 1'attention sur 1'oeuvre du Dr. P. Nacke „Verbrechen und Wahnsinn beim Weibe", dans lequel 1'auteur arrivé au résultat que seulement 3 sur 100 des femmes normales examinées par lui ne présentent pas de stigmates de dégénérescence. -) II 111e semble donc que la oü 1 on trouve des chifïfres aussi bas parmi les femmes normales, la thèse du prof. Lombroso n'est pas prouvée. Füt-elle juste, la prostitution devrait se recruter dans toutes les classes de la population, car la dégénérescence se présente dans toutes les classes. Mais, comme nous 1'avons vu plus haut (voir p. 387—3^9) e^e lle se recrute que presque exclusivement dans les classes pauvres. Le prof. Lombroso croit réduire a néant cette circonstance (qui, a elle seule, renverse déja toute sa thèse) en disant: „La femme qui, provenant des classes pauvres, finit par devenir pensionnaire du lupanar, dans les hautes classes devient une adultère incorrigible. . . 3) Par conséquent, d'après Lombroso il n'y a pas de différence entre une prostituée et une femme adultère. 11 n'y a pas a polémiser contre des idéés si singulières (pour ne pas employer de terme plus fort): elles se réfutent d'elles-mêmes. Néanmoins, la théorie nommée n'est pas sans importance pour le problème de la prostitution. La citation suivante, empruntée a 1 étude récente du Dr. Bonhoeffer démontre quelle est son importance: „Von einer angeborenen Prostitution zu sprechen, liegt für uns kein Grund vor, ebensowenig als wir von einem geborenen Trinker reden. Angeboren ist die durch den psychischen Defektzustand gegebene Disposition. Aber ob ein psychisch defektes weibliches Individuum gerade Prostituirte vvird, ist in gewissem Sinne vom Zufall und von auszeren Dingen abhangig. *) II y a des personnes qui sont nées avec des défectuosités psychiques. Ces gens ne s'adaptent que difficilement au milieu dans lequel ils vivent et ont une plus petite chance de réussir que les autres dans la société actuelle dont le principe fondamental est la lutte de tous contre tous. De la qu'ils ont une plus grande chance de chercher des moyens dont les autres ne se servent pas (in concreto: prostitution). Si la défectuosité de la personne se rapporte spécialement a sa sphère sexuelle, de sorte qu'elle sent p. e. des besoins sexuels extraordinaires, le danger pour elle de devenir prostituee devient fort grande 5). Menie quand le milieu !) o. c. p. 581. 2) p. 132. 8) o. c. p. 574. 4) o. c. p. 118—119. 5) Voir quelques exemples typiques cités par le Dr. Magnan dans son rapport dans lequel vivent de telles personnes est trés favorable, il est néanmoins certain que leurs actes présenteront des disseniblances avec ceux des autres sans inclure que les personnes doivent infailliblement devenir prostituées. II est certain que ces cas morbides sont rares en général, et trés rares parmi les prostituées *). Parent-Duchatelet p. e. dit: „Enfin, il est des filles qui se livrent a la prostitution par suite d'un dévergondage qu'on ne peut expliquer chez elles que par 1'action d'une maladie mentale ; mais en général ces Messalines sont rares; je n'ai trouvé qu'une opinion unanime sur ce fait que mes recherches particulières ont pleinement confirmé". 2) La théorie nommée que la cause principale de la prostitution se trouve dans des défectuosités psychiques innées contient, comme dit le Dr. Biaschko dans son oeuvre „Die Prostitution im XIX Jahrhundert" „un petit grain de vérité dans un amas d'exagérations". Une trés petite partie des prostituées seulement se sont, pour cette raison, livrées a leur métier, et il est sur et certain qu'elles ne seraient pas devenues ce qu'elles sont si les circonstances n'y avaient pas contribué. 3) Nous sommes maintenant arrivés a la fin de nos observations sur la prostitution. D'après notre avis, il a été démontré qu'elle est d'une part le complément inévitable de la monogamie légale existante, d'autre part la suite des mauvaises conditions dans lesquelles beaucoup de jeunes au 2mo Congrès d'Anthrop. Crim.: »De 1'enfance des criminels dans les rapports avec la prédisposition naturelle au crime". (Actes p. 60—63). ') Les gens qui n'ont jamais fait d'études sur la prostitution sont généralement d'opinion qu'un instinct sexuel trés prononcé est la cause principale, si non la seule de la prostitution. Ils ont tort. Voici k ce sujet ce que dit le Dr. Commenge p. e.: »Nous ne croyons pas que la satisfaction des sens et le besoin d'avoir des rapports sexuels avec les hommes doivent être classes parmi les causes sérieuses de la prostitution. Nous avons interrogé des milliers de femmes sur ce sujet et il n'y en a qu'un trés petit nombre qui nous aient dit avoir été poussées k la prostitution par une ardeur génésique qu'elles tenaient k satisfaire. Beaucoup, dira-t-on, n'ont pas voulu avouer ce motif? Bien que les filles qui se livrent k la prostitution manquent souvent de sincérité, nous croyons que, sur ce point, elles ne cherchent pas a tromper. Lorsqu'elles ont des besoins génésiques, elles ne s'en cachent pas; elles mettent, au contraire, un certain amour-propre a le constater; elles semblent trouver dans cette affirmation un motif suffisant pour expliquer la vie qu'elles mènent." (