Commc il n'élait quc simpte Frère laïc, ils l'appliquèrciil a I ólude dc la théologie, pour l'élever a la prêlrise. l-es succès du Frère étudiant furent des plus rapides et aussi distingués qu'on l'avait altendu. Qualre ans après, il fut promu au sacerdoce; il avait alors 32 ans. üne sagesse admirable ct une prudence vraimenl extraordinaire brillaient en lui. La renommée en faisail un grand savant parmi les savants. Toutefois cello sciencc élait bien plulót uiic scicnce divinement infuse par la grace que péniblenient acquise par l'étude. § 4. Son départ pour la Nouvelle Espagne; sa rencontre d'un compagnon dc noviciat; son passage au Japon. Ces qualre années d'élucles terminées, Ie P. Richard partit pour les Indes. II s'embarqua aux lies Philippines dans Ie courant de l'annce 16115 et après avoir, avec l'aide de Dieu, heureusement surmonlé les nombreuses difïicultés d'une longue el périlleuse navigalion, il arriva a la Nouvelle Espagne. La Dieu lui ménageail une rencontre aussi agréable qu inallendue. Célail 11 n confrère el compagnon de noviciat, Espagnol d origine, nommé frère Mare Domedes, prèlre de la même province de Flandre, et qui avait, presqu'en méme temps que lui, fait profession au couvent de Nivelles. Pressé par cette soif du salut des èmes qui ne s'arréte devant aucun danger, il avait, lui aussi, obtenu la faveur de se consacrer a 1'exlension du règrie de JésusChrist dans les missions étrangères. Aucune expression ne saurait rendre la joie sainle et l'abondance des consolations que les deux religieux puisèrent dans celte pieuse entrevue. Par la lettre que Ie vénérable Père Richard écrivit Ie 2 mai 1614, adressée au R. P. de Gand, son ancien gardien (1), et dalée du Japon oü il venait d'aborder, il paralt que le Frère Mare Domedes et lui avaient quitté ensemble la Nouvelle Espagne, el étaient venus aborder au même empire de Japon, but si désiré de leur longue traversée. Mais ainsi qu'autrefois il fut nécessaire de parlager entreles douze Apólres les différenles parlies du monde païen, de méme fallul-il répartir entre ces nouveaux ouvriers les diverses provinces des Indes, afin de répandre partout a la fois la semence de (4) Un ancien manuscrit caraciérise Ie Père Jacques de Gand en ces termes : « Obiit in conveutu Alhensi 24 junii 1628 V. P. Jacobus de Gand, pluries guardianus, Provinciae deOnilor, antiquae religionis zelo, rerormationis proiuotione, tïatrum amore sui<^ue odio omnibus amantissimus. » la bonne nouvelle. Le Frèrc Mare fut rionc dcsliné a évangéliser Ie royaume de la Floride, tandis que le Japon échut en partage au Frère Richard. Aussi, dans la lettre que celui-ci adresse au R. P. deGand il le félicilc de la « gloire peu commune d'avoir engendré des fils spiriluels, devenus aujourd'hui comme des flcches entre les mains du Toul-Puissant. » Dans une autre lettre, qu'il écrivit plus tard a tous les Pèreset Frères du couvent de Nivellcs en commun, il leur dit qu'ils peuren), a juste titre, se réjouir sainlement dans le Seigneur d'avoir ainsi donné a Dieu deux ministres de l'Evangile dans ces régions idolatres. Enfin , dans l'une et 1'aulre de ces lettres, il se fclicile lui-mèine de son bonheur, comme aussi de 1'espérance certaine qu'il a d'èlre mart) r de JésusChrist, par suite des pressentiments qu'il en avait eu déja, alors qu'il babitait encore la province de Flandre, cl d'une révélation particulière qui lui en avait élé faite au Japon. § 5. Son bannissement du Japon; sa rentree; apercu qu'il donne sur l'étal religieux de cc pays. Son séjour celle fois dans les lerres de eet empire ne fut pas de longue duréc. A pcine y était-il arrivé de quelques mois, qu'il en fut banni, avec tous les autres religieux, et contraint de retourner aux Hes Philippines. Malgré sa profonde trislesse, il n'abandonna pas son premierdessein. Saint Berard et ses compagnons, ces premiers martyrs de 1'Ordre Séraphique, ceux que notre Bienheureux Père lui-tnéme avait envoyés avec sa sainte bénédiclion pour précher la foi aux Sarrasins, n'avaient-ils pas élé, eux aussi, chassés de l'empirc du Maroc et conduils aux frontières de la Chrélienté? Mais ils avaient eu l'heureuse hardiesse d'y retourner, et c'est a ce persévérant courage qu'ils durent de trouver enfin la mort ciiez ces infldèles. Un si bel exemple, qui lui était donné par ses Frères, ne Tul pas perdu pour Ricbard. Deux ans après son expulsion, pressé du désir de verser comme eux son sang pour la cause de Jésus-Christ, il rentra au Japon. II avail d'aillcurs l'espoir fondé que sa parole évangélique y produirait de grands fruits de salut. Car, dans le peu de temps qu'il y avait séjourné auparavant et conversé avec les indigènes, il avait reconnu en eux un esprit docile et acceptant volontiers la doctrine chrétienne, un grand fonds méme de piélé, bcaucoup de forveur et une conslance des plus inébranlables a » Si parmi les religieux que j'ai connus dans cc bien-aimé couvent il en esl qui aujourd'hui sont morls, que Dicu donne a leur ème Ie repos éternel; pour ceux qul restent, je vais les attendre au ciel, emporlant l'espoir de les embrasser un jour. » Adieu! encore une fois, adieu! » Nangazaki, ville du Japon, Ie 1" sept. 1622. » De volre charité » Ie Irès-indigne petit Frère, Fb. Richard, de Sainle-Anne, natif de Ham-sur-Heurc. » § 8. Son martyre et celui de ses compagnons. Le Bienheureux Père Richard vit luire enfin Ie jour si impaliemmcnt attendu de son dernier combat. Ce fut Ie 10 du mois de seplembre de la mcme année 1622. Le fait de son martyre est constaté par Ie témoignage de deux hommes irréprochables, témoins 1'un et 1'autre de son supplice. L'un est le Père Dominicain qui avait élé l'ami inlime de Richard au Japon pendant trois ans, el qui avait voulu le soustraire a la poursuite des persccuteurs. Ce religieux le rit brüler et se consumer lenlement sur son bücher. Peu après, ayant quitté le Japon, il revint en Europe, et se trouva a Rome Pannée du Jubilé 1625, alors que se tenail le chapitre général de 1'Ordre, au couvent d'Ara-Coeli. La, il raconta lout ce qu'il avait vu au R. P. Théodore Gerineaux (Voir sur le P. Gerineaux notre Avant-propos) secrétaire du T. R. P. Pierre Marchant, Commissaire Général de la Province de Flandre. L'aulre témoin oculaire est le R. P. Didace de saint Francois, commissaire des Pères Franciscains de Japon, lequel avait pour le Père Richard une affection singulière, a cause du zèle qu'il avait reconnu en lui pour le salut des ames, et, en particulier,-paree qu'avant d'étre arrèté, celui-ci lui avait dit que trèscertainement il souffrirait le martyre, et que cela lui avait été révélé de Dieu. Or le P. Didace nous a laissé une relalion détaillée des circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi la mort du Rienheureux Père et de ses compagnons, d'après ce qu'il avait vu lui-même et entendu sur les lieux. C'est è eux que nous empruntons le récit de ce martyre. Les confesseurs de Jésus-Christ, ayant été tirés de l'affreuse prison oü P. Jacques de Gand & la page 22. Le P. Jean Englebert et le F. Henri Mirwart seta'Ml rendus libremeBt, le premier de Namur et le second d'Ath, au couvent ae ht-Fran^ois sur Sambre, pour y commencer ladite réforme. ils élaient renfermés dans la forteresse de Bomora, furent de li conduits a Nangazaki. Pendant (oat Ie parcours, on les entendait exhorter les chrétiens a persévérer dans la Foi. « Cette foi en Jésus-Christ Notre Seigneur, jusqu'ici, disaient-ils, nous ne vous l'avons préchée que par nos paroles, aujourd'hui nous vous en montrons Ia vérité et les confirmerons par nos ceuvres. En même temps nous vous assurons que, de même que nous exposons de très-grand coeur, pour la défense de la méme foi, la vie que Dieu nous a donnée, ainsi et avec Ie méme empressement, si nous en avions plusieurs, nous les prodiguerions toutes pour l'amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui a sacrifié la sienne dans un excès d'ineffable charité pour les hommes. » Ils adressaient aussi la parole aax Infidèles, qu'ils pressaient d'abjurer leurs erreurs et de se convertir a Jésus-Christ, l'unique Sauveur du monde, sous peine d'en avoir a attendre après cette courle et misérable vie un marlyre sans soulagement, sans mérite et sans fin. Dés qu'ils furent arrivés è l'endroit destiné au supplice, ils saluèrent dans un transport de joie les instruments de leur marlyre, comme autrefois saint Andréavait salué avec amour la croix oü il allait étre immolé. Puis, s'approchant des poteaux auxquels on devait les attacher pour y étre brülés vifs, ils se mirent, chacun agenouillé devant Ie sien, a les embrasser avec une sainte allégresse, a les couvrir d'amoureux baisers et de larmes de bonheur. Les bourreaux alors s'emparèrent des martyrs, et les liérent aux poteaux au moyen de cordes tissues a la légère avec de la paille de riz. Les patients auraient pu aisément rompre ces légers liens, s'ils n'avaient été attachés plus étroitement encore par ceux de la charité divine répandue dans leur coeur. Les tyrans s'étaient promis que leurs victimes, a la vue de ces faibles liens, leur auraient donné Ie barbare amusement de les voir s'agiler et se déjeter ca et la autour de leurs poteaux, pour essayer d'en rompre les cordes; mais a mesure que Ie feu, qui devait brüler leur corps, gagnait d'intensité a l'extérieur, l'ardeur de la charité, qui les dévorait au-dedans, allait s'enOammant toujours d'avanlage. Les uns se mettaient a genoux devant leurs poteaux en signe de respect; les autres se tenaient debout, Ie corps complétement immobile, les yeux tournés vers Ie ciel oü se tressait leur couronne. Tous faisaient paraltre une lelie joie intérieure, qu'un grand notnbre de religieux mélés è la foule qui se pressait autour des martyrs, enflammés è la vue de ce speclacle d'une sainte et noble émulation, fu- rent sur Ie point de se déclarer ouvertemenl et de s'exposer a une morl eertaine ; et ils l'auraienl fait, si leurs supérieurs ne les en avaienl empêchés. Sur la place oü allait ainsi se consommer ce glorieu* martyre, il y avait cinq énormes monceaux de menu bois. Après qu'on eut lont placé a 1 enlour de chaque poteau, sur une circonférence de 4 a b mètres, on mit le feu a lous ces büchers. Les sainls confesseurs de la Foi devaienl y élre rótis a pelit fen, et y souffrir autanl de la fumée que de la chaleur, pour que leur supplice en füt plus long et plus lenl. Malgré que leurs corps fussent déja atleints par les dammes, a peine cependanl leurs vêtemenls en avaient-ils soufferl. Le bois paraissant insuffisant pour les consumer lout entiers, on en ajoula d'autre, en y mêlant une grande quanlilé de paille de riz. Mais, 6 courage insurmontable! au plus fort de leurs tortures, les généreux marlyrs, lout en invoquant pour eux le très-saint nom de Jésus, conlinuaient de s'adresser a haute voix a la mullitude, et de prècher la Foi chrétienne avec une force et une constance qui étonnaient cl ravissaient tous les spcclaleurs. Quoique les lourmcnls fussent les mêmes pour lous, ils ne furent pas cependant pour lous d'une égale durée. Les uns expirèrent plus lót, les aulres plus lard. II était midi environ lorsqu'on alluma les büchers. II en esl qui vécurenl jusqu'au lendemain malin, d'aulres moururent dans la nuit, d'aulres n'curcnl a souflrir que quelques heures. Le vénérable Père Richard n'eut qu'une agonie de deux heures. Son corps avait été rapidement soffoqué par la fumée et les flammes, et son ame s'élait envoléc au ciel pour y jouir du Iriomphc avec Celui dont il avait si fidèlenicnt prouvé la gloire ct si magniliquement élendu le royaume sur la terre. Plus de 40,000 chrétiens furent présents a ce spectacle, qui fut d'aulant plus solennel que le nombre des marlyrs était plus considérablc. Car, outre le P. Richard et ses 22 compagnons qui périrenl par le feu, on trancha la léte, le même jour, a trenle Japonais qui leur avaient donné l'hospitalile dans leurs maisons. Cependant la personne qui avait accueilli ches ellc le P. Richard, celte Lucie de Fleiles dont nous avons parlé plus haut, fut aussi brülée a petit feu. Arrivée sur la place publique, elle encouragcail, un crucifix S la main, les aulres femmes qu'on allait décapiler. Les bourreaux lui arrachèrenl ce crucifix et l'accablèrent avec brutalité de coups de poings el de balons, pour lui imposcr silcncc. Mais loin de se taire, elle se mit avec enthousiasme a chanter le beau canlique du Magnificat. Parfois elle s'in- terrompait el Ie même pour crier a ses compagncs : « Ayez confiance en Jésus-Christ, car il a vaincu Ie monde, et il vous donnera , comme a moi, la force et le courage qui vous est nécessaire. J'avais eu, au commencemenl, quelque peu de frayeur de ce feu qui allait me brüler, mais me voici déja affranchie de toule crainte, et, par la grèce de mon Seigneur, mon supplice ne me semble presque plus rien. >• El Ie se tcnail dcbout au milieu de son hrasier ardent, et sans plus se remuer qu'une slatue. Seulement on continuail d'entendre, a travers le pétillement des dammes, ses chanls d'allégresse et ses exhorlations a ses compagnes. — En el le s'était liltéralemenl accomplie la parole du Sauveur qui avait dit:« Quiconque accueille un ministre de mon lürangile pourl'amour de moi, rccevra la même récompense que lui. » Au nombre de ces Irenle indigènes a qui on Irancha la téte, il y avait une femme qui, prenant enlre ses bras son pelit enfant, se tourna vers les religicux qui respiraient encore attachés a leurs poleaux, et leur cria:« Pères, oflfrez a Dieu ce cher enfant avec ma vie. » D'autres enfants de dix, de huil, •Ie sept et même de six ans, recevaient le coup de Ia mort sans pleurer, sans donner le moindre signe de frayeur ou même de trislessc. Un autre, agé de 12 ans, qui n'était pas parmi les condamnés, et se Irouvait la seulement au nombre des spcctateurs, arracha la manche de son habit et, l'agitant avec des cris de joie, cherchait a écarter la foule qui l'entourait pour aller se livrer enlre les mains des bourreaux. Une femme encore, nommée fnes, voulait d'elle-même se joindre aux martyrs et, comme pour altirersur elle l'atlenlion et la fureur des lyrans, elle criait a haute voix : « Moi aussi, j'ai bien souvent accueilli ces Pères dans ma maison ; failes moi donc mourir aussi. » Les bourreaux se conlenlèrent de la dépouiller et de la battre crucllement de verges. On s'approchait en foule des martyrs, les uns pour les conlempler de plus prés, les autres pour écouter leurs chants ou leurs dernières paroles, d'autres encore pour recueillir leurs précieux resles. Mais tous élaient repoussésa grands coups de balons; il en est méme qui furent jetés dans le feu, d'autres laissés è demi-morls. Cependant le nombre des chrétiens qui aspiraient a emporter quelque sainle rclique allant s'augmentant sans cesse et grossissant toujours, on posa des gardes aulour des corps des sainls martyrs; puis, le 4e jour après leur supplice, des soldals ayant rassemblé tous ces glorieux restes, on les jeta dans un immense bücher. Tout élant ainsi consumé par le feu, on jela les cendres a la nier, afin d'en délruire a lout jamais la mémoire. — Mais, 6 haine aveugle, 6 impuissanle rage des ennemis de Dieu! « Les justes, dit I'Ecrilure, vivent auprès du Seigneur, el ils vivront éternellement; et leur mémoire est en bénédiction devant les hommes el derant Celui qui rigne dans les siècles des siècles, elle est et restera è jamais immortelle. » TABLE DES MATIÈRES. Avant-phopos CHAPITRE I". Depuis sa naissance jutqu'A son entrie dans l'Ordre de taint Francois. § 1. Son enfance et sa jeunesse S 2. Sa vocation & l'Ordre de saint Francois CHAPITRE II. > De ses vertui religieuses. § <. Son humililé et son obéissance § 2. Son zèle pour la sainte pauvreté y § 3. Sa chasteté § 4. Son oraison et son silence § 8. Ses austérités, ses veilles CHAPITRE III. Depuis 'ton départ du convent de Nivilles jusqu'A son martyre. S <. Sa sortie de la Province pour se rendre en Italië. . . • • 17 S 2. Son élection avec d'autres Religieux de l'Ordre pour aller convert.r les infldèles. et sa lettre & son ancien mattre de novices du couvent de Nivelles. 8 § 3. Son séjour en Espagne; son voyage aux Hes Philippines; ses élu es théologiques et sa promotion au sacerdoce. . • § 4. Son départ pour la Nouvelle Espagne; sa rencontre dun compagnon ^ de novlclat; son passage au Japon. . • • • • • •* § 5. Son banissement du Japon; sarentrée; aper5u quil donne sur létat ^ religieux de ce pays • • ',,, * 9~ § 6. Fureur de la persécution Japonaise, el constance admirable des chrétiens. ïö § 7. Travaux du P. Rlchard; ses souffrances; sa prison *7 § 8. Son martyre et celui de ses compagnons BIOGRAPHIE DU VÉNÉBABLE Pè»E RIGHARD DE SAINTE ANNE, RÉCOLLET DE Li PROVINCE 1>B FLANDRE. B10GRAPHIE DU VÉNÉRABLE PÈRE RICHARD DE SAINTE ANNE, RÉCOLLET DE LA PROVINCE DE FLANDRE, MARTYR1SÈ POUR LA FOl DE JÉSUS-CHRIST AU JAPON, LE 10 SEPTEMBRE 1622. La mort des saints est précieuse devant le Seigneur. P«. OXV, 5. LOUVAIN, TYPOGKAPHIE DE C.-J. FONTEYN. 1867. APPROBATIONS. PLACET IMPRIMATUR. Gandae die \* aprilis 4867. Fr. Natalis Neuteleers, Min. Prov. IMPRIMATUR. Mechliniae die 12» aprilis 1867. 1. B. Ladwkrs, Vic.-Gen. AYANT-PROPOS. A peine avons-nous célébré la Canonisation solennelle des 26 premiers martyrs du Japon, qui par leur puissante intercession ont déja obtenu tant de graces a ce royaume idolalre, que 1'immortel Pie IX se propose d'ajouter a cette phalange de Saints 205 autres martyrs, qui ont donné leur sang pour la foi de Jésus-Christ dans ce méme empire, et dont on célébrera la Béatification au mois de juillet prochain, a l'occasion de la canonisation des glorieux martyrs de Gorcum. A l'approche de ces solennités, les ames pieuses désirent connaltre quelques détails de la vie et de la mort des nouveaux Saints et Bienheureux. C'est pour satisfaire a ces désirs que plusieurs écrivains s'occupent de la publication de la vie des héros de Gorcum, martyrs de la primautédu SainlSiége et de la présence réelle de Jésus-Christ dans Ie Très-Saint Sacrement. C'est dans Ie mème bul que nous voulons donner a nos lecteurs une ootice historique sur la vie et la mort du vénérable Père Richard de Sainte Anne, Beige de naissance, qui peut étre considéré comme Ie coryphée de ces martyrs franciscains du Japon qui seront prochainement élevés au rang des Bienheureux. Cette notice biographique est une reproduction a peu prés texluelle de la Vie du Vénérable Richard que Ie Père Sébasticn Bouvier a tirée des dépo- sitions authentiques (Je ceux qui onl vécu et conversé avec le saint Martyr, de ses lettres et d'aulres rapports de témoins oculaires el digncs de foi (1). Nous y avons ajouté quelques parlicularilés tirées la plupart de documenls conservés dans les archives de l'Ordre franciscain. Dans un manuscrit sur l'Ordre des Frères-Mineurs Recollcts, iulitulé : Ortus et progressus almae provinciae Flandriae FF. Minorum Recollectorum, rédigé probablement pour une grande partic par le Père Bouvier, nous lisons ce qui suil: « Au couvent de Namur est décédé le 3 avril 1681 le R. P. Sébaslien Bouvier, jubilaire (c'esta-dire, ayant passé au moins cinquante ans dans I Ordre), auparavant lecteur, gardien, très-zélé pour sou état et chronologiste de la Province trcs-soigncux, dont le manuscrit a élé envoyé, par ordre du R™0 Père Général, a Rome, au R. P. Harold, annaliste de I Ordre. » — Ce manuscrit avec la vie du vénérable Richard écrite en latin existe encore. Le Père Bouvier a pu converscr avec le Père Théodore Gerinaux, donl il sera parlé au dernier § de cette Notice, et qui recut en 1625 la dernière leltre du vénérable Richard ecrite en 1622, dix jours avant son martyr. Dans le susdit manuscrit on lit sur le Père Gerinaux ces mots : « Au couvent de Nivelles est mort en 1646 le R. P. Théodore Gerinaux, secrétaire du Rra* Père Commissaire de notre nation, plusieurs fois gardien a Nivelles el ailleurs, deux fois définileur de la Province, une fois Custode, et enfin Commissaire Visiteur de la province de saint Andrc. » II assisla en 1628 au Chapilre général de l'Ordre a Rome en qualité de Cuslode de la Province. Les noms des parents du vénérable Richard et son nom de baplême nous ont été communiqués par M. Piraux, coadjuteur a Hani-sur-Heure. (1) Voici le tilre complet du remarquable opuscule francais du P. Bouvier: Histoire de la vie vertueuse et mort précieuse du bienheureux Richard de S. Anne, Recollet de la Province de Brabant, martj/risé pour la Foi de Jésus-Christ au Japon, tirée des dépositions authentiques de ceux gut ont vécu et conversé avec lui, de ses propres écrits, et d'autres rapports de témoins oculaires et dignes de foi, par un Père du couvent de Namur F. S. B. Namur 1673. La dédicace du livre porte la sigoature : F. Sébastien Bouvier. PRÉFACE. Ou ne saurait mieux apprécier la bonté (lu sol d'un lerrain que par l'cxcellcnce des fruils qu'il produit; et c'estainsi précisement que nolre ancicnne Province des Pères Récollets de Flandre a fait paraitre la sainleté de l'esprit qui l'animait. Nous voyons en effel par les Annales de l'Ordre, que cette Province a fourni a l'Eglise nn grand nombre d'excellents ouvriers évangéliques, qui ont porlé la Foi cbrctienne cliez les nations étrangères les plus inGdèles et les plus barbares. Dcce nombre deux surtout se sont particulièrement distingués : ce sont Ie Frère Pierre de Mura, et Ie Père Richard de Ste Anne. Le Frère Pierre de Mura, dit de Gand, Frère lai (1), appartient aux premiers temps de la réforme dite de l'Observance, II eut l'insigne honneur d'ètrc un des premiers el des principaux apótres dans les Indes Occidcntales de l'Amérique, et de planter le glorieux et salutaire étendard de la Croix dans la ville capilale du Mexique. Un succès merveilleux couronna ses efforls : a sa voix des milliers d'Smes se convertirent. Pierre de Gand n'était cependant qu'un humble Frère laïc, et toute sa vie il voulut rester tel. Kil vain le Révérendissime Père général de l'Ordre, Vincent Lunello, en vain le Pape Paul 111 lui-même avait voulu lui donner le caractère sacerdotal pour le faire Archevèque de Mexico, en vain l'empereur CharlesQuint, qui connaissait sa haute verlu, avait lémoigné son vif désir de le voir revètu de cette dignité; le Frère Mineur résisla toujours a leurs offres sans leur désobéir jamais. On ne vit que mieux que c'est la grèce du Sauveur Jésus, et non rhomine, quel qu'il soit, qui convertit et qui sauve les &mes. ' (1) On trouve une notice exacte de quelques pages sur Pierre de Mura dans les Annales des Missions Franciscaines, inipriuées a Louvain, dans la livraison de septembre etoctobre <866, pag. 396-400. Le Frère Richard de Ste Anne était laïc aussi de profession, et ce n'est qu'assez tard qu'il fut ordonné prêtre dans l'Ordre. II vécut au commencement de la seconde réforme, connue sous le nora de Récollection, et qui date des premières années du 17» siècle, et dont il paratt avoir été le premier martyr. Lui aussi eut la gloire de porter le nom et l'amour de Jésus-Christ chez les inGdèles; il est l'un des premiers et des plus signalés martyrs du Japon dans les Indes Orientales. La lettre qu'il écrivit de sa prison, un peu avant sa mort, aux Pères du convent de Nivelles, oü il avait longtemps habité, fait voir non-seulemenl quel élait Pesprit primitif de notre Règle dans ce Couvent, mais encore quel désir ardent il avait lui-même de mourir pour la cause de Jésus-Christ. Or, avant d'étre marlyr de la Foi, le Frère Richard avait été un parfait religieus, un vrai Frère-Mineur-Récollet. II s'était préparé de longue main è cette mort glorieuse: nous allons nous en convaincre par eet apercu sur la vie sainte qu'il mena et sur les vertus religieuses qu'il pratiqua dans nolre Ordre Séraphique. Si dans cetle Notice il nous arrivé parfois de donner au Vénérable Père le tilre de Saint ou de Rienheureux, loin de nous que nous ayons par la la pensée de vouloir le proposer è Ia vénération et au culte des fidèles avant que l'Eglise se soit prononcée. Nous proteslons au contraire de notre pleine soumission au décret de la Sainte Inquisition du 13 mars 1628, confirmé et modifié toutefois par le Pape ürbain VIII le S juillet 1635. C'est pourquoi nous n'entendons parler de la sainteté du martyr qu'au sens oü le Martyrologe franciscain et les écrivains de notre Ordre en ont parlé avant nous. Nous ne prétendons donner qu'une sorle d'information avant-courière de ses mérites, aujourd'hui oü la cause de sa béatificalion, porlée depuis longtemps devant la Cour romaine, est è la veille d'obtenir une décision glorieuse. Puisse notre notice êlre, pourceux qui la liront, un nouvel encouragement è la pratique de la foi et de la charité chrétiennes, et un molif de plus d'espérer fermemenl, d'attendre avec confiance et de rechercher avidement ces biens inappréciables que le Dieu de toute bonté promei et réserve dans Ie ciel a ceux qui l'auront fidèlemcnt aimé etservi jusqu'a la fin! NOTICE sur LI Pfotl RICIiRD Dl SAMTI ANNE. CHAPITRE 1. Depcis sa jcaissa^ck jcsqd'a sou entrée dans i.'Ordre de saint Francois. § I". Son enfance et sa jeu nesse. I.e Vénérable Père Richard de Sainte Anne naquit, l'an du Seigneur 4885, de parents honnëles el pieux (1), au village dc Ham-sur-Hettre, dans celte parlie de la province actuelle du Hainaul qui entrait dans ce qu'on appelait aulrefois l'Entre-Samhre-et-Meuse, et qui élait soumise a la juridiction des Princes-Evêques de Liége. Dieu, qui dispense loujours ses dons selon ses desscins, lui avait donné un corps robusle et une ame forlc et généreuse : ainsi il l'avait rendu propre a entrcprendrc cl a supporter les plus grands Iravaux cn vue de sa plus grande gloire, en tnème lemps que pour Pexaltation de la sainte Eglisc et Ie salut cternel des ames. Une tradition picuse et fondée rapporto qu'a 1'age dc 4 ans, il Tut attaqué par une béte feroce et emporlé par elle loin du village de Ham (2); mais que, sa mère désolée ayant invoqué la proleclion de Sainte Anne (3), l'enfant lui fut rendu sain et sauf. « Aussi bien, dit Ie naïf chroniqueur auquel nous devons celte particularité, ne pouvait-il êlre dévoré par un loup celui que Jésus-Christ, Ie Souverain-Pasleur, avait pris sous sa proleclion, et donl il voulail se servir plus tard pour relirer infinité d'ames de la gueule du loup infernal. » (4) Son père s'appelait Mare Trouvez ou Trovvi, comrae l'écrit Ie Père Bouvier, et sa mère Barbe Delforcst, qui mourut en 4625, sans laisser d'enfants survivauts. Le nom de baptême du P. Richard élait Lambert. (2) On montre encore k Ham la maison oü on dit que eet événement est arrivé. (3) DeU sans doule son nom patronymique de Richard de S" Anne. Le Bienheureux Pcre parall avoir de très-bonne hcurc pressenti la grace et la gloirc auxqucllcs Dieu le deslinait. Souvent, dans ses jeu* avec les cnfants dc son age, on Tentendak répéter ces paroles inspirées : « Moi, je veux étre martyr; oui, moi, je serai marlyr. » II était d'un naturel très-gai, quoique cette gaielé n'allêt jamais jusqu'a la dissolution; et l'allégresse qu on voyait paraltre habituellement dans ses traits, dans ses manières et dans toutes ses actions, donnait une grêce mervcilleuse a sa jeunesse, et le rendail cher et agréable a tout le monde. Ses parents Pappliquèrenl d'abord è I étude de la grammaire, oü il fit assez de progrès; mais plus tard (peul-être leurs moyens de fortune ne ieur permettant plus de 1'y laisser), ils le relirèrent de l'école et le placèrent en apprentissage chez un tailleur. § 2. Sa vocation a VOrdre de saint Franrois. l-a grice cependant croissait en lui, a mesure qu'il avancait en êge. Or I esprit Saint, qui l'avail ('ormé pour être un jour un des bcaux ornements de son Eglise, l'appela a la religion de notre Séraphique Père, Saint Francois. Ce ne fut pas toutefbis sans une terrible quoique miséricordieusc intervention de la juslice de Dieu, que le picux jeune homme fut amené a demander qu'on 1'admSt dans l'Ordre. C'élait en 160i. II y avait a Bruxelles, oü Richard se trouvait alors, deux jeunes étudianls qui, au lieu de s'appliquera l'étude, ne pensaient qu'a vivre dans le plaisir et la débauche. Une nuit, enlre autres, qu ils étaient allés se livrer au crime chez une femme dc mauvaise vie, Tun d'eux se retira aprèsquelque lemps, laissant derrière lui son malheureux compagnon. Arrivé chez lui, il se déshabillait pour se meltre au lil, quand il se ressouvient qu'il n'avail pas récité, ce jour la, les quelques AvcMaria qu'il avait coutume de dire chaque jour en l'honneur de la Sainle Vierge. Comme il était accablé de sommeil, eet acte religieux lui coülait; néanmoins il fit u„ effort sur lui même et s'en acquilta, quoique sans dévotion et presqu'en dormant; ensuite, il se coucha. Dans son premier sommeil il entend tout a coup frapper rudement a la porte; et, immédiatcinent après, la porie restant fermée, il voit devaiit lui son compagnon tout deliguré et tout hideux. « Qui es-tu? » lui dit-il. — « Eh quoi! ne me reconnais-tu pas? » répond le malheureux. - «Maiscommentsefait.il que lu sois si changé? tu ressemblea un démon! « —« Ah! plains-moi, je suis damné. » - « Comment cela ?« Eh bien, sache qu'au sortir de cette maudite maison, un démon s'esl jelé sur moi et m'a étranglé. Mon corps est demcuré au milieu de la rue, el mon Sme est en enfer. Sache en oulre que Ie même chêtiment t'attendait; mais que la Vierge l'en a préservé, grèce a la pratique de récitcr lous les jours en son honneur quelques Ave Maria. Heureux si lu sais proflier de cel avis que le rail donner par moi la Mère de Dicu! » Cela dit, le réprouvé entr'ouvril son vêtemenl, laissa voir les Dammes et les serpcnls qui le lourmenlaient, et disparut. Alors Ic jeune homme, fondant en larmes, se jcla la face contre terre pour remercier la Très-Sainle Vierge Marie, sa libératrice. Or, pendant qu'il priait ainsi et réfléchissait a ce qu'il devail faire pour changer de vie, il entendit sonner Matines au couvenl de nos Pères. A l'instant même il s'écria : « C'esl la que Dieu m'appelle a faire penitence. » Le lendemain, en cffet, de Irès-bonne heure il alla au couvent prier le P. Gardien de le recevoir. Celui-ci, qui connaissail sa mauvaise vie, ayant fait d'abord dos diflicultês, le jeune éludiant lui raconta, en versant un lorrent de larmes, tout ce qui s'élail passé. Et réellement deux religieux, s'élanl rendus dans la rue indiquée, Irouvèrent le cadavre du malheureux noir commc un charbon. Alors le postulant fut admis au nombre des Frères, qu'il édifia par une vie loul entière consacrée a la pénilence. Tel est le fait terrible (1) qui jeta la conslernalion el l'épouvante dans (I) C'est le Vén. Richard de S" Anne qui a rapporié ce terrible ch&timent a un théologien de 1'lnquisiliofi d'Espagne, le R. P. Alphonse d'Andrada, lorsqu'it se trouvait & Madrid en qualité de compagnon du Père Commissaire des Indes. Le dit Père Alphonse l'a ensuite communiqué & Adrien Lyrseus, qui l°a inséré dans son Trisagium Marianum, liv. 3, p. 496, en y ajoutant la remarque suivante : « Ces choses se sont passées en 4604, et ont élé rapportées au Père Alphonse de Andreda, ibéologien de la Compagnie de Jésus, qualificaieur du suprème concile de lasainie inquisition générale d'Espagne, par le Père Richard de Flandre de 1'Ordre de saint Fran(jois, lémoin oculaire de tous ces événements, qui a élé déterniiné par l£i a entrer dans ledit Ordre, et qni fut ensuite envoyé en Espagne, puis aux lies Philippines et partit de lü, plein de zèle apostolique, pour le Japon, oii il fut brftlé vif et mourut martyr de l'Evangile qu'il j avait prêché. » S. Alphonse, qui rapporle le même fail dans ses Gloirei de Marie, au cliap. VIII de l'explication du Salve Regina, semble s'étre mépris en faisant du Vénérable Richard un des deux acteurs de ce drame elfrayant. Car Lyrseus, de qui S. Alphonse l'a pris évidemmenl, ne dit pas que le jeune débauché converti est Richard, mais que celui-ci, mb par toutes les circonstances de ce fait tragique, dont il avait élé témoin oculaire, comme tantd'autres qui habitaient la ville de Bruxelles, est entró bien des Ames, et qui engagea aussi le vénérable Richard a se consacrer tout a Dieu et è se présenter dans le mèine Ordre qui avait recu le jeune éludiant que la Sainte Vierge avait protégé d'une manière si admirable. II entra donc au convent des Récollets de Nivelles en Brabant, oü la Réforme venait de s'introduire et dont les Religieux étaient animés de tout l'espril de l'Observance régulière. Ce fut d'eux et dans leur couvent qu'il recut le saint habit de l'Ordre en l'année 1604.11 y fit son noviciat avec une grande ferveur, el se consacra ensuite tout entier a son Dieu par des voeux solennels, le 13 avril de l'année suivanle, dans l'humble et süre condilion de Frère laïc. Tout le temps qu'il passa dans ce couvent, il fut un objet d'admiralion pour ses Frères, en même lemp9 qu'il les encourageait a la vertu par le zèle ardent et soutenu qu'il montrail dans 1'exercice journalier des différentes praliques de la vie religieuse. CHAPITRE II. De ses vertos religieoses. § 1". Son humilité et son obéissance. Le Frère Richard avait entièremenl renonce a sa volonlé propre pour la remettre aux mains de son Directeur spiritucl. II s'empressait de lui découvrir loules ses pensees, afin de les régler suivant les avis qu'il recevrait de lui. Dans ses moindres actions, il voulail pouvoir se rendre le rassurant lémoignage qu'il n'agissait jamais que d'après ses sages conseils. II n'osait rien entreprendre ni laisser que par ses ordres ou avec son consentement. Aussi avait-il souvent ces paroles a la bouche, que « celui qui veut èlre bon religieux, ne doit rien avoir du tout de caché è son Directeur spiriluel. » II se portait avec une promplitude mcrveilleuse aux occupations les plus viles et les plus abjecles de la communaulé; et il trouvait un vrai plaisir la ou de moins parfaits que lui n'auraient guère trouvé qu'une mortification humiliante. Pour lui, ce qui le mortiGait, el d'une manière trés— dans l'Ordre de S. Frangois. De plus il est dit que les deux jeunes gens étaient des étudiants, tandis que Richard était alors ouvrier-tailleur. Enfin le P. Bouvier, qui a puisé son Histoire aux meilleures sources, parlant de la jeunesse de Richard, ne 1'accuse d'aucun méfait, mais il dit expressémenl qu'il était gai sant distolution. réelle et très-sensible, c'était de se voir parfois obligé, en verlu de la sainte obéissance, de laisser a d'autres l'avantage de remplir les humbles et bas offices. Car l'humililé, qui est du reste comme la soeur germaine de 1'obéissance, était en lui si profbnde, si sincère et si pratique, qu'il croyait ingénument qu'on ne düt jamais l'employer qu'aux offices les plus méprisables. Très-souvcnt on Ie voyait aux pieds des autres religieux, leur avouant volontiers ses défauts, s'accusant de ses imperfections, se reeonnaissant coupable la oü souvent il n'y avait aucun manquement a pardonner. Et ce n'était pas seulement devant son Gardien qu'il s'humiliail ainsi, ou devant son Père Directeur, c'était devant n'importe lequel de ses Frères, füt-il le dernier des novices. § 2. Son zèle pour la sainte pauvreté. La très-sainte et très-haule Pauvreté, qu'il avait vouée a Dieu au jour de sa prolession solen nel le, lui était aussi chère que la vertu d'obéissance. II ne laissait jamais rien se perdre, quelque peu importante que füt la cbo.se; c'était assez qu'on pül en tirer une utilité, un parti quelconque, pour qu il la recueilllt soigneusement — « Un Frère Mineur qui veut garder la sainte Pauvreté, disait-il, doit non-seulement bien se garder de prodiguer quoi que ce soit, mais encore étre très-attentif a ne jamais rien laisser se perdre des choses qui lui ont été données par les bienfaiteurs en vue de l'amour de Dieu. » — «Si j'avais le malheur de me rendre coupable de cette négligence, ajoutait-il,-Nolre Seigneur exigerait de moi «in compte très rigoureux, el m'en punirait bien sévèremenl en purgaloire. » Comme il était tailleur de son état, c'était lui qui avait la charge de raccommoder les habits des religieux de son couvent. II s'acquiltait de ce devoir avec le plus grand soin; et, tandis qu'il s'appliquail a rapiécer les vêtements des autres le plus proprement et le plus honnêtement qu'il lui était possible, il n'employait, pour les siens, que les morceaux d'étoffe les moins bonset les pluspauvres; ainsi il pratiquaitla sainte pauvreté franciscaine, et l'humilité toujours si chère a son cceur. Toutefois, lorsque, pour cprouver sans doule la solidité de sa vertu, on lui reprochait dagir en cela par hypocrisie, il n'apportait pour se justifier aucune sorte tl excuses; mais pour toule repartip, se proslernant contre terre, il faisait un acte d'liumiliation de plus. § 5. SaTchastetc. « Oh, s'écrie l'auteur du livre de la Sagesse, quelle resplendissanle beauté » est celle d'une ême chaste, lorsque vient s'y joindre Péclat des aulres » vertus! Sa mémoire est en honneur devant Dieu et devant les hommes, » el restera a jamais immortelle. » Or Ie Frère Richard élait si épris de celle belle et arigélique vertu qu'il ne pouvait souffrir qu'on proférat la moindre parole qui ptit, tant soit peu, la blesser en lui ou dans les aulres. II avait une inslinclive horreur pour loute apparence d'impurelé. Lorsqu'il arrivait que quelqu'un, en sa présence, se permlt une expression trop libre, aussilót on lui voyait monter au front une rougeur pudique; et, si les circonstarices Ie lui permettaient, il ne manquail pas de l'en reprendie avec aulant de fermelé que de modeslie ; sinou, il s'éloignait incontinent de lui. Quelque temps après avoir fait prol'ession, il lui chargé de la fonclion de portier dans son couvent de Nivelles. Comme, en vertu de son office, il se trouvait forcémcnt obligé de parler assez souvent avec des personnes d'un autre sexe, il usait de toute la circonspeclion possible pour bien garder sa vue. Ainsi que 1'Ecrilure nous Ie dit du saint homme Job, Ie chaste religieux avail fait une sorle de pacle avec ses yeux, pour qu'ils n'eussent jamais a donner a son esprit une pensée mauvaise, ou un désir criminel a son coeur. Lorsque cependant, par surprise ou par mégarde, il lui étail arrivé d'avoir quelque peu arrêlé ses regards sur une femme, il s'en laisait un très-sérieux reproche, alors méme que ses yeux ne s'étaienl nullement rendus coupables, el que son coeur élait resté aussi pur qu'auparavant. Néanmoins il s'inQigeait une pénitence, el se disait a lui-mème : « Méchant homme que lu es! As-tu douc bien eu la hardiesse de regarder ce qu'il ne t'est pas permis dc désirer ! Sont-ce la les belles promesses laitesa Dieu Ie jour de La profes6ion religieuse? » § 4. Son oraison et son silence. II élait aussi zélé pour la pratique de l'oraison mentale que pour les autres exercices de la vie religieuse. On ne Ie vit jamais s'absenler de la méditalion qui se fait en commun, si ce n'est que son supérieur en eut disposé autrement. 11 y trouvait tant d'altrait, tant de douceur pour son ème, tant < A M«lines, Frère Richard, a Matines. » Ce qu'entendant, Ie fervcnl religieux, a rexemplc du je;ine et pieux Samuël, se levail aussitót, et se rendait au choeur, accompagne jusqu'a la porte par cel esprit céleste, qui alors dispnraissait a sa vue. CHAPITRE III. DePUIS son dél'ART du COCVENT U1C NlVEI.LES JL-SQII'a SOK J1ARTYRE. $ I". Sa sortie de la Province pour se rendre en Italië. Or la Réfornic connuc sous lc nom de Récollection, el de la appeléc des Récolleis, venait loul récemment, coimne nous l'avonsdil plus haut, de s'introduiredans la Province dc Flandre. De fait, elle avait elé recue d'abord au couvent de S. Frangois-sur-Sambre, a Farciennes en Ilainaut, et ensuite dans celui de Nivelles, oü loutefois elle ne se mainlenait qu'au prix de grandes contradiclions, les adversaires s'efforcant de détruire et d'étoufïcr au berceau l'ancien et vérilable esprit de l'Observance régulière qu'on venait a peine de faire renallre. C'est ainsi qu'autrefois Pharaon d'Egypte cherchait a faire périr les nouveau-nés des Hébreux a leur entrée dans la vie. Le frère Richard élait trop zélé observateur de sa Règle pour ne pas s'affliger de cette opposilion qu'il rencontrait dans quelques-uns des membres de la communaulé. A la fin, faligué peut-étre d'une discordance qui froissait sans cesse le grand désir qu'il avait de voir la Réforme acceptée par lous, ou plutól aspirant de toute son Ame a une plus sürc et plus haute per- feclion cl poussc cn inéme lemps par unc pressante inspiration d'en haut, ainsi qu'il Ie dit lui-mème dans ses lellres, il demanda a ses supérieurs et il oblint de passer en Italië. Le 13 mai de l'an du Seigneur 1606, il partil donc de Nivclles, avec son obédience pour Rome. I)ans cette ville, il trouva le P. Jacques Termino et le frère Cume de Draine, qui sollicitaient auprès du Sainl-Siége le mainlien de la Réforme introduile. Son compagnon de vojagc, le frère Roberl, simple laïc comnie lui, bien qu'il fOt fils d'un comle d'Anglelerre, étanl venu a lomber malade au couvenl de VAra-Coeli, Richard voulut le servir cl le soigner lui-méinc jusqu'au dernier moment; il le fit avec Ia charilé la plus sainlemcnt aflcclucusc et la plus louclianle fidélitc. Après ccla il alla pendant quelque lemps habiter le couvenl de S. Francois au-dela-duTibrc, oü il put communiqucr inlimement ct lout a souhail avec ce venérable Père Barthélemi Solulivc qui rcmplissail alors la ville de Rome de l'odenr de sa sainleté el de l'cclal de ses miracles. § 2. Son éleclion avec d'au tres Beligieux de l'Ordre pour aller convertir les inpdèles, el sa lettre a son ancien tnailrc de novices du couvent de Nivelles. Pendant son séjour a Rome, le frère Richard se rendil si agrcable, par la candeur et l'aménilé de ses moeurs et par la grande simplicité de sa conversation, que le Révérendissime Père Commissaire des Indes, qui s'y trouvait pour le moment, le pril lout parliculièrement en affeclion, el le choisit pour son compagnon a son retour cn Espagne, oü il avait sa résidence ordinaire a la Cour du Roi Catholique pour y trailer les affaires de l'Ordre. Sur ces cntrefailes, le révérendissime Père Général, frère Archange de Mes.varto, conformément a une ordonnance du Pape Paul V, s'occupail a recbertlier cl a faire choix de fervents religieux qui fussent propres a travailler a la conversion des infidèles dans les Indes, et parliculièrenienl au Japon. Au numbre de ceux qui eurent l'honneur et l'insigne privilége d'ètre chargés de cette belle Mission, se trouva également l'humble Frère Richard. Admirable Providence de Dieu, qui se jouc dans les événemenls qu'clle a suscilés et s'ea sert en disposant de lout avec force et suavilé! L'heureux Frère fut singulièrement réjoui de ce choix qui l'appelait peut-étre è marcher plus tard a la couronne du martyre, pressentiment de ses premières années, dcsir toujours de plus cn plus prononcé de son coeur. II en donna bienldt avis a son ancien directeur du couvent de Nivelles, Ie P. Jean Eni/elbert, par une lellre qu'il lui adressa, aprcs son arrivée toulefois en Espagne, et qui est datée de Madrid, le 16 avril 1607. Voici Ie commencement de celte lellre. Ellc est remplie et comme toute brülante du feu de l'amour divin. On y sent, on y voit Ie prédesliné au marlyre. « Mon très-vénéré cl cher 1'ère cn Jésus-Christ, » Peut-élre avez vous déja appris Ic sorl avanlageux qui m'est échu a Home. J'ai eu le bonheur d'élre mis au nombrc des 80 religieux que Sa Sainlelé envoie pour travailler a la conversion des pauvres inlidèlcs du Japon, aux Indes Orienlales. Vous savez, mon 1'ère, qu'au Japon, il n'y a pas longlemps encore, vingt-trois de nosFrères (1) ont élé mis a morl pour avoir prècbé l'Evangile de Jésus-Christ. Qui peut meltrc des borncs a 1'intinie libéralité de Dieu, et dire jusqu'oü ira son .inépuisable munificence? Qui sait si nous mêrms, malgré notre prolondc indignilé, nous ne serons pas gralifiés de la même faveur? Certes nous nourrissons au coeur ce doux cl gloricux espoir. Priez Dieu, afin que par les merites de son Fils il nous en rende moins indignes En vérité, je crois que c'est la main de Dieu qui a mené ainsi celte aiïaire pour nolre plus grand bonheur. Car, enlrc 300 Frères que nous élions au couvent de I'Ara Cocli, je fus seul choisi pour élre associé au Révércndissimc Père Commissaire des Indes. Celui-ci ne manquait pourtanl pas d'autres compagnons a son choix. II y avail parmi eux plusieurs honorables Pères tant de Rome que de I'élrangcr qui étaient grandement désireux, sinon de 1'accompagner, du moins d'étre admis au nomhre des cinquantc. Enlre aulres se Irouvait le P. Barthèlemi Snlutive, a qui je m'empressai de communiquer l'heureuse nouvelle et qui me dit avec inspiration: « O mon heureux Frère ! Qu'ètes-vous heureux! Que ne puis-je, et moi aussi, rendre a Jésus-Christ, au prix de lout mon sang, Ie sang qu'il a versé pour moi! »— Eh bien! voilé cependant un hominc d'une sainlelé éminente et qui a recu le don des miracles. Que n'a-l-il pas tenlé pour obtenir la grace qui m'a élé faile? Oh ! je le répète (4) Saint Pierre Bapliste avec les cinq compagnons franciscains et 47 tiergaires japonais. lis furent attachés & des croix et eurent les deux cótés percés d'un coup de lance. Leur raartyre ent lieu & Nangasaki le 6 février 4597. Pie IX, Sonverain Ponlife glorieusement régnant, les a solennellement canonisés le 8 juin 4863. avec la plus liumble et la plus profonde rcconnaissance : quand je consiilèrtcomment il s'est fait que le llévércndissime Père Commissaire a jeté ainsi soudainement les ycux sur moi pour son compagnon, je ne puis que croirc que ce choix si imprévu de ma chétive personne a etc un coup de la maiii de Dieu. » Dans cette inèine lellre il rend a son Père spirituel d'atteclueuses actions de graces pour tous les soins et lous les bienfaits qu'il en a reQUS; il l'assure qu'il y satisfera pleiriemcnt dans une aulre vie oü il espère le prévenir, quoique bien moins, a coup sür, avancé que lui dans la verlu. — II lui donne respcctueusemcnt le conseil de continucr a diriger les novices dans la pralique de la vie religieuse ; ajoutant que, pour avoir de bons religieux, le tout dépend d'un bon inailre de novices,qui ne se contente pas d'enseigner par ses paroles cc qu'il faut faire, mais qui le monlre par ses oeuvres. « J'ai expérimenlé, dit-il, que les bons désirs d'aimer Dieu, con;us pendant le noviciat, ne sc perdent pas de si lót, pour pcu qu'on soit diligent a les entretcnir, et pourvu qu'on ne se hissc point abattrc au moment de la tentation. — II demandc, en mémc temps, qu'on veuille bien le recommander a Dieu lous les jours au saint sacrifice de la Messe, afin que sa volonté sainle el toujours adorable soit faite en lui aussi parfaitoment qu'il est possible, cl qu'il ait le bonheur de voir bicntól tomber devant lui tout cc qui empèche ou relarde son amoureuse transformalion en Dieu, après laquelle il soupire et qui est du reste nolre fin. — II fait aussi de pieux souhaits pour tous ses Pères et Frères dc la Province de Flandre, et les exhorle, a défaul d'aulre martyre, a secrucifier eux-mémes avec les mauvais penchants de leur cceur, el surtoul a morlifier I'amourpropre, qui, comme un venin caché, empoisonne une parlie de nos bonnes oeuvres. - Ensuite, faisant évidemment allusion aux quelques religieux de Nivellcs qui n'avaicnt pas encore cu le courage d'cmbrasscr la sainle Réforine de la Récollection (1), il déplore ce léche égoïsme qu'on apporle au service dc Dieu, celte vie toute ordinaire, aussi éloignée de la verlu que du vice, pleinc de liédeur, mal assurée, vide d'amour, presqu'uniquement employée a la trisle el malheureuse recherche de soi-mème; viecependant de plusieurs encorc, comme si la voie large et (<) Les voeux ardents du P. Richard ne tardèrent pas & se réaliser. Peu après son martyre, tous les religieux du couvent de Nivelles, au grand complet, embrassèrent la réforme, et cette nombreuse communauté devint bientót le rnodóle de toute la Province de Flandre. spacieuse cessait de condnire a la perle éternelle paree que d'aatres continuent d'y marcher, et comme s'il n'était pas en notre pouvoir, avec Ie seconrs nécessaire de la gr4ce, d'aimer Dieu ici-bas de eet amonr relative* ment parrail qui doit pourlant arriver dans Ie eiel a nne perfection plus grande encore, et alors absolue. — Enfin il conclut, en suppliant, avec tout Ie respect dont il est capable, son bien-aimé Père et Directeur de persévérer dans la pratique de la morlificalion et de la prière, « car l'ame, dil-il, qui ne sait pas, dans ses goüts, s'élever au-dessus des choses de la lerre, n'est pas propre du tout a savourer les choses du ciel. » Et il signe : « Votre Irès-indigne et inutile disciple el Frère Fr. IIichabd de Ni velles, auparavant Taoovt.» § 3. Son sèjour en Espayne; son voyage aux iles Philippines; ses études théologiques et sa promotion au sacerdoce. Dans la même lettre encore, il décrit la vie édifiante et vraiment angélique des Pcres Déchaussés d'Espagne (1), au milieu desquels il vivait. II parle de leurs prodigieuses austérités, et assure que la plupart jeünent Ie carême au pain et a l'eau. Encore ces religieus lui dirent-ils que leur couvent élait de tous Ie plus rel&ché. Car c'élait celui de la cité royale de Madrid ; et souvent il leur fallait se trouver avec Ie Révérendissime Père Commissaire des Indes a la cour du Roi Catbolique, qui par aflection et dévouemenl pour les Frères contribuait beaucoup a leur entretien el poussait la familiarité jusqu'a prendre quelquefois la discipline avec eux. Or, pendant qu'il allendait la saison et les vents favorables pour s'embarquer et voguer vers les Indes, Ie Frère Richard eut tout Ie loisir de converser avec ces fervents religieux. II en profita pour se perfectionner dans la verlu et la sainteté de sa vocation. De si beaux excmples, en effet, d'une vie toute Séraphique ne pouvaient manquer d'exciter en lui un accroissement de ferveur. Enfin, au mois de mai de la méme année 1607, il s'embarqua avec ses compagnons de Mission, et après une beureuse traversée il vint aborder aux iles Philippines. Lè ses heureuses qualités attirèrent sur lui Patlention des supérieurs. (4) II s'agit ici des Frères-Mineurs de la stricte réforme de saint Pierre d'Alcantara. On les appelle aussi Alcantarins du nom de leur réformateur. garder, méme aux dépens de la vie, la vérilé une fois connue et embrassée. Aussi dans une antre lettre qu'il adresse aux Pères de la province de Flandre, il insiste particulièremenl sur l'abondance de la moisson a recueillir, et sur Ie grand besoin d'ouvriers évangéliques dans ces conlrées, soit a c.iuse des peuples très-nombrcux qu'on y rencontre, soit è cause des horribles persécutions que l'enfer y suscite conlre les chréliens. En parlant de la population répandue dans l'empire du Japon, il dit qu'il y avait alors trenle-deux rois tous soumis a l'empcreur; que la Cbine, tributaire è cette époque du méme empire dont elle est voisine, renferme dans ses limites une foule de differents peuples, « a tel point, dit-il, que si tous les ministres de l'Evangile qui se trouvent en Europe voulaient se rendre a cette mission, ils y trouveraient & travailler, et peut-élre n'y suffiraient-ils pas. » II ajoute que « rien qu'au Japon on pouvait déja compter plus de 600,000 cbrétiens, pauvres pelits enfanlsdu Père commun qui est dans les cieux, dont l'Ame demande a grands cris du pain quand, hélas! il n'y a presque personne pour leur en rompre. » II faudrait voir comment ils soupirent après des prêtres, pour leur administrer les Sacrements. Mais on ne peut remplir ce ministère qu'en se cachant soigneusement, vu qu'il est défendu d'exercer n'importe quelle fbnction religieuse. On n'est libre a eet égard que dans quatre endroits du pays qu'il ne nomme pas. Le I'. Richard parle aussi dans cette leltre des prètres des faux dieux et d'une espèce de religieux idolatres qui sont en grand nombre au Japon. Ces hommes, dit-il, font subir aux missionnaires qu'ils rencontrent tous les genres d'avanies, et suscitent conlre eux toule sorte de persécutions. Pour eux, ils adorent des idoles, qu'ils exposent a la vénération du peuple sur des autels oti ils leur offrent de l'encens, et méme dans des processions oü ils les portent avec grande pompe. Ils ont un grand Pontife qui est audessus de l'empereur. A certaines époques de l'année ils observent des jeönes rigoureux. Nuit et jour ils cbantent des hymnes è la louange de leurs divinités. lis ont aussi des indulgences qu'ils publient avec grand fracas; ils fon'. également la bénédiclion. Ils ont comme nous la confession, et soumeitent leurs pénitenls a des satisfnetions publiques. Ils Tont méme des canonisaliuns de saints. Ils publient certains commandemenls, par exemple, d'adorer les idoles, de ne pas verser le sang, méme celui des animaux, de ne point dérober, d'élre cliasle, de ne pas menlir. Leurs cérémonies sont assti semblables a celles du rit catholique, et les maximes qu'ils prol'essent ont beaucoup de rapports avec celles de notre sainl Evangile.— En vérilé, on dirail que le démon, ce père du mensonge, comme dit l'Ecrilure, et ce singe de Dieu, comme parle Terlullien, ait voulu, par cette imitalion perfide, délourner de la voie vérilable ceux en qui il voyait tant d'inclinalion naturelle a embrasser la vérilé divine. Au reste, il vient se mêler a tout cela une foule d'erreurs grossières. Le démon toulefois est tombé ici encore dans les piéges qu'il a tendus a ces pauvres ames. En effet, les inventions mensongèrcs entreliennent dans le peuple des dispositions qui sont pour lui comme le préambule de la foi chrétienne. Et quant aux persécutions qu'il ne cesse de soulever contre les minislres de Jésus-Cbrist el conlre tous les chréliens en général, elles n'aboulissenl qu'a de conlinuels triomphes remporlés sur lui par une foule de martyrs. § 6. Fureur de la persécution Japonaise, et constance admirable des chrétiens. Après avoir donné ccs détails sur l'élat religieux des peuples du Japon, le P. Richard décril Ia violence de la persécution qui durait dans ces pays depuis huit ans. II assure que, depuis le commencement jusqu'au jour oü il écrit, le Japon a donné a Dieu un très-grand nombre de martyrs, et qu'on peut, a bon droit, lui appliquer ces félicitalions du propbèle : « Réjouis-toi mainlenant, toi qui t'es aflligée jusqu'ici de ta slérililé, et qui n'avais point goülé encore la joie d'étre mère; oui, réjouis-toi en ce jour, etchante avec alégresse des hymnes au Seigneur; car les enfants de celle qui élait délaissée vont surpasser en nombre ceux de l'épouse féconde. » u Voici huit ans, dit-il, que la persécution est ici ouverle. Déja d'innom* brables chrétiens nous ont précédés au marlyre. Parmi eux se trouvent des hommes, des femmes, de jeunes vierges, des enfants tout pelits encore. Les uns sont morts par le feu, les aulres par le glaive ; il en est qu'on a suspendus par les pieds, ou qu'on a enterrés tout vivants; plusieurs ont été broyés cntre deux morceaux de bois, ou coupés en morceaux. Parmi ces saints et courageux confesseurs de la Toi, nous comptons d'abord deux Pères de nolre Ordre, martyrisés au royaume de Maluco le premier, après avoir subi les plusatroces tourments, eut la téte tranchée; le second Tut trenletrois jours allaché a une colonne, oü tout son corps Tul déchiré avcc des crochets de Ter. Nous y comptons encore huit aulres enfants de notre Séra- phique Père; deux religieux de l'ordre dc saiut Dominique, dont un élail nalif d'Anvcrs (1): celui-ci fut brülé vif, son compagnon fut décapilé; deux de l'Ordre de saint Augustin el deux de la Compagnie de Jésus qui passèrent par les mcmes supplices, et rendirenl ainsi un éclatant temoignage a la vérilé de nolre croyance. • « Les Japonais eux-mêmes, conlinue-l-il, montrenl dans les lourmenls un merveilleux courage, une consiance surhumaine. Pendant trois mois seulemenl, dix d'entre cux ont élé brülés a pelil feu, dix autres soul morls sur descroix, quinze ont eu la tèle tranchée, el cinq ont été étouffés dans leur cachot. Au nombre des dix qui furenl brülés a petit feu, il y en eut deux qui se signalèrent par une étonnante force d'ame : ils élaieul frère el so?ur. Pendant que Ie feu les consumail lenlement, Ie lyran, qui se tenait a distancc, leur promettail non-sculcment la vie sauve, mais encore les plus grands honneurs, s'ils consenlaienl a renier, ne füt-ce qu'extérieuremcnt, la foi de Jesus-Christ. A celle proposition, Ie jeune homme, plein de couragcuse ferveur, s'adresse aux lémoins dc son supplice : « O vous, dit-il, qui conlem11 plez nos lourmenls, nc croyei pas que ces souffrances nous déshonorent, » mais plulót enviez nous un si glorieux triomphe. » Après avoir dit ces paroles, remarquant que ses liens deja consumés lui avaient rendu la liberlé de ses mouvemenls, il courl a sa mère, qui parlageait avec son flls la gloire du méme martyrc, el lui adresse, pour l'encourager, ces belles paroles : « Courage, ma mère, courage! Jésus-Christ est avec nous pour nous sou» tenir; nolre supplice ne doit plus durer longtemps, mais la gloire de >• l'avoir supporté pour Jesus-Christ el celle qui couronnera notre perscvé» rance, celle gloire n'aura point de fin. » El en parlant ainsi, il la presse étroilement conlrc son coeur, et un moment après il passé avec elle au lieu de 1'éternel rafralchissement. Sa sceur, libre aussi de ses liens que Ie feu avait également dévorés, prend en ses mains des charbons brtilants de son bücher, les baise avec amour cl les elèvc au-dessus dc sa lêle dans un transport d'ineffablc joie. Cnr c'est la coutume au Japon qu'on léve au-dessus de la léte ce pour quoi on professe une grande vénération ou une singulière estime. » « A ce speclacle émouvant (c'est toujours Ie vénérable Père Richard qui parle) il y avait, sans complcr une foule innombrable d'infideles, de deux a trois mille chréliens, lous vêtus de la robe blancbe des Néophyles, et (1) C'était Ie Père Louis Fraryn, appelé dans les actes romains Alousius de Floret. provoquant en quelque sorte contre eux la colèrc du tyran, a qui ils criaient a haute voix, qu'ils mcrilaient le méme supplice puisqu'ils adoraienl Ie méme Dieu. Mais lui et ses bourreaux reculèrent devant le martyre d'une lelie multitude. Ces pieux et courageux fidèles se mirent alors a recucillir les restes mortels de ces glorieux alhlètes, les bois des büchers, les cordes qui les y tenaient attachés, tout ce qui avait servi a leur supplice, jusqu'aux cliarbons el aux cendres; et, malgré les coups dont on les assaillait, ils emportèrent avec eux ces saintes reliques. — II faut certes bien que la lerveur de (ons ces clirétiens soit grande, puisque le seul gain qu'ils ambilionnent, tout le plaisir qu'ils rechcrchent, c'est de mourir pour JésusChrist. Comme saint Paul, ils se glorifient de souffrir les tribulations, les coups, la faim, la soif, la nudilé, tous les genres de supplices, pour pouvoir méritcr d'élre réunis avec lui dans le ciel. » u O Providence de Dieu vraimenl admirable (s'écrie enfin le fervent religieux)! Les persécutions, bien loin de nuire a l'Eglise, ou de diminuer Ie nombre de ses enlants, tournent a son plus grand avanlage et ne Tont que l'augmenter : leurs grandes eaux ne parviendront jamais a éteindre l'ardcur des martyrs, et le sang de ces marlyrs sera toujours, comme parle Terlullien, une semence de nouveaux chrétiens. Ce qui est le plus admirable dans la convcrsion des Japonais, c'est que Dieu n'emploie pas pour les convertir les miracles dont il s'est servi au commencement de son Eglise : leur bon naturel et la puissance de sa grage lui sufHsent pour planter chez eux la foi et y élablir son royaume.» § 7. Travaux du P. Ricliard; ses souffrauces; sa prison. Après avoir ainsi décrit la ferveur des chrétiens è courir au martyre et les différents genres de supplices auxquels on les condamnait, le P. Richard parle de lui-même et de ses compagnons. Voici ce qu'il en dil: « Nous aussi, nous avons 1'honneur de faire parlie de cette sainte et glorieuse milice, nous espérons la méme vicloire; et il nous est bien pénihle de voir que la même couronne tarde si longtemps a venir nous récompenscr. Mais cela ne dépend ni de nolre bon vouloir, ni de nos eflbrls, mais de la seule miséricorde de Dieu. Aussi lêchons-nous de nous conformer a sa disposition, assurés que sa paternelle Providence n'abandonnera pas ces plantes si tendres encore du Japon, qui ne peuvent êlre privées si vile des soins que leur doivcnl les minislres de l'Evangilc. » II fait alors Ie récil des vcxalions qu'ils ont chaquc jour a supporter de la part des inGdèles. Souvent on les chasse des villes oü ils se Irouvent, en leur défendant d'y rentrer; souvent aussi les enfanls, dans les rues el les places publiques, les poursuivent de leurs insolentes clameurs, ou, ce qui est arrivé plus souvent encore, leur jettent de la boue et des pierres. Tout récemmenl, on vient de décréter leur bannissemenl, et déja cinq couvents sont détruiisde fond en comble. II termine sa leltre en implorant l'aide et Ie secours des bonnes el lervenles prières de tous ses Frères de la province de Flandre, afin que, inébranlables au tnilieu des tribulations, courageux au travail, forts dans la foi et persévérants dans l'amour de Jésus-Christ, ils portent des fruils par la patience. Cent bien la, au resle, ce que Ie Père Ricbard a fait et enduré Ini-méme : sans cesse on Ie voyait employé a précher au peuple dans la langue japonaise, a faire Ie catéchisme aux simples, a instruire les ignorants, a ramener les pécheurs dans la voie de la pénitence, a convertir les infidèlcs, a fortifier les nonveaux chrétiens, a encourager les martyrs a la constance au milieu de leurs supplices; se mélanl a cel cflet en quelque sorte aux bourreaux, passant d'un confesseur a l'aulre, adressant a chacun quelques-unes de ces brftlanles paroles qui raniment el porlent a rester fidéle jusqu'au bout. Enfin après avoir, ouvrier infatigable, Iravaillé, pendant cinq ans, a la vigne du Seigneur, dans un exercice ardenl et continue! de toules les fonclions apostoliques, il fut lui-niéme appelé è la récompense par Ie Père de familie, qui couronna les travaux de son serviteur fidéle en l'honorant de la palme d'un glorieux martyre. ün faux frère, un chrétien perfide et rénégat, du nom de Joseph, avait insidieusement témoigné Ie désir de se confesser, et fait demander au P. Pierre d'Avila, religieux de nolre Ordre (1), de vouloir bien venir l'entendre. Mais, en méme temps, il avait fait savoir aux officiers du gouverneur Gumroco la prochaine visite du Père, pour qu'ils eussent, è son arrivéc, a se saisir de lui el a Ie jeter dans un cachot. Avec Ie P. d'Avila fut pris Ie Frère Vincent de saint Joseph, son compagnon (2). Le Père Richard, (4) Le Père Pierre, natif d'Avila, de la réforme de saint Pierre d'Alcantara, apparienait & la province de saint Joseph d'Espagne; après une vie sainle et laborieuse, il fut martirisé le méme jour que le vénérable Richard. (2) Le Frère Vincent de saint Joseph, né & Ayawonte en Andalousie, était profès de la province de Frères-Mineurs déchaussés de saint Didace en Mexique, et fut martirisé en même temps que Ie vénérable Pierre d'Avila. \ a la nouvelle de cette noire action, pressé par cette charité que Ie péril ne saurait retenir, se rendit aussitót auprès du délaleur, pour lui remettre devant les yeux 1'énormilé de son crime, et i'amener a en faire réparation par une sincère pénitence. Mais, dit 1'Esprit Saint:« l'homme niéchanl voit de mauvais oeil celui qui cherche a Ie corriger. » Le malheureux demeura obstiné, et depuis ce moment il mit (out en oeuvre pour la qnise en arrestation et la mort du P. Richard. Sur ces entrefaites, un Père Dominicain, ami très-intime du P. Richard, apprit ce qui se tramait dans l'ombre contre lui, et s'cmpressa de l'en avertir, pour qu'il pril des précautions en conséquence et cherchat a se mettre en lieu sür. Richard élait alors dans la maison d'une femme nommée Lucie de Fleites, qui lui donnait habituellement l'hospilalité par amour pour saint Fran^ois dont elle élait la fille, en qualité de Tiercaire. Le vénérable Père souffrait précisément ce jour-lè d'une violenle attaque de fièvre chaude. Cependant, pour pourvoir a sa süreté, il lui fallait changer d'habitation. Un gentilhomme Japonais, chrétien, lui offrit de le cacher chez lui, de le faire soigner convenablement, et de le soustraire ainsi a la fureur de la persécution, pour le conserver au troupeau fidéle a qui sa vie et ses soins étaient si utiles et si chers. Mais l'heure du martyre, son heure par excellence, élait venue pour l'homme de Dieu. Bien loin de se troubler a la vue de l'imminence du péril, cette nouvelle, qu'on élait a sa poursuite pour le mettre è mort, le remplit d'une joie extraordinaire, au point qu'il se sentit au même instant tout a fait guéri. Alors, mettant le salut des ames avant le conseil de fuir qui lui était donné par ses amis, il se mit en devoir d'entendre les confessions des fidèles, et passa ainsi le resle du jour. Mais, a peine le soir était-il arrivé, que la maison de sa charitable hospilalière fut envahie par les soldats envoyés pour le saisir. Arrêlé par eux et garotté, il fut immédiatement conduit devant le Gouverneur de Nangasaki, et après avoir passé par toules sorles d'outrages et de mauvais Irailemenls, il fut jelé dans une prison oü se trouvait déja un grand nombre de cbréliens Japonais et de religieux de plusieurs Ordres. Une nouvelle faveur du ciel l'accueillit a son entrée dans ce cachot: la fièvre chaude, qui l'avait une seconde fois repris pendant le trajet, le quitta subitement et ne lui revint jamais plus. Un jeune homme dont le courageux confesseur avait élé le Père dans la foi chrélienne, et que la bonté de sa conduite, sa grande simplicilé et sa vcrlueuse patience avaicnt engagé a l'admcltre au TiersOrdrc, Frèrc Loon Satzuma (ainsi il s'appelait) n'avait point vu l'arrestation du martyr. Rentré chez lui, il apprend tout ce qui s'élait passé. A l'instant il sc précipite au dchors, et enflammé du désir de parlager les souiïrances de son vériérable Père et de raourir avec lui pour Jésus-Christ, il va trouver les salelliles du Gouverneur et se conslitue leur prisonnier : « Moi aussi, dit-il, » je suis religieux, et même je suis Ie compagnon inséparable dc ce Père » que vous venez d'incarcérer. » Son courageux désir fut salisfait : on l'enfcrma avec les aulres, pour étre prochainement mis a mort avec cux. I'emprisonnement du P. Richard arriva Ie 4° jour de novcmbrc dc l'an du Seigneur 1621. Ce fut seulement dix mois environ plus tard, que Ie saint martyr recut la récompensc depuis si longiemps désirée. Quelques jours avant sa mort, il écrivit au Père gardien et aux aulres religieux du couvent dc Nivellcs. Sa lettre mérite a tous égards que nous la rapportions ici prcsqu'cn son enticr. II commence par reconnallre, avec urie humilité touchante, qu'il est bien dc toutcs les créatures la plus indigne. Ensuite, il leur dit que chaque jour il sc souvient avcc bonhcur du cher couvent dc Nivelles, oü il a rtcu Ie saint habit de 1'Ordre et fait profession solennclle. Puis il poursuit cn ces termes : i< Je vous adresse cette dernière lettre, avant de marcher au supplice, moi, volre Frère llichard, natif de Ham-sur-Heure, dont les parents vous sont assez connus, et qui, pressé par Ie désir d'une perfeclion plus grande, ou plulót cédant a une inspiration toule parliculière d'cn haul, vous ai quitté il y a aujourd'bui plus de quinze ans. O libéralitc incflablc de Dicu! J'ai a peirie pendant cinq années travaillé a la vigne du Seigneur, et encore ai-je élé un bien chélif ouvrier, el voici que Ie Père de familie, distribuant les récompenses a ses servileurs, vcut bien me donner la mcme couronne qu'a ceux qui onl porlé Ie poids du jour cl de la chaleur. II y a un an a peu prés que je suis retenu dans celle dure prison. C'est une place de 24 pieds de long sur 16 de large, sans (oit ni couverture aucune. La nous sommes Irente Irois, lous voués a la mort. Dc ce nombre neuf sont de nolre Ordre, huil de celui de saint Dominique, six de la Société de Jésus, les au* tres sont des chrcliens indigènes qui nous aidaient dans nolre ministère apostolique. II en est parrni nous qui sont ici depuis cinq ans, les autres depuis Irois ou quatre; moi, jc ri'y suis que depuis un an a peirie, ayant été arrèlé Ie dernier de (ous. On nous donne pour toute nourrilure un peu d'eau et de riz. « Deux aulres Compagnons, qui ont partagé la méme caplivité que nous, ont passé, il y a deux ans, de cette languissante et misérable vie a la vie de la félicité élernelle. Au reste, Ie cheinin nous est frayé par prés de 500 martyrs, lous Japonais, sur qui on a épuisé lous les genres de tortures. Pour nous qui leur survivons encore, nous sommes tous condamnés a mourir : nous, religieux, nous serons, avec les personnes qui nous ont donné l'liospitalilé, brülcs a pelit feu; ceux qui nous prêtaient aiile et secours dans nolre saint ministère, ainsi que les autres chrétiens, qui sont prés de trente, auront la téte tranchée. Dieu soit élcrnellement béni d'avoir daigué me relever de la poussière de Ia terre et de inon pays, pour me donner de contempler ses grandeurs, et me faire asseoir a cóté des princes de son peuple! Je souhaiterais d'avoir plus de loisir pour informer votre charité des merveilles que Ie Seigneur opère ici par la con- % stance des üdèles au milieu des persécutions. 11 y a lieu d'espérer que Nangazaki deviendra, par Ie noinbre dc ses martyrs, la Rome du Japon. Le Rcvércndissiinc Père Commissairc des Indes, dont j'ctais Ie compagnon lorsqu'il résidait en Espagtie a la cour royale de Jladrid, apprendra toules les circonslnnces de notre martyre, et pourra vous en donner Ie détail. Si je vous écris, c'est paree qu'une occasion se présente par la voic des Indes, et que j'aime d'en proliter pour vous féliciler d'avoir donné un martyr dc plus a I'Eglisc, et aussi pour vous enOammer toujours davanlage de l'amour de Dieu et de zèle pour Ie salut des aincs. u Je vous prie, si ma mère est encore en ce monde, qu'il vous plaise de lui donner la connaissance de cette grande miséricorde que Dieu me fait de souffrir et de mourir pour Lui; car il ne ine reste plus de temps pour lui écrire moi-même; d'heure en heurc, nous altendons qu'on nous tire de notre prison pour nous mener au supplice. J'envoie a tous mes Pères et Frères du saint couvent de Nivelles mille salulations fraternclles, et donne a chacun Ie baiser de paix en Notre Seigneur Jésus-Christ, et tout particulièment au P. R. Jacques deGand (1), au P. Jean Engelberl et au Frère Henri Mirwarl. (t) Les titres de ces Irois religieux i» la prédileciion du fervent martyr étaient sans aucun doute leurs grandes verlus et en particulier leur zèle comiu pour 1'introduction de la réforme de la Rtcollection. Nous avons vu a cel égard 1'éloge du