LA GRECE HIER ET AUJOURD'HUI PAR HENRI HABERT AMSTERDAM 1919 DU MÊME AUTEUR: EN HOLLANDE PENDANT LA GUERRE. LES RUSSES MARTYRS. PARIS ET LES PARISIENS. ENTRE LES FILS BARBELÉS. A Veriizélos, apótre du patriotisme, Aux Hellènes de Ia Tranchée et de l'Assaut, Tartt aux morts qu aux vivants, je dédie respectueusement ces pages. Henri Habert. AU LECTEUR. |T dépit des imperfections que 1'on pourra sans doute ju pMfJ reprocher a mon petit livre, tel qu'il est, j'ose encore le yj présenter avec confiance au lecteur impartial, comme étant le résultat de la conviction la plus intime et la plus consciencieuse. Chacun, en littérature, doit avoir une opinion indépendante qu'il doit manifester hautement lorsqu'il est témoin d'une injuste partialité, car alors il est du devoir de tout écrivain honorable de défendre "eourageusement la vérité. C'est le but que je me suis proposé en écrivant ce livre. Ce qu'il contient de bon n'est même a moi qu'en partie: je ne fais qu'assembler des faits, et, pour cela, partout oü' je savais un homme éclairé sur certaines questions que je traite ici, j'ai été le trouver pour lui demander le secours de ses lumiéres. J'ai dü également insister et me répéter, et revenir a la charge, pénétré que je suis de la justesse de cette maxime de Benjamin Constant, que: ,,la vérité a besoin, pour triompher, d'être plusieurs fois reproduite." Amsterdam, io Février 1919. Juin 1915, lors d'un voyage en Grèce, en pleine campagne bals (jp kanique, au lendemain des obsèques du roi Georges, je me *g ||||l||ra rappelle Athènes inondée de lumière, dans cette incomparable vf, clarté des printemps de 1'Attique, les défilés des régiments oü des vides apparaissaient dans les compagnies réduites par 1'absence des blessés ou des tués a 1'ennemi, avec leurs chapeaux troués de balles. Sur les routes de 1'Epire, vers Janina, je revois aussi ces soldats pleins d entrain avec lesquels mes deux confrères et moi, nous échangions des vivats et des saluts. Leur figure souriante et ouverte, leur bonne humeur, leur allure décidée partout nous frappaient et faisaient honneur a ces vaillantes troupes, qui avaient dü supporter pendant une campagne d'hiver, dans la neige, de rudes épreuves. Les visages halés portaient la tracé des fatigues, les uniformes étaient usés par la pluie et par la boue, par les nuits passées sur la dure dans les tranchées, mais un air de fièrté illuminait les yeux clairs, la démarche était droite et assurée. On sentait que ces braves gens avaient au coeur la satisfaction du devoir accompli. Après avoir chassé hors du territoire 1'ennemi héréditaire, qui depuis tant de siècles les opprimait, ils marchaient, la poitrine gonflée par ce soufflé enivrant de la liberté et de 1'indépendance, vers ces larges et beaux horizons oü s'estompaient dans le bleu du ciel les plus radieuses espérances! L'Hellénisme en armes venait de remporter une série de victoires, des meurées mémorables contre l armée du Tsar Ferdinand qui, alliée de la veille, venait de foncer perfidement sur les Grecs et les Serbes. . Sur les routes de 1'Epire, vers Janina je revois aussi ces soldats pleins d'entrain La victoire de 1913 quel que soit le mérite des chefs, restera dans 1'histoire comme celle du soldat. Ceux qui le commandaient lui ont souvent demandé des efforts héroïques mais ils le savaient capable de les consentir. Attaqués a 1'heure même oti ils acceptaient de soumettre leur différend a 1'arbitrage, les Grecs se jetèrent au combat avec un enthousiasme forcené. Les soldats mé* prisant le fusil, s élangaient sur les positions la baïonnette haute, et montaient a 1 assaut en chantant. Ceci m'a été raconté par des officiers russes qui se trouvaient au front avec l'étatsmajor, et deux de mes confrères me l ont confirmé. II y a dans cette armée grecque autre chose que des soldats courageux. On dirait des ames qui s'enivrent des sacrifices qui s'offrent, la conscience d une mission que 1 on remplit. Avec eux toute la Grèce se met en ligne. Les réformés s ingénient a se rendre utiles; les riches donnent leur argent, les pauvres donnent leur temps et leur bonne volonté. Les Grecs d'Amérique ont fourni un bataillon de volontaires tout équipé et encadré; il en est venu d Australië, d'AsiesMineure, d'Afrique, de toutes les régions oü essai# ment les Grecs migrateurs. Alexandrie, Londres, Constantinople, Odessa, Smyrne, Paris, Trieste se sont vidées de tout ce qu'elles pouvaient donner a la cause nationale. De tous temps, les Grecs habitant 1'étranger travaillaient en vue d un avenir national, vers la réalisation de la grande Idée. Ils n apportaient de 1 intérêt qu aux choses d'Athènes. Ils ne s'enrichissaient que pour aider leur patrie de leur pouvoir. Les Grecs qui vivaient a 1'étranger ont fait con* struire a leurs frais les grands monuments qui décorent leur patrie ainsi que les grands établissements d utilité publique. Toute la flotte hellènique est le produit des souscriptions faites en grande partie a 1'étranger par les colonies grecques. Cette fraternité de tous les Hellènes, non seulement de ceux du bassin méditerranéen, mais de ceux qui avaient essaimé beaucoup plus loin, jusqu en Amérique, me parut une chose profondément touchante et trés noble. J ai toujours gardé le souvenir du testament d'une vieille paysanne grecque d Asie, qui, n ayant rien que sa vache, la légua a 1'Université d Athènes. Dans cette armée grecque j ai rencontré une foule d'hommes qui parlaient couramment francais, russe ou anglais; celuisci était négociant en Egypte, eet autre était un industriel a Marseille, d autres venaient de Pétrograde, Londres ou Rome, tous volontaires, tous dressés d'un seul élan, aux quatre coins de la terre, pour le service de la nation. C'était la mobilisation de l'hellénisme, qui depuis des centaines d'années attendait son heure! La supériorité de l'armée grecque s'est toujours affirmée par la qualité et 1'intelligence du soldat plus que par le nombre. L'armée vaut alors, ce que valent son moral et celui du pays. Aux cours des siècles la Grèce a toujours disposé de 1'instrument militaire approprié aux actions nécessaires, paree que ces actions répondaient a 1'élan collectif de toute la race, a une idéé qui ralliait 1'assentiment général. L'armée féodale d'Agamemnon s'était groupée, mue par un sens chevale* resque de la solidarité des diverses tribus helléniques, pour venger 1'honneur d'une grande familie royale. L'armée athénienne de Marathon et la flotte de Salamine combattaient sous 1'impulsion du patriotisme civique, pour la défense des institutions et de la civilisation pan4iellénique et la libèration des Hellènes opprimés. L'armée d'Alexandre synthétisait les idéés de revanche de tout 1'hellènisme contre le barbare. Instrument préparé de longue date pour une expédition lointaine dont les anciennes milices eussent été incapables, elle se composait de troupes de métier, commandées par des officiers savants et par un souverain a la fois bouillant et méthodique. Le doublé loyalisme macédonien et hellènique, décuplé par 1'espoir d'un butin magnifique et par le sentiment d'une haute mission civilisatrice, lui donnait une impulsion et une cohésion irrésistibles. L'armée byzantine d'un Nicéphore Phocus ajoutait a la science consommée de la tactique et de 1'armement, telle que les traités de Léon II et de Phocas 1'ont définie avec une précision subtile, une prudence de condottieri trés ménagère de la vie des hommes, une ingéniosité a deviner et a déjouer les ruses des barbares, le tout enflammé par la passion guerrière mise au service de la Croix et du Basileus orthodoxe contre les mécréants. Enfin les héros de la guerre de 1'Indépendance, Klephtes et Armatoles, a défaut de science théorique, possédaient une intuition magnifique de Ia guerre de partisans, le courage et 1'endurance de chefs de bandes et une émulation de libérateurs implacables qui apportaient a leur oeuvre la fureur d'une vendetta. L'armée grecque d'aujourd'hui ne connait pas ces allures impulsives et irrégulières. Elle est 1'instrument constitutionnel d un régime strictement légal. L'armée d'une nation libre n'a pas d'esprit qui lui soit personnel en dehors de la nation; elle n est pas une caste au service d'une individualité. Le sols dat y reste citoyen sous les armes, r uniforme y est simplement la tenue de guerre de 1'idéal national. Telle est cette armée grecque. Elle sait sa mission et ce qu'elle doit défendre. Elle pourrait s'approprier 1'admirable formule du serment militaire des éphèbes athéniens: „Je jure de ne jamais déshonorer ces armes sacrées, de ne jamais abandonner mon poste dans la bataille. Je combattrai pour les dieux de mon foyer soit seul, soit avec tous. Je ne laisserai pas après moi la patrie diminuée, mais plus puissante et plus forte. J'obéirai aux ordres que la sagesse des autorités saura me donner. Je serai soumis a la Constitution et a celle qui est maintenant en vigueur et a celle que le peuple établira. Si quelqu'un veut renverser ces lois, ou leur désobéir, je ne le souffrirai pas, mais je combattrai pour elles et seul et avec tous. Je vénérerai les cultes des ancêtres." «" Hf ARMÉE grecque a besoin plus que toute autre pour accomplir sa ^ ^ tache, d'un coeur ardent qui communie avec celui de la nationalité hellènique tout entière. Alors elle devient redoutable. L ennemi le sait maintenant. Qu'il me soit permis de rappeler ce que 1'an dernier sur le sol macé* donien le feu sacré fit accomplir a ces troupes généreuses, excitées par la vue de 1'ennemi héréditaire et de démontrer ici 1'immensité de 1'avantage que la présence des troupes grecques dans le camp de 1'entente a valu a cette coalition. Le front initial d'oü partit la victorieuse offensive de Macédoine s'étendait du nordsouest de Monastir au golfe d'Orfano sur une longueur de 270 km. environ. On pouvait le décomposer en 5 larges secteurs; Ier secteur francos serbosgrec au nord de Monastir; 2éme secteur francosgrecosserbositalien, au nord^est de Monastir; troisième secteur greco==fran?ais, a 1'est du précédent; quatrième secteur grecosbritannique, situé au sudsouest et au sud du lac de Doïran; 5ème secteur exclusivement grec qui du lac de Butkovo, s'allongeait dans la direction est, sudest, jusqu'au golfe d'Orfano. Sur les 270 km du front macédonien, plus de la moitié étaient tenus par des troupes grecques. En face d'elles, les troupes alliées avaient sur le front macédonien, les forces ennemies suivantes; Ier secteur franco^serbosgrec; la sixième et la première divisions bulgares (36 bataillons); 2ème secteur francosgreco=serbo* italien la 302ème division germanosbulgare et la 2ême et quatrième divisions bulgares, 54 bataillons en tout; troisième secteur greco*fran?ais: la troisième division bulgare 18 bataillons); 4ème secteur grécosbritannique: la première armée bulgare, composée de 59 bataillons bulgares; 5ème secteur grec: la deuxième et quatrième armées bulgares et qui étaient composées de la 7ème, 8ème, IIème divisions et de la lOème tenue en réserve, soit en tout de 87 bataillons. En somme, sur tout le front macédonien 1'ennemi opposait aux troupes alliées 253 bataillons. Les troupes grecques a elles seules, faisaient face a prés de 135 bataillons. Examinons maintenant le cóté actif de la coopération grecque : 15 septembre. Le communiqué allemand du 17 remarque qu ,,a 1 est de la Tcherna , les Bulgares luttent depuis le 15 septembre contre les Francais, les Grecs et les Serbes pour repousser 1'ennemi „C'est 1'opération principale de rupture, a laquelle participent les troisième et quatrième divisions grecques. Elles „ont fait preuve d'une bravoure et d'une endurance exceptionnelles" (Dépêche du général Franchet d'Espérey au général Gramat, chef de la mission militaire fran^aise en Grèce)" certaines de ces unités ont encore augmenté le renom qu'elles avaient conquis a 1'attaque du Skra=di«Legen. Dans ces unités nou* vellement arrivées, le 35ème régiment d'infanterie vient d'affirmer sa valeur en enlevant de haute lutte avec le concours d'unités fran?aises 1'important massif de Preslap et le village de Zborsko. 16 septembre. „Les troupes grecques ont réalisé une avance de deux ou trois milles sur un front de 34 km. occupant plusieurs villages.'' (Times du 17 sept.) 18 septembre. L'opération secondaire de rupture commence sur le front greco=britannique. Les troupes anglo«hellèniques „ont pris pied dans les premières positions ennemies, malgré une résistance acharnée. Un grand nombre de prisonniers sont déja tombés entre leurs mains; 1'attaque continue" (Communiqué fran?. du 19 septembre) Quant au communiqué anglais du 20, il signale que 1'attaque a eu lieu a 1'est du lac de Doïran, oti on a fait 700 prisonniers. „Les troupes grecques ont combattu avec une vaillance admirable". Et le général Franchet télégraphie a M. Venizélos : En particulier la division de Sérés, attaquant a 1'ouest du lac de Doïran, dans un terrain trés difficile, vient de se couvrir d'une gloire nouvelle en prenant possession de positions extrêmement solides et aprement défendues et en capturant de trés nombreux prisonniers." 19 septembre. „Les forces francoshellèniques se sont emparées des villages de Touschin et de Noute, au pied de la Djena." (Commun. francais du 19.) „Les Grecs atteignent Doukitcha.... Plus au sud une division grecque a traversé la Tcherna, prés de Tchevren, a occupé Zovik et menace d'envelopper le front bulgare a 1'ouest de Monastir." (Télégr. du généralissime grec Danglis). Opération secondaire : „Une division grecque attaquant au nord^ouest de Doïran a conquis les premières positions bulgares, a capturé 700 prisonniers et s'est avancée a 8 km au nord*ouest du lac de Doïran" (Com. grec) Apprés ciation d'ensemble : „Toutes les unités hellèniques engagées rivalisent d'endu* rance et d'entrain et je suis persuadé qu'elles cueilleront bientót de nouveaux lauriers." (Dépêche du général Franchet a M. Venizélos.) 22 septembre. On annonce entre Monastir et le lac de Doïran, la retraite précipitée des armées ennemies que poursuivent vigoureusement tous les alliés. (Com. francais). Le communiqué anglais du 23 : „Comme résultats des attaques et de la forte pression continue des troupes anglo«grecques, 1'ennemi évacué 1'ensemble de sa ligne Doïran ouest du Vardar. Nos troupes avancent. Elles ont atteint la ligne KarasOgularsHamzali, elles avancent sur Erzenci, en contact avec les Grecs. On estime que ces opérations auront des conséquences importantes." 23 septembre. Opération principale : „La poursuite continue sur tout le front de Monastir au Bélés. Les colonnes ennemies, talonnées par nos avant*gardes, harcelées par la cavalerie, mitraillées et bombardées par les avions alliés, se replient dans le plus grand désordre vers Vélés, Istip et Stroumitza. A 1'aile gauche les forces alliées, débouchant du front de Monastir, refoulent 1'ennemi sur le routes d'Albanië" (Com. francais du 23). 24, 25, 26 septembre. Aile gauche : „Les forces alliées ont dépassé Prilep, et ont progressé sur les routes de Kruchevo, de Kitchevo et de Vélés. (Comm. fran?. du 24) "Les alliés poursuivent sans relache leur progression vers le nord. Elles ont complètement dégagé la voie ferrée du Vardar et la route Monastir, Prilep, Gradsko." (Com. fran?. du 26) „Des unités hellèniques coopèrent avec les troupes alliées se trouvant dans la région de Prilep et participent a la poursuite de 1'ennemi." (Comm. grec du 27). Aile droite : „Les troupes frangaises, hellèniques et britanniques ont lancé de fortes avant«gardes au dela du Vardar vers Gradetz et Hudovo et se sont emparées du massif de KarasBail, au nord du lac de Doïran. (Com. fran?. du 24) Le communiqué francais du lendemain énumère : „le formidable massif de Bélés enlevé, la frontière bulgare franchie a Kosturino, les hauteurs de Gradetz=Planina atteintes par les troupes franco=hellèniques. — „Les troupes anglo=grecques avancent vers la chaine abrupte des monts Belachitsa. Les Grecs approchent du faite des montagnes au nord du lac de Doïran.... (Comm. britan. du 26) Et le communiqué grec du 26 précise: „D autres unités grecques, ayant franchi le Vardar dans la région de DemirsKapou, poursuivent avec les troupes frangaises 1'ennemi et avancent sur les pentes de Bélés. Les troupes grecques coopérant avec des unités britanniques, ont atteint la crête de Bélés et occupé des dèbouchés au nord du lac de Doïran. ' 27 septembre. Aile gauche : „Les troupes alliées, brisant la résistance des forces ennemies qui se maintenaient encore entre les lacs de Presba et d'Ochrida et au nord*ouest de Monastir, ont réalisé une avance de plus de 18 km en certains points. Elles ont largement dépassé Kruchevo et marchent sur Kitchevo." (C. f. du 27.) La cavalerie grecque a dépassé Vélès et poursuit 1'ennemi en déroute. Les prisonniers atteignent plusieurs dizaines de milliers. (Com. grec du 28) „Dans la région du nord de Monastir, les troupes grecques, coopérant avec les unités alliées, ont brisé la résistance de 1 ennemi que nous poursuivons dans la direction de BrodsKitchevo. (Com. grec. du 29.) Aile droite: „Les forces alliées occupent la région de Stroumitza et remontent vers 1'est la vallée de la Stroumitza." (C. f- du 27.) „Nous continuons a avancer. Les troupes grecques marchent dans la direction de 1'est en suivant la chaine de Belachitsa. Les troupes anglo*grecques marchent aussi sur Petritch, en suivant la vallée de la Stroumitza. Nous avons pris plusieurs canons de divers calibres." (Com. angl. du 28.) Le communiqué grec du 28 confirme ces faits, et ajoute : „On relève l'ardent enthousiasme des troupes grecques avan^ant au cri: ,,Aéra" („de l'air") qui remplit de terreur 1'ennemi et inspire la panique. A la suite des opérations actuelles, les Bulgares seront forcés dabandonner la Macédoine orientale.' 28 septembre. „Les forces anglo^hellèniques progressent au nord de Stroumitzasville, dans la direction de Petchovo et avancent vers Petritch en descendant la vallée de la Stroumitza." (Com. frang. du 28). „Dans la région de GuevghélisDoïran les unités grecques, ayant dépassé les sommets de Bélés descendent dans la vallée de la Stroumitza en nettoyant la région des débris ennemis. Une autre colonne grecque, coopérant avec les forces britanniques dans la région de Gradetz et de Bélès, poursuit 1'ennemi se retirant vers le nord et a l est de la ville de Stroumitza. Sur le front de la Stroumitza, les unités grecques ont exécuté avec succès d'importantes reconnaissances des forces ennemies." (Com. grec. du 29). 29 septembre. Aile gauche: „Les troupes grecques, italiennes et frangaises ont continué les poursuites des arrières?gardes ennemies en retraite vers Kitchevo et ont progressé au nord d'Ochrida et a 1'ouest du lac du même nom, oü elles ont atteint la route d EUBassan " (Com. fr. du 29). „Nos troupes, mettant une fois de plus en valeur leurs brillantes aptitudes a la guerre de montagne, conquirent de haute lutte, au nord^ouest de Prilep, le défilé de Barbaretz et les débouchés dans vallée de la Haute^Treska. De la, elles ont rapidement progressé vers le nord." (Com. grec du 30). Aile droite: „Des divisions britanniques et hellèniques ont progressé en direction de Petritch/' (Com. fr. du 29). „Dans la région nord de Stroumitza, nos divisions, franchissant en quelques heures les sommets de la Praskavitza, réfoulèrent sans trêve les divisions bulgares qui essayaient en vain de leur barrer la route. En un seul point les divisions grecques ont capturé 3 batte* M. VENIZÉLOS passé Ie revue des legions nationales qui se sont levées d'elles-mèmes a son appel pour rejoindre sur (e chemin de 1'honneur les défenseurs de fa cause sainte. ries lourdes et un nombreux matériel. A 1'est de Stroumitza en territoire bulgare, nos troupes en liaison avec les troupes britanniques, ont continué a presser 1'ennemi. Les divisions grecques en bordure du fleuve de la Strouma ont tenu 1'ennemi en constante haleine." (Com. grec du 30). 30 septembre. „Les troupes hellèniques ont continué leur avance en poursuivant 1'ennemi. Dans la région au nord de Bélés, elles ont occupé les hauteurs au nord de Yenikeui et les pentes dominant Palauli." (Com. grec du 30). 30 septembre, midi. Cessation des hostilités contre les Bulgares. | ^4EPUIS ce jour la tache des troupes grecques se dédoubla. D un cóté » MJJ, elles pousuivirent en Serbie les opérations contre les troupes austro* allemandes. De 1'autre elles réoccupèrent la Macédoine orientale grecque, en vertu de 1'armistice du 29 septembre. 1. Coopération grecque aux hostilités dirigées contre les troupes austro* allemandes. Le 3 octobre, elles prennent contact avec les forces austro*allemandes au sud de Vranje. Le 4 elles prennent part en Albanië a une offensive vigoureuse qui obligea les Autrichiens a se retirer sur la route d'ELBassan au dela du confluent de Skoumbi et du Langaïtza. Plus au nord, elles contribuent a refouler énergiquement 1'ennemi au dela de Dibra. Le 13 octobre, le com. frangais annonce: „Les troupes serbes, appuyées par les troupes alliées, cons tinuent a libérer leur territoire. Les forces hellèniques participent a leurs opérations." Enfin le com. frangais du 16 signale qu'a 1'ouest de Nich, un détachement francoshellènique a atteint, par ses éléments avancés Kurrumlié et NovisBazar, d'oü 1'ennemi s'est enfui en toute hate." 2. Réoccupation de la Macédoine orientale. Elle commence le 2 octobre. Le 4, le général Paraskévopoulos, a la tête de ses troupes, fait son entrée a Sérés. Le même jour les troupes grecques, libèrent également DemirsHissar. Le 7 oct. les troupes grecques entrent a Cavalla. Le même jour, dans leur avance libératrice les unités grecques atteig* nent la ligne Starista VrondonsRodolovos*Pravi. Le 8 Octobre, la ville de Drama est réoccupée, alors que continuant son avance vers 1'est, 1 armée grecque atteint la ligne générale Zirnovo^Drama^DoxatosSarichaban. Et le com. grec du 15 annonce: „Les dernières régions de la Macédoine grecque, envahies par les Bulgares et les Turcs, ont été réoccupées aujourd'hui par les troupes hellènes. L'oeuvre de libération du territoire grec est désormais définitivement accomplie." MAIS dans quel état les Bulgares ont=ils livré cette Macédoine qu'un souverain parjure leur avait permis de souiller? A Sérés, ceux qui accueillirent les troupes grecques ne sont que des vieillards, des femmes et des enfants, qui échappèrent aux déportations et a la famine. Les Bulgares avaient en effet déporté 13000 habitants de Sérés qui comptant avant 1 invasion 24,000 habitants, n a maintenant qu une population da peine 6000 ames. II y eut en effet plus de 5000 décès d'inanition. La famine y avait été systématiquement organisée, et parmi les nombreux cas tragiques enregistrés, le moins tragique n'est certes pas celui d un employé de la Banque d'Orient, qui enterra de ses propres mains ses cinq enfants, les préférant morts que de les voir déportés en Bulgarie. Ceux qui restent furent trouvés en haillons et mourant de faim, avec tout autour d eux, pillé, volé, dévasté. Dans les bourgades et les villages les destructions effectuées furent telles qu'il est parfois impossible de trouver, fütsce des traces de ces localités naguère florissantes. Elles étaient pourtant situées loin de toute zone d opé= rations militaires. N'empêche que tous les animaux ont été enle\és, tous les arbres arrachés. A DemirsHassar, sur 12000 habitants que cette ville comptait avant 1'occu* pation bulgare, il n'en reste que 2000, pareils a des squelettes. Le métropolite Parthénios, ainsi que les prêtres et les instituteurs grecs ont été emmenés comme otages en Bulgarie. Des femmes grecques de la ville de Demir«Hissar furent contraintes a travailler aux fortifications sous le feu des alliés. Cavalla se trouve dans un état pitoyable. On compte plusieurs milliers d'habitants morts d inanition; 3000 emmenés comme otages, parmi lesquels 1'archevêque et les prêtres, 3000 maisons brülées ou détruites. La cavalerie bulgare avait confisqué tont le bétail. A Drama, comme partout ailleurs, les Bulgares enlevèrent, en se retirant tout le bétail, les céréales, ainsi que les meubles des habitants. Mais ce sont surtout les vides faits dans la population macédonienne qui font frémir. Le but ouvertement avoué par les Bulgares, de cette oeuvre d extermination a été d'altérer la constitution ethnique de cette province grecque. Ils s'y sont si bien pris qu'alors que les quelques allogènes ont 1'apparence d hommes bien nourris, la population totale de la Macédoine orientale se trouve aujourd'hui réduite au sixième de ce qu'elle était avant 1'invasion bulgare. Elle n'est composée, pour ce qui est des Grecs, c'est a dire de 1'immense majorité, que de femmes, de vieillards ayant dépassé la soixantaine et d'enfants de moins de quatorze ans. Afin d'éclairer la conscience du monde civilisé sur ce que fut cette admini* stration bulgare en Macédoine, je me permets de reproduire ici une lettre d'un télégraphiste grec. M. Socrate Anthracopoulos, qui décrit si bien les tragédies qui se sont déroulées dans cette province depuis 1916: „Après la cession traitresse du fort Roupel aux Bulgares, le peuple de la Macédoine orientale était condamné a la mort par la faim. Le 6 aoüt 1916, les Bulgares descendirent a Serrés, oü je me trouvais, comme télégraphiste. Les gens, affolés couraient de ci, de la, dans 1'espoir de gagner les lignes frangaises, mais les ennemis, ayant prévu leur fuite, descendirent dans la plaine, en coupant tous nos moyens de communication. Dés la première semaine de 1'occupation, les persécutions furent systématiques et les établissements de 1'Etat, les bureaux du télégraphe, etc., livrés au pillage. Comme je protestais contre ces violences, 1'aidesdeïcamp du commandant de place me fit arrêter, ainsi que 1'employé de la caisse, M. Kyrou, qui m'assistait en qualité de drogman. Lors de 1'enquête, conduite par ce même officier, qui parle trés bien le fran9ais, je fis remarquer: „que du moment que nous sommes neutres, il est de notre devoir essentiel de protester contre les injustices commises par les occupants." II me répondit par des insultes et me dit notamment: „II faut savoir que nous sommes maitres de la situation". II ajouta, en me cravachant, „qu'il me défendait de m'intéresser plus longtemps aux établissements publics." Le pain manqua pendant des mois entiers, soit du 15 janvier au 5 juillet 1917, et plus de 4000 personnes moururent d'inanition durant cette période. Les Bulgares profitaient de la nuit pour dévaliser les magasins, nous n'osions dormir, car les soldats de la garde, au cours de leurs visites, tuaient, massacraient, détruis saient les biens de nos voisins sans qu'il nous fut possible de leur porter secours. Un officier allemand répondit, un jour, a ma protestation : „C'est la guerre !" Nous étions arrachés de nos maisons, sans enquête préalable et dirigés sur Schloumen, centre des internés. Pour les huit jours que dura notre voyage, nous re^ümes 1,200 grammes de pain, comme unique provision. Pendant notre séjour et après notre départ, le commandant bulgare, assisté de ses hommes, continua sa besogne avec un zèle tout particulier. Ceux de mes compatriotes qui possédaient des monnaies grecques, d'or ou d argent, étaient placés sous mandat et condamnés a lui remettre tout ce qu'il exigeait. Celui qui refusait d'obtempérer a eet ordre était saisi et suspendu par les pieds a une traverse de fer, tandis que vingt* cinq batons s'abattaient sur son dos. Ce supplice recommengait tous les deux jours. Rien ne retenait ces sauvages dans le domaine de la dévastation. On conduisait en exil des enfants de quatorze ans et même des vieillards ayant dépassé la soixantaine; Serrés, en ruines, payait chèrement sa gloire de 1913. Le sort du peuple, si lachement trahi, ne dépendait que d un simple soldat, qui avait le droit de mort sur chaque protestataire. II m'est impossible de me souvenir de tout ce qui se passa. Chaque jour est une histoire douloureuse. Pendant notre internement, nous étions obligés de payer 10 a 20 francs et même 30 francs, pour obtenir des sentinelles bulgares la permission de satisfaire nos besoins indispensables. Oui, le métropolite de Newrokop a payé 20 francs dans ce but! II a été, d'autre part, dépouillé de tous ses biens, représentant une valeur approximative de 50,000 francs. A Karnobat, nous travaillions tous, sans distinction aucune, comme de simples ouvriers, a la ligne en construction, Durant les longues journées de juillet, il nous fut accordé généreusement 400 grammes de pain, comme subsistance ! Les chaumières et les trous des animaux étaient nos abris. Dans une hutte de paille, j'ai trouvé une notice, d'un caporal roumain, disant: „Nous nous suicidons en masse, ne pouvant plus supporter la faim et le froid." Les Serbes, plus misérables que nous encore, succombaient par dizaines et leurs tombes étaient odieusement profanées par nos bourreaux. Aucune histoire, aucun être humain ne peut raconter tous les crimes commis par cette race, qui nous rappelait avec orgueil ses ancêtres Tartares et Goths. Plus de 50,000 Grecs sont morts de faim en deux années, sans exciter la moindre pitié. Les occupants nous mena^aient sans cesse, disant: „II faut que cette race disparaisse de la surface du globe." Les poursuites, les bastonnades étaient autorisées par les chefs. Voici, pour terminer, quelques traits de cruauté que j'ai particullièrement retenus. J'étaïs surveillant de cent personnes occupées a la ligne du village de Sarmoussakli, dans la région de Serrés. Nous étions obligés de travailler dans une épaisseur de neige de 30 a 40 centimètres et par un froid de 15 degrés. Deux ouvriers, seulement, survécurent aux mauvais traitements infligés par les soldats et les surveillants bulgares, a qui 1'ingénieur Kalkoff donnait le premier signal. En Albanië, plus de 1,500 Grecs moururent a Kostivar et Kitcevo, oü les Allemands suggéraient aux Bulgares de brüler les malades, conseil qui fut suivi par ces monstres. Figurezsvous le nombre des sujets hellènes qui succombèrent ainsi. Le sentiment national grec, révolté, réclame le chatiment de ces crimes. Ce n'est pas une basse vengeance qui nous inspire, mais seulement le désir de la justice. Telle était 1'oeuvre de cette „Prusse des Balkans". Aux cötés de la Prusse allemande et de l'Austro*Hongrie, avec la même mentalité, les mêmes usages de guerre, avec le même désir de mettre en esclavage honteux ses voisins pacifiques. Qui dira encore que les peuples ne doivent avoir qu'un seul chant, un seul drapeau, une seule patrie ? *2^ M. ELEUTHÉRIOS VENIEÉLOS 1'homme clairvoyant qui a aiguillé son pays dans la bonne voie et qui est aimé et estimé comme 1'égal du grand représentant de la démocratie antique, Periclès. ItlfMiL importe qu'on con^oive une idéé juste du róle de la Grèce l^§! pendant la dernière phase de la guerre. Ce róle dépasse de 1 mM beaucoup les proportions de 1'Hellade. En 1918, la Grèce fut la seule partie de 1'Europe orientale oü les Alliés conservaient un pied. C'est a ses frontiéres qu'ils retiennent plusieurs centaines de mille de soldats ennemis qui seraient allés grossir le front occidental s'ils n'avaient plus a garder les lignes macédoniennes. C'est de la qu'ils surveillaient et dominaient toute la Méditerranée orientale. S'ils avaient été contraints de quitter la Grèce, ils n'auraient pas perdu seulement toute 1'Europe orientale, mais encore toute l'AsiesMineure et les mers qui la baignent. L'expédition de Mésopotamie et celle de Palestine auraient été compromises et les voies européennes vers le canal de Suez coupées. II aurait été impossible de conserver la maitrise de la Méditerranée orientale si les sousmarins allemands avaient leurs bases sur les cötes de Grèce. Et c'est pourquoi la politique étrangère de Vénizélos a rendu de si immenses services a la cause de 1'Entente. On ne saurait trop admirer la clairvoyance avec laquelle Vénizélos a prévu le caractère de cette guerre, qu'il avait d'ailleurs pressentie dès 1913, et a envisagé tout son développement ultérieur, dès qu'elle a éclaté. Avec une remarquable persévérance, il lutta contre tous les obstacles que Constantin et 1'Allemagne dressèrent constamment sur sa route et réussit enfin a rétablir la politique de la Grèce sur la base qu'il lui avait lui=même préparée. „Je fais la guerre", astsil dit. Et elle est faite. II n'y a pas beaucoup d'exemples dans 1'histoire des peuples d'un homme qui ait trouvé son pays aussi divisé contre luisméme, aussi ruiné par la mauvaise administration et discrédité a tel point aux yeux de 1'étranger, et qui en peu de temps 1'ait plus vigoureusement relevé, restaurant son administration, refaisant ses finances, reconstituant son armée par la seule force de la sagesse et de la raison. Venizélos, comme Lloyd George en Angleterre, comme Wilson en Amérique et comme Clemenceau en France a bien répondu aux voeux de toute une nation. C'est a la race grecque tout entière qu'appartient et que devra être reconnu par 1'histoire universelle 1'honneur de cette politique de Venizélos. Car c'est la vitalité et la mentalité de la race qui se révélent en lui. Pour réaliser cette politique ne s'estsil pas fondé et ne se fondestsil pas toujours sur le concours de l'Hellènisme entier? Le concours grec est maintenant apprécié a sa juste valeur par tous les alliés. La Grèce donna la meilleure réponse a ses détracteurs comme aux amis qui doutaient d'elle. Elle a trouvé la voie de son histoire. Ce fut pour elle la nouvelle étape de gloire et elle s'est remise a marcher librement pour rendre 1'ceuvre plus solide et plus compléte. D'ailleurs, pouvait*elle refuser le poste de combat oti 1'appelait sa propre histoire? Pouvaitselle s'abstenir de participer a la bataille avec toutes ses armées, la Grèce dont la liberté fut menacée plus encore que celles des autres? Les Grecs de Macédoine orientale sont exterminés, les Grecs de Thrace sont anéantis; les Grecs de lAsiesMineure sont réduits en esclavage; le meurtre et le pillage guettaient leurs demeures. D'après les statistiques turques elles=même il y a actuellement en Asie=Mineure plus de 2V2 millions de Grecs orthodoxes et cela sur une population totale d'a peu prés 10 millions d'habitants. Ces statistiques sont singulièrement partiales, car elles ne comprennent sous la dénomination générique de Grecs orthodoxes, que les individus parlant le grec et elles oublient des centaines de milliers d'autres, ceux de religion protestante ou catholique ou bien ceux qui sont secrètement orthodoxes ou enfin encore ceux qui parient habituellement le turc. En Asie*Mineure il y a beaucoup de Musulmans d'origine grecque qui furent forcés par les autorités de renier leur nationalité. Mais ils haïssent également les Turcs dirigeants, car ils ont souffert aussi cruellement que les rayas. Ils n est pas exagéré de dire que le total de tous les Grecs non considérés comme tels par les Turcs atteint plus de 600.000, ce qui porte a plus de 3 inillions le chiffre des Grecs résidant en Asie