RÉPONSE AU PAPE PIE IX, PAB A. CAPADOSB. M. D. LA HATE, yAN CLEEF FRÈRES. 1869. Les lignes, qui suivent, ont été jetées sur le papier quelques jours après la publication de la lettre d'invitation du Pape aux Protestante et aux non-Catholiques. Des circonstances inattendues es ont différé la publication jusqu'ici. Dr. C. Monseigneur! Vous permettrez a un Protestant, se souvenant, ment digne de la charge, que vous vous attribuez, sur le terrain de votre propre EgUse? Ou pomriez-VOUS sup' poser que les ténèbres de graves et capitales erreurs ne se trouvassent que parmi les Protestants ? Ilestvrai, votre but n'est pas seulement de mettre une barrière a ces erreurs, vous désirez aussi confirmer le règne de la vraie foi, de la justice et de la paix réeUe, qui vient de Dieu. Encore ici quel noble but et quelle paternelle sollicitude vous animent a vous adresser a ces pauvres ames parmi les Protestants, qui reconnaissent, comme vous en convenez, Jésus comme leur Sauveur, mais qui, selon vous, ne confessent pas la vraie foi de Jésus-Christ et vivent en dehors de 1'Eglise Catholique Romaine. Si vous eussiez pris la peine, Monseigneur, d'expliquer ce que vous entendez par la vraie foi de Jésus-Christ , j'aurais pu vous prouver que la foi, que possède le Protestant fidéle, doit bien être la vraie foi, puisqu'elle est exactement en accord, je ne dis pas avec celle, que votre Eglise enseigne, mais avec celle, que la Parole infajllible enseigne et qu'elle n'est pas seulement dans son intelligence, mais qu'il 1'a recue dans son coeur, ou elle est scellée par le Saint-Esprit, ce qui le met en possession de la parfaite justice de Christ, sans laquelle aucune ame ne pourra subsister devant Dieu. II est cependant vrai qu'il ne 1'a pas recu de 1'Eglise Catholique Romaine, et qu'il la confesse en dehors de sa communion. Mais 1'ayant recu par le Saint-Esprit lui-même, cela ne serait-il pas suffisant, quand on la confesse devant Dieu et les hommes , comme le Maitre 1'a voulu ? (Luc. XII: 8). Celui, qui après avoir recu la connaissance de son état de misère et le pardon de ses offences par le précieux sang de 1'Agneau sans tache et sans macule; celui qui n'attend son salut que par grace et par les seuls mérites de son Sauveur, marchant dans les bonnes oeuvres que Dieu lui a préparées, eet homme-la appartient a 1'Eglise de Christ, a 1'Eglise Catholique, qu'il soit Protestant ou non, et plüt a Dieu qu'il y ait beaucoup de telles ames dans toutes ces différenles Eglises a conimencer par la votre, car les Anges dans le Ciel s'en réjouiraient. Mais quand vous dites qu'il n'y aura personne, qui puisse nier ni même mettre en doute, que Dieu riait ètabli son Eglise sur St. Pierre, alors il me tient a coeur de protester contre une si funeste erreur: et soutenir que parmi des milliers des plus zélés enfants de Dieu, vous n'en trouverez pas un seul, qui 1'admette en vérité; au contraire ils s'y opposentavec la plus forte énergie, instruits par la Parole de Dieu, que ce n'est pas sur un Pierreou quelque mortel quece soit, que son Eglise est établie, mais sur le Seigneur lui-même, seul et unique fondement, car, dit un Apötre, personne ne peut poser d'autre fondement, que celui qui est posé, qui est Jésus-Christ, (1 Cor. 111:11)! Et de même que 1'idée que le Christ aurait étabü son Eglise sur St. Pierre est entièrement fausse et sans fondement, de même il n'est pas juste de dire qu'a 1'Eglise ait été donné la puissance de conserver et de transmettre la foi aux générations suivantes; non, le précieux don de la foi n'est pas transmissible: elle est formée dans le coeur par le St. Esprit, qui selon la promesse divine nous instruirait et conduiraü en toute vérité et quand vous y ajoutez que c'est par le Baptême qu'on devient membre du corps mystique de Christ et qu'on recoit une nouvelle vie de grace, je dois encore vous faire souvenir qu'il est écrit, que ce qui est né d'Esprit est Esprit (Jean III: 6), que celui qui aura cru et aura été baptisé sera sauvé, mais que celui qui n'aura pas cru (quand même il aurait été baptisé) sera damné (Mare. XVI: 16). C'est une erreur capitale dans votre Eglise et dans les sectes, qui s'y rattachent, d'attribuer aux actes extérieurs une vertu, qui ne leur appartient pas: L'Eglise, concentrée dans son clergé, prend et usurpe la place, qui appartient au St. Esprit, le vrai Paraclet et Consolateur, que le Seigneur a promis aux siens avant son départ et qu'il a ertvoyé après son Ascension. C'est Lui, pour qui II a voulu que les siens priassent le Père céleste en son nom et qui est destiné a nous instruire et nous conduire en la vérité , oui, en toute vérité (Jean XVI: 13). Voilé non une tradition humaine, mais un enseignement divin. Les convertis sont nés de 1'Esprit et non de 1'Eglise: tout ce que nous devons selon la Parole de Dieu attribuer a 1'action, a la force, a la puissance du St. Esprit, vous 1'attribuez a votre Eglise. Je vais même plus loin, s'il y a dans nos Eglises Protestarites héfas! beaucoup d'incrédules, qui nient le Fils, c'est une fatale erreur, un état maladif, une déviation de la confession de leur Eglise; mais chez vous 1'oeuvre du St. Esprit, remplacée par celle de 1'EgUse est 1'état normal. Voila pourquoi vous n'avez pas assez de paroles pour exalter cette Eglise en opposition aux Eglises Protestantes. «C'est ede, qui est toujours invariablement la même, inébranlable de saproprenature, elle étend sa grande unité sur toute la surface de la terre et fait le contraste le plus frappant avec cette diversité d'Eglises, encore divisées en elles-mêmes, qu'on trouve dans le Protestantisme et partout oü 1'on est en dehors de 1'Eglise Catholique (Romaine)»! II y a dans le monde des ülusions d'optique, par lesquelles on croit voir, ce qui en réalité n'existe pas. Eh bien! Monseigneur, c'est le même cas, qui se présente par rapport a cette soi-disante unité de votre Eglise, Combien de fois, même parmi des hommes a talent, entendons-nous louer cette magnihque tmité de 1'Eglise de Rome. Et cependant, je suis assuré qu'elle est une pure ülusion; elle n'existe pas réellement; je vais plus loin et soutiens qu'il n'y a pas plus de diversité ches nous que chez vous, mais vous savez la cacher. Votre Eglise est d'une vaste étendue, c'est un grand sac, oü tout se trouve réuni pêle-mêle, le mür et le vert, le blanc et le noir, a cóté d'un disciple de Voltaire, vous en avez un de Pascal, un Mirabcau è cóté d'un Thomas a Kempis, 1'or, 1'argent, le cuivre. le plomb, des choses magniiiques et les impures n'y manquent pas, toute cette immense variété d'objets et de personnes, vous les gardez tous dans un seul sac et vous criez a l'unité de la foi Catholique Romaine. Mais c'est 1'enveloppe, qui est une, tandis qu'en réalité la diversité en matière de foi est chez vous immense. Voulez-vous un autre emblème. Dans votre jardin vous avez une grande variété d'oiseaux de toute couleur, de toute espèce, sans en excepter les hibous: la seule différence entre nos jardins et le votre, c'est que vous avez serré tous ces oiseaux dans une grande cage, et nous en plusieurs plus petites ; ou ils volent en liberté, quelquefois trop grande, je 1'avoue, mais pour ce qui regarde la diversité de croyance, avouez, Monseigneur, que nous n'avons rien a nous reprocher. Mais vous surtout, vous en premier lieu, Monseigneur, est-il juste que vous exaltez 1'invariabilité parfaite de votre Eglise Catholique Romaine, tandis que vous venez de la doter d'une nouvelle invention, du dogme nouveau de la conception immacuUe de Marie et que surtout depuis-lors le culte de votre Eglise est devenu plutöl un culte de Marie que du Dieu trois fois saint! Mais soit, supposons un moment, votre Eglise est toujours la même, immuable! ceci en soi n'est pas une qualité supérieure; au contraire c'est de 1'essence des choses inanimées, sans vie, que de rester immuables. La pierre ne se meut pas et voyez-les la-bas sous terre, ces hommes, naguère en mouvement continuel, en combat souvent les uns avec les autres, comme ils sont tranquilles et immuables: mais c'est la vie, qui manque! Ne croyez cependant pas, Monseigneur, que j'aille faire 1'éloge des grandes diversités, de 1'éternel combat d'opinions, qui se trouvent hélas! souvent chez nous — j'en pleure, j'en gémis — et cependant une vie agitée est vie et la vie est préférable a la mort. Reste encore a savoir si 1'incrédulité, qui se manifeste ouvertement chez nous, fasse plus de mal, que celle qui agit sourdement, qui ronge aux racines de la vie comme cela se fait dans vos nombreuses institutions, séminaires, etc. En tout cas 1'incrédulité, il est vrai, fait de grands ravages et les rebellions de toute espèce sont toujours un grand fléau, cependant ces ravages ne sont-ils pas quelquefois de ces ouragans, de ces tempêtes terribles, mais qui souvent purifient 1'air? ne sont-ils pas souvent comme les douleurs de 1'enfantement, toujours comme douleur un mal, mais un mal nécessaire pour la société humaine? et n'est-ce pas dans ce sens que nous lisons dans la Parole de Dieu qu'il faut, qu'il y ait même des hérésies parmi vous, afin que ceux qui sont dignes d'approbation, soient manifestés parmi vous (1 Cor. XI: 19). On pourrait comparer les Eglises Protestantes a la mer, mouvement, écume, flux et reflux, mais c'est un élément vivant. Votre Eglise Catholique Romaine est plutót comparable a la terre. C'est sur la terre qu'elle a son fondement et son chef, sapompe est terrestre, sa vie même est terrestre, elle se reproduit pour la terre, mais elle combat 1'élément céleste, 1'esprit, et tout ce qui vient d'en haut. Depuis que la primitive Eglise de Rome est tombée et est devenue terrestre et charnelle, elle a toujours été en combat incessant contre la vraie Eglise de Christ, c'est le combat de la chair contre 1'esprit. Et comme aux derniers temps, selon ce qui est prédit, la vie de la chair augmentera, il est tout naturel que 1'Eglise de Rome s'étende, (comme le prouve un certain abbé parmi nous, qui dans sa vaine gloriole, exalte lenombre de soi-disant convertis!) L'esprit de la chair, 1'esprit du monde est le nerf de son activité. Elle agit sur tous les sens de 1'homme naturel (de YavrQonag yvtixag bien different du irvtvficcnxog): elle sait donner place aux passions les plus subtiles et les plus ignobles, qu'elle alimente et multiplie. Son regard sévère, ses renoncements, ses macérations et ses abstinences ce sont de ces choses périssables, suivant le commandement et les doctrines des hommes, qui ont une apparence de sagesse en dévotion volontaire, mais ne servent qu'd nourir la chair (Col. 11:22, 23, Jes. XXIX : 13). Je suis cependant loin de nier que votre Eglise est grande, superbe, magnifique, mais c'est qu'elle est Romaine. Rome a toujours et en tous temps été grande. Toute 1'histoire de cette ville et de votre Eglise, sa puissance, son éclatsont contenus dans le mot Rome, mais c'est toujours le fer et la terre (Dan. II: 42) c'est la force et la chair. Toujours sa grandeur a été une grandeur terrestre, une puissance terrestre, qu'elle soit sous le sceptre des Empereurs ou sous la crosse de ses Evêques, la force écrasante de 1'Empire ou les foudres du Yatican. Mais si cette puissance des Empereurs ou des Papes a pu s'étendre sur les corps pour leur öter la vie et sur les ames pour les pervertir, jamais elle n'a pu atteindre a la région de 1'esprit de 1'enfant de Dieu. Dans le domaine de 1'esprit elle est nulle. Cette atmosphère est plus haute: et ni la voix terrible de vos foudres de jadis, ni celle de vos invitations douces et paisibles, comme celles que vous venez de nous adresser, ne sauraient parvenir au coeur régénéré et a 1'esprit du vrai chrétien, qui dans 1'obéissance a la sainte Parole de Dieu vit dans la foi et dans la communion avec son Seigneur et Sauveur. Voila donc ce qu'on doit penser des deux grandes qualités, unité et vérité, de votre Eglise de Rome, que vous nous avez proposées, comme motifs de retour dans votre bercail. Nous avons taché de prouver que ce ne sont. que deux grandes illusions, en état peut-être de troubler et séduire les foibles, les demi-convictions, les ames, qui n'étant pas enracinées en Christ, manquent de cette solidité d'espérance et de paix, qui sont les fruits de la foi antique et virile, partage du Protestant fidéle. Ah! Monseigneur, pourquoi mécönnaissez-vous a ce point les exigences, les besoins urgents des temps solennels et sérieux, oü nous vivons! Plus de lutte d'Eglise contre Eglise. Une perspective plus élevée s'ouvre a nos regards inquiets; ce sont les derniers jours, qui commencent: n'allons pas appeler les ames de Génève a Rome, ni de Rome a Génève, mais a Jésus Christ et par de ferventes prières, par des cris d'alarme, par nos pleurs et nos gémissements, tachons de réveiller ces pauvres ames, qui dorment au bord d'un épouvantable abïme, prêt a les engloutir pour une éternité. Oui, le siècle oü nous vivons est solennel: le monde entier est en crise; partout du mouvement, de 1'agitation: partout des bouleversements, des inquiétudes; dans le monde moral comme dans le monde physkpie: dans le domaine des sciences, comme dans la vie sociale: sur le terrain des idéés politiques, comme sur celui des croyances religieuses: dans le Catholicisme Romain comme dans le Protestantisme, parmi les descendants d'abraham comme chez les peuples les plus éloignés, partout agitation, crainte, angoisse même. La prophétie s'accomplit: la terre est en travail et nouvelle Rebecca , elk s'écrie, tandis que ses enfants s'entrepoussent dans son sein, s'il est ainsi ? pourquoi suis-je ainsi ? et elle va consulter l''Eternel, qui lui dit: Deux peuples sortiront de tes entrailles , L'üN sera plus fort que l'autre, et LE plus grand sera asservi au moindre (Gen. XXV: 22,23). Yoila le travail, qui se fait de nos jours: voila la cause de ces troubles, de ces convulsiohs, du milieu desquelles s'élève un cri vers le ciel: un immense soupir monte incessamment vers 1'Eternel comme le mugissement qui plane au-dessus d'une mer en tourmente: ce cri, ce long soupir révèle un vaste besóin: 1'homme et ce qui vient de 1'homme ne peut plus suffire a 1'homme: un grain de sable ne cómble pas un abime : on a soif d'un élément divin , qu'on ignore : et a cóté d'une humanité qui hélas! s'abrutit de plus en plus en s'éloignant de Jésus , principe régênérateur du monde, se léve une humanité qui gémit, qui soupire et qui cherche le repos dans le sein de ce Dieu, qui la cherche! une goute de la rosée divine esttombée en terre. La fermentation s'opère; elle marche; elle doit nécessairement continuer a travers diverses phases, jusqu'a ce qu'enfin les deux parties soient entièrement séparées et qu'il y ait une sublimation et une précipitation. La génération de 1'homme céleste et celle de 1'homme pécheur. C'est aussi dans votre Eglise, Monseigneur, que le frêmissement d'une vie nouvelle commence! 1'élément régênérateur y trouve des ames généreuses, qui s'épanouissent aux rayons de la lumière céleste et qui sont agitées par la brise du Dieu vivant; ces ames, ne pouvant plus porter votre formalisme ni participer aux erreurs de votre Eglise et indignées en même temps de 1'incrédulité du siècle, qui, le blasphême è la bouche , ose attaquer ce qu'il y a du ciel sur la terre, ces ames sont quelquefois les plus zèlés défenseurs de 1'Eglise de Rome, vis-a-vis 1'impiété; Mais suivez-les dans la solitude , dans leurs méditations secrètes, vous les trouverez inquiètes, agitées, enfin s'écriant comme en présence de Dieu : non , non , il ne nous suffit plus, que Rome ait parlé, il faut savoir si Toi, o Dieu de Vérité, Tu as parlé a Rome! A ces nouveaux Samuels la voix divine s'adresse! Qu'ils disent donc comme Samuel d'autrefois: «Parle, Seigneur, tes serviteurs écoutent! Mais chez quel peuple, dans quelle Eglise, dans quel coin de la terre devront-ils aller pour écouter cette voix! Ah! ce n'est pas chez tel peuple, ce n'est pas dans telle Eglise, qu'elle se trouve concentrée. » —| L'heure vient, a dit le Maitre, et elle est maintenant venue, que vous adorerez le Père ni sur cette montagne ni a Jerusalem; les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en vérité (Jean. IV: 21, 23)! Et c'est sa Sainte Parole qui fera entendre et comprendre eet appel divin par le St. Esprit. La bouche de Christ, a 'dit Augustin , c'est VEvangüe: et tandis qu'il règne dans le ciel, II ne cesse de parler sur la terre (Serm. 285. t. X). Invitez donc, Monseigneur, toute ame égarée parmi les Protestants et les non-Protestants non pas è se tourner vers Rome, ou vers la St. Marie, mais vers le grand Dieu et Sauveur Jésüs-Christ lui-même et vers sa Sainte Parole. Alors vous ferez une oeuvre digne de celui, qui a 1'honneur de se nommer Chrétien, digne surtout de celui, qui se croit appelé a conduire les ames.