TROIS SERMONS SUR ROME: ROME PAYENNE; L'ÉGLISE A ROME; ROME ET LA RÉFORME. PA,U D. CHANTEPIE DE LA SAUSSAYE, l'un des pasteurs de l'églisb réfokmée wallonne de lkyde. LEYDE, J. H. ZITMAN. 1855. Imprimerie de H. R. de Breuk. Ces sermons n'ont pas été composés dans le bui de former mi ensemble. Plus iard Vauteur a vu qyüil y avait une unité, celle que le titre exprime, et que cette unité était plus qu'extérieure, quen effet la pensee fondamentóle de ces trois discours est le róle important que, suwant la prophétie et P-ktstoire, Rome semble destiné a occuper dans Vhisioire du règne de Dieu, róle -qui est indiqué déja dans la coïncidence, nullemenl fortuite, que Pévanfféliste St. Luc relève quand il explique la naissance du Seigneur a Bethlehem par Védit ctenrégistrement publié par César-Auguste. Toutefois ce n'est pas seulement Vintérêt de ce point de vue, assez généralement négligé, qui ait pu déterminer Vauteur a puilier ces discours. (Test surtout le désir qui Vanime et le besoin qu'il éprouve que le public religieux de notre pays soit êclairé sur la nature des dwergences qui de plus en plus séparent Véglise réformée de ce pays en deux camps Men distincis et entre lesquels il y a fort peu de cèspoints cTunion qui puissent être considérés comme des pronostics oVune paix prochaine. Uien ne lui parait aussi déplorable, d'un danger mor al aussi grave, comme Vignorance dans laquelle un tres grand nombre continue ct se trouver, volontairement ou involontairement, au sujet de 'ces divergences; et rien ne lui répugne autant, que le soin que prennent beaucoup de prédicateurs d'entretenir cette ignorance et de persuader au peuple chrétien que partout le même Christ et le méme Dieu est annoncé et que les troubles dans Véglise tiorit cCautre souree qu'un certam besoin de troubles, qu'un certain fanatisme inquiet et agitateur. — Cette tactique de ne pas dire tout ce que Von a sur le coeur, de revêtir les f onnes de doctrines qu'on rejette, oTy substüuer cVautres pensees, de miner ainsi des croyances quon prétend maintenir et purifier; cetfe tactique — on a beau Vappeler la prudence oVun sage éducateur — me semble absolument contraire aux premiers principes de véritè et de droiture et devoir nécessairement appeler un jugement cVaveuglement sur ceux qui la pratiquent. Quon dise Aardiment devant le peuple ce que Von pense sur ces queslions qui intéressent toute dme qui vive, é'est-a-dire sur le caractère de la bible, sur la nature de Vliomme, la nature de Dieu la nature de Christ ei de son oeuvre! Qu'on ne Vexposé pas seulement en des traités, prétendus scientifiques, maisqtion Vannonce a ce peuple qui, si on lui conteste le droit d'entendre ce qui est vérité a ses yeux, a du moins le droit, que tout homme a, oVexiger la sincérité de ceux qui Venseignent! Nous aurions fait un pas immense vers la vérité et par cela même vers la paix, si chacun de ceux qui enseignent se sentit le devoir de dire sa pentée toute simple, toute sa pensée et rien que sa pensee. Dieu donnerait sa bénédiction a cette droiture. Tai voulu le faire pour ma part; fai voulu dire, surtout dans la dernière de ces pré" dieations, quelle est a mes yeux la lutte de nos jours dans notre église. Si je me trompe, ma parole ienvolera comme de la paille: nous ne pouvons rien contre la vérité, mais pour la vérité. Si je dis la vérité, que Dieu bénisse ma parole/ Que celui qui la Ut y réfiéchisse! Leyde, 4 Décembre 1854. D. C. D. Ti. S. ROME PAYENNE. ACTES XVIII: 12—16. Mais du temps que Gallion était proconsul d'Achaïe, les Juife, torn d'un commun accord, s'élevèrent contre Paul, et l'amenèrent devant le siège judioial, En disant: Cet homme persuade les gens de servir Dieu contre la loL Et comme Paul voulait ouvrir la bouche, Gallion dit aux Juifs: O Juifs! s'il était question de quelque injustice, ou de quelque crime, je tous supporterais au tan t qu'il serait raisonnable; Mais s'il est question de paroles et de mots, et de votre loi, vous y mettrez ordre vous mêmes; car je ne veux point être juge de ces choses. Et il les fit retirer de devant le siège judicial. Pour un grand nombre de personnes Ia suprème vertu c'est la modération. lis 1'appellent sagesse et ils entendent par-la un certain jus te-milieu entre les extrémes; or toute opinion prononcée, toute tendance conséquente leur est un extreme. Ils aiment a concilier tout et ils se persuadent que, pourvu qu'on y mit un peu de bonne volonté, on finirait toujours par s'entendre.— II y a quelque chose de touchant, en méme temps que de naif, dans eet ensemble d'idées et de désirs que 1'on peut caractériser comme le systéme du juste-milieu. S'il part d'une ignorance totale de la nature et de la profondeur des disparates humaines, d'autre part il indique des besoins d'harmonie et de paix. Sans doute la perfection est une modération; la perfection est une harmonie entre plusieurs élémens, combinés ensemble dans une proportion telle qu'aucun n'ait Ia prépondérance. Mais, pour constituer cette perfection, pour former cette harmonie, il faut que les élémens constitulifs en soient susceptibles, qu'ils puissent se marier, qu'ilyait une harmonie au fond, de manièra a ce que, joints ensemble, ils ne se détruisent point mais se complettent. C'est ainsi que la perfection hamaine peut étre nommée un mélange de plusieurs verlus, qui, isolées, ne sont pas des verlus, mais qui ne le sont que par leur rapport a 1'ensemble. Dire cela, M. F., c'est dire déja que la modération dans Ie bon sens, c'est-a dire 1'harmonie , est nécessairement un idéal qui ne peut étre réalisé que dans un autre ordre de choses et non en celui d'ici-bas, oü règne le grand et inelfacable contraste entre le bien et le mal; et que ceux qui y aspirent ici-bas se contentent d'une mauvaise harmonie, cherchent une paix qui renferme les germes d'une guerre a mort, d'une déslruction infinie. En effet, le système du juste-mifieu, tel qu'il apparait dans le monde, ignore, volontairement ou in volontairement, le pêché, la nature et Pétendue de cette maladie, qui, comme maladie, est une dissonnance dans la création et n'appartient pas a ces oeuvres que Dieu avait faites et qui étaient toutes trés bonnes. Ce système, tout en ne voulant de guerre avec personne, est par cela méme en guerre avec Dieu, avec Dieu qui veut la guerre contre Ie mal. Ce juste-milieu, que veulent les prétendus modérés ou, comme ils aiment aussi a se nommer, les libéraux modérés, est au fond un justemilieu entre le bien et le mal, entre la vérité et le mensonge, entre Dieu et Satan. M. F., cette maladie, — car c'en est une, c'est une forme spéciale de la maladie générale du genre humain — cette maladie peut, comme toute maladie, étre particulièrement adaptée a telle ou telle constitution. Comme dans le corps tel tempérament, ainsi qu'on 1'appelle, est susceptible de telle maladie plutót que de telle autre, ainsi il y a des tempéramens moraux, si je puis ainsi dire, qui augmentent les dispositions pour telles ou telles maladies morales. Ces tempéramens moraux, ce sont les caractères. 11 y a des caractères personnels, il y a des caractères nationaux; il y a des caractères naturels, il y a des caractères acquis, c'est-a-dire devenus ainsi par les circonstances, par le milieu dans lequel nous vivons. M. F. me tromperais-je en disant que dans le milieu dans lequel nous vivons, j'entends celui de notre pays, toutes les dispositions sont la, naturelles et acquises, pour la maladie que j'ai appellée celle du justemilieu? Je ne cite qu'une preuve. Mon texte me la fournit Le système que nous voyons suivi ici par ce proconsul d'Achaïe, n'est-il pas le plus en faveur parmi nous? Gallion, le doux Gallion, comme un poète romain contemporain l*appelle, n'est-il pas notre homme, le type de ce que nous croyons droit et juste? A sa place la plupart des chrétiens n'auraient ils pas agi ainsi? M.F., remarquez bien que je ne dis pa-s qu'ils auraient mal agi; je suis loin encore de porter un jugement; je ne fais que caractériser. Aussi le bien ou le mal ne dépend pas de ce que 1'on fait, du moins pas en premier lieu, mais de 1'esprit dans lequel on le fait. Ce n'est donc pas Ie système politique du proconsul Gallion, système qui est celui de Rome, ce n'est pas ce système comme tel, que je désire étudier avec vous a cette heure.— Je le dis, non seulement pour rassurer ceux qui s'effarouchent au seul mot de politique prononcé en chaire, mais aussi paree que je n'ai pas a Ie blamer, n'ayant pas d'autre système a y opposer, —- mais c'est le cöté moral de ce système de modération ou de juste-milieu que je désire apprécier a cette heure, dans le but de conduire a la découverte des raisons de la grande faveur dont il jouit. Annoncer ce sujet vous paraitra peut-être annoncer une diatribe contre le système que je veux caractériser. Suspendez votre jugement, M. F. Je désire distinguer; je désire Faire la part du bien et celle du mal, puisque je les trouve mêlés ici. Puisse par la bénédiction du Seigneur ces réflexions servir a nous affermir dans la conviction que celui qui règne, qui gouverne et 1'état et 1'église, c'est le Christ 1 I. Une lecture superficielle des paroles de notre texte suffit pour nous convaincre que nous nous trouvons ici en présence de la grande question, question qui demeurera en litige tant que Punité ne sera pas trouvée, la question dis je des rapports entre 1'église et 1'état. Voici le fait. Un homme juif, Paul de Tarse, citoyen romain, est entré dans la ville de Corinlhe, ville peuplée, d'un commerce florissant, capitale de la province romaine de PAehaïe. Domicilié chez des compatriotes il prend part a leur métier et gagne son pain par le travail de ses mains, vivant ainsi tranquilement et oublié au milieu des milliers de Corinthe. D'ailleurs, eet homme est abattu et ne cherche pas beaucoup de relations et ne se montre pas beau- coup, en public. Au jour du repos il se trouve, selon la coutume de son peuple, dans leur synagogue pour le culte public. La seulement il ouvre la bouche, il use de la liberté de prendre Ia parole, pour persuader ceux qui y étaient, tant juifs que grecs, de Ia vérité de ses conviclions, convictions qui se résumaient toutes dans la seule parole que ce Christ, que les Juifs aüendaient, était venu dans la personne de Jésus de Nazareth, qui a été crucifié. Toutefois sa parole ne produisait pas beaucoup d'effet. Aussi manquait-elle de cette énergie, de cette ardeur, qui caractérise d'ordinaire les apótres de nouvelles doctrines. Tout a coup cependant eet homme timide et abattu semble doué de nouvelles forces* Deux autres hommes sont venus de Macédoine s'associer a lui. Soit que les nouvelles qu'ils lui apportatent de cette province, ou /il avait séjoürné lui-même, fussent d'une nature si réjouissante, soit que leur présence seule fut une force et une conselation pour:le juif de Tarse, toujours est-il qu'après 1'arrivée de Silas et de Timothée, Paul de Tarse était devenu un autre homme, et que, sans apporter un autre message que celui qu'il avait déja apporté, savoir que Jésus était le Christ, sa parole avait acquis un tout autre caractère, qu'elle était devenue un témoignage et qu'il parlait, comme son historiën 1'exprime, pressé dal'Esprit. Le témoignage excite le contre-témoignage; la parole de 1'Esprit de Dieu évoque Ie blasphème de 1'esprit malin. Les juifs, auxquels le témoignage est porté, contredisent et blasphèment. Le blasphème prononcé est 1'indice du jugement de Dieu. — Je parle du point de vue des convictions de 1'apötre, qui sont aussi les miennes. — L'apötre secoue ses vêtemens en leur disant: » Quevolre sang soit sur volre tête, j'en suis net, je Wh en vais des a présent vers les gentils." Dès ce moment il se forme a cóté dé la synagogue une autre assemblee , composée de ceux que la synagogue ne souffrait pas a cause de leur témoignage. Une église se forme dans la maison d'un payen, appelé Juste. Le nombre est petit de ceux qui s'y rassemblent. II se compose principalement de payens; toutefois Ie principal même de la synagogue, appelé Grispe, se joint a eux. Cette assemblée, toute petite qu'elle fut, ne tarde pas d'offusquer les yeux de ceux qui croient que 1'église, ce sont les murs de Ia synagogue. Les juifs, semblables en ceci a tous ceux qui font de 1'église extérieure une forteresse contre le Dieu vivant, les juifs, tout en rejetant eux-mémes le Dieu vivant, ne souffrent pas non plus que d'autres 1'acceptent. Ils sont, comme tous les ecclésiasliques de ce genre, ennemis d'évangélisation et de réveil. Quand 1'église de Ia maison de Juste parail étre assez bien établie pour que 1'on puisse dire que 1'oeuvre est fondée, après un an et demi, ils se déterminent a une attaque générale. Du temps que Gallion était proconsul d'Achaïe, les Juifs tous d'un accord s'èlevèrent contre Paul et l'amenèrent devant le siège judicial, en disant: » Cet homme persuade les gens de servir Dieu contre la loi." Pour bien comprendre Ia matière de cette accusation il faut remarquer que les juifs jouissaient de la protection des Iois romaines. Leur culte élait auto- risé. Vous savez que le mot de protectiou, ou de respect des cultes, est uu mot a différentes interprétations. Les juifs entendaient par-la, que, si une hérésie se levait parmi eux, cette hérésie devait étre réprimée par la main forte de 1'état. Leur droit ecclésiastique était celui que le moyen age chrétien leur a emprunté et qui est encore de nos jours celui du catholicisme, je veux dire que 1'hérésie constitue un crime civil, que 1'hérétique est un criminel ou du moins un citoyen dangereux, qui, comme tel, doit être ou puni ou neutralisé. Ce système a jeté de si profondes racines dans le monde chrétien, que méme les commencemens de la réforme en ont subi 1'influence; comme nous savons que la peine capitale a été exécutée sur un hérétique, au centre méme du protestantisme, a Genève, dans le seizième siècle, cas qui est cependant heureusement demeuré isolé. Je crois pouvoir dire M. F. que ce système est tellemènt miné dans la conscience publique, du moins au sein du protestantisme , que les plus ardents partisans méme de 1'union de 1'église et de 1'état en ont horreur. Cette horreur est méme tellemènt profonde, que 1'opinion publique en est a donner dans 1'extréme opposé. N'y en a-t il pas parmi vous qui, rien qu'a entendre 1'exposé historique que j'ai donné jusqu'ici, ont été prêts a approurer la conduite du proconsul de PAchaïe, non a cause de Pinjustice patente de la demande des juifs, mais paree qu'a leurs yeux 1'état n'a rien a voir aux choses de 1'église ni a se méler jamais de ses droits el de ses intéréts? Je ne veux pas réfuter ce système; je demande seulement a ses partisans ce qu'ils penseraient dans un cas différent de celui qui nous occupeSupposez, non que Paul et ses compagnons fussent entrés dans une maison particuliere pour y enseigner et y précber, après avoir librement quitté la synagogue, mais qu'après avoir été légalement excommuniés de la synagogue par les autorités ecclésiastiques, ils eussent cependant continué a y enseigner et y prêcher. Dès lors les juifs n'auraient-ils pas été acceptables dans leur accusa tion, et 1'autorité civile en refusant de prendre connaissance de leur cause, leur aurait-elle encore accordé cette protection a laquelle ils avaient droit, selon les loix? Maintenant... quel était le crime? Qu'un homme juif, sans gêner ses frères, sans troubler leur culte ni quelque autre culte, enseigne des clioses qu'ils estiment contraires a leur religion, mais dans lesquelles il n'y a rien de contraire — du moins il n'en est pas fait mention — aux bonnes moeurs, a cette moralité publique sur laquelle il est du devoir de tout gouvernement de veiller. II me semble que nous ne pouvons qu' approuver la conduite de Gallion, le proconsul, de ne pas méme admettre la cause, de prononcer de suite, sans permettre méme que 1'accusé se justifiat, 1'incompétence de son tribunal: » O Juifs, s'il était question de quelque injuslice, ou de quelque crime, je vous supporterais autant qu'il serait raisonnable: mais s'il est question de paroles et de mots, et de votre loi, vous regarderez vous-mêmes; car je ne veux point étre juge de ces choses." Et il les fit retirer de devant le siège judicial. Certes M. F., voila le langage et la conduite du bon sens, de la raison, de la justice; le langage et la conduite digne d'un Gallion, le frère du philosopbe Senèque et loué par celui-ci a cause de son caraclère et de ses qualités. Voila Ia seule sentence raisonnable hors du régime théocratique, la seule applicable au système de gouvernement, qui était celui de 1'ancienne Rome et qui de-la a passé, a travers la théocratie du moyen age, aux états modernes. Vous demandez a juste titre qu'avez-vous a remarquer sur cette conduite et sur le système qui la motive?— car vous supposez, d'après ce que j'ai commencé a dire, que j'ai des remarques. Avant de répondre, permettez que j'abonde encore dans la louange et de cette conduite et de ce système. D'abord je remarque la précieuse liberté qui est donnée ici a 1'église et qui est d'autant plus remarquable qu'encore aujourd'hui elle est plus rare. Un homme, faiseur de tentes, est 1'occasion de troubles dans une ville. Get homme ne les excite pas; eet homme n'est pas un séditieux, qui appelle a 1'émeute: il n'a ni or a répandre, ni emplois a distribuer, ni jouissances a procurer. II n'a pas méme a les promettre, du moins pour cette terre; son système ne fait pas entrevoir quelque amélioration sociale, quelque réparation de griefs, quelque égale distribution des biens de la terre. Tout ce qu'il a a dire appartient au domaine que son maitre a appelé le règne de Ia vérité, et que d'un autre point de vue on appelle le domaine des paroles et des mots. En effet eet homme appartient a ceux qu'un homme des temps modernes, dont les paroles sont des évènemens de 1'histoire, a appelés des idéologues; toute sa force, c'est sa pensee; son arme unique, c'est sa parole. Toutefois les idéologues peuvent étre dangereux. Les faits sont la, qui attestent la puissance, inconcevable aux yeux des modérés, mais irrécusable pas moins, de 1'idée. Les inofiensifs peuvent devenir trés nuisibles; et un gouvernement, qui aspire a la réputation de force et de fermeté, pourrait bien estimer qu'il fut de son devoir de réprimer les idéologues et d'incarcérer 1'idée. Ge ne serait pas le premier exemple qu'une autorité (et si je parle d'autorités je n'ai pas moins en vue celles de 1'église que celles de 1'état, car les premières ne le cèdent en rien aux derniéres) résolüt d'arrêter 1'idée dans sa marche, paree que, si inconcevable que lui soit celte puissance, cette idéé mit en danger 1'institution. C'est au fond pour sauvegarder 1'institution de 1'ascendant de 1'idée que le Christ a été condamné, d'abord par le Sanhédrin, ensuite par Pilate. Ces deux systèmes M- F.: 1'un, pour lequel la liberté de 1'idée est le bien suprème et la règle suprème, 1'autre pour lequel cette liberté n'est qu'une permission temporaire— ces deux systêmes, qui peuvent s'appliquer aux mémeslois, peuvent être noramés: 1'un, le système du droit; 1'autre, celui de 1'inlérêt. L'intèrét exige que eet homme meure, mais eet homme a droit de vivre; 1'intérêt exige que eet homme se taise, mais eet homme a droit de parler; 1'intérêt exige que eet homme mente, par exemple qu'il dise qu'il est d'accord avec un autre, qu'il approuve telle mesure, telle démarche, mais le droit exige qu'il le nie; 1'intérêt exige... quoi, au fond? le faux accord, la mauvaise harmonie, 1'unité factice, Ia paix de la mort!... mais le droit exige, quoi? le désaccord, la guerre de la vie. L'intèrêt, au fond, c'est Ie pêché, et le droit, au fond, c'est Dieu. M. F. y a-t-il beaucoup de magistrats, beaucoup de juges, beaucoup de pères de familie, beaucoup d'instituteurs et de directeurs d'établissement quelconque, beaucoup d'hommes en un mot, dans 1'ordre civil et dans 1'ordre ecclésiastique, qui soient partisans décidés du système du droit, et qui, quand ils ont a choisir, préferent le droit a 1'intérêt, je ne dis pas leur intérêt personnel, mais 1'intérêt de leur inslitution, de leur cercle, de 1'église, de la société? Combien de Gallions, contre... combien de Pilates? Combien de partisans du système du droit, contre... combien de partisans du système de 1'intérêt? Le droit, le droit! mais le droit — dit le siècle — c'est une vétusté; le droit — disent les politiques du siècle — c'est la convention humaine, c'est 1'opinion de la majorité; et le droit — répète la théologie du siècle, servante soumise de Pesprit du siècle — le droit, c'est une forme d'éducation sans valeur objective. Pas de droit en Dieu, ni par conséquent de droit entre les hommes; tout est intérêt, c'est-a-dire, dans les conséquences: tout est désordre, anarchie, confusion, barbarie, chaos! Oh! M. F. je loue Gallion, le payen, de ce qu'il a compris le droit, de ce qu'il a sauvegardé la liberté — car le droit c'est la sauvegardé de la liberté —; je loue ce système romain de jurisprudence, qui proclame la liberté de la pensée et avec ei Ie la liberté de la parole; le système qui admet tous les cultes, mais qui admet aussi le proselytisme de tous les cultes dans les bornes du respect du a la personnalité. Je vois dans ce principe du droit romain une de ces anticipations naturelles sur les loix du royaume de Dieu, dont le monde payen abonde, une de ces grèces préparatoires, qui n'ont besoin que de la grace péremtoire du SaintEsprit pour étre réelles et inamissibles. C'est a ce principe du droit que j'attribue la puissance matérielle de Rome dans le monde ancien et Ia puissance spirituelle de ses souvenirs encore dans Ie monde chrétien. Toutefois ce droit, sur quoi s'appuye-t-il? Qu'est-ce qui en garantit 1'application et le mainlien? C'est ici que nous touehons a la réserve que nous avons mise a nos louanges et que nous abordons les remarques que nous avons annoncées sur le système du proconsul Gallion. II. D'abord M. F. ceci déja doit nous paraitrc suspect, que ce soit a la faveur du méme système politique qué le Seigneur Jésus ait été condamné a mort et que son apötre soit absous. Cela nous autorise a poser la ques tion: au cas que les juifs a Corinthe eussent été, non une faible minorité, mais un parti puissant; au cas que le peuple de la ville leur eut été favorable et non, comme il parait qu'il 1 'était, hostile, — le proconsul, je ne dis pas: eut-il eu encore le courage — un Romain n'en manquait pas — de leur résister? — mais, eüt-il cru encore que c'était de son devoir de défendre la liberté d'un individu contre les attaques de tous? N'eüt-il pas estimé que le repos public, le salut de 1'état exigeaient le sacriflce d'un homme, et eüt-il cru sa responsabilité envers le sénat romain et 1'empereur a couvert, si, pour le maintien des droits d'un seul, il eüt exposé toute une ville, toute une province peutêtre aux dangers d'une révolte? Ce qui nous autorise a donner une réponse négative a cette question, c'est qu'il est connu que, comme le respect du droit de 1'individu était un principe d'administration romaine, ce principe trouvait sa limite dans 1'intérêt de la république. Ainsi le droit jusqu'a un certain point, et puis 1'intérêt. Or le droit ne cesse pas d'être droit par le conflit avec 1'intérêt, et 1'intérêt ne devient pas droit paree qu'il est intérêt..— O M. F.! nous nous trouvons ici en présence d'un conflit gigantesque, d'un conflit qui dom ine 1'histoire, d'un conflit au milieu duquel nous vivons et auquel nous prenons part, avec ou sans conscience, d'un conflit qui ne sera décidé qu'a la fin des siècles! II ne soupconnait pas 1'étendue et ia gravité de ce conflit, eet honnéte proconsul romain, tout cultivé qu'il fut et tout habile politique! II ne soupconnait pas en présence de quelle question il se trouvait, quand il la nommait une question de paroles et de mots et de la loi des juifs, et quelle déeision il prenait quand, mu par un sentiment d'équité et de bonté naturelle, il permettait a ce juif de Tarse de parler librement et de diflërer d'avis avec ses compatriotes. Non, il ne le soupconnait pas, et ne le soupconne pas tout homme dont les yeux ne sont pas ouverts par le Christ, et qui nomme 1'idée des paroles et des mots! Des paroles et des mots! Soit; mais ces paroles et ces mots, expriment elles quelque chose ou n'expriment-elles rien? Cette loi dont tu permets si dédaigneusement 1'usage a ce peuple fantastique que tu méprises, toi, o altier dominateur de la terre, qui sais que tu imposes la loi au monde, cette loi a-t-elle quelque sanction ou bien est elle un fantóme, jouet d'enfants, pature aux prétentions ridicules de Pambition cléricale? Ah! il le pense, ce sage romain, Phabile politique, le doux et humain Gallion; et comment le pouvait-il penser autrement? Mais quelle excuse avez vous pour le penser encore, vous politiques du 19ème siècle, vous hommes du progrès, sages du monde qui savez si bien ce qu'il faut pour que la société soit en repos et que le gouvernemeut marche bien? Eh quoi! ne connaissez vous pas Phistoire? Ne savez vous pas que eet idéologue que nous voyons ici protégé par la générosité romaine, et qui bientót va entrer comme prisonuier dans les murs de 1'éternelle Rome, que ce Paul avec ces paroles et ces mots, et avec cette loi qu'il va expliquer a quelques esclaves, qu'il appelle pompeusement les bien-aimés de Dieu a Rome, appelés a être saints et dont la foi est renommée par tout le monde, — que ce Paul est devenu le plus redoutable adversaire des Césars, et que leur empire est tombé, et la ville éternelle devenue un théatre de dévastationet de ruines, plus par la puissance de sa parole que par la massue des barbares? Des paroles et des mots... oui, mais dans ces paroles et ces mots 1'idée, dans cette idéé la vérité, dans cette vérité Dieu, Dieu et sa loi, sa loi qui n'est pas une conception des prétres juifs ou une création du génie de Moyse, mais Ia loi éternelle, qui gouverne le monde et d'après laquelle le monde, et Rome avec lui, est jugé!— Des paroles et des mots!... Oh! elles passent avec celui qui les prononce, écrites dans le sable et gravées dans les nues, si elles ne sont que 1'expression des pensées flottantes de 1'homme arraché au centre de sa vie, et il a beau appeler ses loix éternelles, fonder des institutions sur des pactes prétendus perpétuels, oü sont-ils, ces pactes, oü sont elles, ces loix,quand le Seigneur se léve pour juger la terre selon sa loi et son pacte, c'est-a-dire son alliance? M. F., il est grave, ce conflit, entre 1'intérêt, c'est-a-dire ce qui existe, la réalité, et le droit, c'est-a-dire ce qui est idéal, la vérité! Mais est-il éternel? Oh! dites-moi, pouvonsnous avoir paix avec cette idéé d'une guerre perpétuelle, d'un dualisme si cru, si criant? Non, notre conscience se révolte a la pensée que 1'intérêt exclurait le droit et le droit 1'intérêt. Le premier axiome de la conscience, base de toute moralité, c'est 1'identité du droit et de 1'intérêt. Et si la réalité nous les montre séparés, cette réalité s'accuse par cela méme comme injuste et passagère. Non, ce que la conscience exige, cela sera; si Dieu est, Dieurègne; — ou bien... il n'y a pas de Dieu et nous sommes un contresens ! Dieu règne; donc droit se fera, donc le droit c'est 1'intérêt de quiconque est né de Dieu, et quiconque oppose 1'intérêt au droit 2 n'est pas né de Dieu, est dans le pêché, c'est-a-dire dans le néant, hors de Dieu.— Mais cela se fera t-il bien tót? Oh! M. F., d'autres empires doivent crouler que celui de Rome; tout ce qui existe doit passer, le monde doit changer de face, pour que Dieu règne! C'est pourquoi, o conservatifs de tout genre, partisans de la stabilité, de 1'inslitution comme telle! savez vous ce que vous faites? Vous vous cramponnez a ce qui se fond sous vos mains: vous avez sous vos pieds un fond vermoulu et vous croulerez avec lui! M. F., on a appelé do tout temps les cbrétiensdes novateurs, ou, pour parler le langage du siècle, des révolutionnaires. On se trompe. La fidélité a tout droit acquis, a toute position donnée, a toute réalité appartient a leurs principes, et ce n'est pas eux qui veuillent faire table rase et recommencer 1'histoire. Sous ce rapport ils sont conservatifs et antirévoluüonnaires par excellence. Mais ce qui est novateur c'est 1'esprit qui est en eux. Le Saint Esprit rajeunit, rétablit, restaure toutes choses. El le Saint Esprit, voila le grand ennemi du monde, voila ce qui soulève toutes les inimitiés du monde. Le monde ne veut pas de eet Esprit qui convainc de pêché, de iustice et de jugement. Toute instilution incapable d'être renouvelée et rajeunie par eet Esprit est destinée a crouler: tout homme qui s'oppose a ce travail de renouvellement et de rajeunissement est destiné a périr. Or, dites-moi, les institutions se laissent-elles facilement rajeunir? les hommes entrent-ils facilement dans les voyes du progrès? M. F., voici ce qui paraU être d'après 1'expefience de 1'histoire une loi du royaume de Dieu. Les enfants de Dieu tachent de conserver, de rétablir, deréstaurer; ils sont nommés ennemis du progrès par le monde, paree qu'ils sont fidèles a ce qui est. A cöté d'un radicalisme niveleur, qui, voyant les défauts de ce qui est, soupconnant un mei 1 leur état de choses, estime que pour 1'appeller a 1'existence il faut commencer par abolir ce qui est, qui entreprend 1'oeuvre de Dieu, celle de créer, et qui donc s'épuise toujours a ne rien produire; les enfants de Dieu sont le vrai sel qui conserve, qui arréte les envahissemens de la corrupt ion. Toutefois que conservent-ils? Oh.' ils pensent conserver ce qui est; et voici, il parait qu'ils n'ont fait que conserver et couver et dévélopper un germe caché dans ce qui est, un germe qui en se dévéloppant transforme. Pendant qu'ils ont conservé, Dieu a métamorphosé, et les anciennes formes tomben t, les feuilles pourrissent, un nouveau fruit parait. Voyez-le a la synagogue. Que veulent les Chrétiens sinon conserver Israël?... et par leur travail un Israël selon 1'esprit se forme, et 1'Israël selon la chair s'en sépare, la synagogue tombe, mais elle ne tombe qu'après que 1'eglise en est sortie. — Voyez le a 1'empire romain. Ne sont ils pas des citoyens paisibles et soumis, ces chrétiens de Rome, ne préchent-ils pas de parole et d'exemple la soumission a toute autorité constituée?... mais 1'empire, qu'ils auraient pu sauver de la mort, croule, paree qu'il ne souffre pas 1'empire intérieur de la conscience, et celui-ci, seul garant de la conservation du premier, demeure tandis que le premier croule. II demeure, — mais dans cette église qui demeure, voyez de nouveau le méme pbénomène. En voulant s'établir par une autre voie, que celie de la mort, de la lutteetde la souffrance intérieure, 1'église perd son caraetére d'église; et que veulent les enfants de Dieu dans 1'église sinon conserver, réslaurer, purifier 1'église, mais, celleci ne les soulfrant pas, qu'ont ils obtenu? Une autre, une nouvelle forme d'église qu'ils étaient loin de soupconner, une église organisée dans 1'élément de la liberté. Organisée dans 1'élément de la liberté! L'élément de la liberté! Oh! ils le sa vent bien, les enfants de Dieu dans 1'église, et la oü ils ne le savent, ils le sentent, que la liberté n'est garantie que par le maintien du droit, de la vérité de Dieu. C'est pour ce droit, cette vérité de Dieu qu'ils combattent; c'est par ce droit, cette vérité de Dieu qu'ils désirent conserver 1'église de la liberté, sacbant que la liberté dégénéré dans la lyrannie la plus affreuse et la plus insupportable, la oü , a défaut de ce principe organisateur, celui de la loi, de la vérité de Dieu, 1'homme organise, ou plutót désorganise par ses réglements et ses loix; — ehbien, ils pensent conserver? La loi de 1'histoire serait-elle ici en défaut et tandis que les hommes conservent, Dieu ne rajeunirait-il pas? Qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende! M. F., toute la tendance de mon discours qui a eté plutót un discours d'indications que de développemens, a été de vous montrer que Dieu règne, non seulement au dessus des hommes, mais au milieu et dans les hommes, c'est-a-dire que Ie règne appartient au Dieuhomme, au Christ, médiateur entre Dieu et 1'homme, assis a la droite de Dieu. Je ra'adresse en finissant a ceux que j'ai caractérisés en commencant ce discours, a ces prétendus modérés, aux partisans du système du juste-milieu. J'espère qu'ils seront parvenus eux-meines a la conclusion que leur système est faux, qu'il n'y a pas de pacte entre le droit et 1'intérêt. Encore une fois, le système romain, le système de Gallion, je ne dis pas comme système politique, mais comme système moral, n'est-il pas votre système? Le droit autant que possible, mais le possible s'arrétant la oü Ie droit deviendrait dangereux C'est-a dire, — dans un langage un peu plus fort, mais un peu plus vrai,— Dieu autant que possible, mais le possible s'arrétant la oü Ie Satan deviendrait trop menacant. En quoi différez-vous en cela de ces payens, qui sacrifienl au mauvais esprit, paree que, pensent-ils, le bon n'a pas besoin comme le mauvais d'être appaisé? Eh bien! M. F , s'il est vrai que le conflit aura une fin, s'il est vrai que Dieu règne, s'il est vrai que le droit triomphera, je pense que votre politique est une mauvaise politique, je pense que vous ne tiendrez-pas dans le jugement de Dieu, quand il apparaitra dans les nues, et qu'il comptera avec ses serviteurs. Je pense qu'il n'acceplera pas vos raisons, quand vous direz: » Seigneur, j'ai cru ne pas devoir suivre ta parole d'évangéliser toutes les nations, paree qu'il m'a paru, que cela troublerait le repos des nations;" — » Seigneur, je n'ai pas cru devoir suivre ta parole de confesser ton nom devant les hommes, par- ee que cela m'a paru blesser la conscience de ceux qui ne te reconnaissent pas;" — «Seigneur, j'ai cru que ton église pouvait bien se passer de la vérilé, dont ton apótre a dit, qu'elle en est la colonne et 1'appui, paree qu'il a paru que cette vérité, dès qu'on Pexprime,amène la discorde et la dissention". — Mes bien-aimés! les temps sont excessivement graves, dans lesquels nous vivons; ils le sont partout, ils le sont surtout dans notre pays, dans notre église. Ce n'est pas un temps de repos et de paix; ce n'est pas un temps de transaction et de confiance aveugle; il faut que chacun regarde en face ce siècle avec ses profonds conflits, et se demande: ou suis-je, quefais-je? La guerre est la; une guerre implacable, qui peut avoir des époques de relache, mais qui au fond ne sera terminée que quand le signe du Fils de 1'homme apparaitra dans les nues. Les deux armées sont en présence, 1'armée de Dieu etl'armée de Satan. La devise de 1'un, c'est 1'intérêt; ladevise de 1'autre, c'est le droit. Oü est votre place? dans quel camp êtes vous? Vous ne pouvez pas être entre les camps, il n'y a pas de place.— Oh! a vous, qui êtes dans le camp de Dieu, ou qui voulez y entrer, j'ai encore une parole a adresser, une parole de consolation, que j'ai réservée pour la fin. Je vous ai parlé de 1'avenir, du règne de Christ, de sa venue en jugement, je vous 1'ai montré venant pour réparer toutes choses, pour venger ses élus qui crient a Lui jour et nuit. Est-ce a eet avenir que vous êtes réduits? Oh! examinez encore une fois 1'histoire de notre texte. Nous avons vu que le système politique en lui-mème est assez indifférent, celui de la séparation des deux sphères. Dans les mains d'un Gallion ce système protégé le droit; dans les mains d'un Pilate il 1'opprime. Tout dépend donc des dispositions de celui qui 1'applique. Mais ces dispositions, de qui dépendent-elles? O, tant que 1'homme n'est pas réconcilié avec Dieu, nous savons ce que sont ses dispositions. Jouets des circonstances, caprices du moment. Est-ce donc hasard, caprice, si droit se fait? et le sort de 1'homme, le sort de la société dépend-il, en attendant le deruier jugement, en définitive de la bonne ou mauvaise volonté de 1'homme, inconstant en toutes ses voyes? Mais ne savons-nous pas que le coeur de 1'homme est dans les mains de 1'Eternel? mais ne voyonsnous pas dans le trait d'histoire, qui nous a occupé, que 1'historien, différent en ceci de tout autre historiën qui ne sait que relever le cóté humain des choses, relève encore le cöté divin, relève ces choses de 1'esprit, que PEsprit seul peut enseigner. Voici ce qui s'était passé une nuit, dans ces méditalions et ces visions de la nuit, par lesquelles Dieu se plait quelquefois a s'approcher du coeur de ses enfants. Le Seigneur, lisons-nous, dit la nuit a Paul dans une vision: Ne crains point, mais parle, et ne te tais point: paree que je suis avec toi, et persmne ne mettra les mains sur toi, pour te faire du mal; et j'ai un grand peuple en cette ville. Voila 1'histoire inférieure, la vraie histoire pragmatique, la vraie philosophie de 1'histoire. Dieu agit au sein des agitations humaines et préside a la liberté des résolutions du coeur humain. Moralement, il est vrai, Phorn- me est libre de faire ou de ne pas faire la volonté de Dieu; Dieu ne le force pas; Dieu a parlé a Pilate, et la frayeur de son jugement a passé sur lui, mais Pilate a résislé a la voix de Dieu. Oui, moralement 1'homme est libre, le pêché est pêché, c'est-a-dire coulpe, réalité du mal, offense de Dieu, dissonance dans sa création. Mais ce qui provient de la liberté de 1'homme est de par 1'Eternel. Dieu a un grand peuple dans cette ville; et quand Paul aurait eu a Corinthe toute 1'éloquence qu'il avait eue a Athènes, sa parole y eüt produit aussi peu de résultats qu'elle avait eus la, si Dieu n'eüt pas eu ce peuple. Dieu a un grand peuple en cette ville; et ce peuple sera manifesté par les paroles et les mots de saint Paul, et c'est pourquoi il doit parler, et personne ne mettra la main sur lui, et la synagogue de Satan se tordra dans une impuissante fureur, et le glaive Césars est sacré pour être un glaive de Dieu, pour mainlenir le droit. Oui, Dieu est le Dieu vivant: II est, II agit au milieu des hommes, intérieurement par son Esprit, extérieurement par ses anges. Pour croire, il faut être prédestiné au salut, c'est-a-dire non pas par je ne sais quelle fatalité aveugle, mais prédestiné moralement, c'est-a-dire intérieurement, ordonné et faconné par 1'Esprit de Dieu a croire, ou — si je puis me servir de cette contradiction, qui n'en est pas une dans la réalité, car la réalité c'est 1'incompréhensible harmonie entre la liberté de Dieu et la liberté de 1'homme , — déterminé a se déterminer soi-méme. Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi justifiés, et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés. Toutes cho- ses ensemble doivent coucourir a cette gloire, devenir un élément de salut. Ils sont dans le monde, mais Celui qui est en eux est plus fort que celui qui est dans le monde. Ils sont dans la fournaise arden te; oui, mais 1'ange du Seigneur lescouvre; ils sont dans la fosse des Hons; oui, mais le Seigneur a fermé la gueule des lions. Ne crains point, j'ai un grand peuple dans cette ville. Oh! qui que tous soyez, qui faites 1'oeuvre de Dieu, ne craignez point! Le monde passé avec ses convoitises, mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement. En faisant 1'oeuvre de Dieu, vous faites une oeuvre éternelle, une oeuvre qui tient dans le jugement, une oeuvre que durcit le feu de la tentation et de 1'épreuve, une oeuvre que le Seigneur, juste juge, couronnera dans sa venue, car il y reconnaitra son oeuvre, et il dira a celui qui 1'a faite: cela va bien, bon et fidele serviteur! tu as été fidele en peu de choses, je t'établirai sur beaucoup. Entre dans la joie de Ion maitre! — Qui ne voudrait entendre un jour cette parole? qui ne voudrait pour 1'entendre ne pas sacrifier volontairement un peu de repos, un peu de jouissances, ou plulöt un peu d'illusions de ce monde? Eh bien, M.F.! cela dépend de vous.. Choisissez donc la croix, pour que vous obteniez la couronne. Amen. L'ÉGLISE A ROME. ACTES XXVITI: 30, 31. Mais Paul demeura deux ans entiers dans une maison qu'il avait louée pour lui, oü il recevait tous ceux qui le venaient voir, Prêchant le royaume de Dieu, et enseignant les choses qui regardent Ie Seigneur Jésua-Christ, avec toute liberté de parler et sans aucun empêchement. »Est-ce fini?" demandons-nous spontanément, en lisant cette fin du livre des actes, non seulement après une première lecture de ce livre, mais toutes les fois que nous avons suivi avec quelque intérêt le développement du drame que ce livre nous retrace? Eh quoi! esl-ce fini déja? est elle fin ie, cette belle et glorieuse histoire de Paul, le puissant et héroique apótre, qui a été plus que les autres, en travaux, en blessures, en prisons, en dangers de mort plusieurs fois; dont la viea été un encbainement depérils, périls des fleuves, périls des brigands, périls de sa nation, périls des gentils, périls dans les villes, périls dans les déserts, périls en mer, périls parmi de faux frères? Estelle finie, cette grande et émouvante histoire de la jeune église, de cette église, qui s'établit a travers des luttes tellemènt intenses, et en soulevant des oppositions tellemènt profondes et des inimitiés tellemènt acharnées? Sommes-nous a la fin de 1'histoire de ces actes des apótres, tandis que nous n'avons rien appris de la plupart d'entre eux et que ceux qui sont nommés, nous les perdons de vue déja au commencement de ce livre, a 1'entrée de leur carrière apostolique? Quant a 1'un des fils de Zébédée, Jaques, nous avons assisté a son martyre, mais quel a donc été le sort de 1'autre, de celui, dont le Seigneur avait dit cette parole mystérieuse: »Si je veux qu'il demeure jusqu'a ce que je vienne" ? quel a été celui de eet autre apótre, qui avait recu une prédiction plus directe: » Quand tu étais plus jeune, tu te ceignais et tu allais oü tu voulais; mais quand tu seras vieux, tu étendras tes mains et un autre te ceindra et te mènera oü tu ne voudras point." Nous les perdons de vue, le dernier dans la maison de Corneille, le centenier payen, ou, si vous voulez, au concile de Jérusalem; le premier plutöt encore, sur le chemin de Samarie, oü il va avec Pierre visiter les frères; — tandis que pour les huit autres, nous les avons laissés dans le temple au jour de la pentecóte, parlant en de langues étrangères, et annoncant les choses magnifiques de Dieu, sans qu'il soit plus fait aucune mention d'eux dans la suite. Et puis, quant a ce Paul lui méme, dont 1'histoire fournit plus de la moitié de ce livre, le voila établi a Rome, dans une maison, qu'il avait louée pour lui, et oü il recevait tous ceux qui le venaient voir, prêchant !e royaume de Dieu, et enseignant les choses qui regardent le Seigneur Jésus, avec toute liberté de parler et sans aucun empêchement. C'est-ce qu'il a fait, raconte son historiën, pendant deux ans; et si vous dernandez maintenant ce qui est arrivé après ces deux ans, s'il est resté a Rome, s'il Pa quittée, s'il y est mort, et de quelle manière et quand, vous voila réduit a la tra- dilion, a la tradition incertaine, contradictoire, a la tradition dont la science cherche en vain de retirer quelques données cerlaines et indubitables. Car, entre la fin du premier siècle de 1'ère chrétien ne, oü nous transporte le récit de St. Luc, et la fin oü la dernière partie du second, oü nous rencontrons 1'église bien unie par 1'institution épiscopale, et oü commencent les travaux des apologètes, la science découvre une grande lacune. Quelques minces détails, puisés d'abord dans le petit volume des écrits de quelques disciples des apótres, appelés pères apostoliques, ensuite en quelques auteurs payens contemporains, qui vouaient a 1'apparition de 1'église, cette attention distraite et dédaigneuse, que vouent toujours a 1'église ceux qui ne voient en elle — j'entends en sa partie vivante — qu'un parti toujours vaincu et sur le point de s'éteindre; puisés enfin en quelques traditions, conservées en des écrits de beaucoup posterieurs, — voila les fils qui rattachent 1'église apostolique du premier siècle a 1'église épiscopale du troisième. La science donc — j'entends celle qui consiste a découvrir et a expliquer les faits, et non celle qui y trouve sa gloire a les nier, et qui, poussée par eet esprit de négation, est fatalement conduite a ce résultat établi d'avance par un autre que par 1'homme que tout n'est rien, — Ia science, dis-je, n'a qu'a donner des réponses fort incertaines aux questions que nous avons posées. Mais cela méme,M.F., que ces questions ne trouvent pas de solution dans 1'écriture, qu'elles sont, si je puis ainsi dire, renvoyées par la providence de Dieu al a science,cela méme, dis-je, sans amoindrir leur importan- ce, rédui t cette imporfance au domaine intellectuel et établit leur indifférence du point de vue religieux. En effet, 1'histoire biblique n'est pas purement et simplement de 1'histoire. L'incrédulité dit vrai, quand el le prétend que les livres historiques du N. T. (et ceci s'applique aussi a 1'ancien) sont ce qu'elle appelle des écrits de tendance. Seulement que la tendance de ces livres n'est pas celle qu'elle leur suppose, mais une autre, un tendance que Dieu seul peut imprimer a une oeuvre. La méthode scripturaire de raconter 1'histoire suppose une observation des faits, supérieure a celle que 1'homme peut posséder de sa nature, avec toute la plénitude des dons de 1'intelligence. C'est 1'histoire de Dieu dans 1'homme; c'est le développement de son oeuvre; c'est le travail de son Esprit, qui est raconté.— J'aborde mon texte. II ne nous importe pas, religieuseraent parlant, de savoir si Paul est mort a Rome ou ailleurs, a quel age et de quelle manière il est mort; mais ce qui importe, ce qui est un événement dans le royaume de Dieu, ce qui a une importance spirituelle pour 1'bumanité, c'est que 1'église est a Rome. La marche de 1'église de Jérusalem a Rome, voila le thème du livre des acles des apótres, thème si généralement méconnu, que les interprètes se sont de toutes manières torturés pour expliquer la fin abrupte de ce livre, que quelques-uns méme ont conjecturé que Ia dernière partie s'était perdue. Ils ne voiaient pas, ces interprètes, ils ne voiaient pas, dis-je, ce dont nous devons Ia découverte a l'incrédulité de nos jours, que du point de vue de Ia méthode historique qu'ils supposent a ce livre, ce livre présente bien d'autres difficultés eneore, que celle de cette fin abrupte et inachevée. Dés que nous comprenons que 1'historien St. Luc, ou plutót Ie Saint Esprit en lui veut raconter le développement de 1'église de Jérusalem a Rome, nous comprenons aussi que, dés que 1'église de Rome est mise en évidence, comme acquérant par la venue de St. Paul de la consistance et ce rapport avec les autres églises qui est devenu de plus en plus un rapport central, 1'historien s'arrête, et que le canon des livres saints se continue par cette épitre, dans laquelle ce méme apótre Paul exposé les fondemens de la révélation de Dieu a cette méme église de Rome, qu'il avait si ardemment désiré de voir, mais qu'il n'avait pas vue encore lorsqu'il écrivait cette épitre. A la veille du jour de la réforme, de la commémoration de ce grand fait, qui a inauguré 1'histoire moderne, commémoration qui a nécessairement une signification sinon d'hostilité, du moins de polémique vis-a-vis de 1'église de Rome, il me parait utileetbon de faire entendre une parole de paix, en dirigeant nos regards vers un passé qui nous est cher et précieux aux uns et aux autres.— L'église a Rome; voila un fait important pour nous, protestants pas moins que pour nos frères de la communion romaine. Etudions 1'importance de ce fait, d'abord par rapport a ce qui avait précédé, ensuite par rapport a ce qui a suivi. I. Je commence par remarquer qu'il y a des lieux 3 d'une signification centrale dans 1'histoire de 1'humanité. Ce n'est pas sans raison qu'on nomme certaines villes, certains centres de population, des villes capitales. Cette dénomination, qui est appliquée pour la plupart dans un sens matériel,— sens qui cependant peut se rencontrer avec le sens spirituel, — est applicable aussi dans un sens spirituel. II y a des capitales dans Ie sens spirituel; il y a des foyers de vie, des centres de civilisation, de culture, de mouvement intellecluel et moral dans le monde. Rien n'est aussi faux, aussi contraire a 1'histoire, par conséquent au gouvernement et aux décrets de Dieu, que ce système, suivant lequel 1'humanité est une masse d'individus, sans caractère, sans distinction, distribués sur la latitude du globe, attachés a la glèbe qui les a vu naitre, mais sans la modifier et sans en être rnodifiés. Ce système, sous prétexte de centraliser 1'humanité, 1'individualise a 1'infini, paree que, en détruisant les centres intermédiaires, on détruit aussi celui qui les unit. M. F., la ville centrale par excellence, le centre des centres du monde, c'est, selon 1'écriture, Jérusalem. Ce n'est pas sans raison que le psalmiste 1'appelle la ville du milieu, la joie de toute la terre. Le salut est des Juifs, et c'est aux Juifs qu'il retourne. Toutefois, comme a droite et agauche de ce centre, il y en a deux autres, qui représentent deux mondes, le monde du passé et celui de 1'avenir; ou plutót — car ce passé et eet avenir sont relatifs — le monde ancien et le monde moderne. Ces deux noms sont Babylone et Rome. Une connaissance superficielle de 1'écriture suffit pour nous mon- trer 1'mportance que le premier nom a dans les écritures de Pancien testament, et celle que Ie second a dans les écritures du nouveau, et comment elles se rencontrent dans la Babylone mystique de 1'apocalypse, qui est Ia femme assise sur la béte a sept têtes et dix cornes;— or les sept lêtes sont les sept montagnes sur lesquelles Ia femme est assise (Apoc. XVII). Sans entrer dans le domaine apocalyptique, je m'arréte a 1'histoire, en la considérant toutefois du point de vu biblique. — Babylone, quel nom pour un Israélite! S'il veut désigner toutes les souffrances de 1'exil, toutes les amertumes de Poppression de Pétranger, Ia coupe amère des jugemens et de la malédiction de Dieu, n'est-ce pas a ce nom de Babylone qu'il le rattache? Si le nom de PEgypte lui désigne la servitude, oui, mais Ia servitude vaincue, le bras ijbrt de PEternel sedéployant pour ladélivrance de son peuple,— celui de Babylone, même après Ie retour, lui demeure le symbole de la malédiction, paree qu'en effet ce n'est qu'un résidu qui a été sauvé, et que jusqu'ici cette captivité n'a été jamais entièrement levée. Mais estce pour Plsraelite seul que ce nom est un symbole si significatif ? D'abord Israël n'est pas isolé du monde, et ee qui est important pour Israël, Pest pour le monde. Mais si nous partons d'un point de vue purement extérieur, du point de vue de Phistoire politique du monde, nous arrivons au même résultat. Babylone, la grande ville, la ville centrale de 1'orient ne nous représente-t-elle pas toute cette civilisation de Porient, ce monde mystérieux antérieur a celui de la Grèce et de Rome; ce monde oü tout est vaste et colossal comme Ie continent asiatique, qui en était le théatre, et comme la chaine de 1'Altaï, qui en était le mur;-ce monde dont les ruines nous étonnent encore par le caraclère gigantesque dans les arts, par 1'aspiration vers I'infini impersonnel dans la littéralure; ce monde dont 1'histoire est une succession d'empires-, d'empires qui se composaient d'agglomérations de peuples et qui, 1'un plus vaste que 1'autre, s'absorbaient toujours 1'un 1'autre; ce monde, dont le dieu était 1'être impersonnel, infini, sans coeur et sans volonté, c'est-a-dire le néant, et 1'idéal, le retour dans eet étre infini, c'est-a-dire le retour dans le néant? Eh bien! il est retourné dans son dieu, c'est a dire dans Ie néant, ce monde qui aspirail a I'impersonnalilé; il y est retourné, non toutefois sans avoir confié a la terre, c'est-a dire au monde de 1'avenir, au monde de 1'occident, son germe, son idéé de I'infini, pour que celui-ci 1'enrichit de son idéé a elle, celle de Ia personnalité. Elle est tombée, Babylone et toutes les images taillées de ses dieux ont été brisées par terre (Es. XXI: 9). Je m'élèverai contre eux, avait dit 1'Eternel des armées, et je retrancherai a Babylone le nom et ■lereste qu'elle a, le fils et le le petil fis, dit 1'Eternel; et je la réduirai en possession de butorsetenma rais d'eaux, et je la balaierai d'un balai de dèstruetion, dit 1'Eternel des armées. Et 1'Eternel des armées avait juré en disant: S'il n'est fait ainsi que je l'ai pensé, même comme je l'ai arrêté dans mon conseil, il tiendra. (Es XIV: 23, 24.) Oui, elle est tombée, elle est réduite en possession de butors et en marais d'eaux, selon le conseil de 1'Eternel, elle, la noblesse des royaumes, Vexcellence dePorgueil des Caldéens (Es. XIII: 19), la louange de toute la terre (Jérém. LI: 41); elle est tombée et réduite en désolation; non toutefois sans avoir servi au conseil de 1'Eternel, a son conseil de punir Israël, a son conseil de préparer le cbemin au dominateur de la terre. De préparer Ie chemin au dominateur de la terre! Oui, ce a'est pas pour la Grèce qu'Alexandre le Macédonien est allé, d'après le conseil de 1'Eternel, ren verser Ie colosse de Poriën t, et cueillir des lauriers aux rives sacrées du Gange; c'est pour Rome, e'est pour cette ville, comptée a peine encore parmi les puissances de Ia terre, cette ville de 1'occident lointain, qui croissait, qui croissait toujours aux bords du Tibre, forte et audacieuse, plus que par le courage de sa jeunesse, par je ne sais quel mystérieux pressentiment de sa destinalion future, par je ne sais quelles mystérieuses promesses contenues dans les oracles de ses devins, qu'a elle serait 1'empire du monde. C'est qu'il y a a cóté de la révélation de Dieu, aussi un pressentiment dans 1'homme; c'est que les décrets de Dieu ne sont pas sans reflet, sansombre, sans préparation quelconque dans 1'esprit de ceux qui sont destinés a les exécuter, individus ou peupies. Dieu avait dit (car M. F., je vous dois la preuve que si je vous donne de 1'histoire, c'est 1'histoire du règne de Dieu, et que dans toute cette exposition, qui a première vue semble étrangère au but d'édificalion qui nous assemble ici, c'est bien réellement le point de vue biblique, c'est-a-dire celui de la religiën que je vous exposé, quoique d'un cóté peuabordé, paree que hélas! nous avons mis communément une autre religion a la place de celle de la révélation) Dieu avait dit qu'un quatrième royaume, un royaume de fer succèderait aux trois qui avaient précédé, celui del'or, de l argent et de 1'airain: » Toi, o roi," avait dit son prophéte au roi de Babel, »toi, o roi, qui ès h roi des rois, paree que le Dieu des cieux t'a donné le royaume, la puissance, la force et la gloire, et qu'en quelque lieu qu'habitent les enfants des hommes, les bêtes des champs et les oiseaux des cieux, il les a donnés en ta main, et fa fait dominer sur eux tous; tu ès la tête d'or. Mais apres toi il s'élèvera un autre royaume, moindre que le tien, et ensuite un autre troisième royaume, qui sera d'airain, lequel dominera sur toute la terre; puis il y aura un quatrième royaume, fort comme du fer, paree que le fer brise, et met en pièces toutes choses; car comme le fer met en pièces toutes choses, ainsi il brisera et mettra tout en pièces." (Dan. II: 37—40). — M. F., ce quatrième royaume était la, quand eet homme prisonnier entre a Rome, et y cherche d'abord quelques compatrioles Juifs, ensuite quelques frères payens. Ce quatrième royaume 1'avait déja a plusieurs reprises protégé contre les attaques de Jérusalem, devenu une Babylone. Ce quatrième royaume était le terrain immense, qui lui avait été assigné comme cercle d'activité! Tandis que les douze, ses frères, demeuraient les apötres de la circoncision, les colonnes de Jérusalem, qu'ils parient et écrivent aux étrangers de ce quatrième royaume, aux douze tribus dispersées; alui, Israelite comme eux, a lui, qui aimait son peuple jusqu'a vouloir être anatbème pour eux, a lui, la gloire d'exciter son peuple a la jalousie, parlesfruits de ceux qui avaient été appelés non-peuple; a lui la gloire de préparer le salut d'Israel, par rentree de la plénitude desgentils. Ah! nous étonnons-nous de Tentendre dire, qu'il demande continuellement dans ses prières, qiïil puisse enfin trouver par la volontè de Dieu, quelque moyen favorable pour aller vers ses frères a Rome? (Rom. is 10). Nous étonnons-nous qu'il ne considère sa mission apostolique, et en elle la mission apostotique, d'évangéliser toutes les nations jusqu'aux bouts de la terre, achevée que quand il est parvenu a ces termes de 1'occident, dans cette Rome, qui n'est pas un terme, mais un centre? Eh bien! Dieu a exaucé sa prière, il entre a Rome; il y entre, il est vrai, comme prisonnier; mais ces liens, que sont-ils? Ne sont-ce pas des liens du Saint Esprit, et n'est-ce pas que 1'évangile n'est pas lié par ses liens, et que de cette manière aussi Dieu accomplit sa force dans la faiWesse de rhomme? II entre a Rome; et — je nedis pas, que 1'óvangile y entre avec lui, mais 1'église y entre avec lui; les frères qui s'y trouvent, se rallient aux frères dispersés par tout le monde; 1'église acquiert un centrea Rome, un centre de souffrance, un centre de patience, un centre de puissance. Leglise a Rome détermine dans les mains de Dieu le sort de 1'église tout entière. Rome devient encore une fois la capitale, une capitale dans un autre sens, une capitale dans le monde spirituel, comme elle 1'avait été et le demeure longtemps encore dans le monde matériel. C'est ce que nous allons développer en second lieu. II. L'église est a Rome; elle y acquiert un centre, un centre de souffrance, un centre de patience, un centre de puissance. Un centre de souffrance. C'est par Ia qu'elle commence. J'ai parlé de 1'attention distraite et dédaigneuse, que les auteurs payens contemporains vouent a 1'apparition de l'église. Ils expriment en cela 1'esprit du siècle, Popinion de Ia majorité, des gens sensés et modérés, ennemis de tout ce qui est extréme. C'est a I'ombre de Ia tolérance de 1'indifférence que l'église s'est étendue dans 1'empire romain; le magistrat ne lui est point hostile; au contraire, quand il s'agit de choisir entre les juifs et l'église, c'est la derniére qu'il protégé contre le fanatisme des premiers. C'est que Rome, le royaume de fer, est aveugle a la puissance de 1'Esprit; c'est qu'elle ne voit pis,— détachée de la montagne, coupée sans mains qui la coupe, cette pierre, qui va frapper la sftatue en ses pieds de terre et de fer, et la briser. Non; elle ne la voit pas. Mais sans la voir, elle va entendre son sourd roulement. Elle va soupconner quelque chose, soupconnerun danger, douter de 1'éternité de sa prédestination. M. F., Papproche de 1'Esprit se fait sentir de 1'homme naturel, sentir comme nous trouvons dans 1'histoire évangelique, que les démoniaques pressentaient Papproche du Fils de rhomme. Quelque chose de pareil arrivé a Rome. Paul arrivé a Rome; et eest comme si a son arrivée c'en est fait de la tolérance, del'équité, de la justice romaine. II est vrai, encore il est libre, quoique prisonnier; il jouit de cette liberté pendant deux ans, pour prêcher le royaume de Dieu et enseigner les choses qui regardent le Seigneur Jésus; mais bientöt c'en est fait de cette liberté. Bientöt les Juifs, si exécrés qu'ils fussent, sont tolérés, les chrétiens ne le sont pas; bientöt les édits contre les réunions illicites sont appliqués a leur modestes assemblées; bientót la persécution s'organise sur une large échelle, les empereurs, — doux et cruels, n'importe, — rivalisent a lancer des décrets contre les adorateurs du crucifié; bientót il n'y a pas de crime dont on ne les croit capables et coupables, pas de cruauté qu'on ne croit permise a leur égard; bientót il y a ligue de toutes les puissanses matérielles et spirituelles, empereurs, magistrats, peuple, prêtres, philosopbes, poètes, — juifs et payens, payens incrédules, payens superstitieux, — pour exstirper la secte maudite, qui est eontredite partout, et qui trouble partout le repos. Qui trouble partout le repos! Ah! oui, Rome a bien auguré, elle a pressend juste. Cette prédication du royaume de Dieu, eet enseignement des choses conceraant le Seigneur Jésus est dangereux pour le royaume de ce monde, quoiqu'il soit de fer, et pour le seigneur César-Auguste, quoiqu'il soit appelé dieu. Paul a Rome! l'église en face de 1'empire; c'est 1'apparition d'un nouvel empire, de 1'empire de 1'esprit, de 1'empire de 1'idée, de 1'empire de 1'obéissance et de la patience, a cöté, et dans et au dessus de 1'empire de la matière, de la force, de la violence. Ces deux seigneurs, Jésus-Christ et CésarAuguste, ne peuvent pas être empereursa la fois. L'un doit succomber ou 1'autre, c'est dans la nature des choses, c'est dans les oracles de Dieu. L'église ne succombe pas, l'église ne périt pas, mais elle souffrc Elle est a Rome; c'est son triomphe, mais elle y a trouvé le centre de ses souffrances, c'est son épreuve, son épreuve qui est encore son triomphe. Oui, qui est encore son triomphe. Centre de souffrance, Rome lui devient le centre de la patience. Citerai-je la patience et la verlu de ces saints bien-aimés de Dieu, quand ils se réfugient dans les catacombes, ou que, jetés dans 1'arène, ils se laissent plutót déchirer par la dent du lion, que de renier le nom du crucifié etd'encenser a des dieux qui ne sont pas dieux,— patience et vertu, qui étonnent méme ce monde insensible et blasé qui se presse dans les cirques, pour repaitre sa vue de ce speclacle étrange et unique? Vous parlerai-je de la vertu de ces premiers évêques, si éloignés encore des prétentions monstrueuses de leurs successeurs, de ces premiers évêques, qui lorsque déja 1'aisance et 1'ambition, précurseurs du luxe et de la dissolution, commencaient a souiller d'autres sièges épiscopaux, refusaient encore a porter le titre commun de patriarches, auxquels leur piété et leur activité leur donnaient plus de droits que n'en possédaient Ceux qui en faisaient un titre de primauté et de domination? Mais, sans que j'entre en des détails, remarquez ceci M. F. L'école de la souffrance a duré bien plus longtemps a Rome qu'elle n'a duré ailleurs. Dieu a suivi ici sa marche accoutumée. Ceux auxquels il reserve de grandes destinées, il les y prépare par de longues souffrances, et Phumiliation leur est le chemin de 1'élévation. Ce Paul, qui entre a Rome, soupconne 1'importance de sa présence dans cette ville, la signification de 1'existence de l'église dans ce centre de 1'empire; il la soupconne, ou plutót il la comprend, au point d'y voir le but et le terme de son actjvjjé, etdepouvoir maintenant dire bientót: j'ai combattu leboncombat, j'ai achevé la course. Mais ce que sansdouteil ne soupconnait pas— car ceci appartient a ces tems et ces occasions, ces jours et ces heures que le Père a reservés en sa puissance,— c'est que cette Rome, le centre de 1'empire, serait aussi le dernier centre du paganisme dans 1'empire, la dernière ville qui reconnaitrait le Christ; que cette Asie mineure, cette Grèce, cette Macédoine, que dis-je, les contrées, qu'il n'avait pas visitées du nord et du midi, la dévanceraient dans Ia connaissance et 1'acceptation de Pévangile du Fils de Dieu; que, quand dans 1'orient une nouvelle capitale s'élèverait qui arborerait Ia croix comme son étendard, Rome, 1'ancienne capitale, quoique ayant perdu sa gloire et son lustre, chercherait encore le rétablissement de cette gloire et de ce lustre dans un redoublement de fidélité a ses dieux de fonte; et que, quand on doit parcourir la campagne pour trouver encore quelques temples chétifs et quelques statues rustiques, c'est a Rome que le culte se fait avec toute la splendeur des temps anciens et un redoublement de foi; et qu'il a fallu Tinvasion des barbares pour renverser les dieux et revêtir la ville payenne de tormes chrétiennes. Non; c'est ce que Paul ne pouvait savoir; et si nous 1'observons enseignés par 1'histoire, nous y remarquons cette loi de 1'histoire, suivant laquelle une nouvelle idéé s'implante difficilement la, oü 1'ancienne a eu sa terre natale, suivant laquelle Corinthe la neuve est plus accessible a 1'évangile qu'Athènes la vieille, Byzance la moderne plus aceessible que 1'antique Rome; et tout en admirant Ia puissance de 1'évangile, qui rajeunit ce qui est vieux et transforme ce qui est usé, nous remarquons qu'il parait que Dieu avait destiné Rome a être pour l'église non seuiement un centrede souffrance, mais encore un eentre de patience. Et par cela même un centre de puissance. Ici, M. F., il y a évidence. Evidence, hélasl dans le mal. Oui; Rome est bien puissante, de nos jours encore; et méme, y a-t-il sur la terre une plus grande puissance que celle de Rome? Mais ce n'est pas de cette puissance que je parle, de cette puissance de la chair, qui s'adresse a tout ce qu'il y a de corrompu dans 1'homme, et qui s'appuie sur tout ce qu'il y a de satanique dans le monde. Cette puissance ebarnelle, je ne 1'appelle pas la puissance de l'église, et ce n'est pas cette évidence-la que j'ai en vue quand je dis qu'il est évident que l'église a acquis a Rome un eentre de puissance. Véfci 1'évidence que j'ai en vue. Jetez les regards sur la carte de 1'Europe. Sans doute, elle est toute chrétienne; mais n'est-ce pas en deux parties qu'elle se divise, qu'on peut appeler l'église de 1'orient el l'église de 1'occident; ou, si vous voulez,— caren disant l'église, quelques uns pensent a 1'institutionecclésiastique, et s'elfarouchent, si 1'on attribue dès lors tant d'influencea cette institution, c'est-a-dire, a leurs yeux, au clergé; car l'église, c'est pour ceux le clergé- — la société, la civilisation de 1'orient et celles de Teccident? Si je les nom me ainsi, M. F., c'est par condescendance; car la société, la civilisation, 1'ensemble des questions et des intéréts qu'on désigne par ces noms, est entièrement dominé par les questions et les intéréts religieux, dont l'apparition collective est appelée église. Or, ces deux églises, ces deux sociétés, ces deux civilisations — qui actuellement sont en présence et ont entamé une lutte dont les issues sont incalculables, — n'ont elles pas de tnélropoles? L'orient en cherche; mais certes 1'occident la possède. C'est la vieille Rome. Ne vous effrayez pas,M.F., de ce que j'avance. C?est de 1'histoire toute pure. De qui avons noes recu 1'évangile? D'oü nous sont venus nos missionnaires a nous, peuples de 1'occident: Gaulois, Germains, Bretons, Normans? De Rome, et seulement de Rome. Ce que les centres chrétiens de l'orient faisaient conjointement et trés faiblement pour l'orient, Rome, la vigoureuse Rome, 1'a fait elle seule et avec une énergie, unique dans 1'histoire, pour 1'occident tout entier. Elle n'a pas craint ce déluge des barbares, qui menacait de 1'engloutir et qui semait la désolation sur sa route; elle les a domtés par le respect de son nom, apprivoisés par la rudesse de sa dis- cipline, éclairés par ses enseignemens, enthousiasmés par son culte. La pensée chrétiènne, qu'elle avait recue de 1'orient, c'est elle qui Pa fait valoir, qui a trafiqué avec son trésor, qui a envoyé ses messagers pour témoigner de cette pensée sur les plages inhospitalières du nord, ou plusieurs ont scellé de leur sang ce témoignage, et qui a courbé les diadèmes royaux sous la puissance de cette pensée. Par elle la terre a vu le spectacle unique d'un monde de barbares se prosternant devant la crosse de Pévêque, et, si dangereuse que soit cette puissance de l'église, si aisément que cette crosse de l'évéque puisse se transformer en un sceptre de fer, ce spectacle seul est en soi 1'radice de la puissance de 1'esprit sur la chair. Et a-t-elle été efficace cette oeuvre? est-elle puissante encore cette église de PocCident? M. F., je pourrais vous montrer, en face de la stagnation évidente de l'église de 1'orient, les quatre parties du monde, parcourues en tout sens par des missionnaires, catholiques ou protestants, n'importe, mais toujours enfans de l'église de 1'occident. Mais j'aime mieux vous montrer une autre gloire, ou plutot le signe le plus évident de 1'oeuvre de Dieu, qui lui avait été commise. C'est précisément que la réforme soit sortie de son sein, cette réforme qui a inauguré une nouvelle phase dans le développement.de l'église, cette réforme qui nous a fait avahcer d'un pas immense sur le chemin qui de Jérusalem a conduit a Rome, mais qui de Rome ramène de nouveau a Jérusalem, c'est-a-dire au règne du Seigneur lui-méme, et a la gloire de son royaume. Oh! la mère maratre a beau repousser sa fille, cette fille ne doit point perdre, ou si elle Ta perdue, elle doit regagner eette piété filiale pour sa mère, quand même celle ci est avide de son sang. La réforme ne doit point perdre de vue son caractère protestant, c'est-a-dire son caractère relatif. Elle ne doit point oublier qu'elle n'existe que paree quelle a a protester, et que du moment que les eauses de sa prolestation n'existeraient plus, ce qui hé las est bien loin, il n"y aurait plus de motif pour son existence séparée. Si cette mère a oublié quelle est elle-même une fille, si l'église de Rome a oublié cette Jérusalem d'en-haut, qui est notre mère a nous tous, et qui est l'église de 1'avenir, oh.' que cette fille rite rimite pas, et qu'elle têche de ramener sa mère a cette Jérusalem céleste et a Celui qui en est le roi, en y regardant elle-même, et en se gardant de se mettre elle-même a la place de ce roi. Ce n'est pas aujourd'hui le jour de nous étendre sur les gloires et les misères de cette grande révolution des temps modernes, appelée la réforme. Nous réservons, s'il plait a Dieu, ce sujet au prochain jour du Seigneur, destiné plus particulièrement a la commémoration de ce grand fait. Ici je pose seulement en finissant une seule question, et j'y réponds par un appel aux paroles de mon texte. Yoici ma question. Si telle est, d'après 1'écriture et 1'histoire, Ia signification et 1'importance de Rome, pourquoi nos pères ontils quitté la communion de l'église de Rome? pour- quoi les suivons nous dans ce schisrae ? Voici ma réponse. Nous lisons que Paul prêcha le royaume de Dieu et enseigna les choses qui regardent le Seigneur J.-C, avec toute liberté de parler et sans aucun empêchement. Du moment que Rome chrétienne fait ou permet qu'on fasse ce que Rome payenne a permis qu'on fit, c'est-a-dire de prêcher le royaume de Dieu, et d'enseigner les choses qui regardent le Seigneur J.-C. avec toute liberté de parler et sans aucun empêchement, nous retournons, ou plutót,— caralors iln'ya pas de retour, — le mur est tombé qui nous sépare. Oh! ce mur, ce mur, il est douloureux de le vair élevé toujours; ce schisme fait mal;il n'est pas bon, non, il n'est pas bon que nous soyons séparés Et nous protestants, si nous sommes un peudignes decenom, — car je n'appelle pas protestants ceux qui n'ont du protestantisme rien que Ia haine contre Rome,— nous protestants, qui tenons a la parole de notre Dieu, oh! nous souffrons bien de ce mur. Nous en souffrons dans nos intéréts personnels,— car que de choses précieuses du point de vue de nos convictions, ne devons nous pas sacrifier pour nous mêmeset pour nosenfans, pour 1'amour de la paix, et par respect pource mur de l'église! Nous en souffrons dans la charité, car que de coeurs précieux n'y a-t-il pas de 1'autre cólé de ce mur, des coeurs, avec lesquels nous aimerions a nous entendre, des coeurs dont nous pouvons croire aussi qu'ils aiment J.-C., mais entre eux et nous qui 1'aimons aussi, il y a ce mur, ce mur de l'église! Oh! le schisme fait mal; la séparation n'est pas bonne; nous aimerions qu'elle ne fut pas; nous ne lenons pas a notre organisation, a nos formules, a nos noms; nous ne voudrions pas être église réformée ou église luthérienne, nous voudrions ne pas avoir besoin de protester! Nous voulons la sacrifier, cette réforme avec toutes ses gloires; car ce n'est pas pour elle même que nous tenons a elle; c'est pour le royaume de Dieu et le nom du Seigneur J. C. Oui, ce a quoi nous tenons, ce qui nous est cher au dessus de tout ce qui nous est cher, précieux au dessus de tout ce qui nous est précieux, ce que nous ne pouvons sacriBer, c'est le royaume de Dieu, c'est le Seigneur Jésus-Christ. Non, non, nous ne le pouvons; plutót nous arracher le coeur, plutót monter sur le bucher. Et si on continue a nous donner au lieu du royaume de Dieu le royaume du pape, et au lieu du Seigneur J. C. la vierge Marie, si on continue a lier la parole de Dieu, a réprimer la liberté de parler, a empêcher que 1'évangile ait son cours, oh! il n'y a pas de paix, nous ne pouvons que protester, et nous protesterons jusqu'a ce que le Seigneur vienne nous délivrer, jusqu'a ce qu'il mette fin a 1'empire de son adversaire, et rétablisse le droit et 1'équité sur Ia terre. Oui, Seigneur Jésus! c'est-ce que nous attendons de toi. Ton église t'attend. Viens bientót! Amen. ROME ET LA RÉFORME. JTJGES II: 20—22. C'est pourquoi la eolère de 1'Eternel s'enflamma contre Israël, et il dit: Paree qae cette nation a transgressé mon alliance que j'avais commandée a leurs pères, et qu'ils n'ont point obéi a ma voix, Aussi je ne déposséderai plus de devant eux aucune des nations que Josué laissa quand il mourut: Afin d'éprouver par elles Israël et voir s'ils garderont la voie de 1'Eternel pour y marcher, Comme leurs pères 1'ont gardée, ou non. Pour plusieurs ce jour est un jour de fête, et, si jamais, c'est aujourd'hui, que ie peuple protestant de ce pays fait retentir dans ses temples des louanges et des actions de graces. Vous aurez déja remarqué que je ne considère pas ce jour ainsi. Non; je suis monté dans cette chaire, plus de larmes dans le coeur que de joie; pour moi ce jour est avant tout un jour d'humiliation et dans ma prière la supplication 1'emporte de beaucoup sur 1'action.de graces. Ce n'est pas, a Dieu ne plaise, que je sois insensible a ces gloires du passé que ce jour nous retrace, et que mon coeur ne batte pas d'allégresse et de louange a la pensée de cette réformation du seizième siècle, qui est a mes yeux une seconde pentecóte de l'église, une visitation, la plus riche en bénédictions peut-étre, du Seigneur a son église; de cette réformation, qui a fait la gloire du monde moderne, de notre patrie tout particulièrement, la gloire de nos ancêtres, et a laquelle nous derons les plus précieux legs que nous ayons recus depuis notre enfance. Mais j'avoue que le présent, le présent surtout dans le milieu dans lequel nous vivons, pèse trop sur mon ame, pour que je puisse me livrer a la jouissance d'un passé plein de gloire; j'avoue que les chants de triomphe expirent sur mes lèvres la oü je vois tant de défaites et qu'a la vue des ruines qui m'entourent, mon regard est trop terni de larmes pour que je puisse voir la conslruction qui ailleurs s'achève. — M. F. ce n'est pas sans une grande hésitation que je suis monté aujourd'hui devant vous dans cette chaire, et la question que je me suis posée devant le Seigneur, la question: »que dois-je annoncer a ce peuple?" n'a pas été résolue sans beaucoup de combats intérieurs. Ce jour m'appelle a parler de la réforme: je ne puis m'en taire; mais je ne puis en parler, comme plusieurs, peut-être la majorité de vous désirerait que j'en parlasse, ceux qui voyent dans la réforme le triomphe de la lumière sur les ténèbres, mais qui entendent par la lumière leur raison naturelle, ce qu'ils appellent le bon sens. Non, je ne puis en parler ainsi, moi qui appelle la lumière la parole de Dieu, et qui vois que cette parole de Dieu n'est certainement pas moins combattue au sein du protestantisme qu'au sein du catholicisme; je ne puis en parler ainsi, ce serait mentir a Dieu et a ma conscience; et en parler comme je crois qu'il faut en parler ici, dans notre patrie, dévoiler les playes que je vois dans cette église de la patrie qui m'est infiniment cbère, — oh! c'est être sur d'avance que je choquerai un grand nombre, c'est être sur d'avance, que plusieurs entoureront leurs coeurs d'un mur, et qu'au lieu de parler a ces coeurs, je parlerai a ces murs. Et cependant je ne voudrais ni choquer personne, ni surtout être 1'occasion pour personne de commettre le pêché (car c'est un pêché) d'entourer leur coeur d'un mur, de boucher leurs oreilles pour ne pas entendre. Oh, mieux vaudrait qu'ils se retirassent que de rester avec 1'intention de rejèter d'avance 1 — Si vous restez, M. F., qui que vous soyez, pour m'écouter; je vous demande unechose: veuillez m'écouter sans prévention, si possible; veuillez croire que je parledans la charité et, sans vous lacher contre le prédicaleur, veuillez peser dans volre conscience si les choses qu'il dit sont vraies, et rejetez les si Dieu vous dit qu'elles ne sont pas vraies. Et toi, mon Dieu, qui ès la vérité, toi qui ès Ie Dieu des batailles, et devant lequel les murs tombent, parle toi méme, et ouvre nos oreilles pour que nous entendions la voix! Amen. / I. Commencons par faire quelques restrictions al'usage que nous désirons faire de notre texte, restrictions nécessaires pour en expliquer et en justifier le choix. La distinction entre le peuple de Dien et le monde est sous 1'ancienne alliance une distinction visible, extérieure, matérielle. Le peuple de Dieu, c'est le peuple d'Israel; le monde ce sont les payens, étrangers a la bourgeoisie d'Israel. De la une théocralie visible; une législation venant immédiatement de Dieu. De la le droit d'Israel de déposséder les peuples cananéens; paree que le peuple de Dieu seul a le droit de posséder la terre et que le monde, c'est-a-dire 1'humanité dé- chue de Dieu ne 1'a pas. Le peuple de Dieu sous la nouvelle alliance est un peuple in visible, répandu parmi toutes les nations■ l'église, la vraie église qui a la promesse de posséder la terre, est donc jusqu'ici une église in visible, c'est-a dire qu'elle n'est pas encore glorifiée, qu'elle n'a pas encore acbevé son organisation, qu'elle se forme encore. On ne peut donc plus dire: le monde est ici, l'église est la: le monde et l'église se trouvent mélés partout. Toutefois cette in* visibilité de l'église n'est pas absolue. L'église n'est pas entièrement invisible. II y a même une contra» diction dans Pexpression d'église invisible, car l'église étant un corps est nécessairement visible, et cette église extérieure, qui est visible, n'est pas tellemènt séparée de l'église intérieure, que nous nommons invisible, qu'elle soit un corps étranger a 1'ame, un mécanisme plutót qu'un organisme. Au contraire elle n'existe que paree qu'il y a une église invisible, c'est-a-dire un peuple de Dieu. Seulement en disant que la vraie église est invisible, nous disons que le corps n'est pas parfait, quele corps de Christ se forme encore.— II résulte de cette doublé distinction que nous avons établie, d'abord entre 1'ancienne et la nouvelle alliance, ensuite dans la nouvelle alliance entre église visible et église invisible (dénominations que nous adoptons, paree qu'elles sont usitées et non paree que nous les croyons justes), il en résulle, dis-je, en premier lieu, qu'aucune église n'est ni absolument pure, ni absolument corrompue, et, en second lieu, que Ia différence entre les églises, pour ne pas être absolue, est cependant relative, que telle église est plus pure que telle autre. Appliquons ceci a la grande lutte que ce jour nous relrace. Je crois que le peuple de Dieu se trouve dispersé dans toutes les églises cbrétiennes; je crois que paree qu'il y a de la loi et de la piété en toutes ces églises (j'appelle églises maintenant les différentes dénominations ecclésiastiques) aucune n'est absolument rejetée; je crois enfin que les églises de la réforme sont les manifestations les plus avancées de la vérité chrétienne; (et si je dis églises de Ia réforme, j'ai particulierement en vue les deux grandes branches dans lesquelles la réforme s'est partagée: l'église luthérienne et l'église rêformée; les petites communautés qu'il y a a cöté ayant une autre origine, et ne pretendant pas ellesmêmes étre des églises). S'il en est ainsi, j'en tire deux conséquences. D'abord, si une église moins avancée dans la vérité- se montre hostile a celle qui Pest plus et combat en elle la vérité de Dieu, elle devient par cela même une église mondaine et travaille a sa propre dissolution. En second lieu, la supériorité spiriluelle d'une église plus avancée se manifestera en ceci, non qu'elle retournera 1'hostilité a celle qui lui est hostile, mais qu'elle lui retournera Pameur, ce qui est Parme de Dieu. Je pourrais ajouter une troisième conséquence, mais je ne fais que 1'indiquer ici, paree que j'y reviendrai plus tard, c'est que, si une église plus avancée perd ce qui la rendait plus avancée, elle tombe au dessous de celle au dessus de laquelle elle était élevée, parcequ'elle perd avec cela encore ce qu'elle avait de commun avec celle-ci. Vous soupconnez, j'espère, dans quel sens je désire appliquer Ia parole de notre texte a la circonstance de ce jour. Vous sentez, d'abord qu'il ne s'agit pas de comparer les catholiques aux payens et nous a Israël, — d'ailleurs la comparaison ne serait pas si offensante pour les uns et si honorable pour les autres, comme elle en a l'air, car les payens n'étaient pas sans religion et Israël n'était pas un modèle de fidéJité r,— et ensuite que, s'il est parlé ici de déposséder les nations, je n'entends pas que les populations catholiques auraient dü être dépossédées par les populations protestantes. Indépendamment méme du caractère malériel d'une pareille lutte, 1'experience enseigne que, vu l'imperfection de chaque église, il n'y a aucun avantage a ce qu'il n'y ait qu'une seule religion dans un pays. — Non, tout ce que je prétends, c'est que, la réforme étant une manifestalion plus avancée, plus pure de la vérité, elle aurait du gagner sur son adversaire, qu'elle aurait du déposséder 1'erreur ct le mensonge et mettre a la place la vérité et la parole de Dieu. Je vois qu'elle ne 1'a pas fait, qu'elle est précisément dans la posilion des Israélites dans le pays de Canaan, qui, aprésdeux, trois batailles gagnées, se décidèrent a babi ter parmi les Cananéens, les rendant tribulaires ici, en étant tributaires la, mais sans que jamais le pays soit entré entièrement en leur pouvoir. Ainsi, après les premiers élans de Ia réforme, elle s'est subitement arrêtée; elle n'a plus iait de progrès jusqu'a ces dernier temps, qu'elle commence a se relever dans les pays catholiques, c'est a- -dire la ou elle a été humiliée, oü elle n'a pas eu 1'occasion de s'enorgueillir, et de constituer cette nouvelle forme de 1'orgueil, je veux dire Padoration de la raison. Or je cherche les raisons de ce phénomène- je pose la question: d'oö vient que la réforme, après des progrès comparables seulement a ceux de la première prédication de 1'évangile, d'oü vient qu'a van t que moins d'un siècle s'était écoulé elle soit tombée dans un état de torpeur et de stagnation ? Evidemment on ne peut pas dire : c'est la puissance de ses adversaires; car, si Dieu est avec elle, — qui est-ce qui peut résister a la puissance de Dieu? J'estime que ce n'est ni le pape, ni Pempereur, ni les majestés trés-fidéle ou trés chrétienne, ou trés apostolique ou trés catholique. Si donc Dieu ne Pa pas aidé, — ou si elle n'a pas la foi — ce qui revient au même, — j'estime que Dieu a eu des raisons et que nous ne nous trouvons plus trés éloignés de la réponse de notre texte. Cest pourquoi la colère de 1'Eternel s'enflamma contre Israël, et il dit: paree que cette nation a transgressé mon alliance que j'avais commandèe a leurs pères et qu'ils n'ont point obéi a ma voix; aussi je ne dépossèderai plus de devant eux aucune des nations que Josué laissa quand il mourui; afin d'éprouver par elles Israël, et voir s'ils garderont la voie de 1'Eternel pour y marcher, comme leurs pèies Vont gardée, ou non. — Vous voyez qu'il parle et de la colère de l'Éternel, et, chose étrange, de sa grace dans sa colère; car si dans sa colère il ne dépossède plus les nations, il les laisse, et voila sa grace dans sa colère, afin d'éprouver Israël. Je veux appliquer ces deux idéés aux relations dans lesquelles nous nous trouvons avec l'église ennemie de la réforme. Son existence est un signe de la colère de Dieu contre nous; son existence est un signe de Ia grace de Dieu envers nous. Pour établir ces deux idéés, commencons par caractériser les deux églises, celle qui se dit catholique et celle de la réforme. On a observé a bon droit une doublé tendance dans l'église catholique-romaine, une tendance a conserver, qu'elle partage avec l'église calholique-grecque et une tendance a organiser, qui lui est propre. Les résultats de la pensée chrétienne dans les premiers siècles, les enseignemens que le Saint Esprit a donné a l'église, dans Ie temps que Ie canal de ses Communications n'était pas encore bouché et que 1'institution ecclésiastique n'avait pas encore élevé un mur entre 1'Esprit et l'église, ces résultats, ces enseignemens dis-je, l'église catholique les conserve, les conserve, il est vrai, sans critique, les conserve comme on conserve une antiquité, les conserve sans qu'elle s'en serve, les enterre quelque fois, mais toutefois les conserve. Et c'est ce dépot précieux, ce trésorde vérité qu'elle a conservé, qui lui conserve son caractère d'église chrétienne et qui fait que la réforme n'a jamais nié et qu'elle ne doit pas nier maintenant non plus que l'église ne se trouve aussi dans 1'enceinte de 1'institution ecclésiastique qui s'arroge Ie titre d'être elle seule l'église, quand méme cette institution est faussée, opposée a la vérité et arrête par cela méme les Communications de 1'Esprit. — Mais, en second lieu, l'église de Rome fait plus que conserver,encore elle organise, et c'a été la son second caractère qui en lui-méme n'est pas mauvais, bien que ce soit surtout ici qu'elle ait dégénéré. Elle ne s'est pas contenté de posséder les matériaux, elle a voulu construire 1'édince; elle ne s'est pas contenté d'avoir, elle a voulu communiquer, répandre el réaliser par cela méme toute la yie, dont la capacité se trouve dans la vérité qu'elle conserve. Ce n'est pas, je le répète, ce caractère d'organiser qui doive lui être reproché; non, mais ce qui est sa chute, ce qui est son pêché, ce qui est son jugement, c'est qu'elle a perdu de vue Celui qui organise seul, l'architecte qui batit seul 1'édifice, et qu'au lieu de suivre son plan, et d'étre son manoeuvre en bètissant a mesure que lui découvrait le plan, elle s'est tracé un plan a elle même et a construit unédifice, dont il n'était pas lui ni l'architecte ni la pierre angulaire, un édifice qui ne garde la vérité de Dieu que tout au plus en des catacombes, comme des ossemens morts. M.F. la réforme, par instinct je dirais, ou plu tót par cette vindic te de 1'histoire, par laquelle 1'équilibre ne se rétablit que par une impulsion extréme imprimée au bassin suspendu de la balance, la réforme, dis-je, a rendu plus de justice au premier caractère de l'église catholique, celui de conserver, qu'au second, celui d'organiser. Elle a vu que 1'édifice, tel qu'il était, était un édifice du Satan, mais elle ne s'est pas posé la question comment il faut batir. Les questions sur la nature et les caractères de l'église ne l'ont guères occupée, toute préoccupée qu'elle était de la grande question, qui sans doute est la première, quoique sa solution ne se trouve que dans Ia solulion de 1'autre, du salul individuel. La justification par Ia foi, c'est-a-dire le salut comme fait individuel, voila Ia grande vérité de la réforme, voila sa force, sa gloire, son avenir. La justification par la foi, et comme corollaire de ce principe, 1'autorité unique et souveraine de la parole, Dieu parlant directement a 1'ame par son bistoire, c'est a-dire par sa parole, voila son doublé principe, qui au fond n'en est qu'un, le principe qui explique sa force dans le passé, cette grande bréche qu'elle a faite au mur de 1'institution et qui lui promet encore de nouveaux progrès, de nouvelles victoires, dés qu'elle y revient en toute simplicité el sincérité. Dès qu'elle y revient! Cela suppose qu'elle en soit déchue. Je n'hésite pas a dire qu'elle 1'est. Elle 1'est de deux manières. La première chute est plutót une halte qu'une chute, mais une halte la oü le progrès devait être est une chute- la seconde chute dont nous parierons plus tard, est plus profonde. Voici la première. Je viens de dire que la réforme a rendu justice au principe conservateur de l'église catholique. Elle 1'a enrichi de son principe de progrès. Si l'église catholiqüe a conservé la vérité mais comme dans une tombe, le protestantisme a senti que cette vérité devait étre conservée, mais dans un vase vivant, c'est-a-dire qu'elle devait être vie, en demeurant dans 1'homme vivant. Voila ce principe d'individualisme, dont on 1'accuse; jedirais plutót voila son éternel progrès, qui est en méme tems un retour, un retour aux premiers principes. Mais voici sa chute. Au lieu d'appliquer son principe d'individualité, c'est-a dire de liberté, de spiritualité, et par cela même de progrès, non seulement a la vérité, mais encore a l'église, au lieu de former comme elle 1'aurait pu, une église dans 1'élément de Ia liberté, elle a bientót emprunté a son antagonisle 1'idée d'une institution humaine pour 1'appliquer, d'une manière très-forcée sans doute et bien peu naturelle, a sa création toute spirituelle. Je viens de dire qu'elle n'a pas rendu juslice au principe d'organisation de l'église romaine. Je me corrige. Elle a méconnu 1'enseignement que Dieu lui avait donné par les déviations qu'elle combattait. L'église Romaine avait construit, ou plutót s'était construite d'aprèsson propre plan. De la sa stagna tion, sa mort; car 1'homme peut bien construire un batiment, un édifice de pierres mortes, immobiles, que ronge la dent du tems, mais 1'homme ne peut pas balir un corps, un organisme vivant, qui résiste a 1'action du tems. C'est ce que Dieu seul peut faire. Or le plan de 1'homme aurait pu indiquer 1'existence d'un plan de Dieu, dont celui de Fhomme est une contrefacon. L'idée d'une seule église, catholique, sainte, le corps de Christ, n'est pas erronnée, mais ce qui est erronné, c'est la manière dont on avait voulu réaliser cette idéé; c'est a-dire par des bulles papales et des mandemens épiscopaux. Or la réforme n'a point ou a peu saisi l'idée spirituelle de Péglise, comme du corps de Christ; et, tout en rejetant Pinstitution catholique, elle a donné dans la même erreur en élevant des institutions a cóté, des églises d'état avec leurs privilèges et leurs prétentions, en un mot avec tous ces abus d'hierarchie et de clé- ricalisme qui en sont inséparables. Qu'en est il résulté ? La stagnation. Le Seigneur a promis la conquète a 1'évangile, un royaume des cieux; dés qu'une église prend la place du royaume des cieux, elle est frappée d'inaction, de paralysie. Toutefois cette stagnation n'est pas si complette, cette mort pas si absolue, comme dans. 1'institution catholique. En appliquant son principe d'individualité, ou de liberté, son principe spirituel en un mot, — si ce n'est a l'église comme telle, du moins a la vérité que l'église professe, la réforme a toujours pu continuer, et elle a continué en etfet toujours dans son enceinte méme a gagner des ames a Christ; 1'évangélisation, et avec elle la conversion des ames par la bénédiction du Saint Esprit, a continué sans rélache au sein des églises de la réforme. Seulement au dehors elles ont été comme paralysées, paree qu'elles ont élevé un mur, pareil a celui du catholicisme, le mur de 1'institution ecclésiastique. Les tribus d'Israel se contentant de la portion de terre, dont elles avaient fait la conquète, chacunepour elles, et s'y établissant, sans s'assembler en commun pour les batailles de 1'Eternel, la colère de 1'Eternel s'embrasa contre Israël, et 1'Eternel ne déposséda plus les nations de la terre, qu'il avait promise a Israël. — Je pourrais vous montrer comme cette halte est déja une chute, et cette absence de la victoire déja une dófaite; car, comme les Cananéens avaient la priorité dans le pays, et tous les droits acquis par une longue possession, ainsi, institution pour institution, 1'institution catholique a audessu s des inslitutions protestantes 1'avantage de 1'an- cienneté, de 1'impénétrabililé, de la densilé si je puis ainsi dire, et de la force- et, s'il s'agit de se faire craindredans le monde, le vatican sans doute 1'entend bien mieux qu'un synode ou un consistoire. Mais plutót que de vous montrer 1'impuissance du David vis-a-vis du Goliath, quand il est revêtu de ses propres armes,— comme je l'ai. fait a une autre occasion i), — je m'attache a vous montrer comment Dieu est venu au secours de notre infirmité, comment il nous a relevé de notre chute et nous a montré sa grace dans sa colère. II 1'a fait sur la voie de sa providence, par les évènemens de 1'histoire, ou ce qu'on appelte les circonstances politiques. Je n'entre pas en des détails. Je tracé seulement les grands traits. La révolution, comme elle a commencé a devenir une apparition dans 1'histoire a la fin du siècle passé, la révolution, que je ne juge pas maintenant, a fait plus que changer la face de 1'Europe, elle a changé 1'esprit; et une des choses qu'elle a enterrées, c'est l'idée d'église d'état. Dieu a rappelé la réforme a sa primitive tache, a sa haute vocation d'évangélisation, en lui ótant son bras de chair, ses appuis dans les lois et les institutions de 1'état et la faveur des princes. Le voila donc maintenant, ce protestantisme, délaissé de 1'homme, Ie voila étourdi de ce choc, faible el chancelant, le voila exposé aux rires sardoniques de son adversaire, qui fait retentir 1'air de son cri de triomphe, disant: il est mort. Voyons si cela est vrai. *) Goliath et David, sermon sur la lutte entre le catholicisme et le protestantisme. Leide, J. H. Zitman, 1853. 5 II. M. F.! une nouvelle ère s'ouvre pour la réforme, une ère glorieuse; 1'accomplissement de ses destinées, accomplissement qui touche a celui de l'église tout entière, et a sa glorification quand le Seigneur apparaitra en gloire. La voila, ai-je dit, privée do tout appuihumain, mais appelée par cela méme, plus que jamais, a s'appuyer sur Celui dont le bras fort se déploie pour quiconque se confie a lui, sur Celui qui seul est le Roi. La voila qui est appelée a réaliser l'idée d'un peuple de Dieu dans le monde, et a porter dans le monde le témoignage de Dieu, 1'évangile de la croix. Oh! quelle oeuvre que la sienne! Quelle tache vis-avis de 1'institution ecclésiastique, qui se nomme catholique; vis-a-vis du monde pa yen; vis-a-vis de 1'état; vis-a-vis de la science; vis-a-vis d'Israel! A la première, a l'église catholique elle a a dire: «Délerrez votre trésor, vivez de ce que vous avez enseveli, prenez l'idée dechacunede vos institutions, mais, loin d'en trouver la réalisation dans ces institutions elles mêmes, toutes mécaniques et matérielles, voyez comment le Seigneur travaille a construire son église, l'église catholique el sainte, a travers 1'histoire, et travaillez avec lui. II est le seul souverain pontife, et évèque sous lui est quiconque a recu de lui et non des hommes la charge de veiller sur les ames, de pattre le troupeau du Christ, et non d'exercer domination sur les héritages du Seigneur. Les saints que nous honorons, ce sont ceux, qui avant nous ont combattu le bon cora. bat, et qui maintenant, nuée invisible de témoius, nous regardent et nous entourent de leur sympathie et nous attendent dans Ia cité des bienheureux, le séjour de la victoire, mais sans que nous ayons besoin de leur médiation, comme si celle de Christ ne suffisait pas, ou de leurs mérites, comme s'il y avait une vertu surérogatoire, qui de 1'un pouvait être imputée a 1'autre. Cesrertus, ce sont les reliques qué'l'ëglise conserve religieusement, comme les signes de la vie de Christ et les traces de la marche du Saint Esprit, mais sans que ces reliques aient une vertu magique et payenne." Au monde payen la réforme a a porter non une église, mais 1'évangile, 1'évangile du royaume des cieux, qui y formera telles institutions ecclésiastiques, qui conviennent aux différentes nationalités, jusqu'a ce que toutes ces églises particulières, nationales, imparfaites se rencontrent dans le seul royaume, quand le roi sera venu. A 1'état elle a a signaler deux abimes, 1'un 1'abime de la hiérarchie, 1'autre 1'abime de larévolulion, etle travail combiné de ces deux puissances, dont la première cherche a opprimer, et la seconde a dissoudre, dont la première se sert de la seconde pour qu'après la dissolution, sur la ruine de tout ce qui a été, elle élève sa construction, son édifice de pierres mortes; dont la seconde, par 1'adoration de la forme, d'une liberté toute formelle qui équivaut a la négation de tout principe supérieur, conduit au despotisme de la seconde, qui n'attend que Ia décomposition morale de la société par le vide du libéralisme, pour l'enlacer ensuite de son réseau de fer. Oui, la réforme a a sig- naler ces deux abimes qui se répondent, ces deux puissances de destruction, a 1'état qui en est menacé, et, loin d'aspirer encore a quelque prérogative sociale, elle a a rappeler hautement le caractère chrétien des nations de la chrétienté, a s'opposer a toute tendance qui la méconnait et qui veut ensevelir la foi dans le fors intérieur pour ne pas en sortir, elle a a proclamer la vanité de toute construction politique qui 1'essaie et qui méconnait ce caractère chrétien. La science, fille et mère a la fois de la réforme, la science, dont ia liberté n'est sauvegardée que par les principes de la réforme, la science doit être rendue attentive par elle a ce résultat infaillible, oü conduit toute recherche sérieuse et consciencieuse, tant dans le domaine des sciences d'observation que dans celui des sciences d'abstraction, c'esta-dire 1'existence, la vie, 1'oeuvre d'un Dieu souverain, maitre a la fois du monde des esprits et du monde de la matière; et ce qui est le résultat de toute recherche droite, doit étre élevé par elle en principe d'une nouvelle science, d'une science non plus de recherche mais de position, d'une science chrétienne, c'est-a-dire positive et explicative. — Envers Israël — et si je finis par Israël, c'est paree que les destinées d'Israel sont la consommation de l'église, 1'accomplissement des destinées du monde — envers Israël la réforme a a reprendre 1'oeuvre longtems interrompue de St. Paul, de le rendre attentif a son avenir, qui est 1'avenir du monde, au royaume de son Christ, qui est le règne de Dieu dans le monde. — Voila quelques traits de la grande, de la sublime ta- che iniposée a la réforme, de celte tache toute spirituelle, de cette oeuvre de Dieu qu'elle a a accomplir par Ia force de Dieu, c'est-a-dire par la puissance de 1'Esprit, qui se glorifie dans la faiblesse et 1'impuissance de son organe. Et en accomplissant cette tache, restera-t elle elle méme immobile? Comme si cela se pouV vait. Non; en se mettant en mouvement, armée de Dieu sous la conduite de son chef, elle se transforme, elle se glorifie elle-même. Sa doctrine, qui est son trésor, trésor qu'elle n'a pas ensevelie elle, sa doctrine, par 1'application, par le continue! creusement dans la mine inépuisisable de la parole de Dieu, s'approfondit et s'enrichit et devient de plus en plus esprit et vie, comme la réforme 1'avatt voulu, quand, en proclamant la justification par Ia foi, elle a placé le centre de la vérité non pas dans 1'institution, mais dans le coeur de I'individu - et l'église, que le catholicisme a voulu construire a la facon des hommes, voici elle la construira a la facon de Dieu, c'est-a-dire en élevant 1'humanité, 1'ensemble des forces que Dieu a mises dans 1'homme en le créant, a être 1'édifice spirituel oü Dieu habite, ct qui s'élève a sa gloire. Alors elle triomphe de son adversaire; elle triomphe par sa vraie supériorité- elle triomphe, non pas par des armes charnelles, c'est-a-dire en ne souffrant pas qu'il existe, mais elle triomphe paree qu'elle prend les deux principes qui le font vivre, celui de la conservation et celui de 1'organisation, la vérité et l'église, mais qu'elle les place dans le vrai élément dans lequel ils doivent se trouver, 1'élément de 1'Esprit, 1'élément de la li- berté, de la vie; au dedans de 1'homme et non plus en dehors. Et cette tache 1'accomplit-elle ? Avanttout, je rends graces a mon Dieu, de ce qu'aillears au moins elle commence a la voir et a se ceindre pour son oeuvre. Et d'oü aurais-je tiré cette description, M. F., si ce n'est de la réalité? Quand même ce serait de la phantaisie, cette phantaisie ^n'est pas isolée, et je ne suis pas le seul qui voie que c'est la la destination et I'avenirde la réforme, et, sion Ie voit, on ne peut pas ne pas Paccomplir. Non, graces a Dieu, nous assistons a un réveil de l'église; il y a une effusion de 1'Esprit. Les secousses 'du monde ont secoué des consciences, et il y en a qui se sont levés pour faire 1'oeuvre de Dieu. Je vois un nouveau protestantisme se lever dans les pays d'alentour, plein de courage, de force et de jeunesse, se lever au sein même du catholicisme et au milieu des mépris et des injures que celui-ci verse sur lui a longs flots, je le vois se lever plein de la conscience de son avenir, entamer la lutte de David, sous la devise d'Immanuel, Dieu avec nous. — Mais je demande: notre patrie, cette chère patrie, foyer de la réforme, théatre de ses gloires, est-elle sur la voie de 1'avenir? Oh! M.F., je veux êtrecirconspect, ou plutót je veux être équitable, je demande a mon Dieu avant tout d'être vrai, et je n'ai aucun intérêt a exagérer, j'en aurais mille a cacher la vérité. Je commence donc par faire toutes les réserves possibles, par recon^ naitre avec une vive gratitude, qu'a juger parun grand nömbre d'indices, Dieu a parmi nous un grand peu- ple, et que le peuple de Dieu est toujours, avec plus ou moins de conscience, plus ou moins de résistance méme, sur la voie de Dieu, c'est a«(Kfe sur la voie de 1'avenir, quoique, surtout si ce peuple n'est pas bien conduit, la manière dont eet avena* se lie au passé et au présent échappe au grand nombre. Mais je ne parle pas d'individus. Je parle de l'église comme telle, de l'église dans son apparition, dans ses manifestations. Eb bien! l'église, l'église réformée de ce pays, est elle sur la voie de 1'avenir, qui est la voie de Dieu? Jugez vous-mêmes. J'ai dit que la séparation de l'église et de 1'état crée au protestantisme une seconde ère, une nouvelle position de nouveaux devoirs. J'ai indiqué quel est d'après ma conviction ce nouveau chemin. On peut en choisir un autre- on peut, renoncant a regret et par contrainte aux appuis charnels, a 1'institution privrlégiée, se cramponner a cette institulton; et laisser pourrir le trésor, avec lequel on devrait aller a la conquète. En d'autres termes, on peut concentrer ses forces a maintenir l'église et abandonner la vérité, dont l'église vit, et qu'elle exprime dans sa doctrine; ce qui équivaut a une construction de murs la oü Ton sape les bases. Maintenir, conserver, batir l'église et abandonner la doctrine!... Voici, M. F., nous vivons dansun Babel; il y a confusion des langues. On parle de liberté d'enseignement — comme si elle était contestée; comme si quelqu'un songeat a öter a la science la liberté de ses développemens et aussi de ses égaremens, et a réprimer la liberté de la parole. Mais la question est, si l'église peut étre batie sur cette liberté, sur le Chaos des doe- trines; la question est, si le peuple chrétien est édifié par les recherches de Ia science — je suppose que ce soit de la science, ce qui n'est pas toujours le cas — si l'église est une école oü 1'on vient défendre des thèses pour et contre. Toutes nos institutions supposent 1'unité de la foi: la promesse solennelle faite par les ministres a 1'entrée du ministère, toute 1'institution du gouvernement ecclésiastique, toute la partie liturgique du culte, toute 1'oeuvre pastorale. La confiance el le respect envers le ministère évangélique, pour autant que cette confiance et ce respect existent encore, supposent cette unité de foi • car, si le peuple chrétien est disposé a reconnaitre pour ses pasteurs ceux qui lui sont envoyés, ce n'est pas sans doute paree qu'il les suppose honnêtes et de bonne foi, mais c'est paree qu'il les suppose unis de coeur a la doctrine de l'église, non pas telle qu'on peut la tordre au moyen de toutes sortes de formules et d'explicationsthéologiques, auxquelles le peuple n'entend rien, mais telle que l'église la professe assez clairement, et telle qu'elle vit encore dans les consciences. Et pourquoi ce point est-il en litige? Pourquoi d'un cóté la proclamation, inouie jusqu'ici, de la liberté d'enseignement dans l'église, Ia formation d'une église réglementaire, qui constitue une hiérarchie pire que celle de l'église de Rome, de 1'autre la défense du principe confessionnel, principe tellemènt évident, que, si on pouvait le discuter a tête reposée et hors de Pardeur du combat, il n'auraitpas d'adversaires• comme en effet les hommes irnpartiaux, qui sont en dehors du combat, le reconnaissent de plus en plus? Est-ce a cause de ce principe méme? Mais je le répète: on ne se dispute pas pour un axiome; il n'est jamais monté dans le coeur d'aucun homme, de vouloir établir une institution ecclésiastique par des régiemens, dans l'enceinte desquels on pourrait placer chaque doctrine, et de former ainsi une organisation dans le but de sauvegarder 1'arbitraire. Non; s'il y avait au fond unité de foi,— je ne dis pas unité de formules, mais unité de foi, c'est-a-dire si nous avions le même Christ et le même Dieu, oh! on ne se disputerait pas sur la liberté d'enseignement. Mais nous n'en avons point; non, nous n'avons point d'unité de foi, nous n'avons point le méme Christ et le méme Dieu. Encore . 12 6 d*en b, id. ƒ>. 13 5 d'enh. I'intèrèt; l. 1'intérêt. p. 17 l. 14 d'enb. c'est-a-dire; l. c'est-a dire. p. 19 /. 9 d'enb. l'église; l. l'église. p, 20 /. 3 d'enh. caractère; l. caractère. 20 /. 12 d'enh. liberté; /. liberté* p- 24 14 d'enh. glaive; l. glaive des. p. 31 /. 13 d'enh. posterieurs; /. postérieurs, p. 35 l.l d'enh. 1'mportance; /. 1'importance. p. 35 /. 10 d'en h. vu; l vue. p. 40 \2d'enh. modérés; /. modérés* p. 41 11 d'enh. leur; /. leurs. p. 49 /. 12 d'enh» bocher; l. bucher. p. 55 l. 12 d'enh. commencons; £. rommencons p. 58 £. 13 d'enh. 1'experience; 1'expérience, p. 58 l. 2 d'enb. dernier; /. derniers. p. (>3 /. 1 d'enh. hiërarchie; /. hiërarchie, ƒ>. 04 6 d'enh. complette; compléte.