SERMONS
SUR
DIVERS TEXTES
D E
UÉCRITURE
S A I N T E,
P AR FEU,
Daniël Theodore Huët3
Pqfleur de FEglife Walonne d'Utrecht. tome premier.
Imprimê pour la Veuve de PJUTEUR, A AMSTERDAM,
Chtz D, J. CHANGUIQN.
MDCCXCVII.
Ces Sermons ont été revus & approuvés pai les JEglifes examinatrices.
TA B L E
DES
SERMONS
contenus dans ce ï. Volume.
J. S E R M O N;
Sur 1'ignorance des hommes.. jNbus fommes du jour dliier , £? nous ne favons rien. Job VIII. 9. Page 1.
II. S E R M O N.
Sur 1'abus de la Philofophie.
Prenez garde que perjonne ne vous butine par la Philofophie. Colossiens II. 8. 32.
III. SERMON.
Sur la patience "de Job. Dans tout ctla, 'Joh ne pécha point de fes levres. Job II. 10. 61.
IV. SERMON.
Sur la vifite des trois amis de Job. Or trois des intimes amis de Job, Eliphas Témanite , Bildad Sguhite , & Tfophar Nahamatite, ayant appris tous les maux qui lui étoient arrivés, partirent chacun du lieu oü ils étoient, & convinrent dun jour pour yenir enfemhk fe condouloir ayec * a lui
iv T A B L E.
lui ê? Ie confoler. Et kvant leurs yeux de kin, ils ne le reconnurent pint, & èlevant leurs voix ils pleurerent 6? dèchirerent cliacun fon manteau, & jetterent de la poudre fur leurs têtes vers les Cieux Et ils s'ajfrent a terre avec lui Amant fept jours fept mits; & nul deux ne lui dit aucune parole, paree quils voyoient que fa douleur étoit fort grande. Job II. ii -13. 87.
V. SERMON.
Sur les difcours de Job & de fes trois amis.
Or aprls que VEternel eut dit ces paroks & Job, il dit a Eliphas Témanite; ma fureur efl embrafée contre toi & contre tes . deux compagnons, paree que vous navez point park' droitement devant moi, comme Job mon ferviteur. Cefl pourquoi prenez vous mamtenant fept taureaux fept béliers , 6? alkz vers Job mon ferviteur , offrez un hokcaujle pour v vous: -ê? Job mm ferviteur priera pour vous, (car certainement fexaucerai fa priere,~) afin que je ne vous traite point felon votre folie ; paree que vous navez point park droitement devant moi, comme Job mon ferviteur. Ainfi Eliphas Témanite, Bildad Sguhite, & Tfophar Nahamatite vinrent ê? firent ce que ïEternel
leur
T A B L E. v
leur avoit commandè: & ï'Eternel exauga laprieredejob. Job XLII. 7.8.'9. 114.
VI. SERMON.
Sur le fouhait de David, & fes fuites.
Et David fit iM fouhait-& dit; qui cfl-ce qui me feroit boire de l'eau du puin qui efl h la porte de Bethlthem! Alors ces trois vaillans hommes la paferent au travers du camp des Philifliiis, & puiferent de Veau du puits qui efl a la porte de Bethléhem , & Voyant apportée , ils la prêfenterent a David; lequel rien^ voulut point boire, maïs la re'pandit afEternel: car il dit, ainft navienne , 0 Eternel, ■ que je fajfe tint' telle chofel N'efl-ce pas ici le fang de ces hommes , qui ont fait ce voyage au péril de leur vie ?' U nen voulut dom point boire. Ces trois vaillans hommes firent cette aclion la. 2, Samukl XXIII. 15-17- J43-
VIL SERMON. Sur Ia guérifon du paralytique de Capernaüm. Onelques jours apres il revint h Capernaiim, on oüü dire qiiil étoit dans la maifon. Et auffitot plufieurs sy ajfemblerent, de forte que Vendroit même Saupres de la porte, ne les pouvoit contenir; & il leur annoncoit la parole, Alors quelques^uns
vin-
vi T A B L E.
yinrent a lui, apportant un paralytique por té par quatre hommes. Mais pareequils ne pouvoient approcher de lui A caufe^ de la foule, ils découvrirent le toit du lieu oh il étoit; & l ayant percé, il dévalerent le petit Ut dans lequel le paralytique étoit couché. Alors [esus ayant vu leur foi, dit au paralytique; mon fils, tes péchés te font pardonnes. Or quelques-uns des Scribes étoient la atfis, raifonnoient dans leurs cxurs , difant ; poufquoi celui - ci prononce t-il ainft des blafphêmesl Qtd efi-ce qui peut pardonner les péchés, que Dieu feul? Et incontinent Jesus ayant connu en fon efprit quils raifonnoient ainfi en eux-mêmes, leur dit; pourquoi faites vous ces raifonnemens en yos cxurs? Lequel efl le plus aijé, ou de dire au paralytique , tes péchés te font pardonnés , ou de dire , leve tot , & charge ton petit Ut, £? marche? Or afin que vous Jachiez que le Fils de Thomme i le pouvoir de pardonner les péchés fur la terre, il dit au paralytique; je te dis , leve tot, & charge ton petit Ut, feu va en ta maifon, Et ü fe leva aufi-tot &. ayant chargé fon petit Ut, il frtit en la préfence de tous : de Jorte quils furent tous étonnés, & glorifierent Dieu, difant; mui ne vhies jamais une telle chojef Makc. II. i-i2. I(5o.
vin.
T A B L E. vu
VIII. SERMON.
Sur le nom de Nazarien donné a notre Seigneur.
Et y étant arrivé, il habita dans la ville appellée Nazareth, afin que fut accompli ce qui avoit été dit par les Prophetes, fera appellé Nazarien. Matth. II. 23. 199.
IX. SERMON.
Sur 1'argument du Sauveur touchant la réfurreéfcion des morts.
Or quant aux morts , quils reffufcitent, navez vous point lu dans le Livre de Moyfe, comment Dieu lui paria dans le bui fon ■, difant; je fuis le Dieu d'Abraham , 6? le Dieu dPfaac, fë? le Dieu de Jacob? II neft pas le Dieu des morts ,
. mais des vivans: vous vous fourvoyez donc de beaucoup. Marc. XII. 26. 27. 227.
X. SERMON.
Sur la Prédication de Jesus - Christ aux efprits en prifon.
Par lequel (Efprit) aujfi étant allé, il a prêché aux efprits qui Qfont) en la prifon , qui ont autrefois été désobéïjfans , quand la patience de Dieu les attendoit une fois, durant les jours de Noé, lorsque V Arche fe préparoit, dans laquelle un petit tiombre, c'eft - a - dire , huit
per-
vnr T A B L E.
perfonnes furent fauvées parmi Veau.
I PlERRE III. 19. 20.
Car cefl pour cela aujfi quil a été évangélifé aux morts, afin quils fuffent jugés felon les hommes en la chair , & quils yêcujfent felon Dieu en l'efprit. 1 Pierre IV. 6. 257.
XI. SERMON.
Sur le defir d'être trouvé en JesusChrist.
Que 'je fois trouvé en lui, ayant, non ma jufiice qui efl de la Loi, mais celle qui efl par la foi de Ciirist ; la juflice qui efl de Dieu par la foi! Pi-iilippiens III. 9- s85-
XII. SERMON.
Sur le devoir de pourfuivre conflammenc notre courfe.
Nous donc aujfi, puifque nous fommes environnés d'une ft grande nuée de témoins, rejettant tout fardeau, le pêché qui (jious~) enveloppe aifément, pourfuivons conflamment la courfe qui nous efl propoj'ée: regardant a Jesus le Chef & le Confommateur de notre foi; qui, au Hen de la joie qui lui étoit propofée, a fouffert la croix , ayant méprifé la honte , & seft ajfis è la droite du trone de Dieu. Hebreüx XII. 1.2. 315.
LIS T E
DE S P E R S O N N E S
Qui ont foufcrirpour ï'impresfion de eet , Ouvrage.
COn fe flatte qu'on excufera les erreurs qui peuvent s'y'être gliffées.)
Amsterdam. M. M. ExempU
Alftorphiué ("Mlles) i.
Angely (Elie) ... i.
Armenauk CJacob) . . U
Arnaud (Samuel D') . . . ï»
ïlaartmans (Callemburgb) ' . . i.
Backer (A.) . ... 4.
Barre (Jean) . . . 1.
fiennelle. . . .
Berg (O W. J.) . ï,
Bergen (D. Van) 1.
Bergen C'P- J. Van) . . 2.
Berthon (TMlle Efter Marie) . . 1.
Bienfait (L. A.) .... 2.
Biet (N. Van d-r) ... 6.
Bongardt (Mad. la Véuve) née Martin. . 3.
Borch (Pieter Ter) . . . 1.
Borch (J. G. de Famars Ter) . . 1.
Bordes (A. J. De) " . . 1.
Bourdon (Claude Antoine) Ancien Paft. de Tholeh. 1.
Bousquet CD.) . . . 1.
Bousquet (L.) ... 1.
Bousquet CP. H.) ... 1.
Bousquet ([. C.) . . . . i.
Brauer'(Mad.) née Garacli. .• . i.
Briët (Pierre) . . . i,
Bruinings CCh.) Fils de D<*. . . 1.
Cazabou "(P. J.) . . . i.
Changuion CD. J.) Libraire. . . 12.
Chatelain (Sam. Franc,) . . ï.
CMteiain '(Mad. la Vcuve H. A.) née Cljaïelair}. j.
* * { ha.
s LISTE DES SOUSCHÏPTEURS.
M. M. Exempt.
Chatelain (E.) . i.
Chatelain (Mad. H. L.) née Chatelain. . i.
Chatelain (P. B.) . . . x,
Chatelain (E.) par commisfion. . . 5.
Chaufepié CS. De) Pafteur. . . 1.
Chevalier CP.) Pafteur. 1.
Clerq CMUe M. De) . . . 1.
Comte CP- Le) . . & . 1.
Cordes (Ifaac) Fils de Jean. . 1.
Cramer CHenri) .... 1.
Crommelin (R. D.) . . . 1.
Crommelin CGulian) . . .1.
Crommelin (B. J.) . 1.
Couderc CMlle Marie Jeanne) . . . 1.
Degalz CJaques) . j.
Dëgalz (J. D. C.) . . . . i.
Deïpar (Mad. la Veuve) née Chatelain. . ï.
Defpar CMad. la Veuve) née Louïs. . 1.
Donker CSimon) . . . r.
Dupper CArnoldus) . 1.
Dupuis, Horloger. , . . . u
Dutilh CMad. la Veuve) née Martin. . 1.
Dutilh (Jacob) . ... I.'
Efchauzier (J. P.) . 1.
Eyk CVan) V. D. M. . 1.
Eys CMad. la Veuve Van) . 1. Farret CD- P-) Etudiant. . .1.
Fisfcher CMlle Anne Marie) . . r. Fizeaux CJacob) . . .1.
Fizeaux C'MUes) . . . . 1.
Fonvielle(Mlle) 1. Fouquet CPierre) ... .1.
Four CGabriel Du) Libraire. . . 2.
Fraisfinet CJaques Mare) . . 2.
Francois CMad. la Veuve) née Brun. . . 1. Fremeaux CD. J.) ... 1.
Fiefcarode, Pere. ... 3.
Gallas Cc- A. A.) ... 1.
Garacb (L.) .... i.
Geel CHendrik) . •' . . 1.
GiDot CMad. la Veuve) née Chabot. . 1.
Gillot CJ- T.) . , . . 1.
Go*
LISTE DES S0USCRIPTEÜR5. xi
,M,- ^, ExetnpL
GoJefroy (P.) . . . . i.
Godefroy (A.) , . . i
Goes (M. F. Van der) . . . i.
Goglin (Etienne) - . . i.
Goglin (J. A.) . . , j,
Gregoire (P.) Maïrre de Penfion. . „ i. Griot (J. Th.) Pafteur. . . .
Griot (D. J.) Doéteur en Médecine. . t»
Hall (Teyler Van) ... 2.
Hemert (J. Van) ... 1.
Heyliger . . . . . Xi
Hoffinan (J.) 1.
Hooft (Mlle A. P.) . j.
Hooft ("G.) Gerritz. van Vreeland. , h , t.
Hooft (G.) . . • J
Hooft (D.) . . . 1.
Hovy (Mad. H.) née Van de Poorte. . 1.
Hugenholtz (F. A. B.) . . . lm
Jourdany (J. A.) ... u
Keulen (J. G. Thin Van) ... 1. Koenen (J.) ...
Kolff (C. L.) .... i.'
Kuyper (E. V. N.) ... 1.
Lacoudré (L.) .... 1. Laen (J. Van der) . .1. Langlois (Jacob) . .2.
Lapra (J. J. A.) ... 1.
JLennep (D. J. Van) . . . 1.
Liotard (J. f) .... u
Lobman (Joh.) • . , . *,
Lohman (Jac. Hen.) . , j,
Louis (D. J.) Pafteur. . . . 1.
Luyken (H. B.) ... t
Luyken (J. G.) . }.
Jvienjolet (P. J.) • . . . 1.
Metayer (Louis) . . . . 1! Molière (Antoine) . .1.
Mounier (Mad. la Veuve) née Delprat. . t»
Mounier
: (Mad. a. e.) née Elin. . . i.
Gaven- (P. Do) Conléiller de la Cour de Juftice. i.
Groot (A. D.C .rtietsDe)Capitaine de Cavalerie, t.
Guibal (P.) . ... i.
Guriet (Mlle M.) ... i.
Guyot (ii. D.) Pafteur. . . . i.
Haflelt (L. Th. Van) Premier Comrais Gén. du
Bureau ProwHiciaJ. ... I.
Keifer (J. G.) Admrniftrateur &c. . i.
Kleerfnyder (J.) Lefteur &Maïtre de Langues. i.
Marminot (Mlle J. E.) . . i.
Modderman (J. R.) Etudiant en Droit. . i.
Muller, (Ch.) Maïtre de Langues. . I.
Schroeder (N. G.} Profefleur en Lang. Oriënt. i. Siccama (G.)Membre de la Chambre desComp-
. tes &c. . i.
fhueslink, (T. E. Thomaffea a) Prof. en Médècine. i.
< Turcq
LISTE DES SOUSCRIPTEURS. xv
M. M. Esempl.
Turcq (N.) Lieutenant Colonel. . . I.
Vrieze (G. G. H. De) Avocat &c. . i.
Haarlem.
Ange CJ- Teiffedre L') Pafteur. . ' . U
Beets (J. J.) . • • T*
Berkhout (V. J.) i.
Clarion (A.) Pafteur. i-
Confiftoire (Le) de 1'Eglife Walonne. . 8.
Cramerus (J. C.) ... . i.
Crocq- (P. Du) . ... h
Coule (Pierre Si mon) . . . i.
Deflbnt CM M.) ... f*
Enfchedé (].) • • • *r
Enfchedé CA.) . „ • . • t *•
Hogendorp CMad. la Veuve-Van) née Teflarr. ï.
Kuenen CJ- P-) • • . . i.
Kuenen CJ- D.) * . • • • *•
Langrune (R. E.) . . • T":
Lee CP. Van) • _ * . . i.
Mandele (Mlle M. J. Van de) . . i.
Quarles (N.) . *•
Scholting CJacob) ... *•
Vegens (D.) funior. . . i.
Wal (T. G. Van der) . • •«„•.• I*
Zanen (Mad. M. M. Le Leu de Wilhem,Veuve Van) i.
Zebergh (Adriaan Van) . . *>
Harderwyk.
Font CJ- G- La^ Pafteur- ... 2.
Lambrechts, Pafteur a Hierde. . . I*
Luyken (W. C.) V. D. M. . • h
Muntinghe (H.) Theol. Doel. & Prof. . i.
Nvhoff (B.) Profefleur en Philofophie. . U
Schacht CJ- H.) Profefleur en Theologie. i. *
Westerveld CMlle F. M. Van) d'Eflemburg. J,
La H a y e.
Aa (D. Van der) . . . i.
Baalde CR.) • • • !*
Elout, Qonfeiller £
Emants (M«e. G.) . -
tvi LISTE DES SOUSCRI PTEURS.
M. M. Exempt.
Hartman, Confcillcr. . i.
Hartman, Reccveur, . i,
Kafteele (M'ie. Van de) ... i.
Kerkinan, Avocat. . . . i.
NoordiukQ. B.; S. S. Theol. Doft. & V. D. M. i, .
Noordink (J. B.j pour N. N. 2.
Potier, Procureur. ... . 1.
Rofcam (P.) Confeiller. 1,
Rofcam (Mlle. S. L.) . . 1.
Thomeeze, Procureur. . . . 1,
Voute (Mad. la Veuve) née Maizonnet, . 1.
Voute (Mad.) née Noordjng. . . 1.
Wynperfe (J. H. Van de) V. D. M. . 3,
Hulst.
Gallandat (J. H.) Médecin. , . 4 2.
L e i d e.
Begram (H.) . . . • . 1.
Bennezet (J. P. L.) Propofant. . . i.
Biuffé (Abraham) Propofant. . . 1/
Lelyveld (Paul Van) ... 1.
Leyden (Douariere De) d'Oostvoorn. . 1.
Meyer (Pierre) . . . 1,
Musketier (A.) . * . . 1.
Neel (Robt. Jean) 1.
Noort (W. J. Van) . . . 1.
Pasquier (j.) Ancien Pafteur de Maftricht. . 1,
Feene (M. A. Van) 1.
Pompe (T- P.) Van Meerdcrvnort. . i,
Rau (S. F. JO P'of. Ord. en Théol. & Pafteur. 1,
Sandifort (Ed.) Prof. en Méd. Anat. & Chir. . 1.
♦Souchay (j. C.) Pafteur. 1. Swart (Arend Bernard) . . .1.
W****. (Mad. la Veuve) . 1.
W. (V. L.) 1.
Mjddelbourg.
Appelius (L.) Pafteur. . . . 1.
Solingen (A. Van) Doet, en Médecine, . 1.
N a e r D e n.
Merkus (j. G.) Pafteur. 1.
Ni.
LISTE DES SOUSCRIPTEURS. xvii
1M. M. Exempl.
N i m É g u e.
Smits (Leonard Jean) . . i.
Rotterdam.
Batenburg (Mlle S. J. B. d'Imbyze De) . i.
Bauldry (Mlle) . i
Beelaarts (A. VV.) . i.
Beeldemaker (N.) . * *. j.
Boudet (Mad. la Veuve) née Smit. . . k.
Bylaard (J. Van den) i.
Certon (J. G.) Pafteur. . . . i.
Chaufepié (G. S. De) Propofant. . . i.
Delprat (Mlle) . . . . . i.
Fauchey (P.) , . . i.
Fauchey (J. G.) . i
Frefcarode (J. Th.) . . . i."
Frefcarode (J. H.) . . . j,
Geraud (S.j Pafteur. . . . i.
Groeninx (Mad.) Van Zoelen van Ridderkerk. i.
Guilhemanfon (A.) . . , i. Hubert (J.) .
Hubert (J.) junior, . . . i.
Marchand (j. Le). . . . . i.
Menil (D.) . . . . i.
Nible (Mad. la Veuve Dé la) née Thomas . i.
Regnere.(P. J.La) . . . i.
Staveren (L. H. Van) van Aalst. . . i.
Verftolk (A.) . . . . i.
Vis (D.) Libraire. j
Voute (A. CO Pafteur. ... 2!
Wachter (G. H.) . . . 2.
Schiedam.
Beckkom (Thomas Van) Préïre Catholique
Romain. * , . , . j,
T h o l e n.
Mazel (L. C.) Pafteur. . . - . 1. Utrecht.
Amerongen (Le Baron Taets D') Sgr, d'Oud-
Ameliswaerd. . » .'" 1. '
** 5 Aroe-
xviii LISTE DES SOUSCRIPTEURS.
M. M. ËxetnpU
Aroerongen (Le Baron Taets D') Sgr. de Schalk-
wyk. . ... i.
Baanmans (Mlle Hefter Wilhelmina) . i.
Bleuland (J.) M. D. & Prof. . . t>
Capellen (Mad. la Baronne De) Dame de Ber-
koude- .... i.
Capellen (Mad. la Baronne De) de Eoedelhoff. i.
Cafembroot (Mad. la Baronne De) Dame de
Termoer. .... I.
Chatelain (J. H.) Pafteur. . . i.
Chaufepié (Mlles De) ... i.
Collin (Mad. la Veuve) née Vernefobre. . U
Confiftoire (Les Membres du) de 1'Eglife Walonne, favoir M. M.
Jean Alexander Rang, Pafteur. . . S* Guillaume Craayvanger . • !• P. E. Voet van Winsfen, Sgr. de Zevenhoven. . i. T. T. Roflyn, Profefleur en Philofophie. i. Gysbert Frederic Feith. , . U C. R. van Bronkhorft. . . U Jean Simon Gobius. • . li jaques Herman Lufneu. . I. H. M. Van Asch van Wyk. . I.
Court (Mad. C. S. De la) . • i«
Derfelden (Mad. la Baronne De) . J»
Ferrand (Mlles) . . . . i.
Giloyen (Mlle) . . . i.
Joly (Mlle E.) I.
Mangard (Pierre) . . . i.
Muelen (Mad. Van der) de Maarsfenbroek, née
Maleprade. .... ï«
Rau (S.) Profefleur. ■ . . . ï.
Styrum (A. Van) *•
Thellung (Mlle) . . . . I.
Tombe (J. Des) .... I.
Weyland (H.) Pafteur. . . . i.
Wtewaal (J.) . • • u
V E E R E.
Gendt (J. G. Van) Pafteur. , ï »•
VMM
LISTE DES SOUSCRIPTEURS. xix
M. M. Exempl. V u n i.
Lemker (J.) Pafteur. , 2.
voorbourc,
Voute (Mad. la Veuve) née Jcard. . 2. Zwol.
Podt (G. F. J.) . . . . ï.
Queylen (H. R.) * . . . j.
SUISSE.
Princip.alement dans IePAYs de Vaud, A g 1 e z.
Comba (J. A. J.) Pafteur. . , 1.
A ï g t, e.
Aviolat,Pere, Secretaire Gouvernail. . 1.
EertholetFalconnet, AffefTeur Gouv. . i.
Loïs (De) Bérard, Receveur de L. L. E. E. j,
EiLE,
Meftrezat, Pafteur. . . . 1. Wit (Mad. De) née Cliffbrt. . . 1.
B e r n e.
Bondely (De) Du Chatellard. . . i.
Bucher (Mad.) née De Dïkkersberg. . 1.
Graftenried (De) de Blonay,. .1. May (Mad.) née De Graftenried de Blonay . i.
Tfchiffély (A.) du Confeil Souverain. . 1.
Watteville (De) de Belp . . 1.
Watteville (Mad. De) de Diesbach, née De
Watteville. ♦ , . U
B e x.
Favre (L. H.) Directeur des Salines. . i$
Chevroux. Morell, Miniftre. . . . . 1.
Chezeaux. Gauthard (De) . . . .1.
c h i l l, o n.
Varnery (J.) Capitaine Commandant. . t.
xx LISTE DES SOUSCRIPTEURS.
M. M. Exempl.
C o r S i E.
Montet (De) Banneret. . . , i. Crissier.
Rechc (Le) Pafteur. . . . i.
DlESBACH
Tfchiffély (V. A.) Pafteur. . . i.
Frauenfelt.
Zwingli, Pafteur, i,
G E n e V e.
Baflet, Miniftre. . . ... i.
Bibliotheque (La) de 1'Académie. . . i.
■Claparéde, Pafteur, & Profefleur en Théologie, i.
Compagnie (La) des Etudians en Théologie. . i.
Martin -Bemand. . . . . • i.
Pafteur (G.) Pafteur, & Prof. en Hift. Eccl. . i.
Rilliet (Mad.) née Fatio. . . " . i,
Société (La) des Pafteurs. . . i.
Stoetz (De) i.
H auteville.
Hinchoz, Docteur en Médecine. . -. i, Lausanne.
Bally (J. J.) Miniftre. . i.
Blacquiere (Mad.) née De Rapin. . . i.
Bourgeois, l'Amériquain. i.
Pugnion (.(. T.) Paiteur Archi-Diacre. , i.
Bugnion (Ch. P.) Pafteur pour Mont. . i. Chavannes (E. L.) Premier Pafteur Doyen de ' la Clafle.. . . . ', i.
Chavannes (A. C.) Profefleur en Théologie. i.
Gindroz (J. D. B.) Bachelkr óc Miniftre. . i.
Hardy. . . , . . i.
Levade (D.) Mmiftre. . . i.'
Pichard, P.-.fteur. , . . i.
Pilirier, Miniftre. i.
Tiffot, Docteur en Médeeine & Prof. Hon. . i. Veirzy, Miniftre. . . .1.
L u c e n s.
Briad., Pafteur. . . . . I,
LISTE DES SOUSCRIPTEURS. xxi M. M. Exempl.
L u t r i.
Dellient, Pafteur. ... . j.
Meftral (Mad. De) de St. Saphorin, née Guigner. i.
Mexieres.
Veyre. .... ... . i.
montagky.
Vére (A. C.) Pafteur. . . . i.'
Montreux.
Dutoit, Miniftre. , . r.
Viucent, Fjls, Miniftre. . i.
M o r g e S.
Guex, Pafteur; pour la Bibliothéque publique. i.
Pache Collet. . . . . i.
Pache de St. Prex. . i.
M o t i e r s.
Martin (J. A.) Pafteur. . . i.
M o u d o n.
Bourgeois, Pafteur Doyen de la Clafle. . i.
Bridel, Pafteur. .... . . i.
Chriftinat, Miniftre. i.
Fabri. . . . . . . i. *
Neüchatel.
Bibliothéque (La) des Pafteurs du Pays. . i.
Chaillet, Pafteur. . ... 7.
N 1 o n.
Boifot, Premier Pafteur. . ♦ ♦ 1.
Chatelanat, Miniftre. ... 2.
Fléchere (De la) Aflefteur Baillival. . %.
Gaudin, Miniftre. . . . . ï. Saladin, Sgr. Du Craux. . . .1.
ö r b e. ,
Carrard De Goumoëns. . .1.
Carrard, Miniftre. . 1.
Marendaz, Pafteur. . . • ia
Palézieux.
Michaud (J. G.) Pafteur. 1. Payerne.
Butt&x (E.) Miniftre. . . k ? V ii
R 0 L-
ttn LISTE DES SOUSCRIPTEURS.
M. M. Exeir.pl*
R 0 li l e,
Croufaz, Pafteur. . ï.
Salgaz (C. De) i.
St. Saphorin.
Guillieron, Pafteur. . i.
SzÉBERG.
Baumann. . . . . i.
Tour-du-Peil.
Baron (P. E.) . i.
Baron (A.) . ... i.
Croufaz (Mad. De) née De Croufaz. . 1.
PicTret} -Miniftre. . . i.
V e v a y.
Adair (J. S.) . . . . i.
Apples (D') Confeiller & Echevin. . j.
Baud (P. T.) i.
Bayer(Otto) . . . . ï.
Béranger, Pere . . . . u
Blache (|.'D.) . - . i.
Blache (F.) . . . i.
Blanc (J. P.) • . i.
Bornard (Mad.) née Gugnet. . . ï.
BofTon (Du) Affcfieur Baillival. . . I.
Burnat, Confeiller Lieutenant de Juftice. . i.
Canac, B. de St. Legier. . . i.
Carlen (J.) . . . U
Carrard, Miniftre. i.
Champel, Fils. . I.
Chaftelain (Mad.) née Hugonjn. . . i.
Chatelain (D. Z.) Miniftre. . . 2.
Chatelain (Mad.) r,é-Smith. 1.
Chatelain (Mlle S. E.) k.
Chatelain (N.) . . . .1.
Chavannes (F.) Premier Pafteur Doyen de la
Clafle. • . . «*
Chavannes (D.) Miniftre. . . .1.
Chénebié & Lortfcher, Libraires. . I»
Chevallier (Mad.) née Loup. . . $4
Cniron, Echevin. ... .1.
Corboz (D. A.) 1.
Cofterd(De) , . . . x
- C0U1
LISTE DES SOUSCRIPTEURS. xxm
M. M. Exempl,
Couvreu (C. E.) .Lieutenant Baillival. . t,
Couvreu. ... . . I*
Craux (H. Du) . • . ' i.
Cuche (J. P.) . . - .1.
Curchod. . . . . It
Dekkersberg CDe) Confeiller. . . X.
Dénefi CDe) Lieutenant Baillival a Moudon. i.
Doret (J. F.) . . . • I*
Doz (Mad.) née Bérard. ... 3.
Facio. . .... i.
Favergé (Mad.) née Du Praz. . • X.
Grenièr (Mad.) née Blanc. . . . i.
Grenier (Mad.) née Muller. . . I»
Hankin (G. A.) i.
Fiermann, Direéleur des Péages. . . I.
Hinchoz Du Four . . I.
Hugonin (Mlle L.) I.
Jacquemin, Colonel. . . . . i.
Jacquemin CG.) ... i.
Jofray (H- A. P. De) . I.
Joyeux (Mad.) née Miellaux. . . i, jugla (J.) . . . .1.
KenTbyl, Conful de la République Batave a
Livource. . • . x»
Larcher CF.) . • • t»
Larcher (Mlles) i.
Lom N. F. De) Confeiller. i.
Lor (Mad. De) née Marindin. . . i.
Loup (Fr.) . . . . I.
Mange CMad.) née Borny. . , . . %»
Mangeant (Mlle) . . . 2.
Marindin, Premier Pafteur. . . . U
Mellet (De) Chatelain & Banneret. . i.
Meftrezat, Colonel. . . i.
Meftrezat (Mad.) . . . i.
Meuron CMad.) née Roux. i.
Montet (De) Echevin. i.
Montet (Mad. De) née Rosfier. .. . x.
Morin, Miniftre. i.
Nicolier CMad.) née Mellet. . . I.
Pafchoud, Fils. . ê , . X.
Penei (J. A.) Echevin. % • i-
Fer-
xxiv LISTE DES SOUSCRIPTEURS.
M. M. Exmpl.
Perdonner, Capitaine. . . • *•
Parret, Colonel. . . . »• Perret (A) Confeiller. . .
Praz (Du) . . . . ï-
Praz(Mad. Du) . . *•
Roquette. . . . . i.
Rosfier(B.) . . . . i-
Schaerer, Pafteur Allemand. . . f «
Schalleymer (J. F.) de Lion. . . i.
Secretan (Mad.) née D'Appel. . i-
Ulm. . • . . i.
Utin (Mad.) née Philipon. . . . i-
Vautier (E. L.) . . t . i-
VlLLARZEL.
Rapin, Pafteur. . . . • Ü
. VlLLE tt£.
Oloz (D.) Pafteur. i « *> Weitaux.
Roflet. h
Y V E R D U N.
Hermann, Pafteur Allemand. . • i.
Panferot (Mad) née De Veley.' . • ï.
Veley (De) Miniftre. . .. • . i.
Z u r i c h. *
Bibliothéque (La) de 1'Académie. . i.
Konauw (Mad.) née Smith. . . . i.
Lavater (J. G:) Pafteur. . . i.
Zwingli, Doftcur en Médecine. . . u
SER-
SERMON
SUR
U IGNORANCE DES HOMMES.
ffius fommes du jour d'hier, £p nous m favons rien. Job VIII. 9.
Avant de traiter ces paroles, M. F..? fous le point de vue oü j'ai delTein de vous les faire confidérer dans ce discours ; il faut remarquer d'un cö.té , .que, quoique celui qui les a proférées n'ait pas toujours été irrépréhenfible .dans fes entretiens avec Job, non plus ,que fes deux compagnons Eliphas & Tfophar , ce qu'il dit dans mon texte ne laiJTe pas d'être en foi trés véritable .& utile a méditer: & d'un autre cör,é^ que ces mêmes paroles, quoique partir culiérement relatives aux précédentes ^ font cependant d'une .vérité générale. Tom. L A Que
2 SERMON
Que ce que Bildad exprime dans les paroles de mon*texte, foit véritable & digne de méditation, c'eft ce que juftifieront fuffifamment les réflexions qui nous occuperont, fous la bénédiétion divine, dans le corps de ce difcours. Ce n'eft donc que fur notre feconde reraarque, que nous allons un moment nous étendre.
Selon la liaifon, comme font remarqué d'habiles interpre tes, Bildad femble mettre ici en oppofition la courte vie & le peu d'expérience des hommes de fon temps, avec le grand age oü étoient parvenus les Patriarches, & les lumieres que plufieurs fiecles de vie leur avoient donné moyen d'acquérir : puifqu'après avoir dit a Job, informe tol, je te prie, des races précédentes , applique toi è finformer avec foin de leurs Peres ; il ajoute pour motiver cette exhortation, car nous fommes du jour d'hier , nous ne favons rien y parceque nos jours font Jur la terre comme une ombre. Comme s'il difoit; „ les hommes vivent mainte„ nant fi peu, les jours que Dieu leur
ac-
fur Fignorance des hommes. 3
„ accorde ici - bas font -en fi petit „ nombre , qu'ils n'ont pas le temps „ d'apprendre beaucoup par eux-mêmes, 3, & que les connoiffances qu'ils peu,, vent acquérir par leurs propres ob. „ fervations, indépendamment de celles „ qui leur ont été tranfmifes par leurs „ Ancêtres , fe réduifent k fort pen „ de chofe." Et felon cette même Uaifon, ces paroles fe rapportoient fpécialement a la connoiffance que les hommes peuvent acquérir, fur la ma» niere dont Dieu agit ici-bas envers les bons & envers les méchans,.
Mais ces mêmes paroles peuvent recevoir une fignification beaucoup plus étendue, & exprimer en général 1'igno^ rance oü nous fommes, même a 1'égard des chofes qui nous font le plus connues. Elles ne veulent pas dire „que „ nous ne fommes furs de rien , que „ toutes nos connoiffances font incer-
taines , & que la vérité nous efl: „ entiérement cachée.'' Jamais homme fage n'a été dans cette penfée ; & le plus hardi Sceptique, en difant qu'il faut A 2 dou-
4
SERMON
douter de tout , ne doute lui - même ni de fon exiftence , ni de plufieurs autres chofes , fur lefquelles , comme trés certaines , il regie fes projets & fes démarches. Les hommes , & furtout ceux qui ont penfé, réfléchi, médité ; qui ont étudié les fciences & la Religion , fait attention a ce qui fe paffe dans le monde, & joint ainfi leurs propres obfervations a celles que d'autres ont faites avant eux; les hommes, dis-je, fa vent beaucoup. Mais ce qu'ils favent, eft peu de chofe au prix de ce qu'ils ignorent. Et comme le peu qu'il y a que nous vivons , autorife cette phrafe, nous ne fommes que du jour d'hier: de même le peu d'étendue de nos connoiffances fonde cette autre expreffion, nous ne favons rien.
C'eft fur la Nature & les Caufes de cette ignorance, que j'ai deffein de vous entretenir dans deux Parties générales, dont je viens d'indiquer la matiere. I. Nous montrerons que les connoiffances humaines font fort bornées. II. Nous rechercherons d'oU yient que nous favons fi
fur Tignorance des hommes* 5
ï. PARTIE,
Premiérement je dis, que les connois* fances hummies font fort bomées* Pour mettre de 1'ordre dans nos réflexions fur ce fujet, nous réduirons a quelques chefs les divers objets de nos connoisfances, & nous vous montrerons fucceffivement que les hommes ne favent tien, c'eft-a-dire, fort peu de chofe , au prix de ce qu'ils ignorent encore, I. Par rapport a eux-mêmes. II. Par rapport aux objets qui les environnent*
III. Par rapport aux fciences humaines*
IV. Par rapport a VEtre fuprême. V. Par rapport a Vozconomie a-venir.
I. Je dis, M. Fr., que nous fommes dans 1'ignorance a plufieurs égards, par rapport a nous mêmes. Nous ne pouvons pas douter de la réalité de notre exiftence. Nous en fommes intimément convaincus. Un fentiment, fupérieur a tous les argumens qu'un fophifte pourroit imaginer -pour nous prouver le contraire , nous affure que nous fommes quelque chofe, & non pas un pur A 3 né-
6
SERMON
néant. La penfée, le plaifir, la doü- , leur, en font des preuves; car comment pourrions nous penfer & fentir, fi nous n'étions pas ? Nous fommes donc, & nous le favons a n'en pouvoir douter. Maïs que fommes nous ? Des êtres compofés d'un corps organifé, & d'une ame intelligente : deux fubftances d'une nature tres différente , mais fi étroitement unies, qu'elles- font enfemble un feul tout. Cette union feule; fans parler des organes du corps , & des facultés de 1'ame; cette union feule, dis-je,eft déja un profond myflere, dont la nature met en défaut la fagacité des plus habiles Philofophes. Aucun des fyftêmes dont ils fe fervent pour 1'expliquer , n'effc fans difficultés. Dire avec les uns, que quand 1'ame humaine veut quelque chofe, Dieu exécute luimême cette volonté en imprimant au corps les mouvemens néceffaires; & que quand le corps eft affeclé de certaine maniere, Dieu excite lui-même dans 1'ame certaines fenfations: ou bien , dire avec d'autres , que le corps &
fur rignorance des hommes. 7
1'ame font tellement cpnftitués, qu'a mefure que les mouvemens de 1'un & les penfées de 1'autre fe développent, ces mouvemens & ces penfées fe correfpondent; a peu pres comme dans deux horloges, dont 1'une fonneroit les heures, tandisque 1'autre les indiqueroit: c'eft moins expliquer. 1'union de 1'ame & du corps, que la nier «Sc la détruire. Dire que Dieu a donné a 1'ame le pouvoir de remuer fon corps, & au corps "la faculté d'agir fur fon ame, c'eft mieux conferver leur union réciproque & rendre d'ailleurs 1'homme refponfable de- fes aélions, que dans les deux autres hypothefes. Mais quoique cette influence mutuelle explique mieux comment 1'homme eft un feul tout, & comment il eft 1'auteur de fes aélions ; nous ignorons toujours comment 1'ame & le corps peuvent agir 1'un fur 1'autre. Et c'eft même la difficulté qu'on y trouve, qui.a fait naitre ces deux autres, fuppofitions.
II. Mais fi 1'homme fe connoit fi peu lui-même, connoit il mieux les objets A 4 «w
§ SERMON
qui Unvironmnt ? II fait qu'ils exiftenLII ne peut pas douter qu'il n'y ait autour de lui des hommes & dés aniraaux; une terre qui Ie porte , des aftres qui 1'éclairent; desnuages, despluyes, des mers, des rivieres;. des arbres, des plantes, des minéraux. Plufieurs de ces chofes font foumifes a fon pouvoir , a fon induftrie. 11 coupe le bois; il taille lti pierre; il fond les métaux; il tranfplante les végétaux; il tue des animaux , fé nourit de leur chair & fe couvre de leur dépouille: il fe batit des édifices , il fe conftruit des vaiffeaux, il fe procure mille commodités par leS matieres qui font a fa portée. Dire que toutes ces chofes n'exiftent pas réeliement , qu'il n'y a point de matiere, mais que Dieu fait fur nous des impreflions qui nous perfuadent qu'il y en a; c'eft ouvrir la porte a un Pyrrhonisme univerfel, attribuer è Dieu de nous faire une illufion perpétuelle , & ébranler plufieurs dogmes du Chriftianhme ,. qui fuppofene ïiéceffairemenÈ 1'exiftence des corps. Sü»$* ^es matieres dont nous ne pou-
vo$s
fur Fignorance des hommes. §
vons nier 1'exiftence, les connoiflons nous parfaitement?Savons nous au jufte,comment les graines fe développent; comment la lumiere nous éclaire; comment le feu nous échauffe ; comment les alimens nous nouriffent ? Savons nous au jufte, en quoi Tor, 1'argent, le fer & le euivre, différent 1'un de 1'autre? Savons nous , quelle eft la flgure & la grandeur des particules de 1'eau ? Savons nous comment le froid durcit les fluïdes ? du ventre de qui fort la glacé , Xxxvm qui engendre les frimats ; comment les 29, 30. eaux fe cachent étant devenues comme une ■pierre; comment le deffus de Fabime fe prend? Les Phyficiens les plus confommés , les plus habiles Chymiftes, les Obfervateurs les plus exaéts, en faifant tous les jours de nouvelles découvertes fur les merveilles de la Nature, augmentent, fans-doute , leurs connoiffances, dévoilent des vérités encore inconnues, & détruifcnt bien des erreurs : mais leur fcience ne s'étend après-tout, qu'a favoir que telle & telle chofe a lieu, fans pouvoir dire comment elle a lieiu A $ Et
ro SERMON
Et de plus, ce qu'ils favent, eft peu de chofe au prix de ce qu'ils ignorent: & leurs plus brillantes lumieres, font accompagnées de grandes obfcurités.
III. C'eft ce qui nous conduit a un troifieme article, je veux dire, les hornes de nos connoiffances par rapport aux fcimces humaims. Qu'elles font nobles ces fciences ! Qu'elles font dignes d'être cultivées! Qu'elles font utiles au genre humain! Malheur è la fociété qui les méprife & qui négligé de les encourager ! Sans elles , les hommes vivent en fauvages : & non - feulement elles ont la plus heureufe influence fur la fociété civile , elles font encore de la plus grande utilité pour 1'avancement de la Religion. La Métaphyfique , la Phylique expérimentale , - 1'Anatomie , 1'Aftronomie, la Botaniqüe, fourniffent des preuves démonftratives de 1'exiftence d'un Etre, Créateur & Confervateur du monde, Ami & Bienfaiteur du genre humain. Et plus on étudie la nature , plus on y trouve de preuves de la véLao rité de cc mot de Ut. Paul, les chofes
in*
fur V ignorante des hommes. n
invifihlei de Dieu, fa puiffance éternelle êP fa diyinité, fe yoyent comme a Voeïl depuis la création du monde, étant confidérées dans fes ouyrages.
Ces mêmes fciences font de la plus grande utilité pour le bonheur temporel des hommes. L'Etude des plantes & des minéraux, & celle de la ftruéture du Corps humain , apprennent a un Médecin expert, a donner aux malades des remedes , qui fouvant ont la plus heureufe efficace, & font vivre des hommes qui touchoient aux portes de la mort. La navigation, fi néceffaire pour le commerce, doit a l'Aftronomie & a la Méchanique une grande partie de fes fuccès. Mais toutes ces fciences, qui ont fait tant de progrès dans notre fiecle, ne font pas encore épuifées: On peut encore y faire de nouveaux progrès ; & quelques progrès qu'on y faffe , il y aura toujours parmi les vérités qu'on y découvrira ou qu'on y a déja découvertes, des chofes ou incompréhenfibles , ou dont on ne fauroit rendre raifon» Pourquoi, par exemple,
ia SERMON
jfupiter a-t-il quatre fatellites, tandis que la terre n'en a qu'un feul ? Pour* quoi Saturne, qui en a cinq, eft - il de plus entouré d'un anneau lumineux ? Dirons nous que c'eft pour mieux éclairer ces globes, qüi, étant plus éloigné3 du foleil que la terre, ne re^oivent pas les influences de eet aftre au même degré que nous ? Mais d'oü vient donc que Mars, plus éloigné du foleil que nous ne le fommes , n'eft accompagné iïaucun fatellite ?• Et combien d'autres queftions de cette nature ne pourroit on pas faire, aux - quelles le plus éclai* ré des hommes ne fauroit répondre ?
IV. Mais fi les hommes n'ont qu'une connoiffance imparfaite de la Nature , combien défeétueufe doit être celle qu'ils ont de fon Auteur? Si les fciences qui ont pour objet des êtres finis font inépuifables, comment épuiferoientils celle dont 1'objet eft ÏEtre infini ? Réuniffez ici toutes les lumieres que la Raifon & la Révélation nous donnent fur le Créateur du monde : raffemblez tout ce qu'elles nous enfeignent de la
na-
fur Fignorance des hommes. 13
nature & des perfeélions de 1'Etre fu* prêrae. Qu'en favez vous au prix de ce qui furpafle votre compréhenfion ? Je fais, a n'en pouvoir douter , que 1'Auteur de' toutes chofes eft êternel, puisqu'aucun autre être n'a pu lui donner rexiftence, & que ne 1'ayant pas , il ne pouvoit pas fe la donner, d'oü réfulte qu'il Fa toujours eue. Mais cette éternité, (que 1'Athée même admet, puisqu'il 1'attribue au monde, ou a la matiere,) cette durée fans commencement, pouvons nous nous en .former une idee jufte & claire ? Je fais que Dieu a toutes fortes de perfeclions : mais quand j'aurai réuni dans mon idee toutes les perfeétions imaginables , & décidé que Dieu les a; oferai-je décider qu'il n'en a pas d'avantage , & que tous fes attributs nous font connus ? Je fais par la Révélation , que Dieu , qui eft unique , eft Tere , Fils, & St. Efprit: mais fai -je au jufte en quoi confifte ce qui diftingue ces trois 1'un de 1'autre, & comment ils font un ? Je fai que Dieu dans fes décrets, dans fes
ou-
ld.
SERMON
I Pier.
I. 12.
Phil.ii.12. Tite IL 12.
Rom, II. 6.
Héb. IX. 2?.
ouvrages , dans fes dispenfations , eft toujours bon , toujours fage, toujours jufte: mais fuis-je en état de montrer en détail dans chacune de fes dispenfations , de fes oeuvres, de fes volontés 9 combien elles font conformes a cette bonté, a cette fageffe, a cette juftice? Et ne font ce pas la des chofes, oü les Anges même ne fauroient voir jusquau fond?
V. Enfin, que favons nous, je vous prie, relativement a Voeconomie future? Affez, fans-doute, pour travailler anotre falut avec crainte £s? tremblement ; affez pour renoncer, fi nous fommes fages, è. rimpiêté aux mondaines convoïtifes, & pour vlvre dans ce préfent fiecle , fobre* ment, jujlement ê? religieufement. La Raifon fournit quelques motifs a croire, & la Révélation confirme , que Dieu ■rendra h chacun felon fes oeuvres, & qiïapres la mort Juit le jugement. Celleci nous donne même,'avec la certitude de la chofe , de grandes lumieres fur la maniere dont elle aura lieu: témoin les defcriptions que Jesus - Christ &
fes
fur t ignorante des hommes. 15
fes Apötres nous font, tant du dernier jugement, que de 1'état des bienheureux reffufcités. Mais avons nous une idéé jufte de eet état ? Nous qui fommes dans m corps fenfuel, favons nous ce qu'effc un corps fpirituel ? Les termes tThéritage, de royawne, de courome, de richeffes, de plaifirs, de joie, d'honeur, & de gloire, nous donnent ils autre chofe qu'une idéé vague & confufe, quoique raviffante, des biens de 1'autre vie ? Ah I ce font des chofes inénarrobles, qu'il nefi pas pofihle è 1'homme d"exprimer. Ce font des chofes que ïoeil na point vues, que ïoreïlle na point ouïes, qui rit fint point montées au coeur de Fhomme, lesquelles Dieu a préparées h ceux qui l'aiment.
Convenons en donc. A tous ces -égards, il en efb de nos connoiffances comme de notre vie. Nous fommes du jour dhier, ê? nous ne favons rien. Quelles font les Caufes de cette ignorante ? C eft ce que nous allons montrer dans la feconde Partie de ce discours.
IL
1 Cor. XV. 44-
2 Cor. XII. 4.
1 Cor. [I. 9.
PC
XXXIX. 6. t
%6 SERMOIf II. P A R T I E.
I. La nouveauté de notre exiften.ce. II. La nature des chofes. lil. Le défaut de moyens. IV. Les vues de ïozconomie prér fente. V. Enfin, notre propre nègligence: font autant de fources différentes de 1'imperfeclion de nos connoiffances.
I. La première de ces fources eft marr quée dans mon texte; je veux dire, Ia nouveauté de notre exiflence ; nous fommes du jour d'hier, C'eft-a-dire, il y a peu que nous fommes au monde ; & nous avons peu de tems a y demeurer, eu égard au grand nombre de chofes qu'on peut apprendre. Euffions nous , avec les fecours que nous avons pour nous inftruire, une vie auffi longue que celle des Patriarches , encore n'épuiferions nous pas les fources qui s'ouvrent a notre intelligence. Combien moins , dans une vie réduite a la mefure de quatre doigts, & a la fin Ia plus reculce de laquelle , nous avons lieu de dire que nous fommes du jour précédent ? Dans 1'enfance, on n'eft pas capable d'ap-
pren-
fur Tignorance des hommes.
17
prendre certaines chofes avec 1'applica» don & la réflexion néceffaires. 'Le fommeil , indifpenfable pour le corps & pour 1'efprit, emporte une partie de notre tems. II faut tous les jours donner des momens aux befoins- de la vie animale. La néceffité de nous occuper des affaires de notre vocation , nous cmpêche de faire certaines études, certaines obfervations : ou fi notre pofte exige que nous nous appliquions 3 quelque fcience, cela même- nous empêche de nous livrer a d'autres genres d'étude, affez pour y faire des progrès confidérables. Rien de plus fondé que ce mot, la fcience efl longue , la vie eft courte. Bien des gens , fans doute , pourroient favoir plus qu'ils ne favent, & perdent a des chofes vaines & frivoles un tems précieux qu'ils pourroient mieux employer. Mais fans inllfter ici fur cette réflexion , remarquons feule* ment, que ceux qui mettent Je mieux leur tems a profit, & qui au bout d'une longue carrière , peuvent fe rendre Ie témoignage qu'ils ont travaillé avec zel Tom. I. B l
i8
SERMON.
a étendre leurs connoiffances; que ceuxla même, dis-je, ont lieu de dire, nous fommes du jour d'hier, nous ne favons rien.
II. Un fecond obftacle qui s'oppofö a ce que nous multipliions a certain point nos lumieres, c'eft la nature même des chofes.
Premiérement tous les ouvrages de Dieu, quoique finis & bornés , parceque ce font des eréatures, portent rerripreinte de la main de 1'Etre infini. Plufieurs parties de 1'Univers -font irop éloignées de nous, pour en acquérir une connoiffance fort étendue. Nous voyons les é'toiles fixes briller comme des étincelles, & nous favons par les obfervations des favans , que ces prétendues étincelles font des globes d'une vafte grandeur. Mais de déterminer leur grandeur précife, & la diftance qui les fépare d'avec nous ou les unes des autres, c'eft ce que leur diftance même a rendu jufqu'ici impoffible : les conjeélures, même les plus vraifemblables, qu'on puiffe faire a eet égard, font en-
fur lignorante des hommes. ij}
core bien incertaines; & la feule chofe que nous en apprenons avec certitude» c'eft que les Cieux raconient la gloire du Dieu Fort, que Vétendue donne a connoitre ïouvrage de fes mains. Les Aftronoraes favent par des calculs fur lesquels on peut fe fier, que le foleil eft au moins un million de fois grand comme la terre ; & tous les hommes favent qu'il eft pour eux une fource de lumiere , & qu'il excite la chaleur. Mais comment il nous éclaire, comment il nous échauffe, comment il ne s'affoibl't & ne s'épuife depuis tout le tems qu'il lance fes rayons , c'eft encore un problême a réfoudre. Les plus petits objets que nous connoiffons parmi les êtres organifés , font cornpofés d'une multitude de parties. Le corps d'une abeille, d'une chenille, d'une araignée, renferme des refforts innombrables: & de quelle délicateffe doiyent ,être ceux qui font vivre & mouvoir ces infeétes , dont le microfcope découvre a peine la figure extérieure?
Quant aux myfteres 4e la Religion^
pf.
fa
20
SERMON
i Cor. Xiil. o.
1 Cor. II. 10.
2 Pier. II. 4.
Pf. CXXXIX. 6.
Job ■ XXXV. II.
quoique nous les connoijfons en partie, nous les ignorons en partie, précifément parceque ce font des myfteres , des chofes dont Dieu peut bien nous découvrir la vérité , mais dont notre efprit ne peut jamais comprendre 1'esfence : car , s'il n'y a que Dieu qui connoiffe parfairement les créatures, comment les créatures pourroient-elles connoïtre parfaitement les chofes profondes de Dieu? Sa nature, fes perfeciions fes décrets, les difpenfations de fa providence, le plan qu'il a formé pour la rédemption des hommes coupables, tandis qüil na'point épargné les Anges qui ont pêché: ce font pour nous autant d'énigmes inexplicables ; ce font des chofes trop merveilleufes pour nous, & qui par leur nature même font trop élevées, pour que nous y puijfions atteindre.
III. Le défaut de moyens eft une troifieme caufe de notre ignorance. Dieu nous a donné de 1'intelligence & de 1'induftrie. 11 nous a faits plus éclair és que les animaux de la terre, £2? plus entendus que les oifeaux des deux. Attentif
au
fur X ignorante des hommes. ar
au bonheur de la fociété , & voulant que les hommes employaffent a fa gloire & a leur bien-être les rkheffes dont il a rempli la terre , il fufcite parmi eux des Betfaléel & des Aholiah capables d'inventer ou d'exécuter toutes fortes, iouvrages & d'inftrumens pour le fuccès des arts & des fciences. Avec tout cela, nos moyens font bornés. Quelques-uns nous manquent, d'autres font limités a certains ufages particuliers, & tous font imparfaits. Imperfeélion dans nos facultés intelMtuelles. Nous ne pouvons penfer qu'a Une chofe a la fois: notre, jugement n'eft pas toujours conforme a 1'état des chofes : notre mémoire eft labile & fujette a s'affoiblir par trop ou par trop peu d'exercice: notre imagination fe révolte contre des vérités qui font au - deffus de fa portée: notre attention fe fatigue & s'épuife par 1'application, & ce n'eft qu'a force d'application qu'on peut acquérir certaines connoiffances. Imperfection dans nos organes. Non qu'ils ne foient tels qu'ils devoient 1'être rtlativement aux B 3 ob-
Pf. civ. 24.
Exnd. XXXI. i,3» 6-
sa SERMON
objets qu'ils font dire&ement deftinés a nous faire connoïtre : a eet égard ,dans un corps bien conftitué, nos lens* comme on 1'a trés-bien remarqué, ont toute la perfection requife. Mais oü eft 1'oeil qui puiffe difcerner les parties conftitutives de 1'air que nous refpirons * ou compter les étoiles qui compofent la voie la&ée ? Oü eft la main alfez fubtile pour difféquer les petits aoihiaux, dont le microfcope même nous permet a peine de difcerner la figure , ou de reconnoitre les mouvemens ? Oü eft 1'homme qui puifié aller étudier dans les régions les plus élevées de l'atmofphere, comment s'y forment les météores ; ou parcourir' les abimes de la mer , pour examiner les merveilles qu'enferre fon vafte fein? Jmperfeétion dans les inftrumens que 1'induftrie humaine invente pour fuppléer au défaut des organes. Ni les verres qui grosMent les petits objets, ni ceux a 1'aide defquels on découvre les objets éloi* gnés + ne fauroient nous faire connoitre des objets que leur petiteffe, leur transpa-
fur ngnorwce des hommes. 33
parence , ou leur éloignement, place entiéreraent hors de leur portee. U n'eft pas d'inftrument, d'ailleurs, qui élevé a un nouveau degré de perfection, ne fe trouve par cette perfeélion même, fujet a quelques inconvéniens ou fufceptible de nouvelles caufes d'erreur. Autant d'obftacles que rencontrent nos progrès dans les fciences. Autant d'empêchemens a nous mettre au fait de certaines chofes. Autant de caufes de 1'ignorance oü font, a plufieurs égards , ceux qui par une étude affidue out acquis le plus de lu* mieres.
IV. Les vues de Vozconomie prêfente font auffi une des fources de notre ignorance fur plufieurs objets. Dieu nous a mis dans le monde, non pour f laiffer nos facultés fans exercice, & pour nous plonger dans une ignorance volontaire: mais pour nous inftruire dans la Vérité, & faire fervir nos connoiffances a nourir & a fortifier notre piécé. Mais il ne nous découvre icibas que les bords de fes voyes'. & encore, B 4. mt~
fob
xxvr. 14.
J*l rv. H.
I
1 J
Pf. CIV. i
44. 1 Ka. xvii.'
31. < I
2 Cor. I
24 SERMON
cowfc e/? petite la portion que nous êft connoijfons! Ne nous en étonnons pas. II y a des chofes que nous pourrions favoir , fi Dieu ie vouloic; mais dont fa fageflè & fa bonté nous dérobent expres la connoiflance: témoin l'heureufe ignorauce oü nous fommes fur ce qui arrivera le lendemain, puifque dans une vie mêlée de biens & de maux, la connoiifance de 1'avenir nous feroit funefte. 11 y a des chofes dont Dieu nous refufe la connoiflance, parcequ'elle nous feroit inutile. Que nous importe, par exemple, de favoir aTi jufte combien il y a d'étoiles au firmament, & combien de lieues il y a d'ici a la plus éloignée ? Que nous importe dé favoir combien le tems il s'écoulera depuis celui oü ïous fommes, jüfqu'au jugement deriier : dès que nous favons que Dieu t fait toutes chofes avec fagcffè, & qu'il tous jugera tous en juflicel II y a des :hofes dont une connoiflance plus parai te eft réfervée a une autre oeconoüie,; oü nous ferons admis a yoir, ce u'ici-bas nous femmes appelles a croire;
&
fur Yignorance des hommes. 25
& oü nos organes perfeétionnés nous mettront en état de contempler plus a fond des objets, que notre conftitution préfente ' dérobe entiérement ou en partie a nos recherches. Nous connoisfons en partie , c2? nous prophétifons en partie. Mais quand la perfeclion fera venue, ce qui efl en partie fera aboli: & au lieu que nous yoyons maintenant comme par un miroir obfcurèment, alors nous verrons face a face.
V. Enfin, M. F., une des caufes de notre ignorance , c'eft notre nègligence a nous inftruire. Je fai remarque plus haut, & la chofe n'eft que trop vraie; bien des gens pourroient favoir beaucoup plus qu'ils ne favent, & n'ignorent certaines chofes que paree qu'ils veulent bien les ignorer. Combien d'hommes a qui on peut faire avec Dayid le reproche , quils ne prenent point garde aux öuyrages de l'Eternel, ni a' ïoeuvre de fes mainsl Combien de Chrétiens, a qui 1'on peut dire avec St. Paul, au lieu que vous deviez être maitres vu le tems, vous avez encore befoin qu'on vous
B 5 £»-
iCor.
XIII. 9,
10, 12.
Pf
SXVllI. $. Héb.
66 SERMON
enfeigne quels font les premiers commencemens de la parole de Dieu! Quelle honte, que des créatures raifonnables paffent leur vie fans pouvoir presqne dire , comment elles favent qu'il y a un Dieu! Quelle honte pour des hommes que Dieu honore d'une Révélation furnaturelle, d'ignorer presque ce qu'elle renferme , & de ne faire aucun progrès dans une connoilTance dont dépend leur conduite dans cette vie, & leur état éternel dans celle qui eft a-ventri Ah! ce n'eft point a ceux qui croupiffent ainfi dans une ignorance volontaire, a alléguer des raifons pour s'en difculper! Si après les preuves que Dieu nous a données de fon exiftence, fi après les lumieres dont il a rempli fa Révélation, fi après les occafions qu'il nous fournit de nous inftruire , fi après les moyens qu'il nous procure pour y réusfir; fi, dis-je, après tout cela , nous fommes encore dans 1'ignorance fur certains articles aifés a connóitre, & dont la connoiflance nous eft néceffaire & recommandée : ce n'eft pas a leur na-
tu«
fur Vignoranct des hommes. 27
fcure, a la briéveté de notre tems, è Timperfeélion de nos organes, au défaut de moyens, que nous devons nous en prendrej c'eft a nous mtmes : & è eet'égard la, c'eft uniquement notre faute, fi nous ne favons rien.
APPLICATION.
Rougiffons, M. Fr., fi nous avons quelque reproche a nous faire fur eet article; & indépendamment du compte que nous aurons a rendre, fi nous rejettons volontairement des connoiffances , qui doivent fervir a la gloire de Dieu & a notre propre falut , fentons combien il eft honteux & déshonorant pour une créature humaine, de ne pas cultiver fes facultés intelledtuelles, & de n'employer presque qu'aux befoins & aux plaifirs de la vie animale, cette Raifon , cette intelligence qui nous diftingue fi avantageufement des animaux. C'eft une Lampe de F Eter nel, r qui ne doint point étre mife fous un" boijfeaui mais qui doit fervir a nous
éclai'
Prov.
rx 27.
Math. V. 5-
ü8 SERMON
Math. XXV. 18, 26, 27.
Col. III. 10.
I Jean-. III. 20.
Jean. XVII. 3.
édairer, & dont nous devons augmenter de plus en plus la lumiere. C'eft un talent, qui ne doit pas être enfouï, mais qu'il faut faire valoir autant que 1'occafion & les moyens s'en ofFrent. C'eft un trait de F image de Dieu , qu'il ne faut point laiffer s'efFacer , mais qui doit s'étendre de plus en plus. Plus on acquiert de connoiffances utiles, & plus on relfemble a ce Dieu qui connoit tout, & dont la fcience ne fauroit s'accröitre, paree qu'elle eft infinie.
C'eft fur tout dans les vérkés & les devoirs de la Religion que nous devons nous inftruire. Les myfteres de VJLvangile , & la morale qu'il nous prêche , doivent faire 1'objet de notre étude a tous. Tout le monde ne peut pas s'appliquer aux fciences humaines : le bienêtre de la fociété civile, & le progrès même des fciences, exige qu il y ait des hommes qui ne s'exercent qu'aux arts méchaniques. Mais quiconque défire de fe fauyer, doit connoitre le feul vrat Dieu, c3? celui quila envoyé, JesusChrist. Et quoique Dieu n'exigc pas
de
fur Tignorance des hommes. 2$
de tous le même degré de lumieres , il exige pourtant que tous , chacun felon fa portee., étudient la Religion, & croijfent dans la grace tS? dans la connoisfance de notre Seigneur Sauveur JesusChrist.
Mais en avancant en connoiffance, fouvenons nous qu'elle ne doit pas nous laiffer oififs ni flèriles en bonnes oeuyres, & que ce n'eft même qu'autant qu'elle eft fertile en bonnes oeuvres, qu'elle a véritablcment lieu. II n'en eft pas ici comme des fciences humaines. II n'eft pas iinpoffible qu'un homme vicieux foit Phyficien habile, favant Littérateur , profond Géometre, Médecin expérimenté: mais il eft impoffible qu'un homme vicieux foit bon Chrétien ; puisque le Christianisme eft une doétrine pratique deftinée a nous fanclifier, & qu'il confifte a croire en un Rédempteur faint 6? jufle, qui Sefl donne' lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité & de nous purifier , pour lui être un peuple particulier zelé pour les bonnes oeuvres. C'eft même a ce but que nous devons
rap-
2 Pier. III. 18.
2 Pier. I. 8.
aa.lil.14. Titell. 14.
go SERMON
rapporter toutes nos connoiffances 4 quei qu'en foit 1'objet particulier. Tout tes nos lumieres, doivent, en éclairant notre efprit, épurer notre coeur. Si les fciences humaines n'ont pas une liaifon directe avec les bonnes moeurs, au point de ne pouvoir fubfifter fans elles; on doit pourtant les y faire fervir: '& un favant qui fe laiffe dominer par fa paffions & qui ne fe corrige point de fes vices, eft un homme plus digne de mépris que d'éloge. 11 n'y a aucune Vérité, qui ne nous conduife plus ou moins direétement a la piété; qui a fon tour ne peut fubfifter fans vertu , puis que le plus digne hommage que nous puiffions rendre a 1'Etre fuprême, c'eft de lui obéïr -& de lui reffembler. Concluons le donc, un favant impie, & un Chrêtien vicieux, quelle que foit 1'étendue de leurs lumieres , font les plus méprifables & les plus malheureux de tous les hommes.
C'eft donc a la fanctification , tou? jours imparfaite ic.i-bas, mais qui de jour en jour peut s'accröitre, que nous
,de*
fur ïignorant des hommes* 31
devons rapporter toutes nos connoisfances. Ajouter h notre foi la yertu , &a la vertu la fcience, a la fcience la tem-5 pérance, è la tempérance la patience ,"öla patience la piéte', a la piété ïamour frater nel, & a l''amour fraternel la charité: penfer h 1 toutes les chofes qui font yéritables,- a toutes les chofes qui font véne'rables, h toutes celles qui font jufles, pures, aimables, de bonne renomme'e, conformes è la yertu & dignes de louange : nous ne'toyer de toute fouillurt de chair & d'efprit, achevant la1 fan&ification en la crainte de Dieu: avoir en horreur le mal, nous tenant collés au bien : montrer notre foi par nos oeuvres : , c'eft le but de notre cèlefle vocation, & le moyen d'entrer au Royaume éternel de, notre Seigneur £? Sauveur Jestjs - Christ. Puiffions nous en faire la confolante expérience! Amen. Au Pere, au Fils , & au St. Efprit, foit honeur & gloire a jamais! Amen.
SER-
a Pier. I. -7-
'hil.IV.t2 Cor.
til 1.
Rora. CH. 9.
JaqlL 8.
Phil. HL 14.
l Pier. 1.2.
SERMON
f a Tim. II. 17. IS.
SUR
L' A B U S
DE LA PHILOSOPHIE.
Prenez garde que perfonne ne vous . butine par la Philofophie. Col. II. 3,
D ès les premiers tems du Chriftianisme, (comme il paroit, M. F., par les paroles que je viens de vous lire » puisque 1'Apöcre n'auroit pas, fans doute, précautionné fes contemporains contre un danger imaginaire;) dès les premiers tems du Chriftianisme , dis-je , il' s'eft trouvé des hommes , qui , en faifant profeflion de recevoir TEvangile, en corrompoient la doélrine ; foit en en retranchant des Dogmes importans , comme ceux qui nioient la Réfurrection générale; foit par des additions téméraires, comme ceux qui vouloient que les
Cbré*
fur Pabus de la Philofophie. 33
'Chrétiens addreffaffent un Culte religieux aux Anges. Ce qui rendoit leur fauffe doctrine d'autant plus dangereufe, c'eft qu'ils favoient la revêtir d'un extérieur de fageffe, capable d'en impofer aux fimples , & de féduire aifément des hommes , qui, ayant fait profeffion du Juddifme ou du Paganifme avant leur eonverfion a VEvangile, pouvoient ayoijr eonfervé quelques-uns des préjugés par lesquels les Juifs avoient corrompu la loi de Moyje, & les Payens la loi naturelle, C'étoit dans 1'étude de la fageffe , qu'ils prétendoient trouver des raifons pour appuier leurs erreurs : & c'eft ce qui fonde eet avertiffement de notre Apötre aux fideles de ColoJJes , prenez garde que perfonne ne vous butine par la Philofophie.
Ce qu'il y a de bien déplorable , & qui nous met dans le cas de faire nousmêmes ufage de eet avertiffement, c'eft que depuis que la Philofophie eft deyer nue infiniment plus digne de ce titre qu'elle ne 1'étoit du tems de St. Paul7 ,on la fait encore fervir k combatfre ou
Tome /. C è
Cor. 11. is*
34
SERMON
iTim.I.
a défigurer VEvangile de notre Seigneur g? Sauveur Jesus-Christ. Jamais la Philofophie ne fit plus de progrès que dans notre fiecle : & jamais peut-être les difciples de VEvangile n'eurent plus de befoin que dans notre fiecle, qu'on leur addreffat cette même exhortation, par laquelle ce faint homme travailloit a maintenir la pureté de la foi dans 1'Eglife de Coloffes: prenez garde que perfonne ne vous butine par la Philofophie. Que de gens en effet, qui par une fauffe application de fes principes , ou en étendant'fes maximes au de-la de leurs juftes bornes, la font fervir, foit a at* taquer la divinité de VEvangile , foit a combattre fes principaux dogmes! Que d'ouvrages publiés , ou pour anéantir entiérement le Chriflianisme, ou pour Ieréduire a fi peu de chofe, qu'il ne différeroit prefque pas de la Religiën natu* relle ! Muniffons nous, M. F., contre le danger de faire naufrage quant a la foi, par la méditation de ces paroles de 1'Apötre , prenez garde que perfonne ne voos butine par la Philofophie.
Deux
fur tabus de la Philofophiè. g$
Deux Parties partagerontnos réfiexions fur eet avis de St. Paul. h Nous con-5 fidérerons quel eft le danger contre lequel il fortifioit les fidetes Colofftens ; c'eft d'étre butine' par la Philofophie. II. Nous examinerons le devoir qui en réfulte; c'eft de fe tenir en garde contre. ce danger. Développons ces deux Chefs de méditation fous la bénédiction di-4 vine*
I. PARTIE,
Confidérons d'abord, M. F. , le danger contre lequel notre Apötre cherchoit a munir fes lecteurs ; c'eft d'étre butine par la Philofophie; c'eft-adire , réduit par elle fous fempire de Terreur» foumis au funefte efclavage de 1'illufion & du menfonge, emporté au Eph.IV vent d'une fauffe dotlrine , & rendu in-I4' capable par trop de facilité a fe laiffer perfuader , de démêler Terreur d'avec la vérité.
Rendons juftice a la Philofophie. Par' elle - même , & fainement employee , C 2 elle
30
SERMON
2 Pier
II. 2.
Prov. HL ij.
elle n'eft pas capable de conduire les hommes au menfonge. Au contraire, elle eft a certains égards le chemin de la Vèrité. Après la Religion, la Philofophie eft la plus belle , la plus noble , la plus utile de toutes les fciences, puisqu'elle eft propre tout a la fois , a éclairer 1'efprit, & a former le coeur. S'il y a des Philofophes incrédules ou vicieux, c'eft qu'ils n'ont pas affez de Philofophie, ou qu'ils ne font pas de ce qu'ils en ont, 1'ufage que 1'on doit en faire. Car il n'y a rien , ni dans le nom , ni dans la chofe , qui ne foit louable, digne d'éloge & d'approbation. Le nom eft venu, dit-on, d'un homme célébre du Paganifme , qui , interrogé s'il étoit un fage, Sopkos; répondit modeftement qu'il étoit , Philofophos, c'eft-a-dire, amateur de la fagejfe. La Philofophie eft en effet Vétude, ou Vamour de la fagejfe. Or fi la fagejfe efl meilleure que les perles, fi tout ce quon peut défirer ne la vaut pas; une fcience qui tend a 1'acquérir ne fauroit être méprifable. II s'agit feulement de ne pas Ja faire fervir
fur Pabus de la Philofophie. 37
vir k 1'acquifition d\me fagejfe faujfement ainft nommée , & de ne pas fe rendre applicable ce mot de St Paul, fe difant être fages, ils font devenus fous.
Pour fentir d'autant mieux que les paroles de mon texte ne condamnent pas la Philofophie proprement dite s il ne fera pas hors de propos de nous rappeller ce qu'elle renferme. On la rapporto communément a ces quatre Chefs principaux: la Phyfique, ou la connoisfance des corps; la Métaphyfique, ou la fcience des êtres en général ; la Logique, ou 1'art de raifonner jufte; la Morale, qui tend a régler les fentimens & les moeurs. Rien de tout cela , qui foii en lui-même inutile , ou dangereux Rien, qui ne puiffe fervir a 1'établis fement ou aux progrès de la Religion, tant naturelle que révélée. E bien loin , en ce fens, de méprifer l Philofophie, nous devons bénir Dieu di ce qu'elle eft plus connue & plus cul tivée que jamais; puis qu'elle fournit df quoi fermer la bouche aux ennemis le plus acharnés de la divinité de ïEcritun C 3 E
1 Tim. VI. 20.
Rom.I.22.
I
3 tl
38 SERMON
En effet, toutes les parties de la Phu lofophic viennent a point dans letude de Ja Religion. S'agit-il de la Phyft* que ? Plus on 1'étudie , & plus on fe convainc que les corps fans nombre dont le monde vifible eft compofé, ne font mus & arrangés, ni par eux-mê« mes , puisque le mouvement ne leur eft pas effentiel; ni par hazard , puis qu'ils fe meuvent & qu'ils agiffent felon des loix, qui font foi de la fagefie de celui qui les a établies. S'agit-il de la Métaphyfjque? C'eft par elle qu'on dé, montrc , que les corps & les efprits qui conftituent par leur affemblage ce vafte tout qu'on appelle fLTnivers, doivent leur être a une caufe première , éternelle , immatérielle , intelligente , toute-puifl'ante, immuable, & revetue de perfeótions infinies: & que 1'ame de rhomme eft une fubftance diftinéte du corps, & qui peut fubfifter fans y être aduellement unie. S'agit-il de Ja Lagique? Plus on la pofféde & plus on eft en état de démêler Ie vrai d'avec le faux; de pofer des principes fürs, &
d'en
fur Fabm de la Philofophie. 39
d'en tirer des conféquences légitimes ; de fentir la force des preuves qui éta* bliffent la divinité de la Révélation , & d'en défendre les dogmes contre les fophismes de 1'incrédulité. S'agit - il de la Morale ? Elle fait partie de la Religion: elle enfeigne qu'il y a une différence intrinféque & éternelle entre le vice & la vertu, le jufte & 1'injufte: elle regie les fentimens & les adions des hommes, en leur difant quels font leurs devoirs envers Dieu, envers leurs prochains, & envers eux-mêmes. Telle étant la vraie Philojophie , il eft clair que les paroles de mon texte ne tendent nullement a la condamner, puisque, comme nous venons de le voir , il s'en faut bien qu'elle foit condamnable.
Mais qu'étoit la Philofophie du tems éi St. Paul? Qu'étoient-ils ces foidifans Philofophes, qui fe croyoient plus éclairés que le commun des hommes? Des gens , qui pour la plupart s'egaroient en vaines fpéculations , ne faifoient presqu'aucune attention aux merveilles de la Nature, & donnoient C 4 a
40
SERMON
Èfaïe V. so.
i i 3 ] < I l
1 i 1
a Ia matiere les attributs de la Divim* té ; desquels enfin les raifonnemens étoient très-fouvent pitoyables, & Ja morale fi défeétueufe, qu'en recommandant la vertil & en condamnant le vice, ils ne favoient pas quelquefoï: les difcerner , apellant par une groffiere ignorance , U mal bien, le bien mal. Ils enfeignoient peu de vérités , & beaucoup d'erreurs. Les uns anéantiiroient toute Religion & toute Morale, sn niant 1'exiiïence ou la providence d'un Etre fuprême; & mettoient le rouverain bien dans la volupté. Les uitres faifoient dépendre toutes chofes 1'un enchainement fatal & néceffaire fe caufes & d'effeta, auquel la Divinité neme étoit obligée de fe foumettre. 1 y en avoit qui vouloient qu'on doutat le tout, qu'on n'affirmat ou qu'on ne liat jamais rien; aucune chofe , felon ïux, n'étant évidente & certaine. II i'en trouvoit, qui , aboliffant toute uidcur & toute honte, difoient & aifoient des chofes, dont il falloit avoir m effronterie, pour ne pas rougir.
Quel-
fur Pabus de la Philofophie. 41
Quelques - uns enfeignoient que les ames huraaines paffoient par le trépas d'un corps dans un autre corps , & prétendoient fe fouvenir d'avoir vêcu fur la terre dans un autre corps , & dans un autre fiecle. D'autres croyoient & honoroient des génies; & c'effc peut être de-la, ou d'un jfudaïfme corrompu, qu'étoit venu le culte des Anges que St. Paul condamne dans ce Chapitre. Telle étant, ce qu'on appelloit du tems de eet Apötre la Philofophie ; & la fageffe des plus éclairés d'entre ceux qu'on honoroit du nom de Philofophes , étant affez défeclueufe pour laiifer le champ libre a de grandes & nombreufes erreurs: il n'eft pas étonnant qu'il ait averti les öirétiens d'alors , de ne pas fe laijfer butinerparia Philofophie. Ce langage convenoit parfaitement a celle de fon fiecle.
Mais, M. F., il y a encore de nos jours une Philofophie indigne de ce beau nom, & qui ne le recoit que de ceux qui la profeffent. Je parle de ces hommes, qui fe donnent par excellence le titre de fages, de Philofophes, d'efprits C 5 éclai-
Col. 11. is*
43
SERMON
éclairés, & qui, en publiant des ouvrages, oü ils montrent la plus mince connoiflance de la Nature; oü ils admettent des effets fans caufe, & des intelligenties corporelles; oü ils raifonnent de la maniere la plus oppofée a la Raifon; & oü ils anéanriffent tous les devoirs de 1'humanité : les qualifient hardiment d'ouvrages philofophiques.. En vérité , M. F., fi c'eft la de la Philofophie, elle eft du moins affez mauvaife pour que tout homme fage s'en méfie, & premie garde a ne sen pas laiffer hutiner.
Outre cela , (& ceci eft bien plus dangereux , bien plus capable de faire illufion , que ne le font des livres ou regnent d'un bout a 1'autre des maximes évidemment fauffes, des contradictions palpables, des menfonges groffiers, & une mauvaife foi qui faute aux yeux:) outre cela, dis-je, comme les hommes ont Tart funefte d'abufer de tout; il s'en trouve, qui, fans avoir la déteftable intention de favorifer l'erreur & 1'impiété , & prenant pour vérité ce qui n'eft qu'une illufion de leur imagination
trop
fur Pabus de la Philofophie. 43
trop hardie; cherchent dans la Philofophie de quoi établir leurs préjugés, tirent de principes véritables des conféquences qui n'en découlenc point, & donnent lieu par cela-même a fe rappeller eet avertiffement, prenez garde que perfonne ne vous butine par la Philofophie.
Par exemple , c'eft une maxime inconteftable de Philofophie, qu'il ne faut rien croire qui foit contraire a la Raifon. Examiner un dogme felon cette maxime, c'eft en faire un bon ufage , c'eft rendre fervice a la Religion. Mais confondre le contradictoire avec ïincompréhenfible, appeller contraire a la Raifon tout ce qui eft au dejfus de la Raifon; nier en conféquence tout ce qu'on ne peut comprendre : c'eft abufer de la Philofophie; c'eft la mettre en contradiction avec elle-même, puisqu'elle-même enfeigne des chofes vraies, que nous ne concevons pas.
Par exemple encore, la Philofophie renferme certains principes , évidens par eux-mêmes, & qu'on ne peut contefter fans pécher contre le bon fens:
com-
44
SERMON
comme, qu il ny a point deffet fans caü* fe, que ï'Etre fuprême efl un être immatériet, qu'un même corps ne fauroit être en deux lieux a la fois. Mais confondre avec ces notions générales que tout le monde admet ou doit admettre , les idéés particulieres de tel ou tel Philofophe , & rejetter en conféquence un dogme, paree qu'il ne s'accorde pas avec le fyftême particulier de Philofophie qu'on a embraffé: c'eft abufer de la Philofophie; c'eft la mettre en contradiótion avec elle - même , puisque les opinions de divers grands hommes fur un même fujet , montrent clairement par leur diverfité, qu'elles ne font pas infaillibles.
Par exemple encore, c'eft une regie de Philofophie, qu'il ne faut pas nier une chofe legérement , des que cette chofe nefl pas impojfible. Mais précendre qu'une chofe a lieu, paree qu'elle nefl pas impofihle; combattre, par exemple , l'existence de la matiere, fous ombre que Dieu, qui a créé nos ames , peut y exciter fans 1'intervcntion d'aucun corps, les
mê-
fur F abus de la Philofophie. 45
mêmes fenfations que s'il y avoit des corps, & en conclure que nous ne pouvons pas du moins nous affurer quil y en alt: c'eft abufer de la Philofophie; c'eft la mettre en contradiétion avec elle même , puisqu'elle met au nombre des. fondemens de 1'évidence morale, que Dieu ne peut pas mus faire illufion , & qu'il nons a donné nos fens pour juger des objets qui nous environnent.
Puis donc qu'il y a toujours eu, & qu'il y a encore de nos jours, une fauffe Philofophie, a laquelle on ne donnecenom qu'abufivement; & puisqu'on porte quelquefois au de-la de fes juftes bornes, 1'ufage de la vraye Philofophie , en confondant ce qu'elle enfeigne, avec ce qu'elle ne décide point: il eft du devoir de tout homme fage, de fe précautionner contre ces abus, de ne pas prendre pour vérité ce qui n'eft qu'illufion , pour évident ce qui n'eft que poffible, & pour démonftration ce qui n'eft que fophisme; furtout, vu 1'infiuence que ces abus de la Philofophie peuvent avoir fur la Religion. Tel
eft,
46
SERMON
eft, M. F. , Ie danger contre lequel St. Paul travailloit a munir fes lecteurs: c'eft defe laijjer butiner par la Philofophie. Voyons les précautions qu'il faut prendre contre ce danger. C'eft notre fecond& Partie.
il. PARTIE.
Dans 1'avertiffement demontexte, St. Paul fuppofe que les Chrétiens font, & dans la poffibilité de fe précautionner contre les fophismes des faux fages, & dans 1'obligation de mettre pour cela certains moyens en ufage.
En effet, s'il y a des Chrétiens qui fe laiffent ébranler dans leur croyance, & butiner par la Philofophie, foit eu égard a la vérité même du Chriflianisme, foit par rapport a quelques - uns de fes principaux dogmes ; ce n'eft pas que la Révélation Evangélique foit infuffifante a foutenir les attaques des Philofophes: c'eft uniquement paree que ces Chrétiens ne font, ni affez inftruits, ni affez perfuadés de leur Religion, & qu'ils ne con-
nois-
fur Pabus de la Philofophie. 47
noiffent bien, ni la Philofophie, ni k Chrifiianisme.
Tout Chrétien doit être convaincu de la divinité de PEcriture. C'eft le premier fondement de fa croyance en qualité de Chrétien. Or des qu'il croit cela, des qu'il tient toute PEcriture pour divinement infpirée , il doit auffi tenir pour telle toute do&rine particuliere , tout dogme tout myflere, dont après un mur examen, il croit trouver des preuves dans. PEcriture. Par exemple, 1'article fondamental de tout le Chriflianisme, la fubftance & le fommaire de tout PEvangile, c'eft la rédemption des hommes par les Joufrances du Fils unique de Dieu. Car Dieu a tant aimé le monde,, quü a donné fon Fils unique , afin que quiconque croit en lui ne périjfe point, mais quü ait la vie éternelle. Testis-Christ aujfi nous a aimés; &, afin de nous racheter de toute miquitè 6? de nous purifier, sefl donné foi-même pour nous enoblation en.facrifice ü Dieu, en odeur de bonne fenteur.
Toute explication de 1'Ecriture, tout raifonnement pris de la Philofophie, qui
por-
2 Tim. [II. 16.
Jean. III. ifl.
Eph. V. 2. Tit.II. 14,
48
SERMON
Col. II. 8.
Col. II. 18,20.23'
porteroit atteinte è ce dograe fondamen* tal, eft donc par cela-même rejettable, eomme n étant pas felon Christ. Tout ce qui tend a invalider, foit la rédemption même , foit la dignité du Médiateur, foit la gratuité parfaite du falut qu'il procure a fon peuple, foit enfin llms poffibilité d'étre fauvé fans lui: tout cela doit être trop fupect a un Chrétien éclairé pour y prêter 1'oreille. Car ce qui s'éloigne le moins du monde d'une doctrine fi clairement établie dans 1'Ecriture, ne fauroit jamais être vrai.
Mais pour entrer dans quelque détail fur la maniere dont nous devons nous affermir dans notre croyance , & felon' 1'expreffion de 1'Apötre, prendre garde que I on ne nous butine par la Philofophie, (ou par quelque féduction que ce foit, comme Vautorité humaine , Papparente fainteté de certaines pratiques arbitraires, & autres chofes de cette nature , dont on pourroit fe fervir pour nous faire tomber dans Terreur:) volei quelques maximes dont nous pouvons faire ufage, & que la Raifon elle - même
&
fur Pabus de la PBhfbphiè. 45»
& la faine Philofophie ■> ne fauroierit désavouer.
Ie. Maxime. Injlruifez vous a fond de votre Religion. Appliquez vous a connöicre, tant les preuves qui établiffent la diyinité de PEcriture, que les vérités particulieres que VEvangile propofe a ld foi Chrétienne. Se négliger fur eet article, profeffer le Chriflianisme,> fans avoir examiné fes fondemens & fa doctrine ; c'eft s'expofer a fe laijfer butiner par la Philofophie. Si vous ignorez vousmêmes pourquoi vous tenez VEcriture pour un Livre divin; fi vous faites profeffion d'une Religion dont vous ne connoiffez que foiblement les dogmes,; & fans avoir examiné ce que VEvangile en dit: vous ferez hors d'état de réfifter a ceux qui chercheront a ébranler votre foi.' Tncapables de fentir la fauffeté des argumens qu'on vous propofera, trop peu verfés dans la connoijfance des faintes Lettres pour réfoudre les fophifmes des faux fages, vous flotterez h tout vent de doctrine , & vous irez bientöt d'erreur êri erreur. Mais fi vous vous appli
Tom. ï. D quez
2 TM.
ll i$.
4-
Act XVII.
i Cor. XVi. 13.
50 SERMON
quez a conférer les Ecritures, a connöitre les principes qu'elle pofe , & a fentir les conféquences qui en réfultent; vous deviendrez fermes dans la foi, & 1'on tentera vainement de vous butiner par la Philofophie.
IIe. Maxime. Des que par un mur examen un dogme vous paroit clairement enfeignè dans VEcriture , foit en propres termes, foit par des conféquences qui découlent évidemment de fes principes: croyez ce dogme fans héfiter, & perjévérez h le croire , quand même vous ne pourriez pas réfoudre toutes les difficultés qui pourroient vous étre propofées. Car Jfi VEcriture efl divinement infpirée, vous devezun acquiescement total a tout ce que vous y trouvez; & pour cefTer de le croire, il faudroit que 1'on vous prouvat par VEcriture même, que vous avez mal pris fa penfée, & qu'elle n'enfeigne pas ce que vous croyez. Mais tant que 1'on n'oppofe a vos preuves que des difficultés; tant que fans pouvoir détruire les premières, on fe contente de vous faire des objeclions fubtiles: vous n'a-
vez
fur Yaltts de la Philofophie. $4
vez aucune raifon pour changer de penfée. VEcriture étant la feule voie que, nous ayons pour connóitre certaines vérités , je dois croire ces vérités fur fon feul témoignage, quelques difücuh tés qu'on puiife y oppofer.
ÏIle. Maxime. Pour démêler füremeni f tel ou tel dogme peut fe trouver dam VEcriture , ou sil eft impofjible qiiil sy trouvé: dijlinguez foigneufement ce qui efl contraire a la Raifon, d'avec ce qui efl ati defu: de la Raifon. Kien de ce qui elt contraire a la Raifon, ne fauroit être dans lEcriture. Ce feroit une fource d'erreurs# que d'érablir fur certaines cxpreTions de l'Ecriture ua dogme contraire a la Raifon. L'Ecriture attribue a Dieu des yeux , des oreilles, de la jaloufie, du repentir: il eit évident que ces expreffiortS ' font figurées , puisqae la Raifon dicte , que i*£be inflni n'a ni membres humains* ni paffions humaines. Mais ce' n'eft pas une moindre fource d'erreurss que de rejetter un dogme,- uniquement parceque la Raifon ne peut pas le ca&* prëridfe. Car la Raifon croit plufieurs Ö 2 cho*
5* SERMON
chofes qu'elle ne fauroit concevoir : il en eft dans les phénomenes que nous offre la Nature, il en eft dans la Métaphyfique, il en eft dans la Religiën naturelle, qu'elle eft forcée d'admettre fans pouvoir les expliquer ni les comprendre. L'Eternité de Dieu, fa toute -préfence, fa toute - fcience, font des vérités auiTi démon trées qu'incompréhenfibles. Ne vous laiffez donc pas butiner par la Philofophie, en rejettant les myfteres de / Evungik paree que vous ne les comprenez pas.
}Ve. Maxime. Tenez pour démontri par l'Ecriture, tout dogme, tout. myfiere , qui réfulte tcliëntent de fes expreffions, que yous ne pouvez le re jetter, fans la mettre m contraditTion avec elle - même. II eft tres poflible que des Philofophes fe coniredifent , parceque leurs recherches s'étendant jusqu'a des chofes, fur lesquelles on ne peut guere que conjeclrurer, ils peuvent penfer différemment les uns des autres. Mais il eft imposfible qu'une telle contradiction fe trou¥ê entrg des hommes, dont la doctrine r • leur
fur Pabus de la Philofophie. 53
leur étoit infpirée d'enhaut, & qui ont parlé étant pouffés du St. Efprit. Si PEcriture enfeigne partout quü riy a quun Dieu, qui ne donne point fa gloire il un autre; & fi cette même Ecriture, qui dépeint le Pere , le Fils , & le St. Efprit comme difiingués 1'un de 1'autre , attribue a chacun d'eux. ce qui ne peut convenir qua la Divinité: il eft clair que vous ne pouvez refufer de croire que le Pere , le Fils , & le St. Efprit font enfemble le Jeul vrai Dieu , fans mettre PEcriture en contradiélion. avec elle-même. Or fuppofer qu'un Livre d'infpiration divine fe contredife lui meme, eft une fuppofition contraire au bon fens: & ne dois-je pas recevoir lesmyftexes les plus incompréhenfibles, plutöt que d'admettre une fuppofition pareille ?
Ve. Maxime enfin. Quelques difficuU tis que Pon vous propofe contre un dogme, examinez fi de fa rejeclion il m réfulteroit pas de plus grdndes dijficultés encore. Pourquoi, de grace , refufcrai-je de croire un dogme qui me paroit établi #ans PEcriture, a caufe de certaines D 3 dif-
2 Pier. I. 21.
Efa. XLV. S& XLII. I.,
Rom.V.
12. ló'.
£4 SERMON
difficultés que j'y trouve; tandis que les explications contraires font fujettcs, ou aux mêmes difficultés , ou a d'autres plus grandes? Par exemple, la doctrine du pêché originel a de grandes obscurités. II eft difficile de comprendre, comment le pêché a"Adam a rendu coupable tout le genre humain, Mais outre que PEcriture dit pofitivement, que par tin feul homme le péclié efl entré au monde, que par une feule offenfe la coulpe efl vemie fur fur tous les hommel en condamnation: expliquera-t-on , 'en niant ce dogme, com» ment fous la main d'un Dieu bon & fage, les enfans font fujets aux fouffrances & a la mort, avant que de naitre? Par exemple encore, la doctrine de VEglife Réformée fur les décrets divins, eft fujette a de grandes difficultés: & tout ce que nous pouvons y répondre, c'eft que Dieu, qui eft lbuverainement fage, veut & agit toujours pour des raifons dignes de fes attributs, quoique ces raifons ne nous foient pas connues. Mais pourquoi rejetter cette doctrine, tandis que dans les différens fyftêmes de ceux qui
fur tabus de la Philofophie. 55
la rejettent, les difficultés lont tout ausfi grandes ? Pas exemple, enfin, le dogme de la fatisfaclion a fes profondeurs, fuppofe ou renferme desehofes difficiles aentendre. Mais ceux qui rejettent ce dogme, s'expofent a la difficulté plus grande encore , d'attribuer a VEoriture des expreffionsoutrées&propres a nous égarer, & de ne pouvoir donner aucune raifon valable, de la venue de Jesus-Christ , & furtout de fes fouffrances.
-APPLICATION.
Voila, Chrétiens, M. T. C. F., Cinq maximes, a 1'aide defquelles nous pourrons, fous la bénédiétion divine, réfifler avec fuccès aux diverfes attaques qu'on chercheroit a porter a notre tres-fainte Foi. C'eft furtout fur la première que je dois infifter en terminant ce difcours, paree que fans 1'obfervation de celle - la, les autres ne feroient d'aucun ufage.
Pour les pratiquer, pour fe munir par elles contre le danger d'étre hutinè par la Philofophie, il faut connöitre ,bien la D 4 Re"
2 Pier. tl. i<5.
Jude. 2».
0
SERMON
Religion. Et mieux un Chrétien connöi, tra fa Religion, plus auffi il fera en état de la défendre. Soit que ceux qui font confifter la Philofophie a n'admettre aucuiie Révélation, cherchent a ébranler votre foi en attaquant la divinité da VEvangile; foit que des Chrétiens même, a qui une Philofophie mal-emendue fait rejetter certains dogmes de ÏEcriture, attaquent votre croyance & la repréfen tent fous un faux jour s ni les uns, ni les autres ne réuffiront a vous féduire, fi votre perfuafion eft fondée fur un mür examen. Jamais incrédule nerépan, dra dans votre efprit le moindre doute fur la vérité du Chriflianifme, fi vous connoiffez bien les preuves qui letabliffent: car ces preuves font invincibles ; & on ne peut refufer de s'y rendre , fans nier des faits averrés , ou fans rejetter des conféquences qui en découlent inconteftablement. Jamais ceux, qui , fans rejetter VEvangile même , en attaquent les myfteres pomme contraires a la Raifon, ne réus|iront a vous les faire rejetter a leur-
ex?
fur Pabus de la Philofophie. 57
exemple, fi vous admettez ces myfteres non par préju^é , mais par conviétion. Si donc vous voulez vous mettre en état de ne vous pas laiffer butiner par la Philofophie, étudiez foigneufement ïEcru ture. Affermiffez vous, par fa leclure & par fa confrontation, dans la perfuafion qu'un Livre, qui renferme des Ora. cles qui ont été accomplis , dont les Ecrivains ont confirmé leur doctrine par, des miracles , & oü fe trouve le feul fyftême de Religion, digne de Dieu & falutaire aux hommes, qui ait jamais paru dans le monde ; qu'un tel Livre , dis-je , ne peut avoir que Dieu pour auteur. Convainquez vous par 1'étude des dogmes Evangéliques, qu'ils n'ont rien que de digne de Dieu , rien de contraire a la Raifon, rien qui reffemble aux inventions des hommes ; que leur fublimité qui les rend incompré? henfibles, réfulte néceffairement de la fource dont ils émanent, Dieu étant un être infini, & ne pouvant par conséquent fe révéJer è nous fans nqus, D 5 en-
53
SERMON
2 Pier. iii. ió.
i Pier.
BI. is.
Mare. XII. 34-
enfeigner des chofes profondes, £5? difficiks o entendre. Faites vous ainfi une Religion éclairée & folide, afin de pouvoir rêpondre avec douceur honnêteté, a quiconque vous demande raifon de Vejpérance qui efl en vous.
Mais, en nous afFermiffant dans notre croyance, n'oublions pas, Chrétiens , M. T. C. F., a nous affermir auffi dans la piété & dans la yertu. Tout ce que nous croyons, doit tendre a notre fanctification. Notre foi ne doit pas confifter dans la fimple perfuafion des myfteres de VEvangile, mais elle doit nous porter è la praiique des devoirs qui nous y font prefcrits. Sans cela notre foi efl vaine: & il n'eft pas douteux qu'un Chrétien qui erre de bonne foi fur certains articles, mais qui obferve les préceptes de Jesus - Christ , ne foit plus prés du Royaume des Cieux , qu'un Chrétien qui penfe jufte fur la Religion eu égard aux dogmes , mais qui en négligé les devoirs. Rien d'ailleurs n'eft plus capable de rendre notre doctrine fufpecle
a
fur Tabus de la Philofophie.- 59
a ceux qui la conteftent, que le relachement dans la vertu. S'ils vous voyent, tandisque vous précendez penfer plus purement que les autres, ne pas être meilleurs que les autres, vous livrer au vice, & vous laiiTer dominer par vos paffions: ils en concluront, que fi vous croyez ce que vous dites, votre croyance n'eft pas bien 'fondée , puisqu'elle ne vous porte pas a la fainteté. C'eft un fophifme, fans doute, puifque la mauvaife conduite d'un Chrétien ne prouve pas que fa Religion foit fauffe. Mais enfin, ne donnons pas lieu a ce fophifme, & ne juitifions pas le reproche , que fi notre doctrine eft pure, notre conduite du moins ne 1'eft pas. Renongons au pêché , vivons è la juflice , marchons fur les traces de celui qui a foufert pour nous. Conduifons nous en hommes nouveaux, formés felon Dieu en juflice & en vraie fainteté. De cette maniere, en juftifiant contre les injuftes adverfaires de notre très-fainte fii, la falutaire influence des myfteres
1 Pier. II. 24.
Ti 21.
Eph. IV. 24.
Lat X. 20.
2 Tim. IV. 8.
SER-
6o SERMON fur Pabus de la Philofophie.
res du falut fur des coeurs autrefois vicieux , nous acquerrons nous - mêmes la confolante aiTurance que nos noms Jont écrits dans les deux, & que la couronne de jujlice nous efl réfervée. Dieu nous en faffe a tous la grace ! A lui foit gloire & force a jamais ! Amen.
SERMON
SUR
LA PATIENCE DE JOB.
Dans tout cela, Joh ne pécha point de fes leyres. Jou II. 10.
IVous hronchons tous en plufieurs chofes. C'eft par cette remarque , M. F., que 1'Apötre Sits Jaques dans le Chap. I1IC. de fon Epitre , travailloit a faire fentir aux Chrétiens de fon temp* , que fi, comme il venoit de 1'infinuer, ceux qui s'érigent en docteurs des autres, s'expofent a voir leur propre conduite examinée a la rigueur; il n'y a perfonne qui ne doive rtfiftera cette forte d'ambition, puisqu'il n'y a perfonne qui ne foit fujet a faire des fautes, & qui n'en faffe de plus d'un genre: car, nous hronchons tous m plufieurs chofes.
Mais une des fautes les plus communes , & que nous commettons le plus fréquerument, c'eft de parler mal-a-pro-
posy
[aq. HL K I
SERMON
Jaq. I. 26. Jaq. UI. 2.
pos, de dire des chofes, ou entiérement mal-fondées, ou que la prudence ou la charité auroient dü nous faire fupprimer. Faute fi aifée a commettre, & fi difficile a éviter, pour ceux-la même qui fe font fait une étude & une habitude de tenir leur langue en bride, que felon St Jaques, il n'eft point de paffion que ne foit capable de fur mon ter, celui qui eft parvenu a ne jamais abufer du don de la parole. Si quelquun ne bronche point en parole, c'eft un homme parfait, capable de tenir en bride même tout le corps.
Jugeons par la, M. F., du degré de perfcétion qu'avoit atteint l homme juf e & craignant Dieu, dont ce Chapitre & le précédent nous rapportent en détail les malheurs & les fouffrances, & a qui, fur le langage qu'il tint a leur occafion, 1'Ecrivain facré donne dans mon texte, ce court mais énergique éloge: dans toui cela, Job ne, pécha point de fes levres.
Deux Parties renfermeront les ré* flexions que j'ai deffein de vous propofer fur ces paroles, moyénant la bénédic-tion du Seigneur.- Dans la Ie. nous
con>
fur la patience de Job. 03
confidérerons en elle-même & relativement a Job , cette déclaration de mon texte, dans tout cela, Job ne pe'cha point de fes levres. Dans la IIe. nous indiquerons les motifs qui le porterent, & qui doivent porter tout homme de bon fens, a fupporter fes affliclions avec la difpofkion d'efprit que ces paroles expriment. C'eft le fujet de votre attention religieufe.
I. PARTIE.
Dans tout cela, dit mon texte, Job ne pe'cha point de fes levres. Nous trouvons une déclaration a peu pres pareille a la fin du Chapitre précédent; dans tout cela, Job ne pe'cha point, & tfattribua a. Dieu rien de mal-convenable. Quoiqu'au premier coup-d'oeil ces deux palTages ne different que par les termes de la feconde partie, celui de notre texte femble encore enchérir fur le premier. La, il eft dit que Job nattribua a Dieu rien de mal-convenable ,ou comme on pourroit traduire avec la Verfion Flamande, rien d'abfurde, c'eft - a - dire, rien d'indigne de
Dieu
Tobl. il. & IL 5-
64 SERMON
Dieü, rien de contraire a fes perfections* lei, il y a quelque chofe de plus. Non feulement a rouïe des diverfes per tes qu'il avoit faites, Job s'étoit abftenu de blamer les voies de la Providence , de dire ou de penfer quelque chofe d'injurieux a 1'Etre fuprême: mais de plus, ilne commit, même dans 1'accroiffement de fes maux, aucune de ces fautes plus legeres, qu'un excès de douleur & d'afflictionpeut produire au premier moment. Non feulement il ne dit rien d'offenfant pour ce grand Etre, rien qui fentit le murmure ou 1'irrévérence: il ne pronon ca pas même un feul mot qui témoignat de 1'impatience, ou un attachement exceffif aux biens qu'il avoit perdus. Et bien loin de blasphémer en face le Maitre du monde, comme Satan 1'avoit ofé prédire jufqu'a deux fois, il ne lui fortit de la bouche aucune parole blamable, aucune qui au contraire ne montrat fa piété, fa patience, fa réfignation. Dans tout cela, Job ne pécha point de fes levres.
Mais a quoi bon cette addition de 1'Hiftorien facré, de fes levres? Ne fufli-
foit*
fur la patience de Job. 6$
foit-il pas de dire que dans tout cela Job ne pécha point, fans ajouter ces paroles? Ou faudröit-iï en conclure que Job s'abHint,a la vérité, de dire des chofes répréhenfibles, mais qu'il ne s'abftint pas d'en penfer? Ah 1 ne formons pas un foupcod fi injurieux a la mémoire d'un homme, a qui le fcrutaieur des cozurs £? des reins n'auroit pas pu en ce cas rendre le glorieux témoignage, d1 avoir parlé de lui avec droiture. Car on ne park point: avec droiture, quand on affecle de téraoigner de la bouche, des fentimens de piété que 1'on n'a point dans le coeur. Si 1'Auteur facré, au lieu de dire fimplement, dans tout cela Job ne pécha point, ajoute , de fes levres, c'eft fans doute pour faire d'autant mieux fon éloge, puifque pour ne point broncher en paroles dans la circonftance oü Job fe trouvoit; pour ne point pécher de fes levres dans 1'état funeiie oü il fe voyoit réduit; il falloit avoir dans le cosur une piété non commune: rien n'étant plus capable d'arracher a des- perfonnes d'ailleurs Tom. L E pieu-
pr. vil.
O.
Job XLU» r. S.
66
SERMON
pieufes, des paroles peu conformes a la piété, qu'un excès fubit de douleur & d'affliclion.
J'avoue que ce que les hommes difent, n'eft pas toujours 1'expreffion fidele de ce qu'ils penfent. Un hypocrite peut fans doute déguifer fes feminiens; pécher du coeur fans paröitre pécher des levres ; proférer des paroles conformes a la droiture & a Ia piété , & n'être au fond qu'un fcélérat & un impie. Mais pour ne pas fe trahir dans certaines circonftances, il faut qu'il ait eu le tems de s'y préparen & fi vous fuppofezun tel homme dans quelque occafion fubite & imprévue, il y a mille contre un que fes premières paroles dévoileront les feminiens de fon coeur. Mais qu'un homme tel que Job, un homme jufqu'alors vraiment jufte ê? craignant Dieu, ait pu dans la fituation oü cette hiftoire nous le montre , tenir le langage que 1'Auteur facré lui attribue, fans que fon cceur y ait eu part: cela n'eft pas poffible. Et 1'Hiftorien ne pouvoit mieux dépeindre fa piété, mieux faire 1'éloge de fes difpo-
fi-
fuf la patience de Job. 67
fitions intérieures, qu'en difant, comme ii le fait dans mon texte, dans toiit cela, Job ne pécha point de fes levres.
Cela prouve d'autant plus fortement la patience & la réfignation de ce faint homme, que fes maux n'étoient pas de nature a faire foupconner qu'il ait agi par indifférenee ou par vaine gloire.
Si fon malheur n'eut confifté qu'a perdre une partie de fon bien, on concoit qu'un homme tel que lui , un homme qui n'avoit jamais été poffédé de 1'amour des richeffes, jamais mis fon efpérance en ïor, ni dit a l'or fin, tu es ma confiance: on concoit, dis-je, qu'un tel homme eut fait une perte confidérable, fans en être exceiïivement affeclé. Mais fe voir tout acoup privé de toute fon opulence* & tombé de la fituation la plus brillante dans un état tout au moins approchant de la pauvreté: apprendre que ce nombreux bétail qui le rendoit le plus riche des Orientaux, vientde lui êtreentiérement enlevé: apprendre que cette multitude de domefiiques , qu'il étoit accoutumé de regarder moins comme fes fer^ E a vi*
Jób XXXI. 14.
Job i; 3< 14. &c.
63
SERMON
Job. I. 2.
ï8. 19.
Jer. V. 3.
job. II. 7-
nteurs que comme fes freres , ont été es uns maffacrés par des brigands , les lutres confitmés par le feu célefie: apprendre que fes fept fis fes trois files
Grand Dieu ! fi le trépas d'un feul snfant qui faifoit partie d'une familie nombreufe, fuffit pour faire au cceur de fes pareus une plaie que le tems & la Religion ne ferment qu'a-peine, que dut donc éprouver celui de Job a 1'ouïe de cette épouvantable nouvelle ? que fes fept fils & fes trois filles , réunis par l'amitié fraternelle a la table de ïainé d'entr'eux, venoient d'étre tous enfemble écrqfés par la chute de fa maifon! Non, M. F., être frappé de cette maniere, & rien point fentir de douleur; cela n'eft pas dans la nature, & la Religion le condamne, bien loin de 1'exiger. Auffi Job, a 1'ouïe de ce qu'on venoit de lui rapporter, fentit vivement fes pertes; & quand il fe vit encore privé de fa fanté & couvert d'un ulcere malin depuis la plante de fon pied jufquau fommet de fa tête, il ne diffimula pas que c'étoit un mal. Si donc dans tout cela, Job riattribua a Dieu rien
de
fur la patience de Jffb- 6*9
de mal-convenahle; fi dans tout cela, U ne pécha point de fes levres ; s'il n'ouvrit la bouche que pour rendre le plus profond hommage a celui qui a fait le monde 6? toutes les chofes qui y font: ce n'eft pas qu'il fut infenfible a fes maux, ou qu'il témoignat de la bouche plus de fermeté d'ame qu'il n'en avoit intérieurement. C'écoit par une patience dont la piété étoit la fource. C'étoit par des motifs, que lui fourniffoit une Raifon éclairée par la Religion, & que nous devons développer dans notre feconde Partie.
II. PARTIE.
. Pour eet effet, M. F., remarquons avant tout que ces motifs, quels qu'ils foient, ont tous leur fource & leur fondement dans cette vérité générale, que la Raifon enfeigne & que la Révélation conürme: c'eft que puifque eet affemblage de chofes que nous appellons le Monde ou rUnivers, ne peut ni avoir toujours exifté , ni s'être donné 1'exiftence , il doit être 1'ouvrage d'une Intelligent E 3 éter-
Aft. SVU. 24.
Aft. XVII. 25.
2».
70 SERMON
êternelle & toute-puijfante, qui après favoir crée-, le conferve , & dirige tout ce qui s'y paffe. Et que par conféquent, c'eft cette même Intelligence , qui, foit par 1'effet des Loix phyflques que fuivent par fon inftitution les êtres inanimés, foit en faifant ou en laiffant agir les créatures intelligentes ; procure aux hommes tous les Mens dont ils jouiffent, & leur envoye tous les maux qu'ils fouf" frent,
Que la Raifon fuffife pour reconnóitre cette vérité, c'eft ce qui paroit par divers paffages des écrits qui nous reftent des Philofophes, & des Poëtes du Paganijme, oü ils 1'établiffent, foit en enfeignant une Providence générale , foit en attribuant a. la Divinité de donner aux hommes la vie c? les chofes nêceffaires k leur entretien, & de les punir de leurs crimes par diverfes calamite's.
Que la Révélation confirme pleinement cette lecon de la Raifon, c'eft ce que nous voyons dans un grand nombre de paffages de V'Ancien & du Nouveau TesUpmit* dont il fufiira de vous rappeller
ceux
fur la patience de Job. 7 f
ceux que voici. Qui ejl-ce qui dit quune chofe a, été faite & que le Seigneur ne Va point commandée ? Les maux & les biens ne procédent-ilspas du mandement du Tres kaut? Qui efl ce qui a livré Jacob au pillage tflfraèl aux fourrageurs?. Na-ce.pas tté VEternel , contre lequel nous avons. pêché ?. Votre Tere qui efl aux Cieux fait lever fon foleil fur le méchans & fur les bons, & tombcr fa pluk fur les jufles & fur les injustes. i Le Dieu qui a fait le monde & toutes les chofes qui y fint, nous donne è Mis la vie, & la refpiration , & toutes chofes.
Ce n'eft donc ni par un aveugle hazard , ni par une,nécefïité fatale, que nous recevons ici-bas des biens ou des maux. C'eft par la dire&ion toute-puisfante du fouverain Maïtre de 1'Univers: Etre infiniinent fage, jufte, & bon, qui eft 1'Auteur de tous les biens dont nous jouiffons relativement a Ja viepréfente. & qui ne les ayant point formés capables de nous rendre parfaitement heureux j peut avoir des raifons pour nous les enlever a 1'improvifte! Autant de motifs | ne point pécher de ms levres, quand 1 E 4 n0U!
Lam. ilt 37 3 •
Efa. XL1I. 24.
Matt V. 4S-
Act XVII. 24. 25.
L
72
SERMON
Afh XVII, 24.
nous arrivé' quelque affliclion. I. Les droits du Créateur. If. Les attributs qu'il poflede. III. La reconnoijfance que nous lui devons, IV. La nature des biens qu'il nous accorde. V. Les vues qu'il fe propofe en nous affligeant. Rcprenons ces cinq confidérations.
I. Premiermotif au devoir qu'expriment les paroles de mon texte, les droits du Créateur. Si, comme on ne fauroit en difconvenir, le Dieu qui a fait le monde ^ toutes les chofes qui y font , efl par celamême le Seigneur du del de la terre, il eft donc également le Seigneur de chaque être particulier qui entre dans I la compofition de 1'Univers. II eft le Maïtre des Anges, le Maitre des hommes , Ie Maïtre des animaux, le Maitre de tous les biens que la terre porte fur fa furface, ou qu'elle renferme dans fon fein. 11 en eft le Maïtre , non feulement de fait, paree qu'étantpluspuifant que toutes les créatures enfemble, elles ne fauroient lui rien öter de tout ce\qü'il poffêde; mais encore de droit, puifque rien tfex/JIant que par lui & paree qu'il le veut bien , il
eft
fur la patience de Joh. 73
eft fouverainement jufte que tout ce qui exifte lui appartienne, & qu'il puiffe en difpofer felon fon bonplaifir. Celt auffi ce que Job reconnoiffoit & exprimoit dans ces paroles du Chapitre précédent VEternel Vavoit donné, VEternel Va otè, le nom de VEternel foit be'niU puifqu'en attribuant a la direótion de ce grand Etre les pertes qu'il venoit de faire, il rendit hommage a fes droits en Tadorant, & en le béniffant avec une foumiffion parfaite. En effet , fans infifter dans eet article fur la gratuité des biens que Dieu nous accorde, & fur les maux que nous avons mérités par nos péchés: cela feul que . Dieu nous a tirés du néant ; que nous fommes fon .ouvrage ; que nous ne jouilfons d'aucun bien qui ne vienne de lui; que nous n'avons droit fur aucune créature qu'autant qu'il nous le donne; & que nous dépendons de lui dans tous les momens de notre vie: cela feul lui donne fur nous une autorité, qui, quoiqu'il faffe, doit nous empêcher de trouver a redire a fes difpenfations, & de lui attribuer , dans quelque degré que ce E 5 foit,
Job I. 21. Eph.II 10.
74-
SERMON
Matt, V.
Dcut. XXXII. i
Apoc. XV. 4.
foit, quelque chofe de répréhenftble. Pre* mier rnotif a la difpofition qu'expriment ces paroles de rnon texte: dans tout cela, Job ne pécha point de fes levres.
II. A la confidération des droits' du Créateur, joigtlcz en fecond lieu, celle de fes perfe&ions. Rappellez vous que la toute-puiffance n'eft pas le feul attribut du Tout-puiffant. Rappellez vous que notre Pere qui efl aux Cieux efl parfait, que fes perfeétions infiuent fur toutes fes dispenfations, & que quelle que foit 1'étendue de fes droits, il ne les exerce jamais d'une maniere purement arbitraire. Arriere de nous la penfée , que Dieu veuille, ou faffe, quelque chofe fans autre motif que fon indépendance; fans autre but que d'exercer Jon pouvoir; fans autre vue que de montrer quil efl le Maitre'. Qui pourroit , fans extravagance, attribuer quelque chofe de pareil a un Etre, que les Payens même ont reconnu pour faint juste; dont toute la Nature nous prêche la fagejfe & la bonté; & que la Révélation, émanée de lui qui eft la Vé"rité même, déclare le feul faint, le feul
bon,
fur la patience de Job.
bon , le feul fage, jufte en toutes fes voies, plein de gratuite dans toutes fes ceuyres ? Si pour fermer la bouche a dës mortels infolens, qui, pour fe juftifier devant Dieu, ont 1'audace de lui imputer leur impénitence, & d'attribuer è fa volonté les crimes que leur méchanceté leur fait commettre; un Apötre fe contente de leur répondre, qui es tu toi, qui conteftes avec Dieu ? & de leur alléguer fon autorité fuprêmö :. fon but n'eft nullement d'accorder, que Dieu faffe quelque chofe uniquement en vertu de fon pouvoir, & fans confulter fes perfections mor aks; lui qui dans d'autres endroits de fes Epïtres nous fait remarqucr dans les difpenfationsde ce grand Etre, fa fagejfe, fa connoi(fance,fon amourpour Tordre, fa juftice, fa bonté. Ce qui en réfulte, c'eft que lorsque nous ne découvrons nipar la Raifon, ni par l'Ecriture, les motifs que Dieu peut avoir eu pour agir d'une certaine maniere plutöt que d'une autre, nous devons nous arrêter a fon bonplaijir. ' Mais le bonplaifir de F Etre parfait ne pouvant être Contraire a fes attributs, il eft clair que le moindre murmure dans les alflictions,
Is
Matt. XIX. 17. iTim.1 17. Pf, CXLV. 17-
Rom. IX. 20.
Rom. XI. 33- &c
7<5
SERMON
le moindre foupcon qu'il nous afüige avec trop de rigueur, eft une offenfe non feulement contre fon autorité, mais encore contre fes perfeclions infinies, qui concourent toujours a diriger 1'exercice de cette autorité. PuilTant motif è nous empêcher, foit quand Dieu nous affiige, foit aufli quand il permet des événemens qui au premier coup-d'oeil paroiffent contraires a fes attributs; a nous empêcher, dis-je , de pécher de nos levres. Car fi nous devons nous foumettre a Dieu, paree qu'il eft notre fouverain Maitre ; combien plus quand nous réfléchiffons que dans les cas mêmes ou il femble n'agir qu'en cette feule qualité, ce qu'il fait eft toujours conforme a fa fainteté, kfa fagejfe, a fa bonté, a fajuflice?
III. Troifieme motif a cette réfignation, la reconnoijfance que nous devons a Dieu. Celui qui nous envoye des afflictions; (car de quelque maniere qu'elles nous arrivent, c'eft toujours Dieu qui, nous les envoye, puifque rien ne pe-ut nous arriver fans fa volonté ou fans fa permisfion:) celui, dis-je, qui nous envoye les afMions, c'eft le même Dieu qui
nous
fur la patience de Job. 77
nous fait jouir des biens de la vie; biens qui dépendent tellement de lui, qu'il n'y en a pas un dont il ne foit FAuteur. Car toute bonne donation & tout don parfait eft denhaut, descendant du Pere des lumieres. Or de-la réfulte le devoir, d'acquiefcer humblement aux affliétions qu'il juge a-propos de nous inniger. C'eft le ratfonnement de Job immédiatement avant mon texte. Tu parles, (dit-il a fa femme, qui, quel qu'ait été le fens particulier de fes paroles,ce que nous ne rechercherons point ici, femble au moins avoir voulu blamer fa fermeté & fa patience:) tu parles comme une femme infenfée. Quoi, nous recevrions de Dieu les biens, nous rien recevrions pas les maux! Vous fentez fans doute, M. F., la fageffe & la force de ce raifonnement. Quand Dieu nous envoye des biens, quand il nous en accorde même qu'il refufe a nombre de nos femblables, nous ne nous plaignons pas alors qu'il en faffe trop; & c'eft beaucoup, fi nous favons nous contenter de ce qu'il nous donne, fans étendre encore nos défirs au de-la- Et lorfque
ce
Jaq.I. 17.
78 SERMON
ce même Dieu notre Bienfaiteur, jugera a propos de nous öter une partie de nos biens, ou de nous frapper foit dans nos perfonnes, foit dans nos families; nous oublierions fes faveurs paffées, les graces qu'il continue a nous faire, & notre indignité devant lui, jufqu'a lui manquer de refpecr, par des paroles indifcretes, & a nous plaindre de fa conduite a [notre égard? Cela feroit d'autant plus injufte, d'autant plus contraire a la reconnoijfance que nous devons a Dieu pour fes bien. faits, que nous n'en méritons aucun, & qu'en nous infiigeant ces fortes d'afïlictions, il fait beaucoup moins que nos péchés ne le mettent en droit de faire. Indépendamment donc de toute autre confidération, la feule gratitude que nous devons a un Dieu de qui nous n'avons, a la lettre, mérité que des maux, & qui cependant nous accorde des biens dont les plus rudes afflictions ne nous privent jamais qu'en partie: cette feule confidération, dis-je, doit fuffire, pour nous faire, quand Dieu nous afflige, revêtir la difpofition d'efprit qu'indiquent ces
pa-
fur la patience de Joh 79
paroles, dans tout cela, Job ne pe'cha point de fes levres.
IV. Un quatrieme motif qui doit nous y porter, c'eft la nature même des biens dont il s'agit. Ils ne font ni effentiels a 1'humanité , ni le partage de tous les hommes, ni exempts de fragilité. Point effentiels a 1'humanité: puifque felon la remarque de Job dans le Chapitre précédent , ils ne naiffent pas avec nous &ne nous; accompagnent pas dans le fépulcre; ou comme St. Paul 1'exprime dans. fa Ie. Epitre a Timothe'e , nous riavons rien apportè au monde, & nous rien pmvons rien emporter. Point le partage de tous les hommes : puifque la plupart ne poffédent ni dignitês, ni richelfes; que plufieurs paffent leur vie dans des occupations beaucoup plus pénibles que lucratives; que dans toutes les conditions il y a des mariages flêriles; & qu'on peut parvenir a un age avancé, quoique 1'on n'ait qu'une fanté languiffante & qu'on trouve a-peine de quoi fe nourir. Point exempts de fragilité : puifque ceux qui les poffédent, peuvent fe les voir enlevés a 1'impourvu, & qu'il
n'y
bfa. I. 21.
1 Tim. TL 7.
80 SERMON
n'y en a aucun dont nous foyons furs de jouir toute la journée. Or, telle étant la nature des biens que nous poffédons ou que nous pouvons pofféder ici-bas, il eft clair que , naturellement égaux devant Dieu , nous n'y avons pas plus droit les uns que les autres; que quand il nous les donne, c'eft une grace qu'il nous fait; & qu'en nous les refufant, ou en nous les ötant, il ne nous fait point d'injuftice. Et puifqu'il n'eft ni poflible, ni fouhaitable, que toute diftinciion foit abolie parmi les hommes; que Dieu n'a pas voulu que les biens par lefquels il les diftihgue, fuffent a 1'abri de toute viciffitude; & que, quelque doux qu'il foit d'en jouir, ils ne font pas abfolument néceffaires a la vie: n'eft-ce pas a Dieu a déterminer, a qui, dans quellemefure, & pour combien de tems , il convient qu'ils foient accordés ? Et par conféquent, quelque dure qu'en foit en ellemême la privation , ne devons nous pas, quand Dieu nous en privé, nous foumettre a fa volonté, & nous garder ainfia 1"exemple de Job, de pécher de nos leyres?
V.
fur la patience de Joh 8l
V. Cinquieme motif, enfin , qui doit nous y porter, M. F., les vues que Dieu fe propofe en nous affiigeant, ou Vutilitê des affliclions. Si des Payens, tout imparfaits qu'ils fe repréfentoient leurs Dieux , leur ont cependant attribué „ d'aimer les hommes beaucoup plus „ que ceux-ci ne s'aiment eux-mêmes idee, que nous devons a plus forte raifon nous former du vrat Dieu; & fi, comme VEcriture le dit pofkivement, ce nefl pas volontiers quil les afflige Jéchir er ent chacun fon manteau, & jetter ent de la póudre fur leurs têtes vers les deux. Et ils s-afirent a terre avec lui durant " fept jours 6?fept nuits; 6? nul deux ne lui dit aucune parole, parcequ üs yoyoientquefa douleur étoit fort grandejoii. 11. 11—13-
C'eft un touchant fpeétecle, Chrétiens, M. T. C. F., que celui que nous préfentent les paroles dont je viens de vous faire la le&ure. Nous y voyons le plus, F 4 pieux,
83
SERMON
Job. I. g II. 3-
i
<
I ( 4 j i
pieux, le plus vertueux des hommes de fon tems , un homme qui riavoit point .fon êgalfurla terre, integre £? droit, craignant Dieu & fe dètournant du mal; précipité du faite de la félicité temporelle, dans un affemblage de malheurs dont un feul fuffit pour rendre la vie amere. Nous 1'y voyons par le fubit enlévement de fes biens tombé dans un état peuéloigné de la mifere; privé par un feul & même coup d'une nombreufe & florijfante familie; frappé d'un ulcere malin depuis la plante du pied jufquau fommet de la tête; &, dans cette affreufe fituation , abandonné de prefque tous ceux qui devoient s'intéreffer le plus vivement a fon infortune. Dumoins, a 1'exception d'Elihu dont il 2it fait mention dans les derniers Chapi:res de cette hiftoire , il ne paroit pas me dans fes malheurs il ait eu d'autres ronfolateurs que les trois qui font nomnes dans mon texte, & qui compatirent i tendrement afonhorrible état. Or trois fes intimes amis de Job, Eliphas Témanite, Südad Seuhite , & Tfophar Nahamatite , yant appris tous les maux qui lui étoient
ar-
fur Ia vifite des trois amis de Job. 89
arrivés, partirent chacun du lieu oh ils étoient &c.
Mais ne croyons pas, M. F., que cette touchante relation de 1'état oü ces trois hommes trouverent leur ami, & de la maniere dont ils 1'aborderent, ne foit intéreffante que par les fentimens d'attendrhTement qu'excitent dans des coeurs bienfaits , des narrations de cette nature. Elle renfernae diverfes inftruétions qui méritent d'étre développées : & c'eft auffi a les développer que nous employerons une feconde Partie, après que dans une première, nous aurons expliqué hiftoriquement le recit que notre texte nous préfente. C'eft ma divifion générale.
I. PARTIE.
Dans le recit que 1'Hiftorien facré nous fait de la .vifite rendue a Job par les trois perfonnages ici défgnés , nous avons a confidérer fucceffivement : I. La réfolution qu'ils prirent; ayant appris tous les maux qui lui étoient arrivés, ils partirent chacun du lieu oh ils étoient, & convinrent F 5 d'un
CJO
SERMON
Job XXXJI. 2.
Gen,
XXII. 21.
Sun jour pour venir enfemble fe condouloir avec lui e? le confoler. II. L'attendriffeménc que leur caufa fa vue; levant leurs yeux de loin, ils ne le reconnurent point, c2? élevant leurs voix, ils pleur er ent, & déchirerent chacun fon manteau, f2? jetterent de la poudre fur leurs têtes vers les deux. III. Le repos & le filence que 1'Auteur facré leur attribue ; ils s'affirent a terre avec Job durant fept jours c3? fept nuits; reuve de l'(economiefuture. IV. Un tableau le la véritable amitié. V. Un modele lluftre de patience.
lil PARTIE.
Je trouve dans la narration de mon :exte, un argument en faveur de la reaHté de Vhiftoire dont elle fait partie. La :anonicité du Livre de Job ne fauroit être conteftée , quand on confidere que les Juifs que Dieu avoit rendus dépofitaires de fes Oracles, 1'ont recu comme un ouvrage divinement infpiré, fans que Jesus-
Christ*
fur la vifite des trois amis de Job. 101
Chris r, ni fes Apotres les aienc jamais accufés (Terreur ou d'infidélité a eet égard. Mais il s'eft trouvé des interpretes , qui, fans méconnöitre 1'excellence & Tutilité de eet ouvrage, Tont regardé, non comme une hiftoire réellement arrivée, mais comme une parabole ingénieufe, écrite, foit par Moyfe, foit par quelqu'autre Ecrivain pieux, pour infpirer a ceux qui le liröient, un efprit de patience &. de foumiffion aux difpenfations d'enhaut. Nous.avons , ce me femble, des preuves certaines & indubitables de la faulTeté de cette penfée, dans deux paffages, f un de 1 Ancien & Tautre du Nouyeau Tefiament, indépendamment de Targument que fournit notre texte. Le premier de ces paffages fe trouve dans le Chapitre XIV. a" Ezechiel, oü Dieu déclare , que fi ces trois hommes, Noé, Daniël, c2? Job , fe trouvoient parmi un peupk coupable fur lequel il envoyeroit la famine <5? la dêfblation , ils délivreroient leurs amespar leur jufiice. L'autre paffage fe lit au Chapitre V. de St. Jaques, oü ■ eet Apötre, après avoir dit, mesfreres, G 3 frs'
Ezech. xiv. 14. 20.
Jaq. V. 10. 11.
102
SERMON
i
i
j
]ob. L1.3.
Jcb XXXII. 2.
wenezpour exemple tfajfiiclion de patience, 'es Proplietes qui"ontparléau nom du Seigneur; ijoute: voici mus tenons pour heureux ceux qui mtfoujfert, vous avez entendu la patience de Job, ê? vous avez vu la fin du Seigneur , :ar le Seigneur efl plein de compajfion 6? de bitié. Dieu auroit-il affocié Job avec Noê & Daniël comme un homme d'une jufiice exemplaire, s'il n'avoit pas réellement exifté ? Et St. Jaques 1'auroit-il mis au nombxc des Saintsqu'il cite comme des modeles de patience, fi fes malheurs & fon exiftence même n'euffLnt été que des fiótions, tandis qu'il pouvoit en citer tant d'autres dont 1'exiftence n'eft pas conteftée ? Mais outre ces paffages décififs a ce qu'il me paroit, le feul détail oü entre 1'Auteur facré, montre affez que ion Livre n'eft pas une parabole, mais une hiftoire véritablement arrivée. A quoi bon faire 1'énumération précife du Pays que Job habitoit & des diverfies richeffies qu'il poffédoit: a quoi bon fpécifier les noms & P origine des trois amis dont il eft parlé dans mon texte: a quoi bon nous apprende qu' Elihu étoit fils de Bara-
kéel
fur la vifite des trois amis de Job. 103
héél Buzite de la familie de Ram, circonftances qui certainement n'ont rien de parabolique; fi toute cette hiftoire n'étoit qu'une parabole ? Je fais bien qu'on infere fouvent des détails de cette nature dans des ouvrages de pure invention , pour donner un air de vraifemblance aux chofes qu'on y raconte , & les rendre par laplus intéreflantes. Mais eet artifice ne conviendroit pas a un Auteur divinement infpiré.qui, voulant nous inftruire par une parabole, peut bien y ajouter certaines particularités plus ou moins propres a ce genre de fujets, mais ne fauroit chercher a faire illufion a fes leéleurs, en faifant paffer, par un détail inutile a fes vues, des fi&ions pour des vérités. Les décaiis hiftoriques qu'on trouve dans le Livre de j^concourent donc a établir que Job a véritablement exifté , & que les chofes racontées dans ce Livre lui font véritablement arrivées.
II. Vo'yez dans 1'état oü les trois amis de Job le trouverent un mémorable exemple de l'infidbilité des biens du monde, de la rapidité avec laquelle ils peuvent être enlevés a leur pofleffeur. Qui étoit eet G 4 ho^'
io4 SERMON
Job. I. 3, Ï0M.14,
homme qu' Eliphas & fes compagnons trouverent clans une fituation, qui, fans aller jufqu'a 1'extrême indigence, approchoit beaucoup de la pauvreté fans parler ici de la perte de fes enfans & de fa fanté: eet homme, qui, s'il avoit peutêtre encore quelques terres a lui appartenantes, n'avoit plus ni troupeaux qui puffent y paitre, ni ferviteurs qui puffent les cultiver? C'étoit un homme qui peu de tems auparavant farpajfoit tous les Oricntaux en opulence, qui poffédoit Jept mille hrebis & trois mille chameaux, cinq eens couples de boeufs & cinq eens anejfes; richeifes immenfes , & qui donnent une idee du grand nombre de domefliques qu'il avoit a fon fervice : & qui dut a la perte totale & fubite de tous ces biens, a laquelle fe joignit le trépas de fes fils & de fes filles, .& la privation de fa fanté; qui dut, dis-je, a 1'enlévement de toutes ces chofes, la vifite rapportée dans mon texte. Quand nous fuppoferions que fes biens ne lui furent pas tous cnleve's en un feul & même jour, au moins fut-il dépouillé de tous, & en trés peu de tems. En un jour , les Sahéens lui
en-
fur la yifite des trois amis de Job. 105
enleyerent fes boeufs fes aneffes, & tuerent les ferviteurs qui les gardoient. En un jour, fes brebis furentconfumées par lefeu célefle, avec les bergers qui les paiffoient. En un jour, les Caldéens prirent- fes chameaux, & maffacrerent leurs gardiens, Ce fut auffi en un jour, que fes dix enfans périrent par la chute d'une maifon, qui les e'crafa fous fes ruines: & il paroit par le recit de 1'Hiflorien facré, que ce fut en un feul & même jour, quilregut la nouvelle de toutes _ ces pertes. O vous , qui dans votre profpérité femblez vous dire a vousmêmes, je ne ferai jamais ébranle', paree que par la faveur de /''Eternel la force fe tient en votre montagne : vous auffi, qui dans 1'état de médiocrité oü la Proviclence vous place, enviez aux riches de ce monde eet état d'opulence qui leur donne les moyens de briller dans la fociété,,de batir des maifons fuperbes , • de vivre dans le fafte, de fe procurer toutes fortes de plaifirs & de commodités, de fe yêtir de pour pre c2? de fin Un,
1
Pr. xxxix. 6
pr.
XXXIV.
Job. XII. 6.
Pf.
XXVI, 6.
108 SERMON
il ne s'accorderoit ni avec la bonté de Dieu, ni même avec fa fagejfe & fa justice, de leur infliger de fi rudes calamités. En effet la fituation dans laquelle Job étoit réduit, étoit une des plus terribles qu'on puifie fe figurer ici-bas. Non feulement il fe voyoit privé de toutes fes richejfes, & de 1'inexprimable plaifir de les employer au foulagement de fes prochains: fa fanté même, le plus grand bien de la vie , lui étoit ötée par une maladie douloureufe qui le privoit de 1'ufage de fes membres; & il avoit perdu par un même coup tous fes enfans, perte irréparable s'il n'y a point d'autre vie après celle-ci. Une telle complication de maux pourroit elle tomber fur un jufte, & fur un jufte tel que Job , fi 1'existence des hommes étoit renfermée dans les courtes limites d'une vie réduite a la mefure de quatre doigts ? Non , M. F. Puifque le jufte peut avoir des maux en grand nombre , tandis que les tentes des volcurs profperent, & que ceux qui irritent Dieu font en ajfurance; puifque ceux qui lavent leurs mains dans ïinnocence peuvent
tom-
fur la vifite des trois amis de Joh 109
tomber dans les plus grandes calamités , tandis que les méchans font a leur aife, & L acquiérent de plus en plus des richeffes: nier 1 la réalité d'une oeconomie future , prétendre qu'il n'y a point d'autre vie que celle-ci; ce feroit attaquer les perfeélions divines , anèantir le crainte due au Dieu j Fort, encourager le vice , & détourner les hommes de la vertu. Concluons le, donc, M. F. L'état oü les amis de Job le trouverent, privé de fes biens, de fa fanté, de fes enfans, & prefque de tous fes amis ; eet état, fournit ün de ces exemples qui prouvent, que la fainteté fera couronnée dans une autre vie , & que tandis que les méchans & les impies, & particuliérement les opprelfeurs des gens de bien , recueilliront les fruits amers de leurs crimes , Dieu donnera la vie ét er nette h ceux, qui, perfévérant a bienfaire, cherchent la gloire , ïhonneur & ïimrmrtalitè. \ ,
IV. Notre texte nous préfente un tableau de la vêritable amitié. Je pourrois peut-être ajouter, qu'il nous en offre un du refroidijfement t3 de Undijférence que
peu.
pf.
xxiil.
ab XV. 4. Rom. II. 7.
Job. XLII. il.
lid SERMON
peuvent produire dans 1'amc de deux qu'on a cru fes amis , les défaftres oü 1'on tombe. 11 fcmble du moins par le dernier Chapitre de ce Livre , que les plus proches pareus de Job & fes anciennes connoiffances;, ne vinrcnt lui témoigner quils compatiffoient a fes maux , qu'après qu'il en eüt été délivré. Ce qu'il y a de certain , c'eft que quand Eliphas & fes deux compagnons fe jendirent auprès de Job, il étoit encore feul, ou accompagné du feul Elihu; & que fes calamités doivent avoir été affez connues & avoir duré affez longtems, pour que d'autres que ces quatre aient eu le tems de venir voir Job avant qu'elles fuffent terminées. Mais, fans décider que ceux dont il s'agit aient été coupables de cette honteufe indifférence, je dis que la conduite des trois hommes qui font nommés dans mon texte, nous olfre le tableau cïunevéritable amitié. En effet, ce n'eft guere que de ce principe que put partir la réfolution qu'ils prirent de faire unvoyage peut-être • affez long, imiquement pour venir témoigner a Job la part qu'ils prenoient a fes
mal-
fur la vifite des trois amis de Joh. in
malheurs, & tacher de le confoler. Quand il s'agit de venir féliciter un homme qui profpere, qui eft parvenu a quelque pofte éclattant, ou qui a fait un gros héritage; une telle vifite , quoique le motif en puifle être pur, peut auffi devoir fon origine ala curiofité,a 1'intérêt, &même a 1'envie. Mais ce n'eft qu'a une ajfeftion Jincere que peut être attribué le foin de venir d'un lieuéloigné, vifiterun homme tombé dans la mifere, & devenu par la perte totale de fes richeffes , inutile a ceux auxquels il pouvoiC autrefois faire du bien.
V. Enfin, fixons nos regards fur la patience exemplaire que Joh témoigna dans fa profonde affliftion. Saifi de la plus amere douleur a 1'ouïe de fes pertes , il ne lui échappa pas un mot d'impatience ou de murmure, & il n'ouvrit la bouche que pour rendre a Dieu 1'hommage de ] tous les biens qu'il venoit de lui enlever. Frappé enfuite dans fon corps par une grieve &douloureufe maladie,ilcontinua a conferver fon intégrité, & a reconnöitre le droit que poflede de neus infliger des1
maux,
' fit .IJJ' ob I. ij.
Job II. 9, o.
Job. I.
22. 23 Job. VII, X.|i,
Job. XL1I. 7. Jaq. V. 11
1 Pier. JI. 22.
Héb. VII 2<5.
Efa. UU. 6.
■iia SERMON
maux, celui dont nous recevons tous les biens. Pendant fept jours entiers que fes amis s'abftinrent d'aigrir fa douleur en lui parlant de fes infortunes, 1'accablement oü il étoit ne lui arracha rien de mal-convznable. Et fi dans la fuite // fe plaignit amérement de la grandeur de fes maux , il faut que nonobftant ce qu'il y eut de rèpréhenfible dans fes difcours, fa patience Ê? fa piété ne fe foient point démenties, puifque Dieu lui rendit le témoignage d'avoir parlé de lui avec droiture, & que St. Jaques cite ia patience de Job comme un modele digne de notre imitation.
Que s'il nous faut un exemple plus parfait encore, & accompli a tous égards, pour nous porter a la patience & a Vd foumijfion; n'avons nous pas celui de JestjsChrist? Lui, qui n''avoit jamais commis aucun pêché, & dont Yinnocence fut toujours fans tache; lui, dfönt les foufrances furpasferent tout ce que les Prophetes &les martyrs fouffrirent de plus terrible, vu que V Et er nel avoit fait venir fur ' lui riniquité de nous tous ; lui, que des hommes cruels & barbares■'traiterent avec toute la dureté
que
■ fur la vifite des trois amis de Job. 113
que la hdine la plu's furieufe peut infpirer aux aipes dont elle s'empare: comment a t-il e.nduré fes maux? Soumis a la 'volonté de fon Pere, il lui fit le facrifice de la fienne, dans le moment même qu'il fréraiffoit d epouvante a fidée de celui qu'il alloit offrir fur la croix! Elendu fur 'te bols infame , au lieu de reprocher a ceux qui Py cküoient leur injuftice & leur "barbarie,il rejetta leur faute fur leurignorance, & follicita leur pardon!' Voila, Chrétiens, & le fondement de notre falut, & la regie de notre conduite. C'eft dans les fouffrances de Jestjs - Christ , que nous devons chercher la fource de notre fêcon* ciliation avec Dieu. C'eft dans fes foujfran* 'ces,.que nous devons puifer les fentimens de patience & de charité qui nous font fi fort recommandés dans VEvangile. Car Christ a fouffert pour nous, nous laiffant un patron, afin que nous fuivions fes traces. Dieu nous en faffe la grace! Et a lui foit gloire a jamais! Amen.
Tom. 1. H
SER-
Ma'.t* £\Vi. 39. Stc.
Lud. XXIII. 33. 34'
t Pier. Jr. li»
I I
Eccl. V. 7-
SERMON
SUR
LES DISCOURS DE JOB ET DE SES TROIS AMIS.
Or après que F Eternel eut dit ces paroles h Job, il dit a Eliphas Témanite; mafureur eji embrafée contre toi contre tes deux compagnons, paree que vous navez point parlé droitement devant moi, comme Jób mon ferviteur. C efl pour quoi prenez vous maintenant fept taureaux é? fept héllers, & allez vers Job mon ferviteur, &off rez un holocaufle pour vous: Job mon ferviteur priera pour vous, (car certainement fexaucerai fapriere,) afin que je ne vous traite point felon votre folie; paree que vous ri avez point parlé droitement devant moi, comme Job mon ferviteur. Ainfi Eliphas Témanite, Bildad Scuhite, & Tfophar Nahamatite vinrent, &firent ce que VEternel leur avoit commandé: £5? F Eternel exauc* la priere de Job. Job XLII. 7. 8. 9.
Comme dans la multitude des fonges il y a des vanités, aujfi y en a t-il beaucoup dans la
mul-
fur les difcours de Job &de fes trois amis. i r 5
multitude des paroles: lamultitude des paroles riejl pas même exempte de pêché. Cette remarque de Salomon ne fe vérifie que trop fouvent parmi les hommes , & il ne faut, pour en avoir vu des exemples , qu'avoir été préfent, foit aux converfations qu'on entend quelquefois dans la fociété , foit aux difputes qu'excitent fouvent entre certaines perfonnes de tres legers intéréts. Ceux qui aiment a parler beaucoup , font fujets a dire beaucoup de chofes inutiles; & même des chofes mauvaifes, foit en elles-mêmes, foit par le tort qu'elles peuvent faire au prochain: & cela feul fuffit fans doute pour juftifier, indépendamment de toute autre confidération, le précepte de St Jaques, que tout homme foit prompt d écouter, lent d parler.
Nous trouvons, M. F., un exemple frappant de la vérité de la réflexion du Sage , dans les longues converfations qu'occafionnerent entre Job & fes trois amis, Eliphas, Bildad, & Tfophar , les calamités qui lui étoient furvenues. V$ nus pour fe condouloir avec lui c}? le confoler , H 2 ils
Prov.x.19.
Jaq. I. 19. Job II. 11
Job XXXVIII. i. & XL1I. 7-
i
ïiö SERMON fur
ils femblent au contraire s'être rendus < auprès de lui pour ajouter ajfiiciion è fin ajfiiciion , en 1'accablant des plus durs reproches; & Job de fon cöté , en fe défendant contre leurs accufations, s'expliqua quelquefois auffi d'une manierepeu ménagée : deforte que les difcours de ces quatre perfonnages, quoique remplis de bonnes réflexions, & de remarques édifiantes, ont été mêlés de chofes qui n'étoient rien moins qu'irrépréhenfibles. Sans en citer encore d'exemple particulier , nous en avons une preuve infaillible dans les cenTures que Dieu addreffa a Job & fes amis au fujet des chofes qu'ils avoient dites, Dieu étant fouverainement fage & fouverainement équitable, & ne blamant jamais que ce qui mérite d'étre blamé.
II faut cependant, M. F., qu'il ,y ait eu une grande difFérence entre les discours qui attirerent a Job la répréhenfion divine , & ceux que lui avoient tenus fes trois amis ; & que Job ait été beaucoup moins coupable qu'eux. La preuve s'en trouve dans mon texte, oti Dieu, qui avoit trouvé quelque chofe
de
les difcours de Job g? de fes trois amis. i r 7
de répréhenfible dans les paroles de Job, lui rend pourtant le témoignage £ avoir parlé avec droiture , tandis qu'il accufe Eliphas 6? fes deux compagnons d'injuftice & de folie, pour avoir parlé comme ils ont fait: & oü ce même Dieu, qui juge.toujours droitement, & qui riapoint dégard ii ïapparence des perfonnes , veut que ces trois hommes foient redevables aux intercejjtons de Job, du pardon de leurs égaremens. Or après que 1'Eternel eut dit ces paroles a Job, il dit h Eliphas Témanite ; ma fureur efl embrafée contre toi & contre tes deux compagnons, paree que vous n avez point parlé droitement Sc.
Ce fera donc employer utilement cette méditation ,que de recherchèr en quoi Job, qui a été repris de Dieu, qui a été convaincu de fa faute, & qui en aeu horreur au point des,enêtrerepentifurlapoudre & fur la eendre; de recherchèr, dis - je, en quoi Joh a parlé de Dieu plus droitement queux; Sc en quoi a confifté ïinjuflice & la folie que Dieu leur reproche dans mon texte, Sc dont il leur promet le pardon, a condition que Job priera pour eux. C'eft ce H 3 qui
Deut. I. 16. 17. X. 17. &c.
Tob (LIL 6.
iiS SERMON fur
qui divifera ce difcours en deux Parties. générales. Dans la première, il faudra examiner ce qui, dansles difcoursd'Eliphas Bildad & Tfophar, a pu donner lieu a la colere que Dieu témoigne contre eux dans mon texte. Dans la feconde, il faudra recherchèr les raifons de la glorieufe différence que Dieu met ici entre Job & fes /m'Jö/ww, jufquavouloir qu'ils duffent kfon intercejfion le pardon de la faute qu'ils avoient commilè.
I. PARTIE.
Le premier de ces Points, M. F., n'eft pas difficile a exécuter. 11 nefaut qu'avoir lu attentivement les difcours qu' Eliphas & fes deux compagnons avoient tenus ajob, pour y trouver des preuves frappantes de ïinjujlice & de la folie que Dieu leur impute dans mon texte. Mais avant d'entrer dans ce détail , il faut remarquer que ces trois perfonnages n'étoient pas les feuls qui euffent parlé d Joh» ni même qui 1'euffent accufé. II eft fait mention d'un quatrieme, nonimé Elihu ,
qui
les difcours de Joh & de fes trois amis. i19
qui étant le plus jeune, avoit eu la difcrétion de les laijferparler ayant lui, Scattendu qu'ils eunent fini, pour addrefler a Job ce qu'il avoit a lui dire. Cet Elihu, dont le difcours fait la matiere de plufieurs Chapitres, n'eft point compris dans la déclaration de mon texte. Dieu n'y témoigne fon indignation, que contre Eliphas & fes deux compagnons; ce n'eft que de ces trois hommes, qu'il exige un facrifice; ce n'eft que pour eux, qu'il veut que Job intercede. II en refulte inconteftablement, que les paroles dElihu n'ont eu rien de répréhenfible, & que s'il n'a pas été infpiré , comme on pourroit le croire, fes difcours ont du moins eu le fceau de 1'approbation divine. Cependant quelques auteurs n'ont pas fait difficulté de repréfenter Elihu comme un orgueilleux , qui sefl lui-même convaincu de menfonge, de yanité, & dignorance, en raifonnant contre Job, Ben tordant fes difcours. Sans combattre ici au long cette idéé, il mefemble que le filence de Dieu dans mon texte, fuffit pour en faire fentir la fauffeté. Certainement, fi Elihu avoit mal parlé, H 4 aPrès
Tob XXXII. 4.
120 SERMON fur
Job XXXII. ?. &c.
Job IV. 7-19-
après s'être promis de parler mieux que n'avoient fait les autres ; fi ce jeune homme, qui ne fit pas cfifficulté de dire a Job des chofes trés dures, avoit pêché dans fes difcours contre la vérité ou contre la juflice, Dieu n'auroit pas été moins irrité contre lui que contre les trois autres, & auroit exigé de lui la même réparation qu'il exigea d'Eliphas de fes deux compagnons.
Ce nefl donc, M. F., que dans les difcours de ces trois perfonnages, qu'il faut chercher des exemples de Vinjuftice & de la folie que Dieu cenf ure fi fortement dans les paroles de mon texte. Je 1'ai dit plus haut: il fe trouve dans les difcours qu'ils tinrent a Job , de tres bonnes chofes. On y voit des lecons excellentes, des maximes admirablcs , des fentences pleines de bon fens & de folidité. ïémoin ce mot iïEliphas :Vhomme fera t-il plus jufe que Dieu? I''homme fera t-il plus, pur que celui qui Va fait ? Vlila il ne s af ure point fur fes ferviteurs , & il met de la lumiere dans fes Anges: comlien plus en ceux qui demeurent dans des mai--
fons
les difcours de Job & de fes trois amis. 121
fins d'argile , dont le fondement efl dans la poufiere, & qui fe confument a la rencontre d un vermiffeau ? Témoin la remarque de Bildad: l attente de Fhypocrite. périra, fon efpérance fera fruflrée, & fa confiance comme une toile d'araignée; il s'appuiera fur fa maifon, & elle ri'aura point de fermete'; ilfempoignera de la main , & elle ne fubfiflera point. Témoin cette qucftion de Tfophar: trouveras tu le fond en Dieu en le fondant ? trouveras tu parfaitement le Tout-puiffant? ce font les hauteurs des deux, quy ferois tul Cefl une chofe plus profonde que les abtmes , quy connóitrois tu ? Auffi n'étoientils ni des méchans, ni des impies. Ils admettoient les grandes vérités qui fondent la Religion, 1'exiftence d'un Etre fuprême, Créateur & Confervateur du monde , JBienfaiteur & Légiflateur des hommes, Vengeur du crime & Protecleur de 1'innocence. Quant a Job, loin de le hdir ou de fe réjouir de fon mal, c'étoit a 1'amitié la plus tendre & la plus exemplaire qu'il dut la vifite quils lui rendirent: '& la vive douleur qu'ils témoignérent en voyant 1'état affreux oü il étoit, montre li 5 affez
Job. vn. 13-15-
Job XI. 7. 8.
ia* SERMON fur
Job I. 8. & IL 3.
Jab XV. 14.
Pf. XXXlV. 20.
affez Vattachement qu'ils avoient pour lui. Mais de fauffès idees fur la conduite de la Providence divine , 1'excès des malheurs dont Job étoit accablé, la maniere trop forte dont il maintenoit fon innocence, les plaintes ameres qu'il faifoit de la rigueur avec laquelle Dieu le traitoit, & trop de confiance en leurs propres lumieres, les engagerent a lui dire des chofes, dont les unes, quoique vraies en foi, étoient mal appliquées, & dont les autres étoient fauffes & deftituées de fondement. C'étoit mal-a-propos qu'ils foupgonnoient la probitë de leur ami de n'avoir pas été fincere , puifque c étoit un homme qui riavoit 'pas fon égal fur la terre, un homme integre 6? droit, craignant Dieu c? fe détournant du mal. C'étoit fans fondement qu'en contemplant fes miferes, ils en concluoient qu'il avoit commis quelque grand crime qui avoit attiré fur lui la colere céle/le; puifque les hommes les plus ju/les n'étant pas fans pêché, comme ils le reconnoilfoienteux-mêmes, peuvent ici-bas avoir des maux en grand nombre, fans quil en réfulte qu'ils foient
des
les difcours de Job 0 de fes trois amis. 123
des hypocrites ou des méchans. C'étoit avec beaucoup de témérité, quewe fachant plus que repondre k 1'apologic que Job avoit faite de fa conduite, ils riavoient paslaijfé de le condamner, comme Elihu leur en fit' le fage rcproche. Que de traits dans leurs difcours , qui juftifient la cenfure que Dieu leur fait dans' mon texte , de ri avoir pas parlé devant lui avec droiture, c2?
avoir agi follement! JN'étoit-ce pas une injuflice une folie, que d'infinuer k Joh, que puifqu'il fouffroit de fi grandes. ca'amités, il falloit bien qu'il fut du nombre de- ceux qui labourant Viniquitè, r2? femant l" out rage, périffent par le Jouffle de Dieu, & font confumés par le vent de fes narines ? N'étoit-ce pas une injuflice & une folie, que de témoigner a ce pere affiigé ,■ a qui Dieu avoit enlevé d'un même coup fept fils & trois filles , que cette prompte mort étoit une punition de leurs crimes ; fi tes enfans ont pêché contre lui, il les aujfi abandonnés a leur pêché: comme fi , fous ombre que le Dieu fort & tout-puiffant ne renverfe point le droit ® lajuftice, il n'y avoit que des fcélérats
qui
Tob 11 LXXII. 3.
Job IV3. 9.
Job VIII., 3. 4.
124
SERMON fur
Job XX.
5. 10. SC.
Job XXII.
6. 7. 9-
Rom. II. 6.
qui puffent être écrafés fous la chute d'une maifon? N'étoit-ce pas une injuflice © une folie, que de vouloirconvaincre Job d'avoir été un mêchant & un hypocrite, qui avoit ravi des richeffes par violence, fouléles pauvres, pillé les maifons de fes prochains, & commis des iniquite's fecretes; fans en avoir aucune preuve, & fur la feule prévention, que fi Job avoit été exempt de ees crimes, Dieu ne 1'auroit pas fi rigoureufement traité ? Voyez avec quelle dureté , avec quelle témérité celui qui efl nommé Ie premier dans mon texte, avoit direélement accufé Job d'étre un fce'lérat, accufation a laquelle les deux autres paroiffcnt avoir acquiefcé, du moins par leur filence. Ta mëcbanceté nefl elle pas grande , (3 tes iniquités ne font elles pas fans fin? Car tu as pris le gage de tes freres fans raifon; tu as oté la robe d ceux qui étoient nuds: tu rias point donné d'eaud boire a celui qui étoit fatigué du chemin ; tu as empêché que l'ajfamé neut du pain: tu as renvoyé les yewes a vuide; @ les bras des orphelins ont été brifés : comme fi c'étoit fur la terre que Dieu rend d chacun felon
fes
tes difcours de Job £? de fes trois amis. 12 $
fes oeuvres; comme fi ce Dieu, qui dans une autre (economie punira le vice & récompenfera la vertu j ne pouvoit pas dans cette ceconomie d'épreuve , oü les plus jujles ne font pas exempts de pêché, infiiger nous rien recevrions pas les maux? Dans toutes ces chofes Job ne pécha point de fes levres. Mais perfévéra t-il dans cette modération, & ne permit il pas d fa langue de pécher en profêrant des paroles peu mefurées ? Son cruel adverfaire, je 1'avoue, n'eut pas le plaifir qu'il s'étoit promis, de le voir enfin fuccomber a fes maux,au point de renoncer a fa piété & de maudire fon Créateur en face. A eet égard, Job triompha des tentations que Satan , par la permiflion divine, lui avoit fufcitées. Mais il feroit difficile de juftifïer tout ce qu'il a dit dans le cours de fes fouffrances. Scuhaiter d'étre mort des fa naiffance, n'étoit-ce pas oublier les faveurs innombrables que Dieu lui avoit faites pendant le cours d'une longue prospérité ? Regréter que Dieu le laisfdt encore en vie; défirer que Dieu Vécrafdt, & lachdt fa main pour ïachever; n'étoit-ce pas méprifer un tems
qui
Eed. v. 6. 2.
Job I. ff.
S; II. s.
Job. III.
IX.
Job VI.».
Job X. is 6 XIII. 26.
Job III. i. Job IX. 17.
is3 SERMON fur
qui pouvoit être utile a fon falut, & fup* porter trop impatiemment des maux* dont, quelques rudes qu'ils fuffent, Dieu pouvoit pourtant encore le délivrer ? Se plaindre, en un mot, de ce que Dieu refufoit de 1'écouter, cominuokklerafa^ fier d'ignominie iaffliclion, & luifaijbiè porter les iniquités de fajeuneffe, fans avoir; égard a fa repentance & a Tinnocence de fes moeurs; n'étoit-ce pas en quelque forte vouloir limiter les droits de 1'Etre fuprême, & décider a quel degré il lui eft permis d'exercer fa févérité? Je fais* bien qu'il ne faut pas trop preffer certaines expreffions de ce faint homme. Je. ne crois pas, par exemple, que ce termé Job maudit fon jour, doive fe prendre dans le fens odieux qu'on pourroit y donner. Je fuis tres perfuadé que Job en difant que Dieu lui envoyoit plaie fur plaie fans Vavoir mérité, voulqit fimplemet dire qu'il ne s'étoit attiré lés maux par aucune de ces a&ions atroces que Dieu punit quelquefois dès cette vie. Mais il n'en eft pas moins vrai qu'il a dit bien des chofes répréhenfibles. Les exemples
que
les difcours de Job & de fes trois amis. 129
que j'en ai cités le prouvent. Les cenfures du fage Elihu le confirment. Et furtout les déclarations divines le rendent inconteftable: car quelle plus forte preuve qu'on s'eft exprimé d'une maniere digne de blame, que d'étre accufé par 1'Etre fuprême, dïavoir obfcurci le confeil par des paroles fans fcience? Auffi, comme je 1'ai déja remarqué, Job reconnut fa faute, & la déplora amérement. D'oü vient donc, M. F., que Dieu non feulement fit aux trois amis de Job des reproches beaucoup plus vifs qu'a Job luimême, mais qu'il voulut que Job fut leur intercefeur, & qu'ils recuffent par fon entremife le pardon de leur faute ? La raifon doit en être cherchée dans le témoignage que Dieu lui rend , d'avoir parlé devant lui avec 'droiture. D'un cöté, il faut qu'en effet Job n'ait pas porté fes plaintes jufqu'au murmure , puisque St. Jaques 1'a cité comme un modele de patience & de foumijfion. D'un autre cöté, il ne faut que lire attentivement fes .difcours , pour y reconnöitre qu'il avoit, de la fagejfe, de la bonté, &dela juflice de Dieu, Tom. I. I les
Job
xxxviir.
Jnq. V.
10. II.
Job JX3.2.
Job X. 12. & XXIX. 2. 3. &c.
Job IX. XII. 7. &c.
r3o SERMON j&*
les plus hautes idees; & qiie fes plaintesvenoient beaucoup moins d'un cozur révolté contre les difpenfations de 1'Etre fuprême, que dun efprit trop affoibli par fes maux, pour concilier 1'état oü il fe voyoit avec les notions qu'il fe formoit des attributs divins. S'il ■ foutenu fon innocence, ce n'étoit pas contre Dieu a 1'égard duquel il fe reconnoiffoit coupable ; mais contre fes amis, qui de eet état miférable, concluoient qu'il devoit s'être rendu criminel, foit par une déteftable hypocrifie, foit par des violences & des injuflices: innocent a 1'un & 1'autre égard, ü ne paria point contre la droiture, en fe juftifiant contre leurs calomnies. Ne confeffa t-il pas, que ft Dieu vouloitplaider contre lui, de mille articles il ne pourroit re'pondre è un feul; quil eft impoffthle a X homme mortel de fe juftifier devant 'le Dieu Forti Ne dépeignit-il pas de la manicre la plus vive , les graces que Dieu lui avoit accordées pendant une grande partie de fa vie? Ne décrivit-il pas avec les termes les plus expreffifs, la grandeur de Dieu dans les ouvrages de Ia Création; la
fa-
les difcours de Job & de fes trois amis. 131
fagejfe de fa Providence, la jujiice de fes difpenfations , quoiqu'il ne put accorder Vextreme rigueur dont Dieu le traitoit, avec la connoiffance qu'il avoit de fon innocence ? Quelle difierence entre fes dis* cours &ceux de fes amis, quoiqu'il femble avoir été comme eux dans la penfée, que la jujiice divine ne permettoit pas que les gens de bien fuffent la proie de certaines calamités ! Dans ce principe , il n'accufoit pas Dieu d'injuftice , mais il s'étonnoit de ce que ce Dieu jufte en ufat fi rigoureufement envers lui qui n'étoit pas un mèchant. Mais dans ce même principe , & peut être dans un fentiment de dépit du peu de cas qu'il faifoit de leurs remontrances, Eliphas, Bildad& Tfophar, puifoient des raifons pour le prononcer coupable, & lui faire des reproches peu dignes de Vamitiê qu'ils avoient pour lui. N'ayant aucune preuve que leurs foupcons fuffent bien fondés, & Job ayant mené une vie dont 1'innocence devoit leur être connue; deftitués de toute raifon pour croire, que Job fut affez imfie pour prendre Dieu a témoin de fon innoI 2 cen-
Tob XVI. 10.
Jean. VII. 24.
Pf.VII.10. Jer. X. 10.
t Sam. II. 30. Pf. XXXII. 2.
132 SERMON fur
cence, s'il fe fut fenti coupable; leurs accufations étoient contrairesdia droiture, paree que juger fur les apparences, n'eft pas juger d'un jugement droit. Mais Job ne péchoit point contre la droiture , en fe difant innocent de crimes qu'il n'avoit pas commis. Coupable d'imprudence & d'indijcrétion, il ne 1'étoit pas d'injuftice ni d'hypocrifie. Eft-il étonnant que le Scrutateur des cceurs&des reins, que leDieu de Vérité, a qui, & la conduite de Job, & les penfées de fes trois amis, étoient parfaitement connues, ait rendu juftice a fon intégritê , & cenfuré leur conduite comme injufte & infenfée? Eft-il étonnant que ce Dieu, qui honore ceux quiïhonorenU 6? dans l'efprit defquels il n'y a point de fraude, ait mis tant de différence entre l'integre Job & fes injuftes amis ?
La glorieufe diftinclion que Dieu mït entre Job 6? fes trois amis, en attachanta fon intercejjionle pardon de leur faute; cette diftindion doit d'autant moins nous furprendre, que Job étoit un de ces hommes rares, qui avoit fu allier la yertu la plus pure a la plus grande profpérité. Eli-
phas
les difcours de Job & de fes trois amis. 133
phas & fe compagnons paroilTent, malgré la maniete peu fage dont ilss'étoient conduits dans cette occafion particuliere, avoir eu de grands fentimens de piété: & le commercemême qu'ils avoient avec Job, doit faire croire qu'ils étoient des hommes vertueux. Aulfi Dieu, en leur reprochant leur égarement, voulut-il bien la leur pardonner, &leur indiqua les moyens d'obtenir le pardon qu'il leur promettoit. Mais fi tout homme qui craint Dieu & qui sexerce d lajuflice lui efl agrêable, nous ne pouvons douter que Job ne fut digne a fes yeux de la diftinélion honorable dont mon texte fait mention. Dieu y norame jusqu'a quatre fois Job,fónferviteur; expresfion qui marqué dans celui a qui Dieu 1'applique , une piété diftinguée , une vertu éminente, un attachement continuel a remplir fes devoirs. Témoin 1'éloge que ce Dieu, qui connoit les coeurs des hommes, & qui prend garde a toutes leurs aclions, avoit daigné faire lui-même de ce faint homme, en difant cl Satan; nastu pas cpnfidéré mon ferviteur Job, qui na point d'égal fur la terre, craignant Dieu I 3
\!t. X, 35.
Aft. I. 24.
Pf. XXX, 14.
Tob. I. 8. & II. s.
.
Joh XXXI. I.
S- 6.
13- I5-
16. &c.
Job XXIX. 12. 13.
}ob■XXXI.
14- 25.
26 - 28.
33J &c. IX. 2.14 IS-
134 SERMON fur
& fedétournant du mal?. Témoin kdefcription que Job fait de fa conduite dans le Chapitre XXXI6; defcription que le témoignage que Dieu rend ici a Joh d'avoirparlé avec droiture-, montre avoir été 1'exaete vérité. Et cela pofé, M.R, quel homme que Jobl & qui ne défireroitrde lui l eflémbler , dut-il voir fa vertu éprouvée.par les niêmes traverfes ? Un homme, dont ïachafletè la plus pure régloit les fentimens; qui avoit 1e- plus grand iloignement pour le menfonge & la fraude; qui traitoit fes domefliques avec la plus grande douceur & ïéquitéh plus exacte, fe ibuvenant au milieu de fes grandeurs, que ceux qui le fervoient étoient des hommes comme lui. Un homme, qui fe plaifoit k nourir les pauvres, d fuflenter les orphelins, a faire chanter de joie le coeur de la veuve, a défendre les opprimés, k fecourir les miférables. Un homme, qui fut pofïedcr les plus .grandes richejfes fans y attacher fon coeur, & fans j mettre fa confiance. Un homme, qui; riadorantque leDieu lenhaut, étoit toujours prêt a lui confepr fes fautes & a implorer fa miféricorde, fans jamais
pal*
les difcours de Job & de fes trois amis. 135
pallier fes fautes Sc-sexcufer envers leDieu fouverain.- Un homme, en qui Ja charité la plus compatiffante envers fes ennemis, fe joignoit a la plus grande bienfaifance envers° les étrangers, & a la plus exacte fdélité a rècompenfer ceux qui travailloient pour 'fon fervice. Telle eft, .Chrétiens, la defcription que Job fit lui-même z fes amis de fa conduite, en préfence de ce même Dieu, qui après avoir entendu tous fes discours, lui rendit le témoignage d'avoir parlé avec droiture. La 'glorieufe diftinÏÏion dont Dieu fhonora, ne doit donc pas nous étonner. Quand Dieu juge lesmortels relativement a lui-même, il n'en eft aucun qui puijfe fe juftifier devant lui ni prétendre a fes graces. Mais fi, quand il s'agit de juger entre homme & homme, ce juge impartial autant qu'infaillible, regie fes jugemens fur le plus ou moins de vertu qu'il découvre en eux, il ne pouvoit que mettre entre Job & fei trois amis, une grande différence. Aufii voyons nous ici, qu'outre le témoignage que Dieu rendit a Job d'avoir parlé devam luiflveo droiture, il lui accorda Je privileg( 1 4 é
Micb. VI. 6.
Job XXXI. 29-32.
38-40.
i Thes.
tm 25.
aq. V. 16.
13Ö SERMON fur
de procurer a fes peu fages.. du \u Livre de Samuel, oü il eft dit j que les mfans d'Ifra'ël, s''étant ajfemblés dMitfpa, «y puifer ent de Veau qriils répandirent devant l Eternel. Quelle qu'ait été la fignificatión particuliere de cette cérémonie , il eft fur du moins, par les circonftances , que ce fut un a&e de Religion, puifque les Ifra'èlites 1'accompagnerent d'un jeune &de la confeffion de leurs péchés- De même > Veffufion que David fit de Veau qu'on lui avoit apportée, fut un a&e de Religion. Tom. I. L 5
i Sant» VII. 6.
itfa SERMON
II la répandit a l''Eternel, c'eft - a - dire, è 1'honeur de VEternel; & c'eft ainfi que 1'a pris la Verfion des Septante, qui traduit , il en fit wie libation d VEterneL Et quel plus digne ufage pouvoit-il faire d'une eau, qui ayant été puifiée au périldt la vie de ceux qui la puiferent, lui paroiflbit beaucoup trop précieufe pour être employée a des ufages communs ?
APPLICATION.
Mais il eft tems de nous faire 1'application de cette hifloire, en en tirant des direétions pour notre propre conduite.
I. Je vous ai fait remarquer dans k fouhait de David, non le vain défir de fatisfaire fon gout, mais un défir ardent de voir fa Vilk natale délivrée du joug des idolatres. Et le fentiment qui lui diétace vceu, ne doit-il pas être celui de tout bon citoyen ? L'amour de la Patrie, je 1'avoue , devient un vice, & une efpece d'idolatrie , quand il va jufqu'2 porter un homme a trahir fes devoirs* Si, par exemple, les lieux oü un Chrétien
fur le fouhait de David, & fes fuites. 163
tien a pris naiffance, deviennent une Baby* lone, oü il ne lui foit pas permis de fervir Dieu en efprit & en vérité; il doit avoir le courage d'en fortir pour aller dans les lieux oü regne cette liberté ineftimable. Mais dans ce cas même, Vamour de la Patrie, doit agir doublement fur fon coeur. Dans ce cas, il a deux Patries: celle qui 1'a rejetté ; & celle qui Yb recueilli. L'une & 1'autre doivent avoii part a fes voeux. En déplorant les iniquités de la première, & en priant Dieu de convertir & de recevoir en grace fe: coupables compatriotes: il doit s'inté reffer yivement a la feconde, y vivre er fidele' fujet , en citoyen équitable, ei bon membre de 1'Eglife , & répandr devant Dieu des prieres ardentes, pour l confervation & la profpérité de la fociét dont il fait partie. Et qui pourroit ni pas s'intéreffer ainfi pour des lieux, oi il a pris naiffance , & oü il a conftam ment joui' de tous les avantages de h fociété ? Qui pourroit les voir palier fou une domination étrangere, oufubirquel que autre calamité , en fut-il même L s I's
Apoc. XVIII. 4. Jean. IV.
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IÖ4 SERMON
Amos. 1'abri, fans être malade de la froijfitre de \JJ 6' fon peuple ? Qui feroit affez lache , affez mauvais citoyen , pour voir d'un ceil indifférent fouffrir fa Patrie, pourvu que fes intéréts particuliers n'en fouffriffent point?
II. Voyez dans 1'action héroïque des trois guerriers de mon texte, un modele de Vaffeftion & du zele, avec lequel ceux qui font fous la puifance d'autrui, doivent fe rendre utilesa celui dont ils dépendent. Mat', y ai fous moi, difoit le Centenier de VEvangile\ VI11, ?' fai fous moi des gens de guerre: ê? je dis d run va, & // va; 6? d l"autre, vien, & il vient; d mon ferviteur, fai cela, & il le fait. Les trois guerriers de David firent d 'avantage encore, puisque fans en être requis , il fe mirent en danger pour lui rendre un affez leger fervice. Que n'euffent-ils pas fait dans des occafions plus importantes? Quelle obéïffance ne put-ilpasfepromettre degens, auffiatten* tifs a faifir les occafions de lui être utiles? Ce qu'ils firent, je 1'avoue , n'eft pas un exemple qui oblige a tous égards: on peut fans doute, être bon fujet, bon
fer-
furie fouhait de David, &>fesfuites. 163
ferviteur, bon foldat, fans porter le zele & le courage auffi loin qu'ils leporterent. Mais du moins eet exemple doit-il fervir de modele de 1'affeciion , de la diligence , de la fidélité , avec lefquelles doivent employer leurs talens, tous ceux qui font fous puiffance, pour le fervice de ceux fous qui la Providence les a placés, III. Apprenons du refus que fit David, de boire de Veau quon lui avoit apportée, & de la raifon qu'il en donna, a tenir compte a nos prochains des peines qu'ils fe font données pour nous être utiles;furtout, ff pournous être utiles, ils fe font expofés a quelque danger. Voyez quelles expreffions il employé I Boire deV eau que ces trois hommes lui avoient apportée au pêril de leur vie, c'eut été felon lui, s'abreuyer de leur fang ! %t que font donc ces ufuriers, auxquels la mifere de la veuve & de Vorphelin fert de rcffource pour s'enricher? Que font ces avares, qui regrétent le peu de gages & de nouriture qu'ils donnent a des domeftiques, dont-ils tirent avec rigueur tout le fervice qu'ils peuvent ? Que font ces fafmux, dont les maifons remplies de L 3 cho*
166
SERMON
chofes rares, de meubles précieux, Sc de provifions abondantes, témoignent la plus grande opulence;- tahdis que les ouvriers qui les ont faites, ou les marchans qui les ont livrées, fe préfentent inutilement a leurs portes pour en être payés ? Ne boivent-ils pas le fang de ces hommes, ne s'engraijfent - ils pas de leur fubfijlance ? Je fais que s'il falloit renoncer a Tufage de tout ce qui a couté a nos prochains des peines, des fatigues, des dangers; la fociété ne pourroit pas fubfifter. Que de peines n'a pas couté, avant de fervir a notre ufage, le pain que nous mangeons! Aquels dangers n'ont pas été expofés ceux qui ont bati les maifons que nous habitons! Mais s'il eft des hommes qui ne peuvent fubfifter fans.prendre cespeines, fansfubir ces dangers; Ie gain qu'ils en retirent doit-il faire oublier a ceux qui en proiitent, ce qu'il y a de dur a gagner ainfi fa fubfiftance d la fueur de fon corps Sc au péril de fa vie ?
IV. Enfin, apprenons de Tufage que fit David de Veau quon lui avoit apportée, a témoigner notre piété envers Dieu, & a
lui
fur le fouhait de David, &> fes fuites. 167
lui confacrer tout • ce que nous poffedons. Nous ne pouvons pas fans doute, renoncer a tout ufage des biens de la terre: il eft légitime, il eft néceffaire a la confervation de notre vie; & fi le Dieu yi Tim. 'vivant nous donne libéralement ces biens, c'eft pour en jouir. Mais voulez vous, même en en faifant ufage, les confacrer entiérement a Dieu? Servez vous avec reconnoiffance, de la portion quil vous convient d'en employer; enforte que foit ^Cor. que vous mangiez, foit que vous buviez, ou que vous fajfiez quelque autre chofe, vous fajfiez toutes chofes pour la gloire de Dieu. Et du refte, faites en des ufages de charité, de bénéficence. Rompez de votre pain ^Éfic d celui qui efl affamé , abreuvez celui qui a foif; donnez de votre vin d celui qui efl ^ affligé, afin de fortifier fon coeur; revetez Matt celui qui efl nud, foulagez, autant que vos xxv- ^ facultés le permettent, le pauvre, la veuve & Urphelin. Alors vous & vos biens xNo». b. ferez faints d F Eternel! Alors vous vous ^1 Tim. acquérrez un tréfor dun bon fondement pour ïavenir, afin d'obtenir la vie èternelle. Alors, montrant votre foi par vos mivres, vous ja* il u.
L 4 pui-
Ëfa. XII. 3.
Pf. XXXI. ao.
SER.'
168 SERMON fur lefouhait. de David Sc
puifer-ez avecjoie danslafmtame inépuifable, du falut, les biens que Dieu réferve a. ceux; qu'il aime. Veuille t-il vous ea faire k tous lagrace! Amen*
SERMON
SUR
la guerison du paralytique de Capernaum.
Quelques jours après il revint d Capernaum, & on ouït dire qu'il étoit dans la maifon. Et aujfi-tot plufieurs s'y affemUerent, defierte que Vendroit même d'auprès de la porte, ne les pouvoit contenir; & il leur annongoit la parole. Alors quelques-uns vinrent a lui, apportant un paralytique porté par quatre hommes. Mais paree quils ne pouvoient approcher de lui a caufe de lafoule, ils découvrirent le tolt du lieu oü il étoit; & ïayant percé, ils dévalerent le petit Ut dans lequel le paralytique étoit couchê. Alors Jesus ayant vu leur foi, dit au paralytique; mon fils, tes péchés te font pardonnés. Qr quelques-uns des Scribes étoient ld ajfis, & raifonnoient dans leurs coeur s, difant; pour quoi celui - ci prononce t-il ainfi desblafphêmes? Quiefi-ce qui pe^t pardonner les péchés, que Dieu, h 5 ft1**
Héb. II ] 7. & iv. 5.'.
170 SERMO Ns fur la guérifon
feul? Et incontinent Jesus ayant connu en fon efprit, quils raifonnoient ainfi en eux - mê;nes, leur dit; pour quoi faites vous ces raifonnemens en vos coeurs ? Lequel efl le plus aifé, ou de dire au paralytique, tes péchés te font pardonnés, ou de dire, leve tot, & charge ton petit Ut ,&marche ?
. Or afin que vousfachiez que le Fils de F homme ê le pouvoir de pardonner les péchés fur la
, terre; il dit au paralytique; je te dis, leve toi, $ charge ton petit Ut, t"en ra en ta maijm. Et il fe leva aujfi-tot, fi? ayant chargé fon petit Ut, il fortit en la préfence de tous: deforte quils furent tous étonnés, & ghrifier ent Dieu, difant; nous ne vimes jamais une telle chofe ! Marc. IL1 -12.
M. F. bien - aimés en J. C.
Ce n'étoit point feulement par des oeuvres faintes, & par une doctrine digne d'un Prophete, que devoit fe faire connöitre pour Meffte, celui que lesOracles annoncoient fous cette quah'té.. Homme femhlahle aux autres en toutes chofes, exceptê le-pêché, il devoit.fe trouver en fa Perfonne des caracteres bien fupérieurs a fhuma-
nité,
du paralytique j [de Jj Capernaüm. 171
nité; puifque ces mêmes Prophetes qui ie dépeignoieritcomme unvéritablehomme, lui attribuoient en même tems, dans divers endroits de leurs écrits, des titres & des qualités, des oeuvres & des prérogatives, qui ne fauroient convenir -a um fimpk créature. C'eft fous ce point de vue, M. F., que notre Seigneur fe préfente dans mon texte. Nous 1'y voyons agir & parler, non fimplement en homme, mais en homme-Dieu. Nous 1'y voyons vérifier, par des caracteres qui jamais ne fe trouverent quen lui, le* titre que les Evangélifes & les Apótres lui donnent dans leurs écrits, en le repréfentant comme le Mejfie promis par les Prophetes, & en le nommant/e Sauveur,le Christ, le Fils deDieu.
C'eft ce que nous verrons, M. F., dans la fuite des réflexions, que j'ai deffein de vous propofer fur la narration dont je vous ai fait la lecture. Trois Parties en diviferont la méditation. D'dbord, nous répondrons h quelques dbjeïïions, qu'un fameux incrédule a propofées contre la vérité de cette hiftoire. Enfuite, nousdévelopperons les faits, qui y font contenus.
En-
SERMON furla gtiêrifin
Enfin, nous en tirerons des conféquences en faveur de la divinité du Sauveur, C'eft Ie partage que nous allons fuivre, fous la hénédiction divine. Puifient les remarques que nous fournira eet Jude 20. intéreffant fujet, nous affermir dans notre trèsfainte Foi!. Amen*
I. PARTIE.
Premiêrement, M. F,, examinons cj3 réfutons' les objections qu'un fameux incrédule a propofées contre la vérité de 1'histoire que St. Mare nous a confervée dans mon texte; hiftoire, dont St-, Luc fait auffi le récit dans le Chapitre Ve. de fon Evangile, & qui fe lit plus en abrégédans dans le IXe. de celui de St. Matthieu. Cet incrédule,* dans des difcours qu'il publia fur les miracles du Sauveur, en attaqua la vérité littérale, prétendant qu'on doit les expliquer dans un fens allégorique; & que le récit que nous en font les Evan*
gé.
nVooLSTON. On peut voir Le fens Utttral de L'Ecri, tureSte, traduit de l' Anglois dt Mr. Siackhoüse. Tom. II. Chap. XX. p. 145. &c.
ét paralytique de Capemaihn. 173
gêiftes eft plein d'abfurdités, fi on le prend k la lettre. Cette prétention , comme vous le voyez, ne va pas a moins qu'aruiner la foi Chrétienme, puifqu'en ce cas, les Evangélifles, fur k témoignage desquels nous croyons que Jesus-Christ a fait des miracles, nous auroient groffiérementtrompés, en nous rapportant ces miracles comme des faits réellementarrivés ,fans nous* avertir que le récit qu'ils nous en font doive être expliqué d'une maniere allègorique, Parmi les hiftoires dont on a ainfi attaqué la réalitê , fe trouve celle de mon texte. „ L'abfurdité," dit fincrédule , „ y faute aux yeux." Selon lui,' „ Jesus „ étoit trop peu refpeclé a'Capernaümpoui: „ que tant de peuple s'affemblat pour 1'en„ tendre." Selon lui, „ il auroit fallU „ des cordes &> des poulies pour élever k „ paralytique fur le toit, & des haches & „ .des marteaux pour y faire une ouverture: „ défordre que k Sauveur n'auroit pas du „ permettre, & que le Maitre de la maifon \, n'auroit pas fouffert." Voila a quoi fe réduifent les objeclions de eet Auteur, dans lesquelles, comme nous allons le mon-
trer,
Matt. V. 15.
Mare. I. 45.
174 SERMON/» la gum fon
trez, il y a de la mauvaife foi, & rien autre chofe.
Premiérement, il n'eft point incroyable, comme il le prétend, qu'il fe foit affemblé tant de monde autour de JesusChrist, qu'on ne put percer la fouk pour approcher de fa perfonne. Nous verrons tout-a-l'heure d'oü venoit cette grande affluence degens, & les raifons qui les avoient fait venir d Jesus - Christ. Remarquons feulement en un mot, que fa rénommée , s'étoit tellement répandue dans les environs , que Je toutes parts on venoit a lui.
En fecondlieu, dans l'objeótion propofée, on exagere artificieufement la difficulté qu'il y avoit de porter le paralytique fur le toit, & on y tait malicieufement ce qui auroit pu fervir a la réfoudre: je veux dire, la différence qu'il y a dans la maniere dont les Juifs batiflbient leurs maifons, & la maniere dont on batit les notres. La feule le&ure de VEvangile fuffit pour nous donner une idee de 1'architeélure de ce tems-la, qui fubfifte encore dans plufieurs lieux. Déja dans/''Ancien Tejlament,
nous
du paralytique de Capernaüm. 175
nous voyons que Samuel paria avec Saül fur le tolt; que David fe prommoit fur fa plateforme ; quon drejfa un pavillon d Abfalom fur le Uit de la maifon, a la vue de tout Jfrae'l. Cette maniere de faire les maifons plates par le haut, en forte que 1'on put s'y retirer & s'y promener, foit pour fe parler en fecret, foit pouryprendre le frais; cette maniere debatir fubfistoit du tems de Jesus- Christ: témoin ce qu'il dit a fes difciples; ce que je vous dis dans les ténébres, dites le dans la lumiere, ce que vons entendezd l'oreille,. prêchez k fur les maifons: témoin encore ce qu'il dit Matthieu XXIV. Que celui qui fera fur la maifon, ne defcende point pour emporter aucune chofe de la maifon. II paroit par la facon dont St. Mare exprime eet avis du Sauveur, qu'on pouvoit descendre de la maifon fans y rentrer, c'eft-a-dire,par un degré extérieur. Or fi on a pu defcendre par dehors, on a pu y monter auffi par dehors, & y porter un fardeau fans avoir befoin de pulles; & fuppofé qu'on en • ait eu befoin, quelle abfurdité y a-t-i.1 a croire, qu'en ce cas on en aura fait ufage ?
En
1 Satn.
IX. 25.
2 Satn. XI. 2. Sc XVI. 22.
Maft.
X. 27,
Matt. XXIV. 17.
Mare. XIII. 15.
iy6 SERMON/Kftó guirifon
En troijïême lieti* 1'incrédüle expofè infidélemenc les chofes, quand il prétend que pour defcendrc le paralytique, il auroit fallu percer le toit d coups de haches fi? de marteaux. Cet attirail n'étoit pas nécesfaire. Pour donner un palfage au paralytique , il falloit fans doute faire une ouver* ture au toit; mais pour faire cette ouverture> il ne falloit que lever une trappe qui répon-> doit dans 1'intérieur de la maifon, ou tirer un voile qu'on étendoit par deffus la cour intérieure. 11 eft vrai que St. Luc dit, qu'on de'vala le paralytique d travers les tuiles; & St. Mare, qu'on per ga le toit. Mais l'exprefïïon de St. Luc ne dit pas quon ait été obligé derompredesfoliveaux. L'ou ver ture par oü on descendit le malade, étoit environnée des tuiles dont le refte du toit étoit couvert; tuiles plates & non pas courbes comme les notres, puisqu'on pouvoit marcher deffus. Quant a l'expreffion de St. Mare, ils per eer ent le toit, elle ne renferme pas néceffairementl'idée de rupture & de violence que f incrédule affeéte d'y attacher, en parlant de haches, & de marteaux. Elle ne fignifie quelque-
fois,
du paralytique de Capernaüm. 177
fois, que óter une chofe de maniere quil rien réfulte aucun dommage ni pour la chofe quon ote , ni pour Vendroit dont on l"ote. Nous en avons un exemple frappant dans la maniere dont St. Paul exprime f affection que les Galates avoient eue pour lui: je vous rens témoignage , dit - il, que s'il eut étépofjihle, vous vous feriez arraché les yeux pour me les donner. Le mot qu'il employé efl: le même dont St. Mare. fe fert dans mon texte , & ce qu'il veut dire aux Galates eft manifeftement ceci; s'il étoit poffble de soter les yeux fans les détruire , vous mauriez donne les votres: donc le mot de mon texte ne renferme pas 1'idée de deflru&ion.
Par ces remarques tombe en quatrieme lieu celle de 1'incrédule, fur ce prétendu défordre; que Jesus- Christ ne devoit pas le permettre, & que le maitre du logis ne ïauroit pas foujfert. On ne fit aucun désordre : & pofé, que le toit ait foujfert quelque léger dommage, Jesus-Christ étoit dans une maifon qui appartenoit, fmon a un de fes difciples, du moins a un homme qui le refpectoit , puifqu'il
Tom. I. M per-
Gal. iv.15.
Luc. I. 3
178 SERMON/^ laguêrifon
permettoit qu'a fon occafion il saffemblat chez lui une fi grande foule. Suppofé donc qu'il fe foit fait a fon toit quelque rupture; je veux bien croire que certaines gens ne 1'anroient pas fouffert: mais ils ne doivent pas juger des autres par eux - mêmes. Pour moi je fuis tres perfuadé , qu'un homme qui fe faifoit un honeur de recevoir Jesus - Christ dans fa maifon, auroit volontiers permis qu'on pergdt fon toit pour lui donner lieu de guérir miraculeufement un paralytique.
Ajoutez en cinquieme lieu a toutes ces remarques, Vabfurdité palpable qu'il y a, de donner un fens allégorique a un récit de cette nature, & de répandre un foupfon de faulfeté fur le fens littéral. Si les chofes ne fe font pas paffées comme les Evangélifies les racontent;fi toute cette hilioire n'eft qu'une fiction : comment ces Ecrivains ont-ils pu en parler comme d'une hiftoire véritable; tandis qu'elle roule fur un fait public, dont la vérité ou la fauffe té de voit de leur tems encore être bien connue? Comment fur tout St. Luc, écrivant a . un homme refpeclable , è Théophik qu'il
trai-
duparalytique de Capernaüm. 179
traite de tres-excellent, & qui doit avoir eu quelque dignité,foit dans 1'Etat, foit dans 1'Eglife ; auroit-il ofé lm écrire comme certain , un fait qui n'auroit été que forgé?
II. PARTIE.
Rien n'eft donc moins fondé, que les obje&ions de 1'incrédule contre le récit de notre Evangèlifte. C'étoit a vous en faire fentir le foible , que deVoit fervir mon premier Point, & je crois avoir fatisfait a la tache que je m'y étois impofée. Développons maintenant dans un fecond Article, ïesfaits contenus dans le récit dont nous venons de défendre le fens litte'ral, & pour eet effet fuivons Fordre que la narra» tion nous préfente.
I. D'abord s'offrent ici a confidérer, & la grande affuence de monde qui s'aflembla vers le Sauveur, & Vufage quil en fit. Le Sauveur étant rctourné d Capernaüm, on müt dire quü étoit dans la maifon; (apparemment celle oü il avoit déja logé, & qui étoit celle de Simon dAndréi) <5?
M 2 aus-
Mare. [. 29,
iSo SERMON fur lagnérifon.
Luc. V. 17'
Mare. I. 18.
38. & 39» Luc. V. 17.
aujft-tot plufieurs s'y afiemblerent, defiortt que Vendrolt même cCaupres de la porte ne les pouvoit contenir; il leur annoncoit la parole.
i°. Ce grand concours de peuple, parmi lequel il y avoit des Scribcs , & comme St. Luc nous 1'apprend, des Pharifiens £f desDocleurs de la Lei; ce grand concours de peuple, dis-je, n'a rien qui doive nous furprendre. Outre que le Sauveur s'étoit déja rendu célébre a Capernaüm même par divers miracles, fa renommee s'étoit répandue dans tous les environs de la Galilée , & luimême y avoit prêché & cpeWdesguérifons en diverfes bourgades. Auffi la foule qui s'affimbla dans la maifon oü il étoit, n'étoit pas compofée uniquement de Capernaïtes, puifque St. Luc nous dit expreffément que plufieurs étoient venus de toutes les bourgades de Galilée , S? de Judée, & de Jérufalem. De forte que quand les habitans de Capernaüm auroient eu pour le Sauveur auffi peu de refpecJ qu'on 1'objecte; les étrangers feuls fuffifoient pour compofer la grande foule de peuple dontparle St.Marc,
2°. Mais
if' 'du paralytique de Capernaüm. 181
2°. Mais quel ufage fit notre Seigneur de ce que fa renommée lui avoit attiré une fi nombreufi affimblée ? Un ufage bien digne de fa célefte mifïïon: il leur enfeignoit la parole. La parole, c'eft-a-dire VEvangile, cette Parole divine & falutaire qui eft propre a tirer les pécheurs ; de leur ignorance, en leur dévoilant les Myfieres du Royaume des Cieux; de leur inifere & de leur corruption , en les attirant a la foi & a la repentance par des offresde grace & de miféricorde. Ainfi le Sauveur fe montra t-il, eet Oint de V Eternel , qui devoit èvangélifer aux dèbonnaires, guérir ceux qui avoient le coeur froiffé, publier aux captifs la liberté, & aux prifonniers Vouverture de leur prifon, fi? annoncer Van de la bienveuillance de V Eternel.
II. Pendant que Jesus - Christ exercoit fi dignement l'office de DoSteur venu; de Dieu pour enfeigner, pour convaincre , pour corriger & pour infiruire felon la ! jufiice: on lui fournit 1'occafion d'exercer aufli la puiffance qu'il avoit de guérir les malades. Quatre hommes qui portoient un paralytique couchè fur un petit Ut, nepouM 3 vant
Matt. XIII. n.
Eft.
r.xi. r, 2.
Sc Luc. iv.
18. 21.
ean iii. 2;
2 Tim. ii. 16.
Matt. X,l,
18a SERMO N fur la güêrifon
Luc.
xxiv. ip.
vant approcher du Sauveur, d caufe. de la foule, s'avilèrenc de monter fur le toit de ln maifon, & d'y faire une ouverturefuffifante pour defcendre le malade fur fon lit„ & Ie pofer devant Jesus. Nous avons ■ vu-plus haut, comment, vu la maniere dont les maifons étoient conftruites , cela pust s'exécuter fans caufêr aucun défordre. Voyez. ici combien la foi eft induftriéufe. Perfuadé que Jesus n'étoit pas moins puijjant en oeuvres quen paroles, le paralytique ne doutoiÉ pas qu'en fe préféntant a lui , il ne recut fa güêrifon. Mais m pouvant percer la foule pour approcher de Jesus, ni le malade, mceux qui le portoient ne fe rebuterent. Voyant 1'inutilité de leur première démarche, ils en firent une feconde. Ils monterent fur le toit de la maifon, & y ayant fait ouverture, ils dé: -alerent jufques devant Jesus lc paralytique couché fur fon Ut.
III'. Le Sauveur voyant leurfoi, continue l'Evangéli/le, dit au paralytique; mon fis , tes péchés te font pardonnés. Difcours, Bien confolant pour ce pauvre malade, mais .qui fit murmurer quelques -uns des ipecta-
teurs;
du paralytique de Capernaüm. 183
teurs; ce qui leur attira la rêponfe contenue dans les verfets 8. 9. & ioe. Pourquoi faites y.ous ces raifinnemens dans vos coeurs? &rce qui fuic.
i°. Voyons d'abord ce que le Sauveur dit auparalytique; mon fils, tes péchés te font pardonnés. On peut faire ici plufieurs remarques.
Mon fils, dit le Sauveur; terme qui marqué a-la-fois, & de 1'autorité, & de la tendrelfe. Jesus-Christ a fouvent employé ce terme, mon fils, ma fitte; montrant par cette maniere amicale, & combien il étoit doux & compatiffant, & combien doivent être charitables envers les malheureux, & même envers les pécheurs, ceux qui fe difent fes difciples. Remarquez enfuite, que notre Seigneur, qui étoit venu principalement pour fauver lesames,ce qui eft beaucoup plus effende! que de guérir les corps, commenca auffi par le plus preffé. II ne refufa point au paralytique la guérifon que celui-ci avoit fouhaitée; mais avant de lui déclarer fon deffein a eet égard, il lui annonce la guérifon defm ame: mon fils, tes péchés tefont pardonnés.
M 4 1 Peut-
Luc.1x.5e".
J«m.V.! 14.
Pf.XLI.o, Pr.
xxxiv. 20.
Matt. VIL I.
184 SERMON/«r la guérifon \
Peut-être que eet homme, qui étoiü pécheur, comme nous le fommes tous; avoit commis quelque grande faute, qui lui avoit attiré fa maladie comme un chatiment. C'eft du moins ce que nous avons lieu 1. de penfer de celui que le Sauveur guérit prés du lavoir Bethefda, puifqu'il lui dit enfuite, voici tu as été rendu fiain, ne pêche plus déformais, de peur que pis ne favienne; ce qüi femble marquer qu'il s'étoit attiré fa maladie par quelque pêché particulier. Et fi le paralytique de mon texte a été dans le même cas; il étoit d'autant plus conforme a la charité du Sauveur, de commencer par lui annoncer le pardon de fesojfenfes. Mais quoiqu'ilen foit,cela ne nous autorife point afoupconner de crime, ceux que Dieu vifite de quelque grande afflieïion, & a dire, comme les ennemis de David; il a commis quelque fait, tel que les méchans garnemens comm nt . Rien n'eft plus malfondé que ces fortes de jugemens, puisque le jufte a des maux en grand nombre. Et outre la lecon de Jesus Christ, ne jugez point, afin que vous, ne foyezpoint jugés; il nous cite divers exemple s
ét paralytique de Capernaüm. 185
pies pour nous munir contre cesfoupcons téméraires & indignes de la charité: témoin Faveugle-né; témoin les Galiléens majfacrês par Pilate , témoin les dix-huit Juifs quécrafa par fa chute la tour de Siloé.
Le Sauveur dit donc au paralytique, tes péchés te*font pardonnés. Le mot du texte peut bien auffi fignifier par forme de fouhait, que tes péchés te foient pardonnés! mais ce n'en efl pas ici le fens. Car d'un cöté, il efl: permis a tout le monde de fouhaiter a un pécheur que Dieu lui pardonne, & en ce fens les Scrihes n'auroient pas pu prendre occafion des termes du Sauveur de 1'accufer de Uasphême: & d'un autre cöté, le Sauveur confirma que fon intention avoit été, dans cette phrafe, depardonner au paralytique; puisqu'il juftifia fes paroles, non en les expliquant comme un fimple fouhait, mais en montrant quil avoit le droit de pardonner les péchés.
20. Les Scrihes donc (& les Pharifiens, comme St. Luc le remarque,) ne regardant Jesus - Christ que comme un fimple homme; ne purent fouffrir qu'il s'arro< ' M 5 gêat
Jean IX. 1. 3-
Luc. XIII.
2- 3.
\> s.
Luc. v. 21,
i85 S E R M O N fur la guérifon
gêat ainfi le droit de pardonner les péchés* Qjï eft celuil- ei> difoient-ils en eux-mêmcs, & avec un certain mépris; qui eft celui-ci, qui prononce ainfi de blasphêmes? Qui.eft -c$ qui peut pardonner les péchés que Dieu feul.? Ils fe tronipoient fans doute, en traitant Jesus - Christ de blasphémateur. Mais en fe trompant dans le jugement qu'ils poiv toient de fa Perfonne, ils raifonnoient fur un principe tres véritable: & ce principe, que nous établirons en fon lieu , & - dont nous tirerons une confêquence toute oppofée a la leur, c'eft que nul ne peut pardonner les péchés que Dieu feul.
3°. Alors le Sauveur, 'qui connut leurs penfées, leur fit cette queftion, qui dut les frapper extrêmemcnt eux & les autres auditeurs; tant paree qu'elle montroit que le Sauveur li foit dans les penfées, que paree qu'elle fit fuivie dim miracle qui en montroit Ia juftelïe: pourquoi faites rous ees raifènnemens en vos coeurs ? Lequel eft le plus aifé, ou de dire au paralytique, tes péchés te font pardonnés, ou de-lui dire, leve loi, fi? charge ton petit Ut, fi? marche ? JUm fans doute eft auffi facile dire que
fan-
du paralytique de Capernaüm. 187
1'autre) mais ni ni Vautre ne peut être ejfeStué par 1'autorité d'un fimple homme. Donc celui qui, en difant au paralytique> leve toi, charge ton petit Ut, & marche, le mettra en état d'obéïr a eet ordre, avoit auffi le droit de lui dire, tes péchés te font pardonnés; & mohtrera qu'il eft plus qu'un fimple homme.
IV. C'eft auffi par la feconde 1 marqué d'autorité, que le Sauveur fe juftifia de s'être arrogé la première. Afin que vous fachiez que le Fils de 1'homme a le pouvoir de pardonner les péchés fur. la terre, tl dit au paralytique, je te dis, leve toi, & charge ton petit Ut, & ten va en ta maifon. A eet ordre , que donneroit vainement a un perclus, un homme qui n'auroit pas une autorité divine ; le paralytique ceffant de 1'être, & recouvrant en un inftantl'ufage de tous fes membres, fait exa&ement ce que Jesus lui dit. II fe leve; il charge fon Ut fur foi; fort en lapréfence de tous; en glorifiant Dieu, comme St. Luc le remarque. Trois circonftances qui montrent la plénitude de fa guérifon. II fi leve; & non feulement il fe leve comme pourroit
,fai-
Luc. V. 25.
i88 SERMON/(/ffe guérifon
faire un convalescent fóible encore; mais il a la force, & de charger fur foi fon petit lit, fi? d'emporter ce fardeau, lui qui 1'inftant d'avant ne pouvoit pas fe remuer. Quelle preuve dupouvoir de Jesus! Quelle démonftration de Vautorité qu'il avoit de Par donner les péchés!
V. Auffi tous les témoins de eet événement en reconnurent, & la réalité, & le miracle. Les accufateurs même du Sauveur, qui 1'avoient taxé de blasphême, eurent la bouche fermée. Ou s'ils fouvrirent, ce fut paur témoigner de concert avec les autres, leur conviction & leur furprife. Tous furent ètonnés fi? glorifierent Dieu, difant; nous ne vimes jamais de telles chofes! On ne les eut jamais atteniues*
III. PARTIE,
II nous refte, M. F., a tirer de la narration que nous venons de développer, les conféquences qui en réfultent relati vement a la Perfone de notre Seigneur. Nous y trouvons en lui trois caracleres, qui, nous montrant qu'il eft le Meffie promis, nous
four-
du paralytique de Capernaüm. i8£
fourniflènt en même tems des preuves de fa divinité. Ces caracleres font. Lafaculté de lire dans les coeurs. Le droit de pardonner les péchés. La vertu de faire des miracles.
I. C'étoit au Meffie qu'étoit attribuée lafaculté de lire dans les cozurs. Et c'eft, a ce qu'il me femble, le fens de ces expreffions du Chapitre XIe. d'Efaïe, il ne i jugera point fur la vue de fes yeux, ê? ne reprendra point fur 1'ouïe defesoreilles. Cela paroit fignifier, il n'aura pas befoin de confulter les aélions des hommes pour juger de leurs fentimens & de leurs penfées; ni de les interroger eux-mêmes , ou de recourir au témoignage d'autrui, pour favoir s'ils font répréhenfibles. Or cette faculté de lire dans les cceurs , de pénétrer dans les penfées , de connöitre fintérieur des hommes fans être obligé de confulter ni leurs aélions, ni le témoignage des autres; cette faculté eft attribuée a Jesus - Christ. B n'avoit pas befoin qu'on; lui rendit témoignage d'aucun homme, carluimême connoijfoit ce qui étoit dans 1'homme. B fayoit dès le commencement qui feroient ceux qui croiroient, & qui ne croiroient point. II
fit
fa. XI. 3.'
ean. 11.2 s.
Jean. VI. 64.
ïpo SERMO N fur la guérifon
Jean. xxi. 17.
Jer. xvu.9.10,
fit fouvent connöitre a Jes difciples, qu'il pénécroit dans leurs plus fecretes penfées: & nous avoiis un exemple de Ta toute-fcience dans mon texte; car il y eft dit que Jesus connut en fon efprit comment UsScribes raifonnoient en eux-mêmes.
J'appelle cette faculté toute-fcience, paree que les penfées des créatures intelligentes étant ce qu'il y a de plus caché , on ne peut en avoir de foi - même la connoiflance, que par cette même fcience qui s'étend a toutes les chofes du monde. Et c'eft auffi, de ce que Jesus-CiiRisf connoit toutes chofes, que St. Pierre tiroit cette conclufion, tu fais que je faime. Or qui ne iait que cette fcience univerfelle n'appartient qu'a Dieu? Qui ne fait qu'en particulier la conncijfance du coeur humain lui eft attribuée , exclufivement a tout autre être :le cceur efïrufé, & désefpérément malin par deffus toutes chofes; qui le connoitra? Je fuis f Eternel, qui fonde le coeur, £5? qui éprouve les reins.
II. Ce n'étoit auffi qu'au Mcjfte que put appartenir le droit d'accorder aux pécheurs la rémiflon de leurs ofmfes. Car a quel
au-
i * tlu paralytique. de Capernaüm. 191
fiutrè auroit pu être conféré ce droit, qu'a celui qui felon les Prophetes devoit être la propitiation des péchés du monde,&.avoir fur les hommes une domination fupérieure a toute autorité humaine? Jesus-Christ efl donc ce MeJ/ie, puisqu'il a con vaincu fes ennemis par une preuve inconteftable;qu'il avoit le droit depardonner les péchés. Maisce droit n'eft pas communicable a une fimple eréature. Les hommes ont bien le pouvoir de pardonner les ofenfes qu'ils ont recues; d'esempter quelqu'un d'un chatiment que leur autorité les met en droit d'infliger; & de fe fouhaiter réciproquement larémijjion de leurs péchés: les Prophetes & les Apotres avoient bien le droit de dire a ceux donl Dieu leur révéloit la repentance , te. péchés te font pardonnés: les Miniftres dt VEvangile ont bien le droit de dire a ceiu qui fe difent être pénitens & croyans; que fi ce témoignage ell véritable, leur. péchés leur font pardonnés. Mais remettn a un pécheur fes offenfes; mais lui dire tes péchés te font pardonnés, d'une mafliefi qui fignifie, je te les pardonne; c'eft ur droit qui n'appartient qua Dieu: a c<
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r Jean, II. 2. Elk, LUI. %-6. s: 10-k.
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i Pier.
II. 22.
Era. XXXV. 5. 6.
19* S E R M O N fur la guérifon
Dieu, contre 1'autorité duquel fe comme ttent toutes nos ofenfes, & même celles dont le prochain eft direclement 1'objet: a ce Dieu qui feul connoit le nombre, 1'étendue, la qualité de nos ofenfes, dont plufieurs même ne font connues qiid lui: a ce Dieu qui fait feul, s'il veut nous faire part de cette miféricorde, qu'il ne doit a perfonne, & fans laquelle nul pécheur 11e peut être fauvé. Or eft-il que JesusChrist s'attribue ce droit dans mon texte, puisqu'il y avoue que fon intention en parlant au paralytique, avoit été de lui pardonner fes péchés. Donc ce Jesus, dont la bouche fut toujours exempte de fraude, s'eft attribué dans mon texte une autorité divine
III. C'étoit enfin par la venue du Mefe, que devoient s'opérer ces guérifons merveilleufes dont Efaïe cite des exemples dans ces paroles du Chapitre XXXVe. Alors les yeux des aveugles feront ouverts, & les oreilles des fourds feront débouchées. Alors le boiieux fautera comme un cerf, & la langue du muet chantera avec triomphe. Et puisque ces guérifons n'ont euiieuque
du
du paralytique de Capernaüm^ rp j
du tems de Jesus Christ , ik de fes Apotres qui les ont faites en fon nom; ce löeft qu'en lui qu'on peut trouver ce Mejfie.
Vous voyez dans mon texte , le pouvoir qu'il avoit de guérir d'un mot les maladies les plus incurables, puifqu'en difant auparalytique incapabie de fe remuer, leve toi, charge ton Ut, & fen va en ta maijon , il le mit en état de le faire* Or je dis que la verht de faire ainfi des miracles, eft une vertu divine. A parler exaclement , les Apotres n'en ont fait aucun. C'étoit la puijfance divine qui agisfoit. a leur priere, & c'efl ce que fignifie ce que dit St. Luc dans le livrei Ailes, que beaucoup de prodiges fe faifoientpar leurs mains. Mais il n'en eft pas ainfi de Jesus - Christ , qui guériffoit les malades avec autorité & par fa propre puijfance. Les Apotres difoient, a celui -ci, au Nom de Jesus le Nazarien leve toi fi? tr.arche; a celui-la, Jesus - Christ teguériffe; & ils ont toujours reconnu que c'étoit fa vertu & non la leur qui agiffoit dans ces guérifons* Mais Jesus-Christ parle avec autorité& en Dieu: je le veux, fais net; recouvre la
Tom. L ■ N vue;
Adt. H.43. Aft. HL
5.
Aft. IX. 34.
Aft. IV. p. 10.
Matt. VIII. 3.
Luc. xv1ii. 4»»
194 SERMON fur la guérifon
Matt. XII. 13Jean.XI. 43.
Pf. LXXH. 18
vue; éten la main; Lazare, fors dehors: & dans mon texte, je te dis, leve toi, charge ton petit Ut, 6? t'en va en ta maifon. Certainement , il faut ou mettre les Apotres en égalité avec leur Maitre , ce qui eft abfurde ; ou reconnöitre qu'il avoit en lui & de foi-même le pouvoir de faire des miracles. Pouvoir divin, pouvoir que l'Ecriture afligne a lEternel, le Dieu d'lfraël, qui fait feul des chofes merveilleufes.
Voila donc dans mon texte trois qualités divines attribuées au Sauveur. La cmnoisfance des cozurs; le droit d'abfoudre le pécheur; & la puijfance de faire des miracles. Pour fentir d'autant mieux la jufteffe de la conféquence que nous en tirons, que Jesus-Christ eft Dieu; remarquez que les attrihuts divins font inféparables. Pour en pofleder un, il faut les pofféder tous. j'en trouve la preuve dans mon texte même; car fi cela n'étoit pas, il faudroic fuppofer que Jesus-Christ pouvoit bien avoir Vun de ces attributs fans avoir Vau~ tre: qu'il pouvoit, par exemple, avoir la vertu de guérir les makdes, fans avoir
le
du paralytique de Capernaüm. 195
le droit de leur pardonner leurs péchés. Et c'eft ce qu'il nie par eet argument, dont les Scribes qui d'abord 1'avoient accufé de blasphême, ne paroiflent pas lui avoir contefté la juftelTe; afin que vous fiachiez que le Fils de lhomme a le pouvoir de pardonner ks péchés fiur la terre, leve toi, dit - il alors au paralytique, & charge ton petit lit, & fen va en ta maifon. Parler ainfi, c'étoit fuppofer, que celui, qui poffede un des attrihuts divins, les poffede tous.
APPLICATION.
L'Hiftoire de mon texte eft donc propre a nous affermir dans la croyance, que Jesus efl le Christ le Fils de Dieu, & que cette qualité de Fils deDieuVéleveau deffus de toutes les créatures, & 1'égale au Pere Célefte dont il eft le Fils. Mais elle n'eft pas moins propre a nous porter a la fan&ification; puifque fans celle ci, il ne nous eft pas permis de prétendre a cette rémijfion des offenfes , que JesusChrist nous dépeint ici comme le plus précieux de tous les biens, en commenN 2 cant
3
Jean.' ÜX. 3ïi
ipfj S E ïl M O N fur la guérifon
Matt.
IX. 2.
Aft. ri. 38. & m. 19.
Jaq. II. 18.
Jaq. HL 2. 1 Jean. 1.8
Jean. UI. 15. K
cant par aécórder au paralytique qui fe' préfentoit devant lui, le pardon de fes péchés, comme le vrai mötif d'avoir bon courage. La raifon en efl i que ce pardon ne nous eft offert dans VEvangile, qua condition que nous travaillerons a nous fanclifier, & a montrer notre foi par nos mvres. Et comment donc nous affurer que nous avons regu cette gr ace, fi ce n'eft en rempliffant la condition fous laquelle elle nous eflpréfentée?
Cette fancJifcation, je 1'avoue, eft toujours imparfaite. Nous hronchons tous en plufieurs chofes: & ft nous dijons que nous ri avons point de pêché, nous nous ftduifons nous-mêmes, cj? la vérité ri eft point en nous. Auffi n'elt-ce pas fa perfeclion qui doit montrer que notre foi eft fincere; c'eft fa réalité: &c les fautes qu'il nous arrivé de commettre, ne doivent pas nous décourager. Jesus - Christ n'eft plus fur la terre comme autrefois, pour nous dire en propres termes , vos péchés vous font pardonnés. Mais il nous le dit dans fon Evangile, dès - la que nous croyons en lui: car ü nous y allure que quiconque croit en :* lui
, du paralytique de Capernaüm. 197
{ui nepérira point, mais aura la vieêtemelle. Et fon abfence, bien loin de nous affliger, doit nous remplir de joie & de confianee, puifqu'jl n'a quitté la terre, que pour aller dans les Cieux intercéder pour f fes fideles , & leur prêparer le lieu qu'il ^ leur deftine après leur trépas. S'il ne ' fait plus de miracles, c'eft qu'ils ne font plus néceffaires pour vérifier fa miffion, & que ceux qui riêcoutent point Moyfe & les Prophetes, les Evangélifles & les Apotres , ne feront pas non plus perfuadés quand même quelquun des mortsreffufciteroit. Mais que dis-je, il ne fait plus de miracles? Ou], il en fait encore. II en fait, en confervant fa cMirine dans un monde qui 1'attaque de toutes parts. II en faiten foutenant fes fideles au milieu des plus rudes affauts. II en fait, en tirant dufein d'une gênération tortue & perver fe, des gens quil ajoute d fon Eglife pour être fauvés. II a encore la même puiffance,, la même charitê. II a toute la fcience, toute F autorité requife pour fauver ceux qui peuvent lui dire d'un cceur fincere, Seigneur tu fais toutes chofes , tu fais que fi faime N 3 Puis-
!éb.lX.24. i VII. 25. -Jean. LIV. 2.
Luc. KVI. 31.
Phil. IL 15. Aft. 11.47.
Jean. XXI. I7«
Ïp8 SERMON fur la guérifon &c,
Puifle chacun de nous en faire la douce & falutaire expérience ! Amen. Dieu nous en fafle Ia grace! Et a lui, Pere , Fils, & Sü. Efprit, foit honeur & gloire a jamais! Amen.
SER-
SERMON
SUR
le nom de
Nazarien donne a notre Seigneur.
Et y étant arrivé, il habita dans la villa appellée Nazareth, afin que fut accompli ce qui avoit été dit par les Prophetes, il [era appetté Nazarien, Matt. II. 23,
Ce qui rend une vitte illuftre, & digne d'étre nommée avec diftinétion dans les Annales, n'eft pas toujours, M. F., fa grandeur, fon opulence, fa beauté. Un titre bien plus glorieux, c'eft d'avoir vu naïtre ou d'avoir nouri dans fon fein , quelqu'un de ces perfonnages eftimables, de ces hommes vertueux qui fe font fait un devoir de confacrer a 1'utilité publique , les talens que le Ciel leur avoit départis.
Si 1'on ne peut difconvenir de cette Vérité, on ne peut que reconnöitre par N 4 cela
Mich.V.i
soo SERMON/ar le nom
cela même, que parmi les villes qui ont été illuftrées de cette maniere, il faut furtout en compter deux , qui en elles mëmes étoient peu confidérables, je veux dire, Bethléhem de Juda, & Nazareth de Galilée. Le plus excellent perfonnage qui ait jamais paru dans le monde, k Fils de Dieu, manifejlé en chair, les a empêcfiées fune & 1'auüre de tomber dans. 1'oubli, & a rendu leur nom célébre jusqu'a la fin des fiecles: 1'une ayant été fa yille natale ; 1'autre le lieu de fa rèCtdeme pendant Ia plus grande partie de fa vie.
Le premier de ces deux traits occupa notre méditation il y a quelques femaines, dans un difcours fur un palfage de .Michée, oü nous contemplames le Meffie naijfant d Bethléhem de Judée, qui, petit e de foi pour être comptée entre les millkrs de Ju fa, devint glorieufe par la naiffance que recut en elle ce Dominateur d'Jfraël. Aujourd'hui , j'ai deffein, fous le bon plaifir du Seigneur, de vous entretenir , M. F., de la feconde circonftance , je veux dire du féjour que Jesus-Christ a fait d Nazareth, & qui donna lieu a
1'ac
de Nazarien donnê d notre Seigneur. 201
l'accomplifTement des Oracles oü il étoit repréfenté comme Nazarien. C'eft en effet ce que St. Matthieu nous enfeigne dans les paroles que je viens de vous lire, c'eft que Jofeph ayant ramené le petit enfant Jesus en Galilée, y habita dans la yille appellée Nazareth, afin que fut accompli ce qui avoit été dit par les Prophetes, il fera appellê Nazarien.
Jofeph, l'epoux de Marie, mere de notre Seigneur, ayant, fur un ordre célefte, fouftrait, ce précieux enfant a la fureur d''Hérode par fa fuite en Egypte, retournafur un nouvel avertiffement, au Pays SIfrael, après la mort de ce Roi fanguinaire. Mais la crainte qu'il eut que le Fils & le fucceffeur de ce méchant Prince, n'eut hérité de fes fentimens , 1'empêchant d'aller en Judée , il lui fut ordonnê en finge, de fe retirer en Galilée. Et y étant arrivé, dit St. Matthieu, dont je viens de vous rapporter en fubftance Ia narration , il habita dans la ville appellée Nazareth , afinque fut accompli ce qui avoit été dit par les Prophetes, il fera appellé Nazarien.
N 5 Com«
2os S E R M U N fur le nom
Comme ces dernieres paroles ne fe trou. vent dites du Mejjie, dans aucun endroit des écrits des Prophetes, les incrédules tant Juifs que Déïjles ne font pas diffi» culté d'imputer a notre Evangélifte une falfifkation manifefte, puisqu'il applique a Tesus-Christ, comme ayant été dites du Mejfie par les Prophetes, des exprefïïons qui, du moins en ce fens la, ne fe lifent nullc part dans leurs écrits,
Que répondrons nous, M. F., a cette accufation, qui au premier coup-d'osil a quelque chofe de fpécieux ? Dirons-nous que ce verfet nefl pas de St. Matthieu, & que c'eft un Copijle indiscret qui fa inféré mal a propos dans le texte? Mais ce feroit la mettre 1'autorité de Ecrivains facrés dans un danger manifefte, puisqu'un incrédule ou un hérétique en pourroit dire autant de tous les paffages qui lui déplairoient. Dirons-nous que St. Matthieu a pris ces paroles, il fera appelée Nazarien, dans un Livre Apocryphe? Mais ce feroit fuppofer fans preuve que ce Livre a exifté; & d'ailleurs, St. Matthieu n'auroit pas donné a 1'Auteur d'un Livre
Apo-
de Nazarien donnê ci notre Seigneur. 203
Apoeryphe, le titre de Prophete. Dironsnous qu'il parleJ'tófó écritdivinement infpiré, qui nefl pas parvenu jufques anous? Mais il n'eft pas du tout probable, que Dieu aitlaifle périr un Livre diclé par fon Efprit, & furtout une Prophétie de cette itnportance. Dirons-nous enfin, que les paroles que 1'Evangélifte cite, fe lifent effectivement dans les Prophetes, eu égard au Meffie? Mais ce feroit la, a mon avis, avancer une chofe, qu'il nous feroit impoffible de prouver. Pour juftifier donc par quelque autre voie notre Evan-. gélifle contre 1'accufation dont j'ai parlé; je vais, en joignant mes propres remarques a celles qui m'ont paru les plus folides dans les interpretes que j'ai pu confulter, I. Examiner ce que dit St. Matthieu, fi? ce qu'avoient dit les Prophetes. II. Vous rappeller, ce qui efl arrivé a Jesus - Christ. Et j'ofe affurer que vous conviendrez de la fidélité de notre Evangélifte dans ces paroles; fi? y étant arrivé, il habita dans la ville appellée Nazareth , afin que fut accompli ce qui avoit été dit par les Prophetes il fera appellê Nazarien.
I. PAR-
204 SERMON> k nom
I, PARTIE.
Commeneons donc felon notre plan» par examiner fuccefïivement, i°. ce qw St. Matthieu dit dans le texte que nous avons en main; & z°. ce qu avoient dit les Prophetes.
ï. 11 importe extrêmement debien pefer les lermes de 1'Evangélifte, & lafacon dont il les employé, pour ne lui pas imputer ce qu'il ne dit point. II habita, dit-il, en parlant de Jofeph, dans la ville appellée Nazareth; afin que fut accompli, (favoir en Jesus ,) ce qui avoit été dit par les Prophetes, il fera appellé Nazarien.
i°. A qui St. Matthieu attribue t-il ce qu'il cite? 11 l'attribue aux Prophetes. en général. Cela a été dit-par les Prophetes. II ne dit pas en particulier; par le Prophete, comme en ayant un feul en vue; ni, par quelques uns des Prophetes, comme s'il eut porté fa penfée fur tel lus grande partie?
O 4 Dans
Jean. . 11. t
Héb. 1.6.
Matt. VIII. ao.
Matt. XIII. 55.
lean. VIII. as.
& ix »«, jean.vii.5.
Jean. VIII. 48. & IX. 24.
Luc. X. 3.
216 SERMON Jur le nom
Dans un coin de la Galilée, parmi ce que la nation Juive avoit de plus méprifé, éloigné du commerce des grands , des riches, & des nobles; &, ce que nous avons tout lieu de croire, gagnant fa vie par le travail de fes mains. Enfuite quand \\parut en public, il fut plusconnu, je 1'avoue; mais non pas moins méprifé. II a pour cortege douze pêcheurs, ou autres gens .d'une condition baffe. La fituation de fes pareus lui eft reprochée: onle traite d'homme de rien, d'homme inconnu & duquel on ne fait d'oü il efl: il eft rtjetté par les perfonnes les plus diftinguées; fes freres même ne croyent point en lui: fes ennemis le traitent de Samaritain & de démoniaque, ils le dépeignent comme m méchant homme, ils décrient fa perfonne, fa do&rine,. fes miracles même. »
3°. Enfin, confidérez le dans fa mort. Trahi par un de fes difciples, renié par un autre, abandonné de tous, il eft entre les mains de fes adverfaires comme un agneau au milieu des hups: injure , faux témoignage, infultes atroces s'uniffent contre lui. Battu de coups, déchiré de
ver-
de Nazarien donnê ct notre Seigneur. 117
verges, couronné d'épines, & couvert de fang, il eft donné en fpectacle. C'eft peu encore. Mocqué & méprifé par Hérode, comdamné par Pilate , outragé par les foldats, chargé d'une croix qui doit être 1'inftrument de fon fupplice; on le traine au Calvaire, on le tnene è la tuerie comme un agneau, comme une brebis muette devant celui qui la tond: & attaché par des clous fur ce bois infame, mis par le fupplice qu'on lui inflige & par la place qu'on lui donne, au rang des malfaiteurs; il porte au deffus de fa tête, cette infcriptionqui marqué que les Orachs font accomplis , Jesus le Nazarien, Roi des Juifs.
II. Ainfi s'eft vérifié en Jesus - Christ , ce qui avoit été dit par les Prophetes, il fera appellé Nazarien. Mais pour juftifier pleinement la remarque de notre Evangélifte , il faut montrer qu'une des chofes qui ont contribué a attirer au Sauveur le mépris de la nation f-uive, a été le féjour quil a fait d Nazareth; car c'eft ce que dit St. Matthieu: il habita dans la ville appellée Nazareth, afin que fut accompli ce O 5 qui
Efa.
lui. 7.
Mare. K.V. 18.
Jean. XIX.19
Mare. Act. 11.
£2. 23.
218 SERMO N/z/r le nom
qui avoit été dit par les Prophetes , il fera appelléNazarien.
i°. II efl certain que Ie titre même de Nazarien fut donné a notre Seigneur, paree qu'il étoit venu de Nazareth, & que c'étoit fa ville natale. II 'a porté ce titre pendant fa vie, témoin ce que la fervante du fouverain Sacrificateur dit a Simon 'Pierre, tu ét ois aujfi avec Jesus le Nazarien. II a porté ce titre fur la croix, comme je viens de le remarquer. Et même, depuis fon afcenfion, 1'ApötreSt. Pierre, en prêchant aux Juifs que Jesus étoit le Meffie, ne fit pas difficulté de le leur dcfigner par ce même titre fous lequel il avoit été fi longtems connu. Jesus le Nazarien, perfonnage approuvé de Dieu parmi vous, par les vertus, les 'fignes, fif les miracles qu'il a faits au milieu de vous, comme auffi vous le favez; ayant été livrèpar le confeil défini & par la Providence de Dieu, vous favez pris, vous favez mis en croix, & vous Tavez fait tnourir par les mains des méchans.
20. C'eft donc au long féjour que JesusCiirist afait d Nazareth de Galilée, qu'il
dut
de Nazarien donnè notre Seigneur. 219
dut ce titre de Jesus le Nazarien. Mais ce quil y a de bien remarquable, & qui. juftifie parfaitement ce que St. Matthieu dit dans mon texte, c'eft qu une des chofes qui concoururent a faire de Jesus-Christ un Nazarien, c'efl-a-dire, un homme méprifé ïopprobre des hommes & le rejetté du peuple; fut cela même, qu'il étoit Nazarien, c'eft3 - dire, - habitant de Nazareth. En lui donnant ce titre,.on y attachoit fouvent une idéé de mépris^. Témoin cequedirent dans le Confeil, les accufateurs d'JStienne nous lui avons entendu dire , que Jesus ce Nazarien, détruira celieu-ci, & changera les ufages qui nous ont été donnés par Moyfi.. En difant, Jesus ce Nazarien (car c'eft ainfi que les termes font couchés dans 1'original) on voit bien qu'ils parloient avec mépris, comme pour dire, eet homme vil, eet homme de néant. En effet, on ne peut ignorer le mépris oü étoient tombé les habitans de Galilée , & furtout ceux de Nazareth. On la regardoit comme fi peu conüdérable, qu'on n'imaginoit pas qu'elle put produire quelque chofe d'eftimable. £e préjugé , bien injiifte. fans doute ,
pu.is^
5f.xxii.7.
aa.v1.14.
Jean. I. 45-
Jean. VII. ja.
Jean. VIi.41.42,
220 SERMON fur le nom
puifqu'il n'y a point de lieu oü ne puifle naïtre un homme de bien , & qu'un homme de bien efl toujours refpe&able ; ce préjugé étoit fi fort parmi les Juifs , qu'on entend dans VEvangile le bon Nathana'èl dire a Philippe , peut - U venir quelque chofe de bon de Nazareth ? Témoin encore la réponfe des Pharifiens a Nicodeme; réponfe qui fuppofoit, quoique fauffement, qu aucun Prophete ri avoit été fufcité de Galilée. Ainfi le féjour ^JesusChrist a Nazareth fut une des caufes du mépris qu'on lui témoigna. Et il y contribua d'autant plus, que les Juifs n'ignoroient pas que le Mejfte devoit naitre a Bethléhem. Le Christ , difoient-ils a ceux qui penfoient que Jesus 1'étoit; le Christ viendra t - il de Galilée? L'Ecriture ne dit elle pas que le Christ viendra de la femence de David, fif de la bourgade de Bethléhem, ou a été David? Ce raifonnement manquoit de folidité, paree que de ce que Jesus avoit longtems demeurê è Nazareth, il nes'enfuivoit pas quily fut né; & qu'en effet, il étoit né d Bethléhem de Judée, comme on auroit pu le véririer
par
de Nazarien donnè d notre Seigneur. 221
par les regiftres publiés. Mais dans 1'ide'e oü étoient les Juifs, que Jesus étoitnatif de Nazareth, il n'eft pas étonnant qu'ils fiffent cette objeélion contre la divinité de fon envoi. Ainfi nous voyons, que non feulemest Jesus-Christ a été Nazarien, c'eft-a-dire, rejetté, méprifé, comme 1'avoient annoncé les Prophetes; mais encore qu'une des caufes "de cette rejeclion, une des raifons du mépris qu'on lui témoigna, a été le féjour qu'il avoit fait d Nazareth. Dira t-on donc après cela que St. Matthieu a mal cité les Prophetes? Méconnöitra t-on encore, la juftelfe, la folidité de eet énoncé de mon texte; il habita dans la ville appellée Nazareth, afin que fut accompli ce qui avoit été dit par les Prophetes, il fera appellé Nazarien.
APPLICATION.
C'eft ainfi, Chrétiens M. T. C.F., que je vous ai montré par des preuves tirées de l'Ecriture , que St. Matthieu n'a rien dit dans mon texte, qui ne fut conforme a la vérité, puifqu'il eft fur & incontes-
ta-
Jean. V. 39-
i Cor. X. 15.
Aa.
XVII. 10. tl.
222 SERMON fur le mm
table, que les Prophetes avoient dépeint le Meffie comme une perfonne mêprifée j qu'on a donné a Jesus - Christ le nom de Nazarien par mépris; & qu'on fa nommè & méprifé de la forte paree qu'il avóit demeuréh Nazareth. Ces trois principes dont la réunion juftifie pieinement 1'énoncé de rEvangéiifte, étant, comme je viens de le remarquer, tous puifés de l'Ecriture; montrent par cela même 1'obligation oü nous fommes d'obéïr a 1'ordre du Sauveur , enquérez vous diligemment des Ecritures , car vous efpérez par elleS d'avoir la vie éternelle, £? ce font elles qui rendent témoignage de moi.
C'eft la , Chrétiens , une occupation que vous ne devez jamais négliger. Votre Religion devant être raifonnable , & votre foi fondée fur de bonnes preuves ; c'eft a vous a faire ufage de votre intelligence, pour juger de ce que 1'on vous dit: femblables aux fideles de Bérée, qui, a mefure que Paul fi? SilaS leur expofoient la doctrine Chrétienne, conferoimt tous les jours les Ecritures, pour favoir s'il en étoit ainfi.
Vous
de Nazarien-donné d notre Seigneur. 223
Vous venez de voir un exemple de 1'utilité de cette méthode, dans la matiere qui a fait le fujet de ce difcours. Mais ce n'eft pas le feul ufage que nous devions en tirer. Ce n'eft pas feulement enlifant &enconfrontantFEcriture Sainte, que nous devons nous.mettre en état de fermer la bouche aux incre'duks ; c'eft encore en vivant d'une maniere qui les conyainque de la fincérité de notre foi, & qui leur montre que la Religion que nous profesfons eft une Religion fainte, & propre a purifier les mceurs. Je fais bien qu'un incrédule raifonneroit fort mal,enobjectant contre la fainteté de VEvangile, que plufieurs de ceux qui le profeffent, ne laiffent pas de vivre d'une maniere plus dêréglée que n'ont vêcu divers Payens. La chofe n'eft que trop vraie; mais la conféquence eft fauffe, puifque d'un cöté plufieurs Chrétiens s'attachent aux préceptes de VEvangile, & que la bonté de ces préceptes faute aux yeux de quiconque les lit. Et c'eft une objeótion des plus mauvaifes , que de dire , ,, vocs 3, n'obfervez point les loix de votre
„ Maï-
Matt. VI. 24,
1 Jean. II. is.
Act. XX. 35.
1 Jean. IV. 20.
I Cor. VI. 9. 10.
224 SERMON fur le nom
„ Maitre , donc ces loix ne font pas „ propres a régler les mceurs." Pour raifonner jufte , il faudroit dire aux Chrétiens vicieux, „ vous tiohfervez point „ les préceptes de votre Maïtre , donc „ vous ne croyez pas ce qu'il vous a ,, dit. Vous ne croyez pas que nul ne ,, peut fervir deux Maitres, puifque vous ,, cherchez a allier l'amour du monde avec „ ïamour de Dieu. Vous ne croyez pas ,, qu'/7 efl plus heureux de donner que de „ recevoir, puifque vous aimez/w richejfes „ avec une avidité qui vous rend durs „ envers les pauvres. Vous ne croyez ,, pas que la haine envers lts hommes eft „ incompatible avec l'amour de Dieu , ,, puifque vous dites, j'aime Dieu & que ,, cependant vous haïjfez votre frere. Du „ moins fi vous croyez ces chofes , fi „ vous admettez la vérité des décifions ,, qu'a prononcées 1'Auteur de VEvan„ gile, vous agiffez de la maniere du „ monde la plus infenfée & la plus con„ tradicboire, en vous livrant au vice ; „ puifque VEvangile a décidé , que ni „ les injujlcs, ni les impurs, ni les avares,
„ ni
de Nazarien donnê a notre Seigneur, zi ƒ
„ ni tels autres ï rihèriterönt point le Royali& 7»e J«j Dieu" Ge feroit la raifonner jufte : & c'eft ainfi qu'ont raifonr.é les Apotres f qui nous difent que la foi efl opèrante par la charité, qu'un Chrétien montre fa foi par fes oeuvres, que la foi fans les oeuvres efl morte , & que fi qüelquun dit, fai la foi fi? quil riait point les oeuvres, fa foi ne pourra point le fauver.
Ne nous contentons pas, M. F. ) de' repoufler par des argumens les objeclions des incrédules: repouflbns les par notre conduite. Montrons leur par des mceurs aflbrties a notre profeffion, que PEcriture efl divinement infpirée j fi? utile non feulement d enfeigner fi? d convaincre , mais encore £ corriger fi? d injlruire Jelon la jujiice, en nous rendant accomplis & parfaitement inflruits d toute honne oeuvre. Tout cë qu'elle nous propofe j tend a nous infpirer la vertin Par exemple , qu'avons nous vu dans la méditation qui vient de nous occuper ? Nous y avons vu le Fils de Dieu, le Saint fi? le Jufte, le plus refpeetable de tous les hommes i le feul homme a qui les créatures doivent hommage ,
Tom. L P par*
Gal V; 6.
Jaq. II.' 18. 20. 2óv
7. 14.
2 Tim»III. 16.
A&. Hl. H.
Col. II. 9.
3 Pier I 43. & tl.
225 SERMON fur le nom &>c.
paree que c'eft en lui feul qu' habite la plénitude de la Divinité; nous favons vu réduit dans la fituation la plus baffe, 1'objet du mépris & de finfulte, & traité comme le plus vil des humains: & cela volonrairement, & cela fans en murmurer, & cela avec une patience égale a la charité qui lui faifoit fubir pour 1'amour de nous les plus fanglans outrages! Ah que nous fommes éloignés de lui relfembler entiérement! Que notre amour propre a de peine a fe foumettre au mépris! Que notre charité eft foible, & prompte a ferefroidir! Que notre humilité, notre patience , notre débonnaireté fe démentent aifément! Qu'il faut peu de chofe pour nous faire oublier que nous fommes les difciples du plus humble, du plus doux, du plus charitable de tous les hommes ! ^ous fommes foibles, je le fais: mais du moins, furmontons de jour en jour cette foiblelfe, & apprenons deplus en plus a imker celui qui, quand on lui difoit des outrages, rien rendoit point; apprenons a fuivre en tout fes traces. Dieu nous en falTe la grace! Amen.
SER-
SERMON
SUR
l'argument du Sauveur touchant la résurrection des morts.
Or quant aux morts, quils rejfufcitent, riayez vous point lu dans le Livre de Moyfe, comment Dieu lui paria dans le buijfon, difant; je fuis le Dieu d'Abraham , fi? le Dieu d'Ifaac , fi? le Dieu de Jacob ? 11 nefl pas le Dieu des morts, mais des vivans: vous vous fourvoyez donc de beaucoup. Marc. XII. 26. 27.
L'homme de bien tire de bonnes chofes du bon tréfor de fon coeur, G> le méchant homme tire de mauvaifes chofes du mauvais tréfor de fon coeur. C'eft, M. F. , une fentence de notre Seigneur , que fon hiftoire vérifie par divers exemples, tant en fa perfonne, qu'en celle de fes ennemis. On y voit ceux-ci, confultant fans ceffe 1'injufte P 2 pré»
Matt. XII. 35.
Mare. xii. 13.
Luc XI. 53- 54-
Mare. xii. 13-17'
?. 18. &c.
228 SERMON ftr V argument du SauyeiW
prévention qu'ils avoient concue contre lui, tirer du mam ais tréfor de leur coeur des queflions captieufes pour Venlacer par leurs difcours, afin d'avoir , des prétextes pour Xaccufir. On y voit d'autre cöté JesusChrist, toujours pret a rendre raifon de fa doctrine, tirer du Ion tréfor de fon coeur, des réponfes, dont la jufteffe & la folidité fermoient la bouche a fes adverfaires. Le Chapitre dont mon texte fait partie, renferme divers exemples de ce que je viens de remarquer. Telle eft la quefiion que les Pharifiens rB? les Hérodiens propoferent au Sauveur au fujet du tribut, & la fagc réponfe qu'ils en recurenr. Telle efl encore la narration oü fe lifent les paroles que vous avez entendues. On y voit les Sadducéens, qui, s'ils r'avoient pas des mceurs corrompues, avoient au moins des principes tout-a-faitpropres alescorrompre, tirer de leur mauvais tréfor, \mcmauyaife objeétion contre le dogme de la rêfurreciion des morts: on y voit auffi le Sauveur , toujours prêt a enfeigner les icnorans, & a défendre la vérité contre les attaques de Terreur, lever l'objeélion
pro-
touchant la réfurre&ion des morts. 229
propofée; renverfer le principe oü elle prenoit fa fource, établir le dogme que méconnoiffoient fes adverfaires; & les réduire au filence par une réponfe viétorieufe. Je dis, victorieufe, car St. Matthieu remarque expreffément, que par cette réponfe, Jesus ferma la bouche aux Sadducéens; qui , comme le prouve leur' deffein même, n'auroient fans doute pas gardé le filence, s'ils avoient eu quelque chofe a repliquer.
C'eft d'une partie de cette réponfe que j'ai deffein, M. F., de vousentretenir fous la bénédiction divine. Les Sadducéens croyoient que la réfurrection des morts étoit non feulement étrangere h F Ecriture, mais encore impoffibleen foi. Cela paroit paree que notre Seigneur les renvoya , & aux Ecritures, & a la puiffance de Dieu, Mais pour disputer avec lui, ils employerent un argument, tiré des conféquences abfurdes, qui, felon eux, réfultoient de ce dogme: ils raifonnerent fur la loi du Lévirat, qui ordonnoit quau cas quun homme vint d mourir fans enfans , fon frere époujeroit favmve, dont le premier-né feroit cenfé P 3 ap-
Matt. (XII. 34.
Mare. KIL 24.
Deut. SXV. 5. 6.
Mare. X. 27.
Mare. XII. 25. & Luc. XX. 36.
Exod. HL 6.
230 SERMON fur F argument du Sauveur
appartenir au défunt & porteroit fon nom, Suppofant la-deffus que feptfreres, qui en vertu de cette loi , épouferent fuccesfivement la même perfonne, moururent tous fans laijfer d'en fans, ils demandent au Sauveur , duquel des fept elle feroit la femme après la réfurrection? A cette difficulté, felon eux infoluble, que répond JesusCiirist? II leur montre d'abord, que ni leur principe,ni leur argument ne faifoit rien contre le dogme dont il s'agit. Non leur principe , puifque toutes chofes font poffibles a Dieu. Non leur argument, puifque dans la vie a-venir, la mort & le mariage riauront plus lieu, ni par conféquent la loi du Lévirat. Mais la fimple poffibilité d'un fait, & la foibleffe d'une objection qu'on y oppofe, ne prouvant pas encore que ce fait doive exifter; le Sauveur , après avoir levé Ia difficulté propofée, ajouta une preuve directe de la vérité du dogme que les Sadducéens avoit attaqué. Cette preuve étoit prife,. de ce que Dieu avoit dit d Moyfe dans le buijfon, je fuis le Dieu d''Abraham, & le Dieu d'Ifaac , &> le Dieu de Jacob: or,
ajou-
touchant la réfurreclion des morts. 231
ajoute le Seigneur, il riefl pas le Dieu des morts, mais des yivans.
Pour écablir la foiidité de ce raifonnement, il faut faire voir, que, foit que Vhomme nait quun corps organifé, fans ame fpirituelle, comme le croyoient fausfemenc les Sadducéens; foit que, comme la Raifon & l Ecriture 1'enfeignent, /''homme foit uncompofé de deux fubjlances de diverfe nature: on ne peut en admettant la divinité des Livres de Moyfe, (que les Sadducéens admettoient aufli bien que les autres Juifs,) rejetter le dogme de la réfurrection,' fans contredire ces mêmes Livres auxquels on fait profeffion d'ahérer. Ou, pour exprimer plus briévement tout le fujet des réflexions qui vont nous occuper; 1'argument que Jesus - Christ employé dans mon texte, prouve invinciblement la réfurreclion des corps; & dans le fyflême des Sadducéens, & dans notre fyflême. C'eft ce que nous devons établir.
I. PARTIE.
Je dis d'abord, M. F., que Ie raifonP 4 - ne-
fi 3 2 SERMON fur Vargument du Sauveur
nement de notre Seigneur établit la vérité de la réfurreclion ; dans le fyflême des Sadducéens. C'efl ici un de ces argumens, par lefquels en raifonnant fur les principes , vrais ou faux, de ceux contre qui Ton difpute, on les réduit, ou a yrenonr eer, ou a recevoir la vérité qu'ils rejettoient. Et pour fentir combien la maniere dont le Sauveur argumente dans mon texte étoit forte contre les Sadducéens, il faut fe rappeller quelle étoit leur doctrine par rapport a la récompenfe de la vertu & a la punition du vice. lis n'en admettoient aucunes après cette vie, ne reconnoiffant'ni Paradis, ni Enfer, & nó croyant d'autre période de rétribution que la vie préfente. Ce n'eft pas qu'ils fus« fent entiérement Epicuriens. Uspenfoient que Dieu gouverne le monde par fa Providenee , qu'il prend garde aux aélions des hommes, qu'il aime la vertu & qu'il hait le vice ; & qu'en conféquence il récompenfe les bons écpunit les méchans: mais feulement dans cette vie, & non au dela. Quant a 1'originedeleur erreur, on prétend qu'un certain Antigonns, qui
toiichant la rèfurreclion des morts. 233
vivoit environ 250 ans avant notre Seigneur, ayant enfeigné, „ que robéïffance „ envers Dieu doit être tellement défin„ téreilée , qu'on lui obéiffe non par „ 1'efpoir d'une récompenfe, mais uni* ,, qnement par rapport a lui-même;" un difciple d'Antigonus, nommé Saddoc, fit de cette maxime trop févere de fon Maïtre , cette maxime pernicieufe , „ qu'il n'y a ni peine ni récompenfe après la „, mort," Quoiqu'il en foit de 1'origine de leur erreur , il eft conftant qu'elle confiftoit en cela. Ils nioient 1'oeconomie future: car St. Luc nous apprend au Chapitre XXIiIe. des ASies, que les Sadducéens difent quil n'y a ni rèfurreclion, ni Ange, ni efprit, au lieu que les Pharifiens confeffoient 1'un & F autre. Nier qu'il y ait des efprits, c'eft dire que les hommes ne font qu'une matiere organifée, en qui il n'y a point d'ame diftincte & féparable du corps. Nier outre cela la rèfurreclion, c'eft dire que quand 1'homme meurt, il eft entié-* rement & pour toujours privé d'exiftence. Car 111'homme n'eft qu'un corps, & que ce corps mort ne doit jamais reffufciter, ? 5 U
Act XX11I. 3,
A3 4 SERMON fur 1'argument du Sauveur
il eft clair que par le trépas, fon humanité eft totalement & irréparablement détruite.
Tels étoient, M.F., les fentimens de la fecte Sadducéenne , fur la nature de l'homme, & fur fon état après la mort. Sentimens bien étranges, dans des hummes qui admettoient la Révélation. Que la doctrine impie qui nie la rétribution future, ait été enfeignée par des Payens, cela n'eft pas étonnant. Mais comment purent foutenir cette doctrine , des gens qui croyoient a la Révélation ? Je dis, a la Révélation; car les Sadducéens admettoient du moins comme tels les Livres de Moyfe. Cela eft évident, puifque ce fut par 1'autorité de Moyfe comme d'un homme a qui Dieu avoit parlé, que notre Seigneur lescombattit & leur ferma'la bouche. Peutêtre admettoient-ils auffi les autres Livres de VAncien Tejlament. Du moins le choix que le Sauveur fit d'un paffage de Moyfe pour raifonner avec eux, ne prouve pas le contraire. La rèfurreclion , j'en conviens, n'eft pas fi clairement enfeignée dans ce paflage, que dans les Pfeau-
mes,
touchant la rèfurreclion des morts. 235
mes, on dans les Prophetes. Mais r°. il fe peut que notre Seigneur ait allégué Moyfe, a caufe de la vénération qu'on avoit pour ce Légifiateur, auquels aucun des anciens Prophetes ri avoit été femblahle. 20. Le Sauveur, qui vouloit que cette converfation nous fut confervée, peut avoir choifi a deffein ce paffage, pour nous faire remarquer que la rèfurrection y eft tacitcment enfeignée, & pour nous apprendre toute 1'étendue de cette promeffe, je fuis ton Dieu. 30. On pourroit ajouter, que notre Seigneur réfuta les Sadducéens par un paffage de Moyfe, paree que c'étoit par une loi de Moyfe qu'ils avoient raifonné contre lui; & pour leur montrer que ce même Moyfe, dont ils alléguoient 1'autorité pour combattre la rèfurreclion , foumiffoit des armes pour les convaincre. Ainfi, de ce que JësusChrfst a réfuté les Sadducéens par un trait tiré des Livres de Moyfe, on ne peut pas raifonnablement conclure qu'ils rejettasfent les autres Livres du Canon facré. Mais après tout, cela ne nous importe pas. Ce qu'il nous fuffit de favoir, c'eft
que
Deut. XXXIV.
10-
23 6 SERMON fur Vargument du Sauveur
que les Sadducéens admettoient 1'autorité des Livres de Moyfe, puifque notre Seigneur les leur cita comme divins de leur aveu; &, (ce que nous avons a établir dans eet Article,) que le paffage allégué par le Sauveur, prouve la vérité de la rèfurreclion, puifque par 1'ailégation de ce paffage, il ferma la bouche aux Sadducéens qui la nioient. En effet, ces paroles, au moins dans le fyflême Sadducéen, dont il s'agit ici, établiffent invinciblement ce dogme, comme nous allons travailler a vous le montrer.
C'eft , M. F., ce qui ne fera pas fi difficile, vous fixez bien votre attention fur ce que nous avons dit plus haut des fentimens de cette fecte. Les Sadducéen croyoient aux Livres de Moyfe: ils devoient donc convenir, que Dieu , comme ce Légiflateur* le rapporte , lui avoit dit du milieu du bui (fon, je fuis le Dieu d'Abraham, fi? le Dieu d'Ifaac, fi? le Dieu de Jacob. Or quel pouvoit être la fignification de ces paroles? Adivers égards, Dieu efl le Dieu de tous les hommes; c'efl lui qui les a tous créés, &qui les conferve
tous,
touchant la rèfurreclion des morts. 237
tous, leur 'donnant des pluyes du Ciel, fi? r des faifons fertiles, fi? remplijfant leun coeurs de nouriture & de joie: & il n'étoit pas néceffaire que Moyfe fut avertiparune apparition rairacaleufe, que Dieu en ce fens, étoit le Dieu des Patriarches. Ces expresfions, je fuis le Dieu $ Abraham, fi? le Dieu d'Jfaac, fi? le Dieu de Jacob, fignifioient donc, que Dieu étoit le Dieu de ces faints hommes, d'une facon plus fpéciale „ plusfavorable, qu'il nefl le Dieu de tous les hommes en général. Elles, difent tout au moins, que Dieu s'étoit engagé a donner a ces trois perfonnages, Abraham, Ifaac fi? Jacob, des marqués diflinguée» de fa bienveuillance. Elles fignifient donc de ces trois chofes 1'une : ou , Abraham, Ifaac, & Jacob ont été heureux pendant leur vie; ou, Abraham , Ifaac, fi? Jacob font acluellement heureux ; ou, Abraham, Ifaac, fi? Jacob feront- un jour heureux: trois explicatiqns, dont les Sadducéens, a moins de renoncer au principe de leur fecte, ne pouvoient admettre que la derniere.
I. Les Sadducéens ne pouvoient pas dire, que ces paroles de Dieu d Moyfe, je fuis le
Dieu
Acï. !ÜV. 17.
238 SER MON ƒir V argument du Sauveur
Héb, XI. 9.
Gen. XXVI. 35. &XXV.28.
Gen, XXXII.ro.
Dieu d'Abraham, fi? le Dieu $ Ifaac, fi?le Dieu de Jacob, exprimoient le bonheur que Dieu leur avoit accordé fur la terre, comme s'il eut voulu dire , Abraham , Ifaac, fi? Jacob ont été heureux par mes foins tant qu'ils ont vêcu. Cela ne s'accorde pas avec leur hiftoire, qui leur attribue de grandes & facheufes traverfes. Dieu leur donna, a la vérité, de grandes richeffes, fi? les délivra de plufieurs dangers. Mais ces bénédiclions terreftres ne les diftinguerent pas de plufieurs infideles, & furent d'ailleurs mêlées de divers inconvéniens , deforte qu'ils ne furent pas même auffi heureux que Dieu auroit pu les rendre, eu égard au temporel. Témoin le féjour que fit Abraham comme ètranger dans la terre qui lui avoit été promife, comme f elle ne lui eut pas appartenue. Témoin les diffenfions qui s'éieverent dans la familie d Ifaac, éc Vamertume d'efprit que lui caufa celui de fes deux fils quil aimoit le plus. Témoin la réponfe que fit a Pharaon qui lui demandoit fon age, ce même Jacob qui avoit dit a Dieu , je fuis trop petit au prix de toutes tes gratuit es:
les
touchant la rèfurreclion des morts. 239
les jours des années de ma vie ont été courts fi? mauvais. Lors donc que Dieu fedifoit le Dieu de ces trois Patriarches, il ne vouloic pas dire qu'// les avoit rendus heureux pendant leur vie. Leur bonh'eur terreftre n'ayant été ni plus grand, ni plus pur, que celui de plufieurs hommes , a qui Dieu n'avoit pas promis une bienveuillance diftinguée; nepeut pas avoir épuifé le fens de cette déclaration , je fuis le Dieu d'Abraham, fi? le Dieu d'Ifaac, fi? le Dieu de Jacob.
II. Les Sadducéens ne pouvoient pas dire non-plus, que ces paroles fignifioient qu' Abraham, Ifaac, fi? Jacob étoient alors heureux. Cela étoit bien vrai en partie; mais ils n'auroient pu en convenir, fans renoncer a un de leurs grands principes. Selon eux , il riy a point d'efprit, point d'ame diftinfte du corps & fubfiftante après le trépas. D'un autre cöté, quand Dieu prononfj-a les paroles dont il s'agit, Abraham, Ifaac, & Jacob, étoient morts il y avoit longtems: leur corps privé de vie, étoit incapable de félicité. Donc, felon les principes des
S&d-
Gen. XLV1L 9.
240 SERMON fur f argument du Sauveur
Sadducéens , ces trois Patriarches, bierï loin de jouir d'un plus grand bonheur qu'autrefois, dans le tems que Dieu parloit éi eux avec Moyfe, étoient moins heureux encore; puisque, pofé eet étrange fystême, ils ne jouiffoient pas feulement de 1'exiftence.
III. Ainfi, comme je le difois tout-a1'heure, les Sadducéens, dans les feminiens oü ils étoient, ne pouvoient attacher aux paroles eitées, que la troifieme fignification , felon laquelle elles affignoient aux Patriarches qui y font mentionnés, un bonheur dont ils ri avoient pas jou{, & dont ils ne jouiffoient pas encore. A confulter leur hiftoire , leur fituation temporelle n'a pas été affez heureufe, pour qu'on y cherche 1'effet de cette promeffe* je fuis ton Dieu. Selon les principes Sadducéens, Abraham, Ifaac, & Jacob, qui étoient morts quand Dieu apparütd Moyfe, ne jouiffoient alors d'aucun bien, puisque dansce fyftême, 1'homme n'a point d'ame qui fubfifle après le trépas. Donc, ce que Dieu difoit d Moyfe, promettoit a ces trois Patriarches une félicité future, &
par
touchdnt la rèfurreclion des morts. 24.1
par conféquent la rèfurreclion de leur corps: car comment rendre heureux des hommes , dont il ne refte plus qu'une poudre inanimée t fi ce n'eft en les resfuscitant ?
A moins donc de renoncer a ce principe, quil riy a point d'efprit, les •Sadducéens devoient avouer que ces paroles, je fuis le Dieu d''Abraham, & le Dieu d'Ifaac, & le Dieu de Jacob ,renfermoient une promeffe de les reffafciter quelque jour, puisque dans leurfyftême, il étoit impoiTible qu'elles fe vérifiaffent autrement. Mais quand les Sadducéens, pour éluder cette conféquence, auroient renoncé a leur principe, ils n'y auroient rien gagné. Suppofé qu'ils euffent répondu a Jesus - Christ , que fon argument ne prouvoit tout au plus que ïimmortalitède Vame, ils fe feroient encore trompés. L'argument du Sauveur prouvoit la rèfurreclion du corps dans leur fyflême-. mais il la prouve auffi dans le mtre; & c'eft le fujet de mon fecond Point.
II. PARTIE.
La déclaration que Dieu fit d Moyfe* Tom. I. Q éta-
A42 SERMON fur V argument du Sauveur
Luc. XX. 38.
Éccl. XII. 9.
établit invinciblement Vexiflence ê? Vim* mortalité d'une ame diftinéte du corps. Dieu ne dit pas, fai été autrefois,, ni je ferai quelque jour , mais je fuis le Dieu d''Abraham, & le Dieu d''Ifaac, & le Dieu de Jacob. * Cependant le corps de ces fideles efl mort , infenfible , incapable de bonheur: donc, il y a eu en eux quelque chofe qui fubfifle encore, qui fent, qui connoit, qui efl aéluellement heureux* Car Dieu, riefl pas le Dieu d'une matiere informe & inanimée, mais de créatures intelligentes: ü riep pas le Dieu des morts, mais des vivatiSi car tous vivent d lui. II efl donc faux que, comme le penfoient les Sadducéens, le corps conflitue toute 1'humanité: le corps meurt, mais il y a en lui une ame qui continue avivre: quand lapoudre retourne en terre, comme elle y avoit été, Vefprit retourne d Dieu qui Va donné. Sans cela, Dieu ne fe diroitpas le Dieu de gens, dont le corps efl gifant dans la pouffiere.
Mais cela même ne rend-il pas fans folidité réelle, eet argument fi fort & fi décifif contre les Sadducéens? En prou-
vant
touchant la rèfurreclion des morts. 243
vant par les paroles de Dieu d Moyfe Vhnmortalité de 1'ame, ne deviennent-elles pas incapables d'établir la rèfurreclion du corps? Sans doute, M. F., fi pour épuifer le fens de cette déclaration, je fuis le Dieu d'Abraham, fi? le Dieu d'Ifaac, fi? le Dieu de Jacob, il fuffifoit que pendant que le torps efl; réduit en pöudre, Vame foitheureufe. Mais cela ne fuffit pas: les paroles de Dieu d Moyfe, ne fignifient pas fimplement, je béatifie, je rens heureufes les ames d'Abraham,d'Ifaac, fi? de Jacob: émanées de la bouche d'un Dieu tout -puiffant, qui a contracté avec les fideles une Alliance èternelle, elles ne peuvent pas fignifier moins que ceci; je veux qu Abraham , Ifaac, fi? Jacob , jouiffent d'une félicitê complet te; je les rendrai heureux en corps fi? en ame.
Remarquons d'abord, que quand nous ne pourrions pas développer le raifonnement du Sauveur * affez pöur en fentir toute la force, il faudroit nous en prendre a notre peu de lumieres, & ne pas foupconner d'inconfiftenee * les argumens de ce divin Docteur. Je ne faurois me perfuader que Jesus-Christ ait mis en Q 2 ufa-
Luc. XX. 39-
244 .SERMON fur Vargument du Sauveur'
ufage un argument, qui ne faffe preuve qu'autant qu'il eftfondéfur un faux principe. En ce cas, les Sadducéens pour en renverfer la force , n'auroient eu qu'a renoncer a ce faux principe: ils auroient du avouer Vimmortalitè de Vame, mais ils auroient obligé le Sauveur de leur prouver par une autre voie la rèfurreclion du corps. Au lieu que ce fut lui qui leur ferma la bouche , fans employer d'autre preuve que le paffage de Moyfe : donc 1'argument efl bon, même en admettant Vimmortalitè de Vame. Auffi les affiftans en fentirent la force. Les Sadducéens fe turent; & quelques-uns des Scribes , prenant la parole, dirent, Maitre, tuas bien dit.
Puis donc que le Sauveur a voulu que cette hifloire nous fut confervée, il effc jufte que pour profiter de Pinftru&ion qu'elle renferme, nous recherchions en quoi confifte fa force démonftrative: car de quoi nous fervira de favoir ce que Jesus-Christ a dit, fi nous négligeons d'entendre le fens de ce qu'il a dit? Or, voici, a ce qu'il me paroit, le fondement du raifonnement de mon
tex-
touchant la rèfurreclion des morts. 245:
texte : c'eft que pour remplir toute Tétendue de cette déclaration, je fuis le Dieu d'Abraham, ê? le Dieu d"Ifaac, & leDieu de Jacob, Dieu ne peut pas faire moins que de rendre la vie d leur. corps, afin que ces fideles foient heureux en corps & en ame. C'eft ce qu'il faut mamtenant développer & pour montrer que c'eft la la fignification de ces paroles , nous alléguons trois fources de preuves. La Nature du Dieu qui tient ce langage. La Nature de la Perfonne qu'il • concerne. La Nature de VAlliance qu'il exprime.
I. La Nature du Dieu qui tient ce langage , je fuis le Dieu d'Abraham, fip le Dieu d'Ifaac, & le Dieu de Jacob. Le fens des paroles divines, découle fans doute de ce que Dieu eft; & comme il eft lavéracité même, il ne promet rien qu'il ne puiffe & qu'il ne veuille tenir. Or, dire a un homme, je fuis ton Dieu, comme Dieu 1'a dit d Araham , d Ifaac, £? d Jacob, c'eft lui promettre tout ce qu'on peut s'imaginer de plus précieux & de plus magnifique. Et comme en faifant cette déclaration, Dieu prétend que ceux
Q 3 a
Gen. XVII. 7.8.' XXVIII. 13. & XXXII. 5.
XXXVI. 6. Gen.
xvii. i. & xv. i.
pf.
XVII. is.
rr.CIII.I7.
846 SERMON furï'argument du Sauveur
9 qui il la fait, fe repoferont fur lui dn foin de leur bonheur, & feront tout ce qu'ils pourront pour lui plaire; auffi s'engage t-il de fon cöté, a ne rien omettre de tout ce qui peut les rendre heureux, a prendre fidélement foin de leur procurer la plus haute félicité dont ils foient fufceptibles. Voila ce qu'un Dieu , dont la fidélité atteint jufquaux deux, & la gratuite jufques aux mes, promet folemnellement a tout homme dont il fe déclare êjre le Dieu. Et que ce foit la le fens de cette déclaration, outre que les perfections divines le difent affez; cela paroit encore par les expreffions que VEcriture employé , pour décrire le bonheur de tem- dont rEternel efl le Dieu, Dieu difoii èAbram, je fuis le Dieu Fort, tout-puijfant: Abram ne crain point, je fuis ton bouclier fi? ton loyer trés abondant. Je yerrai, s'écrie David, je yerrai ta face en juflice, fi? je ferai raffafiè de ta reffemblance. La gratuite de VEternel efl de tout tems , elle demeure a toujours fi? è perpétuité fur. ceux qui le craignent. Comprenez quelle doit être la félicité que ces termes expri-
men$
touchant la rèfurreclion des morts. 247
ment, par les attributs du Dieu qui la promet, C'eft le Dieu bienheureux, Vlm*^ mortel, le Suffifant a lui-même, de qui toutes les créatures tiennent leur être & leur confervation , & duquel toute la Nature annonce la puiffance & la bonté. Ce Dieu fi capable de nous rendre , heureux , ce Dieu qui s'y engage en fe déclarant notre Dieu; pourquoi laifferoit-il dans la pouffiere ces corps qu'il nous avoit donnés, & quil a lui - même formés fi? tisfus d'une ét range & merveilleufe maniere? Et s'il veut leur rendre la vie, qui Ven empêchera ? Ne peut - il remettre en être, un corps auquel il ayoit donné 1'être ? S'il 1'a fait jouir de plufieurs biens fur la terre , ne peut-il lui en conférer de plus précieux encore dans le del ? Certainement, méconnoïtre dans ces paroles, je fuis le Dieu d' Abraham ,6? le Dieu d'Ifaac, & le Dieu de Jacob, une promellè tacite de les reffufciter quelque jour , c'eft fe rendre digne de ce reproche, vous errez, ue connoijfant point les Ecritures, ni la pulsfünce de Dieu.
II. J'ai dit en fecond lieu, la Nature de Q 4 U
1 Tim, 11.&17,
Pf,
:xxxix. 14.
Matt. XXII, ao.
Gen.XV.1,
248 SERMON fur Iargument du Sauveur
la Perfonne qui fait le fujet de ce langage, je fuis le Dieu d'un tel. Abraham, Ifaac, fif Jacob, & tous ceux en un mot que cette déclaration concerne , font- ce de purs efprits, des intelligences dégagées de la matiere? Non; ce font des hommes, des êtres compofés d'une ame & d'un corps, qui par leur union mutuelle conftituent 1'humanité. L'ame fans fon corps n'eft pas 1'homme, elle n'eft qu'une partie de 1'homme, étant créée pour compofer, par fa liaifon avec une matiere organifée, ce tout qui s''appelléun homme. De quelque bonheur donc que jouiffe un efprit humain féparé de fon corps, il eft pourtant dans un état d'imperfection, & ne peut être entiérement heureux a moins que fon corps ne lui foit rendu. Or, il eft certain que Dieu en fe difant le Dieu d'un homme, s'engage a lui procurer toute la félicité dont la nature humaine eft fufceptible. D'ailleurs-, quand eft-ce que Dieu fit, a Abraham par exemple, les promeflës qu'il exprimoit par ces paroles , je fuis le Dieu d'Abraham ? Quand lui dit-11 a Abram, ne crain Point, je fuis
ton
touchant la rèfurreclion des morts. 240
ton bouclier & ton loyer trés dbonclant ? Ce fut pendant que ce Patriarche étoit encore en vie. C'eft donc au corps de ce faint homme auffi bien qu'a fon ame, c'eft a Abraham tout entier & non pas a une partie d1 Abraham, que s'addreffoient les promeffes que renferme cette déclaration. Ces promeffes , Dieu les a fai tes a une Perfonne humaine, a un être compofé de corps & d'ame: il faudra donc que ces promeffes s'accompliffent dans cette Perfonne entiere, qui fur la terre portoit le nom d''Abraham; fans cela, elles ne s'accompliroientpas dans toute leur étendue. Donc ces paroles, je fuis le Dieu dl Abraham, le Dieu d'Ifaac, & le Dieu de Jacob, en établiffant ïexiflence acluelle de Vame de ces fideles, établiffent également la rèfurreclion future de leur corps.
III. J'ai dit , la Nature de ïAlliance dont ce langage eft 1'expreffion. C'eft V Alliance de grace. Ces paroles, je fuis le Dieu d'Abraham, & le Dieu d'Ifaac, & le Dieu de Jacob, fignifient „ fai fait avec „ Abraham, Ifaac, & Jacob, une Alliance . j, éfernelle \ & irrévocable, par laquelle je.
Q 5 55 me
s5o SERMON fur ï argument du Sauveur
Tér.
xx'xu.io. pf.
LXXXVI. ïS-
Matt. xxvi. 28.
Héb. XIII. 20.
Rom. v. 12.
Pf. L. 5, Rom. VIII. 31.
me fuis engagé a leur procurer toute „ la félicité qu'en peut attendre d'un
Dieu , grand en eonfeil, abcndant en „ moyens, riche en miféricorde, en gratuité „ 6? en vérité." Cette Alliance qui devoit être, & qui a été en effet, cimentée par le fang du propre Fils de Dieu; cette Alliance, dans laquelle on jouit de biens acquis par w facrifice infiniment précieux 1 peut-elle être moins excellente que celle que Dieu avoit faite avec 1'homme innocent? La fituation ou Dieu veut introduire les croyans pour Vamour de JesusChrist , feroit-elle inférieure a celle oü il avoit mis Adam, ou a celle oü il 1'auroit mis s'il avoit perfévéré dans fon innocence? Cela n'eft pas poflible. Or Adam innocent étoit heureux en corps & en ame, & s'il eut été obéüTant, il ne feroit jamais mort, puifque ee fut par fon pêché que la mort entra au monde. Et comment donc les promeffes que renferme VAlliance Evangélique , n'auroient-elles pour objet que Vame des fideles, & non leur corps? Comment, fous une Alliance traitêe fur le facrifice du propre Fils de Dieu a
touchant la rèfurreclion des morts. 251
la mort auroit-elle une domination éternelle fur ceux qui croyent enfon Nom ? Comment, fous une Alliance que Dieu a établiepour remédier aux maux qu'avoient caufes la rupture de la première, dureroit a jamais un de ces maux ? Comment, fous une Alliance qui annonce la rémijfton des offenfes , & f anéantiffement de 1'empire du pêché, ceux dont r Eter nel a payè la rangon, éprouveroient-ils éternellement, & dans le fein même de la félicité célefte, une fituation qui n'a pris fa fource que dans le pêché ? Que Dieu n'exempte pas les fideles des miferes de la vie , qu'il les laiffe foumis a la néceffité de mourir; cela n'eft pas contraire a fes promeffes, puifqu'il ne s'eft point engagé a les rendre heureux des ici-bas. Mais qu il laiffat è jamais dans la poudre, des corps, qui auffi bien que les ames qui les ont portés, lui appartiennent par droit de Rédemption, comme par droit de Création; cela feroit incompatibleavec la Nature de fon Alliance de grace: cela ne s'accorderoit pas avec 1'état de félicité parfaite qu'annonce cette expreflion , je fuis votre Dieu. Donc ,
que
Efa. XXXV. 10.
Gal. III, 9.
3 Cot. IV. 18.
Héb. XI. 13 & 26.
Rom. "VIII. 24.
252 SERMON fur Vargument du Sauveur
pe les morts rejfufcitent, Dieu Va dit a Moyfe dans lebuiffon, en difant, je fuis le Dieu d'Abraham, fi? le Dieu d'Ifaac, &le Dieu de Jacob : car il riefl pas le Dieu desmorts, mais des vivans.
APPLICATION.
Cette déclaration, je fuis le Dieu d'Abraham , 6? le Dieu d'Ifaac, & le Dieu de Jacob, regarde, Chrétiens, M. T. C. F.» tous les fideles fans exception. Tous ceux qui font de la foi, font hénits avec le fidele Abraham. Si vous croyez de tout votre coeur a ce Dieu dont les Patriarches firent 1'objet de leur foi & de leurconfiance,- fi comme eux vous admettez fur fon témou gnage, les- chofes inviféles dont fa Parole vous révele l'exiftence; fi comme eux vous aimez mieux le fervir dans Vefpérance d'une rémunération que vous ne voyez point encare, que de vous attacher a la terre au préjudice de vos devoirs : vous avez droit comme eux, de dire que VEternel efl votre Dieu, & de vous perfuader qu'il remplira a votre égard comme au leur,
tou-
fonchant la rèfurreclion des morts. 253
toute 1'étendue de cette déclaration. A tout vrai Chrétien s'addreffe ce langage, ne crain point, je fuis ton bouclier fi? ton loyer trés abondant. Et que peut-il nous manquer, fi Dieu veut être notre partage ? Dans quelle fituation fa Providence peut elle nous placer, qui doive nous paröitre trop dure, fi nous favons que celui qui nous y place eft un Dieu plein de fagejfe fi? de bonté, qui nous aime, qui veut notre bonheur, & qui travaille par les affliclions même de la vie prèfente, a nous conduire a la vie éternelle, d la gloire, afimmortalité? La douce & confolante penfée , que le Dieu d'Abraham, d'Ifaac, fi? de Jacob , eft auffi notre Dieu , doit nous foutenir dans toutes les amertumes que nous pouvons éprouver fur la terre. Elle doit nous fortifier contre la mort même , qui eft en foi de tous les maux temporcis le plus redoutable a 1'humanité. II faut qu'un jour notre ame foit féparée de notre corps; mais cette ame continuera a fubfister, & la mort riapprochera point d'elle: car Dieu nefl pas le Dieu des morts, mais des vivans. 11 faut que notre corps foit
dé-
Gen.XV.i.
Pf. Lxxur.
16.
Rom. VIII. 18.
2 Cor. IV. 17.
254 SERMON fur ï'argument du Sauveur]
1 On. XV. 42, 43- 53-
2 Cor. IV. 17.
Jaq. II. J4- IS.
R om, II «
détruit & réduit en poudre; mais il re$* fufcitera glorieux, immortel, incörruptible: c88 S E R M O N fur le défir
uflifier , & qui dans ce fentiment ne :herche fa juftification, que dans la grace k Dieu en Jesus-Christ notre Seigneur. Oue je fois trouvé en lui, ayant, non ma 'uftice qui eft de la Loi, mais celle qui eft W la foi de Christ ; la juflice qui eft de Dieu par la foi! Et c'eft fur ces paroles me j'ai deffein de vous entretenir, fous [e bón plaifir du Seigneur.
Deux Parties générales renfermeront nos réfiexions. D'abord, il faudra exfili* pier en elles -mêmes les expreffions que 1'Apötre employé. Enfuite, il faudra développer les diverfes lecons qu'elles nous donnent. CeflTle fujet de votre attention religieufe.
I. PARTIE.
Pour ïexplication des paroles mêmes de mon texte; voyons d'abord, qui eft celui qui y parle; & enfuite, ce qu'il y dit.
li Celui qui parle dans mon texte, c'eft St. Paul. C'eft un des hommes, qui, s'il étoit jamais permis de fe glorifier de fes oeuvres, auroit eu le plus de fujet de
fi
iïêtfe trouvé en Jesus .-Christ. 289
fe glorifier des fieMes. Cette remarque, M. F., ne nous-fera pas inutile; elle nous fera d'autant mieux comprendre la folidité de la do&rine de nós Eglifes fur la juftification gratuite. St. Paul, le grand & zelé défenfeur de ce dogme: St. Pauh Apotre de Jesus - Christ, éclairë par fon Efprit, inftruit par lui-même par des réyé% lationsimmédiates, de la vérité qui eft felon la piété: St. Paul, eet homme fi avancé dans la fiauclification, & au prix duquel« eu égard au dégré de fainteté* nous ne fommes pour la plupart que de petits en fans tn Jesus-Christ: St. Paul, dis-je, n'eft pas un docleiu fufpect fur cette matiere. On ne pouvoit pas lui reprocher, qu'il établiffoit Ut juftification par la foi, fans les ozuvres, pour fe difpenfer de faire de bonnes oeuvres,, puifqu'aucim Chrétien peiltere n'en a fait plus que lui. Si jamais homme inontra fa foi par. fes oeuvres; fi jamais homme fut pecluadé.' que fans la fanclification nul ne verra de Seigneur ■;■ fi jamais homme prêcha par fon exemple .comme pai fes difcours , que pour êtri fafciple de ^hrist , il faut être hmtateur dt Tom. L T Christ:
Tif. I. %
t Cofs llï. 1*
feq. TI. rf„
fiéb. X1L 14.
Tïzn. 1c0i. xi, ï'.
Gal. 113. JPhil. III. 6,
Lus. i. 6
000 SERMON fur le défir
Christ: ce fut St. Paul. Et foit que vous le confidériez dans le Judaïfme, foit que vous le contempliez depuis fa converfion au Chriflianifme; vous verrez en lui un attachement inviolable a tous les devoirs de fa Religion. II nous apprend lui-meme, quelle avoit été fa converfation pendant quü étoit Juif; & ce mot feul, quant d la jujiice qui efl en la Loi, étant fans reproche, doit nous donner une idéé de fa maniere de vivre. II ne vouloit pas dire qu'il n''eut jamais pêché contre / Zo/divine :il étoit fans reproche, comme 1'avoient été Zacharie & Elifabeth , desquels il eft dit , qu'z'/$ étoient tous deux jufles devant Dieu, marchant dans tous les commandemens fi? les ordonnances du Sei~ gneur, fa%s reproche. St. Paul donc, étant encore dans le Judaifme , marchoit dans tous les commandemens fi? les ordonnances du Seigneur. En obfervant les rites de la Loi cérémonielle, en fe montrant attaché au culte prefcrit par Moyfe; il ne négligeoit pas, comme plufieurs autres Juifs, les devoirs de la Loi morale* Car 1'obfervation de ces devoirs appartenoit d la
jus-
cfétre trouvé en Jesus - Christ. 291
juflice de la Loi, puifque Moyfe avoitdonné aux Ifraêlites le Décalogue, auffi bien que la Loi des Cérémonies. En un mot, fi St. Paul avoit été un de ces Pharifens hypocrites, dont toute la fainteté étoit extérieure; il n'auroit pas dit, étant Chrétien, que, quand il étoit fuif, il étoit fans reproche quant a la jujiice de la Loi. Ainfi St. Paul dans le Judaïfme, a été, (fi vous en exceptez les cruautés qu'un zele aveugle lui fit commettre contre 1'Eglife,) un trés homme de bien.Que fi vous le confidérez enfuite, tel qu'il a été depuis fa converfion au Chriftia* nifme, trouverez vous beaucoup de Chfétiens qui pu flent lui être comparés' f & Apologie que lui arracha le peu d'égarrj qu'avoient pour lui des hommes >qui, S'il eut été pojftble, auroient du s'arracher lei yeux pour les lui donner; apologie que vous pouvez lire dans le Chapitre XU de fa 2de Epitre aux Corinthiens;' Cette apöJogie ne nous montre -t'elle pas en lui 1'exemple d'un homme 4 Éfuf en prëchanf Christ, fe montre imitateuf de Christ £ qui facrifie a 1'exercice de .fes devoirs * T 2 fon
Gat.1v". tff
Aft. XX. 24.
2 Cor. Xl. s.
Gil. II. 2C
«92 SERMON fur le défir
fon repos, fes intéréts, fa vie même? Et c'eft cependant ce même St. Paul; c'eft eet homme , qui fut encore meilleur Chrétien qu'il n'avoit été bon Juif; c'eft eet Apotre, êgaVaux plus excellens Apotres, & qui, en recommandant fi fortement les bonnes oeuvres, les a lui-même pratiquées avec tant de zele: c'eft ce même homme, qui, bien lom de fe glorifier de fes vertus & d'y chercher fa juflification, s'écrie , que je fois trouvé en Christ , ayant, non ma jujiice qui efl de la Loi, mais celle qui efl par la foi de Christ; la juflice qui eft de Dieu par la foi!
II. C'eft une feconde confidération. Elle doit rouler fur ce que dit dans mon texte, 1'homme illuftre dont je viens de vous retracer les vertus. Son fouhait , c'eft que Dieu ne le confidere point en lui-même, mais en Jesus-Christ; que Dieu ait égard, non a fa conduite, mais , a la médiation de ce Rédempteur qui Pa ' aimê 6? s'eft donné foi - même pour lui: c'eft dans Pobéïffance de ce Sauveur, & non pas dans la ftenne propre, qu'il cherche le moyen de fe juftifier devant Dieu: c'eft
d'étre trouvé en Jesus-Christ. 293
k être juftifié, non par Jes oeuvres, mais par la foi en Jesus - Christ , quil met toutes fes prétentions. C'eft ce qu'il exprime en difant, que je Jois trouvé en lui, c'eft-adire , en Christ , lequel il venoit de nommer au verfet précédent: & ce mot, être trouvé en Christ, il 1'explique, en ajoutant, ayant non ma jujiice qui eft de la Loi, mais celle qui eft paria foi de Christ la juflice qui efl de Dieu par la foi. Comme s'il difoit , „ je fouhaite que Dieu me ,, juge, non fur mon obéïjfance a Ja Loi, „ mais fur la juflice de fon Fils, fur cette „ juftice parfaite, a laquelle on recourt „ par la foi, & en vertu de laquelle Dieu „ accorde d tous ceux qui croyent, la rémis,, fon de leurs péchés, & le droit a la vie ,, étemelle." Qiie je Jois trouvé en Christ : ayant, non majujtice qui eft de la Loi, mais celle qui eft par la foi de Christ ; la jus. tice qui eft de Dieu par la foi!
Dans ce fouhait de 1'Apötre, fe réunifiènt donc deux fentimens , que doit revêtir tout homme qui défire d'étre justijié devant le tribunal de Dieu. 1°. Le T 3 n
Rom. lil. 27.
GsC II. 17.
294 S E R M O N fur le 'défir
renoncement d toute juftice propre. 20. ISacceptation de la justke de Jesus - Christ.
10. Je vois dans St. Paul un homme ^ qui pour être juftifié, renonce h toute juftice propre: que jen aie point ma juftice qui eft de laLoil
Vous fentez , (& tout ce que nous avons remarqué ci-deffus de la piété exemplaire.de St. Paul, & de fon zele pour les bonnes ceuvres, le prouve clairement;) vous fentez, dis-je, que cela ne fignifie pas, que je fois fans bonnes osuyres.' A Dieu ne plaife que leCroyant fe refufe a la pratique des vertus Chrétiennes, & qu'il fe fouftraye a 1'obéïlfance due aux préceptes de la Loi! Cette obéïsfance, cette pratique eft un fruit inféparable de la foi juftifiante, & ce feroit faire de Christ un miniftre du pêché, que de prétendre que fa juftice nous difpenfe d'étre juf tes , & d'obêir aux commandemens de Dieu. Mais St. Paul, & tout vrai fidele a fon exemple, renonce d fa propre juftice, c'eft-a-dire, qu'il ne s'en attribue aucune qui puiffe le juftif.er; qu'il reconnoit qu'a quelque degré que notre
bbéïs*
dêtrê trouvé en Jesus-Christ. 295
eheifanoe foit pörtée, elle ne fauroit encrer en compte pour nousjuftifier; qu'a eet égard, notre juflice riefl rien, 6? moins que rien, & une chofe de nêant : & que fi Dieu entroit en jugement avec fes plus zelés ferviteurs, aucun d'entr'eux ne feroit juftifié devant lui.
20. Je vois dans St. Paul un homme, qui en renongant d fa propre juftice, dans le fens que je viens d'indiquer; recourt d Jesus - Christ , comme a un pleige , une caution, qui fuffit pour lui procurer ce qu'il défire. II défire d'étre juftifié: pour 1'être, il demande que la juftice de Jesus-Christ foit réputée fienne; ilfouhaite que Dieu le confidere comme un homme, pour qui Jesus-Christ a fatisfait afa juflice, & qui par une foi fincere 1'accepte pour fon unique Sauveur : il s'affure , que , s'il eft ainfi trouvé en Christ , il riy aura plus- pour lui aucunt condamnation. Que je fois trouvé en lui. ayant, non ma juftice qui eft de la Loi: mais celle qui eft par la foi de Christ; li juftice qui eft de Dieu par la foi'.
Ceit ainfi que nous avons développ< T 4 /
Efa. XL, 17.
Pf. CXLIII. a.
Rom. Vi.11. 1.
?
295 SERMON fur le défir
le fens même des expreflions demon texte.* Voyons maintenant les diverfes infiruEtions qu'il renferme. C'eft mon fecond Point.
il. PARTIE.
I. La première vérité que le voeu de St. Peul dans mon texte nous enfcigne s e'eft Vimpoffibilité abfolue du pécheur è Jubfisier par lui - même devant Dieu. Pourquoi St. Paul, qui avoit été fi attaché h la Loi, & qui ne 1'étoit pas moins a VEvangile; eet homme fi attentif a remplir fes devoirs, fi avancé dans la pratique des bonnes oeuvres; pourquoi renonce t'il a toute fa jujiice, quand il s'agit de fe préfenter devant Dieu pour être juftifié ? C'eft a caufe de cela même que je viens de dire : c'eft paree qu'il eft impolfible qu'un homme qui a pêché, puifie foutenir par Ja propre juftice, le jugement de Dieu. La chofe eft claire pour quicon* que a des idéés juftes des droits de Dieu, & de la Théologie des Auteurs divinement infpirés. La conjcience dicle a 1'homme, fans le feeours de la Revéla*
tion 5
d'étre trouvé en Jesus-Christ. 297
tion, que le droit de Dieu eft, que ceux qui commettent le mal font dignes de mort; & les Payens 1'ont reconnu , puifqu'ils ont cherché a appaifer la Divinité par des facrifices , par lefquels ils prétendoient expier leurs péchés. L'Ecriture le déclare hauteinent. Comment 1'homme mor-1 tel fe juftifieroit - il devant le Dieu Fort ? Eternel, ri entre point en jugement avec ton ferviteur, car nul homme vivant ne fera justifié devant toi! Le pécheur mérite la condamnation par fes offenfes, cela efl certain: & cela pofé, il efl impofible qu'il foit juftifié par fes oeuvres, quelles qu'elles foient. Car ïohéijfance par laquelle un homme pourroit être juftifié, eft une ohéïjfance a laquelle il ne manque rien, & qui n'ait jamais été fouillée d'aucun vice: obéïjfance, qui ne peut pas fe trouver par conféquent dans un homme qui a pêché; puifque dès la quil a pêché , il manque quelque chofe a fon oheifance. C'eft ce que la Loi exprimoit en deux manierest elle promettoit la vie-, a celui qui feroit ces chofes : & elle déclaroit mau* dit , celui qui ri auroit pas perfévéré h les T 5 fa
Rom. ' 32.
ob. IX. 2. Pf.
:lxiii.2.
Lev.
XVIII. 5. ' Rom. X. 5.
üeut. XXV11.25.
Gal. III.
[0-12.
298 SERMON fur le défir
Luc. XVII. io.
faire toutes. Donc, tout homme qui a pêché, eft par cela même totalement & irréparablement déchu du privilege d'étre juftifié parjui-même. Car par oü le feroitil? Ce n'eft point/w fon obéïffance aux commandemens de Dieu; car cette obéijfancs ayant été précédée par le pêché, fans compter fon imperfeétion aétuelle; ne peut pas le mettre a couvert de la malédktion qu'il a encourue en péchant. Et que pourroit-il préfenter a Dieu, qui lui tint lieu de juftice devant ce grand Juge? Seroit-ce la repentance ? Mais la repentance, quand elle eft fmcere & folide, empêche bien qu'on ne fe livre de nouveau au crime, mais elle n'empêche pas que le crime ne foit commis, & ne répare pas rinfraclion faite a une Loi qu'il falloit obferver parfaitement pour être juftifié par elle. Seroit-ce la pratique fmcere , quoiqu'imparfaite , des bonnes oeuvres ? Mais en les faifant, nous faifons ce que nous aurions du faire quand même nous n'aurions pas pêché ci-devant : & puisque nous fommes tenus d'obéïr a Dieu toute notre vie, lobéïffance que nous lui
ren-
d'étre trouvé en Jesus-Christ. 299
rendons pendant nos dernieres années, ne pent pas fervir de compenfation aux défobéïjfances que nous avons commifes autrefois. Seroit-ce par des facrifices ? Mais il efl impoffible que le fang des taureaux fi? des boucs ote les péchéi: & quand nous offririons a Dieu nos premiers-nés en holocaufle, quand nous nous immolerions nous-mêmes en facrifice expiatoire; nous ne préfenterions a Dieu que des viétimes impures, incapables d'appaifer fa colere. Seroit-ce, enfin, en fouffrant ici-bas quelques maux par forme de fatisfaclion ? Mais comment Dieu pourroit-il, dans une vie réduite a la tnefure de quatre doigts, nous inrliger des peines proportionnées a nos démérites, & capables d'expier des offenfes, dont fa Majeflé infinie eft 1'objet ? Non. Le pécheur eft dénué de toute reffource. Cefl fait de lui, fi Dieu le confidere en lui-même.
II. A cette vérité humiliante & terrible , s'en joint une plus confolante, & que mon texte nous rappelle en fecond lieu. Si L'Ecriture Sainte nous met devant les yeux toute 1'étendue d'une
Héb.x.4.
Mich. VI. 7.
Pf. xxxix.*»
Rom.V.É.
3oo SERMON fur le défir
j
j
3 i
Jean. I.18 <
j
Rom.. IX. 1
5 Hébr. ii. 17&iv.15. 1
1 Tim. II. 5
Gal. IV. 4. .
Héb. ii. j 10.
Héb. VII. -
26.
lTim.I.15. Eph.v. 2.
1 Pier.'. I. 19.
ijean. I. 7.
6 11. 2.
nifere, a laquelle la Nature entiere ne auroit apporter de remede ; elle nous nontre en même tems ce remede, dans es miféricordes infinies du Pere célefte, & lans la juftice parfaice du Fils qui efl dans 'on fein. Ce Fils, Dieu béni éternellement, na is devenu homme femblable è nous en Routes chofes excepté le pêché, pour être Médiateur entre Dieu cj? les hommes : ce Fils, né de femme & affujetti a la Loi, a sieinement éxécuté 1'engagement qu'il ivoit pris envers fon Pere, d'étre le RéWidant de 'ceux quil vouloit amener d la rjoire. Sacrificateur de la nouvelle Alliance, ra'wt, innocent, fans tache , féparé des pé~ ;heurs , viétime digne par fa pureté & fon excellence, d'étre préfentée au Juge fuprême: Jesus-Christ yenu au monde pour fauver les pécheurs, seft offert pour eux en élation & facrifice a Dieu , en odeur de bonne fenteur. Ce facrifice, offert par un Homme-Dieu, fans tache & fans macule, efl fuffifant pour l'expiation pleine & parfaite de tous les pïches dont chacun d'eux eft coupable. Sa mirt eft une fatisfaclion complette b la juftice de Dieu. C'eft dans
eet-
d'étre trouvé en Jesus - Christ. 301
cette mort, c'eft dans ce facrifice, que 3e pécheur trouve la refiource qui lui manquoit. Pour être juftifié devant Dieu, il faut qu'il puifle lui préfenter une juftice parfaite , une obéiffance a laquelle il ne manque rien. Or cette juftice, cette obéiffance qu'il ne peut trouver en iuimême,. il fa trouve dans celui qui l'a', aimé & qui s'eft donné foi-même pour lui. C'eft la que notre Apötre. avoit fon re-. cours. En renoncant a fa propre juftice, il fouhaitoit d'étre revêtu de la juflice de JksusXhrit, & juftifié elle. Car la 'juflice qu'il oppofe ici a la fienne propre, cette juflice qu'il défire avoir , c'eft (& cela revient.au même,) ou la juftification qu'on n'obtient qu'en vertu de la juflice du Fils de Dieu; ou la juflice même du Fils de Dieu , en vertu de laquelle on efl juftifié. 11 dépeint donc ici JesusChrist, comme un Sauveur parfait, puisqu'il déclare trouver en lui ce qu'il ne peut trouver en lui-mêrae: il le repréfente comme pguvant fauyer d plein tous •ceux qui sapprochent de Dieu par lui. Oui, .puisque le Fils unique de Dieu, apparu en
for-
ïal. TJ. 20. EptïJ V. 2,
Héb. Vil. 25.
Rom. VIU. 3.
3C2 S E R M O N fur la diftr
Rotn.V. 6.
Ad. IJ. 14. Col. II. p.
Héb. IX. 14. &
26.
Phil. II. 8.
1 Pier. U. 24.
2 Cor. 1.3.
Jean. XVI. 23.
Rom. III. 25.
forme de chair de pêché & pour le pêché, efl mort en fon tems pour nous impies; puisque eet homme faint fi? jufte, en qui toute la plénitude de la Divinité hahite cor por elle ment, s'eft immolé foi-même pour ïabolition iu pêché; puisque par une oMiffance pouffée 'jufqu'a la mort, même la mort de la croix, il a porté luumême nos péchés en fon corps fur le hols: il efl impoffible qu'on recoure en-vain au mérite de fon facrifice , quand on y recourt fincérement : il eft impoffible que le Dieu des miféricordes refufe de faire grace a un pécheur, quand c'eft au nom de Jesus-Christ que ce pécheur demande grace.
111. Je dis, faire grace. Car, (& c'eft une troifieme confidération importante ,) en juftifiant celui qui eft de la foi de Jesus , Dieu exerce envers ce Croyant fa miféricorde, fa gratuité. En fauvant les pécheurs qui recourent a fon Fils, Dieu fait bien un acie de juftice envers ce Fils, qui s'étant volontairement foumis a tout ceque Dieu exigeoit de lui, eft en droit de demander lefalut des Elus, & de dire, quand un pécheur cherche en lui fon réfuge, garanti-
k
d'étre trouvé en Jesus - Christ. 303
le, quil ne defcende point en la fojfe, fai trouvé la propitiation. Mais ce n'en eft pas moins un acte de pure miféricorde envers le pécheur, tant de la part de JesusChrist, qui sefl donnê volontairement pour Fexpiation de nos offenfes , que de la part de Dieu, qui n'eft pas öbligé de nous donner un fai ut dont nous fommes indignes; & qui ne nous a pocuré fon Fils pour Sauveur, que paree qu'*7 nous aimoit tout indignes que nous en étions. Tout eft gratuit dans notre juftification, & St. Paul nous le rappelle, en appellant ce dont il parle, une juftice qui eft de Dieu, & en 1'oppofant a notre juftice propre. C'eft une juftice qui réfide dans une autre perfonne que dans nous-mêmes; une juftice qui nous eft naturellement étrangere, & laquelle nous n'avons aucun droit, & qui ne devient notre, que paree que Dieu nous 1'impute gratuitement: car ce n'eft pas notre propre juftice, (qui efl de la Loi ;) mais celle qui eft par la foi de Christ; la juftice qui efl de Dieu par la foi. Ainfi la juftification du pécheur, eft un acte de gratuité pure: elle eft a tous
égards
Job. xxxiii.
24.
r Jean. IV. S). 10.
Jean. III.. 16.
Jean.1.12.
1 Cor. II 3
Aft III. 15.
/1
304 SERMON fur le défir
égards abfoiument gratuite. Gratuite lans fon origine ; puisqu'a eet égard, lous la devons aux compaffions infinies iu Dieu qui a tant aimé le monde, quil a donnè fon Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périjfe point, mais quil ait la vie éternelle. Gratuite dans fa nature; puisqu'elle con-Me a nous abfoudre de la peine-,qui nous étoit due, & nous donner le droit dont nos iniquités nous excluoient, de prétendre a la vie éternelle. Gratuite dans fon fondement ; puisque. fa caufe méritoire efl un facrifice, offert librement, volontairement, & dans f exces d'une charité inouïe, par un Sauveur, qui, étant le Seigneur de gloire & le Prince de la vie, n'étoit pas obligé de vivre pauvre & de mourir en croix pour nous fauver. Gratuite, enfin, dans la maniere dont elle nous efl conférée; puisque loin d'étre fondée fur la dignité de ws\ mais il est pajfé de la mort & la vie. A tous ceux qui Vont regu, il leur a donné le droit d'étre faits enfans de Dieu9
fa-
d'étre trouvé en Jesus-Christ. 307
favoir d ceüx qui croyent a fon Nom. C'efl donc avec beaucoup de raifon, que ■St. Paul appellé cette juftice dont-il parle , & qu'il préfere a toutes les chofes du monde , la juftice qui eft par la foi de Christ; la juflice qui efl de Dieu par la foi.
Vi Enfin, M. F., je trouve dans fexclamation de mon texte, la nature de la vraie Foi, de cette Foi par laquelle on obtient le falut. Son premier caractere eft précifément celui que le défir de 1'Apótre nous indique ; c'eft de ne reconnöitre d'autre juflice juflifiante que celle de Jesus-Christ, & d'y recourir. D'un cöté, renoncer h toute juflice propre, c'elt-a-dire, reconnöitre qu'on n'en a aucune par laquelle on puiffe être juftifié; & d'autre cöté , accepter, comme capable de jufiifier quiconque y participe, la juftice de Jesus - Christ : ce font deux chofes , dont la première ne ferviroit de rien fans la feconde, & dont la feconde ne fauroit avoir lieu fans la première. Car le falut nous eft offert, comme un bien dont nous fommes indignes, & que Dieu veut nous donner; non pour V a Vz*
Phil.III.Öi
1
, 4
3
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j i
Efa.LV.i.
Matt. XI. 28.
jo8 SERMON fur le défir
'amour de nous-mêmes, mais pour 1'amour le fon Fils; non en vertu de nos ozuvres, nais en vertu de F obéiffance du Rédemp\mr. Ce ne feroit donc pas acquiescer mxoffres miféricordieufes du Perecélefie, }ue de vouloir être redevables de notre 'ufiification, en partie a Jesus-Christ, Sc en partie a nous-mêmes, ou a dautres Médiateurs.. Ce ne feroit pas accepter les mérites de Jesus-Christ pour être fauvê par eux , que de prétendre y affocier d'autres mérites. Recourir au mérite de Jesus - Ch «jst , fuppofe donc qu'on n'en reconnoit point d'autres. C'eft ce qu'enfeignent auffi les paroles de St. Paul; ayant, non ma juflice qui efl de la Loi, mah celle qui efl par la foi de Christ ; la juftice qui eft de Dieu par la foi: & tant d'autres paffages , qui, en nous invitant a venir a Jesus-Christ pour être fauyés, montrent que nous devons le confidérer comme notre unique reffoürce. C'eft a ceux qui riont point d'argent, qu'il eft dit d'acheter fans argent* fi? fans aucun prix, du vin fi? du lait. C'eft a ceux qui Jont travaillés & chargés,
que
d'étre trouvé en *Jesüs - Christ. 3 og
que Jesus-Christ, dit, venezamoi, & je vous foulagerai. C'eft a ceux qui ont ^ fiifde lui, quil promet de donner d hire, fiftis qu'il leur en coute rien.
APPLICATION.
r Quel eft donc, Chrétiens, M.T.C.F., (& c;eft par la que j'entre dans mon application,) quel eft le devoir de celui è qui la rémijfion des péchés par Jesus^ Christ eflannoncée, comme elle 1'eft a tous ceux a qui VEvangile eft connu? Comment répondra t-il a ïojfre que Dieu lui fait , de le recevoir en grace pour- Vamour de fon Fils ? Par quelles difpofitions fera t-il excité a s'écrier avec notre Apötre, que je fois trouvé en lui, ayant, non ma juftice qui eft de la Loi, mais celle qui eft par la foi de Christ ; la juftice qui eft de Dieu par la foi?
Pour cela, M. F., il faut avant toutes chofes, que le\pècheur fenie & recontioiffe 1'excès de fa mifere, 1'impuiffance oü il eft de s'en relever par lui-même, & 1'étendue de fon indignité devant Dieu.
V 3 Non
Jean. VI. 5 &VII.37. Apoc.
;xu, n.
Aft. XIII. 38.
Aft iVi2 Matth.
IX. 12.
Efa.HII.5
Apoc III. 18.
Apoc17-
I Tim. h IS-
310 SERMON fur k défir-
Non pour fe livrer a des frayeurs , a des angoiffes, qui tiennent du désefpoir, & qui font injure a la miféricorde divine : mais de maniere qu'il fe convainque , qu'a moins d'étre fauvê ,par Jesus-Christ , il riy a point de falut pour lui. Car fi ceux qui font en fanté n'ont pas befoin de mèdecin , mais ceux qui fe portent mal, comment fera excité a chercher en Jesus-Christ la guérifon de fon ame, celui qui ne reconnoit point encore qu'elle efl naturellement en mauvais état? Et comment fera dispofé a acheter de Jesus-Christ de Vor éprouvé par k feu , pour devenir riche, fi? des vétemens blancs pour fe couvrir , celui qui croit être riche fi? dans ï abondance, fi? ri avoir befoin de rien; & qui ne connoit pas quil efl malheureux , fi? mifèrable, fi? pauyre, fi? Gveugle, fi? nud?
A cette connoiffance de fa propre mifere, le pécheur doit joindre celle de la fuffifance & de la banne volonté de JesusCrhist. II doit croire comme une choj'e certaine & digne d'étre entk'rement recue, que Jesus-Christ eft venu au monde pour
fau^
d'étre trouvé en Jesus-Christ, 311
fauver les pécheurs, & quil peut en effet, fauver a plein tous ceux qui sappmhent ch Dieu par lui t qu'tf ne rejette rien de ce
qui vient è lui '4 &
ten UIi Les motifs qui doivent nous y engager. Développons, fous la bénédiction divine, ces trois Chefs de médi* tation.
I. PARTIE*
Le devoir général que mon texte nous impofe , c'eft de pourfuivre conftamment la courfe qui nous eft propofèe. Vous favez , M. F., que la vie humaine eft fouvent repréfentée fous.l'emblême d'un chemin; & la maniere dont les hommes fe conduifent, fous 1'idée de marcher. C'eft ainfi que nous difons, marcher dam les fentiers du vice , fuivre la route de la vertu, pour exprimer la différente conduite des pécheurs, & des gens de bien. C'eft ainfi que St. 'Jean dit, que celui qui prétend demeurer en Jesus-Christ, doit marcher comme lui - même a marché; & que St. Paul fe plaint, qu'il y a des gens qui marchent d'une telle maniere , quils font ennemis de la croix de Christ. La courfe qui nous eft propofèe, c'eft donc la conduite que la Parole de Dieu nous prefcrit, la.
ma-
èe pourfuivre conftamment notre courfe. 31
teaniere dont nous devons vivre pour parvenir au falut. Mais n'oublions pas» de remarquer, que les expreffions qu'employe ici 1'Ecrivain facré, ont une énergie particuliere. Divers traits de ce texte, & fa confrontation avec quelques autres, montrent que ces paroles, pourfuivons la courfe, ou felon 1'original, courons le combat; que ces paroles, dis-je, renferment une métaphore, prife des jeux, dont parmi les Grecs & lesRomains\ on donnoit quelquefois le fpeétacle au peuple^ Jeux, auxquels St. Paul a plufieurs fois fait alllufion dans fes Epitres* Témoin, fans en citer d'autre exemple , les derniers verfets du Chapitre lXe de fa ie Epitre aux Corinthiens. Parmi ces jeux, il y en avoit un, qui confiftoit a courir plufieurs a la fois dans une lice , vers un but qu'il falloit atteindre avant les autres pour obtenir le prix. Cet exercice étoit une efpece de combat, puisqu'il s'y agilfoit pour les coureurs, de tacher de vaincre leurs concurrens par la rapidité de leur courfe. Or c'eft a quoi 1'Auteur de mon texte compare, avec
beau-
320 S E R M O N fur h devoir<
beaucoup d'élégance , la maniere dont un Chrétien doit fe conduire pour parvenir au falut. Suppofez , en effet, un exercice tel que celui auquel 1'Apötre fait allufion dans mon texte: vous y trouverez ces quatre chofes. Une place a quitter. Un hut a atteindre. Un chemin a parcourir. Un prix a gagner. Quatre chofes, qui ont lieu auffi dans la courfe qui nous eft propofèe.
I. Dans les courfes anxquelles mon texte fait allufion , il falloit, pour commencer fa carrière, fortir de la place oü 1'on étoit. II en eft de même de la courfe du Chrètim vers 1'éternité. Nous fommes naturellement dans un état, qui nous éloigne du bonheur: je veux dire, la corruption que nous avons apportée au monde, & les vices oü elle nous a fait tomber. 11 faut fortir de eet état; il faut renoncer a cette corruption; il faut quitter ces vices, par une fmcere repentance. Tant qu'on ne s'eft point repend, tant qu'on n'a point encore travaillé k fe corriger de fes fautes, a fe défaire de fes habitudes criminelles: connüt - on tous les • v mys-
iepoutfuivre conftamment notre courfe. 321
myfteres; fut - on capable d'expliquer toute l'Ecriture, eut-onla foi'jufqua transporter les montagnes: on n'a pas fait un feul pas encore dans le chemin du falut.
II. Dans les courfes dont nous avons parlé, il y avoit un but a atteindre. De même dans la voeation Chrétienne, il y a un but auquel il faut parvenir. Ce but, c'eft la perfeclion. C'eft de devenir tout le contraire deceque nous fommes naturellement enqualitéde pécheurs. C'eft de nous rendre faints &jufie.s, au point de ne plus commettre. aucun pêché. Serions nous dignes, en effet, du titre glorieux de difciples du Saint © du Jufte par excellence, fi nous nous contentions d'acquérir quelques legers traits de reffemblance avec lui ; fi nous n'afpirons pas a lui devenir entiérement femblables f Et ne nous eft-il pas dit, de tendre vers la perfeclion ; d'étre parfaits, comme notre Pere qui eft aux deux eft parfait ?
III. Dans les courfes des Grecs & des Romains , il falloit ffranchir un eertain efpace, parcourir tout le chemin qui féparok le but oü 1'on tenrjoit, d'avec la
Tom. I. X pla-
1 Ccr*
&£t. III. 14i
2 Cor.
KUL n*
Héb. VI 1.
Matt* V. 48.
322. SERMON fur le ckvoir
place qu'on avoit d'abord occupée. II en eft de même du Chrétien. Pour palier de 1'état du vice , a celui d'une vertu confommée, il y a un chemin a faire; & ce chemin , c'eft la fanclification. Or comme ce n'eft pas en un inftant, mais par degrés, & en faifant continuellement de nouveaux pas, que 1'on atteint la fin de la carrière oü 1'on court: de même , notre fan&ification ne sacheve pas en un moment, mais par degrés. Nous devons fans ceffe y ajouter quelque chofe , faire tous les jours de nouveaux progés dans la vertu, &, pour employer ici encore 1'idée de mon texte, courir fans relache vers la perfeéh'on, jufqu'a ce que nous 1'ayons atteinte, & que nous obtenions le prix propofé.
IV. C'eft le dernier trait de comparaifon que je vous ai fait remarquer, M.F., entre 1'exercice de la courfe, & ia vocation Chrétienne. Dans ces exercices, ii y avoit m prix d gagner: & ce prix étoit, quelquefois une fimple couronne de feuilles, quelquefois un vêtement ou un meuble précieux. Dans la vocation du
Chrê-
êe pour fuivre conftamment notre courfe. 3^3
Chrétien, il y a de même unprix agagner: mais un prix plus digne qu'on y al'pire, que ne 1'étoit une couronne corruptible, une récompenfe périffable. Un prix, qui, par fa nature comme par fa durée, furpaffe infiniment les dignités, les richeffes , & les plaifirs de la terre: & que Dieu, felon fa promeffe, donnera h tous ceux , i qui, par leur perfêvérance a bien faire, cherchent la gloire, Vhoneur, fi? Vimmortalitè.
Mais , dira t-on peut-être, fi pour remporterce prix ineftimable, il faut être arrivé au but, & 11 ce but, comme nous favons vu plus haut, eft la perfection : qui peut afpirer ace prix avec une ombre d'efpérance de le recevoir; tandisque PEcriture déclare, quil riy a point d'homme fans pêché, & que tant que nous fommes fur la terre, nous hronchons tous en plufieurs chofes? A cette objection prife de l'Ecriture, je répons par l'Ecriture: & Ie paffage que je viens de citer, oü labéatitude a venir eft promife ti ceux qui par leur perfêvérance d bien faire, cherchent la gloire, ïhoneur, & Vimmortalitè, fuffit ce më femble pour " léfoudre la difficulté propofèe : puifqu'il X 2 en
1 Cor. X. 25.
lom. tl, 7.
r Roi*. VUl 46.
Jaq. III. 2
1
Luc. XVI. 9.
324 SERMO N fur le devoir
en réfulte clairement, a moins de mettre ïEcriture en contradiétion avec ellemême, que lorsque Dieu retire du monde ceux qui ont travaillé fincérement & conftamment a leur fanctification; il les nétoye , par fon Saint Efprit, de tout refte defouillure, & les introduit, ainfi purifiés, dans fes tabernacles éterneU. Pourfuivons donc, dans cette ferme efpérance , pourfuivons conftamment la courfe qui nous eft propofèe. Et pour eet effet , mettons en ufage les moyens que mon texte nous prefcrit. C'eft a les développer , que j'ai defliité ma Jeconde Partie.
II. PARTIE.
Pour pourfuivre la courfe qui nous eft propofe , nous devons employer deux moyens, que 1'Auteur facré nous indique dans mon texte. L'un , c'eft de rejetter toutfardeau, fi? le pêché. L'autre, c'eft de regarder a Jesus , le Chef fi? le Confommateur de la foi.
I. Pour courir avec fuccès dans la carrière oü Dieu nous appellé, il faut rejetter
de pour fuivre conftamment notre courfe. 325
ter tout fardeau , & le pêché. Selon le génie de la langue Grecque, cela pourroit fignifièr , tout fardeau , c efl-a\-dire, le pêché. 11 femble pourtant qu'il y ait quelque différence entre ces deux chofes. Ce n'eft pas toujours le pêché proprement dit, qui nous retarde dans 1'ouvrage de notre fanclification. Des chofes, innocentes en elles-mêmes, & auxquelles , a 1'exception de quelques cas rares & extraordinaires, il ne nous eft pas permis de renoncer entiérement, peuvent, fans nous porter a des actions criminelles, nous empêcher de faire dans la fainteté des progrès auffi rapides qu'il feroit adéfirer. Mais combien moins y ferons nous des progrès, fi écoutant la voix de nos convoitifes, nous commettons volontairement des chofes , criminelles en ellesmêmes , & direétement oppofées a la vertu? Dans le premier cas, nous avancons trop lentement dans notre courfe. Dans le' fecond , nous reculons au lieu d'avancer. II faut donc, pour pourfuhre wiftamment notre courfe, rejetter tout fardeau, le pêché,
X 3 i. n
Matt. VI. 34.
326 SERMON/» k devoir
I. II faut rejetter tout fardeau: e'eft-adire , renoncer a tout degré d'attachement aux chofes innocentes de la terre, qui nous empêcheroit de travailler ènotre falut avec 1'eraprelTement qu'il mérite. Rien n'eft plus innocent en foi, que d'aimer 1'étude : mais un Chrétien qui aimeroit f étude , au point de négliger pour elle des devoirs plus preffans que d'augmenter aétuellement fes connoiffances ; fe feroit de eet amour de 1'étude un fardeau , qui retarderoit fes pas dans 1'exercice de la vertu. Rien n'eft moins criminel en foi, que le foin de pourvoir a notre fubfiftance: mais fi ce foin paffe certaines bornes, s'il fait naitre en nous des foucis, des inquiétudes, des allarmes pour un avenir, qui peut-être ne viendra point; eet excès eft un fardeau, qui nous rend nos autres devoirs pénibles, & qui retarde nos progrès dans ia fanctification. N'étendons point cetarticle. Lesexemples que je viens d'alléguer, fuffifent pour jufiifier, que des affections tres innocentes en elles-mêmes, ne peuvent être portées a certain degré, fans devenir par
leur
depourfuivre conftamment notre courfe. 327
leur exces un obftacle a nos progrès dan* la fainteté. Cet excès, quand il a lieu, eft donc un fardeau quil faut rejetter, comme celui qui veut courir dans la Mee, doit fe défaire de tout ce qui pourroit retarder fa courfe.
2. Ce qu'il faut rejetter a plus forte raifon, c'eft le pêché: c'eft-a-dire, les convoitifes criminelles, les chofes mauvaifespar elles-mêmes, & qui déja par leur nature font un fardeau, qui empêche celui qui le porte de savancer vers le but de notre vocation célefte. Comment courra vers ce but, un homme qui n'a renoncé au pêché qu'en partie; en qui domine encore , foit la convoitife de la chair, tot celle des yeux, foit Vorgueil de U vie? Tel n'eft ni fenfuel, ni avare : mais il oublie que Vhumilité eft une des vertus Chrétiennes, & que fon orgueil eft un fardeau qui 1'empêche de marcher dans cette vertu. Cet autre n'eft ni tntemperant, ni JUperbe: mais il oublie que le défmtêrejfement & la bienfaifance font partie de la fainteté évangélique, & que fon avarice eft un fardeau qui 1'empêche d'ex X 4 erce
1 Jean. II. iö.
t
3*8 SERMON fur le dcvoir
% Cot. Vil. z.
J«r II. 18. I Pier. I. o,
ercer ces deux vertus. Ce troifieme n'eft ni hautain, ni attaché aux richejfes : mais il oublie que la tempérance & la chasi teté font indifpenfables dans un Chrétien, & que fon amour pour les plaifrs fenfuels eft un fardeau qui le plonge dans la fouik lure. Oui , M. F., tout pêché dominant, toute habitude vicieufe dont on eft efclave, cll un fardeau qu'il faut rejetter, fi 1'on veut de bonne foi fe fanétifier. Car la fanclification ne confifte pas a réunir quelques bonnes qualités a de grands vices; mais a fe nétoyer de toute fouillure de chair d'efprit. Si donc nous afpi-, rons au prix qui doit couronner notre carrière au cas que nous 1'ayons bien fournie, rejettons tout fardeau, c? principalement le pêché.
II. Un fecond moyen que mon texte nous indique , & fans lequel nous ne faurions bien employer Ie premier, c'eft de regarder d Jksus, le Chef & le Confommateur de la foi; celui qui la produit en nous par fa Parole & par fon Efprit, & qui, fi nous la montrons par nos oeuvres , nous en fera remporterla fin, favoir le falut
de
depmrfuivre conftamment notre courfe. 3 29
de nos ames. Ce Jesus , le Chef & le Confommateur de notre foi, il faut regarder è lui: c'eft-a-dire, penfer continuellement a lui, nous rappeller fréquemment ce qu'il eft a notre égard; & particuliérement, nous fouvenir, en pourfuivant notre courfe, qu'il eft notre modele, notre Juge, notre récompenfe, notrefoutien.
10. II faut regarder d Jesus-Christ , comme au modele que nous devons fuivre. N'ayant jamais pêché, il ne pouvoit pas nous donner 1'exemple de la repentance. Mais'fi, revêtu d'une fainteté parfaite, il n'a pas eu, comme nous, une inclination perverfe a combattre & des vices a dépofer; ne croyons pas pour cela qu'il ne lui en ait rien couté pour remplir fidélement fon pofte. N'a t-il pas , pour en exercer les devoirs fans interruption, renoncé au droit qu'il avoit fur les richelfes, les honeurs, les plaifirs, & les commodités de la terre? N'a t-il pas fouffert patiemment la pauvreté, le mépris, la fatigue ? N'a t-il pas été obèïjfant jufju'd la mort, même la mort de la croix? Et ne devons nous pas apprenX 5 dre
Phil. II. S
33o S E R M O N fur le devoir
i Pier.
ii. 21.
Apoc. ii 18. 23.
Héb. iv. 13.
Jean. XXI. 17.
dre par fon exemple, a renoncer même a des chofes innocentes, quand elles s'oppofent a 1'exercice de nos devoirs? Regardons donc a lui, qui , en fouffrant pour nous, nous a laijfé un patron , afin que nous fiuivions fies traces.
20. II faut regarder d Jesus - Christ , comme a notre Juge; a celui qui doic décider, fur notre conduite , de notre deftinée éternelle. O que nous ferions de progrès dans notre courfe, que nous la pourfiuivrians avec fuccès; fi tous les jours, en ouvrant les yeux a la lumiere , nous nous rappellions que Jesus - Christ a les liens ouverts fur nous; qu'il voit également, & les fautes que nous commettons, & les efforts que nous faifons pour triompher du vice & nous avancer dans la vertu! Car il eft le Scrutateur des reins fi? des cosurs : aucune créature rieft eachée devant lui, mais toutes chofes font nues fi? entiérement découvertes d fes yeux. Et quelle penfée plus propre a nous détourner du pêché, & a nous porter d la juftice, que celle, que c'eft a ce même Jesus qui connoit toutes chofes, que nous
tu-
de pour fuivre conftamment notre cour?\ 331
aurons è rendre compte; & qu'il jugera chatuH felon fon ozuvre!
30. 11 faut regarder a Jesus-Christ, comme a la récompenfe qui nous efl; propofèe. Je fuis, difoit Dieu d Abram,( je fuis ton bouclier, & ton loyer trés obondant. Et c'eft ce que le Chef & le Confommateur de la foi, nous dit dans fon Evangile. En nous y appellant a la foi, a la repentance, a la charité , aux bonnes oeuvres , a la fainteté : il nous y promet d'étre lui-même notre rémunération. Pojféder Jesus - Christ , c'eft-a-dire , être admis dans fa fociété, jouir de fa bienveuillance , vivre avec lui, contempler fa face en juftice , le voir tel qiiil eft, lui devenirfemblable, participer 0 fon Royaume , a fa gloire, a fon bonheur, & demeurer éternellement dans fa communion : quel moyen plus propre que cette efpérance, pour nous fortifier contre la fédu&ion du pêché, pour nous purifier fious-mêmes, comme Jesus -Christ aujfi eft pur! Avec quel courage ne pourfuivrions nous pas notre courfe, ne réfifterions nous pas a nos convoitifes, ne travaillerions
nous
Ap;)c. XII. 12/
}en.XV.r.
Pf. xvii 15.
1 Jean. iii. 2.
Col. I. 12. 131 Pier.V. r. Jean.XV.4.
1 Jean.
iii. 3-
Matt. xxvi. 41
Pf.cvi.33. Jaq. i. 16.
ï Cor. xv. 33.
Mattxxvi. 41.
JranXV.5.
332 S E R M O N fur le devoit
nous pas a remporter fur elles la victoire, fi nous nous rappellions fans ceffe, que Jesus - Christ en fera lui - même le prix ?
4°. Enfin ; il faut regarder a JesusChrist, comme a ï'Auteur des forces dont nous avons befoin pour pourfuiyre avec fuccês notre courfe. IS Efprit eft prompt, mais la chair eft foible. Nous prenons de bonnes réfolutions, & fouvent nous les violons bientöt après les avoir prifes, Nous fommes fachés de nous être mis en colere; nous nous promettons d'étre une autre fois plus modérés: & bientöt après, fi qu'un clwgrine notre efprit, nous parions legêrement de nos levres. Nous nous blamons d'êtrc enclins a la médifance; nous réfolvons de tenir défonnais notre longue en hride : & bientöt après , il ne faut que nous trouver avec des médifans pour éprouver, qu'a cet égard comme a d'autres , les mauvaifes compagnies corrompent les bonnes mceurs. Veillons donc fi? prions, que nous rientrions point en tentation. Et pour être en état de furmonter celles qui fe préfentent, implorons fans ceffe faffiftance de celui, hors duquel
nous
de pour fuivre conftamment notre courfe. 333
nous ne pouvons rien faire; mais qui ayant lui-même foufert étant tenté, peut auffi fecourir ceux qui font tentés.
Tels font, M. F., les moyens que nous devons mettre en ufage pour pourfuivrs conftamment la courfe qui nous efi propofèe, C'eft a développer les motifs qui doiveni nous y porter, que nous avons deftint notre troifieme Partie.
III. PARTIE.
I. La nuée de têmoins qui nous envirönne II. La nêceftté de la perfévèrance. III. L danger du relachement. IV. L Exemple d Sauveur. V. La certitude du prix propofi Ce font cinq motifs preffans, a pourfum confiamment la courfe qui nous efl prefcrite & qui font tous , ou exprimés , 0 compris dans les paroles de mon text
I. Le premier de ces motifs, eft celi qu'énonce rentree de mon texte : c'e que nous fommes environnés dune fi gram nuée de témoins. Cette comparaifon, pri de ce que les jeux dont nous avoi parlé, fe célébroient en préfence d'm
nu
Héb. 11. 18.
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Jean.V. 4
334 SERMON fur le devoir
multitude de fpectateurs, qui avoient les yeux fixés fur les combattans, ou fur les coureurs, autant que le permettoit, relativement a ces derniers, la rapiditéde leur courfe: cette comparaifon , dis-je, demande quelques éclaircilfemens.
i°. Les témoins dont 1'Apötre parle, ne font plus fur la terre, ni par confequent a portee de nous voir, &de nous infpirer de 1'émulation par leur préfence. Mais nous devons agir, comme s'ils nous voyoient, comme s'ils avoient leurs regards arrétés fur nous pour voir fi nous remporterons la vicfoire.
2°. Ceux qui affiftoient a ces anciens exercices, n'étoient, du moins la plupart, que fimples fpectateurs, fans avoir euxmêmes combattu, ou couru dans la lice. Au lieu que 1'Apötre parle de témoins , qui nous onteux-mêmes donné 1'exemple, qui ont eux-mémes obtenu le prix. Ce font, en effet, ces hommes üluflres dont il eli parlé dans le Chapitre précédent: ces .hommes, qui, par leur foi, ont remporté la yicloire fur le monde : linguliérement ceux qui ont eu de rudes travaux a
fu-
èe pour fuivre conftamment notre courfe. 335
fubir,' qui ont été perfécutés, lapidés, fciés, /w^ï au fil de Vépée: ou y&« dam Vexil, dam la difette, dans VajfliÏÏion, toutes les circonftances oü il nous place. En vivant de cette maniere, nous nous rendrons heureux des ici-bas. Nous nous affermirons dans Ia confolante efpérance, de 1'êr.re parfaitement dans la vie a venir. La mort même n'aura pas dequoi nous effrayer. Car nous favons que ft notre . habitation terreftre de cette loge eft détruite , nous avons un édifice de la part de Dieu, une maijon éternelle dans les Cieux. Amen.