Bibliotheek Universiteit van Amsterdam 01 3252 9074  L'HOMME DES CHAMPS, OU LES GÉORGIQUEJ ■ » K A N 5 o I s E   P R E F A C E. TJn des hommes de France qui a le plus dVs* prit, qui a rempli avec succès de grandes places,' cc quia écrit sur divers objets avec autant d'intérét qne d'élégance, a dit, dans des Considérations sur 1'état de la France: „ M. 1'abbé Delille „ jouiroic de la plus haute rêputation s'il eüt ,i composé de lui-méme au lieu de traduire, et jr, s'il eüt traité des sujets plus intéressans." II faut recevoir les éloges avec modestie, et réfuter avec calme les critiques injustes. PeUt. être ma réponse a M. de M„ en me disculpant des reproches qu'il me fait, pourra -1. elle établir quelques principes de gout, ou trop oubliésou trop pen connus, et détruire ua préjugé véritablement funeste a notre littérature. D'abord, pourquoi M» de M. regarde-t-H 1'art d'embellir les paysages comme un sujet peu fctéressant? II est bon de remonter im peu plus haut pour apprendre au public, et peuc-étrea  " P R E F A C E. M. de M. lui - mêtne, la source de cette erreur; et cette discussion peut avoir son utilité. II n'est que trop vrai que quelques genres priyi'égiés, la tragédie et la comédie, les romam, et les poé'sies nommées fugitives, ont long-temps exercé presque exclusivein.nttousnos poë-es, les gens du monde, de leur córé, ne se sont guére occupés d'aucun autre genre de poè'sie. Aussi, tandis que nos voisins se giorifioisnt d'ure foule de poëmes étrangers au théatre et k Ia poësie légère, notre indigence en ce genre étoit ext'ëoie, et quelques épisres de Voitaire sur des sujets de morale ne nous avoietit pas suffisamment vëngés, Cette réflexion, deja si importante sous le rap- port littérai'e, 1'est encore davantaae sous ses rsp- ports moraux et politiques: ce goüt prédonrnant pour les poësies légères et fugitives ne peut que nourrir, dans un peuple accusé trop justement peut-être de frivolité , cette légèreté qui s'est con- servée au milieu des plus tenibles circonstances* Cast pour elle qu'il n'y a point eu de révolution- On nous a vus plaisanter sur des crimes atroces» dont nous n'aurions ói\ que frémir; on a mis du ridicule a la place du courage; et ce peuple mal. heureux, et si ;obstinément gai, auroit pu dire " J'ai rij me voila désarmé!" P i s. o h , Mêtromiie.  P R E F A C E. hi A I'égard des romans et des ouvrages dethéatre; ramoer exclusif de ce genre de littérature est peut étre plus dangereux encore. Us accoumment 1'ame a ces sensations violentes, si opposées a cette heureuse habitude des sentimens doux et modérés, d'oü résultent ces éinotions paiiibles, égalemetu nécessaires au bonheur et a Ia vertu; et si; a travers cate habitude et ce besoin de« impressionsfortes, et desmouvemens désordonnés, que cherchentaexciter les repiésentations théatrales et lesnarrationsromanesqufs, arrivoitunerévolutioninattendue, toute modération en seroitprobablement bannie. On verroit souvent les assemblées publiques dégénérer en représentations thédtrales, les discours en déclamations, les tribunes en loges, oü les buées et les applaudissemens seroient prodi. gués avec fureurparlespartis opposés; lesruesmême auroient leurs trétcaux, leurs rfprésentationset leurs acteurs. Le méine besoin de nouveautés se montreroit dans ce nouveau genre de spectacles," des scên.s se succéderoient.chaquejour plus violentes, et 1 es excès de Ia veille rendroient nécessaires les crimej du lendemain: tant 1'ame, accoutuméeaox itnpressi. onsitnmodérées, nesait pluss'arrêter, etneconnofc plus que les excès pour échapper a 1'ennui f .11 est douc utile d'encourager d'autre genres de ♦ *  P R E F A C E. poesie, de nepasrebuterparut, dédain injuste cenx m, sans cettppirefl ettous cesmouvemenspassi'. onnés .«•chentd-embelllrde.conlem.poériqne.lei objew de la nature et les procédés des arts, lesprécep. K» dehmorale ou les douces occupatio„sde;avfe champêtre. Telle. .00. |M Géorgiq.es de Virgiletelsront,avecladoubleinférioritéctdenotrelangu;«d««!e«d. IW.Jepofln.des Jardins et es Oéorgtque» fran?oises. La perfonne éclairée que ia prendslaitbertéderéfuterregardelesujetdupLi decesdeux ouvragescotntne pe„ intérLn/v " cestmpresstonsprofondes réfervées a d'autres genresdepoestes.Pjesuisdefona^Maisn'ya.t.iiquecegenred'intérêtfEhquoilcetartcharLnt.le P.usdouxetleplusnatnreletleplusvertu.uxdetous: c^nquejaiappe^iHeurslelnxederagricuhure; qu. lespoeteseux-mémesompeint comme le prï i".er plaisir du premier homme; ce douxet brillant emplo! ae.rlcoe.se. desfaisons etdelafécondité de aterre quicharmeiarolitudevenueuse.quiamuse avietllessedétrompée, qui présente lacampa.„Jet lesbeautésagrestesavecdescouleurspiusbrillantes, de.con:b.o...oi» plus heurensses, et change en ra. b e.ux enchanteurs les fcéne. de,a nature fauvage et  PRE F A C E. v mèrenepensoient pas ainsi,lorsque,dans leurs poëmes immortels, ils épuisoientsurce sujet les trésors de leur imagioation. Ces morceaux, lorsqu'on les reilt , retrouvent ou ré^eillentdans nos coeurslebesoin des plaisirs simples et naturel». Virgile, danssesGéorgiques, a fUt d'un vieillard qui cultiveau bord du Galèse Ie plus modeste des jardins, un épisode charmant, qui ne manque jamais soneffet sur les bonses* prits, et les ames sensibles auxvéritables beautés de Tart et de la nature. Ajoutons qu'il y a dans tout ouvrage de poësie deux so tes d'in érêt, celui du sujet et celui de la composiiion. G'est darsles poëines du genre de celu-i qve je donne au public, quedoitsetrouvcrauplus ha ut degré. 1'intérêt de la composition. La, vous n'offiez au lecteur ni une action qui excite vivement Jacuriosité, ni des passionsquiébranlentfortement 1'ame. II faut donc supp!éer eet intérêt par les dé atls les plussoignés, etlaperfectiondustyleleplusbril* lant etlepluspur. C'estla qu'il faut que la justesse des idéés, la vivariïé ducoloris, 1'abondance des images, le charme de Ia variété, 1'adresse descontrastes, une harmonie enchanteresse, une élégance soutenue, attachent et rét'eillent continuellementle: lecteur. Mais ce mérite demande l'organisation la plus beureuse, I^goiit le plus exquis, etletravaille. * 3  n P R E F A C E. plus opiniatre. Aussi les chefs-d'ceuvres encegenre jont - ilsrai-s. L'Europecoropie deux cents bonnes tragédies: les Georgiques et le poëme de Lucrèce, chez les anciens, sont les seu:« monumens du second genre; et, tandis qua les tragédies d'Ennii-s, de Pacuvius, la Médéeuiéme d'Ovide; ont pjri, 1'antiquité nous a transmis ces deHx poëmes, et il sembiè que Ie génie de Romeaitencore veillé sursa gloire, en nous conservant ces chefs • d'ceuvres. Parini les modernes nous ne eonnoissons guêre. que les deux poëmes des Saisons, anglois et frarcois, 1'Art poëti. quedeBoileau,et 1'admirable Essaisurl'homme, de Pope, quiaientobtenu et conservé une place distin, guéepartni lesouvrages de poësie. Un auteur justement célèbre, dans une épltreimprimée long-temps après des lectures publiquesde quelques parties decetouvrage, a paru vouloir déprécier ce genre de composition. II nous apprend que lesauvagelui-même chante sa makresse, sesmon» tagnes, son lac, ses forêts, sa pêche etsachasse. Quel rapport, bon Dieu.' entra la chanson informe de ce sauvage, et letale t de 1'hommequisakvoir les beautés de Ia nature avec 1'ceil exercé de 1'observateur et les reudre avec la palette brillante de 1'imagination; lespeindre, tamótaveclescouleurslesplu-s riches, tant6t avec les nuances lesp'us fines; saisir  P R E F A C E. vu cette correspondance secrète, mais éternelle, qui existe emre la nature phy6ique et la natüremorale, entre les sensations de 1'noromeetles ouvragesd'un Dieu ; queiquefois sorrirheureosement de sonsujet par des épisodes qui s'é;êvent jusqu'a 1'intérèt de la tragödii, ou jusqu'a la majesté de l'épopéei C'est icilelieuderépondrea quelques crkiqaes, aumoins rigoureuses, qu'on a faites du poëme des Jardins. Peut êtreest ü permis, aprèsquinze ans de silence, dechercheradétruire 1'impression facheuse que ces critiques ont pu faire. Les uns lui ontreproché ledéfautdeplan. Tout horame de goöt sent d'abord qu'il étoitimpossible de présenter un plan parfaitement régulier, en traeinc des jardins, dorit 1'irrégularité pittoresque et le savant désordre font un des premiers charmes. LorsqüèRapinaécrit un poëme latin sur les jardins réguliers, il lui aétéfacile de présenter dansles quatre chants qui lecomposent, i.°les fleurs, a.°les vergers, 3 °ies eaux, 4.°lesforêts. II n'y a acela aucun mérite,par, ce qu'il n'y a aucunediflïcuké. Mais dans les jardins pittoresqueset libres, oti tous ces objets som souvent mélés ensemble, oü il a fallu romonter aux causes Philosophiq^es du plaisirqu'exciteen nous la vuedela nature embellie et non pas tourmer téepar Tart, oüil a fallu cxclureles alignemers, fes distributions symé* 4  P R E F A C E. «rïque», les beautés compassées; un autreplan étctt nécessaire. L'auteur adoncmontré dans Ie premier ehant l'a.td'empruntcra la nature et d'emplöyerhea. retsementlesriehesmatériauxdelacompositionptV toresquedes jardiDs irréguliets, dechangerlespaysagesen tableau*; avec quei soin il faut cboisir/emPlacement et lesite, profuerdesesavantages, corngersesinconvéniens; ce qui dans la nature se prête ou ret,ste al'imitation, enfinladistiactiondesdiffx renSgenresdujarJiuadespaySages,dMjardins!; bres et des jardms réguliers. Aprés ces Ie9ons généralesvtennent les différetues parties de Ia compofidon Piuoresque des jardins: ainsi lesecondchanta tout entier pour obj, t les mmm, la partie h p,us fa. portante du paysage. Letrojaièraerenfermelesobje.s dont chacun n'auroit pu remplir un chantsans totnber dans Ia stérilité et la monotonie:, tels <0m les ga zons, ks fcurs, les rochers et les eau*. Le quatriètnechant, enfin, contient Ia distribuuondes d'fféremesscènesmajestueusesoutouchantes, voluptueuses ou sévères, mélancoliques o, mmes; i artifice avec lequel doivent étre tracés ks «nttersquiyconduhentienitnceqaelesautresart/ et part'culièremet: t i'architecture et la sculpture, peuvent ajou.er a Tart despaysages. Ce qu'ilyader*. *arquabIe,c'cStque, m ^ iW ^  P R E F A C E. ïx propofe, ce plan accusé dedésordrese irouveétre parfaitementlemêmequecelaidei'Artpoëtique, si vantépour saiégulaiité. EnefTet, Boileau,dansson premier chant, traite des talens du poëte et des régies générales de la poësie; dans le second et le troisièmj, des difTérensgenresdepcëtie, defidylle, del'ode,de latragédie, de Tépopée, e;c.,en donnant,com< me j'ai eu soin de le faire, a chaque objet une étendue proportionnée a son-importance; enfin le quatrième chant a pour objet la conduite et les mceurs du poëie, etlebut mo al de la poësie.. Descritiques plus sévères encDreont rèpfcché ace poëme ie défaut de sensibilito. Je remarquerai d'abord queplusieurs pcëtes ont écécités comtne sensiblej, pour en avoirimitédiiTérers morceaux. Despersonnes plus indulgentes ontcru trouverdelasensi£)iïité dans les regrets-que le poëte a donnés aladestructiori del'ancien pare de Versail.'es, auquelila attaché dés souvenirs de tout ce qu'offroit de plus touchant es deplus majestueux un siècle a jamaismémorable;' dans la peinture des impressions que~ fait sur nous 1'aspect des ruines , morceau alors absolumentneüf dans la poësie francoise et plusieurs fois imité dépuis en prose et en vers. Elles ont cru en trouver dans Ia. peinture de la mélancolie, naturellement" aiaenée par celle de Ia dégradation de la naturëi  x PREFACE. vers la fin de fautomne. El;es om cru en trouver dans cette plantation sentimentale qui a su faire des arbres jusqu'alors sansvie, et pour ainsi dire sans mémoire, des monumens d'amour, d'amitié, du retour d'un ami, de la naissance d'un fils: idéé également neuve a 1'époque oü le poëme des Jardins a été composé, et également imitée depuis par plusieurs écrivains. Elles ont cru en trouver dans f hommage que i'aureur a rendu a la mémoire du célèbre et malheureux Cook. Elles en ont trouvé, enfin, dans Pépisode touchant de eet Indien qui, regrettant, au milieu des pompes de Paris, les beautés simples des lieux qui 1'avoient vu nakre, a 1'aspect imprévu d'un bananier offert tout-a-coup a ses yeux dans le jardin des plantes, s'élance, 1'embrasse en fondant en larmes, et, par une douce illusion de la sensibilité, se croh un moment trans* porté dans sa patrie. D'ailleurs il est deux espèces de sensibilité. L'une nous attendrit sur les malheurs de nos égaux, puise son intérêt dans les rapports du sang, de 1'amitié ou de 1'amour, et peint les plaisirs ou les peines des grandes passions qui font ou Ie bonheur ou le malheur des hommes. Voila la seufe sensibilité que veulent reconnoltre plusieurs écri-  P R E F A C E. xi vairss. Is en est une beaucoup plus rare et non moins précieuse. C'est celle qui se répand, cotnme la vie, snr routes les parties d'un ouvrage: qui doit rendre intéressantes les choses les plus étrangères a 1'homme: qui nous intéresse au des« tin, au bonheur, a Ia mort d'un animal, et même d'une plante, aux lieux que Pon a habités, ou 1'on a été élevé, qui ont été témoins de nos peines ou de nos plaisirs; a 1'aspect mélancolique des ruines. C'est elle qui inspiroit Virgile lorsque, darrs la description d'une peste qui moissonnoit tous les animaux , il nous aitendrit presque également , et sur Ie taureau qui pleure la mort de son frère et de son compagnon de travail, et sur le labiHireur qui laisse en soupirant ses travaux imparfaits: c'est elle encore qui Pinspire, lorsqu'au sujet d'un jeune arbuste qui prodigue imprudemment la luxuriance prématurée de son jeune feuilla-ge, il demande grace au fer pour sa frêle et délicate enfance. Ce genre de sensibilité est rare, paree qu'il n'appartient pas seulement a la tendresse des affections sociales, mais a une surabondance de sentiment qui se répand sur tout, qui anime tout, qui s'intéresse a tout; et tel poëte qui a rencontré des vers tragiques assez heureux , ne pourroit pas écriresix lignes decegettre* * 6  xii P R E F A C E. Erlin vingt éditions de ce poëme, des traducuors alemandes, polonoises, italiennes, deux tra. ductions angloises en vers, répcndent peut.-être. suffisamment aux critiques les plus sévères. L'auteur ne s'est pas dissimulé la défectuosité de plu« *ieurs tranations froides ou parasites: il a corrigé ces défauts dans une édition toute prête a paroltre, ec augmentée de plusieurs morceaux et de p'usi eurs épisodes intéressans, qui donneront un nouveau prix a 1'ouvrage. C'est sur tout pour aunoncer cette édition avec que'que avantage, qu'il a taché de réfuter les critiques trop rigoureuses qu'on a faites de ce poëme. Plusieurs personues ont affecté de le meitre fort au-dessous de la traduction des Géorgiques: ceia est tout simplej eet ouvrage étoit de son invention, et on a préfére de lui céder les honneurs de la tradu&ion. Ce genre de composition , qui demande des auteurs d'un grand talent, veut aussi des lecteurj. d'un goüt exquis. Les prolétaires de Rome pouvóient pleurer a la représentation d'Oreste et de Pylade, mais il n'appartenoit qu'a. Horace, aTucca, a Pollion , a Varius, d'apprécier les Géorgiques de Virgile. Eux seuls et leurs pareils pou» voient saisir ces innombrables beautés de détails «ans cesse renaissatnes, cette continuité d'élégan-  P R E F A O E; xhï ce et d'hannonie, ces difficultés heureuseraenevaincues, ces expres-sions pleines de force, da hardiesse ou. de gr&ce, eet art de peindre par les sons, enfin ce secret inimiiable du style qui a su donner de 1'intérét k la- formatiorr d'un sillon ou aa Ia construction d'une charrue- Ans:i ai-je peut-étre un ronveau droit de ma plaindre de 1'homme estimable dont j'ai parlé plus haut, lorsqu'il a dit que je me suis trpp occupé k traduire, sans parler du genre de traduction. II est étrange.que M, de M. n'ait pas- daigné distinguer Ia traduction en vers-des traductions en prose. II n'y, a pas un bomme.de lettres.-qui, sous Ie rapport de la dihlculté vaincue, n'en connoisre. Pextrêrne différence. Avec un peu plus d'attetti tion M. de M/se seroit souvenu qu au. moment oü. cette traduction a paru,.ll n'existoit encore dans, notre langue aucune traduction en vers des anciens, poëtes, et qa'a eet égard notre littérature éprou« voit un vide inconpu dans Ia littérature étrangére et particulièrement dans la littérature angloise. II se seroit souvenu que la traduction d'Hpmère étoit de tous les cuvrages de Pope celui- qui avoit le plus conti ibué 1 sa réputation et isa-iörtune II ne pouvoit pas ignorer non plus qu'indépendainmentdes diiEcultésque présente une traduction ea *7  «' P R E F A c E. vers, cello des Géorgique* en avoit de parucnüé res, qui ne permettent a aucun homme de goüt de Ia confondre avec aucune autre. L'époque oü I auteur a commencé sa traduction ajoutoit encore * adrfficulté. Personne alors, excepté les agri. cuheursde profession, ne s'occupoit d'agricuL re, nulle soctété, belle académie ne s'étoit consacrée a Ia tbéorie de ce premier des arts; aucun >vre encore; ou presqu'aucun, tfen avoit traité • les mots de rateau, de herse, d'engrais, de fe. mier, paroisscient exclus de la poësie noble £n. fin l'agriculture étoit alors en pleine roture. Aussi un auteur qui entreprendroit aujourd'hui une nouveile traduction des Géorgiques, trouvant Ia route déja frayée, le préjugé affbibli, les formes de ce genre de style multipliées, 1'art de V^mmt ennobli, pourroit, en faisant mieux, avoir moins de mérite, puisqu'il auroit moins de diffieultés 4 vamcre, et ne travailleroit point avec cette hésüa«on qui refroidit la compositum etaffoibiit la verve poétique. Ajoutez a cela qu'il y a cent fois p!us de ^ cultés a vamcre dans notre versification que dans coutesleslangues du monde, et qu'il „'étoit pas facie de porter avec aisance et avec grace des entraves multipliées. Aussi doit-il étre permis, ce  P R E F A C E. xv me semble, a ceux qni ont essayé de vaincre ces obstaclss, de se prévaloir des témoignages illustres qui peuvent les payer des efforts qu'ils ont faits, ou les consoler des critiques qu'ils ont essuyées. Qu'on me permette donc de citer une anecdote qui peut-ê:re montrera quelle idéé les esprits les plus distingués ont eue d'une traduciion en vers des Géorgiques. Lorsque, presque enfant encore, j'eus traduit quelques Iivres de ce poè'me, j'allai trouver le fils du grand Racine. Son poëme sur Ia religiou, dont la poësie est toujours élégante et naturelle, et quelquefois sublime, me donnoit Ia plus haute idéé de son goüt, comrne de ses talens. J'allai le trou rer, et lui demandai la permislron de le consulter sur une traduction en vers des Géorgiques. " Les Géorgiques, me dit-il d'un ton sévéret c'est " la plus téméraire des entreprises, Mon ami M. * Lefranc, dont j'honore le talent, Pa tentée,et " je lui ai prédrt qa'il échouerdit iCependantle fils du grand Racine voulut bien mi donner un ren* dez-vous dans une petite maison oü il se mettoit (O La traduction de M. Lefranc a été imprimée depuis quelques années.  xvi P R E F A C E. en retraite deux fois parsemaine pour offnr a Dieu les larmes qu'il versoit sut Ia mort d'un fi's unique, jeune homme de Ia plus haute espe'rance, et 1'une des malheureuses victimes du tremblement de terre de Lisbonne. Je me rendis dans cette retraite: je le trouvai dans un cabinet au fond du jardin, seul avec son chien,qu'il paroissoit airnerextrêmement. II merépète plusieurs fois combien mon entreprise lui paroissoit audacieuse. Je lis, avec une grande timidité, une trentaine de vers. II m'arrête, et me dit: " Non-seulement je ne vous détourne plus de " votre projet; mais je vous exhortei lepoursui" vre". J'ai senti peu de plaisirs aussi vifs en ma \ie. Gette entrevue, cette retraite modeste, ce cabinttoü ma jeune imagination croyoit voir rassemblées Ia piété tendre-, la poësie chaste et religieuse, Ia philosophie sansfaste, la paternitémalheureuse, mais résignée, enfin le reste vénérable d'une illustre familie prête a s'éteindre faute d'héri« tiers, mais dont le nom ne mourra jamais, m'onc laissé une impression forte et durable. Je partis, plein d'ardeur et de joie, croyant avoir entendu non-seulement la voix du chantre de ia religiou, mais quelques accens de 1'auteur d'Athalte, et je luh is ma pénible entreprise, quim'a valu deséloges dont je suis flatté, et des cxitiques dont j'ai profité..  P R E F A C E. xvh A 1'opinion de Racine je puis joindre celle de Voluire et du. grand Fréderic. Les réputations in«férieures-, quand on les attaque, ont jans- doute le droitcese mettre a 1'abri des grandes renommées qui veulent bien les protéger. Fréderic, qui avoit trop de gotit pour ne pas sentir qu'il n'existoit alors dans notre Iangue aucun modèle de ce genre d'ouvrage, dit, aprês 1'avoir lu,, ce mot charmant-" „ Cette traduction est 1'ouvrage le plus origniai „ qui ait paru en France depuis long-temps".. , Quant a Voftaire, tout le monde alu, dans sotn discours de réception a 1'acadéinie fraricoise, ces mots remarquables: „ Qui os,etoit parmi^tous en>, «eprendre une .«aduct,lon:.de« Géorgiques, ce.Virgile.?" je passé scus.si'erce 'e^ passages deses lettres, oii 1'éloge souvent répété deceite.tra-duction me paroit a moi-méme trop. au.de. nople sur des ruin?s de la Grèee: il est juste qu'on ne soit chargé que de ses propres fau«es.  L'H O M M E DES CHAMPS, o u LES GÉORGIQUES FRANgOISES. PREMIER CHANT. JBoh-eau jadis a pu, d'une imposante vohc, Dicter de Tart des vers les rigoureuses lois; ■ Le chantre de Maptoue a pu des champs docilcf' Hitcr le* dons tardifs par des lecons utiles: Mais quQi! l!art de jouir, et de jouir des champs, Se peut - il enseigner? Non sans doute, et mes c&srats, Des austères lecons fuyant.le tonsauvage, Viennent de la nature offrirla douce image, Inviter les mortels a s'en laisser charmer : Apprendre 4 la bieu yoir, c'est apprencire ai'aimeij A .  « 'HEMIU CHANT, Inspirez donc mes vers, lieux charmans, doux asiles, Oüla vie est plus pure, ou les crews, plus tranquiUes, Ne se reprochent point le plaisir qu'ils ont eu! Qui fait aimerles champs, fait aimer Ia vertil: Ce som les vrais plaisirs, les vrais biens que jc chaiice; Mais peu savent goöterleur volupté touchante: Pour les bien savourer, c'est trop peu que des sens; II faut une ame pure et d Si des beaux jours naissans on chérit les -rémïces Les beaux jours expirans ont aussi leurs délices • Dans 1'automne, ces bois, ces soleils pSlissans Intéressent notre ame, en attristant nos sens: Le priritemps neus inspire une aimable folie:' L' automoe, les douceurs'de la mélancolie. On revoit les beaux jours avec ce vif transport. Qu'inspirc un tendre ami dont ou pleuroit la mort; A 3  ? E Z M / B It C H A H ï. fctur départ, quoiquc triste, a jouir nous invite-: Ce sont les doux adieux d'un ami qui nous quitte; Chaque instant qu'il accorde on aime i le saisir, Et le regret lui-méme augmcnte le plaisir. Majestueus été, pardonnc a mon silence! J'admire ton éclat, mais crains ta violence, Et je n'aime a te voir qu'en de plus doux inftans, Avec 1'air de 1'automne, ou les traits du printemps. Que dis-je? ah! si tes jours fatiguent la nature, Que tes nuits ont de charme, et quelle fraïcheur pure Vient remplacer des cieux le brülant appareil! Combien 1'ceil,.fatigué des pompes du soleil, Aime i voir de la nuit la modeste courrière Revétir mollement de sa pale lumière, Et le sein des vallons, et le front des coteaux; Se glisser dans les bois, et trcmbler dans les eaux! L'hiver, je 1'avoürai, je suis faun des villes: La des charmes ravis aux campagnes fertiles, GrJce au pinccati flaucitr, aux sous harmorieux, L'image frappe encor mon oreille et mes yeux, Et j'aimc a comparer, dans ce portrait fidele, Le peintre 4 la nature et 1'imagc n'vuodéle. Si pourtrant dans les champs l'hiver retient mes pas, L'hiver a ses beautés. Que j'aime et des frimats. L'éclatante blancheur, et la glacé brillante, En lustres azurés a ces roches pendautc! ït quel plaisir encor, lorsqu'échappé dans 1'air Un rayon du printemps vient embellir l'hiver, Et, «el qu'un doux souris qui nait parmi des larmes, A la campagne en deuil rend un moment ses charme;! Qu'on goüte avec transport cette faveur des cieux! Quel beau jour peut valoir ce rayon précieux, Qui, du moins un moment, confole la nature! Kt si mon ceil rencontre un reste de verdure  PREMIER C H A N Dans les'champs dépouillés, combien j'aime a Ie voi»! Aux plus doux souvenirs il mêle un doux espoir, Et je jouis, malgré la froidure cruelle, Des beaux jours qu'il promet, des beaux jours qu'il rappelle. Le ciel devient-il sombre? Eh bien! dans ce salon, Prés d'un chéne brülant j'insulte a 1'aquilon. Dans cette chaude enceinte, avec goüt éclairée , Mille doux passé-temps abrègent la soirée. J'cntends ce jeu bruyant oü, le cornet en main, L'adroit joueur calcule un husard incertain. Chacun sur Ie damierfixe, d'un teil avide, Les cases, les couleurs, et Ie plein et le vide: Les disques noirs et blancs volent du blanc au noir; Leur pile croit, décroit. Par la crainte et 1'espöir. Battu, chassé, repris, de sa prifon sonore Le dez avec fracas part, rentre, part encore; II court, roule, s'abat: le nombte a prononcé. PItisloin, dans ses calculs gravement enfoncé, l li couple sérieux qu'avec fureur possède 1'amcur du jeu rêveur qu'inventa Palamède, Sur des carrés égaux, différens de couleur, Combattant sans danger, mais non pas sans chaleur, Par cent détours savans conduit a la victoire Ses bataillon- d'ébènc et se; soldats d'ivoire. Long - temps des ehamps rivaux le succès est égal. Enfin 1'heureux vainqueur dohne 1'échcc fatal Se léve, et du'vaincu proclamo Ia défaite. L'autre reste atterré dans fa douleur muette, Et, du terrible mat a regret convaincu, Regarde encor long - temps le coup qui l'a vaincu. Ailleurs c'est le piquet des graves douairières, Le lotto du grand-oncle, et le wisk des grand-pèrcs. Lft, sur un tapis vert, un essaim étourdi Pousse contre 1'ivoire un ivoire arrondi; A 4  La blouse le recoit. Mais 1'heuré de !a table Déïarme les joneurs; un flacon délectable Verse avec son nectar les aimables propol, Kt, comme son bouchon, fait partir les hons me», On se Iève, on reprend sa lecture ordinaire, On relit tout Racine, on choisit dans Voltairc. Tantót un bon roman charme Ie coin du feu: Hélas! et quelquefois un bel esprit du lieu Tire un traitre papier; il Ht, 1'cnnui circule. L'un admire en baillant Van ommant opucule , Et d'un rommcil bicn franc 1'atitre dormant tout hatJi Aux battcmens de mains se réveille en sursaut. On rit? on se remet de la triste lecture ; On tourne un madrigal, on conté une aventure. Lc lendemain promet des plaisirs non moins dour, Et la gaïté revient, exacte au rendez-vous. Ainsi dans l'hiver méme on connolt 1'allégresse. Ce n'est plus ce dieu sombre amant de la tristessèf C'est un riant vieillard, qui sous le faix des ans Connóït encor la joie, et plite en chevcux blancs. Bn tableaux variés les beaux jours plus fertiles Om-des plaisirs plus vifs, des scènes moins tranquilies l.h! qui de ses loisirs peut mettre alors 1'espoir Dan» ces tristes cartons peints de rouge et de noir? L'homme veut des plaisirs; mais leur; porei dclices Ont besoin de santé , Ia santé d'excrcices. Laissez donc a l'hiver, laissez a Ia cité, Tous ces jcux oü la sombre et morne oisivctè , Pour assoupir 1'ennui révcillant 1'avarice, Se plak dans un tourment ct s'amuse d'un vice. Loin ces tristes tapis ! L'air, Tonde ct les forèts De leurs jeux innocens vous o|tient les attrait , Et la guerre des bois, c: les pi^cs des ondes. Compagnc des Silva'ms , des nyinphes vagaboiï' perdrix, Az  r r ■ m i e r cr a ir t. De ceux qa'unit a vous une amitié sincère Préparez, décorez la cliambre hospitalière. Ce som de vieux voisins, des proches, des enfans, Qui visitent des lieux chers a leurs premiers ans: C'est un péré adoré qui vient, dans sa vieillesse, Reconnoitre les bois qu'a plantés sa jeunesse; La ferme a son aspect semble se réjouir, Les bosquets s'égayer, les fleurs s'épanouir. Tantót c'est votre ami, votre ami de 1'enfance, Qui de vos simples goüts partage 1'innocence. Chacun retrouve la ses passé - temps chéris, Son meuble accoutumé, ses livres favoris. (5) Tantót Robert arrivé, et ses riches images Doublent, en les peignant, vos plus beaux paysages, Et tantót son pinceau, dans de plus doux portraits, De ceux que vous aimez vous reproduit les traits. Ainsi, plein des objets que votre cceur adore , De vos amis absens vous jouissez encore; Ces lieux chers aux vivans sont aussi chers aux morts. Qui vous empéchera de placer sur ces bords, Prés d'un ruisseau plaintif, sous un saulc qui pleure, D'un ami regretté la dernière demeure ? Est-il un lieu plus propre a ce doux monument, Oü des mines chéris dorment plus mollementïDu bon Helvétien qui ne connoJt 1'usage ? Prés d'une eau murmurante, au fond d'un ven bocage, 11 place les tombeaux; il les couvre de fleurs. Par leur douce culture il charme ses douleurs, Et pense respirer, quand sa main les arrose, L'ame de son ami dans 1'odeur d'une rose. (6) Ne pouvez - vous encore y consacrer les traits De . ceux par qui fleurit 1'art fécond de Cerès ? Pouvez - vous a Berghem refuser un asile, . Uu marbre it Théocrite, un bosquet a Virgileï  P-S. S M IER C H A N TV !3 Hélas! jé n'ai point droit d'avoir place auprès d'eux} Mais si de 1'art des vers quelque ami gériéreux Daigne un jour m'accorder de modestes hommages Ah! qu'il ne place pas le chantre dés bocages Dans le fracas des cours ou le bruit-des cités. Vallons que j'ai chëris, coteaux que j'ai chantés^. SoufFrez que parmi vous ce monument repose; Qu'un peuplier le couvre et qu'un ruisseau l'a'rroseS" , Mes vceux sont exaucés: du sein de leur repos Un essaim glorieux de belles, de héros,' Qui, successeuts polis des Sarmates sauvages, De 1'amique Vistule honorent les rivages, Auprès de Saint - Lambert, . de Pope, de Thompson OiTrè dans ses jardins une place a mon nom. Qüe dis-je? tant d'honneur n'est pas fait pour ma musej- La. gloire de ces noms du mieu seroit confuse. Mais, si dans un bosquet obscur et retiré II est un -coin déseit , un réduit ignoré, Au-dessous de Gessner, et biën loin de Virgile, Hótes de ces beaux lieux-, gardez-moi eet asile.. Content, .je vous verrai, dans vos rians vallons. De 1'art que je chantai pratiquer lés lecons, E-nrichir vos hameaux, parer leur soütnde, Des partis turbulens calmer rinquiétude. Heureux si quelquefois, sous vos ombrages verts, L'écho redit mon nom, mon hommage et mes vérs! (?) . Mais, ne 1'öublions pas, i la ville, au village, Le bonheur le plus doux est celui qu'on partage, Heureux ou malheureux, 1'hómme a besoin d'autrui; II ne vit qu'a motié, s'il ne vit que pour lui. Vous donc, a qui: des champs la joie est étrangère, Ah ! faites-y le bien, et les champs vont vous plaire». Le bonheur dans les champs a besoin de bonté. Temt se perd dans le. bruit d'une vaste cité;  F R E M I K R CHANT. Mais au sein des hameaux le chatcnu, Ia cbaumière, Et 1'oisive opulence et 1'active misère, Nous oftieut de plus prés leur contraste affligeant, Et contre l'homme heureux soulèvcnt 1'indigent. Alors vient la bonté qui désarme 1'envie, Rend ses droits au malheur, 1'équilibrc a h vie, Corrige les saisons, laisse it 1'infortuné Quelques épis du champ par ses mains sillonné, Comble enfin par ses dons eet utile intervalle Que niet entre les rangs la fortune inégale. Eh!dansquelslicuxleciel,mieux qu'ausejeurdcschamps, Nous instruit-il d'excmple aux généreux penchans? De bienfaits mutuels voycz vivre le monde. Ce champ nourrit le boeuf, ct le bceuf le féconcle; L'arbre suce la terre , et ses rameaux flétris A leur sol maternel vont méler leurs ddbris; Les monts rendent leurs eaux i la terre arrosée; L'onde rafratchit, 1'air s'épanche en rosée; Tout donne et tout regoit, tout jouit et tout sert. Les coeurs durs troublent seuls ce sublime concert. L'un, si du dé fatal la cternce fut perfide, Parcourt tout son domaine en cxacteur avide; Sans sécher uue larme épuisant son trésor, L'autre, comme d'un poids, se défait de son or. Quoi, ton or t'importune? ö richesse impndente ! Peurquoi donc prés de toi cette vcuve indigente, Ces cnfsns dans leur fleur desséchés par la farm, Et ces Élles sans dot, cc ces vieillards sans pain? Oh! d'un simple hameau sile ciel m'eüt fait maitre, Je saurois en jouir: heureux, dignc del'étre, Je voudrois m'cntourer de fleurs, de riches plants, De beaux fruits, et sur tout de visages rians; Et je ne vpudrois pas, qu'attristant ma fortune, La faim vint m'étaler sa pileur importuae.  ï R E M I E R C II A N T. Ï7 Mais je hais l'homme oisif: Ia bêchc, les rateaux, Le soc, tout Tarsenal des rustiques travaux, AttendroienH'indigent, sur d'un jusre salaire, Et chez moi le travaii banniroit Ia misère. C'est peu: des maux cruels troublent souvent ses jours; Aux douleurs, au vieiHge assurez des secours. Dans les appartemens du Iogis le moins vaste Qu'il en soit un oü 1'art, avec ordre et sans fastc, Arrange le dépót .des re,mèdcs divers A ses infirmités incessamment offcrts. L'oisif, de qui 1'ennui vient vous rendre visite, Loüra plus volontiers, de sa voix parasite, Vos glacés , vos tapis , votre salon dorö; Mais pour tous les bons cceurs ce lieu sera sacré. Souvent a vos bienfaits joignez votre présence; Votre aspect consolant doublera leur puissance. Menez-y vos enfans; qu'ils viennent sans témoii» Offrirleur don timide au timide besoin; Que sur tout votre fille, amenant sur vos traces La touchante pudeur, la première des gritces, Comme un ange apparoisse a 1'humble pauvreté, Et fasse en rougissant 1'essai de la bonté : Ainsi, comme vos traits, leurs mceurs sont votre image; Votre exemple%st leur dot, leurs vertus votre ouvrage. Cceurs durs, qui payez cher de fastueux dégoücs, Ah! voyez ces plaisirs, et soyez-en jaloux. L'homme Ie plus obscur, quelquefois, souslcchaume Gouverne en son idéé une ville, un r-oyaumc. Moi jamais, dans Terreur de mes illusions, Je n'aspire a rëglcrlesort des nations: Me formant du bonheur une plus humble image, Quelquefois je m'amuse a régler un village; Je m'établis le chef de ces petits états. Mais a mes prpnrcs soios je. na me bome pasi  tt PREMIE X" CHANT. Au bcm gouvernement de ce modeste empire Je veux que du hameau chaque pouvoir conspire. O vous pour qui j'écris le code ces hameaux, SoiJTrez que mes lecons se changent en tableaux. Voyez-vous ce modeste et pïeux presbytére?La vit l'homme de Dicu, dont le Saint ministère Du peuple réuni présente au ciel les voeux, Ouvre sur le hameau tout les trésors des cieux , Soulage le malheur, consacre 1'hyménée, Eénit et les moissons et les fruits de 1'année, Enseigne la vertu, recoit l'homme au berceau, Lé conduit dans la vie, ct le suit au tombeau. Je ne choisirai point, pour eet emploi sublime, Cet avide intrigant que 1'intérêt anime; Sévère pour autmi, pour lui-méme indulgcnt, Quj pour un vil prolit quitte un temple imilgent, Dëgrade par son ton la chaire pastorale, Et sur Tesprit du jour composé sa morale. Fidéle il son église, et ener a fon'troupeau, Le vrai pasteur ressemble Ji cet antique ormeau Qui, des jeux du village ancien dépositaire, Leur a pifité cont ans son ombre héréditaire, Et dont les verts rameaux, de l"2ge triomphans, Ont vu mourir Ia père ct naitre les enfans. Par ses sages conseils, sa bonté, sa prudence, 11 est pour Ie village une autre providence : Quelle obscure indigence échappe a ses bienfaits? Dieu seul n'ignore pas les heureux qu'il a fait'. Souvent dans ces reduits oü, le malheur assemble Le besoin, la douleur et le trépas ensemble, II parolt; et soudain le mal perd son horreur j Le besoin sa détresse, et la mort sa terreur. Qui prévient le besoin, prévient souvent Ie crime. Le pauvrc le bénit, et 1» riche l'estitne; •  P R E M I E R C H A~ N T. It), Et souvent deux niortcls, 1'un de 1'autre cnnemis, S-'embrassent il sa table ct retournent arais. Honorez ses travaux. Que son logis. antique., Par vous rendu décent et non pas magnifique,.. Au dedan» des vertus renferraant les trésors, D'un air de propreté s'embellisse au dehors». La pauvrcté dégrade, et le fastc révolte. Partagez avec lui votre riche récolte; Ornez son sanctuaire et parez son autel. Liguez-vous saintement pour le bien mutuel: Et quel spectacle, 6 Dieu, vaut celui d'un villager Qu'édific un pasteur, et que console un sage? Non, Rome subjuguant l'uniyers abattu Ne vaut pas un hameau qu'liabitc la vertu, ' Oü les bienfaits de Tim, de 1'autre les priéres, Sont les trésors du gauvrc et Tespoir- des chaumicres». II es.t daus le viilage une aucre autorité, C'est des fils du hameau le pédant redouté. ÏTuse, baisse le. ton,, et. sans étre gfotesque ,. Peins des fils du hameau le mentor pécïautcsque.' Bientöt j'enseignerai comment un soin prudent Peut de ce grave emploi seconder I'ascendant. Mais le voici: son port, s.on air de sulïisance , Marquent dans son savoir sa noble conöance. 11 sait, le fait est sur, lire, écrire et compter; Snit instruire 4 i'ëcole, au lutrin sait chanter; Gonnoit les lunaisons, prophétise 1'orage, Et même du Iatin eut jadis quelque usage. Dans les doctes débats ferme et rempli de coeur,. Méme après sa défaite il tient tête au vainqueur. Voyez, pour gagner temps, quelles lenteurs savantes Prolongent de ses mots les syllabes trainantes! Tout le monde 1'admire, et ne peut concevoir Que dans un cerveau seul loge tant dé savoir..  PREMIER CHANT. Du restc, inexorable aux moindrcs négligences, Tam il a pris a crcur le progrès des scicnces, •Paroït - il? sur son front ténébreux ou serein Le peuple des enfans croit lire son destin. II vcut, on se sépare ; il fait signe, on s'assemble; II s'égaie, ct Ton rit; il se ride , et tout tremble. 11 caresse, il menace, il punit, il absont. Méme absent, onle craint, il voit, il entend tout: Un invisible oiseau lui dit tout a Forenïe; II sait celui qui rit, qui cause , qsi sommeillc, Qui négligé sa tache, et quel doigt polisson D'une adroite boulette a viséson menton. Kon loin croit le bouleau dont la verge pliante Est sourde aux cris plaintifs de leur voix suppliante, Qui, dés qu'un vent léger agite ses rameaux, Fait frissonner d'effroi cet essaim de marmots, Plus pales, plus tremblans encor que son feuillage. Tel, ó doux Chanonat, sur ton charmant rivage, J'ai vu, j'ai reconnu, j'ai touché de me> mains Cet arbre dont s'armoient mes pédans inhumains, Ce saule, moneffroi, mon bienfaiteur peut-être. Des enfans du hameau tel est le grave maitre. (8) En secondant ses soins rendez-le plus soigneux Ricn n'est vil pour le sage; un sot est dédaigneux. II faut dans les emplois, quoique 1'orgueil en pense, Aux grands la modestie, aux petits 1'importance. Encouragez-le donc; songcz que dans ses mains Du peuple des hameaux reposent les destins, Et, rendant il ses yeux son office honorable, Laissez-le s'estimer pour qu'il soit cscimable. Et quel spectacle encor ne vous offriront pas Tout ces groupes d'enfars, leurs cours es, leurs ébats Sans doute on aime il voir la sagesse müvie, De ses fruits déja prêts cnrichir la patriet  MEMUll CHANT. SI Mais quel sage peut voir sans un attrait flaneur La vie encor naissante et riiomme encore en fleur? C'est li que l'homme est lui, que nul art ne deguise De ses premiers penchins la naïve franchise. L'un, docile et traitable après le chatiment, Laisse appaiscr d'un mot son court ressentiment; II essnie en riant une dernière larme; Un affront 1'irritoir, ua souris le desarme, Et de son cceur facile obtient un prompt retour. L'autre, ferme en sa haine ainsi qu'en son amonr Tieut baissé vers Ia terre un oeil triste et farpuqlie; Priéres, doux propo', présens, rien ne le touche; II repousse les dons d'une odieuse main, Et garde obstinément un silence mutin: Tel, décélant déji son ame mag'nanime, Jadis Caton enfant fut un boudcur sublime. (9) Mais 1'heure des jeux sorme; observez-les encor Dans ces jeux oü 1'instinct prend son premier essor. De taleus variés quql heureux assemblage! L'un est l'histonen-, le contcur du village; L'autre, Euclyde nouveau, contic au sol mouvant ■ Ses cerples, ses carrés, dont s'amuse le vent. L'un, apprenti Rubens charbonne la muraille: L'autre Chevert futur, niet sa troupe cn bataille. Suivez dans ses essais ce groupe intéressant. La peut-étre a vos yeux rêve un Pascal naissant: Peut-être un successeur des Boileau:, des Molières • Autour du buis tournant fait tijfler ses lanièreJ, Dont la muse eütun jour de son terrible vers Chatié Ia sottise ct fouetté nos travers-: Peut-être qu'un rival des Molés, des PrévlUes Nous peintles sots des champs, quipeindroic ceux des villes. Peut-être enfin un Pope., nn Loeke, un Addisson N'attend qu'un blsnfulteur de sa jeune raisoiu  g2 PREMIER C H A N T. Ainsi ce jeune ceiilet n'attendoit pour éclore Qu'un des rayons du jour, qu'un des pleurs de 1'Aurore. Aujourd'hui,-sans songer a son renom futur, Son cceur est satisfait si, lancé d'un bras sur, 'Le caillou sous les eaux court, tombe ct se relève, Ou si par-'un bon vent son cerf-volant s'elève. Des qu'un heureux hasard vient 1'onrir a vesyeuK, Hstez-vous, saisissez ce germe précieux. Cultivés, protégés par vos secours propices, Ces jeunes sauvageons croitront sous vos auspices; ■Hités par vos bienfaits, leurs fruits serpnt plus doux, Y_t leur succés flatteur i-eviendra jusqu'a vous. Des préjugés aussi préservez le jeune Sge. Naguere des esprits hantoient chaque village; Tout hameau consultoit sonsorcier, son devin: Tout chateau renfermoit son spectre, son lutïn, Et dans de longs récits la vieillcsse conteusc Én troubloit le repos de 1'enfance peurcuse. Sur tout, lorsqu'aux lueurs d'un nocturne flambeau L'heure de la veillée assembloit le hameau , Toujours de revenans quelque effrayantc histoire Resserroit de fravcur le crédule puditoirc. Loin d'eux ces fictions qui sément la terreur, Filles des préjugés et mères de Terreur! Ah! contons-leur plütót la bonne moissonneuse, Soigneusc d'oublier Tépi de la glaneusc; Le bon fils, le bon pire, et 1'invisible main Qui punlr 1'homicide et nourrit Torphelin. " Ainsi vous assurez, bienfaiteur du village, Jpes secours au vieillard, des le?ons au jeune uge. Ce n'est pas tout encor; que d'heureux passé-temps jyi leurs jours désceuvrés amusent les instans! Hélas qui Teut pu croire? une bonté barbare De ces jours consolans est devertne avare.  PREMIER C H A N T. SS ;Ces jours, leur dites-vous, de stériles loisirs "Ces jours sont au travail volés par les plaisirs. Ainsi votre bonté du repos les dispense, Et I'excès du travailen est la récompense! Hélas! au laboureur, a 1'utile ouvrier, Dans les jours solennels pouvons-nous en vier SLe vin et.les chansons, le fifre et la musette; A leur fille 1'honneur de sa simple toilctte? tfon, Iaissons-Ieur du moins, pour pri-x de leur Labeur., •Une part a la vie, une part au bonheur. Vuus - méme secondez leur naïve allégrcsse. :Déja je crois en voir la scène enchantcresse. Pour peindre leurs plaisirs et leurs groupes divers, Donnez, ah! donnez-mol le pinceau de Teuiers. Li des vieillards buvant content avec délices, L'un ses jeunes amours, l'autre ses vieux services, Et son grade & la guerre, et dans quel grand combat Lui seul avec ie Saxe il a sauvé 1'état. Plus loin, non sans frayeur:, dans les airs suspendue, Eglé monte et dcscend sur la corde tendue: Zéphir. vient se jouer dat5s ses flottans habits, Et Ia pudeur craintive en arrange les plis. AiHeurs s'ouvre un long cirque, oü des boules rivales Poursuivent vers le but leurs courses inégales, Et leur fil.ft.la main, des experts a genoux Mesurent la distance et décident des coups. Ici, sans employér l'élastique raquette, La main jetcc Ia balie et la main la rcjette. Lft, d'agiles rlvaux sentent battre leur coeur; Tout part, un cri lointain a uommé Ie vainqueur. , Plus loin, un bois roulant de la main qui Ie guide S'élance, chercho, atteint, dans sa course rapide, Ces cónes alignés, qu'il renvereen son cours, Et qui, toujours tombant, se redressent toujours;  ï4 PREMIER CHANT. Quelquefois, de leurs rangs pnrcourant 1'intervalle, II hesite, il prélude ;V leur cluite fatale ; II les mcnace tous , aucun n'a succombé; Enfin il se déridc, et Ie neuf est tombé. Et vous, archers adroits, prenezle trait rapide; Un pigeon est le but. L'un de 1'oiseau timide Effleure le plumage, un autre rompt ses noeuds; L'autre le suit de 1'ceil, et 1'atteint dans les cieux. L'oiseau tourne dans 1'air sur son aile sanglantc, Etrapporte, en tombant, la flèche trïooiphante. Mais c'est auprès du tcmple, au pied du grand ormeaw, Que s'assemble la fleur ct 1'amour du hameau. Ltarchct rustique part, chacun choisit sa belle; Ons'enlace, on s'élève, oh retbmbe avec elle. Plus d'un cour bat, pressé d'une furtive main, Et le fisiiatrè amour prélude au sage hymen. Par tout rit le bonheur, par tout brille Ia joie; L'adresse s'entretient, la vigueur scdéploie: Leuvs jeux som innocens, leur plaisir acheté, Et mêmele repos bannit 1'oisiveté. Vous, charmé de ces jeux, riche de leur aisance, Vous goütez le bonheur qui suit Ia bienfaisance. Heureux, vousunissez, dar.s votre heureux hamea», Le riche 4 1'indigem, la cabane au chiteau. Vous créez des plaisirs, vous soulagcz des peines, Du lien socia! vous resserrez les chaines, Et satisfait de tout, et ne regrcttant rien, Vous dites comme ï>ieu: ce que j'ai fait est bie«. Fin da prtmiir Chant'  SECOND CHANT. H btoeux qui dans le sein de ses dieux domestiquw ■Se dérobe au fracas des tempêtes publiques , Et dans un doux abri trompant tous les regards, Cultive ses jardins, les vertus et les arts! ' Tel, quand des triumvirs Ia main ensanglantée Disputoit les lambeaux de Rome épouvantée, Virgile, des partis laissant rouler les flots, Du nom d'Amaryllis enchantoit les échos. Nul mortel n'eüt osé, troublant de si doux charmes Entourer son réduit du tumulte des armes; Et lorsque Rome, enfin lasse de tant d'horreurs, 'Sous un règne plus doux oublioit ces fureurs, S'il vint redemander au maitre de la terre Le champ de-ses ayeux que lui ravit la guerre, Bientót on le revit, loin du bruit des palais, Favori du dieu Pan, courtisan de Palès, Fouler, pres du beau lac oü le cygne se joue, Les pres alors si beaux de sa diere Mantoue. (i) Li, tranquille au milieu des vergers, des troupeaux Sa bouche harmonieuse erroit sur ses pipeaux, Et, ram'mant le goüt des richesses rustiques, Chantoit aux fiers Romains ses douces Géorgiques. Comme lui je n'eus point un champ de mes ayeux, Et Ie peu que j'avois je I'abandonne aux dieux; Mais comme lui, fuyant les discordes civilés, J'échappe dans les bois au tumulte des villes, Et, content de former quelques rustiques sons, A hos cultivateurs je dicte des lecons. • B  a<5 S E C O N B CHANT. Vons donc qui prétendiez, profanant ma retraite, En intrigant d'état transformer un poëte, Epargnez a ma muse un regard indiscret; De son heureux loisir respectcz le secret. Auguste triomphant pour Virgile fut juste; J'imirai le poëte , imitez donc Auguste, Et laissez-moi, sans nom, sans fortune et sans fers, Rêver au bruit des eaux, de la lyre et des vers. Quand des agriculteurs j'enscigne 1'art utile, Je ne viens plus, marchant sur les pas de Virgile, Répéter aux Francais les lecons des Romains. Sans guide m'élancant par de nouveaux chemins, Je vais orncr de Beurs le soc de Triptolème, Et sur mon propre luth chantcr un art que j'aime. Jé ne prends pas non plus pour sujet de mes chants Les vulgaires moyens qui fécondent les champs: Je ne viens point ici vous «Ure sous quel signe II faut planter Ie cep et maner la vigne; Quel sol veut 1'olivier, dans quels heureux terrain* Réussissent les fruits et prospèrent les grains. La culture offre ici de plus brillans spectacles; Au lieu de ses tiavaux, je chante ses miracles, Ses plus nobles elforts, ses plus rares bienfaits. Féconde en grands moyens, fertile engrands effets, Ce n'est plus cette simple et rustique déesse Qui suit ses vieilles lois; c'est une enchauteresse Qui, la baguette en main, par de hardis travaux, Fait naltre des aspects et des trésors nouveaux, Composé un sol plus riche et des races plus belles, Fertilise les monts, dompte les roes rebelles, Dirige dans leur cours les flots emprisonnés, Fait commercer entr'eux les fleuves étonnés, Triomphe des climats, et sous ses mains fecondes Ctnfond les lieux, les semps, les saisons et les aiuaciw.  S, 6 C 9 N B C H A N T. Quand 1'homrae cultiys pour la première fois, De ce premier des a«s il ignoroit les lois. Sans distinguer le sol et les moiits et les plaines., Son imprudente main leur confia ses graines: Mais bientót, plus instruit, il connutles terrains; Chaque arbre eut sa patrie, et chaque sol ses grains. Vous , faites plus encore ; osez par la culture Corriger Ie terrain et' dompter la nature. Rival de Duliamel, surprenez ses secrecs; Connoissez, employez 1'art fécond des engrais: Pour fournir.a vos champs I'aliment qu'ils demandent» La cascine, Ia chanx, Ta-marne vous attendeht. Que la cendre tantót, tantót les vils débris Des grains dont sous leurs toits vos pigeons somnourris, Tantót de vos troupeaux la litière féconde, Changent en sucs heureux un aliment immonde. Ici, pour réparer la maigreur de vos champs, Mêlez la grasse argile a leurs sables tranchans: Auteurs, pour diviser les tcrres limoneuses, Mariez a leur sol les terres sablonneuses. Vous, dont le fol espoir, couvant un vain trésor, D'un stérile travail croit voir sortir de i'or D'un chimérique bien laissez la I'imposture; L'or nait dans les sillons qu'enrichit la culture; La terre est le .creuset qui mürlt vos travaux, Et le soleil lui-méme échauffe vos fourneaux. Les voila, les vrais biens, et Ia vraie alchimie.. Jadis, heureux vainqueur d'une terre ennemie Un vieillard avoit su de ses champs plus féconds Vaincre 1'ingratitude et doubler les moissons, II avoit, devinantTart heureux d'Angleterre, Pétri, décomposé, recomposé la terre, Créé des prés nouveaux; et les riches sainfoins, t» Et J'lierbe i triple feuille, avoieut payé ses soins. B X  •18 SECOHI CElKt, lei des jeunes fleurs il doubloit la cotironne, La de fruits inconnus enrichissoit 1'automne. Nul repos pour ses champs, et la variété, Seule, les délassoit de leur fécondité. Enviant a ses soins un si beau privilége, Un voisin accusa son art de sortilége. Cité devant le juge, il étale a ses yeux Sa herse, ses ratcaux, ses bras laborieux; Raconte par quels soins son adrt^se féeonde A su changer Ia terre, a su diriger 1'onde. Voila mon sortilége et mes enchantemens , Leur dit-ik Tout éclate en applaudissemens. On 1'absout; et son art, doux charme de sa vie, Comme d'un sol ingrat, triompha de 1'envie. (3) Imitez son secret: que votre art souverain Corrige la nature et change le terrain. Augmentez, propagez les richesses rustiques, Et joignez votre exemple aux usages antiques. Pourtant des nouveautés amant présomptueux, N'allez pas vous bereer d'essais infructueux; Gardez-vous d'imiter ces docteurs téméraires, Hardis blasphémateurs des travaux de leurs péres. Laissez U ces projets rccueillis par Rozier, (4) Beaux dans le cabinct, féconds sur le papier, • Des semcurs citadins 1'élégante méthode, Leurs modernes semoirs, leur charme'ft Ia mode, Leur ferme en miniaturc, enfin tous les secrets Qu'admire le Mercure et que maudit Cérès. Des vieux cultivateurs respectant les pratiques, Laissez i ces docteurs leurs tréteaux dogmatiques. Cependant n'allez pas, trop superstitieux, Suivre servilement les pas de vos ayeux; Crénnt a 1'art des champs de nouvellcs ressources, Teutez d'autres chemins, ouvrez-vous d'autres sources.  SECOND CHANTi 2£ EK! qui snit quels succès attendent vos trsvaüxf Combien 1'art parmi nous conquit de fruits nouveaux! Dans nos champs étonnés que de métamorphoses! Sur un simple buisson jadis naissoient les roses, Et le pommicr dans 1'air déployoit ses rameaux: Le rosier maintenant, ó prodiges nouveaux! Elève vers les cieux sa tète enorgueillie, Et sur des arbres nains Ia pomme est recueillie. Que de fleurs parmi nous, fières de leurs rayons, Ont accru leurs- honneurs et doublé leurs festons! \ Osez plus: appclez les families lointaines, Et mariez leur race aux races indigènes. Pourtant n'imitez pas cet amateur fougueux Qui hait tous nos trésors: 1'arbre le plus pompeux Lui déplait s'il n'est pas nourrisson de 1'AfriqueOu naturel de 1'Inde, ou colon d'Amérique. Ainsi, quand'de Paris les inconstans dcgouts De Londres, sa rivale, adoptèrent les goüts La scène, les salons, et la cour et la ville Tout paya son tribut a cette humeur servile. Devenus, d'inventeurs, copistes mal-adroits, Nos arts dépaysés méconnucent leurs droits. Sous de pesans jokeys nos chevaux haletèrent, Nos clubs de politique et de punch s'enivrèrenti Vérsailles- s'occupa de popularité ; Chacun eut ses wiskys, ses vapeurs et son thé. Moi-méme, comparant le pare anglois au nótre, J'hésitai , je 1'avoue, entre Kent et le Nostre; Mais je permis I'usage et proscrivis 1'excès. Sensible a la beauté de nos arbres francois, Le bon cultivateur,.malgré leurs vieilles formes, N'exclut point nos tilleuls, nos chênes et nos ormes.II fuic des nouveautés les goüts extravagans: Mais si par un beau tronc, d«s rameaux élégans,E 3  10 S E C N D CHANT, L'arbre d'un sol lointain offre un höte agré'able, Nos arbres font accueil t i'étrnnger aimabie, Plutót pour ses appas que pour sa rareté; lis lui font les honneurs de l'hospitalké, Et si 1'utilité vient se joindre a la griet, Aux droits de citoyen ils admcttcnt sa race. Tel des Alpes nous vim le cycise riant; (5) Ainsi pleurde incliné le saule d'Oricnc, (6) Que consacia 1'amour n la mélancolie; Le peuplier recut ses frères d'Italie, (7) It pour nous, farigué d'obéir au turban, Le cèdre impérial desccndit du Liban. (8) Vous dirai-je, a 1'aspect de ces riflies peuplades, Quel charme embellira vos douces promenades? Par elles votre esprit parcourt tous les climats: Ces pins aux vcrts rameaux, amoureux des frimats, Nourrissons de TEcosse ou de la Virginie, (9) Et des deux cominens heureuse colonie, Eu vous oifraiit les plants de deux mondes divers, Vous portent aux deux bonts de 1'immense univers. Le thuya vous ramène aux plaines de la Chine. (to) L'arbre heureux de Judée, a la fleur purpurinc, (n) Se montre-t-il a vous? vous vous peignez soudain Les bords religieux qu'arrose le Jourdain. Vous parcourez des bords policés ou sauvages; Vos plants sont des pays, vos pensées des voyages, Et vous changez cent fois de climats et de lieux. Soit donc que par les soins d'un art industrieux 11 donne a son pays des families nouvelles, Soit que par ses secours nos races soient plus belles, Heureux l'homme entouré de ses nombreux sujets! Le vulgaire n'y voit que des arbres mucts; Vous, ce sout vos enfans: vous aidcz leur foiblesse, Vous form«z leurs beaux ans, vous soiguez leurvieillcsse;  SECOND CHANT» Si Vous en étudiez les diverses humeurs, Vous leur dönnez des lois, vous leur donnezdesmceurs» Et corrigeanf leurs fruits, ïeurs deufs et leur feuillage, De la créatioiï vous achevez I'ouvrage. Donnez les mèmes soins aux «üvers animaux: Qu'ils soientpsr vous plus forts, mieux vétus et plus bcauxi Soignez bien les enfans, choisissez bien Jes mères, Changez ou maintenez les mceurs héréditaire*. A ceux dont nos climats regoivent les tributs Ajoutez, s'il se peut, detrangeres tribus. Mais toujours sur les lieux réglcz votre industrie. Ne contraignez jamais ft quitter leur patrie Ceux qui, féconds ailleurs, semblent, pour vous punir, Rcfuser de s'aimer, refuser de s'unir, Ou qui, dégénérant de leur antiqüe race. De leurs traits priinitifs perdent bientót la tracé. A cet oiseau parleur, que sa triste beauté i\e Ksóimnagé pas de sa captivité , Je préf'ère celui qui, né dans nos campagnes, A son nid, ses amours, ses chants et ses compagnes. Et qui ne connoït point le pouvoir des climats; Le tigre parmi nous ne se reproduit pas: Le lion, dont le sang incessamtnent bouiilonne, Dédaigne sous nos toits 1'amour de Ia lionne: Les chiens de nos climats, sujets aux mêmes lois-, Perdent chez I'Africain et leur poil et leur voix; Et, sans lait pour son fils, la mère européenne Le remet dans 1'Asie ft Ia femme indienne. (12) Faites donc votre choix: ceux de qui les penchanj. Se font ft votre ciel, se plaisent ft vos champs, Adoptez - les» Ainsi des rochers de la Suisse S'uuit ft nos taureaux la féconde genisse Et, pendue aux buissons de ce coteau riant, La chèvrc aventurièrc a quitté 1'Orient. B 4  53 SECOND c It i » r. La Ie bélier anglois patt la verte campagne ; Lfi la brebis d'Afrique et le mouton d'Espagne De leur belle toison tralncnt le riche poids. Ici le coursier barbe est erraut dans vos bois; Li boudit d'Albion la cavalle superbe, Tandis que ses enfans qui folatrcnt sur 1'herbc, Se cherchant, se fuyanr, se déu'ant entr'eux, De leur course rivale entrelassent les jeux. (13) Aspccts délicicux! perspcctives charmanres! Quellc scène est égale i ces scènes mouvantes, A ces rians tableaux? Oh! de mes derniers joursSi Ie ciel 4 mon choix avoit laissé Ie cours, Ou-i, je Tavoue, après, 1'aimable poésie L'utile agriculture eót exercé ma vie. Esr-il un s'oin plus doux? Calme, mais occnpé, C'ést li qu'en ses désirs Ie sage est peu trompé» -A.i::our- dC ;es jardins , de ses flottames gerbes De ses riches vergers , de ses troupeaux superbes,. L'espoir au front riant se promèue avec lui. II voit ses jeuncs ceps embrasser leur appui: Sur le fruit qui nutrit, sur la fleur prés d'éciorc-, II court interroger le lever de 1'aurore, Les vapeurs du midi, les images du soir. L'inquiétude méme assaisonne l'espoir, Et, toujours entouré de dons ou de promesses, II sème, attend, recueillc ou compte ses richesses. Hélas! pour mes vieux jours j'atteudois ces plaisirs, Et déji 1'espérance-, au gré de mes désirs, De' mon domaine heureux m'investissoit d'avancc. Je ne possédois pas un héritage immense; Mais j'avois mon verger, mon bosquet, mon berceau. Dieux ! d.ins quels frais sentiers serpentoit mon ruissean! Combien je chérissois mes fleurs et mon ombrage! Quek gras troupeaux erroient dans mon gras péturage!  SECOND CHANT. $$ Tout rloit a mes yeux; mon esprit ne rêvoit Que des meules d'épis et des ruisseaux de lait. Trop courte illusion ! délices chimériques!' De mon triste pays les troubles politiques M'ont laissé pour tout bien mes agrestes pipeaux. Adieu mes fleurs! adieu mes fruits et mes troupeaux!' Eb bien! foréts du Pinda, asiles frais et sombres, Revenez, ,rendez.moi vos poëtiques ombres. Si le sort m'interdit les doux travaux des champs, Du moins a leurs bienfaits je consacre mes chants: Des vergers , des guérets tous les dieux me secondent,.- La colline m'ëcoute, et les bois me répondent. Vous donc. qui, comme moi, de ce bel art épris,. Voulez a vos rivaux-en disputer le prix, Ne vous contentcz pas d'une facile gloire.. Les champsontleurscombats, les champs ont leur victoire;Voyez-vous, au midi, de ce sol montueux Le soleil échaufler les roes infructueux? Venez, que tardez-vous? par un triomphe utiie' Changez ce sol ingrat en un terrain fertile; Et pour planter le cep sur ces coteaux vaineus,; Que Mars prête en riant ses foudres a Bacchus!' De ces apprfit-s guerriers la montagne s'étonne: Le feu court dans ses flancs; ils s'ouvrent; le ciel tonne,, Et. des roes déchirés avec un long fracas Les débris disp.ersés s'envolent en éclats.. Xe pamprc verdoyant aussitót les remplace, Et rit aux mëmes lieux que hérissoit leur masse.'. Bieritót un doux nectar, par vos travaux acquis, Vous semble encor plus doux sur un terrain cönquis;: Vos amis avec vous partagent la conquête, Et leur brillante orgie en célèbre Ia fête. Ailleurs c'est un coteau dont le terrain möuvant,, Entrainé par les eaux, emporté par le vent, 5 ■  $4 SECOND CHANT. N'olïre i 1'ceil attristé qu'une stérile arcne. Eh bien! ces lieux encor vous pairont votre peine, Si, d'un sol indigent féeond réparateur, De son terrain nouveau votre art est créateur. Ainsi, cette ile altière", ouvrage d'une autre He, Ce rocher héroïque, en hauts faits si fertile, Qui voit fumer de loin Ie sommet de 1'Etna, Malte emprünta son sol aux campagnes d'Enna» Ainsi loin d'etle encor Ia Sicile est féconde. La terre de Cérès, en voyagean: sur Tonde, Vint couvrir ces rochers; et leur maigre terrain, Qui suffisoit a peine a 1'humble romarin , Yit naitre a force d'art, sur sa cóte brülaate, Le melon savoureux, Ia figue succulente, It ces raisins ambrés qui parfument les airs, It 1'arbre aux pommes d'or, aux rameaux toujours verts, les lauriers seuls sembloient y croltre sans culture. Thétis avec plaisir réfféchit leur verdure, It ce roe, par 1'été dévoré si long-temps, lut enfin son automme et connut le primemps. (14) Imitez, s'il se peut, cette heureuse industrie. Xe terrain qu*a perdu cette cóte appauvrie, Reprenez-le aux vallons; que la fécondité Vienne couvrir des roes la triste nuditét Mais quand Tonde et les vents vont lui livrer la guerre, «Que par tout dTiumbles murs soutiennent cette terre! O riant Gemenos! ó vallon fortuné! (15) Tel j'ai vu ton cotcau de pampres couronné , Que la figue chérit, que Tolive idolétre, Itendre en verts gradins son riche amphithéiltre; Xt la terre, par l'homme apportee a grands frais, D'un sol enfant de Tart étaler les bfenfaits. Xieu charmant! trop heureux qui dans ta belle plaine, ©ü l'hiver indulgeat attiédit son baleine,  SECOND C 8 4 It T. SS Au sein d'un doux abri peut, sous ton ciel vermeil, Avec tes orangers partager ton soleil, Respirer leurs parfums, et, comme leur verdure Même au sein des frimats défier la froidure! (itS> Toutefois le tel art que célèbrent mes cliants Ne bome point sa gloire a féconder les champs. II sait, pour employer leurs richesses fécondes, Mettre a profit les vents et les feux et les ondes, Dompter et faconner et le fer et 1'airain, Transformer en- tissus et Ia laine et Ie lin. Loin de ces verts coteaux, de ces humbles campagnes^ Venez donc, suivez-moi vers ces apres montagnes, Formidables déserts d'oü tombent les torrens Oü gronde Ie tonnerre, oü mugissent les vents. Monts oü j'ai tam rêvé, pour qui, dans mon ivresse, Des plus rians vallons j'oubliois la mollesse, Ne pourrai-je encor voir vos roes majestueux Entendre de vos flots le cours tumultueux? Oh! qui m'enfoncera sous vos portïques sombres, Dans vos sentiers noircis d'impénétrables ombresf Mais ce n'est plus le temps: autrefois des beaux ara, Sur ces monts, sur ces roes, j'appelois les regardsj C'est au cultivateur qu'asjourd'hui je m'adresse; J'invoque le besoin, le travail et 1'adresse. Je leur dis: voyez-vous bondir ces flots errans? Courez, emparez-vous de ces fougaeux torrens' Guidez dans des canaux leur onde apprivoisée. Que, tantót rèunie et tantót divisée, Elle tourne la roue, élive les marteaux Et dévide la soie, ou dompte les métaux. La docile ouvrier, le fier torrent faconne Les toisons de Pales, les sabres de Bellonnet La, plus prompt que 1'éclair, le flot lance les m4tj Destinez it voguer vers de loiutains climats; B 6  s E C O N D C II A N T. La pour 1'art des Didot Annonay voit paroitre Les feuilles oü ces vers scront tracés peut - être. Tout vit, j'entends par tout retentir les échos Du bruit des ateliers, des forges et des flots. Les roes sontsubjugués; rhomme est grand, 1'artsublime: La montagne s'égaie, et Ie désert s'anime. Sachez aussi comment des fleuves, des ruisseaux On pett mettre a profit les salutaires eaux, Et Pomone et Pales, et Flöre et les Dryades, Doivent leurs doux trésors 4 Turne des Nayades, SM tout dans les climats oü 1'ardente saison Jusque dans sa racine attaque Ie gazon, Et laisse 4 peitie au sein de la terre cmbrassée Tomber d'un cie! avare une foible roséc. Non loin est un ruïsseau; mais de ce mom jaloux Le rempart ennemi le sépare de vous: Eh bien! osez tenter une grande conquête. Venez, de vos sapcurs déj4 1'armée est prête. Sous leurs coups redoublés le mont cède en croulantsl La brouette aux longs bras, qui gémit en roulant, Qui, pal tout se frayant un facile passage, Sur son unique roue agilement voyage, S'emplissant, se vidant, aUant, venant cent fois, Des débris entassés transporté au loin le poids. Enfin le mont succombe; il s'ouvre, et sous sa voate Ouvre au ruïsseau joycux une facile route. La Nayade s'étonne, ct, dans son lit nouveau, A ses brillans destins abandonne son eau. 11 vient, il se partage en fertiles rigoles; Chacun de ses filets sont autant de Pactoles. Sur son passage heureux tout renait, tout verdir. De ses états nouveaux son onde s'applaudit, Et, source de fratchcur, d'abondance et de gloire, Vous paye en peu de temps les frais de la victoire.(iö>  S E C O N D CHANT*- 55? Dans les champs oü, plus prés de 1'astre ardent düjour5) Au-sein de ses vallons Lima sent tour-a-tour (17). Par le vent de la mer, par celui des montagn'es, Le soir et le matin refralchir ses • campagnes , Avec bien moins de frais er bien moins d'art encorr L'homme sait des ruisseaux disposer le trésor, Et, suivant qu'il répand ou suspend leur largesse,, Retarde sa récolte ou hSte sa richesse.'f Prés du fruit coloré la' fleur s-'épanouit-, L'arbre donne et promet, l'homme espère et jouit.La Ie cep obéit au fer qui le fagonne;Ici de grappes d'or la-vigne se couronne; Et, sans-que 1'eau du ciel lui dispense ses dons, L'homme au cours des ruisseaux asservit les saisons. Liènx charmans, oüles cieux sont féconds saus nnage, Et qui ne doivent point leur riehessea 1'orage!' Tant 1'art-a dé pouvoir! tant l'homme audacieux. Sait vaincre la nature et corriger les cieux-! Ne pouvez'-vous encor de ces terres fangeiisesGuider dans des canaux les-eaux marécageusesj Et donnant a Cérès des trésors imprévus, Moatrcr au ciel des champs qu'il1 n'avoit jamais vus?Tantót, coulant sans but, des sources vagabondes A leur Hbre penchant abandonnem léurs ondes, Et snivent au hasard leur cours licencieux-: Changez en long canal ces flots capricieux. Eientót vous allez voir mille barques agilcs Descendre, remonter sur ses-ondes dociles. Aux cantons étrangers il porte vos trésors; Des fruits d'uti sol- lointain il enrichit vos bords; Par lui les intéréts, lés besoins se confondent, Tous les biens sontcomrauns, tousles lieux se répondent, Et 1'air, 1'onde et la terre en bénissent I'auteur. Riquet de ce grand art atteignit la hauteur, B 7  SECOND CHANT, Lorsqu'4 ce grand trsvail du peuple monastiquc, Pont long-tcmps 1'igrtorance honura Rome antique, (18} Son art joignit encor des prodiges nouveaux, Et rcunit deux mers par ses hardis travaux. Non, l'Iïgypte et son lac, le NU et ses merveilles Jamais de tels récits n'ont frappé les oreilles. L4, par un art magique, 4 vos yeux sont offerts Pes fleuves sur des ponts, des vaisseaux dans les airs; Des chemins sous des monts, des roes changés en voute , Oü vingt fiéuves, suivant leur ténébreuse route, Pans de noirs souterrains conduisent les vaisseaux, Qui du noir Achéron semblent fendre les eaux, Puis, gagnant lentement .'ouverture opposée, Découvrent tout-4-coup un riant Elysée, Des vergers pleins de fruits et des prés plcins de fleurs, Et d'un bel horison les brillantcs couleurs. En contemplant du mont la hauteur menacante, Le fleuve quelque temps s'arrête d'épouvante; Mais, d'espace en espacc en tombant retenUs, Avec art applanis, «vee art soutenus, Du mont, dont la banteur au yaUon doit les relidrc , Les flots , de chute en chute, apprennent it descendre; Puis, traversant en paix 1'émail fleuri des prés, Cond'uisent 4 la mer les vaisseaux rassurés. Clief-d'oeuvre qui vainquitlcs monts, les champs, les ondes, Et joignit les deux mers qui joignent les deux mondes ! Mais ces fleuves féconds sont souvent descructeu-rs! Sachez donc réprimer ces flots dévastateurs. Tout connut ce bel art, et 1'antiquité méme En présente it nos yeux 1'ingénieux emblème. Du fabuleux Ovide écoutcz le récit. (19) Achéloüs, dit-il, échappé de son lit, Entrainoit les troupeaux dans ses eaux oragcuses, Rouloit 1'or des moissons dans ses vagues faufceuses,  SECOND CHANT. 39 Eraportoit les hameaux, dépeuploit les cités, Et changeoit en déserts les champs épouvantés. Soudain' Hercule arrivé et veut domptcr sa rage: Dans les flots écumans il se jette a la nage, ' Les fend d'un bras nerveux, appaise leurs bouillons, Et ramène en leur lit leurs fougueux tourbillons. Du fleuve subjugué i'onde en courroux murmure: Aussitót d'un serpent il revêt la figure; II siflie, il roule, il dèroule ses nceuds, Et de Ses vastes plis bat ses bords sablonneux. A peine il 1'apércoit, le vaillant fils d'Alcmène De ses bras vigoureux le saisit et 1'enchame; II Ie presse, il 1'étoufFe, et de son corps raourant laisse le dcrnier pli sur 1'arène expirant, Se reléve en fureur, et lui dit: téméraire, Osas-tu bien d'Hercule affronter la colère? Et ne savoïs-tu pas, qu'en son berceau fameux Des serpens étouffés furent ses premiers jeux? Etonné, furieux de sa doublé viétoire, Le fleuve de ses flots prétend venger Ia gloire, 11 fond sur son vainqueur. Ce n'est plus un serpent» En replis onduleux sur le sable rampant, C'est un tatireau superbe, au front large et sauvage t Ses bonds impétueux déchircnt son rivage; Sa té te bat les vents, té feu' sort de ses yeux; 11 mugit, et sa voix a fait trembler les cieux. Hercule, sans effroi, voit renaftre Ia guerre, Part, vole, le saisit, Ie combat et 1'atterre, L'accable de son poids, presse de son genott Sa gorge haletante et son robuste eau; Puis, fier et triomphant de sa rage étouffée; Arrache un de ses dards et s'en fait un trophée. Aussitdt les sylvains, les nymphes de ces bords., Bont il vengetr l'empire et sauva les trésort,  qp, s E C O'N D CH-ANT. Aü vainqueur qui repose apportent leurs ofFrandes,L'entourent de festons, le parem de guirlandes, Et, dans la corne heureuse épanchant leurs faveurs, La remplissent de fruits,la couronnent de fleurs. Heureuse fiction, aimable allégorie, Du peintre et du poëte également chérie! Eh! qui.dans ce serpent, dans ces plis sinueux, Ne voit des flots errans les détours tortueux, Soumcttant a nos lois leur fureur vagabonde? Ce taureau qui mugit, c'est la vague qui gronde: Ces deux cornes du fleuve expriment les deux bras;. Geile qu'arrachc Alcide en ces fameux combats, Riche des dons de Flore et des fruits de Pomone, De l'homme, heureux vainqueur des eaux qu'il emprisonne, Marqué la récompense, et sous ces heureux traits L'abondance aux mortels verse encar ses bienfaits. Ce travail vous étonne? Èh! voyez le Batave Donner un frein puissant a 1'Océan esclave. La Ie chêne, en son sein fixé profondément,. Présente une barrière au fougueux élément. S'il n'a plus ces rameaux et ces pompeux feuillagesQui paroient le printemps et bravoient les orages, • Sa tige dans les mers soutient d'autres assauts,. Et brise fièrement la colère des eaux. La d'un long mui- de joncs 1'ondbyante souplesse, Puissante pai leur art, forte par sa foiblesse, Sur le bord qu'il menace attend le flot groudant, Trompe sa violence et résiste en cédant. De la ce sol conquis et ces plaines fécondes, Que la terre étonnée a vu sortir des ondes, Ces champs pleins de troupeaux, ces prés enfans de 1'art Le long des flots bruyans qui battent ce rempart, Le voyageur, surpris, au dessus de sa téte Ente;id gronder la vague et mugir la tempétc,  S E C O N D CHANT. jjjfc Et dans cc sol heureux, a force de tourmcnt, La nature est tout art, 1'art tout cnchantement. Vous ne pouvezsans doute offrir ces grand's speccaclcs Mais votre art plus borné peut avoir ses miraclés. Bonnez-lui donc Tessor; sacfiez par vos travaux Vaincre ou mettre h profit le cours puissant des eaux,, Tantót il votre sol 1'onde lïvrant la guerre Mord en secrct ses bords, ct dé: vore sa terrer Tantót par son penchant Ie courant emrainé Vous Iivre, en s'éloignant, son lit abandönnf: Ailleurs, d'un champ qu'il rouge emportant les ruines, Ses Hots eiïicieux vous cedent leurs rapincs. Recevez leurs présens, ct, protégeant leurs bords, De 1'onde usurpatrice arrêtez les efïbtv, Et gouvcrnant son cours rebelle ou volontaire, Traite -le comme esclave ou comme tributairc; Sauvent méme, dit-on, rout uh fïêle terrai* De sa basé d'argüe est détaché soUdiii»; Glisse-, vogue sur 1'onde, et vers d'autres rivages; D'un voisin étonné va joindre l'héritage; Le nouveau possesseur, qu'enrichissent ces eaux, Coutemple a son réveil ses domaines nouveau*,. Tandis qu'a l'autre bord ses déplorables maitres Ont vu s'enfuir loin d'eux les champs de leurs ancêtres». Muse-, attendris tes sons, et chante la douleur De la belle Egérie, heureuse en son malheur; Sous les monts deTEeosse-, en un lac ou des ilcsPressent, dit-on, les flots de leurs masses mobiles,, Son pêre possédoit un modique terrain,. Elevé sur les eaux et flottaüt sur leur- sein: Telle, comme une fleur jetée au sein de Tondey Caüimaque nous peint cette ile vagabonde, L'asile de Latoue et le berceau des dieux. Du hasard et des flots travail capricicux.,.  V- SECOND CHANT. Celle qne je décris, des racines snnvages, Des mousses, des rameaux enlacés par les üges, Se forma lenrement. Des feuillages flétris L'enrichissanj encor de leur féconds débris; Et les ceps avancés, a qui 1'eau fait la guerre, De leur ler.-te ruine avoicnt accru sa terre. Autour d'elle flottoieiit des saulcs, des roseaux. La n'étoient point nourris de superbes troupeaux, La genisse féconde et la brebis btlante. Quelques chcvrcaux épars, familie pctulante, Sous les lois ri'Kgérie erroient seuls en ce licu: C'étoit peu; mais le pauvre est riche de si peu! Souvent cn rcmbrassant son respectable père Lui disoit: O ma fi!le, image de ta mère! Mon cceur se 1'est promis: cette ïle'que tu vois, C'est ta dot; ces chevreaux et ce pré sont a toi. Maltrc, au bord opposé, d'un bois, d'une prairie, Doïóil dcpïïis long-témps adoroit Egérie; Trop heureux si, troublant un bonheur aussi doux, Son père n'eöt déja fait choix d'un autre épouxl Toutefois de 1'amour d'adressc industrieuse A les détlommager étoit ingénieuse. Le kc plus d'une fois sur ses flots complaisans Du rivage opposé leur porta les présens. Les beaux fruits de Dolon, les fleurs de la bergère. Souvent 1'hcureux Dolon sur sa barque légére Visitoit 1'ile heureuse. On sait que de 1'amour Les fles en tout temps sont le plus cher séjour. Celle-ei n'étoit point Ia magique retraite Que d'AIcine ou d'Armide enfanta la baguette ; Un charme encor plus doux y fixoit ces amans; Se voir, s'aimer, voila leurs seuls enchantemens. Falloit il se quittcr? condaranés a 1'absence, Eu perdant le plaisir ils gardoient 1'espérance.  5 E CO N B CHANT. 4S Enfin le tendre Amour, au gré de ieur ardeur, Voulut unir Ic-ur sort; comme il unit leur cceur. Parmi les déités que révèrent ces ondes, Doris fut Ia plus belle: en ses grottes profondes Le lac n'enferma point un plus rare tresor. Sous les Hots azurés brüloient ses tresses d'or: L'eau s'cnorgueillissoit d'une charge.aussi belle, Les flots plus mollement murmuroient aucour d'elle; Les nymphes 1'admiroieut. Le jeune Palémqn Pour elle de sa trompe adoucissoit le son, Et jamais chez Thétis nymphe plus ravissante Ne recut les baisers de 1'onde caressante. Eole 1'adoroit, et son fougueux amour Vainement 1'appeloit dans sa bruyaute cour; La nymphe refusoit les farouches hommages D'un dieu dont les soupirs ressemblent aux orages: - Vm&t Ie plus bruyant n'est pas le plus aimé. L'Amour vole a ce dieu par lui-même enilafflmi. Eole! écoute-moi, lui dit-il. Egérie Du sensible Dolon dès long-temps est chérie; Son père la destine aux vceux d'un autre amant: Seconde mes désirs pour ce couple charmant. Que 1'ile d'Bgérie, au gré de la tempête, Vers les champs de Dolon vogue, aborde, et s'arrete; Qu'alors tous deux unis ils se donnent leur foi. Je le jure, a cc priat Doris vivra pour toi. Mais ne 1'enfratne point dans ta cour turbulente, Perraets-Iui d'habiter dans sa grotte charmante; Ecarté de ses bords 1'aquilon furieux, Et que les seuls zéphirs soupircnt dans ces lieux! L'Amour le veut ainsi! Le dieu parle et s'envole. L'espoir d'un prix si doux flatte le cceur d'Eole. Pour hiiter un bonheur de qui dépend le sien, II veut de .ces amans fermer 1'heureux lieu.  44 SECOND CHANT. Un jour (Pilt ce jour ne les vit point ensemble), Soudain 1'air a mugi, 1'onde croft, 1'ile tremble, les flots tamultueux rugissent a 1'entour: (10). Rien n'ëgale un- orage excité par 1'amour. L'Sle eödc, Egérie est en pleurs sur la rive. Elle rappellc envain son fle fugitive,- Hélas! et son amour, injuste un seul nioment, Craint , en perdant sa dot, de perdre son amant.. Fille aimable, bannis une crainte importune! L'aveugle amour est cher A 1'aveugle fortune, Et tous deux de ton ile ils dirigent le cours. Le terrain vagabond, nprcs de Iongs décours. Se rapproche des lieux oü, seul sur le rivage,, Dolon, triste et pensif, entend gronder 1'orage. II regarde, il s'étonne, il observe long-temps Cette Ife voyageuse et ces arbres flottans, Qaatid soudain a ;cs yeux, quriic surprise extréme!' La terre, en approchant, montre 111e qu'il aime. H tremble: il craint pour elle une vague, un écueil;- - U la suit sur les- eaux, il la conduit de 1'ceil. L'ilc long-temps encor flotte au gré de 1'orage;. La vague enfin la pousse et 1'applique au rivage. Dolon court, Dolon vole: il parcourt ces beaux iieux Si criSris de son cceur, si connus a ses yeux; II cherche le bösquet, il chercbe'la cabane, Oü leurs discrets amours fuyoicnt un oeil profane. Les Hots impétueux autont-ils respeélé Les fleur3 qu'elle arrosoit, 1'arbre qu'elle a. planté? Trou»era-t-il encor sur 1'écorce légère De leurs chifFres unis Ie tendre caractère?- Tout 1'énieut, tout occupe et soa ame et ses yeux: D'un cceur moins effrayé , d'un oeil moins curieux , Un tendre ami parcourt 1'air, les traits, le visage D'un ami qui. les flots jetèrent au rivage..  ' S B C O H D C H A N T. #5 A peine cependant le calme a reparu, Dólon revole aux lieux d'oü file a disparu. II suit sa course, il vogue; il arrivé a la plage Oü la belle Egérie, en pleurs sur le rivage, ■Chcréhoit encor de 1'oeil, plus belle en sa doulenr, L'ïle qui fut sa dot, et qui fait son malheur. II embrasse en pleurant son vénérable père; 11 tombe en suppliant aux genoux de sa mère: Le destin, leur dit-il, vous a ravi vos biens, Mais en vous les ótant il vous donna les miens; lis sont a vous, venez. II dit, 1'onde les mène Au rivage oü leur ilc est jointe & son domaine. Le changement d'abord leur déguise les lieux; Mais d'Egérie a peine ils ont frappé les yeux, Ah! la voilri , dit-elle. Oui, la voila, s'écrie Le sensible Dolon, ton He tant chérie! Ton malheur fut cruél, mon bonheur est plus grand, L'orage te rót», moh amour te la rend. Vers ce rivage ami les dieux 1'ont amenée: Qu'ainsi puisse nous joindre un heureux hyménée ! II dit; la mère pleure et le père consent, Et la belle Egérie accepte en rongissantEt cependant il veut que cette tle si chère Reprenne sa parure et sa forme première. Un pont joint a ses bords ce fortuné séjour, Sacré par le malheur, plus sacré par 1'amour; Mais son art 1'affermit, et Tonde mugissante Vient briser sur ses bords sa colère impuissante. Ainsi cette ile errante eut un frein dans les flots, Le bonheur un asile, et 1'amour sa Délos. Fis du secend Chant.  TR0IS1ÈME CHANT, Qüe j'aime le mortel, noble dans ses pcnchans, Qui cultive i la fois son esprit et ses champ:,! Lui seul jouit de tout. Dans sa triste ignorance Le vulgaire voit tout avec indlfférence: Des desseins du grand Etre attcignant la hauteur, II ne sait point monter de 1'ouvragc a 1'auteur. Non, ce n'est pas pour lui qu'cn ses tableaux >i vastes Le grand pcintre forma d'harmoriieux contrastes. II ne sait pas comment, dans ses sccrets canaux, De la racine au tronc , du tronc jusqu'aux rameaux, Des rameaux au feuillage accourt la sève errante; Comment nait des cristaux la masse transparente, L'union, les refiets et le jeu des coiUeurs Etranger a Ses bois, étranger a ses fleurs, II ne sait point leurs noms , leurs vertus, leur familie. D'une grossière main il prend dans la charmüle Ses fils au rossignol, au printemps ses concerts. Le sage seul, instruit des lois de 1'univers, Sait goüter dans les champs une volupte pure: C'est pour 1'ami des arts qu'existe la nature. Vous donc, quand des travaux ou des soins importaus Du bonheur domestiqne ont rempli les instans, Cherchez autour de vous de riches connoissances Qui, charmant vosloisirs, doublent vos jouissances. Trois règnes a vos yeux étalent leurs secrets. Un mattre doit toujours connoftre ses sujets: Observez les trésors que la nature assemble. Veuez; marchons, voyoos, ct jouissons cnsenble.  TROISJBMK CHANT. 47 Dans ces aspects divers que de variété ! Lil tout est élégance, harmonie et beauté. C'est la molle épaisseur de la fraiche verdtire; C'est de mille ruisseaux Ie caressant murmure, Des cotcaux arrondis, des bois majestueus Et des antres rians I'abri voluptueux. Ici d'afTreux débris, des crévasses affreuses, Des ravages du temps empreintes désastreuses; Un sable infructueux, aux vents abandonné; Des rebelles torrens le cours désordonné; La ronce-, Ia bruyère et la mousse sauvage, Et d'un sol dévasté 1'épouvantable image. Par tout des biens, des maux, des Béaux, des bienfarts! Pour en interpréter les causes, les effets, Vous n'aurez point recours è ce doublé génie, Dont l'un veut le désordre, et l'autre 1'harmonie: Pour vous développcr ces mystères profonds, Venez, Ie vrai génie est celui des BufFons. Autrefols, disent-ils, un terrible déluge, I.aissant 1'onde sans frein et l'homme sans refuge Répandit, confondit en une vaste mer, Et les eaux de Ia terre et les torrens de Fair; OOt s'élevoient des monts, étendit des campagnes; Oü furent des vallons, éleva des montagnes; Joignit deux continens dans les mêmes tombeaux; Du globe déchiré dispersa les lambeaux; Lanca l'eau sur Ia terre et Ia terre dans 1'onde, Et roula le chaos sur les débris du monde. De li ces grands amas dans la terre enfermds, Ces bois, noirs alimens des volcans enflammés, (i) Et ces énormes lirs, ces couches intestines, ' ' Qui d'un monde sur l'autre entassent les ruines. Ailieurs d'autres dépots se présentent & vous, Formés plug lentement par des tuoyeas plas doar.  ffi TEOISIEME CHANT. ■Les fleuves, nous rlit-on, dans leurs errantcs courscs, En apportimt aux mers les tributs de leurs sources, Entraincrcnt des corps l'un ft l'autre étrangers, Quelques -uns plus pesans, les autres plus légers.. •Les uns au fond de 1'eau tout-4-coup se plongèrent; Quelque temps suspendus les autres surnagèrent., De la précipités dans 1'humide séjour, Sur ces premiers dépots s'assirent ft leur tour. Des couches de limon sur eux se répandirent, Sur ces Hts étendus d'autres lits s'étendirent; Des «rbustes sur eux gravèrent leurs rameaux, Kon brisés par des chocs, non dissous par les eaux, Mais dans leur forme pure. Envain leurs caractères Sem'blent offrir aux yeux des plantos étrangères, (2) Que des fleuves, des lacs et des mers en courroux Le roulcment affreux apporta parmi nous: Leurs traits inaltérés, les couches plus profondes Des lits que de la mer ont arrêtés les ondes; Souvent deux minces lits, léger travail des eaux, L'un sur l'autre sculptés par les memes rameaux; (3) Tout d'une cause lente annonce aux yeux 1'ouvragc. Ainsi, sans recourir ft tout -ce grand ravage, Le sage ne voit plus que des eflêts constans, Le cours de la nature et la marche du temps. Mais j'apcrcois d'ici les débris d'un village; D'un désastre fameux tout annonce 1'image. Qucls malheurs 1'ont produit? avan?ons, consultons Les lieux et les vieillards de ces tristes cantons. Dans les concavités de ces roches profondes, Ou des fleuves futurs 1'air déposoit les ondes, L'eau, parmi les rochers se filtrant lentement, De ces grands réservoirs mina le fondement. Les vou'tès, tout-a-coup ft grand_bruit écroulées, Rcmplirent ces bassins, et les ceux refoulécs,  T * -O I S I X Ttt E CHANT. )f9 Be soulevant en masse et brisant leurs remparts, Avec les bois, les roes et leurs débris épars, Des hameaux, des cités trainèrent les ruines. Leur cours-se lit encore au creux de ces ravincs, Et 1'hemiice du lieu, sur un décombre assis, Aux voyageurs encore en fait de longs récits. (4) Ailleurs ses noirs sommets dans le fond des campagnes Versèrent tout-a-coup leurs liquides montagnes, Et le débordement de leurs bruyantes eaux Eorma de nouveaux lacs et des courans nouveaux. Voyez vous ce mont chauve ct, dépouillé de terre, A qui fait 1'aquilon une éternelle guerre? L'OIympe pluvicux, de son front escarpé Détachant le limon par ses eaux détrempé, L'emporta dans les champs, et de sa cime mie Laisse les noirs sommets se perdre dans Ia nue.: L'oeil s'afflige i 1'aspect. de ses rochers hideux. Foursuivons, descendons de ces sauvages lieux; Des terrains variés marquons Ia différence. Voyons comment le sol, dont Ia simple substance, Sur les monts primitifs oü les dieux Tont jeté ' Conserve ,.vicrge encor, toute sa pureté S'altère en descendant des montagnes aux plaines. •Be nuance en nuance et de veines en veincs L'observatcur le suit d'un regard curieux. (5) Tantót de Touragan c'est Ie cours furieux. Terrible il prend son vol, et dans des flots de poudre Part, conduisant Ia nuit, Ia tempête et la foudre; Balaie, en se jouant, et forêt et cité; Uefoule dans son lit le fleuve épouvanté; Jusqu'au sommet des monts lance la met profonde, Et tourmeme en courant les airs^ la terre et Tonde: De li sous d'autres champs ces champs ensevelis, Ces monts changeant de place, et ces fleuves de lits; C  ï>0 TR.OISIEME CHANT. Et la terre sans fruits, sans fleurs et sans verdure, Pleure en habits de deuil sa riante parure. Non moins inpétueux et non moins dévorans, Les feux ont leur tempête et 1'Etna ses torrens. La terre dans son sein,, épouvantable gouffre, Nourrit de noirs amas de bitume et de soufre, Enflamme 1'air et 1'onde', et de ses propres flancs Sur se; fruits et ses fleurs Yomit des flots bouillans: Emblème trop frappant des ardeurs turbulentes, Dans le volcan de 1'ame incessamment brülantcs, Et qui, sortant soudain de 1'abyme des cceurs, Dévorent de la vie et les fruits et les fleurs. Ces roes tont calcinés, cetté terre noiratre, Tout d'un grand incendie annonce le théitre. La grondoit un volcan: fes feux sont assoupis; Elore y donne des fleurs et Cérès des épis. Sur l'un de ses cótés son désastre s'effacc, Mais la pente opposée en garde encor Ia traee. C'est ici que la lave en longs torrens coula; Voici le lit profond pu. le fleuve roula, Et plus loin a longs flots .sa masse répandue Se refroidit soudain et resta suspendue. Dan~ ce désastre affreux quels fleuves ont tari! Quels somraets ont croulé, quels peuples ont péri! Les vieux Sges 1'ont su, 1'ige présent 1'iguore; Mais de ce grand fléau la terreur dure encore. Un jour. peut-être, un jour les peuples dc ces lieux Que 1'horrible volcan inonda de ses feux, Heurrant avec le soc des restes de murailles, Découvriront ce gouHïe, et, creusant ses cntrailles, Comemnleront au loin avec étonnement De V mmes et de* arts ce profond monument; Cet aspect w nouveau de« demeures antiques; Ces cirques, ces palais, ce» temples, ces portiques,  THOISIEME CHANT. S, Ces jymua.es du sage autrefois fréquente1» B'hommes qui scmblent vivre encor tout habités: Simulacres légers , prêts a tomber en poudre, Tous gardant 1'actitude oü les surprit la foudre; L'un enlevant Son fils, l'autre emportant son or', Cet^ autre ses écrits, son plus riche trésor; Celui-ci dans ses mains tient son dieu tutélaire; L'autre, non moins pieux, sest chargé de son pèrej L'autre, paré de fleurs et la coupe 4 la main, A vu sa demière hcure et son dernier festin. (6) Gloire, honneuriCuffon, qui,pourguidernos sages.O) Eleva sept fanaux sur 1'océan des 4ges , (8) Et, noble historiën de 1'antique univers, Kous peignit 4 grands traits ces changemens divers r Mais il quitta trop peu sa retraite profonde: Des bosquets de Monbar Buffon jugeoit le monde; A des yeux étrangers se confiant envain, II vit peu par lui-méme, et, tel qu'un louveraitt, De lom et sur la foi d'une vaine peinture Par ses ambassadeurs cp.urrisa la nature. (9) O ma chèrc patrie r d champs délicieux Oü les fastes du temps frappent par tout les yeux! Oh! s'il eüt parcouru cette belle Limagne, Qu'il eüt joui de voir dans la méme campagne Trois 4ges de volcans que distinguent entr'eux Leurs cpurans, leurs-foyers, et des siècles nombreus! La mer couvrit les uns par des couches profondes D'auttes out recouvert le vieux séjour des ondes ' L'un d'une cóte 4 l'autre étendit ses torrensL'autre en fleuve de feu versa ses flots erran's Dans ces fonds qu'a creusés la longue main des ages. En voyant du passé ces sublimes images Ces grands foyers éteints dans des siècles divers Des mers sur des volcans, des volcans sur des mers, C x  S2 T R 0 1 S I E M E CHANT. Vers 1'antique chaos notre ame est rcpoussée,Et des Sges sans fin pèsent sur Ia peusée. Mais sans quitter vos monts et vos vallons chéris, Voyez d'un marbre nsé le plus mince débris: Quel riche monument! de qiielle grande hbtoire Ses révolutions conservent Ia mémoire! •Composé des dépóts de 1'empire animé, Par la destruction ce marbre fut formé. Pour créer les débris dont les eaux le pétrirent, De générations quelles foules périrent! Combien de temps sur lui 1'océan a ccmlé! Que de temps dans leur sein les vagues 1'ont roulé ! En descendant des monts dans ses profonds abymes-, 1,'océan autrefois le laissa sur leurs cïmes; L'orage dans les mers de nouveau le porta; De nouveau sur ses bords la mer le rejeta, Le reprit, le rendit: ainsi, rongé par 1'üge, II endura le» vents et les flots et l'orage. Enfin de ces grand, monts humble contemporain, Ce marbre fut un roe, ce roe n'cst plus qu'un grain; Mais, fils du temps, de 1'air, de la terre et de Tonde, LTiistoire de cc grain^est Thistoire du monde. (10) Et quclle source encor d'études, de plaisirs, Va de pensers sans nombre occuper vos Ioisirs, Si la mer elle-méme et ses vastes domaines Vous oflrent de plus prés leurs riches phénomènes! O mer, terrible mer, quel tamme a ton aspect Ne se sent pas saisi dc crainte ct de respect! De quelle impression tu frappas mon enfancc! Mais alors je ne vis que ton espace immense: Combien l'homme et ses arts t'agrandissent encor! La le génie humain prit son plus noble essor. Tous ces nombreux vaisseaux suspendtis sur ses ondes Sont le nceud des états, les courriers des deux moudes.  toisteme CHArjis st Comme elle a son aspect vos pensers sont profónds. Tantót vous demandez a ces gouffres sans fonds Les débris disparus des nations guerrières Leur or, leurs bataillons et leurs flottes entières: Tantót, avec Linnée enfoncé sous les eaux, Vous cherchez ces forêts de fucus, deroseaux, (n) De la Flore des mers invisible héricage, Qui ne viennent & nous qu'apportés par l'orage; Eponjes, polypiers, madrépores, coraux, Des insectes des mers miraculeux travaux. (12) Que de fleuves obscurs y dérobent leur source! Que de fleuves fameux y terminent leur course! Tantót avec effroi vous y suivez de 1'oeil Ces monstres-qui de loin semblent un vaste écueil. (13) Souvent avec Buffon vos yeux y viennent lire Les révalutions de ce bruyant empire Ses courans, ses reflux, ces grands év'énemens Qui de I'axe incliné suivent les mouvemens; Tous ces volcans éteints qui du sein de la terre Jadis altoient aux cieux défier le tonnerre; Ceux dont le foyer brüle au sein des flots amers Ceux dont la voüte ardente est la base des mers'," Et qui peut étre un jour sur les eaux éeiimantes ' Vomiront des rocliers et des Hes fumantes. Pcindrai-je ces vieux cnps, sur les ondes pendans? Ces golfes qn'a leur tour rongent les flots grondansï Ces nioms ensevelis sous ces vofltes obscures Les Alpes d'autrefois et les Alpes futures ' Tandis que ces vallons, ces monts que Volt Ie jour, Dans les profondes eaux vont rentrer 4 leur tourf Echanges éternels de la terre et de 1'onde Qui semblent lentement se disputer le monde' Ainsi 1'ancre s'attache 011 paissoient les troupeaux, A1n5.roule.nt des chars of. voguoient des vaisseaux, C J  Ï4 TROISILME CHAKT. Et le monde vieilli par la mcï qui voy.ige Dans 1'abyme des temps s'en va cacher son ige. Après les vastos mers et leurs mouvans tableaux, Vous aimerez il voir les fleuves, les ruisseaux; Non point ceux qu'ont chantés tous ces rimeurs si fadcs De qui les vers usés ont vieilli leurs Nayades, Mais ceux de qui les eaux prèscrrtcnt a vos yeux Des effets nobles, grands, rares ou curicux. Tantót dans son berceau vous recherchez leur seance ; Tantót dans ses rcplis vous observez leur course, Comme , d'un bord a l'autre errans en longs détours, D'angles creux ou saUlans chacun marqué son cours. Dirai-je ces ruisseaux," ces sources, ces fontaines, Qui de nos corps soutTrans adouci^sent les peines ? Li, de votre canton doux et tristes tableaux, La joie et la douleur, les plaisirs et les maux, Vous foMt chaque printemps leur visite annuelle: Li, mêlant leur gaité, leur plainte mutuelle, <• Viennent de tous cótés, exacts au rendez-vous, Des vieillards éclopds, un jeune essaim de foux. Dans le méme salon li viennent se confondre La belle vaporeuse et le triste hypocondre; Lise y vient de son teint rafralchir les couleurs; Le guerrier, de sa plaie adoucir les douleurs; Le gourmand, de sa table expier les délices. Au dieu de la santé tous font leurs sacrifices. Tous, la«sant de leurs maux valets, amis, voisins, Veulent étre guéris, mais sur tout être plaims. Le matin voit errer 1'essaim mélancolique; Le soir, le jeu, le bal, les festins, la musique, Mólent i mille maux mille plaisirs divers: On croit voir félysde au milieu des enfers. Mais laissam li la foule et ses bruyantes scènes, Reprenons notre course autour de vos domaines,  T R O I S,I EME CHANT, §J Et du palais magique oü se rendent les eaux Ensemble remontons aux lieux de leurs berceaux, ,Vers ces monts, de vos champs dominateurs antiques. Quels sublimes aspects, quels tableaux romantiqucs! Sur ces vastes rochers, confusément épars, Je crois voir le génie appeler tous les arts. Le peiiuré y vient chercher, sous des teintessansnombri, Les jets de la 1-umière et les masscs de 1'ombre: Le potte y concoit de plus sublimes chanti: Le sage y voit des mceurs les spcctacles touchans. Des siècles autour d'eux ont passé comme une heure Et 1'aigle et l'homme libre en aiment la demeure; Et vous, vous y venez, d'un-ceil observateur Admirer dans ses plans 1'éternel créateur. La le temps a tracé les annales du monde Vous distinguez ces monts, lents ouvrages rie 1'onde; Ceux que des feux sou'dains ont lancés dans les airs, ' Et les monts primitifs nés avec f'univers; Leurs lits si variés, leur couche verticale, Leurs terrains inclinés, leur forme horizontale: Du hasard et du temps travail raystérieux! Tantót vous parcourez d'un regard curieux De leurs rochers pendans I'informe amphithéatre, L'ouvrage des volcans, le basalte noiratre, Le granit par les eaux lentement faconné, Et les feuilles du schiste et Ie marbre veiné. Vous fouillez dans leur sein, vous percez leur structure; Vous y voyez empreints Dieu, l'homme et Ia nature: La nature, tantót riante en tous ses traits, De verdure et de fleurs égayant ses attraits; Tantót mille, dpre et forte, et dédaignant les graces, Fiére, et du vieux chaos gardant encor les traces. Ici, modeste encore au sortir du berceau, Glisse eu minces filets un timide ruisseau; C 4  W r R O I S- t M E C H A N ?, La s'élance en grondant la cascade deumante Li le zéphyr carcsse, ou Taquilon tourmente. Vous y voyez unis des volcans, des vergers,. Et 1'écho du tonnerre, et 1'écho des bergers; Ici de frais vallons, une terre féconde;- Li des roes décharnés, vieux ossemens du monde; A leur pied le printemps , sur leurs fronts les hivers. Salut, pompeuxjura! (14) terrible Montanverts ! 05) De neiges, de gïac/ons , entassemens énormes; Du temple des frimats colonnades informes! Prismes éblouissans, dont les pansazurés, Défiant Ie soleil dont ils sont colorés, Peignent de pourpre et d'or leur éclatante masse Tandis que, triomphant sur son tröne de glacé , L'hiver s'enorgueillit de voir 1'astre du jour Embellir son palais et décorer sa cour! Kon, jamais, au milieu de ces grands phénomènes, De ces tableaux touehans, de ces terribles scènes, L'imagination ne Iaisse dans ces lieux Ou languir la pensée.ou reposer les yeux. Malheureux cependant les mortels téméraire». Qui viennent visitcr ces horreurs solitaires, Si par un bruit prudent de tous ces noirs (ïiraats Leurs tubes cuflammés n'interrogent 1'araas! Souvent un grand effet nalt d'une faiblc cause. Souvent sur ces hauteurs 1'oiseau qui se repose Détache un grain de neige. A ce léger fardeau Des grains dont il s'accrolt se joint le poids nouveau;. La neige autour de lui rapidement s'amasse; De moment en moment il augmeme sa mas c: L'air en tremble , et soudain, s'écroulant a la fois, Des hivers entassés 1'épouvantable poids Bondit de roe en roe, roule de cime en cime, Et de sa chute immense ébranle au loin 1'ahyme.  TROtSIEME CR A N* TV" 5? Les hameattx sent détruits, et les bois emportés ; On cherche en vain Ia place oü furent les cités, (16) Et sous le vent lointain de ces Alpes qui tombent, Avant d'étre frappés , les voyageurs succombent. Ainsi quand des excès suivis d'excès nouveaus D'un état par degré ont préparé les maux, De malheur en malheur sa chute se consommé: Tyrn'estplus, 'fhèbes meurt, et les yeux cherchent RomoÜ O France, 6 ma patrie! ö séjour de douleurs! (17) Mes yeux a ces pensers se sont mouillés de pleurs* Vos pas sont-ilslassés de ces sites sauvages? Eh bien! redescendez dans ces frais paysages. La Ie long des vallons, au bord des clairs ruisseaux-,, De fertiles vergers, d'aimables arbrisseaux, Et des arbres pompeux et des fleurs odorantes-, Viennent vous étaler leurs races différentes. Quel nouvel- intérét ils donnent a vos champs! Observez leurs couleurs leurs formes, leurs penchans. Leurs amonrs, leurs hymens, la greflè et ses prodiges?» Comment, des sauvageons civilisant les tiges, L'art^ corrige leurs fruits, leur prête des rameaux, Et peuple ces vergers de citoyens nouveaux; Comment, dans les canaux oü sa course s'achève, Dans ses balancemens monte et descend la sève; (it) Comment le suc, enfin, de Ia même liqueur Forme le bois, la feuille, et le-fruit.et la fleur. Et les humbles tribus, Ie peuple immense d'hcrbes Qu'effleurc .'ignorant de. ses regards superbes, N'ont-ils pas lèurs beautés et leurs bienfaits divers ?• Le même Dieu créa la mousse et 1'univers. De leurs secrets pouvoir6 connoissez les mystères, 09) Leurs utiles vertus, leurs poisons salutaires, (1©). Par eux autour de vous rien n'est inhabité, It. méme le désert n'est jamais sans beauté» . C S  51 T. ROISIEME CHANT. Souvent, pour visiter leun risntes peuplac4es, Vous dirigez vers eux vos douces promenades, Soit que vous parcouriez les coteaux de Marli, Ou le riche Meudon, ou le frais Chantilli-. Et voulez-vous encor embellir le voyage? Qu'une troupe d'amis avec vous le partage •• La peine est plu» légère et le plaisir plus doux. Le jour vient, et la troupe arrivé au rendez-vous. Ce ne sont point ici de ces guerres barbares, Oü les accens du cor et le bruit des fanfares Epouvantent de loin les hótes des forêts. Paissez, jeunes chevreuils, sous vos ombrages frais; Oiseaux, ne craignez rien: ces chasses innocentes Ont pour objet les fleurs, les arbres et les plantes. Et des prés et dés bois, et des champs et des monis Le porte-feuille avidc attend déja les dons. On part: Pair du matin, la fraicheur de 1'aurore Appellent a Tenvi les disciples de Flore. Jussieu marche ü leur tête, il parcourt avec eux Du régne végétal les nourrissons nombreux. Pour tenter son savoir quelquefois leur malice De plusieurs végétaux composé un tout factice. Le sage 1'apercoit, sdurit avec bonté, Et rend 4 chaque plant son débris emprunté. (it) Chacun dans sa recherche a 1'envie se signale; Itamine, pistil, et corolle et pétale, On interroge tout. Parmi ces végétaux Les uns vous sontconnus, d'autres vous sont nouveaux: Vous voycz les premiers avec reconnoissance , Vous voyez les seconds des yeux de 1'espérance;' L'un est un vieil ami qu'on aime a retrouver, L'autre est un inconnu que-l'on doit éprouver. Et quel plaisir encor lorsque des objets rares, Dont le sol, le climat et le ciel soat avares ,  t R «.I S I t M E C II A N T. Rendus par votre attente encor plus précieux, Par un heureux hasard se montrcnt ft vos yeux! Voyez quand la pervenche, en nos champs ignorée, OfFre ft Rousseau sa fleur si long-temps désirée! La pervenche, grand Dieu! la pervenche! Soudain II la couve des yeux; il y porte la main, Saisit sa douee proie: avec moins de tendresse L'amant voit, reconnoit, adore sa maltresse. Mais le besoin commande : un champétre repas, Pour ranlmer leur force, a suspendu leurs pas; C'est au bord des ruisseaux, des sources, des cascades. Eacchus se rafrafchit dans les eaux des Nayades. Des arbres pourlambris, pour tableaux 1'horison, Les oiseaux pour concert, pour table le gazon! Le laitage, les eeufs, 1'abricot, la cerise, Et la fraise des bois, que leurs mains ont conquise, (32) Voilft leurs simples mets: grJce ft leurs doux travaux Leur appétit insulte ft tout 1'art des Méots. (23) On fête, 011 criante Flore ct 1'antique Cybèle, Eternellement jeune, éternellement belle. Leurs discours ne sont pas tous ces riens si vantés, Par la mode introduits, par la mode emportés;j Mais la grandeur d'un Dieu , mais sa bonté feconde, La nature immortelle et les secrets du monde. La troupe enfin se leve ; on vole de nouveau Des bois ft la prairie, et des champs au cotcau; \ Et le sok dans 1'herbicr, dont les feuilles sont prétes Chacun vient en triomphe apporter ses conquétes. (24} Aux planres toutefois le destin n'a donné Qu'unevie imparfaite, et qu'un instinct tornt'. Moins étrangers.ft l'homme et plus prés de son être, Les animaux divers sont plus dóux ft connoitre: Les uns sont ses sujets. d'autres ses ennemis; Ceux-ci ses compagnons, et ceux-lft ses amis, C 6  Co usiiintB cB4»r. Suivez, étudicz ces families sans nombre. Ceux que cacbent les bois, qu'abrite un antre sombres Ceux dont 1'essaim léger perche sur des rameaux, Les hótes de vos cours, les hótes des hameaux; Ceux qui peuplent les monts, qui vivent sous la terre; Ceux que vous combattez, qui vous livrent la guerre. Etudiez leurs mceurs, leurs ruses, leurs combats, Et sur tout les degrés, si fins, si délicats, Par qui 1'instinct changeant de réchelle vivante (25) Ou s'élève vers l'homme, ou descend vers la plante. C'est peu; pour vous donner un intérêt nouveau, Be ces vastes objets rassemblez le tableau. Que d'un lieu préparé 1'étroite enceinte assemble Les trois régnes rivaux, étonnus d'être ensemble. Que chacun ait ici ses tiroirs, ses cartons; Que, divisés par classe, et rangés par cantons,, lis offrent de plaisir une source féconde, L'extrait de la nature et 1'abrégé du monde. Mais plutót réprimez de trop vastes projets. Contentez-vous d'abord d'étaler les objets Dont le ciel a pour vous peuplé votre domaine, Sur qui votre regard chaque jour se promène;Nés danj vos propres champs, ils vous en plairont rrtieux. Entre les minéraux présentez a nos yeux Les terres et les -seis, Ie soufre, Ie bitume; La pyrite, cachant le feu qui la consume; Les métaur colorés, et les brillans cristaux, NoWes fils du rocher, aussi purs que ses eaux; L'argileaqui le feu donna 1'éclat du verre, (i6) Et les bois que les eaux ont transformés en pierre, (47) Soit qu'un limon durci les recouvrc au dehors, Soit que des sucs pierreux aient pénétré leurs corps; Enfin tous ces objets, combinaisons fécondes £>a li flamme, de i'ajx» de la terre et de 1'onde.  t R O I s I E m B CHANT, <5j: D'itn ceil plus curieux et plus avide encof Du règne végétal je cherche le trésor.- La, sont en cent tableaux, avec art mariées,. Du varec, fils des- mers, lés teintes variées;- Lelichen parasite, aux chênes attaché; (28). Le puissant agaric, qui du sang épanché (29) Arréte les ruisseaux, et dont le sein fidéle- Du caillou pétillant recueille 1'étincelle; Le nénuphar, ami de Thumlde séjour, (30) Destructeur des plaisirs etpoison de 1'amour, Et ces rameaux vivans, ces plantes populeuses, (31.) De deux règties rivaux races miraculeuses. Dans le monde vivant même variété! Le contraste sur tout en fera la beauté. Un même lieu voit 1'aigle et la mouehe légère,. Les oiseaux duclimat, la caille passagère, L'ours a la masse inforrae et le léger chevreuil, Et la lente tortue et le vif écureuil ; Ji'animal recouvert de son épaisse croüte, ('32) Gelui dont la coquille est arrondie en voüte; (33) E'écaille du serpent, et celle du poisson-, Le poil uni du rat, les dards du hérisson ; Le nautile , surl'eau dirigeant sa gondole; (34) La. grue, au haut des airs navigant sans boussole; Le perroquet, le singe , imitateurs adroits, L'un des gestes de Phomme et l'autre de sa voix; Les peuples casaniers, les races vagabondes; L'équivoque habitant de la terre et des ondes, C35) Et les oiseaux rameurs (36), et les poissons ailés. (37) Vous-mêmes dans ces lieux vous serez appelés, Vous le dernier degrè de cette grande échellc, Vous, insectes sans nombre, oü volans ou sans arle,. Qui rampez dans les champs, suoez les arbrisseaux, Xourbillonnez dans 1'air, ou jouez sur les eaux. C 7  62 TROISIEME CHANT. La je place le ver, Ia nymphe , la cheniile; Son fils, beau parvenu, honteux de sa famüle; L'insecte de tout rang et de toutes couleurs; L'habitant de la fjnge, et les hótes des fleurs; Et ceux qui, se creusant un plus secrct asile, Des tumeurs d'une feuille ont fait leur domicile; (38) Le ver rongeur des fl-uits, et le ver a?sassin, En rubans animés vivant dans notre sein. (39) J'y veux voir de nos murs la tapissière agile , La mouche qui batit (40), et la mouche qui file; (41) Ceux qui d'un fil doré composent leur tombeau, (42) Ceux dont 1'amo.ur dans 1'ombre allume le flambeau ; (43) L'insecte dont un an borne la destinée; (44) Celui qui na!t, jouit et meurt dans la journée, Et dont la vie au moins n'a pas d'instans perdus. Vous tous, dans runivers en foule rèpandus, Bont les races sans fin se renouvellent, Insectcs, paroissez, vos cartons vous appellent. Venez avec 1'éclat de vos riches habits, Vos aigrettes, vos fleurs, vos perles, vos rubis, Et ces fourreaux brillans, et ces étuis fidèles, Dont 1'écaille défcnd la gaze de vos ailes; (45) Ces prismes, ces miroirs, savamment travaillds; Ces yeux qu'avec tant d'ar» la nature a taillés, (46) Les uns semés sur vous en bri'Ilans microscopes, D'autres se déployant en de longs télescopes. Montrez-moi ces fuseaux, ces tarrières, ces dards, Armes de vos combats, instrumens de vos arts, (47) Et les filets prudens de ces longues antennes, Qui sondent devant vous les routes inccrtaines. Que j'observe de prés ces clairons, ces tambours, (48) Sigual de vos fureurs, signal de vos amours, Qui guidoient vos héros dans les champs de la gloire, Et soimoient le danger, la charge et la victoïre;  TR0IS1EME CHANT. 63 EnGn tous ces ressorts, organes merveilleux, (49) Qui sonfondent des arts le' savoir orguéillcux, Chefs-d'ceuvrcs d'une main en'merveilles féconde ,. Dont un seul prouve un Dieu, dont un seul vaut un monde. Tel est le triple empire a vos ordrcs soumis. De nouveaux citoyens sans cesse y sont admis. Cette ardeur d'acquérir que chaque jour augmente, Vous embellira tout; une pierre, une plaate, Un'insecte qui vole, une fleur qui sourit, Tout vous plait, tout vous charme, et déja votre esprit Voit le rang, le "g-radin-, la tablette fidéle, Tout prêts i recevoir leurs richesse nouvelle; Et peut-être en seeret déja vous flattez-vous Du depit d'un rival et d'un voisin jaloux. Li les yeux soht charmés, la pensée est active, L'imagination n'y reste point oisive; Et quand par les frimats vous êtes retenus, Elle part, elle vole aux lieux, aux champs cönnus; Elle revoit Ie bois, le coteau, Ia prairie, Ou, s'öflrant. tout-a-coup a votre rêverie Une fleur, un arbuste, un caillou précieux Vint suspendre vos pas , et vint frapper vos yeux. Et lorsque vous quittez enfin votre retraite Combien des souvenirs 1'illusion secrète. Des campagnes pour vous embellit le tableau.' La votre ceil découvrit un insecte nouveau; Ici la mer, couvrant ou quittant son rivage ' Vous fit don d'un fucus, ou d'un beau coquillage: Lü sortit de la mine un riche échantillon; Ici, nouveau pour vous, un brillant papillon Fut surpris sur ces fleurs., et votre main avide De son règne incomplet courut remplir le vide. Vous marchez: vos trésors, vos plaisirs sont par tout; Cependant arrangcz ces trésors avec gefit;  XROISIEME CHANT. Que dans tous vos cartons un ordre heureux réside.. Qu'a vos compartimens avec gr ace préside La propreté, 1'aimable et simple propreté , Qui donne un air d'éclat même 4 la pauvreté. Sur tout des animaux consultez 1'habitude; Conservez 4 chacun son air, soa attitude, Sonmaintien, son regard. Que 1'oiseau semble encor, Perché sur son rameau, méditer son essor. Avec son air fripon montrez-nous la belette A la mine allongée, 4 la taille fluette; Et, sournois dans son air, rusé dans son regard, Qu'un projet d'embuscade óccupe le renard. Que la nature enfin soit par tout embellie, Et mèmc après la mort y ressemble 4 la vie. (50) Laissez aux cabinets des villes et des rois Ces corps oü la nature a violé ses lois, Ces foetus monstrueux, ces corps 4 doublé tête, La momie 4 la mort disputant sa conquête, Et ces os de géant, et favorton hideux Que 1'être et le néant réclamèrent tous deux. f51.') Mais si quelqu'oiseau cher, un chien, ami fidéle , A distrait vos chagrins, vous a marqué son zèle, Au lieu de lui donner ces honneurs du cercueil Oui dégradent la tombe et profanent le deuil, Faites-en dans ces lieux la simple apothéose: Que dans votre élysée avec gr4ce il repose! C'est 14 qu'on veut le voir; c'est 14 que tu vivrois, O toi dont Lafontaine eüt vanté les attraits, O ma chère Raton, qui, rare en ton espèce, Eus la gr4ce du chat et du chien la tendresse; Qui, fiére avec douceur et fine avec bonté, Ignoras 1'égoïsme 4 ta race imputé. L4 je voudrois te voir, telle que je t'ai vue, De. ta raolle fourrurc élégamment vêtue,  TROISIEME CHANT. C$ ' /ffectant 1'air distrait, jouant 1'air endormi, Epier une mouche, ou le rat ennemi, Si funeste aux auteiirs, dont la dent téméraire • Ronge indifféremment Dubartas (52) ou Voltaire ; Ou telle que tu viens, minaudant avec art, Be mon sobre diner solliciter ta part; Ou bien, le dos en route et la queue ondoyante,. Oflrir ta douce hermine a ma main caressante Ou déranger gaiment par mille bouds divers Et Ia plume et la main qui t'adressa ces vers. Fin iu iroisüme Cbattr.  QUATRIÈME CHANT. Ooi, les riclies aspects et des champs et de 1'onde! (O D'intéressans tableaux som la source féconde: Oui, toujours je revois avec un plaisir pur Dans 1'azur de ces lacs briller ce ciel d'aztir, Ces fleuves s''épancher en nappcs* transparentes, Ces gazons serpenter le long des eaux erramas, Se noircir ces forêts et jaunir les moissons, En de rians bassins s'enfoncer ces vallons, Les monts porter les cieux sur leurs tëtes hautaine» Et s'éréndre a ieurs pieds 1'immensitr des piaiflês; Tandis que, colorant tous ces tableaux divers, Le soleil marche en pompe autour de 1'univcrs. Heureux qui, contempl&nt cette scène imposante, Jouit de ses beautés! plus heureux qui les chante! Pour lui tout s'embellit; il rassemble a son choix Les agrémens épars et des champs et des bois, Et dans ses vers brillans, rivaux de la nature, Ainsi que des objets, jouit de leur peinture. Mais loin ces écrivains dont le vers ennuyeux Nous dit ce que cent fois on a dit encor mieux! Insipides rimeurs! n'avez-vous pas encore Epuisé, dites-moi, tous les parfums de Flore? Entendrai-jc toujours les bonds de vos trojipeaux ? Faut-il toujours dormir au bruit de vos ruisseaux? Zéphir n'est-il point las de caresser la rose, De ses jeunes boutons dcpuis long-temps éclosc? Et 1'écho de vos vers ne peut-il une fois Laisser dormir eu paix les échos de nos bois?  «UATRIEMB CHANT. 67 Peut-on étre si'pauvre; en chantant Ia nature? Oh! que-,-plus varié, moins vague en sa'peinture, Horace nous décrit en vers delicieus Ce püle peupüer, ce pin audacieux, Ensemble mariant leurs rameaux frais et sombres, Et prê'tant au buveur Phóspieé de leurs ombres; Tandis qu'un clair ruisseau, se hdrant dans son cours, Fuit, roule et de son lit abrège les détotirs! (2) La nature en ses vers setnble toujours nouvelle, Et vos vers, en naissant, sont déji vieux comme elle. Ah! c'estque, pourilespeindre, il faut aimer les champs! Mais souvent, insensible it leurs charmes touchans, Hes rimeurs citadins la muse peu champêtre Les peint sans les aimer, les peint sans les connoitre; A peine ils ont goüté la paix de leur séjour, La fraicheur d'un beau soir, ou 1'aube d'un -beau jour. Aussi lisez leurs vers; on connolt a leur style Dans ces peintres des champs les amis de Ia ville. Voycz-les'prodiguer, toujours riches de mots, L'émeraude des prés et Ie cristal des flots, L'Aurore, sans briller sur un tróne d'opale, Ne peut point éclairer Ia rive oriëntale; 'Le pourpre et le saphir forment ses vêtemens. Répand-elle des fleurs? ce sont des diamans. lis vont puiser-a Tyr, vont chercher au Potose, Le teint de la jonquillc ct celui de la rosc. Ainsi, d'or et d'ar-gent, de perles, de rubis, De la simple nature ils chargent les habits, Et. croyant 1'embellir, leur main la défigure. Puisque la poësie est sceur de la peinture, Ecoutez de Zeuxis ces. mots trop-peu connus. Un artiste novice osoit peindre Vénus. Ce n'étoient point ses traits et ses gr3ces touchmtes, D'un buste harmonieux les rondeurs élégantes,  QUATK.IEME CHANT. Ces contours d'un beau sein, ces bras voluptueus; Ce n'étoit point Vénus: son pinceau fastueux. Avoit prodigué 1'or, I'argent, les pierredes, Et Cypris se perdoit sous d'amples draperies. Que fais-tu, malheureux? dit Zeuxis irrité; Tu nous peins la richesse, et non pas Ia beauté! Rimeur sans goüt, ce mot vous regarde vous-mcme; Je le repète, il faut peindre ce que 1'on aime. N'imitez pas pourtant ces auteurs trop soigneux, Qui, des beautés des champs amans minutieux, Préférant dans leurs vers Linnéus ü Virgile, Prodiguent des objets un détail inutile ; Sur le plus vil insecte épuisent leurs pinceaux, Et la loupe a Ia main composent leurs tableaux: C'est un peintre sans goüt, dont le soin ridicule. En peïgnant une femme, imite avec scrupule ' Ses ongles, ses cheveux r les taclies de son sein, Vous, peignez plus en grand.. Au retour du matirr Avez-vous quelquefois, du sommet des montagnes, Embrassé d'un coup-d'ceil la scène des campagnes, Les fleuves, les raoissons, les vallons, les coteaux, Les bois, les champs v les prés blanchis par les troupe aoxi, Et, dans 1'enfoncement de 1'horizon bleuStre, Be ces monts fugitifs le long amphithéatre? Voila votre modele. Imitez dans vos vers Ces masses de beautés et ces groupes divers. Je sais qu'un Peintre adroit du fond d'un paysage De quelqne objet saillant peut détacher .'image; Mais ne choisissez point ces objets au hassard; Pour la belle nature éptiisez tout votre art. Cependant laissez croire a Ia foule grossière Que la beile nature est toujours réguliére: Ces arbres arrondis, droit ct majestueux, Peignez-les, j'y consens. Mais ce tronc tortueux,  «UAI5IKMI CHANT. 69 Qui, bizarre en sa masse, informe -en sa parure Et jetant au hasard des toufFes de vcrdure, ' Etend ses bras pendans sur des rochers déserts, Dans ses brutes beautés mérite aussi vos vers. Jusque dans ses horreurs la nature intéresse. Nature, ó séduisante et sublime déesse, " 'Que tes traits -sont divers! Tu fais nai'tre dans mol Du les plus doux transports, 011 Ie plus saint effroi. Tantót, dans nos vallons, jeune, frafche et brillante Tu marches, et, des plis de Ia robe flottante Secouant la rosée et versant les couleurs, Tes mains sément les fruits, la verdure. et les fleurs: Les rayons d'un beau jour naissent-de ton sourire; De ton soufflé léger s'exhale le zéphire, Et le doux bruit des -eaux, Ie doux concert dés bois Sont les acccns divers de ta brillante voix. Tantót, dans les déserts, divinité terrible Sur des sommets glacés placant ton tróne horrible Lè front ceint de vieux pins s'cntrechoquant dans 1'air Des torrens écuraeux battent tes flancs; 1'éclair Sórc de tes yeux, ta voix est la foudre qui gronde Et du bruit des volcans épouvante le monde. Oh! qui pourra saisir dans leur variété De tes riches aspccts la changeantc beauté? Qui peindra d'un ton vrai tes ouvrages sublimes, Depuis lés monts altiers jusqu'aux profonds abymes; Depuis ces bois pompeux dans les airs égarés Jusqu'a la violette, humble amante des prés? Quclquéfois, onbliant nos simples paysages Cherchez sous d'autres cieux de plus grandes images: Passez les mers; volez aux lieux ou le soleil Donne aux quatrc saisons un plus riche appareö. Sous le ciel éclatant de cette ardente zóne Montrez-nous 1'Orénoqnc ct 1'im'mense Amazone,  7° QUATRIEME CHANT. Qui, fiers eafans des monts,. nobles rivaux des mers, Et baignant la moiüé de ce vaste univers, Epuisent, pour former les trésors de leur onde, Les plus vastes sommets qui dominent le monde; Baignent d'oiseaux brillans un innombrable essaim; De masses de vcrdure enrichissent leur sein: Tantót, se déployant avec magnificence , Voyagent lcntemcnt, et marchent en silcnce; Tantót avec fracas précipitent leurs flots, De leurs mugissemens fatigucnt les échos,. Et semblent, a leur poids, a leur bruyant tomierre, Piutót tomber des cieux que rouler sur la terre. Peignez de ces beaux lieux les oiseaux et les fleurs, Oü le ciel pródtgua le luxe des couleur?; De ces vastes foréts 1'immensité proi'unde, Noires comme la nuit', vicilles comme le monde; Ces bois indépendans, ces champs abandonnés; Ces vergers, du hasard eüfans désordonnés; Ces troupeaux sans pasteurs, ces moissons sans culture, Enfin cette imposante et sublime nature, Prés de qui 1'Apennïn n'est qu'un humble cótcau, Nos foréts des buissons, le üanube un ruïsseau, "(antót de ces beaux lieux, de ces plaines fécondes , Portez-nous dans les champs sans vcrdure, sans ondes, D'oü s'exile la vie et la fécondité. Peignez-nous, dans leur triste et morne aridité, Des sables africains 1'espace solitaire, Qu'un limpide ruisseau jamais ne désaltère: Que 1'ardeur du climat, la soif de ces déserts, Embrase vos tableaux et brüle dans vos vers; Que 1'hydre épouvantable a longs plis les sillonne; Que, gonflé du poison dont tout son sang bouillonne, L'affreux dragon s'y dresse, et de sou corps verraeil Allurae les couleurs aux rayons du soleil.  QUATRIEME CRANT. 71 Livrez 4 1'ouragan cette arêne raouvante; Que Ie tigre et 1'hyène y portent 1'épouvante, Et que du fier lion la rugissante voix Proclame Ie courroux du monarque des bois. Tantót vous nous portez aux Iimites du monde, Oü l'hiver tient sa cour, oü 1'aquilon qui gronde, Sans eesse fait partir de son tróne orageux Et le givre piquant et les flocons neigeux, Et des frimats durcis les balles bondissantes, Sur Ia terre sonore au loin retentissantes. Tracez toute 1'horreur de ce ciel rigoureux: Que tout le corps frissonne i ces récits affreux. Mais ces lieux ont leur pompe et leur beauté sauvage. Du palais des frimats préscntcz-nous 1'image; Ces prismes colorés: cc luxe des hivers, Qui, se jouant aux yeux en cent reflets divers, Brise des traits du jour les flóches transparentes; Se suspend aux rochers en aiguilles brillantes, Tremble sur les sapins en mobiles cristaux, D'une écorce de glacé entoure les roseaux; Recotivre les étangs, les lacs, les.mers profondes, Et change en bloc d'azur leurs immobiles ondes. Eblouissant désert! brillante immensité, Oü, sur son char glissant légèrement porté, Le rapide Lapon court, vole, et de ses rennes, Coursiers de ces climats, laisse flotter les rênes. Ainsi vous parcourez mille sites divers. Mais bientót, revenu dans des climats plus chers, Plus doux dans leur été, plus doux dans leur froidure, Et d'un ciel sans rigueur mblle température, Vous nous rendez nos prés, nos bois, nos arbrisseaux, Les nids de nos buissons, le bruit de nos ruisseaux; Nos fruits qu'un teint moins vif plus doucement colore; Notre simple Pales, notre modests Flore;  7* O.UATRIEWE CHANT. Et, pauvrc de conleurs, mais riche de sa -voix, Le rossignol encore enchantera nos bois. Mais n'allez pas non plus toujours peindre et decnte i Dans 1'art d'intércsscr consiste 1'art d'écrire. Souvent dans vos tableaux placez des spectateurs, Sur la scène des champs amenez des acteurs; Cet art de 1'intérêt est la source féconde. Oui, l'homme aux yeux de l'homme est 1'ornement du monde. Les lieux les plus rians sans lui nous touchent peu; C'est un temple désert qui demande son dieu. Avec lui mouvement, plaisir, gatté, culture; Tout renait, tout revit: ainsi qu'a la nature, La présence de l'homme est nécessaire aux arts; C'est lui dans vos tableaux que cherchent nos regards, Pcuplez donc ces coteaux de jeunes vendangeuses, Ces vallons de bergers, et ces eaux de baigneuses, Qui, timides, i peine osant aux Hots discrets ConSer le trésor de leurs charmes secrets, Semblent en trcssaillant, dans leurs frayeurs extrêmes, Craindre leurs propres yeux, et rougir d'elles-mêmes; Tandis que, les suivant sous le cristal de l'eau, Un faune du feuillage entr'ouvrc le rideau. Que si l'homme est absent de vos tableaux rustiques, Quel peuple d'animaux sauvages, domestiques, Couragcux ou craintifs, rebelles ou soumis, Esclaves paiiens ou généreux amis, Dont Ie lait vous nourrit, dont vous filez Ia laine, D'acteurs intéressans vient occuper la scène? Ceux qui de Wouvcrmans exercoient les pinceaux, Qui du riant Berghem animoient les tableaux , Ne vous disent-ils rienf La lyre du poëte Ne peut-cllc du peintre égaler la palette? Ah! soycz peintre aussi! venez; ii votre voix Les hótes de Ia plaine et des monts et des bois  iJBATRIEME CHANT. S'en vont donner la vie au plus froid payfage. La , Hés qu'un vent léger fait frérair le feuillage, Aussi trerhblant que lui, le timide chevreiiil Fuit, plus prompt que 1'éclair, plus rapide que 1'oeil: Ici, des prés fleuris paissant 1'herbe abondante, La vache gonfle en paix sa mamelle pendante, Et son folStre enfant se joue.a son cóté. Plus loin, fier de sa race et sur de sa beauté, S'il entend ou le cor ou le cri des cavales, De son sérail nombreux hennissantes rivales, Du rempart épineux qui borde le vallon, Indocile, inquiet,.le fougueux étaloa S'échappe, et, libre enfin, bondissant et superbe Tantón d'un pied léger a peine effleure 1'herbe, Tantót demande aux vents les objets de ses feux; Tantót vers la fraicheur d'un bain voluptueux, Fier, relevant ses crins que le zéphir déploie, Vole et frémit d'orgueil, de jeunesse et de joie: Ses pas dans tous vos sens retentissent encor. (3) Voulez-vous d'intérêts un plus riche trésor? Dans tous ces animaux peignez les moeurs humaines; Donnez-leur notre espoir, nos plaisirs et nos peiues. Et par nos parsions rapprochez-Ics de nous. Envain le grand Buffon, de leur gloire jaloux Peu d'accord avec soi dans sa prose divine, Voulut ne voir en eux qu'une adroite machine, Qu'urte argile mouvante, et d'aveugles ressorts D'une grossière vie organisant leurs corps: Buffbn les peint; chacun de sa main immortelle Du feu de Prométhée obtint une étincelle: Le chien eut la tendresse et la fidélité, Le bceuf, Ia patience et la docilité; Et fier de porter fhomme, et sensible 41a gloire, Le coursier partagca 1'orgueil de la victoire, D  74 QUATRIEME CHANT. Ainsi chaque animal, rétabli dans ses droits, Lui dut un caractère et des mceurs et des lois. Mais , que dis-je ? déji! 1'auguste poësie Avoit donné 1'exemple a la philosophie. C'est elle qai toujours, dans ses riches tableaux, Unit les dieux a l'homme, et l'homme aux animaux. Voyez-vous dans Homère, aux siècles poëtiques, 'Les héros haranguant leurs coursiers héroïques? Ulysse est de retour, ö spectacle touchant! Son chien le reconnoit, et meurt en leléchant. Et toi, Virgile, et toi, trop éloquent Lucrèce, Aux mceurs des animaux que votre art intéresse! Avec le laboureur je détèle , en pleurant, Le taureau qui gémit sur son frère expirant, (4) Les chefs d'un grand troupeau se déclarent la guerre: Au bruit dont leurs di!bats font retentir la terre , Mon ccil éjaouvanté ne voit plus deux taureaux; •Ce sont deux Souverains, ce sont deux fiers rivaux, Armés pour un empire , armés pour une Hélène, Brülant d'ambition, cnflammés par la haine. Tous deux, le front baissé, s'cntrcclioquent; tous deux., De leur large fanon battant leur cou nerveux, Mugissent dé douleur, d'amour et de vengeancc. Le vaste Olympe en gronde, ct la foulc en silence Attend, intéressée a ces sanglans assauts, A qui doit demcurer 1'cmpire des troupeaux. (5) Voulez-vous un tableau d'un plus doux caractère ? Rcgardez la genisse, inconsolablc mère: Hélas! elle a perdu Ie fruit de ses amours! De la noirc fbrê't parcourant les détours, Ses longs mttgissemens en vain le rèdemariderit. A ses cris, que les monts, que les rochers lui rendent, Lui séul ne répond point; 1'ombre, les frais ruisseaux,. Roulant sur'des cailloux leurs diligentes eaus.,  QUATRIEME C E A 'N 'T. f$ :La saussaie encor frafchc et de pluie arrosée, Llierbe oïi trcmblentensor les gouttes de rosée» 'Rien ne Ia touche plus: elle va mille fois Et du bois ft I'dtable, ct de 1'étable au bois; S'en éloigne plaintive, y revient éplorée, Et s'en retoume enfin, seule et desespérée. (6) Quel cceur n'est point ému de ses tendres regrets! (7) ■Mime aux eaux, même aux'fieurs, même aux arbres muetSt La poësie encore, avec art mensongère, Ne pent-elle prêter une ame imaginaire? Tout semble concourir ft cette illusion. VoyeZ 1'eau caressaute embrasser le gason, 'Ces arbres s'enlacer, ces vignes tortueuses ■Embrasser les ormeaux de leurs mains amourcuses 'Et, refusant les sücs d'un terrain ennemi, ■Ces racines courir vers un sol plus ami. Ce mouvement des eaux et cet instinct dés plantes Suffit pour cnhardir vos fictions brillantes; Donnez-Icur donc ï'èssor. Que le jeune bouton Espère le zéphire, et craigne 1'aquilon! A ce Iys altéré versez 1'eau qu'il implore; Formcz, dans ses beaux ans, 1'arbre docile encore; Que ce tronc, enrichi de rameaux adoptes, Admire son ombrage et ses fruits empruntés ; Et, si lè jeune cep pródiguc son feuillage, DcmandCz gn'ce au fer en faveur de sou itge. Alors, dans ces objets oroyant voir mes égaux, La douce sympathie ft leurs biens, ft leurs maitx, Trouve mon cceur setisible, et votre heureuse adress» Me surprend pour xin arbre un moment de tendresse. II est d'autres secrets: quelquefois ft nos yeux D'aimables souvenirs cmbellisscnt les lieux. J'aimc en vos Vers cc riche et brillant paysage; Mais si vous ajoutez: „*Lft de mon premier agej D s  7j  »s N 8 T K s „ Mobiiitate pedum viget, et juvenijiter agris s, Exultans, revi florem mentirur, et armos „ (Astutat fraus prima lorre; tegit alite cursu; „ Conceptas ut spès adimens animumque -sequendi, „ Suadéat alterius latebras inquirers- cervi. ,, Mox ubi venantum, juga post frondentia, sese „ Abstulit ex oculis ; pedibus diffisus, ad a:tus ,, Vertit se solitos; recto nee tramite fertur, „ Sed per itus reditusque pedum vestigia turbat; ,, Vei curvis magnos spatiis vagus errat in orbes: ,i 1 urn leve corpus humi mittit proeul alite saltu , j; Indeprensa canes fallant ut signa sequentes. „ Pinguia si tnurum reperit per pascu», dorso „ Insilit; et costis hrerens, uterumque rigenti ,, Calce premens , celerare gradum jubet, ilia risu „ Concutiunt circum qui quadrupedante coloni ' ,, In bove prospectant equitantem et grandia ccelo „ Cornua tollentem cervum: novus lierbida cursor ,, Emensus sic arva, canes ubi lusit odoros, „ Desiliens fluit ad ttrram; tauroque relicto „ Vepre iatet, reputans sectim quaj'fraude tenacem „ Consilii, quibus aut ludat vafer«ïrtibus hostem. • „ Ambiguis ne cede dolis; oculoque fugacem „ Camporum per plana feram licet usque secutus, „ Ne breviora tarnen compendia qmere viarum: „ Observata canes retro vestigia cervi „ Circuitus per mille legant; ut deinde sequaces „ Signa pedum teneant, longo jam cognita cürsu. „ Lassus enim silvis iterum succedit opacis; „ Seque via; comitem cervis errantibus addens, „ Immiscet pacata suis armenta pcriclis; „ Alteriusve petens ramosa cubilia cervi, „ Excutit hunc tlialamis, qui viribus integer hosti w Concurrat, pedibus fretus Phceboque cadenti.  DU PREMIER. CHANT. 89 5) Hic dubios et voce canes hortare tubaqne; „ Et quorum tibi nota fides, Labrona, Melampum, „ Ichnobaten, Leucon, et Ilactora sa;pe vocatos „ Nomine compella jsroprio; qua; gloria tangit, ,, Exstimulatque canes, dominorum et laudis amanfesj ,, Tuque laborantes variarum errore viarum „ Confirma monitis catulos, si forte revisens „ Signa pedum, mutata fcrse vestigia noris. „ Ast ubi consimilis venit in certamina curser „ Par tetate, pares signans in pulvere plantas; „ Arbitrio dirimenda canum est res tota sequentum. ,, Nare recognoscunt illi sudore madcntem', Jamque via, longoque pedum ccrtamine lassum. „ Cervus enim longos cum vasta per sequora sudans ,. Explicuit cursus, graviorem expirat odorem, „ Quam cum mane, recens silvis egressus ab altis, ,, Prxpetibus summam plantis vix libat arenarn. „ Ergo vias hinc inde canes rimantur odoras, „ Atque ubi de numero quis fortunatior omni „ Nare fatigati relegit vestigia cervi, „ Continuo socios latrans compellat; at illi „ Altius erecto spectant cervice monentem, „ Despiciuntque, canes inter si nullius ille ,, Nominis est meritique; fidem sed si quis anili ,i Voce facit, Iongo miles veteranus ab usu „ Cognitus; accurrunt omnes, junctoque feruntur „ Agmine, dum resonis tandem latratibus actam ,, Effundant iterum spatiosa per sequora prtedam. „ Cervus ab antiquo silvte frondcntis abactus „ Hospitio, quamvisjam fractus et ilia pulsans, „ Spem tarnen ct cursu vires affectat anhelo; „ Donec ab aspectu longe semotus, onustum „ Ad dextram Isevamque caput ckmittit, et atgros  .9° n o t e s „ Molïtur titubans, exhausto robore, passus. ,. Prreüa si post longa canes videantur et ipsi „ Segnius ire; rccens atque integra turma labantes m Sustineat, socioque novas ferat agmine vires, » Jamque- fatigatam susp'iriaque ;egra trahentcm ■ j> Exagicans majore feram clamore, pavorem ai Augeat, et sola fractam formidine vincat. „ In celeri cum nuila super fiducia cursu, „ Nuila fuga?, spes nulla doli; qute sola salutis „ Occurrit via, pra-eipitem se cervus in altum >, Flumen agit: prono nantem rapit alveus amni; » Et cum jam pedibus gradiens contingit arenam,-j Ne qua fugara liquidum per iter vestigia prodant, » Per vada longa viam secat; egressusque fluento, „ Vix movet ignavo torpcnria frigore crura. „ Instabunt tepido catuli n-dere madcutes, 5, Oraque projectis pandentcs arida linguis. s, ÏKiieus ardor aget nando per flumina cervum f»-Veile sequii cohfbe audaces, et nave-parata ,, Transvehe, ne tepidos peuetrabüe frigus in artus ■ :, Gliscat-, et enervi solvat torpedine vires. „ Agmine partito, ripas hinc inde sagaci „ Nare.legant; ncctiquc ferte vestigia, lsstjtj „ -De via continuo latratibus agmina cogant. „ Haud procul inde metu cervus perculsus inerti, „ Sollicita capit aure sonos homiitumque cantimque; „ .Feralemque tubam, prasagia tristia mortis, „ Audit; et cxanimis quanquam trcpidusque, pavorem Coiaprimit ignavum, tumidasque recolligit iras: s, Sive suos ctiam moriens non exuat astus; ,r Sive novas addant suprema pericula vires. s, Ima sedens in terga, caput sublimis et armos n Erigit; K flu-j;s acCensus, turbid» diris  DO' PRE' MI ER C- HA N T." 91 „ Asperatora mihis; ut, qui pavet ipse, timorem ,, Incutiat, retroque canes avertat, inulto „ Vel nou indecorem timilus det sanguine vitanr. ,, Ergo lacessentes confusis vocibus hostes „ Provocat intrepido similis; frontemque minacera • ,, Arduus ostentans, parat horrida vulnera cornu. „ Circumstant magno catuli clamore.; nee audent. „ Ancipitis .propius tentare pericula belll. ,, Si quis erit rudis incauto .qui cominus hosterri „ Dente petat, subita prostratus nsorte , cohorten! „ Admonet arguto procul ore lacessere cervum, ,, Atque obstare fugoc; noto dtim-buc'cina cautu „ O'ptatos sonet interitus, spai samque per agros „ Tristia venantum vocet ad spectacula turmam. „ En vitae mortalis nabeur, quem gnudia fineni'„ Non tacita sine. tristitia, morsuque doloris, „ Percipit.ur multo quresita labore voluptas. ,, TEgcr enim h vit-p, posita spe, cervus inertcs „ .Coiüugit ad lacrymas; ct uexo popjite, fronten». „ Arborcam demittit humt, vitamque precatus „ Supplicit.er, tristes immurmurat ore querelas: „ Quo gemitu concussi aniini rniserantur, .et oraut Unanimes tanto vitam indulgere dolori. ,, Sed neque vcnator laeryrais, ne.c voce movetur .Supplicc; crudeli latus iramiserabilis euse „ Transadigit: reyolutus hund pede cervus .iniquara „ Tundi.t humum ; vitamque nigro cum sanguine fuudit.,> Ah! duplici saltem morti ne trade jacentem; „ Et stricto sit cura canes removere flagello, „ Intima ne lacerent avido prrecordia morsu. ,, /Etati tarnen indulge;-catulusque laborum „ Inscius, et duras rudis iustituendus ad artes, „ Discat inexperta dulcedine sanguinis a;stum „Eenre gravem, longo nee deinde fatiscere cursu."  fit N O T E s Nous avons cité les ven de Roucïer et de Vamére paree que leurs ouvrage ne sont pM entrc les raaius de tout le monde. Par la raison contraire, nous „e cnerons pas Ia belle description qu'a faite de la ehasse Sa'nt-Lan^ert, si le lecteur ne s« plaïsoit 4 [rouvw rassemblés et 4 comparer des vers écrits sur le méme sujet: nous y ajoutons celle de Thompson. Les Saisons, par Saint-lambert; fant,mnt. „ Mais 1'amomne offre encor d'autres an-iiscmens , ,. OU le courage et 1'art mènent a la victoire. s, Diane dans ses jeux se propose Ia gloire. „ Entendez-vous quel bruit retentie dans les airs, „ Et d'cchos eh échos roule dans ces déserts; ' li La Discorde, Belloue ou le Dieu de Ia guerre, ■ „ Par ce bruit effrayant mer.acent-ils la terre? „ De Ia vaste forét 1'espacc en est rempli. „ Dans ses sombres buissons Ie cerf a tressailli; ,, Au monarque des bois Ia guerre est déclarée. s, II a vu d'ennemis sa demeure entourée, »» Et des cWens dévorans , en groupes dispersés, ,. De distance en distance autour de lui placés. „ La Ie coursier fougueux, levant sa téte altière , n BondiVsant sous son mattrc et frappant labruyére, De Ia course tardive appelle les instant. ;, Mais onpart, il s'élance; et des sons éclatans, „ Sur les traces du cerf dont la terre est fcmpreirite, » Out conduit Ie chasseur au centre de 1'enceinte. „ Le timide animal s'épouvante ct s'enfuit, „ Et voit dans chaque objet Ia mort qui le poursuit. „ Sa route sur Ie sable est 4 peine tracée; j> II dévance en courant, Ia vue et la pensée, „ L'ceil Ie suit, et le cherche aux lieux qu'il a quittés  , u premier. chant. 0J „ Ses cruels ennemis, par le cor excités, „ S'élèvent sur ses pas au sommet des. montagnes, „ Ou fondent ft grands cris sur les vastes campagnes. ., Eftfayé des clameurs et des longs hurlemens, „ Sans cesse 4 son oreille apportés par les vents, „ Vers ces vents importuns il dirige sa fuite: ,, Mais ia.troupe implacable, ardènte ft sa poursuite, „ En saisit mieux alors ses esprits vagabonds. „ II écoute et s'élance , ecs'éléve par bonds; „ II voudroit ou confondre ou dérober sa tracé, „ Se dérober du sable , et voler dans l'espace, „ Hélas! il change en vain sa route ct ses retours. „ Dans le taillis obscur il fait de longs détours: „ II revoit ces, grands bois, théfttre desa gloire, Oü jadis cent rivaux lui cédoient la.victoire, „ Oü, couvert de leur sang, consumé de désirs, ,. Pour prix de son courage i! obtint les plaisirs. „ II force un jeune cerf ft courir dans Ia plaine, „ Pour présenter sa tracé ft la meute incertaine; ,, Mais le chasseur Ia.guide et prévient 'on erreur. ,, Le cerf est abattu, tremblant, saisi d'horreur ; ,, Son armure 1'accable, ct ;a téte est penchée ; ,, Sous son palais brülant sa langue est desséchée. ,, II entend de plus prés. des cris plus menacans, ,, Et fait, pourfuir encor, des efforts impuissans. ,, Ses yeux appesantis laissent tomber des larmes. ,, A Ia troupe en fureur il oppose ses armes: „ En vain le désespoir le ranime un instant; „ 11 tombe, se relève, et meurt en combattant." The Seasons by James Thomson; Autuum. i, Here the rude clamour of the sportsman's joy, n T&e gun fsist-thunderitg, and the winded.feera-»  :J4 "K O TES „ Woüld tempt the Muse to sing the rural game; „ How, in his mid-career, the spaniel struck, „ StifF, by the tainted gale , with open nose, „ Outstretch'd, and finely sensible , irahli full, ,, Fearful and cautious, on the latent prey; „ As in the sim the circiing covey bask ,, Tiicir varied plumes, and watchful cvery way , ,, Thro' the rough stubble turn the secret eye. „ Caught in the meshy snare, in vain they beat „ Thêir idle wings, intangled more and more: „ Nor on the surges of the boundless air, „ Tho' borne triumphant, are they safe; the gun, „ Glanc'd just, and sudden, from the fowler's cyc „ O'ertakes their sounding pinions; and again, i, Immediare, brings them from the towering wing „ Dead to the ground; or drives them wide-dispers'tS, „ Woiinded and wheeling various, down the wind. „ These are not subjects for the pcaccful Muse, „ Nor wifl she stain with such her spotless long; „ Then most dclighted, when she social secs The whole mix'd animal-creation round ,, Alive , and happy, 'fis not joy to her, This falsely-chearful barbarous game of dcath; „ This rage ofpleasure, which the restless youth ;, Awakes, impatient, with the glcaming morn; ., When beasts of prey retire, that all night long, „ Urg'd by neccssity, had rang'd the dhrk, „ As if their conscious ravage shun'd the light, „ Asltam'd. Not so the stcady tyrant man, „ Who with the thoughtless insolence of power „ Inflam'd, bevond the most-infuriate wr.ith „ Of tlic worst monster that e'er roam'd the waste , ï'or sport r.lone pursues the cruel chace, „ Amid the beamings of the gcntle dnys.  'DU PREMIER CHANT, 95 •„TJbpraid, ye ravening tribes., our wanton rage, „ For hunger kindies you, and lawless want; „ But lavish fed, in Nature's boiraty roll'd, .„ To joy at anguish, and deliglit in blood, „.Is what your horrid bosoms never knew. Poor is the triumph o'er the timid hare! Scar'd from the eorn, and now to some lone seat ,, Rctir'd: the rushy fen, the raggedfurze, „ Stretchd o'er the stony heath; the stubble chapt; „ The thistly lawi\; the thik entangled broom; „ Of the fame friendly hue, the wither'd fern; „ The fallow grotmd laid open to the sim , „ Concoctive; and the nodding sandy bank, Hung o'er the mazes of the mountain brook, „ Vain is her best precaution; tho'she sits „ Conceal'd, with folded cars; unsleeping eyes, „ By Nature rais'd to take the horizon in; „ And head couch'd close betwixt her hairy fcet, ,, In act to spring away. The s'cented dew „ Betrays her early labyrinth, and deep, ., In scattcred sullen openings, far behind, „ With every breeze she hcars the coming storm. „•But nearer, and more frequent, as it loads „ The sighing gale, the spr'mgs amaz'd, and all „ The savage soul of game is up at once : „ The pack full-opening, various; the shrill horn „ Resounded from the hüls-; the neigfting steed, „ Wild for the chace; and the loud hunter's shout; ,. O'er a weak, harmiess, flying creaturc, all „ Mix'd in mad tumult and discordant joy, „ The stag-too , singied from the herd, where long „ He rang'd the Branching monarch of the shades, „ Before the tempest drives. At iirst, in speed „ HC, sprightly, pms his fitith; and, rous'cl by fear,  96 N • T E S ,. Givcs all his swift acrial soul to flight; „ Against the brèeze he darts, that w.iy the more „ To leave the lesscning murderous cry behind: „ Deception short! tho' flecter than the winds „ Blown o'erthe keen-air'd mountain by the north, „ He bursts the thickets, glances tliro' the glades, „ And plunges deep iuto the wüdest wood; „ If sloiv, yet sure , adhesivp to the track Hot-steaming, uP behind him come again v Th' inhuman sout, and from the shady depth „ Expel him, circling thro' his every shift. „ He sweeps the forest oft; and sobbing sees ,. The glades, mild opening to the golden day; „ Where, in kind contest, with his butting friends „ He wont to struggle, or his Ioves enjoy. ,, Oft in the full descending nood he tries „ To lose the scent, and lavc his burning sides, „ Oft seeks the herd; the watchful herd, alarm'd, „ With selrish care avoid a brothcr's woe. n Wllat s1li>!l he do? His oncc so vivid nerves, „ So full of buoyant spirit, now no more „ In.^pire the course; but fainting breathless toil, „ Sick, seizes on his heart: he stands at bay; „ And puts his last weak refuge in despair. „ The big round tcars run down his dappled face; $> He groans in anguish; while the growling pack, „ Blood-happy, hang at his fair jutting chest, „ And mark his beautcous checker'd sides with gore. „ Of this enough. But^ if the silvan youth, „ Whose fervent blood boils- into violence, „ Must have the chace; behold, despiïing flight, „ The rous'd-up lion, resolute, and slow, ,, Advancing full on the protended spear, „ And coward-band, that circling wheel aloof.  BV NïMIU C1IAKÏ. |7< •„ "Slank from the crtvern nnd the troubled wood, j, See the grim wolf; on him his shaggy foe „ Vindictive fix, and let the rullïan die; » Or, growling horrid, as the brindled hoar ■ „ Grins feil destrnction, to the monster's heaft „ Let the dart lighten from the nervous arm. " {Nctc de f auteur.) "(4) Consulent leur exil, et chantent leur retour. Ces vers fttrent récités a i'académie , Ie jour oü M. 'de Malesherbes, recu dans ce corps, et M. de Choiseul, qui assistoit a cette réception, paroissoient après leur exil en public pour la première fois. Le public les nomma tous deux par ses applaudissemens. (JNote de ï'auteur.") (5) Soa meuble aecoutiimê, ses tivres favoris. On sait avec quelle grace et quelle attention le rot 'de Pologne, Stanislas Poniatowsky, recut la célèbre madame Ceoffrin. Èll'e retrouva, en arrivant dans 1'apfartement qui Iüi étoit destiné, les mémes meubles, les mêmes tableaüx, les mémes livres, qu'elle avoit laissés dans son appartement a Paris; et 1'affiitié attentive qui avoit -présidé a cet' arrangement, 'et 1'étonnémeut agréable qu'il lui causa, ne fut pas un des moitw dres pïaisirs qu'elle goüta dans ce voyage. OO L'ame de son ami dans i'edetir U PR È M IER CHANT. Ie* „ differens; de langue, de nations et de siècles; j'ai „ tflché de la faire simple, précise, dans le style „ lapidaire et autique; et pour rendre, dans Ie moindre ,1 nombre de mots possible, 1'hommage que des person„ nes illustres offrent, dans une retraite champêtre, aux „ grands écrivains qui charment leurs loisirs, je crois „ qu'il suffira de graver sur la pyramide : ,, les cieux des champs aux dieux des arts. „ L'inscription, comme vous le voyez, est écrite dans „ notre langue, ou plutót dans la vótre; elle vous ap„ partient par les grtlccs que vous lui prêtez, et j'oserai j, vous dire avec Voltaire: », Elle ut a tel, puisjue tu Centbillis. ., J'ai cru qu'une langue dans laquelle vous rendee ,, tous les jours vos sentimens et vos idéés ne pourroit ,, être indigne' d'aucun monument; je ne 1'ai trouvée „ insuflisante que pour exprimer toute la vénération, la ,, reconnoissance et le respect avec les quels j'ai 1'honneur „ d'être, etc." (Nett il Tautiur.") (8) Dis enfans in hameau til ist le grave maitrt. Quelques vers du portrait du pasteur, et de celu! du maïtre d'école, sont imités du charmant poëme d» Gojdsmith, The ieserted Village; et peut-être ne sera-t-on pas faché de trouver ici les vers du poëte anglois. E4  •l04 N O T ■ é „ Near yonder cop-e where once the garde* ;., „ And still where many a garden flowcr grows wöd; ' „ There, where a few torn shrubs the place discios:, „ The village preachcr's modest mansion rose. „ A man he was, to all the country dear, „ And passing ricii with forty pounds a ye'ar; „ Remets from towns he ran his godly race, „ Nor e'er had cfiang'd or wish'd to change his place y Unskilful he to fawn, or seek for pow'r; By doctrines fashion'd to the varying hour-, „ Far other aims his heart had learn'd to prize,. More bent to raise the wretched than to ris& „ His house was known to all the vagrant train, „ He. chid their wand'rings , but reliev'd their pair,,. „'.The long-remember'd bcgger was his gaest, „ Whose beard descending: swept lus aged breast ,, The ruin'd spendthrift, now no longcr proud, «, Glaijn'd kindred there and had his claim ailuw'd: ,, The broken soldier kindly bade oo stay; „ Sat by the fire, and talk'd the nigt awuy; Wept o'er his wouhds., or. tales of sorrö.w. donc; „ Shoulder'dhiscrutch,and shew'd now.iields were won,. „ Pleas'd with his guests, the goud man learn'd to g!o\v„ „ And quite forgot their vices iu their. woe; „ Careless their merits or their faults to scan, ,) His pity gave, ere charity bcgan. Thus to relieve the wretched was his pride, s, And e'en his failings lean'd to virtue's side; „ But in his duty prompt at ev'ry call, „ He watch'd and wept, he pray'd, and feit for all. „ And,, as a bird each fond endearment tries, „ To tempt her new-fledg'd offspring to the skies;. ,, He try'd each art, reprov'd each dull delay, „ AUur'd to brighter worlds, and led the way-  DU PREMIER C HA'Kr T. 10$ ,, Beside the bed, where parting life was laid, „ And sorrow, guilt and pain by turns distnay'd, „ Tlic rev'rend Champion stood. At his controul, Despair and anguish fled the struggling soul; „ Comfort came down the trembling wrctch to raise s „ And his last fault'ring accents whisper'd praise. , At church, with meck and unalfected grace, „ His lboks adorn'd the venerable place; Trtifh from his lips prevail'd with doublé sway, „ And fools who came to scoiF, rcmain'd to pray.. »» The service past, aroimd the pious man, „ With ready zeal, each honest rustic ran: s, E'en chidren follovv'd with endearing while, „ Andpluk'd his gown, to share the good nun's srtiile. His ready smile a parent's vvarmth exprest, „ Their welfare pleas'd him, and their cares distress'd „ To them his hcart, His love, his griefs were giv'n But all his serious thoughts had rest in heaven. „ As soine tali clilf that lifts its awful forrn, ,, Swells from the vale, and midway Ieaves the storm „ Tho'round its breast the rolling clouds are spread „ Eternal Sutishine setdes on its head. „ Beside you sti'aggling fence that skirts the way ,.. ' With blossomed furze unprolitably gay, ,, There, in his noisy mansion skill'd to rule, „ The village master tatight his little shool. „ A man severe he was, and stern to view; I knew him well, and ev'ry traant knew; „ Well'had the boding tremblefs learn'd to trac©' „ The day's disasters in his morning f%ce; „ Full weU they laugh'd with counterfeited glee „ „ At all his jokes, for many a joke had he; , „ Full well the busy whisper circling round, „ •Convey'a'the-dismal tidings when he frown'ds' E 5  iefl N • T Jtt s i, Yet he was kind, or if severe in anght, „ The love he bore to learning was in fault. The village all dcclar'd how much he knew; ,, 'Twas certain he could write and cypher too; Lands he could measure, terms and tides presage, „ And e'en the story ran that he could gage. „ In arguing too, the parson own'd his skill; „ For e'en though ranquish'd, he could argue still, Wbile words of learned length and thund'ring sound „ Amaz'd the gazing rustics rang'd around, „ And still they gaz'd, and still the wonder grew, „ That one small head could carry all he knew. ja But past is al his fame. The very spot, ai Where many a time he triumph'd, is forgot. * {Note de Taiiteur') (9) Jodis Caten enfant fut un boudeür sublimt, „ Caton, dés le commencement de son enfance, tant „ en sa parole qu'4 son visage, et en tous ses jeux et passe-temps, monstra tousjours un naturel constant, ,, ferme et inflexible en toutes choses: car il vouloit 4, venir 4 bout de tout cc qu'il entrepreuoit de faire, „ et s'y obstinoit plus que son aagc ne portoit; et s'il ,, se monstroit rebours 4 ceux qui le cuidoient flatter, ,, encore se roidissoit-il davantage contre ceux qui le „ pensoient avoir par menaces. II estoit difficile 4 „ esmouvoir 4 rire, et luy voyoit-on bien peu souvent „ Ia chere gaye Les peuples d'Italie „ alliez des Romains pourchassoient d'avoir droit de „ bourgeoisie dedans Rome, pour lcquel pourchas „ Pomptedius Sillo., estant particulièrement amy de „ Drusus, fut logé par plusieurs jours en sa maison, ,, taant lesquels syant pris famiUaritë ayec ses jeunes  DU PREMIER e H A N T. 107 „ enfans, il leur dit un jour: Or sus mes beau* eni, fans, intercedercz-vous pas pour nous envers vostre „ oncle, qtr"ïl nous veuille ajder a obtenir Ie droit de „ bourgeoisie que nous demandons? Caepion en se „ souriant, luy fit signe de Ia teste qu'il leferoit: mais ,, Caton ne rcspondit rien, ains regarda seulement ces* „ estrangers au visage, d'un regard fiché sans ciller. „ Adonc Pompsedius s'adressant a luy 4 part: Et toy, „ dic-il, beau fils, que dis-tu? ne veux-tu pas „ prier ton oncle de favoriser a ses hostes, comme ,, ton frére? Caton ne respondit point encore pour „ ccla, ains par son silence et par son regard monstra ^ qu'il rejettoit leur priere. A 1'occasion de quoy ,, Pompaedius 1'empoignant le mit hors de la fenestre, „ comme s'il 1'eust voulu laisser aller, en luy disant „ d'une voix plus aspre et plus rude que de coustume, ,, ct le serouant par plusieurs secousses en 1'air au dehors de la fenestre: Promets - nous donc, ou j, je te jetteray a bas. Ce que Caton endura, et lon„ guement, sans monstrer de s'effroyer ni s'estonner ,, de rien ,, Sarpedon menoit ordinairement Caton au logis, „ de Sylla, pour lui faire la cour: mais son logis en „ ce tems-li ressembloit proprement a voir unenfer ,, ou une geole, pour le grand nombre de prisonniers „ qu'on y menoit, et qn'on y gehennoit ordinairemtlit. ,, Caton estoit desia au quatorziesme an de son aage, et „ voyant qu'on aportoit leans des testes qu'on disoit ,, estre de personnages notables, de sorte que les assi,, stans souspiroyent, ct gemissoyent de les voir, il de,, manda a son maistre, comment il estoit possible qu'il „ ne se trouvast quclque homme qui tuast ce tyran-las „ Pour ce, luy respondit Sarpedon, que tous le crai. E 6  1Ö5 « 6 I t I „ gnent encore plus qu'ils ne le haïssent. Que se m'as-tu .doncques, repliqua-t-il, bailé une espee, „ afin que je le tuasse, pour delivrcr nostre pays d'u. „ ne si cruelle servitude? " Plütarqüe, Vie de Caton, trad. fJMiVK-  N O T E $ Dö SECOND C II A N T.. (ij Les fris alors si beaux de sa cbère Mantout* „ Et qualem infelix amisit Mantua campum, „ Pascentem niveos berboso flumine cycnos; etc." s, ... . Dans ces fris, ravis A ma cbire Mantoue, „ Oü le cjgne argentè sur tes ondes se joue, etc." V«»ile, Georg. L. II.. (_Note de Couleur.) „ Crèé des prés nouveaux, et le? ricbes sainfoins. Le nombre extrêmement varié des plantes que Pon trouve dans les prairies 'naturelle ; la végétation vigou«reuse des unes; la longue durée des autres , et 1'avidité rcmarquable des animaux pottr plusieurs d'entre elles, semblent avoir fait naitre 1'idée d'en cultiver quelquesunes séparément, et produit ce que 1'on nomme prairies artificielles, qui mettent le cultivateur a portée de nourrir pendant toute 1'année ses bestiaux a 1'étable, oü ils deviennent constamment plus beaux, et fournissent une plus grande quantité de lait. Ces avantages étoient connus des anciens, et des Romains 'sur tout, le premier de tous les peuples agrieulteurs. Ils cultivoient, pour leurs troupeaux, la luzerne, la vesce, les mélanges d'orge et d*avoine, le fénugrec, 1'ers, les pois, etc. G'est par Tadoption d'une pratiqüe aussi avantageusa E 7.  110 N O T E S que les Flamands, les Brabancons, les Suisses, les Alsaciens, les Anglois sur tout, ont élevé leur agiiculture a un degré de pcrfcction inconnu au reste de 1'Europe; qu'ils sont parvenus a faire succéder, sur le méme sol, et toujours avec succès, un grand nombre de végétauJC d'espéce et de nature dilférentes, et qu'ils ont établi comme Ia base Ia plus précieuse de 1'éeonomie rurale la méthode Oialterner. De tous les végétaux propres 4 former des prairies artificielles, ceux qu'on estiine le plus généralement» et avec raison, sont la luzerne, le sainfoin, le trcfle, et leurs dilférentes espèces. Les Romains mettoient /* luzerne au premier rang des plantes fourrageuses, Ils en avoient un soln extréme. Pline assure qu'on prolongcoit sa durée jusqu'a trcnte ans. Olivier de Serres, dans son langage énergique, appelle la luzerne la merveille du Diénage. On Ia coupe, dans nos contrées méridionales, jusqu'a cinq fois, et Duhamel affirmc qu'un arpent de terre médiocre , employé en luzerne, après avoir été bien préparé, lui a donné jusqu'a vingt mille livres de fourrage sec. Ce produit est sans doute excessif et sort de la proportio n ordinaire ; mais on peut établir comme régie générale } que la luzerne se coupe trois fois, que ces trois coupes réunies donnent environ cinq a six mille livres de fourrage , et que Ia durée moyenne de cette plante est de neuf a dix ans. ,La luzerne se platt dans les terrains' légers, sAbstantiels, profonds; elle craint également et 1'excès de sécheresse et 1'excès d'humidité; elle redoute une pctite chenüle noire qui dévore ses feuilles, etlevcr & hanneton qui attaque ses racines. Lorsqu'ou ladonne en vert aux bestiaux, elle leur cause des tranchées dangereuses, surtout quand elle est chargée de rosée; «uais cet inconvénient est ïacheté par tant davautages^  BUSECONT CHANT. UI qu'on peut juger assez sürement de la culture d'un pays par la quantité de luzerne qu'on y voit. C'est au seizième siècle que Pon a eommencé 4 cultiver le sainfiin. Cette plante inconnue aux anciens, transportée du sommet des montagnes dans les plaines, y a conservé cette sorte de rusticité qui la fait résister nux intempéries capables de détruire beaucoup d'autres végétaux. Les sables - qui gardent quelque fraicheur, les graviers, les craies, les marnes, et surtout les terres rougies par la cliaux de fer, lui convicnnent trés. bien; ses racines s'y enfoncent jusqu'a quinze ou vingt pieds. Le sainfoin est recherché avec avidité par toutes les -espèccs de bestiaux; il les échauffe , et peut, jusqu'a un certain point, suppléer 1'avoine pour les chevaux. L'épöque de la fleuraison du sainfoin est celle qu'il faut choisir pour le récolter: plus tót, il fond au point de rendre la récolte presque nulle; plus tafd, ses tiges devienhent dures et ligneuscs, et les bestiaux les rejettent. . On cultive en prairies artificielles plusieurs espèces de trèfle: mais Ie grand trèfle rouge ou triolet est celui qui est le plus généralement connu et qui mérite le plus de 1'être. Aucune plante fourrageuse ne croit aussi rapidement. Quelques mois après qu'il est semé , il offre déja au cultivateur une coupe qui le dédommage de ses peincs et de ses avances. C'est la seconde année surtout que .son produit est- réellement prodigicux. Lorsqu'il se trouve dans un terrain convenable et qu'on if couvre de chaux ou de platre en poudre, celui de tous les engrais qui favorise le plus puissamment sa végétation, elle est telle qu'on le coupe jusqu'a quatre fois, et qu'il donne, dans ces coupes réunies, six 4 sept mille livres de fourrage sec par arpent. Tout est gain dans la culture du trèfle , paree que c'est sur les  na »ot!», tcrres destinées a rester en jachères qu'on 1'étabIIr. Le trèfle se consommé surtout en vert. II procurc a toutes les femelles un kit très-abondant et de bonne qualité; il est recherché par toutes les espèces: il engraisse les cochons; mais il a 1'inconvénient de faire avorter les truies pleines. Si, lorsqu'on le donne en vert, on n'a pas le soin de le laisser essorer, il est sujet a pródaire des météorisations plus dangereuses encore que celles que cause la luzerne. Les résultats de Ia culture du mélilit, font désirer -qu'elle s'etende: les animaux le mangent avec plaisir; 51 vient plus facilement que Ia luzerne dans différens sols. Semé dans celui qui' lui convient le mieux il produit extraordinairement. La variété connue sou» le nom de mé/Hot Je Sihérie, est celle qui mérite la préférence. Les vesces, les gestes, les fois, les lentiHes , les en les lupins sont des plantes annuelles, dont on forme des prairies momentanées. On en forme aussi avec le seigle: 1'avoine, le maïs. On fauche ces plantes avant la formation de 1'épi: elles donnent un fourrage trèsabondant et très-nourrisfant; le maïs surtout engraisse très-promptement les bestiaux et Ia volaille. La spargule est cultivée avec succès dans le Brabant On estime bcaucoup le lait des vaches qui en sont nourrics. ainsi que le beurre qui en provient, auquel on donne même le nom de beurre de spargule. C'est une plante annuelle, qui réussit assez bien sur les sables qui ne sont pas extrêmement dépourvus d'humidité. La spargule se donne en vert; elle a 1'avantage de n'occuper la terre que pendant la saison destinée a la jachère. Le meilleur ouvrage qui existe sur les prairies artï-ficiellcs, est celui de G;!bert, directeur de PëëtiK vétérinaire d'Alfort,  o u s e c o N d C H A N t. lij Extreit tfmi mémoire sur le méme sujet, par J. B. Dubois, niembn de la sociêti d'agriculiute de Paris. (3) Comme iTun sol ingrat, triompba de Pmvii, „ C. Furius Cresinus, e servirate liberatus, cum in ,, parvo admodüm agello largiores multo fructus perci3 , peret, quam ex amplissimis vicinitas; in invidia „ magna crat, ceu fruges alienas. peiiiceret veneficiis. Quam ob rem a Sp. Albino cifruli die dicms metuens damnationem, cum in suffragium tribus ,, oporteret ire, iustrumentum rusticum omne in forum „ attulit, et adduxit familiam validam, atqne (ut ait 3, Fiso) bene curatam et vestitam-, ferramenta egregte 3, facta,'graves ligones, vomeres ponderosos,- boves 5, sauiros. Postea drxit: Veneiicia mea-, Quirites, btec „ sunt: nee possum vobis ostendere aut iu forum addu- cere luenbrationes meas-, vigiliasque et sudores" », Omnium sententiis absolutus titaque >estv profecto , opera, non impensa, cultura .constst. Et-ideo ma,, jores fertilissimum in agre oculum domini ess* ,, dixerunt." Plinii Hist. nat.; Lib. xvm. Sect. vut. (4) Laissez-la ces projes recueillis par Rezier.. M. 1'abbé "Rozier, célèbre par ses connoissances en agriculture, ne prétendoit pas répondre de tous les mémoires qu'il inséroit dans son estimabie recueil. Plusieurs renfermoient des vues utiles, d'autres proposoient des procédés inexécutables, et plus séduisaras dans  "4 N O T E S Ia théorie que facilcs dans la pratique; 1'auteur devoitr faire connoitre les inventions bonnes ou mauvaises, {.Nete Je fauteur.') (5) Tel Ja Alpes neus vint li cytise riant. Cet arbre, de moyenne grandeur, y croit naturellemcnt. II porte au mois de mai de belles grappcs de fleurs jaunes et longues. Sou bois est dur ct d'une couleur d'ébène, verte et jaun'itre, avec des veines brunes; ce qui le fait ressembler nu bois des lies, II est précieux pour les tableticrs et les tourneurs: on en fait en Suisse des instrumcns de ruusique. On ne couno't pas au juste le cytise des anciens, pour lequel les chèvres avoient un goüt décidé, et qui avoient la pr»priété de donner aux vachcs du lait en abondance. » Flcrtntem cytisum sequitur tascive capilla 5, Sic cytisopastée Jistenlentuiiravacctt."ViR.CiL.iaBuCot. Le cytise que 1'on cultive en differens pays est u» arbrisseau qui ne peut servir de fourrage qu'en dié. (6) Ainsi pleure, inelinê, li snuit tOriënt. Tournefort est le premier qui a fait connottre ce saule a branches inclinèes, surnomraé le pleureur, et qui placé dans un bosquet prés d'un monument sépulcral , est effectivement 1'arbre le plus propre ii inspirer la tristesse. II est même vraisemblable que 1'Europe le doit it cc naturaiiste. Un autre saule du Levant, décric par Linné , est un bel arbre a feuilles d'olivier argentécs, dont les Beurs exhalcnt unc odeur suave, mais qui dtipèriroit dans nos climats.  Btl SÏ-COND CHANT. ui (7) Le peuplier reent ses frites i'Italie.^ , C'est un grand arbre dont ilya trois espèces principales: Ie peuplier blanc, le peuplier uoir, et le peuplicr tremble, désigné ordinairement sous le seul nom de tremble. Le peuplier i'Italie se fait distinguer des autres peupliers, en ce que ses branches sortent droit de son tronc, qu'elles en 'sont plus rapprochèes, ct donnent 4 1'arbre la forme d'une pyramide. II se multiplie avec la plus grande facilité, et croir. en très-peu de temps. A. peine les arbres ordinaires commencent-ils 4 paroitre que celui-ci n'existe plus. Après quinze ans de plantation, il donne 4 son propriètaire un produit considérable. On assure que trente arpens de ce bois 4 couper, valent en Italië de quatre-vingt 4 cent mille francs. (8) Le cèdre implrial itsceniit iu Libtin. Le premier cèdre qui ait' réussi en France est celui du jardin des plantes. L'épithète impérial convient 4 cet arbre, qui semble commander 4 tous les autres arbres. on sait au reste qu'il n'y a plus que trds-peu de tiges de cèdre sur le Liban; mojs, par compensation, il commence 4 multiplier beaucoup dans les jardins anglois. (9) Ces pint nourrissens ie CEetsse iti ie la Virginie. Le pin i'Ecasse, appelé aussi pin de Genève, a, dan» ia gaine, deux feuilles courtes, et les strubiles petits et blanchitrcs.  N 'O T E S- I-e pi„ de Virginie a trois feuilles longues et gréles, sonant do chaque gaine, et les strobiles hérissés de Jjófiitres.'™ ö e v- " '. •-">'■ ui fj nu nj'D (10) Li thuya voas ramcne aux plaims de la Chine. Ou donne au thuya le nom tfarbre dt vit, paree qr. i! se conserve en pleine terre avec ses feuilles, été et hiver. Le premier qu'on ait vu en Europe fut apporté a Frnncois I". II y-en a de plusieurs espèces . au jardiii des plantes. Au commencemont du printemps cet arbre porte des fleurs mSles et des fleurs femelles sur Ie méme picd. Le thuya du Canada porte des fruits un mois plus. tót que celui de la Chine; ses rameaux se répandent en ailes, et ses feuilles ressemblenticel le du c/près. Placé dans u:t bosquet, par le vert obscur de sem feuillage, il fait en quclque sorte valoir celui des arbres qui 1'avoisinent. CM) VarJ/re dt. Judèc. Ln dénomination proprc de cet arbre est celle d' % .de Judas; la première, vulgaircment adoptée en Frarfce*1-, se trouve dans Ie Dictionnaire des Jardiniers de'F'iifT. De l Ëclüse a dit, il y a deux cent ans, vulgus lerï'irierutn arhorem Juds vacant.. (12) Et, sans lait pour ten fils, la mirt curtpitnnt Le remet dans l'Asie u la femme indienne. Ce n'est pas faute de lait; mais, sous la Zone torride, 1'influence de la chaleur le rend si amer que son ■nourrisson Ie refuse. Ce fait, consigué dans 1'Hiftoire de 1'académie des sciences de Paris, au 1707, a ére  i-ü s 'E' c o N d c It a ii f. II? adopté par Haller dans sa Physiologic. Quant a la reproduction des tigres et des lions, elle est a»surément très-rare en Europe. Des lionceaux nés dans la tour de Londres én 1750, et morts en 1762; de petitstigres nés dans Ia même tour en 1797; d'autres dans laménagerie de 1'empereur Léopold, etc., ne font pas preuve ■contre les observations énoncées 'dans cctté tirade. D'ailleurs, famam sequere, dit Horace. (13) De leur course rivale entrelassent les jeux. * On a essayé ici de rendre texuntqne fugas de Virgile} ^Jneid. Liv. V; (Note de fautear.y (14) Èut enfin son aasomne et connut le printempt. ,. Figurez-vous," dit Ie baron de Riedese!, Voyage en Sicile et dans la grande Grèce, en parlant de Malte, ,,. un rochcr pelé et très-dttr, dont Ia première croüte, ,, enlcvée avec des instrumens de fer, pilée et pélayée ■„ avec de 1'eau, a été convertie eu terre, et a continué d'être misc en valeur par ses infatigables habitans." Pour former des jardins sur ce rocher aride, les Maltais aisés font venir du terreau de Ia Sicile, et, selou Volney,. Voyage en Syric, Ia même industrie a été employéc avec succès par les religieus du mopt Siuaï. (15) O riant Gcmlnos'. 6 vallon fortmié! Gemenos est un des vallons les plus riciies ct les plus rians.de. Ia Provence. II est situé sur Ia route de Marseille a. Tonton.' Le malheurcux M. d'AIbcrtas, égorgi daus sDn..}aïdiii,,.au muieu.4'uae fete; cjii'il dounoit aux  ItS » o t e s villages voisins, a créé auprès de son chateau un des plus magnifiques jardins anglois qiü existent ; une vieille èglise de Templiers y présente une ruine plus naturelle et plus imposante que la plupart de celles dont on prétend cmbellir nos jardins moder»es. , Mais loin ces monumens , dont Ia ruine fcinte j, Imite mal du temps 1'inimitable empreinte ; ,, Tous ces temples anciens récemment contrefaits, „ Ces restes d'un chateau qui n'exista jamais, „ Ces vieux ponts nés d'hier, et cette tour gothique, „ Ayant 1'air dèlabré sans avoir 1'air antique: Artificc a la fois impuissant et grossier! Je crois voir cet enfant tristement grimacier. ,, Qui, jouant la vieillcsse et ridant son visage, Perd, sans paroitre vieux, les grlces du jeune ége. e Les Jaruins; Ch. tv. J'ai cru devoir a ce lieu charmant, oü j'ai échappé aux rigucurs du fameux hiver de 1769, cette marqué de souvenir et ce témoignage de reconnoissance. (.Niti dt l'auteur.~) (19) Veus payt ih peu de temps les frats de laVictiire. M. de Paynes, procureur-général des états de Pro» vence, a augmenté le revenu d'une de ses terres de 12000 livres, par le procédé utile et courageux que j'ai essayé de décrire dans ces vers. (Notc de l'auttur.) (17) Au seinde ses vallons, Linie sent teur-i tuur, ite, „ Hinc procul extremis Americte in finibus, oram ^Equoream propter, medius Sol imminet urbi, Qu«n dixere Limam: Phcebo propiore calentej  du sec9nd chant. Ut) ,, Tcmperat aura dies, qu;e frigida raane propinquo „ Spirat ab Oceano: cum Vespere lassa quievit, ,, Succedit variatque vices advers», nivosoa „ Qua; moutes gelidosque madens prasterfluit amnes. Perpecuo cives ibi Vere fruuntur,et annus „ Labitur usque sui similis: silet arbor, ann'co if Fonte carens, flores eadem fructusque rigaiuis Agricohe parit arbitrio; totumque per annum » Nullus ab innubi Heet rethere decidat imber, „ Non arent tarnen arva siti: sed hiantibus haustain ,,. Ut puteis Iympham multo sudore per hortos ., Spargimus; in rivos ita per sata pinguia ducunc „ Flumcn, et arboreos vel aquarum copia fcetus „ Quo placet agricolis maturat mense, vel anni „ Tempus ad extremum lympha; penuria difFert. " Vanikrh Puaedium rusticum; L. VI. Cl8) Dont leng-temps fignoratici benora Rome antiqnt L'on avoit cru long-temps que 1'aqueduc ancien, que E.iquet a fait entrer dans 1'admirable construction de son canal, étoit I'ouvrage des Romains; il étoit celui des moines. Cependant d'autres prétendent que cet ouvrage a été exécuté dans le dixième siècle; que le desséchement fut entrepris par plusieurs gentilshommes des environs, qui en obtinrent la permission de 1'archevêque de Narbonne, k qui 1'étang apartenoit. L'auteur du poëme de 1'Agriculture dit avoir tcnu en main 1'acte de concession et d'autres pièces analogues a cet acte. Quoi qu'il en soit, Ie fameux canal qui joint It Méditerranée a 1'Océan, a été construit par ordre de Louis XiV, an 1666, et fi»i en ic58o. Paul Riquet es»  ijo ( w O T e s . l'homme de genie auquel I» France dok cet om-ra** aussi hardi qu'utiie. D (I?) Du fabukux , Nee satis id fuerat: rigidum fera dextcra cornu , Dum tenet, infregit; truncaque a frontc revellit. „ Naïdcs hoe, pomis. ct odoro flore repletum, Si Sacrarunt; divesque meo bona.Copia cornu est. " Ov.dh Mktamorpij. L, IX  1D SECOND CHANT. tSJ (ao) Let flots ttmultneux rugissent a Tentotir. Les papiers publiés viennent de rapporter un événement pareil arrivé a 1'ile de Wigat, dont une partie s'est détachée avec une nuison et les arbres qui s'y irouvoient.  TST O T E 5 DU TROISIEME CHANT. (0 Ces leis, noirs alimens des volcans epflanmis> O» a voulu renfermer dans I'expression Ia plus succincte les dirTcrcntes matières que Ia nature emploie pour 1'entretien des feux volcaniques. II paroft néanmoins, par les expériences de plusieurs jehysiciens cdèbres, que les bois et tous les végétaux fossiles ne sont pas les seules matières propres 4 entretenir les feux souterrains Lemery, Homberg, Newton, Hoffmann et Boerhaave, ont obtenu , par le mélange du fbufre, du fer et de 1'eau' des effets a peu prés semblables aux feux qui embrr.sent les volcans. Ces expériences, présentant en pétit les mémes résultats que Ia nature produit en grand, doivent au moins faire soupgonner que les bois noirs, les cliarbons de pierre, etc., ne sont pa,s les seules matières que la nature puisse employer pour alimenter le foyer des volcans, sur tont si 1'on fait attention que la terre renferme des amas. considérables de pyrites ïulfureuses et ferrugineuses, qui n'ont besoin que du concours de 1'eau pour s'cnflammer. Si 1'on observe que 1'acide vitriolique, se combinant avec le fer, produit une grande chaleur, et beaucoup d'air inflammable, que mille circonstances peuvent allumer; il sera bien évident que ces feux, produits sans 1'cntremise d'aucune substance végétale, pourroient causer les plus tcrribles explosions, soit en vaporisant 1'eau, soit  DU T' R ■« I S I 'E M 'S C II A NT. 13", en diiatant 1'air atmosphérique, qui, selon M. Hales, ■se trouve ■ concentré claus les pyritcs vitrioliques ou sulfureuses, dans la proportion de i ft 83. Sionajoute ft ces rcilcxions celles de Spallanzani, sur le même sujet, on doutera au moins que le foyer des volcans soit alimenté par des végétaux fossiles. (2) Semblent iffrir aux yeux Hes.plantes Urangeris Les empreintes que 1'on trouve dans nos climats s s.ur les schistes qui sont le toit des couches de charbon de pierre, appartiennent évidemment ft des plantes quï nous sont étrangères aujourd'hui. 41 s'y trouve, par exemple, des calamites, des écorces de palmiers, de la -forme la plus variée et Ia plus curieuse. Si 1'on y rencontre quelquefois des empreintes qui ressemblent a nos fougères, c'est que daas'cette classe, extrêmement no'mbreuse; il est un grand nombre d'espèces exotiques, échappées aux recherches des Plumier, des Rumph, des Petiver, et dont 1'ccil exercé du botaniste. ne peuc qu'4 peine, après une comparaison longue et bien suivie, distinguer les empreintes de celles des plantes de nos climats. Dans les Mémoires de 1'académie de 1782, Daubenton cite des schistes, dont les impressions luï ont paru provenir de plantes croissant dans le pays» Lemomiicr, dans ses Observations d'histoire naturelle^' - croit avoir reconnu Vosmunda regalis, sür un schiste d'une houillère d'Auvergne; mais ces observations ne sont pas convaincantes. Dans les mines de charbon der pierre du val de Villé, les empreintes de feuilles verticillées sout beaucoup plus fréquentes que celles do plantes dorsifères. II y auroit cependant de la témérite; a assurer qu'elles sont de I'espéce du caille-lait de t:os F i  154 N O T ■ S contreés: il est plus probable que 1'une des empreintes, Tenant de Taninge en Faucigni, que M. Tingry a décrites dans Ie premier volume des Transactions de Ia soeiété Linnéenne de Londres; est Vaspleniven nodosum de l'/smérique meridionale; et il existe un si grand nombre d'empreintes qui different entièrement de nos plantes, que 1'on est forcé de les rapporter a une époque oü le climat et les productions de notre pays différoient de ce qu'ils sont anjourd'hui. Les belles écorces de palmier, si vaf'iées, qui se trouvent sur tout dans les schistes de Duttweiler prés de Saarbrücken, fournisscnf Un fait de plus -X 1'appui de cette assertion. Pour fixer son opinion sur cette matière, on consultera avec fruit 1'ouvrage de Morand sur les charbons de pierre, VHerbarium diluvianum de Scheuchzer, la StTesi» svbterranea de Volckmann, et Ia. belle suite d'empreintes que Mylius a publiées dans 1'ouvrages intitulé : JJleatirabilia Saxonia subterranea. (J) Vun sur l'autre sculjitéspar les mémes rameaux. Jussieu, dans les Mémoires de l'académie,de 1718, donne 1'explication suivante de la raison pour laqüelle, dans deux couches de schiste a empreintes séparées 1'une de l'autre, on ne voit pas sur 1'une 1'impression de Ia page supérieure dt Ia feuille, et sur l'autre celle de 1'inférieure. ,, Nous supposons, dit-il, les feuilles flottantes sur „ la ïuperileie d'une eau qui, dans ses agitations, ,. étoient encore plus chargée d'un limon bitumineus ., qu'elle avoit détrempé, que du sel dont elle étoit „ naturellement imprégnée. Ce limon a couvert Ia ., surface de ces feuilles flottantes, y a ét£ retenu par  DB TROISIEME CHANT. 1*3 „ la quantité de nervures dont elles sont traveïsées, ,, s'y est uni si intïmement ft elles qu'elles en ont pris „ jusqu'attx moindres vestiges, et y ont acquïs d'autant ,, plus de consistauce que ces feuilles, par la qualité ,, de leur tissu serre!, ont résisté plus long-temps ft Ia „ comipcion. Comme, néanmoins, elles se sont enfin „ pourrics, et que le limon qui les couvroit n'a put „ manquer de se précipiter, soit par la soustractiou „ du corps qui le soutenoit, soit paree que, devenu' ,, par cette soustraction plus pénétrable ft 1'eau, il s'est trouve plus pesant: "c'est dans cette précipitation que ces lames limoneuses, tombant sur les surfaces unie* d'un limon détrempé, y ont 'marqué la figure des „ feuilles dont elles avoient conservé l'empreinte. ,. L'explication de ce méchanisme rend sensible la „ singularité de la représentation d'une seule et méme face de ces feuilles de plantes, en reliëf sur ühelaBSé, ,, et en creux sur celle qui lui est opposée. Ce qui „ arrivé de la même manière qu'un cachet, imprimé „ en reliëf sur une lame de terre, se rend en creux ,, sur une autre lame siolle sur laquelle cclle-Ia est n appliquée. „ L'on ne peut pas dire 'que 1'une soit celle du revers de la feuille, tandis que l'autre est celle du dessus, „ puisque cette feuille, ayant été pourrie, est devenue „ incapable d'imprimer ce revers. Sa pourriture est si „ certaine, que sa substance, ayant changé, a teint ces ,, empreintes en noir, et ce qui est resté attaché ftcette „ lame n'a rendu tout au plus que quelques empreintes „ moins parfaites, paree que ce superflu a rempli Ia „ gravure de 1'impression, et s'y trouve aujourd'hui „ en poudre entre quelquês-unes dc ces ljmes lors,, qu'on les sépare." F 5  M# M o t a s (4) Aux voyageurs encore en fait êt lengs riciis. Ces accidens sont assez fréquens, mais ils sont peu considérables; ou, arrivant dans des endroits non habitcs, ils sont bientót oubliés, et souvent même inconnus. On trouve de ces faits dans l'histoirc anciennes Pausanias en cite un an sujet de la ville Idee, au pied du monc Sipyle. Un exemple des plus frappans dans ce.genre, est la destruction du magnifique boui-g de Plours, riche' par ses fonds de terre , par le. commerce et 1'industrie de ses habitans environné de belles maisons de. campagne, et situe. dans la Valteline, au pied du mont Conto. Le 6 septembre 1718, après des pluies abondantes, par une nuit. calme et un temps serein, touta-coup la montagne s'entr'ouvrit, tomba sur ce botug, 1'abyma, et ensevelit tout. vifs, ou éera sa sous ses ruines, deux mille quatre cent trcntc habitans,' qui formoient sa popuiation;. pas un seul 11'êchappa. La montagne cnveloppa .dans sa chute le village de Schilano, composé desoixante et dis huit feux, et couvrit une lieue quarrée de ses débris. Leurs voisins, le* habitans de Chiavenne, furent surpris de voir 4. sec leur rivière, dont les eaux avoient été intcrceptées par la uwncagne en débris. La description de ce funeste événement se trouve dans 1'Histoire naturelle de la Suisse, par Scheuchzer, en deux planches gravées: le bourg, tel qu'il etoit, se trouve sur 1'une: on voit sur l'autre la coutrée, telle. qu'elle existe dspuis 1'écroulement. A la description de la catastrophe de Pleurs, que donne Robert dans son Voyage dans les XIII cantous Suisses, etc, il ajonte celle de la chute de Ia partie supérieure de la montagne du Diableret, arrivée dans le Valais, en 1714.; et il cue un pareil événement arrivé préce-  B ü T B. O I 8 I E M E C H A N T. Ï2'/ dcmment dans le.Valais, en 1534» « qui fit périrdeujt villages. (5) Uobstrvateur Je suit .d'un regard curiéux. Personne n'a écrit sur cet objet d'une manière plus lümineuse que M. Rouenne, beau-père du célèbre Darcet, prófesseur au collége de France, l'un des plus fiuneux chimistes de 1'Europe, et auteur de plusieurs mémoires excellens sur différens objets d'histoire naturelle, et particulièrement sur les montagnes. (Note de ïautenr?) (6) A 'vu sa dcrniire leurt et ten dtrnier festin. If seroit inutile de rappeler au lecteur la découverte qui a été faite dans ces derniers temps des villes de Pompeïa et d'Herculanum, englouties lors de lafarueuse éruption du Vésuve, décrite par Pline Ie jeuae. (7) Gloire, honneur a Suffen, qui ,pour guider nos sages, Les Epoques dé la Nature sont 1'ouvrage le plus ëtonnant qui ait parit dans le dix-huitième siècle Aucun ne lui est comparable, pour la grandeur desidéés, 1'étendue des connoissances, la majesté du style. Nul écrivain n'a réirai autant de faits dans un aussi ceurt espace, et n'a mieux montré la dépendance des phénomènes particuliers des lois générales. S'il n'a pas trouvé la vraie manière dont notre système planétaire a été formé, on doit au moins convenir qu'il est imposF 4  12* N O T £ S «Me de mieux lier tous les faits, toutes les observations, toutes les lois de la nature, avec une supposition; si toutefois on peut appeler suppositie-,, une idéé qui, dans cet immortel ouvrage, ne parolt étre qu'une couséquence des faits; conséquence étonnante a Iavérité, mais arrachée par la force des analogies, et réclamce' par toutes les lois qui mamtieinent 1'ördre admirable de Funivers. En déroulant les arekives du monde, Buffon a été frappé des grands et nombreux monumens quTelles renferment. Tl n'y a que 1'éloquence du Pline francois qui soit comp.uable a celle avec Iaqueile ces monumens déposent des changemens arrivés au globe: il les a examinés, et s'.dé d'une connoissance profonde des lois de la nature, et de la manière dont, avec le temps, elles modifieiit' les étres, il a conclu de leur état acttiel les différens états oü ils ont été; il s'en est servi comme d'échelons pour «monter les siècles, et, les suivant toujours sur la route éternelle du temps, il indique les divers changfemens qu'ils ont éprouvés dans les différens ages du monde. Quoique la terre soit eomposée dUme immense quantité de substances dilférentes , auctme n'a écliappé a ce vaste et puissant génie; elles paroissent les unes après les autres, et semblent raconter toutes les révofutions qu'elles ont éprouvées, depuis leur origine jusqu'it nos jours. (8) Elcva septfanaux sur focèan des dges. L'auteur craint que ce vers ne soit une réminiscence, et se croit obligé d'en avenir le lecteur. (Nvtt ie l'autsur.y  » U TROISIEMB CHANT. JSJ (9) Pat- ses ambassadeurs courtisa la nature. Plusieurs naturalistes ont reproché a Buffon d'avoir trop peu voyagé, trop peu vu par lui-même. Le nombre prodigleuX- des mémoires qu'il se procuroit sur les différens objets de son travail, ne pouvoit le dédommager des connoissauces qu'il auroït acquises sur les lieux, et des impressions qu'il anroit recues des objets même. II ne faut pas cependant trop étendre ce reproché; car si, pour écrire 1'histoire du monde, il falloit avoir tout vu par ses yeux, les connoissances des générarions passées seroient inutiles, les voyages, les recherches des savans, seroient superflus. Buffon a consulté tous les naturalistes anciens et moderncs. Si, comme lui, tous n'ont pas été doués de cette étendu 'de génie qui embrasse 1'univers, le plus grand nombre a été capable d'en décrire exactement quelque partie. Chacun d'eux avoit mis sur la place quelques matériaux, comme on amoncelle confusément les pierresles bois et les' marbres destinés a la construction d'un grand édifice. Buffon arrivé: il s'en empare, il les met chacun a leur place; et, devenant farchitecte du monde , il déchire le voile qui caehoit la nature, et la montre au genre humain.telle qu'elle a été et telle qu'elle est. • Mieux vaut qu'il ait bftti 1'édifice, que d'être allé chercher au loin quelque pièce nouvelle, qui, si elle est trouvée, aura süre'ment sa place dans le temple magnifique qu'il i élevé. (10) Vhtstoirt ie ce grain est f&istoire iu mondt* Si on exansine avec un peu d'attention les mark-re», I? s  t3« K O T E S les pierres, les craies, etc., on voit qu'elles contiennent encore des coquilles ou des détrimens de coquilles trèsreconnois^ables, et en si grande quantité qu'on ne peut douter qu'elles ne forment la base de toutes les substances calcaires. En y réfléchissant, on ne peut s'empêcher de croire que le plus puissant moyen que Ia nature ait employé pour la formation de ces substances ne soit Ie filtrt de ces animaux 4 coquilles, dont les facultés digestivcs ont la propriété de convertir 1'eau en pierres; car toutes les coquilles . formées par la sécrétion ou 1'exsudat-ion de ces animaux sont de véritables pierres, qui, soumises 4 1'aualyse chimique, donnent les mémes résultats que celles qu'on tire des carrières. L'esprit a de Ia peine 4 se familiariser avec la prodigieuse quantité de ces animaux 4 coquilles, nécessaire pour la formation de toutes les substances calcaires; aussi est-ce de tous les phénomènes que présente 1'histoire du monde, celui qui a le plus étonné les naturalistes: ils ont trouvé des couches et des amas immenses de coquillagcs dans toutes les parties de Ia terre; ils en ont vu sur les montagnes, 4 quinze cents toises au dessus du niveau de la mer, et dans les plaines les plus éloignées du séjour naturel de ces animaux, 4 cent et.deux cents pieds de profotideur. Tous les bancs de pierres calcaires, de marbre, dccraic, depUUre,eta, paroissent composés des débris de ces animaux marins c'est par lieues carrées, c'est par pro vinces, qu'il faut estimer leur nombre. ,, Tout nous démontre, dit ,, Buffon, que la pierre calcaire, produite par finter„ méde de 1'eau, est un des plus étonnaus ouvrages „ de la nature, et en même temps un des plus uni„. versels: il tient 4 la génération la plus immense. „ peut-être qu'elle ait enfantée dans sa première,  DU TROISÏÏMB'CH A N T. IJl „• fécondké; cette génération est celle des coquillages, „ des madrépores, des coraux, et de toutes les espèces ,, qui filtrent le suc pierreux et produisent Ja matière „ calcaire, sans que nul autre agent, nulle autre n puissance particulière de la nature, puisse on ait 3, pu former cette substance. La multiplication de ces animaux a coquilles est si prodigieuse , qu'en s'a„ moncelant ils élèvent encore aujourd'hui, en mille „ endroits, des récifs, des bancs, des hauts-fonds, qui ,, sont les sommets des collines sous-marines, dont la, 3, base et la masse sont également formées de 1'entas„ sement de leurs dépouilles. Toutes les Sles basses du tropique austral, semblent, dit M. Forster, avoir été „ produites par des polypes de mer; une des iles basses, „ découverte par M. Bougainville, quoiqu'a moitié „ submergée, parut i M. Forster n'être qu'un grand „ banc de corail de vingt lieues de tour; les bords de 3, File sauvage, 1'une des Amies, ne sont que des „ rochers de productions de polypes. - „ Qu'on se représente pour un instant, dit encore ■ „Buffon, le nombre des espèces de ces animaux a „coquilles, ou, pour les tous comprendre, de ccs„ animaux a transsudation pierreuse; elles sont peut„ etre en plus grand nombre dans la mer que ne Fes; „ sur la terre le nombre des espèces d'rnsectes: qu'on „ se représente ensuite leur prompt accroissement, leur „ prodigieuse multiplication, le peu de durée de leur „ vie, dont nous supposerorts néanmoins le termemoyen „ a dix ans: qu'ensuite on considère qu'il faut multi„ plier par cinquante ou soixante le nombre presqu'imM mense de tous les individus de ce genre, pour se ■ „ faire une idéé de toiue la matière pierreuse produite n ea dix $x&: qu;entm on considère que ce btoc* déj^ ■  I'JÏ N O T E 51 ,, sï gros , de matière pierreuse doit itre augmerrteV d'autant de pareils bloes qu'il y a de fois dix dans,, tous les siècles qui se sont écoulés depuis le commencement du monde, et 1'on se familiarisera avec cette ,, idéé, ou plutót cette vérité , d'abord repoussante, que ,, toutes nos collines, tous les rochers de pierres >, calcaires, de marbres, de craics, etc., ne viennent,, originairement que de la dépouille de ces animaux." Mais comment des animaux qui ne peuvent vivre et se multiplier qu'au sein des ondes, ont-ils formé par leurs dépouilles la majeure partie des matières quirecouvrent le continent? Ce fait iflcontestable ne peut etre expliqué qu'en adoptant 1'opinion- des naturalistes qui pensent que ces mémes continens ont été couverts par les eaux dans les premiers Jges du monde, et quependant une longue suite de siècles les animaux marins' y- ont vécu et multiplié. comme ils vivent et multipiientaujourd'hui dans les mers. Peut-être même y étoientils en plus grande abondance; probablement les espèces. étoient plus nombreuses, car parmi les dépouilles de «es animaux il en est un grand nombre dont on neretrouve plus les analogues vivans. Sans doute que, dans sa première- jeunesse, la nature travailloit la matière^ivante avec plus d'énergie, puisque parmi ces mêmesdépouilles on trouve des espèces gigantesques qui n'existent plus. En examinant avec un peu d'attention la- mnnièreclont les chalnes de montagnes sont sillonnées, on nepeut- s'empêcher de croire qu'elles doivent leurs formes' e.t leurs contours aux courans- des eaux: les angles saillans, qui correspondent exactement- aux angles rentrans dans les montagnes opposées, en sont une probatntitej. Cette probsbilité dovient- une certitude -, si o»  DO IROlSrfMIl CHANT. »33 considère que les montagnes sëparées par un valloti sont de la même hauteur; qu'elles sont composées dé couches de matières, piacées horizontalement ou égalemeBt tnclinée? les mies sur les autres, et de la même épaisseur; que., dans les montagnes^ou collines oppo. sees, les substances de même nature se trouvent a la même hauteur, c'est - 4 - dire que, si a droite on trouve, 4 cinquante toises, un banc de marbre ou d'ardoise, ce banc de marbre ou d'ardoise se retrouve * la même hauteur ct dans les mêuies dimemfcms dans la montagne 4 gauche. Si 1'on remarque que toutes,les couches de' cerf es-, de sables, de pierres calcaires, d'argiles, de marbres, de graviers , de craies, de platres, etc, sont, ou composées des dépouilles d'animaux 4 coquilles, ou renfcrment des plantes marines, des squelettes de poissons marins, etc; que les coquilles sont dans les marbres ct les pierres les plus dures, aussi bien que dans les craies,. les platres et les terres; qu'elles sont incorporées dans ces matières-, et remplies des substances qui les environneut, on ne pourra guère dou'.er du séjour des eaux sur nos conrinens, oü elles ont produit les mêmes effets qui se passent aujourd'hui au sein des mers. Réguliè'rement soulevées et abaissé'es , deux fois le jour, par les forces attractives de la lune et du soleil, agitées par les vents alizés, les eaux ont formé des courans, qui ont"sillonné les montagnes en creusant les vallées, de manière que, par tout oü il y aura un angie rentrant, iïs'en trouve, vis-4-vis, utr saillant, dans la montagne opposée; A chaque mouvement de flux et de reflux, les eaux, chargées des matières qu'elles détachent, et qu'elles, transporten t quelquefois 4 de grandes distances, les ont déposées en forme de sédimens. Ces sédimens multipliés ont formé des couches, qui, paree que Peau ten c toujours 4 se , fa  ' K'OTIi mettre de niveau, sont horizontales, ou également iriclinées, selon la disposition de la base qui les a recues. Ces couches ont été mélangées de différentes substances marines, que les eaux ont apportées avec les autres matières. Les coquillages, étant les piui abondans, ont dominé dans la composition de ces couches; ils se sont remplis des matières environnantcs, et se lont pétrifiés dans ces matières, lorsque, par quelqu'une de ces révolutions physiques dont parle 1'histoire du monde, les eaux se sont retirées et ont laissé les continens a découvert. Alors ces matières se sont peu a peu rféchargées des eaux dont elles étoient saturées; en se desséchant leur volume a diminué; elles se sont fendues et ces fentes ont dü se faire dans la direction de la force de pesanteur, c'est-i-dire perpendiculaire a 1'horizon: c'est ce qu'on voit aujourd'hui dans les bancs de pierre, de marbre, etc, qui sont tous divisés par des fentes perpendiculaires, qui les traversent dans toute leur épaisseur. 00 Vous cherebez ets forêts ie fucus, ie roseaux. On désigne ici sous les noms de fucus ct de roseaux, toutes les plantes qui croissent sous les eaux, sans le denrs? Quoi qu'il en soit, c'est un fait que cette espèce de végétation s'atablit sur les cótes ct dans les mers basses, comme Ia mer PaciHque, Ia. mer Atlantique , a.la Guyane, au cap de Bónne - espérance , dans 1'Archipel indien, dans la mer de Corée, etc. Ces plantes se trouvent quelquefois en si grande abondance, qu'elles gfnent et même. arrêtent les vaisseaux dans leur route. La navigation. de plusieurs fleuves est impraticable, i causc des forêts de joncs. et de bambous qui les obstruent. L'homme, qui-met a contribution toute la nature pour augmenter ses jouissances', a su tirer parti de. tous ces végétaux. Dans quelques-uns, qui renferment des parties sucrées, il a trouvé un aliment agréable; d'autres out été employés $ Ia nourriture des bestiaux: il s'en est servi pour couvrir sa maison, pourformer des clötures, etc. Ceux dont la fibre s'est trouvée forte, souple et élastique, ont été apprétés et filés en cordages. La médecine a recherché les propriétés salutaires de ces végétaux , et plusieurs expériences ont réussi. II en est, comme les algiies, qui résistent long--temps a Ia corruption, et qui, par cette raison, entrent avec avantage dans la composition des digues: en brülant les algues ClleS donnent un sel abondant , qu'on emploie utilement jpur acceléreï la fusion du sable vitrifiable. Par li-  150 N O T E S combustion de toutes ces plantes on obtient un sel T connu dans le commcrce sous Ie nom de sonde, qui s'cmploie le plus ordinairemeut au blanchissage des toiles. Cette végétation marine favorise la multiplication des poissons, qui y déposent leur frai. Elle nourrit une grande quantité d'insectes, qui dcvicnnent la pature des jeunes habitans des eaux; ccux-ci, en filtrant dans les détours de ces forêts sous-marines, échappent a Ia voracité des tyrans des mers. Peut être même que cette végétation aquatique purifie 1'élément liquide, comme la végétation terrestre purifie 1'atmosphère. Après avoir rempli ces différentes destinations dans l'éconorhie de la nature; ces végétaux se détachent du sol qui les a ▼us naitre; ils sont cmportés par les vagucs, et, inutiles aux habitans des eaux, I'océan, par ses osciUations constantes, les porte sur les cótes, en forme des amas, doiit l'homme tire le plus grand avantage, en les cmployant comme engrais. Par une suite des lois axlmirables de la nature, ces plantes ne sont pas plus tot livrées aux infltiences de 1'air et de la chaleur, qujelles entrem: en fermentation ;■ elles se décomposent et deviemient un terreau, qui, répandu sur les champs, les feitilise, en rendant Ia végétation plus active et plus vigoureuse. C'est ainsi que la nature fournit 4 l'homme des moyens de rajeunir son domaine, épuisé par les dons fréquens quil en a recus; c'est ainsi que la fécondité de la terre ne vieillit pas, et qu'elle promet aux générations suivanres des subsistances toujours assurées. Des naturalistes pensent que la plupart des bancs de houille, de tourbe, et même de charbons de terre ne sont autre chose que des amas de ces végétaux, pourris ct ejjtassés. Les substances marines, les coquülages,  DU TR.OISIEME CHANT, 137 les empreintes des poissons, etc, qu'on y remarque, paroissent justifier ces conjectures. On voit que le père du'genre humain, dans la formation de 1'univers, a. prévu que les végétaux du continent ne suffiroient pas aux différens besoins des hommes, et qu'il leur a ménagé , pendant des müliers de siècles, ces amas de matières combusübrcs, propres a entretenir Ie feu actuel, si nécessaire a la vie et au bonheur de ses enfans. (la) Des insectes des mers miraculeus travaux. C'est de nos jours seulement que les naturalistes ont enfin découvert 1'origme de ces substances marines. De très-bons observateurs, comme M. de MarsigH, avoient rangé les matières pierrenses, qui composent 1'habitation des polypes de mer, dans le règne végétal, et parmi les plantes sous-marines. Mais, d'après les observations de MM. Peyssonel, Réaumur et Jussieu, on ne peut douter aujourd'hui que les coraux, lés corallines, les litophytcs, les escharcs, les alcyons, les éponges, et toutes les variétés nombreuses des madréporcs, ne soient des cellules de diverses espèces de versinsectes qui se multiplient avec une abondance incalculablc ; de manière que ehacune des cellules loge un jnsecte, comme ehacune des alvéoles de la ruche loge ene abeille, et que toute Ia masse des polypiers divers est, pour les républiques de ces différens insectes, c» que la ruche est pour la république des abeilles; avce cette diffdrence, cependant, que 1'alvéole n'est pas absolument nécessaire a 1'existence de 1'abeille, au lieu que les vers-inseetcs, générateurs des polypiers, ne peuvent vivre sans leur celluie: elle est aussi nécessaire a leur existence que la coquille 1'est a la vie de 1'hutcré. Les formes variées de ces ruches calcaires, les rameaux  *J* Nd TE S dont elles se composent, qui souvent, k la manière des plantes, sont postés sur un seul tronc, avoient séduit les naturalistes, qui ont pris les bras du polype pour des étamwes, ses ceufs pour des graincs, et les polypiers pour des plantes. Cependant ces pretendues plantes sont sans racines; elles sont fixées sur des corps durs par une substaucc glutino-pierreuse, et elles font effervescence avec les acides, comme toutes les matières calcaires. La composition de ces prétendues plantestlécèle qu'elles ont pris leur accroissement par juxtaposition, et non pas par intus-susception, comme les-: végétaux; et les animaux vivans qu'elles renftrment déposent assez énergiquement contre 1'erreur des premières observations. On peut d'ailleurs se rendre raison de la manière dont les difrérentes branches des polypiers ont pu se former. Que quelques-uns de ces insectes innombrables qai suent la pierre, dé 1'espèce qui forme le corail , par exemple, aient établi leur demeure sur le coin dun xocher; ils auront d'abord élevé un bloc de corail nécessaire a leur existence, et qui se sera durci A mesure qu'avec le temps ces animaux auront transpiré. la matière qui le cemposc: ils se seront multipliés, et leur demeure sera devenue iusuffisante: les générations nouvelles auront été obligécs de se construire de nouvelles habitations , et, prenant pour base le pretsiier bloc construit par les fondateurs de la colonie, ils se seront écartés a droite, a gauche , dans tous les sens, selon qu'ils auront été plus ou moins nombreux; ce qui a pu produire ces différens rameaux qui parteut du même tronc: les premiers habitans eux mêmcs . auront été obligés de quitter leur première demeure, dont la capacité diminue k chaque instant, en se solidifiant par 1'exsudation constante de ces animaux, qui disparoit  •rVTKOIflBMB CHANT." IS? i Ia fin totalement, comme on peut s'en convaincre cn rompant les partjes du polypier naturellement abaa-.donndes. O 3) Ces mtttstres qui ie loin semblent un vaste ècmih . Ces monstrueuses baleines y ces cachalots, qui abondent non-seulement dans les mers du nord, oü 1'on va 4 leur pêche, mais encore dans d'autres mérs, et dont la majeure partie est encore si peu connue. Parmi ces grandes espèces marines il en est une, réputéc f'abuleuse 4 la vérité par plusieurs écrivains, mais dont 1'existerice a cependant été rendue probable, d'après s les différentes relations de plusieurs auteurs modcrnes, dignes de foi; c'est Ie fameux kraken, dont nêahmoin's les dimension, orit pu être grosiies par la peur. Le grand ' poulpe de mer, sepia octupeiia, parvient aussi 4 uiie grosseur monstrueuse. 'Poürqusi dans les mers peu • fréquentées ne pourroit-il pas parvenir 4 un accrois. semcnt extraordinaire, Comme dans cérfains pays dess scrpens parviennent. 4 une taille, gigantèsque f (14) Salut, fttmftux Ju,a\'. Le Jura est un des- rameaux principaux des Alries > qui, de ia Cluse, au voisinage dulac.de Gcnêve, prend sa direction vers le nord, et s'étend entr;e la France-et la Suisse. II produit la chaine des Vosges; celles ci, en s'abaissant, se perdent dansles montagnes des Ardenncs , qui expirent aux plaines des Pays-bas. Peut-être les montagnes de Ia Forêt-uoire sont.eües eucore une prolongation du Jura.  Ho N O T E S C'S) Terrible Montanvert' „ Entre Ia France et Ia belle Italië , je vois reünie» „ les horreurs des deux poles et 1'image de ü nature j, telle qu'elle a dü etre au sortir du chaos! Des m monts sourcilleux, decharnés, dCchirds du hauc cn » bas, crevassds, fracturés dans toutc leur étendue, » menaeant les cieux de leurs cimes chenues, paroissent „ défler la fureur des éléroen* réumi, et la marche „ destructive du temps! Au bns de ces monts, » que voisje encore ? 1'image" d'une mer en courroux » qu'un gel tuUt auroit saisie; une vaste étendu d'une „ gb.ee solide , dpaisse de plusieurs centaines de p'ieds! „ Mes regards dtonnds en suivcntles ondes, |2s "couches, „ les crevasses, et je rois ces glacés énormes se pro» longer au loin et se joindre a d'autres masses de » glacés qui couvrent les sommets. Nous voila trans„ponds daas la nouvelle Zemble, dans un autre " st"zbtrg, pays perdus pour les hommes; comment „ se peut-il que si loin des póles , sous un cieltempdré, ,, nous retrouvions les meines phénomènes?» Descrip«on du Montanvert, par M. Bourrit, dans sa Novell, descriptie,, générale et particuliere des' glaciirts , vallécs de glacés et glaciers qui ferment la grande cbain. des A'.pes, dt Suisse, d'Italië et de Savoie; torn. 1H. (16) Avant d'être frappes, les voyageurs succomient. », On distingue les Iavanges ou avalanches en lavan„ ses de frêid, Iavanges dt chaud, Iavanges de vents, „ et Iavanges de poussière, >. Une masse de neige que son poids seul ddtache des „ «auteurs sur la pente desquelles elle dtoit suspendue.  BU TR.OISIEME GHANT. TiJI „ est ce qu'on appclle une Iavange de froid, paree „ que c'est ordinairement en hiver que 1'accumulation ,, des neiges *n détermine la chute. Elle est toujours „ accompagnée d'un fracas horrible, et rien ne peut „ s'opposer a sa tendance. Des habitations , des villages „ entiers sont ensevelis, des forêts sont rasées; des „ roches même cèdcnt au choc et sent entraraées. L'air, „ ébranlé par le passage de eette masse énorme, va „ porter le ravage dans les lieux que les neiges ne „ peuvent dévaster; un ouragan a moins de violence, „ et quelquefois le voyageur, qui marchoit hors de „ 1'atteinte de la lavange, a été précipité ou étoufFé par „ ce soufflé impétueux chargé de particules glacées. „ La lavange de cbiud; ou de poussière, diffère peu „ de la précédente. Elle a la même origine, mais elle ,, est moins compacte; elle tombe moins cn masse, et, „ en se divisant, elle couvre une plus grande étendue ,, de terrain ; la neige qui la composé est une poudre „ glaciale, extrêmement fine et légère. Pendant les jours „ chauds de 1'été on entend fréquemment -un bruit „ semblable a celui de la foudre qui éclate, ou d'un „ torreut qui se précipité d'une hauteur considérable , sur une table de rochet c'est une de ces lavanges „ éloignées qui tombent de rocher en rocher sous la „ forme d'une cascade d'eau réduite en écume. Ua „ vent chaud, qui vient de la région méridionale, et „ que les habitans des Alpes suisses nomment fiex (le ,, même qui, dés les premiers jours du mois de mars, „ change tout-S-coup la température de l'air dans les ,, contrées voisines; qui, en un jour, émaille les prés „ de violettes, et donne a celui qui le respire le pre„ mier sentiment du printemps) , \t. sirocco des Italiens, „ balayant en peu de temps les sommets des Alpes-  «42 NOT ES ,5 les lavanges de chaud se succèdcnt sans interruption, „ les torrens s'élancent de tous les. giaciers, et les rivières »ubi.ement enfiées submergéent leurs rivages. La lavtmge de -ent est, dans le nombre des phéuo„ rnènes de ce genre, celui qui i'.ippiocbe le plus les ., liautes Alpes des terres septenirionales du globe. C'est un déplacement des neiges , occasionné pendant „ l'hiver par de violens ouragans. Ces neiges que le - „ froid a conservées dans leur état de légèreté, sont 3, enlcvécs par les vents et transportées a de grandes ,, distances. L'aspcct de la région oü ces vents exercent „ leur fureur, est changé en un instant; malheur a „ ceux qui se trouvent alors a ces hauteurs! Les sen„ tiers que les pas ont tracés disparoissent; les signaux „ élevés de distance en distance pour indiquer la s, direction des routes, sont renversés; et, si le mal>, heureux voyageur n'est pas enseveli sous cette mer „ furieuse, il porte avec désolation les yeux sur une „ immense plagt oü rien ne guidera sa raarche, et qui ,, n'oflre plus d'autres inégalités que les vastes ondes dont „ les vents ont sillonné sa mobile surface. " Lettres de M- U'. lo.re sur lei Suisse, trad. de Ramend. L'on sait que les voyaguirs, avant que d'entrcr dans des vallécs oü l'on craint des avalauges, déchargent des armes a feu, pour déterminer, au moyen de ccttc sccaussc, les masses de neige qui -pourroient se trouver an'ctées par un léger obstacle, ü se détacher et i descendre avant 1'arrivée du voyageur, qui.continue son chemiu dans le plus grand silence. (17) O France , t mapatrie! S séjaur de dtmltmitl Cc mar;eau a été écrit ou 1735.  •ou t-k. 0 i s i e M E chant. I4S ' (18) jw balancemetis motite et ' detcencl la sive. Le mouvement de la sève se fait-il dans les. plantes comme celui du sang dansles animaux? c'est ce dont tous les physiciens naturalistes ne conviennent p»sr tons reconnoissent Ie mouvement de Ia sève, tous s'accordent it la regardcr comme le moyen employé par la nature pour 1'entrctien de la vie végétale, tous .disent que la sève monte des racincs aux dernières extrémités des rameaux, ct qu'elle descend de ces extrémités aux racines; mais ils ne s'accordent pas a tegarder ce .mouvement comme une véritable circulation, semblable a celle du sang, qui part du coeur et est poussé jusqu'aux. extrémités des membres, puis de lil ramené par d'autres canaux jusqu'au coeur. Les sages attendent que de nouvelles expériences les aident & prononcer: ils' -ent-appris par les découvertes faites . dans 1'économic végétale, que les plantes prenuent Ia majeure partie de leur nourriture par les feuilles et les rameaux, et l'autre-partie par les racines; ils savent •que la sève qui descend est plus abondante que celle . qui monte, qu'elle a aussi des qualités dilférentes: ils 11e voient pas encore dans la structure des plantes les or^ancs capablcs de pou ser la sève d'une extrémité a l'autre, comme 1'anatomie le leur montre par rapport au mouvement du sang "dans les animaux. On a bien distingué les vaisseaux qui portent la sève des racines aux feuilles de ceux qui la conduisent des feuilles aux racines; on a reconnu ceux par le moyen desquels 1'air exerce son infiuence sur la végétation; on est parvenu a estimer les efl'ets de la chalcur sur Féconomie végétale: mais on n'a pas déeouvert dans les plantes les organes qui opèrent 1'ctonnant phénomène de la  *44 N © T E S circulation du sang; c'est pourquoi on n'ose encore qualificr de circulation le mouvement de la sève; on se contente de la nommer un balancement, une espèce de mouvement oscillatoire, ascendant et descendant, regardé jusqu'a ce jour comme inexplicable. Mais, s'il n'est pas encore possible de pénétrer ce mystère, on en est bien dédommagé par les découvertes surprenantes déja faitcs. Quoi de plus admirable que la structure ou 1'orgahisation des plantes! quel méchanisme étonnaiu! On y découvre des vases ou des moules différens, dont la nature se sart pour préparer la sève et la rendre propre 4 former les difi'érentes parties dont elles sont composées. II y en a pour former I'ècorce. le bois, les épines, les poils ou le duvec, la moëlle, le coton , les fleurs et les graine*. L'esprit le plus actif et le plus turieux trouvera toujours de quoi se satisfaire dans 1'étude des végétaux. S'il ne peut pas connoltre tout le mechanisme de la circulation de la sève, ilpeut savoir comment s'opère 1'élabcration de ce suc, en pénétrant dans le laboratoire de Ia nature; il reconnoitra Pasage et les effets des utricules, des trachées, des vaisseaux propres; il verra I'emploi qu'elle fait des racines, du chevelu, des fibrês, du bois, des feuilles, des fleurs. S'il suit la nature dans ses procédés pour la reproduction, il étudiera les graines; il recherchera 1'usage qu'elle fait de la pulpe ou des lobes, de la plantule,. des feuilles séminales, desneeuds, des boutons , des provins , etc. Qu'il joigne 4 toutes ces connoissances des observations botanico'météorologiques; il pourra seconder Ia nature dans la reproduction et 1'entrcticn des végétaux, rendre les plus importans services 4 1'ajjriculture, et par conséquent 41'hunjanité.  BU TR insecte, une ortie de mer ctun polype , le sont encore „ moins qu'ttne buttre1; et, comme la nature va par „ nuances insensibles, nous devons trouver des animaux >, qui sont encore moins animaux qu'une ortie de mer ou„ un polype. En vain donc, par ces mots animal et „ vigêtal, prétendens nous tirer des lignes de séparation „ entre les corps organisés et les corps bruts. Ces lignes „ de séparation n'existent point dans la nature; il y a :, des êtres qui ne sont ni animaux, ni végétaux, ni „ minéraux, et qu'on tenteroit vainement de rapporter „ aux uns ou aux autres: tels sont les polvpes d'eau. „ douce , qu'on peut regarder comme faisant "la nuance „ entre l'animal et levégétal, et considércr comme le „ deraier animal et la première des plantes. Aussi, quels „ furent les doutes e: les incerdtudes de M. Trembley „ pour reconnoltre si ce polype étoit un animal ou nn „ végétal? 11 existe doBe dans Ia nature une quantité „ d'êtres organisés, qui ne sont ni l'un ni l'autre; tels „ sont ces corps mouvans que l'on trouve dans les liqueurs „ séminales (ceux-ci sont des molécules organiques), „ dans la chair infusde des animaux, dans les graines et ., les autres parties infuséesdes plantes. Ce sont ces corps „ organisés, etres interraédiaires, qui, sans etre. des „ animaux ou des végétaux, pourroient bien entrer duns >, la constitution des uns et des autres. \ „ Dans la foule d'objets que nous présente ce vaste „ globe , dans le nombre infini des différentes productions „ dont sa surface est couverte et peuplée, les animaux „ tiennent le premier rang , tant par la confonuité qu'ils „ ont avec nous, que par la sitpériorité que nous leur „ connoissons sur les étres végétaux ou inatiimés. Les :, animaiLX ont p.u- leurs sens, par leur forme, par leur  DU TROISIEME CHANT, „ mouvement, beaucoup plus dé rapport avec les choses „ qui les envirounent, que n'en ont les végétaux; et „ les végétaux, par leur dévelpppemeut, "par leur figure, „ par leurs accroissemens, par leur circulation msni„ feste, et par leurs différentes parties, ont aussi un. „ plus grand nombre de rapports avec les objets exté,, ricurs, que n'en ont les minéraux et les pierres qui „ n'ont aucune sorte de vie, aucune organisation, C'est „ par ce plus grand nombre de rapports que l'animal „ est au-dessus du végétal, et le végétal au-dessus du „ minéral. On peut donc dire que, quoique tous les „ ouvrages du créateur soient tous également parfaits, l'animal est, selon notre facon d'apercevoir, 1'ouvrage le plus complet, et que l'homme en est le chef-d'ceu- „ vre. " Dict. d'bist. nat. par Valmont-Bomare, art. Animal. (eó) VargiU a qui U feu donna Tidat du verrn - L'argile dont il est ici question est uue espèce de terre tres - blanche, qu'on mêle -dans une proportion rcconnue par 1'cxpérience, avec du quartz et du feldspath, broyés au moulin, qui sont les matières premières qui entrent dans Ia composition des belles porcelaines de Sève. La nature a pris le soin de mélanger elle-même toutes ces matières: on trouve ces mélanges dans plusieurs endroits; mais nulle part ces matières ne sont réunies naturellement dans une proportion aussi favorablc pour la composition de la porcelaine qu'it Ia Chine, oü elles som connues sous le nomdtkaolin. .C'est en analysant cette substance que 1'art est parvenu 4 faire pour' la France ce que la nature a prodigué aux heureux Chinóis: c'est ainsi qu'en étudiant la nature nous obtenons d'elle ce qu'elle paroit avoir voulu nous G 4  15= «otis refuser, et qne, si tout n'a pas été fait pour l'homme au moins l'homme, par son art, sait profiter de tout. (17) Et lts bois ttit les eaux ent transformès tn pierre. Les pétrifications sont des corps organisés, qui, sortis du sein des mers, ou de la surface de la terre, ont été ensevelis par divers accidcns 5 différentes profondcurs, et qu'on retrouvc aüjóurd'büi sous leurs forcnes et leurs contextures primitives, mais ayant changé de nature, ce qui étoit bois ou os e-t devenu pierre, par une opération de la nature, dont on peut se rendre raison. Toute pétrification , strictement celle, n'est plus que le squelette ou 1'image d'un corps qui a eu vi'e 011 qui a végété; c'est ainsi que le bois pétritïé n'est plus le bois méme. On sait que les bois ordinaires sont des corps dans lesquels Ie volume des pores excède de bcaucoup le volume des parties solides. Lorsqu'ils sont déposés, entcrrés, dans certains lieux, il s'introduit dans leurs pores des sucs lapidifiques que les eaux entrainent avec elles, qui, extrêmement divisés et quelquefois colorés, en remplissent les capacités. Ces sucs se condensent avec le temps et s y moulent. Ensuite les parties ligneuses et solides du bois entrent en fermentation, se décomposent, et sont chassées de leur place par les ültrations de 1'eau; et par ce moyen elles laissent vide, en forme de pores, 1'espace qu'elles occupoient. Dans le moment de la métamorphose du bois en pierre, on n'apercoit aucune différence, ni sur le volume, ni sur la forme; mais il y a , tant a Ia surface qu'a 1'intérieur, un changement de substance: ce qui étoit ■pore dans le bois naturel, est devenu solide dans le bois pétrifié; ce qui étoit plein dans le premier état, est  nu trsisieme chant. 153 «levenu vide 011 poreux dans le second; les sucs lapidifiques continuaut a circuler et a se fixer dans ces nouveaux pores, ceux-ci se remplissent comme les premiers"■> cette seconde opération faite, il ne reste plus rien de la substance du bois, tout est changé en pierre, et cette pierre a les mémes formes, la même contexture, que le bois primitif, paree qu'il a servi de moule a la matière pierreuse, et que la nature, dans cette opération, s'est imitée et copiée elle - même. IIya donc, ditMongez, quatre époques bien distinctes dans Ia marche que suit Ia nature pour convertir un morceau de bois e,n pierre, ou, en s'exprimant avec plus dejustesse,afindëluisubstituer un dépót pierreux: i.° Ie bois végétal parfait composé de parties solides et vides de fibres ligncuses et de vaisseaux; 2.0 Ie bois ayant ses vaisseaux reftplis par un dépót pierreux, et ses parties solides restant dans le mêmé état; 3.0 les parties solides, attaquées et décomposées, formant de nouvelles cavités entre les cylindres pierreux qui restent dans Ie même état et qui soutiennent toutela masse; 4.» enfin, ces nouvelles cavités remplies de nouveaux dépóts , faisant corps avec les cyliücires, et ne corhposant plus qu'une masse totalement pierreuse, représentant exactement le morceau de bois. La nature suit la même marche pour opérer toutes les autres pétrificatiöns. (28) Le lichen parasite, aux chênes attaché. Les lichens sont des espèces de mousses, qui ont une sorte d'analogie avec les fucus. En teinture , et même en médecine on sait tirer parti de plusieurs espèces de lichens. Dans les climats du nord les animaux sauvages en mangent durant l'hiver. Voyez la not* lo» de ce chant. G S  154 KOTIS (29) Le puissant agaric. C'est Ie méme champignon, le bolct amadóuviër, dont, en le battant et 1'imbibant de salpêtre, on fait 1'amadou, et qui, préparé 4 la manière de Brossard sert 4 arrêter les hémorrhagies. (3°) Le nénupbar. II y en a deux espèces, 1'une 4 flèurs jaunes, et l'autre, benucoup plus belle, a fleurs blanches; la couleur ne fait pas leur principale diflerenee. On fait usage des racines des deux espèces, mais des fleurs de la dernière seulement. On les regarde comme propres 4iteindre les feux de 1'amour physique.. CsO Et ces rameaux vivatis, ces plantes pepulettses. II est ici question des polypes de mer et d'eau douce. On peut voir ce qui a déja été dit des premiers 4 la note 12, chant 3e. Les découvertes faites sur Ia nature des secondsontsingulièrementdérangé les idéés qu'on s'étoir faites sur le règne animal. Qui croiroit en effet qu'il existe des animaux qu'on peut multiplier en les hachant en pièces; qu'en divisant un polype d'eau douce erj dix, vingt outrente morceaux, chacun de ces morceaux devient én peu de temps un polype semblable 4 celui dont il faisoit partie; qu'4 chacun de ces trongons il pousse une tète et des bras, avec Iesquels il saisit sa proie?- Que l'on coupe un polype, en sa loügueur, cn autant de lanières que 1'adresse pourra le permettre, on verra autant de polypes; que l'on partage la téte en deux, ces deux demi-tétes deviendront deux eêtes ptufaites; qUe l'oa réitère la même opération 'Su*  Ï5U TROISÏEME CHANT. 155 ces deux têtes, 011 en auraquatre; qu'on traite de même ces quatre-ci , on en aura huit sur un. seul corps: que l'on fasse une semblable opération sur le corps, on aura huit corps, nourris et conduits par une seule tête. L'hydre de la fable n'alloit pas jüsque-la. II y a plus: qu'on rctourne, comme un bas de soie, un polype, qui n'est qu'une espèce de ver creux et transparent, il digère et vit comme auparavant. ~ Rien ne ressemble plus a une végétation que Ia manière naturelle dont les polypes se reproduisent. On remarque sur leur corps une légere excroissance, de la forme d'un bouton ; c'est la tête d'un polype, de Iaquellc sortënt les bras. On a compté jusqu'a dix-huit polypes sur le même sujet. Les jeunes polypes même, avant que d'avoir pris tout leur accroissement, donnent 1'existence a d'autres polypes, qui sortent de leur corps par les mêmes voies. l'n père est souvent grand-père plus tót qu'il n'a cnfanté tout-a fait son premier-né. Cette espèce a arbre vivant présente a 1'observateur le plus curieus spectacle: lorsqu'un des polypes saisit quelque proie, et qu'il 1'avale, la nourriture se distribue a tous les autres polypes, qui sont comme autant de branches, et de même, il est nourri de tout ce que les autres attrapent; ici ce que le père mange pronte aux enfans, et ce qu'un des enfans mange pronte de même a toute la familie: le changement de couleur qui arrivé alors •1 tous les polypes, suivant la couleur de 1'aliment qui y est distribué, en est une preuve incontestable,. Un pareil assemblage de polypes est en quelque sorte un arbre mangeant, marchant, végétant et poussant des branches. II semble que la nature se soit plue a rassembler dans un seul sujet ce qu'on avoit cru jusqu'a présent faire un caractère distinctjf entre lesplantes et les animaux; aussi les' naturalistes regardeut» Go".  356 N O T E S i!s le polype comme un étre qui fait la nuance du végétal a l'animal. (30 Vanimal recouvert de son êpaisse croute. C'est Ie, rhinoceros, dont Ia peau est excessiveme»t dure, ct plus épaisse.que le cuir d'aucun animal connu. . <33) Celui dtnt la coquille est arrondie en voute. C'est la tortue ou le taton. (34) Le tiautile, sur 1'eau dirigeant sa gendele. Le nautile est un genre de coquillage, univalve, fait eomme une gondole a poupe élevée. On a donné le nom de nautile a cette coquille, paree qu'on a prétendu que c'est de l'animal qui 1'habite que les hommes ont appris 1'art de la navigation. La forme de cette coquille approche a Ia vérité de celle d'un'vaisseau, et l'animal semble se conduire sur la mer comme un pilote condui. roit un navire. Quand le nautile, qui n'est qu'un polype a plusieurs bras, veut nager, il elcve deux de ses bras en haut, et étend en forme de voile la membrane mince et légère qui se trouve entre eux; R stllonge deux autres bras, qu'il plonge dans Ia mer comme des avirons; un autre bras lui tient lieu de gouvernail. II ne prend d'eau dans sa coquille que ce qu'il lui en faut pour lester son petit havire , ct afin de siarcher avec autant de vïtesse que de süreté; mais k 1'approche d'un ennemi, ou dans les tempétes, il replie sa voile, retire ses avirons, et remplit sa coquille d'eau pour s'enfoncer ou se précipiter plus aisément au fond de la mer. 11 retourne sa barque sens dessus dessous,  DU TROISIEMÏ CHANT.' 157 lorsqu'il veut ^élever du fond de la mer, et, a la faveur de certaines parties qu'il gonfle au comprimé a volonté , il peut traverser la masse des eaux; mais dés qu'il a atteint Ia surface, il retourne adroitement son petit vaisseau, dont il vide 1'eau, et, épauouissant ses barbes palmées, il vogue et s'abandonne au gré des vents: c'est un navigateur qtti est tout a la fois pilote et vaisseau. (35) Uêquiveque babitant de la terre et dis ondes. Les phoques, les morscs, les lions et ours raarins, les lamantains , sont, a prppremem parler, les seuls animaux auxquels on puisse" donner le nom d'amphibie, dans toute 1'acception du terme; ils paroissent les seuls qui puissent vivre également dans 1'air et dans 1'eau, parcé qu'ils sont les seuls dans lesquels le trou de la cloison du cceur rcste toujeurs ouvert; ils sont, par conséquent, les seuls qui puissent se passer de respirer, et vivre également dans l'un' et l'autre élément. Dans l'homme et les animaux terrestres, le troê de la cloison du cceur (qui, en laissant au sang le passage ouvert de la veine-cave a 1'aorte, permet au foetus de vivre sans respirer) se ferme au moment de la naissance, et demeure fermé toute la vie: dans les animaux véritablement amphibies, c'est le contraire : le trou de la cloison du cceur reste toujours ouvert; la communication du saug de la veine - cave a 1'aorte subsiste toujours, de manière que ces'animaux ont 1'avantage de respirer quand il leur plalt, et de s'en passer quand il le faut. Ils sont, dans le système de la nature vivante , le passage et Ia nuance des quadrupèdes aux cétacées; appartenant encore a la terre, et déja habitans des G 7  1SS' N O T E S eaux, ils torment le passage de la vie animale de l'un a l'autre élément. (3ö) Les oiseaux ramiurs. Les oiseaux aquatiques et les manchots, ou, comme Forster les a nommés , les aptenodytes , dont on connoit aujourd'hui une dixaine d'espèces. Ces oiseaux, excellens plongeurs, rament effectivement sous 1'eau au moyen de leurs ailes très-raccourcies, et garnies de pennes extrêmcment petites, roides, ct comme écailTeuFes. Ces ailes sont très-improprement appelées nageoires, par ceux qui font plus attention a leur usage qu'a leur structure. (37) Poissons ailés. On connoit amjourd'hui plusieurs espèces de poissons volans, c'est-a-dire, qui s'élaiacent hors de la mer, et se soutiennent et avancent en l'air aussi long - temps que leurs grandes nageoires ne se sont pas desséchées, «m jusqu'a ce que les albatrosses, les frégates et les paille - en - queue les forcent a se réfugier de nouveau dans 1'eau, oü ils trouvent de nouveaux ennemis dans les dorades, les bonites , les pelamides et d'autres poissons roraces. Ces poissons sont de huit espèces, connues sous le nom de trigit, dont le pirapède est le poisson volant par excellence. (J8) Dts tumturs d'ttnt feuille ont fait leur ihmicile. La nature, qui veille a la reproduction des êtres, a donné a un grand nombre d'insectes l'iustioct de deposer leurs ceufs dans des substances propres a nourrir leurs enfans aussitót qu'ils sont éclos. On observe que les  B U nölMüKt CHANT* ÏS9> mouches connues sous le nom de cjhips, sont armées ' 'sous le ventre d'un aiguillón, dont le jeu admirables'exécute par une espèce de ressort caché dans 1'intérieur de l'animal; le cynips s'en sert pour percer 1'épidermc de la feuille , ou pour pénétrer dansle corps: des chenilles, a dessein d'y déposer ses ceufs. Ce dépof 'fait dans 1'entamure de la feuille- cause une extravasion ' des sucs végétaux, ce qui donne naissance 4 ces fausses petites pommes, ces galles, et autres excroissances de dilféientes. formes, dans lesquelles le veréclos trouve la nourriture et le logement; roulé en forme deboule dans son appartement étroit, obscur, maispropre, commode, il y est a 1'abri des intempéries de 1'air et de tous les 'dangers. Parvenu a son dernier accroissemenf, il se change en chrysalide, s'ouvre une porte, déploie ses ailes, prend'son essor et devient habitant d'un-autre élément.. (3°) K'tbans tmimii. Les ténia qui sont si variés dans lis différens animaux,et dont l'homme nourrit aussi plus d'une espèce. On en connoit aujourd'hui un grand- nombre. Le nom de solitaire est fort impropre, car celui qu'on avoit cru exister seul dans les intestins de l'homme y a aussi été trouvé avec plusieurs autres. Les cucurbitains ne sont que des articulations détachées de ce ver. (4°)' Moucbe flti b&tit. II y a plusieurs espèces dé monches qui batissent , rien de pliis curieux que leur architecture, et de plus intéressant que les matériaux qu'elles emploicnt. Les  160 N O T It S • arts pourroie;it peut-être profiter de 1'instinct de ces industrieux animaux: la mouche maconne .construit plusieurs cellules avec des grains de sable, dont elle sait composer un mortier, qui dans peu de temps acquiert la dureté des pierres les plus solides. N'est-ce pas 14 le fameux mortier des anciens Romains, que nos savans n'ont encore pu imiter. Plusieurs insectes bAtissem avec une substance qui est un vrai papier, ou du canon, etc. (41) Mouche qui file. Plusieurs naturalistes ont compris sous la dénomination de mouches les dcmoiselles dont les larves filent pour tapisser Ie logement oü elles se métamorphosent, La larve du formica leo, dont 1'histoirc est si curieuse «t si intéressante, devient une mouche demoisclle. (41) Ceux guiiTnnfil dori eemfesent leur temheati. Ce sont les vers 4 soie. (43) Ceux dont Tamour dans Tomhre tllume le fiambtau. II n'est aucun insecte dont les amours soient aussi cachées que celles des mouches 4 miel: il en est de même des thermès des zones torrides. Au reste il y a plusieurs autres insectes dont I'accouplement se fait ordinaircment 4 couvert; tels sont les carabes, les tdnébrions, lesblattes. (44) L'insecte dont un au home la destinèe, Beaucoup d'insectes vivent depuis le moment oü ils Sont éclos jusqu'a. la même époque de 1'année suivante,  I)U TROISIEME CHANT» l6"I en passant l'hiver" dans 1'état de nymphes. D'autres vivent dans 1'dtat de larve pendant quelques années II en est qui voient plusieurs génératibns' dans le cours d'un été. Les insectes qui, dans 1'espace d'un jour, et même de quelques heures, terminent leur carrière (du moins celle de leur état parfait), sont les éphémères, appeièès communément mouebts de Saitit-Laureut. (45) Venez avec Téclat de ves ricbes babits, Vos aigrettes, etc. Dinffécaillc diftnd la gaze de vos ailes. La nature semble avoir voulu dédommager les insectes de leur foiblesse; en param leur robe des plus vives couleurs. Sur leurs ailes et leurs ornemens de tête on voit briller 1'azur, for, 1'argent, le vert. le rouge, le jaune, etc; les franges, les aigrettes, les houpes sont prodiguées, et les reflets de ces couleurs dilférentes sont au moins aussi vifs que ceux des pierres précieuses II ne faut qu'examiner une mouche Iuisante, unpapillon, une cbeniile même, pour étre étonné de leur magnifi. cence ct de la variété de leur livrée. Est-il dans la nature, que la parure soit 1'appanage de la foiblesse? (46) Ces yeux qu'avec tam d'art la nature a taillés. De toutes les parties des insectes, les yeux i réseau sont peut-être les plus propres a nous faire connoitre avec quel prodigieux appareil la nature les a formés, et a nous apprendre en général combien elle produit de merveilles qui nous éehappent. Les plus grands obscrvateurs microscopiques n'ont pas manqué d'étudicr la structure singulière de ces yeux. Ceux des mouches , des scarabécs, des papillons, et de divers autres insectes;  102 W O T E s ne different en rien d'esseutiel. Ce! yeux sont tous a P_eu prés des portions de sphère: leur enveloppe extérieure peut «tra rcgardée comme la cornée. On appelle ecrnée l'enveloppe extérieure de tout ceil, celle a'laquetlë d°'at touchcr°», si, les paupières restant ouvertes, •n vonloit toucher un ceil. Celle des insectes, dont nous Parlous, a une sorte de luisant, qui fait voir souvent des couleurs aussi variées que celles de I'arc-encia i-Hc parolt, a la vuc simple, unie comme mie glacé;, mais, lorsqu'on Ia regarde a Ia lotipe, elle parolt taiilée a facettes comme des diamans: ces facettes sont disposces avec une régularité admirable et dans un nombre prodigieux. Leuwenhoek a calculé qifil y en avoit trois mille eeet quatre - vingt - une sur une scule cernée d'un scarabee, et qu'il y en avoit huit mille sur ehacune des , f0I"Öes d'unc moi'^e ordinaire. Hoock en a trouve quatorze mjlle dans les deux yeux d'un bourdon,, et. Leuwenhoeck en a compté sik mille deux cent viugttat dans les deux yeux d'un ver a soie ailé. Ce qu'il y * de plus merveüleux, c'est que toutes ces facettes sont vraiseroblablemcnt autant d'yeux; de sorte qu'au lieu de deux yeux ou cristallins, que quelques naturalistes ont peme a accorder aux papillons, nous devons leur cn reconnoitre sur les deux cornées trente-quatre mille six cent cinquantc; aux mouches scize mille, et aux autres plus ou moins, mais toujours dans un nombre aussi surprenant. Voici deux expériences de savans observateurs, qui prouvent incomestablement que chaque facette est un cristallin, et que chaque cristalliff est accompaïné de ce qui forme un ceil complet Ils ont détaché les cornées de divers insectes; ils en ont tiré avec adresse toute la matière qui y étoit renfermée, et, ap:ès avoir bien ncttoyé toute la surface intérieure, ils les ont  DO T K • I S I E M E CHANT. 163 mises a la place d'une lentille de microscope.- Cette cornée ainsi ajustée, et pointée vis-a-vis d'une bougie, produisoit une des plus riches iüuminations. M. Pnget avoit i'maginé de tenir au foyer d'un microscope, 1'ceil d'un papillön ainsi préparé; un soldat vu a ce microscoped'un genre particulier auroit paru une armée de dix-sept mille trois cent vings - cinq soldats, un point auroit paru1'assemblage d'un nombre infïni d'arches. Leuwcnhoecit a pöussé la dissection jusqu'a découvrie que chaque CTistallin a son nerfoptique. Comment, dira-t-on, un insecte, avec des milliers d'yeux., peut-il voir 1'objet simple? Lorsque nous saurons au juste comment nousmêmes avec deux yeux nous voyons les objets simples, il nous sera aisé de concevoir que les objets peuvent paroitre simples a des insectes avec des milliers d'yeux.. La nature^ qui a voulu que leurs yeux ne fussent pomt mobiles,, y a suppléé par le nombre et par la position. Malgré ces milliers d'yeux dont sont composées ?esorbitcs, la plupart des mouches ont encore trois autres yeux placés en triangle sur la t£te, entre Ic crane et le cou: ces trois yeux, qui sont aussi des cristallins, ne sont point ii facettes ; ils sont lisses et paroissent conuse des poinrs., Ces différentes grosseurs des yeux dans lemême insecte, joimes -i la considération des difierentes places accordées a cheque ceil, cönduisent•* .nrésumer, avec quelque vraisemblance, que la nature a favorisé les insectes d'yeux propres a voir les objets qui tant prés d'eux; 'et d'autres pour voir les objets éloignés;. qu'elle les a, pour ainsi-dire, pourvus .de microscopes et de télescopes. II 'faut observer que la plupart de ces yeux a facettes sont couverts depoil, que l'on peut soupconncr de produire l'effet des cils de nos yeux, c'est - a - dire , de détourner une trop grande quantité de rayons de  Ie4 K O T ï S Iumière, qui ne serviroient qu'4 embarrasscr Ia vue. (47) Armes de vos combats, instrument de vos arts. Les insectes sont arnjés de pied cn cap; ils attaqucnt, ils sé défendentj des dents en scie, des dards, des aiguillons, des pinces des cuirasses, des ailes, des cornes, des ressorts prodigieux dans les patres, des cordages ou filets, rien ne manque a I'appareil des organes nécessaires pour une guerre offensive et défensive. La nature n'a rien ménagé pour favoriser leur agilité; elle leur a prodigué tous les mstromens nécessaires 4 leur conservation, et il n'en est aucun qui ne tire parri de ses organes avec une adresse qui surpreud le philosophe même. Voyez Ia note 49 ci-après. C4') O.»' febserve de pris ces clairtns, ces tambours. La nature a donné 4 plusieurs insectes, comme aux cigales, aux cousins, aux bourdons, aux grillons, aux sauterelles et 4 plusieurs scarabées, la faculté de former certains sons. Mais malgré toutes les recherches on n'a pas encore pu découvrir les organes de 1'ouie. L'usage de tous les organes des insectes n'est pas connu; peutétre que parmi ceux dont »n ignore la destination il en est qui remplissent les fonctions de I'oreille. tl y a sans doute dans le chant de ces animaux des modulations/des différences, que nous ne saisissons pas, car il n'est pas dans 1'ordre que le chnnt du combat, de la victoire, de Ia douleur et du plaisir, soit surIeméme ton. Ponrqüói les insectes n'auroient - ils pas, conme les autres animaux, des moyens d'exprimer leurs p.issions ?  DU TROISIEME CHANT. iSg (4.9) Enfin tous ces ressorts, organes merveilteux. II semble que chaque espèce d'insecte feit destinée i ure profession particulière, et qu'elle en ait les outils; il y en a, pour ainsi dire, de tous les arts, de tous les métiers: leurs premiers travaux sont toujours des chefsd'ceuvres; leur industrie paroit aussi variée que la diversité des' instrumens appropriés au travail qui leur est particulier. On voit parmi eux des architectes qui for«ient le plan d'un édiflce capable de contenir plusieurs centaüles d'habitans: les appartemens en sont si bien distr-ibués qu'il n'est pas un coin de perdu; chaque individu y est logé séparémcnt dans un espace sulBsant. D'autres, plus solitaircs, se construisent des cellules séparées, oü règnent la propreté et la commodité. Les uns savent filer et ont des quenouilles: d'autres fout de la toille, des filets, et ont pour cela une navette et des pelotons. II y en a qui batissent en bois, et qui ont des serpes pour faire les abattis, des scies pour les débiter: d'autres batissent en pierre; ils ont la truelle et les instrumens nécessaires pour les appareiller. Ceux qui travaillent en cire ont des cuillers, des ratissoires. Plusieurs, outre la langue potr goüter et lécher, ont la trompe, qui fait 1'oflice de chalumeau, ou la tête munie d'une paire de tenailles, et ont encore a 1'extrémitê de la queue une tarrière mobile, propre 4 percer et creuser, etc. Les mouvemens de ces petits animaux ne sont ni de caprice, ni fortuit; ils sont pleins d'ordre et de dessein, et tendent tous au but pour lequel la nature a formé chacun d'eux. II ca est plnsieurs dont le gouvernement, 1'économie, les mceurs et 1'industrie pourroient servir d'exemple aux hommes: il semble qu'ils aient résolu le grand problème ie u viei ils ont twuré l'm é'être «eureux, ils le  W O T E S paroissent au moins: pourroient-on en dire amant des hommes, qui se croient bien supérieurs? (50) Et même apris U mort y ressemble a la vie. Voyez ce qu'a éerit 1'abbé Manesse sur 1'art d'empailler, 00 Qi't Tétre et le néant rèclamirent tous Jeux. Les jeux, les caprices ou les écarts de la nature ne sont pas indignes de 1'attention d'un philosophe, quand on ne les obscrveroit que sous Ie rapport des avantagcs qui en peuvent résulter, abstraction faite de ce qu'ils présentent de curieux. On sait que par 1'art, émané de 1'observation , on est parvenu a changer la direction de la nature; qu'on n obtenu d'elle, dans les deux règnes des êtres vivans,' des individus qu'elle auroit toujours refusés; que les muiets et les plus beaux fruits sont des monstres, qu'elle refuse de reproduire si 1'art ne 1'y force [pas. Qui sait ce qu'on obtiendroit d'elle si tous ses écarts étoient bien connus? Quant aux restcs des êtres gigantesques qui ont existé, leur examen, celui des lieux oi\ on les retrouve, peuvent jetcr un grand jour sur cc que fut Ia nature dans des temps antérieurs. (5 O Rouge indiffêremment Dubartas. Ouillaume de Salluste du Bartas, auteur, inconmi aujourd'hui, de beaucoup de poësies, ct d'un grand poëme sur la création, intitulé la Semaine. II a été non - seulement poëte, mais négoeiateur et vaillant capkaine; et aucun de ces titres ne 1'a sauvé dcl'oubli, Le passage suivant de u Semaine, dans lequel il,  ■D -fj T R O I S I E M E CHANT. It?7 Öëpeint le vol et le chant de 1'alouettc, lui paroissoit de 1'harmonie imitative: La gentille alouette crie son tirc lire, ,, Tire lire a lire, et tire tiran lire .,. Vers la voüte du ciel; puis son vol vers ce lieu „ .Vire, ct désire dire, adieu Dieu, adieu Dieu."  N O T E S DU QUATRIEME CHANT. CO Otti, les ricbes aspects \et des champs et de Tonde. M • de la Hsrpe, long-temps apres que ee morceau eu: été lu a 1'académie , a fait imprimer un poëme , plein d'intérét, sur un sujet i peu prés semblable. J'espère que , la lecture publique de mon ouvrage ayant précédé de piusieurs années la publication de celui de M. de la Harpe , on ne m'accusera pas de plagiat, pour quelques ï£ssemblanccs qui se trouvent dans quelques passages de ces deux poëmes. (Note de Tauteur) (2$ Fuit ', roule et de son lit abrtge les détours! „ Qua pinus ingens, albaque populus „ Umbram hospitalem consociare amant „ Ramis, et ebliquo laborat „ Lympha fugax trepidare rivo." Horat. Carm. Lib. II. Od. III. (JYote de Tauttur) (3) Ses pas dans tous vos. sens retentissent encer. Le lecteur retrouvera peut-étre ici avec plaisir, et sera charmé de comparer, les différentes descriptions du cheval, » commenccr par celle qui se trouve dan? la Bible, au chapitre JUÜÜX du titrt dt Jth.  BB QUATRIEME CHANT. ifiu, „ As-tu donné (dit Jehovah en s'adressant i Job), „as-tu donné au cheval saforce, ,son vigoureux „ organe , et sa flottante crinière ? Est - ce toi qui le „ fais liondir comme la sauterelle * Que son hennis„ sement retentit au loin! qu'il répand d'effroi! Sur „ le champ de, bataille, son pied cave'le terrain; fier ,, de sa bravoure, il s'élance au devant des bataillons, „ se rit de la peur, et le tranchant de Pépée ne 1'ar„ réte point. Les flèches sifflent autour de lui, Ie fer „des lances ct des dards.le frappe de ses éclairs; il „ écume, frémit, et dans son activité semble vouloir ,, engloutir la terre. Le son de la trompette enflamme „ Sa fureur. La charge sonne, il s'écrie : «Hens; et, respirant la guerre, il sent 1'approche des troupes, entendia voix des généraux, les clameurs du combat, ,, etle cri du triompho. " ViR.cii.ir Geoxgicon; m. IIT. „ Continuo pecoris generosi pullus in arvis ,, Altius ingreditur, et mollia crura reponit: ,, Primus et ire viam, et fluvios tentare minaces „ Audet, et ignoto sese committere ponti; . „ Nee wanos horret strepitus: ifla ardua cervix, „ Argutumquc caput, brevk alvas, obesaque terga; „ Luxuriatque toris animosum pectus: honesti „ Spadices, glaucique; color deterrimus albis, „ Et gilvo: tum , si qua sonum procul arma dedere, „ Stare loco nescit; micat auribus, et tremit artus; „ Collectumque premens volvit sub naribus ignem: „ Densa juba, et dextro jactata recumbit in armaj 3, At duplex agitur per lumbos spina; cayatque H  170 tj 0 T E s „ Tellurera, et solido gravitcr sonat ungula cornu. „ Talis atnycla:i domitus Pollucis habenis. ,, Cyllarus; et, quorum graii meminere poets, „ Martis equi bijuges; et magni currus Achillis: » Tatis et 'Pse iubam cervice effudit equinS „ Conjugis adventu pernix Saturnus, et altum „ Pelion hinnitu fugiens implevit acuto „ Nonne vides, quam pra:cipiti certamine campura „ Corripuerc, ruuntque effusi carcere currus; ai Quum spes arreette juvenum, exsultantiaque haurit „ Corda pavor pulsans; illi instant verbere torto ,, Et proni dant lora; volat vi fervidus axis : „ Jamque humiles, jamque elati sublime videntur „ Aera per vacuüm ferri, atqtte assurgere inauras: ,, Nee mora, nee requies"; at fulvte nimbus arena; „ Tollitur; humescunt spumis flatuque sequentum ,, Tantus amor lauduni, tantae est victoria curtel „ Sin.ad bella magis studium, turmasque feroccs, „ Aut Alpha;a rotis pralabi fiumina Piste , N Et Jovïs in lucó currus agitare volantes; „ Primus equi labor est, animos atque arma vidcre „ Bellantum, lituosque pati, tractuque geraeutem m Terre rotam, et stabulo frenos audire sonantcs; „ Tum magis atque magis blandis gaudere magistri „ Laudibus, et plausa; sonitum cervicis amare. „ Atque h»c jam primo depulsus ab ubere matris „ Audiat, inque vicem det molübus ora capistris „ Invalidus, etiamque tremens, etiam inscius aevi. „ At, tribus exactis ubi quarta accesserit testas, „ Carpere mox gyrum incipiat, gradibusque sonare „ Compositis, sinuetque alterna volumina crurum; i, Sitque laboranti similis: tum cursibus auras ,, Provocet; ac per aperta volans, ceu liberhabenis  HU C U A T R ï E M K ' C H A N T. lfl „ iEquora , vix summa vestigia ponat arena. „ Qualis, hyperboreis Aquilo qunm denSus ab oris „ Incubuit, Scythiajque hiemes atque arida differt ,, Nubila: tum segetcs altte campique natantes „ Lenibus horreseunt flabris, summtequs sonorem „ Dant silvte, longique urgent ad littora fluctus: „ IUevolat, simul arva fuga simul a;quora verren*. ,, Hic vel ad Elei metas et maxima campi „ Sudabit spatia, et spumas aget ore cruentas; „ Belgica vel raolli melius feret esscda collo. '*' Traduction far Tauttur. „ L'etalon généreux a le port plein d'audace, 9, Sur ses jarrets pliants se balance avec grace: ,, Aucun bruit ne 1'émeut; le premier du troupeatt, „ II fend 1'onde écumante, alfronte un pont nouveau.' II a Ie ventre court, I'encolurc hardie, „ Une töte cffiléc, une croupe arrondie; „ On voit sur son poitrail ses muscles se gonaer ' „ Et ses nerfs tressaillir, et ses veines s'enflcr. „ Que du clairon bruyant le son guerrier 1'éveiIIe, >, Je Ie vois s'agiter, trembler, dresser 1'oreille; ' „ Son épine se doublé, et frémit sur son dos, „ D'une epaisse crinière il fait böndir les Hots'; •,, De ses naseaux brölans il respire Ia guerre; „ Ses yeux roulent du feu, son pied creuse Ia terre. Tel, dompté par les mains du frère de Castor, ' » Ce Cyllare fameux s'assujettit au mors: Tels les chevaux d'Achille et du Dieu de Ia Thrace ■ „ Souffloientle feu du ciel d'oü descendoit leur race: Tel Saturne, surpris dans un tendre larcin, H 3  17* N o T e s „ Eb superbe coursier se transforma soudain, „ Et secouant dans 1'air sa crinièrc flottante, • „ De ses hennissemens eifraya son amante ,, Le signal est donné: déja de Ia barrière „ Cent chars précipités fondent dans la carrière; „ Tout s'éloigne, tout fuit; le? jeunes combattans, „ Tressaillans d'espérance, et d'effroi palpitans , ;, A leurs bouillans transports abandonnent leur arne: ft I's pressent leurs coursiers; 1'essieu siffle et s'enflamme: „ On les voit se baisser, se dresser tour » tour; „ Des tourbillons de sable ont obscure: Ie jciur; „ On se quitte, en s'atteint, on s'approche, on s'évite„ Des chevaux haletans Ie erin poudreux s'agite; „ Et, blanchissant d'écurae et baigné de sueur, „ Le vaincu de son soufflé humecte le vainqueur: » Tant la gloire leur plait, tanf I'honncurles anime!... „ Mais veux-tu, prèsd'Eüs, dans des torrens de poudre ,. Guider imcbarplus prompt, plus brülant que lafoudre? „ Veux-tu, dans les horreurs d'un choc tumultueux, „ Régler d'un fier coursier les bouds impétucux? „ Accoutume son ceil au spectacle des armes, „ Et son oreille au bruit, et son cceur aux alarmes: „ Qu'il entende déja le cliquetis du frein, ,, Le roulement des chars, les accens de 1'airain: ,, Qu'au seul 6on de ta voix son allégresse éclatc; „ Qu'il frémisse au doux bruit de la main qui Ie natte. „ Ainsi de Ia mamelle a peine séparé, „ Ton élève a son art est déja préparé ; „ Déja son front timide et sans expérience „ Vient aux premiers liens s'offrir sans défiance. ,, Mais compte-t-il trois ans? bientót mordant le frein, „ li tourne, il caracole, il bondit sous ta main;  du quatrieme chant. 1?S „ Sur ses jarrets nCrveux il retombe en mestire. „ Pour la rendre plus libre on gêne son allure: „ Tout-A-coup il s'élance, et, pluspronipt quel'éclair, ,, Dans les champs eilleürés il cóurt, voleetfend 1'air. „ Tel le fougueux éppux de la jeune Orythie ,, Vole, et disperse au loin les frimats de Scythie, „ Fait frémir mollement les vagues des moissons, „ Balance les foréts sur la cime des monts, ,. Cliasse et poursuit les flots de 1'Océun qui gronde, „ Et balaye en f'uyant les airs, la terre ,. et 1'onde, ., Un jour tu Ie verras, ce coursier génëréux, „ Ensanglanter son mors, et vaincre dans nos jeux; „ Ou,: plus utïle encore, dans les champs de la guerre, „ -Sous de rapidcs chars faire gémir la terre. " Les Jardins; chant In „ Tandis qu'impétueux, fier, inquiet, ardent, „ Cet animal guerrier, qu'onfanta le trident, ,, Déploie, en se jouant dans un gras pSturage, „ Sa vigueur indomptéc et sa grïce sauvagc: ,, Que j'aime et sa souplesse et son portanimé; ,, Soit que dans Ie courant du fleuve accoutumé , ,, En frissonnant, il plonge, et, luttant contre 1'ondc, „ Batte du pied le flot qui blanchit ét qui gronde: „ Soit qu'a travers les prés' il S'échappe par bouds , „ soit que, livrant aux vents ses longs crins vagabonds, ,, Superbe , 1'ceil en feu, les narines fumantes, „ Beau d'orgueil et d'amour, il vole a ses omantes!_ Quand je ne le vois plus, mon ceil le suit encor." II 3  *7* n O t E s Les Mois, par r0ucau ; cbant v% " L'Am°w vole; il , prh son eSsor vers Ja terre » Depuis 1'oiseau qui planc au foyer du tomierre ' » Jusqu'aux monstres errans sous les flots orageirx >, Tout reconnoït 1'Amour; tout brille de ses "feux' Daus un gras paturage, il desséche , il consuraé » Le coursier inondé d'une bouillaute écume; „ Le livre tout cnticr aux fureurs des désirs.' » De ses larges naseaux qu'il présente aux Zéphyrs, >* Vam™ti, arrêté sur les monts de Ia Thrace, „ De son épouse errante interroge la tracé. ' • ,, Ses esprits vagabonds 1'ont a peine frappé , .. II part, il franchit tout, fleuve, mont csca'rpé ,, Trécipice, torrent, désert; rien ne 1'arréte- * » II arrivé, il triomphe, ct, Cer de sa conquéte ,, Les yeux étincclans, repose a ses cötés. " Jacoei Vanieiuï PwtiiuM riwticuii; ///,. ƒ//•. ',, Qui longas amat irc vias, aut horrida Martis „ Castra sequi, tencra faciicm ccrvki (tomari „ Fingat equum, doceatquc pedes et mollis min „ Composito glomerare gradu, spumosaque franis „ Ora regens, plano vel in ajquore cursibus acrem „ Calce citet, pressis vel in orbem flectat habenis, Aut molli placidum jubeat proccdere gressu." HlSTOIRE naturelle d£ buffon, time I. „La plus noble conquéte que l'homme ait jamais „ fake, est celle de ce fier et fougueux animal, qui  du quatrieme CHAMT. 175 „ partage avec lui les fatigues de Ia guerre et la gloire „ des combats. Aussi intrépide que son maitre, lecheval „ voit le péril et 1'afïïonte; il se fait au bruit des „ armes, il 1'airae, il le cherche, ets'anime delamême ,, ardeur: il partage aussi ses plaisirs, a la chasse, „ aux tournois, 4 Ia course , il brille , il étincelle: „ mais, docile autant que courageux, il ne se laisse ,. point emporter 4 son feu; il sait réprimer ses mou„ vemens; non - seulement il fléchit sous la main de „ celui qui le guide , mais il semble consulter ses „ désirs, et, obéissant toujours aux impressions qu'il „ en recoit, il se précipité, se modère ou s'arrête, et „ n'agit que pour y satisfaire: c'est une créature qui „ renonce a son être pour n'cxister que par la volonté „ d'un autre, qui sait même la prëvcnir; qui, par la „ promptitude et la précision de ses mouvemens, 1'ex„ prime et 1'cxëcute; qui sent autant qu'on le désire, „ et. ne rend qu'autant qu'on veut; qui, se livrant. saus. réserve, ne se refuse 4 rien, sert de toutes sesförces, ,s s'excède, et même meurt pour mieux obéir. " L'Agricultuke , pak. Rosset; clott V. „ L'étalon que j'estime est jeune , vigoureux;. „ II est superbe et doux, docile et valeureux. ,, Son encolurc est haute et sa tête hardie; „ Ses flancssont larges, pleins, sacroupe est arrondies ,, II marche Cêrement, il court d'un pas léger; „ II insulte 4Ja peur, il brave Ie danger. ;„ S'il entend Ia trompette, ou les cris de la guerre,. „ II s'agite, il bondit, son pied frappe la terre; „ Son fier hennisseraent appelle les drapeaux; H 4  !?-5 N O T E S „ Dans ses yeux le feu brille, ilsort de Scsnascaux „ Son oreilLe se drcsse et ses crïns se henssent; Sa bouche est écumante , et ses membres frémissent... ,, Au milieu de leurs jeux, ct dè> leur premier «ge „ Des mceurs qu'ils montreront vous lircz le présage „ Celui que vous verrez s'ëlancer dans les champs, Courir, se balancer sur ses jarrets püans, „ Mépriser le vain bruit d'un torrent, d^Be source, „ Déöer ses parcils, les passer a la course, „ Dans le brillant essor de ses essais heureux ,, Porte déja les traits d'un coursier généreux. „ Us vivent sans contrainte, et leur indépeuda.ice i, Dn frein qui lés attend ignore la puissance „ Un coursier bclliqueux , qui, formé pour Ia gloire , „ Doit avec Ie guerrier voler i la victoire, ,, Dés ses plus jeunes ans au bruit accoutumé, „ Sans crainte entend tonner Ie salpétre allumë. „ Son ceil audacieux parcourt 1'éclat des armés; „ te sori de la trompette est pour Tui plein de charmes, ,, II soulfie les arcons, il soutient cn repos. „ Son maiuc qui s'élève et s'assied sur son dos. „ A ses ordres docile, il s'arréte ou s'avance, „ II revient sur ses pas, ii se dresse, il s'élance; „ Plus léger que les vents, par son vol dé vancés, „ Ses pas sur la poussière a peine sont tracés. „ 11 aime la louange, et son ardeur éclate 9 Au doux bruit de la main qui le frappe et le flatte. „ C'est ainsi qu'un coursier utile aux champs de Mars „ Vous porte fièrement au milieu des hasards, „ Percc les escadrons, vole, se précipité ; Le camage 1'anime, et le péril 1'irrite. „ Environné de morts, sanglant, percé de coups, » II semble s'oublier et ne penser qu'4 vous*  bit QUATRIEME CHANT. 17? „ Quand sa fofce le quitte, encor 'plein de courage, „ De 1'horrcur des combat- il sort ft vous dégage: ,, Pour -vous il semble craindre un coup qu'il a bravéj „ 11 expire content quand il vous a sauvé." II y a dans ce mórceau du poëme de 1'agriculture, imprimé long-temps après la publication de la traduction des Géorgiques, plusieursi vers qui en sont visibiement empruntés. (4) Le taureau qui gimit sar stn frire expimnt. „ It tristis arator „ Mcerentem abjungens fraterna morte jurencum.'* Georc. lib. iu. C5) deit dtmeurer f'empire des trtupexux. ' On reconnoitra fiicilement dans ce morceau une imitation de la belle description que Virgile a faite. d« combat de deux taureaux pour une genisse, dans le 3«. livre des Géorgiques ; description pleine, d'arae et de mouvement, et, 1'une de celles oU la poësie a prété , avec le plus de succes, les passious de 1'b.omme aux animaux. P. VlRGILII Georgicon Lib. III. „ Sed non ulla magis vires industria firmat, ,, Quam Venerem et cseci stimulos avertere amoris, ,, Sive bovem, sive est cui gratior usus equorum; „ Atque ideo tauros procul atque in sola relegant H S  17* „ Pasctta, post montem opposhum, et trans fltvmina lata; „ Aut iutus clausus sativra ad pra-sepia servanr. „ Carpit enim vires paulatim uritque videndo „ Femina; nee ncmorum patitur meminisse nee herbte. „ Dulcibus illa quidem illecebris, et stepe superbos „ Cornibus inter se subigit decernere amantes: „ Pascitur in magna silva formosa juvenca: ,, Illi alternantes multa vi praslia miscent „ Vulneribus crebris; Iavit ater corpora sanguis, ,, Versaque in obnixos urgentur cornua vasto „ Cutn gemitu: reboant silvreque et magnus Olympus» „ Nee mos bellantes una stabulare: sed alter „ Victus abit, longeque ignotis exsulat oris, Multa gemens igrtominiam plagasque superbi „ Victoris, tum, quos amisit inultus, amores „ Et stabnla aspeetans regnis excessit avitis. „ Ergo omni cura vires exerctt, et inter „ Dura jacet pernöx instrato saxa cubili, „ Frondibus hirsutis et carice pastus acuta; „ Et tentat sese, atque irasci in cornua discit, „ Arboris obnixus trunco, ventosque lacessit „ Ictibus, et sparsa ad pugnam proludit arena „ Post, ubi collectum robur viresque refecta;, „ Signa movet, prxeepsque oblitum fertur in hostem. „ Fluctus ut, in medio ccepit quum albescere ponto,. ' „ Longius ex altoque sinum trahit; utque voliitus ,, Ad terras, immane sonat par saxa, nee ipso „ Monte minor procumbit: at ima exsjstuat unda „ Verticibus, nigramque alte subjectat arenam. ,, Omne adeogenusinterrishominumque ferarumque", „ Et genus tequoreum, pecudes, pictajque volucres „ In furias ignemque ruunt: amor omnibus idem. n Itmpore non iÉsf catulorum oblita- lesna  B' U QUATRIEME CHANT. I7S>- Sseviör erravit campis; nee funera vulgo „ Tam multa infbrmes ursi stragemque dedere ,, Per Silvas; tum sievus aper, tum pessima tigrisï, „ Heu! male tum Lybise splis erratur inagris." Traduction, par Cauteur. „ Crains aussi, crainsTamour, dont la douce Iangueur „ Des troupeaux, quels qu'ils soient, énerve Ja vigueur. „ Que des fleuves profonds, qu'une haute montagne, y, Séparent le taureau de sa belle compagne ; i / „ Ou que , loin de ses yeux dans 1'étable caché, „ Prés d'une ample pjture il demeure attaché: „ Prés d'elle ilfond d'amour; il erre, tristeetsombre, „ Et négligé les eaux et la verdure et 1'ombre. „ Souvent même, troublant 1'empire des troupeaux, „ Une Hélène au combat entraine des rivaux. ,, Tranquille, elle s'égare en un gras p3turage: Ses superbes amans s'élaneent, pleins de rage; Tous deux, les yeux baissés, et les regards brülans,. „ Eutrechoqucnt leurs fronts , se déchirent les flancs; „ De leur sang qui jaillit les ruisseaux les inondent; „ A leurs mugisseraens les vastes cieux répondenr. .„ Entre eux point de traité: dans de lointainsdéserts ri Le vaincu désolé va cacher ses revers, „ Va pleurer d'un rival la victoire insolente, La perte de sa gloire, et sur tout d'une amantej „ Et, vers ces bords chéris tournant encor les yeux, „ Abandonne 1'empire oiï régnoient ses ayeux. „ Mai' 1'amonr lepoursuit jusqu'en ces lieux sanvagess - La, donnant sur des roes, nourri d'amers feuillages,, „ Furieux, ii s'exerce a venger ses affronts;H. S  15» N O T t S ,, De ses dards tortueux il attaque les tröncs; „ Son' front combat les vents , son pied combat la plaine» „ Et sons ses bonds fougueux il fait voler 1'arène. „ Mais e'en est fait; il part, et, bouillant de désirs, „ De 1'orgueilleux vainqueur va troublerles plaisirs. „ Tel, par un pli léger ridant le sein de 1'onde, „ Un flotde loinblanchit, s'allonge, s'enfle et gronde. „ Soudain le mont liquide, élevé dans les airs, „ Retombe; un neir limon bo'uillonnc sur les mers. „ Amour! tout sent tes feux, tout se livre it ta rage; „ Tout, et 1'liomme qui pense , et Ia brute sauvage, ,, Et le peuple des eaux , et l'habitant des airs. „ Amour! tu fais rugir les monstres des déserts: „ Alors, battant ses flancs, la lionne inhumaine „ Quitte ses lionceaux et rode dans Ia plaine; „ C'est alors que, brülant pour d'inforrïles appas, ,, Le noir peuple des ours séme au loin le trépas; „ Aloi-6 le tygre affreux ravage la Lybie: „ Mrilheur au voyageur errant dans Ia Nubie!" (Neie de fauteur^ (6) Et s'en rtteurne enfin, seule et désespirée. Je n'ai pas prétendu m'appropricr ce vers de Racine; mais j'ai cru pouvoir 1'employer dans un morceau oü je conseilje au peintre des champs, pour rendre les animaux plus intéressans, de leur prêter nos penchans et nos passions. Tout le monde sait que ce yers a éaé mis par Racine dans la bouche de Clytemnestre, disputaut sa fille a I'aimbition de son époux. (Nut de r»M»ur.)  1>U QUATRIEME CHANT. l8l (7) Q/iel ctsur nest point êmn de ses tend'res regrets '. LUCRETII DB RERUM N AT U RA , lib. II. ,, Nam srepe ante Dcum vitulus dclubra decor» 5, Thuricrcmas propter mactatus concidit aras , „ Sanguinis cxspirans calidum de pectore flumen: „ At mater virides saltus orbata pcragrans, s, tinquit humi pedibus vestigia pressa bisulcis, ,, Omnia convisens oculis loca, si queat usquam ,, Conspicere amissum fcetum; complctque querelis w Frtjndiferum neraus adsistens; et crebra revisit „ Ad stabtilum, desiderio perfixa juvenci. „ Nee tenerte salices, atque herbs rore vigentes, „ Fiuminaque ulla queunt, summis labentia ripis „ Oblectare animum, subitamque avertere curam: „ Nee vitulorum alire species per pabula latta j, Derivare queunt alio, curaque levare: ,, Usqucadco quiddamproprium, notumque requirit." Traduction, per M. le Blanc de Guillet. „ Non jamais dans leur cceur nul trait ne s'en efface. „ Lorsqu'un jeune taureau, frappé d'un coup mortel, „ Sous le couteau sacré tombe au pied de 1'autel, „ Sa mire, non plus mérc; errante , désolce, „ S'égare dans les bois, éperdue, isolée. „ Ui tracé de ses pas est marquée en tous lieux. „ Par-tout elle proménc un regard soucieux. „ üü peut être caché 1'objet de sa tendresse ? ,, Toute a ce souvenir, elle revient s»ns cesse „ Des patis 4 son tok, de son toit aux pütis, „ Par ses cris douloureux tour 4 tour attsndris.  I8l H 0 T t S :, Plus de goüt pour les fleurs, pour la tendre feuillee , „ Des perles du matin vainement émaillée. ,, Ni les gazons naissans, ni le cristal des eaux, „ Ni les jeux, les combats d'autres jeuncs taureaux, „ Rien n'offre qu'un vain charme i sa douleur secretie,. „ Rien ne rend ii son cceur le fils qu'elle regrette , » Ce fils si bien gravé dans ce cceur gémissant." (8) O cbatap's de U Limagtie! t fortune si-jour! Sidonius Apollinaris, liv. IV, epist. ai, fait de laLimagne la belle description que l'on a cru devoir donner ici. Taceo territorium vietcribus molle, frr:tuosum arttttribus , venatoribus voluptnosam ; qnod montium ciugant dersa pascuis, latera vinetis, terreua villis, saxosa castcllis, opaca lustris, aperta cultmis, concava fntibus , abrupta fluminibuï; quod denique hwjusmott est, „t semtl visum, advenis mollis, pairi