LES JEUX i) i: X.A. PETITE THALXE, OUL INoweauxPetits UJjramesDialogues sur desproverlj es „Pxopr es afirmer les moeurs dies Enfans des jenraes Penfonnes, clepxóslag'e de cinc^ans J ufqiC el vin trt. A AMSTB1DAM., cliez T. VAK HAMLEYELT. MDCCLXXXYI.   EPITRE- A M. LA COMTESSE £)***, SUR. L-ÈDUCATION DE SON FILS. T X es vteux font donc remplis, mere fcnfible & tendre ; Ton fils crolt fous tes yeux & commence a t'entendre ; Tout eft nouveau pour lui, tfaut vient frapper fes fens ; Tout occupe a Ia fois fes organes naiffhns. Ses ycux cherchent tes yeux, fa main prefle la tieniie, 11 a befoin encor que ton bras le foutienne! 11 hcTite, chancelle, & bientót, fans effroi, Viendta d'un pied plus (Sr courir autour de toi. Lorfque tu lui fouris, fa langue embaraffée Voudroit articuler les fons de la penfëe. O que j'aime a te voir, avec vivacité, De fes jeux innocens partager la gatté , De l'amour maternel dpuifer les tendrefles, Lui rendre a chaque inftant carcfles pour carefles, Epier fes defirs, & prévenant fes pleurs, De fon berceau tranquille écarter les douleurs ! Ces veitus d'une mere appellent mon hommage. Mais tandis qu'en mes vers feri retrace 1'fliage , Ton fils avec fes jours voit croitre les befoins. D'autres tems a ton cceur demandent d'autres foins. Veux-tu que tout confpire a remplir ton envw'. H faut femer de flenrs Pauroré de fa vit; A •  * E F I T R E. Mais que les fruits toujours fe caclient fous les fleurs. Ton fils ne te doit rien , s'il ne te doit des moeurs. C'eft le voeu de 1'hymen, c'eft la dette facrée Que t'impofe le Ciel, que ta bouche a jurée. Tu lui donnas le jour; &, pour lui donner plus, Dans 1'ame de ton fils cultive tes vertus. Rends-le digne, en un mot, de fes deftins profperes. Qu'il apprenne a porter le grand nom de fes peres, Et qu'en fe rappelant un fi beau fouvenir, II tranftnctte le fien aux fiecles a venir. Ainfi Ie jeune Aiglon , écliappé de fbn aire, Ofe enfin s'élever au fejour du tonnerre , Et dans leur vol fublime, imitant fes ateux, Fixe 1'aftre brülant qui regne fur les cicux. Mais, avant que ton fils ait comblé ton attente, Tu dois plier au joug fa jeuneffe inconftante, Inftruis - le par degrés , &, dès fes premiers ans ; Montre-lui la raifon fous des traits féduifans. Vois-tu ce jardinier, d'une main attentive, Elaguer avec foin rarbrifieau qu'il cultive? La plante fécheroit & languiroit fans lui. A fa tige naiflante il préfente un appui. II abreuve tantót la racine altérée, Tantót prefcrit un cours a la feve égarée, Et contre 1'aguilon taclie de protéger Ce débile arbrifieau, 1'efpoir de fon verger. Les foins de fon miniftre a Pomone ont fu plaire. Un jour, un jour viendra qu'ils auront leur falaire. Déja 1'automne approehe, & fes tréfors nouveau»  E P I T R E. 3 Du jardinier foigneux vont payer les travaux, L'arbre eft chargé de fruits qu'il doit a la culture. Ainfi Part des mortels peut aider la nature Et, dans un tendre enfant voyant Phomtne futur, Difpofer fon jeune (ige aux fruits de 1'Étge mür. Ton fils eft Parbrifleau dont la foibleffe implore Les regards careffans de Pomone & de Flore. Prodiguc-lui tes foins, & nourris dans fon coeur De tous les fentimens la féconde chaleur; Ta franchife déja fe peint fur fon vifage, D'un efprit généreux favorable préfage, Gardons-nous d'dtoufier cette ingénuité ; Elle honore fon ïlge & prouve fa bonté. „Qu'il croie a Ia vertil fans foupconner le crime! Ah! fi c'eft une erreur, cette erreur eft fublime. II faut par les humains fe laifler abufer, Plutót que de les craindre ou de les méprifer. Si de ton fils déja la mémoire fertile Teut garder ie dépot d'une leclure utile, Qu'il parcoure, en jouant, ces chef-d'reuvres vantés Que PEfope Francois a jadis enfantés. Que ces récits naïfs ont d'attraits pour fon age ! La raifoli les approuve, & leur doux badinage Qu'un fophifte éloquent vainement a profcrit, Sait au prolit du coeur amufer notre efprit. Eh! que fert d'élever une voix doétorale? La Fontainc avec art déguifant fa morale, Aux humains qu'elle inftruit préfente un hamecon. Ainfl que le pêcheur au crédule poiflbn. A 2  i E P I T R E. Saus doute 1'art d'irftruire eft pë de 1'art de plaire. Et ton fils qui craindroit la coupe falutaire, Sans le miel féducteur dont les bords font couverts, Chérit la vériié fous le mafque des vers. Sur-tout qu'il n'aille point dans la poudre des claües, De fon age trop tendre enfevelir les graces, Et des pédans obfcurs habitcr la prifon. Ces triftes raifonneurs font ha'ir la raifon. Tu n'imiteras point la maratre infidele Qui veut que fes enfans foient exilés loin d'ellc, Et, ne jettant fur eus. qu'un rcgard paffager, Abandonne leur fort aus mains d'un étranger. ïrfais je vois chaque jour ton éleve docile Prêter a tes confeils une oreille facile. De ta voix qu^il adore il répete les fons; La bouche d'une mere embellit les lecons. Délaü"é dans tes bras d'une pénible étude, II fe fait de te plaire une douce habitude; ïour pris de fes efforts, fon légitime orgutil Ne brigue qu'un fourir: & ne veut qu'un coup-d'teil. Alors, fans fatiguer fes organes novices, De fa foible raifon recueillant les prémices , Tu pourras quelquefois ranircer fa langueur, Wenacer fans colere & punir fans rigueur. U eft des infenfés qui, pour la moindre offenfe, Ne favent qu'eflVayer & tourmenter 1'enfance ; Mais ton fils n'eft puni que par le fentiment; La bonte luit la faute, elle eft fon chatiment. Souvent tes entretiens dans le fond de foa ame  E P I T R E. S Portcront des vertus la généreufe flamme; Kt quand tu le verras fenfible a tes difcours, Des larmes de tendrcfle en troubleront le cours. Mon fils, lui diras-tu, feul efpoir de ta mere, Non, je ne forme point une vaine chimère, Quand j'attends de ton coeur de nobles mouvemens. Le tems vole, mon fils, profite des momens. L'ufage de la vie en étend la durée. Pour tenter la carrière a tes voeux préparée, Pour faire ton bonheur, il n'eft qu'un feul moyen ; Won fils, fois vertueux , fois homme & citoyen. Entends-tu dans ton cceur une voix qui te crie, Qu'il faut aimer fon maitre & fervir fa patrie ? Cet inftinét généreux, dans tes veines tranfmis, Eft le phis beau tréTor que je laifie a mon fils. Ecarté loin de toi la fraude infidieufe, La coupable molefFe & 1'cnvic odieufe, Fuis le luxe indigent & 1'orgucil efiïonlé. Apprends que la grandeur n'eft rien fans la bonté. Ah! lorfqu'un'nialheureux fuccombe a fes alarmes, La grandeur véritable eft d'euuyer fes larmes. Mais fur-tout, dans le fein de la religion, Des communes erreurs fuis la contagion. Chéris 1'Etre Suprème & fois utile aux hommes. Si d*autrej Spinofa, dans le fiecle oü nous fommes, Infefteut les efprits de confeils vénimeux, Rejette loin de toi leur délire fameux. Crains fur-tout, crains le doute oü leur ame eft flottante. Ah! mon fils, qu'au. tombeau je defcendrai contente, A3  6 E P I T R E. Si tu fuis la raifon, fi tu cheïis Phonneur. Mais quels regrets amers, quel trouble empoifonneur. Viendroient flétrir mon ame & denecher ma vie Si de triftes erreurs ta jcunefle fuivie , Dans Ie vain tourbillon des coupables plaifirs Peut loin de moi jamais égarer tes defirs. Hdlas! pardonne aux pleurs qui mouillent mon vifage Mon cojur n'accepte point ce funefte préTagc : Mon fils, pour raifurer ce cceur trop combattu, Jure d'aimer toujours ta mere & Ia vertu. A ces difcours touclians, a ce tendre langage, Je vois plcurer ton fils; je Tenten ds qui s'engage Par le ferment facrd que tu lui veux dictcr, D'embralTer la vertu pour ne Ia point quitter. Va, ce ferment n'eft point une chaine frivole , 11 promet 2 fa mere, il tiendra fa parole , Sur fes levres alors fon cceur eft tout entier; Et fon ame h la tienne aime ïi fe confier. Ainfi de fes devoirs oITre-lui la fcience; Qu'il croifle fous 1'abri de ton expérience ; Tel le pilote veille au milieu de la nuit, Et deïobe aux dcueils le vaiifeau qu'il conduit. Cependant Page vient oü ton fils moins ddbile S'accoutume au travail fous un Mentor babile. L'Antiquité dévoile a fes yeux aflidus Ses hommes immortels, fes dieux qui ne font plus, 11 ravit les trtfors & de Rome & d'Athenes. L'étude le tranfjiorte aux tems des Démoftlienes, Aux beaux jours d'Alexandre, au fiecle des CeTars,  E P I T R E. 7 Parmi tous les enfans de Minerve & des Arts. Fier & fenfible Achille, il reffent con outrage, Frémit de ta vengeance & chéric ton courage. Didon , a tes regrets il fe laiffe toucher; Et fes pleurs , d'Euryale , arrofent le bucher. Racine Pintéreffe aux plaintes d'Andromaque. II fuit chez Calypfo le jeune Télémaque ; Avec lui dans 1'Egypte il croit etre captif; 11 vole fur les pas d'Ulyfle fugitif. II voit avec tranfpört aux murs d'Idomenée L'équité floriffante & la paix ramenée. Quelle eft donc ta magie, ö divin Fénelon! Ta profe enchanterefl'e eüt féduit Apollon. Chez toi le fentiment s'uniflbit au génie, Les Graces t'infpiroient une male harmonie, Et Minerve elle-même feut recours k ta voix Pour le bien des mortels & 1'exemple des Rois. Quels coeurs ii tes difcours pourroient être rebelles ? Notre éléve charmé de fiétions fi belles , Pour des objets nouveaux brüle d'un nouveau feu Et fe rend digne enfin de lire Montefquieu. Du climat fur les mcaurs il diftingue 1'empreinte; II voit le defpotifme affermi par la crainte , Et 1'honneur fous les Rois déployer fa fiené , Et la Vertu marcbet avec la Liberté. Dans le Dédale obfcur ou 1'efprit s'enveloppe, II s'avance au flambeau de Montagtie & de Popa, Et, des vains préjugés heureufement vainqueur, Habite avec foi-même & defcend dans fon cceur. A 4  f £ P I T R E. II pénetre le temple oü la fage Uranie Tracé de 1'Univers 1'éternelie harmonie, Et va, du grand Newton difciple audacieux, Pefer dans fa balance & la terre & les cieux. Un verre alfujettit a fon regard avide Tous les globes épars dans les plaines du vuide. 11 les voit Pun vers 1'autre attirés dans leur cours. Et toujours s'approeher & s'éloigner toujouM^ lis obéiflent tous aux loix qu'il'leur impofe. En fept rayons égaux fon priime décompofe Un rayon échappé des céleftes lambris, Et furprend les couleurs de 1'écharpe d'Iris. Des feux brulans du jour il raflTemble 1'élite; Et toi de notre globe, ö pale Satellite, II devine ta marche, il la regie, & tu vois Tes courfiers vagabonds dociles a fa voix. Les cornètes pour lui ne font plus ces fantómes De qiii rafpect vcngeur menacoit les Royaumes. II fait que le folul, a ces adres errans, D'une flamme nouvelle einprunte les torrens. II prédit leur retom' & marqué leur dilïanoe. Des élémcus rivaux le choc & la fubftance, Ces trois regucs fameux qu'en Egypte autre fois, Ilerraès a fon pouvoir foumettoit tous les trois ; La nature, en un mot, eft Pobjet de fes veilles. O cornbien eet amas de fublimes merveilles , Combien ce grand fpeetacle étonnera fes yeux ! II veria que 1'étude eft un préfent des cieux. C'eft un .U'éfor facré que le vulgaire ignore.  E P I T R E. 9 Midas haic les talons, Frédéric les honore.: Son nom par le trépas ne feta point vaincu; Mais qui vit fans pemfer, meurt fans avoir vécti. L'exiftence eft un poids dont la mort le délivre. Tandis que ton éléve a 1'étude fe livre, Tu dois, pour régler mieux 1'emploi de fes momens, Profiter avec art de fes délaffemens. Qu'il tente chaque jour un péniblc exercice; ,Au uavail obftiné que fon corps s'endurcifle: La molelTe jamais ne forma les héros. Eh ! fi toujoiu-s Achille eüt langui dans Scyros, De la lyre d'Homere auroit-il été digne ? Non : d'un loifir honteux fa grande ame s'indigne. 11 fent qu'un tel repos eft une lacheté, Et que- par le travail 1'honneur efl acheté. Chiron, de qui les foins formerent fon jeune age, L*inftruifit a paflcr les fleuves a la nage; A brifer des torrens les flots impétueux; A fuir les vains apprêts d'un luxe infructueux! A vaincre daris ia lice, oü les fils de la Grece , Joignoient 1'art au courage & la force a 1'adrefle ; A dompter les courfiers, a fupporter enfin L'ardente canicule, & la foif & la faim. Qu'il brule maintenant de rentrer dans la lice! Son infünift vertueux fert la fraude d'Ulyfle, Et laiifant la molefle a des bras énervés, 11 vole a ces honneurs qui lui font réfervés. Jadis chez nos Francais quelques ames ftoïques Coufervcient les mceurs dc ces tems héroïques.  fö E P I T R E. On vit tout Paladin , loyal & courageux, De Ia Grece imiter les combats & les jeux. D'un bras que n'avoit point affoibli Pindolence , II favoit, jeune encore, effayer une Iance; Accoutumoit au frein un rebelle courtier, Et ne dédaignoit pas un méts fimple & groflier. Mais cette courtoifie, autrefois tant prifée, Serviroit aujourd'hui de fable & de rifée; Chaque jour, chaque inftant voit changer nos humeurs ; Les faux befoins du luxe ont corrompu nos mceurs. O honte ! O de ce fiecle étcrnelle infamie! Le citoyen chérit la molefle ennemie, Et de 1'oifiveté préfere les pavots Aux lauriers deftinés pour les nobles travaux. Tous les jours font perdus dans un oubli profane. La fleur de fa jeunelfe avant le tems fe fane: Et les molles Jangueurs qu'adopta Sybaris, De nos braves Heitors font de laches Paris. Ton Eleve fuira leurs trompeufcs aniorces; II pourra, dès que 1'ige aura müri fes forces, Vouer a fa patrie un courage afluré, Et, dans un corps robufte, un efprit éclairé. Je touche a cette époque oü le cri de la gloire Fera voler ton fils aux champs de la victoire. De Bellone a fes yeux quand la flamme aura lui, Mere tendre, il faudra te féparer de lui. II faudra que fon front de lauriers fe décore. De Thierry fon aïeul la palme fraiche encore, Au temple des vainqueurs 1'appelle fur fes pass  E P I T R E. 11 Et lui promet un nom qui ne périra pas. Mais pourquoi retracer ces images fanglantes? Mars eft trop détcfté par les meres tremblantes; A 1'afpect de ce Dieu la nature fréroit: Sur fes crimes brillans riiumanitd gémit. Ah! puilfe un Dieu plus doux, pour le bien de laterre;; Etouffer a jamais la difcorde & la guerre ! P ui(Tent les Rois un jour ne difputer entr'eux, Que fur 1'art peu connu de faire des hemeux ! Si mes vceux font remplis , fi 1'olive facrée Couvre long-tems le front de 1'Europe éplorde, Ton rils ranimera lts beaux arts abattus. 11 fera dans la paix héros par fes vertus. II ine femble le voir dans ces vallons champêtres, A 1'ombre de ces bois qu'ont planté tes ancêtres , Jugcr le différends des pcunles d'alentour, Et du bonheur des ficus être heureux a fon tour. Par un fafte écayé fur des rufes obliques, II n'infultera point aux miferes publiques. Que d'autres, profanant le culte de Palès, Du fang des malheureux cimentent leurs palais ! Ah! loin de s'abreuver des pleurs de la patrie, 11 nourrit I'indigence, il foutient 1'induftrie, II recueille, pour prix des foins qui Font formé, La gloire d'ètre utile, & fur-tout d'être aimé Sou nom fera charité par les mufes divines. Qu'un torrent en fureur, grondant dans les ravines, D'un cours impétueux prdcipite fes eaux,  12 E P I T R E. Entratneles forêts, dévore les troupeaux, Détruife a. chaque inftant & change fes rivagesj On voudroit oublier fes funeftes ravages , Les nymphes, en fuyant, évitent fon courroux. Le ruuTeau plus paitible onre un tableau plus douxo fl fuit parmi les fleurs, & fous 1'ombre chene Desjeunes peupliers qui bordent la prairie. Son cours trauquille & pur fertilife les champs. Et les bergers en font le fujet de leurs chants. Ainfi ton fils un jour te prendra pour modele. 11 fera bienfaifant; & ma lyre fidele, Mais plus touchante alors & plus digne de lui, Chantera fes vertus que j'augure aujourd'lmi. Var M. Francais ils Neufchdtcau, ie plufieurs académies.  !3 Maximes fur FEducation; par M. k Chevalier de Solignac. R ie n de paifait ne fort des mains de la nature; L'homrae même en naiflant n'eft qu'a peine ébauché. Ne lui refufez pas une prompte culture; C'eft un chatnp qui veut être au plutót défriché. Le tems oü la raifon dans un enfant fommeille Autant qu'un autre eft propre a le rendre parfait. Que de foins épargnés fi lorl'qu'elle s'éveille, Ce qu'on en doit attendre eft prefque déja fait. Quelque jeune qu'il foit, fon ame eft immortelle ; Qu'il en fente au plutót toute la dignité, Qu'au plutót il apprenne a refpeéter en elle Le fbuffle précieux de la divinké, Qu'un louable penchant dévance en lui 1'étude; Que le remede en lui prévienne le poifon, Quel charme de le voir faire par babitude Cc qu'on eft fi long-tems a faire par raifon! D'un pédant ombrageux & toujours en colere N'affedlez avec lui ni 1'air ni les difcours. A vous voir il croiroit la vertu trop auftere, Et s'en dégoüteroit peut-être pour toujours.  H MAXIMES. Elevez-Iui Ie cceur, qu'il 1'ait grand , magnanime, Qu'il fache comme on doit penfer & defirer. Eft-ilrien de fi beau, de fi grand, fi fublime, Oü notre efprit ne puifle & ne doive afpirer? Par une étude aifée & prife avec mefure, Cultivez fon efprit, formez fon jugement: L'étude a la jeunefle eft une nourciture; Dans Ia vieillefle elle eft un doux amufement. L'ignorance a la mort eft h-pcu-près femblable ; Elle étend fur les yeux un aufïï noir bandeau; Et Tefprit d'un mortel qui de rien n'eft capable, Repofe dans fon corps comme dans un tombeau. A Monfieur D. S. Jf'Ai reconnu Ie fage a la main qui le tracé, C'eft la langue du cceur, de l'efprit c'eft le ton. Cet aitnable Cenfeur joint la force a la grace, Et les vers de Virgile au bon fens de Caton. Par le mimi.  DISCOURS PRELIMINAIRE. éducationIï précieufe a 1'Humanité, ne peut être regardée fous trop d'afpetts, & il feroic a fouhaiter que tous les Auteurs, même les plus accrédités, vouluflent bien ne pas trouver au-delïbus d'eux les Ouvrages qui tendroient a ouvrir a cette Educadon, quelques routes plus utiles & plus agréables que celles qui font connues. Malgré tant d'Ecrits (dit un fameux Philofophe de nos jours) qui n'ont pour but que 1'utilité publique, la première de toutes les utilités qui eft TArt de former des hommes, eft encore oubliée. Que de Romans paroiffent journelle* ment, qui ne fervent qu'a amollir TAme auffi-töt qu'elle eft capable de quelque *  a Discours force, qui tournent toujours dans un certain cercle de galanterie plus ou moins dangereufe, & n'apprennent aux jeunes perfonnages des deux fexes, que le jargon d'un vice rafiné, en faifant a leur efprit un amuferaent réfiéchi des foiblefks de leur cceur! II faut inftruire les Enfans pour le Monde, & que les inftruélions qu'on leur donne fe préfentent a eux dans des tableaux agréables; que ces tableaux diminuent dans leur coeur & dans leur efprit, la pente que 1'humanité a pour levice, & leur falie trouver les vertus de chaque age affez douces, affez néceffaires a la vie, pour que ces mêmes Enfans defirent de les pratiquer fans effort, & comme un moyen de tranquillité & de bonheur. Le grand Art eft donc de les conduire a la Vertu, pour ainfi dire, par le chemin de la fédu6tion, & qu'ils ne s'apper-  Préliminaire. iiX coivent pas même qu'on ait voulu les féduire. Le feul moyen pour parvenir h cec Art, eft de leur préfenter des inftru&ions fous la forme d'amufemens; alors toutes leurs facultés d'appercevoir & de fentir fe développeront. Ces réfiexions ont fait naïtre 1'idée de dialoguer un certain nombre de Proverbes, qui, vus d'un oeil philofophique, fans être hors de la portee des Enfans & des jeunes Perfonnes, roulent au contraire fur les petites affedlions repréhenfibles & fur les femences de défauts & de vices qui peuvent germer en eux. Ces Proverbes ainfi dialogués, outre 1'avantage de l'inftruction morale qui s'y trouve proportionnée aux différens ages & aux différens états, ont encore celui d'apprendre aux Enfans, a parler avec alfurance , a differter d'eux - mêmes fur * 2  iv Discours des chofes qui les regardent, qui les araufent, & qui les intéreffent. Voici comment on pourra tirer toute 1'utilité qui doit en réfulter. En faifant apprendre aux Enfans les röles qu'ils ont dans ces Proverbes, pour les jouer comme une petite Comédie , on choifira celui qui conviendra a leur age, & a tel défaut qu'on voudra réprïmer en eux. Suivant le dégré de leur intellige&ce, on les engagera, a travers routes les fcenes qu'ils réciteront parcreur, a étendre d'eux - mêmes le Dialogue , fans qu'ils s'écartent trop de l'Aétion. Rien ne formera plus les jeunes Perfonnes a parler aifément, & avec une honnête affurance devant le monde, a donner du reffort a leur imagination, enfin a multiplier avec méthode leurs  Préliminaire. v* idees, que ces petits Drames ainfi repre'fentés par elles, une partie de mémoire , & 1'autre par impromptu, Pour eet effet, on a marqué les endroics fufceptibles d'être variés, ou plus étendus dans le Dialogue écrit, en mettant au-deffus de ces endroits le mot d' Impromptu. C'eft dans ces momens de Dialogue, que 1'on engage les Perfonnes qui en dirigeront 1'exécution, a faire obferver aux Enfans, quand ils auront affez fait agir leur petite Minerve, a rendre a 1'Interlocuteur les mots de replique comme en jouant la Comédie. On a imprimé les Repliques eh Lettres italiques, pour qu'on puiffe les diftinguer plus aifément. Au moyen de cette opération, qui ne fera regardée par les Enfans que comme * 3  v-i Discours Préliminaire. un fimple amufement, il fe formera entre eux unq vive émulacion d'efprit; ils apprendront tout enfemble a agir, a parler, a penfer, & a contenir dans des hornes convenables leurs aftions, leurs idees & leurs difcours. D'après ces obfervations, on efpere que eet Ouvrage tout puérile qu'il pourra paroïtre a certaines gens, n'aura pas le même fort auprès de ceux qui aimeront leurs Enfans ou leurs Eleves, avec cette tendrelfe ingénieufe & bien dirigée, qui n'afpire qu'a faire le bonheur de cette intéreffante partie de I'humanité, & a la rendre dans la fuite, fans danger pour fes mceup, auffi raifonnable que vertueufe.  VII T A BLE DES TITRES ET DES MOTS DES PROVERBES. Avec un Précis du Sujet Moral qui ejl traité fous cliacun d'eux. Proverbe I. LA P O U P E E, page 2. Inste.uction pour les Enfans du premier age, qui ne refpcclent pas affez leurs 'Gouvernantes. Trop parler nuit. Proverbe II. LES GOUR MA ND ES, page 10. Lecon néceffaire aux Enfans qui font gourmands & menteurs. Fin cantre fin, n'eft pas bon a faire doublure. * 4  vm TABLE DES TlTRES, Proverbe.III. LE MENUET ET VALLEMANDE, page 22. Moyens d'infpirer de 1'émuiation aux Enfans de Pareus qui ne font point affez riches pour leur donner des Maltres. Sujet de la vignette. Le bon Oifeai. fe fait de luï-tnime. Proverbe IV. LES M O I N E AUX, page 38. Lecon agréable cc perfuafive, pour engager un Enfant a ne faire aucun mal, aucune méchanceté, mêine aux animaux. II ne fauc pas faire a autrui ce qu'on ne voudroit pa} qu'on nous fit. Proverbe V. LES P O C H E S, page 51. Bon Exeinple d'une Mere a fa Fille , pour qu'elle ne s"écarte jamais de la confiance qu'elle devra a fon Maii, Les plus courtes folies font les meilleures. Proverbe VI. L'HABIT SANS GALONS, page 63. Trait d'un bon cceur pour engager un jeune homme k  et des Mots des Proverbes. l£ ne point ajmer le fafte, & k employer ce qu'il coute & fecourit rimmanicé foufi'rante. Scène VI. Sujet de VEjlampe. Bon chien chajfe de race. Proverbe VIL LES DEUX MEDECINES, page 77. Rule utile pour ddtcrmincr par, amour proprc des Enfans a prepare en maladie des médicamens. Faire bouue mine d mauyais jeu. Proverbe VIII. LA VERSION, page 87. Moyen d'engager les Enfans a ne point fe ddpiter con tre eux-mêmes , quand ils trouvuront des difficultds dans leurs etudes. II ratst ntieux laifj'er fon enfant moryeux , que lui arra-, cher le ncz. Proverbe IX. LE DUEL, page 93. Lecon pour des Enfans de condition orgueilleux, irapettincns & mutins. Tout chien qui aboie, ne mord pas. *$  x Tabls des Titres, Proverbe X. LE PETIT PATSAN HARDI, page io5. Exemple qui tend a infpirer de la hardiefle aux Enfans trop timides, & qui n'ofent rien entreprendre. II n'y a que le premier pas qui conté. Proverbe XI. / L E G OU TE, page 113. Lecons d'égalité données & des Enfans dlevés avec hauteur, & qui méprifent les Enfans des Pauvres. Peuvrcté n'eft pas vice. Proverbe XII. - LE QUI-PPvO-OUO? page 124. Morale utile aux Fils d'un Payfan ou.homnve du pcuple, qui vculcnt èntrer au Service ou en fervice. On ne peut tirer d'un fax que ce qui eft dedans. Proverbe XIII. L'HEUREUX NATUREL, page 137. Bel Exemple de tendreffe d'un Fils pour fa Mere, qu'il ne connoit pas. Bon fang ne peut mentir.  et des Mots des Pro verbes. xe Proverbe XIV. LA CO MED IE, page 146. Occafiou phüfanre c!e détruire 1'orgueil mal fondc d'un Enfant féduit par les apparences. Les honneurs changent les mceurs. Proverbe XV. LES REVENANS, page 159. Moycns de prouver aux Enfans, qu'il n'y a point de Rcvenans, & que tout s'opere ici bas par dos caufes naturelles. Ou ne s'avife jamais de tout. Proverbe XVI. LA PETITE VEROLE, page 175. Exemple fort utile, pour confoler les jeunes Demoifclles que la petite veïole cnlaidit, & Moralc confolante pour les jeunes perfonnes laides. A quelque chofe le malheur cjl bon. Proverbe XVII. LA PIECE DE VERS, &c. page 188 Correction honnête qui tend a demafquer & a humilier 1'amour propre ridiculc-d'un jeune homme qui fe croiü un prodige d'efprit & de mérite.  Sii Table des Titres, &c. Oui proure trop , ne proure den. Proverbe X VI I I. LE MALHEUR IMPREVU, page 201. Lecons importantes aux jeunes gens , pour ne point fe décider trop ldgeïement fur Fétat qu'ils ont envie de prendre, & ne point perdre de temps k des occupations frivoles. Vhomme propofe , 6? Dieu difpofe. Proverbe XIX. LES PREJUGES, page 213. Evdnemens qui doivent apprendre aux jeunes gens k penfer jufte fur les deux plus forts préjugés de notre Nation. Jprès la pluie le beau tems. Proverbe XX. LES LIAISONS DANGEREUSES, page 116. Avanture heureufe qui fait connottre aux jeunes gens J'importance de hien choifir leurs liaifons, pour éviter les chagrins & les malheurs. Plus de peur que de mal. Jfin de la Table des Titres, & des Mots des Prorerbes. LA POUPEE.  L A POUPÈE, PROVERBE.  L A P O U P É E, PROVERBE L ACTEURS. Mademoifelle MI NET TE, Enfant de cin$ ank La MER E. La B O N N E. Monüeur DE LA FAYETTE, Ami de la Maifon. La Seint ejï dans la Chambre de la Bonm, & VAiïion fe (ajfe a dix heures du matin.  •P O P V i E. 3 SCÈNE PREMIÈRE. LA JEUNE ENFANT feule, parlant & fit Poupée. lmpromtiu Eli bienl Mademoifelle, ferez-vous ce que je vous dis? Voulez-vous bien vous tenir droite ? Songez que jö' fuis votre Bonne, & qu'une Bonne a droit de vous faire obéir, de vous gronder quand elle veut, & de vous Corriger quand vous n'obéirez pas.... Eh bien !.... a qui eft - ce que je parle ? Voulez - vous Eh bien! .... Ah ! vous avez de 1'humeur.... Eh bien ! vous aurez une tape fur 1'épaule, comme ma Bonne m'en donne fouvent plus mal-k-propos; oui, je ne fuis pas fi michante pour vous, que ma Bonne l'eft pour moi , & vous n'en êtes pas plus obéiffante; mais je ferai teut comme elle, £? vous aurez affaire a mo'n SCÈNE II. LA JEUNE ENFANT,LA BONNE. La Bonne, qui aura ècouté tout le difcours de t Enfant fans en être vue. A-H! ah ! Mademoifelle, vous dites - la de jolies chofes a votre Poupée ; je vous frappe donc mal - k - propos ; je fuis donc méchante; allons donnez-moi votre Poupdö tout - a 1'heurei Elle prend la Poupée. ?Vous ne la re- A a  4 La P o u p I ê verrez de huk jours pour vous apprendre a lui tenir de pareils difcours. l' E n f a n t. Mais, ma Bonne, je ne fcavois pas que vous étiezla; oh 1'rendez - moi ma Poupée. La Bonne. Non, Mademoifelle. l' E n f a n t. Vous ne voulez pas ? La Bonne. Non, vous dis-je, elle eft avec vous en trop mauvaifé compagnie ; vous lui dites des menteries, & cela n'eft pas bien. l*E n f a n t. Impromptu. Eh bien ! ma Bonne, c'eft vrai, je lui ai dit que vous êtes méchante, & ce ne font pas des menteries, comme vous voyez, puifque vous voulez m'öter ma Poupée; auffi pourqufli écoutez-vous ce que je lui dis ? ca n'eft pas bien d'écouter les perfohnes qui parient enfemble;: feriez - vous bien aife que je vous écoutaffe moi, quand vous caiilez avec Dubois, le valet de chambre de ïridh Papa, & qui vous dit Hen d'autres ckofes que tout ce que fai dit d ma Poupée ? La Bonne. Mademoifelle, quand je caufe avec lui, nous ne difons du mal de perfonne. l' E n f a n t. Ah! vraiment, je le fcaij bien, vous ne vous dites que des chofes fort gracieufes a Pune & a 1'autre. La Bonne. Voilïl qui eft bien, il ne s'agit point de cela»  Proverbe I. 5 l' E n f a n t. I Eli bien! rendez-moi ma Poupée. La Bonne. Non, vous ne 1'aurez pas, furement. l' E n f a n t. Vous ne voulez donc pas me la rcndre, une fois, deux fois , vous ne voulez pas ? La Bonne. Non. l' E n f a n t. Eh bien ! emportez-Ia, je fcais bien ce que je fërü. La Bonne. Eh ! que fcrez - vous s'il vous plait ï l' E n f a n t. Impromptu. Allez, je me la ferai bien rendre. Ah ! tenez, j'entends parler Monfieui' de la Fayette, qui eft mon bon ami ik. celui de Maman: m'en vais lui dire qu'il"mt la fafe rendre. La Bonne. Ah ! vous pouvcz lui dire tout ce qu'il vous plaira, mais il ne me forceia pas de vous la rendre. SCÈNE III. M. DE LA FAYETTE, L'ENFANT, LA BONNE. l'E n f a n t. on bon Ami, tenez, voila ma Bonne qui vient de me prehdre ma poupée, paree que je caufois avec elle, & qui veut me la gardcr pc dant huit jours. A 3  La Poupée. M. de la F a y e t t e. Et pourquoi cela ? Ali ! la Bonne , rendez la Poupéj a Mademoifelle Minette , a ma confidóration. La Bonne, Non, Monfieur, je vous confidere beaucoup, mais j'ai 4es raifons de punir Mademoifelle des propros ridicules qu'elle tient a fa Poupée, en lui ötant les moyens de s'entretenir avec elle , fur mon compte. M. de la Fayette. Eh ! Qu'eft-ce qu'elle lui difoit donc fur votre compte ? l'E n e a n t. Eh bien! je lui difois, que vous êtes méchante, ma Bonne! & cela eft vrai, tant que vous ne voudrez pas me rendre ma Poupée. M. d e la Fayette. AHons, la Bonne, rendez-la lur, elle ne le dira plus. La Bonne, Non, monfieur, vos prieres font inutiles, je ne la ren» drai pas. l'E n f a n t, Voyez, mon bon Ami, fi j'ai tant menti que ma Bon^ ne le dit; mais demandez lui donc plus forr. M. de la Fayette. La bonne , je veux abfolument, je veux abfolument que yous reiidiez a Minette fa Poupée. La Bonne, Et moi 3 je ne veux pas la rendre. l'E n f a n t. Vous voyez, comme elle eft obfiinée: eh bien! elle dira que c'eft moi; je fcais bien quelqu'un qui me 1» fera rendre. La B OS SIi Qui, nous yerronSt  PROVERBE E SCÈNE IV. LA BONNE, L'ENFANT, M. DE LA FAYETTE, LA MERE. M. de la Fayette, h ld Mere, dame, je vous donne le bon jour. Ah! Mad.> me, Mademoifelle Minette a bien du chagrin. l' E n f a n t. Ah ! ma chcre Maman, vous venez bien a propos; baifez - moi donc, ma petite Maman. La M e r e la baife. Bon jour, Minette. Eh bien! qu'eft- ce qu'il y a donc? quelque méconteiitement que vous avez donné a votre Bonne, je gage, Mademoifelle ; vous fcavez que je n'ainie pas cela. l' E n f a n t. Ni moi non plus, Maman, car c'eft toujours moi qui en fuis punie: mais, Maman, je ne fcaurois plus avoir recours qu'a vous, pour r'avoir ma Poupée, que ma Bonne m'a ótée. La Mere. Votre Bonne vous a óté votre Poupée, apparemment paree que vous le méritez. La Bonne. Oui, Madame, Mademoifelle lui dit des chofes qui ne font pas bien; elle lui fait entendre que je fuis méchante , que je ne fcais ce que je dis, ce que je fajs. A 4  <ö LaPoupéé.^ La Mere. TAh! ah! Mademoifelle, en ce cas votre Bonne a bien fait. l'E n f a n t. El} bien! ma chere Maman, faites-moi la rendre, cela ne m'arrivera plus, je vous le promets. Mr de la Fayette, Allons, Madame, cette promeffe lil doit vous défartner; Mademoifelle Minette n'a plus que vous pour res-, fource, car elle a prié fa Bonne inutilement; mon credit n'a rien fait non plus , ainfi.. ..,. La M e r e a la Bonne, Je yeux bien que vous lui rendiez fa Poupée, la Bonne, pont cette fois-ci. A T'Enfant, Mais la première fois qu'il vous arrivera, Mademoifelle, de tenir avec votre Poupée des propos qui déplairont k votre Bonne, je ne veux pas qu'elle vous la rende de la vie. l'E n f a n t. Oui, Maman. La Mere. Je veux que vous ayez pour votre Bonne, autant de reipeét que pour moi. l' E n f a n t, Oui, Maman. La Mere. Que vous foyez alfez raifonnable pour penfer qu'elle tient ma place auprès de vous, paree que je ne puis pas y être toujours. l' E n f a n t. Oui, Maman. La Me r e. Et qu'enfin, lui déplaire, c'eft déplaire k moi inême.  P R O V E R B E I. 9 l' E n f a n t. Oui, Maman. La M e p. f, a la Bonne. Allons, la Bonne, rendèz-lui fa Poupde pour cette fois-ci. A FEnfant. Et vous, Mademoifelle, fongez a ce que vous me promettez, & a me tenir parole. l'E n f a n t. Oui, Maman. La Bonne, en rem'.ant la Poupée a VEnfant. Tenez , Mademoifelle , la voila ! vous etes bienheuren- fe que votre Maman l' E n f a n t. Oui, ma Bonne En tenant la Poupée. Ah ! la voila. Je ftavois bien moi que je 1'aurois, mais j'ai en bien de la pelne Allez ma Bonne, foyez tranquille, je ne lui parlerai plus jamais de vous du tout, du tout. Oh! je voit bien que fans Maman Mail te Proverbe a raifon qui dit que. . .. Fin du Premier Proverbe. AS  LES GOU RMANDES, PROVERBE II. ACTEURS. La pctite CAROLINE. ~)Freres 6? Stuurs de fept a La petite JOSEPHINE. \huh ans, Enfans de ilarLe petit DULAC. gehand Bijoutier. Monfieur DULAC, Bijoutier, Pere des trois Enfans^ homme yauf. FANCHETTE, Servante de la Maifan. La Scène ejl dans une arriere - Boutique qui fert de Salie d manger, èr oh il y a un Buffet, £? CASHon fe fafe fur les ftx heures du fair.  Les Gourmandes. Proverbe II. u SCÈNE PREMIÈRE. CAROLINE, JOSEPHINE. Caroline. Ma Sceur , Fanclietto ne revient point pour nouS donner a gouté, & il eft fix hcures. Josephine. Dame, mon Papa fa cnvoyée en commilfion bien loin, bien loin ; il eft dans la boutique veux-tu que je lui deuiande il gouté ? Caroline. Bon, il nous donnera du pain fee; il y a dans le buffet un bon moixcau de tourte de franchipane. Josephine. Et puis un refte de pot de confitures. Caroline. Mon Papa eft occupé dans la boutique avec des Mar» cliands. Elle ouvre le buffet. Tiens, vois-tu, ma Sceur , mangcons-en un pcu fans que cela parohTe. Josephine. Allons , voyons , as - tu un coutcau ? Caroline. Oui, tiens, coupons d'abord de la tourte. Eile ccupe de la tourte. Tiens, voila pour toi, & puis voila pour moi, vois ; il n'y parolt prefque pas. Josephine matige. Non, mais je n'en ai gucres, prêtc-moi ton couteau, Elle coupe, Tiens, je ra'en vais prendre encore ce petit coin - Ik.  iz Les Gourmandes.' Caroline. Et moi donc, donne-m'en par-li. Josephine. Oui, mais la tourte s'en va. Caroline. Oh dame ! c'eft fi bon : donne-moi encore ca, tiens, plus que ca: ah! voila le morceau tout cafié, comment allons - nous faire ? Josephine. Eh bien! mangeons tout, nous Iaiiïerous le buffet ouvert, & nous dirons que c'eft le chat qui fa mangd. Caroline. Tu as raifon, cela vaudra inieux que de laiffer ce petit morceau tout rompu, tiens. Elles partagent le rcfie de jfa tourte. Josephine. Ah ! que c'eft bon de Ia tourte de franchipane; quand je ferai grande & que j'aurai de 1'argent, j'en veux manger a tous mes repas. Caroline. La voilh partie tout-a-fait. Josephine. Et la miemie auüi : & des confitures , en veux - tu '? Caroline. Oui , un peu , mais n'en faifons pas comme de la tourte; ne mangeons pas tout: tiens, voila une petite cuilliere pour toi & une pour moi, prenous dans le pot chacune a notre tour. Josephine. Oui, prens. Caroline prend, & elles continuent ainfi chacune d leur tour. A moi: a toi, a moi, a toi, amois •h! voila deii Ie fond du pot que je vois.  Proverbe II. 13 Caroline. Ma Sceur, voila mon Frere qui revient de 1'écqle, cache donc vite tout cela, & fermons le buffet; dépêchetoi donc, dépêche - toi donc. Jofephine ferme le buffet. SCÈNE II. CAROLINE, JOSEPHINE, le petit DULAC, leur Frere. le petit dulac M.. Sceurs , oü eft donc Fauchette ? Av'ez - vous gouté ? Caroline. Non nous, 1'attendons, elle eit allée en commiffion, elle va revenir. le petit dulac. Oh ! moi, j'ai faim , je m'en vais prendre h gouté dans le buffet. Caroline. Mon Frere, n'ouvrez pas le buffet, vous fcavez bien que mon Papa ne veut pas que nous prenions h gouté nous - mêmes. le petit Du 1. ac. Mais moi , j'ai faim , & je ne veux prendre que du pain. Josephine s'oppofe a fon Frere. O! tu n'ouvriras pas le buffet; Fanchette va revenir, atteuds un moment, nous attendons bien nous.  t4 Les Gourmandês. M. D u l a c appele de la boutique. Dulac, qu'eft-ce que vous faites lk dedans ? Le petit Dulac. Rien, mon Papa. 11 fort £f va dans la boutique. SCÈNE III. CAROLINE, JOSEPHINE. Josephine. 1B O N, le voila occupé dans la boutique achevons le pot de confitures, c'eft a moi a prendre. Elle r'ouvre le buffet. Caroline. Non, c'eft a moi. Josephine. la pouffe. Mademoifelle, c'eft a moi. Elles prennent tonics les geux enfemile dans le pot. Caroline. Voyez - vous ce que vous faites , Mademoifelle, il n'y a plus rien a préfent; c'eft pourtant vous qui êtes fi gourmande Josephine-. Ah! c'eft bien vous mème , comment allons - nous faire maintenant ? & quand on s'appercevra qu'il n'y a plus ni tourte, ni confiture.... Caroline, Scais-tu ce qu'il faut faire ? Voila le chat qui dort, tinfermons - le dans le buffet, caffons le pot de confitures  Proverbe II. CAROLINE. Ët moi auffi. Fanchette. Les vilrins enfans ! on ne peut pas tourner le dos un üioment. M. D u i. a c. Voila qui eft bien , Fanchette , une autre fois "vous prendrez garde a fermer votre buffet. F a n c n n jjr t E. Monfieur, je vous affure qu'il étoit fenné, & que le chat li'étoit pas dedans, quand je fuis fortic, -car il dormuit fur une chaife. M. D u i' a c. Allons , en voila affez de dit: il eft trop tard Ètifho» nant pour faire gouter des enfans, il n'y a qu'a tout de fuite leur donner a foupé. F a n c ii e t t e. Eh bien ! leur foupé eft tout pret, c'eft un morceau de bceuf a la mode. M. D u l a c. Soit , faites-les fouper, puifqu-'ils n'ont pas gouté.  Proverbe II. V.0 t e petit Dulac. Oh ! tant ïüieux. On cogne a la boutique , M. Dulac y va. SCÈNE VI. FANCHETTE, LES TROIS ENFANS. Fa n cue t t e , après avoir arrangê trois couverts. A Aii.i.oss, Monfieur & Mefdemoifelles, voila votre foupé, prenez vos ferviettes. Les trois Enfans fe mettent a table. Fanchette. Tenez , voila chacun un bon morceau fur votre affiette; tachez de manger proprement. Caroline & Josephine. Oui, ma Mie. SCÈNE VII. LES ACTEURS PRÉCÉDENS, M. Dulac, pendant que fes trois enfans mangent, les obferve fans ajfeclation , en fe promenant av.tour de la table. Tose p li ine haut d fa Sceur. c ^> E coqiim de chat! oh 1 fi je le tenois, comme je le battrois 1 B 2  xO L £ S C 0 V 11 :\i A N D E s. M. D b l a c. Allons , Mefdemoifelles, mangez , puifque vous a\ez ü faim. Caroline 67 Josephine. Auffi nous mangeons bien, mon Papa. le petit Dulac la louche pleinc. Pour moi, je n'ai jamais eu tant faim. Caroline, bas a fon Frere. Mon Frere, tu n'as plus rien, veux-tu mon morceau V l e petit Dulac Oui, donne. Josephine. Oh ! tiens, je t'en prie, prends le mien auffi, & maT!ge le vitff. le pe'tit Dulac, la louche toujours plelne. Donne , mais dame , je ue peux pas manger tout ï la fois. M. D u l a c. Ah ! ah! Mefdemoifelles , je vous y prends; voila donc 1'appetit que vous avez , \ous faites manger tout votre foupé a votre Frere', & vous avez fait femblant d'avóir faim pour me tiomper. Caroline. Mais, mon Papa, c'eft que.... M. D u l a c. Vous accufoz le chat d'avoir mangé Ia franchipane & les confitures , & vous n'avez pas faiin : allons , a!!or.< je fcais maintcuant a quoi m'en tenir, & vous lerez punies comme deux inOgnes gourmandes. Caroline. Ah! mon Para, j^ vous affure j -t  Proverbe II. Cl M. D u l a c. Chanfons que tout cela, les chats peuvcnt manger de Ia franchipane, mais les chats ne mangent pas dc confitures : vous n'avez pas penfé a cela, mais il faut vous Upprendre : allons, montez routes fleés dans votie ciiambre, & je donne ordrc a Fanchette , de vous corriger comme vous le méritez. J O S E P H I N E. Ah ! mon Papa , eh bien , c'eft vrai; nous vous demandons pardon, cela ne nous arriyera plus. C a r o i. i n b. Non, mon Papa, plus jamais. M. Du la c. Cela eft inutile ; allons, partcz, partez vite. Fanchette , vous m'entendez bien. Fanchette. Oui, Monfieur, je vous réponds que je ne les épsrgnerai pas, car c'eft tous les jours la même chofe; ce font deux gourmahdes fieffées. Elle emmene Jofephine Caroline. Caroline, en s'en alla:tt. Ah! ma Mie. Josephine. Ma petile Bonne.... M. D u l a c , au petit Dulac. Et toi , mon ami, je te rends juftice, tu n'es point leur complice, je le vois bien a ton apperit; mais on peut bien dire, en fait de gourimmdife & de malice, de tes Sceurs , que les deux font la 'paire; elles font rufécs, mais je leur apprendrai cette fois - ci que Fin du deuxieme Proverbe. B 3  L E MENUET ET L'ALLEMANDE3 PROVERBE III. ACTEURS. Monfieur & Madame BEFOR, Pere & Mere. Le petit BEFOR, \ Frere & Sceur , dgés de muf h La petite BEFOR, ƒ dlx eins. Le petit DUPRÉ, de même dge, Fils.d'une Racommodeufe de Dentelles, paurre , qui demeure au cinquicme étage dans la même Maifon de M. Befqr, Monfieur CANIVET, Maitre h écrire. Monfieur DESPASSES, Maitre d danfer. Nota, Monfieur Befor eft un Financier qui a des Ru, fcaux chez lui. La Scène eft dans le Sallon de Compagnie de M. Befor, oü il y a une Table préparée pour écrire. VA&ion fe paffe a duo heures du matin.  Le Menuet et l'Allemande &c. 23 SCÈNE PREMIÈRE. le PETIT BEFOR, le petit DUPRE. t. e petit BE f o r. Ecoute donc, Dupré, veux-tu faire ma page d'écriture'? Mon Maitre ne doit venir que dans une demieheure , & pendant ce tcms-la, j'irai fauter a la corde dans la cour. l e petit Dupe e. Je le veux bien. l. b petit Bef o r. Tiens , mets - toi la & dépêche - toi vite , n'écris pas 8 bien , car mon Maitre s'appercevroit que ce n'eft pas moi qui Li petit D u p r k. Vas , vas, laiu'e-moi faire ; j'écrirai, fi je peux , comme fi c'étoit toi. Le petit Befor fort. SCÈNE II. LE petit DUPRE feul fe met h écrire, £? tout en icrivant , il parle tres - lentement 6? avec des repos, (impromptu). 'Comme il eft parefleux, ce petit Befor! PoliiTon ! depuis deux ans, il ne fcait pas encore faire fes lettres B 4  24 Le Menuet et l'Allemande comme il faut , & moi tout feul, je me fuis apprisa écrire, Dieu merci comme fi j'avois eu un Maitre enco-? re plus long-temps que lui. (ƒ/ examine ce qu'il a écrit). Mais, voila qui eft trop bien, on ne croira pas que c'eft de lui ; oh dame, je ne fcaurois pas ft mal faire qu'il le faudroit pour cela. SCÈNE III. LA PET1TE BEFOR, LE PETIT DUPRÉ, écrivant toujours. la petitk Befor, regar-dant par-dcjfus l'cpar.ie au petit Dupré. Qu:es1-ce que vous faites donc la, Monfieur Dupré 2 lep e t i t D u p r f. , d'un ton d1 emharras. Ah ! Mademoifelle ... je fais... c'eft que ... mais il ne faut pas le dire c'eft que Monfieur votre Frere m'a prié Comment vous portez- vous , Mademoi- fehe ? la p e t i7t e Befor. Fort bien Ah 1 j'cntends , tu fais la page d'écri- ture de mon Frere; il aprendra joliment a écrire comme ca, mon Frere; ce n'eft qu'un petit pareffeux, qui ne fcaura jamais rien; mais je le dirai a fon Maitre. le petit Dupré. Ah! Mademoifelle, je vous en prie, ne lui dites pa§; tpnez voila qui eft fait.  Proverbe IJL 25 la petite Befor. Tien , mon cher Dupré , tu lui rends Ih un fort mauvais feryjce. SCÈNE IV, LA PETIT E BEFOR, LE PETIT DUPRE,, LE 1'ETIT BEFUR, M. CANIVET, Maitre a écrire, M. G a n 1 v e t , au petit Befur, 01, Monfieur , croycz - vous que c'eft en fautant avec votre corde , que vous apprendrez quclque chofe, & n'ètcs-vous pas hontcux que depuis deux ans?... le petit Befor. Mais, Monfieur, voila ma page d'écriture faite. M. C a n 1 y e t prenct fur la table le Papier a"écriture. Eft ce la elle? Ah ! ah ! Mais voila qui-eft bien... mais trés-bien .... Comment? ... Mais Allons, ce n'eft pas vous qui avez écrit cela.... Vous m'en impofez. le petit Befor. Pourquoi donc ? Monfieur. <\A part au petit Buprf). Tu dcvois ne pas écrire fi bien. la petite Befor. Oui furement, Monfieur, mon Frere vous en itnpofe , car c'eft Dupré que voila qui vient d'écrire cette page, pour laiffef polifibnner mon Frere tout a fon aife. B 5  20 Le Menuet et l'allemande. l e petit Befor. Eh bien! ma Soeur, qu'eft-ce que cela vous fait? la petite Befor. (_Impromptu~). Ca ine fait, mon Frere, que je ne veux pas que vous foyez toujours un pareffeux , £? un parefeux qui tdapprenne rien. M. C anive t, ciu petit Dupré. C'eft vous, mon petit Ami, qui avez écrit cela? Vous avez. la main bonne.... mais trés - bonne.... excellente ; & qui eft - ce qui vous montre ? le petit Dupré Perfonne, Monfieur. M. C a n i v e t. Commcnt, Perfonne! l e petit Dupré. Qlmpromtii). Non , Monfieur. J'ai prié Monfieur Befor, de me don ■ ner fes vieilles exemples, & je me fuis appris tout feul avec un Livre d'écriture qu'on m'a preté ; mais ce n'eft rien que cela. (Jl tire un grand papier de fa poclie, oü il y a de dijférentes écritures). Tenez , Monfieur, voila de mon éeriture. M. C a n i v e t examine. Comment diable ! Voila qui eft charmant ! A votre êge , de la ronde , de la batarde, de la couléc, cela eft étonnant ! Quoi! C'eft vous tout feul.... le petit Dupré. Oui, Monfieur: ma Mere n'eft point en <5tat de me donner des Maitres , & il a bien fallu tacher de m'en pafier, & d'apprendrc quelque chofe de moi - même. M. Ca n i v e t. Eh bien! Monfieur Befor, vous voyez, vous qui avez  Proverbe III. 2? tm Maitre depuis deux ans , & qui n'en êtes encore qu'aux grandes lettres, ne devriez-vous pas mourir de honte de voir ce petit bon -honnne la?... Allons, je renonce ii vous montrer, inon honncur y eft intérefie, & je vais lc dire a Monfieur votre Pere. le.petit Befor. Mais , dame , Monfieur .. • c'eft que .... M. C a n i v e t. . Quoi? C'eft que.... C'eft que vous êtes un parefieux, qui n'apprendrez jamais rien, pour moi, j'y renonce: SCÈNE V. LES ACTEURS PRECEDENS, MADAME BEFOR. M. C a n i v e t. I ,A. II! Madame , je vous demande pardon , mais vous me trouvez en colere; voyez fi vous avez un autre Mat1 tre a écrire a donner a Monfieur votre Fils , car pour moi je fuis las de lui montrer inutilemeut. II n'apprend 1 rien depuis deux ans, tandis que voila un Enfant qui n'a jamais eu de Maitre, & qui écrit comme un Ange. Tenez , Madame, voyez cela. (// donne le Papier d'éi critures du petit Dupré 4 Madame Befor, qu'elle garde). I Si je continuois mes lecons a Monfieur votre Fils, ce f feroit vous volcr votre argent. Madame Befor. Le méebant Enfant! Pour moi, je ne fcais plus qu'en I faire,  «8 Le Menuet et l'Allemande, la petit e Befor. Maman , voila noti'e Maitre de danfe. Madame Befor, a M. Canivet. Allons, Monfieur, ne vous déconcertez pas, revenez demain, je le dirai a mon Mari, & nous verrons 11 en Je corrigeant, comme il le mérite..... M. Canivet. A demain donc, Madame, mais de la correétion, il en faut abfolument, & de la plus févcre. Adieu Madame. Madame Befor. Votre Servante, Monfieur. SCÈNE VI. Madame befor, le petit befor, sa sqiur, le petit dupré, m. desPA s s e s, Maitre a Danfer. Madame B e f o k. -Ah! cntrez, Monfieur DefpafTes. M. Despasses fait une belle révérence. Madame j'ai 1'honneur de vous préfenter mon hommage, Madame Befor. Monfieur DefpafTes, je crois que vous n'êtes pas plus content de mon Fils, de ce mauvais fujet-Ja, que Monfieur Canivet, fon Maitre d'écritures. M. Despasses. Madame, effeétivement il ne brille pas beaucoup, pour 1c temps qu'il eft entre mes mains , & ce ne font pas la de ces fujets qui font honncur a leur Maitre; mais en  Proverbe III.' 25 revanche, Mademoifelle votre Fflle me juIHfie & me dédómmage des peincs que je me donne pour tous deux. (Au petit Befor). Allons, Monfieur, vous allez danfer le Menuet avec Mademoifelle votre Sceur ; tachez au moins de tourncr a propos, de n'être pas fi gauche dans tous vos mouvemens, & d'avoir un peu plus d'oreilles. Madame B ■ i' O r. Jc vous afiure, mon Fils, que 4i vous ne contentéz pas plus Monfieur, que votre Maitre a écrire, je vous énvoie en Penfion, apprendre du lati» tout votre fattul; votre Pere le vouloit, c'eft moi qui m'y fuis 'oppoféc, mais il la fin j'y conléntirai. i. e petit D 11 p r Éi Madame, voulez - vous bien que je refte k la lecon ? Madame Befor. Oui, mon petit Ami, vous fcavez qu'il toutes les lecons, j'ai été charmée que vous y foyez; cela vous apprend toujours quelque chofe. 1. e petit Dupré. ■ Oui, Madame, & je vous en remercies M. Despasses, au petit Befor. Allons donc, Monfieur, allj.is, Mademoifelle, le Me•liuet. Oljd'.eun Menuet qu'ils danfent). Bon,Madw<- inoifelle. Allez donc, Monfieur, en mefure Soutc- nez Allez donci Touniez Ui Troptardw. Allez donc... Ce n'eft pas cela. Les bras morts; la 'ter.- droite ïournez donc Suivez votre Dau- feiife Oh! vous n'y étes point du tout la petite Befor. Commcnt voulez-vous, Monfieur, que je dnnfe , visa-vis de quelqü'un qui figure fi mal ?  30 Le Menuet et l'Allémandev M. Despasses. Auffi, Mademoifelle, je n'ofe rien vous dire, & 'e fens bien que cela ne peut pas vous donner cette émulation fi néceffaire a ce genre de danfe, tout en dépend; auffi. .... la petite Befor. Allons, mon pauvre petit Frere, tu n'y entends rien, & tu me fais manquer a tous momens. le petit Befor. Eh bien! vas coujours, ma Soeur, & ne t'embarraffe pas. » la petite Befor. (Impromptu'). . Comment veux-tu que j'aille, fi tu me brouille b chaque ■ pas? Je gage que Monfieur Dupré qui na jamais eippris qiden nous voyant prendre lecon, fisure mieUX que toi. Madame Befor. Allons, mon petit Ami, prenez la place de mon Fils, il mérite cette humiliation - la; voyons fi vous figurerez uiieux que lui. l e petit Dupré. Mais, Madame, fongez que je n'ai jamais appris; que je n'apprends point, qu'en me répétant il moi-mème totftes les lecons que je vois prendre a Mademoifelle; je les exécute tout Feul, chez nous, comme je peux. Madame Befor. Eh bien! voyons comment vous vous en tirerez. (A fon Fils). Vous, Monfieur, tranquillifez-vous, & apprenez, fi vous pouvez, en regardant. (Le petit Befor fe retire de ia danfe).  Prove.ree III. 3* l e petit Befor. Oh ! comme on voudra. M. D e s p a s s e s , au petit Dupré. Allons, Monfieur, recommenccz le Menuet avec Mademoifelle. (Il Saccorde). Quoi, vous n'avez jamais appris V l f. p e t 1 t Dupré. Non, monfieur, je vous allure. M. Despasses. En ce cas-la, Mademoifelle , vous n'y gagnerez rien, car la Danfe eft un Art qui ne s'apprend pas tout feul, & les plus grands Maftres ont bien de la peine h faire un bon Ecolier dans dix ; mais voyons comment cela pourra aller. l e p e Ti t D»PRÉ,i Madame Befor. Vous le voulez, Madame, & j'obéis. (II fe place avec Mademoifelle Befor pour danfer, 9. M. Dcfpajfs jout Kfi Menuet). (Ils danfsnt.) M. Despasses, pendant le Menuet, au petit. Dupré. p?.s mal Soutenez Bien..... Fort bien.. .. Va peu de hardieffe Bon Trés-bien Comment donc !.... Au micux. En vérité , cela eft étonnant! Allons, voyons a donner la main Trés-, bien (A la petite). Mademoifelle, la tète un peu plus foutenue, coulez le pas Bon. (Le Menuet fiui, ii Madame Befor.) Eh bien! Madame, comment avezvous trouvé ce Menuet-la ? . Madame Befor. Charmant, en vérité, ma lille y a été p'acée jufqu'a  3i ' Le Menüet et l'Allemanöe. la fin en mefure & avec grace (Au petit Dupïé); Mais , mon petit Ami, vous êtes étonnant! Quoi! n'avojr point eu de Maitre & danfer comme cela; (A M. Despaf es) Monfieur, qu'en dites-vous; M. Despasses. Madame, il faut le voir, pour le croire. lé petit Dupré. je vous affure pourtant, Monfieur, que je n'ai appris' que comme je viens de le dire a Madame. La petite Befor. Et fAUemande? Mon Frere ne fcait pas faire une pasfe; comment allons-nous faire? Madame Befor; Oh! pour FAUemande, ma Fille , appliquez-vous-y , car c'eft une danfe que j'aime de fureur; elle eft plcine de vivacité & d'exprcflion. ... (Au petit Dupré). Mon petit Ami, Vous avez vu les lecons de FAUemande, vous 1'êies-vous aulfi apprife? le petit Dupré. Oüi, Madairie, un peu. M. Despasses. Mais, les paffes, comment avez-vous pu tout feul ?. t. le petit Dupré. Oh ! pour eette danfe-lii, j'ai pris une petite Apprentiffe de ma mere, & dans fes momens de loifir, je 1'ai fait toui'ner comme j'ai vu que Mademoifelle faifoit a fes lecons. Madame Befor, Ah! voyons, voyons. M. Despasses. Cela doit tere curieux; allons, placez-vous> (II joue une  Proverbe II I. 33 une Allemande £? ils la danfent). En mefure, Mademoifelle, fort-bien. CA Madame Befor, en regardant le petit Dupré). Madame , charmant!. . .. étonnant!.... Pas fi vite Bon (A la petite Befor.) PlÜS de hardieffe dans le regard SCÈNE VIL IES ACTEURS PRECEDENS, M. BEFOR. M Befor, interrompant la danfe. P jl lus de hardieffe dans le regard! Je gage Jl ce pro^ pos, que c'eft 1'AIlemande que ma Fille danfe.... Juftement. QA Madame Befor.) Quoi! Madame, vous n'aurcz pas pour moi la complaifance de faire difcontinuer cétte Enfant de danfer 1'Allemande; danfe défagréable pour les attitudes du corps , qui ne tire tous fes moycns de plaire, que de la hardieffe d'une jeune Perfonne & de J'effronterie du Danfeur; danfe molle & lafcive, danfe enfin oii les Aéteurs fe tenant dans les bras réciproquement 1'un de 1'autre pour leur plaifir, femble faire garder les manteaux aux Spectateurs. Voilk, IMadame, la danfe que votre Fille apprend, & qu'elle ne fcait déja que trop. Si 1'on avoit des meeurs honnêtes, cette danfe-la ne feroit tolérable tout aü plus qu'entre mari & femme; & dans un écat auffi bien policé que le nötre*, rlle devroit étre défendue. c  f Le Menuet et l'Allemande. Madame B r f o r. Ah! Monfieur, voila de vos préventkms ; mais c'eft Sa danfe de toutes les jeunes perfonnes maintenant. M. Befor. Aufij tomes les jeunes perfonnes maintenant font trèsBial élevées, tres précoces, & par la fuitc deviennent (Ci'ès Enfin, Madame , fi vous avez de 1'amitié pour Hioi, vous ferez ceffer cette danfe, qui, en un mot, ö'eft point celle d'une honnête Fille. M. Despasses. Mais, Monfieur, que voulez-vous donc que Mademoifelle apprenne a la place? M. Befor. Le Menuet, Monfieur, le Menuet; voila la danfe des bonnêtes gens, oü toutes les graces du corps fe déploient avec dignité & avec décence, dont les pas ddcidés & bien prononcés en mefure , tiennent toujours la taille droite & d'Si-plomb, au-lieu de fe déguingander Ie corps, de plier les genoux, & de piafier continucllement, coibtne on fait a votre vilaine Allemande. M. Despasses. Mais, Monfieur, Mademoifelle fcait fon Menuet 1 n'y j$en faire defirer, ainfi M. B e f o k. Jamais, Monfieur, on ne fcait le Menuet affez parfaitement. Que de chofes dans un Menuet! Voyons comme elle le fcait. A fon Fils, Eft-ce que tu ne danfeï pas toi? l e vjt. in Befor. Non, mon Papa, ma Scetir dit que je ne figure pas bien.  Proverbe III. 35 Madame Befor. II danfe comme il éerft, & pour le mortüier, c'eft Dupré qui n'a jamais appris, qni tient fa place; voyez-1» danfer, vous en fercz éronné & ravi. , M. Befor. Voyons donc V M. Despasses joite on Menuet, Sf Ie petit Dupré le danfe avec la petite Befor. M. Befor, après le Menuet. Effectiveinent cela eft fuprenant. Quoi, mon petit Ami, lans avoir cu de Maitre ?... . i. e petit Dupré. Les lccons que j'ai vu prendre a Mademoifelle, m'ont tout appris. M. Befor. Va, tu es un Enfant charmant, ik. je veux que tu vienne tous les jours de lecons danfer avec ma Fille. lé petit Dupré. Monfieur, avec plaifir. M. Befor. Adieu , Monfieur Defpaifes, a un autre jour, mais futtónt point d'Allemande , je vous prie. M. Despasses. Comme il vous plalra, Monfieur, je vous falue. (11 fort.) c &  yS Le Menuet et l'Allemande. SCÈNE VIII. monsieur befor, madame BEFOR, u petite BEFOR, son FRERE, le petit DUPRÉ. Madame Befor. 'o u s venez de voir danfer Dupré, qui n'a jamais appris, mais ce n'eft pas le tout; il n'a pas non plus eu de Maitre i écrire, voyez de fon écriture , en voila. (Elle lui donne le Papier tTécriture du petit Dupré.) m. b e f o r prend le Papier. Oh'. oh ! mais cela n'eft pas croyahle : fe faire toutés fortes d'écritures fans Maitre, & mon ane de Fils, depuis deux ans qu'il apprend, ne fcait pas encore afferabler fes mots ! Eh bien ! Madame , confentirez - vous i la fin que je le mette en Penfion, oü, k force de correftion ? Madame Befor. Oh 1 Monfieur, vous êtes le maitre, & je renonce ï 1'éducation agréable que je voulois lui donner. INI. Befor. Il y gagncra peut - être , en recevant une éducation utile; & s'il ne veut rien apprendre de ce qui convient ï notre état , il me reftera une renource pour lui, je lui ferai apprendre un Métier, oui un Métier, car je veux qu'il fcache quelque chofe, ou qu'il meure a la peine. Et toi, mon cher Dupré, je te prens dès aujourd'hui dans mon Bureau, pour encourager & mettre en «uwe  Proverbe III. 3? tes talens naturels; tu me ferviras de Fils, jufqu'a cc que le mien vaille quelque chofe: a compter d'aujaur d'hui, tu as fix cents francs d'appointement. l e petit D u p r É. (Impromptu,) Ah! Monfieur, que je vous ai d'obligation ! J'efpere que vous n'aurez pas licu de vous en repentir, par ma conduite & mon afiduité au erarail. la petite Befor. Ah! mon Papa, je vais bien danfer le Menuet. m. b e f o k. Tant mieux, ma Fille. (Au petit Dupré.) Vas tu ferviras d'exemple aux Enfans de ton age, & ils apprencüont par toi que Fin ■ du troifieme Proverbe,  LES MOINEJUX, PROVERBE IV. la Scène e]l cl la Campagne, chez Madame Minol, dans fon Salloti de Compagnie, les fenétres ouvertes. ACTEURS. Madame MINOT. Le petit MINOT, fon Fils, dgé de fept ans. UN PHILOSOPHE. Monfieur 1'Abbé NIGAUDIN, Frêcepteur du petit Minot. UN LAQUAIS.  Les Moineaux Proverbe IV. 39 SCÈNE PREMIÈRE. M. L'A B B E , LE PETIT M I N O T. M. l'A b b £ apporte dans fes bras le petit Minot, pour le porter dans la Chambre de fa Mere , l"Enfant fe débat p bien , qu'il ep obligé de le mettre & terre dans le Sallon. i»^.H! ah! perk monttre, vous faites de pareilles horreurs ! Ce n'eft pas affez de la correction que je viens de vous donner , il faut que Madame votre Mere le fcache, & qu'elle vous en puniffe aulli. le petit Minot pleurant. M. 1'Abbé , je vous promets que cela ne m'arrivcra plus ; ne le dites pas a Maman. l'A 11 b é. Comment! que je ne le dife pas ! Toute la Maifon le fcait, votre Mere 1'apprendroit d'un autre , & moi je pafferois pour vous foutenir dans les difpofitions oü vous êtes de pareilles aélions. Elle le fcaura, elle va le fcavoir tout - a - 1'hcure. le petit Minot. Ah bien ! perfonne ne m'a vu, je dirai que ce n'eft pas moi, que le chat eft tombé tout feul d'une fcnêtrc d'en haut, qu'il s'eft caffé les deux patres , que j'ai été le ramaffer , & qu'on a dit que c'étoit moi qui les lui avoit caffées, & que vous m'avez donné le fouet mala-propos, & Maman vous grondera, au-lieu de moi, la. C4  49 Les Moineaux, l' A b b k. Oh ! vous aurez beau dire cela , on fcait que vous faites du mal a toutes les bètes de la maifon, quand vous pouvez les tenir. l e petit Minot. Mais je ne vous ai jamais fait de mal a vous , Monfieur 1'Abbé , pourquoi v oulez - vous qu'on m'en fafie ? Je ne voulpis pas lui cafl'er les pattes il ce petit chat, je voulois feulcment voir s'il pourroit marcher avec deus toutes feules. l'A b b é. Allez, vous êtes un vilain Enfant: encore vous adresfer au petit chat de Mademoifelle Hélene , qu'elle aime de tout fon cceur! le petit Minot. Oh ! vous aimez encore mieux cette jolie Demoifellc , qu'elle n'aime fon chat; voila pourquoi vous êtes fi en colere contre moi. Tenez, Monfieur 1'Abbé, fi vous dites i Maman.... fi vous le dites moi, je lui dirai tout ce que j'ai vu 1'autre jour, par le trou de Ia ferrure , quand vous étiez dans la chambre d'HeJerie> C'eft joli, pour un Abbé , de carefler la Femme de chambre de Maman! l'A b b é. Allez , vous êtes un petit rhenteur , vous n'avez rien vu ; votre Maman ne vous croira pas, & vous fera fouetter encore pour avoir menti. le petit Minot. Eh bien! nous verrons, Monfieur 1'Abbé , nous verrons. J'entends quelqu'un, Monfieur 1'Abbé, picnez garde £ <' iue vous allez dire.  Proverjje IV. 4i SCÈNE II. MADAME MINOT, M. L'ABbÉ, LE PETIT M I N O T. M A dame Minot en colere, tenant une poignée Je verges. eft- il donc , ce petit monftre -Ik-Ï Ah! vous voila, Monfieur; vous faites donc toujours des méchancetés, des horreurs ? Je viens d'apprendre . ,... l e petit Minot. Ah! Maman, ce n'eft pas moi, c'eft le chat qui eft tombé; demandcz plutöt a Monfieur 1'Abbé, fi je mens. l' A B b É. Oui , Madame , le petit animal a voulu pafler d'une fenetre a 1'autre , les pattes lui ont manqué fur les ardoilfcs, vous fcavez que les ardoifes font glifiantes, & il eft tombé a faux fur deux pattes ; le poids du corps, & la hauteur de la chüte jointe a la prellion de la colonne d'air , qui lui a fait faire la pirouette en tombant, il n'eu faut pas davantage pour cafier les pattes a un petit chat, dont les mufcles & les tendons font fi délicats... Enfin , Madame, voilïl comme cela eft arrivé. le petit Minot. Qlmpromtu.) Oui, Maman, voila comme ■ ca eft arrivé ; Monfuitr YAbbé le fcait bien, comme vous voyez. Madame Minot. Monfieur 1'Abbé veut vous excufer fur toutes vos méchancetés} cela ne vous rend que plus méchant de jour C5  42 Les Moineaüx. en jour; je veux y. mettre ordre: retirez - vous dans ve-: tre chambre , & je vais tout a - 1'heure vous y aller trou« ver, pour vous punir comme vous le méritez; allez. le petit Minot. Ah! ma chere Maman, je vous allure.... Madame Minot. Allez vous - en , dis - je,.., Que dans la colere ofi je fuis ! . .. Allez vous - en. (UAbbó & le petit Minot fortent.') SCÈNE III. MADAME MINOT, UN PHILOSOPHE de fes Amis, qui eft a la Campagne. Le Philosophe, voyant la poignde de verges. us voila le foudre a la main, Madame, quel crime êtes-vous donc fur le point de punir'? C'eft apparemment votre petit Hercule a qui vous voulez fufciter quelques traverfes ?.... Mais pourquoi cela ? Vous u'avez pas les mêmes raifons de le perfécuter, qu'avoit la vindicative Junon. Madame Minot. Ne plaifantez pas , Monfieur, mon petit Hercule devient plus méchant de jour en jour; il eftropie tous les animaux de la maifon qui ne font pas de fa force, & tout-h 1'heure encore il vient de cafier deux pattes au pauvre petit chat de ma femme de chambre J'en fuis furieufe!  Proverbe IV. 0 Le Philosophe. Eh ! pourquoi ? Ce petit Héros exercc fa force fur les animaux domeftiques, pour nous délivrcr par la fuite, h 1'exemple d'Hercule même , des Monftres qui pourroient venir ravagcr ces contrées. Madame Minot. Oh ! de grace, laiffez la votre ton poëtique,& entrcz plutót dans les peines d'une Mere qui découvre k fon Fils dans Page le plus tcndre, un caractcre méchant, une ame féroce, dont elle aura tout & craindre dans la fuite. le Philosophe. Oh! puifque vous prenez la chofe au féricux, Madame , je vois qu'il faut vous tranquillifer, & je veux vous guérir de vos craintes. Votre Enfant eft fi jeune , qu'il ne fcait pas encore ce qui eft bien ou mal, ni en phyflque, ni même en morale; il faut le lui apprendre, & pailer h fon ame, fans verges ni menaces. Madame Minot. Eh ! Monfieur, je fuis laffe de lui donner des leconS fur cela. le Philosophe. Ce ne font pas des lecons, Madame, qu'il faut lui donner, ce font des exemples pris dans la Nature, & qui, par ce moyen, lui feront fenfiblcs. Oui, Madame, des exemples aux Enfans, voila ce qu'il leur faut: ces petits Etres retiennent mieux ce qu'ils voient, que tout ce qu'on peut leur dire. Madame Minot. Eh bien! comment faire, Monfieur? Daignez m'éclaircr fur les moyens.....  ^ Les Moineaux. le Philosophe. J'en imagine un qui va bien a la circonftance. J'ai deux Moineaux aflez apprivoifés dans ma chambre, qui me ferviront a donner >. votre petit bonhomme , un exemple de fenfibilité pour les animaux, fenfibilitd qu'il a peut-étre en lui-même, fans qu'elle ait encore été développée. Madame Minot. Ah ! Monfieur, que je vous aie 1'obligation de fcavoir au moins ce qui en eft!... le Philosophe. Je vais aller chcrcher mes deux Moineaux, & inftruire votre Laquais de mon projet, pour qu'il les fafle entrer dans ce Sallon, 1'un après 1'autre par- la fenêtre , comme s'ils venoient 'd'eux - mêmes. Vous, faites venir ici votre Pils; dans 1'inftant je redefcends , vous vous prêterez a croire ce que je vais tacher de lui perfuader, ik. vous vcrrez, j'efpere, que votre Fils n'eft pas fi méchant, mais que votre petit précepteur n'entend rien a fa befogne. Je reviens dans 1'inftant, faites que je retrouve ici le petit bonhomme. M a n a m e Minot. Allez vite, je vais le faire venir. Q Le Philofophc fort.) SCÈNE IV. MADAME MINOT. Ya-i-ü la quelqu'un? (_Un Laquais paroft.) Antenez- moi ici mon Fils tout feul, fans Monfieur 1'Abbé.  Proverbe IV* +j ( Le Laciiais fort.) Que les Pcres & les Meres font a plaindre, & que I'éducatión des Enfans demande d'attentions, de foins & d'intelligence! SCÈNE V. j. E PETIT MINOT, MADAME MINOT* Madame Minot. Eh bien ! mon Fils, vous repentez- vous de la cruanté que vous avez eu, de faire du mal a un petit ètre qui ne vous en faifoit point? le petit Minot. Mais... Maman... Je vous aifure. .. Madame Minot. Je fcais la vérité, n' allez pas mentir encore, & cherclier ii réparer votre faute, par une autre que je ne vous pardonnerois pas? l e petit Minot. Eh bien! non, ma petite Manjan, fi\ous me pardonnez, cela ne m'arrivera plus, je vous allure. M adam e M 1 n o t. Si cela vous ;rrive jamals  46 Les Moineaux. SCÈNE VI. MADAME MINOT, LE PETIT MINOT, LE PHILOSOPHE, UN LAQUA1S dani le Jardin, 6? cachi d cóté d'une fenitre ouverte du Sallon, qui a deux Moineaux dans une cage, qu'il Idche Fun après l'autre dans le Sallon , aux ftgnes du Pkilofopke. le Philosophe. I L femble, Madame, que vous grondez mon petit Ami ? Madame Minot. Ah ! Mónlieur, votre petit Ami eft un petit inhumaiu qui.... l e petit Minot, bas d fa Mere. Maman, ne dites pas a mon bon Ami ce que j'ai fait, il ne m'aimera peut - être plus tant... Madame Minot. Si, Monfieur, pour votre punition , il faut qu'il le fcaclie. (Au Phi!ofophe.~) Monfieur, que diriez-vous d'un Enfant qui a la cruauté de caffer les pattes d'un pauvre petit chat qui ne lui faifoit pas de mal ? .... le philosophe. Je dirois qu'il ne fcait pas apparemment que c'eft trés - mal fait; s'il le fcavoit, & qu'il le fit, ce feroit un être féroce b. étouflër. Madame M i n o t. Entendez - vous mon Fils ?  Proverbe IV. 47 ( Le Philofophe a fait un figne au Laquais, qui lachc un des deux Moineaux dans la Sallon.) le petit Minot s'écrie. Ah! Maman, un Moineau. ( 11 court après.) Monfieur, attrapez - le moi donc... Tenez, le voila.. . .Attrapez.... le Philosophe. Je le tiens. le petit Minot. Mon bon Ami, donnez-le moi, voulez-vous? Madame Minot. Non, Monfieur, ne lui donnez pas, je vous le défends, il 1'auroit bientót fait mourir. le Philosophe. Vous le croyez, Madame, & moi je crois que mon petit Ami ne lui fera point de mal. le petit Minot* Non , Maman, je vous le promets. le Philosophe. Tenez, le voila Mais qu'en allez - vous faire ? l e petit Minot. Mon bon Ami, je vais lui donner a manger, & puis je le mettrai dans une cage, & puis je le preiidrai, je le baiferai, je le carefierai comme ca dans ma main. l e Philosophe. Oui, dans votre main, & vous finirez par le tant rourmenter, croyant le careffer, que vcus l'êtoufferez, & qu'il fera mort demain. Mon petit Ami, il y a quelque chofe de mieux a faire de eet Oifeau , & qui ine prouvera que vous av«z 1'Aine belle, tendre & compltiffante.  4,8 Les Moineaux.' le petit Minot* Et quoi donc, mon bon Ami ? ... l ê Philosophe. Ecoutez-moi; ce Moineau a, comme vous, Ton pe« re & fa mere, qui font dans quelques nids du jardin... l e petit Minot. Eh bien! oui. l e Philosophe. Si vous le retenez ici, ils vont croire qu'il eft perdti ou tué, en ne le voyant pas revenir ce foir; voila la nuit quï approche , je gage qu'ils font déja trés- iiiquiets de ce qui peut lui étre arrivé; croyez - moi, mon cher Ami, au-lieu de rendre ce pauvre petit animal malheureux & toute fa familie, rëndez-luï la liberté; (i vous étiez a fa place, ne feriez-vous pas bien - aife qu'on vous en fit autant ? l e petit Minot. Oui, mais... il eft bien joli, & j'auróis bien du plaifir... . Allons.... Maman , je crois que mon bon Ami a raifon, je m'en vais le lacher; fon papa & fa maman feront bien contens, n'eft-ce pas, de le revoir? Madame Minot. Oui, mon Fils , & vous me contentercz beaucoup d'avoir cette générofité -lk.... Le petit Minot Idckc le Moineau. Tenez, Maman, le voyez-vous? ... Ah! levoilipartL le Philosophe. Eh bien! Ne fentez-vous pas une certaine fatis'faction, un certain plaifir.... qui accompagne toujours une bonne aétion ? Plaifir que vous n'avez furement pas eu, quand vous avez cafTé les pattes au pauvre petit chat. LE  Proverbe IV. 45 t e petit Minot. ( Impromtu.} Oui, mon bon Ami, oui, je vous 1'alilire.. . Cc pauvre petit Moineau va dire du bien de moi ïi ion papa & ii fa maman n'eft - ce pas ? ... i. e Philosophe. Sans doute Je fuis même perfuadé qu'ils vien- dront 1'un ou 1'autre vous remercier de la bonté que vous avez eu , de rendre la liberté a leur enfant, fans lui faire de mal. l e petit Minot; Vous croyez?..; Eh bien! par exemple, je voudrois bien la voir ! oh! pour Ie coup cela me corrigeroit pour toujours, de 1'envie de leur faire du chagrin. l e Philosophe, qui a fait "flgne au Laquais, de Idcher Vatitre Moineau dans le Sallon. Eh bien! tenez, voyez fi j'ai voulu vous en faire accroire.... Tenez.... voilk le pere ou la mere, je ne fcais pas lequel des deux, qui vient vous remercier, attrapons - le. . .. l e petit Minot. (Impromptu.) Oh! non, mon bon Ami, nous pourrions lui faire du mal; je fuis content qu'il foit venu comme cela tout de fuite me remercier; fi nous 1'arrêtions, fon enfant feroit peut-être inqiriet a fon tour... IF-tie faut pas 1'cmpêcher de s'en retourner fur Ie champ; fi: yiflte eft faite, n'eft - cc pas , Maman ? . . . (Au Moineauj ) Allez , petit Moineau, retournez fi votre maifon; je fuis charmé de vous avoir rendu votre fils : (11 le chafe du cóté de la fenttre avec fon mouchoir.) Allez, vous m'aveZ affez remercié, je ne vous en demande pas davantage..* Le voila parti... Tant mieux Maman , Je fuis D  yo Les Moineaux Proverbe IV. plus content, que ft je les avois gardés tous deux.l e Philosophe. Eh bien! Madame,mon petit Ami n'eft pas fi mdchant, . comme vous voyez; il ne s'agit que de faire fentir a fon ame, par des moyens qui foient a fa portée, ce qui eft bien & ce qui eft mal Madame Mrnor. Venez m'embrafTer, mon Fils , & fouvenez - vous touJours du plaifir que vous avez fenti a traiter avec géné- rofité ces deux petits Moineaux Le petit Minot. Oui, Maman. Je fens Men maintenant que... i Fin du quatrieme Proverbe.  LES p o c n e s, PROVERBE V. ACTEURS. Mademoifelle ADELAIDE, Fille de Monfieur ff Madame Mondor, dgée de kuit ans. Monfieur MONDOR, Financier. Madame MON DOR,/i Femme. J U LIE, Femme de Chambre de Madame Mondor. UN LA QUA IS de Monfieur Monilor. La Scène eft aans le Cabinet de Monfieur Mondor, oü il y a un Paravent. VAction fe paffe a une heure Cprès midi. SCÈNE PREMIÈRE. M. Mondor, feul, afis auprès d'un Bureau, oit il regarde des Mémoires de Marchands. F -«-'st-il pofiïble qu'après dix années de manage paffées dans la plus heureufe intelligence, ma Femme fe jette depuis fix mois , dans un défordre qui me donne lieu de tout craindre ! C'eft cette maudite connoifiance qu'elD 3  Les Pochesj. le afaite da Madame des Ufages, qui eft caufe de ce déréglement, cc il faut que j'emploie tout pour y niettre ordre. Jufques ici, mes prieres, mes avis n'ont rien fait; faut-il que j'en vienne jufqu'a la colere & aux menaces! Oui, il le faut, je n'ai plus que cette reOource, Hola ! quelqu'un. ■.. SCÈNE II. MONDOR, UN LAQUAIS. l e l a q u a i s. Monsieur.... Mondor. Faites-moi venir la Femme de chambre de Madame. l e l a Q u a i Si Oui, Monfieur.... Mais elle dort peut-être encore; Madame ne s'eft couchée qu'a quatre heures du matin. Mondor. Eh bien! fcaChez ce qui en eft, & fi elle eft levéé, qu'elle vienne me parler tout - a - 1'heure. le laquais. Oni, Monfieur: & fi elle n'eft pas levée, faudra-t-il auffi qu'elle vienne? Mo n d o r. Elle fe levera, & viendra le plutót qu'elle pourras allez. le LAQUAIS. Oui, Monfieur.  Proverbe V. S C E N E I I I. MONDOR feul, fe promenaat dans fon Cabuiet. I L faut que je voie fl je pourrai tirer de cette Femme de chambre, quelques détails fur tout ce que je voudrois (faveur. & que je crains d'apprendre. SCÈNE IV. MONDOR, J U L I E. J u l i E. C^^t'est - ce qu'il y a pour le fervice de Monfieur ? Mondor. Mademoifelle, il y a qu'il s'agit de refter ici, ou d'en fortir, felon la facon vraie ou faufiè dont vous allez me répondre aux queftions que j'ai a vous faire; ainfi prenez garde k ce que vous me direz. j u l l E. Monfieur, vous êtes le maitre de me demander ce que vous voudrez, je répondrai comme je Ie dois. ... Mondor. Soit. Madame doit-elle beaucoup è fa Marchande de modes des Traits galans ? car je fcais que c'eft la qu'elle fe fournit maintenant, D3  Les P o c h e s," Juli e. Madame lui doit, je crojs, quelques petites bagatelles ; il n'y a pas long - temps qu'elle lui a donne de 1'argent. M o n d o k. Cela eft - il vrai? Prenez garde. J u l I e. Oui, Monfieur, j'en réponds. Mondor. Vous en repondez! Et i ïenieres, le Bijoutier? J u l i E. Elle ne lui doit que fa demiere navette. Mondor. Sa demiere navette! Scavez-vous fi ma Femme joue & perd fur fa parole ? J u l I e. Oh! Monfieur, jamais; Madame verrok jouer plutót route la nuk fans jouer, quand elle n'a plus d'argcnt, que de rifquer un ecu fur fa parole, ou même d'cn emprunter. Mondor. Cela eft il vrai, y puis-je compter? J u l 1 e. Oui, Monfieur, comme fur tout ce que je vous dis. Mondor.. , Oui, je le crois, auffi je récompenferai votre fincérité comme elle le mérite; avertifiez ma Femme, que je la prie de pafler ici, que j'ai de 1'argent a lui donner, cela Ja fera venir promptement. J v r. I E. J'y vais, Monfieur. (Elle fort.)  Proverbe V. SCÈNE V. MONDOR fe remet a fon Bureau, calcule des Mémoires, £? Ut. M É m o i r e de ce que Tenieres , Marchand rue S. Honord, a foumi a Madame Mondor: Onh. ... onh.... onli.... Total.... trois mille fe cents livres. MÉ moi re de ce que j'ai fourni en ajuftemens de- modes ii Madame Mondor... . Onh onh... onh... Total. ... Quatre mille livres. Et tout cela n'eft que depuis fix mois. Quatre mill» livres en ajuftemens de modes feulement! (11 dit): Voyons la caite du jeu. (Ii lit): Je dois a Morifteur l'AVbé Fijeae, cinquente Louis d M. le Chevalier du Croc, foixante - quinze Louis; a Madame la Mar qui fe de Faufecoupe , vingt - einq Louis. Du IFifchk, a M. le Comte des Honneurs, cinquante Louis. Tout cela fait oui juftement deux cents Louis. Fort bien; voila une Femme dans un joli train dt «l-ipenfe, fans ce que je ne fcais pas. D 4  Jé' L'E' S P O C HES, SCÈNE VI. MONDOR, MADAME MONDOR, JULIE, J u l i e, (Ji part ti Madame Mondor). T j. Epz bon, Madame, a toutes les qiieftions qua vous allez efliiycr, fans quoi, attendez vous a une fcene terrible. Madame M o n d o r. Va, ne t'inquiete pas. (Julïe fort), SCÈNE V I I. MONDOR, MADAME MONDOR, Mondor. M ■ -»-Y-H .\ d a me, je vous ai fait dire que j'avois de Par, gent a vous remettre, mais c'elt bien peu pour tout celui dont vous avez befoin. Madame Mondor. Dont j'ai befoin, Monfieur! Et qui vous a dit que j'aj befoin de tant d'argent? Mondor. Qu'importe qui me Pa dit, Madame , cela eft - il vrai pu non ? Madame Mondor. Monfieur, je m'arrange de ce que vous me donnez par mpis ? ainfi foyez tranquille,  P-R O V E R B E V". ÏT Mondor. . Que je fois tranquille ! Et l'êtes - \'Ous vous - mime V Une femme qui doit fans 1'aveu de fon mari, douze mille francs & plus, peut-elle 1'êtrc, puur peu qu'elle ait un peu d'tioiiueur & de raifon ? Madame Mondor, Et comment fcavcz - vous ? Mondor lui montre les Mémoires 3 le. Carte Au ytfi. Tenez , lifez, Madame. Madame Mondor, Quoi ! Monfieur, vous avez pris cela dans mes pocbes? Voila un procédé1 indigne Fouillcr dans les poches d'une femme! Fi, Monfieur, vous mériteriez y avoir trouvé encore quelque chofe de pis.... & fi i'écoutois la vengeSmce qu'une femme a toujours toute prète. .,. Mondor. Vous vous oubliez , Madame. .. . vous perdcz Ia tête éc voilii ce qui arrivé a toute femme qui a fait une fottife , elle eft toujours tentée d'en faire une autre plus forte , quand cc ne feroit que pour faire oublier la première. Madame Mondor. Ah! Monfieur, vous fouillez dans mes poc'ies. .... M o n d o r; Oui, Madame: fouillez dans les miemies quand vous voudrez, ie n'y Uouverai jamais a redire, paree qu» vous n'y trouverez jamais rien qui puiffe vous chagiiner. M a d a m e M o n d 0 r. Allez, Monfieur, vous êtes un tyran, un homme odieus, flui allez vous faire haïr autant que j'ai pu vous airaer. D 5  £8 Les Poch e-si Mondor. ■ Et vous, vous Êtes une femme injufte, & perdue même avant qu'il foit peu, fi je n'y mets ordre. Madame Mondor. Qu'efc-ce h dire, fi vous n'y mcttcz ordre? Vous êtes bien liardi de me tenir des propos de cette force, & ma conduite M o n d o r. Vous met au bord du précipice, & je vous regarde comme une femme qui avez déja un pied dedans. Madame Mondor. Allez, vous êtes tin vifionnaire, qui pourra bien fe faire déteftcr de tout 1'Univers. M o n d o r. ' Cela peut être, mais je ne veux me fairj montrer ni a -un doigt, ni h deux, Madame, prencz-y garde. SCÈNE VIII. MONDOR, MADAME MONDOR, MADEMOISELLE ADELAIDE LEUR FILLE. Mademoiselle Adelaide. M on Papa, Maman, je viens vous fóuhaittér le bon - joar. Madame Mondor d'un ah- 'cmiarrajfé. "Bon-jour, petite. (jËlle'Pèmbrdjfe')'. Allez vous -e» auprès de votre Bonne.  Proverbe V, SP Adelaide. (Impromptu). Ah ! comme vous me renvoyez, Maman...... Et vous «non Papa, vous ne me dites rien ? Mondor, prefque les Itwntes aux yeux. Embraliez-moi, ma chere Auüe, 6; obéüfez a votre Mere. A d e l a i d e. Aii ! mon Papa, ah ! Maman, vous paroifiez avoirton* deux un gros chagrin ; cc n'eft pas votre petite Adelaide qui en eft caufe, n'eft ce pas ? Eh bien! permettcz qu'elle vous lc falie pafier, fi elle peut, par fes carcflés: inon petit Papa, ma chere Maman, cinbrafibns-nous tous trois. {Elle les rclj'emble en fe je!tant h leurs cols). Madame Mondor reut s'en débarrafer foiblement. LaüTe donc, lailfe donc, mon enfant Eli bicn'I fmis donc. Mondor «fe mime. Allons, ma petite, je vous P-ai déja dit, obéhTez k votre Mere, & allez auprès de votre Bonne. Adelaide. Oui, Papa, j'obéirai, mais quand nous nous ferons embraffé tous les trois, comme nous feifons tous les rhatins , vous fcavcz bien Mondor h fa Femme. ii faut bien s'en débarrafl'er.... (lis s'embrajfent tous les trois). A Adelaide). Eft-tu contente ? .. .. Vas donc trouver ta Bonne. Adelaide. (Impromptu). J'y vais pour vous obéir, mais je ne fuis pas contente, car vous ne vous êtes pas baifés de fi bon coeuf  f.o. Les PocHESj qu'ïi 1'ordinaire, & cela me chagrinera toute la journée; ah! Papa, embrafez donc Maman de tout votre cceur! Mondor embrajfe tendrement fa Femme. QA Adelaide). ' Eli bien! tiens.... va t'en donc maintenant. Adelaide. Je m'en vais, Papa: Adieu Maman. (Elle fait fem* Mant de fortir, £? fe cache derrière un Paravent). SCÈNE IX. MONDOR, SA FEMME. Mond o r après un long filence. Avoüez, Madame, que fans la tendrefie que cette Enfant a pour fon Pere & fa Mere, ils étoient bien loin de s'embrafler ce matin fuivant leur coutume. Madame Mondor. Oh ! pour cela oui, Monfieur, mais a qui la faute ? Mondor. Ah 1 Madame, j'aurois bien du plaifir a apprendre que ce n'eft pas la vötre, mais furement ce n'eft pas la miemie. Madame M o n d o r. Vqus allez voir que ce n'eft la faute de perfonne. Mondor. Si, Madame, c'eft la faute des mauvaifes connoiffances que vous avez faites depuis fix mois, & cette Matiauie des U.ages...,... Mais notre petite Adelaide,  Proverbe V. Cl avec fes careffep , a fait votre paix dans mon cceur: cette Enfant eft le fruit de notre union, dont le bonlicur ne s'elt pas démenti depuis dix ans; n'allons point, Madame , détruire en un jour un bien aulfi précieux Croyez - moi..... faites de fages réflexioris fur Is moment oü vous étes, & je vais vous prouver que je fuis toujours pour vous le mari le plus tendre & le plus fen- fe1 Voila quinze mille francs en or, pour vous ti- rer de Pembarras oü quclques momens malheureux vous ont jettée. Reprenez votre état naturel, votre gaieté ordinaire, vous ne la retrouverez jamais que quand vous n'aurez rien a vous réprocher, & que vous ne ferez myftere de rien i! l'Ami le plus fur & le plus vif que vous ayez dans le Monde. Madame Mondor. Ah! mon cher Mondor, votre procédé, mes réflexions, vos avis 1'arrivée de notre "petite Adelaide, tout contribue 1 m'arracher des larmes qui vous annoncent le plus fincere repentir. Oui, vous avez dit vrai, vous faites revenu- la paix dans mon cceur, que ma mauvaife conduite décliiroit déja eri m'égarant de plus en plus. Embrauez-moi, mon cher Ami, & foyez fur que jamais je ne vous donnerai occafion d'avoir des reproches auffi raifonnables a me faire, que ceiix que je n'ai que trop mérités.  62 Les Poches, Proverbe V. SCÈNE X. MONDOR, SA FEMME, ADELAIDE. Madame M o n d o r a Adelaide. A XX H! viens ma petite Adelaide, que nous nous erabraflions tous les trois maintenant, comme tu Ie voulois , (ils s" embrafent), mais fouviens toi toujours, fi jamais tu as un mari auffi bon & auffi aimable que ton Papa, de ne lui rien cacber de toute ta conduite , cc d'en faire toujours ton meilleur ami. A d e l a i d e. (Impromptu'). Oui, Maman, je m'en fouviendrai, je vous Ie promets. Fai entendü derrière ce paravent, toutes les bonnes raifons que vous avez de me donner cette lecon, fen proftterai, je yous af ure. Madame Mondor*: fo:i Mar':. Pour moi, mon cher Ami, je vois avec plaifir que li Proverbe a raifon , qui dit que Fin du eir.quieme Proverbe.  L'H ABIT SANS GALONS, PROVERBE VI. ACTEURS. Monfieur DES VERTUS, Pere. Le petit DES VERTUS, dgi de dix ans. J A C Q U E S, Frotteur. J A C QU O T, fon Fils , dgi ds quinzt ans. La Scène eft dans un Sallon de Compagnie de la MpU fon de Monfieur des Vertus. SCÈNE PREMIÈRE. M. DES VERTUS, SON FILS, JACQUES. M. des Vertus met des Papiers fur la Chemiuée. XXH! te voifii, mon pauvre Jacques; eft-ce que tij n'es plus malade? J a c q u e s. Si, mon cher Monfieur, la fievre ne me quitte pas, aiais je fors de mon jrabat, pour venir vous remerciej:  64 L'Habit sans Galons» de vos bonnes charités ; fans vous, notre Boulanger m'alloit refufer du pain & ïi ma pauvre familie ; la bonté que vous avez eu de lui payer tout ce que nuus en devions M» dés V e r t ü Si Ce n'eft rien , mon cher Jacques..... & ta femme ? J a c q u e Si Elle eft en couche, Monfieur, mais c'eft une couche tnalheureufe dont j'ai bien peur qu'elle ne fe tire pas* Til. des V e r t u s. A-t-elle les fecours néceffaires h fon état ? Jacques. Oui, Monfieur, a peu prés. M. des Vertu- s.Allons, j'y penferai. Jacques. Aii! Monfieur, vous n'èfi avez déja que trop fait; fans vous, elle, moi & mes cinq enfans nous ferions' déja péris de mifere; le pain eft fi cher ! moi toujours maiade , & mon fils eft fi jeune , que le pauvre enfant, malgré la bonne envie qu'il a de bien faife, les forces lui manquent, il ne peut pas fatisfaire toutes mes Pratiques; j'en ai déja perdu les trois quarts, M. des V e r t u s. Allons, j'y aüfai attèfltiofi, ne te chagrine pas, dis aujourd'hu i Jacques. Cc n'eft pas, Monfieur, pour cela que je viens, mais pour vous remercier de toutes vos bontés , & fcavoir fi jacquot vous contente & a bien foin de frotter ici comSie il faut. M.- des  Proverbe VI. 6$ M. des Ve r t ijs, Oui, oui, on en eft content; vas , tiens-toi tranquille, & ne fonge qu'il te guérir. J a c tj o e Si Mon fils va venir tout-a-l'heure frotter ici, je lui ai bien recommandé encore ce matin de faire fa befogne de fon mieux Adieu, mon charitable Monfieur, je vais me remettre dans mon lit, car actuellement je tram- . ble la fievre..... M. des V e r t u s. Vas, mon enfant, & ne t'inquiete pas plus qu'il ne faut; le Bon Dieu aide les malheureux, quand ils font honnetes gens comme toi. (Jacques fort). SCÈNE II. M. DES VERTU S, SON FILS. M. des Vertu s. ■O A-'H bien ! mon fils, vous venez de voir & d'entendre un exemple affez vif du malheur, qu'en dites-vous ? le petit des VeRTUS. Le pauvre Jacques ! il m'a fait bien de la peine. M. des V e r t u s. Tant mieux, mon flls , c'eft une prcuve que vous avez 1'ame compatiffante; confervez ce fentiment-Ia pour fècouiir les pauvres, auffi-tot que vous ferez en ;1ge de «ela. E  <5Ö" l'Habit saks Galons, le petit des V e r t u s. Mais , mon Papa , ne puis - je pas déja faire quclqUe Chofe pour eux ? M. des Vertu s. Oui, fur 1'argent de vos menus plaifir. le petit des Vertu s. Ah! c'eft bon; mais dites-moi un peu, il y a tant de gens fi riches, fi riches, qu'ils paroiffent ne fcavoir que faire de leur argent, comment fouffrent-ils qu'il y ait tant de pauvres 1 M. des V e r t u s. Mon cher ami, c'eft qu'ils ont le cceur dur, & le malheur des autres ne les touche point. le petit des Vertu s. Oh bien! ce font de vilaines gens, n'eft-il pas vrai ? car s'ils penfoient tous comme vous, je gage qu'il n'y auroit plus de pauvres. M. des V e r t u s, Tu as raifon, mon' ami, mais les hommes qui font fre* res, & qui devroient vivre comme tels ne penfent pas feulement qu'ils fojent de la même efpece , quand la difproportion de la fortune fait de 1'un a 1'autre une différence un peu confidérable. le petit des Vee.tus. (Impromptu'). ■ En cc cas-la, on eft bien malheureux d'être homme, quand on eft pauvre, car ily aplus a"c'galité eutre les enimaux. M. des V e r t u s. C'eft qu'ils vivent plus dans. 1'ordre de la Nature, & par leur propre exiftence, ont. moins les facultés d'oublier ou de méprifer les Loix de cette bonne Maitreffe.  Proverbe VI. 6f t. e Petit des Vertu s. (Impromptu.,) Allons, mon Papa, voila qui eft iini, fi je defire jamais d'être ricbe, li je le devlens, ce fera pour êtr* bon & utilè aux autres hommes qui ne font pas moins hommes que moi, vous rerrtz, vous verrsz. M. des V e r t u s. Voila le moyeu, mon cher ami, d'imiter la Diviriité, autant qu'il eft en vous, & vous me rendez d'avance le plus heüreöx pere du monde a penfer ainfi. Oh ca! cömme je fuis bien content de vous, que vous retnplffl'ez tous vos devoirs avec cxac^titude, je vais vous faire faire un Habit neuf, oii je ferai mettre un joli Galon d'argent, pour qu'il foit plus honnête. l e petit des V e r t u s. Oh! mon Papa, vous êtes bien bon, & je vous remercie, mais je penfe a une chofe, mon petit Papa. 'M. o e s Vertu s. A quoi ? i. e p e t i t : n e s Vertu s. Vous ne pórtea jamais de Galons fur vos Ilabits, vous, & moi je ne m'en foucie pas beaucoup , fi vousvouliez, mon Papa, au-lieu d'acheter ce Galon, me donner 1'argent qu'il doit couter M. des Vertu s. Pourquoi faire ? Eft - ce que vous n'avez plus rien des deux Louis de vos dtrennes? le petit des Vertu s. Non, mon Papa. Mi des V e r t v s. Qu'en avez-vous fait? E 2  <5# l'HAbït sans Galons, le petit des VeRTUS. pen ai fait j'en ai fait Oh! je ne fcau- rois vous le dire a préfent. M. des Vertu s. Et pourquoi? le petit des Vertu s. Paree que Ah ! mon Papa; n'ayez pas peur, j'en ai fait un bon ufage; mais je vous en prie, puifque vous le voulez fcavoir, ne me le deinandez que demain. M. des V e r t u s. Allons, foit, il demain, & fi, comme vous le dites, vous en avez fait un bon ufage, demain auffi je vous remettrai 1'argent de votre Galon ; je veux que vous ayez toujours de 1'argent, en le fcachant employer h propos. le petit des V e r t u s réveille. Ma Médecine? Allons, ma Bonne, me voila tout prêti (11 fe met fur fon féant avec vivacilé). Mademoiselle Dubois. Mon petit Ami, vous 1'allez donc prendre comme un grand garcon ? Tenez voilk un petit morceau de p:\te d'abricot que je vous donnerai après, pour vous en öter lé gOÜt. le petit Dusault. Ma Bonne, vous fcavez bien que Maman m'a promiS un beau Nceud - d'Epée d'argent, li je prenöis ma Médecine joliment, ainfi vous lui direz comme vous allez me la voir prendre : donnez. Mademoiselle Dubois. La voila, tenez bien, & prenez garde a répandre. le petit Dusault prend le gobeleu ( Impromptu ). N'ayez pas peur, ma Bonne, je n'en répandrai pas une goutte.... (II avale la Médecine). Voila qui eft fait. Eli bien! ma Bonne, «''ai-je pas Hen mérité li Nceud- cT Epée ? (II mange la pdte d'abricot'). Mademoiselle Dubois. Oh! furement, & je le dirai k votre Maman, auffi-tót qu'elle fera levée. le petit Dusault. (Impromptu) Les enfans font cinquante fimagrées quand il faut prendre une Médecine, paree qu'ils ne fe font pas une raifon que cela eft nécenaire kleur fanté, & puis ils la flat-  Proverbe VII. 79' 'rent, & puis ils la goutent, & puis ils ne peuvent plus . Ia prendre, & puis on les gronde au-lieu de leur donner des nceuds- d'épée, 6? c'eft Men fait, n'eft-ce pas ma Bonne ? Mademoiselle Dubois. Vous avez raifon. le petit Dusault. (Impromptu > Voilk, je gage, comme ma Sceur va faire, car elle difoit hier au foir qu'elle ne pourroit jamais la prendre; elle pleuroit d'avance; mon Dieu! comme elle a faic Pen* fant, ma Bonne! Maman lui a auffi promis un Eventeil, ft elle prenoit Hen fa Médecine. Mademoiselle Dubois. Oui, mais j'ai bien peur qu'elle ne le gagne pas, car je ferai obligée de dire la vérité. le petit Dusault. Scavcz-vous ce qu'il faut faire, pour 1'engager a preudie fa Médecine fans faire de facon? Mademoiselle Dun'ois. Non : qu'eft - ce qu'il faut faire ? le petit Dusault. (Impromptu). II faut lui dire que j'ai fait beaucoup de grimaces, beaucoup de facons pour prendre la mienue, malgré Pair réfolu que j'avois bieï au foir, quand Maman neus en a parlé; cela piquera ma Sceur, elle veut palier pour mieux Vaire que moi tout ce que nous faifons enfemble. Fous verrez, ma Bonne, ft je nVmagine pas Hen cela , vous verrez. Mademoiselle Dubois. Mon petit Ami, votre idéé eft excellente; elle dort encore, je m'en vais Chercfter fa Médecine; pendant  8o Les deux Médecines, que je 1'engagerai a la prendre, vous ferez femblant de donnir, \ os rideaux fermés, & vous entendrez tout ce que je lui dirai. le petit Dusault. Oui, ma Bonne, je ferai le dormeur, allez vite» ( Mademoifelle Dubois fort. ~) SCÈNE II. LE PETIT DUSAULT feut. Oh ! je m'en vais bien m'amufèr; m'en voila quitte moi; j'aurai un nceud - d'épée , mais ma Sceur ... ma Sceur n'aura pas fon éventail, a moins qu'elle ne fe piqué d'lionneur, comme j'ai dit: oh 1 nous allons bien rire. SCÈNE III. MADEMOISELLE DUBOIS, LE PETIT DUSAULT, LA PETITE DUSAULT dormant toujours. Mademoiselle Dubois, tient uit gobelet. Q Au petit Dufault). Vo ha la Médecine de votre Sceur, allons, cachez'Vous dans vos rideaux, & faites bien le dormeur. > fc e  Proverbe VII. 8l 1. e petit Dusault. Oui, ma Bonne, je ne foufflerai pas, jufqu'a ce que vous me difiez de m'éveiller. Mademoiselle Dubois. C'eft bon ( Elk va au Ut de la petite Dufault ). Allons, Mademoifelle, voila votre Médecine. Mademoifelle , m'entcndez - vous ? Eh bien ! réveillezvous donc. ( La petite Dufault fe frotte les yeux , fe retourne e fe cache dans fon Ut; Mademoifelle Dubois la découvre un peu ~). Eh bien! Mademoifelle, oü allez-vous donc? voulezvous bien vous mettre fur votre féant, & prendre votre Médecine ? elle va fe réfroidir. la petite Dusault. Ma Bonne, il eft trop matin, je n'ai pas affez dormi, & cela me fera mal. Mademoiselle Dubois. Mademoifelle, il elf 1'heure ii laquelle votre Maman a dit que vous ia priffiez; allons, ne faites pas Penfint , vous fcavez bien qu'elle vous a promis un bel éventail, fi vous la prenez comme une grande perfonne : allons donc. la petite Dusault. ( Impromptu ~). Bon , je me foucie bien d'un éventail, pour prendre une vilaine Médecine : voyons - la donc , ma Bonne. ( Elle prend le gobelet ). Mademoiselle Dubois. Allons, prenez - la tout de fuite; cela fera bien-ttt% fait, fi vous voulez. F  Les deux Médecine s. la petite Dusault regarie & faire la Médecine. f_ Impromptu ~). Ah! ma Bonne, comme elle eft noire! Comme ca fent mauvais! Mais en voila trop , je ne pourrai jamais valer tout. Mademoiselle Dubois. II n'y en a point trop: allons , mais allons donc ; voilk un bon morceau de conferve de fleurs d'oranges que vous aimez, qui vous attend. la petite Dusault. De la fleur d'oranges ? Eh bien! ma Bonne, partageons; prenez la Médecine , & moi je mangerai la ileur d'oranges. Mademoiselle Dubois. Oui, voilk de beaux contes que vous faites Ik: fca■vez - vous bien que je m'impatienterai a Ia lin, & que fi vous continuez, je vous forcerai de la prendre; vous n'aurez pas d'éventail, mais k la place je vous regalerai d'une bonne poignée de verges.... la petite Dusault. Mais, ma Bonne, aufii pourquoi commenccz - vous par lnoi? Mon Frere n'a pas pris la fienne. Mademoiselle Dubois. Si, Mademoifelle, il Pa prife.... & il dort mainte•nant, la petite Dusault. II Pa prife! Eh bien! 1'a-ffl prife, comme il difoit Jiier, fans faire de facons ? Mademoiselle Dubois. OJa! pour lui, j'en fuis encore plus mécontente que  P' R O V E R B E VII. 23 je ne le ferai de vous, j'efpere; en tout cas, je lui ai bien afluré qu'il n'auroit pas de nceud d'épéc 11 m'a tant impatienté.... la p e t 1 t e Dusault. ( Impromptu ). Quoi! lui qui faifoit tant le brave hier au foir: ah! je fufe bien aife de fcavoir ca, ma Bonne; oh bien! pour me mocquer de lui, vous allez voir comme je vais prendre ma Médecine moi; donnez. Mademoiselle Dubois. Tenez, allons , voyons. la petite Dusault avale la Médecine, Voila ciui eft fait. Mademoiselle Dubois. Fort-bien. Tenez, la fleur d'oranges. Ah! votre Frere fera bien attrapé. la petite Dusault. (Impromptu'), Mais , ca n'eft pas fi mauvais que je le pcnfois. .., Mon Frere eft un nigaud; oh ! comme je m'en vais me moquer de lui! 11 n'aura pas de nceud d'épée, 6? moi faürai un lel éventail, ifejl-cc pas , ma Bonne, l e petit Dusault ouvre fes rideaux. Qu'eft-ce que tu dis donc, ma Sceur? la petite Dusault. (_ Impromptu). Je dis, mon Frere, que tu fais bien le brave le foir d'une Médecine, & que tu es pis qu'un enfant de quatre jours quand il faut la prendre; car je fcais de tes aouvelles : mais demande d ma Bonne comme fai pris la miemie ? Ma de moisell e Dubois, , Oh! il eft fur qu'il y a bien de la difl'érence, F 2  §4 Les deux Médecines. i. e petit Dusault. Quoi, p.ia Sceur, tu n'as pas fait de facons dutout? la petite Dusault. N'eft-il pas vrai, ma Bonne, que je 1'ai prife tout de fuite , & que j'aurai Féventail ? le petit Dusault. (Impromptu > J'en fuis charmé, ma Sceur; cependant je ne dormois pas, quand ma Bonne t'a apporté ta Médecine , & j'ai entendu.... ma Sceur . .. j'ai entendu bien des chofes Enfin , ü tu as l'éventail, fefpere auffi aroir mon nceud d'épée, u'eft-ce pas, ma Bonne ? Mademoiselle Dubois. Allez , allez, tranquilliftz - vous tous deus, on arrangera cela pour le mieux. SCÈNE IV. MADAME DUSAULT, LE PETIT, LA PETITE DUS A.U L T, MADEMOISELLE DUBOIS. Madame Dusault, ; „ „ l « douze ans. Mademoilelle D'U RZY, fa Sceur. J LE GOUVERNEUR du petit Mtrquis. L E PRÈCEPTEUR du petit Chevalier. La Sccne eft dans un grand Jard'in d charmiltcs, dépendant de la Maifon des Pere & Mere du petit Chevalier. VAclion fe paffe apris -diné. SCÈNE PREMIÈRE. LE GOUVERNEUR, LE PRÈCEPTEUR. le pr1ïcepteur. E/H bien ! Monfieur, comment vous trouvez-vous do Monfieur le Marquis ? Vous donnc-t'il bien du mal? le Gouverneur. Ah ! Monfieur, s'il m'en donne 1 C'eft le plus terrible enfant par fon naturel fier, hautain , infultant même , qu'on puifie imaginer; ioignez a cela un pere &  94 L e Duel une mere qui tournent en bonnes quafités tous les défauts que je voudrois réformer en lui: s'il dit une fottife, c'eft. une gentilleflé; s'il fait une malice, c'eft un trait de vivacité & d'efpiït: enfin , tout ce que je pourrois obtenir en bien fur ce caractcre par mes avis juiunaliers, eft détruit avant même qu'il ait pu faire quelque progrès fur le fujet qu'on m'a confié. l e P r é c e p t e l' ii, Avouez que notre état eft bien malheurcux, quand nous avons des principes de bonne éducation, dont notre affection veut faire proliter nos Eleves, 6c que nous trouvons des peres & des meres fi ridicules, li peu au fait de la facon dont on forme le cceur & ''efprit d'un enfant, & fi prévenus en fa faveur. l e Gouverneur. C'eft un métier de chien, une galerej continuelle, oii Pon rame depuis le matin jufques au foir, & qu'on a encore le chagrin de voir faire naufrage, malgré la peine qu'on s'eft donnée pour Ja faire arriver au port. l e P r f. c e p t e u r. Vous avez bien raifon, & voila comme toutes les éducations tournent maintenant. Les peres cc meres gatent tout par leurs entêtemens, & par Penvie qu'ils ont de uiettre leurs enfans dans le Monde, avant qu'ils aient aucuns principes de mceurs. Qu'cn arrivé - t'il? Dés la plus tendre jeuneffe, les enfans pramen t les exemples d'un Monde corrompu; inftiuifez - les a travers cela , c'eft comme fi vous par'icz a un mur. l e Gouverneur. Auffi je vous promets bien cue le petit Marquis fera la .dernier que j'entreprendraï.  Proverbe, I X. 95 l e P r É c e p t e u r. , Pour moi, je n'ai pas h mc plaindre du mien; c'eft le caractcre le plus doux, le plus hqnnête, la meilleure petite ame .... le pere & la mere font des gens fi raifonnables, que je fais de ce petit bonhomme tout ce que je veux, & furement j'en ferai un charmant, un excellent fujet. Une feule chofe m'inquiete; il cil fait pour être Militaire, & je crains que fa douceur , une certaine timidité ne lui donnent pas cette hardieffe de coeur, ou cette bravoure de tempérament fi ncccfiaire a fon etat ; enfin , je crains qu'il ne foit un peu poltron. le Go u v b k. n e v r. Oh ! moi, je n'ai pas cela a craindre du micn ; c'eft le plus effronté, le plus hardi p.tit Monfieur..... li t-mble qu'il ne delirc de devenir plus grand garcon, que pour être plus a portée de (e battrc, en cherchant luimême querelle. Je crains bien qu'on ne le corrige quelqtie jour eruellejnenti car dans le Milfairc il trouvera k qui parler; vous fcavez que ces petits Rodomonds - li ne von: pas ordinairement loin. l e P ït É c b p t e r k. Ce caractcre eft trés i'iquiétant. l e G o u v e R n e u r. S'il 1'eft? Et par-defius cela, joignez-y la foiblefi'e de fon pere & de fa mere, qui ne voient ces défauts qu'en beau , & qui ne font rien pour en éviter les dangers: enfin , croiriez - vous qu'avec un lang auffi pétulaut, le petit bonhomme a obtenu de fes chers pareus, que fon épée ne tiennc pas dans fon fourreau, comme ,c'eft 1'ufage jufqu'a un certain age? Auffi je leur ai dit ,qne je ne répondois de rien.  pö L E D U E E. le prècepteur. Oh! 1'épée du mien tient, & ticnt bien, mais je crois fort inutilement, car je ne foupconne pas qu'il ait envie de la tirer jamais du fourreau, fi on ne 1'y force abfolument, & cela m'inquiete. le Gouverneur. Ma foi, j'aimerois mieux votre inquiétude que la miemie. Je ne peux pas perdre le petit Marquis un inftant de vue, au - lieu que votre petit Chevalier vous laifle bien des motnens de repos. Quand ils feront grands, & que nous ne ferons plus auprès d'eux, ma foi s'ils fe font tuer ou s'ils fe déshonorent, ce fera leurs afiaires. le prècepteur Que vous êtes heureux de penfer d'une facon fi détachée! Pour moi, cela ne m'eft pas poffible, & je m'intérelfe a tout ce qui pourra arriver a mon éleve pendant toute fa vie, comme je m'intéreflë a tout ce qui lui arrivé pendant que je Pai fous ma direction : enfin, je fuis d'un caraétere a me reprocher d'avance toutes les fottifes qu'il pourra faire dans Favenir, comme fi j'en étois Ia caufe. S'il toume mal, quand on le jettera dans le Monde, j'en aurai, je le fens, le plus cruel chagrin jufqu'k la mort. le Gouverneur. Allons, vous êtes trop bon. le prècepteur. Et vous, trop indifférent fur eet objet; mais au moins vous aurez a vous excufer fur les contradiftions qu'on vous fait effuyer, & moi, je n'aurai aucune excufe a me donner, ni aux autres } cela eft bien différent. Ah ! voila  Proverbe IX. 97 voila nos deux petits Meffieurs qui viennent de ee cóté. Qu'y a-t-il donc entre eux? Ils ont Pair bien agité. L e Gouverneur.. Oui, leurs geiles font même affez vifs; ils viennent le long de cette grande cliarmille , pallbns de Pautre cöté de Pallée, 6c mettons la charmille entre eux & nous; ils ne nous verront pas, & comme ils parient d'aclion, nous fcaurons ce qu'ils ont dans 1'ame. l e P r é c e p t e u r. C'ell fort - bien dit; paffons vite de Pautre cóté. (Ils paf ent de Pautre cdtd de la charmille, & fuiyent eünfi les deux jeunes gens , fans en être yus ~). * SCÈNE II. LE PETIT MARQUIS, LE PETIT CHEVALIER, en êpées & en chapeuux, fe promenant le long de la charmille. li e petit Marquis, en faifant fauter du fable ayec une baguette. El-I bien! Monfieur, fi vous n'êtes pas content, prenez des cartes. Voulez - vous m'appeller en Duel ? Ob 1 par exemple , cela me pareltroit plaifant, le petit Chevalier. Mauvais propos qui, loin de me fatisfaire, ne font, Monfieur le Marquis, qu'augmenter votre tort vis - a - vis de ma Sceur, & me forcer de me faclier tout de bon cOn' -$re vous. G  L e Duel. l e petit Marquis toujours jonunt avec fe baguette. Vous facher, vous facher? Ah'! voyez le grand malheur ! Pourquoi vous fachez - vous mal - & - propos comme un enfant? Eft-ce ma faute? le petit Chevalier. Oui, c'eft votre faute, & vous le fcavez bien pourquoi : paree que ma Sceur ne peut pas apprendre tout d'un coup un Jeu que vous nous monrxez, pourquoi lui dites-vous groffiérement qu'elle eft une béte? l e petit M a r q u i s. Groffiérement! Mon petit Chevalier, prenez garde vous-même % ce que vous dites, ou vous me forcerez moi i; vous apprendre a pariër. Oui, votre Sceur eft une béte, je 1'ai dit, & je vous le répete encore, mais je ne vous le dis pas groffiérement: il n'y a pas deux facons de le dire, puifque cela eft vrai, entendezvous? le petit Chevalier. (Impromptu.) Si vous ne fcavez pas deux facons de lc dire, vous me forcez a vous apprendre qu'il y en a une de vous faire conuoltre que ma Sceur ni moi, ne méritons pas VOS infultes: on peut vous en faire repentir. l e petit Marquis. (Impromptu'). Bas, 'bas, je vous entens; vous allez vous en plaindreamon Gouverneur, n'eft-ce pas? Eh bien! après? Allez , mon petit ami, je ne le crains gueres; c'eft une bonne béte auffi, dont je fais tout ce que je veux ; vous croyez me faire donner le fóuet, comme ou vous le donne feut-être encore, ah ! ah ! ah ! le petit Chevalier. Vous faites tout pour me pouffer a bout, mais vous y  Proverbe IX. 9$ psrviendrez, prenez - y garde; je fens déjk.... Enfin, Monfieur, je fuis venu ici avec vous, pour vous demander raifon de rinfultc que vous avez faite h ma Sceur; voulez - vous convenir que vous avez eu tort & lui demander excufe , ou bien ne le voulez - vous pas? Voilk ce dont il s'agit entre nous. le petit Marquis. Comment ! vous prenez tin ton de brave; cela ne vous va pas. J'ai dit & votre Sceur ce qu'il m'a plu de lui dire , & je vous ciirai h vous que vous Êtes un enfant auprès de moi, & que vous ferez mieux de vous taire, car je vous corrigcrois moi - même de vos iinpertineuces. le petit Chevalier. Monfieur le Marquis , c'en eft trop. J'ai cru honnétement pouvoir vous faire fêritir votre tort, vous rn'iuiültez encore au-lieu de vous excufer; eli bien! avanfcons dans cc coin; alin que perfonne ne puifie nous voir, & vous connoitrez li je fuis aulfi enfant que vous le dites. l e petit M a r q u i s. {Impromptu). Eb bien! avancons; que me montrcrez-vous ? Que vous faites le petit brave, paree que vous fcavez que votre épée tient dans le fourreau : mais Ia miemie n'y tienc jias, & je pourrois bien vous en donner quelques coups fur les épaules pour vous apprendre a vivre; inais, non, avancons; vous tirerez votre épée, & moi, je ne veux me fervir que de cette baguette : venez, mon petit tt:ni, cela irtannfera. ... l e petit Chevalier. Allons, nous verrons, avancons toujours. Ah ! Boiw G 2  tod L e Duel. voilk bien, perlbnne ne nous voit. (II tire fon épée nüe)* ■ Monfieur, cette épée , comme vous voyez, ne tient point dans fon fourreau; voyons fi la vótre n'y reftera pas fans y tenir : allons donc, tirez - la donc. le petit Marquis. Doucement, Chevalier, êtes-vous fou, & voulez-vous que nous nous égorgions ici pour une bagatelle? le petit Chevalier. ïl n'y a point de bagatelle qui tienne; ou promettezmoi de faire excufe a ma Sceur, ou je vous perce. (// fe met en garde). Allons donc, allons donc. le petit Marquis. Un moment, vous ne fcavez pas faire des Armes comme moi, & j'aurois un avantage... le petit Chevalier. Quand on a du cceur, on fe bat bien, fans avoir jamais appris. Eh bien le petit Marquis. Oui, mais fi nous allions nous tuer tous les deux d'un coup fourré; deux enfans de condition, deux fils uni-; ques; ce feroit un grand malheur. le petit Chevalier. Mauvaife raifon. Finiflbns, vous dis-je; ou tirez voti e épée, ou promettez - moi de faire les excufes que vous devez. le petit Marquis. Eh bien 1 je vous le promets, car j'ai un an plus que vous, il faut que je fois le plus lage; mais, Chevalier, promettez - moi auffi de ne rien dire de tout ceci a perfonne. l e petit Chevalier, Volontiers»  Proverbe IX. IOI 1 j. e petit Marquis appercevant le Gok- ■: verneut S? le Pricepteur. (A part). Bon, on va nous féparer. (haut). Mais I après tout, je fuis trop bon. (II tire foi tpée). Eh I bien! battons - nous donc, Monfieur, puifque vous le I voulez. (Ils s'approchcnt, jufqu'd toucher leurs ipies , | que le Gouverneur fépare en fe mettant entre eux deux). SCÈNE III. LES ACTEURS PRECEDENS, LE GOUVERNEUR, LE PRÈCEPTEUR. le Gouverneur. I F i 'I-I bien ! Mefiieurs , y penfez - vous? Ile petit Marquis veut revenir a ta charge, pendant que le petit Chevalier remet tranquil- lement fon épée dans le fourreau. Otez-vous, Monfieur, que je corrige ce petit info1 Jen t- la.. le petit Chevalier. (Impromptu). Ne faites pas le méchant, Marquis, ce n'eft pas le 1 moment; rcmercions plutót ces Mefiieurs, d? qu'ils juI gent qui efl - ce qui a tort ie nous deux, cela vaudra le Gouverneur. I Nous avons tout entendu, Monfieur & moi; Monfieur | le Marquis, vous avez le plus grand tort, & vous fcriez G 3  102 L E D U È L, perdu d'honneur dans le Monde, ü on fcavoit cette avanture. l e prècepteur. Ah ! mon cher Chevalier, que je vous embraüe ! Vous êtes charmant. Ah'. que je vous avois mal jugé! Mais bü avez-vous pris cette épée-la? le peTit Chevalier.. C'cn eft une petite que j'ai trouvée dans le Sallon. Mefiieurs, ne donnez pas il Monfieur le Marquis le chagrin qu'on fcache notre querelle, j'aime mieux tout oublier. l e petit M a r q u i s. Promettez tnói de n'en parler k perfonne , je vous en, prie , me le promettez - vous ? l e Gouverneur. Oui, mais a condition que vous fefez a la Sceur de Monfieur le Chevalier, les extufes que vous lui dcvez. le petit Marquis. ' Eh bien ! je ferai tout ce que vous voudrez. l e Gouverneur. La voila qui vient fort a propos; quaiid elle fera pres de nous, dites-lui bien honnêtement tout cc qu'il faut lui dire, ou je raconterai votre hiftoire a toutes les perfonnes qui fout dans le Sallon.  Proverbe IX. 103 SCÈNE I V. LES ACTEURS PRÉCEDENS, MADEMOISELLE b' U R Z Y, Sceur du Chevalier. Mademoiselle d'Urzy. (Impromptu), M o n Frere , j'étois inquiéte de Eoi; je t'ai vu forttr dans lc Jardin avec Monfieur, j'ai regarde par la fenêtre, j'ai vu que vous vous menaciez, & puis j'ai vu que je ne vous ai plus vus.... J'ai en peur que votre pe~ the querelle d mon fujet le Gouverneur. Allons, Monfieur le Marquis.... Eli bien 1 ... Voili le moment le petit Marquis^ Mademoifelle d'Urzy. (Impromptu). Mademoifelle, j'ai eu tort de vous parler tantót comme j'ai fait, je vous en demande excufe; je vous prie de l'oublier ê? de u'en parler d perfonne. Mademoiselle d' U r z y. (Impromptu). Ah! Monfieur, je n'y ai pas pris garde; vous dites tant de chofes qui Sons mon Frere que fai va fue cela a fdcki, je n'en aurois jamais paru ofenfe'e. le Précetteur. Allons, embraffez-vous tous trois. G4  i a}. L e Duel le gouverneur. Oui, mais que cela vous ferve de lecon, Monfieur 5e Marquis. le prècepteur. Voila qui eft fini, remontez tous trois au Sallon, paroiffez comme fi de rien n'étolt. le petit Marquis. Sur - tout vous me promettez de n'en rien dire. le Gouverneur. Non, certainement. le prècepteur, Ni moi, je vous aflure. le petit Chevalier. (Imprompt-u), Ni moi, ni ma Soeur non-plus; allons, Marquis, rede-, yenons bons amis,. (lis s'en vont tous trois en fe tenant enibrafe's'), SCÈNE Vt LE GOUVERNEUR, LE PRÈCEPTEUR, le Gouverneur. Eli bien! Monfieur, nous nous fommes trompes tous deux, comme vous voyez, fur ces caracfères - la. Que. vous' devez être content de votre petit Chevalier! Qu'il eft honnête, & qu'il eft brave ! Quelle douceur en même temps!  Prover tte I X. 105 LE PRÈCEPTEUR. Ten fuis enchanté, & je vous plains bien d'avoir af. faire a un petit Monfieur qui ne fait Ie méchant, que quand il croit être le plus fort & n'avoir rien a craindre. L E G O U V E R N EUR. Par toutes fes incartades & fes propos infultans, il ju. ftifie bien le Proverbe qui dit que. , .. Fin du neuyieme Proverbe, O 5  L E PETIT PATSJN HARDI, PROVERBE X. ACTEURS. LUCAS, Payfan , dgi de douze ans. Monfieur D'A UDICOUR, Fils du Seigneur du Village, qui vient en prendre polfejfion pour la première fois. Mademoifelle D'A UDICOUR, fa Sceur, dgêe de quatorze ans. La Scène repréfenle un Thédtre de Campagne, oü l'on efl pril a jouer la Comédie. Un Fauteuil fur le Thédtre. Nota. Ce Proverbe a élé fait pour la prife de poffejfinn de la Seigneurie de Saint Jujl, tl joui par les trois enfans du Seigneur.  Le petit Paysan Hardi, &c. 107 SCÈNE PREMIÈRE. lucas feu!, entre fur le Thidlre. (Impromptu), O ui, morgué, vive Ia hardieffe! J'étois embarralTé par oü entrer, m'eft avis que j'ai trouvé la bonne porte. (II s'aficd dans le Fauteuil). Me voila ici bien a mon aife; c'eft ce qu'ils appellont le Thiatre: me voila voirenientfort i mon aife, mais ce n'eft que jufqu'a ce qu'on me chaffe, car ils vont venir pour repréfenter leurs fariboles de Comédie, & le preinier de ces Monfieus qui me verra, va me mettre a la porte; ca m'eft auffi fur que des malédiétions a un Colleéteus: t'as biau être du Village, mon pauvre Lucas, ils te chafTeront, je t'en avartis; tiens, mon enfant, cro'is-moi, allons-nous-en. SCÈNE II. . M. D'A UDICOUR, LUCAS. M. d'Aud ic o u r. *A.H! bon-jour, mon ami, que faites-vous donc ici tout feul ? Lucas. Moi, Monfieu, rien. Je me difois tant-feulement de m'en aller, pour vous éviter la peine de me mettre i la porte.  io8 Le petit Paysan Hardi M. n' A u d i c o u r. Vous mettre a Ia porte! N'ètes vous pas de ce Paysci? L u c A s. Oui, je fuis de Saint Juft né natif; mon pere & ma mere en font; leurs pere & mere en étions, & mes enfans en feront, s'il plait a Dieu de m'en donner queuque jour. JI. d' Audicour. Eh bien! mon ami, dè> que vous Êtes de ce Pays-ci, vous n'avez rien a craindre; maintenant je fuis aulü du Pays moi, & j'efpere, en cette qualité, qu'on aura ici des attentións pour nous. L u c a s. Comment! des attentións pour nous ; n'ètes-vous pas de la Compagnie du Chatiau ? M. d' A u d i c o u r. Un peu, oui, mais je n'en fuis pas moins du Pays. Lucas. Fons biau vous envifager, m'eft avis que je ne vous connois pas plus que fi je ne vous avois jamais vu. M. o' A u n i c o u R. Cela peut-être; mon pere n'en eft pourtant pas moins le premier Laboureur du Canton. Lucas. Et le mien, morgué, eft le plus ancien; mais vous vous gobargez de nous avec votre pere que vous dites Laboureur. M. d'A u d i c o u r. (Impromptu). Je m'en vais vous mettre au fait. Oui, par 1'acquifiJiou que mon pere vient de faire de cette Terrt, il fe  PROVERBE X. fait gloife du titre de premier Laboureur du Pays. Cette qualité a les yeux comme aux miens, eft la plus belle du monde, la plus importante h 1'hümanité, exercée par les plus bonnêtes gens ; & comme de lils de Laboureur a Hls de Laboureur il n'y a que la main, toüchcz-lii, mon cher Lucas, foyons bons amis; le bafard vous a fait monter jufques ici, j'en fuis charmé ; devenez dans. eet heureux moment le Député du tout votre Pays , & recevez en fon nom toutes les marqués d'attention & d'attachement que nous venons lui donner. Oui, mon cher Lucas , pour que mon difcours ne foit point équivoque, je veux vous embrafTer de tout mon cceur, comme rAmbalfadeur du Canton. Lucas. (_ Impromptu ). Eh bien ! tenez , voila des mauieres qui me ravilfent 1'ame, & fi vous êtes tretous bons, comme vous le dites , je vous répons que j'naurons pas befoin qu'on vous recommande au Pröne, pour que je prions Dien pour vous de tout not cceur. Tout 1e Village va vous être d'une affection , va vous fervir avec un zele ... Vous verrez .... Vous verrez .... Je si1 ai qu'un chagr'm qui me prend tout fubitement. M. d' A u Dl cour. Quel eft-il? Lucas. C'eft que j'voudrions. ... fi c'étoit vote bon plaifir.... puifque.... mais....  -Tio Le petit Paysan Hardï. SCÈNE III. LES ACTEURS PRECEDENS, MADEMOISELLE D'AUDICOUR. Lucas. "V l a une Demoifelle qui m'impofe filence Elle a le regard fi honnête & 1'abord fi avenant, que le plai- Cr de la voir me coupe la parole Mademoiselle d'Audicour. A quoi t'amufcs-tu donc, mon Frere? On n'attend plus que toi pour commencer, joues-tu la Comédie avec Monfieur ? M. d'A u d i c o u R. Non: je lui difois la vérité, en lui apprenant que notre intention eft de nous faire aimer de tous les HabitanS du Pays...i.i Lucas. Oh ! pour cela, vous vous y prenez, morgué , on ne peut pas mieux. Mais quelle eft donc cette gentille Demoifelle - la ? M. d'A u d i c o v r. C'eft la première Bergère de nos Hameaux; c'eft ma Sceur. Lucas. Plus vous dites , & plus je me confonds Votre Sceur, la première bergère du Hamiau; En ce cas , je fuis donc moi le premier de fes moutons. Oh ! les bons Maitres que j'avons-la! Mademoifelle , pardonnez notre importunance, c'eft Monfieur votre Frere qui ea eft caufe ; ü  Proverbe X. me domie tant de bien a penfer de tous tant que vous ites , que je ne icais auquel entendre; mais comme j'aurons le temps de développcr tout cela, permettez qui j'vous falue i bon compte, & que je féücite toutes nos Bergères d'avoir une gentille Compagne comme vous. Mademoiselle d'Audicour. Je vous fuis obligée du compliment, il me flatte d'autant plus qu'il eft naturel; c'eft comme je les aime. M. d' A u d i c o u r. Ah; ma Sceur, tu ne connois pas encore les plaifirs champêtres, mais tu vas les connoïtre , en les partageant avec tous les bons & honnêtes Habitaus de cc pays, la Chafie, la Pêche, les Danfes fous 1'Ormeau méfurées tantót au fon du hautbois , tantór aux couplets d'une ronde naïve chantée guaiinent, & répétée de même: tu verras que ces plaifirs valcnt bien ceux que la Ville offre avec plus d'art & de magniiicence , mais avec moins de vérité & de candeur. Mademoiselle d'Audicodr. J'en ai comme toi, mon Frere, la plus agréabie idée. Lucas. Quoi, vous danferiez auffi avec nous fous 1'Ormeau? M a d e m o i s : l l e d'A u d i c o u r. Et de lout mon cceur. L u c a s. Quoi! Vous Eh bien! morgué, le chagrin que j'avois me quitte; puifque vous êtes fi bons, je m'enróle dans votre troupiau , & je veux jouer itou la Comédie avec vous; m'eft avis que le defir de vous plaire me baillera de I'e pril Toutes ces paroles qui me femblont arrangéés dans un livre comme des plants de laitues, je les dégoiferons tout comme un autrc ; alles font  ïi2 Le petit Paysan Hardi. toutes raachées pour ceux qui favont lire, la mémoira n'a plus qu'a les avaler, & comme je lis tout courant, laiffez-moi faire Mademoiselle d' A ü d i c o u r, Voila toute la befogne. Lucas. (Impromptu). Voila toute la befogne..... Mais il faut de la gcfticulation, oui, une certaine manigance dans les bras & dans les mains; or comme c'eft la première fois que me ferai attelé a cette charme-la, & que vous êtes au fait, vous me baillerez bien queuqu'avis? Mademoiselle d' A u d i c o u r. Mon clier Lucas, nous n'en fcnvons pas plus qu« vous , car c'eft la première fois auffi que nous nous en mêlons , mais nous comptons fur l'injlulgence de nos Speétateurs; j'ai plus befoin que perfonne de ceïte indulgence, auffi je la leur dcmande plus pofitivement. Lucas. (Impromptu). Allez , Mademoifelle , foyez tranquille ; pour ce qui eft en cas de ca , ü vous jouez mal, tous les cceurs joueront pour vous, mais nous autres liommes ce n'eft pas de même; au refte, ne nous baillous pas martel en tête ; on fcait bien que ce n'eft ni vote métier ni le mien, ainft tout coup vaille. M. d' A u d i c o u r. C'eft bien dit, Lucas; ceux qui ne feront pas contents , n'auront qu'a reprendre leur argent a la porte. Toi, prens courage & n'aie pas peur; car en cela comme en tout.... Fin du dixieme Proverbe. LÈ  L E GOUTÉ, PROVERBE XI. ACTEURS. Monfieur BLANDINEAU, Procureur. Madame BLANDINEAU, Ja Femme. Le petit BLANDINEAU, Enfant de huit ans. La petite BLANDINEAU, Enfant de neuf ans. JANNOT, Fils d'un Vigneron, & Filleul de Monsieur Ulandineau, dgi de huit ans. UN LAQUAIS. La Scène eft d la Campagne, dans un Sallon de Compagnies SCÈNE PREMIÈRE. MONSIEUR ET MADAME BLANDINEAU. M. blandineau. -£-< n f i n, Madame , nous voila donc a notre Maifon de Campagne en pleines vacances pour deux mois; vous trouverez bon, j'el'pere, que je faffé mon amufement d'inftruire ici mon Fils & ma Fille a ma maniere , H  H4 L e Gouté & de détruire ou du moins de diminuer en eux tous les défauts que la facon dont vous les élevez a Paris, leur infpire. Madame Blandinea l\ Et quels défauts, s'il vous plait, trouvez-vous a détruire en eux? Voyons, Monfieur, voyons. M. Blandinea u. D'abord en général, vous leur infpirez trop d'orgueil, trop de goüt pour le falte des liabits & de la pamre, trop de penchant pour tous les talens frivoles & même dangereux, comme la Mufique , la Danfe, &c. Convientil qu'une fille de Procureur foit mife comme une fille de DuchefTe, qu'elle exécnte toutes fortes de Danfes, éi fur-tout 1'Allemande, comme une fille d'Opéra, & fcache mettre en ceuvre tous les moyens de coquetterie comme une fille de Joie ? Madame B l a n d i n e a l'. Oh! Monfieur, vous voyez tout d'un coup d'ceil fi bourgeois, qu'on vous croiroit de 1'autre fiecle ; mais moi, je me conforme dans 1'éducation de mes enfans aux ufages de celui oü je vis. M. Blandinea u. Et c'eft en. quoi, Madame, vous faites fort mal. Au refte , je veux bien vous laiffer un peu maitreffe de fornier votre Fille a votre fantaifie; les Meres malheureufemenf femblent avoir plus de droits fur 1'éducation de leurs enfans femelles que les Peres, mais pour mon Fils, vous trouverez bon que je n'aiê pas ia même complaifance , & que je le corrigc , fi je puis, ici, pendant que j'en ai le temps, de tous les défauts qu'il tient de vos Biauvais principes.-  Proverbe XI. nj Madame b l a n d i n e a u. Et de quoi Ie coriigerez - vous ? M. blandineau. D'abord de fe donner des airs de petit Marquis , de prendre un ton méprifant avec ceux qu'il croit au-defibus de lui. Madame b l a n d i n e a u. Bon '. ne voulez-vous par 1'élever comme le fils d'un Vigneron, d'un Payfan, enfin comme le petit Jannot votre illuftre filleul? M. blandineau. . Eh! Madame, ne penfez pas plaifanter; oui, Je voudrois que mon Fils eüt tout le caractere, toute la douceur & toute 1'honnêteté qui paroit dans ce pauvre enfant-la, il n'en vaudroit que mieux; d'ailleurs vous méprifez ce petit bonhomme, paree qu'il eft le fils d'un Vigneron; mais après tout, mon Fils n'eft que Ie fils d'un Procureur, & moi qui n'ai point de vanité, vous fcavez bien que je ne fuis que le fils d'un.... La, ne m'en faites pas dire davantage ; ayez de la hauteur tant que vous voudrez , paree que votre Pere étoit Marchand, mais je ne veux pas que mon Fils en ait, & je prétens , pour mettre fa modeftie en exercice, que tant que nous ferons ici, il traite avec amitié mon petit Filleul, quand il viendra jouer avec lui; ce n'eft que le fils d'un Vigneron pauvre, mais c'eft le fils d'un honnête homme, utile aux autres hommes, & k bien des hom*' mes qui ne le valcnt pas. m a d.» me blandineau. - Ah! Monfieur Blaudincau, voila de la philofopbie j elles fe fourre par-tout. H 2  iic? Le Goutè. M. blandineau. Non, Madame, cc n'eft que du bon fens. Madame b l a n d i n e a u. Enfin, vous avez votre petit Jannot en tête, vous n'en démordrez point, je vous connois; mais fi je vous difois que ce fils de payfan eft plein de défauts qu'il peut infpirer a mon Fils , qu'il eft polifibn , gourmand , pareffeux, menteur, méciiant même; que c'eft lui qui völe les fruits de notre petit Jardin, auriez-vous encore la fureur de vouloir ?. M. Blandinea u. Ah! fi vous me prouvez tout cela a n'en pouvoir douter, je lui défendrai de jamais entrer ici. Madame B l a n d i n e a u. Si je vous le prouve? Rien de fi aifi. Tenez, je m'en vais faire venir gouter mon Fils & ma Fille dans ce Sallon; c'eft toujours dans ce moment, que votre vilain Jannot vient pour attraper quelque chofe de leur gouté; nous nous cacherons tous les deux derrière cette porte; vous entendrtz vous-même les propos de ces enfans , & vous jugerez fi je vous en impofe. M. Blandinea u. Soit, vous avez raifon, voyons. Madame Blandinea u appelle. Lapierre, ( un Laquais paroit ~) apporttz ici le Gouté de Mademoifelle & de mon Fils, & dites-leur de de£ cendre. (.Lc Laquais fort ). M. blandineau. Oh ca! fi Jannot a tort dans la conduite qu'il va tenir avec nos Enfans, je vous promets de vous en faire  Proverbe XI. 117 juftice; mais fi ce font nos Enfans qui fe comportent mal avec lui, promettez-moi auffi de les en corriger. Madame Blandineau. Oui, Monfieur, je vous le promets, mais c'eft bien une promefle inutile. M. Blandineau. Nous allons voir. SCÈNE II. LES ACTEURS PRECEDENS, LE PETIT ET LA PETITE BLANDINEAU. LE LAQUAIS apporte fur une Table le Gouti compofé de trois Poires, de trois Tartines de Confitu- ■ res 6? de trois morceaux de Pain. (II fort ~). M a da me Blandineau. A ■^*tt ons, mes Enfans, mettez vous la & goutez; le - petit Jannot va venir, faitcs-le gouter avec vous , mais ayez aften tién qu'il ne vous mange pas tout. le petit Blandineau. Oh! que oui, Maman, car il eft bien gourmand. Tenez, il eft dans la bafie-cour qui polifibnne avec du fumier. H 3  iï8; L e Gouté. SCÈNE III. LES ACTEURS PRECEDENS5 JANNOT. M. Blandineau. J~ H bien! Madame, eft-ce lk ce que vous m'aviez promis ? Madame Blandineau, d fon Fils £? h fa Fille. Ah! ah! vous êtes de jolis enfans, j'ai tout entendu. Voila donc comme vous m'avcz menfi tous deux fur le Compte de ce pauvre Jannot. II eft gourmand, il vole les fruits, il eft méchant, il eft menteur, tandis que c'eft vous qui avez tous ces vices-lk. Oh ! je fuis bien - aife de vous connoïtre. Jannot. Ne vous facbcz pas, Madame, par rapport k moi; tout cela n'étoit que pour rire, je vous affure, & je  Proverbe XI. 123 ne fuis pas faché du tout; je vous promets qu'ils ne m'ont point fait de mal, nous jouions cnfemble, voi-> la tout. Madame Blandineau. Vas, mon pauvre Jannot, je te rends jufticc, & je les punirai tous deux comme ils le méritent. (Elles les renvoie). Allons vite, allcz-vous en tous deux dans votre chambre, auprès de votre Gouvernante, jufqu'h ce que je vous falie efluyer la punition que vous mérites, M. Blandinea u. Chargcz-vous, Madame, de celle de votre Fille , je ne yeux point m'en mêler; ce que je vous confeillerois feulemcnt, feroit de lui ótcr jufqu'a nou vél ordre, tous fes Maftres de Mufique, de Danfe & de Deflèin , & de travailler feulcmcnt a lui apprendre k bien coudre * a brodcr, h filcr, & a lui former le cceur & 1'efprit. Pour mon Fils , la punition qu'il mérite , eft que Jannot prenne ici fa place., fes habits, enfin qu'il devienne mon Fils , & que ce beau Monfieur-la foit traité comme le fils d'un Payfan, je dis plus, comme le plus mauvais fujet de la Nature. Au refte , Madame, ferez-vous encore prévenue contre cc qui réfulte de la pauvreté de certains états? Madame Blandineau. Non , Monfieur! malgré la peine que cela me fait, je fuis obligée de convenjr que cette fois - ci vous avez raifon , & que Fin du vnzieme Proverbe.  L E O U LP R 0-0 UO, PROVERBE XII. r La Scène eft h Ja Campagne, dans F Antichambre Af Sallon de Compagnie. VASion fe paffe après le dini. ACTEURS. Monfienr D O R A S" C É , Capttaine c?I::f.:raerie. Madame DORAXCÏ, fon Epoufe. G L' I L I. O T, \ Freres , dgés de quatorze c quinze ans PIERROT, / Fils de Vigneron. SAINT-JEAN, Lcquais de la Maifon de Monfieur Horanci.  Le Quï-Pro-Qüo, Prov. XII. 12j SCÈNE PREMIÈRE. G u I L L O T entre dans V Antichambre , d'un air embarraffi. ' un LAQUAIS, brode afis. le Laquais fans fe lever. u e voulez - vous , mon ami ? G u i l i. o T. On m'a dit que Monfieur, le Marquis cherche & faire des hommes pour fa Compagnie, & je viens pour m'engager a lui. le Laquais. II eft forti, & Madame fait 'fa méndienne dans Ie Sallon; quand elle feraréveillée, je vous lui feraiparler, elle vous engagera tout - auffi - bien que Monfieur ; attendez un moment, afleyez- vous. QGuiliot s'cjfied.) SCÈNE II. LES ACTEURS PRECEDENS, PIERROT. le Laquais, toujours brodant, k Pierrot. Qui demandez - vous ? Pierrot au Laquais. J'ai appris que Madame eherehoit un jeune Laquais-  126 Le Qui-Pro-Quo, pour entrer au ferviee; elle veut, Jt ce qu'on m'a dit, qu'il n'ait pas encore fervi pour le former elle - même, & je viens m'offrir, je fuis tout neuf. le Laquais. Vous êtes de ce Village - ci ? Pierrot. Oui, je fuis le fils de gros - Pierre, Vigneron; & tenez , vla mon frere. g u i l l o t. Ah! te vla toi, qu'eft-ce que tu cherches donc ici? Pierrot. Ce que je cherche ? Dame, je viens me mettre au ferviee. le Laquais. Attendez tous deux , je vais voir quand Madame pourra venir vous parlei'i (II fort.) SCÈNE III. ' guillot, pierrot. g u i l l o t. Comment doiic! Pierrot, tu viens pour te mettre au ferviee, & moi auffi; oh ! pardi, vla qui eft dróle.? tu ne m'en as rien dit. Pierrot. ■ Et mais ni toi non plus; t'es bien caclié.  Proverbe XII. 127 G u i l l o t. Et dame amant que toi; je fuis las de laboürer la terre, depuis folcil levé julqu'a ce qu'il fe couche, de ne manger prefque toujours que di» pain, & de ne boire' que de 1'iau. Pierrot. Ma fy , moi, c'eft que je veux tenter fortune; on ne fcait pas qucuquefois ce qui peut arriver; je fcais lire & écrire, quand 011 en eft venu la, on n'airffe plus le métier de Payfan, & quand j'aurai fervi queuque temps Laquais on a de la proteftion, & votre Maitre vous fait Valet-de-chambre avec 1'épée, & puis.. . on a un Emplot, & puis Vois notre coufin Delorme, le chemin qu'il a fait; eh bien! il n'étoit pas plus avan-i cé que nous a notre &ge, (! le vla dans Vor & largent jufqu'au cou. G u 1 l l o t. Comment! c'eft pour te faire Laquais , que tu viens lei 3 Pierrot. Oui voirement, & toi, eft-cc que ce n'eft pas pour en faire tout de même ? G u 1 l l o t. C Impromptu.') Nani, morgué , c'eft pour nf engager au ferviee du Roi, dans la Compagnie de Monfieur Dorancé. Laquais! fi donc. Soldat morbleu, Soldat. 11 y a de 1'honneur a fervït le Roi. Prens plutót ce parti - IS» mon Frere, cela nous fera plus d'honneur dans le Village. Si on nous reproche de lailfer la note pere & note mere, nous pourrons dire au inoins que c'eft pour fervis 1'Etat, & le Roi qui ejl notre Pere d tous.  J2S L e Qci-Peo-Quo. P i e r r o t. Oh ! fais comme tu vouciras pour toi, moi, je n'aime pas !a guerre; des canons, des fuiils, des épées , tout cela vous coupe , vouscaffe, vous brife les bras & les jambes. Je ne vivons qu'une fois, j'aime mieux vivre plus tranquille; & puis ce diable d'exercice vous déïoie, cc puis on fe dégoute , & .puis on ne peut pas cli2iiger de Maitre quand on veut. Oh ! j'aime mieux être Laquais , ü je ne fuis pa% content du Matire que je fervirai, purdi, je peux lui donner fon congé comme il peut me donner le mien, c'ejl plus (gal. G u i l l o t. Mais tu raifonnes - li comme un poitron ; fi tu penfois feulement.... SCÈNE I V. GUILLOT, PIERROT, LE LAQUAIS. l l e Laquais. T JL o u t - a- l h e u r e , on va venir vous parler. T • G u i l l o t. Talloos attendre dans la cour, pour achever de nous dire queuque chofe que Vous voudrez bien nous avertir. l e Laquais. Allez, oui, je \ous appellerai. SCE-  Proverbe XII. 129 SCÈNE V. LE LAQUAIS, feul les regerdant aller. Voh* deux jeunes gas affez bien tournés, Monfieur Guillot & Monfieur Pierrot fcront un joli Laquais & un joli Soldat. Bon, a préTent je les confonds, & je ne fcais plus lequel des deux I , S C E N E VI. M. DORANCE1, L E LAQUAIS. le Laquais. w J.VAonsieur, il y a lïi un garcon qui veut s'engager. M. D o r a n c é. Oü eft-iH l e Laquais. 11 eft dans la cour avec fon frere, qui attend. M. D o r a n c é. Fais-le venir tout feul, que je lui parle a mon aife. 1. e Laquais va d la porte du Veft'tbule pour appeller. Lequel appellerai-je? Ma foi, a tout hafard. (Hapfelle:) Pierrot. (II fort.)  J30 Le Qui-Pr o-Quo. SCÈNE VIL M. DORAN CE, PIERROT. M. D O K 1 N c 1 s t donc toi, mon ami, qui veut entier au Service ? Pier rot,£« tournant fon chapeau. Oui, Monfieur, fauf votre grace, & j'y fcrai bien mon devoir, car j'ai envic de faire qucuque chofe. M. D o r a n c é. Quel age as - tu ? P 1 e r r o t. Quinzc ans, vienne la Saint Martin. M. D o r a n c É. Tu n'cs pas encore bien grand, mais tu grendiras, j* !e vois; fcais - tu lire & écrire ? Pierrot. Oui, Monfieur; c'eft moi qui écrit tous les Regiftres de la Fabrique de note Paroiffe, & je chante au Lutrin tout courant. M. D o r a n c É. Allons , tiens , voila qui eft conclu, je t'arrére; £ ƒ? lui donne p.x livres.) Prens cela pour boire a ma fanté; je vais te faire faire 1'habit, & des ce moment tu entres au Service ; ton nom de Viilageois va mal au Mélier que tu prens, appelles - toi la Terreur.  Proverbe XI L 131 Pierrot. Oui, Monfieur. (Apart.') Voilk un nom bien mécriant pour un Laquais. SCÈNE VIII. LES ACTEURS PRECEDENS, M Ai D, AME D O R A N C E, LE LAQUAIS. Madame Dorancé cppel'.e /'e Laquatii Q Cf ai m t - J e a n. le Laquais. Madame. Madame Dorancé. Oü eft ce garcon qui veut entrer au ferviee ? Pierrot. C'eft mon frere, Madame, il eft dans la coniv Madame ü o r a n c é; Faites - Ie entrer, Saint - Jean. le Laquais appelk; Ottillct. I i  13* Le Qüi-Pro-Quo. SCÈNE IX. les ACTEURS PRECEDENS, G U I L L O T. Madame Dorancé^ Guillot. 0^'e s t donc toi, mon enfant, qui veut fervir ? Guillot. Oui, Madame, fi c'eft votre bon plaifir de me faire recevoir pour cela. Madame Dorancé «: fon mari. II eft vraiment d'une jolie figure, & quand il fera ar- rangé (_A Guillot.) Tu n'as pas encore fervi, ji'elt - ce pas ?. Guillot. Oh mon Dieu! non, Madame, c'eft bien aifö a voir, je fuis fi jeune. Madame Dorancé. Tant mieux, tu en feras plus fage, j'efpere. Guillot. J'ai bonne envie, bon cceur, & j'apprendrai bientót tout ce qu'il faut fcavoir. Madame Dorancé. Vous êtes tous deux les enfans de gros-Pierre, i ce qu'on m'a dit, un Vigneron de ce Village ? Guillot. On vous a dit vrai, Madame.  Proverbe XII 133 Madame Dorancé a Giillot. Allons, voilk qui eft arrêté, dès demain je te fais donnet Pnabit, il y en a un qui ira précifément k ta taille; il faut que je te donne un joli nom; je veux qu'on t'appelle Zelmis. Guillot. Comme on voudra, Madame. (A part.) Voilk un nom bien doucereux pour un Soldat. Madame D o r a n c É a fon mar/. Monfieur, n'aurai - je pas Ik un joli Laquais ? M. D o r a n c é. Et moi, mon Soldat, comment le trouvez - vous ? Guillot. Quand faudra - t'il rejoindre, Madame ? Madame Dorancé. Qu'appelles - tu , rejoindre ? Pierrot. Monfieur, fervirai-je k table, & porterai-je la queue en ville 1 M. Dorancé. Que veux - tu dire, fi tu ferviras k table , fi tu porteras la queue en ville ? Eft - ce lk le Métier d'un Soldat ? Madame D o r a n c é a Guillot. Et toi qui demande quand il faudra rejoindre, qu'eftce que cela veut due pour un Laquais ? Guillot. Mais , je ne veux pas etre Laquais. Pierrot. Mais, )t ne veux pas être Soldat. I 3  134 k E q u i-P r o-q u o. M. Dorancé. Ah ! voilk un bon Qui ■ pro - quo ; Madame, c'eft votre Laquais qui veut ètre Soldat, & c'eft mon Soldat qui veut être Laquais; mais, ma foi, qu'ils fe faifent Soldats tous les deux , cela vaudra mieux , ils font auffi grands 1'un que 1'autre; allons, Monfieur Pierrot, vous avez recu la piece, vous m'avcz donné votre parole, & pour un honnêtc garcon, c'eft un engagement. P i e r r o t, Oh! nani, Monfieur, vous êtes vous - même trop honnête homme pour vouloir furprendre ma volonté; j'ai cru que tout ce que vous me difiez étoit pour me rcce- voir Laquais Ma bonne Dame, priez Monfieur pour moi; c'eft ii votre ferviee que je veux entrer, & il y auroit conference. Madame Dorancé h fon mari. Sans doute, Monfieur,. je vous prie de ne plus penfer a Pierrot, puifqu'il veut être a moi; il me vient même 1'idée de les prendre a mon ferviee tous les deux. Guillot, ) Quoi! mon cher garcon, tu veux être Soldat, mais y penfes-tu? Tu aufas de la peine comme un malheureux dans eet état, au - lieu qu'en entrant a mon ferviee, tu meneras une vie donce & tranquiJle, & on pourra faire quelque chofe de toi, fi tu veux être bon fujet Je fuis déja faite a fa figure, elle me revient beaucoup. M. Dorancé. Oh ca! Madame, s'il vous piait, ne travaillez pas & me débaucher mes hommes. Q A Guillot.) Tu t'apfelles Guillot, je crois, toi?  Proverbe XII. 13? Guillot. Oui, Monfieur. M. D o r a n c f. Tu veux être Soldat. Guillot. Oui, Monfieur, abfolument. Madame, je fuis bic» fiché. M. D o r a n c É. Eh bien! paffe ici, & fois la Terreur. (A Pierrot.) Et toi, y penfes - tu de vouloir être Laquais ? Imite Te xemple de ton frere. L'état de Suldat fait honneur, & vaut mieux que celui d'un ptrefleux, vrai pilier d'antichambre , qui paffe fa vie dans une inaction méprifable & indignc d'un homme de cceur. Pierrot. (Impromptu.) Monfieur, je fuis bien faché de ne pas fentir toutes vos bonnes raifons, mais je n'ai pas de goüt pour le Métier de Soldat, & Madame eft une bonne Dame; j'aime mieux faire fon ferviee que tout le tapage de la Gucrre ; on y a trop de mal, & jamais de profit; on a beau bien faire, on n'a que ;la paie, & on ne quitte pas quand on veut. Oh ! faime mieux étre li Madame. Madame Dorancé Tu as raifon, mon garcon , viens auffi toi de mon cóté; bon. (A fon Mari. ) Vous ne voulez pas que je vous enleve vos hommes, voila pourtant un défertetir que je vous fais, pour me venger de Monfieur la Terreur ; ils fe refl'emblent, & je m'accommoderai de celuici tout feul, puifque j'y fuis réduite: allons, Zelmis , fois fidele a ton ferviee, & tu feras content do moi. 14  136 Le Qui-Pro-Quo. Pierrot. Oh ! c'eft bien mon envie , Madame, & je n'ai que cela dans 1'ame. M. Dorancé. Et toi, la Terreur, fais connoitre ton nom aux Enuetnis, & mérites de le porter toute ta vie, tu verras que tu feras ton chemin, je te protégerai. Guillot. Mon Capitaine, je mourrai h la peine, ou vous verrez que j'ai 1'ame qu'il faut avoir pour le Métier que je prens. (A fon frere.") Comment peut - on être Laquais ! Pierrot ti Guillot. Comment peut - on fe faire , Soldat! M. D o r a n c é. Allons la Terreur, a demain. Madame D o r a n c é. A demain , Zei mis. ( Guillot & Pierrot fortent), fe£ <êa?£etit de Beimob,( Impromptu.) Vous pleurez, en me difant ecla ! Si vous n'êtes que 1'amie de ma Mere, en pleurant ainfi, qu'eft - ce qu'elle va donc devenir quand elle me verra dans mon état ? Faut-il qu'elle ne me retrouve, que pour me voir- mourir? . .. Mais ft on ne la trouye pas chez elle, ah ion Dieu! Madame de Belmon, Vembraffe toute en larmes. Si, mon enfant, mon cher enfant, on Pa trouvée chez elle, elle y eft, puifqu'elle eft ici auprèsdetoi, mon cher Fils! le petit de Belmon. f Impromptu.) Quoi ? C'eft vous , Madame , c'eft vous qui êtes ma Mere ? Mon Papa, embraffez - moi tous deux. Ah ! je ne me fens pas de joie & toules mes forces re- viennent pour jouir du plaifir Vous êtes donc ma Mere? (ƒ/ la prend). Je vous tiens Ah ï Maman, que je vais avoir de contentement a revivre pour vous aimer 1 J'ai donc une Mere. Madame de Belmon. Oui mon ami, tu as une Mere, mais une Mere ten- dre qui t'aimoit, fans fcavoir 1'ame & la tendreffe que tu avois pour elle ; jnge maintenant qu'elle te connoit un cceur fi fenfible a fon égard, juge combien- tuvas lui être cher! ' ' ' Ll  Proverbe XIII. 14? lr petit de belmon. Ah! ma chere Maman , vous me rendez la vie, mais ne me quittez plus, ne quittez plus mon Papa, (inon vous m'allez faire remourir de chagrin, je le fens; ne nous quittons plus jamais. M. de Belmon. Madame, cette raifon de nous réunir & de revivre en bonne intelligence eft trop forte, pour que nous ne paslions pas fur tout ce qui nous a pu féparer: que Pintérêt de la vie de mon Fils nous engage ii rcgarder comme per? dus tous les momens oii nous n'avons pas été enfemble. Madame de Belmon. Ah! Monfieur, que votre offre me fait de plaifir! J'ai eu des torts, je les avoue, pour vous faire connoitre . que je ne les ai plus; je fuis incapable de les avoir jamais. La Nature a éclairé mon ame, par la fituation intérenante de mon Fils. Tous les plaifirs du Monde , je le fens, ne valent pas un fentiment honnète & tendre. (Elle fa jette fur fon Fils.) Oui, mon cher enfant, je vais te devoir mon bonhenr. Quel plaifir ne me fais - tu pas fentir, fi en me revoyant comme pour la première fois, je te donne une fecondcfois la vie? Je n'ai pu me cacher k toi Iong-temps, & tu n'as pas eu pcine ii fentir que j'étois ta Mere. Nous avons éprouvé tous deux que.... • Fin Hu treizieme Proverbe. K  L A COMÉDIE, PROVERBE XIV. ACTEURS. Monfieur R OZELLY, Comédien, fdlfant les Róles de Roi fi? de Payfan. Monfieur DOR VAL, Comddien , faifant les Róles de Vatet. Le petit R O Z E L L Y, Fils. . Le petit DOR VAL, Fils. ( E"f'lns dc fep ***» La Scène eft dans la Loge cTAclettr de Monfieur Rozelly, au fecond étage. V Action fe paffe d fept hcureS du foir, pendant l'interyalle des deux Pieces, dont Pune $ui a été repréfentée, étoit une Tragédie ; & l'aulre qui Va (tre jouée, eft une Comédie en un Ade.  La Comédie, Prov. XIV. 147 ' SCÈNE PREMIÈRE. MONSIEUR. ROZELLY, MONSIEUR DORVAL, en llabit de Ville; M. Roze l l y , quittanl fon llabit de Roi, pour preii' dre un llabit de Payfan, pour jouer dans la petite Piece. ]En bien ! mon cher Dorval, voila donc nos deux petits marmouzets revenus de leur Penfion de Village: ils ont fair bien brut, bien payfan, pour des enfans de lept ans. M. d o r v a l. Oui, mais ils font forts & robuftes pour leur age, &: cela fera des hommes; voila tout ce que je voulois & toi aufii, en les faifant élever au Village; ainfi jufqu'a préfent nous avons réufli; M. R 0 z e l l y. Soit, mais maintenant je vais garder le mien avec moi, & F élever ii ma mode; fon éducation fera mes plaifirs. M. Dorval. Tu ne vas pas le mettre lil en trop bonne école: mon cher ami, ne nous flattons point, notre état de Comédieu ne prête point du tout a 1'éducation d'un enfant j quand on veut en faire autre chofe. M. R 0 z e l l y; Pourquoi donc? Sans vouloif en faire ü'ri Cömédiei; K 2  148 La Comédie ne puis-je pas lui apprendre a bien lire, a déclamer, talent qui mene a 1'amour des Belles - Lettres, qui au moins développe Fefprit; s'il aime le travail, on lui obtient un Emploi, & il eft comme tout le monde par la fuite. M. D o r v a l. Oui, mais cette vie libre par oü nous commencons dans notre jeuneffe, pour peu que 1'exemple nous y engage ; la débauche d'efprit que le Théatre infpire, & : qui dégoute de toute application férieufe; ne crains - tu 9 pas cela pour ton Fils, en le gardant auprès de toi ? I D'ailleurs Fétat de Comédien eft regardé d'un teil fi dé- l favorable... M. R. o z e l l v. Mais point du-tout, tu me parlcs lil de la vie & de I: 1'état des Comédiens de Province, encore il y a long- temps; aujourd'hui a Paris & dans les grandes Villes, I npus vivons affez honnêtement; nos moeürs font fi cor- I rigées, que nous nous fommes attire un certam dégré I d'eftime que le talent rend intéreffimt; nous nous mariens I a préfent de bonne heure & en vrai mariage; nos I Aétrices ne nous ép'oufent que pour devenir fages & nous I le rendre; nous foutenons nos peres, nos meres, nos E parens, quand ils ont befoin de nos fecours, avec une I fiumanité & une tendrefie exemplaire; cela nous fait es- | timer, & du refte nous vivons comme tous les honnêtes i; gens. M. D o r v a l. Tu diras tout ce que tu voudras, il y a un certain p préjugé contre notre état, que nous ne pouvons qu'endormir dans les efprits , mais qui fe réveille & reprend «  Proverbe XIV. 149 toute fa force -au moindre moment d'humiliation qu'on veut nous faire effuyer; tout cela n'eft point fait pour élever 1'ame d'un enfant! & quand un enfant appreud que fon pere a un état qui ne lc fait point eftimer, il y a bien a craiudre qu'il ne fe mettc de la partie; voila. Fhumanité ; voila pourquoi, moi, je ne veux pas que mon fils refte encore chez moi vingt - quatre heures, & je prens des moycns pour lui cacher mon état, que je quitterai, fi je peux, quand il fera dans 1'age de s'en lmmilier par réfiexion. M. r o z E L L Y. Tu t'y prens bien pour cela ; n'étoit-il pas hier a Ia Comédie ? 11 t'a vu jouer, & il fcaura aifément que tu es Comédien. M. D o R v A L. Bon, il ne connoit rien de nos ufages; je lui ai fait accruire pour cette feulc fois ce que j'ai voulu: d'ailleurs je n'ai pas pu refufer cela il fa mere; j'efpere au refte qu'il n'y aura rien entendu; a fon age, les enfans font fi bomés. .., M. r o z E L L Y. Tu y fcras attrapé, prens - y garde ; les enfans font plus pénétrans qu'on ne penfe , ils tiennent leur petic jConfeil a part, & tirent fouvent de tout ce qu'ils voient faire & dire, des conféquences qui nous furprendroient, fi nous pouvions voir tout ce qui fe paffe en eux: voila. fur quoi prefque tous les peres & meres fe trompent, en élevant leurs enfans dans li" Monde: le mien vient de me voir jouer le Róle de Roi, je fuis curieux de (9a■rok 1'impreffion que cela lui a pu faire. K 3  150 La Comédie. M. D O R. V A L.. Oh ! pour le mien, il ne pourra pas titer vanité dol Róle de Valet qu'il m'a vu jouer hier, auüi il m'a faiM fur cela des quetlions affez plaifantes, dont je me fuis! tiré adroitement; il croit que ce n'eft que pour mon plai-j fk que je me fuis prêté h faire ce perfonnage. m. r o z e l l y. Oh 1 pour Ie mien, j'ai bien peur pour cette feule foisj qu'il m'a vu repréfenter un Roi, de ne pouvoir pas luij perfuader fur cela ce que je voudrai; oü font - ils touss les deux 1 M. D o r v a l ouvre la porte. Dans le corridor , je crois, qui jouent enfemble. SCÈNE II. LES ACTEURS PRECEDENS, LE PETIT DORVAL. M. D o r v al, h fon Fils. ■Al! 1 te voila tout feul, oü eft donc ton petit camaj rade 1 le petit Dor val pleurant. II eft la, dans le corridor. M. R o z e l l v au petit Dorval. Mais , qu'a -1 - il donc ? 11 femble qu'il pleure.... le petit Dorval. Oh! MonOeur, oui, c'eft que le petit Rozclly m'a dit tout plein de foftifes ; il ne veut plus jouer avec moiJ  Proverbe XIV. Ï5I il eft fier, il me rcbutto, il me donne des coups, §: me traite comme un polillbn, comme un enfant des rues. M. R o z e l l y. Eh! bon Dieu, pourquoi cela? Vous éticz fi bons amis a votre Penfion, encore hier quand vous êtes arrivés , encore ce matin. le petit rozelly. Oh! fi vous fcaviez ce qu'il dit de vous, mon Papa, vous feriez faché, je vous affure. M. D 0 r v a l. Et qu'eft - ce qu'il dit de moi ? le petit Dorval. Dame, il dit que vous n'êtes qu'un Laquais, qu'il Pa bien vu hier devant tout le monde, & qu'aujourd'hui qu'il a vu que fon pere eft un Roi, un Seigneur de grande qtiaüté, il ne veut plus jouer avec moi, paree que le Fils d'un Roi n'eft pas fait pour aller avec le fils d'un Domeftique, ni pour jouer avec lui. M. R 0 z e l l y. Oh ! la bonne hiftoire ! Et ce n'eft donc que de tout.a-Fheure qu'il t'a traité fi mal? l e petit Dorval. C'eft un peu depuis hier qu'il a vu mon Papa habillé en Laquais dans la grande Maifon d'cn ba.s oü il y avoic tant de monde; mais il a fait encore bien pis tout - a1'heure, que nous fommes revenus de vous voir être M. Dorval i M. Rozelly, Cela eft trop plaifant, ton fils a pris nos Röles a la lettre , & nous croit férieufement être ce que nous repréfentcnSj K4  tja La Comédie. M. R o z e l l y. Les drólcs d'enfans! M. Dorval h fon Fils. Mais toi j qu'as - tu répondu a tout cc qu'il t'a dit? le petit Dorval. Moi, j'ai répondu que fi vous étiez Laquais dans ce moment - la , ce n'etoit que pour rire & pour vous aniufer, mais que cela ne duroit pas toujours. M. R o z e l l v. Et lui, qu'a - t'il dit a cela? le petit Dorval. II a dit a cela que 1'on n'étoit pas Laquais devant tant de monde pour rire, qu'il falloit que cela füt vrai, comme il étoit vrai que fon pere venoit d'étre Roi, & que tout le monde n'étoit ralTcmblé que comme on fait quand on veut voir le Roi. M. R o z e l l y d SI. Dorval. Le voici, laiflez - moi faire, je m'en vais bien Ie corriger de fa petite vanité, pefte elle va grand train; m ais il va bien en rabattre, & mon Iiabit de Payfan dans lequel il va me voir jouer, va diffiper toutes fes petites idéés folies....  Proverbe XIV. 155 SCÈNE III. LES ACTEURS PRECEDENS, l E PETIT r O ZR LL Y. M. r 0 z e l l y ü fon Fils. C^u'e st-ce donc, Monfieur, fapprens de vous de jolics chofes; pourquoi, s'il vous plaic, maltraitezvous votre petit ami Dorval ? Hen ? l e p e J l t r o z e l l y. Je ne lui ai pas fait grand ma! Mais enfin..... ~Mais comme vous voila donc, mon Papa, je ne vous rcconnois plus, qu'eft-cc que cela veut donc dire? M. r o z e l l y. Cela veut dire, Monfieur, que j'étois Roi tout-a1'heure, & que je ne fuis plus a préfent qu'un firaple Villageois, un Payfan; &. voila. comme tout change dans la vie. i. e petit rozellt. Allons donc, mot) Papa, vous'voulez rire: un Roi ne devient pas connue ta tout d'un coup Payfan ? M. r 0 z e l 1. v. ' Cela eft pourtant vrai, je ne fuis plus qu'un Payfan ; ainfi 1'orgueil que vous avez pris de m'avoir vu Roi, doit vous quitter entiérement. l ■ petit r o z e 1. l y. (Impromptu*). Mais vous n'ailez pas paroitre la - bas, connue cela devant tout ce monde; pourquoi ceffer d'ètre Roi? C'eft fi beau ! Tant de grands Soldats a. votre fuite.... J'ér K 5  154- La Comédie. tois fi content!.. Vous aviez fi bonne mine!... Allons , vous vous êtes mis comme ca pour vous moquer de moi, n'eft - ce pas ? M. Rozelly d fon Fils. Je vous Ie dirai quand nous remonterons ; voila 1'heu* re, venez avec moi, & vous allez voir fi je ne fuis pas devenu Payfan tout de bon , venez. (_ II U prend par la main). i, f. petit R o z e l l y, Non , mon Papa , n'allez pas la - bas comme ca; il y a trop de nionde, on fe moquera de vous. M. R o z e l l y. Oh ! il faut que j'y ailla abfolument; je fuis las d'être Roi, c'eft un métier fatiguant; tu as vu combien il a fallu que je me fiche, que je crie contre mes Miniftres, contre mes Généraux : lc métier de Payfan eft plus tranquillc , & m'amufe davautage. le petit Rozelly. (Impromtu), Fi donc, mon Papa, foyez Roi toujours ; oh ! je vous en prie. M. R o z e l l y. C'eft votre goüt, mais ce n'eft pas le mien; allons defcendons vite, & vous , Dorval, catifez avec votre petit bonhomme, je remonte dans 1'inftant, ma payfannerie ne fera pas longue. le petit Rozelly. Ah ! tant mieux , & vous redeviendrez Roi, n'eft - cc pas? M. Rozelly. Nous verrons , pcut-ètre bien demain. (_ II fort avec fon Fils).  Proverbe XIV. 155 SCÈNE IV. M. DORVAL, SON FILS, M. D o r v a l. En bien! mon ami, qa'eft-Cé que tu dis & cela? l e petit Dorval. Oh! je dis , mon Papa, que je ne. fcais que dire t mais vous, eft-cc que vous ferez Laquais toujours, toujours ? M. D o r v a L. Oui, mon ami, que veux-tu? c'eft mon état; mais tout Laquais que je fuis, on peut étre honnète homme dans eet état, & un honncte homme n'eft méprifable dans aucun état; d'ailleurs je ne fuis pas toujours Laquais , comme tu vois ; je fuis mis en Monfieur commej un autrc, la plus grande partie du jour. l e petit Dorval. Oui Mais.... Je n'efitens rien h tout cela. Vous voila un Monfieur h préfent ici, & ;i votre maifon oii il n'y a pas grand monde, & vous êtes Laquais quand il y a bien des perfonnes qui vous regardent, cela me chagrinc, & ca fait que le petit Rozelly fe moque de moi, & më dit des fottifes. M. I) o r v a l. Oh bien! quand il va remonter, tu pourras lui diiu aulli qu'il n'eft que lc fils d'un Payfan. le petit Dorval. Oui, mais fon pere a été Rof avant & long - temps;'  i5<5 La Comédie. fi ce n'eft que pour rire qu'il s'eft mis en Payfan, & qu'il redevienne Roi demain, comme il le dit & puis d'autres jours, & que vous foyez Laquais tout de ton tous les jours, je ferai dans le cas d'ètre.... Tenez, mon Papa, il y a quelque cliofe la-delibus que je n'entens pas du - tout. M. Dorval. Je vais te Pexpliquer: en changeant d'habits en trés peu de temps, Rozelly, moi, & beaucoup d'autres que tu as vu avec nous, nous repréfentons aux hommes, pour les inftruire, tous les changemens d'états & de fortune qui peuvent arriver pendant la vie de ces mémes hommes; cela leur fait faire des réflexions fur 1'mcertitude des chofes humaines, & ils viennent nous voir en grand nombre , pour profiter des bonnes lecons que nous leur donnons, dans ces différens états que nous prenons d'un jour a 1'autre. le pedit Dorval. Je commence a comprendre Vous n'étes donc pas véritablement ni Rois, ni Laquais, ni Payfans ? M. D o r v a l. Non; nous fommes payés par le Roi, pour repréfenter a fes Sujets , comme je te le dis, fous dhTérentes formes, fous différens caracteres ei fous différens habits, tous les ridicules, tous les vices & toutes les mauvaifes actions, afin d'en détoumer, d'en dégouter ces mémes hommes , cc toutes les bonnes, pour les engager a les anker. l e petit Dorval. Oh! mais 1 c'eft un emploi bien beau & bien amusant} & dites-moi, mon Papa, ainfi le petit Rozelly  Proverbe XIV. 157 n'efl donc pas plus que moi, quoique fon pere falie Ie Roi, & que vous ne repréfentiez qu'un Laquais ? M. D 0 r v a l. Non, mon ami; fi même j'avois plus de talent a repiéTenter un Laquais, qu'il n'en a a repréfentèr un Roi, 3e ferois plus confidéré, & j'en tirerois plus de profit. l e petit Dorval. I'entens ; oh bien! moi, je crois que j'aurois des difpofitions a être Roi. M. Dorval. Si tu m'entens, il ne faut pas dire que tu aurois des difpofitions a être Roi, mais que tu aurois des difpofitions a faire le Róle de Roi. l e petit Dorval. a faire le Róle de Roi. .. . Oui , oui, c'eft ce que je voulois dire; oh 1 me voila au fait, & je vais bien me moquer de la fierté de Rozelly; fon pere va revenir de faire le Róle de Payfan, eh bien! il n'y a pas la de quoi fe croire plus gros Seigneur que moi, n'eft-ce pas? M. D o r v a l. T'y voila, mais Monfieur Rozelly a fini fon Róle, je .ics entens qui remontent. le petit Dorval. Oh! ii préfent, fi le petit Rozelly me tiaite comme un fils de Laquais, moi je le traiterai comme un fils de Payfan.  15? La Comédie SCÈNE V. LES ACTEURS PRECEDENS, M. ROZELLY, L E PETIT ROZELLY. M. Rozelly, qui a entendu les derniers mots du petit Dorval. "C *—i T tu auras raifon, mon petit ami; allons , embrasfez-vous maintenant, car, mes chers enfans, vous n'êtcs pas plus fils de Rois, de Payfans & de Laquais j 1'un que 1'autre. M. Dorval h M. Rozelly. J'ai mis le mien au fait, fans lui donner mauvaife ïdée de mon dtat. M. Rozelly h M. Dorval, J'en ai fait autant au mien, & fon orgueil vient d'étre réduit en poudre. (A fon Fils). Eh bien, Monfieur, traiterez-vous encore avec hauteur le petit Dorval ? le petit Rozelly. (Impromptu'). Non, mon Papa; je vois bien que ce ne fout que des manieres de Rois, de Laquais & de Payfans, que vous faites pour attirer du monde, & comme vous m'avez dit, pour leur apprendre de bonnes chofes en les amufant, mais que tout cela n'eft pas vrai. Allons, Doryal, nous fommes toujours Camafades: M. Dorval. Fort-bien, mon ami, mais tu nous a fait voir que Porgueil fe fourre par-tout, qu'il va grand train quand il n'eft pas répritn'é promptement, & que chez les homme* a tout Sge.... Fin du quatorzieme Proverbe,  LES R EV E N A N S, PROVERBE XV. ACTEUR S. Monfieur DEL M A S, Pere. L'AInc; D E L M A S. ■ Freres, dgés de 8 d 9 ans j Le Cadet D E L M A S. » ÊP i 2 Vun de fautrd UNE GOUVERNANTE. La Scène eft dans un Sallon de Compagnie, qui communiqué d une Chambre a couchcr fermcc. VAliion fe paffe d huit heures du foir. SCÈNE PREMIÈRE. LES DEUX FRERES DELMAS, LA GOUVERNANTE. l'Aïné Del mas tenant une clef. M A Bonne, mon Papa vient de me donner Ia clef de Farmoire qui eft dans le cabinet de la chambre de Maman, pour que je prenne mon habit d'été & celui de mon Frere pour demain, paree que c'eft la Pente-  l5o LesRevenans cöte; tenez, ma Bonne, la voila, allez les'prendre tous deux. la Gouvernante. Ouoi! vous avez encore peur d'entrer dans le chambre de votre Maman , paree qu'elle y eft morte; mais il y a déjk plus de quinze jours, & je fcais que votre Papa veut que vous y alliez vous-même; ainfi obéiffézlui, Monfieur, allez chercher votre habit & celui de votre Frere. Eh bien 1 irez - vous. l'A 1 n é. Oh ! ma Bonne, je n'ofe pas y aller tout feul. C Aie Cadet). Mon Frere, veux-tu venir avec moi? L e Cadet. Non , mon Frere , h moins que ma Bonne ne vienne avec nous deux. la Gouvernante. Meffieurs, il faut que vous vous cnhardifiiez, votre Papa le veut: n'avez - vous pas peur que votre chere Mere qui vous aimoit tant, revienne de 1'autre Monde pour vous faire du mal? Allez quand on eft mort, on elt bien mort. l'A i » é. C'eft vrai, ma Bonne, je vous crois bien, mais je n'ofe pas Je n'irai pas abfolument tout feul, j'aime mieux ne pas mettre demain mon habit d'été. l e Cadet. Oh! moi, je veux avoir le mien, & puifque tu fais tant 1'enfant, je n'ai pas fi peur que toi, & je vais le chercher: donne-moi la clef. / l'A i N é. Tiens, la voila, mon Frere, en mêuiè temps apporte ie mien, je t'en prie. l e  Proverbe XV. ïtfx l e Cadet. Oli ! pour ca non; mon Papa veut que tu Tailles cherclicr toi - même, & tu iras fi tu veux I'avoir; tu vas bien voir qu'il n'y a rien a craindre; tiens, j'y vais tout feul, ainfi C'eft 1'armoirc qui eft dans Ie fond du petit cabinet, n'eft - ce pas ? la Gouvernante. Oui, h droite. (Le Cadtt paffe dans la chambre avec une lumiere"). SCÈNE II. LA GOUVERNANTE, L e PETIT D E L M A S f ahi. la Gouvernante. T I F- ferois bien bonteux a votre place de voir mon Frere cadet avoir plus de courage que moi. l'A i n é d e l m a s. Oli bien, ma Bonne, tant mieux pour lui; mais c'eft bien vilain & lui s'il n'apporte point mon habit avec le fien. la Gouvernante. S'il 1'apporte, vous n'en ferez pas plus avancé , car je le lui ferai reporter, pour que vous obéiffiez ;\ votre Papa, & que vous 1'alliez chercher vous-même. l'A f n é. Eh bien, ma Bonne, je dirai que vous êtes auffi méchante que mon Frere. L  ■0z Les Reven ans la Gouvernante. Et moi, Je dirai que vous êtes un poltron, & un pe> tit nigaud qui avez peur des Revenans ; tenez voila votre Frere qui eft plus brave que vous. SCÈNE III. LES ACTEURS PRECEDENS, L E CADET D E L M A S. la Gouvernante. !Eh bien ! avez - vous vu quelque cbofe, mon ami 7 l e Cadet. Rien du - tout, ma Bonne, & mon Frere a tort d'avoir peur. r'A 1 n é. Tu n'as donc apporté que ton habit ?... l e Cadet. Non vraiment, je te Favois promis ; tiens, voilk It clef, vas chercher le tien fi tu veux. QIl met f habit fur des chaifes'). l'A t n é. Oh! pour 5a non, je m'en paflerai plutót-  Proverbe XV. 163 .SCÈNE IV. LES ACTEURS PRECEDENS, M. D E L M A S Pere. M. D e l m a s. bien! voilh donc les deux habits d'été qu'on n tïrés de 1'annoirc fi redoutable. Eft - ce Delmas qui les 2 été chercher? (II examine VhdbW). Mais n'en voili qu'un, pourquoi cela ? j. e Cadet. C'elt Ie mien, mon Papa, que j'ai été chercher moimème tout feul; mon Frere n'ofe pas entrer dans la chara» pre de Maman, & aller tout feul jufqu'a 1'armoire. M. Delmas ö FAinê. Mais de quoi as - tu donc peur dans eet appartement, quand tu vois que ton Frere en vient tout feul, fans ai voir rien vu ni entendu. l'A i n é. Oh dame! mon Papa, j'ai peur Saint - Jean que I vous avez renvoyé, paree qu'il me faifoit des peurs terI ribles , m'a raconté tant d'hiftoircs de Morts qui revienI neut, que je ne peux pas prendre fur moi de n'avoir pas M. D e l m a s. I II faut pourtant bien que je te guérifFe de cette fotI bleifc - la, & je veux en venir a bout en te parlant raiI fon ; mettez - vous la tous deux, & vous, la Bonne, aVI lez faire vos alfaires. L 2  ->t>4 Les Revenans. la Gouvernante. Je m'en vais, Monfieur, mais je crois que toutes les belles raifons que vous allez employer, i)£ vaudront pas une bonne correctlon. M. D e l m a s. Non, la Bonne , pour cette fois - ci permettez - moi de' n'être pas de votre avis. la Gouvernante. Vous êtes le maitre. (Elle fort). SCÈNE V. M. DELMAS, SES DEUX ENFANS, tous ujfis. M. Delmas a VAIni. Oh ca, mon Fils, écoute - moi bien. l' A i n É. Oui, mon Papa. M. Delmas. Tu as peur d'entrer dans la chambre de ta Mere, paree qu'il n'y a pas long - temps qu'elle y eft morte. Te paroit-il raifonnable que les Morts reviennent tourmenter les Vivans? Si cela étoit, nous ne pourrions vivre tranquilles dans ce Monde-ci, ni jour, nixiuit; car fi un feul avoit la faculté d'y revenir, tous les autres 1'auroient auffi , & il y a tant d'hommes qui font morts, depuis que le Monde exifte, que nous ne fcaurions oè  FiOVERBE XV. 10y nous fourrcr, fi les Mores revenoieiu. D'abord entens-tu ce raifonneinent - la ? l' A 1 n é. Oui, mon Papa. l b Cadet. Auffi c'eft ce que je lui dis, mais il ne veut pas me croire. l'A t n è. Fentens bien cela, mais cependant il y a tant d'hiltoires que des gens raifonnables racontent de Morts qui font revenus. ... qui ont paru la nuit tout en blanc qui ont tiré les rideaux de ceux a qui ils en vouloient, & puis qui ont difparu; dame, il faut bien qu'il y ait quelque chofe de vrai dans tout cela, M. D e l m a s. Je vais te dire ce qu'il y a de vrai dans toutes les hiftoires des Rcvenans qfl'on a pu te raconter. Dans chaque hiftoire, il y a de vrai un événement naturel qui n'a rien de furprenant, quand on va jufqu'a en approfondir la caufe, mais qui laiffe des fentimens de cfaintc, quand on attribue eet é\énement il une caufe qui n'eft pas la véritable , & qu'on croit merveilleufe, miraculeufe même , quand on eft prévenu, & qu'on n'approfondit rien. Par exemple, a ton igc a peu prés, le lendemain de la mort de mon grand - Pere, la nuit que j'étois feul couché dans un grand lit, j'entendis ouvrir mes rideaux très-brufquement, & puis les refermet de1 même, & cela h plufieurs fois. .. l'A 1 n f\ Ah! mon Dieu! mon Papa, eh bien? vous voyez bien, vous eütes bien peur furement. L3  \66 l è ~s M. Del m a s. Oui, Lans doutc : j'appellai mime, je criai; mon Pers vin: avec de la lumiere, & il vit lui-même les rideaux faire le même manege. l'A 1 né. Eh bien ? M. Del m a s. Mon Pere qui n'étoit point un. enfant, & qui voüloit m'éclaircr 1'efprit fur ma craintc mal fondée, comme- je le fais fur la tienne, envoya chercher une échclle pour examiner la caufe dè eet événement qui paroiffoit extraordinaire ; il monta lui - même a 1'éclielle, & trouva fur 1'impérial du lit un gros rat qui s'étoit pris la patte dans un des anneaux du rideau, CC qui a'llant & venant pour fc débarraffcr, failbi: jouer le rideau, eïi 1'ouvrant & lc fermant tres - fort. l' A i n É, Bon ! un gros rat! M. Delmas. Oui, un gros rat qu'il prit cc qu'il me montra, car malgré ce- qu'il m'en difoit, je ne voulois pas le croire. Eh bien, fi on n'avoit point été a la caufe de cette aventurc, èc qu'on ne nfeüt pas mis au fait, j'aurois cru que c'étcit mon grand-Pcre qui revenoit, comuje on dit, pour me dpnandér des prieres. l'A i k é. Surement. " M. Delmas. Oh! tu vois bien que j'avois tort d'avoir peur, &' cette découverte m'a guéri depuis pour toujours de croi- re aux Revenans; fois certain qu'il en eft de tout ce qu'on raconte fur cela, comme de cette hiftoirei'  Proverbe XV. 16? l e Cadet. Eh ! mon Papa, contcz - lui auffi cclle des papiers du jeune Clerc de Procureur, qui fe culbutoient tous dans fa chambre pendant la nuit, & fautoient les uns fur les autres; oh 1 elle eft bien dróle celle-lii; vous me F avez racontéc ii inoi tout feul, & elle m'a bien guéri de la peur, moi. M. Del m a s. ' Ah! oui, encore. Eh bien, raconte - lui, puifque ta t'en fouviens. l e Cadet. Qui, moi? Dame, mon Papa, je ne fcais pas fi j'ea pOurrai venir b bout. M. De l m a s. Allons, raconte comme tu pourras. l e Cadet. Ecoute bien, mon Frere, & tu vas voir s'il faut avoif peur des chofes qui nous effraient d'abord. 11 y avoiS Une fois un jeune Clerc de Procureur... 's M. D e l m a s. II y avoit une fois. ... Allons donc, tu commence ton récit comme le conté d'une vieille bonne femme. Commence par dire, un jeune Clerc de Procureur, &. fois intelligible dans ton rédt; pour cela, ne te prefle point. l e Cadet. Non , mon Papa. Un jeune Clerc de Procureur travailloit dans fa chambre a fes momens de récréadon' a des procés pour fon profit , & pour avoir de Fargenc pour fe divertir les Fétes & Dimanchcs. M. Delmas. Voila bien des fois pour.... pour.... 11 faut évitej! tout cela quand on raconte. L +  168 Les R e v e n a n s. l e Cadet. Oui, mon Papa- Un du les camarades qui vou'ut changer de chambre avec lui, paree que la fzenne n'étoit pas fi jolie , s'avifa pour y parvcnir d'une bonne rufe. M. D e l m a s. Eort-bien. Raconte d'abord le fait, en le preTentant du cótó qui peut furprendre; aprés cela, tu en développeras les caufes naturelles: voila eomme ta petite hiltoire intéreficra & fera plaifir. l e Cadet. Oui, mon Papa. Le pere du jeune Clerc qui travailloit dans fa chambre, venoit de mourir il y avoit deux jours. Ce jeune homme qui étoit rempli de 1'idée de ia mort de fon pere , & qui avoit toujours craiut les Revenans, s'imagina aifément que fon pere lui revenoit, quand pendant deux nuits de fuite il cutendit tous fes papiers fc reiuuer, fe culbuter les uns fur les autres & fe promener dans fa chambre; il avoit beau les remettre en ordre le jour, pareil tracas recommencoit la nuit. l' A i n É. Oh! comme j'aurois tu peur! Eh bien, a-t'il découvert d'oü 9a veuoit? l e Cadet. Ecoute donc. Prêt a changer de chambre avec fon camarade , qui, pour le mieux attraper, lui promettoit que fi aprbs avoir changé, il lui en arrivoit autant dans la fienne, il feroit toujours le maitre de reprendre la fienne... M. D e l m a s. La fienne, la fienne. Cela forme ce qu'on appefie nne amphibologie; il feut nietu-e un auue moe diftin^if,  Proverbe XV. iöö comme la première, ou bien encore celle qu'il avoit d'abord. l e Cadet. Oui, j'entens. II feroit toujours Ie maitre de reprendrc la première. Le jeune Clerc dont Ie pere étoit mort, chercha un beau matin a décoüvrir s'il n'y avoit pa» quelquc caufe naturelle dans Ie bouleverfcinent de fes papiers , imaginée par la malice de fon camarade , pour avoir fa chambre. Après avoir bien examiné, il s'appercut qu'il y a\oit dés ïils attachés il certains papiers qui étoient fous beaucoup d'autres, dont les bouts paffoient par les petits trous de la cloifon de fa chambre qui la féparoit de celle de fon camarade. Ce camarade qui arrangeoit tout cela, en paffant par une plauche qu'il ótoit de la cloifon.... W. D e l m a s. En palfant par une plauche: on ne paffe pas par une planchc , mais par le trou pratiqüé en ötant la planche... l e Cadet. Oui, mon Papa. Ce camarade tiroit ces fils h. une éertaine beuré de nuit, & caufoit ainfi a l'autre unefraycur terrible. i'A I n É. Voyez la malice, je n'aurois jamais déviné cela. Eh bien, aprés il n'eut plus peur fans doute. l e Cadet. Non furement; mais il fit bien peur h fon tour au malin camarade; car une nuit que de fa chambre, ce dernier faifoit jouer -fes fils, en les tirant pour promener les papiers , l'autre les tira aufii k lui, de fon cóté, affez brufquement pour qu'il fut obligé de les laifler échap» L 5  Les R e v e n a n s. per, ou de les lacher, Celui qui vouloit attraper l'autre , le croyoit bien endormi, & eut peur a fon tour que ce ne fut 1'efprit du pere qui étoit mort, qui tirat ces fils; il les laiffa lïi, & n'ofa plus en tirer aucun. Le iendemain ils s'expliquérent; la meche fut ainü découverte, & il ne fut plus queftion de troquer de chambre. Tu vois bien , mon Frere, qu'il ne faut jamais croire aux Revenans , & que ce font des contes qui ne doivent jamais nous faire peur. M. D e l m a s. Allons, tu ne t'es pas trop mal tire' de ton hiltoite. l'A 1 n é. f Impromptu ~). Eh bien , tenez , mon Papa, voila qui eft fini; cette hiftoire-la me ralfure, & je n'ai plus peur, plus du tout; donnez - moi la clef de 1'armoire , £? je m'en vais chercher mon habit tout feul. M. Delmas. Spit. Mais ne promets - tu pas plus que tu ne peux ? l'A i » é. Non , vous verrez, il ne m'arrivera rien, pas plus qu'ï mon Frere; mais quelque chofe qui m'arrivé, je u'aurai pas peur, vous allez voir. M. Delmas. .Allons, prens cette lumiere, & vas hardiment, tu verras qu'il ne t'arrivera rien; je te Ie garantis. £ VAtné prend un flambeau, & entre dans la chambre voifme ).  ■Proverbe XV. T71 SCÈNE VI. M. DELMAS, SON FILS C A D E Ti M. Del m a s. x on hïftoire Fa raffuré, j'en fuis charmé, car il ci\ hontcux h un garcon de fon Ige d'avoir peur des Re* vcnans. , l e Cadet. Oh ! pour moi, je n'en aurai plus peur de ma vie J mais je crois qu'ii mon Frere actuellement le cceur liij bat bien fort. ( Ou enieiit'. dans la Chambre voifine, VAtnè qui c.ppells d lui en criant ). l'A t n é. Ah ! mon Dieu ! mon Papa , mon Frere, mon Papa! SCÈNE VII. m. DELMAS, SES DEUX FILS, (VAtni rcvient dans le Sallon tout cjfrayi, fa. chandelle iteinte, fi? t'cffiuyant le yifttge }. M. Delmas. Eli bien ! qu'eft - ce qu'il y a donc ? Qu'eft - ce qu'3 t'eit arrivé?  5/2 ElS REVENANi. l'A i n é. Ah ! mon Papa, vous le croirez fi vous voulez, mais cela eft bien vrai, & je 1'ai bien fenti. M. Del m a s. Eh bien, qu'eft - ce que tu as fenti ? l'A t n e. J'ai fenti qu'en ouvrant la porte du cabinet oü eft Jartnoire, on m'a donné un grand coup tout au milieu riu vifage, & on a éteint ma lumiere. M. D e l m a s. Et quel coup peut-on t'avoir donné ? Cela n'eft pas troyable. l' A t n é. ' Je ne fcais pas fi cela eft croyable, mais cela eft vrai toujours. Ah! mon Dieu, j'en tremble encore ; & tenez , voyez ma chandelle éteinte & la meche toute écrafée, vous voyez bien que je ne ments pas. M. Delmas. II y a quelque chofe lil - deflbus; allons, je veux voir d'oü cela peut venir, furement j'en découvrirai la caufe naturelle. Rallumez - ce flambeau Rcftez ici tous les, deux, je veux voir moi-même ce qui peut en être, ( // entre dans la chambre },  Proverbe XV. 173 SCÈNE VI IL LES DEUX PETITS DELMAS.' l e Cadet. O N t'a donnë un coup dans Ie vifage, & on a dteint ta chandelle, cela eft fingulier. Eft-ce que 1'efprit de Maman t'en voudroit ? & lui as - tu fait quelque chofe ? l'A 1 n É. Oui, mon Frere, je me rappelle qu'elle vouloit que j'étudialfe un matin mes Evangiles, & je ne 1'ai pas voulu; je 1'ai impatientée bien fort, c'clt peut-être cela qui a mis fon efprit en colcre contre moi. 1. e Cadet. Oh! dame, mon Frere, cela pourroit bien être; pourquoi ne 1'as - tu pas dit ? Moi, je ne 1'ai pas chagrinéc du - tout, voila pourquoi fon efprit ne m'a rien fait. l'A i n f".. Tu vois que j'avois bien raifon de ne vouloir pas y aller tout feul dans ce cabinet; oh! fi j'y rentre jamais SCÈNE IX. M. DELMAS, S E S DEUX FILS, l e Cadet. A ■i* 1.lez, mon Papa, nous ffavons d'oii cela vientV »e vous mettez plus en peine.  Les Revenans; M. Delmas. Je viens auffi de m'en appercevok ; eh bien! qu'eft- J ce que vous fcavez ? l e .Cadet. Mon Frere vient de m'avouer qu'il a bien fort impa^ 1 tienté Maman, & fans doute que pour 1'en punir.. . . M. Delmas. Bon, quoi? tu retombes encore dans ces miferes-la! toi, que je croyois plus raifonnable que ton Frere. Ecoutez-moi. (_A VAlhé). Je viens de découvrir la caufe naturelle de ce qui t'a fait tant de peur. Trés de la porte du cabinet dont il s'agit, il y a un rideau de fenfitre noué k une certaine hauteur; Ia porte en s'ouvrant, prend par le haut ce rideau, & quand on la poufie jufqu'a 1'ouvrir tout - a - fait, le nceud du rideau paffe par - deffus cette porte, (_ au Cadet) & c'eft ainfi qu'il a tombé précifément h la hauteur du vifage de ton frere. (A VAtniy Voila comme il a éteint ta chandelle , & t'a donné un coup dans le vifage. (Au Cadet). 11 n'en a pas fait de même a toi, paree que tu n'as pas ouvert la porte amant que ton Frere, & que le rideau eft refté fur la porte. Ma4s ce n'eft pas affez de vous le dire ; pour vous guérir de toutes vos idéés, je veux vous le montrer de facon que vous ne puiffiez plus en douter: venez tous deux avec moi. l'A i n é. Le maudit rideau! Je n'aurois jamais imaginé cela. Allons donc voir & cela me guérira pour toujours. Mais auffi vous avouerez, mon Papa, que vous-même yous n'auriez pas imaginé cela, & que..... Tm du quïnzieme Proverbe.  LA PETITE F E ROL 2?^ PROVERBE XVI. A C TE U R S. Machine t.ARCIS. Mademoifelle LARCIS, fa Fille, dgée de feize anti Madame DURCÉ. Monfieur D U'RCE, fon Fils, dgi de vingt ans. La Scène eft dans la Chambre d coucher de Madame Larcis, oü il y a un paravent, £? une porte vitrie qui dunne dans la Chambre de Mademoifelle Larcis. VAÜion fe paffe h onze heures du mat in. SCÈNE PREMIÈRE. MADAME LARCIS, MADAME DURCÉ. Madame Larcis va au - devant de Madame Durcé, d'un dir tripje. Tvf -*a dame, j'ai 1'lionneur d'être votre fervante ; vous voila donc enfin arrivée de votre Terre. Madame Durcé. Oui, Madame, d'hier feulement, & mon amitié m'a»  176 La petite Véeole. mene dés le matin m'informer moi - même de 1'état de votre fanté. Madame Larcis les ïarmès aux yeux. Ah! Madame, ma fanté toute mauvaife qu'elle eft, eft encore meilleure qu'elle ne devroit être aprés le malheur qui m'eft arrivé- ( Elle pleure > ( Toutes deux s"ajfeietit ). Madame Durcé. Quel malheur donc, Madame ? Je n'ai rien appris Je vous demande pardon Je fuis bien votre a, mie.... Daignez.... Madame La. rcis. Ah ! Madame , ma pauvre fille ainée fur qui vous fcaviez que je fondois toutes mes efpérances 5 la plus beU le , la plus aimable enfant.... Madame Durcé. Eh bien ! Madame, je n'ofe Votre fille at- n£e Auriez-vous eu le malheur de la perdre? Madame Larcis. Hélas! Madame, autant vaut, & peut - être aurois - je un chagrin moins cuifant, & plus fait pour être a donci par le temps, fi elle n'étoit plus. Madame Durcé. Oh ! bon Dieu ! .... Je ne devine pas Que lui eft - il donc arrivé ? Madame Larcis. Jugez en, Madame, elle fort de la petite vérole la plus alfreufe qu'on ait jamais eu. Madame Durcé. Ya-t-il encore quelque danger? ou cette craelle snaladie fe feroit-elle attachée a quelques parties du rifa-  Proverbe XV ï. 177 vifage délicates & marquantes, comme les yeux, le - nez? Madame Larcis. Non , Madame , & menie fa fanté n'en eft point dütout altérée, elle fe porte le mieux du monde ; mais vous fcavez comme elle étoit belle, comme j'étüis flattée de fa beauté. Madame Durcé. Et vous aviez raifon; j'enviois de bonne foi votre bonheur, car la beauté eft un fi prétieux tréfor dans une femme, que je ne mets rien a c&té. Madame Larcis. Eh bien, Madame, ce teint de lys & de rofes, ces traits que 1'Amour méme avoit pris foin de former, & dont la délicatefie & 1'accord enchanteur la rendoient aufii jolie que belle, tout cela éft mouTonné, Madame; elle eft laide maintenant autant Ah! Ma¬ dame, qucl malheur pour une Merel. .. Madame Durcé. Je le fens comme vous , Madame, car fans la beauté, ii préfent plus que jamais, comment regarde -1 - on une femme? comment eft-elle défirée, confidérée?. quelle reffource a -1 - elle ? Vous n'avez jamais éprouvé ces bhagriris - lil, graces a la Nature qui vous a fi favorifée. Madame Larcis. Madame, je crois que vous les avez ignorés encore plus que moi: il eft vrai qu'une jeune perfonne trés laide, n'a d'autre parti a mon gré que celui de fe cacher dans le fond d'un Couvent, & d'y gémir toute fa vie de la pene qu'elle a faite, car elle eft fans remede. M  j7§ La PETITE V É R O L E. Madame Durcé. Cela eft affreus, cruèl, mais je fuis de votre avis, Sc Mademoifelle votre Fille, comment foutient - elle ce mal-' beur? Madame Larcis. Ah ! Madame, elle n'a que trop de courage, & fon détachement fur la perte de fa beauté, me confond, me défole même dans certains momens. Croiriez-vous qu'elle pouffe fa fermeté jufqu'k 1'entêtement ? Tous fes difcours ne tendent qu'a vouloir me pcrfuader que ce défaftre affreux de tous fes charmes eft un bonheur pour 11e, & c'eft moi-feule qu'elle oblige de fentir tout le chagrin qu'elle devroit en avoir. madam e.DuRCE. Voil& bien de la philofophie pour fon;tge, mais quand elle aura quelques années de plus, & qu'il fera queftion de parottre , c'eft alors qu'elle connoftra toute la perte qu'elle a faite; les femmes lui pardonneront, mais les hommes lui feront fentir par leur indifférence, leur froide politeffe & leurs brufques procédés, qu'une femme laide eft un être qui n'a point de rang dans la Nature , ni de place dans le Monde. Madame Larcis. Précifément, voila. ce qui en eft, & ce que ma Fill* ne veut pas fe mettre dans la tête; aufli comme il ne faut plus qu'elle penfe a ce monde, je voudrois 1'amener doucement au parti de fe faire Religieufe, car je Faime affez pour ne vouloir pas que ce monde la rende malheureufe. Madame, je vais la faire venir, tachez de m'aider adroitement a lui perfuadcr cette retraite raifon» nable, comme le feul parti qui lui refte.  pROVÉRBE XV L 179 Madame Durcé. Voloutiers, mais vous fcavez que nous avions un projet de mariage entre elle & mon fils ; vous n'y penfez donc plus ? Madame Larcis. Comment y penferois-je encore, aprés le malheur de ma Fille! Votre Fils, je le fcais, paroifibit avoir du goüt pour elle , qui fera bientót détruit quand il la verra, ai 11 li Madame Durcé.' Je le crois comme vous , & il eft trés - fage a nous de ne point expofer des enfans, en les mariant, a fe déteiter 1'un ou l'autre dés le premier jour; le mariag* dans la fuite nc produit que trop tót ce trifte effet. Madame Larcis. Pour 11e point perdre de vue votre alliance qui m'honore, Madame, j'ai ma Fille cadette qui n'a qu'un an moins que cette ainée, & fi vous imaginez que Monfieur Votre Fils Elle n'eft point mal, fans étre tout ce qu'étoit fa Sceur, ainfi.... des demain je la fais fortir du Couvent & prendre aupres de moi la place de fa Sceur, qui, j'efpere, prendra la fienne. Madame Durcé; C'eft fort bien penfé : mon Fils même , entre nous , m'a paru affez indécis, & le malheur de Fafnée le fera bien aifément pencher pour la cadette; d'ailleurs, comme vous defirez que cette ainée foit Religieufe.... Madame Larcis; Ah! je vous en prie, Madame, je vais vóus Ia faire venir, tachez fans affeétation de la détermineraprendre ce parti, je vous aurai les plus grandes obligations; M 2  i8c La petite V é r o.' l e. (Elle appelle): Mademoifelle Larcis. SCÈNE I I. MADAME LARCIS, MADAME DURCE, MADEMOISELLE LARCIS. Mademoiselle Larcis, trés - guaiment c? en fautant. Me voila, Maman.... ( A Madame Durcé). Ah! Madame, Je ne vous fcavois pas la; votre fanté me parolt bonne. Madame Durcé. Trés - bonne, Mademoifelle , je reviens de ma Terre , & je n'apprens que dans le moment le ficheux, le cruel-, le déteftable accident qui vous eft arrivé. Mademoiselle Larcis s'affied. Ah! Madame, ce n'eft rien que cela, j'en fuis déja toute' confolée, & pourvu que Maman, mes Parens & tous nos Amis ne m'en aiment pas moins , je vous allure que je n'y penferai plus du - tout dans quelques jours. Madame Durcé. Vous avez du courage, ma chere amie, & c'eft bien fait. Surement toutes les perfonnes que vous venez de nommer la, ne diminueront rien de leur affection pour vous; mais attendez - vous a trouver un monde qui n'eft pas ü affeftueux, qui vous fera effuyer bien des défagré-  Proverbe XVI. 181 mens, & vous rappellera k chaque inftant Ia perte que rous venez de faire. 11 veut qu'on foit belle, ou au moins jolie; vous réunlfiiez ces deux avantages, il le ff avoit déjk, & il vous mortifiera d'autant plus ce monde, que c'étoit un engagement que Ia Nature vous avoit fait prendre avec lui: par votre malheurcufe avantnre, vous lui manqucz de parole; ce n'eft pas votre faute J'en conviens Mais enfin Mademoiselle Larcis. Enfin , Madame, fi ce monde ne me trouve plus i fon gré, je me' pafferai de Ie voir; je me renfermerai dans un petit cercle d'honnétes gens qui comptent le creur & 1'efprit pour quelque chofe, & qui nous font grace des agrémens de la figure,'comme un mérite paffager & qui ne dépcnd pas de nous. C Elle fe leve & va chercher fon ouvrage ). . Madame Larcis bas d Madame Durcé. Comment la trouvcz - vous ? Madame Du r c é. Mais, comme vous , bonne il faire une Rpligieufe (d Mademoifelle Larcis afife~). Ma chere enfant, j'ai eu la petite vcrole précifémcnt i votre 4ge, & dès ce tcmps - lii je fcavois déja un peu comme le monde penfe; j'en fus fi peu marquée, qu'au bout de trois mois, on doutoit fi j'avois eu cette maladïe, & on me le dcmandoit. Mademoiselle Larcis. Cela eft fort heureux, Madame: ah bien, moi, je ne lailferai point les gens dans cette inccrtitude, & me voilk débarralTée d'une pnreüle queftion. M 3  ï82 La petite Véroee. Madame Durcé. Affurément, mais je voulois vous dire qu'avant de fc»* voir comment me traiteroit cette maladie, je m'étois bien promife que fi elle me faifoif un certain ravage, je me retirerois pour Ia vie dans un Couvent, plutót que de m'expofer & tous les défagrémens joumaliers qu'on efluie a un certain degré de laideur. SCÈNE III. MADAME LARCIS, MADAME DURCÉ, MADEMOISELLE LARCIS, M. D U R CE, qui entre Jans ét re vu, £? fe cache derrière un Paravent pour écouter. Mademoiselle Larcis h Madame Durcé. J'entens, Madame: ce que vous auriez fait eft un avis que vous me donnez fur ce que je devrois faire : yous me trouvez donc bien laide, bien affreufc.... Madame Durcé. Mais , non.... Je ne dis pas cela.... Madame Larcis. Ah ! Madame, vous êtes trop polie pour Ie dire, mais ma Fille fe rendra elle - même juftice, elle fcait bien ce gui en eft. Mademoiselle Larcis. Qui, Maman, je le fcais; je fcais qu'avant ma pctita  Proverbe XVI. 183 t^érole. j'étois jolie , très-jolie, belle même; maintenan que je ne le fuis plus, il ra'eft permis de dire que je 1'étois, voili déja un petit avantage que je n'aurois pas fans ma maladie, mais il y en a bien d'autres qui doivent 1'éTultcr de la perte que j'ai faite de ma beauté. Madame Larcis. Et quels font - ils ? Pour moi, je ne les imaginé pas. Mademoiselle Larcis. (Impromptu). D'abord , j'aurois peut - être été vaine, orgueilleufe , coquette.... Que fcait - on ? D'ailleurs , cette beauté dont on fait tant de cas dans Ie monde, eft - elle toujours donnée aux perfonnes pour faire leur honheur?. Madame L a r c i s. On peut, avec ce mérite-la, tout efpérer, tout entreprendre, enfin prétendre a tout; & puis le plaifir de fe voir adorer ïi cliaque pas, a cliaque minute par tous les yeux, de voir tous les cceurs voler au tour de vous, s'empreffcr a vous rendre de finceres hommages.. .. Ah! ma Fille Mademoiselle Larcis. (Impromptu). Eh bien, Maman, voila le brillant cóté que vous m'offrez, dans ce qui peut «(rivet a une belle perfonne; mais entre mille peut - être qu'il yü Paris, combien y en a - t'il que cette même beauté a rendu , rend, & rendra malheureufes. L'envie qu'elle excite, la jaloufië qu'elle infpire, 1'yvrelTe qu'elle produit, les fottifes qu'elle vous met toujours a portée de faire par les follicitations perpétuelles & dangereufes auxquelles elle vous cxpofe; ah ! Maman , vous le fcavez mieux que moi , que de femmes ou perdues de réputation, ou cfclaves, qui M 4  l$4 La petite y é r o l p. ne doivent leur malheur qu'a leur beauté! Eh bien } moi, je ne craindrai plus du-tont cela. Madame Larcis d Madame Durcé. Vous l'entendez, Madame, & vous voyez que'je vous ai dit vrai; voila comme elle fe confole, cela n'eft-il pas défolant? (A fa Fille). Et vous comptez donc avec ce beau raifonnement la refter dans le monde, & pouvoir fupporter les chagrins qui vous y attendent ? Mademoiselle Larcis. (Impromptu)' Affurément, Maman , fi votre tendreffe pour moi veut bien me conferver les moycns d'y refter, mon Dieu, comptez que je n'y aurai pas tant de chagrin , par la facon dont j'y vivrai; j'y refterai dans ce monde, fans défirer de déparer fes affemblées, fes fpectacles, fes promenades, fes beaux cercles, £? ce fera encore un avantage que je lirerai de mon prétendu malheur. Madame Larcis. Elle fe fait des avantages de ce qui devroit la défefpércr, quel entêtement! Mademoiselle Larcis. (Impromptu). Mais, ma chere Maman, pourquoi appellez - vous cela de 1'entêtement ? au - lieu de perdre mon tcmps a préfenter ma figure dans tous ces endroits, après en avoir déja trop perdu .a une toilette fort longue; avec de bons livres je me formerai le cceur & 1'efprit, je m'apprendrai tout plein de chofcs dont je n'aurois jamais rien feu, car une belle femme ne fcait qu'étre belle & voila toute fon occupation , ce qui fait fouvent qu'elle ne fcait qu'étre fotte : voyez fi je n'ai pas maintenant k me louer de la Providence, qui a bien voulu m'óter tout.  Proverbe X VI. ce qui auroit pu me rendre fotte ou malheureufe, af peul-tire toutes les deux d la fois. Madame Larcis. Et un mari, Mademoifelle, car enfin dans ce monde il faut fe marier. Mademoiselle Larcis. (Impromptu'). Un mari! oh! tous les maris qui fe prcïcmeront feronc pour ma Soeur, que vous faites fortir du Convent; je ne me marirai point moi. SCÈNE IV. MADAME DURCÉ, MADAME LARClSj MADEMOISELLE LARCIS, M. DURCE fortant de derrière le Paravent. M. Durcé avec une tendre vivacilé. V V ous ne vous marirez point, Mademoifelle, & que font donc devenus les projets que ma Mere & Madame out formés de nous unir enfemble ? . .. . Madame Larcis. Ah ! Monfieur, oü étiez - vous donc ? M. D u r c é. Derrière ce paravent, Madame, oü j'ai entendu avec le plus grand plaifir tout ce que Mademoifelle vient de dire; j'en fuis ravi; oui, fon ame eft celle qu'il faut i la mienne ; & loin que la petite véïole Pak enlaidie Si mes yeux, je la trouve plus belle qu'auparavant, mais d'uny M 5  186 La Petite V é r o l e. beauté qui ne peut changer qu'en augraentant. Ah ! rria mere, ah! Madame, dites, penfez tout ce que vous voudrez, mais vous en êtes convenues , & je n'aurai jamais d'autre femme, fi Mademoifelle veut bien accepter ma main, en connoifiant le peu de cas que je fais de la figure, & Pavantage raifonnable que je donne fur elle aux qualités du cceur & aux graces de 1'efprit. Mademoiselle Larcis. Mais , Monfieur, regardez - moi bien.... Je fuis ii laide, qu'en vérité je ne peux pas croire... Allons, je vöus aime trop pour confentir que vous ayez une femme li laide. ... M. Duro é. Et moi, je vous aime trop pour me préter jamais ï %n avoir une autre. Madame Durcé. Qu'en dirons nous? Madame. Madame Larcis. Tout ce qu'il vous plaira , Madame. Madame Durcé. Si vous me permettez d'ouvrir un avis, mon Fils eft Vrai, je le connois, & dès que Mademoilélle votre Fille peut faire fon bonheur, je vous demande votre confentement a ce manage, en lui donnant le mien. Madame Larcis. Ceft une affaire faite Madame, a laquelle je ne m'attendois pas, je vous 1'avoue. M. Durcé. Eh bien, Mademoifelle, après cela puis - je me flatter $e vous obtenir aufii de vous - même ?  Proverbe XVI. ig7 Mademoiselle Larcis. Te vous ai, Monfieur, bien des obligations de pouvoir jn'aimer encore malgré mon petit accident , dont on a voulu me faire un monftre ; vous m'enbardifiez a être laide par votre propre courage: puifque vous voulez bien m'époufer, il ne me convient plus de faire la petite cruelle; mais il me rc-ftcra toute ma vie lc defir de m'acquitter envers vous de tout ce que vous doit ma reconnoifiance; vous me prouvez en ce moment, comme je le penfois déja, que Fi» Au fcizieme Proverbe.  LA P I E C E DE FE R S, I PROVERBE XVIL ACTEURS. N Monfieur DAND'NO. Monueur LONGCIIAMP.7 *'*P~°«niüm & rAcaii- \ Monfieur BEAÜPRÉ. ( mte' d' *X ft* * ™?< \ ans. Monfieur SAINT-PAU L- Monfieur COUR EN CEL, Maitre de V Academie. La Scène eft dans la Chambre de Monfieur Longchamp, vil il y a une Table préparée pour un Déjeuné de cinn Perfonnes. VAcTwn fe pajfe è dix heures du matin.  La? Piece de Vers. Prov. XVII. 139 SCÈNE PREMIÈRE. LONGCIIAJIP feul. -A.li.ons, voila mon déjeunié prét, voyons donc s'ils * veulcnt venir; les petits patés vont être froids, & les huttres vont être chaudes. (1! appelle dans lc Corridorfz Beaupré, Saint-Paul. (On entend rdpondre): Allons, Allons. SCÈNE li. M. LONGCH A M P, M. S A INT-PAUL,f Mi BEAUPRE. Saint- Pa u l. I -IVIe voila. M. Beaupré. Et moi auffi. Eh bien? Pefte, voilï un déjeuné dan» toutes les formes: il me parolt %5f g£ sj£ ^ ^ S C E N Ë I I. LES ACTEURS PRECEDENS, MADAME H U TI X, MADE M O I- I S;È L L £ LANCELOT. M a d A M e H o t i n yOfit la porte ouycrti, ê? j Monfieur Dormoy d la parite. Bi .on jour, Monfieur, votre fanté? M. Dor m o y. Fort - bonne , mes voifines , entrez donc un moment. C Madame llutia entre avec Mademoifelle I.an- 1 , J le Neyeu leur donne des fauteuils), j  Proverbe XIX. 221 M a d a m.e TI u t i n at! NcYCU. Ah ! vous »öiö Moniieut Dormoy, et. Kien, je viens de recevoir la repoiile que j'attendois. ... l è n e v e V. Et mon fort eft. donc décidé : ne craignez plus, Madame, de parler dc tout devant mon Oncle, je viens de lui faire une entiere conlidcncc. M A o a m E II u t i n. Vouz avez bien fait. M. D o r m o v. Eh bien , Madame , le refufe - i'ou ? M a d a m e II u x i n. Om, Monfieur, je lc dis a regret, mais les perfonnes qui ont des droits fur Mademoifelle, ne pcuvent confeutir ft l'unionv qu'ils ne défapprouvoient point avant le malheur que Monfieur vient • d'éprouver ; j'en fuis bien fachée , mais ils ne penfent pas comme moi. l e n e v e u. Et me voilk donc le plus infortunc^dcs hommes! Madame II u r i n. On m'a chargé même de vous faire part d'un événement qui ajoute aux raifons dc refus que 1'on croit avoir; on eft en chemin pour venu fe marier ii Paris, & rétablir Mademoifelle dans tous les droits que va lui donner une nailfance légitime ; on me charge cependant de vous remercier de la préférence que vous donniez a Mademoifelle fur d'autres perfonnes, quand elle avoit un fort préjugé contre elle : enfin, Monfieur, on vous cftime & 1'on vous plaint, mais on ne peut plus vous en promettre davantage.  222 Les Préjugé s. l e N e v e u. •Je m'en tiendrai a ces fentimens, heurcux encore que 1'on veuille bien me les accorder; j'efpere, Madame & Mademoifelle, que vous daignercz m'en conferver de pareils; Dieu difpofera dc moi fur le refte, mais je doute fort que je puiffe furvivre a des chagrins de cette. efpece. Mademoiselle Lancelot. (Impromptu'). Ah ! Monfieur, tout n'eft pas défefpéré , je fcais avec quel attachemcnt, & avec quelle générofité mon fort méconnu n'a fervi, qu'il me rendre plus intéreffante k vos yeux; je fcais qu'avant lc malheur de votre frere, vous dompticz par tendreffe pour moi, le cruel préjugé qui m'accabloit, & je regarde celui qui vous pourfuit maintenant, comme auffi injufte & comme une occafion favorable de vous payer de retour: j'attens les perfonnes qui viennent éclaircir mon fort & le fixer, je leur peindrai tout ce qui fe paffe dans mon ame, qu'elle doit imiccr la vötre , & que je ne pourrai être heureufe , fi 1'on ne me laijfe la liberté de macquitter de tous les fentimens que fe vous dois. i. e N e v e u. ( Impromptu ) Non, Mademoifelle, votre deftmée va s'embellir, je ne peux plus moi-même defirer que 1'union d'un nialheureux comme moi en terniffe 1'éclat; confervez-moi votre eftime , c'eft tout ce qu'il m'eft permis maintenant de vous demander; mais, que vois-je?- Mon frerel  Proverbe XIX. S C E N E I I I. ■ LES ACTEURS PRECEDENS, M. D E V A U X, FRERE DU JEUNE DORMOY. Mi D e v a u x. On, mon cher Frere, c'eft inoi-même, ne rougis pas de me voir cc de m'embrafier, je fuis toujours digne d'étre ton frere , èc je viens détruire en toute diligence tous les chagrins que je t'ai caufés innocemment: apprens que je triomphe des horreurs qui ont compromis ma reputation & mon honneur. l e jeu n f Dormoy. Ah! mon Frere, feroit - il bien polïïble ? Ah ! parle, rends - moi Fhonneur cc la vic. M. D e v a u x. Mefdames & Monfieur, je ne fcais fi vous êtes a» fait.... t' e jeune Dormoy , Oui, mon Frere, ces perfonnes fcavent tout.... Monfieur eft mon oncle du coté de mon pere, & ces Dames ont la bonté de s'intércirer il tout ce qui me regarde; d'ailleurs fi c'eft une jufHScation dc ta conduite que tn m'apportes, peut-elle être trop publique ? D e v au x Elle va 1'ötre au point qu'elle fera aiticbée par-tout, Tnon Frere, CC j'ai tous les papiers qjfil faut pour cela.  224 Les Préjudés. > Voici lc fait. . Tu as feu ma condamnation, elle n'a été H établie que fur la perfidie d'un faux ami, entre les mains | de qui j'avois dépofé réefiement tous les fonds qui devoient fe trouver dans ma Cailfe-; je lui avois remis auffi j mes, comptes bien en regie, & j'avois écrit qu'on nom- ] mat h mon Emploi. L'hor.ircc a qui je me fiois , fcavoit que j'étois en fuite pour avoir tué un homme en combat fingulier ; cette rencontre pafi'ant pour un duel, je fus forcé au moins de me cacher; mon dépofitaiie infidele, qui me crut patlé en pays étranger, nia lc de- , pót; je fus condamné par contumacè. J'étois caché dans un Chateau peu éloigné dc I.yon ; je fus informé promptcment de 1'inj.ifte Scntcnce qui étoit prononcée, mais je n'ofois reparuiire , & ne fcavois quel parti prendre dans ce doublé malheur. Le Ciel a protégé 1'innocencc. Dans - le moment que j'étois livré au plus grand 1 deTefpoir, j'ai appris que mon perfide ami, aprés quatre I jours d'une fievre maligne, étoit a toute extrémité, & j qu'il avoit révélé en mourant peu de temps aprés , la | vérité de mon depót, & toute 1'honnéteté de ma con- I duite. Pendant ces intervalles , le prétendu duel a été 1 reconnu n'ctre qu'une rencontre, j'ai répara, & tu juges- 1 que je fuis aifément renué daus tous les droits de 1'hou- 1 ïïeur & de la plus exacte piobité. Mon Emploi incme j vient de ra'étre rendu. l e jeune Dormoy. Ah! Je refpire. C E n emWiifaiit M. Ötvauxj. Mon | pau>-re Frere ! ai-je pu jamais te foupconner de quclque 1 fjaffetre, je t'en demande pardon. M. D e v a ii x. ' Mon cher ami, le ïnonifre qui m'a penfé perdre , me fait  ■pROVEREE XIX. 2251 fait connoitre qu'on ne peut bien juger de ce qu'cfï un homme, qu'a la mort.. l e Jeune Dormoy. Ah', mon cher Oncle, je revis; Mefdames, toutes mes eipérances rcnaillent, & je me flatte maintenant fur ce qu'on vous a écrit Madame II u t i n. Vous pouvcz tout vous promettre, j'en fuis caution. ... l e jeune D o r m o y h fon Frere. Juge du malheur oü ta cruelle aventure me plongeoit, mon Frere, puil'qu'avec la perte de 1'honneur , je perdois dans Mademoifelle les efpéranccs d'une union qui pourra feule faire le bonbeur de ma vie. M. D 0 r m 0 y. Allons, Mefdames, allons, mes amis, de Ia joie, tous vos maux font panes: Mademoifelle, vous allc/l rentrer dans tous les droits d'une naiffance légitime, & ces deux Freres dans tous ceux de 1'honneur; un dénouement fi heureux aprés de fi cruqlles, épreuves, peut bien s'appeller Fin du dix - neuvicme Proverbe. P  LES LIAISONS DAKGEREUSES, PROVERBE XX. ACTEURS. Monfieur F A R N O S E, rafa^ "% Freres dgés de ringt ans iï <• t,.t%«.t^v^^ rsu moins , ê? é «« an Vvn Monfieur FA RN O SE, (, , ': J'-'i autre. le cadet. COKTOIS, Laquais de PA/né. DUBOIS, Laquais du Cadet. La Scène eft dans la Chambre h coucher de Monfieur Farnoze le cadet, qui habite la mime maifou que [op. Frere atni. L'Action fe paffe a minuit.  Les Liaisons Dangereuses. Prov. XX. 227- SCÈNE PREMIÈRE. M. F A R N O S E L'A INE, M. F A R N O S e LECADET, DUBOIS, LAQUAIS DU CADET. M. Farnose/i? Cadet. Wu o 1, mon Frere, tu viens me recondtiire jufqucs dans ma chambre, pendant que tu as tout Paris dans ton fallon, oü le plus gros jeu commence; a quoi pen1'es - tu donc ? L'A i n é. Je penfe,mon frere, que je voudrois dans certains momens être auffi fage que toi, & pouvoir me coucher tiauquillcment comme tu vas le faire. l e Cadet. Et qui t'empêche de m'imiter dans la vie fimple & rangée que je mene ? L'A 1 n é. Qui m'en empêché ? Le train de vie que j'ai pris. l e Cadet. Apparemment que cette vie-tt te platt autant que je la détefte; c'eft une yvreffe dont tu ne te tireras jamais que par quelques revers d'infortune fuivie qui t'oteront les moyens de eontinuer les dangereufes habitudes que tu te formes; tu ne deviendras fage que par les lejons trop iéveres du malheur, voila ce qui me chagrine pour toi. l'A t n B. Mais comment veux-tu que je change dc conduite maintenant, cela eft-il poffiblc? P 2  228 Les Liaisons Dangereuses. l e Cadet. Oui, très-poffible, en changeant de liaifons, & en vivant comme je fais. l'A ! n f> Oh ! mon frere, tu m'avoueras que ta facon de vivre eft d'une nniformité , d'une monotonie , d'une fimplicité, d'un trifte ii faire périr d'ennui. l e Cadet. Dis plutót que c'eft la tienne qui eft comme cel», la fimpricité prés. l'A i n i. Quelle idéé! l e Cadet. As-tu un moment de converfation a me donner? Je vais te le prouver. >> l'A i n é. Oui, le jeu eft commencé, & je veux laiffer la partie s'échauffer avant que d'y parottre. l e Cadet. Tu n'y parottras peut - être que trop tót; affis - toi. ( A Dubois > Allez, Dubois , je vous fonnerai quand je voudrai me coucher. (Dubois fort)  P R O V E R B E X X. 229 SCÈNE II. LES DEUX FRERES ajfis. l e Cadet. Dar oen, mon cher ami, il feut qua je te remette fous les yeux ta fortune & la miemie, la différente de nos liaifons, & je te prouverai aifément quel eft celui de nous deux qui elt le plus raifonnable & le plus Jieureux. ■l'A 1 n é. Allons, je t'écoute. l e Cadet. J'ai eu comme toi pour tout patriuioine euviron mille écus de rente ; né fans ambition & fans pafiion , un Emploi honnête qui m'occupe, me produit encore mille écus par an. Quand un jeune homme doublé fon revenu en travaillant ce qu'il faut pour s'occuper, il doit être bien content, & je le fuis. J'ai toujours eu une certaine fom-me d'argent comptant devant moi, qui n'eft expoféc a aucun revers de fortune. Je vis avec de bonnes gens , qui n'étant pas plus riches que moi, ne m'humilienc point, & ne me font point devenir la grenouiUe dc Ia Fable'; je les peux croire mes aniis, paree que nous fommes de niveau en fortune , en defirs & en facon de penfer. Des foupers honnctes fans falie , libres fans débauche, & dont la table eft plus entourrée par 1'ame & 1'efprit des convives , que par leur quantité ; des promenades plus clioifies pour conferver la fenti, & admirer la Nature, • P 3  230 Les Liaisons Dangerèuses. que pour fatisfaire 1'orgueil & la convoitifc, un jeu p'us fait pour nous rendre guais, meilleürs amis & généreux, que férieux, inquiets & ava>es; voila notre \ic, voila Ia vie des honnétes gens, & des geus heureux autant que riiomme peut 1'être: voyons la ticnne. l'A i n É. Oh 1 a ce premier point de ton fermon, je devine aifément le fecond, & tu vas me faire un tableau dont j'aurai honte. l e Cadet. Tant mieux , ce fera une preuve que tu n'as pas perdu toute pudeur. l'A i n É. Allons, amufe - toi, voyons. l e Cadet. Tu as converti ton petit patrimonie en argent comptant; en très^peu de temps lc jeu t'a favorifé au point que tu tiens une bonne maifon ; equipages, valets, grande chere, tout va bien jufqu'a préfent, mais tout ce bonheur n'eft établi que fur le hafard qui peut avoir de cruels & de longs caprices: ton opulence extérieure t'a fait connoitre la plus riche finance, les Militaires les plus diftingués, & la plus haute Robe; mais qu'eft-ce que tous ces honnétes gens-la font pour toi? Des connoiffances du jeu & de la fortune; dans tout cela pcuxtu compter un ami véritable? Pcrds cette nuit tout ce que tu poffedes ; & tu m'en diras des nouvelles demain. l'A i n r.. Oh bien, par exemple , voria pouffer les chofes a 1'extrémité, & voüs autres petits étres rangés, vous croyez que dans le grand monde on ne fe fait point des  Proverbe XX. 231 amis comme entre vous. Raifomie plus jufte , mon- frere, & penfe au contraire qu'on s'en fait de plus utiles & de plus puifians que ne font toutes vos bonnes gens qui ne peuvent rien , & dont la petite fphere eft, fi bornée qu'ils n'ont aucune reffource pour eux-mêmes. l e Cadet. Je fcais bien que tous ces hommes élevés ou par la fortune, ou par des placcs éminences, fe rendent des fervices mutuels, mais c'eft autant qu'üs fcavent qu'on peut leur en rendre auffi; or un petit Particulier comme toi, qui avec de 1'argent & du bonheur, a pris fon vol jufqu'a eux, s'il ne s'y foutient pas & qu'il tombe, il eft perdu, oublié , & fi 1'on s'en fouvient, c'eft folivent plus pour le méprifer, que s'il ne s'étoit jamais fait connoitre ; je tremble pour toi, mon frere, que ce malheur-li ne t'arrivé quelque jour. D'ailleurs, dans ton bonbeur même , quelle vie mencs - tu ? Par exemple , aujourd'hui que tu as afiemblé une trentaine de nos Joueurs fameux a un foupé fplendide , que tu fais fuivre d'un bal de deux cents perfonnes, pour que le jeu n'ait pas Pair d'étre le motif d'une fi grande dépenfe, tu t'es tourmenté tout le jour pour donner tes ordres, & tu vas palier toute la nuit a te brüler le fang par toutes les révolutions précipitées qu'un gros jeu fait efluyer; appelles-tu cela vivre? Et tu vis a peu prés comme cela tous les jours. Cette vie n'eft - elle pas d'autant plus monotone , malgré fon air de turbulence, que 1'ame eft toujours affeétée de même & emportée par les fens , ou tourmentée du dcfir de gagner au jeu ; vas, tu regarderois pareille vie comme un fupplice, fi en t'ötant Pyvreffe P 4  032 Les'Liaisons D angeréüses. qui t'étourdit fur elle, 011 te forcoit d'en avoir toutes les fatigues & toutes les inquiétudes. l'A t n é. Je fens que tu as raifon : mais je fuis dans ce train-llt, & je me ferois moquer de tout le monde; fi je me réduifois a vivre comme toi. l e Cadet. Sois plus vrai, mon frere, & dis que ton orgueil & ton amour propre ne feroient pas fatisfaits; dis que pour vivre comme moi, il faudroit renoncer a tout ton fafte , & que tu n'en as pas la force; tu es dans le plus brillant de ton fonge, mais prens garde qu'une infortune trop fuivie ne te réveille malgré toi, que dis-je? Une nuit znalheureufe, une feulc nuk peut tout renverfer. l'A 1 n é. Va, mon frere, je joue, mais j'ai de la conduite dans ce que je hafarde, je fcais me bomer dans le gain , & la perte jamais,,ne m'enyvre; allons, je vais defcendre labas , & t'en donner une preuve. l e Cadet. Voila donc le fruit de mes fages réfiexions ; oh ; je m'y attcndois; va, mon enfant, ton mal eit fans remede , je te fouhaite tout le bonbeur poliible. l'A i n é. Et toi, dors pour nous deux, mon frere, je te foi'.T . \ üaite une bonne nuit. (ƒ/ cppdle.-) Dubois, éclaire moi.  Proverbe XX. 233 SCÈNE III. M. FARNOSE CADET, M (^m^) ' NI on pauvre frere! il va joucv uri jeu d'en fa- cette nuit, & je tremble pour lui; j'ai un certain prelTetiti,nent qu'il fera une perte énorme , & je n'en donnirai pas dc la nuit, je le fens; oh bien, puifque je ne pourruis pas donnir, je veux Palier voir jouer; je lcrois trop inquiet fi je reftois ici. SCÈNE IV. M. FARNOSE CADET, DUBOIS. M. farnose. boks, m'a-t-011 apporté mon domino ncuf? D" u B M s. Oui, Monfieur. M. F a r n o s e. Donne-moi tout ce qu'il faut pour me mafquer. (Le Laquais Vhabille en ;;icfque~). Je veux defcendre dans ie bal ; mon frere n'a-fil point vu le domino eu fortant ? D D n 0 1 s. t Non, Monfieur, je Pavois enfermé dans Farmoire. P 5  234 Les Liaisons Dangereuses. M. F a r n o s e. Refte ici a m'attendre, & fur-tout ne dis a perfcnne que je fuis defcendu. D u e o i s. Non, Monfieur. M. F a r n o s e. Tu peux dormir fur ton lit, fi tu veux, tout habillé. Dubois. Monfieur, je verrai. M. Farnose pret a fortir. Ah! j'oubliois ; Dubois, donne moi ma caffettc. (Duïois apporte la cafette). Je veux prendre vingt-cinq Louis, & les rifquer au trente & quarante; je me connois , je n'en perdrai pas furement davantage, & fi j'ai un moment de fortune, j'en profiterai; mais je jouerai mafqué , car fi mon frere me voyoit jouer, il fe moqucroit de moi. (II referme la caffettc, & y oublie la clef). Je m'en vais. (II forf). scène v. DUBOIS feul. O V^/H, oh, il a laiffé Ia clef a Ia cafiette, il faut que je la lui porte; oui, mais je le ferois peut-étre reconnoitre fi on me voit lui donner cette clef: oh, ma foi, il Fa retrouvera comme il Fa laiiiée, il eft fur de ma fidélité, ainfi Je fuis bien fur de moi auffi Qu'eft - ce que je vais faire ? Ma foi, dormons. (II fe place pour ilormir j.  Proverbe XX. 235 Les Laquais vont jouer la-bas un jeu du diable , voilé ce que fait 1'ekeiSpJe des Maitres q b fe retourne ). Qu'eft-ce que j'ai donc? Je ne fcaurois donnir 'Si i'allois rifquer quelques Louis La diablcife de êaffetteme tounnente Allons, Dubois, dors mon ami, & ion ge que jufqu'a préfent tu as toujours été un bonnête garcon. (II s'en dort). ^^^^^^^^^.^•^^^^^^ SCÈNE VI. DUBOIS, CONTOIS. C 0 n t o 1 s entre doucement & appeüe. D u b 01 s, tu dors ? Dubois. Dubois. Ali! c'eft toi', Contois , oui jc dors , qu'eft - ce que tu veux? Contois. A quoi t'amufcs tu donc de dormir, pendant qu'il y a tant d'argent a gagner li-bas avec nos camarades ? Dubois. Oli ! tu fcais bien que je ne fuis pas joueur comme toi, vas y jouer fi tu veux, & laiffe moi tranquille; mon Maitre m'a dit de' 1'attendre ici, il faut que j'y refte. Contois. Eh bien, mettons deux Louis chacun, j'irai jouer pour  £36 Les Liaisons Dangereuses. toi & pour moi; va, laifle moi faire, il y aura blcn du malheur fi je ne te gagne pas de 1'argent. Dubois. ■ Tu me tcntes , Contois , allons , tiens, voia deux Louis, c'eft tout ce que je pofTede, mais ne vas pas les perdre au moins. Contois. Non, fois fur que je gagnerai, je fens cela. Dubois. Oui, mais tu es un joueur infatiable, fi tu doublés nos fonds, je veux que tu 1112 rapportes ma part, enténs-trr? Contois. Laifle-moi faire. . (II fort). SCÈNE V I I. DUBOIS feul, ons la caffettc derrière ce fauteuil; non elle fera mieux dans le petit cabinet; quand Contois remontera, il pourroit la voir, il n'aurbit qu'il avoir perdu tout fon argent. ... II eft joueur jufqu'h perdre. ... & avec les joucurs, il faut toujours fe méfier. .. . A prcfcnt, il faut prendre un livre, car ce n'eft pas la peine de m'en- dormir 11 va bientót rcmonter, & pour fi peu de temps, le fommcil me feroit plus de mal que de bien.... Voyons ce que je lirai. (11 cherche fur le Bureau). Les Nuits d'Young. Cet homme-la a écrit des Nuits,  Proverbe X X. 23* ' apparemmcnt que c'étoit quelqu'un qui attendoit fori Maitre connue moi. ( 11 Ut bas > Bon, cela ne parle que de la Mort, de 1'Iiiftoire de TAme; oli, cela m'endormiroit, cherchons-en un autre. SCÈNE VIII. DUBOIS, CONTOIS. C o n t o i s. M, foi, mon enfant, j'en fuis bien faché, mais nos, fonds font flambés. d u B 0 1 s. Vrai ? Contois. Oui, trés-vrai. Un diabte d'hommc fur la main de qui je me fuis enfiïé, a pallé dix fois, & a jetté les cartes; je viens voir li tu veux refaire de nouveaus fonds. Dubois. Tu fcais que je t'ai dit que je n'avois que ces deus Louis, ainli Contois. Allons, tu badines, un garcon rangé comme toi, a toujours un magot de cöté qui eft bien garni; fi tu ne veux pas que j'aille jouer au trente & quarante, faifons mieux, jouons enfcmble au piquet; tu fcais que tu esplus fort que moi, & cela te défennuira en attendanï ton Maitre, oui, furement, palfcra la nuit a danler.  538 Les Liaisons Dangereuses. Dubois. Jouer au piquet ? Mais je n'ai pas de cartes ici. Contois. Oh, qu'a 5a 11e tiemie, en voila un fixain que j'ai pris lk-bas. Dubois. Mais. .. . Non , je ne me foucie pas de jouer. C A part). II joue mal, fi pourtant je fcavois lui regagner mes deux Louis avec quelques-uns de ceux de la cadette Qiauty Tu veux donc jouer abroIument? Co n t 0 1 s. Allons, ne te fais pas tant prier, tu en as autant d'envie que moi. Dubois. Eli bien, arrange la table, je fuis k toi. Qll va d la caffettc qu'il ouvre.) SCÈNE IX. LES ACTEURS PRECEDENS, M. FARNOSE CADET. M. FarnoSe, en entrant, cache un gros fac cT or fnus le cheyet de fon Ut. Dubois, vi;ns m'óter mon domino; qu'eft-ce que tu faifois lk? Dubois qui a refermé la caffette, un peu troublé. Je faifois Rien, Monfieur, je rangeois votre ta-  Proverbe XX. 235 Me de nuit.... Monfieur, voila la clef de votre caflette que vous aviez oubliée. QJ part). II étoit temps qu'il arrivftt, oü en étois-je?, M. F a r n o s E. Ah! te voilk Contois, va, ton Maitre vient de faire une belle lefiive, il a perdu des fomtnes. Contois. Ah 1 mon Dieu, je m'en vais defcendre bien vtte. (11 fort). SCÈNE X. M. FARNOSE CADET, DUBOIS, M. Farnose a Dubois. s mon domino & mon mafque fur mon litj & paffe moi vtte ma robe de chambre. (Dubois Chabitte de nuit). Mon frere va monter, garde - toi bien de lui dire que je fuis defcendu. Dubois. Non, Monfieur. 4$  £40 Les Liaisons DangereCsës, SCÈNE XI. M. FARNOSE L'AINÉ.EE CADET afis dans un Fauteuil. DUBOIS. • SI. Farnose i*kfN É feï* doucement. (d Dubms~). b o i s , ton Maitre 'dort t'il ? Dubois. Non, Monfieur, le voilk dans fon fauteuil. l'A i N É. Pourquoi n'ètes-vous donc pas couché, mon frere? le Cadetó Dubois. Dubois , laifléz - nous. (_ Dubois fort SCÈNE XII. LES DEUX FRERES afis. l e Cadet. M on cher ami, je viens de me lever, paree que j'ai été fi inqmet toute la nuit de ce qui vous arriveroit au jeu, que je n'ai pas pu fermer 1'ceil. l'A i né»  Proverbe XX. 241 l'A i n k. Ah! moni frere, ÏOWe mennende étoit bien placée Won cher frere, je fuis Je fuis miné. l e Cadet. Comment miné !. ... ï.'A ï n é. Oui, j'ai perdu tout mon argent comptant... Yvre de mon infortune, & me flattaot qu'elle cefferoit a la 6n» j'ai perdu trois mille Louis fur ma parole. l e Cadet. Trois mille Louis! l'A i n é. Oui, un maudit Mafque que perforaie ne connott, a. paffé dix-fept fois, je me fuis entêtë fur la main, & enfin je m'y fuis écrafé fans reffourec. ... Je Tuis au défefpoir.... l ë Cadet. Et ce Mafque , qu'eft-il devenu ? l'A i n é. II m'a dit qu'il écoit de vos amis, & qu'il viendroit ici pour prendre avec vous & avec moi des arrangemens fur ce que je lui dois. l e Cadet. Et quels arrangemens pouvez-vous prendre, mon fre. rs, fansbiens fonds, fans terres, vis-a-vis de trois mille Louis ? l'A t n é. Ah ! mon fiere, je fuis un homme perdu, je le fcais bien , mais enfm ü faut que je 1'attende ici, & 1™ ^as lui parlions. Q  242 Les Liaisons Dangerevses. l e Cadet. Lui parler? Je ne vols qu'une reflburce, qu'une facon de lui parler , c'eft de nous jetter a fes genoux tous deux, & de Ie prier de vous faire grace, & de ne vous point déshonorer. l'A i n é. Ah! mon frere, s'il n'étoit qucftion que de moi, je mérite bien cette humiharion; mais vous y expoftr, vous mon frere! Je vendrai tout, je n'aurai plus rien au monde , mais je payerai. l e Cadet. Vous dites qu'il eft mon ami; s'il étoit affez généreux pour vous remettre la forte fomme que vous lui devez, & peut-é;re tout ce que vous avez perdu comptant, a condition que vous lui feriez ferment de ne jouer jamais; le feriez-vous & lui tiendriez-vous parole ? l'A 1 n é. Ah ! mon frere, de e.ool wc flattcr-vous Ik? Eü-il un homme fur la terre ciatlile d'une pxreiHe grandeur d'lflX ? Le Cadet Peut-êrTe que oui, nion ftcre; mai-« fiifims h luppnfition pour un moment, enfin promcKi-rkz->Wf Tcj vutfe honneur de ne plus >^uer ct v«xre vkï l'A I m i. Si je lui promettrois! *h Cicl!...- le Cadet. Eh bien, mon frere, jurez-mui k dooc ; car c'eft moi qui fuis le Mafque qui vous j tout RBgoé. (II va chercher Ie fac dor). Voilk votre or, je vous remets la parole des trois mille Louis. (II lui montrt fon domim.)  Proverbe XX. - 243 Tenez, voyez fi ce n'eft pas la le maudit Domino & le cruel Mafque qui vous a dévalifé. l'A i n é. Ah ! mon frere, je reconnois Eft-il poflible? Ah 1 mon cher frere , que je vous embraffe. l e C a d e r. Je ne rccois cette embraffade, qu'a condition que vous tiendrez vou-e ferment. l'A t n é. (Impromptu). Oui, mon frere, je vous le jüre, tous vos fages avis fe retracent dans mon ame avec des caracteres de feu qui 1'éclairent en la changeant. Je vais vous devolr mon exiflenc* & mon repos. l e Cadet. Et moi, mon cher frere , je vous dois le plaifir le plus pur que j'aie fenti & que je fentirai de ma vie; c'eft d'avoir pu gudrir mon frere d'une paifion qui me faifant tous les jours trembler pour lui, empoifonnoit le bonheur de ma vie. Je fuis charmé que vous ayez eu dans tout ceci Fm du vingtieme £? dernier Proverbe.  CATA'LOGUK Des piéces de The'dtre imprimées chez Rey Lib. a Amft. T M. Héatrc ([nouveau) Italien, 12. 10 vol. Panp 1753. —— de Danchet, 8vo. 4 'vol. Paris 1751. — ([nouveau) Francois compofé des meilleures Piéces , 12. 12 vol. Utrecht, 1748. (il y a 60 Piéces dans ce Recueil). Aftarbé Tragédie, par Mr. Colardeau, Svo. Amft. 1758. 4! feuilles, 6- fois. Béverlei Tragédie Bourgeoife, iniitée de FAnglois en cinq Acres & en Vers Libres, par M. Saurin, 3vo. Amft. 1768. 61 feuilles, 12 fois. Blaiiche & Guifcard, Tragédie en cinq Acres , par Mr. Saurin, 8vo. Amft. 1763. 6 fois. Califte Tragédie, par M. Colardeau, 8vo. Amft. 1761. n feuilles, 6 fois. CoYroés Tragédie en cinq Acres & en Vers ; par M. le Fcvre , Svo. Amft. 17ÓS. 4 feuilles, 6 fois. Dupuis & des Ronais, Comédie eu trois Aétes & en Vers libres, par M. Collé, 8vo. Amft. 17Ö3. 6 fois. Fils (1<0 Naturel, ou les Epreuvcs de la Vertu , Comédie en cinq Aétes en Profe, parM. Diderot, grand 12. Amft. 1767. 12 fois. Huion, (le) Comédie en deux Actes & en Vers , mêlée d'Ariettes , avec la Mufique gravée , 8vo. Amft. 1768. Uypermneltre, Tragédie , par Mr. le Mierre, 8vo. Amft. 1759. 4 feuilles, 6 fois. Jardinier (la) de Sidon, tiré des Oeuvres de 'M. de Fontenelle, Comédie en deux Actes, mêlée d'Ariettes, Svo. Amft. 1768. Jeune Homme , Comédie, par Mr. de Baftide. 12. Iphigénie en Tauride, Tragédie, par M. Guimond de la Touche, Svo. Amft. 1758. 5 feuilles , 6 fois. Mariage Clandeftin, Comédie en cinq Actes & en Profe, compofée, .par M. M. Garick & Colman, traduite de FAnglois, par Mad. Riccoboni, 8vo. Amft. 1768. 12 f. Mceurs du temps , Comédie en un Acte, par M. Saurin , 8vo. Amft. 1761. 3 feuilles. 6 fois. Oeuvres de Nivelle de la Chauffée, 2 vol. petit indouze Amft. 1759. Orefte , Tragédie, Svo. Amll. 1750. 7 feuilles, 6 fois. pere Qo) de Familie, parM. Diderot, Comédie , gr. 12. Amft. 1763. 71 feuilles, 12 fois. Sabots , f_les) Opera comique en un Acte, mêlée d'Ariettes, par Mrs. C... & Sedaine, 8vo. Amft. 1769.