MÉMOIRES DE MONSIEUR DE GOURVILLE, CONSEILLER D'ÉTAT, Tome Second.   MÉMOIRES DE MONSIE UR DE GpURVILLE, CONSEILLER D'ÊTAT, Concernant les Affaires auxquellts il a e'té employé par la Cour, depuis l6qzs jujquen iSgS. T O M E SlCOND, A AMSTERDAM, Etfe trouvem A P A RI S , r, f Le Clekc, 1t-i • Lhe2lBAROiS,l'aJné,JLlbraires» Quai des AugufHns. M. DCC. LXXXII.   MÉMOIRES M.DEGOURVILLE, Concernant les affaires auxquelles Ü a été employé par la Cour „ depuis 1642. jufqiien i&gS, "Vers Ie èommencement de lannée 166$ , j'allaiaiaHaye oü, je fis quelque féjour; M. de Montbas, qui étoit affez de la Cour de M. Ie Prince d'Orange, me préfentaalui, & j'eus fhonneur de lui faire la révérence pour la première fois : depuis je me trouvai louvent avec lui & des Dames de 7 ome ii* a  3 Mémoires Ja Haye; mais comme c'eft la cou-. tume en ee pays-la que les femmes fe retirent a huk heures, M. Ie Prince d'Orange prk le parti d'aller les foirs chez MM. de Montbas & de Dodick, 8c encore dans d'autresmaifons, pour jouer jufqu'a neuf heures & demie, ilme faifoit toujours rhonneux de me mettre, de fes parties. Etant retourné a Bruxelles, ou je me trouvois plus agréablement qu'ailleurs, M. Ie Marquis de Sillery euc la bonté de me venir voir; & m'ayant dit qu'il feroit bien-aife d'aller a Anvers, je Yy accompagnai. Je le menai voir, comme une perfonne rare, Monfieur de Palavicine, un des hom-? mes du monde le plus riche & qui n'en étoit pas perfuadé. Je lui dis qu'il falloit qu'il fe mït dans ia dépenfe, comme i'avois fait autrefois avee les Dames d'Anvers, qu'il npus donnat quelques repas  DE M. DE GOURVILLE. £ & qu'il devoit au moins avoir ur* . carroffe & fix chevaux pour nous promener. II entreprit de faire connoitre a -Mn de Sillery qu'il n étoit pas fi riche qu'on le croyoit r & en nous monrrant un cabinet a cóté de fa chambre , il nous fit entendre qu'il avoit É pour cinq; cents mille Iivres de barres dargent , qui ne lui rendoient pas na ion de revenu ; qu'il avoit cent ■wfle écus a la Banque de Venife qui ne lui donnoient que trois pour cent ; qu'il avoit a Gênes.d'oü 11 étoit, quatre cents mille livres , dont il ne tiroit guere plus d'intéret3.' ^ ^en d'autres énumérations qu'il nous fit pour desfommes confidérables, finiffant toujours par dire que cela ne lui rendoit pas grandJchofe. M. le Marquis de Sillery, après que nous fl4m.es fortis, me dit qu'il étoit pret a croire qu'il avoit rêvé ce qu'il venoit d'en«endre , & quelques fois depuis Aij  s. Mémoires étant revenu a Paris, il me répeta qu'il étoit faché de n'avoir pas donné cette fcene a Molière pour la mettre dans la Comédie de 1'Avare. Quelque temps après M. de Saicede, Capitaine d'une Compagnie de M. CaftebRodrigue, ayant fait voler quelques Francois qui alloient en Hollande , faché des reproches que je lui en fis & que je lui avois attirés de beaucoup d'honnêtes gens, ce méchant pei> dard qui avoit bien de lefpnt, dit beaucoup de chofes a M. de Caftel-Rodrigue , pour lui faire craindre la durée de mon féjour a Eruxelies; il lui fit encore pariet par d'autres gens, pour augmenter fes foupcons. Un jour que j'étois allé faire ma cour, comme les autres, M. de Caftel-Rodrigue me fit entrer dans fon cabinet pour me dire qu'il avoit recu des lettres de Madrid, par lefquejles on  DE M. DÊ GOURVILLÊ. ? lui mandoit que le Roi très-clirétien faifoit des inftances auprès du Roi d'Efpagne, pourobtenirunordre de me faire arrêter a Bruxelles, & qu'il feroit au défefpoir s'il venoit a le recevoir; je lui répondis que je n'étois pas un homme affez important pour que la Cour de France fit de pareüies follicitations contre moi, mais que s'il me donnoit eet avis pour me faire prendre la réfolution de fortir de fon pays, j'étois .prêt a le fatisf?.ire; que cependant s'il avoit la bonté de s'informer de tous les gens de qualité, que j'avois 1'honneur de voir tous les jours, quelle étoit ma conduite, je me perfuadois qu'il feroit bientót défabufé ; & lui ayant marqué que je foupconnois M. de Saicede de m'avoir rendu ce mauvais fervice, par les raifons que je viens de dire, il me 1'avoua; & je puis dire que depuis ce jourA iij  £ Mémoires la il me témoigna beaucoup d'a- mvtié & de confiance. M. leDuc de Veraguas qui étoit pourlors Meftre-de-Camp-Général, & par conféquent la feconde perfonne, avoit aufli tant de confiance en moi, qu'il venoit prendre raon avis fur toutes les affaires dont la direction pouvoit lui appartenir. Enfin jamais homme hors de fon pays ne s'eft trouvé dans la confidération oü j'étois a Bruxelies. M. le Comte de Marfin, qui étoit'de mes anciens amis, y émst venu prendre la place de M. de Veraguas , contribua encore a Taugmenter. Je ne laiffois pas d'aller de tems en tems a la Have, oü je recevois toutes fortes de politeffes de M. le Comte d'Eftrades pour lors Ambaffadeur de France, aulïi-bien que de ceux d'Efpagne & de Portugal. Je faifois trés réguliérement ma cour h M. le Prince d'Orange,  DÊ M. DE GoÜRVILLE. ? qui mJy obligeoit fort par fes bons traitements. J'avois un cuilinier de grande réputation; M. le Prince d'Orancre & MM. les Ambaffad eurs m'ayant dit qü'ils voudroient biert 1'éprouver , nous convinmes que je leur donnerois a diner a la maifon de Campagne dun de mes amis, & qu'en y entrant cha.cun feroit dépouiilé de fon caraftere & de fa qualité ce qui fut fort bien obfervé. Je leur fis préparer un grand dind auquel j'invitai auffi M. le Comte de Montbas & quatre ou cinq perfonnes de la Haye. Quand il futqueftion de fe mettre a table, je pris par la main la Marquife de Meflin , fille de Dom Eft evan de Gamara, Ambafiadeur dEfpagne, & la fis affeoir auprès de moi a la première place, chacun prit la fienne fans fonger a aucuhe cérémonie. M. d'Eflrade m'avoit mené che'z M. de With, aui pour A v  8 Mémoires lors gouvernoit la Hollancle; mals comme j'avois été un peu gaté du traitement que j'avois recu a Londres & a Bruxelles, je ne rus pas trop fatisfait de ma vifite , de forte que je me contentai de I'avoir vu cette fois feulement; mais je recevois beaucoup d'honnêteté de tous les gens de qualité deKoliande : tout cela n'empêcha pas que je ne retournafie avec beaucoup de plaifir a Bruxelles. M. le Marquis de Caflel-Pvodrigue me traitoit fi bien & avoit de fi fréquentes & fi longues conférences avec moi, pendant qu'il avoit de la peine a en donner aux autres, que M. de Bournonville qui, avec beaucoup d'efprit , étoit un peu railleur, me dit un jour, me voyant fortir d'avec lui: vousvenez done de donner audience au Marquis, ce qui fit fort rire MM. les Duc d'Arfchot 6c le Prince d'Arem-  DE M. DE GOURVILLE. p berg fes freres, qui étoient avec lui. M. de Caftel - Rodrigue un foir mentretintaffurémentplus de deux heures 6c demie.IIavoit une grande facilité a parler 6c raifonnoit trèsbien fur toutes les matieres qu'il traitoit. II m'avoit fait le plus beau projet de conduite, 6c e'tant fort las de m'être promené pendant tout ce terns-la avec lui dans une galerie, je le quitai, en lui difant: Si vous pouvez, Monfieur, trouver un homme comme ce que vous dites, vous ferez affurément les deux plus grands perfonnages qu'il y ait au monde. II parloit bien 6c beaucoup , mais faifoit peu. II me propofoit fouvent de m'attacher au Roi fon JVlaitre ; je répondois que je lui ferois toujours fort fidele, tant que je demeurerois a Bruxelles , majs que j'efpérois de retourner un jour dans ma patrie. En ce tems-la M. le Marquis A v  :fO MÉMOIRES de Caftel-Rodrigue entreprit de ■ faire batir Charieroy ; lui étant venu des fommes confidérahies dargent , & m'ayant parlé de la dépenfe, je lui repréfentai que je doutois fort qu'il eüt le tems de 1'achever 3 & que peut-être vaudroit-ilmieux diftribuer une partie de eet argent a fes troupes , qui étoient dans la plus grande défolation du monde , ne vivant pour ainfi dire que d'aumónes. Les foldats alloient par petites bandes demandant la charité a ceux qui paffoient dans les grands chemins, & les Abbayes des environs oü ils étoient. en nourriffoientunebonne r artie. Tout ce que je lui avois dit n'empêcha pas qu'il ne me menat avec lui a Charieroy , quand il y atta en grande cérémonie mettre la première pierre. Au commencement de 1 annee -1666 , je fis un voyage a Paris oü Vciisl'honneurdevoirM. lePrince,  DE M. DE GOURVILLE. I i & j'y appris qu'on y parloit fort de guerre, du moinspourl'année prochaine. Bientót après étant retourné a Bruxelles,jy recus une lettre de M. Courtin , qui me marquoit le Jour qu'il devoit pafier a deux Üeues de Bruxelles,. pour fe trouver de la part du Roi a 1'afiemblée qui fe devoit faire a Breda ; il me donna un rendez-vous pour le voir. En ayant parlé a M. de Caftel-Ro« dripue,.» ie iui demandai fi je pouvois 1'inviter a venir loger chez moi: il me dit que je le pouvois, & ayant envoyé au devant de M. Courtin, il vint me trouver droit a Bruxelles. M. de Caflel-Rodrigue ayant fu qu'il étoit arrivé , mJenvoyacentbouteilles de toutes fortes de vips exquis 3 & me fit dire que c'étoit pour mJaider a bien iraiter mes hötes. M. Courtin m'ayanc confirmé que nous ne ferions pas long-tems fans avoir la guerre, A vj  i2 Mémoires je priai bientót après M. Ie Mat?» quis de Caftel-Pwodrigue de trouver bon que je rnen allaffe a 1'affemblée de Breda; i'ayant agréé , je ray rendis & j'y refbi pendans tout letems que i'afTemblée dura. M. Courtin avoit toujours dela joie & 1'infpiroit aux autres, il me parciiToit que dans raffemblée oii 1'on traitoit la paix , il étoit i'amè de toutes les délibérations qui fe prenoient, étant regardé comme un homme de très-bon efprit & de longue expérience. II avoit amené avec luiM. Pelletier de Souzy, qui s'eftfait connoitre pour avoirbeaucoup d'efprit & des talents extraordinaires , lequel ayant été connu du Roi, fut honoré depuis par Sa Majefté de deux beaux emplois.il avoit auffi amené M. 1'Abbé de Villiers, qui étoit ce qu'on appelleun bon compere. M. le Comte de Guiche & M. de Saint-Evremont  DE M. DE GOURVILLE. I ? sV rendirent, on ne fongeok qu'a fe divertir. Le fujet de raffemblée étoie pour faire Ia paix entre 1'Angleterre & la Hollande, qui non feulement fe faifoient la guerre „maïs encore avec une très-grande aigreur de part & d'autre. Le jeune de With commandant la flotte des Etats, avoit été jufqua Chatam , oü il avoit brülé une bonnepartie de celle d'Angleterre. Tous les jours c'étoit de grands repas chez les AmbafTadeurs, M. le Marquis d'Hauterive, Gouverneur de Breda , qui étoit fort de mes amis, tenoit aufïi une bonne table. Milord Oiis , Chef de 1'Ambaffade d'Angleterre, me fit beaucoup d'amitié de la part du Roi fon Maitre Charles II, & me parloit beaucoup de ce qui fe pafloit. Lorfque la paix fut fur le point de fe faire, nos entretiens rouloient principalement fur ce que Ie Roi  i 4 Mémoires d'Angleterre pourroit faire pouf fe venger de M de With, penfionnaire de Hollande, & le détacher d'avec la Cour de France s d'ou il tiroit fa principale confidération. II me dit qu'il convenoit de ce principe, mais que la difficuité étoit de favoir par oü y parvenir : je lui demandai sJil croyoit que le Roi d'Angleterre fut bien capable de diffimulation & de garder entre Sa Majefté feule & lui Milord Olis un grand fecret avec tout le refte. II me dit qu'il croyoit le Roi fon maifre capable de töüt,s'il pouvoit trouver le moyen d'abaifler Föfgueil de M. de With. Je lui repliquai que cela étant ainfi, il falloit, après la paix fake , feindre par beaucoup de démonftrations, de vouloir oublier tout ce qui s'étoit paffé entre lui & M. de With, & lier une étroite amitié pour 1'inférêt des deux Nations j fur-tout-  DE M. DE GOURVILLE. I ƒ lui donner des louanges en quantité, en lui difant que le Roi d'Angleterre le prioit de lui donner fes avis dans les occafions , fans attendre qu'il les lui demandat; fonder cette grande liaifoti fur la puhTance de la France & 1'ambition démefurée de fon Roi. J'ajoutai que s'il croyoit le Roi fon maitre capable de faire ce que je difois , je lui ferois aifément voir que cela conduiroic M. de Wkh a fa perte; que j'étois fort perfuadé que la grande préférence que ce dernier avoit pour le Confeil de France, étoit fondée principalement fur 1'opinion dans laquelle il étoit d'être irréconciliable avec le Roi d'Angleterre ; mais qu'alfurément, fi ce que je propofois étoit bien conduit , M. deWith ne feroit pas lóng-tems fans croire qu'il pourroit bien n'être plus dans une fi grande dépendance du Confeil de France j  ïS Mémoires que dès les premières démafches qu'il feroit dans cette vue, le Roi de France & fon Confeil le trouveroient fort mauvais; que fans vouloir pénétrer plus lom dans 1'avenir, je me flattois que le Roi d'Angleterre feroit content de 1'avis que je prenois la liberté de lui donner} paree que s'il étoit fatisfait de la difpofition oü cela mettroit les chofes, il n'aurok qua s'y tenir; que je n'avois eu Favantage de voir M. de "With qu'une fois en ma vie , mais que le connoiffant comme je faifois, par le grand foin que j'avois pris de Tétudier, j'étois perfuadé que fe croyant fort alïuré du Roi d'Angleterre , il penferoit être en état de donner des mortifications a la France. Je favois qu'il parloit fouvent des avantages qu'il avoit remportés fur 1'Angleterre & qu'il avoit néceiïité la Suede & le Danemarck a fe te-  DE M. DE GOURVILLÉ. 1 ~ï ttiren paix, aprèslesavoir obligés de la faire; que par conféquent il ne manqueroit pas d'envifager que ce feroit un beau fleuren a fa couronne, s'il pouvoit fe trouver en état de dire qu'il avoit forcé lesFrancois de faire queique chofe qu'ils n'auroient pas vouiu. Le Milord Olis ayant écrit au Roi d'Angleterre tout ce que fa mémoiré lui put fournir de ce que je lui avois dit, recut ordre de rne bien remercier & de me prier de vouloir bien qu'il en drefsat urt Mémoire de concert avec moi, ce qui fut fait. J'y ajoutai quauffi-tot que la paix feroit fignée, il feroit bon que eet Ambaffadeur eut ordre de commencer a parler a M. de With, fuivant le deflein 6c dans le fens dont nous érions convenus , mais. pourtant fans trop idempreflement. Le Milord Olis ayant eu réponfe du Roi après qu'il eut recu le Mémoire que  '13 M é M O ï R Ë s nous avions fait, fut encore charge de me bien remercier. L'affemblée de Breda finie , je m'en allai a Ia Haye „ oü je recus beaucoup d'honnêtetés de M. Ie Prince d'Orange* En ce tems-la je recus unelettre de M. leDuc de Zeil, qui m'invitoit de 1'ailer voir , comme je Lti avois promis. II me prioit de m'informer aütan't que je pour* rois, comment M. de with re.gardoit les levées que faifoient les Suédois en Poméranie ; que cela pouvDit menacer la Ville de Brême , qui étoit fous la proteéHon de fa Maifon ; que lui & ïvl. 1'Ëvêque d'Ofnabruch avoient levé chacun un Régiment dTnfanterie ; qu'il ne doutoit pas que quand les Holiandois feroient p;rfuadés de ce defiein , ils ne vouluffent bien faire quelque effort pour lempêcher de concert avec eux j 6c comme je fa-  DE M. DE GotTRVILLE. lp vois que M. de Montbas étoit tres étroitement uni avec M. de With , je le priai d/entrer fur cela en converfation avec lui. J'appris qu'efïe&ivement ces levées donnoient de la jaloufie aux Hollandois,j'efpérai que cela pourroit tourner favorablement pour M. le Ducde Zeil & M. 1'Evêque d'Ofnabruch. Je priai M. de Montbas de faire ce qui pourroit dépendre de lui pour fomenter une liaifon entre les Etats-Généraux & ces Melüeurs. Je m'en allai a Lunebourg oü étoient M. le Duc de Zeil & M. i'Evêque d'Ofoabruch, j'eus 1'honneur de voir ce dernier pour la première fois & j'en recus bientót des marqués de bonté & de la même confiance que M. fon frere avoit en moi. Je fus d'avïs que pour obiigerlesHoilandois a avoir plus de confiance a ces Princes, il falloit faire un  QO M É M Ö I R É S effort 6c emprurttef piutót une fomm.e confidérable pour lever encore quelques troupes, afin de faire connoitre qu'ils avoient abandonné les plaifirs ou ils avoient été jufqu'alors, pour fe donner de la confidération,- LesSuédois cöntinuant a faire des levées 3 6c M. de With confidérant 1'intérêt que la Hollande avoit qu'ils ne s'agrandhTent de ce eóté-la, 6c que d'ailleurs la Maifon de Brunfvick fe mettoit, autant qu'il lui étoit poiïible, en état de I'empêcher j prit la réfolution de faire un traité avec elle, par lequel les Holiandois promettoient jufqu'a un milion huk cents mille livres payables dans des tems affurés , a mefure que MM. de Brunfwick leveroient des troupes jufqu'au nombre de dix mille hommes de pied 6c quatre mille chevaux. Ce qui fe fit avec tant de diligence , que ces troupes  DE M DE GOURVILLE, zt furent bientót fur pied 6c fort belles. Le bruit s'étant répandu par-tout du bon état dans lequel étoient ces Princes, obligea le Roi de leur envoyer M. Baïtazar, paree qu'il avoit époufé la fceur de ce M. de Beauregard, que j'ai déja nommé. On lui donna une perfonne pour 1'aider qui avoit de lefprit. MM. les Princes ra'ayant fait Pkonneur de me demander mon avis fur ce qu'on auroit a répondre, je leur confeillai de remercier le Roi de 1'honneur qu'il leur faifoit , en leur envoyant un homme du mérite de M. ^Baitazar, & d'aifurer Sa Majefté de leur profond refpecl: j raais que pour lors ils ne pouvoient avoir d'autres vues , que de^tacher a bien exécuter le traité qu'ils avoient fait avec les Hollandois. M. Baltazar 8c fon confident étont retoijrnésa Paris, parierent  22 MÉMOIRES fort de la confidération que ces Princes avoient pour moi. M. de Lionne pria, de la part du Roi, M. le Prince de m'ecrire pour me repréfenter 1'intérêt que j'avois de rendre quelque fervice a Sa Majefté qui put me procurer moe retour. Auffitót que j'eus recu cette lettre, j'en rendis compte a MM. les Ducs de Zeil & d'Ofnabruch, & leur dis que je ferois Ia réponfe qu'ils jugeroient a propos. Tous deux avec empreffement me dirent qu'il falloit que je prontaffe de cette occafion pour me procurer mort rétablilTement en France; & moi je leur dis qu'il falloit premiérement regarder ce qui leur étoit bon. Après une longue converfation qui roula particuliérement fur ce qu'on parloit d'une triple allianeede 1'Angleterre, laSuede & les Etats-Généraux , pour faire faire la paix entre la France &  DE M. DE GoURVILLE. 2$ 1'Efpagne , qui avoit été rompue, par Fentrée du Roi en Flandre öc la prife de Lille; que les Hollandois ne voudroient plus leur donner des fubfidesj qu'il étoit bon d'écouterdes propofitions, fi dans la fuite la France en vouloit faire , que cela ne feroit qu'augmenter leur confidération. Enfin il fut réfolu que je ferois favoir a M. le Prince que je m'eftimerois bienheureux fi je pouvois avoir occafion de rendre quelque fervice qui fut agréable a Sa Majefté. Bientöt après je recus une lettre de M. de Lionne fur le même fujet, par laquelle il m'exhortoit de rendre fervice au Roi auprès de MM. les Princes de Brunfwick, comme un chemin qui pourroit me faire avoir ma grace & mon, retour en France. Dans le même paquet éto-it une lettre de cérémonie, dont je rapporte ici la copie; II y avoit er*  24 mémoires haut, Monfieur, avec un peu de diftance entre la première ligne, & au bas ; Votre très-humble & très-obéiffant fervkeur. Le hafard fit que dans ce tems-la on m'envoya la copie d'une lettre qüQ JVL de Lionne avoit écrite a 1'Ênvoyé de Vienne, je pris plaifir a vérifier qu'il ne lui faifoit pas plus de cérémonie qua moi. Copie de Ia Lettre que M. de Lion* ne ëcnvit d M, de Gourv'dk, de Paris le 23 Décembre i66y. Monsieur , « Je vous écrivis ily a huk jours » aux termes que vous avez vus, & » a foutes fins je ferai mettre dans » ce papier un duplicata de ma let* » tre ; depuis cela,Monfeigneur le » Duc ma envoyé de Chantiliy » une lettre que vous avez écrite »lé 26 de 1'autrc mois a M« de Guitaut  DE M. DE GOURVILLE. 2"* » Guitaut, laquelle Monfeijmeur » ie Pnnce avoit adreffée a Dijoa » a M. fon fils. J'ai vu par ladite » lettre 1'ardent defir que vous té» moignez de pouvoir rendrequel* que fervice au Roi dans la Cour » oü vous étesj que vous y voyez » même les chofes bien difpofées » pour lui, cela m'a fait juger que » vous n'y feriez pas inutiie au » biendes affaires de Sa Majeflé; »pourvu qu'on voulüt vous erf » fournir la matiere; fur quoi après » m etre conjoui avec vous de vous » voir dans defi bons fentiments, » eu égard même a vos intéréts »particuliere, qui certainement' » n empireront pas par le chemin » que vous prenez. Je vous dirat » qu il y a environ deux mois plus » ou moins, que je priai M. le » BarondePlato d'écrireaJÜM.les » Princes fes Maifrés la fmguliere » eftime que Sa Majefté faifoit de » ïeurs perfonnes & de leur MaiTome II, B  a$ . Mémoires » fon, la difpofition oü Elle étoit, » de leur procurer tous les avan» tages qui feroient en fon pou» voir 3 que la conjonfture étoit » belle & favorable; que M. 1'E» vêque d'Ofnabruch après la paix » de Munfter, avoit fait parokre » beaucoup d'inclination d'acqué» rir de la gioire par les ar mes, » & de fe mettre a la tête dun » corps de douze mille hommes »que fa Maifon avoit , pour » venir fervir Sa Majeftc de fa » perfonne & defdkes troupes j » qifalors le Pvoi n avoit pu en» tendre a la propofition , paree » que Sa Majefté efpéroktoujours » que les Efpagnols voudroient 5, bien lui faire raifon a 1 amiabie, » fur les droks échus a la Reine ; « mais fi ce brave Prince étoit en» core aujourdhui dans la meme * difpofition, Sadite Majefté n en. » auroit pas moins daccepter ia «propofition avec grande joie;  DF. M. DE GOURVILLE. 27 * que les Pays-Bas étoient grands » & pouvoient facilement donner » Ie moven au Roi de récompen» fer avantageufement fes amis » qui auroient pris part k fes in* » térêts, & 1'auroient aflifté a tirer » raifon des Efpagnols, ou a fe Ia » faire elie-même, 6c qu'on pour» roit aiiément convenir d'ailleurs » des conditions du paiement de » la fubftfbnce dudit corps 6c' » autres chofes femblables , tóu* » tes lort obligeantes. La réponfe » que ledit Baron de Plato recut » a cette dépêche, fut que MM. de »Brunfwick eftimoient beau» coup ces démonftrations de Peft » time 6c de la bonne volonté * de Sa Majefté ; mais que les » chofes ayant beaucoup chan, tre fes intéréts, refufer toutes » fortes de levées 6c de pafiages » dans leurs. Etats aux troupes  de M. de GOURV'ILLE. 2?> £ qui voudroient venir aiïüler les » Efpagnols aux Pays-Bas , join* »dre même leurs troupes aux » autres Princes, qui, pour lebien » & la tranquillité de TEmpire, » ont fait une liaifon entr'euxpour » s'oppofer auxdits pallages & » enfin renouveller Falliance du » Rhin. En ce cas-la donc Sa Ma» jefle' fe contentera & fera même » fort fatisfaite. Vous faurez de » Leurs Alteffes ce qu'elles au» roient a defirer en e'change de » Sa Majefte', pour avoir plus de » moyen de continuer a entrete» nir leurfdites troupes pendant » tous ces mouvements de guerre; » & me le faifant favoir je vous » informerai bientöt des dernieres » intentions de Sa Majefté, cepen» dant je demeure, Monsieur, Totre très-humble & trés* obéiflant fervitcur, P E L Y O N N B iij  3© M É M O I Pv E s Mais après que je rus fait homme du Roi, il commenca a me diminuer nies honneurs, cela même alla affez vite, & je Ven fis rire quelque temps après que je fus revenu. Auffi-tót que ceMiniftre eut recu ma réponfe Je me trouvai revêtu du caractered'Envoy é du Roi, avec une inftru£tion de ce que j'avois a faire, & un plein pouvoir de traiter avec Meffieursde la Mai•fon de Brunfwick. Me voila donc mon procés fait & parfait a Paris , & Plénipotentiaire du Roi en Allemagne. M. le Comte de Vaideck étoit fort attaché a ces Princes; jufques-la j'avois vécu avec lui en fort bonne intelligence , mais deiirant fort de pouvoir obliger TEmpereur a le faire Prince de 1'Empire, joint aux liaifons quJil avoit avec les Etats de Hollande , oü étoit fonprincipalbien, faifoitque nous avions fouvent des conteftations devant les Princes. Je lui dis  DE M. DE GOURVILLE. 31 un jour que fi ces Mefïieurs n'avoient point d'autres intéréts que de le faire Prince de i'Empire 5 üs ne pouvoient mieux faire que de fuivre fes confeils, mais que j'eftimois qu'ils en pouvoient avoir d'autres ; qu'ils étoient obligés de garder des mefures d""honnêteté avec toutes les Puiffances, particuiiéremenï. avec la France \ étant poffible qu'il y auroit destenips oü il leur conviendroit dJen proliter: cela fit une efpece de guerre entre lui & moi, gardant toujours néanmoins la bienféance. En ce tems-Ia M. Jean Frédéric , lors Duc d'Hannover , me fit demander fi je voudrois me charger d'écrire en France le delTein qu'il avoit d'époufer la troifieme .fille de Madame la Princefle Palatine , qui étoit fceur de Madame la Duchefle. Avant de faire réponfe, je d^mandai a MM. les Ducs de Zeil & f Evêaue d'Ofnabruch a B iv  32 Mémoires s'ils trouveroient bon que jé me chargeafie de quelques propofitions que M.leDuc d'Hannover rne vouloit faire,celui-ciayant ftipulé avec moi que je ne la leur communiquerois pas. Ils me dirent que fi je ne m'en chargeois, M. Ie Duc d'Hannover prendroit d'autres mefures pour faire réiuTir le deflein qu'il avoit, 6c qu'ainfi je pouvois écouter fes propofitions, en lui promettant de ne leur en pas parler, ce que je fis. Auilitót je mandai a M. le Prince la propofition de M. le Duc d'Hannover, & avec fa réponfe j'eus un ordre du Roi d'entrer dans les conditions de ce mariage, 6c nous en convmmes. Je crois devoir dire ici que MM. les Ducs de Zeil 6c I'Evêque d'Ofnabruch étoient des Princes au (Ti généreux qu'il y en eut au monde, pleins de bonté 6c de Kbéralité. Leur Cour étoit  DE M. DE- GoURVÏLLE. 3., ï-emplie, particuliérement celide M. de Zeil, de francois, * qui ils donnoient une fubfiftance proportionnée aux eraplois qu'ils AÏ?ient dans leur n-aifün- Ces MM. vivoient tous avec moi avec beaucoup plus de déférence qu<* je ne pouvois defirer: M. le Comte de Valdeck voyoit tout cela ton impatiemment, fur-tout a mon égard. M. de Lyonne me cliargeoittoujours de faire des propofitions a ces deux Princes, mais tou;ours conditionnées , pour nenpoint venir a la conclufion. Je crois que M. le Comte de VaJdeck, ayant donné avis de cela aM.deWith,l*exhorta de leur faire dautrespropofitions de la part des Etats; & pour m oter la connoiffance de ce qui fe paffoit de ce coté, engagea M. 1'Evêque d'Ofnabruch de faire un tour a la Haye; & moi cherchant 1 occafion de faire ce voyage, je m'aviB v  34 Mémoires fai de le propofer a Madame la Ducheffe d'Ofnabruch comme une partie de plaifir , & de prendre pour prétexte quelque incommodité des deux ainés de MM. fes enfants avec qui elle iroit dans une calèche , & moi dans une iutre avec une demoifeiie de Poitou , nommée la Marfeillere, qui étoit belle & fort au gré de M. de Waldeck; cue nous partirions un jour après M. fon mari, pour nous fervir des relais qu'il avoit difpofés pour fon voyage, quelquesuns des gens de M. le Comte de Valdeck , ayant auffi des calèches. M. 1'Evêquè d'Ofnabruch confentit d'autant plus a ce voyage, que M. le Duc de Zeil & lui convinrent avec moi d'un traité qui pouvoit convenir au Roi & a ces Princes, fans toutefóïs m engager a autre chofe qua en faire la propofition; de quoi je •donnai auiTi-tót avis a M. de  DE M. DE GoURVILLE, 3$ Lyonne avec une adreffe pour me raifë réponfe qui pouvoit arriver en HoJlande a peu-près en même tems que moi. Le jour du départ étant venu, M. d'Ofnabruch partit avec M. de Valdeck. Le furiendemain, 4 la pointe du jour, la Princeffe partit aufïï en 1'équipage que j'ai marqué, avec un petit chariot, qui portoit les matelas & quelques hardes pour elle. Ses deux enfants & fa dame d'honneur étoient dans fa calèche , & moi tête a tête avec ma Poitevine; cela m'attira quelques railleries de M. de Lyonne a qui j'avois mandé la maniere dont je faifois mon voyage. Nous arrivames deux jours après a_la Haye, oii le Prince étoit arrivé deux jours auparavant. Le lendemain matin je recus une lettre de M. de Lyonne, qui me mandoit que le Roi étoit trèscontent de la maniere dont je B vi  36 MÉMOIRES jn'étois conduit; mais qu^ayanc appris que la tripje alliance entre 1'Angleterre , la Suede 6c la Koilande etoit fignée pour faire la paix, ii me chargeoit de faire bien des honnêtetés a ces Princes de la parf de Sa Majefté, 6c de leur dire qu elle les prioit de .vouloir bien ïuiconferver leurs bonnes volonte's pour les occafions quifepourroient préfenter; j'en informai aulfi-tot M. 1'Evêque d'Ofnabruch 6c lui .confeillai d'accepter les propofitions des Hollandois , quoique peu avantageufes, ce qu'il fit. Nous nous en retournames comme nous étions venus, 6c voyant que je netois d'aucune utilité pour le fervice du Roi en Allemagne, j'öcrivis a M. de Lyonne que je le priois d'obtenir pour moi la permiffion dJaller a Paris. ^ M. le Prince me manda a-peuprcs dans ce tems-la qu'il fouhaitercitfort que j'allaffe a Hambourg  DE M. DE GOÜRVILLE. 37 y attendre M. Chauveau fon Se- C!'ewife * °iu[ venoit de Pologne, «oü il rapportoit beaucoup de pierreriesde Ja fucceffion de fa Reine de Pologne, pour Madame la PrinceffePalatine & Madame la DuchefTe, afin d'ernpêcher que les troupes nombreufes en ce pays-la ne lui fiffent :un méchant parti. Quelaue tems avant notre voyage de Hollands, la Reine de Suede qui étoit pour lors a Hambourg, mJavoit fait dire que je lui ferois plaifir, fi je pouvois lui envoyer la troune .francoife de Comédiens quV voit M. le Duc de Zeil. Après en avoir obtenu Ia permiffion de S. A. je les fis partir & je m'y rendis auffi-tót. Comme j'avois eu 1'honneur de voir cette PrincefTe en France , j'en recus beaucoup d'honnêtetés, auffi-bien que de M. de Wrangel, perfonnage confidérable. Nous nous trouvions  38 MÉMOIRES tous les foirs chez la Reine, oü II y avoit grand nombre de femmes ce Suede, & de deux jours 1'un Comédie. Le bruit courut alors que le Roi de Suede étoit fort mal j ce qui fit que cette grande PrinceiTe qui auroit bien voulu trouver moyen de fe rétablir en Suede, memitdansfa confidence; mais on apprit bientöt 1'entiere guérifon du Roi. Après avoir refté a Hambourg environ trois femaines, le fleur Chauveau Secretaire de M. le Prince y étant arrivé, je le menai a Lune-> bourg oü étoit M. le Duc de Zeil, & jJy recus encore une lettre de M. de Lyonne, dont voici la copie, cü il fe vok que M. de Lyonne ne me fait pas le même traitement que dans la première qu'il m/avoit écrite.  de M. de gourville. 39 Copie de la Lettre de M. de Lyonne, écrite d M. de Gowyille , de Saint ~ Germain-3 le 16 Mars 1668. Monsieur, « J'ai lu au Roi d'un bout a »1'autre votre derniere lettre ; » mais Sa Majefté, dans les der» niers endroits oü vous parlez » dJune courfe a Paris, ne s'eft » expliquée de rien ; il faut que » TafFaire ne foit pas encore af» fez müre. Quant au mot que » vous y avez coulé touchant » Pexpiration de votre contuma» ce au commencement d'Avril, »quelqu'un qui entend mieux » que moi ces fortes d'affaires a » dit que vous ne deviez pas en » être plus en peine, que fi elle » devoit durer encore deux ans, » paree qu'en cas que le Roi vou-  4-0 . Mémoires: 2 » lüt vous faire les graces que » vous pouvez defirer, il lui étoit n auffi faciie de le faire après >> qu'ayant, Ie tems de la con» turn ace. » Pour ce qui eft de continuer » a voir Dom Eftevan de Gama» ra & Madame fa fille , Sa Ma» jefté s'eft expliquée, que vous . » pourrez le faire fans fcrupule 5 » fur ce je demeure, Monsieur, Vorrt trèj-humble & tféi» affeftionné fcrviteur, de Lïosm. 'Après avoir fait réflexion , je pris le parti, nonobftant cela de hafarder de faire un voyage a Paris , je communiquai mon deffein a M. le Duc de Zeil & a M. leDuc d'Ofnabruch, qui me témoignerent avec leurs bontés ordinaires qu'ils fouhaiteroient fort qu'on me recjk en France. en forte  DE M. DE GoURVILLE. 4Ï que j'y fufTe content; mais que fi cela n'e'toit pas, ils me prioient de revenir auprès d'eux, & que fi je voulois ils me régleroient une fomme pour fubfifter dans une maifon particuliere avec tout le monde qui étoit auprès de moi, dont je leremerciai fort. Je partis comrne fi je devois faire mon féjour a Bruxelles. Je recus auffi bien des témoignages de bonté & d'amitié de Msfdames lesDuchefles de Zeil & d'Ofnabruch , qui avoient toutes deux beaucoup de mérite. M. le Duc de Zeil me donna un attelage de iix juments noires très-belles, les pieds & le chanfrein blancs, & M. le Duc d'Ofnabruck fix chevaux de felle, dont je m'étois fervi quelquefois pour aller a la chaiTe. Je m'en allai a la Haye emmenant avec moi M. Chauveau 3 j'y fus tres - agréablement recu de M. le Prince d'Orange 3 qui com-  42 Mémoires menca par me parler d affaires tkj ce me fembie , avec beaucoup de bon-fens. Un jour étant avec lui au bout de fa galerie, la converfaMöri roulant iur M. de "With, je lui dis que tout le monde étoit perfuadé que ce dernier étoit fort en garde pour 1'empêcher de s'établir dans 1'autorité qu'avoient eue fes peres, & qu'a la fin ils auroient bien de la peine a compatir enfemble. Dans ce moment on Favertit que M. de With, & M. de Grient, qui avoit été fon Gouverneur , venoient pour Ie voir ; lui allant pour les joindre , je le fuivis , & comme il commenca par faire de grandes amitiés a M. de IWith, en m'en allant je le regardai fixement, les autres ne pouvant me voir, il me dit après qu'il avoit bien appercu ce que j'avois voulu lui faire entendre. Nous convinmes qu'il falloit qu'il en ufat ainfi , jufqu'a ce qu'il vhit un  DE M. DE GOURVILLE. 4? tems qui lui donnat lieu d'en ufer autrement; je lui dis en riant qu'il en favoit beaucoup pour fon age. Voulant continuer mon chemin pour Paris, je m'eri allai k Bruxelles, oü je recus beaucoup d'amitié & d'honiiêteté de M. de Caftel-Rodrigue , qui fe fouvenant qu'il n'avoit pas voulu me croire , quand je lui avois dit qu'on auroit bientöt la guerre , ce que d'autres gens lui avoient aufli connrmé , commenca par vouloir fe juftiner la-defTus, en me difant que lorfque j'étois parti de Bruxelles, il ne doutoit point de la guerre , quoiqu'il fit fembiant du contraire , paree que n'ayant point d'argent a donner h ceux qui lui en demandoient fous ce prétexte , les uns pour réparer leurs places, qui en efret étoient dans un grand célordre 3 les autres pour acheter  44 Mémoires des munitions, dont prefque tous lesGouverneurs manquoient; que n'ayant ni munition, ni argent, êc ne voulant pas faire voir fon impuuTance,il avoit pris ie parti de leur dire qu'ils demeurafïent en repos & qu'il n""y auroit point de guerre ; je convins quen ce cas il ne pouvoit mieux faire qu'en foutenant qu'il ne ia croyoit point. Tous mes amis de Bruxelles me témoignerent beaucoup de joie de me revoir; maïs comme je n'y voulois pas féjourner , )t leur dis que i'allois faire un tour h Cambrai 5 oü j'avois donné rendez-vous a quelques-uns de mes . amis j qu'après cela je reviendrois les voir, afin qu'on ne put mander a Paris que j'étois parti pour y aller. JJétoïs affez embarraffé de la maniere dont je devois y arri- ver, chacun pour lors craignant fort de faire quelque chofe dont il put être repris. Je pris donc mon  DE M. DE GOURVILLE. 4f parti, étant a Cambrai, de dire a M. Chauveau de s'en aller de-> vant a Chantiliy, oü il arriveroit le Lundi, & de prier M. le Prince de me faire trouver un homme de fes livrées le Mardi a la brune fur le pont de Creil, pour me mener au lieu qu'il auroit deftiné pour me loger fecrétement , ayant jugé d'en ufer ainfi 3 de crainte que fi j'avois demandé përmiffion, cela n'eüt davantage embarralfé M. le Prince. Je trouvai 1'homme de livrée fyr le pont de Creil, comme je 1 avois defiré, il me mena avec mon feul Valet - de - Chambre mettre pied a terre chez ie fieur de Ia Rue, Capitaine des Chaffes de Ch antiily, ayant laifTé mon carroffe^ & mes autres domeftiques a Cambrai. Le fieur de la Rue étant allé dire a M. le Prince que je venois d'arriver , il me témoigna queS. A. avoit une grande envie d§  46 Mémoires m'entretenir, & qu'il avoit ordre de me mener chez elle après minuit, afin que perfonne ne put s'en appercevoir; en attendant ii me fit grande chere & auffi-töt que minuit fut fonné , il me conduifit par les jardins a 1'appartement de M. le Prince, qui me retint auprès de lui pendant deux heures &demie, m'ayant témöigné la joie qu'il avoit de me voir & i'envie de me fervir. Nous entrames en matiere, & après avoir réfolu quJil iroit trouver M. Colbert pour tacher d'obtenir que du moins il voulüt m'entendre, il me fit une infinité de queftions fur les remarques que j'avois faites dans mesvoyages,mais entr 'autres quelle opinion j'avois de M. le Prince d'Orange, qui n'avoit que dix-huit ans; je lui en dis tout le bien que jJen avois connu, & lui contai le trait de politique que je lui avois vu faire dans fa galerie 3  DE M. DE GOURVILLE. 47 au fujat de la vilkè de M. de With. M. le Prince obtint, avec aflez de peine, de M. Colbert qu'il me verroit, a condition de m'en retourner auffi-töt, fi je ne voulois pas faire ce qu'il fouhaitoit. Je me rendis auprès de S. A. pour favoir comment la chofe s'étoit paffée. J'appris que M. Colbert ne s'étoit rendu quJaux très-inftantes prieres de S. A. & qu'elle étoit obligée de me dire, qu'il lui avoit paru que ce Miniftre n'avoit aucune bonne volonté pour moi, ni envie de me faire plaifir. Le lendemain je me rendis a 1'heure qui m'étoit indiquée dans une maifon rue Vivienne,appartenante a M. Colbert j laquelle répondoit a. fa galerie. Je le vis venir avec une mine grave & férieufe, qui auroit peut-être déconcerté un autre: je lui fis ma révérence avec un vifage aflez ouvert; aulfi-tót il me dit que j'avois  48 M É M O ! R E S obligadon a M. le Prince d'avoir obtenu la permiffion de venir a Paris, 6c que j'euffe a voir ce que j'avois a lui propofer. Je commencai par le faire fouvenir qu'en partant de la Cour, je lui avois donné cinq cents mille livres qu'il m'avoit demandées, pour les reprendre fur la recette générale des Finances de Guyenne, mais qu'auffi-tót j'avois eu les mains fermées par la fuppreffion des Commiffaires des Tailles; que j'avois donné cinq cents mille livres a M. Coquille , qui avoit fait le traité général pour les Généralités de Bordeaux 6c Montauban, 6c voulant lui dire d'autres pertes que j'avois fakes, il m'interompk pour me dire qu'il falloit par-deffus tout cela que je donnaffe huk cents mille livres au Roi; je lui répondis que fi je les avois, je pouvois 1'affurer que cela étoit venu des profits que j'avois faits au jeu;  DE M. DE GOURVILLE. 49 jeu; & s'étant fort accoutumé ' a de'cider, il me déclara que fi je ne donnois pas fix cents mille livres, je n'avois qua m'en retourner doü je venois, & qu'il ne me donnoit que trois jours pour lui faire favoir ma rdponfe. II s'en alla& jen fis de même, peu fatisfait de mon entrevue. A peine, fuivantcela, pouvois-je trouver Je tems de voir un moment chacun de mes amis. Tous ceux que j'avois me témoignerent beaucoup de Joie,& en même tems bien du chagrin de ce que, felon toutes les apparences, cela ne dureroit guere. M. le Duc, aujourd'hui M. le Prince , voulant donner a fouper, dans fa petite maifon de ia rue S. Thomas du Louvre,a M. J3 Comte deSaint-Paul, que j'avois eu Ihonneur de loger chez moi, paf, fant a Bruxelles au retour d'un grand voyage, k M. le Commandeur de Souvré, a M. de Lyonne 'lome IIt Q 9  £Q MÉMOIRES &,ce me femble,encore a quelques autres Meflieurs,m'ordonnad'être de cette partie. II y fit trouver une mufique admirable, entr'autres Mademoifelle Hilaire & Mademoifelle Raymond. Jefus fi charmé de eet honneur & du plaifir que je fentois , que j'avouai a cette bonne compagnie, qu'il n'y avoit que rimpoflibilité qui m'empêchat de donner a M. Colbert ce qu'il me demandoit, par 1'efpérance que j'aurois de goüter encore une pareille félicité. M. Hotman, pour lors Intendant des Finances,me fit dire que M. Colbert lui avoit ordonné de favoir ma derniere réfolution ; Fayant été voir, il me fit beaucoup d'amitié. Je f avois connu fort particuliérement dans le tems qu'il avoit été Intendant des Généralités de Bordeaux & de Montauban ; je n'avois rien oublié pour lui faire connoitre, par de bons efiëts, combien fon  DE M. DE GOURVILLE. y i amitié m'étoit chere; il ne manqua pas de vouloir me donner des preuves de fa reconnoiffance, en m'exhortant de contenter M. Colbert ; & toutes les remontrances que je lui pouvois faire n'aboutirent qu'a me confeiller fortement de donner fix cents mille livres, dont ce Miniftre vouloit bien fe contenter > paree qu'il avoit ordre de m'ajouter, en cas de refus , qu'il falloit que je fortiffe du Royaume. II me témoigna le chagrin qu'il en avoit; je le priai de dire a M. Colbert que j'obéirois, &que dans trois jours je ne ferois plus a Paris. En effet après avoir eu 1'honneur de prendre congé de M. le Prince , qui me dit qu'il s en alloit a Chantilly, puifqu'il n'y avoit plus d'efpéranee de pouvoir rien faire pour moi, je remerciai M. le Duc de toutes les marqués p"e bonté qu'il ni'avoit fait la  J 2 MÉMOIRES grace de me donner, 6c après avoir fait mes adieux a mes amis les plus particuliers, je partis le troifieme jour comme je 1'avois promis , & m'en allai coucher a Liancourt, oü M. 6c Madame de Liancourt s'efforcerent de me témoigner la joie qu'ils avoient de me revoir, 6c en même tems combien ils étoient fachés de me voir fi preflé de partir pour quitter le Royaume. Mais comme ils m'avoient obligé de refter au-* prés d'eux pendant quelques jours, j y recus des nouvelles de Paris, par lefquelles j'appris que M. le Duc d'Hanovre devoit bientót arriver a la Cour, pour faire la révérence au Roi 6c y affurer fon mariage. J'écrivis a M. le Prince a Chantilly pour favoir ce qui en étoit, 6c pour le prier de trouver bon que j'eulfe Thonneur de lui communiquer une penfée qui m'étoit venue, au cas que la nou-  DE M. DE GoÜRVtLLÊ. Veile füc vraie;ilfe donna lapeine deerne la confirmer, & me manda qu'il feroit bien-aife de favoif ce que j'aurois imagine'. Je me rendis donc auprès de S. A. & lui communiquai le deffein que j avois de faire une nouvelle tentative avec le fecours de fa proteéhon, pour obtenir encore quelque tems, il 1'approuva fort, 6c dans le moment il écrivit a M. le Duc fon fils de repréTenter a M. Colbert, que M. d'Hanovre devoit bientöt arriver, 6c que comme j'avois eu 1'honneur de conclüre fon mariage par ordre du Roi, il eftimoit qu'il feroit néceiTaire que je fufle a Paris a fon arrivée , paree qu'il pourroit y avoir encore quelques petites chofes a régler, que perfonne ne pouvoit aufii bien faire que moi, lui ajoutant qu'il feroit en cela un^grand plaifir a M. le Prince öc a lui qui fouhaitoient entie'reC iij  'ƒ4 Mémoires ment de voir ce mariage accompli , enfin qu'il le prioit de trouver bon qu'il en parlat au Roi dans ces termes; que ce ne feroit qu'une prolongation de mon féjcur a Paris d'environ trois femaines ou un mois. M. Colbert ne voulut point refufer ce petit délai, & dit a M. le Duc qu'il étoit le makre d'en parler au Roi, & même que de fa part il y contribuerok volontiersfe chargeant d'en parler le premier a Sa Ma« jefté. M. le Duc manda en réponfe a M. le Prince, que je pouvois demcurer a Chantilly le tems qu'il jugeoit a propos, même revenir a Paris en toute füreté. Ce que je fis après 1'arrivée de M. le Duc d'Hannovre, & ayant été faire la révérencea ce Prince, il chargea fon Miniftre de régler avec moi pour quelque argent qu'il falloit donner & des pierredes ; le Prince s'en retourna  DE M. dé GoURVÏLLE. ff bientót ck laifia une procuration a M. Groot pour époufer en fon nom la ?rinceffe Bénédicle. Quelques jours après M. le Prince & M. le Duc nous firent mettre M.Groot öc moi dans leurs carroffes pour aller a Anieres, oü étoit Madame la Princefte Palatine, y faire la cérémonie du mariage. Pendant tout ceci M. le Prince &M. le Duc qui avoient alfez pris de goüt pour moi & qui voyoient bien que j'avois auffi peu envie de fortir du Royaume que de donner fix cents mille livres, fouhaiterent fort de pouvoir m'attacher a leur fervice 3 leur maifon étant dans un extréme défordre; ils penferent que fi j'allois en Efpagne, ayant fait desconnoifiances a Bruxelles avec des perfonnes de confidération, qui étoient pour lors a Madrid, je pourrois obtenir quelque chofe a compte desgrandes prétentions de M. le Prince C iv  '5 ayantdiminué de centmille écus de la derniere propofition qu'il en avoit fait faire; M.leDuc, ainfi que nous étionsconvenusavec M. le Prince, le remercia fort, & le pria de conferver fa bonne volonté jufqu'après mon retour d'Efpagne , que pour lors on verroit cequi fe pourroit faire, après quoi je fis ma révérence. M. Je Lyonne  DË M. DE GoURVILLE. 6j me donna fes inftru&ions avec beaucoup de nouvelles marqués de fon arnitié ; M. le Prince me re mie tous fes papiers pour les créances de Madrid, 6c me donna M. Chauveau , qui avoit déja. été dans ce pays-la , 6c qui étoit fort de mes amis. Je partis le * * * Odobremil fix cent foixante-neuf, 6c m'en allai a Verteuil, oü je portai la nouvelle de la mort de Madame la Princeffe de Marfülac; je trouvai que M. de la Rochefoucault ne marchcit plus, les eaux de Barege 1'avoient mis en eet état; toute fa maifon témoigna beaucoup de joie de merevoir,öcilme dit qu'ayant fu que je devois venir, il avoit fait publier la ferme de fes terres, 6c qu'il me prioit de lui donner un jour ou deux pour en faire le bail, ce que je fis , 6c trouvai moyen de 1'augmenter , dont il fut fort fatisfait. Je repris mon chemin pour  '£8 Memoires Bayonne, oü ayant été averti de la tnauvaife route , fur-tout pour le pain, jufqu'a Madrid, je fis provifion de bifcuit , & j'y arrivai le *** Novembre mil fix cent foixante-neuf. Je mis pied a terre dans une inaifon que M. de la Nogerette, que j'avois envoyédevènt m'avoit fait meubler aflez proprement, & qui étoit affez grande pour y pouvoir loger M. le Comte de Sagonne, fils de M. de Hauterive , qui étoit fort de mes amis, M. de Saint-Loup , fils aïné de M. dê Bayers, M. de Chanie, fils de M.de Puyrobert , & M. Chauveau, Secretaire de M. le Prince, avec mes dorhefliques ; ces quatre Meffieurs étoient mes camarades, fuivant la facon de parler d'Efpagne, J'avois merié de bons Officiers ; j'y établis mon ordinaire d'un grand potage, quatreentrées, un grand plat de roti, deux fa-  DE M. DE GoURVILLE. 6> lades, deux plats d'entremets, avec du^ fruit auffi propre & aufli bon qu'on en peut avoir en ce pays-la, oü il eft rare, les melons s'y fement dans les champs comme le bied , il n'y en avoit prefque point de mauvais cependant je n'en ai point trouvé d'aulfi bons que jen ai mangé quelquefois a Paris. Tout ce qu'il y avoit de Francois établis a Madrid me vinrent voir, & parmi ceux-la j'en choifis deux, après les avoir tous entre-» tenus, pour m'aider a m'inftruire. J'appris qu'ily avoit une prophetie qui prédifoit la mort du Roi d'Efpagne dans le mois de Mai prochain , Pon ne peut s'imaginer a quel point cette fottife faifoit irn-» preffiona Madrid. J'avois menéun carroffe, & M. de la Nogerette m'avoit acheté quatre mules, ainfj je commeneai dès le lendemain a faire mes premières vifites h M. ie Marquis de Caitel-Rodrigue h  70 MÉMOIRES M. le Duc de Veraguas, a M. IeComte de Molina & a Dom Auguftin de Spinola, ces deux derniersayant été Veadors aBruxelles, qui eft proprement Intendant; je fus très-bien recu de tous , je m'adreflai a Dom Emmanuel Delriza, pour lors Introdutteur des Ambaffadeurs , qui quelques jours après, me marqua ie jour 6c fheure que j'aurois audience de la Reine ; j'y allai avec mes camarades , Meffieurs de la Motte 6c de laNogerette pour mon petit cortege; aufli-tót après, avant pris la lifte de tous les Meffieurs de la Junte, je les vifitai tous,M. le Marquis d'Ayetonne , qui étoit Majordome de la Reine, étoit en quelque facon regardé comme le premier Miniftre ; je m y attachai fort, 6c dans 3a fuite il me témoigna beaucoup d'amitié 8c de confiance. M, le Cardinal d'Aragon, Archevêque de Tolede auffi du Confeil de la  DE M. DE GOURVILLE. Jt Junte, me recut très-bien , & a toujours cherché a me faire plaifir , a la recommandation de Madame la Marquife de Caracene fa fceur, a laquelle j'avois eu occafion de prêter de i'argent a fon départ de Bruxelles. M.le Marquis deFuente , qui avoit été Ambaffadeur en France , fut nommé pour mon Commiifaire; M. de Pigneranda, Miniftre de haute réputation 3 me paria fort des grands fervices que M. le Prince avoit rendus a Sa Majefté Catholique ; M. de Gonzague qui étoit de la Junte, me témoigna beaucoup de bontés ; il étoit allié de Madame la PrinceiTe Palatine, Voila ceux a qui je m'attachai le plus du nombredes douze Confeillers de la Junte. M. leDuc de Veraguas & M. le Comte de Molina étant venus pour diner chezmoi, m'amenerent M. le Duc d'Albe , qui étoit déja vieux, mais de très-bonne humeur. il me di-  72 Mémoires {pit fouvent qu'il n'avoit jamais voulu fe mêler d'afiaires. Je ieur fis fort bonne chere , & ils s'en a,ccommoderent fi bien , qu'ils y venoient fouvent avec leurs an sis, quoique cela fut tout-a-fait contraire a 1'ufage de ce pays-la. Après avoir fait toutes mes vifites d'affaires & de cérémonies, j'appris que 1'argent étoit extremement rare en Efpagne, & que pour foutenir la guerrequ'on avoit commencée contre le Portugal , on avoit fabriqué de la monnoie de cuivre pour fix ou fept millions, qu'on lui avoit donné un prix de quatre ou cinq fois au-deffus de fa valeur , & qu'ainfi on y avoit trouvé un profit de vingt-quatre a vingt-cinq millions ; que les gens de la nation, & des environs, & fur-tout les Hollandois y en avoient apporté une grande quantité, & avoient tiré la plus grande partie de leurs pifioles j enforte que.  . DE M. DE GoURVILLE. 7J' que dans toute FEfpagne on ne voyoit que de cette monnoie , qu'on appelloit des Maravedis, a la re'ferve de la Province de Catalogne qui neleur avoit voulu donner aucun cours. On peut dire que cela avoit jeté FEfpagne dans un très-grand défordre, qu'ils ontréparé peu-a-peu 3 en diminuant le prix de cette monnoie, de telle forte qu'il nJy avoit plus de pront aux Etrangers d'en apporter. ; M'étant informé de quelle maniere s'impofoient les taxes pour le Roi, je trouvai qu'il ne s'y faifoit point d'impofition perfonnelle , mais Feulement fur la confommation de tout ce qui fert a la nourriture fans exception, & fur les entrées de Madrid, oü il n'étoit pas trop malhonnête de faire entTQT Qn fraude, ce qui les diminuoit beaucoup. La marqué du papier qui étoit introduite, pouvoit rapporter deux millions. La Tomé II, jj  74 MÉMOIRES difp-enfe de manger les pieds 6c les têtes des animaux les jours maigres, que les Papes ont accordée auxRois d'Efpagne , au commencement fous prétexte de la guerre qu'ils étoient obligés de foutenir contre les In fidele s , 6c dans la fuite fous celui de la rareté du poiffon , ne valoit pas deux millions; je connoiffois eet impöt par expérience, car je fus obligé en arrivant d'acheter une Bulle pour toutemamaifon, a raifondun écu par tête. On eftimoit alors qu'il ne pouvoit venirdes Indes tous les ans qu'environ foixante millions pour le compte particulier du Pvoi, a caufe des fraudes 8c des malverfations qui fe commettent, quand les galions viennentde ce pays, fur les droits qu'ils doivent payer a Sa Majefté Catholique. II y a une infinité de Particuliefs qui en tirent en droiture pour leur compte , ce qui rend 1'argent un peu plus con> mun»  DE M. DE GoURVILLE. Jf Je neus pas de peine a de'couvrir 1'extrême parefle & en même tems Ja vanité de ces peuples; il y a des ouvriers pour faire des coüteaux , mais il n'y en auroit point pour les aiguifer, fiuneinfinité de Francois, que nous appellonsGagne-petits, ne fe répandoient par towte FEfpagne. II en eit de même des Savetiers & Porteurs d'eau de Madrid. La Guyenne & d'autres Prcn 'inces de France fournilFent un très-grand nombre d'hommes pour couper leur bied & le battre, les Efpagnols appellent ces gens-la Gavaches & les méprifent extrêmement, ils emportent néanmoins Ia meilleure partie de leur argent en France; il eft vrai que fouvent Üsfont volés en chemin, lorfqu'ils s'en retournent, s'ils ne prennent de grandes précautions: cela fit qu'a mon départ d'Efpagne, il y avoit cinquante ou foixante Gagnepetks qui avoient donné a garder. Dij -  7 & que la France s'en empareroit peu-a-peu , de quoi il ne pouvoit difconvenir , paree que dans nos entretiens je lvü donnois a connoitre quelquefois que j'étois un peu inftruit par le détail des revenus de Sa Majefté Catholique &: du défordre de fes fmances, que les dépenfes néceffaires montoient infmiment au-dela de la recette; que les Efpagnols jcurroient, par un échange, avoir  DE M. DE GOURVILLÉ. 8? Ie Roudillon qui donnoit entree dans le Languedoc, au lieu qu'il nous donnoit entrée dans la Catalogne 3 qui étoit fort fufceptible de révolte, & que préfentement le Roi de France mettoit un grand ordre dans fes affaires ; qu'ils avoient beaucoup a craindre de tous cötés, & que fi avec le Rouflillon on leur donnoit une groffe fomme dargent, ils pourroient non feulement rétablir leurs affaires en Efpagne , mais encore s'en fervir pour retirer lea, terres qu'ils avoient engagées au Royaume de Naples pour la moitié de ce qu'elles valoient. II me demanda un jour fx je croyois qu'on voulüt leur donner Bayonne & Perpignan , en diminuant la fomme dont je parlois; mais je lui remontrai que ce feroit leur donner deux entrées en France, qui lui feroient plus nuifibles qu'elle ne retireroit d'avantage par la D vj  84 Mémoires jon£tion des Pays-Bas. II m'ai!é-< guoit fouvent aufli que ce n'étoit que ces Pays-Bas qui les pouvoient tenir en quelque confidération vers i'Empereur, 1'Angleterre 5c la Hollande ; enfin après avoir fouvent rebattu cette mattere , je n'eus pas de peine a convenir avec lui, qu'il étoit impoffible de traiter cette affaire dans une minorité, avec une Junte compofée dedouze perfonnes la plupart défunies enrr'eux. . Au mois de Mars M. PArchevêque de Touloufe, depuis Cardinal deBonzy,arriva a Madrid, en qualité d'Ambalfadeur , il me fut d'un grand fecours & d'un grand agrément par Pamitié qu'il me témoigna d'abord & qu'il me continuadansla fuite ; cela caufa aufii une grande joie a mes camarades, qui commencoientfort as'ennuyer de ia vie de'Madrid; ils trouverent de quoi s'amufer par les bon-  DE M. DE GoURVILLE. 8? hêtetés de M lJAmbaiTadeur 6c de ceux qu'il avoit amenés avec lui; pour moi je fus fi touché de fes bonnes manieres, que je pris la réfolution de ne plus rien faire ou dire, non feulement dans les affaires du Roi, mais encore dans celles de M. le Prince, fans lui en communiquer, ou, pour mieux dire, fans fes ordres. Je lui rendis un compte général de tout ce qui étoit venu a ma connoiffance, 6c par conféquent je lui parlai de la prophétie dont nous nous moquames fort dans ce tems-la, mais par la fuite elle nous caufa bien du mouvement. M. de Saicede que j'avois fort connu a Bruxelles 6c aflez pour ne 1'eftimer guere , s'adonna a venir manger quelquefois chez moi les jours que je ne traitois pas ces Meffieurs; mais il avoit fi fort la mine d'un homme qui étoit gaté s 6c nous lui en fimes tellement la.  §6 Mémoires guerre, qu'il réfolut de fe faire traker,& pria M. Martin, Apothicaire de M. le Prince, que j'avois mené pour mon Médecin , de vouloir lui faire cette opération; celui-ci m'ayant demandé fi je le trouverois bon, je lui dis que oui; mais qu'il n'y avoit pas de mal de le faire cracher un peu plus qua Pordinaire pour me venger du tour qu'il m'avoit fait en Flandre. J'en tirois alfez de lumieres & lui faifois vqlontiers de petits préfents qui ne laiiToient pas de lui faire plaifir. Un jour que quatre ou cinq Grands d'Efpagne devoient diner avec moi , je convins avec M. 1'AmbalTadeur qu'il viendroit u n peu avant qu'on fe mk a table, & que je le prierois,par la permilTion de ces Meffieurs, de vouloir bien diner avec eux fans aucune cérémonie ; cela fe paffa fort bien. Ces Meffieurs qui man-  DE M. DE GOURVILLË. %~f geoient feuls chez eux, & par conféquent tenoient un très-petit ordinaire , comme c'étoit la coutume; prenoient un grand plaifir de diner chez moi, & fur-tout de manger des ragouts & des entremets qu'ils ne connoiffoient prefque point. Ces jours-la j'augmentois men ordinaire & leur donnois de grands patés de perdrix rouges , qui font très-bonnes en ce pays-la mais un peu feches; mes gens me difoient qu'elles étoient a bon marché, paree que 1'opinion générale z Madrid vouloit qu'elles fuiTent mal-faines cette année-la, a caufe qu'elles mangeoient de la langoflie, qui eft une efpece de groffe fauterelle qui vole fouvent en Tair en li grande quantité, quJelies paroiffent comme des nuées & font un très-grand tort dans les endroits oü elles tombent. Ces Mefneurs difoient fouvent qu'ils étoient  88 Mémoires honteux de manger toujours ches moi, 6t qu'ils vouloient me traiter a leur tour , mais qu'ils ne le pouvoient faire fi je ne leur prêtois mes Officiers leur ufage n'étant point de manger les uns chez les autres. Après diné ils prenoient des eaux glacées & paffoient chez moi une grande partie du jour ; je leur donnois queiquefois une petite mufique abon marché de deux voix feulement, dont 1'une étoit celle d'une grande fille bien faite qui chantoit affez bien, & la feule blonde que j'aie jamais vue en Efpagne, avec un homme qui chantoit affez bien, & fe difoit fon oncle. Le jour que devoit arriver 1'accompliiTement de la prophétie approchoit, cela faifoit qu'on en parloit davantage & qu'on y ajoutoit moins de foi; mais tout d'un coup la nouvelle vint que le Roi avoit la fievre double-tierce-  DE M. DE GOURVILLE. 8j> &: qu'on y foupconnoit du pourpre , cela fit une grande rumeur & chacun difoit que la prophétie alloit s'accomplir. Auffi tot il fe fit desaiTemblées desGrands & des plus confidérables, 6c comme je favois qu'ils haïffoient fort la Nation Allemande , }ï leur propofai de faire Roid'Efpagne, M. le Duc d'Anjou qui étoit alors, & qui avec juftice en devoit être héritier; que le faifant venir a Madrid ils 1'éleveroient a leur mode 6c s'affureroient par-la de n'avoir plus de guerre avec la France, ce qui les confommoit de tems en tems, 6c que ce feroit le moyen de fauver les-Pays-Bas. Cela ne fut pas fi-töt propofé qu'il fut accepté , chacun regardant cette affaire comme le falut de fon pays, 6c le tien particulier ; M. Eznard Nugnez fe fignala de fon cóté en cette occaüou ; il étoit fort familier avec  «)o Mémoires ces Meflieurs ; mais par - deffu§ tous, Meflieurs les Ducs d'Albe 6c de Veraguas donnerent le grand branie; je ne manquai pas de rendre compte a M. FAmbafladeur de ces bonnes difpofitions, il me chargea de fuivre cette affaire, 6c le quatrieme jour de la maladie du Roi, qui augmentoit de plus en plus, fortant d'une affemblée de cinq ou fix de ces Seigneurs, qui me portoient parole pour les autres, j'allai trouver M. rAmbaffadeur qui travailloit a fa dépêche pour Fordinaire ; après Favoir entretenu , il ajouta au bas de fa lettre , Gourville vient de m'aflurer que tous les Grands d'Efpagne vouloient reconnoitre M. le Duc d'Anjou pour leur Roi, 6c après avoir un peu détaiilé comment cela s'étoit paffé, il dépêcha fur le champ un Courier a M. de Lyonne. M. le Duc de Veraguas, alors Gouver ■  DE M. DE GoURVlLLE. pi ■ iïeur de Cadix, oü la flotte des Indes venoit d'arriver fort richechement chargée, envoya paf mon avis un Courier en ce port pour s'en affurer, en cas que le Roi vint a mourir. Je vis beaucoup de ces Meflieurs qui fe favoient bon gré d'avoir fi promptement choifï le feul bon parti qu'il y avoit a prendre. L'affaire demeura encore deux jours dans i'incertitude, mais après on commenca a efpérer de la guérifon du Roi, qui donna lieu a M. l'AmbafFadeur de dépêcher un autre Courier , & M. de Lyonne lui manda qu'encore que la chofe n'eüt pas réuf fi , il n'y avoit perfonne & même jufqu'a M. Colbert qui n'eüt fort loué mon zele. Je voyois avec regret fix mois paffes fans être plus avancé dans les affaires de M. ie Prince que le premier jour, ce qui me fit prendre le parti de parler un peu  92 Mémoires librement a la Junte, dont la dl» vifion étoit caufe qu'aucune affaire ne pouvoit réuliir ; je fis femer quelques bruits que j'avois ordre dJaller faire vifite a Dom Juan qui étoit a Saragofle; par d'autres, que je difcourois fort fur le miférable état de 1'Efpagne. La plupart des Grands prenoient ce prétexte-la pour crier contre la Junte, peut-être paree qu'iis n'en étoient pas. Enfin , jappris par M. le Marquis d'Ayetonne & M. de Caftel-Pvodrigue que 1'on commencoit a dire qu'il feroit a propos de me faire fortir de Madrid , & qu'on avoit propofé de me donner quelque chofe fur ia Piotte qui devoit arriver a ia fin du mois de Septembre. II y avoit a Madrid une petite Marchande Francoife qui avoit bien de 1'efprit, elie vendoit toutes fortes de marchandifes venant de Paris, ce qui étoit fort au gré  DE M. DE GOURVILLE. Pf? des Dames Efpagnoies;il me vine en penfée de la charger de dire a la femme d'un Miniftre , que fi elle pouvoit apprendre quelque chofe de particulier fur ce qui fe palfoit touchant les affaires de M. le Prince pour me le faire favoir, elle lui feroit volontiers des préfents de tout ce qu'elle eftimeroit le plus de fa boutique, & que ce feroit même fervir 1'Efpagne , que de contribuer a faire faire quelque iuftice a M. le I Prince, qui Pavoit fi bien fervi. .Le Miniftre étoit vieux & la femme qui étoit jeune paroiiïqit d'affez bonne volonté peur vouloir rendre fervice a M. le Prince ; elle recut quelques petits préfents de ma part qui lui firent plaifir. Je la fis inftruire par la petite Marchande, qu'il falloit quelque* fois, quand je la ferois avertir, & que le bonhomme lui voudroit parler} faire la rêveufe 6c  94 M É M OIRES le prier de lui apprendre quelque chofe des affaires de M. le Prince de Condé, paree qu'elle entendoit dire tous les jours a des dames de fa connoiffance qu'il avoit parfaitement bien fervi le Roi; & qu'après qu'il lui auroit répondu fur cela, elle parut avoir une converfation plus enjouée avec le vieillard. J'appris bientót que Pon parloit de me donner quelque chofe; & comme je rendois compte de tout ce que je faifois a M. 1'Ambaffadeur , il me dit que la voie que j'avois prife étoit très-bonne, öc qu'après que j'aurois fini mes affaires , il pourroit bien fe fervir de cette ouverture dans quelque occafion pour celles dont il étoit chargé. Je paffois mon tems avec M. 1'Ambaffadeur, mes camarades 6f fes domeftiques dans les promenades ordinaires, & fouvent après fouper nous montions a cheval  DE M. ÖE G0US.VILLE. pf pour aller dans les champs y goüter le bon air que nous fentions d'une fraicheura faire plaifir. Je m'étois avifé d^acheter quatre chevaux ifabelle affez forts pour etre mis au carroffe, cependant un peu vieux & dociles 3 dont le plus cher ne me coütoit que cent écus; j'étois le feul particulier a Madrid qui eut des chevauxa fon carroffe, le Roi n'en ayant qu'un feul attelage. Aufïi-tót M. le Comte Eznard Nugnez en fit acheter quatre a fon oncle ; mais comme on les avoit choifis plus jeunes,on avoit beaucoup de peine a s'en fervir, paree que les chevaux de devant, qui font fortioin de ceux de derrière 3 e'entrelacoient dans des cordes qui les tiennent 3 c'eft la maniere du pays; aufïï ne va-t-on jamais que le pas ,1e cojher eft fur ie cheval de derrière 3 comme Ton voit ici a. nos coches. Les carroffes du Roi étoient encore confouits de la  $6 M H M O I R E S même facon ; il y avoit cependant quelques earrolTes a Madrid appartenants a des Gouverneurs de Provinces qui en avoient amené en revenant, mais en petit nombre; j'ai ouidiredansles derniers tems, qu'il y avoit plus de chevaux a Madrid que de mules. Nous allions donc fouvent aux promenades publiques, qui fe font tantót d'un cótéjtantöt dJun autre : pour cela les jours & le tems font marqués. L'ufage eft que quand on fe trouve vis-a-vis d'un carroffe oü il n'y a que des femmes,Ufaut leur dire quelque chofe , & ce langage eft ordinairement gaillard & un peu plus qu'a doublé entente. Elles répondent avec beaucoup de vivacité,mais quand ily a un honime avec des femmes que vous n'aviez pas apperc-u, elles vous difent de vous taire, paree qu'elles font accompagnées, & en ce cas on fe tait dans le moment. Pendant la canicule  DE M. DE GOURVILLE. p7 fcanicule les promenades fe font toutes dans la riviere,dontle lit eft fort large; il y a au plus un pied & demi ou deuxpiedsd'eau,celan empêche pas qu'il n'y aitun pont d'une extréme longueur & très-beau, pour pafler quand il y a beaucoup d'eau; ce qui arrivé quelquefois, paree que c'eft la décharge d'un torrent: cette riviere s'appelle le Mancanarez. II y a beaucoup de maifons de jeu ou Ton va affez; les fpe&ateurs fe croient obligés d'empêcher qu'on ne fe trompe, & fans qu'on le leur demande , ils difent tout ce dont ils s'appercoivent, Tout cela fe fait, fans qu® dans les aflemblées il y ait jamais aucune femme; on compte toujours qu'on y joue un gros jeu, mais je ne 1'ai jamais vu une feule fois, auffi n'y ai-je guere été, paree que nous jouions toujours chez M. 1'Ambaffadeur, & queU quefbis chez moi. Tome II% E  pg MÉMOI R-E S Je ne laiffai pas pendant tout ce tems-la de faire tout ce que je pouvois m'imaginer pour 1'avancement de mes affaires. Soit chagrin, foitpolitique, je m'émancipois un peu fur le gouvernement; & loit mes importunités ou mes ménagements,j'appris de M. le Marquis d'Ayetonne que Ion étoit réfolu de mettre une fin a mes affaires & qu'il efpéroit que ce feroit bientót. II y avoit un nombre de ceux de la Junte qui étoient toujoursdefonavis,dautresétoient de celui de M. le Comte de Pignc randa,Ce de ceux-ri étoit le boji Cardinal d'Aragon. M. de CaftelRodrigue fut toujours avec les meilieures intentions du monde pour fervir M. le Prince. II étoit de ceux qui fe rangeoient avec M. le Marquis d'Ayetonne , qui n'oublioit rien pour faire réuilir mes affaires;mais, par malheur, ce dernier tomba maiade vers la  * . D/M.DEGoURVILLE. 99 J?» de Jujllet,&mourutlefix ou leotieme jour, ce qui me fêcha extrèmement5maisnonpaS jufqu'^ me feire perdre courage. En écrivant cette mort a M. Je Prince, je 1*h mandai que je remettois, quand jaurois Ihonneur de le voir a lui conter le chagrin qu'elle n-voitcaufó; mais que, bien !omdemerebuter,j'allois renouveiier mon attention pour voir queiJes ^ouveJJes batteries ie pourrois drefler. J'appris, par ma petite Marchande, que Je mari de la dame avec qU1 eile avok commerce ! £.olt b,en difoofó, mais que M. dé if^ranaal étoit mal. J'en parlai a M. le Cardinal d'Aragon, qui ! avoit la meilleure volonté du «jonde, mais qui m'avoua franjehement que,neie trouvantpas aüez de lumierespour déterminer tpar lui-meme , il fuivoit toujours |iavisdeM. le Comte de PigneE ij 5  .Tpo Mémoires randa qu'il croyoit avoir plus da lumieres & de qonnoiffances que pas un des autres, êc qu'ainfi-, par un fcrupule, il étoit toujours de fon avis. Dans une converfatioa que j'eus avec ce Cardinal, je lui repréfentai qu'au commencement il m avoit paru plus perfuadé que pas un des autres MelTieurs de ce Confeil, des grands fervices que M lePrince avoit rendus a la Uouronne d'Efpagne. II me dit qud fe pouvoit bien faire que les foms que j'avois pris de ménager Meffieurs les Marquis d'Ayetonne & de Caftel-Rodrigue avoient un peu éloigné M. de Pigneranda qui eut peut-être été bien-aife qu'on lui eüt plus dobligation quaux autres. Je lui répondis» après avoir loué fes bonnesin* tentions, qu'il ne s'agiffoit dans 1'affaire dont j'étois chargé a que de faire juftice a quelqu'une ces jarties, comme cela pouvrnt  DE M. DE GOURVILLË. ióï ie jencontrer quelquefois ; mais qu'il favoit ceftainement, par ce que lui en avoit dit M. de Caraeenne fon beau-frere, combien M. le Prince avoit fervi & gardé religieufement les engagenaents qu'il avoit pris avec Sa Majefié Catholique ; qu'il nJétoit quefdon que d'entrer en accommodement fur de groifes fommes légitimement dues,"& même fixées par un compte général. II en de* meura daccord avec moi, mais il m'oppofa auffi-tót la difficulté de 1'argent comptant; que cependant il parleroit de fon ffiieux a M. de Pigneranda, étant perfuadé qu'il y avoit raifon de faire juf* tice a M. le Prince autant qu'on le pouvoit. Je m'avifai, pour ramener M. le Comte de Pigneranda, de prier M. de Caflel-Rodrigue , a qui j'avois confié ce que j'avois fu de M. le Cardinal d'Aragon, de E iij  ïioa M i m o i■ r e s marquer quelque indifférence fur les affaires de M. le Prince, & de fe contenter de fuivre les mouvements de M. de Pigneranda , pour peu qu'il parut de meiiieure volonté qu'il n'avoit été jufques-la; qu'au refie j'aurois foin d'informer Son Alteffe que ce feroit a M. de Caftel - Rodrigue a qui elle auroit la principale obligation. II m'affura fort, après avoir approuvé Ie tour que je voulois donner a mon affaire , qu'il feroit tout fon poiTible pour faire croire a M. de Pigneranda , que depuis la mort deM. d'Ayetonne,il ne paroiffoit plus fi favorable a M. le Prince, m'ajoutant qu'il feroit charmé que jepulfe être content de quelque maniere que les chofes tournaffent, &qu'ilcroyoit que monprojet étoit bon; que quand M. de Pigneranda paroitroit être favorable , il fe contenteroit de fuivre les avis de ceux qui étoient de fa cabale t  DE M. DE GoURVlLLE. 10? | éutant par fon filence que par | fes difcours. Je tournai donc mes penfées du cóté de M. le Comte I de Pigneranda. Je commencai par dire a Mi le Cardinal d'Araeon o que la mort de M. le Marquis d'Ayetonne mJavoit fi. fort déforienté, que je ne favois plus de ) quel cöté me tourner ; que lorfque j'arrivai a Madrid il m'avoit paru mieux perfuadé que perj f'onne des importants fervices que M. le Prince avoit rendus a Sa Majefté Catholique; cependant qu'étant queftion préfentement de lui donner quelque fatisfaclion fur des fommes confidérables fi légitimement dues & convenues, | je voyois bien qu'il n'y avoit que | M. de Pigneranda capable de teri miner ce qu'il y auroit a faire I pour rendre juflicea M. le Prince; J que ce qui ne fe pourroit faire I en argent pouvoit s'arranger par 1 d'autres moyens en le fatisfaifant E iv  J 04. MÉMOIRES du cóté de la Flandre, foit par cuelques terres ou des bois, dont FEfpagne ne tiroit aucun fecours. Pendant tout ce difcours M. le Cardinal paroiifoit fi perfuadé de mes raifons , qu'il me promit de n'oublier rien pour tacher de porter M. de Pigneranda a entrer dans les moyens qu'on pourroit trouver pour me fatisfaire ; & m'ayant demandé deux ou trois jours pour me faire favoir la difpofition oü il auroit trouvé M. de Pigneranda, j'appris qu'il -avoit paru touché de ce qu'il lui avoit dit, & qu'il étoit perfuadé qu'il feroit d'avis quJon entrat tout-afait en conférence avec moi pour. entendre mes propofitions & examiner ce qu'il y auroit a faire. Auifi-tót je fus voir M. de Pigneranda, je n'oubliai rien pour lui faire connoitre que j'attendois tout de fes fuffrages, & que M. le Prince lui feroit obligé de la juf-  öéM. deGoürvillê. 10; tice qu'on voudroit lui faire. II me dit qu'il falloit que je continuatie a faire mes diligences & fur-tout auprès de M. le Marquis de Fuente, qui avoit été nommé pour mon CommiiTaire; que je pouyois affurer M. le Prince qu'il feroit ce qui dépendrok de lui pour fa fatisfaaion. Sur cela j'entrai en quelque efpérance , fachant bien que M. le Marquis de Caftel-Rodrigue & fes amis ne me manqueroient pas au befoin; J appns bientót par lui que M. de Pigneranda paroilToit mieux diA pofé qu'auparavant & que quand il feroit embarqué a bien faire M. de Caftel-Rodrigue & deui ou trois de fes amis luivroient fe3 mouvements, fans faire paroitre cependant trop d'empreiTement. Je nai point encore parlé de Dom Fernandez del Campo qui étoit le Secretaire qu'ils app-llent Univerfel, qui feul è. genoux E y  nóS Mémoires dépêche tout èe que Sa Matefté dok figrver, & nelaiffe pas d'avok fa confidération dans la Junte, Encore que je 1'euffe vu fort fouvent, c avoit été fans avoir pu pénétrer en aucune facon fes fentiments. C'étoit un petk vieillard qui avoit beaucoup d'efprk & favoit bien par Ier fans découvrif fes intentions. II m'avoit entretenu des fervices de M.. le Prince , mais il ajoutok auffi qu on avoit b,efoin d'argent pour des afeires très-preffées & d'une grande conféquence. Je redoublai mes follicitatkms ert général, & je fis uoa mémoire de, ce que je pourrois demander ? efpérant a la fin qu oa en viendrok a éeouter mes pro> pofitions. Peu de jours après j. appris de la petdte marchande qu on devoit me demander ua mémoire , 6x ayant été voir M. le Marquis de Fuente , il me dk de. lui en  DE M. DE GOURVILLÉ. ÏO7 remettre ua de mes prétentions; mais qu'il doutoit fort qu'on put me donner de 1'argent fur la flotte qu'on attendoit, paree que tout ce qui en devoit revenir étoit confommé par avance : je lui dis que j'en favois affez pour ofer me flatter qu'il ne tiendroit qua ces Meflieurs de la Junte de m'en faire toucher une partie , en 1'aflignant a ceux pour qui elle étoit deftinée, fur la petite flotte qu'on difoit venir au mois d'Avril. Je donnai donc un mémoire dans lequel je commeneai a établir la dette qui montoit environ a fix millions; je demandois cinquante mille piftoles comptant, le Charolois pour cinquante mille écus, quatre cents cinquante mille livres de hors a prendre en la forêt de Nieppes, la Prévóté de Binche fur le pied du denier trente de ce qu'elle valoit de revenu, &le furplus payable dans E vj  i 08 Mémoires . quatre années a foit en argent, •terres ou en bois aux Pays-Bas. Lorfque M. le Marquis _ de Fuente eut vu mon mémoire y il Te récria fort fur la grandeur de mes prétentions, mais il ne laifla pas •de s'en charger , me répétant • encore qu'on auroit de la peine a me donner de 1'argent; & moi je lui dis que je ne pouvois me réfoudre a m'en retourner fi je n'avois pas une fomme confidérable. Quelques jours après je recommencai mes foliicitations} & je trouvai un autre air dans les vifages que je n'y avois pas encore vu; il n'y eut pas jufqu'a Dom Pe. dro Fernandez del Campo qui me dit qu'on feroit en forte de me donner un miliion a prendre fur les Pays-Bas, en terres ou en bois^ainfï que j'en conviendrois avec M. le . Comte de Monterey, qui en étoit pour lors Gouverneur ; mais que  DE M. DE GOURVILLÊ. iop pour de 1'argent, il étoit impoffible de m'en donner; je lui répondis que fi cela étoit ainfi , je ne pouvois me contenter du refte. Je crus donc après que ces autres Meflieurs m'eurent confirrné la même chofe, devoir bien remercier M. le Comte de Pigneranda , en lui remontrant que ce que 1'on m'offroit étoit peu a 1'égard de la dette, & que comme je le croyois auteur du changequi étoit arrivé, je lefuppliois d'y ajouter, pour donner quelque fatisfaaion aM. lePrinccjquonmedonnat au moins cinquante mille piftoles; il me dit qu'il ne croyoit pas que cela fe put faire, mais que pour ce qui regardoit 1'argent comptant, je ne devois en efpérer que de la facilité que je pourrois trouver avec Dom Martin de Los-Rios, Premier Préfident des Finances; M. le Marquis de Caftel ■• Rcdrigue me confeilla de  ï i o Memoires porter toutes mes vues de ce coté*-* la, m'affurant que i'amitié que j'avois faite avec M. le Comte Eznard Nognez fon neveu , ne m'y feroit pas inutile. En effet par ce chemin je trouvai le moyen d'avoir trente mille piftoles d'argent comptant; M l'AmbalTadeur me dit qu'il falloit sJen contenter. Je ne parlai plus que d'une prompte expédition êc ne fongesi qu'a convenir de ce qu'on vouloit me donner en Flandre. II fut arrêté qu'on donneroit a M le Prince le Comté de CharoMs pour cinq cents mille livres & deux cents cinquante mille livres fur les bois de Nieppes; qu'on lui donneroit la Prévóté de Binche , dont on feroit 1'évaluation fur le pied du revenu au denier trente; que pour eet effet on enverroit des ordres a M. le Comte de Monterey. Ayant paru content, eela m'attira beaucoup devifkes,&? fi  DS M DE GoURVILtË, I ï { f ofe dire , des amitiés de tous ceux avec qui j'avois eu i'honneur de faire connoiiTance ; mais plufieurs doutoient encore qu'on: put me donner de 1'argent. Lorfque j'eus commencé d'en toucher, ne doutant plus qu'on ne me fatisfit entiérement, je fongeai a faire mes adieux & mes remerdements a tous ces Meflieurs de la Junte, Pendant ce tems4a j'achevai de reeevoir mes trente mille piftoles 3 ce qui donna une grande joie a mes camarades qui avoient cru ne pouvoir jamais forti r de Madrid. Lafeule peine qui me reftoit, étoit de qoitter M. PAmbafladeur de qui j'avois reeutant de marqués d'amitié & de bons confeils dans mes aflaires. II avoit autant d'efprit & aufli fouple qu'on en peut avoir, agréable dans le coramerce, & fort lihéral. II n'avoit jamais de volonté que de pénétrer  ïia Mémoires celle des autres pour s'y accom* moder. Je donnai le carroffe que j'avois amené de Paris a un ami de M. le Duc de Veraguas , & une belle montre d'or a celui que la Reine avoit chargé de m'amener un très-beau cheval de fa part. Je me mis en chemin avec M. le Marquis d'Eftxées , qui étoit venu de la part du Roi faire compliment a Sa Majefté Catholique , dans un carroffe que nous prêta M. PAmbaffadeur; nous primes la route dePampelune, ayant préféré de prendre notre chemin de ce cöté , dans fintention den reconnoitre le terrein & le pays, qui me parut plus beau que la route de Vi&oria, & les cabarets un peu mieux fournis; mais on ne fauroit exprimer combien les chemins font mauvais & affreux pour venir de Pampelune a Bayonne, oü je trouvai une chaife  DÉ M. DE GoURVlLLE. 11 5 roulante , qui me mena jufqua Paris. Quelque tems après mon retour, M. de Louvois ni'ayant témóigné qu'il feroit bien-alfe que je lui filfe part de mes penfées fur le Royaume d'Efpagne, je lui racontai que j'étois revenu de Madrid par la Navarre, avee intention de connoitre le pays de cóté-la, & que depuis Madrid jufqua Pampelune il n'y avoit aucune Ville fermée , ni aucune riviere a palier jufqua ceile d'E'bre ; que le pays qui étoit entre cette riviere & Pampelune, étant denviron quinze ou feize lieues; les .Villages font aufli prés les uns des autres , qu'ils peuvent être aux environs de Paris , êt la terre fort fertile; que Pampelune ne valoit rien du tout; que la citadelle qu'on y avoit fake & la feule forterelTe que j'euffe trouvée, étoit batie fur le modele de celle  114 Mémoires d'Anvers; & que de Pampelune d Saint-jean - Pied - de -Port il y avoit encore deux lieues de plaine; quê hors cela c'étoient des montagnes & des chemins fort difficiles. II m'afïura depuis qu'on y avoit travailié & qu'on les avoit ren dus affez praticables. Quand on fut dans 1® fort de la guerre je propofai a M. de Louvois , comme le plus fnr moyen de faire la paix, que le Roi donnat a M. le Prince une armée de dix^huit mille hommes de pied & fix mille chevaux, pour ailer faire le fiege de Pampelune; qu'auffi-tót que cette Ville feroit prife & qu'on fe feroit pofté dans' Calahorra, qüi étoit une Ville fans fortifications , on fe trouveroit dans le cceur de 1'Efpagne & en état d'en pouvoir faire contribuer une bönne partie; & qu'avec trois ou quatre mille chevaux on pourroit aller jufqua Madridj n'y  DE M. DE GOURVILLE. I 1 ? ayant pour lors dans toute 1'Efpagne que deux ou trois mille hommes fur pied, encore étoientiis dans la Catalogne : mais que fi on pouvoit obiiger le Roi de Portugal a faire la moindre démonflration de guerre fur fes frontieres, les Efpagnols feroienc obligés d'y envoyer le peu de troupes qu'ils avoient; & qu 'ainfl il nJy en auroit point pour s'oppofer a M. le Prince, puifqu'ils fe trouveroient a cent cinquante lieues des entreprifss qu'il pourroit faire. Après l'avoir examiné fur une carré, ii ne me propofa aucune difficulté, me louant même de ce que dans tous les endroits que j'avois parcourus , j'y avois porté une grande curiofité de m'inftruire ; mais après cela il ïaifla tomber la propofition & me paria d'autre chofe. Je n'ai jamais pu pénétrer ce qui 1'avoit empêché d'y entrer, qucique je  ï 16 MÉMOIRES m'appercuffe qu'elie lui avoit paru fort jufte. je foupconnai que '1 peut - être n'étoït - il pas bien- I aife que la paix fe fit par les progrès que M. le Prince pourroit faire en Efpagne. M. le Prince & M, le Duc me recurent, a mon retour d Efpagne , avec beaucoup de témoi- 1 gnages de bonté & de fatisfac- j tion, de la conduite & du bon fuceès que j'avois eu dans leurs affaires, qui étoit beaucoup audela de leurs efpérances. Ils fou- | haiterent que j'ailaffe a Bruxelles, pour voir ce que je pourrois faire avec M. de Monterey qui en étoit Gouverneur , & qui m'avoit témoigné une amitié toute particuliere dans le tems que j'étois en ce pays-la, M. de Lyonne fut fort aife de me voir & de me faire difcourir fur les af- j faires d'Efpagne , fur tout ce que j'avois voulu faire pour M. le Duc  I ( DE M. DE GoURVIILE. 117 d'Anjou , en cas que le Roi d'E'f* j pagne fut mort, & fur la bonne i jnteiiigenee que j'avois gardée avec M. 1'Ambaffadeur du RoU 1 M. le Tellier m'en paria auffi , > louant fort nnn ze.le, M. Col* : bert, après m'avoir retenu plus | d'une heure & demie, me témoiI gnapareillementêtre bien content de ma conduite a Madrid ; il li me fit plus de queftions que tous Jes autres enfembie : ils conve:! noient n'avoir connu FEfpagne ; que par la relation que je leur I en faifois. AufTi avois-je pris grand ', foin de leur faire voir ce pays la i fans aucunes reffources pour les |f* j; faires générales, & que je n'avois ji connu fur les ïieux perfonne ca< pable de travaiiier a les rétaI bbr ? encore moins la Junte, en I général plus propre par fa di- vifion a gater les affaires qua leg i faCcommoder. Après m'êtreun peu fait reni  ■ï 18 Mémoires dre compte de la recette & de la dépenfe qui avoient été faites par les Tréforiersde M. le Prince, je me difpofai pour aller a Bruxelles , oü je trouvai M. le Comte -de Monterey rempli d'honnêtetés a mon égard, mais peu difpofé a vouloir exécuter ce qu'on m'avoit promis a Madrid. II me dit qu'on lui avoit mandé de ce paysla de ne rien ftatuer fans nouveaux ordres , fur - tout depuis qu'on avoit appris que le Roi étoit armé & avoit commencé une affaire pour le fiege de Marfal; que 1'ori parloit fort de 1'ambition de Sa Majefté & du defir qu'elle avoit de fe fignaler. Dans la converfation il m'avoua qu'on lui avoit écrit qu'on avoit eu beaucoup plus de facilité a me promettre ce que j'avois pu fouhaiter,dans le deffein de me faire fortir de Madrid , que dans celui d'exécuter les promeffes qu'on m'avoit faites : néanmoins fi  DE M. DE GOURVILLE. I ip on voyoit que ie Roi neut pas envie de faire la guerre,qu'il écriroit voiontiers a Madrid , dans 1'intention de faire plaifir a M. le Prince» qu a 1'égard du Charolois il pourroit bien faire ce qu'on defirois la-defïus, Etant de retour a Paris je donnai toute mon application h pénétrer le fond des affaires de M. le Prince ; je me donnai beaucoup de peine pour en dreffer les mémoires ; enfin je trouvai que M. le Prince les croyoit en fi méchant état, qu'il n'avoit pas jugé a propos d'employer 1'argent qui étoit venu a Madame la Ducheffe par la fucceffion de la Reine de Pologne, au palement des dettes de^ fa Maifon , en préférant 1'acquifition de Senonches, qu'il avoit porté beaucoup au-deffus de fa valeur. Madame' la Princefte Palatine me dit qu'elle avoit sufli préféré de faire des acquifitions qui  120 MÉMOIRES lui étoient a charge, n'ayant point cru non plus qu'il y eut eu de füreté apayer les dettes de M. le Prince. Elle avoit acheté Raincy cinq cents cinquante mille livres, dont le revenu a peine fuffifoit pour les charges 6c entretiens. II a été vendu, après fa mort, cent foixante mille livres feulement, Sc quarante mille livres de pot-de-yin, qui étoit beaucoup plus qu'il ne valoit ; mais depuis ils reconnurent qu'ils avoient été mal confeillés de faire cette acquifition. II eft vrai que 1'état des dettes , comme elles ■paroiüoient alors, moötoient a plus de huk millions; it étoit du a une partie des domeftiques de M. le Prince cinq & fix années de gages , le furplus ayant été touché par les remifes qu'ils faifoient, & M. de Cinq-Mars, premier Gentilhomme de Son Alteffe, qui étoit la plus groffe partie, n'ayant jamais voulu re* .mettr^  DE M. DE GoURVILLE. I2I1 mettre aucune chofe, avoit été ueuf ans fans rien recevoir. M. le Prince étoit accablé d'un grand nombre de créanciers , qui fe trouvoieht fouvent dans fon antichambre quand il vouloit fortir. Ordinairement il s'appuyoit fur deux perfonnes „ ne pouvant marcher, & palfant aufiï vite qu'il lui étoit poffible, il leur difoit qu'il donneroit ordre qu'on les fatisfit. II m'a fait 1'honneur de me dire depuis que c'avoit été -une des chofes du monde qui lui avoit fait plus de plaifir, lorfqu'ü s'appercut quelque tems après que je nis en poflelfion de fes affaires, qu'il ne voyoit plus de créanciers. . Je me propofai de traiter avec tous les Marchands , qui la plupart étant las de ne rien toucher , quoiqu'ils euffent fait des faifies j entrerent volontiers avec moi en compofition eö leur donTome II. F.  122 Mé moirés nant un peu dargent comptant » & convenant avec eux de termes pour leur payer le furplus, nous faifions un écrit par lequel je confentois que, faute de palement, quinze jours après les termes , ils pourroient faifir de nouveau. Je leur donnois des affignations en leur difant de venir a moi a chaque échéance,& que je les feroia paver par le Tréforier de Son Alteffe. Les Fermiers de 1'Etang de Montmorency devoient i jooqo 1, pour trois années qu'ils n'avoient Fu payer a caufe des faifies, je priai M. Raviere, Avcoat de Son AlteiTe, qui étoit très-riche, de vouloir être caution pout payer dans trois mois cette fomme fut 1'indemnité que je lui donnai 9 moyennant quoi j'eus les mamslevées & fis toucher cette fomme au Tréforier de M. le Prince } les faifies faites fur eet article étoient au norabre de foixanteJèize?  DE M. DE GOURVILLE. 12 J Le premier terme de ceux avec qui j'avois commencé k traiter i étant échu , je les fis payer précifément k 1'échéance, ce qui me donna beaucoup de crédit 6c d aifance avec les autres ; ainfi j'eus ! bientót dégagé les Terres de Chantilly , de Dam martin 6c de : Montmorency, fur lefquelles il y Ij avoit auffi des faifies pour des j fommes immenfes, k caufe de la projiimité de Paris. | Le mois d'Avrii étant venu, ÖC I le Roi devant aller fur les fronrieres, promit a M. le Prince dn venir coueher a Chantilly , & dj venir féjourner un jour, Je n'ayois point fongé jufques-la qu'il étoit nécefTaire de prendre jdes Lettres d'abolition s mais fles ayant fait dreffer je les obtina jjaufli-tót, 6c ayant feulement vu M. le Premier Prëfident de Lamoignon 6c M. de Barlay Procu-* F ij  124 MÉMOIRES reur-Général , je m'en allai a Chantilly. M. le Prince me préfenta a Sa Majefté, 6c fix jours après j'eus nouvelle que mes lettres avoient été vérinées au Parlement, fans que je me fuffe préfenté, ni que le Parlement eut fait aucune cérémonie a mon égard , & 1 on difoit qu'il n'y avoit point d exemple de pareille chofe. M. le Duc, qui avoit plus defpnt & plus d'imagination que perfonne au monde, avoit ordonné 6c en même tems m'avoit charge ae 1'exécution de ce qu'il y avoit l faire a Chantilly , ou le Roi & toute la Cour devoient être nourris 6c tous les équipage* défrayés; pour cela. j avois envoyé des gens dans differents VillaJes circonvoifins, avec des provifions pour les hommes & pour les chevaux, de forte qu a mefure qu'ils arrivoient a Chantilly on leur donnoit un billet pour ie  DE M. DE GOURVILLÉ. i 2? Village oü ils devoient être logés; on avoit fait mettre quantité de tentes fur la peioufe de Chantilly, oü on fervit toutes les tables qui avoient accoutumé de fe fervir chez le Roi, & dans d'autres endroits , & encore plüfieurs tables que Ton faifoit fervir a mefure qu'il y avoit des gens pour les remplir, y ayant du monde defiiné dans chaque tente pour y porter les viandes & y donner a boire ; la plupart e'toient des Suiffes qu'on avoit demandés pour cela. Vatel qui étoit Controleur chez M. le Prince , homme très-expérimenté, qui devoit avoir la principale application a ces fortes de chofes-la , voyant le lendemain a la pointe du jour, qui étoit un jour maigre, que la marée n'arrivoit point, comme il fe Pétoit imaginé, s'en alla dans fa chambre , ferma fa porte par F iij  \iS Mémoires derrière, y mk fon épée contra la muraille & fe tua tout roide. Jk prts qu'on eut enfoncé la porte, on me vint avertir dans la Canardiere oü je dormois fur la paille , de ce qui venoit d'arriver; la première chofe que je dis , fut qu'on le mk fur une charette & qu'on le menat a la ParohTe , a une demi - lieue de la , pour le faire enterrer ; je trouvai que la marée commeucoit a arriver; M. le Duc ayant fait venir des Officiers qui fuivoient le Roi au voyage , je priai ces Melheurs de vouloir bien faire la diftribution , non feulement de ce qu'il falloit pour la table du Roi, mais encore pour toutes les autres& j'eus foin d'envoyer dans les Villages pour les gens des équipages. M. le Duc s'étant levé sulTi-töt qu'on lui eut appris que Vatel étoit mort, donna de li bons ordres par-tout, que 1'on  DE M. DE GoURVlLLÈ. I27 ne s appercut pas que eet hommè 1 eüt été chargé de rien. On avoit ! fait venir de Paris tout ce qu'ii y avoit de Mufique, de Violons 1 & de joueurs d'Inftruments , les '■ carroffes qui les avoient amenés 1 de Paris leur fervoient pour aller 1 dans les endroits oü étoient leurs I logements & oü iis étoient fort i biens fervis; la Cour y fit quatre repas & s'en alla le Samedi coucher a Compiegne. Toute cette I dépenfe ayant été arrêtée par : ordre, fe trouva monter h cent 1 quatre-vingt & tant de mille livres. Le Roi s'en alla enfuite a Dunke rque, qu'il faifoit fortifier avec : toute la diligence poffible , ce ".} qui donna iieu d'appeller ce J voyage, la campagne des Pirouettes ; le Roi y fit aflez de féjour. ,i Ce fut Pa que I'on commenca a 1 fe difpofer pour Ia guerre d'Holiande. On y fit venir M. de CroifI fy, qui étoit Arabalïadeur a LonF iv  128 Mémoires dres, & M. de Pomponne qui Fétoit a la Haye. M. de Louvois eommenca la a vouloir dire fon avis. fur les affaires étrangeres; cela donna lieu a M. de Lyonne de demander par ordre du Roi a MM. de Croifly & de Pomponne des Mémoires, il me fk 1'honneur de m'en demander un aufli,pour favoir particuliérement, s'il étoit a propos de faire alliance avec quelques Princes étrangers pour avoir de leurs Troupes, ou li Pon prendroit fes mefures pour n'avoir que des Suiffes avec ce que 1'on pourroit lever de Franeois , comme le propofoit M. de Louvois. II fut bien queftion de ce que je prétendois avoir découvert, que toute la Cavalerie d'FIoliande n'étoit compofée que de Bourgeois de chaque Ville , qui achetoient les places quand les Officiers avoient permiflion de changer de garnifon 3  t>Ê M. DE GOURVILLË. i2p & de la maniere que les Officiers d'Infanterie étoient établis par faveur, comme je l'ai dit ailleurs» M. Colbert n'écoit point encore a Dunkerque , paree qu'il avoit fait quelque voyage du cóté de la Rochelle, & qu'il étoit tombé malade pat les chemins; k fon arrivée M. Roze qui m'avoit vu dans quelque mouvement & entendu dire du bien de moi a M. de Lyonne , avec qui il étoit familier , fe propofa, pour me faire tout le mal, qu'il pourroit, de dire a M.- Colbert que fur le bruit de fa 'maladie ón avoit fongé a me faire avoir fa place, & que M. le Tellier &c M. de Louvois y feroient entrés s'il en avoit été befoïn; il dit en même tems a M. de Louvois que M. le Marquis de Sillery & moi faifions une liaifon é^roite de M. le Prince & de M. de Turenne , pour qu'ils fulfent d'un même avis F v  13© Mémoires dans les Confeils oü il fe paflok des affaires de la guerre, ee que M. de Louvois aurok fort craint. Cette méchante volonté de M. Roze contre moi, venoit de ce que M. le Prince voulant faire des routes dans. la forêt de Chantilly, il étoit néceffaire detraverfer un pet.it bois., fnué au bout de la forêt, lequei appartenoit a M. Roze, & faifok partie de fa Terre de Coys, qui étoit fkuée au bout de la forêt ï je fus chargé de 1'engager a vend.fe k M. le Prince Pefpace que tiendroit cette route dans fes bois 6c de lui payer deux fois plus qu'ü ne feroit etimé. II me pria de me fervir de Penvie que M. le Prince avoit de faire cette route dans fes bois pour lui faire ,achem fa Terre, qui d'aüleurs étoit encore a fa bienféance , difok-il » mais il ia vouloit rendflre deux fois plus qu die lui avoit eoivté ft  DE M. DE GoURVILLE. I3I dlfant que Son Alteffe ne pouvoir trop 1'acheter, tant elle lui convenoit 6c lui étoit nécelFaire. M. le Prince voulant faire fa route & ne pas acheter fa Terre li cher, me permit de lui propofer trois fois la vaieur de la Terre qu'on emploieroit pour la route, ou le doublé de ce que valoit fon petit bois} après 1'avoir fait eftimer : mais comme tout cela ne venoit pas a la fin qu'il s'éfoit propofée, il refufa toutes lesoffres, en difant qu'il favoit bien Ie refpe£t qu'il devoit a M. le Prince, mais qu'en France chacun étoit maitre de fon bien, pour en dit pofêr a fa fantai.faey M. Ie Prince s'étoit contenté de faire fuivre fè route jufqna'anx" deux bouts du bois de M. Roze,, voyant qull ne poTprroit convenir de rien avec iiai r il osdonrra que Pon continuat la route au travers des bois de M. Roze 3 dont il fut au défefF vj  132 Mémoires poir. II paria même de M. Ie Prince beaucoup plus libremertt .qu'il n'auroit du; cela fit un déxnëlê qui a duré plus de trente ans jufqua fa mort, que M. le Prince a acheté cette Terre de fes héritiers, de gré a gré , pour fa jufte valeur. Pendant un affez long tems cela donna lieu a des plaifanteries fur le compte de M. Roze, qui le fachoient fort. Un jour que les Gardes de M. le Prince avoient pris a un homme de M. Roze des faifans qu'il lui apportoit de fa Terre , ce qui arrivoit affez fouvent, M. de Louvois Payant fu, lui dit a la première vue , M. Roze , eft-ii vrai que le convoi de Coys a éte battu ? Celui-ci fe mit dans une . grande colere & fe plaignit fort du peu de juftice que le Roi lui faifoit fur tout ce qui fe pafibit entre M. le Prince 6c lui. II avoit tourné toute fa fureu  DE M. DE GoURVÏLLE. 1 3 f contre moi & n'avoit pas mal pris fon tems pour fe venger. Bientöt après M. de Louvois voulut bien me mettre dans fa confidence , & , fi je Fofe dire, dans fon amitié autant qu'il en étoit capable, ce qui alla même plus loin que M. le Tellier ne le fouhaitoit, & donna lieu a M. de Louvois de s'éclaircir avec moi fur ce qu'on lui avoit dit, dont il ne voyoit aucune apparence de vérité; je le priai de me nonimer fon auteur, paree qu'apparemment je connoitrois d'oü cela partoit: il m'avoua que c'étoit M. de Firon, Maréchal de Camp , & me conta comment il s'y étoit pris; je Faffurai aulB-tós que cela venoit de M. Roze, il me dit qu'il en étoit perfuadé, paree qu'ils étoient bons amis, Je lui détaillai les raifons de la niauvaife volonté de M. Roze pour moi 3 j'en parlai aufli a  1^4 Mémoires ... M. de Lyonne pour qu'il lui eri fit des reproches : il n'éut pas de peine a 1'en faire convenir : il avoua même ce qu'il avoit fait auprès de M. Colbert pour me nuire 3 difant qu'il attendoit quelque occafion plus favorable pour fe venger des injuftices qu'on lui faifoit. Mais après que j'eus raconté a M. de Lyonne les offres que je lui avois faites avant que la route ent été. pratiquée dans fon bois, il les trouva fi raifonnabies, qu'il ne dottta point de pouvoir nous accommoder. II reconnut facilement l'mjuftice des prétentions de M. Roze & fon extréme emportement; cependant, comme il ne fut pas pof* fible de le mettre a la raifon, nous en demeurames la; néanmoins nous nous fommes toujours parlé, & fouvent même d'accommodement, fans avoir pu jamais en venir a bout.  DE M. DE GoURVTLLE. ïjf Je revins a Paris oü je m'appliquai le plus fortement qu'il me fur poflible a donner uneforme aux affaires de M. le Prince. Pour y parvenir, je m'avifai de faire des mémoires particuliers de chaque efpece de dettes & des prétentions d'un chacun. Le premier concernoit les dettes inconteflables, pour en faire payer poncluellement les arrérages paffés & a£luels; ce que je mis fi bien en regie, que je faifois toujours payer une année avant qu'il y en eut deux échues. Le fecond mémoire concernoit les dettes centraclées avant la difgrace de M. le Prince,, avec les intéréts qui en avoient couru par les condamnations obtenues, dont la plupart des parties n'étoient pas ayrêtées., mais feulement certifiées. Je roe propofai d'accommoder celles-ci de mon mieux % entr'autres il étoit du au, fieuc  1^6 Mémoires Tabouretj Tailleur d'habits, pouf des facons d'habits & quelques -fournitures, tant pour M. Ié Prince, que pour M. le Duc dé Brezé, une fomme de trois centé mille livres, les intéréts compris i je me fouviens qu'il y avoit CvA cents livres portées fur cette partie; pour la facon d'un habit de M. le Prince. Celui qui s'en trouvoit héritier,pour lors, & qui fervoit adtuellement auprès de la perfonne du Roi, me pria de vouloir prendre des arrangements fur cela,tels que je jugerois a propos, & me remit toutes les parties qu'il avoit entre les mains. Après les avoir examinées, je trouvai que la plupart n'avoient pas été arrêtées j & toutes enfemble dans une grande confufion. Nous convinmes a quatre-vingt mille livres pour le tout, payables vingt-cinq mille livres comptant j & le furplus dans des termes avec 1'inté*  DE M. DE GOURVILLE. 1^7 I rêt, dont il me remercia fort, ! J'accommodai toutes les autres I de cette claffe, partie comptant : & partie avec des termes pour le :furplus. II y avoit parmi ces créanr ; ciers deux hommes qui prétenI doient qu'il leur étoit dü fix a i fept cents mille livres, pour des \ fournitures de vivres faites aux I .armées de M. le Prince, tant en } Guyenne qu'a Paris; mais comme y il y avoit beaucoup de chofes a | difcuter fur ces fournitures, la , plus grande partie des mémoires ij .n'étant arrétés de perfonne, j'ac: -commodai les deux affaires , 1'une a quatre-vingt mille livres} & • 1'autre a foixante mille livres, . toujours partie comptant öc avec 'II -des termes pour le furplus. J'avois ! la fatisfaclion d'être toujours fort remercié par les gens avec qui 1 J'avois a traiter. La nature des det-tesj ou,pour mieux direj les prétentions les plus embarraffantes,  1 3& M É MOIRÉS furent les obligations que M. Lathé avoit paiTées en vertu d'une prétendue procuration de M. 1© Prince, qui fe montoient a plus d'un miilion, a caufe qu'il y avoit ffipuléies intéréts au denier quinze, fuivant la Coutume de Bordeaux; ce qu'il difoit avoir fait en partie par politique a plufieurs Officiers de guerre, qui prétendoient qu'il leur étoit dü pour des levées & des quartiers d'hivef, dans la vue, m'a-t-il dit depuis, de les conferver, en cas que M. le Prince fe fut trouvé dans une autre guerre» Toutes ces obligations fe trouvoient datées de trois ou quatre jours avant 1'amniftie de Bordeaux, M. le Prince de Conty ayant un Secretaire qui les arrêtoit par ordre de M. Lainé, moyennant, a ce que jJai oui dire , quelques petits préfents. II y en avoit une de quatre-vingtdix mille livres a M. Baltazard.9  DÈ M. DÉ GoURVILLÈ. I^p qui avoit fait condammer M. le Prince aux Requêtes de 1'Hötel, au paiement de cette fomme; mais ayant reniarqué que la procuration de M. le Prince au fieur Lainé n'étoit que pour 1'acquifition de Bfouage, j'appellai de cette Sentence au Parlement, oü je la fis caffer. Après cela j'envoyai M. de la Motte a Bordeaux, pour faire des mémoires de tout ce qui étoit du en cette Ville defdites obligations, entr'autres un mémoire des fournitures qui avoient été faites pour la Maifon de M. le Prince, fur-tout en vivres ou marchandifes, pour pouvoir convenir avec les créanciers des tems du paiement, foit de deux, trois ou quatre termes, feion les fommes dues, 6c a tous un peu dargent comptant. Je demandai auffi un autre mémoire de toutes les obligations faites par M. Lainé ? fpé-  H° Mémoires cifiant la nature de chaque dette3 paree qu'il pouyoit y en avoir j de plus privilégiées les unes qué les autres, & je puis dire què ] c*eft cette affaire qui m'a donné le plus de peine; mais enfin j'en j vins a bout avec le tems, en fai- I fant des accommodements avec la plupart, felon le mérite de leurs prétentions. En ce tems-la M. le Prince me fit l'honneur de 1 me dire qu'il n'auroit pu s'imaginer que j'euffe mis fi bon órdrê 1 dans fes affaires, 6c qu'il m'avouoit 1 que quand j'avois entrepris de les I arranger au commencement, il avoit été fur le point de perdre la bonne opinion qu'il avoit dê i moi, trouvant qu'il y avoit -trop de témérité amon entreprife.Mais il accompagnoit ce difcours de j tant de témoignages de bonté pour 1 moi, que cela me dédommageoit j bien de toutes mes peines. M. ie Duc m'ayant vu agir quei- 1  DE M. DE GOURVILLE. 141 i que tems dans les affaires de M. le Prince, & voyant qu'elles prenoient un bon chemin, me chargea : auffi des fiennes, & je fus affez heureux d'angmenter les feuls revenus du Clermontois, dont il jouiflbit, de plus de quatre-vingc mille livres. M. d'Autun qui vou: loit toujours être regardé comme I celui qui avoit le plus de crédit ' f«r Pefprit de M. fe Prince & de I M. le Duc, ne crut rien de plus I propre a diminuer la confiance ' qu'ils avoient en moi , que d'infinuer a Leurs Alteffes, & même i leur faire revenir par d'autres perfonnes, qu'on difoit dans le monde : que je les gouvernois abfolument; 1 M. le Prince me fit l'honneur de f me dire qu'il avoit répondu a la I deux ou troifieme fois qu'on lui i\ en avoit parlé, qu'il ne fe fouI cioit pas qu'on crüt que jele gou^ i vernaffe s paree qu'il trouvoit en, : ce cas que je le gouvernois for|;  142 MÉMOIRES bien ; fentant avec plaifir la différence de 1'état préfent de fes affaires, a celui dans lequet il les avoit vues ci-devant. M. le Prince & M. le Duc connoiiToient bien M. PEvêque d'Autun & fes menées , ils faifoient même quelquefois des plaifanteries fur ce fujet, mais cela ne le rebutoit point. Je ne vendis ma Charge de Secretaire du Confeil, que quatre cents cinquante mille livres, qui m'avoit conté un million du premier achat,& cinq cents mille liv, que M.Fouquet avoit empruntées de chacun de nous & affïgné fur une affaire des quatriennaux, dont MM. de Bechamel & Berryer , furent entiérement rembourfés, cette fomme ui eft demeurée en pure perte. M. le Prince, après m'avoir chargé de fes affaires 5 me dit qu'il voudroit bien que je lui fiffe un fonds particulier de vingt-cinq,  DE M. DE GOURVILLE. 143 mille livres tous les ans pour continuer le canal qu'il avoit commencé a Chantilly, qui fervoit beaucoup a 1'amufer : mais a mon retour d Efpagne je trouvai que cette dépenfe avoit été a plus de trente-fix mille livres, & ilme dit que 1'année fuivante il voudroit I bien y dépenfer quarante mille livres par chaque année, ce qui fut > bien augmenté dans la fuite. M. le . Duc qui a plus d'imagination que ?$ perfonne du monde, propofoit I toujours des chofes nouvelles, & j M. le Prince, quoi qu'elles duflent 1 coüter , les faifoit exécuter. Enfin ; cette dépenfe alla fi loin qu'elle | fe monta a environ deux cents j mille livres chaque année pendant 1 un temps confidérable ; cepen;| daht les deux dernieres années de i fa vie cela diminua beaucoup, lui i ayant repréfenté auili •fortemenc i que je 1'avois ofé , que s'il n'avoic Ja bonté de fe modérer fur fes dé*  144 M ÉHOIRES penfes, fa Maifon retomberoitdans le déTordre dont je pouvois dire que je l'avois tirée." Je prenois quelquefois la liberté de dire a M. le Duc que, par Tapplication qu'il avoit a propofer de nouvelles dépenfes pour Chantilly, dont je marquois avoir quelque répugnance, il faifoit comme s'il avoit cru que ce fut mon argent qu'on y dépenfoit. ' Depuis que M.de Louvois m'eut admis a fon commerce , iim'honora toujours de fon amitié & de fa confiance même, 6c, fi je Tofe dire, beaucoup de croyance fur tout ce que je lui difois; cela a duré jufqu a fa mort. Un jour m'entretenant dans fon jardin , a SaintGermain, du choix qu'il pourroit faire pour marier fa_ fille ainée, peut-être pour voir fi jenenommerois pas M. de la Rocheguyon} je lui propofai naturellement ce mariage, croyant 1'affaire également- bonne  DE M. DE GOURVILLE. 14; bonne pour M. de la Rochefoucault & pour lui. Je me fouviens que dans cette même promenade il me dit qu'il lui femblok que le Roi avoit du goüt pour moi, & qu'il croyoit que fi je voulois me détacher de M. le Prince & de M. le Duc , je pourrois trouver a m'avancer avec le Roi, felon les occafions qui fe préfenteroient. Je le remerciai fort de fa bonne volonté,&jelui répondis que j'avois borné mon ambition au fervice 8c a Pattachement que j'avois pour ces Princes. M. Colbert, depuis mon retour d'Efpagne avoit toujours bien fait avec moi, & même |peu-a-peu m'avoit témoigné beaucoup de confiance. Je vivois dans ifa maifon avec lui, dans une ai(fance très-agréable, Ócme fuis dans Jla fuite toujours parfaitement bien toonduit avec ce Miniftre & avec M.de Louvois, quoiqu'il y eut beauicoup de jaloufie & d'antipathie Tcme II. Q  14 que j'avois un peu connu a Paris & fort vu a Londres. En nous en allant feuls dans un carroffe a Anvers, il me demanda fi le Roi d'Angleterre ne s'étoit pas bien comporté pour profiter des avis que je lui avois G v  i Mémoires fait donner par Milord Olis fuf ce qui regardoit M de With; ii sjouta qu'il nJy avoit pas long tems que Sa Majefté lêur difoit encore qu'elle croyoit que c'étoit la fource de tout ce qui étoit arrivé a la Hollande. Je lui répondis que j'étois bien obÜgé au Roi de la bonne opinion & de 1'eftime qu'il avoit pour moi. II me témoigna que je lui ferois plaifir fi j'avois occafion d'aller faire un tour en Angleterre. Je crus m'appercevoir que les Anglois trouvoient que nous avancions bien nos affaires en Hollande , & que cela leur donnoit de la jaloufie. En nous faifant des queftions 1'un k 1'autre, je lui dis qu'il me fembloit que le Roi d'Angleterre avoit autant d'efprit qu'on en pouvoit avoir ; mais que je ne favois pas bien fa portée fur les affaires; il me dit que quand bri lui en propofoit queiqu une 9  DE M. DE G0UR.VILLE. 15-5- ïl voyoit tout d'un coup ce qu'il y avoit a faire & appuyoit fon avis de très-boanes & folides raifons; mais que quand on lui faifoit quelques difficultés , il ne fe donnoit pas la peine de les approfondir, & fouvent quand on lui en parloit une feconde fois 9 aife'ment il fe laiffoit aller a 1'avis d'autrui. « Ayant pris mon chemin pour me rendre a Boxtel, oü devoit être le Roi, en fortant d'un bois je me trouvai tout proche des troupes qui efcortoient Sa Majefté; je montai vïtement a chevaL M. 1'Archevêque de Rheims, qui me reconnut, me dit que e'étoit le Roi qui s'en retournoit a Paris ; Sa Majefté ayant entendu mon nom, tourna la tête & s'arrêta un moment jufquJa ce que je PeulTe joint : Elle me demanda fi j'avois palTé a Bruxelles ? je lui répondis que les gens qui étoient G vj  2 M Ê* M O ï R È S a quelles conditions cela fe pour-*roit faire, je lui re'pondis que je penfors que fi Sa Majefté avoit pour agréable de lui donner quarante mille écus, & a fon fils une Compagnie de Gendarmes ^ qu'on pourroit appelier Gendarmes de Flahdre, avec la difpofition des Bas-Officiers, il en feroit content; le Roi me dit qu'il le vouloit bien,que jen'avois qu'a ie lui faire favoir, & que l'affaire étoit faite s'il le Vouloit a ces conditions. La chofe- eut toute fon exécution. je demandai a M. le Prince la Capitainerie de Saint-Maur oü il n'alloit jamais pour lors, il me 1'accorda fans aucune condition, avec la jouifTance du peu de meubles qui y étoient. Madame de la Fayette, après avoir été s'y promener j me demanda d'y aller paf» fer quelques jours pour prendre i'air; elle fe logea dans le feul  DE M. DE GOURVILLE. ló$ appartement qu'il y avoit alors, & s'y trouva fi a fon aife, qu'elle fe propofoit déja d'en faire fa maifon de campagne. De Pautre cóté de la maifon il y avoit deux ou trois chambres que je fis abattre dans la fuite; elle trouva que j'en avois affez d'une quand j'y voudrois aller, & deitina , comme de raifon, la plus propre pour M. de la Rochefoucault qu'elle fouhaitoit qui y aiiat fouvent* Ayant demandc au Conciërge de lui faire voir le peu de meubles qu il y avoit dans une chanibre haute qui fervoit de gardemeuble, elle y trouva une grande armoire en forme de cabinet, qui avoit été autrefois a la mode & d'un grand prix, avec quelques vieiileries qui la pouvoient accommoder. Etant venu faire un tour aParis, elle pria M. le Duc de lui permettre de les faire defcendre dans fon appartement, ce qu'il  * <$4 Mémoires neut pas de peine a lui accorder.' Ayant découvert une trés-belle promenade fur le bord de 1'eau qui avoit de Pautre cöté un bois, elle en fut fi charmée quJelle y menoit tous ceux qui 1'alloient Voir. II y avoit auffi de belles promenades dans le pare qui lui faifoient chérir i'établiffement qu'elle s'étoit fait. Elle avoit inventé pour les promenades du pare qu'elle faifoit fouvent avec quelques-uns de fes amis , une chofe qui réulffffoit affez bien pour prendre mieux 1'air, c'étoit de faire abattre les vitres du devant du carroffe, & alonger les guides des chevaux, en forte que le cocher étant monté derrière, les guidoit a fon gré dans une grande peloufe oü étoit la promenade. Sur ce que je dis a quelqu'un que je trouvois fon féjour bien long a Saint -Maur , elle m'en fit des reproches, prétendant que  DE M. DE GOURVILLE, itff cela ne pouvoit qu'ètre commode pour moi, puifque quand je vouidroisy aller, je ferois aiTuré d'y 'trouver compagnie. Finalementj pour pouvoir jouir de Saint-Maur, je fus obligé de faire un traité par . écrit avec M. le Prince, par lequel \il m'en donnoit la jouilTance ma Jvie durant avec douze mille livres I de rente, a condition que j'y emIploierois jufqu'a deux cents qua^rante mille livres, entr'autres pour i achever un cöté du chateau oü il ; y avoit feulement des murailles i éievées jufqu'au fecond étage. Le ; longde la maifon étoit une carrière ' d'oü on avoit tiré beaucoup de pierres, & Pon defcendoit par-la pour aller dans la prairie. En trois ou quatre années j'eus I mis Saint-Maur en Fétat oü il eft i préfentement, a la réferve que M. le Duc, depuis que je le lui I ai remis, a fait agrandir le par > terre du cöté de la plaine. J'avois  i66 Mémoires fait batir un grand mouiin expres pour élever des eaux, qui m'en donnoit perpétuellement cinquante pouces qui tomboient dans un réfervoir du cöté de la Capitainerie; il faifoit aller quatre fontaines de ce eöté-la, & deux dans le parterre du cöté de ia riviere ; devant la face du logis, une fentaine qui venoit du grand réfervoir, pour en faire aller une autre au milieu du pré en bas, laquelle eft environnée d'arbres, & jetoit fi haut & fi gros qu'on n'en avoit point encore vu de plus belle; mais je tombai dans 1'inconvénient de tous ceux qui veulcnt accommoder les maifons, j'y fis prefque pour quatre cents mille livres de dépenfe, au lieu de deux cents quarante mille livres a quoi je m'étois obiigé. Pour revenir a Madame de la Fayette 3 elle vit bien qu'il n'y vit ycxo inu v i^ii u^wujiiviVW P 3  DE M. DE GOURVILLE. \6f long tems fa conquête.,elle labandonna ; mais elle ne me 1'a jamais pardonné , & ne manqua pas de faire trouver cela mauvais a M. de il la Rochefoucault; mais comme il lui convenoit que nous ne paruffions pas brouillés enfemble, elle étoit bien-aife que j'allalTe prefque tous les jours palTer la foirée | chez elle avec M. de la Roche\ foucault ; cela n'empêcha pas néanmoins qu'ayant trouvé une occafion oü elle croyoit me faire i beaucoup de dépit, elle ne la I voulüt pas manquer. M. de Langlade, qui avoit été I connu de M. Fouquet avant moi, ! .& qui, dans la vérité , mJavoit r menépour lui faire ma première ré\ vérence^avoitde l'efprit,mais beau» ; coup plus de préfomption & denI vie ; quoique je lui euffe fait faire ii pour plus de cinquante mille écus !de b onnes affaires, il penfoit que I je lui en deycis toujours beaucoup  158 MÉMOIRES de refte , & qu'il étoit Ia caufe de toute mafortune; en forte que tant qu'il a vécu, il a toujours confervé une jaloufie extraordinaire contre moi. II m'avoit propofé d'époufer fa fceur, &, de bonne foi, j'avois envie de lui faire ce plaifir. En allant en Guyenne, j'avois paffé en Périgord , chez fon pere, qui demeuroit dans le chateau de Limeuil,qui appartient a M. de Bouillon ; mais comme le cha^ teau étoit ruiné, la demoifelle k> geoit dans un endroit qui avoit autrefois fervi d'ofiice; on me la fit voir dans fon lit,parée autant qu'on favoit pu , mais entr'autres chofes elle avoit deux pendants d'oreille de erin rouge, quafi gros comme le poing, qui ne faifoient pas un trop bon effet avec fon vifage , qui étoit pale & fort brun. Ce fpe&acle me fit voir que je ïn'étois engagé un peu légére- ment  DE M. DE GoURVf LLE. ï gp ment de 1'époufer, & me fit réfoudre a chercher les moyens de ne le pas faire; & pour ne pas trop choquer mon ami, je réfóltjs de dire a M. de Langlade, a mon retour, que ne me fentant aucune inclination pour le mariage, je donnerois trois mille piftoles pour marier fa fceur:ce qu'il recut tant bien que mal; mais enfin il eruit qu'il étoit toujours bon de prendre les trois mille piftoles, avec quoi elle fut mariée a un Gentilhomme du Poitou, & mourut ^quelque tems après. J'ai toujours vécu avec lui avec beaucoup de déférence,nous étant connus^aux guerres de Bordeaux, oü il étoit Secretaire de M. de Bouillon ; mais quoi que j'aie fait pour reconnoitre fon amitié, tout ce qui me donnoit quelque diftinaion dans le monde, lui faifoit beaucoup de peine ; ne pouvant comprendre qu'ayant un mérite Tonic II. H  jjo MÉMOIRES bien au-deflus du mien, la fortuna me fut plus favorable qua lui; n fouffroit impatiemment de n avoir quafi du bien que celui que je lui avois procuré. Tant qu'il a cru être regardé dans le monde comme fupérieur a moi, notre amitié a été fincere, & 1'auroit toujours été, fi notre fortune 1'avoit mis en état de me faire une partie des plaifirs qu'il étoit obligé de recevoir de moi; mais il ne put jamais s'accoutumer a voir que le monde fit pour le moins autan* de cas de moi que de lui. Par bonté de coeur , ou pour mieux dire par fottife ou fimplicité, je demeurai toujours dans une grande dépendance, fans niê, me qu'elle me fit autant de peme qu'elle en auroit fait a tout autre; ii étoit fort des amis de Madame de la Fayette , qui croyoit, d'un at tra cöté, que Pattachement que JVl de la Rochefoucault avoit;  DE M. DE GOU-RVILLE. 171 pour elle, a caufe de la grande •commodité dont elle lui étoit , m'en devoit rendre beaucoup dépendant, par celui que j'ai toujours eonfervé pour M. de la Rochefoucault. M. de Langlade & elle comploterent 'enfemble de me faire un méchan.ttour. Comme M. de Langlade fatisfaifoit fa vanité,& que Madame de la Fayette 7 trouvoit un intérêt confidérable', cela eut des faites que je fuis bienaife d'óublier. Madame de la Fayette préfumoit extrêmement de fon efprit, & s'étoit propofée de remplir la place de Madame la Marquife de Sablé, a laquelle tous les jeunes gens avoient accoutumé ae rendre de grands devoirs, paree qu'après les avoir un peu faconnés s ce leur étoit un titre pour entrer dans le monde; mais cela ne réuffit pas, paree que Madamede ia Fayette ne voulut pas donner Hij  vi72 MÉMOIRES fon tems a une chofe fi peu utile, Son inclination naturelle Temportok fur toutle reftc. Elle paffojt ordinairement deux heures de la matinée a ehtretenk commerce avec tous ceux qui pouvoient lm être bons a quelque chofe, & a fake des reproches k ceux qui ne lavoyoientpas auffifouvent qu elle le defirok , pour les tenir tous fous fa main , pour voir & quel ufage elle les pouvoit mettre chaque jour, Elle eut une recrue a iaire pour fon fils & en paria a plu. fteurs perfonnes pour lui trouver des hommes, & fur-tout a bon marché. Elle me conta un jour qu'ayant employé un Maitre des Comptes keet ufage, il lui avoit effeaiyement amené quinze bons fit préfent, ce qui me fit fort rire. Avec tout. cclai elle me parolffok avoir beaucoup: de vanité, mais A fans: méprifer le*  DE M. DE GOURVILLÈ. 17? petits profits , elle avoit trouvé moyen de s'attirer quelques gen» qui avoient des affaires chez M. le Prince; elle m'en fit faire deux qui purent lui valoir quelque petite chofe, mais je la priai de n'en plus écouter, & Paffurai que je n'en ferois pas davantage. M. de Langlade s'étant trouvé a la maifon qu'il avoit achetée en Poitou, & ayant appris que M. de Louvois devoit paffertout contre, en revenant d'un voyage qu'il avoit fait en Guyenne, pour faire connoitre fa faveur a fes voifins, les avoit avertis que M. de Louvois paffoit chez lui , oü il lui avoit préparé de quoi faire bonne chere, il alla dans une chaife a une pofte de fon voifinage pour Pentretenir un peu, & 1'inviter a paffer a fa maifon. Mais celui-ci Payant remercié un peu brufquement, ne fongeant qua la diligence qu'il avoit a faire , M. de H iij  *374 Mémoires Langlade le voulut fuivre encore une pofte ; ayant trouvé M. de Louvois déja mönté dans fachaife, il lui fit figne defonchapeau & lui dit adieu. M. de Langlade fut fi touché de n'avoir pas mieux réufïi, qu'il en tomba malade öt mourut peu de jours après. Cela donna lieu a M. de'Reuville de dire un bon mot la - defius, difant que M. de la Rochefoucault & M. de Langlade s'étoient tués d'un coup fourré \ paree quJa la mort de M. de la Rochefoucault on avoit dit qu'il avoit été fort touché de s'être appercuqueM. de Langlade, aidé de Madame de la Fayette , J'avoit obligé d'entrer dans la mortification qu'on m'avoit voulu donner fur le mariage de M. de la Rocheguyon avec Mademoifelle de Louvois. M. Fouquet , quelque tems après, ayant été mis en liberté 3 fut la maniere dont jJen avois ufé avec  DE M. DE GOURVILLE. 17? Madame fa femme, a qui j'avois prêté plus de cent mille livres pour fa fubfiftance, fon procés, 6c même pour gagner quelques Juges, comme on lui avoit fait efpérer ; après m'avoir écrit pour m'en remercier 3 il manda a M. le Préfident de Maupeou , qui étoit de fes parents 6c de mes amis, de me propofer , en cas que mes affaires fuffent auffi bonnes qu'on lui avoit dit, de vouloir bien faire don a M. de Vaux fon fils, de cent 6c tant de mille livres qui pourroient m'être dues : ce que je ris très-volontiers, 6c en paffai un atfe en arrivant. En arrivant a la Fere, environ la fin de Septembre 16j 3, M. de Louvois me cliargea d'aller trouver M. le Prince 6c M. le Duc a Tournay ? pour leur demander de la part du Roi leur avis fur la nécelfité oü Sa Majefté croyoit être d'abandonner toutes les places que Hiv  ■ij6 Mémoires Ion tenoit en Hollande. II me demanda ee que j'en penfois, & fort brufquement je lui dis que je eroyois qu'il en falloit faire fau» ter toutes les fortifications, & les mettre en état qu'elles ne puiffent être retablies de long temps, & fans une grande dépenfe, ce qui mettroit les Hollandois hors d'état de fecourir les Pays-Bas, fi leRoi jugeoit a propos de lesattaquer & de les prendre, comme il me fembloit qu'il étoit fort facile, puifqu'ils n'avoient preique point de troupes. En arrrivant a Tournay , je ne fus pas trop bien recu de M. le Prince & de M. le Duc, paree que M. de Louvois leur avoit mandé qu'il les prieroit au premier jour de prendre un rendez-vous oü il les put entretenir de la part de Sa Majellé, ce qu'ils auroient mieux aimé 5 que de m'y voir de la fienne. M. le Duc fut d'avis de me garder, paree que la faifon étoit bien avan-  DE M. DE GOURVILLE. 177 ,, , & qu'il s'en retourneroit bien' tót. k Paris. J'y fus aflez maiade, I mais cela ne dura pas. Environ le mois de Juin 1674, 1 M. le Prince me manda de Palier | trouver au Pieton, proche Charï leroy. Quelques jours après mon ; arrivée, on apprit que M. le Prince 2 d Orange marchoit avec une arI mée nombreufe de plus d'un tiers 1 que celle de M. le Prince. Elle ] étoit compofée d'un grand Corps I d'AHemands , commandée par [ M. de Souches , de 1'armée de i Flandre, fous le commandement : de M. de Monterey, & de celle : des Hollandois qui avoit a fa tête l M. Ie Comte de Waldeck; M. le I Prince fe réfolut de les attendre : dans fon camp, perfuadé qu'ils I n'oferoient 1'attaquer; en effet ils I vinrent fe polier a deux petites I lieues. Le lendemain, a la pointe du jour, M, le Prince monta & H v  M78 MÉMOIRES cheval, & s'en alla fur une hauteur pour obferver leur décampement; ee qu'ayant fu , je me le- ) vai auffi-töt pour 1'aller joindre : en arrivant, il me dit qu'il jugeoit par la marche, que les ennemis commencoient a fuir, qu'il battroit au molris leur arriere-garde , qu'il avoit envoyé ordre a 1'armée de marcher. Je m'amufai aregarder un nombre de femmes qui fe mettoient dans dix ou douze carrotTes qui étoient en bas j il y avoit auffi une hauteur affez proche oü les ennemis avoient porté des Moufquetaires pour tirer a 1'endroit oü étoit M. le Prince ; une balie perca ma cu'lotte , ce qui me fit prendre le parti de m'en aller me mettre a couvert d'une grange qui étoit la auprès. J'y trouvai deux jeunes hommes très-braves & de bonne réputation qui en fortirent auffitót qu'ils me virent pour s'avancer  DE M. DE GOURVILLE. I7p' elles pouvoient le charger en flanc , il prit le parti de s'en éclaircir. Je me fouviensque MM. de Noailles, de Luxembourg , de Rochefort, fes Lieutenants-Généraux étoient [auprès de lui, 6c quJil leur donnoit fes ordres avec un peu de chaleur; mais quand il fut a portée de s'éclaircir s'il y avoit quelques troupes derrière le bois, il dit a ces Melfieurs quJil s y en alioit pour s'en éclaircir: tous s'offrirent d'y aller pour lui en rendre compte; il fe mit un peu en colere, 6c les pria de le laiffer faire : chacun s'arrêta; il y alla feul au petit galop 5 H vj  l8o M É M O I R É 5 laiflant ce bois de deux a trois cent* pas a gauche, 6c iorfqu'il fut pardela , & qu'il fut affuré qu'il n'y avoit aucunes troupes, il s'en vint bien plus vite qu'il n étoit allé. En approchant de ces Meflieurs, il pouffa encore fon chemin , 6c leur dit en riant, il n'y a qu'a les charger pour les battre ; fe fouvenant fans doute qu'il s'étoit un peu mis en colere, 6c peut êtreun peu hors de propos, il acheva de leur donder fes ordres avec beaucoup de douceur. II alla fe mettre ala tête du Régiment de la Reine, öt donnant 1'ordre de charger, il tira fon épée du fourreau, 6c paffa dans fon bras le ruban qui y étoit attaché. J'eus peur qu'elle ne le blefsat, paree qu'il n'avoit que des bas de foie. Dans ce moment on commenca a charger les emnemis; je vis auflitct revenir M. le Comte deRochefort qui étoit bleffé, &c en avan-»  DE M. DE GOURVILLE. 1§1 ■fant} je vis qu'on portoit M. de Montal qui avoit recu un coup de moufquet a la jambe, beaucoup d'autres Officiers qui étoient déja Iiors de combat, & un très-grand nombre de morts ou de mourants. Je fis réfiexion que s'il m'arrivoit quelqu'accident, cela nem'attireroit que des raiileries. Le Régiment de Nafïau qui avoit été forcé la , fe jetoit dans 1'Eglife de Senef. M. de la Cordonniere 3 avec une troupe de Gardes, ayant fait ouvrir la porte de 1'Eglife 3 leur promit qu'ils auroient bon quartier. II me demanda fi je voulois qu'il me laifsat vingt Gardes, pour les conduire au camp, voulant aller rejoindre M. le Prince avec fa troupe. Je pris cela pour un commandement, & je me chargeai volontiers des prifonniers au nombre de deux ou trois cents, oü étoit un Prince de Nafïau fort bleffé & quatre ou  182 Mémoires cinq Officiers que les Solclats mïrent fur des échelles pour les emporter. Je me mis en marche pour les mener au chateau de Tréfigni. Deux de ces pauvres Officiers , a ce que me direntlesSoldats,étoient morts f & furent laiffés a cöté du chemin fur les échelles. J'entendois des décharges. fi furieufes que cela me fit frérair, & me perfuada que j'avois pris le bon parti. Je menaï mes prifonniers, & les mis dans une grange. De tems en tems il paffoit des gens bleffés qui s'en retournoient au camp. M. le Marquis de Villeroy, depuis Maréchal de France, qui avoit été bleffé, me dit qu'il eut été a defirer que M. le Prince fe fut contenté d'avoir battu 1'arriere-garde. Sur le foir, M. le Chevalier de Fourille me dit qu'il fe croyoit bleffé mortellement, mais qu'il étoit ravi de s etre trouvé une fois avec M. Ie  DE M. DE GoURVlLLE. 1S5 Prince; 6c en jurant, m'exagéroit fa vaieur, 6c me dit que s'il n'e'toit tué,il acheveroitde défaire entiérement les ennemis. Beaucoup de gens qui paffoient, me parloient également de la vaieur de M. le Prince; & a mefure qu'on faifoit des prifonniers on me les amenoit. Un Officier Franeois demanda a me parler, 6c me pria de le faire fortir, paree qu'il avoit été condamné a mort a Paris, pour 1'enlévement d'une rille; je le menai a la porte, öc lui dis de fe fauver comme il pourroit. Parmi les prifonniers qu'on m'amenoit, j'en trouvois de ma connoilTance, 6c beaucoup de gens de qualité qui avoient été pris, que je mis dans une chambre a part. De ceux-ci étoient M. le Prince de Salm, beau-frere de M. le Duc de Holftein, Lieutenant-Général de la Cavalerie des Pays-Bas,  184 Mémoires & M, le Comte de Solm, parent de M. le Prince d'Orange. J'étois dans une grande inquiétude: enfin ne pouvant dormir,je montai a cheval une heure avant le jour, réfolu de rejoindre M. le Prince; je le trouvai a une lieue du camp, qui s'en revenoit dans fa calèche. A peine pouvoitil parler, il ne laiffa pas de me dire que fi les SuilTes avoient voulu marcher en avant, il auroit achevé de défaire toute 1'armée des ennemis. Auffi-töt qu'il fut arrivé, il dépêcha M. le Comte de Briord, qui avoit vu toute 1'affaire , pour en rendre compte au Roi. M. le Prince avoit très-fouvent trouvé bon que quelque tems après qu'il s'étoit faché, je lui parlaffe des petits mouvements de colere qu'il avoit eus. Le lendemain, le voulant faire reffouvenir de ce qui s'étoit paffé, il me.dit  DE M DE GOURVILLE. l8j qu'il étoit vrai qu'il s'étoit un peu échauffé contre ces Meflieurs; mais que quand il s'agiflbit de s'éclaircir d'une chofe d'aufli grande importance que pouvoit être ceile-la , il ne s'en vouloit fier a perfonne; je crois pourtant que c etoit une raifon qu'il fe donnoit a lui-même pour excufer fon petit mouvement de colere. II favoit bien qu'il y étoit fujet, mais comme dans le moment il eut bien voulu que cela n'eüt pas été, ceux qui ne s'en fcandalifoient pas, lui faifoient un grand plaifir. J'ai oui dire a M. de Palluau , depuis Maréchal de Clerambault, qu'un jour M. le Prince lui avoit parlé avec beaucoup de colere; & qu'étant pret de monter a cheval, on avoit donné une cafaque a M. le Prince, qui s'approcha de M. de Palluau, & lui dit: je te prie de me boutonner ma caüque; celui-ci répondit, je vois  i Sc» Mémoires bien que vous avez envie de vou§ raccommoder avec moi: allons,j'y confens, foyons bons amis; que M. le Prince en avoit fort ri, & que cela lui avoit fait grand plaifin II fe trouva qu'il y avoit plus de trois mille prifonniers &; cent ou cent vingt drapeaux ou étendards que M. le Prince fit mettre dans des paniefs , & ordonna de les mettre derrière mon carrofie pour les préfenter a Sa Majefté. Dix ou douze des prifonniers tant Princes qu'Officiers , voulürent Venir avec moi, j'en mis trois dans mon carroffe & les autres fur" des chevaux; lorfque nous fümes arrivés a Rheims, M. le Duc d'Holftein me dit que M. le Comte de Waldeck, en lui parlant des progrès qu'allok faire cette grande armée, -lui avoit promis qu'il lui ferok boire du vin de Champagne; mais qu'apparemment il n'avoit pas entendu  DE M. DEGOURVILLE. lof que ce feroit de la facon qu'il en buvoit. M. de Louvois envoya au-devant de moi pour me dire d'aller tout droit au Roi. Sa Majefté me fit une infinité de queftions pendant plus d'une heure. Tous les étendards 8c drapeaux furent placés dans Notre-Dame , j le jour du Te Deum. Au mois de Juillet 167$ 5 M. de Turenne ayant été tué en Allemagne, le Roi donna ordre a M. le Prince de s'y rendre. II I laiffa le commandement de 1'arI mée de Flandre a M. de Luxem> 1 bourg, 8c je recus ordre de Son I Altelle de me trouver a Chalons a j fon paffage; il étoit accompagné I de M. de la Feuillade & de quel| ques autres Officiers. II y recut I la nouvelle que M. le Maréchal I de Créquy, qui commandoit une I armee du cöté de Treves, avoit * perdu une bataille contreMM. les . Ducs de Zeil & d'Hanovre , 6c  iS8 Mémoires que fon armée avoit été mife entiérement en déroute. Cela donna une grande alarme que les troupes de ces Princes n'allaffent en AÜemagne joindre M. de Mon^ técucuily. Je dis a Son AltelTe, avec quelque forte d'affurance, que céla ne feroit point, paree que ces Meflieurs ayant fait un traité pour effayer de prendre la viiie de Treves, il en faudroit un autre pour les faire aller fur le Rhin; de plus , que j'étois perfuadé qu'ils ne voudroient pas obéir a. M. de Montécucully, ni lui envoyer leurs troupes, fans un nouveau traité : cela foulagea un peu Pinquiétude de M. le Prince, trouvant quelque raifon a ce que je difois. M. le Maréchal de Créquy ne fachant quel parti prendre, fe détermina de s'ailer jeter dans Treves , oü il fut pris avec la Ville. MM. de Brunfwick lui  DE M. DE GOURVILLE. l8 ce pays ont retardé mon voyage: »-de deux ou trois jours , j'arrivaü » ici avant-hier au foir fort tard; .39 j'appris hier matin.que. M. le » Prince d'Orange devoit arriver » le foir & deux ou trois perfon» nes de fa maifon , qui fe difoient » de mes amis, m'affurerent qu'il » feroit bien-aife de me voir: quel» ques-uns de ceux qui le virent y> en arrivant m'ont confirmé la » même chofe. J'ai été chez lui a » midi avec M. de Montpouillant, » je le trouvai dans fa falie avec » beaucoup de gens qui faifoient  DE M. DE GOURVILLE. 201 » leur cour; M. le Comte d'Au» vergne y étoit auffi: il me recut » fi gracieufement que tout le >> monde en parut iurpris. Après »que M. le Comte d'Auvergn© » fut forti, il me dit qu'il auroit s> trouvé fort mauvais que je fuffe » parti fans le voir, mais qu'il ne » croyoit devoir ma vifite qu'au >» vent contraire que j'avois eu ; » en effet j'en avois parlé ainfï » en arrivant, & m'ayant ajouté » que quoi qu'on lui eut pu écrire » & dire fur mon voyage 3 il étoit » fort aife de me voir, & que le » foir précédent M. Dikfveldt, » qui eft fort bien avec lui 3 ayant » repréfenté qu'il devoit faire eri » forte que je ne me trouvaiïe » point a Humelinck , il avoit ré» pondu que j'étois de fes amis, » & qu'il étoit affuré que je ne lui » empêcherois pas de prendre fort » cerf quand il iroit a la chalfe; »mais que je pourrois bien donI y  202 MÉ M O I R E S » ner a fouper au retour & tont » cela d'un air gai: je répondis » du mieux qu'il me fut poffible, » Après quoi il me demanda s'il » étoit vrai, comme onlui difoit, » que Votre Majefté eut de 1'a- 1 » verfion pour lui; je fis réponfe 2> que je croyois en favoir afiez »pour le pouvoir affurer que s Votre Majefté avoit de 1'eftime » pour fa perfonne, 8c que c'étoit » a lui a favoir s'il avoit fait des » démarches qui euffent pu dé- I » plaire a Votre Majefté. II me » dit, en fouriant, qull croyoit 33 n'avoir rien fait qui méritat ni » 1'eftime de Votre Majefté, ni j 3> fon averfion ; mais qu'il avoit 3> fouhaité toujours trés - forte33 ment de la pouvoir perfuader » qu'il defiroit l'honneur de fes 3) bonnes graces. On Tavertit c » qu'on avoit fervi, 6c m'ayant de- I » mandé fi je ne voulois pas bien I » diner avec lui, il paffa dans le f  t>E M. DE GoURVILLE. ï> lieu oü il devoit manger, m& » fit alTeoir auprès de lui &c me » paria prefque toujours de chofes » générales; il me fit encore des » reproches a table de ce que je » ne 1'avois vu que par hafard; 33 après diner il s'en alla dans fa » chambre, m'ayant demandé fi je » ne voulois par y entrer un mo» ment: je le fuivis. II commenca » a me dire que je faurois de 3> M. le Duc d'Hanovre , qu'il » avoit fouhaité de me trouver 33 chez lui lorfqu'il y étoit allé , & 33 quoique je 1'eufle laiflé affez jeu» ne, il avoit toujours confervé de » 1'amitié pour moi ; qu'il feroit 33 bien-aife que je vouluffe être 33 pour lui comme j'étois pour 33 MM. deBrunfVick,qui s'étoient 3> fort loués de la maniere dont » j'en avois ufé avec eux : je lui ï> répondis en riant, que je ne fa33 vois pas fi je le connoiffois » auffi-bien que ces Princes, & je \ vj  20£ MÉMOIRES »lui demandai la liberté de lu( » dire que Fon me Favoit dépeint » comme un homme fort réfervé » dans fes manieres, qui tachoit de 5) tirer avantage de tout; que, cela a> préfuppofé, je ne pouvois avoit » trop peu de commerce avec lui; 3) mais que je verrois pendant ie fé» jour quJil feroit a Humeiinck,, 3) ii je pourrois connoitre S. A. S. 3) par moi-même; que j'en avois » déja concu , dans fa jeuneffe, 33 une grande idéé : il fe mit a rire, 2) & me dit qu'il étoit vrai qu'il ne 33 s'ouvroit pas a tout le monde, » mais qu'il me parleroit d'une ma~ 39 niere qui me feroit voir qu'il me 3> diftinguoitdu général; qu'il étoit 33 bien faché des mauvais offices » qu'on lui avoit rendus auprès de. » VotreMajefté,qui pouvoient lui 3> avoir attiré fon averfiom Je I 'af33 furai que Votre Majefté n'étoit » aucunementdans eet efprit; ftasd » dit qu'il vouloit croire que cekj  DE M. DE GOTJRVI'LLÉ. 20 £ 55 étoit comme je lui difois, quoi-' » qu'il ne le vit prefque point; que »je lui ferois même piaifir de dire a » Votre Majefïé,& cTêtre perfuadé » que, de bonne foi, il fouhaitoit » ardemment de pouvoir plaire a » Votre Majefté. Je lui répondis » que fi MM. les Princes de » Brunfwick me parloient comme » il faifoit, je faurois bien ce que » j'aurois a leur répondre ; il me » prefTa de lui parler comme je »ferois a MM. de Brunfwick j » je lui dis que je ne manquerois » pas de leur faire conncitre., en 3) pareille occafion, qu'il étoit im3) polfible de pouvoir perfuader 33 Votre Majefté par des difccurs, 33 quand on avoit une conduite 33 contraire , & que je prendrors 3) la liberté de leur confeiller de 3) ne jamais tenir un pareil ian3> gage, quand ils feroient dans 3) ia volonté de prendre la que» relle de toute 1'Europe contre  üo6 Mémoires 3> Votre Majefté; que je lui de33 mandois pardon de la liberté s> avec laquelle je lui parlois , » mais qu'il fe fouvint qu'il my » avoit forcé: il me dit qu'au con3> traire il m'étoit obligé de la ma33 niere dont je commencois d'en » ufer avec lui, mais que les cho» fes nJétoient point comme je le >3 difois, qu'il étoit vrai qu'il ne 33 pouvoit pas s'empêcher de s'in» térefler dans tout ce qui regar33 doit la confervation des Etats; >3 je lui répondis brufquement >3 qu'il n'avoit qu'a ajouter qu'il 33 étoit de 1'intérêt des Etats de 33 s'oppofer toujours a toutes les 33 volontés de Votre Majefté, & 33 que je prenois encore la liberté » de lui dire que quand ce feroit 3) fon avis , ce ne feroit peut-être 35 pas toujours celui des Etats. II 33 fe jeta fur les deffeine qu'on dit 33 qu'a Votre Majefté pour la Mo>3 narchie univerfelle; js lui dis  DE M. DE GOURVILLE. 207 ïj que quand un hom me comme; » lui me parloit du deffein de la » Monarchie univerfelle,je n'avois sj qua lui faire la révérence, 6c tout » cela d'un air fort libre , qui ( k » ce que je voyois bien) ne lui » déplaifoit pas; que de la maniere » dont Votre Majefté avoit fait la » paix, oupour mieux dire, Favoit » donnée a toute 1'Europe, il ne » falloit plus parler du deffein de x> la Monarchie univerfelle; il me » répondit qu'il étoit fort perfuadé » queVotre Majefté faifok toujours » ce qui étoit le plus avantageux, » 6c que c'étoit la regie de toutes » fes a&ions; qu'Elle avoit cru, » en faifant la paix, qu'il étoit » bon de défunir tant de Puiffan» ces qui étoient contr'elle, pour » a loifir en gagner une par»tie , 6c que je devois ltii con» feffer que j'étois en campagne y> pour Pexécution d'une partie 7> de ce deft'ein. Je lui répondis  2oS Mémoir és s> que je ne marchois que pour ta> » cher de traverfer les liens, qui »tendoienf/aréunir & engager tout $> le monde pour faire la guerre » a Votre Majefté, II me dit qu'il » prenoit cela comme une plaiu » fanterie y & que fi c'étoit tout » de bon , il ne croiroit pas que y> je lui parlaffe aufti bonnement » que je lui avois promis ; qu'il ne *> fongeoit au monde qu'a la con» tinuation de la paix comme le » plus grand bien qui pouvoit ar» river aux Etats & a toute 1'Eua rope; qu'il auroit bien de la joie » que cela put contenter Votre Ma3> jefté, mais qu'il vouloit bien me » dire naturellement qu'il paroif» foit que cela n'étoit pas trop le » deffein de Votre Majefté,par les » réunions qui s'étoient faites par » les Chambres de Metz & d'Al-. »face. Ma réponfe fut que je » voyois bien qu'il avoit trop  DE M. DE GOURVILLE. 20p » d'efpritpour moi, & que je m'ap» percevois trop tard que j'étois » entré trop bonnement en ma» tiere avec lui, pour un homme »'qui n'avoit eu qu'une fimpie per» mifiion de le voir , par 1'envie » que j'avois de pouvoir 1'aiTurer » de mes refpeef s, 6c que je me » trouvois déja bien empêché a » pouvoir m'excufer vers V. M« » de m'être fi fort ouvert avec » S. A. S. & que jele fuppliois de p trouver bon que je ne pariaffe » pas davantage , pour m'épargner » un plus grand embarras. II me »dit qu'il voyoit bien que je » lui difois cela pour ne lui pas» répondre fur ces réunions; je t>' lui repliquai qu'il me preffoit » fort, 8c que je croyois que je » ferois mieux de me taire ; cette » fin fut plus férieufe que n'avoit: » été tout le refte de la converfa»tion , 8c je vis bien qu'il s'en  2ió Mémoires >> étoit appercui II rrïe dit en riaht 4 » qu'il me prioit encore de lui dire » ce que je croyois qu'il put faire 33 pour juftifier tout ce qu'il ma's voit dit de 1'envie qu'il avoit n d'être bien avec Votre Majefté; >3 je lui dis du même air , que je >3 croyois qu'il n'avoit qu'a faire 33 a-peu-près le contraire de ce 33 qu'il avoit fait jufqu'a préfent; » 6c que, puifqu'il me f ordonnoit, 33- je lui dirois pour finïr la conver» fation , qu'il étoit jeune, rempli 33 de belles 6c bonnes quaiités , >3 dansun beau pofte,6c dans 1'ef33 pérance de la Couronne d'An» 33 gleterre , oü il étoit peut-êtrö 33 affez eftimé pour trouver de 33 grands obftacles a fes deffeins; 6c 33 que s'il vouloit prendre quelque 33 confiance en ce que je lui dirois, 33 je ne pouvois pas m'empêchef 33 de lui faire connoitre que per» fonne du monde n'avoit tant be*  DE M. DÉ GoÜRVlLtE. 21* '» foin de 1'amitié de Votre Ma» jefté que lui; & que je fuppliois » encore Son Alteffe cfêtre bien 33 perfuadée qu'il nepouvoitpas fe 3> 1'acquérir par des paroles, mais ï) qu'il falloit au moins ajoutef en ;» quoi elle le vouloit témoigner a 1 Votre Majefté; que je lui don3> nois tout le tems qu il voudroit [33 pour faire réflexion fur ce qu'il 33 m'avoit forcé de lui dire. II me 33 remercïa & me dit qu'il étoit » perfuadé de ce que je lui difois s 33 & qu'il penferoit a ce qu'il pour» roit faire pour plaire a Votre Ma33 jefté , qu'il me prioit de mon 33 cöté, de fonger auffia lui donner . 3) quelques ouvertures de ce que 33 je croirois qu'il pourroit faire. Je 33 lui dis que la première qui fe 33 préfentoit k mon idéé , étoit de 33 fe mettre dans 1'efprit que les 33 Efpagnols étoient bien heureux I en 1'état qu'ils font? que Votre  5 I 2 MÉ MOIRÉS ■» Majefté voulüt fe contenter ée »prendre quelques villages qui » lui appartenoient de droit, fans >5 vouloir entrer dans la queftion j » que le grand intérêt des Hollan-' » dois étant que le pays des Efpa-* » gnois leur fefvit de barrière, ils »devoient partager le bonheus, » que les Efpagnols tenoient de la: » modératiOn de Votre Majefté , » & cela d'un air, comme fi jevou-» iois faire finir laconverfation ; il: » me dit que du moins il voudroit » être affuré que Votre Majefté » n'en voulüt pas davantage J » qu'elle avoit lieu d'être contente » de ce qu'elle avoit fait pour fa » gloire & pour fon intérêt; qu'en » ce cas il étoit prêt de s'engager » avec les Etats & la Maifon de:. » Brunfwick, de la maintenir dans » tout ce qu'elle poffede, fuppofé » que qui que ce foit, fans excep»~tion 3 la voulüt attaquer : cela?  DE M. DE GOURVILLE. £> 1 f $ étant , ajouta-t-il , vous pouvez » vous aflurer que nous convien» drons a 1'affemblée de Hume^ » linck , des conditions que vous » trouverez raifonnables ; après » quoi il me fit encore des honnê» tetés. Si j'ai été affez malheureux » pour avoir dit quelque chofe qui » ne foit pas du goüt de Votre Mar> jefté, je lui endemandetrès-hunv» » blement pardon, & en écrivant »je nepenfequ'a lui rendre compte » autant qu'il m'eft poffible, mot a » mot , de tout ce qui s'eft dit, 3? étant perfuadé que par ces iux> mieres elle pourra connoitre mieux que je nefaurois faire, les » vues & les deffeins que peut avoir 3> eus M. le Prince d'Orange dans ?3 tout ce qu'il m'a dit. Si elle fou3> haite que j'entre encore avec lui >> en converfation a Pïumelinck , p je fupplie très-humblement Votre ?♦ Majeité de me donner une infe  % 14 Mémoires » truétion bien ample, afin que je » tache de me conformer précifé» ment a fes intentions», Je fuis , SIRE, De Votre Majesté** le très-humble & trèsrobé'iflant ferviteur & fujet, Goiisiviiie, Après que la converfation dont je rendis compte a Sa Majefté, fut finie, lorfque je voulus prendre congé de M. le Prince d'Orange , il me demanda fi je n'irois pas a la Comédie , 6c que la il me diroit adieu. Quand il y arriva , il de-* manda fi je n'étois pas la; il me fit avertir de m'approcher de lui , öc étant derrière ceux qui vouloiene entendre la Comédie, oüil y avoit tin efpace affez grand , il me die  DE M. DE GOURVÏLLE. 2If #j>u'il aimoit mieux m'entretenir en fe promenant, que d'entendre les Comédiens ; il m'exhorta encore de parler avec toute forte de franchife. Je commencai par le faire fouvenirde.ee que je lui avois dit, quedifficilement M. de With pourroit compatir avec lui, mais qu'il devoit prendre patience , öc avoir en vue de proliter des occafions qui fe pourroient préfenter, & que le bruit du monde étoit qu'en ayant trouvé une » ü s'en étoit fervi ; il me répondit qu'il pouvoit m'aifurer en toute vérité , quJil n'avoit donné aucun ordre pour le faire tuer , mais qu'a 1'occafion de la rumeur de la populace qui s'étoit éniue, lorfque M. de With étoit allé a la prifon oü étoit fon frere, plufieurs de fes amis fe préfentant chez lui, il les y envoyoit tous pour voir ce que c'étoit, ótqu'ayant appris fa mort fans y avoir contribué, U n'avoit pas laiffé de s'en.  2 ï C MÉMOIRES •fentir un peu foulagé. Enfuite je lui dis que j'avois été bien furpris de ce qu'il avoit fongé a fe faire Souverain de Gueldres par le traité qu'il avoit projeté avec les Efpagnols, êc qu'il me fembloit que cela auroit pu lui nuire avec les Hollandois , qui auroient eu lieu de craindre qu'il n'eüt voulu étendre fa Souveraineté; il me répondit qu'il n'avoit pas été longtems fans s'en appercevoir, mais qu'il n'étoitpas extraordinaire qua fon age il n'eüt de fauffes vues, &c qu'il n'avoit perfonne avec lui qui put re&ifier fes penfées. Je lui dis qu'il avoit répondu avec tant de bonté a ce que je lui avois demandé, qu'il me paroiffoit que cela ne lui avoit pas déplu , & me donnoit la liberté de lui dire qu'il me fembloit qu'il s'étoit fort hafardé de s'être mis pres de Valenciennes , k Ja portée de donner .«ne bataille au Roi} qui avoit une grmé?  DE M. DE GoURVILLE. 2 17 armée plus forte que la fïenne & beaucoup plus aguerrie, & que, fi je 1'ofois dire, il avoit encore beaucoup hafardéa la bataille.de Montcaffei. II me répondit avec beaucoup de douceur, que tout cela pouvoit être comme je lui difois, mais que je confidérafle auffi que n'ayant point d'expérience , ni perfonne avec qui il put apprendre lart de la guerre, il avoit penfé qu'en rifquant quelques batajlles au hafard de les perdre 3 il pouvoit fe rendre capable d en gagner d'autres; qu'il avoit fouvent fouhaité de donner une partie de fon bien pour pouvoir fervir quelques campagnes fous M. le Prince. Je lui dis enfuite que le bruit avoit fort couru a Paris que Son Alteffe avoit la paix dans fa poche, quand elle avoit attaqué le pofte de SaintDenis, elle me répondit qu'elle ne Favoit recue que le lendemain ; qua la vérité, elle favoit qu'elle Tomc IL K.  21$ MÉMOIRES étoit fake, & qu'elle avoit cru que ce pouvoit être une raifon pour que M. de Luxembourg ne fut plus fur fes gardes, mais qu'au moins il prendroit une lecon qui pourroit lui fervir une autre fois, & qu'il avoit confidéré que s'il perdoit quelque monde , cela ne feroit d'aucune conféquence, puifqu'auffi bien il falloit en réformer. M. Dodick que j'avois autre, fois connu a la Haye & beaucoup pratiqué a Paris, dans 1'Anmaffade qu'il y avoit fake après la paix de Nimegue avec M. Dykf veldtj tous deux créatures de M. le Prince d'Orange, me dit qu'ayant appris que je devois pafTer la Haye, il avoit avancé fon départ de Zélande , & précipité fa marche pour m y trouver ; il me pria de vouloir bien féjoumer le lendemain, afin qu?il put me donner a diner avec Son AlteUe , qu'il aimoit  DE M. DE GOURVILLE. 2 I f> mieux me prêter des relais pour me faire regagner le jour que j'auro^s perdu par complaifance pour lui; je lui répondis en riant qu'il favoit bien que je le connoiflois affez , pour qroire qu'il avoit plus de facilité a promettre quatenir. M.le Prince d'Orange dit, non feulement je fuis facaution,mais je vous promets d'ordonner qu'on vous faffe mener deux relais de carroffe pour faire diligence le lendemain; M. Dodick donna un grand diner a Son Alteffe 6c a dix ou douze autres perfonnes, dont je fus du nombre. Ce Prince me fit encore l'honneur de me faire affeoir auprès de lui, & après diner on me propofa un jeu qui dura long-tems. M. le Prince d'Orange me dit encore que je me préparaffe a lui donner fouvent a manger ay^c MM. les Princes de Brunfwick, au retour de la chaffe , & qu'il me donneroit 6c a ceux qui feroienr,  220 MÉMOIRES avec moi autant de chevaux qué je voudrois pour courir ; j'avoue que jefus fi touché de fes manieres & de toutes les bonnes qualités que j'avois trouvées en lui, que je ne pouvois pas m'empêcher d'en dire beaucoup de bien au Roi & aux Miniftres; je penfe que M. de Louvois & M. de Croiffy ne m'en crurent pas tout-a-fait, eftimant que le bon traitement que j'en avois recu avoit contribué a me faire groffir les objets. M. de Louvois m'en ayant parlé depuis dans le même efprit, je lui dis que je fouhaitois qu'il ne s'appercüt pas trop tard que j'avois expofé la vérité. Enfuite je me rendis auprès de M. le Duc d'Hanovre,qui fe trouva fur ma route avant d'aller a Zeil. 11 voulutme loger dans fa maifon, & trois jours après étant a Zeil, j'allai mettre pied a terre chez M. le Marquis d'Arques, qui étoit gffe  DE M. DE GOURVILLE. 22t' voyé de Sa Majefté , & qui mavoit fait préparer un appartement chez lui. M. le Duc de Zeil 1'ayant appris 3 envoya fon principal Miniftre & un carroffe, priant M. d'Arques de trouver bon que je vinfïê loger dans fonchateau;il me recut de même que Madame la Ducheffe de Zeil avec beaucoup de témoignages de bonté &, fi j'ofe dire, d'amitié. Ils s'ouvrirent bientót après a moi du deffein qu'ils avoient de faire le mariage de leur fille avec le fils ainé de Al. le Duc d'Hanovre, afin que les deux Etats puffent être réunis dans fa familie, & qu outre le plaifir qu'ils avoient de me voir, ils avoient penfé que j'étois plus propre que perfonne a faire réuffir ce mariage ; je répondis que je m'en chargerois trèsvolontiers, étant perfuadé que cela étoit très-avantageux pour toute la Maifon, & étant retourné è Hanovre, je trouvai affez de difK iij  S22 MÉMOIRES pofition auprès de M. le Duc & de Madame la Ducheffe pour la conclufion de ce mariage , ce qui fut bientót fait. Après quoi j'avois bien ordre de propofer a ces Princes quelques traites , mais ma princicipale miffion étoit de tacher de défunir en quelque facon 1'affemblée qui fe devoit faire; ou qu'en <:as qu'elle fe tint 3 jJy allaffe pour rendre compte au Roi de ce qui s'y pafferoit. Je fus beaucoup plus heureux que je n'avois ofé Pefpérer, M. le Duc d'Hanovre ayant pris le parti d'aller avec Madame la Ducheffe prendre les eaux aWisbaden proche Mayence. M. le Prince d'Orange qui en fut averti, envoya en pofte M. de Benthem , depuis Milord Portland, qui arriva la veille du départ,& fit de grandes inftances a M. le Duc d'Hanovre pour tacher de Pengager a ne pas faire ce voyage, & a tenir la partie qu'il avoit faite pour aller a Hume-  DE M. DE GoURVILLE. 22? ïinck, & a moi il me dit que M. le Prince d'Orange Favoit chargé de me faire bien des reproches de ce quejerompois cette partie, 6c que ce n'étoit pas le moyen de lui don: ner a manger au retour des chaffes, ; Comme je lui avois promis ; je lui ' répondis que j'avois connu M. le Prince d'Orange li raifonnable, , que j'efpérois qu'il ne trouveroit : pas , mauvais qu'ayant été envoyé* I auprès de M. le Duc d'Hanovre, I je le fuivilfe a Wisbaden, comme j'aurois fait a Humelinck avec I plaifir, s'il y avoit été. Après queM. le Duc eut marché : trois jours , on me réveilla le maI tin entre deux 6c trois heures, pour 1 me dire que M. le Prince de ValI deck demandoita me parler; j"avois 3 cu de grands démêlés avec lui a S Zeil 6c a Hanovre. Je lui avois I même reprochéquefon grand zele , pour 1'Empereur venoit de Pex: trême envie qu'il avoit d'être fait K iv  224 MÉMOIRES Prince de 1'Empire. Comme il venoit de 1'être, je lui fis beaucoup de plaifanteries fur cela. Tous nos démêlés n'avoient jamais empêché que nous ne vécuffions enfemble avec toute forte de bienféance & a nous voir on auroit cru que nous étiorts les meilleurs amis du monde. M'étant levé en robe de chambre, il me fit de grands reproches de ce que j'emmenois M. le Duc d'Hanovre pour rompre Paflemblée de Humelinck ; je lui dis que je nefaifoisque lefuivrea j Wisbaden, quelques indifpofitions Payant obligé d'aller y prendre les eaux: cela ne le contenta pas & Pobligeaa me dire beaucoup de chofes, étant beau & grand parleur; enfuite il me dit qu'il alloit voir M. le Duc d'Hanovre, fans pourtant efpérer de le détourner du voyage qu'il avoit entrepris. "Wisbaden eft un lieu rempli d'une infinité de fources d'eaux k  chaudesfj ^|(|f!f j;ff||uler dans plulieurs :" i V " '' ' rire des bains., qu'on ilic ^/ü"^,tW-'-Éilutaires: j'en avois cleiiit1, dith^é^fle oü 1'on m'avoit logé j M. le Duc d'Hanovre y.prit deseaux de Sultsbach, qu'il envoyok chercher toutes les nuits, pour en boire le matin; c'eft une eau un peu aigrette qui donne un bon goüt au vin du Rhin, quand on y en met. J'eus raifon de croire par les lettres que je recus en eet endroit, que le Roi étoit content de ce que j'avois fait; mais on ne me parut pas preffé de faire un traité avec M. le Duc d'Hanovre, ainfi je pris congé de Leurs Alteffes pour m'en revenir a Paris» Le jour qu'Elles partirent pour s'en retourner a Hanovre, Elles avoient donné ordre qu'on portat chez moi une machine d'or qui avoit été faite a Francfort, proprea mettre fur la table , pour rafraïchir du vin a la glacé, qu'on pouK v  xï6 M é m ó i r ë s voit tifer pour le boire , fans aide de perfonne ; cette machine étoit femblabie a une de verre que Madame la Ducheffe d'Hanovre m'avoit fait voir auparavant, & que j'avois trouvée d'une jolie invenrion. Madame de Montefpan Tayantvue, metémoigna qu'elle feroit bien-aife de 1'avoir, elle m'en donna neuf millle livres. A mon retour, Sa Majefté parut être contente de moi, 6c j'appris qu'ayant été queftion de faire une Ordonnance pour mon voyage M. de Croiffy propofa de la faire de fix mille livres; M. de Louvois dit qu'il croyoit que Sa Majefté pouvoit aller jufqu'a huit^ 6c le Roi finit en difant, 6c moi je luis d'avis qu'on la faffe de dix. En remerciant Sa Majefté a Saint Germain ? je lui dis que je ne _ m'en vanterois pas , crainte de la jalouf e qu'en pourroient avoir fes Ambaffadeurs, qui n'éioient pas payés  DE M. DE GoURVlLLË* 227 fur ce pied-la, mon voyage n'ayant pas été de trois mois, mais que j'emploierois eet argent a faire une belle fontaine a Saint-Maur. Le Roi continua de me donner des marqués d'une bienveillance au-deffus de toutce que j'aurois pu efpérer; toutes les fois que j'étois a Verfailles 3 ce qui arrivoit affez fouvent, je ne manquois pas de me trouver au lever : les Kuiffiers étant affez accoutumés a me voir, me faifoient entrer des premiers après les privilégiés ; M. de la Chaife, Capitaine des Gardes de la porte qui avoit les entrées, me donnoit fa place auffi-tót que je pouvois me ranger auprès de lui; 6t ainfi je me trouvois toujours en vue 6c affez prés du Roi, qui, par fa finguliere bonté, le plus fouvent me faifoit l'honneur de me dire quelque chofe , ce qui étoit remarquéde tout le monde, entr'autres de M. le Duc de Lauzun Kvj  228 MÉMOIRES que je rencontrois affez fouvent auprès de M. de la Chaife, paree qu'ils avoient les mêmes entrees; il me dit un jour qu'il avoit remarqué que prefque toujours , | quand le Roi avoit jeté les yeux fur moi, Sa Majefté fongeoit a me dire quelque chofe. J'étois bien avec M. de la Feuillade , j'avois avec lui un commerce très-particuiier & fort agréable. II avoit 1'efprit vif, écrivoit & parloit fort fouvent en particulier au Roi, & je le trouvois inftruit des premiers de tout ce qu'il y avoit de nouveau. Les Courtifans trouvoient fortaredire a fa conduite , mais avec tout cela il n'y en avoit point qui n'enviat fon favoir faire , & la liberté qu'il s'étoit acquife avec le Roi. Ils répandoient fort, pour lui faire de la peine , qu'il parloit fouvent a Sa Majefté contre lesMinifteres, mais cela ne produifit d'autres  DE M. DE GOURVILLE. 22£ effets que d'engager ces Meflieurs a avoir plus d'égards pour lui. Quand il y avoit quelque chofe de nouveau, il m'envoyoit chercher ; s'il y avoit du monde avec lui, il me menoit dans un petit entre - fol pour m'y entretenir : je trouvois qu'il alloit fort bien a fes fins; il faifoit beaucoup de dépenfe, mais il ne laifToit pas que d'avoir quelque ordre & trouvoit moyen de la foutenir. II s'embarqua dans une grande entreprife pour faire faire dans fa maifon la figure du Roi, qui eft a préfent a la Place des Vi£loires, mais qui lui réufïit fort bien ; il avoit recu beaucoup de graces de la libéralité du Roi, fur-tout le Gouvernement de Dauphiné , la Charge de Colonel du Régiment des Gardes, dont il trouvoit moyen, fur-tout pendant la guerre, de tirer beaucoup de profit ; il obtint du Roi, par  230 Mémoires forme d'échange, des domaines confidérables pour joindre aux terres de fa maifon ; s'il avoit vécu, je crois que M. fön fils eut époufé Madëmoifelle de Clérambault, a caufe de 1'union étroitê 6c 1'amitié qui paroiffoient être entre ces deux Meflieurs. Je me remis dans mon train ordinaire öc me troüvai plus agréablement que jamais avec MM. de Louvois 6c Colbert, j'ofe même dire que j'étois dans leur confidence , il m'écoit permis de leur parler plus librement que perfonne. Je penfai alors que je devols faire mes efTorts pour tacher d'obtenir un Arrêt qui put affurer mon repos, que j 'avois un peu trop négligé ; öc, a 1'aide de ma bonne fijrtuns , je m'avifai, deux ou trois jours avant cue le Roi partit pour Fontainebleau de demander a M. Colbert s'il trouveroit bon öc a propos que  DE M. DE GOURVILLË. 2?!1 je priafle M. le Prince de donner un placet au Roi, pour obtenir un Arrêt & des Lettres-Patentes qui me miflent en füreté a 1'avenir; il me répondit qu'il me le confeilloit & que je devois même Favoir fait plutót. M. le Prince le préfenta au Roi qui le remit a M. Colbert, lequelme dit que je pouvois faire arefferP Arrêt cc mme je le jugerois a propos : Sa Majefté ayant trouvé bon de me 1'accorder, je donnai toute mon application a le dreffer, je le portai a Fontainebleau a M. Colbert, qui affe£la de le lire tout du long au Roi dans fon Confeil des Finances; M Poncet qui en étoit, après que le Roi Feut accordé , dit qu'il croyoit que je n'y avois rien oublié; auffi-tot que M. Colbert me Feut déiivré, il s'en alla a Paris, oü il fut quelque tems malade & y mourut. M. de Louvois me demanda fi  "232 Mémoires je ne penfois pas a prendre des mefures pour me faire ControleurGénéral, je lui dis qu'il pouvoit bien croire que non , puifque je ne le priois pas de m'y rendre fervice; cela n'empêcha pas que le jour que Sa Majefté avoit déterminé pour en nommer un , il ne me proposat. Le Roi avoit mis en délibération de mettre en cette place M. de Harlay , ProcureurGénéral, & M. le Tellier avoit nommé M. Pelletier. II étoit donc queftion que Sa Majefté fit un choix parmi nous trois. M. le Tellier opina en difant qu'il ne j connoiffoit point M. le ProcureurGénéral, paree qu'il ne fe montroit pas, qu'il convenoit que j'avois de 1'efprit & entendois bien les finances; fur ce difcours le Roi dit qu'il en falloit donc demeurer la, ce qui ayant été entendu par M. le Duc de Créquy, qui avoit grande attention pour  DE M. DE GOURVÏLLE. 2^ favoir ce qui fepaffoit Öc qui écoutoit a la porte, il courut vitement pour en faire en fecret la confidencea M. le Prince; aulfi-töt il defcenditdahs la cour,öc m'y ayant trouvé, me tira a part, póur me dire que j'étois Controleur-Général des Finances, qu'il l'avoit entendu de fes oreilles, 6c qu'il me prioit de faire quelques plaifirs a Boxtel qui étoit de fes amis, je le remerciai 6c me mis ainTi-tót dans ma chaife pour m'en aller en mon logis. Je balancai quelque tems en moi-même pour favoir comment je devois regarder cela, j'étois flatté d'un cöté , mais de 1'autre je trouvois qu'a mon age c'étoit un grand poids, qu'ayant bien des amis , la plupart croiroient bientöt qu'ils auroient fujet de fe plaindre de moi, fi je ne faifois pas ce qu'ils pourroient fouhaiter , que d'ailleurs j'avois une  234 M É* M Ö I R È S nombreufefamille,que chacun me donneroit bien des malédiclions, fi je ne Pavancois pas felon fon caprice. J'étois encore fort en peine de ce qu'il falloit,fouvent lire au Roi en plein Confeil les papiers dont on lui devoit rendre compte, 6c que nele pouvant bien faire, je ferois obligé de les donher a uh autre pour les lire, 6c par-deflus tout cela je confidérois que j'étois fort agréablement avec M. le Prince, que j'avois fuffifamment de bien non feulement pour vivre honorabiement mais encore pour aflifter mes parents, felon leur condition, 6c non pas felon 1'état oü j'étois a caufe du grand nombre ; que je navois plus a craindre fur mes affaires paffées, après PArrêt 6c les LettresPatentes que le Roi venoit d'avoir la bonté de me donner. Enfin je décidois en moi - même que je ferois bien plus heureux, fi quel-  DE M. DE GOURVILLE. 2?J qu'autre étoit nommé au lieu de moi. En ce moment on vinttout en courant m'apporter la nouvelle que M. le Pelletier étoit Contröleur-Général ; je puis dire trèsfincérement que je m'en trouvai foulagé. Bientöt après je fus ce qül s'étoit paffé depuis ce que M. de Créquy avoit entendu, qui étoit que M. le Tellier après avoir dit fon avis fur M. le ProcureurGénéral,avoit ajoutéau bien qu'il avoit dit de moi, que je m'étois mêlé de beaucoup d'affaires, que j'étois a&uellement attaché a M. le Prince & a M. le Duc ; 6c que parlant de M. le Pelletier, il avouoit qu'il avoit beaucoup d'e£ prit, qu'il pouvoit dire que c'étoit comme de la cire molle capable de prendre telle imprelTion qu'il plairoit a Sa Majefté de lui donner, 6c qu'ainfi il pourroit en faire un habile financier, ce qui détermina le Roi a le nommer.  23| celle de Hallatte; mais je fus bienÜtöt, fous grande promeffe de In'en point parler , dou eet emjjpêchement étoit venu. Je pris sle parti de Pignorer, & néanmoins iide faire des inftances pour pari venir a une vérification ; jJen parlai a M, le Pelletier qui me  ft 3g MÉMOIRES donnoit des excufes, qui me faifoient affez connoitre la volonté quJon avoit de traverfer mon affaire. Je fuppliai M. le Prince de me mener chez M. le Tellier a Chaville pour lui en parler , & le prier de vouloir achever une affaire que Son Alteffe avoit fi fort a cceur &' qui étoit fi avancée ; mais M. le Tellier s'en excufa, difant qu'il n'entendoit pas les formalités de la Chambre des Comptes. J'avoue que cette réponfe a laquelle j'avois été bien éloigné de m'attendre, me dé* monta fi fort, que je dis impertinemment tout haut a M. le Prince, je crois que Votre Alteffe peut aller prendre fon lait ( c'étoit fon repas ) puifque M. le Chanr celier n'entend pas les formalités de la Chambre des Comptes. La Compagnie fut un peu embarraffée de ma réponfe, mais 1'affaire en demeura la. M le Prince avoit  DE M. DE GoURVILLE. 237 ïa bonté d'être bien faché, & moi bien davanta^e - de n'avoir ms jporté mes Lettres a la Chambre > des Comptes aufli-töt que je les 1 avois eues, puifqu'elles auroient lété vérifiées. Parlant de mon af1 faire a M. de Louvois, pour le iprier d'en dire quelque chofe a SM. le Chancelier & a M. le Peljletier , il me répondit que les dh> ijficultés que je rencontrois ne vejnoient point de mauvaife volonté .qu'on eüt contre moi; je lui rejpliquaj que fi je n'en étois pas la qcaufe, j'étois bien malheureux , ipuifque j'en fentois rudement Peffet. ! M. de Ia Buffiere , fous le nom iduquel j'avois fait le prêtdeGuyen?ne en 1'année 1661 , m'étant venu itrouver a Bruxelles , me dit qu'il avoit mis en dépot chez un Notoire toutes les décharges néceffaires pour retirer les promelfes qu'il avoit mifesal'Epargns  240 Mémoires fomme de cent treize mille livres qui me devoit revenir ; mais étant mort bientöt après, M. Tabouret fon frere , qui ayoit été fort riche & qui ne 1'étoit plus, s'étant ac* commodé avec le Notaire qui avoit le dépot, prit 1'argent qui m'étoit deftiné , & tous les billets de 1'ET pargne qui devoient feryir a retirer les promeffes de 1'argent: il en acheta de M, le Prince de Conty la terre de Venizy , fous le nom de M. de Chemerault fon gendre, pour joindre a celle de Turny qui lui appartenoit. }\ difpofa de tous les billets pour s'acquitter de quelques fommes qu'il devoit a des particuliers, il les donnoit a fort bon marché, entr'autres il en avoit mis pour fix ou fept cents mille livres entre les mainsde M. Valentine qui m'a fouvent offert_ de me les remettre pour ce que je voudrois , mais je m'étoiscontenté de faire prendre un extrait fur les re- giftres  DE M. DE GoURVILLE. 241 giftres de 1'Epargne de tous les billets qui avoient été tirés fur la Guyenne pour 1'année 1661, montant a beaucoup plus que les promeffes que M. de la Buiffiere avoit mifes al'Epargne. J avois joint ace mémoire une copie du procés-verbal du fieur Commiffaire Manchon , pour prouver qu'il avoit enlevé les décharges qui devoient fervir a retirer auffi les promeffes de 1'Hermitage pour Pannée 1660, & ce fut fur ce fondement que 1 Arrêt que j'avois obtenu, portoit que ces promefTes demeureroient nulles; mais j'avoue que quoique ce fut une juftice , c'étoit néanmoins une grande grace & un prétexte a M. Pelletier de le faire valoir pour beaucoup. La première fois que je fus éclairci qu'on en avoit le deffein s fut a 1'occafion d'une quittance de dixhuk mille livres pour des augmentations de gages, dont lePvoi avoit Tome II. £,  242 MÉMOIRES ordonné le rembourfement en faveur de M. le Préfident Molé, pour pareille fomme que je lui avois prêtée dans une affaire preffante 3 dont il me fut tant de gré, qu'il m'en a gardé le fouvenk , 6c m'a fait plaifir en tout ce qui lui a été poffible jufqu'aujourd'hui. ^ M. le Pelletier ne jugeant pas a propos de m'en faire le rembourfement, après bien du tems je fus contraint d'en parler au Roi , 6c Sa Majefté ayant eu la bonté de lui ordonner de me rembourfer ,il repréfenta au Roi que je devois cie grandes fommes a Sa Majefté; mais elle ordonna de reelief de me lesfairepayer,ce qu'il fk.Tout cela n'empêcha pas qu il ne me donnat un accès fort libre dans fa maifon, il fembloit même que je lui faifois* plaifir d'aller fouvent diner avec lui, fon cabinet in étoit toujours ouvert. J'y allois ordinairement. aux heures oü il ne donnoit point audience, 6c fouvent il commen-  DE M. DE GOURVILLE. 24? coit par me dire , parions un peu de nos affaires. J'ai cru avoir remarqué qu'il trouvoit fouvent dans le grimoire des Finances, de quoi lui faire naitre des fcrupules, en effet, auffi-töt que par les libéralités du Roi &lesoccafions heureufes qui fe préfenterent, il eut établi fa familie , il ne fongea plus qu'a mettre M. de Pontchartrain en fa place. Quand on lui avoit propofé quelques avis, il me demandoit volontiers mon fentiment; mais en ce tems-la il ne s'en préfentoit pas comme il arriva quelque tems après fous M. de Pontchartrain. Je ne fais par quel hafard on trouva un état des reftes de la Guyenne fait par M. Pelot pour de groffes fommes que M. le Pelletier jugea devoir être dues par M. Bouin, qui étoit déja rudement attaqué fur d'autres affaires, ce qui alla jufqua 1'obliger de vendre fa Charge de Maitre de la L ij  244 MÉMOIRES Chambre aux deniers, dont on fit porter le prix au Tréfor-Royal. Celui-ci avoit toujours avec raiion gardé beaucoup de mefures avec moi, je lui avois pour ainti dire mis les armes a la main , lui ayant donné , a la priere de M. de Bechamel, un Controle en Guyenne, & deux cents écus d'appointement, d'oü il étoit parvenu par fon favoir faire a une très-grande fortune après ma difgrace, fans s'être mêlé que des affaires de cette Province ; mais fe trouvant fort furchargé, il crut devoir tacher de fe foulager a mes dépens , cela nous jeta dans un grand procés. Enfin M le Pelletier ayant été extremement prié par M. le Marquis de Chateauneuf, de protéger M. Bouin, qu'il difoit être dans fon alliance, paria dans la fuite d'une facon qui augmentoit mes chaarins 6t mes peines de beaucoup ; mais la bonté que le Roi eut pour  DE M. DE GoURVILLE. 24^ moi, étoit fi grande que, quoique par ie rapport qui lui fut fait de cette affaire on lui fit entendre que je devois être tenu d'une partie de 1'état en queftion, a la décharge de M. Bouin, Sa Majefté ne laiffa pas d'ordonner que 1'on déchargeat M. Bouin des fommes qu'on croyoit être dues par moi, ce qui fut fait. Pendant tout ce tems-la, je n'avois pas moins Faccès libre chez M. Pelletier , & je paroiffois auffi-bien traité de lui qu'on le pouvoit être. Vers la fin de Pannée \6$61 M. le Prince recut la nouvelle a Chantilly, que Madame la Ducheffe avoit lapetite vérole a Fontainebleau,il partitpour s'y rendre & ne s'arrêta point qu'il ne fut arrivé ; on me vint dire a Saint-Maur , qu'en paffant par Paris , il avoit témoigné du chagrin de ce que je n'y étois pas pour aller avec lui: je m'y rendis auffi-töt. Le Roi L iij  Mémoires ■étoit revenu a Verfaiües , & M. le Prince ayant refté malade a Fontainebleau, y fut affez long tems; mais enfin fon mal augmentant, cela me mit fort en peine , il avoit une grande envie de revenir a Paris , j'avois même pris des mefures pour 1'y faire porter en ehaife ; mais fon mal étant augmenté , les Médecins jugerent «juli n'en pouvoit pas iohapper , & lui-même fe fentant bien, ne fongea plus qu'a ce qull avoit de plus preffé. II m'ordonna d'envoyer un courier a Paris pour fairs venir en diligence le Pere Defchamps, Jéfuite, & de faire partit pour cela des relais. II fit aufli-tót ^crire au Roi une lettre fort touchante en faveur de M. le Prince de Conty , qui étoit encore difgracié, enfuite il m'ordonna de faire dreffer un teftament, par lequel il vouloit donner cinquante mille écus pour être diftribués ;  DE M. DE GOURVILLE. 247 dans les lieux oü il avoit caufé les plus grands défordres pendant la guerre civile , pour entretenir des pauvres malades , dont il m'avoit parlé la veiiie, & cn un peu de paroles, il medéclarace qu'il vouloit faire pour fes domeftiques & pour moi, a qui il vouloit donner cinquantemilleécus,ajoutantobligeamment qu'il ne pouvoit jamais reconnoitre affez lesfervices que je lui avois rendus. Je ne lui répondis rien , & m'en allai faire dreffer ce teftament par fon Secretaire, & fans Notaire, avec toute la diligence poffible ; Son Alteffe fe 1'étant fait lire & nJy ayant pas trouvé mon nom, elle me jeta un regard de fes yeux étincelants comme en colere,& elle me dit de faire ajouter les cinquante mille écus pour moi dont elle m'avoit parlé ; mais je la remerciai très-humbiement.luirepréfentant qu'il n'y avoit point de tems a perdre, & que je L iv  248 Mémoires la priois de le ligner, ce qu'elle fit. Le Pere Defchamps qu'il demandoit fouvent arriva peu après, M. le Duc, a qui on avoit envoyé un courier , arriva prefqu'en même tems. Son Alteffe Séréniffime eut encore quelques heures pour i'entretenir après qu'il fe fut confeffé 3 enfuite il mourut. M. lc Duc m'ayant chargé de faire préparer toutes chofes, le Grand-Maitre des cérémonies, & les autres Officiers qui devoient accompagner fon corps a SaintVallery, étant arrivés ,il y futconduit & mis dans une cave , oü étoient quelques-uns de fes ancêtres, avec toute Ia pompe & la cérémonie dues au premier Prince du Sang. Madame d'Hamiiton , depuis Ducheffe de Tirconel , devant partir pour aller a Londres , me dit que Sa Majefté Britannique ne manqueroit pas de lui deman^  DE M. DE GOURVILLE. 249 der ce que je difois des grands projets qu'il faifoit pour le rétabliffement de la Religion Catholique en Angleterre; je la priai de lui dire, en ce cas-la, que fi j'étois Pape, il feroit déja excommunié „ paree qu'il alloit perdre tous les Catholiques d'Angleterre ; que je ne doutois pas que cenefutl'exemple de cequ'il avoit vu faire en France, qui lui fervoit de modele; mais que cela étoit bien différent; qu'a mon avis il auroit dü fe contenter de favorifer les Catholiques en toutes rencontres s pour en augmenter le nombre , & laiffer a fes fucceffeurs le foin de remettre peu-a-peu 1'Angleterre tout-a-fait fous 1'obéiffance du Pape. J'entretenois toujours quelque commerce avec MM. les Princes de Brunfwick, dont je rendois compte a MM. les Miniflres; M. le Duc d'Hanovre m'envoya un courier exprès vers le mois d'Avrii L v  2J0 MÉMOIRES 1Ó87, pour me dire quefijevoulois aller a Aix-la-Chapelle, il auroit du plaifir a me voir , &. qu'il étoit dans rintention de faire quelque chofe qui fut agréable au Roi; Sa Majefté m'ordonna d'y aller pour le porter a faire un trai- ■ té avec Elle. M. 1'Abbé de Marfillac qui cherchoit toujours a foulager 1'état oü ii étoit, penfant que les eaux de ces lieux-la lui feroient peut-être favorables, fe propofa ce voyage, & Mefdemoifelles de la Rochefoucault, qui ne pouvoient pas fe réfoudre a le laifier partir fans 1'accompagner, en voulurent être aüfli; ils fe firent un plaifir de voir en allant & revenant Madame 1'Abbeffe de Soiffons leur tante qu'ils aimoient beaucoup j nous paffames aufTi a Sillery, & allames prendre des bateaux a Charleviüe pour nous mener a Liege, oü nous trouvames Madame la Comteffe de la Marck &  DE M. DE GOURVILLÏÏ. 2jï Madame la Princeffe de Fuftemberg, M. 1'Evêque de Strasbourg y étoit auffi ; nous y féjournames un jour , 6t arrivames a Aix-laChapelle , oü M. le Duc & Madame la Ducheffe d'Hanovre étoient déja ; ils m'avoient fait louer une des plus belles maifons de la ville. M. 1'Abbé de Marfillac en prit une autre tout contre, & nous y féjaurnames autant de de tems que ce Prince y demeura. M. le Duc d Hanovre feroit affez volontiers convenu de ce que j'avois pouvoir de faire avec lui, fi. ce n'eut été qu'on demandoit une étroite liaifon avec le Roi de Danemarck ; mais comme ce Roi a toujours des prétentions fur la vile d'Hambourg, & qu'elle eft fous la prore£tion de Brunfwick; dans ces dernieres années que le Roi de Danemarck a voulu faire des tentatives, cette Maifon s'y eft toujours oppofée 6c en a garand cette L vj  2$ 2 MÉMOIRES ville ; outre que M. le Duc d'Hanovre craignoit que cela ne 1'engageat a quelque chofe qui déplüt a la Suede avec laquelle la Maifon de Brunfwick eft étroitement liée. Ayant envoyé a la Cour mon neveu de Gourville pour rendre compte de ce qui s'étoit paffé a Aix-la-Chapelle , le Roi lui rit l'honneur de lui ordonner d'aller continuer cette Négociation a Hajiovre, 6c de faire en forte que M. le Duc de Zeil entrat avec fon frere dans le traité. Mon imagination faifant toujours beaucoup de chemin, je me fis un projet de propofer a M. le Duc d'Hanovre de fe faire Catholique avec toute fa familie; que par ce moyen il pourroit devenir Electeur, 6c un de fes enfants Evêque d'Ofnabruck après lui, puifque ce feroit au Chapitre a nommer un Catholique. Ayant dit ma penfée a M. le Prince de Fuftemberg 3  DE M. DE GOURVILLE. 2?? depuis Cardinal, qui fe trouvoit dans le voifinage, je lui demandai fi M. l'Ele&eur de Cologne voudroit bien faire Coadjuteur d'Hildesheim celui queM. le Duc d'Hanovre deftineroit pour 1'Evêché d'Ofnabruck ; il m'aflura qu'il n'en doutoit pas , ce qui auroit donné une grande confidération a cette Maifon, & faifoit un bel établiflement pour un de fes enfants. Mais comme je prévoyois bien que raifonnablement on pouvoit craindre qu'un jour cela rfoccafionnat ledémembrementdesbiens de 1'Eglife, qui font réunis au Duché & qui en font la principale partie des revenus , j'ajoutois que ce changement de Religion feroit regardé d'une fi grande conféquence pour la Religion Romaine , que je ne doutois pas que le Pape ne fit tout ce qu'on pourroit fouhaiter pour aflfurer que tous ces Bénéfices demeureroient pour toujours réunis  25*4 mémoires a ce Duché- Ce qui me donnoit quelqu'efpérance pour ce changement , eft que j'avois fouvent entendu dire a M. le Duc d'Hanovre que Jefus-Chrift avoit dit en communiant a fes Apötres, Ceci est mon Corps; mais que 1'on ne favoit pas bien comment il Favoit entendu 5 & qu'ainfi il croyoit que Ton pouvoit fe fauver dans toutes les Religions Chrétiennes. II étoit Luthérien , Madame la Ducheffe d'Hanovre étoit Calvinifte} & chacun d'eux avoit fon fermon féparé dans la même falie. Je demandai un jour a Madame la Ducheffe de quelle Religion étoit la Princeffe fa fille qui pouvoit avoir treize ans, & qui étoit fort bien faite; elle me répondit. qu'elle n'en avoit point encore , qu'on vouloit favoir de quelle Religion feroit le Prince qui 1'épouferoit, afin de 1'inftruire dans la Religion de fon mari, foit Pro-  DE M. DE GOURVILLE. 2$$ teftant ou Catholique. M, le Duc d'Hanovre, après avoir entendu toute ma propofition,me dit que ce feroit une chofe très-avantageufe pour fa Maifon ; mais qu'il étoit trop vieux pour changer de Religion. Je ne laiffai pas de ménager une entrevue de M. le Prince de Fuftemberg avec lui, fous prétexte de 1'entretenir fur les affaires du tems; mais a la fin M. le Prince de Fuftemberg lui paria non feulement de la Coadjutorerie d'Hildesheim , mais encore vouloit lui faire envifager qu\yant un grand nombre d'enfants, il les pourroit mettre dans les Chapitres, & raifonnablement efpérer qu'il y en auroit qui parviendroient a avoir des Evêchés; il convint que la propofition lui paroiffoit belle & bonne, mais qu'il la regardoit feulement comme une marqué de 1'afFecYion & del'amitié que i'avols pour lui, paree qu'il vouloit mou-  2 fi6 MÉMOIRES rir dans fa Religion , étant trop vieux pour en changer. Madame la Ducheffe qui lefut,me fit des compliments & des amitiés fur la bonne volonté que j'avois, d'une maniere qui me fit juger qu'elle auroit volontiers confenti a la propofition, fi fon mari y étoit entré. Cette Princeffe avoit infiniment d'efprit & une fi grande gaieté, qu'elle 1'infpiroit a tous ceux qui 1'approchoienty mais il me femble qu'elle avoit une pente naturelle a chercher fouvent a dire quelque chofe fur fon prochain en fa préXence ; il eft vrai qu'elle le difoit de maniere que celui a qui elle s'adreffoit, ne pouvoit s'empêcher d'e.n rire le premier. Le jour du départ étant arrivé, j'allaiaccompagner Leurs Alteffes a Aithenoue, & le foir Madame la Ducheffe d'Hanovre me dit | qu'on lui vouloit vendre deux diamants de douze ou quinze mille  DE M. DE GOURVILLE. livres chacun ; elle me les montra en me priant de vouloir bien lui donner mon confeil pour lechoix, ce que je fis fort ingénüment, & m'en étant allé dans le logis qu'on m'avoit marqué , M. le Baron de Platen, premier Miniftre du Prince , m'apporta celui que j'avois en quelque facon efttmé le plus;mais il ne fut jamais en fon pouvoir de me le faire accepter. Quelque tems après, M. le Duc d'Hanovre m'envoya huit chevaux des plus beaux qu'on puifte voir , de ia race d'Oldembourg: auffi-tót que je les eus, je me propofai de fupplier le Roi de vouloir bien qu'on les mk dans fes écuries, Sa Majefté voulut bien les accepter, ce qui me fit un très-grand plaifir. Après que la guerre fut dédarée , on paria fort de la négociation qui fe faifoit avec M. de Savoie ; on prétendok mettre une earnifon dans la Ckadelle de Tu-  2?8 Mémoires rin, M. de Savoie nesypouvant réfoudre,oftnt fes troupes au Roi, & de recevoir garnifon francoife dans deux de fes places, qui a ia \ vérité n'étoientpas de grande conféquence ; la réfoiution fut enfin prife de lui déclarer la guerre , en cas qu'il ne voulüt pas recevoir garnifon francoife dans laCitadelle de Turin. L'ayant appris, je fus trouver M. de Louvois pour lui repréfenter combien cette guerre couteroit a Ja France, par la néceflité oü 1'on fe trouveroit de faire voiturer par des muiets feulement tout ce qui feroit néceffaire pour la fubfiflance de 1'armée; que le Roi ayant déja tant d'ennemis fur les bras, il me fembloit qu'on auroit dü éviter d'en augmenter le nombre : s'il ne feroit pas plus avantageux que Ton fit pafïer fes troupes dans 1'armée du Roi & que 1'on mit garnifon dans les deux petkes places qu'il offroit; que cela 1'empêcheroit peut-  DE M. DE GOURVILLE. être d'achever le traité que 1'on difoit qu'il avoit commencé , ou du moins pourroit le fufpendre pour quelque tems; que j'avois toujours entendu dire que les guerres dTtalie avoient été ruineufes 6c fatales aux Franeois; que la frontiere de France du cóté du Piémont, étoit la feule oü 1'on n'avoit jamais rien fait pour la mettre en bon état; qu'il ne falloit pas s'étonner fi M. de Savoie ne vouloit pas recevoir de garnifon dans fa citadelle de Turin, puifque ce feroit fe foumettre, 6c tout fon pays,a la volonté de la France, & qu'alfurément cela devoit le précipiter d'entrer dans la iigue avec les ennemis a toutes conditions;mais foit que M. de Louvois fit peu de réfiexion fur tout ce que je lui difois, ou qu'il fut importuné de mon difcours,il me répondit même affez brufquement que la réfolu-  a6o Mémoires tion avoit été prife en plein Confeil , & dit, comme il avoit fait a 1 occafion de la fortie des Miniftres, que le Roi n'aimoit pas qu'on lui parlat en particulier contre ce qui avoit été réfolu en préfencedetous.Je penfaLcomme j'avois fait autrefois, que c'étoit lui qui avoit ouvert & apparemment foutenu 1'avis qui avoit été pris. Dans 1'année 1690, M. le Pelletier me dit un jour qu'on propofoit de faire quelque affaire fur i'or & fur 1'argent; je lui répondis que j'avois toujours oui dire que c'étoit une matiere bien délicate : il me demanda fi je croyois bien qu'il y eut deux cents millions en monnoie dans leRoyaume, ainfi qu'il en avoit fait 1'eftimation dans le Confeil-Royal; je lui dis qu'il falloit qu'il y en eut beaucoup plus, paree que j'avois fouvent obfervé que le commerce  DE M. DE GOURVILLE. 261 de Paris qui eft grand , fe faifoit avec beaucoup d'argent ; il me dit qu'on propofoit de marquer les efpeces comme on avoit marqué les fois, 6c de prendre une fomme pour la marqué ; je lui dis que quelque marqué que 1'on put faire , il y auroit une infinité de gens qui s'efforceroient d'en marquer, 6c que les peuples n'étoient pas capables de connoitre la différence de ia marqué du Roi d'avee celle des faux marqueurs. Enfuite étant allé voir M. de Louvois , il m'en paria aufli , je lui fis d'abord la même réponfe ; mais m'ayant dit qu'on étoit dans la néceffité de faire quelque chofe d'extraordinaire par le grand befoin qu'on avoit d'argent, je lui dis que fi on étoit réfolu abfolument de faire 1'opération fur la monnoie , je trouvois les mêmes inconvénients que j'avois expliqués a M.le Pelletier, 6c qu'on feroit donc  262 MÉMOIRES obligé de la refondre & la marquer avec quelque différenée,afirï qu'on put dilïinguer la nouvelle monnoie d'avee la vieilie ; il rne dit qu'il favoit bien qu'on en avoit parlé, mais qu'on avoit trouvé que cela feroit de trop grands frais; il me vint dans la penfée que le remede a tout cela feroit, li on pouvoit remarquer toutes les efpeces fans les fondre. II me demanda auffi s'il y avoit bien deux cents millions de monnoie, comme on le difoit; je lui répondis que je fa vols, a n'en pouvoir douter, qu'il y en avoit plus de quatre ; qu'après que M. le Pelletier m'en eut parlé, je m'étois fouvenu qu'a Bruxelles un nomraé Manis, de Lyon , qui avoit conduit M. le Tellier, quand il abandonna les Gonfignations, m'avoit dit qu'il avoit été pancipal (Dommis dans les fermes qui avoient été faites du tems de Varin; que je lui avois fait plu-  DE M. DE GoUR.VILLE. 2,6$ fieurs queftions , entr'autres combien il eftimok qu'il y eut de monnoie d'or & d argent en France dans ce tems-la; qu'il m'avoit affuré, comme en ayant tenu le regiftre, que cela étoit monté a plus de quatre cents millions; & com; me il venoit aflurément plus d'or & dargent en France par SaintMalo, qu'il ne s'en étoit pu conforamer par les dorures & par la vaiffelie d'argent qui étoit devenue fi fort a la mode, j'étois perfuadé que préfentement il devoit y avoir plus de cinq cents millions. M. de Louvois me dit auiïi qu'on avoit parlé de fondre toute la vaiffelie d'argent, afin d'en faire de la monnoie , & me demanda ce que j'eftimois qu'il y en eüt dans le Royaume; je lui répondis que pour eet articie je n'en favois rien, mais que je m'appliquerois volontiers a connoitre a-peuprès oü cela pouvoit aller; il me  264 Mémoires dit que je lui ferois un grand plaifir de 1'ihformer de ce que j'aurois trouvé la-deffus. Etant venu a Paris, j'envoyai chercher un nommé Maffelin , Ghaudronier de fon métier, qui avoit fait de la batterie de cuifine pour 1'Hótel de Condé ; jene fais a quelle occafion je 1'avois connu pour homme d'efprit & inventif; je lui demandai s'il croyoit qu'on put trouver une invention pour remarquer la monnoie fans la refondre 3 il me dit qu'il n'en doutoit point, & me paria comme un homme fi favant dans la facon de remarquer 1'or & 1'argent, qu'il me fit foupconner qu'il y avoit quelquefois travaillé, & revenant toujours a vouloir me bien affürer, fi on pourroit remarquer fans fondre,il ajouta que 1'effai pouvoit être de quelque dépenfe; je 1'affurai que je la paierois volontiers , & même que je lui ferois donner quelque  DE M. DE GOURVILLE. 26% quelque gratification ; auffi - tor ayant appercu des jetons fur ma table , il m'en demanda fix pour faire 1'effai, & me promit de ne perdre aucun tems pour voir s'il y pourroit parvenir; enfuite ii me rapporta ces jetons, dont ii y en avoit trois marqués d'une autre marqué, ce qui me fit un grand plaifir , & j'affurai mon homme d'une bonne récompenfe. J'allai trouver M. de Louvois pour lui faire voir ces jetons contre-marqués, ce qui lui plut beaucoup: il en rendit compte au Roi dans lirribant en faifant fort valoir le fervice que je lui rendois ; ce qui m étant revenu je fentis une joie inexprimable de ce que ma fortune m'avoit affez favorifé pour pouvoir donner quelque petite marqué de ma reconnoiffance des bontés que Sa Majefté me témoignoit dans toutes les oecafiqns. M.^le Pelletier me dit quelques Tomé II, ]\1  2.66 Mémoires jours après, que le Roi avoit parlé obligeammentde cette affaire pour moi; je lui demandai bonnement s'il ne jugeoit point que ce fut une occafion pour obtenir du Roi un nouvel Arrêt & de nouvelles Lettres-Patentes, pour me mettre tout-a-fait en repos, öc terminer toutes mes craintes fur les changements qui pourroient arriver; mais je ne trouvai pas que cela tombat dans fon fens. Et comme jepenfoisque l'occafion étoit trèsfavorable, quoique M. le Pelletier refufit d'y entrer, je m'efforcaide nouveau a pénétrer d'oücela pouvoit venir ; enfin de toutes les penfées qui me vinrent je m'arrêtai a croire que M. le Pelletier, a 1'inftigation de M. le Tellier, avoit fi fortement parlé au Roi contre M. Colbert, pour m'avoir procuré ma décharge, qu'il ne crut pas pouvoir propofer a Sa  DE M. DE GOURVILLE. 2(57 Majefté une chofe qu'ii avoit fi fort blamée en M. Colbert. , J'employai pendant auelques jours affez de tems pour faire des mémoires , par eftimation , de ce qu'il pourroit y avoir d'argenterie dans Paris, en y comprenant MM. les Evêques, les Grands du Royaume &c chacune des conditions particulieres ; mais tout cela pour tacher d'approcher feulement un peu de la vérité , & je portai mon eftimation en gros a environ cent millions, & après y avoir fait réflexion, ie crus que cela pourroit bien aller a une pareille fomme pour le refte du Royaume. Pouffant ma fpéculation, je me déterminai de croire qu'il devoit y avoir un tiers des cent millions en flambeaux, cuilleres, fourchettes & couteaux. Ayant remarqué depuis quelques années dans mes voyages , que tous les Cabaretiers des routes M ij  26$ MÉMOIRES paffageres avoient des cuilleres & fourchettes d'argent, 6c quelques-uns un baffinaveoune éguiere; que dans les plus petites Villes le grand nombre des Bourgeois avoient des cuilleres 6c des fourchettes , 6c m'appliquant a examiner de quelle utilité pouvoit être au Roi la fonte de la vaiffelie , je ne trouvai pas que cela put être confidérable. Premiérement , paree que je ne croyois pas que 1'on put faire refondre ce tiers, que j'ai marqué être par eftimation , en flambeaux, cuilleres 6c fourchettes d'argent, que du foplus il n'y avoit pas d'apparence que le Roi y put trouver d'autres avantages que celui de la fabrique de la monnoie, qui ne pouvoit être fort confidérable ; que ce feroit entiérement ruiner le corps de tous les Orfevres , qui ne laiffoit pas d'être affez nombreux, en y comprenant les ap-  DE M. DE GoURVILLE. 2lace de celui qui avoit fait 1'échange , .& j'ai eu la confolation de voir la perfe&ion de eet ouvrage ? & même d'avoir augmenté la fondation de quelque chofe deplus pour que 1'on donnat quelques vêtements ou linge aux convalefcents quand ils fortiroient. J'ai ordonné, par mon teftament, que mon cceur fut porté dans la Chapelle de cette Charité,  DE M. DE GOURVILLE. 28 £ au lieu que j'ai marqué; j'ai fait graver mon épitaphe fur un marbre , laiifant feulement a ajouter le jour, le mois 6c 1'année qu'il plaira a Dieu de me retirer de ce monde. Je 1'envoyai a ces bonnes Soeurs avec un drap mortuaire 6c tous les ornements néceffaires , pour faire le fervice que j'ai ordonné être fait tous les ans a pareil jour que celui de ma mort. C'eft après avoir ainfi difpofé toutes mes affaires, qu'un de mes amis m'ayant fait des queftions fur des chofes arrivées il y a fort long tems , je les lui racontai comme fi elles s'étoient paffées la veille-, ce qui me donna lieu de former le deffein d'écrire ce qui m'eft arrivé de tant foit peu confidérable. J'ai eu un fi grand plaifir de voir que mon efprit öc ma mémoire étoient revenus au point que je n'aurois jamais ofé 1'efpérer , que j'ai fait ces Mémoires en quatre  285 Mémoires inois & demi,ce que je n'aurois pas cru pouvoir faire en deux ou trois ans. Depuis toutes ces graces & bénéditbions queDieu m'a faites, je me fuistrouvé tout accoutumé a mes incommodités qui font encore affez grandes, & qui n'ont rien diminué de ma gaieté ordinaire. Je ne fouffreplus depeines de ceque je ne puis marcher; enfin je ne fais s'il y a quelqu'un qui foit plus heureux que je me trouve 1'être, & toujours par les bontés&les graces que j'ai recues du Roi. J'ai de quoi faire la dépenfe que je puis defirer, j'ai fait part de mes biens aune partie de ma familie, felon la fortune que Dieu m'a donnée; j'en ai faitaffez aux autres , quoique préfentement au nombre de quatrevingt-treize neveux ou nieces, pour qu'aucun ne foit en néceffité, eu égard a la condition dans laquelle ils font nés. Mon étoile fortunée m'a fi bien conduit, que je fuis  DE M. DE Gor7RVILLE. 2?7 dans Fabondance, fans avoir ni terres nimaifons qui pourroient me caufer quelques petites peinesdans lajouiffance, enayantgratifté moti neveu de Gourvilie, en lui faifant d'autres avantages. Quelques-uns de mes amis qui me font venus voir par une efpece de curiofité, ont été furpris de me trouver comme je viens de me peindre; beaucoup d'autres dans certaines rencontres me font dire qu'ils veulent me venir voir , mais ia plupart trouvent toujours quelque chofe a faire de plus prelfé. Je vois avec joie ceux qui viennent me vifiter, & me confole aifément de ne pas voir les autres. Je m'amufe avec mes domeftiques, au commencement je les fatiguois fortpar mes doléances , & préfentement pour 1 ordinaire je fais des plaifanteries avec eux. Le plus ancien de mes domeftiques fe nomme Belleviile , & eft  288 Mémoires avec moi depuis trente-deux ans", il avoit le foin de ma petite écurie quand j'ai eu des chevaux , il eft devenu fameux Nouvellifte , fort accrédité dans raffemblée du Luxembourg ; au retour de-ia il ne fort guere de ma chambre, 6c m'entretient quand je n'ai pas autre chofe a faire. Mignot qui a vingt-cinq ans de date , eft chef de mon confeil, dont il n'abufe pas , 6c eft mon Valet-de-Chambre. Le troifieme s'appelle Rofe , il eft avec moi depuis dix-fept ans, en qualité d'Officier , 6c préfentement il occupe plufieurs Charges, il feroit Maitre-d'Hótel fi j'en devois avoir un , mais quoi qu'il en foit, il a foin de la pitance 6c s'en acquitte fort bien. Le quatrieme, le Clerc, en date de quinze ans , fait parfaitement bien les meffages, je n'oferois lui dünner d'autre qualité, pour ne pas  DE M. DE GOURVILLE. 2gp pas doubler les Offices auprès de moi. Le cinquieme , eft un jeune dröle qui fe nomme Gibé s & a de 1'efprit, il eft né pour Fécriture, & ne fauroit s'empêcher d'avoir toujours laplumea la main, quand il a ceffé de me lire quelques livres , ce qui fait qu'il ne fort point de ma chambre. J'ai une grande curiofité pour les nouvelles, je fuis des premiers averti de tout ce qui fe paffe , j'en fais des relations pour mes amis de la Province , qui leur font grand plaifir, enfin le jour fe paffe doucement, le foir je fais jouera Pimpériale 6t confeille celui qui eft a mon cóté , depuis quelques années je compte de ne pouvoir pas vivre long-tems; au commencement de chacune , je fouhaite pouvoir manger des fraifes 3 quand elles font paffées, j'afpire aux pê- Tome 11. N  zpo MÉMOIRES ches, 6c cela durera autant qu'il plaira a Dieu. Je me fuis fort preffé d'écrire mes aventures 6c les agitations de ma vie pour arriver au tems oü j'ai commencé a goüter dans le port (pour ainfi dire) , le repos dont je jbuis préfentement par 1'exceffive bonté du Roi; mais fi j'ai diclé avec précipitation ce que ma mémoire me fourniffoit fur le champ , c'a toujours été dans la vue de revoir les Mémoires que j'ai faits,afin d"y ajouter beaucoup de chofes qui me font échappées, ou que j'ai laiffées volontairement, pour aller au but que je m'étois propofé. L/étatoü je me fuis trouvé depuis prés de dix ans augmente de beaucoup mes fentiments de reconnoiflance, puifque fi j'avois eu peu de bien , comme j'ai été fur le point de m'y voir expofé, j'ai tout lieu de eroire que ie n'aurois pas  DR M. DE GOURVILLE. 29 I tant vécu , & que j'aurois triftement langui le rede de mes jours dans la foiitude oü je me ferois trouvé , ce qui m'auroit caufé des chagrins qui m'auroient accablé. Le grand nombre de mes amis m'a perdu de vue s dès que jJai été regardé comme ne pouvant être utile a perfonne. L'état oü j'étois au commencement de monincommodité y a beaucoup contribué j par le bruit qui couroit que j'étois prefque hors d'état d'entretenir aucun commerce ; la plupart aimerent mieux fe laiffer aller a le croire, que de fe donner la peine de venir s'en informer ; c'eft ainfi quele monde eft fait, ce qui m'a moins furpris qu'un autre par le commerce que j'en avois. Ne pouvant plus fortir de ma chambre, je me fuis défait de mon carroffe, & n'ayant point de laquais, je me fuis réfervé cinq perfonnes, dont Nij  2<)2 MÉMOIRES quatre ne fortent prefque jamais de ma chambre, 6c trois favent bien lire 6c écrire, ce qui m'a été d'un grand fecours , la plupart vieux domeftiques de quinze, vingt 6c trente ans, tous fort affe&ionnés par reconnoiffance du paffé; mais comme ce font des hommes, j'ai cru qu'il falloit les maintenir dans leurs bonnes intentions par quelque bienfait préfent, 6c par 1'efpérance de I'avenir. Depuis que je me fuis avifé du plaifir de faire mettre par écrit tout ce qui m'eft arrivé d'un peu confidérable pendant ma vie , j'ai prefque abandonné la lefture ; 6c:* comme il paroit par tout ce que j'ai rapporti ci-devant s que j'ai toujours été honoré delabienveiilance deMeffieurs les Miniftres, je me propofe d'ajouter ici non pas^ leurs portraits, m'eftimant un très-méchant peintre , mais de les repréfenter tels qu'ils m'ont paru par le  DE M. DE GOURVILLE. eommerce que j'ai eu avec eux. M. le Cardinal Mazarin avoit beaucoup d'efprit dans la converfation , & étoit naturellement éloigné de toutes fortes de violences. Les guerres civiles dont la minorité du Roi avoit été la caufe , finirent entiérementfans que 1'on fit mourir un feul homme, encore que prefque lamoitié de la France Feut mérité. II favoit bien qu'on le blamoitde beaucoup promettre & de ne rien tenir . mais il s'en exculoit fur la nécelïité de ménager tout le monde, a caufe de la faciiité qu'on avoit dans ce temsla a fe féparer des intéréts du Roi: & il fe pouvoit bien faire que s'il n'avoit promis qu'a ceux a qui il auroit cru pouvoir tenir fa parole, cela eut peut-être caufé un plus grand bouleverfement dans 1'Etat. Ce n'eft pas pour cela que je veuille croire que ce foit la raifon ni fon habileté qui 1'aient N iij  2.p% MÉMOIRES porté a cette conduite,, plutót que fon penchant naturel. II fe plaifoit queiquefois a parler de 1'opinion qu'avoit eue M. le Cardinal de Richelieu pour les miracles, peut-être paree qu'il n'y croyoit guere. Après fa mort on blama fort fa mémoire a caufe des grands biens dont il sJétoit trouvé revêtu; ceux qui le vouloient excufer _, difoient qu'au tem.6 de fa difgrace, s'étant vu prefque fans argent, cela lui fit naitre 1'envied'enavoir beaucoup , quand il fut a portée d'en amaffer. Pour moi, je veux croire oue le peu de bien qu'il s'ctcit trouvé venoit de la difficulté d'en pouvoir acquérir , encore qu'il fut le maitre, a caufe du défordre des affaires de ce tems-la , qui étoit fi grand, qu'a peine pouvoit-on faire fubfifter la Maifon du Roi, dont j'ai vu queiquefois tous les Officiere prêts d'abandonner leurs Charges. II y avoit même des tems  DE M. DE GOURVILLE. 2$$ oü ils ne donnoient a manger au Roi que fur leur crédit. Mais après que M. le Cardinal eut rétablil'autorité du Roi , & pacifié toutes chofes, il trouva bien les moyens de devenir riche ; les Surintendants , pour avoir la liberté de prendre de leur cóté pour leurs immenfes & prodigieufes dépenfes, fur-tout en batiments, le forcoient, pour ainfi dire, a prendre la meilleure partie pour lui, a quoi (je penfe) qu'ü n'avoit pas de peine a confentir , par 1'envie qu'il avoit naturellement de s'enrichir. Le défordre du gouvernement des Finances jufqu'alors en donnoit toutes les facilités,&ceux qui ont vu tout cela de prés, conviennent quJil n'y avoit que M. Colbert capable par fon génie, fon extréme application & fa fermeté , d'y mettre un aulfi grand ordre qu il a fait, ce qui a donné lieu au Roi de le maintenir , Sa N iv  2p6 Mémoires Majefté fe faifant rendre compte & fignant même toutes les Ordonnances pour la dépenfe. Mais fi eeux qui ont gouverné les Finances, nont pas eu la liberté de prendre , le Roi qui, par fon extréme exatfitude, a reconnu qu'ils ne le pouvoient pas , a contenté Tenvie qu'ils pouvoient avoir de s'enrichir, en les comblant de fes bienfaits , & par ce moyen a fatisfait leur ambition. M. Fouquet avoit beaucoup d'efprit & de manege , &c une grande fertilité d'expédients , c'eft pour cela que n'étant qu'en feeond avec M. Servien, il étoit quafi le Maitre des Finances, dont il ufa dans la fuite fort librement. II étoit entreprenant jufqua la témérité ; il aimoit fort les louanges n'y étoit pas même délicat. Un jour partant de Vaux pour aller a Fontainebleau , & m'ayant fait mettre dans fon carroffe avec Ma«  DE M. DE GOURVILLE. 297 dame Duplelïïs-Belliere , M. le Comte de Brancas 6c M. de Grave, fes plus grands louangeurs, il leur contoit comment il s'étoittiré d'affaire avec M. le Cardinal fur un petit démêlé qu'il avoit eu avec lui, dont il étoit fort applaudi, 6c je me fouviens que précifément en montant la montagne dans la forêt, je lui dis qu'il étoit a craindre que la facilité qu'il trouvoit a réparer les fautes qu'il pouvoit faire, ne lui donnat lieu d'en hafarder de nouvelles , ce qui pourroit peut-être un jour lui attirer quelques difgraces avec M. le Cardinal; je m'apper^us que cela caufa un petit moment de filence, 6c que Madame Duplellischangea de propos , ce qui fit peut-être que perfonne ne répondit rien a ce que je venois de dire. Après la mort de M. le Cardinal, fuivant toujours fon même cara&ere , il eut peine a fe tenir dans les hornes N v  2^8 MÉMOIRES oü il falloit être avec le Roi, & c'eft fur cela que M. le Tellier me fit une fois fes plaintes; mais enfin il avoit fait fon projet de s'acquérir par diftinctionles bonnes graces du Roi, ce qui lui attira fa perte, & qui ( a mon avis) a donné lieu aux autres de faire des réflexions fur eet exemple. J'ai cru avoir remarqué qu'aufïi-tót que le Roi eut pris les rênes du gouvernement, il ne voulut point fouftrir qu'aucun de fes Miniftres fortïtdes bornes de fa commiflion, pourempiéter fur celle des autres. Je me fouviens qu'étant a la Haye en j66$ , M. d'Eftrades me fit voir entr'autres deux lettres , par lefquelles M. Colbert lui mancoit de faire faire telles ou telles chofes,& que par le premier courier il lui enverroitles ordres du Roi 3 fur quoi M. d'Eftrades me dit que cela vifoitforta faire le premier Miniftre; je lui répondis que je croyois con-  DE M. DE GOURVILLE. 2 il avoit beaucoup de douceur quand il donnoit audience , une ambition modérée j ècn'aurok pasje crois, voulu jouer le röle de premier Miniftre, quand il 1'auroit pu , par la crainte d'être chargé des mauvais événements ; en un mot , il étoit né fage a 1'excès j mais avec un peu de penchant a la rancune, ce qu'il marqua aflez a. 1'occafion de M. Defmaretz , neveu de M. Colbert. Je me fouviens qu'un jour a Fontainebleau, me parlant de 1'acquifition que M. de Louvois avoit fake de Meudon, il m'exhorta de  DE M. DE GOURVILLE. S°3 lui infinuer autant que je pourrois , de vendre le chateau a quelque Communauté religieufe, craignant peut-être la grande dépenfe qu'il y pourroit faire pour 1'embellir , Öc que cela ne convenoit point , fur-tout a caufe du voifinage de Verfailles , fur quoi il me cita ce qu'il avoit fait a Chaville. Je lui répondis que fa rnodération öc fa fagelfe ne pouvoient pas fervir d'exemple , paree qu'il faudroit être nc comme lui, naturellementfage , dont il n'étoit particuliérementredevable qu'a Dieu; parcequejene croyois pas que 1'expérience öc les réflexions puffent jamais faire un homme auffi fage qu'il favoit toujours été, öc que par-deffus cela j'étois perfuadé qu'il y avoit toujours des tems oü il y couroit des maladies d'efprit comme de corps, par les folies que j'avois vu faire a beaucoup de gens dans les batiments öc  304 Mémoires les jardinages; que ie m'en étois moi-même fenti fi frappé, que j'avois entrepris de faire de SaintMaur une maifon agréable, & que j'avois commencé des terralfes & un jardin dans un endroit oü il y avoit de vilaines carrières, d'oü on avoit même tiré de la pierre pour batir la maifon ; mais que pour couvrir ma folie , je difois que cela ne m'incommoderoit pas , puifque par le traité que j'avois fait avec M. le Prince, je trouverois ma vie durant 1'argent que j'y emploierois. M. le Tellier me croyoit fi bien dans les bonnes graces de M. de Louvois, que ce n'eft pas pour une feule fois qu'il a jeté les \eux fur moi pour lui infmuer des chofes qu'il ne vouloit pas ou n'ofoit lui dire, M. de Louvois ayant obtenu du Roi la furvivance de fa Charge pour M. le Marquis de Courtanvaux , fon fils aïné, qui paroiffoit avoir le mérite de  DE M. DE GOURVILLE. JOf M. fon pere, mais qui me fembloit n'être pas tout-a-fait tourné a la deftination qu'il en faifoit, & mutant perfuadé par tout ce qui m'étoit revenu des difpofitions de M. de Barbezieux, que ce dernier y auroit été plus propre, M. le Chancelier le fut, 6c ayant fait fes réflexions la-deffus avec AL 1'Archevêquede Rheims,ces Melfieurs me prierent d'en vouloir parler de leur part a M. de Louvois, felon ma penfée , 6c étant yenus a ma maifon pour m'y engager, je m'en excufai, en les priant de confidérer que comme c'étoit une affaire purementdefamilie, labienféance vouloit plutöt que ce füt Monfieur le Chancelier, ou lui qui en fit i'ouverture; mais m'ayant repiiqué qu'ils auroient bien fouhaité que ce fut moi, je_ leur dis que s'ils vouloient dire a M. de Louvois que c'avoit été ma penfée, öc que cela lui donnat oc-  So6 Mémoires cafion de m'en parler, je répondrois volontiers comme ils le pourroient attendre de mon zele. Quelques jours après M. de Louvois me dit qu'il avoit fujet de fe plaindre de moi, de n'avoir pas voulu l'avertir d'une chofe que j'avois penfée, & qui étoit d'une grande conféquence pour fa familie, puifqu'il avoit réfolu avec Monfieurle Chancelier & Monfieur 1'Archevêquede Rheims, de fuivre mon avis; je lui répondis que je n'avois pas cru en devoir faire davantage, puifque Monfieur le Chancelier êt Monfieur TArchevêque de Rheims étoient entrés dans ma penfée; qu'il leur convenoit mieux de lui en parler qu'a moi; il me dit qu'il ne laifloit pas de m'en avoir obligation, mais qu'il exigeoit de moi de lui parler a i'avenir ouvertement fur tout ce qui pouvoit le regarder, fans exception; je lui promis de n'y pas manquer} en le  Ï>E M. DE GOÜRVILLE. 307 remerciant de Fhonneur qu'il me faifoit. Monfieur le Chancelier étant tombé dans un état qui ne lui permettoit pas de croire qu'il eut encore long-tems a vivre, 6c defirant que M. le Pelletier put être Chancelier , en fit I'ouverture a M. de Louvois, qui ayant toujours plus d'envie que moi de me faire Contröleur-Général des Finances, propofa qu'en ce cas il me falloit faire avoir cette Charge, fi on pouvoit venir a bout du refte. J'appris cela par M. de Tilladet, qui avoit écé préfent a la conférence qu'on avoit tenue ladelfus. Pour cette fois je n'eus pas peur de me trouver expofé a être accablé fous le poids de eet emploi,m'étantperfuadé fur le champ que le Roi ne leur laifferoit pas la difpofition de 1'un ni de 1'autre. En effet M. le Chancelier étant mort} le Roi donna aufll-töt fa charge a M, Boucherat. Je me  308 MÉMOIRES rendis a Saint-Gervais le jour que 1'on devoit y apporter le corps de M. le Tellier, & m'étant approché de M. fe Pelletier , qui en faifoit les honneurs j il me dit, voila le corps de 1'homme de France qui vous eflimoit le plus ; je lui répondis naïvement qu'il eüt été plus avantageux pour moi, qu'il m'eüt moins eftimé & qu'il mJeüt aimé davantage. Si j'ai bien connu M. le Pelletier , je crois que fes talents lui auroient donné plus de facilité a la Chancellerie , qu'au maniement des Finances; comme les embarras qui me font venus pendant fon miniftere m'ont fouvent appliqué a connoitre fon cara&ere , j'ai cpu que ce qui dominoit principalement en lui, étoit un grand defir de faire fon falut, & j'ai attribué a cela la réfolution qu'il avoit prife de fe démettre de fon emploi, après avoir été raifonnable-  DE M. DE GoURVILLE. 309 ment enrichi par les liberalités du Roi, & avoir fait fon fils Préfident a Mortier, qui eft 1'ambition de tous les gens de robe. II voyoit que les dépenfes que le Roi étoit obligé de faire augmentoient de jour en jour, & il ne fe fentoit peut-être pas Pefprit auffi fertile en expédients qu'il auroit defiré; il étoit néanmoins bien-aife de demeurer en état de pouvoir faire plaifir quand il lui conviendroit,c'eftce qui lui fit defirer d'obtenir du Roi le ContröleGénéral en faveur de M. de Pontchartrain qu'il avoit tiré de la première Préfidence de Bretagne, pour le faire Intendant des Finances, & qu'il logeoit dans fa maifon a Verfailles. Sa Majefté lui ayant confervé la qualité de Miniftre d'Etat,-il fe trouva toujours agréablement auprès d'elle. M. de Lyonne avoit beaucoup d'efprit & étoit confommé dans  3 io Mémoires les affaires , il avoit paffé une bonne partie de fa vie dans les Ambaffades & féjourné longtems a Rome, oü 1'on dit que fe pratique la plus fine politique; il étoit laborieux & écrivoit toutes fes dépêches de la main, agréable & commode dans le commerce ordinaire , ayant toujours eu jufqu'a. fa fin quelques maïtrefles obfcures, il n'a pas été heureux dans la familie qu'il a lahTée, quoiqu'il lui eütprocuréde grands établiffements. M. Colbert avoit long-tems travaillé fous M. le Tellier & dès ce tems-la il paroifloit fort laborieux & intelligent. M. le Cardinal ayant demandé a M. le Tellier un homme pour en faire fon Intendant, M. le Tellier lui nomma M. Colbert , comme étant pour eet emploi le plus propre de tous ceux qu'il connoiflbit. En effet M. le Cardinal s'en trouva parfaitement  DE M. DE GoiJRVILLE. 3 J 1 5 'i1 étoit né Pour le travail, au-deffus de tout ce qu'on peut imaginer & fort exact : je crois que Jon ambition étoit plus grande que Ie monde n'en jugeoit & peutetre plus qu'il ne croyoit lui-même. Je ne dirai pas de lui ce que j'ai penféde M. ie Tellier, qu'il n'auroit pas voulu être en place de pouvoir gouverner, dans la crainte de fe trouver chargé des événements; mais quand il a voulu faire quelques démarches pour excéder fa place, il a bientót jugé que le Roi ne s'en accommoderoit pas. J'ai toujours penfé qu'il n'y avoit que lui au monde qui eüt Pu mettre un fi grand ordre dans le gouvernement des Finances en Jï peu de tems. II Pavoit pouffé « lom & fi bien fait connoïtre au Roi les moyens d'en empêcher la dilfipation, qu'il ne lui eüt peutetre pas été facile d'en tirer de grandes utjlités; mais il trouva dans  312 Mémoires la bonté 6c ia juftice du Roi de quoi être enrichi an~dela de fes efpérances. Outre le tems qu'il employoit aux affaires de Sa Majefté, il en prenoit encore pour apprendre lelatin 6c fe fit recevoir Avocat a Orléans, dans lavue 6c Pefpérance de devenir Chancelier. II préfumoit fi fort du bon état oü il avoit mis les affaires du Roi, dont il avoit rendu le revenu certain , au-deffus de cent millions y qu'il le croyoit fuffifant pour faire la guerre. Ayant fupputé qu'il y avoit un fonds plus grand que la dépenfe n'avoit encore été, il fit ren dre un Arrêt, je ne fai pas pour quoi, par lequel il étoit défendu aux gens d'affaires de prêter au Roi fous peine de la vie; 6c s'étant trouvé enfuite dans la nécefïité de faire des emprunts, il s'en ouvrit a moi, 6c me demanda fi je croyois qu'il fallüt donner un Arrêt contraire au premier ; je lui  DE M. DE GOURVILLE. 3 I J lui dis que je penfois qu'il ri'y avoit ^qua oublier qu'il eüt été donné, & emprunter comme on auroit pu faire auparavant. II m'a fouvent paffe par Pefprit que les hommes ont leurs propriétés a peu-près comme les herbes, & que leur bonheur confifte d avoir été deftinés ou de s'être deftinés eux-mêmes aux chofes pour lefquelles ils étoient nés, c'eft pour cela que j'ai penfé que le bonheur de M. de Pontchartrain, 1 ayant conduit dans les Finances , il y a fi bien réufli 3 que je ne crois pas que jamais homme ait eu plus de talents & de meilleures difpofitions que lui , pour le maniement des affaires des Finances. J'eus le bonheur d'en être connu auffi-töt qu'il commenca des en mêler, & j'oferois quafi croire que j'étois né avec la propriété de me faire aimer des gens a qui j'ai eu affaire, & cue c'eft lome II, 1 o  5 Mémoires _ cela proprement qui m'a fait jouer un affez beau röle avec tous ceux a qui j'avois befoin de plaire; mais je me fuis propofé de faire, en quelque facon, le portrait de M. de Pontchartrain , 6c non pas le mien. II me fembla quil avoit bientót pris des notions dans les Finances, qui ne feroient venues qu'avec peine a un autre; il favoit diftinguer ceux qu'il croyoit plus habiles que lui, 8c je m'appercevois bientót qu'il en favoit autant 6c plus qu'eux ; mais cela n'a pas empêché qu'il n'en ait toujours eu un petit nombre avec qui il étoit bien-aife de s'entretenir. II les invitoitalui parler de tout ce qui leur venoit dans 1'efprit fur le fait des affaires dont il étoit charge. II donnoit tout le tems néceflaire au travail 3 mais après cela dans ia converfation , il confervoit une grande gaieté, 6ca mon avis avoit peu de fouci. Je ne crois pas  DE M. DE GOURVILLE. 31 f oevoir m'étendre davantage fur fes bonnes qualités, me fouvenant de 1'incrédulité qu'eurent M.-de Louvois & M. de CrohTy, lorfque je leur racontai toutes celles que je croyois avoir trouvées en la perfonne de M. le Prince d'Orange , ils s'imaginerent que le bon traitement que j'en avois recti m'avoit groffi les objets audel? ^ .ce &oit en effet; mais ici je n'ai qu'a me confirmer dans mes penfées, par les marqués que M. de Pontchartrain a recues des bontés du Roi pour fon élévation. J'ai fort connu M. de Pomponnea 1'Hótel de Nevers, même avant qu'il füt a la Cour, il étoit regardé, par un certain nombre d'honnêtes gens & d'efprit qui faifoient leurs délices de cette maifon , ^ comme un homme de bien & d'un bon efprit. II réuffit fi bien dans fes Ambaffades, & Oij  MÉMOIRES le Roi prit tant de goüt pour lui, par le bon ftyle de fes lettres, que, M. de Lyonne étant venu a mourir , le Pxoi, fans aucune infinuation , & fans_ que merfonne en fut rien , lüi envoya un de fes Gentilshommes a Stockholm, oü il étoit pour lors AmbalTadeur, qui le furpnt extremement , en lui apprenant que Sa Majefté favoit fait Secretaire d'Etat, & lui mandoit de venir inceffamment en prendre poüelfion. Ce ne fut qu'au retour ae ce courier que 1'on fut ce que ie Roi avoit fait la-deffus, ce qui fit que ceux qui le connoiffoient donnerent de grandes louanges aSa Majefté du bon choix qu elle avoit fait: il s'acquitta fort bien de fon devoir, mais cela nempêcha pas que M. de Louvois ne prit occafion , quand il la pouvoit trouver , de faire voir au Roi qu'il en favoit plus que les  De M. de Go urville. 317 autres. En effet M. de Pomponne ayant oublié de mettre dans une dépêche tout ce qui avoit été réfolu , & n'ayant pas nommé quelques Paroiffes de Flandre au fujet des limites, M. de Louvois ne manqua pas de le relever fortement en préfence de Sa Majefté, &, fi je ne me trompe, cela fut caufe que le Roi établit de faire lire dans fon Confeil les dépêches concernant ce qui avoit été réfolu dans le Confeil précédent : je ne fais pas même fi Sa Majefté n'a pas continué de le faire toujours , & le Roi ayant trouvé le remede pour 1'avenir , ne parut point être mécontent de M. de Pomponne, qui feroit mort dans fa Charge , s'il n'avoit pas lui feul donné lieu a fa difgrace, qui arriva a 1'occafion du mariage de Madame la Dauphine. M. de Croiffy j qui étoit alors a Munick, ayant envoyé un courier qui O ii;  5i-8 Memoires rendit fa dépêche a M. de Pom> ponnedans le tems malheureufement que M. de Chateauneuf & un nombre de dames qui étoient chez lui, montoient en carroffe pour aller a Pomponne ; il ne fit pas réflexion que le Roi étoit dans 1'impatience de favoir les nouvelles qu'apportoit le courier, & il en fit encore moins fur ce que c'étoit le frere de M. Colbert qui 1'envoyoit; il fe contenta de lui dire de ne fe pas montrer pendant deux ou trois jours qu'il devoit être avec fa compagnie a Pomponne. Le courier en fortant de chez lui s'en alla chez M. Colbert porter une lettre de M. de Croifly, qui_ renvoyoit M. fon frere au détail de ce qu'il écrivoit a Sa Majefté, néanmoins avec quelques petites circonftances,, qui ne firent qu'augmenter la curiofité du Roi; quand M. Colbert les eut dites a Sa Ma-  DE M. DE GotJRVILLË. 5jp jefté , a mon avis fans aucune vue de nuire a M. de Pomponne, ne fachant pas ce qui étoit arrivé, un autre plus foupeonneux que je ne fuis pourroit peut - être bien penfer que le courier lui avoit dit 1'ordre qu'il avoit recu de M. de Pomponne , de ne fe montrer qu'après fon retour. Le Roi, par fa bonté ordinaire, eut patience jufqu'au lendemain matin , quoiqu'il eüt fort envie de favoir ce que portoit la dépêche, qui devoit être la décifion du mariage de Monfeigneur. Le foir 1'impatience de Sa Majefté augmentant 3 il envoya chez M. de Pomponne favoir fi les Gommis n'auroient point cette dépêche ; il n'y a peut-être que le Roi qui, en pareille occaiion,eut donné une fi grande marqué de patience. II fe peut bien faire que M. Colbert ne s'étoit pas mis beaucoup en peine d'excufer M. de Pomponne, cela n'étant O iv  320 MÉMOIRES guere d'ufage entre les Miniftres; car entre amis particuliers, M. Colbert auroit envoyé un cavalier a M. de Pomponne pour 1'avertir de la peine oü étoit le Roi, & il ne falloit pas plus de trois heures pour cela. Enfin M. Colbert voyant la réfolution que Sa Majefté avoit prife d'öter la Charge a M. de Pomponne , propofa au Roi de la donner a M. de CroifTy & 1'obtint. M. de Pomponne ayant été averti du malheur qui lui étoit arrivé, prit le parti de fe retirer dans fa maifon öc de faire dire par fon Portier, qu'on ne le voyoit point; mais cependant que li je me préfentois il me fit entrer. Des que j'eus appris cette nouvelle, je ne manquai pas d'y aller; 6c, d'abord qu'il m'appercut dans fa galerie oü j'étois entré pour aller a fon cabinet, il fortit 8c me dit en m'embraffant, qu'il étoit perfuadé de la part que je prenois au mal-  DE M. DE GOURVILLE. 321 beur qui lui étoit arrivé, & qu'il croyoit que M. de Louvois étoit caufe de fa perte. Je favois affez les difpofitions de celui-ci fur fon fujet, pour lui dire que je n'en croyois rien; j'ajoutai qu'il étoit bien malheureux de n'avoir point connu la bonté du Roi & 1'aifance avec laquelle Sa Majefté vivoit avec ceux qui avoient l'honneur de le fervir, que j'étois perfuadé , que fi au lieu de dire au courier de ne fe pas montrer , il avoit donné ce paquet a un de fes commis pour le porter a Verfailles, le déchifrer , & en rendre compte au Roi, en s'excufant de ce qu'il ne Favoit recu qu'en montant en carroffe avec une nombreufe compagnie qu'il menoit h Pomponne , & lui demandant pardon de n'être pas venu Iui-même , efpérant que Sa Majefté ne le trouveroit pas mauvais, fa faute n'auroit eu aucuO v  3 22 MÉMOIRES ne fulte. II me dit qu'il en étoit perfuadé comme moi, mais que cela ne fervoit qua augmenter fadouleur. II me fit voir la lettre qu'il écrivoit a Sa Majefté, & trouva bon que je lui dife ce qui me venoit dans la penfée qui pourroit y être mis , il me P/i^de vouloir bien attendre qu'il 1'eüt envoyée, afin que nous puffions un peu nous entretenir. Après que cela fut fait, il me parut qu'il lui reftoit encore quelque doute, que fa difgrace ne lui eüt été attirée par M. de Louvois , mais je lui dis encore comme j'avois déja fait, que je ne le croyois pas, paree que M. de Louvois, en lotant de la, ne devoit pas efpérer d'en mettre un autre en fa place, & même pouvoit craindre que celui fur qui Ie Roi jetteroit les yeux ne lui fit peut-être plus de peineque lui» Me trouvant embarqué a fou-  DE M. DE GOURVILLE. 525 tenir ce que j'avois avancé, je fus comme obligé de lui faire entendre, fans le lui dire pofitivement, qu'il ne faifoit aucun ombrage a M. de Louvois; mais bientót après il apprit la vérité de ce que je lui avois avancé. II fupporta fa difgrace avec beaucoup de patience 6c de modération, par la retraite qu'il fit a Pomponne, fe tournant tout-a-fait du cóté de Dieu. Je m'en allai aufli-tót a Verfailles, oü je trouvai M, de Louvois précifément dans les mêmes fentiments que j'avois dits k Al. de Pomponne, 6c il m'ajouta que s'il fe préfentoit quelque occafion de lui faire plaifir il le feroit volontiers. En effet M. de Pomponne m'a dit fouvent depuis que Meffieurs fes enfants ayant pris le parti de la guerre, AL de Louvois les avoit aidés en tout ce qu'il avoit pu. Quelque tems après j'appris que quand il y avoit Ovj  524 Mémoires eu oecafion de nommer le nöm de M. de Pomponne, il avoit femblé a M. de Louvois que le Roi auroit voulu avoir encore pouffé la patience plus loin qu'il n'avoit fait: ce qui fe juftifia quelques années après , le Roi Payant remis dans leMiniftere, & lui ayant donné de fi grands appointements, qu'il me paffa par Pefprit alors que SaMajeftés'étoitimpofée cette pénitence , pour lui faire oublier la peine qu'elle lui avoit caufée. Peu de jours avant la mort de M.de Pomponne, il eut la bonté de me venir voir; ayant appercu que j'entendois une Meffe du coin de ma chambre, oü Pon me menoit dans ma chaife roulante, il me dit qu'il me trouvoit bienheureux dans 1'état oü j'étois d'avoir cette confolation; je m'efforcai de lui marquer combien je lui étois obligé de l'honneur qu'il me faifoity il me témoigna  DE M. DE GOURVILLE. 3 2 f c'eft-a-dire un auifi grand Miniftre, paree qu'il eft né fage comme lui. Je ne doute pas que fi quelqu'un voyoit tout ce que j'ai écrit jufqua préfent, il ne püt dire que je' me fuis un peu trop loué, en faifant voir que j'ai toujours été bien avec MM. les Miniftres ; mais y ayant beaucoup réfléchi j'ai trouvé que je n'avois rien dit qui ne fut véritable, quoique fort a mon honneur. C'eft  DE M. DE GOURVILLE. 329 peut-être un effet de la vanité & de 1'amour-propre qui me fait décider auffi hardiment des gens dont je prends la liberté de parler ; mais comme je n'écris que pour ma fatisfa&ion particuliere & pour mon plaifir, je fens bien que je ne dis les chofes que comme je les crois & les ai penfées dans le tems oü j'ai été en état de m'en inftruke. Fin du fecond & dernier Tome.  33° T A B L E DES MATIERES Conunues dans ces deux Volumes. Le Tome I eft défigné par Ia lettre a , & Ie Tooie II par la lettre b. A A l b e ( le Duc d' ), J. Pages 71 , 90 Albret (Céiar-Phcebus, Maréchal d'), raorr en 1676 , a foixante-deux ans, a. 245 Aleth (1'Evêque d' ),Nicolas Pavülon, mort en 1677, a quatre-vingts ans, a. 163 Anguien (le Duc d' ] j vo'yef Condé. Aajou Cle Duc d') Fhilippe de France, fecond fils de Louis XIV, né en 1668 , mort en 1671 , h. «9 Antoine ( cembat du Fauxbeurg Saint-) , a. 106 Afchiduc( P) Léopold-Guillaume d'Autrkhe , mort en 1662 > a. i%z Aremberg ( Philippe-Francois de Ligne , Prince d'), a. 197 Are nberg (Francoife de Bo*gia, époufe du précédent Prince d'), a. 311 Aremherg ( Charles-Eugene , Prince d') frere du précédent , mort en 16S1 , a. 312 , b. 195.  TABLE DES MATIERES. 331 Aremberg ( Marie-Henriecte de Cufancc , époufe du précédent Prince d'), morte en ïycc >b. 195 Arques, b. ■ 220 Arragon ( le Cardinal d'), b. 70 , 98 , 99 Arras fecouru , a. 146 Arfchot, (le Duc d') voyïf Aremberg ( Charles ). Artagnan (Charles de Baars, Comte d'), mort en 1673 , arrcte M. Fouquet , a. 270 Afpremont ( Ie Comte d' ), a. 41 Avaux ( Jean-Jacques de Mêmes , Comte d'), mort en 1688, cl, 24T, b. 198 Aumont(Anne d'), époufe Gilles Fouquet, frere du Surintendant, a. 273 Autun (1'Evêque d') , Gabrie] dc la Roquette , mort en 1707, b. 141 Auvergne ( Fiéderic-Maurice de la Tour, Comte tl*), mort en 1707 , b. 198 Ayetonne ( Guillaume - Raymond de Moncade , Marquis d' )b, 70, 81, 9a B 1B ACHEL1EXE ( D E tl),!, I76 Balthafar,a. 314 , b. 21 Bar ( de), a. 35 , 247 Barbefiere , a. 192, décapité en 1657, 198 Barbefieux ( Louis-Marie le Tellier, Marquis de), fecond fils de M. de Louvois , mort en 1701, a trente-trois ans , b. 305 Baientin ( Jacques-Honoré de), mort en i6i6, a. 262 Barin enlevé , paie rancon , «, 120  332 TABLE Baviere ( Jofeph-Ferdinand , fiis de l'Elefteur de ) ; mort ea 7699 , h fept ans , b. 479 Bayers ( Louis-Antoine dc la Rochefoucault de ) , b. 63 Baziniere {de la), e. i9S, 440,24» Beaufort ( Franeois de Vendóme , Duc de), fecond fils du Duc de Vendóme, & petit-fi!s de Henri IV, mort en 1669 , a cinquante-trois ans ,3.35,8» Eeauregard , a. 314 , t. 21 Bechamcl , b. 142 , 244 Belleville, b. itj Bellievre (Pomponne de), Premier Préfident, mort en 1657 , a, 179 Bercenay , a. 1*, 22, 8} Berr.ouin , a. 112 Berquiny , a. 18 Berrier (Jcan - Baptifte-Louis ), a, 283 , 291, b. 141 Bezons ( ClnwJe Bazin de), mort en 16S4 , pere du Maréchul , a, 160 Biron ( FrAr.cois de Sontaut de ), mort en 1700» a fuixante-onze ans , a. 85 BlcTneau ( combat de ), a, 98 Bocquemare, a. 21 Boifleve ( Louis ) a. 261 Bonzi (Pierre de ), Cardinal, mort en 1703 , b. 8} Boucherat ( Louis) , mort en 1699,3 qu2trf;-vingtquaire ans , eft fait Chancelier , £.272 , 307 Bouillon ( Fccderic-Maurice de la Tour d'Auvergne , Duc de ), mort en 165», a qaarante-fept aas , a. 24 , 61  DES MAÏIERES. 335 Bjuin , t>. i^j Souquingham (Georges de Villiers , Duc de), mort en (687 , a foixante-fept aas, a, 307 Bourdeaux ( paix de), a. 26 , ito Bornonville ( Alexan Jre-Hyppolyte-Balthafar, Duc de), avoit époufrf Encrftine-FraiiGoife de Ligne, fceur des Princes d'Arembeig , b. 8 Boxtel, b. 135 Brancas ( Charles , Comte de ) mort en 1681, a. 225 , b. 297 Breda ( Afiemblée de ) , b. 12 Bretville , c'eft Brcteuil ( Louis le Tonnellier de), mort en 1685 , Contróleur-Général, a. 199 Brezé (Urbain de Maillé , Maréchal de), mort en 1650 , a. 25 Brionne ( Madame de ) a. 104 B.riord , b. 184 BrunlVick ( Georges, Duc de) , mort en 1641 . a. cinquar.t;- neif ans, eut quatre fi s: Brunfwick ( Chréiicn-Louis de ), Duc de Zeil , mort lans e,,fants en 1665, a quarante-trois aas, a, 3 iS Bntnfwick [ G;or^es-Guillaume de ) , Duc de Zeil, frere du précédent, mort en 1705 , a quatre- rinjt-un ans ; fa confiance en M. de Gourville , a. 314, b. 18,41, 252,277; défait M. de Créquy, b. 187. 11 avoit époufé Eléonore d'Emiers , fille c m Gentilhonime de Poiiou , connue fous le 1 .11 de DjchefTe de Harjcurg , morte en ;723 , [uatre-vingt-quatre ans , b. 41 : marient leur f au fils du Duc d'Hanovre, b. 221 , 377, l tyn ci-deffjus Emcft-Augufte,  334 T A. B L E Brunfaick ( jean-Frédéric de), Duc d'Hanovre, frere du précédent, mon en 1679 , k cinquantequatre ans,a. 315 : époufe Bénédictine-Henriette, Princefle Palatine , morte en 1730 ,b. 31,5»: défait M. de Créquy, b. 187, 189 : une de leur* filles époufa le Duc de Modene , Sc une autre l'Empereur Jofeph. Brunfwick (Erneft-Augufte de),Erêque d'Ofnabruck, puis Duc d'Hanover , après Ia mort de fon frere Jean-Frédétic, fut créé Elefleur en 1692, & motirut en 1698 , b. 18 , 220 , «2 , 249 : refufe de fe faire Cacholique , 252 : il avoit époufé Sophie.fille de Frédéric V, EIe£teur Palatin, morte en 1714 , a quatre-vingt-quatre ans , b. 3.4, 222,254: ils eurent pour fille Sopbic-Dorothée qui fut Reine de PrufTe, b. 254; & pour fils Georges-touis qui devint Roi d'Angleterre, & mourut en 1727,» foixante-fept ans: celui-ci avoit époufé en 1682, Sophie-Dorothée, fille du Duc de Zeil, morte en 172S , a foixante ans. En 1694 f°n mariage fut diiTous , mais fon fils fut Georges II, Roi d'Angleterre , b. 221 Buffiere (la) , voyef Tabouret. Buiflon (du ) , b. 27a Bufly ( Roger de Rabutin , Comte de ) , mort en 1*93 , i foixante-quinze ans , a, 94 c Cl ai vi mo nt (Madame de ), a, 145 Cambrai fecouru , a. *97 Campo ( D, Fernandez del ), b, '°S  DES MATI ER E S. 33; Candale (Louis-Charles-Gafton de Nogaret, Duc de), mort en 1658 , k vingt-neuf aas , a. 111 Caracene (le Marquis de ), a. 301, 311 , b. ui Caracene ( la Marquife de), b, 71 Caftagneda ( Agovitto de ), b. 197 Caftel-Rodrigue ( Franeois de Moura & Mello , Marquis de), mort en 1675 ,a. J>4» b. 4 , 8 , 43 > 69 , 91 , toi , 157. Cerifai, a. 14 , 5S Chaife( de la ), b. 227 Chambre de Juftke projetée , a. 220 : exécutée, 295 Chamilly ( Kicolas Bouton de), mart en i65i , a foixante-quatre ans , cl. 75 Chancelier. Voyej Séguier jufqu'en 1672, le Tellier jufqu'en 1085 , Boucherat jufqu'en 1099. Chanie.t. 6Ü Chanlot, b. 57 Chantilly , le Roi y fait un voyage , b. 123 : embelli, 143 Cbanut ( Pierre ), a. 230 Charce { de ) , cl. 49 Charieroy batie , b. ia Charles II, Roi d'Angleterre, mort en 1485, a, 306 , b. 14 , Charles II, Roi d'Efpagne, mort en 1700 , b. 69, 88 Charoft , ( Louis de Béthune , Comte de ), mort ea 1717, a foixante-feize ans, époufe Marie Fouquet, morte en 171S , i foixante-feize ans: elie étoit fille du Surintendant , Si de fa première femme , cl. *7J  336 TAELE CLaieauneuf ( Charles de i'Aubefrine de ), mort en 1653 , a faixaate-treize ans,a. 65 Chateauueuf ( Charles de 1'Aubefpine, Marquis de ), morteni7i6, a quatre-vingts ans, b- 244, 318 II étoit neveu du précédent, Chatelain ( Claude ), a. Chatillon (Elifabeth-Angélique de MontmorencyBoutteville , veuve en 1659 , de Gafpard IV , Duc de ) : elle fe remaria au Duc de Mcklembourg , & mourut en 1695 > ^ foixate-huit ans, a. 155. Elle étoit fceur du Maréchal dc Luxembourg. Chavagnac (Gafpard dc ), mort en 1695;, 83 » Chavigny (Léon le Bouthi'.ier de) , mort en 1552 , a quarante-quatre ans . a. 45» 95 Chaumont ( le Comte de ), a. 12 Chauveau , b. 37 > 67 Chemer^ult, a. 193 . b. 240 Chevreufe ( Marie de Rohan-Monibazon , veuve en 1657, de Claude de Lorraine, Duc de), morte en 1679 , i foixante-dix neuf ans , a. 254 Choupcs (Madame dc ) , a. 124 Chriftine, Reine de Suede, morte ea 1688, a foixante-un ar.s, a. iSj , b. 27 Cioq-Mars ( M. de),J. 120 Clairambaut ( Philippe , Maréchal de ), mort en 1665, d. 47 , 243 , 251 , 269 ,b. :8j Coadjuteur, voyef Retz, Coigueux ( Jacques le S°i: U*Vitdans le Pariemam, a. 168 Colbert  DES M AT IE RE S. 337 Colben ( Jean-Baptifte), mort en 1683, i foixaate» quatre ans , tt. 2C5 , 177 , b. 56 , 91 , 117; réforme les finaoces , a. 219: condition qu'il met au retour de M. de Goutville , bi 46 , 66 : prer.4 confiance en lui, b. 146 : le favorife, b. 230.* obtient le département de la Marine , ïy^ fon caraflere ,295. Koyef Croiffy. Cologne (l'Electeur Je) , Maximilien-Henri de Baviere , mort en 1688, b. z^ Commingesfl'Evcquc de ) , Gilbert de Choifeul , mort en 1689, a foixante-feize ans, c 16% Comminges { Gafton-Jean Baptifre , Comte de ) , mort cn 1670 , a. i,g Conac (Daniël de), mort en 1708, i plus de quatre-vingts ans , a. lz7 } I4s Condé (Charlotte • Marguerite de Montmorcncy , veuve en 1646 , de Henri II , Prince de ) , morte en 1650,a cinquante-fept ans , a. 24,28 Condé ( Louis II, Piince de), fils des précé.lents , arrêté, 4, 23 : mis en liberté, 43 : fait Ia guerre a Eordeaux , 45 : rcvient a Otléans , 82 : combac a EIeneau,98: au Fauxbourg Saint-Antoine , icfi : fe rctire chez les Efpagnols, 109, 146 , 179, 197: fon retour en France, 229 , 234: bleffé at Tolhuys,J>. i52;i Senef, 177 : va ea Alface, 187: fon cara&ere colériqne , Z>. 1S4 : fa confianc» en M. de Gourville , 234: meurt en ifiSfi, k foixante-cinq ans, 245. II avoit époufé Claire■ Clémence de Maillé , morte en 1694 , i foixante- 1 fix ans, a 24 , 133 , 271 £ondé ( Herri-Jules de Bourbon ) , dit M. le Duc , Toim 11 P  3g TABLE fils des précédent*, *>°" en 1709.» f«"="«e- époufé Anne de Baviere, Princeffe Palaune, „oneen ,7„ , * foixante-quinze ans J .« Conty(Armandde Bourbon , Prince de ) frere du Pr nee de Condé , mon en x««6 , a nente-fept 3ns,a.l7:arrété)I4:-«-!ib"té'«--fa>tU Euerre 3l Bordeaux, 8,: fait fa paix, 1»,= LufeAnne-MatieMartinozzi.nicceduCard.nal Mazarin, morte en ,67., * '-nte-cinq .*». 4 I4S ; commande en Catalogne , . 53- Son idee fürM. de GourviUe.iKd. Son caraüere , ij7 Conty(Francois-Louis de Bourbon , Prince de), fils d« précédent, mort en 170»,*. ^ l 4 Coquille, b. j?1 Cordonniete( de la) ii. ^Michel Francois le Tellier , MarCourtanvaux (Micheirra v mnrI en vrxi , a cinquante-huit ans , qtus de) , mort en 17", i fils ainé deM.de Louvois, 6. Courtin (Antoine), mort en 1685 , b. » Praff (Milord), a. Oéquy (Charles de Bianchefott , Duc en I6E7.*. 23» : prifonnier, ^7 S^l-t.Mar.isde),^^, CoLóleur-Général.mort en l696 , a fo.xante?eptans,K Ii7 , 220, 22« , 3- SC carac tere 327. H avoit époufé Ma*guente Beraud de - croiffy, morte en 17*9, 3*7- Voyeï Jo:cJ. Croix (le Mathuis de Sainte- ), a.  DES MATIERES. 33j D D A L M A S , cl. Daugnon (Louis Foucault, Comte du ), mort uL réchal de France en 1659 , i quarante-trois ans, Daüphïne t Marie-Anne-ChrifHne de Baviere, m'on! en 1690, 4 trente anS,J. j,7. E„e étoit fi!le de 1'Elefteur Ferdinand-Marie, mort en Delormc , a, Delriza (D, Emmanuel )b. Denis( Saint ) , prife de cet.e Ville, a. Ic° Defcaamp ( Etienne .igard), mon en ,701, k quatre-vingt-huit ans , b. g Dcfmaretz ( Nicolas ) , mort en , b. 302. "Je Maréchal de Maillebois étoit fon fil». Dickfvclt, b. Dodick , b. Ducheffe ( Madame la). Viyej Condé. Dumont, a. Hl Dupiedis. foytf p]-rn^ Duretete écartelé, cl E F *JMUï (MicJjelParticemd'),mort en i«t0; Epme (1') , a, Efpagnc , mauvais état de ce Royaume, b. ?2 E pagne (la Reine d'), Marie-Anne d'Autriche , veuve de PhilippelV, morte en 1696, b. 70. yoytï Charles, Phiijppe, Pij  340 T A B L E Efpagnet ( d') , . Evremont (Charles ie Saint-Denis de Saint-), nicrt tn 17OJ , a «watte-vingt-dU ans , 0. 304, b. ia; F 17a be m (Abraham), mort en i6«» , i 4* foixante-trois ans, a. Fayette ( Marie-Magdeleine Pioche de !a Vergne , époufe de Franeois Motier, Comte de la J, morte en 1693, b. 162. Elle .'étoit remar.ée en a6S9 au Chevalier de Sévigné, Son fils , RenéArmand Motier de la Fayette,eft mort en .694 , nc iaiffant qu'une fille mariée au Due de la Trémouille. rtt,é-Senneterre ( Henri de la ) , Maréchal de France,mort en i6Si,a quatre-vingt-deuxans, «.,79,235» f.*»* Sa femme, MariedAngenncs, eft morte en .714 . a quatte-vingt-c.nci ans , d, , Feuillade (Paul d'Aubuffon de la), Chevalier de ' Maïthe', toé en .646, a. 14. H étoit ftcte du fuivaat. Feuillade' (Franss d'AubufTon de la), mort en 1691 , fr. '-87. Son caraflere , Fieubet (Gafpard de), mort en IÊ94> «• 159 Jjj'ren (M, de), 6. I?ï  DES MATIERES. 341 Plamarin ( Antoine-AgéfUas de Grofloles , Marquis de ), d. 75: tué en 165* , iofi* Fontenay (M. de),i. *5Ï Fouquet (1'Abbé Bafile ), mort en 1680, d. 174, 180,206, 211 , 232. II étoit frere du fuivant. Fouquet (Nicolas) mort en 1680. Ses libéraütés , a. isS , 231 , 233 , 274 : aimoit le jeu , 240, 250 : prend confiance en M. de Gourville , 167 , J9* , 200, 205 , 219 : fon projet, en caj de difc graceS24«: achete Belle-Ifle & la fait fortificr, 249 : vend fa Charge de Procureur-Général, 258* Caufe de fa difgrace 264 : eft artêté , 269 : mii en liberté , b. 174. Son caractere , 296. II avoit époufé en premières noces, Louife Fourché , Dame de Quetrillac , & en fecondes, Marie-> Magdeleine de Caftiile-Villemarcuil. Cette derP niere joue gros jeu, 4. 241 : Exilée \ Linsoges, 270 Fouquet, Comte de Vaux.fils du précédent ( Louis), mort en 1729 , b. i7ï Fourille (Ie Chevalier de) , tué en J674, I>. 18a Francceur, t. »7 Freté ( de la ), d. 402,311,318 Fuenfaldagne , a. n»< '95 Fuente , b. 7'i *°J Furftemberg ( Franeois- Chriftophe, Comte de), mort en 1671 , cl. J* % Futftemberg ( Francois-Egoo de ), Evéque de Strasbourg , mort en 1682,1. 2;» Furftemberg (le Piince de ), GuilIaume^Egon ,frer» du précédent, qui lui fuccéda dans 1'Evêché de Strasbourg , & fut Cardinal, mort en 1704 , i> Piij  54^ T A B L É foixante-quinze ans s b. 'gjg Turftembcrg (la Prncefle de ) , Marie de Ligny , i morte en 1711, avoit époufé le Prince AntoineEgon de Furftemberg, frere des précédents , mort en 1715 , J, 15I ïuye(de Ja), a. jjj G G a m a n. a ( D. Eftevan de ) , b. 7 Gaucourt ( Chatles dt) , mort en 169», a, 10* Gerard, a. 49 Ccrmain ( Milord), 4. 305 Gber.t ( M. de ), b, 41 Gibé , b. %oif Girardin , a, 192 Giraud, a. 30S Goifnel, fc. 58 Gondin (Henri-Louis de)» Arclievêque de Sens , moit,en 1674. Son caraérere > 4. 191 Êonzague (Vefpafisn de), mort en 16S7, b. y\ Oourville , ( Jean Heraut, Sieur de), fa nailfance > &. 6 : dans le parti des Princes, ij, 37 , 45 , £3,10»: bien venu de Louis XIV , a. 254, i>. 123 , 145 : acquiert la confiance du Prince de Condé , 44 : du Prince de Conty ,155, 161 : da Cardinal Mazarin , 112 , 146 , 158 , 161 , 165 » 176 : de M. Fouquet , a. 167 : du Prince d'Orange , b. 6 > 198 : des piinces de Brunfwick , a. 314 , I>.22s •• de M. dc Lo.ivois,b. 133 , 144 , 299, 302 , 304; Joue heureufement, a. 239 >250: entre dans  DES MATIERE S. 343 f les Vivres , a. 160, J78 I. ^ns les Financcs, 180, 191. 200,233 , achete une Charge de Secretaire du Confeil, .17 •■ fait Confeiller d'Etat, 253 - «range les affaires de M. de la Rochefoucault , a. 2..7 •• de M.le Prince , t. 55.-"is a la Baftille , a. 169 1 fa conduite lors de la prifon de, M. Fouquet, a. 265 , ó> fuiv. fes négociations , 4 ,1», no, b. 14. ». 65 .>9Ï.»»P : ,tn Efpagne.fc. 55 , 89, no , 125 = condamné par la Chambre de Juftice , a. 278 . « »?'; revicnt en France , b. 36: obtient des Lettres d'abohtlon , l. .23 •■ vend fa Charge dc Secretaire du • Confeil. b. 14» •' °blient un Arrêt d2 des taxes , b. 23° i 'lui n'eft Pas cnréSiftré.' 2?6 ! en obtient un autre, 165 , 269 i fe ttouve a la bataille de Senef, b. 177 -répare Saint-Maur , l. 162 - penfe être Conttóleur-Général, b. 231. 307 ! caufe de fa maladie , 275 t recoit des vifites importante., i77; fa conduite domeftique, ato, agy : fonde une Charité k la Rochefoucault, 281 : fait fes Memoires , a. 1 ■ b. 285 , 290: difpofition de fes biens , J.86 : caraöere de fes domef- 287 tiques , Gounille (Franeois Heraut de), mort en 1718, hereu do précédent-,*'. 252,287 Grammont ( Antoine III j Maréchal de) , mort ea ,«78, a. S,*5<* Grave ( M. de ), f'. a-7 Groot ( Pierre de ) , fils du fameux Grotius , b. 55 Guenegaut , vovef Pleffis. «uichc (Amoine de Grammont, Comte de ) , fi!» P IV  344 TABLE du Maréchal de Grammont, mort en 1*73, £ irente-fix ans , a. 286 , b. 1» Cuiliaume III , Roi d'Angleterre. Voyei Orange ( Guiilaume , Prince d'). Cuilleragitcs ( Gabriel Lavergne de),a. 117 Guipe ( de), 4. «4 Guitaut ( Guiilaume de Pechpeirou de Comminges de), mort en isS;» a foixanct ans, a. 83 , ■118 , H H amiltok, BuchelTe de Tirconnel, b. 248 Hanovre. Vcyc{ Brunlwick. , Harcourt ( Henti de Lorraine , Comt» d' ), mott er» 1666 , a foiiante-fix ans , 4. 80 SJarlay ( Achille dc ) , mort en 1671 , a. 264 , 195 , b. 1J3 , 231 ïiarlington ( Henri Bennet, Comte d' ), mort en 1685 a a. 308, b. 155 Haro ( D, Leuis de ) , mort en 1661, a. 305 Havré , c'eft Urfé, a. 311 aiauterive (Franeois de PAubefpine , Marquis d'), mort en 1670, b. 13. II étoit frere du Gaidt. des Sceaux de Chateauneuf. •Hermitage (1'), coufin de M. de Gourville, b. 241 Herval , c'eft Hervart, ( Bjrrhelemi ) , mort en 1676 , Contróleur-Général, a. 199,208 .• joueui, 240 , 242 , 250 £filaire (Mademoifelle), b%  DES MATIERES. 34; Hocquincourt ( Charles dc Monchy d'), mort e» 1658,4. 98 Hollandois ; leur fobriété , b. 61: mauTais état de leurs troupes, ibid. ijs Holftein (Frédéric, Duo de), mort en 17x4 , a foixante-douze ans , prifonnier a Senef,t. 186 Hapital (Franeois, Maréchal de 1'), mort ea iSéo , a foixantc-dix-fept ans , a. 41. Hottmaa ( Vincent), a. »io,fc. ja Humieres ( Louis de Crevant d') , molt en 1694 , a foiïame-iiï aas , a. 148 J Ja c o, u e » II, Ros d'Angleterre ; mort ent 1701 , al J07, b. »43 Jacquier , a. 160 Jars (Franeois dc Rochechouart, Commandeur de ), \ <• *5Ï Jeu qui fe jouoit fous Louis XIV , 4, z^y Joyeufe ( Louis de Lorraine, Duc de), tué en 1654, i trente-dcux ans, a, 15a Juan (Dom), mort ea 168j , batard de Pbi- lippe IV , Roi d'Efpagne , t. 56, 93 L I_/* a nï ( Mademoifelle de ),114 Laigae , 4. 265 Lainé , a. i2i , b. ijS lamoignon , Guiilaume de ), fi. 295 , b. jij, .• f* storten 1677, t, 19a, Ses fils étoient Chrét-ienP V  546" T A B L E cois & Chrétien, tous deux Préfidents a Mortier, LanglaJe ( Jacqucs dc ) eft Auteur des Mémoires du Duc de Bouillon , dont il étoit Secretaire, a. iSo , époufe Mademoifelle de Campagnac , 186: fe retire , 277 , 289 , b. 167: fa mort, 17J Latinay-Grancé ( Madame de) a, 141 Laufun ( Armand Nompar de Caumont, Duc de ), mort en 1723 , a quatre-vingt-dix ans,fc. 127 Leclerc , b. 287 Lévij ( le Marquis de ) a, 8j , 9* Liancourt (Rogcr du Pleffis de) mort en 1674, i foixante-quinze ans, a. 115, 6. 52. II avoit époufé, Jeanne de Schotnberg , merte a foixantetreize ans , peu avant fon mari,a, 191 Lionne ( Hugues de ), mort en 1671 , \ foixante ans, a. 27j , fc. 22 , 49, 56 , 60 , 66 , 80 , 91 , 116 , 194 •' fon caraftere , 309 Longueville (Henri II d Orléans , Duc de ), mort en 1663, arrêté , a. 23: mis en liberté , 43 ; avoit époufé Anne - Genevieve de Bourbon , fceur du Prince de Condé , morte en 1679 , a foixante ans , a. 24, ï'31. lis eurent pour fils Charles-Paris d'Orléans-Longueville, Comte de SaintPaul, tué en 1*72,!. 49 Lorraine ( Charles IV ,Duc de) , mort en 167S > * foixante-onze ans , a. xaj Louis XIV fait un voyage a Chantilly , b. 123 fa conduite avec fes Miniftres , b. 296,398 Loup ( Madame de Saint- ), a, 181 Loup 1 de Saint ), Louis-Francois de la Rochefoucault , tué en 1674, b, *8  DES MATÏERES. 34? ^louvois ( Francois-Michel lc Tellier, Marquis de), T rils du Chancelier, mort en 1691 , i cinquantetrois ans,fr 11 j, 173, 175,230,816, 258» 261. Son caraftere, 325. Voyef Barbefieux , Cour» tanvaux, Rocheguren, Luc ( Frar^ois d'Epinay , Marquis de Saint- ) , mort en 1670, a. 80 Luxembourg ( Francois-Henri «Je Montmorency-) , mort Maréchal de France en 1695 , b. 179 : commande en Flandre , 187 , 2r8 Lyonnois , a. 7t, M a m e : Charlotte-Klifabeth, fille de Criarles* Louis, Electeur Falatin, morte en 1722, k foixante-dix ans, étoit 1'époufe de Thilippe , frere de Louis XIV , b. 189 Mademoifelle: Anne-Marie-Louife d'Orléaas-Montpenfier, fille de Gafton, frere de Louis XIII, morte en 1693 , a foixante-fix ans , fait tirer le canon de la Baftille fur 1'armée du Roi,a, 107 Maifons ( 1'Abbé de Longueuil de ), a. , 17 Maifons ( René de Longueil de ), Préfident a Mortier , mort en 1677, <*• '7 , 7t Manchon , b. »4i Manis , b. 46» Marck ( Catherine-Charlotte de Vallenrod , treuve en. 16S0 de Franeois Amoine, Comte de la), elle a'étoit rcmariée au Prince Emmanuel-FrancoisEgon de Furftemberg , mort en 1686; elle mourut '" elle-même en 172.6 ,b, 150 P vj  4348 T A B L E Mardick (Siege de ), a. ïi Marfeillere ( !a),&. 34 Marfillac . Voye{ RochefoHcault. Marfm (Jean-Gafpard Fcrdinand , Comte de )., 4. 73, m , b. 6, 153: traite de fon retour en France , 'i$7.; II mourut dans cette occurrence, en 167;, Le traité n'eut pas moins lieu pour fon fils Ferdinand , qui avoit alors dh-fept ans, }i devint Maréchal de France , Sc mourut en 1706. fans avoir été marié, fc, Martin , b. MatTeBn, b. l64 Matha ( de ), a. 13* Mathier , a. 49 > ilaupeou ( Tierre de), Préfident au Grand-Co*fcil,&. '7J Kaur C Saint- ) embelli, f. 16* Jilaure ; Franeois , Marquis de Saiate-,), mort en ié77 , «. 64 Maurice( de Saint- ) a. *c3 Mazarin f Jules ), Cardiaal, a. 13 , na. Sa mor: en ió<5! , a. t%6. Son caraöere , b. »9Ï jMeilieraie , Charles de Ia Porte , Maréchal de la ), mort en 1664 , a foisante-deux ans, a. aS , aio , »47 Meflin (la Marquife de ), b. 7 Mignot, b. lS6 Miniftres Proteftants , projet de M, de GfWville a leur fujet, b. 3^9 Molé ( Jean-Edouard ), mort en 1683 , f» )foi>na (la Signoia. Maria), 0. lS<  DES MATIERES. 542 Wolina (le Comte de ) b. 7* Monfieur: Gaftor.-Jean-Baptifte, Duc d'Oriéacs , frere de Louis XHI , cl, n , 45 : fa mort ea 1660, *JS Montal bleiTé 4 Senef, b. 181 Montaufier ( Cbarles de Sainte-Maure de ), mort en 1690 , a quatre-vingts ans, *9» > 7« > 80 » '3-9 N u (le Prince de ) blefle 4 Senef, C. iSï Nemours ( Charles-Amédée de Savoie , Duc de )» mort en 165» , a ving>huit ans , a, 8* Neuré , a. »8« Nicolaï ( Nicolas ) , mort en 1686 , b, «37 Nicolaï ( Jean-Armaad), fils du précédent, mort eo 1737 , b, *7$  5;o T A B L E Noailles ( Anne-Jules de ) , mort Maréchal ii France, en 1708,1». jjg Kogent ( Nicolas Eaurru , Comte de) mort en iflfïi , a . S54 Nogerette ( de Ia), b. ö8 Noirmoutiers (Louis de Ia]Trémouille de), mort en 1666 , a, !8 , aJ Kugnez (le Comte Eznard ), b. So » S9 , 95 O s (Milord) , b. 13 , 154 Or. & argent. Projets fur ces métaujt monnoyés, b. 160 Orange ( Frédéric-Henti de Naflau, Prince d' )mort en 1647 , a. 8. Orange ( Guiilaume, Prince d'), petit-fiis du précédent, confidere M. de Gourville , b. 6 , 41, 198.eombat a Senef, 177 : fon caractcre & fa conduite , 100 ■• Roi d'Angleterre. 178 Orléans. Voyej Madame , Monfieur. Ormeffoa ( Oiïvier Lefevre d*)s1mort en it58<5 , i> 190 Ofnabruck. Veyej Brunfwick, P 4 I O T , f, '474 Palatine: Anne de Gonzague, veuve en 1663, d'Edouard , Prince Palatin, un des fils de Fréderic T , Elcéreur Palatin, & morte en ■1684: de fes trol» fille» une ,' Marie-Louife»  des matieres 3;ï tfpoufa le Roi de Polognc ,& mourut en Mty: la feconde M. le Duc , voyef Condé ! & la troifïeme leDuc d'Hanovre, voye^ Hanovre, b. 5y Palavieini, a. j.3 , i. * Paluau. Vayef Clairambaut. Parme (Farnefe , Prince de), Gouverneur des Pays-Ba,.*. ^ Paal (le Comte de Saint-). Voye? Longueville. PtliffiriaoS.'tjo Peliflbn ( Paul ), mort en 1693 > 271 Pelletier (Claude le),mort en i7II , b. 12.C0Htróleur-Géaéral , 232 , 241 , i«0 , j6s : qu;[te fa place , 269 : fan caraftere , j0g Pelletier ( Louis le ), fils du précédent, b. 303 Pelot'. 231 Pontchartrain (Louis Phelyppeaux de), Z'. 243 : Contróleur-Généia! , 269, 309; fon caraflere , S*ï Portland ( Guiilaume de Benthcm , Comte de ), mort en 1709 , b. 222 . 277 Premier Préfident jufqu'en 1657 : royef Belluvre jufqu'en 1677: voysf Lamoignon, Prince & PrincelTe ( M. & Madams) , ycfyef Condé, Priou , b. 1 jr Puyrebert, b. 68 Puifieux (Marie-Catherine de Ia Rochefeucault,époufe de Louis-Roger Brulard, Vicoimc dc), a. 42 Pufibrt, a, 12«> Q o in c é (1'Abbé de ) , 5, W$i R iTItREil5, Ili Raymond (Mademoifelle ) , b. 50 Retz ( Jean-Praccois-Paul de Gondy , Cardinal de ), mort en 1679 , a foixante-dix ans, a. 4; •' fe fauve du Chateau de Nantes, 180 Rétz (Henri de Gondy , Duc de ) , coufin-gcrmain du précédent, mort ea 1S59 > a foixante-neuf ans , s, 9 » 45  DES M ATI ER ES. 3?$ Kheims (1'Archevéque de), Charles-Maurice le Tellier, frere de M. de Louvois , mon en 1710 , i foixante-neuf ans , b. «55 > 3C5 Rhodes ( Louife , bacarde de Louis de Lorraine , Cardinal «le Guife : elle avoit époufé en 1639, Claude Pot de), étoit devenüe veuve en 1642 , & mourut en 1652 , tf. 5^ Kichelieu ( Armand Jean du riefiis , Cardinal de) , mert en 1642, a cinquantc-fept ans , b. 294 Rirhelieu ( Armr.nd-Jean de Vigncred , Duc de), r mort eu 1715 a quatrc-vingt-fis ans, a, 244 Ricouart , a. 14s Ricouffe , a. "> » "5 Rios ( D. Martin de los), b. £0,109 Rochefort ( Henri-Louis d'Aloigny de), mort Maréchal dc France en 1676 , 1>» *79 Rochefort , a. 8ï Rochefoucault ( Franeois V ,Duc de la): fa mort ea 1650 , a. *S Rochefoucault (Franeois VI de la ),fils du précédent, a. 7 , 9 : bleffé i Mardick , a. 14: dans le parti des Princes , 17 , 22 , io , 82 : bleffé au Fauxbourg Saint-Antoine, 106, 109 : quitte le parti des Princes, ut: M. de Gourville arrange let affaires de fa maifon, 257 , »88 : eft fait Cfce»alier du Saint-Efprit , 279 , b. 67 , 191 -lié avec Madame de la Fayette : 162 : fa mart le 17 Mat! I68c , a foixante-fept ans, i. '74 Rochefoucault (Franeois VII, Duc de Ia), fils du précédent, mort en 1714 a foixante-dix-neuf ans ; il avoit époufé Jeasnc-Chatlgtte du Pleffis-  3;4 T ABLË Liancourt , morte en 1674 , a vingt-huit ans , ai' 83 ,112 » 170 , 300 Rochefoucault (Franeois VIII , dc la), Duc de la Rocheguyon, mort en 1728,4 foixante-cinq ans: fa naiiTaace.a. 300 : époufe Marie-Charlotte le Tellier , filie ainée du Marquis de Louvois, i. 144 •Rochefoucault (Louis, Abbé de la), frere da Franeois VI , mort Evêque de Leyctoure en I654, & cinquante ans , a. 6 Rochefoucault ( Henri, Abbé de la)autre frere de Franeois VI, dit PAbbé de Marfillac , mort en 1708 , a foixante-quatorze ans, I>. 250 Rochefoucault (Gabrielle-Marie dela),Abbcffe de Soilfons , morte en 1693 , a foixante-neuf ans, b, 150 : elle étoit fceur de Franeois VI, & tante des fuivantes. Rochefoucault (les Demoifellcs de la), filles de Franeois VI, étoient trois: Francoife , morte en 1708, a foixante-fept ans: Marie - Catherine , morte en 1711, a foixante - quatorze ans : Henriette, morte en 1721, i quatre-vingt-un ans, a. 153 , b. 250 Rocheguyon ( Henri-Roger du PlelTis-Li.incourt , Comte de Ia), tné en 1646,2. 13 '• fa fille époufe Franeois VII de la Rochefoucault, , il confond un voyage a la Rochefoucault. avec un autre , b. 6^ Rofe > 160, 175 ,b. 129, 1S7 Rouffy ( Francais de la Rochefeucault, Comte de),  DES M ATI ER ES. 3;; mort cn 1680 , a. -89 Rozan ( Fréderic-Maurice de Duifort, Comte de), mort en 1649 , a. ;i Rue (la), 4S s S a ji 1 e' ( Magdeleine de Soavré , veuve en 164c de Pbilippe-Emmanuel de Laval-Montmorency , Marquis de), morte en 1678, a foixante-feize ans , b, 171 Sabliere (Antoine Ramlouillet de Ia), mort cn 1679 , b. 58 Sagonne ( Ie Comte de ), b. é8 Saicede , b. 4,85 Salm ( le Prince de ) , prifonnier a Scnef,Z>. i8j Sarrafm (Jcan-Francois ) , mort en 1654, a. 117 Savale ( D, Pedro ) , a. j0j Savoie (Vidor-Amédée , Duc de ), mort en 1731 , b. z57 Sculembourg , b. 177 Seguier ( Pierre ), mort en 1671 , a quatre- vingtquatre ans , a, 179 Senef ( Bataille de) , b. 177 Setvien ( Abel ), mort en 1659 , b, 19g Sillery ( Louis Roger Brulard , Marquis de ) , petitfïls du Chancelier , mort en 1691 , a foixantedouze ans,a. xi , b. »,t9>. 11 avoit époufé MarieCatherine de Ia Rochefoucault , morte en i<5j8 , a foixante-feize ans : elle étoit fccur du Duc de la Rochefoucault, Franeois VI, a. a8$ Soiffoas ( Olynspe Manciai, époufe d'Eugene-Maa»  3/6- TABLÉ rice de Savoie , Comte de), morte en i708; SoiflonSfl'Abbeflede), voyef Rochefoucault' '* Solm ( Henri, Comte de), mort en lCoj , prifon. nier a Senef, b. jg Souches (Louis Ratuit, Comte de), mort en 1682, i, Souvré (Jacques, Commandeur de ), mort en 1670 , a. fortante-dix ans , £>. Spinola ( D. Auguftin ),b. 7q Stcupc , a, aog Strasbourg {1'Eveque ,1e ), voyef Furftemberg. Sultsbach ( eaux de ) b. ii$ T T 49 > 283 , J. 239, 24O, 241 Talon ( Denis), mort en 1698,4. tïs Tellier ( Michel le ), a. 119, 271, 275 , 277, b. 117 » *3* , Z3<5, »38 , *S2 , 266 : fon caractere , 302 : Sa mort en 1683 , a quatre-vingt-trois ans , 307 ; V0ye? Louvois, Rheimr, Ti"adet,i. }Q? Tirconel ( Hamilton , Ducheffe de ), i, 14g Torcy ( Jean-Baptifte Colbert, Marquis de), mort en s74t , fils de M. de Croiffy: b. 327 : uyt{ Croiffy. Tour ( de la), a. Ja Turenne { Henri de Ia Tour d'Awvergne , Vicomte dc), a. 61 , 100 , 149, 197, 269, 5. 56 •• tué en 1675, a foixaote-quatre ans, 1S7  DES MATIERES. ^1 V k (George-Frédéric , Comte de),mort en 1694 , t. 34, 177,225 ValeRciennet fecourue , . 262 Vatel, a. 215 , 309 : fe tue , J>. 125 Vendóme (Céfar, Duc de Vendóme, flls naturel Magdelcine Fare Ie Tellier , fille du Chancelier, motte en 1668 , a vingt-deux ans. Villeroy ( Nicolas de Neufville , Maréchal de ) , mort en 1685, a quatrc-vingt-huit ans, a. 238 265, 278 Villeroy ( Franeois de ), fils du précédent , mort Maréchal de France en 1730 , bleffé a Senef, h •$»  3;S TABLE DES MATIERES. Villiers, a, ,,. 3 '4 Villiers (1'Abbé Pierre de), mort ea 1728 , \ quatre-vingts ans , b. Visbaden ( eaux de), b. 2->4 Vilb ( Jean de ), réceprion eju'il fair a M, de' Gourville , b. 7, 14 , 18', 42: comment il fe concitioit les Hollandois, 64 : mafiacré en 1672 f t:2I? Vith ( Corneille dc ) , frere du précédent, maffacré en 1672 , b. j j Vrangcl ( Charles-Guftave ) , mort cn 1676 , b. 137 Vrilliere ( Louis Phelyppeaux de Ia ) , mort en iiSSi , a quatre-vingt-trois ans , 4. 143 Urfé ( le Comte d' ), a. 312 , b. 19S Y e »»! ( le Marquis d' ), a. 107, 296 Yorck (le Duc d' ), voyej Jacques I U z Z e t l (Ie Duc de ), voye f Brunfwick, Fin de la Tabk des Matieres,