ESSAIHISTORIQUE SUR LA COL O N I E D E S U R I N A M.   ESSAI HISTORIQUE SUR LA C O L O N I E D E S U R I N A M, Sa fondatioD, fes révolutions, fes progrès, depuis ion origine jufqu'i nos jours, ainfi que les caufes qui dépuis quelques années ont arreté le coursde la prosperité; avec la defcription & 1'ëtat actuei de la Colonie, de même que iès réve nus annuels, les charges & impots qu'on v paye, comme auffi plufieurs autres obiets civils & politiques; ainfl qu'un tableau des mceurs de lés habitans en général. AVEC LUistoire de la Nation Juive Portugaife & Al. lemande y Etablie, leurs Privileges immunités & franchifes: leur Etat pólitique & moral, tant ancien que moderne- La part qu"i!s ont eu dans la défenfè & dans les progrès de la Colonie. Le tout redigé fur des pieces authentiques y* 0)^s\^- Inis en ordre Par les Régens & Réprélentans de ladite Nation Juive Portugüfe. PREMIÈRE PART1E. A PARAMARIBO 1788.  Fauvrei aveugles que nous fommes* Ciel demasqué les Imposteurs, Et force leurs barbares cccurs, è, s'ouvrir aux regards des hommes, J. J. Rousseaü, oeuttr. Ptsk Tom. XII, pagis 460. EPITRE  E P I T R E D É D I C A TOIRE 'AUX NOBLES & TRES VENERABLES SEIGNEURS, LES DIRECTEURS & REGENS DE LA COLONIE DE SURINAM &c. &c, &e. Rejidant a Amjlerdam. Nobles & Tres Venerables Seigneurs ! jLa Nation Juive Portuguaife établie a SurïjHam depuis fa fondation jusqu'a ces jours, dfe vous préfenter, un ouvrage qui contient en partie le précis de 1'hiftoire de vos domaines dans 1'Amerique, & celui d'un Peuple qui quoique malheureux a bien d'égards > s'estime cependant fortuné de vivre fous les Loix de la République des Provinces Unies, & fous votre noble proteéKon. Vos bienfaits, votre bienveil* lance a fon égard, tient cette nation comrrje enehainée a votre Colonie, & a vos Intéréts. Ses * 3 de-  E P I T R E. devoirs envers vous; les hommages qu'elle vous doit a tant de titres; ont infpiré a ceux qui la répréfentent, le courage de vous offrir cette foible produétion comme une marqué du respecl:, & de 1'attachement qu'eux,& leurs ancêtres ont toujours eu pour votre Gouvernement. C'est un devoir, c'est un hommage Nobles & Trés Vénérables Seigneurs! qu'ils esperent que vous daignerez accepter favorablement. Et c'est dans ces fentimens que nous avons 1'honneur d etre avec le plus profond respect. Nobles & Trés Vènirabks Seigneurs ƒ Vos trés humbles & trés obeïsfans Serviteurs. Les Régens & les répréfentans de la Nation Juive Portuguaife de Surinam. Surin. & Param. Mos. Pa. de Lson. ce2oFevrier 1788. Saml. Hco. de la Parra» ishak de la parra. David de Is. C. Nassy. Samuel Whel. Brandon. PREs  P R É F A C E. C3e n'est point 1'ambition, la vanité , ou 1'stmour propre qui nous ont mis la plume en main pour compofer 1'ouvrage que nous offrons au public. L'exemple Journalier de tant de mauvais ouvrages qui fortent continuellement des presfes, & qui n'exiftent le plus fouvent qu'aütant qu'on a befoin pour les parcourir, ne fauroit non plus nous aveugler jusqu'au point de vouloir agrandir leur nombre. Au contraire le titre d'Auteur nous impofe trop pour vouloir en abu* fer, & . jamais nous n'aurions ofé mettre au jout une produétion litteraire fi les circonftances ne nous avoient mis dans le cas de devoir le faire. d'Ailleurs, nés dans, un païs ou féducation n'a rien de tout ce dont a befoin pour cultiver ou développer un esprit quelconque; privés des connoisfances necesfaires, forcés en quelque fagon d'écrire dans une langüe qui n'étant point la nótre (*) mus fut apprife moins par des principes que par une routine, peut-être même vicieufe; & ne connoisfant point en ou» tre d'autre endroit de 1'univers que la contré» qui (*) Elle est la Portuguaife & 1'EspaguoIe. * 4  vin P R E F A C E qui nous a vu naitre, tout cela forme certainement des desvantages qui devroient nous rébuter dans une entreprife de ce genre. Mais nous le répétons, des raifons particulieres nous-y-ont obligés. d'Ailleurs le resfentiment naturel du malheureux état de Juif en general; la verité; la justice; nos droits comme hommes (1'ayant été avant que d'être dévénus Juifs) & comme citoyens; nous ont infpiré le courage de profiter de la conjonéture heureufe que les fenrimens vertueux d'un célébre écrivain politique nous ont offert; & fans craindre la crkique, nous avons ofé compofer eet ouvrage, dont le ïéfultat & le% confequences qui en doivent découler, pourront peut-être contribuer en quelque maniere au bonheur d'une partie fouffrante du genre humain. Et pour donner plus de jour a la caufe qui donna naisfance a cette entreprife , & qui fait honneur a la vertü de celui qui 1'a congue, & nous 1'a pour ainli dire infpirée; nous mettrons fous les yeux de nos Leéreur le cas fortuit qui 1'a fait naitre. L'ouvrage que Mr. C. G. Dohm , conreiiler de Guerre, archiviste & fécretaire privé au Departement des affaires Etrangéres de S. M. le RoidePrusfe, & aauellement fon Ministre Plénipotentiaire au Cercle du Bas Rhin, fit publier en allemand, & imprimer a Berlin en 1781. folM  P R E F A C E, ix fous le titre, über die bürgerliche verbesferung der Juden, traduit en fuite en Francois par M. J. Bernoulli de 1'academie royale des fciences & belles lettres &c. de Prusfe , fous celui de la Reforme Politique des Juifs, a Des/au dans la Ltbrairie des Auteurs & des Artistes 1782. in 8°. est connü de tout le monde. La connoisfance de eet ouvrage étant parvenue jusqu'a nous par fon precis inferé dans la Gazette Litteraire du mois de Mai 1784. Chacun s'empresfa de le faire venir de la Hollande. Un malheureux respire, prend haleine, espere, lorsqu'il entend une voix qui le plaint, qui prend fa défenfe, ou qui s'interesfe a fon fort. Le nom de Mr. Dohm, fécretaire privé d'un grand Roi tant Heros que Philofophe, celui du traduéteur academicien célébre, connü avantageufement dans la République des Lettres: contribuerent a augmenter le defir de la Nation de lire un ouvrage dont le contenu fuivant fon précis étoit un phenomêne rare, même dans le fiecle eclairé & Philofophique ou nous fommes ; cependant malgré nos efforts nous n'avons pu obtenir 1'ouvrage qu'en Fevrier 1786. Nous en fitnes enfuite dans notre Collége de Litteratuxe Cconnü fous le nom de Docendo Docemur, dont nous parions dans eet ouvrage) ; une lecture fiiivie; & 1'ayant trouvé rempLi de raifonnemens ♦ 5 fo.  x PREFACË. folides, & d'une impartialité lumineufe, qm £& ractèrife 1'ame de l'Auteur;les Régens de ]a Nation Juive Portuguaife en Surinam (quoique la reforme que dtfignt Mr. Dohm, n'a du rapport qu'au Juifs de 1'AUeraagne & de la Polognej & qu'a 1'égard des immunités & franchifes dont ils jouisfent en Surinam, elle n'a rien de commun avec leur état) voulant rendre au célèbre auteur les hommages qui lui font dus a titre de Philofophe & de Politique eu égard au bien que fon ouvrage pourroit operer en faveur de leurs frères en Europe, ils prirent la liberté de lui adresfer une lettre de remerciement en date du iode Mars 1787. rendant en même tems les justes hommages a la mémoire du traduéteur Mr. Bernoulli, mort, depuis quelques temsj voyez la lettre a la fuite de cette Préface. Cette lettre donc envoyée par la voye de la Hollande a fon adresfe a Berlin, les régens ne penfoient plus fur 1'effet qu'elle opereroit en particulier a 1'égard du Mr. Dohm. & fe contentoient d'avoir rempli au moins un devoir que' la réconnoisfance & 1'amour de leurs freres A\lemands & Polonois, leur avoient infpiré; mais le coeur vertueux de Mr. Dohm, fes feminiens honnêtes, oubliant en faveur de 1'humanité fes occupations férieufes au fervice de fon Roi, a daigné honorer les régens d'une réponfe en datedu  P R E F A C E. st du 29 Janvier 1787. & qui leur est parvenue par le Capitaine Dalmeyer arrivé le 29 Juin 1787. qu'on trouvera également a la fin de cette Préface; par laquelle il fait favoir aux Régens, les intéréts quil veut encore prendre pour le bonheur de la Nation en géneral; requirant en même tems des notices fur la Colonie de .Surinam, & fur les Juifs y établis, afin de pouvoir par des exemples frappants, foutenir la thêfe de fon ouvrage & co-öperer autant qu'il est en lui a quelque revolution favorable a leur égard. Les Régens mis par une lettre auffi complaifante qu'avantageufe pour leur Nation, dans le devoir de fatisfaire Mr. Dohm au fujet des Juifs , furent en quelque maniere forcés, malgré leur incapacité de rédiger le prefent ouvrage. avec tout la célérité & le foin posfible; donnant en même tems connoisfance de cette entreprife a Mr. Dohm, par une autre lettre datée du 5 Juillet 1787. de forte que d'après ce recit,perfonne ne pourra avec raifon nous accufer de vanité ni d'amour propre, encore moins de 1'envie de figurer dans le monde en qualité d'Auteurs, au fujet de la publication de eet ouvrage. Notre première intention étoit de nous borner fimplement a i'Hiftoire des Juifs en Surinam & a leur état prémitif & moderne, fans nous meier de rien qui ne les concernoit directement,  xii P R E F A C E. & d'envoyer 1'écrit a Mr. Dohm, moins comme un ouvrage que comme une réponfe a fa lettre. Mais ayant examiné nos archives & rasfemblé plufieurs faits ifolés; confuké des fragmens épars & presque oubliés ; nous avons trouvé 1'Hiftore des Juifs établis en surinam tellement liée & pour ainfi dire identiSée avec celle de la Colonie en géneral ,& les événeraens qui depuis 1'origine de la Colonie distinguerent les premiers Juifs qui s'y font rendus, ausfi enchainés avec ceux des autres habicants de la Colonie, qu'il nous a été moralement imposfible de les feparer pour n'en faire que 1'Hiftore particuliere de la Nation. d'Ailleurs, quel intéret une chaine de petits événements arrivés a une poignée de Juifs dans 1'espace de 130. ans dans une partie de la Guyane Hollandoife, pourroit elle produire, pour fixer 1'attention du leéleur ? La prevention ; 1'indifference envers eux; ne feroient elles pas asféspuisfantespour faire rejetter d'abordnotre ouvrage? — En outre, Mr. Dohm qui nous demanda dans fa derniere lettre quelques notices biftoriques fur le fort que la Colonie a esfuyë depuis fon commencement, avec ce qui concerne fon Etat a&uel politique & moral, ne nous avoit il pas mis encore dans la nécesfité, de nous étendre un peu fur la Colonie en géneral ? Réfolus donc d'enchainer de nouveau les évé- n«-  P R E F A C E. xui nemens arrivés aux Juifs avec ceux de la Colonie pour en faire un precis Hittorique de tout ce qui la concerne, nous n'avons pu dispofer de. notre ouvrage envers qui que ce fut, fans en donner en même tems une connoisiance préalable a nos vénérables bienfaiteurs les Seigneurs territoriaux de la Colonie en Hollande} & de leur faire conjoinctement roffre d'un précis Historique qui renfermat les événemens de leur Co» lonie, & celle des Juifs y établis, comme un foible hommage pour la proteftion paternelle, & la bienveillance dont les Juifs de Surinam, depuis le commencement de leur regie, en qualité de propriétaires, jusqu'a préfent, leur font rédévables; nous ofons en confequence nousflatter que Mr. Dohm , au lieu de nous condamner de ne lui avoir pas envoyé eet ouvrage direftement, fuivant le contenü de notre derniere lettre, nous faura bon gré, d'avoir obèi au devoir que la gratitude, «Sc la réconnoisfance des bienfaits recus, nous ont impofés. Pour remplir cette tache nous fumes obligés de confulter plufieurs ouvrages fur l'Amerique, & principalement ceux,publiés fur Surinam ,tant par les Nationaux Hollandois que par les Etrangers, & de les comparer enfuite avec ce que nous avons trouvé de fragmens dans nos archïves: & ayant trouvé par le réfultat de nos re, cher-  xiv P R E F A C E. cherches que ces ouvrages font defeclueux aplufieurs égards, nous primes le fuin de compofer l'Hiftoire abregée de la Colonie, qui a quelques événemens prés, n'a rien de commun avec ce qu'on a écrit fur elle; & remarquant en outre, que malgré 1'incorporation des Juifs avec le reste des habitans de Surinam, malgré leur zêle, leurs exploits , leurs richesfes mêmes ; ils ne font nommés dans ces ouvrages qu'avec une in* difference qui décêle clairement la prévention de ces écrivains, nous nous fommes trouvésdans la necesfité indispenfable de nous étendre fur tout ce qui les concerne, & de rapporter les faits les plus intéreilans, pour les faire connoitre plus particulierement; fans perdre de vue ce qui concerne la Colonie en géneral. A 1'égard de l'Hiftoire de la Nation,que nous avons 1'honneur de réprefenter acluellement en qualité de régens, nous avons été obligés de confirmer plufieurs faits décrits dans eet ouvrage, par une quantité de piéces justificaties & authentiques-y-ajoutées ,de trop ou inutijes peutêtre dans tout autre ouvrage; mais indispenfable dans celui ou il s'agit des Juifs; car rapporter des faits fans preuves,ce feroitnouscompro, metcre avec le pyrrhonisme qui regne envers les Juifs;mais les confirmer ces faits, développer ce que des Auteurs ont foigneuferaent caché, ce n'est  P R E F A C E. n'est que fermer la bouche a nos antagor.istes ils n'oferont au moins nier le tout avec effronterie. Et comme notre nation & nous en géneral, nous ne regardons la Colonie que comme une Espece de Patrimoine Politique (s'il nous est permis de nous fervir de cette expresfion) ou nous jouisfons des la Liberté & de la Franchife; fon bonheur, fon opulence, le bien être de nos aimables quoiqu'a beaucoup d'égards, ingratscö. habitans nous interesfent asfés pour que nous facrifierions volontiers, tout ce que nous avons de plus précieux pour leur confervation. Kous avons également dans plufieurs endroits de eet ouvrage, developpé les caufes de leur décadence en géneral, & demontré avec la force dont nous forames capables, les droits de nos colons en géneral ,& la protection qu'ilsfont en droitde réclamer & d'attendre fuivant la justice & l'équité de leur mère-patrie & des negotiants de la Hollande, envers les dettes fur leurs Plamations: nous avons détaillé en confequence, les révénus de la Colonie depuis 1750. jusqu'a 1787- Les fraix les impots auquels font fujet les produclions, les profits que la république tire de la Colonie, & le peu que les malheureux Planteurs tirent de tous leurs foins, & de tant de peines qu'üsy endurent continuellement; dans ce tableau nous  xvi P R E F A C E. nous n'avons point fiatté les mceurs & Ie caractére des habitans de la Colonie, tant Chretiens que Juifs en géneral; nous avons au contraire developpé leurs fautes avec Franchife, & fuivant notre jugement, fans craindre la critique, car elle n'a aucune prife fur des coeurs qui ne cherchent point a immoler fur 1'Autel de laflatterie, la candeur, ou la verité. Suivant ce principe nous nous plaignons en même tems de la prévention & les préjugés qui y- regnent encore contre la Nation Juive en général, & nous avons mis les accufations & 1'apologie de celle de Surinam fous les yeux du public éclairé & équitable, pour qu'il nous juge d'après nos fautes, & d'après nos befoins; nous ayant fait en néme tems une gloire d'avouer avec la fatisfaction la plus complette, les obligations, qu'elle a a la proteriion paternelle de nos vénérables bienfaiteurs en Hollande, & égalementaux amitiés & a la bienveillance de plufieurs perfonnes distinguées de la Colonie,fans héfiterunmoment de les nommes ouvertement, & de leur donner les éloges qui leurs font dües, fi nous avons blesfé leur discrétion la desfus, nous leur en deman« dons excufe; & n'est cepas asfez d'ailleurs, que nous cacbions les noms de nos Zoïles, fans disfimuler encore ceux de nos Mécénes! Coiv  P R E F A G E» xvit Concernant la forme que nous avons donné & eet ouvrage , elle nous a paru la plus conforme a un Esfai hiftorique, qui renferme des idéés & des vues peu analogües peut-étrê avec 1'abregé d'une Hiftoire d'une Colonie, OU la partie politique n'est point du resfort des Aü* teurs: & comme fon fujet principal est 1'Hiftoi» re des Juifs, nous avons ramasfé tout ce dont nous avons eu befoin pour les méner depuis le bannisfement du Portugal & de 1'Espagnê, att Brefü, enfuke en Hollande, a Cayennè, jus* qu'a les placer en Surinam; fans oüblier l'Hiftoire de leur premier établisfement en Hollande, & leurs franchifes dans la république même. Lés ouvrages dont nous avons tiré, la connoisfancé de la plus grande partie de tout ce qui fe trouvé dans eet esfai, y font cités fcrupuleufement j niais fans nous tenir dans ün respect. fervile,nous les avons fuivis, jugé, critiqué même, fuivant nos foibles lumieres, & nos connoisfances lo* cales. A 1'égard du ftile, nous avons déjaavoué notre incapacité, en confequence nous ne doutons nul* lément qu'on y trouvera des phrafes peu frangoifes" \ du barbarisme fi Ton veut, mais nous nous fortïnes efforcés autant qu'il nous a été posfiblè de le rendre clair & intelligible; & nous nous' flat*  sviii P R E F A C E. fiattons que le public indulgent voudra bien nous pardonner les négligences qui s'y trouvent, en faveur du droit de 1'humanité que nous récksions; & des motifs denués -de prétentions qui nous ont fait écrire eet ouvrage. Cependant, fi dans le cours de eet esfai il fe trouve des articles peu intéresfans pour le com~ mun des lecteurs, & beaucoup de disfertations en faveur des Juifs, nous nous fiattons que nos vénérables bienfaiteurs en Hollande ; que Mr. Dohm ; que les vrais Philantrophes ne nous fauront pas mauvais gré d'avoir mis fous leurs yeux le détail de ce qui concerne Ia Nation en Surinam, pour que chacun dans la fphère ou ilfe trouve placé, & le pouvoir qu'il a en main „ puisfe en tirer ce qui fera convenable a fes bonnes intentions, & rejetter le reste comme inutile; d'ailleurs s'il est permis a un individu accufé de dereglemens dans les moeurs de parler de foi même, & de dire ce qu'il a fait de bien pour dementir fes accufateurs, cette defenfe est a plus forte raifon permife, & même nécesfaire a une Nation entiere, qui fe trouve dans les mêmes cireonftances, & fi malgré nos peu de prétentions 9 malgré la candeur & la vérité que nous nous fommes préfcrit en compofant eet ouvrage, la voix de la critique fecondée par des prejugés ré- Vr  P R E F A C E. XI3C ligieux ou nationaux, veut cependant nousaccufer d'être préfomptueux, & vains, & pour comble de perverfité, accabler la Nation d'avantage avec de nouvelles invectives, au lieu d'obferver fes fautes dans 1'intention de la corriger de celles qu'elle peut avoir, & de nous metre en état d'améliorer notre ouvrage , nous mettrons les critiques au nombre de tant de noires calomnies repandues fur les juifs en général, & nous leur appliqueronsd'avance, ce qu'a dit, Menipe a Jupiter „ Si au lieu de me répondre tu prend* -* tes Foudres, tu as fort." Lettre des Auteurs a Mr. C. G. Dohm, att fujet de fon ouvrage fur la réforme des Juifs» Monsieur! Illustre, & digne ami de 1'Humanité! Penetrés des fentimens que donne laréconnoisfance aux cceurs honnêtes, nous ofons rom* pre les bornes de la prudente pour faire pasfer cette lettre jusqu'a vous; 1'hornmage que 1'hujnanité vous doit a de fi justes titres; 1'éternelle *? a obli;  XX P R E F A C E. obligation que vous a la Nation Juive en général, vos idéés, votre philofophie, votre impartialité, & votre zêle envers un peuple malheureux , immortaliferont votre nom; ceux qui en font les objets, vous doivent fans cesfe des hommages. Permettéz donc, digne ami de 1'humanité, que nous, en qualité de Régens & de répréfentans de la Nation Juive Portuguaife, établie depuis plus d'un fiècle en Surinam dans 1'Amerique, vous en rendent par cette lettre: vous remercient de votre zêle pour 1'ouvrage que vous avéz bien voulu publier, concernant fa réforme politique, ouvrage qui, quoique imprimé depuis 17812. n'eft parvenu a notre connoisfange que le mois pasfé , «Sc quoiqu'en vertu de cette tolerance Philofophique qui eft la devife de 1'augufte république d'Hollande, notre mère patrie » nous nyavons qu'a nous féliciter de notre fort; nous ne pouvons pourtant pas nous dispenfer d'admirer,Monfieur!votre desintéresfement; de benir le Dieu qui vous a infpiré cette vertü fublime qui régne dans votre coeur: de régarder votre ouvrage comme 1'antidote de tous ces pré.' jugés, quiregnent dans le cceur des hommes, envers ceux qui adorent le même Dieu, quoique avec d'autres manières; qu'enfin comme lefléau qui  P R E F A C E. xxi qui écrafera aux yeux des fages ceux qui nous perfécutent, & 1'égide qui nous défendra aux yeux de 1'univers. Recevézdonc, Monfieur, notre foible hommage. Que 1'ame du vertueux M. Bernouilli,votre digne traducleur, trouve auprès de notre pere commun, la récompenfe de fes vertus, de fon humanité & de fon zêle, & pardonnez Monfieur , le transport de réconnoisfance qui nous a animé a vous écrire, agréez les vceux ardensque nous & toute la Nation faifons pour tout ce qui vous concerne; que le Dieu de 1'univers vous donne le pouvoir,vous cede la force d'être conftamment 1'appui des malheureux, & le défenfeur des opprimés. Nous fommes avec le plus profond respect Monfieur ! Vos trés humbles, trés réconnoisfans & trés obeïsfants Servireurs. (Jigfié) Les Régens de la Nation Juive Portuguaife de Surinam. D. D. J. C.Nassy, J. H. de BabeiosJr, S. H.BRANDONi Mos. P. de Leon , S. H. de la Parra , Is. de la Parra, Surinam ce 10 Mars 1786. Monfieur L'. G, Dohm, confeiller de Guerre, Archi viste & Sécrétaire privé au Departement des aff: ires étran* geres de S. M. le Roi de Prusfe. ** 3 Re;  xxrt P R E F A C E. Rêpottfe de M. C. G. Dobm, at la préfedentê Lettre. Messieurs! Ce n'eft que depuis peu, que la Lettre obligéante dont vous m'avéz voulu honorer en date du 10 Mars de 1'année pasfée m'eft parvenue par Berlin, que fai quitté depuis quelques mois, puisque le Roi, mon Maitre, m'a confié icile pofte de fon Miniftre Plenipotentiaire au cercle du Bas-Rhin. Je ne faurois qu'être agréablement furpris en apprénant par votre lettre , que mon écrit, qui régarde votre Nation fi injuftement malheureufe presque par tout, a pu percer jusqua vous; les fentimens qui m'ont guidé en le compofant, devroient être ceux de tous les hommes de bien, de tous les vrais chrétiens & de tous les vrais politiques; leur fimplicité, je 1'espère, les fera pratiquer ausli dans la fuite par les Gouverneinens, «Sc je me feliciterai toujours, fi j'aurois pa être asféz heureux pour y coöperer en quelque manière; mais jusqu' ici, je n'ai pas encore eu cette récompenfe ; je viens d'apprendre au contraire presque dans le même moment que j'ai re§u votre lettre,qu'on a brulé mon livre a Paris  P R E F A C E. * xxiii ris, fespère que cela n'eft fait, que par un mal entendu , qu'on fe hatera de réparer. L'approbation que vous me témoignez, Mesfieurs! de 1'autre bout du monde,m'eft d'autant plus confolante ; que vous jouisfez du bonheur de ne connoitre, que par les traditions da vos ancêtres, la manière dont on deprave votre Nation en Europe; votre fituation fournit une preuve convaincante de ma thêfe, que les Juifs font capables, comme nous autres, d'être de bons citoyens, des qu'on le leur permet. J en pourrois faire peut-être une application utile, fi vous voudriez me communiquer quelques détails fur les avantages que votre Gouvernement fage & éclairé vous accorde; je ferois curieux fur tout de favoir, fi on fait ausfi, la ou vous étes, quelques diftinction entre votre Nation, & les autres Habitants ? Eft-ce que toutes les occupa.tions, métiers, genre de commerce vous font permis ? jouisfez vous du droit de posféder des Plantages en proprieté parfaite ? n'avez vous pas des impots particuliers ? le nombre de vos familie ett-il borné ? avez vous le droit de défendre la patrie commune comme Soldat, & de la fervir comme Officier Civil ou Militaire. Voila des questions qui m'interèsfent beau1 ** 4 C0UP>  Xxiv P R E F A C E. coup, & vous irfobligeréz de m'en donner un& réponfe authentique & détaillée, en y ajoutant ausfi quelques notes hiftoriques fur le fort que votre Colonie a esfuyé depuis fon commencement, dont je ne fais la date; fur les changeniens, qu'on a pu faire dans vos priviléges & droits civils, fur 1'état nioral & politique de la Colonie, & fur les fentimensque la juftice du Gouvernement k du infpirer aux Chrétiens envers vous. 3'il vous vouléz m'honorer d'une réponfè, je vous prie de la faire pasfer par le couvert da Mr. Helleman van Eickelnberg, Conful ;du Roi è Vlisfingen; Avec les vceux les plus fincéres pour la durée non interrompue de votre bonheur, je vous témoigne la plus haute eftime que votre lettre m'a du infpirer. C'eft avec ces fentimens que j'ai 1'honneurd'être» MesfnursX Votre trés humble & trés obeïsfant Serviteur! Cologne Sur leRhin, (Jignèy Dohm^ ce Janvier 1787. Aux. Üége.ns & Répréfentansh Nation juive Portuguaifs, 4 Surinam^  INTRODUCTION. I_ie mépris avec lequel on traite la Nation Juive dans toutes les parties du monde, la haine qu'on lui porte, eft un fait auffi avéré , que difficile a eomprendre, fur tout dans ee fiècle de lumieres, ou les Monarques femblent fe disputer entre eux le titre de bienfaifans, & de peres de leurs fujets. Les écrits de Monfieur de Voltaire pourrontpeutêtre donner la folution de ceproblemedemorale;ce grand homme fait pour éclairer le monde, au milieu de fes écarts contre les Réligions, prechant la tolerance , foulant aux pieds tous les cultes, a pris conjoiri&ement le malheureux plaifir d'écrafer la Nation Juive, & de la rendre hideufe aux yeux de rUnivers(i). Ses adorateurs, ou pour mieux dire, les profélytes que eet homme célébre a feu faire (a) ont fuivis conftamment le drapeau, & la dévife de leur Apotre, C'eft peut-être encore lui & fes adherens, qui font Ja caufe, de ce que la morale de Jefus Chrift, la fimplicité de l'Evangile, au, des- ' (O Voyez fon traité fur la Tolerance, qui ne doft être iegardé que comme un traité complet de Fanatisme Philöfophique. (2) Qu'on fe fouvienne de ce qu'il a dit lui même „ je », fis plus en mon temps que Luther & Calvin". Epitre & 1*Auteur des 3 Importeurs. **5  xxvr INTRODUCTION. desavantage même des Juifs (3) fe trouvent eonfondues, & pour ainfi dire amalgamées avec les écarts funestes du facerdoce. II eut beau dire M. de Voltaire dans foh épitre fur les trois Importeurs, (qui commence par défendre 1'exiftence de Dieu, & effc terminé par des farcasmes contre les Juifs, & M. Freron) Corrige le Valet; mats refpeSe le maitre. Ses disciples ont abufé de fes lumieres , & dans leurs égaremens a 1'imitation de leur apötre, ils ont pris la Nation Juive, pour 1'objet de leurs turlupinades. Le monde effc rempli malheureufement de vains, & d'orgueilleux esprits, & de trés peu de vrais favant?. Dans cette inégalité , quel espoir pourroient jamais concevoir les Juifs au milieu de la pkilofophie qui regne aétuellement en Europe? ce n'eft que dans la vie privée de chaque individu, qui corapofe une Nation, un Corps de Societé quel- con- (3) Le Pape Gregoire IX. temoigna en faveur d'eux „ qu'ils ne font nullement coupables des crimes que les „ Chretiens leurs imputent pour avoir leurs biens en „ abufant de Ia Religion, pour donner quelques couleurs „ a leur avarice; & dans i'an 1236." II écrivit encore une Lettre de Ri&i datée du 9 Septembre, ou elï dit „ que „ les Chretiens exergoient envers eux des cruautés „ inouies, & ne prennent pas garde qu'ils font rédeva- bles aux Juifs des fondemens de leur Réiigion". Let„ tre d'un Mylord a fon correspondent a Paris, Londres n 1767» page a$. Ö2- f.  INTRODUCTION. xxvil conque, libre des entraves de cette urbanité fpecieufe, dont on caraélèrife 1'homme poli ; qu'on peut connoïtre Ie caraclêre diftinctif d'une Nation. C'eft dans leur vie privée, c'eft de leurs rapports avec leurs families respeflives, leurs amis, qu'on connoit leur morale & leur facon de penfer & de vivre; fans cela, tous les jugemens portent a faux, toutes les confequences font erronées. Un tel peutêtre doux, aimable, bienfaifant, lorsqu'il efi hors de chez lui, la gloire, 1'orgueil, la vanité, 1'amour propre, le forcent fouvent a demontrer en apparence ce qu'il n'eft point en effet, & ce n'eft que chez lui, que de cespetites aciions, ou la Nature eft la feule qui parle qu'on peut pénétrer ce que c'eft que fon ame; y-eut-il jamais en confequenee, des perfonnes bien desinteresfées, des hommes paslionnés pour Ia vérité, des philofophes fans préjugés, qui fe foyent donné la peine d'étudier les Juifs, de frequenter leurs maifons fans crainte d'être blamés? aton-jamais comparé leurs écarts, avec leurs nécesfités, leurs nombreufes families a éléver, avec leur peu de resfourcesjleur peu de fatisfaction d'exifter, a la vue de tant de mépris, avec la negligence nécesfaire dans 1'obfervation des régies de la bienfeance? Non, les Juifs n'ont eu jamais ce bonheur la. Tout ce qui leur appartient, tout ce qui fort d'eux, ou qui a du rapport avec eux , s'il n'eft point rigoureufement méprifé, eft au moins de daigné. Peut-être que fi les deux Buxtorfes, & Barto- loccj  Kvm INTRODUCTION. locd dans Ia vue de noircir Ia Nation & Ia rélïgion (4) n'avoient point étudiés, les Rabins, que Ia nomenclature même des écrivains Juifs , feroit enfevelie, autant que Ie font les aclions , qui pourroient les faire connaitre avantageufement dans l'hiftoire du genre humain. C'eft pour cette même raifon, que les Juifs,qui ont feu fe diftinguer par des actions morales, & par des fervices rendus a diverfes puisfances de 1'Europe, ne fgurent trouver leur place dans le Diftionnaire des hommes Illuftres. Les ingenieux compilateurs ne defigureroient certainement pas leurs ouvrages, s'ils y avoient fait entrer Ie nombre des Juifs qui fe font diftingués avantageufement, & qui eurent le bonheur d'avoir été decorés des titres qui font la gloire de la Natiën. Au milieu de tant de defaftres Bienvenida Abarbanel, qui dans Ie XV]. fiècle mérita 1'honneur d'avoir été choifi pour éléver Donna Leonor de Tolede, fille du ViceRoi de Naples, & enfuite epoufe de Cöme de Medicis Grand Duc de Toscane, qui conferva a cette Juive le titre de Mêre jusqu'a fa mort; Gracia Nasfy, corjnue en Italië pour une femme de beau- coup (4) Pour reconnoltre la haine dü dernier, qu'on life feulement dans fa bibliothêqueRabinique,Ies accufations malignes contre Ie Rabin Menasfe en [Hollande. V. la desfus Hiftoire Univerfelle, traduite de I'Anglois Tom. 23. fag. 58a. Q« 583.  INTRODUCTION. xxix coup de diftinöion, a qui la fameufe Bible de Ferrare de 1553. fut dediée, qui eut pour gendre le célébre Duc de Naccia fon neveu ; 1'heroisme, de chasteté de fa fille Ester, qui meriteroit d'être configné, Samuel Alvalenfi,fes heroismes en faveur du Roi de Fez, décrits dans la Chronique de Xarifes, dediée a Philippe II. Roi d'Espagne, & beaucoup d'autres qui exiftérent dans Ie XVI. Siècle.(5) Et dans le fiècle pasfé, Alexandre & Alvaro Nunez da Cofta (6) Macbados(7). Le Comte de Belmonre, dont patle Morery dans Partiele Amfterdam (8); les (5) V. Nomologie d'Aboab, Part. 2. pag. 304» & feqj. Amfterdam. 1029. (5) Alexandro & Alvaro Nunes da Costa fervirent en Hollande en qualité d'agens de Ia Cour de Lisbonne; on peut confulter ponr ceux ci, & pour ceux qui fuivent. Gregorio Lety, dans fon compendio delle virtu Eroiche, part. 11. page 123. Franfisco Xavier d'Olivera, Sécrétaire d'Ambasfade dtt Roi de Portugal, dans fon voyage en Hollande. Lettres de quelques Juifs a Mr, de Voltaire, Tom. 1. pag. 20 & feqq. Paris 1775. (7) Machados étoit un des favoris du Roi Guillaume, fi ce monarque réconnoisfoit qu'il avoit rendu de grand» fervices £ fes armées en Flandre. (8) Le Comte de Belmonte fut employée par Ia Cour de Madrid, en qualité de fon Agent en Hollande, & honoré du titre de Baron & en fuite de celui de Comte pac 1'Empereur.  XXX INTRODUCTION. les Texeiras (<ƒ); les Soasfos (io);les Molos(n)» les Mesquitas (12); & encore dans notre fiècle, le Baron d'Aquilar (13); les Gradis (14), furtout les Mozes Mendels-zoon (ij) ne font pas indignes d y avoir (9) Les Texeiras furent Agens du Roi de Suede en Hollande, & ï Hambourg. (10) Soasfo fuc crée Baron d'Avernas par Ie Roi d'Espagne. (11) Franfisco Molo fut employé par le Roi de Pologne en Hollande. (12) Dard. Bo. de Mesquita fut rélident du Prince Ch; Ernst Marquïs de Brandenbourg, Duc de Prusfe, & Agent Général en Hollande du Duc de Brunswic & Lunebourg, il eut un gendre Francisco Fernando Mora, qui eut de charges éminentes au Brefil & en Etrurie. V. Encore fur eux, 1'établisfement des Juifs en Hollande par Miquel de Barrios, a Ia fin» (13) Le Baron d'Aquilar, fut crée Baron par 1'Empereur, & fut employé en qualité de fon treforier par Ia Reine d'Hongrie; il s'étoit retiré a Londres, avec la permisfion de I'Imperatrice Reine, ou il eft mort dans 1'An 1764. ou 3765. Lettre d'un Miiord page 56. (14) Gradis eft trop Connu en Franse pour avoir befoin de le nommer, & nous citerons feulement a fon égard ca que Mr. d'Arnaud rapporte de lui dans le Tom. II. des delasferaent de 1'homme fenfible page 49. La fomme qu'il feut facrifier en faveur de fes débiteurs monte beaucoup au d,ela de 200 mille Livres. (15) Quelle n'eft point la célébrité de Mr. Mendels'. zoon?  introduction; SXXIt. avoir éténommés. Les Titres de Barons, de Comtes, de Treforiers, d'Agers &c. dont ces hommes furent decorès pendant leurs vies par les premières Puisfances de 1'Europe, mériteroient d'être confervés, ne fut ce que par la fingularité de ces titres combinés avec le malheureux nom de Juifs , qui fuppofent pourtant de plus grands mérites, & de vertus perfonnelles plus éminentes que s'ils eusfent été donnés a des Chrétiens. En oppofition de tout cela, nous n'avons pas befoin de faire 1'hiftoire des calamités qu'a esfuyé la Nation Tuive, tant ancienne que moderne, ni rapporter les horreurs des perfécutions, qu'elle a endurée dontle célébre Mr. Dohm a fait 1'effrayante Hiftoire: d'ailleurs il n'eft pas étonnant que dans les Siecles de barbarie, d'ignorance, & de grosfiereté, lorsque les Juifs étoient presque les feuls favants de 1'Europe (16), la haine, 1'envie, & fur tout zoon? Ses ouvrages traduits dans presque toutes les langues de 1'Europe, font a jufte titre regardés comme des Chefs d'ceuvres de pénétration en métaphifique & en bonne morale. Nous pourrioas fans beaucoup de peine grosllr cette liste de plufieurs autres perfonnes de Ia Nation qui fcurent fe diftinguer dans Ie fiècle pasfé, principalement de ceux qui produifirent de grands ouvrages, comme Don Anthonio Henriques Gomes, Ifabel de Correa, Silveira, & plufieurs autres. (16) „ Dans le XII. Siècle les Juifs établirent des Uni* »> vee-  xxxir ÏNTRODUCTION. tout 1'avarice, les ayent fait perfecuter avec Ia Cru» auté, qu'on ne trouveroit guere chez les tigres» com> „ verfités ou Academie dans !es environs de Nimes; cette „ Nation produifit alors des Hommes iècommandables „ par leur favoir. Le Rabin Abraham profesfeur è Vau* vcrt,fe voyoit des discïples des pays les plus éloignés; il ajoutoit fouvent au don de fes connoisfances celui „ d'une partie de fes biens pour fubvenir aux befoins de s, fes éléves indigens". Voyez abrégé de l'Hiftoire de Ia Ville de Nimes a Amfterdam 1767. page 24 & 25, & ce qui eft encore plus rémarquable, cemme pourfuit 1'Auteür. ,, Si nous n'avions des monume?is ccrtains fur cette pat- tie de l'Hifloire de ïEsprit lumain; (les lettres) mauroit ,i aujourd'bui bien de la peine a fe perfuader qu'un Juif aio ,» eü cette générofité; £f que c'eft a cette Nation que l'on doit- dans 1'Europe, la rénaisfanpe des lettres & desbeaux Arts". ibid. V. lettres fur les Juifs du Baron de Cloots du Val de Grace, page 69. jusqu'è 73. Berlin 1783. ibid. pour la partie des fgiences; de Colmenar annales d'Espagne &duPor=> tugal 4. partie, pag. 8. Amfterdam in 40. Jofephus Scaligerus, Auteur du XVI. Siècle, fur les années judaïquesIi= vre 8. Peut-être que le premier Poëoie Epique qui parut fur 1'aftronomie, fut celui du Rabin Guebirol, auteur du XII. fiècle, quoique fon fiftême n'eft fondé que fur celui de Ptolomé'e qui aiors étoit en vogue. Nous mettrons encore fous les yeux de nos le&eurs, le paralelle de quelques morceaux de Poëfie de nos Rabins, avec ceux des deux plus grands Poëtes de la France, J.B. Rousfeau & Voltaire, lui même qui a fuppofé aux Juifs. la  ÏNTRODUCTION. xxxm comme le lémarque le reverend Pere Simon dans fa Bibliothêqne critique , Tom. I. page 115, 116 & la plus crasfe ignorance, quoique les morceaux des Rabins perdrout beaucoup è caufe de la traducïion faite fur 1'hebreu literalement, & è caufe de Ia profe, qui fait per» dre fouvent les charmes a la plus belle compofition poë« tique. Nous avons choifi des morceaux qui ont du rapport entr'eux & qui différent pourtant de presque VI Sieclesj mais le genie eft de tous les tems, voyons ces mor* ceaux; nous nous fervirons de la tradu&ion de Mr. Ventura, Priere des Juifs, Tom. 3. page 198, 442 & 443^ a Nice. Voltaire. Henriade. Hebreu. A la foible raifon garde toi Mortel, confulte toi, disde te ren dre; pofe ton cceur, comprend Dieu t'a fait pour 1'aimer, & dans ton interieur, & régarnon pour le comprendre. de ce que tu es, & d'ou tu Invifible a tes yeux, qu'il re• prends ton origine,qui t'a afgne dans ton cceur: fermi, qui t'a donné 1'intelU confond 1'Injuftice, il par- ligence & quells force te fait donne a Terreur: mouvoir ? régarde la puisMais il punit austl toute er- fance de Dieu,& éveilleton reur volontaire ame de fon asfoupisfement, Mortel, ouvre les yeux, exanaine prudemment fes ceuquand fon foieil t'éclaire. vres; mais prends garde de Chant Septieme. i'approcber trop de fon exiftence , quand tu voudras rechercher ce qui a été au com» mencement, ce qui fera a la fin, & ce qui est caché &'au desfus de 1'Intelligence humaine. Page 108.  XXXIV ÏNTRODUCTION. & 118. Tom. III. pag. 12 & 13. & plufieurs autres. Le Pape Paul IV. fur une aecufation contre les Juifs a J. B. Rousfeau. Stances. Que 1'homme eft durant la vie Un parfait miroir de douleurs, Des qu'il respire, il pleure, il crie Et femble prevoir fes mal • heurs. Dans 1'enfance toujours des plaurs Un Pédant porteur de tristesfe Des lirres de toutes couleurs Des chatimens de toute espece. L'ardente & fougueufe jeunesfe Le met encore en pire état. Des créanciers, une n. aitres fe , Le tourmentent comme un forcat. Dans 1'age mur, autre combat. L'ambition le follicite, Richesfes, dignités, éclat Soinsde familie, tout 1'agite. Vieux Le Rabin Guebirol. L'homme depuis fon exis» tence eft opprimé, abbattu, mortifié & affligé: des fon com men cement il eft un fétu que Ie vent emporte — de» qu'il fort du ventre de famêre, il pasfe la nuit dans les gemisfemens, & le jour dans la triftesfe. Aujourd'hui il eft élevé, demain il eft ron» gé par les vers: un fétu le fait réculer, une épine le blesfe: S'il eft dans 1'abondance, il devient,mechant, fi le pain lui manque, il fe rend criminel. II vient aü monde & il ne fait pas pourquoi; il fe réjouit, & ii ne fait pas de quoi; il vit, & ne fait pas combien. Pendant fon enfan^e il fuit fa dépravation : quand la raifon commenge a donner de la force a fon efprit, il cherche avec vigilance è ac cumuler des biens. De tout tems il eA fujet aux inquie. tu-  ÏNTRODUCTION. xxxv adit „ fans mon bon Jefuite , j'étois damné, car „ j'cusfe fait raourir a tort les Juifs! je piie Dieu qu'il Vieux, on le méprife , on tudes, & aux accidens qut I'évite furviennent dans Ia vie, jus- Mauvaife humeur, infirmité qu'è ce qu'il devient & charToux, gravelle, goüte, pi- ge è lui même, & que fon tuite miel fe convertit en fiel de, Asfiégent fa caducité. viperes ; quand les incomo- Pour comble de calamité dités de fa vieillesfe auUn Directeur s'en rend Ie gmentent, fon esprit s'affoi. maitre blic, les enfans fejouentde II meurt enfin, peu regretté lui, ils deviennent fonmaiC'étoit bien la peine de nai- tre, il eft a" charge aux gens tre. de fa familie, & il eft mé- Oeuvres de J. B. connu de fes propres pa« Rousjeau Tom. rens, P^. 335- Page 443 & 444. Qu'on confulte pour Ia partie métaphifique les écrits des Rabins Jeuda Levy, &Bahiê du Xij. Siècle, fur tout leurs traités fur l'éxiftenge & 1'unité de Dieu, & fur 1'immortalité de I'ame; qu'on les compare fans prévention avec ceux des métaphyficiens modernes, & qu'on pronon* ce. Mais malheureufement, ce ne font pas ces écrits ts qu'on lit & qu'on examina pour en juger. Le Talmud, fes réveries, fes apologues orientaux, (fuivant la défini. tion qu'en donnent nos antagonistes,) eftce qui occupe les critiques;le Marquis d'Argens dans fes favans memoires fur 1'esprit humain, a t'il-fait tant de récherches fut les premiers comme il a fait fur Ie dernier? Si le Talmud **** «is,  xxxvi ÏNTRODUCTION. 5, qu'il les convertisfe, mais tant que je vivrai, (il M mourut en 1559.) je ne les haïrai point, ni ne „ les molefterai" (*). Mais que dans le fiècle pasfé , fiècle des beaux arts , fiècle brillant de Ia France,qui a vu naitreDescartes,Corneille,Boileau, Racine, on aye fait un procés horrible aux Juifs de Metz , & brulé vif Raphael Levy le 17 Janvier 1670. f17) que Louis XIV. qui cenfirma les lettres Patentes de Henri II. celles d'Henri III, & en étendit même les dispofitions en faveur des Juifs , en date de 1656. aye enfanté fon codeNoir (18) que les Marchands de Paris ayent forgé des ca- exifte, & fi le fameux Maitnonides eut Ia force de lecom menter; n'en exifte c'il pas plufieurs autres? Neuton, le grand Neuton ne l'at'ilpascommentétoutdemêraePQuelles que puisfer.t être les réveries de tous les Rabins enfemble, remferment elles plus de bêtifes que les fermons & les fonges Theologiques de difFérentes autres Nations? V. Mem. du Mirq. de Pombal. Tom. III. pag. 175 &230. & plufieurs autres. (*) V. LouisGuyon diverfes IecxmsTom. 2.&o.pag-485. (17) V. abrégé du proces fait aux Juifs de Metz. a Paris, chez Leonard 1670. la Ieéture fuite des piéces qui confirment le prétendu crime, d'avoir facrifié un enfantchré» tien aux jours de paquïs, révoltera le politique, & le jurisconfulte le plus acharné contre les Juifs. (18) Le Code Noir. Imprimé en 1680. ou 1682. **« J'amais ouvrage n'a recu un titre plus analogue a fon contenu que celui ci. U fcmble qu'il défigne plutót la noir- ceur  ÏNTRODUCTION. xxxvu calomnies atroces contre les Juifs dans leur Réquéte de 1765 ou 17G6. (19) qu'on aye imprimé le libelle , connu fous le nom des obfervations d'un Alfacien. Sur les affaires des Juifs en Alface, dont 1'Auteur pasfe pour un des prin.ripaux acteurs de la fabrication des fausfes quitances (*), & que pour comble de malheurs, les Magiftrats d'Esfequebo & Demerary fujets de la Repubiique d'Hollande, ayent encore forgds des inveclives & des colomnies contre les Juifs (20) c'eft ce qui dojt étonner tout homme de bon fens, & faire cou- ler ceur du fanatisme & de 1'intolerance reügieufe , que la couleur des Negres qui lui a fait donner ce titre. (19) V. Lettre d'un Mylord a fon correspondent a Paris 1767. (*) V. Réforme politique des Juifs par M. Dohm, pag. 106. (20) V. Brieven over Demerary en Esfequeho, tusfchen Ariftodemus en Sincerus, Tom. 1. piece juftificative L. G« page 70. Amfterdam 1785. Eyfemenger, & tous les Ennemis des Juifs enfemble n'étoient certainement pas plus acharnés contre eux que ces aréopagiftes de Demerary & d'Esfequebo, (appartenants a" une répubüque qui feut proteger les Juifs avec éclat,) aux yeux & a Pétonnement de tout 1'univers, & cela encore dans ce tems ci, & feu. lement par crainte de les avoir pour concurrens dans leurs malheureufes Colonies; nous parierons un peu fur eet ou. vrage, mais en attendant nons rémarquerons feulement que ces Mesfieurs devroient plutot penfer 4 leurs propres affaires delabrées que d'écrire au desavantage d'une au. *re Nation. Voyez 1'annonce du Courier du Bas Rhin.du IJ Aout 1787. N». «. *♦* 3  Sixxvm ÏNTRODUCTION. Ier des Iarmes a cette malheureufe Nation. A la vue de tant d'ignominies qui bannisfent 1'espoir de leurs cceurs navrés de peines & de foucis, ce n'eft que de la répubüque d'Hollande, de 1'Au. gufte Jofeph II. du Bienfaifant Louis XVI. de Frederic Guillaume le bien aimé, de Leopold de Toscane &c. &c. qu'ils attendent leur falut. Que les ouvrages du célébre M. Dohm, qne fon hnpartialité penêtre jusqu'au pieds des thrones, & qu^ fon imitation les philofophes daignent reunir leurs voix a la fienne pour operer 1'heureufe révolution de bannir toute diftrction envers une Nation haïe & perfecutée depuis 18 fiecles — Et pourcoóperer autant qu'il eft en nous, malgré nos peu de connoisfances, a cette heureufe révolution; nous mettrons fous les yeux du public & particuüèrement fous ceux de notre bienfaiteur , le célébre M. Dohm, l'Hiftoire des Juifs établis a Surinam, pour confirmer autant qu'il nous fera posfible, ce qu'il a foutenu dans fon ouvrage fur la réforme politique „ de ce que les Juifs peuvent devenir „ généralement ausfi bons concitoyens , que les „ Chrétiens, des qu'on le leur permet". Cette thêfe confirmée par les faits que nous avons rapporté, & que nous rapporterons encore dans la fuite de eet ouvrage, prouvera incontestablement, que la répubüque d'Hollande, en augmentant fon credit & fon commerce; feut faire de fes provinces & de fes étabüsfemens en Amérique; le féjour de la überté, & le réfuge des malheureux, dévenus a force de fes bienfaits, des citoyens utiles & de fidêles fujets de la république. ES-  ESSAl HISTORIQUE SUR LA COLONIE D E SURINAM. Aprés le bannisfement des Juifs de 1'Espagne, en 1492. au nombre de 800 mille perfonnes, fuivant le Pere Mariana (*) & enfuite du Portugal en 1497. après y avoir esfuyé de' grands malheurs comme on peut le voir dans Hiftoria general d'Espagna (t) les Juifs fe répandirent dans les quatres parties de 1'univers; la plupart fe rendirent en Italië , ou ils furent recus & protégés par les Papes Alexandre VI. Paul IV. (§) Sixte V& d'autres; aux états du grand Seigneur &c. Ils apporterent avec eux des richesfes immenfes en or, en pierreries & autres effets, outre 1'argent monoyé qu'on fait monter au de la de 30 Millions de Du- (*) Tom. 9. pag. 189 Ö* 190. (t) Hijiorie der Jooden, of vervolg van Flavius Jofepbus, Chip. 6. 7. üf 8. pag. 516. 6? fuivans, Amfterdam cbez van . Gulik 1784. (§) V. Ibidem page 5Q&j«sju'A 6084 A  3 ESSAI HISTORIQUE sim la Ducats(*). La réfolution du bannisfement des Juifs de 1'Espagne, dit le Pere Mariana ibidem page 193. fut toujours régardée comme une tSaaa en tout répréhenfible; car des gens ausfi richesqu'utiles, ne fauroient, point être obligés a quitter leur patrie, fans caufer des dommages les plus fenfibles a toutes les provinces d'un Royaume. Ceux qui avoient leurs richesfes placées affeftées a credit ou en biensfonds, conferverent Ie nom de nouveau Chretiens (Mariana,ibidem,) & lorsqu'on commenca a les foup^nner d'être infidêles a la réligion qu'ils feignoient de croire, & que leurs richesfes réveillerent 1'avidité de leurs perfecuteurs, pour esquiver le coup fatal qui lesattendoit,& pour mettre leurs biens a 1'abri des pourfuites du détestable tribunal de 1'Inquifition, ils envoyerent la plus grande partie de leurs richesfes a Londres & en Hollande ; ils fe fervirent de lettres de change qu'ils avoient inventée quelques liecles avant. Admifes enfuite par toutes les puisfances de 1'Europe, comme Ie dit Montesquieu (f) „ Philippe II. qui „ étendit peu après fes loix fur le Portugal, ré9» gla que ceux de fes fujets,qui descendoient d'un m Juif ou d'un Maure, ne pourroient être admis »> ni dans 1'état Eclefiastique, ni dans les charges „ civiles: ce fceau de réprobation qu'on impris' moit P0lir ainfi dire fur le front des nouveaux „ Chré- (*) Hiftorie der Jooden, pag. joo. (t) Hans Jon Esprit des Luis. Livre XXI. page 310.  COLONIE de SURINAM. 3 „ Chrétiens , dégouta les plus riches d'un fejour „ ou leur fortune ne les préfervoit pas de 1'hu„ miliation, & ils apporterent leurs capitaux a Bor„ deaux, a Anveri, a Hambourg, & dans d'autres „ villes avec lesquelles ils avoient des liaifons „ fuivies (*) & malgré ce décret dePhilippe II. Les „ grands d'Espagne ont beau prendre des précau„ tions, a changer de nom & d'armes; il eft ce„ pendant connu qu'ils fortent de peres Juifs. Les „ Monasteres en font remplis; la plupart des Moines, des Inquifiteurs, & des Evéques for,, tent de cette Nation. Cette émigration, comme le „ rémarque encore 1'Abbé Raynal page 9,devint „ 1'origine d'une grande révolution: étendit a plu„ fieurs contrées 1'induftrie jusqu'alors concentrée „ en Espagne & en Portugal, & priva les deux „ états des avantages que 1'un tiroit des Indes Orien„ tales, & 1'autre des Indes Occidentales". Anterieurement, a ces dernieres époques les Juifs que PInquifition pourfuivoit fans rélache étoient exilés en grand nombre au Brefil „ quoique de „ pouillés de leur fortune par ces fangfues infatia„ bles, ils réusfirent a établir quelque cultures, ce commencement de bien, fit fentir a la Cour de „ Lis- (*) Raynal, torn- 5. pag. 8- Edition de Genese 1781. Vid. en cutrt Bielfeld In/litution Politiques. torn 3. 5. 13. pagt 17. Edition de LeyXe 1772. fcf l'Hiftoire Uuiverfelle, araduite de l'Anglois. torn. 23. page 517. 6? Suivantes. tt) V. Limborcu. collat. amici,^. 10a. A 3  4 ESSAI HISTORIQUE sur ia ' „ Lisbonne qu'une Colonie pourroit devenir utile k „ fa métropole autrementque par des metaux".(*j Cependant quoique bien établis au Brefil & z leur aife» le mépris attaché en Espagne & en Portugal au nom de nouveauxChrétiens les rendoient plus opiniatrement attachés au Judaïsme, ils ne cherchoient donc en'confequence, que desoccafionsfavorables pour s'approcher de leurs frères ,& ils féfoient en attendant des rémifes en barres d'Or & d'Argent a leurs correspondans & frères établis déja en Hollande & en Angleterre. La prife du Brefil par les Hollandois fous le commandemenfc du Prince Maurice du Nasfau, leur ouvrit les moyens de remplir leurs vues (j), Pour donner une marche plus reguliere a eet ouvrage nous dévons; avant o'entrerdans ce qui concerne la Colonie de Surinam par rapport aux Juifs qui s'y font établis , envifager 1'état prémitif de ceux qui s'établirent en Hollande, Suivant Basnage (§) les Juifs Portugais & Espa- gnols (*) Ibidem, même page. (t) Voyez en outre chez Cardofo (*) l'Hiftoire des Juifs établis a Paraïba au Brefil; en enfuite retirés en Hollande, & ce qui eft arrivé au Juif de Caftro Tartas, forti del'Amérique, & brulé par PInquifition en Portugal, en 1650. (*) Calomnies des Hebreux Amfterdam 1679. page 824. (§) Hiftaire des Juifs, torn. a. page 292. Don Miguel de Barrios, taaifon de Jacob. page 12 & 13. Du Lignon, jk-- W/e»  COLONIE DE SURINAM. 5 gnols s'y fonts fixés depuis 1588. ou 1589. au nombre de 648. tous circoncis, depuis 1554. par Uri a Levy, a Embden, & dans la fuite par fon fils a taron Levy, 931. perfonnes fuivant le rapport de Lavra & dAboab rapportés par Barrios page 2 & 3. de forte qu'on peut calculer que le nombre des Juifs Portugais & Espagnols, éta. blis confecutivement en Hollande depuis 1554. jusqu'a i588,montoit a 1579.3 1'exception des femmes & des filles. Depuis ce tems jusqu'a 1'année 1595. les Juifs y cachoient leur Judaïsme. Les proteftans avec les rigoureufes recherches du Calvinisme contre les Images Papiftes, foupconnerent les Juifs d'être atteints du Catholicisme,& ils attaquerent en coniequence une maifon ou ilss'étoient rétirés, le jour de leur Kipur de fan 1595. pour y faire leurs priéres; une fcule de gens armés tomberent fureux, & avec la ménage de les tuer, ils leur demanderent leurs reliques, hollies, crucifixs &c. cette demande les étonna, & ils déclarerent qu'ils n'étoient que des Juifs réfugiés, a caufe de 1'Inquifition de 1'Espagne & du Portugal; les Hollandois peu fatisfaits de cette reponfe,vont dans leurs demeures, & n'y ayant trouvés que des livres en hebreux,les lacherent fous condition neanmoins de prier Dieu teus bliotbeque Judaïque, page 38. Leydef;69- Wagenaar, Amfterdam in zyn opkomst rjfc. Amfterdam cbes Tirhn 1765. fage 219 patie 3, & plufieurs autres.  6 ESSAI HISTORIQUE sur la tous les Samedi pour la prosperité du Gouvernement d'Amfterdam. Après cette époque, eu égard aux changemens arrivés au Gouvernement Hollandois en 1578. Suivant Ie fentiment de M. Wagenaar, les Juifs y eurent Ia liberté de bsttir leur Synagogue & de profesfer leur religion ouvertement. M. Wagenaar ne parle point de 1'attaque imprevue que les Calvinistes firent fur les Juifs, & que nous venons de rapporter, mais Don Miguel de Barrios, auteur qui écrivit dans Ie fiecle dernier, rapporte le.fait dans toutes fes circonftances (.*). Malgré cette admisfion des Juifs en Hollande, & la tolerance qui caradtèrife la répubüque, & malgré tout ce que dit Savary dans fon diftionnaire fur le mot Juif (f) & plufieurs autres écrivains politiques, concernant le profit que le commerce d'Hollande a tiré de tout tems de l'indultrie & de l'aclivité des Juifs Portugais & Espagnols, leurs priviléges comme citoyens , y font biea bornés; M. Wagenaar dans fon ouvrage (§) rapporte tout ee qu'ils ont & peuvent encore avoir de bénefice danstout ce qui fe rapporte au commerce fimplement; tous les metiers, a 1'exception de ceux qui ont dis rap- '(*) Opere fupra citato, pag. 67. (t) Ktrfteman , Rechtsgeleerd Woordenboek, artisie Jooden. Richesfes de la Hollande, tem. I. page 501. (§; Opere fupra (itato, 3. partij page 324.  COLONIE DE SURINAM. ? rapport a la medecine, leurs étant interdits, & ils ne peuvent entrer aux maitrifes. Nous ignorons, fi ces obftacles n'ont pas beaucoup contribué a la décadence des Juifs en Hollande, & au peu de lumieres que la Nation y fut acquerir dans la fuite, au milieu de tant de liberté reügieufe; ignorance, dont on 1'accufe encore fans avoir penêtré le peu de profit qu'elle auroit pu tirer de fes peines, en s'appliquant aux arts & fciences avec asfiduité : fi dans le commencement au lieu du courtage, & du commerce des aétions, les Juifs y auroient pu avoir des atteliers & des manufactures en propre; s'ils avoient pü entrer aux maitrifes indiftindtement, & profiter ainfi de la richesfe & du luxe de fes frerei, la Nation ne feroit point tombée en Hollande comme elle 1'eft aprefent; fon bonheur contribueroit ausfi a 1'avantage même de la répubüque, & les Juifs Hollandois qui pasferent en Amerique, auroient fourni aux Colonies beaucoup plus d'artifans & de gens de metier qui s'y fixeroient perpetuellement. Le premier feu de la Religion;cet attachement a beaucoup de prejugés & d' habitudes , que le desceuvrement, & le mépris éterni* fent malheureufement, s'affoibliroit, fe disfiperoit même infenfiblement a 1'avantage des Colonies ou ils fe feroient placés ,• & combien de bras vigoureux ne pourroient être employés encore en Hollande même -t pour réiever 1'état déplorable ou fe trouvent reduites les fabriques nationales. Soixante mille Juifs qu'on compte dans la feule Ville d'Am:  8 ESSAI HISTORIQUE sür la d'Amfterdam, font un objet digne de reflexion. L. II. P. les états généraux ont bien fenti la nécesfifé de réforraer cette branche de richesfe, lorsqu'ils ont pris leur réfolution du 6 Juillet 1753. émanées fur la répréfentation de Madame la Princesfe d'Orange & de Nasfau, Gouvernante de la Hollande (*). Monfieur van den Heuvel dans fon memoire qui a remporté le prix fur la queftion propofée par la focieté des fciences de Harlem, faifit également avec un zêle vraiment Patriotique, cette réforme ausfi utile que nécesfaire, il pretend dans eet écrit „ de diminuer le nombre des Pe» „ ruquiers, de marchands de Modes, de Parfu,, meurs &c. & d'obliger en particulier les Juifs, „ k éléver de fabriques de tapisferies, deporcelaine, „ de miroirs & autres manufadtures qui jusqu'a „ préfent n'ont pas été entreprifes en Hollande » „ & auxquelles ils devroient employer ceux de ,> leur Religion , qui aujourd'hui (faute d'at> „ tres resfources) courent les rues 6c font un „ trafic plus nuifible que nécesfaire des diffe„ rente marchandifes, & particulierement de bil„ Iets de loterie èkc." (|) Nous attendons cependant de la fagesfe du Gouvernement de la Répubüque, des dispofitions, qui peuvent embrasfer a la fois & le bonheur de la Hol- (*) V. Rkbesft de la Hollande, torn. 11, page 425. R fuivantes. (t) Ibidem, page 483.  COLONIE de SURINAM. 9 Hollande, & celui d'une grande partie de fes fideles fujets; c'eft elle encore, c'eft cette répubüque , qui ouvrira la première aux Juifs les moyens de leur fubfiftance, de même qu'elle fut la première qui les recut dans fon fein avec tant d'amour & de bienveillance. Que les puisfances Européennes fe resfouviennent „ que cette même überté (ausfi „ bornée qu'elle 1'eft) a fait venir en Hollan- de nombre de Juifs Espagnols & Portugais , „ qui fe font anterieurement établis a Amfter„ dam , ou ils occupent une grande partie de „ la Ville, que ces Juifs y ont apportés non feu- lament leur fortune, & leurs richesfes, mais en „ outre une correspondance avec les Juifs étran,, gers, fur tout avec ceux du Levant , dont „ les effets durent nécesfairement augmenter le „ commerce & la navigation" (*). Puisfent donc les Juifs repandus dans les quatre parties de monde implorer Ie Dieu d'Israè'1 pour le falut d'une répubüque ausfi bienfaifante qu'éclairée! Après que ces Juifs fe font établis en Hollande, que par la richesfe qu'ils y ont apportés, ils étalêrent un luxe a 1'égal des chrétiens, & furent fe conciüer l'efh'me générale j jusques même a avoir dans la fuite des emplois diftingués au fervice de plufieurs têtes couronnées, comme nous avons déja rapporté dans l'introduétion de eet ouvrage : plufieurs autres Juifs s'y rendoient de tou- te (*) Richesfe de la Hollande, torn. i, pag. 501,  io ESSAI HISTORIQUE sur la te part, & ceux qui vivoient au Bréfil ne chercherent que des occafions favorables pour s'y rendre s comme nous 1'avons dit plus haut. II y avoit alors au Bréfil une quantité de ceux, dont les families fe trouvoient déja évablies en Hollande, & qui foupiroient pour leurs freres abfens, expofés aux terreurs qu'infpire 1'Inquifition. Les plus braves de ceux de la Hollande prirent la rélblution de fe rendre au Bréfil avec la flotte Hollandeife deftinée pour en faire la conquéte, & ils fervirent dans 1'armée comme volontaires. Ce fait eft conftaté par des morceaux de Poëfie en Espagnol fait dans le temps même, dont on trouve des fragmens a la fin de 1'ouvrage de D. Miguel du Barrios, que nous avons cité, & dont nous rapporterons quatre vers pour donnerplus de jour a ce que nous avons avancés. » „ Con el Hollandio en el Rrafil ardiente „ Se opone al Portugues la Nation fanta. „ Y erte ane en buda al imperial quebrante, „ Que la araenaga con furor ambiente." ce qui veut dire. Avec les Hollandois dans le Bréfil bruianti la fainte Nation s'oppofa aux Portugais, & dér outa dans cette année la force imperiale, qui vouloit fubjuguer la Répubüque. Ces Juifs donc, rencontrant an Bréfil leurs frères , ils leurs perfuaderent de lever le voile qui cachoit leur Judaïsme: ceux du Bréfil étoient la plupart des gens de condition, & trèsverfés dans le  CQLOMË de SURINAM, II fé commerce & 1'agriculture , & pendant les huit années; qu'apres la conquête du Bréfil le Prince Maurice du Nasfau y refta comme Gouverneur; les Juifs ramasferent leurs richesfes pour attendre Pis fue qu'auroit cette conquête, malheureufement Ie rappel que les Provinces Unies firent du Prince en 1644. diminuerent au point les forces Hollandoifes au Bréfil, que la Répubüque perdit tout ce qu'elle avoit conquis fur les Portuguais (*)> & les Juifs du Bréfil prirent alors le parti de fe retirer avec leurs richesfes dans les vaisfeaux qui portoient les 2000 hommes de troupes qui étoient fous le commandement du Prince, les plus diftingués de ceux qui pasferenteh Hollande avec leurs families, furent le célébre Rabin Ifak Aboab, les Nasfys,les Mezas, les Pereiras, & quelques autres (f). Ce fut dans ce tems que DaVid Nasfy, fa familie^ fes compagnons,accoutumésdéja aucümat du Bréfil, & aux travaux de 1'agriculture, prirent la réfolution de s'étabür dérechef en Amerique. La ma- (*) Voyez Martinkre diB. Geograpbique in fo. article Bréftl Page 458. col. ij. £? tegenwoordige flaat van America, Amfterdam, cbez Tirion 1767. tem. 1. pag. 291. (t) Voyez Mig. deBarrios, Gcvierno Popular Judaica page 28, vida de Lbak Uziel, page 46. fc? fon Hijioire dele poetas y escritores de la Nation Juive Portugaife, ou fe trouwt ceux venus du Bréfil a Amfterdam, page 53. jusqu'a 60 Du Lignon page 196. Hijioire Univeifelle t»m. J3. S84. in notifi I. Partie. £  12 ESSAI HISTORIQUE sur la manie ou Ia fureur de former des Colonies dans le nouveau monde, étoit alors générale, & confervant le même desfein, il obtient pour lui & fes asfociés de la focieté de la Compagnie des Indes occidentales dans Fasfemblée appellée des XVII. le 12 Septembre 1659. le privilège pour former une Colonie dans 1'Ifle de Cayenne avec le titre de Vatton Maitre voyez piêce juftificative N°. I. ou les articles 2,3, 4, 5,6, 7 & 8, font furtout rémarquables fur ce qui fait le fujet de eet ouvra- , ge. La terre ferme de Cayenne, éloignée de 111e de ce nom d'environ 435 Lieues, appartenoit aux Francois depuis 1624. fous la régie de la focieté de Rohan; quelque années apres, une nouvelle focieté fous le nom de Compagnie du Cap du Nord chasfa la première & s'en rendit maitresfe, & malgré 1'espoir que cette nouvelle Compagnie concut de Cayenne, les inimitiés & les querelles qui s'éléverent parmi les Directeurs, mirent la Colonie dans une fi terrible combuftion , quelle fut a la fin de 1653 entierement anéantie. Les Hollandois profitant de eet événement, prirent posfesfion de cette partie de la Guyane en 1656. ou en 1657. fous Gerrit Spranger ils s'établirent fur la terre ferme <*). Et c'eft en vertu de cette posfes- fions (*) Voyez Sur cette Hiftoire le Voyage do Chevalier de Marchais par Ie PereLabat, torn. 3. depuis page 79. jusqu'a 84» Rsynal, Hift. PhiL torn. 7< P°& l9 > fuI* vanf  COLONIE de SURINAM, 13 fïon , que la Compagnie des Indes Occïdentales céda au notnmé Nasfy la Charte du 12 Septembre 1659. & fixa par 1'article t les limites avec 1'autre Colonie fondée fur la lerre ferme. Les Hollandois donc, tant Chretiens que Juifs furent les posfesfeurs tranquiles de Cayenne, jusqu'au 15 Mai 16ö4. (*) qu'ils furent chasfés par les Framjois, au nom de la Compagnie de la France Equinoxiale, fous le commandement du Lieu* tenant de Marine* Mr. de la Barre, qui amenoit un grand nombre de Chretiens & de Juifs de Ia Rochelle (f). David Nasfy, en vertü de fa Charte s*étoït également fixé avec une quantité prodigieufe de Juifs dans 1'Ille qui lui appartenoit en propre depuis i6öo & repandant partout la nouvelle de fon acquifition j les Juifs de Livourne au nombre de ija pérfonnes partirent en Juillet 1660. pourfe rendre a Cayenne. Voyez les actions de graee qu'ils rendirent & Dieu de leur heureufe arnvée en vers Espagnols imprimés a la fin de 1'ouvrage de D. Miguel de Barrios,& lorsque les Francois fe rendirent également les maitres de leur Ifle, ils fe retirerent tous avec ce vant ce que rapporte : Befchryving van Guyane par Hartfink, Amfterdam 1770. torn. 1. page 161. & fuiv. in 4to, (*) Vii. Suiker, gejcbiedenisfe, torn. 2. cbap. 35. art. 12. (f) Voyage du Cbevalier du Marcbais, torn. 3. pag, 93, Jiartfink opere fupra citatt, torn. 1. page 163. B 2  H ESSAI K1ST0RIQUE sur ia ce qu'ils avoient encore a Surinam, qui appartenoi? alors aux anglois (*). Si la Répubüque n'eut point esfuyé ce malheur, & que les Juifs comme fujets de la Hollande, n'eusfent point fubi ce fort; peur-être qu'en posfedaUt Cayenne en proprieté légitime, le préjugé qui les confidêre comme ne faifant point un corps de Nation quelconque, feroit banni, & produiroit des exemples qui feroient imités par les plus riches de Ia Nation. Des caufesencorepluspetir.es, ont produit de grands événements a 1'avantage du genre humain, & M. PAbbe Raynal qui a fenti cette vérité avec la force qu'on lui connoit, verrok fon defir accompli depuis plus d'un fiecle; voyons ce qu'il dit dans fon Hiftoire PhilofophU que torn. VII. page 275. „ Puisfe le peuple Juif, „ d'abord esclave , puis conquerant, & enfuite ,, avili pendant vingt fiecles, posfeder un jour le„ gitimement,la Jamaïque ou quelqu'autreileriche du nouveau monde, puisfe t'il y rasfembler tous „ fes enfans, & les élever en paix dans Ia cultu„ re & le commerce, a 1'abri du fanatisme qui „ le rendit odieux a la terre, & de la perfecution „ qui 1'a trop rigoureufements puni de fes erreurs! „ Que les Juifs vivent enfin libres, tranquilles & „ heureux dans un coin de 1'univers; puisqu'ils „ font nos freres pas les liens de 1'humanité & 9, nos pêres pas les dogmes de la réligion." De £») Fïi.Tegen woordige ftaat van America, torn. 2, />. 54a  COLONIE de SURINAM. $ De ce que nous venons de dire, il eft inconteftable que les Juifs qui fcurent rendre fertile le Bréfil comme le dit 1'Abbe Raynal,torn. 5. pag. 9. étoient alors, tant par leurs connoisfances dans 1'agriculture, que par les richesfes qu'ils apporterent du Portugal en état de rendre Cayenne plus importante qu'elle ne le fut jamais; & fi la France au lieu de les avoir chasfé de leurs foyers, a caufe de leur réligion , les avoient admis comme fujets de la France, elle auroit tiré beaucoup plus d'avantage de la Colonie, qui coute tant d'argent a la Couronne, fans quelle puisfe être comparée même aux plus petltes que la Hollande a dans la Guyane, & pour juger de 1'état de cette Colonie, on n'a qu'a lire le proces verbal de Monfieur Malouet Ordonnateur & Commisfaire Général de Cayenne, du 7 Janvier 1777. imprimé a Surinam, chez N. Vlier (*). Cette Hiftoire que nous fumes forcées de rapporter en abregé pour venir a notre fujet,eft une preuve convaincante que les Juifs qui s'établirent les premiers a Surinam, furent presque tous des gens de merite, trés capables & trés riches, & qu'en confequence, il n'eft pas étonnant, qu'ils ayent eu la plus grande part-a ia fondation, & a 1'accroisfement de la Cplonie, malgré la disfimulation a eet égard, (*) Voyez en outre Hiftoire Philof. & Polif. des Ifles Francoifes dans les indes Occidentales, Laufanne 1784, page 63. & fuiv. £ 3  ï<5 ESSAI HISTORIQUE sur la égard, de ceux qui ont taché d'écrire fon Hiftoire» Nous nous fiattons que perfonne ne révoquera en doute ce que nous avons avancé, en particulier des Juifs,d'autant plus qu'il fe trouve dans les archives de la Nation des réfolutions, par lesquelles il fut étahli „ que les Infiitutions Eclefiaftiques a Suri„ nam,feront du même contenu que celles qu*ils ,, ont eu dans leur Colonie de Cayenne" & dans une autre d'Avril 1674. II y eft cedé aux Filles du Sr. J. Brandon a Amfterdam 8000 f$ de Sucre pour chacuns de fes Filles qui viendroient a fe marier, & cela , ajoute cette Réfolution „paree „ qu'il fut un des Individus de notre congrégation de Cayenne". De forte qu'il eft clair comme le jour, que les Juifs 10. ont merité d'avoir obtenu égaleraent avec les autres fujets de la Répubüque , des ocirois , pour fonder une Colonie, & pour la posfeder en proprieté légitime. 20. Que cette charte ou privilêge, eut tout fon effet, ce qui fuppofe du talent & du merite dans ceux quj fe font transportés a Surinam. Avant d'entrer dans ce qui concerne leur établisfement a Surinam, il nous paroit convenable (pour rempür une des demandes de Monfieur Dohm) de donner ausfi briêvement qu'il eft posfible une defcription du premier age de Ia Colonie , pour être plus en état de parler dans la fuite de eet ouvrage de fes événemens , tant anciens que madernes. De tous les Auteurs qui ont écrit 1'Hiftoire de Sa-  COLONIE de SURINAM. i? Surinam, aucun è ce qui nous femble, n'a tenté de faire des récherches fur 1'étymologie de ce mot; au contraire, il y en a plufieurs qui ont declaré n'en pouvoir rien conjeóhirer. Nous hafarderons cependant notre fentiment. Parmi les differentes Nations qui occupoiont la partie de 1'Amerique meridionale , il y en avoit une qui demeuroit dans une des contrées du pays des Amazones, qui fuivant 1'atlas de 1'Abbe Raynal, (carte N°. 20.) n'eft eloigné de Surinam que d'environ 9 degrés de latitude feptentrionale. Cette province s'appelloit Surina, & les peuples qui 1'habitoient étoient les Surines, & les Corcipines, Nations, fuivant M. de la Martiniere ,, dans fon dictionnaire „ geogr. en folio, les plus adroits de toute 1'A,, merique, furtout en ouvrages de bois, ils font (dit-il) des Bancs, & des Sieges en fi„ gures d'animaux &c," Ces fignes caractèriftiques fe trauvent encore ici dans des morceaux de boisr & notamment fur les masfues ou Casfetêtes des Indiens que nos ancetres ont pris d'eux, & que quelques uns eurent la curiolité de conferver, ou fe trouvent des figures d'animaux &c,, mieux fculptés qu'aucune figure indienne, ce qui donne lieu de croire que les premiers habiraiits de Ia Colonie furent les mêmes,ou appartenoient au moins a la province de Surina, fituée au Pays des Amazones, De forte quil eft tres apparent que la première Nation Europêenne qui vint dans ces parages , ont appellé la riviere du nom de la nation £ 4 In*  iST ESSAI HISTÖRIQUE sur ea Indienne qui fhabitoit, d'autant plus que Ie mot Guyane employé deja par les Francois pour Ia Cayenne, comme le remarque encore Martiniere, ne pouvant fervir également pour toutes les parties de la Guyane, ils appellerent la riviere Suri«a ou Surinam. Quelque foit donc 1'origine de ce mot Surinam dans la Guyane, fur les cötes de 1'Amerique méridionale, elle eft fitué fuivant 1'obfervation du M. de la Condamine,faite fur les lieux mêmes,le 28 Aoüc 1744 au 5 degré 49 minuJes de latitude feptentrionale (*). La riviere qui donne fon nom a route 1'étendue du païs , coule presque du midi au nord, & a fon embouchure entre les Rivieres Marony & Sa-, ramaca. Avant dty entrer, on rencontre a gauche un grand banc de fable melé de vafe, connu toujours fous le nom de Parbams-Pmt, ou Capde Wil* hugbby of Parbam, appellé après par corruption. Bramspunt, nom quil conferve encore aujourd'hui, Elle conferve depuis fon embouchure jusqu'au confluent de la Riviere de Commewine, (qui fait actyellement la richesfe de la Colonie) environ \ de lieue, de Iargeur,& ces deux rivieres font 11 profqndes, principalement celle de Surinam qu'elles peuvent porter les plus gros batimensmaicbands jus- qu'a (*) V. Voyage \ la Riviere des Amazones, Maaftricht f78. page 2co.  COLONIE de SURINAM. 19 qu'a 4 ou 6 lieues en Ia remontant. A deux lieues & $ de 1'embouchure de Surinam, fe trouve Ia Fortresfe appellée nouvelle Amfterdam, & prèsd'une lieue plus haut, eft placé le Fort Zélandia rébati a neuf par les Zélandois en 1667 plus bas de quelques centaines de pas que la Ville de Paramaribo, chef lieu de toute la Colonie. Nous donnerons a la fin de eet ouvrage une courte description de 1'état de Ia Colonie en général. Voyors fon origine. Suivant 1'opinion de plufieurs écrivains, la première Nation qui prit posfeffion de cette partie de la Guyane fut la Francoife, d'autant plus facilement qu'aucune autre ne s'y etoit établie & que depuis 1624 la Compagnie de Rohan s'étoit fixée a Cayenne. David Pieterfe de Vries dans fes voyages, rapporte d'y avoir trouvé en 1634 plufieurs habitations Européennes. Les malheurs arrivés a la dite Compagnie de Rohan, & aux autres qui la fuivirent dans fes desaftres (comme nous 1'avons marqué plus haut) ne pouvoient nécesfairement opérer rien de favorable a 1'égard de Surinam; d'ailleurs 1'air infecte qui s'evaporoit des marais & des eaux croupisfantes a caufe du peu de defrichement, for^a les Francois a 1'abandonner. La révolution d'Angleterre avant, & fous Ie Gouvernement de Cromwel, infpira plus d'ardeur aux Anglois de former des Colonies en Amerique ; lf Lord William Willoughby partit donc de 1'Eujope (ou fuivant d'autres de la Barbade donc il B 5 étoit  20 ESSAI HISTORIQUE sur la étoit Gouverneur) en 1650. avec un Vaisfeau, & des provifions nécesfaires, & fe rendit k Surinam, il fut favorablement recu des naturels du Pays & après y avoir fejourné quelque tems, des maladies furvenues a fon équipage, lejforcerent de rétourner cn Europe. Deux ans après, il-y-renvoya 3 Vaisfeaux avec plufieurs Families tant angloifes, que juives, chargés de munitions , de marchandifes, & de tout ce dont ils avoient befoin pour y fixer leur demeure. La Colonie malgré 1'air infecté qui caufa beaucoup de mortalité parmi les nouveaux Colons, eut au moins tant de fucces, qu'elle fixa les régards de Willoughby, de forte que malgré ce qu'avancent M. de la Martiniere , & plufieurs autres, on peut fixer 1'époque de la fondation de Surinam en 1650. quoique ce ne fut qu'en 1662. que le Lord Willoughby & Laurent Hyde obtinrent de Charles II. Roi d'Angleterre, la concesfion de toutes les terres fermes dans la Guyane depuis Ia Riviere de Copename, jusqu'au de la de celle de Ma* rony, en vertu de Ia Charte de a Juin 1662. qui fe trouve chez Hartfink (f). De tous les Auteurs qui ont écrits fur 1'Amerique, aucun n'eut de méprifes plus impardonnables que M. de la Porte, dans fon voyageur Frangois-, pour peu qu'on compare ce qui y (*) Bellt'n description de la Guyane, page 14. Tegens* woordige Maat van America, torn. II. page ji2. (|) Tom. II. en Anglois & en Rolhndois, pagt S22,jus» 48*4 55S.  COLONIE de SURINAM. ai y eft dit (*) avec ce qui eft rapporté ci desfus, & ce qu'on verra dans le cours de eet esfai, 1'on trouvera que M. de la Porte s'eft donné trés peu de peine pour réconnoitre le commencement de la Colonie, fes premiers habitans, fon climat, & les mceurs des Colons tant anciens que modernes;cet ouvrage peut-être regardé comme un Roman général de 1'Amerique, ou la verité de l'Hiftoire, les dates des événemens fe trouvent confondues & deparées par des anecdotes fingulieres, & des contes faits a piaifir. Les Anglois posfesfeurs tranquiles de Surinam chercherent tous les moyens posfibles d'en étendre les limites fur un terrain habitable: & comme depuis Pembouchure de la Riviere jusqu'a 10 & 13 lieues en la rémontant, presque tous les terrains ne font que deterres basfes rengorgées de marais,avec des bords remplis de mangliers, ils fe fixerent plus haut le long de la Riviere & dans celle de Para, qui fe jette dans Ie Surinam, ce fut dans ces deux endroits que les premières habitations de la Colonie furent formées, dont le nombre fe montoit a 40 ou 50, a fucre, a 1'exception de celles ou 1'on faifoit des esfais fur la culture du tabac (qui n'a jamais reuffi) & de celles encore, ou 1'on exploitoït des bois, pour les moulins qui n'étoient alors que tres fimplement conftruits, & qui fe tournoient par des C*l 3»<5, jusqH'i 3?1, Tom. XL  aa ESSAI HISTORIQUE sur la des chevaux ou des boeufs (*). Les briques dont ils avoient befoin pour la maconnerie des chaudieres a rafiner le Sucre, étoient travaillées par eux mêmes, un nombre de Colons fe rasfembloient fouvent dans un endroit deftiné, & ils travailloient en commun ce dont ils avoient befoin, & c'eft a caufe de cela que divers batimens anciens de la Colonie étoient en brique , entr'autres la fynagogue des Juifs a la Savane (f). Les Hollandois, & les Juifs chasfés de Cayenne, (§) & non pas les Francois, comme Je dit M. Firmin dans. fon Tableau de Surinam (**) fe rendirent a Surinam en 1664. &. grosfirent le nombre de fes Habitans, jusqu'a faire une population asfez confiderable, principalement du cöté des Juifs. Ceux ci fe rasfemblant avec ceux qui étoient venus d'Angleterre avec Willoughby, dont nous avons des acles dans nos archives datés depuis Septembre 1662. obtinrent des Anglois,des privilêges ausfi favorables, qu'ils furent mis fans diftinöion au niveau des autres Habitans» au point de po.uvoir être re- vêtus (*) Ce n'eft qu'après plufieurs années, lorsqu'on cotnmenc^ a defricher les terres basfes, que les moulins a Eau furent conftruits è Surinam. (t) Voyez la desfus' richesfes de la Hollande, Tom. ?. ■page 304. ($) Comme le ports Tegenswoordige ftaat van America , Tom. 2. page 450. C*0 3. ■  COLONIE de SURINAM. 33 vëtus d'emplois dans la Colonie. (*) En vertude ces Privilêges, & la concesfion de 10 aeres de terre en Torrica-y mentionnée, ils formerent en 1672 fur un terrain élevé, fitué auprès de ces 10 acres, appartenants aux Juifs Dacojla & Solis, une petite bourgade avec une petite fynagogue pour s'y rasfembler aux jours defête,qui futnéan* moins abandonnée quelques années après, par Ia confesfion de la Savane, faite par M. Samuel Nasfy, a la Nation, en feptembre 1682 & en aoüt 1691, fuivant les réfolutions de ces dates. Dans ce premier Bourg, fe trouve encore aujourd'hui Panden cimétiere de la Nation pour 1'enterrement des families anciennes qui veulent être enterrées auprès de leurs ancêtres. Cette affluence de nouveaux Colons aidés des moyens qu'ils apporterent de Cayenne , mit la Colonie en état de dévenir même depuis foncommencement, une des plus opu. lentes de 1'Amerique; malheureufement la guerre furvenue entre la Hollande & 1'Angleterre renverfa toutes ces belles apparences. Les états de Zelande , voulant attaquer les établisfements qu'avoient les Anglois fur la cöte de la Guyane, firent équiper 3 Vaisfeaux de Guerre & quelques peüts batïments montés de 300 foldats d'élite, & cette escadre mit a la voile au mois de Decembre 1666. fous le commandement du Capitaine Abraham Crvns- (*) V. Piece N». 2. datée de 16 Aoüt 16Ö5,  H' ESSAI H1ST0RIQUE sur la Grynsfen , avec les Capitaines P. J. Lichtenberg & Maurice de Rame, & elle fe rendit a Surinam le 26 Fevrier 1667. Le Lord Willoughby étoit alors abfent, & le commandemênt du peu de garnifon qu'il y avoit, étoit entre les mains du Gouverneur Biam. La Colonie, malgré le nombre de fes habitants, n'avoit encore aucune fortification § d'ailleurs 1'éloignement ou fe trouvoient les bourgeois & leur féparation a caufe de leur habitations fitués au haut de la riviere & trop avant dans les terres, donna la facilité a 1'AmiraI Zelandois de fe rendre maitre de la Colonie, & obligea les Anglois a capituler, plantant le drapeau de la Répubüque fur un petit fortin qu'il y avoit, & auqUel il donna le nom de Zelandia, qu'il conferve jusqu'aujourd'hui, avec 150 hommes pour le garder. M. 1'Amiral Crynsfen commit M. Josfeph Nasfy en qualité de Commandeur des rivieres Erttcubo & Canamana, ainli qu'on peut le voir dans 1'acle authentique qui exifte a la Sécretairerie d'Amfter. dam, datée du 6 Decembre 1700 (*). Mr. Crynsfen parmi diverfes declarations folemnelles qu'il fit aux Habitants de la Colonie au nom de la fouveraineté de Zélande, déclara en particulier aux Juifs, qu'ils jouiroient a 1'avenir, des Privilêges cedés par les Anglois; & par le 3 Sè 4 C*) Voyez Piece N,3. Voyez encore Hiftoire Général des Voyages, Tom. 21. page 75. Amfterdam 1774. &. HartGnk» Tom. 2. page 559. tableau de Surinam, page 231,  COLONIE de SURINAM. aj 4 iëme article de fon acte datée du 6 Mai, 1667* approuvé par les états de Zélande le 30 Avril de 1'année fuivante,il y eft ajouté „ que les Juifs fe„ ront reputés comme s'ils eusfent été des Hollan„ dois nés"(*)& après avoir faitconftruiredenou* veaux ouvrages a Ia Fortresfe,& entre autre garnir de fortes palisfades, y avoir mis 12c hommes de garnifon avec 15 a 20 pieces de Canons, des vivres & des munitions pour 6 mois,il partit avec fon Escadre pour fe rendre aux autres Ifles, & chargea a bord d'une flute qui partit pour la Zélande Ie butin fait fur les Habitants opiniatres qui aimoient trop pasfionnement le. gouvernement An> glois, évalué a plus de 400 mille Florins. Qu'on compare ce butin fait fur un endroit conquis dans 1'intention de le conferver, & de 1'agrandir même a 1'avantage du Conquerant, avec ce que Mr. Jacques Casfart a pü tirer en 1712. de la Colonie, dans 1'intention de la piller; & 1'on verra que Surinam étoit a proportion plus riche & plus opulent en 16(57. presque un demi fiècle après. Dans 1'intervalle de ces conquetes & d'autras que 1'Amiral Crynsfen avoit fait fur d'autres Colonies, la paix fut ügnée a Breda le dernier Juillet 1667. lequel traité portoit entre autre que toutes les places conquifes par les ennemis respe&ifs avant le 10 de Mai, refteroient au conquerant, mais que toutes celles conquifes après cette datefe- roient V. Piece N. 4.  55 ESSAI HISTORIQUE sör tA roient rémifes a fes anciens proprietaires, & ce traité fit entrer Surinam conquis depuis fevrier, fous le pouvoir des Zélandois, & la nouvelle Yorck, qui appartenoit aux Hollandois , dans 1'Amerique feptentrionale au pouvoir des Anglois". Événement qui fit croire a plufieurs perfonnes que ces endroits n'ont changé de maitres, que par la voye d'un troc formel, fait a l*amiable. La nouvelle de Ia paix qui étoit alors ignorée par les escadres ennemies qui croifoient en Amerique, caufa a Surinam de plus grands malheurs ; car Ia Colonie, qui venoit de faire une perte confiderable dans la prife que fit fur elle la Zélande, eut encore a foutenir 8 mois aprés les horreurs d'une nouvelle attaque. Le Capitaine Joh. Hermans fur les nouvelles de la prife de Surinam par les Zélandois, partit de la Jamaïque avec 7 Vaisfeaux de Guerre , montés de laoó hommes, & aprés avoir ruiné Cayenne, fur les Francois, il fe rendit k Surinam en Octobre 1667. & réprit après quelque réfiftence de la part des -Colons aidé par le Chevalier de Lezy qui s'étoit retiré de Cayenne avec 200 hommes, la Colonie, ou tout fut abandonné au pillage des foldats i plus de 500 habitants, la plupart Anglois & Juifs, dont les plantations a fucre s'étendoient jusqu'a 10 milles en rémontant Ia Riviere , virent leurs moulins au nombre de 30 ou 32 detruits ou enlevés; aprés un fejour d'environ 3 femaines, il s'en retourna a la £ar«  COLONIE de SURINAM. 27 Barbade, ou il mit a terre fes prifonniers avec Ie Commandant de Rame & autres Officiers Hollan. dois. Willoughby, a qui la prife de la Colonie par les Zélandois avoit caufé les chagrins les plus cuifans, ne pouvoit cependant fe rejouir de la réprife qu'en avoient faits les Anglois, a caufe que le traité de Breda étoit déja venu a fa connoisfance a la Barbade ou il étoit Gouverneur, quoiqu'il faifoit femblant de 1'ignorer. Cependant il fit transporter les prifonniers a la Martinique en vertu de la paix. qui dans eet intervalle avoit été fignée avec laFrance, & envoya tout de fuite fon Fils Henry Wil. loughby avec 3 vaisfeaux de guerre, &3 navires marchands a Surinam,pour perfuader les Habitants de quiter la Colonie pour fe rendre a Antigoa & a Montferrat, & d'y transporter leurs moulinsafucre avec leurs éclaves: cette perfuafion étoit accompagnée d'une declaration, par laquelle les Habitants qui fe refuferoient d'y acceder, ieroient reputés comme rebelles. Douze eens hommes fuivantHarris,partirent volontairement pour la Jamaïque, dont la plupart étoient de ces Juifs qui étoient venus avec Willoughby de 1'Angleterre a Surinam, & c'eft encore par le foin & les travaux de ces hommes venus de Surinam en 1670. la plupart Juifs , „ que la 3, culture de la Jamaïque, donna du courage, & „ infpira de 1'émulation aux autres Habitans." (*)• La (*) M. Raynal, Tem. 7. page 27a, L Partie, C  a§ ESSAI. HISTORIQUE sur la La nouvelle de la réprife de Surinam par les Anglois étant arrivée en Hollande, les Provinces Unies, demanderent au Gouvernement Britannique la reilitution de cette place dans 1'état qu'elle étoit lors de la prife- des Zélandois avec dommages &c. en- vertu de Partiele 3, du traité de Breda du 3;I Juillet 16S7. fe plaignant en outre des dispofitions despotiques du Lord Willoughby & de fon fils. Sur ces plaintes 1'Angieterre depêcha fanshefiter des ordres a Willoughby, dont la plupart furent fans effet, car fon Fils, avant de fe dispofer a évacuer la Fortresfc, enleva encore par force 168 ©sclaves, 126 bêtes a cornes, 120mille livres de fucre, & 8 moulins qu'il fit transporter a la Barbade,. Ces defaftres continuels cauferent la ruine de la plupart des Habitans de la Colonie, & la Nation, qui de tout temps a eu laplus grande part dans les révolutions malheureufes, fentit encore les effets de la confuüon qui régnoit dans leurs affaires, k caufe du depart de fes autres frères pour la Jamaïque; dont les interets étant fort liés enfemble, mit le feeau a leur malheur : mais comme 1'hiftoire detaillée de Surinam n'eft point 1'objet de eet écrit, nous renvoyons ceux qui. voudront avoir des connoisfances plus détaillées aux ouvrages que nous avons déja cités; quoiqu'aücun n'aye rempli les devoirs d'un bon hiftorien, impartial & véridique,ce qui dans d'autre&cas nous a>forcédepren- die  COLONIE dê SURINAM. *9 d?e Ie plus fouvent notre récours a divers autres ouvrages,& principalement dans ce que nous avons trouvé dans nos archives, afin de donner autant qu'il étoit en nous, plus de liaifon a cetécrin, Nous remarquerons cependant que malgré les discusfions dans la Répubüque entre la Zélande & les autres Provinces, Ia première refta néanmoins la maitresfe de Surinam; & quoi qu'il fut declaré que la fouverainité de cette Colonie appartiendroit aux Provinces conféderées, & que les habitans respectifs auroient la libertéd*y naviguer & de trafiquer fans aucune diftïnélion j Ia Zélande envoya toure feule pour Gouverneur de fa nouvelle Coloflie le Capitaine Jüüus Lichtenberg, qui y arrivat en Fevrier i66g, & malgré les contradiclions qu'il éprouva de la part des Habitans Chretiens & Juifs, qui defiroient de Cc voir une autre fois fous la do* mioation Angloife, & le vuide qu'il y remarqua, par le depart de ces douze cents Perfonnes dont nous avons parlé plus haut; il prit posfesfion de tout , & arrangea les chofes de la facon Ia plus convenable. Le relle des Juifs qui étoient dans Ia ferme réfolution de ne pas quitter le Gouvernement Hollandois, voyant que les calamités qu'ils avoient esfuyés pendant la derniere Guerre, commeneoient a cesfer; s'adresferent au nouveau Gouverneur, & demanderent la confirmation de leurs priviléges , avec de nouveaux articles pour leur fécurité, lesquels furent concedés pleinement en date du i O&obre 1669. voyez. Piece N°. j. C 2 QU0j.  30 ESSAI HISTORIQUE sur la Quoique Ia Colonie par tout ce que nous venons de dire appartenoit deja aux Hollandois depuis la Paix conclue a Breda en 1667 & que Mr. Lichtenberg étoit deja établi en qualité de Gouverneur depuis 16(59. on ne peut cependant fixer 1'Epoque de cette proprieté réconnue dans les forraes, que depuis 1'an 1674 en vertu du traité de Weftminfter figné après la feconde Guerre que la Répubüque eut a foutenir contre l'Angleterre. Suivant le 5 & 6 article dudit traité , par lequel les Anglois conditionnerent „ quil feroit permis „ aux Habitans de Surinam de partir avec leurs „ biens & leurs esclaves ou bon leur fembleroit" ce qui eut lieu encore en 1677. a 1'égard de 10 families Juives & leurs esclaves, au nombre de 322 perfonnes , qui abandonnerent la Colonie, après avoir porté des plaintes a l'Angleterre de ce que les Hollandois leur avoient défendu d'en fortir (*). Pendant ces intervalles les Provinces Unies eureut encore a arranger quelques difficultés furvenues avec la Province de Zélande, qui formoit des prétentions, ou au moins des droits fur le domuine utile d; la Colonie , quoique la plupart des Vaisfeaux employés pour la conquête de Surinam fous 1'Amiral Zélandois Abraham Crynsfen ne furent expediés qu'au fraix des états generaux, & lt O V. Hartlink, Tom. 2. pagt 590.  COLONIE de SURINAM. 31 Ia Zélande pour ne pas s'expofer a des discusfions malheureufes céda Ia Colonie anx Etats Generaux fous une condition reraarquable, qui a echappé fans doute aux auteurs de 1'ouvrage fur Esfequebo & Demmerary contre la Compagnie des Indes Occidentales. que les auteurs de eet ouvrage, attaquent ouvertement. II femble paree qu'on trouve confufement chez les auteurs cités, que cette Compagnie, fur je ne fcai quel fondement , faifoit ausfi des prétentions fur la Colonie, & que fuivant les npparences, elle étoit fecondée par les Etats Generaux. La Zélande donc, lorsqu'elle fe vit fjrcée a ceder la Colonie a la Generaliteté en 1670. mit pour condition „ que cette Colonie ne pourroit jamais „ être cedée a la dite Compagnie, tant paree „ qu'elle n'y avoit aucune pretention, que paree „ qu'elle n'étoit point en état de la garder,ni de la „ proteger,ou féconder les vues des habitans (*)* & quoiqu'en vertu de eet arrangement la Colonie fut mife fous le Domaine de la Généralité, les Etats Generaux céderent fa regie a la Zélande, & après la mort ou le depart du Gouverneur Lichtenberg, elle commit fous 1'approbation de L. H. P, Monfieur Johan Heinfius, comme Gouverneur, en Septembre 1678. II femble que pendant ces differentes révolutions , les naturels du Pays étoient depuis quelques .(*) V. Hartfink, Tom. n.page 600; C3  $2 ESSAI HISTORIQUE sur la ques années , comme des fpectateurs tranquil!es9 faas avoir caufé le moindre trouble aux Blancs. Ils s'eveillerent enfin de leur ssfoupisfement,nous igcorons par quel motif; mais fuivant ce que nous avons par tradition de nos anciens, ils ne vouïoient pas que leur pays fut gouverné par nne autre Nation , que la première qui y féjourna c'eft & dire les Anglois; quoique dans leur temps , ils firent quelques dégats fur de petites habitations. Ils commencerent en confequence a devafter leg habitations , & a masfacrer les Blancs qui eurent le malheur de.tomber entre leurs mains. Les Colons dans 1'imposfibilité ou ils fe trouvoient de ré» primer ces hostilités , prierent le Gouverneur Heinfius de s'adresfer a L. H. P. qui engagerent cnfuite 1'amirauté de Zélande d'envoyer 150 hommes de troupes au fecours de la Colonie, qui ne furent cependant d'aucune utilité; de forte que les Habitants domiciliés vers le haut de la Riviere, la plupart Juifs, fe virent obligés de faire de pe? tits det&chements pour courir fur les Indiens qui devenoient deja fort redoutables, ce qui leur fut en bien des circonftances plus favorable que tout ce qu'on faifoit ailleurs, Dans le même temps & après la mort du Gouverneur Heinfius, a qui M. L. Verboom fucceda provifionnellement, les principaux colons Chretiens & Juifs (parmi ies derniers étoient Nasfy, Me2a & Aboab) (*) firent des ré- moii? (*) Vosez fur M. Aboab, les entretiens fcir divers ftfc  COLONIE r>E SURINAM. 33 rno'ntrances a la Cour de Police contre la régie #e la Colonie , en date de 6 Mai 1680 & voulurent changer.tout ce qui jusqu'alors étoit établi» dc qui ne répondoit nullement aux intéréts de la Colonie en general: & quoique les principaux articles de cette rémontrance furent cedés, tout reffa cependant dans le même état, a caufe du peu d'ordre qui y regnoit alors. (*)-II n'arnvoit dans ce temps la & plufieurs années après, rien de ferieux ni rien qui eut du rapport avec le bonheur de la Colonie fa regie & le rapport mutuel de fes Habitants, que les Juifs n'eusfent été confultés, & qu'ils n'eusfent eu tout la même préponderance que les Chretiens. Nos archives font reraplies de lettres de fuppliques, & de communication fur toutes fortes de matieres, & quoique ces faits font peu interesfants pour l'Hiftoire particuliere de Surinam, ils fervent néanmoins de beaucoup dans celle des Juifs, & fi 1'on examine avec attention les divers évenements de la Colonie, la trempe de fes premiers Habitants, leur capacité & même leur richesfes, 1'on verra que Surinam eut le bonheur d'avoir été fondé, & eniuite agrandi par d'honnêtes gens, que les perfécutions de rinquifition, celle de Grom wel» la révocation de 1'édit fajets d'Hiftoire de Reltgion & de Critique, Londres 1770. page 13. & fuiv. pendant fon féjour en Surinam. (*) Voyez 1» rémoutrance & la réponfe, chez Hartlinj^ f«ge 608. jusqu'a 612» C 4  34 ESSAI HISTORIQUE sur la 1'édit de Nantes, & mille autres circonftances, y jetterent comme par hafard. Ce ne fut certainement pas avec des vagabonds, &.des miferables tirés des cachots de l'Angleterre & ailleurs, que la Colonie, comme plufieurs autres de 1'Amerique fut fondé?: on nous objectera peut-être que plufieurs vagabonds de la Hollande y ont été envoyé, fuivant Ia permisfion que les Etats Généraux par leurs réfolutions du 20 Juillet 1684 donnerent k la Ville d'Amfte-rdam , (*) mais cependant cette permisfion n'ayant été donnée qu'en 16K4 la Colonie etoit en confequence agée alors de plus 30 ans , ainfi ce ne fut, ni avec des vagabonds , ni avec des criminels tirés des cachots qu'elle fut fondée. Qu'il y foit venu dans Ia fuite du tems, foit de Ia Hollande foit d'ailleurs-, une grande quantité de ces fortes de gens tant Chretiens que Juifs, ne tire abfolument a aucune confequence contre notre asfertion; & que rien n'eft plus certain que c'eft avec des agriculteurs habiles, avec 1'argent qu'ils y apporterent, que la Colonie a pu faire dans peu d'années des progrès rapides, qui furent uniquement arretés par les querellesdesPuisfances en Europe. Et pour donner plus de jour a ce que nous avancons , principalement pour ce qui concerne la Nation , 1'influence qu'elle eut dans la Colonie, & 1'eftime que fes mérites lui ont procuré; nous entrerons dans quelques autres de- (*) Suivant van Zurk, Codex Batavuj, pogs 217,  COLONIE Bi SURINAM. 3* details fur ITIiftoire de Surinam, qui en bien de circonftances eft liée a celle de fes Habitants Juifs. Le but qu'on a inconteftablement lorsqu'on veut fonder une Colonie; le defir qu'ont les nouveaux colons qui fe pretent volontairement aux vues du Gouvernement; & le but que fe propofe la mêre patrie en le fondant; ne peuvent jamais être heureux, lorsqu'on a le malheur de faire des entreprifes dans le temps que la Guerre en disfipe tous les moyens, & arrache pour ainfi dire 1'espoir des cceurs des nouveaux colons. Les Anglois,& après eux les Hollandois ont fenti ces terribles effets» mais cependant ce ne lont que les colons qui éprouvent la blesfure, dont la cicatrice eft prete a s'ouvrir au moindre coup qu'elle recoit; les facrifices continuels que doit faire la mêre patrie pour tirer enfuite du bénéfice de fes avances, font inconteftablement les uniques moyens de réparer les malheurs arrivés a fes fujets , fi 1'on négligé ces moyens, le corps devient cacochyme, 1'on vit, & 1'on respire, mais on languit toujours dans un état pitoyable de détresfe. Si a caufe de la Guerre qu'eurent a foutenïr les Etats Généraux le fiècle pasfé, il ne leur convenoit point de prendre la Colonie fous leur domination immediate pour réparer fes malheurs a force de bienfaits, dont les Provinces Unies auroient fenti enfuite les heureux effets. Si la Zélande de fa part ne pouvoit ou ne vouloit point conferver ce qu'elle avoit conquis, quels que puisfent C 5 avoir  ESSAI HISTORIQUE sur ia avoir été fes raifons: cette Province, malgré fa déclaration faite en 1670 au desavantage de la Compagnie Occidentale lors qu'elle céda la Colonie aux Etats Généraux, fit déclarer aux Etats en No. vembre 1679 qu'elle étoit dans 1'intention de céder la régie & fon domaine utile de la Colonie k la dite Compagnie, moyennant le payement de deux cents foixante mille Florins, fous des conditions qu'on trouve dans Hartfink (*), & les Etats Généraux accedant k eet accord, la Compagnie conclut fon achat le 6 Juin 1682 fortant a peine du far* deau péfant de fes dettes, qui n'étoient pourtant qu'arrangés de facon a pouvoir par de grands deïais s'acquitter peu a peu (f). Et les Etats Généraux, agréant cette cesfion, accorderent aux proprietaires de cette Colonie un octroy daté du 23 Septembre 1682 qui dok être regardé comme la loi conftkutive d'un établisfement qui a reparé en quelque facon les breches fakes au commerce & a la Navigation des Hollandois ($>, & qui mit en outre les colons a 1'abri de toute forte de vexation. La Compagnie des Indes Occidentales prévoyant lesfraix qu'elle feroit obligé de faire Póur 1'avancetnent & le maintien de la Colonie, fuivant le conténu même de fon odroy, refolut de céder 1'année filf* C*) Page 612. jusqu'a 614. (f) Voyez la desfus richesfe de Ia Hollande, Tom, 1, pag* 24s« W Rieh. de Ia Hollande, Tm' 1. Page 284.  COLONIE de SURINAM. S7 fuivante au même prix qu'elle avoit achetée de la Zélande, un tiers de fa propriété a Ia Ville d'Amfterdam96c un autre tiers a MorifieurCornelis van Sommelsdyk, qui formerent enfemble une asfociation rélative a Ia Colonie de Surinam, connue foua le nom de focieté octroyée de Surinam, qui fut changé en 1778 en celui de Directeurs & Régens de la Colonie. (Directeuren en Regeerders der Colonie.) Les Etats Généraux agréant cette nouvelle acquifition de ces deux'co-proprietaires, les Zélandois qui craignoient teliement que Surinam ne tombflt fous radminiftration ou en la puisfance de quelque propriétaire de la Religion Romaine, ne donnerent leur confentement dans 1'asfemblée des Etats Généraux que fous laClaufeExpresfe „qu'on „ n'accorderoit aucune direction ou adminiftration „ dans la dite Colonie, a aucune perfonne de ces „ Provinces ou domiciliée a Surinam même, fai„ fant profeffion de la Religion Romaine, & que „ jamais perfonne, de Ia' dite Religion ne pour-. n rolt participer a la dite asfociatión ou Compa„ gnie, ni conferver la part qu'elle pourroit y avoir n déja,RefoIution des Etats Généraux du 5 O&.0„ 1686 (*)". Mr. de Sommelsdyk donc comme co-propriétaire de Surinam, fuivant Ie 6 article de la convention faite entre les propriétèires de la Colonie partit £*) ttich. da la Hollande, Tom. 1. page 26$. in notfs*  38 ESSAI HISTORIQUE sur la tit de Ia Hollande le 3 Septembre 1683 avec 300 hommes de troupes pour fe rendre a Surinam, & y prendre posfesfion de 1'emploi de Gouverneur General; il y arriva le 24 Novembre de la même année, le Commandeur etant M. L. Verboom qui avoit fuccedé a M. Heinfius en 1680 dans la regie de la Colonie. Surinam fe trouvoit alors dans un êtat bien malheureux , la régie étoit fans forme ni regie quelconque la confufion que caufa dans le gouvernement la rémontrance des colons faite a la cour de police en 1680 après Ia mort du Gouverneur Heinfius, que nous avons rapporté plus haut,& le changement, qu'on fepropofoit de faire, & qui n'étoit qu'éludé, dégouta les colons d'une maniere bien fenfible. d'Ailleurs les pertes continuelles que la guerre leur avoit caufé; la quantité de monde partie pour la Jamaïque, & les hoftilitéscontinuelles qu'ils éprouvoient de la part des Indiens; tout s'ac-r cumula a faire regarder la Colonie comme a deux doigts de fa perte : en confequence dés Ie commencement de Pannée 1684 le Gouverneur Sommelsdyk établit au contentement des Habitants,un confeil de police, & de juftice, & fit des loix propres a rendre la Colonie florisfante, fi fon état valétudinaire auroit pu fupporter des remedes violen?. Le caraftère de M. de] Sommelsdyk etoit en outre fort auftêre, il vouloit rendre la Colonie fubitement ou comme par un effet d'enchantement, la plus confiderable, 6; la mieux gouvernée de t®u«s  COLONIE de SURINAM. 39 toute 1'Amerique, il avoit (Tailleurs un zêle fort ardent pour rendre la religion refpectable, & même redoutable aux yeux des colons, dont la plupart n'étoient point de Calviniftes. H fut le premier qui tenta de contrarier les Privilêges de la Nation a 1'égard de travailler librement fur fes habitations les jours de dimanche, & de mettre des bornes a la liberté cedée par les privilêges au fujet des contrats de mariage pasfés entre eux fuivant les loix, us & coutumes. Ces traits chagrinerent fenfiblement les Juifs, car ils ajoutoient a laperte de leurs franchifes, le préfage d'un avenir encore plus funefte, d'autant plus qu'ils voyoient dans Ia perfonne de M. le Gouverneur un co-propriétaire, & en confequence ils lui fuppofoient des pouvoirs fans bornes. La décifion que cependant, 1'asfociation propriétaire en Hollande, donnerent le 10 decembre 1685, fur les Privilêges des Juifs en general, & la reponfe qu'ils firent après, en date du 9 aoüt 1686, fur la defenfe du Gouverneur par rapport aux jours de dimanche, par Ia quelle on lui declaroit ne pouvoir point confentir a la révocation de cette liberté, autant quelle ne cauferoit du fcandale au detriment de la Religion du Païs (Pieces N°. 6. & 7.) tranquiliferent les Juifs, au point de fe féliciter du changement de maitre & des propriétaires de la Colonie en Hollande. Heureufement que ce bonheur fut réalifé dans la fuite, & qu'il n'éprouva aucune fecousfe de la part de Gouvernement, depuis ce temps jusqu'a nos jours; ce  40 ËSSAt BlStORIQTJE suft- ia ee fut auffi eette félicité qui leur infpira des torsie courage d'ajoyter a la fynagogue qu'ils avoient* batie a la Savane en 1685, fur un morne avec 25 acres de terres adjaeens que M. Samuel Nasfy ceda a la Nation; des ornements convenables; nous parierons plus au long de eet Edifiee-; retournons aux- affaires générales de Ia Colonie. ■ 1'Humeur que montra M. de Sommelsdyk- a cha* que contradiction qu'il éprouvoit de la part des colons, fon caractère fier & auftere, le firent re* garder comme un homme peu propre a pofer des fondemens heureux a une Colonie qui quoique agée de presque 36 ans, devoit a caufe de fes defartres, être confid'erée comme encore dans fon berceau; 1'on rendit en confequence de fortes plaintes contre lui en Hollande, Mais pasfons des faits peu ihteresfants pour reprendre notre Hiftoire. La ville de Paramaribo , nom Indien, dont il y a plufieurs opinions fur 1'origine de ce nom; les uns foutiennent que ce fut pour faire allufion au nom de Mr. Willoughby qui s'appelloit Willoughby of Parbam, comme fi on vouloit dire, Ville de Parham ; d'autres fuppofent que ce n'etoit que par rapport a la riviere ou crique de Para , la plus proche de Ia Ville, éi la premiere habitée de toute Ia Colunie , d'autres plus ingenieufement encore, fontiennent que ce nom eft compofé de deux mots indiens, Panari &b0, appliqués particulierement a Pendroit ou les Européens ont contraété Palliance avec les naturels du païs,  COLONIE DE SURINAM* 41 païs, & qu'a cette caufe les Indiens ont appellé cette Bourgade (car il a du y avoir une, avant 1'arrivée des Europeens) Panari-bo, qui veut dire place ou Bourg d'amis, & qui dans la fuite fut corrompu en celui de Paramaribo, dont le premier mot Paramari ne fignine rien en langue indienne, au lieu que Panaria- veut dire amis, & bo, bourgade, ou hameau, n'étoit alors qu'une petite Bourgade; il y avoit feulement une petite Fortresfe, qui a pris enfuite Ie nom de Zélandia , la Ville Capitale étoit fituée de 10, a 12 lieues de 1'Ernbouchure de Surinam, appellée Paramburg,ou fuivant les anciens Regiftres de la Nation , Surinaamsburg , échangé enfuite par les Zélandois, contre celui de Nieuw Middelburg. PEloignement de cette Ville, les obftacles qu'éprouverent les Vaisfeaux venus d'Europe pour s'y rendre, forcerent les Habitants de former la Ville auprès de leur petite Fortresfe a 4 lieues de 1'Embouchure. Cependant, lors de Parrivée de M. de Sommelsdyk, celle ci n'étoit qu'un hameau de 100 a 120 maifons fans ordre ni forme quelconque, & ce füt par fes föins, que la Ville, appellée Paramaribo, eut un comraenceraent, en forme reguliere. Elle devint enfuite une des plus belles de 1'Amerique, & nous en parierons dans la fuite. M. de Sommelsdyk après avoir donné fes ordres fur les travaux nécesfaires de la fortresfe, & arrangé autant que posfible les autres Branches de fon Gouvernement, tourna fes vües fur Ie degat que  48 ESSAI HISTOR[QUE sur tA que faifoient les Indiens fur les Plantations, & ns fe trouvant point avoir des forces fuffifantes pour s'oppofer a leurs hoftilités, il prit la refolution de chercher les moyens de faire la paix avec eux. La Nation Juive fuivant fes traditions, fe glorifie encore d'avoir beaucoup facilité cette paix, a caufe que Mr. Samuel Nasfy, qui avoit connü ces Indiens depuis le tems des AngIois,(lorsqu'ils étoient plus familiers avec les Blancs) leur perfuada de dépofer leurs mauvaifes intentions envers les habitans. Ce füt lui auffi, qui a force de préfens conclut avec eux une espece de paix préliminaire, qui ne devoit avoir cependant aucune fuite, qu'a condition que Ie Chef de la Colonie ne prit une fille de leur Chef en mariage , car fans ce lien, difoient ils, nous ne pouvons point nous fier aux Blancs. Mr. de Sommelsdyk fur ce rapport, conclu la paix defirée généralement, & prit en confequence la prétendue Princesfe Indienne pour fa concubine, qui ne Iaisfa pas de contribuer a 1'entretien de cette paix; cette femme étoit encore en vie , agée deplus de 80 ans, dans le tems de M. Mauritius, & demeuroit chez Madame du Voifin, veuve de Mr. deCheusfes, Gouverneur de Surinam, qui appartenoit a la maifon de Sommelsdyk, & qu'elle appelloit du nom de Fille. Le Magazin des Vivres pour 1'Etat Militaire, étoit mal pourvü,d'ailleursles travauximmences que les foldats étoient obligés de faire aux ouvrages de Ia Fortresfe, cauferent une révolte qui ne fe termina  COLONIE de SURINAM. 45 na que par Ie masfacre du Gouverneur; étant un jour (le 19 Juillet 168R) a Ia parade, les foldats s'adresferent a lui, & lui firent leurs rémonrrances, avec priere d'alléger leurs travaux, & d'augmenter Ia quantité de vivres qu'on leur diftribuoit; en reponfe, Ie Gouverneur fuivant fon caractère qui étoit fier & emporté, léva fon fabre, lorsque tout d'un coup, plufieurs coups de fufil le coucherent fans vie fur le carreau; cette décharge blesfa en outre M. le Commandeur Verboom, d'ailleurs fort aimé des foldats, fi griévement,qu'il en mourut le 28 du même mois, 9 jours après le Gouverneur. Malgré l'aufterité du caracïère qu'avoit M. de Sommelsdyk, il ne merita certainement pas une fin fi tragique ; & fi la Colonie avoit eu le bonheur de 1'avoir eü pour Gouverneur quelques années après, au lieu de 1'avoir dans le tems de Ia confufion & du desordre, elle auroit fenti les heureux effets de fa régie; a fes impetuofités prés, il avoit Ie zêle Ie plus diftingué pour Ie bonheur de fes habitants & fa capacité 1'auroit mis a même de fe corriger de fes fautes , & de rendre la Colonie florisfante. Après cette action , les rebelles au nombre de presque 200 hommes s'emparerent de la Forteresfe, & de toutes les munitions de guerre; le Commandeur tout blesfé qu'il étoit, voulant appaifer ce tumulte, & prevenir des fuites plus funeites encore, fit faire incesfamment des propofitions de paix, & I. Partie, jy 0f.  44 ESSAI HISTORIQUE sur ia offrit aux rebelles un pardon général, que leur mêfiance rendit inutile. Les principaux Habitants de la Colonie & plufieurs membres du Confeil étoient comme a 1'ordinaire fur leurs habitations, dans les Rivieres de Surinam & de Comowine, & ceux qui fe trouvoient a Ia Ville,donnerent partout a 1'inftant même connoisfance de ce funefte événement; principalement au Confeiller Bagman, & au Capitaine des Juifs, Samuel Nasfy, pour que chacun de fon coté s'empresfat de venir a la defenfe du Pays. 1'A. larme fut alors générale, & les Bourgeois fe rasfemblerent a la bate de tous cotés, & desapprouverent unanimement 1'offre de paix que fit faire aux rebelles M. le Commandeur; le premier qui fe rendit a Paramaribo avec fes Bourgeois fut le Capitaine Nasfy, fuivi par Mr. Bagman; ceux ci ayant feu que les rebelles s'étoient emparés d'un vaisfeau qui étoit en rade, mirent du monde fur deux autres Navires, appellés Sara & Samuel, appartenants audit Mr. Nasfy ;& a force de facrifices qu'ils firent, expofant leur vies aux plus grands dangers, ils arrangerent avec le Confeil leurs attaques, qui furent fi bien reglées qu'ils parvinrent a forcer les rebelles a livrer les asLsfins a lajuftige, fous la condition du pardon, que le Confeil offrit alors aux autres ; cependant 50 des plus opiniatres qui s'étoient rendus maitres du vaisfeau, tenoient encore fermes, mais fe voyant attaqués a 1'improvifte par les deux autres Navires, ils fe rendirent, & les coupables au nombre de 11. furent punis de mort le 3 d'aoüt fui-  COLONIE de SURINAM. 45 fuivant, 6 Jours après Ia mort du Commandeur Verboom & 15 après celle de Pinfortuné Mr. de Sommelsdyk. Quoique Samuel Nasfy eut fait des adlions mémorables dans ces circonftances, fuivant un manuscript écrit en Portuguais dans Ie tems même, que nous avons fous les yeux,cependant les Hiftoriens de Surinam ont obmis de les rapporter; mais comme Ia vérité finit toujours enfin par percer au travers les tenêbres,Mr. Hartfink (*) rapporte au fujet de la Guerre avec Ie Francais du Casfe,arrivée en 1689 „ qu'on avoitconfiélepofteprin„ cipal de la Forteresfe Zélandia au Capitaine Nas„ fy avec 84 de fes Bourgeois Juifs, a caufe de la „ fidelité, & de la Bravoure du dit Capitaine lors „ de Pasfasfinat du Gouverneur Sommelsdyk"; rapport qui confirme ce que nous avons dit a fon égard. Sur la connoisfance donc de la mort tragique du Gouverneur Sommelsdyk , Mesfieurs les Directeurs & Propriétaires de la Colonie en Hollande, en offrirent le Gouvernement a M. de Chatillon fils du premier Gouverneur, devenu après Vice-Amiral en Hollande, & mort généralement regretté en 1740. A fonrefus, on commit pour Gouverneur M. Jan van Scherpenhuyfen, dans le tems que la Guerre entre la France & la Hollande étoit declarée, & il arri- (*) Dans fon Hiftoire de la Guyane, page 676. D 2  4Ö ESSAI HISTORIQUE sur la. arriva a Surinam avec un renfort de troupes le 8 Mars 1689. Peu de jours après fon arrivée, il écrivit en Europe, „qu'il avoit trouvé la Colonie dans 1'Etat „ le plus déplorable, la forteresfe en fi mauvais état, qu'elle n'étoit pas capable de faire au,, cune réfiftance en cas de la moindre attaque; „ la magiftrature fans ordre ni forme quelconque; des inimitiés & des disfenfions parmi les gens „ d'églife; enfin que, les Juifs de leur cöté s'é„ toient révoltés contre leur Capitaine Nasfy, a „ caufe que celui ci vouloit les gouverner despoti„ quement, & donner atteinte a leurs privilêges „ & a. leurs ceremonies religieufes (*)"♦ Nous ne pouvons pas concevoir d'ou M. Hartfink a tiré tout cela, ni comment M. de Scherpenhuyfen , a pu faire a fes Maitres en Europe un rapport pareil: car pour ce qui concerne les affaires générales de la Colonie; nous avons deja vu que le Gouverneur Sommelsdyk, quoique d'un caraétere dur& inflexible, avoit introduit a Surinam de fort bons ordres,& avoit réformé la Magiftrature au gré de tous les habitants. II avoit fait en outie de grands travaux è la Forteresfe, puis qu'elle fut en état comme nous le dirons après,de dérouter 1'Ecadre de M. duCasfe, deux mois après 1'arrivée du M. Scherpenhuyfen a Surinam. Pour ce qui concerne les Juifs, tout ce (*) Hartfink, page 674;  COLONIE de SURINAM. 47 ce qu'il dit a leur égard fe trouve démenti par ce que nous trouvons annoté dans les archives de. la Nation. Nous convenons fuivant nos tra» ditions, que le Capitaine Nasfy a tenté quelques fois d'óter la force aux prejugés de la Nation, principalement a 1'égard de 1'immenfité des jours de fêtes, qui ne fe trouvent point ordonnées dansles Livres faints; mais il n'y eut jamais rien d'éclatant,& une lettre des Rabbins d'Amfterdam, écrite aux régens qui fe trouve en fon original dans nosarcbives, ou ils reprocherent aux Juifs de ne vouloir point être réconnoisfans aux bienfaits de M.Nasfy, calma les petites murmures qu'il y avoit alors: de forte que dans la fuite on lui rendoit les juftes éloges pour les dons réüerés qu'il faifoit a la Nation. Ainfi en 1677, au milieu des horreurs de Ia Guerre, après avoir payé a la Colonie les arrérages que devoit la Nation fuivant les Regiftres de May 1677, il forma une maifon d'éducation a la Savane qui lui appartenoit alors, comme on peut Ie voir par 1'épitre dédicatoire d'un ouvrage fur le Pentateuque, par le Docleur Diaz d'Amfterdam, imprimé en 1697,& lors de fon departpnur la Hollande (en mars 1604) on 1'avoit encore chargé des foins de la Nation auprès de nos maitres en Hollande. Mais ce qu'il y a de certain, c'eft que M. de Scherpenhuyfen s'étoit perfuadé qu'en marquant de grands désordres dans le commencement de fa régie, pour peu qu'il pourroir faire dans la fuite, il éléveroit fon credit aupiès dc fes illuftre D 3 c.jm  48 ESSAI H1ST0RIQUE sur ia commettants: & comme il étoit fier de fon naturel, il avoit beaucoup de mépris pour la Nation & de 1'averfion pour fon Capitaine, comme nous le dirons après. La population des Juifs dans ce tems la,autant qu'on a pu calculer par la lifte des contribuans, fe montoit a 02 families fans - y - compter 10 a 12. des Juifs allemands qui y étoient alors unies aux Poftuguais a 1'exception du lien de mariage; & une cinquantaine de célibataires qui n'appartenoient point a ces families; de forte qu'en donnantsperfonnes a chaque familie, 1'enfemble monteroit a 560 ou 575 perfonnes de la Nation (*). Ils posfédoient deja 40 Plantations a Sucre, prèsque toutes avec des moulins a bêtes, & au de la de 9000 esclaves noirs : ear en juillet 1690 la Nation con- (*) Nous ne pouvons concevoir fur quel fondement M. Bellin asfure que dans 1'année 1683, a" 1'arrivée du Gouverneur M. de Sommelsdyk on comptoit deja k Surinam jusqu'è fix cents Families qui y étoient établies, ce qui féroit une population de 3000 Blancs,excepté le nombre de presque de 1500 qui partirent pour la Jamaïque &c. d'Ailleurs on a calculé la population des Juifs a $ ds celle des Chretiens, & par le nombre de families que nous trouvons avoir été en Surinam environ 1'an 1690, nous ne pouvons calculer la population que de 300 a 350 Fa. miiles en général, ce qui féroit Ie nombre (5 perfonnes par familie) de presque 1800 habitans (a). («) Voyez BellinDisc.Geographique,ai>«rijV,i)a??ii3i  COLONIE de SURINAM. 49 contribua a proportion des autres habitants de la Colonie , pour les travaux de la Forteresfe avec 50 esclaves, & en 1691 encore avec fJ6, donnant en outre gratis pour la conftruction d'un nouveau hopital 25905 de Sucre: ayant pris en attendant 12 militaires & un Adjudant, pour les alimenter & les guerir a leurs fraix. Dans ce même tems au mois de may 1689 deux mois après 1'arrivée du Gouverneur Scherpenhuyfen, M. du Casfe, chef d'une escadre Francaife attaqua la Colonie presque a 1'improvifte avec 9 Vaisfeaux de Guerre, une Bombarde, & plufieurs autres Batimens, ou fe trouvoit a 1'exception des troupes un bon nombre de volontaires venus de Cayenne, fur fappat du Butin qu'ils fe propofoient de faire. M. de Chatillon , fils de M. de Sommelsdyk, fe trouvoit alors a Surinam , y étant venü pour arranger les affaires particulieres de feu Mr. fon pere. M. du Casfe fit pasfer par un Indien une lettre a Mr. de Chatillon , qu'il traita de Seigneur de Surinam, a qui il temoignoit être charmé de rencontrer un fi galant homme dans la Colonie;mais ce Seigneur qui malgré fa jeunesfe avoit déja donné des preuves éclatantes de fa fagesfe, & de fon activité dans la Marine, au lieu de fe laisfer furprendre par ce beau compliment, mit d'abord la Colonie en êtat de défenfe,&placaenconfequenD 4 ce  $o ESSAI HISTORIQUE sur la ce 1'artillerie dans la forteresfe de la facon Ia plus convenable, avec prés de 250 foldats,& 231 bourgeois pour la garder, favoir 84 bourgeois Juifs fous le commandement du Capitaine Nasfy; 69 autres fous le Capitaine Lucas Coudrie; & 78 fous le Capitaine Swart. Le feu continuel de i'artillerie ainfi que celui des Troupes & de la Bourgeoifie contre 1'escadre ennemie, qui pour abattre les bastions de la Forteresfe plus facilement, s'étoit approcbé fort prés de terre, füt fi vif, que malgré plus de 2000 coups de canon, & 137 bombes qu'ils tirerent fur Ia Forteresfe, les ennemis furent deroutés,au point que dans 1'obfcurité de la nuit du mercredi n du même mois de may, ils fe fauverent précipitamment avec une perte confiderable de monde, qu'ils jettoient dans Ja Riviere attachés deux a deux avec de grosfes pierres au col, pour les faire couler a fond; apparemment pour dérober aux colons la connoisfance de leur perte, ayant outre cela leurs vais« feaux fort delabrés par Partillerie. l'Hiftoire générale des voyages rapporte Tom. XXI. page 48. qu'on avoit fait prifonniers la plupart des volontaires venus de Cayenne fur 1'escadre da M. du Casfe, mais nous n'avons point trouvé cela dans I'ouvrage de Mr. Hartfink; ni dans le détail de ce combat qui fe trouve dans les archives en manufcript espagnol qu'on fuppofe être un espèce de Journal du Capitaine Nasfy, fait fur le lieu & dans' le tems même, & qui nous a fourni des parti- cu.  COLONIE de SURINAM. 51 cularités qui ne fe trouvent point chez Hartfink. Et fans nous arréter fur'ce qui eft rapporté ci desfus, il eft inconteftable que les bourgeois braverent a cette occafion tous les perils,& montrerent du courage & de la fidelité pour le falut de la Colonie. M. de Chatillon fe difüngua dans ce combat avec un heroïsme au desfus de fon age , au point qu'affrontant tous les perils, il chargeoit & dechargeoit lui même les canons; de forte que malheureufement un coup étant parti trop tot, il fe blesfaau vifage & aux mains, au grand régret de tous les habitans, mais il fe rétablit heureufement en peu de jours; & les asfiegés ne perdirent dans cette attaque aucun homme, il y eut feulement quatre de blesfés, 3 Chretiens & un Juif, nommé Mesquita C> Le détail de ce fiit,prouve fansconteftation que la Forteresfe n'étoit point en fi mauvais état de défenfe , ni qu'il regnoit k Surinam une espèce d'anarchie parmi les colons en général , comme M. de Scherpenhuyfen a taché de le perfuader a fes Maitres; car deux mois après fon arrivée a la Colonie, elle fe trouva en état de dérouter un escadre de 9 vaisfeaux de Guerre, d'une galiothe a bombes, & de plufieurs autres batfmens comme nous 1'avons fait voir; mais le defir de trouver des fautes, enfante fouvent des fautes imaginaires. Après C) Manuscrip. ibid. van Hartfink depuis page 6j6> jusqu'a 680. Hift. Philof. & Polit. des Jfles Francaifes p. 30. D5  52 ESSAI HISTORIQUE sur la Après ca triomphe,M. de Scherpenhuyfen montra du zêle pour le bonheur de la Colonie, mais malheureufement fon humeur altiere, le peu de douceur qui régnoit dans fes ordres, rendoient le plus fouvent fes foins moins utiles, que réprochables. Ausfi malgré les exploits des Juifs, leur fidélité & leur attachement pour la Colonie, M. le Gouverneur avoit de 1'averfion pour eux & principalement pour leur Chef Sam. Nasfy, dont Pinfluence & la richesfe lui donnoient de 1'ombrage; la moindre bagatelle, un petit desordre, un rien même qui arrivoit chez les Juifs, étoit capable de 1'allarmer contre la Nation , ainfi qu'on peut Ie voir par diverfes lettres remplies de plaintes qu'il adresfoit aux Régens,& qui fe trouvent en original dans les archives de la Nation. Sam. Nasfy prefagéant de tout cela le fort de la Nation fous Ia régie de M. de Scherpenhuyfen & ne voulant point s'expofer a devenir lui même Ia viótime de fa mauvaife humeur, prit courageufement la réfolution de quitter la Colonie pour toujours, d'aller s'établir a Amfterdam , pour y jouir de fes biens qui malgré fes pertes , étoient encore immenfes, & en confequence il partit pour 1'Europe en mars 1694. A peine füt il parti de la Colonie, que M. de Scherpenhuyfen avec la Cour de Police n'ignorant point la décifion anterieure des Seigneurs de Ia Colonie au fujet des privilêges de la Nation, & en particulier fur les jours de dimanche,donnée en decem» bre  COLONIE de SURINAM. 53 bre 1685 & en aoüt 1686, rénoiivellerent le 10 juillet 1694. la même défenfe , & firent un autre pour öter aux findics de la Nation le titre de Régens qu'ils avoient pris depuis le commencement, en vertu de leurs privilêges; on réconnoit encore le peu de moyens que ce Gouverneur feut employer pour fe concilier 1'affection de ceux de la Nation, dans le fait, que nous allons citer pour nous mettre a 1'abri de toute forte d'accufation de partialité envers lui. II y a dans les archives de Ia Nation une let. tre dudit Gouverneur, écrite aux Régens, datée du 16 Mai 1695. par laquelle il prie la Nation de vouloir contribuer généreufement a la collecte qu'on faifoit pour batir une nouvel Hopital a Paramaribo , & dans la même lettre pourfuit le Gouverneur „ J'ai trouvé fort étrange que vous vous aro„ giés despotiquement le titre de Régens de Ia „ Nation, & en confequence je vous fais favoir „ que j'ai trouvé bon de vous défendre de porter „ dorenavant ce titre , car il ne vous appartient „ que celui de Régens de la fynagogue, vous en recevrez en confequence une réfulution de la „ Cour, &c.'' N'eft il pas fingulier que dans le tems qu'on demande des contributions, par forme de bienfait,Pon fasfe des réproches fur une affaire ou dans le fond il n'y avoit point de mal ? Auffi ce Gouverneur avoit un autre but, il dtfiroit de rencontrer des réfus de la part des Juifs, fur une af-  54 ESSAI HISTORIQUE sur l,a affaire qui concernoit Ja Colonie, mais ceux d méprifant le piege tendu de loin, & ne voyant que leur dévoir, contribuerent généreufement felon que leurs facultés le leur permettoient. Notule de aR Jum 1695. que nous avons cité plus haut. Les Juifs aceablés en outre par le depart de M. Nasfy, qui leur fervoit d'un fupport fenfible, fe voyant vexés dans leurs droits & ne pouvant fouffrir le dommage que leur cauferoit la perte des travaux fur leurs plantations un jour de plus dans chaque femaine, écrivirent tout de fuite a Samuel Nasfy, & au Baron de Belmonte comte Palatin, leurs deputés, en Hollande, & déinanderentleurs bons offices auprès des Seigneurs de la Colonie pour la réparation de ces griefs. M. de Scherpenhuyfen venant a favoir cela, asfembla la cour, & tenta de faire une procedure criminelle aux régens, a caufe de 1'audace qu'ils avoient eu de former des plaintes k Samuel Nasfy, contre 1'édit du 10 Juillet 1Ö94. & contre la perfonne du Gouverneur en particulier, & fuivant une lettre du 10 Mars 1696". les régens furent fommés de comparoitre en perfonne devant le confeil, & d'appor. ter avec eux copie de la lettre qu'ils écrivirent en Hollande avec fa traduftion en Hollandois. Regitres de la Nation, daté du 25 avril 1696. Les Juifs alarmés de cette accufation auffi deraifonnable que despotique, puisqu'elle donnoit atteinte a la liberté naturelle qu'ont les fujets de quelque endroit que ce fok, & de quelque condition qu'ils puisfent être, de porter leurs plaintes fous  COLONIE de SURINAM. jy fous les yeux du Souverain pour fe mettre a 1'abri du despotisme de fes fubdélégués. Ils chercherent des raifons fpecieufes pour éluder de comparoitre devant le confeil; declarant néanmoins par une lettre, qu'ils avoient demandé a Sam. Nasfy, de foigner le maintien des privilêges de la Nation, & que fi Sam. Nasfy avoit porté des plaintes contre le Gouverneur en particulier, au fujet de fa régie, qu'il n'y avoit point de leur faute. Heureufement avant que de nouveaux ordres du confeil pusfent mettre Ia Nation dans de nouvelles alarmes, Nasfy & Belmonte obtinrent la réparation de tous ces torts, & au mois de Juin 1696 le confeil fans faire mention des ordres venus de la Hollande avec le nouveau Gouverneur Paul van der Veen , déclara par une publication que 1'Edit du 10 Mai 1694, n'avoit pas été fait pour les Juifs, & que ce n'étoit feuleraent que dans 1'intention d'éviter du fcandale contre la réligion aux jours de dimanche dans Ia Ville de Paramaribo &c. voyez piece N°. 9. & la lettre originale de Sam. Nasfy d'Amft. daté de Decembre 1695, par laquelle il communiqué aux régens „ que fur des conferen„ ces confecutives qu'il eut en Hollande avec M. „ Valkenier , Préfidant au confeil des Seigneurs „ de la Colonie, en préfence d'autres membres, „ par rapport a Ia Nation & a Ia Colonie en gé„ néral;les griefs faits aux Juifs étoient réparés,& M que M. de Scherpenhuyfen avoit perdu fa Place, s, a qui M. Paul van der Veen alloit fucceder, en qui  56 ESSAI HISTORIQUE sur la ,, qui la Nation trouveroit un autre Lichtenberg, „ c'eft a dire, un homme doux, aimable, & bien„ faifant" (*> M. de Scherpenhuyfen fut en effet rappellé en Hollande pour fe purger de plulieurs accufations que les colons avoient formés contre fon gouvernement, (f) il arriva en Hollande après avoir été fait prifonnier de Guerre par les Francais, en octobre 1696, & M. Paul van der Veen lui fuccéda comme Gouverneur le 14 mai 1696. (§) jusqu'en oclobre 1706 qu'obtenant fa démisfion, il eut pour fuccesfeur M. Willem de Gooyer. Surinam, pour ce qui concernoit fon agriculture étoit devenu alors trés üorisfant, quoiqu'on ne connoisfoit encore que la Plantation du fucre, & quelques envois de bois de lettre. „ La Nation Hol„ landoife, dit un Auteur, deftinée a cultiver des „ marais, a apporté a Surinam le genie de fon „ pays" & ce n'eft que par la,que fur un folhumide & bourbeux, (évitant les fraix énormes & la grande quantité de bras qu'exigeoit la méthode des Anglois,) elle eft venue a bout d'établir une Colonie, digne de caufer de 1'envie a toutes les autres de 1'Amerique. Cependant, malgré Pavancement de la Colonie a eet égard, & malgré les rémontrances que firent les colons aprés Patta- que (*) Voyez regiftre de la Nation. (t) Hartfink, page 68r. (J) Ibidem, page 680.  COLONIE db SURINAM. 5? que de Ducasfe, qu'on trouve dans Hartfink (*) & Ie tableau de Surinam (f) les moyens de la mettre en fureté contre les invafions ennemies, étoient tout a fait négligés; au point que fept ans après cette attaque elle fe vit encore menacée d'uae nouvelle de la part de M. de Gennes, Amiral d'une nombreufe flotte Francoife qui fe trouvoit alors a Cayenne en 1696, dont le Gouverneur M. de Féroü devoit 1'accompagner dans cette éxpedition avec une partie de la garnifon, mais ayant feu qu'il y avoit a Surinam 2. gros vaisfeaux de Guerre de 70 pieces de Canons, pret a mettre a la voile, les Frangiis ne jugerent pas la circonftance propre a 1'execution de leur entreprife. La Guerre étant rallumée avec la France, Puisfance qui connoisfoit mieux que tout autre (par fon voifinage de la Cayenne) 1'importance de Surinam en fait d'agriculture, & le peu de force qu'il y avoit pour s'oppofer a quelque attaque ennemie, on permit a Jacques Casfart, chef d'Escadre de s'y rendre; il s'y rendit en effet en Juin 1712. & fans aucune réusfite ; mais 4 mois après étant révenu avec une flotte de 8 Vaisfeaux de Guerre 7 Barques & 30 Bateaux plats, montés de 3000 hommes, il réusfit, après une réfiftance courageufe que firent les Bourgeois, a mettre la Colonie fous une contribution qui monta en esclaves, en fucre &c. a la fom- (*) Depuis page 6gi. jusqu'a 694. (t) Page m.  53 ESSAI HISTORIQUE suR la fomme deÖ22 , 800 Florins argent d'Hollande ; qui faifoit fuivant la calculation que fit après le Confeil de Police , prés de 10 pr. ct. des Capitaux appartenants aux habitants les plus aifés. (*) Les efforts que les habitants firent éclater dans cette occafion pour la défenfe du païs, dans lesquels les Juifs fous le commandement de leur Capitaine Ishak Pinto, fe diftinguerent avantageufement , fe trouvent detaillés dans 1'ouvrage de Hartfink (f) ou 1'on trouve en outre „ qu'ils furent obligés par le Confeil de garder la Forteresfe, qui étoit alors fans garnifon, paree que les Bourgeois „ Chretiens réfufoient abfolument de s'y porter.'' Suivant les traditions & ce qu'on trouve dans les archives , la Nation n'eut point a fe plaindre des Francais lorsqu'ils fe rendirent les maitres de la Colonie ; car M. Casfart avant même que les effets mentionnés dans Pafte de ranconnement, eusfent été livrés aux propriétaires, fit rendre aux Juifs tout ce que les foldats avoient pris de la Synagogue a Ia Savane, & entre autres des couronnes d'argent, (dont les rouleaux de la loi font ornés), avec ordre de respecter la Synagogue & les cérémonies qu'on y faifoit. Cette Guerre, qui fit époque a Surinam, doit être (*) Voyez 1'Afte fïgné par Casfart, le 27 Oftobre 1712. dans Hartfink, page 714, 720 & 722. (t) p°£e 6o3 & 694.  COLONIE de SURINAM. £9 Stre regardée avec raifon comme ayant arrêté le cours de fa prosperité, car otitre les fraix énormes , que les colons avoient a faire dans un tems ou leurs pertes fuccesfives n'étoient pas encore rëparées,outre la contribution a Casfart, outre Ie desordre furies Plantations, & les alarmes continuelles pendant re féjour de 1'ennemi depuis octobre jusqu'en decembre? ils eurent encore le malheur de voir qu'une audace revoltante regnoit parmi leurs esclaves , qui ne fe termina que par la fuite d'un grand nombre, qui dans la fuite formerent des peuplades aii milieu des Boig, laisfant Pempréinte de la révolte dans les cceurs de ceux qui en apparence étoient reftés fideles a leurs maitres. Si ce coup n'acheva pas de ruiner la Colonie, il la mit au moins dans un état bien trilte. Pour comble de malheurs, les eoions appefantirent alors ie joug fur leurs esclaves, croyant que la crainte feule, & les exemples des chatimens horribles, féroient les moyens les plus capables de les detourher du penchant naturel de chereher leur liberté, & au lieü de les traiter avec plus de douceur, ils he chercherent que des moyens de rendre Pesclavage plus dur & plus infupportable. Ces mauvais raifonnementS, cette politique fpecieufe qui faifoit croire, que la moindre marqué de douceur envers les negres, fuppofoit de Ia crainte oU de la foibles* fe de la part des blancs, opera un effet contraire au point de remplir les Bois de Marrons, qui troüvoient un afile pret, chez ceux qui les avoient deI. Partie» E van-  6o ESSAI HISTORIQUE sun la vancés. Que chacun fe rappelle le tems pasfé de la Colonie èc fasfe enfuite le paralelle du tems moderne, au fujet de 1'esclavage; & 1'on trouvera que ce n'eft qu'après la Guerre de Casfart que la fuite des esclaves, & la tirannie des maitres furent plus frequentes; & que fi nous avons Ie malheur de fentir encore les effets de Ia méchancetê de nos esclaves, nous n'avons point généralement parlant èi nous réprocher depuis plufieurs années, de la tirannie envers eux; malgré les calomnies de quelques écriVains politiques & périodiques a eet égard. II eft donc bien malheureux pour ceux qui font les objets des réproches continuels, que lorsqu'on fent généralement les mêmes defaftres, dorit les effets font par tout les mêmes, on aie la mauvatfè Föi d'inculper les Juifs de Surinam fur la fuite des esclaves du tems de Casfart; avancant que ceux qui ont grosfi le nombre des marrons depuis le tems des Slnglois, appartenoient la plupart aux Juifs (*). Nous pasferions fous filence ce réproche, fi nous n'entendions encore a plufieurs perfonnes de diftinction, foutenir cette opinion avec une opiniatretéqui révolte les cceurs honnêtes, y ajoutant pour comble de malheur, le titre de tirans & de bourreaux de leurs esclaves; mais pour ne pas rompre lefdde notre hiftoire, nous réfervons le développement de eet article, .pour le placer dans fon lieu, rémarquant feulement qu'il n'arrivoit alors (depuis Ie tems (*} Hartfintoi P*£* 756*  COLONIE de SURINAM. 6t tems même des Anglois) rien de ferieux, que les régens de Ia Nation n'en eusfent connoisfance, qui ne fut terminé par eux, & qu'ils n'en ayent confervés des notes exaéïes ; & que lorsqu'il sV gisfoit de quelque révolte fur une Plantation de Juif, ou quelque cas qui étoit du resfort du Magiftrat Superieur; le confeil renvoyoit toujours aux régens le foin de terminer Paffaire, ajoutant dans fes lettres, (ce font les propres mots) faites cotre devolr pour épartner des fraix a la Nation,atttrement elle payeroit au Fiscal te qui lui revitnt pour les émolumens de fes examïnations &c. Lettres originales qui fe trouvent dans Parchive depuis 1680 jusqu'a Pan 1720- O tempora! O mores! de forte que nous dévions avoir au moins une partie des connoisfances qu'eut celui qui fournit des memoires a M. Hartfink pour compofer fon hiftoire, & qui a donné peut-ctre Iteu a Pécrit violent de Mesfieurs d'Esfequebo & De;nmerary,prefenté au tribunal des X en Hollande en 1775. ou 1776. & qui a été imprimé a Amfterdam en 1785. (*) nous ne favons pas même, comment Paveugiement de ces Mesfieurs, n'a pas attribué a Pinfluen* ce des Juifs, la révolte des Negres arrivée aux Berbices en 1763. Malgré Ie devoir que nous nous fommes iropofés en Compofant eet ouvrage de ne pas faire des eb* (*) Voyez 1'Intioduction de eet ouvrage Nóte 2» E 3  6» ESSAI HISTORIQUE sur ia obfervations fur 1'état polirique de la Colonie, nou» ne faurions dans la circonftance aftuelle, réfiftér au defir de hafarder quelques idéés fur les caufe» morales & politiques qui ont beaucoup eontribué a fes desaftres anciens ; d'autant plus que les changemens heureux qui eurent lieu dans la fuite, malgré nos itnpots,& les clameurs de quelques efprits cauftiques: ont prödöit 1'avantage que nous attendhns toujours de la fagesfe de Nos Seigneurs. Nous prendrons donc en confequence, 1'époque de 1'invafion de Casfart, pour Pendroit le plus propre au développement de nos obfervations, depuis le commencement de la Colonie jusqu'alors, c'eft a dire depuis 1650. jusqu'en 1713. Nous avons vu que la Colonie, malgré fon foible commencement- pendant 10 a 12 ans, s'eft nccrue après la date de la Charte de Charles II a Willoughby & Hyde,au point de donner 1'efpoirleplus fiatteur a ces deux Propriétaires, qui étoient fans conteftation en état de Ia rendre la plus florisfante de-toute 1'Amerique meridionale , fans exeepter même les Portuguaifes & Espagnoles. Ce qui eft arrivé après la réprife que firent les Anglois fur les Zélandois, la quantité de monde qui partit de Surinam , le pilfage qu'y fit Willoughby & fon Fils , & Ie butin même que firent les Zélandois en 1667 fur les Habitants; prouvent les prosrés rapides que fit la Colonie en ia oti 15 am ées de tems. Qu'on fe rappelle PEtat ou fe trouvoit la Hol- lan»  COLONIE de SURINAM. 63 lande lors de la prife de Surinam; la hreche que devoit faire a fon commerce ces 350 Navires que les Francais avoient pris fur eux en 1657; la ligue formidable entre la France & l'Angleterre pour afföiblir fon commerce, & les Guerres que la Répubüque fut obligée de foutenir depuis i6öq jusques même en 1721, contre prefque toutes les Puisfances de TEurope; conjon&ure certainement peu favorable, pour former de nouvelles Colonies en Amerique. D'Ailleurs la Zélande qui avoit pris Surinam des Anglois n'étoit pas en état de In rendre florisfante, car les intéréts de cette Province n'ér/n'ent pas non plus d'avoir des établisfements auffi élojgnés ou fes fujets ne pouvoient point (fuivant inême Ia nature de la conféderation des fept Provinces Unies) y faire un commerce excluftf; encore malgré tout cela , fi la Répubüque au lieu de ceder a 1'acquifition que fit la Compagnie des IndesOccidentale de cette vafte conirée,elle 1'avoit prife pour une des provinces appartenantes a la confédtration; ou,fi au lieu d'avoir cedé encore a la Compagnie des 3 co-propriétaires qui fe formoit alors;la Ville d'Amfterdam puisfante & riche par fon commerce, 1'eusfe prife en proprieté,peut-être que la Colonie n'auroit point éprouvé les malheurs qu'elle a esfuyé dans la fuite. Quelle garnifon avoit elle eu pour fa défenfe, depuis la conquête des Zélandois, jufqu'a 1'invafion de Casfart, pour s'oppofer contre les Indiens?Sur la rémontrance des colons, E 3 la  S54 ESSAI HISTORIQUE sur la la Zélande y envoya en 1679, 150 hommes de troupes ; M. de Sommelsdyk amena encore 300 hommes (dont Ia pluspart a caufe de leur révolte dans 1'asfafinat du dit Gouverneur, furent condamnés a fe rétirer de la Colonie) & enfin M. de Scherpenhuyfen encore un petit renfort; & fi nous devons croire 1'Auteur de la richesfe de la Hollande, les Seigneurs propriétaires fe trouvoient déja en 16H8 dans 1'impuisfance d'envoyer les provifions nécesfaires a Ia garnifon , qui fe trouvoit alors a Ia Colonie (*). Lorsqu'on confidêre ces malheurs, & la réunion de tant de désavantages,on eft furpris devoi'r,comment la Colonie a pu encore fe réléver de fa chute, former de nouvelles habitations, augmenter la masfe de fes révenus , & dévenir dans 15 a 20 ans de temps,plus riche & plus opulente qu'elle ne 1'avoitjamais été: & fi 1'on confidêre encore comment cette même Colonie, après avoir tombé dans de nouveaux malheurs , qui n'eurent des caufes auffi compliquées que dans fon avant derniere chute, au lieu de fleurir, elle n'a pu fe réiever ni révenir a fon premier état, (quoique préfentement par le prix avantageux des produits,elle commence a fe rétablir.) Cependant il nous femble en avoir penetré la caufe, & cette caufe eft Ie luxe, méconnu alors, & {*) Tom- x, pagt 294,  COLONIE Dl SURINAM. <5y & embrasfé dans la fuite: car i°. on ne connoisfoit généralement parlant pas ce que c'étoit de Pafr gent pris a interet; 2°. on abhorroit le fuperflu, & 1'on vivoit dans 1'abondance des objets de première nécesfité. Point de diftinétion malheureufe parmi les habitants, & point de ce fafte vain & orgueilleux qu'entraine un luxe deftruéteur fur les habitations , dont les effets devinrent plus fenfibles aptès que Pargent fut pris a interet de la Hollande. Nous parierons de tout cela plus en detail, & nous démontrerons que nos idéés font iuftes; en attendant, Poarfuivons notre Hiftoire. Peu avant Pattaque de Casfart les habitants de Surinam; voyant le peu qu'avoit operé leurs rémontrances au confeil, s'adresferent a leurs hautes Puisfances, en date du 17 Septembre 1712, & V formerent des plaintes contre les Seigneurs Pro* pri-étaires, & contre le confeil de police, tant k 1'égard des impofitions contraires a 1'oftroy, qu'a 1'égard du mauvais état ou fe trouvoient alors les Fortifications (*) ; & le 12 Oétobre de la même année , lors de Parrivée de Casfart, les Capitaines de Bourgeoifies protefterent contre les dommages qu'avoient esfuyé les colons a caufe de leur négligence, &réfuferentenconfequen?ede gar- der (*) V. Hartfink, page 69$* E 4  gö ESSAI HISTOIUQUE sur la der la forteresfe, qui fut a leur réfus, oceupés pat les Juifs, comme neus 1'avons obfervée ci desfus, Le confeil de police a fon tour fbrma des plaintes contre les colons qui réfufoient obftinement de contribuer aux travaux des fortifications nécesfairest Les Etats après avoir entendu les Seigneurs Propriétaires,ordonnerent aux habitans de contribuer avec leurs contingents , & d'obeir aux ordres du confeil (*). De nouvelles plaintes s'éléverent encore dans l'année fuivante. Les Planteurs vouloient être dedommagés de tout ce qu'ils avoient contribuépour le ranconnement a Casfart, vu que par le mauvais état des Fortifications qui fuivant Foctroy étoit a la charge , des Seigneurs 'Proprietaires , Casfart s'en étoit rendu le maitre (f). Sur ces nouvelles plaintes, les Etats condamne? rent encore le 28 Juillet 1713 les colons aux frais de Casfart, & ordonnerent au confeil de mettre de nouvelles taxes modiques fur eux, pour pourvoir aux befoins de la, Colonie. Dans ces intervalles & au milieu de toutes ce? tracasferies, les Juifs , a qui 1'aufterité du Gouverneur Scherpenhuyfen faifoit craindre le retour des anciennes perfécutions, & qui malgré la proteétjqn vraiment paternelie des Seigneurs de la Colonie qu'ils éprouvoient fans cesfe, crtirent que le monftre de fenvie & des préjugés refpiroit encp- r? Hartfink, page 74$? i\) Ibid. page jafc  COLONIE de SURINAM. 6> ?« comme 1'Hydre de la fable qui pousfoit de nouvelles têtes k mefure qu'on les abattoient, prirent en confequence le parti d'obeir aux régiemens du confeil, & de s'attacher fortementaces Seigneurs comme leurs uniquesfupports, & fur la communication que le confeil (lettre originale dans 1'archive} avoit fait aux régens en May 1713, d'un plan pour les fortifications, après avoir donné leurs avis, ils contribuerent fur le champ k tout ce qu'on exigeoit d'eux, mais comme le refte des habitants éludoient leurs payemens, Ie pian n'eut pour lors aucun effet. PEfprit de concorde qui regnoit alors parmi les Juifs & les fautes de leurs co-habitants, quis'étoient jetté dans un abime de difcusfions , ouvrirent les yeux a la Nation , qui fe tint tranquille fur fes habitations, & mit fes individtts, malgré les desastres de la Colonie, dans un état encore trés florissant, & les nouvelles asfurances qu'ils avoient recus quelques années avant, de laprotection des Seigneurs Propriétaires en Hollande par une lettre de M. Geronimo de Haas de George, ancien Bourgemaitre d'Amfterdam, faite au Gouverneur de Goyer,(*) en particulier de maintenir la Nation dans fes droits & Privilêges, qui eut tout le fucces qu'on en attenHoit, tranquilifa la Nation fur tous les points. Ce fut alors qu'elle renouvelloit 1'affection qu'elle avoit toujjours eu pour le bien être de fes co-habitants. E s Car (*) Cette Lettre £? fa répenfe deiie dt Juin 1707, fe trtunt fans les arcbives.  6B ESSAI IJISTORIQUE stm la Car les Juifs aiderent les Planteurs Chretiens avec tout ce qui étoit en leur pouvoir; nous nommerons quelques uns de leurs bienfaits. Le 12 Juin 1707 ils donnerent au Gouverneur W. de Goyer 12 bons charpentiers pour achever la maifon du Gouvernement, & en Juillet 1710; fuivant les Régiftres de cette date, on lui fit encore un préfent de 72 barils de Sucre, pour 1'aider en fon particulier. Le Gouverneur Coutier qui fucceda a ce dernier eut 4 vaches & deux genisfes avec 50 barils de Sucre, fuivant les Régiftres de Novembre 1719, & au Commandeur de Raineval 10 barils de Sucre, ayant en outre donné au dit Gouverneur 24 bons Négres pionniers, pour travailler fur fa Plantation jusqu'a la fin de Pouvrage. Le Commandeur de Vries eut encore 24 bons Négres pour le mêmeeffet, &laraifonpourquoiilles a demandé aux Juifs eft portée dans fa lettre de féptembre 1731. paree que (es amis Chretiens avoient manquè h la promesfe qtfils lui avoient failes. A 1'exception encore dis matériaux pour tes batimens &c. que nous obmettons de nommer, pour ne pas grosfir le nombre de ces dons gratuits, ni faire étalage d'un devoir jufte & indispenfable entre de vrais & utiles colons, qui doivent fe traiter mutuellement en frères. Nous proteftons folemnellement devant le Dieu fupréme, que nous n'avons point rapporté ces faits pour les réprocher a perfonne, mais nous fommes forcés a démontrer par des preuves authentiques que  COLONIE de SURINAM. Cg que ia Nation n'abhorre point (comme avancent malicieufement fes antagoniftes) les fujets du fouverain qui les tolere ; qu'au contraire, elle les aime, & que lorsqu'elle fe trouvoit en état, elle donnoit des preuves bien éclatantes de fon attachement envers eux, 11 malheureufement elle ne fe trouve plus dans le cas de le faire, fes malheurs en font la caufe, mais non pas fes bonnes intentions. Suriname ne connoisfoit alors, ni avant 1'année 1720 ou 1721, que la culture du Sucre, on y a fait beaucoup d'esfais fur le Tabac, & le Roucou, qui n'eurent fuivant les Auteurs aucun effet défirable, & ce n'eft qu'en 1720 que les premiers, esfais de Caffé furent faits a Surinam de quelques petites plantes qu'un certain Hansbacb avuit apporté de FHortus Medicus d'Amfterdam, (*; quoique le tableau de Surinam , attribue fes progrès a Mr. de Neale (f> Cette plante fit dans la fuite & pour beaucoup d'années la richesfe de Surinam, quoiqu'itlle caufa d'abord la ruine de plufieurs plantations a Sucre qu'on avoit abandonné pour fe donner a fa culture; denrée qui avec les moyens fuffifants pour 1'entretenir, eft vraiment une richesfe plus fixe, & plus asfurée que le Caffé; malgré les fraix des moulins, & les fécousfes qu'éprouve cette denrée dans les prix en Europe, principalement en tems de paix. De- (*) Hartfink, pagt 741. (t) ^ge a$3.  fo ESSAI HISTORIQUE sur la Depuis cette époque la Colonie fe trouve en» core augmentée avec Ia culture du Cacao, cornmencée en 1733, & le Coton en 1735 (*), Sui- (*) Suivant Mr. Hartfink, page 741. Pour ce qui conperne les denrées & I'époque de leur introduétion dans la Colonie, en contradiftion de tout ce que difent les hifto» tiens de Surinam, nous avons fait nos récherches la desfus, & avec beaucoup de foin # exaétitude, nous fommes venus a bout de former un tableau général de toutes les denrées de la Colonie expoxtées en Europe depuis le commencement de ce fiecle, jusqu'a nos jours, qu'on trouvera & la fin de la première partie de eet ouvrage. Dans ce tableau 1'on verra que malgré la fuppofition générale qu'on a communement adopté, de ce que les terrains de la Colonie n'étoient propres que pour le Sucre le CalFé & le Cacao, & actuellement pour le Coton, on y a fait cependant beaucoup d'esfais fur d'autres denrées qui auroienteu les isfues les plus favorables, fi 1'inconftance des colons 1'avoient permis. Le Tabac par exemple, futcom^ rnencé depuis 1706. & aanée par année, on a exporté une asféz grande quantité, pour en avoir été è des esfais, & que même en 1749 on a exporté 30000 fj§ en Hollande. LeRoucou, eut encore une fortune plus brillante, rar forti du creux de quelques petites hahitations, ou on en avoit planté plus par curiofité que pour en faire un caramerce, on a envoyé depuis 100 jusqu'a 7000 fg par an, en Hollande. 1'Indigo dont tous les Auteurs attribueut l'introdöcrion aux foins de Mr. van Jever & TOfficier TEftrade , voyez tableau de Surin, pag..., Hartfink, page 742. dans Jan i<5?.  COLONIE de SURINAM. Ji Suivant le calcul le plus exact tiré de la Carte générale de la Colonie de Surinam par Lavaux, & d'autres écrits anciens; le nombre de Plantages qui fe trouvoient a Surinam daus 1'an- née 1764. ouenvïron) fut deja cultivé ï Surinam depuis 1708. & deux années après jusqu'a1 1'an 1721, on avoit envoyé depuis 150 ffi jusqu'a" 1328 en Hollande, qu'il fut entierement abandonnée pour introduire le CafFé, dont les premiers grains furent portés en 1720. comme nous l'avons rémarqué ci desfus. Le Cacao qui fuivant M. Hartfink, page 741. tabl. de Surin. page 256. fut introduit en 1733,& le Coton en *735 > furent cultivés en Surinam depuis 1706. En outre encore de ces produftions, les anciens Habitants de la Colonie féfoient leurs fpeculations fur toutes fortes de matieres de commerce,' jusques même a tirer de la Cire brute des ruches que les abeilles forment fur les arbres dans les foréts immences de la Colo:iie, fituées a\ la hauteur de la riviere de Surinam; ils firent même des esfais fur les mineraux de la Colonie & dans 1'an 1736, on envoya 5 onces d'or fin en Hollande; ce qui encouragea une focieté particuliere formée expresfement en 1741 pour les travaux des mines, qui cependant n'eut aucun effet fa). Le tableau fusdit montrera plufieurs autres denrées erportables de. la Colonie: ce qui en s'y appliquant, feroit étendre les travaux fur toutes les clasfes des citoyens, pour- U) Voyez la desfus Hartfink depuis page 744, jusqu'i 754.  72 ESSAI HISTORIQUE sur la née 1730. grands & petits, fe montoient a 401. favoir le long du Surinam depuis 3 lieues de fon embouchure, jusqu'a 20 lieues en le remontant, Cv compris la riviere de Para, & autres criques) 224. & le long du Commowine, fes rivieres & criques 177. De ce nombre les Juifs posfédoient alors, dans la riviere de Surinam, fes criques &c. 93 habitations, & en Commowine, Sarua , Casfewine, &c. 22 qui font enfemble le nombre de 115 habitations, la plupart a Sucre, & fans pourquoi eft ce qu'on a abandonné Ie tout pour ne plus s'ado-nner qu'au Sucre, le Caffé, & le Coton, qui demandent des moyens pour leur culture, dont h plupart des Colons font deftitués? Pour répondre a eet argument, on n'a qu'£t alleguer 1'inconftance des colons; vu que, 1'experience nous a montré mille fois que chaque nouvelle denrée leur féfoit changer facilement les cultures qu'ils avoient. Nous avons vü qu'après 1'introduction du Caffé on a abandonnée une grande partie du Sucre; Ie Cacao, perd peu a peu de fa culturele Coton eft actuellement en vogue, & les premières denrées que le bafard conduira ici.feront abandonner celles ci a leur tour;du moins fi 'es colons qui ont aétuellement fi peu de moyens s'occupoient a travailler fur d'autres branches d'agriculture que fur du Caffé & du Coton; pourquoi oublient t'il le bois de Teinture? pourquoi oublier le Beaumede Copahu, la Cire, le Tabac, le Roucou même , qui ne demandent pas tant de Negres pour les travaux? voyez la desfus les favantes réflexions de M. Firmin dans foa tableau de Surinam, page 257. & fuir,  COLONIE de SURINAM. ?j & fans un fol de dette; car les avances pris après des negotiants de Ia Hollande, n'étoient pas alors connus ; d'ailleurs leur facon de vivre étoit fort fimple & réguliere , le luxe leur étoit étranger, & jamais leurs habitations ne furent embellis avec des batiments faftueux,ou inutiles. Propreté,commodité de la vie, quelque profufion dans leurs tables aux jours de fête a la Savane, voila tout leur luxe, toute leur prodigalité; les fêtes finies, chacun rétournoit fur fon habitation pour y foigner lui même fa culture, & c'étoit a peu prés auffi la facon de vivre de quelques Planteurs Chretiens de ce tems la. Et malgré les fecousfes que les Juifs éprouvoient de tems en tems de la part du confeil,ils menoient cependant une vie fort tranquille & même heureufe, jusqu'a ce que les fuites des esclaves, les attaques des Negres marrons fur leurs habitations qui devenoient trés fréquentes, leur ont fait perdre la douceur, & 1'aifance de leur vie champêtre. Depuis le tems des Anglois, même avant Pépoque de 1665, il y avoit deja des Negres fuyards dans les bois, écoutons leur Hiftoire en abregé par M. Hartfink lui même (*_) qui a la page 756" attribue tout aux Juifs, comme nous Pavons ré. marqué ci desfus, fon rapport mettra au jour fes contradiétions. n Les Depuis page 755. jusqu'a 757.  f4 ÊSSAI HISORIQUE sur la „ Les Negres de Saramaca (dit-il) tirent ïetrj' „ origine de quelques esclaves noirs. qui s'étant », foustraits a la domination des Anglois par Is „ fuite, fe font enfuite fixés le long des rivieres u de Saramaca, & de Copename, dans des con„ trées remplies de forets, & ils y ont formé une „ espece de répubüque, deja du tems que les An„ glois étoient encore posfesfeurs de cette partie de la Guyane. Quelques uns de ces Negres trou„ verent moyen de fe faire un rétranchement dans „ Para fous ün chef noratne Jerm*s Negre de Co„ romantin, & dela ils venoient infulter & inquie„ ter les Plantations voifines". Notés que les Juifs n'eurent jamais plus que deux Plantations dans la liviere de Para , leurs habitations n'étoient que dans le haut de la riviere de Surinam, éloignés de Para de 6 lieues, & ce n'eft encore que plufieurs années après, qu'ils ont commencé a travailler les terres basfes,après que les Cultivateurs Hollandois leur en ont fait voir la posfibilité & Putiliré, Sc alors ils n'eurent cependant des habitations que depuis la Plantation Gelderland, éloignée de 4 lieues de la ville de Paramaribo. „ Lel nombre de cesfugitifs (pourfuit-il) étoit es,,- timé a 5 ou 6 mille en 1701 & en 1 ?Q2 : s'é„ tant jettés fur Para ils y masfacrerent ,1e Pro„priétaire d'une Plantation, le charpentier d'un „ autre eut en 1713 le même fort. Quelques an#, nées plus tard, ils fe jetterent fur une Piantation „ fitué dans Ttmpaty, y blesferent le posfesfeur,  COLONIE M SURINAM. 75 'rt maltraiterent fa femme, & finirent par emporter ,5, tout. Pendant la regence de M. Temminck i „ Pan 1721 óu 172-2,ils pillcrent non feulementdans i', Commowine la Plantation d'un Ridderbak; mais ,; emmenerent encore les esclaves dans les boisi j, Ces cruelles vifnes augmenterent d'année en année^ & devinrent de plus en plus deftructives; ,, Avant & du tems de M. de Cheusfes en 1730 & „ 1734, ces fugitifs ruinerent différentes Planta„ tions en Para , en Tempaiy cc. en Peninica, & r, ils y égorgerent non feulement tous les blancs „ qu'ils y trouverent, mais des esclaves mêmes, „ emportant enfuite tout ce qu'ils croyoient pou» „ voir leur fervir, ck ils tombèrent ausfi fur la „ Plantation Bergendaal, appartènant au dit M. de ,, Cheusfes." Voila bien des révoltes, des fuites & des masfacres arrivés fur les habitations des Chretiens par leurs propres esclaves, qui ont certainement grosii de beaucoup le nombre de marrons dans le tems même de Casfart; de forte quë le rapport qüé fait M. Hartfink au fujet des Negres des Juifs porte a faux, & fon asfertiön eft d'autant plus hafardée,qu'il ignoroit même les hoftilités de cettë nature aririvées particulierement fur les habitations* des Juifs; nous les rapporterons (fans crainte de denner dü poids a fon rapport) hettement commö nous Pavons trouvé dans hos archiives, pour que lesj gens impartials puisfent voir, fi Pon peut attribuer & la Nation Juive la caufe du malheur de Ia Co-'  ?G ESSAI HISTORIQUE sur tA lonie a eet égard, ni les accufer en confequence de plus de tyrannie envers leurs esclaves, qu'on n'en attribue aux autres habitans de la Colonie. Al'exception de la fuite de 2 ou 3 esclaves, ce qui arrivoit fouvent aux Plantations en général, il y eut dans 1'année 1690, une révolte fur une Plantation fituée dans la crique de Casfewine, derrière la favane, appartenant a un Juif nommé Imanuè'1 Machado, ou après avoir tué leur maitre, ils s'énfuirent, emportant tout ce qu'il y avoit, aveceux,&en 1738, une autre, appartenant a Manuël Pereyra,éprouva le même fort. Le premier malheur de cette nature arrivé a la Nation dans la perfonne de Machado, eft furtout rémarquable par un trait qui prouve la haine que le Gouverneur van Scherpenhuyfen porta aux Juifs ; il laisfa le foin de réparer ce malheur aux Juifs feuls, & il leur avertit par une lettre datée du 18 Février I690, qu'ils pouvoient venger la mort de leur frère , s'ils le vouloient, tout de même comme fi Machado & fa Plantation, ne faifoient point parti de la Colonie. Les Juifs lui obeïrent pleinement, & dans une courfe qu'ils firent contre les rebelles,ils en tuerent beaucoup & en emmenerent quelques uns qui furent punis de mort fur le lieu même. Un exploit pareil fut fait par la Nation en 1738; c'eft la que perdit la vie un nommé Pereyra, dont aucun Historiën de Surinam n'a daigné parler; nous y reviendrons en fon lieu. Depuis ce tems la, & jusqu'a 1'époque de Ia paix  COLONIE de SURINAM. 7? paix que fit Ia Colonie avec les deux Bourgades de Marrons connus fous le nom de Saramaca, & Juca, il y eut des attaques continuelles fur les Plantations , & c'eft proprement depuis ce tems, & non pas depuis finvafion de Casfart en 1712, que le nombre de fugitifs s'eft accru; nous nc compterons point les attaques ou un nombre pro» digieux de Negres ont fuis dans les bois. Dans Pannée 1749,les Negres de la Plantation de M. Roma, fe révolterent , & aprés mille jioftilités ils s'enfuirent , & fe réjoignant a ceux des Juifs, & ceux d'un nommé Salmer, qui avoient un petitvillage fitué fur la crique de Juca, éloigné de gresque 25 a 30 lieurs du bord de la riviere de Surinam dans Pintérieeir des Bois , dont nous parierons dans la fuite plus en détail; ils augmenterent eet Etablisfement, qui de rien qu'il étoit alors, fe fit dans la fuite rédoutable, principalement après la fuite des Negres de 6 grandes habitations qui fe fouleverent a la fois a Tempaty en I7J7, (endroit ou il 11'eut jamais aucune habitation de Juifs,) appartenants a Martin Pater, & d'autres, dont le nombre enfemble avec ceux de Toma, peut - être porté fans exagération malgré ce que dit M. Hartfinck , a celui de 500 a 600 esclaves. 1'Année fuivante, iJs attaquerent la Plantation Palmaribo fitué a cöté de la Savane des Juifs, dont les Negres qui avoient été d'intelligence avec eux, s'enfuirent au nombre de presque 150. La Plantation la Providence en SuF a ri-  ?g ESSAI HISTORIQUE sdr la rinam & la Plantation Onobo en Casfewine, ap» partenants aux Juifs, fubirent dans la même année, le même fort, & sprès que les rébelles eurent incendiés les batimens, ils emmenerent avee eux le nombre de presque 12c esclaves. Nous avons par ce qui vient d'être dit, vu, 1'état ancien de la Colonie en général , & en particulier , ainfi que celui des Juifs par rapport a leurs richesfes, depuis le commencement de la Colonie jusqu'a 1'année 1712. Voyons a préfent leur état politique d'alors, leurs infiuence, leur pouvoir & la bienveillance mutuelle des Colons en général. Les pieces justificatives qui contiennent les privilêges de la Nation montrent inconteftablement que les Juifs Portugais fe font établis en Surinam, fur un pied plus heureux & plus fivorable que dans aucun endrott de 1'univers; ils étoient mis en un mot au rang des Colons de la religion Proteftante fans diftincrion: tous les emplois, quelques charges même leur étoient oavertes fans reftriction quelconque fuivant le contenu du privilége cédé par les Anglois, approuvé & augmenté dans la fuite par M. M. les Seigneurs Propriétaires & par L, H. P. les Etats Généraux. Ils avoient en outre un tribunal de juftice civile conftiïué dans la forme la plus légale jusqu'a Ia fomme de f 6co, fans qu'il fut permis a aucun Juif d'asfigner un autre de comparoïtre devant un autre tribunal fupérieur ou fubalterne» (fuivant les an- dan  COLONIE de SURINAM. 70. eiens régistres de la Nation,) pour aucun ca? dont la fomme des prétentions étoit aü-desfoüs de ƒ600 florins. Leurs individus formoient une compagnie de Bourgeois fous le comroandement direct d'un Capitaine & fes Officiers. & ceux ci aux ordres du Confeil; ainfi toute la Nation étoit fous Ja fubordination d'un nombre.de perfonnes qui formoient le tribunal politique, civil & ecléfiaflique connu fous le nom Hebreu de Mahamed, ou Régens & députés de la Nation Juive Portugaife: & tout ce qui ne contrarioit point aux loix du Pays, & qui ne trouvoit la dispenfation exprimée dans les Privilêges, étoit jugé par les Régens en dernier resfort, & en vertu de 1'octroy de L. H. P. cédé aux Propiiétaires de la Colonie en 1682, ils contribuoient également en qualité de Bourgeois, k la nomination des Magiftrats Politiques de la Colonie. Et fi des le commencement les Juifs n'avoient point rénoncé d'avoir des connoisfances fur des affaires criminelles de la Nation au moins en premier résfort, le droit d'autonomie aneiennement connu d'eux dans Ie temps des romainsy feroit complet dans toutes fes circonftances. Et quoiqu'au fujet des emplois honorables & lucratives de Ia Colonie, les premiers Juifs riches & a leur aife, ignorant d'ailleurs la Iangue du Pays, ne fe donnerent point la peine de s'en révetir fuivant leurs droits,Ia piece juftificatire No. 3, montre cependant 1'employ honorable & dktingué qu'eut Jojepb Nasfy, en vertu de la commisfion du VI?3 ce-  8o ESSAI HISTORIQUE ruft la ce-Amiral Krynsfen, & dans la fuite du tems, nous trouvons encore dans nos archives, que les Régens créoient les emplois dont ils avoient befoin pour le fervice de la Nation. Samuel Nasfy, outre fes emplois, & Jeof. Sarvaty, furent Notaires Pubücs connu fous le nom de Jurator, & Ab Nurses, fut fait en Janvier 1682 , arpenteur juré , qui fervoit aux Chrétiens & aux Juifs égalemcnt,& dont les cartes fe trouvent encore aujourd'hui fuivant 1'aveu des arpenteurs fuccesfifs, être des plus exactes. Leurs mariages fe faifoient alors parmi eux avec le droit de toute léginmïté & leurs contracts de mariage pasfés devant leurs Rabbins fuivant leur rit, avoient le droit de préférence fur toutes les dettes, en faveur des femmes. Leurs rentes de meubles & immeubles pasfés fimplement entr'eux, avoient le droit de propriété des qu'ils étoient enrégiftrés dans Farchive de la Nation; & de la même facon étoient leurs teftaments, & autres dispofitions fans jamais avoir befoin de remplir les formalitésqu'exige la jurisprudence devenue un Cahos & un fléau pour les habitants des Colonies, par rapport aux délais qu'ils éprouvent dans leurs affaires & les fraix cnormes qu'ils ont a payer a la Secretairie, auquel abus cependant on vient dans ce moment felon que nous forarr.es informés, d'apporter des rémédes qui ont été propofés a '1'approbation des Seigneurs Propriétaires. Tout cela ne caracteriferoit encore Page d'or de la Nation en Surinam , fi elle ne jouisfoit con- joinc-  COLONIE de SURINAM. 2t joinctement de la confidération de la part des Colons en général, aimée, réverée même par eux. Ils jouisfoient de la félicité la plus complette; car qu'importeroit les Privilêges 'd'une Nation , qu'importeroit fes droits, fi elle ne pouvoit point fe concilier 1'affection du peuple parmi lequel elle vit. Nos privilêges feroient certainement encore aujourd'hui le bonheur des Juifs de la France & de PAllemagne, & peutêtre même de ceux de PItalie, fans exepter ceux qui vivent fous Ia domination du bienfaifant Leopold de Toscane, a la vue du lieu de la fcène ou leurs ancetres furent perfecutés, & a caufe de la même réligion qui les tolere aujourd'hui ils devroient s'éltimer heureux; mais pour les Juifs de Surinam accoutumés a fe voir confiderés, de riches qu'ils étoient, devenus pauvres, & pour furcroit de malheurs dédaignés & fans aucune autre reffource que celle que leur donne leur induftrie, ils ne fe trouvent certainement pas dans la même circonftance que leurs freres en Europe; il faut des yeux philofophiques qui connoisfent le caractere & les réplis du coeur humain, pour fentir cette vérité dans toute fa force: d'ailleurs chaque homme, chaque Nation doit remonter a la caufe qui a produit fes immunités & la caufe qui les leur a fait perdre, & fi le caraclere & les préjugés de la plupart des peuples parmi lesquels ils vivent fe trouvent en contradiction avec les vues fajnes & la protection diftinguée de ceux qui nous donnent la loi en Europe, & que par Péloigneraent du F 4 lieu  8a ESSAI HISTORÏQUE sur la lieuourefide le pouvoir legislatif, la bienveillau» ce, fe trouvé affoiblie, h masfe du mal augmente, & le depit qu'éprouve la moraie rejaiilit mêrae fur' le phyfique. La fuite de eet ouvrage montrerafinoud nous trompons ou non; pourfuivons. Les privilêges de la Nation n'esfuierent en confequence aucun changement esfentiel, hormis en un feul point. Dans Ie commencement les Juifs fe marioknt entre eux conforme a leurs loïx, a 1'égard de leurs parentes; les Etats généraux par des raifons référvées a la fouveraineté, ont trouvé bon d'ordonner par une réfolution datée du 30. Mai 1704, que d'orenavant aucun habkant de Ia Colonie ne fe marieroit, que fuivant le contenu des ordonnances politiques des Etats d'Hollande & de k Frife occidentale de 1'an 1580; dêclarantneanmoins que les mariages contractés jusqu'a la date de la réfolution avec les enfans qui en font nés, pour légals,& legitimes, & par rapport a ceux qui s'enftiivroient, ils ne feront point confiderés comme légitimes, a moins que 1'a'IIj'anCe ne foit fake devant deux magiftrats de la Colonie, fuivant Ia loi de la. répubüque. Gette ordonnance eüt fon effet, & iorsqu'un Juif vouloient fe marier avec. fa parente permis par la loi de Moïfe & défendu par celle de J. C. ils s'adresfoient au confeil pour démander la dispenfation a 1'éxemple de ce qu'on fait d'ordinaire en Hollande & la démande étoit toujours accordxie, moyennant un don gratuit qu'on faifoit au Fis- cal  COLONIE de SURINAM. 83 cal de !a Colonie; mais dépuis quelques années, le Fiscal actuel, M. Karsfeboom après avoir donné de bons avis la desfus dans les années précédentes, a trouvé bon de marquer actuellement des doutes (peut - être fondés) dans les rapports qu'il donne au confeil, ce qui nous est inconnu,déforte qu'avart qu'un Juif puisfe fe marier en vertu des Privilêges, il faut qu'il attende la dispenfation des Etats Généraux, dont la bonté & Ia bienveillance ne manquent jamais d'-accorder la démande , qu'on leur fait, ce qui cependant occafionne beaucoup de fraix. C'est ici le lieu ou nous devons parler des Juifs allemands , qui n'ayant été en 1690 qu'au nombre de 40 a 50 perfonnes, s'agrandirent au point de compofer actuellement, plus de la moitié du nombre de leur freres les Portuguais; ils étoient alors fous la dépendance de ceux ci, qui les aiderent dans fout ce qu'ils avoient befoin, & comme leur état étoit celui du Commerce & du traficq, ils fe fixerent a Paramaribo; aidés enfuite du travail de leurs mains fans courir les risques ni les defastres attachés a 1'agriculture, ils commencerent peu a peu a ameliorer leur fort: leur nombre s'agrandit par ceux de leurs freres qui venoient en foule de PEurope. Leurs ceremonies Religieufes étoient a la facon des Portuguais, & ils ne connoisfoient même point, ces manieres ridicules qui les font tant distinguer des Juifs Portuguais, comme le remarque le BaF 5 ron  04 ESSAI HISTORIQUE sur la ron de Bielfeld '(*). Et quoiqu'ils n'eurent jamais a s'ingérer dans Ia regie de Ia Nation, ni a fe mêler avec les Portuguais par des mariages, ils vivoïent cependant avec eux dans une bonne intelligence, comme resfortant du nombre des individus de la Nation en général; mais auslitot qu'ils commen' cerent a fe fentir au peu plus a leur aife, ils fusciterent des querelles aux Portuguais, & obligerent aux ci pour éviter des fuites qui pourroient leurs devenir dangereufes a fe feparer d'eux entierement; ils s'adresferent en confequence aux feigneurs de la Colonie, qui firent un arrangement entre eux fuivant un acte authentique inferé dans le livre des Privilêges en date du 10 Septembre 1734. de forte que ces deux nations fe trouvent depuis ce temps feparées, 'ayant chacune fa Synagogue & fes régens, indépendants 1'un de 1'autre; & quoique les Privilêges furent cedés au Portuguais, ils jouisfenfc cependant de toutes fortes d'inmunités, tant comme Juifs que comme Bourgeois, a 1'exeption d'avoir des proprietés a Ia Savane, du droit d'avoir un tribunal de Justice Civile & de .Bourgeoifie particuliere de la Nation, & quoiqu'il n'aye point parmi eux des particuliers ausfi riches que quelques Portuguais, com- (*) Inftitutions politiques.tom; 3. page 18. Leidei772. Du Lignon Bibliothéque judaïque, page 39, de Pinto, apologie des Juifs, page 17. Martiniere, Savary dans leurs dictionnaires au mot Affifterdam, & plufieurs autres,  COLONIE de SURINAM. 8j Ie général de Ia Nation n'ayant pas eu desoccafions comme les Portuguais a faerifier une partie de leurs biens pour foutenir les Privilêges de la Nation, ni befoin de fe méler des querelles du Gouverneur Mauritius, (dont le detail fe trouvera dans le cours de eet ouvrage) les Juifs allemands fe trouvent en beaucoup meilleur Etat que les Portuguais; peutêtre qu'on ne trouvera nulle part, des Juifs allemands pris en gros, qui ayent les manières de ceux de Surinam, & les réflexions de ces auteurs qui remarquent de Ia différence entre ces deux nations feroient bien deplacées Sci, car a 1'éxception de quelques fuperftitions ridicules, & un peu trop de bigoterie, (généralement parlant) Ia différence en est fort peu fenfible, & elle ne le feroit nullement, fi une prodigieufe quantité de Polonois venu icipar intervalles, ne les avoient pour ainfi dire gatés en introduifant leurs manieres. Nous avons fait voir par Ie recit ci -desfus,i'état de la Colonie en général, par rapport a ce qu'elle eut a esfuyer dépuis fon commencement, jufqu'au malheureureux événement avec Casfart — Voyons a préfent le réfultat de ces évenemens, quiproduifirent des mécontentemens & des plaintes contre les Seigneurs Propriétaires & Pégard de Pétat des fortifications, & des ordres fuprèmes de LL. HH. PP. en I7ia & 1713. Quoi qu'il en foit de ces ordres, i' fe pasfa encore plufieurs années avant que Pon put convenir de  86 ESSAI H1ST0RIQUE sur la de quelque chofe, & ce ne fut que fur Ia fin de I733» que 'es feigneurs de la Colonie arretérent avec les colons quelques articles qui furent approurés par L. H. P. en date du 19 Decembre, de Ia même année, & en vertu desquels, ,, la Colonie „ dévoit être mife dans Ie terme de fept années,en „ bon état de défenfe, au moyen des fortifications „ que 1'on fe propofoit d'y conftruire; les Direc„ teurs s'engagoient a y envoyer de 1'Europe les „ ouvriers, & les materiaux necesfaires, & les „ Colons fourniroient un nombre convenable d'és„ claves pour travailler a ces ouvrages, & que pen „ dant ces fept années les Directeurs contribueroient „ annuellement , pour la fomme de vingt mille „ florins, & les habitants, pour celle de foixaute „ mille, percus fur une taxe qu'on impoferoit fur „ les produits de 1'agriculture, & fur les habitans „ qui n'étoient pas compris dans la clasfe des Plan„ teurs'». Quelques différens qui s'étoient élévés dépuis entre les deux parties contractantes, au fujet de 1'exécution de cette convention, ont donné lieu a de nouveaux articles fignés a Paramaribo Ie 6 Mars 1748. & ratifiés enfuité parL.H.P. Iel6 Janvier(*) de forte que la Forteresfe nouvelle Amfterdam, fituée de manière qu'elle défend 1'entrée des rivieres de Surinam, & de Comowyne, ne fut achevée que pres- (*] Suivant Hartfink, dépuis page 728 jusqu'a 739..  COLONIE de SURINAM. 87 presque 16 années après la date de la première convention. Ce fut le bonheur le plus fenfible que la Colonie ne fut point attaquée dépuis Casfart jusqu'a ce temps la, ce qui auroit été d'une conféquence bien triste, vu les disfentions qui régnoient depuis 30 ans parmi les Colons, les Magiftrats de la Colonie , & parmi une partie de ceux ci avec le Gouverneur, d'autant plus que les attaques des marrons étoient devenues fi frequentes, que perfonne n'ofoit fe tenir longtems dans les habitations, fituées vers le haut des rivieres. La Colonie dévenue le théatre d'une guerre per* pétuelle,& les habitants fe voyant ainfi perfécutés par leurs propres ésclaves, furent contraints de faire marcher contre eux des detachements de troupes, pour les reduire par la force des armes. On a fait en confequence plufieurs campagnes, qui ont couté des fommes immenfes, la plüpart fans fucces ; de tems en tems les Colons eux mêmes ont pourfuivi les rebelles fous le Commandement du Capitaine de la bourgeoifie Juive David C. Nasfy, & du Lieutenant Is. Carrilhos, pour la riviere de Surinam, & M. M. van Vheelen & Lemmers , pour celle de Cottica. Le dernier avec fon detachement, fit une courfe opiniatre en 1730, ou après avoir traverfé plus de 36 montagnes, il entra dans les demeures des marrons, fans y avoir trouvé perfonne ; cependant il ruina leurs vivres & tout ce qu'il y  88 ESSAI HISTORIQUE sur la trouva & brula leurs cabanes, & après fon retour a la ville, le Confeil dépécha le Capitaine Nasfy, pour y tenir ferme avec un detachement de fa compagnie bourgeoife, & dans la même année au mois de Juillet, on détacha encore un grand detachement fous les ordres du Capitaine Bedloo & de 1'Enfeigne militaire Swallenberg; ce detachement, couta plus que tous les autres, & n'eut cependant aucun effet , fur quoi les Seigneurs Proprietaires prirent la réfolution de ne faire marcher contre les marrons que des foldats, qui dans ce temps la eurent moins de fucces qui les Bourgeois, ce qui les fit dans la fuite révenir a eux; & dans une expedition qu'ils firent a Saramaca, ils prirent 26 Negers Marrons Vifs, & 16 de tués, & ces detachement furent continués dans la fuite par Beinet, Nasfy, Visfer, van Gieske, Metschler, Knoffel,van Daalen, Brouwer, &c. (*). Dans le recit, que font ces auteurs des éxpeditions des Bourgeois contre les marrons, les Juifs ne font nommés qu'avec indifference; rien, de tout ce qu'ils avoient fait avant & dans 1'intervalie de ces dates, n'a point merité de trouver place dans leurs écrits: ainfi nous tacherons de mettre au jour les expeditions les plus heureufes qu'ils firent contre les ennemis communs du pays; ofant foutenir en fa- (») Hartfink, page 758 jusqu'a 767. Richesfe de la Hollande, torn. 1. pag. 3°5 jusqu'a 31& Tableau de Surinam, page 138, Ut Cjf *54ï  COLONIE de SURINAM. 89 face de tout 1'univers, que fi leurs détachements ne firent pas plus de progrès & a moins de fraix que tous les autres, ils fcurent au moins égaler les chrétiens en courage, en ordre, & dans le zêle ardent de fervir la Colonie. Le Capiraine David C. Nasfy, fut de tous temps un homme robuste, accoutumé aux travaux des Plantations, & d'un courage intrepide ; il avoit en outre une inclination particuliere pour s'entretenir fouvent avec les Indiens qui étoient en grand nombre fur les Habitations, & dont le langage lui étoit familier. II est connu que ces Indiens quoique foibles par temperament, font les plus propres a découvrir les traces des marrons dans les bois, & comme ils craignoi,;nt de tomber entre leurs mains ils mettoient des espions dans les forets pour réconnoitre le lieu de leurs habitations & tous les mouvemens qu'ils faifoient, Nasfy qui connoisfoit 1'utilité qu'il pouvoit tirer de ces Indiens, fe trouvant alors fort riche & en état de faire beaucoup de dépenfes, leur donna des armes a feu, leur apprit a s'en fervir ausfi bien qu'iin foldat; & voyant fa petite troupe en état de feconder fes vues, il fe mit en tête de faire ufage de la liberté que le Confeil de Police avoit donnée par fa publication de 1717, „ a quiconque ,, vouloit faire des courfes contre les marrons, fur 1, des prix fixes fuivant les progrès qu'ils viendroient » 4  go ESSAI HISTORÏQUE sur la 9, a faire (*)." II n'étoit alors qu'Officier fuba?* terne fous le commandement du Capitaine des Juifs Jacob d'Avilar; en eonféquence il fit dans 1'année 171R dans Ia riviere de Saramaca une expedition contre les marrons de cette riviere, accompagne de 11 Bourgeois Juifs, une troupe de 50. bons Indiens, & quelques uns de fes meilleurs ésclaves. Cette expedition, eut 1'effet defiré : il atta» qua les rebelles, en tua beaucoup êï en mena plufieurs vivants, fans que la Colonie eut apayer un fol pour les fraix de cette expedition, ce qui lui merita d'être nommé par le confeil dans Ia même année de fimple officier fubalterne qu'il étoit, le premier Lieutenant enfuite Capitaine de la Compagnie Bourgeoife de fa Nation. Le bonheur qu'il eut dans fa première expédition, Pencouragea tellement, qu'il ne fe fit aucune expedition quelconque, qu'il ne fe préfentoit le premier a marcher contre les Marrons ;& fuivant ce qu'on trouve dans fes vieux papiers & dans le livre de la bourgeoifie, il fit pendant fa vie plus de 30 expéditions tant grandes que petites , ce qui caufa la ruine totale de fes biens. Nous en rappoiterons quelques unes des plus rémarquables. En 1731 le Confeil ordonna a 1'Officier de la Bourgeoife des Chrétiens, M. Boeyé,de faire une expédition contre les marrons,& ordonna at! (*) van Hartfink, page 756U  COLONIE de SURINAM. 91 au Capitaine Nasfy, de faire un detachement compofé de fes Bourgeois, pour renforcer Boeyé en cas d'attaque ou de découragement; Nasfy partit fuivant fes ordres,accompagné de fes Indiens, & au milieu du chemin, il rencontra Boeyé qui fe retiroit avec précipitation paree qu'il avoit eu Ie malheur d'avoir en route un homme de tué par quelques fugitifs, qui par hafard réncontrerent le detachement en chemin; Nasfy eut beau le prier de pourfuivre Péxpedition avec lui, qu'il fe faifoit fort de les attaquer dans 2 ou 3 jours de temps, Boeyé rémfa net; de forte que Nasfy prit fur lui de marcher feul avec fon detachement contre les ennemis, qu'il eut le bonheur d'attaquer dans leurs habitations, ou il fit quelques prifonniers, & en tui un bon nombre.' Sur ces entrefaites on fit un procés criminel at Pofficier Boeyé,qui a fon tour accufa le Capitaine Nasfy, & fur la pourfuite que fit M. le Fiscal contre les deux, M. Boeyé fut deelaré coupable, & enfuite puni; ce fait est attesté par des éloges, & des vaudevilles que compofa en efpagnol un poëte juive, nommée Bien venida del Monie, a 1'honneur du Capitaine Nasfy. Dans 1'année 1738, les Negres d'une Plantation en Sarua appartenant au Juif Manuel Pereyra, compofé des Negres de Coromantin, les plus rédoutables de tous ces Afriquains, fe révolterent^ & tuerent leur makre, comme nousl'avons marqué ci-deifus. M. Js. Arrias, ancien officier de L Partie, q }#  oa ESSAI I-ÏÏSTORIQUE sur la la Bourgeoifie Juive qui avoit deux grandes habita* tions aux environs du lieu de la révolte, dépecha un nombre de Bourgeois volontaires fous le coramandement de deux fubalternes Ifaak Nasfy & Ab. de Britto, dans Iaquelle expedition M. Arrias, fournit tout ce que le detachement avoit befoin a fes fraix, envoyant encore en outre tous lés bons Negres qu'il avoit fur fes habitations; 1'expedition fut fi heureufe qu'après 6 femaines d'abfence, fans que perfonne feut le fort de ces volontaires, Ie detachement rétourna avec 47 prifonniers & 6 mains de ceux qui avoient été tués; ausfi le confeil fuivant nos archives pour récompenfer leurs exploits, gratifia de f 75. chacun des officiers, de ƒ36. chaque Bourgeois, de/ ao. chaque.Negré armê,& de/5 chaque Negré porteur de Vivres: mais le genereux M. Arrias, a qui cette expedition caufa beaucoup de perte & fes habitations , n'eut a ce que nous favons aucune récompenfe, pas même un rémereiement par écrit de la part de M. M. du Confeil. M. Hartfink, rapporte encore qu'un village des rébelles, connu fous le nom de ceux de Creoles (nom qu'on donne a ceux qui font nés dans le pays) les plus rédoutables de tous les ennemis,a caufe des rufes & des connoisfances qu'ils ontacquis par le commerce des blancs depuis leur nais> fance, fut dans l'atmée 1731 attaqué & ruinée de fond en coroble par le Capitaine Bley; cependant il eft connu que cette troupe de Negres fui- voiï  COLONIE de SURINAM. 93 voir. tonjours fon train dans les hostilités contre jes Blancs, & que ce ne fut que dans fannée 1743, dans le tems du Gouverneur Mauritius, qu'elle fut anéantie au point que depuis ce tems ón ne connoisfoit plus ce village fous le nom qu'il avoit avant, & cela encore par Ie courage intrépide du Capt. D'. C. Nasfy. Celui ci quoiqui deja fort agé,partit au mois d'aoutdeladiteannée avec 27 Bourgeois, ia foldats, 15 indiens, 165 Negres & Oo Canots, fuivant un plan qu'il avoit formé, & préfenté au confeil le i°. Juillet Ï743: après avoir monté la riviere de Suriname & pasfé plufieurs cataractes qui fe réncontrenten montant la riviere, il fe mit en marche & lés ennemis furent attaqués dans le jour de Kipoer; ba d"expiatiön dés jttifs, & fans aucun menagement pour ce jour facré, il pourfuivit les ennemis, mit le feu a leurs cabanes, ruina le village de fond en comble arracha de la terre les racineg de leurs vivres,fit 14 prifonniers, & tua un grand nombre. Cet exploit étonna toute la Colonie, & 1'envie qui s'étoit dépuis longtemps declarée contre les actions de ce Capitaine, eut de quoi exereer fa noirceur a caufe de quelques fautes commis par le dit Capitaine, malgte un fuccés ausfi brillant Voici le fait; le Capitaine avoit des or. (*) Pour confirmer tout cela, en contradiction de ce qae dit M. Hartfink, page 766, on peut demander aux Ne- e %  94 ESSAI HISTORIQUE sur la ordres d*entrer dans Ie village de ces créoles, de les attaquer, de ruiner tout, & d'en donner incesfamment avis au confeil, fans forrir de Pendroit jusqu'a nouvel ordre; mais au lieu d'obferver ces ordres fa troupe parmi Iaquelle il y avoit un de fes fréres & un fils, a qui les Indiens & les Negres firent croire que les marrons, avoient empoifonné les criques & qu'ils n'auroient dans Ia fécheresfe ou ils étoient, point d'eau a boire, commencerent a murmurer fi fortement, qu'il fut forcé de retourner avec fes prifonniers & d'apporter lui même la nouvelle de fon expedition. A fon arrivée,qui fut le 14 Octobre de la même année, fes amis lui firent connoitre la faute qu'il avoit faite, & qu'il devoit fe préparer a fe disculperau moins avec 1'apparence de raifons, car fes ennemis & envieux étoient prets a le noircir devant le confeil: mais lui fe fiattant que la réusfite d'une expedition qui étoit regardée comme presque im* pos* Negres de juca,nos nouveaux alfiés.fa verité decefait& alors on faura qu'ils ont nommé ce village, de Creoies rafé par Nasfy, de deux manières; gri-gri. & Nasfy Broko. Gri-gri dans le jargon du pays, ou Negre-anglois, fignifie metaphoriquement le fon que font les piedi nuds fur la terre, lors qu'on court vite; dem ron gri. gri, veut dire, ils ont couru trés vite en fuyant, Nasfy Broko, fignifie, Nasfy la démolit. car Broko, veut dir© élement démolir, casfer, rompre, ruïner, &e.  COLONIE de SURINAM, 95 posfible, lui feroit obtenir quelque indulgence de la part du confeil, s'y prefenta quelques jours après fon arrivée avec toute la confiance posfible. Le confeil, principalernent le Gouverneur Mr, Mauritius 1'accabla de mille accufations, entr'autres d'avoir óté des mains des Negres appartenant a des chretiens qui fe trouvoient dans cette expeditions, le butin/.qu'ils firent fur les marrons pour les donner a ceux des Juifs; d'avoir depenfé trop de vivres qu'il avoit apporté aux bois; & fans entendre fa défenfe, on le condamna a réparer les prétendus torts fait aux Negres ót a quelques Indiens, Sc on lui prépara en outre un Proces Criminel. Cette réception & les accufations inattendues qui faifoit écrouler d'une fois 1'édifice de toute fa gloire, firent un effet fi terrible fur le cceur de ce brave homme, qu'il prit une. fievre, qui terraina fes jours a 1'age de presque 67. ansi Par Ia mort M. Js., Carrelho fut élu Capitaine a fa place, fuivant fon acte datée de Decembre de la même année 1743, Malgré toutes ces expeditions quelques fois fort heureufes des Bourgeois chrétiens & juifs, les bois fe remplisfoient de jour en jour de nouveaux fugitifs, 5? les ghemius des rétraites, ou la connoisfance des forêts étoit devenuée trés facile aux efclaves a caufe des.expeditions continuelles qu'ils faifoient avec les blancs, & qui leur enfeignoient pour ainfi dire les fentiers fecréts pour fe réjondre aux marrons: cette rajfon. & beaucoup G 3 d'au-  56 ESSAI HISTORiQUE sur ia d'autres firent concevoir un plan au Gouverneur Mauritius, a 1'imitation de la Jamaïque pour faire la paix avec les marrons de Saramaca, qui étoien? en plus grand nombre, & enfuite aidé par eux de detruire ceux de 1'autre coté de Surinam; ce plan fut propofé au confeil, & après mille debats, il fut approuvé & mis en execution, qui pourtant ne dura que trés peu de tems , car les differens qui s'élevoient entre le Gouverneur, les Confeillers, & les habitants, eurent des fuites trop facheufes , & furent Ia caufe que rien ne fut tenu de ce qu'on avoit promis aux Negres; ils craignoient en outre que la paix propofée & conclue n'étoit qu'un piège que les blancs voulusfent leur tendre, rompirent la paix fubitement, & les hostilités commencerent de part & d'autre avec plus de rage & d'acharnement que jamais. Le confeil ne fachant alors que faire, prit en 1749, la réfolution d'envoyer h la fois 2 grands detachement de bourgeois,pour marcher contre lesNegres d u M. Coma. L'un par la riviere de Commowine fous le Capitaine Rynsdorp, & fautre par celle de Surinam, derrière la crique de Casfewine fous le Capitaine Lieutenant Juif Mos. Naar, (qui malgré fon Ége s'offrit a faire cette expedition qui étoit fa 17e, fous feu le Capitaine Nasfy) avec ordre que ces deux (*) Voyez tout cela plus en detail dans La richesfe de la Hollande, tom, {. depuis page 305 jusqu'a* 325.  COLONIE de SURINAM. 97 deux detachements dévoient fe réjoindre en ca$ de befoin après quelques tems, dans un certain endroit a la hauteur de ces deux rivieres, M. Naar eut le bonheur de réncontrer des traces de fugttife, & raarchant fur fes traces, il découvrit en les fuivant une grande peuplade qu'il attaqua & réduifit en cendres, ayant fait 37 Negres prifonniers & entr'autres le Chef des rebelles nommé Coridon, que le Confeil avoit ordonnée de prendre vivant, fi cela étoit posfible ; il laisfa en outre un fort detachement pour pourfuivre ceux qui étoient échappés, lequel amena encore 20 Negres vivants, ce qui fit le nombre de 57, outre un grand nombre que le detachement de Mr. Naar, avoit tués a cette occafion, Ceux des rébelles qui cependant échapperent de 1'attaque eurent le malheur de tomber du cöté ou marchoit M. Rynsdorp, qui en fit prifonnier un grand nombre, ce fait est conftaté par un préfent de la valeur de / 150. & une caffetiere d'argent que le confeil fit au dit M. Naar, avec les armes de la Colonie gravées desfus (*). Les rage que les Blancs congurent contre les Negres, les fupplices cruels qu'ils firent fouffrir aux del'erteurs ne contribüerent comme nous 1'a* vons déja remarqué qu'augmenter leur audace, & le (*) Voyez deux réfolutions du Confeil du 10 & 12 Mars 1750. piece No, 10, i & 2 IA G 4  S>3 ESSAI HISTORIQUE sur la le penchant qu'ils avoient asla defertion. Parmi une quantité de villages de rébelles épars dans les forets immenfes de la Colonie, éloignés des habitations de 25 a 30 lieus, il y avoit une petite bourgade fur une crique appelé Juca, derrière une montagne d'une hauteur prodigieufe; ces Negres, comme nous Pavons marqué ci-desfus ne fe trouvoient point jusqu'a 1749,en nombre fuffifant pour commettre des hostilités , mais cependant comme dans la même année leur nombre s'accrut par celui des Negres de Torna, ils eurent le courage de fe jetter fur Phabitation d'en Juif connu fous le nom de Auca, fituée plus haut que la Savane, ou il y avoit 50 ésclaves fans aucune defenfe; ils y brülerent les maifons pillerent tout & enleverent prèsque tous les Negres grands & petits qu'il s'y trou-? voit; ce fut la première hostilité que cette Bourgade de Juca devenue fi rédoutable après la fuite desNegres deTempaty en 1757, aye fait: & quoique cette attaque confterna & mit en allarmes tous les habitants du haut de la riviere, ils la fuppofoient pourtant être caufée par les Negres de Phabitation même qui s'enfuirent d'eux mêmes, fans avoir été pris par les marrons. rOfficier de Bourgeoifie Juive, M, If. C. Nasfy, jeune encore & fans expérience encouragé malheureufement par cette der> fiiere fuppofition, connoisfant en outre le peu de force qu'avoit cette habitation d'Auca , ramasfa i la hate douze de fes amis, tous jeunes gers accompagnés de leurs meilleurs esclaves, & avec peu  COLONIE de SURINAM. 59 peu de munitions de Guerre, & de provifions pour 10 a 12 jours , ils partirent fans perte de tems a la pourfuite des fugitifs, & fuivant leurs traces, ils réconnurent qu'ils avoient a faire a une troupe de Gens armés, & en grand nombre. flntrépidité de 1'CfHcier au lieu de réculer, le portaalesattaquer, & foutenir une escarmouche des plus fanglantes; quoique la force étoit fi inêgale, les blancs foutinrent le combat depuis le matin jusqu'aufoir, mais ayant eu le malheur de voir tomber a cöté d'eux le Bourgeois Abm. de Britton, un mulatre juif, & 3 ou 4. de leurs bons esclaves, ils perdirent courage; 1'Officier Nasfy, qui dans 1'action avoit recu un coup de fufil dans Ia jambe fit de grand efforts pour ranimer fes gens, mais cefuten vain,ils prirent la fuite dans le plus grand desordre, de forte que le pauvre Officier, qui ne pouvoit presque marcher a caufe de fi blesfure , delaisfé par les fiens, fut pris vif par les ennemis, qui lui firent fubir (fuivant le rapport que ces inhumains en ont donné lors de la paix conclue avec eux en 1760) Ia mort la plus cruelle; i!s nous ont asfurés plu« fieurs fois d'avoir perdu dans ce combat plus de so hommes, entr'autres deux des principaux chefs de leur bourgade, & que fi ce n'avoit été a caufe de la mort de ces chefs, dont les families s'acharnoient a tirer vengeance des blancs, ils Fauroient gueri & entretenu, pour avoir le plaifir de fe faire fervir par un blanc. Tous ces exploits & beaucoup d'autres faits par G 5 les  jog ESSAI HISTORIQUE sur la les Juifs, (qui, quoique connus de la Nation, nous ne decrirons point, paree que les archives de la Colonie, ne nous ayant point été ouverte, nous ne pouvons tnentionner les dates des expéditions, ni le nombre de fugitifs amenés, par différens Officiers de Bourgeoifie,") mériteroient certainement d'avoir été conlignés, dans l'Hiftoire de Surinam; d'autant plus, que de tous les faits qui y font rapportés, aucun n'eft accompagné de tant de progrès que ceux des Juifs, dont nous venons de faire mention;& fi nous avons réfolu de debrouillerlecahos de nos vieilles archives , d'examiner les différens papiers des Capitaines & Officiers de Bourgeoifie que chaque familie refpective eutfoin deconferver, & de nous informer encore de nos vieillards qui fe trouvent en vie, ce n'eft nullement dans 1'intention d'éléver le mérite de la Nation au-desfus des Chrétiens nos compatriotes; mais c'eft dans la vue de faire connoitre, la disfimulation ou bien 1'ignorance des Auteurs qui ont écrit fur Surinam. Les Juifs ont de tout tems contribué de leurfang, de leur argent, au bien-être de la Colonie; ils ont bravé tous les périls, facrifié leurs préjugés réiigieux, faerifice, du, fans flatterie a la protection que les Seigneurs Proprietaires leur ont toujours accordée quoique mille fois éludée a leur inscu par la haine & 1'envie heureufement fort gratuites qu'on leur portoit. Nous nous fiattons que perfonne ne nous faur'a mauvais gré d'avoir nous même taché de iuftifier par le rapport des faits véridiquesi la Na-  COLONIE de SURINAM. 101 Nation a laquelle nous appartenons. d'Ailleurs,en rapportatU ce que les Juifs ont faits, on n'ab.iisfe point te mérite Jes braves Chretiens, qui ont fait tout ce qui étoit en leur pouvoir, pour le bonheur de ia Colonie. Cette espece de victoire remportée par les ennemis , leur nombre devenu prodigieux après l?année 1757 comme il eft marqué ci-desfus, augmenta le courage des Marrons, & mirent la Colonie a deux doigts de fa perte, au point qu'il ne refta d'autre résfource que celle de faire la paix avec eux; de forte que ce que la disfention, ou pour mieux dire 1'esprit de contradiction fut rendre vain dans Ie tems du Gouverneur Mauritius, fut enfin régardé comme un bonheur fuprême; d'autant plus qu'il fembloit que les ennemis mêmes démandoient la paix par plufieurs billets qu'on rencontroit fouvent fur les lieux ou ils exercoient leurs hoftilités, écrits par un d'eux nommé Bolton,qui apprit agriffonner chez fon maïtre avant fa fuite; on fit en conféquence des pro-r pofuions de paix, qui fut accordée en 1759 & 0o & rapportée tout au long par Hartfinck (*). Si cette paix ne fit pas entierement Ie bonheur de la Colonie, elle contribua au moins a Ia tranquilité des Colons; nous aurons occafion de parler de fes fuites plus en détail, jettons les yeux {*) page 779I & fuivante.  102 ESSAI HISORIQUE sur la fur les disfentions domeftiques de la Colonie, qui lui furent fort onereufes. L'accord que les Colons firent avec les Seigneurs Propriétaires en 173?!, au fujet des fortifications approuvé par L. H. P. en date du 19 Décembre de la même année, & que des difficultés empêcherent d'avoir lieu, comme nous 1'avons dit ci desfus;fut de toutemps le germe de Ia discorde. Les Colons devóient par le dit accord contribuer annuellement pendant fept années la fomme de foixante mille florins, & ces Seigneurs celle de vingt mille. Quelques autres différens qui s'etoient éléves entre les deux parties contractantes au fujet de la pereeption de eet argent & 1'execution de eet accord; ont donné lieu a de nouveaux articles fignés a Paramaribo le 6 Mars 1748 6c ratifiés encore par L. H. P. les Etats Généraux le 16 Janvier de 1'année fuivante; par lequel les articles 27 & 30 de 1'octroy du 23 Septembre 1682 qui portent, que les fortifications Jeroient a la Charge de la Compagnie , r3f qu'on ne. Jeroit point authori/é h lever des impofitions que Jous fapprobatinn de L. H. P. étoient tacitement, revoqués, par la condamnation volontaire des Colons, d'autant plus que fuivant 1'article 30, les accords furent confirmés par 1'approbation de L. H. P. les Etats Généraux. Cependant les Colons cherchoient le Fil d'Ariadne, pour fe rétirer du labyrinthe ou ils s'étoient engagés eux mêmes , & s'y trouvant. pris fans resfource, ils éclaterent  COLONIE de SURINAM. 103 fur des bagatelles de peu de coniidération, cherchant fouvent des querelles contre tous ceux qui leur fembloient attachés aux Seigneurs Propriétaires & combinant ces différens avec des particularités perfonnelles, ils formerent un cahos de plaintes & de tracasferies contre le Gouverneur Mauritius, & quelques Confeillers, au fujet de la paix qu'ils avoient faites avec les Marrons de Saramaca, que nous avons rapporté ci-desfus & au fujet de quelques impofitions qu'ils vouloient mettre fur les objets de luxe de la Colonie en Général. La politique de M. Mauritius, fa capacité, posfedant plus les lettres, que tous fes adverüiires enfemble, & a qui Pefprit poé'tique faifoit lacher quelquefois des expresfion* un peu mordantes ou fatiriques contre ceux qui s'oppofoient a fes idéés, trop fines pour être fenties d'abord, exciterent la haine contre lui; & attribuant toutes fes actions au feul penchant de dominer, ils fe mirent i confidérer fon adminiftration & celle de fes maïrres avec trop de prévention. Mr. Mauritius, d'abord tranquille , & enfuite agité par les pasOons perdit également de vue les bornes de Ia discrétion, & tout fut mis dans 1'état de la discorde la plus complette ; chaque parti ne cherchoit qu'a augmenter le nombre de fes partifans, pour s'entre-déchirer par des écrits foudroyans & licentieux dans toute Ia rigueur du terme. Le départ pour la Hollande en 1747, de M. Du Plesfis, ennemi mortel du M. Mauritius pour former , des  104 ESSAI HISTÖRIQUE sur £a des plaintes contre lui, fournit des öccafioné favorables pour y ajouter de nouvelles, contre le Gouverneur & contre les Seigneurs Propriétaires. „ Le juif," dit M. de Pinto, Lettres! dé quelques Juifs a Monfieur de Voltaire, tom. I. pag. 13., eft un Caméleon qui prend partout les couleürs des différens climats qu'il habite, des différents „ peuples qu'il fréquente j & des différentes formes „ de góuvernements fous lesquels il vit, "en conféquence au milieu de tant de discusfions j les Juifs ne fcurent fe tenir neutres; la partie adverfe de M. Mauritius fut gagner M. J. Carilho, Capitaine de la Bourgeoifie Juive, homme riche, & d'un grand Crédit parmi les Juifs, & chez qui Paufterité des moeurs & 1'intrépidité tenoient lieu de politique & de fagacité. Celui-ci fe joignit donc au parti oppofé au Gouverneur, figna au nom de la Nation en Général divers écrits contre lui. M. Mauritius, confidérant le tort' que les plaintes d'une Nation en Corps i dont Ie nombre des individus formoient plus d'un tiers de la population des blancs, pourroit lui faire auprès de fes raaitres en Hollande, fit fes plaintes au Régens de la Nation; ceux. ci qui en qualité de Régens font fuivant les Privilêges les uniques réprefentants de la Nation, fans la concurrence des Capitaines de Bourgeoifie, firent un procés a M. Carilho , tant a caufe de la faculté qu'il avoit pris de figner des réquêteS au nom de la Nation, qu'a caulè d'avoir eontri- bug  COLONIE m SURINAM, 105 bué a rendre leurs Privilêges & franchifes d'une ïégiilité douteufe,-au desavantage de fes freres* Les deux partis qui fe déchiroient parmi les Chrétïens, prirent fous leurs protections leurs adherans parmi les Juifs, & mirent la Nation entiere dans la disfention la plus malheureufe, caufant même par la, a 1'exception de la pretendue caufe commune qu'ils defendoient, de fortes discusfions fur la régie inferieure de la Sinagogue, la nature de leur conliitution , leurs Privilêges , leurs Ceremonies réligieufes, de forte que Mégere, & le monftre du fanatisme s'éléverent parmi les Juifs , & rendirent leurs habitations comme la Colonie en général, le théatre de la discorde. Depuis ce moment les Etats Généraux fe virent accablés de réquêtes d'une part, & de répliquts de 1'autre, jusqu'a ce qu'enfin L H. P. prirent le ao Décembre 1747,1a réfolution d'envoyer toutes les pieces écrites par Du Plesfis & Carrüho au Gouverneur Mauritius, avec ordre de leur faire parvenir au plutöt fa juftification, &c. Dans la même année les Juifs craignant les fuites funestes de ce qui avoit lieu dans la Colonie, & le tort que cela pourroit faire a leurs Privilêges, addresferent une lettre aux Seigneurs Propriétaires, pour les prier d'employer leur intereesfion auprès de L. H. P. & ils recurent par la voye du Gouverneur, leurs aslurances a eet égard par  io6 ESSAI HISTORIQUE sur i>a par une lettre datée du 6 Juillet 1747 ou ces Sei^ gneurs approuverent la conduite des Régens tenue dans cette occaiion (*)♦ Après mille débats de cette nature les chofes resterent cependant dans un état d'indecifion jusqu'au 3 de Février 1750, que L. H. P. trouverent a propos de rémettre toutes les pieces du procés au Haut Confeil pour qu'après les avoir examinés, il fut dispofé la desfus en conformité de fon avis. Cependant, par une autre réfolution du 22 Mai de la même année, les Etats Généraux ayant réquis & authoriféfonAlt. le Prince d'Orange de prendre incesfamment les mefures qu'il jugeroit les plus propres au rétablisfement de la tranquilité, ainfi que de la fureté de la Colonie alors troubJée plus fortement pas les incurfions des Negres fugitifs, fon Altesfe Sérénisfime fut d'avis d'y envoyer des Commisfaires avec quelques troupes & 1'on forma un régiment de 60c hommes tirés de toutes les garnifons de 1'Etat; le commandement de ces troupes fut donné a Mr. Ie Baron de Sporcke, Major Général d'Infanterie, avec le titre de premier commisfaire, auquel on joignoit en cette derniere qualité, Mr. Bosfchaart Penlionnaire de la Ville de Schiedam & Mr. de Swart Steenis Confeiller de celle de Gorcum, qui étoient chargés de prendre connois- far8•, {*) Foyez Pitee, Ne. II.  COLONIE de SURINAM. i*>7 ffehce de PEtat des chofes dans la Colonie, & d'y faire les dispoütions qu'ils jugeroient necesfaires. Ces Commisfaires étant arrivés a Surinam au mois de Décembre 1750. y rendirent le 14 d'Avril de 1'année fuivante, uhe Publication concue en ces termes. „ Les Députés de S. A. S. Mgr. Ie Prince d'O„ range & de Nasfau &c. font ƒ avoir, qu'après r „ avoir pris les informations nécesfaires au fujet des „ troübles qui fe font élevés entre la Régence, & quelques uns des Propriétaires des Plantations de „ cette Colonie, les Commisfaires Bosfchaart & „ Steehis, font dans la réfolution de rétourner au plutot en Hollande pour en faire un rapport exad: „ a S. A. S. ainli que des dilférens griefs qui leur .., ont été rémis aü nom & de la part de quelques „ uns des habitants de cette Cólohïe; afin que fa i, dite Altesfe en juge 1'uivant fa haute fagesfe &c* „ & qu'enfin comme nous avons jugé nécesfaire „ d'envoyeren Hollande M. J. J. Mauritius, Gou„ verneur de cette Colonie, (fauf fon honneur, & „ la confervation de fes appointemens,) nous avons „ provifionellement chargé de eet employ Ie Baron „ H. E. de Sporcke, Major Général au fervice de „ la Répubüque & Commandant des Troupes qui „ fe trouvent actuellement dans cette Colonie, lui „ conferant le même pouvoir & Ja même autorité ü qu'a eu jusqu'a préfent M. Mauritius." Ces deux derniers Commisfaires de rétour en Hollande au mcis d'aout fuivant, avec M. MauJï Partie, H ri«  io8 ESSAI HISTORIQUE sür la ritius-,réinirent conjoinctement avec d'autres pieces une démonftration fignée par des Bourgeois , conté* nant des griefs en 52 articles fort détaillés, dans laquelle,les articles XII,XIII & XLIII, font éclater toute leur haine envers la Nation Juive en général, fans ménagement pour Carilho qui étoit de leur partij mais le premier feu de la paslion étant pasfé, ils n'avoient plus befoin de régarder un Juif pour un de leurs partifans. Qu'on fasfe le paralelle de cette rémontrance, avec la réquête prefentée par eux mêmes au noms de 41 Bourgeois, en faveur de M. Carilho en Octobre 1747- 9"' fe «ouvedans le récueil de M. Mauritius, & 1'on verra d'une facon bien claire combien on fe contredit, on fe dément , en parlant des Juifs : obfervation qui doit fournir des Iecons lumineufes a la Nation pour lui apprendre, a être fur fes gardes, dans de pareils cas. Cependant, s'il n'est pas permis, s'il est même condamnable de perfécuter ou de Calomnier une Nation entiere fans caufe valable, il est a plus forte raifon, plus condemnable encore de temer a dénigrer les Juifs d'une Colonie, dont Porigine & fes progrès, leurs font en beaucoup de circonftances rédevable,& auxquels le Souverainór les Seigneurs Propriétaires, ont donné fouvent des marqués de contentement, & ont fait jouir de toute leurs protection. d'Ailleurs, quels crime*, avoient COÖl' ("■) Tom. Ii ras» 79« No. 3.  COLONIE de SURINAM. 109 commis les Juifs pour qu'on püt les calomnier au point de les accufer comme on 1'a fait dans ces articles. Principalement dans 1'article XII, ou 1'on compare leur Savane a un répaire de voleurs; & ou 1'on fuppofe leurs voix vénales a la nomination desv Confeillers de Police j au gré du Gouverneur, Si, au lieu de fe rendre a la follicitation des particuliers, les Régens ne connoisfant point les talens de ceux qu'on déftine a la nomination, s'informent du Gouverneur de la perfonne Ia plus propre a être nommée; & lorsque la Nation fe fixe dans fon choix, 1'union de fes membres fait triompher leur petit nombre, fur celui des autres Colons qui fe divifent fouvent, & forment de petites cabales; est-ce un crime. Et fuppofant encore (Ce qui n'est nullement prouvé) que le Gouverneur leur démande leurs voix, ne feroit ce pas encore un devoir de ia Nation, Iorsqu'elle ne condamne point fa confcience, d'êtreplus attaché au Gouverneur, qu'aux autres qui oht cherché de tout temps a 1'accabler de mépris, tandis que la protection de ceux que ce même Gouverneur répréfente, les avoient mis a Pabri d'être perfécutée ? & qu'est ce que veut dire encore ce privilege de contribuer a la nomination des Maglftrats de la Colonie? un Negre libre qui a une Baraque ou ün morceau de terrein en propre,ne jouit-il pas du même droit? Cette efpece de liberté démocratique que le pouvoir légiflatif a cédé aux habitants d'une Colonie qui rravaillent également, & pour leur bonheur & pour celui de Ha 1»  ito ESSAI HISTORIQUE sur la la mère patrie, est il fufceptible d'obfervations ausfi pueriles qu'injustes? M. Hartfink, fans vouloir fentir Ia vérité de ce fait, entrainé peutêtre par fes propres préjugés, dit (*) qne cette liberté donnés aux Juifs , blesfe encore le coeur des autres habitants, pourquoi n'y a t'il pas ajouté le mot dinjuftement pour raontrer fon ïmpartialité? Les trois articles ci-desfus mentionnés qu'on trouvera dans la piece No. 12. combinés aux faits que nous avons cités dans eet écrit, juftifieront ce que nous venons de dire, & le paralogisme, la pasfion & Ia haine même, qu'on y trouve est la meiileure preuve que peut avoir la Nation pour démontrer fon innocence, ausfi la décifion dé L. H. P. mife a coté de ces 3 articles, & leurs réfolutions du 24 Avril 1755 (f) mettent encore le fceau a cette vérité, & font triompher les Juifs a eet égard. Mais rétournons aux affaires de M. Mauritius pour révenir a celle des Juifs qui dans ce cas ci fe trouvent identifiées avec tout ce qui fe pasfoit alors en Hollande , au-fujet des tröubles de la Colonie. Le jugement du haut Confeil en Hollande au fujet du procés entamé pour & contre M. Mauritius, acheva de faire éclater 1'innocence dudit Gouverneur 1 nous ne disfiraulerons point cependant,- (*) Pige 875. (tJ Piece, No. 55,-  COLONIE de SURINAM. m dant,fuivant des rapports que nous avons eu,que M. Mauritius, n'aie été felon fa coutume un peu inconféquent; mais nttllement d'un carnctere amfl réprochable , que le fuppofent les auteurs des Lettres fur Esfequebo & Démerary que nous avons cités, & nous penlbns, que, fi les Colons avec moins de pasfions, moins d'impétuofité & plus de moderanon & de fagesfe avoient feu lui faire leurs réniontrances, fon zêle pour la Colonie auroit fait régretter longtems fon Gouvernement. d'Ailleurs Mr. Du Plesfis, qui fut 1'autorifé de fa partie adverfe, n'étoit point d'un caractere propre pour de femblables commisfions3ÏIs firent, lui & fes adherans tant d'arguirens pueriles contre fon adverfiire que la politique de M. Mauritius eut prife fur eux, a 1'avantage de fa caufe, & qu'ainfi fur des procédures criminelies queleFiscal de ia Généralité entama tout de fuite contre M. du Plesfis (qui étoit déja mis en prifon) il re fe tira dWaire qtt'a Ia faveur de 1'amnestie générale du 20 Juillet 1753 dont L. H. P. fur fa réquête voulurent bien le faire jouir, a conditioi] néanmoins, de payer les fraix de fon arrêt, & fous la défenfe expxèsfe de ne jamais rétourner dans Ia Colonie. A peine les deux Commisf.iires qui étoient de rétour en Hollande avoient-ils fait leurs rapports au Prince Stadhouder, que la mort de S. A. S. arrivée le 22 Octobre 1751 rétarda pour quelque t£m. les* méfures qu'il s'agiffoit de prendre eij H 3 coni  sia ESSAI HISTORIQUE sur la confequence; & a la demande des principaux in? teresfés & habitants de Surinam, S. A. R. Mad. la Princesfe Gouvernante avoit été réquife par une réfolution des Etats Généraux du 20 Octobre de la même année, de vouloir fe charger de la commisfion jusqu'a 1'entiere décifion de toutes les affaires, & fur la propofition de feu S. A. S, pn arrêta le 22 Juin 1752 de continuer encore pour une année le fejour des troupes de 1'Etat dans Ia Colonie, ainfi que de veillerpour les fonds deftinés a leurs entretien. Les Régens de la Nation étoient dans ces Intervalles aux prifes avec M. Carijho , foutenu avec éclat par la partie adverfe de M. Mauritius , (*) qui après le départ dudit Gouverneur fut encore foutenu d'avantage par le Baron de Sporcke,a caufe des fortes récommaudations qui lui étoient yenues de la Hollande en faveur de Carilho de la part de Mr. Soasfo de la Haye, ami intime dudit M. de Sporcke,ce qui enhardit tellement Mr. Carilho , qu'il fut encore faire démettre Mr. Abm. Dacosta de 1'employ de Régent, fous prétexte qu'il étoit trop jeune pour en être révétu. Sur quoi les Régens prirent la réfolution d'envoyer des Commisfaires en Hollande au nom de la Nation, & commirent pout cette fin Mr. Ifak Nasfy, qui partit de Surinam au mois de Juillet 1751. Ce q^ui fit que Mr. Carilho envoya C!) Yoyez cette procedure dans Ie récueil de Mauri'Jas j folio tooi. 3.  COLONIE de SURINAM. n3 fix mois après fon Fils M. de Barrios chargé de fa procuration pour tenir tête au Commisfaire des Régens, qui fut encore fuivi par le jeune Dacosta lui même; de forte que tout ce qui concernoit les affaires de Surinam , tant générales que pafticulieres des Juifs & des Chrétiens, fe trouvoient également en Hollande, & étoient défendues par les comités de toutes les parties: & quoique les affaires de la Nation occupoient également S. A. R. & faifoient une partie bien fenfible des troubles de la Colonie, aucun historiën de Surinam n'a daigné en faire le moindre rapport, aparamment pour ne pas publier les privilêges que le Souverain lui-même avoit concedé pour leur bonheur & leur tranquilité, comme on peut le voir par les pieces justificatives (*) dont nous parierons bientöt. Dans eet amas de discusfions, qui caracterife d'une facon bien linguliere Ia foiblesfe de féfprit humain, fes écarts en morale au dépens de fa tranqullité & de fon bien être; & qui démontrent combien le caprice feul, & la pasfion de deminer, ont pü changer les moeurs fimpies des habitans d'une Colonie agricole , tant Chrétiens que Juifs, & produire des effets ausfi malheureux, fur lesquels nous pourrions dire avec Stace: ExciJat illa dies avo, wc postera crtdatit. («) No. 13, 14 & 15. H4  1,4 ESSAI HBTORIQUE sur la L. H. P. par une réfolution datée du 20 JujHet ?753- qui contient dans le plus grand détail les méfures concertées entre les Commisfaires de S. 4. R. & les députés des Seigneurs Propriétaires 9 mirent fin a cette affaire. Voici le précis de cette piece; Ie ie point régardoit Ia fatisfaction a donner au Gouverneur Mauritius a qui 1'on payeroit pour une fois la fomme de quinze mille florins; le 2e, 3e & 4e concernoit le rappel des Troupes de 1'Etat, & leur remplacement" par 300 hommes d'augmentation du Corps de celles des Seigneurs Propriétaires favoir 125 a leurs fraix, & 175 k ceux des Planteurs & habitants; Ie 5e eft rélatif au changement de la Régence de Surinam, il fut convenu de licentier tous les Confeillers actuels de Police, & de les remplacer pour cette fois & fans, confequence pour Pavenir, par neuf nouveaux Confeillers dont S. A. R. féroit 1'élection, tirés de la liste qu'elle avoit formée avec les Seigneurs Directeurs de la Colonie, c% quelques uns des principaux Planteurs & Habitants, en ordonnant a Mr. Crommelin Gouverneur ad interim (par Ia mort du Baron de Sporcke) de leur faire prêter le ferment ordinaire ; Ie Ge concernoit les moyens de défenfe & d'amelioration de la Colonie; & le 7e donnoir, force de loi a la décifion de S, A. R. fur les 52 points de" la rémontrance de divers planteurs i% habitants. Pour ce qui concernoit la Nation Juive, Mr. J. Nasfy, après mille débats qu'il eut a fotitenir contre Mrs. de Barrios & Soasfo, tu . t -~ qui  COLONIE de SURINAM. u$ qui défendoient avec zèle tout ce que leur ami Mr.' Sporcke avoit fait a Surinam. S. A. R. dans la même intention, & fans aucune différence ni dans les termes de fon décret ni dans rien qui auroit pu déceler d'avoir concu quelques indifférence pour les Juifs,dont la tranquilité devoit fervir également au bonheur de la Colonie en général, écrivit une Lettre aux Régens de la Nation datée du 27 May 1754 dans laquelle parmi divers autres articles §. A. R. leur déclare que fuivant Farrangement qu'elle avoit prife avec les Seigneurs. Propriétaires, & le comité de la Nation Mr. If. Nasfy, elle h pris fur elle de faire une nouvelle élection de Régens pour cette fois, & fans confiquence pour l'avenir, fuivant la nomination .y inclufe &c. leur ordonnant en outre que, vu les plaintes formées contre les Privileges de la Nation, les Régens auroient foin de lui envoyer incesfament le récueil de tous ces Privileges, afin d'être examinés (*): enfuite S, A. R. pour donner plus de fondement k fa dispofition & mettre la nation a 1'abri de toute forte de perfécutions, fit examiner les inftitütions écclefiafiico-politique de la Nation, & celles qui ont du rapport a fon iribunal de procedure, civile, contesté plufieurs fois par le confeil de Police, & par la rémontrance des Planteurs, art. 12. dont nous avons par (*a Voyez Piece Juftif. No. 13, H J  Ilö ESSAI H1ST0RIQÜE sur tA parlé plus haut; & après avoir entendu les deux parties, elle donna fon approbation a ce corps de loix connu fous le nom hebreu iï/hcamoth. (*) II ne réftoit pour terminer ces différens que 1'examen du récueil des Privilêges de la Nation (fuivant fa lettre du 27 May 1754) depuis le Gouvernement Anglcis, jusqu'a ce tems & malgré les injuftes obfervations de la plupart des Colons, Leurs Hautes Puisfances fur 1'examen de toutes les dispofitions faites par S. A. R. après 1'avoir rémercié du foin qu'elle avoit eu pour le bonheur de la Colonie, L„ H. P. donnerent leur approbation aux privilêges des Juifs (i-). II feroit peutêtre fort inutile de nous étendre d'avantage fur les objets de ces malheureufes discusfions qui porterent des coups funestes au bien-être des Colons & firent naitre en eux un penchant décidé pour les procedures , qui en épuifant les finances, rendent les moeurs peu douces & peu louables Celui qui voudra avoir le plaifir de connoitre plus en détail ces affaires peut confulter les 5 volumes in folio qui furent imprimé en Hollande en 1752. & 1'Histoire générale des Voyages, tom. XXI. depuis page 104, jusqu'a na. Cette connoisfance, quoique dans le fond ftérile feroit pourtant de quelque utilité pour les habitans ac- tuels (*) Voyez Lettre de S A- R. écrite] aux Régens en date du 22 Aoüt 1754. Piece Juftificatoire, No. 14. (f \ Voyez Piece Jujiif.. No. 15.  COLONIE de SURINAM. 117 tuels de Ia Colonie en général; car en confiderant les défauts de nos ancêtres, les maux que leurs caprices & leurs emportemens leur ont caofés, Ia honte de tant d'infultes & d'ignominies de part & d'autres qui ont rempli 5 volumes in folio, leurs donneroient des lecons fort édifiantes pour éviter les écueils que les déreglemens des pasfions, nous ofFrent dans chaque inftant de la vie , & qui mettroit a eet égard pour ainfi dire Ia morale en action. La Colonie malgré ces dispofitions & les foins qu'eurent L. H. P. & les Seigneurs Propriétaires pour le bonheur des Colons, ne tira cependant aucun profit de tous ces arrangemens; d'ailieurs, les dettes contractées par les Colons dans leurs procedures pafTées; la fuite continuelle des esclaves| les incurfions des marrons; le peu de foin, que par tant de caufes réunis, ils purent donner a la culture de leurs habitations; & pour comble de malheur, le luxe introduit depuis quelques années, & augmenté prodigieufement aprés 1'ar'rivée des Commisfüres de M^nfeigneur le Prince d'Orange & après le féjour du Général Baron de Sporcke; mirent Ia Colonie dans un Etat peu favorable. Pour fubvenir a tant d'inconvenients , & remplacer le déficit des Negres fur les Plantations, il n'y avoit d'autres moyens que celui de prendre les avances nécesfaires des négociants de la Hollande. Amfterdam fe trouvoit alors en état de placer beaucoup dargent a interêt, & perfuadé que le calme, qui devoit régner a Surinam après tous ces temps d'o- ia-  siS ESSAI HISTORIQUE sur la rages, feroit ameliorer les habitations & étendre la culture du caffé & du fucre qui donne tant de bénéfice a la mèrepatrie, fausfitot que les propriétaires de ces Plantations auroient des moyens d'obtenir les avances pour augmenter le nombre de leurs esclaves, & fubvenir aux autres fraix nécesfaires; congut en conféquence 1'idée de faire offrir de Pargent a un interêt de 6 pet. par an, fous des hypothéques légales; & ce fut Mr. le Bourguemaïtre Deutz, qui forma le premier le plan de ces avances qui furent imités tout de fuite par les négotiations des autres Provinces de la Répubüque. Les Colons, énivrés encore dp leur folie, accoutumés déja a tout ce qui pouvoit leur donner de Péclat; régurent eet offre avec avidité: & tous les Planteurs, tant Chrétiens que Juifs prirent indifféremment part a ces nouvelles négotiations & hypothéquerent leurs Plantations. La facilité d'avoir tout ce dont ils avoient befoin , en remplisfant feulement une demi feuille de papier qui conftituoit des lettres de change tirées fur les correspondans; 1'objet, de 1'efpece fonnante qui ne frappoit point leurs yeux, leur firent méprifer pour ainft dire Pargent, & dépenfer leur crédit avec prodigalité. La bizarerie de 1'esprit humain , la fottife des hommes, 1'enfantillage qu'on trouve fouvent mêlée a Page mur, fe fit fentir de mille manieres, & fi 1'on fe donhe la peine d'examiner leur origine , on trouvera que des caufes encore plus innocentes., fc plus fimpies, ont donné naisfance a beaucoup de ré-  COLONIE de SURINAM» st9 révolutions, & de préjugés funestes: & n'arrive t'il pas même encore de nos jours (généralement parlant) la même chofe a 1'égard de notre monnoye de papier; fixe t'on la même peine a nous dépouiller d'une Carte de dix Escalins que d'un piastre en argent lorsrju'on achete a crédit : le plus econome, le plus mesquin même , régarde t'il de fi prés a fon achat, que lorsqti'il le fait argent comptant? Si la nécesfité donc de réparer des fottifes commifes pendant 1'intervalle de 10 a 12 ans eusfe été fentie plus longtemps, & que le railbnnement eut démontré aux Colons que ce n'étoit, que des travaux continuels fur leurs habitations que dépendoit leur resfource, peutêtre que la Colonie ne feroit pas fi endettée qu'elle Pest a préfent, & les Colons avec moins de récoltes annuelles & rnoins de révenus, coaferveroit la propriété de leurs habitations, & la Colonie auroit encore fes propriétaires au- lieu d'agents qui ont 1'adminiftration de la plupart des Plantations, dont les maitres font en Hollande. Mais au lieu d'avoir fenti ce befoin , pour éprouver dans la fuite la felicité d'être fage, & au lieu que 1'argent offert a crédit, payable en vingt années eut été employé a augmenter le nombre de leurs esclaves pour faire accroïtre la culture, ils abuferent du crédit qui leur fut ouvert; & ce qui dans un autre temps & dans d'autres conjonctures auroit fait le bonheur de la Co.  jao ESSAI HtSTÖRJQUÈ si» Ia Colonie, ne contribüa alors qu'a Pembellir extérieurement, il est vrai; mais a endetter , au détriment & a la mine des Planteurs, qui étalerent fur leurs Plantations un luxe exceffif en batimens inutiles & en jardins d'ostentation qui furpasfent les meilleurs de 1'Amérique. Ce fleau d*autant plus fenfible pour une colonie, qui ne doit, & ne jpeutêtre régardée que comme agricole, accompagné de la fuite des esclaves de fixgrandes Habitations fituées au Tempaty en 1757, & les hoftilités commifes par les marrons fur celles de Palmeneribo, Ia Providence,Onobo & quelques autres en Cottica & Commowine, comme nous avons rémarqué cidesfus (*); acheverent malgré toutes les belles ap> parences qu'offioit le nouveau crédit, de ruiner la Colonie de fond en comble, ou au moins préparerent le germe de la détérioriation & du défastre qui éclatat quelques années après, dont les coups fe font fentir encore, & qu'on fentira plus longtems a moins que les négociants de la Hollande ne lè prétent aux moyens d'y rémédier. Heureufement encore que les allarmes continuelles ou fe trouvoient piongés les habitants, a caufe des incurfions des fugitifs, forcerent le Confeil de Police a faire la paix avec eux. Leur nombre fuivant le calcul d'auteurs cités, montoit alors au (*) Et qu'on peut voir plus en détail dans Hartfink, fag. 777 & 779. Tableau de Sünnara depuis pag. 14$ Jlwqu'a is©.  COLONIE de SURINAM. 121 au dela de 20 mille («), de forte que ce qui caufa tant de querelles, & de dépenfes contre le Gou. verneur Mauritius.'comme nous en avons fait men» tion en fon lieu, fut enfin admis comme un bonheur fuprême, & fon plan fuivi presqu'a la Lettre par ceux qui Faveient fi follement réjetté, & les préliminaires de la paixfurentfignéenOctobrei75Q.par deux Bourgeois deputés,par le Cour de Police M. M. Aberombi & Sobre, dans lesquelles il fut conditionné qu'on obferveroit une année de fufpenfion de toute hoftilité de part & d'autre , pendant laquelle les blancs feroient parvenir aux Negres les préfents accordés; cependant avant d'en voyer (4) Malgré I'asfurance de ces auteurs, des récherches exafts nous perfuadent, & ce que nous avons entendu de ces alliés nous le confirme , que le nombre de ceux de Juca en général en état de porter les armes, ne montoit alors que de 350 ou 400, & ceux de Saramaca de 550 è 600. Ce qui fait Ie nombre tout a^ plus de 1000 hommes, & en donnant encore a chacun 5 ou 6 perfonnes pour leurs families, le réfultat ne montera que presque a* 6ooo;ajoutons encore le tiers.fi 1'on veut, & on ne trouvera que presque 8 a 9000 amesl Ce nombre est aêtuelletnent diminué au point, que fuivant les récherches les plus exactes il y aura a Juca de 1800 i 2000 & a Saramaca 3000 è 4000 ames, ce qui fait enfemble 5 i 6oeo. (*) van Hartfink, page 793,  i22 ESSAI HIST ORIQUE sur £a voyer ces préfens, le confeil dépécha des Gommis^ faires en Avril 1760, & non pas en 1761 comme le marqué Hartfinck, pag. 797 pour arranger quelques articles de 1'accord dont on n'étoit pas encore finalement convenu, & en Oétobre de la même année i76o & non pas en 1761 comme le marqué encore Hartzink, (*) le Major Meyer partit avec un gros détachement chargé des préfents convenus; & c'est alors que les Negres fans vouloir obeir aux ordres dof Confeil, qui portoit de ne pas Ieür livrer le préfent fans prendre d'avance un nombre fuffifant de prinCipauX enfans en otage , pour être livrés entre les mainsdes blancs; prirent avec l'?grémentdudit Major Meyer, tout ce qui leur étoit déftiné, fous promesfe de porter eux-mêmes aux blancs les otages réquis, ce qui fut obfervé. après le départ du détachement: & c'est alors, & non pas avant, comme le dit Mr. van Hartfink, (f) que le chef des Negres Porno, confia un de fes Fils aux blancs, pour être éduqué par eux, ce qui auroit été imposfible avant que la paix n'eut été Conclue dans toute fa forme ; dont la date , malgré ce que dit eet auteur doit être fixé'e Cpour ce qui concerne le Village des Negres de juca a la fin de 1'année 1760:) ce qui opera enfuite le bonheur de conclure ausfi la paix avec ceux de Saramaca, faite en 1762 (*) Hartfink, page 795. Ct) P-Se  COLONIE djï SURINAM. 113 1762 (a) & pour réconnoitre encore plus en détail, Ie génie, les ruiés, & Ia prévenante politique de ces Negres, (que 1'on traite partout comme des bêtes a fomme,) on peut confulter Mr. Hartfink, (b) 011 1'on trouvera conjoinctement la description de leurs demeures, & le contract qu'ils ont fignés avec les blancs, avec d'autres anecdotes fort curieufes, fur tout pour ceux qui ne connoisfent pas le caractere & le génie des Negres dans 1'Amérique. Ce que nous venons de rapporter au fujet de la Colonie en général, fait également le tableau de 1'état des juifs en particulier; fois, atrabilaires comme les autres co-habitants, identifiés pour ainfi dire avec eux, lorsqu*on en avoit befoin pour écrafer mutuellement la partie adverfe, & méprifés enfuite des que ce rrlalheureux befoin cesfoit; ils devoient s'attirer beaucoup plus de malheurs» a caufe de 1'aveugle prévention qu'on a contre èux. d'Ailleurs, qui ignore 1'infiuence du Gouvernement fur les citoyens, & fur le peuple d'un èndroit quelconque; qui ignore encore la force que les. fentimens des grands ont fur 1'opinion du) peuple? Cette verité fut fi bien fentie & obfèrvée par de grands auteurs,que nous n'ofons point dé- vé- (a) Voyez en outre fur le détail de cette paix le tableau de Surinam, page 154 jusqu'a 172. Richesfe de la Hollande, torn. 1. page 325 jusqu'a 33a. (b) Depuis page 779 jusqu'a 813. L Paktije, I  Ï24 ESSAI HISTORÏQUE sur Ia vélopper nos idéés la desfus; il fuffit pour 1'homme éclairé de réconnoïtre que quels que foient les écarts des Juifs, leurs pasfions, leurs crimes* & ieurs vertus, ils font en tout fens .les mêmes que ceux des autres peuples en général: & fi 1'on fe donne encore la peine d'examiner avec des yeux tant foit peu philofophiques, les effets que produifent 1'indigence, le mépris, les invectives contre un individu, contre un corps, ou contre une Nation quelconque,& que 1'on calcule enfuite,les écarts, les délits, & les peines de ceux qui en font les objets; le réfultat de ces obfervations prononceroit peutêtre plus en faveur des Juifs, qu'en faveur de quelq'autre peuple qui fe trouveroit dans les même circonftances (*)'■ mais épargnons nous la peine de ces tristes obfervations, & pourfuivons le fi.1 de notre Histoire, le temps actuel de la Colonie nous fournira des matieres pour jetter un coup d'oeil général fur notre état, Ces (*) Voyez la desfus Ia lettre qu'un dofteur de Sorbonne écrivit a* Mr. J. de Pinto,connu avantageufement dans Ia Répubüque des lettres par fes ouvrages, & mort a la Haye le 20 Septembre 1787; au fujet de fon apologie pour les Juifs contre les écrits de Mr. de Voltaile. L'Extrait de cette lettre est imprimé dans un ou* vrage anonyme d'un Venetien, fous le titre deréflexion» critiques fur 1'apologie pour la Nation Juive, par Ms, J. de Pinto, Londres 1768.  COLONIE de SURINAM. 125 Ces différens traités avec les Negres marrons de Juca & de Saramaca, dont nous avons fait inention ci desfus, n'ont pas asfuré entierement Ie' répos de Ia Colonie, ni empéché Ia fuite des esclaves, car 1'année après la conclufion de la paix en Juillet 1761,11 y eut des families de Plantations entieres révoltées & beaucoup de Negres deferterent par intervalles; entr'autres Ia Plantation Retour, apartenant a Mr. Sal. de la Parra, Juif Portuguais, dont les Negres grands &ipetits au nombre d'environ 60 fans avoir fait le moindre mal a leur maitre, prirent ia fuite; les Fils de eet habitant accompagnés de leurs jeunes amis, & quelques volontaires, au nombre de 9 blancs & de 48 bons Negres de leurs voifins qu'ils ramasferent alahate, marchererit incesfamment a la pourfuite des fugitifs, uont les traces malgré toutes leurs récherches pendant presque 3 femaines, ne furent point réconnues, & comme les vivres leur manquoient déja, ils prirent la réfolution (pour ne pas s'expofer plus longtems a quelque malheur) de fe rendre au village de Juca. (*) II étoit défendu aux Bourgeois de quelques conditions qu'ils fusfent, & pour quel cas qu'il put étre, de fe rendre au village de Juca & de Saramaca, appartenants a nos nouveaux alliés. Nous ne favons pas fi cette défenfe n'a pas contribué Iongtemps «• tenir ces Negres dans leurs maivaifes habitudes, & i conferve? plus Iongtemps leur haine contre les blancs, J a  X26 ESSAI HISTORIQUE sur la Les nouveaux alliés furent trés étonnés de leS voir & après un long filence, ils montrerent une grande fatisfaction , difant: „ qu'ausfitot qu'une „ poignée de blancs eut le courage de pénetrer s, jusqu'au fein de leur demeure fans aucune ,, apprehenfion , c'étoit une preuve convainquante 4, que les blancs avoient de la confiance en eux, «Sc „ que la paix étoit fondée fur la candeur, & non „ pas fur la disfimulation des blancs, comme la „ plupart d'eux 1'apprehendoient encore." En conféquence, ils féterent ces Juifs de toutes raanieres, & chacun s'empresfoit a leur prodiguer des vivres, a leur offrir pour une marqué d'une affection illimitée, leurs propres Femmes & Filles. Le jour d'après Ia réjouisfance, un nommé Fosfo, chef abfolu de tous les Negres, & qui appartenoit autrefois aux Juifs , déclara a les confrères le plaifir qu'il avoit concu du bon accueil qu'ils faifoient généralement a les anciens maitres; mais ce^ pendant, que leur garde & leur confervation lui appartenoit de droit legitime, d'autant plus que Mrs. la Para appartenoient a la familie des Nasfys, dont il fut autrefois 1'esclave, & après quelques débats, on laisfa le foin des blancs au dit Fosfo. Se référvant néanmoins la liberté de leur rendre conjointement tout les fervices qui depen. doient d'eux; & comme ce fut la première & la derniere fois que les Bourgeois ont vifité ces nouveaux alliés, il nous femble que perfonne ne nous faura mauvais gré de ce que nous nou§ étendons uu peu  COLONIE de SURINAM. 127 peu fur eet article. Ausfitot que la garde des blanc» fut confiée particulierement au Vieillard Fosfo» il envoya fes Negres d'arraes pour y tenir une efpece de garde continuelle , & le matin & foir lorsqu'ils étoient occupés a faire leurs prieres a la maniere Judaïque, & qu'ils cbantoient & haute voix plus d'hymnes qu'a 1'ordinaire, ce Chef étoit a la porte de la maifon qu'il avoit fait vuider pour leur fervir de démeure , expresfement pour impofer fiience, jusqu'a ce que la Priere fut finie. Un après midy de jeudi, il fit publier par tout, qu'on devoit apporter aux blancs des Volailles & tout le nécesfaire, pour qu'ils pusfent préparer le lendemain leurs mets pour le famedy, ce qui fut fi ponctuellement obfervé, que les Juifs ne favoient que faire avec la quantité de Volaille.que chacun vouloit qu'on tuat;pour avoir le plaifir de dire que les blancs profitêrent de leurs préfents. Le famedi au matin, leur maifon étoit entourée d'une quantité de monde pour eneendre le chant de la priere, & après qu'elle étoit finie, on fe rendit en foule pour leur annoncer le bon jour; ce fut alors que le Vieillard Fosfo, prit la parole, & leur dit. „ Voyez mes enfans, „ ce que je vous ai dit mille fois du peuple Jtiif „ mes anciens maitres ; ils ne font pas comme les autres blancs que nous avons vus , ils „ aiment Dieu , & ils ne feront jamais rien „ avant de le prier & de le fervir avec refpeet, ^ tachons donc» pour 1'amour de ce Dieu qu'ikj I % ,1 aio-  128 ESSAI HISTORIQUE sur la ,, adorent, d'employer les moyens de les ai,, der dans leur entreprife," cette harangue avoit penetré 1'ame de tous les Negres en faveur des Juifs, d'autant plus que ceux ci ayant appergu des les premiers jours leur penchant a 1'égard des Ceremonies réligieufes , ils étalerent beaucoup plus de manieres , & de cpurbemens qua 1'ordinaire. En confequence, leur affemblée prit féance, dont Arabi étoit le Chef, ils y firent asfeoir les blancs avec eux, pour déliberer en leur préfence,& conclurent dedonnerun escorte aux blancs, avec les provifions necesfaires pour les méner jusqu'en lieu de fureté & qu'en outre on enverroit un autre escorte pour chercher les fugitifs, & pendant qu'on faifoit les prépa* ratifs, Ie lieutenant de la Bourgeoifie, Mr. Grenada, qui avoit marché tout de fuite avec un détachement de Bourgeois volontaires contre les fugitifs) deur jours après le départ du fils duditMr la Parra,) eut le bonheur après 6 jours de marche, de reneontrer les mêmes fugitifs, dans un endroit oppofé au chemin que le premier détachement avoit pris & de faire conjointement 38 Prifonniers 6c quelques uns de tués: & fachant que Ie premier détachement avoit pris la route pour le village de Juta, il dépecha un avis aux enfans de Mr. la Para, pour leur donner connoisfance de fon heureufe réusfite. Cette nouvelle fut recue avec des acclamations par les nouveaux alliés, & hata le départ des Juifs qui y étoient alors, & après  COLONIE de SURINAM. j29 après les avoir rémerciés de leur bon accueil ils fortirent fuivis de leur escorte, avec toutes fortcs de provifions, & eurent le bonheur de rencontrer en chemin & de faire prifonniers 13 de leurs fugitifs, dont quelques uns par une fentence de la cour furent punis de mort; nous avons tiré tout cela des Journeaux de ces deux détachements, & du rapport des perfonnes marnes qui font la plupart encore en vie. Ce bonheur dont nous venons de parler ne fut pas général a 1'égard d'autres fuites arrivées fur les Plantations, de forte que les nouveaux marrons augmentoient confiderablement, & conme ils ne pouvoient point fe fier a ceux de Juca & de Saramaca s ils tacherent de ccmpofer de nouveaux villages. Les forêts immenfes de la Colonie, Pétendue du terrain, les marécages qu'on y rencontre partout, les montagnes d'une hauteur prodigieufe qui leur fervent de rempart, & dont les vallées font fort fertiles pour y planter des vivres, tout cela rendit leur fejour facile & asfuré, de forte qu'il s'est formé fur la hauteur de la rivierede Marony, un village rédoutable, connu fous le nom de celui de Negres de Bony;(leur Chef). Un autre fur la rive de Pouest de la riviere de Saramaca, & plufieurs autres plus petits épars fur les derrières des habitations, de 1 un & de 1'autre coté des rivieres , enfoncés trés avant dans les bois; qui faifoient des incurfions I 4 ^  %%o ESSAI HISORIQUE sur la continuelles contre les esclaves qu'ils rencontroient occupés de leurs travaux, & qu'ilsemmenoient pour agrandir leurs peuplades. Pour s'oppofer donc a ces Tioftilités, Ia Colonie eut befoin d'implorer les fecours de la Répubüque, & fur la priere qui en fut faite aux Etats Généraux, L. H. P. y envoyerent en 1772 un Corps de 500 hommes de Troupes fous les ordres de Mr. Forgeoud, homme de mérite, & qui en 1763 avoit été employé dans la Colonie de Berbice, a 1'occafion du foulévement des esclaves. Le féjourde ces troupes étoit pour lors bien necesfiire, car les courfes continuelles & fans rélache que faifoit Mr. Forgeoud dans les bois , répousfant les ennemis avec une patience & une courage digne de fon caractere, k un éloignement confiderable des Établisfements cultivés de Ia Colonie, & ruinant par tout leurs villages & leurs vivres; ce qui garantit la Colonie pendant 1'intervalle de presque 3 ans de toute grande hostilité. Les Colons frappés de ce bonheur en firent leurs remerciemens a la Cour, & fur le bruit de leur rappel protefterent contre leur départ. II y avoit malheureufement parmi les partifans du Mr. Forgeoud quelques efprits inquiets qui avoient depuis lorgtems une haine fecrette contre le gouverneur Nepveu. Mr. Fourgeoud, plus foldat quepolitique s'engagea infenfiblement dansles filets des Antagonistes de Mr. Nepveu ;& il fe mêla dans des affaires politiques de la Colonie qui n'étoient point de fon resfort, ce qui lui fit beaucoup de tort  COLONIE de SURINAM. 13? en Hollande même; de forte que fi 1'efprit de la plu* part des Colons n'avoit pour ainfi dire été asfoupi par la détérioriation rémarquable dans leuis affaires particulieres, on auroit vu renaïtre les horreurs des disfentions arrivées dans le tems de Mr. Mauritius: cependant on ne fe menageoit point de s'entredéchirer mutuellement par des écrits tant ici, qu'envoyés en Hollande. Tandis que ces demêlés fubfiftoient, on avoit pris un arrangement dans la Colonie pour la mettre a couvert des hoftilités des Negres, au moyen d'un cordon de defenfe , qu'on fe propofoit d'y former; fur le rapport fait aux Etats Généraux, L. H. P. cederent aux in ft an ces du Magiftrat d'Amfterdam , & donnerent les ordres pour faire rétourner les troupes, & alors la Ville d'Amfterdam, fournit fa part aux f*aix de 1'envoy du renfort; cependant de nouvelles réprefentations de la part des Colons au Confeil de Police firent fejourner ces troupes encore pour quelques tems, & quoiqu'on ait prétendu que les Troupes de 1'Etat n'avoient été d'aucune utilité dans les ope^ rations, contre les Negres, il est néanmoins eertain, comme le rémarque 1'Auteur de la richesfe de la Hollande, que le Commandant Fourgeoud avec Paide des Troupes des Seigneurs Propriétaires qui fe trouvoient dans la Colonie, & de la bravoure, & bonnes dispofitions de quelques Officiers, (entr'autres Mr. Frederici, actuellement Lieutenant Colonel de nos troupes, & qui joint 15 *  Ïg2 ESSAI HISTORIQUE sim la i fes aimables qualités perfonnelles une adresfe furprenante pour faire des courfes dans les bois, & pour reconnoïtre les rufes les plus cachées des Negres) est parvenu a faire craindre aux marrons les armes de la Répubüque, & a garantir les Plantations des hostilités, qu'avant lui, étoient fort frequentes; mais cependant fans époufer aucun parti, ni ajouter foi aux recits tronqués & exagerés des amis, & des antagonistes de Mr. Fourgeoud, nous ne craignons point de dire que dans la fuite Mr. Fourgeoud , auroit pu mieux faire que ce qu'il fit en effet, car 1'extirpation des marrons, nos ennemis redoutables, auroit du être (a notre avis) la bafe de toutes fes operations. Nous ne disconvenons point cependant,que Pidée de mettre les habitations a l'abri de leurs infultes , ne fusfe un^bonheur pour Ia Colonie; mais fe borner fimplement k cette idéé, pendant Pespace de quatre ans, courir les bois, fatiguer fes troupes fans rélache, & fans penfer que ni lui, ni elles ne fauroient agir de cette maniere perpétuellement & qu'éloigner les marrons, n'étoit certainement pas les extirper pour qu'ils ne puisfent dans la fuite, fe rasfembler, & fe rendre plus agiles,plus rufés,& en confequence plus redoutables; étoit une idéé, fi non deftituée de bon fens, au moins fort étrange. d'Ailleurs pourquoi (fans qu'on eut pu pénetrer les raifons de Mr. Fourgeoud) éviter foigneufement toutes les pccafions de porter des coups tenibles aux marrons?  COLONIE de SURINAM. t33 rons? pourquoi éluder toujours de les attaquer ? pourquoi ménager leur foyers ? pourquoi encore, flatté de garantir les Plantations (ce qui ne pouroit pas fe faire toujours) montrer en quelques manieres dans les deux derniers années de fon féjour,une efpece d'indolence envers ces rébelles, & d'une apathie decidée envers fes propres antagonistes? pourquoi donc tout cela? parceque Mr. Forgeoud étoit d'un caractere fort doux, & facile * fuivre les caprices de fes amis qui vouloient chagriner Mr. Nepveu, fans cela peutêtre, que fon Plan mieux imaginé , mieux combiné, auroit eu un fucces heureux, qu'il n'auroit point été traverfé dans fes operations, & que la Colonie fe feroit trouvée dans la fuite moins expofée au pillage de ces mêmes fugitifs, qui fe rendirent dans la fuite fi redoutables. Le Plan du Cordon fut donc mis en execution en '774» & depuis la Savane des Juifs , jusqu'a la hauteur de la riviere de Commowine, & de la jusqu'a la mer, qui coupe par derrière toutes les Plantations fitués fur le cöté gauche de la riviere de Surinam, & fur les deux cötés de celle de Commowine &Cottica, il fut fait dediftance en diftance de petits forts palisfadés & gardés par des foldats a proportion de la force de la Colonie. Cette exécution éprouva des le commencement de fortes contradictions a caufe des fraix enormes, qu'elle couteroit a la Colonie; mais fi d'un coté  ,34 ESSAI HISTORIQUE sur la coté les impots s'accrurent pour fon entretien, fe debouché que les habitations a bois en trouverent dans la vente de ces fortes de pro'uits, & d'aueres chofes indispenfables pour 1'entretien & le rénouvellement de leurs batiments, & fur tout la tranquillité qu'éprouverent dans la fuite les ha. bitations qui font au-desfous de cette ligne de defenfe, fit regarder ce plan comme le meilleur & le plus utile pour Ia confervation de la Colonie j & comme il ne nous convient point d'entrer dans la moindre obfervation politique a 1'égard de la régie interieure & de la Police de la Colonie qui s'approche de notre tems, nous Iaisfe» rons ce fujet a Mr. Fermin, qui Pa déja traité dans fon tableau de Surinam: mais nous devons avertir le lecteur de ne pas fe laisfer furprendre par le raifonnement de Pauteur, pourcroire aveuglement a tout ce qu'il y dit. Car Mr. Fermin y a vü beaucoup de chofes avec trop de prevention, & n'a compofé fon ouvrage que fur des informations de perfonnes prevenues contre la régie interieure & exterieure de la Colonie; d'ailleurs, plufieurs objets de fa critique dependent plutot d'autres caufes que de celles que Mr. Fermin, leur attribue, & pour ne pas nous compromettre en aucune maniere envers lui, ni envers perfonne, nous préferons plutot de nous taire, au lieu de développer nos obfervations a ce fujet & nous üous contenterons feulement d'indiquer en même tems, la lecture d'un certain ouvrage imprimé k Lou-  COLONIE dk SURINAM* x%$ tondres en 1779 fous le titre de remarques crïtiques fur le tableau historique & politique de Surinam par Mr. Fermin, dont l'auteur quoiqu'il s'annonce pour anonyme, est un certain Mr. Sanfini', Ex-jefuite Italien, qui a vecü quelques années a Surinam ; eet auteur en rélévant beaucoup de fautes de Mr. Fermin, fur la matiere politique de fon ouvrage, tombe lui même dans d'autres défauts encore plus condamnables 3 c'est-a-diredel'ingratitude envers les habitans de la Colonie, & d'une pasfion aveugle contre tout ce qu'il y a de bon, & cachant avec une malignité révoltante le beau coté des habitants, il n'a fait que développer avec amertume tout ce qu'il y avoit de mauvais, ce qui n'est pourtant que trop commun peutêtre a toutes les Colonies de FAmérique en général. Le réfultat de tout ce que nous avons dit dans eet ouvrage étoit fuffifant pour plonger la Colonie dans un état fort peu heureux ; cependant il lui fallut encore 1'apparence d'un bonheur futur pour la réplonger enfuite dans de nouveaux défaftres, a 1'exception des peines & des fatigues continuelles qu'on éprouvoit a caufe des fuites des esclaves, ce qui en confequence déroutoit les vues des Planteurs* & diminuoit leurs révenus fenfiblement. Les Négotiants de la Hollande qui avoient faits des avances fur les habitations, fans toucher leurs intéréts annuels, ne cherchoient que les moyens de la perfécution pour réparer leurs pertes. Le comptoir de Mr. Deutz, connu après fous celui de Mar* feli»  i3r5 ESSAl HISTORIQUE sur i\ felis, ouvrit Ia fcene, & depuis 1765 & 1766 oü ne voyoit que des Plantations vendus & mifes en fequeftration , pour dettes contractées fous des hypotheques. Ceux des Planteurs Chrétiens qui avoient' leurs resfources d'autre part, des adminiftrateurs,' & des employés furent a même de parer les coups pour quelque tems, mais ceux qui n'avoient point ces resfources fe virent dépouillés de leurs biens: on peut confiderer que les Juifs ne furent pas leplus épargnés dans ces malheurs, & ce fut alors qu'ils perdirent la plupart de leurs habitations, qui tomberent presque toutes entre les mains des agens des dits comptoirs; fans pourtant s'affranchir du furplus qu'ils devoient encore , & leur habitations furent presque toutes vendues pour le tiers & le quart de Ia fomme de leurs dettes. Sur ces malheurs vraiment funëstes; il fe fit üne nouvelle attaque de marrons dans Paras les Negres d'un certain Plantedu s'enfuirent, ou furent pris par les marrons. Qui est celui donc qui a la vue de ces défaftres ne diroit point que le crédit pour Surinam étoit fini pour jamais? mais non; il lui étoit destinés de plus grands malheurs encore. La Hollande vouloit placer de Pargent ailleurs, & lesexemplesde ce qui étoit arrivé prêcedémment *vei d'autres Maifors de Commerce, n'étoit rien aux yéux des négotiants, qui fuppofoient que les Colons ouvriroient les yeux fur leurs perfécutions pasfées, & fe rendroient en conféquence plus fage & plus cïrconfpects fur leurs affaires; mais Ie coup arrivé GÉ  COLONIE de SURINAM. 137 éri Para, mettoit cependant ces Négotiants dans nn état d'indecifion: Une heureufe expedition que fit faire le Confeil contre les affaillans, ou les Negres du nommé Planteau furent répris, (nouvelle qui fut exagerée en Hollande au de la de la verité) accompagnée de deux années d'une recolte favorable de Caffé, ralluma le defir des Négotiants de placer leur argent encore a Surinam, & dans 1'année 1769 & le commencement de 1770 on n'entendoit d'autres nouvelles dans la Colonie que celles des Plans pour avaneer de 1'argent aux Planteurs ; il fembloit alors que 1'age d'or s'étoit rénouvellé pour la Colonie en général, les malheurs de la guerre pasfée, les defaftres, les hoftilités même des marrons, tout, en un mot étoit oublié, & les Colons encore dans leur ivresfe fe comptoient déja les plus heureux de ceux de 1'Amérique. Pour comble de calamités, la plupart des fonds qu'on avoit deftiné en Hollande pour Surinam, n'étoient rien moins que fondés fur de bons principes & fur des asfurances ftables & permanentes ; cependant dans chaque rue de Paramaribo on ne trouvoit que des agens munis de procurations pour offrir au premier venant de 1'argent a credit, cette ivresfe ne frappa point feulement les yeux de la derniere clasfe des Planteurs & habitants de la Colonie} mais elle fit le même effet fur tous les habitants en général , & depuis le Gouverneur Nepveu, jsusqu'au dernier des Bourgeois, tous s'aveuglerent pi*  j38 ESSAI HISTORIQUE sun Sa toyableraent. Les riches; ou ceux qui posfedoienS 3 ou 3 habitations,ceux qui n'en avoient plus qu'une, ne cherchoient qu'a vendre leurs effets a un prix enorme, & d'en aeheter d'autres plus convenables a leurs vues. On avoit de 1'argent, des acheteurs ne manquoient pas non plus, mais pour fe procurer les moyens d'en avoir autant qu'on en avoit befoin pour faire ces achats , c'étoit le point le plus difficile. Ce nceud gordien fut d'abord eoupé courageufemenu des Estimateurs en grand nombre favoient trés bien le fecret de la pierre philofophale & 1'on estimoit en conféquence les Plantations 3 a 4 fois plus que leur valeur réelle. Les ordonnances que le Gouvernement de Suri* ram fit faire a eet égard, la punition que fubirent même quelques Estimateurs, prouvent la verité de ce fait. Le fameux Mr. la Croix, le plus rufé de tous les agens qu'il y eut jamais, avoit des ordres pour dispofer de 1'argent fans limite pour coropte d'un Papillon Ephemere, c'est-a-dire un comptoir en Hollande érigé fous le nom de Schouten & Vitlens, & moyennant une certaine fomme qu'on dewoit payer en particulier audit agendaire , tout ïe monde pouvoit être aidé d'abord; alors, Chreriens, Juifs, gens de Metiers, Cordonniers même qui n'avoient point le fol pour aeheter les cuirs necesfaires a leurs metier, tous vouloient être Planteurs, & Monfieur 1'agent, avec un coup de plume formoit des agriculteurs & des Planteurs, plus vite que Pyrrha ne formoit des hommes a coups  COLONIE b£ SURINAM. 139 coups de pierre, de forte qu'on n'entendon autrè chofe que dès achats & des ventes, & 011 ne voyoit que des Cordonniers, petits maitres, & des Boüchers devenus grands Seigneurs; en confequence la prodigalitë, la profufion & un luxe immoder'é inondóient la Colonie; ... Le changement dé maitre für les habitations qui s'ènfuivoit fans cesfe, faifoit craindre quelques malheurs a 1'égard des esclaves qui fe confideroient, (ce font leurs propres termes) comme de "la Volaille qui va d^une mam h F autre, jusqu'i venir Jur la table pour fervir de mets', ausfi eet apparence de bonheur ne dura qué trés peu de tems, car les lettres de charge que les nouveaux Planteurs avoient tirées fur leurs correspóndans , a 1'ordre de leurs agens, principalement .celles.dè la Croix , furent toutes protèstécs, de forte que ce qui 1'annëé précédehte paroisfoit beau, nè fut alors que confufions tragiques , éxecutions de ces mênie èffets, & pourfuites contre plufieurs autres habitants, qui dans 1'asfurance que ces iettres de change étoient valables, n'hefiterent point de les endosfer pour les faire pasfer plus facilement. Quelques autres acheteurs des Plantations, qui avoient eu le bonheur d'avoir pris 1'argent d'autres eomptoirs, fübifent également le même fort, (quoiqüë leurs lettres de change furent payés en Hollande,) a' caufe du prix prodigieux qu'ils avoient donnés pour les Plantations, & la chérté des esclaves qui étoit outre ïne-  14e ESSAI HISTORIQÜE sur tA fure. Qu'on s'imagine une Colonie chargéé avant ce tems, d'une dette de plus de 50 millions de florins aux négotiants de la Hollande, & furtout plongée dans 1'abime des perfécutions a caufe de 1'événement de 177O; & alors on faura 1'état ou fe trouvoit la Colonie en général, fans oublier pourtant ce qui est arrivé dans 1'année i?73 jusqu'en 3776 a caufe des discusfions arrivées dans le tems de Mr. Fourgeoud que neus avons citées-ci desfus. D'après ces obfervations , & d'après les faits que nous venons d'annoncer, connus dans la Colonie & en Hollande & que perfonne ne pourra révoquer endoute ; 1'homme le plus prevenu réconnoitra d'abord qu'une grande partie des malheurs arrivées a la Colonie prend fa fourde même des Colons en général. La détérioration des Plantations , la fuite des efclaves, le furcroit des dettes, 1'imposfibilité des payer les intéréts dus aux négotiants de la Hollande, les exécutions qu'ils ont esfuyé, le changement de maitres, tout fut fenti également par toutes les clasfes des Planteurs, & des habitants de Ia Colonie fans aucune diftinction quelconque: cependant on ne manque pas d'attribuer tout ce qui arriva, aux Juifs , & ce qui leur arrivé encore, a 1'ignorance qu'on leur fuppofe de tout ce qui a du rapport a 1'agriculture, a la mauvaife réE SURINAM. -45 venoient de plus en rplus aridcs, le peu de produits qu'ils tirerent de leurs habitations , les intéréts qu'ils devoient payer annuellement a leurs corresponpans, 1'abaisfement du prix de leur denrées, & 1'augmentation des fraix en Hollande, dont les correspondans favoient faire leur compte , les ont minés peu a peu, jusqu'a ce que les dettes les ont tout a fait accablées ,& que leurs effets ont éte vendus par éxecution depuis .766 jusqu'a ces jours. Ces vicisfitudes n'ont elles pas été fenties par les autres habitants également, & y-a-t'il quelque différence, quelque chofe de plus beau, de plu* moral ou de plus noble dans 1'histoire de la decadence des Chrétiens Planteurs, de la Colonie? On nous dirapeutêtre, les Chretiens, fe Jont pottrtant foutenus, & fe foutienncnt encore, leurs Plantations (ont encore entre leurs mains, & les Juifs n'en ent presque plus. Voila des argumens dont on éblouit le petit peuple au desavantage de la Nation. La méfiance que les fournisfeurs d'argent a credit concurent contre les Juifs , effet malheureux de la différence de la religion, la prevention de quelques agens de la Colonie, qui éprouvant eux mêmes leurs propres fautes, fourniffoient des mauvaifes infbrmations contre les Juifs, leur a fait réfufer le credit nécesfaire pour aeheter des efclaves, & pourvoir a leurs autres befoins; mais il arriva le contraire aux Chrétiens, leur credit étoit fans bornes, & c'est pour cela même que fur chaque Plantation de Chrétiens vendu par éxecution, les NeK < go- ,  Hö ESSAI HISTORIQüE sur la gociants de Ia Hollande perdirent, & perdent en» core beaucoup plus que fur dix des Juifs enfemble: d'ailleurs, qu'on nous montre, fj& nous en défions le meilleur planteur de Surinam) quels font les progrès des autres Colons avec tout leur credit, & lears autres resfources? PJante-t'on Ia canne a Sucre, le Caffé, le Cacao, &c. travaille t'on les terrains d'une autre facon a préfent, qu'ancienneraent? Les plans, les nouvelles idéés, les discours trop vantées fur 1'agriculture qu'on entend proner partout,fe trouvenHIs executés f,ur les Plantations? Detranchées plus profondes, ou plus fuperficielles, a gauche ou a droite, horifontalement ou tranverfalement faites &c. &c. c'est toute la différence qu'on voit effectivement fur les habitations ; mais les effets, les réfultats, ou font-ils? Neille part. Si Pignorance des Juifs, leur hetife en fait d'agriculture furent Ia caufe de ieur ruine , pourquoi les Chrétiens, grands agriculteurs, ne font-ils pas devenus riches ? Pourquoi ést ce que le nombre des Propriétaires de Plantations derneurant k Surinam, (parmi ie nombre de plus de 500 habitations qu'jl y a) ne rnontë t'il tout au plus qu'^ 80 ou 90? Ou font encore les progrès qu'ils ont fait fur ces mêmes habitatioris qui appartenoient autrefois aux Juifs? Concevoir dans tout cela , tant par rapport aux Juifs que 'par rapport aux Chrétiens mêmes ,qu'une marché naturelle- attachée a Ia Phyfique de la Plantation, c'eft toutce qu'on peut faire. Mr. Gootenaar, par exemple acheta pour un prix trés modique Ia u '*' ' v • Plan-  (COLONIE de SURINAM; j4j Plantation NiewweStar, Mts. Arlaud & Baek, louerent a lui de Gelderland, prie Gebroeders, Descanco, Goofen, Cabo Ver de, Caap de Goede Hoop, drilgat. Boa Vizinhanca, qui tous, de beaux & fertiles terrains , font tombé au pouvoir des Chrétiens. Cependant ou font les progrès qu'ils firent fur ces terrains les meilleurs de toute la riviere de Surinam ? Leur fcience, leur art, dans la culture des terres, leur régie, fuperieurement bien calculées devoient éclater d'une maniere ou d'autre, pour pouvoir avec rajfon fletrir les Juifs de ce qu'on leur accufe a cet égard. La différence qu'on marqué dans leur état actuel de décadence comparée i ceux des autres, ne tire pon plus 4 aucune conféquence. S'il y avoit eu parmi les Juifs des individus qui eusfent gagné depuis, 10 20 jusqu'a, 50 mille florins par an, dans des adminiftrations fur les Plantations, dont les propriétaires font en Hollande; s'ils eusfent gagné encore depuis 3 j isqu'a 15 mille florins annuellement par des proü:s que donnent plufieurs employs dans la Colonie, ils fe trouveroient encore dans le irême état qu'eux, & fi le contraire fut arrivé, ce feroit alors le tems de les regarder comme des êtres inutiles dans une Colonie agricole, fi dans 1'Amérique (ainfi que ces Mesfieurs d'Esfequsbo & Demmerary le pretendent) tous les individus des Colonies fans ex.eptions doivent être labpureurs avant de pouvoir y être admis. Oans les rivieres deCottica, de Commowine, & K 5 leur*  I4S ESSAI HISTORÏQUE sur la leurs bras , qui font maintenant la plus grande partie de la richesfe de la Colonie , les Juifs h'ont jamais pu obtenir des terrains ; ils devoient fe contenter de ceux qu'ils posfedoient depuis longtems en Surinam, quatre ou fix perfonnes de la Nation qui ont pu cependant avec beaucoup de peine y en acquerir, ont fait autant de progrès que les Chrétiens; temoins les Plantations de Aron Polak, de Pardo,de Hartog Jacobs, des heritiers de Gerrit Jacobs &c. (tous gouvernés travaillés, & régiés par des adminiftrateurs Juifs) qui ne cedent en rien, ni dans la culture, ni dans 1'ordre, a ceux des autres habitants. Dans ces deux rivieres, dont le premier defrichement ne fut commencé que prés d'un demi fiecle après ceux de Surinam , Ia plupart de leurs habitations ne produifent actuellement que quelques unes la moitié, d'autres le tiers 6? le quart de ce qu'elles ont produit dans le conimencement, caufe evidente de la décadence des Plantation des Juifs en Surinam, fentie 25 a 3° aRS d'avance. Outre cela on attribue encore da propriété de la Savane & 1'établisfement de fa Synagogue pour une des caufes de la ruine de la Nation, car Pattachement a cette place dit-on fit que les Jujfs ne purent quitter leurs habitations» fituées fur la hauteur de Suriname, plus agées de 20 ans que la Savane, pour fe placer ailleurs, fans penfer, (fuppofant qu'avec de grands effets ils eusfent pu acquerir des terrains en Commoi  COLONIE de SURINAM. 243 y/\ne, ce qui est fort dputeux) que de grandes habitations déja formées, un nombre prodigieux d'esclaves a tranfporter qui ne quitent qu'aregret leurs foyers rendroient cette entreprife moralement imposfible, difficulté qui a été fentie par les Chrétiens , qui eurent leurs Plantations a la hauteur de Surinam, qu'ils confervent encore fans avoir eu une Savane, pour les y attacber. A cette caufe on ajoute encore celle de la prodigualité dans leurs fêtes &c. qui n'est rien moins que bien fondée ; car une dépenfe extraordinaire de aoo a 300 florins, que couteroient le fuperflus de ces fêtes annuellement a chaque familie, ne feroient pas capables de les ruiner, encore moins la perte de quelques jours de travail de quelques uns de leurs esr claves, pour le befoin & les comodités de ces jours de fêtes. Nous avons montré ailleurs leur facon de vivre lorsqu'ils étoient a leur aife, en conféquence on ne peut leur accufer de luxe ni de prodigalité demefurée fur leurs habitations ni ailleurs. Quels que foyent donc les efforts de Penvie de trouver des caufes particulieres pour en attribuer la ruine aux Juifs, on ne trouvera que des caufes communes en général. Si la ruine des Planteurs Juifs a été donc caufée par des malheurs phyfiques, fi les Chrétiens établis dans la riviere de Surinam éprouverent les mêmes defaftres, fi le derangement dans leurs affaires ont frappé, & les uns, & les autres également, pourquoi taxer les Juifs en particulier d'un malheur com-  559 ESSAI HISTORIQUE sur ia commun a tous les Planteurs en général. Qu'on ceffe en Hollande d'avancer plus d'argent «5c de prolonger Ie credit aux Planteurs de Cottica & de Commowine; que ceux qui confervent encore leurs effets, quoique furchargés de dettes n'ayent point les profits de leurs adminiftrations,- qu'ils ayent «nfin, & en tout fens ausfi peu de resfources que ïes Juifs, & nous verrions s'il. resteroit beaucoup de Plantations entre les mains des propriétaires. actuels. Cela fuffit pour démontrer que les Jujfs «Sc les Chrétiens ont eu des malheurs, ont commis des fautes, ontperdu des habitations, fe fonts ruinés, «Sc les uns «Sc les autres par les mêmes raifons &.par les mêmes caufes; «Sc que les dogmes de la réligion Judaïque, fes fêtes, les moeurs de la Nation, leur Savane «Sec. n'ont rien contribué dans tout cela. Les Juifs ont faits comme nous Payons déja prouvé en, plufieurs endroits de cet ouvrage, les mêmes prc: grès en Surinam que les Chrétiens, ils y furent ausfi riches, «Sc ausfi bops Tlanteurs qu'eux , «^ comme eux ils fe font appauvris. II est vrai qu'il y a actuellement peu d'habitations appartenante? aux Juifs, «Sc que la plupart de celles qu'ils ont eue, font actuellement entre les. mains des Chrétiens, mais qu'on confidêre, que ces derniers, en perdant les leurs, elles ont retournées fous le pouvoir d'autres Chrétiens, en qualité d'agens des Negoriants enHollande; «Sc que, fi, au lieu que les fournisfeurs de cet argent donné a intérêt, eusfent " "" ' "été..  COLONIE de SURINAM. ' 15* été par exemple des Juifs ou des Turcs , & non pas des Chrétiens, 1'objet n'auroientilpaschangéde face, & la moitié des Habitations de la Colonie, n'appartiendroient ils pas actuellement a ces deux peuples circoncis* D'Ailleurs comment est - ce que les Juifs en Surinam pourront ils démenur par des exemples actuels 1'ignoranee qu'on leur attribue en fait d'agriculture? y eut-il jamais (du moins depuis longtems) quelqu'un de la Nation employé comme directeurs ou comme adminiftrateurs fur quelque Plantation appartenant & des Chrétiens ? Cet esfai qui ouvriroit peutëtre les yeux a la plus aveugle prévention, couteroit beaucoup fans doute a faire, mais on doit facrifier les préjugés en faveur de la raifon. Ignore t'on généralement que pour travailler les bois de Charpente, les Juifs avec un trés petit nombre de Negres & de Betail, font beaucoup plus de révenus par an que les grandes Plantations des Chrétiens deftinées a cette forte de travail.? Pourquoi ne les employé t'on pas quelque part? Pourquoi les confulte t'on, fe fert on de leur capacité pour les travaux des Bois, fous la promesfe trompetife de les favorifer avec des direetions, pour les réjetter enfuite a caufe qu'ils font Juifs, comme il est arrivé trés récemment? Ne fait onpas que le Juif qui a esfuyédernierement ce réfus est capable de faire dans une année plus de revenu qu'un autre dans 3 ans: fi donc la négligence du Directeur Chrétien y établi fe faifoit alors connoiue, ne feroit-il pas toujours un bonheur pour le  i52 ESSAI HISTORIQÜE sur. ik le propriétaire en Hollande d'emploier le premier ? «3c dans Pun «Scfautre cas, ne feroit il pas encore trés jufte de confiderer que les Juifs denués d'eraploys dans la Colonie, n'ayant pas befoin d'asfister toujours a la Ville, font plus maitres de leurs tems que les autres adminiftrateurs;& qu'en confequence ils pourroient donner plus de foin aux travaux des Plantations. Si le profit que donnent ces adminiftrations fut mieux «Sc plus fagement distribuée, il en réfulteroit beaucoup d'svantages pour Ia Colonie en général $ car ie au lieu d'un ou de deux employés fur un grand nombre de Plantations, 25 «Sc 30 perfonneè Chrétiens ou Juifs pourroient avoir leur fubfiftence dans Ia diftribution du total de Ia fomme qu'un feul adrainiftrateur tire annuellementj ce qui contribueroit, 2e a 1'aifance d'un grand nombre d'habitants, par rapport k d'autres profits qui s'enfuivroient nécesfairement 2 car un endroit quelconqué est plus riche avec un quart d'un revenu fixe, partagé entre fes membres, qu'avec dix fois autant parmi un trés petit nombre, pendant que le reste des individus fe trouvent dans un état de pauvretéj «Sc 3e les Plantations feroient adminiftrées avec plus de foinj car 1'ambition de celui qui auroit la petite resfourfe de 2 ou 3 adminiftrations employeroit plus de zêle a s'acquiter de fon devoir qu'en ayant 40 ou 60; mais cette verité qui frappera tout homme raifonnable, ne fera point realifé, car la Crainte de quelque révolution a venir, a donné du poids a 1» calomnie de 1'ignorance, «Sc de la mal- hou*  COLONIE de SURINAM. 153 hohnêteté en fait d'agriculture répandue fur les Juifs. En conféquence donc de ce prestige que nous fommes malheureufement forcés de préfenter dans tout fon jour, ne pourrions nous donc pa« ajouter a toutes nos obfervations, le discours d'un païfan fur 1'agriculture qui fe trouve dans 1'esprit des journaux du moi de May i?8t. page 384 & dire avec 1'honnête laboureur & avec des changemens convenables a notre fujet, ,, eh dans notre „ fituation Ie pouvons nous? un menage a foute„ nir, des enfans a éléver, des gages a payer, nos '„ batimens a réparer, nos bestiaux a remplacer, 4, nos journaliers a fatisfaire, nos occupations, •„nos outils, nos vetemens, nos maladies, nos „ impötsnous pouvons ajouter les fraix dans nos fêtes, nos mariages, nos enterremens, 1'entretien de nos Synagogues, une quantité de pauvres a nourrir &c< Voila en racourci, pourfuit le payfan* honnête, „ nos befoins, nos devoirs , & notre „ fituation, & quelles font nos resfources, grand i, Dieu!" notre genie, notre induftrie,& plus que tout cela, notre réfignation, parlés Mesfieurs, n'est il pas infenfé, & mechant, que de nous accufet de nos malheurs. Nous avons fait autant qu'il nous fut posfible un récit exact & fidéle des principaux événemens de Ia Colonie de Surinam depuis fon commencement jusqu'a ce jour, avec 1'histoire abregée de fes habitants Juifs, a 1'égard de leurs Privilêges, & les révolutions heureufes & malheureufes qu'ils  154 ESSAI HiSTORlQUE suA la y ont esfuyé, & nous ofons foutenir, qué nods ri'avons rien avancé que de vrai, rien dit avéc prevention, ni employés des fophimes pour défert° dre Ia Nation de plufieurs accufations dont on 1'a chargée dépuis longtems. Nous avons fuivi les auteurs qui ont écrit fur la Colonie, fatfs hous impofer aucune obligation de les copier a la" lettre, ni de les croire fur leur parole; au contraire, nous avons avouée les fautes que nous y avons tröuvéè,en laisfant au lecteur le foin de les juger. La connöisfance que nous avons de nos' archives, avec ce que nous avons entendu de nos peres, ainfi c|ue quelques notes curieufes qui fe trouvent chez les anciennes families Juives; nous ont mis en état de rédiger ce qu'on trouve dans ce foible esfai. Et par fon rëfultat nous nous fiattons que 1'homme impartial appercevra, qüè les Juifs, malgré leurs Privilêges, malgré la protection cönftante qu'ils ont re(?u de la part des Seigneurs Propriétaires & quel qué furént leur mérite, leurs foins, leur zélé envers la Colonie en général, ils font cependant dédaignés & envifagés par leurs cd-habitants comme une clasfè d'hommes, dont la lialfon , la bonne intelligence & Pamitié, font toujours iriutiles ou dangcreufes pour tous ceux qui profesfent une autre religion. Ce préjugé qui fait autant de tort a Ia philofophie de.ce fiecle qu'a la politique, & qui nefertqu'aenfevelir tout ce qu'un Corps de Nation peut avoiir fait de bon, nöüs a mis dans la nécesfité de parlét otf-  COLONIE de SURINAM. ij5 büvertement a 1'cgard de Ia Nation, & de la comparer avec celie fous laquelle elle vit en Surinam. Suivant cette methode , nous avcns porté 1'histoire de ce qui la concerne jusques a 1'époque de la décadence arrivée en 1770, & comme ces événemens funestes ont augmenté de beaucoup ces mêmes préjugés, étendu le mépris, enfanté des Calomnies & d'invectives a fon desavahtage, & que grace a la philofophie du chef actuel qui nous gouverne, & de ceux qui ont 1'honneur de le frequenter plus familierement; 1'objet hideux de 1'aveugle prévention commence a changer de face, nous jugeons nécesfaire, tant pour couper ïa demiere tête a 1'hydre qui nous ménace, que pour pofer des fondemens plus ftable a ce changement heureüx, de faire un corolaire de tout ce que nous avons dit. A 1'exeption de ce qui s'est pasfé avec le Gouverneur Scherpenhuyfen, après le depart de Mr. Sam. Nasfy pour la Hollande, les Juifs n'eurent a fe chagriner que fur des petitesfes , qui quoique fusceptibles d'entrainer de mauvaifes conféquences, n'étöient pourtant pas des maux réels: & nonobllant quelques fécoüsfes, qu'ils éprouverent a 1'égard de leurs Privilêges, & le mépris que par intervalle les autres habitants leurs raontroient, tout cela étoit pour ainfi dire réparé par 1'aifince dont ils jouisfoient alors, ce qui a duré du plus ou du moins jusqu'a 1'époque du Gouvernemen de Mr. Mauritius; mais ausfitöt que I. Partijs. L les  156 ESSAI HISTORIQUE sur la les Juifs perdirent leur aifance, & que la pauvre= té fe fit fentir, toutes les resfources leur furent fermées, & ce ne fut que des mépris continuels, qu'éloignement pour . tout ce qui les interesfoit, & le mot infultant de Smous, fut prodigué aux Portuguais & Allemands indistinctement jusqu'a devenir dans la fuite le mot favori employé par les esclaves mêmes. pour defigner avec mépris tout Juif quelconque : effet malheureux de Phahitude des enfans dans les maifons de leurs peres, & des efclaves dans celles de leurs maitres. En conféquence, les maifons des Juifs ne furent plus frequentées par les Chretiens, jamais ils ne furent invités chez eux dans aucune fête ou rejouisfance particuliere ou publique. On leur parloit même avec arroganee, & plufieurs fois les Juifs ont éprouvé (a la condamnation Juridique prés) ce qu'a dit Candidt, lorsqu'il est venu & Surinam. Cet éloignement enfanta dans la fuite une indifférence ausfi rémarquable,- qui fe trans* mettant de ptre en fils. le gros des Chretiens attacherent une espece de basfesfe d'avoir de la familiarité avec les Juifs. Oubliés donc de leurs co-habitants ils réprirent chez eux dans leurs ménages une maniere de vivre, qui quoique éloignée du faste & d'une proprété minutieufe & foreée est peutêtre plus naturelle,& plus morale aux yeux d'un bon obfervateur philofophe que ce qu'on fait ailleurs. Cette indifférence qui donnant cours a la prevention, produifit la haine, fut  COLONIE te SURINAM. 157 fut caufe qu'a ia moindre faute commife par un de fes individus, Ia Nation en étoit accufée. Jamais tel Juif avoit commis telle faute ou tel crime; mais, lei Jut// Vont commis, & quoique plufieurs griefs faits a Ia Nation furent conftamrnent réparés pa"r Ia conduite toujours uniforme des Seigneurs Propriétaires Ia prévention fuivoit fon cours: Quarid ces malheurs furent généralement fentis, Ia nature de Tesprit humain qui attribuefesdefaftresau peu d'attachement a fon culte, &qui jette fouvent les hommes dans les gouffres du bigotisme ,produifit én conféquence un effet frappant fur la Nation Juive en Surinam. Dans le tems primitif de la Colonie^ les premiers Juifs, quoique d'ailleurs fort estimables par leurs procédés , portérent du Portugal cet efprit d'intolérance qui infiige des peines fur la moindre foute de religion; tout étoit jugé alors par les Régens avec la derniere rigueur': Ceux qüi avoient échappé aux flammes du tribunal hideux de rinquifition étoient alors les plus riches* les plus favants, & en conféquence les plus puisfans de tous, & le despotisme religieux qui en fortoit comme de fa première fource , d'accord aVec les idéés funestes de Ia fuperftition firent naitre des ordonnances fautivès qui regnent encor dans la Nation. Si Pon compare les perfecutions que les Juifs de la Hollande firent esfuyer a Spi«. rrofa & Uriel da Costa, avant que leur atheïsme eut éclaté, & la date des premières inftitutions L a Eccle-  i58 ESSAI HISTORIQUE suR la Ècclefiastiques des Juifs a Cayenne & en Surinam, on trouvera qu'a peu prés dans la même époque, i'efprit de fanatisme regnoit par tout. Cétte pasfion dangereufe jointe au peu d'edutation que recevoient les habitants de la Colonie en général, enfanta parmi les Juifs des discusfioris continuelles qui donrérent plufieurs fois a leurs antagonistes des prifes contre eux. Le renouvellement des inftitutions Ècclefiastiques approuvées par S. A. R. dans I'année 1754 calquées fur de vieilles couttimes, & que la confufion des questions ou fe trouvoit alors la Nation, n'avoit pas permis de lui donner une autre forme & un autre esprit; mit le fceau a tout ce qu'il y avoit de dangereux. Le resfentiment des querelles pasfées, mettoit plutot en oeuvre les perfécuu'ons fur la moindre faute, les malheurs & les defaftres enfin , devoient a ce qu'il femble être réparés a force de bigotisme. Ce fyftème innocent commun k toutes les réligion en général & qui enfanta de tout tems des ceremonies fuperftitieufes qui deparent le fondement du culte divin, comme le rémarque Mr. de Touffaint dans fon immortel ouvrage lur les Moeurs, fut fuivi parmi la Nation Juive en Surinam depuis 1756.' Plongée donc dans ces idéés lugubres, & prenant tout ce qui lui arrivoit pour des chatiments celestes, les Juifs ne chercherent point a avoir réparation de plufieurs griefs contre leurs Privilêges & leurs fianchifes. Plufieurs petits employs qu'ils  COLONIE de SURINAM. 150 qu'ils avo''e,nt eu dans d'autres tems !eur furent 6tés;pendant que des Metis & des Mulatres,tant barards que légitimes ont des employs lucratifs au detriment de ces malheureux blancs,qui comptent parmi les meres de ces Mulatres beaucoup de leurs esclaves affranchis par eux mêmes (a). Leur tribunal de juftice avili a la Savane fentit plufieurs fois des fecousfes, la Compagnie Bourgeoife dans des exercices publics éprouva le mépris le plus outré comme on peut le voir par une décifion des Seigneurs Propriétaires a 1'égard des Juifs Allemands (piece No. 16.) On a pousfé les chofes fi loin qu'on a même tenté de faire dans la Ville de Paramaribo un quartier pour les Juifs avec défenfe d'habitïr ailleurs, ce qui auroit eu tout fon effet, fi les Seigneurs de la Colonie n'avoient ordonné le contraire, & le 18 Février 1767 fuivant un certain arrêt, dont 1'exe-. (a) Sim. Nasfy & Jeof. Sarphaty, ont été Notaires Publics comme, le font les Juifs a Londres. Jacob Polak fut receveur en fecond du Bureau de contributions , Abm. Nunéz arpenteur juré' des terres qui fsrvoit aar Chrétiens & aux Juifs également. Le Docteur Ladesma fut !e médecin de- 1'hopitil, Abm. de Barrios, Eliazer «Sc. Clercs Jurés de divers Comptoir.s, J. H. Brandon réceveur des émolumens de la fécretairerie. Tout o.'qu'ils ont a préfent est de pouvoir posruler comme SoIIic'. teurs devart les Commisfaires des petites caufes, & encore le nombre de 2 Juifs feuleoient, peuvent jr être. admis. L 3  l6o ESSAI HISTORIQUE sur la cution (fuivant une réfolution du 14 May de la même année) fut fuspendue jusqu'au 1 May de 1'année fuivante. On a encore réfolu mal. gré une remontrance vigoureufe de la part de Mr. le Gouverneur Crommelin,faite aaConfeil le 1 May 1767, de ne pas confentir le féjour des Negres des Juifs a Paramaribo, fous le pretexte qu'ils avoient leur Savane ou ils devoient prendre leur Domicile &c. fuivant une lettre adresfée aux Seigneurs Propriétaires en date du 17 Aout 1767, rendue vaine par la réponfe qu'ils en récurent en date du 18 Novembre de la même année. Outre cela les Juifs ne pouvoient point être .ni boulangers, ni marchands graisfiers, connus en Hollande fous le nom de Smokkelaar ou vttje Warier9 & fi, fur la rémontrance que fit Mr If. de Pinto de la Haye, au nom de la Nation a queiques membres de la direction des Seigneur Propriétaires , ce tribunal bienfaifant n'avoit point donné fes ordres la-desfus, aucun Juif ne feroit actuellement ni boulanger, ni vetieivarkr. L'Employ de Notaire Public de la Nation, connu depuis le tems du Gouverneur Sommelsdyk, fous le nom de Jurator que la fociété rendit en Hollande en 1754 a Mr. If. Nasfy, lorsqu'il s'y trouvoit pour les procedures de la Nation avec Mr. Carrilho, employ qui fut créé expresfement pour la facilité de Ja Nation a caufe des fraix énormes qu'elle devoit payer pour 1'interprétation de quelques actes en Hollandois, paree qu'une gra>  COLONIE de SURINAM. 161 grande partie de la Nation ne connoit a fcrd le genie ril les tours de cette langue, pour fe mettre a 1'abri de quelques préjudices fort commun dans les actes judiciaires , est devenu a préfent presqu'inutile, car les Jurators révétus de cet em. ploy après la mort du Mr. Nasfy, furent interdits avec défence a eux de pasfer aucun acte quelconque a Paramaribo , parceque Mis. les Secretaires pour ne pas perdre un produit de 4 a 5 cents fiorins qui reviendroit par an au Jurator, au desavantage des émolumens de la Secretairerie, s'oppolerent au contenu de leur acte d'admisfion & contre ce que Mr. Nasfy, a obtenu de Mrs. de la direction exercé fans contettation jusqu'a fa mort, pendant ua espace de plus de 10 ans; & cela quoique les Juifs , n'eurent point a fe plaindre du Gouverneur Nepveu, qui affectionnoit beaucoup la Na tion, mais qui pourtant ne vouloitpas fecomproniettre en prenant ouvertement fa défenfe fur tout les cas. Les chofes en étoient venues au point, qu'ils auroient perdu infenfiblement les articles les plus favorables de leurs Privilêges, fi la Nation ne fe fut adresfeé en Hollande fur des affaires de grande conféquence , mais pour d'autres griefs fouvent palliés avec des raifons fpeeeufes, elle r.e pouvoit point être toujours a charge aux Propriétaires. d'Ailleurs avec les plus fortes raifons on nepeut pas fe plaindre continuellement, & demander lans cesfe la reparation des griefs? Ne feroit-ce pas augraenter les fpins de bos maitres, quede les óccupet L 4 frAS.  16% ESSAI HISTORIQUE sür la. fans cesfe, & compromettre Ia Nation avec fes co-habitants qui plus pres d'elle pourroient lui faire encore beaucoup de mal, indépendamment des Ioix du paï's? Cette raifon & beaucoup d'autres ont perfuadé la Nation de fe réfigner a fon fort jusqu'a ce qu'une occalion favorable fe préfenteroit d'elle même. Plut a Dieu quelle n'arrire jamais, & que la Nation en oubliant fes griefs pasfés, fe contenre d'un bonheur a venir que Ie préfent lui donne lieu d'attendre; cependant perfonne ne nous faura mauvais gré d'avoir mis fes droits & fon apologie fous les yeux du Public Sr de ceux qui 1'ont toujours protégés, & qui ont Ie pouvoir d'y rémédier d'une maniere ou d'autre'. Ils fauront avec fatisfiction, nous nous en flat* tons du moins, que ce ne fut pas a une Nation ingrate qu'ils ont accordé leur bienveillance , & qu'en qualité de Régens & Propriétaires de Ja Colonie, ils trouveront beaucoup de chofes qu'ils ont ignoré peutêtre. Eh, grand Dieu, dans quelle circonftance les Juifs ont ils manqué a leur devoir de citoyen, contribuant aux impots fans murmu* re, ils fe font toujours attachés aux Gouverneurs fans autre profit que celui de fe dire reconnoisfants k ces augustes commettants, depuis la mort des Gouverneurs Nepveu & Texier. Malgré mille petites chofes qui fe font pasfées, ont-ils manqué a leurs fyftème. M. Beeldfnyder lui - même, n'at-il pas recu les hommages qui lui étoient dus en Qualité de Gouverneur tant a Paramaribo qu a la Sa^  COLONIE de SURINAM, i<53 Savane?Dans tous les befoins presfants de Ia Colonie, Ia Nationn'a t-elle pas pris les armes égaJement? Lors du malheureux fuccès de Tempaty en 1757, fes Bourgeois n'ont ils pas été employés fous le commandement des Capitaines de la Bourgeoifie Chrétienne dans le lieu même de Ia révolte, & ainfi de fuite jusqu'a la paix avec les marrons? Dans ces circonftances ne 1'a t'on pasvufacrifier en faveur de la défence de la Colonie le répos du Sabbath, ou les fêtes Ecclefiaftiques ? n'Est-H pas connu de tout Ie monde que lors de Ia derniere guerre fur 1'indépendance de 1'Amérique feptentrionale au moindre foupcon des mouvemens des marrons de Boni, les Juifs ont tenu poste a la Savane, & monté Ia garde les famedi & fêtes au mois de Septembre 1782 indistinctement? La Nation n'a t'elle pas pris le même intérêt dans cette guerre que les autres Habitants? Voyez le mandement du jeune,,(*; traduit du Portuguais:en conféquence a-t'elle donc méritée par la prétendue faute de quelques Bourgeois Juifs fous les armes lors de 1'enterrement du Gouverneur Texier, une réfolution du Confeil ausfi flétrisfante pour la Nation, qu'illegale aux yeux du Public? Voyez piece No. 19 dont nous parierons plus en détail. A 1'exception de toutes ces raifons la politique ne préscrit-il point de régarder les Juifs de Surinam avec des yeux plus favorables? Les Juifs L 5 ri- (*) Piece 18.  1Ó4 ESSAI HISORIQUE sur la riches ou pauvres ne restent-ils pas toujours aux endroits ou ils fe font fixés une fois?Le contraire n'arrive-t'il pas journellement avec les ind'vidus des autres Nations ? Ceux • ci ausfitót qu'ils fe trouvent un peu a leur aife, vont dépenfer leur argent dans leur patrie, conféquemment, il n'exifte pour le local ni profit ni circulation, tout est perdu pour 1'endroit qui leur a f>urni Poccafion «5c la facilité de s'enricher & comme pitrmi eux il fe trouve beaucoup d'étrangers, la mère patrie même n'en tire que trés peu d'avantage. Combien ri'exemples de cette nature ne pourroit-on pas citer la-desfus pour prouver inconteftablement, que ce ne font que les J[uits, qui font vraiment les véritables citoyens «Sc habirants de Surinam. Nous n'avons vu jusqu'a préfent que des objets plus contraires que favorables touchant les intéréts de la Nation. Que 1'efpoir d'un bonheur k venir la confole! Après la mort de M. le Gouverneur Nepveu, régretté généralement par la Nation arrivée en 1778, Mr. le Commandeur Texier qui lui a fuccedé dans le Gouvernement, dont la bonté de coeur le faifoit aiiner de tous ceux qui le connoisfoient, traita la Nation avec plus de douceur encore, & fecondé dans fes vues par la fagesfe «Sc 1'intégrité de Mr. le Eiscal Wichers , il ne. confendt jamais a rien qui pouvoit potter atteinte aux Privilêges des Juifs; ces deux Mesfieurs égale- mer.t  COLONIE de SURINAM. 165 jaent respectables par leurs quaütés perfonelles que par leur attachement pour la culture des lettres , d'accord avec quelques autres perfonnes bienfaifantes, que nous nous ferons une gloire de nommer dans fon lieu,concurent de 1'alTection pour quelques individus de la Nation dont, (a ce qu'ils eurent la bonté de dire,) la lecture & le jugement n'étoient point a méprifer, & ils commencerent a les encourager; les vifites continuelles qu'ils fai* foient a la Savane, accompagnées de grandes fuites a caufe des travaux du Cordon qui arrivoient ordinairement dans les jours de fêtes Judaïques de Septembre & d'Octobre; les accueils que leur faifoit la Nation en général, joints a des informations qu'ils récevoient continuellement des Officiers Militaires postés a la Savane & au .Cordon, de Ia cordialité, bonté & hospitalité envers eux & leurs fubordonnés, firent une révolution heureufe pour Ia Nation, & ces Mesfieurs réconnurent combien la prévention , & la méfiance peuvent étouffer la réputation d'un peuple en général, & le mérite par» ticulier de plufieurs de fes individus. Ce fut dans ce même tems que Mr. le Fiscal Wichers 6z quelques uns de fes amis, erigeant a Paramaribo une Société d'bistoire naturelle, fit admettre comme membres tant effectifs qu'honoraires les Juifs fans diftinction; 1'éloge qu'il y fit de Mr. le Médecin d'Anavia membre de la dite fociété mort en 1.78.1. fit auunt d'honneur a la Philofophie de  l^tS ESSAI HISTORIQUE sur ia de Mr. Wichers, qu'a la mémoire du feu Médejein Juif. Ce fait, dédommagea la Nation avantageufement de la défenfe,qu'une Compagnie d'amateurs firent aux Juifs d'être les fpectateurs d'un théatre Hollandois qu'ils érigerent en 1775 '■> défenfe inouie dans aucun lieu du monde, ou les Juifs ont la permisfion de vivre. Qu'on ne penfe pas que ce théStre est un théatre de Société, il n'est rien moins que cela, tout le monde muni d'un billet y entre, & il-y-a parmi les acteurs des femmes penfionnées en qualité d'actrices. Les Juifs fe foucierent trés peu de cette flétrisfure, & fcurent par répréfaille ériger 1'année fuivante, un autre théatre Hollandois, qui fuivant 1'aveu des connoisfeurs eut beaucoup plus de mérite que celui des Chrétiens, & posfedoit de meilleurs acteurs, quoique compofé de jeunes gens de la Nation Portuguaife & Allemande qui n'ont jamais vu 1'Europe. Confultés fur cet article ce qu'a dit Mr. Sanfini Napolitain dans les rémarques fur le tableau de Surinam, page 61 qui a vu les meilleurs théatres de 1'Europe, & est en conféquence en état de juger. Ce théatre des Juifs fréquenté par les perfonnes de la première distinction fut tout a_ fait réformé en 1784 (a) Tant a 1'égard d'un beau ba- (<*) Celui des Chrétiens est encore fur le même pied, que Ia vu Mr. Sanfini,  COLOME db SURINAM. 167 Batiment fait expres, qu'a 1'égard des décorations & des habillemens ; fur tout par des bons acteurs accnutumés déja au théatre, talent rédevable en tout fens a eux mêmes, & aux effets que produit 1'émulation. Dans Ie fpectacle des Juifs furent admis indistinctement tous les habitants de la Colonie munis de billets qui fint distribuées gratis par les eontribuants a 1'exeption feulement des Acteurs & Directeurs du théatre Hollandois, a qui 1'entrée est défendue, il y a en outre des places de diflinction faites exprès pour le Gouverneur & les Confeillers de Police , qui ont 1'entrée gratis, dont plufieurs récompenfent ce don généreufement. Le départ du M. le Fiscal Wichers, pour Ia Hollande en Mai 1783 & la mort du Gouverneur Texier arrivée en Septembre de la même année, firent craindre a la Nation quelque malheureufe révolution ,°& comme il y avoit encore des vices & des déreglemens dans fon inftitution, & beaucoup de contraste fur Ie fens qu'on donnoit aux Privilêges, a fon desavantage, on ne favoit point les moyens de réconcilier les opinions a cet égard. Le changement des deux premiers magiftrats de la Colonie, rendoit la chofe encore plus douteufe, d'autant plus que Mr. Beeldfnyder, qui fucceda provifionnellement a Mr. le Gouverneur, & Mr. Karsfeboom a M. le Fiscal, n'étoient point verfés dans les affaires économiques de Ia Nation. Ce»  ï68 ESSAI HISTORIQUE sur la Ces obfervations firent concevoir a un des membre actuel de la régence de la Nation, qui fut de tout tems épancher fon coeur a une perfonne, quï 1'honoroit de fa protection, de lui adresfer en Hol» lande en 1783 une lettre, dans laquelle il lui détailla avec la force dont il étoit capable^ Pétat de la Nation tant envers fes individus réspectifs, qu'envers les autres habitants de la Colonie, & comme cette lettre & le foin ardent qu'eut cet ami de protéger la Nation en Hollande a opére le changement dans fa régie, arrivé en 1785; nous transcrirons fon contenu avec celui d'une autre lettre écrité a ce fujet au Colonel...... qui eut le bonheur d'être mife par les foins de Mr. If. de Pinto, de la Haye, fous les yeux de Monfieur Panden Bourguemaitre de la Ville d'Amfterdam & Prefident du Confeil des Seigneurs Propriétaires, Rendorp i nous permettans d'ajouter, & de rétrancher de ces deux lettres, ce qui est nécesfaire pour éviter les répetition de beaucoup de chofes qui fe trouvent mentionnés dans cet ouvrage. Après Péxpofition de quelques articles qui ne font point de notre fujet ,il y est dit. „ Ces acca* „ blantes vérités jointes au malheur général de la * Nation, qui étouffe en elle le germe de toute „ connoisfance, font augmenter pour mon individu „ les peines que j'endure." „ Quels que furent les efforts que je fis, feconM dés par les principaux membres de la Nation pour „ detromper quelques respectables Colons qui $ nous  COLONIE db SURINAM. 169 nous honorent de leur amitié au fujet du Corps „ général de la Nation, tout fut envain, chacun „ parle en philofophe, chacun prêche lamorale, „ & cependant malgré les beaux discoUrs, la hai- ne nationale les préjugés de 1'enfance, operent „ lans obftacle 3 votre abfence, 1'état déplorable „ ou fe trouvé la fanté de M. le nous préfa« i, ge beaucoup de peines. J'ai tourné en confé„ quence mes vues d'un autre coté^ j'ai penfé que „ fi 1'on pouvoit corriger la Nation de quelques ,j petites fautes & de quelques anciennes habitu- des, que la uanquilité interieure & mutuelle, „ entre Juif & Juif, récompenferoit de beaucoup „ au' rès d'une grande partie des bons particuliers, „ ce qu'elle perd auprès du général. J'ai étudié en conféquence le genie, Ie carac„ tere, les vices & les vertus de ma nation, «5c „ quoique Juif, je ne me trompc pas furelle. Mais cependant dans le calme des pasfions je fuis „ porté a conclure que l'éloignement de la bonne ,, Compagnie , fes anciennes habitudes jointes au „ peu d'éducation malheureufement trés vicieufe „ dans la Colonie en général, firent naitre & con* 5, fervent chez elle , des petitesfes réprochables* „ qui influent fur les moeurs, la rend injustement „ méprifables aux yeux de tous ceux qui n'ayant „ point ap; rofondi le fond de fa morale, ni calcu.. lé chez elle la masfe du bien & du mal, fe pré„ vhnnent aveuglement contre fes individus en ,* général* sui.  *7Ö ESSAI HISTORIQUE sur la Suivant ces principes je me fuis dit mille fois; „ une nation dont les membres par principe dé „ réligion (abftraction faite de quelques individus i, comme partout ailleurs) font bons Maris, bons „ Peres, amis des Pauvres O), Hospitaliers tant „ enfa) A 1'exception de la caisfe générale des pauvres la Nation Juive Portuguaife malgré fa décadence actuelle, Sc la contribution aux impöts de la Colonie & les fraix pour le maintien de fes deux Synagogues rune è la Savane & 1'autre a Paramaribo; a trois confréries , 1'une pour l'enterrement des morts & 1'entretien des cimetieres, 1'autre pour fournir les fuaires ou linceuils,.cercueil, pierres de fepulcture &c. & entretenir les families pauvres pendant les fept jours du Dueil, & ia troifieme pour asfifter les malades & ieur fournir ce qu'ils ont befoin. Les trois enfemble font un dbjet de presque quatre mille florins par an donnés pour la fubfiftance des Pauvres, a 1'txception encore de fix a huit mille florins, que dépenfe ar.nuelmem avec la caisfe générale pour 1'enuetien des families des Veuves, des Orphelins, cc de ceux qui ne font point en état, de gagner leur vie, fans compter les payemens pour les médecins & la médicine, &c. Eh; grand Dieu, avec quelles resfources ? Leur industrie. Honnêtes Chrétiens, aimables philofophes, politiques profonds , fouverains enfin, ouvrez une fois les yeux fur cette malheureüfe Nation, & vous auteurs du libelle forti d'Esfequebo & Demmerary, rougiiïez de vos •■'«utimens, ne calomniéz point les Juifs Portuguais par rap-  COLONIE de SURINAM. 171 9S envers fes autres freres, qu'envers les étran„ gers. Une nation dont les femmes donnant „ 1'exemple de 1'honneteté font fort attachées a „ leurs maris, qui rnéprifent les parures, & donj, nent tous leurs foins a leurs ménages. Une nation „ encore parmi laquelle on trouve des fociétés compofées de vrais & fideles amis (a); qui ja„ mais ne fe révolta contre fes fouverains, mais „ qui fcait obeïr aux loix du pays, contribuer aux „ impots, & a qui la moindre marqué d'affection „ ou d'équité des Magiftrats envers elle, la flatte au point de fe croire aimée, n'est point une na„ tion dont les petitesfautes foient incorrigibles. Non Mon- rapport a charité qu'ils exercent envers leurs freres. J. C. lui-même 1'a prêchée, & le cceur de 1'homme fenfibla 1'ordonne. (a) Nous convenons,qu'il y a parmi les ]uifsbeaucoup de diiTentions, comme parmi d'autres Nations; mais cependant ceux qui fe difent amis, le font veritablement dans toute la force du terme, fermes, conftants, & toujours avec candeur, ils favent apprecier ce don celefte de 1'amitié & facrifier en conféquence tout ce dont on a befoin pour 1'entretenir, beaucoup de circonftances, beaucoup de petites plaintes doivent coöpérer enfemble , avant que ce lien une fois cimenté, vienne a fe rompre; mais une foisrompu, ils deviennent rédoutables 1'un a 1'autre, & c'eft è caufe de leur impetuofité a cet égard, qua leurs inimitiés éclatent en Surinam plus que celles des Cmétiens. I. Partje, M  i72 ESSAI HISTORIQUE sur la „ Monfieur, les Juifs font des hommes , & des „ hommes encore extremement fenfibles. Ils ont „ les mêmes organes, les mêmes pasflons que les „ Chrétiens. La fenfualité travaille, opére fur tous „ les hommes en général; chacun ne cherche que , fon bonheur,s'il s'y trouve des vices,il s'y trou3 vé des vertus, & leur mélange n'est que Pap" panage de 1'humanité. Abhorrer donc les Juifs l\ par rapport a leur croyance, les méprifer paree „ qu'ils n'obfervent pas en tout point les regies de " cette urbanité fpécieufe dont ontrompe 1'univers; 'j c'est le comble de la folie & de la mechanceté. '5' Les avantages d'une Nation (dit Mr. de ZimmerH man dans Jon ouvrage fur l'crgueil nationnaDjont ou réels, ou cbimeriques j elle tjl prefomptueufe " quand elle scn atribue ce qui ne lui appartimt '?' pas^ & orgueilleufe quand elle est trop convain- cue de Jon merite. Après un court expofè de 1'état primitif des Tuifs coroparé avec kur état actuel tant politique que moral, on ajoute. II feroit a délirer ,, qu'au lieu de Privilêges, ils eusfent 1 affection " du peuple parmi lequel ils vivent, & que ceux ' de fes individus qui méritent d'être diftingués " de la foule,pusfent jouir de la récompenfe que " ia loi de la nature donne aux individus de Pes" pece humaine. Fréquentés , honorés des pre" miers Colons, la nation entiere tachant d'y par",venir aura de 1'émulation , de 1'envie même , „ pour fe mettre au niveau de quelques uns de ji fes  COLONIE de SURINAM. i7$ „ fes freres; cette distinction qui les fépare des „ Chrétiens, une fois disfipée, les privilêges, les „ franchifes (abftraction faite de celles de prier ,, Dieu a leur maniere) deviendroient inutiles, & „ onereufes aux yeux même des Juifs ;mais pendant „ que cette inégalité de condition aura fon exiften„ ce au de la des bornes équitables, les Juifs ré,, garderont leurs privilêges comme un bien fuprê„ me, & verferont leur fang pour les conferver „ intactes. Une Colonie donc, dont la popula„ tion est divifée en deux nations, moitié Juif, „ moitié Chrétien, forcés a fe voir obliquement, „ peut-elle fe promettre beaucoup d'avantages (o)? „ D'ail- O) Nous avouons cependant avec plaifir (& nous feïIols même des ingrats fi nous ne le reconnoisfions point ) les amitiés. dont plufieurs Juifs font redevables a plufieu-s Chrétiens de la Colonie; mais en généraüfant cefait, nous obfervons que le nombre de ces Chrétiens eft fi petit que leur bonté & leur bienveillance devient presque inutile pour le corps général de la Nation envers le refte des habitants qui ne font point péms du même fentiment; d'ailleurs Ie monde veut être frappé par des objets vifibles j qu'importe i la Nation qu'elle aye des particuiiers aimés pour ainfi dire en fecret ou clandestinement par quelques perfonnes de diftinctions, lorsque ces mêmes Juifs ne font point honorés chez eux par ces Chrétiens? De fréquente* vifites rendues aux Juifs; les inviter lors de quelque partie de leurs fêtes, les rendre peu è peu familiers avec les autres perfonnes de leurs compagnies, encourager par M a l3  174 ESSAI HISTORIQUE sv*. la „ D'alleurs quelles font les caufes qui font per„ dre aux Juifs, dans leur état de pauvreté, les „ avantages qu'ils eurent lorsqu'ils étoient plus a „ leur aife? la raifon m'en eft entierement incon- nue, cependant je me flatte que perfonne ne fe,, ra en état de foutenir, encore moins de prou„ ver, que leur infidélité, ou leur incapacité en foit la caufe, car il n'y a peutêtre aucune Na„ tion qui foit plus attachée a fon maitre, & qui „ fasfe plus d'efforts pour 1'obliger, que la Juive, „ & c'est par cette même raifon qu'il n'y a presque „ aucun comptoir dans la Colonie qui n'aye pas des „ Juifs pour écrivains: & pour fe convaincre de ce „ que li leurs fsmmes & enfans, fuppofe du mérite a Ia Nation, & desfillera les yeux aux plus prévenus contre elle; mais proteger quelques uns, les aimer mêmes fans rendre 1'objet (pour ainll dire) vifible, ne fuppofe qu'une afFeétion individuelie, & réjaillit trés peu fur la Nation en général. Nous fommes par des faits conftants pénétrés des fentimens de bonté de Mr. le Gouverneur Wichers, du Colonel Frederici, des Confeillers Lemmers, de Graaf & quelques autres, du Médecin Schilling , & de quelques particuliers: nous faifons une gloire de mériter leurs affections; mais cependant (que cet élan de notre cceur en faveur du Corps de la Nation nous foit permis) ces Mesfieurs n'agitTent-ils pas plutot en hommes vertueux&raifonnables, qu'en citoyens du premier rang, qui peuventdonner le ton, & édiSer le refte des habitants de la Colonie, envers les Juifs.  COLONIE ra SURINAM. 175 que leur fubfiftance & l'entretien de; leurs famil« „ les ne vient que de leur induftrie, calculez ,, Monfieur, Pimmenfe fomme d'argent qu'on dé- penfe annuellement dans la Colonie en appointe,, mens & autres bénéfices, dont les Juifs font en« „ tieremens privés. Avocats, Procureurs, Clercs ,, jurés de la Secretairie, & des différens bureaux de la Colonie & du Gouvernement : les em„ plois de la garnifon , les Huisfiers de juftice, ,, ou Expkicteurs, &c. &c. ajoutez a cela les avan„ tages de ce nombre prodigieux d'adminiftrations „ fur les Plantations, & mille autres objets de „ cette nature. Examinez en outre avec votre „ équité naturelle la facon de vivre , & les moyens ,, de la plupart des Colons Chrétiens, & en ötant „ du nombre général abftraction faite des Direc„ teurs & officiers • blancs fur les Piantations, 150 „ ou 200 perfonnes qui tirent leurs fubfiftence „ comme les Juifs du travail de leurs mains , & „ de leurs induftrie, dites moi fi l'entretien & l'ai„ fance de toutes les autres, ne procédent point des ,, avantages de leurs charges, & de leurs admini„ ftrations. „ S'il exifte une différence fi prodigieufe entre „ les moyens des Juifs & ceux des Chrétiens, fi „ Paifance des uns, & la nécesfité des autres, font „ que leurs resforts n'ont point la même force, „ ou qu'ils ne tendent point a produire les même* „ effets, pourquoi donc éxigera t'on des Juifs tant h de précautions,& de fcrupule dans leurs trafics, M 3 leurs  175 ESSAI HISTORIQUE sur la „ leurs manieres & Pordre dans leurs maifons? & 9, en leur fuppofant encore de petits escamotages. „ n'est-il pas vrai & inconteftable que la lonte „ (comme le dit un auteur bien fenfé , (*) est mil., le, ou le mépris injtifie précede le crime ? Cest en „ applanir la route, {continue t'il) que de couvrir „ d'cpprobre ceux quines'lenfontpas rendus coupablesf Les déreglemens donc d'un peuple qui fe trouve dans ce cas, fes délits même, ne pourroient-ils 5, pas être attribués avec juftice a ceux qui en font 9J la caufe. ,, Pour foulager donc la Nation de les blesfures, „ les Juifs doivent par une nécesfité abfolue fe fuf„ fire & fe concentrer pour ainfi dire, en eux 9, mêmes. Pour arriver k ce but, il eft nécesfaire „ de purger nos inftitutions ecclefiaftiques de leurs „ fautes, de déraciner nos vieilles habitudes, & d'abattre nos préjugés, comme Purigine de tou9, tes nos divifions. 9, Et pour vous mettre a même Monfieur d'ufer ,, de vos bons Offices envers nous auprès denos illusM tres maitres en Europe , j'aurai 1'honneur de vous faire mes obfervations fur Peconomie gés, nérale de la Nation, felon ce que ma mémoire ,, me les fuggerera. „ II est connu,que chez tous Iesjpeuples civilifés „ de 1'univers, les loix furent faites fuivant les „ moeurs, les préjugés , & les circonftances de 9, Pépoque qui les a vu naitre: des révolutions pas» „ fées, (*) Lettre des Juifs a Mr. de Voltaire, torn. i pag. 23# /  COLONIE de SURINAM. i?7 „ fées, apprennent a rhomme & fes erreurs, & les devoirs futursj aucun peuple, aucun Gou„ vernement n'a confervé fon code fans alteration ; „ laisfons a part ce qu'on nous débite des Chinois „ & d'autres peuples anciens , encore ces loix „ prétendues éternelles, font la bafe de mille pra„ tiques barbares. Après un récit exact , & des obfervations trés justes fur le bon, & le mauvais ; 1'utile & le nuifible de la conftitution des Juifs en Surinam, eu égard a Fétat actuel de la Nation; on conclut cet article, en y ajoutant. „ Voila Monfieur, 1'éxpofé fidéle de notre con„ dition, de nos erreurs, & des vices de nos infti„ tutions Politico-Ecclefiaftiques. Je vous ai parlé „ avec fincerité, & je vous ai ouvert le dernier „ repli de mon coeur, en conféquence, je vous „ prie de me dire, s'il est posfible qu'un College „ de Regens dont les membres doivent être chan„ gés chaque 6 mois, bornés en outre dans leurs „ facultés , malgré 1'étendue des Privilêges , ex„ pofés aux murmures du peuple & obligés fur „ la moindre plainte de fe défendre devant le „ Gouverneur & le Confeil, continuellement en „ dispute fur le fens qu'on veut donner aux „ Privilêges de la Nation, (*) ayant en outre a travailler toujours avec de nouveaux memM 4 „ bres, (*) Voyez une étinceüe de cette vérité dans la p:ece No. 20 du 15 Oftobre 1784. après la mort du Gouverneur Texier, & pendant Pabfence de Mr. le Fiscal Wichers.  i?ö* ESSAI H1ST0RIQUE sur la 9, bres,& conféqueminent avec de nouvelles idéés, j» & de nouveaux caprices, puisfe être en état de „ redresfer les inftitutions, & mettre de 1'ordre „ dans la régie de la Nation & fes individus, fans s, que le pouvoir legiflatif qui donne des loix a toute Ia Colonie, ne veuille co-opérer, & authori„ fer les Régens, ou les plus capables de la Nas, tion, a rédiger les inftitutions, fous 1'approba„ tion de L. H. P. & des Seigneurs Propriétaires. 5, Je ne doute point des controverfes que nous au„ rons a esfuyer de la part de nos individus; „ mais tout cela n'eft rien, le refpect du aux Sou- „ verain impofera filence. „ Mais hélas t „ permettez moi encore une petite obferva- „ tion: vous êtes actuellement auprès de nos maï„ tres, vous êtes philofophe, vous nous connois„ fez, pouvons nous efperer fi la fortune nous „ fera une fois propice ? II s'agit de Ia condition „ ou fe trouve actuellement les Juifs, généralement „ parlant par rapport aux moyens de gagner „ leur vie. „ En remplisfant les vues que je me fuis propo„ fées fur le changement de la régie de la Nation „ ci-desfus mentionnée , en mettant du calme a „ la pasfion , & en venant encore au but de con„ centrer la Nation dans elle même, pourrons nous nous flatter de Ia rendre heureufe, pendant que les resfources prodiguées aux autres co-habitants „ de Ia Colonie font fermées pour fes individus? ,» Si la bienveillance de nos Souverains, & la bonté „ con-  COLONIE de SURINAM. lf9 „continue de nos maitres, ne co-opérent £ ,, rendre les Juifs fusceptibles a tous ces profits „ deftinés aux habitants de Ja Colonie en général, fuivant Ie fens de leurs Privilêges , pourrons „ nous nous promettre les heureux effets de „ 1'émulation prife dans de justes bornes de 1'am„ bition, & de 1'amour propre même. Si vous „ voulez, la litterature, la connoisfance dans la „ jurisprudence, les beaux arts, 1'agriculture & le commerce, tout n'est pas perdu pour eux? „ d'ailleurs ou est PEtre asféz moral qui travail„ le, qui veuille acquerir des connoisfances fans „ compter fur les bénéfices, & les svantages qu'il „ en tirera?Ainfi toute divine qu'est la moralede J. Christ, qui préfcrit la propre fatisfaction pour „ toutes fortes de récompenfes, toutes excellentes j, qui font a cet égard les maximes de Socrate, „ de Platon, & de Jean Jaques Rousfeau, cette „ fatisfaction donc, toute divine qu'elle puisfe être donne t'elle du pain? met elle ceux qui „ la posfedent a 1'abri du mépris? au contraire „ plus on est fenfible, plus on confulte le droit de Phomme fondé fur la nature elle même, & „ plus on fent 1'incompatibilité de ces lecons de „ morale." Heureufement Mr. Wichers, Général Major au fervice de L. H. P. (titre dont avant lui aucun Gouverneur de Ia Colonie n'a été réveti) arriva a Surinam le 23 Décembre 1784. en qualité de M 5 Gou-  i80 ESSAI HISTORIQUE sur la Gouverneur Général de la Colonie, & fon arrivée mit le combie aux fouhaits de la Nation, d'autant plus que dans ce même tems, a caufe de quelques déréglemens dont s'étoient rendu coupables deux individus de la Nation, qui étoient fous les armes, lors de Penterrement du Gouverneur Texier, la Cour de Police fins entrer dans les raifons qui devoient fervir d'éxcule aux Juifs, put trouver bon de ftatuer qu'a Pavenir les Juifs ne paroitroient plus fous les armes a Ia réception d'un nouveau Gouverneur {*): & quoique cette réfolution a été modifiée en leur faveur par une autre promulguée du tems de Monfieur Wichers; cette derniere n'ayant point rédresfé leurs griefs a tous égards, ils fe font de nouveau adresfés aux Seigneurs Propriétaires, dans 1'attente d'une décifion plus favorable. II feroit a fouhaiter qu'elle fut terminée, afin d'eviter les mauvaifes conféquences que cette réfolution du Confeil, prife dans le tems du ad interim Gouverneur, M. Beeldfnyder, «5c la foidifante réparation faite le 15 Février 1785 dans le tems de Mr. Wichers, peut faire au détriment de la Nation. Les principaux membres de la Nation, concevant beaucoup d'efpoir avec Ia régie de Mr. Wichers, dont les bontés fe firent connoïtre avantageufement lorsqu'il exercoit encore 1'employ de premier (*) Voyez piece justificative, No. 19.  COLONIE de SURINAM. i8r mier Fiscal de la Colonie, prirent Ia réfolution d'eriger un Collége de litterature fous le titre de Bocendo Doeemur dans la maifon de Mr. de Mon. tel, vieillard ausfi aimable par fes vertus, que malheureux par fes bontés, & fur un profpectus qu'ils firent, & la protection qu'ils récurent de Mr. le Gouverneur, le College eut des fuites heureufes, ayant eu en outre 1'honneur d'avoir pour membres effectifs & honoraires, Mr. le Gouverneur, le Lt. Colonel Frederici, Mr. van de Poll, Mr. le Méde. cin Schilling , connu avantageufement en Europe par fes ouvrages & principalement par celui fur la lépre,Mr. J. Caucanars, Confeiller de juftice civile,des Officiers Militaires, & plufieurs autres. Les Régens de la nation, en conféquence des prieres faites a Mr. Wichers lors de fon départ pour la Hollande & fuivant le contenu de deux Let. tres dont nous avons donné 1'extrait dans cet ouvrage; après de muresdéliberations, réfolurent dans leur asfemblée générale, compofée des Régens & adjoints, d'abandonner les affaires de la nation concernant la réforme de leurs inftitutions & leur Régence, aux fo'ns, & au jugement équitable de Mr. le Gouverneur, afin qu'il en jugeat fuivant fa fagesfe, & fur une rémontrance qu'il lui fut adresfée le 8 Mars 1785. Ie Gouverneur dispofa de tout, fuivant le contenu des pieces No. 23. i° & n° part. qui (*) Voyez Ia desfus le profpectus piece No. 21. & Ia Lettre de Mr. ie Gouverneur piece No. 22.  (82 ESSAI HISTORIQUE stjR LA qui caracterifent la fagesfe, & l'amour du biet*public de Mr. "Wichers ( «Sc encore moins pour celui de leurs families. La concurence confidérable de grandes boutiques, que les Negociants de la Hollande entretiennent dans la Colonie, moyennant un certain bénéfice qui revient aux facteursou boutiquiers, rend onereufes celles que peuvent avoir les Juifs. Les emplettes qu'ils font aPencan & qu'ils vendent après en détail étoient leurs uniques resfources , «Sc ce font principalement les Portugais qui entretiennent tous ceux qui fonnes & des families qui posfeden*: encore depuis 50 jus. ques même 400 mille florins de capitai; ramaifé en grande partie par leur capacité dans le négoce & le trafic du commerce Anglois &c. & d'autres qui auront encore depuis 20 jusqu'è 50 mille florins de capital, employés aux travaux des bois, qui rend un révenu annuel trés avantageux. Chez les Juifs allemands il y a des capitaliftes, qui poffedent jusqu'è 150 4 200 mille florins, & une grande partie qui ont des fonds (ufHfants pour leur entretien. Pour celui des pauvres que nous avons marqué, & pour lts contributions pour les Synagogues, & autres foulagemens, qu'on donne aux nécesfiteux; mais comme la refte de la Nation (du nombre de plus de deux tiers) est pauvre, ce n'eft qu'eux, que leurs fouffrances leur peu de reflburce, les entraves qu'ils éprouvent dans leurs trafics.que nous envifageona dans tout ce qui fe trouve dam Ie texte de cette nóte»  COLONIE de SURINAM. 187 tjui fe font dans la Colonie; mais ce petit commerce, Ie profit qui leur en revenoit décheoit fenfiblement, a caufe des grands fraix qu'on y paye & du peu de débit qu'on trouve en vendant ces marchandifes par les rues, prin» cipalement lorsqu'on ne peut en charger les esclaves , munis de billets pour courir les iues & débiter les marchandifes, pendant que le mal» tre est occupé a faire ailleurs fes petites fpécula» tions. A St. Euftache, & dans les autres Colonies, tant francoifes qu'angloifes , il est permis aux Colons d'étaler leurs marchandifes devant la porte, & de vendre toutes fortes de denrées qui ne font point défendus par la loi fans exeption, par eux & par leurs esclaves, par les rues,& ou bon leur femble, fans crainte d'être pris par les archers, ni d'être condamné par le Fiscal. Ces obftacles qui portent un détriment aux pauvres, accompagnés d'autres vicisfitudes qu'on éprouve généralement, augmente la peine de fe voir privé de toute forte d'occupation lucrative, foit fur les Plantations, ou ailleurs. La pluralité des moyens, la diverfité de facons de gagaer la vie produit un trafic, & un Commerce avantageux & proportion des moyens qu'on y employé; mais un nombre de presque 150 families pauvres de Juifs Portuguais & Allemands, dans une ville ou Ia population est fi petite, qui s'adonnent toutes h un feul trafic, a une feule fpéculation, peut-il leur être avantaI. Partie. N geux  188 ESSAI HISTORIQUE sur £a geux prlncipalement lorsque la plupart des femrf mesdupaïs 6c même les plus distinguées font tout ces trafics par la voye de leurs Négresfes tant dans la Ville que fur les Plantations , ötant par la les moyens de fubMance a ceux qui n'ont abfolument d'autres resfources que leur induftrie en fait de petit commerce qu'on y fait. En conféquence donc de ces entraves , & de tant d'autres défavantages que la Nation éprouve & chaque inftant, lespetits escamotages, 1'escroquerie, ne deviennent-ils pas nécesfairement indispenfables ? Cependant, qu'onparcourre les archives de la Colonie, qu'on examine la nature & le poids des délits qui furent portés devant le Confeil, & Pon verra fi les Juifs méritent d'être plus accufés, plus mal vus, que les individus des autres Nations, habitans de la Colonie. Sur cet article nous entendons déja la voix de la critique & de la prévention nous dire, que notre allegation est foible, & fort fpécieufe, puisque les Régens ont foin de réleguer hors de la Colonie en vertu de leurs privilêges, ceux de la Nation qui ont commis quelques crimes, afin de les fouftraire aux= rnains de la Juftice; mais en dépit de ces obfervateurs, nous fommes en état de prouver par les archives de la Nation que depuis que la Colonie exïste fous le pouvoir des Hollandois, jusqu'a préfent, qui fait une espace de 120 ans, les Régens n'ont mis en éxecution Partiele de leurs Privilêges au fujet de leur droit d'ostraeisme, ou Politique Verzending  COLONIE de SURINAM. 189 ding, que fur 9 particuliere fans families, & fur deux families , compofées de 7 perfonnes, qui font enfemble'le nombre de 16 fujets, dont huit esfuyerent cette peine a caufe de Religion & de desobéïsfance aux inftitutions, & non pas pour des délits & des crimes. Qu'on fasfe des récherches dans les archives du Gouvernement,(car fans Mr. le Gouverneur, cet ostracisme ne peut avoir lieu) & qu'on le démente fi 1'on peut; mals le contraire arrivera. En faifant ces récherches oti trouvera que fur deux perfonnes que les Régens ont voulu réléguer de la Colonie fur des foupcons bien fondées de Fausfaires, quelques créanciers Chrétiens s'y ont oppofés, jusqu'a rendre leur réfolutions inutiles & ces deux méchans fujets, en dépit & a la honte de la Nation & des Régens, courrent actuellement les rues de Paramaribo fans crainte ni rémords. Après avoir expofé de la facon la plus convenable, & avec la force & le jugement dont nous fommes capables le précis de 1'histoire de la Colonie de Surinam depuis 1650 jusqu'a nos jours, démontré fon progrès, & fa décadence, avec les événemens qui en furent la caufe» & après avoir fait Philtoire des Juifs Portuguais & Aüemands y établis, comparé leur état ancien, avec leur état moderne, tant fur ce qui concerne leurs privilêges , franchifes & immunités, que fur ce qui rcgarde leur état politique & moraU leur facon de vivre, leur fubfiftance, leur fólicité leurs fouf. N 3 fraa-  190 ESSAI HISTORIQUE sur la frances; rendant par ces détails une réponfe précife & exacte aux questions que M. Dohm a daigné faire dans la lettre dont il a bien voulu honorer les Régens de la Nation Juive Portuguaife, en date du 29 Janvier 1787 (<*) il nous femble ne- (0) Voici le precis des question de Mr. Dohm, inferés dans fa lettre, dont la copie fe trouve après la préface de cet esfai; i°. Sur les avantages que Ie Gouvernement de Surinam accorde a la Nation Juive. a°. Si 1'on y fait quelque diftinction entre notre Na» tion & les autres habitants de la Colonie. 30. Si toutes les occupations, metiers, genre de commerce leurs font permifes. 4°, Si la Nation y jouit du droit de poffeder des Plantations en propriété parfaite. 50. Si la Nation y paye des impots particuliers a la Colonie, comme dans quelques païs. 60. Si comme en quelques païs, le nombre de leurs families y doivent être bornés. 7°. Si la Nation peut défendre Ia patrie comme foldats, ou comme Officiers civils ou militaires. £0. Sur des notices hiftoriques; fur le fort que la Colonie a eftuyé depuis fon comtnencement avec la date de fa fondation, & les changemens qu'épiouverent les privilêges de la Nation. go. Sur 1'état politique & morat de la Colonie en général, & fur les fentimens que la juftice fage & éclairée du Gouvernement ont du infpirer aux Chrétiens enyers les Juifs.  COLONIE de SURINAM. igi nécesfaire d'ajouter a cet ouvrage Ia description de la Colonie de Surinam, 1'état de fa culture, fes habitations, fa population, & fes révenus,avec la description de la Ville de Paramaribo. La Savane des Juifs, les moeurs de fes habitants, fon gouvernement politique & militaire, médecine, literature &c. fans nous permettre cependant rien de tout ce qui concerne fon gouvernement politique actuel, que nous déferons avec plaifir a ceux qui font plus a portée que nous , de connoïtre par leur capacité & liaifons les resforts qui donnent actuellement du mouvement a Part de gouverner, connoisfance imcompatible avec 1'état des Juifs en général, qui doivent être pour la politique contemporaine de Pendroit ou ils vivent, ce qu'est dans la grammaire Latine le genre neutre: & pour iemplir notre but, nous tranferirons ici Pesquisfe qu'a fait Mr. de Raynal, dans fon Uistoire Politique & les auteurs dont nous avons cités les ouvrages dans cet esfai, & en rètracant ce qu'ils ont écrit fur la Colonie, nous nous permettrons la liberté de fupprimer, d'augmenter, de réfondre, & de corriger ce qu'on y trouve d'outré ou de défectueux, d'après Pautorité que donne la vérité denuée de toute prévention. Cet esquisfe de fon état actuel que Ia connoisfance du local nous met plus a portée de connoitre que les auteurs qui écrivent dans leurs cabinets & fur des informations tronquées & confequemment peu véridiques, avec ce  192 ESSAI HISTORIQUE sua la enz. ce que nous avons fait précéder dans cet ouvrage concernant 1'origine de la fondation, & les révo? lotions Politiques & Morales de la Colonie,formera en abregé fon hiftoire complette, depuis fon com»mencement jusqu'a Pannée 1788. Fin de la première Partie»  ESSAI HISTORIQÜÊ SUR LA COLONIE DE * SURINAM.   ESSAI HISTORIQÜE SUR LA COLONIE D E SURINAM, Safondation, fes révolutions, fes progrès, depuis fon origine jusqu'a nos jours, ainfi que les caufes qui dépuis quelques années ont arrctéle cours de fa prosperité;avec la defcription & 1'état actuel de la Colonie, de même que fes rëvenus annuels, les charges & impots qu'on y paye, comme ausfi plufieurs autres objets civils & politiques ; ainfi qu'un tableau des mceursdefes habitans en général. AVEC L'Histoire de la Nation Juive Portugaife & Allemande y Etablie, leurs Privilêges, immunités & franchifes : leur Etat politique & moral, tant ancien que moderne: La part qu'ils ont eu dans la défenfè & dans les progrès de la Colonie. Le tout redigé fur des pieces authentiques y jointes, & mis en ordre par les Régens & Répréfentans de ladite Nation Juive Portugaife. SECONDE PARTIE. A PARAMARIBO, 1788.   ESSAI HISTORIQUE SUR LA COLONIE D E SURINAM. I_ies Colonies, que les Hollandois posfedent dans le nouveau monde, font aujourd'hui la principale fource de leur commerce, & de leur opulence. Les conferver, les augmenter, encourager l'induftrie de leurs habitants , leurs cultures , & les aider dans leurs befoins, est du devoir des Souverains équitahles, & le feul moyen d'agrandir leurs Etats en général, Vouloir mettre en paralelle, la n;.ture des Colonies modernes, avec celles d'Egypte, de Sparthe & des Romains , c'est prépnrer des fondemens pour exercer la tiiannie, & les délbrdres; confequemment, confidérer leurs habitants avec moins de droits, moins d'immunités & d'une clasfe inferieure a celle des habitants & des citoyens de la mère Patrie, est le comble de la turpitude. Cette vérité fut lentie par quelques auteurs d'un jugement équitable , mais perfonne peut-être ne 1'a mife dans un plus beau jour, que l'éloquent auteur de la préface inferéc dans le premier volume il. Partie. A 3 des.  «5 ESSAI HISTORIQUE sur la des lettres d'Aristodemus & S'mcerus, fur les Colonies de Demmerary & d'Esfequebo, que nous avons cité dans cet ouvrage ; préface digne de paroitre en tête des productions immortelles des Montesquieu, des Rousfeau, des Raynal, & non pas d'un ouvrage ou la confufion, & le défordre dans dix volumes, étouffent, & rendent méconnoisfable ce qu'il y a de vrai, d'utile & même, de fentimental. Sur une partie donc de cette vaste contrée, baignée a Pest par la Mer, au fud par l'Amazone9 au nord par 1'Orenoque, & a 1'ouest par le Rio Negro, qui joint ces deux fleuves les plus grands de PAmérique méridionale, connue fous le nom de la Guyanne; s'est formée la Colonie de Surinam, «Sc au milieu d'un pays couvert en partie de bois «Sc de marais, chargés de nitre, ou qui n'offroit d'ailleurs que de vastes plaines arides, d'ou s'exhaloient fans cesfe des vapeurs fulphureufes, fe trouve le plus important établisfement des Hollandois dans PAmérique; fusceptible par fon étendue, fa fertilité & la comodité que lui of frent fes différentes rivieres larges & profondes, a devenir la plus puisfante tSc la plus riche de toutes les Colonies du nouveau monde. La riviere qui donne le nom a toute la Colonie est la plus belle de la partie cultivée ; a deux lieues de fon embouchure il y a (a 1'exeption d'une espece de rédoute formée fur le Mot Creecq, qui donne le premier avis par un coup de canon de  COLONIE ce SURINAM. 7 de Papproche de quelque batiment,) deux rédou» tes, une de chaque coté de la riviere, qui défendent ce paslage en tems de guerre. Ces rédoutes font face aux vaisfeaux qui voudroient rémonter ce fleuve, & avec leur batteries bien garnie d'artillerie,fecondent les efforts que la forteresfe Nouvelle Amfterdam fituée une demie lieue plus haut est en état de faire pour la défenfe de la Colonie. Cette forteresfe commencée en 1733, & ter" minée en 1747 comme nous 1'avons déja marqué, est fituée au confluent des rivieres de Surinam & de Commowine, & au milieu d'un petit marais qui foime un espece d'Isthme rond. Entre ces deux rivieres, elle n'est abordable que par deux chausfées étroites ou 1'artillerie écarté toute approche» & malgré la largeur conlidé-- ble de la riviere de Surinam a Pendroit ou fe trouve la forteresfe, aucun vaisfeau peut pasfer fans s'en approcher, a caufe des grands bancs de fable, mêles de vafe* qui fe trouvent vis a vis d'elle, jusqu'a plus de la moitié de la riviere. A deux lieues plus haut fé trouve une batterie masquée, destinée a couvrir le port & la ville de Paramaribo, on la nomme Zélande. Cette forteresfe enferme dans fon enceinte le magazin des, vivres, des munitions , materiaux des Seigneurs, Propriétaires, & a ordinairement un Bataillon d'Infanterie qui fait la garnifon de la Ville. La Colonie a pour défenfeurs un. bon nombrede troupes qui conüftent en 3 Bataillons d'infante-. A. 4 'ie a,  $ ESSAI HISORIQUE sur la deux compagnies d'artillerie, un corps de genieft un corps de chasfeurs, & 200 Negres affranchis, qui font le fervice des troupes legeres; chaque Bataillon a fon CoIoneI,ou fon Lieutenant Colonel, ou un Major qui le commande, foumis aux ordres & aux commandemens du Gouverneur, en qualité de Général Major au fervice de L. H. P. les Etats Généraux, & Colonel en Chef de toute la milice du Païs. Le Colonel Commandant du fecond Bataillon est aétuellement Mr. van Baarle; & le Lieu<; tenant Colonel M. Frederici, Commandant du dernier, a en outre le département du Cordon en qualité d'Jnfpecteur Général, la compagnie de Chasfeurs en qualité de Lieutenant Colonel, & encore celui, du Corps des Negres affranchis, comme Chef. Ce Corps s'est formé depuis 1772 des meilleurs esclaves tirés de toutes les Plantations de la Colonie, & achetés a un prix exorbitant. Cette compagnie de Negres affranchis est actuellement au nombre de 200 hommes, fans compter les Officiers Militaires, les conducteurs , & les autres employés a ee fervice » & fans oter du mérite qu'ont les corps qui compofent la garnifon du. Païs, ce corps fubordonnée au Commandement d'un Chef habile & entreprenant, est la milice la plus avantageufe a la Colonie; on les distribue par tout, & ces Negres, moyennant leurs petits gages, & autres bénéfices, exercés d'ailleurs au métier des armes, fous une discipline bienreglée, font des expéditions continuelles contre les ma* rons^  COLONIE de SURINAM. j, rans, & toujours, avec plus ou moins de fucces. 11 feroit, a défirer pour le bonheur de la Colonie qu'on fut en état d'augmenter ce corps tant pour la tranquilité commune que pour extirper les marrons de Boni, ceux de derrière de Para , & tenir tête aux Villages de Juca & de Saramaca, en cas de quelque rupture. La Colonie a en outre pour fa défenfe le corps de milice Bourgeoife divifé en 11 Compagnies, qui forment autant de divifions (dont quatre de Paramaribo font les premières,) & de ce nombre est la Compagnie de Bourgeoifie Juive Portuguaife ; ayant chacune fon Capitaine, deux Lieutenants & un Enfeigne Celles de Paramaribo montent continuellement la garde tous les foirs auprès de la maifon de ville, qui est conjoinctement 1'églife de la réligion réformée & le lieu ou s'asfemble le Con' feil de Police ; les autres ne font rien qu'en cas de befoin presfant; mais les troupes Militaires font divifées dans les Forteresfes, les Rédoutes,le Cordon , teftable que plus on cherche des moyens en Hollande, plus qu'on y fait d'efForts, pour améliorer 1'état de la culture en Surinam, & plus la mèrepatrie tirera un pront avantageux pour fes individus en général. Pour parvenir. a ce but, il ne manque que de 1'encouragement. Les terres cultivées de la Colonie, malgré leur épuifement actuel font fusceptibles d'amélioration ; d'ailleurs, les terrains fur les rivieres de Saramaca prient pour ainfi dire, a être defrichés pour fe rendre egaux a ceux de Commowine, &c. Du credit, des bras vigoureux pour le travail, de la population en général, c'est ce qui manque a la Colonie, pour augmenter fa culture, & le nombre de fes habitations Le (0) Pour apprécier le fort des malheureux Planteurs en Surinam, on n'a qu'è deduire du total de leurs revenus annutls de ƒ 5289109, la fomme de f 1214693 pour le fret des vaisfeaux, & les fraix pour la rente des produits que nous avons énoncé ci-desfus, & cette fomme reünie a f 829,188, pour des marchandifes, ferrures &c, envoyés de la Hollande pour les Plantations fuivant le calcul que nous avons donné dans cet ouvrage, & encore les gages annuels des Directeurs & Commandeurs au nombre de 1090 perfonnes fur 545 habit«ions a ƒ 500 l'un portant 1'autre, ce qui fait la fomme de f 45000. Les impórs fur les produits des habitations, qui peuvent f tre portés tous enfemble 3  COLONIE t>s SURINAM. if Le plus grand nombre des propriétaires de ces hnbitations vivent en Europe, & leurs Plantations" font adminiftréés par leurs agens, que la médlocrité de leur fortune rétient a Surinam. II y a cependant un petit nombre de propriétaires a leur aife, & une foixantaine encore en moindre état, qui ont eux mêmes le foin de leurs biens; les confommations de pareils habitants & le refte des individus de la Colonie malgré ce que dit 1'Abbé Raynal ne font pas ausfi totalement bornées qu'il le penfe, & les havlgateilrs de la métropole qui Viennent chercher les productions cultivées dans cette partie du nouveau monde, au nombre de jO a 6d des plüs grands vaisfeaux par an, apportent beaucoup de chofes de première nécesfité, également que des objets de luxe. Et fi les anglo-ame- ri- a presque / 6co,ooo & encore Pinterêt de 6 pourCt. fur une dette de 60 millions, que doit Ia Colonie, qui fait la fomme de 3,600,000. Ces fommes reünies forment un total de ƒ 7,478881, de forte qu'il ne reste au profit des Planteurs poiir faire face a Ia mortalité & la fuite des esclaves, la réparation des batimens, fraix impre"us & extraordinaires&c. qtie la fommë de ƒ 2,210228, fans compter encore les 10 pourCt. que les propriétaires èn Hollande payent pour l'adminiftration de leurs effets, qui peuvent être évalués au moins fur les deux üers du total dü révenu de la fomme de presque fut millions deux cents mille florins, dont les 10 pourCt, font une dépenfe annuelle de ƒ 620,000. II. Partie. B  2g ËSSAI HISTORTQUE sür la ricains font du pro-fit dans leur commerce avec Surinam (que ces auteurs fuppofent être unique* ment a caufe des voies indirectes) d*ou ils tirent de la mélasfe &c. ce n*est que par rapport aux objets de pure nécesfité qu'ils apportent pour l'entretien des esclaves fur les Plantations & des habitants en général; objets qui ne viennent pomt de la répubüque en ausfi grande quantité ni de !a même qualité, comme du poisfon falé, du tabac en feuilles, des huiles de baleines, de la farine, des chevaux, des muiets, éVc. Ces Navigateurs Americains emportent en payement de Is Mélasfe, du Rhum &c. O). La Ville de Paramaribo capitale du Pairs fituée £ quelques centaines de pas plus haut que le Fort Zelandia, & a la droite de la riviere de Surinam en la réraontant, n'étoit anciennement , comme nous 1'avons marqué, qu'un hameau habité par les (a) LC riégoce Anglois dont on vient de parler est d'une nécesfité abfolue pour la Colonie, on n'y peut abrolument s'en paster: une chofe cependant est rémarquable, c'est 1'importation d'une quantité immenfe de Planches Angloifes qu'on fabrique en Amérique, & qui font un tort confidérable aux Plantations a bois de la Colonie; il n'est jamais permis dans aucun endroit quelconque d'y apporter des manufactures &c. qu'on f fabrique,principalement lorsqu'on y est en état de fourair aux befoins de ehaque individt* en général,  COLONIE de SURINAM. i# ies Indiens. Les Anglois commencerent a 1'agrandir, mais lorsque les Zélandois fe rendirent maïtres de la Colonie, & même lors de 1'arrivée de M. le Gouverneur Sommelsdyk en I6s?3^elle n'avoit que tout au plus 100 a iso maifons: depuis cette époque elle s'est agrandie, principaleraent pendant le Gouvernement de Mr. Nepveu, par diverfes nouvelles concesfions de terrains qu'il fit aux mulatres & Négres affranchis, & aux blanc* d'un état médiocre, au point d'être aujourd'hui, la plus belle & a caufe de fon climat, la plust faine de 1'Amérique. Ses maifons fpacieufes 6c belles font toutes, (a 1'exeption de 4 ou 5 qui font en briques) baties enibois, il n'y a aucune qui ne foit entourée de belles & larges fénêtres, la plupart garnies de Carreaux de vitres (a). Cette ville est batie fur un fond fabloneux & graveleux, rempli jusqu'a la profondeur de 6 a 8 pieds de eoquülages de diverfes qualités & couleurs dé fa) Mr. Firmifi, dit dans fa prétendue defcrlption générale de Surlnaui en 2 gros volumes, tom. I. page 24; que les maifons étoient toutes fans fénêtres, par rapport A la grahde chaleur, méprife qui fut imitée par 1'histoiro générale de,vóyages, & par le voyagéur francois. (6; Suivant les apparénces il femble que 1'endroft ou est fitué Ia ville,& tout le morceau de terre, rempli de inarais qui fe jette au nord, s'est formée par quelque ancienne révolution de la nature; la quantité de coquilB a Ja-  20 ESSAI HISTORIQUE sur la de forte que le] pavé est partout fort commode',; & quoique en révanche dans les grandes chaleurs^ ce même gravier échauffe prodigieufement les fouliers, & jette fur le vifage des réflections de lumieres qui incommodent beaucoup; un vent de nord-est fouffle continuellement, & tempere Pardeur du foleil, quoiqu'il éleve de la pousfiere en ausfi grande quantité quelle caufe quelques fois des opthalmies opiniatres. Dans les temps de pluie qui commencent ordinairement depuis mi—TNovembre, & quelques fois plus tard, jusqu'en Mai & Juin, les rues font cependant fi feches , qu'on peut marcher fans fe Salir même les fouliers. A 1'exeptfon de 3 ou quatres rues de traverfe, toutes les autres font fort belles, larges, & tirées au cordeau, bordées de beaux arbres de tamarins & d'oranges; cesderniers lorsqu'ils font en fieurs ,ce qui est ordinairement depuisdéeembrejusqu'en mai, donnent les matins & les foirs le parfum le plus exquis. On compte actuellement dans la ville 1119maifons, tant grandes que petites, dont un grand norhv Jages, production marine qu'on 7 trouve, donne lieu aV le croire. Le reste de Ia Colonie est au contraire remplie de grandes mo&tagnes & de mornes d'un nombre prodigteux entrecoupées de grandes plaines a trente lieues en avant dans les serres; mais les endroits voifins de la mer font rnarécageux & remplis d© bois & de brémfaillesk  COLONIE de SURINAM. sj aomhre font baties a deux étages. II s'y trouve parmi Ie nombre de ces maifons j clasfes de batimens, eu égard a leur valeur. II y en aura par exemple 4 a 6 qui ont coutés depuis 50 jusqu'a 70 a 80 mille florins, une vingtaine depuis30 jusqu'a jo mille, une centaine depuis 15 jusqu'a 30 mille, & une centaine encore depuis 8 jusqu'a 15 mille; le reste coutent toujours depuis 2500 jusqu'a 5,6 & 8 mille florins. Du total de ces maifons, les Juifs Portuguais posfedent en toute propriété légitime, le nombre de 127 maifons de toutes les qualités & rangs, (a 1'exeption de celles de la première clasfe,) & les Juifs allemands ont encore également 86, ce qui fait enfemble 213 maifons, a 1'exep'ion de fix, qu'ont ces deux nations deftinées pour la demeure des pauvres, gratuitement données par des particulicrs. Le gouvernement est une maifon batie en briques (achevée fous le Gouvernement de Mr. de Gayer, au commencement de ce fiècle) a laquelle chaque Gouverneur a eu foin d'ajouter quelque chofe pour 1'embellir; mais comme fa première conftruction est defectueufe, on ne peut pas lui donner, ni la forme ni 1'alr d'un chateau, ou de quelque maifon feigneuriale; cependant, fomme elle est batie fur la place d'armes, qu'on r.ommé Plein, & accompagnée de deux fuperbes allées de beaux arbres de tamarin, entourées de bayes de limon , elle a l'air bien majestueufe. A coté du Gouvernement ou 'fe trouvent ces deux li 3 al-  *; ESSAI HISTORIQUE sur la allées de tamarins, élargies & rendues propres Se belles par Mr. le Gouverneurs Wichers, est actuellement la place deftinée a apprendre les évolutions militaires aux foldats, fous un ombre continuel fans les expofer, comme avant fon ar» rivée, s a 3 heures de fuite a 1'ardeur du foleil. De ces allées on fe tranfpone en fe promenant a la Fortresfe Zélandia, en pasfant fur un Pontlevis qui couvre le fosfé plein d'éau qui entoure Ia Forteresfe. Toutes les maifons de Paramaribo, qui fe trouvent au coté de la rue par ou commence celle du Gouvernement, ont de beaux jardins, ausfi artistement faits , & quelques uns ausfi fomptueux, tel que celui de Pancien Confeiller de Police, Mr. de Graaf, & celui de feu M. Benelle,& quelques autres; qu'ils ne le cedent en rien k ceux de 1'Europe. Le reste de toutes les maifons placées dans les autres rues, ont chacunes plus ou moins leurs jardins potagers pour le ménage de la maifon, ce qui rend les demeures en général utiles, agréables, & commodes. Dans cette même rue, fe trouve encore un hopïtal militaire bati par Ie Gouverneur Crommelin en 1758 ou 176O0 Ce hatiment ne cede pour fon objet a aucun de PAmérique, grand, fpacieux, pourvu en outre d'une pharmacie abondante, de beaux & larges appartemens pour les malades, foignées par le médicin W, Schilling (que nous avons eu le plaifir de nommer dans cet ouvrage,") de* Cliirurgiens Majors, & d'autres gens üe Part,  COLONIE de SURINAM. 23 iart, en nombre fuffifant pour ne laisfer aucune plainte a 1'humanité fouffirante. L'Eglife des Proteftans réformée (qui est la dominante du pays) est fituée presque au milieu de la ville, ayant devant elle une place quarrée, plantée d'orangers, ou Pon enterroit les morts, défendu après; mais cependant celui qui veut y faire inhumerun mort est obligé de payer une amende de ƒ500. Cette églife, batie de pierres quar» rées qu'on tire de desfous la terre dans la ville même, & qui n'est que de coquilles 6c de fable petrifiés, nommé mal a propos a Surinam Klipfteen, qui veut dire pierre taillée des roes, a encore un fecond étage en bois. Si on confidêre Parchitecture de ce batiment, on feroit tenté de lui donner la vétusté la plus reculée, tant il est maslif & lourd: quoiqu'il en foit, cette églife qui est conjoinctement la maifon de ville, ou fe tient la feance du Confeil de Police, 6c Parchive politique, avec celle de la ehambre des Orphelins &c9 ne répond en rien aux grands 1 bjets auxquels ce batiment est deftiné. Sur le fecond étage ou fe tient Péglife qui occupe toute la longueur du batiment , est placé une orgue fuperbe, omée d'une bonne fculpture en bois öc dorée. Outre cette églife, les réfonnés en ont encore une en Commowine, óc un autre en Périca, ou les Directeurs des Plantations fe rasfemblent les dimanches. Pour le fervice divin, chacun a fon ministre Si celle de Paramaribo en a deux; il y avoit anqiennement B 4 Uö  94 ESSAI HISTORIQUE sur ia un qui préchoit en francois, pour les réfugiés de cette Nation, qui étoient en grand nombre, & qui "n'entendoient point I'HolIandois; mais comme actuellement tout !e monde, tant bien que mal, fait le parler,les prédications ne fe font qu'en cette langue; on fait cependant de tems en tems quelques Sermons en Francois. Les Lutheriens ont leur Églife batie en briques, & voutée, ou ils ont une orgue', & une chaire d'une fculpture trés fine & trés bien executée ; qe n'est que depuis un demie fiecle que les Lutheriens ont obtenu la permisfion de batir une Églife, & d'exercer leur réligion ouvertement & en récompenfe de cette permisfion, ils payoient annuelfement la fomme de fix cents florins au'pront de la maifon des pauvres de la réligion réformée ; mais depuis quelques années, ils ontrachetté cette contribution annuelle, avec un équivalent pour une fois payé. Les Juifs Portuguais & Allemands ont chacun leur Synagogue trés bien batie en bois, & avec beaucoup'd'ordre; les Allemands fuivent les manieres des Portuguais, de qui ils obdennent deux chantres pour le fervice de leur Synagogue (*_). Les freres Moraves ont également leur Églife j cette fr?ternité exifte en Surinam comme ailleurs; ils y ont tenté de donner des principes de réligion aux (*) Y.oyez leur féparation civile avec les Portuguais S&üs de cet ouvrage»  COLONIE de SURINAM. H$ aux Indiens, & récemment aux Negres affranchis, & efclaves, qui courroient en foule.plus par amour, de la nouveauté, que par (quelque enfhoufiafme réligieux a entendre les lecons de leurs nouveaux prêtres, qui pourtant ne produifirent aucun bon effet, car ils ont ajouté a leur méchanceté naturelle la disfimulation & 1'hypocrifie, courant toujours après leurs anciennes coutumes& fuperftitionspayennes. Dans le commencement lorsque ces freres catechifoient les Negres, c'étoit une chofe bien curieufe que d'entendre les Sermons que le ministre de cette confraternité • y - faifoit en Negre-anglois, jargon du pais, qui n'a ni regie ni ordre quelconque; les efforts qu'il faifoit cependant pour rendre en ce jargon, les pasfages de la Bible, 1'explication de 1'eucharistie, la dogme de la tranfubftantiation &c, méritoient d'être adrairés. Quelques pfeaumes font traduites é^alement en ce jargon, & on les chante accompagnés d'un clavecin qui leur tient lieu d'orgue. C'est depuis 1779» que cette tentative réligieufe a eu fon commencement, qui n'a duré que 4 a 5 ans, car actuellement les nouveaux profelites fréquentent trés peu leur Églife, & ne vantent plus leur nouveau culte. Les Catholiques -Romains,quel que furent leurs efforts, n'ont jamais pu obtenir la liberté d'exerCer leur réligion en Surinam; nous avons parlé dans le cours de cet ouvrage des oppofitions qu'ils y ont éprouvés du têms même du Gouverneur Sommels4yk; mais en 1785 ils ont obtenu avec 1'agrement B 5 4?s  26 ESSAI HISTORIQUE sim la des Etats Généraux & de M. M. de la Direction, Ia permisfion d'avoir une Églife publique, & deux prêtres Catholiques font venus de la Hollande au commencement de 1'année 1787, qui après avoir ramasfé leurs brebis égarée fur les Plantations & ailleurs, fans pasteur ni communion , depuis tant d'années, fe mirent en état d'acheter une belle maifon a deux étages, dont la première est dellinée pour la demeure des prêtres, & la feconde pour Péglife. Tous les habitants des au» tres réligions, Chrétiens & Juifs, ont contribué a la collecte qu'ils firent, pour pourvoir aux befoins de leurs entreprife;en conféquence ils firent dans leur Églife tout ce dont ils avoient befoin, pour y exercer leur culte, avec beaucoup d'ordre & de propreté, & le premier Avril 1787 ils Pinftallerent, en y célébrant pour la première fois une grande mesfe, accompagnée d'une troupe de muficiens. M. le Gouverneur, & les Confeils de Police & de Juftice Civile, furent priés de vouloir y asfifter; ils leurs rendirent hommage, après avoir rendu des actions de grace a L. H. P. & aux Seigneurs Proj riétaires. PAffluence du monde étoit alors fi grande, qu'on craignoit qu'il n'arrivat quelque malheur a la maifon, tant la nouveautépousfe les hommes; mais cela étoit cependant bien excufable, car ceux qui font nés dans le païs, & qui n'ont pas vu 1'Europe, ni ne connoisfent rien du Catholicisme , s'étonnoient de voir des Cérémonies peu conformes au culte qu'ils profes- fentj  COLONIE de SURINAM, 2? fent; les Juifs, furtout ceux qui avoient quelques connoisfances de leurs ancien culte, s'étonnerent de voir beaucoup de paralelle avec la réligion de Jerufalem dans le temps du faterdoce. Suivant les apparences cette Églife ne fera pas beaucoup de progrès, car le petit nombre de Qitholiques n'étant pas fuffifant ni en état de pourvoir aux befoins pas même pour les dettes contractées pour 1'achat de TEgUfe, degoutera fans doute ceux qui reftent encore cachés ;d'ailleurs,un desprêtres est réparti pour 1'Europe, & 1'autre est mort en Novembre 1787; ils en attendent cependant un autre. II n'y a peutêtre dans aucun lieu du monde, un endroit ou la tolérance réligieufe ait plus d'étendue, & foit plus ftrictement obfervée, fans qu'il y ait eu jamais une discufion ou controverfe quelconque, qu'en Surinam. Chacun y prie Dieu a fa maniere, & chacun y fait ce qui lui lemble le plus efncace , pour le falut de fon ame. Nous rapporterons a ce propos un bon mot d'un Directeur d'un Plantation Francoife de nation; il racontoit a un de fes compatriotes a Lyon, (ou il a fait dernierement un voyage) & qui vantoit trop la tolerance de la France , d'avoir mangé dans une maifon en Surinam, dont ia familie étoit compofée de payens, juifs, catholiques romains, fchismatiques grecs,& calvinistes. Ils étoient ajouta t'il tous a table, gais & contents, 6? viyans en ou»  3? ESSAI HISTORIQÜE stm £a putre dans la plus parfaite union f» Philofo phes aimables, reunisfez vous pour implorer Pêtre des êtres pour le falut d'un gouvernement, qui fans perdre de vue les égards dus a fon culte, feut mettre en vogue, & protéger le contraire de ce qui a fait verfer des ruisfeaux de fang en Eu. rope. Que Pintolerance civile, & le préjugé na» tional puisfent être bannis de la terre a perpétuité. Le Confeil de Jufïice Civile s'asfembloit ancienriem^nt, d$ns le même lieu que celui de Police, & lorsque les deux devoient s'asfembler en même tems, 011 prenoit PEglife pour le lieu de Pasfemblée; mais depuis Pan 1774, la Colonie a acheté une belle maifon fituée vis-a-vis du Plein du Gouvernement, batie (a Pexeption de fon rez de chausfée) a deux étages; le premier étage est le lieu (a) Ce fait est vrai, une honnête Juif de beaucoup de lecture, & d'un bon jugement eut uneNegresfe pour concubine, qui lui a donné plulieuis enfans, élévés dans la réligion réformée. II maria enfuite legitimement 1'ainée a un veuf Catholique Romain, homme de beaucoup de mérite; mais malheureux, qui avoit de fon premier mariage un Fils né en Rusfie, élévé dans le f/yftneme grec, de forte que le pere étok Juif, ia mère Payenne, le mari Catholique, fa femme Calviniste, 6^ fon enfant fchismatique Grec; le mari étant mort, fa femrae s'est rémanée a un Anglican ri|oriste.  COLONIE de SURINAM. 29 iieu ou s'asfemble Ie Confeil, avec un vestibule; grand & fpacieux, iür le fecond s'asfemble la petite judicature civile , connue fous le nom de Commisfaires des petites caufes, & le Colkgè Mèdicum. Au rez de chausfée est la fécrétairie civile, fort proprement entretenue* & en bon ordre; nous parierons de tous ces tribunaux plus en détail (*). Outre ces batimens publics, il y a deux Diaconies 1'une réformée, & 1'autre lutherienne, ou 1'on recoit les Orphelins indigens les Vieiliards, & ceux qui font hors d'état de gagner leur vie. Les Juifs n'ont point de maifon particuliere pour y entretenir leurs pauvres; mais chaque familie a une annuité proportionnée a fes befoins, de forte que 1'on ne voit jamais de mendians dans les rues comme dans la plupart des Villes de 1'Europe. La réligion réformée a outre cela, encore une Ecole publique pour 1'enfeigneinent des enfans de la Diaconie. GOUVERNEMENT POLITIQUE & CIVIL de la COLONIE. Le Gouvernement Politique est choifi d'entrê) les habitants, nommés a vie par les habitants li> bres domiciliés, qui ont en outre des biens fonds, fans diftinction de réligion ni de couleurs. Cette Oomination fe fait en nombre doublé,& le Gouverneur (*) Voyez fur eet artiele, la méprife de M. Firmin, p. 241.  3 ESSAI HISTORIQÜE sur la neur a Ic droit d'élection entre ceux qui ont Ie plus de voix, ce qui fe fait par des billets lus par le Sécrétaire a haute voix* en préfence du Confeil & des votans. Le Gouverneur exerce une authorité fuprême dans toute la Colonie, au nom des Etats Généraux & de la Direction; tant par rapport a la Police qu'a 1'égard des affaires Militaires, par ce que les troupes font fous fes ordres en qualité de Colonel en Chef; cependant dans les affaires politiques d'importance,il est obligé de convoquer & de cohfulter le Confeil; dont il est préfident, ausfi bien que du Confeil de Juftice Civile, & de tous les Colleges de la Colonie; il n'y a qu'une voix, mais qui est concluante* lorsqu'elles font égales, dans chaque tri'ounal. Il nomme ad interim , a toütes les Charges vacantes, tant politiques que militaires a 1'exeption de celle de Fiscal,Controlleur ,& Préadvifeur, jusqu'a ce qu'il en foit dispofé autrement par la direction* II ordonne en général tout ce qu'il croit nécesfaire au maintien & a la fureté de la Colonie, & quoique Ie Gouverneur foit obligé £ convoquer le Confeil de Police fur des matieres d'importance$ il peut néanmoins ordonner ou établir le contraire de ce qui a été décidé par la pluralité des voix,en fedéclarant responfabledel'évenement^ jusqu'a ce que les Seigneurs de la Colonie en dispofent autrement; & fuivant cette autorité, aucun édit ne peut être publié, fans le confentement du Gouverneur en qualité de répréfentant dé fes Sei- gneursi  COLONIE de SURINAM. 3. gheurs. Le Gouverneur y a encore le droit de pardon dans des délits criminels, tant civils qua militaires, droit,qui lui a été concedé par leSouvefain. Le Confeil Politique & de Juftice criminelle qui tient fon fiege quatre fois par an, est compofé du premier Fiscal (qui a un fecond pour le remplacer dans fon abfence ou en cas de maladie*) le dernier fans voix concluante; de neuf Confeillers; d'un Controlleur Général, qui a le Departement de tous les Bureaux de la Colonie, mais fins voix au Confeil, que fur ce qui concerne les Finances; & d'un Secretaire; tout ce qui concerne les affaires criminelles, la Politique, les Finances,& la Police générale du Paiv-, est du resfort de ce tribunal, & toutes fes fentences font fujettes a des revifions devant L. H. P. a moins qu'elles ne fuivent un Procés Criminel extraordinaire. Le Confeil de Juftice Civile indépendant du pre-' mier Confeil, qui fiege également 4 f°is Par an* ne juge que des affaires civiles en général; & on peut appelier de fes fentences au de la de fix cents florins devant L. H. P. 11 est compofé du Gouverneur, de dix Confeillers qui font nommés par le Confeil de Police, pour fervir dans cette qualité pendant 4 ans, d'un prte • advifeur nommé par les Seigneurs de la Colonie, qui dispofe de tout ce qui concerne Ie civil dans 1'abfence du Gouverneur; & d'un Sécrétaire. Cette charge d'avifeur fut crée depuis 1782 & ordinairement le fecond Fiscal en est  32 ESSAI H1ST0RIQUÈ sur la révetu; & perfonne ne peut Ia posfeder fans avoir ëté recu Avocat en Hollande. C'est fur fon avis que le plus fouvent lés procedures civiles forit jugées. Mr. Karsfeboom qui étoit fecond Fiscal, & Auditeur Général ou Fiscal Militaire, fut le premier qui eut cet employ; devenu premier Fiscal (après Parrivée de M. Wichers, en qualité de Gouverneur Général,) Mr. 1'avocat Meurs en fut révetu conjoinctement avec celui de fecond Fiscal, & d'Auditeur; mais par fa mort arrivée en Novembre 1787 au régretde tous ceux qui 1'avoient connu; 1'employ est resté vacant jusqu'a ce qu'il a été confié par les Seigneurs dè la Colonie, a Monfr, 1'Avocat Sichterman. II y a encore un troilïeme Confeil fubalterne ou fe traitent les affaires pécuniniaires de peu de conféquence, qui s'élevent parmi les Bourgeois; ori le nomme commisjion pour les petites canfes, dont les fommes des procedures ne vont que de j i:-10 jusqu'a ƒ 250: il est compofé d'uri vice Prefident, qui est toujours un véteran du Confeil de Juftice civile; de neuf Commisfaires; & d'un Secretaire. Les procés au de la de f jo, peuvent être appellés devant le Confeil de JuftiCe. Les Avocats & Procureurs qui postulent devant ce Confeil, postulent ausfi devant les Commisfaires; mais ils ont cependant des Solliciteurs pour des procedures jusqu'a ƒ 100, & parmi les derniers deux Juifs feulement y ont été admis de tout. temfc, ÏM  COLONIE ee SURINAM. 33 La Nation Juive Portuguaife a également fon Confeil de procedure civile, ou fe terminent les différens qui s'élevent parmi les membres; tout y est défendu fuivant Ia jurisprudence du païs, ou 1'on obfervé autant que le local de Ia Savane le permet, les manieres & les ordres du Confeil de Juftice civile de la Colonie, devant lequel les fentences fur des procedures au dela de ƒ 100, font appellables. Il y a des Solliciteurs admis foüs ferment par les Régens pour défendre les caufes; mais cependant, chaque individu a Ia permisfion de la défendre lui même, ou par quelque autre, independamment du Sollicifeur, inuni de fon duthorifation. Les fraix des procedures, & les érnoiumens de Ia Sécrétairie Juive fonts fort modiques, & les affaires fe terminent avec toute la célérité posfible,fuivant le contenu & 1'esprit du privilége en vertu duquel ce tribunal civil est conftitué. Les Régens outre ce qui concerne le civil, dispofent de tout ce qui concerne les^ matieres ècclefiastiques & oeconomiques de la Nation; mais lorsqu'il s'agit de chofes de grande conféquence fur la Politique oü la Finance, ils doivent prendre 1'aVis des adjoints qui fonts les1 véterans & ont déja fervi pour Régens. C'est fur cette Ville de Paramaribo, 6i en particulier des Juifs habitants de Surinam en général, que Mr. 1'Abbé Raynal dans Pavant derniere édition de fon Histoire Philofophique & Politique, II. Partie. C itrw  34 ESSAI HISTORIQUE sur la imprimée a Ia Hayeen 1774 feut énoncer (*).,,ïf w n'est peutêtre (a t'il dit) d'empire fur la terre „ ou cette malheureufe Nation (la Juive) foit ft „ bien traitée,non feulement on lui a laisfé la li„ berté de profesler fa réligion, d'avoir des ten„ res en propriété, de terminer elle même les „ différens qui s'élevent entre fes membres; elle li jouit encare du droit commun a tous les ci„ toyens, d'avoir part a 1'adminiftration généras, le, de concourir aux cboix des Magiftrats pu„ blies ; tels font les progrès de 1'Esprit du „ commerce, qu'il fait taire tous les préjugés des ., Nations ou de Réligion, devant Pintérêt géné# ral qui dort lier les hommes. Qu'est ce que (pourfuit. il) ces vaines dénominations, de Juifs, „ de Lutheriens , de Francois , d'Hoilandois ? „ Malheureux habitants d'une terre fi penible h „ cultiver, n'êtes vous pas tous des hommes" &c. Ce morceau digne a tous égards du coeur du Philofophe qui 1'a écrit, est frappé au coin de la vérité; la Philofophie impartiale qui y regne est fentie par le vrai Chrétien, & par tous les ftommes vertueux de quelque réligion qu'il foyent, également. Et de ce que nous avons rapporté dans cet ouvrage, & ce qu'on appercevra en confultant les pieces justificatives y ajoutées; il est prouvé inconteftablement qu'a 1'exeption d'avoir part aFadminiftration générale comme M. Raynal 1'a dittf O Tom. 4. page 337.  COLONIE de SURINAM. 35 dit, fondé fur Ie contenu du Privilege de Ia Nation; les Juifs de Surinam, grace aüx bontés du Souverain & des Seigneurs Propriétaires, jouisfent de tous ces avantages réligieux ft politiques. Quelle pourra donc être la raifon, qu'est ce qu'a pu moti-. ver Mr. Raynal, de fupprimer cet article qui concerne les Juifs en particulier, dans la derniere édition de fon ouvrage (*). Sera ce pour ne pas infpirer aux autres puisfances, Pexemple de la tolerance de la Répubüque d'Hollande, exclufivement envers les Juifs de Surinam? Sera-ce pour ne pas fuppofer aux juifs des mérites distinguées qui leur ont procuré toutes ces protections? Non Certainement, le coeur du Philofophe, qui mérrta de ladivineEli/d Draper, & de tous les hommes fenfibles & justes, le beau titre, la glorieufe épithête de Defehjeur dè tbumuniti, dè la verii'e & de la liberté (f), ne peut avoir concu des idéés ausfi réprochables & ce n'est que des mauvaifes informations, qué les préjugés & la haine lui avoient peutêtre adresfés^ qui ont pu lui avoir fait concevoir^ la nécesfité de fupprimer ce morceau comme inutile ou contraire a la véiité, & lui faire ajouter encore dans fa nouvelle éditicn quelques expresfions fort dures envers les Juifs, qui opereront plus de mal qu'il ne le penfeluimême ,&dont foncoeufaura peutêtre èn- (*) Imprimé a Geneve, chez Pellet 1781. (f) Voye* Hist. Phil. Geneve 1781, toto- 2«Pa6e 75' C 2  36 ESSAI HISTORIQUE sur la encore a fouffrir; püisqu'il devroiten vfai philofophe foutenir la tolerance de la Hollande, rapporter les immunités des Juifs en Surinam, rédévables a la bienveillatice de leurs Souverains & des Seigneurs de la Colonie, & s'élever en même tëms contre le peu d'effet que cette même bienveillance produit envers leurs co-habitants, & dire avec un auteur célébre, ce n"est pas tout, de ne pas brukr les gens comme dans Vinquijitiori s on brule avec la pluine & avec le mépris, & ce feu est d'autant plus cn/el, que fin éffèt pasfe aux gènêrations futures. Outre les Magiftratures Politiques & Civiles fuperieures & fubalternes que nous venons de décrire, il y a pour la ville,pour les chemins & les travaux publics, (Gemeene Wei Je) des Commisfaires dont nous parierons après, & deux comités a vie pour la Chambre des Orphelins, tant pour régir les biens des mineurs depourvus de tuteurs, que pour récevoir les hoiries de ceux qui meurent fans testament. II y a en outre des Arpenteurs jurés, urt Esfayeur dés Sucres;un Jaugeur pour la mélasfe ou firop, & plufieurs autres employés, tant Militaires que Civils, ce qui nous étendroit trop' loin, pour en donner des notions en détail. En 1782, on a crée un Collége de Medecine, compofée d'un Préfident, qui est toujours un Confeil'er de Police, deux Medécins , un Apothicaire, un Chirurgién,nommés par le Confeil de Police. Ce Collége fert pour examiner les diplomes de ceux quj  COLONIE de SURINAM. 37 'qui veulent exercer dans la Colonie 1'art de guerir, & pourtaxer les comptes des medëcins, apothicaires, chirurgiens, accoucheurs, &c. POPULATION, TANT DE LA VILLE DE PARAMARIBO QUE DE TOUTE LA COLONIE EN GENERAL, LA NAVIGATION & COMMERCE. Suivant le calcul Ie plus exact, le nombre des habitants de la Ville monte k deux mille ame«, fans compter la garnifon du Païs, & les employés pour le fervice Militaire; & dans ce nombre font compris 615 Juifs Portuguais, & 430 Allemands, qui font enfemble 1045: perfonnes; qui font ainfi plus de Ia moitié de la Population des blancs de. la Ville. Outre cela il y aura encore (fans comp. ter la milice des Negres affranchis) entre Mulatres & Negres libres le nombre de presque 650; ce qui fait un total de 2Ö50 perfonnes libres. Les efclaves. qu'on y entretient tant pour le fervice des maifons que ceux qui travaillent pour fournir un certain loyer a leurs maitres, fuivant leur capacité, parmi lesquels il y a un grand nombre de Charpentiers , Macons, Serruriers &c. &c , peuvent être portés au nombre de 6 a 8 mille; d'ou il réfuite que la Population de la ville en général monte au dela de neuf a dix mille ames. La dépenfe qu'ils C 3 font  38 ESSAI HISTORIQUE sur ia font annuellement des marchandifes venant de 1'Europe & de 1'Amérique, est inconcevable. ^ proportion de fa population, aucune ville de PAmérique dépenfe autant que celle de Paramaribo; il y a actuellement un luxe ausfi deméfuré parmi les esclaves, qui ont formé entr'eux une efpece d'ordre, qu'ils appellent Do//, par exemple, Dou d'or, Bigïe dou, dou de Diamant. Ce qui veut dire, fait de Briliant, <*V, grand fait. Ce qui feroit bien nécesfaire de réprimer; au moins les excès qui font déja bien fenfibles tant a caufe des vols qui en doivent réfuiter nécesfairement, qu'a caufe du peu que les blancs peuvent leur impofer la desfus; ce qui leur fait prendre un orgueil infupportable & un mépris décidé pour les Dames du Païs. La population générale de la Colonie y compris les deux mille blancs que nous calculons avoir dans ia ville de Paranj|ribo, montera tout enfemble Blancs & Negres, libres & efclaves, de 50 jusqu'a jycoc ames. II y a dans la Colonie le nombre de 591 habitations grandes & petites en général; de ce nombre, il faut déduire 46 appartenantes aux Juifs que nous ne comptons point ici,paree que nous prenons leur Population apart, de forte qu'il reste 545 Plantations: fur ces Plantations il y a depuis 1 jusqu'a 4 Blancs, entre Directeurs, Ecrivains & Commandeurs, quelques unes n'en ónt que deux,& la plupart qulin Blanc; $e forte qu'en donnant 1'un portant 1'autre, deux Blancs  COLONIE de SURINAM. 39 Biancs fur chaque habitation en général, le nombre de 545 habitations, produira celui de 1090 perfonnes; la Population des Juifs Portuguais en général, y compris ceux qui dcmeurent a Paramanbo, a la Savane & aux Plantations, monte a 834. & les Juifs Allemands a 477^^ font enfemble 1311 perfonnes en outre le nombre de presque 100 Mulatres Juifs libres, de ces deux Nations; ajoutez au nombre de ces 1090 perfonnes des habitations, le nombre 955 Blancs dans la Ville de Paramaribo abftraction faite de 1045 M"s > des barbares caufent a Ia fanté, & a 1'esprit de la plupart des femmes du païs , & même des hommes; nous avouons qu'il y a eu de tous tems dans la Colonie, & même actuellement quelques Nègres, qui ont une connoisfance particuliere des plantes médicinales du païs, avec lesquelles ils ont faits des guérifons a 1'étonnement des médecins. Nous connoisfons plufieurs perfonnes Blancs & Nègres, échappées a la mort par eux; mais ce n'est pas a ces Nègres dont le nombre est bien petit qu'on a fouvent recours; mais a ceux qu'une Nègresfe ou autre, qui veut le favorifer asfure être un bon médecin. C'est asfez qu'on aye la couleur noire pour être en état de faire plus que tous les médecins enfemble. Cette confiance aveugle,fait tomber le plus fouvent plufieurs femmes dans une crédulité réprochable a beaucoup d'égards. Perfonne n'ignore la danfe des Nègres qu'on appelle vulgairement Mama, jusqu'a tomber en défaillance, & qui peut être comparé? avec trés peu de modification a la danfe de St. G«/,que décrit Mr. Lieutaud dans fon traité de médecine pratique. La prêtresfe la plus renommée est une Nègresfe appellée Dafina ,• elle a chez elle une chambre fecrete ou fes initiées ont uneentrée libre; cette chambre est entourée de petites idoles de figure humaine, & d'animaux, grosfierement fait de terre, un grand pót de terre rempli d'eau est dans un coin, elle y entretient quelques E 3 pe-  5© ESSAI HISTORIQUE sur la petites couleuvres, f» & avant d'entreprendre quelque malade a guérir, elle confulte fon pot & fes figures qui font fes oracles, & donne de 1'eau qui est dans le pót, a boire aux malades. Malgré une quantité de fausfes guérifons , de faux prognostics que fait fouvent cette Nègresfe, on la croit cependant fur la parole, quoiqu'on ne laisfe pas de prendre un médecin Blanc lorsqu'on a des malades, mais qu'elle trompe le plus fouvant, en ajoutant clandeftinement les rémedes qu'il ordonne aux fiens li Ie malade est en danger, ou en les fupprimant totalement s'il donne espoir de guéïifon. C'est Ie plus grand dommage cependant qu'on ne fasfe point des efforts en Surinam, pour achéter de ces mêmes Nègres la quantité de plantes médicinales qu'ils connoisfent, pour en faire une application heureufe, il ne faut que des facrifices d'argent, pour avoir tout d'eux, ce qui feroit d'un grand bonheur pour la colonie en général, & furtoutpour les Plantations; car combien de racines & bois / (a) On n'ignore pas 1'art qu'ont les affricains pour apprivoifer les couleuvres d'une certaine espece: 1'esfai fur 1'Ir.de de M. de la Flotte, le démontre , & ce que nous voyons faire aux Nègres de Huida, nous en convainc asfez pour ne pas fe. fuppofer fi étonnant jusqu'a le croire un miracle, comme ceux qui s'attachent a cette Nègresfe.  COLONIE de SURINAM. 71 d'herbes n'avons nous pas ici, qui furpasfent le bois de Quasfy , découvert par le Nègre de ce nom,& qui a fait tant de bruit en Europe? Ainfi il ne faut pas croire que parceque ces Nègres font des fupercheries dans leurs guérifons, ils ne connoisfent pas les plantes destinées a plufieurs maladies, leur fimple rapport vaut mieux dans ce cas que tout ce qu'ils opérent eux mêmes, car ils ne connoisfent point les maladies pour les pouvoir appliquer heureufement, ni favent calculer les caufes qui les ont produites, pour augmenter ou diminuer les dofes, ou le mêler avec quelque correctif a proportion de la maladie;mais ces médicamens bien connus & diftingués avec des notes exactes des maladies ou ils font applicables, fuivant la définition de ces Nègres, feroit fuffifant pour en faire un tréfor pour Phumanité, auffitó: qu'ils feront dirigés par des médecins expérimentés. Le Nègre Quasfy qui donna fon nom au bois qu'il a découvert & fe rendit fameux en Surinam par fes prêtendus fortiléges , occupa pendant une longue fuite d'années, 1'esprit de la plupart des Colons. On 1'employoit fouvent pour aller aux Plantations pour découvrir les empoifonneurs parmi les Nègres; on le confultoit fur toutes fortes de maladies, même pour donner des rémedcs au ftérilité des femmes. La pénêtration de fon esprit; plufieurs connoisfances qu'il feut acquerir des Indiens, chez qui il étoit presque continuellement; E 4 un  72 ESSAI HISTORIQUE sur la un ton auftére & majeftueux (.accompagné d'une rlgure colosfale) qu'il s'avoit employer .lorsqu'il parloit aux Nègres, lui procura une influence ausfi décidée parmi eux , qu'on le respec» toit comme un prctre a qui Dieu daignoit découvrir fes décrets. II fut attaqué des fa jeunesfe du mal rouge, dont il feut enfuite fe guérir radicalement, & malgré Ia perte des quatre doigts de Ia main, & presque tous ceux des pieds qui furent rongés par cette maladie, il ne lui resta aucune tache quelconque, fon vifage & tout fon corps, étoit fi lisfe, & fi propre que perfonne n'oferoit croire qu'il eut été attaqué de cette funeste maladie («), cette guérifon lui procura un grand credit, (a) On a fait en Amérique, tant de récherches pour la guerifon de cette maladie & toujours[ infructueufement, que nous fommes tentés de croire que ce ne fut que de« maladies vénériennes de Ia plus funeste qualité dont ce Nègre a été attaqué, & peutêtre que, fi 1'on s'attacheen Surinam fur cette idéé, on fera plus de progrès en vers ceux qui font attaqués du foidifant Eléphantisme. Que les fimptomes les fignes horribles, qui accompagnent cette maladie, ne viennent pas nous en impjfer, car en iifant la brochure du méJecin Sanches, traduit en frangois par le Trofesfeur Gaubius fur 1'apparition de Ia maladie Vénérienne en Europe, on verra qu'il a au moins une analogie complette avec cette afFreufe maladie, tant du cóté des tüches que des autres fimptomes. Pour fortifier «ette idéé, n0us avons 1'expérience du peu d'effet qu'ont pro-  COLONIE de SURINAM. 73 dit, & même asfez d'influence parmi les blancs > qu'on ne fe réfufoit point a le confulter clairement dans tous les befoins; mais la trop grande confiance fit abufer fouvent de Ia bonté des Blancs, & tomber dans plufieurs fausfes accufations contre les Nègres, car fe fiant trop fur fes connoisfances il ne faifoit des récherches ausfi exactes, ni obfervoit les mines & 1'opération d'une conscience accufée, qui fe decéle fouvent fur le vifage: car ce n'est qu'avec cette methode, accompagnée de bonnes informations de la part des Nègres qu'il s'avoit acquerir d'avance, qu'il t feu déviner plufieurs fois des chofes qui paroisfoient les plus cachées. Pour detromper ceux qui aveuglés par les actions du Negre Quasfi, attribuoient tout a des connoisfances furnaturelles; un certain M, Pichot prit fur lui d'en faire lui même Pesfai. Pour parvenir a fon but il prend de fa maifon 4 ou 6 fourchettes d'argent,& les garde foigneufement fans communiquer fa démarche a perfonne; les fourchettes ayant manqués ,il menace les Nègreslès de la maifon d'un chatiment terrible, fi on ne lui découvre Ie voleur. Les Nègresfes innocentes de ce vol, demandent unanimement le produit ici les nouvelles decouvertes par les Espagnols au Perou,& pronés par tous les journaux &GazettesLitterai. res. Suivant un tnemoire lu au Collége des récherche* fur la nature par M. Jof. d'Anaria, Chirurgien & Accon. cheur Juif.  74 ESSAI FIISTORIQUE sur la Ie Loacouman Quasfy, C'est a dire. Le Devin. Le maïtre le fit venir, & lui offrit un doublé payement s'il découvre le voleur; il commenca en conféquence fes cérémonies, & après avoir fait pasfer les efclaves devant lui comme de coutume, il les rappelle une feconde fois, le fort tombe fur une d'elles, la pauvre accufée interdite &trem» blante, nie le fait, fe contredit, balbutie, enfin le ton impofant du Devin, lui arrache 1'aveu; ou font les fourchettes lui demande t'on? II ne fait pas repondre, tu dois me le dire, dit Ie maitre a Quasfy. Mettez Monfieur cette Nègresfe fous les verges , & eile vous le dira elle même. M. Pichot avec un air de fatisfaction & en préfence d'une quantité de monde, qu'il avoit chez lui pour voir cette fcene, fe fit apporter fon coffre a papier & ferme la porte de la maifon, il ouvre fon coffre comme pour payer le Devin & tira les 6 fourchettes qu'il y avoit mis lui même, & dit au Devin, Menteur, Maraud voila de tes menfonges& ton crime commis contre une innocente. Le devin tout intredit ne favoit que répondre, & une bonne volée de coups de baton que lui donna Mr. Pichot, le fit fortir honteux & troublé de Ia maifon. La même chofe est arrivée avec une autre par rapport a une Bague d'or que les femmes ont coutume de porter lorsqu'elles coufent,& fix mois après qu'une pauvre Nègresfe fut fustigée cruellement comme la voleufe de cette Bague, fuivant la  COLONIE de SURINAM. 75' la Devination de Quasfi, le maitre de la maifon recoit de fon correspondant en Hollande, a qui il avoit envoyé une cave de plufieurs flacons de confitures dn Pais, une lettre de rémerciement, rendant fes hommages a fa femme de ce qu'elle a apprêtez de fes propres mains les confitures, car il lui renvoyoit fa Bague d'or qu'il avoit trouvé dans un des flacons. Mille tromperies de cette nature font arrivées avec ce prétendu forcier, qui avoit d'ailleurs beaucoup de connoisfance, & qui est mort en 1787 fans qu'on eut tiré de lui aucun fecret quelconque. Cependant, malgré ces faits, & plufieurs autres connus de toute la Colonie, les habitants aiment encere a ajouter foi, fans réflexion, aux fupercheries des autres Nègres, qui n'ont ni la capacité, ni Ie génie du nommé Quasfi. Et pour réconnoitre encore plus clairement 1'ignorance de ces Nègres, on n'a qu'a confulter les apothicaires de la Colonie, & alors on faura que la plupart d'entr'eux, n'ayant pas la moindre connoisfance des plantes médicinales du Païs, viennent aeheter des drogues de médecine, dont ils ignorent les vertus, & le plus fouvent le nom; qu'il faut deviner ou conjecturer pour les fournir. En outre & encore du desavantage, que ce que nous venons de rapporter produit ordinairement; Ia Chirurgie même (quoique dans cette partie les Nègres ne fe mêlent presque point) a encore des dommages a esfuyer, car les Chirurgiens qui entretiennent chez eux des infirmeries  fS ESSAI HISTORIQUE sur la ries pour les Nègres accablés de playes,' ne peu» vent pas faire des progrès , a caufe que leurs malades pour fe fouftraire aux travaux des Plantations, ont toujours des moyens que leur fournisfent ces empiriques, pour entretenir leurs playes longtems, afin de n'étre pas livrés a leur maitre, dans un état de fanté. On nous accufera peutêtre d'avoir été long fur les fupercheries des Nègres de la Colonie; cependant, fi 1'on confidêre attentivement les desavantages que les talents qu'on leur fuppofe ausfi gratuitement, caufe dans la Colonie en général, nous nous fiattons qu'on nous exculeTa le détail que nous en avons donné, en faveur de notre bonne intention qui n'envifage que le bonbeur de la Colonie en général, & la réparation aux desordres qui fe fuccedent le plus fouvent. D'ail. leurs, fi le Pere Feijoo, Jéfuite Espagnol écrivit dans fon théatre critique, plufieurs traités fur les fpectres & les réyenans, dans 1'intention de corriger fa nation de ces croyances aveugles; il nous femble être également permis , de tenter au moins les moyens les plus propres pour guérir nos aimables Colonistes, d'une croyance aveugle, qui leur caufe, fans y penfer, une infinité de maux. LI-  COLONIE de SURINAM. 7r LITERATURE en GENERAL, SOCIETES LITTERAIRES, BIBLIOTHEQUES &c. L'on a vu par tout ce que nous avons dit dans le cours de cet ouvrage, que 1'éducation en Surinam, ne fut de tous temps que trop bornée. On n'y apprend que 1'écriture, quelques regies d'arithrretique, un peu de Grammaire, les élémens de la langue du Païs,& de la Francoife. Ausfitöt qu'un enfant de Page de 12 a 14 ans,fait bien écrire, on le met chez 1'un ou 1'autre, a la Sécrétairie ou ailleurs, pour apprendre Part de Copier. Et lorsqu'ils fait bien écrire,les parens font fatisfaits, & regardent leur enfant comme capable de faire des progrès dans toutes les fciences. Confequemment la littérature ne pouvoit faire des progrès a Surinam. Avant le tems de Mr. Mauritius, on ne favoit généralement rien de ce qui concernoit les lettres, il 1'a dit lui même dans plufieurs endroits de fon ouvrage de poëfie, imprimé a Amfterdam chez Schouten 1753 page 166. Après ce tems on commenQa peu a peu a fe procurer des livres Hollandois, Frangois & Espagnols, & avec 1'aide de quelques Européens Francois venus ici par intervalles, le goüt de la littérature commenca a faire fortune; cependant aucune fociété littéraire ne s'est jamais formée, jusqu'au tems de Mr. le Gou-  78 ESSAI HISTORIQUE sur. la Gouverneur Texier, & par fesfoins & par ceux de le Mr. Fiscal Wichers,qui ériga le premier un Collége de récherches fur la Nature dont nous avons parlés. (a)Beaucoup d'années avant ce tems,Mr.de Montel, Juif Portuguais, grand amateur de la littérature Fran- (a) Le Collége est compofé d'un Préfident, qui est M. le Gouverneur, d'un Tréforier, un Secrétaire, & le , nombre fuflifant de membres efFectifs qui dispofent de tout ce dont on a befoin pour l'entretien du Collége, ainfi que d'un grand nombre de membres honoraires. On s'y rasfemble une fois par mois, & on y lit des mémoires fournis par les membres en général, qui ne font jamais d'un autre contenu, que fur 1'agriculture du pays, fur fon histoire naturelle, & fur tout ce qui a du rapport a la phyfiquc & a Ia médecine, y obfervant conjoinctement & avec la plus grande exactitude, 1'état de I'athmosphere , la péfanteur de Pair, les vents qui régnent plus conftamment dans chaque mois, avec Ie dégté du froid & dé la chaleur, fuivant le Thermomêtre & le Baromêtre; obfervation qu'on doit è 1'asllduité & & la patience du Médecin M. Schilling. Cette fociété dont Ie but utile fait honneur i ceux qui Pont érigé ne peut faire aucun progrès fenfible, a caufe que les membres honoraires, & ceux qui demeurent fur les Plantations (& qui ont du loifir de faire des obfervations) ne contribuent a fournir la moindre chofe. Cependant les mémoires déja lus publiquement, qui ne font pas encore publiés par la voye de l'impresfion; fourniroient un impriraé de quelques volumes, in quarto.  COLONIE de SURINAM. 79 Francoife avoit ouvert une correspondance fuivie avec Mr. Mare Michel Rey, Libraire a Amfterdam, öf fournisfoit des ouvrages a tous les amateurs de Surinam. Feu M. le Gouverneur Texier, Mr. Wichers , Mr. le Lt. Colonel Fredrici, le médecin van Wiert, feu Mr. de Meinertshagen, le médecin Schilling, feu Mr. van Dam & plufieurs autres amateurs Chrétiens & Juifs firent naitre en Surinam une Bibliothéque ausfi vaste Öc ausfi remplis d'ouvrages fur toutes les matieres, qu'elle ne le cede a aucune de toute 1'Améri. que, & égale plufieurs grandes Bibliothéques de 1'Europe. Le goüt de la littérature ayant été formé a caufe de la facilité de fe procurer des ouvrages dans les Bibliothéques des particuliers, qu'ils prétoient volontiers a ceux qui en demandoient, fit naitre depuis quelques années le goüt d'y former des fociétés littéraires, a 1'imitation de celle des récherches fur la nature; mais fur d'autres matieres. Nous avons parlé de celle des Juifs Portuguais , & inféré même le prospectus dans la piece justificative, No. outre celle la, il y en a deux ou les membres fe rasfemblent une fois par mois pour fe communiquer le contenu des ouvrages qu'ils recoivent de la Hollande pour leur fociété, & pour vendre parmi eux, les mêmes ouvrages. Un autre fous le nom de Surinaamfe Lettervrienden, s'est érigé en ij>8f» ou 1'on fait des esfais fur la poéTie Hollandoife, & fur h pureté de la langue; la, chaque membre four- nit  8o ESSAI HISTORIQUE süR la nit ce que fon ésprit & fon génie lui fuggere de mieux, qui est enfuite corrigé en commun, & chaque année on fait imprimer a Paramaribo un ou deux volumes des productions de poè'fie, forties de ce Collége. Mais cependant malgré cette belle apparence les lettres y font trés peu de progrès, car la plupart des habitants, & plufieurs membres mêmes de ces fociétés fe donnent peu de peine a s'entretenir avec un livre, ou a entendre parler fur des fujets de littérature, ce qui caufe fouvent que les foirées des asfemblées, les colléges fe trouvent presque fans membres fuffifants,pas même pour encouragerceux qui fe donnent la peine de faire quelque travail littéraire. Nous devons,nous autres Surinamoiscréoles, qui n'avons jamais vu 1'Europe, ni autre endroit du monde que la contrée de la Guyane que nous occupons actuellement; remercier ces Mesfieurs du geüt que plufieurs d'entr'eux nous ont donnez pour la littérature. La vaste collection des inftrumens de phyfique, de médecine, d'optique & plufieurs autres curiofités, du médecin Mr. Schilling, nous a fait comprendre mille particularités de la nature, & appercevoir divers objets imposfibles a concevoir, lorsqu'on n'a pas une éducation formée par des gradations nécesfaires; & fi 1'on y a quelques notions générales, ce n'est que f esprit pénetrant des créoles, & leur génie naturel, qui leur donnent en général la force de faifir les confequences, fans les fecours ou 1'asfiduité d'un  COLONIE de SURINAM. 8t d'nn maitre. Ils font plus de progrès d'une Mmple inftruction qu'on ne fera ailleurs dans deux années d'école ; mais cette inftruction ne doit pas fe bomer fur la théorie d'une fcience, ou la logique la plus lumineufe est cnpable de donner des notions iüffifantes a quelque Européen fur quelque matiere que ce foit: il faut toujours que la pratique 1'accompagne en même tems, les objets vifibles & leurs yeux pour ainfi dire, éclairent leur esprit plus qu'ailleurs,& leur font concevoir la marche & 1'analogie de ce qu'ils voyent plus facilement que les Européens mêmes. Qu'on explique par exemple a un créole que fair que nous respirons, peut-être pompé de nous machinalement , & nous en priver entierement, il n'en concevra rien; mais montrez lui la machine pneumatique, faites en fa préfence quelque petite expérience, il en comprend tout de fuite la posfibilité & la vérité, & fera même capable de raifonner trés juste la desfus, & ainü du reste. Si nos connoisfances n'étoient pas ausfi bornées qu'elles le font,ou fi nous fusfions capables d'entrer dans ce qui concerne la métaphyfique de 1'esprit hum.ain ,peut être que nos petites obfervations concues encore fans liaifons pourroient fournir de matieres a plufieurs récherches Philofophiques dont la bafe feroit 1'esprit & Ie génie des créoles de TAmérique & furtout de Surinam, avec des chofes incompatibles en apparence, enti'clle?. II. Partie. F La  8t ESSAI HISTORIQUE sur la La langue qu'on parle généralement dans le païs,, est la Hollandoife, & parmi les Juifs Portuguais on y ajöute la Portuguaife & PEspagnole, & quoique la langue Francoife est connue d'une gran. de partie des habitants, el'e n'est point d'une ufage ausfi familier qu'en Europe. A 1'exeption du récueil des infectes connu de tout le monde que depuis 1690, Madame Merian fit a Surinam, perfonne ne s'est jamais avifé de fuivre fa methode en d'autres branches, ni d'enrlchir fa collection par de nouvelles découvertes faites fur le lieu même. Plufieurs obfervations & même des découvertes faites au hafard par diffé* rentes perfonnes de la Colonie réunies enfemble pour en faire un corps, feroit un ouvrage bien curieux; mais ou trouver la patience pour ramasfer des détails épars chez 1'un & chez 1'autre & ou trouver encore les moyens, ou le desfinateur pour les exécuter & mettre en ordre! Cette difette de connoisfances nous force a renvoyer nos lecteurs a 1'ouvrage de Madame Merian, & au détail que donne Phiftoire générale des voyages tome ai, fur les infectes & plantes de Surinam qui font les plus connus. VIE  COLONIE de SURINAM. 83 ViE QU'ON MENE en SURINAM, AMUSEMENS, THEATRES, &c. II est révoltant pour les habitants de la Colonie de Surinam, la defcription qu'en donne l'suteur du tegemvüoordige Jlaat van America que nous avons cicés pluPieurs fois, de la vie qu'on y mêne généralement. Rien de plus faux, ni de plus calomnieux, que tout ce qu'avance cet auteur. Les Surinamois mériteroient d'être vus comme des gens les plus crapuleux, & les plus méprifables de 1'univers, ö la moindre partie de tout ce qu'il dit,fut vrai. Les habitants en général font laborieux, testes dans leurs affaires & trop zélés a remplir leurs devoirs a 1'avantage de celui qu'ils fervent. II est vrai qu*ils aiment les boisfons fortes, & qu'ils font en général beaucoup d'ufage du Geniévre & du Rum; mais pourtant ils ne font ni ivrognes, ni ne donnent jamais aucun fpectacle honteux; ce n'est que dans des petits cabarets fréquentés jusqu'a neuf heures du foir par les matelots & les gens de Ia deinicre clasfe qu'on entend quelquefois du bruit, commun chez ceux qui font attsints d'ivresfe; mais le reste des habitants, fe tiennent toujours avec une raodestie & une fagesfe ausfi louable qu'on n'en trouvera peutêtre que trés peu d'exemples dans les autres Colonies. Jamais rien de tout ce qui peut F 2 dé-  §4 ESSAI HISTORIQUE SUR. tA déranger Pordre focial,- aucune tumulte dans let rues, aucune compagnie de jeunes étourdis pendant les nuits; enfin il est bien rare qu'une perfonne aye a fe plaindre de fon voifin, ou qu'il arrivé quelques fracas dans l°s rues; au contraire, c'est la vie la plus uniforme qu'on puisfe imaginer que 1'on y mêne. S'il manque des nouvelles de 1'Europe, tout y est morne, il n'y a pas même de fujet pour s'entretenir, & faute de nouvelles ou quelques matieres neuves, on ne parle ordinairement que fur les affaires générales du païs; chacun jafe a fa volonté & en toute liberté, fur la politique, le gouvernement Oeconomique, les procedures, & lesfaifon» avantageufes ou desavantageufes pour la récolte du Caffé , du Coton &c. lur les Plantations. Ceux qui aiment la leclure s'entretiennent avec quelqu'autre amateur; mais ausfitóc qu'il arrivé du monde, on quitte cette partie pour s'amufer fur des bagatelles de peu de conféquence. L'un entre chez 1'autre lorsque bon lui femble, avec la franchife d'un bon ami, fe met a table, reste, jafe, & s'en va fans facon ni gêne; & c'est partout de même: avec la différence que les clasfes des habitants,malgré leur franchife univerfelle, ne font point confondues. Plufieurs loges de franc-macons conftituées dans 1'ordre réquis, tant des Juifs que des Chrétiens, qui fe vifitent mutuellement, quelques parties de danfes, le plus fouvent compofées entre les particuliers,qui font en commun la dépenfe; un Collége particulier de jeu pour les foirées, plufieurs cabarets  COLONIE de SURINAM. 85 rets ou 1'on va prendre des rafraichisfemens avant le diner, des cercles formés parmi les gens de la première diftinétion chaque 8 ou 15 jours une fois, chez 1'un ou Pautre; deux theatres de comedie Hollandoife, un de Chrétiens, & Pautre de Juifs dont nous avons par!és,ou 1'on joue fur celle des juifs, 12 pieces,& chez les Chrétiens 6 a 8 pieces par an; des promenades 1'après midy a cheval ou en carosfe, entretenus par les perfonnes qui peuvent faire cette dépenfe &c. voila en général tout ce qu'il y a d'amufements dans toute la Colonie. Encore la pluspart ne s'entretiennent que chez eux, & ne font ufage de tous ces endroits publics que de tems en tems;de forte que 1'on peut dire que la vie qu'on mêne en Surinam, quoique Ia plus triste, & la plus fombre qu'en aucun endroit du monde, est cependant la plus falutaire. Tout ce que le plus riche peut avoir, le pauvre Ie peut également,& a i'exeption de la bonne chere, d'une nombreufe cohorte d'esclavcs puir le fervice de la maifon, quelques meubhs d'ostentation; un homme avec un révenu modiquc, fait tant qu'un millionnaire avec fes milliers de rente. Sur les Plantations généralement parlant, les Directeurs fe lévent depuis 1'aube du jour, examinent les environs, vont aux jardins, & rétournent a Ia maifon pour prendre leur Caffé ou Thé, s'envont vifiter dérechef les travauxque les Nègres y ont faits, & rétournent ordinairement a 10 faeures, alors ils dejeunent cavalierement, récoip 3 vent  86 ES3AI HISTORIQUE sur la vent les vifites rautuelles de leurs amis les autres Directeurs, & s'ils font feuls, ils vont ferépofer jusqu'a 2 ou 3 heures de 1'après midy, rétournent aux lieux de leurs travaux, & prenent leur diné &foupé enfemble,ordinairement a 6 heures dufoir,&de cette facon, & avec cette uniformité, ils paslent leur vie délicieufemenr, S'il y en a parmi eux quelques uns qui s'enivrent & font du tapage avec leurs voifins, cela ne tire point a conféquence pour accufer les Direcleurs en général de tous les déreglemens punisfables, comme Pauteur de Ia lettre inféré dans le Post van den Neder • Rhyn, ouvrage périodique en Hollandois No. 525, leur a fuppofé ausfi malicieufement. Nous avons rempü la tache que nous nous fommes impofé autant qu'il dépendoit de nous,&que des raifons de Politique & de Conventions a plufieurs égards nous Pont permis; nous ne doutons nullement que nous avons laisfé dans cet ouvrage beaucoup de chofes a défirer; beaucoup d'articles fusceptibles a de grandes réfiexions a développer tant a 1'égard des Juifs en particulier qu'a 1'égard de Ia Colonie, fon état Phyfique, Moral & Politique, en général. Mais fi cet ouvrage malgré fes défauts est digne d'attirer l'attenticm du public & d'opérer en quelque maniere une révolution favorable a 1'égard d'une nation malheureufe depuis tant de fiècles 3 c'est alors que nous nous estimerons heureux,   ETAT ces EXPORTATIONS de la COLONIE de SURINAM,di-puisleCOMMtïNCEMENT de ce SIÈCLE JUiQU'A L'AN 178». Années, Barriqnes Lfvres Livres Livres Livres Livres de de Sucre. ne de de de üocou. Caffé. Cacao. Coton. Tabac. 1700 10500 1701 10550 1702 10572 1703 10700 1704. 12IOO 1705 12860 1706 H63t 9°° 600 1707 18499* M 3^5 ^s 1708 12125I 300 1709 18401* 743 6o0 1710 15661 1543 1711 21546* 1712 22695i 2587 1713 HS68i 27Ó5 i2lS Jri2 1714 22028* lo3o 6g65 1715 19532* 400 1780 4429 1716 17639* 800 rjoo 4700 •717 I4552Ï ' 7o8 l87r ï7!3 12435$ 1200 ,4g8 2loo 1719 17316* 76o 2169 1720 15480! ,550 I000 1721 258481 2l8o 23o J721 ap866ï l24j fs59 1723 207J4 J540 aoe 17x4 m  Livres Livres Livres Livres Gal- On- fg de Vaisfeaux d'lmlU de bois de cue de bais lensde ces Con. de fortis de go. deLeitre Brute. de Gom- d'Or. Svma- Surinam. Tem- me de rouba. Pour la tuie. Cooaï- Iiillande. ba. 2300 3100 135° 4700 6800 8700 10600 15 10800 20 4500 14 7758 13 150 20000 8° 17 I38 30920 161 31 46645 46 20 1328 18685 I7 532 9424- 23 109 656II 24 IOO 56049 23 Iioo 18601 600 J3 17 80 24 180 1500 ' 2700 36 23 1000 20 250 20936 s7 505 82385 3a 111783 aS 157908 p 29  Années. Bairiques Livresde Livres livres Livres Livres de Sucre. Caffé. de Cac«o. de Co- de Ta- de ton. bac. Rocou. 1725 22190! 46086 390 S65 1726 14833* 142702 3H9 300 300 1727 26660* 207373 4659 350 qqs 1728 25836 230162 1372 210 1729 26248! 272165 339 156 10464 3ï5 1730 27100 , 503667 1731 232411 53003* * U30 ?g3 1732 27356 1,101,147 S168 i9i 714 Ï733 20756! 789097 2694 82 81 1734 22488 i.257»o.,6 :55 66 1735 17169* 1.576,335 387 J 316 1736 25525! 1,620,36-5 14550 533 1737 21560* 3*256.472 16933 437 303 1738 22648* 2 401260 30315 1677 1739 I9I3I 3,184,933 56951 2206 1740 24228 4,971.246 77853 3 34 1741 25362j 4.863,447 164011 1307 1742 30693! 2,767,702 227058 li 19 J743 19738* 3,oo7,or4 256892 876 3J>* 1744 21342! 3,497,121 407011 1025 23S 1745 22853*1392,776 674749 528 56S 1746 I969i|i,577.864 547235 f57 Ï747 i8i34§ 4.100,001 510 1748 20069 M07.547 3»o86i 581 Ï74? 22T4I* 3>^7>02i 287896 300 19045  Li'-res Livres Livres Livres de Gallons Onces Vaisfeaux fj'In- de bois 8,4 580345 975546 1783 15673 "2,587,535 490855 1125454 1784 14324 12,913,465 560194 1010587 1785 16176 9,787,300 670136 93°4'3 1786 16750 11,976,170 675940 936700 1787 *5744 I2,i29,75<5 802724 925967  Livres Livres Livres Livres de Gallons Onces Vaisfeau* d'In- de bois de cire bois de de Gom- d'Or. fortis de digo. de Lettre. Brute. Teimure. me de Surinam. Copaïba. ,,pour la Hollande. g. a 2S Sg la "O 3 = .2 < 1.2. >- f5" *s <3 a o —.9 c cr £*& c e fi. er 2 c a r- k  LISTE des EMPLOYÉS DELA COLONIE. GOUVERNEURS GENERAUX. Après avoir fini notre Histoire, il nous femble que 1'on ne fera pas fiché,de trouver ici la Liste des Gouverneurs qui ont régi fucceslivement la Colonie de Surinam fous différens maitres en Europe; ainfi que la nóte des Commandeur» Fiscaux, & autres premiers emploiés de la Colo' nie, depuis fa fondation jusqu'a nos jours. Sous la. Domination Angloife. L'an 1665 Francis Lord Willougby van Param , feul jusqu'a l'an 1662» Sous le fusdit Lord Wil* lougby & Laurent Hyde, en vertu de la charte de Charles II, Roi d'Angleterre, datée du 2 Juin 1662. ~ . GOUVERNEUR. ïCf>2 JUS- Suesai6ó7. Monfr. . . . Biam Sous  LISTE des EMPLOYÉS. 97 Sous la Province de Zélande. 1967. 27 Mr. Abraham Crynsfen, Vice-Admiral, Fevrier. COnquit Ia Colonie, & il y laisfa comme Gouverneur, 1667 juin. Mr. le Capitaine Maurice de Rame, Gouverneur Général, nommé par les Etats de Zélande fans la con1668Dé-) curence des Etats Généraux. cembre l Monfr. Philippus Julius Lichtenberg, i(ju'8.Ueni auquel fucceda par comraisfion de leurs Hautes Puisfances, ótlePrin. ce d'Orange en vertu de la Souveveranité qu'elles ont confervé tou1678 ) jours fur la Colonie, jusqu'en f Monfr- Mannes Heinfius, mort a la 1680. J fin d'Avril i680. Depuis ce temps & jusqu'en 16^2, il femble par une rémontrance dütée du 6 Mai 1680, que les Colons vouloient qu'au lieu d'un Gouverneur, il y fut nommé ia Confeillers de Police, au lieu de fept qu'il y avoient;dont chacun auroit un mois de Précéence , en qualité de Gouverneur, & après des débats avec les membres du Confeil qu'il y avoient alors,on conclut d'ajouter a leur nombre, cinq perfonnes favoir 1 II. Partie. G 1 Monfr.  98 LISTE des EMPLOYÉS. 1 Monfr. Nicolaas Bruynings Wilder- Iandt. 2 Mr. Ifak van Muldert, 3 Mr. Gerrit Wobma. 4 Philip Bregt. 5 Mr. Adriaan Hoogenkamp. Cet arangement (au moins pour la Préfidence) n'eut aucun effet car par les Privilêges de la Nation Juive Portugaife, il conste que Monfr. Laurens Verboom, Commandeurfous le Gouvernement de Monfr. Heinfius ci-desfus nommé, gouverna par fa mort la Colonie en qualité de Gouverneur ad interim, quoiqu'il n'eusfe pris que le titre de Commandeur; de forte qu'on peut mettre prur le fuccesfeur de feu Monfr. Heinfijs, depuis Mai 1680, jusqu'a 1'arrivée de Moi fijur van Sommelsdyk, comme on le verra dans la iÖ78Mai l fuire de cette Liste. jusqu a l Monfr. le Commandeur Laurens Verboom. Novbre f J683. i SOUS MESSIEURS de la DIRECTION. Les Etats de Zélande, cedant 1» Colonie k la Compagnie des Indes Oc«  LISTË des EMPLOYÉS. 99 Occidentales, & celle-ci aux trois co-propriétaires connus alors fous le nom de fociété Oetroyée de Surinam. Monfr. Cornelisvan Aarsfens, Seigneur de Sommelsdyk un des co-propriétaires fut nommé * en » vertu de leur accord, Gouverneur NolbreV Général de la Colonie. jusqu'au/> Mr. Cornelis van Arsfens van Sommels*^qiliel:\ dyk, ci-desfus nommé, depuis 34 IOoo. J . Novembre quil arriva en Surinam, jusqu'au 19 Juillet 1688 qu'il y fut 'jdliet | asfasfiné, a qui fucceda provifio jusqu'au I nellement me mois 7" &a df I Monfr. Laurens Verboom* née. j 1688. n") }ü"qu"iA Le Confeil de Police, avec le Comman.. 8 Ma-s ( deur Monfr. Abraham van Vree.089. J denburg, jusqu'a 1'arrivée de 1689 è r Monfr. Jan van Scherpenhuyfen, le 8 1 95 Mars 1Ó89, & démis en 1695. 169S—Monfr. Paul van dér Veen, le 20 Octobre 1695, démis en 1706. G a 1706—1707  ioo LISTE dks EMPLOYÉS. 1707—1707 Mr. Willem de Gruyter, le 23 Octobre 1706, & mort en 1707. 1707—17ij Mr. Jan de Goyer, le ij Avril I707, & mort en 1715. 17:6—1717 Mr. Johan Mahoni,Ie22 Janvier 1716, & mort en 1717. 1718—1721 Mr. Jean Coutier, le 2 Mars 1718, & mort en 1721. 1721—1727 M". Henri Temminck, le 1 Octobre 1721 -. & mort en 1727. 1728—17:54 Mr. Chailes Emilius de Cheusfes, le 26 Jaillet 1728, & mort en 1734. 1734—1734 Mr. J. F. C. de Vries, alors Commandeur, provifionellement depuisFévrier 1734, jusqu'au 9 Juillet de la même année , qu'y arriva 1734— 1735 Monfr. Jacob Alexandre Henri de Cheusfes, le 9 Juillet 1734 & mort en Février 1735. 1735— 1737 Mr. Jean Ray, le 6 Juillet 1735 & mort en 1737. 1737—1741 Mr. Gerard van den Schepper, le ir Sept. 1737 & mort le premier Novembre 1741. 1742—1761 Monfr. Jan Jacob Mauritius , le 7 Février 1742, envoyé en Hollande par les Commisfaires du Prince f fauf fon honneur & fes gages en Mai 1751, a qui un mois après fuc ce-  LISTE des EMPLOYÉS. ioï ceda provifionellement le Préfident des Commisfaires du Piince, 1751— 1752 Monfr, le Baron de Sporcke en Mai 1751, & mort le 7 Septembre 75a i qui iucceda provifionellement le Commandeur, 1752— 1754 Monfr. Wigbold Crommelin en S p- tembre 1752 jusqu'au 6 de Mars 1754, qu'arriva le Gouverneur effectif, Ï754—I7J6 Monfr. Pieter Albert van der Meer, le 6 Mars I754 & mort en Aout 1756 a qui fucceda provifionellement: par 1'abfence de Mmfieur Crommelin, ci-desfus nommé, 1756—1757 Monfr. Jean Nepveu, alors Fiscal & Secretaire du Confeil de Police du Païs, après avoir pafte par tous les grades ; de forte qu'on peut dire que Monfieur Nepveu , courut la même cariere en Surinam,que Monfieur Abraham Patras , Gouverneur aux Indes Orientales: & ce qui est encore plus rémarquable; est que Monfr. Nepveu , y commenc^i fa carrière a peu prés dans le même tems que M nficur Patras , finit la fienne aux grandes Indes c'est - a dire en 1734 (*)• <*) Voyez vies des Gouverneurs Hollandois eux Imk» Orientales, in 410. page 2-9. G3  ia» LIS TE ces EMPLOYÉS. Monfieur Nepveu donc fervit comme Gouverneur, jusqu'a 1'arrivée du Gouverneur effectif, 1757—1769 Mr. Wigbold Crommelin, Ie 3 Mars J757' Jl abdiqua fa place, avec le confentement de Mesfieurs de la Direction , le 27 Octobre 1769, a 1769-^1779 Mr. Jan Nepveu, ci-desfus nommé le 27 Octobre 1769, & mort le 27 Février 1779. 1779-1783 Monfr. Bernard Texier, d'abord provilionellement, & après dévenu effectif. Mort le 25 Sept. 1783. ï?83—1784 Mr. Wolfert Jacob Beeldfnyder Matroos, provifionellement parle départ du premier Fiscal Monfieur J. G, "Wichers, pour la Hollande avant Ia mort de Mr. Texier, le 25 Sept. I783, jusqu'au 23 Décembre 1784 qu'y arriva le Gouverneur effectif Général de la Colonie, avec le titre de Général Major aux fervice de leurs Hautes Puisfances, '1784— Monfr. Jan Gerard Wichers, actuel? lement vivant, COMMANDEURS. Nous ignorons ceux qui eurent ca emploi ou fon équivalent fous la domi-  LIS TE des EMPLOYÉS. 103 mination Angloife , également que dans le tems de Messieurs le Gouverneurs J. Lichtenberg & J hart Heinfius, il y eut pour Commandeur fous les Zélandois. a > Mr. .... Verfture, nommé le . . . • ï679 & mort ou parti pour 1'Europe le... Il lui fucceda encore fous les Zélandois, jusqu'en 1683, 1679—I688 Mr. Laurens Verboom, devenu Gouverneur ad interim par la mort de Monfieur Heinfius en 1680 jusqu'a Parrivée du Gouverneur van Zommelsdyks, que Monfr, Verboom , réprit fa place comme Commandeur, fous Mesfieurs de la Direction, mort le 25 Juillet 1688. SOUS, MESSIEURS DE LA DIRECTION. IÖ83 Le fusdit Mr. L. Verboom, qui ajouta a fon emploi de Commandeur, celui de premier Confeiller de Police , remplacant en outre le Gouverneur dans toutes les affaires de la Colonie pendant fon abfence ou en ca« de maladie , il fucceda au dit M nfieur Verboom, duns tous fes emplois, ï.688—1703 Monfr. Abraham van Vieedenburg, G 4 le  104 LISTE bes EMPLOYÉS. le 3 Septembre 1688, parti pour Ia Hollande en 1703. 1703—1725 Mr. Francois Antoine de Raineval, le 3 Novembre 1703, demis le 3 Octobre 1725. 1725—1725 Mr. Johannes Bley, le 3 Octobre 1725» jusqu'au 16 Septembre 1728, dévenu Commandeur émerite, mort le 8 Mars 1731. I73°-I735 Mr. Joh. Franc. Corn. de Vries, Ie 12 Avril 1730, mort le 4 Mars 3735. I735--I737 Monfr. Gerard van de Schepper, le 6 Juillet 1735, devenu Gouverneur le 11 Septembre 1737. "•737— '742 Mr. Marceilus Brouwer, le 4 Décem- bre 1737, mort le 13 Décembre 1742. "t742-ï74°' Mr. Philippe Chambrier, Ie 30 Mai 1742, démis le 30 Décembre 1746. 1746—1748 Mr. Jean Louis Larcher van Kenenburg, le a2 Octobre 1746, mort le 10 Mai 1748. 1748—1756 Mr. Wigbold Crommelin, le 9 Octobre 1748, devenu Gouverneur ad interim , par la mort de Baron de Sporcke, en 1752 & Gouverneur effectif, par le mort du Gouverneur van der Meer en Aout 1756. 175S—1771 Mr, Charles Egon Delanges de Beau- vefer,  LISTE des EMPLOYÉS. 105 vefer , le 4 Mai 1757, mort le i* Avril 1771. 1771— 1772 Mr. Arend de Jager, le 3 Juillet 1771, mort le 30 Janvier de Pannée fuivante. 1772— 17R3 Mr. Bernard Texier, le 6 Mai 1772, devenu Gouverneur, par la mort de Jean Nepveu, mort en cette qualité le 25 Septembre 1783. Depuis Monfieur Texier, 1'emploi de Commandeur & conléquement de premier Confeiller de Police fut fupprimé, & a fa place, on n'a qu'un Collonel Commandant, pour la Milice (actuellement Monfieur van Baerle,) qui ne fe mêle de rien qui concerne la Police du Païs. F I S C A U X. 1650—1683 Nous ignorons ceux qui en furent révétus, du tems des Anglois & des Zélandois; mais nous favons que fous le Gouvernement de la Direction, il fer» vit comme Fiscal de la Colonie, qui comprenoit alors & jusqu'a l'an 1745 pendant la Fiscalat de Monfr. J. H. van Werven, 1'emploi d; premier G 5 exempt  io6 LISTE des EMPLOYÉS. exempt de Ia Colonie, concernant les affaires civiles. 1683—1683 Mr. C. Glimmer, 1683—1702 Mr. P. Mumi. 1702— 1703 Mr. H. Muilman. 1703— i 708 Mr. C. de Hubert. ' 1708—1727 Mr. Samuel Althufius. . 1727—1735 Mr. Adriaan Wiltens. 173J—I74J Mr. Willem Gerard van Meel. J74'—1746 Mr. Jacob Halewyn van Werven, ce fut dans fon tems, qu'on fepara 1'emploi d'exempt de Ia Colonie pour la partie civile d'avec celui de Fiscal. 1746-1749 Mr. Nicolas Antony KohJ. 1749—s 749 Mr. Jacob yan Baerle. 1749—1749 Mr. Jan Bavius de Vries, pravifionellement. 1749-1759 Mr. Samuel Paul Pichot , nommé par les Commisfaires du Prince fur les affaires de Monfieus le Gouverneur Mauritius & jamais réconmi pour tel par Mesfieurs de la Direction. J751"—1754 Mr. George Cortius, Fiscal, pendant fon Fiscalat, on établit deux Fiscaux, & 1'on ajouta 1'emploi d'auditeur ou Fiscal Militaire a celui de fecond Fiscal qu'eut. -<754—l764 Monfr- Jan Nepveu, a  LTSTE des EMPLOYÉS. 107 venu- le premier , par la mort de Monfieur Corrius. 1764—1772 Monfr. Bernard Texier , sd Fiscal 6V par 1'avancement de Mr. Nepveu, a la charge de Gouverneur effectif, il fut fait premier Fiscal en 1769 & dévenu Commandeur en 1772. 1772—1780 Monfr. J. G. Wichers, ir Fiscal. Monfr. J. H. van Heemskerk, 2d Fiscal, celui-ci devenu réceveur du bureau de la caisfe contre les marrons, lui fucceda. 1780—1785 Monfr. Cornelis Karsfeboom, actuellement vivant «Sc dévenu premier Fiscal par 1'avancement de Monfieur J. G. Wichers, a la charge de Gouverneur en 1784, il eut pour fecond Fiscal. 1785 Novbre 1787 Mr. van Meurs, mortenNovbre 1787. Sa place de fecond Fiscal a" Auditeur & de Préadvifeur du Confeil de Juftice civile, dont nous parierons après, font vacantes. CON.  Ic8 LIS TE des EMPLOYÉS- CON TROL LEUR GENERAL, ou MAITRES des FINANCE de la COLONIE. 17Ö6 Cet emploi fut créé par Mesfieurs de Ia Direction, pendant Ie Fiscalat de Mr. Jean Nepveu en 1765 ou en 1766, & confié a fa perfonne. II eut alors trés peu de confidération, & fes gages n'étoit que de ƒ 1200 a la priere de Monfieur Nepveu. Cet emploi paffa au fecond Fiscal Monfieur Texier, a qui il fucceda avec beaucoup de chat». gemens, tant par rapport a la faculté, qu'a 1'étendue de cette charge, & fes gages, Mr. F. E. Becker, qui la remercia quelque tems après, & en fut révetu encore avec plus d'étendue de pouvoir & d'augmentation de gages. Mr. W. J, Beeldfnyder Matroos, dévenu Gouverneur ad interim en 1783, defirant après 1'arrivée du Gouverneur effectif Monfieur Wichers en 17841 d'fitre révetide 1'emploi de réce- veur  LISTE des EMPLOYÉS. 109 veur du Bureau d'importation & exportation de la Colonie; il eut pour fuccesfeur dans 1'emploi de Controlleur, Mr. Frans Gomarus, actuellement vivant. PREADVISEUR DU CONSEIL DE JUSTICE CIVILE. Cet emploi fut créé par Mesfieurs de la Direction, pendant le Gouverneur de Monfieur B. Texier, le premier qui en fut révetu fut, 1781 Monfr. Cornelis Karsfeboom , fecond Fiscal de la Colonie & Auditeur, dévenu le premier Fiscal en 1784, il eut pour fuccesfeur. 178J Monfr. C. Meurs,mort en 1787. Cette place est actuellement vacante. SEC-  Ito LISTE des EMPLOYÉS, SECRETAIRES DES DEUX CONSEILS. Sous Ie Gouvernement Anglois. 1662—1667 Monfr. Jan Pary. Sous les Zélandois. 38o Monfr. A. van Gheluive. Sous Ia Direction. Depuis un certain époque, il y eut deux Secretaires a la fois, un pour le Confeil de Police, & 1'autre pour le civil que fervoient aux deux cours indistinctement. 1684 Monfr. Marcus Btoi. 1688 Mr. Adriaan de Graaf. 1703 Mr. Abraham Kinkhuyzen. 1717 Mr. N. Strauch. 7 S»nommés enfemble.' 1717 Mr. Abm. Gromméo 1717 Mr, Willem van der Waaijen. liaö Mr. Abraham Bols.  LISTE des EMPLOYÉS. ui 1726 Mr. Pieter Brand. 1734 Mr. Willem Gerard van Meel, devenu Fis-. cal en 1735. '735 Mr. Ephraims Comans Scherping. 1737 Mr. Cornelis Graafland, Jacobszoon. 174Ö Mr. Jacob van Baerle, dévenu Fiscal en 1749* 1749 Mr. Jacob Fredrik du Fay. 1751 Mr. Jean Nepveu, dévenu fecond Fiscal en 1754. Cependant il fervit comme Secrétaire , jusqu'a 1'arrivée de 1755 Mr. Willem van Stamhorst le Jeune. 1757 Mr. Anth. Voerst van Aversberg. SECRETAIRES. 1759 Monfr. Francois Ewoud Becker. 1764 Mr. Amadeus Conftantinus Valencyn. I7t58 Mr. Albert de Milly, dévenu réceveur du Bureau d'importations & éxportations en 1780 & répatrié en 1784. 1773 Mr. W. J. Beeldfnyder, jusqu'a fon départ pour la Hollande, & pendant fon abfence le premier Clercq Juré de la Sécretairie. 1776 Mr. J. E. Vieira, occupa fa place. Monfieur Beeldfnyder, rétournant de la Hollande avec 1'emploi de Controlleur, entre pour Secrétaire. 1780  114 LISTE des EMPLOYÉS. 1780 Mr. A. Gootenaar. 1780 Mr. C. Graafland, répatrié en Novembre de la même année. 1780 Mr. C. Rappardt, mort en Décembre 1781, 1780 Mr. A. J. Halloy, quita fa place en 1783. 1783 Mr. J. J Wdhlfahrt, actuellement pour le politique. 1786 Mr. Griethuyfen,a la place de Monfr.Gootenaar, mort dans cette année, pour le civil. Les deux derniers font actuellement en charge. PIE-  PIECES JUSTIFICATIVES 4 POUR L'ECLAIRCISSEMENT DE L'OU. VRAGE PAR RAPPORT A L'HISTOIRE DE LA NATION JUIVE, ETABLIE EN SURINAM; No. u Vryheden onder Exeroptieni docfr de Bewindhebberen van de Geoctroyëerde West-Indifche Com pagnie ter Vergadering van de Negentienen , geaccordeerd en toegeftaan aan David Nasfy en Medeftanders, als Patroon oftè Patroonen van een Colonie op 't Eiland Cajana ofte andere Plaatfen aan de wilde Kust van West" Indien, by haar op te richten. Art. i, Öe voorfz. band Nas/} en Medeftanders werden geconfenteerd en toegeftaan een Colonie op te richten van vier of vyf mylen land op het EiS. Pautib. H land.  Iï4 PlECES JÜSTIfICATIVES. land ofte Rivieren van Cajana, beflaande in zü veel Landeryen als door de Coloniers zullen werden gecultiveerd, mids blyvende zo verre van de Colonie op Cajana, dat zy de Ingezetenen van dien aldaar niet hinderlyk en zyn zal, dezelve gehouden zyn de voorfz. Colonie te bepotiveeren ende' bezetten in den tyd van vier eerstkomende jaaren, aanvang neemende ten langften op primo September 1660 op poene indien zulks op en binnen dien tyd niet en komt te gefchieden, dat als dan de ongecultiveerde , onbearbeide, onbewoonde, or onbeheerde Landen wederom zullen vervallen aan de Compagnie r om by tyd en wyle daar mede aodaanig te handelen als haar goed dunken zal. Art. 2. En zullen de gemelde Bavld Nasfy en zyne' Medeftanders hebben en genieten de Jurisdictie over de Baaijen die in zyne op te tichtene Colonie bevonden werden, en de helfte van de Rivier *en die aan beide zyde van de gemelde Colonie daar van by nadere aantvyzioge te doen, gelegen zyn ; mids dat de Compagnie voor haar en die aldaar uit haaren naam zoude mogen verfchynen, de vrye Vaart en Negotie in de gemelde Baaijerv en op de voorfz. Rivieren, zo wel als de op- en aedervaart aan haar, is behoudende. Art  PIECES JUSTIFICATIVE& nj Art. 3. Werd den gemelden David Nasfy en zyne Medeftanders ook toegelaaten de vrye en alodiaale eigendom ten eeuwige dagen , van de voorfz. Colonie met de appendentien en de dependentiën van dien , voor zo veel hem daar van en zyne Medeftanders, in den tyd van vier jaaren za! zyn bevolkt, bearbeid, beheerd, aangeweezen en gecultiveerd, en zullen dien volgende dezelve daar van vermogen te disponeeren voor altoos by Testament Contract, Verbintenis ofte anderszins, zo men hier van zyne vrye eigen Goederen vermag tè doen, zonder dat nogthans zodaanig Testament of Contract plaats zal hebben, indien de Colonie daar door van deezen ftaat en Compagnie zouden werden afgefneeden en aan andere Landen ge» bragt. Art. 4. En zal de meergemelde Colonie mede werden geaccordeerd en toegedaan , hooge , middele en laage Jurisdictie, die waargenomen zal worden ia manieren als in Articul 14. werd uitgedrukt. Ar. 5. En zal de voorfz. Colonie by hem David Nasfy en zyne Medeftanders bezeeten worden by forru II 2 van  ïlS PIECES JUSTIFICATIVE& van leen, (tellende ten dien einde fuffifantelyk een perfoon ofte meer Perfoonen daar op het leen geconfereerd zal werden, met betaaling van zekere Heeregewaaden , ter waarde van zestig guldens. Art. 6. Blyvende niet te min de Souverainiteit en de Hooge Overigheid met al het geene daar aan dependeerd, aan Hun Hoog Mogende en de Compagnie, voor zo verre dezelve het octrooy daar toe is gerechtigd. Art. 7. Ook zullen de Jooden genieten zodanige vry» heid van confcientie met publique Excercitie, Sinagoge en Schoole, gelyk by hen lieden gebruikelyk is in de Stad van Amfterdam , volgens de Leere van hunne Ouderlingen, zonder eenige ver. hinderinge, zo in 't Diftrict van deeze Colonie als in alle andere Plaatfen van onze Domeinen, en dat met alle Exemptien en Vryheden die onze ïngeboore Burgers genieten; want wy hen liedea voor zodanig houden , en de voorfz. Patroon, en zyne Medeftanders zullen gehouden zyn te conferveeren de voorfz. vryheid van confcientie, onder alle hunne Coloniers, van wat Natie dezelve zouden mogen zyn, en dat met de exercitie en de pt>  PIECES JUSTIFICATIVES. 117 publique oefeningen van de Gereformeerde Religie, als alhier te Landen is gefchiedende. Art. 8. De Compagnie iïaat aan den voornoemde David Nasfy en zyne Medeftanders toe, vrydom van Tienden voor den tyd van twintig jaaren , van dewelke hy aan zyne Coloniers zal vermogen te geeven zo veele jaaren vrydom, als hem geraade dunken zal, als mede vrydom van Hoofdgeld en andere Schattingen, dewelke na de expiratie van de tien jaaren tot de twintig jaaren toe , zullen ontvangen worden, en gebruikt worden tot vervulling van de gemeene Lasten,opbouwing van gemecne Werken ofre Fortificatiën aldaar, en zal, na de expiratie van de twintig jaaren, 't een en ander, zo Tiende als Hoofgeld, komen ten behoe» ve van de Compagnie, Art. 9. Iemand van deeze Coloniers, het zy door hem zelfs ofte iemand in hunnen dienst zynde,komende te ontdekken eenige Mineraalen van Goud, Zilver of cristalle Gefteenten, Marmoren, Salpeter, ook Parelvisfcheryen, van hoedaanige natuur dezelve zoude mogen weezen, zullen zy die als eigen voor hen mogen bezitten ende behouwen, zonder daar van eenige Lasten of Recognitiën te H 3 be.  Ïi8 PIECES JUSTIFICATIVES. betaalen binnen den tyd van tien jaaren, maar naar verloop van dezelve tien jaaren, zullen zy gehouden zyn een tiende part aan de Compagnie te betaa* ïen van het geene daar van zal komen te procedeeren» Art. 10. De Coloniers in 't generaal, zullen voor den tyd van tien achter een volgende jaaren, ook vry zyn van des Compagnies gerechtigheid van al zodaanige goederen, als ten dienfte van de Landbouw, het bearbeiden van Mineraalen, 's Menfchen onderhoudt, opbouwing van Huizen , Logien , Vischryen en diergelyke zaaken van nooden zyn, en van ïiier derwaards zullen gebragt worden. Art. n. Gelyk deeze ook voor den tyd van vyf jaaren zullen vry zyn van 's Compagnies gerechtigheid n, van Gommen, Verwen, Balfemen, Ge wasten en andere waaren, geene uitgezonderd, die in haare Colonie vallen en door haar induftrie gevonden, uitgemerkt en hier te Landen gebragt zullen worden , en zullen naar dien tyd daar van aan de Compagnie niet meer betaalen voor recognitie, als by andere worden betaald die daar omtrent gelegen ^yn daar de Compagnie posfesfie heeft. Art'  PIECES JUSTIFICATIVES. 113 Art, 12. De Coloniers zullen met haare eigene, gehuurde, bevrachte ofte wel der Compagnies Schepen, indien eenige by geval daar rcogte komen, vermogen haare goederen alhier te Landen te transporteeren , en zullen gehouden zyn haare Equipagie naar de voorfz. Colonie ook alhier te landen, ter plaatfen daar eenige Kameren zyn , te doen, en ten dien einde dat voor zy beginnen te laaden, ten Comptoire aangeeven de grootte, monteeringe en bemanninge van haare Schepen, ook ligten een behoorlyke commisfie van de Compagnie, volgens en in conformiteit van het gebruik van de Compagnie, en gelyk by alle anderen, vaarende in de Limitien van des Compagnies Octroy, werd gedaan , word mede toegeftaan aan een ieder aldaar zodanig Vaartuig tot haar gebruik te houden al$ zy lieden zullen goed dunken. Art. 13. De Coloniers zullen vermogen, zo de gelegenheid van de Colonie zulks mogte toeftaan, aldaar op te richten allerhande Vischeryen , zo van gedroogde als gezouten Visch, en zeive voor den tyd van twintig jaaren, vermogen te brengen in de West-Indifche Eilanden van den Staat en elders, des dat zylieden niet en zullen vermogen van daar onder dat dekfel weg te voeren H 4 eeni-  »so PIECES JUSTIF1CAT1VES. eenige Mineraalen, Gevvasfen en wat zulU ook zoude mogen weezen, op poene indien contrarie bevonden word, dat de Verzenders derzelve, ten behoeven van de Cornpagnie zullen verbeuren de waarde van al dien, behalven dat de goederen, zo die achterhaald en gevonden worden , ook verbeurd zullen zyn, ten behoeven als vooren. Art. Ï4. De Compagnie zal in de voorfz. Colonie Hellen een Schout om de Juftitie en Politie aldaar waar te neemen, mids dat de Colonie zodanig zynde, dat in dezelve particuliere Raaden of Rechters! zouden dienen gefield te worden, dat als dan de Patroon of Patroonen verdubbeld getal uit de be» kwaamfte Perfoonen die in de Colonie woonen, siynde Nederlandfehe Christenen en van de waare Gereformeerde Religie, zullen vermogen te nomineeren, op dat de Schout, ofte wel den geene daar aan de Compagnie 't oppercommando zal hebben gedefereerd, daar uit de plaats mag Hellen. Art. 15. Alle zaaken, verfchillen en delicen zullen by de voorfz. Rechters getermïneerd en ue Vonnisfen geëxecuteerd , behoudelyk nogthans dat zodaanige Vonnisfen kwamen te excerdeeren de fomme van vyf  FIECES JUSTiFICATlVES. 121 vyf hondert Guldens; dat van de gemelde gerechten zal mogen werden geappelleerd aan zodaanige Gollegien, als daar te Landen tot het oppergezag door Hun Hoog Mogenden en de Compagnie zullen werden gecommitteerd. Art? 16. En zullen de voornoemde Coloniers omtrent den Handel der Slaaven, voor zo veel zy zullen van nooden hebben voor haaie Colonie, zulke en zodanige vryheden genieten, als na deezen door de Vergadering van Negentienen, op 't zelve vaarwater zal worden beraamd tot accomodatie van dezelve, en altyd niet minder worden getaxeerd, als de Coloniers, forteerende onder de Colonie yan de Kamer van Zeeland onder Esfequebo, Art. 17. Zullen zylieden ook door de Compagnie verzorgt worden met zodaanig getal flaaven ais aldaar fuccesfivclyk zuilen van nooden weezen, op order en reglement by de Vergadering der Negentienen gemaakt ofte nog te maakeny doch de Slaaven, die by de Coloniers in Zee zouden mogen verovert werden, zullen dezelve gebragt worden in deeze Colunie, ter vrydom van dien, te mogen vervoeren ter plaatfen daar 't haar gelieven zal, mids betaalende voor tol aan de Compagnie tien H 5 gul.  332 PIECES JUSTIFICATIVES. guldens per Slaaf, met dat beding, dat de vierde part van de veroverde Slaaven aldaar aan Land zullen moeten verbiyven, tot behoef van de Coh> nie of de wilde Kust. Art. i3. De Compagnie zal vermogen, na de expiratie van de eerfte tien jaaren, aldaar te houden, of te ftellen een Ontvanger van de Compagnies gerechtigheden, welke de Opperhoofden van de Colonie en die van de Gerechten aldaar, gehouden zullen zyn de behujpelyke hand te bieden en maintineeren in het vorderen van des Compagnies gerechtigheden. Aldus gedaan en gearrefteerd by de Bewindhebberen van de Kamer Amfterdam, op den ia September 1659. No. II. GENERAALE PRIVILEGIËN, Tit. I. Alzoo de Politie medebrengt tot augmentatie van een nieuwe Colonie te animeeren, ieder een zoodanige Perfoonen van wat Natie ofte Religie zy moogen zyn, die met de Erven van Engeland in verband zyn, dezelve aan te lokken, om onder ons te willen woonen en trafiqueeren, en alzoo wy bevonden hebben dat de Hebraifche Natie, Rtde te  PIEGES JUSTIFICATIVES. 123 ie vooren alhier refideerende, zoo wel met haare perloonen als met haare goederen in benefitie van deeze Colonie zyn geweest, en verder de voorn. Natie te animeeren tot continuatie van de voorn. Wooninge en Traficque alhier; zoo is 't dat wy goed gevonden hebben, met authoriteit van den Gouverneur en zynen Raaden asfemblé een acte te continueeren als volgt. Dat ieder en alle Perfoonen vandeHebreeuwfche Natie tegenwoordig hier refideerende, en die in toekoomende hier in zullen koomen refideeren, te trafiqueeren onder ons, ofte onder de Districhten en Limiten van deeze Colonie zullen genieten, en jouisfeeren alle de Privilegiën en Vryheden der Burgers en Inwoonders van deeze Colonie vergunt, als of zy Engelfchen gebooren waaren, zoo wel zy als haare Erfgenaamen in diervoegen zullen haare goederen genieten, zoo roerende als onroerende. Werd ook verklaart, dat zy niet en zullen moogen werden gedwongen te komen tot exercitie van eenige pubücque Bedieningen in deeze Colonie, ontfangende haar en haare goederen, zoo prefent als toekoomende , die zy nu bezitten ofte hier namaals zullen bezitten, ofte alhier zullen gebragt worden , van wat ryk 't ook zoude moogen weezen, onder ons Gouvernements prutextie en defenfie, noch vergunne wy hen, zoo wel in 't generaal als in fpetiaal, dezelve Privilegiën en Vryheden , zoo wy zelve zyn genietende, 't zy Wetten, Acten en Costurnen, zoo wel concerneerende onze Perfoonen als on*  124 PIECES JUSTIFICATIVES. onze Landen en Goederen, beloovende verzekerende haar daar niet van alle 't geene zy bezitter* ofte zullen bezitten , haar zal afgenoomen ofte ontvreemt worden, van wat qualiteit 't ook zy, door ons ofte door eenige Perfoonen ons berustende, maar ter contrarie zullen vry zyn om te mogen planten en trafiqueeren, en alles wat haar goed z.ü dunken tot haar beste profyt, onder conditie dat zy zullen onzen Souveraine Koning van Engeland, trouwe Vafals zyn, obferveerende de orders door hem gefield, en die in toekoomende zullen gefield worden; wel te verftaan, dat 'er geen zullen weezen , die 't voorgaande contrarie zullen zyn, Ook werd haar vergunt en geconfenteerd vry en libre exercitie van haare Religie, Ceremoniën en Costumen, in de breedfte manieren als zoude kunnen weezen, volgens haar gebruikt, mitsgaders 't gebruik van haare Testamente en Huwelyken alle obferveerende op haare maniere, insgelyke haaie trouwe brieven zullen valideeren, zynde gemaakt volgens haare Costumen, verder word verklaard, dat zy niet zullen verhindert worden in haare Sabbathen en Feestdagen; zullen die geene die haar daar in tribuieeren, geconfidereerd en geftraft worde als perturbateurs van de gemeene vreede. Dat zy niet en zullen gehouden zyn te compareeren op de voorfchr. daage op de Court ofte Magifiraat, ea dat de Citatie op der tydën gedaan, zal zyn nul en van geener waarden, dat haar ook niet- en zal pr£e«  PIECES JUSTIFICATIVES. 125 jprseduceeren 't weigeren van eenige betaalingen, die haar op dusdaanige daagen zal werden geprefenteerd, en dierhalven in 't mii.fte haar regt verminderen, haar werd ook vergunt en geconfirmeerc genut van tien akkers Land op Thcxarica, om daar op te bouwen Huizen van Godsdienst en Leerfchoolen, als ook begraavinge van haare dooden, ook zullen zy niet gedwongen worden tot publicque Exercitiën, Hellende een Perfoon in haare plaats, uitgezonderd in cas van Vyand, in welke geleegendheid zy meede zullen compareeren als anderen, werd haar geconfenteerd,dat zy onder haar moogen pleiten en uitfpraake geeven, in cas van questie, door de Gedeputeerde van de Natie tot de fomma van tien duizend ponden Suiker, waar op den Rechter en den tyd Executie zal verleenen op de Sententie by de Gedeputeerde gepronuntieerd, waar van 't Register en Prothocolboeken zullen houden volgens Costumen ; ende in cas van Eed zal de Magiftraat zich gedraagen volgens de Costumen van de Natie onder haar gebruikelyk, 't welk in alle zaaken, van wat qualiteit die zouden moogen weezen, vigeur en kracht als een Wettelyken Eed zal hebben, niettegentbande eenige Acte zoude moogen weezen ter contrarie, ter kennisfe van allen deezen, hebbe door ordre van Gouverneur, zynen Raad en Asfemfolé, ondertekend op den 17 Augusty iö6j, Conder ftond) JAN PARY, Secretaris. No.  126 PIECES JUSTIFICATIVES No. III» Op huyden den derden December 1700, compa» . reerde voor my Steven Pclgrotn, Notaris Public by de Hove van Holland, geadmitteerd binnen Amfterdam refideerende, en de naargenoemde Getuigen, de Heer Samuel Nasfy, Koopman,' federt eenige jaaren herwaards gewoond hebbende in de Colonie van Surinaamen, tegenwoordig hier ter Steede,my Notaris bekend ; ende heeft in zyn confcientie, terï verzoeke van de Edele Achtbaare Heeren Directeu» ren van de Geoct. Sociëteit van Suriname, geatte. Öeerd, getuicht ende verklaart, waar ende waarachtig te zyn, dat hy Atteftant in of omtrent den Jaare 1564 perfocnlyk is geweest in Cajana, als wanneer Monfieur Noël, wegens de Franfchen, aan de Rivier van Sinamary een Fortrelïe heeft gaan bouwen, in dewelke de Franfchen, onder deszelfs commando aldaar guarnifoen hebben doen houden, tot dat de gemelde Fortreffe naderhand in den jaare 1665 ofi656 (zonder den precifen tyd onthouden te hebben) door de Engelfchen is genomen geweest,atvorens dat de Colonie van Suriname door de Provintie van Zeeland van de Engelfchen was hernomen. Voorts verklaarde hy Atteftant, na zyn beste geheugenis zeer wel te weeten, dat in de maand November 1668 9 als wanneer de Colonie van Suriname, by ofte van wegens de Edele Mogende Hee-  PIECES JUSTIFICATIVES. i%f lleeren Staaten van Zeeland is geposfideerd geweest, in Suriname voorfchr. gekomen is den Heer Anthoi)y le FebureJfeere de la Bare, Raad van zyn Koninglyke Majefteic van Vrankryk in alle zyne Raaden, mitsgaders Lieutenant Generaal van zyne wapenen in America , en dat hy Atteftant als doen terzei ver tyd aldaar mede prefent is geweest, als wanneer den gemelden Lieutenant Generaal gehandeld en getracteerd heeft met den Heer Abraham Crynr/èn, Commandeur over de gemelde Colonie van Surinaame, van wegens de Provintie van Zeeland over het fubject van de Limietfcheidinge, tusfchen Cajana en Suriname voorfz., ende dat de_ zelve doenmaals als noch waaren overeengekoomen en geaccordeerd, dat de voorfz. Rivier van Sinaniary, zoude ftrekken tot fcheidinge van de Limiten tusfchen de FranRhen van Cajana ende de gemelde Colonie van Surinam, ende dat zulks wederzyds tot een vast fundament zoude werden gehouden. Gevende voor redenen van wetenfchap en waarheid dat hy Atteftant als geduurende den tyd van over zeeven-en-twintig jaaren zyn verblyf in Surinaam gehad hebbende, by het mauken van het voorfz. accoort zelfs prefent is geweest, en doenmaals heeft zien fluiten, ende op dezelve tyd zyn Atteftant Broeder Jofepb Nasfy, in qualiteit als Commandeur, volgens commisfle van gemelde Heer Crynsfen, uit krachte van de voorfz. gemaakte Limiet-  128 PIECES JUSTIFÏCATIVÉSï mietfcheidinge, wegens welgemelde Ed. Mog. Hee^ ren Staaten. van Zeeland ongemolefteerd is gebleeven in de posfesfie en het commando van de Riviere Eracubo en Cananama* gehoorende onder het district van Suriname, als wezende de uiterfte Rivieren aan deeze zyde van Sinamary,ende overzulks 't geene voorfz. zeer wel weet, als hetzelve bygevvoond, gezien en ondervonden hebbende, respeetivelyk prefenteerende derhalven dezen des nood ende verzocht zynde ten allen tyde nader te Herken; dat aldus pasfeerde binnen Amfterdam; ter prefentie van Pieter van Haps en Coenraad van Ester voegen , als getuigen hier toe verzocht; (was get.) Samuel Nasfy, P. van Haps tx\K. van Esterwegen. De voorftaande Copy gecolationeerd zynde tegens 't origineel, berustende ter Secretary der Stad onder de minuten van wylen den Notaris Stepkanug Pelgrom, is bevorden daar mede te accordeeren4 den sden July 1769. By my ondergefchreeven Se* cretaris der voornoemde Stad. (getekend) j. H. de HUYBERX- No. IV.  PIECES JUSTIFICATIVES. 129 No. IV. EXTRACT uit de Articulen *ari de Inwoonders van Suriname geconfenteerd, door den Capt. Commandeur Abraham Cryns. fen , by de verovering van 't . Kasteel Zelandia op de Engelfche, gearrefteerd den 6 May 1667, en door de Ed. Mog. Heeren Staaten van Zeeland; op den 30 April geapprobeerf. Art. 3». Dat alle Perfoonen, wie dié ook zoude moogen iveezen, en van wat Natie die ook zoude moogen zyn 't zy Engelfche, Jooden, enz. die tegenswoordig met haar lyf en familie in Suriname woonende, middelen, Landen en Goederen, van wat aart of fpecie die ook moogen weezen, dezelve abfolutelyk voor haar gereferveerd houden , en geconfirmeerd, voor haar en haare Erfgenaaroen, öm die voor altyd te bezitten, te genieten ende te erven, zonder de minden tegenftéllingen, mo. leftatie ofte verhinderingen, en dat integendeel II. Partie. I alla  130 PIECES JUSTIFICATIVES. alle die geene die hier in Surinaame riet en woonen, maar nochtans Goederen daar in hebben, nietteginftaande zy alhier Perfoonen hebben, die haare Perfoonen en Familien reprafenteeren, abfolutelyk buiten deeze Art. uitgeflooten zyn, ende dat alle haare Goederen, van wat aart ofte fpecie die mogte weezen, van deeze uur of aan 9 de Ed. Mog. Heeren Staaten geconfisqueerd zyn. Art. 4. Dat alle tegenswoordige Inwoonders, van wat Natie die zoude moogen weezen , zullen hebben ende genieten, alle gelyke Privilegiën als de Nederlanders, die met haare zullen cohabiteeren. Geëxtraheert uit de origineele Acte van approbatie der Ed. Mog. Heeren Staaten van Zeeland, ter Secretarie van Suriname berustende* No. XV  PIECES JUSTIFICATIVES. j3i No. XV. Aan den Wel Ed. Geftr. Heer Philippe Julius Lichtenberg, Souverain van Preventie, Rivieren en Diftricten van Surinamer Vertoonen met behoorlyke Eerbiedigheid, de Joodfche Natie, refideerende alhier in Suriname^ hoe dat wy ten tyden van dé Engelfche Regeering, by een fpetiaale Acte aan ons gegeeven, en vergunt by den Heer Gouverneur, zynen Raad en Asfemblé,den 17 Augustus 1665 gejouisfeerd, hebben zonder eenige hindering van zeekere Privilegie,' breeder in de Acte gementioneerd, en hier onder gefpecificeerd, waar door wy in onzer perfoonen en goederen onder hét voorn. Gouvernement altyd gerustelyk hebben geleeft, zonder de minfte infractie van dezelve,en alzoo wy tot nocli toe, door de menigvuldige troubles, die in twee jaaren herwaards zyn hier geweest, geen geleegendheid gehad hebben om 't zelve aan den Gouverneur in der tyd te kunnen remonftreere, en daaglyks doof brieven uit verfcheide quartieren van veele van onze Natie, die genegen oni zich hier te komen nederzetten, verzegt worden om I 2 on*  i32 PIECES JUSTIFICATIVES. onze ftaat alhier, en hoe wy alhier getracteert worden, haar bekend te maaken, en gaarne voor ons en onze Naakomelingen, voor onze perfoonen en onze goederen, en voorts andere gunfHge Privilegiën , die wy zoo wel van de Ed. Mog. Heeren Staaten van Zeeland,als voor deezen van deEngelfche Regeering,te gemoet zien van by een fpeciaale Acte van Haar Ed. Mog., zoude verzekert worden; zoo is 't dat wy by deezen UEd. Geftr. ootmoediglyk zyn verzoekende, deeze onze remonftratie Van de en eenige kleine Poincten meer, ten- deerende tot niemands praajudutie, maar alleenlyk tot maintenue van vreede en ruste, onder onzen ootmoedige confideratie te tre'kken , en dezelve door UEd. Geftr. favorable intercesfien aan Haar Ed. Mogende voor te draagen in een Uts. dies aangaande iret hand en zegel bevestigd, uit werken; en ondertusfchen dat wy 't zelve van Haar Èd. Mog te gemoet zien, ons provilioneelyk met een favorabele appostille onder UEd. Hand en Zegel tot jouisfement van voorn. Privilegiën, hier onder gefpccificeerd te benefficeeren, dit doende blyven wy thans met alle yver en geneegemheid, gelyk wy fchuldig zyn, Haar Ed. Mog. gehoorzaame Onderdaanen en UEd. Geftr. onderdaanige Dienaaren. CO-  PIECES JUSTIFICATIVES, 133 COPIE van de ACTE, Vid. Piece, No.II; Poincten die wy meede verzoeken. ï. Dat alle Kerkelyke Zaaken , die door de Perfoonen onder haar gekoozen, tot confervatie van de eenigheid onder haar, zullen worden geordonneerd zullen kragtig weezen, en by manquement van obediëntie aan den Gouverneur aangeklaagt zynde , ter Executie zullen gefield worden, 2. Ia cas dat kwam te gebeuren, dat onler haar eenige perfoon ofte perfoonen turbeeren en van een kwaad leeven werde gevonden, waar uit te vreezen zoude ftaar., dat 't avond ofte morgen in de handen van de Juftitie zoude raaken, ende alzoo een fchandaal aan de Natie zoude toebrengen , dat in zoodanigen cas den Gouverneur de-* z:ive perfoon ofte perfoonen door de Gedeputeerde van de Natie aan hem Gouverneur aangeklaagt zynde, met fuffiiante reedenen, geen difficulteit z.il maaken tot voorkooming van een fchandaal voor de Natie, om dezelve perfoon ofte perfoonen uit de Colonie te doen vertrekken. 3, In cas eenige van de Natie hier zig koomm ter neder zetten, die misfchien of door de inquifirie ofte anderzints, haare goederen zyn verbeurd ver-, klaard,daardoor in fchult zyn geraakt, dat dezelve niet plotfelings zullen overvallen worden, maar I 3 door.  134 PIECES JUSTIFICATIVES. door de Juftitie geinakkelyk, volgens de Costumen, in alle Colonien, alleen zullen geobligeerd worden, dan en dan wat te betaalen, op dat alzoo fubfifteeren moogen. 4. Dat ons mag gepermitteerd zyn op Zondag, op welke wy,als ook onze Neegers vermoogen te werken, de Privilegiën moogen hebben om malkanderen te bezoeken,en dat de Maarfchalk ten dien einde ons rencontreerende, op de Rivier met niet anders als met onze perfoonen en goederen, daar in welke prefu mptie van werk zoude moogen geeyen, gelaaden vindende, gehouden zal zyn ons ongemolefteerd te laaten pasfeeren en repasfeeren. 5. Dat alle & booven gementioneerd, ter goeder trouwe aan de Natie mag geconfirmeerd worden , en in toekomende indien mogte kocmen te vervallen,tot voordeel en benefitie van de Natie, 't zelve behoorlyk en met fundament verzogt zynde, mag vergunt worden, (was onderteekenO David Nasfy, Jfiack Pareyra, IJaac Arrias, Hen. rïqm de Caferes, Raphael Aboab , Samuel Nasfy, IJaac R. de Prado, Aron di Silva,Alans d"Fonfeea, I/aak Mezo, Daniël Mcsfiacb, 'jacob Nunes, IJaac Gabay Cid, IJ aak da Costa, IJaac Drago, Bento da Costa. Gezien hebbende het Request van de Joodfche Natie, zoo is 't dat ik provifioneelyk aan haar by deezen in 'c jouisfement van 't geene zy daar in verzoeken accordeeren , zullende met de eerde  PIECES JUSTIFICATIVES. 135 geleegendheid, zoo veel in myn is, omtrent Haar Ed. Mog. trachten een Acte met haar handen en Zegel bevestigt, voor haar dies aangaande te werken, op dat alzoo in deezen verzekert zyn. Acttira Paramaribo den I October 1669, (was getekend) F. Lichtenberg, daar neevens zyn zegel (laager ftond) accordeert naar Collatie met zyn authenticque Gopie aan my geëxhibeerd en geregistreerd den 28 May 1734,dat ik gctuige« (was getekend) ABRAHAM BOLS , Secretaris. No. VI. EXTRACT uit de Misfive door de Heeren Directeuren van de Ed. Geoctr. Sociëteit der Provintie van Suriname gesz, aan Zyn Excellentie den Heer van Sommelsdyk, Gouverneur van de voorfz. Proventïe , in dato den io December 1685. Voorts naargezien en geëxamineerd hebbende den Requeste en verder befcheide van de Joodfche Natie te lande toegezonden by Misfive vart den 20 May deezes jaars, raakende verzoek omI 4 tient  ?36 PIECES JUSTIFICATIVES. omtrent de continuatie van zoodanige Privilegiën, en Vryheden als dezelve aldaar, zoo onder het Gouvernement van de Engelfche als anderzints, van tyd tot tyd fucceffivelyk hebben geacquireerd, zoo hebben wy in confideratie, dat dezelve Privilegiën niet en zyn (trekkende tot nadeel ofte veragtinge van de Colonie, nogte ook geenige prajuditie aanbrengen, voor die geene dewelke zich derwaarts koomen te begeeven, goed gevonden U Hoog Ed. by deezen aan te fchryven, die van de Joodfche Natie in Suriname voorfz. by dezelve haare voor deezen geacquireerde Privilegiën, te maintineeren, in gelyke voegen zoo als voorheen en daar te Lande gebruikelyk is geweest, en henlieden daar van kennisfe te doen geeven. Accordeert met voorsz. Extract dat ik getuige Cen get.) A. de Graaf. Geregistreert den 30 November 1701 Oaager ftond) accordeert met de registratie ter Secretarie alhier in 't Prothocol No. 3 7. Fo. 148 verfo dat ik getuige (en get.) N.Siraucb, Secretaris. No. Vil.  PIECES JUSTIFICATIVES. 137 No. VII. EXTRACT uit de Brief van de Heeren Directeuren van de Ed. Geoctr. Sociëteit van Surinam , gefchr. aan Zyn Exellentie de Heere van Sommelsdyk, van dato 9 Aug. 1686. Voorts onze gedagten nader hebbende laaien gaan, op UEd. Hoog Ed. Conlideratien, aanbeiangende 't te doene bevel aan die van de Joodfche ï^atie, omtrent 't vieren van den dag des Heeren zoo als hier te Lande gebruikelyk is, hebben niet kunnen vinden dien aanbelangende eenige demmfte veranderinge te maaken , maar ter contrarie, als noch te perüfteeren by onze aanfchryven den 10 December laastleeden op dat fubject gedaan, als hebbende daar omtrent niet geprocedeert zonder behoorlyke reflectie, maar naar ryp overleg der zaaken ; zullende derhalven die voorzieninge dienen te worden gedaan, dat dezelve aldaar op den dag des Heeren leeven, zoo als men hier te Lande gewoon is. te doen , zonder eenige ergernisfe ofte fchandaal aan ons Volk te geeven , (onderftond") accordeert met de voorfz. Misfive, voorzoo verre 't geëxtraheerde aangaat dat ik getuige (en get.) A, de Graaj. I 5 No. VIII.  ISS PIECES JUSTIFICATIVES, No. VIII. EXTRACT uit de Notulen van de Refoluuen , genoomen by de Heeren Gouverneur en de Raaden van Politie van Suriname. Vry dag den 6 May 1695. Nademaal geremarqueerd werd dat de Regenten van de Joodfche Kerk haar Titulen Regenten van de Joodfche Natie, en zy ook zoo by mistellinge in de Notulen zyn genoemd, zoo is naar voorgaande deliberatie goed gevonden en verdaan 't zelve te herroepen, en haar niet verder te quaü. ficeeren als Regenten van de Kerk of Sinago^ue, 't welk haar zal werden bekend gemaakt, ornme' te dienen tot haar gouverno. EXTRACT  PIECES JUSTIFICATIVES. 139 No. IX. EXTRACT uit de Notulen van de Refolutien, genoomen by de Ed. Heeren Gouverneur en Raaden van Politie van Suriname. Woensdag den 3 Juny 1693. ïs ter Vergadering geleezen de Requeste van Emanuel Baron de Belmonte en Samuel C. Nasfy , als geauthorifeerd van de gantfche Natie deezer Provincie, geprefenteerd aan de Heeren Directeuren van de Sociëteit deezer Provintie van dato den 19 Maart 1695, inhoudende klagten over het ftrikt vieren en den obferveeren van den Zondag, waar door zy voorgeeven merkelyk benadeeld te zyn omtrent haare Privilegiën, waar over gedelibereert en bevonden zynde dat voorfz. Placaat is fpecteeïende tot alle de Ingezetenen deezer Colonie in 't generaal, zonder intentie om de Joodfche Natie daaromtrent particulierlyk benadeelen, is goed gevonden en verdaan, den Heer Raad-Fiscaal aan te zeggen 't voorfz. Placaat omtrent de Natie niet als met circumpectie, en in cas dezelve publicque ergernisfe kwame te geeven, waar te neemen. No. X.  i^o PIECES JUSTIFICATIVES. No. X. i° 1°. EXTRACT uit het Register der Notulen en Refolutien van den Hove van Politie en crimineele Juftitie der Colonie Suriname. Dingsdag den io Maart 175a Mezes Naar, Csptein Luitenant der Compagnie Burgeren van de Portugeefche Joodfche Natie, en als in die qualiteit commandeerent Officier van de uitgezondene commando naar Canavinika , om de flaaven van wylen de Heer Thomas te vervolden, op zyn verzoek binnen geftaan, heeft aan den Hove mondeling rapport gedaan wegens dezelve zyne commando, en dat door dezelve waare gevange of agterhaald 37 fluks Neegers en Negerinnen , zoo groot als klyn, dat dezelve reeds hier waaren aangebragt, en door hem de noodige ordres waaren gefteld,omop de overige van dag tot dag te patrouilleeren en wagt te houden, dezelve, als bezet zyn- * dein de fwampe, niet wel kunnen ontkomen, dat hy ook onderricht was, dat na die tyd r.og 20 ftuks OP  PIECES JUSTIFICATIVES. 141 op differente Plantagien in Casfeneka geleegen, waaren gevangen of gefchooten, enz. Alle het welke gehoord,is het gem. rapport voor notificatie aangenoomen, en dezelven Capitein Luitenant Mofes Naar, door den Heer Gouverneur, uit naame van deezen Hove bedankt, voor deszelfs betoonde yver, vigilantie en goede dienst in deeze expeditie ten voordeele van den Lande gedaan. No. X. 2°. 1°. EXTRACT uit 't Register der Notulen en Refolutien van den Hove vin Politie en Crimineele Juftitie der Colonie van Surinam. Woensdag den 11 Maart 1740. By refumptie der Notulen van gisteren, by den Hove in confideratie genoomen dat by Refolutien van den 4den deezer, aan eenige Opperof ficieren van de commando'^; tegens de Wegloo* pers , zoo in Saramacke , onder O mmando van den Capitein Luitenanr der Militie C. O.Creutz, als die tegens de Negers van wylen den Heer Tbo-  j42 PIECES JUSTIFICATIVES. Thomas, voor haar aangewende devoir en goede officie, een prefent uit de Casfa der Wegloopers toegelegt, is goed gevonden de overige Opperof.' ficieren, zoo van de Commando agter Paramaribo, als die op de Slaaven van A. Thomas zyn geweest, meede uit gem. Casfa voor haar gedaane devoiren toe te leggen, een premie als aan den Vaandraager der Militie Henfel, enz. De Luitenant der Burgery van beneeden Comfnewyne, Gabriel de Lafatte, enz. En laastelyk den Capitein Luitenant der Burgery van de Portugeefche Joodfche Natie, Mofes Maar, mede een gelyke Koffiekan , ter waarde van circa ƒ 150 guldens Hollandsch, en dat op de twee laatfte ter gedachtenis het Wapen deeze* Colonie zal werden gegraveerd.- No. XI.  PIECES JUSTIFICATIVES. 143 No. XI. EXTRACT uit de Brief van de Edele Groot Achtbaare Heeren Directeu. ren van de Edele Geoctroyeerde Sociëteit van Suriname, gefchreeven aan Zyn Excellentie de Heer Gouverneur Mr. J. J. Mauritius, dato 6 July 1747- Ter zeiver tyd is ons ook tér hand gekoomea een Misfive van de Gedeputeerdens der Portugeefche Joodfche Natie,mitsgaders van de oude Regenten der Synagogue in Surinaraen, gefchreeven aan Paramaribo, in dato den 2 February deezes jaars, houdende relaas van haare behandelingen met Carrilho, en verzoek om verder by haar Privilegiën te werden gemaintineert. Wy hebben goed geacht UEd. daar van kennisfe te geeven,en tefFens aan te fchryven,dat UEJ. aan dezelve Gedeputeerdens der Portugeefche Joodfche Natie, enz. zal gelieven kennisfe te gee. dat wy voldaan zyn over haar conduites en gedrag ten deezen gehouden, en dat UEd. ordre heeft bekoomen, gelyk wy UEd. dezelve geeven mits deezen, om dezelve Natie by haar wel verkreege Privilegiën te maintineeren. No. XII.  144 PIECES JUSTIFICATIVES. No. XII. Verzoekpunten , aan de Edele Mogende Heeren Commisfarisfen van Zyne Doorluchtige Hoogheid den Prince Erfftadhoudef,' overgeleverd door de ondergeteekende Planters" en Ingezetenen in de Co* lonie van Surinaame, waar op by eene ootmoedige Request, door dezelve Ondergeteekende het noodige Redres verzocht is geworden; VÉ R ZQE KPOINTÉNi Art. Ui Dat de jooden hier te Lande mogen werden verftaan geen betrekking te hebben in 't formeeren van nominatie derRaadenvan Policie, (leunende deeze zeer eerbiedige beede op de volgende reedenen. Tes „ Uitfpraak van Haare „ Koninglyke Hoogheid „ op de nevensftaandè „ Verzoekpointen. Art. ia. In dit verzoek kan niet werden getreeden, doch dat de Privilegiën der Joodfche Natie zullen werden nagezien en geëxa. mineerd»  PIECES JUSTIFICATIVES. Ï45 Ten iften om dat onder geen Christen Mogendheden toegelaaten of geduld word dat jooden in Regeeringzaaken zich mogen inlaaten, laat (laan tot een nominatie van Raaden en Rechters; noch minder van onder haat Rechtbanken te moogen óprechten een Acte van judicatuure, 't geen hier (tot groote verwarringen en disputen onder die Natie) gefchied,- en dat op prsetenfe Privilegiën; die nooit door den Souverain (aan wien , onder correctie, alleen competeerd dergelyke te verteenen) maar alleen door' de S xneteit zyn geapprobeerd , fchoon evenwel uit de gantfche collectie van hunne prxtenfe Privilegiën, dergelyke niet gevonden word. Ten 2den, zy bieden hunne (temmen aan den Gouverneur, of dezelve Ui Partiï. ) .j  148 PIECES 'JUSTIFICATIVES. worden hun door beloften of dreigementen afgeperst,'t geen verfcheide maaien opentlyk , en vooral onder dit Gouvernement , gebleeken is, en is ook een der voornaamfte oorzaak van de tweefpalt en haat onder die Natie. En ten 3den,wanneer 'er een nominatie van Raaden moet gefchieden , werd hunne Gemeente door haare pra?tenfe Regenten als gedwongen om af te komen aan Para. maribo , zynde de Hoofdplaats , onder dewelke Gemeente zich bevinden veele fchaamele, fugitive en banqueroutiers, die drie dagen voor en drie dagen na de nominatie, haar Siberien mogen verhaten , en komen jouisfeeren van zeker pmetens Recht, onder welke tyd zy van alle vervolging , daagvaar-  PIECES JUSTIFICATIVES. 149 ding, exploicten, executien , apprehenfien, gy* zeling, enz. bevryd zyn* welke vryheid om geene andere reden word vergund', dan om meester van de ftemmen te weezen» Art. 23. Dat niemand ter 8ecretaryé tot Klerken moogen werden aangenoomen onder de vyf en twintig jaaren en tot Copiesten niet onder de twintig jaaren* alzo de jongens, die thans geëmployeerd worden, meer om het fpeelen denken, dan om hun pligt» Item, dat geen jooden geëmployeerd mogen worden ter Secretarye, het zy om te copiëeren, het zy om boodfchappen te doen. Dit Artikel word gelaaten aan de directie van de Sociëteit,om daar in*met overleg van Gouverneur en Raaden, te voorzien. K a Art.  148 PIECES JUSTIFICATIVES. ' Art. 43. Dat altong alle lucrative Ampten en Officien door de perfoonen zelve moeten waargenoomen en bediend worden , maar niet gelyk nu het Secretariaat van de Weeskamer, dat thans door een jood word bediend, en het keuren van het Bëestiaal door een anderen mede waargenomen werd, zynde Hinckeldy en Pbilip Eekbart, Directeuren by den Heer Gouverneur, en dus zelfs niet kunnen vaceeren tot de Ampten daar mede zy gebenefi» ceerd zyn,de Supplianten laaten over ter confideratien van UE J. M< >g. of het niet goed zoude zyn, dat deKeurmeester van'tBeestiaal en den Officier van *s Lands grond, onder de fubordinatie van de Ge. meene Weide werden gefield. Art. 43. De waarneemingen der Ampten in perfx>n werd hier mede vast gefield* No. xm  PIECES JUSTIFICATIVES. I49 No. XIII. Misfive van Haare Koninglyke Hoog. heid, Mevrouwe de Princesfe ne , Douiriere wylen Zyn Door* Parnasfms, lugtige Hoogheid den Heere prjnmnt hebreu ce van Orange en Nasfau , enz. qui fignifie enz. enz. geichreeven aan de ParRégens, nas/ims der Portugeefche Joodfche Natie in Suriname,in dato 37 May Erentfeste Discrete Lieve Byzonderei Wanneer wy op den 20 july des voorleeden jaars, ons finaal rapport wegens de Surinaamfche zaaken, aan Haar Hoog Mog. hebben voorgedragen, is 't ons onmoogelyk geweest daar by te voegen 't geen de Portugeefche Joodfche Natie in Suriname was concerneerefide, alzo wy als doen nog niet bekomen hadden de papieren, ftukken en befcheiden tot examinatie der gerefene gefchifl.en onder die Natie nodig. Een gedeelte van die befcheiden ons federt van yerfcheide kanten toegekomen zynde, hebben wy die gefchillen doen nagaan en examineeren, daar over doende hooren eenige der voornaamfte Leeden dier Natie, zig hier te lande bevindende, en K 3 we \  150 PIECES JUSTIFICATIVES. wel, onder anderen, den perfoon van Jfack Nasfy, zig qualrficeerde gemagtigden van Parnasfims en Gedeputeerdens van de Portugeefche Joodfche Sinagogue en van veele voornaame Ingezetenen en Planters der Portugeefche Joodfche Natie in de Colonie van Surinaame, van wegens den gemelde Jfack Nasfy , zyn aan ons ter hand gefield verfcheide poincten van verzoek tot herftelling van de rust en vreede in de Colonie van Surinaame, onder die van de Portugeefche Joodfche Natie. Wy hebben op die poincten doen inneemen 't advis van anderen, en wy hebben vervolgens met Gedeputeerdens van de Sociëteit van Suriname doen overweegen en concenteeren,wat tot herftelling der rust en harmonie best by ons daar omtrent zoude kunnen worden in 't werk gefield, na rype deliberatie hebben wy goed gevonden eenige dier verzoeken te approbeeren en toe te liaan. Wy hebben ingevolge wel op ons willen neemen voor deeze keer en zonder confequentie voor 't toekomende, de Electie van Parnasfims en, Penningmeester te doen, wy zenden UEd. onze Electie vergezelt en geq. No. i. Wy gelasten UEd. dezelve te openen op de eerstkomende dag als men gewoon is tot de Electie van nieuwe Parnasfims en Penningmeester te treeden; vervolgens dezelve op de gewoone wyze te publiceeren,. de daar in benoemde perfoonen, in onze naam op 't allerferieufte te recommandee|en, om, met afleggingen yan alle partydigheid, haat  PIECES JUSTIFICATIVES. «I haat en animofiteit, alleen daar op bedagt te zyn om 't welzyn, de rust, vreede en harmonie der Natie te herftellen en te handhaaven, en vervolgens dezelve in qualiteit als Parnasfims en Penningmeester te erkennen en na behooren te respecteeren. Wy gelasten UEJ. meede ten voorfz. daage en vervolgens van jaar tot jaar, te ftellen en te conftitueeren een der Joodfche Ingezetenen van Paramaribo, omme, onder de benaaming van Parnasfim, op zich te neemen, de directie over 't Gebedhuis aldaar, tot welke aanftellinge wy almeede de eerfte Electie by ons gedaan aan UEd. toezenden vergezelt en geq. No. 2. Wy ordonneeren UEd. den daar by geèligeerden en alle de in 'c vervolg aldus aan te ftellene Parnasfen, te doen jouisfeeren van alle de honneurs aan die benaaminge geattacheerd , zonder dezelve nochthans de ftem en oud Regentenfchap. in de Savane te accordeeren. Wy ordonneeren en gelasten UEd. wydeis, den perfoon van ïfack Nasfy,wanneer dezelve in Suriname zal zyn geretourneerd , aanftonds wederom te herftellen in zyn ampt als Adjudant-Gabay of Penningmeester en Adjudant-Casfier van de Kerk, op zodanigen voet, falaris en emolument, ais hy die voor zyu vertrek uit de Colonie heeft gehad,. en ten dien einde, de in dien post aangeftelden perfoon van If de liritto ,daar van te licentieeren s< ten eenemaal aan UEd. oordeel cn discretie overK 4  IS* PIECES JUSTIFICATIVES. latende, of dezelve de Britto door zynen iever Vlyr, bekwaamheid in 't w.arneemen van 't gem' ampt, zich heeft waardig gemaakt daar omtrent eemgzmts geremtmereert te worden, in welken gevalle wy UEd. recommandeeren denzelven met eene der eerstvaceerende lucrative posten, onder de JMatie te begiftigen. Er devvyl wv, ingevpige onze uitrpraake op ,t J2 Art. der Verzoekpoincten, aan ons door verfcheidè Planters en Ingezetenen der Colonie van öunnaame gedaan, als nog eenegen zyn de Privilegiën, van tyd tot tyd aan de Joodfche Natie in Surinaame verleent, te doen examineeren, ten einde dezelve vervolgens aan Haar Hoog Mog. ter approbatie voor te draagen, ordonneeren en gelasten wy alle dezeIve Privilegiën aan ons op 't fpoedigfte toe te zenden. Wy verwagten dat UEd. alle onze voorfz. ordres ftiptelyk zult naakoomen en in 't werk Hellen, ons van 't verrigte zult rapport doen, en allezints mede werken tot ons heilzaam oogmerk, de hèrftelling namentlyk der rust, vreede en harmonie onder de Joodfche Natie in Suriname. Waar mede Krentjeste Djscrete Lieve Byzondcre' Wy UEd. beveelen in Gods heilige protectie." ANNE. Ter Ordonnantie van Haare Koninglyke Hoogheid (getO J' J. de HACK. NÓ. XI V0  PIECES JUSTIFICATIVES. 153 No. XIV. Erentfeste Discrete Lieve Byzonderel Wanneer wy de gefchillen onder de Portugeefche Joodfche Natie in Suriname, nopens hunne Ascamoth of Kerkelyke Inftitutien, fedtrt een geruimen tyd ontftaan, ferieufelyk overwoogen hebben , en daar by nagegaan de differente Advifen en Berigten ons ten dien opzigten toegekomen, hebben wy goed gevonden tot herftelling der harmonie onder die natie, gem. Ascamoth te (tellen in handen der Parnasfims van de Portugeefche Joodfche Natie te Amfterdam, met aanfchryvinge om dezelve te examineeren, en ons te dienen van hun advis, in hoe verre de voorfz» Ascamoth, overeenkomftig met het welzyn der Natie bevinden zouden. Ingevolge hebben de gemelde Parnasfims, in prefencie van de Gevolmagtigden der hoofden van beide de geweezene Partyen, zich hier te lande thans nog bevindende, die Ascamoth naaUwkeurig orsderzogt, en daar inne, zoo veel mogelyk, met goedkeuringe van gemelde beide Gevolmagtigden, zodanige veranderingen gemaakt, als zy gemeend hebben te kunnen verftrekken tot onderhoud der rust, vreede en welzyn onder de Portugeefche Joodfche Natie in Surinaame. K % Wy  1J4 PIECES JUSTIFICATIVES. Wy zenden UEd. hier nevens die Ascamoth aldus verandert, wy approbeeren dezelve volkr>„ mentlyk, en ordonneeren UEd. dezelve ftiptelyk naartekomen en te doen obferveeren. Waar mede Erentfeste Discrete Lieve Byzonders! Wy UEd. beveelen in Gods heilige protectie. UEd. Goedwillige Vriendinne Cwas getekend) ANNE, (onderftond) Ter Ordonnantie van Haare Koninglyke Hoogheid. Cen get.) J. j. p E BACK. In 's Gravenhage den 22 Aug. 1754. ('t Adres luid) Erentfeste Discrete Lieve Byzonderc!, De Parnasfims der Portugeefche Joodfche Natie in Surinaame. No. XV.  PIECES JUSTIFICATIVES. 155 No. XV. EXTRACT uit het Register der Refolutien van de Hoog. Mog. Heeren Staaten Generaal der Vereenigde Nederlanden. Jov'ts den 24 April 1755. De Heer Raad Penüonaris, enz. Dat Haare Koninglyke Hoogheid mede aanftonds ïia de genoome Refoluden van Haar Hoog. Mog, van den 20 July 1753 geëxamineerd heeft, het nog resteerende poinct, raakende de gefchillen onder de Portugeefche Joodfche Natie in Suriname , welke bevoorens niet hadden kunnen worden geapplaneerd, de papieren (lukken en befcheiden, daar toe relatif, aan Hoogstdezelveh als doen nog niet zynde toegekomen. Dat Haare Koninglyke Hoogheid daar omtrent eenige fchikkingen heeft doen concerteeren met de Directeuren van de Sociëteit, mitsgaders met de Gevolmagtigden der Portugeefche Joodfche Natie in Suriname, zig hier te Lande bevindende , en daar door getragt heeft de rust en harmonie in de Colonie ten deezen opzigte meede te herftellen. Dat  156 PIECES JUSTIFICATIVES, Dat Haare Koninglyke Hoogheid daar inne heeft gerevifeerd, en ten dien einde op het verzoek van de gemelde Gevclmagngden der Natie wel op zich heeft willen neemen voor deezen keer en zonder confequentie voor het' toekomende, de Electie van Parnasfims en Penningmeester te doen. Dat ingevolge van dien, aan hoogstdezelve door de Gevolmagtigden van ieder partyen, Lysten zyn ter hand gefield van onpartydigen en pacifique luiden onder de Nade, welke Lysten door beide, partyen respective zynde geëxamineerd, Haare Koninglyke Hoogheid daar uit eene Electie heeft geformeerd. Dat Hoogstdezelve meede op verzoek der ge, melde Gevolmagtigdens heeft geëligeerd een der Leden der Joodfche Natie te Paramaribo, om, onder de beiuaminge van Parnas, zorge voor het Gebedehuis aldaar te draagen, met aanfchryvinge aan de Parnasfims in Surinaame, om een diergelyke perfoon voortaan van jaar tot jaar daartoe aan te Hellen. Dat wyders verfcheide klagten zynde ingekomen nopens eenige defecten in de Ascamoth of Kerkelyke Conftiiutien, Haare Koninglyke Hoogheid een exemplaar daar van Hoogstdezelve door de bovengemelde Gevolmagtigdens ter hand gefield, heeft toegezonden aan de Parnasfims der Portugeefche Joodfche Natie te Amfterdam, met aanfchryvinge om Hoogstdezelve te dienen van advis,  PIECES JÜS TIFtCATIVES. 157 advis , welke van de voorfz. Inftitutien met de rust, de vreede en het welzyn der Joodfche Natie in Surinaame waaren overeet komende, en welke daar van devieerden, ten einde de eerstgemelde vernietigd wordende, alle verdere düfenfien wegens dezelve in 't vervolg mogten komen te cesfeeren. D.t gemelde Parnasfims, ingevolge van die aan. fchryvinge, de Ascamoth naauwkeurig hebbende onderzogt en de noodige correctien daar inne, zoo veel mogelyk, met goedkeuringe der bovengemelde Gevolmagtigden gemaakt, Haare Koninglyke Hoogheid denzelve volkomentlyk heeft goedgekeurd, en de Parnasfims der Portugeefche joodfche Natie in Surinaame geordonneerd dezelve ftipteiyk na te komen en te doen obferveeren. Dat Hoogstdezelve verfcheide ordres en arrangementen heeft gemaakt, om alle brouilleries en oneenigheden , zelfs tusfchen particuliere Perfoonen dier Natie in het vervolg voor te komen. Dat Haare Koninglyke Hoogheid van alle de voorverhaalde fchikkingen kennisfe gegeeven hebbende aan de Parnasfims in Suriname, met ordre om ze ter executie te ïtellen, Hoogstdezelve federt eenige dagen is toegekomen hunne rtlcriptie, in dato den 18 October 1754 daar nevens geëxhibeerd, waar na dezelve, na betui^itgen hunner dankbaarheid , van haare verric.tingen hebben rapport'gedaan, en aan Haare Koninglyke Hoogh'id, op Hoogstderzelver requifuie, hebben toege-  i§Q PIECES JUSTIFICATIVES: gezonden het receuil der Privilegiën, van tyd tot tyd aan hunne Natie in Suriname verleend; welke Privilegiën, ingevolge de uitfpraak van Haare Koninglyke Hoogheid op het 12de Art. der bewuste Verzoekpoincten, door Haar Hoog Mog. op den go July 1753 geapprobeerd, nog moeste worden geëxamineerd. Dat Haare Koninglyke Hoogheid, het gemelde Receuil gefield hebbende in handen der Directeu"ren van de Sociëteit, hunne confideratien en advis daaromtrent verzogt en bekomen heeft. Dat aan Hoogstdezelve vervolgens is voorgekomen, dat deeze Privilegiën indiervoegen als daar nevens zyn geëxhibeefd door Haar Hoog Mog* tot meerder ftahilieering der rust en vreede onder de Portugeefche Joodfche Natie in Surinaame zoude kunnen werden geapprobeerd, met deeze weinige reftrictien en veranderingen. Dat, dewyi Haare Koninglyke Hoogheid bereids óp den 22 Augustus j 754 heeft geapprobeerd de Ascamoth van wegens die van de Portugeefche Natie in Suriname, aan Hoogstdezelve geprefenteerd alle zodanige Ascamots, als in dit Receuil der Privilegiën zyn vervat, en aan de bereids geapprobeerde Ascamoth zouden mogen contrarieeren, niet anders geapprobeerd werden, als met de alteratien en modificatien in de Ascamot,door Haar Koninglyke Hoogheid op den voorfz. 22 Augustus 1754 gemaakt en geinfereerd. En dat met opzigte tot het Privilegie, het geen op  PIÈCES JUSTIFICATIVES. 159 op pag. 7 en 99 van dit Recueil gevonden word, omtne alle perfoonen van kiwad leeven en die een fcbanda l aan de Natie zouden kunnen toebrengen, op aanklagte van de Gedeputeerden, uit de Colonie te doen vertrekken. Haar Hoog Mog. verdaan dat dit Privilegie alleen betrekking zal hebben op arme, fchamele en van elders fugitive Luiden* die geen etablisfement in de Colonie hebbende * zig aldaar zouden willert nederzetten, maar dat ten aanzien van Colonisten die in Surinaame geftabilieert en gegoed zyn-, Haar Hoog Mog. ordonneeren en ftatueeren * dat van nu af aan de pöliticque inftellingen, ingevolge de Privilegie , niet zal kunnen worden geëffectueerd , dan na gehouden deliberatie van de Gedeputeerdens, mitsgaders van alle de Adjuncten of oude Parnasfims der Natie, en niet zal kunnen worden gedecerneerd, dan met twee derde der ftemmen. Dat wyders door de gemelde Parnasfims by het toezenden der privilegiën aan Haare Koninglyke Hoogheid , wederom twee nieuwe verzoeken in faveur der Natie gedaan zyn, het eerfte om onverhinderd, langs Paramaribo, haare waaren aan de deuren der Ingezetenen te koop te mogen venten ; het tweede, om te obtineeren een recommandatie en interdictie aan Gouverneur en Raaden der Colonie,van zig in geenervoegen te moeiJen met zodanige zaaken der Natie, dewelke al- leenig,  ièb PIECES JUSTIFICATIVES. leenig, volgens privilegiën ter volle judicature mef den aankleeven van dien , dependeeren van de Parnasfims der Sinagogue of Gedeputeerden der Natie. Dat Haare Koninglyke Hoogheid ten opzigte dier twee vërzoeken gemeént heeft, dezelve te moeten renvoyeeren aan de Directeuren der Sociëteit, als ten deeze best geïnformeerd zynde, met recommandatie nogthans , om dezelve nuttig en' i-edelyk vindende , daar inne de Joodfche Natie favorabel te willen zyn. Dat vervolgens Haare Koninglyke Hoogheid verzoekt, dat Haar Hoog Mog. alle de door Hoogstdezelve, ten opzigte der Portugeefche Joodfche Natie, in Suriname gemaakte fchikkingen, gelieven te approbeefen en te confirmeeren. Waar op gedelibereerd zynde ; hebben Haar Hoog. Mog. Hoogstgedi Haare Koninglyke Hoogheid voor Hoogstderzelver onvermoeide iever en vigilantie, ten beste van de voorfz. Colonie en deszelfs Ingezetenen aangewend , bedankt, en is Voorts goedgevonden en verftaan. Ten derden, dat geapprobeerd zullen worden," zoo als geapprobeerd worden mits deezen, alle de fchikkingen by hoogstged. Haare Koninglyke Hoogheid, tot herftellinge der rust, vreede en harmonie, onder de Portugeefche Joodfche Natie in Surinaame gemaakt en hier beven gefpecificeerd. Ten  PIECES JUST1FICAITIVES. i6x Ten vierden dat insgelyks geapprobeerd zal worden, zoo als geapprobeerd woid mits deezen, het geexhibeerde Recueil der privilegiën van de Portugeefche Joodfche Natie in Suriname, echter met byvoeginge der weinige restrictien en veranderingen hier boven gemeld. En zal Extract, enz. Accordeerd met zyn origineel, voor zoo veel het geëxtraheerd de aangaat, ter Gouvernements SeCretafye berustende. (was get.) H. STENHUYS, ifte Klerk. II. Partie, t  Hfc PIECES JUSTIFICATIVES. No. XVI. EXTRACT uit het Register der Refolutien van de Edele Groot Achtbaare Heeren Directeuren der Geoctroyeerde Sociëteit van Suriname. Mercurii den 6 April 3768. De Heer Schepen Rendotp, agtervolgens ende ter voldoeninge van de Refolutie Commisforiaal van de Heeren deezer Tafel, in dato den 5 Aug. 1767, met ende beneffens de Heeren Schepen Dedel en Ploos van Amflel, nader geverifieerd ende geexamineert hebbende de Requeste van de Regenten van de Hoogduitfche Joodfche Sinagogue den 4 December 1765, aan deeze Sociëteit geprefenteerd, hebben ter Vergadering circumftantieel rapport gedaan van hunne bevindingen, en deeze Vergadering gedient van haar Ed. confideratien en advys. WAar op gedelibereerd zynde, en welgemelde Heer Schepen Rendorp voor zyn gedaan rapport , mitsgaders met en beneffens de verdere Heeren Commisfaiisfen, voor hun genoomene moeite weezende bedankt, is goedgevonden ende verftaan, dien conform de Heere Gouverneur Crom*  PIECES JUSTIFICATIVES. 16$ Crommeïtn te ichryven, dat, zonder te treeden in detail van de merites der zaaken in questie, de Heeren deezer tafel verftaan en van begrip zyn, dat hy Heer Gouverneur gelast zal werden omme by de Burger-Exercitie de Hoogduitfche Joodfche Natie in het geval in questie te laaten jouisfeeren, van gelyk regt als thans de Portugeefche Joodfche Natie geniet, en mitsdien dezelve niet agter de Compagnien te doen rangeeren, maar na de andere Burgers, volgens de refpective buurte, te plaatfen; mitsgaders van hen te laaten de faculteit , omme , des goedvindende , by publicque Drilling of Burger-Exercitie een ander perfoon in hunne plaatfe te moogen ftellen, en dat han« gende de verdere deliberatien van deeze Sociëteit hier over alle Proceduuren van Executie wegens prefente Boetens voor de Noncomparanten, quaüe geincureerd, reeds geëntameerd of in 't vervolg mogte entameeren, by deeze Sociëteit werd gehouden in ftatie , met furcheance pro interm. (was geteekend) Jacob de Peter fe», (onderftond) accordeert met voorfz. (en geteekend) Jan Willem Roskamp, abf. Secretaris. t 3 No. XVIL  16*4 PIECES JUSTIFICATIVES, No. XVII. EXTRACT uit de Notulen van de RefolutienJ, genoomen by de Edele Achtbaare Hove van Politie en Crimineele Justitie deezer Colonie Suriname, enz. eftz. enz. Donderdag den 14 May 1767. Den Hove op heden vergadert zynde, enz. Geleezen de Meraoirie van de Regenten der Portugeefche Joodfche Sinagogue en Gedeputeerdens derzelver Natie, inhoudende verzoek om te werden ontheeven van 't verbod by Notificatie, de dato 18 February 1767. ten hunnen opzigten fpeciaal genoomen. Ten' welken opzigte Zyn Wel Ed. Geffrenge enz. Waar over gedelibereerd zynde, alsmede over de Memorie voorn, is goed gevonden en gerefolveerd te verklaaren, dat de gemelde Refolutie en Notificatie van deezen Hove, ten opzigten der Portugeefche Jooden, fchoon geen Planters zynde, niet eerder zal ftant grypen dan met primo May 1768. En zal de Demonftranten hier van Extract gegeeven worden. Accordeert met voorfz. Refolutie. (was get.) J. E. Fieiri, gefw. Clerccp No. XVIÏI.  PIECES JUSTIFICATIVES. 165 No. XVIII. Traduction du Mandement & Exhortation pour obferver un jour de jeune & de priere folemnelle, arêté par le College du Mamad de la Nation Juive Portuguaife a la Savane, le 24 Avril 1781. Le College du Mamad & députés de la Nation juive Portuguaife, comme répréfentant le corps de nótre Églife , pénêtré de douleur a la vue des horribles calamités que la guerre peut amener fur les malheureux mortels, calamitées dont nous fommes menacées, & que nous avons d'autant plus areJouter,que nous venons d'apprendre quels defastres quels malheurs imprevus, ont defolé les habitans de St. Euftache, & plus particulierement, nos tristes freres. Dans un fiècle ausfi éclairé, devions nous nous attendre a voir des hommes fourds aux cris de la nature opprimée, facrifier a 1'ambition, au resfentiment lts chofes Ie plus facrées Ie droit des gens & 1'humanité! Plut a Dieu pour avoir moins a gémir fur le fort de nos freres, pour fhonneur des peuples civilifés, & pour Ia gloire d'une Nation longtems alliée de nótre Auguste République, & dont nos prédecesfeurs ont été ici même les fujets. que ce défolant tableau de la furprife L 3 , -de  166 PIECES JUSTIFICATIVES. de St. Euftache eut été tracé dans ce premier moment de troubles, ou les objets elirayants, fe réprefentent aux ames fenfibles & vertueufes, fous des points de vue exagerés & gigantesques; & que fi ce triste événement a été tel que Ia. Gazette de Martinique nous le dit, que ce foit le feül, 1'unique exemple que puisfent trouver les fiecles avenir, dans les annales des Nations. Malheur a nous fi Ia providence nous abandonne & nous rétire fa protection, & fi h Nation Brittanique a réellement flétris fes laurieis a St,. Euftache, & que la destinée nous livre entre fes mains, que n'avons nous pas a craindre ? Un fort égal a celui de nos compatriotes & de nnS freres 5 nos posfesfions défolées, nos maifons pillées, nos femmes & nos filles livrées a la brutalité, & aux caprices des foldats; malheurs plus rédoutables que Ia mort même. S'il nous fuffit du moindre événement fimffre pour implorer les faveurs du ciel, combien ne devons-nous pas dans ce tems, éléver nos voix vers le feigneur, & implorer fa divine mifericorde en nótre faveur pour qu'il daigne éloigner de nous les malheur qui nous ménacent. C'est d'après ces justes motifs, animés, pousfés par Ie zéle de nötre congregation, remplis d'amour & de reconnoisfance pour nos fouverains, & pour nos compatriotes , que nótre Églife a arrêté de faire publier ainfi que cela fe fait par la prefente lecttjre, de fixer le Iundi 39 Avril courant, pour oh-  PIECES JUSTIFICATIVES. 107 obferver un jour de jeune & de priere iolemnelle;aiïn que chacun de nos freres puiiTe venir avec un coeur contrit, navré, rempli du St. Amour de Dieu , implorer la majefté divine & prier le tout puisfant Dieu d'Israël, qui a fi fouvent par d'éclatants miracles délivré fon peuple des malheurs qui 1'ont fuccesfivement accablé depuis tant de fiecles; pour qu'il daigne jetter un régard favorable fur cette Colonie de Surinam, & foutenir Pamoür patriotique, le courage & .les autres vertus raartiales qui éclatant chez les Chefs qui nous gouvernent, & chez ceux qui defendent notre patrie; afin de fixer le laurier fur nos remparts. Vous voyez avec combien de fermeté, & de courage patriotique , nous devons nous facrifier pour la défence du Païs & prier le feigneur d'accorder la viöoire a notre Répubüque, dont la fage Conftitution enchduant le fanatisme paria loi,laisfe déployer 1'eteudart de la tolerance &c. fait de la Hollande le (éjour de la liberté, & la patrie de tous les hommes. Que le Dieu de nos peres qui tient la defünée des empires entre fes mains, daigne dans ce jour de jeune, de pénitence & d'oraifon, exaucer nos prieres ; qu'il vienne a r.ótre fecours, qu'il nous protégé, & qu'il préferve & conferve notre Colome, couronnant les vceux de fes enfans,& benisfant 1'univers , avec une paix perpetuelle. Et afin que chacun des membres de 1'églife L 4 Puis*  loU PIECES JUSTIFICATIVES. puisfe rempird'ausfi faints dévoirs; on publiera Ia préfente exhortation & mandement fuivent l'ufage' fupüant a tous & ausfi chacun de nos freres , venir dans une de nos Sinagogues Ie jourindiqué, joindre leurs Vffiux & voix, pour exaIter ,a fd. gneur & implorer fes bontés. Et le Mabamad déclare que dans ce jour de jeune tout Jabid (*) & Congregant pour quelque caufe pe foit que J'entrée de la Sinagogue lui eut été deffendue, il peut y venir librement, fans gue ceci puisfe tirer i conféquence pour 1'avenir. .{*) J.abid mot hebreu qui veut dire Mtmbrs. No. XIX.  PIECES JUSTIFICATIVES. i$9 No. XIX. io. Lo. NOTIFICATIE. Den Hove van Politie en Crimincele Juftitie klagten zynde voorgekomen, wegens disordre en ongeregeldheden, .veroorzaakt en gepleegt door eenige Burgers-van de Joodfche Natie, welke op den dag der begraaffenisfen van Wylen den Wel E.lele Geftrengen Heer Gouverneur Generaal deezer Colonie B. Texier, nevens de andere Burgers onder de Wapenen ftonden. Zoo is by welgemelde Hove, tot voorkominge van diergelyke gebeurtenisfen , goed gevonden en gerefolveert, de Burgers van de voorfz. Joodfche Natie te exhimeeren, omme by vervolg eenige Festiviteiten ,waar by de Burgery deezer Steede in de Wapenen verfchynt, als Schutters , by te woonen; en dat dienvolgens dezelve in dusdanige gevallen, door de Capiteins der respecüve Compagnien, waar onder zylieden fortepren, niet zullen worden gecommandeert; alles nogthans cnvermindert zoodanige verdere Burgerdienften en Exercitiën , als waartoe die van meergem. Joodfche Natie verpligt en gehouden zyn j ende op dat hier yan geen ignorantie werden gepretendeerd, zal deezen daar en zo inen gewoon is, werden gepubliceerd en geaffigeerd. Actum Paramaribo den 15 December 1784, L 5 (on.  Ifo PIECES JUSTIFICATIVES. (onderftond) ter Ordonnantie van den Hoovp (en getekend) Gootenaar. Wy, Mr. Wolphart Jacob Beeldfnyder Matroos Gouverneur G,.-nera d ad interim over de Colonie' Surinaame, Rivieren en Diftricten van dien enz t enz. enz. ' Gezien en geëxamineerd hebbende zekere Notificatie de dato ij December ,784, aan ons door Gouverneur en Raaden zynde voorgedraagen, hebben, als daartoe geauthorifeert zynde, door Haar Edele Groot Achtbaare Heeren de Heeren Direc teuren, Regeerders der Colonie Surinamen, goed gevonden en verftaan, dezelve te approbeeren en ratificeeren, gelyk dezelve geapprobeert en geratificeerd word mits deezen. Actum Paramaribo den 21 December 1784 (was get.) Beeldfnyder Matroos (onderftond) ter ordonnantie van den Heer Interims Gouverneur, (en get.) U. Schouten, eerfte Clercq, (laager ftond) Accordeert met zyn origineel (en get.) J/,, Dieukfit, provifioneel gezw» Clercq, No. XIX.  PIECES JUSTIFICATIVES. 17? No. XIX. EXTRACT uit 'c Register der Notulen en Refolutien van den Hove van Politie en Crimineele Juftitie deezer Colonie Suri* name* Dingsdag den 15 February i"785« Waarna geleezen de Requeste zoo van Regenen der Portugeefche Joodfche Natie , als der Hoogduitfche, beide behelzende, na allegatien van zeer wydloopige middelen en pofitiven, hunne klagten wegens den innehouden van de Notificatie van deezen Hove, de dato 15 December laastleeden , waar by die van de Joodfche Natie zyn geexhimeert, omme, ter occafie van Festiviteiten, alhier aan Paramaribo in de Wapenen te verfchynen , hun lieder klagten en doleanfe deswegens fustineerende, met die bevryding aanmerkelyk gegraveert te zyn, en mitsdien verzoekende, dat gemelde Notificatie buiten effect mag werden gefield, alles verder by gem. beide Re« queste geëxprimeert. Waar op gedelibereert, is goedgevonden en gerefolveert te verklaaren, dat den Move in aan. zien van diverfe ongeregeldheden , door eenige keeden uit hunne Natie geperp-treert, als ook ovei  *P PIECES JUSTIFICATIVES. ook over de zeer onbetaamelyke ontmoeting door een der Regenten hunner Natie, met relatie tot den Wel Edele Geftrenge Heer Interims Gouverneur, Mr. W, J. Baeldfnyder Matroos , 'er gelegendheid van de begravenis van Wyien den Wel Ed. Geftr. Heer Gouverneur Generaal Ber. ntrd Texier, zig wel degelyk aan wanvoeglykheid en disrespect, met betrekking tot zyn Wel Ed Geftr. hebben fchuldig gemaakt, en dienvolgens' de pofitiven, by de memorie ter nedergefteld, van de gqede ordres ofte 't verPligten refpect aan het hoofd der regeering eener Colonie, nimmer te hebben gemanqueert, niet der waarheid conform zyn. Den. Hove by hunne genomene Refolutie, en daar op gedaane Notificatie, zoude kunnen per! fifteeren, dan dat in overweeginge genomen zynde hunne nederige fupplicque en derzelver fubmisfie in deezen en uit byzondere eerbied voor de conlideratien en voorftel van zyn Wel Ed. Geftrengen den Heer Gouverneur Mr. J. G. Wkbers voor deeze reize wel hadden willen afgaan van de genomen Refolutie en ten dien einde gedaane notificatie, de dato 15 December 1784 derzelve te ftellen buiten effect, en dus de Joodfche Burgers te admitteeren tot de publicque Exercitie en Drillingen op den ouden voet, in dat vaste ver. trouwen, dat de Regenten der Natie, als waardige Opperhoofden, in het vervolg zullen zorgen dat den Hove nimmer eenige redenen tot mis- noe-  PIÈCES JUSTIFICATIVES. 173 noegen zal worden gegeeven, zoo door hun, ofte eenige uit hunne Natie. En indien door overhoopte evenemente het mogte plaats hebben* dat de Burgers der Natie op den dag dat hunne Sabbath inviel, wierde gecommandeert in de wapenen te koomen, dat zy als dan op een décente en refpectueufe wyze den Wel Edele Geftrenge Heer Gouverneur zoodanige remonftrantien zullen doen, als dan nodig zal bevonden worden. En zal Regenten, zoo der Portugeefche als Hoogduitfche Joodfche Natie, Copie authenticq van voorfchreeve Refolutie worden gegeeVen om te ftrekken voor appoinctement op hun lieder beider regten en tot hun narigt. No. XX.  m PIECES JUSTIFICATIVES» No. XX» EXTRACT uit het Register der Notulen en Refolutien van den Hove van Politie en Crimineels Juftitie der Colonie Suriname. Woensdag 15 December 1784. Heeft den Raad finaal voorgedragen Dat, enz. Wyders met ferieufe recommandatie aan de Regenten van gemelde Joodfche Natie zorge te draagen dat uit de aan hun zoo gratieufelyk verleende Privilegiën, geen verkeerde confequentien werden getrokken of werden geëxtendeert, dan de duide» lyke letter van dien is medebrengende. En zal aan Regenten van meergem. Joodfche Natie Extract worden gegeeven, ten einde zich daar na precifelyk te reguleeren. Accordeert met voorfch. Register* (was get.) Jb. Dieulejiti prov. gezw. Cïercq, N.