DES ÉTATS GÉNÉRAUX, E T AUTRES ASSEMBLÉES NATIONALE S. T O M E PREMIER.   DES ÉTATS GÉNÉRAUX, E T AUTRES ASSEMBLÈES NATIONALE S. A LA H A Y E, & Jè inuvt a Paris |Cbez Buisson, Libraire, Hotel de Coëtlofquet; me Hautefeuille, N°. 10* T O M E PREMIER. 1788.   V PLAN De la Coilëilwn des Etats Géne'raux > & autres Ajjemblées natïónates. "Une Colleftion qui raflemblera tout ce qui a été écrit de plus raifonnable fur les anciennes Affemblées nationales, & fur la Conftitution originaire de la Monarchie Francoife , ne peut qu'être du plus grand intérêt dans les circonftances aftuelles. On ne rencontre de toutes patts que des perfonnes qui parient de ces objets d'après des notions aufii vagues que fuperficielles. II éfï néanmoins bien important qu'on puiffe s'en former dejs idees juftes; il eft important que 1'on connohTe d'une maniere précife les droits imprefcriptibles 'du Roi & de la Natiön , dans le moment oü celle - ci fe propofe de s'affembler par a 3  vj Plan de la ColleBlon les ordres d'un Souverain , qui ne forme des vceux que pour fon bonheur. Dans Pintention de 1'aiTurer fur des fondemens folides, il vient d'établir des Affemblées provinciales qui concourront a ce but defiré, en fixant les yeux du Gouvernement fur une innnité de détails dont 1'éloignement des lieux , le cours des événcmens & des affaires devoit fouftraire la plus grande partie a fa vigilance. Déformais , & d'après cette inftitution bienfaifante , s'occuper du bien public, ne fera plus une vaine fpéculation; les hommes qui aiment la Patrie , auront la certitude d'être écoutés & de fervir leurs concitoyens , en propofant les moyens de les fonlager f par la réforme des abus de tous les genres , &z fur-tout par la jufle réparnon des impöts. Ce n'efl pas tout : Thabitude d'txaminer fur les lieux même, & de difcuter les premiers élémens de lad.mir.i^racion multipiiera néceffairement les fujeis inftruits qui ne pouvoient  des Etats Gênêraux, &c. vij qu'être en petit nombre , lorfque c'étoit une forte de hardieffe ou du moins d'indifcrétion d'y porter fes regards. Quand les AfTeinblées provinciales ne produiroient pas d'autre bien , eet établiffement devroit exciter la plus vive reconnoiffa.uce, & nous croyons que Ton commencera déja a s'appercevoir de la maniere la plus évidente , dans les premiers Etats Généraux , de ces progrès de 1'inftruction fur les matieres qui touchent 1'exiftence & le bien-être de tout un Peuple. Notre plus grand defïr , en. entreprenant la colleélion que nous oflrons au public, eft de contribuer .a ces progrès autant qu'il eft en nous, dans 1'importante & mémorable époque oii fe trouve aujourd'hui la Monarchie. Nous raflemblons en un feul corps d'ouvrage les recherches & les raifonnemens des écrivains les plus accrédités qui ont traité des Affemblées nationales. Ce qu'on ne pourroit trouver qu'avec beaucoup de tems, de foins & de travail fera réuni dans notre recueil, a 4 *  vlij Plan de la Colleclion qui fera auffi le dépot de nombre de manufcnts rares & précieux. L'abrégé de la Chronologie de Savaron , que nous placons a la tête du premier volume , fera 1'indice des principales Affemblées nationales, & fervira, pour ainfi dire , de bafe a nos recher^ ches, & a 1'attention du lecleur. Si 1'on fe rappelle les critiques féveres qu'ont faites du fyftême de 1'Abbé Dubos, deux écrivains célebres , Montefquieu & Mably , on fera furpris que nous inférions au commencement de notre co!leftion , un fragnent confidérable tiré de 1'ouvrage de eet écrivain , fur l'Etabliffement de la Monarchie Francoife : mais il faut obferver avant tout que les reproches de Mably & de Montefquieu, tombent d'autant moins fur les morceaux dont nous avons fait ufage , que nous avons taché de les dépouiller de la partie fyftématique. En montrant en quoi confiftoit le revenu du file romain, efpece d'hérkage échu a nos Rois , nous avions  des Etats Généraux , &c. ix a faire connoitre la première conftitution Francoife, la manierë dont les fubfides étoient levés & confentis : 1'Abbé Dubos eft pour ces objets le plus fécond & le plus inftru&if des écrivains qui ont remonte a 1'origine de la Monarchie. K falloit des faits & une férie non interrompue de preuves puifées dans nos monumens ; c'efl ce que nous avons extrait : il nous a femblé qu'il ne laiffoit rien a defirer de ce cóté-la : 1'eftimable auteur de l'Abrégé Chronologique de l'Hifloire de France, le Préhdent Eénaulti lui a rendu juftice , en convenant qu'il a fon-bien démèlé les points obfcurs de 1'origine de notre Nation. La fubftance de fes recherches fur cette matiere, étoit donc un excellent préliminaire d'une colleftion de matériaux fur les Affemblées nationaies, depuis i'établiflement des Francs dans les Gaules. A la fuite de ce morceau , nous offrons a nos lefteurs des recherches & des obfervations générales fur ces mêmes. a*  x Plan de la Colleclion Affemblées. Ce font deux chapitres de Pafquier , quiy font relavifs; un fragment de i'ouvrage de M. Le Gendre de SaintAubin , fur ÏOpinion ; un extrait des Obfervations de J'Abbé de Mably , fur 1'origine de ce qu'on appelle proprement Etats Généraux , & 1'article de 1'Encyclopédie , qui , étant trés - fagement rédigé , nous a femblé digne d'entrer dans les premières notions qu'on doit attendre de nous fur cette matiere. Pafquier eff celebre par une connoiffuice profonde de nos anciens monumens, & de nos inftitutions. « C'eff un des écri» vains , dit le judicieux Auteur de YEf»pnt de la tigue , qu'on peut fuivre, »pour ainfï dire , aveuglément, paree » qu il joignoit a la bonne foi 1'efprit de »difcuffion , & une pénétration peu «commune. » Les Obfervations de 1'Abbé de Mably , fur 1'origine des Etats Généraux , contiennent des vues qui lui appartiennent, & dont on ne peut qu'admirer la fagacité. A 1'égard  des Etats Généraux , &c. xj du morceau tiré du livre de M. Je Saint-Aubin , il eft moins connu, paree que I'ouvrage dont il eft extrait, femble, au premier coup d'eeil, étranger a Ia matiere dont ii s'agit. En traitant de I'opinion , il s'étend fur les divers Gouvernemens , & en particulier fur celui de la France ; voila ce qui le conduit a d'affez longs détails fur les anciennes Affemblées, & fur ces Etats Généraux. Cet auteur eft très-favorable a Fautorité j mais on verra que c'eft auffi 1'un des hommes le plus profondément inftruits de ce qui concerne notre droit public. Une grande partie du fecond volume de cette colleétion , contient 1'original de la Loi Salique , & une traduftion Francoife a cöté , fuivis de quelques formules de Marculfe, La Loi S.alique eft 1'unique monument de 1'état civil des Francs, a 1'époque oü 1'autorité royale a commencé : c'eft le premier titre de garantie de nos propriétés , celui qui jnontrok au fujet ce qu'il pouvoit ac- a *  xij Plan de la Colleclion quérir, comment il pouvoit conferver, & quels étoient 1'immunité & ï'afTujettiffement de fa perfonne. Nous ne pouvions nous défendre de faire ufage du premier monument confacré par une Affemblée nationale. Les formes , en matiere dt droit, ont toujours fuivi le fond ; conféquemment les formules de Marculfe ne pouvoient pas être féparées de la Loi Salique : on y voit de quelle inaniere on vendoit, on acquéroit, on recevoit, ou des bénéfices, ou des dignités , ou des terres. Les Capitulaires , fous Charlemagne & les Rois de la feconde race , trouvoient néceffairement place après la Loi Salique & les Formules. Nous en avons extrait & traduit de plufieurs genres, les uns pour 1'églife, les autres pour la guerre , les loix, la police intérieure , afin de donner une idee des droits qu'avoit la Nation j de la forme avec laquelle les intéréts publics fe difcutoient, ck les loix fe promulguoient; de  des Etats Généraux , &c. xlij la maniere dont on rendoit compte a la Nation, de la néceffité & de 1'emploi des fubfides. Avant ce choix de Capitulaires , on trouvera un morceau trèscurieux & très-favant de M. Lepaige, fur 1'efprit de ces fortes de Loix. L'ouvrage du Comte de Boulainvilliers, fur les anciens Pariemens, étoit dans le cas de celui de 1'Abbé Dubos, fur l'E'tablijfement de la Monarchie Francoife. Nous avons fuivi la même méthode a fon égard: nous avons dépouillé fon livre de la partie fyflématicme, & nous avons profité de fes fcavantes recherches. Les Affemblées nationales connues particuliérement fous le nom d'Etats Généraux, ont commencé fous Philippele-Bel en i 3 o i. Dans ces tems d'ignorance on ne faifoit point de Procèsverbaux en regie : mais nous n'en raffemblerons pas moins des notions certaines fur ces premiers Etats. Neus donnerons d'abord la Chronologie de  xiv Plan de la Colleclion Savaron avec des notes, pour reclifier les erreurs oü il eft tombé , puis une analyfe & des extraits de tous les Auteurs qui ont écrit fur les Etats Généraux. Ces extraits feront plus ou moins longs, fuivant que les Ouvrages feront plus ou moins inftruétifs. Parvenus au tems oü 1'on commencoit a dreffer des Procés-verbaux , nous inférerons dans notre Recueil ces pieces curieufes & authentiques , précédées chacune dun précis hiftorique des faits qui ont occafionné chaque Affemblée, des difcufïïons préliminaires qui font confignées dans les Procès-verbaux des Etats provinciaux ou Affemblées de Provinces convoquées pour lele&ion des Députés, & de la forme des éle&ions, & des charges qui donnoient droit a être député au nom de la Province , fans fon fuffrage ; d'oü eft venue quelquefois 1'oppofition fondée des Provinces & des Pariemens aux délibérations illégales , quoique prifes dans les Etats: ce aue nous fom-  des Etats Généraux , &c. xv. mes perfuadés que le Gouvernement veut éviter. Nous inférerons les Ordonnances qui en ont été le réfultat. Nous n'omettrons point ce qui peut avoir Tapport aux plus célebres Affemblées de Notables. Des notes expliqueront, quand il fera convenable, les paffages obfcurs des anciens a£les, & développeront les circonftances dans lefquelles les Orateurs des Etats fe font trouvés. On fera remarquer 1'efprit de chaque fiecle, & 1'influence de chaque regne , fur les organes du bieri public ? & fur le choix des difcuffions , tantöt puériles , tantöt ridicules , & fouvent trés - importantes , qui ont eu lieu dans les Affemblées des Etats. Pour fe faire, en un mot, 1'idée de cette importante Colle&ion, que notre deffein eft de rendre aufli complette qu'il nous fera poffible, il fuffit d'imaginer qu'on y trouvera raffemblé en dix ou douze volumes ce que les Auteurs les plus eftimés ont laiffé de monumens Sc d'écrits, fur 1'origine  xvj Plan de la ColleBion, &c. des Etats Généraux & des Subfides , la nature des Affemblées nationales, & les Corps de Magiffrature chargés de 1'enregiffrement des Loix. ABRÉGÉ  XVtJ A B R É G É DE LA CHRONOLOGIE DES ÉT ATS GÉNÉRAUX. P^" o u s faifons précéder notre Collection par eet abrégé chronologique des Etats Généraux de Savaron , fans prétendre fuivre eet abrégé, mais pour donner dun coup d'ceil a nosLeéteurs 1'idée de la matiere de notre travail, en les priant de fe refTouvenir que nous leur promettons de clorre notre Colleclion par les différentes Affemblées des Notables qui ont eu lieu , jufques a celle qui vient d'être tenue derniérement. Nous pourrions obferver , quelquevolumineufe que paroiffe cette liffe des Etats , que Savaron ne les a point tous claffés, & qu'entr'aurres il a oublié de b  xviij Abrégé de la Chronologie parler des Etats de Valenciennes , tenus en i 9 2 , fous Clovis III. Quelques a&es prouvent non-feulement fon exiftence , mais fa longue durée , prolongée pendant quatre ans. C'eft la première Affemblée des Etats du royaume , dont en nous ait tranfmis le cérémoniah On connoit ( Geft. Franc. c. 49 , 50 , anm metenf. ) le nom & le rang des piélats & des Seigneurs qui compofoient cette diete. On y voit, outre les premiers du Royaume, huit autres feigneurs qui font fimplement appelles comtes ; huit graftons ou magiftrats, prépofés pour' juges des affaires du fifc ou de finances; quatre domeftiques ou gouverneurs des madbns royales ; quatre référendaires , dont la fon&ion étoit d'appofer le fceau du roi aux aftes- publics } enfin , quatre fénéchaux, qui étoient de limples officiers, fubordonnés aux maires. Le comte du palais n'eft nommé que le dernier. II avoit peut-être une place k part , aux pieds  des Etats Généraux. xix du roi : il n etoit point affis parmi les juges. L'arrét de rAffemblée eft foufcrit par un chancelier. C'eft ainfi qu'on appelloit ceux qui écrivoient ou fignoient les acles que le référendaire devoit fceller. C'eft aujourd'hui le nom du premier magiftrar. Quand nous en ferons aux procés verbaux des Etats, nous inférerons ia grande chronologie de Savaion , en la re&ifiant la oü il fera uéceftaire: on verra que tout ce qui fe paffoit d'effentiel, étoit renvoyé a une Affemblée de la nation ; on verra ces Etats fe multiplier dyrant la première race, devenir plus rares fous 1'autorité des maires , & enfin être rétablis par Charlemagne. L'hiftorique de ces Etats pré-» cédera la chronologie de Savaron , qui peut être regardée feulement pour un guide qui deviendroit ïnfuffifant, fans de fages correcrions & des eommentaire/ néceffaires. Nous ferons remarquer ie époques oü les Etats fe conduifirent dun b 2  xx Abrégé de la Chronologie maniere a pouvoir être regardée commè conftitutionnelle , & celles oü ils n'étoient que des Affemblées fans aucun pouvoir féél. Le Parlement de Bonneuil, convoqué en 61 7, eft un de ceux fur lefquels nous ferons des remarques importantes : il venoit a la fuite d'un conciletenu a Paris, compofé de 7 9 évêques, de quantité de feigneurs , & d'un grand nombre de vaffaux du prince, qu'on appelloit leudes ouftdeles : c'eft le premier de cette efpece. On en affembla fouvent de pareils fous Charlemagne & fes fucceffeurs. Ce fut la qu'on fit ces Ordonnances fi célebres , qui porterent le nom de Capitulaires. paree qu'elles avoient étéfaites dans une Affemblée , ou comme on parloit dans ces anciens tems, dans un chapitre général de la nation. Nous ne donnerons point les Procés verbaux de toutes ces Affemblées , qui ont précédé le roi Jean ; mais il fera difficile, pour ne pas dire impoffible a qui  des Etats Généraux. | -xxj que ce fok , d'être plus complet que nous , & d'en dire davantage fur une matiere auffi curieufe qu'importante. Le choix que nous avons fait de nos autorités , les détails dans lefquels nous entrons, fuffifent pour donner a nos Lee* teurs une connoiffance très-étendue, ck en un mot,, tout ce qu'il eft poifible d'acquérir de connoiffances. A 1'époque du roi Jean , & même depuis Philippe-Augufte , on voit la nation preud.re,. plus d'unité , un enfemble que les privileges & les loix de chaque .province ne leur avoientpoint peruüs d'avoir. On'ne pouvoit déja plus dire. des Francois* ce que Montefquieu , & avant lui., Tacite en avoient dit. «lis ne dpnnoienj: a.leurs l> rois, ou chefs ' qu'un pouvoir trés-, H modéré ; & Cé/ar avoit.dit^qu'ils n'a» voientpoiht.de magiftrat,commun pen-, » dant la paix, mais que/dans cbaque » village les princes rendoient la.juftice » entreles leur» . II n'étoit plus ^.eins.ue  xxij 'Abrégé de la chronologie dire avec Tacite: les princes délihéroicht furies petites chofes,töute ld nation fur les grandes; de forte que les affaires dont le peuple prend connoiffance, font portées de même devant les princes A 1 epoque oii les Etats furent affemblés par Ie roi Jean , le monarque jouiffoit d'une autorité que fon inconduite feule lui fit perdre; & peut-être faut-il remarquer que les réclamations des Etats ne fortirent que de la bouche du Tiers-Erat, qui , pour la première fois, ofoit élever la voix,[& étoit compté pour beaucoup dans ces grandes Affemblées. Le Clergé neut point , a Cette Affemblée, cette influence majeure, qu'il avoit eue jufques-la , & qui, depuis cette époque , a été très-mefurée. Cette difTérence dans le pouvoir d'un Ordre auffi ancien & auffi puiffant, eft trés - remarquable. « Chez les peuples ^arbares , a dit Montefquieu , les prêtres )nt ordinairement du pouvoir , par ce qu'ils ont de Fautrmté , qu'ils doivent te-  des Etats Généraux. xxtij W de la religion , & la puiffance , que chez des peuples pareils donne la fupeiftition. Auffi voyons-nous , dans Tacite, que les prêtres étoient fort accrédités chez les Germains , qu'ils mettoient la police dans les Affemblées du peuple. 11 n'étoit permis qu'a eux de chatrer-, de lier, de frapper \ ce qu'ils faifoient, non pas par ordre du prince , hl pour inniger une peine, mais comme par une mfpiration de la Divinité, toujours préfente a ceux qui font la guerre. II ne faut pas être étonné , fi, des le commencement de la première race , on voit les évêques arbitres des jugemens, fl on les voit parokre dans les Affemblées de la nation , s'ils influent fi fort dans les réfolutions des rois , & fi on leur donne tant de biens » . Nous rapporterons encore une citation de Montefquieu fur le différent caraöere des loix des Germains } caractere qui fe trouve perdu dans ces mêmes b 4  xxiv Ahrégè de la Chronologe Etats du roi Jean , oü la nation entiere na qu'une voix , qu'an» plainre commune, oublie les privileges partiels , & ne s'occupe que de la réforme générale. Les Francs étant fortis de leur oays ils firent rédiger , par les fages de leur nation, les loix faliques. La tribu des francs Ripuaires , s'étant jointe , fous Uovw, a celle des Francs Saliens, elle conferva fes ufages, & Théodoric, roi dAufïraiïe , les fit mettre par écrit. 11 recueillit de méme les ufages des Bavavarois & des Allemands , qui dépendoient de fon royaume. Car la Germame étant affoiblie par ia fortie de tant de peuples, les Francs, après avoir conC[uis devant eux, avoient fait un pas en amereporté leur domination dans les forêts de leurs peres. II v a apparence que le code des Thuringiens fut donné par Ie même Théodoric , puifque fes Ihunngiens étoient auffi fes fujets. Les Frifons ayant été foumis par Charles-  des Etats Généraux. xxv Martel & Pepin , leur loi n'eft pas antérieure a ces princes. Charlemagne , qui le premier dompta les Saxons, leur donna la loi que nous avons. II n'y a qu'a lire ces deux derniers codes , pour vo;r qu'ils fortent des mains des vainqueurs. LesWifigoths, les Bourguignons & les Lombards, ayant fondé des royaumes, firent écrire leurs loix , non pas pour faire fuivre leurs ufages aux peuples vaincus , • mais pour les fuivre eux^ mêmes. » « II y a dans les loix faiiques & ripuaires, dans celles des Allemands, des Bavarois, des Thuringiens & des Frifons une fimplicité admirabie : on y trouve une rudeffe originale , & un efprit qui n'avoit point été affoibli par un autre efprit. Elle changerent peu, paree que ces peuples , ii 1'o.n en excepte les Francs, refterent dans la Germanie. Les Francs même y fonderent une grande partie. de leur empire j ainfi, leurs loix  xxvj Abrégé de la Chronologie furent toutes germaines. II n'en fut pas de même des loix des "Wiflgotsdes Lombards & des Bourguignons ; elles perdirent beeucoup de leur caraclere , paree que ces peuples , qui fe nxerent dans leurs nouvelles demeures, perdirent beaucoup du leur. » «< Le royaume des Bourguignons ne fubfifra pas afTez long-tems pour que les loix du peuple vainqueur pufTent recevoir de grands changemens. Gondebaud &: Sigifmond , qui recueillirent leurs ufages , furent prefque les derniers de leurs rois. Les loix des Lombards re(jurent plutöt des additious que des changemens. Celles de Rotharis furent fuivies de celles de Grimoald , de Luitprand , de Rachis , d'Ariftulphe ; mais elles ne prirent point de nouvelles formes. II n'en fut pas de même des loix des Wifigoths j leurs rois les refondirent & les firent refondre par le clergé. » « Les rois de la première race öterent  des Etats Généraux, xxvij bien aux loix faliques & ripuaires ce qui ne pouvoit abfoluments'accorder avecle chriftianifme; mais ils en laifïerent tout le fond. C'eft ce qu'on ne peut pas dire. des loix des Wifigoths. » « Les loix des Bourguignons , & fur-tout celles des Wifigoths , admirent les peines corporelles \ les loix faliques & ripuaires ne les furent pas ; elles conferverent mieux leur caraétere. «Les Bourguignons 8? les Wifigoths, dont les provinces étoient très-expofées , chercherent a fe concilier les anciens., habitans , & a leur donner des loix ci-viles les plus impartiales ; mais les rois francs , sürs de leur puiflanee , n'eurent pas ces égards. » «Les Saxons, qui vivoient fous 1'empire des Francs , eurent une humeur indomptable > & s'obftinerent a fe révolter. On trouve dans leurs loix des duretés du vainqueur , qu'on ne voit point dans les autres codes des loix des Barbares.»  xxvilj Abrégé de la Chronologie « On y voit 1'efprit des loix des Germains , dans les peines pécuniaires, & celui du vainqueur dans les peines afflictives. » « Les crimes qu'ils font dans leur pays , font punis corporellement , & on ne fuit 1'efprit des loix germaniques, que dans la punition de ceux qu'ils commettent hors de leur territoire.» « On y déclare que , pour leurs crimes, ils n'auront jamais de paix, & onleur refufe I'afyle des églifes mêmes.» « Les évêques eurent une autorité immenfe a la cour des Rois V/ifigoths. Les affaires les plus importantes étoient décidées dans les conciles. Nous devons au code des Wifigoths toutesles maximes, tous les principes & toutes les vues de 1'inqviifition d'aujourd'hui j & les moines n'ont fait que copier, contre les Juifs , des loix faites autrefois par les évêques. » 9 L>u refte „ les loix de Gondebaud, pour les Bourguignons , paroiffent afTez  des Etats Généraux. xxjx judicieufes j celles de Rotharis & des autres Princes Lombards, le font encore plus. Mais les loix des Wifïgohts , celles de RecefTuinde , de Chaindafuinde & d'Egiga, font puériles, gauches, idiotesj elles n'atteignent point le but jpleines de rhétorique & vuides de fens , frivoles dans" le fond , & gigantefques dans le ftyle. » «< C'eft un caraflere particulier de ces loix des Barbares , qu'elles ne furent point attachées a un certam territoire : le Franc étoit jugé par la loi des Francs; 1'Atlemand , par la loi des Allemands ; le Böurguignon , par la loi des Bourguignons ; le Romain , par ia loi rornaine ; & bien loin qu'on fongeat, dans ce tems-la , a rendre uniformes les loix des peuples conquérans , on ne penfa pas même a fe faire légiflateur du peuple vaincu. » « Je trouve 1'origine de cela dans les moeurs des' peuples germains. Ces  xxx Abrégé de la Chronologie nations étoient partagées par des ma rais, des lacs, & des forêts : on voit même dans Céfar qu'elles aimoient a fe féparer. La frayeur qu'elles eurent des Romains fit qu'elles fe réunirent. Chaque homme , dans ces nations mêlées, dut être jugé par les ufages & les coutumes de fa propre naiion. Tous les peuples, dans leur particulier,étoient libres & indépendans ; & , quand ils furent mêlés , 1'indépendance refta encore. La patrie étoit commune , & la république particuliere ; le territoire étoit le même, & les nations diverfes. L'efprit des loix perfonnelles étoit donc chez ces peuples , avant qu'ils partilfent de chez eux , & ils le porterent dans leurs conquêtes. » « On trouve eet ufage établi dans les Formules de Marculphe , dans les codes des loix des Barbares , fur-tout dans la loi des Ripuaires , dans les décrets des rois de la première race, d'oi  des Etats Généraux. xxxj-, dêriverent les capitulaires que 1'on fit ia-deffus dans la feconde. Les enfans fuivoient la loi de leur pere , les femmes celle de leur mari ; les veuves revenoient a leur loi, les afTranchis avoient celles de leur patron. Ce n'eft pas tout j chacun pouvoit prendre la loi qu'il you'loit. La conftitutionde Lothaire I. exigea que ce choix. fut rendu public, » Enfin , 1'époque de ces Etats , quoique glorieufe pour la nation , eft la première origine de 1'établifTement de la monarchie , telle que Huges - Capet la concut , que Louis XI la forma , & dont fes fucceffeurs ont joui. Peu s'en fallut cep'endant qu'on n'obtint , a ces mêmes Etats, du roi Jean une charte, qui eüt donné a la France une conftitution différente de celle qu'elle a confetvée depuis ce roonarque. En partant cle Phil'ippe-Augufte , en nous arrêtant au regne du roi Jean, & en fuivant , avec fcrupule , tous les  xxxij Abrégé de la Chronologie , &c. mouvemens des trois ordres de 1'état, nous aurons fatisfait la curiofité des Lecteurs, d'autant plus qu'il s'avancera dans la connoiffance de toutes les différenres époques, appuyé fur des monumens dépouillés de toute partialité, & de ia plus grande authenticité. ABRÉGÉ  xxxlij ABRÉGÉ DE LA CHRONOLOGIE DES ÉT ATS GÉNÉRAUX. PHARAMOND. 422. Etats tenus a Salifon, pour dreffer la Loi Salique, Pan 412. C L O V I S. 490. Etats oü la Loi Salique fut augmentée de quelques chapitres, Pan 490. 499. Etats oü Clovis gagne par douceur le coeur de fes Barons & menu peuple , pour les convertir avec lui au chriftianifme, 1'an 499. 488. A Soiffons, pour partager les butins èc dreffer 1'armée , Pan 488. CHILDEBERT. 524. Etats pour revanger les indignités faites Tornt, I. c  scxxiv Ahrégè de la Chronologie par les Lorrains , aux ötages du Roi f Fan 514. 512. A Paris, pour bat'tr le fuperbe édifice de 1'Eglife de Paris, 1'an 522. 534. A Attiny, Traject & Colongne , pour dreffer des Loix & Ordonnances , Pan 534- C L O T A I R E. 610. Etats a Bonneuil en Brie, oü les demandes des Seigneurs furent entérinées, 1'an 620. 629. A Troyes, oü ils déclarent ne reconnoitre autre fupérieur que Dieu & le Roi, Pan 629. C L O V I S II. 663. A Clichy prés Paris, pour réparer le domn.age fait h PEglife Saint-Denis, & Pexempter de POrdinaire , du confentement de Saint-Landry, Eyêque de Paris, l'an 663. CARLOMAN. Etats a Ratisbonne.  'des États Gènïraux'. xxxi> A Lipline. CHILDERIC 11 Etats k Soiffons. P E P I N. Etats a Orléans, pour acnever la guerre d'Aqiiitaine. A 'Worms, pour la même guerre. A Orléans, oü il regut de grands dons & préfens. A Nevers. A Botirges. A Crecy, pour fon voyage de Lom- bardie. A Bernac. A Metz. 757. A Compiegne, oü il reent les dons &£ préfens des Grecs, 1'an 757. 758. A Compiegne , oü Taffilon , Duc de Baviere , faitjiommage , 1'an 764. 764. A Vorms, 1'an 764. 765. A Attiny, 1'an 765. c 2,  xxxv/ rAbrigè de la Chronologie CHARLEMAGNE. Etats a Aix, pour le couronnement de Louis fon Als. A Compiegne, pour prendre les dons annuels A Lippie. A Cusfeftin. A Noyon. A Saint-Quentin.' A Durziac , oü il recut les dons anuels; A Bigargio. A Aix. 777. A Padabrun , pour confirmer les privileges des nobles , 1'an 777. A Cologne , oü vinrent les Ambaffadeurs de Sigofrede , Roi des Norman cis. 796. A Ingilhein, oü furent condamnés Taf- filo & Theudo, Pan 796. A Aix, pour envoyer Bernard, fils de Pepin, en Italië. Etats pour faire la paix, & partager entre fes enfans. A Mayence. A "Worms.  'des Etats Généraux. xxxyij A Duric. A "Wifors. A Aix. 765. ANevers,l'an 765. LOUIS-LE-DÉBONNAIRE. 814. A Aix, pour lefoulagement du peuple ■ & réformation de la jiütice, 1'an 814. 814. A Aix , oü il découvrit des confpirations , 1'an 814. 816. A Aix, pour édifier par Saint - Menoul, un Monaftere de filles, 1'an 816. 817. AIngelhein, 1'an 817. 817. Etats pour mander fon fils Pepin, Tan 817. A Theodenhoue. 819. A Aix, touchant Pétat des Eglifes & augmentation des Loix, Pan 819. A Ingelhein. 821. A Theourille , pour confirmerle partage entre fes enfans, 1'an 821. 824. A Aix-la-Chapelle, pour inftituer fon troifiéme fils, & répondre aux Ambaffadeurs Bulgariens, 1'an 824. 825. AIngelhein, pour prendre les dons du Légat du Pape , 1'an 825. c 3  xxxviij Abrégé de la Chronologie 827. A Aix-la-Chapelle , ou furent condamnés, ie$ Capitaines qui avoient laifle poffer les Sarrafins , 1'an 827. $28, A Vorms , cü le R.01 découvrit des confpiratións, 1'an 818. §21. A Noyon , oü il'condamna les ennemis, 1'an 821. A Lyon, auxquels affifterent fes fils ^ Louis & Pepin. 822. A Attiny , pour la réconciiiation du R03 avec fes frercs, 1'an 822. 834. A Attiny, pour la reffitution des biens, d'Eglife, 1'an 834. A Aix, oü il donna une portion de foa Royaume k Charles fon fils. 835. A Théodenhoue,oüEbbon, Archevêque de Reims, eft dépofé pour fa perfidie ? 1'an 8' i 5. 856. A Thcodenhoue , Pan 856. 83 5. A Merz, pour la refhtution de Louis-le- D:bonnaire, 1'an 835. 838. A Noyon, oü il deftitua du Royaume fon fils Lothaire 5 1'an 838. 839, A Vcrms , pour faire la paix avec Lothaire fcm Hls, 1'an 839, A Chaalons, A Crecy,  des Etats Généraux* xxxi^ A Worms. A Compiegne, 858. A Ulm, oii il recut les Ambafladeurs de Louis fon neveu, Fan 858, A Aix. 761. A Ratisbonne, 1'an761. 87a. A Forhhein, oii il mit paix entre fes, enfans, 1'an 871. 875. A Tribiere , 1'an 875. 877. A Franconofurt, Fan 877. • CHARLES-LE-CHAUVE. 853. Etats a Valenciennes, 011 il fut avec font frere, 1'an 853. 853. ASoiffons, pour la réformation de fa. Juftice, 1'an 853., 863. APoiffy, 1'an 863. 870. A Nimegue, pour faire allianqe avec, Raoul, Fan 870. 871. A Gondouluille, Fan 871. 874. A Saint - Quentin & Dufiac , oü il regufc les dons annuels, 874. 877. A Compiegne, pour la régence pendant fon voyage a Rome , Fan 877. 842,, A Aix-la-Chapelle-5.oü 1'on difpofe des, c 4.  xl rAbrigé de la Chronologie droits du Royaume de Lothaire ennemi, 1'an 842. CHARLES - LE - SIMPLE. 893. Etats k Worms, oü il recut les dons annuels des Évêques , Pan 893. LOUIS-LE-BEGUE. Aux Etats on pourvoitau falut, honneur & néceflités du Roi, bien de 1'Eglife , honneur des nobles, ck ibulagement du peuple. LOUIS D'OUTRE-MER. 936. Etats tenus k Laon, ou Louis d'Outremer eft facré, 1'an 5136. A Vezelay, oh Louis d'Outre-mer fe croife contre les infideles. ROBERT. Etats mandés k Orléans pour Ia paix. HUGUES-CAPET. $82. Etats pour 1'Eleöion de Capet,l'an 982'. 9S7. Etats pour faire Roi Charles, frere de Lothaire, 1'an 987.  'des Etats Généraux'. 'xtj 'A Compiegne. LOUIS LE JEUNE. 1145. A Paris> Pour !ebien de la Juftice, 1'an 11-45. PHILIPPE AUGUSTE. 1188. A Paris oh fut réfolu fon voyage de Terre - Sainte, 1'an 1188. riOI. A Soiffons, pour 1'acccord & appointement du roi Philippe Augufte, & de la Reine Ingerberge, 1'an 1201. LOUIS VIII. 1226. Etats a Paris , pour la Régence da Royaume, & couronnement du Roi, 1'an 1226. 1220 & 1225. AParis, contre les Albigeois, 1'an 1220 & 1'an 1225. LOUIS IX. 12Ó9. Etats oii futréfolue la Croifade contra les Sarrafins, 1'an 1269.  xhf Abrégé de la Chronologie 1255. A Paris, pour la réformation de 1'Etaê & de la Juftice, 1'an 1255. 124J. Etats oü fut réfolue la Croifade de Saint - Louis contre le infideles, 1'aa 1245. 1240. A Paris, contre Hues de la Marche, qui refufoit l'hommage a Alphonfe , Comte de Poitiers, frere de Saint Louis, 1'an 1240. PHILIPPE-LE-BE.L, ?300. 1301. 1302, A Paris-, 1'an 1300. 1301. 1302. jufqua 96 que le Roi ne reconnoit point le Pape au temporel, & ne tient fon Royaume que de Diéu feul. 1314. A Paris, pour la guerre contre les Flamands, Pan 1314. LOUIS HUTIN. r3 59. Les trois Etats affemblés, le Roi conclut qu'on ne leveroit point de taille fans le confentement defdits Etats a 1'an 1359.  des Etats Généraux. xluj PHILIPPE LE LONG. 1316. Etats pour approuver le couronnement de Philippe le Long, 1'an 1316. PHILIPPE DE VALOIS. ï3 29. Etats qui retranchent les abus & le luxe des habits, 1'an 1329. 1338. Etats fe réfervent d'accorder les impo- fition des tailles, 1'an 1338. 35329. A Paris, pour compofer les différens, d'entre les Eccléfiaftiques 8c !es Juges, contre les Baillis & Juges Royaux, 1'an 1329. JEAN. Etats a Paris ès - années 1355, 1356» 1357, 1358, 1359. pour la délivrance du Roi. CHARLES V. 1369. Etats a Paris, déliberent la gue*re con-i J.re les Anglois , 1'an 1369.  'xliv Abrégé de la Chronologie CHARLES VI. 1380. A Paris, pour la Régence du Roi, 1'an 1380. 1380. A Paris, pour lever Aydes, 1'an 1380. 1382. Trois Etats du Languedoc k Touloufe. 1'an 13 81. 1406. Etats a Paris , maintiennent le Roi fouverain en fon temporel , 1'an 1406. 1412. A Paris, pour réformer la Juflice & re* nouveller la guerre contre les An- glois , 1'an 1412. 1420. A Paris, dans la falie baffe de Saint Louis, pour le fait de la guerre, 1'an 1420. CHARLES VIL 1426. Etats du pays k Touloufe, 1'an 1426. 1439. Etats - Généraux k Orléans, 1'an 1439. 1439. Affemblées d'Etats a Orléans, pour faire la paix avec le Roi d'Angleterre, 1'an 1439. 1441. Etats a Clermont en Auvergne, pour  des Etats Gènlraux*. xlv ramener M. le Dauphin, & autres Princes, èc fécounr le Roi , 1'an 1441. 2458: A Orléans, pour maintenir la paix, 1'an 1458. LOUIS XI. 1465. A Tours, 1'an 1465 , le 24 Aoüt. 1466. A Paris, pour la réformation de la Juf- tice & bien du Royaume, 1'an 1466 , le 16 Juillet. 1467. ATours, pourl'appanagedeMonfieur, frére du Roi , & 1'ordre obfervé pour la féance de tous lesdéputés, 1'an 1467 , en Avril. 1470. Etats a Tours, pour faire la guerre contre le Duc de Bourgogne, 1'an 1470. CHARLES VUL 1483. A Tours, pour la Régence du Roi, bien & réformation de 1'Etat , 1'an 1483,  xlvj ■ Ahrègê de la Chronologie Louis x * h 1506. A Tours, pour le manage de madame Claude fille du Roi avec le Roi Francois premier , lors Duc d'Angoulême, Fan 1506. FRANCOIS PREMIER. 1526. A Coignac, pour rompre le traité de Madrid, Fan 1526. H E N R Y I I. 1558. A Paris , pour croitre la Finance demandée au peuple , Fan 1558. FRANCOIS II. 1560. A Orléans, pour pacifier les troubles, Fan 1560. 1560. A Meaux, pour répondre aux plaintes & doléances. CHARLES ix. 1560. A Orléans , continués a Pontoife , pouf  ÊB Ètats Gènêrauxl xlvij accorder les diférens , & prendre garde aux dettes du Roi, 1'an 1560. 1561: A Saint- Germain- en - Laye, oü fut accordé 1'Edit depuis nommé 1'Edit de Janvier , 1'an 1 561. 1566- Fornie d'Etats a Moulins, 1'an 1566. H E N R Y III. 1588. ABlois,le 16 G-aofare 1588. 1574. Mandésa Lyon, 1'an 1574. 1576. Tenus a Blois, 1'an 1576. 1583. AiTernblés a Saint-Germain, 1'an 1583, oü fut délibéré d'affurer la vie des Rois contre les affalTins &£ rebelles. H E N R Y IV. 1593. A Paris, en 1593 , oü fut propofé & réfolu par leTiers-Etat, que le Pape n'avoit point de pouvoir fur le temporel du Royaume. LOUIS XIII. 1625. Etats mandés a Sens, au loSeptembre,  atlviij 'Ahrège de la Chronologie, &c. remis au 10 O&obre a Paris, ouverts le 27 du même mois, & les cahiers préfentés au Roi, le 23 Février 1615. DES ÉTATS  klliè T A B L Eé AJf de la Colleciion des Etats Géhéfaüx , & & autres Affemblées nationales $ page v Abrégé dê la Chronologie dis Etats Généraux ^ xvij Abrégé de la Chronologie des Etats Généraux , xxxiii t 3 ■ DES ÉTATS GÉNÉRAUX ET AUTRES ASSEMBLEES NATIONALESi Difcours Préliminaire + ƒ DE L'ÉTABLISSEMENT DE LA MONARCHIE FRAN^ÖISE. Chap. I. É tat des Gaules au commeticement dn cinquieme Jiecle. Leurs habitans étoient devenus Jemblables en tont aux Romains. Différens ordres de citoyens ; revenus de chaque citê, milice & forme de leurs gouvefnemens, i CHAP. II. Des affemblées générales que ienoient les cités des Gaules. De l'étendue de Cautorité impériale. Forme des affemblées. Députations, Tome I, ^  ê T A B L E. Revenus que Pemvire Roma'm avoit dans les Gaules , qui efl t origine du domaine rayal. Maniere de le percevoir, 9 CHAP. II. Tribuf public. Taxe par. ai pent. Capitation. Claffe des citoyens, dont la condition, étoit inférieure a la der nier e des claffes modemes. Défordre dans Cadminijhadon. Forme. de leve% timpót. Dons gratuits. Farties. cafuelles. Denrées. Marchandifes., 19 CHAF. IV. Conjlitution du royaume de Clovis. Son, Itendue. Indépendance des rois des autres tribus des Francs. Poffefflon des Francs, & leur fédération. Condition des Gaulois , & des autres peuples compofans la nouvelle monarchie Franfoife. Sermtnt des rois Francs pour conferver a chacun fes loix & fes privileges. Etabliffement de la loi de fuccejjïon, Exclufon desfilles a la couronne, 40 CHAP. V. Des Natlpns qui compofoient lepeuple de la monarchie, & des Francs en particulier. Ancienneté de la loi fallque, Etat des habitans, Hommes libres, ferfs, main-mortables. Service, Cktgé. Noblcfjé perfonnelle. Forme du gouver^  T A B L E, H tumtnt intérieur , & des fénats ou repréfenfans des cués ; des ajjifes , 94 CHAP. VI. Du gouvernement général fous Clovis & fes premiers fucceffeurs. Des évêques , des grands. de rétat. Loix anciennes & fondament aLs conferyées. La divijion des trois ordres établie ver les Romains } fubfifoit encore fous nos Du gouvernement particulier a chaque cue ,fon fénat, fa milice. Erection des communes. Municipalités. Droit des armes. Guerres que les-, cités fe déclaroient ent?elles. Alliances au elles, contracloient, *45 CHAP. VII. Des terres faliques, & de la nature de cette forte depoffeffion. Identitédes revenus des emperéurs avec le domaine royal, qui nefl qu un héritage tranfnüs a nos rois par droit de conquête. Exemptions de taxes accordées d vit par les rois. De [autorité avec laquelk Clovis & fes fucceffeurs ont gouvemé, i02 Du Parlement ambulatoire , & première introduction d'icelui, 2 3^ De fjffemblée des Trois Etats de la France, Cour des Aides , fur le fait de la Jufiice,  lij T A b l e. Tailles , Aides & Subfides , ï^i Des Pariemens , Etats Généraux , &c. 27 6 Origine de la Puiffance légijlative , fous la troi- fieme race , & des Etats Généraux , 355 Affemblée des Etats Généraux, 387 Fin de la Table.  DES ÉTATS GÉNÉRAUX E T AUTRES ASSEMBLÉES NATIONALE S. (i) Extrait de I'ouvrage de 1'abbé Dubos, * vol Tornt I. A DE L'é TABLISSEMENT de la Monarchie Franc0ise (i): Difcours Préliminaire. O n fe fait comrnunément une fauffe idee de la maniere dont la monarchie Francoife a été, établie dans les Gaules , & de fa première conftitution. Sur la foi de nos derniers hiftonens, on fe repréfente les rois prédéceffeurs de Clovis, & Clovis lui - même, comme des  ij Discours barbares qui conquirent k force ouverte les Gaules furl'empire Romain , dont ils faifoient glolre d'être les defiructeurs. On fe dépeint les Francs qui marchoient fous les enfeignes de ces princes, comme des hommes nouvellement fortis des bois &c des marécages, comme ües hommes qui, dans les tems précédens , n'avoient eu aucune relation avec les anciens habitans des Gaules, & conféquemment Fon 6'imagine que ces prétendus fauvages Européens les traiterent avec toute la dureté qu'un vainqueur féroce efl capable d'exercer contre des peuples fubjugués qu'il n'a connus avant fa viótoire , que pour avoir entendu dire qu'ils étoient les ennemis mortels de fa nation. II ne fe paiTa rien de femblable dans Ia Gaule, lorfqu'a la fin du cinquieme fiecle de 1'ére chrétienne, & au commencement du fixieme, fes provinces pafferent Fune après 1'autre fous la domination de nos rois. Lorfque ce grand événement arriva, il y avoit déja deux eens ans que les Francs , il n'importe de quelle contrée ils fufient originaires, étoient établis fur la rive droite du Rhin , dont le lit féparoit les Gaules d'avec la Germanie , partagée alors entre plufieurs peuples barbares. La nation des Francs étoit dans ces premiers temsla divifée en différentes tribus confédérécs enfemble par  Préliminairs, iij une alhance étroite, mais dont nous fcavons mal les conditions. Ce qui nous eft mieux connu, c'eft que chacune d'elles avoit fon roi ou fon chef particulier , qui ne dépendoit d'aucun des autres rois. LesRomains faifoient ce qui leur étoit poliible pour entretenir la paix avec cette belliqueufe nation , & même pour avoir toujours avec elle des traités d'alliance qui la rendifient en quelque forte dépendante de 1'empire. Plufieurs raifons engageoient les Romains a rechercher 1'amitié des Francs. La fituation du pays qu'occupoient ces derniers , leur donnoit de grandes facilités pour faire des incurfions fur le territoire de Fempire , au lieu que tandis, qu'ils étoient fes alliés , ils lui tenoient lieu d'un corps d'armée avancé & campé au-dela d'une frontiere, afin de la couvrir mieux, puifqu'ils empêchoient les autres barbares de venir fe pofter fur la rive droite du Rhin, Sc d'y épier le moment de tenter avec avantage le paffage de ce fleuve la barrière des Gaules, aui le regardoient comme h falut de leurs provinces. D'ailleurs, les Romains tiroient de notre nation des foldats braves , & qui devenoient en peu de tems de bons ofFiciers. Auflï non-feulement Fempire lui faifoit de tems en tems des préfens qui peuvent bien avoir été un fubfide a ij  tv Discours réglé, mais il tenoit encore k Ta folde des corps de troupes cqmpofés de Francs, & dont les officiers étoient avancés aux grades les plus éminens de la milice romaine. En un mot j, Fempire traitoit les Francs comme sïls euffent été fes fujets naturels. Nous verrons même que dès le quatrieme fiecle , il donna des terres dans plufieurs provinces des Gaules a difFérens «ffains de Francs , véritablement a condition qu'ils y vivroient comme fujets de la monarchie Romaine, qu'ils feroient foumis a fes loix, & qu'ils obéitoient k fes officiers civils & militaires. II arrivoit bien de tems en tems qu'une des tribus des Francs , ou qu'un nouvel effain échappé de plufieurs de ces tribus , exergat des adtes d'hoftilité contre les Romains, foit en faifant des courfes dans les Gaules, foit en y occupant tantöt fous un prétexte & tantöt fous un autre, quelque canton de pays. Mais le gros de la nation ne prenoit point le parti des agreffeurs. II les défavouoit, & Fon vit dans plus d'une occafion les Francs obfervateurs des traités, porter les armes pour le fervice de Fempire contre les Francs qui les avoient enfreints. Aufïï toutes les tentatives que firent avant le cinquieme fiecle différentes bandes de Francs attroupés, pour fe caatonner  'Preliminaire v dans les Gaules, en s'y rendant maïtres de quelque coin de pays oü ils puflent vivre dans 1'indépendance de Fempire , furent - elles in-; fructueufes. Ou ces audacieufes colonies fe virent forcées k repaffer le Rhin s ou elles furent réduites k s'avouer fujettes de 1'empire, & k reconnoïtre 1'autorité de fes officiers. Ainfi toutes les tribus des Francs, c'elt-a-dire tousles Francs indépendans,habitoient encore dans la Germanie en Fannée 407, quand les Vandales & les autres peuples qui s'étoient joints avec eux, firent dans les Gaules la fameufe invafion qu'on a long-tems appellée abfolument l'inyajïon des barbares. Les Francs fe comporterent ©ncore dans cette occafion en bons & fideles aliiés de Fempire. Ils fe firent tailler en pieces en difputant aux Vandales 1'approche du Rhin. Le défordre que leur irruption mit dans la Gaule , s'accrut encore par le foulevement de cinq de fes province^ les plus confidérables, qui, après avoir chaffè les officiers de 1'empereur , fe confédérerent entr'elles & s'érigerent en république. Enfin 9 quand Rome eut été prife par Alaric , la con~ fufion devint extréme dans les Gaules, quï furent le théatre de plufieurs guerres civiles entre le parti demeuré fidele a 1'empereur Honorius qui regnoit alors, & les nouveaux a üj  vj Discours empereurs que les troupes proclamoient. Pou? comble de malheur, les Vifigots qui avoient pris Rome, évacuerent 1'Italie & vinrent s'établir entre le Rhöne & 1'Océan. Dans ces conjonctures, différens effains des peuples de la Germanie pafferent le Rhin pour s'établir aufli dans les Gaules, qui fembloient être devenues la proie des nations. Quelques tribus des Francs furent de ce nombre, & vinrent fe cantonner elles-mêmes dans le pays dont elles n'avoient pas pu empêcher Finvalion. Ce fut vers 1'année 413 qu'arriva eet événement. Dès qu'Honorius put fe reconnoitre , il prit des mefures pour rétablir Fautorité de Fempire dans les Gaules, en obligeant les révoltés k rehtrer dans FobéifTance , & les barbares a fortir du pays ; mais ce prince mourut avant qu'il .eüt exécuté fon projet. Valentinien III, fon fucceffeur, agit dans les mêmes vues, & Aétius qui commandoit pour lui dans les Gaules, obligea, en 518, les Francs, qui s'y étoient cantonnés, k repaffer le Rhin, ou a reconnoitre Fautorité de Fempire. C'étoit, comme on le verra, la coutume des Romains lorfqu'il leur convenoit de permettre k quelqu'elfain de barbares qui avoit envahi une portion du territoire de P.ome , de garder le pays ou il s'étoit cantonné, de 1'obliger du moins k y vivre ,  Préliminair e. vlj fuivant les loix de 1'empire, & fous 1'obéiffance de fes officiers (i). Mais les autres affaires qui furvenoient de tems en tems a Valentinien, & les guerres civiles dont éroient fuivis les démêlés que les généraux Romains , fiers de la foibleiTe du gouvernement, avoient entr'eux, ouvroient fans ceffe aux barbares de nouvelles portes pour rentrer dans ce pays, ou pour y aggrandir le territoire dont ils s'étoient maintenus en poffeffion. Cependant 1'empereur regagnoit töujours du terrein , lorfqu'en 439, 1'armée qu'il avoit dans les Gaules fut défaite par les Vifigots , & Carthage, ville capitale de la province d'Afrique , prife par les Vandales. La perte de cette armée & la néceffité d'employer la plus grande partie des forces qui reftoient encore a fempire d'Occident a garder les cótes de FItalie, de'venues un pays frontiere par la prife de Carthage , dénuerent les Gaules de troupes. Voila la conjoncture dans laquelle les premiers fonde- (i) Bafternas Gentem Scythicam quae Probo fe fubjecit, inThracia fedibus conceffis reliquit, qui Ro.nanorum moribus & legibus conftanter uft funt. Zofim, Hift. Lib. Pri. Scythaj Valentem id temporis obfecrarunt, ut fe per Thraciam reciperet fociorum & fubditorum functuros officium & obfecuturos in rebus omnibus qua Princeps imperaffet, Ibld. Lib. 4 , p. 234. a iy  '• v"j Discours mens de la monarchie Frangoife furent jettés. Vers 1'année 443 , Clodion qui régnoit fur celle des tribus des Francs qui s'appelloit la tribu des Saliens, & qui, foit par conceffion de 1'empereur , foit par force , avoit confervé un coin de pays fur la frontiere du diftrift de la cité de Tongres , fe faifit de Cambrai, & il fe rendit maitre en même tems de la contrée qui eft entre cette derniere ville & la Somme. Ce fut auffi pour lors, fuivant Fapparence, que les Francs connus dans nos annales fous le nom de Ripuaires, s'emparerent d'une partie du pays, renfermé entre le Bas - Rhin & la BaiTe-Meufe. Aëtius fit auffi - tot la guerre aux Francs Sahens , mais il n 'étoit pas encore venu k bout de les obliger k évacuer le pays occupé , lorfqu'on fut informé dans les Gaules , qu'At. tila, roi des Huns, & le plus puiffant des rois barbares, fe difpofoit a y faire inceffamment une invafion , & que plufieurs peuples s'étoient engagés a fuivre fes enfeignes, dans 1'efpérance de partager entr'etix cette grande & riche contrée. La crainte fufpendit les guerres qui s'y faifoient. Les Romains qui commandoient dans les provinces des Gaules qui obéiffoient k 1'empereur, traiterent avec les Romains des prdvinces confédérées, k qui Fon  Préliminaire: lx accorda une paciflcation, en vertu de laquelle ils devinrent les alliés de 1'empire , de fes fujets qu'ils étoient auparavant. Les uns & les autres s'unirent enlüite avec les barbares établis déja dans la Gaule , &: il fut permis a plufieurs de leurs colonies de tenir paifiblementles pays dont elles s'étoient mifes en poffefilon , & d'y vivre avec leurs femmes 8c leurs enfans, fous la fouveraineté de leurs rois, Sc dans Pindópendance des magiftrats romains. On exigea feulement de ces barbares , qu'a 1'avenir ils fe contiendroient dans les bornes des quartiers qu'ils avoient pris par force, qu'ils fe conduiroient en bons 6c fideles alliés de 1'empire, & qu'ils le ferviroient dans les occafions, comme troupes auxiliaires. La tribu des Saliens fur laquelle Merovée, le fucceffeur de Clodion, régnoit alors , celle des Ripuaires, & peut - être quelques autres tribus, auront été du nombre des peuplades de barbares avec qui cette capitulation fut faite, 8c qui furent admifes a demeurer fur le territoire de 1'empire , en qualité de fes hótes. C'eft le nom que fe donnoient eux-mêmes les barbares, dont ces fbrtes de colonies étoient compofées. II eft même probable que nos Francs furent ceux des étrangers , a qui les Romains accorderent avec le moins de répu-  *' Discours gnance la concelTion dont nous venons de parler. L'une & 1'autre nation fraternifoient enfemble depuis deux fiecles. Merovée fut fidele k tous les engagemens qu'il avoit pu prendre , & il fervit avec diftinflion dans 1'armée Romaine, qui battit les Huns au milieu des champs Catalauniques, en 4%i. Childéric, fils & fucceffeur de Merovée, rendit auffi des fervices fignalés a l'empire , dans les guerres qu'il eut a foutenir contre les Vifigots qui vouloient s'emparer de toutes les Gaules, & contre les Saxons qui fans ceffe y . feifoient des defcentes. II paroit même que ce prince ah éré l'un des généraux des Romains. Les rois barbares ne croyoient point alors fe dégrader en acceptant les grandes dlgnités militaires de l'empire. Au contraire, ils tenoient a honneur d'en être revêtus, & d'en exercer les fonöions ; & 1'empereur , de fon cóté , n'avoit point une trop grande répugnance a leur confier ces emplois, paree que, comme nous Ie dirons , les dignités militaires ne donnoient plus , depuis Conftantin-le-Grand , aucune autorité dans les affaires de juftice , de police & de finance, aux officiers qui en étoient revêtus. Childéric vivoit encore , lorfqu'en 476, Odoacfe, l'un des rois des Offrogots, s'emr  Préliminaire. xj para de Rome, 8c qu'il détruifit pour toujours l'empire d'Occident. Celles des provinces des Gaules, qui jitfques-la étoient demeurées fous 1'obéiiTance du prince, tomberent alors dans une efpece d'anarchie. D'un cöté, elles ne vouloient plus reconnoitre le pouvoir de Rome , dont Odoacre étoit maïtre abfolu ; 8c d'un autre cöté , 1'empereur des Romains d'Orient, dont elles s'avouoient fujettes , étoit trop éloigné d'elles pour les gouverner. A la faveur des troubles dont cette anarchie fut caufe, il y eut des officiers Romains qui fe cantonnerent, 8c qui firent alors ce que firent dans la fuite les ducs, les comtes 8c les autres feigneurs , qui, fous les derniers princes de la feconde race de nos rois , fe rendirent véritablement les maïtres des pays, ou ils ne commandoient qu'en vertu d'une commiffion du fouverain. On ne voit pas cependant que Childéric , tout accrédité qu'il fut, ait profité du renverfement du tröne d'Occident pour étendre fes quartiers, ou, fi 1'on veut, fas états. Quand il mourut en 1'année 481 , il ne lailfa au roi Clovis fon fils 8c fon fuccefTeur, qu'un très-petit royaume, compofé du Tournaifis 8c de quelques contrées adjacentes. Ce qui rendit le nouveau roi des Saliens un prince puiffant, ce fut que peu de tems après être  xlj Discours monté fur le tröne, on le revêtit de la dlgnhé de l'empire que fon pei e avoit polfédée. Clovis auffi prudent qu'il étoit ambitieux & brave, feut fi bien profiter des troubles & des défordres de la Gaule, qu'en trente ans de regne il fe rendit maïtre des deux tiers de ce nche pays, fans fe déclarer néanmoins ennemi de l'empire. II eft vrai qu'il commenca fon aggrandiffement par faire la conquête du Soiffonnois , fur un officier Romain qui s'en étoit rendu feigneur. Mais 1'expédition que Clovis fit en 486 contre Afranius - Siagrius (c'eft le nom de eet officier ) , ne paffa point parmi les Francs ni parmi les Romains pour une guerre de nation è nation , ni même pour un aéte d'hoftilité contre Fempire. Ceux des Francs qui n'étoient ni fujets, ni amis particuliere de Clovis, & ceux des Romains des Gaules qui ne reconnoiflbient pas le pouvoir de Siagrius, demeurerent neutres durant cette guerre, qu'ilsregarderent comme une querelle particuliere. Si, quatre ans après, Ctavis fe rendit entiérement le maïtre du territoire que la ville de Tongres avoit pour lors, ce fut en obligeant les barbares, qui depuis plufieurs années en occupoient la plus grande partie a fe foumettre a lui. Ce fut par voie de négoCiation , que deux ans après , c'eft-a-dire vers  P R 'k L I M I N A I R R. xïl'j 1'année 492 , Clovis fit reconnoitre fon pouvoir dans la partie des Gaules, qui eft entre la & la Seine, Sc qui obéiffoit encore k 1'empereur, dans le tems oü l'empire d'Occident avoit été détruit. Les graces dont la nouvelle dignité de Clovis le rendoit maïtre de difpofer , lui donnerent le moven d'achever ce qui lui reftoita faire, pour régner paifiblement fur la partie des Gaules qu'il avoit déja foumife, & pour foumettre 1'autre. C'étoït de fe faire roi de toutes les tribus des Francs , dont chacune avoit eu jufques-la fon roi particulier qui étoit bien allié, mais non pas fujet du roi des Saliens. Clovis vint k bout de fe défaire de tous ces petits fouverains, & d'engager chacune des tribus fur lefquelles ils régnoient, k Félire pour fon roi. Les quatre fils de Clovis, après avoir partagé fon royaume par égales portions , tinrent pour s'aggrandir la même route, par laquelle leur pere avoit marché. Ce ne fut point fur Fempire , ce fut fur les Bourguignons que nos princes conquirent la partie des Gaules, renfermée entre la Durance, le Rhöne, la Saone , le Rhin & les Alpes. II y avoit prés d'un fiecle que les Bourguignons Favoient occupée fur l'empire. Lorfque ces rois dn Francs fe mirent en poffeflion de la contrée qui sétendoit depuis  xiv Discours les limites du royaume des Bourguignons jufqu a la Mediterranée , ce rut en vertu de la ceffion que leur en firent les Oftrogots qui tenoient ce pays-la depuis long-tems, & en vertu de 1 abandonnement que ces mêmes Oftrogots leur firent encore de la prétention qu'ils avoient fur routes les Gaules , fondée fur le traité que leur nation avoit fait vers 1'année 474 , avec Julius Nepos, empereur d'Occident. Juftinien, empereur d'Orient, dans letems que cette ceffion tut faite aux Frahcs , la confirma lui même par un diplome authentiqüe, & il tranfporta par «t afte k Ia monarchie Fran9oife, tous les droits que la monarchie Romaine pouvoit encore réclamer fur les Gaules. Loin que ce qui nous eft connu de 1'état ou de la condition des Romains des Gaules, fous la domination de Clovis & fous celle de fes ïucceffeurs , nous les repréfente comme une nation opprimée fous Ie joug d'un conquérant; au contraire , tout cela nous les repréfente comme une nation qui s'eft foumife volontairement aux princes qui regnent fur elle. En effet, nous voyons que fous nos rois Méroving'ens, les anciens habitans des Gaules, ceux quon y appeüoit alors les Romains , jouiffoient enpleine propriété de tous leurs biens, qu il leur étoit permis de vivre fuiyant le droit  Préliminaire. xy Romain, & qu'ils avoient part k toutes les dignités , même aux militaires. La conftitution du royaume des Francs ayant été fous les princes de la feconde race, a-peu-près la même qu'elle avoit été fous les princes de la première; il s'enfuit que les perfonnes qui fe font fait une faufTe idéé de la forme de gouvernement en ufage fous les rois Mérovingiens , ont auffi une fauffe idéé de Ia forme de gouvernement, qui a eu lieu fous les rois Carlovingiens. II y a plus , cette erreur conduit k croire que Hugues Capet & fes fucceffeurs, ont dü laifftr les feigneurs de leur tems , defcendus des Francs , compagnons d arm es de Clovis, en paiüble poffeffion de tous les droits qu'ils avoient durant 1'onzieme fiecle dans leurs fiefs , puifque 1'inffitution de ces fiefs étoit auffi ancienne que la loi de fucceffion, & que leur éreöion n'avoit pas été I'ouvrage du roi, mais celui de la nation encore libre. Cette erreur conduit néanmoins k penfer que tout ce qu'ont fait les fucceffeurs de Hugues Capet en faveur de Fautorité' royale, foit en affranchiffant les fujets des feigneurs , foit en mettant des officiers royaux. dans tous les fiefs de quelque dignité , foit en ötant aux feigneurs le droit de coi?voquer leurs vaffaux pour faire la guerre contre d'autres feigneurs , foit en  'xvj Discours Préliminaire: prenant d autres voies permifes aux fouverains," ait été un attentat contre la première conftitution de la monarchie. Onregarde donc, après cela, comme des tyrans Louis-le-Gros, PhilippeAugufte, Sc les plus grands rois de la troifieme race, bien qu'ils n'aient fait autre chofe que de revendiquer les droits imprefcriptibles de Ia couronne, Sc les droits du peuple fur les ufurpateurs , qui s'étoient emparés des uns Sc des autres dans le neuvieme fiecle Sc dans le dixieme. En effet, ces princes, loin de donner atteinte a 1'ancienne conftitution du royaume, en recouvrant une partie de leurs droits, n'ont fait que rétablir, autant qu'ils Ie pouvoient, l'ancien ordre. Enfin, il faut regarder la croyance que notre monarchie a été établie par voie de conquête comme lafource des erreurs, concernant 1'origine & la nature des fiefs dans lefquels font tombés les auteurs qui ont écrit fur notre droit public, Sc comme celle des illufions, qui, fous le regne de Francois Ier, introduifirent dans le royaume la maxime : qu'ilnejlpoint de terrefans feigneur; maxime fi contraire k la liberté naturelle, Sc fi fauffe en même tems, puifque le nom de feigneur y eft pris non pas dans la fignification de fouverain, mais dans celle de feigneur féodal. DE  I CHAPITRE PREMIER. JËtat des Gaules au commencement du cinquieme Jiecle. Leurs habhans étoient devenus femblables en tout aux Romains. Différens ordres de citoyens ; revenus de chaque citè, milice &u forme de leurs gouvernemens. A. u commencement du cinquieme fiecle , les Gaules qui faifoient encore une partie de l'empire Romain , étoient divifées en dix - fept provinces, dont chacune avoit fa métropole ou fa ville'capitale particuliere. Chaque province des Gaules fe fubdivifoit en un certain nombre de cités ou de difiriehs, appelles en latin civitas, Sc chaque cité avoit auffi fa ville capitale , dont la jurifdiction s'étendoit fur tous les cantons ou pagi, qur compofoient fon territoire. Au commencement du Tome I. A_ DE L'ÉTABLISSEMENT D E L A MONARCHIE FRANCOISE.  £ DE L'ÉTABLISSEMENf cinquieme fiecle on comptoit cent quinze cités dans les Gaules, au lieu qu'il n'y en avoit que foixante-quatre fous le regne de Tibere; mais fes fuccefleurs avoient multiplié le nombre de ces diftriös, en ötant a plufieurs cités une portion de leur territoire pour en former de nouvelles cités. A la fin du quatrieme fiecle, lesGaulois qui, depuis prés de cinq eens ans, vivoient fous la domination de Rome, étoient devenus des Romains. II n'y avoit plus alors aucune différence fenfible entre les habitans des Gaules & les habitans de 1'Italie. Sous le regne de Vefpafien, proclamé empereur peu de mois après la mort de Galba , nos Gaulois étoient en poffeflïon pleine & entiere de tous les droits, & de toutes les prérogatives des citoyens Romains nés a 1'ombre du capitole. Envirort cent cinquante ans après, Caracalla donna le droit de bourgeoifie romaine a tous les citoyens des différens états dont l'empire étoit compofé, & celles des cités des Gaules qui pouvoient ne 1'avoir pas encore obtenu , en furent alors revêtues. Les Habitans des Gaules étoient alors de cinq nations différentes : les uns tiroient leur origine des Romains, qui s'étoient établis dans  de la Monarchie Franchise. 3 les colonies que les empereurs y avoient font dées; les autres la tiroient ou des Beiges, 011 des Celtes , ou des Aquitains; les trois nations qui partagoient les Gaules lorfque Jules-CSéfar les conquit. Enfin , les autres tiroient leur orif gine des différentes peuplades de Germains, k qui les empereurs avoient donnq des éta* bliffemens en de^k du Rhin & fur le territoire des Gaules. Céfar après nous avoir dit que la Garonne féparoit les Aquitains & les Celtes, & que les Celtes étoient féparés des Beiges par la Marne, nous apprend encore que chacun de ces trois peuples parloit une langue différente de celles des autres. Quant aux habitans de la Gaule, Germains d'origine , ils étoient dans celles de fes pro-> vinces qui font les plus voilïnes du Rhin, ó£ ils defcendoient des Germains qui s'y étoient étab iis par conceffion des empereurs , ou que ces princes y avoient tranfplantés par force. Les Germains faifoient le plus grand nombre dans cette contrée , & que les Romains Fappelloient le pays Germanique, bien qu'il fut fur la rive gauche du Rhin, & par conféquenf dans les Gaules ( 1 ). « Ceux des Barbares, ( 1) Nam Calta? quidem quos Germanos vocamus A i  4 DE L'ÉTABLISSEMENT » écrit Dion , que nous .connoiffons fous le » nom de Germains, ayant occupé toute la y partie des Gaules fituée fur la rive gauche » du Rhin , ils ont été caufe qu'on lui a donné » le nom de Germanie. EUe fe divif'e en deux » provinces, la fupérieure ou celle qui eft la » plus voifine des fources du Rhin , Sc 1'in» férieure ou celle qui eft fur le Bas-Rüin , 6c » qui s'étend jufqu'a fon embouchure dans *> 1'Océan Britannique.» L'ufage de tranfplanter des peuplades de Germains dans la première divifion des habitans des Gaules, étoit, comme par-tout ailleurs , celle qui fe faifoit alors en hommes libres 6c en efclaves. Ces efclaves étoient de deux conditions différentes. Les uns , ainfi qu'il fe pratiquoit dans la Grece 6c dans 1'Italie , demeuroient dans les maifons de leur maitre, foit a la ville , foit a la campagne; 6c la ils travailloient pour le profit de ce maïtre, qui, de fon cöté , devoit leur fournir la nourriture, 6c tout ce qui eft néceflaire a la fubfiftance de 1'homme :les autres efclaves des Gaules avoient cum omnem Celticam regionem qua: ad Rhenum eft occupaffent, effecerunt ut ea Germania vocaretur , fuperior quaï Rheni fontibus propior eft, inferior quat ab hac ufque ad Oceanum Britannicum fe extendit. D'to , Hifi, lib, sf, pag. soj.  be la Monarchie Francoise. 5 chacun, quoique ferfs , leur domicile particulier , Sc une habitation a eux, foit dans une ville, foit fur les terres que leur maitre leur avoit affignées pour les faire valoir. Ces efclaves étoient obligés de fe nourrir Sc de s'entretenir eux-mêmes; mais auffi les. fruits de la terre qu'ils cultivoient, Sc le produit de leur travail leur appartenoient, moyennant qu'ils payaffent annuellement k leur maitre la redevan ce conventie, Sc qui confiftoit en denrées , en beftiaux , en étoffes ou en deniers. L'efclavage germanique étoit conftamment en ufage dans les Gaules dès le cinquieme fiecle. II y avoit des tenanciers de condition libre, c'eft-a-dire des citoyens a qui les propriétaires des terres en avoient abandonné une certaine portion , k condition de les tenir en valeur, Sc d'en payer une redevance. II faut divïfer les habitans de la Gaule qui étoient de condition libre y en eccléfiaftiques Sc en laïques. II y avoit dans chaque capitale des cent quinze cités des Gaules, du moins a Fexception de quatre ou cinq cités, un fiege épifcopah Les fieges qui étoient placés dans les métro»poles de chacune des dix-fept provinces, s'appelloient fieges métropolitains, paree que ceux qui les rempliffoient avoient une tirimauté A %  ê Ï>E t'ÊtABLISSÈMENt d'ordre & de jurifdicfion fur les évêques de la province, dont cette cité étoit capitale. Le elergé féculier & le clergé régulier, étoient alors également foumis a Fautorité des évêques. Durant le cinquieme fiecle les évêques avoient le pouvoir de difpofer, ainfi qu'ils le jugeoient è propos, des biens de leur églife; & la plupart des églifes étoient déja richement dotées. Les évêques gardoient ou bien ils rendoient, fuivant qu'ils le trouvoient convenable, les efclaves, &même les criminelsqui venoient chercher un afyle dans les temples des chrétiens. Quant aux habitans laïques des Gaules, il convient de les divifer par rapport aux trois ördres politiques; ou, pour parler le ffyle de notre droit public par rapport aux trois états, dans lefquels tous les citoyens laïques étoient diftribués. Ces tróis ordres étoient celui des maifons patriciennes ou fénatoriales , celui des perfonnes d'honnête familie , ou des bons bourgeois , & celui des citoyens qui exercoient les arts & métiers. A Fexemple de Rome, chaque cité avoit fon fénat particulier, qui, fous la direftiott des officiers prenant commiffion de 1'empereur, gouvernoit le diftrift , & y rendoit ou y faifoit rendre la juftice. Ce fénat étoit compofé de  de la Monarchie Francoise. 7 ceux k qui leurs dignités ou leur naiffance y donnoient entrée ; & 1'on appelloit families fénatoriales, celles qui fortoient d'un de ces fénateurs. Elles compofoient le premier ordre des citoyens , & jouiffoient de grandes prérogatives. Cependant les biens des fénateurs n'étoient pas exempts de 1'impofition ordinaire mife fur tous les fonds, non plus que des fubfides extraordinaires. Ils étoient feulement exemptés de fburnir des hommes pour larecrue des troupes , & des fonaions municipales les plus onéreufes. Le fecond ordre étoit compofé de différentes décuries ou claffes , dans lefquelles étoient diftribués tous les citoyens d'honnate condition , & qui y poffédoient des biens fonds en toute propriété. On appelloit curiales ceux de ces citoyens qui avoient voix aftive & paffive dans la difiribution de tous les emplois municipaux que faifoit la curie; ou, pour parler a notre maniere, thötd-dt-vilU ; au lieu que 1'on appelloit fimplementpofefeurs, les perfonnesqui, bien qu'elles poffédaffent des fonds en toute propriété dans la cité , n'avoient pas néaninoins droit d'entrer dans ces affemblées, foit paree qu'elles n'étoient pas encore d'une conditiöM affez honnête pour cela , foit paree qu'elles étoient domiciliées ailleurs, •& qu'on A4  8 de l'Êtablissement ne pouvoir poïnt être a-la-fois citoyen de deux cités. Le troifieme ordre étoit compofé des citoyens qui gagrioient leur vie en exereant les Si métiers. Comme chaque art ou métier faifoit un corps ou un college particulier , on appelloit eet ordre les colleges des métiers, collegia opificum. La plupart de ceux qui corapofoient eet ordre étoient des affranchis , qui, ■fuivant les loix en vigueur dans le cinquieme fiecle , devenoient citoyens romains fi-tot qu'ils avoient été mis en liberté, ou les defcendans de quelqu'un de ces affranchis qui n'avoient point encore fait affez de fortune pour entrer.dans le fecor.d ordre. II parok que les colleges d'artifans ou les corps des arts & métiers s'affembloient bien pour régler leur police particuliere, & qu'ils pouvoient même mettre fur leurs membres quelques taxes légéres pour fournit aux frais que toute la communauté eft obligée de faire ; mais on ne voit point qu'ils euffent aucune part a 1'impofition, ni k la levée des revenus du prince. Rien ne manquoit k chaque cité pour être en quelque maniere un corps d'état particulier. . Non-feulement elle avoit ion fénat & fes revenus „ elle avoit encore fa milice. ^ Chaque cité avoit un comte ou gouverneur  r>E la Monarchie Francoise. 9 particulier qui tenoit fon emplo'i de 1'empereur, & qui avoit foin d'obliger le fénat, & les décurions a faire leur devoir. Cet officier étoit fubordonné au préfident ou proconful de celle des dix - fept provinces oü fon diftrict étoit enclavé. CHAPITRE II. Des affemblées génerales que tenoient les cités des Gaules. De l'étendue de Vautorité Impériale. Forme des affemblées. Députatlons, Revenus que £ empire Romain avoit dans les Gaules , qui ejl t origine du domaine royal. Manlere de le percevoir. Les cités des Gaules, tandis qu'elles étoient fous la domination des empereurs, s'affembloient quelquefois par députés ; elles tenoient des efpeces d'états généraux pour y prendre des réfolutions touchant les intéréts communs. II ne faut pas confondre cette forme d'affemblée purement politique avec 1'affemblée religieufe, qui fe tenoit régulierement, au tems marqué, aux pieds de Pautel érigé k Augufte , auprès de la ville de Lyon, quoiqu'i! arriyat quelquefois que par occafion 1'on y parlat  10 DE l'ÊTABLISSEMENT des affaires publiques. Outre cette aflembléé annuelle , il s'en tenoit une autre purement politique, & qui étoit apparemment la même qu Augufte convoqua, & qu'il tint a Narbonne lorfqu'il y fit le recenfement des trois Gaules, e'eft-a-dire de 1'Aquitaine , du pays des Celtes & de celui des Beiges. Ce fut alors, fuivant 1'apparence, qu'il réunit ces trois contrées, dont une portion faifoit 1'ancienne province Romaine dans la Gaule Tranfalpine-, en un feul corps politique, qui n'avoit plus qu'une affemblée repréfentative, laquelle agiffoit dans 1'occafionau nom de toutes les Gaules, comme fi ces trois pays n'euffent plus fait qu'une feule & même province de l'empire. Suivant Dion, Augufte tint 1'année de fondation de Rome 527, Faffemblée dont parient les fommaires des livres de 1'hiftoire de Tite-Live que nous avons perdus. ü eft néceffaire de parler des revenus de l'empire. D'ailleurs, on ne peut mieux donner è connoït»e quels furent d'abord les revenus de la monarchie Frangoife, qu'en expliquant en quoi confiftoit le revenu dont l'empire jouiffoit dans les Gaules , lorfqu'elle y fut établie ; Clovis & fes fucceffeurs ne firent autre chofe pour doter , s'il eft permis de parler ainfi, leur couronne royale, que d'y  t)t LA MONARCHÏE FRJLNCOISE. II ïéunir le patrimoine de la couronne impériale. Ces revenus émanoient de quatre fources. La première confiftoit dans ce qui fe tiroit des fonds de terre, dont la propriété appartenoit a 1'état. La feconde, étoit 1'impofition annuelle que chaque citoyen payoit aux empereurs, a raifon des terres qu'il poffédoit, comme k raifon de fes autres biens & facultés. La troifieme fource des revenus du prince confiftoit dans le produit des différens droits de péage ou de douane. Les revenus cafuels faifoient la quatrieme fource. Ils conliftoient dans les réunions & confifcations, dans les dons volontaires ou réputés tels. Nous allons a préfent parler féparément de chacune de ces quatre fources, ou de ces quatre branches du revenu de l'empire ; & nous prions nos le&eurs de nous fuivre, afin qu'ils puiffent ne pas perdre de vue les fources du domaine aéhiel de nos rois. L'empire Romain a toujours été propriétaire d'une grande quantité de fonds de terre. Une partie de ces fonds provenoit de la portion des terres que les Romains avoient coutume d'approprier a la république dans les pays qu'ils conquéroient. lis en avoient ufé dans la plupart  12. DE L'ÊTABLISSEMENT des cités des Gaules, comme en Sicile & ailleurs. L'autre partie de ces fonds provenoit des terres reünies au domaine de 1'état, foit par déshérence, foit par faute d'avoir acquitté les redevances dont elles étoient chargées, foit pour d'autres cas emportans réunion au domaine du prince. On lit dans Appien Alexandrin , que les Romains,dèsleurspremieresconquêtes,avoient pratiqué 1'ufage d'öter au peuple fubjugué une partie de fes terres pour fe les approprier; & 1'on voit par Tite-Live & par les autres hiftorienslatins, qu'on lui impofoit cette peine plus ou moins forte, a proportion de la réfiftance plus ou moins obflinée qu'il avoit faite. II arriva encore que dans la fuite l'empire réunit k fon domaine, les fonds de terre qui appartenoient en toute propriété aux princes fes alliés, ou plutöt fes fujets (i), lorfqu'il lui arrivoit de réduire leurs états en forme de province. Voici, fuivant Appien, 1'ufage que les Romains faifoient de ces terres unies au domaine de la (i) Strabonem poteftate praetoria ufum , & miffura difceptatorem a Claudio agrorum quos regis Appionrs quondam habitos , & populo Romano cum regno reliftos , proximus quifque poffeffor invaferat. Tacif.. An'n. lib. 14. .  de i'a Monarchie Francoise, 13 république. On les divifoit d'abord en deux claffes, dont la première comprenoit les terres actuellementen valeur; & la feconde , les terres en friche. Quant aux terres qui étoient actuelleiïient cultivées , & fur lefquelles il fe trouvoit la quantité d'efclaves & de bétail nécefTaire pour les faire valoir ; on en faifoit deux lots , dont le premier fe diftribuoit entre les citoyens des coïonies que la république établiffoit dans le pays conquis pour le tenir dans le devoir. Le fecond lot fe divifoit en deux parties. L'une étoit vendue au profit de Fétat; afin de 1'indemnifer des frais de la guerre; & l'autre étoit afférmée moyennant une redevance fixe , certaine & ftipulée, payable en une quantité de denrées. Quant aux terres incultes & abandonnées, dont il fe trouve toujours une affez grande quantité , dit Appien , dans les pays qui viennent d'effuyer les maux de la guerre, comme il étoit impoffible de faire au jufte Feftimation de leur valeur; on ne les affermoit pas , moyennant une redevance fixe & certaine, évaluée a tant, ou a tant de denrées, quelle que put être la récolte, mais bien a des conditions telles que la république ne pouvoit pas être trompée de beau coup dans ces fortes de marchés; & que, d'un autre cóté, ceux qui  14 DE L'ÉTABLISSEMENT les prenoient ne couroient pas le rifque d'y perdre exceflivement. On adjugeoit donc,en obfervant les formalités ordinaires, ces terres incultes, a ceux qui le chargoient de les mettre en valeur , a condition de payer a 1'état chaque année, non pas une redevance fixe, mais une redevance proportionnée a la récolte qui fe pourroit faire. Cette redevance confiftoit ordinairement dans la dixieme partie des grains & des légumes qui fe recueilleroient fur les terres données a défricher, & dans la cinquieme partie du produit des arbres & des plantes qui durent plufieurs années, lorfqu'une fois elles font venues. Rien n'étoit plus équitable que 1'appréciation de cette redevance incertaine. On n'obligeoit le tenancier qu'a payer la dixieme partie des grains & des légumes qu'il recueilleroit, paree que la culture de ces fruits exige beaucoup de foins , & demande beaucoup de dépenfe , au lieu qu'on 1'obligeoit a payer la cinquieme partie du produit des arbres fruitiers, & de celui des plantes qui rapportent durant plufieurs années, fans avoir befoin qu'on les renouvelle, paree qu'on recueille ce produit avec moins de frais & moins de fueur. II eft vrai que, fuivant cette eftimation , les vignes fe trouvent taxées au cinquieme de leur produit; ce qui paroït  de la Monarchie Francoise. 15 d'abord une redevance bien lourde. Mais on penfe autrement dés qu'on a fait réflexion que la culture de la vigne ne coüte pas autant, k beaucoup prés , dans les pays chauds oü 1'on la fait monter fur des ormeaux, que dans nos contrées. L'état avoit beaucoup de métairies dont les terres étoient cultivées par des efclaves k lui, & dont tous les fruits lui appartenoient. Les empereurs faifoient encore nourrir dans ces métairies fifcales des baras & d'autres troupeaux, & , fuivant 1'apparence, c'étoit avec les fruits quis'y recueilloient qu'on faifoit vivre les perfonnes qui travailloient dans les manufactures & dans les atteliers publics. Ainfi, comme la plupart de ces ouvriers étoient des efclaves qui ne gagnoient pas de gages , & comme leur nourriture ne coütoit que la peine d'autres ferfs qui cultivoient les terres des métairies domaniales , 1'entretien des manufactures & des atteliers publics, ne coütoit pas , a beaucoup prés, autant que valoient les armes, les machines de guerre , les uflenfiles, les toiles & les étoffes qui s'y fabriquoient. Si toutes ces chofes ne fe vendoient point dans des boutiques au profit de l'état, ce qui revient au même; elles lui épargnoient la dépenfe qu'il  ï6 DE L'ÉTABLÏSSEMENT lui auroit fallu faire pour les acheter , afin d'en pourvoir les armées & les places. La diminution de la dépenfe enrichit auffi-bien que 1'augmentation de la recette. Appien ne dit point que les Romains fe fuffent approprié une partie des forêts & bois taillis, dans les pays qu'ils avoient réduits fous leur obéiffance. II n'y en eft fait aucune mention. Cependant il eft bien difficile de croire que bons économes qu'ils étoient, ils aient oublié de s'en approprier une partie, puifqu'il n'y a point de fonds de terre dont le revenu foit plus folide. Au refte , l'empire demeuroit toujours le véritable propriétaire, tant des terres qu'il affermoit pour un tems , que de celles dont il accordoit , moyennant une certaine redevance , la jouifl'ance non limitée , en faveur de ceux qui entreprenoient de les faire valoir. On confervoit avec foin un état ou cadaftre de tous ces biens oü il fe trouvoit fpécifte quels étoient les poffefTeurs aduels , quel tems devoit durer leur jouiffance, & quelle redevance chacun d'eux étoit tenu de payer. Cet état s'appelloit le canon& il devoit faire la principale colomne dans l'état général des revenus de l'empire , puifqu'il étoit fon patrimoine le plus affuré. Chaque  fefi la Monarchie Francoise. tf Chaque cité avoit une copie de la partie du canon , qui contenoit les fonds appartenans k l'empire dans cette cité, & c'étoit conformément k cette copie que les décurions faifoient payer a chaque particulier fa redevance, fur laquelle , ainfi que fur tout ce qu'ils percevoient, on leur accordoit une remife. Les décurions difpofoient enfuite, felon les o'rdres du prince, & fous Ia direcïion du comte, de celles de ces redevances qui étoient paya'bles en denrées, & Hs portoient dans le tréfor public celles de ces redevances qui étoient payables originairement en deniers, ou qui, depuis la première conceffion, avoient été évaluées en argent. On voit dans Ie code de Juffinien plufieurs loix faites par les empereurs , en différens tems, pour obvier k ce que les terres, dont la propriété appartenoit a l'état, demeuraffent incultes , & pour faciliter Ie paiement des redevances dont elles étoient chargées. Quoiqu'il arrivat, le fifc étoit toujours le premier créancier de ceux qui jouiffoient de ces fortes de terres. II y a plus: en quelques mains qu'elles tombaffent, elles étoient toujours tenues d'acquitter la redevance dont elles étoient chargées dans le canon , mais laquelle n'empêchoit pas Tornt I, g  ï8 de l' Établissement que la condition du poffeffeur ne füt toujours très-bonne (i). L'état tiroit encore divers pronts des fonds de terre dont il étoit propriétaire. Un dë ces pronts étoit la taxe qui s'impofoit fur le gros & fur le menu bétail, a qui 1'on permettoit d'aller dans les paturages qui étoient du domaine de la république. Cette taxe s'appellort fcriptura ou agrarium; & nous avons encore plufieurs loix des empereurs, faites pour régler la maniere de la lever, & fur-tout pour empêcher qu'elle füt augmentée fans un ordre exprès du prince. Si l'état ne poffédoit qu'une partie de la fuperficie de la terre, il femble qu'il s'étoit approprié, en quelque maniere, les métaux, & toutes les matieres profitables qui fe pouvoient tirer de fon fein. En premier lieu , il faifoit valoir pour fon compte les mines d'or & des autres métaux, & il y employoit ou des efclaves, ou des criminels condamnés aux travaux fouterrains , qu'on regardoit , avec railon , comme une efpece de fupplice. (,) Non folUm integra beneficia eorum fub .feculi noftn otio , in pace perfruantur, fed etiam nulio mu• „ere civili, id eft corporali feu perfonali, feu depor^orio onere gravari eos concedimus. Cod. Juft. Wi tït. 47, de Veter. Lege i.  de la Monarchie Francoise. ig En fecond lieu , l'état prenoit dix pour cent fur ce qui fe tiroit des carrières de marbre ou de pierre ; fcavoir , cinq pour cent comme propriétaire du fonds, Sc cinq pour cent par droit de fouveraineté. C'étoit lur ce pied la qu'éroit fixé 1'impöt que le prince levoit fur les pierres Sc fur les marbres fortans des car» rieres. CHAPITRE III. Trïbut public. Taxe par arpent. Capitation. Cla(fe des citoyens, dont la condition étoit inférieure d la derniere des claffes modernes. Défordre dans t'adminijlration. Forme de lever 1'impöt. Dons gratuits. Parties cafuelles. Denrées, Marchandifes. L a feconde branche du revenu de l'empire confiftoit dans le produit d'un fublïde annuel Sc ordinaire, qui s'appelloit le trihut public, foit paree qu'il étoit fpécialement dc-ftiné au paiement des troupes, & pour acquitterles autres charges de l'état, au lieu que le domaine étoit deftiné a 1'entretien du prince Sc de fa maifon: foit paree que généralement parlant, perfonne n'en étoit exempt. II n'y avoit que les citoyens 8 % '  "3,6 DE L'ÉTABLISSEMENT poffédans des terres domanïales qui fultent cotifés dans le canon , au lieu que tous les citoyens étoient compris dans les röies du tribut public. II confiftoit en deux Cortes d'impofitions, dont 1'une étoit la cotilation de l'arfeut, ou une taxe réelle a raifon de tant par arpent, 8c l'autre une taxe perfonnelle ou capitation , défignée fouvent par le nom de cote.' part a"une iéte de c'uoyen. La taxe par arpent ou jugeratio, étoit une taxe proportionnée a la vak-ui du fonds, & plus ou nio:ns forte fuivant les befoins de l'état, laquelle s'impofoit fur tous les arpens de terre , a qui que ce fut qu'i's appartinffent. Ainfi, ceux qui jouiffoient des terres domaniales fe trouvoient payer deux red. vances au prince; 1'une comme au propriétaire du fonds „ Sc l'autre comme au fouverain. C'eft ainfi que les laboureurs qui ont pris a ferme des terres du domaine , paient en même tems au roi le prix de leurs baux comme au propriétaire du fonds, Sc la taille comme au prince. L'ufage étoit établi que les empereurs anjiongaffent d'avance k leurs fujets quelle feroit la taxe par arpent dans les années fuivantes. Cette efpece d'annonce qui apprenoit aux fujets quelle feroit, durant un tems année par année > Ja focune k laquelle ia contribution due par  $>e la Monarchie Francoise: ar thaque arpent, eft même , a ce qu'on croit; ce qui a donné lieu k calculer les tems par indiïlións, ou par révolutions de quinze années, paree que 1'ufage étoit de publier au commencement de cette efpece de cycle, 1'annonce dont nous venons de parler (1). Théodofe le jeune & Valentinien III, difent dans une loi faite en 436 , Sc qu'ils adreffent aux préfets des prétoires : « Nous vous enjoignons i> de notifier aux provinces, avant le tems de » 1'échéance du premier terme de chaque in» dicfion, a quoi fe monte la taxe que cha» cune d'elles doit porter durant l'indiöion, y> afin que les propriétaires des fonds puiffent » apprendre d'avance , Sc non point par un » commandement odieux, ce qu'ils auront a » payer par chacun an pour fatisfaire a leurs » obligations. » Jufqu'ici tout a été bien compafté. Voicile défordre. La néceffité qui n'a point de loi, établit dans l'empire 1'ufage d'augmenter fubitement, Sc au fol la livre, la cotifatión de (1) Particulari delegationum notitia ante indiftioms «xordium fïngulis tranfmifia provinciis , colhcioiris modum devotionis folits poffefloribus multb ant» profpeflum , non fubitis calumniis , tua fublimh^, faciat itnputari , ut & provincialibus fubeundi difpendjji neceffitas inferatur, & officiis ferendi damni licsntia, B 3  %% de l'Établissement 1'arpent dans les provinces oü il furvenoit tout a coup quelque befoin extraordinaire. Les fupcrindictions ( c'eft ainfi que s'appelloient les crues d'impoütions dont je parle) , furent d'abord fi légeres , & demandées fur des motifs fi évidemment juftes, que les empereurs remettoient a la difcrction des préfets du prétoire de les exiger chacun dans fon diocèfe , lorfque les conjonctures le demanderoient. Les fuperindiaions étoient réputées n'être impofées que pour fubvenir a quelque befoin urgent oü l'état fe trouvoit, ceux mêmes qui , par unè grace particuliere étoient exempts de la cotifation de 1'arpent , n'étoient pas difpenfés d'acquitter ces charges extraordinaires (i). Nous avons dit que le tribut public confiftoit dans deux impolitions ; 1'une réelle , qui étoit la cotifation de 1'arpent; & l'autre per- ( i ) Omnes omnino quocumque titulo poffidentes quod delegatio fuperindicli nomine videatur amplexa, velut canonem cogantur inferre. Ut nequa fit dubietas hac aperte decifione decernimus , ut id potius canonis vocabulo poftuletui. Cod. lib. 10 , til. ly. Excepto pavrirnonio pietatis noftrae cujufquidem re» ditus neceflitatibui, publicis frequentiffimè deputamus, univerfos poffeffores ftinaiones in fupenndiais titulis abfque ullius beneficii exceptione, agnofcere oportere cenfemus. Codex, lib. 11 f üt. 14, leg. f.  de la Monarchie Francoise. 2.3 fonnelle, qui étoit la capitation. Après avoir parlé de la cotifation de 1'arpent , il faut parler de la capitation. Que la capitation ne füt un impöt purement perfonnel, on n'en fgauroit douter. Salvien dit, en parlant de la malheureufe condition oü étoit le peuple des Gaules dans le tems qu'il écrivoit , c'eft-a-dire vers le milieu du cinquieme fiecle (1). « Quand un pauvre ci» toyen a perdu tous fes biens-fonds, il n'eft » pas déchargé pour cela de payer la caoita» tion. II eft encore obligé d'acquitter des » taxes lorfqu'il ne poffede plus un arpent de w terre en propriété. ►» Une loi du digefte (2) ordonne qu'en faifant le recenfement , qui étoit le röle fur lequel s'impofoit &£ fe levoit la capitation;on y marquera en quel tems chaque citoyen eft né, paree qu'il y en a que leur age exempte de payer certains tributs. Or , 1'age du poffeffeur d'un fonds ne le difpenfa jamais d'acquitter la charge mife fur ce fonds. C'eft des (1) Cüm pofteffio ab is receffit , capitatio non recedit. Proprietatibus carent, & ve&igalibus obruuntur. Salv. de Gub. Dei. lib. ƒ. (2) jEtatemin cenfendo fignificare neceffe eft, quia quibufdam 32tas tribuit ne tributis onerentur. Digejf. lib. ]0 , tit. ƒ ,art. 3. B 4  *4 de l'Établissement impofitions perfonnelles, & non pas des impofitions réelles que 1'age peut exempter. La capitation confiftoit en une taxe mife fur chaque citoyen, a raifon de fa perfonne , a raifon de ce qu'il étoit, en tant que fujet, contribuable aux befoins de l'état, ou tout au plus a raifon de fa profeflion , & cela fans ég3rd a fes biens réels qui étoient chargés d'ailleurs. Aii.fi toutes les cotes - parts devoient être égales. Auffi la capitation des citoyens d'une fortune médiocre, étoit originairement aufli forte que celle des citoyens riches. Une impofition affife lur ce pied-la paroit bien injufte, & fujette a bien des nonvaleurs , a en juger par rapport a l'état préfent de la fociéré, compofée entiérement d'hommes libres, dont il eft comme impoflible que plufieurs ne foient pas dans 1'indigence. Mais durant le cinquieme fiecle,lafociété étoit encore compofée dans les Gaules d'hommes libres & d'efc'aves. Ainfi il ne devoit point y avoir de citoyen qui ne put fubfifter commodément par fon induftrie comme par le travail de fes efclaves, & qui ne füt en état par conféquent de payer une fomme raifonnable a titre de capitation. Si la mauvaife conduite, ou Ie malheur des tems réduifoit quelque citoyen a la mendicité, il cefibit bientót d'être citoyen.  t)e la. Monarchie Francoise. 15 parCe qu'il étoit comme impolTible qu'il n'eut fait, avant que d'être ruiné, des emprunts, Sc les loix ordonnoient en plufieurs cas que le débiteur infolvable devïnt 1'efclave de fes -créanciers. Toutes les provinces de l'empire n'étant point également pécunieufes , il eft a croire que la capitation qui fe payoit en deniers n'y étoit pas également forte. Ce que nous fgavons certainement, c'eft que dans le tems oh Julien vint commander dans les Gaules, qui paffoient véritablement pour une des plus riches provinces de l'empire, les collecteurs du tribut public y levoient vingt - cinq fols d'or pour chaque tête ou chaque cote - part de capitation (1); mais ce prince ayant diminué la dépenfe, Sc fon économie ayant mis la république en état de diminuer aufh la recette, chaque cote-part de la capitation, fe trouvoit réduite a fept fols d'or lorfqu'il quitta cette province. Ammien appelle ici abfolument tribut public la capitation qui n'en faifoit qu'une portion. (1) Primitu* partes eas ingreftus procapitibus fingulis tributi nomine vicenos quinos aureos reperic flagitari. Dikedens verö feptenos mimera omnia complentes. J.mm, Mare. hifi. lib. 16.  z6 de l'Établissement Les Romains avoient imaginé, pour rendre la capitation 'fupportable , un expediënt qui Confifloit a aflocier plufieurs perfonnes pour payer entr'elles une feule tête ou cote - part de capitation. Quelqu'un des prédéceffeurs de Conftantinle-Grand avoit-il eu recours a eet expédient ? II eft certain feulement que ce prince le pratiqin, & qu'il fut pratiqué depuis lui. Les tributs confiftoient principalement en quatre chofes : dans les corvées qu'il falloit faire pour le tranfport des denrées, dans celles qui fe faifoient pour 1'entretien des grands chemins, dans 1'obligation de prêter fes chevaux en certaines occafions ; & enfin dans celle de fournir des hommes pour recruter les troupes. Dès que le prince recevoit une partie de fon revenu en denrées, dont il faifoit délivrer une portion aux troupes & aux artifans employés dans les manufactures , & dans les atteliers publics, on congoit bien qu'il étoit fouvent queftion de. tranfporter des denrées du lieu de leur cru dans celui de leur confommation. Ce tranfport qui fe faifoit ou par eau , ou par terre , fuivant la nature des pays , étoit toujours a. la charge des habitans, & nous avons encore plufieurs loix qui ftatuent con-  de la Monarchie Francoïse. 17 cernant cefujet-la. Ils étoient auffi tenus de faire les corvees néceffaires pour la réparation & 1'entretien des chemins militaires, eu des chauffées conftruites fur toutes les grandes routes. Les empereurs Honorius Sc Théodofe le jeune , avoient même ordonné que les terres, dont la propriété leur appartenoit, ne feroier* point exemptes de cette efpece de corvée. Les empereurs avoient fur toutes les grandes routes des maifons de pofte, placées k une diftance convenable les unes des autres, & oü on y fourniffoit, fans payer, a tous ceux qui étoient porteurs d'un ordre du prince expédié en forme de brevet, declarant qu'ils voyageoient pour fon fervice , des chevaux Sc des voitures, tant pour eux que pour leur fuite ; en un mot, tout ce qui eft néceffaire aux perfonnes qui font en route. C'étoit une efpece de crime d'état que de prendre des chevaux dans une de ces maifons, fans avoir 1'ordre dont je viens de parler; Sc 1'empereur Pertinax fut condamné, dans le tems qu'il étoit déja chef d'une cohorte, a faire k pied une longue traite, pour s'être rendu coupable d'un pareil délit. II feroit inutile de rapporter ici toutes les loix qui font dans le code concernant la pófte romaine, & je me contsnterai  iS DE L'ÉTABLISSEMENT de dire que lorfque les chevaux que Ie prince entretenoit dans les maifons baties fur les voies militaires ne fuffifoient point, les habitans qui demeuroient a une certaine diftance de ces maifons étoient tenus de fournir des leurs , afin que le fervice ne fouffrit point de retardement. Si le nombre de chevaux qu'on pouvoir. ramaflër dans cette étendue de pays n'étoit pas encore fuffifant, les habitans des contrées voifines de ce pays-la , étoient obligés fubfidiairement d'y fuppléer, en donnant de leurs chevaux. Dés le quatrieme fiecle, l'empire Romain fe vit dans la néceffité de contraindre fouvent les communautés a lui fournir des hommes pour recruter les troupes. Tant qu'il avoit été floriffant, 1'envie de fe diftbguer & 1'efpérance d'obtenir les riches récompenfes qu'il diftribuoit, lui avoient fait trouver plus de foldats qu'il n'en vouloit avoir fous fes enfeignes. II n'achetoit point alors fes foldats , il les choififfoit. Ses difgraces dégouterent fes fujets du fervice, & Rome qui avoit trouvé affez de foldats pour conquérir le monde , en manquoit alors pour défendre 1'Italie. Ainfi , nonfeulement les empereurs furent contraints , dés le quatrieme fiecle, h prendre des barbares a leur fervice, 6c a obiiger les fils des vétérans  be la Monarchie Prancgise. 29 a s'enröler ; mais il leur fallut encore demander aux communautés des hommes de recrue. Nous voyons par une lettre de Symmachus, qui vivoit dans ce fiecle - la , qu'on évaluoit a -une certaine lomme d'argent chaque foldat qu'une communauté étoit dans 1'obligation de fournir , & que cette obligation devenoit ainfi une taxe pécuniaire. Apparemment que les deniers qui en provenoient fervoient a donner un engagement a ceux qui venoient s'enröler volontairement. Symmachus fe plaint dans la lettre que nous citons , & qu'il écnt a un de fes amis, pour 1'exciter a lui rendre fervice : que les commis des décurions , d'une contrée ou il avoit du bien , vou'uffent contraindre celui qui faifoit fes affaires fur les lieux, a contribuer pour faire un foldat de recrue , fans montrer néanmoins aucun ordre du prince ( 1 ) , qui les autorifat a faire cette demande : dès qu'il y avoit un pareil ordre , chacun pouvoit être contraint a fon exécution. Une loi des empereurs Honorius & Théodofe le jeune (2) , ordonne même que les fonds de (1 ) Poftulant enim capitularii taxationem Tyronis ab hominibus meis, nulla fuper hoe public* authoritatis monumenta promemes. Symmachus , lib. g , tpift. U' (aj Pro Tyronibus in corporibuspoftulatis, preti»  30 de l'Établissement terre dont ils étoient eux-mêmes propriétaires en qualité de fimples citoyens , paieroient leur contingent des taxes fakes dans le canton,pour fournir des foldats de recrue. Après avoir vu comment s'affeoient lesimpofitions , & en quoi elles confiftoient, il convient de voir de quelle maniere elles éroient levées. Les décurions qui étoient chargés de la confeclion des différentes colomnés du canon général öu du canon par extenfion , étoient auffi chargés de la rédaöion du capitulaire, ou du röle particulier qui fe fignifioit k chaque citoyen , & qui contenoit la fomme qu'il devoit payer, & les termes auxquels il devoit s'acquitter. Non-feulement les décurions ont été chargés du foin de rédiger , fous 1'infpeÖion des officiers du prince, les colomnes du canon, & d'affeoir les taxes qui fe faifoient en c'onféquence fur chaque particulier, tant que l'empire d'Occident a fubfifté; mais ils ont continué a être chargés de ces fonftions, fous le gouvernement des rois barbares qui fe rendirent maitres des Gaules. II eft vrai que 1'empereur Anaftafe changea 1'ancien ufage conferri ex Wis proprietatis noftraj rei privatse pr*cipimus. Codex Juft. lib. 11 , tit. 74 , lege 3,  de la Monarchie Francoise. 31 dans l'empire d'Orient , fuivant Evagrius(i); ce prince k la perfualion de Marinus, un Syrien qu'il avoit fait préfet du prétoire de Conftantinople, öta la levée des impofitions aux curies des cités , pour la donner a des officiers qu'il établit k eet effet dans chaque diftricf, & qu'on nomma les défenfeurs du fifc. Evagrius ajoute 'qu'il arriva deux inconvéniens de cette nouveauté ; l'un , que les impofitions furent bientöt augmentées; l'autre, que les villes déchurent de leur fplendeur: car, avant ce changement, les perfonnes des 'meilleures families fe faifoient mettre fur les röles des curies de leur cité, paree qu'alors la curie y étoit confidérée comme un fecond fénat , au lieu que, depuis ce changement, elles cefferent de fe faire inferire fur ces röles. ( 1) Prjeterea Anaftafius , imperator tributorum , exa&ionem ademit curiis civitatum , inftitutis per fingulas urbes vindicibus quos vocant, impulfu , ut aiunt, Marini Syri qui fupremam omnium dignitatem gerebat, ■quam antiqui pratfecturam praetorii appellabant. Ex quo faöum eft, ut maxima ex parte turn tributa intenderen!, turn civitatum.decus imminueretur. Nam antiquitus in albo fingularum urbium nobiliflimi quique adfcripti erant, cum unaquaque civitas eos qui in curiam erant relati, inftar fenatus cujufdam haberent. Evagrius, hijl. ecclef. lib. 3 , cap. 42.  ?3* de l'Êtablissemekt Mais d'autant que 1'empereur Anaftafe quf monta fur le tröne de Conflantinople en 491 , & quand l'empire d'Occident avoit été déja prefqtte entiérement envahi par les barbares , n'eut jamais qu'une autorité précaire dans les Gaules; on n'aura point de peine a croire que le changement qu'il lui plut de faire è 1'adminiftration des finances de l'empire d'Orient , n'ait point eu lieu dans cette province. On voit par une loi du code , que non-feulement les empereurs Romains levoient des impofitions fur le fel , mais qu'ils s'étoient encore attribué le droit de faire feuls marchandife de cette denrée; en un mot, que ces princes pratiquoient de leur tems ce que Francois Ier a depuis introduit en France, lorfque, non content des droits que fes prédéceffeurs levoient fur le fel, il en a réfervé la yente exclujive a lui comme a fes fucceffeurs. La troifieme branche du revenu impérial comprenoit, outre les gabelles , les droits de douane qui fe levoient k 1'entrée de l'empire «omme fur les marchandifes qu'on tranfportoit d'une grande province dans une autre, les droits de péage qui s'exigeoient au paffage des fleuves $£ rivieres, & le quarantieme denier qui fe prenoit fur ce qui fe vendoit dans les marchés. Le  de la Monarchie Francoise. 33 Le droit de douane que devoient acquitter toutes les denrées & mat chandifes qu'il étoit permis d'introduire dans l'empire , étoit le' huitieme denier du prix de leur eftimation. Elles payoient'ce droit a leur entrée (1) dans le territoire Romain , a qui que ce fut qu'elles appartinffent. La loi ftatue même expreffément que les effets appartenans a ceux qui fervoient dans les troupes , ne jouiroient d'aucune exemption ou diminution de ce droit. J'ai dit les marchandifes &c denrées qu'il étoit permis d'introduire dans l'empire, paree qu'il y en avoit dont 1'entrée y étoit prohibée. Par exemple , il étoit défendu aux particuliers d'y faire entrer des étcffes de fjie , & fuivant une loi de Théodofe-le-Grand & de fes collegues , il n'y avoit que 1'oflicier exergant 1'emploi d'intendant (2) général du commerce qui put y en introduire. (1) Ex praftatione veftigalium nullius omninö nomine quidquam minuatur ;l quin oftavas more folito conftitutas omne hominum genus quod commerciis voluerit intereffe, dependat , nulla fuper hoe rr-ifitarium perfonarum exceptione facienda. Codex Jufi. lik' 4 , tit. 61 , lege 7. x (2) Comparandi ferm facultatem ficut jam pra-' fcriptum eft omnibus prater comitem commerciorum,' jubemus auferri. Cod, Juji, lib, tit. 40. legl 2. Tome i, q  34 ï>e l'Établissement Quant aux marchandifes que les natións amies tranfportoient du territoire de l'empire dans leur patrie , Sc qui étoient de celles qu'il leur étoit permis d'en tirer ( i ) , elles ne payoient aucun droit dè fortie. Comme il y avoit des marchandifes qu'il étoit défendu d'introduire dans l'empire, il y en avoit auffi. d'autres dont 1'extraction étoit prohibée. II y avoit déja long - tems lorfque la loi que nous venons de citer, & qui eft de la fin du quatrieme fiecle, fut publiée, que les Romains avoient défendu de tranfporter dans les pays étrangers de 1'or , des efclaves qui euffent certains talens, & des armes tant offenfives que cléfenfives; Sc même cette derniere prohibition a fouvent été renouvellée par nos premiers reis. On trouve auffi des bureaux de douanes impériales dans Fintérieur de la monarchie Romaine, Sc établis dans Marfeille comme daas d'autres villes , pour y faire payer le droit de péage , Sc tous ceux que devoient les marchandifes qui paffoient d'une province a une autre. ( 2 ) Quas verb ex Romano folo , quae funt tarnen lege conceff» , ad propria gentes devot» deferunt,,has habeant a prsftatione immunes ac liberas. Codex. Jujl* lib. 4, tit. 6t ,lcge 8.  de la Monarchie Francoise. 35 Outre les bureaux des douanes impériales , il y en avoit encore plufieurs autres oü les cités particuliere* faifoient lever a leur profit les droits que ie prince leur avoit permis d'impolér, &c qu'elles ne pouvoient (1) pas multiplier fans fon exprès confentement. Une des dépenfes de ces communautés (noüs avons parlé déja des autres) , confiftoit dans les dons gratuits qui fe faifoient au prince en certaines' occafions, &c ces préfeus compofoient une partie de la quatrieme branche du revenu des empereurs, de celle qu'on pouvoit appeller leurs revenus cafaels. L'autre partie de ces revenus cafuels confiftoit dans les droits appartenans au prince en certains cas fur les fucceffions, dans les biens dévolusau domaine de l'état, foit par confifcation , foit par déshérence, foit par la mort du dernier poflefléur, décédé fans laiffer un héritier capable de tenir la portion du domaine, dont fon auteur avoit eu la jouiflance k titre de bénéfice militaire ou autrement. Les terres qui revenoient de tems en tems au domaine , & dont il fe mettoit réellement en pofTefiion , remplagoient celles (1) Ve&igalia nova, non decreto civitatum inftitui poffunt. Codex Juft, lib. 4, tit, 62 , leg. 2. C i  36 DE l'Ètablissement que les empereurs pouvoient donner aux Romains & aux Barbares qui iervoient l'état. Voila pourquoi , comme nous Favons déja remarqué , l'empire étoit encore propriétaire, dans les tems de fa décadence, d'une grande quantité de fonds de terre. ■ Quelle étoit la fomme a laquelle fe montoit le produit de tous les revenus que les derniers empereurs avoient clans les GaulesJ? Nous voyons bien dans Eutrope (i) que Te tribut que Jules Céfar impofa aux Gaules , ne fe montoit qu'a dix millions de livres ou environ. Nous voyons même par VeÜeïus Paterculus (2), qu'Augufte n'avoit point encore augmenté ce tribut lorfquil conquit 1'Egypte. Paterculus dit qu'Augufte, en faifahf cette conquête, avoit augmenté le revenu de l'état d'une fomme aufïï forte que celle que Jules Céfar y avoit ajoutée par la conquête des Gaules. Paterculus n'auroit point ébmparé probablement le tribut que Jules Céfar impofa fur les Gaules, avec celui (1) Gallis autem tributi nomine, annuum imperavit, feftertium quadringenties. Eutropius , lib. 6. (2) Divus Auguftus prsier Hifpaniam aliafque gentes quarum titulis forum ejus prsnitet , poene idem faöa iE^ypto ftipendiaria, quantum pa:er ejus Gallia, in sravium reditus contulit. Veil. Paterculus , lib. z.  de la Monarchie Francoise. 37 qu'Augufte mit fur 1'Egypte , ft le tribut que les Gaules payoient dans ie tems de la conquête de 1'Egypte , n'eüt pas été le même qu'il étoit fous Jules Céfar. Mais il y a deux chofes a obferver fur ce fujet: la première eft, qu'il tfeft pas bien clair fi Eutrope entend par le mot de tribut, le tribut public feulement, ou générale-ment tous les revenus que l'empire firoit des Gaules : l'autre, c'eft qu'il efttrès-probable qu'Augufte augmenta ce revenu quand il fit le recenfement des Gaules, 1'an de Rome 717» & qu'il eft certain que les derniers empereurs devoient tirer des Gaules beaucoup plus que n'en tiroit Jules Céfar, & cela par plufieurs raifons. En premier lieu, les richeffeü des Gaules s'augmenterent tellement , que dès que leur affujettiffement aux Romains y eut établi une tranquillité inconnue auparavant , & dès qu'elles purent commercer librement dans tout l'empire , qu'on les citóit ordinairement comme fa province la plus opulente. Lorfque 1'empereur Claudius voulut faire approuver par le fénat, le deffein qu'il avoit de rendre ceux des Gaulois qui tenoient le premier rang dans leurpatrie, capables de poféder les plus grandes dignités de la république ; ce prince, parmi plufieurs autres raifons , allégua celle- C 3  '3S DE l'Étab lissement ci ( i ) : « Ne vaut-il pas mieux pour nous J »> d'engager les Gaulois k venir confommer » leurs revenus dans Rome, que deleslaiffer » jouir de leur or & de leurs richeffes au»» dela des Alpes ? » Les Gaules dit aux Juifs , le jeune Agrippa en les haranguant, pour les dilTuader de fe révolter contre Néron , « ont » chez elles une fource intarhTable de toutes » fortes de biens qu'elles diftribuent dans tout » le refte du monde. Cpendant elles font con» tentes de faire une des provinces de l'empire » Romain. Elles font perfuadées que c'eft de » ion bonheur que dépend leur félicité. » L'édit par lequel Caracalla donna le droit de bourgeoifie romaine k tous les citoyens des communautés, & des états foumis a l'empire, dut accrcitre de beaucoup le revenu dont il jouiffoit dans les Gaules. En effet, les citoyens de plufieurs communautés ou états, qui, ava'nt eet édit de Caracalla, n'étoient point fujets aux impofitions dont le citoyen romain commencoit déja d'être furchargé, paree que n etant unis k l'empire qu'en qualité d'alüés, leur condition les obügeoit feulement a lui fournir des foldats, & tout au plus quelque contribu- (i) Aurum & opes fuas inferant potiüs , quam fejparati poffideant. Tacit. Annalib. „ , feB. 24.  de la Monarchie FraWise; 39 tïon en denree,, devinrent fujets, par la pablication de eet édit , a toutes les impofitions payables par le citoyen romain. On croit meme cue le véritable motif qui fit agir Caracalla , lorfqu'il rendit eet édit célebre , rat celttl d'augmenter les revenus de ^empire , en augmentant 1'ordre des fujets qui payoit le plus au prince, par Patinflion des ordres qui ne lui payoient prefque riem, La condition de citoyen romain q« faifoit, fous les premiers Céfars, 1'objet de 1'ambition des autres fujets de Rome, étoit déja devenue pire que celle de plufieurs autres de fes fujets , qui peut-etre . ne 1'euffent point acceptée lorqu'elle leur fut offerte , s'il leur eüt été loifible de la refufer. t Ainfi, quoique nous ne fSachions pomt precifément quelle fomme rapportoient annuellement les redevances & les droits que le fifc avoit dans les Gaules , nous ne laiffons point de voir qu'elle devoit être très-confidérable, & peut-être dix fois plus grande que celle qu'èn tiroit Augufte. Le pays étoit devenu fort opulent, & les redevances & les droits y étoient forts , & en grand nombre. c 4  40 DE ^ÉTABLISSEMENT C H A P I T R E I V. 'Confihimon du royaume de Clovis. Son kendue. lnaèpendance fa rois des autres tribus des Francs. Pofcffion des Francs, & leur fè.léranon. Condition- des Gaulois , & des autres peuples compojans la nouvelle monarchie Franfoife. Serment des rois Francs pour conferver a chacunfes hix & fes privileges. Etabliffcmcnt de la lol de fucceffion. Exclufion des filles . a la couronne. Lorsque les officiers de 1'empereur laiffere;:t a Merovée, ainfi qu'aux autres rois des Francs, Tournai,Cambrai; en un mot,la partie des Gaules renfermée'entre le VafÉl , 1'Océan & la Somme, Sc que: ces princes ou leurs auteurs avoient occupée vers 1'année 445 , ce fut, fans doute , a condition que la monarchie Romaine en' conferveroit toujours la fouve- raineté , Sc que nos barbares fe contenteroient d'y jouir en qualité de fes confédérés, d'une portion des fonds Sc des revenus publics, qui leur tiendroient lieu de folde. Que fera-t il arrivé dans Tournai Sc dans Jes autres villes des Gaules, ou les Romains  de la. Monarchie Francoise. %iavoient confenti de gré ou de force que les Francs euflent des quartiers ? C'eft que durant les troubles furvenus après la mort de Valentinien III, nos barbares fe feront arrogé dans ces contrées limitrophes de 1'ancienne Ffance , tous les droits de la fouveraineté, ou fous un certain prétexte ou fous un autre. Rien n'eft plus facile , quand on a Ie droit des armes dans un pays, que d'y ufurper les autres droits. II aura fallu lever des fubfides extraordinaires dans quelques cas nrgens. Le moyen d'impofer & d'exiger des taxes avec équité , & avec la promptitude requife,'fi 1'on n'a point a fa dévotion tous les tribunaux &c tous les magiftrats qui peuvent traverfer en mille manieres la levée des deniers. Les rois Francs fe feront donc mis en poffeflion de nommer' les officiers civils dans la fuppofitiön que ceux qu'ils auroient nommés , feroient confirmés par le préfet du prétoire des Gaules. Sur le refus qu'il aura fait de confirmer quelqu'un de ces officiers, on fe fera abftenu de lui demander davantage fon agrément , & les rois Francs auroient inftalé , en leur propre nom , tous les officiers civils des villes & autres lieux oü ils avoient leurs quartiers. Les armes, comme dit Tacite , attirent fi bien a elles toute Fautorité, que celui qui a le droit des armes dans quel-  %Z DE L'ÈTABLISSEMFNT que lieu , s'en rend le véritable fouverairi infenfiblement , &, pour ainfi dire , fans y penfer. Je conclus donc que Clovis étoit également revêtu du pouvoir civil &: du pouvoir militaire dans fon'royaume, bien que ce royaume fut encore, fuivant le droit des gens, une portion du territoire de l'empire. Ce royaume étoit-il fort étendu ? II eft a préfumer qu'il comprenoit uniquement le Tournaifis , & quelques autres pays fitués entre le Tournaifis & le Vahal. Les cités qui confinent avec le Tournaifis , étoient poffédées par d'autres rois lors de 1'avénement de Clovis è la couronne. Nous fcavons pofitivement que le nombre des Francs, fujets de Clovis, étoit encore très-petit la feizieme année de fon regne. II faut déduire ces deux raifons. Comme Childéric fut enterré a Tournai, on ne fcauroit douter qu'a fa mort il ne füt maitre de cette ville, & qu'il ne Fait laitfée è fon fils. Nous fcavons encore que Clovis luijnême y fit fa réfidence ordinaire les premières années de fon regne. En qael tems Tournai a-t-il pu être une ville royale , fi ce n'eft fous le regne de Childéric , & dutant les premières années de celui de Clovis? Du cöté de Forient, le Tournaifis confinoit avec la cité de Tongres, & peut - être  de la Monarchie Francoise. 43 avec celle de Cologne; car , qui peut fcavoir précifément quelles étoient alors les limites de ces trois cités. Or, nous i?avons par 1'hiftoire que Clovis n'occupa la cité de Cologne qu'après la mort de Sig avoit eu la même deftinée que Sigebert fon » pere , il fe rendit fur les lieux en perfonne, ( 1) Quod audiens Chlodovechus, quod folieer, interfe&us effet Sigibertus & filius ejus in eumdem locum adveniens , convocat omnem populum illum dicens. Audite.... Sed quia haje evenerunt confiliurn yobis praebeo fi videtur acceptum. Convertimini ad me , & fub mea defenfione fitis. At illi ifta audientes , plaudentes tam parmis quam vocibus cum elypeo eve&um fopra fe regem confHtuunt, regnumque Sigiberti acceptum cum thefauris , ipfos quoque fuse ditioni afcivit, Gr. Tur, hiji. lib. 2, cap. 40,  de la Monarchie Francoïse. 47 » & il fit alfembler leurs fujets. Après leur » avoir dit qu'il n'avoit point de part aux » meurtres qui s'étoient commis, il ajouta : » j'ai un confeil a vous donner dont vous vous » trouverez bien , fi vous voulez le fuivre. » Jettez - vous entre mes bras , afin que mon » devoir m'oblige a vous défendre. Auffi-töt » les Ripuaires témoignerent par leurs cris, » & en frappant fur leurs boucliers, qu'ils » acceptoient la propofition de Clovis, & » après 1'avoir élevé fur un pavois , ils le » proclamerent roi. Ce fut ainfi que Clovis » hérita des tréfors & des états de Sigebert, » dontil réunit les fujets au peuple fur lequel » il régnoit déja. » Cette éledrion & cette nouvelle inauguration de Clovis ne fe feroient point faites , fi la couronnne des Ripuaires eüt été , ce que nous appel'.ons, mouvante de la couronne des Saliens. Les Saliens eux-mêmes n'auroient point fouffert un pareil procédé qui eüt donné atteinte a des droits dont 1'on eft trés - jaloux quand on les a. Voici encore un fait propre a montrer que les autres rois des Francs n'étoient point dans aucune dépendance de Clovis. Ce prince lorfqu'il fit fon expédition contre Syagrius, en 1'année 486, voulut engager Cararic a joindre  48 DE l'établissement fes forces aux fiennes ; Cararic n'en voulut rien faire. Le roi des Saliens fut , comme on peut bien le croire , piqué jufqu'au vif de ce refus , &, fans doute , il eüt fatisfait fon reffentiment bien-töt après fa victoire, fi Cararic eüt été fon inférieur, & fi le refus que Cararic avoit fait füt pu être traité de félonie. Néanmoins Clovis après avoir pleinement triomphé de Syagrius, ne dit rien a Cararic. Clovis différa fa vengeance pendant plus de vingt années, faute de trouver occafion de Pexercer plutöt. II ne put , comme nous le verrons, fe faire faire raifon de Cararic qu'en 1'année 509. On obfervera même que lorfque Clovis fe vengea , ce ne fut point en fupérieur qui fe fait jufiice d'un inférieur contumace ; ce fut en égal & par des voies qui font bien voir qu'il n'avoit aucune forte de jurifdidion fur celui qu'il facrifioit a fon refléntiment (1). « Dès que ( 1 ) Pof; hoe Ghlodovechus ad Chararicum regem dirigit. Quando autem cum Syagrio pugnavir, hic Chararicus evocatus in fo'atium Chlodovechi , eminus fletit neutram adpvans panem, fed eventum rei expeftans ut cui eveniret viétoria, cum illo & hic amicitiam conligaret. Ob hanc caufam contra illum inoignans Chlodovechus abiit , quem circonventum infidiis cospit cum filio , vinófolque- tutundit. Ibid. cap. quadragefimo primo, » Clovis  de la Monarchie Francoise. 49 *> Clovis , dit Grégoire de Tours , eüt été w proclamé roi des Ripuaires, il marcha contre » Cararic. Dans le tems que Clovis fe difpofoit »> a faire la guerre contre Syagrius, il avoit » prié ce Cararic de le joindre, mais Cararic » n'avoit point jugé a propos de prendre part » a la querelle , & .il n'avoit donné aucun » fecours k l'un & k l'autre parti. Son defTein » étoit d'attendre a fe déclarer qu'il eüt vu » le fuccès de la guerre, afin de s'allier enfuite » avec le vainqueur. Un pareil procédé irrita » beaucoup contre Cararic le roi des Saliens. » Ce fut donc pour fatisfaire fon reffentiment » que Clovis entreprit de perdre Cararic, & » les pieges qu'il lui dreffa fe trouverentfi bien » ten dus , que Cararic &l fon fils y tomberent, » & devinrent fes prifonniers.» Ce qui acheve de montrer que les rois Francs, contemporains de Clovis , étoient indépendans les uns des autres; c'eft que les rois Francs, fuccefleurs de Clovis , étoient auffi peu dépendans les uns des autres que le font; aujourd'hui les têtes couronnées. Quoiqu'ils defcendiffent tous de Clovis, & qu'il y eüt par conféquent entr'eux une ligne aïnée, le chef de cette ligne n'avoit aucune fbrte d'autorité ou d'infpection fur les royaurnes pofiedés par fes cadets ou par les fils de fes cadets, Tome I. D  50 de l'Établïssemlnt Quoique les partages de tous ces princes ne fuffent autre chofe au fond, que des portions différentes de la monarchie Francoife , qui toutes devoient réciproquement être réunies les unes aux autres, au défautdeia poftérité mafculine des co-partageans ; néanmoins il n'y avoit aucune fubordination entre leurs pofleffeurs. Tous les fuccefleurs de Clovis étoient également fouverains indépendans. Chaque partage formoit un royaume a. part, & que le prince auquel il étoit échu, gouvernoit indépendamment des autres rois. On obferve même, en donnant quelqu'attention aux pacfes & aux traités que les roi* Mérovingiens faifoient les uns avec les autres, que ces princes regardoient réciproquement les partages ou regnoient leurs freres & leurs coufins, comme des royaumes étrangers. Si la monarchie Francoife , lorfqu'elle étoit divifée en plufieurs partages , ne Laiffoit pas d'être encore un même corps d'état, ce n'étoit, pour ainfi dire, que virtuellement, & paree qu'en cerrains cas tous ces partages étoient réuniffables les uns aux autres. Nonobftant ce lien, ces partages appellés en latin fonts, fubfiftoient en forme d'états féparés, & qui n'avoient d'autre obligation l'un envers l'autre, que celles qu'impofe le  be la Monarchie Francoise. 51 droit des gens aux états voilins l'un de l'autre, ou celles qui étoient contenues dans les traités que leurs fouverains faifoient les uns avec les autres. En effet, les fujets d'un partage étoient regardés comme étrangers dans les autres partages. Pour ufer de notre expreffion, les fujets d'un royaume étoient réputés aubains dans les autres royaumes. Ce n'étoit point en vertu de leur droit naturel ni comme concitovens ou regnicoles, que les fujets d'un de nos rois Mérovingiens pouvoient comme rcer&pofféder des fonds dans les états des autres rois. C'étoit en vertu de ftipulations expreffes énoucées formellement dans les traités que les princes co - partageans faifoient entr'eux , ^qu'il étoit permis refpedtivement aux fujets des puiffances contraftantes , de tenir des biens fonds dans le territoire des rois dont ils n'étoient pas fujets, & d'en jouir fans trouble. Lorfqu'il n'y avoit point un traité qui donnat aux fujets, de part & d'autre , un pareil privilege ; 1'on oppofoit au fujet d'un prince qui vouloit jouir des biens qu'il avoit dans le territoire d'un autre prince , la maxime : que perfonne ne peut fervir deux maures d la fris ; & 1'on prétendoit qu'elle fignifiat que le fujet d'un prince ne put point jouir d'aucun bien dans les étars d'un autre fouverain , paree qu'il ne pouvoit D 1  DE l'ÈTABLISSEMENT point a la fois fervir fon prince naturel, & urï fouverain étranger. Le pays des Francs s'étendoit , dans le cinquiéme fiecle, depuis 1'erhbouchure du Mein dans le Rhin, jufqu'a 1'embouchure du Rhin dans FOcéan, & entre les deux bornes que nous venons de marquer au pays des Francs. C'étoit depuis 1'ifle des Bataves jufqu'aux environs de Francfort, que s'étendoient leurs habitations divifées alors en plufieurs tribus , dont chacune avoit fon roi particulier ou fon chef indépendant. Tous ces chefs étoient égaux en dignité ; aucun d'eux n'avoit droit de commander aux autres. Les de%oirs de la royauté confiftoient alors a. remplir en perfonne deux fonöions. L'une étoit de commander fes fujets lorfquMs marchoient a quelque expédition. L'autre , de s'affeoir fur letribunal, pour leur rendre la juflice. Les rois des nations les moins civilifées , s'acquittoient du dernier de ces devoirs comme du premier. « Alors, dit Prifcus-Rhétor (1), (i) Attillas egreffus habitatione , gravis vultu , omnium oculis quaqua verfus in fe converfis incedens, cüm Onefigio fedit pro aedibus. Hic eum mülti quibus erant lites adierunt, & ejus juftitiam exceperunt. Prifcus Rhet. in Lacerp. leg. i, np.  be la Monarchie Francoise. 53 „ on vit paroitre Attila , qui, fuivi d'Onéfi» gius, s'avancoit d'un air grave , & qui at» tira fur lui les regards de tout le monde. M II s'affit fur un banc qui étoit a 1'entrée de » fon palais. Auffi-töt ceux qui avoient des » procés fe préfenterent, & le roi des Huns » les entendit, & prononc;a fes jugémens. » Procope, après avoir dit comme une preuve de la modeftie de Théodoric, que ce prince qui étoit le maitre de Rome & de 1'Itahe, fe contenta du titre de roi, que les Romains réputoient bien inférieur au titre que donnoiént les grandes dignités de leur empire (1), ajoute, que. Ie nom de roi eft celui que les barbares ont coutume de donner a leur chef fuprême. D'ailleurs, il paroïfque lorfque les Francs eurent commencé , dans le cinquieme fiecle , a fe faire en-deca du Rhin des établiffemens • indépendans de l'empire, il fe forma parmi eux de nouvelles tribus , compofées d'effaims échappés des anciennes tribus , & 1'on ne fcauroit trouver le nom de ces peuplades dans 1'hiftoire des tems antérieurs a la fondation des colonies des Francs , établies dans les Gaules. ( 1 ) Vixit contentus regis appellatione, qua Barbari fupremos fuos pnncipes donare confueverunt. Procop. de Bell. Goth. lib. i, czp. i. D 3  54 de l'Établissement Telle aura été , par exemple, la peuplade otï la colonie des Ripuaires. II n'y a pcint lieu de douter que toutes les tribus des Francs ne fuffent confédérées , &C qu'elles ne fuffent obligées, par une alliance défenfive, d'accourir au fecours de celle qui feroit attaquée dans fes foyers. L'alliance qui étoit entre les différentes tribus des Francs , n'empêchoit pas que chacune d'elle ne füt fouveraine dans fon territoire. Quant a la religion , ils font demeurés payens tant qu'ils font reflés dans la Germanie , & ils ne fe font convertis qu'après s'être établis dans les Gaules. Les anciens hiftoriens parient des Francs comme de la nation la plus valeureufe qui füt parmi les barbares de 1'Europe. Ils nous la dépeignent compofée d'hommes également braves fur l'un & fur l'autre élément. Tout le monde fcait les grands exploits que les Francs ont faits fur terre, de quelles armes ils fe fervoient, & ce qu'ils avoient de particulier dans leur maniere de combattre. II paroit que les Romains,foit en répandant de Fargent, foit par leurs intrigues , eurent beaucoup de crédit dans 1'éleöion des rois des Francs , & qu'il leur füt permis de fe vanter, avec quelque yaifemblance , que c'étoient eux  de la. Monarchie Francoise. 5$ qui avoient mis ces princes fur le tröne. « Nos provinces, dit Claudien a Stilicon, » chafferont plutöt les Officiers envoyés par «1'empereur pour les gouverner , que les » Francs ne détroneront les rois que vous leur » aurez donnés.» Avant d'entrer dans de plus grands détails fur la monarchie Francoife , il eft néceffaire d'expofer aux kaeurs, du moins autant qu'il eft poffible de le faire, quelle fut la forme de fa première conftitution. En premier lieu , bien que les monarchie* naiffantes prennent ordinairement une forme d'état qui eft timple Sc facile a concevoir , il eft arrivé néanmoins que la monarchie Francoife a eu , dès le tems de fon origine, une forme d'état trés - compofée & même affez bifarre. Sa première conformation .a été monftruëufe en quelque maniere. Chaque cité fubfifta en forme de corps politique , Sc elle continua d'être divifée en cantons , ainfi qu'elle 1'étoit avant que les Francs fuffent les maitres des Gaules. Mais avant , il convient d'expofer quel étoit le peuple dont les Gaules étoient alors habitées, & quelle y étoit la condition des fujets, point d'une 'fi grande importance dans le droit public des états. P 4  5, que délit, il fera jugé fuivant le droit ro» main; & fi quelqu'un tue , fon meurtrier » fera condamné k payer cent fols d'or. >» C'étoit la peine I laquelle la loi des Ripuaires condamnoit le ripuaire qui avoit tüé un citoyen romain, nouvellement venu dans le pays qu'ils occupoient, & qui n'étoit pas defcendu des Romains qui habitoient ce pays - la quand thorum Hbertate latentur ,' onera fibi fervilia a vobis ipfis caufantur injungi, qua nee ipfi debeant perpeti. Cajf. Var, libt 5, tp, 3.  6z de l'Établissement les Ripuaires étoient venus s'y établir , & avec qui ces Francs avoient fait probablement une convention, qui rendqit les uns 6c les autres de même état 6c d'égale condition. D'un autre cöté, le titre foixante-unieme de la loi des Ripuaires, qu'on va lire au bas de cette page (i), laUTe expreffément aux citoyens de cette nation, la liberté d'affranchir leur efclave, fuivant la forme pratiquée par les Barbares. Elle étoit que le maitre re^ut de fon efclave , en préfence du roi, une piece de monnoie , laquelle étoit réputée le prix de la rancon de eet efclave ; & 1'efclave qui avoit été affranchi en cette forme - la, étoit réputé de la nation de celui qui 1'avoit mis en liberté. Auffi la loi des Ripuaires , dit - elle pofitive- ( i ) Titulo fexag. primo de libenis fecundum legem romanam. Si quis fervum fuum libertum fecerit & civem Romanum portafque apertas conferipferit, fi fine liberis difcefferit, non alium nifi fifcum noftrum habeat heredem. Quod fi aliquid criminis admiferir , fecundum legem romanam judicetur & qui eum interfecerit centum folidis multetur. Quod fi dominns ejus eum ante regem Denariatum "facere voluerit licentiam habeat. Lex. Rip. Thul. 61. Si quis Ripuarius advenam Romanum interfecerit, centum folidis multetur. Ibid. Titulo tngefimo ftxto.  de la Monarchie Francoise. 6j ïnent ( i ) : « Si quelqu'un , ou pat- lui-mêou-, » ou par procureur, a affranchi un efclave, » en recevant de-lui une piece de monnoie, » en préfence du roi, fuivant 1'ufage des Ri» puaires, eet efclave ne pourra en ancune » maniere être réduit a retourner en fervimde, » mais il fera de même condition que les autres » Ripuaires. » Dans un autre endroit, cette même loi condamne le meurtrier d'un de ces efclaves affranchis, fuivant 1'ufage national, k payer deux eens fols d'or. Cétoit la même peine qu'elle impofoit au citoyen Ripuaire, qui avoit tué un autre citoyen Ripuaire. Enfin , chaque nation faifoit fi bien une fociété complette , qu'elles avoient toutes un code de loix particulier , fuivant lequel elles (i ) Si quis iibertum fuum per manum proprïam feu per alienam in praefentia regis fecundum legem Ripuariam ingenuum dimiferit per Denarium , & ejufdem rei chartam accepeiit, nullatenus permittimus eura in fervitium inclinare, fed ficut reliqui Ripuarii iiber permaneat. Md. Taul. quinquagefimo fep time. Quod fi denanalem fervum fuum facer? voluerit, licentiam habeat & tune ducentos foüdos valeat. Md. Ta. 62. Si quis ingenuus hominem ingenuum Ripuariam interfecerit, ducetnis folidis culpabilis judicetur. UU. Titulo feptimo.  64 de l'Établissement vivoient. Les fix ou fept nations différentes qui habitoient les Gaules , fous la première meme fous la feconde race de nos rois avoient chacune leur loi nationale , fuivant laquelle tous les particuliers de cette nation-la devoient être jugés. Le Franc-Salien ou le Franc abfolument dit, pourfuivi en juftice par un Romain, ne pouvoit être jugé que fuivant la loi falique ; & le Romain pourfuivi en juftice par un de ces Francs ou par un autre barbare , ne pouvoit être jugé que fuivant le droit romain. On trouve dans tous ces codes que nous avons encore aujourd'hni, plufieurs chofes qui montrent évidemment que chaque particulier devoit être jugé fuivant fa loi natiouale. On trouve , par exemple , /dans la loi des Ripuaires ( i ). «Tous les habitans de la contrée » des Ripuaires , foit ( qu'ils foient Francs , » Bourguignons ,' AUèmahds , ou d'aucune y> autre nation, feront cités & jugés confor- ( i) Hoe autem conftituimus , ut infra pagum Ripuariorum tam Franci, Burgundiones , Allamanni, feu de qitacunque natione commoratus fuerit , in judicio interpellatus , ficut lex loei continet ubi natus fuerit, fic refpundeat. Quod fi damnatus fuerit, non fecundum legem ripuariorum damnum fuftineat. ILid. Titulo trigejïmo primo par. 3. » mément  de la Monarchie Francoise. 65 » mément a Ia loi particuliere de leur nation , » & ceux qui feront trouvés coupables feront » condamnés a la peine infligée a leur délit par » leur loi nationale, & non point a la peine » prononcée dans la loi ripuaire contre le délit » dont ils feront trouvés coupables. » 11 femble que cette fanftion des loix ripuaires , &c ce qu'on lira bientöt concernant le ferment que les princes prêtoient a leur avénement è la couronne 4 ' dut difpenfer de chercher d'autres preuves pour montrer que chaque citoyen étoit jugé fuivant la loi particuliere de la nation dont il étoit. On ne laiffera pas néanmoins de rapporter un article inféré dans la loi des Lombards , lorfqu'ils eurent été fubjugués par nos rois de la feconde race, paree que ce point du droit public, en ufage dans la fociété des nations durant le fixieme fiecle , & les fiecles fuivans , s y trouve expofé trés - clairement ( 1 ). « Nous ordon- ( 1 ) Sicut confuetudo noftra eft , Longobardus au, Romanus, fi evenerit, quod caufam inter fe habean obfèrvamus , ut Romani fucceffiones juxta illorum legem habeant, fimiliter & omnes fcriptiones fecundum legem fuam faciant: & quando jurant, juxta legem fuam jurent, & alii fimiüter faciant. Et quando componunt juxta legem ipfius cujus walum fecerint componant, & Longobardos illos convenit fimiliter componere. Lex Longobar. lib. 2 , tit. ;6. Torne I. £  66 de l'Établissement » nons conformément a 1'ufage de notre » royaume, que lorfqu'un Lombard intentera » une a&ion contre un Romain, on juge fui» vant les loix romaines les prétentions du » Lombard contre le Romain, que toutes les » procédures fe faffent fuivant ces mêmes » loix i & que le Romain fafte les fermens qu'Ü » conviendra d'exiger de lui, felon la forme » prefcrite par les fufdites loix. Nous ordon» nons la même chofe en faveur du Lombard. » Mais le Romain , lorfqu'il aura fait tort k un » Lombard , fera tenu de lui donner fatisfaftion » fuivant la loi du Lombard, & il en fera de » même du Lombard qui aura fait tort k un » Romain. » Quelle raifon particuliere ce légiflateur avoit-il eue de ftatuer fur ce dernier point, autrement que la plupart des autres loix nationales ? On 1'ignore. Le texte de cette loi n'a-t-il pas été corrompu? Les princes k leur avénement a la couronne, promettoient folemnellement dans le ferment qu'ils prêtoient avant leur inauguration ( i ) , (i) Et legem ut pradiximus unicuique competentem ficut antèceffores fui tempore antecefforum noftroium habuerunt in omni dignitate & ordine , nos adjuvante domino fervatuios perdonamüs. Balu^. cap. torn, 2 , peg. 269. \  de la Monarchie Francoise. Cj de fe conformer a 1'ancien ufage , en faifant rendre juftice a chacun de leurs fujets de quelque condition qu'il put être, conformément k h loi de la nation, dont chaque fujet étoit citoyen. II eft vrai que ce ferment qui contient les paroles que 1'on vientde rapporter eft celui de Charles-Ie-Chauve, & que les autres fermens de même teneur, que nous avons encore, font des rois de la feconde race; mais comme nous n'avons plus les fermens des rois de la première race, on dolt les fuppofer avoir été femblables k ceux des rois de la feconde. La conflitution de la monarchie Francoife ayant été la même fous la première & fous la feconde race, on peut fe fervir des monumens littéraires des tems, ou regnoit la feconde, pour éclaircir quelle étoit cette conftitution fous la première, quand ces monumens ne contiennent rien qui foit contredit par xeux des tems oh régnoit la première ( i ). Marculphe a fait fon recueil des formules fous les rois de la première race. La formule des ( i ) Et omnis populus ibidem commanentes , tam Franci, Romani, Burgundiones , quam reliqus na_ tiones fub tuo regimine degant & moderentur & eos refto tramite fecundum legem & confuetudinem eorura regas. Mar. lib. pr. form. oclava. E 2,  68 DE L'ÉTABLÏSSEMENT lettres de provifions des diics &descomtes; oblige ces officiers a rendre juftice aux Francs , aux Bourguignons, aux Romains, comme aux autres nations fujettes de la monarchie, fuivant la loi de chaque nation. Le*corps de droit civil fuivant lequel tout le peuple des Gaules étoit gouverné , & qui étoit compofé du code Théódofien , & des codes nationaux des Barbares , dont on vient de faire mention,s'appelloit colleaivement hx mundana, ou la loi du monde, par oppofition au droit canonique, fur lequel on fe régloit dans les affaires fpirituelles & dans les matieres eccléfiaftiques. Grégoire de Tours , dit en parlant de Salvius, évêque d'Albi , qui , avant que d'embraffer l'état eccléfiaftique (i ) , avoit fervi dans les cours de judicature la'iques : qu'il avoit été vêtu long - tems comme les perfonnes du fiecle , & qu'il avoit travaillé avec les juges du monde aux proces qui doivent être terminés fuivant la loi du monde. II eft encore dit dans le ferment de Cbarlesle-Chauve (x). « Nous promettons a tous nos (i) D';u in habitu fsculari commoratus, cum judicibus faculi mundiales caufas exercuit. Greg. Tur. Hifi. lib. 7 , cap. prim. (2 ) Et unicuique eorum in fuo ordine fecundum Gbi  de la Monarchie Francoise. 69 » fujets de quelqu'ordre qu'ils puilfent être , » de faire rendre juftice a chacun d'eux, fui» vant les articles des loix eccléfiaftiques , &c » fuivant les articles de la loi du monde, qui » feront applicables a fa caufe. » II eft fi clair que ce n'eft point la loi civile d'aucune nation particuliere qui, fous le nom de loi du monde, eft oppofée au droit canonique dans le ferment de Charles-le-Chauve, mais bién la collecfion des loix civiles de toutes les nations foumifes k Charles-le-Chauve; qu'il me paroït furprenant que des auteurs modernes aient cru que par la loi du monde il fallut entendre fimplement le droit romain. II eft dit encore dans un capitulaire de Carloman , fils de Louis-le-Begue (1 ) : « Le » comte enjoindra a fon vicomte, a fes cen» teniers, & aux autres officiers de la répti- competentes leges, tam ecclefiafticas quam mundanas reftam rationem & juftitiam confervabimus. Balu^, cap, torn. 2 , p, 26$. ( i ) Comes prscipiat fuo vicecomiti fuifoue centenariis ac reliquis miniftris reipubücae nee non Francis heminibus mundana? legis documentis eructitis , ut pro amore Dei omnipotentis ac pace fandhe ecciefia; & fidelitate noftra ex hoe adjuvent quantum meliüs potuennt, quoties miniftri epifcoporum five etiam ipfe pauperes eos appellaverint. Ibid. p. 288. E 3  70 DE L'ÉTABL15SEMENT » blique, auffi - bien qu'aux citoyens habiles » dans 1'intelligence de la loi du monde, de » prêter leur miniftere aux évêques , Sc aux y> pauvres toutes les fois qu'ils en feront requis » par les uns & par les autres.» Si la loi du monde eüt voulu dire feulement le code Theodofien, Carloman eüt ajouté , & dans les autres loix civiles. II devoit être queftion tous les jours d'agir & de juger fuivant toutes ces loix-la. Cette divifion du peuple d'une monarchie en plufieurs nations diftinaes, ne paroit plus auffi extraordinaire qu'on la trouvoit d'abord, après qu'on a fait réflexion qu'encore aujourd'hui il y a, même en Europe, plufieurs contrées oü deux nations différentes habitent enfemble depuis plufieurs générations, fans être pour cela confondues. On voit encore te peuple d'une même contrée divifée en plufieurs nations dans les colonies que les Européens ont fondées en Afie, en Afrique ou en Amérique, & pnncipalement dans celles que les Caftillans ont établies dans cette dermere partie du monde. Je. dis quelque chofe de femblable , car il s'en faut beaucoup que la diiférence qui étoit entre les diverfes nations qui habitoient enfemble dans les Gaules, dans l'Italie & dans 1'Efpagne , duru it le fixieme & le feptieme fiecles ,  be la Monarchie Francoise. 71 fut auffi grande, Sc pour ainfi dire auffi marquée , que 1'eft par exemple la différence qui fe trouve entre les diverfes nations dont le Mexique eft habité , foit par rapport aux ufages Sc aux inclinations , foit par rapport a la condition de chacune d'elles, comme au traitement qu'elles recoivent du fouverain. Les Efpagnols, les.Indiens & les negres libres, dont eft compofc le peuple du Mexique, font originairement des nations bien plus différentes par 1'extérieur Sc par les inclinations , que ne 1'étoient les habitans de la Germanie & ceux des Gaules , lorfque les premiers Germains s'établirent dans les Gaules. D'ailleurs , les Efpagnols fe font établis dans le Mexique , en fubjuguant , les armes a. la main , les anciens habitans du pays , Sc les negres qui s'y trouvent , y ont été tranfportés comme efclaves achetés a prix dargent. Au contraire , les Francs Sc les autres Germains qui s'établirent dans les Gaules, s'y établirent non pas fur le pied de conquérans, mais fur celui cïhótes & de confédérés ; c'eft-a-dire pour. y vivre fuivant les conventions qu'ils avoient faites avec les anciens habitans du pays. Le pouvoir de Clovis Sc celui des rois fes fucceffeurs, confifioit en ce que les princes étoient non - feulement rois des Francs, mais E 4  72 de l'Établissement aufïi en ce qu'ils étoient les rois ou les chefs fuprêmes de chacune des nations , dont le peuple de leur monarchie étoit compofé. Par exemple , Théodebert étoit non-feulement roi des Francs, établis dans fon partage, mais il étoit encore roi des Bourguignons , roi des Allemands, roi des Romains; en un mot, roi particulier de chacune des nations établies dans ce partage. C'eft ce qui fut dit a ce prince même par Aurelianus , Evêque d'Arles ( i ). « Je ne parlerai point , écrit ce prélat è » Théodebert, de-la grandeur de votre mai» fon. Je ne m'amuferai point a faire valoir » que vous gouvernez avec le même fceptre » plufieurs fociétés différentes ; que votre » royaume renferme diverfes nations unies fous » un feul maïtre, & que d'un tröne folide» ment établi vous donnez des ordres également » refpeöés dans des pays éloignés les uns des » autres ; mais je ne puis me refufer de parler » de vos vertus encore plus grandes que votre » élévation. » ( i ) Praïtereo generis tui ftemma fidereum. Taceo illud quod unicus fceptris, multiplex populis , gente varius , dominatione unitus , folidus regno , diffufus imperio. Illud tarnen quod ftyJo rerum magnitudo fug. gerit non tacebo. Dicam igitur quod ortum moribus tranfcendifti, &c. Du Qh, torn. t, pag. 817.  de la Monarchie Francoise. 73 Comme nous voyons aujourd'hui que plufieurs états indépendans les uns des autres, n'ont tous cependant qu'un feul & même chef politique, & qu'ils compofent ainfi cette efpece d'aflemblage de fouverainetés, que les jurifconfultes du droit public des nations appellent unJyftême. d'états ; comme nous voyons, par exemple , que le royaume de Hongrie , le duché de Brabant, & que les autres fouverainetés qui compofent le patrimoine de la maifon d'Autriche , n'ont toutes qu'un feul & même chef politique, quoiqu'elles ne foient point incorporées enfemble , & qu'elles foient même la plupart indépendantes 1'une de l'autre : de même on voyoit dans les Gaules, durant le fixieme fiecle & durant les fiecles fuivans, les différentes nations qui les habitoient n'avoir toutes, quoiqu'elles fuffent diftinöes 1'une de de l'autre, qu'un feul & même chef ou prince qui s'intituloit fimplement, fuivant 1'ufage de ce tems-la, le roi des Francs, paree que ce titre étoit le plus ancien titre dans la maifon dont il fortohv J'ajouterai encore que les Romains des Gaules n'obéiffoient point a Dagobert Ier: par exemple , paree qu'il étoit roi des Francs, mais paree qu'il étoit leur chef fuprême, ou , 'fi 1'on veut, le prince des Romains des Gaules.  74 DE L'ÉTABLISSEMENT C'eft le titre que donne a Dagobert ( i ) , un auteur fon contemporain, qui le qualifie expreffément de roi des Francs & de ptince des Romains: il en étoit de même des autres nations qui habitoient les Gaules dans les tems dont nous parions. Comme la réunion du droit de fuccéder k plufieurs états indépendans l'un de l'autre, laquelle fe fait fur une feule & même tête, ne les incorpore point; comme elle ne fait, pour ufer de 1'expreflion ufitée en cette occafion, que les,vincokr en leur donnant toujours le même maitre k chaque mutation de fouverain, de même la réunion du droit de régner fur plufieurs nations, faite fur la tête d'un des rois de la première race, n'incorporoit point ces nations. Ce droit laiffoit fubfifter chacune d'elles en forme de fociété diftinöe : par exemple , fi la loi de fucceflion obligeoit les Romains des Gaules a reconnoitre pour fouverain , le prince qui étoit appellé a la couronne des Francs, ce n'étoit point paree qu'il étoit appellé a la couronne des Francs, mais ( i ) Dagobertus , rex Francorum & Romani populi princeps , cum multis & variis eventibus premeretur. Vita S, Martini Vertav, Du Ch.tom. i,p.6ii.  de la Monarchie Francoise. 75 paree qu'il fe trouvoit en même-tems appellé a la principauté des Romains , en vertu des conventions qu'ils avoient faites avec Clovis, & en vertu des diplömes des empereurs. Perfonne' n'ignore que dans les monarchies héréditaires on appellé loi defuccefion, la loi qui regie la fucceffion a la couronne, & qu on y regarde, avec raifon , comme leur plus ferme foutien , paree qu'empêchant les interregnes, & difpenfant des éledions, elle previent les plus dangereufes conteftations qui puiffent naitre dans un état, d'autant qu'il eft ordinaire qu'elles dégénerent en guerres «viles , durables & funeftes fouveni k 1'etat même. En effet, cette loi oblige non-feulement le peuple a reconnoitre pour fouverain celui des princes de la familie régnante , que 1'ordre de fuccéder établi, appellé a remplir le trone dès qu'il eft devenu vacant; mais elle oblige auffi le prince dont le rang pour monter au tröne eft venu , a fe cbarger du gouvernement fans qu'il puiffe fe refufer a fa vocation, m .même abdiquer la couronne fansle confentement du peuple. Dès que le pade qui engage réciproquement un certain peuple k une certaine familie , & une certaine familie k un certain peuple a été fait, dès que Ia loi de  j6 de l'Établissement fucceflion , dont il eft la bafe , a été une fois établie ; d'un cóté, le mort faifit le vif, qui n'eft point obligé a demander Ie confentement de perfonne pour exercer un droit qu'il ne tient plus que de Dieu feul, qui, par une providence particuliere , Pa fait naitre dans le rang oü il eft né, & dont il n'y a point de pouvoir fur la terre qui puiffe le dépouiller malgrélui; d'un autre cöté , les fujets ont droit de proclamer ce fucceffeur fans attendre fon confentement , & de Ie déclarer chargé de tous les foins attachés a la royauté. Si ceux qui compofent Ie peuple font nés pour être fes fujets , il eft né pour être leur pere. La monarchie Francoife ayant été héréditaire dès fon commencement, il doit y avoir eu une loi de fucceftion dès le regne de Clovis, qu'on peut regarder comme fon premier fondateur. Expliquons en premier lieu comment cette loi a été établie par la réunion de tous les droits acquis par fon fondateur a Ia couronne desFrancs-Saliens qui étoit héréditaire, & nous examineroris enfuite de quels articles elle pouvoit être compofée. On a pu obferver déja que la nation des Francs, tandis qu'elle habitoit encore dans la Germanie, étoit divifée en différentes tribus,  de la Monarchie Francoise. 77 dont chacune avoit fon chef ou fon roi particulier ; Sc qu'il eft très*probable qu'elles choififfoient toutes leurs rois entre les princes d'une même familie , Sc dans celle qu'on avoit nommée a caufe de cela la maifon royale. On voit encore plus diftinctement en lifant le commencement de nos annales, que les couronnes des diverfes tribus des Francs étoient héréditaires, du moins en ligne direöe, Sc que les fils des princes qui avoient été une fois élus, fuccédoient a leur pere fans avoir befoin pour cela d'une éleftion perfonnelle. Ils étoient réputés avoir été compris dans la vocation de leur pere. En effet, lorfque Clovis propofa aux Ripuaires de le prendre pour roi, il appuya fa demande de la raifon : que la poftérité de Sigebert, qu'ils avoient élu pour régner fur eux . étoit éteinte. Le difcours de Clovis k cette tribu, fuppofe qu'elle n'auroit point été en droit d'élire Clovis, s'il'füt refté quelque defcendant male de Sigebert. Quand Grégoire de Tours fait mention de 1'avénement de Clovis k la couronne des Saliens , il fe ferr d'exprefhons qui donnent 1'idée d'une fucceffion Sc non point d'une élection. Childéric étant mort, dit eet hiftorien , fon fils Clovis régna en fa place. Si ces preuves ne paroiffent point décifives, qu'on falie attemion qu'elles  >j% de l'Établissement deviennent telles par la nouvelle force qu'elles tirent de 1'ufage obfervé dans la monarchie depuis .la mort de Clovis, & cela d'autant plus qu'il ne fe trouve rien dans les monumens de notre hiftoire qui les contredife. Lorfque Ciovis réunit, un an avant fa mort, a la couronne des Saliens , les couronnes des aufes tribus de la nation des Francs, ce fut des couronnes héréditaires qu'il réunit a une couronne héréditaire. Le nouveau diadême fe trouva donc pleinement héréditaire par fa nature. II étoit compofé d'états déja héréditaires avantleur réunion. II eft vrai que la couronne de la monarchie Francoife n'étoit pas formée uniquement des couronnes de toutes les tribus des Francs. L'exhérédation des filles étoit un autre article de la loi de fuccefïïon en ufage dès 1'origine de la monarchie. II eft vrai que nous n'avons point cette loi, qui, peut- être , ne fut jamais rédigée par écrit; mais en pareil cas , un ufage fuivi conflamment Sc fans aucune variation, fufïït pour prouver 1'exiftence de la loi qu'il fuppofe. Or, non-feulement les filles de nos rois morts durant le fixieme fiecle, n'ont point partagé la monarchie avec leurs freres , quoiqu'elle fut alors divifible, mais ces princeffes ont même toujours été exclufes du  de ia. Monarchie Francoise. 79 1 tröiie, quoique leurs peres n'euffent point laiiTé d'autres enfans qu'elles. Les rois qui n'ont laiffé que des ffles , ont été réputés morts fans defcendans, & leur fucceffion a été déférée a ceux de leurs parens collatéraux, qui étoient ifliis de male en male de 1'auteur de la ligne commune. Après la mort de Clovis, fa file Clotilde ne partagea point avec fes freres le royaume de fon pere. Quand Childebert, le fils de ce prince, mourut, les filles que Childebert laiffa , ne lui fuccéderent point, & fa couronne paffa fur la tête de Clotaire fon frere. Charibert fils de Clotaire étant mort fans garcons , ce ne fut point les filles "de Charibert qui lui fuccéderent; ce furent fes parens maks* collatéraux; A la mort du roi Gontran frere de Charibert, CJodielde fille de Gontran, & qui lui furvécut, n'hérita point de la couronne de fon pere. Cette couronne paffa fur la tête de Childebert -II, neveu de Gontran. Enfin tout le monde fcait que notre hiftoire fait mention fréquemment de princeffes exclufes de la fucceftion de leur auteur par des parens collatéraux , & qu'on n'y trouve pas 1'exemple d'une fille qui ait fuccédé, ni même prétendu fuccéder au roi fon pere. En voila fuffifamment pour rendre conflant 1'article de notre loi de fucceffion , lequel  •8o de l'Établissement exclut les filles de la couronne. Ainfi ce fera par, un fimple motif de curiofité que nous examinerons ici , s'il eft vrai que , fuivant 1'opinion commune , le tèxte des loix faliques, contienne véritablement Partiele de notre loi de fucceflion , qui jufqu'ici a toujours exclu les femelles de la couronne. C'eft dans le titre foixante - deuxieme de ces loix , lequel ftatue fnr les biens allodiaux ou fur les biens appartenans en toute propriété a leur poffeffeur , que fe lit le paragraphe oü 1'on croit trouver la fanöion qui exclut de la couronne les filles de la maifon de France. Voici tout le contenu du titre. « Si le mort ne laiffe point d'enfant, & que » fon pere du fa mere le furvivent, que fon » pere ou fa mere héritent de lui. » Si le mort n'a ni frere ni fceur , que la » fceur de fa mere hérite de lui. » Si le mort n'a point de tante maternelle , » qu'alors fa fucceffion paffe a fa tante pater» nelle. Au défaut d'héritiers dans les dégrés » énoncés ci-deffus, que les plus proches pa» rens paternels du défunt héritent de lui. (i) » Mais pour ce qui regarde la terre (O De terra vero falica, in mulieres nulla portio *> falique,  de la Monarchie Francoise. gf » falique, qui fe trouvera dans les fucceflïons , * 11 n'en fauroit ïamais appartenir aux femmes » aucune portion , mais ces terres doivent en » toute forte de cas paffer aux males, comme » erant un héritage acquis fpécialement k leur » face.» Voila le con|enu de Partiele des loix iahques , devenu li célebre par 1'application qu on en a faite k la couronne de France qu'il s'imprime en lettres majufcules dans les edmons de ces loix , même dans celles qui fe font en pays étranger. Au rerte, eet article ie trouve dans Ia première rédaöion que nous ayonsdes loix faliques, celle qui fut faite par les ordres des rois fils de Clovis „ainfi .qiie dans les rédaflions fakes poflérieurement au regne de ces princes. De quoi eft-il queftion dans le titre que nous venons de rapporter ? De deux chofes. QLieJs font les cas oii les femmes héritent de leurs parens autres que leurs peres? & quels font les biens dont les femmes ne fcauroient hériter en aucun cas? Ainfi le légiflateur, après avoir | tereditati, tranfit, fed hoe virilis fexUS acquirit. z„ • Sati. antiq. tit. 62 , de Aiodis. ' De terra vero falica nulla portio hareditatis mulieri . vemat, fed ad yirilem fexum tota terraa h^reditas perij vemat. Lex Sal. Caroli, Mag. tit. 62, par. 6. ' Tornt ƒ, |f  %t de l' Établissement expofé quels font les cas oh les femmes héritent de leurs parens collatéraux, ftatue que aéanmoins dans les cas allégués fpécialement, & dans tous autres elles ne pourront hénter des terres faliques, appartenantes a celui dont elles feront héritierjs, & que ces terres ne fcauroient jamais appartenir qu'a des males. En effet, les poffeffeurs des terres fahques, oui, comme nous le dirons, n'étoient autre chofe que les bénéfices militaires étabhs dans les Gaules par 1'empereur, étant tenus, en conférence de leur poffeffion, de fcrvff a la guerre ; & les femmes étant incapables de remplir ce devoir , elles étoient exclufes de tenlr des terres faliques, par la nature meme de ces terres-la. Ce n'a^été qu'après que les défordres arrivés fous les derniers rois de la feconde race, eurent donné attemte a la première conftitution de la monarchie, & que les terres faliques furent devenues des fiefs, qu on trouva 1'expédient de les faire paffer aux femmes , en introduifant 1'ufage qui leur permettoit de faire, par le miniftere d'autrui , le fervice dont ces bénéfices militaires étoient tenus envers l'état, qui étoit le véntable propriétaire de cette forte de biens. En un mot, les loix faliques ne font que flatuer fur les terres faliques, ce qu'avoit ftatué 1'empereur  de la Monarchie Francoise. 83 Alexandre-Sévere , concernant les bénéfices militaires qu'il avoit fondés; fcavoir, que les hentiers de celui auquel un de ces bénéfices auroit éré eonféré , n'y pourroient point y fucceder, a moins qu'ils ne fiffent profeffion des armes. Cela pofé, efi-ce ma! raifohner que de dire • ii la loi de Ia monarchie a voulu affefter les terres faliques, ou , pour parler abufivement le langage des fiecles poftérieurs, les fiefs fervent aux males comme étant feuls capables des foncW dont font tenus les poffeffeurs de ces hefs, a plus forte raifon la loi de la monarchie aura-t-elle voulu affeöer aux males dans la mfpofition faite a ce fujet, Ie fief dominant, celui de qui tous les autres relevoient, foit medmtement, foit immédiatement, & qui ne relevoit que de Dieu & de 1'épée du prince qui Ie tenoit Ainfi 1'on ne fcauroit gueres douter que article des loix faliques dont il s'agit, ne regirde la couronne. Les Cafiillans difent, que leur couronne eft le premier Mayorafque de leur royaume. Qui nous empêche de dire auffi qu'en France la coüronne eft le premier bénéfice militaire, le premier fief du royaume & partam , qu'il dok être réputé compris dans Ia difpofition que la loi nationale des Francs fait concernant les bénéfices militaires, M. Ie F 2  DE ^ÉTABLISSEMENT Bret qui a-U feitfibe étude particuKere fc ^ roi, public , & qui a exercé les Pr Xscharg'Soelarobe,ne,lk..lpaS:^ »„ Si dans tod. don, • ft ^mi , les loix feUquesn'on, pas fta-n U matculinité de notre couronne, pon, * con.eftable dans notre drort publna ƒ« «veroi, qu'elles „'auroient nen ftat„e » «• ta JnnUcaVe a 1'exhérédation des falies de ïranceC.dn'eftpasvraifernb.abiequeUs lóS feUqne „'aic„t -„ voulu *.«« fo ™ ^.d'u.efigta„deimPor.a„ce,„,q»d™t ÜLrs été «éeoté fens auenue oppofiuon, ,°I^Taété,f,ceslo;X„'euffe„«rie„ft..ue 'ontti, pas, dira-,-o„„ue fouslapretere & fous la feconde race , on a,t ,an,a,s !la la fucceffio" a la c„uro»„e,l'art.cl des o« faliq„es do„t il eft „ L p=„t „i- U eft vrai que es h.aonens 'ront écri, dans les teeasoü plufieurs pr,n- c ffeson,étée*clufes de la couronne par des tóks, parens plus éloignés qu'elles dudern.er Toffeffeur, n'ont pas di, qu'elles en euffen, e,e Sclufo, en ve«u de la difpofiüon conrenue "nlt toaute-deuxieme titre des lo,Xfab-  de la Monarchie Francoise. 85 ques; mais le filence de ces hiftoriens prouvet-il qu'on n'ait point appliqué cette difpofition aux princefles dont il s'agit? Un hiftorien s'avife-t-il de citer la loi toutes le^ fois qu'il raconte un événement arrivé en conféquence de la loi, quand eet événement n'a caufé aucun trouble ? Tous les hiftoriens qui ont écrit que Charles IX n'ayant laiiTé qu'une fille, lorfqu'il mourut en 1574, il eut pour fon fucceffeurHenri III fon frere ; fe font-ils amufés k expliquer que ce fut en vertu d'un article de notre loi de fucceffion , qui ftatue que la couronne de France ne tombe point de lance en qttenouille, que cette princeflé avoit été exclufe de la fucceffion de fon pere. Lorfque nos auteurs rapportent qu'un certain hef fut conhïqué k caufe de la félonie de fon poffeffeur, fe donnent-ils la peine de nous apprendre que la confifcation eut lieu en conféquence d'une loi, qui ordonnoit que les fiefs de ceux qui tomberoient en félonie feroient confifqués. Quand un événement, qui arrivé en exécution d'une loi, ne fouffre pas de contradiöion , les hiftoriens ne s'avifent gueres de citer la loi, en vertu de laquelle il arrivé. D'ailleurs, il faudroit, afin que 1'objecfion k laquelle je réponds put avoir quelque force , que nous euftions 1'hiftoire des regnes des rois des deux F 3  §6 de l'Établissement premières races, écrite auffi au long que nou» avons celle de Charles VI , dans 1'anonyme de faint Denis. Qu'il s'en faut que cela ne foit ainfi! Mais dès que 1'exécution de la loi d'exclufion dont il s'agit, a donné Heu k des conteftations, on a eu recours a 1'article des loix faliques , lequel nous venons de rapporter, comme a la fandion, qui contenoit cette loi d'exclufion. Par exemple , lorfqu'il fut queftion après la mort du roi Charles-le-Bel, arrivée en 1328 , de fcavoir file male, fils d'une fille de France, pouvoit prétendre è la couronne nonobffant 1'exclufion que k loi- donnoit a fa mere , on eut recours auffi-töt au titre foixantedeuxieme des loix faliques. La partie intéreffée a nier que le fixieme article de ce titre fut applicable k la fucceffion a la couronne, n'ofa point le nier. Elle tacha feulement d'éluder par une interprétation forcée, le fens qui fe préfente d'abord en lifant eet article-la. Quand Charles-le-Bel mourut, il n'avoit point de gabons, mais il laiffoit la reine encëinte. II fut donc queftion de nqmmer un régent, en choififfant, felon 1'ufage , le prince que la loi appelloit k la couronne , fuppofé • que la reine n'accouchat que d'une fille. Edouard III, roi d'Angleterre, & Philippe de Valois, prétendirent chacun être le prince a  £>è la Monarchie Francoisë. 87 qui la couronne devoit appartenir , au cas que !a veuve de Charles-le-Bel mit au monde une princeffe, & par conféquent qu'il étoit le prince a qui la régence devoit être déférée. Voici les moyens ou le fondement de la prétention de chacun des deux princes. Edouard' étoit neveu du dernier poffeffeur , & fon plus proehe parent, mais il ne fortoit de la maifort de France, que par une fille fceur de Charlesle-Bel. Philippe de Valois n'étoit que coufin du dernier poffeffeur, mais il étoit ifiu de la maifon de France par male : il étoit fils d'un frere du pere de Charles-le-Bel. On voit 1'intérêt fenfible qu'avoit le roi Edouard, a foutenir que la loi falique ne fut point applicable1 aux queftions concernant- la fucceffion a lacouronne. II fe crut obligé néanmoins de convenir que Partiele des loix faliques, qui fait le fujet de notre difcuffion , étoit applicable a cesqueftions-la, & il fe retrancha feulement fur ce que eet article excluoit bien les femelles, mais non pas les males ifius de ces femelles. Voici ce qu'on trouve fur ce pointla. dans un auteur anonyme , qui a écrit fous le regne de Louis X I: l'origine des différens qui étoient entte les rois de France & les rois d'Angleterre , èc qui fait voir bien plusde capacité & bien plus d'inteliigence du droit public,. F 4 ,. '  88 DE I/ÉTABLISSEMENT qu'on ne fe promet d'en trouver dans un ouvrage compofé vers 1460. « Au contraire-, difoit le roi Edouard, que » nonobllant toutes les raifons alléguées par >» ledit Philippe de Valois, la couronne de » France lui devoit appartenir , tant par la loi » falique qu'autrement. Premiérement, par la » loi falique , paree qu'elle mettoit, plus pro» ckain hoïr male doit fuccéder d la couronne. » Or, difoit-il, qu'il étoit male & étoit le » plus prochain du roi Charles; car étoit fon , » neveu , & ledit Philippe de Valois n'étoit » que fon coufin-germain, & par conféquent » qu'il devoit être préféré audit Philippe de » Valois. Et fi tant vouloit dire qu'il venoit » par fille, ce difoit - il , qu'il ne 'fervoit de » rien; car la loi falique ne difoit point d'ou » doivent defcendre les hoirs males, mais feu» lement dit , le plus prochain hoir male "doit » venir a fucceffion. ►> Comme la couronne n'étoit plus divifible en 1328 , qu'eut lieu la conteflation entre Philippe de Valois & le roi Edouard , ce dernier appliquoit au feul plus proche parent male, la difpofition faite dans les loix faliques , en faveur de tous les males qui fe tiouyeroient parens au même degré du dernier poffeffeur. Sur le fimple expofédu droit des decix princes  de la Monarchie Francoise. 89 eontendans , on' fe doutera bien qu'Edouard perdit fa caufe , & qu'il fut jugé que les princeffes de la maifon de France ne pourroient pas tranfmettre a leurs fils le droit defuccéder a la couronne , puifqu'elles ne 1'avoient pas , & qu'ainfi le roi d'Angleterre n'y avoit pas plus de droit qu'Ifabelle de France fa mere. Mais plus la loi falique étoit oppofée aux prétentions d'Edouard, plus il avoit intérêt a nier qu'elle füt applicable aux queftions de fucceffion a la couronne ; ce qu'il n'ofa faire néanmoins. Comme Leibnitz, qui a fait imprimer dans fón code diplomatique du droit public des nations , I'ouvrage dont je viens de rapporter un paffage , ne dit rien concernant 1'authenticité de eet ouvrage ; on pourroit le croire , fuppofé par un fcavant du dernier fiecle, qui auroit mis fous le nom d'un contemporain de Louis XI , un écrit qu'il auroit compofé lui-même k plaifir : mais il fe trouve plufieurs manufcrits de ce livre dans la bibliotheque du roi. C'eft le temsj c'eft 1'expérience qui ont porté les loix de fucceffion jufqu'a la perfection qu'elles ont atteinte dans les monarchies héréditaires. Si les fils puïnés des derniers poffeffeurs font réduits a des apanages ; s'il ne fcauroit plus y naitre aucun doute concernant  90 de l'Établissement la fucceffion a quelque degré que ce foit, que 1'héritier préfomptif fe trouve parent de fon prédéceffeur; enfin, fi le fuccefieur en ligne collaterale fe trouve toujours aujourd'hui défigné auffi clairement que peut 1'être un fucceffeur en ligne directe, c'eft que la durée de ces royaumes a déja été affez longue pour donner lieu a différens é'vénemens, qui ont développé & mis en évidence tous les articles contenus implicitement dans les loix de fucceffion. L!on ne doit point être furpris que notre loi de fucceffion ne fut point plus parfaite dans le fixieme fiecle qu'elle 1'éroit. L'empire Romain, la mieux réglée de toutes les monarchies, dont les fondateurs- de la notre euffent connoiffance , n'avoit point lui-même , lorfqu'il finit en Occident, une loi de fucceffion encore bien établie & bien conftante. En effet, lorfqu'on examine le titre en vertu duquel les fucceffeurs d'Augufle, dont 1'avénement au tröne a paru I'ouvrage des loix & non pas celui d'un corps de troupes révolté , font parvenus a l'empire ; on voit qu'en quelques occafions la couronne impériale a-été déférée comme étant patrimoniale , qu'en d'autres occafions elle a été déférée comme une couronne héréditaire, &c qu'en d'autres enfin elle a été déférée comme étant Une couronne éleclive.  de la Monarchie Francoisë. 91 Op fcait qu'en ftyle de droit public'on 'appellé couronnes patrimoniales , celles dont le prince qui les porte, peut difpofer a fon gré, & de la même maniere qu'un particulier peut difpofer de fes biens libres. Les couronnes de ce genre , fi rares dans le fiecle ou nous fommes, étoient très-communes dans la fociété des nations avant 1'établiffement des monarchies Gothiques. C'eft le nom que quelques peuples donnentcommunément aux royaumes qui doivent leur origine aux nations qui détruifirent l'empire d'Occident, Sc qui formerent de fes débris des états héréditaires dès leur origine. On a vu que les Goths furent longtems la principale .de ces nations. Pour revenir a la couronne de l'empire Romain, on croit qu'elle étoit une couronne patrimoniale , quand on voit Augufte 1'öter au jeune Agrippa fon petit-fils , pour la laiffer a Tibere; ce même Xibere exclure de fa fucceffion fon propre petit-fils, pour la faire paffer a Caligula fon neveu, Sc Claudius la déférer au prejudice de fon fils Britannicus a Néron, qu'il n'avoit adopté que plufieurs années après la naiffance de Britannicus. On voit encore dans 1'hiftoire romaine des affociations a l'empire , & des adoptions de fuccefieur , qui montrent que plufieurs empereurs fe font  $i del'Établissement crus en droit de difpofer a leur plaifir de la couronne qu'ils portoient. Nous voyons, d'un autre cöté , des enfans encore très-jeunes fuccéder è leur pere, fans qu'il y eüt eu aucune difpofition faite en leur faveur par le peuple , mais comme les fils des particuliers fuccedent aux biens de leur pere : on voit même des freres fuccéder de plein droit a la couronne de leurs freres. Ce fut ainfi que Domitien monta fur le tröne après la mort de Titus. Quand on fait attention a ces événemens , il femble que la couronne impériale ait été héréditaire. Enfin , d'autres événemens femblent prouver que cette couronne fut éleftive. Je n'entends point parler des proclamations faites dans des camps révoltés. Ce qui fe paffe durant une rebellion , ne fait point loi dans le droit public d'une monarchie. J'entends parler de ce qui s'elt paffé dans plufieurs rajutations paifibles de fouverains, de ce qui s'eft fait dans Rome par le concours de tous les citoyens. Nerva après la mort de Domitien , & Pertinax après la mort de Commode , furent élus & inftalés comme le font les fouverains électifs. Quand le fénat eut appris la mort des Gordiens-Afriquains, il ne proclama point empereur Gördien Pie , qui auroit été leur fuccefleur de  de la. Monarchie Francoise. 93 droit, fi la couronne impériale eüt été pleinement héréditaire. Le férïat élut, pour régner en leur place, Balbin & Pupien. Enfin, je crois qu'un jurifconfulte interrogé fous le regne d'Auguftule, touchant le genre dont étoit la couronne impériale, n'auroit pu donner une réponfe pofitive. L'ufage ne prouvoitrien, paree qu'il n'avoit jamais été conftant ; & , d'un autre cöté , il n'y avoit point de loi générale écrite, qui ftatuat fur ce point de droit public. II y a bien dans le droit romain plufieurs loix qui ftatuent fur 1'étendue du pouvoir donné k chaque empereur par la loi royale, par la loi particuliere qui fe faifoit pour inftaler le nouveau prince ; mais je n'y en ai point vu qui décide en général & pofitiyement, lila couronne étoit patrimoniale, héréditaire ou éleöive. Dès qu'il n'y avoit point de loi de fucceffion certaine dans l'empire Romain, on ne doit pas être furprisque celle du royaume des Francs n'ait point été parfaits dès 1'origine de la monarchie.  94 de l'Établissement CHAPITRE V. Des nations qui compofoient. le peuple de la. monarchie, & des Francs en particulier. Ancienneté de la loi falique, Etat des habitans. Hommes libres, ferfs, main-mortables. Service. Clergé. Noblefe perfonnelle. Forme du gouvernement intérieur, & des fénats ou reprêfentans des cités ; des afjifes. Après avcir vu que le peuple de la monarchie fe divifoit d'abord en Barbares & en Romains ; il faut expofer quel étoit l'état de chacune de ces nations fous les premiers fucc?effeurs de Clovis. La nation barbare , pour ufer de ce terme, fe divifoit en plufieurs autres, dont les principales étoient celle des Francs-Saliens, ou des Francs proprement dits ; celle des FrancsRipuaires , celle des Bourguignons, & celle des Allemands. Nous avons déja vu que les Saliens n'étoient d'abord qu'une des tribus des Francs , mais que toutes les autres tribus, a 1'exception de celle des Ripuaires, y furent réunies , après que Clovis fe fut fait reconnoitre roi par  bE la Monarchie Francoise; 9? chacun de ces effaims. En effet, & c'eft ce que nous avons encore remarqué, il n'eft plus parlé dans 1'hiftoire des tems poftérieurs au regne de Clovis d'Amplivariens, de Chamaves , ni des autres tribus des Francs. II n'y eft plus fait mention que des Francs abfolument dits, & des Ripuaires.. La loi falique & la loi ripuaire étoientelles rédigées par écrit avant que les Francs fe fuffent établis dans les Gaules, ou bien étoient-elles fimplement une tradition orale qui fe tranfmettoit par les peres aux enfans, & da même nature que 1'étoient les coutumes qui ont force de loi dans la France, avant que 1'Edit de Charles VII, qui ordonne qu'elles foient rédigées par écrit eut été mis en exécution ? C'eft ce que 1'on ignore. Quant a la loi falique, ce nom lui vient probablement de ce qu'elle étoit déja en ufage parmi les Francs - Saliens, lorfque Clovis incorpora dans leur tribu, a 1'esfception de la tribu des Ripuaires, toutes les tribus qui le reconnurent pour roi en 1'année 510. La plus ancienne rédaftion de cette loi que nous ayons aujourd'hui, eft celle qui fut faite par les foins du roi Clovis, & retouehée enfuite par les foins de Childebert & de Clotaire fes enfans. II eft dit dans le préambule de cette  96 DE L'ÉTABLISSEMENT rédaftion (i) • « Avant que la nation des » Francs, dont 1'affemblage eft un effet de la » providence , & qui eft ftable aujourd'hui » dans fes établiffemens, en vertu dé la con» vention qu'elle vient de faire avec les em» pereurs , eüt encore , ce qu'elle a fait depuis » peu, embraffé la religion catholique, elle » avoit déja, par amour pour la juftice, fait » rédiger la loi falique, qui fut compilée par ( i ) Gens Francorum inclyta, auftore Deo condita , fortis in armis, firma pacis foedere, corpore nobilis & incolumis, candore & forrna egregia , audax, velox & afpera , nuper ad fidem cathohcam converl'a , immunis ab haerefi , dum adhuc reneretur Barbaria: , infpirante Deo inquirens fapiemia» clavem, ,uxta morum fuorum qualitatem, defiderans juftitiam, cuftodiens pietatem, dicraverunt falicam legem proceres ipfius gemis qui tune temporis apud eam erant reftores, funt autem elefti de pluribus viri quatuor his nominibus Wogaft, Bodogaft, Salogaft & Vindogafï, qui per tres mailos convementes , omnes caularum origines follicite difcurrendo traöantes de fingulis , judicium decreverunt hoe modo. At 'ubi Deo favente Clodoveus Comatus & pulcher & inclytus, rex Francorum , primus recepit catholicum baptifmum quidquid minus in pa£ro habebatur idoneum per prjecelfos reges Clodoveum ; Childebertum & CJotarium fuit lucidius emendatum & procuratum decretum hoe. Eeeardi Leges Franc. pag. 4, » les  de la Monarchie Francoise. 97 » les principaux de fes citoyens , qui tinrent » a ce fujet trois affemblées du peuple ; mais » étant arrivé heureufemerft que fon roi Clovis » ait rec:u le baptême , ce prince , & puis » Childebert & Clotaire , ont changé plufieurs » chofes clans cette loi qu'ils ont rendue plus » parfait?, & qu'ils ont mife dans l'état oir » elle eft maintenant. » 1 Cette loi aura eu la deftinée de tous les codes nationaux , c'eft-a-dire que de tems en tems on y aura fait quelque changement (1). Quant a la loi des Ripuaires, .Eccard dit que ce fut Thierri, fils de Clovis, qui la fit rédiger ou qui la mit du moins dans un état approchant de celui ou nous 1'avons (2). Ce (• 8 ) Paftus legfe falica ab irrcarnatione Domini noftri Jefu Chrifti , fepti'ngentefimo nónagefuno octavo , indiftione fexta dorninus Karolus , rex Francorum inclitus hunc libellurfi Traftati legis Salica; fcribere juffit; Baln^. cap.tom. i, p'ag. -igi. ( 2 ) Legitime igitur & tanquam in peculiar; atqüe a Francorum regno diverfa ditione rex elecïus Chlodoveus, novis his fubditis fine dubiö, vefres confuetudines confervavit , kgefque confifm'avir , quas deinde filius ejus Theodericus cum Ripuarii ipfi ■ oft mortem patris tribuersntur, in eam fbraiam reóègit & emendavit uti ea$ hodie habemus. Eccard. Leg. Franc. pag. 208. Tornt I, Q  9§ DE L'ÈTABLISSEMENT fcavant homme dit dans fes notes fur cette loi: « Clovis s'étant fait élire roi des Ripuaires, » il les aura maintenus dans leurs anciens » ufages & dans leurs anciennes coutumes, & » il les aura laiffés fubfifter en forme de fow ciété particuliere , &£ féparée du gros de la nation des Francs. Son fils Thierri, dans le » partage de qui les Ripuaires entrerent, aura » fait quelques changemens a ces ufages & » coutumes , après quoi il les aura rédigées y en forme de loi; & les tables de cette loi » font celles que nous avons encore aujour» d'hui. » Eccard cite, pour appuyer fon fentiment, une des notes qu'il avoit déja faites fur la loi falique. « Thierri, ajoute-t-il ( i ) , » aura donné fes foins a la perfeaion de la » loi des Ripuaires qui fe trouvoient dans fon » partage, tandis que fes freres Childebert & » Clotaire faifoient travailler a la loi des » Saliens. » Dans le préambule même de la nouvelle rédaftion de la loi des Ripuaires, faite par les ( 1) Habebat fub fe fpeciatim Theodericus Ripuarios. Unde ftatuo legem Francorum hic de Ripuaria intelügendam effe, eamque Theodericum condidiffe , cum fratres ejus in falicam legem curas faas converterent. Ibid. pag. 8.  de la Monarchie Francoise. 99 ordres du roi Dagobert Ier. On y lit (1)5 « Le roi Thierri étant k Chalons, il fit choix j» d'hommes fages tkinfiruits dans les anciennes » loix de fon royaume, & ce prince leur » enjoignit enfuite de rédiger la loi des Francs, »> ainfi que la loi des Allemands & la loi des » Bavarois, afin de donne-r k chacune de ces » nations, qui toutes étoient fous fon obéif» fance, un code conforme k leurs anciens us » & coutumes , auxquelles il ne fit que les » additions & les changemens néceffaires , » pour régler fur les principes de la religion ( 1 ) Theodoricus , réx Francorum , cum effet Catalaunis elegit viros fapientes qui in regno fuo Iegibus eruditi erant. Ipfo autem diftante jullit confcribere legem Francorum & Alemannorum & Bujuvariorum , unicuique gènti quaj in ejus poteftate erat fecundum confuetudinem fuam. Addidit qua addenda erant & improvifa & incompofita refecavit, & qua; erant fecundum confuetudinem paganorum mutavit fecundum legem chriftianorum : & quidquid Theodericus rex propter vetuftiffimam paganorum confuetudinem mutare non potuit poft ha=c Childebertus , rex inchoavit , fed Chlotarius rex perfecit. Hsc omnia Dagobertus , rex gloriofilTimus per viros illuftres Claudium , Chaudum Indomagum St Agilufum renovavit, & omnia vetera legum in melius tranftulit, & unicuique genti fcripta tradidit, quas ufque hodie perfeyerant. Balu^. capit, torn. pr. pag. 2f, G 2  ICO DE L'ÉTABLISSEMENT » chrétienne, plufieurs points qui n'avoient » encore été réglés que fuivant les principes » de la religion payenne. Childebert perfec» tionna encore , a eet égard, les codes ré» formés par Thierri; Sc clans la fuite, Clotaire » ajouta auffi quelque chofe a I'ouvrage de » Childebert. Le pi Dagobert a fait revoir » de nouveau toutes ces loix , par les très» illuftres perfonnes , Claudius , Chaudus , » Indomagnus &L Agilufus, & il en a fait une » nouvelle rédaaion, après quoi il a délivré » k chaque nation les tables de fa loi; & c'eft » la rédaaion dont on doit fe fervir aujour» d'hui dans les tribunaux. » On a vu par le paffage d'Eghinard , qui vient d'être rapporté , que les Francs vivoient felon deux loix; la loi falique & la loi ripuaire. Ainfi, 1'une & l'autre l»i pouvant s'appeller également la loi des Francs ; on peut, fuivant que les circonftances le décident, entendre ce qui eft dit de la loi des Francs en général, ou de la loi falique en particulier , ou de la loi ripuaire en particulier. Les loix des Francs , c'eft - k - dire la loi falique ck la loi ripuaire , ayant été imprimées plufieurs fois ; on n'en donnera point ici un .abrégé fuivi , on en rapportera feulement les articlës , que les matiérés mettront dans 1'obligation de rapporter.  de la Monarchie Francoise. ioi La première divifion de la nation des Francs, ainfi que la première divifion de toutes les nations qui fiiBfifloient alors, étoit celle qui fe faifoit en hommes libres & en efclaves. La fervitude de ces efclaves, ainfi que celle deS efclaves qui appartenoient aux citoyens de toutes les nations Germaniques, étoit da différens genres. Quelquès-uns de ces ferfs étoient nés clans les foyers de leurs maïtres; d'autres étoient de véritables captifs, je veux dire , des prifonniers de guerre, que L'ufage du tems condamnoit a 1'efclavage; d'autres avoient été achetés ; d'autres étoient des hommes nés libres, maïs condamnés a la fervitude parjugement porté contr'eux, a. caufe qu'ils s'ctoient rendus coupables des délits, dont la peine étoit, que 1'offenfeur fut adjugé comme efclave k 1'offenfé, ou bien, paree qu'ils n'avoient pas pu payer certainès dettes; d'autres enfin , étoient des hommes libres qui s'étoient dégradés volontairement, foit en fe vendant euxmêmes, foit en fe donnant gratuitement k un maïtre qui s'oblïgeoit, de fon cöté , a fournir a leur fubfiftance & k leur entretien. On a remarqué ailleurs, qu'au tems ou les Francs s'établirent dans les Gaules, le nombre des efclaves étoit beaucoup plus grand dans tous les pays &C parmi toutes les nations, que le G 3 i' ' # ■  jol de l'Établissement nombre des citoyens ou des perfonnes libres; Ainfi, lorfqu'on trouve que fous nos premiers rois de la troifieme race , les deux tiers des hommes qui habitoient la France étoient efclaves , ou du moins de condition ferve, il ne faut point attribuer le grand nombre de perfonnes ferves qui s'y trouvoient alors a la dureté des Francs, ni fuppofer qu'ils eulfent réduit les anciens habitans des Gaules dans une efpece d'efclavage. Cela procédoit de la conftitution généraje de toutes les fociétés poiitiques, lorfque les Francs s'établirent dans les Gaules. II y avoit plufieurs manieres de donner la liberté aux ferfs , & , fuivant le droit commun, 1'affranchi devenoit citoyen de la nation dont étoit le maïtre qui 1'avoit fait fortir d'efclavage. Venons au traitement que les peuples Germaniques faifoient a leurs ferfs (i). « Les Germains, dit Tacite, ne » tiennent pas comme nous leurs efclaves » dans leurs maifons, pour les y faire tra- ( i ) Servis non in noftrum morem defcriptiis per familiam minifteriis utuntur. Suam quifque fedem,fuos penates regit. Frumenti modum dominus , aut pecoris aut veilis ut colono injungit cc fervus liaftenus paret. Castera domus officia , uxor ac Hberi exfequuntur. Tacit. de Morib, Germ, cap, 2f,  de la Monarchie Francoise. 103 » vailler chacun a une certaine tache. Au » contraire , ils afïignent a chaque efclave fon » mar.oir particulier, dans leque. il vit en pere » de familie. Toute la fervitude que le maitre » impofe a 1'efclave ; c'eft de 1'obüger a lui » payer une redevance qui confifte en grain , » en bétail & en peaux, ou en étoffes. La » condition de ces ferfs , reflemble plus k » celle de nos fermiers qu'a celle de nos ef» claves. Chez les Germains, ce font les en» fans & la femme de la maifon qui font la » befogne du ménage. » Lorfque les peuples Germaniques furent une fois établis dans les Gaules, ils n'auront pas manqué d'y prenclre 1'ufage de tenir chez foï des efclaves pour les employer aux fervices domeftiques. Ces nations ne furent que trop éprifes de toutes les commodités & de toutes les délices que le luxe des Romains y avoient fait connoifre; mais il eft auffi a croire que les Francs , les Bourguignons , & les autres nations Germaniques, auront continué k donner des domiciles particuliers a une partie de leurs efclaves, comme a leur abandonner une certaine quantité d'arpens de terre pour les faire valoir, k la charge d'en payer une redevance annuelle , foit en denrées, foit en autres choies* Les Romains des Gaules auro .it eux-mêmes imké G 4  104 DEL'ÉTABLISSEMENT leurs kótes dans cette économie politique, fort paree que tout calculé ils 1'auront trouvée encore plus profitable que Tanden ufage, foit pour empêcher que la plupart de leurs efclaves ne fe réfugiaffent chez ces hótes, afin de changer leurs fers contre des fers moins pefans. L'amour de 1'indépendance fi naturel a 1'homme , fait préférer a ceux dont le fentiment n'eft point entiérement perverti, le féjour d'une cabane ou il n'y a perfonne qui foit en droit de leur commander a une demeure commode dans u#i palais, oii fans ceffe ils ont un maitre devant les yeux. La loi du monde erdonnoit bien que les efclaves fugilifs qui fe feroient fauvés dans les métairies du roi, & même dans les afyles des églifes, feroient rendus-~a leurs maitres; mais croit-on que la loi füt toujours exécutée? Le Romain étoit - il toujours afluré d'obtenir jufticé des officiers du prince, qui certainement ne devoient rendre qu'a regret les efclaves qui s'étoienf donnés a eux ? Ce qui eft de Ccrtain, c'eft que les églifes, dont les miniftres étoient prefque tous alors de Ia nation romaine, imiterent bientöt 1'ufage des Germains, & qu'elles donnerent a leurs efclaves des domiciles particuliers & des terres a faire valoir , a charge d'une redevance." Peutetre même 1'ufage dont je parle, étoit-il déja  de la Monarchie Francoise. 105 connu dans les Gaules, ou du moins dans une partie de cette province dès avant Clovis, & ne fit il que devenir plus général ék plus a la mode , lorfque les Francs s'y furent établis. On peut regarder 1'introduction de 1'efclavage germanique dans les Gaules, en quelque tems qu'elle y ait été faite, comme 1'origine de ce grand nombre de chefs de families-; ou ,de perfonnes domiciliées dans un manoir particulier , &C qu'on voit néanmoins avoir été dans le feptieme fiecle & dans"les fiecles fuir vans, ferves de corps Se" de biens. En efftt, il paroït en lifant les monumens de nos antiquités, que fous les premiers rois Capétiens , les deux tiers des habitans du royaume étoient ferfs de corps & de biens, ou du moins ferfs de biens. Perfonne n'ignore qu'on appelloit alors ferfs de biens ou d'héritages , ceux qui tenoient de quelque feigneur une portion de terre qu'il ne pouvoit pas leur öter arbitrairement,a condition de la^bien tenir en valeur, & dej>ayer a ce feigneur une redevance fixéè, comme de lui rendre 'en certaines occafions plufieurs fervices, mais qui pouvoient , dès qu'ils en avoient envie , recouvrer leur indépendance , en 'délaiffant la portion de terre dont il s'agit aü maitre k qui la propriété en sppartenoit. Quant aux ferfs de corps , ils  ÏOÖ DE L'ÉTABLÏSSEMENT éfoient a quoi que ce foit qu'ils fuffent employés , de véritables efclaves qui ne pouvoient devenir libres que par une manumijfion accordée volontairement par leur maitre. Lorfque les rois de la troifieme race monterent fur le tröne , il y avoit en France un li grand nombre de mains - mortables ou d'hommes de pote, c'eft-a-dire de féifs de tout genre & de toute efpece, que nonobftant ce qu'ont fait f ces princes pour les affranchir , il en refte encore clans plufieurs provinces. 11 eft vrai que lors de la tenue des derniers états généraux, faite a Paris en 161,5 , fous le regne de Louis XIII, 'e tiers-état inféra clans fon cahier une fupplication, par laquelle il prioit le roi d'ordonner que les feigneurs feroient tenus d'affranchir dans leurs fiefs tous les ferfs, moyennant une compofition ; mais cette demande du tiers-état n'a point eu fon effet. II faut remonter au fixieme fiecle. La condition de ferfs n'empêchoit^pas les efclaves des nations germaniques , d'être capables du maniement des armes. Si ces ferfs étoient nés dans 1'efclavage, ils n'avoient point été élevés fous le baton d'un maïtre, mais fous la difcipline d'un pere ( 1). La loi des Vifigots ordonne (1) Quifquis horum in exerchum progreflurus de-  de la Monarchie Francoise. 107 que le barbare ck le romain, lorfqu'ils feront mandés pour quelque expédition, feront obligés d'amener au camp avec eux, la dixieme partie de leurs ferfs , & de les y amener bien armés. C'eft , comme on le dira dans la fuite , de ces ferfs armés, qu'il faut entendre plufieurs articles des capitulaires des premiers rois de la feconde race , dans lefquels il efl fait mention des hommes des feigneurs particuliers , foit ec-. cléfiaftiques , foit laïques. Ces hommes n'étoient point comme quelques auteurs fe le font imaginés, des fujets du roi de condition libre, qui reconnuffent déja ces eccléfiaftiques ou ces laïques pour leurs feigneurs naturels, ainfi que plufieurs fujets du roi &C de condition libre, ont reconnu fous la troifieme race , & reconnoiffent encore aujourd'hui d'autres fujets du roi pour feigneurs. Au commencement du huitieme fiecle , tous les citoyens de notre monarchie nereconnoiflbientd'autrejurifdiclion & d'autre pouvoir , que la jurifdicfion & le pouvoir du roi; ck. celui des officiers qu'il avoit choifis perfonneilement, pour être , durant un cimam partem fi.'r.vorum fuoram in expeditionem bellicarn duélurus accedat, ita ut hsc ipfa pars decima non inermis exiftat3 fed vario armorum genera inftru&a appareat. Lex Vifig, lib, nono , tit 2 ,par, nono.  Ï08 DE L'ÉTABLISSEMENT tems, . les dépolitaires de fon aurorité. Les parlicuüers n'avoient point encore ufurpé a'ors les droits de l'état, & perfonne ne pouvoit mener k la guerre, comme des hommes d lui , que fes propres ferfs. L'ufage de conduire fes ferfs a la guerre ou de les y envoyer, a même continué d'avoir lieu fous Ia troifieme race de nos rois. On voit dans la relafion que fait Gui'laume Breton ( i ) , de la batailie donnée k Bouvines, par Philippe Augufte, que trois eens cavaliers ( i ) Et quos Meclardicus abbas Miferat, irnmenfa claros probitate clientes. Terdenos decies quorum exuhabatin armis,' Quilibet altus equo gladioque horrebat & hafta. . . . Curnque morarentur nee dignarentur aperto Credere fe campo ; feriefque excedere Flandri, Impatiens Sueflbna pbalanx. . . . Nee mi'es it obviu^ilüs Flandricus , aut motüs aliquod dat corpore fignum , Indignans nimium quod non a milite primus Ut decuit, fieret, belli concurlus in illos, Ne ve verecundentur ab his dsfAdere , fi fe Prorfus abhorefcant, cum fit pudor ultimus alto Sanguine producium fuparare a plebis aiumno Immoti ftatione fua , non fegnirer'ilUs Excipiunt, ftemuntque ab equis p.urefque , nee illis Parcendum ducunt tumulis, l'.d turpiter illos Jam perturbatos ftationem (olyerecogunt. Phil. lib. /#,  de la Monarchie Francoise. 109' armés de lances, & qui étoient ferfs de 1'abbaye de faint Médard de Soiffons, y enfoncerent un gros de nobleffe flamande , qui par mépris pour leur cqndition , n'avoit pas daigné s'ébranler, ni faire'prendre carrière k fes chevaux , afin de mieux recevoïr 1'affaillant. C'tft ainfi qu'en ufoient les cavaliers armés de lances , avant Ie milieu du feptieme fiecle , qu'ils prirent 1'ufage de combattre en efcadrons. Les combats en champ clos étant devenus , fous les derniers .rois de la feconde race , une des voies juridiques de terminer les procés ; plufieurs églifes obtinrent du prince (1), que leurs ferfs feroient recus a rendre le témoignage contre des perfonnes de toute forte de ( 1 ) Inftituo & decerno ut fervi fanöa; foffatenfis ecclefiae adverfus omnes horaines t;>m lifaeros quam fërvos in omnibus caufis placitis & negotüs libêram & perfeftam haoeant teftificandi ckbeüandi licentiam , & nemo unquam feivitutts occafionem cis opponens in eorum teftimonio ullam dare prsefumat calumniam. . . . Quod fi aliquis liber homo in eadem caufa illos de falfo teftimonio contradicere vel comprobare voluerit, aut fuam coinprobationem duello perficiat , nut eorum facramentum fine ulla alia contradiöione recipiens illorum teftimonio adquiefcat. Quod fi ali» quis, ékc. Ordonn. de Laurieres torn, i , pag. 3 & 4.  Stiö de l'Établissement condition , & que nul ne pourroit, fans être réputé convaincu du fait dont il étoit accufé & fans perdre fa caufe, rtfufer de combattre contre ces ferfs, fous prétexte qu'ils ne feroient point des championsarecevables. Cette loi eft contenue expreffément dans les chartres octroyées pour ce fujet, par le roi Louis-leGros, a 1'églife de Chartres, & a 1'abbaye de faint Maur-des-Foffés. Venons aux Francs de condition libre. Ils étoient tous laïques. Ce n'eft point que plufieurs Francs n'embraifaffent tous les jours l'état eccléfiaftique ; mais dès qu'un Franc ou ün autre barbare embraffoit cette profefïion , il étoit réputé avoir renoncé a être davantage de la nation, dont il avoit été jufques-la, & avoir paffé , pour ainfi dire , dans la nation romaine. Comme on a déja pu le remarquer, un barbare qui fefai(oitd'ég!ife,commenooitpar fe faire couper les cheveux ; or, durant le cirquie.me fiecle & le fixieme , tous les eccléfiaftiques des Gaules, de quelque nation qu'ils fuffent fortis, vivoient fuivant le droit romain. • Ainfi les Francs ne compofoient tous qu'un feul &C même ordre de citoyens , car on a déja vu que les princes de la mailon royale ,  de la Monarchie Francoise. nrf n'étoient point citoyens en un fens, paree qu'ils partageoient tous entr'eux le royaume de leur pere. II n'y avoit donc point alors de prince de la maifon royale , qui ne füt fils de roi & héritier préfomptif, au moins en partie de la couronne de fon pere. Le refte des citoyens n'étoit point partagé en deux ordres , comme le font aujourd'hui les fujets laïques de nos rois, qui fe divifent ën nobles & en non-nobles. Quoique les families anciennes & connues depuis long-tems dans la nation, euffent plus de confidération que celles dont 1'illuftration ne faifoit que de commencer ; cependant les premières n'avoient point de droits finguliers, ni de privilege fpécial, qui en fiffent un ordre particulier & fupérieur a un autre ordre de citoyens. II ne faut point être bien verfé dans le droit public des nations, pour feavoir qu'il y a bien de ladifférence entre avoir de la confidération & des égards pour les citoyens des anciennes families, ou bien attribuer a ces families' des prérogatives & des droits certains, en vertu defquels ils jouiffent de plufieurs privileges deniés aux autres families. Ainfi, quoiqu'on voie dès le fixieme fiecle , parmi les Francs, des families plus bonorées Sf plus refpedées que les autres, il ne s'enfuit  in de l'Établissement point qvi'il y eüt parmi- eux deux ordres dc citoyens. Ce n'étoit point une loi du droit public , c'étoient les dignités qui avoient été dans ces families, c'étoient les fujets d'un mérite rare qu'elles avoient fournis a l'état, qui leur avoient attiré 1'efpece de diftinction dont elles jouhToient. Prouvons ce que nous venons davancer concernant la nation des Francs. Suivant la loi naturelle , les hommes naiffent tous égaux, Sc 1'on ne doit pas fuppofer fans preuve, qu'une nation ait donne atteinte a cette loi , en attribuant aux citoyens , qui auroient le bonheur de naïtre dans certaines families, des diftindtions Sc des prérogatives onéreufes aux citoyens nés dans les autres families. Si nous cröyons avec certitude, que dans le tems dont il s'agit, une partie des Francs naïffoit libre , Sc que l'autre partie naifloit efclave ;'c'eft que la loi de cette nation nous le dit clairement Sc pofitivement. Nous y voyons plufieurs fanftions, qui prouvent manifeftement qua eet égard, la loi des Francs avoit dérogé a la loi naturelle. Or il n'y a rien dans la loi nationale des Francs , qui montre qu'ils fuffent divifés en deux ordres, Sc que les uns naquiftent nobles , Sc les autres roturiers. Les diftinftions que fait cette loi en faveur de ' quelques  dè ia Monarchie Franc;oise. h$ quelques citoyens, y font faites eri faveur de leurs dignités, Sc non pas en faveur de leur naiflance. Ces diflïnclions font accordées k des emplois qui n étoient point héréditaires, & non point, comme on le dit en droit public, a une prierité d'ordre. Au contraire , la loi nationale des Francs fuppofe manifeftement en plufieurs endroits , que tous les Francs de condition libre fuffent du même ordre , paree que dans les occafions oh elle auroit du fiatuer différemment par rapport k la condition oh chacun des citoyens feroit né, elle flatue uniformément. Citons quelques exemples tirés de la loi falique Sc de la loi ripuaire, qui, comme nous l'avons dit, font en quelque maniere deux tables de la loi nationale des Francs. Le quarante-quatrieme titre des loix faliques flatue fur les intéréts civüs, ou fur la peine pécuniaire a laquelle doit être condamné le meurtrier de condition libre (i), qui aura tue (i) De homicidiis ingenuorum. Si quis ingenuuS Francum aut Barbarum aut hominem qui falica lege vivit occiderit, folidis ducentis culpabilis judicetur. Si Romanus homo conviva regis occifus fuerit, folidis trecemis componatur. Si quis Rom.num tribu» tarium occiderit, folidis quadraginia quinque culpabilis Tome ƒ, ]-j  'ii4 t)E l'ÉTAB LISSEMENT perfonne de même condition que lui. II eft dit dans ce titre , dont la fubftance eft la'même dans toutes les rédaftions de la loi falique. « Le Franc qui aura tué un Romain de con» dition a manger a la table du roi, c'eft de » quoi nous parierons plus bas, fera condamné » a trois eens fols d'or. Celui qui aura tué un » Romain de 1'ordre de ceux qu'on appellé » poffeffeurs, c'eft - 4 dire qui poiïedent des » biens fonds , dans le car.ton oü ils font » domicilies , paiera cent fols d'or. Celui qm » aura tué un Romain tributaire , paiera qua» rante-cinq fols d'or.» Les loix faliques ayant ainfi arbitré la peine pécuniaire du meurtrier d'un Romain libre , par rapport a 1'ordre de qui étoit le Romain , la , nation étoit divifée en plufieurs ordres, il eft évident qu'elles auroient arbitré de même la peine pécuniaire du meurtrier d'un Franc libre , par rapport a 1'ordre dont auroit été le Franc mis a mort, fuppofé que les Francs euffent été divifés, comme les Romains, en différens ordres. Cependant les loix faliques ne font point cette judicetur. Si qivs Romanus homo poiTeffor, id eft qui res in pago ubi remanet proprias poffidet occifus fuerit, is quiëum occidiffe convincitur , folidis centum culpabiiis judicetur. Leg. [al. tit. 44.  de la Monarchie Francoise. i i 5 diftinction. Dans le titre que je rapporte , il eft dit fimplement : « Celui qui aura tué un » Franc , un autre barbare, ou un homme quï s» vit felon la loi falique, fera condamné k » payer deux eens fols d'or. » On trouve auffi dans la loi des Ripuaires , deux titres, ou il eft ftatué expreftement fur le meurtre d'une perfonne libre , tuée par une autre perfonne libre (1). II eft dit fimpiement dans le premier : « L'homme libre qui » tuera un Ripuaire libre, fera condamné a » deux eens fols d'or.» Ce titre ne contient rien de plus. Au contraire, le trente-fixieme qui ftatue fur le meurtre commis par un Ripuaire , fur une perfonne d'une autre nation , condamné le meurtrier k une fomme plus ou moins forte, fuivant la condition dont étoit le mort. Le Ripuaire qui auroit tué un FrancSalien, y eft condamné k deux eens fols d'or. ( 1 ) De homicidio ingenugrum. Si quis ingenuus hominem ingenuum Ripuaïium interfecerit , ducentjs folidis culpabilis judicetur. Lex Ripuar. tit. feptimo. Si quis Rip uarius advenam Francum interfecerit ' ducentis folidis culpabilis judicetur. Si quis Ripuarius advenam Burgundionem interfecerit, centum fexaginta folidis culpabilis judicetur. Si quis Ripuarius advenam Romanum interfecerit, centum folidis rnulöetur. Ibid, tü. trigefimo fexto, H a  n6 de l'Êtablissement Celui qui aurqit tué un Bourguignon, a cent foixante. Celui qui auroit tué un Romain , citoyen d'un autre pays que celui que tenoient les Ripuaires , a cent fols. Enfin , le Ripuaire qui auroit trempé fes mains dans le fang d'un foudiacre , doit payer quatre eens fols d'or; celui qui les auroit trempées dans le fang d'un diacre, cinq eens fols d'or; & celui qui les auroit trempées dans le fang d'un Prêtre , fix eens fols d'or. Qui ne voit qu'une loi fi jaloufe de proportionner la peine d'un meurtrier»a la qualité de la perfonne tuée, auroit infligé des peines plus ou moins fortes aux meurtriers des Ripuaires de différente condition , fi les Ripuaires euffent été divifés en plufieurs ordres. Ce qui démontre a mon fentiment, que le filence de la loi des Francs, & celui des hiftoriens fur la divifion des Francs libres en différens ordres, prouve contre cette divifion, c'eft que les loix des nations, dont les citoyens ont été véritablement divifés en nobles & en roturiers, dans les fiecÜs dont il eft ici queftion , parient de cette divifion; c'eft que les hiftoriens en font mention. Citons quelques exemples. On trouve dans le recueil de Lindembrog , la loi des Frifons, une des nations germaniques , dont les citoyens étoient partages en  de la Monarchie Francoise. 117 deux ordres, celui des nobles , & celui des Frifons qui ne 1'étoient pas (1). II y eft dit, au titre des homicides: « Le noble qui aura tué » un autre noble, paiera quatre-vingt fols d'or. » Le noble qui aura tué un fimple citoyen, » paiera cinquante fols d'or, & celui qui aura » tué un affranchi, paiera vingt-fept fols d'or » au patron de 1'affranchi, &c neuf fols d'or » aux parens de 1'affranchi. Le fimple citoyen » qui aura tué un noble, fera condamné a » quatre-vingt fols d'or, & a cinquante-trois » fols d'or s'il a tué un citoyen du même » ordre que lui. L'affranchi qui aura tué un » noble", paiera quatre - vingt fols d'or, & » cinquante - trois s'il a tué tin fimple ci» toyen.» II eft donc conftant qu'il n'y avoit point (1) Si nobilis nobilem occiderit, oftoginta folidis componat. Si nobilis ingenuum occiderit quinquaginta quatuor folidos & unum denarium folvat. Si .nobilis litum occiderit viginti feptem folidis uno denario minus componat domino fuo , & propinquis occifi folidis novem. Si liber nobilem occiderit o£toginta folidis componat. Si liberum occiderit folidos quinquaginta tres & unum denarium folvat. Si Utus nobilem occiderit oftoginta folidis componat. Si litus liberum occiderit folidos quinquaginta ttes & unum denarium folvat» Lindenh. Lex Frifwn , tit. i , de homicidüs, pag. 490. H 1  li8 de l'Établissemènt deux ordres dans la nation des Francs. Si les citoyens de la nation des Saxons étoient divifés en plufieurs ordres , les hiftoriens anciens & les loix de cette nation font une ment on expreffe de la diftribution des Saxons libres en différens ordres. Nithard , petit-fils de Charlcmagne ( i ) , dit , en parlant des Saxons , que les citoyens de cette nation font divifés en trois ordres; celui des nobles, ci hommes nés libres , & celui des af¬ franchis. Adam de Breme qui vivoit dans i'onzieme fiecle ,'parle même de la conftitution de la fociété, qui avoit lieu parmi les Saxons, Comme d'un ufage oppofé a 1'ufage 'le plus ordinaire parmi les peuples Germaniques (i). (1) QuEe gens omnis in tribus ordinibus divifa confiftii , ïunt enim qui inter illos Edhilingi , iunt qui gi , iunt qui Lazzi illorum lingua dicantur. Latina vcio lingua hoe funt. Nobiles , ingenuiles, atque fer> Viles. h'ithi l:b. q. Du Cht torn. a ,p.jy6. (2) Quatüot difterentiis gens illa Saxonum confiftit ftoBilium fcilicet j & liberorum, libertorumque ataue fervorum. Et id legibus firmatum ut nulia pars in cópu'andis conjugiis propriaï fortis terminum transferat, fed nobilis nob iem ducat uxorem , & libet liberam , libertus conjungatur libertae & fervus ancilla»i Si vero qiiilpiam horum fibi non congruentem & prafta.miorem fiüÈat uxorem s cum Vita» fuaj damno componat Ad. Ërem, Hijl. Ecl. lib. '1 , tap. ^»  dë la Monarchie Francoise. ncj Voici ce qu'il en dit : « La nation des Saxons » prife en général, comprend quatre ordres » différens ; celui des nobles, celui des hommes » nés libres, celui des affranchis, & celui des » ferfs. Leur loi défend même a ceux d'un » ordre d'époufer des perfonnes d'un autre » ordre. Elle veut qu'un noble époufe une » fille de 1'ordre des nobles, que 1'homme » libre époufe une fille de fon ordre que » 1'affranchi fe marie avec une arïranchie , & » le ferf avec un efclave. » Enfin la loi nationale des Saxoss condamné a mort , 1'homme qui auroit époufé une fille née dans un des ordres fupérieurs k celui oh il feroit né. Nous avons encore un capitulaire fait du tems de Charlema'gne , qui rend toute autre recherche inutile. 11 . eft dit duns ce capitulaire , fait dans 1'aiTemblée tenue k Aix-laChapelle en 797 (i)- *f Les Saxons {ont de" » meurés d'accord que dans le cas cii la peine » pécuniaire d'un Franc, doit être de douze » fols d'or, celle du Saxon noble fera de douze (1) Item placuit omnibus Saxonibus ut ubicunque Franci fecundum legem folidos duodecim folvere debent , ibi rïi bibores Saxones folidos duodecim , ingenui quinque, liti quatuor comp'jnant. Ëaliq. Cap. torn. 1 pag. t;7% H 4  110 DE L'ÉTABLISSEMENT » fols d'or, celle du Saxon né libre de cinq fols » d'or, & celle du Saxon affranchi de quatre » fols d'or. » Ce paffage , k mon fens, prouve également, & que les Saxons citoyens étoient divifés en différens ordres, & que les Francs ne 1'étoient pas. Si les Francs 1'euffent été, notre ftatut auroit égalé chaque ordre de Saxon a un ordre de Franc. Enfin, mon fentiment fur la conftitution de la fociété parmi les Francs, durant les premiers fiecles de notre moparchie, eft conforme k celui des écrivains francois ou étrangers , qui ont paffé pour être les plus fcavans dans 1'hiftoire des premiers tems de cette monarchie. M. de Valois après avoir dit que les Saxons & les Frifons étoient divifés en plufieurs ordres, ajoute (i) :«II y.avoit auffi trois ordres ( i ) Apud Anglos quoque & Verinos gentes Germam* , tres erant hominum ordines , Adaiingorum id eftnobilium, hberorum .&fervorum. At in lege falica nobiUum nulla fit mentio, non quod apud Francos null, nobiles viri Sc honorati effent, fed quia nobilium nullus ordo erat a populo feparatus. Nobilitatis nullum in regno Francorum corpus a plebe diftinflum. Franci omnes in dU0S modo ordines clericorum & laïcorum dividebantur p0ftea procereS fuum fibi 5c a populo feparatum ordinem habere cceperunt ita ut primus ordo clericorum effet, fecundus procerum five nobi.  de la Monarchie Francoise. ui » différens de citoyens dans la nation des An» glois Sc" dans celle des Verins, qui étoient » des peuples Germaniques, celui des nobles, » celui des hommes nés libres, & celui des » affranchis. Au contraire , la loi falique ne » fait aucune mention des nobles , non point » qu'il n'y eut parmi les Francs des families » illuftres, Se" pour lefquelles on avoit une » confidération particuliere , mais paree qu'il » n'y avoit point dans cette nation un ordre » de nobles , diftina & féparé du refte des » citoyens. La feule divifion qui eut lieu » parmi les Francs, étoit celle fuivant laquelle » ils étoient partagés en eccléfiaftiques & en » laïques. » A une page de-la , M. de Valois, dit, en parlant de ce qui s'eft paffé dans la monarchie Francoife , après que les différentes nations dont fon peuple étoit compofé eurent été confondues fous les derniers rois de la feconde race , Sê fous les premiers rois de la troifieme : « Dans la fuite des tems, les nobles » commencerent a faire un ordre diftirja &c ham, tertius populi feu collegiorum ck univerfitatum iirbium regni ut docet appendix chronici Guillelmi Nangiacenus in rebus anni millefimi trecentefimi tertii , quem Gerfo nunc tripücem fratum principalem , nunc tres flatus appellat. VaUf. Not. Gall. pag. 48} & 486.  ut de l'Établissement » féparé du refte du peuple , de maniere qivil m fe trouva enfin trois ordres dans le royaume; »> celui du clergé , celui de la nobleffe, & » celui des communautés ou communes des » bonnes villes.» M. Hertius le pere, un des plus célebres jurifconfultes d'Allemagne , en matiere de droit public, écrit dans fa notice de l'ancien royaume des Francs , concernant l'état.des citoyens de cette nation ( i ) : « Les Francs (i) Atque hac in re Franci diverfum habuerunt morem a caireris Germanis qui dtftinguebantur in nobiles, ingenuos , libertos , ut alibi docuimus. At in lege falica nobilium nulla fit mentio , non quod apud Francos nulli nobiles viii honorati effent, fed quia nobilium nullus ordo erat a populo feparatus , nobilitatis nullum in gente Francorum corpus a plebe diftin&um. ut optime obfervavit Hadrianus Valefius. Hanc elucubratam viri rerum Francicarum callentiffimi obfervationem , nuper impugnare aulus eft autor differtationis de Jure Feudorum. Objicit illi: confundere Valefium ordines regni qui ad placita regum Francorum veniebant ,cum claflibus hominutn inregno viventium. Enim vero cives prascipue Kftimantur ex jure veniendi ad comitia 6k in üs fuffragia ferendi ut prudenüa civilis non docet. Deinde' oftendat ille nobis jaaitatam illam ciaffem in univerfo Francorum populo dc quo loquitur Valefius. Non r.egat hic feniores & majores fuiffe nobiles, fed certum ordinem in Francorum pa*  cë la Monarchie Francoise. 113 » n'étoient point divifés , ainfi que quelques » autres nations Germaniques , en nobles, en » hommes nés libres, & en affranchis. En effet, » il n'eft fait dans la loi falique aucune mention » de nobles, non point paree qu'il n'y eüt pas » dans la nation des perfonnes nobles 6c hono» rabks, mais paree que ces perfonnes ne com* w'pofoient point un ordre féparé du refte des » citoyens, paree qu'il n'y avoit point dans » la nation des Francs, comme 1'obferve tres» bien Adrien de Valois , un ordre de la no* kleffe diftingué de celui du peuple. L'auteur » de la differtation fur les droits des fiefs , ■» pubiiée depuis peu, ofe attaquer cette ob» fervation de M. de Valois , fi digne d'un » homme profondément fcavant dans 1'hiftoire pulo confthuiiïe negat, & in hac re diverfum a quibufdam Germania; populi's morem habuiffe Francos afl'erit, nam quilibet ingenui etiam ex 'plebe , fi fortiter egiffent vel prudentias fpecimen dediffent, poterant fienmajores velfeniores. Ingenui autem erant quimïüa originis aut fervitutis macula inquinabantur. Hincapud Theganum de Gefiis Ludovici Pii, capite quadragefimo quarto. Ftcït te liberum non nobilem quod impojfibile eft poft libertaum, & apud Gregorium Turonenfem in vi;is patrum capits nono , ingenuus diftinguitur ab iilis qui ïiobilitate fubümes. Joanms Herlik N'Jt'uia Regni Franeorum veteris } tap. tertio,  H4 de l'Établissement » de France. Notre critique reproche a M. de » Valois, d'avoir avancé fautTement que tous » les Francs libres fuffent du même ordre , en » fe fondant mal-a-propos fur ce que dans les » affemblées repréfentatives de la nation, ils w n'étoient pas divifés en des ordres différens. » Or , fuivant le même critique , cela ne » prouve point que les Francs ne fuffent point » partagés en différens ordres, ainfi que 1'étoient » les citoyens d'autres nations Germaniques. » Mais ce critique ne fait point réflexion que » rien ne donne mieux a connoitre quelle eft » la condition des fujets dans un état , que, »> 1'ordre qui s'obferve dans les affemblées » générales du peuple de l'état. D'ailleurs, » que notre critique , montre par quelque » preuve pofitive, que la diftinction d'ordres , » ait jamais eu lieu dans la nation des Francs, » qui eft celle dont parle M. de Valois. II » feroit inutile de prouver contre eet écrivain » célebre , que les finieurs &C les maïeurs étoient » nobles , a prendre ce mot dans le fens d'illuf» t>-e,de relevé, d'homme qui eft au-deffus des » hommes du commun. II en tombe d'accord. »> Ce qu'il nie , & ce qu'on ne fcauroit lui » montrer, c'eft que les perfonnes nobles fiffent » parmi la nation des Francs , une claffe a » part, & un ordre féparé de 1'ordre du fimple  de la Monarchie Francoise. ïi$ » peuple, ainfi qu'elles en faifoient un parmi » d'autres nations Germaniques. En cela , » 1'ufage des Francs étoit différent de 1'ufage » de ces nations, comme le fait voir M. de » Valois. Parmi les Francs, tous les citoyens » nés libres , quoique de la lie du peuple , » pouvoient par la valeur & par une bonne » conduite , parvenir au grade de fénieur & » de mauur. Que les Francs ne miffent une » grande différence entre ceux de leurs con» citoyens, qui étoient nés libres, ck ceux qui » étant nés efclaves, avoient eu befoin d'être » affranchis pour devenir citoyens , on n'en » feauroit douter. II paroit même en lifant » Théganus, que les citoyens nés libres étoient » quaüfiés de nobles dans 1'ufage du monde. » Cet auteur qui a écrit 1'hiftoire de Louis» le-Débohnaire , dont il étoit contemporain , m y fait dire par un de fes acteurs : // vous a » rendu libre,mals Une fcauroit vous faire noble, » paree qu'on ne fgauroit jamais faire un noble » d'un homme qui a été ferf. » II faut donc conclufe.que dans la nation des Francs, il n'y avoit aucunes families de citoyens , qui, en qualité de nobles , formaffent un ordre particulier , & au fang defquelles il y eüt des prérogatives ck des droits tellement attachés, qu'ils s'acquifTent par la feule fiiiation.  H6 de l'Établissement La conftitution de la fociété dans la nation des Francs, étoit k eet égard la même qu'elle eft encore aujourd'hui dans le royaume d'Angle- terre. Après avoir vu quelle étoit la loi des Francs, voyons quelles étoient les perfonnes prépofées pour la faire obferver. Les rois auffi jaloux d'exercer par eux-mêmes le pouvoir civil que le pouvoir militaire , faifoient fouvent les fonöions de premier magiftrat, On en verra une infinité de preuves dans la fuite. II paroït même par le capitulaire de Childebert II , qu'on n'exécutoit aucun citoyen a mort que la fentence de fa condamnation n'eüt été rendue, ou du moins confirmée par le Prince. II eft dit dans ce capitulaire : « en conféquence » de la réfolution prife dans le champ de mars » tenu a Cologne , nous avons ordonné que » dès qu'un jugé aura connoiffance d'un vol » commis dans fon reflort, il fe tranfportera » a la demeure du malfaiteur & qu'il s'en » affurera.Si le voleur eft de condition libre, » il fera traduit devant nous; mais s'il eft de » condition ferve , il fera pendu fur les lieux.» Ceux qui commandoient aux Francs, immédiatement fous les rois, s'appelloient feniores ou les vieillards. Ces fénieurs, s'il eft permis d'employer ici un mot qui n'eftplus en ufage  de la Monarchie Francoise. 117' parmi nous , que pour iignifier les anciens de quelques compagnies, étoient a-la-fois les principaux officiers du roi , tant pour le civil que pour le militaire. « Parmi les Germains , » dit M. de Valois ( 1 ) , on appelloit les (1) Apud Germanos feniorum qui honores gefferant & pace ac bello inclaruerant, maxima erat autoritas. Eorum prscipuè confilio refpublica gerebatur. Hi fi quid adveniffet evocati convenire & a regibus confuli ac liberè dicere fententiam confueverant. Caius Cajfar in quarto Commentariorum de Ufupetibus & Tenfteris Germanis gentibus Rheni accolis, fic fcribit. Germani frequentes omnibus principibus majoribufque natu adhibitis, ad eum in caftra venerunt.... Apud Francos gentem Germania: ficuti apud cseteros Germanos feniores five majores, natu erant atque vocabantur qui poftquam civües aut militares magiftratus gefferant aut in palatiomilitaverant,jamut state fic dignitate provefti , pars in urbibus regni FranciaJ, pars in villis fuis agebant tanquam emeriti atque veterani. His magnus ab omnibus honor habebatur. Hi comitum &C ducum jus dicentium, hi regum noftrorum confiliarii atque adfeffores ac conviva: erant. . . . Concilium in urbe Arvernis habitum eft confenfu regis Theodeberti poft canfulatum Paulini junioris, anno Chrifti quingentefimo trigefimo quinto , cujus canon decipms quintus , fenioribus , Francis feu majoribus natu qui in villis fuis vel in aula commorantur preecipit, natalem Domini , Pafcha & Pentecoften in fua quemque urbe & apud fuum quemque epifcopum celebrare. Fjl. Not, Gull. ad voc. Rothomagum , pag. 484.  I2§ DE L'ÉTABLISSEMENT » fénieurs ceux qui avoient rempli les princi» paux emplois civils ou militaires , & ils » avoient beaucoup de part au gouvernement; » lorfqu il arrivoit quelqu'événement, le roi » lesmandoit, & ils lui difoientleur avis en » toute liberté. On lit dans les commentaires » de Céfar, que les Uiïpetes & les Tendterés, » deux nations Germaniques qui habitoient fur » les bords du Rhin, vinrent le trouver, ayant » a leur tête leurs anciens & lesperfonnes prin» cipales de chaque nation. M. de Valois » ajoute i « Parmi les Francs qui étoient un » peuple Germanique, on appelloit donc les » fénieurs ceux qui ayant occupé les pre» miers emplois , foit dans les armées , foit » dans le gouvernement civil, foit a la coup, » & (e trouvant avancés en age & décorés » en même tems , demeuroient ou dans les » villes de la domination des rois des Francs, » ou bien dans leurs propres métairies, comme » des perfonnes a qui leurs travaux paffés » avoient acquis le droit de jouir d'un repos » honorable. Ils étoient en grande confidéra» tion , &c ils fervoient de confeillers aux » ducs comme aux comtes lorfqu'ils rendoient » la jufiice, & de miniftres a nos rois, a la » table defquels ils mangeoient. » L'auteur que je continue de traduire, rapporte enfuite des  de la Monarchie Francöïse. 119 des endroits de notre hiftoire, oh il eft.fait fnention de plufieurs de ces fénieurs; après quoi il dit : « Dans un concile tenu a Cler* » mont, en 535 , fous le bon p'aifir du roi » Théodebert, il fut ordonné par le cinquieme » canon : que les fénieurs des Francs & les » anciens qui fe trouveroient dans leurs cha» teaux ou bien a la fuite de la cour, feroient » tenus a paques, k la pentecóte & k noël, de » fe rendre chacun dans la ville capitale de » la cité ou il étoit domicilie, pour y célé» brer ces fêtes avec fon évêque.» Voila , fuivant Fapparence, ce qui a fait penfer k M, de Valois , que ces fénieurs fuffent ce qu'on appellé des vétérans ou des officiers retirés, que le roi mandoit dans les occafions; pour prendre leur avis» On voit par la vie de faint Faron, évêque de Meaux, dans le feptieme fiecle, que nos fénieurs avoient alors des fupérieurs qui s'ap- e pelloient archi-fénieurs. Les fénieurs ayant été multipliés par tous les événemens qui multiplient les chefs fubalternes d'une nation, ils n'auront pas pu rendre tous compte au prince lui-même , ou k 1'officier prépofé par lui, de la portion du gouvernement dont ils étoient chargés. Une partie des fénieurs reftoit auprès d« Terne I, l  130 DE L'ÉTABLISSEMENT roi pour lui fervir de confeil, tandis que l'autre demeuroit dans les provinces pour gouverner les Francs , établis-dans un certain diftritï. Chacun de ees chefs ou gouverneurs, avoit fous lui , fuivant 1'ancien ufage des Germains (1), une efpece de fénat, compofé de cent perfonnes choifies par les citoyens de ce département. Ces centenaires, dont il eft parlé fréquemment dans les loix nationales des barbares & dans les capitulaires ( 1) , aidoient leur fupérieur de leur avis , & ils faifoient mettre fes ordres en exécution. Lorfque les Francs étoient commandés pour marcher en campagne , le même officier, qui faifoit les fonófions de juge durant la paix, faifoit celle de capitaine durant la guerre , & il avoit alors fous lui, les mêmes fubalternes qui fer- ( 1 ) Eliguntur in iiïdem conciliis & principes qui ,jura per pagos vicofque reddant. Centeni fingulis ex plebe comités confihum & autoritas adfunt. Tacitus de Mor. Germ. (2) Si quis centenarium comitum noluerit ad prindendum adjuvare. Capit. Chil. ann. 495 , articul. 9. Hoe convenit ut tunginus vel centenarius mallum indicent. Cap. anni 798, art. 48. Ut judices , vice domini, prapofiti, advocati, centenarii boni & veraces & manfueti cum comité & populo eligantur. Cap. ann. 80p , art. 22.  de la Monarchie Francoise. 131 voient fous lui dans les quartiers. Ils lui étoient également fubordonnés dans fesfonctions militaires, & dans fes fonöions civiles. Les Francs avoient deux affemblées , le champ de mars &C le mallus ou mallum. Sous le regne de Clovis, & fous celui de fes prédécelfeurs, le champ de mars étoit une affemblée annuelle & générale de tous les Francs qui obéifibient au même roi, & dans laquelle ils prenoient fous la direcfion de leur prince , toutes les réfolutions qu'il convenoit de prendre pour le bien général de la tribu. Cette affemblée s'appelloit le champ de mars , paree qu'elle fe tenoit dans le mois de mars. Comme la faifon pour entrer en campagne arnve peu de tems après, 1'ardeur que les Francs emportoient du champ de mars , n'avoit point le tems de fe refroidir. Cependant les Francs ne laiffoient point d'avoir encore après la tenue de cette affemblée , le loilir de préparer leurs armes, & d'amaffer les vivres néceffaires a leur fubfiftance. Chaque foldat comme chaque officier, étoit alors obligé de pourvoir a la lienne quand il étoit a Farmée. Voila. ce qu'étoit le champ de mars, avant que Clovis eüt réuni toutes les tribus des Francs fous fon gouvernement , & qu'il les eüt établies dans les Gaules. On voit bien que lorfque tous I 2  'Ï31 de l'Ètablissement les Francs furent devenus fujets de Clovis, & qu'ils eurent été difperfés dans les Gaules, il n'étoit plus polfible de les affembler chaque année, & de délibérer des affaires importantes dans un confeil fi nombreux. Voici un paffage d'un des continuateurs de la chronique de Frédégaire , ou il s'agit de la guerre que Pepin eut contre les Aquitains, & qui nous apprend quelle forte d'affemblée étoit le champ de mars a la fin de la première race & au commencement de la feconde (i). « En 1'année 766, dit vt eet auteur , Pepin affembla 1'armée des » Francs, ou, pour mieux dire , 1'armée des » nations , qui compofoient le peuple de la » monarchie, & il s'avanc^ jufqu'a Orléans. » La, il tint fon confeil de guerre, en forme » de champ de mai: car ce prince eft le pre- ( t ) Evoluto igitur anno commoto omni exercitu Francorum vel plurium nationum quae in regno fuo ■commorabantur, ufque Aurelianis veniens ibi placitum fuum campo madio quod ipfe primus pro utilitate Francorum inftituit, tenens mukis muneribus a Francis & proceribus fuis ditatus eft. Chr. FieJeg. contiiu ad ann. 766. Anno feptingentefimo o£luagefimo nono. Carolus rex una cum Francis feu caeteris genttbus in patriam Wilciorum hoftiliter perrexit. Annal, Fr. Du Chef, tom.fecundo , pag, 6,  de la Monarchie Francoise. ijJ ») mier qui ait remis au mois de mai 1'alTemw blée qui devoit fe tenir au mois de mars, » Tous les Francs & tous les grands de l'état, » lui firent la des préfens confidérables. » Rien ne montre mieux, combien 1'effence du champ de mars étoit changée, que d'y voir entrer des officiers de toutes les nations fujettes de la monarchie. Mais comme elles fervoient toutes nos rois dans les guerres fur le même pied que celle des Francs, il falloit que les généraux nationaux fuffent du confeil de guerre. Quant au mallus que nous appellerons, quoiqu'un peu abulivement les ajjifes , elles fe tenoient par les officiers prépofés a eet effet, & qui alloient de contrée en contrée, rendant la juftice dans tout un canton. Quand les tribus des Francs habitoient encore au-dela du Rhin, tk quand chaque tribu ne jouiffoit que d'un petit territoire oh il ne fe trouvoit que des citoyens de cette nation; il n'y avoit qu'une compagnie de judicature, qu'une cour de juftice dans chaque royaume. Mais lorfque la nation réunie en deux tribus, fe fut répandue dans les Gaules, il y eut apparemment dans chaque quartier de Francs, une femblable compagnie, qui fe tranfportoit fucceffiveraent dans les différens lieux de fort 1 3  134 ce l'Établissement diftrifl:, pour y rendre juftice aux Francs , qui avoient des conteftations avec d'autres Francs. . On voit par les capitujaires , que cette affemblée étoit iédentaire du tems des rois de la feconde race, & qu'elle avoit des tribunaux fixes , oh elle rendoit la juftice a des jours marqués. Je reviens a la condition des Francs , fous Clovis, & fous fes premiers fucceffeurs. Nous avons vu que quelques-uns entroient dans l'état eccléfiaftique , que d'autres , qui poffédoient les terres faliques , étoient proprement enrölés dans la milice du royaume , que d'autres rempliffoient les places les plus importantes du gouvernement , que d'autres entroient dans les emplois municipaux. Quant au refte des citoyens, il vivoit, ou de fon bien, ou de fon induftrie. En effet, comme on ne voit pas qu'il y eüt alors de troupes réglées compofées de Francs; la folde du prince n'étoit point comme elle 1'eft aujourd'hui , une reffource toujours préte pour ceux qui n'ont point un patrimoine fuffifant a s'entretenir, & qui cependant ont de Féloignement pour les profeftions lucratives. Les terres faliques qui fe partageoient entre tous les enfans males du dernier poffeffeur, n'enrichiffoient pas toujours ceux qui étoient appellés a ces bénéfices  de la Monarchie Francoise. 135 militaires (1). On prétendmême qu'en certains cas , les filles pouvoient être appellées a partager les terres avec leurs freres. Ainfi je ne fais aucun doute, que les Francs, fur - tout ceux qui demeuroient dans les villes , n'y exercaflent toutes fortes de profeffions. Ils fubfiftoient dans les Gaules , a - peu - prés comme ils avoient fubfifté dans les bourgades de 1'ancienne France ou de la France Germanique. Cette nation n'étoit point affez malheureufe dans les tems qu'elle habitoit encore fur la rive droite du Rhin, pour n'être compofée que de gentilshommes ou de citoyens, qui n'euflent d'autre métier que celui de faire la guerre. Comment auroit - elle fubfifté ? II falloit donc que dès - lors, une partie des Francs fiffent leur principale occupation , les uns de labourer la terre , les autres de nourrir du bêtaü , ck les autres des arts qui font néceflaires dans toutes les fociétés, même dans celles ou le luxe n'eft pas encore connu. Les guerres èk les acquifitions de Clovis auront bien fait quitter pour quelques années a la ( 1 ) De terra vero Salica, nulla portio hasreditatis tranfit in mulierem , fed hoe virilis fexus acquirit, hoe eft filii in ipfa hsreditate fuccedunt. Eccard. Leg. Sal. pag. 107. I 4  '13^ de l'Établissement plupart de nos Francs, leurs emplois ordinaires, pour venir chercher fortune dans les Gaules. Mais quand la guerre aura été finie, quand il n'y aura plus eu moyen de fubfifter de fa folde & de fon butin , il aura fallu que tous ceux qui n'avoient point amaffé un fonds de bien fuffifant a les faire vivre fans travailler , retournaiTent k leur première profeffion. Du moins, leurs enfans 1'auront reprife. Les conquêtes de Clovis n'enrichirent pas tous les Francs , paree que ce prince ne fit point ce qu'avoient fait les rois des Vifigots, ceux des Bourguignons & ceux des Offrogots, qui, lorfqu'ils s'établirent dans les Gaules & dans FItalie, öterent k Tanden habitant du pays , une partie de fes terres, pour la diftribuer entre les barbares qui les fuivoient. Les Francs auront donc fait dans les Gaules , ce qu'avoient fait les autres barbares qui s'étoient établis avant eux fur le territoire de Fempire ( t). Orofe qui vivoit dans le cinquieme fiecle, dit de ces barbares, qu'après s'être convertis k la religion chrétienne, ils avoient ( i) Poft hoe quoque continuo Barbari execrati g'iadios fuos ad aratra converfr funt , refiduofque Romanos ut focios & amicos fovqnt ut, Qrof« fit. 7 , Cap. 28,  de la Monarchie Francoise. 137 remis 1'épée dans le fourreau pour fe mettre a labourer, & que dans le tems qu'il écrivoit, ils vivoient avec les Romains échappés au carnage des dernieres guerres , comme des concitoyens. Procope nous a appris quelle étoit*la nation des Bourguignons, dans quelle contrée des Gaules elle s'étoit établie, & commentelle paffa fous la domination de nos rois. Quoiqu'il ne dife point dans 1'endroit de fon hiftoire oü il raconte eet événement , qu'un des articles de la capitulation des Bourguignons avec les rois des Francs, ait été que les Bourguignons ne feroient point incorporés dans aucun autre peuple , mais qu'ils demeureroient toujours en forme de nation diftinfte des autres qui continueroit a vivre fuivant fa loi particuliere , on doit fuppofer néanmoins que cette capitulation contïnt quelque ftipulation pareiile. En effet, les Bourguignons fubfifterent en forme de nation féparée , jufques fous les rois de la feconde race. Après la bataille de Tolbiac , une partie des Allemands s'étant foumife a Clovis, ce prince voulut bien la laiffer" en poffeflion des pays qu'elle occupoit depuis plufieurs années, entre la rive gauche du Rhin èc le lac Léman; mais une autre partie des Allemands s'étant réfugiée  I38 DE l'ÈtABLISSEMENT dans les contrées de Fobéiffance de Théodoric, ce roi des Oftrogots en avoit tranfplanté une portion dans les gorges des Alpes , ouvertes du cöté de 1'Italie , 6c il avoit établi l'autre portion dans les pays qu'il tenoit entre le Danube, les Alpes 6c la montagne Noire. II eft trés - apparent que la partie des Allemands , qui fe foumit a Clovis après la bataille de Tolbiac , embraffa la religion chrétienne dès ce tems-la. Quant aux Allemands qui s'étoient donnés k Théodoric après la bataille de Tolbiac, & dont une portion fut tranfplantée en Italië, • & l'autre dans la Germanie , ils devinrent fujets des rois Francs fous les enfans de Clovis» La première de ces colonies, doit avoir été foumife fous le regne de Théodebert & fous ' celui de Théodebalde. Si Fon peut douter de la deftinée de cette première colonie , on fait du moins pofitivement le fort de la feconde, de celle qui avoit été tranfplantée dans la région de la Germanie , qui eft entre la montagne Noire, les Alpes 6c le Danube. Elle paffa fous la domination des rois Francs. Quoique le gros des Allemands füt établi dans le pays affecfé a 1'habitation de ce peuple, il ne laiffoit pas d'y en avoir néanmoins qui s'habituoient ailleurs. C'eft cequi devoit arriver  de la Monarchie Francoise. 139 fuivant le cours ordinaire des chofes, & c'eft aulfi ce qui arrivoit fouvent. En effet, nous voyons par la loi ripuaire , qu'il y avoit dans ie pays tenu par les Ripuaires, des FrancsSaliens, des Bourguignons, des Allemands , & des citoyens des autres nations. Nous ne parierons point des Vifigots, paree qu'il ne paroit point clairement qu'aucun effaim de cette nation , fe foit foumis a nos rois, & qu'il ait , ainfi que le firent les Allemands & les Bourguignons, pris le parti de continuer a vivre dans les quartiers qu'il avoit fur le territoire des Gaules, lorfque les contrées oü étoient ces quartiers , pafferent fous la domination des rois Francs de la première race. Toutes les fois que les Francs auront conquis un pays fur les Vifigots, les Vifigots qui habitoient dans ce rJays - la , fe feront retirés dans les provinces. qui demèuroient fous Fobéiffance du roi de leur nation , comme Procope obferve qu'ils le firent quand la poftérité de Clovis conquit fur eux pour la feconde fois, la partie des Gaules, qu'ils avoient reprife après la mort de Clovis (1). (1) Qui dadi fuper fuerant ex Gallia cum uxoribus liberifqüe egrefli in Hifpaniam ad Theudim jam palam Tyrannum fe receperunt. Proc. de Bell. Goth. lib. pr. cap. 13.  140 de l'Établissement Procope dit, en parlant de eet événement : « les Vifigots , échappés a la fureur des armes , » abandonnerent le pays , emmenant avec eux » leurs femmes & leurs enfans, & ils fe reti» rere.nt dans les états de Theudis, qui déja » s'étoit fait proclamer rok » Les rois Vifigots , maitres de 1'Efpagne & d'une portion des Gaules, avoient intérêt d'accueillir ceux de leur nation qui fe réfugioient dans leurs états. Tous les rois Barbares dont nous parions, devoient être plus foigneux encore d'acquérir pour fujets, des hommes de leur propre nation , que de réunir des arpens de terre a leur domaine. On voit bien pourquoi. Si 1'on trouve que dans quelques diftriefs de la première Narbonoife, on fuivït encore dans le neuvieme fiecle la loi nationale des Vifigots, c'eft que la province dont il s'agit, étoit demeurée au pouvoir des Vifigots jufqu'au huitieme fiecle qu'elle fut conquife fur eux par nos princes de la feconde race, qui n'auront pas voulu öter a leurs nouveaux fujets, la loi fuivant laquelle ils vivoient depuis long-tems. En effet, la loi des Vifigots étoit alors devenue dans les pays qu'ils tenoient, la loi des Romains mêmes. Ainfi je ne crois point que ce foit des Vifigots, mais bien des Romains qui habitoient  de la Monarchie Francoise. 141 le pays des Vifigots, &c que Clovis conquit fur ces derniers , qu'il faut entendre ce qifi fe trouve dans la loi Gombette(i). « Si quelque » homme libre qui aura été fait captif par les » Francs dans le pays tenu par les Vifigots , » fe réfugié dans le pays tenu par les Bour» guignons, & qu'il veuille s'y établir, il y » pourra vivre libre fous la protection des » loix.» Auffi obferve-t-on que la loi nationale des Vifigots, n'eft point connue dans la loi mondaine , ou dans le recueil des loix nationales , fuivant lefquelies tous les fujets de la monarchie étoient gouvernés fous nos rois des deux premières races. Les Bavarois s'étoient foumis a Clovis, immédiatement après la bataille de Tolbiac , k des conditions , en vertu defquelles ils devoient continuer k fubfifter, en forme d'une nation diftinöe & féparée des autres nations, fujettes de la monarchie des Francs. L'habitation ordinaire de ces Bavarois étoit fur la droite du Rhin, Sc voifine de celle des Alle- ( 1 ) Quicunque ingenuus de Goihia captivus u Francis , in noftram regionem venerit , & ibidem habitare voluerit, ei Ucemia non negatur. Lex, Bur. AddM fecundO) art, $\  142 DE L'ÉTABLISSEMENT mana's, mais plufieurs citoyens de la nation do!it nous parlons prélentement , s'étoient apparemment tranfplantés en différentes contrées de la Gaule. C'eft ce qui paroit en lifant la loi ripuaire, qui condamné celui des Ripuaires , qui auroit tué un Bavarois établi dans leur pays, a une peine pécuniaire de cent foixante fols d'or. Outre les nations Barbares dont nous venons de parler, il y avoit encore dans les Gaules une peuplade de Teifales , & une peuplade de Saxons. L'une & l'autre y étoient établies dès le tems des empereurs Romains , & elles y fubfifterent l'une & l'autre fous la même forme, long-tems après que les Gaules furent paffées fous la domination de nos rois. Nous avons vu que le peuple de la monarchie fe divifoit premiérement en Barbares & en Romains, que les principales nations barbares étoient les Francs dits 3bfolument, les Ripuaires , les Bourguignons , les Allemands & les Bavarois , qui tous avoient leur loi particuliere fuivant laquelle ils vivoient. Nous avons auffi parlé des étrangers qui ne faifoient point un corps confidérable , & qui fe trouvoient établis dans le territoire de la monarchie , comme les Teifales, les Saxons & les Bretons infulafres. Nous allons maintenant  de la Monarchie Francoise. 143 tlonner une idee de l'état & gouvernement général des Gaules fous Clovis & fes premiers fucceifeurs. CHAPITRE VI. Du gouvernement général fous Clovis & fes pre* miers fucceffeurs. Des évêques , des grands de fétat. Loix anciennes & fondamentales confervêes. La divifion des trois ordres établie par les Romains ) fubfijloit encore fous nos rois. Du gouvernement particulier ct chaque cité ,fon fénat , fa milice. Ereclion des communes. Municipalités. Droit des armes. Guerres que les cités fe dêclaroient entr'elles. Alliances qu elles contracloient, C omme 1e préjugé vulgaire eft que Clovis, après avoir conquis les Gaules l'épée a la main , les gouverna durement , & même qu'il y réduifit les anciens habitans a une condition approchante de la fervitude, attribuant d fes Francs une autorité fur le peuple Gaulois , avec une diflinclion formelle , telle que du maitre a tefclave; ( Boulainv. Origine & droits de Ia noblelfe, pag. 14.)  t44 dé l'Établissement Je cfols devoir obferver en premier lieu que Clovis , comme on 1'aura remarqué , n'a rien conquis dans les Gaules fur les Romains , en fubjuguant par force les anciens habitans du pays, fi 1'on en excepte ia cité de Tongres , & tout ce que Syagrius pouvoit tenir dans le voifinage. Nous ignorons même fi 1'mclination des Romains pour Clovis n'eut point de part a ces conquêtes. Ce fut enfuite par voie de négociation que le prince dont il s'agit , étendit fon royaume d'abord jufqu'a la Seine, ck puis jufqu'ala Loire. Or, le premierarticle de toutes les capitulations ou conventions quife font dans ces changemens de maitres, portent que le nouveau fouverain maintiendra fes nouveavrx fujets dans la jouiffance de tous leurs biens, droits, privileges & libertés. On a vu auffi , que lorfque Clovis conquit les deux Aquitaines, & quelques contrées voifines de ces provinces fur les Vifigots, il étoit appellé par les Romains du pays , qui ne contribuerent pas peu au fuccès de fes armes. Ainfi, quand nous n'aurions plus la lettre qull écrivit aux évêques après la fin de la guerre, il faudroit encore penfer que ce prince ne dégrada point les Romains de ces provinces. Le traitement qu'il avoit fait k ces Romains, fes fils 1'auront  de la Monarchie Francoise. 145 Pauront failraux Romains des provinces qu'ils conquirent fur les Bourguignons, & aux habitans de celles que les Oftrogots leur remirent vers 537. L'hhtoire ne rapporte rien de contraire, Elle ne dit en nul endroit que ces Romains aient fait aucun effort, qu'ils aient fait aucune démarche, pour ne point paffer fous !a domination de maitres, qui réduifoient les Gaulois en fervitude. II y a plus : Grégoire de Tours dit pofitivement que toutes les Gaules fouhaitoient, fous le regne de Clovis, d'être au pouvoir des Francs. J'obferverai fecondement, que Clovis lorfqu'Anaffafe lui conféra la dignité de conful étoit déja maïtre de prefque tous les pays qu'il poffédoit quand il mourut. L'empereur des Romains d'Orient , auroit - il revêtu de fon autorité un prince qui eüt perfécuté les Romains ? Juffinien , lorfqu'il tranfporta aux enfans de Clovis tous les droits de l'empire fur les Gaules, n'eüt - il pas exigé d'eux, en leur faifant cette ceffion, de laiffer jouir les Romains de cette grande province, de leur état & condition, s'ils y eufient été troublés? Le filence de Procope a ce fujet, devroit feul nous perfuader que Juffinien, content du traitement que les Francs faifoient aux. Romains des Gaules, ne ftipula rien quant a ce point-3a. Tornt I, KL  146 DE L'ÉTABLISSEMENT J'alléguerai encore un autre préjugé. Nous avons plufieurs lettres écrites par les rois Mérovingiens aux empereurs de Conftantinople , & 1'on peut juger par ces lettres du contenu des dépêches, auxquelles elles fervoient de réponfe. Or, 1'on n'y voit point que les Romains d'Orient fe foient jamais plaints du traitement que les Francs faifoient aux Romains d'Occident. Théodebert dans la lettre ou il juftifie la mémoire de Clovis contre les reproches de Juffinien, ne dit rien d'oii 1'on puiffe inférer que Juffinien eüt accufé Clovis ni fes fucceffeurs, d'avoir manqué aux conventions qu'ils avoient faites avec les Romains des Gaules. L'idée générale qu'on doit fe faire de l'état des Gaules fous Clovis, & fous le regne de fes fils &c de fes petits - fils, c'eft qu'au premier coup d'ceil, eet état paroifioit a-peu-près le même qu'il avoit été fous Honorius &c fous Valentinien IIle. Le plus notable changement qu'on put remarquer dans cette grande province de l'empire , ou Fon étoit accoutumé depuis long-tems a voir des troupes barbares en poffeffion de quartiers ftables , & des officiers barbares dans tous les emplois militaires; c'étoit d'y voir un prince étranger exercer les fon&ions non»feulement du maïtre de la milice,  de la Monarchie Francoise. 147 mais encore celles de préfet du prétoire, ceux de fa nation entrer dans les emplois civils, & le même officier exercer a-la-fois un emploi civil & un emploi militaire. Quant au refte, la face du pays étoit la même. Les évêques gouvernoient leurs diocefes avec la même autorité qu'ils avoient ene avant que les Francs fuffent les.maïtres des Gaules. Tous les Romains continuoient a vivre fuivant le droit romain. On y voyoit les mêmes officiers qu'auparavant dans chaque cité. On y levoit les mêmes impofitions; on y doanoit les mêmes fpectacles ; en un mot, les mceurs & les ufages y étoient les mêmes que dans les tems oü Fon obéiffoit aux fouverains de Rome. Commencons par les eccléfiaftiques. L'églife des Gaules recevoit de nos premiers rois encore plus de prote£tion & de faveur qu'elle n'en avoit reen des empereurs Romains. Les rois Mérovingiens, les uns par piété, les autres pour fe conformer aux maximes que Clovis qui avoit eu tant d'obligation aux évêques devoit avoir laiffées dans fa familie, fe montroient zélés pour la propagation de la foi & pour les intéréts de l'églife. Quoique nos rois fuffent en poffefïion de juger en la forme qu'il leur plaiioit les plus grands de l'état, on voit cependant qu'ils lah> K z  Ï48 DE L'ÉTABLISSEMENT foient juger les évêques, même ceux qui étoient coupables du crime de lefe majeffé par leurs juges naturels , c'eft - a - dire par les conciles. Ce fut devant des conciles que les rois pourfuivirent Prétextat, évêque de Rouen, auflïbien que .Salonius , évêque d'Ambrun , & Sagittaire, évêque de Gap , lorfqu'ils voulurent faire faire le procés a ces prélats pour crime xle lefe majefté ( 1). Grégoire de Tours dit, que Chilpéric ayant appris que Prétextat for* moit un parti contre lui, il le manda a la cour, &c que 1'ayant trouvé coupable , il 1'envoya dans un lieu fur, en attendant que le concile par lequel il vouloit le faire juger füt affemblé. Notre hiftorien raconte même fort au long ce qui fe paffa dans ce concile qui fut tenu a Paris, & devant lequel Chilpéric fit le perfonnage d'accufateur. Dans un autre endroit, Grégoire de Tours dit que le concile qui fit le procés a Salonius, évêque d'Am- (1) Hls ita geftis audiens Chilpericus quod Praïtextatus Rhotomagenfis epifcopus contra utilitatem fuam populis munera datet, eum ad fe accerfiri pracepit. Quo difcuffo repperit cum eodem res Brunechildis leginas commendatas , ipfifque ablatis eum in exiiio ufque ad facerdotalem audientiam retineri prscepit. Gr. Tur. Hifi. lib. s, cap. ig&fuiv.  de la Monarchie Francoise. 149 brun, & a Sagittaire , évêque de Gap , les dépofa uniquement , paree qu'outre les autres crimes dont ils étoient atteints, & qui pouvoient être expiés par une pénitence , ils étoient encore convaincus du crime de lefemajefté. Ce fut donc paree que ces deux prélats étoient coupables de ce crime ( 1 ) , qui ne pouvoit point être expié par une pénitence canonique, qu'ils furent dégradés par jugement du concile. Je ne fcais pourquoi un de nos hiftoriens de France, des plus modernes, affede en rapportant ce paffage de Grégoire de Tours , d'omettre la circonftance : que les évêques trouvant Salonius & Sagittarius conVaincus du crime de lefe-ma'iefté , jugerent qu'il n'étoit pas en leur pouvoir d'adoucir la peine des coupables, en les condamnant feulement a quelques années de pénitence. Voici encore un exemple du refpecF que les rois Mérovingiens , qui gouvernoient leurs fujets fi defpotiquement, avoient néanmoins (1) Objiciunt eis crimina & non folum de adulteiüs, verum etiarn de homicidiis accufantur. Sed hasc per pcenitentiam purgari cenfentes epifcopi, illud eft additumquod effent rei majeftatis & patriae proditores. Qua de caufa ab epilcopatu difcinai. Ibid. capiu vigs- Citio oSava, K 3  I^O DE L'ÊTABLISSEMENT pour les canons (1). C'eft Grégoire de Tours qu'on va lire. « Promo.tus qui avoit été fait » évêque de Chateau-Dun a la requifition de » Sigebert, mais qui avoit été deftitué après » la mort de ce prince, & réduit aux fonc>* tions de fimple prêtre, paree que fon pré» tendu diocefe n'étoit réellement qu'une por» tion du diocefe de Chartres, vint trouver le » roi Gontran, pour fupplier ce prince de le » faire rétablir. Néan moins fur les repréfenta» tions de Papolus, évêque de Chartres, qui » foutenoit les droits de fa croffe, Promotus » fut débouté de fa demande , & tout ce qu'il » put obtenir, ce fut d'être réintégré dans la » jouiffance de'quelques biens fitués dans le f> voifinage de Chateau-Dun, & qui lui ap- (1) Pcomotus vero qui in Dunenfi Caftro, ordinanre Sigiberto rege , epifcopus fuerat inftitutus, & poft mortem regis amotus fuerat eo quod Caftrum iliud effet dicecefis Carnotense contra quem ita judicium latum fueratut presbyteti tantum officio fungeretur, acceffit ad regem d^precans üt ordinationem epifcopatus in ante difto Caftro reciperer. Sed obfiftente PappoJo Carnotens urbis epifcopo , ac dicente quia dicecefis tnea eft, oftendente praefertim judicio epifcoporum , nihil aliud potuit obtinere cum rege, nifi ea qua; fub ipfius Caftri termino propria habebat reciperet. Gr. Tur. hift. lib, 7, cap. iy.  de la Monarchie Franchise. 151 » partenoient en propre. «Ilya encore d'autres exemples d'éreftions de nouveaux fieges, fouhaitées par les rois , &C empêchées par 1'évêque intéreffé. Nous ne parierons point des conciles qui s'affembloient fouvent fous les rois Mérovingiens , ni de la difcipline eccléfiaftique qui s'obfervoit alors ; elle n'eft point de notre fujet. Ainfi nous nous contenterons de rapporter ce qu'on fait concernant le pouvoir & la confidération que les eccléfiaftiques avoient alors dans le monde. Nous ne parierons point d'eux en tant que miniftres da la religion , mais en tant que citoyens qui tenoient un grand rang dans l'état. Comme la plupart des évêques des Gaules ont été jufqu'au huitieme fiecle Romains de nation, ainfi que nous 1'avons déja dit, les auteurs qui prétendent que les. Francs euffent réduit les anciens habitans des Gaules en un. état approchant de la fervitude, prétendent en même tems, que les évêques aient eu trèspeu de crédit 'dans les affaires politiques fous les rois Mérovingiens, ck que ce n'ait été que fous le regne des rois Carlovingiens , que ces préiats aient commencé d'avoir une grande part aux affaires temporelles. En effet, fuppofé que ces préiats euffent aflez K 4  M2 de l'Établissement de faveur pour obtenir que le prince qui opprimoit leur nation, paffatpar-delfus les raifons politiques qu'il auroit eues de ne point permettre leur éledion , ils devoient avoir en même-tems affez de confidération pour rendre meilleure la condition de leurs freres & de leurs neveux. Ainfi, ces auteurs ne pouvant pas nier que les évêques des Gaules n'aient été Romains pour la plupart jufqu'au huitieme fiecle, ils ont pris le parti de dire que ce n'avoit été que fous la feconde race, que les évêques des Gaules avoient eu un grand crédit dans le royaume, & que 1'épifcopat devoit la fplendeur temporelle oii il étoit dans le neuvieme fiecle, a la dévotion des rois Carlovingiens, qui les premiers avoient appellé nos préiats a la geftion des affaires du monde. Rien n'eft plus faux que ce fyftême hiftorique. Jamais les évêques n'ont été plus puiffans & plus accrédités dans les Gaules qu'ils 1'ont été fous les rois Mérovingiens. On a vu les fervices que les évêques contemporains de Clovis rendirent a ce prince , & quelle reconnoiffance il leur en témoigna. D'ailleurs, continent auroit - il été pofiible que les évêques n'euffent point eu de part au gouvernement, quand ils avoient autant d'autorité dans leurs diocefes qu'on voit par les canons du concile  de la Monarchie Fra-ncoise. 153 d'Orléans , Sc de plufieurs autres qu'ils en avoient alors, Sc quand les rois avoient trèspeu de places fortes , Sc encore moins de troupes réglées ? Nos évêques avoient une jurifdiction abfolue fur le clergé féculier & régulier de leurs diocefes ; ils y étoient les difpenfateurs des biens des églifes déja richement dotées. Ils y étoient les maitres de livrer ou de protéger les criminels Sc les efclaves qui s'étoient réfugiés dans les afyles des temples du Seigneur; ils étoient les proteöeursnés des veuves Sc des orphelins , ainfi que des ferfs affranchis en face d'églife , dont ils héritoient même au préjudice du fifc : celui qu'ils avoient excommunié, ne pouvoit plus exercer aucun emploi de ceux que le prince conféroit, Sc il étoit fi bien regardé comme mort civilement (1), que fes héritiers femettoient en polfefiion de fes biens, ainfi que s'il eut été mort naturellement ; enfin , quand nos préiats avoient droit en vertu de la conftitu- ( 1 ) Qui vero epifcopum fuum noluerit audire & excommunicatus fuerit perennem condamnationem apud Deum fuftineat St infuper de palatio noftro fit omninb extraneus , & omnes facultates fuas parentibus legitimis amittat qui noluit facerdotis fui medicamenta fuftinere. Deer. Clüld.fecundi, art. a , Bal, Cap, torn. i, P*S' '7-  "t54 DE L'ÉTABIISSEMENT tion de Clotaire I (i), d'obliger en l'abfencé du roi les juges qui avoient rendu une fentence injufie a la réformer. Je ne dis fur ce fujet, qu'une partie de ce que je pourrois dire, paree que n'en difant point davantage , je ne laiffe pas d'en dire affez. D'ailleurs, il me faudroit répéter plufieurs chofes que j'ai déja écrites en d'autres endroits de eet ouvrage. Pour tout dire en un mot , les évêques faifoient une fi. grande figure dans la monarchie fous les rois petits-fils de Clovis, que ces rois eux - mêmes leur portoient envie en quelque forte. Au rapport de Grégoire de Tours (z) , il échappoit fouvent k Chilpéric I de s'écrier: « Notre fifc a été appauvri pour enrichir les » églifes. II n'y a plus dans les Gauies de vé» ritables fouverains que les évêques. La (1) Si judex aliquem contra legem injufte damna.verit in abfentia noftra , ab epifcopis caftigetur ut quod perpere judicavit verfatim melius difquifitione habita , emendare procuret. Sap. Balu{. torn. i , pag. 8. (2) Aiebat enim plerumque : ecce pauper remanfit fifcus nofter. Ecce divitiae noftrae ad ecclefias funt tranilata;. Nulli penitus nifi foli epifcopi regnant. Periit honos nofter & ttanflatus eft ad epifcopos civitatum. Haec aiens aflidue teftamenta , quae in ecclefias conferipta erant, plerumque difrupit. Greg. Tur. ffljl. lib. fexto , cap. quadragefimo fextg.  ce la Monarchie FRancoise; 155 » dignité royale s'avilit, & ce font les évêques w qui régnent réellement chacun dans fon » diocefe. » Auifi ce prince , ajoute 1'hiftorien, mettoit-il ordinairement le canif dans les teftamens favorables aux églifes, & laceroit - il ces aftes , lorfqu'ils lui étoient préfentés pour être confirmés. Une des meilleures preuves qu'on puiffe alléguer pour faire voir que le fouverain qui s'eft rendu maitre d'un pays, n'y a point dégradé les anciens habitans , c'eft de montrer qu'il les a laiftés vivre fuivant la loi de leurs ancêtres, qu'il a laiffé fubfifter parmi eux la différence entre les états & les conditions , laquelle avoit lieu avant qu'ils fuffent fous fon obéiffance; & nous allons voir que les rois Mérovingiens ont laiffé vivre les Romains des Gaules fuivant leurs anciennes loix ^ &. fuivant les ufages de leurs peres ; & les Romains des Gaules ont continué d'être divifés en trois ordres fous le regne de la première race , ainfi qu'ils 1'étoient auparavant. Le privilege de fe gouverner fous un nouveau fouverain, fuivant des loix qu'il n'a point faites & qui font plus anciennes dans le pays que fa domination, eft fi confidérable que les villes grecques k qui les Romains 1'avoient accordé, en faifoient mention dans la légende  1)6 de l'Établissement des monnoies qu'elles frappoient: elle s'y glorifient de leur autonomie. C'eft le nom qu'on donnoit en grec au privilege dont il eft icï queftion. Or les ordonnances des rois des deux premières races font foi que leurs fujets de la nation romaine vivoient fuivant le droit romain; & cette vérité eft encore confirmée par plufieurs faits atteftés dans des auteurs contemporains. En rapportant différens articles des loix nationales des habitans des Gaules, qui font foi que chaque nation y étoit jugée fuivant le code qui lui étoit propre, & le ferment par lequel nos rois promettoient a leur inauguration , que la juftice feroit rendue a chaque nation fuivant fa loi particuliere, nous avons prouvé déja que la juftice devoit être rendue aux Romains qui étoit une de ces nations , fuivant le droit romain. Mais outre cette preuve générale , nous en avons de plus particulieres. Vers 1'année 560, Clotaire Ier, qui, après avoir réuni a fon partage les partages de fes freres, étoit fouverain de toute la monarchie Francoife , publia un édit que nous avons encore, pour maintenir dans fon royaume la juftice t & pour y entretenir le bon ordre entre les différentes nations qui 1'habitoient.  de la Monarchie Francoise. 157 11 eft dit dans le préambule de cette ordonnance (1) : Clotaire, roi deiiFrancs , d tous nos officiers. « Rien n'étant plus convenable a nos » bonnes intentions , que de pourvoir en w même tems aux befoins des anciens babitans » de nos provinces, & a ceux de toutes les » nations dont nous fommes fouverains, que » de publier è eet effet un édit qui contienne » fous différens titres les régiemens néceffaires » pour aflurer la tranquillité de chacun de nos » fujets. Nous avons ordonné & nous ordon» nons par cès préfentes, &c. » On a déja remarqué que le terme de provinciales qui fe trouve ici dans, 1'édit de Clotaire , étoit le terme propre par lequel les empereurs défignoient les Romains habitans dans les provinces de la monarchie. Voilk pourquoi nous 1'avons rendu relativement aux Barbares nouvellement établis dans les Gaules par le terme d''anciens habitans. Dans le quatrieme article de eet édit, il eft ( 1) Clodacharius rex Francorum , omnibus agentibus* Ufus eft clementis principalis , neceflkatem provincialium, vel fubjeftorum ftbi omnium populorum provida follicitus mente traaare , & quae pro quiete eorum jufte funt obfervanda , indiaa in titulis conftitutiona confenbere. Chlot.Iiegis Conpthio generalis. Bal. Capita tom. 1 , pag. 7.  IjS DE L'ÉTABLISSEMENT ftatué expreffément (r) : « Toutes les contef» tations que les Romains auront les uns avec » les autres, feront décidées fuivant le droit « romain.» Enfin, Ie dernier article de cette ordonnance porte (z):« Tous nos juges auronï » fom de garder & de faire garder la préfente » conftitution. Ils ne rendront aucune fen» tence, & fous quelque prétexte que ce foit, » ils n'ordonneront rien qui donne atteinte a » ce qu'elle flatue concernant le droit romain., » ni qui foit contraire aux ufages pratiqués »> depuis long-tems parmi ceux de nos autres » fujets qui vivent fuivant leurs anciennes loix » nationales.» Un des ouvrages les plus précieux de ceux qui ont été compofés fous la première race & qui font venus jufqu'è nous, c'eft le recueil des formules pour les ades juridiques, alors en ^ (i) Inter Romanos negotia caufarum Romanis legibus prsacipimus terminari. Ibid. art. 4, O) Provideat ergo ft.enuitas univerforum judicum ut prscepüonem hanc fub omni obfervatione cuftodiant nee quicquam aliud agere , aut judicare quam ut haec prsceptio fecundum legem romanarum ferirm continet vel fecus quam quarumdem gentium populus juxta anuqu, juris conftitutionem olim vixiffe dinofcitur, fub al,qua temeritate prafumant. Ibid. art. decimo tertio & Not' P"S- 986 , torn. 2.  de la Monarchie Francoise. 159 ufage, & qui a été compilé par Marculphe, auteur qui vivoit dans le feptieme fiecle, & qu'on croit avec fondement avoir été un des officiers de la chancellerie des rois Mérovingiens. On trouve dans ce recueil des modeles de tous les inftrumens qui fe rédigeoient alors pour être les monumens authentiques & durables des affranchiffemens, des mariages,des donations,descollations d'emploi; en un mot, dé tous les aftes & contrats , qui fe font dans la fociété civile. Si plufieurs de ces formules font dreffées fuivant les loix nationales des Barbares établis dans les Gaules, il y en a d'autres qui font dreffées fuivant le droit romain. Rapportons préfentement quelques faits qui fe trouvent dans notre hiftoire , & qui montrent que fous les rois Mérovingiens , lés Romains des Gaules , vivoient fuivant le droit romain; quoiqu'après ce qu'on vient de lire, unepareille preuve foitfurabondante. Grégoire de Tours dit en parlant de la mort de faint Nizier, évêque de Lyon décédé en 573 (1), (1) Poft dies autem quo lex romana fancivit ut defuncti cujufpiam voluntas publica: relegatur , hujus antiftitis teftamentum in foro delatutn , turbis circonftantibus a judice referatum recitatumque eft. De vitis Patrum, cap. ƒ.  160 de l'Êtablissement « dès que le tems , au bout duguel la loi w romaine ordonne que 1'aöe qui contient la » derniere volonté d'un défunt, foit rendu » public, fe fut écoulé , le teftament de notre » prélat fut porté au lieu oü fe rendoit la » juftice , & remis au magiftrat qui Touvrit & » qui le hit devant un grand nombre d'aft> fiftans. >» (i) On trouve ce qui fuit dans 1'hiftoire de Dagobert Ier, écrite par un auteur contemporain de ce prince. « La treizieme année du n regne de Dagobert, Sandrégefilus qui exer» coit en Aquitaine 1'emploi de Duc, fut tué » par des affaffms. J'ai déja dit dans le fixieme » chapitre de mon hiftoire , que Dagobert (i) Anno decimo tertio regni fui, cum Sandrégefilus dux Aquitanorum, a quibufdam hominibus interfeftus c^et De quo fupra menrionem fecimus quod propter contemptum fui eum flagellis affici & barba? tonfione deturpari in fua infantia Dagobertus juiïerit & ob hoe patrc-m metuens fanftorum martyrum tutelam expetierit. Cum haberet ipfe Sandrégefilus filios in palatio educatos qui cum facillimè poflent, mortem patris evindicare noluerant. Propterea fecundum legem romanam a regni proceribus redarguti, omnes poffeffiones paternas perdiderunt. Cumque ea omnia ad regalem fifcum fuiffent relata , ckc. Ge/ia Dagobmi cap, 33. Du Chef, torn, i, » dans  de la Monarchie Francoïse. i6% » claris le tems qu'il étoit encore fort jeune, » avoit con?u tant d'indignation du mépris » que Sandrégefilus lui laiffoit appercevoir, » que ce prince 1'avoit fait battre a coups de » fouet , & qu'il lui avoit fait couper la » barbe. » Quel étoit, demandera-t-on , le corps du droit romain qu'on fuivoit dans les Gaules fous le regne de Clovis & fous celui de fes pre^ miers fucceffeurs ? Certainement ce n'étoit point le digefte & le code de Juffinien. L.W torité des empereurs n'étoit plus refpecfée dans les Gaules, quand ce prince publia fa rédaaion du droit romain , qui, dans tous les pays oii ce droit a force de loi aujourd'hui, ainfi que dans ceux cü il n'eft pour ainfi dire que confulté, eft regardé comme la rédaaion du droit romain la plus authentique. Ce n'a été que fous la troifïeme race que la rédaaion de Juftinien a été connue dans les Gaules, & qu'on 1'y a fubftituée k celles dont on s'y étoit fervi dans les tems antérieurs, & qui n'étoient point auffi parfaites. Quelle étoit donc la ré* daaion des loix romaines , laquelle pouvoit être en ufage dans les Gaules fous les rois Mérovingiens ? Lorfque Clovis fe rendit maitre de la partie Tome I, j  jgz DE L'ÊTABLISSEMENT des Gaules renferrnée entre la Loire, 1'Océan & le Rhin, les habitans de ces provinces avoient pour tables de leur loi, le code que Théodofe le jeune , empereur des Romains d'Orient, avoit publié en 435, & qui avoit été recu dans le partage d'Occident. Mais lorfque Clovis foumit a fon obéiffance celles des provinces des Gaules dont il chsffa les Vifigots, il y trouva en ufage le code d'Anian-, ou le code du droit romain , qu'Alaric II avoit, en 505 , fait rédiger par les plus notables jurifconfultes de fes états, pour fervir a fes fujets romains de nation. Ainfi, il faut croire que du tems de Clovis & de fes fucceffeurs , on fe fera fervi du code d'Alaric dans les provinces de la monarchie Francoife, qui étoient fous Fobéiffance d'Alaric II, lorfqu'il publia ce code, & que dans les autres provinces de la monarchie, dans celles qui font au nord de la Loire , on aura continué a fe fervir du code Théodofien. II eft certain du moins que dans le fixieme fiecle & même dans le huitieme, le code de Théodofe étoit encore en vigueur dans une grande partie des Gaules. La première réflexion qu'on puiffe faire après avoir lu , & même en lifant ce que nous yenons d'écrire , concernant la condition des  de la Monarchie Francoise. 163 fujets dans le royaume des Francs, c'eft de penfer que fa première conformation étoit trèsvicieufe. Sans parler des autres inconvéniens, la diverfité des codes, fuivant lefquels il falloit rendre la juftice, en devoit bien embarrafler & retarder 1'adminiftration. Cette multiplicité des codes, n'étoit pas un moindre fltau pour la fociété, que 1'eft aujourd'hui la diverfité des coutumes, qui ont force de loi dans plufieurs provinces du royaume de France. II ne faut pas imiter ces auteurs qui fe préviennent tellement en faveur de 1'ordre politique établi dans les états , dont ils donnent des relations ou dont ils écrivent Fhiftoire , qu'ils admirent & qu'ils veulent faire admirer la conftitution de ces états-la comme un chef-d'ceuvre de la prudence humaine. Avouons donc que le premier plan de la monarchie Francoife a été trèsvicieux , & que, pour 1'intérêt du fouverain & pour le bien des peuples, il auroit dü être difpofé tout autrement. Avouons encore, que fi quelque chofe, peut furprendre un homme qui réfléchit fur Fhiftoire des rois Mérovingiens, ce n'eft point que leur monarchie foit devenue fujette environ cent cinquante ans après fa fondation a des troubles prefque continuels, & s'il eft permis d'ufer ici de cette L a  164 DE L'ÉTABLISSEMENT figure , qu'elle ait reffenti toutes les infirmités de la vieillefie, précifément quand elle étoit dans fon age viril, dans 1'age , oü , fuivant le progrès ordinaire que font les monarchies naiffantes , elle devoit fe trouver en fa plus grande vigueur. Ce qui doit le plus étonner, c'eft que le corps de notre monarchie étant auffi mal conforme qu'il 1'étoit, il ait pu réfifter a tous fes maux. En effet, la multiplicité des loix nationales n'étoit pas le feul ni même le plus grand défant qui fe trouvat dans la conftitution de la monarchie Francoife. Pour ne point parler des autres , la divifibilité de la couronne étoit un vice de conformation bien plus grand encore que la multiplicité des codes , fuivant lefquels il falloit rendre la juftice. Clovis, fes premiers fucceffeurs& leurs confeils, auront bien appercu tous ces défauts, ils en auront vu les conféquences, 6c ils auront voulu y apporter du remede, mais il leur aura été impoffible de les corriger. Par exemple , lorfque Clovis mourut , il étoit établi depuis fi long - tems parmi les Francs, que tous les fils du roi mort, devoient partager entr'eux fes etats; que ce prince n'avoit encore ofé, lorfqu'il mourut, faire les difpofitions néceffaires pour rendre fa couronne indivifible.  de la Monarchie Francoise. 165 Ainfi , les fondatéurs de notre monarchie n'ont point fait ce que la prudence politique demandoit qu'ils fiffent, mais ce qui leur étoit poflible de faire. Ces princes, par exemple , afin de réunir plutöt a leur couronne une province qui alloit leur échapptr, s'ils manquoient a profiter de la conjondfure préfente, ou bien pour fe faire reconnoitre plus aiiément par une tribu ou par une nation qui pouvoit fe donner a un autre fouverain , auront été obligés d'accorder a cette province, a cette tribu, de pouvoir continuer a vivre felon leur loi Sc leurs coutumes. Voila ce qui aura donné lieu d'abord a ia multiplicité des codes dans la monarchie. Dès qu'une fois eet ufage y aura été autorifé, il aura fallu que dans la même cité on rendit la juftice , non feulement fuivant deux loix différentes , mais fuivant trois, fuivant quatre, Si même fuivant cinq loix différentes. Le nombre des codes fe multiplioit k mefure qu'il furvenoit dans cette cité quelqu'effaim d'une nation, autre que celles qui déja y habitoient. II aura donc été néceffaire d'y adminiftrer la juftice , fuivant le droit romain, fuivant la loi Gombette, fuivant la loi Salique , fuivant la loi Ripuaire ,* fuivant la loi des Saxons, Sc fuivant celles des Bavarois , paree que 1'ufage L 3  i66 de l'Établissement d'y rendre la juftice a chacun fuivant le code de fa nation, étoit devenu une loi effentielle du droit public de la monarchie, & paree que fucceffivement il fera furvenu , dans la cité dont il s'agit , quelqu'effaim de tous ces peuples. Enfin, Clovis qu'on peut regarder comme le premier fondateur de la monarchie Francoife , étant mort a quarante-cinq ans, il n'a pas eu le loifir de corriger les défauts de fa monarchie. Quand on a lu Fhiftoire de fes fucceffeurs, on n'eft point tenté de demander , pourquoi ils ne les ont pas corrigés. Outre qu'ils n'avoient point cette autorité qu'a toujours un premier fondateur ou inftituteur de toute fociété , ils ne furent jamais affez unis, pour former de concert un projet femblable, & ce projet ne pouvoit gueres s'exécuter par aucun d'eux en particulier. Après tout , cette diverfité de codes pouvoit bien retarder la juftice, mais elle n'étoit point un obftacle tel qu'il dut empêcher qu'elle ne füt rendue a la fin. En premier lieu, les procédures tant en matiere civile qu'en matiere criminelle , fe faifoient alors bien plus fommairement qu'aujourd'hui. C'étoient les parties qui défendoient leurs droits ellesmêmes , & il paroit encore qu'avant Char-  de la Monarchie Francoise. 167 lemagne (1), les Juges ne délivroient point par écrit les fentences qu'ils avoient rendues. En fecond lieu, les inconvéniens qui pour voient naïtre de la multitude des codes, ne fe faifoient pas fentir dans les procés entre les perfonnes d'une même nation , & , fuivant 1'apparence , ces fortes de procés faifoient le plus grand nombre des caufes que les juges euffent a décider. Quant aux procés entre perfonnes de diverfes nations, le demandeur devoit (i) , fuivant le droit naturel, pourfuivre fes prétentions , fuivant la loi a laquelle fa partie étoit foumife , & devant le tribunal dont elle étoit jufticiable.Bientöt même, comme on a pa le remarquer, il y eut des tribunaux mi-partis ou compofés de juges 'de différentes nations , & qui prévenoient tout conflit de junfdi&on 9 paree qu'ils étoient des tribunaux compétens „ pour juger tous les particuliers de quelque nation qu'ils fuffent. ( 1) Carolus congregavit duces, comités & reli- quum populum chriftianum Ut judices per fcripturrt. judicarent. Cfc. Moijf. Du Chef. torn. 3 , p*g. '44( %) Ut nemo in piackis pro alio rationare ufum- habeat Sed units quifque pro fua caufa, vel cenfu vel debito rationem reddat, &c Cap. ann. 802, ara* aono. L 4  i6È óè l'Êtablïssêmen-f ^ En troifieme lied, il y avoit dans chaque cité un officier , dont 1'autörité s'étendoit également fur tous les tribunaux nationaux, Sc qui pouvoit en cas de conflit de jurifdidion , Ou décider 1'affaire par lui-même , ou la remvoyer devant le tribunal compétent» C'eft ce . qui paroit en lifant la formule des provifions des dues , des patrices 8c des comtes nommés par nos rois j pour gouverner dans un certain département ou fimplement dans une cité. II eft dit dans cette formule dont nous avons déja fait mention plus d'une fois: y Vous nous w gafderez une fidélité inviolable , & vous >> maintiendrez en paix par votre bonne con» duite, les Francs, les Romains, les Bour» guignons , 6c les citoyens de toutes les autres >> nations, qui compofent le peuple de votre » diftrid, óc vous rendrez juftice a chacun » d'eux , fuivant les loix 6c la coutume de w la nation, dont il fe trouvera être. » Enfin, le tröne du roi étoit un tribunal toujours ouvert k ceux qui vouloient demander juftice au prince , ce qui devoit bien abréger les procés les plus épineux. Nos rois exercoient en perfonne les fondions de premiers magiftrats de leur monarchie. Non-feu:. ment, ils jugeoient eux-mêmes les Francs, mak ils jugeoient eneore les Romains leurs  DÉ LA MónARchïe FrAncöise. t6$ fujets. II y a plufieurs exemples de pareils jugemens. L'ufage étoit encore parmi les Romains lorfque nötre monarchie fut établie, que Fofficier du prince qui préfidoit a un tribunal (i), choisit par lui-même fes affeffeurs ou ceux qui devoient juger avee lui. Les Barbares auront fuivi , felon 1'apparence , eet ufage fi fimple & fi naturel. Ainfi , comme le comte avoit également infpeétion fur tous les tribunaux nationaux; comme il y préfidoit, foit par lui-même , foit par fon vicaire, il aura pu, dans tous les tems, introduire quelque juge franc dans les tribunaux romains , lorfqu'on y devoit juger la caufe d'un Franc, & il aura pu de même introduire des juges romains dans le mallum. lorfqu'on y devoit juger la caufe d'un Romain. Voila ce qui fe fera paffe dans les tems qui ont fuivi immédiatement celui de 1'établiffement des nations Barbares dans les Gaules. On y aura pratiqué dans ces premiers tems a-peu-près ce qui fe pratique encore aujourd'hui en Angleterre, dans le jugement d'un procés criminel fait 3 un étranger. On lui accorde que la moitié de jurés ou de ceux (i) Dec ©peram judex ut prastorium fuum ipfe componat. Cedex Tkeod. lib. prt tit. decimo.  170 de l'Établissement de fes juges \ qui doivent le déclarer innocent ou coupable du fait dont il eft accufé, foit de perfonnes de fa propre nation. L'utilité de eet ufage ayant été reconnue , elle aura donné lieu a l'établiflement des tribunaux mi-partis, dont nous avons déja dit quelque chofe , & dans lefquels il paroit, qu'on rendoit la jufiice fuivant des codes différens, afin que lajuftice füt rendue a chaque fujet , conformément a fa propre loi. Les chambres mi - parties ont toujours eu la réputation de rendre juftice encore plus légalement que les autres tribunaux. En quel tems nos rois ont-ils établi ces tribunaux, compofés de Romains & de Barbares de différentes nations? On 1'ignore, & même on ne pourroit nier qu'ils ne fuffent prefqu'auffi anciens , du moins dans plufieurs cités, que leur réunion a notre monarchie. II faut bien auffi tomber d'accord que nps rois & leurs officiers ne pouvoient point empêcher toutes les prévarications qui fe commettoient a 1'abri de la diverfité des codes en vigueur dans la monarchie. Comme le dit Hincmar(i) : « Lorfque le comte croit fe (i) Quando fperant lucrari aliquid comités ad legem.  de la Monarchie Francoise. 171 » rendre maïtre d'une affaire , en la faifant » juger fuivant le droit romain , il veut qu'elle » foit jugée fuivant ce droit-la. Ne trouve» t-il pas fon compte a la faire juger fuivant » le droit romain, il prétend qu'»elle doive » être jugée fuivant les capitulaires. II arrivé » fouvent de-la qu'on élude la difpofition du » droit romain par les capitulaires, & celle » des capitulaires par le droit romain. » Comme les capitulaires étoient des loix faites par nos rois, qui étoient les chefs fuprêmes de toutes les nations qui compofoient le peuple de leur monarchie , ils devoient avoir une autorité fupérieure a celle de toutes les loix nationales, lorfqu'ils fe trouvoient en oppolition avec elles. Ces loix devoie*nt plier devant les capitulaires émanés immédiatement du pouvoir légiflatif, comme nos coutumes plient aujourd'hui devant les édits de nos rois. Ainfi, 1'on dira volontiers, comme le difoit Agobard dans fes repréfentations a Louis-leDébonnaire, contre la loi des Bourguignons : romanam fe convertunt; quando verb per legem non aftimant acquirere ad capitula confugiunt : fkque interdum fit ut nee lex nee capitula obferventur, fed pro nihilo habeantur. Hinmor. de poceft. Regum, cao. /ƒ.  172 de l'Établissement « Qu'il eut bien mieux valu que les fujets de » la monarchie Francoife n'euffent jamais eu »> qu'un roi (1), & qu'ils euffent tous vécu » felon la même loi , paree qu'alors il y auw roit eu plus d'union entr'eux, & qu'ils » auroient trouve plus d'équité dans leurs » concitoyens. » II ne convient pas trop néanmoins de traiter d'hommes encore a demi-fauvages, les princes qui ont foufferr que cette pluralité de codes différens entr'eux, fut en ufage dans le même diftritt. N'a-t-on pas vu régner en France, dans le tems qu'elle étoit déja très-polie, des abus a-peu-près pareils a celui de fouffrir dans le même royaume des nations diflinctes, dont chacune doit être jugée fuivant fon code particulier ? On a vu que dans les Gaules , ainfi que dans les autres provinces de l'empire, les citoyens romains laïques étoient divifés en trois claffes ou ordres, & que cette divifion avoit lieu dans toutes les cités. On a vu encore que le premier ordre renfermoit toutes les families, (1) Ut Franci fub rege uno, una omnes tenerentur lege. Id enim valiturum profe&o multum ad concordiam civium Dei & tequitatem populorum, Agob. adv Leg. Bur. cap. 14,  oe la Monarchie Francoise. 173' dont le fang donnoit a ceux qui en étoient fortis, le droit d'être faits fénateurs de la ché auffi-töt qu'ils avoient atteint un certain age : que le fecond ordre étoit compofé de ceux qui poffédoient dans le diftrift de la cité, des biens fonds qui leur appartenoient en toute propriété & qui n'exercoient que des profeffions honorables, & même que c'étoit pour cela que les empereurs donnoient fouvent le titre Xhonorabks aux citoyens de ce fecond ordre, dont les uns s'appelloient curïaks ou gens des curies, paree qu'ils avoient voix aftive & paffive dans la collation des emplois municipaux de la cité, & les autres s'appelloient pofeffores ou pofefeurs. Enfin , on a vu que le troifieme ordre étoit compofé d'affranchis ou de fils d'affranchis , qui ne s'étoient point encore élevés au-deffus de la condition de leurs peres. Les uns étoient membres des colleges ou des7 communautés d'artifans établis dans chaque cité, & les autres faifoient valoir la portion de terre que le maitre qui les avoit affranchis leur avoir abandonnée , moyennant une redevance annuelle. II eft fait mention de ces trois ordres dans ceux des livres de fhiftoire de Grégoire de Tours, ou il raconte ce qui s'eft paflé dans les Gaules fous les rois fucceffeurs de Clovis,  174 de l'Établissement & il y en eft fait mention comme d'ordres fubfiftans aftuellement. Dans le catalogue des évêques de Tours , que eet écrivain nous donne a la fin du dernier livre de fon hiftoire, il eft dit qu'Ommatius qui fut élevé fur le fiege de cette métropole, environ douze ans après la mort de Clovis, étoit un fénateur de la cité d'Auvergne (i). Ii y eft dit que Francdio , qui fut élu quelques années après , étoit auflï fénateur, 6c qu'Injuriofus, fucceffeur de Francilio , étoit du dernier ordre des citoyens, mais que cependant il étoit né libre. Eufronius , l'un des fucceffeurs d'Injuriofus , étoit, fuivant ce même hiftorien, des families qu'on appelloit fénatoriales. ^ II y a dans Grégoire de Tours une infihité d'endroits, fur-tout ceux ou il eft parlé de la mort d'un évêque , & de la nomination de fon fucceffeur, qui font foi qu'il y avoit encore de fon tems des fénateurs dans les Gaules, 6c (i) Duodecimus Omrr.atius de fenatoribus civibuf- que Arvernis valde dives in prsdiis Quartus de. aam Francilio de fenatoribus ordinatur epifcopus Quintum decimus Injuriofus ciyis Turonicus de infe- noribus^uidem populi, ingenuus tarnen Oclavus decimus Eufronius ex genere illo quod fuperius fenatonnm nuncupavimus. Gr. Tur. Hifi. lib. ,0 , cap. v.  de la Monarchie Francoise. 175 que les rois des Francs n'y avoient rien changé a la difkibution des Romains en trois ordres politiques, laquelle ils trouverent établie dans cette grande province de l'empire, lorfqu'ils s'y rendirent les maïtres; mais on m'abftiendra de les rapporter ici, paree qu'il fuffiroit de rapporter le titre de la loi falique ,oü il eftftatuéfur laoeine pécuniaire alaquelle doit être condamné le Franc d'une condition libre qui auroit tué un Romain de condition libre. L'inégalité de la fomme k laquelle eft condamné le meurtrier, fuivant que le Romain qu'il avoit tué, étoit d'un ordre ou d'un autre , feroit feule fuffifante pour perfuader que dans tous les tems oü fe font faites les différentes rédaftions de cette loi , les Romains des Gaules étoient encore divifés en différens ordres, ainfi qu'ils 1'étoient fous les derniers empereurs. Voici donc ce qui fe trouve k ce fujet dans la loi falique de la rédaaion de Charlemagne ( i). Ce code après avoir ftatué dans le trente- (1) Titul trigefimo feptimo, de homicidiis feivorum vel ancilUrum. Si quis. Titulo quadragefimo tertio de homicidiis ingenuorum Si quis Romanum hominem convivam regis occiderit duodecim mille denariis qui faciunt folidos trecentos culpabilis judicetur. Si Ro-  tj6 de l'Établissement fixieme titre concernant le meurtre des efclaves , flatue dans le quarante-troifieme fur le meurtre des perfonnes de condition libre. Le premier article condamné a deux eens fols d'or le meurtrier d'un Franc, & il eft dit dans trois autres articles contigus : « Le Franc qui aura tué un Romain de con» dition a pouvoir manger a la table du roi, » paiera une amende de trois eens fols d'or. » Le Franc qui aura tué un Romain de w 1'ordre des poffeffeurs, c'eft-a-dire qui pof» fede en toute propriété des fonds dans Ie » canton oü eft fon domicile, paiera cent fols » d'or d'amende.» II falloit bien qu'il y eüt encore dans les Gaules des tribuns fous les rois Mérovingiens , puifqu'il y avoit encore dans les cités des Romains qui portoient le titre de maitre de la milice ou de magijler militum. Le pere Ma- manus homo poffeffor , id eft qui res in pago ubi commanet proprias poffidet , occifus fuerit, is qui eum oceidiffe eonvincitur , quatuor mille denariis qui faeiunt folidos centum culpabilis judicetur. Si quis Romanum tributarium occiderit, mille oétingentis denariis qui faciunt folidos quadraginta quinque , culpabilis judicetur. JSalu^. Cap. torn. i, pag. j;0. billoa  se la Monarchie FrancoiSe. i77 billon a donné dans Ie quatrieme tome des annales de 1'ordre de faint.Benoït, la formule d'une conftitution de dot faite a Angers, fuivant 1'ufage du lieu, Ia quarantieme année du regne de Childebert ( i ), & Cet acte fait mention d'un maïtre de la milice comme d'un des officiers de la cité. Suivant toutes les apparences, ces maïtres de Ia milice n'étoient que les commandans de la milice romaine de chaque cité , car 1'emploi de généraliffime .des Gaules étoit réuni a la couronne , & il eft facile de prouver que chaque cité des Gaules, avoit fous les rois Francs fa milice , compofée de les anciens habitans , ainfi qu'elle 1'avoit fous les empereurs Romains. Mais cela montre toujours que les Francs n'en avoient point ufé avec les Romains des Gaules , comme un conquérant en ufe avec une nation qu'il a fubjuguée & qu'il opprime. II ne lui laiffé pas le maniement des armes. ( i ) Hic eft teftamentum quarto regnum domini noftri Childeberti regis quod fecit miffus ille Cheftantus cum |uxta confuetudinem Andicavis civitate refideret in foro ibique vir magnificas ille profecutor dixit : Rogo te vir laudabili's UI. defenfor, Ui. curator , 11. magijler militum. Greg. T*r, oper. Ed. Ruiaami pag. 1330. Tome I. M  jyg DE L'ÊTABLISSEMENT Rapportons encore quelqaes paffages deS auteurs du fixieme Sc du feptieme fiecle , oü il eft fait mention des Romains, pourvus par nos rois des plus grandes dignités de l'état , Sc employés par eux dans les affaires les plus importantes. On fcait que le patriciat étoit dans les pays qui avoient compofé le royaume des Bourguignons , Sc qui avoient été unis en 534 au royaume des Francs, la plus grande dignité après la royale , foit que nos rois ayant trouvé, lorfqu'ils foumirent ce pays-la, que le premier officier du prince s'y nommoit alors patrice , ils euffent continué a donner ce nom la a celui qui devoit y commander fous eux , foit 'que nos rois ayant trouvé la qualité de patrice comme réunie au diadême des Bourguignons, paree que les derniers rois de cette nation Favoient eue, Sc , d'un autre cöté , ne voulant plus la porter , lorfqu'ils furent devenus fouverains abfolus des Gaules, en vertu de la ceffion de Juftinien , ils 1'euffent donnée a leur premier officier dans les provinces dont il s'agit, afin que les peuples, accoutumés a obéir a des patrices , luiobéiflent par habitude; il eft toujours certain que ce premier officier s'appelloit patrice. Quoiqu'il en ait été, il eft fait mention dans un feul  Söe la Monarchie Francoise; 17^ chapitre de Grégoire de Tours , de trois Romains, faits patrices par le roi Gontran, quï avoit la Bourgogne dans fon partage, Celfus, Amatus & Eunius-Mummolus (1). Les noms des deux premiers fuffiroient pour montrer qu'ils étoient Romains , mais nous fcavons auffi d'ailleurs, que Celfus étoit de cette nation. Quant aux dignités affeöées a la noblefle & inftitüées depuis, que ce n'eft plus la profeffion qui décide de 1'ordre dont eft un citoyen,, mais bien le fang dont il eft forti; nos rois n'ont pas voulu qu'on exigeat du novice ou. du récipiendaire aucune preuve du cöté des meres. S'il fe trouve aujourd'hui dans la monarchie des corps , des compagnies Sc des fociétés , oü 1'on n'eft admis qu'en prouvant, qu'on eft iftii de mere Sc d'aïeules nobles; c'eft; par trois raifons. ( 1 ) Eunius quoque cognomento Mummolus, ï rege Guntchramno patriciatum promeruit de cujus militjae origine altius quaedam repetenda putavi. tlic etenim peonio patre ortus, Antifioderenfis urbis incola foit. Peonius vero huius municipis comitatutr» regebat. Gr eg. Tur. Hifl. lib. 4 , cap. 43. Igitur prorumpentibus Longohardis in Gallias, Amatus patricius qui nuper Celfi fucceffor extiterat. Ibidem, M x.  *8ö de l'Êtablissement En premier Keu,'les fucceffeurs de HuguesCapet ont réuni au royaume qu'il avoit poffédé, pluli-urs pays démembrés de la monarchie Frar.coïie, a la fin du regne de la feconde race , 6c qui , durant le tems e'coulé entre leur démembrement & leur réunion , avo;ent été foumis a l'empire d"A!leniügne, oii 1'efprit des loixfaxo^es a roujours prévalu, paree que plufieurs des premiers chefs de cette monarchie ont été Saxons de nation. II s'eft donc trouvé dans les pays don: je parle , lorfqu'ils ont été réunis au royaume de France, plufieurs coutumes & ufages contraires a ceux qui s'y obfervoient avant le démembrement, & nos rois ont bien voulu laiffer fubfifler ces nouveautés. En fecond lieu , ces princes ont foiiffert que depuis deux fiecles, on ait introduit des ufages contraires aux anciens ufages dc la monarchie en différentes contrées de leur obéiffance. En troifieme lieu , nos rois ont eu la bonté de permettre que des ordres ou fociétés dont le chef-lieu eft hors du royaume, y étabhflent des maifons, que dans la réception des novices on y fuivit des loix faites en un pays étranger , 6c qu'on y obfervat même les nouyeaux ftatuts que ces ordres ont ajouté depuis  de la Monarchie Francotse. iU cent quatre yingt ans aux anciens, .foit poue obliger les novices a faire preuve de trois degrés de nobleffe parernelle & maternelle, au lieu qu'il fuffifoit dans les premiers tems qu'ils filTe.it preuve d'un degré, foit pour les aftreindre a faire ces pr.uves par aètes & ne plus permettre qu'ils fuffent admis a les faire par témoins, ainfi qu'elles fe faifoient précédemment. On doit regarder comme une de ces loix. étrangeres dont nos rois ont bien voulu permettre 1'execution dans leurs états', Farticle de la pragmatique de Bourges (i) , dans lequel il eft ordonné que, pour jouir du privilege qu'on accorde aux nobles de pouvoir, apres trois ans d'étude dans une univerfité, y être faits gradués , quoique les non - nobles n'y puiffent être faits gradués qu'après cinq ans d'étude , ii faudra être iffu d'un pere & d'une mere nobles. En effet, eet article de la pragmatique fandion ne füt jamais rédigé par les» (i) Qui dicantur graduati & eorum ordo Vel irr utroque aut in altero jurium baccalaurei qui per triennium fi nobiles ex utroque parente & ex antiquo geilere , alias autem per quinquennium conümi.iter irs aliqua univerütate privilegiata adminus, ftudium iuuim fecerint/Pwg. titul. 4 „par. 8. M 3  ïc?2 DE L'ÉTABLÏSSEMENT officiers du roi, inftruits des loix & des cou-* tumes de la monarchie. Ainfi que la plupart des autres articles de Ia pragmatique ( r), il a été tiré mot pour mot des décrets du concile de Bafle. D'ailleurs, le point de eet article qui regarde les meres ne s'obferve pas. Ce que je yais écrire fervira encore de nouvelle preuve a ce que je vïens de dire concernant l'état & condition des Romains des Gaules fous nos rois Mérovingiens. Nous avons fuffifamment expliqué dans les chapitres précédens que les rois Mérovingiens étoient a-la-fois chef fouverain ou roi de chacune des nations Barbares qui habitoient dans les Gaules, comme princes des Romains de cette grande province, & qu'ils exercoient cn leur propre nom fur ces Romains la même autorité que le préfet du prétoire, & le maïtre de la milice exercoient fur eux au nom de 1'empereur dans les tems précédens. Nous avons auffi rapporté que nos rois envoyoïent dans chaque cité pour fon principal officier un ( I ) Sequuntuf qualificationes & ordo in conferendis-. hen£ficiisVel in utr°que vel altero jurium baccalaure.s, qui per triennium fi nobiles ex mrojjue parente , & ex antiquo genere , alias autem per quicejuennium. Cancil BafiL Irig. prima.  Be la. Monarchie Francoïse; i8j' Comte; ainfi c'étoit a ce comte que devoient répondre tous les fupérieurs locaux, s'il eft permis d'employer cette exprefficn pour defigner les officiers & le magiftrat qui etoit le chef, ou le fupérieur des Romains du lieu Sc le chef ou te fupérieur de chaque effaim de Barbares établi dans le territoire de la cite, & cela de quelque nation que ces Barbares puffentêtre. L'autorité du comté émanoitdireaement du roi , & tous les fujets du roi quels qu'ils fuffent, devoient par conféquent la reconnoitre. . , C'étoit donc au comte de chaque cite que les magiftrats municipaux des Romains , amfï que leurs officiers militaires devoient s adreuer dans les affaires importantes. C'étoit au comte que les fénieurs des Francs & les autres cnefs des effaims Barbares, devoient recounr. C'etóifc lui qui dans les occafions leur mtimoit les ordres du roi„& qui avoit foin que la juftice fiit rendue &z les revenus du prince payes. C'étoit encore lui qui commandoit dans lés» occafions les troupes que fon diftria fourniffoit pour fervir a la guerre , & qui, par conféquent, ordonnoit aux Barbares comme aux, Romains , de prendre les armes &.de marcher. Le pouvoir civil, comme on Fa déja remaroué , n'étoit.point féparé du pouvoir mihtaue  >«4 "EI-ÉTABLISSEMENT fo». 'es rois Mérovingiens, a!nfl ,„,, r„ok Nous av„„s déja obf„v, ,a Ga„to eo dix-fep, provi „, !»«« cu hep fous nos rois dn m„' 'W0„ ,„ plus graad l»™£ *yo.e« repondre dirken, all roi , & Ti en can,pag„e devoien, com,na„de Ja -,l,cede,e„;difoiaim„lMaremec,fousIJ O" fons le général q!,,l avoi, „onuné. II fi„, «pendan, en excep.er ceux donr les ci.és fo '«-oren, enclavées dans les efpeces de gou ™ ! ? mI"am p]"6a"' ci,é! fo"' les ordres Celui ^nironconfoi*: guver„e^„s,dotIadurtea.,abor « que les bornes. éré puremen, arbi,raire & q- »« pluSeurs connes fous fos ordres ^ondonnohd s' bas Empnea ceux ,„i commandoienr dans gonzen, mihraire , & i 1 fe nommoit duc (t) Par „v , r des petits-nls d ri. ' f°l,S 16 re§"e nis de Clovis on forma de Ja Tou- (O Turonicis vero armiP P;a • t-  de la Monarchie Francoise. i!?^ raine & du Poitou un de ces gouvernemens, dont Ennodius fut fait duc. Mais comme je Viens de le dire, il ne paroit point que ces gouvernemens aient jamais fait rtn département ■ ftable, ni pour ufer. de cette exoreffion, une province permanente , ainfi que le"faifoient les gouvernemens de même genre , que les empereurs Romains avoient érigés dansles Gaules, & qui s'appelloient traclus. II arrivoit donc que quelquefois un comte eut un duc pour fupéneur , & quelquefois qu'il n'y eut perfonne enrre le comte & le prince, auquel cas le comte recevoit immédiatement les ordres du rol, Sc s'adreffoit diredtement au fouverain. On a fait voir, en parlant de l'état des Gaules fous les empereurs, qu'il y avoit dans chaque cité un fénat , qui en étoit comme 1'ame, & qui, dans ce dhr.ri& , avoit la même autorité & le même crédit que le fénat de Rome avoit dans Rome fous le bas Empire. Ainfi dans chaque cité , le fénat , étoit du moins confulté par les officiers du prince, fur les matieres importantes , comme étoit 1'impofition des fubfides extraordinaires. C'étoit encore lui qui, fous Ia direftion des officiers du prince , rendoit ou faifoit rendre la juftice aux citoyens , &c qui prêtoit la main k ceux  Sg5 51 l'Établissement* qui faifoient le recouvrement des deniers publics. Que ces fénats aient fubfifté fous les rois Mérovingiens , on n'en fqauroit douter. On vient de lire dans le neuvieme chapitre de ce livre, & on avoit déja lu dans d'autres endroits, plufieurs paffagesde Grégoire de Tours* oii il donne la qualité de fénateur de la cité f d'Auvergne ou d'une autre, a des hommes qu'il a pu voir, & dont quelques-uns devoient être nés comme il 1'étoit lui-même depuis Ia mort de Clovis. II paroït que quelques-uns de ces fénats ont fubfifté non feulement fous les deux premières races , mais encore fous la troifieme, 8s que c'eft a leur durée, que plufieurs villes, ont dü 1'avantage de jouir toujours du droit de commune , quoiqu'elles fuffent enclavées dans les. domaines des grands feudataires de la couronne. C'eft paree que ces villes avoient confervé leur fénat , & que leur fénat avoit confervé la portion d'autorité , dont il jouiffoit dès le tems des empereurs Romains, qu'on trouve que fous les rois de la troifieme race r les villes dont j'entends parler, étoient déja en polTeftion du droit de commune d'un tems, immémorial. En effet y on voit que certaine-  de la Monarchie Francoise. 187/ ment elles en jouiffoient fous ces princes , fans voir néanmoins qu'elles 1'euffent jamais obtenu' d'aucun roi de la troifieme race. C'eft ce qu'il faut expofer plus au long ; & pour 1'expliquer mieux, je ne feindrai point d'anticiper fur fhiftoire des fiecles poftérieurs au fixieme & au feptieme. Un des événemens les plus mémorables de 1'hiftoire de notre monarchie , eft celui qui arriva fous les derniers rois de la feconde race, & fous Huguet-Capet, auteur de la troifieme; ce fut alors que les ducs & les comtes, abufant de la foiblelfe du gouvernement, convertirent dans plufieurs contrées leurs commiffions , qui n'étoient qu'a tems , en des dignités héréditaires , & fe firent feigneurs propriétaires des pays , dont 1'adminifiration leur avoit été confiée par le fouverain. Non-feulement ces nouveaux feigneurs s'emparerent des droits du prince; mais ils ufurperent encore les droits du peuple, qu'ils dépouillerent en beaucoup d'endroits de fes libertés & de fes privileges. Ils oferent même abolir dans leurs diftri&s les anciennes loix , pour y fubftituer des loix diöées par le caprice, & dont plufieurs articles auffi odieux qu'ils font bifarres, montrent bien qu'elles ne fcauroient avoir été recues que par force. Les tribunaux anciens  iS8 de l'Établissement eurent Ie même fort que les anciennes loijf* Nos ufurpateurs fe réferverent a eux-mêmes, ou du moins, ils ne voulurent confier qu'a des ofrkiers qu'ils inftaloient ou qu'ils deflituoient a leur bon plaifir, 1'adminiftration de Ia juftice. Euün , ils fe mirent fur le pied d'impofer a leur gré les taxes, tant perfonnelles que réelles. Ce fut alors que les Gaules devinrent véritablement un pay* de conquête. Les fucceffeurs de Hugues-Capet, perfuadés, avec raifon , que le meilleur moyen de veniir a bout de rétabbr la couronne dans les droits qu'elle avoit perdus, étoit de mettre le peuple , en état de recouvxer les fiens , accor-derent aux villes qui étoient capables de les faire valoir , des chartres de commune qui leur donr.oient Ie droit d'avoir une efpece de fénat ou une affemblée compofée de principaux citoyens nommés & choihs par leurs concitoyens, qui veillat aux intéréts communs, levat les revenus publics , rendit ou fit rendre la juftice a fes compatriotes , & qui tint encore fur pied une milice réglée ou tous les habitans feroient enrölés. C'étoit proprcment rendre aux villes, qui du tems des empereurs Romains avoient été capitales de cité, & qui avoient eu le malheur de devenir des villes feigneuriales, le droit d'avoir un fénat & des  de la Monarchie Francoise. 189 curies. C'étoit 1'octroyer a celles d'un ordre inférieur , & qui ne 1'avoientpas du tems des em,j -eurs; a celles que Grégoire de Tours a oefigné par le nom de cajlrum. Les feigneurs s'oppofrre> t bien en plufieurs lieux a Féreéhon des communes ; mais il ne laiffi point de s'en étdblir un affez grand nombre fous le regne de Louis-le-Gros & lous celui de Philippe-Augufte. En quelques contrées, les feigneurs ne vóulürent acquiefcer a l'établ'.ffemenr 'des communes qu'après qu'il eüt été fait. En d'autres , les ie;gn urs confentirent a 1'érecfion des communes en conféquence de tranfacHons faites avec leurs fujets, 011 pour parler .dus exaöement , avec les fujets du roi qui demeuroient dans 1'étendue de leurs fiefs , & ces tranfactions laiffoient ordinairement les communiën jufticiables du feigneur territoria! en plufieurs cas. Qui ne fcait les fuites heureules de 1'étabiiflement des communes? Or,. comme je 1'ai déja dit, on trouve dès le douzieme fiecle plufieurs villes du royaume de France, comme Touloufe , Reims ck.Boulogne, ainfi que plufieurs autres, en poffeflïon des droits de commune & fur-tout du droit d'avoir une juftice municipale , tant en matiere criminelle qu'en matiere civile, fans que d'un autre cöté oa les voie écrites fur aucune lifte  ïoo de l* établissement des villes a qui les rois de la troifieme racé avoient, foit odtroyé, foit rendu le droit de commune, fans qu'on voie la charte par laquelle ces princes leur auroient accordS ce droit comme un droit nouveau. II y a plus. Quelques - unes des chartes de commune accordées par les premiers rois de la troifieme race , font plutöt une confirmation qu'une collation des droits de commune. II eft évident par 1'énoncé de ces chartes que les villes auxquelles les princes les accordent , étoient en pleine poffeffion de ces droits lors de 1'obtention des chartes dont il s'agit, & qu'elles en jouiffoientde tems immémorial, c'eft-a-dire dès Ie tems des empereurs ou elles étoient capitales de diocefe. La charte accordée en 1'année 1187 ,par Philippe-Augufle a la commune de Tournai, dit dans fon préambule (1), qu'elle eft accordée aux citoyens de Tournai, afin qu'ils jouiffent tranquillement de leur ancien état, & qu'ils puifient continuer k vivre fui* ( 1 ) Noverint itaque univerfi praafentes pariter ac futuri quoniam Burgenfibus noftris Tomacenfibus pacis inftifutionem & communiam dedimus ck conceffirr.us ad eofdem ufus & confuetudines quas di&i Burgenfes tenuerunt ante inftitutionem communije. Hje autera funt confuetudines. Spïcil. torn. 3 , pag.  de ia Monarchie Francoise.' 191', Vant les loix, ufages & coutumes qu'ils avoient déja. II n'eft pas même dit dans cette charte ou 1'adminiftration de la juftice eft laiffée entre les mains des officiers municipaux , que les impétrans tinffent des rois prédéceffeurs de Philippe-Augufte , les droits dans lefquels Philippe-Augufte les confïrme. On peut faire la même obfervation fur la charte de commune oótroyée a la ville capitale de la cité d'Arras , par le roi Louis VIII, fils de Philippe - Augufte (1). Elle ne fait que confirmer cette cité dans les droits de commune , qui s'y trouvent déduits affez au long , fans marquer en aucune facon que la cité d'Arras.tint ces droits d'un des rois prédéceffeurs de Louis VIII. Ne doit-on pas inférer de-la que Reims, & les autres villes dont la condition a été la même que celle de Reims , ne jouiffoient, dès le douzieme fiecle , des droits dont il eft ici queftion , que paree qu'elles en étoient déja en poffeffioolors de 1'avénement de Hugues-Capet a la couronne, & qu'alors elles n'en étoient ( 1 ) Ludovicus domini regis Francorum primogenitus , ckc, Noverint univerfi praéfentes pariter ac futuri quod jura & confuetudines civium Atrebatenfium perpetu inconcuffe manere decreYimus. Videlicet, &c. Ibid. pag. S73,  '9* De i'Êtabiïssemext en pofTeffion que paree que fous la première & fous la feconde race, elles' avoient toujours été gouvernées par un fénat, qui, par fucceffion de tems, s'étoit chargé de fonaions dont les curies étoient tenues fous la domination des empereurs? Concluons donc que toutes les villes dont on viert de parler , tenoient le droit d'avoir un fenat & une juftice municipale , des empereurs mêmes , & qUe plus puiffantes ou plus heureufes que les autres, elles avoienr feu s'y maintenir dans le tems ou la plus grande partie du royaume devint la proie des officiers du prince. Comme ces capitales étoient le lieu de la réfidence de 1'évêque & des fénateurs, elles auront eu toutes des moyens de fe défendre contre les ufurpateurs, qu'une petite ville n'avoit point, & quelques unes d'elles fe feront fervies de ces moyens avec fuccès. Les unes fe feront maintenues dans tous leurs droits contre le comte. Les autres lui aurcr.t abandonné le plat pays, a condition qu'elles conferveroient néanmoins leur autorité fur la pomon de leur territoire voifrne de leurs murailles, qui depuis aura été appellée la banlieue. En effet, on peut remarquer que prefque toutes les villes qu'on trouve en poffeffion des droits  de la Monarchie Francoisë. igj droits de commime , dans le douzieme fiecle , fans qu'il paroiffe que véritablement elles aient jamais été éïigées en commune par aucun des rois de la troifieme race , avoient été fous les empereurs Romains, ou du moins dès le tems des rois Mérovingiens , des villes capitales d'une cité. Entrons dans quelque détail. Le comte de Flandres, un des anciens pairs du royaume , a toujours été l'un des plus puiffans vaffaux de la couronne de France, même dans le tems oii il ne tenoit encore d'autre grand fief que ce comté. Cependant fon autorité n'étoit point reconnue dans le territoire ni dans Ja ville de Tournai, qui, du tems des empereurs , étoit la capitale d'une des cités de Ia feconde Belgique. Tournai s'eft même maintenu dans fa fujétion immédiate ala couronne, dans fes autres droits & dans 1'indépendance du comté de Flandres, en des tems que ce grand fief étoit tenu par des ducs de Bourgogne & par des rois d'Efpagne. Ce ne fut qu'en 1529 que Tournai devint ville domaniale du comté de Flandres, & cela en vertu de la ceffion que Francois Ier en fit a 1'empe-; reur Charles - Quint, comte de Flandres, par Farticle neuvieme du traité de Cambrai. Auffi Tournai eft-il mis dans la notice des Gaules^ Tornt I. , N  194 de l'Établissement comme la capitale d'une des cités de la feconde Belgique. Tout le monde a entendu dire qu'Arras eft aujourd'hui compofé de deux villes contiguës, mais cependant féparées par une enceinte da murailles. Celle de ces villes qui eft 1'ancienne, & dans laquelle la cathédrale eft batie , s'appellela cité. Elle eftdéfignée par le mot civitas , abiüïvement pris dans la charte de 1'érecfion , ou plutöt de la confirmation de fa commune, oótroyée par le roi Louis,VIII , en 1'année ini. On voit bien, en eftét, que ce mot y eft employé, ainii qu'en d'autres aftes, dans le fens qu'il a vulgairement, c'eft-a-dire pour fignifier Tanden quartier d'une ville qui s'eft aggrandie,'& non pas dansl'acception ou nous avons averti dès le commencement de eet ouvrage que nous 1'emploierons, c'eft-a-dire pour fignifier un Certain diftrid gouverné par une ville capitale , pour fignifier, en un mot, ce que les anciens Romains entendoient par civitas. L'autre ville d'Arras, celle qui a été batie fous la troifieme race, attenant les murailles de 1'ancienne , s'appelle la ville (i) ab- ( i ) Prsstcrea villa; noftrée Atrebatenfi & Scabinis. ejufdem villee concedimus, ckc. Spicil. Tom. 3 , pag, f74- •  de la Monarchie Francoise. folument, & fe trouve défignée par le mot villa dans la charte, par laquelle Robert, comte d'Artois, lui accorde une partie des droits dont jouiffoit la cité d'Arras, & que ce prince oftroya 1'année 1268. Or , cette cité d'Arras qui, du tems des empereurs Romains, étoit h capitale de la cité des Artéfiens, l'une des cités de la feconde Belgique , n'a jamais reconnu pour feigneurs les comtes d'Artois , quoiqu'ils fuffent des princes puiffans, quoiqu'ils fuffent les maitres de tous les environs, & même de la ville abfolument dite. La vieille ville d'Arras n'a traité avec eux que comme avec un voifin puiffant. Elle a toujours relevé immédiatement de nos rois, qui en laiffoient ordinairement le gouvernement aux évêques , & cela jufqu'en 1529, que Francois Ier la céda, par le dixieme article du traité de Cambrai , a 1'empereur Charles - Quint , comte d'Artois. Nous trouvons que Térouenne, enclavée au milieu du pays qui s'appelle aujourd'hui 1'Artois, n'a jamais reconnu les comtes'd'Artois pour feigneurs , & que cette ville & fa banlieue ont toujours joui des droits de commune fous Fautorité immédiate du roi , jufqu^ 1'année 1555, qu'elle fut prife par les armes N z  Ï9<5 BE L'ÉTABLISSEMEKT de Charles-Quint, & rafée & démolie par fes ordres. Jufques-la cette ville & fa banlieue a fait une efpece de petite province fituée au milieu du territoire du comte d'Artois, & connue fous le nom de la regale de Térouenne. Auffi.Térouenne eft-elle infcrite fur la notice de l'empire comme ville capitale de la cité des Morins, l'une des douze cités comprifes dans la feconde des provinces Belgiques. L'auteur contemporain qui a écrit la vie de Charles VI, & qui eft connu fous le nom de Vanonyme de Saint Denis , parlant de plufieurs graces que ie duc de Bretagne ■ obtint de ce roi en 1043 , dit! « Mais le duc de Bretagne » fit encore un plus grand coup d'état, de fe ►> faire donner par le roi pour la réunir a fa m duché, la ville de Saint-Malo, jufques-la » toujours fujette 8c fidelle a nos rois, Sc que » 1'on confidéroit comme 1'éperon ie plus ca» pable de dompter le duc de Bretagne.» Sans entrer plus avant en difcufiion , nous nous contenterons de dire que le canton de la troifieme Lyonnoife , .qui compofé aujourd'hui le diocefe de Saint-Malo, étoit devenu cité fous les rois de ia première race. C'eft ce qui avoit 'mis la ville capitale de ce canton, en état de aiaintenir fes droits & de fe conferver dans  de la Monarchie Francoisê. 197 la fujétion immédiate k la couronne , toute fituée qu'elle étoit entre le duché de Normandie & le duché de Bretagne. Enfin , lorfque plufieurs villes de celles qui du tems des empereurs Romains avoient été capitales de cité, ont été troublées dans le droit d'avoir une juftice municipale, elles ont mis en fait dans les tribunaux qu'elles étoient en pofléfïion de ce droit avant 1'établuTement de la- monarchie Francoife dans les Gaules , &C qu'elles le tenoient des fucceffeurs d'Augufte & de Tibere. L'année 1566, le roi Charles IX ordonna par 1'édit de Mouiins : que tout corps de ville , ou pour parler le langage du fixieme fiecle , que tous les fénats qui rendoient encore la juftice en matiere civile & en matiere criminelle, ne la rendroient plus qu'en matiere criminelle. II eft dit dans 1'article foixanteonzieme de cette ordonnance : « Pour donner » quelqu'ordre a la police , & pourvoir aux » plaintes quifurcenous ont été fakes-; nous » avons ordonné que les maires, échevins , » confuls,, capitouls & adminiftrateurs des » corps de ville , qui ont eu ci-devant ou bien » ontpréfentementexercicedescaufesciviles Sc » criminelles & de la police, continueront feu? » lement ci-après 1'exercice du criminel & de , N 3  198 DE L'ÈTAB LISSEMENT » la police, a quoi leur enjoignons vaquer in>> ceffamment, fans pouvoir dorénavant s'en» tremettre de la connoiffance civile des inf» tances entre les parties, laquelle leur avons » interdite & défendue.» Depuis le regne de Louis XII jufqu'en 1566, le nombre des juges royaux s'étoit accru exceffivement en France , foit par la multiplication des officiers dans les-anciens tribunaux, foit par la création des fieges préfidiaux dans chaque bailliage, foit par 1'érecfion de nouveaux bailliages. Mais quelqu'ait été le véritable motif de la difpolition contenue dans 1'édit de Moulins , & dont il s'agit ici; il fuffira de dire que eet édit n'a été mis pleinement en exécution qu'avecle tems. « Après la mort de Chilpéric , dit Grégoire » de Tours ( 1), les habitans de la cité d'Or- (1) Defunfto igitur Chüperico, Aurelianenfes cum BL-efenfibus jun£i:i fuper Dunenfes incurmnt eofque inopinantes proterunt Quibus difcedentibus conjunct! Dunenfes cum reliquis Carnotenis de veftigio fubfequuntur fimili forte eos adneientes...,. Cumque adhuc in;er fe jurgia commoventes defsvirent & Aurelianenfes contra hos arma concuterent, intercedentib'us comitibus pax ufque in audientiam data eft , fciiicet ut in die quo judicium erat futurum, pars quse contra, partem injufte exarferat, juftitia mediante componeret; &i fic a bello ceffatum eft. Gr. Tur. Hifi. lib. 7, cap. 2,  de la Monarchie Franc@ise. 199 » léans s'étant alliés a ceux du canton de Blois , » qui étoit compris dans la cité de Chartres, » contre les habitans du Dunois , qui étoit » auffi de la cité de Chartres : ces alliés en» trerent a 1'imprévu dans le Dunois , dont » ils dévafterent le plat pays , emportant » avec eux tout ce qu'ils purent enlever , » mettant Se feu au refte , &c même aux mai» fons. Mais les habitans du Dunois ayant » été joints par les habitans des autres can» tons de la cité de Chartres , ils prirent » bientöt leur revanche. Ils entrerent donc a » main armée dans le territoire de la cité » d'Orléans & dans le canton de Blois , & ils » ne laifferent point pierre fur pierre dans tous » les lieux ou ils camperent. Cette guerre » auroit eu de pluslongues fuites, fi le comte » de la cité de Chartres, & le comte de la » cité d'Orléans , ne fe fuffent pas entremis , » & s'ils n'euffent fait convenir les deux partis: » premiérement, d'une ceffation d'armes du» rable jufqu'a ce qu'on eüt prononcé fur les ♦> prétentions réciproques; &c fecondement, » d'un compromis qui obligeoit celui des deux » partis qui feroit jugé avoir eu tort, a indem» nifer l'autre du ravage fait dans fon territoire. » C'eft ainfi que finït la guerre. » II paroit, en Ufant avec réflexion 1'hiftoire N 4  100 DE L'ÉTABLISSEMENT de ce qui s'eft paffe dans les Gaules fous les empereurs Romains, & fous les rois Mérovingiens , que chaque cité y croyoit avoir lé droit des armes contre les autres cités en cas de déni de juftice. Cette opinion pouvoit être fondée fur ce que Rome ne leur avoit point impofé le joug a titre de maitre, mais a titre d'allié. Les termes d'amicitia&z de fcedus, dont Rome fe fervoit, en parlant de la lujétion de plufieurs cités des Gaules, aut ont fait croire a ces cités , qu'elles confervoient encore quelques-uns des droits de la fouveraineté, & qu'elles en pouvoient ufer du moins contre leurs égaux, c'eft-a-dire contre les cités voifines. Rome qui n'avoit pas trop d'intérêt a les tenir unies , leur aura laiffé croire ce qu'elles vouloient, & aura même toléré qu'elles agiffent quelquefois conformément a' leur idée. Cette idée flatteufe pour des peuples auffi légers que belliqueux, fe fera confervée dans les cités des Gaules fous les rois Mérovingiens , comme elle s'étoit confervée fous les Céfars leurs prédéceffeurs. Elle fe fera même perpétuée , de maniere qu'ellè fubfiftoit encore fous les premiers fucceffeurs de Hugues Capet. Ainfi, 1'on ne doit pas reprocher k Louis-leGros, & k d'autres rois de la troifieme race, d'avoir mis le droit de tirer raifon de fes  ©e la Monarchie Francoise. 201 concitoyens par la voie des armes, au nombre des droits qu'ils accordoient par leurs chartes aux communes qu'ils rétabliffoient ou a celles qu'ils érigoient de nouveau. Ces princes n'auront fait en cela que rendre aux premières un droit qu'elles réclamoient , & do'nt elles n'avoient point été dépouillées par un pouvoir légitime, mais par celui des ufurpateurs qui les avoient opprimées. Quant aux fecondes , le droit qu'on lailfoit aux premières, fembloit exiger qu'on leur en accordat un pareil , fur-tout dans un tems ou la France étoit couverte de brigands nichés dans des fortereffes, & qui ne refpedoient gueres les jugemens du fouverain.' On voit par d'autres paffages de Grégoire de Tours,*que de fon tems les milices des cités alloient k la guerre, & que même en plufieurs autres conjonöures , elles étoient commandées pour le fervice du roi.  20z j5e .-'Établissement CHAPITRE VII. Des terres faliques y & de la nature de cette forte de pojfejjion.' Identité des revenus des empereurs avec le domaine royal, qui n'eft qu'un kéritage tranfmis d nos rois par droit de conquête. ' Exemptions de taxes accordées d vie par les rois. De t autorite avec laquelle Clovis & fes fucceffeurs ont gouvernê. L'opinion ordinaire eft que les Francs en uferent quand ils s'établirent dans les Gaules , ainfi que les Bourguignons & les Vifigots en avoient ufé, quand ils s'y étoient ^tablis. On fe figure donc que ces Francs öterent a 1'ancien habitant des provinces qu'ils founiirent, une portion de fes terres & qu'ils 1'approprierent a leur nation, de maniere que cette portion de terre en prit le nom de terre falique. Nous tombons d'accord que fous les rois de la première & de la feconde race, & même fous les premiers rois de la troifieme , c'eft - a - dire tant que la diftincfion des nations qui compofoient le peuple de la monarchie, n'a point été pleinement anéantie ; il y a eu dans le royaume des  de la Monarchie Francoïse. xcf efpeces de fiefs qui s'appelloient terres faliques , & qui étoient affecfés fpécialement k la nation des Francs; mais nous nions que ces terres fuffent des terres dont nos rois avoient dépouillé par force les particuliers des provinces qui s'étoient foumifes k la domination de ces princes. Nous regardons 1'opinion ordinaire comme une des erreurs nées de la fuppofition que nos rois avoient conquis les Gaules fur les Romains , & qu'ils en avoient réduit les habitins dans un état approchant de la fervitude. Tachons donc de démêler ce qu'il y a de vrai d'ave.c ce qu'il y a de faux dans 1'idée qu'on a communément des terres faliques. On ne fcauroit douter que prefque tous les Francs ne fe foient tranfplantés dans les Gaules fous le regne de Clovis, 8c fous celui de fes quatre premiers fucceffeurs. L'amour du bienêtre , naturel k tous les hommes , vouloit qu'ils en ufaffent ainfi. Dès que cette contrée eut -paffe fous le pouvoir de rois de leur nation , fon féjour étoit pour bien des raifons , plus agréable que celui de 1'ancienne France. D'ailleurs les hommes les plus belliqueux fe laffent k Ia fin de vivre toujours au milieu des alarmes, 8c , pour ainfi dire, d'être toujours en faction. C'étoit néanmoins  aö4 »e l'Établissement* la deftinée des Francs, tandis qu'ils habitoienf au - dela du Rhin. Comme 1'ancienne France avoit peu de profondeur , comme elle n'étoit point remparée par fes rivieres qui la traverfoient fans la couvrir, ni mife k 1'abri par des villes fortifiées, un eflaim de Barbares venu de fort loin, pouvoit, en devancant le bruit de fa marche, pénétrer jufques dans le centre du pays Sc furprendre fes habitans, les uns a la charme Sc les autres dans leur maifon. On n'étoit point expofé dans les Gaules autant que dans la Germanie a ces fortes de furprifes, d'autant que les Gaules étoient couvertes par le Rhin, 6c rem'plies de villes & de lieux fortifiés. On y vivoit plus tranquillement, paree qu'on n'y craignoit que lorfqu'il y avoit réellement a craindre. II n'étoit prefque pas poflible, depuis que tout le pays eut été foumis aux Francs, qu'on y fut attaqué k 1'imprévu. Aufli Fhiftoire nous apprend - elle que dès les dernieres années de Clovis, 1'ancienne France étoit déja tellement déhuée d'habitans qui puffent la défendre , que les Turingiens s'emparerent dès-lors d'une partie de ce pays , Sc que peu d'années après les Frifons vinrent occuper la contrée qui eft au nord de 1'embouchure du Rhin, abandonnée auffi par les Francs.  de ea Monarchie Francoise. tof II eft encore vrai que Clovis & fes fucceffeurs, outre les autres récompenfes qu'ils diftribuerent aux Francs , auront conféré k plufieurs d'entr'eux une certaine portion de terres k condition de les fervir a la guerre , & qu'elles furent nommées les terres faliques. C'eft le nom que donne a ces poffeflions la • loi falique, rédigée fous le regne de Thierri fils de Clovis; & d'ailleurs ce qu'elle flatue concernant ces fortes de terres , en ordonnant qu'elles ne pourroient jamais paffer k une femme (i), montre affez qu'elles étoient des bénéfices militaires , des biens chargés d'obligations qu'une femme ne pouvoit pas remplir. Nous 1'avons déja dit dans le chapitre de ce livre, oü nous avons traité de la loi de fucceffion. Enfin ces terres faliques étoient, k plufieurs égards, de même nature que nos fiefs nobles, & fuivant toutes les apparences , elles en font la première origine. On a même quelquefois donné le nom de terres faliques k nos fiefs. Bodin qui écrivoit dans le feizieme fiecle , dit : « Et ny a pas long-tems qu'en un tejla- ( i ) De terra vero falica , nulla portio hasreditatis tranfit in mulierem , fed hoe virilis fexus acqiürit, hoe eft filü in ipfa hareditate fuccedunt, Patlus Legis SaU Eccard, pag. ioj.  "aofi de l'Établissement » ment ancien d'un gentilhomme de Guienni, » produit en procés au parlement de Bordeaux ' » lepere divife d fes enfans la terre falique que » tous interprétent les fiefs. » II n'y a rien de plus vrai que tout ce qui vient d'être expofé ; mais cela ne prouve point -que Clovis ait ötéaux Romains une partie de leurs terres, pour en compofer les terres faliques, dont il vouloit gratifïer les Francs-Saliens. Le contraire paroit même trés - vraifemblable par deux raifons : la première, eft que Clovis a pu donner des terres faliques k les Francs , fans enlever aux Romains des Gaules une partie de leurs fonds: la feconde , eft que les monumens littéraires de nos anti' quités ne difent, ni ne fuppofent en aucun endroit, que Clovis ou quelqu'un, foit de fes prédéceffeurs, foit de fes fucceffeurs, ait öté aux Romains une partie de leurs fonds pour les repartir entre les Francs, & que ce filence feul montre qu'aucun de nos princes n'a comma une pareille violence. Traitons ces deux points un peu plus au long. Je commencerai ce que j'ai a dire fur le premier point par deux obfervations : la première , eft que nous avons déja fait voir en parlant de 1'avénement de Clovis k la couronne, que la tribu des Saliens, 1'une des -  de' la Monarchie Francöise. 207 plus coniidérables de la nation des Francs, ne faifoit gueres que trois mille combattans. Suppofé donc que les lïx ou fept autres tribus des Francs, Fhiftoire ne nous fait point entrevoir qu'il y en eut davantage , fuffent auffi nombreufes que celles des Saliens, la nation entiere n'aura pas fait plus de vingt - quatre ou. vingt-cinq mille combattans, comme il a été remarqué dans 1'endroit de notre ouvrage qui vient d'être cité : voila 1'idée que le préambule •de la loi falique nous donne de la quantité d'hommes qui fe trouvoient dans la nation des Francs, lorfqu'il les loue d'avoir fait de grands exploits , bien qu'ils fuffent en trés - petit nombre. Ma feconde obfervation roulera fur ce que Clovis, lorfqu'il mourut, avoit réduit fous fon obéiffance les deux provinces Germaniques &z les deux provinces -Belgiques , pays ou il devoit y avoir des bénéfices militaires en plus grand nombre que dans aucun autre canton de Fempire Romain. Dès le premier livre de eet ouvrage , le leefeur a vu que ces bénéfices militaires, dont Alexandre Sévere avoit été l'un des premiers fondateurs, confiftoient comme les timars , que le grand feigneur donne encore aujourd'hui a une partie de fes foldats, pour leur tenir lieu de paie, dans une certaine quantité d'arpens de terre s  ao8 de l'Établissement' dont le prince accordoit la jouiffance a uri foldat, a condition de porter les armes pour fon fervice toutes les fois qu'il en feroit befoin, & que ces bénéfices militaires paffoient aux enfans du gratifié, pourvu qu'ils fiffent profelfion des armes. Or , comme les deux provinces Germaniques & les deux provinces Belgiques étoient les plus expofées de l'empire, k caufe du voifinage des Germains , les Romains y avoient tenu dans tous les tems, plus de troupes k proportion que par-tout ailleurs. II eft donc trés - probable qu'il y avoit auffi plus de bénéfices militaires que par-tout ailleurs, proportion gardée. Ainfi Clovis aura fait de ces bénéfices militaires des terres faliques, paree que, lorfqu'ils feront venus k vaquer, il les aura conférés k des Francs fous Jes mêmes.cpnditions qu'ils étoient auparavant conférés a des Romains. En efftt, on voit en comparant la difpofition faite par Alexandre Sévere , concernant les bénéfices militaires & celle que la loi des Francs fait concernant les terres faliques , que ces deux poffeftions étoient des biens de même nature, affujettis aux mêmes cfiarges, & dont conféquemment les femmes étoient également exclufes. Clovis aura encore converti en terres faliques d'autres fonds qui n'étoient  de la Monarchie Francoise. 209 n'étoient pas des bénéfices militaires, mais qui fe feront trouvés k être a fa difpofition , paree qu'ils avoient été du domaine des empereurs, ou paree qu'ils feront devenus des biens dévolus au prince , a titre de déshérence, de confifcation ou autre. Les dévaftations & les guerres qui fe firent dans les Gaules, durant le cinquieme fiecle & le fixieme, doivent y avoir fait vaquer une infinité d'arpens de terre au profit du fouverain. On ne fcauroit faire la queftion oü les Francs prirent ce qui leur étoit néceffaire pour mettre en valeur les terres faliques, ni en inférer que pour faire valoir les bénéfices militaires , & autres fonds que le prince leur donnoit quand il en vaquoit a fa difpofition , nos Francs aient pris du moins aux anciens habitans des Gaules, une partie de leurs efclaves & de leur bétail. On fcait bien que dans ces tems - la , vendre ou donner une métairie, ce n'étoit pas feulement vendre ou donner une certaine quantité d'arpens de terre & quelques batimens: c'étoit encore difpofer en faveur du gratifié 011 de 1'acquéreur , du bétail, & même des efclaves qui mettcient ces terres en valeur. C'eft. ce qu'on obferve en lifant les chartes des donations , faites fous la première race & fous Ia feconde. Tome T. q  aio de l'Établissement Enfin , on ne lit dans aucun auteur ancien , que Clovis ait donné une portion de terre falique a chacun des Francs qui Favoient fuivi. Ainfi plufieurs d'entr'eux peuvent bien avoir été récompenfés par des bienfaits d'un autre genre. II eft parlé dans une infinité d'endroits des capitulaires des rois de la feconde race , de ces bénéfices militaires a la collation du roi (i) : « Si quelqu'un de nos valïaux manque » a livrer a la juftice le voleur qu'il aura en "» fon pouvoir, qu'il perde fon bénéfice 6c » qu'il foit dégradé , » dit un capitulaire fait par Charlemagne en 779. Dans un autre capitulaire du même prince , fait 1'année 806 , il eft porté : « Nous aurions appris que plu» fieurs comtes 6c d'autres perfonnes qui tien» nent des bénéfices de nous (2), changent » en biens propres a eux , les biens dont ils » ont la jouiffance , 6c qu'ils fe fervent des (1) Qualiter de latronibus faciendum fit Similiter & vaffi noftri fi hoe non adimpleverint , beneficium & honorem perdant. Balu^. Cap. torn. 1 , pag. 197. (2) AucUtum habemus qualiter & comités 6c alii hominesqui noftra beneficia habere videntur, comparant fibi propnetates de ipfo noftro beneficio & curtes nïftr» rematisnt defertse.. Ibid. pag. 423,  be la. Monarchie Francoise. 2ii » efclaves attachés k nos bénéfices, pour faire » valoir leurs héritages particuliers qui en » font voifins. » Enfin, clans le dix-neuvieme article du même capitulaire, le bénéfice eft oppofé a lalleu , de la même maniere que les terres faliques le font a 1'alleu dans 1'article des loix faliques , qui concerne la fucceffion a la couronne : « Si quelqu'un, dit Charle» magne,en ftatuant fur ce qu'il vouloit être » fait en tems de famine ( , ) , a du bled 4 » vendre , foit qu'il I'ait recueilli fur les terres » üe fon bénéfice , foit fur fes terres allo» diales ou lesfonds qu'il tient en toute pro» pnete,&c. ( ^ )» Auffi, lorfqu'il s'agiffoit de mettre fur pied une armée , tous ceux qui tenoient de ces bénéfices militaires, étoientils mandés, au lieu qu'on ne faifoit chaque campagne marcher qu'un certain nombre des autres fujets , qui, comme on le voit dans les capitulaires, ne devoient aller a la guerre que tous les trois ans. Enfin, il eft dit dans un autre article des ( i ) Et fi Deo donante fuper fe & fuper familiam fiiam aut ui beneficio, aut in alode annonam habuerit & venundare volue.it. Ibid» paS. 4sgm O) In primis ,quicunque beneficia habere videntur omqes m hoftem veniaat. Capit. ann, So7 , art. ,S-Z/ O %  Z|2 DE L'ÉTABLISSEMENT capitulaires , relatif a un de ceux que nous avons rapportos ci- deffus (i) ;« Celui qui » emploiera a faire valoir les fonds qui lm » appartiennent en propre , le bétail & les » efclaves deftinés a faire valoir fon bénéfice , 5* & qui ne les y renvoiera point dans 1'année » qu'il en aura été fommé , foit par fon comte , » foit par notre commiffaire député , il perdra » fon bénéfice. » Ainfi, le nom de bénéfice redonné en plufieurs occafions aux terres faliques , porte a croire encore plus facilement , qu'elles n'étoient autre chofe que les bénéfices militaires inftitués par les empereurs, & d'autres bénéfices fondés a Vinjlar des premiers. Nous avons dit que le revenu dont les empereurs romains jouiffoient dansles Gaules, étoit compofé de quatre branches principales ; fcavoir , du produit des terres dont l'état pu la république étoit le propriétaire , du produit du tribut public ou du fubfide ordinaire , payable généralement par tous les citoyens , a raifon de leurs biens, état & facultés, du ( i ) Quicunque beneficium fuum occafione proprii defertum habuerit & intra annum poftquam a comité vel miffo noftro ei notum faöum fuerit, illud emendatum non habuerit, ipfum beneficium amittat, Capit. Artfeg. lib. 4 , art. 38.  de la Monarchie Francoise. 21$ produit des douanes & péages établis en plufieurs lieux ; & enfin des dons gratuits ou réputés tels, que les fujets faifoient quelquefois au Prince. S'il n'eft point dit exprefiement & diftin£tement dans les monumens qui nous reftent, que nos rois ont eu dans les Gaules les mêmes revenus dont y jouiffoient avant eux les empereurs romains, c'eft qu'il a paru inutile k ceux qui les ont écrits, d'y faire mention d'une chofe , que tout le monde voyoit auffi - bien qu'eux , &c qui d'ailleurs étoit dans 1'ordre commun. En effet, lorfqu'une province change de maïtre, le nouveau poffeffeur y entre auffi - tot en jouiffance de tous les revenus qui appartenoient précédemment au fouverain dépoffédé: C'eft 1'ufage ordinaire , &c même les hiftoriens qui fe plaifent le plus a charger leurs narrations de détails & de circonftances , ne daignent point faire mention de eet incident. Ils fuppofent avec fondement qu'avoir dit , par exemple, que Louis XIV conquit en 1684 , le duché de Luxembourg fur le roi d'Efpagne Charles II; c'eft avoir dit fuffifamment que le roi très-chrétien s'y mit en poffeflion de tous les domaines, droits & revenus, dont le roi catholique y jouiflbit avant la conquête. On devroit donc fuppofer, quand bien même O 3  i-14 de l'Ètablissement on n'en auroit pas de preuves, que lorfaue Clovis & fes fuccefleurs fe rendoient maitres d'une province des Gaules, ils s'y mettoient auffi - tót en poffeffion de tous les biens &z droits appartenans au fouverain. Nous avons vu qu'il n'y eut point alors dans les Gaules, un anéantiffement d'état ni un bouleverfement de la fociété. Comme les particuliers y refterent en poffeffion de leurs droits , le fceptre y demeura auffi en poffeffion des fiens, quoigu'il eut changé de main. La nouveauté qu'il y eut, c'eft que ces droits & ces revenus devinrent les droits & les revenus des rois des Francs , au lieu qu'auparavant ils étoient ceux des empereurs Romains. Parions du produit de la première branche de ces revenus. Tous les fonds de terre qui appartenoient aux empereurs , devinrent le corps du domaine de nos rois. On lit dans Grégoire de Tours , que le roi Charibert, petit-fils de Clovis, prêtant Foreille k des flatteurs qui lui infinuoient qua la métairie de Nazelles, dont l'églife de faint Martin de Tours jouiffoit depuis long-tems (i) , (i ) Ingeftum eft auribus Chariberti regis locum quemdam quam bafilica fancri Martini diuturno tempore retinebat, fi'ci fui juribus redhiberi. Loco autem ilü Nayicellis r.omen pnfca yetuftas indiderat. Qui  üe la Monarchie Francoise. 215 étoit du domaine , il 1'y réunit, & qufil y établit un haras. Ce prince s'obftina même a garder Nazelles comme un bien de la couronne , nonobftant les événemens miraculeux qui chaque jour y arrivoient. Ce ne fut qu'après la mort de Charibert, que cette métairie fut' reftituée a faint Martin par le roi Sigebert, devenu maitre de la Touraïne. Si le corps de domaine que nos rois poffédoient dans cette cité , n'eüt été formé que lorfque Clovis s'en rendit maitre vers 1'année 508 , il n'auroit pas été incertain fous le regne de Charibert , qui parvint a la couronne en 560, ft Nazelles étoit ou s'il n'étoit pas du domaine royal. Le fait eüt été notoire, & fuppofé qu'il eüt été bien avéré que Nazelles n'étoit pas du domaine , Charibert ne i'eüt pas ufurpé fur 1 eglife de faint Martin, pour laquellenos rois Mérovingiens avoient le même refpecF qu'avoient les juifs pour le temple de Salomon. Grégoire de Tours ne dit pas même que Nazelles ne füt point du domaine. II fe con- accepto iniquo confilio , pueros velociter mifrt qui reiculam illam in iuo dominio fubjugarent A4vc- niente autem gloriofiffimo Sigeberto rege in ejus regnum , hoe dominio fanfti Martini refütuit. Gr. Tut , ie Mir. S. Martini, lib. i , cap. vig. nono. O 4  Zl6 de l'Établissement tente cl'alléguer que l'églife de faint Martin étoit en poffeffion de ce lieu la depuis plufieurs années, ce qui montre que réellement il y avoit lieu de douter dans cette affaire. Je conclus donc que le corps de domaine dont il étoit incertain vers 1'année 560 , fi Nazelles faifoit partie ou non, devoit avoir été formé dans des tems fort éloignés , & par conféquent qu'il n'étoit autre que le corps du domaine des empereurs romains. Les rois Vifigots fe 1'étoient approprié en Touraine , auffi-bien que dans les autres provinces dont ils s'étoient emparés ; & Clovis lorfqu'il les eut conquifes fur Alaric II, s'y fera mis en poffeffion des biens que ces princes s'étoient appropriés. Les rois des Francs , dit Dominici , avocat au parlement de Touloufe, dans fon livre de la prérogative de 1'alleu (1) , « ont eu de grands » domaines dans les provinces de notre voifi» nage, & ces domaines venoient probable» ment de celui des rois Vifigots, fur lefquels » ils les avoient conquifes. C'eft ce qu'on (1) Regesenim in his provinciis multas pofleffiones habuifTe ex antiquo ut puto regum Gothorum patrimonio, fatis probatur ex teftamento fanffi Remigii. Hoe ipfum confirmat donatio fafla a Chilperico duarum poffeffionum in pago Cadurcenfi. M. Anton. Dominici de Prxr. allod, cap. 8, art. 8.  de la Monarchie Francoise. 217 » peut voir par le teftament de faint Remi, &£ » par FacFe de la donation que fit le roi Chil» péric , de deux métairies aflifes dans le ter» ritoire de Cahors. » L'hiftoire des rois Mérovingiens eft remplie de preuves qui-font voir que ces princes poffédoient en propriété une infinité de fonds de terre , & qu'ils étoient, comme on le dit des particuliers , de grands terriens. Voila ce qui leur a donné le moyen d'enrichir tant d'églifes , & de fonder tant de monafteres dans un tems oü il falloit alïigner aux religieux des revenus un peu plus folides que ne le font des loyers de maifons, ou de rentes conftituées a prix d'argent. On fcait encore par Fhiftoire & par les capitulaires, que ces princes faifoient valoir les terres de leur domaine par des intendans, & par cette efpece d'efclaves qu'on appelloit les ferfs fifcalins, paree qu'ils appartenoient au fifc. II y a même dans les capitulaires , tant d'ordonnances faites a ce fujet, qu'il fuffit d'avoir ouvert le livre pour en avoir lu quelques - unes ; ainfi nous ne les rapporterons point. Nous ne rapporterons pas même plufieurs endroits de Grégoire de Tours, ou des auteurs qui ont écrit peu de tems après lui, & qui montreroient que le fifc des rois  ai même que cette quantité de plomb ferok » voiturée jufqu'a l'églife de Saint - Denis par » des corvées , dont il chargea aufli-bien les » métairies royales que celles dont il avoit » déja fait préfent aux faints martyrs, & que » dans cette églife le plomb feroit délivré aux » agens des reïigieux qui la delfervoient. » La feconde branche du revenu , dont les empereurs jouiffoient dans les Gaules, confiftoit dans le tribut public , ou dans ce fubfide qui comprenoit la taxe par' arpent, & la capitation que paioient tous les citoyens k proportion de leurs biens & facultés , & conformément a un cadaftre qui contenoit la cottepart k laquelle chaque particulier d'une cité libras o&o mille ad cooperiendam eaindem fupra dictorum martyrum ecclefiam , ut tam per regales quam per eafdem villas quas ipfe eidem farjcto loco contulerat, in alio femper anno adducerentur & gentibus vel thefaurariis ipfius venerandi monafterii traderetur» Vit* Dagob. cap. 41. Du Ch, torn. 1, pag. $8%.  Z20 DE L'ÉTABLISSEMENT devoit être impofé, par proportion auxfommes que le prince vouloit y être levées. C'eft ce que nous avons déja expofé en expliquant que ces cadaftres fe dreffoient encore en conféquence des defcriptions de chaque cité qui fe renouvelloient de tems en tems, & qui contenoicnt le nombre dc fes citoyens, avec l'état des biens &I des revenus d'un chacun. Les rois Mérovingiens qui vouloient fe rendre agrcablcs aux Romains leurs fujets, conferverent a eet egard Tanden ufage. La maxime qui ordonne aux fouverains, dont la monarchie eft fondée depuis peu, de faire reffembler , autant qu'il eft poffible, le nouveau gouvernement a Tanden , n'eft jamais plus utile , que lorfqu'on la fuit dans la levée des deniers néceffaires a la dépenfe de l'état. Sous les empereurs romains, c'étoit Ie comte de chaque cité qui fe trouvoit chargé de faire le recouvrement des deniers du tribut public , & qui devoit a un jour marqué en faire porter les deniers ^ans la caiffe du prince. Sous les rois Mérovingiens , c'étoit le même officier qui étoit chargé des mêmes foins. Si, a i'échéance du quartier , le comte n'avoit pas encore ramaffé toute la fomme qu'il devoit porter dans les coffres du prince , il falloit que  DE LA MONARCHIE FrANCOISEJ **I le comte avancat le refte ; & s'il n'avoit pas d'argent k lui, qu'il en empruatat pour remplir une obligation, a laquelle il n'auroit pas manqué impunément. Aucune perfonne n'étoit exempte par fon état de payer le tribut public pour les biens qu'elle poffédoit, & l'églife même n'avoit pas le droit d'affrancbir de ce tribut lesfonds dont elle étoit propriétaire. II n'y avoit que ceux a qui le prince avoit , par un privilege particulier , accordé une exemption fpéciale, qui ne fuffent point tenus d'acquitter le ccnfus. II paroit même que ces exemptions ne duroient que pendant la vie du prince qm les avoit accordées, & que la redevance dont chaque arpent de terre étoit tenu envers 1 etat, étoit un patrimoine fi facré, qu'un roi n eut point le pouvoir de 1'aliéner. II pouvoit bien le remettre pour quelque tems, mais non pas 1'éteindre , & en priver la couronne pour toujours. En effet, nous voyons que les eglües d'Auvergne , cinquante ans après que Théodebert les eut affranchies du paiement du tribut public , en obtinrent une nouvelle . exemption du roi Childebert le jeune ( i ). (,) Apud Arvernos vero In fupra diaa vero utbe Childebertus rex omne tributum tam ecclefus  *» DE ÉTABLISSEMENT exempta du tnbut public par une pieufe -dAuvergne comprenant dans cette gU : ;SufrCfrIeS deff—ient5 &mêmegtous ceux quj étoient fpécialement attachés au «fervice de ces temples.» Nous avons vu que lorfQlie les Bourguignons reconnurent poilr rois ,M S B ^ sobhgerent de payer a ces princes ^ ede pour les terres qu'ils poilédoient, ceft-a-du-e pour la rnoitié des terres qu'ils avotem otée a I,ncien habifant ^ ^ des Gaules ou ds s'étoient établi, Cependant, c etoit a ure onereux, c'étoit a condition de -rcher lorfqu'ils feroient commandés q les Bourgmgnons tenoient leurs terres.' Le P-s & portions bourguignones étoi „ ^ blCn d6meme nat^que les terres faliques J-ntau fervice dontleurpoffeffeur étoit ' Eaun mot toutes les nations dont je viens t' P?riy. ƒ foient fait autre chofe en Jaiff n 1-fonds de^ JP^^^ quam monafteriis vel relimiï< ■ ■ evcojpk.„t , . wu"-unque officium ecclefi»  de la Monarchie Francoise. 115 chargés d« la redevance dont ils étoient tenus envers l'état, conformément au cadaftre de l'empire , que fuivre 1'ufage qu'elles avoient trouvé établi dans les provinces ou elles s'étoient cantonnées. Nous avons déja rapporté une loi faite par les empereurs romains , vers le milieu du cinquieme fiecle, laquelle fait foi que les bénéfices militaires étoient fujets au fubfide ordinaire. Concluons donc de tout ce qui vient d'être expofé, qu'il eft contre la vraifemblance que les rois Mérovingiens aient exempté les terres faliques, 6c les autres biens ou revenus des^ Francs, de payer le tribut public ; 6c la chofe paroit même incroyable , quand on fait réftexion que ces princes , qui enrichiffoient les églifes avec tant de libéralité, ne les avoient point affranchies de ce tribut. On a vu que, fuivant la loi générale, elles y étoient foumifes, 8c que fi quelques - unes en étoient exemptes , fi quelque portion du bien des autres étoitdifpenfée de cette charge, c'étoit par un privilege fpécial. Ainfi, comme nousl'avons déja dit , pour montrer que tous les Francs aient été exempts du fubfide ordinaire en vertu d'un privilege national, il faudroit apporter despreuves pofitives, 6c telles qu'elles puffent faire difparoure le préjugé auffi légitime que  224 DE L'ÉTABLISSEMENT celui qu'on défend ici. Mais loin qu'on trouve ou dans les loix fakes par les fouverains de la première race , & par ceux de la feconde, ou dans fhiftoire, rien qui établifle cette prétendue exemption des Francs, on trouve & dans ces loix & dans Fhiftoire , plufieurs faits qui montrent qu'ils ont été affujettis au paiement du tribut public , ainfi que les autres fujets de la monarchie, durant tout Ie tems que la diftinétion des nations y a fubfifté. Voyons d'abord ce qu'on peut trouyer dans les loix k ce fujet. II eft vrai que dans les loix & capitulaires des rois de la première race, on ne voit rien qui prouve que du tems de ces princes, les Francs aient été ou qu'ils n'aient pas été affujettis aupaiement du fubfide ordinaire; mais en lifant les capitulaires des rois de la feconde race , on voit que nos Francs ont été affujettis a cette impofition. Or, comme on n'a jamais reproché aux rois de Ia feconde race d'avoir dégradé les Francs ; comme , au contraire , plufieurs d'entr'eux ont été très-jaloux de Fhonneur de cette nation , dont ils fe faifoient un mérite d'être ; on doit inférer que les rois de la feconde race n'ont fait payer aux Francs le fubfide ordinaire , que paree que les Francs Favoient payé fous les rois de la première race. En  de la Monarchie Francoise. iitf En parlant du tribut public , j'ai expofé qu'il confiftoit , premiérement, en une taxe mife fur le contribuable, a raifon des fonds dont il étoit poffeffeur; & fecondement, en une autre taxe mife fur lui, a raifon de fon état de citoyen , laquelle fe nommoit capitation (j). Si les Francs devoient être exempts de quelque taxe, c'étoit de la feconde qui étoir une impofition. perfonnelle. Les impofitions perfonnelles ont toujours été, s'il eft permis de parler ainfi , plus roturieres que les impofitions réelies. Or , il eft dit dans le vingthuitieme article de 1'édit , fait a Piftes par Charles-le-Chauve : « Les Francs non exempts, » & qui font tenus de payer urt eens au roi, » tant pour leur capitation que pour leurs » poffefiïons , ne pourront point donner corps » & biens aux églifes, ni fe rendre ferfs de » qui que ce foit , fans en avoir auparavant » obtenu la perraiffion du prince, afin que » l'état ne foit point privé du fecours qu'ils » lui doivent.» II eft évident que dans cette (i) Ut illi Franci qui cenfum de fuo capite vel de fuis rebus ad partem regiam debent fine noftra liceniia ad cafam Dei vel ad alterius cujufcunque fervitium fe nontradant , ut Refpublica quod de iilis habere debet non perdat. Ealujf.cap. torn. fecundo ;p qu'il fe repentoit d'avoir fait 1'édit dont il » s'agiffoit , & qu'il aUöit le révoquer. » On voit par le récit de Grégoire de Tours, que Clotaire ne demanda 1'acquiefcement des évêques , a la taxe exceffive qu'il mettoit fur le Clergé , qu'après avoir publié 1'édit qui impofoit cette taxe. D'ailleurs fi conformément au droit public, en ufage dans la monarchie durant Is fixieme fiecle, le roi n'eüt pas fait des impofitions fans avoir obtenu le confentement du peuple , on peut préfumer qu'Injuriofus n'auroit pas manqué d'alléguer a Clotaire , que fon édit, qui par lui-même étoit odieux , avoit encore été fait contre les regies de l'état, & Grégoire de Tours auroit aufii peu manqué de 1'écrire. L'un & l'autre ils ont eu un égal intérêt de faire ce reproche , s'il eüt été fondé, a 1'édit de Clotaire. II ne paroit pas que les rois Mérovingiens, abufafTer.t de leur autorité k eet égard. L'hiftoire de Grégoire de Tours qui raconte tout ce qui s'eft paffé dans les Gaules, durant le  ifS 13$. l'Établissement fiecle qui fui vit le baptême de Clovis, nelör plaint que de trois ou quatre tentatives faites par les rois des Francs, pour accroïtre , par Faugmentation des taxes , leurs revenus. Cet auteur ne nous entretienr point des maux caufés par Fénormité des impofitions ; il ne nous parle point de Fabattement & du défefpoir d'un peuple tourmenté fans cefle par des exacteurs infatiables , comme en parle Salvien , &C d'autres écrivains qui ont vécu fous le regne des derniers empereurs d'Occident. Ce ne font pas les fouverains économes, Ou pour parler le langage du courtifan avide & diffipateur, les fouverains avares , qui deviennent par leurs exacfions le fléau de leur peuple. II efl bien rare du moins qu'un prince épuilè fes fujets pour mettre dans un tréfor oü. il y a déja un rnillion de piecesd'or , fix eens mille pieces d'or de plus. Or, les rois Mérovingiens étoient fi économes ; leur revenu étoit fi grand par rapport au peu de dépenfe qu'ils avoient a faire , dans un état oü le foldat même fubfiftoit du produit des terres dont Ia jouiffance lui tenoit lieu de paie ,que ces prince* étoient toujours riches en argent comptant. Quand Grégoire de Tours adreffe la parolê aux petits-fils de Clovis , qui par leurs guerres civiles détruifoient la monarchie que leur aïeul  de la. Monarchie Francöise. 237 avoit fondée par fa bonne conduite, ne leur dit-il pas que ce prince étoit venu a bout de ce vafte deffein , fans avoir , comme eux, des coffres pleins d'or Sc d'argent ? Quand Frédégonde veut perfuader a Chilpéric, de jetter au feu les cahiers de fa nouvelle defcription , elle lui dit : n'y a-t - il point déja dans notre tréfor affezd'or-, d'argent & de joyaux ? Enfin, Grégoire de Tours raconte rarement la mort d'un des rois dont il écrit Fhiftoire , fans faire quelque mention du tréfor que ce prince laiftfoit.  238 du Parlement DU PARLEMENT A MBUL AT O'IRE, et première introduction dtcelui. Extrait des recherches de Pafqider. Tous" ceux qui ont voulu fonder la liberté d'une république bien ordonnée, ont eftimé que c'étoit lorfque 1'opinion du fouverain magiftrat étoit attrempée par les remontrances de plufieurs perfonnes d'honneur , étant conftituées en état pour eet effet : & quand en • contr'échange, ces plufieurs étoient controles par la préfence , commandement & majefté de leur prince. Et vainement qui voudra fainement difcourir fur le fait de notre monarchie, ilfemble que eet ordre ait été quelquefois très-étroitement obfervé entre nous par le moyen du parlement, qui eft la caufe pour laquelle quelques étrangers , difcourans deffus notre république, ont eftimé que de cette commune police , qui étoit comme mitoyenne entre le roi & le peuple , dépendoit toute la grandeur de la France.  AMBULATOIïtE. 139 Les premiers qui mirent cette noble invention fur lesrangs, le firent pour captiver, par ce moven , le coeur & dévotion des fujets; car nos anciens maires du palais , voulant linnen leurs perlonnes toute l'autorité du royaume, & ufant de nos rois par forme de mafque : pour ne fe mettre en haine de grands feigneurs &c potentars , introduifirent premiérement une forme de parlement annuel, qui fe tenoit au mois de mai, auquel préfidoient no| rois, affiftés de la plus grande part de leurs barons , & donnoient réponfe tant aux plaintes de leurs fujets, qu'aux ambaffades qui venoient des pays étrangers: ie tout felon les inftruaions & mémoires, que fous main ils recevoier.t de leurs maires. Cette coutume , depuis, fut affez foigneufement obfervée par le roi Pepin, lequel connoiffant qu'alors il s'étoit emparé du royaume , pour obvier a toute fédition inteftine , & montrer que de la feule grandeur ne dépendoient toutes les affaires de France , affembloit, felon les urgentes difficultésqui fe préfentoient, le corps général de fes princes & grands feigneurs , pour paffer par leur détermination & confeil; ötant par ce moyen toute mauvaife & finiftre opinio», que 1'on eüt pu avoir imprimée de lui, pour 1'injufte invafion qu'il avoit de la couronne.  &40 °u Parlement Chofe que Charlemagne fon'fils , qui n'afpiroit pas a petites chofes , pratiqua plus fouvent que lui : fpécialement lorfqu'il s'ofFroit quelque entreprife de guerre , ou qu'il délibéroit ordonner quelque chofe a 1'avantage de fa familie, ou du royaume univerfel. Et étoit 1'ufance de nos anciens rois , telles qu'es lieux oh la néceffité les femoncoit, fe vuidoient ordinairement les affaires par affemblées générales des|>arons. Telles affemblées s'appelloient pariemens , comme nous appellons maintenant celles oh fe fait un traité de paix , pour parler de paix. Duquel mot de parlement, célébré de la fa$on que je dis, vous verrez fréquente mention dans la vieille hiftoire de Saint-Denis & vies de Pepin, Charlemagne & Louis-leDébonnaire. Or, fe rendirent tels pariemens beaucoup plus recommandés qu'auparavant fous le regne du Débonnaire : car tout ainfi que ce roi étoit plus enclin au foulagement de fon peuple , qu'a faire grands exploits & chefs d'armes , auffi voulüt-il principalement maintenir fa grandeur par telles folemnelles affemblées. Et a tant commencerent a fe pratiquer, deux fois 1'an d'ordinaire. Non toutes fois k jours certains & préfix , comme depuis fous Philippe - le-Bel mais felon qu'il fe trouvoit bon au départ de telles  AMBULATOIRE. 241 telles congrégations, on avifoit de la ville & du tems qu'on les renouvelleroit. En ce lieu donc fe décidoient toutes les affaires qui importoient de quelque conféquence au royaume. Étoient recus par le roi les foi & hommage des princes étrangers; & , en cette facon , lifons-nous en Théodulphe & Adon de Vienne, qu'en un parlement tenu a Compiaigne , Tafile , duc de Baviere , avec plufieurs grands feigneurs de fa province , vint promettre le ferment de fïdélité a Pepin & fes enfans. Et dit Aimonius , religieux de Saint-Germain-desPrés (jadis appellé Annonius par altération de lettres), que ce même roi ayant réduit les Saxons fous fon obéiffance, leur fit promertre de lui amener tous les ans , a chaque parlement général , trois eens rouffins de tribut. Étoient femblablement homologuées les volontés du roi, c'eft a fcavoir celles qui concernoient le fait général de la France. Ainfi , pour nourrir paix & concorde entre fes enfans Charlemagne leur donna affignation de partage en un parlement, faifant jurer a tous grands feigneurs & barons de 1'avoir pour agréable. En ce lieu, de même fa5on, fe terminoient les différends des plus grands princes ,& principalement de ceux qui étoient accufés de trahifon & rebellion, & crime de lèfe-majefté; Tornt L O  öü Parlement & cornme il en prit a Tafile du tems de Charlemagne , au parlement qui fut tenu , joignant la ville de Mayence , lequel, par 1'avis de tous les barons, pour fes fréquentes & réphquées rebellions fut condamné a mort. Qui lui fut néanmoins échangée par la douceur de 1'empereur en un confinement de religion & monaltere, duquel fait honorable mention Paul Emile. Et du tems du Dibonnaire , fut accufé en un autre parlement, Theadagre , prince & duc des Abodrites, Sc Tougon , l'un des principaux des Sorabes, comme fufcitans l'un & l'autre plufieurs faclions & novalités encontre ia majeffé du roi. A caufe de quoi dit Aimonius , ou fi ainfi le voulez , Annonius , qu'il leur füt donné affignation a un autre prochain parlement ; auquel depuis ils fe purgerent. Voire pour autant que le Débonnaire , entre fon pere & fon aieul, ajouta en telles affemblées les évêques & abbés fe déterminoient en icelles plufieurs diffe-rends entre les préiats. A cette caufe lit-on qu'une controverfe mue entre les évêques de Lyon & Vienne , pour ■raifon de leurs évêchés, tomba lous la déchion du roi & de fon affifiance. Certainement telles congrégations (que nos hiitoriographes latins appellerent plac'ua , & nos plus vieilles hifloires francoifes, comme  ■ A M B U L A T O ï R Ë» 243' j'ai dit , pariemens ,) étoient arrivées en tel degréd'adminiftration, que non-feulement elles fembloient être comme une reffource a laquelle répondoient les grands négoces de France t mais auffi les différends mêmes qui tomboient entre les étrangers étoient foumis a leur arbitrage. C'eft pourquoi raconte le même Aimonius (lequel j'emploie ici plus fouvent , pour autant qu'il fut du tems de Louis-leDébonnaire ) , qu'en un parlement que ce roï tint en la ville de Francfort, auquel lieu fe trouverent de toutes parts , Fran^ois, Allemands , Saxons 6c Bourguignons, fe préfenterent deux freres d'une même nation, nom« mée Y/itzes, laquelle 5 par vceu & profeffiori aneienne, exercoient inimitiés mortelles contre notre France ; lefquels freres j fur le débat qu'ils avoient de leur royaume, s'en rapporterent a 1'avis de 1'empereur Sc de fon parlement , paree que Milegaft, l'un des deux contendans , comme aïné , avoit été appellé au royaume après le décès de fon pere, dont Fon 1'avoit depuis dejetté, pour fes extorfions extraordinaires , 6c en fon lieu invefti du royaume ce Leadagre fon puifné : en laquelle affemblée fut par commun avis & délibération fententié en la faveur du puifné. Qui nous apprend & rend certains en quelle réputation Q »  244 DU Parlement étoient tels pariemens envers les nations étranges. Cette police, qui a voit été entre nous fi religieufement obfervée fous le Débonnaire, fut intermife par Foutrecuidance & orgueil de Charles-le-Chauve fon fils, & depuis ramenée en valeur par Louis-le-Begue. Au moyen de quoi nos hiftoriographes racontent qu'il gagna grandement le cceur des fujets k demialiénés, pour avoir été telles affemblées mifes fur pied , 6c k nonchaloir du vivant de fon devancier. Voila, felon mon avis, la primitive origine & inftitution des pariemens, lefquels, tout ainfi qu'en un coup ils ne furent jettés en moule ; auffi, felon la diverfité des faifons, trouvons - nous qu'ils prirent divers plis fous Hugues-Capet & fes fucceffeurs , fous lefquels ils fe continuerent encore plus fréquentement que devant. Car combien que ce grand prince eut occupé le titre de roi, fi n'en avoit - il prefque que le nom ; paree que, tout de la même facon , que lui en fon endroit, auffi chaque gouverneur de province fe maintenoit être vrai titulaire du lieu qui étoit demeuré fous fa charge ; & n'y avoit prefque ville de laquelle quelque gentilhomme de marqué ne fe füt enfeigneurié. Chofe que ce roi nouvellement inffalé , fut contraint de palfer par  AMBULATOIRE. 245 connivence, n'ayant pas de quoi répondre , comme autres fois avoit eu un Pepin, encontre Eude , duc d'Aquitaine , qui voulut faire k 1'advénement de lui le femblable : pourquoi Capet plus fin que vaillant, & qui, par aftuce feulement, étoit arrivé a la couronne, fit aü moins mal qu'il put une paix avecques tous fes grands, ducs , comtes, qui commencerent dès lors a le reconnoitre feulement pour fouverain , ne s'eftimans , au demeurant, gueres moins en grandeur que lui. Et certes quelquesuns , non fans plus grande apparence de raifon, font d'avis que la première inftitution des pairs commenca adonc entre nous. Etant doncques ces grands feigneurs ainfi lors unis , fe compofa un corps général de tous les princes & gouverneurs, par 1'avis defqueis fe vuideroient non - feulement les différends qui fe préfenteroient entre le roi & eux, mais entre le roi & fes fujets. Qui fut une inftitution notable pour contenir cette France en union., laquelle étoit ce néanmoins divifée en plufieurs ducs Sc comtes, qui amoindriffoient Fautorité du roi, de tant plus que hormis le . baife - main, que par prérogative ils lui devoient, ils ne dépendoient, au furplus 5 que de leur autorité & grandeur. Tellement que maintes fois ils guerroyoient particulierement Q 3  *46 bu Parlement le roi, Sc le réduifoient en grandes angufties; Toutesfois après plufieurs guerroiemens, chacun fe foumettoit a ce commun parlement. La-r quelle ufance ( prefque de la même facon ) , avoit été obfervée par les anciens Gaulois» lefquels, combien qu'ils fuffent partialifés en ligues, fi avoient-ils tous enfemble un général reflort de la juftice, qui fe manioit au pays Chartrain par leurs prêtres , qu'ils nommoient Druydes. II feroit mal aifé d'eflimer quel profit ap-? porta depuis cette invention a nos rois. D'au? tant que par ce moyen, comme d'un concile général, fe gardoit également droit Sc au roi , Sc aux ducs & comtes. Et néanmoins étant ce confeil a Ia fuite du roi, comme celui qu'entre les autres, un chacun reconnoiffoit pour fouverain , 1'on trouva, a la longue, moyen de rentner en plufieurs terres par arrêts qui émanerent du parlement, au défavantage de plufieurs feigneurs; defquels les feigneuries, voire les duchés Sc comtés, par. défobéiffance & forfaiture, étoient dcclarés acquis Sc confifqués au roi. En quoi fe rendoient les princes exécuteurs de tels arrêts : car, combien que le roi n'eüt quelquefois force a fuffifance pour faire fortir plein effet aux chofes arrêtées, fi étoit%1 fecouru par les autres ducs Sc potentats 3 qui  AMBULATOïRE. 2'47' étoient facilement induits alui donner confort & ayde , comme dépendant fon droit de la juftice & raifon. A maniere que petit a petit nos rois temporifans & faifans, comme i'oa dit, d'une ma'm fautre, fans que ces grands. ducs & comtes y priffent garde , ïemireül a leur doma'me toutes leurs terres & pays, demeurans monafques & uniques princes de ia France : car, les ducs que nous appellons au-jourd'hui, ne font qu'une image des.anciens, fans grand effet., Voir qu'au moyen de cette fouveraineté , le roi s'étant petit a petit rendu le plus fort dans, fon royaume, adone commenca de fe renforcer la commune police a 1'avantage de ia couronne, A caufe de quoi les appellations^ des baillifs & fénéchaux reffortiffoient premierenient au confeil. Grands jours ou échiquiers des. ducs ou comtes, & de-la en la cout de parlement.; pour laquelle caufe étant.cette cour arrêtée dedans Paris , eurent les ducs & comtes. continuellement leurs procureurs généraux pour défendre leurs jugemens,. Ainfi trouvonsrnous: aux plus anciens regiftres de la cou* certaine ©rdonnance portam qu es pays que le roi d'Angleterre tenoit dans. les limites de la France ' feroient recus les. appellans, tant en caufe civile que criminelle, au.lieyte.nant du roi d'An-  M% o v Parlement gleterre, ou au juge qui en connoïtroit en fon lieu , & la feconde appellation feroit toujours k la cour du roi de France, Toutesfois ft ce lteutenant en connoifioit en première inftance, on en appelleroit a la cour du roi. De laquelle" chofe j'ai trouvé autrefois un exemple fort notable & digne d'être ici inféré. Le Vicomte de Béarn ayaot deux filles; 1'une qui fut Matilde & l'autre Marguerite ; celle-la fut donnée en mariage au comte de Foix, & de plus inftituée héritiere univerfelle par fon pere, & celle-ci marfée au comte d'Armaignac. Le pere étant décédé , le comte d'Armaignac débat cette inftitution , s'aidant d'une coutume du pays, par laquelle il prétendoit que quand la fucceffion tomboit en quenouille, elle fe partageoit par égales portions. Sur quoi les douze barons tinrent cour majeure, & appellerent avec eux les préiats & autres gens notables du pays. Finalementparties ouies , fut par eux le vicomté de Béarn adjugé au comte de Foix a caufe de fa femme ;duquel jugement le comte d'Armaignac appella a Bordeaux pardevant le confeil & les commis au gouvernement de Guienne de la part du roi d'Angleterre , duc de Guienne, oh par fentence il fut dit que ce jugement étoit bon & valable, & que mal, fans grief, Artwaignac avoit appellé; de laquelle fentence il  A M B U L A. T O I R E.' *49 appella de rechef au parlement de Paris, oir il releva fon appel, 6c en font les lettres d'appe! en la cour, qui y furent apportées dedans un fac fan 1443 , après la prife du comte Jean d'Armaignac ; auquel fac il y a plufieurs chofes concernant les droits du roi. Et fut cette lettre apportée par Me Guillaume Coufinot, lequel, par commandement du roi, fut delégué pour inventorier tous les titres 6c enfeignemens concernant ce comté. Toutesfois , pour ne m'éloigner de mon propos, 6c reprendre men premier fil; tout ainfi qu'en ces pariemens , le roi tenoit le premier lieu : auffi étoit-il affifté de plufieurs grands princes 6c puiffans feignears, que depuis nous avons appellés pairs ou peres de France, ( a Yii mitation des patrices qui furent fous les empereurs) avec lefquels étoient plufieurs confeillers 6c affeffeurs. Et pour autant qu'en ces pariemens ne fe traitoient ordinairement que caufes de- grand poids, pour celles qui fe préfentoient communément en la cour du roi, 1'on avoit de coutume d'employer non-feulement quelques feigneurs de la fuite, qui étoient du corps du parlement, mais le roi même fouventes fois donnoit audience aux parties. Et en cette facon récite le fire de Joinville, que faint Louis, après avoir oui meffe , s'alloit fouvent  d .u Parlement ' ébattre au bois de Vincenne , & fe féoit au pied d'un chêne, faifanr affeoir auprès de lui quelques feigneurs de fon parlement, prêtant audience libre a chacun fans aucun trouble ou empêchement. Puis demandoit k haute voix s'il y avoit aucun qUi eüt partie ; & s'il fe préfentoit aucun, 1'écoutoit, prononsant fa fentence fur ce qui s'offroit devant lui, qui eft a bien. dire un afte digne de roi, & fymbolifant grandement avec celui de 1'empereur Augufte ou de 1'empereur Adrien, lefquels non-feulement rendoient droit aux partjes féantes en leur tribunal, mais aufli le plus du tems pendant leur repas; quelquefois dedans leurs litieres ; telles fois, couchés en leurs lits : tant ils avoient peur que juftice ne füt adminiftrée k leurs fujets ! Or étoient ces parlemens de telle & fi grande recommandation, qvie Frédéric fecond, empereur de ce nom, en 1'an mil deux eens quarante-quatre, ne douta de vouloir rem.ettre a, celui tous les différends qu'il avoit aveclepape Innocent, quatrieme, auxquels n'y alloit que du. nom & titre de l'empire. Et eft ici a noter que Ie parlement pour-lors fe tenoit en certain lieu & défigné: mais felon les occafions maintenant en une ville, puis en une autre , &£ deftinoient les bonnes fêtes pour le tenir, tantöt vers les fêtes, de Paques,Pentecóte, tantó.t vers celles de Nosl^  A >1 B U L A T O I R E, %•)% TouiTaint,Notre-Dame demi-aoüt, felon les nfe ceffités & occurrences. En mémoire de quoi, le parlement ayant été fait fédentaire , f> a eu toujours de coutume les furveilles de telles journéessPrpnoncer en robe rouge quelques arrêts de conféquence , pour tenir comme beu de loi, Depuis fe trouvant les caufes en plus grande affluence, Philippes le Bel y voulut dont ner police , Stc,  M2 de l'Assembl,ee DE L'ASSEMBLÊE DES TROIS ÉTATS DE LA FRANCE, Cour des Aides , fur le fait de la Juftice, Tailles , Aides & Subfi.des. Extrait de Pafquier. E nco re que quelques-uns qui penfenr avoir bonne part aux hiftoires de Ia France , tirent 1'affemblée des états d'une bien longue ancienneté, voire fur elle établiffent toute la liberté du peuple, toutes fois ni l'un ni l'autre n'eft véritable. Je fcais & veux reconnoitre qu'anciennement en la Gaule, & avant la conquête de Jules-Céfar , Fon faifoit des diettes & affemblées générales , qui furent par lui continuées (par unehypocrifie familiere aux Romains), pour faire paroitre qu'il nous entretenoit en nos anciennes franchifes & libertés ; mais en toutes ces^délibérations, vous ne verrez point que le menu peuple y füt appellé , duquel 1'on ne  DES TROIS ÉTATS DE LA FRANCE. 253 faifoit plus d'état qu'un o en chiffre. Pareilïement vous trouverez fous la première 6c feconde familie de nos rois les convocations foiemnelles, que 1'on appelloit pariemens, dont j'ai difcouru ci-deffus-, principal nerf de notre monarchie : mais en icelles n'étoient appellés que les princes & grands feigneurs , nobles , Sc ceux qui tenoient les premières dignités en l'églife. Or , en nos affemblées des trois états, non-feulement on y appellé le menu peuple, avec le clergé 6c la nobleffe, mais qui plus eft, il en fait la plus grande 6c meiheure part: & 'comme tel , ceux qui mirent les premiers cette invention en avant, le voulerent reblanchir d'un mot phis doux & moins bas , que nous difons tiers-état. D'oh vient doncques que depuis quelques centaines d'ans , nous hu avons donné place & voix en nos congregations , efquelles il s'agit du bien general du royaume ? Je le vous dirai. Ni fous la première , ni fous la feconde , ni bien avant fous la troifieme lignée de nos rois, tels que nous les voyons aujourd'hui. Je lairrai ce qui eft de deux premières , & toucherai feulement ce qui eft de la derniere , comme celle de laquelle nous avons des mémoriaux plus fideles. Nos rois, pour leur entretennement • faifoient fonds de leur domaine, qu'ils appel-  if4 de l'Assemblee loient leur tréfor. Et quant aux levées extra* ordinaires , il s'étoit infinué une cöutume, que les rois paflans par lés fignalées archevêchés $ évêchés &C abbayes , ils gitoient & hébergeoient pour une nuit; chofe qui fut échangée en quelque redevance d'argent, non grande, que 1'on appelloit droit de gifte : comme auffi paffant pays, le menu peuple étoit tenu pour paffade d'une journée, de lesaider de cheVaux & charrois, dont quelques bourgs &z bourgades fe difpenfoient par argent, Sc étoit appellé cela droit de chevauchée. Coutume que housavions émpruntée des Romains. Je ne veux pas dire pöurtant que le mot de taille ne fut en ufage, mais c'étoit une forme de taille coutumiere , quand l'un des enfans de France prenoit 1'ordre de chevalerie (car en autre fujet ne 1'ai-je point luavoir été pratiqué); & le pape Alexandre IV, ert Ia première conflitution décretale , fous le titre des immunités de l'églife , défrndoit aux Francois de ne lever tailles &c exactions fur le clergc , quand il achetoit quelque héritage. C'eft ce que nos rois ont pris, de toute anciertneté, pour le droit d'artiottiffement. II n'eft pas que de fois a autre ils ne contraigniffent leurs fujets dé leur bailler quelques deniers, que Fort appellé auffi tailles, paree qu'ils étoient levés par capitations Ss '  DES TROIS ÉTATS DÈ LA FRANCE. 1$J êépartemens ; car' le mot de taiïler, fignifie entre nous divifef. Saint- Louis par fon teftament, commandoit a fon fils de ne lever tailles fur fon peuple ; c'étoit de ne lever des deniers extraordinaires ; levées que le peuple ne pouvoit goüter, les appellans maletoultes, comme deniers mal tollus & uftez, & ceux qui fe mêioient de les lever maletoultiers ; ce qui caufoit fort fouvent des émotionS populaires. Pour auxquels obvier les fages mondains qui manioient les affaires de France , furent d'avis , pour faire avecques plus de douceur avaler cette purgation au commun peuple, d'y apporter quelque beau refpect. Ce fut de faire mander par nos róis a toutes leurs provinces, que 1'on eüt a s'affembler en chaque fénéChauffée &C baiUiage , & que la le clergé , la nobleffe , le demeurant du peuple, qui fut appellé tiers-état, avifaffent d'apporter remede aux défauts généraux de la France; & tout d'une main aux moyens qui étoient requis pour fubvenir a la néceffité des guerres qui fe préfentoient; & qu'après avoir pris langues entr'eux , ils députaffent certains perfonnages de chaque ordre pour conférer tous enfemble en la ville qui étoit deftinée pour tenir 1'affemblée générale. En laquelle , ainfi que nous en ufons maintenant , après que le chancelier, en la pré-  256 DE L'ASSBMBLÉE fence du roi , a remontré le defir que fa majefté apportoit a la réformation de l'état, & les tirgentes néceffités qui fe préfentoient pour Ie fait de la guerre , il les adjure d'y apporter chacun fon talent, & de contribuer d'un commun vceu a ce qu'ils trouveroient néceffaire pour la manutention de l'état. En ce lieu , quelques bonnes ordonnances que 1'on faffe pour la réformation générale, ce font beiles tapifferies qui fervent feulement de parade a une poftérité. Cependant 1'impöt que 1'on accorde au roi, eft fort bien mis a effet. De maniere que celui a bien faute d'yeux , qui ne voit que le roturier fut exprès ajouté, contre Pancien ordre de France, a cette affemblée , non pour autre raifon ,finon d'autant que c'étoit celui fur lequel devoit principalement tomber tout le faix & charge, afin qu'étant en ce lieu engagé de promeffe, il n'eüt puis après occafion de recFifier ou murmurer. Invention grandement fage & politique ; car comme ainfi foit que le cominun peuple trouve toujours a redire fur ceux qui font appellés aux plus grandes charges, cV qu'il penfe qu'en découvrant fes doléances, on rétablira toutes chofes de mal en bien ; il ne defire rien tant que 1'ouverture de telles affemblées. D'ailleurs, fe voyant honoré pour y avoir lieu, & chatouillé du vent de  DES TROIS ÉTATS DE LA FRANCE. Z'f de ee vain honneur , il fe rend plus hardi prometleur a ce qu'on lui demande ; mais ayant une fois promis , il ne lui eft pas puis après ioifible de réfilier de fa parole , pour.l'honnête obligation qu'il a contraöée avecqne fon prince, en une congrégation fj folemnelle. Davantagequj eft celui qui ne trouve un roi plein de débonnaireté, lequel, par hom.êtes remontrances, veut tirer de fes (ujets , ce que quelques efprits hagards penferoient pouvoir être exigé par une puiffance abfolue? Tellement que fous ces beaux & doux appats, 1'on n'ouvre jamais telles affemblées que Ie peup'e n'y accoure, ne les embraffe, ne s'en esjouyfie infïmment; ne confidérant pas qu'il n'y a rien qu'il deuft tant craindre , comme étant le général refrain d'iceux, de tirer argent de lui. Et en ces générales convocations, il en prend a nos rois tout d'une autre forte qu'il ne fait aux papes, aux conciles généraux de l'églife: car 1'on dit qu'il ne fe fait guere de concile général, auquel on ne retranche aucunement une partie des entreprifes de la cour de Rome fur les évêques &C ordinaires , au moins le voyons - nous avoir été fait aux conciles de Conftance & de Bafle. Au contraire , jamais on ne fit affemblée générale de trois états en cette France, fans Tornt ƒ,  ajS de l'Assemblee accroitre les finances de nos rois k la diminutioa de celles du peuple. Chofe que vous décou» vrerez plus a 1'ceil, des provinces de Bretagne, Languedoc , Dauphiné, Provence; oh jac,oit que 1'on faffe fouvent de telles affemblées provinciales , fi eft-ce qu'elles ne fe font que lorfque nos rois leur demandent aide d'argent. Le premier qui mit cette invention en avant fut Philippe-le-Bel, fous lequel advinrent plufieurs mutations , tant en la police féculiere qu'eccléfiaflique. Celle-ci avoit innové certain tribut qui étoit pour la première fois , le centieme , pour la feconde , le cinquantieme de tout notre bien. Cet impöt fut caufe que les manans & habitans de Paris, Rouen , Orléans , fè revolterent & mirent k mort tous ceux qui furent députés pour la levée de ces deniers. Et lui encore k fon retour d'une expédition contre les Flamands, voulut impofer une autre charge de fix deniers pour livre de chaque denrée vendue, toutes fois on ne voulut lui obéir. Au moyen de quoi , par 1'avis d'Enguerrand de Marigny , grandfnperintendant de fes finances, pour obvier a ces émeutes, il pourpenfa d'obtenir cela de fon peuple , avecques plus de douceur: car s'étant fait fa ge par fon exemple, & voulant faire un autre nouvel impöt, Glfillaume de Nangy nous apprend qu'il fit ériger  DES TROIS ÉTATS DÈ LA FRANCE. grand échaffaud dedans la ville de Paris ; & Ia , par 1'organe d'Enguerrand , après avoir haut loué la ville , Pappellant chambre royale , en laquelle les rois anciennement prenoient leurs nourritures, il remontra aux fyndics des trois états, les urgentes affaires qui tenoient le roi affiégé, pour fubvenir aux guerres de Flandres, les exhortant de le vouloir fecourir en cette néceffité publique, ou il y alloit du fait de tous; auquel lieu on lui préfenta corps & biens, levant par le moyen des offres libérales qui furent faites, une impofition fort grieve partout le royaume. L'heureux fuccès de ce premier coup d'effai fe tourna depuis en coutume , non tant fous Louis Hutin, Philippe-le-Long, & Charles-le-Bel, que fous la lignée des Valois, & fpécialement fous le roi Jean, aidé en ceci des inftru&ions & mémoires de Charles V fon fils , lequel ne fut pas, fans raifon, furnommé le Sage, après fa mort, paree qu'en toutes fes acfions il eut cette propofition fiable de les faire autorifer par les trois états, ou bien en une cour de parlement, chofe qui n'étoit pas fi familiere a nos rois auparavant lui; & encore que de fois k autres il recut quelques traverfes des états, étant k ce infiigués par les folicitations & menées du roi de Navarre , R 2.  i6o de l'Assemblee & fut pour cette caufe contraint d'acquiefcer outre fon opinion a leurs volontés, fi eft-ce que leurs choleres réfroidies , ou Paffemblée diffolue , il rétabliffoit toutes chofes conformément a fon defir. Voila pourquoi les tailles, aides & fubfides ont pris leur premier fondement, & ont avecque le tems pris tel pied entre nous, qu'elles font parvenues au fommet. Du commencement on procéda par impofitions que 1'on obtenoit des états, lefquelles ne duroient qu'un an, que 1'on appella aides & fubfides , parcé qu'elles étoient mifes fus , pour aider nos rois au défray des guerres qui lors fe préfentoient; & afin de ne.mécontenter le peuple , on créa des offices popidaires, les uns appellés généraux & les autres efleus ; & depuis les chofes prenans leurs accroiffemens pied a pied, d'un on paffa a deux & trois ans , & enfin a perpétuité ; encore ne fut • ce pas affez. Par le même avis des états , on mit une nouvelle charge d'impöt fur le peuple qui fe leva par capitations & feux , que 1'on appella du commencement fouage. Cela fut levé pour une fois, & a petite fomme, par têtes. Toutes fois fous Charles VII, on le rendit perpétuel; & eft-ce que nous appellonsaujourd'hui tailles, ayant remis en avant le mot ancien en ufage,  des trois ÉTATS de LA FrAnCE. i$r 'mais d'autre facon qu'il n'avoit été pratiqué par nos plus vieux ahcêtres. Chofe que je vous vérifierai par parcelles. Philippe de Valois, en 1'an mil trois eens quarante-neuf, un an auparavant fon décès, pour les guerres qu'ii avoit contre leS Anglois , du confentement du prévöt des marchands, manans & habitans de Paris, obtint pour un an un fubfide de fix deniers pour livre fur chaque denrée qui feroit vendue , en & audedans de la ville , prévoté & vicomté de Paris. Par fes lettres patentes cru dix-feptieme février mil trois eens quarante-neuf, il protefte que eet impöt n'apporteroit pour Favenir aucun préjudice aux privileges & libertés des Parifiens, nï aucun droit nouveau lui feroit acquis encöntre eux, ni a eux contre lui; mais qu'il 1'imputoit ' a un fubfide gracieux. II fut prévenu de mort avant que de lui faire fortir effét r au moyen de quoi le roi Jean fon fils fuppléa a ce défaut. Ft d'autant qu'il n'y avoit juges des diffé-' rends qui pouvoient réfulter de cette levée , il attribua la connoiffance au prévöt des marchands & échevins de la ville, a la charge que Fa oh ilsne pourroient accorder les parties , les gens des comptes en connoitroient. Ce même aide fut par lui impofé en 1352 &1353, tant ès fénéchauffées d'Anjou & du Mame, que Bail- R l  t£i de l'Assembl £_e liage de Senlis; le tout par le confentement des trois états des pays : & comme ainfi fut que la reine de Sicile alors dame d'Anjou & du Maine, foutint que eet aide ne devoit avoir cours fur fes fujets, le roi, pour lui clorre la bouche , lui en donna la moitié. De ces lieux particuliers, on s'avifa de paffer plus outre, & d'impofer nouvel aide , non fur tout le royaume, ains fur tout le pays de Languedoc & coutumier. Auffi faliut-il lors avoir recours a une affemblée générale des trois états, qui fut tenue en cette ville de Paris. La il fut accordé au roi d'augmenter la gabelle du fel, ( le roi Philippe de Valois, fon pere, en avoit été le premier innovateur en 1'an mil trois eens quarante-deux) & encore huit deniers pour livre de chaque marchandife qui feroit vendue, ( en ce compris la vente des héritages) laquelle feroit payée par le vendeur. C'étoit un coup fort hardi, lequel auffi re$ut grand contraffe , ainfi que nous apprenons par les lettres fur ce décernées le vingt-deuxieme décembremil trois eens cinquante-cinq; car il fut ordonnc que nul tréforier ou officier du roi n'auroit la charge, direcfion & .man.iement de ces deniers ; mais que les trois états commettroient certains perfonnages, bons, honnêtes & folvables, pour en être les ordinateurs, felon les inftruöions  DES TROIS ÉTATS DE LA FRANCE. 263 qui leur en feroient prefcrites; & qu'outre ces commiffaires généraux, il éiiroient encore en chaque province neuf particuliers , trois de chaque ordre ; defquels , les trois du clergé jugeroient les eccléfiaffiques ; les trois nobles » ceux qui feroient de leurs qualités, & les trois roturiers , les gens de condition roturiere ; appellez toutesfois chacun en leur endroit les autres compagnons au jugement des procés. Et au cas que 1'on appellat d'eux, on avoit recours aux députés généraux , qui en jugeoient en der-, nier refTort. Le roi jura de ne faire employer a autre ' ufage ces deniers que pour le fait de la guerre ; comme auffi ces députés généraux fur les iaintes évangiles, qu'ils ne les convertiroient ailleurs, nonobftant quelques mandemens qu'ils en euffent du roi. Et s'il advenoit que fous ombra de quelques impétrations les officiers du roi les voulufTent contraindre d'intervertir en autres ufages ces deniers , permis aux députés généraux de s'y oppofer par voie de fait; voire d'implorer tout confort &c aides des bonnes villes circonvoifines a eet effet. Et au furplus ne pourroient rien ces députés Sc & fuperintendans généraux des trois états au fait de leur charge & adminiftration , s'ils n'étoient tous d'accord enfemble ; ce néanmoins R 4  ^4 ÖÉ L* As SEMBLÉÉ en cas de difcöfde, la cour de parlement les foirrróit accorder. Je vous laiffé une infinité d'aurres particularités concernant Ia réformation de l'état, au r'écit defquelles, fi je me Voulois amufef , j'attiéderois le Ieöeur , paree qu'elles ne furent obfervées. Je me contenferai de vous dire que fur la fin de 1'édit ou lettres patentes , on ajouta qu'au premier jour de mars enfuivant, les trrfis états fe raffembleroient dans 'Paris, par eux ou par procureurs fuffifammerit fondés, pour voir & examiner le eompte de ce qui auroit été baillé & diftribué : & a ce jour feroit fappörté par les députés généraux combien cette gabelle & aide auroient valu; & ' S'ils voyqient qu'ils ne fuffent fuffifans pour' Ie tléfray de Ia guerre , ils pourroient croltre la gabelle ainfi que la néceffité le requerróit, fuivant 1'avis des tfois états , fans que les deux , hors qu'ils fuffent d'accofd, pufTent lier le tiers. C'étoit un appenti de difcontinuation de fubfide : car comme nous fommes ert un royaume de conféquence, il ne faut rien aifément proinettre, encore que ce ne foit quÊ pour une fois , que 1'on ne le veuille pefmettre a jamais. De ce que deffus , vous pouvez récueilhr Ié premier plan des généraux & efleüs i car les Uns & les autres nommés paf les états , les uns pour avoir Tceil fur 1'aide particulier des pro-  DES TROIS ÉTATS DE LA FRANCE. 2 oiencemem de la monarchie , foren* une imitation, du champ de mars oü. fe tenoient les comices des Romain.s ; avec cette différence que les Fran-v cpis avoient fixé au premier de mars i'«flemb!ée ordinaire de I,. nation ; au lieu que !e champ de mars. étoit ainfi appellé par lei Roniajas, non h caufe du. mois de mars, mais parede qu'il étoit cenfacté. au dieft. Mars, S.ï  ÏJ% DÈS PARLÉ&ÈNsy cement de mai (i), d'oü a été occafionnée 1'erreur c!e queiques-tius (i), que ce roi avoit (l ) Evoluto igirur anno, commoto omni exercitii Francorum , vel pluriurn nationum qua; in regno fuo commorabuntur, üfqüe Aurelianis veniens , ibi p'acitum' luum campo rnadio quod ipfe primus pro ntilitate Francotum inftituit, tenens multis muneribus a Francis f & proceribus fuis ditatus eft. Fredeg. chron. eontinuatt part. 4, c. 131 , ad ann. 366. Le tcmoignagc d'un contemporain nous apprend que les par lemens comme les ar-nées , étoient al.rs divifés par nation. Les fucceffeurs de Pepin continuoient d'affembler les pariemens dans la même laifon : Tempore fubfequenti dominus imperator conventum a populo fuo celebrari juffit , tempore maii meniis Aquifgrani anno ab Incarnaricne Domini 823, menie maio, conventus in eodem loco (Franconofurd ) habitus , in quo non univerfi Francia; primo res f fed de orientali Francia atque Saxonia, Bajoaria ,■ Alamania: cóntermina Burgundia , & regionibus R-heno adjacemibus adeffe juffi (unt. Annal. Bertin. ai ann. 823 , du Chefri. t. p. i-g. (2) Fuif autem primus qui Gallis parlamënta iriftltuit Pepinus. CoraJShs in tit. ff. de fenalorib. Sigdert & Cèdrehe fokt tombés dans une autre erreur , ayant cru que j dès le commencement de la monarchie , les pariemens s'étoient tenus le premier de mai. Francorum re'gibus moris erat kal. rliaii prafidere cüm tota genie , & iaiüta e & falutafi, obfequiaque & dona accipere. Sigtt. chron. ad ann. 661. Mais Cédrene & Sigebert vivoierit erivirori fept eens  È T A T S GÉNÉRAUX, &C. 279 été 1'inftitutear des parle'mens. Sous Charlemagne & Louis-le-Débonnaire , la convocation des pariemens devint beaucoup plus fréquente : c'étoient des affemblées des Francois & quelquefois des Saxons (1). ans depuis les commencemens de la monarchie Francoife. ( 1 ) Tune magnus Carolus fuper fluvium Woram veniens, ibi habuit placitum cum Saxonibus. Anonym. in vita Carol. M. Anno fequenti , domus rex Carolus publicam fynodum habuit ad Paderbrunen. Ibi convenerunt omnes Franci, & omnes Saxones , excepto quod Vidocmndus rebellis extint. Ibid. Supradiflus vero imperator (Carolus M. ) cum jam intellexiiïet aporopinquare fibi diem obitüs fui (fenuerat enim valdè ) vocavit filium fuum Leudeuvicum ad fe , cum omni exercjtu , epifcopis, abbatibus , ducibus, comitibus loco pofitis : habuit grande colloquium cum eis Aquifgrani palatio. Thegan. de geflis Leudeuv. PU. Imperator vero celebravit ibidem natale domini; & indé revertens venit ad feiem fuam Aquis , & poft Pafcha habuit magnum conventum populorum. Idem. ad tinn. #/ƒ. Qua hieme , in eodem palatio , conventum publicum populi celebravit. Anonym. in vita Lud.Pu. ad ann. 817. Ludovicus imperator in Theodonis vUlam conve.ur.0 S 4  aSQ ••DES P A R L E M E N S, • Adhelard , abbé de Corbie, parent de Charlemagne, a décrit la forme des pariemens torivoqués par Pepin, Charlemagne & Louis-IeDenonn.ire, 1'ordre qu'on y obfervoit, les maneres quj s'y traitoient. Ce précieux monument nous eft tranfmis par Hincmar , archeveque de Reims, dont le témoignage feroit par kurneme d'une authentieke qui „e nous ïaifferbif nen a defirer , puifqu'il écrivoit environ cinquante ans après la mort de Charlemagne, & quïi a pu voir Ce monarque. Adhelard neus apprend que la coutume étoit de tem> deux pariemens dans 1'année ( i ); que generaliter fuum pppuium grecepit. Annal. anonym, tid.ann, 818. Conventus generalis m,2na populi Francorum fre|Jient||, cëlebratur. Egir.LrJ. Annal. ad ann. 82t. ' j Co^^do autem tune tempoiis erat ut, nor, fepius fed !>,$> anno, placjta duo tenerentur: unum B^ndo ordmabatur flatus totius regni ad anni ver'T'* fP*£??K> jjjjSf orclinatum nullus cventusrerum .&? ""S fe% ? V* fimiliter toto regno incum"'• mu,al*t?r- 1" quo placito generalitas univer, - • t^m c!.-:corum quam laicorum con. r ^Alium ordinandum , ni corrflllhBi fufcipiendum j & im , & non ex poteftate ^ fe(j vel iemerma, cwfir»^  États Généraux, &c. 281 }?ttn des deux, a moins qu'il ne furvint quelque cas extraordinaire , s'affemblpit toujours lorfqu'on arrêtoit les comptes & états a la fin de 1'année; oü fe tronvoient tous les principaux de 1'ordre eccléfiaftique & laïc ; les anciens pour délibérer , les jeunes pour confentir a ce qui avoit été réfolu : on prenoit même quelquefois leurs avis quoiqu'ils n'euffent pas yoix délibéra-; tive. Les matieres importantes n'étoient traitées qu'entre les principaux des anciens (t) , de peur que les mefures, qui devoient être prifes d'avance , ne fuffent évantées , faute de fecret. Ils paffoient deuz ou trois jours, & davantage s'il le falloit (2), a conférer enfemble fur les articles dum. Hincm. Rem. epifl. pro recta novi ac juvenis regis ir.fi\tmione , ex Adhalardi, Corb. abb. Carol. M. propinqui libello , c. 29. ( 1 ) Cffiterütn autem , propter dona generaHtet danda, aliud placitum cum feniorihus tantum & prajcipuis confiliariis babebatur ut fi fortè alir ■cjuid l aut infra j aut extra regnum ordinandurq eflet, quod prsefentia quorumdam aut deürucre , au,t certè inutile reddere t aut per aliquam diverfam aftunam faboiiofius faciendum convertere vofuiflet , hoe nullatenüs facere potuiiTet. Ibid. c. 30. (2) Proceres vero. prajdicli, five in hoe , five ia il!o prsefato placito, quin & primi tenatores regni, »; quafi fine caufa convocari videreinur, mox autoritate regia per denominata & ordtnata capitula, qu* vel ab  282 des Parlemens, propofes du mouvement du prince , ou occ3' fionnés par les avis recus depuis la tenue du dernier parlement ; & ils envoyoient fouvent des officiers du palais pour confulter le roi & recevoir fes réponfes , fans avoir , pendant tout ce tems-la , aucune comniunication audehors , jufqu'a ce que la délibération füt achevée , & que le roi eut décidé. Et pendant ces entrefaites ( 1 ), le roi fe communiquoit ipfo per infpirationem Dei invent3 , vel undique fibi nunciata, poft eorum abceftum prajcipuè fuerunt, eis ad conferendum vel ad confiderandnm patefacra funt. Quibus fufceptis, inrerdüm die unb , interdüm b:dub, interdüm etiam triduo , vel ampliüs , proüt rerum pondus expetébat, accepto , ex praïdiétis domefticis palatii , miffis intercurrentibus , quajque fibi videbantur interrogantes , refponfumque accipentes , tamdiü ita mullo extraneo appropinquante, donec res fingulae ad effeclum perducbe gloriofi principis auditui; in (acris ejus oblutibus exponerentur, & quidquid data ab co fapientia eligeret, omnes fequerentur. Ibid. c. 34. Le roi décidoit de fa feule autorité, comme aujourd'hui , fans s'arrctcr a la pluralhi des /uffrages. ( 1 ) Interim vérb hxc qua; in regis abfentia agebantur , ipfe princeps reliquae multitudini, in fufcipiendis muneribus , falutandis proceribus , confebuiando ranüs vifis , compatiendo fenioribus , congandendo junioribus, & castéra his fimiüa tam in fpiritalibus quam & in fajcukribus occupatus erat. Ita tarnen ut quotief-  I ÊTA.TS GÉNÉRAUX, &É. 283 gfacieufement a la multitude affemblée, reeë* vant les préfens , s'appüquant k connoilre ceux qui venoient plus rarement k la cour , & fe möntrant affable aux vieux & aux jeunes, envers lefquels il ufoit de manieres convenab!es a leur age : mais fans fe détourner de 1'eflentiel des affaires , enforte que quand il en étoit befoin , il fe tranlportoit en perfonne aux conférences de fes principaux confeiiiers , qu'il y paffoit tout le tems que les affaires demandoient, & qu'il entroit avec bonté dans leurs difputes , fe faifant rendre compte des différens avis & de leurs motifs. Et il eft k remarquer qu'on difpofoit d'avance de grandes falies d'alfemblées , ou en dehors Sc a découvert, lorfcjue le tems étoit ferein (1), cumque fegregatoruvn voluntas eflet , ad eos veniret, fimiliter quoque quanto fpatio voluiflent cum eis confifteret; & cum omni famiiiaritate quaüter fingula reperta habuiflent referebant, qeantaque mutua hinc & inde altercatione vel difputatione, feu amica contentiune decertaffent, aoertiüs recitabunt. Ibid. c. yi. (1) Sed nee illud praetermittendum , 'quomodö 11 tempus ferenum erat extra, fin autem intra, diverfa loca diftiiidta erant , ubi & hi abundanter fegregati femotim , & castera multitudo feparatim refidere potuiffent, pritis tarnen castéra; inferiores perfonna; intereffe nunimè potuiffent. Quai utraque tarnen fenio-  s§4 des Parle mens, ou en dedans du palais , deftinées aux féances des feigneurs qui pouvoient s'y retireren grand nombre, fans être canfondus avec la multitude; &c qu'il y avoit deux chambres féparées pour les deux ordres ecclcfiaffiques & laics, afin qu'ils puffent délibérer en commun ou en particulier , fuivant la nature des affaires, & mander , pour venir parler k eux , les perfonnes. dont ils vouloient tirer quelques éclairciffemens, Une des principales utilités de ces parie¬ rum fufceptacula fic in duobus divifa erant ut prima omnes epifcopi, abbates, vel hujufmodi honorificentiores clerici abfque ulla laïcorum communione congregarentur: fimiliter comités , vel hujufmodi principes fibimet honorificabiliter a CKtera multitudine primo mane fegregarentur. Quoufque tempus , five prsfente „ five abfente , rege, occurrerent, & turn pra;di£li feniores, more folito clerici» ad fuam, laki vero ad fuam conftitutam curiam fubfelliis fimjliter , honorificabiliter prasparatis convocarentur. Qui cum feparati a qaneris effent , in eorum manebat poteftate , quando. fimül vel quando feparati refiderent, prout eas tractanda; caufaï qualitas docebat , five de Ipiritalibus, five de fecularibus , feu etiam commixtis. Similiter fi propter quamlibet vefcendi vel inveffigandi caufam , -qi:'nu: 'inque tonvocare voluiilent , ik re comperta 4Uc«.xret. :a eor um yojimtate isanebat. Ibid, c 3;,.  ÊTA.TS GÉNÉRAUX, &C. 2e5? mens (i), étoit que le roi y étoit informé de ce qui fe paffoit dans toutes les parties dit royaume : car il étoit non-feulement permis, mais trés - expreffément enjoint d'examiner , entre la tenue des pariemens, s'il ne fe tramoit rien de contraire aux intéréts du roi ou au bien public, en dedans ou en dehors du royaume ; d'en rendre compte au roi, fans trop divulguer la fource des avis; & de rapporter (1) Secunda autem ratio regis erat interrogatio , quid unufquiique ex illa parte regni qua veniebatj digna relatu vel retractatu fecum afierret: quia & hoe eis non lolüm petniiffum verum etiam aréfiüs comirsiffüirn erat, Ut hoe unufquifque ftudiofifiimè, ufque düm reverteretur , tam infra quam extra regnum perqnireret, fi quid tale non (olüm a propriis vel extraneis , verüm etiam ficut ab amicis ita & ab inimicis inveftigaret , intermifla interim nee magnoperè unde fciret invefügata perfona. Si populus , nè quolibet regni parte , regione vel angulo , tmbatv:s ; qua caufa turbationis effet ; fi murmur populi obftfeperet, vel tale aliquid inséquale refonaret , undè generale confilium tra&are aliquid rieceffarium eflet, & castéra his limilia. Extra vero, fi aliqua gens iubdita rebellare , vel rebellata fubdere , fic necdum ta£ta infidias regni moliri, vel tale aliquid oriti voluiffet. Id his vero cmnibus , quaecumque cuilibet periculo imminerent , -illud praacipuè quarebatur, cujus rei occafione talia, vel talia orirentur. Ibid. c. 36.  a86 des Parle mens, au parlement li en quelqu'endroit du royaume on avoit remarqué ou du trouble , ou quelque diljjolition des eiprits a en exciter, &: qu'elle pouvoit en être la caufe; fi 1'on avoit entendu des plaintes du peuple , tic quel pouvoit c:re 1'objet de ces p'aintes; s'il fe préfentoit, dans la conjonéfure préfente , quelque fujet de rég'emens nouveaux & de réformation : au dehors , fi quelque nation foumife entreprer.oit de fc fouftraire a la domination du roi &c de changer de maitre, ou fi quelque nation indépendante ne méditoit rien de préjudiciable ou de dangereux : enfin , qu'elles mefures il étoit convenub'e de prendre a tous égards. L'affemblée des feigneurs , dans les pariemens de ce tems la, étoit générale, &c Hincmar s archevêque de Reims, dans une lettre a Louis-le-Begue , dit qu'a un parlement qu'il rappelle (i) , il ne manquoit, autant qu'il peut sen Jouvenir , que labbe' Hugues , fentant in populo celütudinis noftra majeftatem, dignum eft ftipendiorum gratia foveantur , &c. Regefi. Camera, computor. Parif. fignaium D. Le même prince , devenu roi fous le nom de Charles V, dit dans une ordonnance du 28 Avril 1364. Prsfertim ut noftram parlamenti curiam , qua noftras majeftatis imaginem repraefentat, a qua ut a fonte juftitce indefinente rexhauriunt, &c. Cang. in voc parlamentum, T 4  \ 296 des Parlémens; tiré tout leur pouvoir de cette qualité, & ont été pourvus de leurs charges par lettres en premier lieu gratuites, & depuis environ deux eens ans, moyennant-feienee»^//7*wz*- » Après avoir conduit Fhiftoire abrégé du parlement , depuis le commencement de la monarchie jufqu'a nos jours, il faut remonter au commencement du quatorzieme fiecle , pour connoitre 1'inftitution, Ia durée, & le pouvoir légitime des états - généraux. Le tiers - état qui n'avoit été admis jufqu'alors a aucune délibération publique , fut pour la première fois confulté a 1'occafion des démêlés de Philippele-Bel avec Boniface VIII ( 1) : ce roi ayant jugé a propos, fuivant 1'avis d'Enguerrand de Marigny fon minifire , d'inftruire tous les ordres du royaume des caufes de 1'interdit prononcé par Boniface, qui les regardoit tous en général. Cette même invention fut pratiquée, & a été continuée depuis en plufieurs occafions , pour faire fupporter au tiers-état plus patiemment ( 1 ) Philippe-le-Bel fit trois grands changemens dans la monarchie; il introduifit une pairie nouvelle par l'éreéfion dc la Bretagne, en 1497 » '1 convoqua la tiers-état, & 1'admit a délibérer fur les affaires publibliquesen 1301, & il rendit le parlement fédentaire \ Paris en 130a.  États Généraux, &c. 297 les levées de deniers qui tombbumt principalement fur lui dans les befoins du royaume (1). « Joachim le Grand, prieur de Neuville» les-Dames , très-fcavant dans notre hiftoire , » a compofé un traité de 1'affemblée des états , » qui n'a pas vu ie jour , ou il traite de 1'ori» gine des communes, & fait voir qu'on n'a » point connu le tiers-état avant Philippe-le» Bel, qui le confultaaufti comme il confulta » féparément le clergé & la nobleffe ; & que » le roi Jean eft le premier qui ait affemblé » les trois états. » Je ne fcais qu'elles font les preuves que 1'abbé le Grand pouvoit alléguer pour foutenir cette opinion : mais elle me paroït mal fondée; car il eft prouvé par les lettres des barons aux cardinaux, & par les hiftoires dë Platine , de Maüclere, de Jean le Maire, citées par Savaron dans fa chronologie des états généraux,que le mardi 10 avrili3oi (2), (1 ) Celui-ci a bien faute d'yeux , qui ne voit que le roturier fut exprès ajouté contre 1'ordre ancien de la France a cette affemblée , non pout autre raifon, fmon d'autant que c'étoit celui , fur lequel devoit principalement tomber tout le faix & charge. Pafquier. Reckerch. liv. 2 , ch, 7. (1) J'ai trouvé dans quelques auteurs cette même tenue d'états, datée du jeudi 2.8 mars de la même  2.$8 DES PARLEMENS, Phiiippe-Ie-Bel affembla en l'églife Notre-Dame de Paris , les archevêques , évêques , abbés , prieurs conventuels , doyens , prévots, chapitres , couvents, colleges des églifes , tant cathédrales que régulieres & féculieres, barons & nobles , enfemble les univeffités & cornmunautés des villes de fon royaume. Ce n'eft pas la , comme 1'on voit , une confultation particuliere de chaque état, mais une convocation en commun & des plus folemnelles, du tiers-état avec les deux autres. Pendant environ 300 ans, depuis 1301 jufqu'en 1614, les états-généraux ont été convoqués affez fréquemment, pour-leur communiquer les impofitions & autres befoins de l'état (1). Le roi recevoit, en même-tems, annee 1301, que 1'on comptoit a Pvome 1302 depuis le mois de janvier. ( 1 ) Les états du comté de Bourgogne ne feront auffi compofés au commencement, que des préiats & des barons. M. Dunod , Hift. du comté de Bourgogne , lïv. 6. Le tiers-état fut convoqué aux affemblées , par le motif de lui faire fupporter plas voloniiers les groffes contributions dont l'état avoit befoin. Le tiers-état étoit reprc'enté par quatorze maitres & vir.gt prévots. Les chambres s'enyoyoient des députés pour régler les aftaires communes ; & quand elles ne pouvoient pas en convenir, elles confultoient le parlement par des  États Généraux, &c. 299 fes p1ainf.es & doléances des états, ou leurs trés-humbles fupplications, quand ils trouvoient a propos d'en faire , pour la réforme de quelques abus. Sa majefté faifoit examiner ces demaGf&s en fon confeil , & y avoit tel égard qu'il lui fembloit jufte. ïi eft évident que ces états n'ont été , en aucune facon , fubrogés aux pariemens ambulatoires,: ils n'ont jamais porté le nom de parlement , ni de cour des pairs ; ils n'ont point jugé les valfaux de la couronne , ni les appels des fentences rendues dans les jufiices reffortiffantes k la juftice fouveraine du roi. Les loix nouvelles ne leur ont point été adreffées pour avoir leurs avis, ou pour revêtir ces loix de la forme gracieufe d'un enregiftrement: nulle portion de l'autorité royale ne leur a été confié. On ne trouve donc en tout aucune forte de rapport de-s états généraux aux par-1 lemens ambiilatoires, qui les avoient précédés immédiatement. On peut remarquer , au contraire, la continuation d'un même parlement, députés. Avant que de fe féparer, les états envoyoient des députés au parlement pour lui en donner avis, & pour lui remettre une fomme que cette compagnie empToyouf, a f°n grl^ ' Pour ^e kien Pat|lic. Le mime  300 des Parlemens; non interrompue depuis le commencement de la monarchie ; mais fous trois formes différentes. Premiérement, ce font des affemblées de la nation armée, qui campe dans le mois de mai : en fecond lieu, c'eft un confeil ambulatoire compofé de feigneurs eccléfiaftiques & laïcs, convoqué & confulté par le roi, lorfque fa majefté le juge a propos , & qui juge les vaffaux de la couronne : troifiémement, cette compagnie, dans le tems qu'elle eft rendue fédentaire, & depuis , eft compofée des mêmes feigneurs, & continuée dans les mêmes fondions de délibérer fur les affaires d'état, quand il plaït au roi de la confulter, d'être le fiége de la juftice fouveraine , d'enregiftrer les loix , & de veiller a leur maintien. C'eft faute de diftinguer ces trois tems & ces trois formes , que plufieurs ont peu connu le parlement, & font tombés dans beaucoup d'erreurs très-importantes fur le gouvernement & le droit public. Les champs de mars & de mai n'avoient d'autorité que celle qui leur étoit communiquée par le monarque. Les pariemens ambulatoires ne connoiffoient des affaires d'état que lorfqu'ils étoient confultés par le roi, & ils adminiftroient en fon nom fa juftice fouveraine. Le parlement fédentaire, le parlement fous fa troifieme forme, eft le même que  ÊTATS GÉNÉRAUX, &C. 3OÏ les pariemens fous les deux formes précédentes ; &z la conftitution des états généraux eft totalement différente; mais ils fe font trouvés avohvune reffemblance avec les plus anciens pariemens de la monarchie , avec les champs de mars & de mai: ftjavoir, que les états généraux étoient un corps repréfentatif de la nation, & que les champs de mars &c de mai étoient la nation même. Cette efpece de reffemblance a fuffi a un grand nombre d'auteurs, pour leur faire confondre les pariemens & les états généraux , d'oh font nées plufieurs opinions contraires aux plus folides fondemens de notre droit public : les uns ayant méconnu dans le parlement fédentaire le véritable fucceffeur des pariemens ambulatoires; d'autres s'étant perfuadés que le tiers-état avoit dü faire partie des pariemens; d'autres s'étant imaginées que le parlement (qui en vertu de l'autorité royale qu'il exerce, eft fupérieur aux états généraux dénués de toute autorité,) faifoit lui-même partie des états généraux , & l'ont placé tout de fuite dans le tiers-état. La fauffeté de ces opinions devient fenfible par la difcuflion fommaire que je vais continuer fur les pariemens & les états généraux : elle contient plufieurs traits, lefquels, quoiqu'appuyés fur les preuves les plus folides , font peu  301 DES P A R L E M E N S, connus , & qui font néanmoins les plus capables.de nous développer entiérement la véritable conftitution des deux corps politiques , qui font de la plus grande impoxtance dans l'état. Les anciens lits de juftice, foit avant, foit depuis que le parlement fut rendu fédentaire, étoient des journées declat de Ia majefté royale. La les rois faifoient entendre k leurs peuples les affaires principaies , & les deiibérations de la paix & de Ia guerre; la ils faifoient réponfe k leurs alliés, & jugeoient les grands vaffaux de la couronne. Henri II, roi d'Angleterre , cité en la cour de Philippe Augufte , pour répondre fur plufieurs griefs , en 1'année 1187 , affeöa plufieurs délais ; & comme il tardoit trop a comparoltre, Philippe réfolut d'entrer a main armée dans les terres qu'Henri poffédoit en France. (Rigord. de geit. Phil. Aug. ad ann. 1,87. ) L'an 1202, Jean , roi d'Angleterre, fut ajourné comme duc de Normandie & de Guienne , a comparoïtre en perfonne devant le roi & les pairs de France, en la cour du parlement, fur Faccufatioa du meurtre par lui commis en la perfonne d'Artur , duc de Bretagne, fon neveu ; & après que les informations eurer.t eté vues au parlement, toutes les terres &  ÉTATS GÉNÉRAUX, &C. 303 feigneuries , que Jean poffédoit en France, furent confifqué"es par le jugement qui intervint. Quinze ans après, la conteftation fur 1'inveftiture du comté de Champagne fut jugée par !e même roi Philippe Augufte , dans fon parlement. Philippe-le-Bel fit citer a la cour des pairs Edouard Ier, roi d'Angleterre , en 1293, &, faute de comparoitre, tous les domaines que 1'Anglois avoit en France furent confifqués. Plufieurs fouverains étrangers ont pris ie parlement pour arbitré ; « 1'empereur Frédéric » II, en 1244, fe rapporta au parlement du » roi de France, de ce qu'il avoit a débattre » avec Ie pape Innocent IV, touchant le » royaume de Naples. Le comte de Namur, » 1'an 13 12 , y difputa la caufe de fon comté » contre Charles de Valois , frere du roi » Philippe-le Bel, & la gagna. Ainfi le prince » de Tarente , en Fan 1320, y gagna un » procés contre le duc de Bourgogne , tou» chant les frais faits pour la conquête & le » recouvrement de Conflantinople. L'an 1342, » le duc de Lorraine &C Gui de Chatillon , » d'un confentement commun y débattirent » leurs partages. De même le Dauphin & le » comte de Savoie, ayant procés enfemble m touchant i'hommage dn marquifat de Salmes,  304 des Parlemens; » prirent pour juges la cour du parlement, 1'an » 1390. Les rois d'Efpagne ont tellement ef» timé la juftice de nos rois, & 1'intégrité de » fon parlement, qu'ils y ont envoyés des » traités pour y être vérifiés. Les rois de Caf» rille & de Portugal, ayant fait la paix en» femble 1'an 1403 , en envoyerent le traité » au parlement pour le vérifier, afin de plus m grande füreté; comme de fait, il fut vérifié » a leur requête & publié a huis ouyert. » (Bignon , excellence des rois &c royaume de Fr. 9426.) II eft évident, par tous les témoignages de Fhiftoire, que 1'intention des rois n'a point été de changer les foncfions du Parlement, depuis qu'il a été rendu fédentaire, en 1302, fous Philippe-le-Bel. En 1341, le parlement adjugea a Charles de Chatillon, comte de Blois, le duché de Bretagne contefté par le comte de Monfort. ( Guaguin. lib. 9 , in Carol. VIII.) Le prince de Galles, dit Froiffart, fut ajourné a comparcitre au parlement des pairs. II s'agiffoit des plaintis que ceux de Guienne, ayant a leur tête les comtes d'Armagnac, d'Albert & de Périgord , avoient portées contre ce prince. Charles V tint fon lit de juftice au fujet de eet ajournement , en 1369; ce roi, qui fut fur- nommé  États GiNÉRAüX,&c. ,0? ^mmé le Sage, tfentreprit aucune guerre & nC fit a»cune ^ire importante, Ll's avoir conuHté fon parlement. ( Re^ntr?dlï }f# '7i«0 Charles VIytintfon ï ds ^ice.-^396, pour déhbérer fur les m oven! eniure e. En cette même année, 1'évêque de BeauvaIS Chancelier,&le parlement ^ alle! r nt condmre Ie roi jufqu'a Ia frontiere de F^ndr Pendant ce regne , aucune réfltiot "e fut formee fans 1'avis du parlement. II fut ■ ™ 1413, Je médiateur de 1'accommodemenr entre ]es .mfons d'Orléans & de Bourgogne (Mezer. ann. 1380& I392 ) og " nW des requêtes , au parlement , p0Ur £ conhdter fur les droits & préroga ives d " paInesnouvellementéngées,&furtwt procédér au procès criminel du duc d'Alen9on Louis XI dépofa au parlement Ia formule qu'ft avoit fait a fon facre, par ! que ld prom, dans ]es term;PorJ_ «aires, de rendre juftice k fes fujets; & « -anda au parlement (.), quï^ ( i> Hoe addito precari fe tantffi cur;fi ■ fidem fuam in eo quod ritu tim f„!„ • * ƒ, y  3o6 desParlemens; d'une compagnie ft cêLebre, d'acquitter fa confcience dans un point oh il t avoit ft folemnellement engagée. Ce monarque , répondit , au rapport de Comines ( liv. z, chap. 14)» qUe les traités non publiés dans le parlement n'étoient d'aucune valeur. A la vérité, il y a bien de 1'apparence que Louis XI parloit ainfi , plutöt pour fe débarrafler de quelque traité qui le gênoit que pour établir cette maxime. 11 voulut bien condefcendre aux remontrances du parlement (Remontr. des zz mai, 16 fept. & 2.6 juillet 1718), en révoquant quelques édits qu'il y avoit envoyés pour y être enregiftrés: Sc il répondit aux préfidens Sc confeiiiers qu'i/ les tenoit pour fes fideles ferviteurs ; ufa.du mot de remerciement : ajouta qu'i/ leur feroit bon roi, & ne les contraindroit jamais d faire chofe contre leurs confciences. II exborta Charles VII, fon fils & fuccefleur , de ne neu entreprendre fans 1'avis de fon parlement. Louis XII confulta le parlement, avant que crets , a nos droits, ceux de-notre couronne , frans> chifes & libertés de l'églife galricane.»  ÉTATS GÉNÉRAUX, &c\ 311 elles, les réponfes faites au nom du roi, les témoignages des plus illuftres magiftrats, on démêie aifément les principes les plus folides touchant cette partie intéreffante de notre droit public. II fuffira de rapporter a ce fujet un petit nombre d'exemples. Pendant la minorité de Charles VIII, le duc d'Orléans, qui fut depuis Louis XII, s'étant adreffé au parlement pour que la cour réprimat le pouvoir exceffif de madame de Beaujeu , fceur de Charles VIII, le premier préfident de la Vaquerie répondit avec autant de modeftie que de fageffe, que la cour étoit inflituée pour admifiijlrer juftice , & que ceux de la cour n avoient point adminijlration de guerre, de finance , ni du fait & gouvernement du roi, ni de grands princes , & que mejfteurs de la cour de parlement étoient gens cleres & lettrés pour vaquer & entendre au fait dejujlice. Et peu après if ajouta , qué s'il plaifoit au, . roi leur commander plus avant, la cour lui obéiroit; mais que fans le- bon plaifir &' commahdemeni du roi cela ne fe devoit faire, (Bib'ioth. de Bouchet.) art. loix, t. 2, p. 591). Ce magiftratj, fort éloigné d'auribuer a fa compagnie une au., torité illégitime , eft le même qui avoit été avec le parlement en corps,. protefter aux pieds du trone, qu'ils aimoient mieux mourir qu'enregiftrer , contre leurs confeiences, un édit qui V 4  3 n des Parlemens, leur avoit été adreffé : & Louis XI, touché d'un zele fi vertueux, avoit bien voulu lupprimer eet édit. Le chancelier Olivier, dans le lit de juftice tenu par Henri II en 1549, dit que les matiere5 d'état depuis le roi Jean, ne font traïtêesdla cour, finon par commiffion fpéciale. Le chancelier de Silléry répondit aux remontrances du parlement du 21 mai 1615 , qu'il étoit vrai que les rois, aux grandes affaiies , avoient accoutumés deprendre avis du parlement, & croyoit qu'ils pouvoient grandement fervir ; mais que c'étoit quand il lui plaifoit; que quand leur autorité étoit jointeavec la volonté du roi, elle étoit tresbonnt, & conjeilleroit toujours le roi d'ufer de leurs confeilsj non pas qu'ils le donnajfent de leur mouvement & fans la volonté du roi ; que quand ils voudront eux-mémes y penfer, ils trouveront qu'ils ne le devoient faire ; que le parlement s'étoit potté infenfiblement d une délibération qui altéroit grandement l'autorité du roi ; quele tems même y étoit fort contraire.... que véritablement Cintention du par' lement etoit bonne ; mais qu'au parler , il y avoit du manquement; qu'il avoit dit ci-devant que cela étoit fans raifon , mais il leur dit mainienant que cela eft fans exemple . ayant charge expreffe de dire l'un & l'autre s d'autant qu'il ne fe trouvera poine que le roi étant d Paris , le parlement , de fm  ÉTATS GÉNÉRAUX, &c; 31 y propre mouvement, ait afembli' lesprinces, ducs & pairs, & officiers de la couronne, &c. ( Mercure francois, t.4,a. 1615, p.75). , °n Peut voIr par les ménagemens de cette réponfe combien elle eft éloignée du reeft de Louis le Gendre , qui dans fon hiftoire de France, (Regne de Louis XIII , ann. 1615) dit:« Par arrêt du confeil d'en-haut, les re» montrances du parlement furent declarées » fauffes, calomnieufes, pleines de malice & » de défobéiftance : de plus , il fut ordonné » qu'elles feroient tirées du regiftre, avec dé» fenfe au parlement de fe mêler d'affaires d'é» tat, fmon de 1'exprès commandement du » roi ». L'arrêt du confeil d'état, mal nommé du confeil d'en-haut, eft diÜé par le même efprit de modération que la réponfe du chancelier. II porte après mention de quelques exemples, « qu'aucuns des préfidens & confeiiiers des en» quêtes, députés, commiffaires pour dreffer » & mettre par écrir de nouvelles remon» trances .... ajoutant plus de foi qu'ils n'ont » du aux avis qui leur ont été donnés par per» fonnes qui Pont fait malicieufement & k mau» vais deffein, ou qui n'en étoient pas bien in« formées, ontinféré efdites remontrancesplu» fieurs articles qui font notoirement calom-  314 des Pariemens; » nieux, en ce qu'ils effaient de jetter un blame » général & mettre en mauvaife odeur tous » ceux qui ont eu part en 1'adminiftration des » affaires Sc finances; qui fait affez juger qu'on » a plutöt defiré de donner des prétextes a » ceux qui auroient volonté de troubler la » tranquillité publique, que de chercber les » moyens'de faire ceffer les abus Sc cléfordres, » qu'on groffit pour accroitre les mécontente» mens particuliers, Sc diminuer d'autant 1'au» torité de Sa Majefté, lefquels articles euffent » vraifemblablement été retranchés defdites » remontrances, s'il eut été permis aux plus » fages Sc judicieux, lorfque teaure en fut m faite les chambres affemblées, de délibérer » fur chacun article , Sc de les examiner parti» culierement, ainfi que fouloit être fait du » paffé; a quoi voulant pourvoir, Sc empê» cher a 1'avenir tels défordres Sc indues entre» prifes , a de rechef caffé, révoqué Sc déclaré » nul ledit arrêt du a8 mars dernier; faifant in»> hibitions & défenfes audit parlement de s'en» tremettre a 1'avenir des affaires d'état, fmon » quand il lui fera commandé : Sc afin que la » mémoire de cette entreprife & défobéiffance » foit du tout éteinte., veut que ledit arrêt, enH femble lefdites remontrances, foient biffés „ Sc ötés des regiftres, .& a eet effet, Sec.  États Généraux, Szc. 315 » Fait au confeil d'état du roi, Sa Majefté y » féant. A Paris, le X3e jour de Mai 1616 ». Ainfi le parlement n'a d'autorité que celle qui lui eft commife par la fource de toute autorité : & il réfulte clairement des principes établis, & des exemples rapportés ci~defius , que fi le parlement ne fe porte pas, de fon mouves ment, a connoitre des affaires d'état, hors les cas extraordinaires qui lui font fpécialement attribués, les rois, de leur cöté, font toujours difpofés a s'aider, même dans les autres affaires publiques, de la fageffe de ce confeil toujours fubfiftant, 8c que ces grands monarqucs fe font fait un ufage conftant de tempérer le pouvoir abfolu légiflatif par 1'enregiftrement de toutes leurs loix. Caftelnau a écrit que les édits n'avoient de force , s'ils n'étoient vérifiés au parlement. (Mém. de Cafteln. liv. 1, c.4). Ce feigneur , plus inftruit des matieres concernant la guerre & les négociations, que du droit public, a pris un ufage pour une condition néceflaire. Chaffanée eft tombé dans (1) la même er- ( 1 ) Ejus parlamenti tanta femper fuit apud Franco audtorkas, ut qua; rex ipfe de republica deque jure ; & proventibus regni ftatuerit, ea fine hujus fenatus decreto non procedant. Chajf. Catal. ghriar. mund, part, 7. confid. p.  3 iö des Parle mens; reur. L'enregiftrement du pariement n'ajoüte aucune force a la loi; il ne fait qu'en indiquer la juftice aux peuples, & révêtir la loi d'une forme gracieufe , dont 1'ufage a été invariable depuis le commencement de la monarchie. {Barel. adverf. monarchum. lib.4, c. 14& 1 5). Grande chofe véritablement, & digne de la majefbe' <£un prince, que nos rois , auxquels Dieu a donne toute puiffance abfolue, ayent d'ancienne (1) infi~ tution vouiu que leurs édits & décrets pajj'aJJInt par l'alambic de eet ordre public. ( Pafquier, Recherches, liv. 2, ch. 4. Larocheflav. liv. t3 , p. 693 ). La liberté des fuffrages y doit être entiere. C'eft une autre extrêmité deprétendre que (1) (1 ) Capitularia patris noftri , qua; Franci pro lege tenenda judicaverunt, & fideles noltri in generaü placito noftro confervanda decreverunt. Capitula CaroüCalvi y ad ann. 837 , c. 8 , apud Carifiacum. ( C'eft ainfi qu'un roi diroit maintenant : les ordonnances du roi notre prédéceffeur, que nos amés & féaux , les gens tenant notre cour de parlement ont enregiftrées.) ( a) M. 1'abbé Lenglet , traitant de 1'hiftoire de l'empire , dit : « Charlemagne poffédant beaucoup de » royaumes , crut fe pouvoir donner un titre fupérieur >» a celui du roi, II prit donc celui d'empereur qu'd n a tranfmis a fa poftérité. Ce titre n'ajoutoit rien a vi fon pouvoir, qui étoit abfolu daqs tous fes états ;  ÉTATS GÉNÉRAUX, &C 317 l'enregiftrement du parlement n'eft qu'une pubiication. Si les édits, déclarations & lettres patentes n'étoient envoyés au parlement, fuivant 1'opinion qu'on a attiibuée a quelques miniftres, que pour une fimple publication, il ne faudroit que les faire remettre au greffe , & non les faire préfenter par les gens du roi aux chambres affemblées. Par la on n'öteroit i la loi aucune des parties de fa force , ni de fon autorité , qu'eile tire toute entiere de l'autorité royale, dont elle eft uniquement émanée ; mais j, & quand il affembloit des pariemens , c'étoit non „ pour les cpnlujtér , mais pour notifier & déclarer i) fes volonté» aux grands de les royaumes.» II eft vrai que l'autorité de Charlemagne étoit abfolue ou pleinement monarchique; mais jamais les pariemens ne furent convoqués pour une fimple notificatlon , & c'eft ce qui peut encore moins fe dire des pariemens du commencement de la feconde race. Quant au titre d'empereur, il eft fi fupérieur au titre du "roi , que lori'que les empereurs ne fe crurent plus' dans 1'obligation de conferver les apparences de la république, on leur donnoit le titre de roi comme fupérieur. La qualité de reftaurateur de l'empire Romain en Occident, étoit glorieuie a Charlemagne ; & quoique le titre de roi foit fupérieur a celui d'empereur , tous les rois de 1'Europe reconnoiflent une dignité fupérieure dans 1'empereur, a caufe de 1'ancienne puiftance de l'empire Romain. Princip. de FMJl. U 3.  3iS* des Parlemens; onla priveroit d'un de fes principaux avantages & des plus capables de lui attirer la confiance des peuples, qui s'y foumettent plus volontiers, après qu'elle a paffe par Ja délibération d'une compagnie de gens fages , défintéreffés, qui ont peu de liaifcn avec le miniftere, & qui font toujours prêts k repréfenter 1'intérêt public. D un autre cöté , il eft de la prudence du parlement d'ufer du droit de remontrances que le prince leur accorde avec tant de modération & de retentie, qu'ils en confervent tout le poids pour les conjoncf ures importantes. II parut il y a quelques années un libelle (i) attentatoire a la majefté royale , injurieux è la dignitédu parlement, &remplid'opinionsridicules. L'auteur, qui fe donnoit pour un favant perfonnage, y difoit gravement, en fe contredifant lui-même :« Et de fait, nous voyons » que le parlement a toujours été un abrégé » des trois états. Nous voyons encore aujour» d'hui l'églife repréfentée par un nombre de » confeiiiers clercs. Nous y voyons la nobleffe » dans les perfonnes des princes du fang & des ( i ) Ce libelle étoit intitulé ; Mémoire touchant 1'origine & autorité du parlement de France , appellé judicium Francorum. II a été condamné par arrêt du parlement a être brülé par la main de 1'esécuteur de la haute-juftice.  ÊTATS GÉNÉRAUX, &C. 3*9 » ducs de France qui font les premiers de la » couronne ; enfin le corps entier, qui eft un » corps mixte, y repréfente tous les ordres du » royaume ». Si le parlement, rendu fédentaire , eft le même que les anciens pariemens tenus depuis le commencement de la monarchie (comme Fauteur du libelle femble ne pas 1'ignorer) , il ne repréfente que le clergé Bc la nobleffe, dont les anciennes affemblées, appellées pariemens (i), étoient compofées. Mais le terme de repréfentation ne convient qu'a Finférieur a Fégard de fon fupérieur; difons plutöt que le parlement rendu fédentaire ne repréfente que Fautorité royale dans les parties oh la volonté de nos rois lui communiqué cette autorité; de même que les pariemens ambulatoires ne repré. fentoient auffi que Fautorité royale qui les convoquoit, pour concourir au bien public par leurs confeils, & rendre la juftice au nom du roi en certaines occafions. L'autorité royale rend le parlement le premier corps de la nation. Sans elle il n'eft rien. Quelle opinion d'avancer ( i ) On trouve cette même faute , que les anciens pariemens ambulatoires étoient compofés des trois états , dans 1'abrégé de 1'hiftoire de France , par le P. Chalons , fous le regne de Philippe-le-Bel.  3*o besParlemens, que Ie parlement a toujours été un abrégé des trois états, puifque les trois états n'ont été conmis & affemblés que prés de mille ans (,) après la naiflance de ce parlement ? II n'a jamais été confondu avec les états généraux, & c'eft une grande ignorance du droit public que de 1'avancer. Le premier préfident & plufieurs confeiiiers du parlement ayant été appellés aux états de Tours en 1506, ils fiégerent avec les prince, du fang , cardinaux, archevéques & évêques è 1'entour du tröne. Les députés du clergé & ceux de la nobleffe étoient a droite & a gauche fur des bancs difpofés en long des deux cötés de la falie, & le tiers-état vis-a-vis dans 1'éloignement. (Godefroy, Cérémonia! francois, t. 2, p. 289). Le Cérémonial francois , le Mercure francois, fur les états de Paris de 1614, & les hif- ( 1 ) Le parlement eft né avec la monarchie , dont les commencemens remor.tent au cinquieme fiecie de lere chrét.enne , il y a plus de 1300 ans ; & les états généraux n'ont été affemblés , pour la première fois , que dans le quatorzieme frecle, fous le roi Jean. Du Haillan, Peu inftruit de la plupart des matieres'cu'il traite , fait commencer les affemblées des trois états du tems de Charles Martel. Du Haillan, regne de Pepin. toriens  États Généraux, &c. 321 toriens marquent expreffément que dans toutes les tenues d'états généraux, les confeiiiers d'état de robe longue & de robe courte ( diftinction qui n'eft pas ancienne), ont précédé les députés des trois ordres. A la proceflion des états généraux du 23 octobre 1614, le tiers-état marchoit devant ; la nobleffe enfuite, & le clergé plus prés du faint Sacrement. Après venoit le roi , la reine , quelques princefies & quelques dames , & les filles de la reine. Puis marchoient meffieurs du parlement en corps. Le roi ne fut accompagnq ni de chevaliers de 1'ordre , ni de feigneurs de la cour , a caufe que mefiïeurs du parlement ne voulurent fouffrir qu'aucun marchat entre la roi & eux que les perfonnes ci-deflus nommées. (Cérémon. franc. p. 338 ). « Si 1'on n'appelle les pariemens aux états, » c'eft qu'ils font par-deflus les états, vérifient » ce qui a été arrêté & y apportent des modifi*> cations. (Traité de la création des offices , t. 1, aux additions, p. 99 ). « II n'eft pas douteux que le parlement de » Paris n'ait de tout tems telle force que comme » il exerce l'autorité royale , les trois états du » royaume ne foient tenus d'exécuter fes ar» rêts». (Dupuy, tr. de la major. p. 559)^66 Tomc, I, X  %ix des Parlemens* cahiers des derniers états généraux tenus a Paris en 1614 furent préfentésa Louis XIII féant en fon lit de juhhce en 161 ^ / Non-ieulement la cour a conftituée juge des rélblutions prifes par les états, Ou plutöt des délibérations par eux formées ; mais le parlement a encore connu de la validité ou invalidité de leurs iéances, & les états tenus a Paris en 1'an 1 593 furent calfés par arrêt de la cour du 30 mai 1194. (Savaron, chronologie des états généraux ). Dans un mémoire préfenté au feu roi en i664 Par les préfidens du parlement, ils expoient que le parlement ejl le premier de tous les corps de [état, qui neft jamais prêcédé de perfonne, qui eft même fupérieur aux états généraux, lorfqu'ils font afjemblés c eft pour quoi le parlement ne fait point partie des états généraux , & n'eft d'aucun des trois corps qui les compofent, paree quil eft fêparê de tout le refte des fujets du roi, quifoiment leur corps d'eux-mêmes. Le parlement , au contraire, eft immédiatement attaché d Ij. royauté, fans laquelle il ne compofé ni corps ni communauté. Quant aux officiers de judicature en particulier, chacun fait partie de l'état, ou il feroit indépendamment de fon office. Dans les états  Etats Généraux, &c. 313 de Paris en 1558, fous Henri II, i! y eut (,) quatre ordres, du clergé , de la juftice & du peuple ; ce qui rra été pratiqué depuis f, auffi cette diftinflion étoit-elle inutile. N'y a certeS que trois états , dit Papon, confiftans en kéglifè en la noblefe & populaire. Sur tous hfdits trois états feprend tétat de jufiice , qui eft participant diceux, pour être compofé des gens d'eglife , des gens de. noblefe & du commun du peuple. ( Pa. pon , liv. 5 , tit. 2 )„ L'officier de juftice, qui eft eccléiiaftique, eft du clergé; le noble, qui eft officier de juftice, eft de la nobleffe., II peut auffi , fens dé> roger k fon état, & pour augmenter même fa dignité, préfider au tiers état, ou accepter la députation de quelque grande ville. C'eft ainfi que 1 'avocat Charles du Moulin a fiegé aux états généraux parmi les nobles, paree qu'il étoit de (2) naifïance noble ; en même tems qu'on a ( 1 ) Dans ces états, le parlement ne faifoit point partie de 1'ordre de la juftice ; car il ne peut faire partie des états généraux, étant leur fupérieur. ( 4 ) Elifabéth, reine d'Angleterre , fe difoit parente de ©harte! du Molln. Le principe de cette parente n'eft pas bien connu ; on fca.it feulement qu'Anne de Boulen. mere de cette reine , fut élevée en Brie, & que, les ancêtres de Charles du Molin, étoient feigneurs de X i  3i4 des Parlemens; Vu des magiflrats d'une condition relevée préfider au tiers-état, ou être députés de la ville de Paris. Aux états tenus par Louis XI , a Tours, le 6 Avril 1467 , avant Piqués, les villes du royaume étoient repréfentées ïndiftinctement par des eccléfiaftiques, gentilshommes & bourgeois; & en la defcription de ces états, on lit les paroles fuivantes : Et au bout £ en-bas dudit parquet, avoit plufieurs felles & formes, ou étoient notables perfonnes, tans gens d'églife, bourgeois , nobles , qu autres qui 'Mee étoient recus garnis de pouvoir fuffifant, fiifant & repréfentant la plus grande & faint partie des bonnes villes & cités de ce royaume. (Du Tillet , Recueil des rangs des grands de France ). Les députés des villes , qui compofent le tiers-état, peuvent être pris des trois ordres, du clergé, de la nobleffe & du peuple, paree que les villes que ces députés repréfentent font habitées par ces trois ordres. Auffi fe trouve-t-il fréquemment des eccléfiaftiques & des nobles parmi ces députés; & par le tiersétat , on ne doit pas entendre fimplement le peuple, mais un état mixte & compofé de trois autres. On trouve a ce fujet bien des erreurs. Fontenai en Brie. Vie de Charles du Molm , d la tête fe fes ouvrages , chap. 2 & j.  ÉTATS GÉNÉRAUX, &C. 327 Zampini, qui a fait un traité fur les états généraux qu'il ne connoifToit gueres , avance que les magiflrats font, par rapport au tiers-état, ce que les princes du fang font par rapport a 1'ordre de la nobleffe : opinion qui ne fignifie rien; les premiers princes du fang n'étant pas davantage du corps des nobles que la magiftrature par elle-même ne fait partie du tiers-état. Aux états de Tours tenus par Louis XII, 1'an 1506, Jean Bricot, eccléfiaflique & chanoine de l'églife cathédrale de Paris, paria pour les villes & pays du royaume de France. ( Etats génér. deTours,in-fol. dans les manufcr. de 1'Abb. de S. Germain , ci-devant Séguier). Quoiqu'il füt perfonnellement dans le premier état, comme eccléfiaflique, il fut transfèré dans le tiers-état par la commiffion ; mais fans aucunement ceffer ou d'être eccléfiaflique ou de faire partie du premier ordre, en cette qualité. II faut donc diflinguer Ie rang paffager d'une commiffion , du rang invariable & perfonnel, provenant de la naiffance ou de la profeflion: & k plus forte raifon, le rang du magiftrat, qui préfide au tiers-état ou qui eft député d'une grande ville, ne peut être tiré k conféquence pour le rang de la magiftrature elle-même. Lorfque Jean Bricot, chanoine de Notre-Dame, paria au nom des villes & pays du royaume X3 *  3x6 des Parle mens, de France, il ne changea point perfonnellement d'état; & moins encore en pourroiton induire que tout le chapitre de Notre Dame füt transféré dans le tiers état. Si un cor.feillerclerc du parlement étoit député pour le clergé aux états généraux , tout le parlement qui eft effentiellement tin corps late , & qui, par cette raifon ne peut jamais être préfidé par un clerc , ne feroit pas partie de 1'ordre du clergé. Si un cenftiller lak du parlement étoit député aux états généraux pour la nobleffe du canton oü il poffederoit des fiefs, tdut le parlement ne feroit point partie du corps de la no-. bleffe, paree que cette compagnie revêtue de Fautorité royale eft fupérieure , foit a 1'ordre de la nobleffe, foit aux trois ordres qui compofent les états généraux. Quelle erreur dene, paree qu'on a vü des magiftrats, aecepter la préfidence du tiers-état ou la députation de quelque grande viile, d'inférer que le parle* ment fait partie du tiers-état? Rien n'eft plus contraire ala conftitution de notre gouvernement & a tout 1'ordre public , que cette opinion, qui a néanmo.ns été celle du cardinal de Richelieu , dans fon teftament politique. Ce miniflre croyoit-il abaiffer le parlement, lorfqu'il la placé dans le tiers-état ? Pouvoitil donner par - la queique atteinte aux droits, & a la dignifc de cette compagnie?  États Généraux, &c. 327Le parlement eft de toute ancienneté la cour des pairs : il eft originairement la feule cour de la juftice fouveraine du Roi. J*ai.. entendu néaamoins quelques officiers des parlemens. de proyinces, qui foutenoient que le parlementde Paris n'avoit, a eet égard, aucune préro» gative fur les autres, que par le féjour que l.e_ Roi fait dans 1'étendue de fon reffort; que, fi Sa Majefté transféroit fon féjour dans 1'étendue de la jurifdiéfion d'un autre parlement,, les pairs, l'y fuivroient ;. |e qu'alors ce parlement feroit ,1a cour des pairs. Cette prétention eft infoutenable : il n'eft pas douteux que le Roi ne puiflfe tenir (1) fon lit de .juftice» ( ï ) Ij y a. fix exemples de ïjts de juftice tenus papjes rois dans les pariemens des provinces.: i°. lelkde. juftice tenu par Charles 1X., en fon. parlement de Rouen, le mardi 17 Aoüt 15,63 , pour la déelaration, de fa majorité, & pour la réformation. de divers abus introduits dans la juftice ; 3,0. le lit de juftice tenu par 3e même roi , en fon parlement de Bordeaux, Potuieme avril if6ql avant Püques, pour admonêter ladite cour de rendre bonne juftice ; 5*. le lit de juftice tenu pas le même roi, en fon pa'ilemerit de Touloufe., pour ex-horter ledit parlement de bien adrniniftrer la juftice. Charles IX , après la décjaration de fa majorité , avoit jugé a propos de viftter les principales villes de fon royaume; 40. e lit de juftice tenu par le roi Louis. X 4  318 des Parlemens, en tel parlement qu'il jugeroit a propos; alors les pairs fuivroient le Roi, non en leur qualité de pairs, mais comme tous ceux dont le Roi trouve bon de fe faire accompagner en ces occafions. Ou fi le Roi vouloit qu'un autre parlement, que celui de Paris, füt la cour des pairs, cette innovation d'ufage, cette tranflation de dignité ne pourroit être regardée que comme un effet de la puifiance abfolue du Roi: car les pairies n'ont point été enregiftrées dans les pariemens des provinces : les pairs n'y ont point été recjus ; ils n'y font point connus en cette qualité. Le roi pourroit bien déclarer que tel parlement feroit a 1'avenir la cour des pairs; ils devroient alors y faire enregiftrer leurs pairies, s'y faire recevoir & y prêter ferment: mais le roi ne pourroit pas faire, que XIII, en fon parlement de Bourdeaux , le 10 décembre 161$, pour recommander a ce parlement une exaéle obfervation de la juftice; 50. le lit de juftice tenu par le même roi Louis Xïll, en ion parlement de Rouen , 1'oniieme juillet 1610 , pour Tenregiftrement de lettres de déelaration , qui y furent lues en préfence de fa majefté ; 6°. le lit de juftice tenu par le même roi Louis XIII, ie 28 feptembre 1620 , dans le même parlement, pour l'enregiftrement de quelques édits consernant le domaine & les finances.  ÉTATS GÉNÉRAUX, &C. 329 le parlement de Paris n'eüt été, jufqu'a aujourd'hui, la cour des pairs. Les pariemens des provinces réunies a la couronne ont été fort relevés de dignité, depuis qu'ils font devenus les cours de juftice du fuzérain , au lieu qu'ils étoient les cours de juftice des grands vaffaux de la couronne. Un évêque de Saint-Malo, voulant interjetter appel a la cour de France, d'une fentence du fénéchal de Rennes, il fut dit qu'on ne pouvoit appelier au roi des caufes jugées en Bretagne , qu'après qu'elles y auroient été jugées en dernier reffort. (Le P. Labineau, hift. de Bret. liv. IX.) Seyfiel obferve que Ie duché de Bretagne reffortiffoit k la cour du parlement , quand le cas y échéoit; ce qui eft conftaté par deux lettres parentes de Philippe de Valois du mois de juin 1328, & par bien d'autres preuves. ( Seyffel de la loi Sal. part. 3.) Sous le roi de France , Charles V, d la requête des feigneurs gafcons, appel fut fait & formi pour aller en Aquitaine appeller le prince de Galles en parlement d Paris, le i5janvier 1368. (Froiffart, vol. 1 , ch. 247). II eft très-eertain que la jurifdiflion du parlement s'eft éten* due fur toutes les terres & pays qui compofent aujourd'hui les territoires de toutes les jnrifdiclions. du royaume.  53° des Parlemens, La cour de parlement étoit appellée la cour de France, paree qu'il n'y avoit d'autre parlement en France. (Dumoulin, tit. 4 , pag. 416). Qn la trouve ainfi nommée dans (1) une tranfaetion de 1 307, entre Philippe le Rel & 1'évêque & le chapitre de Viviers. Le parlement de Paris avoit encore (1) le titre de parlement de France, au commencement du feizieme fiecle. Le procureur général du parlement de Paris appelloit les procureurs généraux des autres pariemens , fes fubftituts; & encore a préfent, il fe dit & prétend être (1 ) Non tenebuntur coram aliquo officiario noftro litigare vei refpondere, nifi tantummodö coram nobis vel noftra curia Franciee. ( Gang. invoc. parlamentum.) Duchefne dans les preuves de l'hiftoire de ta maifon de Chdtillon, rappone un Arr'et nommé jugement de la cour de France. Habetur reg^flum ye^us, cujus tïtuhis ita concipitur : in nomine Domini noltri J, C. incipa tegjf» trum curia; Francia;. ( Cang. in \oc, curia. ) ( 2 ) En l'églife de Ckémiré , dans le Maine, on.voh. la tombe de marbre noir du premier prèfident de Courtharai un peu élevéc & enviionnée d'une bordure de marbre blane , fitr laquelle on lit cette infeription : Ci git noble & fage maitre Pierre de Courthardifeigneur dudit lieu, de Viré , de Bruiion & de Bellcfille , confeilier ö£ premier prèfident au parlement de France , lequel décéda k Paris le 25 o&obre 1'an 15ÓO. (Singularit. hifioriq. &. lïttér. lom. pag. 280..}  États Généraux, &c. 331 unique procureur général du roi, en toute la France: Sc il eft très-remarquable que la Rocheflavin, prèfident des requêtes du parlement de Touloufe, fecond parlement de France, reconnoït qu'il n'y a pas long-tems que les procureurs & avocats généraux de ce parlement n'avoient pas les honneurs , autorités , rangs, ni prééminences dont jouiffoient ceux du parlement de Paris. ( La Roc'aejlav. liv. z , (h. y , fed. 3o ). I es grands officiers prêtoient ferment en parlement. Gafpard de Coligny, feigneur de Chaallion fut recu, en parlement, amiial de France, fous Heni ïï. Flenri de Montmorenci y fut auffi recu au même office d'amira!, pour lequel il prêta ferment le 10 juillet 1612; & le maréchal de Lefdiguières y fut recu Sc prêta ferment pour 1'office de maréchal de France, le 22 juillet 1610. (La Rocheflav. liv. 13, pag. 732. Pafquier, liv. 2, recherch. ch. 4. Godefr. Cérém. Fran. titre 2, pages 679 Sc 680). Les confeiiiers au parlement ne portoient le titre de meffieurs, a moins qu'ils ne fuffent chevaliers. Le titre de maitre étoit fort honorable; les évêques & les barons (1) ne le trouvoient ^ i) Aux états de Tours, én 1506, le cardinal d'Ajr.-  33i des Parlemens, pas au-deffous d'eux. {La Rochcfiav. liv. P. 48). Une autre opinion fur le parlement qui eft mal fondée, quoiqu'elle fe trouve dans de bons auteurs, c'eft que la multitude des affaires des particuliers ayant demandé une affiduité qui détournoit des' fonaions militaires, les feigneurs quitterent le parlement & laifferent leurs places a des gens de loix. Mais il ne fe trouve aucune époque ou ce changement fe foit fait; & cette opinion eft évidemment détruite par les preuves, qui réfultent de 1'hiftoire & des regiftres du parlement. Dans tous les tems il y a eu, parmi les magiftrats, des feigneurs de la première nobleffe. Pour s'en convaincre, pourfuit 1'auteur , il n'y a qu'a faire une revue abrégée des noms les plus illuftres qu'on trouve dans les regiftres du parlement , après qu'il a été rendu fédentaire & long-tems depuis. II fait cette revue en commencant d'abord par les maifons, dont il ne refte aucun defcendant dans la magiftrature ). boife eft nommé maïtre Georges , cardinal d'Amboife, & lé*at en France. (Savaron , Chronologie des Etats Généraux.) Le comte de Foix eft qualifié haut prince & redoute , maitre Galton , comte de Foix &: de Béara. {Froifard ,vol. 3 , ch. /.)  États Généraux, &c. 333 DES ÉTATS GÉNÉRAUX. « Encore que quelques-uns, dit Pafquier, » qui penfent avoir bonne part auxhiftoires de »> la France, tirent Paflemblée des états géné» raux d'une bien longue ancienneté , voire » fur elle établiffent toute la liberté du peu» ple , toutefois ni l'une ni l'autre n'eft vé» ritable. » ( Pafquier reek. liv. x , ch. 7 ). Savaron, dans fa chronologie des états généraux , a taché de prouver que , dès 1'origine de la monarchie, & dans tous les fiecles écoulés depuis fon établiffement, le tiers-état avoit toujours fait partie des états-généraux : mais il eft réfuté par la nouveauté des états-généraux eux-mêmes. Toutes les autorités, dont il s'appuie, ou fe rapportent aux tems poftérieurs a leur inftitution dans le i4e. fiecle, ou a ces tems reoulés de la monarchie, pendant lefquels on ne connoiffoit aucune diftinction de nobleffe , ni d'état, dans le peuple fran5ois. II cite le témoignage de Saint Louis, dans fon teftament, oh ce monarque reconnoit que les bonnes villes & cités tont affift contre les princes qui affecloient la régence & les barons de leurs faclions. Mais y a-t-il dans ces termes, aucune apparence de preuve que les députés de ces villes euffent été convoqués  534 DES PARLEMENS, en forme d'état? La feule affemblée anterieurè a Philippe le Bel, que Savaron puiffe produire, comme y ayant éte fait memion des députés de bonnes villes; c'eft un parlement tenu fous Saint Louis , dont il eft dit, femUablement k roi Saint Loys afembla un parlement a Paris, oh furent les pairs de France, barons, préiats & gens de bonnes villes. Mais quel eft 1'hiftorien qui parle ainfi ? C'eft Nicole Gilles, fecrétaire de Charles VIII. Cet hiftorien éerivant environ 250 ans, après le temos dont il s'agit, s'exprime d'une maniere conforme au ftyle & k 1'ufage de fon tems. Tout autre chronique, citée par Savaron au même endroit, eft une rédaaion faite dans des tems auffi récens, comme il parolt par le ftyle. (Savaron, chronologie des états généraux, ann. 1 240.) Les auteurs contemporainsdécrivent bien dif- féremment latentie des pariemens d'alors (i)< ( , ) Eodem anno, Caftro Vcieüafi, parlamentum (Ludovicus VII,) congregavit. Ibi, archiepifcopi, epifcopi & abbates, & magna pars baronum Francia convenerunt. (VUa Lui. VU.) Defunfto itaque Francorum rege ( Ludovico VIII ) , regina ejus Blanca fecit convocare generaliter archiepifcopos, epifcopos , & alios ecciefiarum prelatos, cum magnatibus ad coronam fpeftantibus. {MaitL Paris, ad ann. 1226. )  Êtats Généraux, &ri ïls les font confifter uniquement dans les archevêques, évêques, abbés, barons & grands officiers de la couronne. Aucun monument de ces ïems-la ne parle de députés des bonnes villes ni de tiers-états; & outre cette preuve hégative, qui décide, lorfqu'eüe ne peut être eombattue par aucune autorité contraire ; nous eonnoiffons la conjonclure précife & de la convocation d'un tiers-état , & de 1'invention même des états généraux. Inutilement objefteroit - ön qu'on trouvé des lettres de convocations, adreffées aux députés des bonnes villes & chefs des cornmu> nautés, dès 1'ahnée 1269? Ces lettres d'un f& néchal de Carcaffonne, & de Beziers & de fon lieutenant, rapportées dans lespreuves de fhiftoire de Languedoc, n'ont rien de commun avec des convocations ou des tenues de parlement ni d'états généraux. Ce font des fénéchaux qui, fur les requêres de (1) (1) Noverinr univerfi quod anno Domini I26o, vlij kal. au*, viri venerabiies & difcreti confules urbis & fuburbh Narbonnas , ad praefentiam D. Guillelmi de Cohardon, militis fenefcalli Carcaffonje & Biterris accedentes , cum inftantia petierunt ut bannum faceret de Blado de di&a fenefcallia non extrahendo . prasdiflus fenefcallus ad habendum hujufmodi confilium convocavit praslatos, terrarios , barones, milites , confules, & majores communitatum infra fcriptos, &c*  336 DES Pi KL EU E N S, quelques communautés, tandantes a ce que défenies fuffent faites de laiffer fortir des bleds del'étendue de la fénéchauffée, convoquent des affemblées des préiats , barons, chevaliers & confuls des communautés. II étoit dans 1'ordre d'y faire mention de ces communautés, & de les y appelier, puifquelles donnoient lieu a la délibération par leurs requêtes: mais ces exemples ne peuvent avoir aucune application, ni aux pariemens, ni aux états généraux. Savaron n'a pas de peine a trouver des exemples du tiers-état, convoqué depuis 131: {MJ[. de Colbert, n". 227;. Prcuv. de l'Hifi. de Languedoc , t. 2 , p. 58;- ) Noverint univerfi quoi cum aliqua; perfons quarumdam bonarum villarum de fenefcallia Carcaüena: expofuilTent Gaufrido de Avefia , vicario Biterrenü , Domini regis, tenenti locum D. Guillelmi de Cohardon, militis fenefcalli Carcaflbnae & Bitterris , quod prater mefles freriles bladi cariflia imminebat, & cum 'mftantia fupplicaflent, ut habito confilio , jufta regulas ttatutum, deffenfum faceret generale de blado non extrahend» de fenefcallia Carcaflbna; & Biterris , pra:di£lus tenens locum difli D. fenefcalli, ad habendum fuper his confilium , praïiatos & barones , & confules , & communitates civitatum & aü arum bonarum villarum de fenefcallia Carcaflbnae & Biterris per fuas parentes litteras aoudBiterrim convocavit, &c. ( MJf. & preuv. comme ci-dejfus ,pag. 603.) mais  ÉTATS GÉNÉRAUX, &C. 337 mais il a erré en deux points capitaux, l'un que les alïemblées qui, dans les fiecles récens de notre hiftoire, ont porté le nom d'états généraux, foient les mêmes que les anciens pariemens; l'autre, que le tiers-état fit partie de ces pariemens anciens. Les opinions des auteurs qui ont écrit, depuis le commencement du quatorzieme fiecle, ne peuvent affoiblir le témoignage précis des auteurs contemporains, tant fur la forme des anciens pariemens que fur le commencement des états généraux. Le tiers-état, comme nous 1'avons obfervé, fut pour la première fois, confulté par Philippe le Bel, en 1301 , environ neuf eens ans après 1'inftitution du parlement, né avec la monarchie. Le motif de cette confultation fut, en partie, de s'aflurer de la fidélité du peuple , contre les prétentions de Boniface VIII. Rien n'eft donc plus conftant par notre hiftoire, que la nouveauté des états généraux. Quant a l'opinion , qui établit en eux 1'efpérance & le fondement de la liberté publique, il y a plufieurs obfervations a faire fur ces fortes d'affemblées. Si le choix des députés a été fait en vue de leurs bonnes intentions & de leur capacité; fi leurs qualités répondent aux motifs qui les Tome I. Y  338 des Parlemens, ont fait choifir; fi i'efprit d'obéifiance régne parmi eux; fi le bon ordre Sc la tranquillité font 1'objet qu'ils fe propofent; fi les perfonnes qui prévalent en crédit Sc en autorité Sc qui conduifent toujours la (i) multitude, n'ont que des vues faines, tendantes au bien public , accompagnées de la prudence requife Sc d'une connoiffance entiere de la fituation préfente des affaires; fi les defieins du monarque Sc de fon confeil, font de nature a n'avoir pas befoin de fecret pour la réuffite; fi chaque particulier , qui a droit de fuffrage dans les états ou au moins le plus grand nombre, préfere 1'intérêt public au fien propre, & joint les lumieres néceffaires avec ce défintérefiément; il eft certain qu'il n'y a rien que de bon a atrendre de ces fortes d'affemblées. Plus le roi communiqué k fes fujets le moyen par lequel il entend les gouverner, plus fon autorité eft refpetfée Sc chérie, plus il trouve ds zele dans (I ) Les états de 1356 étoient compofés de plus de 800 perfonnes, dont les députés des villes faifoient plus de la moitié. Aux états tenus a Paris en 1614., il y avoit 140 députés en la chambre du clergé; 13Ï en la chambre de ia nobleffe ; & en celle du tiers état 192. , prefque tous officiers de juftice ou de finance. -(Mercur. Franc. ann. 1614 , pag. 20.)  ÉTATS GÉNÉRAÜX, &C. 339 la foumiffion. D'ailleurs , le monarque eft inftruit par les repréfentations que lui tont les états; & il fe peut faire qu'il fuggere de bons expédiens & qu'il donne de bons confeüs. Mais a quoi bon tant d'appareil, de lenteur & de dépenfe ? Le confeil du roi eft affez inftruit & affez éclairé , & fi quelqu'un a de bons avis a donner , il eft bien venu en tout tems. L'avantage qu'on peut efpérer des états généraux, balance-t-il les inconvéniens qui peuvent s'y trouver ? Rien n'eft fi facile aux hommes artificieux & entreprenans, que d'en impofer a la multitude par de fpécieux prétextes. Suivant 1'ordre naturel des caufes & de leurs effets, le trouble & la confufion doivent prévaloir dans le grand nombre, paree que les féditieux & les malintentionnés s'y intriguent & s'y agitent bien davantage , que les hommes prudens & portés au bien public, qui ont, ordinairement, moins d'ardeur & d'aöivité; & qui n'emploient que de bons moyens & des voies légitimes. Le fecret, 1'ame des bons fuccès & la furce du gouvernement, ne peut fe trouver dans ces fortes d'affemblées; la plupart de ceux qui lcs compofent, y apportent beaucoup d'igno^nce & de prévention pour 1'intérêt particulier; & Y 1  34Ó bes Parlemens, ce nombre accable les fufFrages de ceux quï font éclairés & qui veulent le bien public; car les voix fe comptent & ne fe pefent pas , dit (i) Pline ; rien n'ejl plus incgal , que cette forte d'égalité qui fait que le droit des fuffrages ejl pareil, oit il y a une fi grande difproportion de fuffifance. Enfin, la lenteur de ces délibérations (i) fait manquer les occafions les plus favorables. Quant au crédit de ces affemblées, il n'eft pas douteux qu'il ne foit d'un grand poids. Elles repréfentent (3) la nation. Un pere qui réuni- ( 1) Numerantur enim fententia:, non ponderantur; nee aliud in publico confilio fieri poteft, in quo nihil eft tam inequale, quam ajqualitas ipfa : nam cum fit impar prudentia, par omnium jus eft. ( Plin. lib. 2, epifl. 12.) ( 2) L'Efpagne a eu fes Cortes ou affemblées d'états généraux ; elles y ont ctffé plutót qu'en France. Les dernieres furent tenues a 1'olede en 1538, au lieu que les derniers états généraux ont été convoqués a Paris en 1614. ( 3 ) Grotius explique fort-bien la différente conftitution 'des états généraux dans les différens gouvernemens. Jam yerb comitia ordinum, id eft, conventus eorurn qui  ÊTATS GÉNÉRAUX, &C. 341' roit toute fa familie pour la confulter, & qui n'y trouveroit que du zele pour le bien commun , auroit beaucoup d'égard aux repréfentations unanimes de fes enfans : mais les états généraux en France n'ont aucune autorité, ni par eux-mêmes, ni communiquée par le roi. Auffi les états n'ont jamais employé les expreffions d'édits, d'arrêts, d'ordonnances (1), de régiemens, mais feulement de cahiers, de doléances, de fupplications & autres termes affectés a la plus entiere foumiffion, & dénués de toute forme décilive. populum in clafles diftributum referunt , nimirüm ut Guntharus loquitur. Praslati, proceres, miffifque potentibus urbes. Alibi quidem in hoe ferviunt duntaxat, ut fint majus regni confilium , per quod querelaï populi, qua» ftepius in confiftorio reticentur, ad regis aures perveniant, cui deinde liberum fit ftatum. Alibi etiam jus habent de faólis principum cognofcendi, atque etiam leges praefcribendi, quibus princeps teneatur. {Grot. lib. /, de jur. bell. & pac. c. 3. ) ( 2 ) Les ordonnances faites dans les états , ne font pas faites de l'autorité des états, mais au nom du roi, & de fa feule autorité , après que fa majefté , en Iba. confeil, a agréé les propofitions des états. n 1  34> des Parle mens, L'autorité du roi étant générale, & s'étendant a tout ce qui concerne fadminiftration , il ne peut y avoir de néceffité de convoquer les états généraux pour aucune forte d'cffaire en ce genre ; quoicu'il pourroit être fort avantageux de les affembler en certaines occafions fort importantes, foit pour donner plus de fplendeur Sc de folidité a de grandes réfolutions , foit pour exciter davantage la volonté Sri .le zele des fujets dans les tems difficiles, comme il a été pratiqué pendant 1'efpace d'environ trois eens ans , les rois ayant tantöt convoqué les députés des provinces en forme d'états, tantöt ayant appellé les officiers de plufieurs pariemens, tantötayant compofé quelque confeil extraordinaire , Sc donné différentes formes k ces fortes d'affemblées. Mais il pourroit y avoir des cas oü la convocation des etats généraux feroit néceffaire ; comme s'il s'agiffoit du confentement de la nation , ou pour des échanges de fouverainetés qui donneroient lieu a des changemens de dominations, ou pour reconnoitre le véritable héritier de la couronne , fi fon droit étoit contefté , ou pour régler d'avance des droits fucceflifs. Indépendamment de ces conjoncfures, 1'affemblée des états peut en tout tems avoir fes utilités , Sc produire de bons effets.  ÉTATS GÉNÉRAUX, &C. 343 « L'affemblée des états, dit du Tillet , eft » fainte, ordonnée pour la conférence des fu» jets avec leur roi, qui montrant fa volonté >» de bien regner, leur communiqué les affaires » publiques, pour en avoir avis & fecours; » les recoit a lui faire entendre librêment leurs » doléances , afin que les connoiffant, il y » pourvoie ; ce qu'il fait par délibération de » fon très-fage confeil, dont il eft pour eet » effet affifté ; & octröie a fefdits fujets ce qu'il « voit être raifönnable , non plus : car s'il étoit » néceffité de leur accorder leurs demandes, » il ne feroit plus leur roi. Souvent lefdits fu» jets ne regardant que leur foulagement pré» fent, fans confidérer la conféquence , requé» roient fi le jugement du roi n'étoit par-def» fus*; chofes qui tourneroient a plus grand » dommage pour eux , quelquefois a ruine de m l'état. En ceux de Tours fut propofée 1'abo» lition des tailles, juftement refufée ». (Difc. de du Tillet en 1560. Tr. de Dupuy, de la major, dans lespreuves,p.3 37). Jamais les états n'ont eu un pouvoir légitime de rien ftatuer par eux-mêmes & de leur propre autorité. Boulainvilliers, partifan continuel de 1'anarchie, dans fes lettres fur les pariemens , rje s'arrête a décrire que les tems les plus cala- Y 4  344 des Parlemens; miteux de notre hiftoire. Les affemblées d'états génpraux , qui furent très-fréquentes fous le roi Jean, ne marquent autre chofe , finon que dans le péril ou fe trouvoit le royaume, ce roi prenoit les moyens qu'il jugeoit les plus convenables pour conferver 1'affecfion de fes fujets, & leur faire fupporter (i) plus volontiers les grands fubfides dont il étoit obligé de les charger. Les états avoient fi peu d'aurorité de rien ftatuer par eux-mêmes , qu'ils préfentoient leurs requêtes féparément en plufieurs occafions ; & après la fin de ces affemblées, le roi donnoit le plus fouvent fes lettres de ratification a chaque ordre en particulier, qui avoit délibéré fur le fujet des requêtes. Les états convoqués a Paris, en 1356, ne furent fi turbulens & fi agités, qu'a caufe de la prifon du roi Jean en Angleterre, qui occafionnok les défordres les plus funeftes. Ces états firent au dauphin Charles, lieutenant général du royaume, plufieurs demandes exorbitantes. ( 1 ) Les ordonnances de ces tems-la portent ordinairement cette claufe ; « Que le roi a eu grant & » meure délibération de confeil avec plufieurs de fon » lignage , préiats , ducs , barons , princes , gens d'é»> glife, nobles, & autres habitans du royaume, & « lages perfonnes.»  ÉTATS GÉNÉRAUX, &C. 345 Quelle conféquence peut-on tirer pour un gouvernement légltime, d'un tems fi funefle ? Tout étoit en défordre dans le royaume ; les payfans s'armerent pour exterminer la nobleffe , & exercerent d'horribles cruautés. On fut contraint de les affommer de toutes parts comme des bêtes féroces. Marcel, prévöt des marchands de la ville de Paris, fit défenfe de fabriquer la monnoie ordonnée par le dauphin &c fon confeil. « II inveftit en 1 338 le palais du dauphin de » deux ou trois mille hommes armés; la plu» part gens de métier, qui portoient les cha» perons rouges, mi-partis de bleu & de rouge: » & ayant pris avec lui les plus déterminé», il » monta a 1'appartement du dauphin. Mon» feigneur , lui dit-il, ne foyez pas furpris de » ce qui va fe faire ; c'eft pour le bien public. » Ayant dit ces paroles, il fit un figne a ceux » de fa fuite, qui mettant auffi tot 1'épée a la » main, fe jetterent fur Robert de Clermont, » maréchal de France, & fur Jean deConflans, >> maréchal de Champagne , qu'ils maffacre» rent a la vue & aux pieds du dauphin. Le » dauphin demeura feul, & demanda au pré» vöt fi 1'on en vouloit a fa perfonne. Non, » monfeigneur , répondit il; mais pour vous  346 des Parlemens,' » mettre en füreté , prenez mon chaperon. Le » prince le prit & lui donna le lien, que eet * infolent porta a fa téte tout ce jour-la. Peu » (Fheures après, il envoya au prince quantité » d'étoffes rouges &* d'étoffes bleues, pour en Jt faire des chaperons femblables a ceux que » portoient les bourgeois de Paris, & les dif- * tribuer atoute fa cour. Cela fut exécuté, & » les officiers de la chambre des comptes & » tous les autres furent obligés d'en prendre » de même , de peur d'être infultés par le » peuple ». ( Le P. Daniël, dans le Req. du roi Jean, année 358. FrobTarr, vol. ier, ch. 179). Le prévöt Marcel eut, peu de tems aprés, la ïa t*te fendue d'un coup de hache, comme il vouloit changer la garde d'une des portes de Paris , pour livrer la ville a Charles-le-Mauvais, roi de Navarre. Ainfi périt ce fcélérat, d'une mort mille fois trop douce. La maniere dont Froiffart parle des états de 1356 (vol 1 , ch. 170 , 171), des régiemens qu'ils firent fur le fait des monnoies, de Fautorité qu'ils ufurperent de deftituer plufieurs officiers , du confeil qu'ils formerent de trente-fix perfonnes des trois ordres, pour s'emparer du gouvernement, font connoïtre que la prifon du roi Jean , les calamités du royaume, &: le befoin des fub-  ÈTATS GÉNÉRAUX, &C. 347' fides, avoient fait eclipfer cette autorité, qui eft la fource du bonheur, de la tranquillité & de la force de la nation. On fe laffa bientöt du • gouvernement (i) des états, fuivant le témoignage du même hiftorien. Les nobles & les préiats , dit Froiffard, commencerent a sennuyer de Vordonnance des trois états. ( Vol. 1, ch. 170). L'auteur d'une chronique manufcrite (i)porte ce jugemensdes états de 1356:« Les trois états » affemblés a Paris par le régent furent con» duits par aucuns obftinés, outrecuidés , qui ( 1 ) Outre Fattachement des Francois au gouverncmentroyal, on eft perfuadé en France de cette maxime , qu'un grand étar ne peut être gouverné que par une autorité fans partage. Les Romains eux-mêmes , ces fiers publicains , reconnoiffoient que leur empire , depuis qu'il avoit été augmenté par les conquêtes , étoit un grand corps qui ne pouvoit fubfifter qu'autant qu'il étoit animé d'une puitTance unique. Imperii corpus , quod ita haud dubio nunquam coïre & confentire potuiffet, nifi unius prsefidis nutu , quafi anima & mente regeretur. {Flor. lib. 4. ) Unum efle reipublica? corpus, atque unius animo regendum. ( Tac. annal. lib. /.) ( 2 ) Cette chronique eft a bibliotheque du roi , nura." 757, M. Secouffe dit qu'il y a vu ce paflage écrit de la main même de M. du Puy, & Ia marge du procésverbal de ces états. ( M. Secouffe, préf. du j' vol. des ordonn, p. fy.)  348 des Pariemens; » vouloient que le duc (i) fe gouvernat du » tout par eux, &c qu'il muat tous les officiers » & délivrat le roi de Navarre : ce qu'il ne » voulut pas faire , fans avoir le congé de fon » pere, & par fon fens les fit repartir fans » rien faire, pour éviter leur importunité ». Dans des lettres du 28 mai 13 59, Ie dauphin dit « que ceux qui avoient le plus de crédit » dans ces états , cachoient leur ambition; » fous le veile du bien public;qu'ils avoient (1) » féduit les autres députés, dont les intentions » étoient pures; qu'ils avoient attaqué les con» feillers du roi fon pere & les fiens, pour fa» tisfaire leurs haines particulieres ; que par » rapport a ces officiers , on avoit violé toutefc » les regies de la juftice & dans la forme & (1) Charles qui fut depuis Charles V, avoit eu le le titre de lieurenant de roi, après la prife du roi Jean fon pere; au mois de mars 1357,11 prit le titre de dauphin : c'eft le premier fils de France qui ait porté ce titre. II eft tantöt appellé Dauphin , tantot duc de Normandie. ( 2 ) Eo res proceflerat, ut nifi Caroli Normanise ducis tune regnum regentis prudenüa obviam itum eflet, plus mali trium ordinem ftatus regno allaturus effet quam ipfius regis Joannis captivita : qui tarnen non ita natum difïïdium componere potuit, quia multa & magna ex illo incommoda nata fint. (Matharell. in Hotoman. Francogall, c. 15. )  ÊTATS GÉNÉRAUX, &C. 349 » dans le fond; qu'ils n'avoient été ni appelles, » ni entendus , ni convaincus. Le dauphin » ajoute que les députés des états lui firent » de bouche plufieurs demandes , dont quel» ques-unes étoient trés - préjudiciables aux » droits & a la nobleffe de la couronne de » France, au roi & a lui; que la nécefiité » d'avoir des fonds pour foutenir la guerre » 1'avoit contraint malgré lui & a fon déplai» fir, & pour éviter de plus grands malheurs , » de céder a leur importunité; mais que ce» pendant il ne 1'auroit jamais fait, s'il n'avoit » efpéré que dans des tems plus heureux il » feroit pu liberté de caffer 5c annuller tout ce » qu'on le forcoit de faire contre fa volonté ». (M. Secouffe, préf. du 3e vol. des ordonn. p. 66). ^ Aux états de 1381, fous Charles VI, les députés affemblés a Compiegne répondirent aux demandes des fubfides, qu'ils n'étoient convoqués que pour entendre les intentwns du roi; qu'ils n'étoient point autorifés d rien conclure ; qu'ils feroient leurs rapports aux villes qui les avoiene députés, & qu'ils n'empêcheroient rien pour les engager d ce qu'on fouhaitoit d'elles. Mais quand ils propoferent a leur retour les demandes qui avoient été faites , elles furent rejettées partout; & les députés de Sens, qui feuls avoient-  '35© DES Parlemens, confenti aux fubfides, furent défavoués. Cet exemple unique de députés qui doutent de leur pouvoir, & de villes rébelles, fait-il la moindre apparence de preuve que ce confentement fut Jégitimement néceffaire ? II y avoit alors un foulevement prefque général dans le royaume. La populace de Paris, dans la fédition appellée des maillotins, avoit enfoncé les portes de 1'hötel-de-ville & de 1'arfénal, & affommé les receveurs des deniers royaux. Fondera-t-on fur ces exemples la véritable conftitution & les principes d'un gouvernement ? Les états généraux, fous Henri III, tacherent de diminuer l'autorité royale. On fait combien elle étoit foible dans ces tems malheureux; & fi 1'on pouvoit établir quelque droit fur ce qui fut fait alors, on pourroit foutenir également que les prédicateurs font autorifés a déclamer contre Fobéiffance due aux fouverains , & qu'il appartient a la populace de contraindre le monarque a main armée & de 1'affiéger dans fon palais. La maniere cependant dont les états procéderent pour s'arroger une autorité qui ne leur appartenoit pas, eft un furcroit de preuves, que les états affemblés n'ont aucune autorité par eux mêmes. Les états de Blois en 1576 demanderent a Henri UI qu'un député de chaque ordre , dans  ÊT ATS G£NÈ R AU X , &C 351 chaque gouvernement, füt appellé au confeil, lorfqu'il ftatueroit fur la préfentation des cahiers des états, & que la lïfte des confeiiiers, dont le roi entendoit fe fervir, étant communiquée' aux états , ils puffent faire leurs remontrances fur le choix de ces confeiiiers. ( Mezerai, regn. d'Henri III, ann. 1576). Douze ans après, les états affemblés au même lieu, firent une propofitionencore plus hardie: ils demanderent que les délibérations des états fuffent publiées, fans attendre les ordres & la ratification du confeil du roi, dont les longueurs, difoient-ils , & les modipZcations , rendoient inutiles la plupart des remedes les plus falutaires. ( Mezerai 6c le P. Daniël, regn. d'Henri III, an. 1588). C'étoit demander que la fouveraine puhTance (1) füt partagée entre le monarque &C la nation. Et au lieu que les états généraux ne s'étoient jamais attribué d'autres fonclions , que de faire leurs remontrances fur les abus que les députés étoient chargés de repréfenter de la part des provinces & des villes , Sc de ( 1 ) Ambiorix, roi d'une partie de la Gaule, entrt lx Meufe & le Rhin, dit dans les commsntaires de Céfar: Sua efle ejufmodi imperia , ut non unius haberer in fe juris multitudo , quam ipfe in multitudinem. (Cafar dc Bell. GalLlib. s.)  351 DES PA RL E M E N S, fuggérer leurs penfées & leurs vues fur les moyens qu'on pourroit prendre pour y remédier; fur quoi les rois les ayant ouis, & après avoir examiné leurs cahiers, profitoient de leurs lumier«s, & avoient égard a leurs remontrances , felon qu'ils le jugeoient a propos , comme a des chofes foumifes a leur prudenee & a leur autorité royale : ces états demarderent alors que leurs cahiers fuffent réfolutifs , c'eft-a-dire que les articles qui y étoiens contenus fuffent recus & publiés, comme s'ils euffent été des édits &C des loix , fans être ratifiés & approuvés par le confeil. Par conféquent ils demandoient indireclement au roi de leur céder l'autorité fouveraine & légillative: démarche féditieufe, infpirée par les plus violens ligueurs & par la faclion des feize, qui travailloient de tout leur pouvoir a fapper les fondemens du tröne, pour trouver 1'impunité de leurs crimes dans le défordre & dans 1'anarchie. Ces demandes injufles demeurerent fans effet: il n'en réfulte qu'une preuve furabondante & un aveu formel que cette autorité ne réfidoit pas dans les états, puifqu'ils la demandoient comme une chofe nouvelle, & qu'ils tachoient de fe 1'attribuer contre 1'ufage obfervé jufqu'alors. Après la tenue des états de Blois en 1558, Si  États Généraux, &c. 355" & celle des états de Paris en 1614 , le roi (1) , nonobftant les fupplications de ces afftmblées, ne voulut permettre que nul des états affijïdt en fon confeil, lorfqu 'il -y feroit délibéré fur les répor.fes des cahiers, attendu qu'il ne vouloit introduire aucune nouveauté, ni permettre qu il füt rien changé aux formes anciennes. ( Mercure francois , ann. 1615, p. 386). C'eft un fSlt très-certain que le tiers-état fut confulté, pour la première fois, enj.301 , par Philippe le Bel. D'un autre cöté, nous avons le témoignage non fufpeét de Comines, qui s'explique ainii :« Charles VII fut Ie premier » qui gagna ce point d'impofer des tailles k » fon plahir, fans le confentement des états ( 1) Qiwiqu'il s'agiffe ici des deux regnes d'Henri III & de Louis XIII, // ejl parlé au nombre fingulier ,/ui-, vant la maxime , que le roi ne meurt point en France , paree qu'il n'y a point d'interregne, & que l'autorité royale n'y fouffre jamais d'interruption. La France n'eft jamais un feul moment fans roi qui n'y meurt point; le trépas de l'un ouvrant auffi-töt la fucceffion a l'autre plus proche. De - la vient que la cour de parlement, tröne augulle de nos rois , jamais ne change fa pourpre en deuü; pour d'autant plus témoigner qu'elle a en finguliere vénération la continuelle préfence de fes monarques. ( Scévolt & Louis de Sainte-Marthe , hifi. de la, Maif. de Fr. liv. i , eh, 7.) Tome I, %  354 D E s Parlemens, &c. » de fon royaume : Sc a ceci confentirent les » feigneurs de France pour certaines penfions » qui leur furent promifes pour les deniers » qu'on leveroit en leurs terres ».  355 ORIGINE DE LA PUISSANCE LÉGISLAT1VE; SOUS LA TROIS IE ME RACE, ET DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Extrait des Obfervations fur Ü Hiftoire de France , de tAbbe' de Mably. Rien ne contribua davantage a conférerau roi la puhTance légiflative, que Ia révolution occafionnée par la nouvelle jurifprudence des appels établis pem S. Louis. La profcription du duel judiciaire exige néceffairement de nouvelles formalités dans 1'ordre de la procédure. Les magirfrats durent entendre des témoins , confultér des titres , lire des chartes & des contrats: il fallut penfer, réfléchir, raifonner , & les feigneurs, dont les plus favans favoient a peine figner leur nom, devinrent incapables, & fe dégourerentde rendre Z 2  356* Puissance législativé,' la juftice. Dans ce même parlement, oü, fous le regne de Louis VIII, on avoit contefté au chancelier , au boutillier , au connétable Sc au chambellan du roi, le droit d'y prendre féance êc d'opiner dans les procés des pairs, il fallut admettre fous celui de Philippe-le-Hardi des hommes qui n'avoient d'autre titre que de favoir lire Sc écrire , Sc que la routine des tribunaux eccléfiaftiques mettoit en état de conduire, felon de certaines formalités, la procédure qui s'établifioit dans les tribunaux laïcs. Au parlement de 1304, ou de 1'année fuivante , on trouve encore dans la lifte des officiers qui le compofoient, plufieurs préiats, plufieurs barons Sc des chevaliers ■diftingués par leur naiffance , qui avoient la qualité de confeiiiers jugeurs. Mais , quoiqu'ils parulfent pofféder toute l'autorité de cette cour, puifqu'ils en faifoient feuls les arrêts, ils n'y avoient cependant qu'un crédit très-médiocre. Les confeillers-rapporteurs, hommes choifis dans 1'ordre de la bourgeoifie, ou parmi les eccléfiafiiques d'un rang fubalterne , n'étoient entrés dans le parlement que pour préparer, inftruire Sc rapporter les affaires. Quoiqu'ils n'euffent pas voix délibérative, ils étoient cependant les vrais juges; ilsdiöoient les avis & les jugemens d'une cour qui ne voyoit que par  États Généraux; 357 leurs yeux : & ces rapporteurs qui, par la nature de leur emploi, étoient 1'ame du parle-f ment, ne tarderent pas a s'en rendre les maïtres. Ces magiflrats, qui donnerent naiffance a unt état nouveau de citoyens, que nous appellons la robe, arracberent ala nobleffe une fonöiora a laquelle elle devoit fon Origine, & qui avoit fait fa grandeur. Les évêques même les gênerent; &c fous prétexte que la réfidence dans leur diocefe étoit un devoir plus facré pour eux que l'adminiftration de la juftice , ils lesécarterent, Sc ne leur permirent plus de fiéger; parmi eux. II étoit aifé aux feigneurs de fentir combier* ils devoient perdre a n'être plus leurs propres" juges. Peut-être le comprirent-ils; mais ne leur reftant dans leur extréme ignorance aucun,-. moyen d'empêcher une réfoiution néceffaire , ils imaginerent, pour fe confoler, que 1'adminiftration de la juftice, réduite a une formepaifible & raifonnable, étoit un emploi indigne1 de leur courage. La naiffance roturiere des pre1miers magiftrats de robe, avilit, ft je puis parler de la forte , la. nobleffe de leurs fonöions & cette bifarrpie , prefque inconcevable, a établi un préj^é ridicule qui fubfifté encore dans les grandes maifons, & que des bourgeois ennoblis ont adopté par ignorance ou par ya- Z 3  '358 Puissance législative; nité. Si les feigneurs n'étoient plus en état d'être les miniftres 6c les organes de la juftice , il femble que ceux qui, par la dignité de leurs fiefs, étoient confeiiiers de la cour du roi, auroient dü s'arroger le droit de nommer euxmêmes des délégués pour les repréfenter, exercer le pouvoir qu'ils abandonnoient, 6c juger en leur nom. S'ils avoient pris cette précaution , ils auroient donné un appui confidérable au gouvernement féodalébranlé de toutes parts» & menacé d'une ruine prochaine. Heureufement ils n'y penferent pas; 6c en Iaiffant au roi , comme par dédain , la prérogative de nommer a fcn gré les magifirats du parlement, ils lui conférerent l'autorité la plus étendue. Les gens de robe tinrent leurs offices du prince 8c ne^les poffédoient pasavie;car, a la tenue de chaque parlement, le roi en nommoit les magiftrats : le défir de plaire, de faire leur cour 6c de conferver leur place dans le prochain parlement devoit donc les porter a étendre l'autorité royale. D'un autre cöté , le mépris injufte que leur marquoient des feigneurs qui fe faifoient encore la guerre , & fe piquoient d'être indépendans ^les irrita. Ces fentimens déguifés fous l'amoi#du bien public, 6c dont peut-être ils ne fe rendoient pas compte, parurent devenir le mobile de leur  ÉTATS GÉNÉRAUX. 359» conduite ; ils regarderent la nation comme un peuple de révoltés, qui avoit fecoué l'autorité fous des regnes foibies, & qu'il falloit contraindre a fe courber encore fous le joug des loix. Ils fe firent une maxime de n'avoir aucun égard pour les immunités, les droits &'les privileges autorifés parTanarchie des fiefs; ils firent tous les jours des titres au roi par leurs arrêts; ces titres augmentoient les droits de la couronne , cV ces nouveaux droits augmentoient a leur tour la force qui lui étoit néceffaire pour dter aux feigneurs leur droit de guerre, öc a laquelle rien ne devoit réfifter dès qu'elle fe feroit fuivre, ou plutöt précéder par les formalités de la juftice. Au lieu d'effaroucher, la forme calme alors les efprits, & chaque événement prépare a voir fans trouble 1'événement qui doit le fuivre. Non-feulement le nouveau parlement, ou pour mieux m'exprimer, les nouveaux magiftrats du parlement, autoriferent toutes les entreprifes des baillis & fénéchaux : ils en firent continuellement euxïxiêmes fur les grands vaffaux , & Louis Hutin fut obligé de modérer leur zele. Les magiftrats , pleins des fubtilités & des idéés de modération qu'on prenoit dans les cours eccléfiaftiques, ne lifoient pour tout livr^ , z4  j6o Puissance législative; «jne la Bib'e & le Code de Juffinien , qire S. Louis avoit fait traduire. Ils appliquerent k la royauté des Capctiens tout ce qui eft dit dans 1'Ecriture de ceile de.David & de fes def«rendans; cu d'après le pouvoir que les loix romaines donnent aux empereurs, ils jugerent de l'autorité que devoit ayoir un roi de France. A la raiffanc'e même du credit qu'eurent les .gens dc robe, on decouvre'déja le germe Sc les iprjo^pes de ce fyftême que les jurifeonfultes poft^kurs ont- développé dans leurs écrits. On -diftbï-ji&dans la perfonne du prince deux qna^fcet&flférentcs, celle de roi Sc celle de feigneur •&fi3tein. La m.sjcilé royale 6c 1q pouvoir qui y eft attaché, font.,, a-t-on dit, toute autre «hoiq que la fuzeraineté. L'autorité du feigneur ne s etend que fur le vafial; mais Celle du roi s'étend également. fur tout ce qui eft compris dans Péteml.ie de fon royaume. Ay^. j i'n.iippe le.E.el, on n'avoit connu k Fégard du roi que le crime de félonie ; fous fon regne on commei.ca a parler du crime de lèfermajefté QmA-qu'il en foit, des opinions nouvelles & des préjugés anciens , il réfulta un ordre de chofes tout nouveau. Philippe-le-Bel devint légiiiateur,j mais n'ofa pas , en quelque forte, ufer du droit de faire des loix. On conyenoit  Êtats Généraux. 5"fji' qu'il avoit la puiflance légiflative dans les mains ; mais tout 1'avertiffoit de s'en fervir avec circonfpeftion, & de faire des facrifices è fes fujets. Wn roi capable de s'élever au-deflus des erreurs que le gouvernement féodal avoit fait naitre, de connoitre les devoirs de 1'humanité, robjet & la fin de la fociété, & pour tout dire en un mot, la véritable grandeur du prince & de fa nation, auroit pu , dans les circonftances oü fe trouvoit Philippe - le - Bel , rendre fon royaume heureux & tloriffant. Les efprits éclairés par une longue expérience de malheurs , commencoient, comme on vient de le voir, h fentir la néceffité d'avoir des loix: & après les progrès que l'autorité royale avoit faits, il ne falloit plus qu'être jufte pour former un gouvernement fage & régulier. Je n'ofe point entrer dans le détail des inftitutions qu'ón auroit pu établir, & qui étant analogues auxmoeurs & au génie des Francois, auroient concilié la puiflance du prince avec la liberté de fa nation: j'écris la forme qu'a eue notre gouvernement, & non pas celle qu'il auroit dü avoir. Mais la France, qui avoit befoin d'un Charlemagne , ou du moins d'un nouveau S. Louis, vit monter fur le tröne un roi ambitieux, difiimulé • toujours avide de rkheflès, toujours ardent i  361 Puissance législative; fe faire quelque droit nouveau, toujours occupé de fes intéréts particuliers : tel étoit Philippe-le-Bel. Avec de pareilles difpofitions, ce prince devoit être bien éloigné de penfer que le droit de faire des loix dont il fe trouvoit revêtu, dut être employé a faire lebonheur public. Croyant mal h'abilement que le légiflateur doit d'abord foüger a fes intéréts perfonnels , & voyant d'un autre cöté les feigneurs pleins d'idées de leur fouveraineté, toujours armés & jaloux de leur droit de guerre que S. Louis avoit modifié & diminué, & non pas détruit, il penfa qu'ils n'obéiroient a fes loix que malgré eux, & que l'état feroit ébranlé par les troubles qu'y cauferoit leur indocilité. Pour prévenir ces révoltes , & affermir dans les mains du prince la puiffance légiflative, il fuffifoit de faire parler la raifon & la juftice dans les loix, mais Fh:dippe-le-Bei préféra le moyen moins fur d'humilier encore fes vaffaux , &. de leur öter lepouv ramener, & les menez & traitiez par belles paroles, „ & fi courtoifement que efclande n'en puiffe venir.» Ordonnance du Louvre, torn. i , pag. 371. Quand ce prince voulut obtenir, en 1304, une fubvention générale, il traita comme il le dit lui-même dans fon ordonnance du 9 juillet 1304, « avec les j, archevêques , évêques, abbés , doyens , chapitres, „ couvens , &c. ducs , comtes , barons , & autres „ nobles , pour qu'il lui füt oarcyé de grace une fub« venfton générale des nobles perfonnes & des rotu» riers. » Ordonnance du Lcuvre , torn. 1", pag. 412.  États Généraux. 373 90'is du quatorzieme fiecle , une habileté & rafinement dont ils étoient incapables. Quoi qu'il en foit, ils ne s'oppoferent point aux prétentions de Philippe; & fe contenterent, pour conferver 1'immunité de leurs terres , d'exiger des lettres parentes (1), par lefquelles le ( i) Le tems a refpe&é plufieurs de ces lettres paternes. « Faifons favoir & recognoiffbns que la der» niere fubvention que ils nous ont faite ( les barons , j> vaffaux & nobles d'Auvergne ), ils nous i'ont faite » de puregrace, fans ce qu'ils y fuffent tenus que de » grace ; ék voulons & leur oclroyons que les autres » fubveritions que ils nous ont faites ne leur faffent nul » préjudice , ès chofes efquelles ils n'étoient tenus, S» ne par ce nul nouveau droit ne nous foit acquis ne r> amenuifié. » Ordomance du Louvre , torn. i",pag. 411. 1'hilippe-Auguite donna de pareilles lettres patentes a la comteffe de Champagne. «Philippus, Dei gTatia, » Francorum rex , dilect» & fideli fua? Blanchs , » comitiffae Trecenfi, falutem ék dileétionem. Novej> ritis quod auxilium illud quod amore Dei ék noftro 3» promififti faciendum ad lubfidium terra? Albigenfis , 3) de vicefima partè reddituum veftrorum , deducUsira3> tionabilibus expenfis, ad nullam nobis vel heredibus » noftris trahemus confequentiam vel confuetudinem; 3? aétum Meleduni, anno 111,1. n Saint Louis fit de pareilles colleges dans les villes , ék leur. donna de pareilles iettres patentes, Comme on ne fe-gouvernoitencore que pac des coutumes, ék qu'un feul fait avoit fouvent fufii pour établir- un nouveau droit; il étoit la 3  374 Puissance législative; prince reconnoiffoit que ces collectes accordées gratuitement, ne tiroient point k conféquence pour Pavenir. ïndifpenfable de ne rien accorder & donner au prince ou a quelque feigneur, fans obtenir en même tems une charte ou des lettres patentes qui notifiaflent que le fubfide accordé ne tireroit point a conféquence pour 1'avenir. Les communes qui craignoient toujours qu'on ne voulut exiger d'elles des contributions plus confidérables que celles dont elles étoient convenues, en traitant de leur liberté, n'accordoient rien par-dela les taxes réglées par leurs chartres, fans faire reconnoitre que c'étoit un don gratuit. V. Ordon. du Louvre , torn. p. s8o. L'ordonnance de mai 1315 , portant que la fubvention établie pour 1'armée de Flandres ceffera. II faut que ce fubfide füt levé par l'autorité feule de Philippe-le-Bel , puifque Louis X dit dans fon ordonnance : « a la requête des nobles & des autres gens de » notre royaume, difans icelle fubvention être levée m non duement, ék requérans ladite fubvention ceffer » dou tout , ékc. » Louis X dit que fon pere avoit fupprimé ce fubfide par une otdonnance ; mais fans doute que fous main Philippe-le-Bel avoit ordonné a fes officiers de continuer a le percevoir : rien n'étoit plus digne de la politique de ce prince. Louis X ajoute dans la même ordonnance : « Voulons encore que pour » caufe deladite fubvention levée, nul nouveau droit »» ne nous foit acquis pour le tems a ven ir, ék nul  États Généraux. 375 Tout réuffiffoit a Philippe: mais les différens moyens qu'il employoit pour augmenter fes finances , 1'inftrument de fon ambition & de fon autorité, étoient fujets a d'extrêmes longueurs. II falloit entretenir des négociations de tout cöté; les difficultés fe multiplioient; tous les feigneurs ne voyoient pas leurs intéréts de la même maniere, & n'avoient pas » préjudice aux gens de notre royaume n'en foit » ainfint, » C'eft, fans doute , de eet impot levé illicitement, ék fans avoir traité avec ceux de qui ort Fexigeoit , que parient les hiftoriens, quand ils repréfentent le royaume pret a fe foulever. Cette entreprife de Philippe-le-Bel étoit, en effet; très-hardie, ék choquoit toutes les idéés des différens ordres de l'état. On avoit vu ce prince entrer en négociation avec les vendeurs de marée de Paris , pour faire un changement dans les droits qu'il percevoit fur leur commerce. « Nous faifons fcavoir a tous préfens n ék a venir, que comme a la fupplication des mar» chands de poiffon de plufieurs parties deffus la mer, » nous aiens ofté ék abattu la fauffe couftume appellée i) hallebic, eftant a Paris fur la marchandife de poiffon , » ék ils fuffent affenti, ék le nous euffent offert que » notre couftume que nous avons a Paris fur le poiffon » fe doublaft , ou cas que ladite fauffe couftume cher» roit , nous voulons donc en avant que notredite » couftume foit levée doublé, en la maniere que li dit » marchant 1'ont accordé ék volu. » Ordonnance die. ouvre, torn. i"', pag. 791. Aa 4  376 Puissance législative; le même efprit de conciliation; les refus d'une commune étoient un exemple contngieux pour les autres; les fonds qu'on accordoit par forme de don gratuit ou de prêt , n'ei.troient que tard dans les coffres du prince, & ne s'y rendoient jamais en même tems. De-la les inconvéniens de la pauvreté dans 1'abondance même, & 1'impuiffanee de former, de préparer & d'exécuter a propos les entreprifes. Philippe voulut y rémédier, & au lieu de tenir la nation toujours défunie & féparée , ainfi que fembloit lui prefcrire fa politique , il eut 1'audace de la réunir dans des affemblées qui offrirent une image de celles que Charlemagne avoit autrefois convoquées; & elles dcnnerent naiffance a ce que nous avons appellé depuis les états généraux du royaume. Les princes n'ofent communément convo„ quer 1'affemblée des différens ordres de leur etat, paree qu'ils craignent de voir s'élever une puiflance rivale de la leur; mais cette crainte n'eft fondée que dans les pays oü des idéés d'une forte d'égalité entre les citoyens & de liberté publique, portent naturellement les efprits a préférer dans leur gouvernement la forme républicaine a toute autre. II s'en falloit beaucoup que la police des fiefs eüt donné cette maniere de penfer aux francois.  États Généraux. 377 Propre au contraire a jetter dans les excès de 1'anarchie ou de la tyrannie, elle fuppofe entre les hommes une différence défavouée par la nature; elle les accoutume a ne confidérer que des intéréts perfonnels oü il ne fau droit voir que dès intéréts publics ; & telles étoient les fuites ou les imprefïions de ce gouvernement, chez les frangois, que perfonne re croyoit avoir de droit, a faire valoir, qu'en vertu des chartes qu'il.poffédoit, ou des exemples que lui donnoient fes voifins. Philippe-le-Bel étoit, d'aiileurs, témoin des divifions qui régnoient entre le clergé, les feigneurs & les communes. II jugea qu'occupés plus que jamais de leurs anciennes haines qu'il avoit formées , ils ne fe rapprocheroient les uns des autres dans 1'affemblée des états, que pour fe haïr davantage; ik il efpéra de les gouverner fans peine par leurs paffions. En effet, depuis que 1'établiffement des droits de rachat, des lots & ventes dont j'ai déja parlé, avoit donné naiffance a la grande queftion de 1'amortiffement, les feigneurs avoient prétendu que l'églife, qui ne meurt point & n'aliéne jamais fes fonds, ne devoit faire aucune acquifition dans leurs terres,. fans les dédommager des rachats, des lots & ventos, dont üs fe trouveroient priyés. Les ecclciiaf-  378 Puissance législ ativeJ tiques, au contraire, traiterent cette prétention raifonnable d'attentat , & regarderent comme un facrilege qu'on voulut les empêcher de s'enrichir. Aux clameurs & aux menaces des évêques & des moines, les feigneurs oppoferent une fermeté invincible. Le clergé qui ne pouvoir faire aucune nouvelle acquifition, fut obligé de céder, mais en payant les droits d'amortiffement; il ne pouvoit encore s'y accoutumer, fous le regne de Philippe-le-Bel; & n'avoit pas perdu 1'efpérance de s'y fouftraire & de fe venger. Ces intéiêts oppofés portoient les uns & les autres a fe faire les injures & tous les torts qu'ils pouvoient fe faire. S'ils fembloient quelquefois fe réunir, ce n'étoit que pour fe plaindre enfemble de 1'inquiétude des communes qui, n'ayant que trop de raifon de les haïr, les jaigriffoient par une conduite imprudente & emportée. Ces petites républiques pleines elles-mêmes de fonflions qui les divifoient, n'éroient pas en état de fe conduire avec ce zele du bien public & cette unanimité qui les auroit fait craindre & refpeöer. Dans les unes , les riches bourgeois vouloient opprimer les pauvres, qui n'ayant rien a perdre, étoient toujours prêts a faire des émeutes &C a fe foulever; dans les autres, les families,  États Généraux. 379 les plus puiflantes, fe difputoient éternellement le pouvoir & les magiftratures, 6c facrifioient la communauté a leur ambition. Philippe auroit été obligé de fe prêter aux demandes des trois ordres , s'ils avoient été unis; leurs querelles au contraire le rendirent leur médiateur. Chaque ordre tacha de le gagner Sc de mériter fa faveur par fes complaifances, Sc fa politique en profita pour les dominer ; la nation ne parut, en quelque forte affemblée, que pour reconnoitre d'une maniere plus authentique les nouvelles prérogatives de la couronne , Sc en affermir l'autorité. Sous prétexte que les prétentions du clergé, des feigneurs Sc du peuple étoient oppofées les unes aux autres , Philippe-le-Bel feignit d'attendre qu'ils fe conciliaffent pour les fatisfaire; Sc ne remédia a aucun abus par les loix générales. Avec un peu d'amour du bien public, il auroit été affez habile Sc affez puiffant, pour établir 1'union Sc la paix; il aima mieux vendre, a tous les ordres, en particulier, des lettres patentes, des chartes, des diplómes qui augmenterent encore leurs efpérances , leurs jaloufies &c leurs haines, paffions qu'il efpéroit d'employer utilement au fuccès de fes entreprifes, & qui s'aigriffant, devinrent en effet la fource des malheurs  380 Puissance législative, extrêmes, que la nation éprouva fous le regne des Valois. Pour prix de ces dons inutiles, ou plutöt pernicieux , Philippe obtenoit des fubfides qui le mettoient en état d'avoir une armée toujours fubfiftante, toujours prête a agir, & compofée de cette nobleffe indigente & nombreulè qui n'avoit que fcn courage qu'elle vendoit; & que Saint Louis avoit déja cherché a s'attacher d'une fa^on .particuliere , en défendant que les roturiers poffédaffent en fief, fans en acheter la permifiion; & c'eft de-la, pour le^dire en pafiant, qu'a pris fon origine la taxe appellée franc-fief. II n'eft pas befoin d'avertir qu'a 1'exception des quatre grands fiefs, laFourgogne, 1'Aquitaine, la Flandre &c la Bretagne, qui n'étoient pas encore réunis a la couronne, les fondemens du gouvernement féodal furent dès-lors ruinés, dans le refte du royaume; & que , des quatre appuis qui 1'avoient foutenu trop long-tems, il n'en fubfiftoit aucun. Si les barons & les autres feigneurs fe firent encore la guerre, ce malheureux droit auquel ils ne pouvoient renoncer, étoit prêt a difparoitre, en achevant de les ruiner; ils n'ofoient plus en ufer contre un prince a qui la nation entretenoit une armée, & qu'ils reconnoiflbient pour leur légillateur. A  Êtats Généraux. 30*1 fes premiers ordres, ils fufpendirent leurs querelles , quitterent les armes, fe reconcilierent & vinrent prodiguer leur fang a fon fervice. Tel fut le fruit de ces affemblées que Philippe avoit formées; mais les avantages qu'il en retira, ne lui fermerent pas les yeux fur les dangers que fon ambition infatiable devoit en craindre : dans la vue d'empêcher que les états généraux ne priffent une forme conffante & réguliere, & ne vinffent, en connoiffant leur force, a s'emparer d'une autorité nuifible au progrès de la puiffance royale, il ne convoqua quelquefois que des affemblées provinciales. II envoyoit alors, dans chaque bailliage, quelques commiffaires, avec pouvoir d'affembler les trois ordres, dans un même lieu ou féparément. Quelquefois il tint a part les états des provinces feptentrionales de la France, qu'on appelloit les provinces de la Languedoyl , ék ceux des provinces méridionales, nommées la Languedoc. II eut foin que, ni letems, ni le lieu de ces affemblées ne fuffent fixes, de forte que la nation qui ne s'accoutumoit pas k les regarder comme un reffort ordinaire du gouvernement, n'y étoit jamais préparée. Le prince qui les convoquoit dans les circonftances 6k les lieux les plus favorabies a fes vues, étoit fur de ne les trouver  382 Puissance legislative; jamais oppofées k fes deffeins; c'étoit, au contraire , un inftrument de fon autorité. II étoit fur avec leur fecours, de calmer la trop grande fermentation'des efprits , de prévenir les affociations particulieres qui dégénerent toujours en facHons ; & de faire oublier 1'ufage de ces efpeces de congres , nommés pariemens, auxquels les feigneurs étoient attachés. Nous r,'avons, il eft vrai, aucun mémoire qui nous inftruife en détail de ce qui fe paffa dans les états que Philippe-le-Bel' affembla : je ne crains pas cependant de m'être trompé dans la peinture que je viens d'en faire. II eft impoffible, je crois, d'examiner avec attention les divers monumens qui nous reftent du régne de Philippe-le-Bel , de comparer les événemens les uns avec les autres, & de les rapporter, fans découvrir, dans la conduite de ce prince, les vues obliques & concertées quej'ai cru y appercevoir. Puifque les états, au lieu de protéger les reftes du gouvernement féodal, favoriferent toutes les entreprifes de Philippe; il faut néceffairement que le clergé & le peuple fuffent divilés. Les Francois piongés dans la plus grande ignorance, n'avoient aucune idée de la forme que doivent avoir des affemblées nationnales, ni de la police réguliere, qui doit en être 1'ame, pour les  ÉTATS GÉNÉRAUX. 383 rendre utiles. Ils ne favoient peut-être pas qu'il y eüt euun Charlemagne; & certainement ils ignoroient Fhiftoire de nos anciens champs de mars ou de mai. Les états, qui furent con» voqués fous les Valois , & dont il nous refte plulieurs monumens inftrudtifs , peuvent éclairer fur la nature de ceux que Philippe-le-Bel & fes fils ont tenus. Les défordres qui régnerent dans ceux-la, leur ignorance & leur incapacité étoient, fans doute , une fuite des idéés que la nation s'étoit formée de ces affemblées , fous Philippe-le-Bel, Sc de 1'habitude que les trois ordres avoient contraflée de ne s'occuper que de leurs intéréts particuliers , quand ils étoient convoqués pour ne penfer qu'au bien public .... La France, fous le régne de Charles IV, préfenta un fpeftacle bien bifarre pour des yeux politiques, mais bien digne , cependant, de la maniere dont le gouvernement s'y étoit formé au gré des événemens & des paflions. Quoiqu'une véritable monarchie eüt fuccédé a la police barbare Sc anarchique des fiefs; dans la plupart des provinces que comprenoit le royaume , le gouvernement féodal fubfiftoit encore tout entier dans quelques autres. Le roi, monarque dans prefque toute la France, n'étoit encore que le fuzérain des ducs de  384 Puissance législative; Bourgogne, d'Aqv.itaine , de Bretagne & du comte de Flandre. Ces quatre feigneurs avoient été affez puiffans & affez heureux, pour ne fe point laiffer accabler; & s'ils avoient perdu, ainfi que je Fai fait remarquer, plufieurs de leurs anciens droits , ils confervoient cependant des forces affez confidérables, pour défendre avec fuccès les reftes de leurs prérogatives & même k la faveur d'une guerre, pour recouvrer toute leur fouveraineté. Quoiqu'ils reconnuffent la fuzeraineté du roi, & que, par les loix & les devoirs multipliés du vaffelage , ils ne formaffent qu'un corps avec les autres provinces de la France, il faut plutöt les regarder comme des ennemis , que comme des membres de l'état. On doit le marquer avec foin : la politique de Philippele-Bel, en affemblant des états généraux, avoit en effet partagé le royaume en deux parties, dont les intéréts étoient oppofés , & entre lefquelles il ne pouvoit plus y avoir aucune liaifon; il étoit impoffible que les fucceffeurs de Charles IV s'accoutumaffent k êrre rois dans une partie de la France, & fimples fuzérains dans l'autre. Les pairs avoient nui autrefois a leurs intéréts, en négligeant de fe rendre a la cour du roi, ce fut la caufe de leurs premières difgraces ;  ÊTATS GÉNÉRAUX. 38^ difgraces; & les ducs de Bourgogne, d'Aquitaine, de Bretagne & le comte de Flandres $ en ne paroiffant point dans les auemblées oü il n'étoit jamais queftion que de contribuer ■ aux befoins du roi , firent ühè fauté encore plus coafidérable. S'ils conferverent par cette conduite la franchife de leurs provinces qui fee furent pas foumifés aux cöntributions que le refte de la France payoit; ils laifferent détruire les principes du gouvernement féodaIs auxquels ils devoient 'au contraire tentet- de rendre une nouvelle activité. La nation oublia des princes cu'elie ne connöiffoit point, & les regarda comme des étrangers. On crut bientöt que, refufant de contribuer aux charges dé l'état, ils s'en étoient féparés; Les baron* né leur pardonnerent pas de les abandonner al'avidité du prince. Chacun pehfa qu'il Payeroit des contributions plus légeres, fi les grands vaffaux n'avöiéttt pas eu 1'art de fe faire une exemple qui devenóit önéréux pour les contnbuables. On leur füt mauvais gré de 1'inqüiétude que leur dqnnbit 1'ambitiön du roi, On s'accoutuma enfin è ne les plus voir que comme des ennemis, paree qu'en défendant leur fouveraineté, ils obligeoient Ie roi k faire des dépenfes extraordinaires, & demandet; fouvent de nouveaux fecours. Tom I, gb  386 Assemblee ASSEMBLÉE DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Artïck de la nouvelle Encyclopedie. O n appellé ainfi 1'alfemblée des députés des différens ordres de toute nation. 11 n'y a guere de nations policées chez lefquelles il n'y ait eu des affemblées, foit de tout le peuple ou des principaux de la nation; mais cesaffemb'ées ont re?u divers noms, felon les tems & les pays , & leur forme n'a pas été réglée par-tout de la même maniere. II y avoit chez les Romains trois ordres ; fayoir, les fénateurs, les chevaliers & le baspeuple , appellé plebs. Les prêtres formoient bien entre eux différens colleges ; mais ils ne compofoient point un ordre apart; on les tiroit des trois autres ordres indifféremment. Le peuple avoit droit de fuffrage , de même que les deux autres ordres. Lorfqu'on affembloit les Comices, ou 1'on élifoit les nouveaux magiftrats , on y propofoit auffi les nouvelles loix, & 1'on y délibéroit de toutes les affaires pubüques. Dans la fuite, les empereurs s'étant attribué  ©ES ÊTATS GENÉRAU*. tff le pouvoir exdufif de faire des loix, de créet des magiftrats, & de faire la paix & la guerre les comices cefferent d'avoir lieu ; Ie peuplê perdtt par-!a fon droit de fuffrage, &le fénat fut le feul ordre qui confervSt une grande autorité. L'ufage d'affembler les états ou différens ordres,a néanmoins fubfifté dansplufieurs pays & ces affemblées y recoivent différens noms* En Pologne, on les appellé diètes; enAngleterre, parlement; & en d'autres pays, états. 1 Dans quelques pays, il n y a que deux ordres ou états qui foient admis aux affemblées générales, comme en Pologne, oü la nobleffe Sc le clergé forment feuls les états qu'on appella diètes, les payfans y étant tous efclaves. En Suede, au contraire, on diftingue quatre états ou ordres différens de citoyens; favoir , la nobleffe, le clergé, les bourgeois & les payfans. Dans la plupart des autres pays , on diftingue trois états , le clergé, la nobleffe & le tiersétat ou troifieme ordre, compofé des magiftrats municipaux, des notables bourgeois & du peuple. Telle eft la divifion qui fubfifté préfentement en France ; mais les chofes n'ont pas toujours été réglées de même a eet égard. Avant la conquête des Gaules par Jules CéBb x  388 Assemblee far, il n'y avoit que deux ordres, celui des druides & celui des chevaliers: le peuple étoit dans une efpece d'ef'clavage, & n'étoit admis a aucune délibératiom Lorfque les Francs jetterent les fondemens de la monarchie francoife, ils né reconnbiffoient qu'un feul ordre dans l'état, qui étoit celui des nobles ou libres; en quoi ils conferverent quelque tems les mceurs des Germains, dont ils tirofent leur origine. Dans la fuite, le clergé forma un ordre & part, öc-obtint même le premier rang dans les affemblées de la nation. Le tiers-état ne fe forma que long-tems après, fous la troifieme race. Ces affemblées de la nation , qu'il ne faut pas cönfondre avec les affemblées des états du royaume , commencerent fous le regne de Pepin a prendre le nom de pariemens. Ces anciens pariemens, dont celui de Paris & tous les autres femblent tirér leur origine , n'étoient pas une fimple affemblée d'états, dans le fens que ce terme fe prend aujourd'hui; c'étoit le confeil du roi & le premier tribunal de la nation oh fe traitoient toutes les grandes affaires. Le roi préfidoit a cette affemblée, ou quelque autre per fonne par lui commife a eet effet. On y délibéróit de la paix & de la guerre, de la police publique 6c adminifiration du royaume; on y  des États Généraux, 38$ faifoit les loi*on y jugeóit les crimes publics , & tout cë qi'il touchoit la dignité Sc la'füreté "du roi', & la'liberté des peuples, Ces pariemens n'étoient d'abord compofés que de nobles, & ils furent enfuite réduits aux feuls grands du royaume & aux magiftrats qui leur furent affociés. Le clergé ne formoit point encore un ordre a part; de forte que lés préiats. ne furent admis a ces pariemens qu'en'qualitéde grands vaffaux de la cöuronne. On 11e bon» noiffoit point encore de tiers-etats ; ainfi ces anciens- parierhens ne peuvent être confidérés. corrime lirte affemblée 'des trois états. 11 s'en faut d'ailleurs beaucoup 'que les affemblées. d'états aient jamais eu le même objet ni. Ia ïïiëme autorité, ainfi'qu'önie rëconnoiira fans. peine , en confidérantia maniere dont les états. ont été convoqués, & dont les affaires y ont. ete traitees, On ne connut pendant tong-terris dans Ie royaume que deux ordres',. ïa.'nohleffe & le clergé. '•' :: :- ■ : imq mncm ft Le tiers-état, compofé du peuple, étoit alors, prefque tout ferf; il ne commetica a fe former que fous Louis-le-Gros s. parTaffrancbiffement des ferfs , lefquels par ce moyen devinrent bourgeois dü rei,' oir dés. feigneurs qui les,, ay.oient affranchis, Bb i  39° Assemblee Le peuple ainfi devenu libre, & admis a pofleder propriétairement fes biens, chercha les moyens de s'élever, 8c eut bientöt 1'ambition d'avoir quelque part au gouvernement de l'état. Nos rois 1'éleverent par dégrés, en 1'admettant aux charges, 8c en communiquant la nobleffe a plufieurs roturiers ; ce qu'ils firent, lans doute, pour balancer le crédit des deux autres ordres qui étoient devenus trop puiflans. II n'y eut cependant, jufqu'au tems de Philippe-le-Bel , point d'autre affemblée repréfentative de la nation que le parlement, lequel étoit compofé feulement des grands vaffaux de la couronne 5c des magiftrats, que 1'on choififfoit ordinairement entre lts nobles. Philippe-le-Bel fut le premier qui convoqua «ne affemblée des trois états ou ordres du royaume en la forme qui a été ufitée depuis. La première affemblée d'états généraux fut convoquée par des lettres du 23 mars 1301 , que 1'on comptoit a Rome en 1302. Ces lettres ne fubfifient plus: mais on les connoit par la réponfe qu'y fit le clergé : elles furent adreffées aux barons, archevêques, évêques & préiats, aux églifes cathédrales , univerfités, chapitres & colleges, pour y faire trouver leurs députés ; & aux baillis royaux pour faire élire par les villes des fyndics ou procureurs.  des Êtats Généraux. 591 Ce fut k la perfuafion d'Enguerrand de Ma» rigny,fon miniftre , que Philippe-le-Bel affembla de cette maniere les trois états , afin de parvenir plus faciiement a lever fur les peuples une impofition pour foutenir la guerre de Flandres qui continuoit toujours, & pour fournir a fes autres dépenfes, qui étoient exceffives. Le roi cherchoit encore par la a appaifer le peuple & k gagner les efprits, fur-tout k caufe de fes démêlés avec Boniface VIII, qui commencoient a éclater. Ces états tinrent plufieiars féances depuis Ia mi-carême jufqu'au 10 avril , qu'ils s'affemblerent dans l'églife Notre-Dame de Paris. Philippe-le-Bel y affifla en perfonne. Pierre Flotte , fon chancelier, y expofa les deffeins que Ie roi avoit de réprimer plufieurs abusv notamment les entreprifes de Boniface VIII fur le iemporel du royaume. II repréfenta les dépenfes que le roi étoit obligé de faire pour la guerre & les fecours qu'il attendoit de fes fujets;que fi l'état populaire ne contribuoit pas en perfonne au fervice militaire , il devoit fournir des fecours,d'argent. Le roi demanda lui-même que chaque corps format fa réfolutïon y &c la déclarSt publiquement par forme de confeil. La nobleffe s'étant retirée pour délibérer, 8e ayant enfuite repris fes places, aflura le roi Bb 4  3.9.1 Assemblee de la réfolution oü elle étoit de le fervir d? fa perfonne & de fes biens. Les eccléfiaftiques demanderent un délai pour délibérer plus amplement, ce qui leur fut refulé. Cependant, fi;r les interrogations que le roi leur fit lui-même ; favoir de qui ils tenoient leurs biens temporels, & de ce qu'ils penfoient être pbligés de faire en conféquence, ils reconnurent qu'ils tenoient leurs biens de lui & de fa couronne ; qu'ils devoient défendre fa perfonne, fes enfans & fes proches, & la liberté du royaume ; qu'ils's'y étoient engagés par leur ferment, en prengnt poffeffion des grands fiefs, dont la plupart étoient revêtus, & que les autres y étoient obligés par fidélité, Us demanderent, en même tems, permiffion de fe rendre auprès du pape pour un concile : ce qui leur fut encore refufé, vu que c'étoit pour procéder contre le roi, Le tiers-état s'expliqua par une requête qu'il pi-éfenta è genoux, fuppliant le roi de conferver la franchifc du royaume. ' Te!s foren* les objets que 1'on traita dans ces premiers états; par ci, 1'on voit que ces fortes d'affemblées n'étoient" point une fuite des champs de mars ou de mai, & qu'elles ne furent point établies fur le même modele nj fur les mêmes principes. En effet, elles n'eurentn^  des États Généraux. 393 les mêmes droits ni la même autorité, puifque jamais le droit de fuffrage ne leur fut accordé en matiere de légiflation. On n'entreprendra pas de donner ici une chronologie exaöe des divers états généraux tenus depuis Philippe-le-Bel jufqu'a préfent; on fe contentera de parler des plus connus , de rapporter ce qui s'y eft pafte de plus mémorable , de marquer comment ces états s'arro-, gerent peu a peu une certaine autorité, & de quelle maniere elle fut enfuite réduite. Une obfervation qui eft commune a tous ces états, c'eft que dans 1'ordre dé la nobleffe étoient compris alors tous les nobles d'extraation, foit qu'ils fuffent de robe ou d'épée , pourvu qu'ils ne fuffent pas magiftrats députés du peuple : le tiers-état n'étoit autre chofe que le peuple. i repréfente. par fes magiftrats députés, Depuis les premiers états de 1301, Philippele-Bel en convoqua encore plufieurs autres: les plus connus font ceux de 13.13 , que quelquesuns placent 691314. Le miniftre ne trouva d'autre reffpuree pour fournir aux dépenfes du roi que de continuer Pimpöt du cinquieme des revenus & du cinquieme des meubles; même d'étendre eet impöt fur la nobleffe & ie clergé; $ P°Mr y réuffir, on crut qu'il falloit tac'hor  394 Assemblee d'obtenir le confentement des états. L'affemblée fut convoquée le 19 Juin ; elle ne coramenca pourtant que le premier aoüt. Mezerai dit que ce fut dans la falie du palais ; d'autres difent dans la cour. On avoit dreiïé un échafaud pour le roi, la nobleffe & le clergé"; le tiers-état devoit refter debout au pied de 1'échafaud. Après une harangue véhémente du miniftre, Ie roi fe leva de Ion tröne oc s'approcha du bord de 1'échafaud, pour voir ceux qui lui accorderoient l'aide qui étoit demandée. Etienne Barbette , prévöt des marchands , fuivi de plufieurs bourgeois de Paris , promit de donner une aide fuffilante, ou de fuivre le roi en perfonne a la guerre. Les députés des autres communautés firent les mêmes offres, & la-deffus Taffemblée s'étant féparée, fans qu'il y eüt dï délibération formée en regie, il parut une ordonnance pour la levée de fix deniers pour livre de toutes les marchandifes qui leroient vendues dans le royaume. II en fut a peu prés de même de toutes les autres affemblées d'états ; les principaux députés, dont on avoit gagné les fuffrages, décidoient ordinairement lans que 1'on eüt pris 1'avis de chacun en particulier; ce qui fait voir combien ces affemblées étoient illufoires.  DES ÉTATS GÉNÉRAUX. 39^ On y arrêta cependant, prefque dans le moment oü elles furent établies, un pointextrêmement important; favoir, qu'on ne leveroit point de tailles fans le confentement des trois états. Savaron & Mezerai p!acent ce réglement en 1314, fous Louis Hutin. Boulainvilliers, dans fon hiftoire de France, prétend que ce reglement ne fut fait que fous Phiüppe de Valois ; du refte, ces auteurs font d'accord entre eux fur ce point de fait. Quoi qu'il en foit de cette époque, il parolt que Louis Hutin n'ofant hafarder une affemblée générale , en fit tenir, en 131y , de provinciales dans les bailliages & fénéchauffées, oii il fit demander par les commiffaires un fecours d'argent. Cette négociation eut peu de fuccès; de forte que la cour, mécontente des communes , effaya de gagner la nobleffe , en con* vcquant un parlement de barons & de préiats k Pontoife pour le mois d'avril fuivant; ce qui ne produifit cependant aucune reffource pour Ia finance. Philippe V, dit le Long , ayant mis, fans confulter les états, une impofition générale du cinquieme des revenus & du centieme des meubles, fur toutes fortes de perfonnes fans exception, tous les ordres s'émurent aufli-töt que fon ordonnance parut ; ii y eut même  396 Assemblee quelques particuliers qui en interjetterent appe! au jugement des états généraux, qu'ils fuppofoient avoir feuls le pouvoir de mettre des impofitions, « Le roi convoqua 1'affemblée des états, dans 1'efpérance d'y lever ces impofitions, & que le fuffrage de la ville de Paris entraineroit les autres. Cette affemblée fe tint au mois de juin I32i;maisle clergé mécontent, a caufe des décimes que le roi levoit déja fur lui, éluda la décifion de 1'affaire, en repréfentant qu'elle lé traiteroit mieux dans les affemblées provinciales; ce qui ne fut pas exécuté , Philippe V étant mort peu de tems après. Charles IV, fon fucceffeur , ayant donné une déelaration pour la réduclion des monnoies, des poids & des mefures, Ie clergé & Ia nobleffe lui remontrererit qu'il ne pouvoit faire ces régiemens que pour les terres de fon domaine, & non dans celles des barons. Le roi permit de tenir a ce fujet de nouvelles affemblées provincial*s ; on ne voit pas quelle en, fut la fmte.' Les états de Normandie députerent vers le roi Philippe de Valois, & obtinrent de lui la confirmation de la charte de Louis Hutin, appel* lée la charte aux Nor-mands, avec déelaration expreffe qu'il ne feroit jamais rien impofé fur  DES ÉTATS GÉNÉRAUX. 397 la province , fans le confentement des états; mais on a foin, dans tous les édits qui comcement la Normandie, de dérogerexpreffément a cette charte. Le privilege que Philippe de Valois accorda a la Normandie n'étoit même pas particulier a cette province ; car les hiftoriens difent qu'en 1338 &c 1339 il fut arrêté dans 1'affemblée des états généraux, en préfence du roi, que 1'on ne pourroit impofer ni lever tailles en France fur le peuple, même en cas de néceflité ou UÜ5 lité, que de 1'oöroi des états. Ceux qui furent aflemblés en 1343 accorderent a Philippe de Valois un droit fur les boiffons & fur le fel [pendant le tems de la guerre. II y avoit eu, dès avant 1338, une gabelle impofée fur le fel; mais ces impofitions ne duroient que pendant la guerre, & 1'on ne voit point fi les premières furent faites en conféquence d'un confentement des états. Pour ce qui eft de 1'impofition faite en 1343 , on étoit alors fi agité, qu'on ne paria point de 1'emploi qui devoit en être fait; ce que les états n'avoient point encore omis. Aucun prince n'affembla fi fouvent les états que le roi. Jean ; car fous fon regne il y en eut prefque tous les ans, foit de généraux ou de particuliers, jufqu'a la bataille de Poitiers4  39§ ASSEMBLÉE L'objet de toutes ces affemblées étoit toujours , de la part du prince , de demander quelque aide ou autre fubfide pour la guerre; & de la part des états, de prendre les arrangemens convenables a ce fujet. Ils prenoientauffi fouvent de-la occafion de faire diverfes repréfentations pour la réformation de la jufiice des finances, & autres parties du gouvernement. Après la féance des états, il paroiffoit communément une ordonnance pour régler 1'aide qui avoit été accordée, Sc les autres objets fur lefquels les états avoient délibéré, fuppofé que le roi eüt jugé k propos d'y faire droit. II y eut a Paris, le 13 février 1350, une affemblée générale des états, tant de la Languedoil que de la Languedoc , c'eft-a-dire des deux parties qui faifoient alors la divifion du royaume. On croit néanmoins que les députés de chaque partie s'affemblerent féparément. Les préiats accorderent fur le champ le fubfide qui étoit demandé; mais les nobles & la plupart des députés des villes, qui n'avoient pas de pouvoir fuffifant, furent renvoyés dans leur province pour y délibérer. Le roi y indiqua des affemblées provinciales, & y envoya des commiffaires qui accorderent quelques-unes des demandes; Sc fur les autres, il fut député  des États Généraux. 399 pardevers le roi. Quelques provinces accor- . derent un fubfide de fix deniers; d'autres feulement de quatre. II paroit que fous le regne du'roi Jean, on n'affembla plus en même tems & dans un même lieu les états de la Languedoil & ceux de la Languedoc, & que 1'on tint feulement des affemblées provinciales d'etats. II y eut entre autres ceux du Limoufin, en 13 5 5 , oii 1'on trouve 1'origine des cahiers que les états préfentent au roi pour expofer leurs demandes. Ceux du Limoufin en préfenterent un qui eft qualifié, en plufieurs endroits , de cédulf. Suivant les pieces qui nous reftent de ces différentes affemblées, on voit que le roi nommoit d'abord des commiffaires,, qui étoient ordinairement choifis parmi les magiftrats, auxquels il donnoit pouvoir de convoquer ces affemblées & d'y affifter en fon nom ; il leur accordoit même quelquefois la faculté de fubftituer quelqu'un a la place de l'un d'eux. Ces commiffaires avoient la liberté d'affembler les trois états dans un même lieu , ou chaque ordre féparément, & de les convoquer tous enfemble, ou en des jours d fférens. Les trois ordres, quoique convoqués dans un même lieu , s'affembloient en plufieurs chambres:ils formoient aufti leurs délibéra-  4