DES ÉTATS GÉNÉRAUX, E T AUTRES ASSEMBLÉES, NATIONALE S. TOME Ql/JTRIEME.   DESÉTATS GÉNÉRAUX, E T AUTRES ASSEMBLÉES NATIONALE S. TOME QUAT Rl E ME. A L A H A Y E, & fe irouve a Paris Chez Buisson , Libraire , Hötsl de Coctlofquet, rue Hautefeuille, N°, 20. I788.  'Nous ihférons dans cë préfenr Volume tal plus grande partie de 1'Ouvrage du Comte de Boulainvililtrs , fur les Etats-Gèncraux , paree tju'il peut donner de grandes lumieres fur lé principal objet de notre Recueil: mais nous n'adoptons point les öpinions particuiieres au fyftême conriu de ce| Ecrivain , & nous avons iaché de le feparer , autanr qu'il nous a été poffible „ des excellentes recherches dont fon Ouvrage eil rempli, Sc que nous offronsanos Leéieurs» ^s*  V T A B L E. ïre LETTRF. I)e s Pariemens , & de la manlert dont Charlemagne les affembloit. pag. l II. Lettre. Detail des Parkmens affemblis fous la feconde race , & des jugemens les plas célebres quils ont rendus ; avec des remarquts fur leur ancienne Jurifdiclion. $ï IIÏ. lettre. Detail du gouvernement fe'odal, & de i itabliffement des fiefs. dffianchijfemkm dtf ferfs ou gen-s de main-morte. Annobliffzmtnt des affranchis. 6l Politique de Flugues-Capet, en tnttïaM les ëi$l~ rentes fortes de fiefs fur le mime pied, 68 IV. Lettre. Hiftoire alrègee des Parlcmens ü>k Affemllèes genlrales ,-jufqrfau regne de PhilLpele-Bel. Premières convocatiohs d'Etats ghiérzzix. Reglement fur les monnoies. j f Pariemens telius fous Louis VIII. 78 Jxègzme de la reine Êlaftche* 85  vj T A B L E. Pariemens tcnus fous Saint Louis. 90 Etabliffement de quatre grands Bailliages. 93 Pariemens tenus fous Philippe 111. 98 Rtgne de Philippe-le-Bel. IOO Epoque dè la première afftmblle des Etats gênéraux dans la forme a prefent connue. 110 V. Lf.TTRE. Des premiers Etats génêraux fous Philippc-le-Bel & Louis le-Hui in. 116 Etats de 1303. 118 VI. LETTRE. Regnes des trois tnfans de Philippele-Bel. Regnes de [Jhilippe VI dit de Valois , 6* de Jean. Etats de /j/ó", 'j'7, '322 , 1328 & '349- M7 Vil. Lettre. Regne du roi Jean. Etats de & , avec textrait des ordonnances qui ont étc faius. Autres etats de i$iy, 1368 & '3J(). 184 VIII. Lettre.. Remarques & rijlexions fur la régence deCharisV. Abrégè de fon regne. Etats de Paris en 'JC^cj. Dêclaration de la majorité des wis. 131 IX. Lettre. Regne de Charles VI. Aflemblte de Notables de 1380. Etats de Compiegnt en  T A B L E. vij 1382. Ordonnana pour la régmce en 140-7. Etats dt Paris en 1412. Autres etats de Paris en 1420. Arrêt de condamnation contre le Dauphin , & fa régence. Obfervatlons fur les monnoies & fur la vie de Charles VII. 265 X. LETTRE. Regne de Charles VIL Etats de Méun-fur-Yere, en 1426. De Tours en 1433. D'Orléans en 1440. Etabliffement fixe des tailles. 3DI XI. LETTRE. Confidirations générales furies regnes précédens. Avénement du roi Louis XI. Son caraclere , & fa conduite jufquau traité de Conflans en 1466. AffembUe de notables a Tours en 1463 ,& des états généraux tenus a Tours le 6 Aoüt 1467. 337 XII. LETTRE. Contenant la féance des états de Tours* en avril 146-; & 68. Plufieurs intrigues du regne de Louis XI. Vaffemblée des notables en la ville de Tours , au mois de novembre 14JO. Vordonnance cfAmboife donnée en con~ féquence; & plufieurs réfexions fur la conduite de ce regne. 363 Du Parlement établi dans Paris, & les autres de ce royaume; extiait des Recherches dePaf- quier. 4°1 De plufieurs particularités qui concernent le Par-  viïj TA B l E. lement. Autrt chapitre dc Pcfquieu 441 'J)sx Pariemens'. Paf Miranmont. 470 Kequêtis du palais. Par le même. 489 Fin de la Takle, DES ÉTATS  DES ÉTATS GÉNÉRAUX E T AUTRES ASSEMBLÉES NATIONALE S. LETTRES SUR LES ANCIENS PARLEMENS DE FRANCE, Q U E L' O N N O M M E ÉTATS GÉNÉRAUX. Park Comte DE B O U LA INVILLI Elts. PREMIÈRE LETTRE. Des Pariemens, cv de la maniere dont Charlemagne. les ajfeml$jit. OUS voulezque je vous infruife de ce nus c'eft que les états du royaurne , de leur origine, de leurs droits, de leurs différentes affe.üu ee" Tornt IK, A  i Lettres sur les anciens depuis le commencement de la monarchie," des différentes réfolutións qui y ont été prifes felon les conjoftftures des tems & les néceffités publiques, de la forme ou Tnaniere d'y procéder; enun mot, vous voulez que j'examine 1'utilité ou Tinutilité de ces affemblées , & que je vous en dife avec vérité mon fentitnent. J'obéirai , non pour vous inftruire, comme. vous me le propofez , BOais pour m'inftruire moi-même , en formant une idéé , la plus jufte qu'iï me fera poffible , du bien ou du mal que Ion devroit attendre d'une tenue d'états , s'il arrivoit jamais que la pafiion des pe;i?les fe renouvellat a eet égard , ou que 1'indulgence & 1'équité des princes devinffent plus grandes qu'elles n'ont paru depuis les derniers fiècles. Votre vie & vötrè expériéncè ne vous rappellent certainement aucun tems, cü vous ayez vulespeuples affezheureux & affez tranquilles pour être fatisfaits de leur état; ni pareiüement aucun tems, oü vous ayez vu les princes parvenus 5 un degré de puiffance & d'autonte qui ne laiffat rien a defirer a leur ambition. L'age de nos peres , «elui de nos aieux les plus reculés n'ont pas été plus heureux que le notre i eet égard : & de-la il füit, que pour trouver dans notre hlftoire urie époque oü les peuples & les rois aient été également contens, rl faut  Parlemens de Francs: 3 remonter jufqu'au regne de Cbarlemagne, pnifque celui mêoie de S. Louis n'a pas été exempt des entreprifes de lVitorité royale fur les droits des fujets, & que fa minorité a éré troublée par les efforrs de ceux qui vouloient teprendre ce que 1'ufurpation des regnes précédens leur avoit enlevé. Sous 1'adröiniftratioo de Charlemagne , on ne voit au contraire qu'un* parfaite union de tous les membres avec leur chef, une unanimité parfaite & une correfpondancs mutuelle de leurs feminiens ; ce pri^ce ayant été auffi zélé pour les droits du fujet que le fujet de la gloire & de la puiffance du fouverain. Tout monarque né guerrier & ambitieux eft rarement exa£t dans l'obfervation de lajufïice, paree que les fuccès ne dépendant pas de fes defirs , il ne peut éviter un plus grand nombre de befoins que n'en reffehtira naturellement un prince modéré ou exempt de ces paffions inqliiet.es : il'doit auffi, par conféquent fentir la contradiclion des é'^énemens avec une vivacité bien plus grande. Mais comme la violence a laquelle il eft accourumé fe prcfente d'abord pour fon foulagement, il luidt vient prefque impoffible de réiifter a Ia ï^ritation de ,'y abandonner ; & c'eft pourquoi il ne s'en r-ouve aucun de ce caraöere , fok dnns notre hifroire, foit dans celle des autres peuples, qui n'ait A 2,  4 Lettres sur les anciens également opprimé fes fujets & fes ennemis. Charlemagne , tout différent de ceux-la,aete véritablement guerrier; puifqu'il a foumis la moitié de 1'Europe pied a pied, 1'Allemagne lui ayant feule coüté trente années de guerres cominuelles, pendant lefquelles les fuccès ne lui ont pas même toujours été favorab'es; Sc il a foutenu ce poids énorme de guerres, de combats, d'affaires, fans fouler fa nation , fans luidonner le moindre fujet de plainte , & fans trouver auffi la moindre contradiftion dans tout ce qu'il a deüré d'entreprendre. Vous demanderez fans doute, par quel moyen il s'eft fi fort élevé au-deffus de fes pareils; mais il n'en faut point chercher la caufe ailleurs que dans 1'amour effeöif & réeï qu'il a eu pour fa nation , dans la pureté de fon intention, qui dans la vue générale , la toujours conduit au plus grand bien, & dans Pidée qu'il avoit pnfe de la véntable gloire. En effet, la vérité ne fouffre pas que nous puiffions, d'un coté , mettre a part la gloire du prince , & de 1'autre, fa conduite , fon cceur , & fon intention ; comme fi la folide gloire n'étoit autre chofe que le falie de 1'autorité & du rang , & qu'elle ne fut pas effentieilement dépendante des trois autres. Or c'eft précifément en chacune dé ces dernieres parties qu'a excellé le caradere de Charle-  Parlemens de France. 5 magne ; une intention lincere de faire le bien a 1'avantage du public , & de ne tirer fa gloire que du bien-être commun de tous les hommes vivans fous fon empire; une conduite conforme a la fin propofée , premiérement du cóté de la confiance en fes fujets , n'ayant jamais rien fait fans leur confeil pris dans l'affemblée générale de la nation , fecondement du cöté de 1'utilité , partagé entre la religion qui étoit fon premier objet, & le bonheur des peuples, entant que ceux qui étoient nouvellement foumis devoient concourir par de plus grands efForts a de nouvelles conquêtes, foit pour faire oublier leur réfiftance, foit pour mériter 1'honneur d'entrer dans les délibérations communes ; pendant que le Francois naturel partageoit ou la douceur du commandement , ou la gloire de 1'exécution, ou jouiffoit d'un repos acquis par des fervices. Je ne dirai point que Charlemagne ait été 1'inftituteur de cesaffemblés générales que nous connoiffons aujourd'hui fous le nom ÜEtats. Perfonne n'ignore que les Francois , étant originairement des peuples libres , qui fe choififfoient des chefs fous le nom de rois, pour faire exécuter les loix qu'eux-mêmes avoient établies, ou pour les conduire a la guerre , n'avoient garde de confidérer ces rois comme A 3  6 Lettres sur les anciens des légiflateurs arbitraires , qui ponvoient tout ordonner lans autre raifon que leur bon p'aifir : &, en effet, il ne nous refte aucune ordonnance des premiers tems de la monarchie, qui ne foit caraflérifée du confentement des affemblées générales du champ de mars ou de mai, oii elles avoient été dreffées. Mais j'ajouterai de plus , paree que c'eft une vérité démontrée & prouvée par 1'hiftoire de la Police Francoife, que 1'on ne prenoit pas mome autrefois une 1 réfolution de guerré hors de ces affemblées communes, Sd fans le confentement de ceüx qui y devoient être employés. II eft vrai que le ponveir & la digr.ité de ces affemblées ne fubfiftcrent pas uniformément ni bien long-tems dans leur intégrité, tant a caule des diffcrens partages de la monarchie, que de la violence qui'fut faite a la nation entiere par les entreprifes de Charles Martel. Celui-ei, que le feul droit de conquête avoit élevé a la puiffance ibuveraine n'eut garde d'en reconnoïtre aucune autre collatérale a la fienne , outre que perfonnellement irrité contre le clergé, il fuffifoit que les prélats compofaffent, comme ils le faifoient peü de tems avant lui, le plus grand nombre des membres des affemblées, pour le porter a lesabolir, comme il le fit en effet pendant les vingt-deux années de fa domination. Ce-  Par lemens de Franc Ei 7 pendant le droit du peuple Francois étoit fi fortement établi dans 1'idée commune, que les enfans de Martel fe trouverent bientöt obiigés , non feulement de donner un roi a la nation , mais de rétablir les pariemens. Pepin-le-Bref, devenu clans la fuite feul poffefle.ur de 1'état Francois, ne jugea pas même , tout abfolu qu'il étoit, pouvoir afpirer au titre de roi, dont Childeric III étoit encore revêtu , fans 1'autorité d'une affemblée commune; mais comme il vouloit en être le maitre , il y fit cle nouveau recevoir les prélats ck leur y accorda le premier rang : fe flattant, comme il arriva, de gagner tout le monde par leurs fuffrages. On le peut même encore foupconner d'une autre vue , par rapport a cette innovation ; fcavoir , que ne voulant pas rétablir les affemblées dans la totalité de leurs anciens droits , la libarté des éleftions, le concours au gou vernement , le jugement des affaires majcures, la difpofiticn des impóts & la dire&ion des armées, defirant toutefois de les oecuper de roaniere qu'elles ne pqffent pas fe plaindre d'être dépouillées de toute jurifdiaion , il les engagea a s'appüquer au reglement général de la poiice extérieure : emploi que les prelats embrafi'erent avec avidité , & qui changea les pariemens Francois en des efpeces de conciles. A 4  § Lettres sur les anciens Telles étoient les affemblées , états cui pariemens Francois , a levénement de Charlemagne ala couronne; mais ce prince ne fut paslongtems fur le tróne fans remettre toutes chofes dans 1'ordre, non par une générofité indifcrete, mais après avoir éprouvé la tendreffe & la fidélité que les Francois ne fcauroient manquer d'avoir pour un bon roi. II les connut dans la conquête de 1'Italie , par 1'ardeur & 1'empreffement général que 1'on eut a le fuivre, & par 1'abondance des fecours pécuniaires qu'ils lui donnerent; il les mena de-la dans 1'Allemagne , de 1'Allemagne en Efpagne, dans laPannonie , 1'IUirie, les pays des Sorabes & des Abodrites , enfin dans le fond du Nord ; & par-tout il les trouva pleins d'un nouveau zele pour fa gloire, fans que la longueur des voyages , la dirfkulté & le péril des entreprifes , la rigueur des climats oü il les conduii'oit les puffent rebuter. I! n'auroit même tenu qu'a eux de former des foupcons au fujet des nouvelles conquêtes qu'il faifoit chaque année. L'exemple de fon aïeul qui avoit foumis la France.fa patrie avec les troupes Allemandes èc Saxones, &c qui après 1'avoir foumife en avoit détruit toutes les loix : eet exemple , dis-je, pouvoit les intimider; mais au contraire , remplis de confiance & d'eftime pour  Parlemens de Frangê; cjl la vertu du prince, ils ne craignirent rien de fa part, comme réciproquement il n'appré-henda rien de la leur, & ne fit aucune difficulté de rendre aux affemblées de la nation tout le pouvoir légitime qui leur appartenoit. II s'efforca même de les rendre plus auguftes & plus magniflques qu'elles nel'avoient jamais eté, foit par le nombre des troupes qui en faifoient la füreté, foit par celui des princes & des grandsqui venoient s'y confondre dans le gros de cette nation, foit par cette admirable union des volontés & des fentimens de tout le peuple avec les fiens, foit enfin par la majefté & 1'édification du fervice Divin qui fe faifoit en fa préfence. C'étoit la le fpeöacle qu'il donnoit tous les ans , non - feulement k 1'Europe foumife par fes armes, mais aux nations les plus éloignées, dont les rois venoient 1'y admirer des extrémités de la terre, au moins par leurs ambaffadeurs : c'étoit de-la, q-u'ils remportoient une idéé de terreur &z de vénération dont ils remplirent 1'univers, ek qui feconferye encore aujourd'huidansrOrient. Les ambaffadeurs d'un calife de Babylone , difoient, en qtüttant la France, « qu'en Afie »> ils voyoient des maitres fouvent braves , » fouvent éclairés, mais ordinairement capri» cieux ou cruels ; qu'en Occident ils avoient  ro Lettres sur les anciens m vu un peuple de rois, auquel obéiffoient un » nombre innombrable d'armées toutes cou» vertts d'or & de fer; que ces rois avoient » pouitant un chef qui étoit leur roi, mais » qu'eux & lui ne vou'oient jamais que la w même chofe ; que tous obéiffoient en fa » préfence , quoique tous fuffent égakment M libres. » Mais n'alions point chercher 1'éloge de ce grand prince ailleurs que dans le témoignage de notre propre hiftoire , ouplutöt dans ce qu'il a fait pour rétablir la nation Francoife dans fes véritables droits. II contidéra ce que , depuis lui, aucun '"de nos rois n'a voulu tout a-fait comprendre, fc,avoir , que les Francois étoient naturellement un peuple libre, autant par fon caraciere naturel que par le droit primitif qu'il avoit de choifir fes princes , & de concourir avec eux dans i'aüminiftration du gouvernement : concours qui 1'ervoit originairement de conteil néceffaire aux rois, & de motif a la nation entiere pour faire réuffir les entreprites réfolues d'un confentement général. Ainfi Charlemagne concut que le gouvernement delpotique & arbitraire , tel que fon aï;ii! avoit voulu 1'établir , étant abfolument contraire au génie de la nation & a fon droit certain & évident, ü étoit impoffible qu'il fut durable; première confidération qui  Parlemens de Franc e. n lè détermina k faire jufüce aux Francois en général. Secondement, il avoit été lui-niême témoin de la conduite trop politique de fon pere , qui devant a la nation fon élévation fur le tröne, ne put pas lui refufer 1'exercice du droit certain qui lui appartenoit de s'affembler tous les ans & de former des délibérations communes ; mais qui les feut artificieufement détourner de leur véritable objet, pour les appliquer au foin frivole de la réformation des mceurs & a faire des régiemens de police : ce font la des faits conftans par 1'hifioire , qui ne peuvent être fufpeös qu'a ceux qui 1'ignorent. Charlemagne, prince fincere &vrai dans fon intentionjcomme dans fa conduite , incapable de féparer fon intérêt de celui de 1'état , ni de penter qu'il foit pcffible au fouverain d'obtenir quelque gloire foüde indépendante de fon adminiftration inférieure, jugea que 1'artifice étoit auffi indigne de lui que mal convenable envers une nation auffi généreufe & fi paffionnée pour fon roi; ainfi ayant a prendre fon parti entre la continuation de la violence ou de 1'artifice politique , & le rétabliffement parfait de 1'ufage &C du droit des pariemens , il embraffa le dernier avec toute la vérité &C la bonne foi dont il étoit capable.  li Lettres sur les anciens On voit que pendant & depuis fon regne, les affemblées communes ont jugé fouverainement des caufes majeures, infracïions de foi, révoltes , félonies & attentats , conjurations, troubles de 1'état, & qu'elles en ont jugé par rapport a toutes les conditions, fans exception de la royauté, ni même de la dignité impériale; fuivant le principe fondamental, que tous les Francois étant, égaux & jufticiables de leurs pareils , les dignités accidentelies ne changeoient point le cara£tere intime formé par la naiffance Francoife. En fecond lieu, que ces affemblées ont réglé & déterminé le gouvernement intérieur de la monarchie, foit a 1'egarddes^impóts, de leur quotité, répartition , nature & maniere d'en faire le recouvrement; foit a 1'égard de la diftribution des emplois, commiffions & judicatures. En troiiieme lieu , que ces affemblées ou pariemens furent admis a toutes les délibérations de guerre pour en régler les entreprifes, les diftributions & la maïche destroupes, 1'exécution des loix militaires, & 1'obfervation de la difcipline. En quatrieme lieu , que le pouvoir de faire des traités d'alliances , de fecours mutuels, ou de garantie fut remis aux pariemens, avec celui de juger de la fuffifance des fatisfaQions exigibles des peuples auxquels on avoit déclaré  Parlemens de France. 13 la guerre; c'eft-a-dire que le droit de faire la paix & d'en régler les conditions leur fut pareillement accordé. En cinquieme lieu, Charlemagne voulut que , felon Tanden ufage , les affemblées communes fuffent les juges fouverains de tous les différends qui pourroient arriver entre les feigneurs & les prélats, ou d'églife a feigneurie, fuivant la loi primitive. En fixieme lieu, il voulut encore que les affemblées communes fuffent le tribunal public , ou chaque fujet léfé, fouffrant 1'injuftice ou 1'oppreffion , put trouver un remede efficace contre la violence. Voila quels furent les droits que Charlemagne rendit aux affemblées de la nation, non comme une gratification nouvelle émanée de fa pure générofité , ou de la reconnoiffance qu'il croyoit lui devoir pour tant de fervices qu'il en avoit recus; mais comme la reftitution d'un droit inconteflable, violemment ufurpé par fes prédéceffeurs. On dira peut ê re que Charlemagne n'étoit pas un habile politique , s'il eft vrai qu'il fe foit relaché d'une par:ie de la puiffance fouveraine , qui de tous tems a été jugé incommunicable ; &C que fi quelque chofe peut exciter la ialoufie des hommes, c'eft le partage de 1'autorité. Céfar qui, malgré des grandes lumieres d'efprit& de grands principes de vertus,  i4 Lettres sur les anciens avoit reffenti les flireurs de lambitioa & violé tous les droits de fa patrie, difoit pour s'excufer, quilfalloit garder-la jujlice en toute oc fion ou il ne s'agijfoit pas de régner. J'avnue que ce principe eft tourné en nature dans les hommes de notre tems, & qu'il forme aujourd'hui un ufage commun è toutes les conditions; mais je n'en trouve Charlemagne que plus grand , d'avoir fait dans la prodigieufe élévation de fa fortune , par un motif de jufiice &c de vertu , ce que fes fucceffeurs n'ont pas été capables de faire, même au milieu des plus grands défordres de 1'étaf, & dans le péril éminent de perdre leur couronne : tant il eft vrai, que la jaloufie d'une ambition mal concue &C rintérêt perfonnel 1'emponent non feulement fur le bien commun , mais fur ia crainte la plus légïtime. Je foutiendrai de plus, qu'au fond Charlemagne étoit meilleur poiitique que ne l'ont été fes prédéceffeurs & tous fes fucceffeurs : en effet ,i! en fa ut re venir a la maxime, que tout prince qui gouverne fans ménagement pour les droits des peuples, fans attention a leur caraöere ni au bonheur pubüc , fans prévoyance en faveur de ceux qui doivent 4ui fuccéder, & fans deur de fonder fa gloire fur la iuflice de fon gouvernement; ce prince, dis-je, loin de merker le titre d'un bon roi,  Parlemens de Francè. 15 ne fcauroit jamais être regardé par la poftérité que comme un oppreffeur , c'eft a-dire un fouvecain qui a abufé de fon pouvoir , qui s'abandonnant a fes paflions & ne s'Lntéreffant qu'a lui-même , s'eft féparé du corps de la fociété , pour jonir feul des avantages qui ne peuvent ceffer d'être communs fans la détruire politiquement ; & conféquemment , Charlemagne n'a pu faire un meilleur & plus utile emploi de fa fortune que d'admcttre fes fujets au concours de fautonté, principalement dans la circonftance connue de tous, que ce concours étoit le droit commun, & qu'il n'avoitété aboli que par une injufte violence. Par ce moyen, Charlemagne s'eft non-feulement délivré de la haine 8c de la jaloufie qu'attire néceffairement 1'ufurpation, mais il a de plus en plus mérité 1'eftime & 1'amour de fes fujets; par ce moyen , il s'eft délivré de la crainte inféparable de la tyrannie ; par ce moyen, il a fatisfait a la juftice, k la raifon, & la droiture de fon cceur, fans perdre la plus petite partie.de fon autorité véritable ; par ce moyen , en affurant les fortur.es particulieres de fes fujets, leur repos, leur liberté , il a pourvu , autant qu'il étoit en lui , a procurer leiir amour a fes fucceffeurs. L'hiftoire marqué affez qu'il ne tint qu'a eux de le conferver ,  'i6 Lettres sur les anciens la feule mémoire de Charlemagne, les ayant long - tems maintenus fur le tröne qu'ils déshonoroient par leurs foibleffes ; il les pourvut auffi, par ce moyen , d'un confeil, qui, felon toute la prévoyance humaine, devoit être perpétuellement fage, fidele , courageux, & également attaché k la gloire du prince , k la confervation de l'état & a 1'bonneur de la nation ; enfin, il établit par ce moyen 1'ordre , la correfpondance néceffaire de tous les membres avec le chef, & 1'unanimité de fentimens. II eft vrai que ce grand prince ignoroit 1'art de régner par la divifion , auffi-bien que celui d'anéantir les biens & d'accabler les cceurs & les efprits pour dominer avec plus de hauteur & de fafte; il eft encore vrai qu'il fondoit fa gloire fur une réputation juftement méritée, & non pas fur 1'incommunicable Superbe, qui a fait depuis lui toute la grandeur de quelques rois. II penfoit encore qu'ua prince ne pouvoit pas être véritabiement grand , ni remplir fes devoirs , fans connoiffance ni fans inftrucYion ; & dans cette idee, quoiqu'il fut le plus fcavant homine de fon fiecle , il paffoit la plus grande partie des nuits a 1'étude , après avoir donné la journée aux travaux de la guerre ou du gouvernement. Après ce que je viens de dire i il ne me refte qu'a  Parlemf.ns de Franc e. ij qu'a parler de la qualité de ceux qui compoioient les affemblées & de la forme des délibérations ; ce que je crois ne pouvoir mieux raire qu'en traduifant le plus für monument que nous ayons fur cette matiere j je veux dire le célebre traité de Hincmar , archevêque de Reims : intitulé , de l'ordre dufacrépalais , dans la parite qui regarde les ajjemblUs communes. Ce prélat, 1'un des plus illuftres que Ia France ait produit, ne fonde pas fa narration fur ce qui le pratiquoit de fon tems, oü la corruption s'étoit déja introduite dans le coeur de letat, mais fur ce qu'il avoit appris d'Adelard, abbé de Corbie , coufin - germain de Charlemagne , & 1'un des principaux minifires de Louis ie Divoty qui lui avoit fouvent fait récit de l'ordre que le premier avoit étebli dans le gouverment général de la France. Voici ce qu'il nous appreud fur la matiere que nous traitons. « A Tégard de la deuxieme divifion qui » regarde 1 ctat de tout le royaume & fa con» lervation , telle en étoit la forme. La coutume » du tems étoit de tenir deux affemblées géné» ral-es chaque année , & nou plus j 1'une au » pnntems, dans laquelle on régloit 1'état de » tout ie royaume, fans qu'aucun événement » iuivant, fi ce n'étoit une extréme néceffité * cnPfK chmgerladifpoliuoa. Cette affemblée "lome IV. ^ ij  18 Lettres sur les anciens » étoit compofée de tous les grands, tant du » corps du clergé que des laïques francois ; les » anciens , honorés du nom de feigneurs, pour » former le reglement, les plus "jeunes pour »> le recevoir, & quelquefois pour y concounr » par leurs avis, mals toujours pour le con» firmer par leur obéiffance. La deuxieme » affemblée ne fe tenoit que pour recevoir » les dons, c'eft-a-dire le tribut des provinces, » & n'étoit compofée que de véritables feit, gneurs ou des plus anciens , & de quelques» uns des confeillers d'état. On ccmmencoit „ a y prévoir & a difpofer les délibérations » qui regardoient 1'année fuivante , & fi dans „ le cours de la préfente il étoit arrivé quel» ques affaires qui euffent befoin d'un régle« ment préfent & provifionnel , tel que des » treves accordées par les gouverneurs des w frontieres, fur lefquelles il falloit avoir 1'ayf grément public pour les continuer ou pour » agir après leur expiration ; ou bien des oc» caüons urgentesde paix ou de guerre , telles » qu'il fut néceffaire d'affurer certains lieux par y> préférence a d'autres qu'on vouloit laiffer „ ouverts: mais quel que put être le réglement, h foit que 1'exécution en fut aöuelle, foit qu'elle y> fat différée jufqu'a la prochaine affemblée » générale , le fecret en étoit auffi impénétrable  Pariemens de France. ,9 » aux érrangers, qu'il étoit inviolable de Ia »> part de ceux qui 1'avoient déterminé & qui » en étoient les auteurs; de fort* que foit » au-dehors , foitau-dedans de 1'état, quelque » apphcation que dut avoir ce reglement, il » étoit impoffible d'en prévenir 1'effet, auffi » peu par 1'artifice que par la force : ta'nt les n refolutrons étoient digérées & formées avec » prudence & fageffe, ou foutenues avec couv rage par ceux qui en étoient chargés S'il fe » rencontroit auffi queJques mécontentemens » particuliere des feigneurs, qui méritaffent » une juftefatisfaöion, ou qu'il ne fütbefoin » que de ranimer leur zele & celui des peu« pies qui dépendoientd'eux, on prenoittou» jours les tempéramens les plus convena» bles pour maintenir l'union , & ]es faire » fouvemr de la magnanimité qu'Hs devoient * ileur patrie, & a leur propre réputation. » Ainfi, ,ous Ia conduite d'un chef incompa» raole , l'ordre & la regie éclatoient par-tout * & une année finie donnoit lieu k une fui* » vante auffi gforieufe que celle qui pavoit » précédée. » A 1'égard des Confeillers d'état, foit d'é» ghfe, foit féculiers, onles choififlbit toujours » tels, que dans la condition qui ieur étoit tl propre , on fut affuré qu'i!s euffent la crainte B i  * Lettres sur les anciens „de Dieu,& aé* de foi, de vertu & de >> courage pour qn'ils fuffent incapables, aJex- * ception de la vie éternelle , de preferer quel„ cue chofe au roi & a 1'intérêt de letat. é Atnis , ennemis, parens, flatteurs , donneurs * Cle nréfens, maïtreffes , amours, jaloufies; J pen de tout cela n'étöit capable de es ue- turner de leur devoir. Mais véritablement „ fa,es , de cette efpece qui fcait toujours t cönforidre la malice & la fauffe prudehce >> du fiecle, les confeillers ainfi élus, avorent wune regle inviolable entre le roi & eux, * que ce qu'ils fe confioient mutuellement &. Jo,liérLnt,foitfurrétatdur0ya^ >r foit au fujet de quelque particulier,, ne put , être révélé, quandle fecretauroit du durer, nonpasquelquesjours^aisplulieursannees H& toute la vie. En effet, ajouu Hincmar par „ Mtwé , 1'expérience nVa fait connoitre * qu'undifcoursignoré ne nmt jamais , au beu cm'étant raoporté a ceux qui y font mtereffes, ÏSS s^iter , les trb«blet& les potter ^^^audéfe^oirou^arinfolenCe,les engager a la p^dle , ou tout au moms fétat de «té de leurs fervices ; ^quejedis^^v^égarddunfeul "'eds de cent, de mille & de toute une ^oviuce-i■& i'en conclus quil ny a nen  Parlemens de France.*' ii » de fi important au gouvernement que lefecret, » L'aprocriuaire du grand chapelain:, garde » du palais, & le chambrier, étoient toujours » membres de ce confeilintime , c'efi: pourquoi » on les choififfoit aveC'grande précaution : » & a 1'égard des autres grands officiers du » palais , que 1'affiduité du fervice a fait notn» mer Palaüns , on examinoit fcrupuleufement » leur capacité & leur conduite, le foin qu'ils » prenoient de s'inftruire , 1'affection qu'ils y> marquoient pour 1'utilité publique, pour » juger s'ils étoient dignes detre enfuite'avan» cés aux premiers honneurs, foit en rempla» cant les fujets du confeil qui venoient a » manquer, foit en leur confiant les gouver» nemens des provinces & des frontieres, » foit en leur dqnnant le commandement des » armées : & cette heureufe infiitution n'a » jamais manqué de fuccès par rapport aux » affaires qu'on leur a confiées. A legard des » autres moindres officiers du palais , dont les » emplois n'inrluoient point fur les affaires gé» nérales, mais qui ne fe rapportoient qu'a des » commiffions particulieres , le prince les ré» gloit avec un tel ordre, qu'il n'arrivoit au» cune confufion ni différend qui ne put être » appaifé fur le champ; que fi 1'importance de w la chofe requéroit qu'elle fut remife a la  ai Lettres sur les anciens » décifion du parlement, fa fageffe tempérok » avec tant de juffice &c de ménagement les » courages les plus aigris, que Dieu n'étoit » point offenfé & qu'aucun ne fe pouvoit » plaindre d'en recevoir aucune honte. » Quant a la convocation du confeil , on » ne la faifoit jamais pour la décifion des af» faires particulieres , ni pour terminer les » procés ou conteffations qui pouvoient naitre w dans 1'étendue de la monarchie ; mais quand » ce même confeil avoit pourvu aux affaires » qui touchoient le roi perfonnellement, ou »> 1'état du royaume , alors, par la permilfion »> du prince , & a la dcmande du comte du »».palais, on propofoit les queftions particu# lieres que ce magiftrat n'avoit pas voulu réw foudre fans 1'avis du confeil. » Au refle , quand les grands étoient affem» blés dans 1'un ou 1'autre parlement, le roi » leur propofoit auffi - tot les fujets de leurs »> réfolutions par articlesou capituls, tels qu'il ,» les avoit diftés de lui-même, ou qu'ils les » avoit recus des provinces depuis la derM niere affemblée. Alors ils les examinoient urt » jour ou deux , ou quelquefois plus long»> tems , fuivant 1'importance des matieres , w fans qu'il fut permis d'approcher des lieux » oü fe faifoient les délibérations, a 1'excep-  Parlemens de France. 23 » tion des donieftiques du palais , chargés par » le roi de fes demandes ou de fes réponfes, »- ou de celles de Paffemblée ; après quoi les » réfolutions étant rapportées au prince , il » choififfoit entr'elles felon fa fageffe , celles » dont il ordonnoit 1'exécution. Mais pendant » qu'en Pabfenee du prince 5. les feigneurs » dirigeoient l'ordre de toute la monarchie , il » étoit lui - même occupé a répondre k la » multitude qui venoit en ce tems s'approcher » du tröne,, foit pour lui offrir les tribuis des » provinces, foit pour le faluer ; & c'eff alors. » qu'il faifoit connoitre fon affabiliti & fa. » douceur , en adreffant la parole a ceux Qu'il h voyoit le plus rarement,. compatifiant 0 la. » foibleffe de Page des uns, fe réjouifiant de » la fanté & de la jeuneffe des autres , de forte » qu'aucun ne fortoit mécontent de fa pré» fence. Si tontefois les feigneurs confultans » croyoient cette préfence néceffaire a leurs. » réfolutions, il ne fe refufoifc jamais k leur » demande , & reffoitay.ee eus auffi iong-tems » qu'ils le jugeoient néceffaire- pour le plus » grand bien; c'étoit -,lk qu'ils lui rendoient » compte familiérement des motifs de leurs » avis, jufqu'a ce que 1'unanimitéfut entiere. » II ne faut pas oublier de dire que Paffembiée » fe tenoit toujours en plein air quand le-tems, E4  14 Lettres sur les anciens » le permettoit ; mais que quand la faifon » n'étoit pas favorable, il y avoit des lieux » defiinés pour recevoir les confultans apart, » & d'autres pour la multitude, de laquelle w néanmoins toutes les perfonnes inférieures » étoient exclues. Les appartemens des ccn» fultans ornés de fiéges Sc de tapis étoient >► féparés ; 1'un pour le clergé , oü les évêques, » les abbés 6c les vénérables clercs étoient » recus, fans que les féculiers y euffent d'en» trée ; 1'autre pour les comtes &C les princi» paux de la nation, oü le refle de la multi» tude n'étoit point admis. Chacun fe rendoit »> de grand matin dans la chambre oü il devoit w avoir place, jufqu'a 1'heure oü, le roi préfent » ou abfent, les chambres fe devoient réunir » pour fe communiquer leurs délibérations , » fe féparer enfuite & retourner chacune chez » elles les continuer : ainfi il étoit h leur vo» Ion té de s'unir ou de fe féparer, fuivant » fcxigence des matieres qui les occiipoient, » religicufes , fécuüeres ou mixtes. De même >> il leur étoit permis d'appeller en leurs dif>» férentes chambres ceux dont ils avoient »> befoin pour prendre nne information de » quelques faits, ou ceux qui leur apportoient a manger. Mais 1'occnpation la plus impor»> tante du prince, étoit d'entendre les rapports  Parlemens de France; '25 f> de ceux qui venoient de chaque partie du » royaume ; car non - feulement il leur étoit ff permis de les faire , mais étroitement com» manJé de rendre compte de tout ce qu'ils » anroient appris du dedans ou du dehors, des » érrangers ou des naturels, des amis ou des » ennemis , fans trop d'attention a la perfonne » d'oii venoient les avis, Toutefois le principal » objet de cette infbrmarion étoit d'apprendre » fi quelque partie du royaume étoit troublée, w ne füt-'cë que le dernier village a & quelle » étoit la caufe du trouble qu'elle reffentoit, k qui devoit être rapportée au parlement.. On » vouloit auffi fcavoir, a 1'égard des nations » foumifes , quelles étoient leurs difpofitions » a 1'obeiffance , è 1'agitation , a la révolte , k » la perfidie, & fur-tout le principe des unes » & des autres. Telles étoient les matieres des » delibérations des affemblées, & des fcnde» mens de l'adminiftration de 1'étatFrancois.» Voila la traduclion a-peu prés littérale d'un momument rare & prefque inconnu a nos hiftoriens , du moins fi 1'on en juge par 1'ufage qu'ils en ont fait, par lequel on peut connoïtre la vérité de mon premier expofé , fur quoi je crois devoir faire quelques réflexions. Premiérement, fur le concours des fentimens qui étoit toujours parfait entre le prince & les  ^6 Lettres sur les anciens grands, paree que les uns & les autres n'avoient d'objet effentiel que 1'avantage commun; celuila , ne paroiflant jaloux de fon autorité qu'autant qu'elle étoit véritablement inféparable du bon ordre : fource de la tranquillité publique & par conféquent d'un bonheur univerfel; Sc les grands ne fongeant a partager cette autorité que pour la rendre plus générale, & 1'obéilfance plus volontaire. Car quelque chofe que notre fiecle en puiffe penfer, il fera toujours vrai de dire qu'il y a une entiere différence entre 1'obéiffance forcée , qui eft 1'effet de 1'oppreffion ; & celle qui ét3nt néceffaire , eft moins rendue k la crainte qu'a la juftice , k la raifon & a 1'amour des peuples pour le fouverain. Secondement, pour le défintéreffement perfonnel qui faifoit en quelque forte le caractere particulier du fiecle de Charlemagne; le prince ne defirant rien pour lui qui ne fut a 1'avantage de la nation toute entiere , &. les grands n'étant entêtés ni de préjugés , ni de défiances, ni d'efpérances particulieres. Ce fut alors que pour 1'exemple des ages futurs , 1'on put s'appercevoir que le génie du fouverain anime la nation dont il eft le chef, auffi-bien pour former en elle des fentimens d'honneur , de générofité & de défintéreffement , que pour  Parlemens de France. 17 établir, comme on Fa vu depuis, la perfonnaiité & 1'inférêt des paffions particulieres. Troifiémement , on voudra fcavoir pour quelle raifon il ne paroït dans ces affemblées générales que deux Cortes d'états, le clergé & les feigneurs , qui faifoient deux chambres particulieres , outre la multitude , laquelle n'ayant point de part aux délibérations , n'affiftoit aux pariemens que pour les autorifer par la promeffe de fon obéiffance , qui étoit la conféquence naturelle des acclamations avec kfquelles elle recevoit ce qu'on appelloit peur lors VAnnonciacion , c'eft-a-dire le réfultat de 1'affemblée, a la tête duquel paroiffoit toujours le nom du fouverain. Mais 1'on n'ignore pas que les Francois ayant conquis la Gaule fous le regne de Clovis, y établirent leur gouvernement tout-a-fait féparé de la nation foumife, qui demeurant dans un état moyen entre Ia fervitude romaine & la liberié , fut toujours regardée par les conquérans comme deffinée au travail & a la culture de la terre, & non pas a partager les honneurs du gouvernement. II y a toutefois quelque exception h faire dans la généralité, paree que toute la Gaule n'ayant pas été cónquife a même tems & de la même maniere, il eft certain qu'il y eut des provinces Gaubifes qui furent mieux traitées les unes  iB Lettres sur les anciens que les autres, & qui conferverent quelque liberté & dignité; telle fut entr'autres la province de Tours , & plus véritabk-ment encore celle d'Auvergne. II arriva même dans la fuite des années , que les rois Francois s'étant fervis des milices Gauloifcs, dans certaines néeeffités, les officiers firent fortune a la guerre ou a la cour, & s'éleverent aux dignités militaires, quoique cela £üt contre la regie générale. Cependant ces différences légeres n'en mirent aucune dans l'ordre du gouvernement , qui demeura toujours entre les mains des Francois naturels, jufqu'è ce que la foibleffe des defcendans de Dagobert & la régence de la reine Batilde y lahTerent introduireksévêques, qui devinrent même les plus puiffans feigneurs dans les affemblées communes, & prefque comme les feuls repréfentans. Toutefois la violence de Charles Martel ne laiffa pas fubfifter cette innovation , puifqu'il détruifit les affemblées, comme je 1'ai déja raconté. Pepin eut depuis befoin des eccléfiaffiques , tant pour occuper la royauté que pour juffifier fon entreprife dans 1'efprit des peuples ; & en rétabliffant les affemblées, il ne manqua pas d'y donner rang aux prélats, kfquels affecfant de ne point admettre les laïques dans la connoiffance des affaires de leur reflbrt, voulutent ca  Parlemens de France; 19 être féparés ; comme les feigneurs , de leur cöté , n'admirent point le clergé dans la cönnoiffance des affaires militaires , quoiqu'il y ait pourtant apparence qu'ils les confultoient, du moins en qualité de cafuifles ou de jurifconfultes, pour la décifion des affaires capitales , quoiqu'ils n'euffent point de part aux jugemens. L'on ne comptoit point alors de tiers état, puifque le peuple étoit efclave, oufi l'on trouve ce terme trop dur , puifqü'il étoit condamné a une efpece de fervitude qui Tattachoit a laterre ou au labourage : fervi adfcripti gkbx , comme parient les anciens monumens: ainfi jufqu'a ce que le peuple foit parvenu a la liberté, au droit de fe pofféder lui-même & d'avoir des biens propres, il ne faut pas s'étonner qu'il n'ait tenu aucun rang dans 1'état, ni par conféquent dans les pariemens ou affemblées , non pas même dans lesacclamations de la troupe que Hincmar nomme la multitude, mais de laquelle il remarqué pofitivement que toutes les perfonnes inférieures , c'eft-a-dire non francoiles étoient exclues. Au refie , il faut remarquerque Charlemagne ayant formé deux royaumes dépendans de fa monarchie fuprême; fjavair, Titans pour fon fecond fils Pepin, & TAquitaine pour le troifieme , qui fut depuis Tempereur, Louis  30 Lettres sur les anciens h Dèvot, donna & ces mêmes royaumes le droit de former des affemblées particnlieres pour leur propre adminifïration , fubordonnées toutefois aux affemblées générales dont il étoit le chef: & c'eft pour cela qu'il obligeoit ces mêmes enfans a comparoitre de tems en tems avec une grande partie de leurs forces aux pariemens généraux ; tant pour leur faire fentir leur dépendance , que pour les accoutumer a cette imion & a cette correfpondance de fentimens, qu'il jugeoit devoir être 1'inébranlable fondement de la monarchie. Mais comme la France fut gouvernée d'une maniere bien différente après lui, &c que , trente ans après fa mort, les partagesdes enfans & des petits enfans de Louis le Dévot, déraembrerent totalement la monarchie , chaque royaume parragé pritla coutume de former des états particuliers , fur le fondement que c'étoit le droit commun & Pinfütutioo de Charlemagne; & il n'y eut plus que IVxtrêmepérildela monarchie, kquelobligeoit queiquefois les princes de fe réunir, malgré la fureur qui les animoit les uns contre les autres , qui mainrint 1'ufage, mais non pas 1'autorité des parkniens géüéraiu.  Parlemens de France. 31 DEUXIEME LETTRE. Detail des Pariemens affemblés fous la feconde race , & des jugemens les plus celebres qu'ils ont rendus ; avec des remarques fur leur ancienne jurif dieïion. Po u r peu que l'on réfléchiffe a ce qui fe paffe en Angleterre , en Allemagne , en Pologne , k ce qui fe pratiquoit il n'y a pas longtems en Dannemarck , en Suede , & a ce qui s'eft fait en France depuis affez peu d'années; on reconnoïtra aifément que tous les gouvernemens des royaumes , formés en Europe du démembrement de l'empire Romain , ont eu une attention particuliere a ne fe pas tellement abandonner au pouvoir de leurs rois, que leur autorité ne put être tempérée par la concurrence de celle de divers tribunaux , qui n'étoient originairement occupés qu'a la partager. La même inftitution fe trouve par-tout, quoique fous des noms différens , comme ceux de diétes en Allemagne & en Pologne, de parletnens en Angleterre , d'états en France, en Suede & Dannemarck, de Cortès en Arragon , en Portugal & même en Caftille, quoique ce  $z Lettres sur les anciens foit un pays de conquête. Les peuples a qui nous rapportons la fondation de ces différens royaumes , étoient des Barbares venus du fond du Nord , ou des extrémités de la Scithie, qui n'avoient aucune connoiffance de lettres ni de philofophie , 8c encore moins de la pobtique raffinée de ces légiflateurs qui avoient compofé avec étude & méditation les loix de la plupart des villes & rëpubliques de la Grece,au tems de leur liberté : mais fuivant le fens droit Sc commun qui ne leur a point manqué , ils ont connu que comme le gouvernement monarchique étoit même indifpenf«ble a des peuples qui fe propofoient des conquêtes par la voie des armes , fur-tout ay qui condamnoit toujours les enfans avec le pere. Cet exemple du pouvoir d'un parlement Francois eft remarquable ; on y voit un roi étranger , coufin germain & beau - frere du monarque régnant en France , condamné a mort pour une infraöion de foi & violation du ferment d'obéiffance qu'il avoit fait au roi & au peuple Francois. A cette expreffion joignons celle par laquelle les feigneurs affemblés en parlement font nommés Pairs , afin de mieux juger de la fupériorité d'un Francois, lorfqu'il joignoit a fa naiffance affez d'acquis & de mérite pour entrer dans les délibérations communes. L'an 789 , le parlement s'affembla a Aix-laChapelle , oü le roi avoit paffe 1'hi ver , on y réloiutla guerre contre les Vilfes 6c les Abodrites»  Parlemens de France. 39 Charles deffina Tan 790 au réglement & a Ia police de fa monarchie , & il le paffa tout entier a Vorms. II y affembla un parlement trèsfolemnel, dont les arrêts tiennent la principale place dans les capitulaires. On y réfolut auffi la guerre contre les Huns & les Abares quü occupoient la Hongrie d'a-préfent; & i'année fuivante le parlement s'affembla a Ratisbonne, tant a caufe de Tincendie du palais deVorms que pour être plus a portee de la nouvelle guerre : les conquêtes furent portées jufqu'a: Raab. Le parlement de 792 fut encore affemblé k: Ratisbonne par la même raifon que Tannée précédente ; mais les délibérations en furent bien différentes, s'étant agi premiérement de la condamnation de Félix , évêque d"Urgel v, qui rétracta pour lors fes erreurs devant Taffemblé.e y 6k enfuite devant le pape auquel ii fut conduit; & fecondement de la punition de Pepin le Bojfu, ainé des enfans illégitimes deCharles , lequel, piqué par les dégoüts. que lui. donnoir la reine Faftrade , fe porta jufqu'a conjurer contre la vie du roi fon pere. Ses complices & lui furent également condamnés én mort, puis exilés par commutation de peine» Pepin s'enferma pour is refle de fa vie dans, Tabbaye de Pruin» C 4  40 Lettres sur les anciens Le parlement de 793 fe tint encore au méme lieu : on n'y traita que d'ouvrages de paix , paree que tout paroiffoit tranquille dans 1'étendue de la monarchie; fcavoir , de la conftruction d'un pont fur le Danube & de la joncfion de ce fleuve avec le Mein & le Rhin. En 794 le parlement frangois céda fa place & fon rang a un célebre concile qui fut affemblé a Francfort fur le Mein , après Paques. Les légats du pape y affifterent avec un très-grand nombre d'évêques de la domination Francoife pour condamner folemnellement les erreurs de Félix d'Urgel , & 1'adoration des images qu'un autre concile des Grecs avoit ordonné. En 795 1'affemblée du parlement fut indiquée & tenue au lieu de Cuceftein , qui eft un fauxbourg de Mayence de 1'autre cóté du Rhin, & on y réfolut une nouvelle guerre contre les Saxons. Ceux des années 796 & 797 furent affemblés k Aix-la-Chapelle , & l'on y reffentit avec joie & reconnoiffance les effets de la libéralité du prince, qui partagea aux feigneurs une partie du tréfor des Huns, qu'il y avoit fait conduire, tant par Henri, duc de Frioul, que par le roi Pepin fon fils. On y vit plufieurs ambaffadeurs , tant de 1'empereur Grec , que des  Parlemens de France. 41 nations voifines de la domination Francoife; & enfin un nouveau prince Arabe , de la fortune duquel le roi chargea Louis d'Aquitaine fon troifieme rils. Au parlement de 798, Charles recut les ambaffadeurs d'AIphonfe , roi chrétien d'une partie de 1'Efpagne , ceux de 1'impératrice Irene qui venoit de faire aveugler fon fils, & ceux de divers peuples barbares. Cet ordre de tenir les pariemens tous les ans fut exaciement continué pendant la vie de Charlemagne; mais comme le détail de chacun n'eft pas néceffaire au fujet que je traite , je crois qu'il fuffira pour la fuite de marquer ceux qui ont eu le plus de réputation, oü dans lefquels on a décidé des matieres plus importantes. Tel fut celui de 1'an 806 , dans lequel ce prince , comblé de gloire & de profpérité, appréhendant néanmoins, par une jufte défiance de 1'avenir, que le partage de fa fucceffion ne mït une divifion entre fes enfans, & ne donnat lieu a une guerre civile , capable de faire périr une partie de la nation qui lui étoit fi chere, voulut régler, par 1'avis d'un parlement général, les conditions de la paix qu'il leur ordonnoit de garder entr'eux &i le  42 Lëttres sur les anciens partage de la monarchie : Pafte qui en fut dreffé a Thionville eft venu jufqu'a nous, & fait connoitre qu'il tiroit fa principale autorité du confentement de tous les grands. Sept ans après , c'eft-a- dire Pan 8ri , la fortune de ce grand prince , ou plutot celle de la monarchie , ayant bien changé de face , par la mort de fes füs ainés Charles Sc Pepin r il affembla le parlement général de tous fes états a Aix-la-Chapelle, Sc ayant ordonné a Louis , roi d'Aquitaine, de s'y rendre , il voulut , avant que de 1'affocier a 1'empire , comme il en avoit le deffein , entretenir Sc confulter en particulier tous les pré'ats Sc les feigneurs qui devoient compofer Paffemblée , depuis le plus petit jufqu'au plus grand, ainn queThegan le rapporte, les priant d'avoir pour cefilsqui lui reftoit le même attachement Sc la même fidélité qu'ils avoient eu pour fa perfonne, Sc follicitant leur confentement pour fon élévation , qu'ils accorderent tous avec applaudiffement 8c avec joie. Le droit de Louis n'étoit pas fans difüculté , paree qu'il reftoit un fils de fon frere ainé , prince de grande efpérance , qvii étoit déja en poffeffion de 1'Italie par la fucceffion de fon pere ; Sc je crois pouvoir avancer qu'il ne falloit pas  Parlemens de France. 4% moins que le confentement unanime d'un parlement général pour le dépoiuller de fon droit d'aïneffe ; cependant nous le verrons périr dans peu d'années par le jugement d'un autre parlement tenu au même lieu , pour avoir penfé a revenir contre la difpofition de celui-ci. Le regne de Charlemagne fünit en 814, & donna le commencement a celui de Louis le Débonnalre, lequel ne déféra pas moins que fon pere au droit & a 1'autorifé des parlemens , & travailla pliitöt a leur infpirer fes fentimens qu'a profiter de leurs confeils. Le premier de fon regne fut affemblé la première année 814 a Aix - la - Chapelle, & fe trouva très-nornbreux; on y fit plufieurs régiemens, & l'on y députa plufieurs commiffaires pour en procurer 1'exécution dans les provinces. En 815, Louis tint le parlement de Paderborn , fur la fin de 1'été, & y recut quantité d'ambaffadeurs des provinces voifines. En 817, il le tint pour la feconde fois è Aix-la-Chapelle , & y fit agréer 1'affociation de fon fi!s ainé Lothaire a 1'empire , avec le partage de fes deux puinés. Le parlement de 818 qui avoit été indiqué a Thionville , fut remis a Aix-laChapelle, a 1'occafion du procés de Bernard,  44 Lettres sur les anciens roi d'Italie , & de fes complices. Sans entrer dans le détail de celte déplorable hiftoire qui eft affez connue , il fuffit, pour mon deffein, de faire attention que le petk-fi'.s de Charleiuagne, 1'aïné de la maifon royale , les plus illuflres prélats du tems, & les feigneurs les plus qualiflés furent jugés par cc parlement, les uns a mort, ks auties a la dépoiïtion. C'eft un terribleexemple du droit & de 1'autorité d'un parlement francois, dont le jugement ne dok pas être tellement attribué a la volonté ou a I'infuience d'un prince qui le fit rendre , que l'on n'y diftingue aifément le droit d'avec le fait; 1'empereur Louis qui auroit été bien faché pour lors qu'on eüt pu Taccufer d'inhumanité, ou du moins de jaloufie contre fon neveu , n'ayant paru s'en mêler que pour adoucir la conclamnation. Les parlemens d'Ingelheim en 819 , d'Aix en 820, du même lieu , & de Thionville en 821, n'eurent rien de plus confidérable que 1'établiffement de quelques regies monafliques , le renouvellement des fermens pour le maintien des partages faits entre les princes , &c la réconciliation des malheureux qui avoient furvécu au maffacre de 818. Le parlement de 821 qui fut affemblé a  Parlemens de France. 45 Attigny, fut plus fingulier qu'aucun des précédens, puifque Louis voulut lui-même y être jugé & recevoir la pénitence de la main des évêques pour la violence qu'il avoit exercée en 818 , reconnoiffant alors que la mort d'un fi grand prince n'étoit arrivée que par fa faute , puifqu'il auroit du moins pu 1'empêcher. Les parlemens fuivans jufqu'en 829, n'eurent rien de confidérable , fi ce n'eft qu'en celui tenu k Worms en cette derniere année, lequel étoit affemblé pour trouver quelque remede au mécontentement général, qui fembloit menacer le prince des derniers périls; il conféra la dignité de chambrier, la plus grande du palais , k. Bernard , comte de la Marche d'Efpagne, duquel la hauteur & 1'infolence acheva de tout perdre. Les troubles de 1'année 830 ne furent terminés que par le parlement affemblé a Nimegue au mois d'ofiobre, lequel, ayant pris connoiffance des plaintes refpeétives du pere & des enfans, rétablit Louis dans la dignité impériale. L'on étoit alors fi periuadé que le parlement avoit droit de ftatuer fur les matieres du gouvernement , que les hiftoriens ont obfervé que 1'empereur appréhendant juftement felfet du mépris on il étoit tombé dans la France , refufa toujours déterminément d'y laiffir affem*  ■"46 Lettres sur les anciens bier le parlement; efpérant mieux des difpofitions de 1'Allemagne , oü divers bienfaits particuliers lui avoient affuré un plus grand nombre de créatures. Le parlement de 831 fe tint a Thionville; celui de 832 a Oriéans, d'oü Louis paffa jufqu'en Limoufm , & y en affembÜa un autre , k ]a fin duquel il fit arrêter le roi Pepin fon fils, & 1'envoya prifonnier a Treves. L'année 833 vit renouveller les troublesplus fortement qu'auparavant. Louis fut arrêté au milieu de fon armee, & livré a fes enfans qui le conduifirent a Compiegne , ou le parlement qui devoit juger fa dépofition fut convoqué pour le mois d'oöobre; mais il en prévint le jugement, s'étant lui-même foumis a la pénitence publique , qui le rendoit incapable de toutes les fonftions féculieres. La paix étant rétabüe fur la fin de 834, le parlement fut affemb'é au mois de novembre h Attigny , pour délibérer fur les moyens de réparer une infinité de défordres caufés par la guerre précédente. Le parlement de Worms , en 835, eut le même objet, comme ceux de 836 qui furent aflemblés, le premier k Aix-laChapelle , & le fecond dans le voifmage de Lyon. Celui de 837 fut tecu è Chierfi ; &C celui de l'année fuivante a "Worms , dans  Parlemens de France. '47 lequel 1'empereur régla le partage de Charles fon dernier fils, du confentement de Lothaire fon ainé. Pepin , roi d'Aquitaine , étant mort au commencement de l'année 839 , on forma divers projets fur fa fuceeffion , qui donnerent occafion a quelques parlemens du pays ; celui qui fut affemblé a Chalons fur Saöne fur la fin de l'année , fut général, & Louis s'y détermina k conférer ce royaume a fon fils Charles, ce qui donna lieu a une troifieme guerre civile, de laquelle il prit tant de chagrin qu'il en mourut, au mois de juin de l'année 840 , avant la tenue d'une affemblée générale qu'il avoit convoquée a Worms. La guerre s'étant enfuite déclarée de toutes parts, la haine, la fureur & la divifion ayant fuccédé a 1'unanimité qui régnoit au tems de Charlemagne, les freres ennemis fe livrerent la fanglante bataille de Fontenay, dans laquelle il périt une telle multitude de Francois, qu'a compter de cette époque , il ne parut refter dans toute la nation , ni courage , ni vertu , ni fidélité. La fuite de cette fatale journée fut la convocation d'un parlement k Aix-la-Chapelle, 011 le clergé ayant pris le deffus , ofa prononcer un jugement de dépofition contre 1'empereur Lothaire , & ad-jugea des royaumes deca les Alpes k fes freres  '48 Lettres sur les anciens Louis & Charles, qui en firent fur le champ le partage. Nitard qui a écrit cette hiftoire , remarque expreffe'ment qu'au tems de Charlemagne , mort feuiement trente ans auparavant, le peuple Francois marchoit par une feule & unique voie, qui étoit celle de 1'intérêt public, de la paix & de la concorde; mais qu'alors chacun n'ayant devant les yeux que fon intérêt & fa fatisfaction particuliere , il n'en pouvoit réfulter qu'une divifion univerfelle , & la ruine de 1'état. Le mariage de Charles-le-Chauve, qui fe fit la même année 843 avec Hermentrude, niece du fameux Adelard, abbé de Corbie, dont j'ai ci devant parlé, donne occafion au même Nitard de remarquer, que le miniftere de ce moine, fous Louis-le-Débonnaire, avoit en quelque facon perdu la France , par fon peu d'attention a Putilité publique , pendant qu'il n'avoit cherché qu'a fe faire des créatures aux dépens dc 1'état; ce qui lui avoit néanmoins tellement réuffi, que Charles ne fe détermina a cette alliance que par 1'efpérance qu'elle lui procureroit un grand nombre d'amis nouveaux. C'eft donca cette époque fatale de 1'an 843 , qu'il faut placer, d'une part, la ruine de 1'empire Francois, & de 1'autre , 1'établiffement de  Parlemens de France. 49 de^la monarchie Gallicane, telle a-peu-près qu'elle fubfifte encore aujourd'hui, en conféquence du partage accordé a Charles-ie-Chaiive, fuivant les conditions de la paix que les freres firent alors entr'eux. il eft vrai que ce prince augmenta depuis cette étendue d'une partie de la Lorraine, de la Bourgogne, du Dauphiné & de la Provence: il parvint même a 1'empire fur la fin de fes jours. Mais fa fortune particuliere ne fut d'aucune utilité a 1'état, & ne fervit au contraire qu'a le ruiner, en lui donnanf occafion de le négliger pour courir après les fantömes que fa convoitife & fon ambition fe forgeoient, ou de 1'accabler par des impöts extraordinaires pour fubvenir aux dépenfes oii il s'cngageoit. On compte néantiloins quarante - fix parlemens tenus fous ce regne, prefque tous dans Ia feule France, fi Fon en excepte quelqties-uns affemblés fur Ia frontiere, plutöt comme des moyens de réconciliation entre les princes Voifins que pour y former des régiemens de police & de gouvernement. II feroit véritablertient bien inutile de faire le détail de tant d'affemblées, pujfqu'il n'y en a que quatre ou cinq dónt on puiffe tirer quelque inftruÖion politique. Tels ont été le parlement tenu a Irpernny en §46, oü le clergé fut maltraité; de quoi il pri| Tome IF. 33  50 Lettres sur les anciens fa revanche dans les fuivans : celui d'Orléans en 848, oh Charles-le-Chaüve fut couronné roi d'Aquitaine : celui de Chartres en 849 , oü Ch?rles , fils & frere des rois d'Aquitaine , fut tündu & envoyé a Cor'bie: celui de Soiffpns en 853 , pour la cottddrhn-Jtion de Pepin , roi d'Aquitaine , qui y fut tondu & renfermé a S. Médard : celui de 860 tenu a Cempiegne , 011 l'on fit une impofition générale pour payer les Normands, par nnë taxe commune fut toutes les menfes &c habitations du royaume,& une «ftimation des meubles ; chofe kmifitéë jufcu'alors : celui de Piftes en 864 , dont les conftitutions font fort amples, & fort importantes pour faire connoïtre 1'ufage de ce tems- la , particuliérement a 1'égard de la monnoie : celui de Metz en 869, pour le couronnement de Charles-le-Chauve, en Lorraine : ceux de Merfen& Aix-la-Chapelle en 870, pour le partage du même pays: celui de Selve en 871 , pour le jugement de Carloman , fecond fils du roi: ceux de Gondreville & de Reims en 873, pour diffiperles défiances réciproques du roi & des feigneurs, & pour tenouveller les ferment : celui de Senlis de la même année , pour I'aveuglement du malheureux Carloman: ceux de Compiegne & de Chierfy en 877, oii l'on «rdonna une nouvelle impofition pour le  Parlemens de France. voyage du roi en Iralie , & oü Ton fit divers régiemens pour la régence du royaume en fon abfence , & pour fa fucceffion en cas de tóorr. Tout ce qu'on peut recueiüir du regne de Charles le-Chauve, fe rédijit a faire déplorer ies funeftes conféquences de 1'intérê.t particulier ; puifque l'on n'y remarque autre chofe qu'une défolation générale, caufée par les diviuons inteftines , par les ravages des Normands , & par 1'avidité du monarque. On ne trouve dans la conduite de ce prince qu'un. amour démefuré de lui-même, qui le reridit aveugle pour tout autre cbjet; nulle confidération pour fa poftémé ni pour fa fiicceffion, comme les actes de Chierly le témoignent • ainfi on ne doit qu'a la corruption des moeurs qui s'introduifit par fon exemple, Ie mépris & i'oubli du devoir & des engagemens de la fociété : fource des ufurpationsqui démembrerent la France auffi - tot après fa mort. La preuve de cette propofitroh eft démontrée par la confidération des perfonnes qui ont fait ces premières ufurpations , & par la maniere dont elles les ont faites. On voit a Ia tête Bozon fon beau-frere, premiérement comte de Vienne, puis duc de Lombardie , & enfin ufurpateur du tyonnois, d'une partie de la Bourgogne, du Da  Jl LETTRES SUR LES ANCIENS Dauphiné & de la Provence ; lequel eut h hardieffe de s'en faire couronner roi, des que Louis-le-Begue eut les yeux fermés. Apreslui vint Raoul d'Eftralinguen , coufin-genna» de Charles - le - Chauve, ufurpateur & roi de la Bourgogne Transjurane; les deux Bernards , 1'un duc d'Auvergne & de Poitou ,& 1 autre de Septimanie; les enfans de Robert-le-Fort, ducoumarauisdeFrance,oncledefafeconde femme, qui dépofféderent fa polténte en la perfonne de Charles-le-Simple fon pent-nis, & en celle de Charles, duc de Lorraine. Joignons-yles comtes de Flandres iffus de julth fa fóle |les comtes de Senhs & prince. de Vermandois, fortis du roi Bernard ; les comtes de Bordeaux, de Limoges, dAngoulême, de Périgord , & divers autres , defqucls il eft impofffble de croire qu'ayant ete eleves è fa cour & fous fes yeux, ils aient pu tuer d'une autre école, les fentimens de partiahte qui les ont animés, & les autres moufs de leurs 11 LTregne de Louis-le-Begue, fucceffeur de CharleSle-Chauve,durafipeu, &fut tellement agité de divifions , que Ion ne peut ouere en tirer aucune induÉHon pour la regie du gouvernement. On voit néanmoins que lorfqu'" » 1ueuicm f°n cttronnement'  Parlemens de France. 55 Hincmar , archevêque de Reims , lui objeöa plufieurs difficultés, lefauelles, fous le prétexte d'une plus grande füreté, & d'un confentement plus général, tendoient a mettre fon droit a 1'arbitrage d'un parlement; mais 1'arrivée de 1'impératrice Richilde, veuve de fon pere , & celle de Bozon, frere de cette princeffe , ayant donné lieu a des conférences particulieres, il y leva les principaux obftacles, en accordant a ce parti tout ce qu'il demandoit. En 879, après la mort de Louis-le-Begue, le parlement de France , affemblé a Meaux, délibéra long-tems fur le choix d'un fucceffeur , Sc adjugea enfin la royauté a Louis & Carloman, enfans du dernier roi, quoique fortis d'une mere répudiée. Ces jeunes rois firent quantité d'aöions de valeur pendant le peu de tems qu'ils regnerent; ils combattirent les Normands avec avantage; ils forcerent la ville de Vienne, que Bozon avoit choifie pour capitale de fa domination nouvelle. Mais ayant reconnu 1% nutilité des parlemens, depuis que la regie en avoit été bannie par les faöions & 1'intérêt particulier, il ne paroït pas qu'ils en aient fait d'autre ufage que d'y faire ordonner des collectes générales pour payer la retraite de qnel» ques troupes des Normands. Charles-Ie-Grosa  '54 Lettres sür les anciens fils cle Louis-le-Germanique , leur fnccéda en 1'an 884, & affemblaun eélebre parlement k Gondrevife fan ée fuivante , duq :el 1'lrftoire ne marqué toutefois aucun efFet. Peu après ce prince donna tant dc marqués de foibleffe, qu'étant tombe dans un mépris univerlel , il fut abandonné de tout le mende , mêmé en Allèmagnë cü il s'étoit retiré. Le royaume de France appartenoit incontefta'blement a Charles, dernier des enfans de Louis le Begue:mais comme il étoit né pófthume , fix mois après la mort de l'on pere , il étoit encore trop jeune pour porter le fardeau d'une ccuronne auffi pefante que fétoit alors celle de France , de forte qu'il fut néceffaire que les grands s'affemblalfent pour lui donner un tuteurrevêtu du titre&du pouvoir de la royauté, a caufe du danger cii fe trouvoit le royaume en général. 11 y a des auteurs qui prétendent que ce fut un parlement tenu a Cotnpiegne qui décida de ce choix ; d'autres foutiennent qu'on n'y décida rien , & qu'une faction particuliere mit fur le tróne Eudes de Paris, a la faveur de la grande réputation qu'il s'étoit acquife par Ia défenfe de cette place contre les Normands. En effet. il ne fut point couronné a Reims , fuivant la contume , k caufe des oppofitions du comte de Fiandres, & de ceux qui tenoient le parti  Parlemens de France. j:y du fang de Charlemagne ; mais a Sens , par 1'archevêque de cette vilie : pendant que , d'ua autre cöré , Guy , duc de Spolette, appuyé par une autre. faflion, fe fit couronner a Langres. Quoi qu'il en foit,. Eudes porta la couronne ik le titre de roi avec hautcur & dignité > &même avec de grands fuccès jufqu'en l'année 891 , qu'ayant marqué trop ouvertement fon defiein de retenir la couronne au préjudice du légitime héritier , il fe fit une fubite révolutiort en faveur de celui - ci , qui fut couronné k Reims au mois de janvier 893. Les annales de Metzfont mention d'un parlement, dans lequel Gauitier , neveu du roi Eudes , avoit tiré Tépée contre lui: attentat dont il fut puni par la perte de la tête ; mais elles- ne rapportent point le lieu de cette affemblée. Dans le fait, Eudes garda le titre de roi jufqu'a fa mout, en 8983, qu'il en fit reftitution a celui aaquel il appartenoit de droit. Depuis ceteras, toutes les parties du royaume étant défunies, on ne trouva plus de veftiges de véritables parlemens t car, quoique l'on; rencontre affez fouvent dans les auteurs, ©uj dans les chroniques , les termes latins de plaeitum ou placita, defquels on fe fervoit autrefbis pour les exprimer y il me femble qu*on net D. 4.  56 Lettres sur les anciens les doit ei tendre , dans ces occafions, que des conférences qui fe failoient pour paciner les querelles prefque perpétuelles des feigneurs avec eux ou avec le roi. II eft vrai cependant qu'il paroit par la chronique de Met^, que je viens de citer , & par celle de Flodoard , que l'on faifoit quelquefois des affemblées communes. II s'en tint une a Soiffons 1'an 961, une autre k Reims 1'an 964. L'archevêque de Cologne , Brunon , tacha pendant la minorité du roi Lothaire, d'en rétablir 1'ufage ; cependant tous fes efforts ne réuffirent guere. II n'y en eut aucune pour 1'élecfion de Robert I?r, fon compétiteur, en 922, aucune pour celle du ïoi Raoul, en 923 ; ces deux princes s'étant fait couronner de haute lute a la faveur des faöions qui les foutenoient , & de leurs intelligences avec les archevêques de Reims. On en peut dire autant des couronnemens des rois Louis d'Outremer, Lothaire & fon fils Louis V, qui furent procurés par les princes de la familie Capétienne , pour les deffeins qu'ils avoient alors en vue. Ainfi, loin d'entrer dans le fentiment de Mezeray ( qui prétend que ce fut un parlement général qui déféra la couronne k Hu gues - Capet, a 1'exclufion de la race de Charlemagne ); je foutiens , au contraire, qu'il n'efit pas été poffible de transférer la royauté  Parlemens de France. 57 3ans cette familie, fi 1'ufage des parlemens avoit fubfifté dans fa première vigueur, Scs'ils avoient été auffi généraux qu'ils devoient 1'être par la conftitution du gouvernement. En effet , il nous refie une lettre dans le Recueil de Duchefne, qui en fait la preuve, en nous faifant connoitre la timidité & le petit nombre de ceux qui intervinrent a ce parlement, auffibien que la facilité avec laquelle HuguesCapet le diffipa : elle eft du célebre Gerbert, pour lors écolatre de 1'églife de Reims, & miniftre d'Adalberon 3 archevêque, auquel il fuccéda, §£ que depuis la fortune tranfporta fur le fiége de Ravenne , & enfin fur celui de Rome ; cette lettre adreffée a Dietheric , évêque de Metz ,* s'exprime ainfi: « Le duc Hugues (ceftCapetf) a ramaflé 4> fix eens hommes d'armes, milites, & fur ce » bruit feul , il a diffipé 1'affemblée des Fran» cois qui fe tenoit a Compiegne le cinq des »> ides de mai. II s'y eft trouvé des vötres » (cejt a-dire des Lorrains"), le duc Charles , » & le comte Reinchard des nötres ( c,ejl-a» dire des fujets de Neujlrie) ; Herbert de » Troyes avec fon frere Othon , qui a été » chaffé plus vite qu'un autre Guebin; 1'évêque « de Laon; Adalberon frere de Greilon, qui » a donné fon neven en ótage a Bardas, pour  f8 Lettres sur les ancïeks » 1'exécution de ce que Sigefrid & Godefroi » doivent faire. Qu'en fera-t-il ?&c. » Et nous fommes affurés par une preuve certaine , & qui dément nos hiftoriens modernes , que ioin d'aider a 1'affemblée d'un parlement avant la mort de Louis V , dernier prince de la race Carlienne, Hugues-Capet mit en fuite les membres qui s'étoient unis a Compiegne pour pourvoir a 1'état du royaume , dans le péril oii l'on fe trouvoit de perdre le roi. II eft vrai que quand le même Hugues fe fut affuré de la poffefiion de la couronne par fon facre , & par lareconnoiffance de fes feudataires particuliers f il ne jugea pas devoir négliger les fuffrages d'un parlement , qu'il convoqua pour eet effet a Orléans ; & il y fit élire fon fils Robert, qu'il fit couronner foiemnellement le premier jour de 1'an 988. Mais dans le fait , ces parlemens étoient bien différens de ceux dont j'ai fait le détail dansma lettre précédente. La difparité; eft toute entiere : en premier lieu, par rapport au nombre desrepréfentans; puifque 1'Allemagne , la Saxer la Baviere , la Lorraine , le Brabant, la Frife,. les Bourgognes, le Dauphiné , la Provence y 1'Italie , & la Marche d'Efpagne n'étoient plus. du corps de la monarchieoutre que la France. même étant divifée en une infinité de fouve~-  Parlemens de Fran.ce. 59 rainetés paniculieres , les vaffaux dirc£ti; de ceux qui fe les étoient appropriées n'étoient plus cer.fés membres de 1'état Francois , ni par conféquent capables d'entrer clans le parlement. C'eft par cette raifon que l'on vit en 964 , le comte de Chartres & de Blois exclu d'un parlement, paree qu'il n'étoit pas fujet immédiat de la couronne, & que tenant fa lettre d'un feigneur particulier , quoique revêtu du titre de France , il étoit engagé par fon ferment k d'autres intéréts qu'a ceux du roi. En fecond lieu , les affaires particuiieres qui occupoient chaque fouverain dans le pays de fa réfidence , ne permettoient pas ordinairement qu'il s'en éloignat, pour venir donner fon attention & les foins a des cbofes qui ne le regardoient pas nommément: &c ce défaut d'intérêtaux affaires publiques fut caufe que les parlemens fe trouverent bientöt vuides deprélats & de feigneurs; de forte qu'il n'y venoit qu'une petite quantité de ceux que la fituation de leurs terres approchoit le plus de la réfidence des rois, c'efl-adire des villes de Laon, de Soiffons ou de Reims. II nous refle même un témoignage afléz pofitif que l'on ne defiroit pas que les' feigneurs puiffans, tel que 1'étoit , parexèmple, un duc de Normandie , fe rendiffent affidus k ces affemblées , puifque , felon Flodoard , en l'année  êo Lettres sur ies anciens 961 , Richard, duc de cette province , s'étani prcfenté au parlement de Soiffons , il en fut violemment rejetfé, de peur qu'il n'eüt traverfé les réfolutions de la cabale qui conduifoit alors les affaires. En troifieme lieu , la dignité royale n'étant déformais confidérable que comme un titre particulier , &c perfonne ne penfant k la défendre , & a prendre fon intérêt par motif de devoir & de religion, chaque feigneur s'accoutuma k ne plus laiffer dépendre fa propre füreté que de fa valeur & de fes précautions : d'oit naquit cette étrange confufion qui fit penfer 3 quelques gens fages que le monde étoit prêt a fe détruire. Ainfi , la mauvaife volonté, i'injuftice, la violence, & la rufe s'étant emparés de tous les cceurs, au point de ne laiffer aucun exercice au droit & a la raifon , il ne reftoit dans les meilleurs efprits aucun motif fuffifant de penfer a 1'intérêt commun.  Parlemens de France. 6t TROISIEME LETTRE. Détail du gouvernement féodal, & de Citablijfment des fiefs. Affranchiffement des ferfs on gens de main-morte. Annobliffemeni des affranchis. Le fujet de cette lettre ayant une relation étroite avec la matiere des états, affemblées générales ou parlemens, j'ai cru ne pouvoir me difpenfer d'y entrer , paree qu'en le laiffant dans 1'oubli on il eft tombé par un ufage tout oppofé, il n'eft pas poffible de prendre une jufte idéé du gouvernement de ce royaume dans les fiecles précédens, ni par conféquent de juger fainement des avantages ou des défauts de celui qui s'exerce aujourd'hui. Mezerai nous a donné pour principe, & la vérité nous oblige d'y foufcrire, que fous 1'adminiftration des dix premiers monarques de la race régnante , il faut moins regarder le gouvernement Francois comme fujet a la domination d'un feul prince, que comme 1'éco„omie d'un grand fief, duquel véritablement il étoit le chef 6c le feigneur fuzerain j mais  6i Lettres sur les anciens pourtant fous certaines co.iditions, dont la principale étoit la proteftion qu'il devoit a chacun médiatement ou immédiatement, fans attenter a leurs droits & è leurs libertés, &z encore moins a leur honneur, a leur vie, ou a celle de leurs proches. En eet état, loin que les princes & les feigneurs qui poffédoient des fiefs mouvans de fa couronne fuffent exclus de la conduite des affaires publiques, oh fcait que le roi n'avoit aucun droit d'en difpofer feu!, & qu'il ne pouvoit pas même entreprendre de guerre générale fans leur confentement : quoiqu'il foit certain qu'il la pouvoit faire feul en qualité de prince particulier, auquel cas les premiers n'étoient pas tenus de 1'y fervir: ils étoient d'ailleurs fort obügés è une exafte fidélité dans le fervice militaire, auffibien que dans les confeils, quand ils en avoient été requis également. . . . 11 faut obferver deux grands événemens qui arriverent enfuite dans la monarchie ; lefquels, quoiqu'en apparence peu relatifs aux ufages & aux maximes de notre tems, ne laiffent pas d'y avoïr dilpofé les efprits, en préparant des routes nouvelles, oii les èges fuivans font entrés d'une maniere infenfible. Le premier a été 1'affranchiffement des ferfs ou des hommes de main-morte, dont toute la France étoit  Parlemens de France. 63 peupléedans les villes & dansles campagnes, qui étoient ou les Gaulois naturels afiujettis du tems de la conquête, ou des malheureux que la néceffité ou différens acciclens avoient réduits en fervitude. Le fecond a été le progrès par lequel ils fe font élevés a Ia condition de leurs anciens maitres. Mais les chofes n'en demeurerent pas a ce point; l'on commenca , fous le regne de Louisk-Gros, a affranchir les groffés villes } c'eft-adire a accorder k leurs habitans en général des chartres de liberté & des coutumes, accompagnées de la remife du droit d'impofer des tailles k volonté ; de celui de la morte taille , par ou l'on confentoit que les enfans fuccédaffent k leurs peres en héritages & en meubles; & enfin de la remife du droit de fuite, qui paroiffoit le plus important, en ce qu'il mettoit les hommes en liberté de choifir un autre domicile. On ne fcauroit bien dire par qui commenca cette grande libéralité; toutefois le plus ancien titre qui en refte eft celui de la loi de Vervins , que les auteurs attribuent a Thomas, premier fire de Couci & de Vervins, fous le regne de Henri Ier, & que l'on peut rap. porter par conféquent au milieu de 1'onzieme fiecle. Cette loi, qui fut adoptée par Baudouin de Lille , comte de Flandres, & par lui donnéek  64 Lettres sur les anciens a quantité de iieux qu'il affrancb.it, fut auffi par lui remife a la garde des habitans de la Baffée, pour y avoir recours en cas de befoin. Les comtes de Hainaut, les feigneurs de Liege, d'Avefnes,de Lille, deDouai, les comtes de Rhetelois , les princes ou feigneurs de Poix la donnerent pareillement a leurs fuj ets. La chartre & la coutume de Louis vint enfuite, & parcit être la première accordée par nos rois, fi toutefois l'on peut compter avec certitude fur un paffage du continuateur d'Emond , qui dit, en parlant de 1'abandon ou délaiffement fait de la feigneurie du Gatinois au roi Philippe I", par Foulques Rechin , comte d'Anjou , que ce prince en jura les coutumes , les barons ne 1'ayant voulu reconnoïtre qu'è cette condition. Cette loi s'eft pareillement fort étendue par imitation, ayant paffe , d'un cöté jufqu'en Picardie , de 1'autre , jufqu'a Chaumont en Baffigny, & bienavant dans le Berry. La liberté des villes de Beauvais & de Soiffons, a été accordée par Louis-le-Jeune en l'année 1144, & confirmée par Philippe-Augufte fon fils, fous des coutumes différentes; celle d'Orléans eft du même roi Louis-le-Jeune , & de 1'an 1147; celle de la ville de Meaux, de 1'an 1149, accordée par Henri, comte de Champagne; celle de Dijon, de 1'an 1187, accordée par Hugues III, duc  Parlemens de France.' 6? duc de Bourgogne ; celle de la ville Sc comté de Blois, de 1'an 1195 , accordée par le comte de Thibaut, fénéchal de France; cellê de la ville de Troyes, accordée en 1230, par Thibaut, quatrieme comte de Champagne ; enfin, celle du fauxbourg S. Germain de la ville de Paris , accordée en 1150, par frere Thomas de Mauleon, abbé de S. Germain 5 pour la fomme de 2000 livres feulement. Les regnes de Philippe Augufte, de Lóuis VIII & de S. Louis furent remplis de fuccès, 6c par conféquent furent des regnes d'autorité ; pendant le cours defquels , fous prétexte de protéger les églifes 8c les foibles contre les hommes violens 8c injuftes , on introduifit 1'établiffement des baillifs royaux pour le jugement des perfonrtes privilégiées Sc des cas les plus graves; le tout, au dommage & a la ruine des feigneuries particulieres. Philippe le Hardy continua fur les mêmes erremens avec moins de cir confpeöion, paree qu'il étoit moins habile ; & fit place a Philippe-le-Bel, fon fils, qui ne refpeöe rien , 6c porta fi loin fes entreprifes , que les provinces s'y oppoferent unanimement. II en mourut de déplaifir h la fin de 13 ï 4 , laiffant une nombreufe poftérité qui s'éteignit en peu d'années. Tornt ir. %  66 Lettres sur les anciens Cependant Louis Hutin, fon fils aïné , & fon fucceffeur immédiat, ne crut pas plutöt le danger paffe, au moyen de la foumiffion de plufieurs provinces, aufquelles il accorda de nouvelles chartres pour la maintenue du droit public, qu'il s'avifa de donner une ordonnance pour l'amanchiffement de tous les ferfs qui refioient » encore en France, fous le prétexte » qu'étant dit le royaume des Francs, il defi» roit quelavérité tut conforme au nom qu'il 9> portoit, paree que naturellement tout le y> monde nait libre, & ne peut être tombé en » fervitude que par mauvais ufage, ou par le » méfait des prédéceffeurs. » II ne vouloit pas néanmoins que eet affranchifTement put êfre fait fans finance a fon profit, mais il autorifoit fes commiffaires a le régler, & promettoit fes lettres néceffaires a ceux qui feroient entrés en convention avec eux. Cependant cette ordonnance demeura pour lorsfans effet, foit a raifon de la brieveté de fa vie, foit a caufe de 1'oppofition générale qu'y formerent les feigneurs. Enfin le roi Henri IH, fe croyant dans une conionöure plus favorable, paree que Ia fervitude n'eft plus de droit commun, & qu'elle ne paroit aujourd'hui qu'un effet odieux de la force, accorda de nouvelles lettres k tous les  Parlemens de France. 67 fnains-mortables du royaume, pour recevoir leurs affranchiffemens au moyen d'une médiocre finance; mais le marécbal Daumont,alors comte de Chateau-Roux, & plufieurs autres feigneurs du Berri, s'étant pareillement oppofés a 1'efFet de ces lettres, elles font pareillement demeurées fans exécution. Ce n'eft pas la néanmoins tout le changement qui eft arrivé dans le royaume au fujet de la condition du peuple : la pratique des annobliffemens fut mife en ufage. Le premier roi de France qui ait donné des lettres d'annobliffement a été Philippe III, fils de S. Louis, qui en accorda au nommé Raoul 1'orfévre en Pan 1271 , mais eet exemple n'eut point de fuite pendant fon regne ; & Philippe IV„ fon fucceffeur, prince le plus entreprenant qui eut encore occupé le tröne, fut même trèsmodéré a eet égard, quoiqu'il y eut un arrêt du parlement, rendu contre le comte de Flandres, a la pentecóte 1281 , déclaratif du droit du roi a ce fujet. En effet, on ne compte que fix ou fept annobliffemens de fa facon. Ses enfans en uferent pareillement avec retenue; Louis Hutin annoblit, Pan 131 5 , au mois de juin , Ponce-le-Roi, feigneur de Catones, de Vak cheres & de Marajolles, au diocèfe de Nimes, E 1  -68 Lettres sur les anciens 6c Jean Beranger. Philippe le Long, qui régna quelques années de plus, fe fignala davantage par de telles entreprifes, ou plutöt il en confirma 1'habitude. II introduifit auffi 1'ufage d'an* neblir par procureur; car on voit qu'il donna fes lettres, du 18 mai 1317, a Jean Larche'vêque Sire de Partenay, en forme de procuration, pouï ennoblir 6c conférer la chevalerie a André Rohault, natif des marches du Poitou* .voulant, felon lefdites lettres, que de ce jour a 1'avenir , il feroit tenu pour noble, lui 6c fa poflérité. Depuis ce regne jufqu'a préfent, il ne s'en eft paffé aucun qui n'ait renchéri fur ces premiers exemples. C'eft ainfi que plus de quarante mille families, forties la plupart de fervitude, ont partagé les honneurs 6c les droits, autrefois réfervés aux feuls conquérans de la Gaule» Politique de Hugues-Capet, en meltant les différentes fortes de fiefs fur le même pied. Après 1'avénement de Hugues Capet, on auroit pu diflinguer deux fortes de fiefs, dont il étoit également feigneur fuzerain , foit comme roi, foit comme duc de France; les uns mouvans de la ccuronne, les autres mouvans  Parlemens de France.' ' 6$ 4e la duché. Les derniers étoient certainementen plus grand nombre, mais Iespremiers étoient bien plus confidérables par leur étendue, leur dignité Sc leur indépendance originaire. En cetétat, Ia première politique de Hugues Sc de fa poflérité, fut de mettre les uns Sc les autres fur le même pied, non pas en élevant les vaffaux, de France a la condition de ceux de la couronne, mais en faifant defcendre ceux-ci a lacondition des premiers : Sc c'eff ce qui introduifit 1'ufage du terme de baronnie, pourexpri-mer un grand bef mouvant du roi fans diftindfion de titre ni d'hommage. Cette politique de la familie Gapétienne commenca a fe dé-1 couvrirdès leparlementtenuaOrléansl'an 988, pour 1'éleöion du roi Robert fils de Hugues car il y conféra la charge de fénéchal au comte d'Anjou, moins pour 1'élever h la même dignitédes princes de Vermandois qui la poffédoient* auparavant, que pour abaiffer ceux ci, en accordant aux premiers- les honneurs dont ils avoient ' joui, quoiqu'il y eut entr'eux unetotale différence, tant par la dignité de leurterre que par leur naiffance. H femble toutefois que eet ufage ne leur fut pas favorabledans le commencement , paree que les plus.petits feigneurs voifins de Paris ? affecfant ls> E %  7© Lettres Sur les anciens rang & Pindépendance des plus grands , leiif cauferent une infmité de traverfes, comtne le témoignent les grandes guerres qu'ils eurent avec les feigneurs de Mont-le-Hery, de Corbeil, de Melun, de Puifet, de Rochefort, & autres qui ne finirent que par Phabileté 6c la perfévérance de Louis le Gros. Cependant les provinces méridionales jouiffoient de Pindépendance & de la tranquillité, fous le gouvernement de leurs feigneurs particuliers, qui ne prévoyoient pas alors que quand les rois auroient humilié leurs voifms, ils viendroient k eux pour les foumettre k la même obéiffance. Si Pon me demande après cela quels étoient les droits effetrifs Sc non conteflés des terres poffédées en baronnie, je répondrai qu'on les peut réduire a quatre; fcavoir la juftice , la monnoye, la proteöion des églifes, qui emportoit, finon la collation des bénéfices , du moins le droit de diriger les éledfions qui avoient étérétablies, Sc celui de faire la guerre. Je ne parlerois point de ce dernier, paree qu'il étoit d'ufage commun, que tout poffefTeur de fief avoit droit de la faire a fon ennemi fans congéde perfonne, fi ce n'eftqu'il étoit néceffaire d'expliquer la maniere de la faire, 6c 'les cifcenffances qui la rendoient légitim'e»  Parlemens de France» ji La juftice étoit adminiurée en France de deux facons différentes ; dans les parties du midi delaBourgogne & de la Loire lesfeigneurs la rendoient eux-mêmes, ou la faifoient rendre par leurs baillifs & fénécbaux, felon leur opinion & leur cpnfcience : par 'a rai^on oit il eft fi peu  Parlemens de France. 8t peu fait d'attention au fang de France & a la pairie, que le comte de Perche y parle avant la ducheffe de Bourgogne, & avant le propre frere du roi. Vous y voyez d'ailleurs les comtes de Dreux, de Bretagne c> de Courtenay, coufins-germains du roi, & de même fang que lui , confondus dans la foule des feigneurs , fans diftinftion particuliere. Ce qui fait une preuve bien évidente des deux propofitions que j'ai avancées dans mes précédentes; fcavoir, i°. que depuis Hugues-Capet, ou plutöt depuis Charles-le-Chauve , la di&n&on du fang avoit commencé è fe perdre, & que le rang & la dignité avoient été tranfportés & rendus rela# k la POffeffion des terres ; 1°. que la pairie Sc le droit légiflatif appartenoient indiuinflement a tous les feigneurs feudataires de la couronne „ affemblésen parlement, avec cette circonftance infiniment remarquable; que les roisne faifoient mention dans leurs fcellés que de ceux qui avoient confenti a ce qu'ils avoient defiré , Sc non de ceux qui avoient été de différens avis , ou qui s'étoient oppofés au réfultat; comme iï paroit par le fait d'Aurelius, évêque d'Orléans , qui avoit été contraire au jugement rendu & Melun en 1216. Au refte, Louis VIII ne fut long - tems fur le tröne, fans donner de fortes marqués qu'il Torns IV, gr  tt Lettres sW. les anciens ri'avoit pas changé ie plan de fon pere , & qu'il continuoit k travailler k 1'arToibliffement des -droits dés fiefs. II s'en préfenta une occèfion dès l'année fuivante, ou Jean, fire de Nefle , ayant appcllé en la cour du roi, en déni de juftice de celle de la comteffe de Jeanne de Flandres, fille du comte Baudouin, empereur de Conftantinople , il la fit fommér d'efcr a. droit (c'eft le terme du barreau) , par deux .firnples chevaliers. Au lieu qu'au parlement de .1216, Blanche, comteffe de Champagne, avoit élé fommée par le duc de Bourgogne , premier pair, & par le fvre Mathieu de Moritmorency, depuis connétable, & par Guillaume deBarres, fénécbal d'Anjou. La cómteffe , comparante fur cette fommation , déclina foute d'avoir été , fiftvant le droit, fuffïfamment ajournée; & depuis déclara que Jean de Nefle avoit fes pairs en Flandres , par lefquels il devoit être jugé en fa cour , puifqu'il ne fe plaignoit point qu'ils lui euffent refufé juftice. Le fire de Nefle , au contraire , refufoit de retourner en Flandres, vu le déni de juftice dont il étoit plaignant, nommément contre la comteffe : fur quoi il fut prononcé que la comteffe étoit fuffifamment ajournée , Sc qu'elle devoit répondre a la fommation du fire de Nefle. Ce jugement, qui paroït d'abord de petite  Parlemens de France. 8j importance , eft toutefois trés-confidérable , en ce que c'eft lui , qui changeant 1'ufage des ajournemens, qui devoient être faits'par les pairs mêmes de ceux qui devoient fubir le jugement , il décida que de fimples-chevaliers étoient fuffifans pour ajourner une comteffe de Flandres; d'ch il fe forma bientöt une autre coutume , d'employer è la même fin'des hiuïfiers, ou valets dfe la pcrte de i'hötel du-roi, & des fergens , ftrvknus armorum , clans la vue deleveria majéflé des rois, & de dcgrader de plus en plus la liberté des vaffaux. Mais ce n'cft point encore le principal de ce juSemcnt; cr.r les pairs , quipöurtantne font point nomrr.és, ayant voulu rejefter de leur féance le chevaher BouteiI!er, chambrier & connétable , c'fficiers-domeftiques du roi, prétendanr que'cette feulequalité les éxcluoit du droit deconcourir a des jugemens qui devoient être parfaitement hbres; ö fut dit par 1'arrêt, que, felon 1'ufa-e ancien, ils affifteroient aux jugemens , 8c°y donneroient leurs voix en cette qualité d'officiers-domeftiques ; & comme tels ils jugerent i'infhnce de la comteffe de Flandres. C'eft encore ici nouvelle matiere de reflexions, car ft quelque chofe au monde pouvoit être fufpecï aux feigneurs Francois , dont 'toutes les affaires commencoient h prendre Ie F 2  $4 Lettres sur les anciens cours de la procédure, ce devoit être Part continuel employé par les rois pour fe rendre les m.utres des jugemens. Et entre tous les moyens poffibles pour rornpre leurs mefures, fans violence , il ri'y en avoit point de meilleurs que d'exclure leurs officiers , qui, d'ailleurs en qualité de domeftiques particulvers , étoient •cenfés inférieurs aux pairs. Cependant, ou les pairs principauxfe trouverent enfipetit nombre a ce jugement, qu'ils ne purent être les maitres de la décifion , oü les pairs inférieurs , c'eft-a-dire le baronnage , fe trouverent tellejnent vendus au roi & a la faveur , qu'ils recurent en commun , pour leurs juges , ceuX que la raifon & le feul bon fens devoient faire exclure , au hafard de ce qu'ils poffédoient de plus cher. Au parlement tenu en janvier 1225, que nous dirons prélentement 1226, il ne fe trouva point de pairs , mais un grand nombre de barons, qui promirent leur affiflance au roi pour la guerre des Albigeois , dont ils donnerent leur fcellé, qui fe voit au tréfor des chartres, avec vingt-huit fceaux entiers. Le parlement d'autonine de la même année fe tint & Monpenfier , le mardi d'après la Touffaint. Le roi y étoit mourant, &c la feule délibération qui s'y fit, fut que l'on reconnoitroit le fils  Parlemens de France. §5 aïné de ce prince pour Ion légitime fucceffeur „ & quon le feroir incontinent facrer, en cas que fe roi mourüt. Les évêques de BeauvaisSc de Noyon s'y trouverent, qui, quoique pairs, furent précédés par Parchevêque de Sens , comme il paroït par l'aöe original , confervé au tréfor des chartres , fcellé de vingt-quatre fceaux.' Régence de la reine B'lanche* II femble que fi le roi eut voulu alors pourvoir a la régence de 1'état , ou qu'il eut eu deffein de la faire occuper par ia reine Blanche fa femme , il auroit été aifé de le faire inférer dans le même aöe , ou du moins d'en dire quelque chofe dans fon teftamenr. Mais foit que l'on ne penfa't pas encore a petpétuer Pautorité defpotique des roisjufqu'après leur mort, ou qu'il fut fort évident que c'étoit aux pairs & aux barons a pourvoir au gouvernement public pendant la minorité d'un roi enfant, ilne fit ni 1'un ni 1'autre. De forte que la nouvelle de fa mort ayant- été portée a Paris, la reine veuve s'y trouva tout a-la-fois. occupée de deux foins très-importans; celui de faire reconnoïtre & facrer le nouveau: roi; 6c celui de régner elle - même fous fora * 1  86 Lettres sur les anciens nom en qualité cle tutrice, ou , comme l'on parloit alors, en vertu du bail de fon fils. Le premier ne fouffrit aucune difficulté; mais fa prétendue régence fut violemment conteftée de ce grand nombre de barons &l de prélats qui s'étoient trouvés a la mort du roi. II n'y eut que 1'archevêque de Sens , les évêques de Cbartres & de Beauvais , qui oferent affirmer que le roi avoit fait une difpofition fur ce fujet. Et Mathieu de Paris , qui dit qu'elle convoqua d'abord un nouveau parlement pour affifter au couronnement de fon fils, rapporte, que dés que les grands furent affemblés , ils requirent qu'avant le jour du facre on accordat Pélargiffement des comtes Ferrand de Flandres, & de Renaud de Boulogne , retenns depuis douze ans, a Pextrême préjudice de la liberté publique ; que Pon rendït les terres violemment occupéesfur plufieurs d'entr'eux, depuis les derniers regnes; & qu'il fut paffé une loi fixe, pour Pavenir, que nul feigneur ne put être privé de fes fiefs fans le jugement précédent de douze de fes pars. Blanche n'avoit garde de renoncer , de bonne grace, aux avant tages que les rois fes prédéceffeurs ne s'étoient procurés qu'a force de travail, de rnfes &C cle violences. Ainfi fe contentant d'accorder la délivrance du comte de Flandres, dont elle  Parlemens de Franc e.' 87 tira une grofle rancon pour les frais du facre , elle s'achemina vers Reims. Malselle eut le déplaifir de voir que les plus grands feigneurs fe féparerent d'elle; fcavoir , les comtes de Bretagne , de Bar , de Saint-Pol,- & plufieurs autres'que 1'hiftorien ne nomme pas; mais que l'on fcait avoir été le comte de Boulogne , oncle du roi , Enguerrsnd de Coucy, Hugues de Lufignan, comte de la Marche d'Angoulême; le comte Thibaut de Champagne , Hugues IV, duc de Bourgogne , & fa mere Aiix de Vergyv Et il efl remarquable que le comte de Champagne ne fut porté a entrer dans la confpirationdes autres feigneurs , que par le défefpoir oü Ie mit le refus que fit ia reine de le recevoir a la cérémonie du facre : & ce fut un coup de politique remarquable, paree que ce prince, paffionnément amoureux de la reine , n'étoit point capable de lui nuire , tl qu'elle jugea que, comme le bruit populaire le chargeoit de la mert du feu roi, il valoit mieux qu'il fe joignit au parti contraire , pour le rendre plus odieux ; fauf a fe fervir enfuite de 1'avantage qu'elle pourroit tirer de fa paffion, pour 1'en féparer quand elle jugeroit a propos, ou pour trahir la caufe des barons, & pénéfrer le fecret de leurs deffeins. La reine, très-habile ê£ très-ambitieufe par elle-même, étoit encore. F 4  88 LETTRES SUR LES ANCIENS foutenue par un légat du pape , auffi très-habilé politique. Ce fut par fon confeil qu'elle mit fon application a gagner les ofnciers-domeffiques , les fires de Mvntmorenci & de Courtenay , k comte de Dreux , Imbert de Beaujeu , & quelques autres. La cérémonie du facre achevée, cette habife reine, pour témoigner publiquement qu'elle vouloit agir dans les regies, & d'un confentementgénéral, indiquaun parlement a Tours pourle mois de mai luivant. Mais les mécontens y formerent tant d'obftacks , que la féance en fut tranfportée a Vendöme. La, pour prévenir toute queftion fur la tutelle & la régence, le roi déciara qu'il vouloit gouverner lui-même; ce qui fut accepté des uns & rejetté des autres, a caufe de fon bas age. Mais on ne fit aucune mention des contredifans dans k réfultat de 1'afl'emblée , iuivant 1'ufage pratiqué par les rois précédens. Ainfi , loin de calmer les efprits, cette convocation ne fit que les aigrir & les irriter davantage , & produifit la célebre entreprife d'enlever le roi dans fon retour aParis ; de laquelle k comte de Champagne ayant fait avertir la reine , elk mit heureufementfa perfonne & celle de fon fils, en füreté dans le chateau de Mont-le - Hery, d'oü les communes de Paris les vinrent retirer en armes,  Parlemens de France. $9 Le fuccès ayant affuré les deffeins de la régente , elle commenca a fe faire donner des promeffes par différens feigneurs de 1'aider a garder la tutelle ou le bail de fon fils. II en refte une du vicomte de Thouars , au tréfor des chartres. Le champenois féparé des mécontens par la trahifon qu'il leur avoit faite , rentra ouvertement dans le parti de la reine, nonobfiant 1'accufation formelle que l'on faïfoit contre lui d'avoir empoifonné le feu roi: ce qui donna occafion a ceux - ci de renouveiler la querelle des filles du comte Henri de Champagne, qu'ils foutenoient n'avoir point été jugée au fond dans le parlement de Melun; & la reine elie-mëme ne crut pas qu'il fut de la juftice de refufer une compofition ; c'eft. pourquoi elle prêta au comte Thibaut 1'argont néceffaire pour les dédommager. Dans la fuite les mécontens s'emporterent jufqu'a vouloir élire un autre roi; & il y a des auteurs qui affurent qu'ils offrirent la couronne a Enguerrand , fire de Coucy ; mais que celui-ci, plein d'honneur & de religion , la refufa : difant qu'il vouloit bien faire la guerre pour la juftice , mais non contre fa parole , & fon ferment donné au feu roi peu de jours avant fa mort, II paroif néanmoins qu'il refla dans  fio Lettres sur les anciens la fnite une fecrette jaloulïe au bon roi Saint Louis contre cette maifon de Coucy. Au reftc, comme il ne s'agit pas ici de 1'hiftoire de ce prince , je ne pouffcrai pas plus loin le détail de cette minorité ni de cette régence oii le droit n'eut aucune part; la conteftation n'ayant été décidée que par le bonheur particulier de la reine , & fa grande capacité. Parkmens tenus fous Saint Louis. En 1230, le roi ayant porté la guerre en Bretagne , il fe tint un parlement au camp prés d'Anceny, dans le mois de juin de cette année , ou il fut jugé que le comte Pierre de Bretagne , ayant forfait corps Sc biens par fa défobéiffance envers le roi, dcvoit étre privé du bail ou tutelle de fon fils , véritable héritier de la terre, Sc tous les vaffaux abfous du ferment qu'ils lui avoient prêté. L'aéf e intitulé, a tous préfens & et venir, eft fait au nom de 1'archevêque de Sens, des évêques de Chartres Sc de Paris, des comtes de Flandres Sc de Champagne , des comtes de Nevers, de Blois, de Chartres , de Montfort , de Vendóme , de Rouffi, de Mathieu de Montmorenci, connétable ; de Jean de Soiffons , d'Etienne de San-;  Parlemens de France. 91 cerre, du vicomte de Beaumont, & autres barons & chevaliers , fans autre diftincfion de pairie. Au parlement tenu k Saint - Denis en feptembre 1235, oil fut drefiée la complainte des barons de France contre la jurifdidtion eccléfiaftique, quarante-un feigneurs préfens, a la tête defquels fe trouve le duc de Bourgogne ; il n'efï pareillement fait aucune diftinöion de la pairie, & les fimples chevaliers y font mêlés avec les plus grands feigneurs & les officiersdomefiiques; de forte que, malgré 1'idée déja prife & formée d'une dignité fupérieure k toutes les autres ,dénommée pairie,& affeöée a fix prélatures & a fix des plus grands fiefs , 1'ufage rappelloit néanmoins les chofes a la vérité primitive, dans les affemblées ordinaires des parlemens , c'eft-a-dire a. 1'égalité des fuffrages de tous ceux qui avoient droit d'y affifier. En 1 240 , felon la grande chronique , & 1 241 , felon Nicole Gilles, le roi affembla , k Paris , un grand parlement, ou furent les pairs de France , barons, prélats, & gens des bonnes villes , pour être confeillé fur le refus d'hommage que faifoit Hugues de Lufignan , comte de la Marche & d'Angoulême. II ne reffe point d^'afte de ce parlement, qui feroit néanmoins d'une grande importance ; paree que vu 1'allé-  92 Lettres sur les anciens gation de la préfence des pairs de France, orr pourroit croire qu'outre les eccléfiaftiques, Te duc de Bourgogne , les comtes de Flandres 8c de Champagne , s'y trouverent auffi ; ce qui fouffre diffictilté, paree que ce dernier étoit en Oriënt dés l'année 1137, d'ou il étoit nouvellement arrivé a la journée de Saumur en 1142, & qu'il n'y avoit point de comte de Flandres en état d'y paroïtre. Mais ce qu'il y auroit de plus fingulier a 1'affemblée de ce parlement, fi l'on pouvoit ajouter foi entiere aux hifloriens qui en ont parlé, feroit 1'intervention des députés des bonnes villes : chofe entiérement inufitée jufques-la , laquelle néanmoins ne tarda pas long-tems ès'établir comme je Ie montrerai bientöt. Quoique les affemblées des parlemens fuffent devenues réguüeres , & en quelque facon fixes aux deux faifons de Paques & de la Touffaint, & qu'il s'en tint quelques autres par occafion aux fêtes folemnelles , on n'a pas laiffé de marquer foigneufement dans les chroniques celles oii il s'eft traité d'affaires majeures 'y comme la croifade en 1 246 , & le différend des enfans du premier & du fecond lit de Marguerite , comteffe de Flandres, héritiere de fa fceur Jeanne, Si de fon pere, mort empereur latin de Conftantinople : mais il ne  Parlemens de France: 95 refie aucun adle de ces parlemens, le dernier defquels fut term a Péronne , tk ne regardoit proprement qu'une provifion future , s'agiffant de la fucceffion d'une princeffe qui ne mourut que long-tems après. Etabliffement de quatre grands Bailliages. Le roi Saint Louis , étant de retour de Palefline , s'appliqua , comme l'on fcait, au reglement & a la police de fon royaume , dont il fe rendit le maitre abfolu, autant par fa vertu que par le droit $c 1'autorité de fa couronne. Ce fut incontinent après ce retour qu'il établit, de fa feule autorité, les quatre grands bailliages de Vermandois , de Sens , de Saint -Pierre-le-Moutier & de Macon , pour juger les cas privilégiés, les eccléfiaftiques & les appels des juftices feigneuriales ; ce qui fait voir combien l'ordre étoit déja changé depuis le regne de Louis - le - Gros , qui, le premier avoit recu le deffein de profiter des affranchiffemens, pour diminuer la puiffance des feigneurs , en foutenant les peuples contr'eux; & d'acheter a prix d'argent , de tous ceux qu'il put engager k vendre, évêques, abbés, feigneurs , laïques , &c communautés affranchies , le droit de rendre la juftice immédiate, foit en entier, foit en partage, comme on le  94 Lettres sur les anciens nomme encore aujourd'hui. Commerce qui fut augmenté par Louis-le-Jeune, continué par Philippe-Augufte & fes fucceffeurs , & qui a la fin a rendu les rois maitres abfolus de la décifion de tous les différens particuliers, & de tous les membres de la fociété. Avant l'année i 255 , il étoit tellement inoui dans le royaume , que les rois exereaffent aucune forte de juftice, hors celle des affifes de leurs fiefs, ( c'eft - a - diré- du parlement,) ni qu'ils euffent droit d'exiger quelque reconnoiffanceou foumiifion particuliere de ceux 'qui n'étoient pas leurs vaffaux, que le fire de Joinville rapporte expreffément, qu'ayant été 'mandé a Paris, avec les autres barons de France, par Saint Louis, en 1258, pour jurer fidélité a fes enfans, étant prêt a partir pour le voyage d'outre-mer, il refufa nettemeut de faire aucun ferment; & il en exprime la raifon , paree , dit - il, qu'il ne tenoit aucun fief mouvant du roi. La même chofe fe juftifie encore par le célebre démêlé de Thibaut d'Amiens , archevêque de Rouen, avec le même prince, depuis 1227 jufqu'en 1234, pendant lequel tems la régente , ayant fait faifir le temporel de ce prélat, fut obligée d'en reftituer les fruits; ayant été vérifié qu'il ne poffédoit rien dans la mouvance de la cou- -  Parlemens de France. 9^ fönne, ni de la libéralité des rois, que quelcue légere aumöne , a titre onéreux , qu'il ofrroiï d'abandonner. Mais ee ne fut pas affez a ce prince exaét & fcrupuleux ; car ayant reconnu p&t fa propre expérience que le défaut de lettres & de 1'étude r dans la plupart des feigneurs cv'i compofoient les parlemens généraux , étoit bien capable d'altérer la juftice de leurs décifions;' prévenu d'ailleurs par fa foumiffion a ï'avis de ceux qui gouvernoient fa confcience , il affeéfa d'y donnér féance a un grand nombre d'eccléfiaftiques inférieurs , dont il jugea qiié les lumieres ferviroient dé guide è. tous les autres. Ce n'efl pas que le faint roi ne marquat dans toutes les occafions une grande confidération pour fa nobleffe : Joinville 1'a témoigné en particulier au fujet du mariage du roi de Navarre, comte de Champagne, avec 1'une des filles de ce prince; lequel il déclara qu'il ne le feroit jamais fans le confentement de fes barons , quelqu'avantageux qu'il put être k fa familie. Et l'on peut obferver que cette confidération du monarque Francois pour la cour des pairs, & pour le baronnage de fon royaume, paffa de fon tems jufqu'aux pays étrangers ; de facon que 1'empereur Fréderic II voulut rapporter k ce tribunal, & le prendre pour fon juge de tous les différends qu'il ayoxt  96 Lettres sur les anciens avecle pape, comme on le voitenune lettre de ce prince , confervée au tréfor, en date du 2.2 leptembre 1246, elle fait toutefois peu d'honneurau clergè, qu'elle exclut, ne prenant peur fes juges que les pairs laïques , & les nobles qui feroient choifis par le roi. L'année fuivante 1247, le roi qui n'aimoit pas la maifon de Coucy , tout faint qu'il étoit, crut avoir trouvé Poccafion d'exercer fa juftice contre le chef de ce grand nom, Enguerrand IV , héritier de fon frere Raoul II, tué a la bataille de la Maffoure en Egypte. Ce feigneur avoit fait pendre trois jeunesfiamands, penfionnaires en 1'abbaye de Saint Nicolas-auxBois, qui avoient été pris chaffant dans la forêt de Coucy. L'abbé s'en plaignit a Gilles le Brun , fire de Traffignies & connétable , & 1'intéreffa en cette affaire , en lui perfuadant que 1'un des trois étoit fon parent. Le roi inftruit de 1'aaion par ce canal, en fut touché comme d'un grand crime; fans faire attention au droit fouverain que les hants barons avoient fur la vie de leurs hommes , ou de ceux qui étoient pris en méfait fur leurs terres. Et par un pareil mépris de la forme ufitée des citations, il fit faifir le fire de Coucy par de fimples officiers, & le fit conftituer prifonnier dans la cour du ï^ouvre, Ce feigneur 11'ignoroit pas tellement les  Pariemens de France; 97 les droits de fa naiffance & de fa condition j qu'il ne refufêt avec courage de répondre de fon aaion devant Ie roi; réclamant la juftice des. pairs de France, du nombre defquels il étoit. Mais les paffions des rois n'ont jamais manqué de flatteurs, ni par conféquent leurs entreprifes de prétextes. Les. juriftes , accrédités a la cour par le caraöere du roi, qui fe croyoit refponfable 3 Dieu de tout ce qui fe paffoit dans le royaume, objeaerent au fire de Coucy que fa terre n'étoit plusenbaronnie, paree qu'elle avoit été démenibrée par le partage de quelques puinés qui en avoient difirait les terres de Beauver & de Gournay; raifon frivole , quoique fondée fur 1'ordonnance de 1204, puifque , felon Ia remarque très-fenfée de Duchefne, la feigneurie de Coucy n'a pas ceffé d'être baronnie, comme celle de Bourbon , de Beaujeu & autres , qui n'ont point porté le titre de comté ; ainfi qu'il eft juftifié par les anciens regiftres du. parlement, & paf le Coutumier général de France. Auffi Saint Louis déféra -1 - il fi peu k leur avis, qu'il affigna jour au fire de Coucy pour répondre devant le parlement; ce que celui-ci ayant accepté, il demanda que felon 1'ufage d püt être affifté du confeil de fes pareus< ce qui n'ayant pn être refufé, il fe trouva que Tome IK, q  9$ Lettres sur les akci ens tous les feigneurs de la feancë lui étoient ft proches , que le roi refta prefque feul de fon cöté ; & encore, felon la remarque de 1'hiflorien (i), le roi même auroit du fuivre ie parentase. Cependant comme le feigneur de Coucy étoit plein d'honneur & de droiture , il condamna lui - même fon aftion , comme 1'effet d'un emportement dont il avoit regret, & fe foumit a payer 10,000 livres d'amende que le roi employa en ceuvres pies. Parlemens tems fous Philippe HL Philippe III &c fucceffeur de Saint Louis , fut un prince de peu de génie , foible, facile a fuivre les impreffions d'autrui; mais d'adkurs peu ambitieux d'augmenter fa puiffance aux dépens des droits des vaffaux (car c'étoit le terme tifité pour exprimer ceux qui font aujonrd'hui fujets), de forte qu'^ 1'exception de la violence un peu frauduleufe qu'il commit pour s'emparer de la ville de Lyon, fur laquelle il n'avoit pas le moindre droit , fon regne donne peu de matiere aux réflexions pohticues 11 paroit d'ailleurs avoir fmvt 1'ufage introduit par le roi fon pere dans la convoca- (1) Nangis.  Parlemens de France. 99 toon des parlemens, puifque celui qui fe tint après la Touffaiot en 1-283 > f«r la demande formée par le roi de Sicile, touchant le comté de Poitou & les terres d'Auvergne , qu'il prétendoit lui avoir été légués par le roi Louis VIII fon pere, fut compofé des archevêques de^Rouen , de Bourges & de Narbonne, des évêques de Langres, d'Amiens, de Dole , & de 1'élu de Beauvais, de 1'abbé de Saint-Denis, du prévöt de Lille en Flandres, du doyen de Saint-Martin de Tours, des archidiacres de Coutance, de Blois , de Bayeux & de Sologne, de Guy Boi, chanoine de Reims, du du.c de Bourgogne, chambrier de France; des comtes de Flandres, de Bar, de Pontbieu , du fire de Nefle, d'Euftache de Confians, du connétable de Beaujeu, de Jean, fils du roi de Jérufalem, bouteiller de France ; de Raoul de Nefle chambèllan ; de Guy de Tournebu, chevalier de Guillaume du Bec - Gefpin , maréchal de France; de Jean fire d'Harcourt, du tréforier du temple a Paris, de Gilles de Brion, Guy de Vaffi, Jean de Beaumont, Guillaume de Prunay , chevaliers ; de frere Arnould de Vifemale , du Fourier de Verneuil , & de plufieurs autres laïques, clercs & baillifs. Le tréfor de Chartres nous fait connoïtre qu'il y eut encore un parlement général af- G x  io3 Lettres sur les anciens femblé au mois de février de 1'an 1284 , pour 1'accéptatión du, don fait par le pape Martin IV a Charles , fils puiné du roi Philippe III, pour lors comte d'Alencon , des royaume d'Arragon & comté deBarcelone, a conquenr fur Pierre, poffeffeur des mêmes terres, condamné par Péglife. L'ade porte qu'il a été accepté par les prélats & barons du royaume de France, convoqués a cette fin Pan quatrieme du pontificat de Martin, & il fe voit cnlaliaffe 2 , n°. 4 ? ^ titre de Valais. Regne de Philippe-^-Bel. 'A Philippe III fuccéda Philippe IV, dit le Bel Pon des plus méchans rois qui ayent occupe le tröne : c'étoit un prince avide , emporte , fans foi, fans juftice, fans confidération, qui viola long-tems impunément les droits de tous les membres de la Nation; mais qui vit a la fin échter une défeaion tranquille de tous les ordres & de toutes les provinces; laquelle le la-iffant fans efpérance de rétablir fon autorite, le fit mourir de regret & de douleur, a lage de 48 ans. Il a été le premier de nos rois qui fe foit attribué la puiffance d'anncbhr le fang deS roturiers, & qui, par un abüs a-peu-pres fupblable, quoique diiféreat dans 1'efpece ,  Parlemens de France. iof créé de nouvelies pairies, fans que l'on ait néanmoins réclamé ni gqntjre 1'ime ni contre 1'autre entreprile. Ce qui fait une preuve que l?on avoit déja oublié de fon tems que la nobleffe a ua privilege naturel, Sc. incornrnunicable d'autre maniere que par la voia de la naiffance; Sc pareillement , que la pairie Francoife n'étoit fondc'e que fur 1'égaiité d origine prife dans 'e fang des eonquérans du pays. Et e'efl en conféquence de ce changement, introduit par Phiüppe-lcBe!, que l'on a commencé a regarder la nobleffe comme un titre ü'exemption des charces onéreufes, & la pairie, comme uqe diftinaicn perfoonelle, quoique rélative a la pc-fieflion de certaines ten;es. On croit que les annobiillèmens ont été néceffaires pour deux fins principalcs; la première, la. néceflité de remplacer fes families nobles qui fe font fiicceffivement éteintes dans:une longue continuité des fiecies; la feconde, la juftice de récompcnfer le mérite des grands hommes qui fe fontformés dans la conditiën des anciens affranchis : on y peut joindre encore 1'utilité que 1'état a tiré des annobliffemens burfaux dans certaines néceffités, Le mal eft que ces caufes n'ont pas été les véritablesmotifs des annobliffemens qui fe font faits : ht faveur, la recommandation des favoris ou des. minifires s, ou leur profit particulier ayant pro- ' G 3..  soz Lettres sur les anciens duit la plupart de ceux que nous voyons rapportés dans les regiftres. Un autre inconvénient qui a fuivi eet ufage d'annoblir, a été 1'exeroption des charges publiques dans le tems qu'on les a le plus augmentées; quoique ce n'ait été jamais, ni dü être 1'objet du privilége de la nobleffe, qui s'étant réfer v ée la défenfe de 1'état, avoit certainement choifi la charge la plus difficile. A 1'égard de 1'inftitution des nouvelles pai ries, il fembfe que ce fut 1'effet de la perfuafion commune, dont j'ai ci-devant rapporté le principe a 1'adreffe des légiftes, que les véritables dignités étoient conféquentes de la poffeffion des grands fiefs; de forte qu'on n'eut pas de meilleure raifon a donner de 1'éreöion de la duché de Bretagne & de la comté d'Artois en pairie, que de remplacer le titre du duché de Normandie & comté de Champagne. Mais, fi Phüippe-leBel fit choix des plus grandes feigneuries en cette occaffon, fes fucceffeurs, qui fe trouverent engagés ï favorifer leurs proches iffus de même fang qu'eux, ne tarderent pas è le communiquer è quantité de terres inférieures , comme Cureux, Beaumont-le-Roger, Etampes, Alen^n, Mortin, Clermont, la Marche Bourbon, &c. On auroit fans doute mieux fait de reconnoitre pourlors la dignité du fang de nos rois, comme  Parlemens de France. 105 1'ont fait depuis les états-géoéraux de 1576, fans dégrader, pour ainfi dire, la prééminence de la pairie en la communiquant a de fi petites terres. Toutefois le plus facheux eft, qu'on ne fcauroit dire en quoi confiftoit précifément le droit de la pairie en ce tems-la , fi on ne le détermine a la fimple préféance; puifque tous les barons & chevaliers concouroient également aux délibérations communes des parlemens généraux ; & puifqu'il eft certain que foit pairs, foit princes ou feigneurs du fang, ils faifoient tous également corps avec la nobleffe dans les affemblées d'états , & qu'ils étoient compris fous la domination commune des barons de France. Ceci peut fervir a nous convaincre de plus en plus du principe certain , qu'entre toutesles nations du monde, la notre eft diftinguée par Ie caraftere de la légereté & de 1'inattention; tel, que d'un fiecle a 1'autre, les Francois ont toujours ignoré ce que leurs peres avoientpratiqué , autant k 1'égard de la politique , que dans les modes de leurs habits. D'autre part, les princes font tous convenns dans- le defir d'augmenter leur pouvoir par tous les moy.ens. poffibles. C'eft pourquoi, bien qu'il y sic eu de la diverfité dans leurs caracleres particuliere, Ig fuccès de leurs différens regnes a prefcjue G 4  104 Lettres sur les anciens toujours été le même. Philippe Augufte a ei en partage 1'ambition, la rufe, la conduite équivoque,; & peu de délicateffe de confcience ; fans quoi 'È n'auroit pas réuffi dans le projet de la ruine des grands fiefs. S. Louis a étérempli de piété, de religion, de zèle pour la juiiice, mais d'aiUeurs crédule, & fujet aux impreffions des moines; fans quoi il n'auroit pas renverfé l'ordre judiciaire de fon royaume , & donné rang aux moindres clercs au deffus des plus grands feigneurs, & même au-deffus du duc de Bourgogne le premier des pairs & fon gendre. Je dis par même raifon- que fi Philippe le-Be! avoit eu plus de refpect pour Péglife , & moins d'avarice , il n'auroit pas appe-llé le tiers-étafr aux délibérations publiques. Ainfi Pon voit que, malgré la différence des principes de conduite de nos rois, le terme a du être pareil; il ne s'enfuit pas néanmoins qu'on ne doive des, louanges a quelques-unes des inffitutions dé Philippe-le-Bel. Le parlement de la Touffaints 1187, ayant confidéré le grand abus qui réfultoit de la multiplication des clercs dans les féances, & du rang que le moindre d'entr'eux affecloit fur les plushauts barons, rendit unarrêt, par lequel ceux-ci reprirent les places qui leur apparterioient de droit s & renvoyerent les prélats  Parlemens de France. ioy' & gens d'égliie dans un rang particulier qui ne devoit point tirer a conféquence. Ce même parlement ftatua qu'a l'avenir tous ducs, comtes, barons, archevêques, abbés, chapitres, colléges, chevaliers , & généralement tous ceux qüi avoient le droit & 1'exercice de quelque jurifdiction temporelle dans le royaume, ne puffent inftituer aux offices de baillifs , prévöts , & fergens que des perfonnes laïques, avec défenfe d'y employer des clercs , c'eft - a - dire des hommes engagés dans quelques - uns des ordres de la cléricature , afin , continue i'arrêt, que s'ils viennent a faillir , ils en puijfent être punis par leurs fnpéneurs ; pourquoi ordonne que fi au'cuns clercs font au/ourd'kui pourvus defdits offices, ils en fioient incontinent defi'uues. Voda comment les feigneurs Francois crurent devoir s'oppofer a l'introduöioh des clercs dans les parlemens. Cependant comme Ia fmeffe & la chicane avoient commencé d'altérer par teut Févidence de droit commun , on reconnut bien - tot qu'il étoit prefque impoffible de fe palier de juriffes, capables de débrouiller ce que 1'artifice des parties tachoit d'obfcurcir en Chaque caufe i & de plus la réunion de tant de provinces,'qüi avoient chacune leurs coutumes différentes , obligeoit les feigneurs du parlement a les étudier eux - mêmes, ou bien  106 Lettres sur les anciens a recevoir parmi eux des gens qui en fuffent bien inftruits, pour pouvoir fervir de guides a leurs jugemens. Ainfi le dernier moyen étant plus facile que Fautre, on fe détermina a le fuivre, & dès-lors en avant le parlement fe trouva compofé de trois ordres ; des feigneurs des jurifles laïcs & des gens d'églife , prélats & autres; & d'autant encore que la coutume des appellations , qui avoit commencé fous Philippe Augufte, & qui s'étoit confirmé fous S. Louis, lequel s'étoit fait un devoir & une religion de la foutenir, avoit étrangement multiplié les affaires , il parut bien-töt qu'une feule chambre ne pouvoit fuffire a les régler toutes. C'eft pourquoi l'on en forma une leconde qui fut dite des enquêtes, a laquelle on attribua le jugement des matieres qui ne pouvoient être vuidées fans information touchant la vérité des faits pofés par les parties. II étoit impoffible qu'un tribunal vague & indéterminé dans fa réfidence, lequel ne s'affembloit qu'en certains tems de l'année, & dont les fujets changeoient continuellement, put fuffire a régler toutes les conteftations qui arrivoient dansla vafte étendue de ce royaume. C'eft auffi cette confidération qui détermina Philippe le-Bel a fixer la réfidence du parlement a Paris, & a le remplir de fujets qui devoient uniquement s'appliquer  Parlemens de France. 107 au jugement des affaires, de telle forte que les parties y puffent recevoir juftice d'une maniere uniforme, conftante & certaine, fans être obligés de courir dans les provinces a la fuite du roi & du parlement qui s'affembloit auprès de fa perfonne. Or il eft impoffible , felon mori avis, de ne pas donner des louanges a un établiffement fi néceffaire, fi commode & fi utile dans la fociété. En 1297, Philippe-le-Bel érigea, comme je Pai dit, deux nouvelles pairies; celle d'Artois & cel'e de Bretagne ; 1'une en titre de duché, 1'autre en titre de comté: 1'extincf ion des pairies de Normandie & de Champagne en furent le prétexte, quoique l'on fe fut paffé de toutes les deux affez long - tems. On les recut toutefois bien différemment; car Robert II, comte d'Artois,follicita la fienne, & 1'obtint malgré les regies; auffi étoit-il 1'homme de fon terts le plus injufte & le plus violent, auquel ceux quitachent de difculper Philippe, rapportent la fuggeftion d'une infinité de mauvais confeils qu'il fuivit. Mais la Bretagne n'en vouloit point, & la regardoit plutöt comme un piége qui pourroit fervir de prétexte aux ufurpations coutumieres des rois. De forte que le même Philippele-Bel fut obligé de donner une doublé déclaration a Yoland de Dreux, veuve d'Artus, duc de  ïo8 Lettres sur les aUciens Bretagne , que cette érection en duché-pairie ne porteroit aucun préjudice , ni a elle ni k fes enfans , ni au pays , Sc ne pourroit empêcher le cours des coutumes qui y ont été gardées. Tel étoit 1'incroyable décri des plus confidérables bienfaits d'un roi, auquel , k force d'innover Sc de changer , d'ufurper, Sc dégrader les loix Sc les regies , on ne pouvoit plus prendre de coufiance. II étoit bien impoffible que 1'avidité du prince put être retentie par quelque confidération. Auffi Philippe ne penfant pas que ce fut tirer un profit fuffifant de 1'autorité que fes peres lui avoient acquife , s'il ne fe rer.doit le maitre de la bourfe de tous les particuliers , après avoir ellayé la voie des impöts,. qui lui parut trop longue , Sc exigeoit trop de formatité , s'avifa, qu'en s'emparant de la fabrique des monnoies, Sc les altérant-ainfi qu'il jugeroit a propos, il feroit un profit d'autant plus certain qu'il n'empêcheroit point celui des taxes, s'il les vouloit continuer : Sc il ne concut pas une moindre efpérance que de gagner , par ce moyen, deux fois autant qu'il fe trouveroit d'argent dans les coffres des particuliers. Cette eruelle idéé , dont il fe laiffa perfuader en 1294 , fit étrangement crier le peuple ; de forte cpte pour 1'appaifer en quelque maniere , il  Parlemens de France. 109 idonna , au mois de mai de l'année fuivante , une déclal-ation, par laquelle il déclaroit 8c reconnoiffoit qu'ayanf entrepris de faire frapper des monnoies nouvelles, différentes de la valeur des anciennes en poids & en aloi, &C fcachant qu'on faifoit difficulté de les recevoir, crainte d'une perte qui paroiflbit certaine, il vouloit promettre d'indemnifer tous ceux qui voudroient dans la fuite fe défaire de cette monnoie : & pour la plus grande füreté des particuliers , il fit intervenir 1'obligation de la reine fa femme , laquelle, en qualité de comteffe propriétaire de Champagne, avoit plufieurs biens fufceptibles d'hypotheques. Cette innovation caufa , comme l'on én peut juger , une infinité de défofdres dans la fociété & dans le commerce; Si le pape Clément V, témoigne dans une de fes bulles, que la contagion s'en répandit dans les royaumes voifins , a la ruine commune de tous les peuples. Cependant le mal dura fans amendement jufqn'en l'année 1306, & futporté a tel excès , qu'en la première année du quatorzieme fiecle, un denier de 1'ancienne monnoie en valoit trois de la nouvelle : par ou il paroït que le roi avoit réellément fait profit des deux parts fur trois par la nouvelle fabrique. Mais comme il n'avoit pas d'abord affez  iio Lettres sur les anciens d'argent pour entreprendre une refonte générale , il rendit une ordonnance d'avance , datée avant Paques 1292, par laquelle, après la défenfe du tranfport de Por & de Pargent hors du royaume , il enjoignit aux particuliers de porter a fa monnoie le tiers de leur vaiffelle d'argent, & d'en recevoir le prix en efpeces nouvelles, fous peine de confifcation. En 1296, le profit n'étant pas encore fuffifant a fa dépenfe, il impofa de fon autorité ur.e taxe du centieme denier fur la valeur des immeubles de tout le royaume, & dn cinquantieme fur la valeur des meubles & des marchandifes: chofe fi exorbitante, en ce tems-la, qu'elle auroit porté tout le monde k la révolte fans 1'entremife des feigneurs, qui fe fervirent du refie de leur autorité pour contenir les efprits. Epoque de la première ajfemblle des Etats ge'néraux dans la forme a préfent connue. Peu après, les différends de Philippe avec le pape commencerent a s'échauffer , ce qui, joint h. la continuation de la guerre de Flandres , & au commun défefpoir, fit avifer le roi de repaïtre les peuples de la chimère d'une affemblée générale des trois ordres du royaume: en laquelle leur ayant expofé fes befoins avec  Parlemens de France. iii éloquence & courtoifie , & ayant principalement appuyé fur les entreprifes du pape , il détermina tout le monde è la patience. C'eft la première fols que les états du royaume ont été affemblés dans la forme a préfent connue : & comme c'eft l'objet que je me fuis propofé dans ces lettres, j'y reyiendrai néceffairement dans la fuite, toutefois après que j'aurai achevé le récit de ce qui fe paffa pour lors fur le fait de la monnoie. Car je ne crois pas qu'il puiffe fe rencontrer dans notre hiftoire un événement qui découvre mieux les inconvéniens d'un pouvoir trop abfolu : lequel , ruinant les peuples , fuivant les caprices des princes y les ruinent plus véritablement euxmêmes, en épuifant les reffources qu'ils auroient dans 1'abondance & dans la bonne volonté de leurs fujets. Un peu devant la fin de l'année 1303 , le clergé, qui reffentit, comme les autres, les déplorables effets de Paffoibliffement des monnoies , voulut généreufement indemnifer le monarque d'une partie de la perte qu'il devoit fouffrir en les rétabliffant felon fa promeffe cautionnée par la reine. II offrit, a eet effet, deux vingtiemes de fon revenu annuel, h la charge de donner aux efpeces la valeur intrinfeque qu'elles ayoient fous le regne de Saint Louis t  ïïi Lettres sur les anciens fans que l'on put innover ou contrevenir k cette regie fans une indifpenfable néceffité, certifiée par le confeil fecret, &c reconnue par délibérations des états. Mais cette offre n'avoit garde d'être acceptée, paree qu'elle auroit reftreint 1'aatorité abfolue qui faifoit toute la fatisfacfion du monarque. En 1303 , la perte de la ba taille de Courtrai, très-funefie a la France, ayant changé la nature de la guerre, en la réduifant a la défenfe, les fujets de Ia couronne réfolurent de faire un dernier effort pour la fecourir , & promirent, par un acte du deux octobre , d'entretenir a leurs dépens certain nombre de troupes , pendant les quatre mois d'été fuivant; a la charge que le roi rétabliroit la monnoie , en faifant fabriquer des efpeces de Faloi & du titre ufités au tems de Saint Louis; qu'il abaifferoit le prix des nouvelles efpeces pour les égaler aux anciennes dans leur véritable valeur; & qu'a 1'avenir il n'y pourroit faire de changement. Cet a£te porte les fceaux & les noms de 1'archevêque de Narbonne , des évêques d'Auxerre &c de Meaux , de Charles, comte de Valois, de Louis, comte d'Evreux , frere du roi ; de Robert, duc de Bourgogne ; du comte de la Marche, dernier du nom de Lvifignan ; du comte de Porcean, connétablf ï de Jean de Dampierre, fieur de Saint- Dizier;  Parlemens de France. hj Dizier ; de Beraut, feigneur de Nereuil, & de Jean de Chalons, feigneur d'Arlay : ceux-la fe faifant forts pour tous les autres prélats Sc barons de France , vu 1'inftante néceffité. En la même année, le iS décembre, fur 1'inftance des trois états, le roi promit de nouveau le rétabliffement des monnoies , & il réitéra fes promeffes par fes réponfes aux requêtes des villes & bailliages de Normandie, des archevêques de Reims , de Bourdeaux, & de 1'évêque de Paris, en date du premier de mai 1304, s'engageant a 1'exécution dans la Pentecöte lors prochaine. II paroït même que le clergé lui fit alors un don gratuit très-confidérable. Cependant le 16 juin fuiVant,il en remit 1'exécution a la Touffaint par une nouvelle déclaration qui demeura fans effet. En 1305 , le roi recut la bulle de Benoit XI, fucceffeur de Boniface VIII, qui levoit 1'interdit du royaume, & lui accordoit pendant un an , pour le rétabliffement des monnoies, les fruits entiers des bénéfices qui viendroient avaquer,avec les décimes de tous les autres ; en conféquence de quoi il affembla le clergé le premier feptembre fuivant, pour I'acceptation de la bulle; mais il eut le déplaifir de la voir refufer, paree que tous les dons gratuits précédens n'avoient feryi de rien. De fagon qu'a Ia Tomc IV. j^j  H4 Lettres sur les anciens fin, le roi fe vit obligé de publier deux ou trois déclarations confécutives, qui réduifoient la nouvelle monnoie au tiers de la valeur qu'il lui avoit attribuée. Teutefois deux partifans florentins, 1'un defquels, nommé Bichy, porta de grandes richeffes dans fon pays , en empêcberent 1'effet. De forte que le peuple perdit patience , 6c s'étant ému tumultuairement , penfa forcer le roi dans le temple a Paris; il pilla les biens 8c la maifon d'Etienne Barbette , maïtre de la monnoie, qui s'étoit enricbi de la mifere publique : 5c par ce moyen Philippe, intimidé, fe vit forcé de faire , malgré lui, ce qu'un prince médiocre auroit accordé a la juftice, ou bien aux larmes de tant de malheureux. Cependant , comme fon intention n'étoit pas droite, le défordre recommenca pli s grand qu'auparavant, dès le mois de janvier de la même année , jufqu'a ce que les féditions 8c les tumultes le réduifirent a une nouvelle réforme alternative qui dura jufqu'en 13 s 4, qu'ayant décrié la monnoie foibie a la fin d'avril, il lui donna cours par une ordonnance dès le 15 aoüt fuivant. Ce fut alors que les grands, les prélats 8c le peuple, perdant 1'efpérance d'une adminiftration raifonnable , & de voir ceffcr 1'avidité 8c la cruauté des miniftres qui abuloitnt de 1'autoritc du roi pour  Parlemens de France. h5 s'enrichir des dépouilles de 1'état, fe réfolurent a une fouftraöion générale d'obéiffance, dont le monarque concut un déplaifir fi vif qu'il en mourut, comme je 1'ai déja dit. Mais il eft bon de remarquer qu'il employa fes derniers jours k regretter le paffé , & k remonirer k fon fucceffeur 1'importance de fon devoir, la juftice qu'il y avoit a bannir la méchante monnoie de fon royaume , & k lui donner un cours proportionné k fa véritable valeur. H x  ti6 Lettres sur les anciens CINQUIEME LETTRE. Des premiers Etats généraux fous PMppe-le-Bel & Louis-le-Hutin. L'ASSEMBLÉE des états généraux du royaume 'ëivifés en trois crdres, le clergé , la nobleffe, & le populaire ou tiers état, fut une idéé toute nouvelle de Philippe - le - Bel, 8c jufqu'alors 'cntiérement inufitée. Les befoins, ou plutöt lesexceffivesdépenfes de ce prince, auxquelles fon domaine ne pouvoit fuffire, en furent la première occafion : ils'imagina qu'-en appellant tous les ordres du royaume a une efpece de 'délibération commune fur 1'adminiftration de 1'état, on feroit touché de fa confiance , Sc cue chacun fe croiroit obligé de concourir a 1'exécution de fes deffeins. De plus, 1'excès oh s'étoient portés fes démêlés avec le pape Boniface VIII, qui , par une bulle fulmmée , avoit ofé foumettre la fouveraineté temporelle è la jurifdiöion fpirituelle , le mettoit dans la néceffité de concilier les efprits, Sc de faire connoïtre a tout le monde le jufle fujet de la >u;geance qu'il méditoit. La réfolution étant  Parlemens de France. 117 doncprïfed'affembler les états, il publia fes lettres adreffées aüx barons, archevêques, évêques & prélats du royaume de . France , pour les inviter a Faffemblée qui fe tiendroit en fa préfence en Péglife cathédrale de Paris, le jeudi de mi-carême 23 mars 1301 , qui fe comptoit a Rome 1302 : il en adreffa de pareiiles aux églifes cathédrales, aux univerfités, chapitres & colleges , pour les fammer d'y faire trouver leurs députés ; & aux baillifs royaux pour fai>e éüre , par les communautés des villes & territoires, des fyndics ou procureurs capables de délibérer fur les hautes matieres qu'il avoit a leur propofer. Les lettres patentes de cette première convocation ne fe trouvent plus ; mais on en peut recueillir la fubfhnce ,, de la lettre écrite par le clergé de France au même pape, datée dit dixieme avril de la même année , cü il eft rapporté que Faffemblée s'étoit tenue dans 1'églife de Notre-Dame de Paris. Les barons de France en écrivirent une autre au college des cardinaux, qui eft foufcrite de plufieursfeigneurs; par l'ordre defquels on peut conjecturer de celui de la féance.. Louis , comte d'Evreux , frere du roL Robert, comte d'Artois, fon coufin-germaio* H y  nS Lettres sur les anciens Robert, duc de Bourgogne. Jean , duc de Bretagne. Fery, duc de Lorraine. Les comtes de Hainaut & de Hollande. . . de Luxembourg, : de Sfint-Pol. - de Dreux. . ■ de la Marche. . ..—— de Boulogne. , . de Nevers & de Réthel. d'Eu. . de Comminges. „ d'Aumale. . ■ de Foreft. de Périgord. . de Joigny. d'Auxerre. , .—— de Valentinois. . de Sancerre. de Montbeillard. Le fire de Coucy. Godefroi de Breban. Raoul de Clermont, connétable. Les fires de Chateauvilain. . de Pllle Jourdain. d'Arlay. , de Chateauroux. < de Beaujeu.  Parlemens de France. hq lt le vicomte de Narbonne. Quant k la matiere dont Faffemblée forma les délibérations, voici ce que la chronique de Saint - Denis, & le continuateur de Nangis nous en apprennent. Le roi y ayant pris fa place, Pierre Flotte fon chancelier, expofa les bons deffeins de fa majefté pour la réformation des abus , avec la difficulté d'y réuflïr au milieu des traverfes fufcitées de toutes parts par les ennemis du royaume , mais particuliérement par les attentats dn pape , qui , non content d'accabler 1'églife de France par des moyens inufités, qui ne tendoient qu'a s'emparer des biens Sc des revenus de toutes les églifes particulieres , avoit ofé depuis peu attaquer la fouveraineté du roi, & lui faire dénoncer par 1'archevêque de Narbonne fon nonce , qu'il lui étoit foumis au temporel & au fpirituel; Sc que faute da reconnoitre cette jurifdiöion ufurpée, il 1'avoit déclaré excommunié, nonobftant le privilege attaché de tout tems a la couronne de France. II s'étendit enfuite fur 1'injure qu'une telle déclaration faifoit k la nation entiere, qui n'avolt jamais reconnu d'autre fupérieur temporel que le roi. II fit voir combien les entreprifes de la cour Romaine étoient oppofées aux faints ca- H 4  t20 Lettres sur les anciens nons ; qu'elles ruinoient la hiërarchie , de forte que les métropolitains n'avoient plus de jurifdiétion fur les évêques de leurs provinces , comme il n'en reftoit aucune è ceux-ci fur le clergé inférieur: tout le monde étant également reen a la cour de Rome , pourvu que l'on y portat de 1'argent ; feul moyen d'en cbtenir faveur plutot que juftice : que le roi étoit informé que le clergé fe plaignoit de quelques entreprifes de fes officiers : qu'il étoit faché de tels abus, s'il y en avoit aucun , & trés - réfolu de les corriger ; mais que dans la conjondfure préfente il n'avoit pas voulu donner 1'avantage au pape, de voir changer quelque chofe dans 1'adminiftration du royaume fur fa pourfuite Sc par fon commandement. Le chancelier paria enfuite de Ia néceffité' de foumettre 1'orgueil des Flamands, & des efforts que le roi s'attendoit que ïa nobleffe feroit en cette occafion , pour terminer m e guerre ;que fa longueur rendoit honteufe a la France. II montra enfuite que 1'état populaire n'étoit pas moins intéreffé que la nobleffe a la fin de cette guerre, & que s'il n'y contribuoit pas par la voie des armes, il devoit le faire par des fecours d'argent, fans lefquels il étoit impoffible de payer les gens de guerre. Le roi prit enfuite lui-même la parole, Sc  Parlemens de France. til aemanda que chaque corps format fa réfolütion 8c fa déclarat publiqucment par forme de confeil. Alors \i nobleffe s'étant retirée pour délibérer, reprit peu après les mêmes places: 8c le comte d'Arfoisprenant la paroie, remercia le roi de i'affeöion qu'il avoit au bien de 1'état, de fa réfolution de corriger &c de réprimer les abus qui lui feroiënt repréfentés. II paria enfuite de la fidélité' & du zele de la nobleffe , inviolablement attacbée a la perfonne' des rois , & qu'efle facrifieroit toujours fes biens Sc fa vie pour défendre leur dignité & leur gloire ; ajoutant jqu'elle feTaifoit honneur de ne tenir fes terres que de fa couronne, & de ne reconnoïtré aucun autre fupérieur temporel que lui; &C qu'a 1'égarcl de la prétention du pape, elle étoit fi peu raifonnablè , fi contraire I a fa connoiffance , que quand lé roi voudroit fouffrir ou diffimuler un tel outrage, fa nobleffe le reffentiroit, cc le vengeroir de toute fa puiffance. L'ordre eccléfiaftique, interro'gé par le cbancelier fur le même fujet, demanda un délai pour délibérer amplement, ayant intention, felon fon devoir, d'appaifer le courroux du roi, & d'entretenir fon union avec le faint fiege. Mais Ie monarque impatient reprit la paroie ; Sc interrogeant lui-même le clergé, lui  i2i Lettres sur les. ancien.? demanda de qui les prélats croyoient tenir leurs biens temporels ? A quoi il fut répondu unanimement, qu'ils les tenoient de lui & de fa couronne. Interrogés de nouveau ce qu'ils penfoient être obligés de faire en conféquence , ils répondirent qu'ils devoient défendre fa perfonne, fes enfans 5c fes proches, auffi-bien que la liberté du royaume ; que c'étoit 1'engagement oü ils étoient entrés par leur ferment, en prenant poffefüon des grands fiefs dont la plupart étoient revêtus , & que les autres s'y croyoient obligés par fidélité. En même tems ils fupplierent le roi de leur permettre de fe rendre auprès du pape, oü ils étoient appellés pour la célébration d'un concile néceffaire k 1'égbfe. Mais le comte d'Artois ayant repris la parole au nom de la nobleffe, conclut a rejetter cette demande , puifque la bulle d'indication témoignoit que ce concile ne devoit s'affembler que pour procéder contre le roi. Le tiers-éiat, encore peu accoutumé aux délibérations, s'expliqua par une requête préfentée a genoux, qui eft rapportée par Savaron , quoique Dupuy n'en ait point parlé dans fon Recueil du différend de Boni/ace. En voici les termes. « A vous très-noble prince notre fire, Phi» lippe, paria grace de Dieu, roi de France.  Parlemens de France.. 113 » Supplie & requiert le peuple de votre » royaume , pour ce qui lui appartient que ce » foit fait, que vous gardiez la fouveraine fran» chife de votre royaume, qui eft telle que .*> vous ne reconnoiffiez, de votre temporel, » fouverain en terre, forfque Dieu , & que » vous fafliez déclaret, fi que tout le monde » le fcache, que le pape Boniface erra mani» feftement & fit pêché mortel, notoirement » en vous mandant par lettres bullées qu'il » étoit votre fouverain de votre temporel, & » que vous ne pouviez prébendes donner, ne » les fruits des églifes cathédrales vacans rete» nir, & que tous ceux qui croyent au con» traire il tient pour héreges ». La première féance de cette affemblée fe tint, comme je 1'ai dit, le jour de mi-carême, & l'on en continua de pareilles jufqu'au 10 du mois d'avril, qui fut le mardi de la femainefainte, duquel jour fe trouvent datées les lettres du clergé au pape, des barons aux cardinaux , & celles dutiers-état aux mêmes : fi toulefois on peut juger de cette derniere par la réponfe qui y fut faite le 24 juin fuivant, laquelle eft adreffëeaux maires, échevins, jurats, confuls des communautés, des villes , cités & bourgs du royaume de France , paree que la lettre originale ne s'eft point confervée comme les  214 Lettres sur les anciens autres. Ce fut ainfi que fe termina cette grande affemblée, la première qui ait porté le nam d'états-généraux, & après laquelle > fans aucune réparation de gnefs, tout le monde courut aux armes , pour la propre fatisfaöion du pnnce, avec une ardeur plus vive que s'il n'avoit jamais fait de préjudice a la nation, Cependant le fucces n'en fut pas favorable : ia plus grande partie des feigneurs du royaume , & entr'autres le comte d'Artois & Fierre Flotte u chancelier , tous deux ennemis du pape , & chargés de fa malédiclion , ayant péri comme des. aveugles (c'étoit Tinjure particuliere qu'il donnoit au chancelier a caufe du defaut de fes yeux) en la bataiüe de Counray, donnée le 11 de juillet fuivant. Ce récit, tel que Fon peut le recueülir ds 1'hiftoire dn tems, paroïtra trop court, paree qu'en effet, fi on ne porte fa curiofité & fes. recherches un peu plus loin, on n'en icauroit tirer beaucoup de jpmieres pour fonder le droit effentiel des états. On ne voit ici qu'un prince avide,qui imagine un moyen nouveau d'exciter les peuples en les flattant par une efpece de communication de fapuiffance , & d'en tires de nouveaux fecours par cette facilité. La nobleffe fe laiffe prendre inconfidérément a eet appas, fuiyant fa méthode ordinaire : elle ne  JpARLEMENS DE FRANCE. 215 Fait aucune mention des fujets de plainte qu'on lui a donnés; elle entre aveuglément dans la paffion du roi, 8c ne propofe rien moins que le facrifice de fes biens & de fa vie pour la fatisfaire. Ët il eft remarquable que les princes du fang royal, le comte d'Evreux, fils de France , 8c le comte d'Artois, petit fils, ne dédaignerent pas de faire corps avec la nobleffe, §1 que ce dernier remplit pendant toute la féance la fonction de premier député de ce corps. D'autre part le clergé, plus retenu 8c plus circonfpecf, veut prendre fon temps pour délibérer convenablement: il reconnoït devoir obéiffance & fidélité; mais il en ménage les conféquences fans s'expliquer , 8c en eft quitte par ce moyen en ëcrivant une lettre au pape. Le peuple , d'un autre cöté, ne fe fait entendre que par requête , non pour expofer fes malheurs, mais pour affurer 1'avantage particulier du roi & la dignité de fa couronne. Voila quelle paroit avoir été pour-lors la difpofition des trois ordres du royaume. Quanta celle du roi, on ne voit pas qu'après la première expofition de fes befoins, il ait alors pouffé fa pointe pour fe faire accorder des fubfides; ilfemble, au contraire , que fe repofant fur Pardeur de la nobleffe , il fe flatta que la campagne entiere ne lui cqüteroit rien 6c qu'ellev en fetoit les frais,  xi6 Lettres sur les anciens Mais Ia perte de Ia bataille de Courtenay lui fit bientöt fentir que les événemens font toujours indépendans des vues & des mefures de la politique la plus raffinée, paree qu'ils font conduits par d'autres reffbrts impénétrables a la prudence ordinaire des hommes. Ainfi , dans cette difgrace, il chercha fa reflburce dans une nouvelle affemblée d'états. Les lettres de convocation en furent expédiées a Neufmarché fur Epte le dernier novembre 1302. Cependant il ne refte aucun aöe de faffemblée même, & les hiftoriens paroiffent 1'avoir abfolument négligée: il y a lieu de croire néanmoins que l'on y prit quelques réfolutions pour accorder au roi un fecours extraordinaire de finance; car l'on voit au tréfor des chartes une ordonnance du 31 mai 1302 , portant impofition du cinquieme des revenus de toutle royaume, payable par ceux qui n'iroient point a la guerre la campagne fuivante, & du centieme denier de la valeur des meubles ; ce qui faifoit la plus forte taxe qui eut jamais été impofée dans 1'état. Mais afin de donner tout le jour nécefiaire a cette matiere, examinons quels avoient été précédemment, & quels pouvoient être alors les revenus du roi. Boniface VIII, très-habile homme, & très-verfé dans la connoiffance & dans la pratique du monde, avance dans un  Parlemens de France. 227 difcours fait cette année en plein confiftoire, lequel a été donné par M. Dupuy , que les revenus du grand roi Philippe, aïeul de faint Louis, ne paffoient pas 1S000 livres ou 36000 marcs d'argent, ce qui, au prix de cinquante fols le mare , compofoit 90000 livres de revenu ; au lieu que le petit-fils de faint Louis , par le moyen , a ce qu'il dit, des graces, des privileges , des conceffions de Féglife romaine, avoit fait monter fes revenus a plus de quatre^ vingt mille marcs, qui, au prix de cent fols le mare, valoient 400000 livres. II eft vrai néanmoins que Philippe porfa la valeur du mare d'argent jufqu'a huk livres , & que par ce moyen fon revenu commun a monté jufqu'a 640000 livres, ce qui eft trés-confidérable; vu que de fon tems la Guyenne, la Bretagne , la Provence , le Dauphiné , les deux Bourgognes , 1'Auvergne , le Bourbonnois , Nivernois , Auxerrois, la Flandre, 1'Artois, & une infinité d'autres grandes feigneuries , n'étoient pas encore unies a la couronne. Si l'on fuppofe enfuite que les revenus du roi étoient environ le fixieme au total de tous ceux de la France, il eft évident qu'en impofant la taxe du cinquieme des revenus particuliers, il augmentoit les fiens du doublé, & prenoit le tiersdu total, ce qui ruinoit la proportion naturelle & légi»  £i8 Lettres sur les anciens time. Je ne compte point ici le produit de Ia iaxe mobiliaire, jugcant qu'il doit être compenfé pour ce qui défailloit du cinquieme des revenus, au moyen du fervice aöuel de quelques-uns de ceux qui y auroient été fujets comme les autres : mais il eft néceffaire de joindre a cette confidération ceile du profit immenfe qu'il avoit fait en triplant ia valeur de toutes les monnoies : & partant l'on peut dire que ce n'étoit pas fans raifon que Boniface prétendoit que fon adminiftration devoit être corrigée , & qu'il étoit obligé a la reftitution pofitive de tout le dommage caufé par 1'excès du prix qu'il avoit mis a fes nouvelles mcnnoies. Etats de 'joj. . II y eut au mois de juin 1303 une nouvelle affemblée d'états, qui fe tint a Paris clans le palais, & au milieu de laquelle le roi fit propofer une plus ample accufation contre le pape. Walfingham , & le continuateur de Nangis, qui nous en apprennent la convocation , n'en difent pas davantage : cependant Faccufatioh même fubfifte encore parmi les pieces du recueil de M. Dupuy, & porte en tête les noms du comte d'Evreux, fils de France , des comtes Saint-Pol & de Dreux , & de Guillaume de Plaifance ,  Parlemens de France. Pklfance , feigneur de Vezenorbe , que nos hifloriens ont nomrné Dupleffis fans aucune vraifemblance. On trouve au tréfor des chartes vingt-deux procurations données a des députés du tiersétat, pour comparoïtre a une affemblée générale des trois ordres, indiquée a Tours en 1'an* née i ioS. Cependant on ne feait rien de ce qui s'y paffa. Celle de l'année 13 13 , convoquée è Paris, que quelques hiftoriens placent toute» fors en 13 14 avec peu d'apparence, a confervé plus de réputation chez la poflérité. Le véritable motif de cette nouvelle tenue d'états ne fut autre que les befoins du roi Philippe, qui avoit englouti , avec le mariage de fes trois enfans, tous les biens des Templiers qu'il avoit fait périr; 800000 livres qu'il avoit tiré de Ia Flandre, & tout le profit de la monnoie pardeffus fes revenus ordinaires. On voit au tréfor des chartres, reg.46, n°162 , une affignation de 4000 livres de rente fur le tréfor, faire par Philippe le Bel a Charles, fon dernier fils, pour 1'indemnifer de la fomme de 40000 livres qu'il avoit touchée des deniers de fon mariage , & converti a fon profit. En eet état il penfa'd'abord , par 1'avis de fon minifire Enguerrand de Marigny , qu'il n'y avoit qu'è continuer les itnpöts du cinquieme des revenus, & du eenTornt IV, j  TJo Lettres sur les anciens tieme des meubles, & les étendre jufqu'a la nobleffe & au clergé par voie d'autorité. Mais les oppofitions qui furvinrent de toutes parts ftrent bientöt juger a 1'un & a'Vautre que le confentement des états, fi on pouvoit 1'obtenir, étoit 1'expédient le plus commode & le plus aifé. On dreffa donc des lettres de convocation pour le jour de S. Pierre 2.9 juin de cette année , & néanmoins faffemblée ne s'ouvrit que le premier jour d'aoüt fuivant. Elle fe tint en la cour du palais a Paris , ou l'on avoit élevé un grand échafaud pour le roi & pour la féance des deux corps de la nobleffe & du clergé ; le tiers-état devant refter debout au pied de 1 échafaud, Mezerai veut que Faffemblée ait été tenue dans la falie du palais. _Nicole Gilles &C la grande chronique difent le contraire. Le roi, le clergé & les feigneurs ayant pris leurs places, Enguerrand de Marigny , fon miniftre, lequel eft furnommé coadjuteur & gouverneur du royaume, paria avec une force extraordinaire, pour prouver la juftice de 1'arrêt nouvellement rendu par le parlement, portant confifcation de la comté de Flandres au profit du roi. II montra qvi'il y auroit une honte infinie a ncgliger la punition des rebelles; ce que le roi ne pouvoit toutefois entreprendre fans un nouveau fecours, qui ne pouvoit être onéreux >  Parlemens de France. i3i pmfque la conquête de ce pays mettroit bientöt le roi en état de rendre aux peuples ce qu'ils lui auroient accordé. Cette harangue fut véhémente, & telle qu'il convenoitpour émouvoir Je peuple ; de forte que le voyant fuffifamment touché, il engagea le roi a fe lever de fon tróne, & a s'approcher du bord de i'échafaud, pour voir lui-même qui feroient ceux qui s'accorderoient a payer 1'aide qu'il demandoit. Lors s'avanca Etienne Barbette, fuivi de plufieurs bourgeois de Paris , qui s'engagerent tous k faire ufte aide fuffifante, ou k fuivre le roi en perfonnes k la guerre qu'il alloit faire: exemple qui fut imité par les autres procureurs des communautés du royaume; de maniere que Faffemblée fe fépara d'abord fur cette promeffe, & qu'il parut peu après une ordonnance du roi, pour la levée de fix deniers par livre de toutes les marchandifes, viöuailles, boiffons & denrées qm ferorent vendues dans le royaume, payables par momé par le vendeur & 1'acheteur. C'eft ainfi que cette impofition eut lieu fans décret m délibération des états. Enguerrand de Mangny avoit fes traitans tout prêts, lefquels au moyen de 1'avance de quelques fommes modiques , furent chargés du recouvrement de ce nouveau droit : les habitans de Compiegne I 2  "iJi "Lettres sur les anciens fe fignalerent , fur tout par cette efpcce d'ufure , & furent chargés par conféquent de Ia "haine de tout Ie royaume qu'ils défoloient, Mais le roi lira h peu d'utilité de cette impofition nouvelle , qu'il obligea le clergé & la no"bleffe au paiement du cinquieme de leurs revenus , fans néanmoins exiger la taxe mcbiiiaire. La nobleffe , "le clergé & le peuple s'acccrdoient a demander hautement la réparation de "leurs griefs, lorfque la mort e nis va Philippe-leBel: mais Louis IX, fon fucceffeur, o'en fut pas moins embarraffé : il ne trouva rien de jnieux a faire que d'adreffer fes lettres patenten a fon oncle 'le comte de Valois , & a quelques autres commiffaires, pour leur donner pouvoir de connoïtre des plaintes de tous les fujets, d'examiner leurs gïiefs, de s'enquerir diügemment des anciens üfa'ges, & particuliérement de ceux de S. Louis, avec promeffe qu'après leur rapport il donneroit entiérement fatisfaction a chaque province. Plufieurs des lettres qu'il accorda, après le rapport de ces commiffaires , fe trouvent au tréfor des chartres. La première dans l'ordre des dates eft celle qui fut donnée en faveur des nobles de la comté de Champagne au mois d'avril 1315, c'eft-a- dire après le 1.3 de ce mois, qui étoit le jour de  Parlemens de France. 135! Paques. Elle contient quinze articles , qui Furent: expUqiiés & étendus prefque aufïi-tot après par quinze autres.. « Par le Ier, fur la plainte des nobles, qu'ils » étoient empêchés de donner leurs terres, >» en récompenfe de fervice, a leurs domei-" » tiques , quoiqu'èn retenant les foi & hom» mages, le roi confent qu'ils puiffent donner» des terres a leurs domeftiqaes nobles , &" » des rentes annueljes aux roturiers, pourvus » que le fief mo 11 vant de lui n'en foit trop » diminué. » Par le IIe, fttr ce que les nobles föutïennent» que lè roi n'a rien h voir ni a. reconnoitre » dans leurs feigneur.'es , fi ce n'éft eh défaut' » de juftice, ou pour raifon d'appel fait a la ». cour, ou pour 1'es cauies de lés bourgeois,., » ou pour la garde des églifés dé fondatïort.. » royale : le. roïaccö'rde &confen,t a nexercer» aucune jurifdicfión dans les.terres des fei» gneu/s, hors . les cas qu'ils exceptent eux!>>, mêmes..Itexceptoït encore dans lés premières. » lettres les cas qui apparriennent au droit » royal', mais il y renonce par les fë'condes,_, » dans toute Tétendue d,es rnouvances. des fei» gneurs. » » Par le 111% fe roi renonce a acquéffr danS » lts terres des feigneurs par voie d'adiat-, 11  ï34 Lettres sur les anciens « ce n'eft de leur confentement, & au cas que » par quelqu'autre droit pofiïble, il lui vienne » des terres dans leurs rnouvances, fe foumet » au fervice du fief, & promet debailler'homme » vivant, mouvant, a peine de fouffrir la » réumon de la terre au domaine du feigneur. » Par le IVe , fur la demande des nobles » de n'être troublés en la jouiffance des droits » d'efpaves & batardifes; le roi accorde le » dernier, &l ncn 1'autre. « Par le Ve, fur la plainte que les prévóts » ou fcrgens du roi ajournent les hommes des » feigneurs hors de lenrs fiefs: le roi promet 5* faire cefferun tel abus, & enjoint a fes baillis » & officiers de garder 1'ufage ancien. Par le » VIe, le roi promet & s'engage a rétablir les j, monnoyes. Par le VIP , fur la plainte des » nobles que la coutume de Champagne n'étoit » gardée a leur égard dans les aiournemens, » paree qu'ils ne doivent être tirés de la cha» tellenie oii ils font réfidens : le roi promet » faire garder la coutume. Par le VI1P, fur » la plainte des nobles, qu'ils ont été inquiétés » par les bourgeoifies du roi; c'eft - a - dire , v que le roi a conféré le titre de fes bourgeois » a quelques-uns de leurs hommes; il promet » que ce grief fera réparé. Par le IXe, fur la » plainte des nobles, que leurs hommes tail-  Parlemens de France. 135 w lables cle main-morte, quittoient leurs terres » pour s'habituer lous la jurifdiftion du roi, » oii ils font empêchés du droit de fuite : ii » déclare qu'il ne retiendra déformais aucun » homme appartenant aux nobles, qu'il n'eni» pêchera 1'effet du droit de fuite hors ie cas » de défaveu, lequel ayant été fignifié, le fei» gneur fera tenu de faire juger dans 1'an tk. » jour, a peine d'être déchu du droit de fuite; » & par explication, il ordonne que défaveu » fera fait fcavoir fuffifamment au fergent du » feigneur, de forte qu'il n'en puiffe ignorer. » Par le Xe, fur la plainte des nobles, que » leurs caufes étant commifes devant les baillis » royaux, les prévóts s'ingerent de fe rendre » leurs juges : ïl eft ordonné que les nobles » ne feront tenus a comparoir devant les pré' » vöts que quand ils auroat confenti d'y pro» céder, a raifon de quoi ne fera cru de léger » a ce que diroient les prévóts, mercenaires » qui ont acheté leurs emplois. Par le Xle, » fur la plainte des nobles, que quand aucunes » de leurs terres font adjugées au roi pour dettes » ou pour amendes, le roi ne s'en doit em» parer fans eftimation de leur valeur, pour » payer le furplus , fi aucun y a : il confent » que ladite eftimation foit faite moitié è fes » dépens. Par le XII% fut pareille plainte, que I 4  H36 Lettres sur les anciens » quand les hommes & les femmes de ferve » condition appartenant aux nobles fe marient » dans la jurée du roi, ils font empechés de leurs » droits par fes officiers : le roi défend tout » pareil empêcbemenf. Par le XIIIe, les nobles »> expofent que fi quelqu'un d'eux eft faifi par » foupgon de crime, il eft d'ufage qu'il foit » oui dans fes juftifications , qu'il doit être re» tenu par certain tems, pendant lequel, s'il » fe préfente une partie , il a droit de fe dé» fendre par droit de bataille, s'il ne confent » a ce qu'il foit fait une enquête, & qu'au » premier cas il doit être délivré : le roi ré» pond fur eet article, qu'il vent que tout » accufé foit entendu en fes juftifications, & » que s'il fe fait une enquête , il ne veut pas » que 1'accufé foit jugé fur cela feul; & par » 1'explication il ajoute , qu'il veut que les » ordonnanccs fur les gages de bataille foient » exécutées. Par le XIV% il fait défenfe de »> mettre aucun noble a la gêne, fi la préfomp» tion du méfait n'eft fi grande qu'il convient v le faire ; & fur la confeffion extorquée par » les tourmens, le roi n'entend qu'aucun foit » condamné, s'il ne perfévere en ladïte con» feffion tems fuffifant après avoir été relaché;. »» 8d par 1'explication il eft défendu d'expofer ^ aucun noble a Ia gêne, fi le cas n'eft tel que  Parlemens de France; 137 » mort doives'enfuivre. Par le XVe, les nobles » ayant expofé que par la cöutu'mé du pays » ils ne font obligés de fervir le roi hors des » limites de la provüace, finon a tous frais Sc » coufts, & que pour leur fervice dans la » province le roi eft tenu a certain? gages » dont ils doivent être préalablement payés: » il promet qu'ils ne ferviront point malgré eux » hors les limites de la Champagne, & qu'il » fera diligence de s'informer a quels cóufts » & quels gages ils doivent le fervice , & ork donnera ce que de raifon. Par le Xc article » de 1'addition , le roi veut que fes officiers » déférant Pappel ou oppolition des nobles, » furfoient toute exécution jufqu'a ce qu'ils » aient été entendus; §£ en cas de malfaiteurs » faifis par les prévóts fans commifüon par» ticuliere du bailli, ordonne qu'ils feront re» mis a la garde des nobles a qui la juffce » appartient, pour être enfuite üvrés & juf» ticiés par l'ordre du bailli, & toutefois du » confentement des nobles qui y auront intéret. » Enfin par les articles ii , 12, 13, 14, 15 » & 16 de 1'addition , le roi maintient & conw ferve les nobles dans le droit qui leur apparv tient de prendreaide fur leurs fujets tail'ables, » haut & bas, a volonté, fur leurs hommes % abonnés ou jurés, fur ceux qui doiventaide  138 Lettres sur les anciens » de guerre 6c de voyage, fur ceux qui en » doivent garantie, fur les églifes qui font en » leur garde, fur les hommes des mêmes églifes, » Sc tous les mains-mortables demeurant fous » leurs jufttces. » La Picardie, comprife dans les bailliages de Vermandois, d'Amiens, de Senlis, comté de Ponthieu & d'Artois, & terre de Corbie, obtint auffi fes chartres particulieres, dont voici pareillement les extraits; fur lefquels nous remarquerons, que la chartre particuliere délivrée aux feigneurs de Varennes & de Caïeu pour le bailliage d'Amiens & comté d'Artois, fut auffi expédiée pour fix autres bailliages; mais avec des reftriöions & des omiffions qui paroiffent dansles Duplïcata qui reftent au tréfor. La première donnée a la Picardie en date du mois d'avril 1315 conticnt 14 articles. « Par le Ier, fur la demande qu'en cas de » crime il ne foit procédé contre les nobles » par dénonciation, par foupcon, ni par en» quête, s'ils n'y confentent; mais qu'en cas » d'accufation ils foient recus a leur défenfe » par gage de bataille : le roi confent a la de»> mande, hors que la perfonne fut fi diffamée, » & le cas fi notoire, que Ie feigneur fuzerain » y dut mettre autre remede; veut au furplus » que les gages de bataille ayent lieu comme  Parlemens de France. 139 » par le pafte. Par le IP, fur la demande qu'il « ne foit loifible mettre la main aux nobles, » a leurs chateaux, fortereffes, villes & autres » bierss, a leurs hommes & fujets, tant qu'ils » confentent d'efter a droit fur la querelle dont » ils font pourfuivis : eft accordé par le roi » a 1'exception des cas de crime. Par le Iile, » que les nobles, leurs hommes 8c fujets ne » foient contraints de donner afsürement en cas » de guerre ouverte, ni autre cas, fi la menace » n'eft connue Sc prouvée; accordé & permis » par le roi. Par le IV% que le roi n'aquiere » ni ne s'accroiffe en baronies, chatellenies, » fiefs, 8c arriere-fiefs des nobles ou ecclé» fiaftiques, fi ce n'eft de leur confentement: » accordé, fauf les cas de fucceffion pour li» gnage, ou d'adjudication pour amendes, dans » lefquelles le roi fe foumet a faire fervir le fief » comme faifoit celui dont eft provenue la chofe. » Par le Ve, que le roi ne puiffe lever amende » au-deffusde lataxecoutumiere, f?avoir 60 1. » tournois pour les nobles, &C 60 {. tournois *> pour les autres : accordé , hors les cas fi » graves que la coutume n'en devroit décider. » Par le VF, que les nobles puiffent ufer des » armes quand il leur plaira, comme par le » paffé, 8c qu'ils puiffent guerroyer 8c contre» gagner: ac_cordé par le roi le droit des armes  'ï4° Lettres sur les anciens » & de guerre, comme il a été ufé au tems » pafié, & felon qu'il fe trouvera avoir été' » fait par 1'ufage il fera gardé ï 1'avenir. Par » le VIP, que le roi ne puiffe mander, pour » être en armes, ceux qui ne font vraiment » fes hommes , ou que s'ils font mandés, ils ne »> foient tenus d'aller : car ainfi ne pourroienf » fervir les feigneurs dont ils font tenus, ni' » marcher a leur commandement: le roi ré» pond qu'il fe fera inftrnire de la coutume, » & en attendant, s'abftiendra de mander autres » que fes vaffaux direfts. Par le VIHe, que le » roi, ni fes officiers n'empêchent, ni s'entre» mettent de jufiice és lieux oii les nobles &C » gens d'églife ont droit de juftice, haute , » moyenne & baflè , ii ce n'eft en cas d'appel, » faute de droit ou mauvais jugement: accordé, « hors les cas de reffort & fouveraineté. Par » le iXe & Xe, que le roi niette les monnoyes» en 1'état, au prix & aloi qu'elles étoienr » fous le regne de S. Louis, & qu'il les y » maintienne perpétuellement; & étoit Ia valeur » du mare d'argent a 5» fols; & pareillement » qu'il n'empêche le cours des monnnoyes fait es » de droit en fon royaume : le roi répond qu'if » a commencé a faire bonne monnoye, pa» reille a celle du tems de S. Louis, & qu'if » la continuera. »-  W Parlemens se France; Ï41' Le roi ne réponclit point fur le fait des monnoyes particulieres des feigneurs de fort royaume; il parut même peu après fon facre une ordonnance qui déclaroit que le droit de frapper monnoye n'appartenoit qu'a lui feu! par privilége de fa couronne ; mais il y eut tant d'oppofitions de la part des feigneurs a eet nouvelle loi, qu'on en fit une autre toute contraire, qui eft datée de Margny fur Marne, au mois de décembre 1315, par laquelle on fixa le poids & 1'aloi des monnoyes particulieres. « Par le XIe article, fur la demande des trois w états de n'être ajournés hors des chatellenies y> ou ils font réfklens, fi ce n'eft en cas d'appel, » & fur la demande particuliere des nobles » de ne pouvoir être jugés que par d'autres » nobles leurs égaux : accordé, a 1'exception » des cas de fouveraineté; & fi les baillis royaux » vont au contraire , le roi promet de les punir, » même de faire informer k plein comment » ilaété procédéautems paffédans le jugement » des perfonnes nobles, pour fcavoir s'ils doi» vent être jugés par leurs égaux. Par le X!Ie , » le roi promet la punition &£ la deftitution » des baillis, prévóts, fergens, & autres de » fes officiers , qui fe trouveront avoir mal^ yjrfé dans leurs charges \ mais il remet 1'uq  i4i Lettres sur les anciens » Sc Paurre après Penquête qu'il en fera faire *> par des comrniffaires qu'il déléguera. Par » le Xllle, fur la repréfentation faite par lés » trois états, qu'il y a plufieurs autres griefs » non expreflément déclarés qui ont été faits » aux nobles, au clergé, & au commun, dont » fe roi ne doit moins la déclaration que des » autres: il promet envoyer des comrniffaires, » ayant pouvoir de faire juftice a un chacun, » & déclare que les entreprifes ci-devant faites » ne feront réputées a faifine, propriété, ni » poffeflion pour le tems avenir. Enfin, par le » XIVe, le roi ordonne , fur la demande des » trois états, que les baillis royaux, Sc autres » fes officiers feront tenus de publier, jurer Sc » promettre 1'exécution du préfent reglement » en leurs premières affifes, fans jamais aller » a 1'encontre, fous fa propre garantie, & dé» ciare de plus qu'il ne conferve ire, ne mau» vais vculoir contre aucun de ceux qui fe font » aliiés pour Pobtenir. » La feconde chartre délivrée aux feigneurs de Varennes & de Cayeu contient vingt ~ fix articles. « Par le premier, le roi veut & entend que » les coutumes foient gardées pour les ajourw nemens, défend a fes fergens d'exploiter dans *> les juftices des nobles Sc des eccléfiaftiques,  Parlemens de France. 143 »> fi ce n'eft en vertu cle commiffion expreffe >> en laquelle le cas foit énoncé felon la cou» tume. Par le fecond, il fait défenfe a tous » baillis, prévóts, & autres jufticiers d'ap>> procher aucun noble, le tenir emprifonné, » ou faire exécution en fes biens, s'il n'eft >, condamné, & oii il requerra droit il lui doit >> être fait par les hommes de la chatelleme » oh il fera demeurant. Par le troifieme, il „ eft ordonné que toute perfonne noble fera » jugée par les hommes de la chatellenie, c'eft» a-dire, fes égaux, tenans du fief dans lequel », il réfidera, fans pouvoir être traduit en autre » cour ni juftice, ni même au parlement, fi » ce n'eft en cas d'appel ou déni de juftice; » fauf les cas oü les officiers du roi auroient », maltraités en faifant duement leurs fondions: » voulant que s'ils faillent en qualité de per» fonnes privées , ils foient punis par la juftice » des feigneurs a qui la connoiffance en appar» tiendra, & fauf encore les injures des prélats, "» pairs , barons, ou perfonnes d'églife dont le » roi retient la connoiffance, paree qu'il n'eft » d'ufage a eux de plaider devant les juges » inférieurs. Par le quatrieme, il eft ordonné » que celui qui aura été abfous d'accufation en » la juftice de fon feigneur, ne pourra être « inquiété par les officiers du roi pour raifoh  ,ï'44 Lettres sur les anciens » du même fait as'il n'ya eu corruption évidente » & notoire des juges qui auront rendu le ju» gement; & en ce cas même ne pourront le » détenirque le procés n'ait été fait, en la cour » du feigneur, aux jugeurs qui 1'auront abfous. » Par le cinquieme, eft défendu a tous les par» ticuliers de plaider contre une obügation » reconnue fous le fcel des tabellions du roi; y> fi ce n'eft pour exception de payement. Par » le fixicme, fur la plainte des nobles qu'ils » fontempêchés en leurs guerres, & contraints w k donner trêves & affuremens, par des » amcndes au-dela des termes coutumiers qui » n'excédent foixante livres : le roi promet » envoyer des comrniffaires qui s'informent 3' de l'ufage ancien; promet auffi faire voir » & examiner les ufages portés au reg'iftre de » S.-Louis pour, fur le tout, donner fes lettres » patentes conformes. Par le feptieme, il eft » défendu aux baillis, prévóts, ou autres offi» ciers du roi de faifir les fiefs dépendans des » nobles ou ecciéfiaftiques, tant comme ils font » en hommage; ou s'ils faifoient autrement, » il eft ordonné qu'ils feront tenus lever la » main du roi a la première requête du feigneur, »> a peine de tous dommages , fi ce n'eft qu'il y » eut danger évident de perdre les biens par » forfaiture. Par le huitieme, le roi défend » qu'aucuns  Parlemens de France. 145 » qu'aucuns fujets des feigneurs foient appelles » par fon ban, s'il n'y a raifon de crime pu» niffable de mort; auquel cas, fi le feigneur » demande ou reclame fon fujet, il lui doit *» être rendu, pour en faire juftice par 1'avis »> des jugeurs de la chatellenie. Par le neuvieme, » il eft ordonné que les frais d'un procés cri» minel, fait par les officiers du roi, ne pour« ront être pris fur les biens mouvans d'un » feigneur particulier, auquel appartient tout » droit d'en difpofer. Par le dix>eme, le roi » défend a fes officiers de faifir les biens dé» pendans d'aucun feigneur, fous nul prétexte ; » en cas qu'ils y euffent mis la main , or» donne qu'elle fera levée a la première re» quifuion du feigneur. Par le onzieme , le » roi déclare qu'en tout cas perfonnel, les » laïcs feront jufticiabies des feigneurs en la » juftice defquels ils feront réfidens, fors aux » cas fpirituels , 011 i!s feront jugés en cour » d'églife , & que ceux qui feront condamnés » en la cour de leurs feigneurs payeront dé» pens raifonnab!ement,fuivant lataxationde » ladite cour. » La derniere partie de eet article fe trouve omife en quelques-uns des .Duplicata. « Par le douzieme, le roi déclare n'en» tendre öter a la cour des feigneurs la con» noiffance des cas de faifine, fi nouvelleté n'y Tomé IV, K  146 Lettres sur les anciens » eft propofée. Par le treizieme , il ordonné » que fi nouvelleté eft propofée entre le fei» gnevir & le fujet, par moyen ou fans moyen , » la connoiffance en demeurera k la cour du » feigneur. Par le quatorzieme, le roi déclare » que fi un feigneur retient fon fujet prifon» nier, & veut néanmoins lui faire droit au » dire des jugeurs de la chatellenie, fes officiers »> ne pourront le délivrer, fi ce n'eft que le » prifonnier ne fut demandeur en cas de ré» créance que le feigneur ne lui voudroit faire, » a quoi le roi feroit obligé de pourvoir. Par » le quinzieme, le roi défend rétabliffement » des nouveaux fergens , autres que ceux de » coutume , & permet de conftituer prifonniers » ceux qui fe diront tels. Par le. feizieme, le » roi promet de délibérer avec les barons fur » le fait des monnoyes; & par le dix-feptieme, » le roi déclare que fes baillis & autres officiers » n'auront point de voix dans les jugemens, » mais les laifferont faire aux hommes de fief, » après les avoir affemblés & conjurés, & qu'ils » feront tenus de donner leurs lettres de ju» gement conformes h leurs avis. Par le dix>♦ huitieme, fur la demande des trois états que » le roi ne vende plus les offices de judicature , »> prévötés, ouautres , finon du moins que pour » trois ans feulement, après lefquels fera fait  Parlemens de France; 147? » information cle la conduite qu'ils auront tenue » pour les punir s'ils 1'ont deffervi : le roi » répond qu'il entend continuer ladite vente; w mais qu'au furpius il fera felon la requête des » états. Par le dix-neuvieme, fur la .demande ♦> des mêmes états, que maltote &fubventioa » foient fupprimées, & qu'il foit défendu k » ceux de Compiégne, qui encore les écueillentj » de plus le faire , même qu'il leur foit ordonné » de rendre ce qu'ils ont levé : le roi accordé » la fupprefïïon de celle que fon cher feigneur » & pere a lui-même mife k néant avant fa » mort, déclare qu'il mettrales maltotes cou- » rantes en fa ma'in pour les faire ceffer, & » envoyera des comrniffaires pour connoïtre » des griefs qui ont été faits, enfemble des » crimes commis par ceux qui les ont levées, » & qu'après avoir examiné comme S.-Louis » & fon prédéceffeur en ont ufé è 1'égard def- » dites maltotes, il en fera fait de même par » lui, & tout autre ufage mis a néant. Paf » le vingtieme, fur la demande qu'il foit permis » k chacun de plajder par procureur , fans » grace , & comme le droit le donne, le roi » promet fe faire informer de 1'ufage. Par le » vingt-unieme , fur la plainte que les prévóts » & fergens, marchant en campagne, fe font » payer trop grands dépens : le roi promet K 1  *48 Lettres sur les anciens » que fes comrniffaires y pourvoiront. Par le » vingt-deuxieme , le roi retient a lui & a fa » juftice la connoiffance des cas de nouvelleté; » .fauf celle qui, comme dit eft, appartient » aux feigneurs & celle des mariages&deffertes. » Par le vingt-troifieme, le roi déclare qu'en » cas d'impétration de lettres de fa part , il » entend qu'elies ne feront mifes a exécution qu'après que la caufe en fera connue par » les hommes a qui il appartiendra d'en juger. » Par le vingt-quatrieme, il défend de faire » aucuns ajournemens hors de la juftice de ré» fidence. Par le vingt-cinquieme, il accordé » le gage de bataille en cas de crime qui ne » pourra être prouvé par témoins. Enfin , par » le vingt-fixieme, il défend aux particuliers » d'ériger aucunes garennes nouvelles au préw judice des nobles. » Voüa ce que la Picardie obtint de Louis X, dit le Hutin. Les provinces du Languedoc obtinrent auffi leur chartre au mois d'avril de la même année, adreffée au fénéchal de Périgord, cor.tenant dix-fept articles. Le comte de Nevers e?, eut une autre pour fes terres, le 17 mai fuivant, pour la Normandie; 1'aöe fut dreffé au mois de juillet de la même année. C'eft ce'fui qui eft devenu fi fameux fous le nom de chartre aux Normands, par fat-  Parlemens de France. 149 tention lïnguHere cle toutes les ordonnances pcftérieures d'y déroger par claufe expreffe. Cette chartre commenee par un préambule fuccint, rnais véhément, touchant les excès commis fous le regne précédent, il expofe la, volonté du roi d'en procurer la réparation, a raifon de quoi il fait la préfente ordonnance pour fervir de loi perpétuelle. » Par le premier article, il renonce pour lui » & fes fucceffeurs a donner cours, dans » 1'étendue de la duché de Normandie, a au» cune; autre forte de monnoye que celle » de Tours & de Paris ; ce qu'il reconnoit » d'autant plus jufte, qu'il jouit du droit de mon» néage en cette province. Par le fecond, il *> s'engage de ne pas lever le droit de mon» néage qui lui eft, dit-il, accordé pour tenir *> lieu du profit qu'il pourroit faire en altérant » la monnoye hors des termes de la coutume. » Par le troifieme , il déclare que les nobles, » ou autres qui, a raifon de leurs terres. lui doiV vent fervice dans fes armées, tk a fes guerres, m doivent demeurer libres après le fervice ac«« » quitté, fi ce n'eft en des cas fi preffans qu'il >» fut néceffaire que tout le monde marchat au y> fecours de la patrie. Et quant a ceux qui *> ne doivent point de fervice, il déclare, pour |» lui oc fes fucceffeurs, qu'ils font libres, 6i K j,  150 Lettres sur les anciens »> ne peuvent être contraints a payer aucune >> fïnance, ni aller a l'année , fi ce n'eft dans » des cas extrêmes, comme il eft dit. Par le » quatrieme , il déclare que les fervices des » fiefs étant acquittés, il n'a aucun drcit de » rien prétendre davantage. Par le cinquieme, » il déclare que s'il prétend dans la fuite réven» diquer quelque poffeffion , ou quelque droit » qui foit en la main d'un autre, il n'ulera point » de violence pour Pen dépouiller, mais laif» ferale jugement librefuivant Pulage dupays, » hors le cas de fequeftre entre fes mains, » conformément a la même coutume. Par le » fixieme, il renonce pour lui & pour fes fuc» ceffeurs k rien prétendre fur les perfonnes » & fur les biens au-delk des rentes, eens 6c » farvices qui lui font dus, foit par tailles, fub» ventions, impofitions, exadtions, ou autres » manieres poffibles, fans évidente utilité, ou » fans urgente néceffité. Par le feptieme , il » défend qu'aucun de fes officiers puiffe louer »> & céder a un autre 1'exercice de fon office, » a peine de deftitution. Par le huitieme , il » ordonné que celui qui exigera quelque chofe, » fous prétexte de fes ordonnances, pour for» tifications, munitions, ou autrement, foit » puni rigoureufement, a moins qu'il n'en rap» porte lettres-patentes duement fcellées, lefr  Parlemens de France.' 151 » quelles il préfentera aux jufticiers des lieux, » lefquels feront la taxe néceflaire , fuivant » 1'appréciation de 1'ouvrage, a charge d'en » prendre perfonnellement. Par le neuvieme, » il défend de lever le droit de tiers, de danger » & de mort-bois. Par le dixieme, il veut cue » celui qui prétendra que fon bois foit planté » de main d'homme, & par conféquent exempt » de ce droit, en faffe établir la vérité fans » retardement, & qu'il en foit dreffé aéfe cer» tain pour 1'avenir. Par le onzieme, il ordonné » que s'il fe fait ouelques levées néceffaires » pour la réparation des ponts ou grands-che» mins, le compte en foit rendu fans fraude » ni retardement. Par le douzieme, il déclare » vouloir que les ponts & les chemins qui font » a 1'entrée de fon domaine foient mi-s en état » dü, a fes dépens. Par le treizieme, il or» donne, que perfonne ne foit troublé dans la » poffeffion du droit de varech & de groffes » gaives. Par le quatorzieme, il fe foumet lui » & fes fucceffeurs a envoyer tous les trois » ans des comrniffaires, non fufpedfs, & ca» pables, pour punir & corriger les excès de » fes officiers , fi aucuns fe font, ou autrement » faire information de leur conduite. Par le » quinzieme il défend Pufage de la gehenne » a 1'égard de tout bpmme libre, fous certaina K-4  152. Lettres sur les anciens » cas exceptés; & veut que quand les juges feroni » obligés de 1'ordonner , ils le faffent avec mo' » dération, telle que la mort ou la perte des » membres ne puiffes'enfuivre. Par lefeizieme > » il regie le falaire des avocats. Par le dix-fep- » tieme, il déclare que toutes les caufes feront « terminéespar la loi du pays, qu'elles nepour- » ront être évoquées au parlement de Paris; » & fait défenfe d'ajourner aucune perfonne de » Nonnandie en fon parlement. Par le dix- » huitieme, il ordonné que la prefcription qua- » dragénaire vaudra titre, fans que néanmoins » cela puiffe être tiré a conféquence clans les » queftions de patronage d'églifes. Par le dix- » neuvieme, il ordonné que les héritages de » fes débiteurs, qui lui feront adjugés pour » fon paiement, feront eftimés fur le pied du » produit des dix dernieres années, fans faire » tort a perfonne. Par le vingtieme, ïl permet >> le retrait des héritages qui lui auront été » adjugés felon Pufage de la coutume. Par le » vingt-unieme, il ordonné que perfonne ne » foit inquiété ni tiré des jurifdiéfions du pays, » pour raifon des échanges qu'il pourroit avoir »> faits avec fes prédéceffeurs. Par le vingt- » deuxieme , il défend de plaider contre une » obligation reconnue judiciairemtnt , fi le n débiteur n'en allegue le paiement ; auquel  Parlemens de France. 155' » cas , après la confignation des deniers, il » pourra être regu a la preuve du paiement par » lui allégué. Enfin , par le vingt-trcifieme , il » regie les clameurs de marcbé & de bourfe ». Outre le facrifice que fit Louis X d'Enguerrand de Marigny, Nicole Gilles nous apprend qu'il rendit une déclaration , par laquelle il reconnut, tant pour lui que pour fes fucceffeurs, qu'il ne fe pourroit a 1'avenir lever aucuns deniers dans le royaume, que du confentement des trois états , qui en feroient euxmêmes 1'emploi &C le recouvrement, pour éviter la diffipation & les concumons dont les exemples étoient fi récens. II y a des auteurs qui révoquent en doute la vérité de cette déclaration , paree qu'elle ne fe trouve point au tréfor , &c que la date n'en a pas été donnée: cependant il eft manifefle qu'elle a été le fonde. ment de 1'autorité que les états généraux ont prife depuis ce tems-la ; & de plus, elle efitellement relative aux autres chartres dont je viens de parler, qu'il femble qu'elles ne pouvoient avoir d'exécution fans celle-ci. Le tréfor des chartres nous fournit encore les moyens de connoïtre les véritab'.e intentions & la politicjue de Louis X;car 011 y a confervé les inftruöions qu'il donna dans le même tems aux commiflaires qui furent em-  154 Lettres sur les anciens voyés dans les provinces. II ne put parvenir a fe faire facrer avant le 15 aoüt de cette année 13 15 , neuf mois après la mort de fon pere. Or comme il paroiffoit avoir donné tont le tems précédent a la pacification du royaume-, il en voulut fignaler la fuite par une entreprife fur la Flandres: & a ce deffein, il fit dès le mois de juillet publier un ban général pour affembler 1'armée a Arras au 8 feptembre fuivant. L'hiftoire nous apprend qu'il n'y put rien exécuter d'utile ni de confidérable: mais par rapport a ce deffein, voici comme il fe conduifit. On remit aux comrniffaires trois fortes d'inftruciions pour régler leurs démarches, felon I3 convenance des tems & des lieux. II n'eft parlé dans aucune ni des enquêtes qui avoient été promifes , ni d'informations fur la conduite des officiers : tout s'y rapporte a la maniere dont ils devoient s'y prendre pour fe procurcr des reffources alors indifpenfables. Le moyen principal étoit de preffer enapparence la convocation du ban ; de faire des montres en chevaux & en armes ; d'obliger chaque centaine de feux k fournir fix bons foldats ou fergens , comme on les appelloit alors; pour la paie defquels il feroit donné a chacun douze deniers par jour, & trente fols pour fon armure, ce qui revenoit a la fomme de dix-huit livres pour  Parlemens de France. 155 le premier mois; Sc dans les lieüx oü le nombre des feux étoit moindre de cent , les cornmif-' faires devoient agir par proportion. On les chargeoit encore de contraindre tout propriétaire de 2000 livres en fonds , en meubles ou, marchandifes, d'aller en perfonne a la guerre , ou de payer les deux cinquiemes de fon revenu , Sc le centieme de la valeur de fes meubles. On vouloit qu'ils contraigniffent de même les prélats , chapitres , religieux, clercs, nobles , malades ou incommodés de fortune , les gentilsbommes, femmes veuves, Sc tout en général , a 1'exception des mineurs. Ils devoient faire entendre néanmoins aux affemblées des villes , que le roi étoit touché de la peine Sc du péril oü le peuple alloit être engagé ; qu'il aimeroit mieux , pour 1'amour d'eux, recevoir quelque finance pour payer d'autres gens , Sc par ce móyen on les devoit amener k trair.er. Ce que les comrniffaires étoient autorifés de faire, en obfervant de ne pas irriter les communautés. On les chargeoit encore d'avoir cles comrniffaires fecrets qui puffent les inftruire des facultés de chacun ; Sc en cas que l'on leur objecfat ce que les villes Sc les communautés avoient déjafinancé, même en des années oü la paix avoit été faite, ils devoient prornettre  156 Lettres sur les anciens que l'on cefferoit la ievée préfente dès que la paix feroit arrêtée. « Vous devez être diligens, difent ces inflruc» dons, de querir emprunt des grands-gens, » foit prélats ou bourgeois, felon que fcaurez » qu'ils le pourront faire, & leur faitesbonne » promefle d'être payés fans défaut; car li roi » vous donne pouvoir de ce faire, & par ce » feront quittes d'aller a 1'Ofl; & fe il y a auH cuns qui ne le veuillent faire , & vos fcachiez » qu'ils ne foient aifiez, ne les y contraigniez » mi droitement, mais contraignez-les a venir » a VOfl, ou a faire fi grande finance pour v 1'Ofl qui vaille le prefl, ou au peu prés ce v> que vous pourrez. Et ces in#ru#ions ne » montrerez a nulluy, mais les tendrez fecrets: y> & fous toutes les befoignes que vous avez a » faire foyez fi avifés , fi arrés, fi attrempés , » que les faffiez fans efclandre d'ou peuple; » car c'eft 1'intention d'ou roi & de fon confeil. » Item auffi contraindrez-vous les villes , les » -communautés & univerfités a faire montre » pour qu'ils foient plus prêts k faire finance ».  Parlemens de France. 157 s1xieme lettre. ft 'ér? tfbï Ym ^ iti&rhft ü'twb'tKtitt si ttroq Regnes des ■ trois tnfans de Philippe - le - Bel. Regnes de Philippe VI dit de Valais, 6' de Jean. Etats de ijió'y 'J'7j '322 > '32^ ^ - '349' ï R evenons a la matiere des états-généraux. Louis-le-Hutin ne voulant pas convoquer une aflémblée générale, s'avifa d'en faire tenir des 'provinciales , par bailliages & fénéchauffées , dans lefquelles il fit repréfenter par fes dïfférens comrniffaires 1'état facheux des affaires, fon defir de procurer une bonne réformation , & en même tems 1'impoffibilité d'y réuffir, files fujets ne lui vouloient aider par lcfecours de quelques finances. Ils propofoient feulement un prêt d'argent, & pour fureté du rembour- ' fement , ils offroient des délégations fur les revenus du domaine du roi. Mais il n'y eut qu'un très-petit nombre de ces comrriiffaires qui puffent réuffir a la fatisfacfion de la cour: encore fallut-il qu'ils fiffent le procés a quantité d'ofnciers du roi, accufés de malverfation : il y en eut plufieurs de pendus, au grand con-  .158 LliTTRES SUR LES ANCIENS tentement du peuple. Alors la cour, mécontente des communes, effaya de fe réconcilier avec la nobleffe, & a cette fin convoqua un parlement de barons & de prélats a Pontoife pour le mois d'avril fuivant, ou l'on ne fit néanmoins aucune autre expéditionque celle de recevoir la foumifiion du comte de Flandres» Le roi mourut le troifieme jour de juin fuivant, laiffant une fille unique de fon premier: mariage, & fa nouvelle époufe, la reine Clémence de Hongrie , enceinte, & par cpnféquent la' fuccelfion en une grande incertitude. II étoit furnommé Hutia des fon vivant: épithete par laquelle on avoit voulu marquer le déréglement & 1'obftination de fon caracf ere. Philippe, comte de Poitiers, fon frere puiné, prince férieux & beaucoup plus fenfé ,. étoit pour-lors a Lyon pour travailkr a Féledtion d'un pape, ce qui fit qu'il ne put fe rendre a . Paris qu'a Ia fin du même mois de juin, & qu'il y trouva une ligue formée contre lui par le comte de Valois fon oncle , qui prétendoit a la régence; par le comte de la Marche, fon propre frere ; par le duc de Bourgogne , Eudes IV, petit fils de S. Louis; par fa mere Agnès de France; par Je comte de S. Pol & par divers autres feigneurs , qui prenoient le prétexte de protéger la reine veuve, & s'étoiect déja faifis  Parlemens de France. '159 du palais & du louvre. D'autre part, Louis, comte d'Evreux, & le connétable Gaucher de Chatillon, comte de Poïllan, fe déclarerent en fa faveur, Fallerent recevoir a quelque difhnce de Paris, oü 1'ayant amené dans une efpece de triomphe, le peuple fe déclara pour lui ; de manlere que ce jour même les princes lui abandonnerent le palais ; duquel s'étant mis en poffeffion , il fit auffi-töt murer toutes les portes , de peur de furprife , k Pexception de celle de S. Michel , oü il établit une forte garde de bourgeois. Cc la fait, il commenca d'abord, comme un prince très-habile , a négocier pour féparer fes ennemis; & le premier qu'il détacha fut celui qu'il redoutoit davantage ;fcavoir Eudes, duc de Bourgogne , auquel il promitde marier fa fille aïnée , avec une dot de 1000001. en argent, & 20000 liv. de rentes en affifes de terres. La fievre quarte , oü la reine Clémence étoit tombée, faifoit préjuger que fon fruit, quand ce feroit un garcon, ne feroit pas de longue vie. Elle accoucha, en effet, le ^novembre d'un fils, qui ne vécut que peu de femaines; & d'abord qu'il fut mort, le régent, fans aucune délibération publique , prit le titre de roi de France & de Navarre. Les princes du parti contraire n'en furent que plus offenfés, & le  Tóo Lettres sur les anciens duc de Bourgogne lui-même, fur les infhnces de fa mere, rentra dans leurs fentimens, foutenant toujours que Ia couronne appartenoit k lapetite Jeanne, feule fille du dernier roi. Cependant Ie comte d'Evreux, le connétable & Philippe lui-même s'affurerent d'abord de la Ville de Paris , & avec le peu de troupes que le connétable put mettre fur pied , ils marcherent a Reims pour la cérémonie du facre. Le comte de Ia Marche y accompagna le roi fon frere ; mais s'en étant depuis repenti, il fortit de la ville, fans vouloir concourir è fon élévation. Cette réfolution bifarre obligea Philippe h des grandes précautions , pour prévenir les oppoiitions que Pon craignoit. Et enfin le roi fut facré le 9 janvier , date importante , puifqu'elle prouve que n'y ayant eu qu'un m:>is d'intervalle entre la mort du petit roi, & le courormement de fon fucceffeur , il ne s'eft tenu aucune affemblée peur décider a qui la couronne devoit appartenir. Le roi revint d'abord a Paris, & y fut recu avec une extreme joie des peuples, ce qui lui fit juger que pour profiter utilement de la difpofition de cette ville , il falloit a la hare indiquer une affemblée d'états pour 1'oflave de la Chandeleur , afin que le ferment de fideiité y étant folemnelle: ment jnêté , perfonne ne demeurat fondé a • contefter  Parlemens de France. i6z eontefier un droit reconnu par Ie plus grand nombre. Ce projet réuffit comme Philippe Pavoit efpéré : quelques feigneurs , qucjqües prélats & les députés de Paris, fous le nom d'états généraux, prêterent ferment de.foumiffion & de fïdélité entre les mains de Pierre d'Arrablay, chancelier , qui fut fait cardinal peu de mois après. L'affemblée s'étant féparée prefque auffitot , les princes qui virent qu'il n'y avoit plus moyen de faire perdre fon titre au roi, firent leurs accommodemens. Le duc de Bourgogne acheva fon mariage , & c'eft ainfi que Pex~ clufion des hïles & le droit des males a. la couronne , prirent une forme certaine, qui n'a plus ete conteftée qu'une feule fois par un roi d'Angleterre. Phiüppe Vcontinuaa donner les mêmes marqués de fuffifance & de bonne conduite dans 1'adminiftration du royaume : il forma un confeil fecret des plus grands feigneurs, & fon parlement des plus gens de bien qu'il connüt parmi les hommes de loi : il difpenfa les évêques de Paffiftance qu'ils y devoient auparavant , par fcrupule d'interrompre Seur réfidence. II fignala fa reconnoiffance pour la maifon d'Evreux , en lui accordant 1'honneur de la pairie d'une part, & lui procurant Ia couronne de Navarre de 1'autre , fuivant une ' Tornt IV. j_  irSi Lettres sur les anciens promeffe de 1'an 1317 , qui fe trouve -au tréfor des chartres, de maner fa niece, Jeanne.de France , a Philippe d'Evreux , fils du comte Louis. II entreprif d'enlev'er aux barons , .aux prélats , & a tous les poffeffeurs de grands fiefs, fe droit de battre monnoye , dont ils avoi-mt joui incontefhblement jufqu'alors. II prit fon prétexte fur le défordre public, de 1'altération des efpeces , en attribuant la faute aux feigneurs. Et fur ce fondement, il adreffa des commiffions a fes baillifs & autres officiers, pour faifir a-la-fois toutes les monnoyes pat> liculieres, avec ordre d'en envoyer les coins & les efpeces a la chambre des comptés de Paris , oii 1'eflai en feroit fait. La duché de Guyénne fut comprife , comme les autres , dans cette recherche , quoiqu'elle appartint au roi d'Angleterre ; & auffi tot après il publia uneordonnan'ée , pour défendre par provifion toute fabncatiön defpeces. Pendant qu'il paroiffoit entreprendre cette affaire avec tant de hauteur , il traitort fous main avec tous ceux qui auroientpu foutenir la querelle, pour les indemnifer. On trouve encore le traité qu'il fit ave c fon oncle le comte de Valois, pour acheter de lui le droit de monnoye dans les comtés d'Anjou & duMaine, pour le prix de joooo liv.  Parlemens de France; igj celui qu'il fit avec Louis de Clermont, fire de Bourbon , pour 1'indemnifer du pareil droit dans fa comté de Clermont, & dans 1'étendue de la feigneurie de Bourbon, moyennant 1500a liv. II avoit négocié avec Robert d'Artois „« pour le même droit dans le même comté de Beaumont-le-Roger ; mais le traité n'en fut arrcté que fous le regne fuivant , pour le prix de 6000 liv. II efperoit qu'ayant appaifé par ce moyen les plus intéreffés , il emporteroit aifément les autres par autorité. Mais, quand il vint a compter ce qu'il en couteroit néceffairement , il trouva fes finances abfolument infuffifantes ; ce qui 1'obligea a faire une impofition générale du cinquiéme des revenus , & du centiéme des meubles dans toute 1'étendue du royaume, fans exception de perfonne, pour en appliquer le produit au rachat du droit de monnéage , & k retirer les engagemens du domaine. Cette ordonnance ne parut pas plutöt , que tout le monde s'en émut. Sur 1'appel que les particu-' Iiers attaqués en interjetterent au jugement des états généraux , le roi fe détermina a les convoquer, par deux motifs : le premier, qu'il efpéra y faire connoïtre fi bien Ja juftice & 1'utilité de ce qu'il vouloit faire , qu'il n'y rencontreroit pas d'oppofition ; le fecond ; L x  iÓ4 Lettres sur les anciens qu'étant affuré des difpofitions de la ville de Paris , qui lui avoit toujours été affedfionnée , il pouvoit fe flatter que 1'avis de cette ville feroit fuivi par les députés des autres communautés. L'affemblée fe tint au mois de juillet 13 21, quoique ie P. Daniël fait paffee fous filence; mais elle ne répondit pas aux vues du roi. Le clergé , irrité des décimes que le pape Jean XXII lui avoit accordé de iever fur fes revenus , & qu'il avoit exigées d'autant rigoureufement, qu'il étoit obligé d'en rendre une partie au même pape , repréfenta qu'il étoit plus convenable de délibérer fur cette matiere dans des affemblées provinciales , ou cbacun peleroit tnieux 1'avantage propofé par le roi, & balanceroit auffi beaucoup mieux les inconvéniens du changement qu'il vouloit faire ; que c'étoit %es matieres fi importantes & fi graves , qu'il étoit auffi néceffaire d'en pouvoir parler avec liberté que de les examiner avec précaution ; '& que 1'un & 1'autre ne pouvoient fe faire •fi bien en la préfence du roi , que fur les lieux mêmes ; outre qu'il n'étoit pas jufte qu'un petit nombre de députés eut le droit d'engager toute la France. Cet avis plein d'artifice, prévalut fur toutes les mefures que le roi avoit -prifes; on renvoya la décifion après la tenue  Parlemens de France. 165 des affemblées provinclales, & tout ce que Philippe put obtenir , fut que les réfolutions lui feroient rapportées le lendemain de la St. André, lors prochaine. II ne refte aucun afle de cette affemblée; mais nous ne fommes pas moins inftruits de ce qui s'y paffa , par lerécit que le roi Philippe V. en a fait lui-même dans la commiffion qu'il donna a Aubert de Royé , clerc & confeiller aux enquêtes du parlement , pour aflïfter de fa part aux affemblées de la province de Sens ; laquelle fe trouve au tréfor des chartres, en date du dimanche avant la St. Michel, 1321. En voici le contenu, que je crois devoir rapporter pour faire connoïtre quelle étoit alors la maniere de procéder. » Philippe , par la grace de Dieu , roi de » France & de Navarre; a notre amé &i féal » clerc, Aubert de Royé , falut & dilecbon »• Ce prince fait un narré fur le défir qu'il avoit de paffer enTerre-Sainte, pour la délivrance du fépulchre de J. C. Puis venant aux moyens néceffaires pour en procurer 1'exécution , il ajoute : » Comme , pour le profit de nos fu» jets, a la réformation néceffaire de notre » royaume, nous pourvümes de faire ordon»> nance fur trois chofes. La première , que » pour öter les dommages & griefs qui font » venus des monnoyes , lefquelles plufieurs L 3  i66 Lettres sur les anciens » font battre en diverfes parties de notre » royaume , non pas fans fraude de due loi » & poids , une feule monnoye de bon & » royal poids fut faite par nous. L'autre, qu'en » notre royaume oü il y a diverfes mefures » & poids, en exception & léfion de plufieurs, » fut fait nouvel feul poids & mefure con»> venable , defquels le peuple usat dores-en» avant. Et le tiers, que comme, pardons & » autres titres, moult de chofes qui étoient » de notre patrimoine , de notre royaume , » ayant été aliénées & transférées a d'autres » perfonnes, icelles chofes fuffent ramenées » &c remifes, meant juftice, a notre domaine: » &C ainfi , fous une monnoye, un poids '6z » une mefure convenables , le peuple mar» chandat plus furement li la valeur ou prife »> des chofes: & étant en cette maniere , leurs »> facultés demeuraffent en état plus fur , &C » les chofes aliénées ,& rappel lees & remifes » a notre domaine , nous épargniffions plus » proufitablement nos fujets de moult de » chofes. Sur lefquelies chofes defTus dites , » Nous , voulantavoir délibération avec les » prélats & barons , communautés des villes » & autres certaines perfonnes a nous fujettes, » en demandant leur confeil ? & pour avoir » aide convenable , pour mettre a effet l$s  Parlemens de France,- i6j » chofes lefquelles font a commun profit, les » appeilames par devant nous audit mois de » juillet, & eux préfens , fïmes expofer par » ordre les devant dites chofes. Alors les pré» lats qui étoient préfens a cette aélibérationt » louerent notre dit propos , comme bon &£ » convenable; mals enfant que touchoit ladite » aide, ils vouloient avoir délibération avec » les autres préiats , les chapitres des églifes » & lescouvents, en leurs provinciaux con» feils & conciles,. lefquels ils feroient pour m ces chofes aftembler, & a nous répondre » fur ce preciitaument ^ ils accepterent jour » au lendemain de la S, André. Nousconfir» dérant être chofe convenable & expédiente , » qu'auxdits.concilesaffemblés, nousenvoyens » certaines bonnes perfonnes &C fages & » ayant fiance de votce fageffe &C léauté vous» mandons & commettons que alfiez & foyer » en perfonne au concile que notre amé tk. » féal archevêque de Sens fera douquel ? » quand, &oü il fera tenu r il fera métier que » le fachez par tems & fans clciai & aux » préiats & autres perfonnes qui feront audit » concile , expofiez murement & pourfuyez » fagement lefdites chofes ,. & les, irduificr. » a ce que ils faffent ff bien ,. que la charge» cle. la chofe & due: a laquelle les fujets doivent auffi » volonriers mettre leur? defirs , comme par » ce le commun général proufit eft procuré, » & leur dornmage grandement efckevé : tk. » montriez bien auxdits préiats, que fur ces » chofes ils fe ayent tellement , que ils ne » ötent pas ou appétiffent la bonne volonté ♦> des autres ; ains leur donnent exemple &C » chemain de faire ce que lefdites chofes re» quierent ; & lefdits préiats ne pourront pas » mettre par bonne raifon délai a notre at» rente, car nous nefaifonsnulles impofitions, » ne demandons rien par exaftion ; mais , » nous faifons inftance pour le proufit , du>» quel nous devons être miniftre & auteur : » & la néceffité de cette chofe & le proufit » font communs aux perfonnes, tant féculieres » comme des églifes; & des proufits qui s'en w fuivront uferont tous enfemble : & nous » cuidons & avons toute fiance que, fur ces » chofes, de nous & defdits préiats les volontés » & defirs doivent être toit un. Si nous » mandons , &c. Malgré ces précautions , Paffaire avangoit d'autant moins , que le roi étant tombé malade de fiévre quarte , ca'ufée peut-être par le chagrin, il y avoit fujets de craindre un changement prochain. Cependant, la maladie  Parlemens de France. 169 ne 1'accabloit pas jufqu'au point de négliger la conclufion qu'il s'étoit propofée ; de forte» que voyant" la longueur affeétée des réfolutions provinciales , il détermina le quatriéme janvier pour entendre celle de la ville de Paris, & des autres qui s'étoient unies avec elle , dont il étoit affuré. Mais la Providence , qui ne 1'avoit pas deftiné a voir la conclufion de cette affaire, ne permit pas qu'il put leur donner audience, & la diffenterie s'étant jointe a la fievre, il fut emporté le jour fuivant , laiffant la queftion indécife. Par fa mort, Charles , comte de la Marche, dernier des enfans de Philippe-le-Bel, parvint a la royauté , & en pnt folemnellement poffeffion a Reims , le 11 de février de cette année 1321 , fans aucune oppoficion de la part des filles du roi défunt. Je ne m'arrêterai a aucun détail du régne de Charles-le-bel , dont 1'adrniniftration n'a eu qu'un léger rapport a la matiere que je traite. 11 donna d'abord une déclaration , dans laquelle, après les promeffes ordinaires , il propofa la réduétion des monnoyes , des poids & des mefures , comme la fource effentielle de 1'état. Le Clairgé & la nobleffe lui repliquerent d'abord par la yoie de remontrance , & lui firent connoitre  170 Lettres sur les anciens que , fuivant 1'ancienne loi de la monarchie » il étoit le maïtre de lés domaines, & y pouvoit érablir les ufages qu'il croyoit les meilleurs ; mais que ce droit ne s'étendoit, point aux terres particulieres qui leur appartenoient, ou ils avoient leur propre jurifdiö tion indépendante de la fienne , hors le cas d'appel dans les affaires contentieufes : qu'après avoir examiné la matiere qu'il propofoit, ils avoient unanimement réfolu , fous le régne précédent , de ne recevoir aucun changement dans l'ordre de la police commune , 6c qu'ils étoient obligés de perfifter dans les mémes fentimens, par les mêmes confidérations qui les y avoient engagés. Le monarque prit occafion de cette réponfe pourremettre la chofe en nouvelle négociation : il permit a cette fin de nouvelles affemblées provinciales , defquelles on ignore le fuccès , paree que les penfées du prince fe porterent bientöta d'autres objets qui firent oublier ce premier deffein. Enfin , Charles mourut comme fon prédéceffeur , après avoir régné cinq ans, laiffantfa veuve, la reine Jeanne d'Evreux, groffe d'une fille , dont elle accoucha précifément au bout de deux mois. Ainfi 1'interrégne ne dura pas davantage : &i Philippe comte de Valois, èc  Parlemens de France. 171' coufin germain des derniers princes, paffa de la régence a la royauté , d'un confentement unanime de toute la nation. Les commencemens d'un regne tel que celui de Philippe VI, c'eft-a-dire inefpéré, & dü k la faveur des peuples, font ordinairement conduits par la joie & par la reconnoiflance, qui font des principes de libéralité & de grace. Celui - ci fut encore favorifé par des fuccès, puifque Philippe foumit les Flamands par une feule bataille : auffi voit • on qu'il s'appliqua d'abord a la réformation desabus , & particuliérement a ceux de la monnoie. Mais ce prince avoit d'ailleurs tant de qualités incompatibles avec le bonheur des fujets , qu'il ne faut pas s'étonner que Pon regaide aujourd'hui fon adminiftration comme Porigine & la caufe des malheurs de la France. II étoit violent & ernporté, il ne pardonnoit point; il étoit dépenfier , mauvais ménager, & toutefois fouverainement avide ; il étoit ingrat jufqu'a haïr mortellement ceux qui 1'avoient le mieux fervi; enfin il étoit mauvais capitaine , & peu heureux a la guerre. Mezeray nous a parlé de plufieurs affemblées tenues dans les premières années de fon regne , qu'il qualifie d'étafs généraux, avec trop peu cle vraifemblance pour le fuivre dans ce qu'il en a dit. Le procés de  172 Lettres sur les anciens Robert d'Artois , demandeur en requête d'oppofition contre les arrêts- qui avoient adjugé fa comté a Mahaut fa tante , fut, ce femble , 1'occafion de la première faute oü ce roi fe foit engagé : il parut qu'il n'étoit pas feulement content de lahTer agir la juftice , mais qu'il en vouloit difpofer pour perdre fon bc^au-frere, & fa fceur même , qu'il fit arrêter prifonniere. II en vint véritablement a bout, puifque,par un arrêt du mercredi avant Paques fleuries, de Pan 1331 & 1332, il fit débouter Robert de fa requête, 6c le fit condamner comme fauffaire 6c fabricateur de pieces, 6c fa complice prétendue a la peine du feu. Mais il n'en demeura pas a ce terme , car ayant fait arrêter fon confefleur, il fit tant, par menaces 6c par promeffes, même par le moyen d'une décifion des doéteurs de la faculté, qui portoit que le confefleur étoit obligé de révéler les péchés qui regardoient la perfonne du roi, que ce prêtre fit une dépofition , fur laquelle Robert auroit été arrêté s'il ne fe fut heureufement fauvé en Hainaut, puis en Brabant, 6c enfin en Angleterre , oü il détermina le roi Edouard a envahir la France , qu'il n'avoit point cefle de regarder comme un béritage. II y avoit plufieurs années que ce prince failoit des alliances & prenoit les mefures qu'il  Parlemens de France. 175' jugeoit convenables, avant que de s'engager k une fi forte entreprife : mais il fe déclara enfin par une procuration qu'il donna le 7 odobre au duc de Brabant, au marquis de Juillers, ol a Guillaume Rohan, cqmte de Northampton, pour requérir & prendre poffeffion , en fon nom , de la couronne de France ; &c par un acfe du même jour, U établit le même duc de Brabant fon lieutenaat général en France, avec ordre a tous les Francois de lui obéir. Ce fut la le fignal de la guerre, dont le détail ne me regarde pas. Le péril étoit fans doute affez confidérable pour engager Philippe a prendre des précautions.; mais comme il n'avoit fait aucune épargne dans fa profpérité, il fut obtigé dès le commencément de charger extraordinairement les peuples : ils contribuerent même d'abord avec joie , mais fe lafferent a la fin de ne voir commencer ni finir la guerre , pendant qu'ils en fouffroient toutes les incommodités. Les Normands , plus lents & plus circonfpeös que les autres, s'émurent les dc-rniers, mais le firent auffi avec plus de perfévéranee 61 d'effet: car les états de la province députerent vers le roi l'archevêque deRouen , les évêques de Bayeux & d'Avranches, le comte d'Eu, connétable; it oomte d'Harcourt ,& Guillaume Bertrand,  Ü74 Lettres sür les anciens maréchal de France; lefquels ayant fait connoïtre le danger d'une fouftraöion d'obéiffance, obtinrent enfin la confirmation de la charte de Louis Hutin , avec une déclaration expreffe , qu'il ne feroit jamais permis de rien impofer a la province fans le confentement des états. Ces difpofitions furent communes a tout le royaume. NicolasGilles & le Rofier de France, difent pofitivement qu'en ces années 1338 & U339, avant Paques, il fut arrêté & conclu pardevant les états de France , préfent le roi Philippe de Valois , que l'on ne pourroit impofer ni lever tailles en France fur le peuple , fi urgente néceffité ou évidente utilité le re<}uéroit, que de 1'ocfroi des gens des états. Mais fi 1'avidité de ce prince fut arrêtée par cette délibération uniforme & générale , il s'en dédommagea fur les monnoies, dont il étoit devenu le maïtre en la plus grande partie : car Pon voir. par le regiftre, que le mare d'argent monta de 57 fols 6 deniers, ou il étoit le 12 juin 1333, jufqu'a 13 livres 1 o fols , prix courant au 9 d'avril 1341 & 43 , excès bien audeffus de tout te qui avoit été pratiqué par Philippe-le-Bel. En cette année 1342, fut rendu le célebre arrêt de Conflans, touchant la fucceffion de Bretagne , qui Padjugea a Jeanne la Boiteufe, Sc a fon mari Charles de  Parlemens de France; 175' Elois, neveu du roi, contre Jean , comte de Montfort, frere puïné, mais vivant, du dernier duc Jeanlir. Ce fut encore 1'un de ces arrêts reproehés a la cour de France , paree qu'il étoit fans exemple que cette fouveraineté eut paffé aux filles , lorfqu'il y avoit eu des males plus prochains, habiles a fuccéder; mais par un principe tout contraire a ce qui avoit été décidé dans la caufe de Robert d'Artois, le roi s'entêta de faire valoir la repréfentation , en faveur de la femme de fon neveu : & paria procura a la France une nouvelle guerre, auffi cruelle que celle des Anglois. L'année fuivante , Philippe , par 1'un de fes emportemens ou fureurs d'autorité , ou il s'abandonnoit fans ménagement , fit arrêter, au milieu de la treve, quatorze feigneurs de Bretagne & de Normandie ,foupconnés d'être dans le parti du comte de Montfort ; lefquels s'étoient rendus a Paris pour honorer le mariage du duc d'Orléans , fecond fils du roi, par un tournoi célebre', fur 1'invitation qu'il leur en avoit faite lui - même : & il leur fit couper la tête fans formalité de procés , ni en donner aucune raifon. De ce nombre furent Olivier de Cliffon , pere de celui qui a été depuis connétable , les fires de Maleflroit & fon fils d'Avaugourt, de la Roche, Reflbn, Henri de  ij6 Lettres sur les anciens Perfy, Guillaume Baron, & quelques autres des meilleures maifons , & des plus braves de ces provinces. II ne s'étoit encore rien fait de fi atroce depuis le commencement de la monarchie : le fang de la nobleffe n'avoit jamais été répandu que pour le fervice de 1'état, fi quelque honteufe trahifon , ou quelque crime avéré n'avoit étejnt ,§£ anéanti le droit naturel du coupable : ici la jGeule inquiétude du prince ota latvie. a quatorze feigneurs k la fois, au milieu de la joie d'un tournoi , & malgré la füreté que les ennemis même y devoient trouver. Ce qui parut fi odieux aux étrangers , que le roi d'Angleterre fit déclarer par un de fes hérauts que déformais il ne voulcit avoir ni paix ni treve avec un ennemi de fi mauvaife foi. Cependant le roi ayant affemblé les états a la fin de ï'hiyer 1343, il lui fut accordé , d'un confentement général, un droit qui feroit levé fur la vente des boiffons, & fur la confommation du fel , pendant la durce de la guerre feulement. Ce fut i'invention d'un juif, qui a eu de longues fuites, & ce font les premiers états qui aient accordé la levée d'un droit fixe, fans pourvoir a 1'empioi. Le roi d'Angleterre dtfcendit a la Hogue en Normandie, au mois de juin 1346, il gagna peu après la bataille de Cacn , oü le connétable  Parlemens de Francë. ïjf ïable fut pris prifonnier: dela il porta le fer & le feu fous les muraiiles de Paris; puis ayant paffe en Picardie , il gagna la célebre bataille de Crecy , contre le roi de France en perfonne, le 2.6 Aoüt de la même année : il prit enfuite Calais, & la peffe qui furvint en France en acheva la défolation. En l'année 1349, les chofes fe trouverent en telle extrémité, que lés impöts d'aydes, de gabelles, & les revenus du domaine ne produifoient que la moindre partie de 1'argent néceffaire au foutien de 1'état* Le roi s'en prit a ceux qui, comblés peu auparavant de fa faveur & de fa confiance, avoient jufques-la gouverné fes finances : il fit arrêtee, Pierre des Effarts fon tréforier, & le condamna a 100000 florins d'amende, qu'il modéra enfuite è la moitié : puis attaquant les Lombards qui avoient pris fes domaines a ferme, ou qui étoient chargés du recouvrement des droits nouveaux, accordés par les états, il confifqua, k fon profit, les fommes qu'ils avoient avancées,' montant a 400000 livres, & remit atix débiteurs celles qu'ils prétendoient fur eux, qui montoient k deux millions : & par ce moyen il rentra tout de nouveau en jouiffance de fes do= jnaines, & des droits d'aydes & gabelles accor-, dés par les états. ii eft néceffaire de remarquer è-ce fujet, que quand les états accorderent 1'imTome iy% j^j  178 Lettres sur ies anciens pofition des aydes & des gabelles, ils prétendirent non - feulement faire un fond fuffifant pour la guerre, mais encore donner moyen de rétablir les monnoyes, qu'on avoit affoiblies au-dela de toute proportion, puifque, comme je 1'ai dit, le mare d'argent étoit monté a 13 livres 10 fols. Philippe promit en effét leur rétabliffement, & le fit en partie, par 1'ordonnance du 13 oöobre 1343 , qui réduifit le mare d'argent a 3 livres 4 fols; mais dés l'année fui* vante il le fit remonter a 6 livres 15 fols, enfuite a 7 livres 10 fols, regnrdant toujours eet affoibliffement de la monnoye comme un droit royal, par lequel, fans confentement ni intervention de perfonne, il étoit le maitre de tirer une taille arbitraire de fes fujets. Et voici comme il s'expiiene dans une ordonnance du 16 Janvier 1346. « Nous ne pouvons croire ni préfumer, » qu'aucun pxiiffe ou doive faire doute, que » a nous 6c a notre majefté royale ne appar» tiennent, feulement & pour le tout, en notre »> royaume, teut le métier, le fait, la provi» fion, 1'état, & tous e 1'ordonnance de monnoye, » & faire monnoyer telles monnoyes, & donner » tel cours , pour tel prix, comme il nous plaït » & bon nous femble, pour le bien & profit » de nous, de notredit royaume, & de nos » fujets. » Remarquez la force & les termes  Parlemens de Francë. i7tj de cette déclaration, & la circönftance du tems cu elle a été dönnée, Car C'étoit quatre mois après la.bataille dé Crecy. Cependant lê mal eft qu'il ne fe contenta pas de le dire , mais qu'il. agit en conféquence, avec urte mauvaife for, auffi indigne de fon rang & de fa naiffance, qué contraire a la pröbité la plus commune. Philippe de Valois mourut le 22 Aóüt 1350, &C fit place k jean, duc de Normandie, fon filss qüi fut couronné a Reims, le 26 feptembre fuivant.1 La prémière fcène de Cé nöuveaü règne fut la mort tragique du comte d'Eu, connétable de France, la fleur de la chevalërie de ce tems-la9 que le roi fit enlever & décapiter en fa pré* fence, pendant la nuit du vingtieme novembre fuivant, fans formallté de juftice. Sa mort fut fuivie du partage de fa dépouille entre les faVoris du roi; il donna 1'épée de Connétable è Charles d'Efpagne avec la cömté d'AngouIêmé qu'il öta au roi de Navarre de fa pleine autorité , quoiqu'elie lui eut été donnée par Ie roi fon pere en dédommagement de la Champagne... En 13 5 2 , Charles, roi de Navarre, fe rendit a la cour pour époufer une des filles du röi j c'étoit un prince bien fait, éloquent &fpirituel j qtieje roi auroit pü s'attacber par fes bienfaits, M %  'sSo Lettres sur les anciens puifqu'il en vouloit bien faire fon gendre : cependant il choifit plutót le parti de s'en faire un ennemi, en lui refufant toute forte de juflice. L'< n icaiï que pour dédommager Phi.ippe d'Evreux . roi de Navarre , des comtes de Champagne & de Brie qui paroiffoient lui devoir appartenir du chef de fa femme, on lui avoit cédé !es comtés d'Angoulême, de Mortaïn & de Longueville : &C nous avons vu que le roi J.an enleva la première a Charles fon fucceffeur, pour la donner a Charles d'Efpagne fon parent & fon favori, qu'il avoit fait connétable. Le roi de Navarre employa toute forte de moyens & d'inftances pour en obtenir la reftitution, inutilement toutefois, de facon qu'il fut oblige de fe retirer mécontent de la cour, prefqu'auffitót après fon mariage. Sa retraite fut en fa ville d'Evreux , & le connétable d'Efpagne fit fa demeure au chateau de 1'Aigle qui en eft peu éloigné. Ce voifinage ne fervit qu'a fomenter le defir de la vengeance, & a procurer 1'occafion de 1'exccuter. Le roi de Navarre furprit le chateau de 1'Aigle en une nuit, & y fit maffacrer le connétable : c'étoit un crime è !a vérité, mais tel q ie Philippe ne pouvoit nier d'y avoir donné lieu ; & ce fut apparemment cttte raifon qui le rendit plus facile fur  Parlemens de France. l^ccornrnodernent : car outre la grace qui fut accordée au roi de Navarre, on 1'affura d'undédommagement réel pour fes prétentions. Toutefois la plaie qui s'étoit faite en cette occafion ne fe ferma jamais depuis; les deux princes étant également incapables de réconciliation, le roi de France plein d'emportement & de violence, outre la jalouüe de fon autorité; Sc le roi de Navarre plein de reffentiment, joint a la perfuafion qu'on ne lui feroit jamais juftice de plein gré. Le royaume demeura agité de ces divifions inteflines jufqu'a la fin de l'année' 13 ^ 5 ' la trève ou fufpenfion d'armes avec les Anglois, étant prête de finir, il fidiut fonger efficacement aux préparatifs de la guerre. Jamais les monnoyes n'avoient été fi maltraitées qu'ellesle furent pendant ce regne : le mare d'argent étoit monté a quatorze livres douze fols ,1e i% février 135-1, & le 17 du fuivant il fut réduit a cinq livres fix fols : il remonta peu après; Sc le 2 aoüt 1353, 51 ^ trouvoit a treize livres quinze fols; le 7 feptembre 1354, il étoit a douze livres, & le 29, novembre de la même année il fut réduit a quatre livres quatre fols * mais il hauffa tout d'un coup jufques a dis:-huk livres, qui eft la plus haute valeur de ia matiere , Sc le plus grand affoiblement de la.moafleye qui fe fut vu dans le royaume.. M $  i8i Lettres sur les anciens On faifoit fabriquer des monnoyes d'une loi différente de la publication. Voici comme on s'en expliquoit dans uneordonnance du Z4mai 135O & 13 51 , adreffée aux officiers de la monnoye de Paris. » Sur le ferment que vous avez fait au ». rói, tenez cette chofe fecrete le mieux que »» vous pourrez; le maitre, celui ou ceux qui font » établis de par lui a alloyer , les fmdeurs , » tailleurs & effayeurs de ladite monnoye , »> que par vous, ne aucuns d'eux, les changeurs, » ne autres, en puiffent fcavoir ne fentir atv » cune chofe. » Et par une autre ordonnanc? du mois de feptembre 1 35 1 , il dit: « Si vous m avez des royaux pour un jour, fi les faites » ouvrer & monnoyer és, coins des fers précé>» dens, afin que les marchands ne puiffent ap»> percevoir rabaiffement, toutes fois dites-leur >> bien qu'ils auront foixante-deux defdits écus, »> au mare; gardez fi cher, comme vous avez » vos honneurs, qu'ils ne fcachent falloy par >>. vous, a peine d'étre déclarés pour traitres: v car fi par vous eft feu, en ferez punis pa? » telle maniere que tous autres y auront, *> exemple. » Les chofes étant en cette extrêmité, & l'enT nemi prêt k pénétrer dansle ccèur du royaume , il fallut avoir recours a faffemblée des états-? généraux, qui furent convoqués pour le i^Nq-i  Parlemens de France. t$f vembre 1355, k Paris, afin de délibérer füPlas meilleurs moyens, non-feulement de rétablir le gouvernement, mais de repouffer un:. ennemi d'autant plus formidable, qn'ifavoit des intelligences très-intimes avec les feigneurs mécoptens des ufurpations & des violences con-* tinuelles du prince. Or, voici les premiers éïars de la délibératïon defquelsnous puiffions parler avec certitude, puiique 1'ordonnance qui fut rendue en ednféquenee fe trouve encore dans la bibhothèque du roi; quoique le journal des etats même ne fe rencontre plus, ayant été" tranfporté en Angleterre, 6ü 1'ön ma affuré qu'il fe voit en original dans la célèbre biblio? thèque du cheyalier Cotton. M.4-  1,84 Lettres sur les anciens SEPTIEME LETTRE. Regne du roi Jean. Etats de & i^SS ^ avec Ücxttait des ordonnances qui ont étt. faites, Autres états de '3^7, 'J-5* d'Athenes Gauthier de Brienne , & les bonnes » villes , par la bouche d'Etienne Marcel, lors *» prévót des marchands a Paris, qu'ils étoient e tous appareillés de vivre & de mourir avec i> leur roi, & de mettre corps & avoir k fort w fervice, 8c de parler enfemble a eet effet; » mais ils déclarerent en même tems qu'ils » avoient divers griefs généraux & particu > » liers, fur lefquels ils demandoient provifion , » pour 1'avantage du roi £k de tout le royaume. » Ainfi par la volonté & permiffion du roi on » commenca k délibérer: i°. Sur le nombre des » troupes convenables pourréfifter a 1'invafion » des Anglois, qui fut réglé a 30000 hommes » d'armes : » Armee prodigieufe, fi l'on fuppofe que chacun avoit deux archers a cheval , outre les couteliers & les pages ; puifqn'eUe montoit k 90000 hommes de cavalerie, fans compter 1'infanterie, compofée des communes du royaume, qui devoie;it marcher de toutes les villes a portee de la guerre . 20. Sur les fommes néceffaires pour payer une fi. grande armée, qui furent réglées fuivant 1'eftimation de dépenfe qu'en firent le roi tk fon confeil. 30. Sur-  Parlemens de France. 187 lesmoyens cle lever cette fommele plusprornptement qu'il fe pourroit, & le plus également fur tous les membres contribuables; & dans cette vue l'on choïfit le rétabliffement de la gabelle , & le droit de huk deniers pour livre de toutes les ventes, denrées , boiffons, nourriritures & marchandifes, pendant le cours de l'année : a 1'effet de quoi il feroit permis de choifir des perfonnes convenables pour en faire le recouvrement; mais paree que ceux qui avoient régi précédemment les mêmes impöts fous le régne de Philippe de Valois, avoient caché avec beaueoup de précaution le produit de leur recette , le roi infifta forfement fur Finfuffifance de ce fonds précédent, & ajouta qu'il n'y avoit de moyen certain d'affurer le payement de 1'armèe, que parl'impofition d'une .capitation générale, qui étoit une voie plus naturelle &c moins embarraffée que de lever Cette fomme que les états vouioient accorder ; mais les états perfuadés que Pégalité dela contribution étoit plus parfaite par le moyen qu'ils avoient choifi, s'attacherent a le foutenir; & pour vérifier la fuffifarice ou PinfiifHfance du fonds , crurent qu'il n'y avoit qu'a fe raffembler au premier de mars fuivant, auquel jour ils s'ajournerent par la permiffion du roi , proïn.ettant de fuppléer alors fout ce que défaudroit  ïS8 Lettres sur les anciens' de lafomme qu'ils avoient intention de donner^ Cependant ce n'étoit la que la moindre partie decequefepropofoient les états; car il s'agiffoit au fond de la réparation des griefs de tous les ordres, & d'engager le roi a rérbrmer les abus du gouvernement. Ily aaufii bien de Papparence que le roi de Navarre , qui avoit beaucoup de crédit parmi le peuple , & par conféquent beaucoup d'autorité fiir les dépuiés, les portoit par fes vues parncuüeres a follicirer & a demander Pétabhffement d'une régie, fans laquelle on voyoit affez que tous les fecours qu'ils donneroient feroient inutiles. D'un cöté, ilrendoit le roi plus odieux par ce moyen , en détruifant la confidnce que les fujets auroient pü prendre en lui, &i de 1'autre il faifoit voir qu'il préferoit 1'intérêt de 1'eiat a celui de fa propre familie, & a toutes les iiaifons de la proxanité. On ne fcauroit bien dire quel perfonnage il faifoit en même tems aupres du roi; mais fi du Tdlet elf crovable fur les intrigues de ce tems-la , on pourroit d:re qu'il le portoit a reluler 1'offre des états , plutöt que de s'engager a rien changer dans le gouvernement. Cependant il eft certain que les véritables ferviteurs de ce prince lui firent connoïtre qu'il y avoit une entiere juftice a fatisfaire les états, du moins dans une partie de ce qu'ils deman-  Parlemens de France.' 1891 doient; outre que c'étoit une chofe impoffible de foutenir de guerre lui feul : mais comme la violence & 1'inconfidération étoient fes paf-, fions dominantes, il fut long-tems a fe déterminer en faveur de la réfolution des états, furtout quand il vit qu'ils étoient obftinés & aheurtés a ne lui point laiffer le maniment des deniers de la nouvelle impofition, &L a en faire e.uxmêmes la recette & 1'emploi; car voici le nceud de cette affaire. La monnoye étoit tellement affoiblie , que la valeur du mare d'argent montoita dix-huit livres, au lieu de cinq livres cinq fols qu'il valoit feulement danslecommencement de fon régne , & la première chofe que les états demanderent fut la réduöion de la monnoye a fon véritable prix; offrant 50000 livres qu'ils accorderent en pefanteur effeöive , au prix de , cinq livres cinq fols le mare, ce qui faifoit S750 marcs d'argent pur , pour la valeur de 5 0000 livres; mais file prince les eut pü toucher 6 les convertir en efpeces de la fabrique ordinaire, par le moyen de laquelle il leur auroit donné cours a raifon de dix-huit livres le mare, ilen auroit fait prés de 160000 livres.; ce projet ne réuffit pas, 6c ce fut alors que fut dreffée la célébre ordonnance dont nous allons donner 1'extrait. fi Par le premier article, le roi ayant expofé  190 Lettres sur les ancïens » qu'il a cönvoqué les bonnes gens de fori » royaume de la Languedoil & du pays cou» tumier de tous les trois états , pour avoir » avis, confeil Sc délibération fur !a maniere » deréfifter aux ennemisduröyaume, témoigne » qu'il aété conclu qu'il devoit fairerudeguerre » a fes adverfaires par mer & par terre , felon » l'ordre des capitaines qui feront choifis pout1 » la conduire, & que pour payer les frais Sc » dépens de cette guerre , il feroit impofé une » gabelle fur le fel dans toute 1'étendue du *> pays coutumier, Si. pareillement un droit » de huit deniers pour livre fur toutes chofes » qui feront vendues audit pays, exCepté vente » d'héritage, lequel droit fera payé par le ven» deur, fans exception de perfonne , foit clercs j » nobles, gens d'égüfe, hofpitaliers nobles SC » non nobles, monnoyers ou autres : veut le » roi, pour donner bon exemple, que ni lui, » ni la reine fa femme , fes enfans, ni ceuX » de fon lignage en foient ëxempts; promet » faire office pour induire ou eontraindre, par » toutes les voyes qui feront confeillées pal1 » les trois états, ceiix qui ne voudroient fa» tisfaire a ladite impoftion, & oii le roi ne » pourroit faire confentir a icelle tous fes diffé» rens pays, il feroit apparoir les diligences » qu'ii auroit faitespoür ledit payement. Cette  Parlemens de France. 19Ï » mêmeimpolitioncefferadansieprochainmois » de mars, & ferapourvu d'autremaniere par » les trois états au paiement des troupes, fans que » la voix de deux des trois états puiffe engager » le troifieme , & s'il étoit que l'on eut levé » quelques fommes, en coïiféquence de la pré» fente ordonnance, avant le premier jour de m mars, en cas de changement d'imoofition, » lefdites fommes feroient appiiquées au profit » des lieux ou elles auroient été le vées. Veut >> au furplus le roi que pour le recouvrement » dudit impöt, foient étabiis des receveurs au » choix des états , qui feront tenus de fe con» duire fuivant les inftrucllons qui par eux leur » feront données. Par le fecond article, il eft » ordonné que da ;s chaque bailliage ou fér.-i» chauffée il fera établi par les états neuf per» fonnes loyales, bonnes, honnêtes, trois de » chacun orure, qui feront généraux furïa^ » tendans de toute affaire de ladite impcfuion v » fans être néanmoins tenus d'en rendre aucun » compte, paree qu'ils commettront d'autres » perfonnes bonnes & folvables pour faire la » recette,lefquelsfcronttenusdu même compte. 11 Par le troifieme, eft attribué aux receveurs » généraux & particuliers le droit de con» traindre toutes fortes de perfonnes exemptes, f> ou non .exemptes, par toutes voyes que bon  tol Lettres sur les anciens » leur femblera , & en cas de défobéiffance, leS » mêmes receveurs les feront ajourner devant » les furintendans des états, dont les jugemens w feront exécutés fans appel , comme arrêts da w parlement; les clercs demeurant jufliciables » des clercs, les nobles des nobles , chacun en » droit foi, par 1'avis tk confeil des autres » furintendans, quoique d'ordre différent. Par » lequatrieme eft ordonné que les furintendans » prêteront ferment aux états, & les commis » ou receveurs aux furintendans, de fe comh porter duement en 1'exercice de leurs foncw tions. Par le cinquieme, il eft ordonné que » tout le produit defdites aides, foit en fonds, » foit en amendes jugées contre ceux qui y » contreviendront, fera applicable au fait de » la guerre, fans pouvoir être diverti pour « quelque caufe ou raifon que ce puiffe être, »> ni par le roi, ni par la reine, ni par leurs » enfans ou autres de leur lignage, ni par leurs » officiers; & oii quelques particuliers obtien» droient par furprife ou importunité lettres du » roi au contraire, même fous le prétexte de » fimple emprunt, veut qu'on n'y ait aucun » égard;ordonnant que les furintendans commis » par les états ayent droit de fe faire affifier » des communes & gens des bonnes villes oii » ils feroient menacés de violence. Ne permet » néanmoins  Parlemens de France. 195 h néanmoins que ces furintendants puiffent rien » ordonner ni requérir que d'avis unanime, » & oü ils ne feroient d'accord, veut qu'ils y » foient mis par la juftice fouveraine du par» lement. Par le fixieme, il eft ordonné quö » les états fe raffernbleront au premier jour de » mars, lors prochain, pour voir & ouir le » compte defdites aides, & le produit d'icelles," » en préfence de-s gens du confeil du roi, & » fi les aides du préfent fubfide ne fe trouvoient » fuffifantes, ils feroient autorifés d'augmenter » la gabelle & aide, ainfi que néceflité le re» querra, ou pourvoir d'autre maniere au paye» ment des troupes; fans néanmoins que la voix » des deux ordres puiffe lier ou engager le troi» fieme, fi ce n'eft de fon confentement. Par, » le feptieme, il eft expliqué que Fimpofitiorr » defdites aides doit durer un an, ayant été, m ainfi accordé par les trois états : de forte que » fi la guerre n'étoit terminée dans l'année, » lefdits mêmes trois états demeurent convoh quésponr la S. André lors avenante, a Paris; » pour avifer aux befognes qui lors coureront, w & accorder aides nouvelles après avoir vtt » & examinél'emploi des précédentes; de facon » néanmoins que fi les trois ordres n'étoient »> tous d'accord, la chofe demeureroït fans ♦> détermination, & continueroient les pré; Tome ly» N  194 Lettres sur les anciens » fentes aides en la maniere qu'elles font établiesy »> & oü la guerre feroit finie, lefdites aides » cefferoient fans retardement, & 1'argent qui » en refteroit feroit employé au profit des lieux » oü il auroit été levé. » Par les articles fuivans, qui contiennent les engagemens oü le roi veut bien entrer de fa part, il promet, touché qu'il eft de la clameur du peuple & de la grande oppreflion qu'il a foufferte, i°. « de faire bonne & forte monnoie » d'ordre de 5 z fols au mare, qui aura cours w pour 10 fols parifis; n'ofant 1'enfoncer davan» tage, de peur de caufer trop grande perte aux » bonnes gens. Promet en outre faire monnoie » d'argent, te 11e qu'il ne prendra que 6 livres » de profit fur le mare d'argent, & oü il arri» veroit que les trois états, qui fe raffemble» ront a la faint André lors prochaine, trouvew roient, foit a caufe de la fin de la guerre, ou i> pour autre raifon, que la monnoie feroit » encore trop foible, promet de réduire le » denier d'or de 5 2 au mare au prix de 13 fols » 4 deniers, &c la monnoie d'argent a propor» tïon, en forte que le mare d'or en vaille préft cifément onze d'argent. Et a Pégard de la ft monnoie noire, il ordonné, en faveur des » pauvres, qu'il foit employé un jour de la » femaine a la fabrique des mailles & des de-  Parlemens de France.' 195 Si nïers. Veut qu'au tems que la forte monnoie » commencera a courir , il refte pardevers les » archevêques,évêques,chapitres cathédraux, » nobles les plus notables, & chaque cité, un » étalon pour la vérifïcaticn du poids, titre & » alloi, afin qu'on ne puiffe a 1'avenir faire » aucun changement a la monnoie; a quoi il » renonce tant pour lui que pour fes fuccef» feurs. 20. II promet que pour le gouverne» ment des monnoies il choifira bonnes per» fonnes, loyales & folvables , qui feront » tenues de lui prêter ferment en préfence des » furintendans élus par les états. 30. II promet » & s'engage a préter ferment, & a le faire » prêter par fon fils le duc de Normandie, par » fes autres enfans, par les feigneurs de fon » lignage, par le chancelier, les gens du con» feil, maïtres de requêtes, officiers du parle» ment, tréforiers, maïtres, gardes & officiers » des monnoies, d'exécuter a jamais le pré. » fent réglement : oii il arriveroit que quel» qu'un d'eux osat confeiller le contraire, il » fera a 1'inftant deftitué de fonofHce, & tenu; « pour 1'avenir, incapable d'en exercer un » autre. 40. II promet öter tous les coupeurs & » rogneurs des monnoies étrangeres, fe réfer» -vant néanmoins a éteindre le cours qu'elles » ont dans le royaume, & renouvellant la dé- N 2  Lettres sur les anciens » fenfe du tranfpqrt des efpeces & du billon. » 50. Promet faire ceffer è 1'avenir toutes prifes » de vins, vivres, viétuailles, charrettes Sc » autres, par fes officiers, de quelque condi» tion qu'ils foient, par fes enfans, & ceux » de fon lighage , ne fe réfervant pour fa per» fonne que le droit de prendre tables & tre» teaux , coutes & couffins, féves battues pour » le fervice de fon hotel, & les voitures nécef» faires,en les payant le jour même, ou le » lendemain au plus tard, a faute de quoi les »> preneurs feront jufticiables du prévöt de » Photel, ou du juge des lieux oii la capture » aura éié faite, 6°. Attendu que lefdites prifes » font ordinaires dans le royaume, & que Pon » ne fc/n.roit trop en déraciner la coutume,il » autorife toutes perfonnes a y réfffter; permet: » d'appeller aide de fes voifins,& des com» munes des villes les plus prochaines: ordonné! >» que ceux qui le voudront faire feront pour» fuivis, faifis & punis comme rödeurs, lar» rons & raviffeurs; que nuls juges ne puiffent »> les élargir, ni diminuer l'amende de la valeua w du quacr.iple ; maïs qu'ils foient condamnés: » a toute rigueur , fans confidération & privi»> lege d'exemption , ni d'attribution de juf» tice; autorifant tous juges a leur faire leur; s> procés: & fera tenu le procureur général du,  Parlemens de France. 197 » roi, de jurer qu'a défaut de parties i! pour» finvra les délinquans en fon nom a toute » rigueur. 70. II veut que Fexécution de eet » article foit jurée paria reine, par le duc de » Normandie , fon fils aïné par fes autres en» fans, par les feigneurs de fon lignage & par » fes officiers; 6c que la publication en loit » faite tout auffi iouvent que les bon. es gens le » requerront, en tous les bailliages & féné» chauffées du royaume. 8°.. 11 défend que nul » créancier puiffe faire ceffion & tranfport de » fa dette a plus puiffant que lui, aux officiers » du roi , ou des feigneurs, ou a des perfonnes »» privilégiées: ordonné que les cédans per» » dront leur dette & feront condamnés a une » amende arbitraire. 90. ïl ordonné la prefcrip» tion de toutes les dettes des Lombards, ( c'eft-* » a-dire des traitans*) après le terme de dix ans 1 » leur défend de faire ajourner aucun.de leurs » débiteurs hors de leurs iuflices ordinaires » 6c en cas du contraire , permet gux derniers » de ne pas comparoilre fur les ajournemens » qui leur feroient donnés.. 1 o°. 11 ordonné que » toute la jurifdi&ion foit déformais.laiffée aux: » juges ordinaires , fans qu'il' foit permis Èfe » 1'avenir d'affigner aucun pardevant fes snaï» tres d'hötel,, ou leurs lïeutenans, les conné-» tables, maréchaux, amiraux Sc maïtres des. N 3  198 Lettres sur les anciens » eaux & forêts: confervant néanmoins la jurif» diflion des maitres des requêtes fur les offi» ciersdefa maifon, en caufe perfonnelle, en y défendant & non en demandant ; celle du » connétable fur les fergens d'armes en défen» dant; celle des maréchaux de France, ou de » leurs lieutenans a la guerre, &c celle des mai» tres des eaux & forêts pour les cas de leur » reffort feulement. n°. II défend aux maïtres >> des eaux & forêts de s'ingérer de connoïtre »> des matieres de chaffe,de pêche, ou autres » délits dans les juftices des feigneurs, & per» met, en cas de contravention, de leur refufer » obéiffance. nc. H défend 1'extenfion des » garennes anciennes a tous ducs, comtes, » barons & autres nobles, & permet de dé» truire toutes celles qui ont été établies depuis w le regne de fon pere & le fien. 130. II retran» che les falaires des fergens qui auroient fait » plufieurs exécutiohs en un jour a la taxe » d'une journée, & les condamné par corps a la » reflitution de ce qu'ils auroient exigé de plus» 140. II défend de commetrre aux fergente» ries, hors celles qui font fieffées en héritages, » a peine de perte d'ofHce. 150. Comme le roi » avoit ci-devant fait une chartre de réglement »> pour les laboureurs, par laquelle ils font con» damnés a de certaines amendes dans les cas  Parlemens de F r ange. 199 1 V» qui font exprimés, il déclare- qu'il n'a pré» tendu s'adjager lefdkes amendes dans les » terres des feigneurs a qui elles appartiennent i de droit. 160. 11 défend généralement a tous » les officiers de fa maifon ou de judicature , » même aux officiers des feigneurs, de faire v>' marchandife, foit par eux-mêmes, fok fous le » nom & en la compagnie d'autrui, a peine »■ de perte de la marchandife. 170.11 remet, en » faveur de 1'aide accordée par les états, toutes » les contraventions ou l'on auroit pu tomber m a 1'éeard des ordonnances faites fur la mon» noie, a la réferve des tranfports d'efpeces » hors du royaume & de la fabrication de » fauffe monnoie : il caffe auffi toutes lettres » d'état & de répit. 180. II déclare qua 1'avenir » il ne convoquera 1'arriere-ban fans évidente » néceffité, & fans le confeil des députés des » trois états, £ toutefois il lui 6& poffible de le » requérir. 190. II accordé que pendant le cours » de 1'aide préfente, tous autres fubfides ceffe» ront, paree que, li par mdlntur ia guerre » n'étoit linie "dans le cours de l'année., les.états » qui s'affembleront dans un an pourvoieront » 1'aide nouvelle, convenable aux circonfian» ces du tems; & pareillement en cas d'autre » guerre , les états pourvoieront auffi d'i.utres » aides fuffiiantes, par déhbératicn, des trois . N 4  übo Lettres svr les anciens » ordres, fans que deux puiffent lier ni engagel* » le troifieme; & fi !es trois ordres n'étoient » d'accord, ne feroit rien déterminé: mais en » ce cas le roi pourroit recourir au domaine » de fes monnoies & a fes autres droits, » excepté le fait des prifes, dont il a été parlé , >» qu'il ne pourra jamais faire fans en payer le » jufte prix. 200. Comme la néceffité de la » guerre oblige a iuffifante précaution , il dé» fend de faire faufie pcrte , cefi-d-dire faujfe» montre ,Ka peinede confifcation. d'armes & de » chevaux, & de punition arbitraire. 210. II » ordonné que pour éviter les fauffes montres , » les furintendans députés des états afiifleront » aux revues, conjointement avec les capi» taines établis par le roi; que nul n'en fera » cru fur fa parole, pas même les feigneurs des »> fleurs-de-lys; qu'il ne fera rien payé qu'a i> ceux qui feront réellement préfens en armes » & équipages ; que les chevaux feront mar» qués pour éviter toutes furprifes; & qu'il s> fera défendu a tout homme capable de porter » les armes d'être abfent du royaume pendant » le cours de la préfente guerre, fans une » expreffe permiffion du roi. Enfin , qu'a 1'égard » de la folde des gens d'armes., ils la recevront » des payeurs établis par les états, & non par » autre voie2 ou moyen quelconque. 22,0. Le  Parlemens de France: lor S) roi défend qu'aucun de fes officiers, ami» raux, connétables, maïtres de arbalêtiers, » tréforiers des guerres, ou autres, prennent » aucun droit fur ceux qui feront des courfes » fur les ennemis, par terfe ou par mer, afin » que le profit entier en revienne a ceux qui » 1'auront gagné. Ordonné que files fouldoyers »* étrargers, qui feront employés en la pre» fente guerre , font du défordre dans les lieux » de leurs paffages, il foit permis de leur ré» fifter, & que les capitaines foient refpon» fables de leurs troupes, par ce néanmoins que » les villes- feront tenues de leur fournir des » vivres, en les payant de leur argent. 23°. Le » roi défend le féjour des troupes en route » plus d'un jour dans les lieux oü elless'arrê» teront: permet de leur refufer vivres au-dela » de ce terme, & même de les contraindre de » marcher en avant fi quelques-uns vouloient w retarder, fans excufe légitime connue du »> magiftrat. De plus, il promet de pouffer vi ve»> ment la guerre par mer & par terre , pour en »> procurer plutöt la fin, ÓC de ne faire ni paix » nitreve avec 1'ennemi que par le confeil des » trois états. 240. Le roi ordonné que toutes >> gens feront tenus d'être en armes au premier » ban qui en fera fait, a peine d'y être con»> traints par fes officiers ,ou par les leigneurs  ïoi Lettres sur les anciens » jufticiers, qui a eet efFet feront pourvus dë » lettres royaux, dont ne fera rien payé en » chancellerie. Enfin, ces lettres font termi» néespar une claufe dérogatbire a tous flatuts, » ufages & coutumes contraires, même a toutes » ordonnances précédentes. Le roi voulant, » de fa certaine fcience, grace fpéciale, puif» fance &i autorité royale , que tous fes » officiers & jufticiers les tiennent & exé» cutent, faffent tenir Sc exécuter de point en »> point, felon leur forme & teneur. Donné a » Paris, fous le grand fcel, le 23 de décembre » 13 5 5, & publié en jugement au chatelet de » Paris le 22 janvier fuivant ». Les états ayant voulu fe raffembler au mois de mars, qui étoit le terme de la prorogation, il s'y trouvamanquer grand nombre de députés des villes de Normandie & de Picardie; ce qui marquoit peu de difpofition dans ces provinces pour concourir au but propofé ; & l'on s'en prit d'abord au roi de Navarre, qui ne ceffoit point de cabaler, & qui étoit foupconné d'intelligence avec les Anglois. Cependant les membres des états qui fe trouverent affembiés, ayant examiné le produit de 1'aide, & juflifié qu'une grande partie des lieux avoient refufé de s'y foumettre, conclurent a accorder une capitation} fuivant ls première demande que le  Parlemens de France. 203 roi en avoit faite, laquelle fut fïxée a 4 livres , a raifon cle 100 livres de revenu a 1'égard de toutes perfonnes du lignage royal, eccléfiaftiques, nobles, barons, chevaliers ,populaires, fans que nul en put être exempt a raifon du privilege & du droit prétendu de naiffance, ou toute autre caufe. Bien entendu néanmoins qu'au-deffus de 1000 liv. de revenu, ne feroit payéque 2 liv. pour chaque 100 liv. & qu'audeffous de 100 liv. jufqu'a 40 livres, ne feroit pareillement payé que 2 livres, & 20 fols audeffous. Mais ce qui rendit cette levée plus rude , fut que les laboureurs, manouvriers , même les ferviteurs, y furent affujettis,, & fixés a 10 fols, a raifon de 100 fols de gage ou de revenu. On eftima auffi ia valeur des meubles pour la joindre a celle des revenus; de forte que celui qui en avoit pour 1000 liv. étoit égal a celui qui avoit 100 liv. de revenu, & s'il en avoit davantage, il étoit tenu a la même proportion. La plus grande partie des léances de ces états fe tint au chateau de Ruelles, prés Nanterre; mais nous n'avons pas les originaux , du moins qui foient a ma connoiffance. Pendant leurs affemblées les communes d'Artois commencerent le prélude du foulevement général qui éclata bientöt après. ■ Toutefois le plus important des événemens  104 Lettres sur les anciens de ce tems la fut la furprife du roi de Navarre & de fes prlncipaux amis, qui étant a diner au chateau deRjuen avec le duc de Normandie, furent pris comme au trébuchet, par le roi quï furvint,& qui le même jour fit couper la tête a quatre d'entr'eux fans formalité de procés; fcavoir,au comte d'Harcoiut, au feigneur d& Graville, au feigneur Mdiibné de Mennemares, & a Olivier Doublet, écuyers, emmenant le roi de NaVarre prifonnitr. Cette violente exécution fit ioulever toute la province. Le roi, qui avoit voulu conduite lui-même fon prifonnier en lüreté, ayant temé d'y rentrer après avec des troupes, trouva toutes les villes fermées ; quelques-uns appel itrmt les Ang'ois, qui deicendire' t dans le Cotentin, pendant que le prince de Galles, ayant pénétré & percé le Berri, vint tomber fur la Touraine. Le roi, quoiqu'avec une fórmidable armée , ne fcachant alors a quel ennemi courir, fe détermina enfin a pourfuivre le prince de Galles, paree que, pour 1'attaquer, il n'y avoit point de fiége a former, outre qu'il paroiffoit facilede 1'affamer n'étant maitre d'aucune place. Cependant il eut 1'imprudence de hafardcr une bataille contre lui, & il la perdit d'une maniere fi fatale , qu'Ü fut pris priionnier, & peu après tranfporté en Angleterre. II mourut dans cette journée un  Parlemens de France. io? inombre extraordinaire de feigneurs, plufieurs autres y demeurerent prifonniers: de lorte que la France défolée alioit réellement devenir la conquête des Anglois, fi la fageffe & la bonne conduite du dauphin, duc de Normandie , fils aïné du roi, ne 1'eüt fauvée d'iin fi grand malheur. La bataille fe donna le 19 feptembre, Sc le dauphin rentra a Paris dix jours après, oh il fit d'abord la convocation des trois états pour le 15 odtobre fuivant, pour avifer tous enfemble a la délivrance du roi, Sc aux moyens de conferver le royaume. Le plus grand nombre des députés qui fe rendirent a l'affemblée, y porterent un deffein formé de travailler par préférence a la réformation du gouvernement. La première féance fe tint dans la falie du parlement, le lundi 17 ocfobre, Sc le dauphin y fit repréfenter par le chancelier archevêquede Rouenla grande difgrace arrivée a la France, fur laquelle il étoit néceffaire que les états lui donnaffent aide Sc confeil, tant pour procurer la prompte déliyrance du roi, que pour gouverner le royaume & conduire la guerre pendant fon abfence. Les trois états répondirent; fgavoir, le clergé par la bouche de Jean de Craon , archevêque de Reims; la nobleffe, par celle de Philippe duc td'QrléanSj, frere du roi i 6c les villes par Etienne,  ÏöS Lettres sur les anciens Marcel , prévöt des marchands de Paris l qu'ils demandoient un délai pour s'affembler & pour délibérer. Ce qui leur ayant été accordé, le dauphin commit plufieurs perfonnes du confeil du roi pour affifter aux affemblées particulieres, qui fe faifoient dans le couvent des cordeliers. Mais dès le fecond jour les états fe plaignirent au dauphin que la préfence des confeillers du roi empêchoit la liberté de leurs délibérations, demandant qu'ils s'ahftinffent de fe trouver avec eux : ce qui fut accordé furie champ, non fans défiance de 1'interition des états. Les féances continuerent fans réfolution huit jours durant, jufqu'a ce que l'on convint du choix de cinquante députés pris des trois ordres, pour dreffer un projet de réformation conjointement a celui de guerre & de finance. Et quand il fut arrêté du confentement des états, les élus firent fcavoir au dauphin qu'ils defiroient lui communiquer certaines affaires particulieres, le priant de fe rendre aleuraffemblée : ce qu'il fit lui fixieme. Ils lui déclarerent alors qu'après un travail long & difficile, ils étoient enfin tombés d'accord fur plufieurs points, lefquels defirant lui communiquer, ils fe croyoient obligés de lui demander le fecret, &c fon concours pour 1'avantage commun. Le dauphin rempli de 1'idée de fa propre autorité ,  Parlemens de France. 2.07 en qualité de lieutenant du roi fon pere, répondit qu'il ne prétendoit pas s'obliger au fecret, & encore moins a 1'approbation de ce qui feroit contraire a 1'autorité du roi. Sur quoi lesélus ayant délibéré, jugerent qu'il n'étoit pas moins néceffaire de lui communiquer leurs réfolutions unanimes, pour tacher d'obtenir fon confentement,fans lequel il ne pouvoit y avoir d'union ni de correfpondance mutuelle. « Ils lui déclarerent donc, par 1'organe de » Robert le Cocq, évêque de Laon, i^.quele *> royaume ayant été mal gouverné ci-devant, w ils efiimoient que c'étoit par la faute & les » mauvais confeils de ceux que le roi avoit » employés; pourquoi ils requéroient que tous » les officiers du roi en général füffent privés » ou fufpendus de leurs charges; que le dau» phin fit emprifonner les perfonnes & faifir » les biens de ceux dont ils donneroient la »> lifte; que leurs deniers fuffent dès-a-préfent » réputés confifqués, & comme tels , après » inventaire fait, appliqués aux dépenles de la » guerre; qu'a 1'égard des perfonnes,leur pro» cès feroit fait & parfait fur les accufations &c » articles que les élus des états donneroient » contr'eux a dft comrniffaires non fufpeös: &C » d'autant que le chancelier, le premier de » ceux dont ils fe plaignoient, étoit perfonne  'ao8 Lettres sur les anciens » eccléfiaffique, ils demandoient que le* dau» » phin écrivït au pape, de fa propre maln, » pour obtenir des comrniffaires, au choix des » états, qui fuffent autorifés a prononcer juge» ment définïtif contre lui. La lifte des accufés , » au nombre de vingt-deux, comprenoit, outre » Pierre de la Foreft, chancelier; Simon de » Buffi, premier préfident du parlement; Ro» bert de Lory, chambelan du roi; Jean Cha» melart & Pierre Dorgemont, préfidens au » parlement; Nicolas Barque, maitre d'hötel » du roi, auparavant fon tréforier; Jean Poil» vilain , maitre des monnoies; Enguerrand du » petit Sellier & Bernard de Fremont, tréfo» riers de France; Jean Chauneau & Jacques »> Lempereur, tréforiers des guerres; Etienne » de Paris, Pierre de la Charité & Ancel Cho» quart, maïtres des requêtes du parlement; » Jean Turpin , confeiller des requêtes du par~ » lement-; Robert Defpreaux, notaire du roi; »> Jean Daffi, avocat du roi au parlement; Jean » d'Auxerre, maïtre des comptes; Jean de Bre» haigne , valet-de■ chambre ; le Borgne de » Beauffe, maïtre de 1'écurie ;Géofroy le Mazu» tier, cchanfon, tous rrois officiers du dau» phin; & enfin 1'abbé de Etlaife, préfident » des enqqêtes du parlement: i°. ils deman^derent q^'il füt envoyé dans les provinces » des.  PAklëmèns dé France, 2.09 » des comrniffaires réformateurs, au chV-x des » états, auronfé.; par commiiïiors ëx^reffes^ » pour faire le procés définitivémérrt a tous les g officiers prévaricateurs: 30. que la mohnoife » füt rétablië felon que les états Fordohné-i >> roient: 4P. qu'il plüt au dauphin, duc dei «> Normandie } de compofer fon confeil da >> vingt-huit cohfeillers, qui feroient nömrhés » par les états , fcavoir quatre préiats ,» « douze chevaliers , 6c autant de bourgeois , » qui auroient 1'adminiff.ration de toutes lés >> affaires , avec le droit de pourvoir aux Ü offices vacans , même de defiituer ceux quï * en étoient ou feroient pourvus, le tout k b la pluralité dés voix : 50. ils demandèrent » la délivrance du roi 'de Navarre , que Ié » dauphin étoit intéreffé lui-même d'aecofder » pöur fa propre juftification , & qu'il dé>> voit reconnoitre être agréable è Dieu^ *> puifqu'il n'étoit arrivé que des malheurs de» puis fa prifon , & depuis le meurtre commis >> k Rouen.» Jean de Pequigny, ehevalièf,, paria pour la nobleffe , Nicolas le Chanteur 4 avocat j 6c Etienne Maf cel, prévót des marehands de Paris, parierent pour le tièrs état bz les députés des bonnës villes : concluant a la néceffité d'une bonné uniön qui ne pourröit être afiurie , vu ce qui s'étoit fait précédent Tome IFi Q  aio Lettres serccr aucuncjs guerres particulieres pendant la dnrée de la guerre générale. Par le vingt-deuxieme , t.ft permis de courir fur les ennemis du royaume., fans payer aucun droit pour raifon du profjt qu'on y pqurra faire. Par le vingt-troiüeiiie 3  Parlemens de France. üi ïl fait défenfes aux tréforiers de guerre dó prendre plus de douze deniers pour leurs expéditioas. Parle vingt-quatriesie ,eft défendu a tous foldoyers d'ufer d'aucune violence ou piileries dans les bourgs, villes ou campagnes du royaume , a peine de la hart. Par le vingt* cinquieme , les féjours des gens de guerre ,' pendant leur route, font fixés a un jöur entier* Par le vingt-fixierrte , promet ne faire ni paix ni tréve avec les ennemis , que par le confeil des trois états. Par le vingt-feptieme , il eft ordonné que tous gens foient arrnés , oii contrahits a s'armer, par les officiers des lieux pour faire aide en la préfente guerre. Par lé vhiPt-huitieme, il promet la conferVation du domaine , & la révocation de tout ce qui a été aliéné depuis le regne de Philippe-le-Bel fhors ce qui a été dónné k Dieu &l aux églifes, ou ce qui en a étédiftrait pour lés lignages dü fang de France, ou pour douaire des femmes. Les vingt-neuvieme &trentieme , portent réglement pour le grand-confeil. Par le trenteunieme , eft ordonné que le chancelier ne fe mêlera que des affaires du fceau & du régiement de juftice , comme auffi de Pinftituti'ort aux charges, ainfi qu'il appartienta fon office. Par le trente-deuxieme , il faitdéfenfe au chancelier de fceller aucunes lettres d'aliénatiort  *n Lettres sur les anciens de domaines , ou de droits de la couronne; de dons, d'amendes, ou connYcationpour forfaiture , k peine de nullité. Par ie trentetroifieme , eft ordonné que, aux requêtes de 1'hötel du roi, ne feront plus employés gens mutiles , mais bien des perfonnages bons &c loyaux ; quatre clercs & deux laïques , qui ont été nommés par le confeil des états, & qui exerceront la juridiétion comme il étoit pratiqué au tems de Philippe-le-Bel. Par le trente-quatrieme , ii eft défendu k tous officiers , approchant la perfonne du roi , de requérirdons, graces , rémiffions, inftitutions de leurs créatures en quelques charges ou emplois; mais s'ilsont quelque demande k faire, ils la feront k 1'audience publique du roi, & pendant le grand confeil du roi; & de ce ju. reront fur les faints évangiles. Par le trentecinquieme, il eft défendu k toutes perfonnes poffédant charges en 1'hötel, ou confeil du roi, de faire aucune confédération enfemble pour parvenir a de certaines fins, fous peine de privation de leurs offices. Par le trentefixieme, il veut que pour donner bon exemple, fon hotel & ceux des feigneurs de fon fang, foient bien réglés , & que l'on y paie exactement les provifions néceffaires: tout y étant adminiftré par gens fages & loyaux. Par le  Parlemens de France. 2,2$ frente-feptieme , fur la plainte des trois états, que l'on a mal interprété & tiré a mauvaife intelligence 1'ordonnance du roi, portant que les dettes des Lombards feront & demeureront profcrites pour dix aanées, ce qui a donné occafion a de plus grandes vexations qu'auparavant; le dauphin veut que toutes les pourfuites defdits Lombards demeurent fufpendues & arrêtées jufqu'au lendemain de Quafimodo prochain. Par le trente - huitieme, il déclare que 1'aide précédente ,accordée par les états, ne portera préjudice a perfonne , ni aux libertés, franchifes, & privileges qui leur appartiennent , fuivant les chartres générales de réformation du royaume, accordées par Louis X. Par le trente neuvieme, le dauphin prend en la proteétion fpéciale du roi & de lui, tous & chacun des membres des trois états contre leurs mal-veillans , officiers & autres dont ils font plaintes; &c pour les affurer davantage , leur permet, chacun en droit foi, fe faire accompagnerpar toutle royaume, de fix hommes armés pour leur défenfe , fans pouvoir être empêchés par aucun juge que ce foit pour raifon de port d'armes. Par le quarantieme, fur la remcntrance que les juges inferieurs , dont les ^itences font fujettes a 1'appel, délaient & refufent de juger, par la crainte des amendes  224 Lettres sur les anciens qu'ils encourent pour le mal juger ; le dauphin ordonné qu'ils ne pourront être condamnés k plus haute amende que foixante livres, s'il n'apparoiffoit de la corruptiön ou malverfation, auquel cas ils feroient punis felon le méfait. Par le quarante - unieme , le dauphin abolit 1'ufage des fermens en cas d'escoine, c'eft-a-dire d'excufe pour défaut de non comparence, k caufe que lefdits fermens font le plus fouvent légers s'ils ne font faux. Par le quaranté-deuxieme il défend aux prévóts de comprendre dans les querelles les perfonnes qui n'y ont point eu dé part; voulant que les gens paifibles ne foient point inquiétés. Par le quarante-troifieme , il ordonné la révifion de toutes les chartres & graces accordées depuis Ie cinquieme février dernier, & qui fe délivreront a 1'avenir. Par le quarante-quatrieme, il permet la défenfe j même au fon du tocfiri , contre ceux qui voudront faire violence. Par le quarante - cinquieme, il eft ordonné que les capitaines &Z gouverneurs des places pourvoient a leur füreté. Par le quarante - fixieme , il défend les appels au parlement des jugemens rendus dans les juftices fubalternes : veut toutefois que ft la cour de parlement étoit faifie de Pappel, il foit au pouvoir de ceux qui la tiennent -de retenir la caufe , s'ils s'avifent qu'ils con- viennent  Parlemens de France; 2*5 viennent pour le mieux; mais il en charge leur Confcience , ne voulant faire tort a la juftice moyenne. Par le quarante-feptieme article , iï défend toutes lettres de répit contre une dette légitime ; ne veut qu'il y foit obéi s'il en eft accordé. Enfin, cette chartre finitpar les claufes & injonaions ordinaires pour en rendre 1'exécution perpétuelle.Signé en marge par le grand confeil, auquel étoient MM. les archevéque de Reims , évêques de Paris, de Langres , de Nevers, de Laon, de Therouanne , 1'abbé de Saint-Denis; MM, les ducs d'Orléans & de Bretagne , les comtes d'Alencon , de Rohan , «TEtampes & de Rouffy , le grand prieur* d'Aquitaine, les feigneurs de MÜan, de Garencieres , de Loupy ; MM. Jean de Pequigny, Guillaume d'Ambleville , Philippe de trois noms, & plufieurs autres. Mais pendant que l'on travailloit a Paris k étabiir un ordre convenable aux malheurs de la France, le roi ne fongeoit qu'a traverfer ce grand ouvrage, qu'il regardoit comme 13 condamnationdetoutcequ'iiavoitftitluimême pendant fon adminiftration. II commen9a pap arrêter une trêve avec les Anglois pour deux ans, dès le jour de paques lors prochain; elle fut publiée le jeudi-faint a Paris avec les lettres patentes du même prince, portant défenfes dapport de la caufe des barons de Guyenne , appellans en la cour du roi des ordonnances rendues par le prince de Galles, fils ainé du roi d'Angleterre, lequel fe prétendoit fouverain du pays en conféquence de la ceffion qui lui en avoit été faite par le traité de Bretigny. Cette caufe étoit fort importante , tant paree qu'elle alloit engsger le royaume dans une nouvelle guerre 5 que paree que les ftipulations du traité de paix précédent paroiffo'ient entiérement oppoiées k la réception de eet appel. Cependant le roi le vouloit recevoir, paree qu'il 1'avoit ménagé avec une adrefië non-pareille , & qu'il croyoitavoir pris toutes les mefures néceffaires pour le foutenir, & pour faire la guerre heureufement dans la circonftance de Page avancé du roi d'Angleterre fon ennemï, & de la maladie mortelle ck le prince de Galles étoit tombé, II vouloit eu  M° Lettres sur les ancien,? même tems fe préparer une reffource, en caS de befoin, dans la bonne voldnté des peuples -9 & pour leur témoigner une parfaite confiance , il affembla les états généraux, comme je viens de le dire. La grande chronique qui rapporte l'ordre de la féance qui fe tint dans la grande chambre du palais, dit que le roi s'affil en fon bt .de juftice, ayant la reine fa femme fous le dais auprès de lui ; que i'évêque de Beauvais , chancelier 8c cardinal, occupoit Ia place ordinaire du premier préfident, au bas fiege, 8c que dansle même rang féoient les archevêques de Reims, de Sens, de Tours, les évêques de Coutance, d'Evreux, de Noyon , d'Arras, de Troyes, de Bayeux, du Mans, de Paris, de Lifieux 8c d'Orléans , Sc plufieurs abbés, dont la plupart étoient affis a terre faute de place ; que de 1'aulre cöté, a la droite du roi, féoient la reine Jeanne d'Evreux, veuve de Charles-leBel, Sc les feigneurs des fleurs-de-lys ; fcavoir le duc d'Orléans, oncle du roi, le duc de Bourgogne , le comte d'Alencon, le comte d'Eu du nom d'Artois , le comte d'Etampes du nom d'Evreux, oncle du roi de Navarre, le comte de Boulogne 8c le feigneur de Montlezun, Gafcon, le grand-prieur de France , le comte de Tancarville du nom de Melun, les fires d'Albret Sc de Chatillon , 8c quantité d'autie^.  Parlemens de France. 251 feigneurs & cle nobleffe qui achevoient cle remplir-le parquet: hors de 1'enceinte étoit le tiersétat en fi grand nombre , que la chambre en étoit remplie. Le chancelier paria d'abord , 8c ayant pris pour fon texte le beau verfet du premier chapitre d'Eüher , oü ileft dit qü'Affuérus interrogeoit les fages, & qiï'd faifoit tout par le confeil de ceux qui connoiffoient les loix anciennes & l'ufage des mceurs: il expofa une partie des intentions du roi. Son frere , Guillaume de Dormans, pourfuivit le difcours que la foïbleffe de fa voix 1'obligea d'mterrompre : après quoi le roi paria lui-même, ,& dit qu'il avoit fait repréfenter toute la procédure avec le détail des négociations d'Angleterre, afin que tout le monde fut en état d'en juger ö£ d'en dire fon avis. On publia enfuite par fon ordre que la féance fe tiendroit le jeudi fuivant, jour de 1'Afcenfion , après le fervice, & le venclredi matin, qui étoit le jour auquel il vouloit recevoir 1'avis des députés. Le jeudi la reine parut encore dans Faffemblée : on examina dans cette féance les griefs des barons de Guyenne, & le roi la termina en répétant qu'il vouloit avoir 1'avis de fes bons fujets, paree qu'il étoit prêt de corriger ce qu'il avoit fait de mal ou de trop. On répondita ce compliment par desacclamations tumultueyfes, &; par desoffr,es de fervices  *f* Lettres sur les anciens & de fidélité. Le vendredi, onzieme d'avrifj la féance fut pareille, & la reine ne manqua pas de s'y trouver : on y écouta les barangues des trois corps. Celle dn clergé tendit a a'ffurer la confcience du roi en montrant que fi le roi d'Angleterre faifoit la guerre pour le fujet de la réception des appels , il la feroit k tort & contre la juftice. La nobleffe s'étendit en peu de raifonnemens, & fit offre de fes biens & de fa vie. Enfin le tiers-état conclut en applaudiffant a la procédure judiciaire , dont il releva Fexaclitude & 1'honneur du chancelier. C'eft ainfi que l'affemblëe fe fépara, paree que, felon 1'idée du roi, il n'étoit pas encore tems de demander de l'argent, & il fuffifoit pour-lors de faire approuver la guerre. En effet, les Anglois entrerentprefque auffi-töt en France ,& comme leurs ravages clans la Picardie & la Normandie commencerent a faire crier Je peuple , on hu donna le fpecïacle des proceffiens & des prieres pubüques , qui jointes a la conclufion des états, faifoient penfer qu'il n'y avoit rien de fi jufte que cette guerre. Sur la fin de l'année, le roi prévoyant les dangers d'une feconde campagne , convoqua de nouveau les états généraux a Paris, tant au palais qu'a 1'hötel de Saint-Pol, le 7 feprembre de cette même année. Tout s'y paffa avec tran-  Parlemens de France. qiullïté ; on y fut charmé de 1'affabilité du roi, de la raifon & de la juflice qui brillerent dans fes difcours ; fon éloquence & fes promeffes ' triompherent des femtimens de tous les députés ; deforte que le fecours qui lui fut accordé fut un des plus confidérables qu'aucuns états euffent encore donné. On voit néanmoins par le détail qu'en fait la chronique , qu'il futobligé d'expofer pathétiquement fes befoins , que les états firent une eftimation de la dépenfe de la guerre , & qu'après plufieurs féances , l'on convint que 1'impofition de douze deniers par livre fur la vente des denrées & marchandifes , &: du cinquieme de la vente du fel , feroit continuée fur le méme pied qu'elle duroit depuis k retour du roi Jean. On continua le droit du treizieme pour la vente du vin & autres boiffons en gros, & du quatorzieme de la vente en détail. Les villes s'impoLrent un droit d'entrée pour les vins ; fcavoir a Paris douze fols pour Pentrée cle chaque piece de vins francois, & vingt-quatre pour celui de Bourgogne. Mais comme ces impöts , qui avoient été établis pour fournir de termes en termes la rancon du roi Jean, étoient en quelque forte ordinaires, on y ajouta un fouage ou impofiiion de quatre livres, c'eft a-dire, quatre francs d'or k vingt fols piece , pour chaque feu des bonnes villes,  Lettres sur les anciens & de trente fols pour chaque feu du plat pays ; le fortportant le foible. Le mal eft qu'il nenous refle aucun monument qui puiffe faire connoïtre le montant ou produit de ces impofitions, les hiftoriens s'étant contentés de nous dire que la levée s'en fit avec tant de fageffe & de modération , qu'elle n'apporta pas le moindre trouble ; Sc un moderne qui a fait Ia vre de Charles V ajoute avec délicateffe, qu'on les paya d'autant plus libéralement, que l'on fcavoit bien que fous un prince tel que celuila, elles finiroient avec la guerre. C'eft a-peuprès tout le détail qu'on peut faire des deux affemblées d'états convoquées par Charles V. II ne faut pas s'étonner que l'on n'y trouve , comme dans les précédenres, ni plaintes contre le gouvernement, ni projet de réformation , ni remontrances au fujet des abus ; car la réputation de juffice Sc la conduite effectivement judicieufe du prince lui avoit acquis tant de confiance Sc d'autorité, que l'on croyoit que le bien qu'il n'avoit pas encore fait ne s'étoit véritablement pu exécuter , Sc l'on ne s'en prenoit qu'aux conjoncfures Sc aux malheurs du tems. Mais cn peut faire quelques obfervations fur ces deux féances; fur la fingularité qui s'y trou ve que l'on n'y a eu prefqu'aucun égard h la dignité  Parlemens de France: 155, par laquelle il laiffa Ia régence avec la tutelle de fes enfans a la reine fa femme , lui fubffituant Philippe , duc de Bourgogne, 8c Louis , duc de Bourbon, jufqu'a ce que 1'aïné eut atteint la quatorzieme année. II vouloit que l'argent qui pourroitêtre épargné des revenus de la couronne füt mis en réferve chaque année , entre les mains de Bureau de la Riviere, 6c de Philippe de Savoify fes chambcllans , Bertrand Duclos 8c Pierre du Chaffel, maitres des comptes, pour être rendus après la majorité. II nommoit auffi un confeil de quarante-fept perfonnes pour affifler la réger.te , defquels le détail fe trouve a la tête de Phiftoire de Charles VI de M. le Laboureur ; mais cette tutelle n'eut point d'effet, la reine étant morte trois ans avant le roi fon mari. II y a beaucoup d'apparence que cette perte 1'engagea a faire un autre teflament, 6c le duc d'Anjou, ainé de fes freres, prétendit dans la fuite qu'il y en avoit un en fa faveur, paffé en forme de déclaration , pour lui conférer la régence; mais dans la vérité le peu de confiance que le roi prenoit en ce frere en empêcha 1'enregïtrement , 6c ce fut dans la fuite une grande occafion de querelleSc de conteftation. Au milieu de ces incertitudes, le deffein d'établir une loi formelle pour la majorité ne fut point abandonné; le roi fit confulter  Parlemens de France. 259' fon projet clans les univerfités les plus cé'ebres, après quoi il en fit une déclaration folemnelle , qu'il fit publier & regïtrer au parlement lui préfent. Les feigneurs affifians au lit de juftice furent le Dauphin, fon fils aïné ,affis hors du dais , non loin du roi; & fur le même banc Louis . duc d'Anjou ; a la gauche , le patriarche d'Alexandrie , les archevêques de Reims, de Sens , de Touloufe , d'Embrun , les évêques de Laon, de Meaux, de Paris , de Dole , d'Auxerre, de Nevers & d'Evreux ; les abbés de Saint-Denis , d'Epthernac, de Saint Waaft d'Arras, de SainteColombe de Sens, de Saint- Cyprien, dc Poitiers & de Vendöme ; les confeillers clercs du parlement , le reef eur de Puniverfité de Paris , avec nombre de doöeurs des quatre facultés , le doyen de la cathédrale , les dignités des chapitres , & plufieurs chanoines: a la droite aucleflbus du duc d'Anjou , étoient les comtes d'Alencon , d'Eu &c de la Marche , celui-ci du nom de Bourbon; Robert d'Artois, frere du comte d'Eu ; les comtes de Braifne , de Lille Balmond de Beaufort, fils du vicomte de Turenne, avec les laïcs du parlement. 11 efl bon de remarquer a cette occafion que -du Tillet, 6k tous nos hiftoriens modernes, prévenus que le parlement a le droit d'autorifer & de modifieri fon gre les ordonnances des rois, R 2  %6& Lettres sur les anciens ne donnent d'autre datede cette déclaration qu• lefquelles lettres leur ayant été accordées de » bouche, n'ont toutetbis été expédiées; pour» quoi demandoient le record de ceux qui y » avoient été préfens , le cardinal de Laon , » monfieur d'Orgemont, Arnaud de Corbie, » le fieur de la Baune Sc Etienne de la Grange ,  Parlemens de France. 2.6$ » préfident. Et en outre , qu'aux lettres qui » leur feroient préfentement expédiées, il fut » auffi porté , que le procés fait au roi de Na>» varre fans leur intervention , ne porteroit » aucun préjudice a leur droit ; ce qui leur » ayant été accordé , de 1'avis général du con» feil du roi, en conféquence de la notoriété » les lettres ont été commandées ». Or il eft aifé de voir par cette requifition a quoi les pairs, reftreignirent leur droit. Enfin Charles V termina fa vie & fon gouvernement le 16 de feptembre de 1'an 1380. La mort lui fut amere en plus d'une maniere , paree qu'il fouffrit beaucoup de douleurs, & qu'il fut travaillé d'une grande inquiétude d'efprit: il laifloit fon fils aïné dans fa douzieme année entre les mains de fes quatre oncles, trois paternels. & un maternel, defquels il n'y avoit que le dernier, qui étoit le duc de Bourbon, en qui il put prendre confiance. Cependant le rang &la naiffance des autres les appellant néceffairement au gouvernement de 1'état , il balanca longtemps fur ce qu'il avoit a faire pour les exclure ; toutefois, naturellement ennemi des partis violens , il fe contenta de confier verbalement aux duc de Bourgogne & de Bourbon fes dernieres. intentions, fe flattant que le premier fe reffouviendroit des obligations infinies qull 1 ui devoit- R 4  2.64 Lettres sur les anciens avpir perfonne!!ement;illaiffa néanmoins 1'écTu? eation de fes enfans, & leur garde au duc de Bourbon , & mourut en abandonnant le refle a ladefiince qui en devoit difpofer fans lui»  Parlemens de France. 26$ NEUVIEME LETTRE. Regne de Charles VI. Ajjemblée de Notables ld 1380. Etats de Compiegne en 1382. Ordonnance pour la régence en 140-7. Etats de Paris en 1412. Autres états de Paris en 1420. ArreC de. condamnation contre le Dauphin , & fa régence. 'Obfervat'.ons fur les monnoies & fut la vie de Charles Vil. Entre les changemens que la longue dureé d'une monarchie rend en quelque forte néceffaires, & que 1'hiftoire nous propofe en exemple^ la France n'en a jamais eu de fi grands ni de fi douloureux que celui quifit pafier fon gouvernement des mains de Charles V, furnommé le fage par excellence, en celles de fon fils, enfant, & dans la fuite infenfé. On fcait affez quels font ordinairement les dangers & les inconvéniens d'une minorité, &par conféquent'quels peuvent être ceux d'une tuteilede quarante années. Gependant le mal ne vinf'pas tant de cette malheureufe difpofition de la perfonne du roi > que du caraclere des princes qui vivoient alors, & que leur dignité naturelle appelloit au gouvet;  i66 Iettre? sur ies anciens; nement. On peut dire en général qu'il n'y en. avoit pas un feul de bien intentionné & qui aimatfapatrie ; deforte que n'ayant tousfongé qu aprofiterde la conjonfture pour leur intéret particulier, qu'a piller 1'état, qu'a s'enrichir par tous les moyens poffibles, qu'a fe fortifier lesnnspar les autres; il en réfulta une défolation generale, telle qu'il n'étoit plus poffible au commencement de 1'an i41Q d'en efpérer la. reparation. On remarque auffi que les favoris & les miniftres qui s'éleverent dans ce tems deconfuiïon furent auffi prefque tous des gens de fortune, poffédés des mêmes paffions d'a°vance & d'ambition, & fur-tout aveuglés d'une maniere prefque incroyable dans tous les deffeins. qu'ils formoient; deforte que l'on peut pofer pour principe, que pendant ce regne fatall'on ne vit naïtre, oir du moins figurer aucun bon citoyen, ou que s'il y en eut quelques-uns dan» Je grand nombre, ils furent les vidimes des faöieux. Venons au détail. Gharles V eft reprochable en deux chofes; la première d'avoir trop pouffé les impöts \ vers la fin de fon régne , fans véritable néceffité $ enforte que quoiqu'on les payat affez volontairement de fon vivant, ou du moins fans tumultefcandaleux, il n'eut pas plutöt les yeux fermés,quele cardinal JeandelaGrangeévêquc  Parlemens de France. i<$7 ■d'Amiens, qui avoit été fon principal miniffre a eet égard , fe trouva chargé de Findignation publique , & même de celle du fucceffeur. On fcait bien que la finance eft le nerf des états; mais il n'eft pas encore décidé s'il vaut mieux que le prin«e la tire toute entiere a lui en épuifant les reffourees particulieres, que de laiffer le peuple riche , 8c le gouverner de maniere que l'on foit affuré de fa difpofition a facrifier fes richeffes pour les befoins du gou-> vernement. De deux exemples en ce genre que 1'hifloire de France nous propofe, Charles V a donné le premier; car quoique bon, jufte & modéré, il prêta tellement 1'oreille aux fuggeftions de celui qui manioit les finances, qu'il amaffa un tréfor immenfe aux dépens des fujets. Mais Ia providence ne le laiffa point paffer aux mains de fon fils h qui il le deftinoit, 8c elle le livra a 1'homme du monde dont il fe défia davantage, comme je le dirai tout-a-l'heure. Le fecond exemple eft celui de Louis XII, qui, corrigé par eet événement, aima mieux laiffer fon tréfor dans la bourfe de fes fujets, 8c fon fucceffeur eut 1'avantage d'y trouver une reffource prodigieufe, lorfqu'il fallut payer fa rancon 6c celle de fes enfans. La feconde faute de Charles V , a été d'avoir manqué de prendre des mefures capabies d'éloigner le duc  '±68 Lettres sur ies anciens5. d'Anjou fon frere du gouvernement, oüil n'af-, piroit que pour piller a fon aifc. Le nouveau roi n'avoit Pas encore ji ans accomplis, & p2r conféquent !a nouvelle loi de la majorité ne fervoit qu'a mieux affurerla régence; auffi le duc d'Anjou que la qualité d amé des freres du roi en devoit mettre ei* pofieffion , ne tarda pas a la prendre fans confolter perfonne. II fit courir le bruit que le roi dans fes derniers momens avoit confirmé une ancienne difpofition qu'il avoit faite en fa faveur fur ce fujet. Cependant les ducs de Bourgogne & de Bourbon , qui avoient le fecret du feu roi, prirqnt fi bien leurs mefures, que leduc d'Anjou, quoique régent, fe trouvafans autorité; mais réfolu de foutenir fon entreprife, il fit avancer des troupes , dont il s'étoit afluré' qui occuperent les environs de Paris : fes ■compétiteurs en firent autant de leur cötc deforte qu'il s'en falloit peu que Ia guerre civile n'éclatat, lorfque les magiftrats de Paris, &c les gens d'églife qui s y trouverent entreprirent de les concilier. On affembla pour cette fin un grand confeil dans le palais , compofé, fuivant Pexpreffion de la chronique, des préiats, des barons, gens de fcavoir & d'expérience qui fe trouvoienta Paris, & de quelques notables .pris d'entrelespréfidens des chambres du par-.  'Parlemens de France.' 169 lement, devant lefquels chaque partie fit propofer fes raifons. Celles du duc d'Anjou furent expofées par Jean des Marets, avocat général du parlement, & celles des princes, par Pierre d'Orgemontquifut peu après chancelier. L'auteur Üe la vie de Charles VI, qui a été traduite .par M. le Laboureur, dit que la néceffité du tems ne permit pas que les affaires fuffent agitées dans toutes les régies, & ne parle point d'une compromiffionqueles autres auteurs ont donnée pour certaine fur le témoignage de Juvenal des Urfins, laquelle ne paroit guéres vraifemblabie : il dit au contraire que tout le monde fe rendit a 1'avis de Pavocat général, qui étoit de faire facrer le roi promptement, fans s'amufer a difputer la régence, que Pon ne pouvoit valablernent contefter au duc d'Anjou; & que quand le roi feroit cenfé revêtu de toute fa puiffance, les princes fes oncles occuperoient dans fon confeil les places & le rang qui leur devoient. appartenir : le tout, fans préjudice de la difpofition du roi défunt pour Péducation de fes enfans. L'aae de cette délibération & de 1'éman■cipation du roi, faite par le duc d'Anjou fon tuteur, eft du x oüobre 1380, .'& paffée au parlement, préfent monfieur le régent duc d'Anjou, les ducs de Berri & de Bourgogne fes freres, & le duc de Bourbon,,tous oncles  27° Lettres sur les anciens du roi; madame la reine Blanche aïeule du roi] madame la ducheffe d'Orléans, le comte d'Eu & Charles d'Artois fon frere, Ie comte de Tancarville, Ie comte d'Harcourr, auffi oncle du roi par fa femme Catherine de Bourbon, le comte de Sancerre, le comte de Brême du nom de Rohan, le fils ainé du roi de Navarre, les arcbevêques de Rouen, de Reims & de Sens; les évêques de Laon, de Beauvais, d'Agen, de Paris , de Langres, de Bayeux, de Theroüanne, d'Evreux, de Meaux & de Chartres, avec pufieurs autres barons. Remarquez trois fingularités de eet afte : la première, 1'émancipationdu roi, qui montre parconféquent qu'il eft foumis aux loix comme lesautres, quoiqu'en difent quelques modernes: la feconde, la préféance des barons fur les préiats : la troifieme , la préféance des quatre comtes gentilshommes fur le fils du roi de Navarre, héritier d'une couronne, & chef d'une branche de la maifon de France. Je pourrois encore oblerver que les évêques pairs n'y ont point eu de rang particulier. Je ne m'arrêterai point k vous raconter ce que fit le duc d'Anjou pendant le refte du mois qu'il oca*pa la régence , ni comment il enleva le tréfor du feu roi, non plus que les féditions öc les émeutes populaircsquife brem de toutes  Parlemens de France. 171parts pour fecouer le joug des impöts dont on étoit accablé. Le roi fut facré le jour de la 'Touffaint fuivant; mais les féditions ne cefferent pas jufqu'a ce que l'on obtint enfin une décl# ration du roi & de fon confeil pour leur fuppreffion. Elle ne fut pas toutefois fitöt accordée que les princes, qui fe crurent appauvris par cette facilité, firent inftance au confeil pour les rétablir, Sc diverfes négociations dans les provinces pour engager les peuples a fubir 1& joug de bonne grace: ne trouvant néanmoins aucun moyen de les appaifer, ils engagerent le roi a convoquer les états-généraux pour être a Compiégne le 15 d'avril 1381. Le roi qui étoit alors véritablement majeur fuivant la nouvelle loi, en fit lui-même 1'ouverture avec les princes Sc les feigneurs de fon confeil. Arnaud de Corbie, premier préfident du parlement , y déploya fon éloquence, montra la juftice de fa demande, pour la continuation de la guerre Sc pour le payement de la gendarmerie. Son premier moyen fut de dire que le roi régnant ayant le même état k défendre, & les mêmes ennemis que fon pere, on ne pouvoit lui refufer les mêmes fecours. De cette première féance on paffa aux négociations particulieres avec les députés ; leur derniere réponfe fut qu'ils n'avoient été envoyés par leur com-  171 Lettres sur les anciens ir.ettans que pour entendre Pintention du roï & en faire leur rapport, n'ayant aucun autre pouvoir. Cependant i!s offrirent la plupart de ïaire tout ce qui leur feroit poffible pour fa fatisfaction , & promirent d'en venir rendre réponfe pofitive dans un certain tems. Quelques«ns y vinrent en effet; ftiais ce ne fut que pour aftürer le roi, les princes tk le confeil, que le peuple refufoit abfolument de confentir au rétabliffement des impöts fupprimés; & en particulier le député de la province de Sens ayant rapporté un confentement, quand on voulut s'en fervir pour 'y établir les bureaux néceffaires, on jugea bientöt qu'il n'étoit pas encore tems. La guerre de Flandre & Ia vidoire de Rofebeque fervirent a propos : car le roi & les princes en prirent un fi grand avantage, qu'étant rentrés en armes dans Paris, & en ayant défarmé le peuple, ils y firent un terrible exemple de févérité , duquel il eft inutile de faire ici le détail, puifqu'i! inffit de fcavoir que les aides & toutes les impofitions furent rétablies de la pleine puiffance royale. Quel détail ferai-je du refte de ce malheureux régne? La jeuneffe du roi fe paffa toute entiere fous la tutelle de fes oncles , & fous 1'autorité de fes fa voris; Ie milieu & la fin de fa vie dans les accès d'une frénéfie violer.te f  Parlemens de France. 27$: vlolente, qui lui donnoit peu de relache. On jugera donc aifémentque dans ces circonftances & ces difpofitions, les plus forts &c les plus méchans eurent toujours 1'avantage de le voler impunément, de piller les peuples, de faire des graces a leurs pareils , d'affaffiner , d"empoifonner, & de faire périr les innocens de quelque maniere que ce put être : en un mot, de ruiner & de détruire. Ainfi 1'état ne fut jamais dans unefitiiationfi violente & fi cruelle. Le duc d'Orléans propre frere du roi, 5c le' connétable de Giffen premier officier de la couronne, furent impunément affaffinés dans Paris, prefque fous les yeux du roi même ; deux dauphins furent confécutivement empoi» fonnés, & le troifieme déshérité par une déclaration confirmée par arrêt; le roi d'Angleterre recu & couronné dans Paris ; tous les bons Francois maffacrés, bannis, & dépouiilés de leurs biens. Tel fut 1'état pitoyable ou Pintérêt particulier conduifit ce beau royaume en peit d'années. Cependant.au milieu de tant de défaftres, de vice & de corruption, on faifoit de tems en tems quelques ordonnances falutaires; quoique le but de ceux qui les propofoient ne fut peut être rien moins que 1'avantage de 1'état.' Telle fut celle du 26 de décembre de Pan 1407, Tornt IV. ■ S  274 Lettres sur les anciens peu après la mort du duc d'Orléans, laquelle fut donnée pour régler définitivement la matiere des régences. Charles VI y ordonné que la garde, nourriture, 8c affaires des rois mineurs de quatorze ans feront 8c demeureront entre les mains des reines leurs meres, fi elles font vivantes, Sc des plus prochains du lignage Sc du fang royal de France, qui lors feront affiftés du connétable, du chancelier, 6c des fages hommes du confeil du roi défunt. On voit bien que cette loi fut faite pour favorifer la reine Ifabeile, laquelleayant beaucoup de jeunes enfans, 6c un mari dont lafanté étoit fortaltérée, fe flattoit d'avoir bientöt par fa mort, 1'autorité toute entiere. Cet acte porte qu'il a été lu 6c publié en parlement, le roi tenant fon lit de juftice, prefent le roi de Sicile, les ducs de Guienne, de Berri, de Bourbor.nois 6c dè Baviere, les comtes de Mortain, de Nevers, d'Alencon, de Clermont, de Vendöme , de S.Pol, deTaocarville,6cplufieurs comtes, barons 6c feigneurs du fang royal 6c autres; le connétable, le chancelier, qui dans cet aft e eft exprimé; les archevêques de Sens 8c de Befancon, les évêques d'Auxerre, d'Angers, d'Evreux, de Poitiers, de Gap, grand nombre d'abbés 6c de gens d'églife , le grand maïtre de Fhotel qui étoit Jean de Montaigu, le premier 6c autres  Parlemens de France. 275 préfidens en parlement, plufieurs chambellans, grande quantité de chevaliers & autres nobles, de confeillers, tant du grand confeil, que du parlement, de la chambre des eomptes, des requêtes de 1'hötel, des enquêtes & .' requêtes du palais, des aides, du tréfor, & autres officiers & gens de juftice; & autres perfonnes en grande multitude. On pourroit peut-être s'ennuyer de ce que je répéte perpéruellcment l'ordre des féance:, è toutes occafions; cependant je le crois d'autant plus néceffaire,que fans cela on ne fcauroit prendre une pafte idéé du rang dü a chacun des membres de 1'état. L'on ne trouve aucun lit de juftice ou les rangs foient fi nettement èxprimes, oz fi juftement diftribués qu'en celui-ci , êk ii n'y en a par conféquent aucun de plus remarquable. On y peut obferver: i°. que les princes 6c la haute nobleffe y tiennent leur rang naturel au-deffus du clergé, 6c cela fe voit généralement dans tous les acfes de ce regne , 6c da; s quelques-uns du précédent; 20. que les feigneurs du fang royal qui n'éroient pas chefs de branche yfont confondus avec la haute nobleffe, comtes , barons 6c autres feigneurs : ufage qm a depuis changé , juftement après 1'extinöion de tant de branches collatérales , lorfque Henri ilï &C les états de Blois tenus en 1576 , virent le S x  tj6 Lettres sur les anciens dangèr oü étoit la couronne d'être envahie par des étrangers , mais du q nel on pourroit dire que les hauteurs Sc les rliftinctions que nous voyons pratiquer auourd'hui ne font pas de juftes conféquences ; 3°.que le premier & autres préfidens du parlement y tiennent rang après les eccléfiaftlques , 6c de 1'autre cöté , fans fe méler avec la nobleffe; 4°." que les chambellans du roi, qui ont proprement été la pépiniere des favoris , viennent enfuite avec les chevaliers Sc la nobleffe du fecond ordre , qui ne fignifie pas une infériorité de naiffance ou d'origine , mais bien ceile des richeffes , des poffeffions ou des emplois , qui ont de tout temps diftingué les hommes ; 50. qu'a leur fuite viennent les confeillers de tous les différens tribunaux, qui ne prétendoient pas encore la préféance. Nous ne voyons point ici de rang pour les arnoblis, quoiqu'il y en eüt dès - lors une infinité qui avoient acheté ce privilege a prix d'argent. Charles V en particulier 1'avoit communiqué k plufieurs bas-officie *s de fa ma'fon & des tribunaux de juftice. Car alors la chnncellerie , ni la prélïdence, n'étoient point cenfées capables de conferer la nobleffe , 8c nous avons encore dans les regifties lts annobliffemens du célébre cardinal de la Foreft , de Guillaume de Dormans , 6c d'Ainaud de Corbie, chanceliers  Parleuïens de France. 277 de Simon de Burry , premier préfident, des Braques, des Dauvet, & de plufieurs autres mais nous voyons ici un autre abus en laperfonne d'un grand maïtre de ia maifon , homme de Ia plus petite naiffance , que la faveur éleva au rang des grands officiers de la couronne. Après Ia paix de Bourges ott dAuxerre, Ie roi revenu a Paris , épuifé d'argent, par la dcpenfe de Ia guerre on Ie duc de Bourgogne Favoit engagé contre fon oncle leduc de Berry & la maifond'Orléans, fut averti d'une invafion procbaine des Ang'ois , qui devoit être conduite par le duc de Charente , gouverneur de Guyenne. La craïnte de cette guerre, qui n'avoit point encore éclaté , quoiqu'on 1'eüt toujours appréhendée depuis le commencement de ce regne , fervit de prétexte a une convocation d'états généraux, dontle but éi&it de faire confentir les peuples k fouffrir de nouvelles impofitions. La réfolution de formeF cette affemblée ne fut pas fitöt prïfé que , fe!on> la coutume francoife, on eut voulu qu'elle eut été commencée, & en train de fe conclure tant on fe promettoit de fuccès de la force des raifons que l'on devoit employer pour la perfuader. On dépêcha des couriers dans toutes; les villes & dans les chefs-lïeux des bailliages „ portant des. ordres prefiaiis de nommer des;  27S Lettres sur les anciens députés; mais quelque diligence que l'on put faire , faffemblée ne s'ouvrit que le 30 janvier 141 z-i 3 dans 1'hötel de Saint-Paul en la gallerie de ce palais, la falie ayant été jugée trop petite pour contenir une fi grande multitude. C'eft dommage que le détail des rangs, & de la forme des délibérations n'ait pas été confervé par ï'écrivaln anonyme qui nous a donné la relation de cette affemblée. II nous apprend feulement que 1'ouverture s'en fit en préfence du roi &i de tous les princes, a 1'exception du duc de Berry , pour lors trés ma.'ade, par Jean de Nefle , chancelier de Guyenne, lequel exagéra dans fa harangue les avantages de la nouvelle paix , la généreufe affeélion du roi, qui avoit expofé fa perfonne , &C fait une extréme dépenfe pour la procurer; il paria de la guerre dont les Anglois menacoient la France , & de la honte qu'il y auroit a ne faire pas un effort pour repouffer un ennemi fi acharné, & il conclut , en difant cue toutes les dépenfes précédentes n'étoient rien en comparaifon de celles qu'il falloit faire , dont le roi leur laiffoit a confidérer la néceffité, &c a efiimer la quantité, pourquoi il leur accordoit fix jours de delibération. Cette harangue parut peu ménagée & peu conciliante. L'affemblée fe tint cependant i\ Saint-Paul au jour préfix. Le député de Reims paria le premier avec une  Parlemens de Francê; cloquence bien plus gracieufe: après avoir prodigué les louanges au roi & aux princes pour la conclufion de la paix , il n'en donna point de moindres au zèle & a la fidélité des peuples -i qui avoient foutenu depuis tant d'années des charges infupportables; il conjura le roi par fa bonté naturelle , 6c fa tendreffe pour fes fujets, d'avoir pitié de la mifere commune, Sc de vouloir croire la province pour laquelle il parloit hors d'état de pouvoir fournir la moindre fomme d'argent. Le député de Rouen fit une autre ha• rangue auffi touchante , 6c la termina en faifant voir qu'il n'étoit pas difficile de trouver d'autres reffources pour la décharge du peuple. Mais le lendemain 1'abbé du Moutier Saint-Jean, député de Bourgogne, paria plus hardiment contre les collecteurs des impêts précédens , Sc contre les difpenfateurs des finances du roi, & fe fit écouter avec une extréme attentlon ; il dépeignit leur avarice infatiable, leursrigueurs ,leurs fourbes, & les moyens qu'ils employoient peur piller les fujets du roi, ou pour détourner le cours ordinaire des deniers qui devoient entrer dans fes coffres; il prouva avec la même évidence que le roi étoit en droit de reprendre ce qu'ils avoient diverti & tourné h leur profit particulier, juftifiant que le? fommes qui en proviendroient feroient fuffifantes a toute la dépenfe S4  iSo Lettres sur les anctens néceffaire. Le neuvieme de février 1'univerfitè? de Paris fit parler pour elle Benoit Gentier, 1'un de ies dofteursjil étoit religieuxdeSaint-Denis, & frere du prévöt des marchands : on 1'avoit chargé d'attaquer violemment les financiers,& il dit une partie du néceffaire ; mais il parut qu'il craignoit d'offenfer nommément & inutilement des gens redoutables, dont la vengeance pourroit nuire a fa familie Ói a lui-même; il ne put toutefois éviter le blame d'avoir défigné trop ouvertement le duc de Bourgogne, en parlant des violences qui s'étoient pratiquées.. Les députés de Sens & de Bourges, qui parierent après lui, conclurent de même en conjurant le roi d'ufer de miféricoide & d'épargner un peuple malheureux. Les princes avoient déja pris leur parti fur 1'inutilké de cette convocation : c'elt pourquoi ils firent dire par le chancelier de France , que le roi, touché des repréfenrations qui lui avoient été faites par les députés des états, confentoit a leur accorder le repos qu'ils dtmrfiidoient , & qu'il en feroit expédier ies lettres patentes , qui leur feroient adreftées aux lieux de leurs demeures , oü il leur ordonn )it de retourner. Ce fut ainfi que cette grande affemblée fut congédiée avec peu de fatisfaüion de toutes les parties: mais on fe hata d'autant plus de la diffi-  Parlemens de France. 2,81" per, que les miniftres appréhenderent que 1'aigreur ne fuccédat aux plaintes, & que les états en corps ne demandaflént leur punition. Ils crurent donc avoir conjuré l'orage en renvoyant ces pauvres députés , qui étoient déja empreffés de retourner chez eux pour éviter la dépenfe ; mais il en grondoit un autre qu'ils ne purent éviter ; car Ifuniverfité de Paris mécontente de fon premier orateur, pourfuivit ardemment présdu roi une nouvelle audience, que Pon n'ola lui refufer: ce fut un carme qui porta la parole avec plus de violence que de générofité , quoique le duc de Bourgogne tut préfent, & il conclut en demandant que les ren ontrances de Puniverfité fuffent écoutées; ce qui ayant été accordé, le reéteur fit lire un mémoire dont Fanonyme du Laboureur a confervé la fubfiance, & duquel on apprend plufieurs faits confidéfables. Le premier que je puis remarquer, comme néceffaire a notre matiere, eft que la magnifique dépenie de la maifon de Charles V, de la reine, & des enfans de France, étoit fixée a 94,000 francs d'or de foixante-trois au mare , ce qui revenoit environ a 1500 marcs, & qu'il en étoit payé pour celle de Charles VI 450,000, revenant a 7000 marcs d'or,fonime énorme, &L qui étoit pourtant tellement diffipée par les  Lettrés sur ies anciens officiers, que fes fujets avoient de la douleuf de le voir manquer du néceffaire , tant pour lui que pour la reine, Ie duc de Guyenne, fon fils ainé, & fes autres enfans. Le fecond concerne le détail des concuffions pratiquées par les offi• ciers du roi, entre lefquelsle chancelier Arnaud de Corbie , Raimond Raguier , Jean Pidoc , Poupart, Guillaume Prude , le fire de Fontenay, Pierre & Amoine des Effarts, dont le premier étoit prévöt de Paris , font nommés avec quantité d'autres, dont les families font è préfent peu connues, tant a caufe des changemens de nom que quelques-unes ont afftcïé , qu'a caufe du déguifement ordinaire en France , ou depuis long-temps les families font plus ordinairement connues fous le nom de leurs terres ou poffeffions. Le refle de cette piece contient quantité de faits remarquables pour comparer les ufages du temps. Mais comme le détail en feroit trop long, je me contenterai d'obferver que la conclufion de cette affemblée démontre le droit des états généraux touchant les impofitions , mais que les termes employés par les députés, fcavoir ceux de demander la compaffwn & la mifèricorde du prince , de recourir d fa juftice & a fa bonté, 1'ontaffoiblide telle maniere , que Pon ofa foutenir, peu après , que les états n'en avoient d'autre que de faire de trés-humbles remon-  Parlemens de France; 185 trances, & qu'il étoit au pouvoir du roi d'y avoir tel égard qu'il lui plairoit. On peut encore remarquer la maniere dont les difcours des députés font rapportés ; car 1'abbé du Moutier Saint-Jean, quoique évidemment du corps dit clergé , y eft fimplement nommé député de la province de. Bourgogne , d'oü on doit inférer qr.e les députations fe faifoient alors par province , & non dans trois chambres diftinétes pour les trois corps repréfentatifs , du clergé , de la nobleffe, & du tiers-état: ufage beaucoup plus favorable a la difcuffion des affaires , a la formation des réfolutions les plus utiles, & plus convenable au bien général & particulier, & qui, comme tel, s'eft confervé iong-temps, puifqu'il duroit encore , & qu'il fut pratiqué hautement dans Faffemblée tenue a Tours en 1483. II ne faut pas encore oublier de dire que les juftes repréfentations des états dont nous parions , & plus encore celles de 1'univerfité, engagerent la cour a deftituer les officiers & financiers dont on fe plaignoit, a la réferve du chancelier, qui fut maintenu par la confidération de fon grand age & de fes longs fervices; & qu'enfin on nomma des comrniffaires du corps des états, quoique fans leur participation, pour travailler férieufement a la réformation fouhaitée. Les comrniffaires , qui dans la fuite né-  *?4 Lettres sur les anciens gligerent leurs emplois, furent de l'ordre ctti clergé, 1'évêque de Tournay, Fabbé du Moutier-Saint-Jean , 1'aumönier "& le confeffeur dit roi ; de l'ordre de la nobleffe , les feigneurs d OfFernorit, de Mouy , Soyecom t, de Maru , &le vidame d'Amiens; & de l'ordre du tiersétat deux confeillers du parlement, nommés petit Seme & Longuetiil , P.erre Couchon , membre de Pumverfité , lequel devint évêque de Beauvais , & plus célebre pour avoir fait le procés a la pucebe d'Orléans fous la dominationdes Anglo.s , & Jean de 1'Oüve, échevin de Paris. Ces difpofitions, qui paroiffoient les plus belles du monde, n'aboutirent a rien, paree que les tröubles recommenct rent avec autant oir plus de violence que iamais , par 1'imprudence & la cruauté de- princes qui les exciterent. Le roi d'Angleterre quiregnoit alors, jeune, ambitieux & plein de courage , mais d'ailleurs peu affuré fur fon tröne, oü il n'avoit pas le meilleur droit , crut alors que le veritable moyen de s'y maintenir étoit de profiter de la difpofnion de fes peuples, & de les occuper par une guerre avec Ia France. Heureufement pour lui, & malheureufement pour elle, le duc de Bourgogne étoit alors dans la difgrace du roi, ce qui Pengagea a rechercher le fecours d'Angleterre, avec laquelle il traita dés  Parlemens de France. J'an 1414, toutefois fans conclufion, jufqu'au mois d'aoüt 1417, qu'il fit un premier traité de treves , malgré le reffentiment qu'il avoit feint d'avoir pour la mort de fes freres tués a Azincourt en 141 5 , & pour la grande plaie que la France avoit recue en cette bataille, non moins funefte que celle de Crecy & de Poitiers. Après le traité le roi & le duc s'étant abouchés , ce dernier y confomma fon ïniquité par un adfe qui étoit demeuré caché jufqu'a ce fiecle, oü la publication des chartres du royaume d'Angleterre i'a fait connoïtre. Ce prince y expofe qu'ayant jufqu'alors méccnnu & ignoré le véritable droit du roi d'Angleterre a la couronne de France , par faute de jufte Information , il déclare qu'en ayant pris connoiffance, il le reconnoït jufte & légitime; pi-omet & s'engage en conféquence de faire une guerre mortelle a Charles, qui fe dit roi de France, & a fon fils, ( c'étoit alors le dauphin Charles, depuis roi VIIe du nom, appellé de Touraine avant la mort de fes freres) fe foumet a faire un.hommage lige au même roi fitöt qu'il fera en poffeftion du royaume, ou d'une partie , reconnoiffant que quoique cet hommage füt dü dès-lors, il a été diftéré pour le plus grand avantage de 1'un & de 1'autre; enfin il déclare que s'il arrivé par la fuite qu'il  *M Lettres sur les anciens foit obligé de faire quelque traité, alliance ou conventions avec 1'adverfaire de France ou fon fils, ce fera toujours fans préjudice de la reconnoiffance préfente , dont il fournira 1'exécution fur la loyauté de fon corps en foi & parole du pnnce. Ecrit & figné de fa main , & fcellé de fon fceau fecret, è Calais au mois d'oclobre L'année eft en blanc. Cette piece n'eft pas tout&fart étrangere a notre matiere , quand elle ne ferviroit qu'a nous faire connoïtre le caraérere du pnnce qui troubla la France avec tant d'horreur, depuis 1404 jufqu'au 10 de feptembre 1409, que lesminiftres du dauphin s'en défirent par un affaffinat qui fut commis fur le pont de Montereau. II s'enfuivit de ce traité une invafion formelle de la France parle roi d'Angleterre, qui, entré en Normandie, conquitpicd a pied cette province , & parvint enfin, par fon umon avec les Bourguignons, è fe faire reconnoitre régent & fucceffeur du royaume de France, ainfi qu'il eft porté par Ie traité de Froyes du 12 mai 1408 , a 1'exclufion du dauphin, qui fut déclaré indigne & déchu de la fucceffion , & depuis condamné au banniffement par arrêt du mois de janvier fuivant, fur la pourfiute de Nkolas Raulin, depuis fameux chancelier de Bourgogne. Peu devant cette horribk condamnation, pro-  Parlemens de France. 287 noncée par le parlement, ces deux rois de France & d'Angleterre avoient convoqué les états généraux des provinces qui leur étoient foumifes ; car la moitié du royaume tenoit pour le dauphin, outre plufieurs places qu'il occupoit encore dans 1 'Me de France, la Picardie , la Normandie, l'Anjou , &c. L'affernblée s'en ouvrit - la contradi&ion 9 on lui empoifonna cette maïtreffe, & ce. fut fo.n propre fils , qui, par une malignifé tk une j^oisfie dont il refle peu cfexemplesj enyia ^  Parlemens de Frange. 19$foi fon pere Ia douceur de cet attachernent,, Ce n'étoit pas toutefois encore le tems rrtonftrueux dans lequel on a vu les maitreffes difpo-. fer des richeffes de 1'état, comme des fortunes. particulieres, felon leur caprice; diftribuer a leur gréles gouvernemens,les emplois, lesgrandes; dignités & la pairie même, en les prodiguant è leurs proches, & a ceux qui les avoient lemieux ferviespourobtenir ces faveurs. Jene fcai; fur quel fondement le pere Daniël, en défen-, dant paffablement la mémoire de ce princecontre 1'iimiflice moderne, affecte de lui laiffer la tache de la débauche, contre le témoii. gnage des hifioriens contemporains, 8c contrela propre expreffion du tableau qui fe trouve; a la tête de l'hiftoire de Godefroy, qu'il re-, garde d'ailleurs comme une piece originale, 8?hors de foupcon. Or il femble qu'il n'y a rien de plus éloigné du caractere qui lui eft donné: que cette paffion de débauche. Charles VII y. eft dépeint comme un homme férieux, occupé; de fes devoirs , ennemi du fafte 8c de 1'oftentation, parlant. peu, 8c tellement éloigné des. plaifirs &C des divertiffemens dont on a aujourd'hui 1'idée % qu'il mangeoit toujours feut, hors., de la vue des courtifans, 8c que pendant- fon3 repas onlui. faifoit des lectures utiles, ou des, entredens fur les hiftoires des regnes paffes, O»-.  zoS Lettres sur les ancien-s y voit de plus que ce prince fe levoit matin , & qu'il employoit toute la journée au foin du gouvernement, ne réfervant qu'une partie du jeudi de chaque femaine pour fon délaffement. D'autres hiftoriens nous difent que quand il vouloit prendre du relache , il pnfioit dans 1'appartement de la reine, oü la compagnie des dam.es, & quelquefois celle de la belle Agnès , 1'amufoient pendant peu de momens. Mais cela fe peut-il donner pour une vie de débauche, ou même pour une paffion déréglée, puifqu'il cacha les fuites de cet unique amour avec tant de précaution & de pudeur, que de troisfilles qu'il en eut, lefquelles furent élevées loin de la cour , il n'en maria qu'une de fon vivant, a Olivier de Cotivi, fénéchal de Guyenne , auquel pour toute dot il donna i i0oo écus, avec ftipulation que c'étoit en récompenfe des fervices de feu-Tanneguy du Chaftel, oncle du futur mari? les exemples des regnes luivans font véritablement fi éloignés de celui-la pour le nombre & pour le fcandale des maitreffes , ou pour les eifets de leurs intrigues, qu'il falloit fans doute que cet auteur y eüt fait peu de réflexion , quand il a cru la gloire de Charles VII fouillée par une faute ü légere. A Ï'égard de la foibleffe dont on accufe seprincej.il me femble qu'on lui fait encore  Parlemens de France. 2.97 peu de juftice , puifque l'on négligé les confidérations des circonftances oü il étoit engagé: la dureté & la hauteur du connétable de Richemont étoient certainernent bien oppofées'a la douceur & a la modeftie de fon caradfere , mais il falloit les fouffrir , ou perdre 1'efpérance de regagner fon royaume : & 01 lcait combien la méfintelligence que le feigneur de la Tremouille fomenta entr'eux pendant quelques années , fous le prétexte de foutenir 1'autorité du roi, fut préjudiciable afa caufe. D'ailleurs le porlrait déja cité marqué précifément que Charles VII pardonnoit aifément & généralement, mais que fon amitié & fa confiance une fois bleflées ne fe regagnoient jamais. Que dirai-je de plus par rapport a la juftice en général; par rapport a l'ordre particulier" qu'il établit a Ï'égard des gens de guerre, tant pour leur fervice , que pour le payement réglé de leur folde ; par rapport au choix des officiers de toute efpece; par rapport a la fermeté avec laquelle il réprima les mouvemens de quelques rébelles , & prévint tous efforts de la mauvaife volonté de fon fiis , & du duc d'Alengon; par rapport au bonheur des peuples qu'il rendit riches avant que de frjourir; les ayant conftamment défendus contre  198 Iet tres sur les anciens 1'oppreflion des méchans , fans toutefois, abattre la nobleffe? Reconnoit-on dans cet écrir le caraöere d'un prince foible & peu intelligent; ou plutöt n'avouerons-nous pas, qu'il faut que notre gout foit tout-k-fait corrompu , s'il pretere le faite de quelq ues-uns de fes fucceffeurs a des vertus fi belles , & en mcme tems fj utiles a tout un état ? Le P. Paniel traite encore de foibleffe, & même de dérangement de cerveau , auquel vérirablement quelques princes de la maifon de iValpis ont été fujets, le caprice auquel on attnbue communément la caufe de fa mort , fcavoir une crainte démefurée d'être empok fonné ; en conféquence de laquelle il fe priva delanourriture pendant plufieurs jours: deforte que , quand il voulut revenir , la nature, affoiblie. ne put reprendre fes alimens. Mais , ne peut- on pas dire que cet auteur s'en eft trop facilement rapporté aux bruits populaires qui coururent en ce tems-la , & qui ont paffé,, jufques a nous par la relation des hiftoriens qui ont écritfa vie , fans connoüre le fond des affaires, ou qui n'ont pas voulu tout dire de crainte que le fucceffeur ne s'en vengeat h L'hiftoire manufcrite d'Amelgard fait entendre qu'il fut effeöivem.ent empoifonné; ainfi, de, maniêre ou. d'autre ,. il y a fieu d.e déferjdre  Parlemens de France. la mémoire de Charles VII contre cette accufation de foibleffe : puifque , quand il fe? roit vrai que la crainte du poifon auroit fait quelque impreffion fur fon efprit, on fent bien qu'il eft difficile qu'un hofnme , né bon Sc tendre, qui a toujours fait le bien qu'il a pu , & qui a toujours été perfécuté , ne fe décourage a la vue d'une ingratitude & d'une trahifon qui fe portent a attaquer fa vie parle plus odieux & le plus funefte de tous les, moyens. A plus forte raifon fi c'eft un prince capable d'envifager le néant dés grandeurs humaines , en comparant une fyite de con-r quêtes & de victoires éclatantts qui fatisfont 1'ambition , avec la privation continue de la reconnoiffance & de J'amitié de fes proches, feuls; capables^ de fatisfaire Ia tendreffe d'un bon cceur. Voila quelques traits que j'ai cru devoir a Ia juftification d'un de nos rois a qui la monarchie doit davantage , felon le glorieux té-, moignage qui lui fut rendu , quand la France fut délivrée de la tyrannie de fon fils , au milieu de Faffemblée des trois états ,. tenus k Tours en 14S3 , ou non-feulement la gloire de fes conquêtes futportée jufqu'au ciel, mais la juftice & la fageffe de fon adminiftration fuïent propofées comme le plus digne modéle  3oo Lettres sur les anciens que la poflérité put fuivre, & comme 1'objet des délïrs de tous ceux qui aiment véritablement la patrie.  Parlemens de France; jet DIXIEME LETTRE. Regne de Charles VU. Etats de Méun-fur-Yere', en 14x6. De Tours en 1433- D'Orléans en 1440. EtablijJ'emeut fixe des tailles. O n ne fcauroit difconvenir que les événe* mens de la guerre n'ayent rendu le régne de Charles VII 1'un des plus éclatans dont notre hiitoire foit illuftrée ; mais comme la prévention ordinaire en attribue le véritable hcnneur a fes capitaines , il n'en revient que peu de gloire a la mémoire en particulier : quoï qu'on ne lui contefle pourtant pas celle d'une vaieur éprouvée 6c fignalée en une infinité d'occafions. Qn ne juge guéres plus favorabiement de la conduite politique de ce monarque , quoique nous lui foyons redevables de 1'h flitution des premières loix qui ont fixéla police du royaume , rendu certaine la condition des fujets, & affuré la fubfiffance des troupes nécefïaires a la füreté commune :inffitution auffi indifpenfable , après une fi longue continuation de défordres , qu'elle a été réellement utile, par rapport k de fi grands effets:  iö» Lettres sur les anciens de forte qu'il auroit joint h reconnoiffance de toutë la poflérité k celle de fes contemporains , s'il avoit pris les mefures néceffaires pour empêchef que 1 on abufat dahs 1'avenir de ces mêmes loix , comme il arriva dès quil eut les yeux fermés.. pour peu que Pon fe repréfente les conté* quences d'une guerre de ixoans,qui avoit penetre toutes les provinces , oü Pon avoit yu naitre, pendant cet intervalle, quatre ou cinq générations, auffi altérées du fan* & dupillagedeleurscompatriotes, que Pétoient les Anglois eux-mêmes , on eoncevfa facilement que le moindre effet qui en pouvoit réfultef étoit Poubli général des loix qui avoient fleun fous Panciën gouvernement. Ainfi, l'on peut en quelque fa?on comparer 1'état oü la France fe trouva après 1'expulfion des Anglois, a celui oü elle s'étoit trouvée quand elle fut dehvrée des courfes des Normands. Elle avoit donc particulierement befoin d'un roi fage b.en intentionné , généreux & pacifique , afiri qu'il unït enfemble la volonté & le pouvoir de faire le véritable bien de tous. C'eft eë qui fe rencontra précifément en la perfonnë de CharlesVIÏ; maisil eut deplus lafortunë favorable : & il faut avouer que fansfawo_ te&on , eette bonne volonté , quelque Vare'  Parlemens de France. 303 &C précieufe qu'elle foit dans les pmnpwimij jj/- eut été inutile a fes füjefs» Deux fortes d'ennemis défoloient alors la France: SC comme il étoit arrivé du tems dö Charles V , les Anglois , regardés des uns comme aggreffeurs, Sc des autres comme amis, quoiqu'également a charge aux uns &C aux; autres; Sc les compagnies Francoifes du fervice du roi , qui, non-content.es de faire la guerre aux premiers , traitoient auffi cruellement les fujets que les ennemis, d'abord pouf la néceffité cle leur fubfiftance, qu'ils ne pouvoient tirer de leur folde a caufe du mauvais état des finances , 8c enfuite par 1'habitude du pillage. Les hiftoriens mödèrnés femblent accufer les généraux de ces défordres ; ils fe plaignent qu'il n'y avoit plus en France de Bemand du Guefclm , capable de fe faire fuivre par les troupes, Sc de les conduire k la conquête de quelque royaume étranger s mais ce jugement me paroit mal fondé , puifque la préfence , ou la proximité des Anglois, ne pouvoit permettre de dégarnir la France des feules troupes qui la pouvoient défendre : outre que nous allonS voir incontinent que, dès le moment que Charles VII fut affuré de quelque repos , par le moyen de la treve conclue le 20 mai 1444, il envoya la moitié  304 Lettres sur les anciens cle fes armées en Alface , fous la conduite dë ïon propre fils, & qu'il mena lui-même 1'autre dans la Lorraine, oü il fit une.'réforme extraordinaire avec les fages précautions qui fe pouvoient prendre , quoique la Normandie & la Guyenne fuffent encore au pouvoir des Anglois. II feroit encore plus jufte de demander pour' quoi la France ne fe défendoit pas alors par fes propres forces, comme Philippe Augufte les avoit employees contre Richard& Jean, rois d'Angleterre, ou contre 1'empereur Othon IV, en la journée de Bouvines : mais Pufage du fervice des fiefs étoit tellement altéré, qu'il étoit impoffible d'y fonder la défenfe de 1'état pour 1'avenir, quoiqu'il ne füt pas néanmoins tellement oublié que Pon n'en püt encore tirer quelque efpece d'utilité, d'autant que Puiage du canon & des armes a feu n'avoient pas encore fait évanouir celui de la lance, des fléches & des armures de fer. La principale caufe cle la diminution du fervice féodal étoit la réuuion de la plupart des grandes feigneuries a la couronne, qui la privoit néceffairementdufecours des feudataires qui les poffédoient autrefois. Car quoique les rois en fuffent véritablement devenus plus riches, comme ils étoient moins économes, moins appliqués au bien de chaque feigneurie  Parlemens de France. 307 feigneurie particuliere, &c moins propres par coniéquent a eu tirer le fervice que les feigneurs particuliers fe faifoient rendre foigneufement, pour le rendre enfuite eux-mêmes plus convenablement a la patrie & au roi; ils ie trouverent bientöt obligés de changer la nature du fervice, & de tirer de l'argent a la place pour foldoyer les troupes. 20. On peut compter 1'extinclion d'une grande infïnité de families péries a la guerre, ou dans les prifons d'Angleterre; & Faliénation d'une multitude de terres & de fiefs que Ia nobieffe avoit été obligée de vendre indiflinöement , la plupart a de riches roturiers, ou bien qui lui avoient été enlevées par. des ventes forcées & des adjudications par décret, depuis qu'on avoit rendu les fiefs fufcep-* tibles d'hypotèques, au préjudice du droit des feigneurs fuzerains. Dans 1'origine , ceux - ci n'avoient diffrait les différentes terres accordées a leurs vaffaux qu'au titre d'un engagement continuel, lequel ne pouvoit être regardé comme une aiiénation effective, puifque le vaffal en étoit privé de droit, faute par lui de remplir les conditions de Finféodation. Or l'on voit aifément quelle fut alors la dégradation des fiefs fuzerains , quand les Légifles établirent que les terres d'un vaffal pouvoient devenir caution ou garanfes de fes dettes; &: qu'enfuite ils eurent Tomc IV- V  $t>6 Lettb.es sur les anciens introduit la pratique des ventes forcées, qui «lonnoient au feigneur un nouveau vaffal malgré lui. II eft vrai que pour indemnifer en quelque forte les fuzerains, ils inventerent 1'ufage des lods & ventes, & des profits des fiefs qu'ils leur attribuerent en ces occafions. Mais les nouyeaux poffeffeurs des fiefs fe trouverent des gens nés dans une condition tout-a-fait éloignée de la profeffion des armes, & par conféquent inutfle a la fin pour laquelle on avoit établi les fiefs. 30. L'augmentation de la valeur de l'argent, & la différente évaluation du prix de la monnoie avoient tellement diminué le produit des fiefs, qu'au lieu d'une pleine fubfiftance qu'ils donnoient auparavant a leurs poffeffeurs, d'oii fuivoit 1'obligation & la poffibilité du fervice , ils fe trouvoient diminués de plus de trois quarts de leur valeur primitive. II eft facile de le démontrer, en obfervant qu'au tems du déclinde lafeconderace, qui eft celui des inféodations a prix d'argent, la Hvre de ce métal étoit évaluée a 17, 18 & zo fols, dont il fuit que les terres, engagées a un particulier fous la redevance d'un fol, rendoient au propriétaire foncier au moins la vingtieme partie d'une livre d'argent, & a proportion fi 1'inféodation étoit plus ou moins forte : mais quand il eft arrivé dans la fuite que le fol eft devenv^  Parlemens de Francë. 307 monnoie fans rapport au prix d'argent, & que Ie mare ou demi livre du même métal a monté a 5:0 fols, Finféodation d'un fol ne s'eft trouvée que la eentieme partie de la terre. Et partant dès le tems de S. Louis, la valeur des inféodations pécuniaires étoit déja réduite au cinquieme de fon prix , c'eft - a - dire, que cinq fols du tems de S. Louis n'en valoient qu'un du premier tems : doncil fuit que la diminution étoit incomparablement plus grande fous le regne de Charles VII, puifque le mare d'argent étant monté en 1440, a 7 livres 10 fols, &c par conféquent la livre a 15 livres, il falloit 15 fols de ce tems-la pour égaler la valeur d'un fol du tems des premières inféodations ; abaiffement prodigieux, & qui doit donner une étrange idéé de 1'inattention Francoife, même par rapport aux plus fenfibles intéréts. Car il n'y a perfonne qui ne foit en qtat de juger combien il étoitaifé de hauffer les redevances pécuniaires a mefure que l'on hauffoit le prix de l'argent. Mais fi l'on veut pouffer cette difcuffion jufqu'a évaluer la perte préfente fur Je pied de Paugmentation du prix des métaux, il fe trouvera que le mare d'argent, étant aujourd'hui monté a 3 j livres, Sc la livre a 70, il s'enfuit que le lot de redevance, qui devroit être la vingtieme partie de la livre, 6c qui 1'étoit au premier, y *  308 Lettres sur les anciens tems, n'en eft préfentement que Ia quatorzecentieme, ce qui pourroit a peine être cru, fi le moindre calcul n'en taifoit une démonftration invincible. II ne faut donc pas être furpris il les fiefs fe trouvoient dans le tems de Charles Vil, dans rimpoffibilité de fournir le fervice, & fi maintenant la plus grande partie ne fournit pas même la fubfiftance. 40. Si l'on ajoiue a cela les partages des mêmes fiefs depuis que 1'hérédité des filles a été admife, les aliénations faites en faveur des églifes & des monafteres, les dépériflemens naturels, ruines de batimens, incendies, ravages des eaux, abandon de culture pendant la guerre , on jugera bien qu'il n'y a eu que les grands-fiefs qui ayent pu fe conferver, & que tous les petits qui faifoient le nombre 5c la force des fervices, ont été anéantis. L'on peut néanmoins objecfer a ceci 1'exemple des pays étrangers, oü malgré le hauffement du prix de l'argent, 6c malgré les malheurs communs a toute 1'efpece humaine, 6c en particulier malgré celui de la guerre dont toutes les parties de 1'europe ont été prefque contin.ieliementaffligéesdepuis 500ans,on voitque ies fiefs fe font confervés fans altération confidérable. Mais cela même nous conduit a juger cju'il y a eu en France quelque chofe de plus,  Parlemens de France. 309 que Fon ne peut s'empêcher de rapporter a itn deffein formel de ruiner les fiefs, concu dans lé tems de Louis-le-Gros, exécuté 6c fuivi fous fes fucceffeurs, comme je 1'ai montré dans mes précéclentes , en dérouvrant les principaux moyens que Ia politique des monarques, aidée de celle des hommes qu'ils ont employés pour en venir a bout, ont mis en ufage. II paroït au refte que ce qui a fauvé 6c confervé les fiefs en Flandres, en Italië, en Allemagne, en Efpagne, 6cc. a été la diftincFion conftante qu'on y a faite des biens allodiaux, fujets aux dettes, aux hypothèques 6c aux mariages des filles, d'avec les biens féodaux, qui n'étant aliénés que par engagement, ne pouvoient jamais devenir naturelfement fujets a d'autres cijarges que celles de 1'inféodation, fans le confentement du propriétaire foncier ; fi ce n'eft toutefois par rapport aux revenus qu'il n'a pas été jufte d'appliquer, pendant la vie de Fufufruitier ,""&u paiement de fes dettes, puifqu'il auroit pu les confommer d'autre maniere , fans la participation de fon feigneur. C'eft ce qui fe pratique en Efpagne, en Flandre 6c en diverfes parties de 1'Italie , partieulierement au royaume de Naples, avec un heureuxfuccès, pour le foutien des families nobles; quoiqu'on ne puiffe pas dire que les princes y ayent été mieux inten- V 3  4io Lettres sur les anciens tionnés qu'ailleurs pour la confervation des maifons illuftres, dont leur politique pouvoit prendre quelque ombrage. C'eft pourquoi je crois pouvoir dire qu'en France, outre les raifons communes de la dégradation des fiefs que je viéns de rapporter, il en faut chercher quelques autres caufes particulieres, qui fe découvrent dans le caracfere de la nobleffe, laquelle en accordant la liberté a fes efclaves, n'a cru pouvoir trouver la fienne propre que dans la faculté de pouvoir aliéner fes biens immeubles, pour fubvenir aux dépenfes ou fon inconfidération 1'engageoit. On fe fouvient encore avec quelle chaleur cette nobleffe combattit la loi des fubftitutions graduelles & perpétuelles , dans les affemblées des-états-généraux, tenues en 15 60 & en j 615, & de quelle maniere elle fit une efpece de violence a la cour, pour obtenir qu'elles fuffent réduites a trois races feulement dans tout le pays coutumier: ce qui fait une efpe ce de démonftration du fentiment que j'attribue aux ancêtres de cette même nobleffe, quand ils ont fecoué le joug de la contrainte qui les obligeoit a conferver leurs fiefs a leurs enfans. A Ï'égard de 1'Allemagne, elle fouffre une exception toute différente des autres pays, paree que le plus grand nombre des empereurs qui y ont régné , ont tellement eftimé tk. chéri l'ordre  Parlemens de France. 3*'* féodal, qu'ils ont employé toute leur autorité, & les lumieres de leur prudence pour le conferver & pour 1'embellir. Mais pour revenir au fujet effenuel de cette kttre, il eft bien évident que vu la difpofition. des affaires, la fïïreté & la tranquilliié de 1'état exigeoient alors de la prudence du monarque, qu'il format une nouvelle milice pour tenir la place de celle qui s'étoit anéantie; Et comme d'ailleurs les peuples étoient devenus infiniinent plusriches que par le paffe, depuis qu'ils étoient propriétaires de leurs biens, & que le commerce avoit fait paflér la plus grande partie de l'argent entre leurs mams , il étcit néceffaire d'en prendre fur eux la dépenié , puifque la nobleffe n'avoit plus le pouvoir ni le moyen de la faire. C'eft donc ce qui porta Charles VU a former ce grand établrftement des tailles, auxquelles il affujettit le tier-s-état feulement, c'efta-dire, ceux qui les payoient auparavant a leurs feigneurs pour en être défendus en particulier j tranfportant par ce moyen la défenfe commune de tous les membres de 1'ctat, auparavant divifée entre lesdifférens feigneurs, a fa feule perfonne : d'oii la poflérité a pris 1'idée que le roi eft le feul légitime défenfeur du royaume, au droit: de fa dignité; & que qui ne combat pas fous. fes étendarts & fes ordres f combat fans arak  312 LlLTTRES SUR LES ANCIENS & fans juftice, Je monarque feul ayant Ie droit de glaive dans fon royaume. Mais il s'enfuit auffi qu'il n'y a rien de fi éloigné de 1'idée de la première inftitution des tailles, que de 1'étendre jufqu'a la nobleffe, qui devoit du moins jouir paifiblement du domaine de fes fiefs, lorfque 1'état s'emparoit de fes hommes pour en exiger untnbut qui n'appartenoit qu a elle feule, felon les anciennes regies du gouvernement. C'eft pourquoi bien que le nom de tailles fubfifte encore de nos jours, l'on ne fcauroit dire, vü 1'immenfe accroiffement qu'on leur a donné, vu 1'inégalité de leur diftribution , vu les regies inventées pour les étendre & pour y comprendre la nobleffe, l'on ne fcauroit, dis-je, foutenir que ce foit encore le même impöt, de la même maniere que l'on ne fgauroit dire que la gendarmerie & toutes les troupes foldoyées de nos jours, quoique formées fur les premières idéés de Charles VII, puiffent être cenfées les mêmes qu'il établit. Cependant avant que de traiter en détail ces deux articles, trés - dignes d'être éclaircis, il eft néceffaire, pour ne pas manquer a notre matiere effentielle, de parler des affemblées des états-généraux qui fe tinrent fous ce regne, même pendant le fort de la guerre. La première dont il foit fait mention dans 1'hiftoire, eft celle de 1'an «426, conyoquée h  Parlemens de France. j\f Mehun-fur-Yevre pour avifer aux trioyens de faire ceffer les défordres des gens de guerre ; lefquelles ne tirant que peu ou point d'argent de leur folde, faifoient des ravages infinis dans toutes les terres, moins toutefois fur celles de la domination Angloilé, oü l'on fe mettoit en défenfe, que fur celles de l'obéiffance du roi, qui étoient indéfendues. Cette défolation, Sc la mifere des peuples étoient fi grandes, que felon 1'auteur du livre de la Pucelle, on appréhendoit juftement 1'entiere ceffation de la culture de la terre. Le même auteur rapporte groffierement ce qui fe paffa dans cette affemblée , en difant que le peuple fe porta fort librement a accorder au roi une taille générale; pourvu qu'il lui plüt communiquer les difpofitions & les moyens dont il prétendoit fe iervir pour arrêter le défordre univerfel de fes troupes. Hugue Combarel, fils de Jean , feigneur de Novaiiles, lors évêque de Poitiers, oü il avoit été transféré du fiége de Beziers, paria fortement fur la nécefïïté d'une bonne adminiftration, qui pourvoyant efficacement au paiement des gens de guerre, empêcheroitles pillages qui mettoient les peuples hors d'état de contribuer autant qu'ils le voudroient & qu'il feroit néceffaire. 11 paria avec la même liberté touchant la néceffité d'employer les troupes, qui étoient  314 Lettres sur ies anciens véritablementinutilestantquellesféjourneroient fur les terres de 1'obéiffance du roi. Mais il étoit aifé de répondre k ce difcours; puifqu'il ne tenoit pas a ce prince que les gens de guerre ne fuffent payés, & qu'il étoit d'ailleurs inutile de faire des entreprifes fans être én état de les faire réuffir: ce qui ne fe pouvoit qu'en augmentant encore le nombre des troupes, quoiqu'on fe p'aignït juftement de celles qui étoient fur pied. Ces raifons, appuyées par le plus grand nombre des députés, donnerent lieu k une conclufion favorable aux intentions du roi, puifqu'il fut réfolu qu'il feroit levé une taille générale fuffifante k fes befoins. L'auteur que j'ai cité ne s'explique pas davantage; mais il ajoute que le Sire de Giac, qui étoit alors miniffre , homme infolent & violent, ofa dire dans la chambre du roi, en préfence des feigneurs qui 1'y avoient accompagné au fortir de faffemblée, que s'ilen étoit cru, on jetteroit, pour 1'exemple, 1'évêque Combarel & tous ceux de fon avis dans la riviere : difcours qui lui attira 1'indignation & la haine de tous ceux qui 1'entendirent, ou a qui il fut rapporté. Mais leur reffentiment ne demeura pas a ce terme, puifque peu après ayant été accufé d'avoir diverti a fon profit l'argent accordé par les états, le connétable de Richemont en fit la même juftice, & le fit jetter  Parlemens de France; 315 dans la riviere fans formalité cle procés. Les regiftres du parlement, féant pour lors a Poitiers, témoignent que Pimpofition de lataille accordée par les états fut générale, & que les officiers de ce corps fe pourvürent devant le roi pour être déchargés de ce qui leur étoit demandé; comme étant naturellement exempts de toutes tailles , fubventions & fubfides, accordés par les trois états du royaume, a caufe de leurs fervices. Mais il y a bien de Papparence qüils ne purent rien obtenir dans la néceffité de ia conjonöure; cependant c'eft ici le premier ade qui juftifie la poffeffion de Pexemption des magiftrats, laquelle, comme chacun le fcait, s'eft enfuite tournée en privilége de nobleffe. En l'année 143 3 , les états du royaume furent affemblés a Tours, par Pexprès conimandement du roi, pour pacifter les troubles & brouüleries de la cour, arrivés a Foccafion de 1'enlevement du feigneur de la Trimouille, qui étant dans le chateau de Chinon, ou le roi fe trouvoit lui-même, fut furprls en une nuit par les feigneurs de Bci'ul, de la Varenne, Breffé, de Chaumont, d'Amboife, de Cotivi, depuis amiral de France, agiffant par le mouvement fecret de la reine Marie d'Anjou, ou du comte du Maine fon frere , qui occupa le miniftere par cet evenement Jean Chartier 3 quirapporte cette aflera-.  yiê Lettres sur lps anciens blée, ne dit autre chofe finon que le roi y fa parler le chancelier de France, archevêque de Reims, pour avoir 1'entreprife exécutée contre le feigneur de la Trimouille. Peu après, c'eftè-dire en l'année 1435, fe fit le célèbre traité d'Arras, auquel on attribue avec juftice le falut de la confervation de la monarchie. Ce fut era effet le coup le plus rude qui eut encore été porté aux Anglois, puifque obligeant le duc de Bourgogne k garder la neutralité entre les deux contendans k la couronne, il privoit 1'ufurpateur d'un fecours plus confidérable que fes propres forces. Mais ce qu'il y a de fingulier en ce traité, c'eft qu'il eft 1'ouvrage de celui que Fon avoit pu regarder jufques-la comme letyrande Charles VII, je veux dire, du connétable Artus de Bretagne, comte de Richemont; frere & oncle de Jean V, de Francois, & de Pierre fucceffivement ducs de Bretagne, après lefquels il le fut lui-même k la fin de fes jours, Ce prince, qui avoit époufé la dauphine, princeffe de Guyenne, fceur ainée du duc de Bourgogne, paroifioit n'avoir fait cette alliance'que pour avoir un prétexte d'entrer dans la querelle ; comme il ne fembloit avoir accepté Ia dignité de connétable que pour traverfer 1'autorité du roi, & contredire fes fentimens & fes volontés. C'étoit une opinion fi commune  Parlemens de France. 317 alors, que les mémoires du tems ont remarqué, que quand les troupes marchoient au fecours d'Orléans, la Pucelle s'attendoit a combattre k connétable & les gens de guerre qui marchoient fous fa banniere : toutefois ce fut de ce mariage, & de la difpofition même du comte de Richemont, qu'on feut tirer le traité qui fauva la France. Fi avoit un domeüique inférieur, breton de naiffance, nommé Raoul Gruet, que 1'amiral de Montauban lui avoit donné pour, trancher devant lui, que de merveilleux talens pour les négociations éleverent bientöt au - deffus des fonaions de fon état. D'abord un voyage qu'il fit en Flandres auprès du duc de Bourgogne, au fujet de Fentiere liberté de fon maïtre, prifonnier des Anglois, & relaché fur fa parole, lui donna occafion de s'iniinuer dans la confiance du duc de Bourgogne, & il le ménagea fi fagement qu'il en fit éclore le mariage de la ducheffe de Guyenne avec fon maïtre; ce qui fut un accroiffement d'honneur & de fortune trèsconfidérable pour le connétable. Dans la fuite Raoul Gruet profka de toutes les conjonaures pour difpofer fon efprit en faveur du parti Francois; & s'il ne put pas épargner au roi les chagrins qu'il effuya par rapport k 1'éloigncment ou a la ruine de fes principales créa-  ai8 Lettres sur les anciens Jures, du moins il le maintint dans 1'intérêt deIa nat»n> en général, jufqu'a fa réconciliation perfonnelle avec le roi. Mais fon principal chefd oeuvre a été, fans contredit, la négociation qmprodmfit le traité d'Arras; dans laquelle il profita avec une adreffe infinie de 1'inclination naturelle que le duc de Bourgogne avoit pour fa propre maifon, des fentimens de gloire de générofité & de piété qui le pouvoient* amener a une réconciliation avec Charles VIIenfin des mécontentemens que les Anglois lui donn0lent, même malgré eux, par une conféquence des divifions de leur gouvernement pendiant la minorité de Henri VI. . Les Genees de cette négociation furent jetees dès le tems du facre de Charles VII, en 1429; elles commencerent è frucrifier en M33 & M34, oü le duc de Bourgogne fut ventablement déterminé dans une conférence quil eut avec le connétable, pour régler les mterêtsde la maifon de Bourbon en la comté de Clermont, & enfin l'année fuivante leur donna tout leclat & toute 1'utilité qui étoient necefiaires au bien du royaume. Ce fut ainfi que Raoul Gruet confomma 1'ou vrage qu'il avoit conduit jufques-laavec autant de courage que de prudence. Cet homme, dont la conduite & 1 mtention méritent lareconnoifiance de toute  Parlemens de France. 31$ la poflérité , a étéle pere & le chef d'une familie qui s'eft éteinte de nos jours dans la perfonne du dernier feigneur de la Freté, mort fans enfans, & dans i'indignation du roi, pour avoir manqué de cette fageffe qui avoit fondé fa maifon. Les nouveaux acfes d'Angleterre nous font connoïtre de quelle facon on engagea les Anglois a envoyer leurs ambaffadeurs a Arras, dans 1'efpérance de conclure une paix générale , quoique la France & la Bourgogne n'en euffent pas 1'intention: auffi ces ambaffadeurs fe retïrerent-ils d'abord; mais comme on ne cherchoït qu'un prétexte a leur égard, le traité ne s'en £t pas moins entre les véritables intéreffés. Le roi y donna de fa part toutes les fatisfa&ions poffibles pour la mort du duc Jean de Bourgogne , fans ménager ni le point d'honneur, mi fa dignité perfonnelle; & d'autre part,- le duc facrifia fon reffentiment au falut du royaume, par un exemple le plus noble & le plus fignalé qui fe puiffe jamais trouver, de ce que des princes véritablement dignes de Fêtre doivent a 1'intérêt public. Les négociateurs du traité furent le duc de Bourbon, le connétable lui-même, le chancecelier Renaud de Chartres, archevêque de Reims, une des meilleurs têtes du tems, le «Eomte de Vendöme, grand-maïtre, Chriftophe  '310 Lettres sur les anciens d'Harcourt, le maréchal de la Fayette, les feigneurs de Mouy & de S.-Simon, avec dix autres des meilleurs maifons: Adam de Cambrai, premier préfident du parlement, & quelques autres confeillers du même corps; détail que je fais pour relever la faute de quelques modernes, lefquels furpris du rang occupé par Chrifiophe d'Harcourt au-deffus d'un maréchal de France, & par les autres au - deffus d'un premier préfident du parlement, ont imaginé que le premier étoit eccléfiaftique, & qu'il y avoit de la confufion dans le rang des autres; faute de fcavoir que la haute nobleffe n'étoit ' pas alors tellement dépoffédée de fon rang, qu'elle ne s'attribuat & n'obtïnt fouvent la préfeance fur les officiers dits aujourd'hui de la couronne, & fur toute efpece de magiflrature. En l'année 1439, le roi ayant recouvré la ville de Paris, & la plus grande partie du royaume, plus occupé de 1'amour de la paix & de 1'établiffement d'une police légitime èc raifonnable, que del a gloire de fes conquêtes, affembla le clergé de fon royaume, & un grand confeil des feigneurs , dans la Sainte-Chapelle deBourges, pour former une déhbération convenable fur les divifions qui partageoient alors Féglife. Les eccléfiaftiques faifirent habilement cette occafion pour fe faire autorifer, endreffant un  Parlemens ï>e France. 311 lïn régiement qui les mit a couvert, pour 1'avenir, des enrreprifes de la tour de Rome-; efpérant que le pape feroit affez content de ce qiie la France n'avoit point adhéré a fa dépofition, prononcée par ie concile de Balie. Ce fut en exécution de ce pouvoir qu'ils formerent une loi générale, 'fous le nom de pragmadque. fanclion, laquelle confirmée par les lettres patentes de Charles VII, fut publiée & enregiftrée au parlement, le 13 de Juillet de cette année. On convient encore aujourd'hui que depuis 1'établiffement de la monarchie , il n'y avoit point eu de régiement fi fage & fi folide que celuila fur les matieres eccléfiafiiques; ainfi on doit le regarder comme un premier témoignage dé Fintention parfaite, & de la grande capacité du monarque, ou des miniftres qu'il employoit. L'année fuivante, touché du même defir en faveur de lapolicede fon royaume, il convoqua les états généraux en la ville d'Orléans, oü fe trouverent, le roi premierement, la vieilie reine de Sicile, mere de la reine, le duc de Bourbon, le comte du Maine, Ie connétable de Richemont, Pierre de Bretagne fon neveu , Ie comte de la Marche , gouverneur du dauphin, (c'étoit Bernard d'Armagnac, comte de Pardiac de la Marche, mari d'Lléonore de Bourbon héritiere de la Marche) & le comte de Vendöme, lequel Tome JF~. X  3*i Lettres sur les anciens quoique du nom de Bourbon , n'eft nommé qu'après lui; les ambaffadeurs Sc procureurs du duc d'Orléans, encore prifonnier en Angleterre ; fcavoir le comte deDunois, fon frere naturel , St 1'évêque d'Orléans qui font nommés de fuite; puis 1'archevêque de Reims, chancelier, les ambaffadeurs Sc procureurs du duc de Bourgogne; fcavoir 1'évêque de Tournai, le fire de Crequi, Simon de la Lairg, baiiüf d'Amiens, Sc le fire d'Auchin; les ambaffadeurs Sc procureurs du duc de Bretagne; fcavoir les évêques de Nantes Sc de S.-Brieux, & le fire de Laval; 1'ambaffadeur Sc le procureur du comte d'Armagnac, dit le fire d'Eftans ou d'Eftaing, d'Eftagne; 1'évêque de Beauvais, Sc les autres députés de Paris Sc de 1'ifle de France, Sc en général les députés des trois ordres, Sc de tous les autres bailliages Sc pays du royaume en trés-grande multitude. L'affemblée s'étant formée dans un lieu particulier de la ville , lequel n'eft point exprimé par 1'hiftorien Berri qui a fait le détail de ces états, fut mandae a 1'hötel du roi, ou lesprinces étoient demeurés, & ayant été introduite dans une falie difpofée pour la féance, le roi Charles y vint prendre fa place, lesprinces demeurerent prés de fa perfonne , ce qui eft obfervé ici pour la première ois. Chacun prit eftfuije la place qui lui étoit  ■ Parlemens de France, 313 marquée, après quoi le chancelier Renaud de Chartres prit la parole au nom du roi; il expofa fon intention de procurer le repos & la paix, dont la France avoit tant de befoin. 11 rapporta que pour y parvenir, on avoit ci-devant tenu conférence a S.-Omer, ou le comte de Vendöme, 1'archevêque de Narbonne, & lui chancelier avoient été députés, & qu'ils en avoient rapporté certaines propofitions , fur lefquelles le roi vouloit avoir leur avis particulier, fur cha:un des articles; & pour cet effet, il en fit remettre fur-le-champ des copies a tous les députés, les priant, de fa part, d'en rendre une prompte réponfe. II fe paffa néanmoins huit jours en délibérations particulieres, après lefquelles le roi entendit|publiquement 1'avis de ceuxquiavoient droit de le dire ; ce qui donna occafion a quantité de harangues, dans lefquelles on célébra a 1'envi les louanges de la paix, fans oubiier d'y faire une mention fort ennuyeufe des dits des philofophes, des hiffoiresanciennes, & des exemples que l'on pouvoit prendre, felon la méthode ordinaire de 1'éloquence de ce temsla. Mais foit que la réfolution fut étouffée dans le nombre des paroles, foit que la diverfité des avis fut trop grande, le roi jugea néceffair* X 2,  3-14 Lettres sur les anciens que l'on élüt de certains députés qui exami* neroient la matiere plus mürement, & en feroient un rapport public Les députés furent le comte de Vendöme, Jacques Juvenal, depuis évêque de Portiers, le comte de Dunois, le maréchal de !a Fayette , Jean R'aboteau préfident du parlement, & quelques confeillers du même tribunal. Les avis de ce comité furent différens. Jacques Juvenal porta la parole pour ceux qui foutenoient la néceffité de la paix; & le préfident Raboteau paria pour montrer 1'impoffibilité de la faire; la vanité qu'il y avoit è 1'efpérer tant que les, Anglois auroient un pied dans le royaume, & enfin la néceffité de faire «n effort pour les en chaffer abfolument. Cependant après avoir entendu, la matiere mife en déhbération, on conclut prefque généralement a la paix, & en conformité de cette réfolution', il fut ordonné que les ambaffadeurs ou les plénipoteutiaires précédens retourneroient a S.-Omer, pour la conclure aux con« ditions les plus faf orables qu'il fe pourroit, s'il étoit poffible d'y faire entendre les Anglois. On ne put toutefois réuffir a ce deffein que long-tems après; & tout ce qu'on put obtenir fut une trêve de quelques mois. Cetexemple .feit voir que les déübérations communes tendent  Parlemens de France. 32y toujours au ioulagement du mal préfent , & fe déterminent rarement par la confidératiott d'une utilité future. Mais d'autre part , les états eurent un effet bien plus important : car le roi touché de 1'extrême défolation des peuples , qui lui fut repréientée, & qu'il connut évidcmment être plutöt caufée par la mauvaife difcipline de 'fes propres troupes, q-je par les Anglois, y prit la fage réfolution d'arrêter leurs défordres, par tous les moyens poffibles. II communiqua aux députés le deffein qu'il avoit formé de les, réduire toutes en bandes cliitincles, ou compagnies féparées, fous des capitaiiies qu'il choifiroit; de les faire fortir des provinces oü les. Anglois ne pouvoient nuire; de les loger dans, les places frontieres ,; Sc de leur payer certaine folde demi (üffifante,afin que le défordre qu'elles. pourroient faire ne tombat que fur les énnemis,., le tout dans 1'efpérance qu'il avoit de lés régler enfuite défmiiivement en nombre & en folde,, fous une difcipline exaöe, qui mit a 1'avenir les bons fujets dans une entiere süreté. II de~. manda pour- 1'èxécution du projet une taille qui lui fut très-libéralement accordée ; tant paree que l'on étoit perfuadé de fon bon ménage Sc de la ffdélité dé fes pro meifes, que paree ique Tón voyoit bien que tout le mal ne venoife  32.6 Lettres sur les anciens que de fon impuifiance. Jean Chartier, auteur contemporain , ne nous explique ces matieres qu'a moitié, & le Herraut Berry , auffi mauvais hiflorien que lui, n'en dit pas davantage. On peut néanmoins recueillir de leur narration, que dès quel'affemblée fut congédiée, le roi fe mit en marche pour faire fonir toutes fes troupes des lieux ou elles n'étoient plus néceffaires. & pour les faire avancer fur la frontiere. 11 trouva quelque réfiftance en certains endroits; mais fa fermeté a priver les pHllards de tous emplois, a punir févérement les rebelles, les féditieux, & ceux qui fe trouverent chargés de crimes énormes, les réduilit a !a fin a reconnoitre la juftice de fes ordres, & a obéïr. II fut obligé dans la ville de Bar-fur Aube de faire noyer un fils naturel du duc de Bourbon, dont t'avarice & i'inhumanité avoient défolé la ville & tous fes environs. JMais 1'idée de cette févérité, que les mal-intentionnés qualifierent d'abord d'ingratitude & de méconnoiffance , fe joignant aux autres intéréts des capitaines, ne tarda pas a produire des grands mouvemens parmi les pnncipaux feigneurs de la cour, qui commencerent a éclater la même année. Cependant ce n'étoit pas affez, pour tenir parole aux états, d'avoir fait vuider les provinces de tant de pillards; il falloit réduire les troupes a une forme & a une difci-  Parlemens de France. 317 pline de telle nature, que l'on put fe flatter que les défordres paffes ne recommonceroient jamais, & efpérec que l'amendement projetté ïroit toujours de mieux en mieux. Ce fut dans cette intention, que le roi ordonna qu'au lieu de dix ou douze chevaux cle bagage qwe chaque homme d'armes menoit alors ordinaïremenf, il feroit réduit a trois chevaux 8c deux archers pour chacun , chaffant le refle des équipages comme inutile & même dangefeux , foits peine de punition corporelle. Cette ordonnance fut heureufement Sc ponctuellement exécutée parmi les troupes, qui n'en devinrent que plus promptes au fervice, plus fieres, Sc de meilleure volonté. Au refte, comme ce régiement n'étoit pas 1'affaire d'un jour , il fallut y revenir k plufieurs fois, a mefure que les occafions 8c les conjoncfures donnerent lieu au monarque de déployer fes vues pour 1'avantage des fujets. Cependant l'on peut dire qu'il en fit affez dans le cours de cette année, pour perfuader les peuples de fon intention & de fa bonne foi dans Fexécution des engagemens pris avec eux k Faffemblée des états : ce qui lui attacha de plus en plus les cceurs 8c les volontés des gens de bien. Toutefois , les chefs des troupes étoient bien éloignés de fes fentimens ; la plupart prétendoient que leur autorité 8c leur profit a\<- X 4  32^ Lettrfs sur les anciens leunt être égalernent retranchés par cette nouvelle poliee ; ils difoient hatiunvnt que ce n'étoit j as li iécompenie due a leurs tervices, & que la ra ihtédu monarque érok fi grande , que fi on tui laiffoit davantage le gouvernement de 1'état, il peraroit , par fon imprudence & fa foibleffe , les avantagcs remportés juiqu'a ce jour, aux dépens de tant de fa-g répandu , & de tant d'argent tiré des communes du royaume. Le duc d'Alencon , le plus féditieux & le plus broui Ion des feigneurs de fon fiécle , fe trouvoitparrein du dauphin > pour lors agé de dix-fept ans, maisdéja marié è la princeffe d'EcofTe , & reconnu pour un génie noir &: malin , & fouverainement ambi e x de 1'autorité. Le roi fon pere , qui fe defLit de fon caracfere , le tenoit éloigné de lui fous la conduite de Bernard d'Armagnac, comte de la Marche & de Pardiac , 1'un des plus fages & des plus vaillans feigneurs du tems , mais qui fans autre raifon éioit tellement devenu odieux & infupportable a fon pupdie , que fa vengeance contre lui & toute ia maifon ne s'éteignit que par le fang de fon fi s Jacques de Nemours , qu'il fit exécuter comme un fcélérat en place de Gréve , piés de quarante ans apres. Le duc d'Alencon fe fervit de cette diipofition pour débaucher ie  Parlemens de France. 329 'dauphin de 1'obéiffance du roi ion pere , en lui perfuadant qu'il étoit aifé de le faire régner dès lors. II le ièrvit , pour lui infpirer ces projets, de 1'organe de Pierre d'Amboife , feigneur de Chdumont , de Jean Sanglier 6c du jeune Eoucicaut. Mais, pendant qu'il travailloit de ce coté-la,ilne négligeoitrien d'autre part, pour attirer a ies vues les autres feigneurs du fang & les vieux capitaines qui étoient depuis filong-tems au fervice du roi. Son intrigue lui réuifit a Ï'égard du duc de Bourbon, des comtes deVendöme&de Dunois, du feigneur de la Trimouille , du batard de Bourbon, depuis amiral , & du feigneur de Chabannes. Tous rompirent a la fois 1'ordonnance dii roi , ramenant les compagnies dans le plat-pays, en abandonnant les frontieres. Le duc d'Alencon paffa jufqu'a Niort, ou s'étant rendu le maitre de la perfonne du dauphin , après avoir honteufement cbaffé le comte de la Marche , il fe crut affez fort pour faire des entreprifes fur les places du voifinage. Le roi, de fon cöté, employa d'abord la négociation pour défunir cette cabale: il y députa le connétable, &le fire de Gaucourt Cu'ant , qui s'étoient trouvés auprès de lui; mais fur le refus que les conjapés firent de  3jo Lettres sur les anciens traiter , il fe réfolut de tenter lui-mème la fortune. II fe rendit en diligence a Poitiers , oü , tandis qu'il amaffoit des troupes, il apprit que le duc d'Alencon avoit fnrpris la ville de S. Maixant, mais que le chateau & 1'abbaye tenoient encore pour lui. II courut d'abord ; & les dégagea avec tant de valeur & de fuc«es, que le dauphin, intimidé, crut ne pouvoirtrouverde füreté qu'en Bourbonnois , oü il fe retira en grande hate. Mais le roi 1'y pourfuivoit chaudement; & l'hiftoire remarque que l'ordre établi depuis peu parmi les gens de guerre , fe trouva fi bon dans cette première expérience , qu'en peu de jours le roi fe trouva fort de huit eens lances , & de deux mille hommes de trait, fans que les frontieres ftnTent dégarnies, paree qu'il avoit remplacé avec une extreme diligence tous ceux qui avoient manqué a leur devoir. Le dauphin avoit cru pouvoir fe défendre k Mou'ins avec les forces que le duc de Bourbon y avoit affemblées ; mais Papproche du roi 1'obligea de fe retirer a Decife : & il penfoit a fe jetter en Bourgogne*, lorfqu'il fut averti que toutes les villes , indignées de fa mauvaife conduite, fe préparoienta lui fermer les portes. Cette nouvelle 1'engagea k faire effort du cóté de 1'Auvergne, mais il y fut prefque auffi  Parlemens de France. 331 mal recu. Le roi étant entré clans Clermont , y convoqua les états de la province pour leur faire connoïtre la véritable difpofition des affaires , & la mauvaife conduite de fon fils, & la déloyauté des feigneurs qui 1 avoient féduit pour lui mettre les armes a la main contre un pere & un roi , qui ne travaillant que pour le bien du royaume , ne travailloit réellement que pour lui, qui en étoit 1'héritier préfomptif. Ce fut 1'évêque du lieu qui porta la parole , & il fit même tellement valoir fes raifons & fon droit , que toute Faffemblée fe détermina avec zele k offrir corps & biens pour lui aider a foumettre les révoltés. Les affaires étant en ces termes , le comte d'Eu, ainé de la maifon d'Artois, entreprit de porter les princes ligués au repentir: il fit plufieurs voyages a cette fin , defquels Ie terme fut, que le dauphin & le duc de Bourbon fe réfolurenta venir demander pardon au roi, & a fe foumettre a fa clémence. Cependant , quoique le traité & les engagemens fuffent formels, ils négligerent de fe rendre auprès du roi au jour marqué , ce qui lui donna occafion d'entrer dans le Bourbonnois, ou en peu de jours il fe rendit maïtre de tant de places , qu'a la fin les princes fe réfolurent a la foumiffion. Le duc d'Alencon fit  1 332 Lettres sur les anciens fon traité k part ; le dauphin & le duc deBourbon , virent le roi a Cuffet , & lui remirent les places qui tenoient encore pour eux. Mais on remarqua dès lors que le dauphin ne cédoit qu'a la néceffité , & que fon cceur, éloigné de Ion devoir , étoit toujours implacable envers fon pere. Cette efpece de guerre civile , qui fut dite la Praguerie, fut appaifée fi promptement, par lafermeté & vigilance du monarque , qu'elle porta peu de préjudice a celle des Anglois , qui fe fit viofammcnt pendant ce tems-la aux environs deParis , par prifes & reprifes de places & de chateaux. Mais peu après le roi la porta auffi dans Ia Guyenne , oir la prife de plufieurs places & la réconciliation de divers feigneurs 3 augmenterent la réputation de fes fuccès. Cependant, comme la profpérité des armes ne lui faifoit jamais oublier les foins de la paix & de la regie , il affembla les états des pays de la Languedoil a Touloufe, en 1442» II y fit moins de nouveaux regiemens, qu'il ne s'appliqua a maintenir ceux qui étoient déja faits; fuivant ce principe général de conduite qu'il s'étoit propofé , de ne point introduire de nouveauté fans une évidente néceffité , & de ne jamais laiffer inquiéter les peuples , fous le fpécieux prétexte de la réformation des abus ^  Parlemens de France; 33$' -que Fon propofe communément aux princes, moins pour 1'avantage public que pour 1'intérêt particulier. II prit connoiffance des différendsde la comteffe de Comminge avec fon mari , & la tira d'une prifon ou elle étoit retenue depuis plufieurs années, quoiqu'agée de plus de quatre-vingts ans. Ce fut auffi pour lors que commencerent les querelles de la maifon d'Armagnac , qui la conduifirent k fa perte totale fous le regne fuivant : le roi n'ayant pas alors voulu fouffrir que le chef de ce grand nom s'intftulat comte par la grace Je Dien , pour ne pas donner tlieu , par cette nouveauté , a Findépendance qu'il affecfoit. L'an 1444 , au mois de mai, le roi conclut une treve avec les Anglois , qui fut cimentée par le mariage du roi d'Angleterre avec Marguerite d'Anjou , fille du roi René de Sicile, & niece de la reine. Enfin , fe voyant en repos pour quelque tems , il s'appliqua tout de bon k la réforme de 1'état, & a fixerla difcipline des troupes ; il établitde fon autorité, mais en conféquence du confentement des états généraux tenus en 2440, une ~axe générale fur les fonds de terre & fur Finduftrie du peuple , qui fut nommée Ia taille de la gendarmerie : laquelle, quoiqu'il Fait augmentée dans la fuite de prés de  334 Lettres sur les anciens la moitié , n'a jamais paffé un million deux eens mille livres , ou cent trente-deux mille marcs d'argent, pendant tout le cours de fon regne : fomme véritablement bien excédente fout ce qu'on auroit imaginé du tems de Philippe-le-Bel, ou des autres princes avides dont nous avons fait 1'hiftoire , mais qui donne un témoignage convaincant du grand accroiffement des richeffes métalliques de la France , qui s'étoit fait par le commerce , au milieu des délordres d'une guerre affreufe, quoique long-tems avant la découverte des Indes. Charles VII mourut le 22 juillet de 1461, les uns difent de poifon, les autres par la crainte d'en prendre dans la nourriture. H avoit régné prés de trente-neuf ans avec des difgraces, une profpérité toutes fingulieres; mais fur-tout avec une conduite fi nette, fi exacïe, & fi ménagée, que l'on peut dire, que fi le bonheur d'un peuple pouvoit dépendre de Fintention de fon roi, celui de la France auroit été aifuré pour plufieurs fiecles. II prévit toujours avec douleur les changemens prochains que fon fucceffeur feroit dans 1 adminiftration , mais fans avoir néanmoins la force d'y mettre les empêchemeris néceffajres, qu'il auroit pu former par «ne déhbé-  I Parlemens de France; 335 ration d'éta'.s - généraux bien concertée, &C ■ foutenue de toutes les formalités, pour on rendre 1'exécution certaine & inviolable. Et ce fut ainfi que ce gouvernement, le plus économe & le plus méthodique , fit place au régne le plus arbitraire & le plus contraire aux loix & aux régies anciennes , que la France eut encore effuyé. Louis XI, qui fuccéda a Charles VII, a Page de trente-huit ans, paroiffoit avoir acquis une maturité fumfahte ; il avoit même reffenti 1'utile contradiction des difgraces & de 1'oppofition a fes volontés, pendant 1'efpace de quatorze ans; cependant Pexpérience fait voir, par fon exemple, qu'un mauvais naturel ne fe corrigë jamais, puifqu'il n'en fut que plus dur, plus porté a la vengeance , &plusavide de tous les biens des particuliers, dont il imagina le premier avoir droit de difpofer, pour fe faire des créatures, c'eft-a-dire comme 41 Pentendoit, des gens vendus a toutes fes volontés. On dit que ce prince avoit raffemblé toutes les qualités odieufes de divers fujets de fa familie; 1'humeur farouche & fanguinaire des rois Jean & Philippe de Valois fes aïeuls ; la trop grande prévoyance de Charles V; la prodigalité de Louis, duc d'Anjou , fon grandpere maternel; la noirceur & la maliced'Ifa-  33Ö Lettres sur les anciens belle de Baviere; & enfin la défiance de Ibfl' pere. Mais le portrait de ce Prince fe trouvant fait dans 1'hifioire de (on tems par une main mcomparable , il feroit imprudent & téméraire d'y ajouter, deux eens cinquante ans après fa mort, quelques traits d'une moindre force. ONZIEME  Parlemens de France. 351 généraux , & qu'il les eut confirmés fuivant 1'ancien ufage , dans le droit de confeiller le monarque , tant pour ia guerre que pour la paix, ou pour le choix des perfonnes propres a rem» plir les emplois civils & militaires, dans le droit de confentir aux impofuions, Sc d'accorder le fecours d'argent néceffaire aux befoins publics ; par ce feul moyen Charles VII auroit prévenu folidement Sc efHcacement tous les malheurs qui ont inondé la France après lui. Mais un rede de complaifance pour la foumifïion qui étoit rendue a fon fils par tous les ordres de 1'état, jointe a fa timidïté naturelle, enfin le manque d'un confeil affez ferme &affez bien intentionné , furent caufe qu'après avoir vainement tenté 1'exhérédation de ce fils défc* béiffant & révolté , il comprit a la fin qu'il lui feroit impoffible de lui fubflituer le fecond, trop foible d'age Sc de complexion pour foutenir une guerre civile , fans 1'expofer h une vengeance certaine, qui lui pouvoit coüter la vie; Sc ainfi il aima mieux remettré fa caufe Sc celle de la France au hazard de 1'événement. Ce fut donc dans ces circonftances que Louis XI monta fur le tröne. II avoit fans contredit des grands talens pour le gouvernement; une netteté & une vivacité merveilleufe dans le jugement, une promptitude finguüere dans  3e France. 35.7 Ia vengeance : & la faeilité qu'il rencontra k Ia prendre, avec éclat & promptkude, allumerent en 1465 la guerre du bien public qui fut, a proprement parler, une révolte générale de tous les grands du royaume , dans laquelle le roi auroit infailliblement fuccombé , fi Paris ne lui füt demeuré foumis, & fi fa politique, füpérieure k tous les deffeins de fes ennemis, n'eüt trouvé le moyen de les divifer. Le duc de Bretagne , pouffé k bout par- Louis XI, avoit eu recours a la protection d'Angleterre; mais comme elle lui coütoit cher, il prit la veie de 1'intrigue. II fe Ha étrokement avec les feigneurs mécontens, & par leur entreprife il vint a bout de gagner le duc de Berry , frere unique du roi, prince de petite capacité, mais que la fendreffe de fon pere avoit rendu cher a la- nation-, On le plaignoit de n'avoir pas une fubfiftance proportionnée a fa naiffance & a fon age :-le roi différant la déiivranc-e de fon appanage, dans la crainte qu'une partie de la nobleffe ne s'attachat a fa-perfonne, s'il-étok en état de lui Pro~ curer-des établiffemens. Ainfi -1'intérêt-de-s grands-, qui étoit de balancer- Fautor-ké-d;un roi capricieux & volontaire , mais fans enfans, par 1'i-dée de la fortune naiffante de fon cadet-, qui étoit hénkier préfomptifde la couronne, fe réuniffan-È la, tendreffe générale qu'on- avoit- pour- lui-».  358 Lettres sur les anciens & k la pitié, en flrent bientöt un perfonnage confidérable, & dont le nom feul entraina la moitié du royaume dans la révolte. La politique de Louis XI ne permettoit pas a fon frere de s'éloigner de lui: ainfi il étoit 1'inféparable compagnon de tous fes voyages, qui étoient prefque continuels d'un bout du royaume k 1'autre. Les occupations, dans un tems oü il n'y avoit point encore de cour réglée, ni par conféquent d'affemblée de dames, ni de jeu, n'étoient autres que la promenade & la chaffe. II ne rece voit d'ailleurs mille inftruction , le roi fon frere étant prévenu contre 1'étude. C'eft ce qui fit que fe trouvant fans crédit ni autorité &C fans amufemens, il prêta plus aifément 1'oreille aux avis fecrets qui lui furent donnés fur fa fortune. Mais avant tout 1'éclat de cette guerre du bien public, Louis, dont la pénétration ne pouvoit être trompée par la diffimulation des mécontens , affembla en la ville de Tours les notables , au mois de décembre 1463 , pour calmer en quelque forte les efprits, & pour fe ménager le tems de dompter la Bretagne, pendant que la vieillefle & la lenteur des réfolu • tions du duc de Bourgogne lui en donneroient le loifir. On ne fcait point aujouri'hui quelle fut alors la forme de cette affemblée, ni le nombre, non plus que la condition de ceux qui  Parlemens de Francev' 359* s'y trouverent. On fcait feulement que Charles r, duc d'Orléans, que fon age, fa probité & fora rang, faifoient regarder comme la feconde perfonne de 1'état, y ayant voulu parler contre les abus du gouvernement, fes remontrances y furent recues avec une colere fecrete, & tant de mépris, qu'il en mourut de douleur peu de jours après, c'eft - & - dire, le 4 Janvier fuivant, laiffant un prince agé de moins de deux ans, qui fut depuis héritier de la monarchie. Sur la fin de l'année 1464, c'eft.-a-dire, le 4 du mois de mars, le duc de Berry, conduit par le Batard d'Armagnac & par le feigneur de 1'Efcun „ s'évada de la cour, qui fe trouvoit pour lors a Poitiers, a la faveur d'une ambaffade que le duc de Bretagne avoit envoyée au roi. Cette fuite fut le fignal d'une révolte générale de tous les feigneurs du royaume. Louis XI fut fur le point de fuccomber a leurs efforts réunis : mais il feut fe tirer de ce mauvais pas par le traité de Conflans, fuivant lequel il fembloit accorder aux confédérés de grauds avantages, tandis qu'il préparoit leur ruine dans la réalité. II y eut la finguliere attention de ne donner rien de convenable a chacun, & feulement ce qui pouvoit faire une occafion de querelle entre les meilleurs amis. Le duc de Berry obtint le duché de Normandie»..  \6o Lettres sur les anciens Au mois de juillet de l'année 1466, Louis XL» qui avoit fi bien cqnnu la néceffité de calmer les efprirs d'un peuple auffi nomhreux que celui du royaume de France, convoqua une affemblée de notables, dont rouverture fe fit k Paris , le 16 du mois de juillet, anniverfaire de la bataille de Mont-le-hery. L'ony procéda d'abord è. la nornination de vingt - un comrniffaires', qui devoient faire une réformation totale du royaume dans la juftice 8c la finance. Mais qucjique le. corote de üunois, devenu 1'un des fayoris depuis ie traité de Conflans, fut a la tête de la commiffion , on n'y. conclut rien d'important, ni de profitab'e au bien public, paree" que ies maladies dépeupierent tellement la vill? de Paris, que pour. y rqppeJier des habitans, te roi fut obligé d'y donner fure.té aux bannis & aiix cfimincis de tou;s pays. En l'année fuivante, le roi fit une.perte con? fi^é»able en la perfonne cle Philippe, duc de Eou.rgo.gue; d'autant que la fucceffion étant déyolue k fon fils , celui-ei qui haï.ffoit perfonnellermmt Louis, dont >1 ié flattoit de confondre quelque jour Ie,s ardfices, donna carrière 3 fa paffion, Sc reeommenca k traiter avec le duo de No;:mandie dépoffédtj, & avec le duc de EretTgnCj fon fidele aiiié. En effet, dès le'm.ois. d'octqbre 1467, le roi fut; ayérti que. Ie. du,c  Parlemens de France. 361 d'Alencon, ci-devant condamné fous CharlesVII, & depuis rétabli par lui-même dans fes états, étoit entré dans leur ligue, & avoit promis de livrer fes places. Mais quelque chagrin que Louis put recevoir par le danger d'une feconde guerre civile, il femble qu'il en fut auffi - tót confolé par la facilité qu'il trouva a débaucher le comte de Perche, fils ainé du duc d'Alencon, & a 1'engager a lui livrer le cMteau d'Alencon, trés* important dans ce tems-la. C'eff. ainfi qu'un politique de profeffion fe trouve toujours prêt a effuyer les trahifons d'autrui, pourvu qu'il s'en dédomniage par quelque autre, moins atiendue Sc plus fenfible. Cette perte étonna fi fort les princes ligués, que dans la crainte d'un plus grand fuccès en faveur du roi, ils accepterent un accommodement, fur la propofition de fe rapporter de Fappahage du prétendu duc de Normandie a la décifion des états-généraux;. du royaumè. On ne fcauroit croire que LouisXI ait jamais fbiVcfi'tt^ p*oppfiïion-de bonne foï, quoiqu'il eut employé pour la porter le légat du pape : mais c'étoit lui-même qui travailloit k. détruire la pragmatique , Sc auquel 1'üaiverlité de Paris avoit fignifié en corps fon appel au futur concile, fcavoir le cardinal de Jouffroy, évêque d'Alby; lequel étant fujet né du duc de Bpurgogne3 Sc élevé par la protecjioja de  3&z Lettres sur ies Anciens Pbilippe-le-Bon, fut regarde par le roi comme le perionnage le plus propre è amener ces princes a fon but. L'affemblée des états-généraux fut donc indiquée fur une ordonnance du roi, après que les deux ducs etirent accepté leur médiation, pour êire tenue a Tours au premier jour d'avril 1467 & 1468, paree que le jour de Paques n'arriva cette année que le 17 du même mois, auquel commenca l'année 1468. Le roi en fit lui-même 1'ouverture & la conclufion, le 6 & le 14 du même mois, en la maniere qui fera expliquée dans la lettre fuivante..  Parlemens de France. 363 DOUZIEME LETTRE. Conunant la féance des états de Tours, en avril 1467 & 68. Plufieurs intrigues du regne de Louis XL Üaffemblée des notables en la ville de Tours- au mois de novembre 1470. Vordonnance Umboife donnée en conféquence; & plufieurs rêfiexions fur la conduite de cc regne. L e trait de politique par lequel Louis XI engagea le duc de Berry fon frere k fe rapporter a la décifion des états du royaume de 1'étendue & du revenu de fon appanage, auffi bien que du choix des terres qui lui feroient délivrées pour le fournir, fut fans difHculté très-avantagenx a fa perfonne en particulier, & a 1'mtérêt de 1'état; fi l'on fuppofe que l'on doive regarder i'tinion du corps de la monarchie, & la deff.rucf.ion de toutes les puiffances particulieres comme le principe du repos & du bien être des fujets. Mais véritablement la voix publique & le fentiment intérieur des peuples mettent une grande différence entre ces deux objets....Quoi qu'il en foit, on peut confidérer  304 Lettres sur les anciens le regne de Louis XI comme Porigine du defpotifme exercé lans ménagement & fans bonne toi, k Ia ruine totale des fujets grands & petits; iacrifiés, comme onle verra ci-après ,au poifon, au fer, au feu, k la captivité , aux tourmens de différentes fortes, & en général a une fauffê politique, qui lui a fait préférer la fatisfaéfion de conduire inutilement une intrigue, & de tromper fon ennemi, au repos de fa confcience , k fon honneur & k fa réputatiön chez la poflérité. La ville de Tours fembloit choifie pour la plus grande commodité demonfieur, Charles de France , qui faifoit fa réfidence en Bretagne, Mais le roi mit bon ordre k ce qu'il n'en put tirer aucun avantage : premiérement paree qu'il s'affüra du plus grand nombre des députés, en déterminant, par des ordres précis, le choix des provinces , ou en gagnant par fes' hbéralités ordinaires ceux. qu'il jugea propres k entraïner le fentiment des moins éclairésfecondement, paree qu'il vouloit être Iuh même préfent a cette affemblée , pour intimider ceux que le fentiment de Phonneur , ou des intéréts contraires a fa volonté poul voient engager k favorifer fon frere 5 enfin, paree qu'il renverfa, pour ainfi dire , l'ordre. de Ia féance & des déhhérations 3 pour p  Parlemens de France* tfj fubft'tuer une efpece d'acclamation tumultueufe , oü les voix des princes , ni celles des particuliers , ne furent point comptées. L'ouverture des états ne fe fit que le mercredi 6 d'avril , précédent le dimanche desRameaux; tant paree que le roi fut bien aife que la proximité de la fête empêchatla longuewr des délibérations, que paree qu'il fallut quelques jours de plus qu'on ne 1'avoit prévu, pour difpofer la falie de 1'archevêché pour une telle cérémonie. Du Tillet a donné l'ordre de la féance, par lequel on connoitque 1'étendue de la falie fut divifée en trois efpaces,féparés par descloifons de bois de demie-hauteur , revêtues de tapis , felon la dignité du lieu ; quele premier efpace, plus élevé que le rede, & auquel on montoit par trois degrés qui répondoient au fecond parquet , fut occupé par le roi, qui entra du dehors par une porte faite exprès, pour ne point traverfer la falie : qu'il étoit affis dans un fauteuil de velours , élevé de trois degrés, & fous un dais de même étoffe , brodé de fleurs de lys d'or, & fourré des plus belles zébelines, avec un cbapeau de velours noir, releyé d'une plume d'autruche; qu'a fa droite & a fa gauche , a la diftance de fept a huit pieds, il y avoit doux chaifes couvertes de drap d'or , dont celle de la droite étoit rem:  366 Lettres sur les anciens plie par le cardinal de la Balue, a la grande honte du roi & de la nation; & que celle de la gauche fut occupée par le roi de Sicile , a qui fon age, fa dignité royale , & fa proximité de la couronne , étant oncle du roi , auroient fans doute donné le premier rang fous un autre maïtre. A cöté de la chaife du roi étoit debout, a la droite , le prince de Navarre , comte de Foix; & k gauche, les comtes de Nevers & d'Eu. Au pied du roi , & fur 1'un des gradins de fontröne, du cöté droit, étoit affis le prince de Piedmont, encore jeune, & enfin derrière le roi de Sicile fur un tabouret fort bas , fut porté le comte de Dunois, grand chambellan , a caufe de fes goutes. Sur le devant du parquet, mais hors du rang, fe trouverent encore le vicomte de Narbonne fils du comte de Pembroc , frere uterin du roi d'Angleteure, par fa mere Catherine cle France, tante du roi; il étoit fils de Houtin Tuder, prince Gallois, qu'elle avoit époufé après la mort de Henri V ; ce comte fut perede Henri VII, roi d'Angleterre. Les autres feigneurs qui fe produifirent auffi fur ce parquet , furent les comtes de Tancarville , de Berueil, & de Longueville , fils du comte de Dunois; les feigneurs de Chatillon, de 1'Aigle, de Craon , de Cruffoï, de Ia Foreft, le cadet  Parlemens de France. 367 de La val , qui fut depuis archevêque de Reims , & divers autres en grand nombre. L'entrée de la falie pour le roi étoit gardée par les archers ordinaires , commandés par Guerin le Grouin ; nom bizarre , & qui fait juger des gens en qui Louis mettoit fe principale confiance. L'efcalier du tröne du fecond parquet fut mis a la garde des feigneurs de Blot & de Bellay. Le comte de Tancarville étoit de la maifon de Harcourt ; celui de Bereuil étoit comte de Sancerre , & époufa depuis une fille naturelle du roi. Le feigneur de 1'Aigle , étoit de la maifon de Chatillon Penthievre : le feigneur de Chatillon étoit Louis de Laval Montfort, gouverneur du Dalrphiné: celui de Craon étoit Louis de laTrimouille, depuis furnommé le chtvalier fans repro.chcs , celui de Cruffol étoit Jacques Bad el de Cruffo!, grand pannetier & 1'un des favoris. Enfin, le feigneur de la Foreft étoit Louis de Beaumont, coufm-germain du feigneur de Beffuire, tous deux de la maifon de Brienne , dont un cadet, vicomte de Beaumont , au pays du Maine, avoit le premier changé fon nom pour celui de fa terre. Le deuxieme parquet étoit non-feulement terminé, mais enclos de deux cötés par le troifieme , avec cette fmgularité, qu'il lauTort  368 Lettres sur les anciens deux petits efpaces entre le parquet du roi j par lefquels on entroit des deux cötés par le palfage qui conduifoit au tröne; & que dans chacun de ces efpaces il y avoit unbancparé de riehes tapis , auquel étoit affis , la face tournée, au premier de la droite , 1'archeveque de Reims avec les évêques de Laon t de Langres, de Beauvais 8c de Chalons, tous pairs éccléfiaftiques : & au fecond de la gauche, le comte de Dammartin , grand maïtre, du nom de Chabannes, les fires de Loheac Sc de Boifmenard , maréchaux de France ; le premier du nom de La val Montfort , Sc le deuxieme plus connu fous le nom de Joachim de Gamache. Après eux étoit affis le fire de Torcy , grand maïtre des arbaletiers, du nom d'Eflouteville ; Sc enfin , le dernier étoit 1'amiral de Bourbon , quoique gendre du roi par fa fille naturelle. Au-dedans du parquet, il fe trouvoit d'abord deux bancs couverts de richestaois, auxquelsfurent affis premiérement, a celui de la droite , le connétable de faintPol 8c le chancelier de France: le premier , chef de la maifon de Luxembourg • Sc le fecond , Guillaume Juvenal des Urfins , baron du Trainel, fils de 1'avocat général, fi famèux fous le regne de Charles VI. lis étoient FuA Sc 1'autre revêtus de rcbes longues de velours eramoifi ^  Parlemens de France. 369 cramoifi, & au-deffous , k peu de diflance étoit alïïs Louis d'Harcourr, batard légitimé , mais décoré du titre de patriarche de Jérufalem & de 1'évêché de Bayeux ; il fut depuis pofiulé a 1'archevêché de Rouen : après lui étoient affis 1'archevêque diocéfain , & de fuite les évêques de Paris, de Chartres, de Perigueux. Valence , Limoges, Senlis , Soiffons , Aire , Avranches, Angoulême , Lodêve , Nevers , Agen , Comminges, Bayonne,& autres qui comparurent par procureur. Au banc de la gauche furent affis Jean d'Anjou , marquis du Pont a Mouffon , duc de Lorraine , accordé a la fille ainée du roi ; le comte de Perche, fils aïné du duc d'Alencon ; le comte de Guifè, fils aïné du comte du Maine , cc de la maifon royale d'Anjou ; le comte de Vendöme, Ie comte dauphin d'Auvergne , tous deux de la maifon de Bourbon; & enfin, le fire de Gavre Montfort , aïné de la maifon de Laval. Au même parquet , & vis-a-vis le connétable & le chancelier, étoit un petit bureau devant lequel étoient affis 1e prévöt & le grefHer des états, & fur différentes felles au milieu du même parquet, au pieds des feigneurs du fang, furent affis plufieurs fecrétaires du roi. La porte de ce parquet , repondant au troifieme , & pofée vis-a-vis celle qui conTome IK, A a  3'7° Lettres sur les anciêns duifoit au tröne, fut gardée par les fénéchaux de Carcaffonne & de Quercy, vêtus de longues robes de velours noir. Enfin , dans le troifieme parquet , ( lequel étoit, non feulement a la fuite du fecond dans Fefpace qui fe terminoit a la porte de la falie de raffemblée , mais qui renfermoit le fecond parquet des deux cötés, en s'étendant par deux efpeces de boyaux jufqu'a la cloifon du parquet du tröne ; ) furent placés derrière le connétable & chancelier , les feigneurs qui avoient été honorés d'ambaffades étrangeres, ou qui étoient du confeil étroit de fa majeftc , fcavoir , les fires de Millebourg, de Maupas, de Mouï & de Montreuii; Pierre d'Oriol , qui fut depuis chancelier ; Jëan de Popaincourt , préfident des comptes , Charles de la Vernade, Adam Furnée, 'Guillaume Comprain, Pierre Clarin , Jean Viger, Jean Choart, Jean de Langlée , Mathurin Baudet&autres en grand nombre ; après lefquels furent affis les chanceliers & embaffadcurs du roi de Sicile, du duc d'Orléans , & du comte d'Angoulême. De 1'autre cöté , & dans le boyau oppofé , furent affis les principaux de la nobleffe , fcavoir, les fires de Montjoy , d'IUiers, dE'ficUteviiïè, dé Fernere , de Bonneval, de Lens, de Gaucóur & de Mouï; le vidame d'Amiens,  Parlemens de France. 371* le comte de Nefle, le comte de Roucy, les fires de Senlis , de Revel, de Tornelle , de la Pavette, de Treignac , de Monteil , de Soubife , de Dampierre , de Rochechouard, de Breffuire , de la Hocheliere , de Montemar, de la Greve, de Ruffec, cle Preuillé, de Mailly, de Criffé &Z de Tuflé : & a leur fuite, des.repréfentans, ou procureurs du refle de la nobleffe en fort grand nombre. Enfin , le milieu du même parquet , dans 1'éloignement & vis-a-vis du tröne , fut rempli des députés des bonnes villes , au nombre de trois par chacune ; un eccléfiafiique & deux bourgeois. Les villes qui y furent admifes fans diflincflon des provinces , mais dans un rang arbitraire , tel qu'il plut au roi de lesregler, ( & a Ï'égard duquel pnt vit bien qu'il eut attention a féparer tous ceux que 1'intérêt pouvoit joindre , a moins qu'il ne füt bien affüré de leurs fuffrages ; ) furent , Paris , Rouen , Bordeaux, Touloufe , Lyon, Tournay, Reims, Troyes , Carcaffonne , Beziers , Bayonne , Rhodès, Alby , Nimes , Senlis, Xaintes , Angoulême , Orléans , Angers , Poitiers , Limoges s Montpellier , Tours , Saint-Flour , Mande , la Rochelle , Bourges , Aix, Tulle, Cahors, Perigueux , Soiffons , Agen , Condom , Narbonne , Beauvais, Laon , Langres,, A a 2  372. Lettres sur les anciens Chalons, Sens,Chartres, Compiegne, Dieppe^ Saint Lo , Falaife , Vire, Carantan , Valogne , Montferrand , Saint Pourcain , Brioude , le 'Mans , Noyon, Evreux , le Puy , Clermont en Auvergne , Nevers , Meaux , Iffoudun , Niort, Saint-Jean-d'Angely, Blois, Saumur^ & Millaud. Telle fut donc la feftion des états de Tours, en laquelle il eft aifé d'appercevoir une pratique ordinaire aux princes defpotiques, ou a ceux qui veulent le devenir; c'eft-a-dire, que fous le prétexte de faciliter les affaires, d'empêcher les vaines conteftations fur les rangs ou privileges, & d'éloigner les difcuffions qui n'ont point de rapport effentiel aux matieres qui font le fujet principal d'une affemblée, ils anéantiffent les droits des villes, & de tout !e corps d'un état , jufqu'a faire difparoitre la Cy gifl noble homme , meffire Pierre de la » Neuville , chevalier, feigneur de Mcurry , » & jadis confeillcr du roi notre fire en Jon » parlement, qui trlpajfa tan de grace mil » trois eens oclante, le lundi neuvieme jour » d'avril ». Je vous ai dit que Philippe Ie Bel, par fon édit de 1'an 1302 , promettoit d'établir deux parlemens dans Paris; 6c d'autant que Partiele contenoit encore d'autres promeffes, je le vous veux repréienter mot pour mot, prceterea propter commodum fubjeclorum & expeditionem caufarum proponimus ordinare quod duo parlamenta Pari/iis , & duo fcataria Rhotomagenfia , & dies Trecenfes bis tenebuntur in anno, & quod pariamentum apudTolofam tenebitur, figentesprcediclce terra confentiant, quod non appelletur d pmfiden tibus in parlamento, Qui eft a dire : item pour la commodité de nos fujets 6c expédition des caufes, nous délibérons de faire tenir deux parlemens dans Paris , deux échiquiers dans Rouen, 6c que les grands jours de Troyes tiendront aufti deux fois Pan, 6c l'on ctablira un parlement a Thoioze, fi les gens du pays con-  ■ S E D E N T A I R E S. 405 fentent qu'il ne foit appellé de ceux qui y fiégeront. Ces échiquiers a Rouen, & grands jours de Troyes, étoient affifes générales que l'on avoit autrefois tenues fous ces noms en Normandie & Champagne , pendant que les ducs de Normandie & comtes de Champagne s'en étoient fait accroire ; auxquelles ils avoient leurs pairs pour juger leurs caufes, tout ainfi que nos rois en leurs parlemens. Ce que Philippe le Bel promit lors , fut quelques années après mis a exécution, comme l'on trouve dans un vieux regiftre des chartres du roi. Et paree que je penfe cetui être le premier, il me femble qu'il ne fera point hors de propos de le vous rapporter ici en fon naturel % & tel que je 1'ai trouvé. C'eft 1'ordonnance de parlement : il y aura deux parlemens, li un defquels commencera h 1'octave de Paques & li autre k 1'oclave de la Touffaint, & ne durera chacun que deux mois. II y aura aux parlemens deux préiats ; c'eft a favoir 1'archevêque de Narbonne & 1'évêque deRennes; & deux laïcs: c'eft a favoir le comte de Dreux 8c le comte de Bourgogne. II y aura treize clercs 8c treize laiz fans eux , 8c feront li treize clercs , meffire Guillaume de Nogaret qui 'porte le grand fcelle doyen de Tours, &c, C c j  4t6 des Parlemens' Li treize laiz du parlement fera li connetf* tab'e, meffire Guillaume de Plaifance, &c. Aux enquêtes feront 1'évêque de Couftance , 1'évêque de SoifJbns , le chantre ris & autres , jufqu'a cinq. II eft k entendre qu'ils délivrercnt toutes les enquêtes qui ne toucheront 1'honneur du corps ou héritages ; même prendront-ils bien leur confeil & leur avisenfemble ; mais ancois qu'ils les délivrent, ils en auront le confeil de ceux quitenront le parlement. Aux enquêtes de la Languedoc feront le Prieur S. Martin-des-Champs, & jufques a cinq. Aux enquêtes de la langue francoife feront maitre Raoul de Meilleur, & jufques a cinq. Aux échiquiers iront 1'évêque de Narbonne , & jufques a dix, entre lefquels eft le comte de S.Poh Aux jours de Troyes, qui feront k la quinzaine de la $. Jean, feront 1'évêque d'Orliens, 1'évêque de Soiflbnsle chantre d'Orliens, & jufques k huit. Or eft notre entente que cil qui portera ïiotre grand fcel ordonné de bai'.lerou envoyer aux enquêtes de la Languedoc &£ de la langue francoife , des notaires , tant com il verra que il fera a faire pour les befo-.gp.es dépefchier. Tout cela eft brufquement coucbé felonie  S É 3 E S T A I R E Sr 'q&f fangage du tems: mais paree que nous ignorons ceque chacun düt favoir, 1'origine de ce parlement, qui eft la plus riche piece du royaume ^ fous 1'autorité de nos rois &c qu'il s'eft entte nous infinué une héréfie d'en attribuer le premier plan au roi Ffutin, j'ai voulu vous faire part de ce placart tout de fon long ;:car je ne fais point de doute que parlant de meffire Guillaume de Nogaret , qui avoit la garde du grand fcel, ce parlement n'ait été ouveit: fous Philippe le Bel. Nogaret eft ce grand per-*fonnage, qui faifant un même atrelier des a?mes & de la juftice,.prit le pape Boniface huitieme pour fe venger de Finjure qu'il avoit faite au roi fon makre y joint que, fuivant cette ordon-nance , je trouve un échiquier temu a Rouenten Pan 13.06, ou affifterentj 1'évêque de Na?» bonne , le comte de S. Pol & Anguerrant de Marigny , Sc autres feigneurs , jufques au nombre de dix , fuivant ce qui étoit porté parPordonnance de ce-parlement 5.qui me fait penfer qu'il fut tenu en 1304 ou.1305;.mais tant y a-que je ne fais-point de doute que ce ne foiV fous le regne de Philippe le Bel. Après fon dccès , nous trouvons une-an— cienne efcroue fake a S. Germain-en-Laye fous Louis Hutin , dans laquelle , après avoir inféré Igs-.noms^premiérementdes. confeillers du con*-  4o§ des Parlemens feil eflroict;puis de tous les autres feigneurs; officiers domeftiques du roi : finalement arrivant fur le parlement, il nomme pour préfident de la grand'chambre le chancelier, & au-deffous de lui douze confeillers clercs & dix-huit laiz pour les jugeursdes enquêtes, les évêques de Mande & Soiffons, Abbez de S. Germaindes-Prez & de Saint Denis; en outre fept autres confeillers clercs ; puis fix laiz, & pour rapporteurs neuf. Philippe - le - Long y apporta depuis des regiemens qui n'y avoient encore été obfervez au parlement de 1319. Voici quelle étoit la teneur: » II eft ordonné par le roi en fon grand» confeil fur 1'état de fon parlement en la ma» niere qui s'er fuit, Premierement, il n'aura » nuls préiats députez en parlement; car leroi » fait confcience de eux empêcher au gouver» nement de leurs fpiritualités. » Item en parlement aura un baron ou deux , & desja le roy y met le comte de Boulongne. m I;em outre le chancelier & abbé de S. Dc» nis , y aura huit clercs & douze laiz ». » f.s requêtes aura quatre perfonnes. » Item aux requêtes aura deux chambres; » c'eft a favoir une pour délivrer toutes les en»> quêtes du tems paffé, jufques a aujourd'hui,  séden-taires. 409 w & 1'autre pour délivrer celles qui aviendront » du jourd'hui en avant. Et en celles deux » chambres aura huit clercs Sc huk laiz jugeurs, » 8c vingt-quatre rapporteurs.» Et la font inférés tous les confeillers par leurs noms 8c furnoms. Le clerc, fous la qualité de maitre, Sc le laiz fous celui de monfieur. Du premier article de cette ordonnance eft venu que foudain qu'un préfident ou confeiller eft fait archevêque ou évêque , il faut qu'il défempare la place, 8c réfigne fon état a un autre. Au parlement de 1'an 1320, outre les vingt confeillers de grand'chambre, on ordonné pour les enquêtes vingt confeillers clercs 8c trente laiz; dont les feize feroient jugeurs 8c les autres rapporteurs. Et pour la chambre des requêtes , cinq , trois clercs Sc deux laiz; Sc dans les róles font tout ainfi qu'aux précédens , les clercs qualifiés maïtres Sc les laiz meffire, paree que c'étoient gens fuivans les armes ; ny pour cette quaiké de meffire ou monfieur, ceux-cy n'étoient plus autorifés que les maïtres, paree que quand on parloit des feigneurs de parlement en leur général, on les appelloit ordinaïrement maïtres du parlement. En tous les autres perlemens , je ne vois point leur être prefcrite ft ample police qu'en  jjior dés Parlemens cettuy; car il leur eft a tous expreffément commandé d'entrer un matin a 1'heure qu'on chante la première mefTe en la cbapelle du roi, & de n'en fortir qu'a midi-Que nul maïtre ne puiffe fortir de Ia chambre fans congé de fon fouverain , c'eft-adire de fon préfident, ny défemparer le parlement, fans la permiffion du chancelier & du fouverain tout enfemble. Que les bailiifs, fénéchaux & procureurs du roy comparans rendent raifon de leurs chargss pardevant deux maïtres du parlement & un maïtre des comptes, pour en faire leurs procès-verbaux, & les rapporter chacun en droit dement des maitres,» Et depuis , par ordonnance de Philippe-le-Long, la porte leur fut tout* a-fait fermée. Au régiement qui fut fait par Charles V,lors régent en Pan 1359, après avoir limité le nombre des confeillers du parlement a trente qui prendroient gages, ne voulant qu'il y en eüt davantage, il exceptë puis après les préiats, princes & barons, dont il y en auroit tant qu'il lui plairoit d'autant, qu'ils ne prenoient nuls gages &c ne ckargeoient les finances du roi i Pd 2  des Parlemens' réferve qui leur ouvrit puis après le pas ; de telle fagon que les abbés mêmes y eurent entree, jufqu'en Tan 1401 , que par arrêt du 29 avril il leur fut défendu de feoir de-la en avant avec les maïtres. Et depuis 1'abbé de Cluny ayant préfenté fa requête poury avoir féance , par arrêt du pénultieme janvier 1481, elle lui fut entérinée, pour cette fois tant feulement, en confidération du grand lieu dont il étoit extrait, joint qu'il étoit chef d'or Jre. Et le même an fut par privilege fpécial permis a 1'archevêque de Narbonne d'avoir voix délibérative. Ainfi que nous voyons aujourd'hui les chofes être réglées, tous archevêques & évêques y ont féance, & n'ont opinion, fors les fix pairs eccléfiaftiques, 1'évêque de Paris & abbé de S. Denis ; privilege qui lui avoit été auffi particuliérement accordé par Philippe- le-Long-, lorlqu'il ferma la porte a tous autres préiats. Cela fera par moi dit en paffant, comme étant une piece que ie ne pouvois oublier fans faire tort a cette hiffoire. Je viensmaintenant ala chambre des requêtes du palais, £ laquelle ( après avoir difcouru tant de la chambre du parlement que de celle des enquêtes) je veux donner plus de fagon: d'autant qu'entre celle-ci, il y a encore la chambre des requêtes de 1'hötel du roi. Le fire de Join-  SEDENTAIRE S. ville dit que faint Louis fon maïtre avoit accoutumé de 1'envoycr avec les fieurs de Nefle & de Soiffons aux plaids de la porte; & s'il y avoit quelque chofe qu'ils ne puffent bonnement vuider, ils lui en faifoient le rapport, & lors envoyeit querir les parties & jugeoit leur caufe. Auparavant que le parlement fut fait fédentaire, je trouve un róle des officiers de la maifon du roi, au bout duquel font ces mois: monfieur Pierre de Sangivet, Gilles de Compiegne, Jean Mailliere: ces trois orront les plaids de la porte, & orra Gilles de Compiegne, « en tant que » monfieur Pierre de Sangive, & mangea avec » le chambellan. » De ma part je ne fais aucun doute que ces feigneurs étoient ceux que de1» puis nous avons appellés maïtres des requêtes, &c les plaids de la porte, les plaïntes 5c requêtes que l'on repréfentoit au roi, dont la connoiffance leur étoit commife. Depuis que le parlement fut fait refféant, il y en eut fix, trois clercs & trois laiz; la charge defquels étoit d'être ordinairement par quartier en cour , & le demeurant de l'année au parlement ou autres lieux , comme il leur plaifóit, &: étoient de telle autorité , qu'a la fuite du roiils. fecondoient le chancelier ; comme auffi au parlement ils prefféoient tous les autres confeillersaiv-deffous des préfidens. End'efcroue du par- Dd i  42i des Parlemens lemant term fous Louis Hurin , on infere premierement les confeillers du confeil étroit, & au-deffbus on laifl'e fon lieu particulier au chancelier , & après lui aux fix maitres des requêtes > contenant Pintitulation de Partiele ces mots: « Clercs fuivans & laiz, maitre Michel Mau» conduit , maitre Pierre Bertrand , maitre » Pierre deChappes, meffire Jean Darrablay, » meffire Ferry de Viilepeftre , meffire Jean de »> Courtier, defquels il y aura toujours en cour » un clerc & un lay, lefquels prendront en » cour en la maniere accoutumée, au tems du » roi le pere, li autre s'il vienne, ne prendront » rien s'ils ne font mandés ». Lorfque l'on vient au dénombrement des feigneurs du parlement, après,avoir mis le chancelier devant tous les confeillers clercs, comme chef, on met immédiatement après lui les trois maïtres des requêtes clercs ci-deffus nommés , & les trois autres maïtres des requêtes clercs laiz deffus tous les confeillers laiz. Ces feigneurs étoient quelquefois appellés fuivans , mais d'ordinaire pourfuivans ; non pour les vilipender , ains par un titre fpécial d'honneur , paree que leurs charges, entre toutes les autres , étoient néceffairement affeclées k la fuite du roi pour recevoir les requêtes qui lui étoient faites , qui fut caufe que depuis oubliant le premier titre, on  • S É D E N'T A'll E S. " 423. les nomma maïtres des requêtes de 1'hötel du roi: & paree qu'en ce. fujet ils fe difpenfoient quelquefois trop légérement, jugeant fort fouvent des requêtes au prejudice des parties, qui giffoient en plus grande connoiffance de caufe, leur fut enjoint que de toutes les requêtes ^de, juftice qu'on leur prefenteroit, ils feroient tenus de les renvoyer chacune en leur chacune : c'étoit de faire fceller lettres qui feroient adreffées aux juges auxquels devoit appartenir la connoiffance de telles matieres, & non de les décider. Or tout ainfi qu'en matiere de médailles les antiques font de plus grande recommandation que lesmodernes, auffi vous veuxje ici repréfenter 1'ancienne ordonnance de Philippe-le-Long. Non vrafment au même langage qu'elle fut faite; car le malheur du tems a voulu que celle-ci & plufieurs autres par moi alléguées auroient changé le langage , felon le tems qu'elles étoient copiées, qui eft caufe que je fuis contraint de les vous débiter telles que je les ai trouvées. « Philippe , par la grace de Dien roi de » France 6z de Navarre ; faifons favoir a tous, » nous avoir fait extraire de nos ordonnances » faftss par notre grand'confeil, les articles » ci-après écrits, lefquels nous voulons être D d 4  des Parlemens » tenus & gardés fermement, fans corrompre » par nos pourfuivans ». « Premierement, avons ordonné que deux » de ceux des requêtes feront continuellement » avec nous fuivans Ia cour, & non plus , un » clerc & un lay , lefquels feront tenus de » feoir chacun jour a heures accoutumées en » leur commun, pour ouir les requêtes que » fakes leur feront, & ne pafferont ni fouffri» ront paffer aucunes lettres contraires a nos » ordonnances. 8 Lefdits pourfuivans ne dclivreront, ne » pafferont nulles requêtes qui touchent » notre parlement, chambre des comptes ou » notre tréfor , aincois iceux requéreurs ren» voyeront aux lieux la ou il appartiendra cha« cun en droit foi. » Et pour ce que moult de requêtes ont été » fouvent faites a nos prédéceffeurs & a nous, » qui paffées ont été frauduleufement fous » ombre d'aucune couleur de raifon , lefquelles » fe difcutées euffent été pardevant ceux qui » font inftruits & ont connoiffance des be» fongnes , n'euffent pas été paffées : comme » de moult de gens qui requierent récompenm fation de fervices, reflitution de dommages, t> graces de dire contre les arrêts donnés en w notre parlement 3 6c plufieurs autres chofes  S É D E N T A I R E S. 415 » femblables , ou moult de fraudes &C décep» tions ont été faites au tems paffé. De toutes >> icelles requêtes nous doivent les poudui» vans, qui avec nous feront, advifer, afin » qu'elles ne patiënt & qu'elles foient envoyees » aux lieux oü il appartiendra. » Nous avons ordonné pour toujours avoir » pleine connoiffance des chofes qui fe feront » pardevers nous, qu'un livre foit fait, quë » l'on appellera journal, auquel on écriracon» tinuellement ce que fait aura été en notre » confeil étroit, dont mémoire foit a faire. Et » a celui livre faire & garder, nous avons or» donné maitre Pierre Boux , auquel il fera dit » & divifé par ceux qui feront préfens de notre » étroit confeil, ou pour 1'un des pourfuivans, » fi appellé étoit, au cas que les autres fuffent *> abfens chacun jour, ce qui fait aura été en » notredit confeil, dont mention foit faite. Et » y feront mis expreffément les noms de ceux » qui auront été aux befognes confeillers. » Et peu après; c'eft que les notaires nous w pourfuivans doivent faire & garder fur les » chofes qui s'enfuivent. » Item que lefdits notaires ne porteront nulles » lettres pour porter fceller , avant qu'elles w ayent été relues a ceux qui les auront com» mandées, &i ce même doivent faire tous les  426 des Parlemens » autres notaires, combien. qu'ils ne pour♦> fuivent la cour. Et toutes ces chofes doit » chacun defdits pourfuivans öc notaires tenir » 8c garder fermement fans corrompre ; 8c ü » aucun cas venoit qu'ils ne puifent éclaircir » par les articles defl'us dits , voulons pour » eux acertener fur ce , qu'ils ayent recours a » notre chambre des comptes , 6c nous avons » fait regiftrer nofdites ordonnances 6c bailler » en garde ». Ce mot de pour, joint avec une autre parede, emporte quelque emphafe grande, comme nous voyons en ces mots, pour parler, pour penfer, pour chaffer. Au demeurant de ces deux pieces, je veux dire du dénombrement de Louis Hutin , par moi n'a gueres touché, 8c de la préfente ordonnance , vous pouvez prefque recueillir dont viennent leurs charges 8c foncfions : car ces feigneurs étant néceffaires d'être a la fuite du roi prés du chancelier , ils furent faits fes commenfaux , voire que penfion lui fut afiignée pour les recevoir è fa table : auffi étoient-ils comme fes lieutenans pour le fceau ;8c de-la eft venu que les principales lettres royaux doivent être fignées en queue par 1'un d'eux ; de-l& qu'ils préfident au petit fceau établi par des parlemens , comme repréfentans la perfonne du  S É D E N T A I R E S. 4X7 chancelier abfent, & néanmoins leur préfence & autorité n'y eft pas requifes pour faire que les lettres portent effet de fentences; mais pour ne permettre qu'elles foient fcellées, fi par le narré d'icelles on voit qu'elles contreviennent aux ordonnances royaux, & pour le lurplus renvoyer 1'adreffe des lettres pour être jugées par les juges felon 1'exigence des cas ; de-la , que tout ainfi que dès le tems de Philippe-leLong ils fecondoient les confeillers du grandconfeil qui étoient prés du roi, comme vous voyez de cette ordonnance. Auffi voyez-vous qu'ils font le femblable au confeil d'état qui eft aujourd'hui prés du roi. Et de cela même advint le grand-confeil ayant pris nouvelle forme, ils y tinrent les premiers lieux. Et pour achever par oii je devois commencer, de l'ordre qui fut tenu dès le tems même de Louis Hutin vient qu'ils fiegent au parlement devant tous les autres confeillers ; chofe qui apporta autrëfois une difpute qui eft encore indécife ; car comme ainfi fut qu'a 1'ouverture du parlement de la faint Martin 1'an mil quatre cent fept, ne fe trouva aucun préfident pour recevoir les fermens des avocats & procureurs , qui apporta un merveilleux fcandale a la compagnie , les maitres des requêtes & les confeillers entrerent lors en contention a qui appartenoit ce premier  4iS des Parlemens lieu : ceux - la foutenant que tout ainfi qu'ils étoient les premiers en féance , aufli la préféance leur devoit appartenir;& ceux-ci que réfidant perpétuel'ement au parlement, le plus ancien de leur college devoit être préféré aux autres; fur quoi chacun nevoulant rien rabattre de fon opinion , on députa quelques feigneurs de la courpardeversle roi en fon confeil,pour définir ce différent, Toutesfois , fans approfondir 1'affaire, on trouva cet expédient, de décerner lettres par lefquelles du Drac, préfident aux requêtes, fut commis pour préfider, Depuis, en 1'abfence des préfidens & des maitres des requêtes, j'ai vu fans controverfe le plus ancien des confeillers laiz préfider & prononcer les arrêts en Paudience , fans que les confeillers clercs ayent révoqué cette puiffance en doute. Mais pour ne me détracter de mon chemin , & n'oublier rien de ce qui concerne 1'autorité des maitres des requêtes, ils eurent connoiffance & jurifdiöion contentieufe en deux points; 1'un quand le titre d'un office royal étoit contentieux entre deux parties; 1'autre quand on pourfuivoit en aöion pure perfonnelle un officier domeftique du roi, qui étoit a la fuite de fa cour. Nous apprenons cela d'une ordonnance de Philippe de Valois de 1'an 1344, & de ces deux eit fort aifé d'en rendre raifon j car pour  S É D E N T A I R E S. 429 leregard des offices, il falloit néceflairement que les parties euffent recours au roi pour les en avoir pourvus, lequel s'en repofoit fur les maitres des requêtes ; comme auffi la faveur de fes domeftiques méritoit bien qu'ils ne fuffent diftraits pour caufes légeres de fervice qu'ils devoient rendre a leur maïtre : partant, fut la connoiffance de telles affaires commife pareillement aux maïtres des requêtes. Entre les ordonnances du roi Jean, eft cette-ci du 28 décembre 13 59 , par laquelle il veut que « toutes » jurifdidtions foient délaiffées aux juges ordi» naires, fans que les fujets puiffent être tra» vaillés ailleurs, excepté feulement que les m maïtres des requêtes en fon hotel, auroient » la cognoiflance des offices, & auffi les offi» ciers de fon hotel en afbons pure* perfon,» nelles , en défendant &C non en demandant. Au demeurant ils furent du commencemeht trois, puis fix, & étant creu en nombre plus grand. Philippe de Valöis, par fon édit du 8 avril 1342, déclara qu'il ne pouvoiroit plus | nul de fes offices qu'ils ne fuffent réduits au nombre ancien de fix. Du tems de Charles VIII, ils étoient huit, quatre clercs & quatre laiz: nombre qui avoit été continué julqu'au roi Francois ier, fous lequel commenca le défordre. yrai que de fois k autres on en créoit des  430 des Parlemens extraordinaires, qui étoit caufe que les autres s'intituloient maïtres ordinaires , pour ne laiffer enjamber fur leur autorité ancienne. J'ai voulu de propos délibéré premiérement difcourir des maïtres des requêtes de 1'hötel, paree que la chambre des requêtes du palais, n'eft qu'une image de ces premières; & a vrai dire , a emprunté d'eux la jurifdicf ion qu'elle exerce pour le jourd'hui. Car, quelle rencontre & communauté a 1'exercice de leur jurifdiéfion avecques le mot de requête, qui eft leur principale qualité ? Or , pour entendre ceci de fond en comble , faut noter , qu'aux parlemens qui furent tenus dans Paris , fous Philippe-le-Bel , & Louis Hutin , je ne vois être faite aucune mention d'une chambre des requêtes: car lors, les requêtes étoient répondues par les confeillers du parlement & des enquêtes. Et tout ainfi qu'a la fuite du roi , il y avoit les maïtres des requêtes de fon hotel , qui étoient deftinés pour juger les requêtes qui lui étoient préfentées , finon les mettre a fa connoiffance fi elles étoient de trop grand poids ; auffi voulut-on introduire femblable ordre pour les requêtes qui feront préfentées au parlement. C'eft pourquoi , fous le roi Philippe-le-Long , outre les deux chambres du parlement & des enquêtes, ony créa une  ■ S É D E N t A ï R È S. 431' troifieme , qui fut celle des requêtes. En quoi l'on fuivit prefque la même forme que celle qu'on obfervoit prés du roi: paree que , comme ,du commencement on appelloit telles requêtes les plaids de la porte du roi, auffi mit-on la chambre des requêtes hors 1'enclos des deux autres chambres , comme celle qui étoit introduite pour juger les plaids de la porte du parlement , qui étoient les requêtes que l'on lui préfentoit. Et ou ils trouveroient de 1'obfcurité , ils devoient en communiquer aux maitres du parlement. Du commencement on y mit quatre confeillers, deux clercs & deux laiz , en après cinq , trois clercs , 8c deux laiz , 8c finalement huit.. conformément aux huit maitres des requêtes de 1'hötel du roi. La plus ancienne ordonnance qui en parle eft celle de Philippe-le-Long, de 1'an 13x0 , par moi ci-deffus touchée , dont je tranferirai les articles. « Avons ordonné 8c ordonnons fur 1'état » de nos requêtes en telle maniere : C'eft k » fcavoir qu'il y aura trois clercs 8c deux » laiz : lefquels venrront le matin k 1'heure m que ceux da parlement , 8c demeurront » jufques k midi s'il en eft métier , 8c auront » c'ontinuellement, 8c par bonne délibcration, fi lefdites requêtes.  43* des Parlemens » Si aucune requête étoit baiüée a ceux des » requêtes , laquelle ils ne peuffent pas bo e» ment dépêcher , ils en parleront aux gens » de notre parlement quand midi fera fonné, » & fi Ia requête étoit fi pefente qu'il en con» venft avoir greigneur délibération, en par» leront quand 1'en fera aux arrêts, ( c'étoit » les jours de jeudi , ainfi qu'il a été dit v ci-defius , ) & le dirons a celui a qui la» dite requête touchera , afin qu'il fache qu'on » ne le faffe pas attendre fans caufe. » Ceux des requêtes n'entreront en la cham*> bre du parlement , fors pour les cas def» fufdits , fi ils n'y font mandés , Ou s'ils » n'y ont affaires pour leurs propres befognes, » ou pour leurs amis efpeciaux : & en cas fi-töt » comme ils auront parlé, ils s'en iront, & » iront faire leurs offices ». Cette ordonnance nous enfeigne que lors ces meffieurs repréfentoient les confeillers qui jugent aujourd'hui les inflancesèla barre. Les grands empêchemens des maïtres des requêtes de 1'hötel du roi , qui étoient a la fuite du grand fceau, furent caufe qu'au long aller les caufes des domefiiques de la maifon du roi , qui étoient pendantes devant eux, furent renvoyées aux gens tenant les requêtes du palais. II y avoit entre eux fymboiization de norns & de  SEDENTAIRE S. 433 de charges fous diverfes rencontres. Ceux qai étoient prés du roi, étoient dits maïtres des requêtes de 1'hötel du roi; les autres , maïtres des requêtes du palais. Ceux-la avoient connoiffance des requêtes préfentées au roi; ceux-ci, de celles qui étoient préfentées au parlement. En cette rencontre de noms &C de fonófions, il fut auffi aifé de faire changer de main aux procédures que l'on faifoit de la fuite de la cour du roi. Les officiers domeftiques du roi, penfant avoir plus prompte expédition aux requêtes du palais , obtinrent commiffion , pour intenter leurs caufes perfonnelles, mais tanten demandant, qu'en défendant; comme auffi d'y faire renvoyer celles qui étoient intentées pardevant les maïtres des requêtes de 1'hötel. Ces commiffions furent , dès leur primitive origine , appellées commutimus. Des perfonnelles on crüt, avecquesle tems , le privilege; & 1'étendit-on aux poffeffoires, & encore aux mixtes ; c'eft-a-dire a celles qui tiennent de la perfonnalité & réalité enfemble , comme font les inftances de partages, refciffons , retraits lignagers &c feudaux. Voire voulut-on que ces feigneurs euffent connoiffance du mérite du committimus , privativement de tous autres juges: je veux djre que , fi une caufe étoit Tom IK. E e  434 des Parlemens renvoyée pardevant eux en vertu d'un committhnus, tout autre juge eut foudain les mains liées , & leur renvoyat la caufe , fauf a eux d'eT.amiuerfi elles. étoient de leur connoiffance. Chofe que je vois avoir été ainfi fignée par arrêt , dès le huitieme juillet mil trois eens foixante-fept ; auquel tems les comm'ulmus cömmencoierit feulement.de prendre. Cela. fe faifoit pour autant que ces comrniffaires a caufe de leurs.confeilleries faifoient part & porticn de la cour. Et comme ainfi füt que les maïtres des requêtes de 1'hötel s'en vouluffent faire eroire au prejudice des autres, ne pouvant bonnement endurer que leur jurifdiflion füt en cette facon divifée, le roi Charles VII, en 1'an mil quatre eens cinquante-trois, évoqua aux requêtes du palais toutes les caufes de la nature que deffus, qui étoient pendantes & indécifes devant les maïtres des requêtes de 1'hötel. Et le 5 juillet en 1'an 1452, avoit été faite la publicatlon de 1'auditoire des requêtes du palais par le préfident Thiboufl, & 1'évêque de Paris. Dés-lors , 011 reprit la première & plusancienne difcipline du parlement: paree que les confeillers de la grand'ehambre & des enquêtes commencerent de connoïtre des requêtes qui leur étoient préfentées : & a cette fin avoient  SEDENTAIRE S. 43 J accoutumé de fe préfenter en la grand'falle du palais, prés la porte de la grand'chambre, appuyés fur une grande barre , que l'on voit encore k 1'entrée a la muraille , & qui ié peut öter quand oa veut. Et combien que 1'ufage de cette barre foit perdu, tant y a que de-la.vient que nous appellons toutes inflances qui' lont encore fur les requêtes, inflances pendantes a la barre. Cela foit par rnoi touché en pafTant ; mais pour revenir a la chambre des requêtes du palais , n'y ayant, du commencement que les officiers de la maifon du roï qui pufTent jouir du commitdmus , chacun vouloit emprunter ce titre fous faux gages. Qui fut caufe que Charles VI, fous lequel les commitdmus commencerent d'entrer en plus grand crédit qu'auparavant , parfón ordonnance de 13 86, voulut que nul ne put jouir de ce bénéfice , s'il ne jouiffoit actuellement des gages. Ön paffa puis après plus outre , paree que tous les confeillers du parlement & des enquêtes voulurent avoir ce privilege, enferable les grefHe'rs , notaires & fecrétaïres de la cour; même il fut dit, par arrêt du 14- décembre 1408 , que quatre clercs du greffe ci vil, deux du criminel , & un des préfentations , auroient leurs caufes comrnifes aux requêtes du palais. Les avocats E e 2  43 6 des Parlemens y voulurent auffi avoir part , & non fans caufe: d'autant qu'en une ancienne ordonnance inférée dans le vieux ftyle du parlement, oii il eft parlé du ferment qu'ils doivent faire a la cour , ils font appelles avocats & confeillers du parlement : auffi les avocats, tant plaideurs que confultans,font honorés du chaperon fourré, qui eft la vraie remarque du magiftrat du palais : & encore on donne aux plus anciens féance fur les fleurs de lys, vis-a-vis des gens du roi. Tout ainfi que lös avocats , auffi les procureurs du parlement , fe mirent de la partie. Tant de fortes de perfonnes voulant avoir part a ce gateau, cela fut caufe que le chancelier Briffonnet, fous le reigne de Charles VIII, déclara en plein parlement le iöfévrier 1497 , qu'il ne délivreroit plus de commitdmus qu'aux domeftiques du roi, & fpécialement , qu'il n'en fcelleroit plus pour les avocats; il ne parle point des procureurs; qui me fait dire que lors ils ne jouiffoient de ce privilege ; car il y avoit beaucoup plus de raifon de leur refufer qu'aux avocats. Cette même querelle a depuis été foutenue, tant par le chancelier Olivier , que de Lhofpital; mais ils ne l'ont pu gagner. Par 1'édit de Moulins , de 1'an 1566, eft fait un article exprès de ceux qui pouvoient jouir du commitdmus , ou font com-  Sedentaire s. 437 pris les principaux officiers de la couronne ; les confeillers du confeil privé , les maitres des requêtes de 1'hótel , notaires & fecretaires du roi; les officiers domefliques couchés en 1 'état du roi & de la reine ; fa mere , fes freres , fceurs, oncles, tantes, enfans de France. Douze des plus anciens avocats du parlement, & autant de procureurs. Les chapitres & communautés des églifes , qui de ce avoient privilege pour les affaires de leurs églifes. II ne parle point des confeillers du parlement & autres qui en dépendent. Mais il n'étoit befoin de les y comprendre comme chofe affez entendue, puifque quelques avocats & procureurs y étoient compris: & néanmoins encore n'a cet article forti fon effet, paree que fans acceptation de perfonnes, quiconque eft avocat ou procureur au parlement , il jouit de ce bénéfice; je dirai volontiers maléfice , pour être une grande pitié de jouir de ce bénéfice ; je dirai volontiers maléfice , pour être une grande pitié de diftraire un pauvre homme de fa jurifdicfion ordinaire , quelquefois de cent & de fix vingt lieues. Nos ancêtres , aux caufes légeres , comme fimples perfonnelles , mêmes en défendant feulement, voulurent que les domefliques du roi procédaffent devant les maïtres des requêtes de 1'hötel Ee 3  438 des Parlemens a la fuite de la cour, pour n'être détournés du fervice qu'ils devoient au rei. D'avoir depuis , fur ces perfonnelles, enté les actions poffeffoires &t mixies , tant en demandant qu'en dérendant , & fur ce pied , permettre a un officier domefiique de quitter fa jurifdidtion ordinaire, & choifir des requêtes du palais, afin d'affLger fa partieadverfe, paraventure, eft-ce une chofe qui mériteroit réformation, fi notre Franceen étoit capable : cela aucunement reconnu par 1'édit du mois de janvier 1560, fur la doléance des états tenus a Orléans, furenttous fiegesdes requêtesfupprimés, établis és autres parlemens, fort celui du parlement de Paris, ordonnance qui ne fortit jamais effet; au contraire on les a depuis augmentés, ainfi que les cccafions s'y font préfentées ; même en 1'an 1580 , Henri III fit une feconde chambre des requêtes au parlement de Paris. Auparavant que le parlement füt continuel, il ne faut point faire de doute que meffieurs des enquêtes &z requêtes ne tenoient tel rang que meffieurs de ia grand'chambre. Les adreffes des lettres fe faifoient aux gens qui tiennent ou. tiendront notre parlement, enquêtes & requêtes, comme fi ces derniers fuffent féparés du parlement. II n'eft pas que l'on ne trouve plufieurs  SEDENTAIRE S. 439 lettres, èfquelles après les gens du parlement on met immédiatement les gens tenans les comptes, puls les enquêtes-& requêtes. Et combien que le parlement fait continuel, ait óté cette différence, oC que fous le nom de la cour on comprenne tout le parlement, grande chambre a toujours eu de grandes prérogatives fur les autres. Un procés ayant été conclu &C arrêté en 1'une des chambres des enquêtes, entre le maréchal de Rieux, & les marchands fréquentant la riviere de Loire, les préfidens y trouvant quelque chofe a redire, ils en firent plainte a la grand'chambre , laquelle par fon arrêt du feptieme janvier 1409, ordonna que le procés feroit revu avec les confeillers qui Favoient jugé : & depuis , par autre arrêt du 4 décembre 1411, fut trouvé que les enquêtes avoient bien jugé. Ils ne pouvoient mettre les appellations au néant, qui eft une moyenne voie entre le bien & mal jugé. Cela leur fut permis le 3 janvier 1421; & par arrêt du 5 janvier 1505 ; il fut ordonné que quand le préfident de Fune des chambrés des enquêtes feroit abfent, il ne feroit permis aux autres d'y préfider, ainfi appartenoit a la grand'chambre d'y commettre celui qu'elle voudrolt. L'autorité de cette grand'chambre eft telle, qu'il n'y a celui des enquêtes qui avec le tems n'efpere Ee 4  44o des Parlemens Sc ne defire y avoir féance, comme derniere reffource de fes penfemens. Et y a une hiftoire fort notable d'un différent qui fe préfenta le 2i mai 1421, entre maïtre Jacques Brulard, préfident aux enquêtes, & maïtre Guillaume Guy, confeiller , a qui auroit le devant de 1'autre ; pour cet effet, Guy combattant 1'ancienneté de fa réception, qui étoit de dix ans entiers, & Brulard de fa qualité de préfident. Sur quoi les chambres affemblées: fut dit & ordonné que Brulard feroit préféré a 1'autre : je dis nommément les chambres affemblées, paree qu'auparavant que le parlement füt fait continuel, on ne favoit ce que c'étoit d'affembler les chambres.  sedentaire s.' 44H DE PLUSIEURS PARTICULAR1TÉS qui concernent le Parlement. Autre Chapitre de P AS QU I ER. Je veux que le lecteur reprenne ici Ton haleine ; Sc c'eft pourquoi d'un chapitre il en convient faire deux. D'autant qu'au difcours de ce parlement il y a plufieurs particularités qui méntent d'être oubliées. Car en premier lieu pour donner occafion, Sc aux juges de bisn juger, Sc aux parties de ne provigner leurs procés, nos anciens en eurent premierement une coutume générale de faire adjourner les juges pour venir fou tenir leur jugé a leurs périls Sc fortunes. Et faifoient feulement intimer Sc fignifier 1'appel a la partie qui avoit obtenu gain de caufe, afin qu'elle afliftat au plaidoyer, li bon lui fembloit, pour öter toute occafion au juge de ne s'entendre & colluder avec 1'appellant. Laquelle coutume, or qu'elle foit périe, les vieilles traces fien font encore demeurées jufques a nous ren ce qu'encorepour lepréfent onadjourne les juges Sc intimet-onfeulementlesparties.Quimefaitprefque penfer (d'autant que j e vois cette facon de fai re  441 des Parlemens être obfervée, tant a 1'endroit des juges royaux qu'autres juges guétriers & pedanés ) que de vieille & primitive inftitution étoient auffi bien les juges royaux pris a parties comme les autres, & que depuis, par fuccès de tems, fut fupprimée la rigueur de cette coutume : de forte que puis après elle fut feulement pratiquée a 1'endroit des juges non royaux, comme nous apprenons du vieux ftyle du parlement. Et a cette mienne opinicn affifte, que par anciennes ordonnances, devoient affifter en perfonnes aux jours de leurs parlemens, pour voir réformer leurs fentences: &c du droit même originel des Francois, ils eurent une forte de juges qu'ils appelloient Rhatimbourgs, expreffément deftinés pour décider les caufes qui fe préfentoient pour le fait de la loi falique. Lefquels fe trouvant avoir fentencié autrement que Ia loi ne portoit, fe rendoient pour cette faute émendables , en certaine fomme envers celui contre lequel ils, avoient jugé, ainfi que l'on trouve au chap. 60 de la loi falique. Tellement qu'il n'eft pas du tout hors de propos d'eftimer qu'anciennement tous juges., de quelque qualité qu'ils fuffent, étoient refponfables de leurs jugemens : & que depuis cette coutume fut reftreinte & limitée en contre feulement ceux qui fe trouvoient juges non royaux : jufques a ce que finalement cette  SEDENTAIRE S. 443 maniere de faire s'eft du tout annichelée entre nous, ne nous étant demeurée pour marqué de toute cette ancienneté, que les paroles fans effet. Car encore que nous faffions adjourner les juges comme vraies parties, fi eft-ce que cela fe fait a préfent, tant feulement pour la forme demeurant en la perfonne de 1'intimé le fait & hafard des dépens. Et k la mienne volonté que cette ancienne coutume eut repris la xacine en nous, pour bannir les ambiticns effrénées qui voguent aujourd'hui par la France en matiere de judicature. Ainfi eurent nos ancêtres une chofe qu'ils obferverent très-lbigneufement, paree que du commencement, il n'étoit permis bailler affignation aux parties adverfes, finon aux jours qui étoient du parlement de leurs bailliages ou fénéchauffées. Pour laquelle chofe entendre, faut noter que ce parlement étant fait continuel, l'on diftribua les territoires , ordonnant par rang certains jours dédiés pour rendre droit k chaque bailliage. Ces jours felon qu'ils étoient ordonnés, s'appelloient jour de parlement cle Vermandois, Touraine, Anjou, Maine, ou autrement. Et étoit lors une coutume notable Sc reconnue par nos vieilles ordonnances : car après que l'on s'étoit préfenté cn faifoit les röles ordinaires dans lefquels chaque caufe  444 des Parlemens étoit couchée a fon rang. Se pouvant chacun affurer d'avoir expédition en juftice, felon fon degré de priorité óu poftériorité. Et trouvet-on mêmement arrêt donné long-tems après la refféance du parlement, par lequel dès le neuvieme d'oftobre mil quatre cents trente-fix, fur les importunités qui fe préfentoient par les parties qui vouloient enfreindre ce vieil ordre, fut ordonné que les lundis & les mardis on plaideroit des caufes ordinaires, & non d'autres : & défendu a toutes perfonnes de ne demander les auditeurs extraordinaires. Pour lefquelles furent réfervés les jeudis, ainfi qu'il plaïrort au préfident qui tiendroit 1'audiance les diftribuer en faveur des veuves, orphelins & pauvres. Ordonnance renouvellée par le quarante-deuxieme article de 1'édit d'Orléans de 1'an 1560. Pour retourner au progrès de mon propos en cette diftribution de bailliage affignés a certains jours , étoit un chacun afireint de foi contenir dans les bornes de fon parlement, jufquesa ce que la fübtïlité des praticiens trouva une claufe de chancellerie, que fon a encore de coutume d'inférer dedans les lettres d'appels par laquelle il eft porté de donner affignation a fa partie adverfe, pofé que ce ne foit des jours dont l'on plaidera au parlement, ainfi que Jean de Bouteiller, vieux praticien, nous admonefte  SEDENTAIRE S.' 44$ de faire en fa pratique , intitulée fomme rurale, en laquelle y a plufieurs décifions andennes tresnotables. De-la ccmmencerent a foudre, je ne fais quelles petites chicaneries (comme les efprits des hommes ne demeurent jamais oneux ès cas oh leur profit fe préfente ) fcavoir fi cette claufe étant omife,l'impétrant des lettres devoit k fon adverfaire les dépens de 1'affignation, comme 1'ayant de fon autorité privée & fans dérogation expreffe affigné a jours hors le parlement : fur laquelle difficulté , Jean Gallus , homme qui floriffoit du tems de Charles VI, fe vante ea quelque endroit de fes décifions avoir répondu. Et de fait en la queftion «24. il difPute ce qu'opere cette claufe mife dans un reliëf d'ap- PCEntre ces honorables coutumes, nos anciens eurent une chofe digne de grande recommandation. Car defirant couper toute broche aux procés, ce néanmoins connoiffant que de permettre en cette cour, qu'il y eut certains hommes qui n'euffent autre vocation qu'a procurer les affaires d'un étranger, feroit au lieu d'amortir les procés les immortalifer k jamais, d'autant qu'il eft bien mal aifé qu'un homme aime la fin d'une chofe dont dépend le gain fa vie: & toutes fois la ou il n'eut eu fi prompte expédition Sc dépêche que les affaires de fa maifon defiroient,  446 toES Parlemens lui étoit permis créer un procureur en fa caufe, non pas avec tel abandon qu'è préfent, ainfi par bénéfice du prince, & encore fous telle condition que le parlement expiré s'expiroit auffi chaque procuration. Tant étoient nos ancêtres foucieux d'empêcher qu'aucun ne fit fon état de vivre k la pourfuite & follicitation des caufes d'autrui, prévoyant le mal qui depuis en eft advenu. Cette ufance étoit fort louable, & k bonne intention inftituée : toutes fois (voyez comme une chofe bonne d'entrée fe corrompt par traite de tems) la malice & opiniatreté des plaideurs enceffant , falloit renouveller d'an en an telles procurations pour Bénéfice du fcel, dont les fecrétaires combinoient un grand gain. De-la eft que la première lettre qui fe trouve au protocole de chancellerie, ce font lettres que nos prédéceffeurs appelloient grace a plaidoyer par procureur , par lefquelles le roi, de grace fpéciale, permettoit a une partie de plaider par procureur au parlement & dehors, jufques k un an. Pour obvier k tels abus, la cour depuis d'un bon avis, voulut que par requête générale, préfentée par les procureurs au commencement de chaque parlement, feroient icelles procurations continuées annuellement par 1'autorité de cette cour, fans que de-la en ayant  SEDENTAIRE S. 447 il füt befoin avoir recours au fcel, laquelle chofe s'eft obfervée jufques en 1'an mil cinq cent vl.gt-huit, que par ordonnance du roi Francois premier, furent toutes les procurations' confirmées & continuées jufques a ce quelles fuffent révoquées expreffément par les^ maitres. Ainfi font crus en nombre exceffif procureurs. Au moyen de quoi a bonne & jufte raifon le chancelier Olivier, défendit par édit expres , fous le regne de Francois premier , qu'on n'eüt a en pourvoir aucuns de nouveau a cet état. Lefquelles mêmes défenfes auroient été faites du tems de Charles huitieme, en 1'an mii quatre eens quatre-vingt & fept. Voila comment chaque chofe a pris divers plis, felon la diverfité des tems & faifons. Outre lefquelles mutations , encore s'en font trcuvées d'autres dignes d'être en ce lieu remarquées. Car les épices que nous donnons maintenant ne fe donnoient anciennement par néceffité. Mais celui qui avoit obtenu gain de caufe par forme de reconnoiffance, ou regraeïment de la juftice qu'on lui avoit gardée, faifoit préfent a fes juges de;quelques dragees & confirures : car le mot d'épices par nos anciens étoit pris pour confitures &C dragees, & ainfi en a ufé maïtre AlainChartier en 1'hiftoire de Charles feptieme, chapitre commencant 1'an mil quatre eens trente  448 des Parlemens quatre. Ou il dit que le roi, Charles feptieme, féjourna en la ville de Vienne, & ayant été vifité par la reine de Sicile, le roi lui fit, dit-il, grande chere & vint après fouper, & après ce que la reine eut fait ia révérence au roi, danferentlonguement,& après, vint vin & épices, & fervit le roi, monfeigneur le comte de Clermont de vin, & M. le connétable fervit d'épices : & en cas femblable, Philippes de C ommines, au fecond chapitre de fes mémoires, dit que Philippes, duc de Bourgogne, donna congé aux ambafladeurs qui étoient venus de la part du roi de France , après qu'il leur eut fait prendre le vin & les épices. Lequel mot pris en cette fignifjcation, s'eft perpétué jufques a nous, ès feftins folemnels qui fe célèbrent aux écoles des théologiens de cette ville de Paris, èfquels l'on a fur le deffert accoutumé de demander le vin & les épices. Ces épices doncques fe donnoient du commencement par forme de courtoifie è leurs juges, par ceux qui avoient obtenu gain de caufe , ainfi que je difois ores. Néanmoins le malheur du tems voulut tirer telles libéralités en conféquence : fi que d'une honnêteté on fit une néc?ffité. Pour laquelle caufe, le dix-feptieme jour de mai, mil quatre cents deux, fut ordonné que les épices qui fe donneroient pour avoir vifité les procés, vien- droient  SEDENTAIRE S. 449 d-roient en taxe. Et pour autant que les procureurs vouloient ufer de même privilége, fur les clients, le dix-neuvieme jour enfuivant furent fakes défenfes aux procureurs de n'exiger de leurs maitres aucunes chofes fous ombre d'épices: toutes fois fi les parties étoient groffes, & qu'il eut été queflion de matiere qui importat, étoit permis de leur donner deux ou trois livres d'épices. Depuis, les épices furent échangées en argent, airnant mieux les juges toucher deniers que dragées. Tout de la même facon que nous voyons qu'aux doöorandes la plufpart de nos maitres de la Sorbonne aimerent mieux choifir vingt fols qu'un bonnet. Ou en cis encore beaucoup plus femblable, ainfi que l'on fait en ville de Tholofe, auquel lieu les nouveaux doöeurs ont accoutumé de faire préfent de boetes de dragées aux doöeurs régens, par forme de gratification de leur nouvelle promotion : ce que j'ai vu de mon tems plufieurs régens avoir échangé en argent. Or, combien que ce lieu & fouverain parlement ait quelquefois été repris pour fes chicaneries & longueurs qui .y ont été introduites entre les parties privées : fi a il été toujours defliné pour les affaires publiques, & vérification des édits: car tout ainfi que fous Charlemagne &c fes fucceffeurs, ne s'entreprenoit lome IV. F f  450 des Parlemens chofe de conféquence au royaume, que l'on ne fit affemblée, & des préiats & des barons, pour avoir 1'ceil fur cette affaire : auffi le parlement étant arrêté, fut trouvé bon que les volontés générales de nos rois n'obtinffent point lieu d'édits , fi - non qu'elles euffent été vérifïées & émologuées en ce lieu. Laquelle chofe premierement le pratiquoit fans hypocrifie & diffimutation , déférans nos rois grandement aux délibérations de la cour; & avec ce , l'on prêtoit pour les grands & premiers états de la France ferment en cette cour. Ainfi trouve Fon ès regiflres, neuvieme feptembre mil quatre cent fept, ferment prêtépar Jean, duc de Bourgogne, comme pair : le feptieme novembre mil quatre cent dix , réception d'un grand pannetier, &C auffi un maréchal de France, recu le fixieme jour de juin mil quatre cent dix-fept; & le même jour un amiral, &: le feizieme jour enfuivant un grand veneur : le troifieme de février mil quatre cent vingt-un, le grand maitre des arbalêtriers : le feizieme janvier mil quatre cent trente-neuf, Courtenay recu amiral; & qui plus eft, un tréforier & général adminiftrateur des finances, le feizieme avril mil quatre cent vingtcinq ; & le femblable le treizieme oöobre mil quatre cent trente-neuf. Laquelle chofe nous avons vu s'obferver de notre tems fous le regne  -1 SEDENTAIR "ES. 451 dü roi Henri fecond, en la réception de meffire Gafpard de Colligni, feigneur de Chaiillon en 1'état de 1'amirauté. Toutesfois je ne fais comrnent ces coutumes fe font par traité "de tems, iïnon du tout anni chillées, pour le moins non fi étroitement cbfervées comme nos anciens avoient fait: auffi femble-t-il que telles coutumes ayent été plus foigneufement obfervées lors des minorités de nos rois, ou en cas d'altération de leur bon fens, comme étoient prefque toutes les années que j'ai fpécifiées ci-deffus; pendant lequel tems 1'autorité de la cour a été toujours de quelque plus grande efficace que fous la majorité de nos rois; & au furplus au regard des émologations des édits , encore que Pufance en foit venue jufques a nous; fi f?.ut-il que nous reconnoiffions que quelques fois on les paffe & entérine contre Popinion de cette cour. Et 1'un des premiers qui a fon piaifir forca les volonfés de Ia cour, feignant de lui gratifier en tant & par tout, fit Jean de Bourgogne, ( fléau ancien de la France) duquel entre autres chofes on lit que voulant pour gagner le c'ceur du pape, faire fupprimer les ordonnances aui avoient été faites quelques années auparavant contre les abus de la cour de R.ome, envoya par plufieurs fois, fous le nom du roi, édit révocatoire d'icelles , que jamais la cour ne ff 1 4  542 des Parlemens voulut émologuer. Au moyen de quoi meffire Euftache de Laiflre, chancelier fait de la mam de ce duc, le comte de Saint-Pollors, gouverneur de Paris, le feigneur de Manterou, vinrent au parlement le trentieme jour de mars mil quatre cent dix-huit, & firent publier ces lettres révocatoires, fans avoir le procureur général & en fon abfence; & commanda le chancellier que l'on y mit Lecla publicata, &c. & après fon partement vinrent plufieurs confeillers nEgreffier, remontrant que puifque c'étoit contre la déhbération de la cour, il ne devoit mettre lecla; ou bien s'il le vouloit mettre, devoit y ajouter claufe, par laquelle il apparüt cpie la compagnie n'avoit approuvé cette publication : lequel fit réponfe qu'il fe garderoit de méprendre; & le lendemain ceux des enquêtes vinrent a la grand'chambre faire pareilles remontrances, fur quoi fut dit que nonobflant cette publication, la cour n'entendoit approuver cette révocation, & auffi qu'il y avoit par le commandement du chancelier. Depuis ce tems les affaires de France furent toujours en grands troubles,fouslafubjedion des Anglois. Pendant lequel tems le duc de Betfort, lors régent, fe fit femblablerr.ent fouvent croire contre la volonté de la cour; & les chofes étant au long aller réduites fous la puijfance de Charles VII  SEDENTAIRE S. ~4tf (vrai 6c légitime héritier de la couronne) Louis XI fon fils, entre tous les autres rois de France, n'ufa gueres de 1'autorité de cette grande compagnie, finon autant que directement elle fe conformoit afes volontés, voulant être ordinairement craint d'une puiffance abfolue 6c opiniatreté finguliere. Ainfi que mefmement on lit de lui étant encore fimple dauphin, en certaine publication requife au profit de Charles d'Anjou comte du Maine, beau-frere de Charles VII. Car comme Charles d'Anjou requit que l'on eut a publier en la cour la donation qui lui avoit éte faite par le roi, des terres de SaintMaixant, Mefles , Civray 8c autres, a quoi le procureur général du roi fit alors réponfe, que les deux avocats étoient abfens, 6c que fans leur confeil il ne pouvoit rien; 6c que par le confeil du comte fut répliqué qu'il n'étoit befoin de confeil en la caufe qui lors s'offroit : il fe levaloraun évêquequiremontra quele dauphin Favoit la envoyé expreffement, pour faire publier ces lettres. Au moyen dequoi Ia cour vu le tems &C volonté du dauphin, qui preffoit ainfi cette affaire , fit enregiftrer fur le repli des lettres. Licta. de exprefo mahdato regis perdominum delphinum proifidentem in ipfius rela-* tione : fait le vingt - quatrieme de juillet mil quatre cent quarante 6c un; mais le dauphin Ff 3  454 des Parlemens manda querir foudain les préfidens, & leur dit qu'il vouloit que l'on örat ce (de exprep mandato) & qu'il ne bcugeroit de Paris jufqu'a ce que cela fütrayé: proteftant que s'il advenoit quelque inconvénient par faute d'avoir été kt par oü il lui avoit été enjoint par le roi, en faire tomber toute la tare & coulpe fur la cour. A caufe dequoi la cour ,-temporifant en partie, Ordonna , le vingt - qbatrieme jour de juillet enfuivant que l'on óteroit le de exprefo ; mais que le regiftre en demeureroit chargé pour 1'avenir; tellement que ces mots furent feulement rayés de deffus les lettres. Et depuis, en Pan mil quatre cent foixante-cinq, le même Louis étant roi, fit publier bon gré malgré, en pleine cour par fon chancelier, le don qu'il auroit fait au comte de Charolais, & nonobflant toute proteftation que fiffent la plus grand part des confeillers, il vouloit que fur le repli füt mis regiflrato auditu procuratare regis, 6* non contradicente. Telles proteftations ont été depuis affez familieres en cette cour , & fe trouvent affez d'édits portans: de exprefo & expreftmo mandato regis, pluribus voc'uus reiterato. Laquelle claufe tout ainfi qu'elle eft ajoutée, pour bonne fin, auffi fouhaiteroient plufieurs paraventure non fans caufe , que cette honorablecompagnie fe rendit quelquefois plus flexible, felon que les néceftïtés & occafions publiques le requierent.  SEDENTAIRE S. 455 Grande chofe véritablement, Sc digne de la majefté d'un prince, que nos rois ( auxquels dieu a donné toute puiffance abfplue ) aient d'ancienne inftituticn voulu réduire leurs volontés fous la civllité de la loi; Sc en ce faifant, que leurs édits Sc decretspaffaffent par 1'alambic de cet ordre public; Sc encore chofe pleine de merveüle, que dès-lors que quelque ordonnance a etc publiée Sc vérifiée au parlement, foudain le peuple Francois y adbere fans murmureer comme fi telle compagnie fut le lien qui nouat i'obéiffance des fujets avec les commandemens de leur prince , qui n'eft pas ceuvre de petite conféquence pour la grandeur de nos rois ; lefquels pour cette raifon ont toujours grandement refpeöé cette compagnie , encore que quelques fois fur les premières avenues , fon opinion ne fe foit en tout Sc partout rendue conforme a celle des rois. Voir que comme fi cet ordre fut le principal retenail de toute notre monarchie , ceux qui jadis par voiesobliques afpirerer.t a la royauté, fe propoferent d'étabür une forme de parlement la part ou ils avoient puiffance. Enguerrandde Monftrelet nous raconte que le duc de Bourgogne ayant été déchaffé de la ville de Paris, Sc de la préfence du roi Charles fixieme , de laquelle il faifoit pavois, puur favorifer fes entreprifes encontre la maifon d'Or- Ff 4  4?6 des Parlemens léans, s'empara puis après de plufieurs villes, comme de celles d'Amiens, Senlis, Mondidier, Pontoife , Montleheri , Corbeil , Chartres \ Tours, Mantes, Meulant & Beauvais; & tout d'une fuite s'étant joint & uni avec la reine Ifabelle, ( laquelle étoit lors en difcuffion avec fon fils Charles, qui depuis fut feptieme roi de ce nom ) il avifa d'envoyer maïtre Philippe de Morvilliers devant Ia ville d'Amiens, accompagné de quelques perfonnages notables & d'un greffier, pour y faire, fous le nom de la reine, une cour fouveraine de juftice, au lieu de celle qui étoit au parlement de Paris, afin qu'il ne fut befoin d'aller en la chancellerie du roi pour obtenir mandemens, ni pour quelque autre caufe qui put advenir ès bailliages d'Amiens, Vermandois, Tournai, fénéchauffée de Ponthieu, ni ès terres qui étoient en fa fubjeéfion & obéhTance. Auquel Morvilliers il bailla un fcel, dans lequel étoit empreint 1'image de la reine , étant droite, & ayant les deux bras tendus vers la terre; du cöté droit les armes de France mi-parties avec celles de Bavieres, duquel lieu elle étoit extraite : & éroit écrit k Pentour; c'eft le fcel des caufes fouveraines & appellations pour le roi : ordonnant que les lettres s'expédieroient fous le nom de la reine, en la manier e qui s'enfuit. Ifabel, par la grace de  SEDENTAIRE S. 457 Dieu, reine de France, ayant pour 1'occupation « de monfeigneur le roi, le gouvernement & » adminiftration de ce royaume, par 1'odtroi » irrévocable k nous fur ce fait par mondit » feigneur & fon confeil. >> Cette ufurpation & monopole de la reine & duc de Bourgogne, apprit puis après la lecon a Charles , lors fimple dauphin, car étant le capitaine de 1'Ifle-Adam & des Bourguignons entrés dans Paris de nuit, & par intelligence , il feroit impoflible de raconter tout au long les püleries & inhumanités qui furent exercées a 1'encontre de ceux qui 1 enoient le parti contraire de Bourgogne. Meffire Bernard d'Armignac , connétable, meffire Henri deMarle, chancelier,JeanGanda, grand maitre de Partillerie, les évêques de Coutance, Senlis' & Clermont furent miférablement mis a mort, avec fept ou huit cents pauvres hommes prifonniers. En ce miférable fpeflacle , la plupart des hommes notables de la cour de parlement, & fingulierement ceux qui favorifoient fans arriere-boutique le dauphin, fe retirerent avec lui pour éviter la fureur de cette populace. J'ai lu dans 1'hiflorien que j'ai en ma poffeffion , & qui étoit curieux de rédiger par écrit les miferes de ce tems lè; que Pan mil quatre cent dix-neuf, qui fut deux ans après 1'entrée del'Ifle Adam, le dauphin ayant recueilli fes forces,  45^ des Parlemens ordonna pour Ie fait de la juflice un parlement dans Poitiers, préfidens & confeillers : c'eft a fcavoir de ceux qui en cette défolation s'étoient garantis par fuite ; & lors fut avifé pour le commencement que les caufes des grands jours de Berri, Auvergne, Poitou,feroient les premières expédiées : gardant au demeurant tout le ftile de' la cour de parlement de Paris. Pareillement évoqua-t on toutes les caufes qui étoient pendantes a Paris; au moins celles qui étoient des pays obéiffansau dauphinj lequel prit dès-lors le titre de régent en France. Charles VI, toutesfois, qui étoit adonc mal ordonné de fon cerveau, nelaiffoit pas d'avoir fon parlement dans Paris, auquel fut établi ( par la volonté du duc Jean) premier préfident, meffire Philippe de Morvilliers, duquel j'ai fait n'agueres mention. Bien eft vrai que le parlement choma fans rien faire, depuis Pentrée de Plfle Adam, qui fut le vingtneuvieme de mai mil quatre cent dix-fept, jufques au vingt-cinquieme de juin; pendant lequel entreget, le peuple ufoit des vies des hommes, comme fielles leur euffent été baillées k 1'abandon.. Ainfi demeurerent les affaires de France bigarrées Pefpace de vingt ans ou environ, y ayant doublé parlement, 1'un dans Paris pour les Anglois qui poffédoient le royaume' de  SEDENTAIRE S. 459 France, & fe difoient légitimes héritiers de lui; & dans Poicliers pour les adhérans du dauphin. Depuis, ces Anglois, en 1'an 1439, le i3e jour d'avril, furent déchaffés de Paris par le connétable de Püchemont, & autres plufieurs grands feigneurs partifans de Charles VII; au moyen de quoi, le fixieme jour enfuivant, ceux de la cour de parlement de Paris déléguerent quelques-uns de leur corps vers le connétable , pour entendre ce qui lui plairoit qu'ils fiffenf. Auxquels il fit réponfe qu'il en écriroit au tot fon maitre, Stleprieroit de les avoir pour recommandés; mais cependant qu'ils expédïaffent les caufes comme de coutume. Cette gracieufeté contenta un chacun : toutefois le roi décerna depuis fes patentesle 15 de rnai, par lefquelles le parlement & la chambre des comp" tes furent interdits. Je trouve dans un livre, auquel toutes chofes qui advenoienf en ce tems-la font écrites par forme de papier jourrial,que le jour faint Clement, au mêmé an, revint le connétable dans Paris & fa femme, & qu'avec eux étoient 1'archevêque de Reims, chancelier, le parlement du roi, Sz entrerent par la porte Bordelle, ( c'eft celle que nous appellons aujourd'hui porte Saint-Marcel ) qui lors nouvellement avoit été defmurée ; & que le jeudi en fuivant vigile de faint André fut crié a fon  460 des Parlemens de trompe que le parlement du roi Charles l qui depuis fa départie avoit été tenu dans Pcitiers , & fa chambre des comptes a Bourges, fe tiendroit déformais au palaisroyal de Paris, en la forme & maniere que fes prédécefléurs rois de France avoient accoutumé de faire. Et dit 1'auteur qu'ils commencerent le premier jour de décembre enfuivant a le tenir. Auquel même jour nos regiftres portent, que tous les confeillers firent renouvellement de ferment d'être fideles & loyaux fujets au roi Charles VII. Lorfque le parlement de Poictiers revint, meffire Adam de Cambray y étoit premier préfident, lequel fut employé a plufieurs grandes légations tk ambaffades pour le fait de la paix & luiion du roi & duc de Bourgogne , les os duquel perfonnage repofent 'dans les chartreux de Paris. Or en cette nouvelle réunion des deux parlemens , pour autant que, pendant le tumulte des guerres, plufieurs chofes avoient été en trés - mauvais ordre , mêmement que durant ceftui tems les requêtes du palais avoient été fupprimées & fans effet: Charles VII, après s'être rendu paifible, voulant remettre tout en bon état, ordonna qu'en la grand'chambre y auroit trente confeillers, quinze laiz & quinze clercs; 6c en la chambre des enquêtes quarante, feize  SEDENTAIRE S. 461 laiz & vingt-quatre clercs , remettant fur la jurifdidrion des requêtes, en laquelle il ordonna cinq confeillers-clercs & trois laiz, en ce compris leur préfident. De laquelle il fit publier 1'auditoire le f jour de juillet 1451; & pour autant qu'en la chambre des enquêtes y avoit deux préfidens, il a voulu divifer en deux pour Fexpédition des procés ; enjoignant femblablément qu'en la tournelle fe vuidaffent les caufes criminelles, a la charge toutefois que fi en définitive il falloit juger d'aucun crime qui emportat peine capitale , que le jugement s'en fit en la grand'chambre. Depuis la multitude des procés fit faire trois chambres des enquêtes: & par Francois, premier du nom, y fut ajoutéeMa quatrieme que l'on appella du domaine, paree que fous le nom & prétexte du domaine, il trouva cette invention pour tirer argent de vingt nouvelles confeiUeries qu'il expofa lors en vente. Or ont tous ces confeillers un privilege arinexë a leurs offices, lorfqu'ils y entrent, par lequel ils fe peuvent, fous le nom d'autrui, ( qu'ils empruntent pour cet effet) nommer fur reis évêchés & abbays qu'il leur plait, pour avoir (a leur rang & tour) le premier bénéfice vacant, & qui fe trouve en dépendre, laquelle coutume femble avoir pris commen-  4^2 des Parlemens cement du tems que les Anglois gouvernoient, vivant toutefois Charles VI; & è ce propos fe trouve dansles regiflres, que 1'an 1420, le ne jour de février, fut advifé que pour pourvoir les confeillers de bénéfices, l'on écriroit au roi que fon plaifir fut leur donner les bénéfices vacans en regale,& auffi d'en écrire auxojdinaires;& le 28 de mai 1434, maïtre Francois Lambert requit être inféré au róle que la cour envoyoit au pape, attendu qu'il avoit été autrefoïs confeiller: a quoi fut dit qu'il feroit en- . rölé. Lequel indult, je crois, leur fut accordé par le pape, afin que par belle maniere de gratification , la cour ne i'opposat plus fi fouvent aux annates & autres pernicieufes coutumes que le pape ievoit fur le clergé. Chofe que la cour de parlement ne voulutaucunement recevoir, & è caufe de quoi il y avoit eu mille piqués' entre la cour de Rome & celle de Paris. Et'de fait combien que cette caufe ne foitexpliquée, fi eftce que depuis que cet indult eut grand vogue , je ne vois plus que Ia cour fit tel état d'empêcher les annates comme elle avoit fait au précédent. Et néanmoins furent telles nominations de la cour, intermtfes pour quelque tems par fa nonchalance ou négligcnce , jufqu'a ce que, fous le regne de Francois Ier, maïtre Jacques Spifame, confeiller, homme d'un efprk re-  SEDENTAIRE S. 463 muant, ayant feuilleté les anciens regiflres, & voyant que ce droit leur étoit dü, mais que par long laps du tems tl s'étoit a demi égaré , prit en charge d'en faire les p'ourfuites Sc diligences envers le pape Paul HL Ce qu'il fit fi dextrement, que depuis il en apporta belles huiles a la cour: au moyen defquelles elle a depuis joui pleinemenl de ce privilege. . Depuis que Charles Vlle eut réduit les chofes en tel train que j'ai difcouru ci-deffus, encore que la cour de parlement de Paris lemblat avoir toute autorité par la France, fiefi-ce que pour le foulagement des fujets, le même Charles retrancha quelque peu de jurifdiflion & connoiffance qu'avoient eu par le paffe les Farifiens. Car comme ainfi fut que dès-lors que le Parlement fut arrêté, il étendit fa puiffance fur tous les territoires de la France, cefiuiroipremierement éclipfa le pays de Languedoc, & une partie cle 1'Auvergne ; établiffant un parlement dedans la ville de Tholofe, lequel y avoit été a demi ordonné par Philippe-le-Bel, non avec tels liens & conditions que fous Charles. A 1'imitation duquel Louis XIe fon fils changea le confeil qui étoit tenu dans Grenoble pour le Dauphiné, & Périgea femblablement en parlement. Par fucceffion de tems , puis après, Louis XIIe en créa un autre dans la ville de  464 bes Parlemens Bordeaux, pour le pays de Gafcogne, Xamtonge & Perrigord; un autre en celle d'Aix , pour la Provence ; un dans Dijon , pour la Bourgogne ; & une finalement dans Rouen , pour contenir toute la Normandie en devoir. Demeurant toujours ce nonobflant au parlement de Paris le nom de la cour des pairs, & ïemblablementla puiffance & autorité d'homologuer les édits généraux de la France,comme elle faiioit auparavant. De notre tems, on a plufieurs fois mis en délibération & confeil de faire un nouveau parlement a Poitiers, tout ainfi qu'autrefois cette même délibération avoit étémife en avant fous le regne de Charles VII. Et n'eft pas chofe qu'il faille paffer fous filence, que pour les grands frais qui fe faifoient fouvent fois en cette cour en caufe de petite conféquence, le roi Henri, deuxieme de ce nom , au voyage d'Allemagne , inftitua en chaque fiége prélidial certain nombre de confeillers pour décider les procés en dernier reffort, qui monteroient a dix livres de rente & a deux eens cinquante livres pour une fois. Ainfi en Fan 1554, fous ce même roi, par un général changement de face, fut cet parlement de Paris fait femeftre & divifé en deux férances, dont 1'une étoit deftinée depuis le premier de janvier jufqu'au dernier de juin, & 1'autre du mois de juillet ,  sedentaire s. 46J Juillet, jufqu'a Ia fin de l'année , ayant chaque féance fes préfidens & confeillers particuliéremerit; tellement qu'au lieu da quatre préfidens qui étoient de tout tems Sc ancienneté fevirent huit préfidens; & de la même facon quele roi avoit crues d'offiéiers , auffi leur augmenta-t-il leurs gages jufqu'a huit eens livres par an, avec défenfes de ne toucher de la en avant épices de parties, qui fut 1'une des plus grandes mutations & traVérfes que reept jamais cette courJefgai bienqu'on trouve en 1'an i4o6,fous Charles VI, un Matiger recu préfident cinquieme 6c extraordinaire ; 6c un maitre Antoine Miuart du Semblable, fous Francois I", 6c encore une crue de vingt confeillers fous Ie même roi; 6c du tems de Louis XI, en 1'an J4Ój,Hales recu tiers-avocat pour le roi.Toüte fois crux-ci étoient toujours unïs enfemble , & repréfentaris un même corps; mais au"femefire la divifion étoit telle , que ce que les courtifans ne pouvoient obtenir en une féance , ils le pratiquoient en 1'autre, rendant par ce moyen 1'autorité de la cour a demi illufoire; au moyen de quoi fut cette invention annulée 6c les chofes-remifes en leur premier état au bout de trois ans, c'eft-a-dire en 1'an 1557, peu ■uparavant la prife de la ville de Calais. Bien el vrai que pour la multiplicité des préfidens & Tomé IV. Q g  4<$<5* dés Parlemens confeillers qui ne pouvoient être fïtöt rédmts psVrhort en leur nombre ancien & prirhitif, Ton advifa de faire une chambre de confeil fupernurnéraire ou fe vuideroientles appointes au confeil de la grand'chambre. Tellement qu'ainfi que les chofes font difpofées pour lejourd'liui, il y a grand'chambre ordonnée pour 1'a p'aidoierie & publication des édits ; celle du conf il, qui la fuit, auxquelles deux chambres jhdifTcremment préfident les cinq premiers préfiders qui reftent aujourd'hui du femeftre ;puis quatre chambres des enquêtes, entre lefquelles eft ermprife celle que l'on appelle la chambre du domaine. De toutes lefquelles enfemble on tire la cha.i bre qui eft defiinée au criminel;le tout fans affurance de certain nombre de conf ill.'rs, pour autant que par édit publié la veille d Notre-Dc.me de feptembre 1560, tous officiers furent fupprimés par mort, & n'eft loifible a aucun de s'en démettre ès mains du roi, juf . ua ceque les offices érigés pour fubvenir a 1'i iquité ocinjuftice dts guerres foient réduits au nombre qui étoit il y a trente ans; vrai que Ve roi a depuis donné plufieurs difpenfes encohtré [1'édit qui étoit bien fort rigoureus. Lorfque je mis en lumiere pour la premire fols cë fecond livre de-mes recherches, l'ojre  5 É D E N T A I R! E S. 467 des chambres du parlement étoit tel que j'ai déduit; mais depuis, en 1'an «5168, fut érigée de nouveau une cinquieme chambre des enquêtes, & par même moyen fupprimée celle du confeil, & furent renvoyés tous les confeillers aux chambres des enquêtes dont ils avoient été tirés; & en 1'an 15So,fut de nouvel auffi érigée une feconde chambre des requêtes par le roï Henri III, & tout d'une fuite créé vingt nouveaux confeillers , qui furent efpafs par les chambres des enquêtes fans que la néceffité publique le conviat dece faire. Certainement en ce parlement, outre les chofes par moi difconvenues, fe trouvent plufieurs pariialités notables; & n'eft pas chofe qu'il faille oublier, que le 2ie jour de novembre, 1'an 140 5, par arrêt, furent faites défenfes qn'aucun ne s'appellat greffier de queique greffe que ce füt, royal ou autre, ni huiflïer, fors les greffiers & huiftïers de cette cour. Se trouve auffi qu'en cette même année les préfidens auroient obtenu lettres patentes du roi, par lefquelles leur étcit permis de corriger & öter les confeillers quand il faudroit; toutefois ne fut obtempéré k icelle ; & le i8e février fut arrêté que l'on s'addrefféroit au roi. Cette compagnie, comme j'ai dit, a été toujours fort recommandée daus la France, co mms G g i  4^8 des Parlemens, &c. celle par laquelle, fans efclandre, font véri'fiées les voloatés de notre prince. Une chofe toutefois y eft fur-tout enmiieufe , c'eft la longueur des procédures, laquelle fembie y avoir fait fa derniere preuve pour ia fubtiliié de ceux qui manient les caufes d'autrui; lefquels, pendant qu'ils ombragent & revêtent leurs menfonges de quelques traits cle vraifemblance , «ïendians d'une contrariété de loix, la décifion de leurs caufes, tiennent toujours une pauvre partie en -fulpens. Etant bons couftumiers prendre en ceci aide d'une chancellerie , laquelle fut premierement introduite pour fubvenii aux affligés, par bénéfice du roi, qui s'en veut dire le protecfeur ; néanmoins les plus fins Sc rufés en ufent comme d'une chofe inventée pour tenir en haleine ceux qui fe font opiniatrés k leur ruine, pour trouver par ce moyen quelque reffouree k une caufe défefpérée ; tiranr, & advocats & procureurs de telles longueurs, ( j'ai cuidé dire langueurs) un grand profit. Qui eft caufe que plufieurs bons efprifs de la France, piqués de 1'amorce du gain préfent, laiffent bien fouvent les bonnes lettres pour fuivre le train du palais, & s'afibupiffent par cette voie , pendant que, comme anes voués au moulin, ilseonfbmment leurs efpritsa fe charger de facs au lieu de livres.  4^> AVIS DES ÉDITEURS. L'EXT R AIT qui fuit efl tiré de l'Ouvrave de Miraumont , fur F origine des' Cours Souveraines. En fupprimant tous les Chapitres qui ne fcn-ent qua préfenter les origines des différens Tribunaux , & qui n'cntrent point dans le Plan de cet Ouvrage, nous nous fommes arrêtês d ces époques* ou le Parlement, qui n'étoit anciznnement que les Etats du Royaume , ejl devenu une Cour de Jujlicc.  47^ des Parlemens. DES PARLEMENS. Par MlRAUMONT. e s parlemens ont été inftitués 8: établis en France du tems des premiers rois , lorfqu'ils faifoient affemblée de feigneurs &£ barons en leur cour , pour advifer des affaires d'état & de juftice ; ce que ordinairement fouloient faire les maires du palais , pour captiver les cceurs & la dévotion des fujets, 8c s'emparer de la puiffance des rois, ainfi qu'entr'autres fit Charles Martel, fils.de Pepin premier , lequel enflé de fes vidtoires obtenues contre les infidéles, ne fe contentant du nom de maire, affembla un parlement de feigneurs , ou il fe fit déclarer prince des Francois ; ce qui a depuis été continué par Pepin le Bref fon fils, Charlemagne & autres fes fucceffeurs: & d'autant que telles affemblées ont toujours depuis été appellées parlemens , il eft vraifemblable de dire que les parlemens de France ont pris leur première fource & origine du tems de Charles Martel; joint qu'avant le regne d'icelui il n'eft fait aucune mention de ce nomade parlement ès annales de  des Parlemens, 471 France. Tels parlemens n'étoient lors que confeils Sc affemblées de feigneurs, & autre - grands. perfonnages, faits par les maires du paUis qm gouvernement les rois a leur dévotion. lis ont été rares & fréquens , felon I'occurrence des affaires Sc volontés des rois, qui les ont compofés de princes, préiats, barons Sc autres grands feigneurs du royaume ; fe tenoient lors ïndifféremment en tous lieux Sc en toute faifon , Sc une fois 1'an feulement au mois de mai, & depuis fous le Débonnaire , qui étoit du tout enclh & adonnë a juftice, deux fois 1'an d'ordinaire ; non toutefois a jours certains & préfix , comme depuis fous Philippes le Bel , lequel , pour la commodité de ies fujets, ordonna Je parlement fédentaire a Paris, pour y être tenu deux fois Pan ; a fcavoir les jours de Nativité Sc Purification Notre-Dame , comme faifoient les Ampgaiqns établis ès Thermopiles, ès mois de mars & apüt; & depuis Loys Hutin , pour le rendre plus célebre Sc certain , lui affigna lieu au palais, ancien féjour & demeure des rois de France ; comme fit jadis Fempereur Adrian, a cent juges, quil établit prés'fa perfonne, en forme de parlement; a chacun defqueïS il fit drefier & bfitir un logis k Part pour y rendre juftice ; Sc au parlement le. roi tenoit le premier lieu & étoit aififté d'au- G-g 4  47* »h Pauemïms, cuns princes & feigneurs de fon royaume, qui depuis , a Pimitation des premiers fénateurs romains & patrices; qui furent fous les empereurs, ont été appelles pairs ou peres de France, tant a caufe qu'ils étoiént pairs en nombre , fcavoir, fixlais & autant de clercs, que paree qu'ils étoient choifis & efleuz par les rois des premiers & plus anciens feigneurs du royaume. Avec eux étoient auffi appelles plufieurs confeillers & perfonnages de toutes qualités indifféremment, felon le plaifir & volonté des rois. Des ce tems-la les parlemens étoient déambulatoires & fuivoient la cour des rois. Ainfi Darius, roi de Perfe, menoit ordinairement a fa fuite les mages ou fages & feavans du pays, pour, ès affaires qui fe'préfentoient, prendre leur avis & confeil. Suétonne en rapporte autant d'Oclave Céfar, qui fe fervoit de certain nombre de fénateurs pour confeil, lefquels il chargeoit de fix mois en fix mois, pour détourner d'entre eux toute occafion d'envie & partiaüté. Le même fit 1'empereur Adrian , ayant ordinairement prés de foi, en fes voyages & pérégrinations , un grand nombre de fénateurs , dont Faffemblée & compagnie étoit appellée comhatusprincipis , &c les ïënateurs comités, par 1'avis & confeil defquels toutes chofes paffoient. Mais les rois de France ont été fi  des Parlemens. 473" jaloux & amateurs de telles compagnies & affemblées de juftice , qu'eux- mêmes y ont voulu préfider & rendre en perfonne juftice a leurs fujets, comme entr'autres a fait S. Loys, qui donnoir audience aux partiss, & bien fouvent en s'esbatant au bois de Vincennes, accompagné de quelques feigneurs de fa cour; femblablement Charles VIII & autres fes fucceffeurs. De même en faifoit 1'empereur Augufte, en perfiftant par fois en ce labeur jufques a la nuit; pareillement Vefpafien & Domitien fon fils , felon le récit de Philoftrate , tant étoient ces bons rois & empereurs zélateurs de juftice, & curieux du falut de leurs fujets. Ces parlemens déambu'.atoires ont été rendus féderttaires environ ie regne de Pepin le Bref, pere da Charlemagne , lequel s'étant délibéré d'atler en Italië au fecours du pape, ayant guerre avec le roi des Lombards, ordonnaun parlement compofé de certain nombre de gens de fcavoir, pour en fon abfence rendre juftice en toute fouveraineté en fon royaume , qui néanmoins demeura vague & inccrtain. De ce tems aucuns tirent 1'origine des parlemens; mais fi l'on veut regarder de plus loin a telles affemblées & convocations de jufticiers en France, il fe trouvera qu'auparavant Ie regne de Pharamond, en France , ou en la province  474 des Parlemens. de Franconie, oü il a regné, telles compagnies & affemblées fe faifoient fuivant le rapport que fait Jules Célar en fes commentaires, oü il dit s'être autrefois trouvé , & affifté comme lieutenant général des Romains a telles affemblées, qui ordinairement fe faifoient par les druides &c chevaliers de notre Gaule. Toutefois il faut reconnoitre que le parlement fut arrêté Sc fait fédentaire a Paris du tems de Philippe le Bel, Pan 1301, fuivant Pordonnance par lui faite fur Pétabiiffement de fon parlement, intitulée : Ordinatio regia pro utilhaie fubjectorum facla Parifius pofl medium quodrcgcfimam 1302, laquelle porte entr'autres chofes , quod erunt duo parlamento. Parijius. Item quod judicata arrejla & fententice quiz de nofira curia , feu noflro communi conflio protejj'erint, teneantur, & fine appellatione aliqua executioni mandentur , & fi aliquid ambiguitatis vel erroris continere videantur, ex quibus fufpicio aliqua inducatur , correclio, interpretatio , revocatio , vel deelaratio eorum ad nos vel confilium fpeclare nofcantur, vel ad majorem partem confilii nofiri, vel providam deliberationem fpecialis mandati nofiri, & de noflro. licentia fpeciali. En un autre article elle porte : Quod duoprelati & duo laici audiant continue caufas in parlamento. II fe trouve encore pHifieurs ordonnances faitespeudetems après pour ladircc-  d. e s Parle m rn s. 47') tion du parlement établi a Paris : Pune fake en décembre 13 20, portam ces mots: Philippes , &c. Ccft d fcavoir que not-e parlement aura huit clercs & douif lahx préfidens- kjquels & ks notaires auffi viendront au maün en la chambre du parlement d theure que ton chante la première meffeen notre chapelle baffe de Paris , & demeureront dlec continuelkment jufques a midi fonnant en notredite chapelle, fins panir & fans iffir. 11 y en a une non datée, falfant mention que nul des maifres & notaires durant le parlement ne poiirm iffir de Paris -fans fpéciale licence de nous ou dt ' notre chancelier , avèc k fouverain du parkmmt. II s'en trouve une autre fans date, par laquelle il eft ordonné par le roi en fon grand-confeil fur 1'état de fon parlement, en la maniere qui s'enfuk: Premierement, il naura nulspréiats députés enparment; car le roi fait confeience cteux empêcher en kurs épifcopautés - & le roi veut avoir en fon parlement gens qui y puifnt entendre continuelkment , fans en parür, & qitils ne foient occupes d'autres grandes occupations. Toutefois tentente du roi /eft mie que les préiats qui font en fon confeil en foient pour ce hors. Aincois eft s'entente quds demeurent de fon confeil- & il ks appellera d fes grandes befongnes. Puis eft dit par la même ordonnance:  47^ des Parlemens; Item en parlement aura un baron, &déja leroiy met le comte de Boulongne ; & outre le chancelier & Cabbê de Saint-Denis , qui y feront, y aura huit clercs & dou(e la\. Pareillement des enquêtes aura deux chambres ; c eft d favoir , une pour délivrer toutes les enquêtes du temps pafé jufques aw jourd'hui: 1'autre, pour délivrer celles qu i adviendront du jourd'hui en avant, & en celles deux chambres aura huit clercs & huit la^ jugeurs, & vingt-quatre rapporteurs pour le tout. Et ïuivant ces ordonnances , le parlement qui étoit auparavant ambulatoire, fut établi a Paris, & la juftice y rendué & exercée fouverainement fous le nom du roi, nar gens de toute qualité , fpécialement barons, princes, préiats & autres grands feigneurs , gens de confeil; & n'a été tiré de ce lieu,finon lorfque les Anglois tenoient la ville & que le parlement fut envoyé a Poitiers , ou bien pour quelque autre grande occafion.qui auroit mea les rois de ce faire ; comme lorfque Charles leptieme le convoqua a Montargis , puis a Ve-ndöme, pour faire le procés a Jean , duc d'Alencon. Et durant ce temps fut décernée commiftion du" feptieme juin 1458 a maitre Robert Thibouft , préfident, & plufieurs confeillers du parlement, pour juger les procés qui y étoient pendans , réfervé toutefois la  des Parlemens. 477 prononciation des arrêts jufques au retour du parlement a Paris. Et lors de rétabliffement du parlement k Paris, il n'y avoit qu'une chambre qu'on nppelloit la chambre du parlement, aucune fois la chambre des préiats , pour autant que le parlement étoit la plus grande partie ccmpofé de préiats & eccléhaftiques , & de cette chambre eft faite mention en Pordonnance de Philippes, fils du roi S. Loys, faite a Vincennes au mois de janvier 1175 , en ces mots : Item ils feront deux portiers en parlement quand le roi riy eft, & aura chacun deux fols de gages, & on leur défendra qu'ils ne laiffent nully entrer en la chambre des préiats, fans le cornmandement des maitres. Et après 1'étabüffement d'une autre chambre des enquêtes, elle a été appellée grand'chambre , tant a raifon des grandes affaires qui étoient traitées, que pour 1'autorité qu'elle avoit par-deffus celle des enquêtes, voire partout le royaume de France. Et depuis après que le parlement fut arrêté a Paris, fut appellée la grand'chambre du plaidoyé, a la différence de celles des enquêtes , oü fe jugeoient les procés par écrit. En cette grand'chambre y avoit jugeurs & rapporteurs qui, le plus fouvent étoient eccléhaftiques, comme l'on voit par les états des rois de France de ce  47$ des Parlement teit!s-Iè, fait fur Ia réformation & reglement de leurs officiers. Et ccmbien que la chambre des enquêtes fraternifa aucunement avec la grande, fi eft-ce qu'elle n'étoit de fi grande autorité, paree qu'il n'étoit loifible aux préfidens & confeillers des enquêtes, qui depuis y furent établis, mettre les appellations, & ce dont étoit appellé, au néant?. Auffi qu'ils n'avoient connoiffance ni communication des affaires d'importance , comme pareillement ils n'affiffoient aux audiences & plaidoiries, comme faifoient ordinairement ceux de la grand'chambre. Lefquels auparavant qu'il y eut préfidens formés avoient cet honneur & prérogative , que le plus ancien confeiller - la'i préfidoit aü parlement. Au moyen de quoi, par la fnfdite ordonnance de Philippes, tiersfiis Saint Louis, tous les confeillers - laiz de la grand'chambre du plaidoyé font nommés préfidens, & les autres réfidens en la cour : qui montroit anciennement leur autorité pardeffus ceux des enquêtes , même a 1'endroit des autres confeillers - clercs de la grand'chambre s qui étoient toujours précédés au parlement par les laiz, qui ont féance a la dextre, &c les clercs a la {ênefire du préfident. Ce qui s'obferve encore en tous a£les fécuiiers, ^fqnels les gens d'églift font admis pour con-  des" Parlemens. 479 feil. La prérogative des confeilliers-laiz au parlement, fe vérifie d'ailleurs en ce qu'en 1'abfence du préfident, leplus ancien confeillerlai préfide, tant au confeil que plaidoirie, & jamais aucun d'églife, pour deux raifons; 1'une, afin qu'il paroiffe que les confeillers d'églife ne font appelles qu'acceffoirement; 1'autre, pour montrer que le fiége eft féculier , & non ecclcfiaftique ; vrai eft qu'ès affemblées de 1'églife gallicane faites par 1'autörité du roi, Comme facres &t couronnemens, exeques & énterremens des rois & roines , proceflions & autres, cii les préiats font l'oftke & miniftere , les clercs & préiats eccléfiaftiques ont la prérogative fur les laiz qui les fuivent au marcher, & au foir leur laiffent la dextre.  Requêtes REQUÊTES DU PALAIS. Par M I RA V M O JV T. Avant Ie régne de Philippes-le-Bel, Ie parlement étoit compofé d'hommes de trois diverfes vacations, de préiats, grands Seigneurs, barons & che valiers, & de gens de lettres, appelles par FroifTart, felon la coutume de ce tems-tè, chevaliers en loix, pour ce que le roi les honnoroit de ce titre, pour les rendre femblables en qualité a ceux qui fui.oient & reveroient les armes. En ces parlemens les préiats préfidoient, & fe tenoient en la grand'chambre qui étoit appellée Ia chambre des préiats, lefquelsa 1'ouverture des deux parlemens que l'on tenoit k No él & k Ia Purification , ordonnoit le plus fouvent de 1'office & fervice des confeillers, tant de ceux qui devoient juger ou rapporter, que des autres, auxquels on commettoit la charge des requêtes, tels qu'étoient anciennement & du tems des premiers parlemens en France, les maitres des requêtes de 1'hötel , qui fer- voient  I du Palais. 4$l voient le roi, tant en fon parlement , qu'a la fuite de fa cour, comme l'on voit par les anciens états de la maifon des rois. Ceux qui étoient k la fuite du roi recevoient k la porte de la falie , ou de 1'hötel du roi, les plamtes & requêtes faites k fa majefté ; & jugeoient ce qu'il leur fembloit jufte & raifonnable : & quant aux requêtes, qui étoient d'importance & difficües k expédier , ils les gardoient pour en faire rapport en la préfence du roi qm, a cette fin , leur donnoit audience & faifoit affemblée de barons & autres grands feigneurs, par 1'avis defquels il ordonnoit fur les requêtes. Et au regard de ceux qui fervoient en parlement, ils recevoient les requêtes qui y étoient préfentées, lefquelles ils jugeoient fi elles étoient de petite conféquence ; ou bien fi ne s'en pouvoient accorder, a raifon de 1'importance ou difficulté qu'ils y trouvoient, en venoient conférer k la grand'chambre les après-dinées, ou Is maf.n avant i'audience : & étoient tenus eux affembler k l'heure de ceux du parlement, Sc la demeurer jufques a midi, fuivant i'ordonnance de Philippe-leBel, faite tant fur 1'état du parlement, chambre des enquêtes que fur les requêtes. Cette forme a toujours été fuivie & cbfervée au Tomc IK. H h  tf* Requêtes du Palais; parlement pour la connoiffance & jugement requêtes, avant Etabliffement d'icelui a & Cncore q^lque tems après, jufques ^e que le.parlement y fut arrêté. Fia du tome quatriemt;