DES ÉTATS GÉNÉRAUX, E T AUTRES ASSEMBLÊES NATIONAL ES. TOME SEI ZIE ME.   DES ÉTATS GÉNÉRAUX, E T AUTRES ASSEMBI/ÉES NATIONALE S. TOME SE IZ IE ME, A LA HA YE, Et fe trouve a Paris, Ehez Buisson, Libraire, Hotel de Coetlofquet, rue. Haute feujlle, N°. 20.   DES E T A T S. GÉNÉRAUX ET AUTRES ASSEMBLÉES NATIONALES. HENRY IV. ASSEMBLEE DES NOTABLES Tenue a Rouen en i$$>6} fous le miniftere de Suily. SEANCE A Vouverture de VAffemblée des Notables, a Rouen le 4 Novembre 15 9 6'. (Cérémonial Francois.) P J- ARis&le Gouvernement de Vlle deFrahce. Le cardinal de Gondy, MM. d'Eftrée, de Rambouillet, de Marivaut. Tome XVI. ^  1 E T A T S Le Parlement. Le premier préfident, Ie préfident Séguier, Martin de la Guefle , procureurgénéral. La Chambre des Comptes. Le premier préfident, M. le préfident Tambonneau, M. Dreux, procureur-général. La Cour des Aides. MM. Chandon, premier préfident, &C de Verdilly, procureur-général. Le Bureau des Tréforiers de France. M. le Comte, tréforier de France. Le Chatelet de Paris. Le lieutenant civil Miron. L'Hotel-de- Vitte. Le prévöt des marchands, un des echevins, & le fieur de Verfigny , confeiller de la Ville. Le Gouvernement de Picardie. Le comte dc Saint-Paul, Tévêque d'Amiens , le maréchal de Balagny, MM. de Saint-Luc & de Chaulne, de Lan, tréforier de France, & le Roy , lieutenantgénéral d'Amiens & dAbbeville.—Et fera contenu en la lettre écrite aux maires , que fi par empêchemcnt de maladie, ils ne peuvent venir a TAlTemblée, le premier echevin y viendra en la place. Le Gouvernement de Champagne. M. de Nevers, 1'archevêque deRheims, M. de Chalons, nommé par le Roi, MM. de Tinteville, de la Yiéviile &c de Prafliu ; les maires de Troyes  sousHenriIV. 3 Chalons & Rheims, le fieur de Vorfenay , tréforier de France. Le Gouvernement de Bourgogne. Le maréchal de Biron , M. de Langres, M. d'Autun, le premier préfident, le préfident Fremiot , M. de Cipierre, le baron de Lux, le maire de Dijon, M. Jacob, tréforier. Le Gouvernement de Normandie. Monfeigneur de Montpenfier, MM. de Fervaques, de Chattes, de Breauté, & M. l'évefque d'Ëvreux. Le Parlement. Le premier préfident, MM. de la Porte , procureur-général , de Moteuille, premier préfident en la chambre des comptes 9 des Hameaux, premier préfident en la cour des aydes , Bignot, qui eftoit premier efchevin, & celuy qui eft a préfent nommé Voifin, de Menicourt, tréforier de France a Rouen, &c Repichon, tréforier de France a Caè'n. Le Gouvernement d'Orléans. Le marefchal de la Chaftre, le maire d'Orleans, M. de Villefalier, tréforier de France. Le Gouvernement de Chartres. L'évefque de Chartres, M. de Sourdis. La Touraine. MM. de Souvré, & de la Valliere , tréforier de France , &c le maire de Tours. Le Maine. L'évefque du Mans , M. le marefchal de Laverdin, &c un efchevin du Mans. Aij  # E T A T S VAnjou, L'évefque d'Angers, MM. de Pichery, de la Rochepot, & le maire d'Angers. La Bretagne. L'évefque deNantes, (s'iJ n'eft appelé comme archevefque de Rheims) le 'marquis de Coaquin, M. de Ris, premier préfident, Ie procureur-general, M. N. préfident des comptes, le fenefchal & le maire de Rennes, M. de la Porte, ou bien le fieur Miron , tréforier de France. Le PoiSou. L'évefque de Maillefais, MM. de Malicorne, de Parabelle, & de Sainde-Marthe, tréforier de France, les maires de Poitier* &c de la Rochelle. La Guyenne. MM. de Cabors & de Sarlat, fe marefchal de Matignon, le premier préfident dAffis, MM. de Saignes, procureur-general, de la Motte-Fenelon, de la Force, de Themines , & de Pontac, tréforier de France, le maire de Bordeaux, & 1'un des jurats de ladite ville. Le Languedoc. Le cardinal de Joyeufe, l'évefque de Rieux,le duc de Joyeufe, MM. du Faur, préfident en la cour de parlement, de Saind-Felix, procureur-general, Aduifard, tréforier de France a Touloufe, Rofart, préfident en la cour des aydes a Montpellier, d'Agel, premier préfident en la chambre des comptes de Montpellier, & deux autres treforiers de France audit Montpellier qui font venus, nommés Daflin & Desbaraux. La Provence. Le duc de Guife, l'évefque de  sous Henri IV. f Marfeille, MM. de Vallegrand, le marquis d'Oraifon , le préfident Coriofis, &: d'Opede, préfident en la chambre des comptes & coür des aides, M. N. tréforier de France , le procureur du pays , & l'aflefleur de la ville d'Aix , les premiers confuls de Marfeille , & Te premier confut d'Arles. _ Le Dauphiné. Monfeigneur le prince de Contj, larchevefque de Vienne, le marefcbal d'Ornano, M. de Lefdiguieres, Ie premier conful de Grenoble, le premier préfident, M. de Gravieu, tréforier de" France. Le Lyonnois. L'archevefque de Lyon, MM. de Botheon, de N. tréforier de France, (s'il n'eft empefché de maladie) Defcceuvres, & le prevoft des marchands, ou le premier efchevin. VAuvergne. Le^comre d'Auvergne, l'évefque de Clermont, le marquis de Caniliac, MM. d& Vergne, préfident en la cour des aydes a Montferrand, le Febvre , tréforier de France, & les premiers confuls de Clermont & de- Riom. Le Limofin. Le baron de Salignac, & M. de Noiiaille. Le Berry. M. Cabet, tréforier de France en la. généraKté de Berry, & le maire de Bourges. L 'Angoulmois & Xaintfonge. M. d'Efpernony le marquis de Pifany, de le lieutenant: general d'Engoulefme. A iij  £ E T A T S Moul'ms. M. de Launay, préfident des rreforiers de France, & le maire de Moulins. Confeillers d'éjlat , MM. de Bellievre , de Sancy, de Pontcarré, de Sillery, & de Vic, &c M. Je Calignon. De rous lefquels deputez ne fe font trouvez en ladite alTemblée que ceux cy-après denommez, lefquels ont efté mis en trois corps ou chambres ; pour refoudre tous les regiemens & reformations ès affaires de 1'eftat de France, conformément a Tintention de Sa Majeflé; A fcavoir: Dans la chambre oü fera monfeigneur de Montpenfier : Pour le Clergé, le cardinal de Gondy, l'archevefque de Rheims, l'évefque d'Angers, & M. de Maillezais. Pour la Noblejje, Monfeigneur de Montpenfier, MM. 1'admiral de Ramboüillet, de la Mothe-fenelon, de Fervaques, & le marquis de Canillac. Pour les treforïers de Francft & generaux des finances, MM. du Moulin de Paris, de Lan d'Amiens , de la Valliere de Tours, de Saindte-Marhe de Poiüier, Marion de Montpellier, de Bourgoi gne, néaotj de Soiffons , neant. Prevoft des marchands , maires & Ffchevins de villes, le prevoft des marchands de Paris, MM. le Voifin , efchevin de Roüen , Boucaur, jurat de Bordeaux, & Thierry, conful de Riom. Pariemens, & autres cours fouveraines, le premier préfident du parlement de Pa-  soüs Henri IV. 7 lis-, MM. le préfident de Seguier, le préfident d'Affis, le préfident Nicoiai, de la Guefle, procureur général du parlement a Paris, de Vic, de Vallegrand, & le préfident de Vergne. Chaftelet de Paris , M. Miron, lieutenant civil. Dans la cbambre oü fera le duc de Retz, ledit duc de Retz. Pour le Clergé, les evefques de Chalons, du Mans & de Sarlat. Pour la NobleJJè » MM. de 1'Efdiguieres, de Beauvais, la Nocle, de Marivaut, de la Force, de Breauté, &c de Pichery. Pour les Pariemens, & autres cours fouveraines, MM. de Saind-Iorry, préfident a Thouloufe, ScTambonneau, préfident des comptes aParis ; les procureurs generaux des pariemens de Thouloufe Sc Bordeaux; le premier préfident des aydes a Roüen le procureur general de ladite cour des aydes a Roüen, & le préfident de Calignon. Pour les tréforiers de France, & generaux. des finances, MM. deServieres de Lyon, Aduifard de Thouloufe, Faure de Riom , Repichon de Caen, Villefalier A'Orléajis, & Verdier de Limoges. Prevoft des marchands,. maires &c efchevins, MxM. Talon, efchevin de Paris, Bigot, efchevin de Roüen , Vacher , efchevin de Clermont, & Maugis, maire de Bourges. Dans la cbambre ou fera le marefchal de Ma~ tignon. Pour le Clergé, l'archevefque de Bourges,. ic l'évefque d'Evreux. Pour la Noblefe, ledit: Alv  s ê t a r g t Madgn°n' le marefc^ de Laver- de Botheon. Pour les Parteihens, & autres CoLrx Wrames Ie premier prefident du ^ » \Ar™" Prefident du Parlement de Braa^e; MM. de Motteuille, premL prefident des o,rnptesa^,, de Préfident des comptes a ^ de la procureur général du parlement de & tac de Bourfeaux, le Preftre de Menicourt »7* Crfenay deLaJ nay d M ^ „,Po^ Cor^:* -udufieur Miron de ^,^;dep -ant abfent; de Provence, abfen, /W d£ marchands maires Sc efchevins de villes/MM Henry, efchevin de ^ , de Louvencourt, an- uen ma.eur d Amiens, de Vergne, maire de ^ Ga^her, efchevin du Mans Tous les fiifdits eftoient enfemble dansla falie rtJr matn " R,°y ' Sai^"Oüen ; lefquels ent ad rent ! ropofifion fa. e ^ ^ 2 l»d7 quatneme novembre mii cinq eens Ltrevmgt-fcae; & eftoit Ia falie difpofée ainfi q»>U M dalSj & enun thea"e de deux „urehesdan*  sous Henk i IV. ? une chaire de drap d'or. A la main droite, a trois toifes de la cheminée, eftoit fur un efcabeau couvert *de veloux , M. le coneftable de Montmorency \ '•a la main gauche, M. le chancelier de Chiverny fur uri femblable efcabeau. A la main droite, eftoit afïïs au defliis de M. le conneftable, Monfeigneur de Montpenfier, prjnce du fang, fur un efcabeau féparé; & a cofté de luy MM. les ducs de Nemours, le marefchal de Retz , d'Efpernon, & de Joyeufe, fur un banc'prenant de travers, depuis les feneftres jufques au lieu oü eftoit mondit feigneur de Montpenfier. Vis a vis de luy k main gauche , fur ün mefme banc du travers des feneftres jufques a M. le chancelier, eftoient MM. les cardinaux de Gondy & de Givry, & les marefchaux de Matignon & de Laverdin. Puis y avoit trois rangs de bancs qui alloient, a f^avoir du cofté de main droite, depuis 1'efcabeau de monfeigneur de Montpealïer jufqu'au milieu de la falie; au premier defquels eftoient les archevefques & éve(ques; & au mefme banc les prefidens des comptes de Paris & de Roüen ; au fecond & troifieme, qui eftpit contre la paroy, eftoient les treforiers generaux de France de toutes les generalirez •, les autres trois bancs a. main gauche du Roy , depuis celuy defdits cardinaux jufque prés la porte. Au premier eftoient les prefideas & les gens du roy des pariemens de Paris,  *o Etats Thouloufe, Bordeaux, Roüen & Bretagne ; au fecond les officiers de la cour des aides; au troifiéme contre la paroy, eftoit le lieutenant ci~ vil de Paris, Sc quelques maiftres des requefte* qui y eftoient entrez pour ouyr les harangues, Sc ce fans ordre. Vis a vis du Roi (y ayant un parquet entre deux) y avoit deux bancs, ou eftoient les prevots des marchands de Paris, & efchevins de Roüen, Sc autres du tiers-eftat. Derrière le Roy y avoit des deux coftez trois bancs : a celuy de main droite, au premier eftoient MM. de Bellievre, de Sancy, de Ramboüillet, de la Mothefenelon , Sc de Pontcarré. Aux deux autres, jufque contre la cheminée, eftoient les chevaliers du Saind Efprit, Sc autres deputez pour la noblelTe; aux trois de main gauche, eftoient les fieurs de Vic, de Calignon , de Vallegrand, & autres du confeil privé, avec quelques-uns des gentils-hommes qui eftoient deputez. Le lendemain fut advifé a la pluralité, quel'on feroit trois chambres; Sc que 1'qn feroit les affemblées dorefnavent au logis de monfeigneur de .Montpenfier. Faut noter, qu'outre les deputes cy-defius , y en vint encore quelques autres qui avoient efté mandez avant 1'ouverture defdits eftats ; car de tous les autres mandez qui ont eu lettres du depuis r &t arrefté qu'ils ny feroient admis.  sous H e n r i IV. 11 DÉTAILS Sur l'Assemblée de 1597. ( Préfident de ïhou.) li E Roi voyant la paix établie dans la plus grande partie de fon royaume , convoqua une affemblée des princes, des feigneurs, & des députés des principales provinces, afin de délibérer fur 1'état préfent des affaires, d'y mettre un certain ordre , autant que les conjonétures le permettroient. La pefte fefant alors beaucoup de ravage a. Paris, quoiqu'il füt contre 1'ufage que les états fe tinffent hors du reflort du premier parlement du royaume, le Roi jugea uéanmoins a propos de les tenir a Roüeji-, il s'y rendit le 2© d'o&obre, & fit fon entree dans la ville aVec beaucoup d'appareil & de pompe. Le 4 novembre, 1'ouvertare de fafTemblée fè fit dans la maifon abbatiale de S. Oüen , le Roi étoit affis fur fon tröne dans la grande falie : au-delTous de lui, a fa gauche, étoient Henri de Bourbon de Montpenfier , gouverneur cie Normandie , Henri de Savoie, duc de Nemours, ie connétable Henri de Monmorenci , Jean-Louis de Ncgaret, duc d'Efpernon, Albert de Gondi, duc de Retz , Jacqaes  12 E T A t S Goïon , Sire de Matignon , maréchal de Francé&T gouverneur de Guyenne, pour le prince de Condé ; derrière eux, étoient les quatrc fecrétaires detat, & vis-a-vis, le cardinal-légat Alexandre de Médicis, les cardinaux, nombre devêques ; au-defious deux étoient placés Achille- de Harlai & Pierre Seguier, préfidens du parlement de Paris, Guifclaume DaiÏÏs, préfident du parlement de Bordeaux, & Pierre du Faur de Saint-Jory , préfident de celui de Touloufe , & enfuite les députés des chambres des comptes Sc des cours des aides , quelques tréforiers de France, quelques lieutenans-généraux de bailliages , & les notables des villes. Le Roi paria en peu de mots^ HARANGUE DU ROI Fake aux Députés des Etats affemblés d Rouen le quatrïeme Novembre 1596". S I je voulois acquérir le titre d'orateur , j aurois appris quelque belle & longue barangue, & vous la prononcerois avec aflez de gravité. Mais, Meflieurs, mon défir me poufle a deux plus glorieux titres , qui font, de m'appeller libérateur & reftaurateur de eet état, poirr a quoi parvenir, je vous ai afiemblés, Vous favez, a vos dépens comme-  sous Henri IV. ^ tooi aux miens, que lorfque Dieu m'a appeüé a cette couronne, j'ai trouvé la France, non-feulement quafi ruinée, mais prefque toute perdue pour les Francais. Par la grace divine, par les pneres & bon confeil de mes ferviteurs, L ne font profeffion des armes, par J'épée de ma brave & genereufe noblelfe (de laquelie je ne diftin.ae Pointlesprinces,pourêtrenotre plus beautitre) foi de gentilhomme , par mes peines & labeurs je' ai fauvéede la perte, fauvons-la a cette heure de la ru1He Participez, nres chers fujets, i cette feconde gloire avec moi, comme vous avez fait k la prem,ere. Je ne vous ai point appelles , comme Éufoient mes prédécefTeurs, pour vous faire approuver leurs volontés. Je vous ai aiTemblés pour «cevoir vos confeils, pour les croire, pour les luivre , bref, pour me mettre en tutelle entre vos mams; envie qui ne prend guère aux Rois, aux barbes grifes & aux vidorieux. Mais le violent amour que je porte a mes fujets , & fextrême envie qUe j ai d'ajouter ces deux beaux titres a celui de Roi, me font trouver tout aifé & honorable Mon chancelier vous fera plus amplement entendre ma volonté. Alors Philippe Hurault de Chiverni, chanceher ayant eu ordre de parler pour expliquer pius W long les intentions de S. M., expofa dans un  0 i+ Et at s difcours fort étendu, les malheurs des fiecles pa£ fés, &c a quelles extrémités la France avoit été plus d'une fois réduite par les guertes civiles qui 1'avoient déchirée. II ajouta que le royaume n'étoit pas encore tranquille , & qu'on alloit peut-étre avoir une guerre plus cruelle qu'auparavant, contre un ennemi qui, joignant la haine a cette ambition démefurée que 1'on connoifloit, paroiffoit devoir être irréconciliable •, mais que S. M. ne doutoit point que les trois ordres du royaume, a 1'exemple de leurs fideles & courageux ancêtres, ne füTent des efrbrts proportionnés a la grandeur du péril. II leur mit enfuite devant les yeux le courage du Roi : « S. M., dit-il, ayant affronté » une infinité de dangers pour le falut de 1'état, S£ » ne s'étant jamais ménagé par rapport a ce grand » objet, il eft bien jufte que fes fujets ofFrent » leurs biens & leurs vies pour la même caufe ». Le lendemam, on forma trois clalTes des députés, pour délibérer chacune en particulier, & faire enfuite part de leurs délibérations a 1'aiTem-» blée générale. Après un mür examen, ils drefferent ce cahier de leurs demandes, qui fut foufcrit, au cómmencement de 1'année fuivante, par le duc de Monpenfier, le cardinal de Gondi, le duc de Retz , & le maréchal de Matignon. Ce cahier contenoit plufieurs juftes demandes: voici celles qui concernoient le clergé.  sous Henri IV. ï$ Que les archevêques Sc évêques fuffent promus par la voie des éledions , conformément aux canons Sc aux faints décrets : que s'il ne plaifoit a S. M., pour le préfent, de rérablir les éledions, elle voulut bien au moins , dans les nominatiorc qu'elle feroit, obferver 1'ordonnance des états de Blois, tenus vingt ans auparavant : qu'outre ce qui avoit été réglé alors, on fït des informations fur la religion, la vie , les mceurs • & la capacité des fujets que S. M. voudroit éiever a 1'épifcopat: que 1'évêque le plus ancien de la province, & y réfidant, feroit les informations par rapport a celui qu'on deftineroit pour le fiége archiépifcopal, 5c que 1'archevêque, réfidant pareillement dans fon diocefe, les feroit par rapport a 1'évêque qu'il s'agiroit de nommet; que levêque ou archevêque prendroit a eet efFet 1'avis de trois chanoines de 1 eglife dont le fiége feroit vacant,' & qU'ils fe. roient choifis par le chapitre ; qu'enfuite le grandaumönier feroit au Roi le rapport de ces informations, afin que S. M. püt mieux connoitre les caraderes Sc les qualités de ces fujets qu'elle voudroit nommer, Sc qu'on feroit mention de ces informations dans les lettres que le Roi écriroit au Pape : qu'afin d'empêcher les fraudes qui pourroientfe glhTer'dans les informations envoyées a Rome, elles fuffent toujours conformes a celles des archevêques Sc évêques, Sc que fi elles étoient  i é Etaïs différentes, il fut permis aux chapitres des' égiile^ cathédrales, de s'oppofer a 1'exécution des bulles du Pape, &c den appeler comme d'abus , fuivanc \a forme recue dans le royaume , & qu'après avoir interjeté appel a la prife de polTeffion les prélats pourvus illicitement, jufqu'a ce que 1'affaire eut été décidée: qu'on fuivroit la même regie par rapport aux abbayes, & que ce feroit a 1'évêque diocéfain de faire les informations : que pour remettre 1'ordre & la difcipline dans les monafteres de filles, oü elle étoit entièrement éteinte, au grand fcandale des ames & a la honte de leglife, on fétablït les éleólions, puifque les couvens de religieufes avoient été nommément exceptés dans le concordat entre Francois I & Leon X. Que pur réformer les abus &c corriger les déréglemens du clergé, les métropolitains fuiTent avertis de tenir „ dans 1'année, des conciles provinciaux, & de les tenir dans la fuite de trois en trois ans •, qu'on fit de rigoureufes recherches contre les confidentiaires : que le Roi, par un édit, fit publier & obferver dans tout fon royaume, la bulle de Sixte V, contre les fimoniaques & les confidentiaires; que pour empêcher la profanation deslieux faints, S. M. défendit a fes troupes de fe loger dans les temples, dans les chapelles &C dans les facrifties des églifes, ni d'y mettre leurs. c-hevaux, en décernant les peines féveres contre les  sous Henri I V. |* les colonels & capitaines qui toléreroient ces pro- fanations, quand même ils feroient abfens, & en les traitant comme des infracteurs des é'dits du Roi. En faveur de la nobleffe, qui eft comme la principale colonne de 1'état ,& qui, dans ces derrières guerres, avoit prefque feule foutenu le royaume fur le penchant. de fa ruine, on demanda que dans le concours des fujets qu'il s'agiroit de-, lever aux dignités eccléfiaftiques, les nobles fuffent préférés aux autres, que les lettres de noMelTe ne fulfent accordées qu'a ceux qui s'en feroient rendus dignes par des fervices importans rendus a letat, & fur-tout par de grandes aétions a la guerre. Que les gentilshommes domicilies des villes y conferveroient les anciens droits & privjles de la nobleffe, & feroient exempts des fonctions de gardes & de fentinelles, & d autres pareilles corvees: Que le Roi auroit dans fa maifon ie plus grand nombre de pages qu'il pourroit, & qu'il leur feroit donner une éducation convenable a on crut qu'il n'y avoit rien de mieux a faire , que de compiler un tas d'anciens régiemens inutiles, & même contraires a la conjoncture piéfente. Car au lieu de faire réflexion que les états doivent fe traiter comme les corps pour lefquels il convient d'ufer des remedes extraordinaires contre des maladies nouvelles & inufïtées, ou de changer d'opérations a proportion des progrès qu'on fait dans la connoiiTance de fon méchanifme : telle eft la force du préjugé, qu'on s'obftine toujours a chercher la guérifon des maux préfens, dans des moyens dont 1'infuffifance eft démontrée, de cela feul qu'ils n'ont pu ni les prévenir , ni en arrêter le cours. Un refpeót inconfidéré pomTantiquité, une famTe idéé des fautes occahonnées par 1'éloignement des tems, un jugement peu réfléchi fur le paffé, le défaut de vues plus nettes & plus juftes pour 1'avenir, dont 1'amour propre empêche qu'on ne convienne : voila ce qui éternife les anciens abus. II ne faut, dit-on, rien changer aux loix &c aux ufages. Je fuis grand partifan de ce principe, excepté les cas oü 1'utilité, & encore plus la néceffité, deznandent qu'on y déroge. On s'amufa donc a tirer de la pouffiere les vieux régiemens, &c on alloit groffir un recueil déja li infruólueux : mais une impoftibilité réelle fe préfenta, & rompit le projet: c'eft que la plu  16 E T A T S part de ces antiques conftitutions nayant pour objet qu'irn gouvernement oü 1'autorité royale, , décorée dun vain titre, n'étoit dans le fondqu'une véritable fervitude, elles ne pouvoient convenir a un temps oü Unielet public a établi pour bafe de la commune süreté , & concentré dans un feul toute 1'autorité qui auparavant étoit répandue fur une infinité de têtes. A cette idéé en fuccéda une autre, a laquelle on s'arrêta, par je ne fais quoi de fpécieux qu'elle offrit, quoiqu'en cffet les inconvéniens n'en fuffent pas moindres; c'eft 1 etabliflement d un confeil, qu'on jugea a propos d'appeler confeil de raifon, dont les membres feroient nommés par l'aiTemblée, & dans la fuite par les cours fouveraines. Mais quoi! n'y avoit-il pas déja un confeil ? Et ce confeil n'étoit-il pas lui-même la caufe trop marquée du défordre des finances & de la mifere des peuples ? N'importe , toute cette multitude , fe laiifa fi fort éblouir par un beau nom & par u» choix nouveau, qu'on y propofa & qu'on y approuva de guérir le mal par le mal même. II fat décidé que le nouveau confeil partageroit en deux portions égales tous les revenus royaux, qu'on eftima, fans trop d'examen, a trente millions : qu'il retiendroit la première par fes mains, & qu'il acquitteroit les penfions, gages d'officiers, arrérages, & autres dettes & engagemens de 1 ecat;  sous Henri IV. 27 quil prendroit encore fur cette fomme de quoi faire réparer les villes, batimens, chemins & autres ouvrages publics, fans que le Roi ni les cours fouveraines puflent jamais prendre connoiflance de cette fomme, ni en faire juflifier l'emploi« Quelle occafion de flatter 1'avidité des membres de ce confeil, qu'une difpofition fi abfolue d'une moitié des revenus de 1 etat ? Et fuppofez, pour un moment, une geftion infidelle , que de parties en fouffrance ! Quelle confufion! Quelle ruine I On laiifoit, avec une égale indépendance, la feconde moitié au Roi, pour la régir par lui ou par fes miniftres, avec la charge de toutes les dépenfes militaires, en y comprenant 1'artillerie &C les fortifications ; des affaires étrangeres, négociations & ambaffades ; de 1'entretien de fa maifon , de fes équipages; enfin des gratifications de fes officiers, & de fes menus plaifirs. Sur la levée &£ 1'adminiftration de ces deux parts, on ne prefcrivoit rien a aucun des deux partis , pour ne pas bleiTer cette mutuelle indépendance dont les inventeurs s'applaudifloient : comme fi la force d'un royaume ne dépendoit pas de prêter, fuivant 1'exigence, aux parties affligées les fecours dont elles ont befoin , & d'y faire couler , pour ainfi dire, le fang furabondant de celles qui font plus faines. Comme les trente millions, a quoi avoient été évalués les revenus royaux, parurent une fomme  -8 E T A T S un peu enflée, il fut réfolu qu'on créeroit un jiouveï impót: ce fut la levée du fol pour livre fur toutes les marchandifes , denrées vendues & achetée» dans lc royaume, rant en gros qu'en détail. Lorfqu'on cue calculé le produit du commerce des particulier* & les dépenfes, foii dc néceffité, foit de fimple commodité ou mcmedeluxe , on crut ne rien rifquer cn eftimant cc nouvei impöt a cinq millions 5 & on bénir mille Ibis une idéé auffi heureufe, quoiqu'cllc nc fut pas moins chimériqus que le nouveau calcul étoit défectueux. Lorfque 1'alfemblée eut ainfi déraillé & perfectionnéfon fyftême, elle envoya des députés le propofer au Roi, qui les regut au milieu de fon confeil. L'indignation qu'y caufa le projet fut marquée dans 1'inftant par des cris & des murmures fi confus, que le Roi eut beaucoup de peine a> faire opiner féparément ceux qui le compofoient. Le champ étoit vafle, le chagrin & la colererendirent tout le monde éloquent. Mon tour étant? venu, je me contentai de dire froidement, que je n'avois rien a ajouter a ces beaux difcours. Le Roi, qui m'obfervoit attentivement, furpris de ma réferve , voulut m'entretenir avant que de joindre fa voix , qui devoit emporter la décifion pour ou contre le projet de 1'aiTemblée des notables, &c remit a achever la déiibération au lendemain, en préfence des mêmes perfonnes. Auffi-tót que je  sous" Henr i IV. z$ Ris feul avec le prince, il me demanda avec empreffement la raifon de monfilence, & je lui fis faire les obfervations fuivantes. II eft certain que dans l'aflemblée des notables on étoit fi fort infatué du nouveau plan , qu'en fuivant 1'opinion du confeil, qui vouloit que le Roi le rejetat & 1'annullat avec hauteur, Sa Majefté s'expofoit a y faire naïtre un mécontentement d'autant plus grave , que les états alfemblés ne reconnoilTent point de fupérieurs qui ayent droit de les réformer, pas même le Roi. Une des plus importantes maximes pour le gouvernement monarchique, eft que le Prince dok, fur toutes chofes, fe donner de garde de réduire fes fujets au point de lui défobéir d'effet ou feulement de parole. D'ailleurs le Roi alloit dire&ement contre la parole qu'il avoit donnée, de fe conformer aux réfolütions de 1'aiTemblée. Enfin tous ceux qui avoient donné 1'idée du projet, & ceux qui 1'avoient adopté, de cela feul que le Roi 1'auroit rejeté, s'opiniatreroient toujours a le regarder comme le vrai fyftême des affaires, tant qu'un commencement de pratique ne les détromperoit pas de cette opinion, & ils feroient entendre dans la fuite, qu'il n'avoit tenu qu'au prince feul qu'on ne vït enfin établi en France , eet ordre après lequel on foupiroit depuis fi long-tems. On fait affez quel eft le peiichant des peuples, fur-tout de ceux qui  30 E T A T S ontl'efprit vif, a médire des actions du fouverain. D'un autre cöté , il n'eft pas moins certain que le projet étoit également ruineux & d'impoffible exécution ; il fuffiroit, pour en être pleinement convaincu, de la plus légere connoiiTance des affaires de finance. Outre les obftacles que je viens de marquer, combien n'en devoit-il pas naïtre de la feule jaloufie que produiroit le choix des membres du nouveau confeil qui devoient être pris également de toutes les provinces du royaume ï Cette apparence d egalité & de juftice qui remettoit nécelfairement la conduite de 1'état a des hommes nouveaux & fans expérience, combien ne devoit-elle pas occafionner de mécomptes &c de bévues, lorfqu'il s'agiroit d'appliquer au détail un projet fimplement ébauché > II étoit indubitable que la tête tourneroit dès 1'abord au nouveau confeil , & que toutes les demarches qu'il feroit. ajouteroient faux-pas fur faux-pas. De cette impoffibilité même de tirer aucun fruit du projet de 1'aiTemblée, je prenois le motif pour le Roi d'y donner pleinement les mains. Par-la il remportoit devant tout fon peuple la gloire d'entrer avec clouceur dans les vues qu'il avoit tracées lui-même: & bien loin que cette complaifance allat a la diminution de 1'autorité royale , elle ne pouvoit manquer de lui procurer dans la fuite 1'avantage que toutes les parties des finances lui  sous Henri IV. '31 reviendroient avec plus d'indépendance, lorfque le nouveau confeil auroit fait la trifte expérience de fes forces. Comme c'étoit raffemblée, & le confeil qui en alloit être tiré, qui avoient fait eux-mêmes la fupputation des revenus royaux, & qu'on devoit fuppofer qu'ils avoient eu tous les égards néceffaires pour les deniers d'un recouvrement plus difficile & plus coüteux : ils ne pouvoient trouver mauvais que le Roi choisït, pour fes quinze millions, les efFets qui lui agréeroient le plus, en compofant fa part des revenus des cinq grofTes fermes , des parties cafuelles , du domaine & des aides; il pouvoit s'attendre , fans trop préfumer , a la voir dans peu doubler & même tripier : j'en parlois avec pleine certitude, paree que je m'étois déja aifuré de perfonnes folvables qui s'étoient engagées a prendre les fermes a une augmentation confidérable. II n'en devoit pas être de même de tout ce qui refteroit au confeil de raifon; & -je me ferois bien rendu caution a Sa Majefté, que le fol pour livre entr'autres, ne pouvoit rapporter de bon , tous frais faits, plus de deux eens mille écus. La raifon qui m'avoit porté a ne point opiner dans le confeil conformément a cette idéé, eelt que je crus qu'il étoit a propos qu'elle parut venir du Roi feul. Ce Prince, après m'avoir écouté attentivement, craignit long-tems qu'avec eet avis, je ne Ie jettaffe dans une faulfe démarche dont Terreur  S*" E T A T s auroit été en "quelque forte irrémédiable : mais après qu'il eut fait les réflexions les plus férieufes fur les raifons que je lui avois alléguées, il fe détermina a le fuivre. Le lendemain, le confeil affcmblé opina comme la veille , & moi comme le confeil. Le Roi déclarant qu'il ne pouvoit fuivre 1'avis de fes confeillers, les laiffa dans la derniere furprife, & paffa dans 1'affemblée, oü il déclara hautement que dans la difpofition oü il étoit de feconder de toutes fes forces les inclinations d'un corps fi fage, il recevoit fans aucune reftriótion ni modification, le projet qu'on étoit venu lui propofer, & qu'il réduifit a trois articles : 1'érection d'un nouveau confeil indépendant, le partage des facultés de 1'état, & la •création du fol pour livre; que 1'aflemblée eüt a nommer dans vingt-quatre heures fes confeillers, 8c a faire un mémoire de trente millions , en y comprenant le fol pour livre pour cinq millions, afin qu'il prït la moitié : qu'on verroit par fa conduite , s'il céderoit en économie au nouveau confeil. On donna mille louanges a la bonté & a la facilité du Roi- & 1'affemblée fe trouvant en quelque forte finie par un accord fi unanime, qui ne laiffoit plus de matiere de difcuffion , du moins entre le maitre & les fujets, on ne fongea plus qu'a revenir a Paris, mettre la derniere main a ce chéf-d'ceuvre de politique. La  söüsHen&i. IV. 33 La fbrmation du nouveau confeil ne fe fit pas avec la tranquillité qu'on s'étoit promife. L'altélation des ^fprits, qui en retarda 1'exécution, fut fi grande, que les plus éclairés convinrent dès ce moment , que la voix de Sla multitude n'avoit embrafle qu'une chimère. La nomination fe fit a la fin; le clergé s'y mêla fort avant, & Ie cardinal de Gondy, connu par fes talens finguliers pour 1'économie , en fut déclaré le chef 5 comme fi 1'état fe conduifoit par les mêmes loix que la maifon d'un particulier. Le confeil de raifon tint des aflemblées régulieres dans un appartement du palais épifcopal, que le prélat céda a eet ufage. Mais dès qu'on eut commencé a mettre papiers furtable, pour le recouvrement de T597, nos nouveaux financiers fe trouvereht fi embarraffés, qu'ils favoient a peine comment il falloit s'y prendre. A mefure qu'ils alloient en avant, leur embarras ne faifoit qu'augmenter; ils ne trouverent perfonne qui voulut fe charger du fol pour livre. On leur demanda les autres fermes , mais a un rabais qui les déconcerta. Malheureufement encore, la chofe ne pouvoit foufFrir de retardement; tous les penfionnaires de 1'état leur tomberent fur les bras, & ne parloient que par millions a des gens qui n'avoient pas la première obole. Le chagrin & le dépit rompirent bientöt Tornt XVI. C  34 Etats 1'union dans le nouveau confeil; les conteftations fuccéderent avec les reproches mutuels d'ignorance Sc de précipitation. La chofe étant venue, après quelques femaines, au point que le confeil de raifon ne pouvoit plus rien faire de raifonnable, on eut recours a d'Incarville & a moi; Sc on nous fupplia dè venir du moins une fois la femaine dans les affemblées, pour y donner les mêmes confeils avec lefquels on voyoit la part du roi ab onder Sc fleurir de jour en jour. Je m'en difpenfai fur mon emploi qui me demandoit tout entier. On s'adreffa au roi, qui, avec fa bonté ordinaire, voulut que j'y allaiTe; mais je n'y perdis pas de vue ce que le bien de fon fervice exigeoit de moi en cette occafion. Je plaignis 1'état des affaires du confeil; je ne trouvai de débouché a rien , Sc je ne fis valoir que les difficultés. Enfin trois mois s'étoient a peine écoulés, que ces habiles gens, a bout de toute leur fubtilité, Sc fuccombant fous le faix, vinrent prier le roi de les en décharger. Ce prince qui commencoit a goüter, comme je le crois, le nouvel ordre qui le mettoit a fon aife, les exhorta a avoir beaucoup de courage, Sc a furmonter des commencemens toujours difficiles ; il les renvoya battus par leurs propres raifons. Ils revinrent a la charge, Sc convertirent leurs prieres en importunités. Ils convinrent qu'ils avoient eu  soos Hen ui IV.- 3J grand tort d'afpirer a gouverner un royaume, &c timoignerent mille fois plus de joie , lorfqu'on eut recu la démiffion de leur emploi, qu'ils n'en avoient fenti a le prendre; Ce fardeau me revint avec celui dont j'étois déja chargé; & mon travail devint fi exceffif, que je fus obligé d'y donner le jour & la rwit. OPINION DE SÜLLY Sur les AJfemblées nationales. Aü milieu de toutes ces conteftations, arriva Ie jour marqué pour 1'ouverture des états du royaume, ou plutöt de 1'aiTemblée des notables; car c'eft ainfi qu'on les appelle : & la raifon de fubftituer ce nom en la place du premier qu'ils devoient naturellement porter, vint uniquement des gens de robe & de finance, qui fentant que leurs richeifes & leur autorité pouvoient leur donner en cette occafion une fupériorité fur les autres conditions, qu'ils ne vouloient partager qu'avec le clergé, trouvoient honteux de fe voir ravalés a la claiTe du peuple, ce qui feroit arrivé, fi la forme ufitée dans les états, & fur-tout la diftinótion de trois ordresavoient eu lieu. Ils y parurent en efFet avec une pompe & une magni- Cij  ^6 ElATS ficence qui firent qu'on compta pour rien la nobleffe, les gens de guerre & les autres membres de 1'état, ceux-ci n'ayant pour éblouir les yeux, ni le brillant des équipages, ni 1'éclat de la dorure, ni 1'appareil d'un train nombreux ; éternels objets de 1'envie, des refpe&s & des adorations du peuple, ou plutöt éternelle preuve de notre dépravation & de notre folie. Voila déja en grande partie, 1'idée qu'on doit fe former de ces grandes alTemblées , qu'on nomme auguftes. Ces hommes qu'on s'imagine devoir y apporter un efprit plein de fageffë, de 1'amour du bien public, du zele ardent dont étoient animés les anciens légiflateurs, ne s'y occupent pour la plupart, que d'une ridicule montre de luxe , & d'un étalage de leur moleffë, qui paroïtroit le comble de 1'infamie a des yeux moins prévenus que les nötres. La défunion des corps qui compofent ces alTemblées, la diffention , Topppfition d'intérêt, 1'envie de fe fupplanter, la brigue & la confufion qui achevent d'en donncr une jufte idéé, naiffent de cette fource impure, auffi bien que la baffeffe, avec laquelle on y proftitue Téloquence. Par quelle fatalité arrivé-t-il donc que ce qu'un fiecle acquiert de lumiere fur ceux qui Tont précédé, ne tourne jamais au profit de la vertu, 8c ne lui fert qu'a rafiner le vice ? Ce n'eft pas qu'il ne fe trouve dans ces affern-  sous Henri IV. 37? Slees utt petk nombre de perfonnes également vertueufes Sc capables, Sc qu'elles ne foient même connües pour telles j mais au lieu de faire violence a leur modeftie, on affede pour eux un oubiï Sc uil mépris qui étouffent avec leur voir celle de l'ütilité publique. Auffi connoït-on par. une longue expérience qu'il eft fort rare- que Ia. convocation des Etats du royaume air produit le bien a quoi on 1'a crue propre. Pour cela il faudroit que ceux qui les compofent fïuTent parta^ gés de lumieres égalcs fur la bonne Sc la vraie politique; ou du moins que llgnorance Sc la méchanceté fe tuffent devant le peu de perfonnes xntégres Sc éclairées. Mais malheureufement, parmi la multitude , pour un- fage il y a une infinité de foux; Sc avec cela, la préfomption eft le premier appanage de la folie; c'eft li, plus encore que par-tout ailleurs, qu'il eft vrai que les grandes vernis, au lieu du refped Sc de 1'émulation, n'excitent que la haine Sc 1'envie. D'ailleurs , ft le prince fous lequel fe tiennent les Etats eft puiffant Sc entêté de fon pouvoir, rl faura bien les réduire au filence, ou rendre feurs projets inutiles ; fi c'eft un prince foible, & qui ignore les droits de fon rang, la licence y prendra bientöt le plus court chemin pour plpnger le royaume dans tous les malheurs qui fuivent 1'aviliflement de 1'autorité monarchique. li C üj.  •3 8 Etats. ïroit donc néceiTaire que le fouver-iin & les fairs y paruffent également inftruits, & de leurs droits & de leurs engagemens réciproques. La première loi du fouverain eft de les obferver toutes. II a lui-même deux fouverains, Dieu & la loi. La juftice doit préllder fur fon tróne , la douceur en doit être i'appui le plus folide. Dieu étant le vrai propriétaire de tous les royaumes, & les rois n'en étant, que les adminiftrateurs ; ils doivent tous repréfenter aux peuples celui dont ils tiennent la place, par fes qualités Sc fes perfettions•, furtout ils ne régneront comme lui qu'autant qu'ils régneront en peres. Dans les états monarchiques héréditaires, il y a une erreut qu'on peut auffi appeller héréditaire; c'eft que le fouverain eft le maïtre de la vie & des biens de tous fes fujets$ &c que möyennant ces quatre mots, tel eft notre plaifir, il eft difpenfé de faire connoitre les raifons de fa conduite, ou même d'en avoir. Quand cela feroit , y a-t-il une imprudence pareille a celle de fe faire haïr de ceux auxquels on eft obligé de confier a chaque inftant fa vie ? N'eftce pas tomber dans ce malheur , que de fe faire accorder de force une chofe, en témoignant qu'on en abufera. A 1'égard des fujets, la première loi que la relïgion , comme la raifon & la nature , leur impofe, eft fans contredit robéiflance. Ils doivent refpec-  s O ü s Henri IV, y9 tet, honorer, craindre leurs princes, comme 1'image même du fouverain mairre, qui femble avoir voulu fe rendre viiible par eux fur la terre comme il 1'eft au ciel par ces brillans chef-d'ceuvres de iumiere, Ils leur doivent encore ces fentimens par un motif de reconnoiflance de la tranquillité & des biens dont ils jouilTent a 1'abri du nom royal. Au malheur d'avoirun roi injufte , ambitieux, violent , ils n ont qu'un feul remede a oppofer, celui de 1'appaifer par leur foumiffion , & de fléchir Dieu par leurs prieres. Tous ces juftes motifs qu'on croit avoir de leur réfifter, ne font, ï bien examiner} qu'autant de prétextes d'infidélité très-fubtilement colorés; 8c jamais avec cette conduite on n'a ni corrigé des princes, ni aboli d'impóts j ona feulement ajouté aux malheurs dont on fe plaignoit déja, un nouveau degré de mifere, fur iequel il n'y a qUi interroger le menu peuple , fur-tout celui de la campagne. , Voila fur quels fondemens il feroit facile detablir le bonheur réciproque des peuples & de ceux qui les gouverneur; fi de part & d'autre 011 fe montroit bien pénétré de la vérité de ces maximes dans les affemblées générales de la nation. Mais dans cette fuppofition, la convocation desEtats feroit encore peu utile, puifqu'on n'y a recours que dans le cas de la méfintelligence entre •le chef & les membres. On peut conclure de li C iv  « o Etats qu'autant que les Etats du royaume font une ref" fource vaine , par fobjet qu'on leur donne, Sc par la forme qu'on y obferve; autant pourroiton en tirer de fruit pour le maintien de la difcipline Sc des bonnes mceurs, fi le prince alors véritablement chef de tous les membres réunis, ne s'y propofoit que de fe faire rendre a la face de tout un royaume , par ceux qui fortent des charges , un compte de leur adminiftration, d'y choifir avec fagefle Sc difcernement, ceux qui doivent les remplir, de les encourager a s'en acquitter dignement, Sc par fes difcours Sc par une diftribution publique de la louange Sc du blame, des récompenfes Sc des chatimens. Extrait des Recherches fur les Finances de France 3 -par M. de Fourbonnois pour ce qui concerne l'AJfemblée de Rouen de iyoö". JL/E jour arriva pour 1'ouverture des Etats , ou aiTemblée des notables, comme il plut a quelques perfonnes de la faire appeler. Le fuccès fut tel qu'il a toujours été Sc qu'il fera toujours dans des alTemblées convoquées de loin en loin ■■, paree que les membres n'y apportent en général que des intéréts pppofés^ des vues bornées ou particulie.  sous Henri IV. 41 tcs, d'anciens préjugés au lieu de principes, Sc fouvent la licence ou la proftitution de 1 'éloquence* Si même les états particuliers ont beaucoup moins d'inconvéniens, en ce qu'ils fe raffemblent fouvent & a des termes fixes, on fera forcé de convenir en y réfléchiffant, qu'ils feroient encore plus utiles aux peuples des provinces qui en jouiffent, Ci les membres vraiment remplis de 1'efprit public, faifoient leur principale occupation d'établir la meilleure forme de recouvrement Sc la meilleure répartition poffible pour les impöts dont le gouvernement a befoin. L'égalité étant ainil établie parmi les contribuables , une partie des frais de la régie leur reviendroit en bon; & il eft toujours avantageux au prince d'en être déchargé, pourvu que fes befoins foient fatisfaits • auffi, loin d'attaquer ces conftitutions dont 1'état a retiré de grands fervices dans diverfes occafions,8c fous lefquelles les peuples fe croyent plus heureux, il paroïtroit utile de raffiirer entierement les efprits fur leur confervation, mais de propofer a ces affemblées les méthodes les plus utiles pour leurs régies, pour 1'emploi de leurs fonds excédens, de récompenfer même les citoyens qui fe feroient diftingués par leur zele pour les réformes utiles. L'autorité de la raifon Sc de la bienfaifance eft plus lente, mais plus étendue que celle qui réfulte du pouvoir.  4* Etats L'alTemblée des notables avoit pour but le ré tabliffement des finances de la monarchie. Aprcs les conteftations, les irréfolutions qu'on peut fuppofer dans les confeils d'une aiTemblée tumultueufe & fans expérience, on s'arrêta a deux idees. On propofa detablir un confeil de raifon, dont les membres nommés d'abord par 1'alTemblée, & en. Juite par le, cours fupérieures, partageroient avec ie roi les revenus de 1'état, & fe chargeroient aufh de la moitié des dépenfes publiques, c'eft-adire dc tout ce qui concernoit les penfions, oages dofficiers, rentes, arrérages, & autres det&tes de 1 état; la réparation des villes, batimens, grandschemms & oimagej ^ ^ ^ ^ rendre compte, tant de la régie que de la d& penfe, au roi ni i aucune cour fouveraine. L'indecence d'un projet qui éievoit dans 1'état'un nouveau corps indépendant, n'étoit pas plus grande que limprudence de féparer en quelque freon hntérêt du prince de celui du peuple comme cela arriveroit fi quelque partie de 1'admi-' mftration pouvoit être fouftraite a fa vigilance & a fa protedion. On laifioit au roi une pareille indépendance pour 1'autre moitié des revenus publiés, qu'il devoit faire régir a fon profit, avec la charge de toutes les dépenfes militair», des fortifications , des affaires étrangeres , de 1'entret;en de fa maifon. La licence des troubles pafe  sous Henri IV. 43 avoit donc fait oublier que le prince n'eft tenu a aucun compte •, & qu'il n'a été établi des juges & prefcrit des formes dans cette partie ^ que pour prévenir les furprifes qui pourroient lui être faites par des miniftres ou des officiers infideles. Pour faire monter les revenus a trente millions , on imagina de lever le fol pour livre fur toutes les denrées qui fe vendroient dans le royaume, excepté le bied ; & eet impöt fut évalué a cinq millions; ce qui n'eüt pas encore fuffi , felon M. de Sully , pour completer les trente millions. Quoique eet impöt n'ait pas réuffi dans le tems , & que M. de Sully 1'ait défapprouvé fans en donner de grandes raifons , il n'en eft pas moins évident que les impöts modérés & proportionnels fur les confommations, font les moins onéreux au peuple , ceux qui rendent le plus au fouverain , & les plus juftes. Ils font moins onéreux au peuple , paree qu'ils font payés imperceptiblement & journellement, fans effrayer ni décourager 1'induftrie; paree qu'ils font le fruit de la volonté & de la faculté de confommer : ils rendent plus au fouverain qu'aircune autre efpece , paree qu'ils s'étendent fur toutes les chofes, même néceffaires, qui fe confomment chaque jour ; enfin ils font plus juftes , lorfqu'ils font proportionnels } paree que celui qui poflede les richelfes, ne peut en jouir fans payer a proportion de fes facultés-  44 Etat- Comme les exemples perfuaclent plus fc des hommes que les raifons, je citerai pour ap- puyer celles-ei malgré leur évidenee, 1'expérience conftante de 1'Angleterre , de la Hollande, de Ia IrulTe, & de diverfes villes de 1'Italie. H vaut donc mieux chercher les raifons qui rendirent alors eet établiffement auffi inftudtueux qu onéreux au peuple. Premierement, la mifere «o.t encore trop grande dans les campagnes, après les calamités qui les avoient fi long-tems affligées, pour efpérer que leurs confommations s'étendiiTent au-deü du nécefiaire phyfique trés - reftreint. 20. L'autorité & la police n'étoient pas encore aiTez bien affermies pour qu'il ne fe commït pas beaucoup d'abus, de fraudes, & de graees dans la pereeption. 3». Les efpeees n'étant point diftirr, guees, & les denrées de luxe ou de commodité nepayant pas plus qUe les denrées néceiTaires, le pauvre étoit chargé dans la même proportion que ie riche. 40. On ne faifoit pas attention que le peuple payant déja de grofies tailles, quipeine « étoit en état de fupporter, & dont le roi, peu intéreiTé au produit du fol pour livre, n'étoit pas en état de le décharger, on n'appercevoit pas, 'hs-je, que les deux impóts fe nuiroient 1'un i lautre. En effet, ajouter un impöt fur les confommations, a un impöt très-confidérable, c'eft ecrafer le contribuable ; au lieu que fubftituer ua  soüsHênriIV. 4S< impöe fur les confommations a un impöt perfonnel, c'eft tirer plus dargent des fujets d'une mafiere plus douce. 5°. Ce n'eft que dans les villes qu'il convient d'établir des entrees; & par celles qui y font foumifes on peut faciiement comparer le produit des deux genres d'impofition ; quoiqu'il s'en faille beaucoup que les tarifs qui exiftent, approchent de la perfeótion convenable, non plus que la régie. Enfin M. de Sully prétendit, avec d'autant moins de fondement, que eet impöt ne rendroit pas fixucens mille livres, qu'on voit un comptede lui, par lequel il évalue a quarante millions les dépenfes de luxe, qui fe faifoient tant a la cour que dans les bonnes villes, fans compterla dépenfe du néceffaire pour la nourriture, le logement, & le vêtement. Si nous fuppofons que la moitié feulement de ces quarante millions eut payé le droit, eet article feul rendoit un million ; le refte de la dépenfe pour le vêtement & la nourriture devoit, fur cette proportion , rendre bien pres des cinq millions, tous frais faits, fi 1'on s'y fut bien pris. Le cardinal de Richelieu reconnoït, dans fon Teftament politique, que cette efpece d'impöt feroit plus avantageufe au peuple que beaucoup d'autres; mais il ne confeille point de nouveauté, par rapport aux circonftances. Véritablement il  4* ETATJ convicnt toujours au Légiflateur de fe conformer a la difpolïtion des efprits; Sc nul changement ne peut réuffir en aucun pays, s'ü n'eft préparé. Le meilleur de tous les expédiens, eft d'introduire fucceffivement la réforme dans quelques endroits, Sc de la faire defirer dans les autres, par 1'autorité que lui acquiert le fuccès. La confiance eft le fceptre par lequel il fied le mieux aux fouverains de régir leurs fujets. Les propofitions de 1'aiTemblée ne laiiTerent pas d'être acceptées, paree que le roi Sc fon miniftre prévirent bien que 1'inexpérience des membres du confeil de raifon les jetteroit dans un embarras dont ils ne pourroient fortir qu'en fuppliant Sa Majefté de les en décharger. Leur imprudence fuc réparée par 1'aveu qu'ils eurent la bonne foi d'en faire, Sc la couronne rentra dans fes droits. On o&roya dans cette affemblée une levée du fol pour livre fur les denrées qui entreroient dans les villes, mais pour trois ans feulement. On prolongea cette levée fans le confentement des Etats , Sc cela manqua d'occafionner une révolte, fur > tout a Limoges Sc a la Rochelle.  sous Löüis XII| LOUIS XIII. A S SEMBLÉE GÉNÉRALE DES TROIS ETATS, Tenue a Paris dedans les Augujlins en l a n 1614; Et tout ce qui s'y eft fait & paffé de plus finguher & mémorable en chacune féance ; PAR FLORIMON DE RAPINE. T -Lies divers mouvemens arrivés en France,tant par la retraite des princes de la cour , qUe levées de troupes par eux faites en plufieurs endroits du royaume, donnerent fujet au roi & a la reine régente deconvoquer les Etats-généraux pour remédiera ces défordres. A eet efFet, le roi expédia fes lettres-gatentes le 7 juin 16H , par lefquelles. ü manda aux provinces de procéder a 1'élecïion des députés des trois ordres, pour fe trouver en la ville de Sens au deuxieme de feptembre enfiiivant.  4§ * ETATS Chacun fe difpofa de fatisfaire a ce commandement , & particuliérement les officiers du bailliage de Saint-Pierrede-Mouftier, envoyerent fignifier par toutes les villes de leur refiort la volonté de Sa Majefté portee par fefdires lettres , même en la ville de-N evers, capitale de la province en laquelle étoient pour lors mefdames les princelTes de Condé & madame la duchelTe de Nevers; laquelle ayant appris que la publication defdites lettres avoit été faite de 1'ordonnance de M. le bailii de S.-Pierre le-Mouftier dedans fa ville par un huiffier de ladite ville de Saint-Pierre , fit emprifonner le trompette , &c puis foudain relacher. L'huiffier craignant de courir même fortune , fe tranfporta en 1'hötel épifcopal. oü , pariant a M. le révérend évêque, il lui fit entendre le contenu efdites lettres, afin qu'il eut a faire affembler fon clergé, pour procéder a la nomination de perfonnes qui feroient députées dudit ordre pour comparoitre avec les députés dudit bailliage de Saint-Pierre-le-Mouftier, aux Etats-généraux , ainfi qu'il avoit été pratiqué ès états de Blois en 1588. Le jour de la convocation du clergé fut au 10 de juillet; la nomination fut infiniment briguée; car M. le duc de Nevers envoya par toutes les paroifies des perfonnes qui briguoient les voix des curés. Enfin il fe trouva, a la pluralité des voix, que maïtre Jean Genet, docleur de Sorbonne , &  sous Louxs XIII. 4>Sc grand-archidiacre de 1'églife de Saint Cyr de Nevers, Sc maïtre Euftache de Chery, tréforier de ladite églife , Sc «eveu dudit fleur évêque, Sc neveu dudit fieur Nevers, très-digne prélat, fiirent députés Sc defirés par mondit .feigneur le duc. Ledit fieur Genet infinua fa nomination au greffe de la pairie de Nivernois, Sc ledit fieur de Chery en celui de Saint-Pierre-le-Moutier. Le même jour dixieme de juillet, le fleur Sc bailli de' Saint-Pierre-le-Moutier convoqua la nobleiTe de fon reilbrt■ mais avec fi pen de fplendeur Sc de reconnoiffance de 1'autorité royale, qu'il n'y eut que trois gentilshommes qui comJrurent en 1'auditoire royal dudit lieu, les autres par procuration : Et forent députés ceux que mondit feigneur le duc agréa ; favoir , le fieur de Darne , bailli de Saint-Pierre-le-Moutier , Sc le fieur du BafTay fon gendte, du tout affide audic feigneur. Le vingt-quatrieme dudit mois,la convocation du tiers-état fut faire par ledit fieur bailli, Sc comparurent par les habitans de ladite ville de SaintPierre, Saugoing , la Charité, Pouiliy, Premery, Lorme, Chatelchinon, Saint-Légnard , Tannery & Darmey : Et furent députés nobles hommes Sc' fages maitres Etienne Gafcoing , lieutenant-général, Sc Florimond Rapine , confeiiler Sc avocat du roi audit bailliage Sc fiege préfidial. Tome XVI. £  $o Etats Tandis que M. le prince' de Condé , premiet prince du fang, étoit autour de Poitiers, M. le duc de Nivernois affembla , en vertu des lettres -du roi, les Etats de fon duché de Nivernois avec grande magnificence, a 1'exemple des Etats-généraux •, car , en la falie baffe du chateau de Nevers , parut mondit feigneur le duc ; a fon cöté, madame la duchelTe & meffieurs leurs enfans, töus éievés de quatre marches. A fon cöté droit étoit M. le révérend évêque de Nevers, & a gauche, M. le prince de la Charité , évêque de Bethléem. Un degré plus bas, aux pieds defdits feigneurs duc &c duchelTe, étoit affis le fieur de Blanchefort, feigneur dArnois , repréTentant le maréchal de Nivernois, ayant une épée richement étofFée de perles & pierreries, croifée fur fes deux cuiffes. Au-deffous de lui étoit le fieur de Langeron , bailli de Nivernois; & plus bas, maitre Henri Bolacre , lieutenant-général en la pairie de Nivernois. Dedans le parterre de ladite falie fur un banc a cöté droit étoient les avocats & procureurs généraux dudit duché & a cöté gauche étoient aflis fur un autre banc les échevins de la ville de Nevers, La nobleffe étoit derrière la chaire de mondit féigneur. Proche ledit fieur évêque de Nevers, étoient plufieurs eccléfiaftiques , & un grand nombre de perfonnes du tiers-état qui étoient dans la falie. Mondit feigneur paria en fort peu de paroles ;  sous Louis XIII. 51 ét commanda au fieur Bolacre d'exprimer le refte de fon intention 5 ce qu'il fit avec grande éloquence & applaudiiTement de tous les affiftans, Après lui paria mondit fieur 1'évêque pour fon ordre , ledit bailli de Nivernois pour la noblefie , & les échevins de ia ville pour le tiers-état. L'avocat de mondit feigneur paria auffi a fon tour. Ce fait toute 1'aiTemblée fe leva pour aller en la maifon de ville afin de procéder a la députation & nomination qui fut faite pardevant les échevins qui recueillirent les voix , a k pluralité defquelles furent élus ledit fieur Bolaire , & maitre Guillaume' Salonnier, avocat a Nevers , & procureur général des eaux & forêts dudit duché. Ledit fieur bailli de Nivernois recueillit les voix de la noblefie, & furent élus lefdits fieurs de Langeron & de' Blanchefort. j Pour ce 1uieft des Etats-généraux de France, 1'on fe difpofoit de fe tranfporter en la ville de' Sens au jour préfix ; mais le roi & la reine régente firent un voyage dans les provinces du Poitou & Bretagne, pour appaifer les émotions & défordres que les mouvemens y avoient appor* tés, notammentdans la Bretagne ; cequi fuccéda fi heureufemeut a Leurs Majeftés, que fans coup fiapper ils renverferent tous les deiTeins de ceux qui avoient envie de troubler, &c ce en moins de deux mois. Dij  r5.£ F T A T s Chacua retourna donc dedans 1'obéiiTance, 5c Leurs Majeftés revinrent a Paris,oü ils défignerent de faire tenif les Etats-généraux , Sc pour eet effet le roi envoya fes lettres du 4 d'odobre , pour fe trouver au dixieme dudit mois en ladite ville de Paris , après avoir été déclaré majeur a treize ans Sc un jour. Et en cette adion de fa majorité qui fut le lundi 1 dudit mois d'odobre, il dit, Sc prononca ces paroles a ceux qui étoient préfens , lefquelles m'ont été données par un confeiller du grandconfeil. « Meflieurs, étant par la grace de Dieu parvenu » en lage de majorité , j'ai voulu venir en ce lieu » pour vous faire entendre qu etant majeur comme » je fuis, j'entends gouverner mon royaume par » bon confeil avec piété Sc juftice ; j'attends » de vous, mes fujets, le relpecl: Sc 1'obéiffance » qui eft due a la puifTance fouveraine Sc a 1'au» torité royale que Dieu m'a mife en main. Ils » doivent auili efpérer de moi la proteclion Sc les » graces qu'on peut attendre d'un bon roi qui » affedionne fur toutes chofes leur bien Sc repos» » Vous entendrez plus amplement quelle eft mon i> intention, par ce que vous dira mon chancelier ». Puis il dit a la reine : «Madame, je vous remercie de tant de peines » que vous avez prifes pour moi; je vous prie de  sous Louis XIII. 5ó w continuer der gouverner & commander comme » vous avez fait par ci-devant. Je vetix & entende v que vous foyez obéie en tout & par-tout, êt » qu'après moi vous foyez chef de mon confeil »„ Quelque tems auparavant, M. le prince de Condé arriva en pofte a Paris , affifté de vingtcinq ou trente chevaux, qui alk trouver le roi au cimetiere de Saint-Jean , qui venoitdu bois de Vincennes. Après s'être humilié devant Sa Majefté , elle commanda de faire ouverture de la portiers de fon CarolTe oü ledit feigneur prince entra. Le treizieme dudit mois d'ocïobre, M. Gafcoing, liéutenant-général, & moi, arrivames en pofte a Paris, pour le fait de notre députation, oü peu de tems après notre arrivée, nous ouimes une publication qui fe fit par quatre hérauts darmes , revêtus de leurs cottes femaes de grandes fleurs de lys dor, par laquelle on faifoit favoir a tous les députés des trois ordres, que Sa Majeftévouloit & entendbit faire 1 ouverture des Etars généraux de fon royaume, par lui convoqués au dixiemedudk mois,le lundi vingtieme d'icelui, en la grande falie de Bourbon , Sc que cependanr Sadite Majefté vouloic & entendbit qu'ils fe trouvaiTent & conviniTent tous le lendemain 14 , en la fallë des Auguftins , pour conférer un chacure des ordres, féparément entre eux , fur les cahiers & mémoires de leurs remontrances , les réduire Diij  54 Etats a un feul, Sc icelle réducTion faite, fe rafïembler au même lieu pour choifir Sc arrêter celui d'entre eux qui porteroit la parole pour tous, Sc les viendroit préfenter a Sa Majefté qui feroit prête de les ouir bénignement, & leur pourvoir fur leurfdites remontrances felon fa bonté & affedion. Cela fut ainfi exécuté , Sc fe trouverent-la , de; 1'ordre eccléfiaftique, MeiTeigneurs les cardinaux de Sourdis Sc de la Rochefoucault, plufieurs abbés, prieurs Sc autres prélats, lefquels M. de Rhodes , maitre des cérémonies, fit mettre dans une falie des Auguftins , qui avoit été préparée pour eet effet. Lefdits fieurs ne réfolurent autre chofe pour cette journée que des habits Sc vêtemens qu'on porteroit a la proceffion générale. II fut avifé que lefdits fieurs cardinaux Sc évêques iroient feulement a la proceffion , & non les abbés, prieurs, 6c autres eccléfiaftiques, afin deviter le défordre qui eut pu naïtre entre meflieuts de Notre-Dame Sc les députés pour la préféance. Se trouverent auffi en une autre falie defdits Auguftins plufieurs feigneurs Sc gentilshommes, Sc entr'autres M. de Senecé. En une autre falie s'alTembla le tiers-état, qui étoit compofé de plufieurs lieutenans-généraux de provinces Sc autres perfonnes notables. Meftire Henri de Mefme, lieutenant civil, feigneur de Roilh , arriva le premier , a 1'entour duquel plu-  sous Louis XIII. ^ fieurs defdits députés s'alTemblerent; & après quefi ques contefïations qui furent faites en confufion, fon avifa de prendre place pour réfoudre ce qui étoit a faire. La difficulté étoit en quel ordre ondevoit prendre féance. Les uns difoient que pour eette fois il falloit fe placer confufément. Les autres eftimoient qu'il falloit appeller les députés par provinces , les autres par bailliages. Enfin, a. la pluralité des voix, fut conclu & arrêté qu'on appelleroit par bailliages : ce qui fut fait par le fecrétaire dudit fieur lieutenant civil, lequel tenant en main le livre contenant 1'ordre des derniers Etats tenus a Blois en 1588, appelloit du milieu de la falie les députés qui prirent féance felort 1'ordre defdits bailliages, & opinerent cette journée-la audit ordre. Sur ces entrefaites , meffire Robert Miron, préfident aux requêtes, prévöt des marchands de la ville de Paris, arriva, lequel voülant prendre fa. féance a main droite au-defliis dudit fieur lieutenant civil, il y eut quelque conteftation entre eux; mais enfin ledit fieur lieutenant civil prit fa féance au milieu dudit fieur prévöt des marchands & de deux échevins de Paris ; alors toute la parole demeura audit fieur prévöt, lequel fit deux propofitions a l'alTemblée. La première , qu'on prendroit un fecrétaire qui feroit commis pour recevoir les comparutions de Div  56 Etats ceux qui avoient été députés, k ia charge &con~ dition qu'il ne pourroit prétendre de faire & exercer cette foneïion en facon quelconque, & autres a&ions qui fe traiteroient a 1'affemblée. La feconde propofition fut, qu'attendu que Ie roi avoit ordonné au tiers-état la maifon de ville de Paris pour y tenir 1'affemblée; que Sa Majefté feroit fuppliée de rrouver bon que 1'affemblée fe tint aux Auguftins, afin d'avoir plus de facilité de conférer aux occurrences , avec meffieurs du clergé & de la nobleffe , des points qui mériteroientleur communication. Cette feconde propofition fut réfolue, & 1'on fuppiia le fieur lieutenant civil d'aller trouver le roï, pour lui faire cette requête de la part du tiers-état qui 1'entérina, nonobftant que Ie prévöt des marchands & échevins de la ville de Paris defiraffent avec paffion que 1'affemblée du tiers-état fe tint en 1'hötel de ville , prétendant par-li faire connoïtre a tous les députés, que les autres villes de provinces étoient inférieures a celle de Paris. Sur Ia première propofition , il y eut de grandes conteftations; car les députés de Paris, qui defiroient fe donner dedans leur ville, la principale autorité pat-deflus tous les autres députés , vouloient qu'on prït pour fecrétaire de 1'ordre un de la ville de Paris; les autres qui ne vouloientpas s'ailujettir aux volontés des parifiens , vouloient  sous Louis XIII. 57 que ce fut un du corps de la compagnie fans arTectation. Enfin, après une longue conteftation, 1'on délibéra de prendre les voix des députés, felon 1'ordre des bailliages, ainfi qu'ils avoient été appelés pour prendre féance. Quelques-uns en peu de nombre donnerent leurs voix au fieur ClapilTon , confeiller au chatelet de Paris, échevin de ladite ville, qui étoit préfent en 1'aiTemblée, & qui fe mêloit déja de rédiger par écrit les voix & propofitions , fans qu'aucun lui en eut donné charge. Les autres vouloient que ce füt le fecrétaire de monfieur le lieutenant civil. Les autres defiroient la perfonne de Courtin , fieur de Nanteuil, qui avoit , aux derniers Etats deBlois, fait cette charge, & qui par conféquent devoit avoir plus d'expérience que nul autre , joint qu'il étoit député de Blois, & du corps de la compagnie. Enfin le fieur ClapilTon vint a compter les voix, & Te trouva que le fecrétaire de M. ie lieutenant civil paiToit d'une voix ledit fieur Courtin ; mais ledit fieur ClapilTon le fit a deflèin & par Toupleffè , car, a dire vrai, Courtin 1'emportoit par deiTus Tautre de beaucoup de voix; ce qui ayant été confidéré par la compagnie , elle voulut de rechef compter les voix, mais M. le prévöt des marchands, le lieutenant civil, & ceux qui favorifoient leur defiein fe ieverent, & enfuite tout le refte de la compagnie qui étoit fort  fi bon «uvre; bief, après avoir rous crié confufonent, Ion avifa que ce qui avoir été délibéré en cette première féance ne feroit compté pou^ «en & qu'on s'aiïembleroit k ainii chacun fe retira. Levendredidix-feptieme^e clergé & Ia nobleffe seffemblerent au lieu des Auguftins, chacun en W chambres, fans avoir pris aucune xeibluuon. Dans celle du clergé on compofa un ■ ^fférent entre levêque dAcqs & févêque de Uayonne, pour leur nomination. En celle de la «obleflc, oü Ion propofa leleclion des pré/idem Jf feCretalre de 1'affemblée, il y eut tant de dmfions , & de ü grandes difficultés pour caufe des br.gues qui fe faifoient pour les charges, qu'on fut contraint de différer ces éledions jufques au undivingtieme; difficultés qui occafionnerent M e marechaldela Chltre, peu fatisfait dy avoir' jant de jeuneffe , de fe retirer, & rer0urner 1 Urleans. Le famedi dix-huitieme , le tiers-état s'affemWa pour la feconde fois, au même lieu des Auguftins, environdeux heures après midi. M le pxevot des marchands, affifté de M. le lieutenant ovd, & de trois échevins, propofa de remettre en avant les opinions d'un greffier ou fecrétaire, ^uvant la derniere afiemblée. Sur cette propofi-  sous Louis XIII. 59 tion , il y eut nouveau débat fur la forme d'opiner, qui fut mue par les Bretons & Normans, qui vouloient qu'on opinat par provinces & non par bailliages; tout le refte des députés vouloit que, conformément au réfultat de la derniere alTemblée on opinat par bailliages, & non par provinces, pour le regard de l'éieótion d'un préfident Sc d'un grerfier feulement, Sc qu'en tout ce qui fe feroit Sc traiteroit a 1'avenir, 1'on opineroit par provinces Sc non par bailliages. II fut réfolu a. la pluralité des voix que pour le regard de l'éieótion d'un grerfier & d'un préfident on y opineroit par bailliages, a la charge qu'a 1'avenir tout ce qui fe pafléroit par les voix des Etats feroit décidé felon les proyinces Sc gouvernemens, Sc non par bailliages, a laquelle opinion revinrent lefdits Bretons Sc Normans. On procéda premierement al'élection d'un greffier, paree que M. le lieutenant civil protefta devant toute 1'alTemblée qu'il ne vouloit donner fa voix , que le greffier n'eüt été élu , comme cette charge devant précéder , afin de rédiger par écrit toutes les voix , ce qui ne fe pouvoit faire légitimement par d'autres que par un grerfier élu. Plufieurs difoient qu'il avoit arrêté le cours de 1'élection d'un préfident, paree que lui qui defiroit f être , n'avoit encore pas achevé fa brigue. Le prévöt des marchands nomma pour greffier,  60 Etats Saintot, échevin de Ja ville de Paris. Le lieutenant Cml n°";ma Ie fieur Clapüfon ; les Normans nom. merentHalé; quelques autres provinces en nommerent d autres, a la eharge de pouvoir retourner & ehanger d'avis. Enfin , après que tous les deputes eurent donné leurs voix felon les baüfiages, ClapilTon qui tenoit la pW, dit que Saintot avoit vingt-une voix, & douze autres qui étoient retournés; ee qui donna fujet aux autres deputes des provinces qui avoient nommé felon leur affedion, de retourner a la perfor.ne d'Halé normand qui concouroit en voix avec Saintot. Quelques gouvernemens fe levoient afin de communiquer par enfemble , & faire en forte que le greffier ne fut pas de Paris; difant qu'il n'étoit •pas raifonnable que Paris recut tous les honneurs , & qu'il leS fall0ir diftribuer aux provinces j qud y auroit de 1'incompatibilité, voire du péril & mconvénient, que le préfident qui ne pouvoit etre que de la ville capitale , eÜt facile communeation avec le greffier, fi tous deux étoient de Paris. Deplus on remarquoit en la perfonne de Saintot, qu'il étoit du parti du fel, contre lequel partant la plupart des provinces fe buttoient, au nx.yen de quoi il n'étoit pas raifonnable qu'il acceptót cette charge. Cela exeita un grand bruit & confufion, néanmoins 1'on demeura d'accord de compter de nouveau les voix. Ce qu'étant fait,  3otrsLoüisXIIï. tfi homme les Parifiens virent que la pluralité fe portoit a Hale, normand, ils rompirent 1'affemblée , & chacun fe retira bien tard, pour fe raffembler le lundi enfuivant a une heure après midi. Ledit jour , lundi vingtieme ocTobre, le tiersétat s'affernbk pour la troiïieme fois en ladite falie -des Auguftins , a deux heures après midi : 1'on propofa de faire élection d'un préfident & d'un greffier; cette propofition mife en délibération a la voix commune des députés des bailliages, M. le prévöt des marchands rapporta que par favis des députés de k ville de Paris , il avoit été nommé, fans que néanmoins pour cela, la ville de Paris püt prétendre avoir quelque pouvoir ès Etats par-deffus les autres villes du royaume , & pour greffier , il nomma Clapiffon, échevin de la ville, & confeiller au préfidial du chatelet. M. de Mefme , lieutenant civil , d'une fa§on agréable & avec un difcours fluide , remontra raffeótion particuliere qu'un chacun devoit a. fa patrie, que pour lui en toute autre occafion, il fe paffionneroit pour la ville de Paris, lieu de fa naiflance & de fon origine; mais qu'en celleci ou il y alloit de traiter des affaires qui concernoient le repos & 1 utilité de toute la France, léquité & fa confcience le forgoient de nommer pour préfident, M. le prévöt "des marchands, ou  €l È T A T S le premier magifrrat de la ville (comme fi Paris, capitaledu Royaume, düt ou put prétendre naturellement la préfidence aux Etats, ce qu'il ne pouvoit croire); mais feulement a caufe de fes mérites & vertus, qui le rendoient recommandable, joint fa qualité de préfident aux requêtes du palais, par le moyen de laquelle il étoit du corps de la cour ; & pour greffier il nommoit la perfonne de M. Halé, fecrétaire du roi, & Normand de nation. Cette opinion fut unanimement fuivie par toute la compagnie, avec proteilation que ledit fieur prévöt des marchands, ni autres qui tiendroient cette charge après lui, ne pourroient tirer conféquence de cette éledion , pour attribuer a la ville de Paris une préfidence naturelle au fait des états. Sous ces protefiations ledit fieur prévöt des marchands prêta ferment devant toute la compagnie debout 8c nud tête, de bien 8c fidélement adminiftrer cette charge, remerciant la compagnie de 1'honneur qu'elle lui avoit fait d'avoir jetté les yeux fur lui qui s'en relTentoit incapable, & reconnoifioit tenir cette qualité de leur bienveillance feulement, &c non pour autres conditions ou mérites qui fuffent en lui. Ce fait, il s'affit, & tout auffi-töt la compagnie requit que M. Halé prêtat le ferment entre les mains dudit fieur prévöt des marchands, comme préfident, ce qu'il fit debout 8c nud tête",  sous Louis XIII. &c jura de bien & fidélement exercer la charge de greffier ou fecrétaire du tiers-état. II fut par même moyen ordonné que ledit fieur Hallé laifferoit dans 1'hötel-de-ville de Paris, les originaux & minutes de tout ce qui fe feroit aux Etats, afin qu'un chacun les y trouvat plus commodément & facilement, que fi pour y avoir recours, il eut été néceffité de les aller rechercher en la ville de Rouen oü ledit fieur faifoit fa demeure. On lui donna enfuite a la pluralité des voix deux affelTeurs ou évangéliftes, pour exercer conjointement avec lui la charge de greffier , favoir, maitre Léonard du Chaftenet, lieutenant général a Limoges, & le fieur Clapiffon, échevin de Paris, qui prêterent auffi le ferment debout & nuds têtes , devant ledit fieur préfident, en la préfence de toute raffemblée. Ce fait, on délibéra de ceux qu'on devoit nommer pour les complimens qu'il falloit faire au roi, a la reine, a MM. du clergé & de la noblefle. En cette délibération on y procéda par provinces & gouvernemens, & non par bailliages. Les douze gouvernemens s'alTembletent chacun a part pour élire un de chacun gouvernement, qui affifteroit M. le lieutenant civil pour porter la paxole. Les gouvernemens ayant avifés, chacun fe raffit, & fut ledit fieur lieutenant civil député avec  £4 Etats douze qui l'affilteroient. En notre gouvernement de Lyon, nous nomames M. AuiTrin, prévöt des marchands de Lyon & lieutenant particulier au fiége préfidial dudit lieu, pour affifter ledit fieur lieutenant civil; le gouvernement d'Orléans nomma M. Miramion , feigneur de la Huilliere, lieutenant général audit lieu, perfonnage de finguliere probité; celui de Champagne nomma M. le Noble, lieutenant général de Troye; la Normandie, le lieutenant général d'Evreux; la Guienne, le lieutenant général de Xaintes. Le mardi 11, au matin, on s'affembla pour la quatrieme fois. Quelques - uns propoferent qu'il étoit bienféant de partager les honneurs, & les départir a chaque province , & par ainfi qu'il falloit que la parole pour les complimens qu'on devoit faire au clergé & a la nobleffe, fut portée par deux ; néanmoins qu'on déféreroit le choix a M. le lieutenant civil, auquel des deux ordres il defireroitparler; & qua celui qu'il ne voudroit pas aller, le plus ancien des gouvernemens iroit & porteroit la parole. A cette propofition, M. le lieutenant civil répondit que tant s'en feut qu'il voulut choifir auquel des deux ordres il parleroit, qu'il defireroit que la compagnie 1'excufat de cette charge de laquelle il fe reffentoit incapable ; trait prudent emprunté de la réponfe que fit Tibere a Afinius Gallus; néanmoins qu'il remercioit bien fort  sous Louis XII. 6$ fort la compagnie de 1'honneur quelle lui faifoit, & qu'en quelque lieu qu'il portat la parole, il tiendroit eet honneur de la feule courtoifie &c bienveillance de 1'affèmblée. De forte qu'il fut conclu que ledit fieur lieutenant civil porteroit la parole z 1'un & a 1'autre ordre , & feroit affifté des deffus dits; ainfi ils fortiienttous de la chambre du tiers-état, pour aller en celle de leglife. A 1'inftant 1'on mijt en avant qu'il feroit bien féant de députer un de chaque gouvernement'pour aller recevoir & conduire hors la falie ceux qui viendroient de la part du clergé & de la nobleffe faire les complimans au tiers-état. Cela fut trouvé bon pour eet effet; 1'on députa pour Paris meffieurs ClapilTon, échevin de la ville; pour la Normandie , le lieutenant-général de Caen, le lieutenant-général de Bazas , le lieutenant-général de Vannes; le fieur Gafcoing, lieutenant-général de Saint-Pierrele-Moutier , premier bailliage du gouvernement de Lyon ; le lieutenant de Mondidier, Ie maire de Troyes & le préfident de Tours. II fut réfolu que les deflus dits iroient prendre meffieurs de leglife a 1'entrée de leur porte, & les conduiroient dans la chambre du tiers-état jufqu'aux pieds du préfident, & les reconduiroient au même lieu oü ils les auroient pris; & pour le regard de ceux de Ia nobleffe , qu'ils feroient recus quatre pas hors de Torne XVL E  é-e' Etats la chambre du tiers-état , Sc conduits dans ladite chambre, comme ceux du clergé , Sc reconduits hors ladite chambre, au même lieu ou ils auroient été recus •, qu'aux uns Sc aux autres étant dans ladite chambre , la compagnie fe leveroit nue tête. Après cette délibération, monfieur le lieutenant •civil revint avec ceux qui 1'avoient affifté en la •chambre du clergé, Sc étant affis rapporta fommairement les paroles qu'il avoit dites , remontrant avec grande révérence 1'éminente qualité du facerdoce Sc prélature, qui étoit élevée par-deiTus tous les ordres de la terre, deftinée pour facrifier Sc préfenter les vceux des hommes au fouverain maïtre Sc feigneur de toutes les créatures; que le tiersétat , reconnoiflant la fublimité de cette dignité, avoit jugé être de fon devoir de lui rehdre eet hommage Sc obéilTance , telle que les brebis doivent a leürs pafteurs, les fupplier de montrer en cette aótion li folemnelle, utile Sc profitable au royaume , des exemples 11 graves , des actions li vertueufes , & des volontés li unies Sc accordantes , que la monarchie en demeure a 1'avenir plus ferme, 1'état mieux policé, & la juftice mieux obfervée. II rapporta enfuite a la compagnie, la réponfe qui avoit été faite par M. le cardinal de Sourdis, au noni de tout le clergé ; favoir, que leur ordre avoit une étroite obligation au tiers-état, de lui faire relTenm ce qu'il étoit Sc ce qui étoit a faire en cette  sous Louis XIIL g? afiemblée générale des Etats, pour ia gloire de Dieu, 1'aecroiiTement de la grandeur du roi 8c de fa couronne; lui donnant des moyens pour établir des loix , pour vivre royalement entre fes fujets, comme un pere entre fes enfans; qu'au refte il le remercioit de 1'honneur qu'il rendoit a la prélature & dignité du facerdoce , de laquelie il feroit touv jours affifté & fecouru en toutes les occafions qui fe préfenteroient. Après que ledit fieur lieutenant civil eut rapporté ces paroles, il déclara auffi la forme en laquelie il avoit été recu, qui fut telle, qu'ayant frappé a la porte de la chambre, le bedeau fit ëntendre aux préfidens qüe c'étoit le tiers-état qui defiroit entrer ; que deux évêques & deux ecciéfiaftiques avoient été députés pour 1'aller recevoir a 1'entrée de la porte ; qu'il étoit entré avec fes affiftans, tous nues têtes ; & qu'alors tout le clergé fe déeouvrit & fe leva & on les fit mettre fux un banc apprêté pour eet effet dans Ie quarré du parquet; que lui lieutenant civil voulutparler découvert; que M. le cardinal de Sourdis ne le voulut permettre, & qu'autant de tems que ceux du tiersétat furent découverts, ledit fieur cardinal & toütle refte du clergé le fut auffi. Qu'ayant parlé, ledit fieur de Sourdis, ledit fieur lieutenant civil & fes affiftans fe levent, font de profondes révérences, on leur lend 1$ réciproque, 8c ils s'en retournent affifté? Eij  é& Etats des deux évêques & des deux autres eccléfiaftiques qui les conduifirent a deux pas hors de la chambre du clergé. Comme ledit fieur lieutenant eut rapporté ce qui s'étoit pafle au compliment de meffieurs du clergé , il s'en alla avec fes affiftans en la chambre de la nobleffe; ils furent recus a deux pas hors de ladite chambre, par deux gentilshommes députés pour leur réception, qui furent meffieurs de Chatelux, député de la haute Marche , & du Beffay, de Saint-Pierre-le-Moutier , & conduits par iceux jufque dans le parquet devant ceux qui tenoient la place des préfidens. L'on avoit apprêté une 'chaire pour ledit fieur lieutenant civil, qui devoit porter la parole , Sc un banc pour les affiftans, qui y étoient au nombre de douze, un. pour ehaque gouvernement •, il rejetta la chaire qui lui avoit été préparée , & s'affït fur ledit banc, pour être tous en même rang, difant que fes compagnons & lui étoient tous de même députation , & qu'il ne defiroit aucun honneur qui neleur fut communiqué. Ils étoient découverts, & toute la nobleffe auffi, qui les avoit recus debout &c découverte 5 il leur fit ëntendre que la nature n'avoit point inutilement honoré la nobleffe de cette belle & relevée qualité ; mais que c'étoit a deffein de, faire éclater des actions hautes & digne* de fa profeffion ; que la nobleffe écoit laplus puif-  sous Louis XIII. é$ Tante colonne de 1'état, fur laquelle le Talut commun étoit appuyé, qui n'étoit plus fidélement gardé & conTervé que par le bras invincible de la plus belle &c généreuTe nobleffe qui fut en tous les états du monde ; ayant marqué fes vidoires en tous les endroits de la terre , & fait refféntir aux mécréans & infideles ce que pouvoit, par-deffus tous les honneurs & puiffances, la force indomptable de la nobleffe francoife , laquelle étant protedrice du peuple , il étoit bien raifonnable que lui, repréfentant le peuple , il versat de fa bouche infinies bénédidions, louanges & remercimens , pour les bienfaits & faveurs qu'il recevoit d'elle » Texhortant a un louable c oncoursdefon affiftance, a retrancher les vices & les abus qui fe fontgliffés parmi eux, pour donner une connoiffance univerTelle , non-feulement de Ta Tageffe & prudence a conduire leurs affaires domeftiques ; mais auffi de leur valeur & générofité a étendre les bornes du royaume juTque aux extrémités de la terre habitable 5 ainfi qu'avoient fait leurs peres & ayeux 5 &c finit par beaucoup de belles paroles pleinesde civilités» offres & proteftations de Tervice. M. de Beauvais Nangis qui préfidoit a la nobleffe, n'y ayant point encore de préfidens élus, les remercia au nom de 1'affemblée, de Thonneur qu'ils lui avoient fait , affurant qu'elle acceptoit bien volontiers la vifite que le tiers-état leur avok Eiij  7° Etats fake , duquel en toutes occafions, elle feroit prote&rice , Sc contribueroit tout fon poffible pour fonfoulagement, y étant obiigéepour le fupport Sc 1'affiftance que la nobleffe recevoit de lui, foit des néceflités communes de la vie, foit en 1'exercice de la juftice, la plus digne vertu que Dieu eut mife au monde pour lier les grands avec les petirs, les médiocres avec les plus abaiffés ; & qu'il prioit le tiers-état de fe propofer devant les yeux le fujet pour lequel ils étoient tous aflemblés, qui Jtegardoit le bien commun de tous , le repos Sc la tranquillité du royaume , a laquelle ils de•Voient tous unanimement vifer, Sc contribuer les moyens poffibles de maintenir & accroitre 1'honneur de la couronne francoife , & la grandeur Sc manutention univerfelle de 1'état. Ce fait, ledit fieur lieutenant Sc fes affiftans fe leverent, Sc furent reconduits par les mêmesgentilshommes a deux pas hors de la porte, toute la compagnie s'étant levée pour les faluer lors de leur retraite. Comme ils furent de retour, & rentrés dedans notre falie, ledit fieur lieutenant civil fit le rapport de ce qu'il avoit dit, & des honneurs qu'on lui avoit faits, lefquels ne furent jugés égaux a ceux qu'ils avoient recus du clergé. Tót après arriva en notre chambre M. le marquis d'Urfé, qui devoit porter la parole, affifté du baron du Pont-Saint-Pierre, du fieur de Bon-  sous Louis XIII. 71 neval, du fieur de Bournazelle, du fieur de Dars, du fieur de Monac; ceux que j'ai dit ci-delTus avoir été députés pour faire la réception, les recurent a quatre pas hors de la porte, Sc les amenerent fur le banc oü feoit M. le préfident Miron, prévöt des marchands •, lefdits fieurs prirent la main droite, Sc ledit fieur préfident a la gauche , ils entrerent tous découverts', Sc toute la compagnie fe découvrit Sc fe falua. Ledit fieur marquis d'Urfé ayant ouvert la parole, tourna la tête du cöté dudit fieur préfident fe couvrit de lui-même fans y avoir été femondé ; comme fit auffi par après ledit fieur préfident Sc le refte de 1'affemblée, Sc paria de cette forte : « Meffieurs , la nobleffe fe tient infiniment » obligée de fhonneur qu'elle a recu de votre » vifite &t de vos courtoifies Sc offres affectueufes » qu'il vous a plu de lui faire, comme auffi de » lui avoir envoyé porter la parole par un fi digne » perfonnage que celui qui en étoit chargé : elle » m'a député vers vous pour vous en faire fes » très-affeótionnés remercimens, & des louanges » qu'il vous a plu de nous donner, vous affurant » néanmoins qu'elles font inutiles pour nous porter » de plus grande affeétion ( que celle qui nous n poffede) a 1'agrandiffement de la monarchie Sc » du nom francqis. Car y déniant 1'emploi de » nos armes Sc le plus pur de notre fang, nous E iv  7* Etats » croirions dégénérer de Ia vertil de nos ancêrres, » qui ont recherché avec tant d'ardeur & de gé» nérofité de porter ce titre précieux de véritables » francois, & pourquoi ils ont employé les effets, » & non pas les paroles ; leur fang, & leur propre' » vie, &non pas les difcours. Nous aurions feule» ment a nous plaindre & a leur envier la bonne » fortune de leur fiecle , qui leur a bien plas favo» rablement départi qa'a nous les heureufes occafions » de ce glorieux emploi dans unepureté fi femblable » de volontés, & dans un fi louable & généreux » defir, non pas de les imiter & enfuivre, mais de » les furpalfer totalement en efFets & en aótions, » comme ils nous y ont, heureufement pour eux! » devancés en temps ». » Au refte , Meffieurs , notre fatisfa&ion eft » pleine & entiere de reconnoïtre votre concours « a une parfaite & indilfoluble union avec nous: -» c'eft de-la que nous prenons, non pas un fimple » augure, mais une efpérance confommée d'une » bonne fin, & le fruit afiuré de nos généreux » delTeins pour le foulagement commun de nos » ordres; & c'eft pourquoi je fuis chargé de vous » dire, qu'en toutes les occafions oü elle pourra » vous témoigner du fervice & de 1'amitié , elle le » fera d'autant plus volontiers, qu'elle reconnoït » vos propofitions falutaires& frudueufes; quelfe » les loue & les approuve grandement ; auffi  sous Louis XIII. 73 » favons-nous très-bien la capacité éprouvée des » grands perfonnages qui compofent votre ordre, » que les plus beaux efprlts de la France s'y re* » trouvent, & que le choix judicieux qui en a été » fait, éleve particuliérement nos efpérances au » bien que nous attendons de vos avis. Elle vous )> prie donc que vous attribuyez en cette impor)) tante aclion , la même volonté qui 1'anime a en » faire heureufement réuffir les progrès au conteni> tement du Roi, au bien & repos du public , » & a la fatisfaction particuliere de nos vceux & » defirs communs. Vous devez vous alTurer qu'elle » en a autant ou plus de defir que vous, & qu'elle » ne fe départira jamais del'intention fincere qu'elle » a que les 'loix fleuriflent, afin que chacun vive r> fous une regie aflurée de juitice, fondement le » plus folide de 1'état ». M. le préfident, le vifage tourné vers celui du fieur marquis, découvert & affis, lui paria en cette forte : que nous étions tous membres d'un même corps, tous fujets d'un même prince, nés dans un même royaume, & par conféquent tenus & obligés de procurer les moyens, non-feulement de conferver , mais auffi d'accroïtre, felon notre puilTance , le corps de 1'état. Que la nobleffe, qui lui fervoit comme de bafe & d'une forte & puiffante colonne , méritoit d'être confervée & accrue en fes prééminences & honneurs par-deflus 1'ordre  '74 Etats du tiers-état, qui fe reconnoiffoit fon inférieur en dignité , mais non en volonté de fervir ie corps univerfel de ia monarchie, duquel la nobleffe étoit un membre très-digne & très-relevé, conftitué au milieu des deux autres. Que le tiers-état n'avoit autre but &c volonté , finon de faire réuffir ce qu'il traiteroit de fon cóté a la gloire de Dieu, au contentement du Roi, & utilité du peuple , lequel il fupplioit la nobleffe de prendre toujours en fa protecïion , fous 1'afliirance qu'elle devoit avoir d'être particuliérement fervie &c honorée par tous les gens du tiers-état. Ce fait, lefdits feigneurs s'en retournerent , après beaucoup de révérences, & furent toujours découverts, jufques a ce qu'ils euffent été reconduits a quatre pas hors de la porte, par ceux même qui les avoient recus; & M. le préfident & M. le lieutenant-civil ne fortirent point hors de leurs places. Le mercredi vingt-deuxieme dudit mois d'octobre, le tiers-état s'affembla le matin, pour la cinquieme fois. Peu de temps après que raffèmblée eut pris place, 1'huiilier de la falie donna avis que les députés de la chambre du clergé viendroient bientöt. Incontinent ceux defquels j'ai parlé ci-deflus , fe préparent pour les aller recevoir a la porte de ladite chambre du clergé. Du nombre defdits députés étoit chef, révérend pere en Dieu,  sous Louis XIII. 75 meffire Jean de la Croix, très-digne évêque de Grenoble, affifté de cinq autres eccléfiaftiques, lefquels furent conduits fur le banc , a la droite de M. le préfident, 011 étant, ledit fieur évêque , avec une éloquence admirable, comme celui qui avoit vieilli en la charge d'avocat-général a Grenoble, commenca fon difcours fur les louanges de M. le lieutenant - civil, difant que leur ordre avoit recu avec un grand contentement la viflte & f honorable délégation que le tiers - état leur avoit faite, de laquelle le chef, avec une éloquence plus aamirée qu'imitabie, préfentant les cceurs du tiers - état au bout de fa langue, avoit infenfiblement ravi ceux de leur ordre ; que la colonne de feu rendant les oracles deffus 1'arche d'alliance, laquelle il avoit le jour d'hier induftrieufement adaptée a la prélature , méritoit d'être donnée a ce Chryfoftóme, non pour en rendre des oracles divins , mais des difcours captivant les cceurs d'une célebre audience. Au refte, que leur ordre fe reffentoit extrêmement édifié de ce que la compagnie lui avoit fait reconnoitre 1'excellence de ia prélature , qui les obligeoit d'autant plus a l'hurailité, mie Dieu les avoit élevés en dignité par-deffus tous les ordres de la terre, en laquelle leur profeffion les excitoit a rendre des preuves & témoignages de 1'amour paternel, qu'ils étoient terras d'exercer envers le peuple ,  7€ Etats repréfenté par la compagnie , ainfi qU'un bon pere a 1 endroit de fes enfans, & ie pafteur a 1'endroit de fon troupeau. M. Miron, prévöt des marchands, s'étant levé, & toute la compagnie, un chacun fe railit & couvnt. PuiSj adreiTant fa parole audit fieur évêque, il dit que, comme le troupeau paifiint par les campagnes, ne recoit jamais tant d'allégreiTe que quand il oit la voix de fon pafteur, de même le tiers-état fondoit en larmes de joye d'ouir les oracles d'un très-digne pafteur portant la parole pour tous les prélats de France; que cette voix infpirée du ciel, avoit pénétré & doucement navré tous les cceurs de 1'alTemblée, qui porteroit déformais fes affedions d'autant plus haut, que les inclinations dépravées du fiecle les avoient fait ramper defius la terre. Que cette confidération & la grandeur inexprimable de la prélature les tenoit teilement reiTerrés dans les bornes de leur devoir, que pour jamais ils fe tiendroient trés - heureux d'être protégés fous 1'aile de fi doux & aimables peres, les prieres & bénédidions defquels ils tiendroient a même faveur que la vifite de laquelle ils avoient honoré le tiers-ordre. Cela fait, ils prirent congé avec de très-grandes careiles & révérences, & furent reconduits par les fufnommés , jufqu'a la porte de la chambre du clergé.  sous Louis XIII. 77 Ceux qui defiroient fortir de la falie des Auguftins , qui étoit le réfeótoire, lieu humide & défagréable, au prix de la commodité qu'ils fe promettoient, fi 1'alTemblée du tiers-état fe faifoit en 1'Hótel-de-ville, qui avoit été ordonné par le roi, mirent en avant la propofition d'y aller, fuivant ledit mandement du roi, & auffi, que chacun y feroit beaucoup plus fainement, principalement en la faifon de 1'hiver, oü 1'on alloit entrer. D'autres, qui n'étoient de eet avis, combattoient cette propofition , a caufe de la facilité de la conférence avec le clergé & la nobleffe, & qu'il ne falloit tant confidérer fon aife particulier que la commodité de traiter les affaires d'un général. Enfin, 1'afFaire mife en la délibération des provinces öc gouvernemens, il fe trouva, a la pluralité des voix, qu'il étoit plus expédient de demeurer en ce lieu-la que d'aller en rHötel-de-ville, pour les confidérations ei-deffus. A eet effet, 1'on conclut d'aller prier le clergé & la nobleffe de fe joindre avec le tiers-état pour aller fupplier fa majefté de trouver bonne la réfolution qui avoit été prife : cinq furent députés vers le clergé, cinq autres vers la nobleffe , pour les prier de les favorifer en cette requête. Ils rapporterent que 1'un & 1'autre ordre avoit promis de fe joindre , &c qu'ils étoient fur les opinions de déléguer quelques-uns d'entr'eux pour en apporter réponfe.  78 Etats Et de fait, le baron du Pont S. Pierre, gendre de M. le préfident de Nicolaï, Sc les fieurs du Caftel-Bayard, baron de Vigean & Chatelux , fes co-députés , vinrent en notre chambre, conduits en ia même forme & par les mêmes perfonnes que delTus, a 1'arrivée defquels M. Ie préfident & toute la compagnie fe leva , le chapeau a la main ; Sc ledit fieur baron s'étant mis a la droite dudit fieur préfident, Sc les trois gentilshommes aflis prés de lui, il dit: « Meffieurs , vous avez peut-être eu réponfe » de ce que vous aviez demandé a MM. de la >>'nobleffe, plus tard que vous n'efpériez, & qu'ils » n'ont defiré 5 non pas pour aucun doute qu'ils » aient fait de vous accorder ce dont vous les » avez requis, ni par défaut de defir Sc de volonté » de vous fervir & obliger a leur poffible, mais » par la rencontre d'une affaire importante, beau« coup avancée , Sc qUafi jufques -aux opinions, » laquelle ils defiroient achever, lorfque vous êtes » entrés chez eux. Cette affaire terminée, ils nous » envoient vers vous, pour vous affurer de leur » affedion, & combien ils s'eftiment heureux de » vous voir defirer leur voifinage pour vous unir de » lieu, ainfi qUe je crois que vous 1'êtes de cceur » & d'affedion entiere de dignement fervir 1'état, * comme nous y fomrnes tous obligés. lis font » prêts d'aller trouver Sa Majefté Sc fe joindre  sous Louis XIII. 79 » avec vous en la requête qu'ils lui préfenteronc » a eet effet. En quoi ils vous promettent leur » particuliere afliftance, comme a perfonnes qu'ils » eftiment & confiderent grandement. C'eft a vous » a choifïr 1'heure •, car les perfonnes députées par » eux, font déja averties de fe tenir prêtes. C'eft » ce qu'ils ont defiré que je vous fiffe ëntendre i> de leur part». M. le préfident lui répartit que la compagnie remercioit .la nobleffe des faveurs & de 1'honneur qu'elle lui faifoit concourant en la dévotion que le tiers-ordre avoit de faire naitre quelques fruits au foulagement de tous les ordres : que le tiers-état, comme inférieur a la nobleffe, s'étudieroit toujours d'ufer de reconnoiffance par toutes fortes de fervices envers elle. Lefdits barons &c gentilshommes furent reconduits en la forme que defTus. Tót après arriva 1'évêque de Comminges , fils de M. de Souvray , avec quatre eccléfiaftiques , qui furent regus, comme devant a été dit, Sc s'aflirent en la même place que les précédens. II déclaraque le clergé nous remercioit de la bonne fouvenance que nous avions de lui & de 1'honneur que nous lui faifions, qu'a cette confidération on députeroit vers le roi pour 1'entérinement de notre requête. M. le préfident le remercia au nom de la compagnie : ce fait, ils s'en retournerent , conduits comme devant.  8o Etats La derniere propofition de cette matinee fut de favoir quels titres on donneroit aux fieurs lieutenant-général de Limoges & ClapilTon, qui avoient été élus affefieurs ou évangéliftes au greffier. Quelques-uns difoient qu'il les falloit appeler controleurs; d'autres difoient que ce mot donnoit atteinte a la fidélité du greffier, mais qu'il les falloit appeler alTelTeurs; d'autres évangéliftes, fuivant ce qui avoit été fait aux Etats de Blois demiers. Enfin, il fut réfolu qu'on les appelleroit évangéliftes. L'après-dïnée dudit jour, ceux qu'on avoit députés pour accompagner le clergé & la noblelfe vers le roi, entre lefquels étoit de notre gouvernement de Lyon, M. de Chamfin, feigneur des Garennes , député de la ville de Moulins en Bourbonnois , pour lui faire la requête ci-deiTus , rapporterent que M. 1'évêque de Beauvais avoit obtenu du Roi ce que nous demandions, quoiqu'il eüt ci-devant ordonné 1'Hötel-de-ville, dont nous fümes tous bien aifes. M. le prévot des marchands promit a 1'alTemblée que la Ville feroit accommoder le lieu , en telle forte que tous en feroient contens , dont on Ie remercia. II y eut conteftation entre le préfident de Chartres, député dudit lieu, & le député de Chateauneuf en Timerais, fur ce que ledit préfident difoit qua Chateauneuf, 1'on n'avoit pu faire de convo- cation ,  sous Louis XIII. 8r «ation, d'aurant que la chatellenie de Chateauneuf étoit fituée dans le reffort du pays Chartrain pour les cas royaux. Qu'en la chambre du clergé & en celle de la nobleffe, 1'on avoit renvoyé au confeil les députés de ces ordres, Sc ordonné que, par provifion , ceux qui avoient été députés de la ville de Chartres, feroient recus èfdites chambres» jufques * ce que le confeil en eut ordonné • &■ jufques a ce, que les députés de Chateauneuf sabmendroient de 1'entrée defdites chambres. U demandoit qu'en notre affemblée, le même fóc ordonné, n'y ayant aucune diverfité de raifon. L'on délibéra la-deffus. Les uns difoient que nous n'étions juges ni du principal, & moins de Ia provifion, & que k connoiffance en appartenoit au confeil. Les autres difoient que les états fe pouvoient légitimement attribuer la connoiffance de ce différent; vu même que les parties confentoient que la provifion fut vuidée par nous. II fut réfolu a la pluralité des voix, que les parties fe pourvoiroieut au principal, au confeil; & que pour avoir k provifion, les parties mettroient toutes leurs pieces, même le mandement du roi, en verru duquel Chateauneuf avoit convoqué pardevers les fieurs lieutenant général de LimogeS &c ClapilTon, pour en faire leur rapport a la première affemblée. Ce fait, on aviTa a yérifier les pouvoirs de tous Tome XVI. p  Si Etats les députés , pour favoir qui étoit bien député, & qui ne 1'étoit pas ; chaque gouvernement vérifie les pouvoirs des députés de fon gouvernement ; au nötre qui eft celui de Lyon, il n'y en eut pas un feul qui ne fut trouvé bon. Je remarquerai ceci en palTant, que depuis qu'on eut avifé d'opiner par provinces ou gouvernemens & non par bailliages, il y eut de la conteftation pour appeller 1'ordre des gouvernemens. Entre ceux de lTfle de France , Bourgogne , Normandie, Guyenne , Bretagne , Champagne & Languedoc, qui vont tout de fuite , il n'y eut aucune difficulté; mais entre Lyon, Picardie &c Orléans, il y eut de la conteftation. Elle fut néanmoins accordée entre nous par eet expediënt, que ces trois gouvernemens feroient alter-nativement appelles les uns après les autres; & que ceux qui feroient députés, en toutes adions marcheroienr auffi, ou porteroient la parole les rins après les autres; Lyon néanmoins commenea. Quant eft des bailliages étant fous le gouvernement de Lyon, ils ont tous cédé la prérogative de la voix & de la féance aux députés du bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier. De forte qu'en toutes les adions qui fe font traitées jufqu'a ce jour, le fieur Gafcoing, lieutenant général, & moi Rapine, avocat du roi, député dudit bailliages avons toujours eu la préféance &c la voix, pour  sous Louis XIII. g? ïapporter les délibérations qui avoient été prifes dans les gouvesnemensmême en la vérification des pouvoirs des députés , fans aucune contradiction. Bourbonnois fuit après,. Forêts & Beaujolois, la Haute & Baffe Auvergnc, la Haute & Baffe. Marehe, & puk Lyon qui eft. tont le dernier ; & eet oïdre a été obfervé jufqua cette heure d'une commune voix* Le jeudi vingt-troifieme , fop s'affèmbla le matin pour. la fm\emé fok } m réfectoke des Auguftins. M. le préfideat propofk, s% n>écok pas expédient de députer, quelques-uns de la compagnie pour aller remereier MM. du clergé & de la nobleffe, de ce qu'ik s'étoient employés envers le roi pour nous faire demeurer- audit lieu des Auguftins, & par même moyen , favoir deux en quel rang ils avoient délibéré de fe trouver en la'proceffion générale qui fe feroit le dimanche enfuivant, jour auquel cette folemnelle aeïion fe devoit fake , fuivant les lettres- de Sa Majefté adreffantes au prévöt des marchands & échevins de la v ille de Paris, qui furent lues par le fieur Clapi ffon , 1'un dlceux, L'on trouva cette propofition bonne a la pluralité des voix, & Ton députa un de chaque gouvernement pour fe mipartir & aller, les uns en la chambre du clergé, & les autres en celle de la nobleffe. A leffet de ce remeiciment, ie lieutenant eé- F ij  $4 Etats aiéral «le Nantes fut député avec -quatre autres en la chambre du clergé, & le lieutenant général d'Angers auffi avec quatre autres, en celle de la nobleffe, lequel, avec fes députés par MM. les -marquis dePortes, de Chambault, de la Chaux, Valances, Varadier, & introduits dans la chambre , iedit fieur lieutenant général paria en ces termes : « Meffieurs , 1'honneur que vous avez fait a » notre compagnie de favorifer votre intervention , » fa très-humble fupplication vers Sa Majefté , afin » de lui permettre de s'aflembler en ce lieu f » 1'oblige de vous témoigner , fuivant la charge » que nous en avons, le particulier reflentiment » qu'elle en a , faifant paroïtre en cela la grande » correfpondance qui doit être entre tous les orr » dres, par la fadle &c néceiTaire communication » qui fe fera des propofitions de chaque cham» bre, pour 1'honneur de Dieu, fervice du Roi, » bien de 1'état, & foulagement du peuple, feul » & unique bien de nos adions, que nous tache» rons toujours de conformer aux vötres, & nos » intentions aux graves réfolutions de votre compa» gnie , la fuppliant de nous vouloir continuer en »(toutcs les occurrences qui fe préfenteront ci» après, en cette grande & célebre affemblée, » cette même bienveillance qui redoublera nos » defirs & augmentera nos afFedions a vous honorer » & fervir ».  sous toprs XIÏL Lefdits ciéputés, tant vers MM. dü clergé que de la nobleffe, revinrent peu après, Sc rapporterent que nous aurions bientöt réfolution des* uns Sc des autres de ces deux ordres. En efFet , arriva dans notre chambre, de la' part defdits fieurs du clergé, M. levêque d'Agen, affifté de trois autres évêques, que les nötres allerent prendre a leur porte commeTes précédens, Sc 1'on fe tint au même refpect qu'on avoit fait ei devant aux autres;. Sc s'affirent lefdits fieurs a la droite de Mv le préfident; ledit fieur évêque remontia que notre compagnie obligeoit la leur par tant de refpecTrs, qu'elle fe reffentoit trop foible de pouvoir condignement fatisfaire.a la courtoifie du tiers-état, que néanmoins pour aucunement ufer de revanche, il avoit été député du* clergé pour nous faire ëntendre qu'il n'avoit recu' aucun mandement du roi pour foiemnifer le commencement d'une osuvre fi méritoire par une; proceffion générale, mais que le clergé compofé de tant de cardinaux , d'évêques Sc. prélats de la France , s'étoit porté a cette réfolution par le feul devoir de fa profeffion, afin d'invoquer 1'aide & l'aflïftance de Dieu Sc deXon Saint Efprit, pour produire dans nos cceurs de bonnes & faintes intentiöns qui forcaffent Dieu, quafi manu forti \ & manu armata , de rendre les délibérations des trois ordres fi falutaires Sc profi tables au corps és F iij  86 Etats 1'état, que le roi en recüt le premier fruit, 1'églife des bénédictions, la nobleiTe des profpérités &C honneurs, le tiefs-érats du foulagement ; & que les ténébres qui avoient par ei-devant obfcurci la lumiere de cette monarchie, fuflent diiTipées par les réfolutions d'une fi not-able afTembiée , conduite p£fr le döux vent du SaintEfprit; que c'étoit le fujet qu'ils avoient pris .pour faire k proceffion; en laquelle M. le revérehd évêque de Paris feroit 1'office; que les cardinaux feföiënt les plus proches du faint Sacrement; qu'après lui feroient les archevêques , puis les évêques , & après, les abbés , prieurs, & autres eccléfiaftiques rangés, non ;par ordre de bailliages , mais par pro vinces & gouvernemens » qui tous porteroient un cierge blanc de demilivre. Ge qui avoit été ainfi réfolu consre rintetion de MM. de Notre-Dame de Paris, qni avoient defiré de marcher au rang 1'e plus éminent, Sc ce d'autant que cette proceffion fe faifknt en confidération 'de la tenue des Etats, ils ne devoient raire corps ni rang a part, qui rai toute autre occafion leur devroït 'être déreTé; qu'il invitoit au furptas k compagnie dj apporter de fon cöté ce qui feroit de fon devoir , & ne dit autre chofe , finon que le roi leur avoit donné un mémoire des rangs qu'il entendon devoir être tenus par la nobleffe a la proceffion & ouverture des Etats, en lequel mémoire, qui leur avoit été baillé ledit jour vingt-quatrieme odobre au matin, par M. de Rhodes, grand-makie des cérémonies, contenoitauffi la volonté de Sadite Majefté fur la mar-che ( en ces adions) par bailliages „ & non par provinces. Le dimanche vingt-fixieme dudit mois, tous les ordres fe rendirent dans le cloitre des Auguftins, fur les buit heures du matin. Le roi, la reine ,,  sous Louis XIII. ?t Monfieur , frere du roi, M. le prince.de Condé , M. de Guife, M. de Joinville , plufieuis ducs &c officiers de la Couronne, enfemble plufieurs ■princeffes, tant du fang jqu'autres., y vinrent-entre neuf & dix. M. 'de Rhodes, maitre des cérémonies , ayant fait .dilbribuer , de la part du roi, ün cierge blanc a chacun des .députés., fit anettre 'a la tête de la •proceffion tous les mendians & paroilTes de Paris., qui s'en allerent a Notre -Dame, & n'y 'firent que pffer, de peur de remplir p-ar trop leglife. -Et après, il fir mettr-e les députés du tiers-état en ordre, -que lui-'tocme appelloit par bailliages •, ifelon 1'ordre obfervé en 15 8 8, aux Etats de Biois ( qui- fera ci-deflons tranfcrit), c'eft-a-dire , que les derniers .rflarchoient tou-s les premiers, & eii front-, paree que ceux qui font plus proches du faint S-acrement., font ceux qu'on eftime être au rang-plus honorable. II nous fit tous ranger dans le cloitre dudit lieu , en -forme de haie, deux a deux •, & chacun marchoit a-vec les co - députés d'un même bailliage , fa-ns qu'un bailliage devancot ou -mar-chat avec Tautre. Nous avions tous -un cierge -blanc en main , qu'il nous avoit fait diflribuer. Peu devant étoit venu M.-Miron notre préfident, .& ptévót des marchands,-a-vec MM. les .éofaevfes , -tous 'habid-lés des Mvrées de 'la Ville, lequel étoit venu nous -vifiter dans notre falie , auparavant que nous fuffions rangés en  *2 Etats ordre, oü ii nous dit qu'il avoit jugé êrre defo» devoir de nous venir voir cn qualité de prévót des marchands, orné des vêtemens de fa magiftrature, pour nous rendre honneur; mais que prè fentementil s'alloit dépouiller & prendre la robe noire avec le bonnet quarré, pour témoigner qu'il vouloit mascher avec nous- en qualité de préfident 5 ce qu'il exécuta. Donc, au nombre de prés de deux eens , ceux de juftice, revêtus de robe noire, cornette & bonnet carré, chacun avec un cierge blanc en main; ceux de finance ou de robe-courte, avec Ie court manteau , ouvert par les cótés, pour palier les bras, & la toque. L!on fak avancer les premiers par 1'une des portes du cloitre , fans entrer dans leglife ; mais foudain Pon vit venir un gentilhomme qui aidoit h M de Rhodes, qui fit rentrer les premiers dans le même cloïtre] pour faire paffes toute 1'affemblée par le milieu de leglife des Auguftins, difant que le roi & la reine vouloient voir tous les ordres. Proche la porte du chceur de ladite églife, aux hautes tormes, » main droite, étoit le roi, deffous un dais ri~ chement paré : a main gauche, étoit la reine, découverte, fans dais : dans la nef, il y avoit un poêle de toile dargent, fous lequel le faint Sacrement fe devoit mettre , & duquel les quatre batons devoient être tenus par Monfieur, frere du roi , M. le prince de Condé, M. de Guife  sous I otris XIII. & M. de Joinville : chacun, en paflant, faifoit de grandes Sc profondes révérences a M. le prince , Sc y en avoit la expres , qui difoient aux députés, a mefure qu'ils paffoient ; Salue^ M. le prince. Etant fortis de 1'églife, la proceffion paffa au milieu des régimens des gardes, tous difpofés avec leurs armes, en forme de haies : les rues étoient tapiffées par oü la proceffion paffa , qui fut touE le long du quai des Auguftins ; elle vint paffër enfuite devant S. Severin, fous le petit Chatelet, Sc de-la a Notre-Dame. II y avoit des milliers de perfonnes, tant par les rues qu'aux fenêtres , Sc jufques fur les toïts des maifons. Comme nous fumes arrivés dans 1'églife Notre-Dame, M. de Rhodes nous fit. tous affeoir par ordre fur des bancs couverts de tapis verds, qui, pour eet efFet, avoient été préparés. Au milieu de la nef, y avoit un dais de velours violet, parfemé de fleurs-de-lys d'or, au-deflbus duquel il y avoit des carreaux Sc tapis de même,' parure. Le chceur de ladite églife étoit fermé, Sc audevant de la porte, 1'on avoit dreffé un autel élevé de quatre ou cinq marches, richement paré, pour y dire la meffe. Toute la nef de ladite églife étoit tendue des riches tapifferies du Louvre, comme 1'étoit auffi le refte de 1'églife.  Après les gens du tiers-état, fuivirene MM de la nobleffe en fort bel ordre, & bien vetus, fépée au cöté, deux a deux, ayant chacun un cierae blanc en main. Hs prirent féance fur lefdits bancs devant le tiers-état. Suivit auffi le clergé, compefé de deux cardinaux , favoir, de MM. de Sourdis & de la Rochefoucault , de trois archevêques, & trente - deux évêques, tous revêtus de robes violette*, le forplis & le rochet par-deffus, le bonnet quarré, & une infinité de prieurs & abbés, avec les manteaux & foutanes, le bonnet quarré , & un 'cierge blanc en main. Après lefdits iieurs cardinaux, étoit le poêle , porté par lefdits princes, fous lequel étoit le corps de Notre-Seigneur Jefus-Chrift , qui étoit porté par M. 1'archevêque de Paris. Suivoit après le rei, fous un dais, & la reine, a pied & découverte , avec plufieurs dames & princeffes , les cent gentilshommes avec leurs becs de corbin. Ia cour de parlement, avec les robes rouges, 5c MM. les préfidens, le mortier en tête T la chambre des comptes vis - a - vis , & la cour des aides après, tous deux a deux, ayant auffi un der** en main. Tous lefquels ordres arrivés a 1'églife , chacun pnt place aux bancs qui avoient été préparé* ,  sous Louis XIII. j eomme j'ai dit. MM. les cardinaux, archevêques & évêques fe mirent devant le corps de la nobleffe. Les cours fouveraines fe placerent féparément fur des bancs fort longs, qui avoient été préparés. Le roi & la reine fe mirent fous le dais, comme auffi les princeffes. La meffefut célébrée par M. de Paris. M. le cardinal de Sourdis fit la prédication , prêchant de 1'obéiffance qui étoit due au roi : il exhorta un chacun de rendre au roi ce qui appartenoit au roi, & a Dieu ce qui appartenoit a Dieu : il invitoit auffi les Etats a prendre de bonnes & faintes réfolutions pour le bien du, royaume. Ce fait, chacun fe retira , qu'il étoit trois heures après midi, qUoiqu'il ne fut qu'onze heures quand le tiers état fortk des Auguftins. Je ne doute point que quelques r-elations données au public , auront pu plus partkuliérement remarquer cette a&ion fi célebre , &: mieux que je n'ai pas fii faire , ne 'm'ayant été poffible, marchant en rang de député, voir tout ce qui s'y paffa. Je fuis néanmoins trèsaffuré que ce que j'en obferve fe trouvera entiérement conforme a 1'ordre que j'en ai coté , Sc a celui pareillement qu'il avoit plu au roi d'ordonner , qui fera ckaprès inféré pour la fatisfaction des curieux. J'ajouterai feulement que nous marchames en rang comme le premier bailliage du gouvernement de Lyon, fans aucune. contradiction.  '9* Etats Le fieur Genet, archidiacre de 1'églife de SaiatCyr de Nevers, marcha fous le gouvernement d'Orléans, en qualité de député de la pairie de Nivernois. Mais le fieur Euftache de Cheri, tréforier de ladite églife, qui remplit maintenant, au' grand contentement de tous fes diocéfains „ pour fes hautes vertus & mérites, le fiege épifcopal, député avec ledit fieur Genet, du clergé de Nivernois, marcha fous le gouvernement de Lyon , comme député du bailliage de SaintPierre-le-Moutier. Et ce, fuivant 1'arrêt donné au confeil privé du roi le jour précédent vingtcinq dudit mois d'odobre , par lequel il fut dit que , par provifion, ledit Genet fe joindroit avec les députés de la pairie. Nous prétendions , pat la requête que nous avions préfentée au confeil, & dont M. de Marillac étoit rapporteur, que M. de Nevers ne pouvoit convoquer le clergé , qui étoit de jurifdidion royale, & fous la protedion du roi; il nous objedoit qu'aux Etats de Tours en fan 1483 , & en ceux de Blois en 1576", le clergé avoit été convoqué par fon juge de pairie , qui avoit comparu avec les députés de fadite pairie, & non avec le bailliage de S. Pierre-leMoutier; qu'en ladite année foixante & feize, il, avoit obtenu lettres-patentes de Sa Majefté, par lefquelles il étoit porté que le clergé de Nivernois comparoïtroit aux Etats-généraux fous ladite pairie, &  soüsLoüis XIII. q«t -> / & non fous ledit bailliage; & que , nonobftanc lefdites lettres, les officiers de S. Pierre le-Moutier , ayant condamné fes officiers & les* députés du clergé en ladite année : par autres lettres-patentes, les fentences defdits officiers furent caffées & mifes au néant; en ce faifant, ordonné quc*le clergé comparoïtroit fous ladite pairie: qu'en quatrevingt &c huk , ledit fieur duc, ou, quoi qu'il en foit, feu M. fon pere avoit obtenu aux derniers Etats de Blois , un brévet du Roi, qui portoit la même attribution. Toutes lefquelles pieces m'ayant été fignifiées en qualité d'avocat du roi, comme je m'étois préparé dès auparavant mon partement a de femblables occurrences, que maïtre Philippe le Clerc, procureur du roi audit fiege de Nivernois, mon coliegue,& moi, avions affez pré vues, & lui, qui étoit d'un jugement très-folide, & entre ces autres belles parties &c qualités, d'une fcience & capacité confommée, m'en ayant ouvert fon fentiment dansles conférencesparticulieresque nous en avions eu enfemble : je me trouvai dans une difpofition de repartie fi convenante en cette rencontre, que je ne feignis point de répondre, qua le prendre fainement &c dedans la vérité notoire & conftanre, la convocation des Etats étoit un droit royal qui ne pouvoit appartenir a autres qu'aux bailliages royadx, & non aux juges de pairies; a plus forte raifqn, que le clergé, qui s'étoit toujours avoué fous la pro. Tome XVI. q  98 • Etats tecYion du roi, &c étoit de fa jurifdiélion, ne devoit , en facon quelconque , être convoqué par le juge de pairie. Que les lettres de foixante &c feize gc le brevet de quatre-vingt-huit ne faifoient rien ' au contraire , en tant qu'elles n'étoient vérifiées en parlement, M. le procureur-général oui; quoi ceifant, ce droit étant pur royal, n'avoit pu être concédé ni aliéné de la couronne. Nonobitant 'toutes ces raifons, ledit fieur de Marillac, maïtre des requêtes, me dit que le roi & Ia reine, préfens au confeil, avoient ordonné qjue 1'un des députés du clergé fe joindroit audit bailliage de 'Saint-Pierre , & 1'autre a la pairie ; 6c ce , par ;provifion , le roi ne defirant öter a M. de Nevers ce que fes prédécelTeurs lui avoient libéralemertt accordé , Sc d'abondant, que le tems ne permettoit pas de toucher i ce, qu'un autre pourroit réduire a une fuite toute autre &c moins avantageufe aux conteftans. Le lundi ij dudit mois d'octobre , tous les députés du clergé', de la nobleffe & du tiers-état fe trouverent a midi en raifemblée de la grande "falie de Bourbon, fuivant le commandement que le roi leur en avoit fait. Environ deux ou trois heures, parut un héraut d'armes, revêtu de fa cotte parfemée de fleurs-de-lys d'or, dans une loge qui :étoit fur la porte de ladite grande falie, qui ap"pella les députés avec une telle confufion & mé-  sbüsLoüisXïit. lange, qu'on ne put rcccnnoitre c'étoit pat gouvernemens öu par bailliages qu'on étoit appellé fi bien que chacun entra en fouk, Sc comme il put, dans la grande falie. II y avoit grande quan-< lité de bancs a droite & a gauche, couverts dé tapis verds* Lé tiers-état fe mit fur les derniers j Ia noblëlfe, fur le milieu, Sc le clergé , devantToutes les loges , tant hautés qué balles dé ladite falie, étoient remplies d'hommes & de femmes ' comme auffi tout le parterre de ladite falie ; d qui apportoit une grande confufion, de voir cue toutes fortes de perfonnes étoient- la recues indifféremmènt, au lieu qu'il n'y devoit feukment avoir que les députés Sc autres perfonnes fervant a 1'état. Cependant toüt étoit plein de dames & damoifelks, de gentilshommes Sc autres peuples, comme fi 1'on fe fut tranfporté la pour avoir le divertiiTemenÉ de quelque comédie. La plupart des députés étoient mécontens de ce défordre, Sc difoient que ld France étoit incapable d'ordre-. Le roi, la reine, Monfieur, frere du roi, M. k prince de Gondé , M. k comte de Soiffons, tenant le baton de grand-maitre, M. de Mayenne, grand* chambellan , la reine Marguerite, plufieurs princes Sc princeffes, ducs, cömtes, feigneurs Sc barons y étoient. Le roi, la reine-mere Sc la reine Marguerite étoient fous un dais de velours violet „ femé de flems-de-lys d'or, Ledit fieur de Mayenn* G ij  ioo Etats couché aux pieds du roi; M. le chancelier, audevant duquel marchoient les maffiers, ayant la chaine d'or au col, vêtus d'une robe de velours violet cramoifi, affifté de tous MM. les confeillers d'état, & des quatre fecrétaires : M. de Villeroy , qui marchoit a cöté, Sc de M. le préfident Jeannin, qui y étoit pareillement. Les ordres étant prêts de fe placer aux places qui leur avoient été préparées felon les rangs des bailliages, MM. les confeillers d'état d'épée & de robe longue, s'étant placés devant MM. les députés du clergé Sc de la nobleffe, les obligerent (nele pouvant pas fouffrir avec honneur) de repréfenter au roi, qu'outre le déplaifir qu'ils recevoient d'une telie entreprife, il leur refteroit pour jamais un reproche d'avoir été tenus en fi peu de confidération, que MM. les confeillers d'état eufTent prétendu fur eux ( qui repréfentoient tout le royaume) cette prééminence : dirent fort refpectueufement, que plutöt que faire paroitre une fi grande foiblefTe de jugement & de courage , Sc laiffer une fi honteufe marqué d'eux a la poftérité, ils aimoient mieux fe retirer. Sa Majeflé, affiftée de la reine fa mere , de M. le chancelier, des autres officiers de la couronne, Sc de MM. les fecrétaires d'état, pourvut fur le champ a ce grabuge: Sc il fut ordonné qu'un banc fcroic mis de chacun coté 3 devant ceux fur lef-  soüs Louis XII L ioz quels étoient affis MM. les confeilliers d'état.. Et cela étant ainfi exécuté, fit que mefdits fieurs les confeillers d'états furent mis derrière MM. les députés du clergé Sc de la nobleffe. Après ce réglement, le roi paria peu Sc en ces mots, qui m'ont été donnés de mots a autres. « Meffieurs, j'ai défiré de vous cette grande » Sc notable affemblée au commencement de ma » majorité, pour vous faire ëntendre 1'état pré» fent des affaires , pour établir un bon ordre , » par le moyen duquel Dieu foit fervi Sc honoré, » mon pauvre peuple foulagé, & que chacun puiffe » être maintenu Sc confervé en ce qui lui ap» partient, fous ma protection & autorité. Je vous » prie tous Sc vous conjure de vous employer » comme vous devez pour un fi bon oeuvre; je » vous promets faintement de faire obferver Sc » exécuter tout ce qui fera réfolu Sc avifé en » cette affemblée; vous entendrez plus amplement » ma volonté par ce que vous dira M. le chan» celier ». Mondit fieur le chancelier, qui étoit M. de Sillery , qui avoit pris place a la gauche du roi , commenca a parler, après néanmoins s'être levé, Sc avoir falué le roi. II harangua 1'efpace d'une heure, affis fur une chaire fans doffier, Sc coi** G iij  jq% Etats vert dé fon bonnet carré noir, mais d\ir)e voix (1 baffe qu'il n'y eut moyen de 1'onir. Je remarquai que mondit fieur le chancelier, parlant en fa harangue a meffieurs du clergé Sc de la nobleffe, mettoit la. main au bonnet carré, & fe découvroit, ce qu'il nefit point forfquii parloit au tiers-état t & après qu'il eut fini fon difcours, il fe leva, Sc alla prendre 1'avis du roi Sc de h reine ; puis s'étant remis en fa place, il paria aux: députés en général, en ces mots; « que Sa Majefté » leur permettoit de s'affembler, Sc de dreffer leurs » cahiers, Sc que iorfqu'ils feroient prè;s, elle y » donneroit une favorable réponfe», Ce fait, M.- de Marquemont , archevêque dc lyon, harangua pour le clergé fortfuccinciement. M. le baron du Pont-Saint-Pierre harangua pour la nobleflè tout debout , Sc le chapeau en main, lequel fut fort long, & entremêlant tant d'allégations d'hiftoires profanes, qu'il feiüit de demeurer court deux ou trois fois , Sc encore finit-il fon difcours fans y penfer , la mémoire lui ayant manqué. Je. remarquai entre autres chofes en fon difcours une attaque qu'il donna au tiersétat , difant : « Que le roi reconnoïtroit quelle » différence il y avoit entre fa noblefTe Sc ceux » lefquels étant inférieurs., s'en faifoient pourtapt » accroire par-deffus elle, fous couleur d§ quel.-  sous JL.o u i s X111. io4. » ques honneurs & dignités, oü ils étoient conf-» titués». M. Miron , prévöt des marchands, préfident du tiers-état , les genoux en terre , paria auffi fuccincftement en ces termes : « Sire , puifqu'il a plu a. Dieu porter le coeur » de Votre Majefté a la convocation de fes Etats» généraux , qu'elle a commandés être aflemblés » en ce lieu; &c que cette affemblée d'Etats n'effc » autre chofe qu'une conférence paternelle. pai» fible, douce & aimable, du roi avec fes fujets, » laquelle ne tend qu'a la réformatiou des défor» dres qui fe font gliffés en toutes profeffions, »(nous devons a votre. exemple, avant toutes cho» fes , élever nos cceurs a. Dieu , a ce qu'il infpira » en nos ames des defirs éloignés de toutes paf» fions, & qu'entiérement portés a fa gloire, au » fervice & fidélité dus a Votre Majefté, au bien » & foulagement de votre peuple, nous embraf» fions fincérement les moyens qui nous peuvent » conduire a ce but, & remercions très-humble» ment Votre Majefté de ce- quelle daigne donner » les premières actions de. fa majorité a ce bon » oeuvre, que de s'incliner a ëntendre les plaintes » & doléances de fes fujets , &c porter fes mains » innocentes a redreffer les fautes qu'elle n'a point » faites , ains nous-mêmes, par le trop d'aife oü » nous nous fommesvus piongés, par fabondance. Giv  i®3 Etats » & délices caufées d'une profonde Sc longue paix, » pendant 1'heureux regne de Henri-le-Grand » continué par la bonté Sc fage conduite de la » reine pendant fa régence, de forte que comme » infenfés Sc ennemis de nous-mêmes courant a » notre propre ruine , nous avons tiré notre mal» heur des mêmes chofes qui devoient opérer Sc » affermir de tout point notre bonheur; mais qui » croira ce paradoxe trop véritable néanmoins , » que les vertus ayent engendré les vices, Sc que » 1'excès de la bonté, facilité 8c clémence de vos » majeftés, aye caufé par importunité, 1'audace, » 1'impunité & 1'impiété, a leur fuite une infinité » de maux, une contravention publique a toutes » ordonnances divines & humaines, Sc enfin un » dévoyement général de toutes regies, en tous » les ordres Sc profeifions de ce royaume. » Nous fommes ici afiemblés, Sire , pour re» cevoir le remede de Votre Majefté. Ce remede » eft demandé par tous, auffi fommes-nous tous » obligés d'y porter la main, puifqu'il dépend » aucunement de nous-mêmes. Vous nous com» mandez, fire, d'en faire la recherche de notre » part, Sc nous prometrez d'y contribuer de la » vótre. Cette parole nous donne toute efpérance » que 1'effet s'en enfuivra auffi heureux qu'en ce » commencement; vous avez pris 1'exemple du roi » faint Louis votre grand ayeul, lequel envkon  sous Louis XIII. 105 » Tan 1227,'approchant de votre age, tint au » femblable fes Etats a Paris, avec raiTiftance de » cette grande vertueufe princeffe la reine Blan» che fa mere, Sc par ce moyen , pourvut aux.af» faires de fon royaume en telle forte, que fa » maifon fut toujours depuis un féminaire de ver» tus, Sc fon regne couronné d'une fin très-heu» reufe. » Ainfi Votre Majefté a voulu par cette aclion » folemnelle, rendre a fa bonne ville de Paris » la prérogative qu'elle méritoit bien , avec plu» fieurs autres privileges, dont elle Sc fes prédé» cefleurs 1'ont décorée par-deffus les autres villes » du royaume, comme fe tenant attachée a fon » prince d'une plus particuliere affedion. Auffi » efpérons-nous que Votre Majefté ayant été por» tée par le bon avis de la reine a cette fainte » entreprife, a 1'exemple du même faint Louis, » pour la gloire Sc honneur de Dieu Sc le bien » de vos fujets, que votre regne fera comblé de » tout bonheur. » Les bons & falutaires confeils de la reine » ne vous défaudront pas, puifqu'ils n'ont jamais » manqué a la France pendant le cours de la » régence très-heureufe , oü elle a comme fixé le » calme au milieu de nous, qui fommes tenus, » fire, lui en rendre un très-humble remerciment » Sc encore davantage pour avoir, d'un fein plus  105 Etats.. » que maternel , fi chérement confervé Votre » Majefté pendant fa plus rendre jeuneffe, & con» duire k ce tróne & fit de juftice en votre par» lemënt, oü tous vos fujets louent Dieu, de ce » que Votre Majefté prévenant leurs fouhaits, a « déclaré» infpirée den haut, qu'elle entendoit » que la reine fa mere continuat a gouverner » 5c commander dans le royaume ; la preuve & * cxPérience ^ paffé faifant affez connoïtre a » toute la France combien fes bons avis & fages » confeils avoient été utiles & étoient encore né» ceifaires. ■» Et pour ce, le tiers-état, Madame, a recours » a votre interceffion envers le roi, k ce qu'il » plaife a Sa Majefté jetter fes yeux favorables fut » fon pauvre peuple , afin qu'il recoive de cette » affemblée d'Etats le foulagement qu'il en efpere. » Et nous proteftons, fire, au nom du même tiers» état de feconder fincérement vos intenrions, & » rendre entiere obéiffance aux commandemens » qu'il vous a plu nous faire k 1'ouverture de vos « Etats, témoignant en paroles & en effets, que » nous fommes & ferons k jamais, vos très-hum» bles, três-fideles & trcs-obéilfans ferviteurs & » fujets )). • Ce fait, le roi fe leva , & chacun s'en retourna étant prefque nuit. Lon difoit que M. le prince devoit haranguet  sousLouisXIII, 107 pour fe décharger devant tout le monde de ce qui s'étoit fait pendant les derniers mouvemens s mais il ne paria en facon quelconque. Vrai eft qu avant que le roi fut venu , il accorda une querelle, qui s'étoit faite dans ladite falie, entre M. de Nancay & M. de Rhodes, pour ia préféance, tous deux députés de Berry; il les fit accollet bras deffus, bras deffous. Le vendredi matin , trente-unieme dudit mois d'odobre, le clergé députa en notre chambre M. 1'évèque d'Avranches, affifté de quatre eccléfiaftiques, lequel s'étant mis en la place de M, Miron , préfident, fit une exhortation a notre compagnie fur la facon de fe préparer a la fainte communion. Pour eet effet il remontra dodement « que tout bien, tout fecours, tout foulagement » venoit d'en haut , & nous étoit envoyé de $ la main libérale de Dieu , tk diftribué des tré» fors de fon immenfe bonté, mais qu'il lui fal» loit demander & implorer fa grace & fon affif» tance, qui ne manquoit jamais a ceux qui, avec » un bon defir & volonté la requérojent; ce que les gentils avoient accoutumé de faire en.leur » fotte êc brutale religion, commencant leurs ac_»,tions les plus héroiques par 1'invocation de leur }> Jupiter, auquel ils avoient créance, comme a )> celui qu'ils eftiinoient follement être pardeffus )) ia puiffance de tous les autres dieux ; qu'il étoit  io8 Etats » donc bien raifonnable qUe nous, illumtnés dc » 1'évangile , recouruffions en cette adion, fi haute » & relevée, de laquelle dépendoit la réforma» tion des défordres de 1'état, a ce grand Dieu, » duquel la majefté régne fouverainement & éga»lement au del, en la terre & fur toutes les * créature*, & tous enfemble, pour obtenir de » fa bonté infinie ce qui étoit néceffaire pour » mettre la main a un ceuvre, auquel il feroit » glorifié, le roi honoré, le peuple confervé & )> maintenu, &,en un mot, pour établir le falut » du peuple, qui a été autrefois pris pour la fu» prême & fouveraine loi; mais qu'il ne falloit » pas éclore de notre cceur des prieres légeres » qui ne paffaffent point le bord des levres ; » au contraire, que nos requêtes devoient être » puiffantes, pour violenter le ciel, & ravir des « mains de Dieu ce qui étoit néceffaire a tous » pour une fi fainte adion; qUe pour parvenir a » ce deffein, il nous exhortoit tous de dépofer » toutes haines & rancunes que nous pourrions » avoir concues les uns contre les autres par le » paffe, & oublier par une facrée amniftie toutes » les injures, les pertes & les dégats que les « confufions & brouÜleries du paffé avoient cau» fés; qu'il eut bien laiffé a la volonté dun cha» cun de faire en particulier ce qu'il nous invi» toit de faire en public, 8c tous enfemble, paree  sous Louis XIII. ro? » que les prieres, en quelque part qu'elles fe » faffent, étoient toujours bien recues de Dieu; » Job pria Dieu fur le fumier, Daniël dans la » folfe aux lions, qui furent exaucés ; mais que les )> prieres qui fe font en public , ont bien plus de » poids & d'énergie envers Dieu, que les privées » 8c particulieres; ainfi que le famedi, jour de » Touffaint , nous nous trouverions tous , tant » le clergé, la nobleffe que le tiers-état, dans » 1'églife des Auguftins, pour y recevoir le pré» cieux corps de notre Sauveur Jefus-Chrift. » Qu'il ne doutoit point que fi nous y venions » tous avec la robe nuptiale, c'eft-a-dire, dépouil» lés de toutes paflions défordonnées, revêtus d'une » pureté de cceur 8c d'une bonne confcience , nous » ne reguffions les mêmes dons, les mêmes gra» ces & faveurs du ciel, que les Apótres, def» quels 1'écriture fait mention qu'ils étoient pari» ter in eodem loco , vel eadem domo fedentes 9 » lorfqu'ils recurent le Saint Efprit en forme de » hngue de feu. Cet adverbe pariter montre que » les Apotres attendant ce grand & augufte bé» néfice étoient tous unis & conformes en volonté; » 8c foumis a celle de leur bon maïtre j qu'il nous » en falloit ainfi ufer a 1'imitation de ces faints » perfonnages, fi nous defirions recevoir les graces » du Saint-Efprit. Au refte, qu'il étoit chargé de » nous aYertjr que deux de chaque gouvernement  ïiö E tj -a t s >> de leur ordre avoient été députés pour remer» cier le roi de ce qu'il lui avoit plu de faire 1'ou»■ verture des Etats, que c'étoit a neus d'avifer fi » nous defirions faire le même, & que M» lö » cardinal de Sourdis porteroit la parole». M. Miron lui répondit a - peu - prés en cettè , forte '• «q»e le tiers-état remercioit très-humble» inent MM. du clergé, de'1'afFedion paternelie » qu'ils lui témoignoient, 1'invitant a ce pain'des » anges, a cette pature célefte , par le moyen de » laquelle nous fommes unis avec Dieu ; que-j » tant a caüfe du bon avertiifement qu'ils lui » faifoient comme peres fpirituels, que de la » rencontre du jour auquel la vie & les adions » de tant de faints perfonnages nous étoient pro-^ » pofées pour imitation & exemple de vertu , il » 1'affuroit que notre compagnie fe difpoferoit a » fuivre & cfFeduer fes bonnes & faintes exhor^ » tations, lefquelles produifant de la dévotion aU » cccin de chacun de nous; lui, pour avoir été >> employé en cette charge & délégation , eri » recevroit un particulier fruit du ciel ■, & nous » en général, des louanges immortélles, jointes » au vccu que nous proteftions d'être, a 1'endroit » de tous melfieurs du clergé & de' lui , très» humbles & très-obéiffans 'ferviteurs ». Ledit fieur évêque fe ret'ira,'ayant été conduit '&c reconduit, ainfi que' les précédentes fois. Voti  sous Louis XIIÏ. a\ députa enfuite deux de chaque gouvernement pour aller, avec meffieurs du clergé & de la nobleffe , remercier le roi, conformément a ce qui avoit été propofé par ledit fieur évêque; & autres douze , pour aller femblablement remercier Meffieurs du clergé de la bonne volonté qu'ils nous témoignoient. En la même matinée , M. Miron dit qu'il avoit été chargé du roi de propofer en notre affemblée le défordre qui s'étoit gliffé depuis quelque tems au fait des monnoies , pour le furhauffement qui fe trouvoit en Tor , principalement aux piftoles St certaines pieces de trente fols dor , qu'on mettoit pour cinquante, Sc autres pieces qu'on faifoit valoir quatre livres deux fols, & auffi en certaine monnoie blanche étrangere , qui fe mettoit a beaucoup plus haut qu'elle ne valoit. II fut advifé que la matiere étoit de telle importance , qu'elle méritoit bien d'y penfer ; & pour eet -effet, qu'on la remettroit au premier jour, non pas pour en délibérer, mais pour favoir Ti Ton en délibéreroit. Le fujet de cette réfolution fut, qu'il n'étoit pas raifonnable de réfoud: e des articles de telle importance , fur le fimple dire de M. Mircn , fans en avoir le mandement par écrit du roi; & quand il y en auroit mandement par écrit, que eet articie fe trouveroit. dans beaucoup de cahiers des pro-  iü Etats vinces, fur lequel raffemblée feroit drek en la conférence d'iceux : ainfi cette propofition fut de nul effet pour 1'heure. Le député de Chateauneuf étoit entré en notre chambre avec la robe &c le bonnet; mais les députés de Chartres s'y étant oppofés , il fut contraint de fortir, afin de donnet force a ce qui avoit été arrêté en notre compagnie, fur le fujet de leur difFérend, dont il a été parlé ci-deflus. II fut encore avifé , qu'en la première féance 1'on feroit leclure , en la préfence de 1'affemblée , de tout ce qui s'y étoit paffé, & qui y avoit été réfolu depuis la première affemblée jufqu'alors. Du premier Novembre iGiq. Le famedi premier jour de novembre , tous les députés, tant de 1'églife, de la nobleffe, que du tiers-état, s'affemblerent aux Auguftins, fur les huit heures du matin, chaque ordre en fa chambre; & de-la tous enfemble entrerent dans le cloïtre, dans le chceur, par une petite porte qui eft en 1'oratoire de la reine Marguerite , n'y ayant point d'autre porte ouverte, pour éviter la foule. II y avoit a droite , a gauche , grande quanrki de bancs, couverts de tapis verds, fur lefquels les députés s'affirent •, favoir, MM. du clergé, a la droite,  soüs Louis XIIï. 1I} droite, proche 1'autel, le tiers-état derrière eux; les hautes chaires des deux cótés étoient vuides, & fervoient de paflage pour aller a la fainte communion. La meffe fut célébrée avec mulïque fort folemneliement, en laquelle officioit M. le cardinal de Sourdis, affifté de deux évêques, lequel fit mettre fa chaire du cöté de 1'évangile, fuivant le concile de Trente. La prédication fut faite par M. 1'archevêqüe de Lyon, qui dura environ une demi-heure , fur le fujet de la célébrité de la fête des Saints, & des prieres & interceffions que les catholiques leur adreffent. J'obferverai (ce qui eft très-fïngulier & remarquable) qu'il y avoir, parmi les députés de MM. du clergé , un pere Capucin, député du bailliage de Gex, paree qu'en ce bailliage, il y a fi peu de catholiques, que les peres Capucins font obiigés d'adminiftrer les faints facremens, & faire toutes les autres charges & fon&ions auxquelles les autres eccléfiaftiques font oblieés. La meffe parachevée , MM. les archevêques &C évêques fe préfenterent les premiers a la fainte table pour communier, & furent fuivis par les autres du clergé, felon le rang des bancs , en bel ordre. Après eux, firent de même MM. de la nobleffe, puis MM. du tiers-état; &, après aVoir communié , chacun s'en retourna a fa place. Ce Tornt XVL H  ii4 Etats fait, M. le cardinal donna 1'abfolution générale , après laquelle MM. du clergé fe leverent les premiers , Sc fortirent en ordre par une petite porte qui va dans le cloitre. La nobleffe fuivit, Sc le tiers-état après. II faut remarquer qu'il y eut débat entre M. de Rhodes, maïtre des cérémonies, Sc quelques-uns de MM. du clergé , fur ce que ledit fieur de Rhodes avoit fait mettre proche de 1'autel, douze hautes chaires Sc douze baffes, pour placer les plus relevés du clergé d'un cbté , Sc ceux de la nobleffe de 1'autre. La raifon de ce débat fut que MM. du clergé vouloient auffi qu'on en mit pour le tiers-état, au-deffous de celles qui étoient préparées pour la nobleffe \ ce que la nobleffe ne voulut point permettre , difant que le clergé fe devoit contenter des honneurs que la nobleffe lui déféroit, fans vouloir prendre en main la caufe pour le tiers-état, qui ne devoit en rien du tout être égalé a la nobleffe. Le clergé répondit ladeffus, que le tiers état étoit membre du corps univerfel de la France , Sc qu'il ne le falloit pas mettre fi bas, comme s'il étoit compofé de la feule lie du peuple , d'autant qu'il fe trouveroit dans icelui beaucoup de nobles, qui faifoient profeffion de rendre juftice au clergé & a la nobleffe f Sc , partant, qu'il devoit être participant des hon* neurs. Cela fut caufe qu'on öta toutes les chaires,  sous Louis XIII. n| pour éviter tout différent; &c on fs contenta de s'affeoir fur des bancs, comme j'ai dit. Ici le tiersétat a de 1'obligation au clergé, pour le témoignage de 1'affiftance qu'il lui a rendue en cette aétion. Le mardi matin, quarrieme jour dudit mois , par commandement dudit M. Miron, préfident, le fieur Halé, fecrétaire , fit leclure , fuivant ce qui avoit été propofé 8c advifé en la derniere affemblée , de toutes les propofitions , réfolutions 8c délibérations , & généralement de tout ce qui s'étoit paffé depuis la première affemblée jufqu'alors. A mefure qu'il lifoit, il fe rencontroit toujours quelqu'un qui faifoit des proteftations, entr'autres, ceux de notre gouvernement de Lyon , ceux de Picardie, &c ceux d'Orléans, fur la préféance de ces gouvernemens. Ceux de Languedoc prétendoienc auffi avoir la préféance par-deffus ceux de Bretagne , &c ceux de Dauphiné par-deffus ceux d'Orléans, Picardie, Lyon & Champagne; la Provence, qui eft toute la derniere , ne contefta rien. Mais le plus grand différend arriva fur ce que MM. les échevins de Paris avoient fait infcrire , dans un papier hors le regiftre du greffier, certaines proteftations qu'ils vouloient être enregiftrées, qui dépendent de ce qui a été remarqué^ ci-deffus, touchant 1'élecTion de M. Miron en la charge de préfident du tiers-état. Par le regiftre, Hij  x 16 Etats il étoit porté que ledit fieur Miron avoit été nommé 6c élu par toute 1'affemblée en ladite charge , a condition qu'il feroit libre a 1'avenit de faire choix &c éledtion de telle perfonne que les provinces aviferoient, fans que le prévöt des marchands de Paris put, en facon quelconque, prétendre cette qualité ès Etats qui fe convoqueroient a 1'avenir, comme fi elle étoit attachée a ladite charge de prévöt des marchands •, mais que le choix qui avoit été fait de fa . perfonne, étoit fondé fur fon mérite & fes vertus , 6c non fur ladite charge de prévöt des marchands ; ce qui avoit été par lui accepré. Lorfque cette lecture fe fit, ledit fieur Halé prit un papier qu'il lut, par lequel les échevins de la ville de Paris protePcoient le contraire de cette éleétion, comme voulant prétendre que le prévöt des marchands étoit préfident-né ès Etats-généraux pour le regard du tiers-ordre. Alors chacun fe leva avec grand bruit pour faire rejeter de telles proteftations , comme ayant ladite éleótion été faite fous les conditions ci-deflus, 6c acceptée par le fieur Miron, en la préfence defdits fieurs échevins , qui n'en avoient rien dit. L'affaire mife en la délibération des douze gouvernemens, il fut opiné par M. le lieutenant-civil, felon fa facilité accoutumée, que ce qu'il avoir écrit dans le regiftre demeureroit, &c que les proteftations des échevins de Paris fe-  sous Louis XIII. 117 roient rejetées. La Bourgogne, Guyenne, Bretagne , la Champague, le Languedoc , Lyon, Picardie , Orléans , Dauphiné & Provence fuivirent 1'opinion de M. le lieutenant - civil, député pour la prévöté de Paris. Ainfi il doit demeurer pour conftant que Paris n'a aucune fupériorité par-deiTus les autres provinces qui ont même droit & voix de nommer telles perfonnes que bon leur femble, fans s'attacher a la qualité de prévöt des marchands de la ville de Paris. L'après-diner dudit jour, M. le préfident déclara que M. le chancelier lui avoit envoyé Ie fieur de Flecelles, greffier du confeil, pour lui dire que s'il y avoit aucuns différends pour le regard des députations , rangs & féances des députés du tiers-état, ils les joigniffent avec les mêmes différends que ceux du clergé & de la nobleffe avoient au confeil, pour promptement y donner réglement, afin qu'on commencat de bonne heura a travailler aux cahiers. Sur cette déclaration , il fut réfolu par la pluralité des voix des gouvernemens que les parties % pour raifon defdits différends , fe pourroient pourvoir au confeil; néanmoins que la compagnie aux occurrences y pourvoiroit par provifion, & que ce qui auroit été jugé & arrêté , feroit exécuté provifoirement, jufqu'a ce que le confeil eut ordonné fur le princigal. Enfuite il fut avifé d'appelex 3 par noms , fur- Hiij  ïiS Etats noms Sc qualités , les députés de chacun bailliage , pour voir qui feroit bien ou mal député •, Sc aufïi pour connoitre quels différens il y auroit touchant les rangs Sc féancés. Le premier différend fut mü entre le député de Macon Sc celui de Charolois, pour la préféance. Sur quoi fut réfolu que le Charolois avoit la pré(eance au deffus du Maconnois, fuivant les derniers Etats tenus en 1588. Le fecond fut entre les députés de la ville 8c bailliage de Rouen 8c les députés de la ville Sc bailliage de Caen : les uns & les autres prétendoient avoir deux voix ; favoir , ceux de Rouen, pour la ville , une voix , 5c encore une autre pour le bailliage, a 1'exemple de cJelle de Paris , en laquelle, par privilege , Tlfle-de-France avoit une voix, 8c la prévöté Sc vicomté de Paris, une autre. Ceux de Caen prétendoient le même , 8c fe fondoient fur ce que leur ville étoit exempte de tailles. Enfin, il fut réfolu, a la pluralité des gouvernemens ( les parties s'étant retirées hors de la chambre ), que Rouen & Caen n'auroient que chacun une voix. Le troifieme fut entre le député de la fénéchaufiee de la ville de Bordeaux , 8c 1'un des jurats » de ladite ville. Sur ce que le fieur de Böucaut, confeiller au préfidial de ladite ville, député de ladite fénéchaufiee, maintenoit que le fieur de  sous Louis XIIL 119 Clervault, avocat au préfidial, Sc député, en qualité de jurat, pour ladite ville, n'étoit député , Sc 1'interpelloit d'exhiber fon pouvoir Sc fa miffion, fans laquelle il ne pouvoit avoir aucune entree en la chambre. Ledit jurat exhiboit un arrêt donné au confeil du roi, par lequel il avoit été dit que 1'un Sc 1'autre demeureroient légitimement députés, Sc ne feroient qu'une voix; que le jurat auroit la préféance en la chambre, Sc ledit fieur Boucaut la parole, Sc feroit porteur du cahier de ladite ville Sc fénéchaufiee. Ledit fieur, Boucaut conteftoit eet arrêt, Sc difoit qu'il étoit donné fur fimple requête, qui ne lui avoit été fignifiée, Sc qu'au furplus les arrêts ne députoient pas mais qu'il falloit avoir une miflion des villes Sc communautés. Enfin, la nuit étant venue , M. le préfident prononca que les parties mettroient leurs pieces entre les mains de MM. les évangéliftes, pour en faire leur rapport au lendemain. II eft a remarquer que, jufqu'a ce jour , la voix Sc la parole de ce qui avoit été délibéré au gouvernement de Lyon, avoit toujours été portée devant toute i'alTemblée par le fieur Gafcoing , comme lieutenant-général de Saint-Pierre-le-Moutier, premier Sc plus ancien bailliage, non-feument dudit gouvernement, mais de toute la France. Néanmoins, d'autant qu'on avoit réfolu de déférer tour-a-tour les honneurs qui fe faifoient a .1'alTem- Hiv  Etats blée , 1'on jugea, par même moyen, que chaque bailliage dudit gouvernement a fon tour, felon fon rang & antiquité , porteroit la parole ; ce qui fut facilement confenti par les fieurs Gafcoing & Rapine, députés dudit Saint-Pierre-le-Moutier , a 1 exemple des autres gouvernemens, qui en ufoient ainfi 5 de facon que , pour cette journée , M. de Chamfeu , préfident en la généralité de Moulins , député de ladite ville, porta la parole de ce qui avoit été réfolu en notre gouvernement. Enfuite de quoi je remarquerai femblablement une difficulté qui fut faite par les fieurs de Murat, lieutenant-général de Riom, & Savaron, préfident au préfidial de Clermont, tous deux députés d'Auvergne , a 1'encontre defdits fieurs Gafcoing , lieutenant-général, & Rapine, député de SaintPierre-le-Moutier, difant que leur fénéchaufiee étoit beaucoup plus ancienne que notre bailliage, &c plus digné de préférence , a caufe de fa dignité, que notredit bailliage , d'autant qu'il y avoit deux évêchés dans 1'Auvergne, force feigneurs de qualité éminente & relevée , plus une grande étendue de pays , ce qui ne fe trouvoit pas en Nivernois; que leur fénéchaufiee étoit plus ancienne que notre bailliage, étant établie du tems de Philippe-Augufte ; &i, pour davantage confirmer cette antiquité, que lemotdefénéchaufleelatémoignoitaiTez, lequel étoit en ufage en la première lignée de  sous Louis XIII. izi nos rois , &c celui de bailliage na été inventé cp'en la feconde. Ce furent les principaux points déduits contre nous par le fieur Savaron, homme de grande érudition. Nous lui difons a rencontre , que, du tems du même roi Philippe-Augufte , la! juftice, qui étoit en ce tems-la ambulatoire , fut faitefédentaire par 1'établifiementdes quatre anciens bailliages de France, Macon, Sens , Saint Pierrele-Moutier & Vermandois ; qu'avant eet établiflement , le roi Louis-le-Jeune, en 1177, s'étant affocié avec le prieur de Saint-Pierre-le-Moutier, établit en ladite ville un prévöt royal, étant pour lors 1'Auvergne poffédée par un feigneur : que, pour montrer cette vérité a 1'ceil, c'étoit la puiffance que le juge royal de Saint-Pierre-le-Moutier avoit d'exercer dans 1'Auvergne la jurifdiclion des cas royaux , comme il avoit encore dans le Bourbonnois, Berry & comté de Nivernois , en témoignage de quoi on lui avoit réfervé des villes dans lefdites provinces, qui reflbrtiffoient audit lieu de Saint-Pierre, pour remarquer fon antiquité, comme la ville de Cufient dans TAuvergne, Naves en Bourbonnois , & en Berry, Lezé. Que de s'arrêter aux mots de Sénéchal & de Bailli., cela n'étoit point confidérable , d'autant qu'ils fe prennent aujourd'hui indifféremment , quoique Joannes Faber, in l. un. cod. de Offic. comit. rer.privat. remarque qu'anciennement les fénéchaux étoient  ïiz Etats feulement officiers des feigneurs, & les baillifs, officiers royaux-, en laquelle fignification, fi oh vouloit aujourd'hui prendre le mot de fénéchal, toujours le fénéchal d'Auvergne devroit-il céder au bailli de Saint-Pierre-le-Moutier : l'un,'pour fignifier un officier royal, 1'autre, feigneurial , tel comme avoit été celui d'Auvergne , avant qu'il fut réuni a la couronne •, alléguant outre ce la poffeffion des Etats précédens, Tours, Orléans & Blois 1571? & 1588, auxquels ie bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier avoit toujours eu la préféance par-deffus celui d'Auvergne. Sur ces raifons de part & d'autre, M. Savaron me dit qu'il ne vouloit mouvoir ce différend en public, mais qu'il fe contenteroit de faire fes proteftations , comme elles avoient été faites aux Etats précédens. Le mercredi cinquieme dudit mois de novembre, MM. le lieutenant-général de Limoges , & ClapilTon , échevin de Paris, ayant fait le rapport des pieces concernant le différend des députés de Bordeaux, il fut arrêté en la compagnie, par la pluralité des gouvernemens , que Tarrêt donné au conTeil Teroit exécuté, & néanmoins qu'on feroit remontrance au roi fur le fujet dudit différend , afin qu'on n'étendk point les droits des villes fi avant qu'elles portaflent préjudice aux baillifs &c fénéchaux.  sous Louis XIII. 123 La propofition des monnoies mife en avant le 3 1 du mois précédent, par M. le préfident Miron, de laquelle il a été parlé ci - deflus , fut renouvelée, fur laquelle il fut réfolu, a la pluralité des gouvernemens , qu'attendu qu'il y avoit beaucoup de cahiers qui parloient du fait des monnoies , qu'on attendroit la compilation defdits cahiers pour en réformer 1'abus ; cependant que ledit fieur étoit prié de ne plus recevoir aucune propofition de la part du roi, finon qu'elle fut par écrit, ou qu'elle fut demandée dans les Etats par quelqu'un qui fut commis & député de fa part. M. 1'évêque de Luflbn vint cette matinée en notre charribre, affifté de quatre eccléfiaftiques ; lequel fut recu comme les autres précédens. Il dit qu'il avoit été député par le clergé , pour nous faire ëntendre deux propofitions réfolues en leur chambre : la première, « de faire prêter ferment » folemnel aux députés de travailler faintement » (pour la gloire de Dieu, le fervice du roi Sc » foulagement du peuple) aux cahiers, Sc de ne » révéler en fagon quelconque , ce qui feroit avifé » aux chambres ». La feconde, « de venir deux fois le jour en » ce lieu des Auguftins, a favoir , la matinée » depuis huit heures jufqu'a onze ; & de relevée, •> depuis deux jufqu'a quatre, a la réferve du » jcudi & famedi 1'après-diner, efquels jours feroit  i24 Etats » donné relache pour faire d'autres affaires,'ainfi » que chacun aviferoit ». Ce que le clergé nous faifoit favoir par fa bouche pour nous témoigner combien il defiroit procurer le repos & le loifir de chacun. M. le préfident Miron lui répondit que pour le regard de la première propofition la compagnie n'y pouvoit encore fatisfaire , d'autant que les pouvoirs n'étoient pas vérifiés, au moyen de quoi, 1'on ne pouvoit fi tot reconnoitre les vrais députés; que pour la feconde, la compagnie fe conformeroit toujours au bon vouloir & intention de MM. du clergé, comme de leurs peres communs. Et après, ledit fieur évêque de Luffon s'en retourna, accompagné comme il étoit venu. La-defius M. Miron fupplia la compagnie de lui accorder quelques jours de la femaine pour vaquer au parlement. II fut avifé que le mardi & le famedi au foir on n'enrreroit point. A deux heures de relevée dudit jour, Ion continua d'appeller les députés par noms3 furnoms & qualités. Le quatrieme différent concernoit la députation de celui qui avoit été député de la ville d'Uzerches au bas Limoufin, qui lui fut mü par Ie lieutenant général de Brives & par celui de Tullesj ils difoient cue ce député d'Uzerche ne pouvoit  sous Loüis XIII. n$ avoir une députation, d'autant qu'elle n'étoit pas faite devant le lieutenant général de Brives, auquel s'adreffent les lettres du roi pour la convocation des Etats , que feu fon pere avoit été député & avoit accepté la députation en ce qu'il avoit prêté ferment •, qu'il étoit mineur de vingtcinq ans, & partant, ne pouvoit être recu en cette grande & notable affemblée, en laquelle il falloit des perfonnes d'age compétent , de mürjugement & d'expérience. II répondit a cela, que de toute ancienneté la convocation des Etats avoit toujours été faite en ladite ville , comme plus ancienne & la plus commode de toute la province. Que néanmoins, fur quelques difficultés , il avoit été ordonné par le roi qu'elle fe feroit en la ville de Tulles, en laquelle feu fon pere avoit été député, a cette condition que fi, a caufe de fa caducité & indifpofition, il ne pouvoit fe tranfporter aux Etats, fon fils iroit en fa place, & que c'étoit fous cette condition que fon pere avoit prêté ferment; mais que depuis il étoit décédé , tellement que lui, qui étoit fon fils, avoit auffi prêté'ferment; & que pour le regard de fon age , il lui étoit objeclé mal -a-propos , d'autant que ce défaut étoit couvert, paree que ceux qui 1'avoient nommé n'étoient pas ignorans de fon age , le reconnoiffoient gffez, &c avoient paffe par-deffus cette'confidéra-  ai6 E t a T s tion ; de plus, que la minorité étoit bien un moyen pour empêcher qu'un jeune homme ne fiït admis en une charge de judicature ou autres •, mais que depuis qu'il y étoit admis & regu , lage n'étoit pas un moyen valable pour 1'en faire rejeter; qu'il étoit avocat au parlement de Bordeaux, & qu'il s etudieroit a faire en forte que le public auroit fujet de fe contenter de lui. Le différend mis a la pluralité des gouvernemens, il fut réfolu que le lieutenant général de Brives , celui de Tulles, & celui d'Uzerche, demeureroient tous trois députés, & néanmoins qu'ils n'auroient qu'une voix. Le cinquieme différend fut mu par les bailliages de 1'Ifle de France, contre le fénéchal de Soiffons , pour la préféance. Les bailliages difoient, que le lieutenant général de Soiffons étoit de nouvelle création, d'autant qu'il y avoit fort peu de tems que le bailliage & préfidial de Soiffons avoient été érigés 5 qu'eux au contraire étoient de bien plus ancienne création , ce qui ne pouvoit recevoir de contrad dion. Le lieutenant-général de Soiffons difoitque ladite ville étoit fort ancienne, & avoit eu 1'honeur d'être donnée aux anciens rois de France, qui fe nommoient rois de Soiffons; qu'il y avoit environ deux eens ans qu'elle fut touta-fait ruinée par le feu ; néanmoins qu'elle avoit été rsftituée & confirmée en fes anciens honneurs,  sous Louis XIIL 127 privileges Sc prérogatives, par le feu roi Henri-, le-Grand d'heureufe mémoire. L'affaire mife en délibération des gouvernemens , il fut arrêté que le bailliage de Soiffons feroit infcrit tout le dernier, du jour de fon éredion. Le fixieme différend fut entre le lieutenant de Fontenai-le-Comte en Poitou, Sc le député de la ville de Poitiers, qui étoit avocat. Par fade de la députation , qui s'étoit faite en la ville de Poitiers, capitale de tout le Poitou, il étoit porté que ledit avocat, comme député de Poitiers, feroit le premier député , & celui de Fontenai le fecond: néanmoins ledit lieutenant de Fontenai difoit, qu'a caufe de fa qualité qui étoit plus reievée que celle dudit avocat, il deVoit être le premier député; i'autre difoit qu'il étoit député de la ville capitale en laquelle la convocation avoit été faite de ceux de Fontenai, 'vilH reffortiffante en celle de Poitiers. Donc , puifque Poitiers avoit plus de marqué que Fontenai , il devoit, en 1'afTemblée, tenir le rang que Poitiers méritoit ; en laquelle affemblée 1'on ne confidéroit pas la qualité des députés, mais la forme de la députation. Cette affaire mife en délibération , il fut dit par les gouvernemens qu'on fuivroit 1'ade de députation en la forme qu'il avoit été concu. Le feptieme différend, qui fut excité avec plus de folemnité Sc dattention, fut mü par les fieurs  ïi8 Etats Savaron & de Murat, députés de Clermont &c de Riom en Auvergne, contre les députés des bailliages de Saint-Pierre-le-Mouftier, Bourbonnois, Forez , Beaujolois ,pour la préféance. II fut fait un très-doéte & éloquent difcours par ledit fieur Savaron, préfident de Clermont, par lequel il rehaufioit 1'antiquité & dignité du pays d'Auvergne , fuivant les raifons dont j'ai parlé ci-deflus, lefquelles il déduifit devant toute 1'aflemblée avec une profonde doctrine, quoiqu'il nous eut promis de faire une fimple proteftation. Le fieur lieutenant-général de Saint-Pierre-le-Mouftier, y répondit par les moyens ci-devant remarqués, fondés principale ment fur la pofleffion en laquelle le bailliage dudit Pierre-le-Mouftier s'étoit confervé ès Etats-généraux de Tours eni'an 1483 , en ceux des années 1560, 1576 & 1588, au préjudice de la fénéchaufiee d'Auvergne, qui avoit toujours cédé a 1'antiquité dudit bailliage. Le Bourbonnois &c autres bailliages employerent les mêmes moyens contre la fénéchaufiee d'Auvergne ; de forte qu'enfin, la nuit qui étoit prochaine fit retirer la compagnie. Et le jeudi fixieme dudit mois au matin , nous remontrames pourle bailliage de S. Pierre-le-Mouftier, que fi la compagnie fe vouloit arrêter a la queftiou de droit pour favoir fi le bailliage d'Auvergne étoit plus ancien que celui de Saint-Pierre, nous la-  sous Louis XIII. 129 ia fupplions de nous donner du tems pour juftifiex des pieces qui éclairciroient cette conteftation , laquelle nous ne pouvions pas prévoir nous devoir être faite par ceux qui avoient avoué notre poffefïïon par quatre tenues d'Etats. Ceux de Bourbonnois maintenoient leur antiquité par leurs ducs, qui étoient ducs de Bourbonnois & d'Auvergne, 8c qui néanmoins avoient toujours fait leur demeure dans la ville de Moulins , a laquelle toute f Auvergne rendoit compte. En ces entrefaites, les députés de Lyon 8c du plat pays de Lyonnois, fur f empêchement que tout le gouvernement leur avoit fait en ce qu'ils vouloient avoir deux voix , Tune pour le prévót des marchands de Lyon, lauwe pour les députés du plat-pays, voulurent brouiller les cartes, 8C mainrenir la dignité, grandeur, fortereffe , antiquité 8c nobleffe de leur ville, pour devoir être confidérée par-deflus Saint-Pierre ie-Mouftier , Bourbonnois, Forez, Beaujolois 8c 1'Auvergne ; 8c ajoutoient qu'elle tenoit le fecond lieu après la ville de Paris, capitale du royaume, leur maifoa de ville étant ornée des mêmes privileges 8c prérogatives que celle de Paris; & au refte qu'elle donnoit la loi pour le fait du commerce 8c marchandife a tout le refte de la France; que leur ville n'avoit point été cenquife par les armes des Francois, mais qu'elle s'étoit librement donnée a Tomé XVL I  130 i Etats Ia monarchie , laquelle étoit confervée par le rempart de ladite ville du coté d'Allemagne, des SuiiTes Sc de lTtalie. Contre ce nouvel objet non prévu, nous employames toujours notre pofTefTion , laquelle fe devoit regler par les Etats ci-devant tenus, fur lefquels la compagnie s'étoit arrêtée en plufieurs différends , notamment fur ceux de 76 Sc 88. Savaron pour 1'Auvergne, répliqua principalement contre les Lyonnois. II difoit qu'il ne falloit pas tirer 1'origine de la ville de Lyon de plus loin que de Plancus Manutius , citoyen romain, qui en fit une colonie , en quoi étoit marquée la fervitude des Lyonnois, qui étoient fous le joug des Romains. Au contraire , que les auteurs de la puiffance remarquoient que les Gergeois ou Auvergnacs avoient toujours confervé leur liberté, fans être fujets a autrui, Sc appeloient les Lyonnois, mancipia togata. Contre les Bourbonnois , il rapportoit 1'hiftoire de Coquille , qui appeloit le pays de Bourbonnois ouvrage de marqueterie , fait de plufieurs pieces rapportées, notamment de 1'Auvergne \ que Moulins avoit autrefois été appelé , la feigneurie de Moulins en Auvergne, Sc n'avoit aucune marqué qui lui dut attribuer de prérogatives par-deffus 1'Auvergne , d'autant qu'il n'avoit point de clergé ni d eyêché , étant en partie du diocefe d'Au-  sous Louis XIII. 131 vergne, partie du Berry } partie d'Autun, & partie de Nevers. Enfin , ce différend mis en délibération des onze gouvernemens, d'autant que tout le Lyonnois étoit en contraire , il fut réfolu que tous lefdits bailliages demeureroient au rang qu'ils avoient été aux Etats précédens, fans préjudicier aux droits des parties , Sc par ainfi les Auvergnacs perdirent leur caufe. Le huitieme différend fut mü par ledit fieur Savaron , préfident de Clermont , contre ledit fieur de Murat, lieutenant-général de Riom, fur ce que le fecrétaire du tiers-état avoit enregiftré le nom & qualité dudit fieur de Murat avant celui dudit fieur Savaron. De Murat difoit pour fes raifons qu'il reconnoiffoit bien que la ville de Clermont étoit la capitale de 1'Auvergne-, mais que la fénéchaufiee d'icelle étoit de nouvelle éreclion, a favoir , en 1'an 15 5 2 •, que la fénéchauffée d'Auvergne qui pour quelque tems s'étoit exercée dans Montferrand , Sc établie depuis a Riom, étoit bien plus ancienne, a. favoir , de 1'an 1345 •, que lavraie fénéchauffée d'Auvergne étoit celle de Riom , & au contraire, que celle de Clermont ne pouvoit être dite fénéchauffée d'Auvergne , mais fénéchauffée de Clermont en Auvergne. Le fieur Savaron difoit, qu'en cette acTion il «c falloit pas confidérer 1'antiquité des fénéchauf-  ïyi Etats fées, mais de la ville capitale de la province; que Clermont étoit tel, Sc par conféquent que fon nom Sc fa qualité devoient être premiérement infcrits dans le regiftre ; que fi 1'on vouloit juger par 1'antiquité des fénéchauiTées , il fe trouveroit que celle de Clermont étoit la plus ancienne , paree qu'auparavant l'ére&ion dé celle de Riom, qui n'étoit que de 1'an 1345 , il fe trouvoit des adreffes au fénéchal d'Auvergne, qui ne pouvoit être celui de Riom, ne tirant fon antiquité de plus loin que de deux eens ans; c'étoit auparavant ce tems-la un village, n'ayant aucune marqué de ville ni de dignité; partant qu'il falloit inférer , que telles adreffes étoient faites au fénéchal d'Auvergne, d'autant qu'il eft vraifemblable que la juftice étoit exercée dans la ville capitale du pays •, que fi 1'on confidéroit la dignité de 1'une Sc de 1'autre ville , toutes deux auroient fénéchaux Sc prëfidial, Sc que celle de Clermont avoit le fiege épifcopal, le reffort des jurifdidions de 1'évêque, Sc des trois plus fignalées villes de 1'Auvergne ; mais qu'il falloit juger ce différend felon les termes de 1'arrêt donné entre les parties en la ville de Nantes , le roi y étant , par lequel il étoit dit, que les Etats particuliers de la baffe Auvergne feroient convoqués en la ville de Clermont, en laquelle le lieutenant de la ville préfideroit pour la première fqis, le pro-  sous Louis XIII. 133 cureur du roi en la ville de Riom- requerroit, & que ledit de Murat auroit la droite, &C 1'autre jour d'après , que ledit de Murat préfideroit •, & lui Savaron feroit a fa droite , &: le procureur du roi a Clermont requerroit ; que eet expediënt témoignoit que comme il avoit préfidé le premier, auffi que fon nom & qualité devoient être enregiftrés premiérement; que pour le regard de la parole, qu'ils avoient pris 1'expédient de M. de Joinville, leur gouverneur, de parler a tous- 1'un après 1'autre. La réfolution de ce différend fut remife a deux, heures de relevée, a raifon de ce que ledit Savaron fut interrompu par 1'arrivée de meffieurs du clergé, qui vinrent en notre compagnie faire la propofition qui enfuit: M. 1'évêque de Beauvais, fils de M. le préfident Potier de Blanc-Menil, affifté de trois eccléfïaftiques , fut conduit, comme les précédens évêques , par ceux de notre ordre députés a eet effet. II repréfenta 1'inconvénient & les malheurs qui étoient arrivés ès grandes affemblées & congrégations, que Gregoire de Na^ian^e fembloit avoir blamées, a. raifon qu'il étoit dans un tems tumultueux , & brouiüé par la divifion qui naiffoit des fréquentes héréfies, lefquelles fe gliffoient ' facilement dans les cceurs de ceux qui s'entremêloient en telles affemblées; mais qu'il ne falloit prendre 1'opinion de Gregoire de. Nazianze pour I iij  134 Etats réprouver cette belle, grande &c notable afTemblée, des plus remarquables qui furent jamais fakes en France, congrégées, non pour recevoir de la divifion en tems du tout tranquile & paifible , par la grace de Dieu, édifiées fur bons fondemens, établis par la prudence de Henri le grand, continuées fous 1'heureux régne du roi fon fils, fous la conduite de la reine mere 8c par fa prudence ; mais pour produire un fruit fignalé, duquel le gout devoit être agréable a Dieu, xendre du contentement au roi, conferver les prérogatives de 1'églife 8c de la nobleffe, 8c apporter de 1'utilké 8c du repos au tiers-ordre, qu'ils avoient en pareille confidération qu'eux-mêmes, comme faifant partie inféparable du corps univerfel de 1'état. Qu a ce moyen il avoit été député de fon ordre pour nous mettre en avant une propofition réfolue en leur chambre , qui étoit de s'affembler toutes les matinées en ce lieu des Auguftins pour tirer des cahiers d'un chacun des députés (foit de leglife, de la nobleffe & du tiers-état), 8c a futilité publique , qui ne concemeroient en particulier 1'intérêt du clergé, de ia nobleffe ni du tiers-état, pour être réfolus par les trois ordres , 8c pour, fur le jugement 8c décifion d'iceux, demander commiffaires au roi, afin qu'étant promptement répondus, un chacun put avoir ce contentement de les emporter en fa province ; 8c cepen-  sous Louis XIII. 'ijs dant que les après-dïners , les gouvernemens ne laifferoient pas de travailler au refte des autres articles inférés dans leurs cahiers. Pour rendre cette propofition plaufible, il difoit que 1'expérience des Etats précédens nous avoit témoigné qu'ils avoient été du tout infruótueux, en ce qu'après que les cahiers avoient été réfolus, & mis entre les mains du roi, ils n'avoient été ou du tout point répondus, ou fort tard, comme il fe fit en foixante "& feize , auquel tems les cahiers ne furent pas mis en forme de loi, non plus qu'en 1'année 88 y que c'étoit le fujet de fa délégation, de laquelle le clergé attendroit notre réponfe, afin de fe conformer les uns avec les autres. M. Miron lui fit réponfe que les pouvoirs de notre compagnie n'étoient pas encore vérifiés, fur lefquels il naiffoit plufieurs difficultés; & qu'auffitöt qu'ils feroient vuidés, ils délibéreroient fur cette propofition, & feroient réponfe. Ainfi ledit fieur évêque s'en retourna fous la même conduite qu'il avoit eue en venant. II s'éleva lors un grand bruit en notre compagnie, les uns vouloient qu'on avisatfur cette propofition , comme très-plaufible , & ayant grande apparence ; les autres difoient que fous cette apparence , il y avoit quelque chofe de caché, & pcut-être de 1'injuftice. Que fi 1'on n'avoit point liv  1i6 Etats youlu recevoir les propofitions qui nous avoient été faites de la part du roi par la bouche dudit fieur Miron (comme celles des monnoies), a plus forte raifon Ton ne devoit pas recevoir celle-ci, a tout le moins fans y avoir bien penfé; car, difoit-on, c'eft peut être un artifice de quelquesuns du confeil, qui veulent avoir réfolution des Etats , de quelques points concernant les intéréts du roi, lefquels étant réfolus, 1'on congédiera 1'Affemblée, fans faire aucun bien au peuple; qu'il valoit donc mieux réfoudre les cahiers par ordre, ainfi qu'il avoit été pratiqué aux autres Etats! Les autres étoient d'un avis moyen entre 1'un Sc 1'autre, de paracbever le refte du röle, pour la vérification des cahiers, Sc décider le différent qui avoit été mü par les députés d'Auvergne, Sc qu'après 1'on parleroit de cette propofition, & fi on la devoit recevoir ou non. II y eut enfin telle confufion, que M. Miron s'étant mis en colere de ce qu'on le vouloit préfentement forcer de déiibérerfur cette propofition, il rompit 1'affemblée. Xe même jour, a deux heures de relevée, le fiéur Savaron paracheva fon dodte difcours qui avoit été interrompu en la matinée, par 1'arrivée dudit fieur évêque de Beauvais. Enfin 1'affaire mife en délibération des gouvernemens , (après que les parties fe furent retirées dans 1'anti-falle;  sous Louis XIII. 137 il fut réfolu qu'ils feroient enregiftrés en cette forte : Les lieutenans-généraux des fénéchaujfées du bas-pays d'Auvergne, & autres députés. Ces mots autres députés y furent ajoutés a caufe du f eur Thierry , échevin de Clermont, député de ladite ville, auquel on ne voulut point donner de nom dans ledit regiftre, püifque 1'on n'en donnoit point aux lieutenans-généraux qui avoient qualité plus relevée, laquelle il ne falloit point rabaiffer , pour relever les gens de courterobbe, ainfi que M. le lieutenant civil dit fur ce propos. Le neuvieme fut èntre le gouvernement de Guyenne & celui d'Orléans, pour favoir fous quel gouvernement les députés de Poitou comparoïtroient. Ceux de Guyenne difoient que le Poitou étoit un membre de leur gouvernement, & que de tout tems les députés s'y "'étoient rangés. Ceux d'Orléans difoient avoir obtenu arrêt du confeil depuis trois jours, par lequel ils difoient le différent avoir été vuidé a leur profit, & demandoient trois jours pour en juftifier; ce qui leur fut accordé , a la charge qu'oü, dans ledit tems, ils ne rapporteroient eet arrêt, le Poitou fe rangeroit dans le gouvernement de Guyenne. Je remarquerai en eet endroit, que par arrêt du confeil privé du roi , ou expédient donné par M. le chancelier , les gouvernemens de Picardie,  138 Etats Lyon & Orléans, qui étoient en différent pour la préféance, furent réglés & compofés, s'étant arrêté que Picardie iroit le premier, Lyon après, &c Orléans enfuite. Je n'ai pas vu 1'arrêt, mais depuis quatre ou cinq-jours, eet ordre s'eft pratiqué dans la chambre du tiers-état, fans aucune contradidion. Dauphiné eft le pénultieme, &C Provence le dernier. A 1'exemple des autres gouvernemens qui en avoient ainfi ufé, nous élümes & nommames un préfident &c un greffier dans notre gouvernement de Lyon , & fut élu pour préfident M. Auftrin, prévöt des marchands de Lyon , & lieutenant particulier au fiege préfidial dudit lieu, pour demeurer préfident feulement pendant le concert 8c compilation des cahiers de notredit gouvernement , 8c fans qu'il put prétendre feul les honneurs qui feroient départis & déférés a tous les députés dudit gouvernement en 1'affemblée générale de la chambre, felon que nous avions commencé a pratiquer. Pour greffier, fut élu M. de Chamfeu, tréforier général de France a Moulins. Eft a. noter que la ville de Lyon, &c ceux qui étoient députés du plat-pays de Lyonnois, demandoient a avoir deux voix dans notre gouvernement , ne plus ne moins que la ville de Paris; nous ordonnames dans notre dit gouverne-  sous Louis XIII. ment, que dans trois femaines, ils rapporteroient des pieces valables pour juftifier leur prétention , & cependant qu'en toutes les délibérations ils n'auroient qu'une voix ; ils montroient bien qu'ils avoient deux diverfes députations faites en divers tems, & montroient encore qu'ils avoient deux cahiers différens &z contraires en beaucoup d'articles , &c que par les Etats précédens, il y avoit eu des députés de la ville de Lyon , 8c encore des députés du plat-pays de Lyonnois , mais ils ne montroient pas qit'ils euflent eu deux voix. Le vendredi matin, feptieme dudit mois de novembre , fut vuidé le dixieme différent, formé par le député de Montargis, contre les députés de Blois, Mantes, Meulan , Dreux & Gyen* difant qu'il devoit être appellé immédiatement après Orléans, &c fondoit fon dire fur 1'antiquité. de la ville de Montargis, qui étoit ainfi appellée, Quafi inons regis^ & difoit qu'a 1'efcalier du chateau, il y avoit une place deftinée anciennement pour les maires du palais qui rendoient juftice. Ceux de Blois & les autres alléguoient 1'ordre tenu ès Etats de 1'an 1483, IJ7^ & 1588,^ par lefquels ils avoient été mis en rang devant Montargis, auxquels il falloit s'arrêter, comme on avoit fait ès autres différens, fuivant même ce qui en avoit été arrêté au confeil du roi, pour 1'ordre obferyé en la proceffion générale •, ainfi fut  14® E T A T S" jugé par le gouvernement, 8c prononce' par M. le préfident. L'onzieme différent arriva entre Ie lieutenant général & particulier de Clermont en Beauvoifis, fur l'acte de leur députation, mais il fut vuidé conformément a 1'arrêt du confeil, par lequel il avoit été dit qu'ils demeuroient tous deux députés. Le douzieme fut de favoir oü le lieutenant d'Etampesfe mettroit, favoir fi au gouvernement de 1'Ifle de France ou d'Orléans; mais d'autant qu'on laiffa a fon choix de fe mettre oü il voudroit, il demanda tems pour en délibérer, ce qui lui fut accordé. Le treizieme fut auffi de favoir oü le député de la Rochelle, qui étoit avocat du roi audit lieu, devoit comparoitre , ou fous le gouvernement de Guyenne, ou avec celui d'Orléans. Ceux de Guyenne difoient qu es Etats précédens, les députés de la Rochelle avoient comparu avec la Guyenne, 8c étoient du gouvernement de Guyenne , lequel s'étendoit par-dela Eayonne jufques dans 1'Lfpagne. Le député Rochellois difoit que ceux de la Rochelle n'avoient jamais comparu fous la Guyenne, le gouvernement de laquelle étoit borné par la riviere de Charente; que le Rochellois étoit un gouvernement a part, qui répondoit en toutes chofes au parlement de Paris, qui eft le par-  sous Louis XIII. 141 lement des pairs, entre lefquels eft la Rochelle , & de fait, que lui député étoit qualifié pair dc la Rochelle ; qu'il aimoit beaucoup mieux fe joindre au gouvernement d'Orléans, qui reifortiffoit a Paris, qua celui de Guyenne, qui étoit d'un autre parlement. II fut arrêté qu'il comparoitroit avec le gouvernement d'Orléans. Sur ces entrefaites, arriva le fieur de la Mothe , écuyer de la reine, qui demanda 1'entrée , & a parler a la compagnie. On le fit entrer & feoir fur un banc couvert d'un tapis qui étoit devant le bureau du fecrétaire, fur lequel ceux qui avoient quelque différend a propofer, avoient accoutumé de fe feoir. II dit que le roi 1'avoit envoyé en notre chambre pour dire a notre préfident, qu'il eut a fe tranfporter au Louvre fur les onze heures, avec qilatre de la compagnie, pour être informé de la volonté de Sa Majefté ; que le clergé &c la nobleffe s'y trouveroient en même nombre (auffi leur avoit-il porté le même jour un pareil ordre). Comme il fut forti fans être reconduit, finon a la porte de la chambre , on députa, avec M. le préfident, quatre des premiers gouvernemens; favoir, de 1'Ifle-de-France, Bourgogne, Normandie &c Guyenne. Les députés de Saint-Pierre-le-Moutier, entre lefquels j'étois, furent tot après au logis de M, de Seaux, fecrétaire d'état, ayant la charge de leur  141 Etats gouvernement, pour' efTayer de favoir quelque chofe de 1'intention de Sa Majefté. Et paree que 1'on fe doutoit aucunement que le roi avoit été averti de la propofition que M. 1'évêque de Beauvais avoit faite le jour précédent, laquelle étoit eftimée, de la plupart des mieux fenfés, très-périlleufe, &c a rejeter; ils lui en toucherent un mot, mais il ne dit autre chofe, finon que les Etats fe devoient roidir de tout leur pouvoir a foigner &c procurer le bien public , & auffi embraffer généreufement toutes occafions pour le fervice du roi. Ils fe tranfporterent enfuite chez M. de Villeroy, auquel ils rendirent leurs refpeéls; & s'étant ( par les termes de leur compliment) fait connoitre être députés de Saint-Pierre-le-Moutier, ledit feigneur leur fit très-bon vifage & agréable accueil, & les affura de fa faveur & affiftance en tout ce qui feroit de fon pouvoir. De-la lefdits députés allerent au logis de M. de Bellievre , procureur-général du roi, lequel s'étant enquis de ce qui fe pafloit dans la chambre du tiers-état, ils lui firent ëntendre la propofition dudit fieur de Beauvais, laquelle fembloit plaufible aux uns, & étoit grandement fufpecte & peu agréable aux autres ; il dit « que , quant a lui, il » 1'avoit trouvée trés - périlleufe & condamnable , » d'autant qu'elle étoit nouvelle & non pratiquée  sous Louis XIIL 143 » ès Etats précédens, Sc ne tendoit qu'a tenter » Sc éprouver la volonté de fon roi, duquel il » fembloit qu'on avoit défiance , inventée expref» fément Sc a deffein d'avoir quelque fujet de » mécontentement, fi le roi n'accordoit les articles » que ceux du clergé vouloient être préalablement » décidés Sc répondus par Sa Majefté , lefquels » feroient peut - être tellement déraifonnables Sc » importans contre fon fervice Sc la grandeur de » fon état, qu'il lui feroit impoifible d'y ëntendre » Sc de les répondre , & que, fur ce refus, 1'on » prendroit occafion de rompre , pour aller femer » un mécontentement par les provinces. De fait, » qu'on difoit que le premier article que le clergé » vouloit mettre en avant, étoit 1'obfervation du » concile de Trente , & 1'inquifition en France, » fujet pour faire naitre de la divifion dans le » royaume , a caufe de ceux de la religion pré» tendue réformée, qui emploieroient leur fang » Sc leur vie pour s'oppcfer a ce deffein, & que, )> pour parvenir a ce but, 1'on étoit averti que » le pape envoyoit fon nonce a Paris, pour dif» pofer le roi, Sc folliciter les Etats d'embraffer » Sc faire obferver le contenu audit concile, Sc » ainfi faifant, ruiner les libertés de leglife gal» licane, feules forces qui nous reftent pour » parer avec effet aux entreprifes de la cour ro» maine Sc aux continuelles menées Sc pratiques  i44 Etats » qui s'y font par les ennemis de la couronne a » 1'encontrê de nous ». Le fieur de 1'Aubepin, tréforier de France a Moulins , député du plat - pays de Bourbonnois , dit « qu'il avoit appris des prélats qui étoient pré» fens le jour précédent dedans la chambre du » clergé, que fur la propofition qui étoit dans » leurs cahiers, d'introduire en France le concile » de Trente, M. le cardinal du Perron avoit dit » que le roi défunt avoit recu 1'abfolution du pape, » a condition qu'il feroit obferver ledit concile » dans fon royaume •, mais que depuis, confidérant » le défordre qu'il apporteroit dans 1'état entre les » catholiques &c ceux de la religion prétendue » réformée, il avoit fupplié le pape de lui remettre » cette condition , & que lui, qui parloit, en » avoit porté la parole au pape ». A deux heures de relevée , M. le préfident Miron rapporta que la reine lui avoit dit & a fes députés, en la préfence du roi, qui avoit confirmé fes paroles, par lefquelles Sa Majefté nouslaifoit ëntendre «qu'on avoit fait quelque propofition » dedans nos chambres , de laquelle on pouvoit » tirer une défiance, que le roi , monfieur fon » fils, ne répondroit les articles des cahiers, )> que long-temps aprcs qu'ils auroient été » compilés; que ce n'étoit pas fon intention ; au » contraire , qu'elle nous promettoit de les faire » répondre  sous Louis XIII. 145 » répondre 11 favorablement avant que la compa» gnie fe départït, que chacun auroit fujet de fe » contenter , & que les députés s'en devoient » affurer ». A ces 'parolés , dignes d'un bon roi &C d'une vertueufe reine , chacun témoigna une tres-, grande joie & fatisfaclion. C'eft pourquoi 1'on mie en avant deux chofes, 1'une, de députer fix perfonnes de chaque gouvernement pour aller en la chambre du clercré, pour remercier MM. les eccléfiaftiques du bor foin qu'ils avoient de nous, par la communication &c conférence qu'ils nous avoient faites de leur propofition , fur laquelle nous n'avions pu plutöt leur faire réponfe , ayant été prévenus par la volonté du roi, qui nous avoit commandé de compiler nos cahiers en la forme ancienne. Cette députation fut faite ainfi qu'elle avoit été propofée &C réfolue. La feconde étoit-de députer fix autres perfonnages tirés des autres gouvernemens, pour aller Voir le roi & la reine , les remercier de 1'aflurance & promeffe qu'il avoit plu a Leurs Majeftés de nous faire répondre les cahiers. Quelques - uns étoient d'avis qu'il les falloit fupplier de fe reffouvenir de leur promeffe 5 mais eet avis dernier ne paffa point, comme mefféant, plein de défiance, & contraire a la confiance & a laffurance Tome XVI, K  itf E T A 2' .S que nous devons avoir aux paroles de nos rois. •L'on députa donc pour faire le remerciment. Et paree que le gouvernement de Picardie, en opinant, avoit trouvé bon de fupplier par même moyen le roi de donner furféance , pendant la tenue des Etats, 8c jufques a ce que les cahiers fuffent répondus, a toutes commifïlons , levées 8c recherches de deniers extraordinaires , par lefquels le peuple étoit vexé 8c tourmenté par les partifans qui, d'un denier, en tiroient dix ; plufieurs autres gouvernemens prirent gout a cette propofition , pour donner quelque avant-gout au peuple du fruit qu'il devoit efpérer des Etats. De forte qu'étant mife en délibération dans 1'affemblée, U fut arrêté que ceux même qui étoient députés pour aller vers le roi, lui feroient cette fupplication 8c requête; cependant , que les autres députés qui devoient aller vers le clergé , prietoient MM. de 1'églife de s'y joindre. Ceux qui avoient été députés pour aller vers la nobleffe lui faire ëntendre que notre compagnie avoit réfolu de s'affèmbler toutes les matinées en ce lieu des Auguftins , pour conférer des affaires communes, 8c les après-diners, vaquer a la compilation des cahiers, la prieroient femblablement de fe joindre avec le tiers-état, pour , tous enfemble , obtenir de Sa Majefté la furféance defdites commifiions  sous Louis XIII. Ï47 cxtraordinaires, afin que le peuple recüt quelque prompt foulagement, & qu'il ne fut innové aucune chofe pendant la tenue des Etats. Le famedi huitieme dudit mois au matin, ceux qui avoient été députés pour aller vers le clergé & la nobleffe, rapporterent avoir fait leur déiégation, &c que MM. du clergé avoient fait réponfe qu'ils fe joindroient très-volontiers au tiers-état, mais qu'il falloit être affurés, avant que d'aller vers le roi, des commiffions èc recherches extraordinaires & nouveaux offices créés &c érigés, afin d'en demander la furféance. Sur quoi fut avifé que chaque gouvernement en donneroit une lifte a celui qui feroit député de fa part. La nobleffe envoya le fieur de Bonnay, écuyer, feigneur du Beffay, député du bailliage de SaintPierre-le-Moutier , qui nous fit ëntendre que leur ordre fe joindroit bien volontiers avec nous, non pas pour demander feulement une furféance, mais 1'extirpation entiere defdites commiffions & nouveaux offices. Et après, conteftation fe mut entre le lieutenant-général de Senlis & celui de Beauvais. Celui de Senlis difoit que le député de Beauvais ne devoit avoir aucun rang ou féance , ni voix^ & qu'il ne devoit avoir cahier féparé de Senlis, d'autant que Beauvais, avant l'ére&ion du bailliage &c fiege , étoit dépendant de Senlis, &c y reffbrtiffbit; §c Kij  I48 Etats aux demiers Etats, 1'an 1588, il fut ordonné en la chambre du tiers-état, que Beauvais, a 1'avenir, ne feroit aucune convocation , mais qu'elle fe feroit a Senlis. Au contraire, le député de Beauvais difoit qu'il avoit bailliage Sc liege prélidial a part, qui ne répondoit ni ne reconnoilToit en rien du tout Senlis, que, par trois arrêts donnés au confeil-privé du roi aux mois de feptembre & d'odobre 1588, pendant la tenue des Etats, il avoit été dit que le député de Beauvais aurois féance, rang Sc voix délibérative , Sc cahiers a part, Sc par ces moyens , maintenoit fa préféance contre Senlis. II fut arrêté , par favis des gouvernemens, que , conformément aux arrêts, Beauvais auroit rang, voix Sc cahier a part. Ce différend vuidé , on avifa de prêter le ferment. M. le préfident, affis Sc découvert, paria en ces termes : « Nous jurons tous en nos ames i> de bien Sc faintement exercer nos charges de » députés, Sc y fervir le public religieufement , » le roi fidélement, &: de tenir fecret tout ce » qui fe paffera en cette affemblée ». Tous les députés, découverts & levés de leurs fieges , les mains élevées, le jurerent ainfi. M. le préfident propofa enfuite qu'il étoit expediënt de nommer deux hommes, 1'un pour faire la harangue au roi a la clöture des Etats; 1'autre, pour haranguer auffi a la préfentation qu'on feroit  sous Louis XIII. 14? a Sa Majefté du cahier général; & la raifen de cette nomination prématurée étoit, afin que ceux qui feroient nommés, euffent du temps pour fe préparer. Sur cette propofition, il y eut débat de favoir fi on opineroit par provinces ou par. bailliages. La province de Paris , celle de Guyenne & celle d'Orléans étoient d'avis qu'on y opinat par bailliages , afin qu'ils euffent plus de voix •, car , en ^ces trois provinces, il y a grande quantité de bailliages. Mais il fut réfolu, a la pluralité des voix qu'on y opineroit par provinces. M. le lieutenant-civil, qui defiroit infinimenr. d'être élu pour faire 1'acTion de la clöture , demanda s'il y falloit opiner préfentement, ou s'il falloit différer. II fut réfolu qu'on différeroit cette nomination. II demanda jufqu'a quand, afin qu'il cut moyen de faire fa brigue. II fut arrêté qu'on y aviferoit, après que les cahiers des provinces feroient compilés. Sur ces entrefaites, arriva un nommé le Jan, fei gneur du Vertaut, tréforier- général de France a Chaalons , qui demanda d'être ou*. On le fait entrer ; &, affis deflus le banc qui étoit proche le bureau du greffier, vis-a-vis, dudit fieur préfident , il dit qu'il fupplioit bien fort qu'une rer quête qu'il avoit en main fut lue. II la mit entre les mains du lieutenant-général de Limoges, &c Küj  ijo Etats le fit-on fortir. Lui dehors, le gouvernement de Champagne fe leva, & fupplia la compagnie que cette requête ne fut point lue, Sc qu'il feroit plus a propos qu'elle fut mife entre les mains de quelqu'un qui la verroit. L'on le rappelle ; & M. le préfident lui demande s'il a préfenté la même requête aux deux autres chambres. II dit qu'oui. Ledit fieur lieutenant de Limoges en fait leclure tout haut. Par cette requête, il remontroit qu'ayant vu qu'il fe faifoit une levée de deniers dans le pays de Rethelois, fans commifTion du roi, qui eüt paffé entre les mains des tréforiers de France a Chaalons , il auroit fait fon poffible pour empccher le cours de cette levée qui fe faifoit contre les formes, au préjudice de 1'autorité royale & du fervice de Sa Majefté ; ce qui avoit occafionné M. le duc de Nevers, fous 1'autorité duquel lefdits deniers étoient levés, de le faire prendre par cinq ou fix hommes de fa fuite, qui 1'auroient traduit de la ville de Chaalons en la maifon de la Cafline , ou il auroit été trois jours renfermé a la merci de plufieurs coupe-jarets , qui lui avoient fait le poil & la barbe a moitié •, Sc 1'ayant couvert d'un coqueluchon de vert Sc de jaune, 1'avoient mené par toutes les villes du Rhetelois, Sc de-la conduit a Charleville , qui appartient audit fieur duc de Nevers en fouveraineté : la oü étant, les officiers dudit lieu auroient prononcé un arrêt qui  sous Louis XIII. iji portoit que, quoique lui fuppliant fut digne de mort pour avoir dit a plufieurs fois que fon alteffe n'étoit fouveraine, Sc par ainfi fe feroit fait criminel de leze - majefté , néanmoins , pour eer- \ taines confidérations , fon alteffe lui remettoit la peine de la mort, Sc ordonnoit qu'il feroit mené par la ville avec la marotte en main Sc le coqueluchon en tête, pour faire connoitre a. tous Ia folie Sc indifcrétion des paroles pleines de mépris par lui fuppliant proférées, avec défenfes d'y plus récidiver , a peine de la hart. Defquelies paroles , quand bien le fuppliant les auroit dites Sc ■ proférées , les officiers de Charleville n'en pouvoient prendre connoiffance , n'ayant délinqué dans la fouveraineté dudit fieur duc, en laquelle il ne devoit être_ traduit (lui qui étoit officier du roi) en mépris Sc contemnement de 1'autorité royale. II requéroit donc très-humblement MM. des Etats, qu'il appeloitNoJJeigneurs , de fe joindre avec lui, afin d'en avoir juftice de la part du roi. La leéture de ladite requête émut plufieurs perfonnes de cette procédure •, mais de juftice contre un prince , il n'y avoit pas grande efpérance de 1'attendre ; auffi n'y eut-il point de réfolution pour lors, a raifon de ce que 1'heure fonna, Sc chacun fe retira, Sc que d'ailleurs la compagnie fut aflurée que ledit fieur de Vertaut avoit été défavoué K iv  \$i Etats par fes confrères de 1'injure qu'il avoit reticule audit feigneur duc de Nevers, du gouvernement duquel la Champagne fe louoit grandement. • Le lundi dixieme dudit mois , le matin , fe mut un différend par le député d'Abbeville contre les trois députés de Péronne, Montdidier & Roye, inr ce que ledit député d'Abbeville difoit que les autres n'avoient aucune voix, & ne devoient avoir cahier féparé du fien, 8c devoient comparoir fans lui. L'affaire mife en délibération , il fut ordonné que lefdits députés de Péronne , Montdidier 8c Roye demeureroient députés, 8c qu'ils n'auroient qu'une voix & un cahier. Autre différend du préfident au préfidial de Tours contre les députés d'Amboife. Le député de Tours difoit que la ville d'Amboife n'avoit point de droit de convoquer , 8c qu'elle devoit comparoitre avec Tours. Les députés d'Amboife montroient un arrêt de 1588, donné au confeil du roi, par lequel leur députation avoit été approuvée, confirmée par autre arrêt donné depuis le mandement du roi pour la convocation des Etats préfens; fuivant lefquels arrêts, il fut jugé par 1'affemblée au profit de ceux d'Amboife. Autre différend fut mu par le député d'Uzerche, dont il a été parlé ci-deffus, contre les députés de Brives 8c de Tulles au bas Limofin. Le député  sous Louis XIII. 153 d'Uzerche difoit, qu'au préjudice de ce qui avoit été réfolu en 1'aiTemblée , le député de Brives s'étoit pourvu au confeil privé du roi, oü il avoit préfenté requête, par laquelle il avoit expofé que 1'affemblée avoit ci-devant prononcé qu'ils fe pourroient pourvoir au confeil pour le regard de leur différend (ce qui ne fe trouvoit point dans le» reeiftre du fecrétaire). Néanmoins feroit intervenu un arrêt par lequel défenfes étoient faites a lui député d'Uzerche d'entrer dans 1'affemblée; ce qui étoit du tout contraire a la réfolution prife en icelle. Requéroit que, fans s'arrêter audit prétendu arrêt donné fur requête , fans ouir partie, & fur un faux expofé, la réfolution de la compagnie , de laquelle il eft fait mention ci-deffus, tiendroit. Les parties s'étant retirées , le différend mis en délibération , il fut arrêté que le député d'Uzerche auroit 1'entrée de "la chambre en qualité de député , & que le député de Brives oiroit les remontrances douces & honnêtes de la part de la compagnie, par la bouche de M. le préfident, de 1'injure qu'il avoit faite a la compagnie, pour avoir contrevenu a la réfolution prife en icelle. Ledit fieur préfident fit entrer feul ledit député de Brives, auquel il fit lefdites remontrances, ayant été trouvé bon de ne les faire en la préfencc de la partie : puis, le député d'Uzerche  154 Etats étant entré , ledit fieur préfident prononca qii ïl demeureroït député en Vajjfemblée. Et après fut faite une grande plainte , pleine de belles paroles, par le lieutenant - général de Xaintes, difant, qu'ayant été député versie clergé de la part de la compagnie , pour le requérir de i fe joindre au tiers état, afin de prier Sa Majefté de furfeoir a f exécution de toutes commiffions extraordinaires, levées de deniers & éreclion de nouveaux offices, quelques-uns, pleins de malice &C de menfonge, auroient rapporté a Sa Majefté qu'il avoit gliffé dans fon difcours 1'érecTion des offices nouveaux , quoiqu'il n'en eut été rien réfolu , & que le regiftre du greffier ne s'en trouvat point chargé. II fupplioit la compagnie de rappeler fa mémoire, & lui faire délivrer acfe de ce qui avoit été réfolu a la pluralité des voix , afin de fe juftifier de cette calomnie , & de députer vers Sa Majefté, & lui faire ëntendre qu'il n'avoit porté autres paroles que celles qui avoient été réfolues. A cette plainte, fe joignit le fieur Ribier , lieutenant - général de Blois, & autres, qui avoient été auffi députés vers la nobleffe pour même fujet. Tous les gouvernemens reconnurent que ce qui avoit été dit avoit été pafie a la pluralité des voix ; c'eft pourquoi il fut arrêté que leclit lieutenant de Xaintes feroit remercié par la bouche de M. le préfident, de ce qu'il avoit bien  sous Louis XIII. 155 & fïdélement rapporté la réfolution de la compagnie ; qu'extrait du réfultat lui en feroit délivré, par lequel il feroit affëz juftifie de la calomnie , fans députer pour eet effet vers le roi; joint que ceux qui iroient fupplier Sa Majefté pour la furféance defdites commiffions extraordinaires & éredtions de nouveaux offices, le releveroient aflez de ladite calomnie. Le même jour au matin , fut trouvée dedans la chambre ( comme il s'en étoit auffi trouvé une pareille dans celle de MM. du clergé &c de la nobleffe , qui y avoient été jetées ) une lettre adreffante a MM. des Etats, cachetée du fceau du roi, 'mais qui n'avoit que 1'ordre dé S. Michel, par laquelle, outre quantité de bouffonneries qui en compofoient le commencement, un étranger , feignant d'être venu exprès a Paris, fur le bruit de ces Etats, racontoit, en s'en retournant, a un de fes amis qu'il rencontra en fon chemin , comme étant venu pour le fujet d'iceux, il avoit vu la proceffion générale , en laquelle il n'avoit rien remarqué digne d'obiervation , finon un jeune évêque qui portoit fon cierge en facon d'un certain Auteur renommé par les hiftoires qu'il avoit ouies dans la falie de Bourbon , a 1 ouverture defdits Etats, haranguer un homine qui faifoit bien connoïtre par fes détours , que tout iroit en fumée, & s'étendoit en mé.difance contre M. le  chancelier, &c autres calomnies & difcours fcandaleux ; qui ne permirent pas qu'en pas une des trois chambres, on en achevat la ledure, mais obligerent de la jeter au feu , comme il fut fait. Laprès-diner dudit jour, nous commencames a travailler a la compilation des cahiers de notre gouvernement, au logis de M. Auftrin , prévöt des marchands de Lyon, préfident de notre gouvernement. II y eut quelque différend pour favoir quel des cahiers devoit être ouvert le premier. Nous foutenions que, puifque Saint-Pierre-leMoutier étoit landen bailliage , qu'il falloit d'abord faire ouverture de notre cahier. Tout le gouvernement reconnut bien, fans aucune contradi&ion , 1'antiquité dudit fiege; mais il fut , arrêté que le cahier de Lyon, qui étoit Ie plus gros, & qui contenoit plus d'articles, feroit lu , & que chacun de nous tiendroit fon cahier cn main , pour voir & conférer les articles qui feroient conformes, & les croifer , ce qui tut fait. Le mercredi douzieme dudit mois, 1'on s'affembla a deux heures de relevée. La matinée ayant été employée par tous les gouvernemens a la compilation des cahiers , M. le préfident fit faire ledture par le fieur Halé , fecrétaire, de ce qui s'étoit pafie & avoit été enregiftré depuis la derniere ledure remarquée ci-deffus. Sur quoi intervint un différend entre la gou-  'sous Loüis XIII. I57 vernement de Bourgogne & M. le lieutenantcivil avec les députés de la ville, prévöté Sc vicomté de Paris. Les députés de Bourgogne demandoient qu'acte leur fut donné des proteftations qu'ils faifoient d'être fondés en la préféance qu'ils eftimoient, par 1'antiquité Sc dignité de 1'ancienne Sc plus noble pairie de France, leur appartenir au préjudice de ladite ville, prevöté & vicomté de Paris. M. le lieutenant civil empêcha que Telles proteftations ne fuffent inférées dans le regiftre, finon que les Bourguignons vouluffent préfentement déduire leurs moyens, & s'oppofer a la préféance de ceux de Paris; auquel cas il accordoit le différend être mis au jugement de la compagnie, finon empêchoit qu'aucun acte fut délivré, d'autant qu'il n'étoit pas raifonnable que la pofieffion en laquelle les Parifiens s'étoient confervés, demeurat fufpendue fous 1'incertitude d'une fimulée proteftation, laquelle feroit voir a la poftérité qu'on feroit entré en doute d'une chofe qu'il eftimoit être claire Sc fans attaque. Après que les députés de Paris Sc les Bourguignons furent fortis de la chambre, le différend étant mis en délibération, il fut arrêté que lefdites proteftations ne feroient point inférées, Sc qu'il n'en feroit délivré aucun acte. Ce fait, le fieur de la Mothe, écuyer de la reine, vint de la part du roi, qui dit a M, le  i58 Etats préfident que Sa Majefté defiroit lui parler Sc a quatre de la compagnie. Ceux de Bretagne, Champagne , Languedoc Sc Picardie, furent députés pour affifter M. le préfident. Le lundi 13 dudit mois, nous employames le matin a la compilation de notre cahier provincial, Sc a deux heures de relevée, nous nous tranfportames aux Auguftins en 1'aiTemblée générale pour ouir le rapport de M. le préfident Sc de fes co-députés, touchant la volonté de Sa Majefté; il nous dit: « Que la reine lui avoit déclaré qu'on lui avoit » fait ëntendre , qu'entre les offices nouveaux, def» quels nous voulions demander la furféance pen» dant la tenue des Etats , nous y voulions com» prendre les offices des commis des tréforbrs , » des penfions defquels le roi défunt 1'avoit grati» fiée de fon vivant (Sc dont elle refufoit fix eens » mille livres) Sc des tréforiers de i'épargne , qui » ne vouloient point avoir de compagnons en leurs » charges, Sc nous prioit de ne vouloir être auteurs » de la priver de cette gratification qui ne tendoit » point a la foule du peuple, pour autant qu'on » ne leur attribuoit autres gages que les anciens , » qui de tout tems avoient pafie a la chambre » des comptes, Sc fix deniers pour livre qui fe prenn droient fur lés penfions de ceux a qui on les » avoit accordées; par ainfi elle defiroit qu'entre )> les offices defquels nous demanderionS' la fur-  sovs Lo uis XIII. ijo » féance, nous n'euffions a y comprendre lefdits » offices de commis & tréforiers des penfions ». On mit cette affaire en délibération. Les uns difoient que par 1'érection de ces offices les penfions immenfes étoient confirmées & affermies, au lieu que les cahiers des députés étoient chargés d'en demander la fuppreffion; & ainfi , qu'il falloit fupplier la reine de permettre qu'on demandat la furféance de tous offices nouveaux indéfiniment. Les autres difoient qu'il ne falloit pas éconduirc la reine de la demande qu'elle faifoit, & qUe 1'Etat lui étoit infiniment obligé de fon bon gouvernement ; & que fi on lui entérinoit cette requête, cela lui donneroit fujet d'intercéder pour le peuple envers le roi de le décharger de tant de foules & d'oppreffions dont il étoit accablé. Enfin, il fut réfolu , a la piuralité des gouvernemens , qu'on accorderoit a la reine ce qu'elle demandoit, & que ledit fieur préfident, affifté de quatre députés des derniers gouvernemens , 1'iroit afiurer de la réfolution de la compagnie. Après cette réfolution , M. le préfident fit faire lectureau greffier de toutes les commiffions extraordinaires , furcharges & nouveaux offices defquels on defiroit demander la furféance 5 fur quoi furvint un grand bruit par le moyen d'une propofition qui fut faite hardiment , fans charge expreiTe du gouvernement, par le fieur Rival , député de  i6o Etats Forez, qui tendoit a la fuppreffion de la paulette, le droit de laquelle étoit prêt d'être levé , s'il n'y étoit promptement pourvu. Cette propofiition alarma ceux" qui s'étöient portés en la députation plutöt pour la confervation de leur intérêt particulier que pour celui du public. Quelques-uns de notre gouvernement de Lyon le défavouerent, difant que cette propofition n'avoit point été réfolue dans ledit gouvernement ;i au contraire, qu'on avoit trouvé a propos de la taire , d'autant que plufieurs cahiers étoient chargés de demander la fuppreffion de la paulette , & qu'il feroit affez tot de 1'inférer dans le cahier provincial. Enfin, le bruit pafte, chacun reprit fa place fans aucune réfolution. Et a i'inftant, le fieur lieutenant-général d'Orléans fe leva , qui mit une difficulté en avant, qui devoit travailler les députés du gouvernemeat d'Orléans en compilant leur cahier , qui confiftoit en un point, s'il feroit permis &c licite de propofer en 1'affemblée générale un article d'un bailliage, qui auroit été rebuté dans le gouvernement, afin d'en avoir le jugement de toute la compagnie, & fi ceux qui auroient femblables cahiers dans leur gouvernement y pourroient opiner > il difoit d'un cóté qu'une province a des incommodités particulieres , qui ne font pas en 1'autre ; de forte que chaque province defire re- médier  sous Louis XIII. i£i médier au mal qu'elle fent en fon particulier ; voila pourquoi telle loi eft bonne en un lieu, qui eft indifférente , ou bien nuit en un autreT Tellement que de rebu.ter ou de rémettr'e ce que le ibailliage atrouve bort &c expédienr, c'eft- la priver de 1'efi* pérance d'être garanti de fes incommodités ; joint qu'il femble que chaque député, étant porteurdé fon cahier , il ne peut diminuér ou changer les termes.de fa proeuration-, comme procureur; de fon bailliage. JD'autre. cóté, il remontroit'que s'il étoit permis de fe pkindre a 1'affemblée générale des articles,que le gouvernement auroit rejstés; cela confommeroit trop de tems, & on ne.pourröit fortir : d'affaires de plufieurs' mois , d'autant qu'il ne fe trouveroit aucun bailliage qui n'eüt-quelque chofe de particulier , qui ne doit être néanmoins confidéré qnand il eft queftion d etablir des loix générales,, & que nous étions ici pour avoir 1'ceil a fétablifTement. d'un ordre général, & non pas d'un particulier. Cette propofition mife au jugement des douze gouvernemens fut arrêtée conformément a 1'opinion de 1'lfle de France; que les articles des cahiers qui auroient été rejetés dans le gouvernement ne feroient plus propolés en 1'affemblée générale; & 'que ceux qui auroient femblables articles dans leurs bailliages ou gouvernemens , ne pourroient opiner. Enfuite de quoi fut prononcé par Tome XVL L  i£z Etats M. le préfident, qu'il ne feroit licite a aucun de faire propofition quelconque, qui n'eüt été premiérement réfolue dans le gouvernement de celui qui la feroit. Ce qui fe difoit contre le député de Forez , qui avoit propofé 1'abolition de la paulette avant la réfolution du gouvernement de Lyon. Le famedi quinze dudit mois de novembre au matin, 1'aflemblée entra aux Auguftins. Les députés de Brefle fe préfenterent, qui demanderent a fe joindre avec les Bourguignons, fans préjudice de leurs privileges, difant que ceux de Brefle étoient taillables, Sc la Bourgogne pays d'Etat; Sc partant qu'il ne feroit pas raifonnable qu'ils fupportaflent deux charges en divers lieux. Les députés du Dauphiné s'y cppoferent, remontrant que le marquifat de Saluces avoit été autrefois dépendant du Dauphiné, Sc compris fous mêmes charges ; que puifqu'il avoit été échangé par Henri le Grand, avec la Brefle par ie trairé qu'il avoit fait avec le duc de Savoie, la Brefle , par conféquent, étoit fubrogée au lieu Sc place dudit marquifat de Saluces, Sc devoit fe joindre avec le Dauphiné. Les députés de Bourgogne intervinrent Sc remontrerent que la Brefle avoit été adjugée a la Bourgogne par plufieurs arrêts, même qu'elle reflörtiflbit au parlement de Dijon. L'on demeura donc en cette réfolution, que les Bref-  sous Louis XIII. llS} fans fe joindroient a. la Bourgogne, & néanmoins feroient tous les derniers au rang & ordre des Etats. Enfuite de ce, M. le préfident fit rapport a la compagnie de la réfolution d'icelle , Sc 'de Laquelle il avoit affuré la reine touchant les com-' mis des tréforiers des penfions. II dit qué la reine lui avoit répondu ces paroles: « Je ne me » défiois pas de leur bienveillance, Sc men te-' » nois pour toute affurée avant que me 1'eufllez » dit, auffi ferai-je de mon cöté ce qui me fera » poffible pour le foulagement du peuple, Sc le » contentement d'un chacun ». A 1'inftant arriva M. 1'évcque d'Agen qui remontra que MM. du clergé" Sc de la nobleffe avoient grandement fujet de fe plaindre de certaine commiffion émanée de la cour des aides, au mois de feptembre i^ij, pour faire une recherche de ceux qui, depuis deux ans , n'avoient pas pris fuffifamment du fel aux greniers felon le nombre des perfonnes de chacune familie, afin de payer le jufte prix a proportion de ce que , chacun en pouvoit avoir ufé. II difoit que cette commiffion étoit de telle importance qu'on iroit par toutes les maifons rechercher jufqu'au coin du feu ce qui feroit de plus fecret; & de la lVn prendroit un pied pour mettre 1'impöt rUcje & infupporrable ès lieux ou il s'eXerc^ & fe ieve_ ü  1^4 Etats prioit donc la compagnie de fe joindre avec eux pour, tous enfemble, demander la révocation au roi de cette commiffion. M. le préfident lui promit d'en demander Tavis de la compagnie, & 1'affura au Turplus que ceux de la compagnie Te porteroient toujours fincérement en toutes chofes bonnes & faintes, dont ils feroient exhortés par MM. du clergé, comme étant leurs très-humbles ferviteurs. M. le marquis de Choifi arriva quelque tems après de la part de la noblefle, accompagné des Tieurs de Riberac ,. Safli, Briffac, Coulange, &c Boutteville, "qui nous dit que la nobleffe avoit réfolu de demander au roi la TurTéance du paiement du droit annuel , d'autant qu'on étoit Tur le point d'envoyer les quittances aux provinces , & la révocation de la commiffion des aides, & que leur compagnie defiroit voir le mémoire & la Kfte des commiffions extraordinaires &C nouveaux offices , defquels nous defirions demander la fuppreffion au roi, & auffi qu'il nous prioit de lp part de la nobleffe de nous affembler les matinees , afin qu'on put conférer & communiquer plus aifément. M. le préfident lui dit qu'il y avoit quelques-uns de la compagnie qui avoient été députés pour aller trouver MM. du clergé & de la nobleffe , pour leur faire yoir un état de toutes leTdites com-  sous Louis XIII. miffions &c offices, dont on vouloit demander la révocation au roi, lui promettant de fe joindre avec la nobleffe pour la révocation de ladite commiffion des aides; & enfuite de faire favoir a la nobleffe ce que la compagnie trouveroit bon pour le regard de la furféance de la paulette ou droit annuel. Après que ledit fieur s'en fut allé , M. le préfident mit en avant s'il feroit bon de fouffrir le clergé porter la parole au roi, pour lui demander la révocation defdits offices & commiffions, ou bien fi le tiers-état la porteroit, comme ayant le feul intérêt ès-dites commiffions & offices, pour la fuppreffion defquels nous nous pouvions paffer de demander 1'affiftance de deux autres ordres. II fut arrêté qu'on prieroit MM. du clergé de faire 1'entrée de la propofition chez le roi, &c enfuite que le fieur Savaron, préfident & lieutenant-général de Clermont, fe préfenteroit pour déduire au long 1'intérêt que le peuple avoit de demander la révocation entiere defdites commiffions &c nouveaux officiers. Ce fait, le lieutenant général de Xaintes, préfident du gouvernement de Guyenne, fit un grand difcours en beaux termes, pour faire goüter a ïb compagnie trois propofitions fpécieufes. La pre* miere de fupplier très-humblement Sa Majefté de furféoir a 1'envoi de la cprnmiffion des. tail- L il;  \C6 Etats les 5 ou a tout le moins d'en faire la rédudtion au pied de ce qui fe payok en 1'année 1576» la feconde, de demander la furféance du droit annuel; 8c la troifieme la furféance du paiement des penfions. « Quoi, difoit-il, nos provinces ne » nous ont-elles pas députés vers Sa Majefté, pour » repréfenter les miferes qui les font gémir 8c plo» rer fous le faix infupportable dé la taille, qui )) eft venu a un tel excès, que tous les fujets du » roi en font demefurément opprimés; n'eft-ce » pas la le but de notre délégation \ N'eft-ce pas w proprement notre fonction de préfenter les lar» mes 8c les pleurs de nos pauvres habitans, des » miférables laboureurs, 8c de tout le peuple, » pour émouvoir a pitié 8c compaflion le cceur » du roi, afin que fléchi par les gémiffemens de » tant de créatures a. lui fujettes, chacun puifle » refpirer fous la douce fervitude de fa domina» tion? Y a-t-il quelques Francois qui refufent une )) propofition fi jufte, fi plaufible , &c fi équita» ble ? Nos maieurs exercans en 7 6 &c 88 les » mêmes fonctions que celles que nous faifons, » nous ont tracé la voie & le chemin que nous » devons a préfent fuivre •, car pendant la tenue » des Etats, ils demanderent au roi la même fur» féance que celle que nous demandons 5 8c les » trois ordres fe trouverent tellement joints 8c » unis de cceur, de volonté 8c d'affeétions réci-  sous Louis XIII, i£7 » proques en fi faintes propofitions, qu'ils joigni» rent leurs vceux Sr requêtes pour en faire la » fupplication a ;Sa Majefté. Puifque donc les » prudens exemples de nos devanciers nous » levent tout fcrupule & les difficultés qui fe pré» fentent d'abord en cette requête, que tardons» nous a demander courageufement ce qu'on ne » peut nous refufer honnêtement ? » De plus , en quelle eftime nous auront noé » provinces quand elles oiront que d'un courage » viril nous aurons méprifé notre paopre inté» rêt , demandant que les charges que nous pof» fédons héréditairement foient vouées au public , » aux plus capables & eftimés, Sc non retenues par » ceux qui ont le plus de biens , de richeflès Sc » de crédit ; Ne fera-ce pas fe faigner foi-même » que de bannir de nous les confidérations de » notre profit, &c intéréts particuliers ? Pouvons» nous rendre a nos concitoyens plus de témoip gnage de probité que lorfqu'ils verront que » par notre moyen le prix exceffif des charges » fera ravalé auffi bas qu'il eft maintenant ex» ceflif &c exhorbitant ? Alors nous contraindrons .» les médifans a prendre autre confiance de nous , » qu'ils n'ont pas; eux qui nous ont eftimés être )> du tout contraints a la révocation de 1'inique » parti de la paulette, d'autant que la plupart de » cette compagnie poffède les charges plus rele- Liv  i » plus d'importunité, fans avoir la difcrétion de» vant les yeux, de penfer fi les affaires du » royaume peuvent fupporter 1'immenfité de tels J» dons, qui feroient fuffifans pour foulager le » peuple des foules & furcharges dont il eft op» primé. Puifque donc nous voyons a quel exces il les penfions font arrivées, n'eft-il pas jufte & » raifonnable d'en demander la furféance, atten» dant que par nos cahiers nous en procurions » la fuppreffion entiere ? Nous aurons fans diffi» culté une douce & bénigne réponfe du roi % » qui nous faura bon gré de lui ouvrir le che» min , pour éviter les impprtnnités qu'il recoit » journellement de telles demandes, & donne» rons fujet de fupprimer 1'immenfité des pen» fions ». Plufieurs trouverent goüt a ce difcours , & chacun en jugeoit felon fa paftion & affeclion particuliere : les gens de bien difoient que rien ne pouvoit être plus falutaire au peuple; que ces trois propofitions avoient été très-bien digérées & repréfentées; qu'il ne les falloit pas disjoindre, mais les demander conjointemeut, &c les mettre en tête du röle des autres commiffions qu'on avoit réfolu de préfenter au roi. Les autres difoient que fes trois points avoient été propofés avec artifice, fifin d'empêcher la révocation du droit annuel, & que le roi fe trouvant furchargé de fi importunes  i7° Etats requctes , ne f ït aucune réponfe : d'autres difoicnc qu'elles étoient de grande importance, 8c qu'il y falloit bien penfer. Car a quel propos de demander la furféance des tailles, finon donner fujet au reculement des affaires du royaume , étant une levée ordinaire qui entroit aux coffres du roi ? Demander la furféance du droit annuel, c'étoit priver le roi de quinze eens mille livres qui étoient portées tous les ans dans 1'épargne , & par ainfi énerver le royaume, Sc lui öter fes forces. Requérir la furféance des penfions, c'étoit chofe trés - jufte 5c utile, mais ïntempeftivè, a caufe du bas-age du roi; qu'il ne falloit plus confidérer la France felon fon ancienne franchife, puifque nous étions venus en telle faifon , que les rois n'étoient fervis qu a force dargent, Sc n'étoient obéis qu'a mefure qu'ils font libéraux, fuivis 5c aimés , que lorfqu'ils ont les mains pleines de dons 8c de largeffes pour les répandre profufément a 1'appétit 8c convoitife de leurs fujets ; que de fe rendre opiniatre a cette propofition, ce feroit exciter le courage de la nobleffe & des plus puiffans du royaume, qui ne le fouffriroient jamais fans un grand défordre , qui cauferoit poifible la rupture des Etats, & par ainfi rendroit 1'efpérance du peuple inutile 8c fans fruit. Ces propofitions furent mifes en déiibération des gouvernemens , par lefquels il fut arrêté qu'on  sous Louis XIII. 171 en feroit demande conjointement, fans les féparer 1'une d'avec 1'autre, &c qu'elles feroient mifes a la tête de la lifte des commiffions extraordinaires , qui étoient au nombre de quatre-vingts, que 1'on devoit demander au roi : néanmoins, que, pour obferver la bienféance &c 1'union des trois ordres , on en iroit communiquer au clergé Bc a la nobleffe. Alors il s'éleva un grand bruit parmi notre compagnie fur cette réfolution entre ceux qui defiroient 1'obfervation du parti du droit annuel, &c ceux qui en demandoient la furféance : chacun crie & fe met en défordre. Pendant quoi le fieur Goujon , député du plat - pays de Lyonnois , & un autre du gouvernement de Guyenne , affiftés de quelques-uns fans charge ni députation réfolue dans leurs gouvernemens , s'échappent •, & 1'un s'en va au clergé, & 1'autre a la nobleffe , oü ils font ëntendre la réfolution qui avoit été prife fur lefdites propofitions, les prient, de la part du tiers-ordre , d'y joindre leurs vceux. Pendant que cela fe faifoit, M- le lieutenantcivil, favorifant ceux qui tenoient le parti de 1'obfervation de la paulette, apporta une modification a cette réfolution , prife & conclue comme il a été dit; a favoir , qu'on demanderoit que les offices ne fuffent plus vénaux s & que 1'édit des quarante jours néceffaires aux réfignans après leur  I71 Etats' réfignation admife, ne feroit plus obfervé, comme n'ayant point été vérifié en parlement, mais introduit directement après la prifon de Francois premier, contre les officiers qui n'avoient pas voulu fervir le roi pour le paiément de fa rancon : cette modification fut trouvée jufte; voila pourquoi elle fut ajoutée a la réfolution defdites propofitions. Tout cela ne fe faifoit que pour embrouLüer 1'affaire, & détourner le roi par 1'impoffibilité de fi grandes & preffantes requêtes , de faire réponfe fur lefdites propofitions. En même temps, Goujon & 1'autre député reviennent des chambres du clergé & de la nobleffe : on leur demande qui les avoit députés ; les uns les défavouent , d'autres les avouent. Ils font rapport, favoir, Goujon, que MM. du clergé trouvoient toutes nos propofitions bonnes ; mais que les unes étoient promptes & bonnes a demander , & qu'il falloit différer les autres, & que MM. du clergé avoient promis de rendre réponfe : 1'autre député, qui étoit le lieutenant de Leitoure, rapporte le même du corps de la nobleffe. Or , paree qu'on fe plaignoit qu'on avoit ajouté tant de commiffions dans le róle qu'on devoit porter au clergé & a la nobleffe, que le nombre en étoit grand , M. le préfident commanda au grerfier d'en faire lecture.  sous Louis XIII. 173 Et a Tinftant arriva M. de Goudras, député pour la noblelTe d'Auvergne , qui dit que les propofitions ci - deflus , defquelles on leur avoit parlé de notre part, étoient de telle conféquence, qu'il étoit expédient de revenir 1'après-diner pour en réfoudre, afin de ne pas laiffer refroidir Thumeur dans laquelle plufieurs étoient d'en prendre une bonne & fainte réfolution : que néanmoins il eftimoit être très-mal-aifé d'obtenir de Sa Majefté réponfe favorable fur toutes lefdites propofitions , fi on ne les divifoit, & qu'il étoit a propos de demander premie'rement la révocation de la commiffion de la cour des aides, qui étoit fi importante a la noblelTe ,& au tiers-état, & la furféance du paiementdu droit annuel, pour éviter a ce qile les quittances ne fuflent point envoyées ' par les provinces, tk què , pour le regard des autres deux propofitions , Tavoir, la Turféance de la commiffion des tailles & du paiement des penfions, Ton les demanderoit en tems &c lieu plus opportun. M. le préfident s'excufa de venir a deux heures de relevée, d'autant que le roi lui avoit commandé d'aller a Thötel-de-ville travailler a la réformation des monnoies : néanmoins le fieur de Goudras le pria de venir, d'autant que cette affaire étoit de bien plus grande importance que le fait des mon-  174 Etats noies. II fut fecondé par plufieurs de la compagnie , qui dirent hautement qu'il falloit revcnir. Ainfi , après qu'il fut forti, il fut délibéré fi on reviendroit, & réfolu qu'après diner 1'on fe raffembleroit. Arriva aufli-töt M. 1'évêque de Vabres, qui dit que le clergé avoit trouvé très-bonnes les propofitions du tiers-état, notamment pour la révocation de ladite commiHion des aides & la furféance du droit annuel, & que du refte , il en falloit délibérer plus mürement; pour eet effet, que le clergé reviendroit après diner} &c nous promettoit toute afliftance. M. le préfident le remercia bien fort de la bonne volonté de MM. du clergé, &c lui promit que la compagnie fe raffembleroit. Environ les trois heures de relevée, les trois ordres revinrent aux Auguftins pour 1'effet que deffus. Sur les quatre heures, M. 1'archevêque d'Aix arriva en notre chambre, affifté de quatre eccléfiaftiques, qui enfila un long difcours , mais fubtil & délié , par lequel « il louoit le tiers-état de )> fa fincérité , le convioit a 1'union qui devoit être » entre les ordres, lefquels ne devoient difcorder » en chofe du monde qui fut jufte & équitable | » que les propofitions, defquelles en la matinée » notre député avoit fait mention , avoient été  • sous Louis XIII. i7j » trouvées très-raifonnables , mais qu'elles étoient » pondereufes Sc dignes d'une grande Sc profonde » délibération. » Que la furféance de la commiffion des tailles » étoit a defirer pour le peuple qui ploye fous le » faix d'une grande furcharge; que la rédu&ion » de la taille fur le pied de 1'an 1576^ étoit très» utile Sc confidérable pour le même peuple , » comme étoit la furféance des paiemens des pen» fions, qui étoient tellement crues, qu'elles » avoient épuifé le tréfcrr de Ia Baftille ; que la » furféance de la paulette étoit de même très» jufte , pour réduire le prix exceffif des charges )) Sc offices •, mais qu'il falloit confidérer qu'il » feroit trés - difficile d'emporter tout d'un coup » de fi importantes demandes, qui reculoient les » affaires du roi. Car, difoit-il, ne lui payez pas » la taille, de quoi voulez vous qu'il entretienne » fon état} Ou voulez-vous qu'il prenne le moyen » d'acquitter les grandes charges du royaume? » Si vous lui demandez la furféance du droit » annuel , de quoi voulez - vous qu'il s'acquitte » envers tant de perfonnes qui font affignées dès » a préfent fur cette nature de deniers ? Si vous » lui demandez la révocation de la commiffion » du fel, ne lui' ötez-yous pas le denier le plus » clair qu'il ait en fon royaume ? Car qui ne fait » que fi les faux-fauniers ne font punis, ils feront  i-]6 Etats » état 8c matchandife de ce trafic , 8c rendront » les greniers a fel du tout infructueux au roi 5 )) Si vous requérez furféance du paiement dés » penfions, vous ferez crier une infinité de gens » qui en ont déja mangé la moitié 8c peut - être » le tout a la fuite de la cour, 8c engagé ce qui » leur en fera dü 1'année prochaine •, 8c puis , » combien d'empêchemens aurez-vous de la part » des grands & puiflans » ? Ainfi il remontroit « qu'en général lefdites pro» pofitions étoient très-juftes y mais qu'il ne falloit » rien demander au prince , qu'on n'eüt efpérance » d'emporter ; autrement, que nous nous ren» drions odieux, 8c peut-être nous taxeroit-il de » trop de légereté , de lui demander tout-a-coup » des chofes defquelles il ne peut fe dépouiller ^> fans faire un fignajé préjudice a fon état." Qu'il » falloit donc y aller avec de la maturité 8c du » poids, afin de n'être méfeftimés ni décrédités de » lui , 8c qu'une autre fóis nous puffions retour» ner librement a lui pour lui demander ce que » nous troüverions être utile au peuple & a fon » fervice •, car ce nous feroit un grand heur d'être » jugés de notre prince fouverain, perfonnes de » judicieufe délibération, non de témérité 8c de » précipitation ». II difoit auffi « que le clergé avoit trouvé a » propos qu'il falloit disjoindre ces demandes 8c » propofitions.  Sous Louis XIÏL, ty-f S) propofitions, afin d'être plus aifées a emporter ; » & partant, que pour fheure, il falloit deman» der la révocation entiere de cette tant hideufe » commiffion de la cour des aides, qui vouloit » réduirë, par maniere de dire, le peuple a » compter combien il faut de grains de fel pour » 1'ufage d'une maifon, & demander enfuite la « révocation de toutes les commiffions extraor» dinaires , qui ne fervent qua manger lë » peuple, fans qu'il en revienne profit au roi, » & par même moyen , fupplier Sa Majefté de » furfeoir a 1'envoi des quittances du droit annuel,.. » par lequel les offices étoient rendus héréditaires , » contre leur première deftination , ce qui fermoit » la porte des écoles & de la vertu, par leur » prix exceffif 5 & quant a la furféance de la com)> miifion des tailles & le paiement des penfions , » qu'il talloit attendre la réponfe de nos cahiers" » qui étoient tous pleins de ces juftes demandes ] » qu'il préjugeoit que fi nous y allions de la forte', » & petit a petit, nous faperions & mine)) rions la volonté du roi, & a la fin empörte» fions tout; au lieu que fi nous demandions » tout a la fois, il craignoit bien fort que toutes' » nos requêtes nous fuffent refufées ». Ce grand & éloquent prélat s'en retóurtf» après ce difcours, & après le remerciment que. lui fit M. le préfident, lequel mit en délibération Torne XVI, ^  i78 Etats fi on disjoindroit les propofitions qui avoient été réfolues la matinée , pour fe conformer a la volonté du clergé. II fut arrêté qu'elles ne feroient féparées en facon quelconque , Sc que ce qui avoit été réfolu demeureroit, Sc que M. Savaron iroit ès chambres du clergé Sc de la nobleffe, pour leur faire ëntendre la réfolution de la compagnie » a laquelle ils feroient priés de fe joindre, pour demander Sc requérir au roi 1'effet defdites propofitions. Ledit fieur Savaron s'en va donc au clergé , oü il fait un docte difcours fur la vénalité des offices de judicature fur la furcharge du peuple Sc fur 1'immenfité des penfions; en telle forte qu'il caufa une grande admiration de fa fuffifance a tous ces meffieurs, auxquels il fit connokre «que » la furféance du droit annuel n'étoit pas de moin» dre poids pour 1'état que le retranchement des » penfions, lefquelles il fembloit qu'on voulüt » confirmer, Sc cependant s'attaquer du tout aux » officiers par la révocation du droit annuel, » qui n'importoit qu'aux officiers Sc fort peu au » peuple , qui n'en reffentoit point d'intérêt, Sc » que c'étoit a la vénalité des charges ou 1'on fe » devoit butter, qui fermoit la porte a la vertu » Sc non le droit annuel, qui confervoit les offi» ciers en leurs charges, Sc les y faifoit vieillir 9 » pour y être plus expérimentés, donnoit au refte a  Söüs £ ö üi s XIH. ij9 » Sa Majefté des perfonnes du tout affidées, quS » ne venoient ou n'étoient confervées aux charges » que par la feule faveur du roi, Sc noh des princes » & feigneurs, lefquels, avant que ce droit annuel » fut inventé, pouffoient aux charges plus impor» tantes du royaume des créatures defquelles ils fe » fervoient bien fouvent contre 1'autorité royale», Ledit fieur Savaron étant revenu, fit rapport de fa légation , Sc dit qu'il avoit été bien re$u par le clergé, & avec beaucoup d'honneur. L'on le renvoya a la nobleffe, oü il fit de même qu'au clergé. Outre qu'il remontra « que ce n'étoit » point ie droit annuel qui fermoit a la nobleffe » la porte par laquelle Ton entroit aux charges a » mais bien la vénalité des offices, introduite » depuis Francois premier ; vénalité qui n'avoit » apporté que corruptele en la juftice ; que c'étoit » ce qu'ils devoient demander avec plus d'affec» tion, que la furféance du droit annuel, qui ne » guériroit pas la maladie , quand il feroit du » tout révoqué, fi la vénalité demeuroit. Qu'au » refte, les penfions étoient venues jufqu'a ce » point, que le roi ne trouvoit plus de ferviteurs3 » s'il ne leur donnoit penfion, Sc que cela alloit » a la foule Sc oppreffion du peuple , lequel il » craignoit qu'a la fin il ne fe portat au défef» poir, Sc fecouat le joug, comme les anciens Mij  ■iSo Etats » Francois 1'avoient fecoué aux Romains, a cauter » des grands tributs & impofitions qu'on levoit » fur eux; que les édits, fans être vérifiés, ne » pouvoient être cenfés édits , & qu'au furplus ils » ne pouvoient disjoindre la fuppreffion des peri» fions &c la furféance des tailles d'avec la pau» lette, non plus que la fuppreffion des quarante » jours, qui regarde un édit non vérifié •, que » partant il la fupplioit de concourir en vceux & » intention avec fon ordre , pour éviter la fuite » d'un fi dangereux exemple que celui de ces » anciens Francois, qui n'avoient jeté les premiers » fondemens de la monarchie que par cette fouf» tra&ion d'obéiffance & retraite du joug des » Romains : que le peuple eft fi chargé de tailles 9 » qu'il eft a craindre qu'il n'en arrivé une pareille » chofe , & prioit Dieu qu'il fut mauvais pro» phete ». II rapporta femblablement qu'après fa légation , il avoit été mal traité, & de fait, & de paroles par la nobleffe : de paroles, en ce qu'on lui ayoit dit que nous ne parlions que pour notre intérêt & rien pour le public •, & de fait, en ce qu'on ne lui avoit rendu honneur quelconque , & ne 1'avoit-on conduit jufqu'a la porte, comme on avoit fait ci-devant les autres députés. Néanmoins un de ces co-députés dit tout haut, que deux  soos Louis XIIL i8s gentilshommes les avoient conduits jufqu'a la porte. Ledit fieur Savaron s'excufa de ne les avoir pas vus. II étoit entre fix & fept heures du foir, qu'on ■vit JV1. 1'archevêque d'Aix revenir en notre chambre. II prit place , comme devant, en la place de M. le préfident; & , par un long difcours induftrieufement tiffu , quoiqu'ii fut promptement concu Sc enfanté , nous remontra les mêmes chofes qu'il avoit déja repréfentées, nous protefta de la part du clergé , qu'il trouvoit toutes nos propofitions très-jufïes Sc raifonnables, Sc étoit délibéré Sc nous promettoit de s'unir avec nous pour en faire très-humble fupplication au roi, mais nous exhortoit d'avifer a ce qu'il nous avoit dit auparavant, que, defirant embralfer tout d'un coup tant de propofitions, pour en faire demande au roi , nous trouverions fon confeil du tout effarouché, Sc obftiné a ne vouloir condefcendre en facon du monde a ce que nous demanderions , Sc que 1'une des demandes feroit perdre le fruit de 1'autre'; que partant il falloit les féparer Sc. disjoindre, ainfi qu'il a été dit ci-deflus. II loua en après la_ doctrine & le difcours du fieur Savaron, qui leur avoit fait gouter par une. grave Sc moelleufe harangue le défordre qu'avoit apporté la vénalité des offices , le furcroït des tailles, levées Sc penfions , defqueües il nous prioit de Miij  l%Z ÉTATS croire qu'ils demanderoient avec nous non-feulemcnt la furféance , mais la révocation, ou pour le moins la réduction ; mais qu'il falloit tenter ce qui étoit de plus aifé , & laiffer pour quelque tems ce qui étoit plus difficile a obtenir. Quelques belles paroles qu'il püt prononcer, fi ne püt-il jamais faire départir notre compagnie de fa réfolution , de demander conjointement lefdites propofitions •, paree qu'on voyoit clairement qu'il y avoit de 1'artifice, & que le clergé &c la noblelTe s'entendoient a la ruine des officiers, & a la continuation de la charge & oppreffion du pauvre peuple, &c ne vouloient point qu'on demandat le retranchement de leurs penfions, tant ils faiToient marcher leurs intéréts avant tout. Le lundi dix-Teptiemejour dudit mois de novembre, la compagnie s'afTembla le matin aux Auguftins. M. le préfident propofa , fi on députeroit vers le roi quelques-uns de la compagnie pour prévenir les députés de 1'églife & de la nobleffe , ou fi lesnótres y feroient préTens avec eux, ou s'il Teroit meilleur d'y aller après, pour demander a Sa Majefté la furféance d'un quart, tant de la grande que petite taille, furféance du choix d'annuel, de la vénalité des offices j 6c de la rigueur des quarante jours. ii fut réfolu & arrêté qu'on députeroit vers le clergé &c la nobleffe, pour les prier encore une fois de fe joindre avec nous, afin que nous met-  sous Loüis XIII. 185 tant en notre devoir, ils euffent le tort d'avoir lompu les premiers ; &c qu'au cas qu'ils refufaffent de fe joindre avec nous, que le fieur Savaron , affifté d'un député de chaque gouvernement, iroit au Loüvre pour faire ëntendre au roi les trèshumbles fupplications du tiers-état, afin d'obtenir de Sa Majefté la « furféance d'un quart de la taille, » &c de toutes crues incorporées a icelle -, la fur» féance de 1'état des penfions, du droit annuel, » de la vénalité des offices, &c rigueur des qua» rante jours, &c la furféance de toutes commif» fions extraordinaires contenues dans la déclara» tion du roi du mois de juillet ié" 10 , &c autres » décernées depuis ce tems a la foule du peuple ». Comme le fieur Savaron étoit pret d'aller versie clergé, M. 1'évêque de Beauvais arriva , affifté de fix eccléfiaftiques , lequel ayant pris place fur le fiege de M. le préfident, commenca a parler en cette forte 5 « Que quand il jettoit 1'ceil » fur une fi belle & grande compagnie , il ne » pouvoit que louer Dieu de ce qu'il avoit touché )) 1'efprit des provinces, d'avoir fait choix en » une fi honorable & utile délégation , de la fieur » du royaume , auquel tant de graves & excellens » perfonnages rendoient a tous fi fincérement la » juftice, qu'il eftimoit qu'ils la rendoient a eux» mêmes, pour eux-mêmes, & a 1'avantage des » provinces qui les avoient envoyés. Car, quel fruit M iv  i«4 Etats » difoit-il, doivent efpérer vos concitoyens, voyant » & oyant parler que vous n etes pas ici pour vos » intéréts particuliers 5 mais que vous pourchaffez )) avec une finguliere affection ie bien & 1'utilité » de tous; n'épargnant en rien qui foit les moyens » de tenter & éprouver toutes les occafions par » lefquelles 1'on peut parvenir a un bien fi fouhai» table, que la réformation du royaume, les dé» fordres duquel ont défiguré ce qu'il avoit de » plus beau paf-defTus tous les royaumes de la » cbrétienté ». II difoit : « Que les vives attelntes qu'une fi » grande quantité d'officiers de juftice s'étoient » données en pourchaflant la furféance du droit de » la paulette , par lequel les charges étoient ré» duites en forme de patrimoine , & affurées aux » héritiers , témoigneroient par toute la France le » zele & la grande affection qui nous tranfportoit w a faire rendre la juftice auffi belle & candide , )> comme elle fembloit être ternie & enlaidie par » le prix exceffif qui caufoit & la ruine de plu» fieurs families,'& la corruptele en la diftribu)> tion d'icelle ; en quoi le clergé louoit grande» ment nos bonnes & faintes intentions, comme » il faifoit encore de nrocurer la décharge du peu» ple par la furféance des tailles , &c le retran» chement des penfions démefurées, & de ce que » nous nous effbrcions d'extirper &c abolir de tout  sous Louis XIII. 185 » point la vénalité des offices, feul remede pour » faire furgeonner la vertu dedans la France, Sc » peupler les colleges Sc univerfités de beaux Sc » rares efprits , pour faire revivre les fciences, » &c chaffer de tout point 1'ignorance; que tout » cela étoit infiniment louable, digne d'être em)> bralfé par tous les gens de bien , comme il » 1'étoit par meffieurs du clergé , lefquels, comme » peres fpirituels, ne pouvoient que bénir de li » faintes propofitions, Sc réclamer le Ciel, pour » les porter Sc infpirer dans le cceur du roi, afin f» d'en avoir favorable réponfe ; mais qu'il falloit » fe prendre garde de ne tenter tout d'un coup » fa volonté, fur 1'importance de fi grandes re» quêtes , comme étoient celles que nous deman» dions, lefquelles conjointement requifes feroient » infailliblement refufées, a, caufe de leur confé» quence tellement grande, qu'elle faifoit breche a » 1'état des affaires du royaume, dont les charges )*> ne pouvoient être acquittées que par les impo■» fitions que le peuple payoit a fon prince ; que » le clergé embrafleroit toujours tout ce qu'il » jugeroit a 1'avantage du peuple 5 mais qu'il n'y » avoit aucune apparence de demander en même » tems tant de chofes , qui rendroient, ce qui » feroit facile d'ailleurs, & faifable, du tout im» poffible Sc hors d'efpérance d'être accordé. II » nous fuppliok donc de la part du clergé, qui  i8tf Etats » nous aimoit & chérifïbit comme enfans de le» glife, & nous révéroit comme juges du bien » Sc de la vie des hommes, de prendre de bonne » part& d'embrafïer religieufement le faint confeil, » qu'il étoit chargé de nous donner; de disjoin» dre Sc féparer nos propofitions & délibérations, »> Sc ne faire requête pour fheure de la furféance » du droit annuel de la commiffion de ia cour » des aides, fi facheufe Sc onéreufe , Sc des autres » commiffions extraordinaires, Sc nouveaux offices » fi infupportables, dont nos députés leur avoient » fait plaintes; nous promettoit & affuroit, quele » clergé, a la compilation des cahiers, demanderoit » inftammement la décharge du peuple pour le » fait des tailles, Sc le retranchement des pen» fions, qui avoient altéré les coffres du roi depuis » quelque tems, a la foule & oppreffion de fes » fujets. Promettoit encore de demander 1'abo» lition de la vénalité des offices comme chofe » très-juffe Sc raifonnable, & qu'au refte, notre » compagnie fe devoit affurer t!e trouver le clergé » toujours pret & difpofé a lui rendre toutes fortes >> d'affiflanccs ik dc ferviecs ». M. 1c prélidcnr, par une longue réponfe non fardée ni déguifëe, lui déduiht avec modeftie ce qui avoit cré réfolu en DODM compagnie , ce que M. 1'archcvêquc d'Aix avoit voulu moyenner comme lui, & ce qui lui avoit été répondu par  sous Louis XIII. 187 fa bouche felon 1'intention de notre compagnie, qui étoit: « Que nous étions tous difpofés de.nous » faigner nous-mêmes , &: que nous en rendions » aiTez de témoignages par la furféance du droit » annuel, Sc le retranchement de la vénalité des » offices. Qu'au droit annuel, perfonne n'y étoit » intéreiTé que les officiers qui payoient ce droit » comme une forme de taille, quoique volontaire » Sc fans contrainte ; que demandant le retran» chement de la vénalité des offices introduite en » France , nous donnions bien a connoitre de » quelle franchife nous marchions en befogne, en » remettant les charges au même point qu'elles » étoient avant la prifon du roi Francois I, fous » le regne duquel fut premiérement introduit » ledit des quarante jours que les réfignans doivent » vivre après 1'admiffion de leur procuration, j> édit émané in tempore iracundice pour traverfer » Sc chatier les pariemens Sc autres officiers ; que » puifque meffieurs du clergé voy oient Sc recon» noiffoient la fincérité des officiers, ils ne devoient » fe disjoindre d'eux pour favorifer 1'ordre de la » noblelTe qui fembloit diredement fe porter contre » eux. Etpuis, diToit-il, nos délibérations ne Tontv elles pas juftes ï nous procurons la décharge du » peuple par la furféance d'un quartier de toutes les » tailles '. nous voulons faire mettre dans les coffres li) du roi cinq millions de livres qui Te diftribuent par  i88 Etats » chacun anaux penfionnaires du roi & de la reine, » lefquels étant ménagés & fubrogés aux retran» chemens de la taille, que nous requérons de Sa » Majefté, feroient refpirer le pauvre peuple,,& » bénirde mille fortes de bénédictions la Majefté » royale & toute cette honorable compagnie, )> pour leur avoir procuré tant de bien». Par ainfi il faffura que nous étions réfolus d'aller trouverle roi, pour lui faire très-humbles fupplications de toutes lefdites demandes conjointement, & que nous fupplions meffieurs du clergé de ne nous pas abandonner en fi jufles requêtes, qui ne pouvoient êtte éconduites. Ledit fieur évêque de Beauvais fupplia la compagnie de ne le point faire , & de ne vouloir nous défunir de leur ordre & de celui de la nobleffe , que rien n'en pouvoit arriver de bon ; & qu'au lieu du fruit qu'on efpéroit des Etats, ils ne produiroient rien que des épines, & qu'auffi bien toutes nos demandes feroient fruftratoires & inutiles ; qu'il valoit mieux fe porter a la raifon , & a ce qui étoit faifable , qu'a la paffion & a ce qui étoit du tout impoffible ; qu'il nous en prioit de la part du clergé , par 1'obéiffance filiale que nous lui avions témoignée, comme a 1'ordre duquel nous nous fervions pour procurer le falut de nos ames, Ledit fieur préfident l'affura toujours de notre trcs-humble fervice, & du defir que nous avions  sous Louis XIII. 189 de conferver 1'union &c concorde en une action des plus belies & reievées qui eüt jamais été vue dans le royaume; que notre intention étoit toujours de les reconnoïtre pour fupérieurs & peres fpirituels, & leur rendre tout devoir & obéiffanceCes complimens achevés, ledit fieur évêque s'en xetourna. Et tot après, M. le préfident Savaron s'avancant avec fes co-députés, entre lefquels j'étois , pour aller au clergé lui faire part de notre réfolution ci-deffus, on 1'affura que le clergé étoit levé, & que déja leurs députés, & ceux de la nobleffe étoient au Louvre pour fupplier le roi de leur accorder la furféance du droit annuel, & la révocation de la commiffion de la cour des aides, au moyen de quoi ledit fieur Savaron & fes codépntés rentrerent dans la chambre du tiers-état, oü foudain on le vint avertir que partie de MM. du clergé étoit rentrée pour nous donner audience. II alla donc en la chambre du clergé, oü je 1'affiftai pour le gouvernement de Lyon, avec les autres députés des provinces •, nous primes tous féance fur un grand banc couvert d'un tapis, qui étoit au milieu du parquet, regardant de front MM. les cardinaux du Perron & la Rochefoucaud, MM. les archevêques de Lyon & d'Aix , MM. les évêques de Grenoble, d'Acqs & plufieurs autres , &c par derrière ledit banc y avoient plufieurs  lyo Etats abbés, prieurs Sc capitulans, Sc le bureau dtó fecrétaire du clergé. Nous fumes recus a quatre pas hors de la porte, par un évêque Sc deux capitulans, & conduits jufques fur ledit banc , oü étant ledit fieur Savaron , Sc ayant fait une profor.de révérence, Sc nous auffi , nous nous affimes Sc cóuvrimes, par le commandement de M. le cardinal du Perron ; puis ledit fieur Savaron paria en cette forte: « Meffieurs , Severe Suipice rapporte que » Pojlumianus difoit qu'anciennement les Fran» c^ois craignoient d'aborder les Aquitains Sc Au» vergnats, a caufe de leur éioquence ; mais depuis w douze eens ans la chance efttournée, en ce que )> les Acquitains craignent maintenant d'approcher » les Francois, fi polis & fi éloquens , qu'ils fem» blent avoir relevé la langue francoife par-deffus » tous les idiömes de la terre. Je reconnois en moi » un défaut que le baptême n'a pu laver après » ma naiffance, a favoir un ramage groffier, mais » plein de liberté & de franchife, propre Sc pé» culier a ma nation , Cujus llberi &*liberrimi » fpirïtus. C'eft avec cette liberté que je me fuis » promis de vous parler, MM. qui avez eet hon» neur entre les hommes, de tenir la première » hiérarchie Sc le premier ordre, Sc de la êtes » appellés ordinaires, qui vaut autant a dire comme V feigneurs Sc fupérieurs, felon f intelligence d«  sous Louis XIII. ,» S. Cyprian, qui appelle 1'oraifon dominicale » oratiortem ordïnariam ; & en 1'antiquité, ordi» narius confidatus , démontroit le fouverain » magiftrat, comme encore de préfent les magif» trats fupérieurs font appelés juges ordinaires j » &£ le pape ordinarius ordinariorum. » C'eft donc devant ce premier & plus augufte » ordre que j'ai a vdifcourir du fait de la légation » qui m'a été commife par le tiers-état, qui con» fifte en ce point principal de vous fupplier, » comme nos peres communs, de moyenner 1'u» nion & la concorde entre tous les ordres, autanc » comme elle eft requife pour la perfeiftion &c » parachevement d'un ceuvre fi faintement comy> mencé. Vous êces nos feigneurs & nos anges s » qui portez nos vceux & nos prieres au tröne » du très-haut. Vous maintenez nos confciences » en 1'état qu'elles doivent être pour jouir un jour » des délices céleftes, & les élaguez journeilemenc » des mauvaifes fciences & excroiiTances inutiles » que le vice & le pêché y ont plantées pour » faire prendre une profonde racine dans nos ames » a la vertu. » Ces belles & excellentes qualités vous obli» gent, MM. de favorifer nos faintes intentions , » pour les porter avec nous & nous avec vous » devant eet oriënt qui produit & fait naitre fur » 1'horifon de la France un foleil de juftice trés-.  ï9z Etats » refplendiffant. Nous avons déja fait ëntendre 3 » MM. vos députés qui nous ont fait 1'honneur » de nous venir voir, & fommes encore ici portés » devant vous pour vous confirmer que la réfolu» tion de notre compagnie eft de vous fupplier » très-humblement de vous joindre avec elle pour » requérir Sa Majefté d'accorder au peuple une )) furféance du quart de la taille, & des crues » incorporées a icelle, la furféance de 1'état des » penfions, fi déméfurées qu'elles furpaffent de bien » loin la regie des penfions qui ont été données » par les rois précédens; demander inftamment » la furféance du droit annuel, de la vénalité des » offices, de la rigueur des quarante jours, Sc d'une )> infinité de commiffions extraordinaires qui font » des cbancres par lefquels le peuple eft mangé » Sc dévoré; vous nous avez fait croire que vous » trouviez toutes ces demandes juftes, Sc que vous » les vouliez embrafier les unes après les autres , » pour en requérir 1'entérinement de Sa Majefté; » mais vous nous avez voulu faire goüter par des » difcours fucrés une viande que nous ne pouvons » bonnement digérer; car a quel propos voulez» vous disjoindre nós requêtes pour favorifer les » unes a préfent, & rejetter les autres dans vos » cahiers, que vous dites être remplis des mêmes » chofes que nous demandons? )> Quand vous vous buttez a 1'extinction dü droit » annuel,  sous Louis. XIII. 103 » annuel, ne donnez-vous pas a connoitre que votre » intention n'eft autre que d'attaquer les officiers » qui pofledent les charges dans le royaume, » puifque vous fupprimez ce que vous devriez » demander avec plus d'inftance; a favoir Tabo» lition des penfions, qui tirent bien d'autres coii» féquences que le droit annuel. Vous voulez » öter des coffres du roi feize eens mille livres .» qui lu; rev.ennent par chacun an de ia pau» lette, Sc voulez furcharger de cinq millions » de iivres 1'état que le roi paye tous les ans , » pour acheter a deniers comptans la fidélité de fes » fujets. Quel bien, quelle utilité peut produire » au royaume 1'abolition de la paulette, fi vous » fupportez la vénalité des offices qui caufe feule » le déréglement en la juftice: Vous voulez au» cunement flatter & adoucir le mal, mais non » pas guérirdu tout la maladie; c'eft, MM. cette » maudite racine qu'il faut arracher, c'eft ce monf» tre qu'il faut rudement combattre, que la véna» lité des offices qui éloigne & recule des char» ges les perfonnes de mérite & de favoir, pro» curant 1'avancement de ceux qui, fans vertu, » bien fouvent, fe produifent fur le théatre Sc )> le tribunal de la juftice, par la profufion d'un » prix déréglé, qui fait perdre 1'eftime Sc 1'efpé-*» rance même d'y pouvoir atteindre a ceux que » Dieu a inftitués en une honnête médiocrité, Par Torne XVI. N  1^4 Etats » ainfi, MM. nous vous fupplions bien humblement » de ne nous refufer en fi faintes demandes, 1'u» nion de votre ordre. C'eft pour le peuple que » nous travaillons-s c'eft pour le bien du roi que » nous nous porton*; c'eft contre nos propres in» térêts que nous combattons. Ainfi Dieu fera réuf» fir a bonne fin la tiffure de eet ouvrage, Sc » benira nos juftes adions, pour les faire fructi» fier au bien cotnmun de tout le royaume ». M. le cardinal du Perron lui fit réponfe : « Que » le clergé lui avoit une finguliere obligation des » beaux titres d'honneur defquels il le décoroit: » qu'il étoit de vérité conftitué au premier ordre, » duquel" le Pfalmifte', Sc fapötre S. Paul parloient » en ces termes : Secundum ordinetn Melchife» dech. Qu'il montroit bien par fon difcours qu'il » étoit d'une province ancienne, de laquelle Lyon, » ville capitale, avoit dès long-temps été honorée » de beaux Sc rares efprits , qui avoient fait ex» celler 1'éloquence, d'ou vient le vers : Et Lugdunenfem rhetor didurus ad aram. j) Que 1'Auvergne avoit auffi ffeuri en fcience, & » nourri dans fes entrailles de grands perfonnages d élevés en dignités, témoin ce grand Sidonius » Apolinans, qu'il avoit lui-même reftitué Sc » donné au public avec une grande Sc finguliere  soüs Louis XIII. .195 » émdition & admiration de tous. Au regard » des points qu'il avoit touchés , que la com» pagnie trouvoit infiniment étrange, de ce que » le tiers-état preuoit autre créance d'elle que » celle qu'il devoit avoir d'un ordre aufti éloigné » de paffion, comme fa profeffion 1'obligeoit a » moyenner la paix & la concorde en un corps » qui ne pouvoit être divifé fans recevoir une ruine » &c défolation totale. » Que tout ce qui étoit propofé de la part du » tiers-état (par fa bouche; méntoit d'être em» brafTé, comme le clergé proteftoit de le faire » avec trés inftantes requêtes a Sa Majefté; mais » qu'il y avoit des chofes preffées qui fe pouvoient » demander & obtenir; d'autres qu'il falloit re» mettre aux cahiers, comme étoit 1'abolition des » penfions, qui, de vrai, avoient épuifé les cof» fres du roi; que ce feroit précipitation de la )> demander maintenant, puifque 1'état ne s'en » drefloit qu'au mois de mars , & les paiemens » ne s'en faifoient qu'au mois de juin. Voila pour» quoi ce n'étoit pas chofe fi preffée que la fur» féance du droit annuel, duquel les quittances » étoient expédiées, & prêtes d'être envoyées aux » provinces. » Auffi demander la furféance du quart de la » taille , & crues y incorporées, c'étoit chofe qui » pouvoit fe remettre , d'autant que des quartiers N ij  19s Etats » de 1'année , il feroit aifé d'en demander un auffi » bien d'ici a un mois qu'a préfent. Que pour le » regard de la vénalité des offices, il n'y avoit » un feul cahier , qui n'en fut chargé , & tous les » trois ordres en demandoient la révocation. Et » en ce qui concernoit les commiffions extraor» dinaires, le clergé avoit defiré d'en voir un » état, pour en demander la révocation avec nous, » & partant , nous prioit que puifqu'aux plus » falutaires confeils de nos ames, nous avions » confiance a ce qu ils nous en difoient & enfei■ )) gnoient, nous euffions pareille affurance, que » le clergé protégeroit le tiers-ordre'& 1'affifteroit, » & embrafferoit reügieufement ce qui feroit de )> fon intérêt». Nous nous en retournames en la chambre du tiers-état," en laquelle le fieur Savaron fit rapport de ce qu'il avoit dit, & tót après, s'en alla au Louvre avec fes co - députés, ou il paria au roi & a la reine en cette forte : « Sire, vos très-humbles & très-obéiffans fujets » les gens du tiers-état, profternés a vos pieds, » fupplient Votre Majefté d'ouir & recevoir fa» vorablement leurs très-juftes remontrances. Si » Votre Majefté eft relevée en grandeur & puif-? » fance par-deffus tous les rois de la chrétienté •> » fi votre nom trois fois augufte environne ia » terre & trajette les eaux •, fi yos doublés cou*  sous Louis XIII. 197 » ronnes vous ont acquis le titre illuftre de rör » très-chrétien, c'eft aujourd'hui, Sire, que vous y le devez faire connoitre aux provinces de votre » royaume , repréfentées par les députés des Etats, » qu'il a plu a Votre Majefté de convoquer eri » votre ville capitale de Paris, pour réformer les » abus qui ont terni depuis longues années la » beauté de votre état. Sire , le lys eft mie belle » plante, droite , & d'une naïve blancheur; vos » actions doivent être royales, juftes, pleines de » piété & de miféricorde; c'eft le fondement fut » lequel vous devez afleoir le fuperbe édifice de » votre grandeur. C'eft le fentier par lequel toutes » vos intentions doivent paffer, fi vous voulez » affermir votre principauté, & la laiffer auffi » floriifante aux vötres , comme elle vous a été » confervée par les rois qui vous ont précédé. Le » premier Louis qui porta le titre en ce royaume » de Roi chrétien, confultant un jour 1'oracle de » S. Remi, archevêque de Reims, lui demanda » par quels moyens il pourroit tellement étan» conner & affermir fon royaume, qu'il le ren» dit durable a fes fucceffeurs ; il lui répondit en » deux mots : par la piété & la jujlice. Ce font » ces deux riches colonnes fur lefquelles vous » devez pofer les fondemens de votre état. Quant >> a la piété, vous la tenez par fucceffion : qui Niij  198 Etats » dit un roi de France, dit un roi pieux Sc trés» chrétien ; vous en avez rendu Sc rendez tous » les jours tant de témoignages que cette vertu » vous eft autant familiere comme eft le fruit » qu'elle produit en votre ame royale mais la » juftice vous eft auffi naturelle. Qui avoit appris » a Votre Majefté, en 1'age de quatre ans, de » troüver mauvais qu'un jeune feigneur, en votre » préfence , foulat aux pieds par plaifir des infectes » & petits vermiffeaux , finon une juftice naturelle » qui vous fuggéroit de la pitié Sc compaffion » de voir ainfi cruellement traiter de foibles » créatures. » Sire, ce ne font point des infectes Sc des » vermiffeaux qui réclament votre juftice Sc mi» féricorde •, c'eft votre pauvre peuple ; ce font des créatures raifonnables; ce font des enfans » defquels vous êtes le pere, Ie tuteur Sc le pro» tecleur; prêtez-leur votre main favorable pour les » relever de 1'oppreffion fous le faix de laquelle » ils plGyent continuellement. Que diriez vous , )> Sire , fi vous aviez vu dans vos pays de Guyenne » & d'Auvergne les hommes paitre 1'herbe, a la » maniere des bêtes ? Cette nouveauté & mifere » inouie en votre état , ne produiroit - elle pas j> dans votre ame royale un defir digne de Votre » Majefté, pour fubvenir a une calamicé fi grande J  sous Louis XIII. 199 » Sc cependant cela eft teliement véritable, que » je confifque a Votre Majefté mon bien Sc mes » offices, fi je fuis convaincu de menfonge. » Mes co-députés Sc moi fommes chargés de » vous faire ouverture des moyens qu'il plaira a » Votre Majefté de tenir pour foulager votre » peuple : il vous demande très-humblement la » révocation de toutes les commiffions extraordi» naires Sc nouveaux offices contenues en eet état » Sc de toutes les autres portées par votre décla» ration du mois de juillet 161 o , qui rongent » Sc fucent vos provinces jufqu'aux os, a votre » infeu, n'enrichiffent ou accroiffeht les deniers » de votre épargne, mais engraiffent une quan» tité de partifans qui dévorent la fubftance de » vos fujets. Ils vous demandent encore très» inftamment furféance du quart de la taille Sc » crues y incorporées, afin de leur donner quel» que loifir de refpirer fous le faix de tant de » miferes. » Cette demande, Sire , n'eft pas nouvelle c » le peuple la requit a 1'entrée des derniers Etats » en quatre-vingt-huit; Sc, de temps en temps , w jufqu'au regne de Charles fixieme, il fe trou» vera que les premiers fruits des Etats ont été » la décharge du peuple. Vos officiers, Sire, » fecondant, en quelque facon , 1'intention du » clergé Sc de la nobleffe, fe font portés a re- Niv  200 Etats » quérir de Votre Majefté la furféance du droit » annuel, qui a caufé un prix fi exceffif ès offices » de votre royaume, qu'il eft mal-aifë qu'autres » y foient jamais recus que ceux qui auroht plus » de biens & de richefTes, & bien fouvent moins » de mérite, fuffifance & capacité : confidéra» tion, a dire vrai, très-plaufible, mais qui » femble être excogitée, pour donner une atteinte » particuliere a vos officiers, & non a deffein » de procurer entierement le bien de votre » royaume. » Car, k quel fujet demander 1'abolition de la » paulette , fi Votre Majefté ne fupprime de tout » point la vénalité des offices? Or, Sire, c'eft » ici oü vous, qui commandez fur un nombre » innombrable d'bommes, devez commander & » doriiiner fur vous-mème ; c'eft contre ce monftre » hideux que vous devez éprouver vos foroes, & » non pas contre 1'introduction de la paulette » feulement, qui a donné être & naiffance au » droit annuel. La vénalité des offices eft cette » mere hideufe & effroyable , & qui a con9u dans » fes entrailles une fille fi affreufe, un avorton » de nature, que tout le monde détefte comme » pefte pernicieufe a votre état. II faut arracher » la racine , fi/Vous voulez faire mourir la » plante. » Le droit annuel, Sire , n'eft pas introduit  sous Louis. XIII. 201 » de nouveau : les comtes, en la première lignée » de vos prédéceffeurs, qui depuis ont été chan)> gés en baillifs & fénéchaux , étoient offices &t » dignités, pour raifon defquelles on payoit certaine » finance par chacun an ; & de fait, qu'il fe lit » dans Grégoire de Tours, que le comte d'Au» xoire , appelé Aervius, fupplanta fon propr^ » pere en payant le droit pro acllone, id ejl, » maglflratu , & fit remplir de fon nom la quit» tance qui avoit été expédiée en faveur de fon» dit pere. Les Capitulaires de Charlemagne nous w enfeignent que les bénéfices appelés fiefs par » les Lombards, fe donnoient en la feconde fa» mille, en faifant la foi & hommage, & payant » par chacun an le droit de fief; & en la troiw fieme lignée , les offices étoient viagers avant » fintrodudion de 1'édit rigoureux des quarante » jours, promulgué en la colere du roi Francois » premier, édit non vérifié , & par conféquent )) nul & non obligatoire. » Ce n'elt donc pas une nouveauté que le droit » de paulette ou annuel; auffi n'a-t-il pas donné » fujet a la nobleffe de fe priver & retrancher » des honneurs de judicature. Mais 1'opinion en » laquelle elle a été depuis longues années, que » la fcience & 1'étude affoibliffoit le courage , » & rendoit la générofité lache & poltronne, la » vénalité a cimenté &c entreteau cette foible  ioz Etats » opinion ,. quand 1'on a vu que , pour parvenir » aux honneurs, il falloit invocjuer la déeffe Pé)> cune. La nobleffe a mieux aimé quitter eet hon» neur que d'en acquérir par ce moyen. » Mais on vous demande , Sire , que vous abo» liffiez la paulette, que vous retranchiez de vos » coffres feize cents mille livres, que vos officiers » vous payent tous les ans;& cependant 1'on neparle » point que vous fupprimiez 1'excès des penfions » qui font tellement effrénées, qu'il y a de grands )) & puiffans royaumes qui n'ont pas tant de re» venu que celui que vous donnez a vos fujets, i) pour acheter leur fidébté, N'eft-ce pas ignorer » & méprifer la loi de nature , de Dieu & da » royaume, de fervir fon roi a prix dargent, &c » qu'il foit dit que Votre Majefté ne foit point » déformais fervie , finon par des penfionnaires ? » Un certain reprenoit un jour Alexandre de fa » trop grande libéralité &c des dons qu'il faifoit » a plufieurs : Tu te mets en hafard} lui di» foit-il, de n'être fervi que par ceux a. qui tu » donnés : les rois qui conftituent des penfions » aux uns , défobligent les autres a qui ils ne » donnent rien, & perdent par ce moyen plus de » ferviteurs qu'ils n'en acquierent. Quelle pitié, » qu'il faille que Votre Majefté fourniffe , par » chacun an, cinq millions fix eens foixante » mille livres 3 a quoi fe monte 1'état des penfions  sous Louis XIII. 203 » qui fortent de vos coffres! Si cette fomme étoit » employée au foulagement de vos peuples, n'au» roit-il pas de quoi bénir vos royales vertus ? Sc » cependant 1'on ne parle rien moins que de » cela ; Ton en remet la modération aux cahiers, » Sc veut-on a préfent que Votre Majefté furfeoye » les quittances de la paulette. Le tiers-état ac» corde 1'un , Sc demande très-inftamment 1'autre, v non avec des paroles de foye, mais avec très» humble fupplication, Sc avec la modeftie qu'il » faut obferver en parlant a fon roi». Le roi lui dit, « que le tiers - état donnat fes » cahiers •, Sc la reine ajouta qu elle promettoit de » les répondre favorablemcnt ». A deux heures de relevée, ledit fieur Savaron fit fommairement rapport a notre compagnie de ce qu'il avoit dit : enfuite de quoi fut avifé qu'on ne viendroit plus a 1'alTemblée générale que trois fois la femaine , le mardi, jeudi Sc famedi matin, Sc que le refte du temps feroit employé a la compilation des cahiers. La nobleffe fe trouva piquée de ce que ledit fieur Savaron avoit parlé ainfi librement , tant dans la harangue qu'il avoit faite dedans leur chambre , le famedi 15 , que le jour d'hier devant le roi. Elle eftima qu'elle avoit re$u de rudes atteintes contre fon honneur, Sc fe promettoit de faire défavouer ledit fieur Savaron par notre  204 Etats compagnie, &C recevoir fatisfaction Sc réparatiota de ce qu'elle difoit lui avoir été injurieufement dit a la première affemblée •, mais elle en voulut premierement communiquer avec MM. du clergé , pour les prier de fe joindre avec elle. Et ayant fait dreffer des mémoires de leurs plaintes, elle en chargea le fieur marquis d'Urfé , pour les porter auxdits fieurs du clergé. Ledit fieur Savaron fut averti par fes amis de cette menée, afin de fe tenir pret, & de n'être pas furpris. Le lundi matin , 20 dudit mois de novembre, les ordres s'affemblerent aux Auguftins en la m'aniere accoutumée. M. le préfident Miron, fur 1'avis qu'il avoit eu que MM. de la nobleffe feroient plainte de ce qui avoit été dit & prononcé par ledit fieur Savaron , propofa fi on feroit réponfe a MM. du clergé , qui fe vouloient rendre médiateurs en cette affaire , en notre cbambre meme, ou bien fi on les préviendroit, & on iroit en leur chambre , pour les affurer que rien n'avoit été dit que bien a propos, &c fans deffein d'offenfer perfonne •, il fut avifé , a la pluralité des provinces, que la réponfe fe feroit par ledit fieur Savaron , après que M. le préfident auroit fait ëntendre quelque chofe de fon intention &c de celle de la compagnie. Ce fait, entra M. 1'évêque de Lucon , du depuis connu & renommé , tant dedans que dehors le  sous Louis XIII. 205 royaume, fous ce nom fameux de cardinal duc de Richelieu , affifté de trois eccléfiaftiques & des nötres , qui 1'avoient été prendre jufqu'a la porte de la chambre du clergé, felon qu'il s'obfervoit ès complimens ordinaires. Lequel fieur évêque ayant pris place au fiege de M. Miron , dit « qu'il » avoit été député par le clergé pour renouer la » paix & 1'union qui fembloit fe diffoudre éntre » les tcois ordres , par la défiance que le tiers-état. » avoit concue de MM. du clergé, & par les » paroles injurieufes que notre député avoit pro-, » noncées , en la préfence de Leurs Majeftés , » contre 1'honneur de la nobleffe , qui s'en étoit » tellement fcandalifée, que le clergé avoit jugé » néceffaire d'être éclairci de notre intention , » afin d'éteindre le feu de difcorde qui confom» meroit en moins de rien le fruit que toute la » France efpéroit des Etats; que, quant au clergé » il remettoit toute 1'offenfe qui lui avoit été » faite, & n'en avoit aucun reffentiment, n'igno» rant pas ce paffage de 1'Ecriture : Mihi vin» diclam , & ego retribuam. Seuiement il prioit » notre compagnie de faire ëntendre a la nobleffe » ou par la> bouche même du fieur Savaron , ou » par autre, que ce qui avoit été dit , étoit a » bonne intention , & non pour offënfer perfonne. », Que» rendant cette fatisfaction & contentement »> a la nobleffe, tout s'en porteroit mieux. Et,  2o6 Etats » quant au clergé, qu'il tenteroit toutes fortes de » moyens, comme pere commun de tous , de » pacifier les chofes, Sc modérer les courages » qui fembloient s'échaufFer, afin que cette aótion » put réuifir au bien Sc utilité publique ». M. le préfident Miron remercia le clergé de la bonne volonté qu'il témoignoit au tiers-état, qui n'auroit jamais autre créance de MM. les eccléfiaftiques, qui ne fut pleine de refpect Sc d'obéiffance. Au refte, il fit ëntendre audit fieur évêque , que M. Savaron avoit rendu de fi longtems tant de preuves Sc de témoignages de fa. fuffifance , qu'il ne lui pouvoit être échappé de la bouche aucunes paroles qui puffent offenfer MM. de la nobleffe, comme ledit fieur Savaron lui feroit particulierement ëntendre , s'il plaifoit de lui dire les paroles defquelles la nobleffe fe fentoit piquée. Alors ledit fieur Savaron s'approcha, Sc s'affit fur le banc ; Sc le fieur évêque lui dit que la nobleffe étoit offenfée de ce qu'il avoit dit, en la préfence de Leurs Majeftés, « que la » nobleffe s'étoit retirée d'elle-même de 1'honneur, » & qu'elle fervoit le Roi a prix d'argent ». Ledit fieur Savaron prit la parole , Sc, s'adreffant audit fieur évêque, Sc en général au clergé , il dit « qu'il étoit trcs-aife d'avoir pour juges de » fon innocence MM. de 1'églife, appeiés Cleros, » quafi iatermedios judices, auxquels il feroit  sous Louis XIII. 2.oj » connoitre que, de fait, de volonté ni de pa» roles, il n'avoit point ofFenfé MM. de la no» blelTe, &'que rien ne lui étoit échappé pour » raifon de quoi on le dut foumettre a aucune )) réparation ; qu'il y_ avoit vingt-cinq ans qu'il » avoit 1'honneur d'être officier du roi, & 1'avoit » fervi en une cour fouveraine, avant qu'il füt » appelé par Sa Majefté en la charge en laquelle » il lui avoit plu de le conftituer. Qu'il avoit » porté cinq ans auparavant les armes, de ma» niere qu'il avoit le moyen de répondre a tout » le monde en I'une & en 1'autre profeffion : néan» moins, pour contenter MM. du clergé, qu'il » étoit prêt de leur faire connoitre que tout ce » qu'il avoit dit étoit du tout z 1'avantage de la » noblelTe 5 car il avoit principalemeut fondé fon » difcours fur la vénalité des offices, qui avoit » occafïonné la nobleffe de Te reculer des hon» neurs ; qu'il y avoit deux Tortes d'honneurs ' » » qui étoit faux , & 1'autre vrai. Le faux » honneur, c'eft celui qui s'achete a prix d'ar» gent ■> Par lequel les idiots &c incapabies Tont » élevés en dignités , & Tont ne plus ne moins » que' le Tinge travefti, lequel, de Ton naturel, » aime la cime des arbres 5 & tant plus il eft » haut monté, tant plus il fait voir qu'il eft fïnge. » Le vrai honneur eft celui qui s'acquiert par la » vertu ; térnoin les anciens, qui avoient bati  2o8 Etats » les temples de 1'Honneur & de la Vertu, 1'un » auprès de 1'autre; mais, pour aller a. celui de » 1'Honneur , il falloit paffer néceifairement par » celui qui étoit dédié a la Vertu. » Qu'il n'avoit point entendu parler du dernier » honneur, fachant bien qu'il y a beaucoup de » MM. de la nobleffe qui font compris dans le » tiers-état, qui favent cultiver 1'honneur , & » font très-fuffifans en leurs charges , lefquelles » font annobiies par le mérite de leurs perfonnes ; » car nobïlitantur honores , ciim honorantur » homines ; mais bien du premier & faux hon» neur , qui s'acquiert en invoquant la déeffe » Pécune, qui ne fe diftribue pas par égalité de » mérite, mais par inégalité de fortune. Voila » pourquoi la nobleffe s'étoit retirée de reis » honneurs, comme. faux &c peu convenables a » fa profeffion , & que le moyen de 1'appeler » aux vrais honneurs , étoit de retrancher la vé-. » nalité des offices, efquels chacun feroit recu , » a mefure qu'on fe rendroit capable. » Et, pour le regard de ce qu'il avoit dir » qu'il fembloit que le roi achetat, par le moyen » des penfions, la fidélité de fes fujets , que la » nobleffe n'avoit aucune occafion de s'en plaindre, » n'ayant fpécifié perfonne, mais parlé généralement, » fans noter le clergé , la nobleffe ni le tiers-état en » particulier. Car, des trois ordres, il y en avoit » des,  sous Louis XIII. 1Qj » des penfionnaires, & non de Ia nobleffe Teule» ment. Que de vrai, c'étoit faire honte a 1'état, ».&c donnet créance aux voifins que 1'humeur » francoife ne fe puiffe retenir a la fidélité de » fon roi, que par les penfions , lefquelles , a » bon droit, le roi pourroit pratiquer dans les » pays étrangers, pour s'acquérir des ferviteurs » &c des intelligences, mais non pas dans fon » royaume , oü tous les courages doivent être » difpofés par la loi de 1'état, au fervice de Sa » Majefté, ce qu'il difoit fans aucun deffein d'of» fenfer perfonne en particulier ». Après qu'il eut achevé de parler, ledit fieur évêque pria la compagnie d'envoyer ledit fieur Savaron ou quelque autre en la chambre de la nobleffe , pour lui faire ëntendre cette déclaration; M. le préfident lui dit que la compagnie y aviferoit •, & puis il fe retira , accompagné des fiens & des nötres. Ce fait, il y eut un grand murmure , les uns eftimant que le tiers - état ne fe feroit point de tort d'envoyer quelqu'un vers le clergé , pour le remercier de la bonne affecTion qu'il nous portoit, & du defir qu'il avoit d'apporter la paix, & qu'on ne feroit pas mal d'aller femblablement vers la noblelTe, pour lui faire ëntendre, non par forme de réparation, mais par forme de compliment, quelle avoit été Tintention dudit fieur Savaron. Les autres Tornt XVI. O  iio Etats approuvoient bien d'aller vers le clergé , mais non vers la nobleffe 5 car, puifqu'il n'y avoit aucune offenfe, il n'étoit pas befoin de fatisfaction. D'autres étoient d'avis que, fans s'arrêter ni a 1'une ni a 1'autre opinion, comme inutile , il falloit de rechef envoyer vers le roi, pour nous décharger du quart de la taille , &: demander révocation des commiffions extraordinaires , defquelles le fieur Savaron avoit donné au roi un état au róle , &, par même moyen , requérir que, pendant la tenue des Etats, il ne füt rien innové. Toutes ces opinions mifes a la délibération des provinces, il fut avifé que M. le lieutenant-civil, affifté d'un de chaque gouvernement, iroit, le famedi enfuivant, vers MM. du clergé , pour les remercier , de la part de la compagnie, du témoignage qu'ils avoient rendu, pour unir & lier les affections des trois ordres •, &c vers la nobleffe , pour lui faire ëntendre que 1'intention du tiersétat n'avoit jamais été autre que de vivre en paix & onron avec elle, & non de 1'offenfer; &r vers le roi, pour lui demander le quart de la taille, & la révocation des commiffions. Ledit lieutenant-civil accepta la charge; mais il voulut avoir par écrit, de la compagnie , les paroles qu'il devoit dire. Je remarquerai en eet endroit, que les députés  sous Louis XIII. 211 de Dauphiné & de Provence ont obtenu un arrêt au confeil privé du roi par furprife, par lequel les provinces de Dauphiné 8c de Provence ont été mifes devant le gouvernement de Lyon , ayant colloqué Orléans tout le dernier. Sur quoi s'étant préfenté fujet d'opiner , & le greffier ayant appelé Lyon devant Dauphiné 8c Provence, ils protefterent de faire exécuter leur arrêt, & de fe faire -appeler dorénavant après la Picardie. Pour Lyon, nous proteftames de nous maintenir 8c de nous oppofer audit arrêt, en cas qu'ils s'en vouluffent aider. Le famedi vingt-deuxieme dudit mois de novembre, le tiers-état étant alfemblé aux Auguftins, quelques-uns s'étant formalifés de ce qu'un gentilhomme avoit dit infolemment qu'il falloit abandonner M. Savaron aux pages 8c aux laquais, ils trouverent bon d'en faire la plainte, afin qu'on fik de MM. de la nobleffe s'ils vouloient avouer ou défavouer lefdites paroles, 8c nous rendre le même contentemeut qu'ils defiroient de nous. C'eft pourquoi M. le préfident Miron mit en délibération s'il ne feroit pas bon que M. le lieutenant civil, après avoir remercié MM. du clergé de la bienveillance qu'ils nous avoient témoignée, fit plainte auxdits' fieurs defdites paroles impertinentes, 8c infupportables, pour nous en faire avoir la raifon &c fatisfaction. II fut arrêté a la plura- Oij  lité des gouvernemens, que ledit fieur lieutenant civil auparavant que d'aller vers la nobleffe, iroit au clergé, pour le remercier, comme dit eft, de la paternelle affection & bienveillance qu'il avoit témoignée au tiers-état, pour la reconciliation ■& réunion de la nobleffe & du tiers-état; & qu'enfuite il remontreroit a MM. du clergé, les paroles infolentes & infiipportables , fans nommer perfonne , qui avoient été proférées par un gentilhomme, contre la perfonne dudit fieur Savaron, les prieroit de favoir de MM. de la nobleffe, s'ils vouloient avouer lefdttes paroles, ou en faire rendre au tiers-état le contentement qu'eux-mêmes defiroient de nous, cependant qu'on n'iroit po nt vers la nobleffe qu'on ne feut 1'intention defdits fieurs du clergé. M. le lieutenant civil étant parti pour aller trouver le clergé , arriva foudain le fieur de la Verniffe, affifté d'un eccléfiaftique, qui ne prit point place au fiege de M. le préfident comme les évêques, mais a main droite , au lieu oü les députés de Bourgogne étoient affis. II dit que meffieurs du clergé 1'avoient envoyé , pour prier la compagnie de leur envoyer la lifte ou le mémoire de toutes les commiffions dont on vouloit demander la furféance au roi, afin de joindre leurs vceux- & leur affiftance conjointement avec le tiers-état , pour favorifer cette révocation.  sous Louis XIII. 2.1-3 M. le préfident lui dit, que le mémoire defdites commiffions avoit déja été configné entre les mains du roi ; néanmoins que la compagnie ayiferoit promptement de rendre a meffieurs du clergé le contentement qu'ils demandoient •, & incontinent fut délibéré &c réfolu par les gouvernemens qu'on députeroit en la chambre du clergé, pour leur porter ledit mémoire , & les prier de nous affifter en cette requête, & permettre que le tiers-état püt faire ëntendre au roi par la bouche de nos députés, le mal que lefdites commiffions apportoient dans les provinces. Comme nos députés alloient en la chambre du clergé, pour 1'effet que deflus, M. le lieutenant civil revint de la même chambre, qui rapporta avec une grande netteté &t facilité d'efprit , ce qu'il avoit dit devant meffieurs de 1'églife : « Que » comme Jefus, fils de Sirach , avoit été furnommé i) jufte , a caufe qu'il étoit doux &c pacifique, » qu'ils avoient cette vertu en partage par-deffus » tous les hommes de la terre, en laquelle ils fe » confirmoient tous les jours par le facrifice qu'ils » préfentoient fur 1'autel del'agneau immaculé, vrai » Dieu & auteur de la paix, qui avoit pris & revêtu » notre nature humaine, pour réconcilier Dieu avec » les hommes, lefquels, par le pêché , s'étoient éloip gnés de fa grace-, que le tiers-état 1'avoit chargé « dc leur rendre mille fortes de louanges pour la O iij  214 Etats » preuve qu'ils avoient rendue de TafFection qu'ils » avoient eue de fe réunir avec la noblelTe, & » conjoindre les cceurs 8c volontés pour les faire » réuffir au bien commun de tous, en quoi ils » avoient fi bien travaillé , que par leurs bonnes » exhortations, ils nous avoient perfiiadé a Taire » choTe de laquelle meffieurs de la nobleffe nous » avoient reculés ; a Tavoir, de les aller voir, afirt » de leur faire ëntendre que Tintention du tiers-état » étoit toujours prête a témoigner de combien il » defiroit les fervir Sc honorer ladite nobleffe, » laquelle le fieur Savaron n'avoit eu intention de » lacher ni d'offenfer •, Sc qu'étant Tur le point » d'exécuter cette bonne réfolution, on nous au» roit fait ëntendre que quelques-uns de meffieurs » de la nobleffe avoient tenu des paroles fi in» Tupportables dudit fieur Savaron , leTquelles, s'il » étoit vrai qu'elles euffent été dites , le tiers» état defiroit en avoir Tatisfaction & réparation, » & les auroit donc priés de s'en éclaircir, 6c de » faire en forte que la nobleffe Te portat a cette » réparation , comme ils av oient defiré que le » tiers-état rendit quelque forte de contentement a » meffieurs de la nobleffl ». II rapporta , que M. du Perron lui avoit reparti : » Que le nombre ternaire en la Tainte écriture )) étoit fort recommandé , dans lequel étoient » compris les Etats de ce/oyaume,|qui confiftoient  sousLouis XIII. 215 « en trois ordres, defquels, a dire vrai, 1'eccléfiaf» tique étoit le plus relevé, comme celui qui traite » & négocie la paix entre Dieu Sc les hommes, » par la préfentation du faint facrifice Sc des fa» cremens , dont Dieu s'eft voulu fervir par le » miniftere des prétres pour la réconciliation de la » nature humaine; que leur compagnie ne chérifToit » rien tant que cette paix, pour imprimer dans » les volontés de MM. de la nobleffe Sc du tiers» état, comme peres communs, & qu'en cette qua» lité ils témoignoient en toutes occafions, qu'ils » nous affifteroient Sc qu'ils aviferoient ce qui feroit » a faire pour le fujet de cette plainte». Ceux de notre ordre qui avoient porté a meffieurs du clergé la lifte Sc le mémoire de toutes les commiffions , defquelles on vouloit fupplier Sa Majefté d'accorder la fuppreffion , vinrent auffi incontinent après. Ce fait , fe mut un différend entre MM. les députés d'Orléans & le député de Chateau-Regnard. M. le lieutenant général d'Orléans vouloit env pêcher 1'entrée de notre chambre au député de Chateau-Regnard, paree que fon acte de députation ne portoit qu'en cas de maladie, abfence ou empêchement dudit fieur lieutenant-général néanmoins il fut réfolu que ledit député de Chateau-Regnard auroit entree & rang fans voix ni opinion, O iv  txë Etats Le matin du lundi 24 dudit mois, arriva eft la chambre du tiers-état M. Tevêque de Vabres, ( lequel après nous avoir difcouru du bien & utilité qu'apporteroit 1'union des ordres de la nobleffe & du tiers-état, & au contraire de la confufion qui y feroit, fi la divifion y régnoit)nous pria, au nom de meffieurs du clergé , de ieurremettre nos différends pour être par lefdits fieurs amiablement décidés comme peres communs des uns & des autres ; ce qui fut fair par M. le préfident Miron , priant ledit fieur de Vabres de faire conferver le droit & 1 equité qui devoit être murement balancée en cette affaire. • A deux heures de relevée , M. 1'archevêque d'Aix vint en la chambre du tiers-état, environ fur les quatre a cinq heures , affifté de trois eccléfiaftiques, lequel ayant pris place au fiege dudit fieur préfident, remontra : « Que la difcorde étoit » ennemiede tout ordre, apportoit le troubleoT » la confufion, ruinoit entiérement les plus faintes » aclions , quand on ne lui donnoit pas la chaffè , » dès qu'elle commencoit a prendre naiffance ; » qu'au contraire 1'union étoit la bafe & le fon» dement affuré de 1'édifice que nous voulions » batir, dans lequel & fur lequel devoient repofer * les loix de rétat» pour en perpétuer le fruit a nos » fucceffeurs : que meffieurs du clergé, confidérant » le défordre qui pouvoit naitre des divifions qui  sous' Louis XIII. 217 » fe trouvoient entre les corps de la nobleffe 8c » du tiers-état , avoient eftimé être de leur devoir » d'y apporter des remedes lénitifs plutót que » d'irriter le mal; c'eft pourquoi il avoit été dé» puté , pour nous repréfenter fommairement les » paroles dites par M. Savaron , lefquelles, quoi» qu'elles ayent été proférées de droit fens 8c a » bonne intention, avoient néanmoins offenfé des » courages qui fe piquent pour peu , étant d'une » profeftion qui les porte plutót a avoir la main » aux armes qu'aux loix, lequelles paroles con» fiftoient en quatre points ». Le premier avoit été prononcé en cette forte , « que 1'empereur Charlemagne, ai mant les lettres, » avoit mis les charges de judicature au prix du » mérite 8c de la vertu , les exemptant de toute » vénalité. En quoi faifant, les nobles s'étoient » trouvés de fon tems pofféder les plus grandes » charges du royaume , paree qu'a 1'exemple de » leur roi, ils chériffoient les fciencesw.' De forte, que fe fervant de eet exemple , en adreffant la parole a la nobleffe , il lui auroit dit: «Rentrez donc dans les mérites de vos prédé» ceffeurs", 8c puis les portes vous feront ouvertes » aux honneurs & aux charges ». Le fecond point étoit, que ledit fieur Savaron avoit ufé de ces paroles, voulant exciter a requérir ie roi, ge i'émouvoir a la décharge du peuple :  218 Etats « L'hiftoire nous apprend que les romains mirent » tant d'impofitions fur les francois , qu'enfin ils » fecouerent le joug de leur obéiffance , & jette» rent par-la les premiers fondemens de la mo» narchie francoife ; il eft z craindre (le peuple » étant fi chargé de tailles ) qu'il en arrivé le )> femblable; &c Dieu veuille que je fois mauvais » prophete ». Le troifieme , que parlant devant le roi, il avoit dit entr'autres difcours défavantageux a la nobleffe : « Que les penfions étoient venues z un tel exces , » fembloit que le roi voulüt acheter déformais » la fidélité de fes fujets, & que ces dépenfes » exceffives avoient réduit le peuple a païtre & » brouter 1'herbe comme les bêtes, « exagérant tellement cette mifere & néceffité, & la faifant fi grande, qu'il auroit affirmé ( ce qui étoit fon quatrieme point) « que 1'on avoit vu les hommes » dans les pays de Guyenne &C d'Auvergne paitre » 1'herbe comme les bêtes». Que de ces quatre points, la nobleffe s'étoit offenfée ; que néanmoins il ne s'étoit point porté la pour exagérer les caufes & motifs de 1'offenfe, mais pour comparer les chofes, & les mettre en tel état que jamais ön ne s'en reifouvïnt, & que pour eet éffet, meffieurs du clergé avoient tout ie jour été fur la délibération de ce différend , & avoient trouvé bon d'en dreffer un petit mot par  sous Louis XIII. 219 écrit, touchant le contentement qu'il nous prioit de rendre a la nobleffe ; & ce difant, il lut ce qui étoit dans le papier, qui contenoit a-peu-près ces paroles: « Que le tiers-état, ayant entendu » que quelques paroles de fes députés auroient » déplu a meffieurs de la nobleffe, il n'avoit eu » intention, ni en général, ni par la bouche de » fes députés, offenfer, en rien que ce rut, meffieurs » de la nobleffe , qu'il reconnoiffoit ctre 1'une des » colonnes de 1'Etat qui maintenoit la couronne , » par fa générofité, contre les affauts & entreprifes » des ennemis : » enfuite de ce, il nous excita par ,une infinité de belles paroles a dire & proférer le contenu dudit écrit en la chambre de la nobleffe. M. Miron lui fit réponfe , que le fieur Savaron auroit bien fait connoitre « qu'il n'avoit aucune » intention d'offenfer meffieurs de la nobleffe, » comme il en avoit fait la déclaration. devant » M. de Lucon en la préfence de la compagnie, » & qu'il n'étoit pas befoin de dire nommément »& précifément les paroles contenues dedans ?) 1'écrit, defquelles 1'on n'étoit jamais entré en » doute : qu'il falloit que la nobleffe reconnüt » que le tiers-état étoit compofé de plufieurs » membres, parmi lefquels il y avoit des perfonnes » d'autorité & de marqué , a la fidélité defqHelles » lêè juftice , 611e aïnée des rois, avoit été confiée,  ito E t ats » vertu qui ne méritoit pas moins de refped que » le courage des nobles, lefquels, de vrai, main» tenoient la paix au dehors le royaume, 6c Ia » juftice au-dedans ; mais que tous y fervoient » felon leurs charges 6c fonctions qui n étoient » pas moins nécelfaires les unes que les autres. » Au refte, qu'il fembloit que meffieurs du clergé )) fayorifaffent davantage 1'intérêt de la nobleffe, » que du tiers-état •, d'autant qu'ils vouloient bien » par écrit contenter le corps de la nobleffe, des » prétendues offenfes dont ils fe plaignoient; 6c » néanmoins que ledit fieur évêque n'avoit rien » touché de 1'intérêt du tiers-état, de la fatisfaction » qu'il avoit requife des paroles infupportables Sc » infolentes, proférées contre le fieur Savaron, » par un gentilhomme , qui avoit dit qu'il le falloit » abandonner aux pages Sc aux laquais ; que cette » offenfe étoit bien plus grieVe que celle que la » nobleffe difoit lui avoir été faite, 8c que comme » elle defiroit recevoir du contentement du tiers» état , que le tiers-état defiroit en recevoir « d'elle ». Ledit fieur archevêque pria la compagnie de ne pas prendre cette croyance , a que le clergé voulut » favorifer les uns plus que les autres; qu'ils étoient » peres communs de tous, 6c qu'ils vouloient » examiner & pefer les intéréts des uns & des au» tres avec une jufte balance, 6c partant, que fur la  SOUS LOÜIS XIII. 221 » plainte que M. le préfident lui faifoit, de laquelle » M. le lieutenant civil n'avoit donné éclaircif» fement certain quandil étoit allé vers le clergé, » il iroit trouver meflleurs fes confrères , pour » en conférer de nouveau, & elfayer d'apporter » la paix &c concorde , fans quoi il étoit impof» fible de rien faire réuffir a propos». II s'en retourna donc au clergé, oü, après avoir refté quelque tems , il revint & nous dit: « Qu'il » ne falloit pas que nous trouvaffions étrange fi , » a la première fois qu'il nous avoit vifités, il n'a» voit rien dit du contentement que nous pou» vions efpérer, des paroles qui avoient été pro» fétées par un gentilhomme , lefquelles & le cler» gé & la nobleffe ttouvoient fi indifcretes & témé» raires, qu'elles n'étoient avouées d'aucun•, & que, » quant a lui , il ne les ofoit prononcer , a » 1'imitation de M. le lieutenant civil, lequel, » par une fage réticence & prudente élquence, » n'en avoit fait aucune mention ; que c'étoit ainfi » qu'il falloit faire des chofes fi légeres, &c ref» fentant la tête bouillante & indifcrete d'un jeune » homme & d'un étourdi , lefquelles il falloit » plutöt enfevelir dans un profond filence, que » de les éclore au jour •, que ces paroles n'avoient » été dites dans la chambre du clergé, mais de» hors; encore n'étoient-elles pas pleinement prou» vées, & voila pourquoi le clergé les méprifant  222 Etats » n'avoit rien réfolu ni jugé, que fur ce qui étoit » préfent 8c en état. II nous prioit au refle, au » nom de Jefus-Chrift, d'embraffer la paix, 8c » ne pas pointiller avec la nobleffe en chofe de » fi petite conféquence ». Comme il difoit cela , un gentilhomme qui Tinterrompit, paria quelque tems a lui, debout 8c al'oreille-, ce fait, il fe raffit, 8c Ledit gentilhomme prit place a la droite dudit fieur évêque , puis il continua a dire : « Qu'il ne pouvoit » rien arriver de bon de ces animofités des uns » contre les autres, qu'il falloit envoyer quelqu'un » des nötres vers la nobleffe pour leur rendre le » contentement qu'elle defiroit, felon ce qui étoit » contenu dans le papier qu'il avoit lu , 8c que la» même la nobleffe contenteroit le tiers-état de » 1'offenfe qui avoit été rendue par le gentil» hom me qui avoit proféré les paroles dont ils » fe plaignoient ». Comme il eut dit ceci, nous nous affemblames felon nos gouvernemens pour délibérer s'il étoit bon que M. le lieutenant civil, allant vers la noblelTe, prononcat les mêmes paroles qui étoient dans le papier; les uns les trouvoient bonnes, les autres non, 8c n'y eut point de réfolution certaine , paree qu'en même tems M. le cardinal de Sourdis arriva dans la chambre, qui donna occafion a M. Miron, audit fieur lieutenant-civil  sous Louis XIII. i2? & a beaucoup d'autres, de faire un groupe auprès de lui au milieu de la chambre. II prioit notre compagnie, ainfi que faifoit ledit fieur archevêque, d'embraffer la paix & la concorde, & d'éviter le défordre. Comme ledit fieur cardinal & ledit fieur archevêque eurent été quelque tems en eet état, ils fortirent & furent fuivis de M. Miron & dudit fieur lieutenant-civil & de plufieurs autres; puis ledit fieur lieutenant-civil rentra, & demanda a la compagnie fi elle trouvoit bon qu'il dit a la nobleffe ce qui étoit écrit dans le papier, ou bien , s'il diroit ce qui lui viendroit en la fantaifie, & s'il en feroit avoué; il lui fut dit confufément qu'on fe remettoit a lui de dire ce qu'il aviferoit être a propos, pluröt que de proférer ce qui étoit dans 1'écrit. II s'en alla donc avec beaucoup de fa compagnie dans la chambre de la nobleffe, en laquelle fe tranfporterent auffi lefdits fieurs cardinal & archevêque avec quatre capitulans; ledit fieur cardinal voulant de fa préfence honorer la nobleffe, a la fatisfaction qui leur devoit être faite. Ledit fieur lieutenant-civil ayant parlé & fatisfait a fa délégation , retourna tot après, & rapporta ce qu'il avoit dit, qui fut en fomme: a Que les » trois ordres étoient trois freres, enfans de leur » mere commune la France, qu'au premier, » qui étoit le clergé, étoit arrivée la bénédidion  224 Etats » de Jacob & de Rebbecca, ayant obtenu le droit » d'aïnefle; qu'au fecond, repréfenté par la no» bleffe, étoient échus les fiefs, comtés & autres » dignités de la couronne •, au cadet, ou troifie» me, qui étoit le tiers-état, étoient arrivées les » charges de judicature : que le clergé étoit donc » 1'ainé, la noblelTe le puïné, le tiers-état le » cadet Que pour cette confidération le tiers» état avoit toujours reconnu MM. de la nobleffe » être élevés de quelque degré par-deffus lui, en » témoignage de quoi il avoit dès Tentrée des » Etats le premier fait les complimens, &c s'étoit » toujours maintenu au refpect & honneur qu'il » devoit a eet ordre, qui n'avoit jamais été blefle » par aucun du tiers-état, de fait ni de volonté, » comme il étoit prêt de reconnoïtre, felon Técrit » qui en avoit été dreffé par MM. du clergé, » (ce qu'il dit Taus tirér le papier) mais aufli que » la nobleffe devoit reconnoïtre le tiers-état )> comme fon frere, &c ne le pas méprifer de tant, » que de ne le compter pour rien, étant com» pofé de plufieurs perfonnes remarquables, qui » ontdes charges & dignités,defquelles ils ont bien » fouvent a faire, &c lefquelles ils ne dédaigne» roient pas d'exercer, comme de fait plufieurs des » leurs y étoient conftitués, & ne méprifoient » pas non plus de prendre alliance dans le tiers» état, & le tiers-état chez eux; qu'ainfi que la » nobleffe  sous Louis XIII. » noblefie donnoit la paix a la France, eux du » tiers-érat, qui portoient caradere de juges, la » donnoient aux families, qu,i font en divifion entre » elles} & qu'au refte il fe trouvoit bien fouvent » dans les families particulieres, que les aïnés » ravaloientles maifons, & les cadets les relevoicnt » & portoient au point de la gloire». II dit, que M. de Senecé, préfident de la noblelTe, lui répondit que la noblelTe avoit toujours témoigné au tiers-ordre de la bienveillance & amitié, & ne s'étoit jamais éloignée de lui départir fon affiftance en toutes occafions, oü elle en avoit été requiTe, comme elle feroit encore quand le tiers-érat fe mettroit en devoir de lui rendre du contentement. Et d'autant qu'il n'avoit rien touché de Toffenfe contre 1'honneur du fieur Sayaron par des paroles que Ton prétendoit avoir été dites par le fieur de Clermont d'Entragues, M. le lieutenantcivil rapporta que tous s'étant levés, il tira a part M. Tarchevêque d'Aix , & lui dit: «Que le tiers» état n'étoit pas Tatisfait, & qu'on ne lui avoit » rendu aucun contentement touchant Ladite of» fenfe, & que quant a lui , il n'étoit pas dé)> libéré de parcir Tans en recevoir quelque Tatis» faótion , autrement qu'il piqueroit la noblelTe ». Cela donna fujet audit fieur archevêque d'en dire un mot audit fieur de Senecé, qui, ayant Tome XVI. p  zië Etats repris la parole, dit : « Que la nobleffe avoit )> trouvéfi peude goüt aux paroles indifctetes donc » ils fe plaignoient, qu'elle neles vouloit aucune* » ment avoüer , comme auffi n'avoient été dites » dans leur compagnie ». Or , les dernieres paroles defquelles ledit fieur lieutenant-civil s'étoit fervi envers la nobleffe , lui faifant le compliment, en exciterent quelques-uns a dire qu'ils avoient plus été offenfés par ledit fieur lieutenant-civil que par ledit fieur Savaron; ■car, difoient-iis , quelle offenfe plus grande de dire que nous fommes leurs freres ainés, Sc qu'il fe rrouve bien fouvent que les aïnés détruifcnt 1'honneur des maifons, Sc les cadets les portent au point de la gloire ? N'étoit-ce pas proprement donner une atteinte a la nobleffe ï II faut fe plaindre au roi de ces paroles oütrecuidées, par lef* quelles 1'honneur de la noblefie elf bleilé Sc vudement attaqué; car ce n'eft pas feulement aller du pair, mais c'eft touler aux pieds la nobleffe , Sc conftituer ie tiers-ordre au-defius d'elle. II ne le faut point endurer, & il faut en avoir raifon. Ainfi ils fe piquerent tous, Sc releverent ces paroles a mefure qu'ils y penfoient,& blamoient le fieur de Senecé de les avoir endurées, fi bien qu'ils furent jufqu'a neuf heures du foir dans leur chambre, a délibércr de ce qu'ils avoient a faire. Ils réfolurent tous fur le champ de s'alkr  sous Louis XII L 227 plaïnclrè aü roi; & de fait i!s y ailérént. Mais paree qu'il étoit trop tard^ 1'audience 1'èuï fut déniééj le lendémain iis y retournerent, &z le roi he lés voulut pas encore ouir. Le mercredi, Lfe dudit mois, M; ie lieutenant pria M. Miron dé /aire affembler la compagnie après dinér. L'huifïier dé la chambre alla par-tout öü il put avoir nouveiles des députés. Comme la 'compagnie fut affemblée , M. le préfident dit que M. Ié-lieutenant- civil avoit defiré que nous nous affemblaffions poür ouir cé qu'il nous vouloit dire. Ledit fieur lieutenant ayant fait de nouveau le rapport dé ce qu'il avoit dit le lundi en Ia chambre de la nobleffe, noüs fit ëntendre qu'elle s'étoit piquée de fon difcours , &c part'iculiéreraent des paroles ci-déffus. Pour raifon de quoi elle auroit été deux fois chez le roi pour én faire plainte; rtiais qué 1'audience lui avoit été refufée & remifè jufqu'a ce jour, auquel elle auroit été öuïé. Il fupplioit la compagnie de lui dire fi elle le vouloit avouer ou défavouer de ce qu'il avoit dit. Qué s'il étoit avoué, fa caufe en feroit bien meilleure. Si défavoué, il effayeroit de faire connoitre qu'il n'avoit rien dit que bien a propos, & qu'il he craignoit pas dé fuccomber fous le faix. Qué M. le chancelier ayant eu volonté de favoir la volonté des paroles t 1'ajnroit mandé & lui auroit Pi;  42$ Etats dit, qu'il ne trouvoir aucune forte d'ofFenfe efdites paroles, en tant qu'il n'avoit parlé de la noblelTe en particulier, maïs bien des families particulieres, efquelles il fe trouve bien fouvent que les cadets ont en partage la bonne fortune & Tefprit, au lieu du bien de la maifon. Qu'il avoit été au Louvre, oü il avoit été mandé pour le fait des monnoies, & fortant de Ta , il auroit été regardé de travers par aucuns de la noblelTe, mais qu'il fe promettoit bien que dans quatre jours ils lui viendroient faire, la révérence ; qu'ils ne fe pouvoient pafler de nous, &c étoient bien honorés de prendre alliance dans le tiers-état, & fort aifes quand le tiers-état la prenoit chez eux •, que néanmoins aucuns d'eux avoient réprouvé ce qu'il leur avoit dit, les figurant nos freres ainés, difant: « Qu'il n'y avoit aucune fraternité entre » eux & nous ; qu'ils ne vouloient pas que des )> enfans de cordonniers & favetiers les appelaf» fent freres; &c qu'il y avoit autant de difFérence » entre eux & nous, comme entre le maitre &c » le valet ». Et partant il nous prioit d'avifer ce qui étoit a faire. II fut donc réfolu & arrêté que M. le lieutenant-civil feroit non-feulement avoué , mais auffi remercié, & que ce qu'il avoit dit, feroit enregiftré ; qu'on n'iroit point cbez le roi, pour lui faire plainte de la noblefie , mais feulement qu'on  SOÜS LOUIS XIII. Y pouffuivroit 1'exécution du mémoire qu'on avoi* laiffé a Sa Majefté touchant ia furféance des commiffions extraordinaires & nouveaux offices a &c que le iendemain on viendroit pour difpofer MM. de 1'églife pour fe joindre avec nous en ladite pourfuite ; qu'on travailleroit déformais aux cahiers, fans faire état ni. s'arrêxer a ces poimtilles. Lejeudi vingt-feptieme dudit mois de novembre, du matin , les députés des provinces du Dauphiné êc Provence demanderent que le rang & féance leur fut octroyée fuivant L'arrêt donné au confeil privé du roi , par lequel il étoit dit que le feize les Etats députerent vers le roi de Navarre. Et paree que quelques-uns des gouvernemens avoient ajouté a leur avis , qu'il falloit pourfuivre Texécution du mémoire qui avoit été donné au roi pour le fait de la furféance des commiffions extraordinaires , il fut arrêté qu'on députeroit vers MM. du clergé , pour les prier de fe. joindre avec nous , & nous permettre de déduire nos raifons en la préfence du roi, pour 1'induire a nous accorder ladite furféance. Comme nos députés étoient fur le point de s'acheminer ou 1'on les. envoyoit, vint en notre chambre M.. 1'évêque de Paris, affifté de trois eccléhaftiques, qui nous dit « que les efprits de a la nobleffe s'étoient tellement échauffés par les-  130 Etats » derniefces paroles de nos députés , qu'ils en » avoient fait plainte a.u roi, qui avoit chargé # MM. du clergé de pourfuivre la compofition » de ces différends, qui ne fervoient qu'a entre-r » tenir les courages en mauvaife humeur, d'oü il » pourroit naitre des difficultés plus grandes , fi ». 1'on ne coupoit fa racine de la confufion en fa >> naiffance ; qu'il avoit été député par MM. du w clergé pöur porter nos volontés a la paix & », concorde , de laquelle il ne pouvoit adyenir ft qu'un fruit-agréable & délicieux, qui profite-. » roit a tout le corps de la France 5 & partant, w qu'il nous prioit de tempérer toutes aigreurs , % & de les dépofer , declarant que lefdits fieurs », du clergé aimoient &c chériffoient égalementi) Tintérêt de la nobleffe & du tiers-état, & qu'ils » defiroient , par une affection paternellè , de 9 mettre les chofes au point qu'elles doivent être , » pour les régler au compas, de la juftice &c de » la raifon », M. fe préfident fit réponfe « que nous nous * étions tellement comportés, que nous ne devions » craindre le blame d'aucun, & que nos intentions » avoient été fi faines, que , jufqu'ici , nous >> n'avions eu volonté, en facon quelconque , >> d'offenfer MM. de la noblefie, lefquels nous » avions toujours reconnus perfonnages de génév rofité &C de valeur, fervant le roi & la cou-  sous Louis XIII.. ^ 3 ï k ronne avec fidélité. Que c'étoit un malheur de » prendre des paroles en autres lens qu'elles » n'étoient dites, auxquelles il ne fe falloit au» cunement arrêter, mais aux effets, qu'un chacun » de nous devoit rendre. par le. devoir des charges. » & fbnetions. efquelles nous étions appelés; qu'au » refte , il aviferoit avec mm. de la compagnie p x> de ce qui feroit a faire fur les bonnes exhorta» tions de mm. du clergé , proférées de la bouche » dudit fieur évêque, auxquels fieurs du clergé % » notre compagnie donnetoit toujours toutes fortes » de témoignages d'obéiffance » d'honneur §£ de » très-humble fervic*». Ledit fieur évêque étant forti, nous nous afiemblames par gouvernemens,, pour avifer ce qui étoit a faire. II fut arrêté que ceux qui étoient députés pour aller vers mm. du clergé , les remetcieroient de la bonne &c fainte volonté qu'ils avoient envers le tiers-état, de laquelle il leur étoit fort obligé, & déclareroient que 1'intention du tiers-état n'avoit été d'offenfer mm. de la nobleffe en général, ou par leurs députés, auxquels fieurs il porteroit toujours refpect &c honseur, &: feroit fervice en toutes occafions, & prieroient mm., du clergé- de prendre la peine de, l.e faire ëntendre eux mêmes a la nobleffe , a laquelle le tiers-état ne vouloit faire autre fatisfaction , defiïant qu'on le. laifsat en paix , afin de travaillex P tv  131 Etats aux cahiers , Sc traiter les affaires plus importante* au public, & que mefdits fieurs du clergé donnaffent jour pour aller avec nos députés chez le roi, fupplier Sa Majefté de nous accorder la furféance des commiffions contenues en notre mémoire. Cela fut ainfi exécuté par le député de Gifors Sc autres , qui rapporterent avoir été ouis par MM. du clergé, qui avoient promis toute affiftance Sc amitié a notre compagnie, Le vingt-huitienie dudit mois , du matin, M. le préfident nous dit qu'il avoit été le jour précédent au Louvre , pour le fait des monnoies , Sc que M. le chancelier lui avoit dit qu'il trouvoit étrange de ce que nous avions trouvé mauvais Tarrêt du confeil, par lequel 1'ordre des provinces avoit été réglé, qui ne touchoit en rien qui foit au rang Sc prééminence des provinces particulieres, lefquelles demeuroient en leur ordre, feion 1'antiquité, mais feulement ne regardoit que 1'ordre auquel 1'on devoit opiner, Voici les mots dudit arrêt : « Sur le rapport fait au roi, étant en fon con» feil , des contentions Sc différends qui font » entre les députés des bailliages Sc fénéchaufiees )) de ce royaume, affemolés en cette ville de » Paris , par commandement de Sa Majefté, pour » la tenue des Etats-généraux qui y font.convo-  sous Louis XIII. 233 » qués, préter.dant plufieurs députés avoir ci-de» vant tenu en femblables affemblées , même ès » dernieres, autre rang que celui qu'on leur veut » donner en 1'ordre des douze gouvernemens ou » provinces , fous lefquelles tous lefdits députés » ont été affemblés, pour rapporter plus commo» dément, par ceux qui y feront ainfi appelés , » fous une même province, leurs délibérations , » par une voix feule pour chacun defdits gouver» nemens, afin d'éviter la longueur & confufioü » qui adviendroit, s'il falloit demander fur chaque » délibération , la voix & opinion particuliere » defdits bailliages & fénéchauffées. Le roi, étant » en fon confeil, a ordonné & ordonné que tous » lefdits députés ainfi affemblés , comme dit » eft, fous lefdites douze provinces ou gouvernè» mens principaux , pour 1'effet que deflus, con» formément a ce qui a été fait ès derniers Etats» généraux, opineroit felon 1'ordre qui s'enfuit: » Premierement, Paris & ce qui eft du gouver» nement de 1'Ifle-de-France, puis Bourgogne, » Normandie, Guyenne , Bretagne, Champagne, » Languedoc , Picardie , Dauphiné , Provence, » Lyonnois, fous lequel feront les pays & bail» liages d'Auvergne, Bourbonnois, Forcts, Beau» jolois, la haute & baffe Marche, Saint-Pierre» le Moutier, Nivernois & pays Donziois, annexé » au Nivernois; &c fous le douzieme defdits gou-  *34 Etats » vernsmens , qui eft celui d'Orl&ps} fe roi vcut » & ordonné que s'afiembfent déformais les pays » & fénéchauifees de Poitou, Anjou, Touraine , » Angoumois , Amboife , Blois , Chartres , le » Malne , le Perche, Vendomois, pays d'Aunis, » la ville & gouvernement de la Rochelle ; fe » tout par maniere de provifion, & fans que la-. » dite réduétjon puiffe. être tirée a conféquence » pour autre effet, ne préjudicier aux droits & » préimlnences que peuvent prétendre aucunes » provinces attenantes aux autres, ni faire aucune» diftracfion des gouvernemens. Fait au confeil j> d'état du roi, tenu a Paris, Sa Majefté pré» fente, le quinzieme de novembre mil fix cent » quatorze. Signé, LOUIS; & plus bas, PoTlER. Ledit fieur préfident dit donc que Sa Majefté entendoit que eet arrêt fut exécuté. Que Sa Majefté lui avoit encore parlé des. eontentions & brouilleries qui étoient entre fe noblefie & 1e tiers-état, lefquelles il vouloit qu'on appaisat, & que quelqu'un du tiers.état fut député vers la noblefie, pour la conrenter, & qu'il luf avoit commandé de nous dire comme auffi il avoit état de MM. de leglife de s'entre-mettre a ap-. paifer ces divifions. II nous dit encore que M. 1e prince ayant defiré favoir ce dont la nobleffe s'offenfoit, 5c ce qui avoit été réfolu en notre compagnie pous;  sg us Louis XIII. 235 la fatisfaction qu'elle dernandoit, avoit jugé que notre réfolution étoit fuffifante pour la contenter, quand elle feroit exécutée en leur préfence :. c'eft pourquoi, en fuivant la volonté du roi, ledit fieur préfident nous dit qu'il avoit minuté dans un papier ce qu'il croyoit devoir être dit devant la noblefie , fans blefler ni offenfer 1'honneur de la compagnie: &c, ayant lu tout haut le contenu dudit papier, M. le lieutenant-civil dit courageufement qu'il avoit été furpris en ce commandement du roi, n'ayant été oui; qu'il prioit la compagnie de le défavouer , plutöt qu'une fi notable affemblée fe foumit, a une réparation fi défavantageufe •, que fi on fe réfolvoit a exécuter eet éciit dans la chambre de la nobleffe , il proteftoit de jamais ne fe trouver en cette compagnie, 8c qu'il ne falloit pas que la noblelTe fe reievat fi haut pardeffus le tiers-état, vu qu'il Te promettoit de tirer un quart de la noblefie du tiers-état, 8c qu'un quart du tiers-état étoit tiré & forti de la noblefie. Enfin , Ton mit en délibération ce qui étoit a faire , 8c il fut réfolu qu'on députeroit de rechef vers MM- du clergé, auxquels on diroit ce qui s'enfuit, qui fut'écrit 8c porté par M. le lieutenant-crimmel de Touloufe & autres : « Meffieurs, » la chambre du tiers-état nous a de rechef députés » vers vous, afin'de déterminer les différends & les» plaintes que MM. de la' nobleffe font de notre  13^ Etats » ordre. Nous avons jugé a propos de ne point » davantage attendre une plus grande inftruction » de leur plainte, & vous fupplier de leur faire » ëntendre que 1'intention du tiers-état ni de leurs » députés na point été de les offenfer 5 qu'ils en » feroient marris, & que les prions, par votre d entremife, que s'il leur en refte quelque mé» contentement, de le lever & oublier, & de croire » que MM. du tiers-état ont toute volonté de les » honorer & fervir en toutes occafions , fuivant » la déclaration qui leur en a été faite par le » tiers-état, a la première entrevue de MM. de » la nobleffe ■, & que les fuppiions d'imiter & porter « Ia nobleffe de demeurer contens de nous ». II fut encore arrêté qu'on les prieroit de fe joindre avec le tiers-état pour demander au roi 1'exécution du mémoire qu'on lui avoit donné. Le fieur lieutenant-criminel de Touloufe ayant exécuté fa députation, rapporta que MM. de leglife 1'avoient oui, & promis toute affiftance ; mais qu'il falloit de nous-mêmes nous aider. Le famedi vingt-nëuvieme dudit mois , M. la lieutenant-général de Senlis rapporta a la compagnie ce que la reine Marguerite lui avoit dit, qu'elle s'étoit fentie fort obligée de ce qu'une fi céiebre compagnie 1'avoit vifitée pour fi peu de chofe qu'elle avoit donné, fans attendre un fi ample remerciment •, « que le tiers - état devoit  sous Louis XIII. 237 » attendre de 1'amitié &c fervice d'elle (il rap•» porta qu'elle avoit ufé de ce mot ) en toutes » occafions oü il voudroit 1'employer ». M. le lieutenant-civil rapporta enfuite que M. le chancelier 1'avoit chargé de dire a notre compagnie qu'il n'étoit pas befoin d'aller vers le roi pour lui parler du mémoire que le fieur Savaron lui avoit donné , mais qu'on députat trois ou quatre de la compagnie avec M. le préfident, poift, au premier jour de la femaine, travailler audit mémoire , Sc voir ce qui s'y pouvoit faire; fur quoi tut arrêté qu'un de chaque gouvernement iroit chez M. le chancelier avec ledit fieur préfident, pour 1'effet dudit mémoire, & néanmoins, que fi, de la part du roi, 1'on y propofoit quelque autre chofe, que les députés entendroient feulement ce qui feroit propofé, pour le rapporter a la compagnie , Sc n'y pourroient rien décider. Comme on vouloit opiner fur eet arrêté, il y eut débat en quel rang les gouvernemens de Lyon, d'Orléans, de Dauphiné & Provence opineroient. Les députés de Dauphiné &c de Provence s'aidoient de 1'arrêt ei-deflus tranferit, Sc du commandement que M. le préfident en avoit recu du roi, pour le faire exécuter. Orléans y confentoit; Lyon s'y oppofoit. Sur quoi fut avifé que ledit arrêt feroit exécuté. Ceux de Lyon Sc d'Auvergne eurent occafion  i 3 § Etats de prendre ledit arrêt a leur avantage, 5c lè tirer a conféquence pour les bailliages, 6c les faire déformais appeler felon 1'ordre ihféré dans icelui; quoi faifant, Saint-Pierre-le-Moutier , qui avoit été reconnu ci-devant le premier, eut été déformais le dêrnier. Mais les fïeurs Gafcoiu^ 6c Rapine , députés dudit lieu j s'y oppoferent, 6c firent dire, par réfultat de la chambre j inféré dans le regiftre du greffier, que ledit arrêt ne s'entendoit qu'a 1'égard de 1'ordre auquel les gouvernemens devoient opinër , 6c non pour préjudicier aux rangs , féances 6c prééminences des bailliages , qui demeuroient en tel ordie qu'il avoit été cidevant dit. Décembre iGu^i Le deuxieme jour de décembre, du matin $ nous nous affemblames de rechef aux Auguftins : M. le préfident fit le rapport de ce qui avoit été fait chez M. le chancelier, ou lui 6c nos députés s'étoient trouvés , pour travailler au mémoire * contenant quatre-vingts articles de commiffions onéreufes 6c nouveaux offices, defquels on vouloit demander la furféance; que M. le chancelier lui dit que le nombre de nos députés étoit trop grand j 6c qu'il n'en falloit que trois ou quatre, pour fe •  sous Louis XII1. 23^ conformer au nombré de ceüx qui avoient été députés par le clergé & par la noblefie. II dit qu'il lui fit réponfe que nous avions avifé de députer un de chaque province ou gouvernement, afin de mieux & plus certainement repréfentec le mal que lefdites commiffions avoient introduit dans lefdits gouvernemens : loin que cette affaire preffoit davantage le tiers-ordre que le clergé 011 la nobleffe, qui n'en reffentoient aucune incommodité ; qu'il n'avoit pu néanmoins obtenir autre réponfe dudit fieur chancelier , & partant, qu'il falloit avifer de ceux qui- iroient au premier jour* II fut avifé, par la pluralité des gouvernemens 9 qu'on fe tranfporteroit encore chez ledit fieur: chancelier, pour le prier de donner expédition favorable fur cê mémoire ; autrement, qu'on lui diroit que , de ce pas , 1'on manderoit aux provinces qu'elles n'ateendiffent rien du bien qu'elleS s'étoient promis. Ce fait, ledit fieur préfident propofa quel ordre on devoit tenir aux chapitrcs du cahier général, & fi 011 devoit mettre le chapitre de la juftice devant ou après celui.de la nobleffe. II fut réfolu qu'on fuivroit celui de Paris , conforme aux anciens cahiers, & notamment a celui de Blois. Enfuite de quoi on avifa auffi de demandet 1'état des finances du roi , afin de travailler pour le fcuiagement du peuple avec certitude , Sc fans  M° E T A T s diminuer ou intéreffer de trop les coffre's du tol. II fut encore arrêté que mardi prochain , on travailleroit au cahier général. ■ Après la réfolution générale ci - deflus prife , 1'huiffier de la chambre vint avertir M. le préfident, que M. le cardinal de la Rochefoucaud defiroit parler a lui. Ayant été quelque temps ' cn conférence avec lui dans 1'anti-falle, il revinc & rapporta qu'il avoit dit que le clergé ne pouvoit fouffrir de la divifion entre 1'ordre de la nobleffe & le tiers-état, & qu'il falloit éteindre le feu qui en pouvoit naïtre; que Sa Majefté avoit commahdé a MM. du clergé d'y mettre la derniere main, & qu'il étoit bon que quelqu'un des nótres allat en la chambre de la nobleffe faire les mêmes complimens, & dire les mêmes paroles que celles qui étoient dans le papier qui fut donné au fieur lieutenant-criminel de Touloufe, & que deux du clergé y affifteroient, afin de compofer tout ce. différend par 1'autorité de leur préfence. A cela s'oppofa M. le lieutenant-civil, qui dit qu'il fe falloit arrêter a la derniere opinion de la compagnie; d'autant qii'il n'étoit rien furvenu de nouveau qui düt faire changer notre délibération ; de forte que cette propofition, mife au jugement des provinces, il fut arrêté qu'on fuivroit ce qui avoit été ordonné a la derniere affemblée, Sc que,  sous Louis XII L qHe, puifque MM. de la noblelTe ne'fe contentoient pas de ce qui avoit été dit en la chambre du clergé, par ledit fieur lieutenant-criminel de ToulouTe , qu'on iroit vers le roi porter toutes fortes d'honnêtes paroles pour le contentement de la noblelTe. Le jeudi quatrieme dudit mois , M. le préfident Miron rapporta a la compagnie, qu'il avoit été le jour précédent au Louvre , oü la reine lui avoit dit que le lendemain, qui étoit le jour de jeudi, il Te trouvat, vers les neuf heures , avec nos députés, pour le fait du contenu audit mémoire ; de Torte qu'il étoit expédient d'y aller promptement, ce qui fut fait a Tinftant. Et après que M. Auftrin, prévót des marchands de Lyon , préfident dudit gouvernement, n'étoit pas venu en Taflemblée, nous députames M. Savaron en fa place pour la province de Lyon, a la charge que fi ledit fieur Auftrin Te trouvoit au Louvre, ledit fieur Savaron s'en retourneroit, fi bon lui Tembloit. A Tinftant, le fieur ClapilTon, évangélifte, fic lecture d'une requête préTentée au roi par 1Wverfité de Paris , tendante a ce que, fuivant fes anciens privileges, il lui füt permis d'avoir rang & féance aux Etats, fous le gouvernement de Tlfle-de-France , & y préfenter Ton cahier, ainfi qu'elle avoit fait fous le regne de Charles VI cs Etats qui furent tenus en Tan 1412 en cette Tome XVI. q  États ville de Paris. Le roi renvoya la requête atsx Etats, pour en ordonner. Cette affaire mife a la délibération des provinces, il fut arrêté, qu'attendu que , par les arrêts de la cour , funiverfïté avoit été jugée corps eccléfiaftique , le tiers-état n'avoit intérêt en ladite requête , & que ladite univerfité fe devoir pourvoirpar-deversMM.du clergé. Le vendredi cinquieme dudit mois de décembre, M. le préfident nous a rapporté 1'examen de notre mémoire , qui avok été fait au confeil. Sur le premier article duquel, quicontenoit plufieurs chefs, favoir, « 1'abolition de la vénalité des offices, k « furféance de la paulette , la furféance des pen» fions, la furféance du quart de la taille & crueS » incorporées, & k révocation de la rigueur des » quarante jours, M. le préfident Jeannin avoit *> dit que, pour le regard de la vénalité, il étoit » a defirer qu'elle fut abolie, & que le roi y » pourvoiroit répondant nos cahiers ; que, pour » la paulette ou droit annuel, il avoit été furfis -, » que le quart des penfions de 1'année courante j» avoit été retranché , &c qu'on rerrancheroit » encore un autre quart de 1'année prochaine , &C » 1'on tireroit a néant fur 1'état les penfions plus » inutiles. Que , pour le regard de la taille , il » n'y avoit apparence d'en demander le retranche» ment-, autrement, que le roi n'auroit moyen de » fuppoïteï ks charges de fon royaume, ni vivre.  sous Lbuis XIII. i45 # Et la-deflus M. le cardinal du Perron dit qu'il » n'avoit pas confenti qu'on demandat ledit article j » fachant bien la nécefïité des affaires du roi. » Que i pour la révocation des quarante jours, le » roi y pourvoiroit auffi. Néanmoins il entendoit *> qu après cette année révolue s fi aucun des offi-' *) ciers députés décédoit pendant la tenue deg' ») Etats j que fon office feroit confervé a fa veuve ») & enfans ». Rapporta en ourre ledit fieur préfident Miföa, que le confeil procédant de fil en aigüiile fur les articles dudit mémoire , il y en avoit eu plufieursdefquels nos députés n'avoient pu rendre réponfe , pour n'avoir été fuffifamment inftruits de ceux qui les avoient couchés fur le mémoire, ce qu'il falloit faire dans mardi prochain, auquel jour le confeil avoit promis 1'audience; qu'on paria femblablement des francs-fiéfs & de la forme qu'ils étoient levés : a quoi ledit fieur Jeannin dit que 1'intention du roi n'étoit pas de les faire lever par autre forme qu'ils avoient été anciertnement. Et, fur ce qu'il lui fut remontré , qu'a caufe que 1'adneffe en étoit faite a MM. les commiffaires , & qu'au moyen de ce, les partifans y procédoien: avec trop de rigueur, il fut arrêté que 1'adreffe s'en feroit par- devant les baiilfs & fénéchaux. Sur ce, il y eut plainte formée par le gouverijenient d'Orléans, contre le lieutenant - général,  144 Etats d'EvreuX, touchant ia commiffion de la recherche des élus , qui avoient exigé du peuple un droit de fignature autre que celui qui leur avoit été accordé; a quoi s'étoit oppofé ledit lieutenant, Sc dit que eet article avoit été mis par ceux du gouvernement d'Orléans. A cela, ledit lieutenant dénia en avoir parlé. Enfuite dece le lieutenant-général d'Orléans (qui en toutes occafions , témoignoit par-deffus tous autres, une grande fincérité Sc franchife) propofa de demander au roi 1'entretenement Sc exécution de la déclaration du roi du mois de juillet i fion, que vous n'êtes pas intérefies efdites com» miffions, & que ce qui vous a portés a joindre » vos interceffions, a été la compaffion que vous » avez eu du peuple, accablé par la rigoureufe)> exaótion que les partifans exercent contre les » fujets du roi. Notre compagnie nous a députés » pour vous en venir remercier, & fupplier de )) continuer vos faveurs pour la décharge de tant » de furcharges 8c mangeries qui les aceablentj » même de vous joindre avec nous pour demander » enfemble 1'exécution de la déclaration du roi * » du mois de juillet 1610; comme auffi nous » charge de vous dire, de la part de notre compa» gnie, qu'elle eft extrêmement marrie des mé» contentemens que vous ayez eus d'elle au fujet » de quelques paroles qui ont été interprétées en » autre fens que celui, qui a parti de la bouche  sous Louis XIII. 247 3» de nos députés, qui les ont dites & proférées. - » Nous reconnoiifons trop le mérite de votro55 ordre & fhonneur qui eft 'dü a la nobleffe , » qui porte- fur 1© front les marqués de la vraie» générofité & valeur, lefquelles notre compa» gnie a toujours eu en confidération , pour vous» rendre la déférence, le refpeót & fervice qui eft » du a votre- qualité. II eft déformais temps d'imiter» les Romains & les Perfes, qui avoient des autels » pour brüler les animaux qu'ils facrifioient aux » dieux, mais qui fe donnoient bien garde qu'il » ne reftat aucun veftige du fiel procédanf des » holocauftes , mais le faifoient foigneufement» confumer par le feu: Nous devons-, a leur» imitation, confumer le fiel & 1'aigreur qui » pourroit avoir été concu par le paffé, le facrifier » fur 1'autel du public , & le confumer par un » feu de charité , en telle forte- que nous en allu-)> mions les flammes dans nos cceurs & volontés, » pour les porter fincerement au fervice du roi, » a. 1'efFet des charges pour lefquellqs nous fommes » envoyés. Nous vous prions de prendre créance » de nous que- nous n'avons jamais eu aucune» intention de vous offenfer, ni par le général, » ni par ceux qui ont été députés de notre com» pagnie, qui n'önt parlé qu'avec un zele & » affeótion entiere d'exécuter leurs charges avec ». la- fidélité que nous devons au roi & au public ^ Qiv  448 Etats » & que, quand il vous plaira d'approuv er no », volontés, nous v„ous rendrons témoignage 'de » 1'honneur , refpect Sc fervice qui vous°fera tou» jours par nous déféré } vous fupplions de nous » confirmer la faveur de votre affiftance dans la » pourfuite des requêtes que notre ordre a pré»fentées a Sa Majefté, defquelles étant fortifié » de votre intervention, il efpere un fuccès heu» reux Sc favorable pour la fatisfadion particuliere » de nos ordres , Sc le foulagement tout manifefte » & apparent du pauvre peuple ». M. de Senecé préfident, fe foulevant un peu, & le chapeau en main , en quoi il fut fuivi de la nobleffe, nous ayant falués, fe couvrit & dit : « Que meffieurs du tiers-état avoient pu recon» noïtre que , puifqu'en la journée d'hier la no» bleffe s'étoit portée avec affedion , au foulage• >> ment du peuple , demandant conjointement°la » révocation de tant de commiffions extraordinai» res , que fa paffion particuliere avoit tellement »été retenue par la raifon, qu'elle avoit jugé » devoir plutöt préférer 1'intérêt public, que de » rechercher les moyens de nuire; que la vraie » magnanimité & grandeur de courage git en ce » point de n'être vaincu par foi-même /mais de » dominer fouverainement fur fes affedions 5 que » la nobleffe étoit infiniment fatisfaite & contente, » qu en cette journée nous euffions lié Sc réuni  sous Louis XIII. 249 » nos volontés pour en faire produire un fruit » gracieux a Sa Majefté, utile & defirable' au peu» ple; que de leur part en toutes occafions oü ils » jugeroient pouvoir rendre de 1'afiiftance a. notre » compagnie , ils le feroient de bien bon cceur ». Ledit fieur lieutenant ayant fait rapport de fa délégation a la compagnie , arriya incontinent après, de la part de la noblefie, M. de Montbrun, affifté de cinq gentilshommes, lefquels ayant pris place comme les précédens, au cöté droit de notre préfident, ledit fieur de Montbrun dit: « Qu'ils avoient été députés de la nobleffe , pour » nous venir affurer du contentement qu'elle avoit » recu de nos députés, dont elle étoit fort fatif» faite & contente , nous prioit au refte de nous » joindre avec elle , pour obtenir de Sa Ma» jefté , une chambre de juftice, prife du corps » des Etats , pour réprimer & chatier les abus & » malverfations des financiers, &c auffi pour prier »,Sa Majefté de réduire les monnoies en telle for» te, que le public n'y fut intérefle ; a favoir , la » piftole a fept livres dix fols , & 1'écu d'or a d foixante-dix-huit fols». M. le préfident lui fit réponfe , « que le t iersaj état étoit fort aife du contentement de la no33 bleffe , lequel il fomenteroit & entretiendroit 33 avec toute forte d'affeófation. Que pour le regard 23 des deux propofitions , la compagnie en déli-  i5° E T A T S n béreroit » & leur feroit favoir ce quelle- m 3? auroit arrêté ». Etant affemblés f après-diner dudit jour, Ton, délibéra fur lefditespropofitions, il fut réfoluqu'oa fe joindroit avec meffieurs de la nobleffe, pour demander ladite chambre de juftice, contre les abus des financiers., & auffi. qu'on fupplieroit le roi (avant la pubiicarion de 1 'édit) « de remettre la, * Pi(lole * livres dix fols , & 1'écu a foixante * & dix-huit fols », & députa-t-on vers meffieursdu clergé & de la. noblelTe, pour leur faire favoir, cette réfolution. - M. le lieutenant-général de Sens fut député qui rapporta que meffieurs du clergé & de la no-, blefTe enverroient quatre de chaque ordre poua aller devers le-roj, pour le fait defdites monnoies , & pour le regard de la chambre de juftice, rap. porta que douze de meffieurs du clergé ,& autane de la noblelTe, fe devoient trouver le lendemain en ce lieu des Auguftins, pour concerter de ca qui feroit dit au roi, pour TétablifTement de ladite chambre, Nous députames les préfidens do nos gouvernemens &c de nos provinces pour s> trouver avec eux, & quatre autres qui furent envoyés a Theure même vers le roi, pour le fait des' monnoies. Le mardi neuvieme dudit mois de décembre, M. le préfident, avec les douze députés desdouzo  soüs Louis XIII. 15% ptovinces, allerent de rechef au Louvre , pour parachever avec le confeil, Fexamen du mémoire ci-defïus. Et a 1'inftant le lieutenant-général de Xaintes, pour le gouvernement de Guyenne, fupplia la compagnie de fe joindre avec eux en une plainte qu'ils faifoient pour toute la Guyenne : laquelle, quoiqu'elle fut exempte de la gabelle du fel, par compofition faite avec les précédens rois, néan-; moins il fe trouvoit des partifans , ayant le droit de la reine Marguerite, qui vouloient vendre le fel dans leurs provinces , & ne vouloient permettre qu'on en p«t ailleurs •, requéroit dong qu'il plüt a la compagnie députer vers ladite leine , pour la fupplier de faire ceffer cette plainte. II fut avifé, fur cette propofition, a la pluralité des voix, que ceux du gouvernement de Guyenne inftruiroient chaque province de ce fait, pour aller vers ladite reine , pourquoi faire chaque province députa un de leur compagnie. En même temps , le fieur lieutenant-général de Montpellier préfenta Tacte de fa députation , Sc demanda avoir entrée Sc féance comme député des catholiques Nde la fénéchauffée de Montpellier, a quoi s'oppofa le fieur de Galliere, tréforier généïal de France , député , tant pour les catholiques , que pour ceux de la religion P. R. difant que cette députation étoit nulle Sc fans autorité , faite hors  Etats de faifon, d'un parti feul , qui ne devoit avoir d'errrée; il fupplioit la compagnie d'en faire lé renvoiau confeil , oü il efpéroitque ladite députation ne feroit recue. Ledit fieur lieutenant-général juge-mage, difoit au contraire qu'elle étoit bonne, faite de 1'autorité de M. de Montmorency, gouverneur de la province , faite avec telle confidération , que les catholiques avoient jugé que leur cahier ne pouvoit être préfenté par ledit fieur de Galliere, tréforier-général de la religion P. R. que leur ville étoit ville d'ótage , de pleine défunion a caufe de deux religions; qu'il étoit donc bien raifonnable que les catholiques euffent leur député, pour repréfenter leurs plaintes & doléances, qui ne ie feroient point par ceux de la religion P. R. A cela, fe leva le fieur lieutenant criminel de 1 ouloufe , lequel, au nom de la province de Languedoc, demanda communication de la députation dudit fieur lieutenant de Montpellier, difant 'que, comme toutes les autres, elle devoit être examinée dans leur gouvernement. Enfin, après 1'examen de ladite députation , il fut avifé de renvoyer les parties au roi ; car on jugea que fi on recevoit les députés d'un parti, 1'on fe devoit attendre que ceux de la religion P. R. en enverroient de tous córés. Le mercredi 10 dudit mois, en la matinée,  sous Louis XIII. 255 M. Auftrin, prévöt des marchands de Lyon, &c préfident du gouvernement de Lyon, propofa une difficulté, laquelle avoit été , le jour précédent, renvoyée par la chambre de ladite province en raffemblée , fur la conteftation qui s'étoit mue entre le fieur Savaron, préfident &c lieutenant-» général de Clermont, Sc le fieur de Murat, lieutenant-général de Riom. L'intention dudit fieur Savaron étoit de faire réunir le préfidial de Riom a celui de Clermont, ville capitale d'Auvergne. Le fieur de Murat s'y oppofqit, difant que la fénéchauffée &c le préfidial de Clermont étoi*nt de nouvelle érecfion, Sc que Riom étoit chef de la juftice d'Auvergne. Après que ledit fieur Auftrin eut fait fommairement le rapport en paroles couvertes dudit différend , lefdits fieurs de Murat & Savaron entrerent en piqué ; voila pourquoi 1'affemblée , defirant fe décharger de cette conteftation qui eut excité beaucoup de bruit, Sc confommé du tems , la renvoya dans le gouvernement pour en être avifé, &c ledit gouvernement fut d'avis fur le champ de renvoyer les parties vers le roi pour leur être pourvu. M. le préfident Miron commen§a enfuite de faire lë rapport de ce qui s'étoit paflé au confeil le jour précédent fur 1'examen des articles contenus au mémoire des commiffions, lefquelles, pour la plupart, avoient été révoquées; &c avant  ?-54 È t A T s qu'il eut parachevé , plufieurs fe mirent a crier \ que tout ce qui étoit contenu au mémoire n'étoit que bagatelle au refped de la taille, d'un qUartier de laquelle 1'on avoit ci-devant réfolu dé feite demande au roi, que c'étoit la ou il falloit infifter; qu'il falloit aller diredement au roi, & non a M. le chancelier qui ne donnoit qué des paroles en payement. Ils demahdoiènt que 1'on en délibérat ptomptement, & que fi 1'on en obtènoit la remife, qu'il felloit dire au roi que les députés étoient prêts de s'en retourner , he fervant de rien qu'a faire de la dépenfe au peuple. Sur ce, ledit fieur préfident dit, qu'il ne falloit! pas ainfi parler tumultuairement & confufément, mais s'écouter paifiblement, & faire les propofitions en telle forte , que chacun les püt ouir &c goüter-, qu'au refte, 1'on ne gagneroit rien de faire cette demande , & de la réitérer , d'autant que M. le chancelier lui avoit dit qu'il ne falloit efpérer aucune remife de la taille : néanmoins Ton prefla pour entrer en délibération filr cette demande , &c fut avifé, a la pluralité des gouvernemens , de demander 1'état de la recette & dépenfe du roi, afin d'être éclairci de ce qui pourroit être juftement demande au roi, fans intéreffer fes affaires. Enfuite de ce, M. le lieutenant général deSens rapporta élégamment ce qui avoit été concerté  sous Louis XIII. 2.5j Ie famedi, avec meffieurs du clergé, dé la nobleffe, &lui avec autres députés de notre compagnie, touchant 1 etabliffement d'unö chambre de juftice, pour réprimer les abus des financiers •, que le concert de f etabliffement de cette chambre avoit été fait fur 1'ouverture d'un certain gentilhomme, qui avoit promis de faire mettre douze millions dans les coffres du roi , de ce qui reviendroit du fimple des fauffes reprifes & autres deniers mal pris par les financiers , dont ils ne s'étoient accufés dans le tems qui leur avoit été préfix par la derniere compofition faite avec eux, & des larcins depuis ce tems par eux faits, fans toucher au quadruple; &C que pour eet effet, il promettoit de donner caution refféante & folvable , même d'entrer en prifon jufqu'a ce qu'il eut juftifié clairement fes dénonciations ; &c paree que cette propofition fembloit très-plaufible &c digne d'être embraflée, il rapporta que meffieurs les députés du clergé, de la nobleffe, lui & fes co-députés avoient defiré réclairciifement des moyens par lefquels ce gentilhomme entendoit faire venir de fi grands deniers dans les coffres du roi. De fait, qu'il auroit été oui, mais qu'il n'avoit voulu déduire les moyens, de peur de découvritun fecret fi préjudiciable au fervice du' roi, joint que le découvrant, la plupart des financiers étant alliés des meilleures &c plus notables families de Pafts, il y  i$é Etats .avoit (langer dV faire perdre un profit fi évident Sc certain, qu'il vouloit qu'on le fit mourir, s'il ne montroit clairemeiit fa propofition , & les moyens d'icelle très-véritables. Sur quoi on lui dit, que s'il ne vouloit décla,rer lefdits moyens en fi grande affemblée, qua tout le moins il les découvrit a quelqu'un de la compagnie qui rapporteroit s'ils feroient bons ou non ) & que celafe feroit a 1'exemple d'un certain donneur d'avis a Athenes , lequel n'ayant voulu publier les moyens Sc ouverture de ce qu'il difoit, fut prié z tout le moins de les déclarer a Ariftide. Mais, quoi qu'on lui] put dire , qu'il ne s'étoit pi2S voulu éclaircir davantage; que néanmoins lefdits fieurs députés confidérant que cette propofition réuffiffant ne pouvoit être que bonne, 1'avoit embraffée Sc s'étoient promis d'y porter leurs compagnies ; de forte qu'on opina fur les mérites de ladite propofition, qui fut embraffée par tous les gouvernemens du tiers-état, & fut arrêté qu'on iroit prier le roi , pour octroyer 1'établiffement de ladite chambre , qui feroit compofée du corps des Etats, a la charge qu'on fupplieroit Sa Majefté de ne faire aucune compofition , ou partie de larcin defdits financiers ; mais que le proces leur feroit fait, Sc que les deniers qui en proviendroient, feroient employés au rachat du domaine Sc rembourfement des offices fupernuméraires 9 fans  sous Louis XIII. 257 fans pouvoir être diverti ailleurs , & que de cö pas les mêmes députés iroient vers le clergé & la noblelTe , les fupplier dé Te joindre avec le tiersétat , & d'embraffer ladite propofition & réfolution •, ce qui fut exécuté; & tot après, lefdits fieurs étant retournés, rapporterent que le clergé & lanoblefie embraflbient cömme nous ladite propofition , & qu'ils nous feroient favoir leur réfolution: Ce fait, ledit fieur préfident Miron continu^ fon difcourS interrompu ( lüi parlant du contenu, audit mémoire ) & dit : « Que M. le ehancelieÊ 33 avoit promis d'y mettre la derniere main le jou4 33 d'après & qu'il falloit que les députés fe trou^ 33 vaflent au Louvre un peu de meilleure heure qué 33 le jour précédent 33. Le lundi onzieme , au matin , M. ClapilTon 4 évangélifte , fit lecture d'une -requête préTentéé par un nommé du Luat, Tecrétaire de la chambre du roi, par laquelle il prioit la compagnie , qu'a Timitation de MM. du clergé & de la noblefie ; il plat au tiers-état de lui donner trois commif* faires, a Tavoir, les fieurs lieutenant de Xaintes , de Macon & de Sens, pour concerter avec leS députés des tröis ordres, les moyens par lefquels il.efpéroit réformer entierement la juftice. QueU ques-uns firent difficulté de lui donner les trois commiffaires qu'il demandoit, non qu'ils ne fuflent très-TuffiTans & gens de probité, mais paree que Tome XsFL R  & 5 8 £ T A T S c'étoit une affectation trop grande de demandeï lui-même les juges qu'il defiroit avoir. Néanmoins 1'on paffa par-deffus cette confidération, Sc on lui donna les fufdits commiffaires pour 1'ouir , & rapporter en la compagnie , fi fes moyens étoient trouvés de mife Sc dignes d'être embraffés. Cette matinée Sc le jour précédent, il s'étoit fait de grandes brigues pour celui qui devoit porter la parole a la préfentation qu'on feroit au roi des cahiers généraux des trois ordres. La reine defiroit que ce fut M. le préfident Miron , préfident du tiers-état, 8c avoit .même commandé au lieutenantcivil de fe déporter de ia pourfuite qu'il en faifoit ^ d'ailleurs , ledit fieur lieutenant-civil avoit brigué de longue main pour faire cette aótion, Sc avoit prié aucuns députés de lui donner leurs voix, étant grandement jaloux Sc cupide d'honneur, comme a la vérité il étoit de grande eftime Sc recommandation, Sc d'une fuffifance & capacité •très-reconnue. Plufieurs balancoient entre la crainte Sc le bien du public, qui dépendoit d'avoir un orateur qui süt Sc voulut parler courageufement, fidélement, & la vérité de ce qui ne devoit être tu ni diffimulé pour Tutilité publique ; Sc 1'on étoit bien affuré que le lieutenant-civil s'étant montré roide Sc de cce at en plufieurs autres adions, témoigneroit en celle-ci beaucoup de zele, pour acquérir la bienveillance du peuple Sc de tout le  Soüs Louis XIII. 259 fiers-état •, mais la crainte d'offenfer la reine qui defiroit qu'on fit choix du fieur préfident Miron, retenoit lés volohtés & opinions de beaucoup d'autres pour condefcendré a. 1'intention dé ladité dame, quoiqué tous reconnuffent bien que ledit fieur préfident n'avoit ni les poulmons affez forts pour une fi longue & fi foiemnelie a&iön , qui demandoit toutes les puiffances d'un homme grandèment éloquent & difert, ni même affez d'affuïance pour faire fonner haurement ce que juftement 1'on ne devoit taire , pour relever le peuple de fa mifere &c de 1'oppreffion dans laquelle il étoit, conftitué a caufe des tailles & autres furcharges, lefquelles 1'on craignoit qu'il ne fit pas connoitre a. 1'ceil, & qu'il ne fut contraint dé lacher prife & 'fe laiffer emporter a la volonté des plus puiffans. Cela donna fujet a quelques-uns de prendre 1'occafion de 1'abfence dudit fieur préfident (qui étoit allé au confeil avec d'autres députés pour ouir la conclufion du mémoire dont il a é,té parlé ci-dëffus) de propofer 1'inconvénient qui pouvoit naïtre des délais qu'on apportoit journellement a 1'ouverture du cahier général 5 qu'il étoit déformais temps de le compiler & d'y travailler fans difcontinuation , & que, pour eet effet, il étoit bon & expédient de nommer celui qui porteroit la parole a la préfentation dudit cahier général, afin qu'il eut du temps pour fe prépcrer. R ij  %6'ë È r A T s Cette propofition fut faite par le prévöt de Rennes en Bretagne, laquelle mife a la délibération des gouvernemens, il fut condu 8c arrêté qu'il étoit jufte 8c raifonnable, en une réfolution de fi grande conféquence , d'attendre M. le préfident 8c fes co-dépütés , 1'abfence defquels ne leur devoit êtré nüifible ni préjudiciable , d'autant qu'ils travailloient au Louv;e pour toute la compagnie , 8c qu'il falloit différer jufqu'aü lendemain. Le fieur lieutenant-criminel de Touloufe propofa peu après quelle forme devoit être obfervée en la compilation dudit cahier général. Quelquesuns difoient qu'il le falloit réfoudre par 1'opinion des douze préfidens qui feroient a ce députés> que fi on faifoit autrement, 1'on n'auroit jamais fait. Néanmoins il fut conclu que le cahier général feroit arrêté &c réfolu en préfence de touta Taflemblée , 8c que chacun des préhdens des gouvernemens tiendroit fon cahier provincial pendant qu'on feroit ledure de celui de Paris , pour voir Sc avifèr quels articles feroient conformes aux articles de Paris, 8c quels non conformes, 8c , par 1'avis de 1'affemblée , réfoudre les difficultés &c contrariétés. Se leva enfuite un député de Guyenne , qui rapporta avoir été chez la reine Marguerite avec quelques autres, pöur lui faire plainte de ce que quelques marchands 8c autres perfonnes difant  sous t o u i s> XIII. è avoir charge & droit d'eile, ne vouloient per-, mettre que ceux de Guyenne , Sc principalement les Agenois, priffent du fel, finon par-leurs mains , quoique ledit pays fut exempt de gabelle. A quoi ladite reine auroit dit « qu'elle n'entendoit pas » qu'on empruntat fon nom pour commettre< » aucune exaclion fur le peuple, Sc qu'il falloit » que ce fuflent quelques mal-veillans qui fiffent » cela-pour la rendre odieufe au peuple ; ce qu'ella » ne vouloit Sc ne defiroit , Sc promit de com» mander a M. de Grieux fon. chancelier de tenir» la main a ce que cette plainte cefsat; qu'au. » refte, elle étoit iffue de pere Sc de mere qui » n'avoient jamais pris plaifir a opprimer le peuple,, » Sc qu'ayant leur même affedion Sc volonté en » partage, elle feroit toujours connoitre quella » dévotion elle avoit a fbulager le peuple qu'elle )). s'étoit deffallée , ayant, a la priere des Etats., » quitté- un droit qu'elle avoit fur le fel, SC » qu'elle feroit toujours deffalée en femblablss. » fujets Sc rencontres qui concerneroient 1'intérêt » du peuple ; mais qu'elle feroit falée contre ceux » qui entreprendroient für 1'autorité & fervice du » au roi ». M. 1'évêque d'Agen avoit parlé a elle, '& elle lui fit cette réponfe fur ce que ledit fieur d'Agen 1'avoit appelée Salvatrix , au lieu de Salinatrix. Sur ce, 1'ayocat du roi du Mans, defirant s'en,  %6i Etats .retourner, avoit préfenté requête au rol, pouff avoir fon congé , laquelle fut renvoyée au tiersétat, M. ClapilTon en ayant fait leclure , & fe fieur lieutenant-général d'Orléans ayant affuré fe compagnie, que le cahier du Mans avoit été vu , on délibéra fur ladite requête, & fut arrêté que fe fuppliant auroit aCle de la préfentation de la requête , qui feroit enregiftrée , fur laquelle il fe pourvoiroit au roi, « n'étant du pouvoir des Etats x> de congédier les députés qui étoient convoqués. « fous 1'autorité 8c commandement du roi , 8c i> qu'a lui Teul appartenoit de les renvoyer». Cette requête expédiée, arriva en notre chambre M. Tévêque de Tarbes, qui dit « que , Tuivant » ce qui avoit été promis a ceux qui avoient, fes » jours précédens, été envoyés au clergé pour le » fait de Tétabliflement d'une chambre de juftice .» pour punir 8c chatier les larcins des financiers, il » avoit été député par MM. de leglife, pour » nous afiurer qu'ils avoient délibéré de fe joindre » avec MM. de la noblefie & nous , pour fupplier » le roi d'accorder Tétabliflement de ladite cham» bre, aux charges & conditions portées par nos » réTolutions; a Tavoir , d'employer les deniers » qui proviendroient deTdits financiers au rachat » du domaine 8c au rembourfement des offices » fupernuméraires , fans que le roi en put donner a aucune abolition , ou faire parti ou compofition. V Quoiqu'ayant pefé eet établiflement de chambre j  s o u-s L o tri s X 111. z-g-f » ils eufTent jugé qu'elle ne feroit pas de fi grand » fruit ni d'une fi heureufe attente, comme MM.. » de la nobleffe Sc dü tiers- état 1'efpéroient», » d'autant que le clergé s'affuroit bien que les » financiers mettroient fi bon ordre a leurs affaires „ » qu'il faudroit fe lever bien matin pour les fur» prendre, joint que la plupart étoient fi bien. » alliés, qu'il feroit mal-aifé de les convaincre » néanmoins qu'ils ne nous avoient pas voulu » dénier aux uns &c aux autres leur affiftance , » comme ils feroient toujours ès chofes oü nous « jugerions qu'elle nous feroit utile M. le lieutenant-civil, en 1'abfence de M. le préfident, remercia, au nom de la compagnie ledit fieur évêque; &, étant forti, 1'on continu», la lecfure du procés-verbal de M. Halé, greffier,. & 1'on députa fix de la compagnie pour aller vers le roi, conjointement avec les députés du clergé §t de la nobleffe., pour lui demander 1'établiffement de la chambre de juftice.. Le vendredi douzieme dudit mois., M. le préfident Miron rapporta que M, le préfident Jeannifi s'étoit plaint au confeil, en la préfence des députés de MM. du clergé & de la noblefie & des nótres^ de quelques paroles licencieufes & féditieufes, par lefquelles on avoit voulu blamer le. manicmenï des finances, depuis que M. de Sully en étbït forti. II difoit (i qu'elles ayoient été auffi innen Riv  2^+ Etats i> cemment gouvernées depuis le mois de févriet» 16\i , qu'elles furent oncques. A eet effet U » montra un état de la dépenfe qui avoit été faite h du tems de la régence de la reine, laquelle avoit» été contrainte, pour maintenir 1'état en paix, » de faire de grandes dépenfes, tenant plus chei ). le fang des Francois, que 1'argent, qui étoit )> bien plus facile a recouvrer que la perte d'un » million d'hommes, qui pouvoient fe perdre » dans la confufion.; Que de trois millions qui )> avoient été tirés de la Baftille depuis la mort du » roi, partie avoit été employée a la dépenfe du V couronnement de la reine, de 1'enterrement du » roi défunt , & du faere du roi a préfent régnant; » qu'il avoit montré de plus un autre état de la » recette &c dépenfe de 1'année prochaine, la re» cette duquel montoit a dix - fept millions tanp » de livres, & la dépenfe a davantage ; & qu'il » étoit bon que les Etats députaffent trois ou » quatre de chaque ordre pour examiner fur le *> tapis lefdits états, afin qu'on connüt ce qui » étoit en la puiffance du roi de remettre au » peuple , ou qui ne 1'étoit pas. Qu'il y avoit peu ^ d'apparence d'obtenir de Sa Majefté la remife » du quart de la taille, & que ledit fieur Jeannin P leur ayoit dit que cela ne fe pouvoit, & qu'ou » ne s'y attend.it pas, n'étant poflible au roi de, ?) yivre & fupporter les charges de fon état,, lino» ■» par le moyen de la taille »,  sous Louis XIIT. iSf Et partant, difoit ledit fieur préfident Miron , que li nous n'y prenions garde de bien prés % nous n'en obtiendrions rien du tout. ' Voila pourquoi 1'on propofa fur le champ de députer vers Sa Majefté, Sc non vers M. le chancelier , pour la fupplier d'accorder la remife d'un quart de la taille. Et fut nomroé le fieur lieutenantgénéral de Xaintes pout porter la parole, ie fieuc lieutenant-général de Saint-Pierre-le-Moutier pour, y aiïifter, Sc autres-. Enfuite le fieur lieutenant - général d'Orléans mit en avant une propofition très-iouable Sc importante , de fupplier le roi de paiTer en forme, d'édit les articles qui feroient révoqués, Sc contenus au mémoire qui avoit été examiné au confeil ; Sc pour les autres qui ne le feroient pas , fupplier Sa Majefté de nous ouir en nos raifons ; comme auffi requérir Sadite Majefté de faire, ceffer les contraintes que certaines perfonnes faifoient en quelques contrées du gouvernement d'Orléans, pour le fait du fel. Sur quoi il y en eut qui firent gliffer 1'avis d'aller au clergé & a. la nobleffe, pour les prier de fe joindre avec le tiers-état, pour tous" enfemble obtenir le quart de la taille Sc i'effet de la propofition du fieur lieutenant-général d'Orléans : a quoi M. Miron dit tout haut' qu'il étoit inutile de prisi MM. du clergé Sc de la nobleffe de fe  -66 Etatsjoindre avec nous pour demander remife de fe taille , d'autant qu'ils 1'avoient refufé au confeil en la journée précédente , Sc n'en avoient voulu parler : de forte qu'il étoit expédieat d'aller préfentement vers fe roi, plutöt que de différer unédemande fi importante, de laquelle il ne falloit fe laffer; & pour le regard de 1'autre propofition , qu'il feroit bon d'en demander 1'avis des deux autres chambres. En la continuation duquel difcours, M.fe lieutenant-général d'Angoulême fe leva, qui dfe « qu'il étoit fruftratoire d'en parfer a M. le chan" celier , lequel ne feroit pas porté a accorder » aucune chofe au tiers-état, d'autant qu'il favo» rifoit les partifans, mais qu'il falloit déduire « nos raifons en préfence du roi, de la reine, de »M. fe prince, de M. de Nevers, de M. de » Guife & autres qu'il nomma». De forte que les propofitions ci-deffus mifes en délibération, il fut avifé que, pour le regard de la taille, 1'on iroit préfentement au roi, & qu'on furfeoiroit jufqu'^ demain pour prier le clergé & la nobleffe de fe ■ joindre avec nous au refte de la propofition du fieur lieutenant-général d'Orléans. Après cela fe leva M. fe lieutenant-criminel de Touloufe , qui demanda , fuivant ce qui avoit éta réfolu en la journée d'hier, qu'il plüt a la compagnie de travaüler au cahier général, & de  sous Louis XIII. %6j pommer ceux qui devoient haranguer a la préfentation des cahiers, pour le remerciment qu'on feroit au roi a ia clöture des Etats. La brigue fitparoitre fes effets, & fut reconnue devant tous; mais Dieu, qui préfide au confeil des compagnies, balanca tellement les opinions, que le fort tomba a M. Miron, préfident, pour la première & la plus noble aétion , qui eft la préfentation des cahiers, & le remerciment échut a M. le lieutenant-civil (au regret de plufieurs) dont les uns fouhaitoient le contraire , & les autres ne trouvoient nullement a propos que MM. de Paris , qui n'ont aucune connoiffance des incommodités des provinces, repréfentaffent les maux qu'ils na reflentoient pas, Cette nomination faite contre 1'efpérance du fieur lieutenant - civil , qui croyoit affurément qu'on le préféreroit a M. Miron , cela 1'attrifta fort •, & ledit fieur Miron s'en prenant garde, 1q pria de n'en être faché , d'autant qu'il lui déféreroit en autre chofe qui ne concerneroit pas fa charge , & lui r$ndroit toutes fortes de contentemens. Le lieutenant - civil lui demanda a quel fujet il lui difoit cela, & que fi le fort fut tombé fur lui, il eut fait connoitre a la compagnie des raifons qui 1'obligeoient a n'accepter cette charge. Or, afin de ne laiffer une liberté trop grande audit fieur Miron e.n la harangue dont on 1'ayoit  chargé, ÏI fut propofé par le gouvernement ds> Bourgogne, que ledit fieur (quinze jours avant Ifc prononciation de ladite barangue ) feroit voir a Ia compagnie les points principau-x & claufes fubftantielles qu'ü étoit befoin de toucher & repréfenter, pour lui laiffer feulement 1'ornement du difcours en fa puilfance, Ce qui ayant été mis en délibération, fut-réfoiu par tous les gouvernemens, conformément a lopinion des députés de Bourgogne, Le famedi matin , treiziëme dudit mois-, M. le, lieutenant-général d'Orléans dit qu'il étoit bien raifonnable de commencer 1'ouverture du cahier général, & le compiler fur celui de Paris, pourvu que M. le préfident déclarat que cela ne tirerolt a aucune conféquence pour aftribuer a MM. dö, Paris aucun privilege ou prérogative par - deffus les autres provinces, demeurant en leur liberté de prendre pied & de fermer le cahier général fur tels cahiers des provinces que la compagnie* aviferoit; que cette proteftation étoit très-jufte-, 5c conforme a ce qui étoit porté par lq procésverbal des Etats de 1'an i^j6. M. le préfident recueillit les voix des députés de 1'Ifle-de-France , & dit qu'il empéchoit que le regiftre fut chargé de cette déclaration , mais bien confentoit qu'il fut écrit que, par 1'avis &c délibération de la compagnie, on avoit trouvé boa  gotrs Louis XII ï. £#|> cb commencer par le cahier de Paris ; ce qui fuC accordé : par oü il appert que ceux de Paris n'onfi pas ce droit inhérent a leur ville, puifque, par .délibération libre de toute 1'affemblée, qui pouvoit être autre , on a commencé la lecture dudit cahier de Paris. En même temps, atriva M. Duparc , députa de la nobleffe pour le bailliage de Montfort, qui dit qu'en la journée d'hicr , ils n'avoient pas. eu du roi tour le bon fuccès pour rétabiiffement de la chambre de juftice , qu'ils euffent bien defiré> mais qu'il ne falloit s'eftimer vaincus & éconduits pour la première fois, & que la compagnie avoit trouvé a propos de réitérer cette demande ; pont eet effet, d'implorer 1'aide &c 1'affiftance du clergé & de MM. de notre compagnie, afin de tentet toutes fortes de moyens pour obtenir une requête fi pleine de juftice ; nous prioit donc très-humblement, de la part de la noblefie , de nous joindre en fi jufte requête, & feconder de nos vceux leur bonne intention» M. le préfident lui fit réponfe que notre compagnie avoit déja fait paroitre en cette aclion de combien elle dehroit fe joindre & favorifet 1'intention de la nobleffe ; & que tout préfentement elle mettroit en délibération la propofition qu'il avoit faite, de laquelle MM. de la nobleffe. feroient incontinent avertis. Et de fait, ledit fieur  -?® E T A t S Düpatc étant forti avec fes co-députés, Ia Compagnie délibéra & réfolut qu'il étoit bon d'affifter MM. de la noblelTe, pour réitérer la requête ait roi touchant Tétabliflement de la chambre de juftice. A eet effet, Ton députa le fleur Marmieffe, député de Languedoc, avocat au parlement de ToulouTe, & capitoul de ladite ville; le fleur Bolacre , lieutenant en la pairie de Nivernois , homme de finguliere recommandation , probité & fuftiTance, & autres , pour aller avertir MM. de la nobleffe de notre réfolution. Ce fait, M. le préfident fe leva , & s'en alla au Loüvre pour la conclufion du mémoire cideffus; & y allerent auffi le fieur lieutenant-général de Xaintes & le fieur Gafcoing, lieutenantgénéral de Saint-Pierre-le-Moutier , pour Texécution de la réTolution du jour d'hier, fur la propofition du quart de la taille, qu'on vouloit demander au roi, & du refte propoTé par le fieur lieutenant-général d'Orléans. A Tinftant Ton commenca de faire la lecTure du cahier de Paris , qui fut faite par le fieur Loifel, lieutenant-général de Senlis, grerfier du , gouvernement de Tlfle-de-France. Toute la préface ( par laquelle Ton rehauflbit 1'autorité royale , laf prudente adminiftration de la régence de la reine, avec Tupplication très-humble au roi de permettre la continuation de cette même admi-  sous Louis X 11 ï. 171 -ïüftration pendant fes jeunes ans) fut trouvée trèsbonne & bien polie, & n'y corrigea-t-on autre chofe que ce qui y étoit touché pour le particulier •de Paris, qu'on voulut être couché en termes généraux pour toutes les provinces» Pendant que cette lecTure fe faifoit, plufieurs trouverent mauvais de ce qu'un nommé Defneur, échevin de Paris, s'ingéroit de préfider en 1'abfence de M. le préfident Miron & de M. le lieutenant-ci vil, comme fi les échevins de Paris vouloient prétendre être naturellement fubrogés a la préfidence en 1'abfence du préfident; c'eft pourquoi 1'on jugea qu'il étoit a propos de nommer un troifieme préfident, qui préfideroit feulement en i'abfence dudit fieur Miron & dudit fieur lieutenant civil. A quoi les députés de Paris & de 1'Ifie-de-France s'oppoferent, difant que, puifqu'il avoit plu a la compagnie de nommer pour préiidentM. leprévót des marchands de la ville de Paris, & en fon abfence M. le lieutenant-civil , il étoit raifonnable qu'en I'abfence defdits fieurs, le député de Paris qui les fuivoit , préfidat. Ils proteftoient de s'en aller & de fortir, fi on paflbit outre a en nommer d'autre. Néanmoins , a la pluralité des gouvernemens, il fut conclu & arrêté que M. Mouchet, avocat au parlement de Dijon, premier député du gouvernement de Bourgogne, préfideroit en I'abfence defdits fieurs Miron & lieutenant-civil; ce qui ayant été  i72 E T A T .S fait, tous meffieurs de Paris s'en allerent, & emporterent leur cahier. Afin de ne rendre cette éieöion illufoire, 1'on Ia confirma par la prife de pofiéffion de cetta préfidence fubftituée ; car le fieur Marmiefié étant de retour de la chambre de Ia noblefie , fit fon rapport devantled.fieurMouchet fort fuccinctementj cjuoiqu'il eut triomphé & parlé avec beaucoup d eloquence & d'élégance , ainfi qu'il fut rapporté par ceux qui avoient été avec lui , & ainfi que la harangue par lui faite, ci-après inférée, le fera voir. Arriva enfuite M. le lieutenant-général de Xaintes, revenant du Louvre , qui dit qu'il n'avoit pu avoir audience de Sa Majefté, & qu'il avoit été renvoyé a demain fur les onze heures, pour' lui parler touchant le fujet de fa légation, dont a été fait m ention ci-deffus. Meffieurs de la nobleffe (qui avoient envie de fondre la cloche pour Tétabliflement de la chambre de juftice ) étoient allés vers MM. du clergé , pour les prier de fe joindre a eux : lefquels ayant été longs a fe réfoudre, pour les difficultés qui fe rencontroient en eet établiffement, donnerent fujet a notre compagnie d'attendre fort long-tems pour favoir quelle réfolution les deux chambres prendroient. . Enfin , le fieur de Murinais, gentilhomme député du Dauphiné , & cinq autres qui 1'affiftoient, arriverent  sous Louis X111. 273. ferriverênt, lefquels ayant pris place ordinaire en laquelle MM. de la nobleffe avoient accoutumé de fe feoir, ledit fieur de Murinais, faifant connoitre par fon difcours, la vivacité & capacité de fon efprit, paria a-peu-près de cette forte : « Meffieurs, la nobleffe a grand fujet de fe » louër des prudentes réfolutions que vous en» fantez tous les jours en cette chambre au bien » de 1'état Sc du public, Sc vous a une étroite » Sc particuliere obligation de favorifer les pro» pofitions qui partent d'elle ,. les jugeant dignes » d'être embraflées pour les faire éclore en la » préfence du Roi. C'eft ainfi que vous chériffez » la bonne intelligence , & fomentez 1'union Sc » la concorde qui doit cimenter Sc joindre les jj volontés de ces trois puiffans corps des Etats » convoqués en ce lieu pour le bien du royaume, » par'le plus grand & floriffant roi cle 1'Europe. » 11 n'y a difficultés au monde fi grandes & puif>> fantes, que 1'union ne diffipe Sc ne furmonte; » comme au contraire, rien de fi facile , que la >> difcorde Sc mauvaife intelligence ne rendent » impoffible & d'un fuccès hafardeux. Les corps » & communautés, voire les armées les plus » nombreufes, frappées de 1'efprit de divifion, >.> attirent bien fouvent fur elles le péril & la » perte , & ne produifent autre fruif de leur » puiffance , qu'une mine totale, caufée par le Tornt XVL S  274 Etats » défordre & la confufion. Une poignée de gens » bien rallies & bien conduits, font des effets » a Toppofite du tout admirables , contre f attente » & f efpérance de tout le monde. » Le corps humain nous rend une preuve do» meftique de ceci , les honneurs duquel bien » tempérés rapportent tant d egalité en la com» pofition &c affemblage de tous fes membres, 35 que chacun d'iceux rend a la ftruóture de » cette noble ftatue les fonctions & le devoir » auxquels la nature 1'a foumis &c obligé. Tout » au contraire , s'il eft atteint d'humeurs peccantes » &C de complexions dépravées, qui ne fymbolifent » & ne s'accordent enfemble , ce fuperbe bati» ment fe bouleverfe & fe fracalfe; & fi d'aven» ture le mal s'opiniatre &c fe jerte plutöt fur une » partie que fur 1'autre, la liaifon &c connexité 33 eft fi grande , que, par réflexion, tous les » membres participent a la douleur , &c font dé33 bilités & affoiblis par le voifinage du lieu le » plus affailli & combattu. 33 Les corps inanimés , & qui n'ont aucun feny> timent , nous donnent auffi des témoienaees 33 infaillibles des effets tout contraires, que 1'union 33 &: la défunion produifent: car les auteurs rappor3» tent, qu'une certainc pierre qui fe trouve dans 33 les Indes a cette propriété particuliere , que , »pulvérifée &c réduite en cendre , elle s'enfonce  sous Loüis XIII. 27c » dans le profond de la mer quand elle y eft jetée; te mais toute entiere, elle furnage, & vogue fur » la fuperficie des eaux. La poudre de cette pierre , >j n'eft-ce pas le fymbole de la divifion qui caufe » le naufrage des puiffans états & monarchies > » Et cette même pierre , confidérée toute entiere, » n'eft-elle pas le hiérogliphe de la concorde &c 33 bonne intelligence qui fait furnager les royales >j puiffances, & paffer heureufement les golphes «='& promontoires des mers les plus périlleufes » Permettez-moi, meffieurs, que je compare ce » corps d'état & notre France a la mer & a cette »3 pierre, Les Etats font compofés de trois ordres, 30 mais qui ne font qu'un même corps. Tant qu'ils 33 feront bien unis &c alliés au fervice du roi &c 30 bien du royaume , ils furnageront & méprifeï> ront toutes les difficultés qui s'oppoferont dedans 33 la France, qui eft la mer fur laquelle nous vo33 guons. Mais li la divifion les gagne , rien ne les 33 peut garantir & préferver qu'ils ne foient füb>3 mergés, & faffent naufrage dans la même France. 33 Loué foit Dieu, meffieurs, qui par fa bonté &c 33 providence a fait avorter nos divifions ; & qui 33 les a éteintes fur le point de leur naiffauce, 33 plantant dans nos cceurs une ferme réfolution 33 de faire réuffir nos confeils a la grandeur du 33 royaume &c au foulagement du peuple. C'eft-la 33 oü nos affeétions réciproques doivent tendre $ Si,  ïj6 Etats 33 pour nous munir des préfervatifs & remedes né33 ceffaires a la fanté & guérifon de notre France 33 malade & débilitée par les défordres que nos 33 mauvaifes mceurs & déportemens ont fait glitter dans fes entrailles. Pour eet effet le roi , a 33 mitation des anciens qui expofoient leurs mala33 des aux palfages plus communs Sc fréquentés , 3» afin que , vifités par plufieurs, entre un nombre 33 de remedes, il s'en trouvat quelqu'un propre 33 Sc falutaire au languiflant, nous a tous con33 voqués en ce lieu , de toutes les contrées de 33 fon royaume , pour rechercher des moyens plus 33 convenabies pour remettre Sc rétablir 1'état en 33 fon ancienne fplendeur. 33 ïl ne faut point douter , que le roi n'agiffe 33 avec nous, comme le fouverain reffort de cette 33 monarchie, Sc ne rende a la France les mêmes 33 effets, que cette chandelle ardente , tant fignalée 33 & marquée par les hiftoriens,'laquelle tombée 33d'en-haut, fur la tête d'un malade, qui s'étoit 3» expofé aux portes d'un temple de la ville de 33 Rome pour y prier les Dieux , lui rétablit mira33 culeufement fa priftine fanté. 33 L'on dit que les vents de Lybie, ayant été 33 long-tems reflerrés &: renfermés dans la conca33 vité de la terre, firent en un inftant une fi violente 33 éruption , que par 1'impétuofité de leur foufle , v ils ravagerent, pendant quarante ans, plufieurs  sous Loüis XIII. 277 » villes Sc bourgades de cette province , puis cefw ferent leur orage. Nous en pouvons dire de >3 même de la confufion , qui a couru & ravage 53 ce royaume par quarante ans & plus, & qui n'a 33 celle que depuis que le bonheur de la France 30 éleva le roi défunt fur le tröne royal de cette 33 monarchie. » C'eft a vous , meffieurs , a qui Sa Majefté 33 donne aujourd'hui le pouvoir de boucher les 30 avenues & conduits de vents fi impétueux , de 33 peur qu'ils ne viennent a foufler une haleine fi 33 forte, qu'ils excitent parmi nous les bourafques 33 Sc tintamarres, que les guerres ont fait bruire 33 par le pafte. Elle nous a choifis & élus pour 33 lui fervir de confeil , Sc réfoudre les affaires 53 plus importantes de fon royaume, pour y éta33 blir de bonnes & faintes loix, qui maintiennent 33 ce grand corps en paix Sc union par une longue » fuite d'années. Voila pourquoi nous devons ban33 der les nerfs de nos entendemens , & rappeller 33 toutes les puiffances de nos ames , a ce que 33 jointes enfemble , elles donnent aux maux Sc, 33 langueurs de la France , de fi bons & falutaires 33 remedes, que les douleurs Sc détreffes, que nos => débordemens nous font reffentir , feconvertiffent 33 en profpérités & lieffes éternelles. 33 Les anciens peignoient le confeil ridé, pour 33 montrer que, comme la, ride eft une marqué do, Siij É  Etats 33 la vieiileffe, & la vieillefie d'expérience, qu'auffï * les avis & délibérations, qui partent de 1'enten33 dement de ceux que Dieu établit pour confeil 33 des rois, doivent être ridés &c de longue ex33 périence. Mais quand je me repréfente que 33 la ftatue de ce confeil avoit les yeux étince» lans, les oreilles grandes & larges, les bras 3» longs, les jambes agiles : je m'imagine que les 33 autres ont voulu figurer que le confeil doit » tout voir &c pénétrer dans les nuages de toutes 33 fortes de difficultés, doit ouir tout , compren33 dre tout, & finalement avoir dans Tintelleer une 33 délibération fi certaine, que rien ne la puilTe 33 ébranler. Voila pourquoi ces jours paffes , la a> chambre de la nobleffe avoit pris une bonne 33 & fainte réfolution , longuement concertée &: 33 mürement délibérée , de fupplier très-humble33 ment Sa Majefté d'accorder Tétabliffement d'une 33 chambre de juftice pour chatier & punk les 33 financiers des actions illicites & larcins par eux 33 commis au maniement de Tes finances , a la 33 charge de ne donner aucune abolition , ni faire » parti ou compofition avec les prévenus & accu3j fés , & d'employer les deniers procédans des 33 condamnations, au rachat du domaine, & rem33 bourfement des officiers fupernuméraires. » Cette réfolution fut fuivie de fadjonclion & » bonne affiftance de MM. du clergé & de votre  sous Louis XIII. 27^ » compagnie, laquelle néanmoins repréfentée au « roi, n'a été fuivie de li heureux fuccès, comme » il fembloit que la juftice de telle propofition » nous le dut promettre; & pour toute réponfe, » Sa Majefté nous a renvoyés a nos cahiers, ce » qui a ce matin occafionné MM. de la nobleffe » de rentrer dans cette même délibération, de » pourfuivre la pointe d'icelle fi avant que la » requête nous foit entérinée. Pour eet effet, )> notre compagnie a defiré avoir encore votre » afliftance , & vous a député 1'un des nótres, » comme elle a fait au clergé. Vous nous avez » rendu témoignage par une langue diferte de » vos bienveillances, & du defir que vous avez » de nous affifter en fi jufte requête. MM.' du » clergé ont été plus lents a fe réfoudre, comme » eet ordre étant le premier & le 'plus relevé, » eft obligé d'apporter plus de poids & de cir» confpecnon en fes délibérations que les nötres; » mais enfin il nous a fait favoir fon intention, » qui eft femblable a la notre. Nous eftimons » que réitérant cette requête, & très-humble fup» plication, nous emporterons le fruit que nous » efpérons d'icelle. » Les rois reffemblent aux divinités;' ils veui) lent être importunés avec fréquentes prieres & » inftantes requêtes. La juftice même nous y fraye » le chemin ; car nous ferons voir qu'en 8 8 1'écu Siv  'zto Etats » revenoit aux coffres du roi (toutes charges dé~ » duites) a quatorze fols, & maintenant il ne )) revient pas feulement a huit fols, qui eft la » feule caufe de la furcharge & oppreflion du i> peuple, pour le foulagement duquel la noblefie » de porter fon épée, fa vie & fon honneur, au» tant de fois qu'il eft nécellaire. Et puis les » exemples nous y convient •, car en 1588, les » Etats demanderent la même chofe, & du tems » de Charles le Sage, régent en France pendant » la prifon du roi Jean en Angleterre , trois chofes » furent accordées par les Etats-Généraux, k.dé» livrance d'un de la maifon de Bourbon; fecon» dement, que les douze intendans des finances » fuffent deftitués; & la troifieme, que les deniers » procédans de la recherche de leurs concuffions » & larcins, fufiènt employés au payement de » la rancon du même roi. Par ainfi, j'ai charge » avec mes co-députés de vous remercier bien » humbiement de vos bonnes volontés, & vous » pier de conrinuer, & de députer ceux qu'il >> vous plaira envoyer avec MM. du clergé & les » notres au Louvre, pour obtenir de Sa Majefté » 1'entérinement de notre requête ». M. Mouchet étant aflis en la place dé M. le préfident, répondit : « Que la compagnie favo» riferoit toujours les bonnes réfolutions qui fe » prendroient en la chambre de la noblefie, 6c  sous Louis XIII. 81 » les affifteroit de fes vceux pour être repréfen» tées au roi, defirant en cette a&ion, comme » en toutès autres, fe conformer par une fainte » union & concorde, aux volontés de MM. de » la noblelTe, lefquels pratiquant avec fmcérïté » ce qui avoit été dit par leur député, feroient » toujours ceffer les bruits &c bourdonnemens de » guerre qui n'ont que trop ravagé la France >). II prioit au furplus lefdits fieurs de la nobleffe , de prendre toujours la protection du peuple, &c défendre d'oppreffion les habitans des villes. II dit au refte, qu'il n'y avoit pas moyen de députer pour aller le lendemain matin au Louvre, d'autant que nous y avions une affignation, qu'il avoit plu au roi de donner a. nos députés, pour les ouir fur le fait de la taille, & de la révocation des commiffions contenues en notre mémoire. A quoi il prioit auffi lefdits iieurs de la nobleffe de Fe joindre; mais que la partie remife en autre tems, notre compagnie ne manqueroit pas de les fervir & affifter. L'affignation fut prife au lundi, puis chacun fortit pour aller diner. Et le lundi, quinzieme dudit mois de décembre , M. le préfident pria la compagnie de trouver bon que déformais elle s'affemblat précifément a huk heures, pour rravailler promptement au 'cahier général, puis montra deux états qui lui avoient été donnés pa; M. le préfident Jeannin;  iSz Etats 1'im concernantla dépenfe faite pendant la régence de la reine; 1'autre concernant la recette & la dépenfe de 1'année courante , difant que ces états étoient envoyés a la compagnie pour les examiner amfi qu'elle avoit defiré; mais qu'il avoit charge d'en faire faire ledure préfentement, afin de feS rendre mercredi prochain. Qu'au refte, il avoit parlé a la reine & * M. le chancelier, de faire remife d'un quart de la taille en faveur du peuple , qui avoit pris cette créance par la tenue des Etats d'avoir quelque décharge; qu'on ne pouvoit le priver de cette efpérance fans lui donner un infigne mécontentement, a quoi il auroit eu réponfe : « Que nous travaillafiïons » promptement a nos cahiers, & que nous au» rions favorable réponfe ». De forte qu'il jugeoit que fi nous n'ufions de grandes importunités, il feroit rrès-difficile de rien obtenir. A Tinftant M. le lieutenant-général de Xaintes rapporta la réponfe que le roi & la reine lui avoient faite après Tavoir ouï en Tes remontrances, qui contenoient même chofe que ce qui avoit ■été dit audit fieur préfident. De forte qu'on propofa derechef de députer vers Sa Majefté, pour lui^réitérer la même requête; & fut conclu & arrêté qu'on iroit Ie mercredi matin enfuivant, & qu'on prieroit MM. des deux ordres de nous* y affifter & favorifer.  sous Louis XIII. 2.83 Incontinent après arriva M. 1'évêque de Couferans avec quatre eccléfiaftiques, qui fe plaignit de certains arrêts qui avoient été donnés au confeil , par lefquels on fembloit approuver la confidence Sc fimonie. II pria MM. de notre compagnie de fe joindre avec le clergé pour en demander la révocation. ■ M. le préfident dit qu'il avoit ouï parler de ces arrêts, par lefquels le confeil n'avoit point entendu approuver la confidence ni fimonie, mais cbatier laperfidie de ceux qui, ayant été nommés Sc élus par ceux qui avoient des brevets pour tenir des bénéfices, faifoient banqueroute a la foi qu'ils avoient promife, néanmoins que notre compagnie fe joindroit trés-volontiers a leur intention, moyennant auffi que MM. du clergé fe joindroient l nous pour demander la remife d'un quart de la taille. II prioit auffi ledit fieur évêque d'y porter MM. du clergé, outre la particuliere priere qu'on leur en feroit dedans leur chambre. Ce fait, le fieur lieutenant-général de Soiffons revint de la chambre de la noblelTe, ou il avoit été envoyé avec cinq autres, qui nous afïura que la noblelTe avoit promis de Te joindre avec nous pour fupplier très-humblement Sa Majefté (en termes généraux Se fans aucune fpécification de quart), « de vouloir bien donner quelque fou» lagement au peuple, en attendant, d'employer  2g4 Etats » plus particuliérement dans leur cahier gf* -al cequi eft de leur defir, & que » ce feroit par députation féparée ». Et quelle avoit auffi promis a MM. du cWé de de gander la fuppreffion de toutes confidences £c iimonies. Et paree que M. le préfident prefioit de faire faire promptement leelure des états ei-defius, touchant les finances du roi, on réfolut a la pluralite des gouvernemens, qu'il en feroit fait des copies pour être délivrées aux provinces, afin de les examiner mürement, & cependant, quela kcture en feroit furfife. Cela vuidé, 1'on continua la kdure du cahier provincial de MM. de Paris, qui avoit été commencee le famedi treizieme. Après la préface duquel (de laquelle il a été parlé ci-defius) fuiven le chapitre qui étoit intitulé, des Loix fondamentalesdeVétat, fous lequel chapitre 1'artick Premier, concernant le falut & k vie de nos rois, etoit concu en ces termes.  soüs Louis XIII. 285 PREMIER ARTICLE DU CAHIER De Paris et de lTsle de France. '« C^ue pour arrêter le cours de la pernicieule » doctrine qui s'introduit depuis quelques années » contre les rois Sc puiflances fouveraines, éta» blies de Dieu, par des efprits féditieux, qui » ne tendent qua les troubler 8c fubvertir, le » roi fera fupplié de faire arrêter en l'affemblée » de fes Etats, pour loi fondamentale du royaume^ » qui foit inviolable Sc notoire a tous , que comme » il eft reconnu fouverain en fon état, ne te» nant fa couronne que de Dieu feul, il n'y a » puilïance en terre, quelle qu'elle foit, fpiri» tuelle ou temporelle , qui ait aucun droit fur » fon royaume, pour en priver les perfonnes fa» crées de nos rois , ni difpenfer ou abfoudre » leurs fujets de la fidélité & obéilTance qu'ils » lui doivent, pour quelque caufe ou prétexte >) que ce foit. Que tous les fujets, de quelque » qualité Sc condition [qu'ils foient , tiendront » cette loi pour fainte & véritable , comme con» forme a la parole de Dieu, fans diftinclion équi» voque, ou limitation quelconque ; laquelle fera » jurée Sc lignée par tous les députés des Etats, 8c  2S Etats » dorénavant par tous les bénéficiers & officiers dit » royaume, avant que d'entrer en poffeffion de » leurs bénéfices, & d'être recus en leurs offices, >> tous précepteurs, régens, dodTeurs & prédica» teurs tenus de 1'enfeigner & publier. Que 1'opi» nion contraire, même qu'il foit loifible de tuer » ou dépofer nos rois, selever & rebeller contre » eux, fecouer le joug de leur obéiffance , pour '» quelqu'occafion que ce foit, eft impie, détefta» ble, contre vérité & contre 1 etabliffement de » 1'état de la France, qui ne dépend immédiate» ment que de Dieu. Que tous livres qui enfei» gnent telle fauffe & perverfe opinion , feront » tenus pour féditieux & damnables; tous étran» gers qui lecriront & publieront, pour enne» mis jurés de la couronne; tous fijets de Sa » Majefté qui y adhéreront, de quelque qualité » & condition qu'ils foient, pour rebelles, in» fradeurs des loix fondamentales du royaume, » & criminels de leze-majefté au premier chef. Et » s'il fe trouve aucun livre ou difcours écrit par » quelqu'étranger, eccléfiaftique ou d'autre qualité, » qu'il contienne propofition contraire a ladite loi, » diredement ou indirecFement, feront les ecclé» fiaftiques de même ordre établis en France, )> obligés d'y répondre, les impugner & contre» dire inceffamment, fans refpecF, ambiguité ni » équivocation , fur peine d'être punis de même  sous Louis XIIL 287 » peine "que deflus, comme fauteurs des ennemis » de eet état». Et fera ce premier article lu par chacun an, tant aux cours fouveraines qu'ès bailliages 8c fénéchauflees dudit royaume, a 1'ouverture des audiences, pour être gardé &C obfervé avec toute févérité & rigueurc LECTURE FAITE Du premier article dudit Tiers-Etatles dou\e Provinces opinent fur icelui. Paris et Isle de France Di sent qu'il s'agit de la fouveraineté du roi 8c confervation de fa perfonne , qu'ils ont propofé f article , 8c qu'il eft néceflaire. Bourgogne. De 1'avis de Paris, que Tarnde de Paris doit être recu au cahier général du tiers-état. Normandie. Qu'il y a articles Temblables aux autres cahiers, 8c que Tarticle doit defneurer. LecTure eft faite par le préfident de la province, de Tarticle dudit gouvernement, troifieme article du chapitre de 1'égliTe. .« Qu'il Toit tenu 8c déclaré pour loi fonda-  288 Etats » mentale de 1'état, que comme Votre Majefté» eft fouveraine en fon état, ne tenant la couronne )) immédiatement que de Dieu , il n'y a puiffance » en terre telle qu'elle foit, qui ait droit fur le » temporel de votre royaume , directement ou in» directement; & que ceux qui écriront, prêche» ront ou enfeigneront au contraire, foient tenus » & ,punis .comme perturbateurs du repos pu» blic ». Guyenne. 'v?» i ■ ■* . \ Demande délai jufqu'au lendemain pour réfoudre la forme de Tarticle, & en quel tems couché. Bretagne. L'article eft bon, &c eft de Tavis de Paris. Champagne. Loue Tarticle, ajoute que lecture doit être faite tous les ans d'icelui en toutes les juftices royales aux ouvertures des audiences. Dit qu'aux cahiers particuliers, & a leur cahier provincial, il y a pareils articles. « Que les prédicateurs & leóteurs ne prêche» ront, enfeigneront ou écriront aucune doctrine >> contraire a la fouveraineté & autorité de Votre » Majefté, droit & liberté de leglife gallicane , » a peine de crime de leze-majeflé au premier » chef. Lefquels droits & libertés feront colligés » &■  sous Louis XÏÏï. ify t k rédigés par écrit, par cömmifTaires qu'il pkka » a Votredite Majefté choifir & députer ; pour » ce fait, être approuvés & vérifiés par vos cours » de pariemens; & en cas de contravention, k » connoiffance en appartiendra a vos juges ref» fortiffans fans moyen en vos cours de parle-» mens. » Que les prédicateurs & leclreurs né prêchs» ront, enfeigneront, ou écriront doótrine contre » la fouverainété & autorité de Votre Majefté, » droits & libertés de 1'églife gallicane , & en cas' «de contravention, le juge royal, reffortifTant » immédiatement a vos cours de pariemens , en » prendra la connoiffance, & feront jugés commö » criminels de lèze-majefté. Et a cette fin, feront » lefdits droits &c libertés colligés & rédigés paf » écrit, par commiffaires qu'il plaira a Votre-, » dite Majefté ordonner, approuvés par ia Sor» bone & vérifiés par vosdites cours de parle» mens. » Que 1'autorité du roi foit & demeure abfolue » fiir tous fes fujets de quelques profefïïons qu'ils » foient; & foitce, tenu pour loi fondamentale » du royaume, que la perfonne du roi eft fainte » & inviolable, auquel eft due toute obéiffance » & fidélité, fans qu'il foit loifible k aucun de » fes fujets de quelque qualité & condition qu'il » foit, eccléfiaftique ouféculier, de s'en exemptee Tornt XVI x  » fous quelque prétexte ou difpenfe que ce puilTe » être, & toutes doctrines contraires tenues poui » abufives, bérétiques, fcandaleufes, &c damnables* » Que tous livres Sc écrits a ce répugnans, »-dire&ement ou indire&ement, feront publique» ment brulés, les auteurs Sc imprimeurs d'iceux » déclarés criminels de leze-majefté au premier » chef; les libraires Sc autres expofiteurs punis » de mort, Sc tous ceux qui en porteront Sc s'ea » trouveront faifis, bannis a perpétuité. Languedoc. Les malheureux parricides des feu rois, de glorieufe mémoire, nous obligent de rechercher curieufement Sc avec affeótion toutes les occafions de conferver la perfonne de nos rois, qui ne tiennent que de Dieu feul leur couronne. Que 1'article eft fakir Sc inviolable, que tous ceux de la province jureront Sc figneront de leur propte fang. Et ajoutent que les imprimeurs des livres doivent être fujets a la peine de 1'article. Picardie. Approuve Tarticle, Sc dit qu'il eft très-néceflaire» Dauphiné. De Tavis de Paris. Provence. . De même avis.  sous Louis XIII. ï? t, Lyon. Que 1'on doit communiquer Tarticle aux deitst ordres, auparavant que de Tarrêter; que Tarticle néanmoins eft bon &c conforme a ce qui eft en leur cahier. « Puifque la fidélité des Francois eft figulié» » rement recommandée par Tantiquité & fignam» ment par leur Tainteté &c par tous les ordres » aux Etats de Tours, de. Tan 1483 , Tous le roi )) Charles VTII; & que celle d'aucuns a dégénéré » en une extreme déloyauté, & damnable perfi.» die,, juTqix'a tenir qu'il eft loifible d'attenter » contre la vie de nos rois Touverains, & ne i> relevans d'aucune domination , qu'immédiate» ment de Dieu, & alTaftiner leurs Tacrées ma» jeftés , & que des traïtres porte-couteaux en» diablés par cette tres - méchante , trés impie , » & très-déteftable do&rine, ont affbuvi leur rage » du Tang de nos rois, Henri III & Henri le » Grand, de très-louable mémoire; pour Tarrêter V &c aflurer la vie de nos rois très-chrétiens, d'ou » dépend la Türeté publiqüe, le Talut du royaume » & Tefpérance des Tujets. >> Telle doctrine fera crue, publiée , enTeignée J » prêchée &c tenue de tous les Francois (Tans nul » excepter), pour être damnable, très-impie &C » tres abominable, contraire a la parole de Dieu  Etats » &détermination de leglife univerfelle, aUx loix » fondamentales de cette monarchie, a 1'extermb » nation de nos rois, fubverfion de 1'état, Sc » défolation des peuples Francois, Sc les con» vaincus de ce crime & abominable doctrine, » ferontchatiéscommecriminelsdeleze majefté au' "* Premier chef, Sc perturbareurs du repos public. » Et encore de traiter par les ambaffadeurs » avec Sa Sainteté, cju'ils puiifent obtenir dit » S. Siege Apoftoiique nouvel anathême contre » cette doctrine & Jes publicateurs d'icelle , >» comme très-odieufe aux meilleurs, plus grands » Sc plus docles catholiques, & dangereufes d'en » divertir un bon nombre de la vraie religion » a la prétendue, au progrès & augmentation » de' laquelle ladite doctrine eft extrêmement » favorable. » Que fous même peine de crime de leze-ma» jefté au premier chef, nul ne pourra fe rebeller » contre nos rois, nos fouverains & naturels fei» gneurs, Ni tenir qu'il foit loifible de ce faire, » de les pouvoir dépofer, mettre leur' royaume » en proie, & délier leurs fujets de la fidélité » que naturellement ils lui doivent. Et que tous » ceux qui écriront ou publieront le contraire , » foient tenus pour rebelles, infradteurs des loix » fondamentales de 1'état, Sc perturbateurs du » repos public, Sc comme tels, punis Sc chanés». ORLÉANS.  sous Louis XIII. i Orléans. L'article bon, l la réferve du titre de loi fondamentale, qui femble trop orgueilleux au frontifpice, & qu'il eft a propos de le mettre a la préface du cahier; quant a Tarticle en leur cahier, qui porte ces mots: « Soient déclaré* criminels de lèfe-majefté divine et humaine, toutes perfonnes, de quelque qualité & con-dition qu'elles foient, qui prêcheront, publieront & enfeigneront, tant verbalement que par écrit, qu'il eft loifible en aucuns cas d'attenter fur la perfonne & état du roi, fous quelque prétexte que ce foit, même de religion , & femblablement tous ceux qui mettront telles chofes en queftion & controverfe. » Sur eet avis Tarticle eft regu au cahier. Le mardi, 16 dudit mois, M. Mouchet, député de Bourgogne, fit plainte a la compagnie, de ce qu'ayant defiré que fa nomination & élection « de préfident fubrogé a M. Miron, & M. Ie lieutenant civil, en cas d'abfence, » fut enregiftrée, & qu'aéte en fut délivré au parlement de Bourgogne; le fieur Halé, fecrétaire de la compagnie, lui auroit refufé, que ledit fieur Miron lui avoit défendu. II demandoit d©nc qu'il plüt a la compagnie de Tordonner ainfi ; a quoi ledit fieur Miron fit réponfe, que la ville de Paris Time XVI, * a  2 Etats avoit été affemblée dans la maifon commune, fur ce fujet, qui en avoit fait plainte au roi, qui s'en relfentoit fort offenfé, & que 1'affaire étoit de plus grande conféquence que 1'on ne penfoit; qu'il reconnoiifoit bien que la charge de préfident étoit élective, & n'appartenoit de droit a la ville de Paris, privativement aux autres du royaume: mais il foutenoit pourtant, que puifque lui prévöt des marchands avoit été nommé, & M. le lieutenant civil, pour préfider en fon abfence; qu'en I'abfence de 1'un & de 1'autre, les députés de Paris devoient avoir cette préfidence; fupplioit, au furplus, la compagnie de ne point faire enregiftrer la nomination dudit fieur Mouchet, non plus que celle de M. le lieutenant civil, de laquelle le regiftre ne fe trouvoit point chargé, ains de faire renvoi de cette affaire au roi. Sur quoi le fieur Clapiftbn, confeiller au chatelet, échevin de Paris, fe leva & adhéra aux déclarations & prières faites a la compagnie par ledit fieur préfident. Nonobftant lefquelles & tout le bruit excité par ceux de Paris, il fut conclu & arrêté que la nomination dudit fieur Mouchet, de préfident fubrogé, feroit enregiftrée, & que d'icelle acte en feroit délivré aux gouvernemens qui le demanderoient. Qu'il ne feroit fait aucune mention dans le regiftre,-  sous Louis XIII. g de 1'oppofition de Paris, qui furent priés de ne contrevenir aux ordonnances de la compagnie, & de ne les révoquer en doute au confeil du roi» Furent priés auffi ledit fieur préfident Miron & le fieur Clapiffon , évangélifie, de reconnoïtre & confidérer qu'ils étoient officiers des états en la compagnie, & non de la maifon de ville, & qu'ils devoient conferver la liberté des états, fans avoir égard a. l'intérét de la ville de Paris, qui n'avoit aucun pouvoir ni puiffance fur les autres villes du royaume. II y en eut qui, parmi ie bruit, crièrent tout haut: que fi ledit fieur préfident ne vouloit autreinent conferver Ia Ia liberté"des états, on procéderoit a leleétion d'un autre, ou que dès a préfent ils s'en iroient, avec protefhticn de ne plus revenir. Enfin Ie bruit ceffa. Mais les députés des bailliages compris fous le gouvernement de 1'ïle de France, comme Soiffons, Beauvais, Senlis, Vermandois,Melun, Mantes, & autres , en excitèrent un autre qui ne fut pas moindre que les premiers, car ils fe plaignoient de ce qu'aux députations que Ia compagnie faifoit, ou chez Ie roi, ou aux autres chambres; i!s ne favoient quel rang prendre, & que les autres gouvernemens les précédoient, bien qu'üs duffent précéder tous les autres, puifqu'üs étoient compris fous le A 2  4 Etats gouvernement de 1'ile de France , qui eft le premier. Et paree que les provinces s'y oppofoient, notamment la Bourgogne, qui difoit que les députés de 1'ile de France , pour la plupart, étoient des derniers au rang des bailliages, defquels on confidère 1'antiquité, en ce qui concerne la préféance & le rang, tellement qu'efdites députations, comme aux autres en aétions folemnelles , ils devoient marcher felon 1'ordre de leur établiffement & création. II fut ainfi conclu & arrété par la compagnie, nonobftantl'inftance defdits députés, qui ne vouloient approuver la compagnie pour juge, ains demandoient le renvoi au confeil. Cela fait, M. le lieutenant-général d'Orléans propofa a la compagnie la forme qui devoit Être obfervée a la compilation du cahier général, qui étoit de faire ledure du cahier de Paris, de bout a autre, & qu'en même temps les préfidens de chaque province tinffent leurs cahiers provinciaux, pour avifer les articles qui feroient femblables a ceux de Park; & la lecture entièrement faite du cahier de Paris, reprendre les articles de chaque cahier, felon 1'ordre des gouvernemens, pour être lus femblablement, & propofés a la compagnie, eftimant ce chemin fort court pour 1'expédition des affaires. A quoi fe rangèrent les autres gouvernemens, après en avoir opiné.  sous Louis XIII. y Et a 1'inftant arriva, de la part de la nobleffe, !e fieur de Ferails, fénéchal de Lauraguais, qui affura MM. de notre compagnie, que la nobleffe fe joignoitavec nous pour demander au roi, en termes généraux , de foulager le peuple autant que les affaires le permettroient, dont il fut remercié par M. le préfident, qui lui remontra que MM. de la nobleffe y avoient grand intérêt, en confidération de leurs hommes & jufticiables, qui en étoient fort oppreffés. On envoya donc da ce pas ceux qui, le jour précédent, avoient été députés pour aller au louvre a eet effet. i Le mercredi, 17 dudit mois, le fieur Belacre, lieutenant-général en la pairie de Nivernois, rapporta a la compagnie ce qui avoit été repréfenté au roi & a la reine, par nos députés des trois ordres, du nombre defquels il étoit, touchant 1'établiffement de la chambre de juftice. Que le roi & la reine avoient fait réponfe, que nous travaillaffions a nos cahiers, & qu'ils feeroient répondus favorablement, & felon le contentement que nous efperions de nos demandes ; & qu'en répandant lefdits cahiers, fa majefté feroit choix des perfonnes, pour être juges en 1'établiffement de cette chambre. Cela fait, on continua la leclure du cahier de Paris; & en même temps arriva M. 1'évêque de Tarbes, qui dit: « Que MM. du clergé" A 3  6 Etats reconnoifTant Ie défordre que Ie nombre infini des confeillers d'état apportoit dans le confeil du roi, & les grands coüts & frais qui, pour raifon de ce, épuifoient fes coffres, au grand dommage de la France, & furcharge du peuple, avoient trouvé a propos de fupplier très-humblement fa majefté de fupprimer ce nombre effiéné de confeillers d'état, & le réduire a quarante-huit, felon qu'il étoit du temps d'Henri UI; favoir : feize de 1'églife, feize de Ja nobleffe, & feize de robe longue, qui ferviroient par quartiers; favoir: douzeachaque quartier, compofé de quatre de chaque ordre, qui feroient pris, tant des provinces éloignées, que des prochaines, ce qu'il avoit charge de nous propofer, afin de nous joindre, & députer des nötres pour, avec lefdits fieurs du clergé, faire coniointement la requête au roi. » « Nous affuroit encore, que MM. du clergé s'enjoignoient a notre compagnie, pour demander au roi le quart de la taille; mais qu'il nous prioit de conlidérer que cette demande feroit fans fruit, d'autant que le confeil avoit délibéré de n'en faire autre remife, que ce qui étoit porté par un édit adreffé a la cour des aides, par lequel trois fortes de perfonnes avoient été exemptes du paiement de la taille; favoir: les élus particuliers, les monnoyeurs &  sous Louis XIIL 7 ceux qui travailloient en foie ; & qu'il nous feroit plus utile de chercher quelqu'autre moyen pour foulager le peuple, fans attendre que cettuici réufsït. II nous prioit auffi de de'puter quelqu'un des nötres pour les accompagner au louvre, afin de fupplier le roi d'óter tout-afait les confidences & fimonies. » M. le préfident lui repartit: « Que pour le regard du confeil, que MM. du clergé defiroient étre établis prés la perfonne du roi, que la compagnie eo délibéreroit. » Pour le fait de la taille, « que nous ne pouvions nous laffer de requérir cette demande, comme la plus jufte qui pouvoit être traitée aux états; & partant, que nous avidhs délibéré d'en importuner Ie roi, & qu'il prioit ledit fieur évêque, d'exciter & porter MM. du clergé a nous yaffifter; après avoir introduit nos députés, leur laiffer la parole, comme étant notre corps le plus intéreffé; que pour le regard des fimonies & confidences , nous avions déja embraffé cette propofition, & député des nótres, pöur les affifter quand ils voudroient. n Ledit fieur évêque fortit; il fut délibéré par les gouvernemens,qu'on feroit favoir a MM. du clergé, que nous trouyións a. propos leur propofition touchant 1'établifiement du confeil du roi, & qu'on les prieroit de nous favorifer en Ia A 4.  8 Etats. demande du quart de la taille ; le fieur Savaron y fut envoyé, qui rapporta que lefdits fieurs nous alfifteroient comme nous le defirions, pour requérir ce quart de taille. Et a deux heures de relevée, M. le lieutenant-général de Limoges rapporta avoir été au louvre avec les députés du clergé, oü M. 1'archevêque de Lyon, devant le roi & la reine, avoit combattu la fimonie & la confidence des bénéfices, avec de belles raifons & autorités; & remontré, « que les arrêts qui confirmoient ce vice, devoient être rejetés comme fufpeéïs d'injuflice ; qu'autant de fois que le roi conféroit des bénéfices a des incapables , il chargeoit fa confcience du ma! qu'ils faifoient, & rejetoient- fur fon ame, le défaut du bien qui pouvoit réuffir par la promotion de ceux qui feroient capab'es de les pofieder, s'ils leur étoient donnés. 33II difoit de plus : « Que le chancelier Duprat s'éjouiffant en la préfence de Francois I", de ce que le pape Léon X lui avoit envoyé le concordat, pour nommer aux archevêchés & abbayes de fon royaume, ce grand roi lui avoit dit: quil ne favoit pas la conféquence de telle bulle, qui lui préparoit Véternel chemin de la damnation. 33 « De fait, qu'il fembloit que beaucoup de maux étoient enfuivis dans le royaume, a, ce  sous Louis XIII. p fujet; favoir: la prifon de Francois I", avec 1'aliénation des droits que la France avoit en Italië; la mort de Henri II; la feéte maudite de Luther & de Calvin; la mort de Francois II, & plufieurs autres malheurs qui s'étoient décochés fur la France, lefquels il vouloit taire. Qu'il s'éconnoit bien fort, comme la reine, qui étoit d'un pays oü la fimonie & la confidence n'étoient en facon quelconque pratiquées, en permettoit Tufage dans le royaume, & 1'avoit tolérée pendant fa régence. II fupplioit donc leurs majeftés d'extirper ce vice, qui met en commerce & rend comme vénaux les bénéfices de France: a quoi le roi avoit répondu, qu'on travailloit aux cahiers : & qu'il les répondroit favorablement : & la reine prenant la parole, avoit dit: que ce vice n'étoit introduit, & n'avoit pris naiflance de fon temps, ains du règne d'Henri III; mais qu'elle donneroit peine d'en öter l'ufage; & qu'elle prioit les ordres de travailler promptement a leurs cahiers; qu'elle apporteroit toutes fortes d'interceffions & de prières vers le roi, M. fon fils, pour les répondre au contentement d'un chacun, avant que les états fe féparaffent. » Qu'il avoit été dit par M. le chancjlier : « Qu'on n'avoit pas tant de fujet de taxer le contenu des arrêts, d'autant qu'ils étoient  IO Etats donnés fur un fait particulier, p0Ur réprimer &chat,er Ja perfidie de certaines petites gens, qui voulo.ent faire pront de ce qui ne leurfvoit ete donné qu'en dépöt. M. Ie prince ,'femblablernent, avoit dit: Que, par ce difcours, il fembloit quon voulut jeter une pierre en fon jardm dautant qu'il polfédoit quelques bénéfices, lefquels il étoit prét de quitter & remettre vau roi. A quoi il ne fut rien répondu. » Le jeudi, x8 dudit mois de décembre, il &t reprefenté, par M. le lieutenant-général dOrIeans,que Ie peu de filence qui s'obfervoit en Ia compagnie, a mefure que la lecïure dun article avoit été faite, feroit proroger & "rer de long Ja confection & perfeétion du cahier; & partant propofoit 4 ,a j que les Préfidens des gouvernemens fuflént commis Sc députés avec un de chaque gouvernement, après avoir été concertés dans leurs provinces, les articles de Ia province de Paris pour les pafTer; & après les rappcms provinces, jugeant eet expediënt étre le plus court pour éviter au bruit & confufion. Car par ee moyen, difoit-il, les provinces n'auront' pas fujet de fe plaindre, ayant délibéré & arrêté les articles de Paris; & les préfidens Vauront autre pouvoir que celui qui leur aura été baillé; & que Ie cahier de Paris entièrement parachevé  sous Louis XIII. ii les gouvernemens, felon leur ordre, reprendroient les articles de leurs cahiers, dont il n'auroit été parlé, pour les concerter. Cette forme de procéder fut trouvée plus longue que la première; &, difoit-on , que faifant ainfi, les articles du cahier général ne feroient pas- dreffés par les états-généraux, mais par un petit nombre. Tellement que cette propofition fut rejetée. Cette propofitionexpédiée, arriva M. 1'évêque du Bellay, qui dit: « Que ces jours paflés le roi avoit, par fa bonté , envoyé aux trois chambres 1'état des finances de fa maifon, pour voir quel eft fon revenu , & quelle eft fa dépenfe. Que ce procédé dépendoit de la franchife d'un grand roi, qui fe familiarife tant avec fes fujets que de fe foumettre jufque-la, que de leur faire connoitre fa puiflance. Auffi que MM. du clergé avoient avifé dans leur chambre de n en point abufer; ains de 1'examiner avec un député de chaque gouvernement, afin de ne divulguer le fecret du prince, & traiter cette affaire a la guife & a la facon de la compofition du corps humain, duquel les nerfs qui le lient & le fupportent font cachés fous la peau, & ne paroiflënt point: de même que les finances étant les nerfs du royaume, devoient être cachées & tenues fecrètes, autrement qu'il en pourroit arriver de grands inconvéniens. »  '?* Etats II dit encore: « Qu'en I'ancienne loi, le fouverain pontife, étant dans le fanSa fanclorum tiroit le rideau, de peur que le peuple n'eüt la connoiiTance des myftères fecrets qui fe traitoient la-dedans; qu'il en falloit ufer de même aux finances de fa majefté, èfquelles il ne falloit pas pénétrer fi avant, de peur d'offenfer le prince. Et comme en ce lieu 1'arche d'alliance repofoit,' qui étoit dorée dedans & dehors, & que les' coffres du roi doivent être dorés dedans & dehors; que comme dans cette arche il y avoit trois chofes fort confidérables, a favoir: la marine, la verge, & les tables percées; auffi qu'aux finances du roi, ces trois chofes fe trouvoient, a favoir: Tor qui, comme la manne, a toutes fortes de goüts, paree que d'icelui on a tout. II y a auffi une verge, non comme celle de Tarche, qui étoit la verge d'amour & de dileflion; mais que celle-ci eft verge de rigueur & d'afïïiéKon. Par les tables percées, lefquelles tournées de quelque cötéqu'on vouloit, faifoient toujours paroitre les dix commandemens de la loi, il entendoit les divers moyens que le roi avoit pour trouver de Targent; car, de quelque cöté qu'on fe tournoit dans le royaume, ce n'étoit qu'argent, témoins toutes ces commiffions extraordinaires dont nous avions fait tant d'inftance. »  sous Louis XIII. 13 Puls, fe jetant fur les financiers, il dit: ec Qu'ils reffembloient aux deux féraphins quï couvroient 1'arche d'alliance, car ils avoient chacun quatre ailes, deux dont ils fe fervoient pour voler , & les deux autres pour fe couvrir. Que les financiers avoient des ailes, c'eft-a-dire, de Tagiüté & des inveations pour voler & dérober; & des ailes encore pour couvrir leurs larcins. De forte que le maniement des finances fe pouvoit dire un myftère de fineffe. « M. le préfident lui repartit fort a propos , ce qu'il s'étoit fervi de 1'ancienne loi, pour faire connoitre que les finances du roi devoient être tenues fecrètes; mais qu'il falloit confidérer, qu'en 1'ancienne loi, la vérité n'étoit que figurée & voilée; mais que dans la loi évangélique, introduite par Jéfus-Chrift, tous les fecrets de Tanden teftament avoient été divulgués ic mis en lumière; que notre compagnie, vivant felon cette loi nouvelle, avoit cru devoir avoir un éclaircifTement entier de ce qui étoit porté par les états du roi & de la régence de la reine, Sc avoit defiré de les bien & foigneufcment examïner, & qu'elle n'avoit rien fait en cela, qui n'eüt été pratiquéès précédens états; néanmoins, que fi fes bonnes exhoi tations avoient changé les avis de la compagnie, qu'il remettrok la propofition en délibération,pour enavertirMM, du clergé.»  14 Etats Le vendredi, iq- dudit mois, M. le marquis de Choifi vint en notre chambre, affifté de cinq autres gentilshommes des fix premières provinces, qui dit: Que MM. de la nobleffe les avoit envoye's pour nous prier de les affifter de nos vceux & préfence, pour réite'rer de nouveau les trés-humbles fupplications vers le roi, pour 1 etabliffement de la chambre de juftice ; nous affurant, que leur compagnie, en autres occafions, nous témoigneroit de quelle afféétion elle embrafferoit les propofitions qui viendroient de notre part.» M. le préfident lui dit: cc Que nous avions témoigné a MM. de la nobleffe, la volonté que nous avions eue a les affifter promptement en ce bon & jufte deffein, & qu'il croyoit que notre compagnie s'y porteroit encore; & en revanche, il prioit auffi MM. de la nobleffe de nousaftifter a la remife d'un quart de Ia taille, par nous tant de fois demandée. » Ledit fieur de Choifi promit d'en faire Ie rapport k fa compagnie, & ajouta: cc Que 1'ordre de la nobleffe avoit réfolu de ne point travailler au cahier général, que le roi neut établi ladite chambre de juftice. » Ledit fieur marquis étant forti, M. le préfident mit en délibération pour députer vers  sous Louis XIII. i ƒ MM. de la noblefie, pour les affurer que nous nous joignions bien volontiers a leur demande, &. pour les prier auffi de nous favoriferde leur affiftance envers le roi, pour le fait de la taille. Et fe reflbuvenant que le jour précédent 1'on avoit réfolu de faire réponfe a MM. du clergé, fur le fujet de ce qui avoit été dit a notre compagnie, par M. 1'évêque du Bellay, qu'il ne falloit pas publier 1'état des finances du roi, & qu'il les falloit prier de fe joindre avec nous pour fupplier fa majefté d'accorder, que ledit état fut enregiftré, pour être examiné mürement, lorfqu'on viendroit au chapitre des finances du cahier général; & auffi de ne trouver mauvais fi nous n'avïons procédé a la leéture d'icelui, k 1'inftant qu'il nous fut envoyé - ce que nous avions fait par refpeél & pour la révérence que nous devions k fa majefté. II fut avifé & arrêté d'envoyer aux deux chambres pour 1'effet que deflus. Bientöt après, M. Boris , bourgeois de Tholoze, qui étoit allé, accompagné de cinq autres, en la chambre de Ia noblefie, retourna & dit: « Que MM. de eet ordre les avoient' remerciés de Ia bonne volonté de notre compagnie, è laquelle ils promettoient de fe joindre pour demander la diminution de Ia taille. » M. Angenout, lieutenant-général de Sens,  16* Etats retourna aufli de la chambre du clergé , qui dits cc Que le clergé avoit promis de nous préter toutes fortes d'affiftances, tant pour le regard de la communication plus paiticulière que nous defirions avoir de Tétat des finances du roi, que pour nous favorifer ès excufes pleines d'humilité, que nous defirions repréfenter a fa majefté, a ce fujet. Comme aufli de demander avec nous le quart de la taille, dont néanmoins nous devions efpérer grand fruit, étant mal-aifé d'obtenir la décharge de deniers qui fervoient a fupporter les charges de 1'état; que nous aurions beaucoup plus de gain de trouver quelque expédient pour foulager le peuple en cela; comme de faire fupprimer tant d'exempts, defquels les pauvres fupportoient injuftement le taux ; & de faire en forte que les deniers des tailles fuffent recueillis par les villes capitales de chaque province , & envoyé a Fépargne , afin que les grands frais qui fe font a la levée & ports defdits deniers, vinffent a la décharge du peuple ; & par ainfi fupprimer les élections, tréforiers-généraux & receveurs des tailles.« Ce fait, M. le lieutenant-général d'Orléans fit une propofition pleine de générofité, & qui néanmoins demeura fans réfolution certaine. Je la décrirai ici au vrai, afin de faire voir la pufillanimité du tiers-état, & la baffeffe de notre  sous Louis XIII. if iiotre courage, non comparable k la vertu & générofité de nos prédécaffeurs. Le jour précédént, M. le préfident Miron, \è fieur Savaron, & quelques autres de notre compagnie, étoient allés au confeil pour faire réfoudre & conclure le mémoire, contenant les quatre-vingts commiffions extraordinaires, defquelles 1'on demandoit la révocation. De la part du clergé, M. le cardinal de Sourdis, & autres prélats; & de la nobleffe, M. de Senecé, avec plufieurs autres y étoient auffi. Comme M. le chancelier eut arrêté les articles defdites com-1 mifiions, qu'il jugeoir. devoir être révoqué-s,il commenqa de tancer fort aigrement le tiers-état, en parlant k mondit fieur Miron, qui étoit affis & nue tête, au lieu que ceux des autres ordres étoient couverts, lui difant, que ie tiers-état ne s'étoit pas comporté felon la modeftie, 1'honneur & le refpecT qu'il devoit a. fa majefté, ayant dédaigné de voir & faire leóture de 1'état des finances du roi, qu'on lui avoit envoyéj qu'en cela il avoit manqué a la bienféance, de laquelle avoient ufé MM. du clergé & de la nobleffe; qu'en ce procédé il avoit abufé de Ia douceur du roi, qui avoit bien voulu faire reconnoïtre les forces de fa riiaifon, &; qu'il ne pouvoit s'excufer de cette faute. Ce qu'il difoit en grande colère, & d'une aftion véhémsnte, quoique Tome XVI. * B  li? Etats «Tailleurs ledit fieur chancelier fut reconnu de tout le monde pour Tun des plus modérés, & qui s'échappe le moins de toute la France ; en quoi cette réprimande blefloit d'autant plus notre ordre, & Tobligeoit a quelque refT. ntbment. Puis jetant les yeux fur ledit fieur Savaron, lui reprocha d'avoir dit le jour précédent, dans le confeil, que le tiers-état n'y étoit pas venu en qualité de fuppliant; qu'il avoit bien fait de le dire ailleurs qu'en fa préfence ; car s'il Teut ouijilTeüt bien relevé fur le champ, & lui eut appris le refpect qu'il doit k fon maitre, auquel il étoit d'autant plus obligé, qu'il étoit coniTitué en charge honorable. Ce fut la le fommaire de la plainte dudit fieur lieutenant-général d'Orléans, laquelle il difoit avoir apprife de MM. de fon gouvernement , & avoir charge de la déduire devant toute la compagnie , & remontrer comme notre ordre étoit maltraité, arfoibli & avili; ce qu'il prouvoit, par exemple, en ce qu'il avoit leprocèsverbal des états de 1576, oü il apparoiflbit que les princes du fang avoient bien voulu honorer de leur vifite les états de cc temps-la; ce qui n'avoit encore été fait par aucun 'prince ni duc; & ajoutoit une particularité , qu'en iy88, Henri III, qui favoit autant k propos & convenablement ufer de la bieaféance, qu'aucun  sous Louis XIII. %9 de fes prédécelfeurs avoit regu de fa propre main, le cahier qui lui avoit été préfenté par le tiers-ordre en corps; mais qu'il n'avoit pas voulu déférer eet honneur a quelques provinces qui lui avoient préfenté des cahiers particulier* do ce qui les concernoit. En quoi il avoit fort bien diftmgué la dignité du corps des états, d avec les plaintes des provinces particufières, lefquelles d avoit renvoyées k fon confeil, pour etre ouies. I! difoit donc qu'il falloit bien reconnoïtre J honneur & la déférence qui étoit due k M le r chancelier, tant a caufe de fa dignité, que pour fes vertus & fa prudence, de laquelle il s'étoit ¥ heureufement fervi au maniement & gouvernement du royaume, pendant la régence; qu'on \ pouvoit dire qu'il avoit maintenu 1'état en paix, mais qu'il lui falloit faire de très-humbles prières' 'Sc remontrances, de reconnoïtre la dignité de notre otdre, qui ne méritoit pas d'être fi aigre:ment traité; Sc pour eet effet, députer vers Iul un de chaque gouvernement, qui affifferoient J JV1. Miron, préfident. II Après quoi, il fut reconnu, par ledit fieur Miron, que de vrai nous avions été traités avec aigreur, par ledit fieur chancelier, fur ce que notre compagnie n'avoit pas voulu faire leéture des états des finances du roi, qui lui avoient été B a  Etats envoyés; mais que fur le champ il avoit fait ëntendre audit fieur chancelier, que ce que nous en avions fait avoit été par refpeót & révérence que nous devions au roi, d'autant que lefdits états nous ayant été envoyés avec condition de n'en fake aucune copie, & de les rendre deux jours après la réception, nous n'avions voulu ni defiré en faire la ledure, auparavant qu'il eut plu au roi lever ladite condition, & trouver bonne la réfolution de notre ordre, qui avoit délibéré d'cnregiftrer lefdits;: états , & les examiner mürement, lorfque nous; i ferions au chapitre des finances du cahier général; ce qui avoit aucunement ému la chaleur & colère dudit fieur chancelier : de dire qu'il i eut été traité plus difcourtoifement que les pré- ! fidens des deux autres ordres , en ce qu'il étokj découvert; il reconnoifioit bien, que fur les; paroles dudit fieur chancelier, il s'étoit levé &.j approché du bureau, découvert, pour faire:] ëntendre nos excufes, non qu'en cela la dignité: j de 1'ordre eüt été bleffée, &c qu'on n'en put tireE aucun avantage. On délibéra donc de ce qui étoit a faire tut cette plainte, & fut avifé a la pluralité des gouvernemens, de prier ledit fieur lieutenantgénéral d'Orléans , de porter la parole audit fieur chancelier, pour lui remontrer ladigniti  sous Louis XIII. 'Sti «de notre ordre, le prier de ne le pas traiter avec telle févérité & aigreur; & lui faire ëntendre les mémes excufes qui avoient été repréfentées par M. le préfident. Alors, ledit fieur lieutenant-général d'Orléans dit a la compagnie, qu'il la fupplioit bien fort, ne trouver mauvais s'il n'obéiffoit a fes commandemens, d'autant que fi on 1'obligeoit, lui qui avoit fait la propofition, a porter cette parole, il ne fe trouveroit a 1'avenir perfonne qui fe voulüt hafarder de faire aucunes propopofitions concernant 1'honneur & 1'intérêt de la compagnie; & que c'étoit contre toutes les formes & régies qui avoient été jufqu'ici obfervées. Car, fur les propofitions qui avoient été faites, 1'on avoit toujours député un de chaque gouvernement, qui s'étoient accordés d'un d'entr'eux, pour porter la parole; & que s'il avoit été nommé par ceux de fon gouvernement, il ne refuferoit pas de la porter, tant i! voudroit déférer d'honneur & de refpeét aux commandemens de la compagnie. Qu'au refte, cette parole ne pouvoit être mieux portée que par le chef d'icelle, qui étoit ledit fieur préfident, puifque tout le corps avoit été orfenfé. Ledit fieur préfident s'en excufa, difant: que fi c'étoit lui ou quelqu'autre qui eut été préfent lorfque M. le chancelier avoit montré cette aigreur, il Bi  22 Etats croyoit que Ia plainte auroit été par eux faite; ce qui occafionna de remettre 1'affaire en délibération , & fut avifé de députer un de chaque province, qui s'accorderoient a la manière accoutumée, a qui porteroit Ia parole. Le famedi, 20 dudit mois, le député Dupuïs, qui avoit été choifi par les députés des gouvernemens, pour parler a M. le chancelier, fupplia la compagnie de lui prefcrire ce qu'il avoit a dire audit fieur, & la forme & bienféance de laquelle il devoit ufer en fon endroit; favoir: fi, pour fe couvrir, il attendroit le commandement dudit fieur, ou bien fi, de lui-même, il fe couvriroit a la manière accoutumée, comme repréfentant le corps & la dignité du tiers-état; quant aux paroles, on lui dit qu'il n'aigrit rien, mais qu'il fit raifonner la dignité de la compagnie, avec laquelle on devoit traiter & négocier, comme avec un corps repréfentant le tiers-état de toute la France; & qu'enfuite, il gliffa quelques excufes du fujet qui avoit donné occafion audit fieur chancelier de s'émouvoir, defquelles il a été fait mention ci-deflus. Pour a forme, qu'il combattit a 1'ceil, & avec telle difcrétion , que ni Ie corps, ni ledit fieur chancelier n'en pufient recevoir de mécontentement. Avec ces paroles , il fortit & s'en alla en I'hótel dudit fieur chancelier.  sous Louis XIII. 23 A 1'inftant, l'huiffier vint avertir la compagnie, que MM. le préfident Jeannin, Meaupou, Arnaud & Dolé , directeurs & intendans des finances, étoient en la chambre de la noblefie, qui viendroient bientöt en la notre. On fe prépara pour les aller recevoir hors de la falie, ëc furent députés, a ce fujet, un de chaque province, On délibéra cependant quelle féance on leur devoit donner. Les uns difoient, que leur qualité, avec ce qu'ils venoient de la part du roi, méritoit bien de leur donner la place de M. le préfident, comme on faifoit a MM. de 1'églife. Les autres difoient, qu'on leur devoit donner même féance qu'a MM. de la nobleffe ; favoir: au cöté droit, fans qu'il fut néceffaire, ni même bienféant que M. notre préfident quutat fa place ordinaire a des perfonnages qui n'étoient pas du corps des états, & qui y. venoient pour faire des remontrances & prières, & non porter des commandeniens. Or, afin de ne faire aucune faute, 1'on envoya fourdement en la chambre de la nobleffe, pour voir quelle place lefdits fieurs y tenoient. II fut rapporté que M. de Senecé, préfident de la nobleffe, leur avoit quitté fa place; ce qui nous occafionna d'en faire de même. M. le préfident Jeannin fut donc recu par plufieurs des nötres, & mis, par M. Miron même, dans B4  H Etats fadite place. M. de Meaupou étoit plus proche de lui du cöté droit, puis M. Arnaud, tous deux vêtus de manteaux noirs; & le dernier, M.Dolé, vêtu d'un robe de damas. M. Jeannin & fes codéputés furent autant de temps découverts comme toute la compagnie, & chacun fe couvrit en même temps. Puis ledit fieur Jeannin dit: « Qu'il avoit eu charge & commandement du roi, pour 1'avis & confeil de la reine, de vifiter MM. des états, pour leur donner créance & affurance que' ia majefté avoit volonté de contribuer toutes fortes d'affeétions au bien & foulagement de fon royaume ; & de donner favorable & bénigne audience aux plaintes, doléances & remontrances qui lui feroient faites, auxquelles il promettoit de donner tel remède, & fi gracieufe réponfe, que tous fes fujets en recevroient un grand fruit & content.ment ». Ce qu'il venoit préfêntemenf d'expofer ès chambres de leglife & d 'a nobleffe ; & réitéroit d'abondant en la n kre, afin que les trois ordres, faifant le corps entier de 1'état, fuffent également honorés de 3a bienveiüance de fa majefté, & reguffent par t.i Douche la fincérité de fes intentions. Difoit, 3 ce fujet, « que 1'affemblée générale des états fe convoquoit a deux fins. La première, poyr déduire par les fujets 3 hw  sous Louis XIII. 2 ƒ prime, les plaintes, les défordres , oppreffions & calamités qui, par le temps, fe gliffent dans les états , & les corrompent: afin que le mot étant connu & dépeint au vif devant les yeux du prince, par ceux qui en font pleinement inftruits, & qui en reffentent, plus que nuls autres, les atteintes & piquures, il puiffe, de fon autorité fouveraine, & par 1'avis de fon confeil, remédier au mal, & retrancher de bonne heure la pourriture, qui pourroit gangrener tout le corps, « « La feconde, pour ouir par les fujets, les néceffités de leur prime, pour être feconde & affifté des moyens néceffaires & convenables a fupporter Ik maïntenir le pefant fardeau de 1'état. " II remontroit en outre : cc Que toutes & quantes fois que les états avoient été affemblés en temps calme & paifible, ils avoient toujours été favorifés d'une heureufe ifïue , êV apporté au peuple un fruit ineftimable. Les fujets s'étoient étudié d'y rendre de grandes preuves & témoignages de leur fidélité & obéiffance a leur prince. Et les rois, de leur cöté, abaiffant les rênes de leur autorité & puiffance , les avoient traités comme les pêres font a leurs enfans3 eondefcendans avec une grande hymanité 4 kurs prières & requêtes. 55.  26" Etats « Que toutes chofes faifoient un concours pour faire renaitre & renouveller les exemples falutaires du pafte; les états convoqués dans une grande ville, en faifon calme & paifible, fous le règne d'un roi jeune d'ans, mais plein de fageife, clémence & benignité; ne fouhaitant rien avec plus de paffion, que le repos & Ie foulagement de fon peuple, affifté & fuivi, en ce faint vceu & royale dévotion, des prudens confeils de la reine fa mère; qu'il ne reftoitrien pour Ia perfeótion de cette harmonie, finon que les fujets, de leur part, témoignaffent a leur prince des effets de leur fidélité & obéiffance, de laquelle fa majefté fe tenoit pour tout affurée , ayant a traiter & négocier avec des Francais, qui ne voudroient dégénérer de la prudhommie, naïveté & franchife de leurs devanciers. Qu'en ce faifant, ils devoient attendre & efpérer de fa bonté, une fi douce & favorable réponfe a tout ce qu'ils dernanderoient, que les provinces qui les avoient députés, auroient fujet d'être contentes, & tellement fatiffaites de leur roi, qu'il engendreroit dans leurs courages, un tel amour, que le fouvenir en feroit d'éternelle durée; & pourtant, qu'il étoit befoin , pour jouir de bonne heure du fruit de cette promeffe, de diligenter les cahiers pour les lui préfenter.»  sous Louis XIII. 27 Il expofoit de plus : « Que la reine , defirant faire connoitre a une fi notable affemblée, la fincérité de fon adminiftration, & pour lever le fcrupule & les foupgons que le peuple concoit ordinairement contre les directeurs des finances, elle avoit fait dreffer un état contenant le fommaire du maniement des finances du royaume, pendant fa régence, pour êtrelu & vu en 1'affemblée des états. Ce que néanmoins nous avions refufé de faire, finon a condition d'en faire des extraits & copies, pour 1'examiner , en la préfence des députés du tiers-état, nous fondant fur les exemples du paffé, par lefquels nous ne prétendions pas feulement en avoir la vue & la leéture, mais 1'examen & la difcuflion publique de toute 1'affemblée, combien qu'ès états de 1'an iyóo, & en 15-76, ni même ès affemblées notables de 1'an iyóó & 1506; cela n'eüt été pratiqué, finon en la forme qu'il nous exhortoit de fuivre , favoir : d'examiner 1'état des finances dans le confeil, en la préfence de quatre ou cinq députés de chaque ordre, auxquels 1'on s'étoit confié en ce temps-la de la difcuffion dudit état, pour le rapporter puis après, & en inftruire l'afTemblée. « Que de fe fonder fur ce qui s'étoit fait en iy88, il n'y avoit grande apparence , n'y ayant eu aucune liberté ès états d'alors, pour avoir-  Etats été troublés par diverfes rencontres qui avoient ébraalé la monarchie; & partant, que pour accourcir & rendre une lumière entière des finances de fa majefté, il étoit a propos que cette compagnie députat quatre ou cinq, auxquels le refte de la compagnie auroit de la confiance, pour voir ledit état au confeil, & le conférer mürement, pour en prendre une pleine inftruétion. Par icelui 1'on leur feroit connoitre que la recette confifte ès tailles, fermes, fubventions & parties cafuelles; & on leur feroit voir encore a quelle fomme fe peuvent monter les recettes générales & particulières de chaque généralité; & quelle eft la dépenfe, qui confifte en paiement de gages d'officiers, frais, taxations, port de deniers, penfions & autres chofes; &par-la, apprendre ce qui peut revenir de bon &de net aux coffres de fa majefté. » Qu'on feroit voir femblablement a combien reviennent les tailles, defquelles on a fait tant d'inftance, & la dépenfe de la maifon du roi. Toutes lefquelles chofes bien conférées, nous pourrions facilement juger quelle diminution des tailles peut être faite ou non; & proportionner nos demandes a ce que le roi nous peut accorder, fans diminuer le fonds de fes finances, & fe priver des moyens néceffaires pour maintenir fon royaume en fa  sous Louis X111. 2^ grandeur; qu'il y avoit des expédiens pour faire trouver au peuple les tailles moins onereufes qu'elles n'étoient, en pratiquantle reglement que fa majefté avoit envoyé a la cour des aides, & impofant aux tailles cinq ou ia mille exempts, qui efquivent, par mille moyens, le paiement de la taille, quoiqu'üs foient contribuables, & la plupart riches & opulens; comme auffi en retranchant les abus que les tréforiers-généraux commettoient au departement des éledions, & les élus au département des paroiffes. Aufli que les affeurs foulageoient bien fouvent les riches , & fouloient par ce moyen les pauvres , dont arrivoient beaucoup d'abus & défordres, qui opprimoient le peuple, lefquels étant retranchés, les tailles feroient plus douces a fupporter. » Au refte, que pour le regard de Ia chambre de juftice, que nous avions demande a fa majefté, & 1'établiffement d'icelle, compofée des députés même des trois ordres, que cela n'étoit pas raifonnable, d'autant qu'il valcut beaucoup mieux y mettre des juges tirés des cours fouveraines, qui euffent la connoiffance des finances. Pour ce fujet, que le roidel,rant condefcendre a la fupplication de les états, accordoit qu'ils choififfent tel nombre de gens de bien expériment-s qu'ils aviferoient,  5° Etats pour les bi préfenter, afin d'établir ladite chambre ^.incontinent que les cahiers feroient iaits, auxquels il defiroit qu'on travaillat inceffamment & diligemment, & promettoit de les répondre favorablement, avant que les états Ment congedié, & féparés, contre 1'efpérance desefpnts malicieux, qui infeéioient le peuple dun bruIC menfonger; que 1 intention de fa «ajefte■ n étoit autre , que de prendre les cahiers quand les etats feroient féparés, & par JnCl P -er Ie peuple du fruit qu'il avoit con,u dune fi notatie * digne affemblée; ce qtï etoat dn-eclement contre fa volonté, & tentet les occafions d émouvoir le peuple a des mécontentemens. » Qu'il fe doutoit bien qu'il y avoit encore des^ames ulcérées dans 1'état, qui ne chef_ choient que des occafions pour exciter de nouveaux mouvemens, afin de faire profit dans ledefordre; que Ia reine, par fes judicieux confeds, avoit imprimé dans le cceur de notre jeune re,, cette belle le9on, que Ia fouveraine lo. de fon royaume, c'eft Ie falut du peuple au bien & foulagement duquel il étoit entièrement porté; que nous devions, de notre Part, apporter de la circonfpecliort & prudence en nos demandes, & Jes mefurer au  sous Louis XIII. 31 boiifeau de 1'état, & de ce qui fe peut faire, & qu'il eft mal-aifé , en un grand royaume, d'accorder tout ce qui femble être jufte. « M. le préfident Miron fit réponfe : « Que la compagnie avoit grand fujet de rendre graces a fa majefté de l'avoir fait vifiter de fa part, par des perfonnes fi relevées, & qui traitoient les plus grandes affaires du royaume; qu'étant compofée des premiers & principaux officiers des provinces, fa majefté devoit auffi être affurée des cceurs & volontés d'icelles; qu'elles fe porteroient toujours au refpe£l,fidélité &obéiffance qu'ils devoient a leur roi fouverain ; & que, par leurs exemples ,( étant magiftrats, & par conféquent les chefs & les ames des villes ) ils maintiendroient le peuple en ce même refpéct &f.tres-humb!e obéiffance; que du cöté du roi & de la reine, ( k la conduite de laquelle il avoit confié fes jeunes ans , & 1'adminiftration de fon royaume) nous efpérions que leur bonté produiroit des fruits fi gracieux au goüt du peuple, que dcformais il refpireroit fous le joug d'une douce & benigne domination, & feroit reievé des misères & calamités fous lefquelles il ploie' continueüement. » Que pour Ie regard de ce qui concernoit; Tétat aes finances de fa majefté, que la compagnie avoit craint qu'il reftit encore quelques  32 Etats mauvaifes impreftïons de ce qu'il n'avoit pas été lu fuivant le mandement du roi, mais qu'elle le fupplioit de croire que c'étoit par un exxès de refpect, d'autant qu'ayant en mandement de travailler avec diligence a la compilation du cahier, il n'étoit pas poflible qu'une fimple & legére leéture dudit état, put apporter grande inftruétion a l'afTemblée, pour régler le cahier au contenu dïceluï; voila pourquoi elle avoit jugé qu'il étoit a propos de députer précifément vers fa majefté, pour lui faire ëntendre ce qui s'étoit pafte aux états précédens, & lui remontrer que fi cette compagnie n'infiftoit a une communication plus particulière dudit état, i! fembleroit qu'elle eut laiffé décheolr les états de leur autorité, qu'ils tirent immédiatement de celle qu'il plaït au roi de leur conférer; de forte qu'on ne pouvoit accufer cette compagnie de faute, ni d'avoir apporté peu de refpect a ce qui vient de la part du roi, & ne lui doit caufer ün mauvais accueil de fa part. Et en ce qui concernoit les demandes que nous avions fi fouvent réitérées , touchant la décharge des tailles & autres fubventions, que fa bonté faifoit fi bien connoitre, & qu'il n'en avoit recu aucune importunité, puifqu'il étoit délibéré de remédier aux maux & misères que le peuple fouftroit, » M.  sous LoUis XIII. |i M. Jeannin rep'iqua : « Que cette compagnie étant compoféed'orficiers royaux (lesprincipaux des provinces ) elle devoit s'étudier davantage a Tobéifiance & fidélité envers le roi, & y maintenir le peuple par fon exemple; & fur-tout conferver la paix chacun en fa province, afin d'éviter les occafions de mouvemens nouveaux. Qu'il étoit pret de nous bailler 1'état des finances^ pour le voir & examiner. « Et a l'infiant fe retira avec lefdits fieurs de Meaupou, Arnaud &Dolé, qui furent conduits, par les douze députés, hors la falie. Sur ces entrefaites le député Bupuis, qui étoit allé chez M. le chancelier, revint, lequel dit, qu'il avoit été traité par lui très-gracieufement, & qu'il n'avoit été en peine d'attendre aucun commandernent de fe couvrir, paree que 1'un & 1'autre avoient toujours été découverts. Il rapporta que ledit fieur chancelier n'avoit pas defiré traiter avec aigreur le tiers-ordre j & que les excufes qui avoient été fakes a Tinftant au confeil par M. notre préfident avoient été bien goütées ; qu'au refie, Ton nous renverroit 1'état des finances pour le lire & le voir;, non pas feulement une fois, mais deux, trois & quatre fois, & autant que nous voudrions 5 mais qu'il étoit périlleux de divulguer rationes imperii. II nous afluroit au furplus de la bonne Torna XVL * C  34 Etats volonté du roi, difpofé au foulagement de fe$ fujets, nous exhortoit de travaiüer diügemment au cahier. M. 1'archevêque d'Aix arriva incontinent après, lequel nous fit un long & favant difcours en ces ter mes : « Meffieurs, encore que nous rendions tous au bien public, fi eft-ce que les trois ordres ont quelque vifée particulière, & ne faut pas trouver étrange s'ils ont divers fentimens, d'autant que leurs profeffions font différentes & diverfes ; mais cette différence doit finir en bonne harmonie, & parvenir aux oreilles du roi d'un même ton. , 33 Cela fait, que s'il y a en nos cahiers , des particularités concernant la juftice & finances , ils ne pafieront & ne feront arrêtés par nous fans au préalable les vous avoir communiqués, & fi de même en vos cahiers il fe trouve des propofitions qui touchent 1'églife , il eft de votre bienféance que vous nous en communiquiez. 33 La vérité eft vacillante, & la vérité qui étoit le fils de Dieu avoit befoin de 1'appui des hommes; que lui vrai fils de Dieu étoit appuyé fur 1'églife , & 1'églife fur lui , ïnnixa Juper dileclum fuum. Que le fils de Dieu avoit voulu choifir tel appui. II eft raifonnabie que les par-  sous Louis XIII. 3 ƒ ticuliers foient attachés a. la même églife, qu'ils y rapportent tous leurs vceux, & en dépendent immédiatement. " Vous nous devez donc communiquer ce qui fe traite entre vous des affaires de 1'églife : c'eft k quoi je vous invite , puifqu'il ne faut remuer les autels, ni toucher au fondement de 1'églife fans nous : nous fommes de même patrie , de même fang, & difpofés k mcme fin , pietas ad omnïa. Cette piété nous doit telle— ment être chcre , que nous devoss avifer k ne difformer ce corps eccléfiaftique , de peur de contrifter le Saint-Efprit auteur de paix. 33 La propofition que je vous fais eft générale & univerfelle; 1'on nous a ces jours paffés préfenté un cahier que nous avons rejeté, d'autant qu'il ne nous concernoit : & de même s'il fe trouve quelque article entre vous qui nous regarde, c'eft k vous k nous le communiquer.» Et puis continuant fon difcours fur la piété & la juftice, il loua particulièrement la piété fur laquelle font appuyés les royaumes & notamment celui de France. Ce qui avoit été témoigné au premier roi très-chréden par 1'oracle de Saint-Remi, archevêque de Reims, lorfque s'enquérant par quel moyen il fe devoit perpétuer fon royaume , il lui dit : cc Qu'il feroit autant de durée comme la piété y régneroit, C 2  36 Etats que le fils de Dieu étoit en ce monde pour exercer la piété,, par laquelle il avoit racheté de fon propre fang la créature humaine des peines éternelles : que 1'églife ne nous chantoit I & enfeignoit rien avec plus de ferveur que la [ piété , & qu'elle nous étoit tous les jours pre- I chée, comme la vertu la plus propre & convenab'e au falut des ames. » C'eft pourquoi il avoit été député par MM. du clergé pour planter dans nos cceurs les très-douces racines de cette vertu , afin que fi d'aventure il fe préfentoit quelques articles dans nos cahiers, qui concernaflent la piété & religion , & la doéfrine de la foi, nous fiftions 1'honneur a MM. du clergé , verfé en cette matière de les leur communiquer. M. Miron (après les remerciemens & complimens ordinaires) fit réponfe:" Que jufqu'ici il ne s'étoit préfenté aucuns articles qui concernaffent en particulier la foi & doétrine de 1'églife , & que s'il s'en rencontroit aucuns, 1'on ne manqueroit pas de leur faire voir. » Mais paree que ledit fieur archevêque avoit longuement difcouru , fans fe vouloir plus précifément ouvrir de ce dont le clergé fe plaignoit, 1'on jugea tout incontinent que fon intention étoit de nous faire révoquer de notre cahier, Tarticle ci-deiTus tranferit qui avoit été  sous Louis XIII. 57 pafle en loi fondamentale, touchant le falut & cOnfervation de la perfonne facrée du rei, duquel nous étions bien avertis , que le clergé étoit mécontent de ce qu'il ne lui avoit été communiqué: voila pourquoi ledit fieur Miron le pria de s'éclaircir davantage, & de dire s'il avoit intention, que nous conféraffions avec le clergé, des articles concernant les mexurs des eccléfiafiaques, Que s'il le defiroit, qu'il confidérat a quelle longueur la tenue des états fe porteroit : car on ne perdroit plus de temps qu'aux conférences & compümens qui fe faifoient par les chambres. II répondit, louant toujours la piété, « qu'il valoit beaucoup mieux prolonger les états, que de pafler & traiter précipitamment les affaires, & qu'il falloit pour accourcir le temps, retran| cher la grande quantité des articles » ; puis il s'en alla. Nous mimes en délibération ce qui étoit a j réfoudre fur le fujet de fon difcours. Et füt-il arrêté du commun confentement, que 1'on dit roit a MM. du clergé, que le tiers-état n'avoit rien mis dans fon cahier, concernant la doctrine de 1'églife, que fi ainfi étoit, on leur eut communiqué, Que pour la police de 1'églife, il en avoit été touché quelque chofe audit caI hier, qu'il avoit été arrêté qu'on ne leur com- c3  38 Etats muniqueroit point, pour éviter les longueurs, & que le roi y répondroit a fa volonté. L'on députa donc de chacune province a cette fin , pour aller vers MM. du clergé, les aflurer de ce que deflus, & que s'il fe préfentoit quelque chofe qui concernat la religion & doctrine de 1'églife, que nous ne manquerions de le leur communiquer : maitre Pierre Marmiefle, avocat au parlement de Tholoze , & capitan de ladite ville, fut député pour porter la parole. Enfuite de cela, il fut avifé, que 1'aflemblée fe tiendroit a 1'accoutumée , tous les jours de fêtes après-diner, hors la veille de Noël , le jour de Nocl, le faint dimanche, le premier jour de 1'an , & le jour des Rois. Le lundi 22 dudit mois , M. Miron tenant en main 1'état contenant le maniement des finances pendant la régence de la reine, a compter du mois de février 1611 jufques a préfent, & 1'état de la recette & dépenfe des finances du royaume, pour la préfenté année 1614, dit a la compagnie, que M. Jeannin , par le commandement du roi, lui avoit mis ledit état en main, pour le faire voir, lire, & communiquer devant toute 1'afiemblée non-feulement une fois, mais deux, trois & quatre , & le retenir fi longuement qu'elle voudroit; mais que Ja volonté du roi n'étoit pas qu'on lenregiitrat ^  sous Louis XIII. 39 eu qu'on en tirat des copies. A 1'inftant l'on fit la lecfure dudit état. Et paree que le famedi précédent l'on avoit avifé de députer vers MM. du clergé, pour leur faire réponfe fur la propofition de M. 1'archevêque d'Aix, la compagnie trouva bon d'envoyer premièrement vers MM. de la nobleffe, pour favoir d'eux quelle réfolution ils avoient prife fur la même propofition, afin d'eflayer de concourir tous en union; &, par même moyen, ëntendre d'eux-mémes, s'il ne feroit pas expédient & bien féant d'aller remercier le roi, de ce qu'il lui avoit plu de vifiter les états par des perfonnes fi relevées en dignité, & qui négocioient fes principales affaires. Comme auffi de remercier fa majefté, de ce qu'elle avoit entériné la plupart des requêtes qu'on lui avoit faites, (dont la cbambre de juftice en étoit 1'une) & tout ce qui étoit contcnu au mémoire que le député du tiers-état lui avoit préfenté pour, •leur réfolution ouie , être fait réponfe plus eertaine k MM. du clergé. A eet effet, le fieur Marmieffe y fut envoyé', qui rapporta leur avoir dit: cc Qu'en cette aétioa fi haute & fi exemplaire que la tenue des états, nous devions refferftbler aux grandes rivicres, lefquelles, refferrées dans leurs feins & cahaux ordinaires, ont leur cours & leur goüt parti-» C 4  40 Etats culier; mais engcufiiées dans 1'Océan, prennent [f le cours & le geut commun de la mer; de même, u quand nous étions dans nos maifons particulières , chacun étoit arbitre , & traitoit a fa | fantaifie les affaires de fa familie; mais puifqu'il « avoit plu au roi de nous affembler en corps ; d'état, nos confeiences nous obligeoient de: donner plus d'attention & d'être plus circonfpeéts a 1'utilité publique, qu'a nos intéréts; particuliers z voila pourquoi nous devions tous ; concourir en union & même volonté ès propo-• fitions & faintes réfolutions qui fe prenoient ès; trois chambres des états , afin de produire une; douce & agréable harmonie, par 1'uniré de nosi cceurs & affections réciproques; que c'étoit le fujet qui avoit mü la chambre du tiers-état de les vihter, pour favoir d'eux quelle réfolution i ils avoient prife fur la propofition de MM. dui clergé, portée par M. 1'archevéque d'Aix: et: de plus, s'ils ne jugeoient pas être de notre devoir d'envoyer vers le roi en corps d'états, pour le remercier très-humblement du débonnaire procédé dont il avoit ufé en notre endroit, de nous faire vifiter par M. le préfident Jeannin & MM. les intendans, qui nous auroient apporté 1'état des finances de fa majefté, pour en prendre; Communications, le voir & examiner. « A quoi lui fut fait réponfe par M. de Senecé, préfident,;  sous Louis XIII. 4* que leur chambre avoit réfolu de conférer avec MM. du clergé , tous les articles de leur cahier, qui concernoient le fpirituel, ainfi qu'ils en avoient été priés ; & qu'a 1'egard de 1'autre point, qu'ils étoient après en délibérer , & nous donneroient avis de ce qu'ils en auroient arrêté. Et de fait, furvint, incontinent après, M. de Maintenon, avec M. de Rambouiilet, député de Chartres, & quelques autres, entre lefquels étoit le fieur de Boutteville Montmorency, député de Senlis. Ledit fieur de Maintenon, portant la parole, nous dit: « Que leur chambre avoit réfolu de concerter avec MM. du clergé, tous les articles de leur cahier, qui regarderoient le fpirituel ; qu'elle avoit auffi trouvé bon d'envoyer vers le roi, pour le remercier de la vifite qui avoit été faite de fa part, par le miniftère des deflusdits, & par même moyen, les fupplier très-humblement leur permettre de faire enregiftrer 1'état de fes finances , & que chaque gouvernement en put avoir copie; le fupplier auffi de faire expédier lettres-patentes, adreffantes au corps des états , par lefquelles il nous fut permis de nous affembler après la préfentation de nos cahiers , & jufqu'a la réponfe d'iceux. Que la raifon de cette requête étoit appa-  42 Etats rente en ce que nous étions convoqués ca' corps détats, pour faire nos remontrances, plaintes & doléances, les coucher dans nos cahiers, lefquels étant compilés & préfentés nos ceputat,ons & nos charges expiroient, & ne pouvions continuer nos affemblées publiques lans un exprès commandement de fa majefté& finalement la fupplier encore de confentir & accorder, que la moitié des juges de la chambre de juftice fuflent pris & tirés du corps des etats , & le refte des cours fouveraines difant qu il feroit honteux étant des gens de bien & de mérite, qui étoient convoqués en ces états fi Ie roi pour l'établiffement de cette chambre' prenoit d'autres juges. » Après qu'il eut ainfi parlé, le fieur de Boutteville Morrtmorency, vice-amiral, prit la parole & dit : cc Que MM. de la nobleffe avoient paredlement réfolu de préfenter requête au roi touchant la marine. * II nous prioit d'en toucher quelque chofe a Ia fin de nos cahiers. A cette fin ft m.t entre les mains de M. Miron préfident, une requête qui s'adreflbit au roi par laquelle ii repréfentoit les grandes incommodnés & dommages, que Ie tralie & commerce reeeypit par Ia nonchalance qu'on apportoit k tenir des vaiffeaux armés & équipes fur la cófce de la mer Océanne, afin de s'oppofer aux  sous Louis XIII. , 4J ïncurfions des corfaires, qui s'étoient tellement licenties depuis deux ans , que les fujets du roi en avoient regu dommages de plus de deux millions dor. Y remontroit qu'il n'y avoit fi petit état, qu'il n'eüt des vaiffeaux fuffifamment pour fe conferver , & que la France feule négligeoit le métier de la marine , quoiqu'elle eut toutes les commodités pour 1'entretenir , a favoir les cordages & bois de hautes futaies. II fut avifé qu'on délibéreroit fur tout ce que deflus a 1'après-dinée , & le fieur MarmiefTe alla en la chambre du clergé porter la réfolution de la compagnie , ci-devant prife , oü étant il leur fit ce doéle difcours : « Meffieurs, cette honorable femonce qui nous fut hier faite de votre part, cette fainte admonition qui nous a inftruits de ce que nous avons a faire , & de ce que nous devons craindre & éviter en 1'adreffe & compilation de nos cahiers, n'a pas laifie feulement en nos courages de piquans & aiguillons qui nous relèvent & raniment continuel'lement a ce généreux travail que nous avons commencé a la plus grande gloire de Dieu , pour 1'accroiuement de fheure de la France & foulagement du pauvre peuple. Mais auffi nous repréfentant le refpeél qui eft dü a ia divinité , . nous enfeigne avec quel honneur  44 Etats il faut traiter les points de notre religion , avec quelle vénération , circonfpecnon & prudence, il faut manier les hauts & relevés myftères de' la foi. Elle a touché nos ames d'une fécrète horreur, qui eontiendra nos efprits & nos penfées en une religieufe affeétion de bien faire & d'accompür dignement les foncnons honorables des députations importantes qui nous ont été commifes, lans rien entreprendre qui foit audeffus de nos forces & de nes profeffions, de peur de n'attirer fur Ia France les malheurs que vous nous avez fait ëntendre par cette bouche d'or, qui nous a parlé fi gravement par cette voix du ciel qui retentit fi hautement parmi nous, par ce grand & -éloquent perfonnage, M. Parchcvêque d'Aix, être arrivés aux plus fioriffans états , Iorfque la religion n'y a point été entretenue : que fes myftères font pollus & prophanés,lorfqu'ils font traités par les mains d'autres que de ceux qui pour ufer de ces termes , fcientiam habent vocis. » O, de ce docle & éloquent difcours, qui nous a été fait, notre compagnie en a recueilli trois points auxquefs elle a cru être obügée de répondre. Par le premier, vous nous repréfentez qu'en vos cahiers vous ne traitere* point feulement ce qui pourroit concerner le bien de 1'églife, i'avancement du fervice de Dieu,  sous Louis XIII. 4* la dignité de vos charges, 1'autorité .de vos prélatures , la confervation de vos libertés, & la réformation des abus, que votre ordre avoit accueiilis par fucceffion de temps; mais que vous abaiffant jufqu'a nous , vous prend'riez aufli le foin de la confervation du tiers-état, pour le rétabliflement de 1'ordre qui doit être en ce tiers-ordre. Mais de peur (dites-vous) qu'il ne fe rencontre en nos cahiers , chofes contredifantes aux nótres , & que ce contredit n'empêche les effets des falutaires remèdes que nous attendons tous de la fin de ces états; vous nous avez offert la communication des articles qui feroient dans vos cahiers, concernant le tiersétat, pour être concertés, difpütés , & examïnés entre les deux chambres, augmentés, diminués, ou entièrement retranchés, fuivant les raifons qui vous feront alléguées de la part de notre ordre. Sur quoi nous avons a vous remercier très-humblement, de ce que Dieu vous ayant commis la garde & protection de fon églife 9 vous jugez que les deux autres ordres font en icelle, vivent en fa grace, fubhftent par fa foi : & il vous plait par cette confidération , contribuer le même foin au bien & confervation de nos ordres , que vous apportez pour entretenir le votre. C'eft une a&ion digne de vous, digne du nom des pères du peuple } du titre  4°"' Etats glorieux, & de cette qualité éminente de pré* lats & pafteurs commis de Dieu , que vous portez méritoirement. » Auffi eft-ce pour cela fans doute , que les chérubins d'Ezéchiel (qui nous repréfentent les prélats) n'avoientpas feulement des ailes, mais des mains au-deffus de ces ailes, qui regardoient vers la terre. Des ailes, pour möntser que c'eft a vous feuls a traiter les myftères les plus hauts, a pouffèr & élever vos cfprits jufques a la connoiffance des chofes les plus relevées, & lefquelles le refte des hommes ne peut ni ëntendre, ni connoitre, que votre occupation ordinaire eft d'être dans ie ciel, de traiter avec Dieu , de le manier comme il vous plaït, voir s'il eft permis de parler avec faint Jéröme, de eréer & former tous les jours par 1'autorité de votre fancTion , par la dignité de votre profeffion , & 1'efficace de vos paroles facramentales, fon premier corps , pour le rendre favorable aux mortels, iftï.funt qui corpus Chrifti facro ore conficiunt. Mais aufli ces ailes ont des mains audeffous, & ces mains regardent vers la terre. Pour dire que comme la gloire de nos ames, vous êtes toujours dans le ciel; qu'ainfi pour le bien des hommes , pour 1'affurance de leur fortune, pour le repos de leur vie paffagère, vous devez être quelquefois en la terre, &  sous Louis XIII. 47 avoir agréable que quelqu'une de vos aétions qui font repréfentées par la main, regarde la confervation des ordres de 1'état, raffermiflement de leur repos , la reftauration des fortunes affligées d'un peuple languiflant, duquel puifque vous êtes les pères, il eft bien raifonnable que vous foyez en quelques follicitudes pour leur bien. « Philon juif, ce grand & excellent interprète des faintes lettres, rendant en fon traité du décalogue , la raifon pour laquelle Dieu avoit aflemblé au milieu des deux tables, le précepte de 1'honneur dü aux pères , dit qu'en ce faint nom & en la condition vénérable des pères, fe rencontrent deux eflences, 1'immortelle & divine, la mortelle & périffable ; & que comme ce grand Dieu avoit uni fous un même nom les deux eflences differentes, ainfi au nom du père il avoit aflemblé les deux tables. L'une des chofes divines, 1'autre des chofes humaines, pour apprendre a ceux qui portent ce faint nom, qu'ils ne doivent point feulement par leur bon exemple & fainte inftitution, régénérer leurs enfans en une vie éternelle ; mais aufli faifant état des chofes humaines, ils doivent leur procurer en ce monde tout bien, tout repos & contentement, & non négliger l'une ou 1'autre de ces aóïions, mais bien faire état de toutes  '48 Etats les deux, afin de ne dégénérer a impiété & ïnhumanité. » Puis donc qu'il vous plaït, Comme pères indulgens & bien affeétionnés, (car c'eft ainii que Técriture vous appelle ) pratiquer en notre endroit ce faint précepte, & puifque vous ne vous contentez pas feulement d'enfeigner icibas aux hommes, la parole de Dieu, pour après porter la - haut les vceux & les prières des hommes , pour leur félicité éternelle ; mais que vous voulez encore leur procurer du contentement en leur vie paffagère, & tacher par les bons avis que vous entendez donner par vos cahiers a fa majefté, d'arrêter le cours de ces humeurs malignes & peccantes , qui de longtemps entretïennent les foiblefies , infirmités & maladies au corps de eet état , mais plus en notre ordre qu'en aucun autre. Continuez-nous, s'il vout plaït, Ia faveur de ce foin ; & découvrant nos néceffités a 1'ceil de la providence du prince , faites qu'il dirige fur nous la main de fa bénéficence , & comme 1'aigle , lorfqu'elle fe fent chargée d'infirmité & maladie, s'élève vers le ciel, & s'approche le plus prés qu'elle peut du foleil, découvre k ce grand aftre les parties de fon corps les plus malades, afin que par les imprefiions vives de fes rayons, elle -recoive fa gucrifon & fa force, Vous qui êtes par-deflTus  sous Louis XIII. 49 par-deffus les hommes ce que eet oifeau royal eft par-deffus tous les autres, découvrez a notre roi, auquel vos qualités vous donnent un accès libre, les ulcères qui de long-temps infectent notre corps , & qui gagnant peu a peu fes plus robles parties , commencent a le manger & défigurer tous les jours. 33 Procurez-nous feulement ce bien a notre infu, car nous ne deurons point de voir vos cahiers, ni entrer en aucune difpute , examen , ou concertation avec vous fur les articles qui regarderont le tiers-état. Le nom d'en fans tels que nous vous fommes , nous commande trop puiffamment 1'honneur & le refpeci, & le refped ne permet pas que nous entrions en conférence avec vous, auxquels le nom de pères perfuade doucement 1'amour , qui ne permettra pas non plus que vous mettiez rien en vos cahiers qui puilfe être préjudiciable a notre ordre. Et quand il arriveroit, ce que nous ne croyons pas pouvoir advenir , qu'il fe rencontrat quelque chofe de contraire entre vos cahiers & les nötres, nous n'eftimons pas que cette contrariété nous privé du fruit de la convocation de ces états, ni de 1'effet des promeffes favorables que ia majefté nous a faites. Les élémens font bien contraires en euxmêmes, & toutefois la nature les fait bien Tome XVI. * D  ï° Etats aceorder, pour leur faire produire Por, les perles & les pierres précieufes ; ainfi notre grand & pmffant roi faura bien concilier nos contrariétés pour le repos de la France, le bonheur de fon peuple, & 1'éternelle protedion de fon e'tat. « Par le fecond point de votre femonce & re~ montrance, vous nous faites ëntendre, que Ia religion. & ]a foi eft le foutien des états & monarchies; que celle de la France fondée fur de plus heureux aufpices que toutes les autres dominations du monde, avoit eu pour une des principales loix qui ont promu & avancé fa grandeur, 1'amour de Dieu, le refped de la religion & 1'obligation i Une foi inviolable • que la malice & 1'ignorance des hommes heurtoit fouvent cette foi, attaquoit cette religion & bleffoit 1'autorité de 1'églife : la ruine dé laquelle attirant avec foi la ruine de 1'état, il falloit être fort circonfped en fes adions, retenu en fes paroles , réfervé au difcours qui touehoit les profonds myftères de notre religion lefquels il falloit traiter a ceux qui, nourris en' une haute théologie, inftruits en une fainte philofophie, avoient appris de Dieu les moyens d'imprimer cette religion dans le cceur des hommes , & reCu de Dieu même les armes pour Ia foutenir & défendre contre ceux quï la voudroient attaquer : & par ainfi, par le troi,  sous Louis XIII. gj ükme & dernier point de votre remontrance, .vous nous exhortez a communiquer, confulter & conférer avec vous, les articles de nos cahiers, qui regarderont 1'églife afin de n'intérefler point fon autorité , ni rien altérer en la foi & en la pureté de notre religion. » En ce point nous reconnoiflbns ce que vous ne nous avez pas feulement enfeigné, mais qué ce grand empereur Conftantin nous avoit auparavant appris par l'une de fes conftitutions, que 1'état, magls religionibus , quam officüs > labore , & fudore corporis contïnetur. NouS avouons que la religion & la foi eft le erin d'or fatal de Nife roi de Mégare, qui ne peut mourir fi on ne lui arraehe, & que fi la France s'eft reïevée par-deflus toutes les autres monarchies, & fi longuement confervée en la fleurde fes profpérités, c'eft paree que ( comme dit faint Jérome) elle feule, tnonftra non habuit; & de cela nous vous en devons & a vos prédéceffeurs 1'obiigaiion entière ; car c'eft vous , qui par votre fainte docfrine , par votre bon exemple , par la fainte inftitution que vous avez donnée au peuple de France, avez affermi fon bonheur & fon repos. » A raifon de quoi faint Bernard vous appelle, vïgiles cufiodïentes civi* tatem. Et 1'abbé Lupus , rendant compte au roi Charles des faintes occupations des prélats D a  $2 Etats & miniftres de 1'églife gallicane, lui difoit que vobis in diverfa occupatis indejinenter ijli pro falute & profperitate vejira excubant, « C'elt cette églife gallicane, laquelle a illuftré la France de fa divine fplendeur , comme un foleil d'éruditioh & de piété , les rayons duquel diffus par-tout , ont excité ès cceurs des plus arrêtés, les faintes femences de la foi & religion chrétienne, laquelle vous n'avez pas plutöt apprife aux Francais, qu'ils 1'ont fi inviolablement gardée, fi faintement entretenue, fi conftamment foutenue, que non-feulement leur piété & dévotion a été en admiration aux peuples étrangers, mais encore en exemple aux lieux mêmes; car vous favez tous mieux que moi, que cette première & matrice églife de Rome, a qua, comme dit Léon I, en l'une de fes décrétales, in gallias religionis fons & origo J7z Que cette compagnie fe mettoit en grand péril, fi elle vouloit franchir Ie devoir de fs charge, ce qu'elle faifoit, voulant féparer Ia difcipline de leglife de la do&rine d'icellej iqu'on ne pouvoit, fans confcience, féparer la Idifcipline du corps de la religion , qu'il y Mok de 1'autorité de leglife & de fon chef* sk que c'étoit pour femer le fchifme dans cem 1Ï %.  Etats aflèmblée, qui n'eft ici que pour procurer I* paix. ; » Que 1'églife de Rome eft vraiment celle a qui il donne ce titre, & que Dieu, par une | miraculeufe prévoyance, avoit étendu exprès le bras romain, jufqu'aux extrémités de la terre, L afin que la foi fe formant en cette augufte ville, 1 elle fut peu après portee jufques au dernier i bord du monde; qua la ve'rité, les premiers papes avoient tellement arrofé la tige de la ï foi de leur fang, & alfuré, par leur fermeté ï & conftance , la nature de 1'églife flottant parmi | les erreurs ; qu'on ne leur pouvoit dénier 1'hon- I neur de pères communs de la chrétienté, & de |l principaux auteurs du progrès de la foi, laquelle j il lui faut conferver, la jugeant aujourd'hui plus | néceftaire qu'elle ne fut jamais. Que l'on difoit, que dans les cahiers de cesl ordres, on avoit mis un article de la tuitiorJ du roi, qu'on les avoit tenus pour fufpeób,,? puifqu'on neleur avoit pas communiqué; qu'ils: li louent le zèle de la compagnie, a conferver fi précieufement Ia vie des rois: car la terre étoit encore teinte de ce fang parricide t que les; rois étoient les ames tutélaires du monde; quei Dieu fe faififfoit de leur cceur, & comme difoit le fage, "ftcUt rïvï aquarum , ha cor regis in manu Dei.  sous 'Louis XIII. 69 53 Et tout ainfi que le jardinier, aux plus cuifantes chaleurs de i'été, pour arroufer fon parterre, prend des eaux les plus purifiées, pour vivifier ce que 1'ardeur a confumé, ainfi, Dieu voulant arroufer la terre, fe faifit du cceur des princes, par lefquels il gouverne le monde, & qu'ils étoient la ftatue du Dieu vivant; que leur ordre fe joignoit a cette compagnie, a ce qu'un article en fut drelfé, & plus haut, fi faire le pouvoit ; que l'on drefiat des colonnes puhliques, que l'on nut fur la porte des villes & au front des maifons : Ne touche point a 1'oingt du Seigneur, pour quelque caufe que ce foit, foit de mceurs , foit de vice, foit de religion ; qu'il ne foit licite de toucher a la perfonne des rois. m Que toutes les imprécations de la terre s'élèvent contre celui qui y touchera. Que toutes les furies le' faififlènt, l'horreur de ce crime détefiable monte inceflamment devant Dieu. Comment que 1'églife qui a horreur du fang des coupables, ne 1'aürok-ëHe du fang des innocens ? que l'on naiffoit en France plutot Francais que chrétiens ;. que cette églife les obügeoit au refpect & obéiffance de leur roi, nonfolum propterïram ^ fedeiiam conjcïentiam; que eet ordre allumoit les Hammes, prépaioit les' feux pour la punition de ces maudits & exéerables aflaifins; qu'il leur ouvroit les. enfers E3  7© Etats pour les damner ; qu'il pronongoit contr'eux 1'anathême. Anathême contre ceux qui attentoient a la vie des rois, pour quelque caufe que ce foit. La terre empourprée de ce fang précieux, invite tous les Frangais larmoyans a conferver fon prince, » A demande pourquoi eet ordre ne leur faifoit part de cette propofition , & qu'on ne leur pouvoit refufer la communication de eet article, afin d'en faire un tout enfemble, qui feroit mis en lettres d'or, au front de leur cahier: mais qu'il ne falloit mêler avec d'autres propofitions qui font en débat entre la France & fes voifins. » Qu'il y avoit deux puiffances, l'une temporelle, & 1'autre fpirituelle ; qu'on les vouloit entre-choquer, encore que l'une dérive de fautre; que 1'autorité fpirituelle & temporelle n'avoit qu'une fource; & ce qui vient de Dieu eft toujours bien ordonné, jufqu'a ce que l'une & l'autre retourne au fein de Dieu. Que eet ordre devoit travailler a entretenir la concorde & concilier ces deux puiffances, & faire ce que faifoient les anciens, qui arrachoient le fiel des hofiies qu'ils immoloient. Que déübérant de cette affaire, il falloit arracher de fon cceur les penfées' de jaloufies & émulations, & avec des écrits pleins de douceur & de paix, les uns  sous Louis XIII. ft avec les autres confpirer unanimement au bien public, ne regardant pas feulement ce qui eft devant fes yeux, mais qu'il falloit jeter fes penfées plus loing, & prévenir d'efprit quelle pourroit être la conféquence de beaucoup de chofes qui, du commencement, femblent püaufibles , & néanmoins feroient enfin nuifibies. Que eet article, de la facon qu'il eft, étoit pour faire un fchifme, & peut-être pour allumerla guerre, non-feulemenl; en France, mais par toute la chrétienté. Ainfi, ce feroit décheoir cette robe incoufutile, qu'il faut fi foigneufement conferver entière. Que eet ordre ne devoit fe laiffer aller aux premières perfuafïons ; que fon deffein n'étoit pas d'arrachsr tout-a-fait ce que l'on craignoit; que eet ordre n'en avoit le pouvoir, d'autant qu'un efprit mélancolique ne feroit pas tant retenu, s'il n'y étoit incité par 1'auteur de 1'églife. Qu'il ne falloit penfer que eet ordre fut capable d'arrêter ce pernicieux deffein. Que c'étoit d'eux qu'il en falloit efpérer la fin ; qu'il leur falloit confier ces affaires tant importantes pour la vie & confervation du roi. » M. le préfident lui fit réponfe : « Qu'ils ne devoient prendre de mauvaife part, fi nous ne leur avions communiqué eet article ; car en cela nous avions fait comme les enfans qui E4  72 Etats recèlent beaucoup de leurs adions a leurs pères, de crainte de les échauffer & irriter, bien que pourtant ils ne vouluïïènt pour rien du monde s'éloigner du refped & obéiflance qu'ils leur portent, ( comme nous en rendnons autant de témoignages a leur ordre, comme Dieu nous en feroit les occafions.) « Qu'au furplus, il mettroit en délibération les propofitions qui avoient été très-éloquemment déduites par le fieur évêque, afin que fi la compagnie avoit, par aventure, été touchée par fes faintes exhortations , nous leur donnaffions, en bref, avis de la réfolution de notre chambre. « Ce que deffus émut grandement les courages de plufieurs, & excita fors difcours confus en la compagnie, & y en avoit beaucoup qui fe laiffoient perfuader par les vives paroles de ce grand prélat , prononcées avec une adion & une grace fi attrayante, que nous en demeurames tous ravis ; MM. de Paris, de qui venoit, Tarticle, combattoient fort pour le foutenir» Enfin la propofition mife en délibération : Paris et l'Isle de France, Furent d'avis de communiquer Tarticle avec re.ten.tum de n'y rien changer ni innover.  sous Louis XIII. li Bourgogne, De 1'avis de Paris, que celui qui portera Tarticle, ne fera aucun difcours fur icelui. Nor mandie, De confe'rer, fans fe départir, de 1'eflence & fubftance de Tarticle. Guyenne, De ne point réfoudre un article de telle conféquence , fans conférer a 1'églife; & qu'on leur doit envoyer Tarticle tout préfentement, pour après en délibérer avec eux. Bretagne, De fupplier 1'églife de concerter Tarticle. Champagne, Qu'il ne leur faut communiquer Tarticle, qu'après le cahier compilé. Languedoc, Qu'on ne doit communiquer a 1'églife, ce qui eft de la jurifdicfion., mais bien ce qui eft de la foi & de la doctrine. Picardie, De ne rien communiquer, Ia conférence ïnutile»  T4 Etats Ö a U p H i n é, Conférer & communiquer avec 1'églife. Provence, Conférer & communiquer non-feulement eet article, mais les autres. Lyon, Communiquer Partiele. Orléans, Que Tarticle foit communiqué au clergé & generalement ce qui concerne la dcörine'de Jeghfe. De manière qu'il fut réfolu & arrêté, que Ion députeroit préfentement vers MM. du cierge, auxquels on porteroit copie de 1'article • & qu apres les avoir ouis ès raifons dont ils fe lerviroient, pour Timpugner & débattre , on aviferoit fi on le devroit laifier en la forme qu'il etoit paffe', & que pourtant, quoiqu'ils puffent öire, que la compagnie ne fe remettroit du tout a eux de la confeétion dudit article, & que celui qui porteroit la parole, leur préfenteroit fimplement ledit article, fans entrer en difcours, ni s'étendre fur Jes raifons fur Ief_ quelles il étoit appuyé. Et que pour ce qui toucho.t les autres articles qui concernoient Ia difcipline & lcs mccurs des eccIéfiafüques ,  sous Louis XIII. 7 f que le député leur feroit ëntendre qu'ils en auroient communication, après la confeéhon du cahier général. A eet effet, le fiéhr Marmielfe, députe du Languedoc , leur porta la parole en ces termes: «« Meffieurs, en vain fongerions-nous a conferver nos fortunes particulières, fi nous lafifions perdre le public , puifque le danger des particuliers ne fe peut éviter que par le falut général de tous. Mais plus mal-a-propos encore travaillerions au falut de 1'état, fi nous ne fongions k conferver la facrée majefté ^ des rois, qui font 1'ame des états. II faut qu'il y ait un rapport fi parfait, une liaifon fi entière des particuliers au général, du général au roi, que 1'union s'en efface en fa facrée perfonne, & que les autres parties s'attachant a elle par le lien du refped & de 1'obéiflance, fe maintiennent & confervent en leur être. „ Le portrait de Phidias, gravé au milieu du bouclier de 1'image de Minerve , ftoit & alfembloit de forte toutes les parties de cette ftatue, qu'on ne la pouvoit enïever fans voir dès auffi-töt 1'image en pièces. Le bonheur du royaume & les fortunes des particuliers font teilement attachées k la fortune des rois & de Dieu, duquel les monarchies font les ouvrages, le* a pofces en tel endroit, qu'il ne leur peut  75 Etats arriver du mal, qui n'attire avec foi Ia perte de nos maifons, & Ia ruine & éverfion entière de 1'état. > Le pafTé ne nous.fournit que de trop regrettables & infortunés témoignages de cette vérité. Les rnaux, les défolations & les pertes notables ' qui fuivirent le cruel afTamnat de Henri III Les appréhenfions que le cruel coup du déteftable parncide, commis en la perfonne de Henrile-grand, donne a toute la France, ne nous obhgent que trop h fonger en ce temps aux moyens de divertir & détourner ce malheur pour 1 averiïr, afin de nous pouvoir longuement conferver en bonheur en confervant la vie de nos rois. » Les députés du tiers-état, étonnés au fouvemr du pafië , défefpérés par la crainte de p.us grands maux dont ils font menacés, fi on ne renent les mains des parricides, fi on ne contient au devoir du refpect & de la vénérafon aue auX rois, ces efprits malades qui preoccupés de fauffes opinioas, troublés par de vaines illufions, cherchent en la mort de nos rois, I'enfer pour eux, & le malheur pour la France : ont réfolu un article, 1'exécution duquel, en garantiffant la vie de nos princes des . pieges qu'on leur tend, maintiendra (comme ds eftunent; le repos dans le royaume.  sous L o ujs X III. 7^ 55 Nous ne vous avons point communiqué cidevant eet article, non plus que les autres qui ont été déja jugés parmi nous, & c'eft pour les confidérations particulières que j'eus 1'honneut de vous préfenter ces jours paftés, en répondant a la remontrance qui nous avoit été faite de votre part par le fieur archevêque d'Aix. ii Mais puifque vous defirezde voir, & que vous nous y avez femondpar la remontrance qui nous a été faite par le fieur évêque de Montpellier * nous venons vous dire que comme les murailles de Jéricho s'abattent & renverfent au fon des trompettes les idolatres , qu'ainfi nous fléchiffons fous la voix agréable d'un grand & dofte prélat, preffés par fon éloquente parole contre nos premières réfolutions, vous offrons la communication de eet article , duquel nous vous apportons 1'extrait. » Nous ne vous difcourons point du fujet d'icelui, notre compagnie nous a défendu d'en parler, eftimant qu'en une occafion fi importante , qu'en une aótion fi raifonnable & tant utile pour la France en général, nous vous trouverons fi difpofés a recevoir & favorifer nos faintes & louables intentions, que de vous difcourir des occafions qui nous ont porté a dreffer eet article, & des raifons que nous avons pour le foutenir, ce feroit propos & temps perdu;  78 Etats » Nousvous dirons feulement, qu'en vous dorï* nant eet extrait nous avons Voulu imiter la cérémonie gardée par les anciens en leurs facrifices; ds avoient accoutumé de jeter dans un feu puriüant, & non confumant, les langues des viétimes qu'ils immoloient aux dieux ; & nous de mémes qui, comme députés, par tous nos vceux en cette affemblée générale pour le bien de la France, en nous dévouant au fervice du public, lui avons confacré & nos cceurs & nos langues, en vous donnant eet article, jetons les langues qui 1'ont diété , dans le feu de cette dévotion , de cette charité, de cette ardente affliciion , pour la gloire ès repos de eet état. =>> L'affeétion donc que vous portez a la confervation des rois, fervice de feu, non pas pour confumer , mais pour purifier ces langues ; non pas pour anéantir (car vous nous avez déja témoigné par la bouche dudit fieur de Montpellier, que ce n'étoit point votre intention :) mais pour polir eet article, afin que, comme 1'or jeté dedans le feu , s'il y perd fa forme, il y conferve néanmoins fa matière, qui paroit après plus belle, plus riche & mieux polie, qu'elle n'étoit auparavant. Que de méme eet article fortant de vos mains, fans avoir fouffert aucun changement ni altération en fa fubftance, ni en fa réfolution, porte un comraandement plus .autorité,»  sous Louis XIII. *f$ caufe de votre adjonétion, de plus fortes imprécations, de plus févères peines que celles que nous y avons mifes , pour contenir un chacun en fon devoir. C'eft ce que nous avons chargé de vous dire de la part de notre aflemblée, laquelle attend votre réfolution fur ce fujet. n Etant de retour, il nous dit qu'ayant fini, M. le cardinal de Sourdis lui fit réponfe, que bien que 1'éloquence de M. Fenouillet fut reconnue de tous pour grande & inimitable, que néanmoins 1'effort de la vérité nous avoit plus touché que les paroles, & lui auroit demandé, s'il étoit chargé de leur faire feulement une fimple communication dudit article , fans le vouloir concerter & le pafler par leurs avis, & qu'il lui auroit fait réponfe, que comme anciennement aux facrifices, on jetoit les langues des viclimes , & bétes immolées dedans le feu, fans qu'on les mangeat, que de mime nous jetions les langues qui avoient dictees , les mains qui avoient écrit ledit article, dans le feu de leur charité , affetlion & doctrine. Par lefquelles paroles il fembloit que ledit Marmiefle eut excédé fa commiffion , & donnoit créance au clergé que nous nous remettions k lui dudit article. Le famedi 27 dudit mois, jour de Saint-JeanEvangélifte , la compagnie s'affëmbla 1'aprèsdinée , fuivant la réfolution dernière. M. le  to Etats préfident dit, qu'il avoit été le mercredi avec quelques-uns de MM. les lieutenans-généraux vers M. le chancelier, pour lui remontrer, que par i'arrêt donné aü confeil, portant furféance des commiffions extraordinaires, ils étoient intéreffés en ce que 1'exécution d'icelui s'adreffoit aux tréforiers de France, contre la forme ancienne obfervée de tout temps. A quoi ledit fieur auroit fait réponfe qu'ils vifitaflent tous les articles dudit arrêt & lui cotaffent particulièrement, & en quoi ils eftimoient être intéreffés, qu'ils y apporteroient remède. Au refte les prioit de diligenter les cahiers, les affurant que jamais en états le peuple n'avoit recu tant de contentement & de confolation qu'il recevroit en ceux-ci. Ce qu'il difoit fans y être forcé, & les prioit de remarquer le jour, le temps & le lieu de ce qu'il leur difoit, & qu'ils le trouveroient fort véritable. II fut enfuite propofé par le fieur lieutenantgénéral de Xaintes, qu'il y avoit quelques officiers étant a la nomination de la reine Marguerite, (député en cas de compagnie) qui defiroient jouir du bénéiice de I'arrêt ci-oeffus mentionné, par lequel le roi avoit accordé aux officiers de fa majefté : « Qui décideroient peu dans leur députation, & jufqu'a ce qu'ils fuffent de retour en leurs niaifons, que leurs officiers feroient confervés  sous L o ü i s x i I i. Èï eonfefvés a leurs veuves & héritiers. » Requéfoit donc la compagnie, au nom defdits officiers, qu'il lui plüt les affifter & députer vers ladite dame, pour la fupplier de les faire jouir de même privilege. La compagnie trouva cette propofition bonne, non-feulement pour les officiers députés quï dépendoient de la nomination de ladite dame, mais aufli de tous autres princes & feigneurs. Pour eet effet, quelques - uns de Lauragais , Angers & Senlis, qui font a la nomination de ladite j fe tranfportèrent vers elle , avec un député de chaque gouvernement. J'eus auffi 1'honneur d'y aller & de porter la parole» Nous la trouvames qu'elle difoit environ fur les trois a quatre heures du fo'r ; nous lui Omes dire par fon maitre-d'hötel, que nous étions la, de la part du tiers-état, pour lui faire quelques remontrances. Elle commanda qu'on nous fït entrer dans Pant-chambre, oüellevint quelques temps après, & nous donna fivorab'e audience debout. Et nous ayant fait une révérence en la préfence de M. le maréchal de Bouillon, & de plufieurs autres feigneurs & dames en grand nombre, je lui dis : c< Que la Judée avoit eet avantage & cette prérogativé particulière fur toutes les provinces du monde, de nourrir, élever & faire croitre le baume (la plus noble Tornt XVI, * F.  Sa Etats & riche plante que la terre produife :) auffi' que Dieu avoit doué la France de cette prérogative fïngulière , d'enfanter des rois éclatans: en grandeur, valeur & magnificence fur tous: les rois de la terre habitable (defquels elle étoit iffue en droite ligne) qui avoient embaumé la: fplendeur de leur nom par les grands & héroïques exploits, qu'ils avoient faits contre les: infidèles, dans la méme terre qui produit ceti exquis & précieux arbriffeau. Que comme le; baume furmonte en fuavité d'odeur toutes les: piantes & fleurettes qui nailfent au fein de la. terre, qu'ainfi la race très-illuftre des Valois, qui continuoit encore en fa perfonne royale,, avoit furmonté tous les autres rois, en libéralité & muniricence, qui font les fieurs les plus: fuaves & délicieufes que le peuple chérit &: odore. Que nous la fupplions très-humblement! nous permettre que nous puffions recueillir lai liqueur dè fa libéralité royale, a la facon & manière ces excellens arboriftes qui fe donnoient bien de garde d'approcher le fer trancbant du baume , pour en tirer la liqueur, ains, ufoient du tais d'un pot d'argille ou de verre , pour couper doucement la veine de cette noble plante, afin de n'effaroucher & rendre craintifi fhumeur précieux qui en diflille. » Auffi voulions - nous faire diflilier fur le :  sous Louis XIII. i| tiers-état, que nous repréfentions , les effets de fa bénéficence, non pas avec d js paroles enflées, fuperbes '& reievées , ma.s trempées dans la modeftie & 1'humilité conVertable k ceux de notre condition, pour rem porter le fruit d'une tyrès-fufte demande, qui avoit ja été entérinée par le rol, au prolit & avantage des officiers qui décédi_roient pendant le cours des états 3 & jufqu'a ce qu'i's fuffent retournés en leurs maifons, aux Veu.ves & héritiers defquels fa majefté avoit permis la difpofition de leurs offices, tout ainfi que s'ils étoient confervés par la paulette. Qu'ainfi la chambre du tiersétat avoit recu la remontrance de quelques officiers députés, qui étoient k la nomination de fa majefté, qui defiroient, fous fon bon piaifir, jouir du même priviiége, & que notre compagnie s'étant confiée en fa bonté ordinaire, avoit eftimé ne devoir être éconduite de cette requête., qui étoit d'autant plus jufte, qu'il étoit raifonnable, que nous fuffions tous jouiffans des mêmes priviléges , puifque nous étions tous également convoqués par le corn«* mandement du roi, pour le bien<& louagement du royaume. Que je ne faifois point de doute qu'elle ne trouvat cette requête extraordinaire , d'autant qu'elle étoit de facheux augure, & pleine d« Fa  §4 Etats triftes événemens; mais puifque la prévaricatiorï & tranfgreffion de nos pères, nous avoit affujettis a finfaillrbilitédelamort, il étoit bienféant ( voire convenable & néceffaire ) de rechercher des remèdes humains, pour garantir nos fuceeffeurs, de doublé afflicfion, de la perte du corps & des biens. Ladite dame nous fit réponfe avec un grand " & fignalé témoignage de bienveillance, qu'elle recevoit de bonne part les vifites de notre compagnie, laquelle elle ne vouloit pas éconduire de chofe qui fut en fa puiffance, qu'elle étoit iffue d'un fang & d'ancêtres qui avoient toujours témoigné au peuple des effets de leur bonté & libéralité, & qu'en fuivant leurs veftiges, elle rendroit toujours des preuves de fa Volonté, manderoit le lendemain celui qui avoit fait parti de fes offices, pour être inftruite de 1'intérêt qu'elle pouvoit avoir en notre demande, mais que nous nous devions affurer, que quelque grand ou petit que füt Tintérêt, elle nous 1'accordoit. S'affuroit néanmoins, que Dieu confidérant notre jufte travail, nous préferveroit tous, & qu'il*ne feroit befoin d'ufer de cette grace privilége. Le lundi, 2p dudit mois, je fis le rapport de ce que deffus a la compagnie, & l'on procéda enfuite a la lecfure du cahier. Et comme on  sous Louis'XIII. Sy arriva fur un article qui fut parti en opinions, on demanda s'il devoit paffer , ou s'il devoit être rayé. II fut réfolu a la pluralité, que quand cela fe rencontreroit, que Tarticle demeureroifc rayé. En après, M. le préfident remontra, qa'il étoit bienféant de porter Tarticle ci-deflus tranfcrit, concernant la confervation de nos rois, a MM. de la nobleffe, afin qu'ils ne recufient aucun mécontentement de Tavoir communiqué a MM. du clergé, & ne leur avoir déféré le même honneur. II fut réfolu qu'il. leur feroit porté; & a cette fin, M. Ciapiifoi? évangélifte, échevin de Paris, fut député avec quelques autres. Lequel fieur étant de retour, dit qu'il avoit lalde auxdits fieurs ledit article; & qu'ils avoient promis de rendre réponfe fur icelui. Le mardi, 30 dudit décembre , on propofa un moyen pour accourcir les longueuis qu'on apportoit a la confection du cahier général, qui étoit, qu'après que le cahier provincial de Paris feroit parachevé de bout a autre, que la province de Bourgogne communiquat les articles de fon cahier (donton avoit parlé) a la province fuivante , qui eft la Normandie, afin de les eoncerter, & faire le même ès autres provinces : ce qui fut trouvé a propos , & arrêts F3  86" , Etats unanimement de tous , pour le grand defir que u la compagnie avoit de, voir la fin des états. O'.', paree qiie ci-devant quand on nomma. M. le préfident pour faire la harangue a la préfentation des cahiers, on réfolut que ledit fieur I communiqueroit a la compagnie les principaux points qu'i! devoit toucher; il pria la compa- i gnie d'en ouir le fommaire, que j'ai extrait de fon original, en ces mots : Celui qui parlera pour le tiers-état, com- I mencera par que'ques exemples contenant lall forme de la tenue des états, anciennement n obfervée en France, & en fera 1'appücation a ceux de préfent, & relèvera 1'obligation qu'on I a auffi d'avoir pris ce moyen pour remédier aux k défordres qui font en ce royaume. Qu'a cette i occafion, le tiers-état paroït devant fa majefté, pour lui repréfenter fes dou'eurs & fes plaies, pour y apporter Ie remède. Dira que la piété & la juftice ayant été le fondement de eet état, I que le mépris de ces deux vertus fondamentales ont caufé des abus, défordres & exces en toutes profeffions. Déduira les abus gliffés en 1'églife, en la collation des bénéfices, tant de la nomination du roi, qu'autres, contre les faints décrets & concordats ordinaires. Dira auffi que le banniffement de fes deux vertus a caufé les exces qui font entre les nobles, qui doivent  soos Louis XIII. 87 être !es plus vertueux : & reprendra les longueurs & fultes recherchées par la mallce des . parties en la juftice, au mépris des loix. Dira que les évocations aident beaucoup a ce defordre. 5'étendva fur le point de la piété & juftice, & dira que faute d'un folide exercice en ces vertus, le peuple a été inconfidérément furcnarge en toutes fortes, dont il fera quelque dénombrement, & exagérera ce point, comme la principale partie de fa députation. Et dira que le remède de tous ces maux eft en nous-memes & principalement en la perfonne du nu auquel la piété & la juftice feront perfuadees par quelques exemples de fes prédéceffeurs, avec une exhortation qui lui fera faite, au travail & au foin eontinuel, de faire obferver lés loix, & au foulagement du peuple, pour mentcr les titres&la gloire de fes vertueux ancctre* Et pour lc rétabliffement de eet état en la pieie & juftice, feral'ouverture des régies dont 1 obfervation eft requife pour la nomination desbanefices en diftribution , des offices dor.t il Jeja requis d'öter la vénalité, du moins des premières places, & de celles qui peuvent feüies quelque chofe, & qui fervent a contemr le peup.1e comme font les chefs des compagnies & \y gens du roi: & que, jufqu'a ee qu'il en difpoie gratuitement, que la rigueur des quarante jours F 4  8§ Etats fok ótée, comme meurtrières d'une infinite? d officiers, & qui n'ont aucune marqué d'au- tonté publique, pour n'avoir été vérifiés au parlement. Demandera la proteélion des officiers contre les plus puiflans. Demandera auffi la défenfe de vendre & réfigner les offices de la matton du roi, gouvernemens & p:aces de gens de guerre. Supphera le roi contenir Ia noblefie en'fon devoir; bannir d'eüe tous excès qui feront fpé'cifiés , faifant chitier 'es pervers, & récompenfer ceux qui fe contiendront dans Ie refpeft des loix. Demandera Ie rétabliffement de la po'ice & marchandifes, 1'exacte adminiitration -des finances a la décharge du peuple, entrera en confidération de fa misère, qui fera derechef repréfentée en bref. Suppliéra Ia reine, puifque le roi p-évenant les prlères de fes fujets, luia confié le commandement & gouvernement en 1'état, de conduite Ie roi i Ja connoiffance de fon peuple, qu'elle I'mvke a !a remife de tant de furcharges & d'impóts dont il efi aceablé Leur déduira l'obligation qu'il leur aura , Ja récompenfe qu'üs en doivent efpérer, a I'exemple de ceux qui fe font conduits vertueufemenr témoignera au roi le defir de fon peuple de Je vpir heureux en tous fes départ.emens, mêma  sous Louis XIII. 85* en la lignée qu'on efpère de fon mariage accordé avec rinfante, & de celui de Madame avec le prince d'Efpagne, dont il remerciera la reine, enfemble du foin qu'elle a eu de maintenir les alliances contracties par le feu roi. Fera ëntendre que tous les points ci-delïus, font les vceux & requétes du tiers-état, & de ceux qui maintenant le repréfentent, honorés la plupart du titre d'officiers. S etendra fur la génuflexion de eet ordre devant le roi, qu'il foutiendra avoir été autrefois commune k tous les ordres en cette aclion, voire aux princes & aux plus grands, parlant au roi en fembiable cérémonie; recommandera le tiers-état, pour s'être maintenu dans ce refpect en vers le roi, de n'en avoir recherché la difpenfe comme les autres ordres. Et puis dira ce que font les officiers hors cette aétion, k 1'égard des fujets du roi, de quelque qualité qu'ils foient. Récitera un mot du fecours que nous recevons de 1'églife & de la nobleffe, dont aucuns de eet ordre font partie par leur naiffance. Dira un mot de notre profeffion. Dira de quels crimes font chargés ceux qui outragent les officiers. Et après avoir déduit ce qui eft . néceffaire de la part du roi & le rétabliflement de 1'état, pariera de 1'obéhTance & refpect qui 4g.lt êtrq rendu au roi, & comme les officier?  5?o Etats travaiilent a cela. Que c'eft ce qui conferve fa perfonne, tenue parminous (i chère & précieufe, que nous voulcns confacrer k fa confervation, nos vies & nos biens : & pour récompenfe, en rétribution , ne demandons autre chofe que lè foulagement du peuple & rétab!if]ement des loix. Et pour parvenir a ce but, fa majefté ne doit faire état que des vertueux en toute pro~ feffion, qui foient appeüés aux charges eccléfiaftiques & fécuüères. Ce faifant, -qu'il fera béni de Dieu, fon royaume foifonnera en tous biens tem po reis, qui lui ferviront de degrés pour parvenir aux éternelles. -Et dira k la fin que c'eft ce que le tiers-état a jugé a propos d'être repréfenté a fa m ;jefté. Le furplus fe verra par les cahiers qui lui feront repréfentés, pour être réfolus avant le départ des états-généraux, ainfi qu'elle a promis, & que fa majefté en eft d'abondant fuppliée. Le matin du mercredi 51, le député de Provence prik la compagnie d'affifter aux fervices & funérailles cie feu fieur marquis des Ars, député pour la nobleffe de Provence. Sdn corps avoit repofé huit jours dans une chapelie des auguftins. T>oüt le chceur de 1'églife étoit tendu de velours no.r, avec les écuffons en champ d'azur, une couroans au-deflus, & Ia fleur de lis par Ie milieu. La repréferkation fut  sous Louis XIII. S>* mife au milieu dudit chceur, deflous une chapelle ardente. Les députés des trois ordres y affiftèrént, affis fur des bancs couverts de drap noir; & MM. les cardinaux étoient auprès dq 1'aute'l, du cóté de 1'évangile, avec leurs chappes violettes. M- 1'archevêque d'Aix célébra la meffe. . II eft a remarquer que M. 1'archeveque de Tours, député, étant auparavant décédé , & le lieutenant crimincl du Mans, leurs corps furent portés dans ladite églife, en laquelle leur fervice fut fait. Cela s'y faifoit pour rendre fbonneur a la mémoire des députés qui décédoient ainfi pendant la tenue des états, par les députés qui reftoient dans 1'églife oü les députés s'affembloient. Cette même matinée, M. le cardinal du Perron fut en la chambre de la nobleffe avec vingt-cinq ou trente, tant évêques que capitulans, pour le fait particulier de 1'article , concernant la vie & confervation de nos rois paffe notre chambre en loi fondamentale. Ou après les avoir remercié de leur bonne volonté, il leur fit un grand & dode difcours touehant ledit article , en ces termes élégans : Que les armes avoient toujours tenu le pre? mier rang, & que Dieu même s'étoit qualifié Dieu des armées. Que la vertu de farce étoit  $2 ' -Etats la plus haute & la plus éminente de toutes les autres, d'autant qu'elles fe pouvoient toutes acquérir avec bien peu de peine & peu de prix, & que celle de la force & de la vailiance ne fe' pouvoit acquérir qu'au prix du fang & de Ia vie, qui étoient les plus précieux gages que Ion put avoir. Qu'il n'y avoit point de plus grande charité que celle qui mettoit fon fang & fa propre vie pour le falut des autres. . Que fi quelque nation a mérité le nom glorieux de force, de vailiance , de courage & de magnanimité, c'a été la nation gauloife, laquelle a étendu fon nom & fa rép'utation par tout le monde ; que parmi les Grecs, les nations qui s'étoient voulu faire reconnoïtre les plus belliqueufes, avoient pris le nom de Gallogrsecia , Ga!latia,& autres, qu'un hiftorien a dit, helium nullumfine miüte gallo. Que fous 1'ombre de cette vailiance repofoient leurs autels, faifoient fürement leurs facrifices, que la juftice étoit adminiftrée fürement, que cette promeffe avoit fait un tel éclat au pays de Ievant & était demeurée en telle recommandation , que les habi-r tans de ce pays 1'a encore aujourd'hui, lorfqu'ils veulent appelier les chrétiens , les appeilent Francs. Que cette vertu de fortitude nous eft telle-, ment propre & particulièrement a la nobleffe ,  sous Louis XIIï. 9$ que leur générofité les a porté jufqu a ce poinÈ de dire un jour qu'ils étoient en bataille rangée, que fi le ciel tomboit, ils le foutiendroient de leurs lances. Paroles dignes véritablement du courage & de la vertu de la nobleffe francaife* Mais lefquelles a bien jufte titre pouvoient être dites de nous, qui avec nos lances, c'eft-a-dire nos bonnes volontés, nos courages , & bons & fages avis, avons foutenu le ciel, que l'on vouloit faire tomber, c'eft-a-dire 1'églife, laquelle eft appellée ciel dans la fainte écriture, paree que comme Dieu vivant eft la-haut dans le ciel en effet, il eft auffi dans fon églife par grace, cette églife que nous avons fi fouvent relevée. Cette églife pour qui nous.avons fi fouvent expofé ce prix précieux de notre fang & de notre vie, que l'on voudroit maintenant abattre par ia propofition d'un article le plus dangereux & le plus pernicieux qui fut jamais. Nous lifons que Julien 1'apoftat pour contraindre les chrétiens , ou d'être idolatr.es ou d'être crimineis de lèfe-majefté, fe fervant de la coutume que l'on avoit d'adorer la ftatue de 1'empereur, fit faire la fienne & mettre icelle dedans la ftatue de Mercure & de Vénus , Pallas & autres faux dieux, afin que par nécefïité en adorant fa ftatue, ils adoraffent par même moyen les faux dieux  #4 Etats qui étoient dedans , & fe rendiffent en fe faifant ido'atres; ou bien refufant d'adorer la fienne, ils fe rendiffent criminels de lèfe-majefté. Que ceux qui avoient dreffé eet article avoient eu la même intention & de faire adorer de faux dieux dans la ftatue du prince, qu'en propofant Ia puiflance fouveraine du roi qui étoit indubitable, & le falut de fa perfonne, qui nous doit ctre très-chère, ils y cachoient une héréfie & un fchifme , voulant juger une queftion qui avoit été problématique & laquelle ne pouvoit être décidée que par un concile général, n'appartenant a nous ni a une partie de 1'églife , de décider ce que tout le refte devoit croire. C'eft fe vouloir entièrement féparer de 1'églife & s'attaquer au chef d'icelle , a 1'exemple d'un qui vouloit introduire une certaine créance en Afrique , qu'un évêque lui répondit, que 1'églife ne pouvoit être réduite a un coin de I'Afnque, que ce faifant ce feroit déshériter Jéfus-Chrift de fon héritage, a qui Dieu fon père avoit permis de fe faire maïtre de toute la terre. Que,cette doctrine étoit problématique pour notre regard, encore qu'elle ne le fut pas pour les aurres nations, comme en Efpagne, en Italië , en Aliemagne, en Pologne, en Suède, oü ils tiennent I'aftirmative. Et néanmoins encore  ■ sous Louis XIII. 5y que n'ous ne ia tenions pas , que toutes ces nations ne nous avoient pas voulu féparer de leur communion , comme nous les voulions féparer de la notre , les jugeant hérétiques, annoncés de 1'état; pour ce qu'üs tiennent cette opinion, que les premiers qui avoient été de cette créance , étoient nos rois francais, même de la première race, en ce que Clotaire I", ayant tué le feigneur d'Yvetot dedans 1'églife le jour du grand vendredi, il fut interdit par le pape Zacharie ,& pour ctre réhabilité & remis dans 1'églife, il érigea en royaume & en fouyeraineté la terre d'Yvetot, ce qui dure encore aujourd'hui, y en ayant parmi notre compagnie qui portent le nom de prince d'Yvetot. Que cette .doctrine a été tenue par faint Bernard qui étoit Francals 3 par faint Dominique-, que 1'églife appelle doéteur véritable, qui Ta prêchée dans Paris ; par Alexandre d'Ailets fon précepteur, quM'a aufli enfeignée en cette ville; par faint Bonaventure; par Gerfon, doyen de la Sorbonne, Durand-le-réfolu , Durand évêque de Mande, auteur du Rational, & une infinité d'autres, lefquels Tavoient tous tenue & publiée en France , & qui étoient les plus grands perfonnages que nous euffions. Que Tempereur Anaftafe étant venu a Tempire, tenant le parti d'Eutichès, & ne voulant 2  9$ Ë T A T S reconnoïtre Ie concile de Calce'doine, le patriarche de Conftantinople ne voulant jamais lefacrer, ni lui donner la couronne, qu'il n'eüf renonce a cette hére'fie, & figné ledit concile. Qué depuis étant retombé dans la même héréfie, & ayant chafle la plupart des évêques , le pape Symmachus, vénérable en doélrine & en fainteté, duquel 1'églife fait encore la même commémoration , & qui nous a laiffé fes belles ceuvres dans 1'apologétique, que nous avons tiré des Grecs , 1'ayant fouvent admoneffé fur ce fujet, & exhorté de remettre lefdits évêques qu'il avoit chaffés: 1'affaire en vint fi avant, qu'un capitaine Vitallianus fe révolta contre lui, & mena une puifTante armée jufqu'aux portes de Conftantinople, & le contraignit de renoncera cette héréfie,& remettre les évêques* Et de plus, fit réunir 1'églife grecque a la latine, qui eft la romaine. Que c'étoient hiftoires , que nous apprenions des Grecs mêmes qui les avoient écrites è Conftantinople, comme Zuris, Adrenus, & autres; que 1'empereur Conftantin répondant a un , qui le preffoit de commander quelque chofe aux évêques, lui dit: Qu'il n'étoit qu'un homme, & que les évéqties étoient comme des dieux; qu'il n'avoit point le pouvoir de leur sommander, mais feulement de les prier, Que nos  sous Louis XIlï. 07 nos rois, bien qu'ils euffent toutes fortes de pouvoirs fur eux; que néanmoins, lorfqu'ils vouloient quelque chofe d'eux, ils n'ufent pas encore aujourd'hui du mot de commandement, quoique leurs prières fervent de commandement, mais feulement du mot, nous exhortons. Que jamais les empereurs n'avoient rien déterminé de ce qui concernoit la foi d'icelle, ni fait aucune conftitution pour autorifer la foi de 1'églife; mais en avoient fait des ordonnances, pour les rendre feulement exécutoires au tri— bunal temporel, & les faire obferver. Que pour ce fujet, Charles Martel & Pepin, après être établis dans le royaume, pour s'autorifer, avoient eu recours au pape. Que nos rois avoient toujours défendu & maintenu en la poffeffion de cette doétrine, même au concile de Lyon, ou aififta le pape même, le patriarche de Confbntiaople, le roi faint Louis, quatre cents, tant d'évêques ou archevêques; tous les princes ehrétiens, par eux ou par leurs ambaffadeurs, & fut dépofé 1'empereur Frédéric. Que lorfque le comte Raimond de Tholoze foutenoit les Albigeois avec le roi d'Arragon, par le concile de Latran, fi célèbre par le nombre infini des prélats & des princes qui y étoient, entr'autre chofe fut réfolu, que tous les princes qui feroient, en cas de poilibilité, Tome XVL * G  9® Etats fauteurs des hérétiques, feroient déchus dé leurs états, & fujets k être interdits & privés de leurs fouverainetés; cela par tous ceux qui y avoient affifté, par Jes princes préTens, & par les. ambaffadeurs des abfens, & particulièrement par les ambaffadeurs de nos rois. Que lorfque les empereurs grecs vinrent k fe féparer de 1 eghfe, que le pape faifoit néanmoins difficulté de leur faire refufer le tribut qu'ils prenoient en Italië, jufqu'a ce qu'ils en furent preffés par nos rois, qui le firent reconnoïtre fouverain de Kome : que 1'empire d'Allemagne n'a été féparé de celui des Grecs, qu'en faveur de nos Francais, &qut les premiers, tant démembrés, & ceux qui le pofsèdent eneore aujourd'bui n'en ont autre titre que la poffeffion qui leur eft venue du chef des Francais, par 1'attribution des papes. Que cette doclrine eft fondée, & peut foutenir 1'un & 1'autre opinion par Ia fainte écriture: car au vieux teftament, on trouve plufieurs exemples dés princes que le grand pontife avoit dépofés, comme Samuel, Ofias & autres, & a eté autonfée par ce qui s'eft fait en dix conciles, que 1'opinion contraire eft fondée fur ces paffages, tirés de faint Pierre, en la première épïtrej & de faint Paul, en la treizième aux Connthiens. Mais il fera bien aifé a ceux qui  sous Louis XII i. eg y voudront répondre, d'autant qu'il peut arriver que ces princes ne foient en état & devoir d'être obéis; & de fait, ceux de la religion, P., R., traduifant ce paffage, ont mis, le prince étant en état, comme ce Néron, de qui faint Pierre & faint Paul parient lors de fa mort, les fujets n'étoient pas tehus de lui obéir, d'autant qu'il n'étoit plus en état; ains déclaré par le fénat, indigne de cette charge, & ennemi de la chofe publique, Que cette doéïrine avoit été toujours tenue problématique ; & qu'il n'appartenoit qu'a un concile général de la décider, & non pas a nous autres, qui croyons que MM. du tiers-état avoient propofé eet article a bonne intention: mais qu'ils n'en étoient pas les auteurs, qu'il favoit bien d'oü il venoit, & y avoit plus de trois ans qu'il avoit été fabriqué a Saumur & en Angleterre, & qu'il avoit été diftribué par fes agens & fes partifans, pour nous réduire en 1'état déplorable de cette pauvre & miférable églife d'Angleterre, & nous contraindre, par un ferment injufte en le faifant, de nous rendre fchifmatiques, ou féparés de tout le refte de 1'églife; en ne le faifant pas, criminels de lèfemajefté, a caufe de ce qui concernoit le falut & 1'autorité de notre prince. Que nous lifons, qu'en la province oü croit Ga  roo Etats 1'aconit, que les abeilles en volant fur 1'aconit, comme fur les autres fieurs, ne laiffent pas de faire du miel qui efl doux, «ais qui apporte quant & foi le poifon & la mort indubitable. Qu'en eet article véritablement il y a quelque chofe de bon & de doux, mais qu'il y a auffi de 1'aconit, c'eft-a-dire, du fchifme & de 1'héréfie, qu'il falloit retrancher. Que l'on devoit fouffrir toutes chofes pour éviter un fchifme, pour ce qu'il amène une infinité de malheurs & inconvéniens, mais plus aux fiècles infectes d'héréfie, comme eft ie notre; car, comme difent les médecins, qu'en temps de pefte, toutes les fièvres & autres maladies fe terminent en pefte; qu'aïnfi , en un fiècle infeété, toutes les maladies de 1'églife fe terminent en héréfie. Que pour eux, ils étoient réfolus d'aller tous au martyre, & fouffrir qu'on leur coupat les poings, plutöt que de faire ce ferment. Qu'il croyoit que MM. du tiers-état étoient très-capables, & de grands perfonnages; mais qu'il falloit diftinguer les matières. Que 1'adminiftration de la juftice leur avoit été commife, & fe devoient tenir a cela. Mais qu'ils leur devoient lailfer a eux ce qui concernoit la religion & la foi, firns fe vouloir mêler de la leuï prefcrire.  sous Louis XIII. iOï Que c'étoit d'eux defquels il falloit apprendre les oracles divins. Que n.Otre Seigneur ayant défendu, qu'aucun n'approchat de 1'arche, de mille pas, Cha la voyant prefque renverfer, y accourut, & y porta la maii; pour la foutenir; & pour l'avoir fait, fut incontinent puni de mort. Ozias , pour avoir voulu prendre 1'en-r cenfoir, fut incontinent puni par la lèpre, qui lui parut au front, & privé de fon empire par le grand-prétre. Qu'il falloit diftinguer les temps, n'aller pas regarder ce que Jéfus-Chrift, étant en ce monde, & fes apötres faifoient: car c'étoit un temps auquel Jéfus-Chrift vouloit planter la foi, par obéilfance, par douceur & par humilité. Que la fainte écriture nous difoit qu'il y avoit un autre temps qui devoit venir, auquel tous les empereurs, rois & princes, réduits eD même religion, adoreroient 1'églife, & lécjieroient la poudre de fes pieds. Que le commencement de eet articlo-, qui dit, que les rois ne relèvent que de Dieu, pour le temporel; que c'étoit chofe indubitable qu'ils croiroient, qu'ils jureroient & qu'ils prêche-, roient, que tous les fuj^s du roi lui étoient étroitement obligés & attachés, par des chaïnes d'or & de diamans indiffolubles,. Que MM >;" la juftice lui étcyent obligés de leurs chai mais non pas entièrement, puifque pour 3 G3  '102 . ï t a t s avoir, avec la grace du prince, ils avoient été eontraints d'y employer leurs biens & leurs moyens; que pour eux, ils e'toient bien plus e'troitement obligés que tous les autres, de la grace qu'ils avoient recue du roi, puifqu'il n'y avoit pas un d'eux qui n'eüt e'té choifi & nommé par lui; qu'il ne tient, quant a lui, tout .ce qu'il pofsède, que de fa grace & libéralité, fans avoir rien financé; qu'ils feroient, par-tout, toujours prêts de porter tout ce qu'ils avoient de vie, pour fon fervice. Mais pour ce ferment, qui renverfoit 1'union de 1'égüfe, qu'ils étoient tous prêts de le fceller de leur fang, & lui le premier, plutót que de le faire, qu'il le difoit de la part, tant des archevêques ou des évêques, de deux mille prêtres, & de tous les bons catholiques de France, qui fortiroient, ou abandonneroient plutót le royaume que d'y foufcrire. Que eet article ne tend particulièrement qua la confervation de la perfonne de nos rois ; que quand il feroit paffe, qu'il ne feroit pas fuffifant de retenir les défefpérés malheureux, non plus que tous lestourmens, les gehennes, & tous les fupplices les plus févères qu'on fauroit excogiter, d'autant que les efprits malins fe laiffent tellement chatouiüer a cette folie opinion de fe rendre recommandables a la poftérité, ou faire une action  Sous Eöüis XIII. iö'J iméritoire devant Dieu, en abattant celui qu'ils fe figurent tyran; qu'ayant raéprifé leur vie, ils mépriferoient facilement tous les tourmens & les fupplices qu'on leur pourroit préfenter. Que nous avons vu ce maudit & malheureux Ravaiilac aller riant au fupplice, après fon exécrable parricide : que les tourmens corporels n'étant pas fuffifans de les retenir, qu'il falloit venir aux fpirituels & a ceux qui touchoient fame. Que fi ces malheureux , Ravaiilac , Jeaa Chatel, Jacques Clément , & autres femblables monftres, euffent cru qu'en faifant ce qu'ils faifoient, ils\ étoient excommuniés & damnés a tous les diables, fans doute qu'ils ne 1'auroient pas entrepris. Que pour eux, ils n'étoient pas capables de le déterminer, & que c'étoit a un concile général a le faire, & qu'il n'y en avoit point qui Texprimat plus clairement & plus précifément que le concile de Conftance, lequel il avoit fait apporter pour le lire, comme il fit; lequel déclare qu'aucun'tyran, fous quelque prétexte que ce foit, ne peut être tué, ou par embüches, ou par flatterie, ou autrement, & quiconque le fait, eft excommunié & foumis aux peines des excommuniés. II le lut en latin,& puis 1'expliqua en francais, Qu'il étoit pret & toute la chambre, de G ^  *°4 E T A T S jurer, de prêcher & d'enfeigner cette réfolution, & croit que c'étoit le plus afluré remede qu'on put choifir, & pour éviter les périls & mconvéniens qui peuvent arriver. Et auffi le quatrième concile de Tolède , qui dit, trois fois anathême celui qui attente a la perfonne du roi. Que s'Üs avoient juré 1'article propofé, que ce feroit le moyen de mettre la vie du roi en plus grand hafard, d'autant que nous étant féparés du pape, tous les étrangers confpireroient contre lui, & beaucoup de Francais même, qui croiroient plus a ce qu'ils auroient appris auparavant, qua ce qu'on leur voudroit enfeigner de nouveau. Que de vouloir une loi fondamentale nouvelle, étoit accufer de manquement, les premières qui avoient été faites pour 1'établiffement de cette courortne, & avec lefquelles elle s'étoit maintcnae, & longuement, & fi heureufement, qu'il y avoit une ville en laquelle on avoit établi récoinpenfe a celui qui y introduiroit des loix nouvelles ; qa'Ariftote avoit dit fur ce fujet, qu'au contraire, il falloit établir des peines & des fuppiices contre ceux qui inventeroient des loix nouvelles, pour ce qu'en ce faifant, on aboliffoit les visilles. Que cette loi renverfoit toutes les autres, &  sous Louis XIII. ïo$ principalement 1'union de 1'églife, & tous ceux qui la croiroient étoient hérétiques & damnés, & que fi elle avoit lieu, elle fépareroit le roi du pape , en ce qu'il a donné la bénédiétion au feu roi fon père, & 1'a remis dans 1'églife ; fils du pape, en ce qu'il a fait le mariage du feu roi, duquel il eft iffu; & fils du pape, puifqu'il eft fon filleul, 1'ayant tenu en fon baptême. Conclut mondit fieur le cardinal, qu'ils étoient réfolus de mourir & d'aller franchement au martyr, plutöt que de figner, ne jurer eet article , qui nous mèneroit fans doute au miférable état de 1'églife d'Angleterre. Pendant fon difcours, il pria deux diverfes fois la compagnie de 1'excufer, s'il étoit un peu long, mais que la matière étoit fi importante, qu'il ne pouvoit pas la raccourcir. Qu'il fe fut volontiers décharge de cette aótion fur quelqu'autre de leur compagnie, qui eut plus éloquemment, plus directement & plus doótement traité cette matière que lui; que néanmoins ils 1'en avoient voulu charger; qu'il étoit fils d'obéiffance, & qu'humilité paffe facrifice; qu'il connoiffoit bien fes manquemens. M. le préfident de la nobleffe lui répondit : Que toute la compagnie lui étoit grandement obligée de 1'honneur qu'il leur avoit fait, de venir lui-méme en leur chambre. Qu'il avoit  Ëo$ Etats fi doftement & fi judicieufement expliqué cette matière, que la compagnie en demeuroit trèsfatisfaite; & que n'ayant pas de quoi dignement le remercier, ils lé pouvoient afTurer que chacun Ie rapporteroit dans fa province, afin que la France entière lui eut une obligation digne de fes mérites. Et fur cela tout le monde s'étant levé, comme ledit fieur cardinal étoit prét a fe faire porter, d fe relfouvint qu'il avoit oublié quelque chofe, de forte que tout le monde s'étant remis, il dit: Qu'il avoit toujours craint que fa mémo'ire ne Ie trompet, & qu'il n'oubMt quelque chofe. C'eft qu'il avoit été chargé de fa compagnie, de nous dire, que pour la plainte que nous faihons de ceux qui écrivoient, que Vort pouvoit tuer les tyrans, qu'il falloit faire une diftinction entre les tyrans d'ufurpation Ccomme ceux qui ufurpent une république) ou les tyrans dexercice. Que'la queftion naJioit que contre les premiers, étant chofe certaine, que l'on ne peut attenter contre les derniers, pour quelque pretexte que ce foit; & les fujets font tenus de leur obéir en confcience. Qu'encore que Je roi d'Angleterre foit de religion différente, que néanmoins les catholiques font obligés de lui obéir. Et de plus, que Ie pape (qui avoit toujours compati è toutes nos affliftions, Sc  sous L o u i s XIII. 'lóf contri'bué a tout ce qu'il pouvoit, pour la tranquilité du royaume) avoit lui-même cenfuré & interdit ces livres, comme Becanus & autres femblables, jufqu'a ce qu'il eut été purgé de ces maximes pernicieufes : qu'il affuróit que toutes les fois que nous lui en donnerions plainte, qu'il en feroit de même de tous les autres. Et après, tout le monde fe leva, & fut accompagné par douze jufqu'a la porte de leur chambre. L'après-dïnée du même jotir , la chambre de la nobleffe , après avoir délibéré fur la harangue de möndit fieur Ie cardinal du Perron , réfolut &arrêta que MM. du clergé feroient remerciés de 1'honneur qu'ils lui avoient fait, d'envoyer. vers elle un tel perfonnage que M. le cardinal du Perron , remettant a leur jugement & direction de corriger Tarticle, ou de Töter du tout. Ce qui fut exécuté. M. Tavocat-général Servin ayant ap'pris que eet article fe traitoit , fe tranfporta dans la grand'chambre, ou les chambres lors affemblées , pour la réfolution de la paulette , afin d'en demander la fuppreffion entière ou la continuation: il leur perfuada de différer pour quelque temps cette réfolution qui concernoit leur intérêt particulier , & de fonger a la propofition contcnue au fufdit article paffe par- le tiers-état  *oS Etats que l'on vouloit ruiner & abolir töut-a-faït leur remontroit 1'importance de ce fait, & qu'il 7 aUoit de 1'état & du falut de nos rois, qu'ils devoient maintenir,& qu'ils avoient fi faintement profeffe & par tant d'arrêts; & ne pas permettre tant de bngues qui fe faifoient fur les efprits pour les gagner, & attirer leurs opinions contre la réfolution f, fainte, judicieufe & louable de eet article, dont il demandoit qu'il fut informe : a quoi Ia cour acquiefcant décerna fa commiffion, pour être informée de telles brigues & dangereufes menées, ainfi que 1'extrait fuivant,tiré de fes regiftres, en a donné la connoiflance au public. Du mercredi matin dernier décembre 1614, ce jour , les chambres affemblées , MM. Louis Servin , Mathieu Molé & Cardin de Bret, avocats & procureur-général du roi, fontentrés; parlant ledit Servin ont remontré, que combien par plufieurs arrêts ci-devant donnés avec grande & müre délibération, la cour ait confirmé les maximes de tous temps tenues en France & nées avec la couronne ; que le roi ne reconnoit aucun fupéneur au ternporel de fon royaume , finon Dieu feul, & 'que nulpuifarue n'a droit ni pouvoir de di/penfer fes fujets du ferment de fidelité & obéiffance qu'ils lui doivent , ni le üifpendre, priver ou dépofer de fondit royaume.  Sous Louis XII ï. 10$ Et moins £ attenter, faire attenter par autorit éf foit publique ou privée , fur les perfonnes fa~ crés des rois. Néanmoins ils ont été avertis , que par difcours , tant en particulier que publicy plufieurs perfonnes fe donnent la licence de révoquer en doute telles maximes, difputer d'icelles & les tenir pour problématiques , dont peuvent arriver de très-grands inconvéniens, auxquels il eft néceffaire depourvoir, &promptement; & attendu _que la cour eft affemblée , toutes affaires ceffantes , il lui plaife ordonner que lefdits arrêts feront renouvellés , & derechef publiés en tous les fiéges du reffort d'icelle 1'audience tenant, afin de tenir les efprits de tous les fujets du roi, de quelque qualité & condition qu'ils foient, confirmés & certains dejdites' maximes & régies ; & pour la füreté de la vie du roi, paix & tranquillité publique , avec défenfes d'y contrevenir, fous peines portées par lefdits arrêts , & qu'il foit enjoint a tous fes fubftituts en faire faire la publication & en certifier la cour au mois ,-apeine de privation de leurs charges. Sur quoiintervint I'arrêt qui en fuit : la cour a arrêté d'en délibérer inceffamment; fait en parlement;, le jz décembre i&iq. Signé , Voifin. Depuis il y a eu arrêt donné , les chambres aÜemblées , le vendredi matin, 2 janvier i6iy,  conforme aux conclufions des gens du roi, mals ici tout d'un contexte pour le mérite & connexité de la nation , & dont voici les mots : « La cour, toutee les chambres-affemblées, a ordonné & ordonné, que» les arrêts du deuxième décembre 1561, vingt-neuvième décembre IJ04, feptième janvier & dix-neuvième juillet iypy, vingt-feptième mai, huitième juin , vingt-fix novembre 1610 & vingt-fïxième juin iöif, feront gardés & obfervés felon leur forme & teneur ; faitdéfenfes a toutes perfonnes de quelque qualité & condition qu'elles foient, d'y contrevenir fous les peines contenues en iceux , & a cette fin feront 'publiés aux bailliages & fénéchauffées , & autres fiéges de ce reflort, a la diligence des fubftituts du procurpur-général, qui en certifieront la cour au mois, a peine d'en répondre en leur nom. Fait en parlement le deuxième janvier i(5iy. Signé, Voifin. » En 1'après-dmée dudit jour, mercredi 31 décembre , le fieur lieutenant-général de Blois & celui d'Angers, fe plaignirent qu'au lieu que le peuple devoit efpérer quelques foulagemens des états, Ia taille étoit accrue & augmentée en leurs provinces, & que les partifans exercoient avec rigueur Ia commiffion ci-deffus émanée de fa cour des aides, touchant la levée du fel.  sous Louis XIII. ui Sur quoi fut réfolu qu'on iroit vers MM. du clergé & de la nobleffe pour les prier de fe joindre avec nous, & nous donner jour pouc aller fupplier Ie roi de faire remife de la taille, & de fupprimer ladite commiffion, conformément a nos premières délibérations. Le fieur Marmielfe fut envoyé en l'une & 1'autre chambre avec cinq autres qui 1'affiftoient. II rapporta que MM. du clergé lui avoient dit, que difficilement pourroit-on avoir audience , paree que la reine étoit indifpofée, & quant a MM. de la nobleffe , qu'ils iroient quand MM. de 1'églife & nous feroient prêts pour ce fujet. Janvier i6i5. Le vendredi deuxième janvier i6iy,M. le cardinal du Perron , accompagné de plufieurs archevêques & évêques, abbés,& de plus de foixante gentilshommes députés de la chambre de la nobleffe, pour 1'affifter fur le fujet du premier article de notre cahier qu'il devoit traiter, vint en notre chambre environ les neuf heures du matin avec cette belle & nombreufe compagnie, qüe cette haute & importante matière y avoit attirée, tellement que les trois chambres étoient affemblées. Ledit fieur ne put fe mettre en la place de notre préfident, paree  >ti2 Etats qu'on le portoit en chaife, laquelle on pofa devant le bureau du greffier , ce qui fut caufe que ledit fieur prsfident fe fit apporter un fiége, qui fut pofé au cöté gauche dudit fieur cardinal, puis tout le monde s'étant tu, il paria 1'efpace de trois heures, a peu prés en cette forte: Périclès voulant parler en public, & lorfqu'il alloit donner fon avis fur les affaires importantes a la république d'Athènes, vouloit faire prières aux dieux qu'il ne fortoit rien de fa bouche qui fut indigne de fa patrie & de fa dignité. Que fon defir & fon intention font de même en cette grande & célèbre compagnie, oü il fe voit environné de plufieurs gens fages & graves auditeurs, la plupart officiers de juftice. En cette aétion grande & qui regarde non 1'intérêt d'une ville particulière, mais le repos de 1'état , la vie & la füreté de notre roi , duquel dépend la paix de Ja chrétienté. J'implore 1'aide de Dieu & demande que Deus fit in corde meo. Ce fero't peu de chofe qu'Ariftote eut dit, que la juftice eft la plus belle vertu du monde, plus belle que 1'étoile de Lucifer, comme dit Homcre. Ce feroit peu de chofe que les hiftoriens nous euffent témoigné, que celui-la étoit le plus grand roi.qui étoit le plus jufte. Ce feroit peu  sous Louis XIII. i i J peu de chofe que les poètes euffent feint que ce Minos étoit fi's de Juplter, paree qu'il étoit Ie plus jufte. Que Dife & Thémis étoient fceurs fis ès cötés de Jup'ter : ainfi que par la juftice les rois règnent & tiennent leur diadême avec toute félicité. Si Dieu n'avoit dit que Melchifedec étoit le toi de la juftice & de la paix, roi de Salem * que de la juftice dépend la paix; fi notre Seigneur, par fes prophètes , n'avoit publié que la juftice fortiroit de la terre 6c la vérité du ciel. Ce que faint Auguftin interprète de la naiffance du fils de Dieu, forti de la terre, c'eft-a-dire, de la Vierge , la divinité conjointe a fhumanité. Et fi la juftice a jamais été reeue & honorée en quelque nation, el!e 1'a été principalement en la Gaule & en la France; Les Gaulois & Francais , qui font la même chofe , ont été dü tout glorieux : & comme la juftice eft agréable a Dieu, & néceffaire aux hommes, les druides fe font rendus céièbres parmi leur peuple, pour la juftice qu'ils leur rendoient. Ils ont donné tel nom a leur nation, que même les femmes des Francais étoient tenues plus capables pour adminiftrer la juftice j que 'es hommes des autres nations. Comme nous voyons dans fantiqu té, lorfqu'Annibal fit fon contrat avec eux, il étoit dit, que fi les Gaulois ie plaignoient des Tome XVI, f H  Ir4 Etats Carthaginois, qu'ils fe pourvoiroient en Efpagne: fi au contraire, la connoiffance en appartiendroit aux femmes gauloifes. A:nfi a fleuri la juftice en cette nation, avant qu'elle eut pafTé au chrifttanifme. Depuis, nos rois ont eu la juftice en telle recommandation, qu'ils 1'ont exerce'e Iong-temps en perfonne, & l'ont eux-mêmes rendue a leur peuple. Mais fe voulant repofer & décharger de cette peine , ils ont élu & choifi des perfonnes les plus capables du royaume, éminentes en poftérité & doctrine , pour juger leurs fujets. Vous êtes ces juges, les vives images de Minos, & les miracles de Thémis : jl a plu au roi vous confulter, & vous bailler en garde ce grand dépot de la juftice. C'eft pourquoi le clergé tient votre ordre en grand honneur & révérence, puifque vous êtes les interpretes de la volonté des rois, exécuteurs de leurs ordonnances , entrés en pair de leur autorité, participans a leur puiffance fouveraine. ; Et *'a ^ut rendre la juftice a qui elle appartient, il la faut premièrement rendre a" Dieu, & puis rendez a Céfar ce qui appartient a Céfar, & a Dieu premièrement ce qui lui appartient! Ainfi le clergé reconnoit avoir grande obligation a votre compagnie, de ce qu'elle a voulu déférer a notre ordre, en 1'interprétation d'un  sous Louis XIII. nj article de 1'églife. M. de Montpellier a été député pour vous demander communication de eet article, qui eft le premier de votre cahier; il na rien oublié, comme il eft perfonnage très-éloquent, a vous remontrer Timportance d'icelui & ou il va. Je fuis député après lui, & envoyé vers vous pour méme fujet, & pour vous repréfenter , que quand il eft queftion de décider de Ia foi & de la difcipline de 1'églife, que cela ne peut être mieux jugé & terminé, que par 1'ordre eccléfiaftique. C'eft pourquoi nous ne pouvons approuver la propofition de votre compagnie , & la diftinóïion que vous apportez entre la foi de la doctrine, & de la difcipline de 1'églife & des eccléfiaftiques, laquelle diftinction nous femble bien étrange : d'autant que Ia difcipline eft autant fujette a fhéréfie que la do&rine, étant vrai que la difcipline fe rapporte tellement a ce qui eft de la foi, que ce qui dépend de l'une dépend de 1'autre, & par conféquent ce qui eft de tous deux doit être jugé par notre ordre. Témoin Tertullian qui a écrit, qu'il y a deux fortes d'héréfies, una de Deo, altera de doclrina. Et s'enfuit que ce qui regarde l'une ou 1'autre appartient a notre ordre & ne peut être traité fans péril, que par ceux auxquels Dieu en a donné le pouvoir & le caraétère, Ha  Iï6 Etats La preuve en eft, par 1'exemple des empereurs, lefquels jamais n'ont voulu prendre Ia connoiffance de la difcipline, non plus que de la doctrine, & ont renvoyé tous les deux a ceux qui avoient 1'autorité légitime en 1'églife. La célébration de Paques , ante vel poft decimam-quartam lunatn , n'a pas été décidée par Conftantin , empereur, qui n'en voulut juger, non plus que de la Trinité ; l'une & 1'autre furent renvoyées par lui au concile de Nicée. Carmina falus vix intelleila facerdotibus. Le célibat des prêtres fut jugé par 1'églife, contre Jovinian, qui fut déclaré hérétique, fans que 1'empereur fe voulut entremettre du jugement. II improuVoit le célibat & 1'iconoplaftie. Elle fut condamnée au feptième concile, par les évêques. AcYius fut condamné , au rapport d'Epiphanius, pour avoir impugné le jeune du caréme, & des vendredis & famedis. Et ceux qui ont difputé de la difcipline, ont été mis au nombre des hérétiques, par le pape Sergius. Et tout ce que je dis, & tout ce que je pourrois rapporter de même, eft pour montrer combien en pareilles occafions , les premiers empereurs chrétiens ont déféré au pape & a 1'églife. II ne s'eft rien expofé fur le théatre des chofes du monde, de plus important, tant pour le bien de la religion que de 1'état, que la queftion qui  sous Louis XIIL ï i 7 fe préfenté: & fi les Romains donnèrent la charge a leurs faux prêtres , de connoitre & de jugef quand il étoit queftión^de la moindre cérémonie de leur religion , & quand les veftales paffolïnt en public, que leur rencontre pouvoit beaucoup fur les condamnés, que devez-vous déférer anx miniftres de 1'égüfe ? II eft vrai que les Romains déféroient a une religion païenne; mais Dieu ne délaiffa de les bénir. I's ne faifoient rien qu'après avoir confulté les augures, & viftté les livres des fibylles, que les feuls prétres pouvoient ëntendre. Saint Auguftin dit: que pour leurs grandes vertus morales, ils ont obtenu ce qu'ils ont demandé, les vidoires & les profpérités temporelies ; mais que leur religion étant infidelle, Dieu ne leur a pas communiqué, fa gloire. S'il eft permis de porter & appliquer ces exemples du paganifme a la chrétienté, les premiers empereurs chrétiens ont eu ce même foin. Conftantin renvoya la caufe deDonatus, accufé d'avoir facrifié aux idoles, au pape. c'étoit une queftion de fait: il lui donna trois évêques de France pour affeffeurs, les évêques d'Autun , d'Arles, & celui de Cologne. II lui permit de choifir trois autres évêques d'Italie, lefquels 1'ayant condamné, Donatus fe pourvut de nouveau a 1'empereur, lui remontrant que: ü 3*  TuS Etats le pape étoit enveloppé de même crime, Sc té priant d'en être juge lui-même; Conftantin s'écria : O rabïdam juroris audaciam, tanquam zn caufis gentiüum appellationem interponere ! L'empereur ordonna un nouveau concile en Ia ville d'Arles, oü la caufe fut jugée par revifion I & non par appel : & s'étant de rechef, les dona- I tiftes, adreffes a lui, il les ai défendu avec courage & conftance fes droits hors le royaume. II eft aifé de ouer les Athéniens a Athènes, oü perfonne noferoit contredire ; mais j'ai exalté le roi a Rome avec les ambaffadeurs d'Efpagne, en traitant la reconciliation avec le faint-fiége, & fait approuver toutes les nominations fakes aux bénéfices, avant qu'il fut rentré au giron de 1 eghfe , en quoi tous les bénéficiers du royaume -e font obugés. J'ai feryi le roi défunt au traité des Vemtiens, pour les réconcilier avec le pape ou j ai foutenu & défendu de toutes mes forces I autorité du roi: & par l'entremife de M , cardnial de Joyeufe, qui amollit le cceur des Wtiens, cette négociation a réufti au bien de lachrétieneté. H y a quelque traité imprinié a cette fin par ceux de la religion prétendue  sous Louis XIII. réformée, oü l'on avoit gliffé quelques faufletés que j'ai fait fupprimer.Tellement que nous autres eccléfiaftiques ne voudrions en tagon quekonque diminuer la dignité temporelle des rois,&partieulièrement moi hors de. tout foupcon. Que plüt ï Dieu que les par.oles n euffent qu'une bouche & qu'une voix , afin de faire ëntendre & voir combien les intention? des fujets du roi font partées entièrement a la confervation de fa perfonne, a laquelle tout le bonheur de la France eft attaché fort étroitement, les perfonnes des rois font facrées & tellement facrées, que ce qui regarde leur vie & füreté eft indubitable. Mais fi parmi ces maximes on y joint des queftions qui foient douteufes touchant la dépofition des rois & la difpenfe du ferment de fidélité, cela eft capable de ruiner 1'état , d'apporter un fchifme en féglife & renverfer le repos public : tant s'en faut; nous avons tous eftimés que c'étoit mettre la vie du roi en plus grand hafard qu'elle n'a jamais été , puifque le feul moyen de pourvoir a la fürete des rois eft par les loix eccléfiaftiques. Ces deux miférables affaffins n'ont entrepris fur nos derniers rois , par aucune retenue des loix temporelles & humaines. II faut donc chercher des loix qui impofent frein a la confcience. Les vierges milefiennes (comme nous lifons en  Etats l'hiftoire grecque) furent furprifes de telle fureur, qu'elles fe pendoient & mettoient de la tacon leurs pères & mères au défefpoir; il fut avife pour retenir cette manie, qu'après s'être ainu etranglées, elles feroient trainees nues par les rues. Elles croyoient auparavant faire une agréable v.ctime è leurs dieuxmais fe crainte de cette ynommie& la honte les a «tenues. Lacrainte des loix humaines a'impofe aucune «tenue aux ames, ams feulement aux corps. L'écriture ditcraignea celui qui tue Yame , celui-la eft maïtre de avie dautrui qui négligé Ia fienne ; mais les loix fpintuelies comme plus fortës, retiennent lts confciences par 1'appréhenhon d'une daxnnatioa éternelle, par 1'effrol despeines d'enter qui leur eft préparé. Si ces deux malheureux euffent cru fe damner éternellement, ils n'euffent jamais entrepris ces horribles & déteftables parncides 3 & puifque ces mifërabfes affaftins entreprennent leurs defleins damnables fous un fauxprétexte d'éternifer leur mémoire , quand ils reconnoitront, qu'au lieu de mériter une vie éternelle ils acquièrent la damnation , qu'ils perdent a jamais leurs ames, les livrant au diabie & a Lucifer. Cela levaut leur faux prétexte ils feront détournés facilement de leurs fauffes imaginattons. Mahomet Bacha, lorfqu'il gouvernoit tout 1'empire d'Orient, fut tuépar ua  sous Louis XIII. §*jf fou qui croyoit être de la facon le libérateur de la patrie. Mais ces loix qui vont au fpirituel & aux confciences , ne fe peuvent faire que par ceux qui en ont le pouvoir en un concile général, & 1'autorité de 1'églife gallicane ne peut déciden ces chofes. Elle n'a de 1'autorité fuffifante pour décider un point de religion , qui n'a encore été déterminé en 1'églife. II faut donc avoir recours a 1'églife uniyerfelle. Par le quatrième concile de Tolède,& par le concile de Conftance qui eft cecuménique , ce fait eft décidé ; & ce dernier concile a été publié a Tours & a Paris pendant les derniers troubles. Et s'il eut été renouvellé parmi nous & publié, ces deux malheureux affaflins n'euftent commis ces horribles parricides. Et puifque par ces deux conciles il a été pourvu k la füreté des rois , & que la vie des rois eft indubitable k 1'églife, ce premier point eft fuffifamment décidé. Quant a la dépofition des rois , j'en parlerai hardiment, combien qu'a regret néanmoins,, Je dirai ce qui eft de la croyance de 1'églife, que ce point eft problématique & Ta toujours été en théologie , qui ne peut être comprife fous les loix politiques, laquelle théologie il faut diftinguer d'avec 1'état.& police temporelle. Qu'en Ja France cette queftion a été toujours tenue  %26 Etats problématique & appellant queftions problématiques, contre lefquelles de part & d'autre il n'y a décifion de 1'écriture , de leglife/ni aucun anatheme, comme en philofophie nous difons une opinion & queftion probable pour laquelle il n'y a démonftration néceflaire. En France ceux qui tiennent 1'affirmative ne tiennent les autres pour excommuniés , non plus que ceux qui tiennent la négative ne font réputés anathemes. Si en France la négative eft tenue, laffirmative fe tient par les quatre parts de la Chretienté ; pour cela ni les uns ni les autres ne font excommuniés & privés de la communion de leglife, n'étant jufqu'ici intervenu fur telle queftion aucun concile univerfel. Les paffages cités , hmc indé , répondent aux lieux de 1'écriture fainte , partant ce n'eft un article de foi« Ceux qui tiennent 1'affirmative, allèguent que Samuel dépofa Saül. Salomon fut dépofé pat Abus , & le royaume baillé a Jéroboam. Benadad dépofa Jehu. Ozias, pour avoir pris 1'encenfoir fut touché de la lèpre , il fut jugé r le grand-piêtre qui le dépofa , & acheva fa vie comme homme privé, ainfi qu'il fe voit au paral.pomène. Le jugementde la lèpre appartenoit auxgrands-prêtres, d'autant qu'elle procédoit d'un feul jugement de Dieu, qui 1'envoyoit aux hommes comme un fléau. Cette lèpre ft  sous Louis XIII. 127 ïrouvoit aux pierres & aux vêtemens & aux . chofes inanimées , & fervoit de punition ordinaire & exemplaire. Les Machabées, encore que fujets du roi Antiochus,prirent les armes contre lui, quand il voulut entreprendre de renverfer les autels. Les Machabées furent autorifés de ce faire. Pour la négative l'on dit, que 1'union univerfelle ayant été détruite , celle des prêtres eft réduite en un même corps, que cela a été feulement concédé au fouverain facrificateur, & que ce font exemples de Panden teftament; mais qu'au nouveau, les figures étant accomplies, 1'autorité des prophètes , jointe & convertie a celle des pafteurs, ils jugent de la lèpre & de 1'héréfie ; que les apötres guidés par le Saint-Efprit, ont décidé ce point. 'Saint Pierre au fecond de fes épitres , & faint Paul au troifième des Romains, qui ont dit, qu'il falloit obéir aux puiffances fouveraines , avoient arrêté , en 1'obéiffance; ntn folum propter iram , fed etiam propter confcientiam, être due aux princes. A cela on répond , qu'il y a grande différence d'obéir a un prince tant qu'il fera en état, Sc lorfqu'il en fera jugé incapable. Néron jufqu'a ce qu'il ait été déclaré ennemi de 1'état , a toujours régné & a été obéi. Mais au temps qu'il  X2& Ë T A f S a été jugé dépofable, incontinent il a étéeftimé* comme homme privé. Qu'il n'y a aucun palTage dans 1'écriture qui montre qu'un prince puifle être dépofé, & partant fur cette queftion il faut un concile. Les premiers chrétiens ont obéi aux empereurs païens, encore qu'iis n'euffent fubi le joug de 1'églife, pour éviter les tour^ mens, &propter metum. Les chrétiens ne tenoient encore les empires , & les états temporels ne leur appartenoient, tellement que le paffage, inïmicï ejus terram tingent, fes ennemis lécheront la poudre de la terre, n'étoit pas encore accompli. Si 1'églife ne s'efl révoltée fpus les empereurs chrétiens, c'eft paree qu'elle n'avoit qu'un firnple ferment de baptême , nondutn fubmijerunt colld reges , & n'étoit obligée de vivre & mourir en la religion catholique; & jagoit que les empereurs. euffent reconnu & mérité les excommunicutions, néanmoins leglife nelesa pas fulminées 1'évêque a voulu ufer de prudence & de retenue comme contre Vallentinian , qui n'étoit tenu hérétique que pour la confervation de fa mère ; c'eft pourquoi ü ne fut dépofé par 1'églife, comme il devint catholique. Leglife de peur d'aigrir le mal, n'ufe jamais de ces dépofitions & excommunications , qua 1'extrémité & avec grande connoiffance de caufe; elle n'abufe jamais de. cette  SOÜS LOUIS XIII,, t2p Cette puiffance, & elle vient la, c'eft avec les larmes & après plufieurs & ferventes admonitions charitables. Voyez la réfolution des foldats de Valentinian , qui lui diregt qu'ils fervoient pour faint Ambroife s'il vouloit entreprendfe fur 1'églife ; que les bafiliques étoient aux évêques & non aux empereurs. Je ne tiens néanmoins cette queftion ni affirmativement ni négativement , je la propofe comme problématique & tiens la négative politique. Ce qui va a la confervation de Ia vis du roi & de fa puiffance, nous y voulons contribuer nos vies, nos biens, ( comme nous avons dit) nos fortunes, nos vceux & nos prières. Je foutiens qu'il n'eft raifonnable en ce fiècle de traiter la queftion & de faire un point de foi fur eet article, pour amener des guerres civiles & mettre un fchifme en 1'églife. Croyez-nous, puifque vous nous avez honorés de ce titre de pères , de vouloir vous conformer è nos exhortations & juger que nous ne fommes pas fi; dénaturés de vous préfenter pour du pain une pierre , pour un poiflbn un fcorpion, pour un préfervatif un venin. Repréfentez - vous qus! 1'églife eft votre patrie, en laquelle vous naiffëz par le baptême, & fortez du monde par f onction, & donnons vos eorps a la terre & vof • ames au ciel. Tome XVt * I  '130 Etats Le pape Agapet mit le royaume de France en interdiction , quand le fieur d'Yvetot fut tué par le roi C'.otaire un jour du vendredi faint, comme récite du-Haillan. Le patriarche de Conftantinople réfifta a Tempereur Anaftafe jufqu'a ce qu'il eut figné la confeffion de foi & foufcrit au concile, ainfi que rapporte Theodorus Lector, imorimé en grec par Robert Etienne. Cet empereur Anaftafe étant derechef tombé en héréfie, dit au pape, que toute puiffance étoit donnée de Dieu immédiatement. Le pape lui répondit : Si tu ne recois la mienne qui eft auffi de Dieu , je ne puis reconnoïtre Ia tienne ; & lui alla porter la bataille jufqu'aux portes de Conftantinople. Nous voyons la dépofition du roi fainéant par Zacharie; & outre Tinveftiture de Tempire par Léon , qu'il avoit öté a Tempereur d'Orient , le couronnement de Charlemagne , folemnel'ement fait fur cette introduéfion. Les Frangois ont été auteurs de cette doctrine. L'empereur Juftinian, après avoir tenu le concile de Conftance in trullo , le connétabfe de Tempereur y fut chaffé par le pape , & les Francois entrèrent a Rome qui demeura a. Charlemagne. Ses fucceflèurs depuis ont tenu Tempire d'Orient. L'hiftoire porte, que fi Charlemagne eut fu Tintention du pape, qu'il ne fe fut trouvé a Rome. Quand il a été queftion de vengei; les querelles  sous Louis XIII. 13? ■du roi de France contre ceux d'Arragon, les papes y ont employé leur autorité fpirituelle. Au concile de Latran , il fut conclu & arrêté cette loi, que quand les rois ou princes en cas de poflibilité, ne voudroient en exdrper 1'héréfie, ils feroient déclarés déchus de ffeurs états, Depuis au concile de Lyon, oü le roi faint Louis alfifta 3 Tempereur Frédéric fut dépofé. Cette doctrine affirmative a été prêchée dans Paris par faint Thomas, faint Bonaventure , faint Bernard & autres. Tous les docteurs & canonifi.es , a la vérité, tiennent pour la plus grande part, la négative de la dépohtion des rois. Oekam, anglois, Ivo Cartonenfis, Mattheus Paris, Durand , évêque, Hugo deSancto-Viélore, Gabriel Biel, Tont tenu non pofitivement, & partant ce n'eft article de doctrine & de foi. LEfpagne, TAngleterre , la Pologne , la Hongrie, tiennent Taffirmative. Mondit fieur du Perron la-deffus a fait leéfure d'un livre, imprimé a Paris depuis huit ans, 1'auteur étoit ennemi du pape. On ne  138 Etats lui dit rien, encore que ce foit la même doftriné de Suarès & Mariana : on brüle les livres de ceux-ci, & vous louez Gerfon, qui a le premier dit, que les rois pouvoient être tués. Les papes ne tiennent pas qu'on puifTe tuer les rois, ni les dépofer fans grande caufe de tyrannie & d'ufurpation manifefte , héréfie & rnfidéüté. Il y a des tyrannies d'ufurpation, les autres de poffeffion : il y faut faire diftinction; entre les ufurpateurs tyrans, étoit Néron. Je puis dire, avec vérité, que le livre de Gerfon contient une beaucoup pire doctrine que Mariana en fon traité, oü il commence, Deum conjiderationes princlpales utWJJimac: il dit, qu'il y a des propofitions, fans doute, que le prince tombant en héréfie, il eft permis de le perfécuter par toutes fortes de violences, encore bien que facré & couronné. Mondit fieur du-Perron, prenant le livre en main, lut le paffage de Gerfon , difant a la compagnie, qu'il y en avoit de plus favans ; que plufieurs évêques 1'affiftoient, & que le ciel n'étoit pas orné de plus belles étoiles ; que 1'ordre du tiers-état étoit fourni de gens dodes j ainfi, qu'il avoit reconnu par nos entrevues, que la feptième propofition de Gerfon contient: Error eft dïcere terrenum principem, in nullo juis fubditis Dominio durante obligari, quia.  sous Louis' XIII. 139 fecundum jus divinum at naturahm ccquitatem, & verum Dominii finem, quemadmodum fubditi debent fidem, fubfidium & fervitium Domino , fic etiam Dominus fubditis juis fidem debet, & protectionem. Et fi eas manifefii, & eum obftinatio.iem in injurid , & de faclo profequatur, tune regula hcec naturalis : vim vi rtpellere Heet, loeum habet. Et id Seneccc in tragxdüs. Nulla Deo gratior viciima quam tyrannus, & ad idem efi fullius III de offieüs. Que cette dépofition des rois, dont il parle, fe doit faire par les peuples, & non par le pape. Nulla gratior viciima quam tyrannus, lui qui étoit partifan de la France, contre le duc de Bourgogne, & théologien a: la fuite du roi, devoit, en telles matières, ufer de difcrétion , fans propofer chofes captieufes. L'on veut faire comme les Hérodiens, qui demandoient a notre Seigneur : An lieeat tributum dare Cazfaris }ut caperent Jefum infermone; il leur dit, contentezvous de cette réponfe : redde quee funt Cazfaris , Cafari. Ainfi l'on pourra dire , vous êtes hérétiques, fi vous tenez, que l'on puiffe dépofer les rois, pour nous enlaffer nos confeiences, & nous mettre mal avec le pape, qui, en foi, contient 1'image de toute 1'églife. II y en a de ceux qui ont confeillé Tarticle, lefquels ont publié, qu'il falloit couronner de  M° Etats lauriers Ie cruel afTamn du roi. Toutefois ie ne veux nommer perfonne, d'autant que cette faute doit être pardonnée a fes larmes, & è Ja pénitence qu'il en a faite. Celui-Ja qui a pris cette faufté doctrine, eft déchu de 1'apoftat & n'a depuis éte' rétabli a cette dignité. Et co'mment peut-il maintenant, fic confirmare fratres fiuos? Saint Pierre étoit chü, notre Seigneur Ie releva. Mondit fieur du Perron a mo'ntré une thèfe imprimée è Paris, &lut d'icelle un article commen^nt, porrófummam theocrdtice moderatiotionemconfiituit Petrus , &c. Et par cette thèfe 1'auteur d'icelle foutient , que comme la loi fahque recule les femmes de Ia fucceftion de cette couronne ; de même il fe doit interpréter contre les hérétiques , ajoutant ce mot, que divuio jure convertos poffunt deponere reges y & met la puilTance des états par-deffus les rois. Que Ia mort de Henri III a été juftement attentee par Jacques Clément qu'il appelle vindicem pubhccc hbertatis. Mondit fieur du Perron montre la thèfe & le nom de 1'auteur, qui eft M. Edmon Richer, doéteur en théologie & Mlron &a M. Ie lieutenant-civil. Cet auteur eft vivant, chéri & eftimé de ceux qui, fe couvrant de 1'autorité du roi, veulent renverfer 1 etat & remplir d'horreur & de ftdition ce  sous Louis XIII. ,4r floriflant royaume,mettre le fchifme en leglife & troubler 1'intelligence du pape & du roi. Ce n'eft pas que je veuille exciter la haine publique contre les écrivains; mais pour faire connoïtre ceux qui ont commis une même faute, & qU« ceux qui ont plus grièvement failli, (fujets du rt»> font favorifés, & les autres cruellement punis. Maïtre Edmon Richer a été une des belles lumièresde laSorbonne, très-favant homme & de grande piété ; & n'a encouru 1'envie des partifans de Rome, que pour le livre très-docte & euneux, qu'il miten lumièreau commencement de règne de Louis XIII, fous le titre, Deecclefiaftica & politica poteftate , qui fit beaucoup de bruit par les menées du nonce de fa fainteté, lequel s'en remua fort ; mais au refte, il temoignoit par icelui, (comme bon Francais quil etoit) les fentimens qu'il avoit pour 1'autonté de fon prince, & la vérité de celle de N; S. P. dans 1'opinion des graves auteurs par lui cités pour garans de fon dire. Cette propofition femble, de premier abord pleme de juftice ; 1'apparence & levifagerefiemble a celui d'une femme bien belle, mais qui a la queue d'un ferpent (de même ce qui eft douteux ne doit être mclé avec ce qui concerne le falut & la vie du roi); car mettant de la  14a Etats facon un fchifme en 1'églife, il s'enfuit de-la une héréfie au temps que nous la voyons trop pulluler : comme l'on dit qu'en un temps de pefte toutes fièvres fe tournent en pefte. J'ai foutenu quelquefois que les hérétiques pouvoient venir a la couronne; mais de traiter a préfent cette queftion il n'eft pas befoin dans ce temps corrompu, le foupgon eft une héréfie. Les propofitions difputées par des efprits altérés, fe peuvent convertir de méme : il me fuffit de vous dire, qu'il n'appartient aux laks de traiter cette doctrine qui eft de 1'églife; le feul concile, comme j'ai dit, le peut faire. II ne faut que tout le monde fe mette a interpréter 1'écrkure fainte. Plufieurs-de eet ordre font bien favans & fefant lecon a des évêques ; mais ils n'ont 1'autorité , ils n'ont que le jugement humain , & n'ont 1'autorité divine. Dieu réfide entre les eccléfiaftiques, ubi fuerint tres congregati in nomine meo, ego in medio eorum Jum. Quiconque réfiftera a 1'églife, périra. Nous n'avons autre retraite ni citadelle que fon autorité & la divinité du Saint-Efprit; vous & nous fommes fujets & obligés de nous y foumettre. Saint Paul dit : obéiffez a vos prélats, car ils veillent pour vos ames. Nous vous faifons renaïtre par le baptême, & après la mort vous introduirons en la vie célefte.  sous Lours XIII. 145 Bref, pour le fpirituel nous fommes vos guides, &y fommes obligés par notre profelfion. Nous fommes juges de 1'écriture par infpiration divine & par une grace fpéciale , & par la conduite & afliftance du Saint-Efprit , c'eft un don attaché a nos perfonnes. L'éleétre qui eft mêlé d'or & d'argent, ne peut être connu & difcerné que par celui qui coonoit tous les deux enfemble. Un ancien Grec reprochoit aux femmes de fon pays, qu'elles n'accouchoient jamais en leur pays : pour la défiance des fages-femmes , elles alloient chercher allégeances ailleurs. Finalement, la partie eccléfiaftique nous doit être délaifiée, & affermerons autant & plus qu'aucun autre ce qui eft du falut des rois. Croyons que Jacques Clément & Ravaiilac (indignes d'être. nommés) font allés avec les anges de Lucifer & dévoués au diable. Si l'on defire plus du clergé, c'eft une oppreffion en 1'églife, & revenir au ferment d'Angleterre , étrange & déteftable a nouss bien qu'en mon particulier j'honore grandement ce roi , pour avoir fait eet honneur aux lettres de les faire fervir dans le tróne royal. Repréfentez-vous, s'il vous plait , que ce n'eft pas a nous d'approuver une propofition contraire a la parole de Dieu , & jamais le pape ne confentira ni foufcrira a cette propofition , & c'eft encore moins a vous qui n'en avez la. puiflance.  144 Etats Le clvef de 1'églife vous reprochera ce que difoit faint Grégoire de Nazianze : fouvienstoi que tu es brebis de mon troupeau. Votre ordre eft pur laïc, & ne pouvez rien entreprendre fur 1'églife; craignons qu'il ne foit dit de vous; fi Tempereur vient dans le temple , il Ie faut chaffer. Que chacun fe contienne dans fes bornes fans aller plus loin. Fermez-vous-la , que faint Paul enjoint & vous commande d'obéir a vos pafteurs. Il n'y a rien qui tourmente tant le corps que la dislocation de quelques membres : il nous faut demeurer tels que nous fommes , craignant Ia perte de la religion, y mettant tin fchifme apparent. II faut maintenir leglife en fon entier. Ceux qui percèrent le corps de Jéfus-Chrift, n'ont pas tant pêché que ceux qui ont divifé leglife. Saint Auguftin dit, que les donatiftes avec les divifions & fchifmes , ent fait pis que les idolatres. Nous avons en France toujours été heureux, quand 1'arche d'alüance a été unie avec nous. Conhdérez, je vous prie , combien les confciences & fortunes temporelies étoient agitées parmi nous, il y a vingt ans. Jetons les yeux fur les misères des troubles paffés, & gardonsnous d'y retomber. Gardons bien de divifer ce qui nous refte dans la chrétienté. Notre roi eft en age d'innocence, établi par les loix & par fon  sous Louis XIII. fon père , & auquel on ne peut imputer aucune chofe. II eft né d'un père catholique , tenu par les fonds de baptême par fa fainteté, qui defire faire tout ce qu'il pourra pour-la confervation de fa vie & de fon autorité. Et quant a nous autres eccléfiaftiques , nous fommes prêts de faire publier le concile de Conftance, & fupplierons le pape d'y ajouter davantage , fi faire fe peut, comme il a déja cenfuré le livre de Decanus; mais pour ce qui eft de la dépofïtion, le pape & nous ni toucherons jamais. Et quand fa fainteté auroit volonté d'accorder votre article, elle ne le pourroit, & les autres princes, de la chrétienté n'y confentiroient jamais. Pour notre regard, nous contribuerons avec vous de cceur & volonté , & confpireróns en meines vceux de conferver foigneufement la'vie de notre roi, &'d'entretenir 1'union du pape avec fa majefté, très-utile & très-néceffaire a la France. Mondit fieur le cardinal conciut, avec de fortes & vives perfuafions, que nous demeuraffions tous unis enfemble, pour ce qui regarde le falut & la vie du roi. Et pour ce qui eft de la doctrine de 1'égüfe, que 1'article fut entièrement mis a leur difcrétion; & en ce faifant, trouvé bon par le tiers-état, que Tarticle fut tiré & öté de leur cahier, m XVI. * K  i%6 Etats A quoi M. le préfident Miron répondit en ces tenues: • Meffieurs, cette compagnie fe trouve grandement furprife en une députation fi inopinée, bien que tres-grande, augufte & célèbre, & de tant de vénérables prélats qui vous y affiftent, fortifiée de tant de feigneurs & gentilshommes, que je me trouve empéché a la réponfe que j'ai a faire a l'improvifte, a un fi grand, fi ample & fi dofte difcours, fur un fujet fi important; & ainfi, qu'avez voulu prendre I'exemple de Périclès, pour 1'invocation du fecours célefte; en cett;e perplexité, j'aurai, a votre imitation, recours a Dieu, empruntant les termes du prophéte: Da mihi, Domine, fermonem rectum , & bene fonantem in os meurn , ut placeant verba oris mei, in confpeau principum, &c. Avant que d'entrer plus avant, je vous femerCierai, monfieur, au nom de cette compagnie, de 1'honneur qu'il vous plaït faire a" eet ordre , en cette vifite foleranelle, oubliant votre propre fanté, pour témoigner cette affeétion paternelle envers nous, par un travail indicible, auquel je ne préfums pas tant de moi, que d'y pouvoir répartir dighement, ayant affaire a un grand & doéte prélat, grand primat des Gaules, grand cardinal & prince de 1'églife, éminent en toutes foites da qualités.  sous Louis XIII. 147 Mais cë qui me confole, c'eft qu'avec toutes fces dignite's relevées, vous êtes grand-aumónier de France , qui eft la plus grande & digne charge de la maifon du roi, qui vous attaché fingulièrement a la confervation de fa perfonne toute entière. Ainfi, que comme enfans très-dévots & obéiffans, nous nous tenons liés d'affeccion particulière envers vous, qui êtes notre me'tropoütain, comme archevêque de Sens : cela me fait efpérer que vous aurez agréable que je vous repréfente ce qui eft de 1'innocence de cette compagnie, en la propofition de l'article. J'eufle néanmoins defiré, & pour vous & pour nous, que ce glorieux concert eut été fait en rnoindre compagnie, & ne ferai point honteux de dire, que la communication que vous en avez eue, a été contre mon avis, puifque nous ne le pouvons livrer aux conditions propofées de votre part: mais ca ordre, vaincu de puiflantes femonces, d ;&es remontrances, & vives perfuafions, dont le dernier effort a été fait par M. Tevêque de Montpellier, par une obéilfance fdiale, a fatisfait a partie de votre defir, & vous avons envoyé l'article que j'ai toujours prévu devoir exciter des troubles, non-feulement entre vous & nous , mais parmi vous-mêmes. Aufli étoit-rce comme un fecret, que nous R2  148 Etats qui reprêfentons tous les officiers de France, ( qui font réputés dans le tiers-état) entendions le préfenter au roi, fans en empêcher les autres ordres, pour ce qu'ainfi avez fait 1'honneur a cette compagnie de reconnoïtre qu'elle rend la juftice au nom du roi, c'eft a nous a veiller a ce que fon autorité foit confervée; & que par une dodrine nouvelle & étrangère, elle ne foit entamée pour les inconvéniens qui en font arrivés, & qui donnent trop de difpofitions a de nouveaux défaftres. La mort du roi ayant été précédée & fuivie de certains écrits, finon malicieux, au moins' fcandaleux, & trop défaftrueux a la France, puifqu'ils ont voulu par-la, rendre eet état fubalterne, temporeilement aux puiffances purement fpirituelles, plus par flatteries envers les faints pères, & contre leur gré, que par raifon pertinente, ni autorité canonique. De forte que les députés ordonnés par 1'affemblée générale de toute la ville de Paris, ramaffés en 1'hötel ordinaire, oü préfident les prévöt des marchands & échevins, oü étoient plus de trois cents perfonnes, tirées de toutes les comrnunautés eccléfiaftiques, compagnies fouveraines, & bourgeois de chacun quartier, après avoir été follicités & invités, tant par écritsapportés a 1'hötel-de-ville, par tout les corps, que dif-  sous Louis XIII. i4q cours de vive.voix; que le principal point des états, étoit d'avoir foin de 1'état & du maitre d'icelui. Cet article enfin en a été compofé, fans qu'aucunde la religion, P.,R.,en ait approché, ni qu'il en ait rien fu. Dans cet article, on n'a eu intention de mettre autre chofe, finon de garantir nos rois de ces furies infernales, en faifant détefter les parricides, condamnés par leglife ès conciles généraux; réveillés néanmoins par des écrits de religieux, qui s'amufent en leur- celiules, au lieu de prier Dieu pour les rois, & employee 1'auftérité & mortifications de leur régie, a mériter la bénédidtion de Dieu fur leur couronne ; de fonner le tocfin contre 'eur facrée perfonne ; & allumer le feu pöur embrafer leur état, fe rendant infolemment juges & arbitres de leur fceptre; les adjugeant a qui bon leur femble fans en être requis ni follicités ; & nous en envoient dans ce royaume les affiches & proclamations, qu'ils en compofent a leur aife, n'en reftant plus que l'adjudication, quand les fujets. ( comme ils difent) y feront diipofés, ce qu'ils font mine de laiffer au faint-père , qui n'y penfe pas. Auffi ne tenons nous pas que ce foit matière de foi; & fi c'en ét.,it, nous la tiendrions toute réfolue a notre avantage, fans qu'il fut loihble ". K3  iyo Etats a aucun d'en douter, puifque 1'églife univerfelle, en la perfonne de notre Sauveur, dont les papes font vicaires, chante tous les ans, en faveur des rois, pour les guérir de 1'appréhenfion hérodienne: Non eripii mortalïa, Qiü regna dat cucleflia. ■ Ces vers font de Sedulius, poète efpagnol. Quand bien cette propofition feroit problématique, comme vous affurez qu'elle eft en la fol, nous pouvons prendre tel parti qu'il nous plaira; ainfi que 1'églife, par labuüe du pape Sixte IVS a déclaré problématique la créance de 1'immaculée canception de la Vierge, que toute 1'églife gallicane a toujours tenue prévenue de grace; les théologiens dé Paris 1'enfeignent ainfi, & le font tenir pour réfolu en la foi, & jurer a tous leurs fuppöts, puifqu'il eft libre de rendre un honneur exubérant a cette Vierge , de laquelle nous avons tant recu, & efpérons encore du fecours; ne lui déférons-nous pas cet honneur, fuivant le confeil des pères de 1'églife, qui nous permet de croire d'elle ce qui lui eft le plus avantageux? De même, fi magna licet componere parvisx s'il eft problématique en la foi, de rendre cet honneur a nos rois, de les tenir indépofables de leur trone, pour quelque fujet que ce foit|  sous Louis XIII. iji ferons-nous, & vous & nous , fi ingrats de tant de biens, que vous confeffez hautement de leurs majeftés, & a titres plus gratuits que non pas nous, de tenir leur couronne flottante & tranfmifïïble, a la volonté du grand-vicaire, de celui qui a renoncé a cette prétention, voir méme de fe rendre arbitre entre deux frères qui plaidoient enfemble une fuccefïion paternelle, pour n'en avoir été établi juge ? Après cela je n'en veux pas faire le jugement; mais je vous fupplïerai, monfieur, de nous dire ce que vous-même vous en voudriez cróire & nous en voudriez enfeigner, comme notre pafteur : & vous dirai, a cet effet, ce qui fut dit au pape Marcellin , dont vous.avez parle, quand il fut accufé d'avoir (quoique forcé tyranniquement) encenféles idol es, jent ent iam tuam (imo & nojlram) in jinu tuo collige; prima Jedes non judicabitur d qua quam, alios judicatura. Je crois que vous (qui avez fuivi le feu roi, i'avez. rendu a 1'églife & 1'églife a lui) reconnoïtrez en avoir déja fait le jugement, quand vousmême avez pratiqué généreufement, comme. nous , ce que nous defirons être écrit, & r~econnu pour loi inviolable. Quant aux exemples allégués de 1'ancien teftament, des dépofitions de plufieurs rois, pas les grands-prêtres & pontifes, qui ont n ■ K 4  ^ya Etats paffe, ce femble, jufqu'a juger de leur vie* cela eft bien éloigné de notre thême, car tous ces exemples procèdent de la main toute-puiffante de Dieu, qui en conduifoit 1'ceuvre après les révélations fenfibles, apparentes & manifeftes des propbètes, qui parloient ordinairement a Dieu, qui y procédoit par une voie miraculeufe; chofe qui n'a point été promife en la loi évangélique, par voie ordinaire, attendu la miffion du Saint-Efpiit fur les apötres, qui leur a infpiré tout ce qui étoit néceffaire a 1'églife, pour le gouvernement des tidèles, qui ont feulement foumis a 1'églife leur ame, & non leur corps & leurs biens, finon la part qu'ils lui en ont voulu faire, dont vos bénéfices font remplis, avec de telles fanctions, que ce feroit crime, facrilége&anathême d'entreprendre d'y toucher. Mais ce qui n'y a point été foumis, ni peutctre mis, ex poft fado, direétement ou indireótement, non pas par les rois mêmes. Tant s'en faut que 1'églife ni les eccléfiaftiques fe puiffent accorder, pour ce que 1'état ayant recu 1'églife, mais bien les perfonnes qui font en 1'état, c'eft-a-dire, leurs ames, comme nous tenons la perfonne de notre roi très-chrétien, fujette pour le fpirituel au faint-père, puifqu'il eft chrétien; & en vain lui donneroit-on le titre de fils ainé de leglife, s'il n'étoit obéiffant a ft  sous Louis XIII. iSi mère, dont le pape eft le chef, & la bouche qui en prononce les oracles, puifque la bouche eft établie au chef & a la tête. Et non-feulement je tiens la perfonne de notre roi fujette au pape, ès chofes fpirituelles', mais auffi a M. 1'évêque de Paris, qui eft fon curé, fi lui-même & toute 1'églife gallicane ne lui avoit voulu rendre cet honneur, que de déférer cette fujétion a fa fainteté. Ainfi voyons-nous que faint Ambroife, ce grand archevêque de Milan, qui n'étoit point pape, ne laiffa pas d'excommunier 1'empereur Théodofe, qui fit pénitence & fe reconcilia a 1'eglife, &.fatisfit aujugement fpirituel de faint Ambroife. Mais de paffer outre a ce qui touche 1'ame, & donner dans 1'état, nous difons, fans entrer en difpute de la puiffance de fa fainteté, que vï paSi que nous avons avec le faint-fiége & & avec toute 1'églife, qu'il ne peut paffer plus , avant. Ainfi , que faint Pierre reprenant aigrement ceux qui après avoir fait conteoance extérieure, contre vérité, d'offrir tous leurs biens a Dieu, aux pieds des apötres , & en avoir la gloire, comme les vrais fidèles, avoient menti au Saint-Efprit, furent puni fur le champ, pour ce qu'il leur étoit libre d'en retenir ouvertement tout ce que bon leur fembloiu  ÏJ4 Etats Ainfi , nos rois n'ayant foumis k 1'églife ni a leur baptême, ni k leur facre, autre cho'f8 comme ,ls ne peuvent que leur perfonne & non leurs dignités, ni leur état: 1'églife ne peut entreprendre de juger in fioro Petri & Pauk, que fa perfonne, II ne s eft guère trouvé de papes qui aient écrit le contraire, finon un, qui a été dédit par fon fuccelTeur immédiat! Et ceux qui 1'ont voulu pratiquer, ont plutót remph 1'églife d'effroi, & toute la chrétienté de fcandale & de fang, que d'édification. Cela fe pourroit prouver par infinis exemples, qu'il eft plus k propos de taire, (pour le refpect que nous devons, comme enfans très-dévots & obéiffans, au faint-fiége apoftolique) que d'en rafraichir la mémoire. Et tant s'en faut que, hors le fujet ou prétexte de guerre, les papes aient eu cette intention, que nous fommes affurés du contraire, parune épïtredécrétale du pape Innocent III' au chapitre, per venerabïlem quifikifint legitimi, oü le pape Innocent, étant interpellé par Guillaume de Montpellier, de lui faire pareille grace qu'il avoit faite au roi Philippe-Augufte, en la légitimation de fes enfans, lui écrit la différence qu'il y a entre les deux ; que le roi ne connoït autre fupérieur, in fpiriniakbus, que le faint-fiége ; & qu'au temporel il ne con-  sous Louis XIII. i J5; noit perfonne, & n'en excepte un feul casj & que la le'gitimation qu'il a faite , a été, pour ce que le roi s'y eft voulu foumettre lui-même , & qu'il 1'auroit pu faire, finon comme père enters fes enfans. au moins comme roi envers fes fujets, & refufe la requête dudit Montpellier, qu'il renvoie a fon évêque, duquel il étoit vaffal & fujet, tant au temporel qu'au fpirituel. Mais cette compagnie n'avoit jamais cru que cette propofition nous dut porter au défordre &ala défolation que vous en repréfentez, qui ne peut être de nous, mais de ceux qui traverfent l'article j & fi cela avoit été prévu par vous , il étoit plus a propos d'entrer en quelque plus fecrète conférence, fans en faire tant de bruit & d'éclat, qui peut apprêter a mal parler, ou penfer des uns & des autres, encore en ce temps, ou nous fommes fort éloignés d'entrer en cette appréhenfion pour notre roi, qui a ce bonheur & cette bénédidion du ciel, d'être filleal de fa fainteté, qui lui a donné le nom de Louis, (canonifé entre nos rois , par la fainteté de celui qui fa porté le neuvième.) Se pourr'oit-il faire que le doublement père, comme vous avez remarqué , monfieur, oubliat le fils, & que le doublement fils manquat de refped & obéiffance filiale envers fon père,è$ chofes-oü fe doit ëntendre cette paternité fpU  Etats ritudle, relevée autant de la ;emporelle comme" le ciel eft de la terre : auffi notre intention n'a ete de toucher en forte quelconque a ce qui eft de la foi, ains feulement arrêter le cours de ces écrivains qui fcandalifent les rois & leurs offt% ciers, & nous obligent de dire d'eux ce qui fut reproché du temps de Tertulien , plus linguas & togas theologorumrempublicam lecdere, quam loricas. Lefquels quand ils ont e'té examinés par les officiers & principalement par les gens du roi, (qui doivent toujours être au guet pour cela; ils ont étéapportés a la lumière de la juftice, qui y prononce comme en chofe de police' pour ce que le maitre de 1'état politique y eft blefie, & les gens du roi ne peuvent être blamés de s'être attachés aux livres de ceux qui font vivans, & qui par profeffion expreffe ont voulu donner cours a cette doctrine que nous reprenons, & font excufables de ne s'être étendus jufqu'aux écrits de Gerfon, qui a pu dire quelque mot a travers champs en quelque prédications, ou en quelque pièce d'étude non publiée. Mais è peine pourra-t-on croire que Gerfon en ait parlé de Ia forte, prenant fes argumens pour foluti|ps, puiique fes actions publiques temo.gnées au concile de Gonftance , montrent  sous Louis' XIII. ij7 lc contraire; ayant foutenu & fait le décrety mentionné, qui a affuré la vie des rois contre la réfolution des affaffins ; fes écrits font imprimés depuis fa mort, de prés de deux cents ans , auxquels on a pu inférer ce qu'on a voulu, felon la paflion de ceux qui en ont procuré rimpreifion, & poffibje pour couvrir leurs mauvais deffeins, & fervir d'excufes a la liberté effrontée de leur plume. Mais cette compagnie, en laquelle rélïde le corps des officiers de la juftice du royaume pour défendre le pauvre peuple, ne peut être accufée d'un bon & falutaire avis, qu'elle entend donner au roi pour fa confervation & non pour une loi de religion , mais pour une loi de police & d'état que vous reconnoiflez vous-mêmes pouvoir être faite pour fa majefté. S'il y a quelques mots qui ne vous contentent, cela fe pouvoit réformer par une fecrète communication , ou bien en attendre la volonté du roi , quand le cahier lui auroit été préfenté. Notre intention n'a point été d'exempter le roi ni fes fujets de la jurifdiftion fpirituelle du faint-fiége; mais bien garantir 1'autorité royale de Ia dépofttion prétendue, de quoi l'on ne peut faire un problême en Ia terre du roi oü. nous refpirons fon air, beaucoup moins parnu fes officiers, qui tiendront a honneur d'avouer  ÏjS Etats hautement U négative de cette propofition el confcience & en état. Et fi ia nobiefTe eft venue en ce lieu pour faire avec vous profeffion du contraire, le roi.pourra donner cette louange au tiers-état, que fon autorité, ultimo, per vulgus vejligia fixit, & qu'il s'eft porté k cette réfolution , pour arrêter la fantaifie & la rage de ceux qui ont foutenu, qu'il foit licite tuer les rois & les dépofer, qui eft fon germain. Ce qui a tellement empoifonné aucuns efprits, qu'il s'eft trouvé encore des perfonnes fi pleines de manie en ce temps , qu'il eft quelquefois forti de leurs bouches des propos appréhens de telle réfolution , que la prudence de leurs majeftés a mieux aimé couvrir & cacher dans des prifons que de les expofer en public pour en faire le cMtiment. Et le mal eft que ces fècheux &importans écrits ont immédiatement fuivi Ie malheureux coup, qui a penfé caufer le défaftre univerfel de ce royaume, lefquels on renouvelle prefque tous les ans, comme s'en voulant fervir de contre-coup a notre malheur, infulter k notre misère,& drelfant des trophéesaux aflaffins couronnés par le feu, en réveiller d'autres. Nous favons bien que notre faint père , & vous tous, meffieurs , ne portez pas avec moins de peine & déplaifir que nous , tous ces funeftes accidens , puifque même les écrits d'aucuns ont  sous Louis XIII. ij-j? êté condamnés & par fa fainteté & par vousmêmes: auffi vous en rendons-nous adions de grace, & vous remercions de 1'offre que vous nous faites de renouveller Ie décret du concile de Conftance , en faveur de nos rois, & même faire un décret encore plus ample pöur la confervation de leur perfonne, avec anathême contre ceux qui attentèrent a dire le contraire. Nous y contribuerons auffi ce qui eft du notre, en la police diftinguée des régies de la religion & de 1'églife , dont Ie roi comme roi eft protedeur, & partant dépofitaire de la difcipline eccléfiaftique, étabüe par vous-mêmes , & avec lui, & pour lui fes juges & officiers. A cet effet, les compagnies fouveraines, toujours orthodoxes, font remplies de plufieurs eccléfiaftiques. Et quand il y a mélange de quelque fait qui attaché ie fpirituel & le temporel, les juges du roi en ont prétendu le jugement de la compétence, non par entreprife, mais par droit, par padion, par ftatuts & par etabliffement certain. Nous avons témoin de cela le fire de Joinville, au chapitre de la vie de faint Louis, oü il rapporte la réponfe qu'il fit aux prélats de France. L'évêque d'Auxerre portant la parole , êc demandant a fa majefté, que les excommuniés en fon royaume fuffent contrahits par grofles  i6& Etats peines de fatisfaire a 1'églife dans 1'an & jour; il leur dit-auffi-töt qu'il le vouloit bien, pourvu que fes officiers jugealfent de la caufe de 1'excommunication. Et, après avoir confulté enfemble, ie réfusèrent, & dirent, qu'ils ne pouvoient fouffrir qu'il eut connoiffance de la juftice eccléfiaftique ; & le roi leur répondit fur le champ , qu'il ne vouloit pas aufli, que de ce qui appartenoit a fa juftice ils en euffent aucune connoiffance; & leur en dit 1'exemple de fon coufin , le comte de Bretagne, qui avoit été excommunié 1'efpace de fept ans par fon évêque, dont il avoit été abfous par le p%pe. Et que fi leur demande eut été entérinée , le comte de Bretagne eüt'recu un grand grief. II réfulte de la , que nos rois, quelque pieux qu'ils aient été, n'ont rien foumis a 1'églife que leurs ames & non leur état, ni le temporel de leurs fujets, &partantque cela ne peut s'étendre plus avant, & n'eft en la puiffance des prélats d'en décider autrement. Et quand il s'entreprend autre chofe, cela produit nos appellations comme d'abus, contre qui que ce foit de 1'églife, dont vous-mcmes , meffieurs, vous vous êtes quelquefois fervis aux occurrences. Quant aux théologiens, foit de Paris ou d'ailleurs qui fe pourroient être autrefois oubliés, expofantpubliquémenten des thèfesl'a:ffirmative dt  s©tjs Louis XIII. 16*13 de cette propofition , dont nous foutenons la négative; ils ont été de tout temps redreffés & chatiés par les pariemens, en la forte que nous confeillons le roi, par notre article, de faire. Et ceux qui 1'auroient ainfi propofé en temps de trouble , poffible par crainte des uns & complaifance des autres , ( quoique la fincéxité & ingénuité doive en tout temps accompagner cette faculté) s'en étant depuis dédit, comme il eft toujours permis en cas d'erreur, (oü vous avez reconnu que les plus grands peuvent tomber) ils font plus excufables que ces nouveaux fcribes qui y perfiftent & renouvellent prefque annuellement ce fcandaleux an-i niverfaire de notre mort. Tant y a pour conclure, craignant de vous ennuyer & attiédir après ce grand travail, qu'il vous a plu embraffer a notre occafion dont nous ferons éternellement mémoratifs ; je vous affurerai que cette compagnie n'a point & n'aura jamais intention de bleffer 1'églife en la réfolution de cet article , duquel elle ne fe peut pas départir , & auffi peu de toucher au faint-fiége, ni entrer en difpute de la puiffance de notre faint-père le pape, qu'elle tient toute fouveraine, mais fpirituelle pour ce regard, & partant hors de notre connoiffance & jurifdiöion. Et fi fon autorité & 1'ebéiffance que nous Tome XFL * L  iö2 Etats reconnoiffons hautement, que tous chrétiens lui doivent au fpirituel, fans en excepter les fois, étoit perdue ou mife en doute, elle fe retrpuveroit entre nous auffi affermie qu'en pas un ordre ; car céans réfide le corps des officiers & des compagnies fouveraines toujours orthodöxes, & qui fortement ont contribué a la manutention de 1'églife comme nous ferons toujours. Mais nous nous garderons bien d'introduire ril fouffrir ce mélange & ce pêle-mêle de puiffance, fifflée par ceux qui ne tendent qu'a nous divifer pour de-la nous difïlper & enfin détruire Tun & 1'autre, comme nous n'avons que trop d'exemples, dopt les plaies faignent encore chez nos voihns. L'ihtention donc de cette compagnie a été de maintenir 1'indépendance de la couronne de nos rois, qui ne peut lui êtrearrachée de droit par aucune puiffance; que fa fainteté n'a point ce pouvoir; que 1'églife ne 1'a jamais prétendu ; que ceux qui écrivent le contraire foient chatiés comme criminels par les juges féculiers, n'entendant pas faire une loi eccléfiaftique de cette propofition, (comme n'en étant pas un fujet) mais une règle de poiice, qui óblige tous leS fujets de fa majefté de quelque qualité & profeffion qu'ils foient.  sous "Louis 3CI1L $63 S'il y a néanmoins quelques mots dans notre aïticle qui vous donnent fujet de foupcon, qu'aurions voulu entreprendre fur ce qui eft de la jurifdiétion de 1'églife, qui feule a la direc* tion des cenfures & de la doctrine eccléfiaftique. Nous déclarons, que les mots qui femblent toucher ce reproche n'ont point été mis pour nous atroger le pouvoir de notre propre autorité, de déclarer damnable ou contraire a Ia parole de Dieu, mais par relation feulement ainfi qu'un père inftruit fes enfans, & qui leur enfeigne ce- qu'il a appris a un fermon & qui le leur rapporte. II ne peut pas pour cela être accufé qu'il s'eft mis en la chaire du prédicateur, ni s'en être attribué 1'autorité pour ea faire le miniftère. Ainfi, en ce que nous déclarons damnable & contraire a la parole de Dieu, ce qui eft contraire a notre propofition; c'eft ce que nous proférons, ce que nous avons appris dans les décrets, les canons & les ftatuts que nous avons de vous-mêmes, & que nous tenons de 1'églife pour être par nous tenus & gardés. Quand les uns ou les autres y contreviennent, nous en abufons , & de-la viennent nos appellations comme d'abus, paree que c'eft abufer quand on contrevient a ce a quoi on s'eft foumis, Ce n'eft donc pas par entreprife ni par une puiffance préfumée nouvelle ge que nous i& L 2  164 Etats faifons , mais par obéiftance aux mêmes décretSy canons & conflitutions eccléfiaftiques. Ef par puiffance exécutiye d'iceux & non ordonnatrice, nous contraignons d'obferver ce qui a été établi par vous-mêmes entre vous & nous. Notre article n'eft donc qu'une répétition dé cela même, & étant bon, ( comme la compagnie eft réfolue le laiffer en fon cahier) quel inconve'nient de le dire? & s'il n'y en a point, quej dangtr de le jurer & afirmer pour nous tous ? & toutefoislafubftancede l'article demeurant,s'ily a, comme j'ai dit, quelques mots qui vous troublent, nous envoyant par écrit ce que vous defirez de nous , j'eftime que nous y pourrons nous accommoder, en n'altérant rien toutefois du fujet de l'article : & la compagnie fe forcera de vous rendre tout contentement avec la même obéiftance filiale qu'elle a témoigné dès le commencement de 1'afTemblée , laquelle elle joindra toujours au refpect, honneur & fervice qu'elle a fait & fait derechef profeffion de vous rendre. Mondit fieur le cardinal a repliqué & dit, que 1'intention du clergé n'a été d'accufer ni calomnier aucun de cette compagnie ni autres; s'eft étendu fur la doublé miffion ancienne, collatérale & fondamestale. Qu'en la religion chrétienne , il n'y a plus que la miffion ordinaire , qu'en 1'ancieq tefta^ent les dépofitions  sous Louis XIII. 16$ des rois ont été faites médiatement de Dieu, par le témoignage de fes prophètes. Les conclufions de théologie & de philofophie ne font fi certaines, que celles de mathématiques qui a fes raifons infaillibles , les autres fe tirent par infpirations, ratiocinations , ou raifons. Quefi l'article eft conclu,il faut craindre de tomber en héréfie , puifqu'en certains cas d'averfion du ferment dü a Dieu, il n'y peut être remédié que par la voie de 1'églife. Ceux qui ont concerté l'article font innocens, n'en ayant vraie connoiffance, & aucuns 1'ont ainfi fait paroïtre au clergé. II remercia enfuite M. le préfident & MM. du tiers-état en général, de 1'honneur qu'ils lui avoient fait, difant que fa croyance étoit, qu'ils ne voudroient avancer un fchifme, & répéter 1'horreur du ferment d'Angleterre; que 1'autorité du pape ne peut être bornée, comme l'on veut faire a prétent. Que s'il y a chofe femblable aux hiffoires eccléfiaftiques, il ne fe faut jeter a la traverfe, y ayant aucun de ces hiftoriens hért tiques : chacun n'entend pas auffi 1'hiftoire. Tertulüen n'y a été des plus favans ; Socrate , Nicéphore, Eusèbe & les autres, en la leclure defquels il faut apporter une grande difcuflion que M. le chancelier del'Höpital, combien qu'il fut grand L3  'i66 Etats homme d'état, n'a jamais fu Thiftoire de 1'églife $ que depuis trente ans qu'il s'appliquoit a 1'apprendre, il commencoit a en favoir quelque chofe; & que pour y ëntendre, il étoit de befoin d'y avoir travaillé toute fa vie, & s'y être du tout rendu confommé. Que ledit fieur de l'Höpital, en la harangue qu'il fait aux états, rapporte mal, & contre la vérité de 1'évêque Leontius, que la neige de fa barbe fondue , il y aura de la boue après. II faut manger la tortue du tout, ou n'en manger aucune chofe: ainfi faut-il du tout, s'adonner a la théologie, pour favoir, ou bien n'en faire aucune profeffion. II faut être confirmé ou ignorant. Et quant a notre article, que le clergé n'y foufcrira jamais, combien qu'en fon particulier il le tienne problématique , ainfi que le font les théologiens. Enfin ledit fieur Duperron conclut, que ce n'étoit au tiers-état d'interpréter, réfoudre & conclure en femblables matières les queftions douteufes quand elles fe préfentoient; que c'étoit a ceux du c'ergé, qui en font les juges, a les terminer. Et c'eft ledit fieur retiré avec fa Compagnie, ayant parlé deux heures entières & plus. Le lundi, cinquième jour dudit mois de janvier, Al. de Quaiz, gentilhomme du Dauphiné, député de la nobleffe, affifté de cinq  sous Louis XIII. 167 autres , arriva en notre chambre, qui fe plaignit de ce que MM. du parlement, chambre des comptes, & tréforiers de France , avoient e'té au louvre prier leurs majeftés pour le rétabliffement de la paulette, contre la furféance accordée par le roi a la poftulation des ordres; prioit la compagnie de fe joindre avec la nobleffe, pour aller vers le roi, afin de le fuppiier de ne prêter 1'oreille aux requêtes que lefdites pourroient lui faire fur ce fujet. M. le préfident lui dit, qu'il prioit MM. de la nobleffe de rappeller leur mémoire & fe reffouvenir de ce qui s'étoit paffé fur telle occafion en laquelle nous ne les avions pas affiftés, pour demander non-feulement la fuppreffion de la paulette; mais auffi de la vénalité des offices, rigueur des quarante jours ; fuppreffion ou réduftion des penfions, & remife de la taille, conjointement, & non féparément; au moyen de quoi prioit lesdits fieurs de la noblefie d'excufer la compagnie fi elle ne fe joignoit pour ce feul regard ; que néanmoins il remettroit leur propofition en * délibération , pour voir fi la compagnie auroit changé d'opinion; & il fut avifé ala pluraüté, qu'on ne s'y joindroit pas, & qu'on leur feroit favoir. Peu de temps après arriva M. Dinet, évéqué L 4  3 6"S E t a; t 4 de Macon, vêtu de couleur de minime, qui dit a la compagnie: Meffieurs , les do&eurs ont tenu de tout temps, que 1'églife étoit repréfentée par le ciel & le ciel par 1'églife. Je ne dirai pas a préfent les circonftances particulières qui font fymbolifer l'une & 1'autre. Hugues de Saint-Victor, étant de cette opinion, en fait le difcours fort ample & étendu. L'on remarque au ciel, le foleil & la lune entre tous les aatres corps céleftes. Et au Gènefe il eft expreffément dit, que Dieu créant toutes les chofes , fecit duo luminaria magna; le foleil comme le plus excellent, pour être le flambeau du jour , & la lune pour être «lui de la nuit. Ces deux luminaires fignifient ces deux grandes puiffances, qui cpmniandent a 1'univers; favoir: eft la fpirituelle & la temporelle, lefquelles font telleraent unies & jointes enfemblement, qu'il faut, par une néceffité, que l'une maintienne 1'autre, comme la temporelle doit relever de la fpirituelle. Ces deux luminaires ont fi bonne intelligence, qu'ils ne fe féparent jamais qu'avec une grande concuffion & confufion des états , d'autant qu'ils fortent d'une même fource, & tendent & même  sous Louis XIII. 16$ fin, qui eft de contenir les hommes en leur devoir, & les remettre dans les bornes de la raifon. Et afin, que chacun reconnoifie cette autorité fpirituelle, procéder de Dieu, & que perfonne ne fe 1'ufurpe, que ceux a qui fpécialement elle a été donnée : en la tradition qui en a été faite a fes apötres & leurs fuccelfeurs, il y a apporté des paroles pleines de grandeur & de vénération tout enfemble; & enfuite il a fait refplendir fur les fiens, les rayons de fon SaintEfprit, voulant que le ciel & la terre fufient témoins de cette aétion, & jetaffent de la frayeur & de 1'épouvante a ceux qui ne la pouvoient comprendre. Ses feuls difciples en ont été capables & leurs fuccelfeurs, & non point les rois de la terre, auxquels il a donné Ia temporalité fous le joug de la fpiritualité ; & de fait les rabbins rapportent que les grands-prêtres & anciens rois étoient oints en forme de croix, & les rois en forme de cercle, repréfentant la Trinité ; pour fignifier que, les grands-prêtres & les rois, devoient être diverfement animés en une même aétion , & qu'il n'appartient point aux rois de toucher les points de la religion ; qu'il repréfentoit nuement ce point, U conjuroit cet ordre,  *7ö Etats par les entrallles de la miféricorde de Jéfus. Chrift, d'apporter une union a concilier ces deux puiffances, de telle facon que la temporalite' dépend de la fpiritualité , comme la lune a befoin de 1'influence du foleil. Nous avons fu, ajóuta-t-it, la propofition faite en la chambre du tiers-état; & avons lu Tarticle concernant la confervation de la perfonne de nos rois; c'eft pourquoi nous louons le zèle de votre compagnie, comme en ayant été les promoteurs. Mais nous vous f .pplions de confidérer, d'autant que nous y trouvons a xedire,que penfant établir une colonne de cet état, vous ne veniez a abattre 1'autre. C'eft pourquoi il ne faut pas tant s'attacher a cet article, qu'on n'ait a le modifier; autrement cette propofition feroit contraire a la déclaration que fa majefté entend faire a fa fainteté par fon ambaffadeur, auquel il a fait tenir fon bref, pour lui préfenter que, fi vous le voulez modifier, MM. du clergé vous envoient un article, fur lequel vous pouvez vous conformer : car autrement cette affaire embarqueroit 1'état en confufion, fchifme & divifion , & peut-être en guerre; ce qu'il faut éviter, pour maintenir le repos de ce royaume. Ledit fieur évêque dit enfuite, que le parlement avoit donné un arrêt fur quelques points  sous Louis XIII. 171 de l'article, duquel les députés du clergé defiroient fe plaindre au roi} demandoient 1'adjondion du tiers-ordre, attendu qu'il y alloit de la dignité des états. Ce fait, ledit fieur évêque préfenta a M. Miron l'article, lequel après les complimens ordinaires lui fit réponfe : Qu'a 1'égard de la comparaifon du foleil & de la lune qu'il avoit adaptée a la jurifdidion temporede & fpirituelle, elle ne pouvoit avoir lieu ni être bien recue en ce royaume , auquel il n'y avoit aucune puiflance qui donnat clarté & lumière a celle du roi. Pour le regard du fecond point, il dit qu'il ne leur étoit apparu jufqu'a préfent, que la cour eut fait aucune entreprife contre 1'autorité des états, &z qu'il ne croyoit pas que , pour la tenue d'iceux, les cours fouveraines fuifent fufpendues. Qu'il mettroit néanmoins en délibération fa propofition, & feroit faire ledure de l'article qu'il avoit apporté. Et ainfi ledit fieur de Macon s'en alla. Et a l'inftant, M. le lieutenant-civil prit ledit article, & en fit ledure, dont voici les mots : Les déteftables parricides commis ès perfonnes de nos rois, ont fait connoitre par expérience, au malheur de la France, que les loix 84 les peines temporelles n'étoient pas fufijfantes  M Etats pour en découvrir les djmnables auteurs, qui, induits & féduits par les artifices du diable, ont préfumé, en commettant telles abominations, d'éviter les peines temporelles. C'eft pourquoi les prélats de votre royaume, auxquels Dieu a commis le foin & la conduite des ames & des confciences de votre peuple, defirant, comme bons pafteurs & comme bons & fidèles fujets de votre majefté, pourvoir a la füreté de votre perfonne, & au repos de votre état, ont eftimé être de leur devoir & autorité paftorale, pour arracher & détourner cette abominable fureur de rebellion, du cceur & de Ia penfée de tous ceux qui ne veulent obéir a la voix du SaintEfprit, prononcée par 1'oracle infaillible de 1'églife univerferlle, & éviter la damnation éternelle préparée a ceux qui y contreviennent, de renouveller & faire publier Ie décret de la feftion quinzième du concile de Conftance tenu il y a deux cents ans, par lequel font déclarés abominables, hérétiques, & condamnés aux peines éternelles ceux qui, fous quelque prétexte que ce foit, tiennent qu'il eft permis d'attenter a la perfonne facrée des 'rois & même des tyrans. Laquelle publication de 1'autorité de 1'églife , lefdits prélats fupplient très-humblement votre majefté d'avoir pour agréable, comme étant pour l'inftructdon de vos peuples. Seul remede  sous Louis XIII. 175 'propre a lier & obliger les confciences, & les éloigner de toutes telles exécrables imaginations. En outre, fupplient votre majefté d'écrire: ou de faire ëntendre par fon ambaffadeur, a notre très-faint père le pape, la publication & renouvellement dudit faint décret; fuppliant fa fainteté de vouloir, de fon autorité apoftolique, faire une déclaration d'approuver ledit faint décret, comme fes prédécefTeurs ont fait; offrant lefdits prélats d'y ajouter leurs trés-*, humbles fupplications fi befoin eft. Cet article ne eontenta perfonne , paree qu'il n'étoit aucunement explicatif de 1'intention de notre compagnie : voila pourquoi elle ne réfolut rien pourl'heure, & nefut-on d'avis d'aflifter MM. du clergé contre la cour de parrlement, laquelle, fuivant 1'avis unanime de toute la compagnie , n'entreprenoit & n'avoit entrepris fur les états, touchant l'article du tiersétat, & qu'il n'étoit a propos de faire aucune jonótion pour ce regard, avec MM. du clergé, & qu'on leur feroit favoir. En 1'après-diner dudit jour, vinrent en notre chambre le fieur des Belonnières & le fieur de la Brunetière, commiffaire des guerres, qui remontrèrent plufieurs abus qui fe commettoient au fait de la gendarmerie, paree que les gendarmes vivoient a difcrétion , & beaucoup  i?4 Etats d'autres chofes, qu'ils remontrèrent fur ce fujet, qui fut caufe que M. Ie préfident les pria de donner par écrit les moyens & remèdes convenables pour retrancher ces abus. A Tinftant, 1'un des députés de Champagne revint de la chambre du clergé, qui dit avoir expofé 1'intention de Ia compagnie, & n'avoir eu autre réponfe, finon que lefdits fieurs du clergé avoient déja pris heure avec la nobleffe, pour aller au louvre, au moyen de quoi, ils n'avoient loifïr de délibérer de nouveau fur notre réponfe. Comme auffi retourna le fieurFoucault, préfident de Bourges, député de Berri, qui dit avoir femblablement été vers meffieurs de la nobleffe; laquelle auroit fait réponfe, qu'elle eut bien defiré que nous ne füffions défunis, vu qu'il n'étoit queftion que de demander continuation de la furféance de la paulette. Ce fait, on continua Ia leóture du cahier. Le mercredi , feptième dudit mois, M. le préfident rapporta a la compagnie avoir été au louvre , oü M. le chancelier lui auroit dit que le roi ne defiroit plus qu'on parlat, en facon quelconque, aux états de l'article dont ci-devant' eft fait mention, & lui auroit donné I'arrêt du confeil, pour en faire leóture. Que fa majefté fauroit bon gré & remercieroit le tiers-état dc se qu'il avoit fait, & de fa bonne volonté*,  sous Louis XIII. 1751 1'affurant qu'il fauroit bien conferver fon état; & enfuite, le fieur ClapilTon fit la leéture dudit arrêt, duquel voici la teneur : Extrait des regiflres du confeil d'état. « Leroi, ayant entendu les différends furvenus en 1'affemblée des trois ordres de fon royaume , convoqués, a préfent, par fon commandement, en cette ville de Paris, fur un article propofé en la chambre du tiers-état, & la délibération intervenue en la cour de parlement fur même fujet, le fecond du préfent mois, oui les remontrances des députés du clergé & de la nobleffe de fa majefté, féante en fon confeil, affifté de la reine fa mère, princes du fang & autres princes, ducs, pairs, officiers de la couronne , & autres de fon confeil, pour bonnes & grandes confidérations, a évoqué & évoque, a fa propre perfonne, lefdits différends, a furfis & furfoit Texécution de tous arrêts & délibérations fur ce intervenues. Fait expreffes inhibitions & défenfes auxdits états, d'entrer en aucune nouvelle délibération fur ladite matière; & a ladite cour, d'en prendre aucune jurifdi&iort & connoiffance, ni paffer outre en la fignature & publication de ce qui aété délibéré en icelle, ledit jour deuxième du préfent mois. Fait au confeil d'état, teiru a Paris, le fizjèrne janvier l6lJ. Signé, Dfi LOMÉjtfU*, n  «76° Etats Enfuite de la leéture dudit arrêt, M. le préfident dit qu'il avoit été eommandé d'aller au louvre, a onze heures, & qu'il étoit a propos qu'un dechaquegouvernement 1'affiftat. Et pour cet effet, on fit la députation, & Ia compagnie fut fort aife d'être déchargée du vaearme, que ledit article eut infailliblement excité, fi ces contrats euffent pris plus longue fuite. Et comme on vouloit continuer la lecture du cahier, le fieur lieutenant-général de Tholoze fit une propofition pour accourcir la longueur du temps qui s'employoit en la compilation dudit cahier, qui étoit de députer douze de 1'affemblée pour compiler ce qui avoit déja été réfolu, & Ie mettre en bons termes & en bon ordre : douze autres pour travailler au chapitre de 1'églife: douze autres au chapitre de 1'univerfité & de la nobleffe : douze autres h. la juftice , & douze autres aux finances, qui réfoudroient tous les articles, & ceux dont ils ne pourroient demeurer d'accord , ils les rapporteroient a 1'affemblée. II prétendoit par ce moyen d'exécuter plus d'affaires en un jour qu'en douze. Cette propofition mife en délibération, elle fut trouvée bcnne; & néanmoins, afin d'effayer fi elle auroit quelque heureux^effet, on fit feulement députation de douze pour travailler au chapitre de 1'églife, L-'après-dmée  sous Louis XIII. 177 L'après-dïnée dudit jour, M. le préfident rapporta qu'il avoit été au louvre avec fes codéputés, & que le roi lui avoit dit, en ces mots : « Qu'il remercioit le tiers - état de la bonne volonté qu'il avoit témoignée a la confervation de fa perfonne, laquelle, néanmoins, il fauroit bien conferver, moyennant 1'affiftance de Dieu; & qu'il nous prioit de travailler continuellement a nos cahiers; & qu'il entendoit que dans le vingt-cinquième du mois, ils fuffent parachevés.» Qu'il avoit fait réponfe a fa majefté. Que les fréquentes Communications que les chambres avoient entr'elles, prolongeoient le cours des états, & empêchoient qu'on n'en vït la Én. Que le roi lui avoit dit que nous n'en aurions plus, & que nous travaillaffions inceffamment. II fut réfolu, ce même jour, dedans la chambre du tiers-état, è la pluralité des gouvernemens, que les pairies reffortiroient déformais par appel pardevant les préfidiaux, au premier & fecond chef, fauf pour ce qui concerne le domaine des pairs , qui reffortiroit toujours au parlement. A cet article, s'oppofa M. ie duc de Nivernois, par le miniftère du fieur Salonnier, maïtre des comptes, & procureur-général des eaux & forêts deNivernois, hommede grand mérite, & lequel s'étoit acquis les bonnes graces de M. le duc Tome XFL f M  1178 Etats 'de Nivernois, par les longs & irnportans fervïces" qu'il lui avoit rendus, qui demanda acte de 1'oppolition que ledit feigneur formoit. Le fieur Gafcoing fe leva, qui dit : que cette oppofition étoit particuliere, & fe formoit feulement a caufe du préfidial dudit lieu; mais que l'article étant général, c'étoit aux états de le pafier, fans avoir égard a foppofition dudit feigneur. Que la chambre n'avoit accoutumé d'octroyer acte des oppofitions qui étoient formées par des particuliers. II fut conclu & arrêté, a la pluralité des gouvernemens, qu'on ne délivreroit aucun aéte audit feigneur, non - feulement de fon oppofition, mais d'une fimple proteftation. Le jeudi, huitième dudit mois de janvier, 3VÏ. Duparc, député deMontfort, avec fix autres gentilshommes, vint en notre chambre, lequel après avoir remontré nombre d'incommodités, dans lefquelles la noblefie fouffriroit beaucoup de dommages & de préjudice, par le moyen delafaifiede leurs terres, lefquelles,bien fouvent par la malice des créanciers & oppofans, étoient longuement tenues en criées, fans que les faifies puffent jouir d'icelles , tellement que les frais de juftice mangeoient la plupart defdites terres faifies; & il fe trouvoit encore un autre abus, au regard des receveurs des confignations, qui reeevoient le plus fouvent le prix des adjudica-  SOUS LoUtS XIII. xyg fions en papiers; au moyen de quoi les créanciers h'étant fatisfaits , les intéréts confommoient toujours les débiteurs. Repréfentoit, de plus, la grande foule que la nobleffe fupportoit, en ce qu'ayant affaire d'argent, ils étoient contraints d'en prendre par les mains de certains notaires courratiers , qui prenöient de grands droits , & plufieurs autres incommodités pour auxquelles öbvier, leur chambre avoit trouvé expédienfc d'établir tin bureau en chaque bailliage, qül s'appelleroit le mont-de-piété, oü il y auroit des< deniers pour prêter a intérêt a ceux qui en auroient befoin, fur des gages que ceux quï auroient affaire d'argent donneroient , ainfi qu'il fe pratiquoit ert Italië, Efpagne, Flandre , & en plufieurs autres Jieux; qu'il y. avoit des perfonnes qui vouloient entreprendre d'établir lefdits bureaux, auxquels ils avoient donné des commiffaires,qui avoient trouvé cette inventiori très-bonne, & qu'ils avoient été députés, poüt nous faire ëntendre ce qui en étoit, & 'mis uri mémoire k cet effet entre les mains de M. notre" préfident; lequel louant meffieurs de la nöbleffs du foin qu'ils avoient a embraffer les bonnes inventions, qui tendoient au bien du public 9 lui promit d'en faire délibérer. Le vendredi, neuvième dudit mois, M. 1@ lieutenant, 1'un des douze députés, par la edin- M a  iSo Etats pagnie, pour travailler au chapitre de 1'églife & des hópitaux, remontra que leur charge feroit totalement infrudueufe & inutile, fi on ne leur donnoit plein pouvoir de réfoudre entièrement les articles des chapitres pour lefquels ils étoient commis, d'autant qu'il y en avoit aucuns de contraires, d'autres aflèz femblables ; autres qui étoient divers ou concus en divers termes; les uns , bons en un chapitre ; les autres , plus convenables a un autre. De forte qu'il falloit, foit pour la difpofition, foit pour la réfolution' qu'ils euffent un pouvoir de conclure entièrement tous lefdits articles, (finon au cas qu'il fe trouvat trois voix de douze qui defiraffent 1'avis de la compagnie; auquel cas il accordoit avec fes députés de les rapporter a 1'affemblée. Cette propofition mife en délibération , il fut donné tout pouvoir auxdits députés, a la pluralité des gouvernemens, pour le fait de leur commiffion, qui ne confiftoit feulement en la confeétion & rédacfion des chapitres de 1'églife & des hópitaux , a la charge de remettre a réfoudre, par la compagnie, les articles defquels trois voix de douze auroient réclamé a l'aflémblée. Le famedi, dixième dudit mois de janvier, ledit fieur lieutenant civil rapporta , que fes co-députés & lui, avoient entièrement exécuté  sous Louis XIII. i8f leur commiffion, ayant paffe'& arrêté' beaucoup d'articles, rayé aucuns, & d'autres qu'ils avoient remis a la compagnie pour en délibérer, qu'il reftoit feulement de polir lefdits articles & les rédiger, & mettre en ordre ce qu'ils efpéroient de faire le lendemain. A cela, perfonne ne trouva rien a redire , finon pour ce qui concernoit la radiation defdits articles; difant quelle ne fe pouvoit faire que par toute la compagnie. II fut néanmoins avifé que ce qui avoit été rayé demeureroit. Après, on avifa d'exécuter la députation ci-devant faite, de la perfonne de M. Marmieffë, pour aller, vers le roi, fupplier fa majefté de faire remife d'un quart de la taille ; pour cet effet, que lui & fes députés fe tranfporteroient chez M. le chancelier pour leur faire avoir audience. Et enfuite, M. le préfident remontra qu'il falloit délibérer fur les propofitions de meffieurs de la nobleffe, apportées jeudi dernier par le fieur Duparc, touchant le mont-de-piété, dont il avoit parlé. Sur quoi il fut délibéré & réfolu que les articles qu'il avoit apportés en notre chambre , feroient examinés par douze de la compagnie , & rapportés en icelle pour en délibérer; & ce fait, rendre réponfe auxdits fieurs de la nobleffe,  l%2 E T *. T S S'enfult la teneur defdits articles, que le fieur de la Pointe baille a meffieurs de la nobleffe, pour éteindre les ufures & retrancher les chicaneries & malices qui fe comroettent a la garde & délivrance des deniers faifis , dépofés & confignés, I. Qu'il fera établi, en chacune bonne ville des bailliages & fénéchauffées de ce royaume, oü befoin fera, un bureau oü on prêtera fur toutes fortes de gages, au denier feize, fuivant 1'ordonnance, jufqu'aux deux titres de la valeur d'iceux pour une année , fans que l'on puiffe s'excufer de ne prêter faute de fonds, ni pouvoir prendre autre intérêt ni récompenfe. I L Ceux qui apporteront les gages, feront eertifier qu'ils ne font point durables, & éliront domicile pour affurance, leur fera baillé un billet contenant lefdits gages, 1'argent baillé fur iceux, rélection de domicile, la certiöcation qu'ils ne font point dérobe's, la prifée d'iceux èc le jour qu'üs auront été apportés, comme auffi un pareil billet fera attaché auxdits gages. Et avenant qu'ils ne fuffent retirés 1'année expirée , 3a vente s'en fignifiera audit domicile, par trois divers jours, de quinzaine en quinzaine, pour  sous Louis XIII. iS| être vendus ès jours de marché, ès places publiques, au plus offrant & dernier enchériffeur; & le furplus, le principal & intéréts déduits, fera rendu aux porteurs defdites villes, fans prétendre de part ni d'autres, intéréts, ni frais, ni que lefdits bureaux fe puiflént prévaloir d'aucune prefcription de temps. I I I. En baillant 1'intérêt pour le paffe, 1'année échue, l'on furfoira ladite vente pour une autre année Sc fans frais. IV. L'on gardera lefdits bureaux 1'argent que Ton y voudra mettre en dépot, pour le reprendre en une ou plufieurs fois, pour affurance duquel Ton baillera un billet, fans pour ce prétendre intéréts , frais ni récompenfe de part oud'autre. V. II y aura èfdits bureaux des chambres & eoffres bien fermés & affurés , pour mettre & affurer tous les deniers & gages, VI. Auront lefdits bureaux correfpondances les uns aux autres, pour faire tenir 1'argent que Ton voudra de ville en ville, foit en deniers comptans i que fur gages audit intérêt feulement, au M4  IS4 E T A T S prorata du temps qu'ils demeureront èfdits bureaux. VII. II y aura des maïtres prifeurs auxdits bureaux pour prifer lefdits gages , qui répondront de leur prifée: & pourront les particuliers faire prifée i leurs frais de leurs gages par autres maïtres refféans & folvables qui répondront auffi de leur prifée. VIII. Seront èfdits bureaux entretenus des hommes pour tenir nets & vifiter les gages fujets a fe gater, & fans frais ni récompenfe. IX. II y aura auxdits bureaux un caiffier qui tiendra trois livres qui feront conformes 1'un a f autre, & auxdits billets, dans 1'un defquels feront écrits les gages & 1'argent baillé fur iceux. Au fecond, le rachat ou dégagement, & en 1'autre la vente defdits gages, lefquels livres fe communiqueront aux porteurs defdits billets, quand ils voudront & fans frais. X. II y aura un adminiftrateur en chacun bureau, qui aura un commis pour employer les deniers & recevoir les gages ; duquel & des autres affaires dudit bureau, ledit adminiftra-  sous Louis xiii. ïSj teur fera refponfable , baillera bonne & fuffifante caution certifiée par homme refféant & folvable, & fous fon nom fe feront tous acres , contrats, pourfuites , exploits & contraintes, qui aura une clef defdites chambres & coffres oü feront lefdits deniers & gages, & les officiers des villes, 1'autre. Et ne pourra ledit adminiftrateur prendre aucuns deniers que pour autant qu'il remettra de gages, finon au commencement dudit etabliffement, qu'il en prendra ce qui fera jugé néceffaire par la délibération defdits officiers avec lui, & auxquels il baillera chacun mois un état de la recette & emploi des deniers & gages que lui & fon commis auront faite , qui fera fans déguifement ni obmiffion a peine de privation. de leurs charges. xi. Defquels officiers de cette ville un d'eux fera tenu fe trouver chacun jour èfdits bureaux s pour ouvrir lefdites chambres & coffres, pour y prendre ou mettre lefdits deniers & gages. XII. Et pour 1'entretenement & exécution de ce que deffus fera ordonné, que tous deniers faifis, qui font & viendront par ci-après ès mains des receveurs des rentes, receveurs des configna»  *86" E T A ï s tions, greffiers, dépofïtaires & autres, feront délivrés audit adminiftrateur, pour les mettre èfdites chambres & coffres, & être employe's auxdits prêts, & a ce faire de bailler un état au vrai defdits deniers, & de communiquer leurs livres. Seront lefdits receveurs & greffiers, dépofïtaires contraints comme pour les deniers royaux, & en tousdépens, dommages & intéréts , comme auffi toutes faifies defdits deniers, confignations & dépots, feront nulles fi elles ne font montrées au commis a la recette defdits deniers èfdits bureaux & de lui paraphées, fans que pour ce les huiffiers & fergens puiffent prétendre plus grands falaires. XIII. Et avenant que lefdites faifies, dépots & confignations fuffent en des lieux éloignés defdits bureaux,feront tenus lefdits receveurs, greffiers & dépofïtaires , le dénoncer & faire favoir au bureau le plus proche ,par la voix des meffagers ordinaires, dans un mois après, aux frais dudit bureau , lefquelles faifies & dépots de deniers , autres que celles qui feront faites ès mains defdits receveurs des rentes, confignations & greffiers feront mifes a la volonté des faifies & propriétaires auxdits bureaux, pour y profiter fans les y pouvoir contraindre.  sous Loüis XIII. 187 XIV. Retiendront lefdits receveurs des confignations, le droit a eux attribué par 1'ordonnance. XV. Sera pris par les adminiftrateurs, 1'intérêt qui proviendra defdits prêts , a la charge d'entretenir tous les officiers & les frais qu'il conviendra faire èfdits bureaux , & feront tenus Sc obligés de payer Sc faire de profit chacun an, quatre pour cent des deniers qui entreront èfdits bureaux aux propriétaires d'iceux, a quoi faire & derendre leur principal a ceux qui en auront main - levée, feront lefdits adminiftrateurs contraints comme pour deniers royanx, & rapporteront quittance des droits de confignations 3 qui il appartiendra.' XVI. Tous lefdits adminiftrateurs feront tenus d'envoyer chacun mois a "'adminiftrateur, de Paris , 1'état des deniers & gages qui feront entrés en leurs bureaux ,8c a la fin de 1'année un général, fur lequel en fera fait un autre par ledit adminiftrateur, qu'il remettra ès chambres des comptes , & maifon de ville de Paris. Comme auffi feront pareillement les autres adminiftrateurs des lieux , oü i! y aura chambre des comptes.  *88 Etats XVII. Et pour ce que lefdits bureaux rendront mutiles les charges des receveurs des confignations, fa majefté les pourra fupprimer par mort, & prendre leur droit, qui lui demeurera en domaine. XVIII. Et pour ce qu'il eft raifonnable que ledit de la Pointe foit récompenfé de fon travail & temps, il lui fera accordé, & a fes affociés & ayant caufe , Ie bureau & adminiftration de Paris , & le pouvoir d'en établir en toutes les villes, fans qu'autres qu'eux les puiffent établir. XIX. Enfuite de la propofition ci-deffus , il en fut fait nne autre par M. de 1'Aubepin , tréforiergénéral de France a Moulins , qui remontra , qu'encore que tous nos cahiers portaffent la fuppreffion de la paulette & de la vénalité des offices , il fe trouvoit néanmoins des perfonnes (entre lefquels il y en avoit de députés en a compagnie) qui avo'ent fait offrir au roi quinze cents mille livres de fes parties cafuelles, en fupprimant & révoquanttout le droit annuel, & partant que ces offres étant directement contrairesa nos demandes & propofitions, il falloit fupplier le roi de les rejeter, étant contre la liberté des états.  sous Louis XIII. 189 Paree que cette propofition n'étoit bien avé- 1 rée & certaine , on délibéra que M. le préfident iroit trouver M. le chancelier, pour le prier de ne recevoir aucunes ofites qui fuffent contraires a nos cahiers & a la liberté des états. II fera ici remarqué, que I'arrêt du confeil ci-deffus tranferit, portant évocation de l'article concernant la vie du roi, mit en cervelle MM. de 1'églife & les fit opiniatrer a fe jeter a des extrémités méféantes & peu convenables a leur profeflion, qui aigrirent les volontés & affeélions des plus grands de la cour. Car ils députèrent vers le roi M. 1'évêque d'Angers avec quelqu'autres prélats & capitulans entre lefquels s'y trouvèrent aufli MM. les cardinaux du Perron & de Sourdis, auquel fieur évêque d'An-* gers portant la parole , remontra: Que pour la queftion qui fe traitoit entre lë. clergé & le tiers-état, il y avoit eu délibération du parlement qui avoit tranchéle différent, quoiqu'il dépendït d'un point de religion qui ne pouvoit être terminé & décidé par autres que par les eccléfiaftiques. Et que pour cette radon le clergé récufoit tous ceux de la religion P. R. A quoi M. de Bouillon répondit, qu'il jugeoit bien que cette parole s'adreiïbit alui, reconnut avoir affifté au confeil de fa majefté, oü il avoit  Yp6 Etats dit fon opinion fur ee qu'il eftimoit touchant la fouveraineté & temporalité du roi, & non du point de religion duquel il ne voudroit pour rien du monde opiner, étant de profeffion contraire a celle dudit fieur évêque. Cette réponfe fut relevée par M* le cardinal de Sourdis, qui eft,que c'étoit fagement parlé a lui ; mais qu'on lui foutenoit, que ce qui avoit été décidé & en parlement & au confeil , étoit un point de religion. M. le cardinal du Perron prenant la parole , dit, que c'étoit vraiment un point de dodrine fur lequel il avoit dit ces jours paffes que la puiffance du pape étoit pleine, pléniffime,& direde au fpirituel & indirede au temporel. "Que ceux qui voudroient foutenir le contraire , étoient fchifmatiques & hérétiques, même ceux du parlement, qui avoient fucé le lait de tous. Que fi le roi ne caffoit promptement I'arrêt du parlement, & ne faifoit tirer les conclufions des gens du roi hors du regiftre , il avoit charge du clergé de dire qu'ils fortiroient des états ; & qu'étant ici comme en concile national, ils excommunieroient tous ceux qui feroient d'opinion contraire a la propofition affirmative, qui eft, que le pape peut dépofer le roi. Quand le roi ne voudroit pas fouffrir qu'ils procédaffent par cenfures eccléfiaftiques, ils le  sous Louis XIII. 'f91! feroient, duffent-ils fouffrir le martyre. Déclarent, au furplus, que pour le regard de cette queftion, ils récufoient M. le prince. « A quoi le roi dit, qu'enfin ils le recuferoient lui même. » M. le prince, parlant a M. le cardinal de Sourdis, lui dit: Vous avcir la tête bien légere. Ledit fieur cardinal lui fit réponfe: Je n'iraipas chercher du plomb dans la votre. Sur quoi un député de la nobleffe dit tout haut audit fieur cardinal: Quil ne feroit pas avoué de la récufation quil avoit faite. Et M. le prince lui dit: Que dites-vous d cela , voye^ comme vous êtes déjavoué; fi je faifois mon devoir , je vous apprendrois d parler fi indifcrètement d une perfonne de ma qualité. Tout ce difcours s'eft publié dans Paris; de forte qu'il eft tenu pour vrai, & m'a été donné par le fecrétaire de la chambre du tiers-état. Le lundi,; 12 dudit mois, M. le lieutenant civil rapporta a la compagnie, que lifant dans les cahiers avec fes co-députés , il avoit trouvé plufieurs articles qui parloient des jéfuites en diverfes facons : les uns les nommoient jéfuites; les autres, prétres écoliers du collége de Clermont; demandoient donc de quel nom ils les baptiferoient en poliffant le cahier. II y eut alors quelque conteftation entre ceux qui les  102 Etats aimcient & ceux qui les haiiïbient; mais il fuC enfin réfolu qu'on les nommeroit, les pères de la compagnie de Jéfus. L'après dinée, les chandeliers de la ville de Paris fe plaignant des exaótions de Moiffet, qui leur empechoit de Vendre le fel en détail, comme ils avoient accoutumé ; les commis dudit Moiffet vinrent pour foutenir fon droit, mais enfin la compagnie leur donna des commifiaires; favoir : le fieur lieutenant-général de Limoges; le fieur lieutenant-général de Saint-P.erre-leMoutier;le fieur Defner, échevin de Paris & moi. Le vendredi feizième dudit janvier, M. le préfident rapporta avoir eu commandement d'aller trouver le roi, & dit qu'il étoit a propos qu'il fut affifté d'aucuns de la compagnie; on lui en donna onze pour 1'accompagner. II rapporta 1'après-dinée dudit jour ; avoir été trouver le roi avec lefdits fieurs, qui lui commanda de lui porter Varticle touchant la conjervation de fa perfonne. On miten délibération fi on le devoit öter du cahier pour lui porter, ou bien fi on devoit lui en porter copie , au-deffus de laquelle feroit mis : extrait d'un article, paffé & réfolu en la chambre du tiers-état. Sur quoi fut avifé, qu'il en feroit envoyé copie, extraite des regiftres de la chambre du tiers-état; pour cet effet que M, le préfident lui porteroit, affifté des  sous Louis X ï ï I. ip5 des mêmes députés qui y avoient déja été avec lui. Le famedi dix-feptième, M. de Briffac, marécha! de France, vint en la chambre de lapdrtdü roi, qui nous uit, que le roi entendoit que nous travaillaflions promptement a nos cahiers, & qu'il ne vouloit que nous üjvulgafïions les états de fes finances, qu'il nous avoit envoyés par Al. le prélident Jeannin. Le lundi dix-neUviême , M. de la Motte, gentilhomme de la mauon du rói, vint en notre chambre de la part du roi, qui dit a M. le préfident , que fa majefté vouloit p«rler a lui fur les onze heures, & aux préfidens uesgouvernemens pour recevoir fa volonté ; puis il fe retira. II fut avifé qu'on iroit; & a l'inftant M. le lieutenantcivil (e plaignit de quelques uns qui trouvoient a redire en fes adions , n en reconro ffant pas la pureté; comme en effet, de t0us les uéputés, il n'y en avoit point qui temoigiat plus de vigueur pour foutemr I'honneu. des états , ni pius dé zèle pour Ie fervice Cu roi öc 'incéret du public, & dit, que le jeue^i, il étoit pret de faire rapport d'un articie propole dans les Cahiers de Bretagne, duqüel, pour fa Conléquence,i! avoit été prie d'en différer le rapport jüfqu'a ce jöurj la teheur duquei étoit que, iöufes les garnifonsS & plans qui avoient été donnés pour affurarieë  194 Etats par le traité de Sainte Menehoud, feroient remiies entre les mains de fa majefté. L'on délibéra fur cet article, & il fut avifé a la pluralité des voix, que l'article, en la forme qu'il étoit, feroit fuivi & couché dans le cahier général. L'après-dïnée dudit jour, ledit fieur préfident dit, qu'il avoit été trouver le roi au louvre, avec les préfidens des douze provinces, fuivant fon commandement, que le roi affifté de la reine, lui avoit dit, qu'il nous avoit mandés pour l'article qu'il avoit évoqué de notre cahier, & que la reine nous diroit le furplus de fa volonté. La reine prit la parole, & nous dit, que le roi nous avoit mandé, pour le fait de l'article concernant fa fouveraineté & confervation de fa perfonne, a caufe du différent furvenu entre MM. du clergé & le tiers-état: qu'il 1'avoit évoqué a lui, & que l'on lui avoit porté l'article; que le roi nous remercioit de bon cceur, & qu'il n'étoit plus befoin de le mettre au cahier, attendu 1'évocation qui en avoit été faite, & qu'il le tenoit pour préfenté & recu : proteftant fa majefté de le décider a notre contentement. Nous enjoignant expreffément qu'il ne fut employé davantage au cahier, & que de ce, & de notre volonté, fa majefté en defiroit réponfe cejourd'hui. Ce que la compagnie ayant entendu, fe feroit  Sö us Louis XIII. icj" élevé Un grand bruit & murmure en icelle. Le tumulte peu appaifé, on de'libera fi on opineroit préfentement, ou fi on remeteroit 1'affaire au lendemain. Paris et i'Isik de France, D'avis d'attendre au lendemain, attendu la confequence de 1'afFaire. bourgogne, Que 1'affaire méritoit bien une bonne & faine délibe'ration, partant d'avis de 1'Ifle de France. Normandie, Et demain de 1'avis de 1'Ifle de France. Guyenne, Eft d'avis qu'on de'libère préfentement. Bretagne, Préfentement & de 1'avis de Guyenne. Champagne, Que les délibérations précipitées nous apprennent quels 'en font les événemens; partant eft d'avis qu'il foit différé, & nerien hlfer. Langüedoc, Les députés de la province, d'avis d'opiner préfentement. Picardie, D'avis qu'il foit différé. Na  f Etats Dauphiné, Qu'on délibère préfentement. Provence, De même avis préfentement. Lyon, Eft d'avis qu'il en foit délibéré préfentement, Orléans, De 1'avis de Paris, & qu'on doit attendre a demain. Sur cette délibération les avis font partis, Sc partant 1'affaire remife au lendemain. Le fieur Marmieffe, qui avoit été député vers le roi, pourle fait des tailles, dès le dixieme de ce mois, dit, que famedi dernier, il avoit été au louvre, oü il n'auroit trouvé le roi, qui étoit allé a la chaffe, mais auroit parlé a la reine, a laquelle il auroit expofé le fait de fa légiflation , avec plainte de ce que les tailles avoient été augmentées ; laquelle lui auroit fait réponfe « que nous travaillaffions a nos cahiers, auxquels il feroit donnéfavorable réponfe. Que M. le préfident Jeannin nous avoit remis les états des finances, pour voir s'il -y avoit moyen de faire quelque remife au peuple, & que nous devions confldérer que le royaume fupportoit de grandes charges. >»  sotjs LöTjrtsXIII. ïp7 Enfuite, fut fait rapport, par le lieutenantgénéral de Bergerac, d'une affaire auquel il avoit été commis, touchant le parti d'un certain, qui vouloit rechercher les droits du domaine, fur les biens que les communautés & les eccléfiaftiques poffédoient fans amortilfement, mais ce parti fut rejeté. Comme fut aufli la plainte, que les chandeliers de Paris avoient fait contre Moiffet, de laquelle Ie fieur lieutenant-général de Limoges fit rapport, Le mardi, vingtième dudit mois de janvier, la compagnie étant affemblée au matin , ledit fieur préfident Miron ayant remontré ce qu'il avoit dit le jour précédent, de la volonté du roi, & qu'il étoit néceffaire de parachever la délibération commencée; plufieurs difoient qu'il falloit opiner par bailliages, en 1'affaire qui fe préfentoit, attendu la conféquence d'icelle : H fut néanmoins arrêté d'opiner par provinces. Paris et l'Isle deFran c e , Eft d'avis de faire remontrances au roi, au nom de la compagnie, & a telle fin, députer M. le lieutenant civil de Paris pour fupplier leroi, au nom de la chambre , de laifièt l'article dans le cahier: & au cas que fa majefté perfifhs de nous commander de 1'öter, que l'on fera des proteftations pour l'article. Ni  x$B E ï ï t s Bourgogne, Dit qu'elle trouve 1'affaire du tout importante, & contre 1'honneur des états; eft d'avis de faire des remontrances au roi; &, néanmoins , qu'on lui dife qu il faffe de l'article ce qu'il lui plaira, & qu'il foit fupplié de laiffer Ia liberté aux états. Normandie, Eft d'avis qu'il faut obéir, & partant qu'on retourne vers fa majefté, a laquelle on remontrera qu'on lui a porté l'article pour en faire ce qu'il lui plaira, néanmoins, fera fuppliée de pourvoir a la conféquence d'une affaire fi importante a 1'état, le plutót que faire fe pourra, a cette fin que i'on fera remontrances. Guyenne, Puifque le roi a agréé notre volonté, loué notre ze'é & recu l'article, que l'on fe doit contenter fans 1'employer au cahier, & que fommes enfans d'obéiffance, Bretagne, Que nous avons ouvertement montré & témoigné le bien & le fervice du roi, en faifant paffer l'article en notre cahier; lequel ayant été envoyé au roi, fur la promeffe qu'il nous a faite de le répondre & d'y pourvoir , ad quid? de lp remettre encore une fois dans le cahier,  aoüs Louis XIII. ip«? -Champagne, 'A dit qu'il faut obéir au roi, Sc ne remettre l'article dans le cahier. C'étoit au Languedoc a opiner devant la Picardie; néanmoins le préfident & le lieutenantgénéral d'Abbeville, ayant charge de fa province , propofa a la compagnie, que cette affaire étant d'extrême conféquence, & s'agiffant de la dignité du royaume & de la vie de nos rois, qu'il étoit raifonnable d'opiner par bailliages, & non par provinces, paree qu'elles n'étoient égales en nombre de députés, & que celles qui n'avoient que trois ou quatre députés, auroient autant de voix que celles qui avoient trente ou quarante bailliages ; fi on opinoit par provinces , (chofe injufte ) & qu'au commencement des états on avoit opiné par bailliages , Sc que fi depuis il avoit été réfolu qu'on opineroit par provinces, que cela fe doit ëntendre aux affaires ordinaires ; mais ne s'étant rien préfenté de fi férieux & important que 1'affaire qui fe traitoit, qu'il prioit la compagnie d'avifer fi l'on opineroit par bailliages. Un grand nombre de députés fe leve & fe joint a la Picardie, a ce qu'il fut opiné par baiiliages. M. le préfident Miron fait réponfe a. la propofition de Picardie, Qu'il n'étoit raifonnable N 4  2Qö Etats d'opiner par bu'üiages. La propofition étant faite a tort, & la plupart des provinces ayant op:né, & que l'on devoit ouir & écouter 1'avis du Languedoc. Murmure cn !a compagnie, fur ce que l'on voyoit que les provinces alloient k rayer Tarticle du ca nier. Languedoc, Les députés de la province partis, Picardie, La Picardie a toujours hduiement loué & niagnitié lts auteurs de l'article; ils ne lont nu'lement d'av"s qu'il foit oré du cahier; & d'autant que la vo'onté du roi elf vio'entée & forcée, que trés-humbles remontrances lui feront faites, de laiffer la liberté aux états, au moyen de ce qu'elle eft circonvenue par aucunes perfonnes, qui ne defirent le bien du royaume , & propofent cette damnable doctrine, qui a engendré les monftres de fédition & de rebellion, que nous avons vus & fentis en ces derniers temps. Dauphiné, Puifque nous avons exprès commandement du roi, nous fommes nécelfités d'y obéir; c'eft 1'avis de la province, qui s'eft trouvée partie pour les remontrances. Provence, Eft d'ayis qu'il faut obéir, & que très-humbles ïemontrances feront faites au roi, de répondre  sous L o U i s X111. zót 1'article le plutöt que faire fe pourra, de 1'avis de Normandie. L ï o N," La province partie. Orléans. Remontrances feront faites au roi des juftes intentions de l'article, & fa majefté fuppliée de laiffer la liberté aux états. Se fait enfuite une grande plainte, par cent ou fix-vingts de la compagnie, qui difent, que telle réfolution eft faite par le plus petit nombre; qu'eux étant en plus grand nombre, ils doivent emporter de voix, ou du moins qu'il eft raifonnable de les recevoir en 1'oppofition , qu'ils entendent former a la conclufïon & réfolution prife par le plus petit nombre; & de leur bailler acte de ladite oppofition. Et fur cette confuflon & divifion , en laquelle la compagnie fe départ, ceux qui étoient de 1'avis que l'article demeurat au cahier, viennent au bureau, baillent leurs noms par les provinces, pour former ladite oppofition. Enfuivent les noms des députés qui demandertt aüe de leur oppofition. Paris et Isle de France, M. le lieutenant-civil, & les autres députés de la vide de Paris,  *Mt Ê T A T S . Le député du bailliage de Vermandois. Le député du bailliage de Dreux. Les députés du bailliage de Mantes & Meulan. Les députés du bailliage de Senlis. Le député du bailliage de Valois. Les dép. du bailliage de Clermont en BeauvoiCs. Les députés du bailliage de Chaumont. Les députés du bailliage de Melun. Les députés du bailliage de Nemours. Les députés du bailliage de Montfort. Le député du bailliage deDourdan. Le député du bailliage de Beauvais. Le député du bailliage de SoiiTons. Bourgogne, Les députés de la ville & bailliage de Dijon. Les députés du bailliage de Chalons. Les députés du bailliage d'Avalon. Les députés du bailliage de Macon. Les députés du bailliage d'Auxerre. Le député du bailliage de Bar-fur-Seine, Le député du bailliage de Brefle. Le député du bailliage de Gex. Les députés du bailliage d'Autun. Guyenne, Le député du bailliage de Comminge. Les députés du bailliage des Rivières, Verdun, Les députés du haut & bas Albret,  sou* "Louis .XIII. a<5| Le député du bailliage d'Armagnac. Le député du bailliage de Chatelleraut. Le député du bailliage de Millau. Champagne, Les députés du bailliage & ville de Troyes. Les députés du bailliage de Sens. Les dép. du bailliage de Chaumont en Bafligni, Dauphiné, Le député de la ville de Grenoble. Languedoc, Les députés du bailliage de Lodêve. Le député du bailliage d'Uzès. Le député de la ville de Montpellier, Le député de Carcaflonne. Le député du comté de Foix, Picardie, Tous les bailliages de la province de Picardie, !Galais, Boulogne. Abbeville, Amiens. -r, , reronne, Roye, Mondidier. Lyon, Le dép, du bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier4 Les députés du bailliage de Bourbonnois.  ÏS| Etats Les députés de la bafle Auvergne. Les députés de la haute Auvergne. Le député de la haute Marche.. Les députés de la bafle Marche. Orléans, Le député de la ville d'Angers. Le député du bailliage de Fontenay. Les députés du bai'liags de Touraine. Les députés du bailliage de Londunois. Les députés du baHliage de Ben-y. Les députés du bniiliage de Chartres. Le député de Blois. Le député du bailliage de Gien. Le député du bail'iage de Montargis. Le député du bailliage de Perche. Les députés du bailliage de Nivernois. Les députés du bailliage d'Amboife. Les députés du bailliage de la Rochelle. Le député d'Etampes. II y eut d'autres députés qui dirent s'oppofer a ladite révolution, & néanmoins ne baillèrent leurs noms. II avoit été réfolu, & pafloit par-la, que l'article feroit óté de la groffe du cahier, qui feroit préfentée au roi, & que très-humbles remontrances lui feroient faites ; & a cette fin., «eux qui étoient d'avis que 1'article demeurat  sous L o u ï s X 11 I. koj4 audit c?hier, prioient M. le lieutenant-civil de fe charger de ladite, remontrance. Mais M. le préfident Miron les prévint, difant, qu'il alloit au louvre lui même, & pria qüelqu'un de Taf— fifter. M. le lieutenant-civil lui dit: Qu'il ne devoit aller vers le roi, & que la compagnie le défavouoit de fortir auparavant 1'heure. Sur ce, ledit fieur lieutenant-civil, a la prière des deffiis nommés, forma oppofition a leur prétendue délibération, qui avoit paffe au moindre nombre. Le mercredi, 21 dudit mois de janvier, comme M. le préfident vouloit rapporter ce qu'il avoit dit au roi, touchant la réfolution ci-deffus, & ce que le roi lui avoit dit, il en fut interrompu a plufieurs & diverfes fois: & a mefure qu'il defiroit faire ëntendre la réponfe de fa majefté, ceux qui, le jour précédent, avoient fait tant de bruit, en faifoient encore davantage, & demandoient acte de leur oppofition. Ils avoient pour chef, M. Savaron, en I'abfence de M. le lieutenant-civil, qui s'étoit envoyé excufer pour maladie. Ledit Savaron fe mit fur le banc, pour demander audience, au nom de fix-vingts députés , defquels il fe promettoit d'être avoué, difant avoir pièces en main, pour juftifier qu'aux états d'Orléans, un particulier avoit été recu a former oppofition.  *o~5 Etats Mais, paree que 1'on craignoït que par fes raifons 1'oppofition fut recue, 1'audience lui fut déniée, & l'on fit un fi grand bruit, a mefure qu'il fe préfentoit pour parler, qu'il ne put être oui, nonobftant les inflantes prières de la plupart qui le defiroient. M. le préfident, fuppliant la compagnie de lui donner audience, promettoit de contenter les uns & les autres, & qu a la fin chacun auroit fujet d'être fatisfait de la réponfe du roi; mais ilfut derechef interrompu par ce grand nombre, qui demandoit acte de fon oppofition; reprenant néanmoins fon difcours, il dit: que le roi, de fon propre mouvement, fans truchement, ni miniffère d'autres perfonnes qui lui dictat, prononca : « Qu'il remercioit la compagnie du foin qu'elle avoit de la confervation de fa perfonne ; & qu'il étoit très-aife de ce qu'elle avoit obéi a fon commandement; qu'il avoit pris en bonne part 1'intention de la chambre: qu'a la vérité il avoit évoqué a foi l'article, non pas pourle fupprimer, mais pour le décider; promettoit de le répondre fi favorablement, que tout le monde en demeureroit fatisfait & content, a quoi il s'étudieroit, d'autant plus que 1'affaire le touchoit particulièrement. » Cette réponfe necontenta pas ceux qui avoient envie de brouiller, & crièrent plus que devant,  sous Louis XIII. 20^ demandant toujours qu'on leur donnat aéte de leur oppofition. M. Miron ne fit aucune repartie, ains perfifta toujours, affifté des deux parts des bailliages. Alors, M. le lieutenant-général d'Angers propofa un expediënt, qui étoit, qu'au liea dudit article, & fous le chapitre, oü il avoit été colloqué, on mit ces mots : « Le premier article, concernant la fouveraineté de 1'état da roi & confervation de fa perfonne, n'a été icï employé, pour en avoir été tiré par 1'exprès commandement de fa majefté, qui a promis de le répondre favorablement & au plutöt. » Cette propofition mife en délibération, elle fut trouvée bonne, fors & excepté qu'on ne feroit mention de la fouveraineté du roi, ni de la confervation de fa perfonne. Sur ce contrafte, arrivèrent MM. de 1'univerfité, revêtus de leurs habits rouges & violets, fourrés d'hermine, le recfeur, & partie d'eux, fe mirent a la droite de M. le préfident, au lieu» oü la nobleffe prenoit féance quand elle venoïf. Les autres furent placés fur des bancs qu'031 apporta. Le reéfeur paria en francois, & remontra:«Le déplorable état auquel 1'univerfité étoit lors réduite , laquelleavoit tellement fleuri autrefois par-deffus toutes les autres, qu'elle avok mérité 1'honaeur de ce beau nom de fille ainée  jaoS États du roi. Qu'elle a toujours eu entree dans toui les états, a baillé fes cahiers & fait fes plaintes au roi, qu'elle fupp ie maintenant la compagnie de 1'y recevoir. " Et préfenta a cette fin fon cahier, M. le préfident recut le cahier, ( qui fera ci - après inféré) & promit de le mettre en délibération , & ainfi fe retirèrent. L'après-dinée dudit jour, on fupplia M. le lieutenant-civil, & les autres qui avoient été commis pour le chapitre de la juftice, d'y travailler : & l'on pria auffi ceux qui avoient vaqué au chapitre de 1'églife , d'examiner lés articles du cahier préfenté par MM. de 1'univerfité. Le jeudi, vingt-deuxième dudit janvier, fut fait rapport par le fieur Bolaire, député, (1'un des plus rares efprits de ce liecle & des p!us zéléspour le fervice du roi & du public; ayant eu cet honneur de commander en I'abfence du gouverneur , ès provinces de Nivernois & Donziois, par lettres qui lui furent envoyées par fa majefté, 1'un de ceux qui avoient été cummis pour difcuter & examiner les articles du montde-piété, dont a été fait ci-deffus mention. De 1'examen que fes co-députés & lui avoient fait defdits articles: & qu'ayant paffe & repaffé pardeffus avec exacfitude, ils n'avoient pas eftimé que nous duffions introduire une teile nouveauté en France, en laquelle il n'y a déja que trop d'uiuriefs,  sous Louis XTÜ, % 1 v. cc Quant aux tréforiers de France & élus, il en demeurera deux en chacun bureau, qui vaqueront par mois; la difpenfe des quarante jours n'aura plus lieu. Quand il y aura vacation, fa majefté y pourvoira. » Ledit feur Clapiffon rapporta epcore que, fur la difficulti qu,;l y avoit de faire approuver le contenu ci - deflus aux cours fouveraines , Beaufort avoit dit a MM. le chancelier & Geannin, qu'il y avoit moyen de reftreindre ce que deffus aux préfidiaux & officiers des finances, & qü3a cet effet on tripleroit leurs-gages. Après ce rapport, les provinces s'affemblèrent, Les (lx furent d'avis de rejeter telle propofition , comme. ne difant rien que clg qui étoit contenu  sous L..o v i.s-. XIII. dansle-cahier : les fix autres difoient, qu'il falloit entrer en une feconde conférence avec MIVL.de 1'églife & de la nobleffe, afin de pénétrer plus avant dans le fecret de cette propofition : il y eut débat de favoir, fi comme il avoit été auparavant obfervé, ès opinions parties, il. falloit rejeter ladite propofition ; mais la province de Bretagne, étant retournée ala première opinion, cette ouverture fut rejetée fans autre conférence; & l'on députa le fieur lieutenant-général de Meaux, pour en porter la réfolution ès chambres du clergé & de la nobleffe. Le député de Meaux alla, fur 1'heure, vers MM. de la nobleffe, & rapporta qu'ils lui avoient fait réponfe, « qu'ils ne délaifléroient d'embraffer ladite propofition, quoique le tiers-état ne .s'y voulut pas joindre.» Le vingt - feptième dudit mois , les mêmes députés ayant fait ëntendre a MM. du clergé., les raifons pour lefquelles notre compagnie n'avoit pu prêter 1'oreille aux propofitions cidevant, lefdits fieurs firent réponfe, qu'ils. les gouteroient, afin de ne rien faire a la légère. • Ces raifons, ainfi qu'elles.avoient été pareille» ment repréfentées a MM. de la noblefie, étoient t dj Que ledit Beaufort étoit une perfonne diffamée & en trés - mauvaife réputation; que fes propofitions reffembloient. aux pommes du lap O.4.  SÏ6* E 1 A T si «le Sod ome & Gomorrhe, quï ont 1'extérïeui extrêmement agréable & furprenant; mais que le premier attouchement réduit en poudre & fait venir a néant. Que lefdites propofitions alloient direótement contre Ia charge (de laquelle leurs cahiers les rendoient refponfables, s'ils y contrevenoient), qui étoit de demander & prelfer infhmment la fuppreffion de tous partis préfens & a venir ; & qu'en admettant Ia propofition dudit de Beaufort, c'étoit approuver ouvertement un parti, & aller par conféquent Contre le defir & intention des peup es qui les avoient envoyés avec une charge toute autre, ik bien cl fignée de ces propofitions. » 53 Que d'ailleurs, le roi leur ayant fait commandement, le 13 de ce mois, (porté par Ie duc de Ventadour), ct de tenir leurs cahiers prêts pour le troifième du mois procha:na cette affaire étoit d'une grande hdleine & exacte difcufiion» & qu'ainfi , ils 1'avoient crue & eftimée capable de les occuper trop longuement. » II ajouta, vers les uns & les autres , des raifons de femblable poids & mérite , & finit par proteftation de devoirs & fervice. II courut un bruit en même temps, que M. le prince de Condé avoit délibéré de venir vifiter les états & trois chambres,lefquels avoient 4\é chargées (d'un commandement de plus haut^  s o ts s X Ö u i s XIII. ±tf 'defortir (les préfidens en tête)au devant dudit fieur & lui dire , « que les états n'avoient point » de charge de recevoir, ni donner entrée aux « perfonnes de fa condition , fans un aveu exsa prés de fa majefté, & le prieroient de fe s» retirer. 53 - Que cette réfo'ution (quoiqu'elle n'eüt été prife par délibération ) fut.véritabTe, il en apparut par les mandemens de MM. les fécretaires d'état, & notamment par un billet venant dé "Ia part de M. de Seaux , lequel il mit entre les mains du lieutenant-général d'Evreux, dans -lequel étoient écrits dix ou douze bailliages , & entre autres celui de Saint-Pierre-le-Moutier. Ledit lieutenant-général d'Evreux fit favoir aux •^députés defdits bailliages la réfolution ci-deffus; & outre ce, mondit fieur le prince recut commandement de la propre bouche du roi Sc de la reine , de n'y pas aller ; de forte qu'il n'y vint pas. Le mercredi , vingt-huitième dudit mois de janvier , le procureur du roi de Ia ville de la Roche'le, Sc un habitant qui fe nommoit Tarent, demandèrent a être recus en la compagnie en qualité de députés. L'avocat du roi de ladite ville (lequel avoit préfenté fon pouvoir longtemps auparavant; s'y oppofa. Les uns & les autres ayant déduit tout ce qu'ils pouvoient  feiS E.I-A ï j pour 1'appui de leur intention, il fut enfin arrêté a la pluralité des provinces que lefdits procureur du roi & habitant venoient a tard, Sprès la compilation des cahiers; & fur le point que nous étions prêts de préfenter le général, néanmoins qu'ils fe pourvoiroient vers le roi. Le vingt>neuvième dudit mois de janvier, M, Miron rapporta le commandement qu'il avoit regu du roi pour avertir la compagnie de faire en forte que le cahier général fut prêt dans le jeudi, fixiènae du mois fuivant, pour le lui préfenter. en la falie du petit bourbon ; & a faute de ce faire , que fa majefté donneroit défaut contre les ordres qui ne s'y trouveroient pas,; :& nous affura que le roi n'avoit en facon quelconque prorogé le temps de la préfentation ea faveur de 1'églife ni de la nobleffe. . Enfuite Ia le'clure fut faite des chapitres de .Véglife & des hópitaux, & encore de celui de la police mis au net par aucuns de la compagnie a ce commis, Le trentième enfuivant,le fieur lieutenantgénéral d'Angers , député pour la follicitation du petit cahier préfenté dès long-temps a fa •majefté, & contenant furféance pendant les -états , d'un nombre iniini de commiffions onéseufes, rapporta que la réfolution du confeil éludoitks états, & donnoit fi peu. de fatisfaction  sous Louis- XIII. 3ï£ qu'il perdoit toute efpérance, que le peuple, par la réponfe du cahier général, put recevoir beaucoup de foulagement. Au moyen de quoi Jes efprits s'étant échauffés , & confïdérant que le confeil, & notamment M. le chancelier, ne donnoient que des paroles illüfoires, toutes nues & fans effet; il fut réfolu qu'on députeroit vers le roi, pour lui faire ëntendre la conféquence de ce procédé, qui avoit été promis & efpéré par la compagnie, d'une autre facon qu'on ne le voyoit pas fuccéder; le fupplier de faire vaquer a la revifion dudit cahier par d'autres commiffaires que ceux qui y avoient été employés , étant pour la plupart partifans intéreffés, & favorifant 1'exécution de telles commiffions & recherches. Quelques-uns plus réfolus & courageux, opinèrent qu'il falloit demander congé au roi fans aucune préfentation de cahier, puifqu'on ne donnoit aucune efpérance de foulager le peuple. En même temps le fieur de Nangay, député de la nobleffe, remontra a Ia compagnie, vers laquelle il étoit venu de la part de fa chambre: « Que puifque neus étions fur le point de préfénter nos cahiers, il étoit fort a propos de demander, pour le contentement des ordres, des commiffaires pour vaquer a la réponfe d'iceux. Qu'ils avoient avifé de demander la reine, MJVf»  '%2& Ef ÏTJ les princes du fang, & autres princes & officier* de la couronne.» Et eu outre, nommer a fa majefté douze perfonnages des plus anciens de fon confeil, defquels chacun ordre en choifiroit quatre, pour y affifter & les réfoudre avec les fufnommés , nous invitoit a embraffer cette propofition, comme très-utile. Nous déübérames, & il fut arrêté a fa pluralité des voix, que Ia compagnie rejeteroit cet avis, qui portoit fur le front deux chofes a craindre & a éviter; la première, une induction de forcer Ie roi de nous accorder la nomination des perfonnes de fon confeil; la feconde, le péril éminent qui pouvoit tomber furie tiersétat, a la ruine & défolation duquel le clergé & la nobleffe étant portés de longue main, ils auroient de 1'avantage en cette éleétion, en ce qu'ils nommeroient les deux tiers des juges; & partant que le roi- feroit fupplié de faire répondre les cahiers par la reine, MM. les princes du fang, & autres officiers de la couronne, & gens de fon confeil, tels qu'il lui plairoit, a la charge que les ordres auroient une lifte de ceux qui feroient deftinés pour répondre lefdits cahiers, afin qu'ils puffent demander le rejet de ceux qu'ils aviferoient, fans néanmoins être ©bligés d'en propofer les caufes. Et que jufqu'a la réponfe defdits cahiers, il feroit permis de.  sous Louis XITI. saaf s'aflembler en corps d'état, comme on faifoit maintenant. Laquelle réfolution on jugea devoit faire ëntendre auxdits fieurs de la nobleffe. Le fieur lieutenant-général d'Orléans, affifté de fix autres , fut député vers elle pour cet vifet, qui exécuta dignement fa délégation, & rapporta a la compagnie avoir expofé cette réfolution a la nobleffe, qui avoit promis, par la bouche de M. de Senecé, d'en faire réponfe après en avoir délibéré. A 1'inftant, M. le préfident Miron fit ëntendre qu'il avoit vu M. le chancelier, auquel il avoit déclaré le mécontentement que la compagnie avoit eu fur la re'ation que ledit lieur lieutenant général d'Angers avoit faite, touchant le petit cahier ci-deffus. A quoi leoit fieur chancelier ayant dénié avoir fait aucune réponfe lur ledit cahier, promettoit de le répondre favorablement dans le mardi fuivant; ce qui fut aulfi confirmé par ledit fieur d'Angers : au moyen de quoi l'on furfit 1'exécution de la députation , de laquelle on étoit auparavant demeuré d'accord. . La faite de ces Etats} au volume fuivant» Fin du F ome XfrI,  T A B L E DES MATIERES Contenues dans ce Volume. ÉTATS D'HENRI IV. disSEMBLÉE des notables , tenue a Rouen, en i5^6, fous le minijlère de Sully, page ï Détails fur Vaffemblée de i5gj. l i Harangue du roi, faite aux députés des états affemblés a Rouen, le q. novembre i5q6. 12 rAffemblée de i5$j. 24 Opinion de Sully, fur les affemblées nationales, F>xtrait des- - recherches fur les, finances de France , par M. de Fourbonnois,pour ce qui toncerne l''affemblée de Rouen, de i5q$, 49.  ÉTATS DE LOUIS XIII. états de 1614. Affemblée générale des trois états tenus a Parisg dedans les Auguftins y en Van iGiq; & tout 4e qui sy eft fait & paffé de plus fingulier & mémorable en chaque féance. page 47 La fuite des états de 161au volume fuivant ± Fin de la Table,