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D. p# ^«« ConfiUkr au Confiil Soumin ^""-Louis de Gregoy a„ E^kichie d e CARXES> A A M S T E R D A M; f^iroave ^ p^SIS adan, Libraire , rue aes Noyers, n° 33.   DÉDIC ACE. Mo n ancien & refpeclable amiy par quelques anecdotes que je vous ai rapporties fur le féjour que j'ai fait pendant vingt-deux années a la cóte d'Afrique , che{ les negres, dans les différens établijfemens de Vancienne Compagnie des In des, vous ave{ jugé que la fmgularité des moeurs de fes habitans méritoit d'être écrite. Vous m'ave{ dit que je ne devois pas laifjer périr les connoiffances que m'avoient donnê fur ces pays vingt-deux années d'ol- a  5] fervaüons, vous utavei mêmeajoute qiïil étoit de mon devoir de me livrer a ce travail avec d'autant plus de raifon , que je convenois , que zout ce que nous avons de relations de ces comrées, efi abfolument contraire d la vérité , & fouvent de Vabfurdité la plus revoltante. Tai long-temps réjijïé a. votre foliicitation. Je men fuis toujours défendu, tant a caufe de mon incapacité , pour une telle entrepnfe, que paree qu'a mon dge , on commence a devenir parejjeux. Cependanty encouragé par la promejfe que  vous mrave^ faite, de corriger mes fautes de diclion ; je viens düentreprendre VOuvrage dont il s'agk. Je vous le préfente comme F hommage de ma fincère reconnoijfance, due a Vamitié que vous avt\ pour moi y depuis cinquante-trois ans , a. ros talenSy & plus encorey aux qualités du caw-y qui font inefimables y & que fai toujours reconnues en vous. Si mon Ouvrage ne répond pas a votre attente , n'en accufe^ que vous - même. Je garatis feulement que vous n'y trouvere^ riert que de conforme a. la plus exacts a ï\  ïv véritê, ce qui a vos yeux, m'excufera fur mon peu de talens a écrire.  P R É F A C E. Tout ce qu'on a écrir jufqu'a préfent fur Ia Nigritie , eft fi. contraire a la vérité , fi meprifable, Sc les faits qui ont quelque fondement , fi fcrc altéré, que 1'on ne peut s'empécher d'ètre furpris que le goüt de débiter des fables , ait pu engager tant de gens a donner leurs rêveries , pour Phiftoire d'une aufll vafte partie du mondé. Je ne parlerai que d'un certain pere Labat, qui a donné celle du Senegal. II n'y efl: allé qu'une feule fois. II y a refté peu de temps. II étoit aumönier dans un vaiffeau, dont il n'efl; jamais defcendu a terre, ni méme dans  1'ifle, étant refle en rade ; & quand iB y auroit fait quelque féjour, il n'auroitr g jères été plus en état de donner une defcription de ce pays ; paree que pour y parvenir, il faut, non-fculement y avoir vécu long-temps, mais il faut y avoir voyagé chez les -différens peuples j il faut entendre & parler- la langue de ces contrées. Ainfi , le pere> Labat n'a e'crit que d'après les queftions. qu'il faifoit aux matelots nègres , qui; venoient a bord de fon navire, &l qui r pour avoir un verre de vin ou d'eaude-vie , lui débitoient chacun ce qui leur venoit en tête. Le révérend pere en prenoit ainfl note , pour en compofer Phiftoire fabuleuie qu'il a eu ia hardieffe de dé-  öiter. De la, on doit juger du cas que Pon doit faire de fon ouvrage. C'eft Pexamen de toutes fes abfurdités qui a fait naïtre a 1'auteur de eet abrégé , 1'envie de donner ce petit Ouvrage. Vingt-deux années de féjour dans les différens établhTemens que les francais ont au haut & au bas de la cöte , & oü 1'auteur a commandé pour la compagnie des Indes dans 1'un de fes forts, Pont mis a méme de ne rien écrire qui ne foit conforme a la plus exacte vérité. On connoïtra facilement a fa narration fimple, qu'il n'eft point homme de lettres, &c qu'il n'a eu d'autre ambition, que d'être fidéle dans fes defcriptions. S% eft quelquefois obligé de parler  viij de lui-même , il fuppÜe le letor de le lui pardonner; mais il aura 1'attention de ne le faire qu'autant qu'il fera nécefiaire de rendre fa narration plus authentique 6c plus intelligible. Revenu en France en 1765 , depuis ce temps, il peut être arrivé quelques changemens dans le régime & le gouvernement de ces peuples; mais les changemens doivent être de bien peu de chofe. DESCRIPtlOK  -DESCRIPTiQN DE LA. NIGRITIE. -^A Nigritie commence a Ja rivière du Senegal, fitué par les 16 dégrés , 12 a m.;nutes du nord Que| * gographes pretendent que Je cours du Niger connu , n'eft qu'un bras de ce fleuve. A deux Jieues de fon embougure , dl, au milieu , I'ifle duSéncgal Elle a tout au plus un ouart de 1-eue de long, & a-peu-près r5o a 200 toifes de large. Au milieu de cette ifle cft fitué le fort Saint-Louis, ou réfidoic A 1  x Defcriptiort le commandant général de toute la conceflion, avec un fous-direéteur, un infpe&eur de magafin, deux teneurs de livres, ce qui compofoit un confcil fouverain de cinq perfonnes , qui peuvent juger a mort. II y a de plus, un capitaine Scunlieutenant de port, un gardemagafin général , un fous-garde magafin , huit a dix commis pour les traites de la rivière Sc pour les éeritures. Un maïtre de port , un voilier , dix a douze matelots blancs pour aider la navigation de la mer, deux fergens, quarante a cinquante foldats , plufieurs charpentiers de navire , deux taillandiers, deux ferruriers, cinq a fix raac,ons 6c quelques matelots mulatres pour la mer , Sc prefque toujours cent a cent cinquante matelots négres, appartenans, partie auxfemmes libres deTille, partie a la compagnie. De chaque cöté du fort eft un grand vülage; celui qui eft fitué a gauche, fe nomme le cöté des chrétiennes, oü fonc  'de la Nigritie: 3 retiréestoutes les métives, métifs, mulatres, mulatreflès, quartrons, quartronnes, & les négreflès libres avec tous leurs captifs, qu'elleslouenta la compagnie 6 livres chacun , par mois , pour la navigation de la rivière, pour faire de la chaux , pour couper du bois, &c. &c. L'autre village du cöté droit , fe nomme Laudau; il eft habité par des négres & négreflès libres ou captifs , prefque tous mahométans, parmi lefquels cependant il y a encore quelques chrétiens. Les femmes de cette ifle en général, font fort attachées aux blancs, & les foignent on ne peut mieux, lorfqu'ils font malades. La plupart viverc avec beaucoup d'aifance, & pluileurs de ces négreiTes ont a elles trente a quarante efclaves , qu'elïes Jouent en partie comme je Pai déja dita la compagnie. Ces captifs font tous les ans le voyage de Galane, en qualité de matelots ; ils en rapportent a leurs maïtrerTes A2  ^ Defcriptiort quinze , vingt Sc jufqu'k trente gros' d'or, provenans de la vente de deux bariques de fel , qu'on leur permet d'embarquer en forme de port permis. Avec eet or, ces femmes font fabriquer une partie en bijoux , Sc 1'autre partie eft employee a acheter des vêtemens, car elles aiment, comme par-tout ailleurs, la parure. Leurs habillemens , quoique trés - élégans , leur fied trèsbien. Elles portent fur la tête un mouchoir blanc fort artiftement arrangé, par-deiïus lequel elles placent un petit ruban noir étroit, ou de couleur, autour de la tête. Une chemife a la francoife, garnie , un corfet de taffetas ou de moufleline, une jupe de même, Sc pareille au corfet, des boucles d'oreilles d'or, des chaines de pieds d'or ou d'argent, lorfqu'elles n'en ont point d'autres, avec des bembouches de maroquin rouge s aux pieds; par-deffus leur corfet , elles portent un morceau de deux aulnes de moufleline , dont les.  ie la Nigritie. $ bours fe jettent par - defius 1'épaule gauche. Vétues ainfilorfqu'elles fortent, elle fe font fuivre par une ou deux raparilles, qui leur fervent de femmesde-chambre , également tres - parées; mais un peu plus a la legére, & un peu moins modeftement d'après nos ufages. • On s'accoutume ce pendant très-vïte a fupporter la vue de ces femmes prefque nues, fans fe fcandalifer. Leurs ufages étant diilerens des nötres., d'autant que par rhabitude, cette nudité ne fait pas plus d'imprefTion , que fi elles étoient couvertes. . Les femmes efcortées ainfi Iorfqu'elles fortent, rencontrcnt fouvent un quiriot ( efpece. d'hommes qui chantent les louanges de chacun, pour de 1'argent)^ alors il ne manque pas de marcher devant elles , en débitant a leurs louanges toutes les hyperboles qui lui viennent dans 1'idée , & quelques groffièics qu'elles foient,. ces femmes en font 11 flattées, que dans le tranfporc qu'ex* A3  £ Defcriptiofi citent ces adulations, elles jettent fouvent partie de leurs nippes au chanteur, lorfqu'elles n'ontrien, dans leurspoches, qu'elles puifient lui donner. Après la parure, ia plus grande paffion de ces femmes eft pour leurs bals, ou folgars, qu'elles font durer quelquefois jufqu'a la pointe du jour, & dans lefquels on boit force vin de Palme, du pitot, efpèce de bière, Sc même des vins de France , lorfqu'elles s'en peuvent procurer. La manière ordinaire d'applaudir celles qui ont le mieux danfé , eft de leur jetter fur le corps une pague ou un mouchoir qu'elles rapport.nt a la perfonne qui le leura jetté , en lui faifant une profonde rc'vérence , pour remerciment. Plufleurs de ces femmes font mariées en face de Péglife, Sc d'autres a la mode du pays, qui confifte en ge'néral, dans le confentement des parties Sc des parens. On a remarqué que ces derniers raariages font toujours plus unis que  de la Nigritie. y les premiers ; les femmes y font plus fidèlss a leurs maris, que par-tout ail— leurs. La cérémonie qui luit ces derniers mariages, n'eft pas tout-a-fait 11 décente , que la bonne conduite de cesfemmes. Ie lendemain de la confommation du mariage, les parens de la mariée viennent dès la pointe du jour,, enlever la pague blanche fur laquellc les époux ont pafte, la nuit. Ont-ils trouvé la preuve qu'ils cberchent ? Ils attachent cette pague au bout d'un long baton r flottant en forme de drapeau; ils la promenent tout le jour dans le village, en chantant & vantant Ia nouvelle mariée &c ia fagelTe; mais lorfque les parens le ma tin n'en ont point trouvé la certitude y ils ont foin au plus vïte d'en fubftituer «ne. La rive gauche de la rivière du Sénégai, en partant de fon embouchure eft habitée par des maures arabes mahométans, On croit,avecvraifembIance, A*  ö Dejcription qu'ils defcendent des maures chaues jadis des Efpagnes ; qu'ayant paffe le de'troif de Gibraltar, & üuvi la cöte de laBaibarie , qui ëtoit inhabitée , le terrein n'étant que de pur fable, ils ont arrêté leur marche a la rivière du Senegal ; alors décidés a s'y établir , ils fe font répandus fur ia rive gauche de ce rlcuve , dans la Jongueur de cent lieues en remontant fon courant. Ils ont dü être long-temps fous Ia domination des ne'gres de I'autre rive , leur foiblelTe les ayant contraint de fe foumettre a des tributs annuels j mais avec le temps , leur population s'ell augmcntte confidérablement. Ils doivent fans doutc eet avantage a Pattentión de n'avoir jamais vendu d'efclavcs de leur nacion. Séparés en diffeïentes tribus , ils ont acquis afïez ce force pour dominer les négres les plus voifins, & pour leur faire la guerre avec avantage. Ces maures ne cuirivent point la terre • ce travail leur paroït bas & humilianr, Sc  de la Nigriue. p fi dans quclques cantons il y a des terreins cultivés , c'eft a leurs efclaves qu'ils le doivent; ils leur abandonnent ce foin, Sc la récolte, moyennant une redevance en grains qu'ils payent a leurs maitres. L'occupation de ces peuples eft le commerce, qu'ils pomTent auffi loin que lepays le .permet. Ils joignent a ce goüt dominant, celui d'élever quantité de bétail, comme bceufs , moutons, chameaux, anes, chevaux d'un grande beauté, (j'en parlerai ailleurs.) C'eft au milieu de ces animaux , qui font leur principale richeflè, qu'ils vivent dans les champs, ainfi que les anciens arabes , fans avoir de demeure fixe. Ontïls épuifé les paturages des lieux dans lefquels ils fontcampés, ils les quittent, Sc vont chercher des terreins qui leur fournuTent des patures plus abondantes. La, ils établifTent des tentes, fous lefquels ils fe logent; ces tentes font faites avec  tó Defcriptiott le poil de leurs chameaux, bien tilTu Sc bien ferré. Ont-ils befoi'n de fe tranfporter d'un lieu a un autre, ils chargent leurs bagages fur ces animaux j ils y placent leurs femmes , leurs enfans , dans des paniers couverts, 6c décampent. Ces peuples font prefque blancs, feulement un peu bazanés , tels que les faltins , les tunifiens , les algériens , 6c cela fuivant 1'e'tat qui les expofe plus ou moins a 1'ardeur du foleil ; car les femmes des chefs qui reftent fous les tentes, font alTezblanches,&:prefqu'autant que nos européennes , dont cependant elles n'ont point Pincarnat 6c la vivacité des couleurs. Les hommes 6c les femmes font vêtus a-peu-près comme les levantins.  de la JSfigritie. ït Commerce des Maures & leur manièrt. de vivre. Les doéteurs de leur loi , que 1'on norame chez eux Marabates, & que vulgairement on nomme au Senegal Marabouts ( a 1'exception de quatre a cinq chefs appelles Darmaneaux) forment une claffe plus élevée. Ils fe font emparés du commerce de la gomme, qu'ils vendent aux francais, depuis le mois de dccembre jufqu'en avril &mai. Lars de mon féjour en Afrique, ils en apportoient la quantité de huit a neuf eens tonneaux , de deux mille livres pefant chacun. Ils ont trois forêts de gommiers , oü ils font cueillir cette gomme. Ces forêts font éloignées de vingt a vingt-cinq lieues des Efcalles, oü 1'on va traiter avec eux. Cette gomme eft tranfportée au bord de la  * Defcriptiott rivière du Senegal, dans des toulon? de cuir de bceuf bien tanne , fur des chameaux. Chacun d'eux en porte jufqu'a douze cent livres pefant. Les arbres qui produifent cette gomme font he'rifles d'épines, &c n'ont guères que fept a huit pieds de hauteur. Ils produifent aulfi quelques morceaux d'encens. Cette gomme, arrivée au bord de la rivière, fe mefure dans un quintal, qui pèfe environ mille livres. Elle fe payoir de mon temps vingt-fept coudc'es de toile de coton bleu de Pondichéri, autrenient nommc falem pourri. On y joignoit quatre pcignes.de buis & deux - mains de papier. Cette toile eft pour eux une marchandife fi pre'cieufe, qu'üs reftent dans 1'admiration lorfqu'ils en .voyent déployer les -piècco ; ainfi que nos européens a Pafpect de Por que ^ces Marabouts apportent quelquefois- a. vendre. On ajoute au prix de cette gomme quelques rniroirs &c baffinscie  de la Nigritle. Iff cüivre, qui font donnés corame préfent. Deforte que,les fraisde traite déduits , les mille livres de gomme ne coütoient pas a 1'ancienne compagnie des Indes plus de trente-fix livres de notre monnoie, paree que c'étoit le tarif d'alors ; mais depuis que les anglais fe font emparés du Sénégal , la concurrence des navires interlopes qui font venus traiter dans cette rivière, ont fait monter cette marchandife dix fois au-deffus de ce qu'elle coütoit d'abord; &c quoique les francais foient rentrés en polTeffion de ce pays , il leur fera impolTible déformais de rétablir le commerce de gomme, fur Panden tarifj paree que, par les conventions faites a la dernière paix , Pon a permis aux anglais d'aller traiter a Portandie, par la mer, ce qui les met a. la meme diilance que nous, des forêts gomières , & du lieu oü nous faifons commerce de cette denrée dans la rivière du Sénégal: de manière jqu'il eft fenfible , que routes les fois  14 Defcrïptioil que les francais voudront payer la gomme au-delfous du prix donné par les anglais, lesmaures porteront toutes leurs récoltes a ces derniers , &c les francais fe trouveront , par la concurrence la mieux protégce & la plus active , abfolument privés de ce commerce. Les maures ont un autre commerce très-profitable. II importent a plus de deux eens lieues au haut de la rivière, aux nations négres , qui vivent fur le terrein oü font les mines d'or, tout ce qu'ils ont befoin d'avoir pour la vie ; des bceufs, des moutons, du millet, des pois, du fel, &c. Ce dernier article devient pour eux le commerce Ie plus facile &: le plus avantageux qu'ils puilfent faire. Ils ont des mines de fel; ils n'ont que la peine de le ramalTer & d'en charger des chameaux ou des boeufs-porteurs , a qui ils percent le nez , &c y palfent une bride , dont ils fe fervent comme de celle d'un cheval.  de la Nigririe: Ils vont vendre cette denree aux négres , poiïèifeurs des mines j ils font établis au-delfus de Galom. Ces peuples ne connohTent point d'autres occupations que celle de faire laver la terre de leurs mines, par leurs femmes, pendant feulement deux mois de 1'année. L'or que ce foible travail leur procure, fuffit pendant un temps confidérable, pour leur faire apporter & fournir tout ce qui leur eft néceffaire. Ils n'ont befoin ni de femer, ni de recueillir pour vivre, ni de fabriquer des étoftes pour fe vétir. Comme le fel eft très-rare dans ces contrées , les maures le leur vendent un prix exceffif; c'eft-a-dire, trois ou quatre onces d'or la barrique. Nos bateaux francais leur en portent auili j mais en moindre quantité. Quant au menu peuple des maures , ils fe bornent a un très-petii commerce. II confifte a. v^endre le beurre qu'il ne peut confommer, des plumes d'autru-  ï S . jDefcrlption che, des pemches, dont 1'efpèce n'elï connue que dans ce pays. La nettere de la prononciation des mots qu'on leur apprend, les a rendues très-agrcables a nos européens. Ce peuple nous vend auffi des pierres de be^oard «Sc des morceaux d'ambre gris. Je me 'rappelle d'en avoir acheté deux morceaux très-confidérables ; ils pefoient prés de deux livres j ils avoient été ramafles au bord de la mer. Ceux qui me les ont vendus, n'ont jamais pu me dire 1'origine de ces producHons. Les uns me difoient que eet ambre étoit détaché du fond de la mer, &: pouiTé par les vagues fur le rivage •> d'autres m'aifuroient que cette matière étoit vomie par un poifTon. J'ignore 11 nos plus habiles naturaliftes en favent davantage. Les chevaux arabes de ces contrées font les plus beaux que j'aie vus. Les maures qui vivent fur les bords de la rivière du Sénégal , cenfervent trèsexaétement une généalogie de leurs; chevaux^  de la Nigritie. ij chevaux. Ils ont grand foin de ne les pointméfallier, pour ne pas abStardir les races renommees. Plus attenrifs pour la perfeclion de ces animaux que nous ne le fommes pour celle de Pefpèce humaine; puifqu'un noble bien conftitue', a fouvent la baflTeflè de fe marier a une fille contrefaite , paree qu'elle a des biens confidérables. , J'ai vu vendre un de ces chevaux a Un roi négre; il le paya cent captifs, cent boeufs , & vingt chameaux. En 1752, nous en avions un deftiné pour les écuries du roi. Nous le paffions dans le navire la Vallence, ( capitaine Ciafe) lur lequel j'étois paffager. Ce cheval auroit fait 1'admiration même de ceux qui fe connoiflfent le moins en chevaux^ mais malheureufement, nous perdimes notre navire chargé de gomme, prefque fous le Port-Louis. Le défordre, qui régnoit dans Ie batirrient, a lfinftant de notre naufrage, ne lailfa a perfonne alTez de prëfence d'efprit pour aller B  18 Defcription couper le licol de ce pauvre animal qui étoit attaché dans Pentrepont, oü il s'eft noyé. II auroit facilement nagé &c gagné la terre, nous n'en étions pas éloignés de quarante a cinquante toifes , lorfque nous nous perdïmes; &c nous ne fauvames rien que Péquipage. Les maures ont Padrefle d'apprendre a leurs chevaux une quantité de chofes agréables & des mouvemens finguliers. Au dernier voyage que je fis dans la rivière du Sénégal, un homme confidérable de la nation , informé que je remontois le fleuve a la cordelle , vint au-devant de moi avec dix ou douze de fes amis tous montés fur des chevaux arabes de toute beauté. Arrivé devant mon bateau & a portée de nous par Ier, il fit ranger fa petite troupe fur une feule ligne, enfuite fans aucun mouvement apparent des cavaliers qui les montoient, les douze chevaux me firent d'abord tous enfemble trois faluts de la tête; enfuite, avec la méme préci-  de la Nigritk. fiön, ils mirent tous le genou droit en terre, enfuite le gauche; & enfin les deux enfemble, ils finirent par les trois faluts de la tête comme ils avoient commence'. Après cette ce're'nionie, les cavaliers vinrent a mon bord recevoir quelques petits préfens d'ufage, Les maures de ces contrées font tous d'excellens cavaliers. Ils moment les jambes courbées prefqira la houzarde j mais ils font fi fermes fur leurs chevaux, que je les ai vus pluficurs fois courir au grand galop , ventre. a terre, & ajufter derrière eux un coup de fufil avec autant de jufielTe que s'ils avoient tiré devant eux & pofémenn Ces peuples font très-fobres & vivent de peu de chofes. Leur nourriture cependant n'eft pas toujours la menie ; ceux qui font riches en beftiaux font mettre, plufieurs fois J'anne'e , quelques bceufs en machoirant j c'eftVa-dire, ique le boeuf étant tué, ils enlèvent toute la chair de defius les os, ils la coupent B 2  2 o Defcription par lanières un peu plus grolles que le pouce; enfuite , pour la conferver, ils la trempent une feule fois dans une eau falée, & la font fécher après a Pardeur du foleil le plus brülant, pendant cinq a fix jours. Alors cette viande devient féche Sc dure, de la forme d'une corde; elle fe conlerve, dans eet état, un an Sc plus. Lorfqu'il ont befoin de s'en fervir, ils en mettent des parties en poudre Sc la font cuire dans de l'eau. Cela leur fert de nourriture dans leurs voyages; ils en font aulfi unbouillon qu'ils boivent lorfqu'ils font malades. Ils en trempent une farine de millet, cuite Sc prépare'e, ce qui fait un repas affez nourrifïant; mais cette provifion n'empêche pas ceux qui font opulens de manger fouvent de la viande fraiche Sc particulièrement des moutons Sc des agneaux, qu'ils font cuire d'une manière affez fingulière. Après avoir fait écorcher un mouton ou un agneau, Sc retirer les interims,  de la Nigritie. 2ï ils le faupoudrent de fel & Penveloppent dans fa même peau. Enfuite, ils font un trou en terre proportionné a Panimal qu'ils veulent faire cuire. Ils y allument un grand feu; une hcure après, ils en retirent une partie de terre chaude , & placent Panimal dans le trou fur lequel ils jettent cette même terre chaude & fept a huit pouces de froide, fur laquelle ils allument un très-grand feu , jufqu'au moment oü ils croyent leur viande cuite. Alors , ils la retirent du trou, en jettant dehors la peau qui fert d'enveloppe. Ils recoivent le jus de la viande dans des gamelles; ils la mangent enfuite avec leur familie. Je me rappelle qu'un jour , entrainé par 1'ardeur de la chaffe, fort loin de Pendroit que j'habitois, égaré avec mes deux jeunes négres-domeftiques , chargés de gibier , mourant de faim, & très-fatigué, je rencontraideux maures, dont 1'un étoit de ma connoiffance.  2% Defcription Chacun d'eux étoit chargé de deux gros pohTons qu'ils portoient a leur habication , que les francais nommenr gddes. Je leur demandai mon chemin , en leur marquant mon empreifement de me rendre a mon bateau pour appaifer la faim qui eommencoit a me tourmenter, Ils me proposèrènt de me repofer dans le bois, &z d'y manger un jnorceau de leurs pohTons. Je regardai ceue propefition eomme une plaifanterie, puifque ces poiüons n'étoient pas cuits i mais bientót ils me donnè-» rent des preuves de la poffibilité oü ils ctoient de me faire profiter de leurs orrres cbligeantes. L'un d'eux fe mit a faire un trou en terre, 1'autre battit le briquet , mes négres ramafsèrent du bois fee , Sc firent grand feu, comme il vient d'être expliqué ci-defius, pendant lequel temps , un de ces deux maures leva la peau de ces gros poiffpn* depuis le ventre jufque fur Pépine du dos s auquel il lailfa la peau atta.^  de la Nigritle. chée; enfuite , il les vuida, il les faivpoudra de fel, remit la peau par-deffus, leur coupa la tête, & en boucha le trou avec une poigne'e d'herbes pour erapêcher le jus d'en fortir. Ils les firent cuire de la même manière que leurs moutons , & puis ils me fervirent ce mets fur des^grandes feuilles de latamier, & je trouvai cette manière de faire cuire le poiifon excellente. La feconde clalfe des maures, moins riches que ceux dont je viens de parler, vit plus miférablement. Les uns dclayent & font fondre la gomme dans du laitj d'autres font cuire un peu de farine de millet préparé , que nous nommons coufeou , «Sc ils la mangent avec un peu de beurre. Ils ne répugnent même pas a manger des fauterelles féchées, en y mettant du beurre. Ils font ene ore grand cas des dattes ; mais les riches feuls peuvent s'en procurer facilement. B4  2q> Defcription Je crois avoir afTez parlé des maures , pour que cela ferve d'introducftion a l'hiftoire principale des parties de la Nigritie connue.  de la Nigritie. 25 DE LA NIGRITIE. Nous avons dit que la rive gauche de la rivière du Sénégal étoit habitée par les maures arabes, &c la rive droite par un peuple de négres d'un très-beau noir, nommé Jolof, (bus la domination du roi d'Hamet, qui commence a la pointe de la rivière , a une ou deux lieues au-deffus de Ion embouchure ; les peuples font fous la domination du roi Brack , qui gouverne le pays Doual, &c qui fait la demeure a. trente-fix lieues ou environ du Sénégal. Ces peuples, quoique fous une domination differente, parient la même langue , &c ont les mêmes mceurs. Les rois de ces deux pays, étoient anciennementgouverneurs &c fujets , fous un troifième roi , dont le pays eft fitué a-peu-près a cinquante  26 Defcription lieues du Sénégal , au haut d'un lac; nommé le lac panier-fouües. Ce fouverain fe nomme Bou^ha Jolof', qui fignifie fouverain des deux pays. Ce nom lui étoit donné avec plus grande raifon, avant que le roi Brack &c le roi d' Hamet , jadis fes fujets, eulfent trouvé le moyen de fe fouftraire a L'autorité légitime de leur maitre, & de fe faire reconnoïtre rois du pays qu'ils gouvernent aujourd'hui. Tout ce que j'écris, date depuis 1740 , jufqu'a 1'année 1752. Tout cela fait que les peuples de ces trois pays ont confervé la même langue, les mêmes moeurs , &c a-peu-près la même religion. Je commencerai par décrire le pays de Brack, paree qu'il eft fitué en remontant la rivière du Sénégal, qu'il eft elfentiel de parcourir jufqu'a Galam; je donnerai la defcription de fes mines d'or, lorfque je ferai a eet article. Et après avoir donné la relation de cette rivière, pour ne point confondre les  de la Nigritie. 27 pays, je reprendrai ma relation a la pointe de la rivière du Sénégal , oü commence le pays du roi d'Hamet, pour fuivre enfuite toute la córe, jufqu'a celle cYAngolle, après laquelle on trouve un pays inhabité , le long des cötes , prefque jufqu'aux environs du cap cle Bonne-Efpérance , ou de nouveaux peuples nommcs Hottentots. Ils n'ont rien de commun avec 1'hiftoire de la Nigritie, Je reviens aux peuplades qui habitent prés de la rivière du Sénégal. L'ifle qui porte ce nom, cftfituée , corame 011 1'a dit, a deux lieues de l'embouchure de ce fleuve; elle c ft rentree a la paix dernière, fous la domination francaife. Cette ifl'e a toujours été le chef-lieu de la conceftion , qui commenc^oit depuis le Cap - Blanc, jufqu'a Seralionne. J'ai dit que la rive droite en remontant la rivière, appartenoit au roi Brack, j ufqu'a la diftance de quarante a quarante-  2 8 Defcription cinq lieues environ du Senegal. Fn total, c'eft un petit pays affez pauvre , qui, en partant des bords du fleuve, s'étend peu dans les terres, èc qui ne s'eft anciennement foutenu que par la bravoure de ce peuple ; il eft aujourd'hui vexé par les maures, Sc ce qui en eft caufe, c'eft le peu de foins qu'on a mis a les protéger. Les femmes font belles Sc bien faites, d'une intelligence fingulière. Elles apprennent avec la plus grande facilité, ainfi que celles du pays de Cayor Sc de Bourba-Yolof. Cette aptitude a concevoir aifément, les fait eftimer de nos habitans de \'Amérique , au point que le petit nombre qu'on leur en porte, fe vend 20 ou 30 piftoles au-deffus du prix des femmes des autres contrées. Elles font eftèélivement fi fufceptibles d'inftruiflion , que peu de mois après leur arrivée a nos ifles de 1'Amérique, elles favent coudre, parler francais Sc fervir comme nos domeftiques euro-  de la Nigritie. 19 péens; aufli les dames créoles ne manquent pas d'en faire leurs femmes-dechambre. Quant aux hommes, ils font plus propres a la chalfe & a la pêche, qu'a toute autre chofe. II fe fait ordinairement très-peu de captifs dans ce pays , non-feulement paree qu'il a peu d'étendue &c qu'il eft médiocrement peuplé ; mais encore paree que le chef n'oferoit faire ouvertement des enlevemens de fes fujets, fans rifquer de révolter fon pays. II n'a donc de revenu que quelques légers tributs que lui payent annuellement les villages. Joignez-y ce que les francais ont coutume de lui payer, & quelques préfens qui lui font faits dans le courant de 1'année. Cela lui fert a entretenir une très-petite 8e très-miférable fuite , qui eft ü familière avec lui , que fouvent l'un d'eux lui retire de la main un verre d'eau - de - vie pour en boire la moitié.  3 o Defcription Par ce récit, il eft aifé de juger que ce pays n'eft pas fort riche. Cependant, fes habitans fe nourriiTent alfez bien.  de la Nigritie. 3* Manière dont les ne'gres Yolof^Jujets du roi Brack , cidtivent la terre. Hjes terres n'ont point de propriétaire abfolument fïxe. Chacun prend du terrein ce qu'il veut en employer , mais toujours le plus proche qu'il peut de fa cafe; fi toutefois ce terrein n'ell point occupé. Les plus laborieux enfemencent des grains, non-feulement pour leur propre confommation , mais encore pour en vendre aux blancs , &c aux gens du pays qui en ont befoin. Leur principale récolte eft celle du gros &c petit millety &c celle du maïs, ou bied de Turquie. Leur manière de préparer la terre ne les oblige pas a un grand travail. Un mois avant la faifon des pluies, qui commencent a la fin d'avril ou au commencement de mai, ils metrent le feu dans la campagne, aux pailles reftées  3 2 Defcription de 1'année précédente. Ayant féché au foleil ardent, elles brülent très-promptement , & laiffent après avoir été brülées, une cendre fur la terre, tréspropre a la fumer. Les pluies viennent enfuite, alors tous les négres , les négreflés & les enfans, fortent de leurs cafés. L'homme avec une efpèce de petite pioche, ouvre d'un feul coup un petit trou dans la terre , une femme derrière lui avec une pague autour d'elle, en forme de tablier, remplie de grains, en prend dans fa main, qu'elle lahTe tomber dans le trou qui vient d'être ouvert devant elle ; & derrière cette femme , eft un ncgrillon ou une négrette, qui recouvre de terre avec le pied, le grain qui vient d'être verfé. C'eft ainfi que ces trois perfonnes marchant touiours en avant, enfemencent leurs terres d'un vïteffe étonnante. Comme lesharicots rouges viennent trèsbien chez eux, fouvent ils en sèment de la même manière dans les intervalles de  he la Nigritie. ■*' 8e leur maïs, qu'on nomme en France bied de turqute. Lorfqu'ils coupenc les récoltes de ce grain , au bout de foixante 'ou foixante-dix jours , les haricots fe trouvent en fleurs, alors dégagés du maïs qui les étouffoit; cette nouvelle production mürit a fon tour, & un mois après, ils en font la récolte. Le travail d'enfemencer leurs terres n'eft pas celui qui doit leur coüter le plus ; il eft queftion pour eux de préferver cette récolte, chacun pour le canton qu'ils occupent , des ravages que peuvent faire les oifeaux, les éléphans, les fangliers & les finges. Pour s'en garantir autant qu'ils le peuvent, lorfque le grain veut entrer dans fa maturité, ils font obligés d'élever plufieurs petites plates-formes de piquets attachés les uns aux autres , de la hauteur d'environ fix pieds, placés a. différentes diftances dans toute Fétendue de la pièce de terre enfemencée, nomïnée lougans. c  34 Defcription Ils font monter fur ces élévatioiis des femmes Se des enfans, Sc chaque fois qu'il paroït un nuage d'oifeaux prets a tomber principalement fur le gros mil qui pouffe en grappe , US s'efforcent de faire des cris auffi percants que fi on les égorgeoit. La nuee d'oifeaux s'effraye Sc fuit pour aller ie repofer a deux eens pas plus loin , ou dans une autre pièce de terre enfemencée , oü elle eft recue par d'autres crieurs , comme la première fois ; on tire quelquefois des coups de fufil pour les effrayer davantage j ces oifeaux volent de pièce en pièce, fans lavoir oü fe percher. C'eft un fpeftac e très-amufant d'en voir une fi grande ouantité ralfemblés ; mais comme üs s'accoutument peu a peu a ces ens, ils s'en effrayent moins a la longue , Sc attrapent toujours quelques béquetées de grain en palfant. Dans les endroits oü ces oifeaux ibno en trop grande abondance, les négcesi  ck la Nigritie. |jj font obligés d'avoir la patience d'envelopper chaque grappe de mil, d'une poignée de paille fróiflee, pour empêcher leur récolte d'être dévoréc. Ces oifeaux ne font pas les plus gratids ennemis qu'ils ayent a craindre; les fangliers «5e encore plus les élëpharis , leur caufent dans une feule nuit, un dégat qu'on auroit peine a croire. Trois ou quatre de ces animaux tombent de nuit dans un vafte champ prêt a être récolte, & n'y laüTent prefque rien j tant par la quantité énorme qu'ils mangent de grains., que par ce qu'ils en écrafent avec leurs larges pieds, dont 1'empreinte a fouvent plus de quatre pieds de circonférence. Le feul moyen de fe garantir de ces animaux , moyen fouvent infruclueux en partie, eft d'allumer des feuxlanuit autour de leurs pièces de terre prêtes a étre récoltées. Encore faut-il que ces terres foient peu éloignées des bois, C2  2 £ Defcription pour fe procurer de quoi faire le feü dont ils ont befoin. Enfin, nialgré les rifques que certaines p'-èces de terres ont a courir, les negres de cette nation récoltent beaucoup de arains. Ils en receuilleroient bien davantage encore, s'ils étpient moins pareifeux. Ceux qui le font plus, ne travaillent exaftement que pour leur propre confommation de 1'année , fouvent même la récolte qu'ils font , eft infuffifante. Ceux au contraire qui font laborieux , enfemencent autant de terre qu'ils le peuvent, «5c vendent aux blancs du Sénégal, tout ce qu'ils ont au -dela de leur confommation annuelle. Du produit de cette vente, ils s'en procureur les marchandifes qu'ils convoitent le plus, comme du fer plat, en barre , eau-de-vie,toile de coton bleu, autrement falem pourie , baffins de cuivre , couteaux flamands & verroteries pour leurs femmes.  de la Nigritie. Manière dont les négres du pays Doual* dont il vient d'être parler]3 ainfi que: ceux du pays de Cayor & du royaume des Foulles/è nourrlj[ent, & la manière: dont üs apprêttnt leur nourriture* ■ÏjA principale nourriture des négres 'yotof eft celle qu'ils nomment raquéré y &: que les francais du Sénégal nomment coufeou. Sans ce méts , ces peuples croiroient n'avoir point: diné , quelque "bonne chofe qu'on leur fervit a la. place. On auroit peine a slmaginer Ie travail qu'exige la préparation de eet aliment, qui parort fi fonple a la vue & au goüt. Voici comme il fe prépare. D'abord , dans un mortier de bois profond de quinze a dix-huir pouces , avec un pilon de cinq pieds de long v groffi par les- deux bout-s-, une femme C 3,  3 8 Defcription pile la quantité de gros ou de petit 'rnil qui lui eft néceffaire pour nourrir fon monde. Lorfque ce grain eft concaffé , 'elle lëpare le fon d'avec la fanne, de la manière fuivante ; elle met a terre un panier ou un morceau d'étofte pour recevoir le fon; elle prend a plufieurs fois fur un couvercle de panier une portion du grain qui a été broyé ; alors elleincline le couvercle du panier doucemenr, elle verfe de fa hauteur le ■grain au-deffus du morceau d'étofte qu'elle a mis a terre,toujours expofée au vent; il emporte le fon a deux ou trois pieds, Se la fanne plus pefante tombe prefque d'aplorob dans le morceau d'étofte que cette femme a mis a terre. Ce travail réitere deux fois, le fon fe trouve abfolument féparé de la farine ; c'eft une efpèce de vanage. La femme ramafie enfuite fa farine la met dans une grande gamelle de bois très-propre , affez-bien travailJée j elle allume du feu entre trots pierres ,qui lui fervent de trépied j elle  de la Nigritie. 39» y 'pofe un pot de terre rempli d'eau dans lequel elle fait cuire , foit un morceau de viande, foit une volaille , ou une poule pintade, ou enfin du poifion frais ou fee, fuivant les facuïtés de fon maïtre. Pendant que la cuilTon fe fait, la cuifinière revient a fa gamelle de farine, fur laquelle elle verfe un peu d'eau; après quoi elle broye cette fanne a tours de bras très-long-temps , tSc jufqu'a ce que bien broyée elle prenne la forme de graine de moutarde. Elle met alors cette préparation dans un autre pot de terre , percé de perits trous dans le fond ; elle met ce pot par-deflus celui dans lequel fe fait le bouillon de viande , ou de poiflbh, de manière que c'eft la vapeur du bouillon, qui cuit la farine mife dans ce fecond pot. On doit regarder cette cuiflon fake comme au bain-mary. Elle eft verfée toute chaude dans une gamelle bien „ propre, Ia. cuifinière verfe: par-deflus. cette farine ie bouillon de fon premier C 4  40 Defcription pot, le couvre un quatt-d'heure pour faire gonfler fa préparation , 6e met dans une autré gamelle la viande ou poilTon qui a fervi a faire le bouillon; elle préfente ces deux gamelles aux convives, qui viennent fe placer a terre , en rond, fur des nattes , autour de ce qui eft fervi. Une ou deux négreffes leur préfentent des couys, qui font la moitié d'une calbaffk coupée en deux /remplie d'eau claire, avec laquelle chacun fe lave ia bouche avant de manger, 6e enfuite la mam droite , qui eft la feule dont ils fe fervent pour les chofes qui exigent la propreté. Ils mangent avec cette mcme main , ne connoiffant pas 1'ufage des cuillers. Après s'être raffafies , on préfente une feconde fois de 1'eau aux convives ,• pour fe laver la boucJbe 6e la main. A la fuire .du repas, on fert un pot de-vin:de palmt , dans les endroits oü il y a des palmiers , ou du pitot dans les lieux oü ils manquent. Cet.e  'de la Nigritie: 4* Hcrnière boiflon eft une efpèce de bière faite avec da maïs bouilli & fermenté , dans laquelle on ajoute un fruit qui Padoucit. Quant au vin de palme( il y en a de plufteurs efpècesj) il fe tire du haut de Parbre nommé palmifier. Les négres y moment , avec une ceinture autour du corps, &c très-leftement,font une faignée dans le tronc de Parbre; ils y font entrer une feuille ployée en forme degoutière , 4) ar oü dégoute le vin de paime , dans un pot de dix a douze pintes qu'il place deflbus. Ce pot fe trouve prefque tou.jours rempli dans les vingt - quatre heures ; ils le vont chercher plein, & le defcendenf comme ils Pont monté vuide. C'eft de ce vin qu'ils boivent a la fin du repas, avec lequel fouvent ils s'enivrent, quand cette liqueur a etc gardée deux ou trois jours. Cependant chacun fume fa pipe, fait la converfation & rapporte les anecdotes du jour. C'eft ainfi que fe fait le  4% Defcription repas principal des négres , qui font affez riches pour cela. Quant au déjeuner , ii exige moins d'apprêts. On fait cuire tout fimplement la farine de mil ou maillé, dans de 1'eau qu'on verfe dans une gamelle. L'on y jette du beurre qui fond auffi-töt, Sc après Favoir broyé dans la pate , on verfe du lak aigre ou doux, avec le jus du fruit d'un arbre nommé calbafie, qui produit un aigrelet très-agréable au goüt. Ce déjeuner fe nomme en francais fan*» giet, Sc en négre laclalot. Le fouper eft quelquefois tel que le diner; Sc quelquefois tel que le déjeuner, fuivant Populence de 1'habitant.  de la Nigritie. 4^ De la langue des peuples Yolof. Leur langue eft une des plus jolles de la Nigritie. Dans bien des occafions, elle perdroit d'être rendue en francais. Quand les négres fe rencontrent, ils fe faluent en fe prenant Ia main ; ils ont trois mots qui diftinguent le bonjour du matin, celui de 1'après-midi 8c celui du foir. Le matin ils difent: Déraguéo j jdmeca , fabaye quiam fendeiïle , faguia-. baiefadomeguiam. Ce qui fignifie : bonjour; comment te portes-tu ! Tonpère, ta mère, ta femme, tes enfans fe portcnt-ils bien ? L'après - midi , avec le même compliment, au lieu du mot déragueo , qui fignirle bonjour du matin,' ils y fubftituent celui de deraguendo, qui eft le bonjour de 1'apres-midi; 6e pour le foir, celui de dcraguenqu'oo. Leurs expreffions dans leurs ébatij  8j-4 Defcription. amoureux, font d'une énergie &c d'uneS force que notre langue ne pourroit rendre, Sc comme la décence pourroit être blelfée même dans les périphrafes dont on pourroit fe fervir pour les adoucir y on croit devoir fe difpenfer d'en donner des exemples. Laplus grande injure que ces peuples puilfent fe dire, c'eft de nommer par ieur nom les parties naturelles de leur père Sc mère, &c grand-père, Sc gandrmère, dont la mémoire leur eft infiniment refpectable; Sc lorfqu'ils en font 'venus au point de s'injurier de cette 'manière, il eft fort rare que la difpute fe termine fans qu'il y ait du fang de répandu, Sc les agrelTeurs font obligés de payer ce fang au roi du pays.  'êe la Nigrldd yêtemms des hommes & des femmes. ILorsque les hommes fortent de chez eux, ils portent une culotte large a grands plis, & fur le corps, ils ont une efpèce de robe coupée en chafuble, avec de grandcs manches plifïees. Ils font fans manches quand ils vont a la guerre. Par-delfus cette robe , ils fe ceignent le corps d'un gargcwjjïer, dans lequel ils placent douze a quinze cartouches •> mais lorfqu'ils ne fortent point,' & pour être plus a leur aife , ils fe contentent d'une pague de coton fabriquée chez eux , «Se d'environ une aune «5e demie ou deux aunes. Quelquefois même, ils fe couvrent le corps d'une feconde pague, de même grandeur , dont ils relèvent le bout fup 1'épaule gauche.  ^.6 Defcription. Les femmes font plus recherchées dans leur parure, <5e ont, comme partout ailleurs, leur efpèce de coquetterie. Leur premier ornement caché , eft autour des reins; ce font dix a douze rangs de vérotteries les plus fines qu'elles puiifent fe procurer , ce qui forme un cliquetis en marchant. Lorfqu'elles en ont beaucoup , elles annoncent ainfi aux amateurs un ornement caché. Ceux qui font a découvert, font une paire de chaïnes d'argent ou d'or a chacun des pieds, fous lefquels elles portent des fandalles; & a chaque main, une paire de meuilles d'or, fuivant leur opulence, en forme de bracelets. Des boucles d'or aux oreilles, les plus fortes qu'elles peuvent avoir, & foutenues par un fil fur la tête, pour ne fe point déchirer les oreilles. Le deffus de la tête eft rafé, le chignon derrière frifé par petites boucles roulées avec de gros brins de paille, de la longueur de deux  de la Nigritie: fyf ou trois pouces; &c autour de la tête , fur le deflus, un petit fichu de foie ou de toile fine , roulé en forme de couronne. Les jeunes filles des chefs, qui ne font pas mariées , depuis douze ans jufqu'a feize , portent un dac. Ce dac eft compofé de pierres de corail les plus grolfes qu'elles peuvent avoir , & des mortandes d'or ou d'argent entremêlés, de la grofleur d'une noifette , Je tout enfib' d'un gros fil de coton. Ce dac fe paffe par le col «Sc fe place fur les e'paules de la jeune ne'greffe j il retombe par-devant fous le fein , en fe croifant ainfi que par-derrière. Satiffaite de eet ornement, elle ne fe couvre que d'un feul petit morceau d'étofie paffé autour des reins ; il tombe jufqu'a mi-jambe, &c le refte du corps eft nud , pour n'en point cacher la beauté , «Se les joyaux dont elles cherchent a 1'orner.  ï)efcripüon C'eft ainfi vêtues , que les jeune* créoles du Sénégal viennent fervir leurs maitrefles a table , lorfqu'elles font invitées les jours de feftins, a venir manger a la table des blancs,  de la Nigritie. 49 Manière des enterremens négres de toute la rivière. Lorsqu'ün homme ou une femme meurt, on cherche d'abord ceux derlinés a faire les pleurs. Ce font des fem* mes louées qui , le plus fouvent, ne connoillènt pas le défunt. Celles qui dans eet emploi marquent par leurs cris cSe leurs lamentations, le plus de douleur, font les mieux , elles font a la tête du convoi Sc de la familie : lorfque le défunt eft conduit pour être mis en terre, la cérémonie achevée, ces femmes reviennent en faifant des hurlemens a la porte de la cafe , & en préfence de la femme qui vient de perdre fon mari. Elles n'interrompent leurs pleurs Sc leurs cris, que pour faire 1'éloge du défunt, Sc celui de la veuve; après quoi, elles entrent dans la cafe, D  Defcription recevoir les complimens de la familie &des affiflans, de ce qu'elles ont bien W leur róle, geiles boivent: autant d'eau-de-vie qu'on veut bien leur en donner. Ces pleurs durent au moins hm iours, pendant lefquels elles ie rendent cTquMour au foleil lcvant & au foleil couchant, autour du tombeau du défunt , oü elles recommencent leurs ïamentations , difant au défunt =pourquoi es-tu mort. N'avois-tu pas de femmes, un cheval , des pipes & du tabac?Et cela finic toujours par venir recevoir leur paiement. Pendant les huk jours que dure cette comédie, les parens de la femme veuve & routes fes amies , s'emparent d elle nelaquktent pas d'un moment eek pour faire diverfion a fa douleur. Chacun fait apporter fon plat d'heures en heures,avecduvindepalme,deleau- de-vie, chacun mange &c boit, & recommence a 1'arrivée d'un autre plat des convives.  de la Nigritie. j r Du royaume des Foulles. Le pays des Foulles commence imme'diaternent après celui du roi Dondt, dont il vient d'être parlé. II a beaucoup plus ti'étendue que ce dernier , puik qu'il confine dans le haut de la rivière des deux rives, jufques prés de Galam ; il eft auffi beaucoup plus grand que celui du roi Brack. Siraüque-Conco en eft le fouverain. Ce pays étoit autrefois fi peuplé , que fans effortil auroitété facile a ce roi de tenir les maures dans une entière dépendance , & de les aftiijettir a lui payer un tribut ; mais cette nation molle, fans vigueur & fans courage , s'eft toujours laiftee battrepar des forces très-inférieures. Toujours pillés cSe emmenés en captivité , le nombre de ces peuples a confidérablement diminué. II eft réduit D 2  '£2 Defcription dans une efpèce de dépendance fous les. maures. Ces négres font beaucoup moins noirs que ceux du bord de la rivière. Ils font prefque rougeatres, quoiqu'ils habitent un pays plus chaud que celui du bord de la rivière , & quoiqu'ils foient alimentés de la même nourriture que ces derniers. J'ofe préfenter ici , au le&eur , les réfléxions fuivantes , fur la caufe des différentes couleurs des hommes qui habitent le globe. Ces réfléxions, je les ai déja fait inférer dans le mercure de France, en 1786 , & je les rapporterai fans y rie n changer.  de la Nigritie.^ '5? Réfléxions fur la caufe & la différenct des couleurs des hommes qui habitent notre globe. Il y a des auteurs très-favans, qui' ont avancé comme une chofe certaine, que les différentes couleurs des hommes qui habitent le globe proviennent de la qualité de la nourriture & de la chaleur du climat; mais par les réfléxions fuivantes, cette opinion ne paroït pas difEcile a détruire. • Le pays qu'habkent les négres en Afrique commence au Niger, ou rivière du Sénégal , fituée par les i hniner le nombre. De plus, ces étabïffemens produiroient une augmentation de commerce dans cette rivière. La fréquentation des francais dans Pinte'rieur du pays devant attirer a eux une grande partie du commerce de PAfrique : commerce qui paffe fur les cötes par les marchands mandigues, qui, naturellement fe porteroient moins loin de nos établiffemens, quand'ils leur feront connus. Enfin , on ne fauroit prévoir tous les avantages'que Pexécution d'un pareil projet pourroit procurer a la France. Pour des objets d'une bien moindre importance, la France a fait en plufieurs occafions des dépenfes beaucoup plus fortes pour fe procurer du poivre a la cöte de Malabar; la guerre de Mahe', eft de plufieurs millions. Pour affurer le privilege de la traite de Gomé d Portandie, elle a fait plufieurs années des armemens qui lui ont coüté beaucoup. F 2  8 4 Defcription Pour tenter d'établir a la Guianne ; la culture des terres par les mains des blancs (ce qui ne pouvoit fe faire que par celle des négres) elle a fait une dépenfe de peut-être huit a dix millions. Comme du haut de la rivière de Gambie , il n'y a guères que vingt lieues de difiance a celle de Galam , les anglais ont certainement connoiffance des richeifes du pays de Bamboue , &c nous devons au mauvais régime de leur commerce a cette cóte, de ce qu'ils ne font pas déjkérablis fur les mines. C'eft la nationquiachete du gouvernement le commerce, Se ce font des armateurs particuliers qui 1'exercent. Un particulier n'eft pas en état de fe livrer l tout ce que demande une fi grande entreprife; ce ne peut-être que 1'ouvrage de Pétat ou d'une compagnie pnvilégiée. On ne peut donc diftimuler que pour parvenir a une entière poffcffion des mines , avec surete. ? -  de la Nigritie. anglais Sc de toute autre nation dans 1W rivière de Gambie, il faudroit obtenir par le premier traité de paix avantageux, 1'exclufion des anglais dans cette rivière. Cette nation, jaloufe des richeffes que nous retirerions de Bamboue\ pourroit parvenir a nous traverfer dans nos opérations, en nous fufcitant des ennemis; Sc ils attireroient une partie du commerce que la fréquentation des francais dans les terres doit augmenter confidérablement. Enfin, les anglais en Gambie, peuvent nous nuire de toute facon.. La France,au contraire, fi elle étoit abfolument maitreiïe des deux rivières du Sénégal Sc de Gambie, k 1'excïufion des autres puiffimces de 1'Europe , n'auroit plus. a craindre d'être troublée dans aucune de fes opérations, tant en Ramhout fur les mines, qu'en Galam, pour PaccroilTement de fon commerce ; & alors n'ayant point de concurrent, elle F}  $> £ Defcription feroit toujours dans le cas de faire la loi a toutes les nations du pays. Le facrifice du commerce de la rivière de Gambie , doit d'autant moins coüter a 1'Angleterre, qu'elle n aqu'un établilfement dans cette rivière, nomme le fort Jacques,' qui avoit été rafé dans la dernière guerre, & qu'elle a fait retablir a la paixj eet étabiilfement eft fitué prés de notre comptoir üAlbreda. D'ailleurs, les anglais poffédant douze a treize forts le long de la C6te d'Or, tandis que la France qui a beaucoup plus beibinde bras négres pour Pexplöïtation de fes habitations en Amenque, n'a abfolument que le Senegal 6c Juda. Quoique la rivière de Serahonne ne foit point a portée de nuire a 1'exécution du projet fur les mines; il feroit fort avantageux au commerce de notre nation, & a la profpérité de nos colonies d'A mérique, qu'elle eüt auffi le droit exclufif du commerce dans cette rivière.  de la Nigritie. %j De forteque depuis le Cap-Blanc, jufqu'a Serallonne, inclufivement, il n'y eüt que le pavillon francais qui put commercer , Sc que les batimens de toute autre nation pulTent y être arrêtés, &pris comme intcrlopes, a Pexception des batimens portugais dans les rivières de Ca^america Sc de Cachot, Sc au Biffeau. Pour lors la France auroit réellement Pétendue de la concelTion dite du Sénégal , telle que nos rois en avoient accordé le privilege exclufif a 1'ancienne compagnie des Indes ; elle jouüToit de la partie la plus avantageufe du commerce de la cöte d'Afrique, Sc auffi: par la briéveté des traverfées en Amérique, Sc fa proximité de 1'Europe ; il faudroit encore pour éviter par la fuite toute forte de tracafferie, qu'il fut inféré dans Ie traité avec PAngleterre, au fujetde cette conceffion, outre Ie terme général depuis le Cap-Blanc jufqu'a la rivière de Seralionne, inclufivement,. il y fut ajouté ee qui comprend depuis le  8 8 Defcription Cap-Blanc , Portandie, la rivière du Sénégal 8e les dépendances ; Gorée, la rivière du Gambie &c leurs dépendances; 8e toutes les rivières entre cette dernière , &c celle de Seralionne , inclufivement, &c leurs dépendances , fans nuire aux droits du Portugal, dans les rivières de Cazamenu, Cachas, &cc. Les portugais ont refufé quelquefois d'admettre les navires francais a traiter au Bijfeau ; droit que la France a toujours eu &c. qu'elle a toujours exercé avec eux a 1'exclufion de toute autre nation. A eet efïêt, il conviendroit que Ie rhiniftère fït expliquer la cour de Lisbonne a ce fujet, Sc fït valoir le dreit qu'elle a toujours eu a Cazamenu, au Biffeau 6c dépendances. La régie qu'il conviendroit d'établir pour la conceffion des mines, demanderoit la plus grande attention. Les vues qu'on auroit fur cette conceffion, exclueroient abfolument la liberté du commerce , qui a d'ailleurs tant d'in-  de la Nigritie. convéniens faciles a démontrer, qu'elle n'eft propre qu'a la détruire, ruiner les armateurs, & fruftrer 1'Amérique d'une grande quantité de captifs que le pays peut lui fournir; mais que des armateurs ne peuvent aller chercher dans le haur de la rivière, oü 1'on ne peut monter que dans la haute faifon. Cela détruiroit leurs équipages , outre la perte Sc la longueur du temps qu'ils feroient obltgés de refter a la cöte. II n'y a pas d'année qu'il n'arrive a quelque navire anglais , de perdre tout fon monde dans la rivière de Gambie. De forte qu'il ne refte que quelques captifs a bord, dont le commandant du fort Jacques s'empare pour les vendre au profit des armateurs des navires: ce n'eft que par des réfidens fur les lieux que le commerce de ces rivières peut fe faire avec quelqu'avantage ; Sc mieux encore, par des compagnies privilégiées, pour éviter la concurrence qui fait acheter les chofes beaucoup plus chères qu'elles ne  ipó Defcription coütent ordinairement lorfqu'il y a uit tarif d'établi. II faudroit donc faire exercer le commerce de cette conceffion , par une compagnie privilégiée , 8e lui donner toute proteclion; mais peut-il convenir qu'il y ait dans le pays deux intéréts diftingués ? N'eft-ce pas fupporter des difcordes, des brouilleries Se le défordre par-tout? Et expoferoit-on une compagnie qui auroit fait des avances confidérables de plufieurs millions , a faire mal fes affaires, &c celles de 1'état. II faut cependant que le commerce foit exercé Se tous les établiffemens fournis de ce qui leur eft néceffaire. Si j'ofois ajouter a mon avis, ce feroit de former réellement une compagnie fous le titre de compagnie royale d'Afrique, dont les adminiftrateurs nommés par arrêt du confeil, ( comme jadis les directeurs del'ancienne compagnie des Indes) régiroient pour le compte du roi, non-feulement le commerce, mais  de la Nigritie. 9* auffi tout ce qui concerne les mines d'or Sc toute 1'adminiftration de la conceffion. Les fonds de cette compagnie feroient faits par le roi ; elle rendroit compte de leur emploi au miniflère, fous 1'autorité duquel elle agiroit, Sc qui difpoferoit des fonds qui entreroient dans cette caiffe. Par ce moyen , 1'autorité n'auroit plus d'inconvéniens, on profiteroit de tous les avantages du commerce Sc de 1'exploitation des mines; Sc les richeffes qu'on en retireroit fe trouveroient directement dans les coffrcs du roi, en augmentation des finances de 1'état. Le gouverneur de la conceffion, breveté du roi, feroit aufii directeur - général du commerce. II commanderoit tous les fujets dans la conceffion. II feroit plus refpeélé par les puiffances du pays , il auroit plus de crédit auprès d'elles , Sc feroit mieux fecondé Sc mieux obéi par tous les fujets francais. Ce n'eft que par la voie d'infinuation  9 2 Defcription que les francais peuvent parvenir a s'établir chez routes les nations qui bordent la rivière du Sénégal, jufqu'en Bambouë. C'eft ainfi qu'agiffoit autrefois M. Da~ vid9 ancien commandant - général de conceffion, qui avoit 11 bien fu gagner Pamitié des négres, que pas un roi du pays, ne lui refufoit rien de ce qu'il demandoit, même de former des établifïemens chez eux. La force feroit toujours inutile , paree qu'il feroit facile a ces peuples de nous faire mourir de faim. Mais pour fe mettre a 1'abri d'un inconvénient fi a craindre, en formant des établillemens fur les mines , dans les terres, «Sc fur le fleuve du Sénégal, on doit placer autour de ces établillemens fous la protection de nos canons, des families libres, dont nos anciens établilfemens abondent, comme métifs, mulatres, négres même, «Sc leurs captifs; ces families en attireroient bien d'autres du pays, ce qui formeroit promptement des villages confidérables. On exciteroit  de la Nigritie. y$ le moade a faire cultiver la terre, &c a élever beaucoup de beftiaux. Cette reffource nous mettroit dans peu hors de crainte du plus dangereux effet de la mauvaife volonté que les gens du pays pourroient avoir par la fuite contre nous. Pour que ces hommes libres nous foient de plus en plus attachés, il faut leur laiffer une entière liberté , même celle de commercer. Plus ils s'enrichiront, plus ils auront befoin de notre prote&ion, plus il y aura de gens aifés dans nos villages, plus la population en augmentera en hommes libres ou captifs; & il arrivera que quelques années après, par la force feule du nombre, dans nos établiffemens, nous ferions en état (fi nous étions ambitieux) de fubjuguer les puhTances du pays. Alors la France auroit Pavantage fur routes les nation cues, il fut rendualapaixdeRifwick, eivconféquence de Partiele de ce traite, mm en général que les places priles de part 6e d'autre feront réciproquement reftituées, 6e que leschofes refteront a eet égard - Pa comme elles ctoient avant ladite guerre. Depuis cette  de la Nigritie. 97 païx, jufqu'a celle d'Utreckt, nous y avons continué notre commerce comme auparavanr , 6e le fort Jacques a été pris 6e rendu une feconde fois , fans aucune condition qui donnat une augmentation au droit des anglais. Troifièmement, qu'un batiment portugais , fortant de la rivière de Gambie avec une cargaifon de noirs 6e de cire, ayant été pris par un vaiffeau de ia compagnie francaife, a 1'embouchure de cette rivière, fut déclaré de bonneprife par le confeiï du roi, fans que les anglais aient eu la prétention de s'en formalifer. Quatrièmement , qu'après Ia paix $ Utrecht, les anglais ont commencé a nous faire des difficultés, malgré lefquelles nous avons eu pendant plufieurs années deux 6e trois comptoirs a Ja fois au-defibus & au-deflus du fort Jacques. Cinquièmement , que fur quelques voies de fait de la part des anglais, la G°  t:aiUaedernère,&decou„rau „Ie darmes, den prendre lesfufds &les piftolets,delescharger8ede L toujours i balles, &r les eaptfs „ui.plus alertes 8c plus mgambes cher choient a monter le long des manoen ^, navire pour ftanchirlobltacie vres du navire, pu fa jfmol. A<- la cloifon a claire-vo.e , & * empa tr de blancs , qu'il favoient être en „ s-petit hombre, mais chaque negre, au fe rouvoitprêtapairerpar-defifus, tifd coché,iufqn'a bont portant par r rrLr effravés. Cela dura pres d une t„ U I fuccédoient les uns aux ' nar différens cordages, & eprou;rtl'ePmLefort.Onnetiroitpo,n  de la Nigritie. txj fur le gros de la cargaifon , plus pour ménager le bien de 1'armateur que par humanité. La rage des révoltés, a prétendre palier par-delTus la barrière, augrnenta fi fort , malgré la mort qui les attendoit, que voyant que rien ne les rebutoit, l'officier refté commandant fur le gaillard de derrière, craignant de n'avoir pas le temps de charger fes armes , fe décida a faire tirer a mitrailles deux petits canons qu'on tient toujoursen chandelier dans la claire-voie de Ia. cloifon, & toujours pointes- fur le pont, oü 1'on tient les négres dans le jour. Ces. deux coups de canon, chargés de beaucoup de mirraille, tuêrent un fi grand nombre de ces malheureux , que le. refte fe jetta en. pagalle dans 1'entrepont. Lorfqu'il ne parut plus un feul noir 1'on vint fermer les panneaux des écoutdles , 1'on compta les morts , qui montoient a deux eens trente, non compris %t blancs, qui furent tous jettés a la H j  11 % Defcription mer. Que 1'on juge préfcntement du coup-d'ceil affreux d'une fi horrible boucherie ? Cette troifième cataftrophe eit encore une fuite de eet infame commerce, dont jene peux dire tropde mal. Je me permettrai d'en parler dans une autre occafion. Je reviens k la narration de ce navire révolté, de M. Bacot, de laRochelk. Ii a continué fa route, s'eft rendu en Amerique, ya vendu le reftant de fa careaifon, k un prix fi avantageux , que la compagnie des Indes nous a marqué qu'ilavoitmisaupair,c'eft-a-dire,quii rfavoitrienperdufurfonvoyage. Mais, c'eft alfez parler de revolte, k reviens k Gorée. Les environs de cette ifle fourniiTent beaucoup de boeufs, cabris, beurre, huile de palme. C eft une très-bonne relache. La mer y eft fi poiflbnneufe, que d'un coup de fcenne on tire du poiffon pour nourrir deux eens perfonnes ; c'eft une grande ref(ource pour 1'ifle , lorfque les b^ufs  de la Nigritie. ïiQ manquent: ce qui arive fouvent , par la défenfe des traités du roi du pays. II n'y manque abfolument que le vin «5c la farine , qui font envoyés d'Europe. Avant la prife que les anglois ont faite de cette ifle , toutes les denrées avoient un tarif. Quatre poules fe payoient un couteau flamand, eftimé cinq fois ,- vingt poiflbns, quelques gros qu'ils fuflent, un couteau flamand ; un bce'uf y deux barres, ou fix pintes d'eau - de - vie ^ vingt livres de beurre, une barre ; un captif fans défaut, trente barres , dont on diminuoit le prix a proportion des défauts. Gorée a trois petits comptoirs, tenus par un employé , oü 1'on traite des vivres, & quelques captifs. Le premier comptoir fe nomme Bain j il n'efl: éloigné que d'une lieue de 1'ifle; les navires y envoyent faire de I'eau, avec leurs chaloupes, ou avec les chaloupes de terre. Le fecond comptoir fe nomme H4  I2G Defcription Rufisk, qui en eft éloigné de quatre lieues. Le troifièmefe nomme Portudal, & en eft a dix lieues. Ces trois comptoirs font fitués au bord la mer, fur les terres du roi & Hamet: entre ces deux derniers comptoirs, environ a fept lieues de Gorée, il eft néanmoins un petit pays prefque fous le cap de Na^e , indépendant du roi &'Barnet. II eft habité par un peuple nommé les Seraires noirs , pour les diftinguer d'autres Seraires, a vingt lieues plus loin au~deiïus; ils parient une autre langue que les Yolofs du pays oü ils font enclavés. Le roi d'Hamet a tenté plufieurs fois de les réduire , ou pour mieux dire, de les détruire ; mais fans juccès, fi ce n'eft par quelques petirs pillages faits fur les bordures de leurs pays. Ces négres, &c les femmes- particulièment, font les plus beaux de toute la Kigritic, quoiqueplus fauvages que leurs \ pifins, redrés dans les plus épais de  de la Nigritie. 12 r leurs bois, ne faifant aucun commerce, «Sc ne fre'quentant pas les blancs j c'eft peut-être par cette raifon qu'ils font les meilléurs gens Sc les plus humains que j'aie connus, non par principes, mais par tempéramment. II m'eft arrivé plufieurs fois, a 1'age de vingt ans, d'aller chez eux en pirogue, me promener avec mon feul maitre de langue, Sc par ^1riofité, fur le bien que j'entendois o.re de cette bonne nation. Efiéctivement, ils m'ont toujours recu de leur mieux. Ils s'empreifoient de m'apporter en préfens des poules , des cabris , du lait, «Sc louvent nn boeuf, que je refufois , ne pouvant 1'emporter dans ma pirogue. Lorfqu'il fe' perd un bateau ou chaloupe a la cöte de ce peuple, loin d'en faire les blancs captifs , comme cela anive prefque par toute la cöte , ils s'empreflènt de les accueillir, de venir les fecourir Sc de les lailfer retourner lans rancon, chez leurs compatriotes. Commentexpliquer tant d'aélesd'hu-  122 Defcription manité de ce peuple, avec les négres antropophagesdu Gabon, qui mangent, non-feulement les blancs qu'ils peuvent attraper , mais encore les prifonniers qu'ils font chez leurs voifms. Mais je reviens a mes bons Seraires. Dans le dernier voyage que je fis chez eux, je vis promener leur chef dans un état grotefque , monté fur un bceuf, avec un baffin de cuivre fur la tête, en forme de couronne. Tout le peuple, Sc les femmes parées de leur mieux, marchoient devant lui, chantant a tue-tête fes louanges ; après cette promenade, il fut conduit a un folgar ou bal du pays , placé fous deux gros arbres, oü chacun fe mit a danfer au fon du tambour, de la voix &c du cliquetis de ferremens attachés aux jambes , qui fervent, pour ainfi dire , a battre la mefnre. Ce bal eft quelquefois interrompu dans la joumée, pour boire &c manger, ce qu'on leur apporte de leur cafe ,• en-  de la Nigritie. 123 fuite le bal reprend jufques fort avant dans Ia nuit. Ces peuples, naturellement bons, par inelination, vivent cependant dans la plus profonde ignorance de routes chofes connues, même aux autres négres. Ils font fans la moindre religion, Se n'ont aucune connoiflance de Pêtre fuprême. Ils ne font aucun cas de 1'or; ils préfèrent le cuivre rouge a ce métal li précieux aillewrs; de ce cuivre, ils font des boucles d'oreilles Se d'autres ornemens pour leurs femmes. Ne pouvant imaginer, comme on me 1'avoit dit, qu'ils n'eulTent aucun culte, Sc me trouvant un foir, au foleil couchant, au bord de la mer, avec cinq a fix de leurs vieillards, je leur fis demander par mon interprête , s'ils connoiffoient celui qui avoit fait ce foleil, qui alloit difparoïtre , cette maffe d'eau énorme qui étoit fi étendue, qu'un bon mircheur ne pourroit en trouver le bout après deux eens jours de marche , Sc  t24 Defcription enfin, s'ils connoiflbient le ciel Sc les étoiles, qui ailoient paroïtre une heure après ? A ma queftion, chacun de ces vieillards, comme interdits, fe regardoi'ent fans répondre ; cependant après un ' inftant de filence, un me demanda fi moi-même je connoiflois tous les objets dont je venois de leur parler ,- alors un peu embarralTé de pouvoir leur répondre , de manière qu'ils puflent me comprendre ; je leur dis d'abord, que par le moyen de nos vaiffeaux, nous allions par-tout le monde; que nous connoiffions les différens peuples qui 1'habitoient, &c que quant a la connoiflance de celui qui avoit créé toutes les beautés de 1'univers, comme le ciel, la terre &c 1'eau, que nous étions certains qu'aucun homme n'avoit jamais eu le pouvoir de créer toutes ces chofes, &c que d'après cette certitude, nous étions bien aflurés qu'il n'y avoit qu'un grand être infiniment puilfant, qui avoit créé toute  de la Nigritie. ïzy chofe. Que c'étoit par lui que nous refpirions, Sc que tous les peuples de la terre ayant la même croyance , 1'adoroient tous, Sc s'appliquoient pour lui plaire a faire tout le bien qu'ils pouVoient faire a leurs femblables. Avec un peu plus d'éloquence, j'aurois pu fans doute leur dire quelque chofe de plus frappant, mais j'imagine que je ne me ferois point fait entendre; puifqu'avec mon raifonnement fi firnple, ils fe contentèrent de me dire : nous autres ... ne connoiffons rien de tout cela. Mon maitre de langue qui avoit demeuré quelque-temps avec eux, me confirma que ces peuples n'avoient aucun culte. Leur humanité fait honte cependant a des peuples plus éclairés. Leur petit pay s eft particulièrement trèsfertile en coton, Se on n'a que la peine dfèje ramaffer. Ils fe nourrifïènt d'ailleurs fort bien, Sc font heureux dans leur ignorance. Enfuite du pays dont je viens de  ï2(5 Defcription parler , on doublé le cap de Na{t. A trois lieues au-deflus, eft notre comptoir de Portudas, toujours du département de Gorée , quelquefois fous la domination du roi d'Hamet, 6e quelquefois fous celle du roi de Baol, fuivant le fuccès des guerres du pays. Ce peuple parle encore , dans eet endroit, la langue Yolof ; il vit comme tout ceux de cette nation, avec les mêmes produ&ions. L'employé qui tient ce petit comptoir, y traite quelques captifs, des boeufs, du beurre , de Phuile de palme, 6ec. 6cc. A dix lieues au-delTus de eet endroit, on trouvé encore un quatrième comptoir , dépendant de Gorée a Jou al ; mais fous la domination d'un autre roi, nommé Barbefin , dont la nation fe nomme Seraires, 6e dont le commerce eft a-peu-près le même, qu'au Portudal, 6e la même manière des peuples, d'y vivre. Dans le voifinage de ce petit royaume , font fituées deux rivières,  de la Nigritie. lly elles fe nomment Bruxal & Salum ; elles peuvent mener a faire beaucoup de commerce; mais comme il y a une barre a leur entree, il faudroit pour négocier avec les peuples qui habitent les bords, y avoir des bateaux qui tirent peu d'eau, 6e y former quelques pilotescótiers; ce qu'on a toujours négligé de faire. Enfuite de ces deux rivières, tonjours en defcendant la cöte, on trouve la rivière de Gambie, auffi intéreffante pour le commerce, que celle dü Sénégal ; mais prefqu'entière au pouvoir des anglais , a fexception de notre feul comptoir d'Albreda , dont les francais tirent a peine deux eens captifs & quelques milliers de cire t comme j'ai déja parlé très-amplement de-cette rivière, a 1'articie de nos droits négligés fur eet endroit, je n'en dirai rien de plus.  'l 28 Defcription Êtat de toutes les marchandifes avec lef* quelles on fait toutes fortes de traites A la cóte d'Afrïque , dont quelques-unes n'ont pas cependant de cours che{ eer-, taines nations , mais font fort recherche'es che{ d'autres. S A V O I R: Argenteiïe , qui ne paffe guères qu'au Sénégal. Patagues d'Hollande. Cornets a leurs chaines. Grands malatous. Petits malatous. Chaines de pieds. Sifflets de marine. Grelots. Monandes. Armes. Fufils de traite. D?. a la grenadière. Boucanniers;  de, la Nigritie. 12') Boucanniers. Piftolets a deux coups. D°. avec un coup. Ambre jaune gros. D°. moyen. D°. rond. D°. taille'e. Baffins de cuivre de deux livres, IX d'une livre. Chandeliers de cuivre. Bouges ou cauris. Bonnets de laine fine. Barrettes de cuivre rouge. Gros corail. D°. plus petit. D°. rond. Cornalines longues. D°. rondes. Criflaux fins en corde. Couteaux flamands. ÏDrap écarlate de Carcafïbnne. D°. de Berg bleu. Revêches. E  Defcription Eau-de-vie. Écharpes de foye. Fer plat en barres. Grelots de cuivre. Poudre a canon. Plomb en balles. Pierres a fufils. Peignes de bois. Papier commun. Toiles BafTetasDe Rouen. De Bretagne. Platilles. Indiennes. Bajatapo. Keganifpo. Mouchoirs de Rouen. D°. Mafulipatam. X)°. chollet. yerroteries Coutres brodés a fleurs. IK dorés.  de la Nigritie, % * r Compte de Iait. Gallet rouge. D°. raye's. Grain rayés. Loquis taillés en brillanr. Marguerites groffes rayées. D°. bleues. D°. étoilées. Olivettes citron. D°. blanches. D°. d'érnail. D°. bigarées. Rafade de dix a foixante-dix livres. Vérot blanc gros & petits. D°. rouges. D°. noirs. Tabac en feuille en rolle. Des pipes d'HolIande. Toutes fortes d'étoffes de foye. Des fabres. Des chapeaux. Parafols grands & petits. &c. &c Toujours en defcendant la cöté dans le fud, on trouve la rivière du' , Ia  ï 3 2' Defcription Bilfeau encore très-propre a beaucoup de commerce, nous y avions autrefoisun fort que nous avons perdu &c qu'on a tenté enfuite de rétablir ; mais le navire de la compagnie des Indes, le Chameau, qui portoit tous les uftenfiles néceffaires pour eet établilfement, s'etant lui-même perdu dans cette rivière, ce pro] et a été négligé; &c depuis , le commerce s'y eft fait par bateau ou bringantin; mais jamais auiTi confidérable que fi nous y eufiions eu un fort. Cette rivière eft remplie d'iiles, coupées de canaux ; elles font habitées par un très-grand nombre de nations , qui different entr'elles, autant de langage & de mceurs que fi elles habitoient a mille lieues les unes des autres i quoique très-voifines.Ces peuples font continuellement en guerre entr'eux. Les principalesifles de ces nations, font habitées par les Bi{agots , les Papels , les Biaffares, qui fe font tous la guerre; ils  de ta Nigritie. j ^ y viennent-faire desdefcentes la nuit chez fcurs voifins avec des grandes pirogues, qu» Peuvent contenir chacune cinquante ou foixante hommes. Ces peuples font extremement fauvages, & on eft force d'être toujours fur fes gardes avec eux. Comme Pétabliffoment que nous. avions dans cette rivière, y étoit mal imie, fous le canon du fort portugais, de qui Pon éprouvoit fouvent des tracafferies par jafoufie de commerce 1 eltime que fi le gouvernement voulott rendreavantageufes les traites dont cette rivière eft fufceptible, il faudroit, lans hefiter, fermer un établifïèment iurlifle Boullant, dont il eft facile de dcmontrer les avantages, le commerce exclufif de la conceffion du Senegal depuis le Cap-Blanc jufqu'a Seralionne I mclufiVement, qui eft fitué au-dela du Bftleau, pour tirer tous les avantages que cette étendue de cöte, de plus de Ij  j54 Defcription cent foixante lieues lui orfre , doit fermer un établiflement furl'ille de BouU lant. Avant que les portugais eufient conftruit lc fort qu'ils ont au Biffeau , les francais y faifoient le même commerce qu'eux, tant fur 1'ifle que dans la rivière & les ifles voifines. Ils prétendent aujourd'hui que leur fort doit commander la rade, 6e interdire aux francais le commerce qu'ils ont toujours fait dans cette partie de la cöte; 6e s'y trouvant les plus forts, ils en ont chafle nos batimens depuis quelques années. La France peut facilement faire reconnoitre fon droit par la cour de Lifbonne; mais il ne lui conVient plus d'occuper 1'ancien comptoir qu'elle avoit au Biffeau. Se trouvant fous le canon du fort portugais, on feroit toujours expofé a des infultes , tant au comptoir fur 1'ifle , que dans la rade. De forte que , pour ne point perdre le commerce de eet endroit, 6e nous mettre  de la Nigritie. 13 y méme en meilleure pofition que les portugais , & pour le faire avec plus d'avantage qu'eux, au lieu de nous e'rablir au Bijfeau, oü on s'oppoferoit aux fortifications, il faudroit nous e'tablir fur 1'ifle de Boullant, a douze lieues dans le fud-oueft de la rade du Bijfeau. Cette ifle n'eft point habitée; les Bi^agots qui habitent les ifles voifines de Boullant , & les Biaffares habitent le continent, qui n'eft e'loigné que d'une lieue de cette ifle, s'en difputeroient la proprie'té. Boullant peut avoir douze a quinze lieues de tour. Cette ifle a de fort beaux bois , oü il y a des fources qui fortifient la plus grande partie de fon terrein La batifle d'un fort y feroit peu coüteufe : on y trouveroit la pierre , le bois, le fable & 1'eau au pied de la b Itifle. De cette ifle on eft plus a portee que du Bijfeau , de eultiver le commerce de Riogrande , de Gouly , de Tambaly, oü 1'on traite avec les Biaffares-, avec les Naldüs,. & d'oü 1'orjaj  1^6 Defcription tire annuellement trois eens captifs Sc quatre a cinq milliers de morphile; de plus on peut de-la faire facilement le commerce furies ifles de Bizagots, Sc il n'eft pas douteux qu'une grande partie de celui que font les Papels Sc les négres portugais, feroit apporté au fort de Boullant. Ce fort feroit encore a portée de pratiquer Riodegefvle , les fles Teflagore Sc Rebolles, habitées par des négres portugais naturels du pays, dans la méme rivière, fous la domination du roi des Lendements. Enfin , de Boullant on peut commercer de toutes les places de commerce, de Bil— feau jufqu'au cap "de Vergue. II eft certain que le département de Boullant, bien aftorn en marchandifes , n'ayanc point les anglais pour concurrens, malgré le commerce des portugais, fourniroit au moins annuellement douze eens captifs , dix milliers de morphile , ou ivoire , cinq milliers d'efcorbeil , Sc • quatorze a quinze milliers de cire.  ' de la Nigritie, fiy Le commerce cle la concefïion feroit, diminué de toute cette partie, fansPe'tabliflement du Boullant; tous les lieux qui fourniffent le commerce ci-delfus étant trop cloignés de Seralionne , pour ctre fréquentés de ce département, qui d'avlleürs a une quantité prodigieufe d'iües &c de rivières qui doivent augmenter ce commerce. L'ille de Boullant eft entourée d'eau & de bancs qui empêchent les vaiffeaux de force d'en approcher de plus prés que cinq a fix lieues; c'eft une fur-eté pour le fort qu'on y établiroit. Cette iile , quoique par les onze dégrés de latitude nord , efttrès-tempérée par les vents du nord-oueftquiy reghent; elle eft aulli très-faine & très-fertiie, & peut recevoir toutes fortes de cultures; on n'y connoit aucune béte féroce, ni ferpents, «Se on y trouve des biches par troupeaux , des buffles , «Se quelques éléphans, auxquels les bigazots «Se biaflares viennent faire la chafle, pour en ven-  15 S Defcription dne les dents aux blancs. Enfin, ceüte ifle eft inhabitée : nous pouvons 1'occuper toute entière, en y formant une colonie qui profpéreroit promptement, vu la bonté du terrein «Sc du climat, «Sc y occafionneroit une grande augmentation de commerce. Un petit fort bien fitué , avec douze pièces de canon, quelques petites redoutes autour de 1'ifle nous en aflureroient la pofïeffion tranquille, «Se 1'entretien de deux bateaux de vingt-cinq a trente tonneaux, avec cinq a fix chaloupes pontées , fuffiroient pour enpra-* tiquer tout le commerce. Après la rivière de Bijfeau, toujours en defcendant la cóte , on trouve celle de Seralionne, peu fréquentée par les francais : les anglais y ont un comptoir; il s'y traite peu de captifs «Se du morphile , les navires qui fe deftinent a traiter au bas de la cöte , prennent le large y 8c ne vont reconnoitre la terre qu'au Cap de Monte; ils vont enfuite faire    de la Nigritie. i 3 on voit perdre dans une feule guerre, les francais ont donc tenté de faire un nouvel érabliiTement k Namabon, prés le cap Corle, qui étoit elfeétivement 1 endroit le mieux choifi de la cöte Pour y faire un commerce rrès-éteftdu,' rcais 1 opération a été fi mal concertee qu'elle a échoué par les lenteurs de iancienne compagnie deslndes; elle v envoya d'abord M. du Bourdieu, homme tres-capable , qui connoiffoit bien le pays; mais fans autre pouvoir aue de demander aux chef de Namabon s'ils conlentoient que nous formafïïons un etabliflèment chez eux. Non-feulement * le permirent, mais encore ils remirent au fieur de Bourdieu, Jes deux fiJs du chef, pour ötages de leur parole ; d les a effc&ivement amenés a Par;s Cependant cela ne détermina pas encore la compagnie des Indes, & ce ne  *4* Defcription fut que très-long-temps après qu'elle obttnt du miniftre , deux vaiflaux de de guerre, & qu'elle chargea encore le fieur de Bourdieu de cette opération. Cet armement fe fit lentement, & avec fi peu de fecret, que les anglais en furent informés , 6e concurent auiiitöt le projet de s'établir eux-mémes a Namabon , quoiqu'ils eulfent déja un fort a dix lieues de lk ; k cet efiet, ils armèrent dans très-peu de temps, trois ou quatre vaiffeaux de guerre 6e une fréaate , dans lefquels vaüTaux, ils firent charger un fort en bois prêtk monter avec tous les matériaux 6e les ouvriers nécelfaires pour s'y établir, de forte qu'ils y arrivèrent huit jours avant nous, 6e k peine les deux vaiifaux francais y furent-ils mouillés en rade , qu'il leur fut fignifié par les anglais, qu'on ne leur accordoit que vingt-quatre heures ' pour appareiller. C'eft ainfi que cette expédition a manqué. Je n'en ai parle que pour faire voir que fi cet armement  de la Nigritie. t^p avoit été fait avec plus- de. fecret, &c qu'on. y eüt apporté moins delenteur,. il étoit impoiTIble qu'il manquat. Après avoir dépalfé tous les établiffemens anglais & hollandais , il n'eft plus queftion de mine d'or. On arrivé a Ia rivière de Volte , qui n'eft guères connue quraux cnvirons de fon embouchure , quoiqu'elle foit fort large; elle ne permet pas de la remonrer contre fon courant, paree qu'elle eft couverte de joncs Sc de brouffailles qui en empêchent la navigation. II y a une quantité prodigieule de rivières tout le long de la cöte, depuis celle de Bijfeau jufqu'a Juda, II y en a tant, qu'on peuten compter quarante, dans lefquelles , fi on vouloit pénétrer, 1'on découvriroit encore bien des peuples inconnus , Sc fans lefquels on ne connoïtra jamais 1'intérieur de 1'Afrique ,- car , n'en dcplaife a meffieurs nos géographes , tous les royaumes qu'ils placent fur leurs cartes y font placés au hazard-, paree:  r 5 o Defcription que perfonne n'y a jamais été , fi ce n'eft dans le haut de la rivière du Sénégal 6e de Gambie , paree qu'elles font navigables , &c que par-tout ailleurs il eft impofTible d'avoir des connoifiances de 1'intérieur du pays au loin , paree que pour y aller il faudroit traverfer tant de diftérentes nations, fouvent barbares , que les blancs qui feroient affez intrépides pour entreprendre d'y voyager, feroient certains d'avoir le col coupé avant d'y arriver. On peut aflurer, fans exagérer , que le nombre de langues des difiérens peuples de 1'Afrique eft peut-être auffi confidérable que celui des trois autres parties du monde. Les feuls renfeignemens que nous pouvons prendre de 1'intérieur . des terres , eft de faire des queftions aux captifs que nous traitons, 6e qui , a leurs marqués au vifage , nous paroiffent venir de très-loin ( prefque toutes ces nations ont chacune la leur;) notre première queftion, dis-je, eft de leur  de la Nigritie. ifï demander combien de jours ils ont été en chemin, 6c lorfqu'iis répondent, cinquante ou foixante jours, quelquefois plus , 6e qu'ils ont été vendus a dix marchés différens en route ; on leur montre enfuite le foleil levant 6e le foleil couchant, 8e on leur demande , fi leur pays eft a droite ou a gauche de cet aftre. De-la, on eftime autant qu'il eft poffible , fi ces captifs viennent de trois, quatre ou cinq eens lieues. Et c'eft fans doute fur de pareils renfeignemens qu'on place fur les cartes leurs royaumes, véntablement inconnus, même a ceux qui ont féj ourné le plus long-temps a la cöte. Après la rivière de Volte, ou rivière fans fond, 1'on trouvé deux petits ports, 1'un nommé le petit Popo 6c 1'autre le grand Popo; 1'un. a douze lieues dans le nord de Juda, 6c 1'autre a fept lieues. II ne fe fait dans 1'un 6c dans 1'autre que trèspeu de commerce. Ces deux endroits font habités par des judaïques naturels du K4  15 2 Defcription pays.Lesnavircs n'y reftent que quelques jours, &c defcendent enfuite a Juda , oü ce commerce autrefois préfentoit de grands avantages. Ce royaume eft gouverné par Dada, roi des dahomets; il appartenoitencore en 1720 aux judaïques, qui font les vrais naturels du pays. Ardres c'toit autrefois Pendroit & laville principale, oü le roi des judaïques faifoit fa réfidence. Ilenrefte encore des veftiges , qui prouvent que cette ville a été conficlérable , ayant quatre a cinq lieues de circonférence. Ces peuples ont perdu leur pays par la rcvolution fuivante. En 1720 ou 1721, le roi des judaïques, majtre d'un bon pays, bien peuple , &c d'un grand commerce , laifta , en raouranr, fon royaume a fes deux fils,auxquels il le partagea , mais pas aftez également fans doute , puifque 1'un des deux fe trouva le plus fort, cc qui fit naitre une jaloufie & une difcorde entr'eux , dont il réfulta une guerre, qui fit perdre a tous les deux leur pays. Le plus foi-  de la Nigritie. tfö bit, s'appercevant qu'il ne pouvoit réfifler aux forces de fon frère, s'avifa'de demander du fecours a certain partifan , nommé Dada, qui avoit trouvé le fecret de ramalTer neuf a dix mille hommes déterminés , qu'il louoit , en payant, a ceux qui avoient befoin de fon fervice , a la tête defquels il marchoit pour faire la guerre, Sc toujours a. celui qui payoit le plus. II envoya donc propofer a ce partifan de venir, avec toutes fes forces, fe joindrea lui, pour faire la guerre a fon frère; ce qui fut accepté &c exécuté. II marcha donc, avec fon renfort, droit a fon frère, qu'il vainquit dans une bataille fanglante. Le partifan fit quinze a feize eens prifonniers, qu'il garda pour fon compte , pour les vendre afon pro fit, 6e en gratificr une partie de fes troupes. Enfuite, il les affembla , avec les chefs qui fervoient fous lui, les plac.a a fes cötés, tk. les harangua a-peu-près de la manière fuivante:  ïj"4 Defcription » II y a bientöt vingt ans, mes amis , que nous habitons les bois , oü nous fommes errans Sc fans demeure fixe. Je vous propofe aujourd'hui de proflter des avantages que la fortune nous offre. Nous venons de vaincre par votre valeur le plus fort des deux rois judaïques; par cette raifon, il ne nous fera pas difficile de vaincre le plus foibie, qui nous a fait appeller, Sc qui ne peut nous faire aucune réfiftance. Prenons polTellion de te bon pays, nous y ferons fleurir le commerce qui s'y fait déja; nous nous procurerons, avec les blancs , quantité d'armes a feu, Sc nous jouirons de notre viétoire. Voila mon avis , que je vous invite a fuivre. » Aufii-töt fa petite armée s'emprefïa de donner des fignes d'approbation a la propofirion, par des cris de joie Sc d'applaudilfemcns. II leur fit diftribuer partie des dépouiJles qu'il venoit de conquérir, Sc fans perdre un moment, il fe rendit au camp du roi qu'il trahilfoit ,  de la Nigritie. r ^ avec fes rroupes bien pre'parées en cas d'événement; il 1'invite d'affembler fes grands, & leur dit que toute fon armee Sc fes chefs entendoient refter , Sc occjper le pays qu'ils venoient de conquérir,& y joindre le fien propre; que s'il y confentoit , il feroit le fccond après lui) que tous les grands feroient placés convenablemenr, fuivant les places qu'ils occupoient auparavant. Qu'ils devoient fe fouvenir que les judaïques ne favoient point faire la guerre , Sc que s'il oppofoit Ia moindre réfiftance a fes propofidons , il alloic a 1'inftant commencer les hoftilite's. Quoioue le roi judaïque eüt infiniment plus de force que lui , il n'ofa néanmoins foutenir une guerre contre ce petit chef de parti , dont le feul nom , par fa valeur , faifoit trernbler tous les pays voifins. II confentit donc de renoncer a gouverner , non-feulement le pays de fon frère, mais celui qui lui appartenoit. If acquicfca a tout  Defcription ce qui venoit de lui être propofé; mais, quelques jours après, une partie de fes peuples Se de fes grands s'enfuirent, & fe difpersèrent, a Epée , a Badagry , Se aux deux petits ports de Popo, oü ils font encore. En fe divifant, ils fe perdirent; car leurs forces fuffifoient pour écrafer trois armées comme celle de leur vainqueur. Le peu qui font reftés dans le pays , ayant été infenfiblement pillés plufieurs fois, fe font fauvés avecle reflant de leurs compatriotes; de manière que Dada, devenu roi des dahomets , efl reflé paifible poffelfeur de leur pays. Comme ce prince étoit un grand homme dans fon efpèce , de beaucoup d'efprit Sc d'une valeur incroyable , il a feu fe maintenir Se afTermirdans fon ulurpation, Se attirer beaucoup de commerce chez lui. Redouté de tous fes voifins, il auroit étendu confidérablement fes conquêtes, s'il n'en eüt été empêché par une quantité prodigieufe de rivières iont les confins de fon pays  dé la Nigritie. >r|'*j* font coupés; mais , réduit a celui qu'il a conquis , il s'y eft au moins confervé, & y a fait fleurir le commerce, au point que , de fon règne , il s'expédioit quinze a feize navires par an , de différentes nations. Les portugais n'y traitoient alors, prefque toutes leurs cargaifons, qu'en poudre d'or, avec laquelle le roi payoit routes les étoftes de foieries qui lui étoient préfentées. Le peuple de ce pays eft d'une bravoure qui va a 1'intrépidité; & quoique guerrier, il ne laiffe pas d'être uiduftrieux. On y fait de trés-belles cannes d'ivoire, de trois pieds Sc demi, d'un feul morceau , Sc des maiTues cannelées par un bout , fakes d'une feule dent d'éléphant. Pour cette canne ou cette maffue, ils emploient fouvent cent vingt a cent cinquante livres d'ivoireparee qu'ils n'ont pas les outils néceft faires pour fcier ces dents dans leur Iongueur ; mais ces cannes ou ces maffues  ryS Defcription font auffi bien travaille'es que nos ouvriers d'Europe pourroient le faire. Ils font aufïi de jolis paniers en paille, de diverfes couleurs. En outre, «les pagues de coton , dont ils fe vêtiffent ; ils en fabriquent encore d'autres, avec la pelure des fcuilles de lataniers, qu'ils fendent par flls Sc qu'ils attachent au bout 1'un de 1'autre; ils en font une étoffe, que les francais nomment des pailles , Sc qu'on achète a fi bon compte chez eux, qu'on ne paye communémcnt une pièce de cinq aunes qu'une pinte d'eau-devie, mais un peu davantage lorfqu'elles fontfines. Les blancs s'en font quelquefois des habits, qui ne changent jamais de la couleur de paille même, les laiffa-t-on plufieurs jours dans l'eau. Neanmoins il n'y a que le bas peuple qui fe couvre de cette étoffe. Ils préfèrent celles de coton, telles que nos fiamoifes, toile de coton, bajutap, Sc autres étoffes de Rouen Sc de 1'Inde , que nous leur portons, mais par-deffus  de la Nigritie. tfp tout, nos étoffes de foie , comme velours, fatin , damas , Sec.; mais il n'y a que le roi qui puiffe en porter, Sc quelques grands, a qui il donne la permiffion, fuivant leur diraité. , Ces ne'gres fe nourriffent en général a-peu-près des mêmes alimens que tous ceux de la cote; c'eft-a-dire, de maïs, de patates , cabris , millet , poules , poiiTons, Sec. Sec. quoique préparés différemment. Ces peuples, malgré Ie defpotifme Sc les cruautés "cïe leur roi, lui portent une foumiffion, une réfignation Sc un refpecT: incroyable pour toutes fes volontés. Ils ne ie voyent cependant que quatre ou cinq minutes , une fois Pan, lorfqu'il vient fe préfenter fur une efpèce d'amphithéatre, a une fête qu'il donne chaque année pour Panniverfaire de la mort de fon père, dans laquelle il fe commet des acles de cruauté qui font frémir, Sc dont il va bientöt être parlé plus amplement.  {t6■ mais on le remplace par  'iSS Defcription le vin que chacun a apporté avec foi. Ce repas , qui tanteroit peu un gourmand , fe paffe néanmoins fort gaiement par les plaifanteries que chacun fait fur les talens du cuifmier. L'ufage eft d'inviter a ce diner les fils du prince avec fon miniftre , les premiers n'ont pas la permiflion de s'affeoir a table , ni même fur une chaife des blancs ; le feul miniftre a cette prérogative , de forte que pendant le repas ces jeunes princes reftent affis a terre au pied de la table. Ils recoivent a la main , fans couteau ni fourchette , les viandes qu'on leur donne a manger. Ces jeunes princes ne font abfolument rien dans le pays de leur père, &c le voient rarement. On ne leur donne même auc;n grade tant que le roi vit. On les éloigne foigneufement de la connoiflance des affaires du pays; &c ils font entretenus pauvrement, afin qu'ils ne puiffent former aucun parti en leur faveur. Mais lorfque le roi fe croit prés de la fin de  de la Nigritie. 'i Sp' fa carrière , il en fait reconnoïtre un pour fon fuccefleur, qui eft nommé fans difficulté. Je reviens au diner, qui fe fait toujours fans indigeftion par les talens du cuilinier, quoiqu'il y ait a manger pour quarante perfonnes. Deux jours après ce repas, on eft encore obligé de fe rendre chez le roi, & pour, cette dernière fois, être fpectateur de la marche de fes troupes femelles y après quoi il fait fortir par une porte tout ce qu'il pofsède dans fes cafés, Se qui eft porté fur la tête d'autres femmes, comme en procellion, les unes après les autres. Ces richeffès conliftant en corbeilles ou paniers de corail, d'étoffes d'or ou de foie , ou en argent, des balots de pagnes de foie 8c coton , quelques vafes d'argent, 6e généralement tout ce qu'il pofsède. J'ai vu a cette efpèce de procellion jufqu'a des petits faints d'argent, que 1'on place chez nous dans nos églifes ,  ij? o Defcription Sc que fans doute les portugais leur avoient vendus. Toute cette ridicule cérémonie n'eft fans doute faite que pour faire voir aux blancs fa prétendue puiffance. Délivré enfin de cette corvee , on n'en a plus qu'une a effuyer pour le lendemain, mais qui eft la pire de toutes , paree qu'elle termine la fête par des acfes de cruauté , plus effroyables que les premiers,  de la Nigritie. ipi pays) en corail, fiaraoifes, mouchoirs chollets, pagnes de coton, fabres , raffades, pioches , haches, Sec. Le tout ainfi préparé, le roi vient fur les trois heures aprés midi , par une porte de derrière, fur fon amphitéatre, oü les blancs font déja alfemblés , ainfi que quelques grands .du pays. Ce prince fe tient dans le fond alfis dans un fauteuil fous un parafol qui peut mettre a 1'ombre douze perfonnes; il eft d'une riche étoffe en or, garni de plumes d'autruches , Sc placé au-delfus de fa tête en forme de dais. Ainfi placé, il n'eft point vu de fes peuples. Cinq a fix femmes font a fes cötcs , les trois commandans des forts font affis prefque fur le devant de cet amphitéatre , le miniftre debout, allant Sc venant prendre les ordres de fon maitre. Lorfque tout eft ainfi préparé, le roi s'avance fur le bord du théatre fous fon grand parafol porté par des femmes ; auffi-tóc le peuple ramaffé dans la place  ip2 Defcription au nombre de neuf a dix mille hommes , appercevant le roi , poulTe des cris-de joie & d'applaudiffement j car c'eft le feul inftant oü il fe montre au public , qui ne le voit qu'une fois 1'an : il lui eft en ce moment préfenté par fon miniftre une corbeille , oü il y a un peu de chaque efpèce de marchandife ; il en prend une ou deux poignées , qu'il fe donne la peine de jetter négligemment au peuple, & il fe retirc dans fon fauteuil au fond du théatre. AuHi-töt le miniftre vient invitcr les trois commandans a fuivre 1'cxemple du roi, c'eft-a-dire , de jetter au peuple les marchandifes amaïfécs en monccau, autant & auffi long-tcmps que cela les amufera ; ce qui s'exécutc l\ poignées £e a bralfées, jufqu'a ce qu'on en foit las. Enfuite c'eft le miniftre avec quelques grands du pays, qui achève de jetter tout ce qui refte de marchandifes t les pioches &c les haches font les dernières jettées. A les voir , on croiroit qu'il va  de la Nigritie. ^ va en réïulter Ja mort de beaucoup de monde ; mais Je peuple qui voit venir en l'air Jes pioches Sc Jes haches dont d s'agir, a 1'adrelfe de former un vuide a 1'inftant oü elles lont preAtes a tomber, & il les attrape d'une main, fans qu'elles* tombent par terre. Toutes les marchandifes ainfi jettées de 1'amphitéatre , ilmonte par derrière les portes dix a douze hommes, qui portent chacun fur leur tête un autre homme ployé en trois dans un petit panier a cJaire voie , d'environ trois pieds de long, Sc vingt pouces de larae c'eft-a-dire , les jambes ployées fous ieVCU " ^ & le ventre courbé pardeftüs , avec un baillon dans la bouche En cet état, ces malheureux font préfentés au peuple, qui fait des cris de joie a cette vue , autant que nous en ferions pour un homme fauvé d'un danger éminent. Après quelques balancemens que 1'on fait de ces viétimes elles font jettées de 1'amphitéatre ea N  i94 Defcription bas, oü il y a toujoursbonnombre de fatellites armés de fabres très-courts, mais larges de trois pouces & demi a quatre pouces , avec lefquels ils coupent le panier , Sc Phomme qui eft dedans , prefqu'avant qu'il foit tombé a terre i lesbourreaux fe barbouillent le vifage du fang de ces vi&imes qui font delunées, difent-ils, a aller fervir dans 1'autre monde le défunt pere du roi. Ce jour de maflacre Sc de bouchene eft le dernier dont les blancs ont a fupporter la vue. Le lendemain ils vont demander au roi la permiffion de s'en retoumer chacun dans leurs forts. On la leur accorde fans difficulté avec chacun unpréfent d'une jeune négrelfe, de deux grandes pagnes de foie 6e coton , quelques boeufs ou cabris, Sc des cauris pour payer leur dépenfe le long du chemin. Cette corvee eft la plus cruelle que les commandans des forts aient a effuyer, après laquelle chacun d'eux s'en retourne dans fon établiflement.  de h; Nigritie. l9S Mtztirs & reügion des Dahomets. c ES Poples-n'ont d'autre relioion qu'une forte d'idolatrie d'une abfur^ dite incroyable , mais qui tient en tout de la barbarie du fouverain. Leur pnnCIpal Dieu(carils croient en pij Ws) elt unammal du, pays mLé £5^ gaas ezaid, maïs dix fow plus gros , de la longueur d'environ deux pieds tl rampe i terre avec des eipèces' de Patres. Cet animal eft fort doux, & peufuyard üeft le Dieu qu'ils adorent &-qu ils reverentie plus. Ils lui batiffent unecafc ^ terre telle que celles qu'ils 1-bitent eux-mêmes. Ils en ont une i tro.sportees de fofil des forts, ou 1'on St3 bo*& banger a cet animal. qui eft chargée de ce foin ; nulle autre N 2  _o6 Defcription •i ïpnr fait donnet oidie ae ie y In beaux aiuftemens pour le len-  de la Nigritie. 197 avoir fait remplir leurs pots d'eau , 6c fait plufieurs fimagrées, range toutes fes ouailles fur deux lignes bien égales, diftantes de quatre a cinq pieds, leur pot fur la tête, Se il les fait marcher dans le plus grand filence a la vue du peuple alTemblé. Ils vont droit a la cafe du dieu Daboué, oü arrivés il fait faire des efpèces de libations d'eau, d'huile de palme , 6e de farine de maïs , 6c lailfe a boire 6c a manger a 1'animaL Enfuite on part de la , dans le même ordre de cérémonie, a pas lents ; cette marche qui dure plus d'une heure , les conduit fous quelques gros arbres qui font eux-mêmes arbres de fétiches ; ils font révérés du peuple, 6c perfonne n'oferoit les couper, fans craindre les plus grands malheurs pour le pays. Arrivées fous ces arbres, les femmes de fétiches font chacune un préfent au grand prêtre qui vient de les conduire, pour le remercier de fa protection auprcs N3  ip8 Defcription du dieu Daboué. Après quoi 1'on fe fait apporter a manger Sc a boire , Sc 1'on danfe, Sc 1'on chante le refte du jour Sc de la nuit fuivante. II eft recommandé aux blancs , lorfqu'iis rencontrent le Daboué dans le fort ou ailleurs, -de ne lui faire aucun mal, ni même de le toucher ; mais de faire appeller une femme de fétiche , & de ie lui remettre entre les mains. Cependant cela n'empêche pas que plufieurs de nos francais y ont touché , Sc les ont remis entre les mains des femmes, fans qu'ils en aient été réprimandés ; mais il eft trés certain qu'il ne faudroir pas s'avifer d'en tuer un , fi on ne vouloit fe faire lapider. Le capitaine fétiche eft réputéne rien ignorer; ce qu'il doit favoir le mieux, c'eft qu'il eft un maïtre fripon. II eft fouvent confulté fur ce qu'il y a a faire dans des circonftances critiques; foit pour appaifer la colère de leur dieu , foit enfin pour fe  de ia Nigritie. iqq procurer ce qu'ils defirent; & ce fourbe, plus adroit que ce peuple imbécille , ne rnanque jamais d'employer des cérémonies myliérieufes , pour fe donner plus de crédit. Par exemple , pour fe rendre le dieu de la mer favorable, & pour qu'il faflè venir beaucoup de navires dans la rade de Juda , &c qu'il attire beaucoup de commerce chez eux , ils font dans 1'ufage de facrifier a ce dieu de la mer deux hommes par an, qu'ils envoyent jetter fur la barre de grand matin. «Ces malheureufes viéfimes ne tardent pas a fervir de déjeüné aux requins & aux requiems : ces derniers font ceux quj ont dix-fept a dix-huit pieds de long, avec quinze a feize rangs de dents & qui peuvent avaler un homme tout entier fans le couper ; ce que les autres requins ne peuvent faire qu'a plufieurs reprifes. Enfin les dahomets ont quelques autres a6f.es de religion auffi barbares, & N4  2co Defcription dont le motif n'eft pas toujours connu des blancs : en voici un exemple. Un jour fortant de grand matin, je trouvai , a une portee de fufil du bord du chemin, une jeune & belle négreffe de quinze a léize ans , a genoux, attachée par le corps a un fort piquet. Elle venoit d'être étranglée ; je retournai auffi-tót au fort ; j'interrogeai mon maïtre de langue qui étoit judaïque de nation , fur ce qui pouvoit avoir donné lieu a cette horrible aétion, & qui pouvoit avoir donné 1'ordre de 1'exécuter; mais j'eus beau répéter mes queftions , je n'en pus rien apprendre. Mon maïtre de langue me dit qu'il n'en favoit rien lui-même ; mais d'un air d'embarras qui m'annoncoit aflez qu'il y avoit trop de rifque pour lui a me dire la vérité. Eflè&ivement la moindre indifcrétion fur ce qu'ü eft défendu de dire, même de s'entretenir entr'eux des affaires du pays, coüteroit la tête a celui qui en feroit convaincu. Les blancs , fans  de la Nigritie. 201 courir les mêmes rifques , font obligés néanmoins a beaucoup de circonfpection fur les affaires du pays. A un quart de lieue des forts , les dahomets ont encore un dieu Priape , groffièrement fait en terre avec fon principal atrribut , qui eft énorme 6c exagéré a proportion du relte du corps. Les femmes principalement lui vont faire des facrifices , chacune felon fa dévotion 6c la demande qu'elle a a lui faire. Cette mauvaife ftatue de] grandeur d'homme elt fous un comble de cafe, qui la met a couvert de la pluie. Indépendamment du culte des dahomets , qui vient d'être décrit, chaque négre a chez lui fa fétiche particulière, qu'il confulte avec des petits chandeliers de fer a plufieurs branches, des petites boules rondes mifes en plufieurs tas , qu'il recompte plufieurs fois. Sa manière d'agir reffemble affez a celle de nos fuperftitieufes tireufes de cartes.  2Q2 Defcription Comment ces peuples élevés dans la plus profonde ignorance ne feroientils pas fuperftitieux ? les portugais le font a 1'excès dans le pays. Puifque des prêtres de cette nation fe difpofant a aller dire la melfe , ont foin , avant leurs aaions de galanterie , de couvrir d'un mouchoir ou d'un morceau d'étofte les images qui peuvent fe trouver dans la chambre , afin qu'elles ne voient point le délit. Cette acfion , difent-ils, n'efl qu'une pécadille , 8c a la mer, on les voit, lorfqu'un navire eft furpris de mauvais temps , adrelfer des prières a un petit faint Antoine de bois, qu'ils cmbarquent toujours avec eux, pour qu'il leur accorde du beau temps. Après cette prière réitérée , fi le beau temps ne vient point, ils mettent une corde au col de faint Antoine , Se le jettent a la traine du navire. Enfin , après le mauvais temps fuccède le beau; alors ils retirent le petit faint, le lavent bien, lui mettent fes plus beaux habits,  de la Nigritie. 203 lui adreflènt de nouvelles prières, & lui demandent de leur pardonner , s'ils en ont ufé ainfi , mais ils lui difent que c'eft fa faute de ne leur avoir pas accordé du beau temps. Enfuite ils vont trés -dévotement le remettre dans fa niche.  2 ©4 Defcription Commerce du pays des Dahomets. Leur principal Sc prefque leur feul commerce eft celui des efclaves, qu'ils vendent aux capitaines des navires qui traitent a terre Sc quelque peu dans les forts , pour fe procurer toutes les marchandifes dont ils ont befoin , ou dont ils n'ont pas befoin ; car le pays produit tout ce qui eft effentiellement néceflaire a la vie. Les marchandifes d'Europe conflftent principalement en cauris, qui eft la monnoie du pays : c'eft une petite coquille que nous tirons des ifles maldives. Les bords de la mer en font couverts. Cette monnoie a cours non-feulement chez les dahomets , mais dans toutes les terres des environs ; tout fe vend dans les marchés en cauris, c'eft la marchandife avec laquelle on traite de  de la Nigritie. 20f préférence les plus beaux captifs. Chaque navire en apporte trente ou foixante, Sc jufqu'a quatre-vingt milliers pefant Ils fe vendent tous au compte, Sc non au poids ; par cette raifon les plus petites font les plus profitables pour les négocians. Cependant 011 ne traite pas une cargaifon entière avec cette feule marchandife. II faut y joindre un affortiment qui confifte en quinze a dix-huit cents barils d'eau-de-vie de vingt-huit a. trente pintes chacun , du fer plat en barre , de la poudre a canon, des fufils , des pierres a fufils, de la fiamoife, des toiles bleues, des mouchoirs, pièces de ganipeaux, des bajutapeaux, Sc prefque toutes nos étofTes de Rouen. Les feuls navires portugais font toutes leurs traites en tabac de Brefil, en rouleaux de foixante-quinze livres pefant, que 1'on nomme rolle , 6e dont il ne donne que lix a fept rouleaux pour un captif de choix , 6e quatre a cinq pour une jeune négrelTe de quinze a feize  206 Defcription ans. Ce qui leur fair un commerce très- fruétueux , dont il fera parlé ci-après. Chaque navire, pour avoir la permiffion de faire fa traite a Juda, paie au roi une coutume en marchandife de la valeur de huit a dix captifs, fuivant la grandeur du navire. Enfuite il ouvre fa traite , 8e fi-töt qu'il a huit a dix captifs hommes , femmes ou enfans, il les envoie a fon bord; lorfque fa traite eft un peu abondante, Sc c'eft 1'aftaire de trois mois, pour 1'expédier , Sc quelquefois moins ; mais lorfqu'elle ne 1'eft pas , ou qu'il fe trouve trop de concurrens a traiter enfemble, ils reftent quelquefois fept a huit mois pour finir leur traite Ce qui caufe ordinairement une mortalité aftreufe parmi ces cargaifons, dans la traverfée qui eft de quatre a cinq mois pourfe rendre a nos ifles de 1'Amérique; ce retard forme fouvent en totalité plus d'une année, pendant lequel ces malheureux reftent a bord les fers aux pieds, Sc la nuit dans un entre-pont,  de la Nigritie. 207 qui n'a que trois pieds Sc demi, ou quatre pieds de hauteur , prefTés horriblement, d'ailleurs malnourris, Sc toujours dans la crainte d'être mangés par les blancs. La principale maladie dont ils meurenr prefque tous, eft kfcorbut, qui eft occafionné tant par le long féjour a la mer , que par la mauvaife nourriture, qui ne confifte qu'en grolles fèves de marais féches, avec un peu d'huile de palme qui augmente encore cette maladie, d'autant que fa fubftance groffière Sc farineufe épailfit le fang. Que 1'on imagine la dépopulation dont les européens font caufe dans cette partie du monde, par Pinfame commerce qu'ils y font , Sc fur lequel j'aurois defiré pouvoir tirer le rideau, Sc me le cacher a maknéme; mais puifque j'ai entrepris de dire la vérité fur tout ce qui fe paffe a cette cöte , je ne crois pas devoir cacher au lecteur d'autres acles de cruauté non moins inouis , dont j'ai déja tracé quelques parties qui révoltent la nature,  208 Defcription & dont le malheureux trafic qu'on fait dans ces contrées, eft la feule caufe; je 1'ai malheureufement fait moi-même. Grand dieu ! il n'y a que votre bonté infinie qui puiffe me le pardonner , j'étois alors entraïné par le mauvais exemple ; je regardois cela comme permis, fans faire attention que des maximes d'état font fouvent contraires aux faintes loix que vous avez gravées en naiftant au fond de nos cceurs , de ne jamais faire a nos femblables pire traitement que celui que nous voudrions qu'on nous fït , & bien mieux de faire aux autres le bien que nous voudrions qui nous füt fait. Pour dévoiler davantage au leaeur tous les forfaits dont les européens font caufe a la cöte d'Afrique , je vais en rapporter plufieurs qui font horreur , 6e que tous ceux qui ont féjourné au fort faint-Louis de Gregoy a Juda attefteront conformes a la plus exa&e vérité. Le roi des dahomets a quatre a cinq marchands  de la Nigritie. 20? marchands k Gregoy y qui ne vendcnt pour lui le .produit des pillages qu'il fait faire chez fes voifins, & quelquefois chez fes propres fujets, ou enfin des pnfonniers qu'il a faits a la guerre. Les autres marchands vendent les captifs qui leur font amenés de plufieurs parties de 1 Afnque par commiffion, ou pour leur propre compte. Ces captifs ont fouvent deja été vendus fept a huit fois de rnarché en marché, avant que d'arriver a Gregoy. Quand ces captifs arrivent les marchands font appelier les blancs pour Jes leur vendre; mais comme ilsfavent tres-bien que les capitaines des navires naiment point a fe charger de femmes qui ont des enfans encore k lamameile, par 1'mconvénient des cris & de la faleté de ces enfans, ils les font périr Elles ont fi peu de place dajis le navire qu'il n'eft pas poïfible que les autres femmes ne fe trouvent falies des excremens de ces petites créatures. Cela produit des querelles lans fin entre les O  21 o Defcription femmes efclaves, & c'eft par cette raïfon que les capitaines ne veulent point de ces captives femelles, que les enfans n'aient atteint au moins 1'age de trois ou quatre ans. Ce qui fait que les marchands n'héfitent point de fe livrer a des a&es de cruauté inconnus aux nations les plus fauvages de 1'Amérique, ce -que tous les capitaines ignorent, & que je n'ai découvert moi-même qu'a mon dernier voyage dans ie pays , &c même ce ne fut que par hafard. J'allois un jour chez un marchand, oü je fus appellé ; on me préfenta plufieurs captifs, entr'autres une femme de vingt avingt-deux ans, fort trifte, abimée dans la douleur , le fein un peu pendant, mais plein, ce qui me fit foupconner qu'elle avoit perdu fon enfant. Je le fis . demander au marchand, il me répondit qu'elle n'en avoit point. Comme il étoit défendu a cette malheureufe femme de parler fous peine de la vie, pour mieux jn'afturer de fon état, je m'avifai de lui  de la Nigritie. 2 r r prefferlebout dufein, duquel il W du lait, affez pour m'apprendre que Ia remme nourriffoir. J'infiftai a dire qu'elle avoir un enfant, & Je marchand le nioit toujours ; irnpanentc cependant de mes initances , H me fit dire.qu'aurefie cela ne devoit point m'empeAcher d'acheter Ia femme paree que Ie foir fon enfant feroit iettl aux Ioups. Je refiai interdit, j'étois prêc a me redrer, pour me ïivrer a mes réfléxions fur cette a&ion horrible ; mais Ia première idéé qui me vint a Pefprit *ut que je pouvois fauver la vie k cet* enfant. En conféquence, je dis au marchand que j'acheterois la mère aux conditions qu'il me Iivreroit I'enfant II me le fit auiïi-töt apporter, Sc je Ie remis a Pinftanr a fa mère , qui ne fachant comment me marquer fa reconnoiffance prenoit de Ja terre avec fa main, «Sc fe la jettoit fur Je front. Quoiqu'en cette occafion je n'aie fait que ce que toute ame honnête auroic Oz  2 ! 2 Defcription fait k ma place , je me retirai avec uil fentiment délicieux, Sc cependant mêlé d'horreur j mais j'étois fi fatisfait, que je n'ai jamais éprouvé de femblable fa- tisfaéfion. Arrivé au fort, j'interrogeai mon interprète , pour favoir fi ce que je venois d'entendre étoit bien véritable. Nonfeulement il me 1'affura , mais encore il m'apprit que de tout temps , 1'ufage des dahomets avoit été de jetter de nuit aux loups les enfans a la mamelle. Paree que les capitaines les refufent, Sc qu'ils ne pourroient trouver k fe défaire des mères qui leur refteroient en pure perte.Quelque temps après j'éprouvai chez un autre marchand la même aventure ,. j'achetai encore la mère Se fon enfant, que je fus obligé de garder, Sc de nourrir au fort tout le temps qne j'y fois refté. Cependant, comme ce crime étoit réitéré prefque tous les jours, je fus obligé de m'abftenir d'aller chez les marchands, paree que ma fortune n'auroit pu fuffire a ces bonnes aclions.  de la Nigritie. 215 D'après ce qui vient d'être dit, eftil poffible de douter que ce ne foit pas a cet horrible commerce qu'on doic attribuer les a&es de cruauté que j'ai, détaillés , Sc auxquels j'ajouterai ce qu'on va lire , & qui eft dans la plus exacte vérité. S'il fe vend dans toute la cöte d'Afrique quarante a quarante-cinq mille efclaves par an, qui provicnnent partie des prifonniers faits a la guerre , partie de pillages , il faut calculer que les chefs de toutes ces nations , pour fe procurer les quarante - cinq mille captifs dont il s'agit , en font tuer un nombre infini, les plus agés font toujours égorgés, Sc les autres malheurcux ne fe rendent qu'après s'être bien défendus ; ainfi , c'eft donc encore les européens a qui il faut attribuer cette deftru&ion d'hommes , de femmes , d'enfans, Sc de vieillards. Ajoutez a cela la prodigieufe quantité de négres, qui meurent dans les navtres par la jfangueür O - ■  2 14 Defcription des traverfées d'Afrique en Amérique; par leur mauvaife nourriture, Sc le chagrin qui achève de les tuer. Un dernier motif de deftru&ion de la moitié de ces malheureux captifs , c'eft qu'après avoir été fept a huit mois en mer , quelquefois dix mois les fers aux pieds , en arrivant dans nos iftes, ils font vendus, Sc envoyés auiïi-tót a un travail forcé. On ne force point 1'expreffion , en difant qu'il n'arrive point de captif en Amérique , qui n'ait coüté beaucoup d'autres individus a la nature humaine. Et ce font des hommes, des francais qui fe difent chrétiens, a qui 1'intérêt fait commettre de pareils forfaits ! Les plus coupables feroient les fouverains, fi connoiftant ces horribles détails, ils n'interdifoient pas a. leurs fujets le droit d'être des fcélérats. Trifte inconféquence de nos loix ; elles condamnent a la mort une infortunée, dont 1'ame eft honnête , puilqu'elle eft fenfible a  de la Nigritie. 21 y la honte, Sc qui, forcée de commettre un crime, en eft Ia première fuppliciée par 1'horreur de le commettre ; Sc ces mêmes loix autorifèroient un commerce, qui ne peut fe faire fans multiplier a 1'infini des forfaits plus grands encore , car le motif en eft vil. En effet , de quel droit nous arrogeons-nous celui d'aller arracher nos femblables a leur patrie > d'y caufer des maffacres Sc des guerres perpétuelles ? de féparer les .meres de leurs enfans 5, les maris de leurs femmes ? d'être caufe, par notre avidité a acheter ces malheureux, que les vieillards qui ne font plus d'age a être vendus foient e'gorgés Sc malïacrés dans les pillages aux yeux de leurs enfans ? que les enfans nouvellementne's foient la nuit, jettés aux loups , afin que la mere ne foit pas refufée des capitaines de navires en traites ? Ceci fe paffe a Juda.. N'eft-ce pas encore la barbarie de ce commerce infame qui eft caufe de la mortalité prodigieufe de ces malheu-  21<5 Defcription reux a bord des navires, par le long féjour qu'ils y font les fers aux pieds, & par la miférable nourriture de févcs de marais féchées qu'on leur donne ; enfin , par le travail le plus dur que la majeure partie de nos habitans d'Amérique exigent d'eux en arrivant, fans les laifïer repofer d'une fi longue traverfée ? Si 1'on récapituloit la deftruction dont ce commerce abominable eft caufe , &c qu'on püt faire parvenir lavérité au pied du tröne, qui pourroit douter un inftant que la bonté du cceur de notre fouverain n'ordonnatpas auffi-töt la deftruélion de cet odieux commerce ? Si 1'on m'objeéfe que 1'églife le permet , que par cette raifon il ne peut être criminél, &£ qu'elle 1'a fait dans la vue de tirer ces peuples de 1'idolatrie, cc d'en faire des chrétiens, je répondrai que c'eft qu'alors 1'églife n'a pas connul'impoflfibilité de réalifer fes vues : car fi on fiiit réellement quelques chrétiens de ces captifs en Amcrique, qui viennent  de la Nigritie. 217 d'Afrique , c'eft plutöt profaner 4a religionquela faire refpeéter, paree que ces négres n'apprennent jamais affez de notre langue pour concevoir quelque chofe de ce qu'on veutleur enfeigner.Ils n'en comprennent pas plus que fi on leur parloir mathématiques ou aftronomie. De manière , qu'a quelques fimagrées prés , ils vivent & meurent dans la plus profonde ignorance des devoirs de 1'homme & de 1'adoration pure de l'Etre fupréme. II eft bien, fans doute , de baptifer les enfans négres qui naiifent en Amérique, paree qu'il eft poffible de les faire inftruire dans notre religion ( quoique nos habitans ne s'en donnent guères la peine ); mais pour tous ceux qui arrivent d'Afrique, hommes faits, c'eft ene chimère de prétendre les rendre meilleurs qu'ils n'étoient dans leur pays. Celui donc qui peut approcher du tröne , & qui feroit affez ami de Phumanité, pour préfenter au fouverain ces triftes vérités , feroit -la plus belle ac-  218 Defcription tion de fa vie ; quelque vertueux qu'il fut, il fe couvriroit d'une gloire immortelle. Le gouvernement, fans doute , s'il a fous les yeux tous ces exemples , ou s'il en étoit bien perfuadé, défendra ce commerce, d'autant plus , qu'il paroit facile de prouver que nos colonies de 1'Amérique, en moins de quinze ans, pourroient fe palier de la traite des noirs, par de lages régiemens a faire dans nos ifles , je vais en parler ciaprès. On dit qu'il vient d'être préfenté un mémoire , a la chambre des communes en Angleterre, pour demander la fuppreflion du commerce des négres. Si cette demande eft accordée, de quelle gloire ne fe couvriroit pas ces protecteurs du genre humain ? Et ceux qui 1'auroient accordée auront 1'honneur d'en donner 1'exemple aux autres nations de 1'Europe. L'on eft lurpris que depuis un ftccle  de la Nigritie. 2ip qu'on introduit , année commune, trente ou trente-cinq mille noirs dans nos colonies de Saint-Domingue, la Martinique , la Guadeloupe, Sainte-Lucie, &c. & le calcul eft effrayant, on foit encore dans la néceffité d'envoyer en Guinee pour en chercher, & que nos colons en manquent concinuellement. A la première infpeetion cela paroït furprenant; mais lorfque 1'on fera attention a ce qui fe paffe dans ce pays, la furprife ceffera. Lorfqu'un navire négrier arrivé dans une denos ifles de 1'Amérique, il fait aufli-tót la vente des hommes, femmes & enfans, ainfi que des malades, Chaque habitant vient en aeheter fuivant fes befoins, ou fuivant fes facultés; chacun conduit chez lui fon acquifition. Les malheureux négres ne font pas plutót arrivés a 1'habitation, qu'on les envoie dès le lendemain au travail, comme s'ils étoient naturels du pays, ou comme s'ils venoient de faire une promenade. Mais,  220 Defcription fatigués de la mer, prefque toujours exténués, & peu accoutumés aux vivres du pays, il en tombe une partie malade , &c ils meurent fouvent la première année. 'Lorfque 1'on fait des repréfentations a un habitant, fur fa précipitation a envoyer ces nouveaux débarqués au travail , il répond froidement & inhumainement, que fes terres font fes revenus, qu'elles fouffrent de n'avoir pas affez de travailleurs pour les cultiver ; qu'au refte , pourvu que fon négre nouvellement acquis lui dure un an, qu'il lui gagnera fa tête, c'efl-a-dire ce qu'il lui a coüté. Voila donc une première caufe du peu de population dans nos ifles; la fe« conde eft encore plus fenfible. La majeure partie des colons ri'aiment point a voir leurs négrefïes devenir enceintes , paree que dans les derniers mois de leur groffelle, &c après  de ia Nigritie. 221 leurs couches, elles font moins de travail ; par cette raifon, ils ne cherchent point a les marier avec les négres de leurs habitarions : & par ce mauvais ufage les négreffes courent avec les négres des habitarions voifines les dimanches , Sc par la multiplicité d'hommes qu'elles voyenr,ne font point ou que peu d'enfans. Ce manque d'ordre eft une deuxième caufe du peu de population dans nos iiles. II ne faudroit pour y remédier que fuivre 1'exemple de quelques riches & refpeéïables habitans, fages Sc humains par inclination; mais ils y font malheureufement en très-petit nombre. Voici donc comme ils fe ccnduifent , Sc il faudroit contraindre les autres a fuivre un exemple , qui certaineraent établiroit la population dans moins de^ quinze a vingt ans. L'habitant riche Sc humain a attention , lorfqu'il achete les négres dont il a befoin, de commencer par les vêrir de'  2 2 2 Defcription chemifes , velles 6c culottes. II les fair enfuite faigner 8c purger fuivant le befoin ; Sc loin de les envoyer au travail aüffi-töt leur débarquement , il commande a fes conducteurs de travaux de nfexiger d'eux aucune forte de travail, de les lailfer promener pendant cinq a fix femaines, afin qu'ils puiffent fe repofer Sc s'aclimater. Alors il eft rare que ces captifs, bien traités Sc qui vont voir journellement travailler leurs caraarades, ne demandent pas d'eux-mêmes a s'occuper ; alors on le leur permet par forme d'amufement, mais fans exiger d'eux aucune tache. C'eft par un traitement 11 dou'x 6e 11 raifonnable que ces négres s'aclimatent, Sc qu'après .trois ou quatre mois de féjour dans. nos illesils y font comme naturels du pays ; après quoi ils travaillent comme les autrcs , fans être furchargés. Par ce moyen cette habitation ne perd pas deux négres, lorfque fes voifins plus avides en perdent neuf a  de la Nigritie. 22$ dix. Un troffrème moyen dont le colon refpeétable fe fert, c'eft de ne jamais acheter des négrelfes qu'il ne les marie auftl-töt avec fes négres. De ces mariages, il nait des enfans créoles forts 8c vigoureux, qui s'attachent a 1'habitation &c a leurs maitres. De-la il eft facile de jnger que par une telle conduite cet, babitantn'apas befoin, ou très-rarement d'acheter des négres d'après fa manière de fe conduire en bon pere de familie , 8c c'eft d'après cet exemple qu'on pourroit former des loix pour le refte des colons qui fe conduifent d'une manière li oppofée 8c fi contraire a 1'humanité. Voila, je crois, affez de raifons pour prouver combien le commerce des né^ gres eft horrible. Je reviens au pays des dahomets; le prince qui les gouverne eft parvenu par fon afli-eux defpotifme , par fes pillages fur fes propres fujets, a dépeupler fi fort fon pays , que fes voifins, les judaïques ?  224 Defcription en 17 6 3, malgré leur peu de bravoure J fe font fi bienappercus de la foibleffe de leurs ennemis , qu'ils fe font liés avec un corps de Minois, 6e ont ole tenter de venir reprendre leur ancien pays, d'en chaflér les dahomets, 8e ils auroient indubitablement réuffi, s'ils le fulfent mieux comportés , 8c eulfent montré plus de courage. Ils vinrent, le 1 2 juillet, en un corps d'armée, joints aux minois, au nombre de huit a neuf mille hommes; 011 les appercut a huit heures du matin, doublant la pointe d'un bois. Aulfi-töt Yavogan , le gouverneur des dahomets, fir battre le tambour de guerre, ralfembla a la hate fon monde, qui montoit au plus a huit ou neuf eens hommes. II me fit demander trois barils de poudre, & me fit prier d'être fpectateur deflüs ma galerie de Ia manière dont les dahomets s'alloient battre. Il ne croyoit pas alors avoir affaire a fi forte partie; néanmoins il marcha avec fon monde au-devant  de la. Nigritie. 2.2$] au-devant de 1'ennemi, qui s'étoit avancé a une portee & demie de canon du fort francais. A mefure qu'ils arrivoient, ils fe rangeoient en corps de bataille, avec les drapeaux ou pavillons déploye's a la tête de chaque corps, & chaqüe chef fous un grand parafol. Ainfi rangé , notre Yavogan alla fe potter vis-a-vis 1'ennemi, avec fes huit a neuf eens hommes,' a qui il défendit de tirer les premiers„ défenfe fans doute mal vue & mal raifonnée, qui lui coüta cher, puifqu'il effuya le premier feu de huit a neuf mille hommes, qui tous avoient leurs fufils chargés de deux balles de fer & de trois chevrotines ; ils lui tuerent dans les deux premières décharges la moitié de fon monde , &c quoiqu'a Ia première ü fit un feu fort vif, il ne put tenir plus ti'un quart-d'heure, paree que I'ennemi voyant fa petite troupe réduite a un peloton de trois ou quatre eens hommes; dont la moitié étgit blefiee, chercha i  226 Defcription les envelopper , en faifant marcher en* femble Mè droite & 1'aile gauche,en forme de croiftant, pour parvenir a enfermer les débris de cette petite troupe; mais Yavogan, quoique percé de deux balles dans la chair des cuilfes , s'étant appercu de leur intention, Sc quoiqu'il ne fut* pas dans 1'ufage de jamais fuir, cependant , en cette occafion , il fut obligé de fe reployer avec tout fon monde fur notre fort. Je fis alors ouvrir le guichet de la porte , pour laiffer entrer les blelfés Sc Yavogan; il monta a mon logement, les blelfés refterent dans la cour du fort, Sc jé fis refter en, dehors, mais en dedans du folie, le long de la courtine, tous ceux qui étoient enétat de faire le coup de fufil, fi le combat recommencoir. Anrès quoi 1'armée ennemie refta un quart-d'heure, allife a terre , fans agir, 6e chaque chef fous fon grand parafol avec fon monde, a délibérer fur ce qui leur reftoit de mieux a faire. Et c'eft  de ia Nigritie. 127 pendant cette délibération qu'un petit capitaine de guerre des dahomets, arrivant des bords de la mer avec trente hommes, fit une aétion de bravoure bien extraordinaire ; il s'avanca avec fes trente hommes dans le gros de-Parmée , occupe'c a terre a délibérer fur leur ope'ration ; il reconnut dans un cercle le général, fils du roi Champeaux , a plufieurs morceaux d'or travaillé que ce général avoit attachés a fes cheveux; aulfi-töt il fondit brufquement &c avec furie fur lui, & lui coupa la tête, pendant que fes trente hommes, qui n'avoient pas d'abord été reconnus,fe faifoient hacher par ceux qui entouroient leur général. De ces trente hommes il ne fe fauva que le feul coupeur de tête du général. II trouva le moyen de regagner les fiens, fous le canon de notre fort, mais avec huit a dix coups de fabre fur la tête & fur le corps, dont un lui découvroit tout 1'os du bras droit; il avoit recu deux coups de fufil, dont un dans le fein, qui avoit coulé le Pa  $2% Defcription Jong des chairs, Se un autre qui lui avoit jetté un ccil hors de la tête, de manière qu'il eft difficile de concevoir comment ce petit capitaine de guerre n'avoit pas été forcé de quitter la tête qu'il venoit de couper; néanmoins il ne mourutque quatre heures après fa victoire. Enliute la réfolution de 1'armée ennemie fut d'aller mettre le feu au camp ou village des dahomets , oü ils ne trouverent ni femmes ni enfans; ils s'étoient tous réfugiés , partie dans notre fort Se partie dans le fort portugais. L'armée revint faire feu fur notre fort Se fur le reftant des dahomets, placé fous la courtine du fort. Alors je fus obligé de tirer fur eux le canon de nos baftions ; mais comme malheureufement je n'avois point de balles , Sc prefque point de boulets, je fus obligé de faire reftburce d'une barrique de grands clous qui me reftoient dans les magafins pour en faire de la mitraille. Les premiers coups ne les incommodèrent pas beaucoup, paree  de la Nigritie. 12j qu'ils étoient trop éloignéspour être attemt de cette qualité de mitraiile qui ne Porte pas fortloin; mais s'étant approchés Fus pres, pour reconnoitre s'ils ne pourroient pas s'emparer du fort, il foren* plus maltraités. Un peloton s'étoit approche prés d'un mauvais petit baftion , qui n etoit bati qu'en terre, & qui menaooit rume ; ils s'en feroient emparés , li on ny avoit tiré de gros canons; ce fut ia face de ce baflion qui leur fit le plus de mal, puifque le dernier coup qui fut me leur tua huit a neuf hommes . dont les clous avoient dilperfés les membres ce combat , dura prés de quatre heures. II n'y avoit a craindre que Ie feu dans le fort, paree que toutes les couvertures des. batimens font recouvertes en paille; & rien n'étoit plus facüe, finous euflions eu affaire k un ennemi plus expérimenté & mieux inftrmt, ou qui n'eüt pas perdu la tête. 1 Cela leur étoit d'autant plus aifé qu'ils avoient dans leur armée fin petit corps ^3  2^6 Defcription de troupes auxiliaires de deux eens hommes, qui n'avoient d'autres armes que leurs carquois Se des flèches ; il n'étoit donc queftion que de mettre dans un papier ou dans un linge une petite poignée de poudre avec un bout de mèche allumée, attachée a une flèche, & de Penvoyer dans nos couvertures, qui dans un inftant auroient embralé tout notre fort. Ils nous auroient obligés d'en fortir , avec cent cinquante ou deux eens hommes, pour chercher a gagner le fort anglais , qui n'en eft éloigné que d'une portee de carabine. Si ce malheur me fut arrivé, notre defnière reffburce étoit de former un petit bataillon quarré, la bayonnette au bout du fuül, pour gagner le fort anglais, qui d'ailleurs aurok favorifé notre retraite par fon canon. Enfin ,un quart-heure avant que le combat finit, Yavogan , blefle Sc retiré dans notre fort, voyoit tout ce qui fe paftbit au dehors, car il étoit dans mon logement, Sc même aportée de parler a  4  Defcription noient de couper fur lc champ de bataille les têtes des hommes que notre canon venoit de tuer , & qu'ils defiroient mettre en füreté, pour les aller porter le lendemain au roi, qui ordinairement les paye. Enfin , le premier objet qui fe préfenta devant moi, fut le brave petit capitaine qui s'étoit fait hacher avec fes trente hommes; il portoit une tête dans chaque main ; il entra avec tant de précipitation, qu'il me les porta au vifage. L'état oü cet homme étoit en ce moment étoit encore plus affreux que les deux têtes qu'il tenoit par la chevelure. II avoit un ceil hors de la tête qui n'étoit pas entièrement tombé j une balie lui traverfoit les chairs de 1'eftomac , quatre ou cinq coups de fabre fur le corps, dont un lui découvroit 1'os du bras droit , le vifage Sc le corps couverts de fang , écumant de rage, ne fe connoilfant plus lui-même , ,ni fon état. II fut fuivi de vingt ou trente autres  de la Nigritie. 235 négres , chargés, comme lui, d'une ou deux têtes a la main , qu'ils vinrent dépofer a ma porte pour me faire honneur. L'inftant d'après, il fut véritablement queftion d'une fortie fur 1'ennemi, qui alors s'enfuyoit, & voici pourquoi. Le roi des dahomets, ayant appris la veille de cette affaire, par des coureurs, que nous devions être attaqués le lenderrain , fit partir auffi-töt une petite armée de quatre mille hommes, commandée par fon grand général Agaou , avec ordre de marcher toute la nuit fans s'arrêter pour venir au fecours de fon Yavogan &c du notre. A une heure & demie après - midi , cette petite armée n'étoit plus qu'a deux lieues des forts ; Sc quand les ennemis en eurent connoiflance , le défordre fe mit parmi eux ; le feul nora d'Agaou les fit tellement trembler, que chacun prit la fuite pour gagner fon pays ; & pour être plus lefle a la courfe, plufieurs  Ï2$4 Defcription jetterent leurs fufils en chemin;ceux qu! favoient nager gagnerent la rivière, &c les autres les bois par oü ils étoient venus, ce qui fit faire lafortie, pour fuivre les fuyards , qu'ils n'atteignirent pas ; mais le général Agaou ayant appris Ia fuite de 1'ennemi par les coureurs, au lieu de venir au fort, feut leur couper le chemin dans le bois par oü ils s'enfuyoient, & comme ils avoient ordre de ne point faire de prifonniers , mais de tuer , il re'uflït aufïi a couper quatre ou cinq eens têtes. Après que les ennemis furent retirés chez eux, le roi des dahomets fit promener dans un grand baffin la tête du général judaïque par-tout fon pays , pendant plus d'un mois, quoiqu'elle fentit très-mauvais. On donnoit a boire a tous ceux qui la venoient voir. Cette tête coüta la vie a trente des plusbraves du pays, & il ne nous fut pas permis de faire enterrer ceux qui avoient été tues fur le bord de nos folfés j  de la Nigritie. 235 le roi nous obligea de les y laifTer, comme un trophée de fa victoire. Le peuple dahomet , dont il vient d'être parlé ,' malgré fa réputation de bravoure, a plufieurs fois été obligé , dans le tems même de fa plus grande prolpérité, de fuir de fon pays pendant trente ou quarante jours, lorfque fon roi ne pouvoit payer le tribut annuel a un autre roi beaucoup plus puiffant que lui, qui fe nomme le roi des ayeots Sc qui, dit-on , met cent mille hommes fur pied, Sc a qui dix autres rois paient auffi tribut. .11 réfide k cent cinquante ou a deux eens lieues dans les terres. Lorfque fes ambalfadeurs viennent recevoir ce qui eft dü a leur maïtre , s'il fe trouve alors un blanc chez le roi des dahomets, on a grand foin qu'il ne puiiTè parler a ces ambaffadeurs. Les ayeots ne font point de captifs , les prifonniers font attachés a la queue de leurs chevaux avec lefquels ils ga-»  5y<5 Defcription ■ loppent jufqu'a ce qu'ils foient morts; II elt encore une autre nation, inconnue aux blancs , qui viennent chez le roi des dahomets : ceTont des marabous mahométans , d'un pays fort éloigné dans les terres, qui apportent des tapis de coton & foies fabriquées chez eux, qu'ils échangent contre d'autres marchandifes. Ces négres paroilfent beaucoup moins ignorans que tous ceux des bords de la mer ; aulli nous ne connoilfons que les nations qui avoifinent les dahomets. Cé font les maillys & les nagots qui font fans celfe pillés vendus dans nos établilïemens. En général plus on s'avance dans les terres , plus le pays eft beau -y on y trouve comme par-tout le refte de la cöte , beaucoup d'éléphans , de tigres, de loups monllrueux en grolïèur , & une quantité prodigieufe de finges de toute efpèce. Le terrein produit abfolument tout ce que 1'on veut; tous les fruits de 1'Amérique & de 1'Afie y  de la Nigritie: 237 viennent parfaitement, dont la majeure partie font naturels au pays. Les oranges y font meilleures que dans aucun pays connu , d'une grolfeur Sc d'une qualité fupérieure a celle de Chine Sc d'Amérique. Les ananas ne s'y plantent pas aiïjfi qU'au haut de la cöte. Lorfqu'on en demande aux négres trente ou quarante , il en vont chercher dans le bois Sc jettent fur le Jicn la couronne a terre qui, un mois après, a repris racine d'elle^même, Sc produit un autre ananas auffi beau que celui dont il eft forti, fans cette facilité a fe reproduire, les blancs des navires n'en mangeroient jamais , paree que les négres font trop pareiTeux pour les replanter. Dans une occafion , je taillai moimême la vigne d'une treille que j'avois a ma porte, Sc j'en replantai les tailles ou viettes; en peu de tems elles prirent fi bien racine , qu'après trois mois un' pied produiftt une grappe; mais genera*  2 3 S Defcription lement la vigrie produit deux fois paran , dans ce pays, 8c y pouffe fi vigoureu- fement que les grains en font trop fer- rés; ce qui les empêche de mürir éga- lement. Les gens du pays font une alTez grande confommation d'une efpèce d'haricots rouges tout femblables aux nötres ; même feuille 6c même goüt; mais, ces haricots, au lieu de venir dans leur écolTe comme ceux d'Europe, fe forment en terre , attachés a la racine , par une petite fibre au nombre de quarante ou cinquante, 6c lorfque les négres veulent en faire la récolte, ils en arrachent la taloppe entière. Ils ont auiïi chez eux les petits poids ronds d'Angole de la forme des nötres, & qui en ont le goüt. Ils viennent naturellement, fans culture , fur les arbres de fept a huit pieds de hauteur , 6c exactement femblables a ceux d'Amérique , avec les feuilles defquels nos habitans fument leurs terres.  z6o Defcription il eft fi difficile de 1'attrappcr, a caufe des courans & vents contraires , qu'a peine fur cinquante navires un feul peut y relacher. Je reviens préfentement a la cote cl'Angole, qui eft le dernier lieu oü 1'on traite des noirs, pafte laquelle lesbords de la mer font inhabités & prefqu'inconnus, «Se jufqu'au cap de Bonne-Efpérance , oü 1'on trouve d'autres nations , prefque de la couleur des Caraïbes de 1'Amcrique , <3c qui ne font plus 1'objet de la Nigritie , décrite dans cet ouvrage. Néanmoins , après avoir pafte le cap de Bonne-Efpérance, en fuivant toujours la cöte , on entre dans le canal de Mozambique , oü recommence le peuple négre, vis-a-vis 1'ifle de Ma. dagafcar , qui eft une des quatre plus grandes ifles connues , qui fait encore le commerce des captifs; mais ces deux derniers endroits de 1'Afrique font trop éloignés de nos ifles de 1'Amérique, pour les fournir de négres , par les Ion-  de la Nigritie. 261 gueurs des traverfées, quoique quelques petits batimens Pavent déja tenté. Cependant Madagafcar eft très-utile a nos ifles de France, de Bourbon Se a la navigation , pour la traite des bceufs &c autres vivres , qui y font en abon-» dance.  %6± Defcription DERNIER CHAPITRE. Des réfléxions par lefquelles je terminerai cet ouvrage il en eft peut-être déja quelques-unes de répandues dans plufieurs des articles que j'ai traités , mais je ne peux trop les remettre fous les yeux fi je veux que mon travail foit de quelqu'utilité , & s'il ne^ 1'eft pas , je n'aurai aucun reproche a me faire. II réfulte donc de tout ce que j'ai ccrit fur la Nigritie , que le commerce d'efclaves que les européens font dans ces valles coatrées , eft un commerce aSreux, contraire aux loix divines & humaines, a la religion, a i'humanité; que ce commerce occafionne des aéfcs monftrueux de cruautés; qu'autrefois , ces peuples heureux fous les loix de la nature , par la fécondké de leur terre  de la Nigritie. 2 65 & Ia falubrité de leur cliraat, ont e'té par notre criminelle avidité transforme's en bêtes féroces ; ils ne fe font la guerre entr'eux Sc ne fe détruifent re'ciproquement que pour vendre leurs patriotes a des maitres barbares , les rois eux-mêmes n'y voyent leurs fujets que comme une marchandife qui peut leur fervir a fe procurer ce que defirent leurs caprices, Sc même a faire parade de leur ferocité , puifque dans leurs fêtes publiques du haut de 1'échafaut* qu'ils appellent leur tröne, il jettent a la popuiace des hommes a déehirer , ainfi que dans les nötres on jette des picces de monnoie, Sc le fang des fujets y ell, comme il eft arrivé quelquefois en Europe , une richefte appartenante en propre au fouverain , dont il peut difpofer fans rendre de compte Sc qu'il peut diffiper , oü, Sc comme il lui plait. Les partifans de ce commerce, aveugiés par 1'amour du gain , veulens:  2 64 Defcription rendre la religion complice de leurs crimes en s'étayant de la tolérance de 1'églife , dont les vues faintes étoient d'amener ces peuples a la foi Se de les délivrer de 1'idolatrie ; mais que cette méthode eft loin de remplir ce projet; 1'églife n'avoit pas foupconné toutes les cruautés que ce commerce entraineroit ; elle n'avoit pas prévu que loin de faire jouir ces expatriés de cette fainte douceur que prefcrit notre religion , on les tyranniferoit de mille manières différentes , & qu'on leur feroit confidérer les européens bien moins comme leurs bienfaiteurs que comme leurs bourreaux; & eft-il un homme livré a un pareil traflc qui connoifte d'autre dieu que 1'or , & d'autre culte que la manière d'en gagner ! D'un autre cöté, fi en Amérique on les forcc de profeffer la religion chrétienne , c'eft bien plutöt la profaner que la faire refpe&er , par la raifon que ces captifs, venant d'Afrique, n'ap-  de la Nigritie. 26$ prennent jamais aflez notre langue pour rien concevoir de ce qu'on leur enfeigne; après des lecons fans nombre , ils ne font pas plus avancés que fi on leur avoit parlé mathématiques ou aftronomie; de facon, qu'a. quelques fimulachres prés, ils vivent «Sc meurent dans la plus profonde ignoranee des devoirs de 1'homme. Ils ne fe doutent pas plus de 1'exiftence d'un Etre fuprême , que de 1'humanité qui nous eft prefcrite. II n'en eft pas de même de ceux qui nailfent dans nos colonies; il eft poftible de les inftruire dans notre religion. quoique la plupart des habitants ne s'en donnent gueres la peine. On pourroit même les naturalifer au point de fe palfer de ceux qu'on amene d'Afrique , en favorifant, par de fages régiemens, Ia population dans nos colonies. En Juillet dernier, j'avois envoyé au principal Miniftre du Roi, des obfervations fur cet aftfeux commerce; j'ef-  2 66 Defcription pérois qu'il trouveroir le tems de s'en occuper, 6c de les mettre fous les yeux du Monarque qui nous gouverne , 6e dont le coeur ell plein de bonté. J'efpérois qu'il prononceroit 1'abandon de ce traflc, 6e en donneroit le premier le glorieux exemple a 1'Europe: mais que cet événement arrivé un peu plutöt ou un peu plus tard, il ne fera pas moins intérelfant pour la France de conferver fon établillement au Sénégal , dont il eft facile de former en peu d'années, une colonie auffi riche que celle des Efpagnols 6e des Portugais en Amérique , 6c avec inflniment moins de dépenfe ; le Sénégal étant a fi peu de diftance de 1'Europe, les avantages en font certains : mais 1'établiffement d'une telle colonie, eft une entreprife d'état ou d'une riche Compagnie qui feroit extrêmement protégée du Gouvernement. Quant a la Compagnie aétuelle du Sénégal , trois caufes s'oppofent a fa.  de la Nigritie. 16y profpérité , & 1'obJigeront indubitable* ment a renoncer a Ion entreprife. La première de ces caufes eft qu'elle eft non-feulement oWigée de partager le commerce de la gomme avec les Anglais, a qui il a été permis par le dernier traité de paix, d'aller commercer a Portendick ,• permiftion dont jouiffoit Pancienne Compagnie des Indes , & que les Francais n'avoient plus avant la derniere guerre ; mais encore ce partage de commerce de la gomme force la Compagnie de la payer aux Maures douze & quinze fois plus que ne la payoit Pancienne Compagnie : la feule concurrence des Anglais fait que toute cette gomme leur feroit portee fi les Francais refufoient de fe conformer au prix donné par les Anglais. La deuxieme caufe qui s'oppofe au fuccès de notre Compagnie aétuelle , c'eft que la feule rivière du Sénégal , oü il lui eft accordé le privilege excluftf du commerce eft trop bornée par  268 Defcription rapport aux dépenfes qu'elle eft obligée de faire; Se il eft conftant qu'elle ne pourra profpérer que lorfqu'elle obtiendra le même privilege qu'avoit 1'ancienne Compagnie des Indes , c'eft-adire, celui du commerce exclufif depuis le Cap-Blanc, jufqu'a Serralionne. Enfin , la troifieme caufe qui nuit plus qu'on ne penfe au commerce de la Compagnie du Senegal, c'eft que depuis que la France eft rentree en polfeffion de cette partie de la cöte , c'eft le militaire qui commande dans ce pays avec une autorité incompatible avec le bien du commerce, il le contrarie fans celTe dans fes opérations. Le Commandant du commerce peut Se doit feul connoïtre les intéréts des différens Princes noirs, Se de ceux 'de fa Compagnie qui y font relatifs : de plus , il eft indifpenfable que tous les gens de Pille , negres , mulatres > libres ou efclaves, foient fubordonnés au Commandant du commerce j. autre-  de la Nigritie. i6p ment il eft arrêté a chaque moment dans fes opérations avec fes habitans, dont la majeure partie eft au fervice de Ja Compagnie, quoique vivant par elle. Ils font fouvent indociles aux ordres qui leur font donnés; ils prétendent a une augmentation de gages qu'ils n'ont jamais eusque des Anglais; &, ce qui eft encore plus dangereux , ils cabalent auprès des Princes noirs , pour faire défendre la traite aux blancs. Si, lorfque tous ces défordres arrivent, le commandant du commerce n'a pas la liberté de faire punir les coupables, que peuvent devenir fes opérations ! C'eft cependant ce qui arrivé fouvent, lorfqu'il veut retenir dans les bornes de leur devoir & de 1'obéilfance les negres mulatres; ils ne manquent pas auffi-töt de s'aller plaindre au Commandant militaire qui, pour faire parade d'une autorité qu'il affecte toujours de montrer , ne manque jamais de donner raifon a ceux qui devroient  270 Defcription être punis. Par ce moyen, les mutins triomphent, 6e font appuyés dans leur infubordination; & il ell impolfible qu'il ne réfulte pas de cette funefle protection des défordres 6c des vols, dont la Compagnie ne peut fe garantir. Et, que n'arriveroit-il pas, fi un militaire avide contredifoit par un commerce particulier celui de la Compagnie, dont alors la vigilance néceffaire ne pourroit manquer de furveiller, de croifer fes opérations , 6e d'exciter la haine d'un Commandant qui, dans ces parages , ne doit avoir de puiiTance que pour protéger les Francais! II eft donc très-cer'tain qu'indépendammerit des dépenfes que des rroupes , dans ce pays , coütent a PEtat, elles font trés - nuifibles au commerce. On peut joindre aux preuves que je viens de donner, 1'exemple des deux Nations qui, dans le commerce, entendent le mieux leurs intéréts, les Anolais 6e les Hollandois; ils ont chacun  de la Nigritie. 2yï tfouze a treize forts Je Jong de Ja cöte; ils n'ont dans les pJus confidérables , que quelques foldats avec un Officier ou un Seigcnt, mais toujours fous Jes ordres du Commandant ou Directeur du commerce, ainfi qu'en avoit toujours ufé Pancienne Compagnie des Indes de France. Elle tenoit quarante-cinq foldats au Senegal, Sc pour Galam : elle en avoit feulement trente a quarante a Gorée en temps de paix, mais toujours aux ordres de Ia Compagnie; autrement les affaires auroient été en défordre. Un dernier vice de Ia régie aétuelle, eff qu'on a permis a une trop grande quantité de negres libres, de venir s'établir fur 1'ifle^du Sénégal; ce qui caufe prefque tous les ans une difette de grains qui le faic rencherir au point que Ia mefure, qui ne fe payoit que deux fois, fe payoit en Mai i788 douze fois. Autrefois, j'aurois pu être foupconné de quelqu'intérêt perfonnel, en difant ■  2yi Defcription ces ve'rités; mais a prc'fent fur le de'clin de Page Sc de'gagé de toute affaire, je n'ai eu d'autre motif que d'être utile a ma Patrie. AVERTISSEMENT.  273 ■AVER TISSEMENT. 'A ce t te defcription de la Nigritie, qui n'a de recommandatie que la vérité' Pai Penfé qu'il feroit bien de joindre un petit diétionnaire abrégé des mots , & quelques phrafes eu ufage chez les peuples Iolofs , cela peut préparer k la connoiflance de cette langue ceux que les affaires du commerce conduiroient fur ces cötes, cela peut donnet k nos favans une idéé de la gram* maire de ces peuples ; cette langue eft très-douce & a des infïexions de voix plus marquées que la nötre, & pJus de brièveté dans fes expreffions , elle fe S  2/4 paffe de verbes auxiliaires , roe mi roe , donne-moi & je te donnerai ce qui pourroit auffi être traduit, par troc pour noc , preTente un appercu de la précifiondeleur langage; bir, qui veut dire ventre ; 6c bir na , femme enceinte , prouvent 1'analogie du fubftantif joint a l'adje&if en un feul mot. Leur manière de compter fait voir que ce peuple étoit plus avancé 6c plus ingénieux que les Indiens qui fe fervoient de Quipos , fcience encore qui n'étoit en ufage que chez les prêtres du temple du foleil. Dans cet abrégé, je donne affez de connoiffance de lce langage, pour qu'un voyageur intelligent puiffe com-  Parer dW« 'angues | celie des fe! S ' & ^ «»le de réfléxions ne ^ffi,roienrpaSa]'e/prit)fidans?une *» 'fles perdues fur lïmmenfeé dej TS * fud' °» ™oit, je ne S PaS les me»u* diatóes, ntais ]es mémes mots primitifs qu>, &t ^ 'er Ia néceflïté de s'entendre fur !es cotes d'Afrique. Q^elleidéeeffiayante.a'imagination «Wt-eliepasdu boulleverfement des pardes du gkbe . & des commo. «ons , fins doute, périodes, qui ont féparé les peuples & ]es oat dif_ perfés dans fóendue de Vmims. Pour prouver ces terribles re'volutions fc "«gage feul deviendroit Ia baze de Ia Sa  ij6 certitude, le même idiöme préfentant & réuniffant les titres de la même familie.  N O M S DE DIVERS OBJETS. Homme. Gour. Femme. Guiguenn. On a mis fouvent doublé Iettre, a ce qui, dans notre langue , a Vappuyement que fait a la fin d'un mot un e , précédé d'une confbnne. Roi. Bour. Maïtre. Borom. Jeune domeftique. Boucanet. Les yeux. Gott. Le nez Bacann. La tête. Boppe. Le ventre. Bir. Femme enceinte. Birna. La langue. Lamai. Souüers. Dal. Beurre. Diou. Lait. Sau. Poules. Guénar. s5  2J% Canard. Canquel. PohTofiy Guienn. Boeuf. Nac. Cochon. Bamm. Du mil. Dougoupp. Du riz. Quiebb. Eléphant. Gnié. Tigre. Seigle. Loup. Bouqui. Autruche. Gaminte. Boire. Nane. Manger. Lécamm. Mots & phrafes. Un jour. Benn huer. Deux mois. Guiar fanne. Trois ans. Gniette hatte. Tout a 1'heure ou a BelinquiiTe. 1'inftant. Demain je me marie en Ellec maffe quia quaface de Dieu. nam y alla. Ma femme eft extréme- Sama guiabar rafetna ment jolie. lol. Je Taime de tout mon Soppna quia famacol' coeur. Ma femme eft enceinte. Sama guiabar birna.  279 Mon marl eft mort. Sa ma guiacar de'na. Je nel'oublierai jamais. Fatetimaco mouque. Je vais le plcurer. Mengala guioüé. Ta fille eft-elle mariée ? Sadom guiguenn fcéna. Non , trop jeune. Der calella. Ta grande - mère eft Samant magat na. vieille. Allons manger ton Noudem lec faraguéïé. coufcou. Je vais prier Dieu qu'il Manga gulli y alla quima me donne un enfant. guiocre benne dom. As-tu vu 1'enfant qui a Guefioula dom qui deux têtes? amga guiarr bopp. Je crois que perfonne Deffena quienn mouf- n'a vu cèla. fouco quifif. Sürement tu aimes les' Holla y foppena- gui- femmes. guenne. Dis la vérite'. Oiiacal .dégué, Je ne peut pas mentir. Monou man fenne. Cet homme la n'a pas Gour bilet amour ga dehonte. quet. Donne-moi des mar- Guioremau gur bare chandifes ou de 1'or. auroufte. Donne - moi & je te Roe mi roe. donnerai. Qu^ tu es malin. Yaguena mouiT. S 4  280 Non , je ne fuis pas Der dou ma moufï". malin. Ne me dis point d'in- Bouma cafle. jures. Cela eft fini, ne fois Sautina boulmer fou- pas facné , & em- neman. bralTe-moi. Je m'en vas danfer Maugadem fequel ac avec ma jolie mai- fama qui auro ra- trefle. fette. .Venez petite m'em- Caye calillé founeman. brafier. N'ayez point peur des Boulé ragalle toubabe, blancs. Si tu avois un mari So amé guiacard tou- blanc. babe. Comment ferois - tu Nacan guadeffe. donc ? Je ne fais. Cam. Vas t'en en fanté. Demenne acquiame. Donne-moi mon fufif. Guiorqueman fa ma fetal, Avec mon fabre je vais Ac fa ma guieffi ma- aller tuer un loup. demrée benne bouqui. Ce fabre la m'appar- Guiafli bilet ma co- tient. mom.  2%l Le maïtre du Sénégal Borpm dar amaco me Ta donné. guiorque. Le ■ maïtre de Goré Borom bire d'ou ra- n'eft-il pas frère de quam borom dar. celui du Sénégal. Je vais dormir auprès Mangadem nelo ac fade ma femme. maguiabar. Moi je vais danfer. Mann madem fequelle- Maïtre de cuifine , va Borom togue demenn tuer deux poules avec rée gniar guenare ac un canard. benne cauquel. Je voudrois voir le roi Bouguena co quhTe de France. bour tougol. Cet homme la n'a pas Gour bilet amour kel> d'efprit. Mes oreilles font ma- Sa ma nope mitina. lades. LesvaiffeauxdeFrance Randy tougol amga font forts. dolet. Ma mère eft morte. Sa mandeil déna. Je vais fumer ma pipe. Manga toque fama nanon. Demain en fanté, j'irai Elec guiam madem fo- fort loin. rena. Donne-moi mon pré- Guiorquemarm fama- fent d'adieu. tago. Je n'ai abfolumentrien, Amoumann, dara  282 Fais mon compliment Noyoul man fenn boa tes parens. ' que. Cela eft fi excellent, Nerclalol deffna magaque je crois que je demacyalla. m'en vais avec Dieu. Gouttes-en. Mofco. Je n'oferois pas. Saguiou maco. N'ayez point peur. Boul ragale. Donne-moi de l'eau, Guiorrmann doe maje vais me laver. dem racafle. Je t'aflure que cet hom- Hola y gour bilet bame la ne vaut rien. cou!. Donne - moi un coup Guioremann tangué 1 d'eau-de-vie. faugara. Doune-moi dix barres Guioremann fouque de fer. barra. Avec de la toile. Ac indimon. Cela eft trop falé. Saffena corom. Aujourd'hui ta cuifine Teilfa toque bacoul. ne vaut rien. Cela n'eft pas vrai, tu Doudeque moguena es menteur. fenne. Laiue-moi, je fuis fa.- Bafyemann mernamanché. Ne fois pas faché, affis Bouco mer guiaquit» toi.  28$ Vas t'en cliercher du Demenn yofli fafara. feu. II n'y en a point ici. Necouquia. Tu as des pierres afufil. Amgua deuïl fetelle. Manière de compter des Iolofs. Un. Benne. Deux. Guiart. Trois. Gniet.' Quatre. Guianet. Cinq. Gurom. Six. Gurom benne. Sept. Durom gniart. Huit. Gurom gniet. Neuf. . Gurom gnianet. Dix. Fouque. Onze. Fouque a benne. Douze. Fouque a gniart. Treize. Fouque ac gniet. Quatorze. Fouque ac gnianet. Quinze. Fouque ac gurom. Seize. ' Fququeac gurom benne. Dix-fept. Fouque ac gurom gniart. Dix-huit. Fouque ac gurom gniet.  284 Dix-neuf. Fouque ac gurom gnianet. Vingt. Gniard fouque. Trente. Gniet fouque. Quarante. Gnianet fouque. Cinquante. Gurom fouque. Soixante. Gurom benne fouque. Soixante-dix. Gurom gniart fouque. Quatre-vingt. ' Gurom gniet fouque. Quatre-vingt-dix. Gurom gnianet fouque. Cent. Benne temer. Deux eens. Gniart temer. Trois eens. Gniet temer. Quatre eens. Gnianet temer. Cinq eens. Gurom temer. Six eens. Gurom benne temer. Sept eens. Gurom gniart temer. Huit eens. Gurom gniet temer. Neuf eens. Gurom gnianet temer. Mille. Benne guné.  ERRATA. On doit ici prévenir le ledteur , que 1'impreffion de cette relation de la Nigritie , ayant été faite pendan» 1'abfence de 1'Auteur, qu'il n'a pu , par cette rai fon , corriger les épreuves ; qu'il s'y eft fait beaucoup de fautes d'impreflions, Sc particulièrement dans les noms propres , & dans celui des lieux , qu'il n'eft plus poflible de redtifier , que par cet errata. Page 2 , ligne $ , lifej pouvoient, au lieu de peuvent. Pag. 3 , lig. 23 , Hf Galam, au lieu de Galane. Pag, 4 , lig. 11 , lif. Babouches, au lieu de Bembouckes. Pag. 4 , lig. 16 , lif. Guiriot, au lieu de Quiriot. Pag. 6 , lig. I 5 , lif. pagne , au lieu de pague. Pag. J , lig. 9, lif. encore pagne , au lieu de pague. Pag. 7, lig. 12 , idem. — idem , au lieu de paguePag. 9 , lig. 12 , lif. d'une grande beauté , au lieu *fun grande. Pag. 10, lig. 10, lif. Saletins, au lieu de Saltins. Pag. 11, lig. 5 , lif. Darmanceaux , au lieu de Darmaneauy. Pag. 1 5 , lig. 3 , lif. Galam , au lieu de Galorn. Pag. IJ, lig. l"y,lif le navire, la valeur , capitaine CalTe , au lieu du navire la Vallence. Pag. 23 , lig. IJ) lif. Coufcou, au lieu de Coufecou. Pag. 25,%. 6, lif. le roi d'Hamel, au lieu du roi d'Hamet. Pag. 28 , lig. 9 , lif. z le protdger, au lieu a les protéger. Pag. 3 5 , lig. 2 , lif. mill , au lieu de mil. Pag. 41 , lig. 7 , lif. palmifte , au lieu de palmifter. ' Pag. 43 , lig. 18 , lif. deraquenqu eo, au lieu de deraguenquoo. Pag. 46 , lig. I 5 , lif. meuïlles, au lieu de meuilles. Pag. 47 , lig. 10, lif. mortaudes, au lieu de mortanden. Pag. 51, lig. 3 , lif. après celui du roi d'Oual, au lieu. de d'Onat. Pag. 58 , lig. 13 , lif. 1'afcars , au lieu de lafcans. Pag. 74 , lig. I , lif mouitte', au lieu de mouitte. Pag, idem , lig. 8 , lif. cfi chalïcr , au lieu de chaflsr,  Pag. 75 , lig. 17 , lif. Bambaréna, au lieu de Baubazenna. Pag. 76 , lig. 1 k 3 , /z'/T bambaras, au lieu de bambazas. Pag. 77, lig. 2, lif. M. Stoupan Deiabrue, au lieu de Stoupem Delvbruc. Pag. 78 , lig. 8 , Hf. bamboue. Pag. 80, lig. 11 z 11, lif. qui peuvent donner !e plus , au lieu de donner le plus de mines. Pag. 84, lig. 4 , lif. celles des Négres, au lieu de celle. Pag. 88 , lig. 8 , lif. cacho , au lieu de cachas. Pag. 90 , lig. 8 , lif. occafionner , au lieu de fupporter. Pag. IOI, lig. 2, lif. Mofambique , an lieu de Mau- fenbie. Pag. 101 , lig. 16 , lif fcrairres , au lieu de ferezes. Pag. 117» Hg- 14 > lig. capitaine Avrillou , au lieu de Avrillon. Pag. i\ 4, lig. $ , lif. je les faifois , eu lieu que je les faifois. Pag. 119, lig. 1 , lif. défenfe de traité , au lieu dc défenfe des traités, Pag. ilO , lig. tl f lif. Seraires nonnes, au lieu Serairos noirt. Pag. 127, lig. 1 , lif. Bruialme, au lieu de Bruxal. Pag. 128, lig. 11, lif. grands macatons, au lièu de grands malatous. Idem. lig. 13» Hf- de même macatons petit, au lieu de malatous. Idem. lig. 17 , lif Mortaudes, au lieu de Mortaudes. Pag. 119 , lig. IO , lif. chandelier de cuivre ,. au lieu de chandellier. . . Pag. 129 , lig. 22 , lif. de Bery, au lieu de Berg. Pag. 13 O , lig. 1 5 , lif. Bajutapo, au lieu de Bajatapo. Idem. lig. 21 , lif. contre brodés, au lieu de coutre. Pag. 132., lig. 11, lif. brigantin, au lieu de bringantin. Pag. 133, lig- 17, lif- fur 1'iile Bo\ihn,aulieude Boullant. Pag. 13^, Hg. 15 , lif qui ferti'ifent au lieu qui fortifient. Pag. 137, lig. IO, lif. Boulan eft entourée de bancs, au lieu (ï'entouré d'eau. Pag. 147 , lig. 6,lif.k Namabon , au lieu