215 EB 24  2 DISCOURS. Parmi ces révolutions des peuplss que 1'Hiftoire nous a tracées plus d'une fois, il n'en eft guères de plus dignes d'admiration que celles qui ont eu pour objet de défendre les droits les plus facrés de l'buraanité, de s'oppofer aux injuftices & aux cruautés des tyrans, & de faire jouir 1'homme d'autant de liberté que la fociété civile en peut admettre, fans dégénérer en anarchie & en écat naturel & primitif. Trois Ligues illuftres fe font formées avec un delTein auffi noble: celle des Achéens, celle des Suiffes, & la Ligue Belgique. Les comparer enfemble eft un fujet qui exige, je 1'avoue, des talens fupérieurs aux miens: 1'intérêt dont il eft rempli m'a cependant engagé a éprouver mes forces; & quand même je ne ferois pas aflez heureux pour remporter les fuffrages de 1'Académie , je ne regretterai point d'y avoir afpiré; j'aurai du moins 1'agréable confolation de m'être mis par la dans la néceffité d étendre mes connoiffance?. Je fuivrai 1'ordre prefcrit, & je tacherai fucceflïvement de développer les caufes, 1'origine, Ia nature & 1'objed de ces trois affociations politiques. ♦40===:= 1 : = £=0> 1°. a. C au ses de la Ligue Achêenne. Depuis plus de huit fiecles O) les Achéens avoient occupé Ia petite contrée qui s'étend le long du golfe de Corinthe au nord du Péloponefe. Cbaffés euxmêmes de Sparte, ils chafferent a leur tour les Jöniens de ce pays qui s'appelloit anciennement MCgialée, enfuite 1'Iönie, & auquel ils donnerent depuis le nom d'Achaïe. Tifamene fils d'Orefte avoit conduit cette expédition qui, quelque heureux qu'en fut le fuccès, ne laiffa pas de lui coüter la vie. Le gouvernement du pays nouvellement conquis^ fut partagé entre les quatre fils de Tifamene & trois autres Princes. Une fuite de Rois fe fuccéderent, dont quelques-uns rêgnerent fans doute enfemble a 1'exemple des premiers chefs; maïs le fils de Gygès, un de ces monarques, ayant voulu exercer un pouvoir defpotique, le peuple Achéen le fit defcendre du tróne, & changea la conftitutioa en une Démocratie qui fe foutint jufqu'au temps d'Alexandre. Les Iöniens, tandis qu'i's poffédoient P^gialée,. 1'avoient divifée en douze parties dans chacune desquelles ils avoient bati une ville: en voici les noms> (J): Patree, («) Ce récit eft tiré de Polvbf. II. Ch. 37. feq. Pau s a n i a s VII. Ch. 6. feq. StrabonVIII. J>. 587, ex edit. Casauboni cum notis varior. Plutahque vie d'Aratus. Ubbonis Emmii Grcecia vetus in Thef. cmtiq. gr. Geonovii; & de VHijioire Univ. traduite de l'Anglais en Allemand, corrigée & enrichie de Notes par M. Heyne, Tom. II. (6) Tels du moins ils furent appellés dans la fuite. Voyez Bayéri FaJH Achaki Ulujlmi, in Tom. V. Comment. Acad. Petrop. p. 382 , & feq.  DISCOURS, 5- mfpirer, en faifant caufe commune comme auTefois, pouvoient y réuffir, & non feulement rendre a leur République fon ancien éclat, mais s'acquérir même le beau titre de libérateurs de la Grece. Voila ce qui caufa cette fameufe Ligue, dont nous tracerons bientöt 1'origine, & ce qui engagea dans la fuite tant de villes céiébres a en faire partie. I. b. C a u s e s de la Ligue Snip. La mort de Berthold V O), dernier Re&eur de la petite Bourgogne, venoit de remettre les peupies de laSuiflè, en 12:8, fous la puilfance immédiate de 1'Empire, dont ils avoient été décachés depuis le faible rêgne de 1'Empereur Henri IV.^ Le haut Clergé & une quantité de Comtes & de Barons poffédoient alors la plupart des villes & des terres qui compofoient ce pays. Quelques villes pourtant s'étoient maintenues dans 1'inJépendance, & les trois Cantons d'Uri, Schweitz & Underwalden jouilToient depuis longtemps du même avantage. 11 eft vrai que le clergé & quelques feigneurs porticuïiërs y avoient des rentes cc des fujets, mais le gros du peuple y funuoit üiverfes communautés, & fe gouvernoit par des magiftrats qu'il avoit lui même choifis, & ne recoimoilToit d'autre chef que 1'Empereur. Une conftitution auffi parallelle & le voifinage n'avoit pu manquer d'unir ces trois Cantons: auffi des 114 les citoyens de Schweitz fe fortifierent entre une fentence impériale qui leur parut injufte, par 1'alliance d'Uri; & 30 ans après ceux d'ünderwalden s'y joignirent. Les trois Cantons fe lierent par'des alliances perpétuelles qu'ils renouvellerent depuis tous les dix ans. La crainte d'une Nobleife guerriere qui les entouroit fit auffi conclure en i2) a été la première k confeiller au Prince d'Orange I'union qui fe conciut a Utrecht, voulant fortifier par-la le parti des deux Provinces libres contre celles qui avoient réconnu au coramencement de 1577 1'autorité de Don Juan d'Autriche. Quoiqu'il en foit de cette asfertion, Guillaume goüta un plan qui dut inévitablement fe préfenter a fes propres idéés, comme on en concut également le befoin en Hoilande & en Zélande. Aufli le Prince empioya dès-lors plufieurs membres du Gouvernement a entamer des négociations fur ce fujet avec les quatre Provinces de Gueldre, d'Utrecht, de Frife & d'Overyffel. Plufieurs raifons contribuerent pourtant k faire languir ces conférences jusques vers Ie milieu de 1'année fuivante. Don Juan eft dabord obligé a contre-coeur de faire partir les troupes Efpagnoles: mais ayant confervé les Allemandes, il viole bientöt la parole qu'il avoit donnée de remettre toutes les places fortes entre les mains des Etats, & il furprend le chateau de Namur. C'étoit rallumer une guerre générale dans les Pavs-Bas. Guillaume en profite ; il eft réconnu Stadhouder a Utrecht, & réuflit a faire plufieurs conquêtes; partout on rafe lesForts, inftrumens du defpotifme. Les Etats de Brabant "informés qu'on va rappeller les Efpagnols proclament le Prince Ruward ou Prote&eur de leur Province. Jaloux de fon autorité croiffante, plufieurs feigneurs invitent 1'Archiduc Matthias k fe charger du Gouvernement des Pays-Bas. II arrivé, Don Juan eft déclaré ennemi de la patrie, & les Provinces Catholiques & Réformées fe promettent dans une nouvelle union une défenfe mutuelle. On fait enfuite prêter a 1'Archiduc ferment au Roi, & promettre le maintien de la Pacification de Gand; mais oütre qu'on borne fon autorité a tel point qu'il ne peut rien entreprendre fans des Confeils que les Etats forment pour 1'tflifter, on nomme Ie Prince d'Orange fon Lieutenant Général. On fent aifément que dans la fituation oü Guillaume venoit d'être placé, il ne pouvoit plus être porté comme auparavant k lier la Hoilande & la Zélande avec les Provinces voifines. Non feulement fon féjour en Brabant 1'éloignoit de 1'endroitoü cette affaire devoit être traitée; mais 1'mtérêt des Pays qui profeffoient 1'une ou 1'autre réligion n'étoit plus féparé, & ils s'étoient unis de nouveau par une Ligue défenfive. Aucun parti ne refpeftoit plus les loix du Gouverneur de Phüippe; au contraire Matthias & le Prince d'Orange fous lui étoient générale. ment («) Voyez outre les Hiftoriens généraux Bondt Hifi. Unioni; Ultraj. & Van de Spie-gel Vertoog over de Betrekking van JohanGraafvan Nas/au tot de Unie van Utrecht; dans le fecond Volume de fon Bundel van ofiuitgegeeven Stukken.  DISCOURS. 3r ment réconnus: la Pacification de Gand étoit plus que rétablie; c'eüt donc été une mauvaife politique de la part de Guillaume de vouloir unir dans ces circonftances quelques Provinces plus intimement enfemble qu'elles ne 1'étoient toutes. A la tête des Pays-Bas, c'eüt été marquer une méfiance trop ouverte pour une partie des peupies qui 1'avoient élevé a fa charge éminente. Mais bientöt les affaires prirent une autre face. Le célebre Alexandre Farnefe, Prince de Parme, ramêne vers le commencement de J'année 1578 les vieilles bandes Efpagnoles & Italiennes; il gagne fur les troupes des Etats la vicloire de Gemblours, & fe fait redouter par Ia conquête de plufieurs places du Brabant & du Hainaut; conquêtes néanmoins qui ne purent contrebalancer la perte d'Amflerdam, qui venoit de faire fon traité avec le Prince. Elle fe ftipula 1'exercice exclufif du culte Cathollque; mais une révolution arrivée peu après y rendit Ia réligion Reformée dominante. Celle-ci fit partout d'étonnans progrès, & 1 intolérance ainfi que le pouvoir des Moines .diminua même dans les Provinces Catholiques. L'Archiduc & le Confeil d'Etat preffés par deux requêtes des Réformés qui demandoient un Jiore exercice de leur culte propofent une paix de réligion, qui} au lieu de concilier les deux partis fur eet Article, n'eft goütée d'aucun. Quelques Provinces & viil s s'y cnnf,™ent pourtant j dans d'autres les Réformés s'ëmparent par des moyens violens de Ia liberté qu'ils demandoient. Gand étoit un théatre de désordres, & on y obfervoit Ia Pacification moins que partout ailleurs. Les Etats des Provinces Walionnes, qui enfemble avoient fept voix dans l'affemblée des <• rats Généraux, plus attachés que les autres au culte Catholique ne virent cette infraction d'un traité, auquel ils avoient pris part, que d'un ceil mécontent & réfuferent de payer leur contingent a la caiffe deftinée a 1'entretien des troupes; une guerre civile entre ces Provinces Walionnes & les Gantois, que 1'Archiduc & les Etats tenterent vainement d'appaifer, en fut la fuite immédiate. Cette nouvelle rupture de I'union générale fit renaitre en Guillaume le projet de I'union particuliere qu'il avoit négligé pendant quelque temps. Plus le lien qui réunifToit toutes les Provinces s'étoit relaché, plus la néceflité d'une union plus intime entre quelques unes fe manifeftoit. D'ailleurs Don Juan étoit maitre de plufieurs villes du Brabant, & les peupies de Hoilande & de Zélande avoient' trop d'intérêt a ce qu'il ne perfat pas plus avant, pour ne pas défirer qu'on mït en oeuvre tous les moyens de Pen empêcher. Une Confédération avec les Etats voifins n'en étoit pas un des moins efficaces. L'occafion de la former n'avoit ja. mais été auffi favorable. Depu s Ia compofition d'Amfterdam toute la Hoilande obéiflbit aux loix de Guillaume', 1'Evêché d'ütrecht 1'avoit nommé fon Stadhouder; la Réforme étoit établie en Gueldre; la Frife, Groningue, le pays de Drenthe & une partie de 1'Overyffel n'appartenoient plus a 1'Efipagne, & s'étoient joints aux Etats Généraux. Le Prince profita de ces avantages: mais quelque nécefiaire que  32 DISCOURS. kri parut I'union qu'il méditoit, il n'ofa pas encore avouer direétement 1'intérêt qu'il y prénoit, ni entamer en perfonne les négociations qui devoient la faire naitre. La crainte de devenir fufpeét a 1'Archiduc & aux Etats le retint. II confia donc cèt important ouvrage aux foins de fon frere le Comre Jean de Nasfau, élu depuis peu Stadhouder de Gueldre , homme de tête, & de Ja plus grande aclivité. Ce Comte, longtems auparavant dans les fecrets de Guillaume, connoiffoit ■toute fimportancè qu'il mettoit a I'union; aufli dès fon avéneraent au Stadhouderat de Gueldre, il envoya au mois de Février en 1578 fon fecrétaire aux Etats de Hoilande & de Zélande, pour traiter avecreux d'une alliance avec Ia Province qu'il gouvernoit; mais comme nous 1'avons deja remarqué, le moment favorable n'étoit pas encore venu. Le 16 de Juillet, le fecrétaire du Comte écrivit une nouvelle lettre au nom de fon maitre aux Etats des deux Provinces, pour leur confeiller 1'alliance avec Ia Gueldre, a laquelle il efpéroit que ceux d'Overyffel & de Frife voudroient bien acceder. „ Namur, le Luxembourg & le pays de Limbourg (c'eft le motif dont il fe fert pour les y engager,) font de„ ja, au pouvoir de Pennend; il eft k craindre que 1'Artois & le Hainaut n'y ,, fuccombent dans peu. Des dix-fept Provinces il n'en reftera donc pas affez „ pour faire réfiftance, a moins qu'on ne s'uniffe de ce cöté - ci pour y mieux ,, réuflir " (a). Mais des difEcultés qu'on entrevit encore dans cc piojet en Hoilande & en Zélande, quoique 1'idée leur en eut plu depuis bien longtemps, retarderent encore une conclufion direéte & favorable de la part des Etats. Au commencement de Septembre Ie Comte de Naffau parut Jui-même dans leur affemblée, & leur recommanda I'union , avec tant d'éloquence qu'ils députerent le lendemain quelques membres a Arnhem oü 1'on tenoit une diète. II y vint auffi des Zélandois. La Province d'Utrecht avec laquelle Jean avoit traité dès le commencement de Juillet y envoya également des Députés; la Gueldre y avoit naturellement les fiens. Enfin le Comte de Renneberg, Stadhouder de la Frife , d'Overyffel, Groningue & du pays de Drenthe, y afliftoit, & le frere de Guillaume dirigeoit tout. II paroit qu'on y a dreffé le premier plan en forme de I'union, & que le premier fecrétaire du Comte de Naffau, Evemrd de Reyd, en a été 1'auteur. Les Députés retournercnt chez eux pour offrir ce plan aux délibérations des Etats refpectifs. La Province d'Utrecht femble 1'avoir agréé avant les autres. En Gueldre il y eut bien des membres qui mirent de l'obftacle a fon approbatiop, & les Provinces que gouvernoit Renneberg vouloient abfolument qu'elle précédat, avant d'y donner leur propre confentement. Le Prince d'Orange qui déguifoit deja moins qu'auparavant Ia part qu'il prenoit k ces négociations, convoqua vers la-fin de Novembre les Etats de Hoilande & de (,a) Van de Spiegel , Bundel van onuitgegeeven Stukken I. 33.  DISCOURS. 33 de Zélande a Gorinchem, & y envoya fon Tréforier Jdques Taffin. Le Comte de Naffau s'y rendit auffi, & ces deux perfonnages y démontrerent de nouveau TutiJité de I'union de la maniere la plus convaincante, & inviterent les Etats a envoyer dès Députés a Utrecht, oü ceux des autres Provinces s'étoient affemblés. Auffidót I'union y eft approuvée, & les Ambaffadeurs nommés. Les Etats de toutes les Provinces n'y avoient cependant pas envoyé de leurs membres, ou ceutci ne fe trouvoient pas munis d'inftructions affez amples; mais ceux de la Hoilande, de la Zélande & d'Utrecht qui avoient confenti a I'union ne voulurent pas que l'affaire trainat plus longtemps. lis conclurent donc le 6 Décembre, avec les Ommelandes Frifonnes, les principaux points de la Ligue, tandis que les Députés des autres Provinces donnoient les plus belles promeffes de s'y joindre. 11 falloit encore a ceux qui avoient figné, la ratification de leurs maitres: 1'ayant obtenue, ils retournerent vers le milieu de Janvier 1579 a Utrecht, oü ils trouverent le Comte de Naffau accompagné de quelques Députés de Gueldre. On ftgne de nouveau le Traité qui eft proclamé folemnellement le 29 du même mois. Le Comte y mit fon nom a Ia tête des autres. Cette union, dont nous avons fait voir la néceffité a bien des égards, le devint encore davantage par une Ligue que les Provinces d'Artois, de Hainaut & de Douai, mécontentes d'un accord que le Prince venoit de faire avec la ville de Gand aufujet de ia R^iigtun, conclurent enfemble le 6 de Janvier, & dans laquelle elles fe promirent le maintien de I'union de Bruxelles, de la réligion Ca, tholique, de robéiffance au Roi, & de Ia Pacification de Gand, ainfi que 1'exclufion de la paix de réligion. D'ailleurs le Duc de Parme, Général du premier ordre , avoit remplacé Don Juan d'Autriche dans le Gouvernement, & les troupes auxiliaires avec lesquelles le Duc d'Jnjou, élu proteéteur des Pays-Bas, & le Duc Jean Cajlmir envoyé par la Reine Elizabeth,avoient groffi 1'armée desEtats, étoient retournées chez elles avec ces Chefs. A peine I'union fut-elle conclue, qu'on établit a Utrecht une aflemblée de Députés des Provinces qui en faifoient partie. Le Comte de Naffau fut nommé Directeur de I'union pendant 1'abfence du Prince fon frere, & en efFet comme fon Lieutenant. Deux Confeillers lui furent adjoints. Au mois de Mars les Gueldrois qui, dans le temps que leurs Députés avoient figné le traité, n'y avoient pas encore pleinement confenti y accéderent après qu'on leur eut accordé quelques conditions. Dans 1'Evêché d'Utrecht la ville d'Amersfoort fut contrainte par les armes du Comte a 1'accepter. En Frife il y eut bien des difienffions fur ce point; quelques villes & Baillages y confentirent dabord, d'autres s'y refuferent; tous les quartiers & toutes les villes agréerent pourtant la confédération avant Ia fin du mois de Juillet. Le Prince d'Orange le fit ouvertement par une lettre éerite d'Anvers le 13 Juin, dans laquelle il allure n'avoir différé de la réconnoitre que par ce qu'il avoit efpéré d'y engager tous les Pays-Bas; que maintenant il ne trouvoit plus de difficulté a Ie faire, puisque 1'Archiduc & beaucoup de Pro- £ vinces  S4 DISCOURS. vinces 1'avoient approuvée, & que 1'autorité du premier n'étoit bornée par-tè en aucune maniere. Le Comte de Renneberg fuivit le même exemple environ un mois après; il ne Je fit pouriant pas au nom des Provinces qu'il gouvernoit, mais dans fa qualité de Stadhouder, quoique Jes habitans de Ja Groningue confidérerent la chofe fous un autre point de v.ue, & fe crurent entrainés malgré eux dans I'union. Ceux d'Overyffel n'y entrerent qu'au printemps de 1'année fuivante. Le Prince leur fit prëter ferment au Roi, comme Seigneur de cette Province, aux Etats Généraux, ou a ceux qui s'étoient liés plus étroitement, a 1'Archiduc Matthias, au Prince, & aux Etats particuliers d'Overylfel. Les Drenthois y accéderent environ dans le même temps. Non feulement des Provinces, mais aufli de fimples villes fe joignirent a I'union; Telles furent Gand, Ypres, Anvers, Breda, Bruges avec fon Baillage & Lier. Mais la guerre avec 1'Efpagne les en arracha dans la fuite, aufli bien que le pays de Drenthe, & les fept Etats qui encore aujourd'hui forment enfemble Ja République des Provinces-Unies, refterent bientöt feuls Jes Membres de cette illuftre Ligue. II. d. Comparaison de P Origine de ces Ligues. Nous venons de tracer 1'origine des trois Confédérations; tachons d'en décou* vrir les rapports & les différences. En général les remarques fuivantes fe préfen. tent au premier coup-d'ocil. En Achaïe & en Suiffe il falloit commencer par délivrer les Villes & les Cantons dü pouvoir de 1'oppreffeur, tandis que dans les Pays-Bas les Provinces ne fe trouvoient plus pour la plus grande partie fous 1'autorité de Phüippe. II eft vrai qu'on y-fit auffi quelques conquêtes pendant le cours des négociations: mais ces conquêtes font, pour ainfi dire, indépendantes de I'union, & celle-ci fe fe^ roit faite lans leur fecours. En Suiffe la ligue fe forme rapidement; les trois Cantons s'uniffent pour enle* ver les fortereffes aux Gouverneurs $ Albert, & ayant exécuté ce deffein quelques mois après, ils renouvellent & fortifient cette confédération qui eft enfin rendue perpétuellè a Brunnen. En Achaïe au contraire la Ligue marche d'un pas lent & indécis: Des onze villes qui compofoient ce peuple, deux feulement conviennent de chaffer leurs tyrans & les troupes étrangeres; elles y réuffiffent & reftent unies; deux autres fuivent leur exemple & fe joignent a elles; après cinqans d'intervalle, le refle des villes.s'y affocie fucceflivement: une feule demeure toujours inébran. lable..  DISCOURS. 3jr lable. Dans les Pays-Bas on n'obferve ni 'a rapidité des Suiffes, ni Ia Ienteur des Achéens; il s'agit d'unir quelques Proviïces plus intimément qu'il n'avoit étéposfible de 1'opérer a la Pacification de Gand: des circonftances furvenues arrêtent les négociations; on les renoue enfuite, & deux ans après qu'on y eut penfé pour la première fois la Ligue eft conclue; le nombre des confédérés obtint dans peu de temps fa perfeciion. L'union ne fe borne pas en Achaïe aux dix ou onze villes de cette contrée, ni en Suiffe aux trois Cantons; mais après quelques années écoulées 1'une s'étend dans tout le Péloponefe & même au-dela, 1'autre dans toute l'Helvétie. Les Provinces & les Villes Belgiques au contraire, qui forment la confédération perdent plutöt dans la fuite des affociés qu'elles n'en acquierent de nouveaux. Enfin, dans les Pays-Bas un feul Chef, ayant un Lieutenant fous lui, produit & dirige cette union; en Suiffe chaque Canton a fon Chef particulier, qui enfemble opérent la Ligue: mais en Achaïe 1'aliiance eft conclue , fans qu'au commencement aucun homme diftingué ou connu fe foit mis a la tête des affaires, & eet Aratus que 1'on confidére comme le fondateur de la République Achéenne ne fe montre que quand il eft queftion de faire entrer dans cette fociété des peupies. qui jusqu'alors n'avoient eu aucune liaifon avec les Achéens. Rapprochons maintenant ces différents Chefs, & les autres traits de comparaifon entre 1'origine de ces trois Ligues fe feront fuffifamment fentir. Aucun d'eux ne s'eft élevé d'une condition baffe & vulgaire au rang qu'il occupa depuis. Aratus eft le fils d'un Magiflrat de Sicyon. En Suiffe ce font des Magiftrats refpectables, dont deux ou un du moins ont eu des ayeux employés aux premières charges de leurs Cantons. Nommer le Prince d'Orange & le Comte fon fiére, c'eft faire naïtre le refpeél; qu'on doit a un fang illuftre. Presque tous ont fouffert de la tyrannie qui accabloit leurs concitoyens. Aratus, Arneld du Melchthal & Guillaume ont été obligés d'abandonner leur patrie, & leur vie s'eft trouvée dans le plus grand danger. On afTaflïna même le père du premier; on créva les yeux k celui du fecond, & le fils aïné du troifième fut enlevé & conduit en Efpagne. Werner Stauffacher éprouva aufli des duretés de la part du Gouverneur Autrichien. Tous ont des obftacles a peine furmontables a vaincre, avant que de pouvoir établir I'union qu'ils méditoient. Aratus doit arracher fa ville natale k Nicocles qui 1'occupe; il eft vrai qu'il trouve alors une confédération toute prête pour le recevoir: mais fon plan étoit beaucoup plus vafte. II y veut affocier le Péloponefe entier, & il falloit contraindre presque chaque ville a ófer être heureufe. Les trois Chefs de la ligue Suiffe doivent également fe rendre les maitres de quelques cMteaux; il leur faut la circonfpection laplus fcrupuleufe pour s'aboucher, pour E 2 s'as-  36 DISCOUR S. s'afibcier des hommes deconfiance, & le fecret le plus inviolable pour empêcherla publicité de leur deflein. lis ont enfuite a craindre que malgré le fuccès du plan, ils ne fuccombent a la fin fous le bras vengeur d'albert. Guillaume lorsqu'il projette I'union a deja foutenu pendant plufieurs années une guerre qu'on auroit cru téméraire d'entreprendre. 11 fe trouve encore au milieu de cette guerre, & ne peut en prévoir 1'ifl'ue. U penfe a affocier des Provinces qui n'ont ni la même réligion, ni la même forme de Gouvernement, ni les mêmes reffources, qui ne peuvent fe réfoudre a rompre ou affaiblir des Jiaifons antérieures, & dans quelques unes desquelles 1'ennemi commande encore en partie. Tous les Chefs, dont je parle, peuvent être nommés les auteurs des trois Ligues. Si Aratus voit deja quelques villes unies enfemble, ce n'en étoit pas moins une idéé auffi grande que neuve, de vouloir y affocier toute une Péninfule, dont plufieurs Provinces furent pour ainfi dire étrangères aux Achéens. Les trois citoyens Suiffes concertent leur Ligue enfemble, & la font enfuite goüter de leurs Compatriotes. Guillaume après n'avoir fait qu'un corps de la Hoilande & de la Zélande, après avoir affocié celles-ci avec les autres Provinces par la Pacification de Gand , tache enfin d'en unir quelques unes plus intimément & avec plus de folidité. TOUS fe fervent de la rufe & de la politique auQl bien que des armes pour par- venir ajeur but. D'abord Aratus s'empare de Sicyon par la furprife. Chef de la République Achéenne, il ne ceffe tantöt de fe rendre maïtre des villes Grecques par la corruption , tantöt de récompenfer libéralement les. Tyrans qui abdiquoient de bon gré; tantöt d'ufer de promeflës, de menaces & des armes envers ceux qui ne veulent pas fe prêter k fes deflèins. C'efl; également par une rufe que les Chefs Helvétiens s'emparent des chateaux occupés: mais il eft incertain qu'elle part ils aient pris a la guerre dans laquelle leur patrie fut enveloppée par ce moyen. Le Prince d'Orange fait jouer tous les refibrts de la politique pour donner 1'exiftence a 1'Union d'Utrecht; il y travaille fans vouloir qu'on le fache; ils fe fert d'un frère habile & aétif pour négocier avec les Provinces, tandis que lui-f même qui eft 1'ame de tout, ne fe déclare le proteét,eur de la Ligue qu'après qu'il la voit établie fur un pied ferme. Ce frère voyage, follicite, pi-eïfe, perfuade, contraint même quelques villes k aecepter 1'Union. Aratus & Guillaume ont oütre ce que nous venons de dire des traits marqués dë reffémblance, dont nous nous contenterons de développer les principaux. Llin & 1'autre haïflant la tyrannie dont ils avoient éprouvé la rigueur, le premier dans fon enfance , le fecond dans un age plus mür, fe trouvent placés a la tête d'une République que Guillaume fonde, & k- laquelle Aratus donne un nouvel eflbrtj Tous deux fe font refpecler, adorer de leurs concitoyens , quoique 1'envie ne manque-pas de lancer quelquefois fes traits fur eux. Rendre la liberté aux peu.. pies opprimés, en étendre 1'empire aufli loin que poffible, prouver a des Provin* ces-  D I S C O U R S. 37 ces & k des villes féparées que leur intérêt les porte k faire caufe commune, étoit le grand ouvrage auquel ils ne ceffoient de travailler: quoique le libérateur de la Grèce eut plus en vue 1'égalité démocratique, & celui des Pays-Bas un Gouvernement quelconque mais modéré. Ils fe font également obéir par leur crédit-: mais Aratus fans donner la moindre atteinte a la liberté établie, Guillaume en fe faifant infenfiblement conférer 1'autorité fuprême. Généreux 1'un & 1'autre, ils avoient facrifié leurs vies, & vendu des chofes de prix qui leur appartenoient, pour commencer ou continuer une guerre qui n'avoit d'autre but que de délivrer leurs compatriotes d'un joug infupportable. Excellens guerriers, le premier brilloit davantage parlesrufes, & fut plus heureux; 1'autre qui ne 1'étoit pas tant, & qui n'eut pas toujours 1'occafion d'employer 1'artifke, n'en fut pas moins conquérir des Provinces, & les maintenir dans les droits dont elles s'étoient de nouveau acquis la jouiffance. Profonds politiques, ils eurent 1'art d'amener tout au but qu'ils fe propofoient. Sages & éloquens dans les confeils, affables envers leurs amis, réfervés & filencieux quand la prudence le diótoit, ils fe concilièrent 1'admiration générale, tandis qu'ils infpiroient de la crainte a tous ceux qui vouloient du mal h Ja République. Enfin un poifon lent, & le poignard d'un aifasfin ,. commandés par les Souverains dont ils avoient reftreint 1'autorité, les en!èverent 1'un & 1'autre beauc«up trop tot a une patrie aiiarmee, Difons encore un mot de 1'Uniön-même. Je trouve dans 1'origine dë celle des Suiifes une fimplicité & une noblelfe que je p.erds dans les deux autres. Du premier inftant qu'on le leur fait fentir,.les habitans des trois Cantons connoiifent leurs vrais intéréts, & les Chefs n'ont pas befoin , comme en Achaïe & dans les Pays-Bas, de détours ou de force pour les leur enfeigner. Pendant plufieurs mois un fecret confié a beaucoup de monde, & dont tout dépendoit, eft inviolablement gardé. - On procédé a 1'exécution du projet avec un calme & un fang-froid étonnant, & 1'on y forme le beau deffein de ne commettre d'autre violence que celle qui étoit pleinement juftifiée par les torts qu'ils éprouvoient. La Bataiilë de Morgarten prouva enfuite que leur bravoure ne fe bornoit pas a furprendré quelques chateaux par artifice, & qu'ils favoient défendre opiniatrement ce qu'ils venoient de s'acquérir au plus jufte titre. La Ligue Achéenne ne fe forme presque au commencemént que par la force de 1'exemple, & on y voit fe commettre quelques excès peut-être peu néceffaires; quand Aratus s'en mêle, elle fe diftingue par fa fermeté & par 1'efprit de conquêtes. L'Union d'Utrecht ne fe forme qu'après un changement continuel de plans, de circonftances, de volontés, d'intérêts vrais ou fuppofés; mais 'auffi un ennemi entreprenant & redoutable ne ceffe pendant le cours des négociations de faire des progrès dans le pays au lieu quAntigone & Albert laiflènt aux peupies Grecs & Helvétiens le loifir de faire tout ce qui leur plait. E 3 Ait'  38 DISCOURS. Au refte on ne fauroit comparer 1'entrée fucceffive des dix Cantors SuifTes dans la Ligue des trois Cantons primitifs, avec celle que les villen du Péloponefe firent dans la Ligue Achaïque; les premiers n'accédant a cette Union que guidés chacun par un motif différent, les autres ayant a lutter contre la même oppreffion qu'éprouvoient toutes les villes de I'Achaïe. La nature de ces différentes Ligues eft le troifième point que nous avons k développer & a comparer. III. a. Nature de la Ligue Achdique. II n'exifte aucun traité d'Union entre les villes Grecques, qui nous foit un garant fidéle de la nature de Ia Ligue Achéenne: il faut donc nous contenter de ce que quelques traits ifolés des auteurs anciens ont pu nous en apprendre. Un pafrage de Polybe (a) eft pour ainfi dire le lieu claffique dans cette matière: Les Peupies du Péloponefe, dit-il, ne fe font pas feulement <*més par un traité „ focial &f d'amitié, mais ils fe fervent des mêmes loix , de la même mefure & „ de la même monnoie; leurs Magiftrats, leurs Séjiateurs, leurs Juges font les M mêmes : enfin le Péloponefe entier ne feroit presque qu'une feule ville , fi les habitans ne demeuroient pas dans Fenceinte de différentes murailles.'" Un peu plus bas il donnepour raifon de leur accroiffement prodigieux, & du fuccès qui a couronné leurs entreprifes, que dans aucune fociété dliommes Vêgalitè de droits, la liberté, êf en un mot le yrai fyfiéme de Démocratie, des établiffemens plus folides, rCont eu lieu que chez les Achéens. Tout cela nous indique affez clairement que comme les douze villes de I'Achaïe n'avoient fait anciennement qu'un feul peuple, elles ont, après quelques années de divifion, repris leur ancienne forme de gouvernement, peut être avec trés peu de différence, & que les autres villes de la Péninfule, qui dans Ia fuite fe font jointes a elles, ont abandonné leur confti. tution antérieure pour embraffer celle des Achéens, & pour former avec eux la même nation- Chaque ville avoit donc fon propre Confeil, fes Magiftrats & fes Juges. Letendue de leur pouvoir ne nous eft pas connu; mais la Démocratie étant établie généralement, il eft certain que le peuple tenoit des affemblées, y délibéroit des affaires de conféquence, & y choififfoit k des époques fixes fes Magiftrats. Ceux- ci («) Lib. II. p. 174. Au refle Ie meilleur traité fur Ia conlliturion Achaïque eft celui d'Usjon Emmius in Grcecia Veteri, que nous avons cité.  DISCOURS. 39 ci oü les citoyens de Ia ville pouvoient fans doute faire quelques régiemens domeftiques; mais comme les loix étoient les mêmes dans tout le pays, il eft évident qu'ils étoient affez bornés a eet égard, & que pour dire le vrai, chaque peuple s'étoit défifté de fa fouverai~eté particulière, pour obtenir avec les autres peupies enfemble la fouveraineté générale. Us s'étoient refervés bien moins d'autorité dans les affaires étrangères, puisqu'il ne leur étoit pas permis d'envoyer des Ambaifadeurs de 1'enceinte de leurs villes a un Prince voifin, & celui-ci quand il s'agiffoit de traiter avec les Achéens ne connoilToit que la République dans fa totalité. Le Confeil Général s'affembloit deux fois par an dans le bois cYJEgium, & quelquefois auffi dans d'autres Villes. Des Députés de chaque partie de 1'Etat devoient s'y rendre, & le pouvoir fuprême réfidoit dans cette affemblée. Ces Députés y votoient probablement felon que le cas le leur paroiffoit exiger, & non pas felon les inftruftions dont leur ville les muniflbit. II paroït auffi que la pluralité de voix y décidoit; 1'unanimité étoit pourtant réquife quand un nouveau Confédéré demandoit d'être agrégé («). Ceux qui ne vouloient pas participer k une réfolution pouvoient s'abfenter avant qu'on en vïnt a la levée des voix. On étoit obligé de donner par écrit le lendemain ce qu'on avoit opiné de bouche. Les réfolutions étoient gravées fur une colonne, ou fufpendues dans un lieu faCré, ou. oonfirmcos par uu ferment. On traitoit dans ce Confeil National de la guerre, de la paix & des aliiances; on y recevoit les Ambaffadeurs étrangers, & on y nommoit ceux qui devoient traiter ailleurs au nom de la République. Dans 1'affemblée du printemps on choififfoit les Magiftrats annuels auxquels le pouvoir exécutif de 1'Etat étoit confié. Tels étoient le Général avec dix Affeffeurs connus fous le nom de A^ypyoi, & un Secrétaire. Le Général étoit 1'ame des affaires (b). En temps de guerre c'étoit lui qui commandoit les troupes, & alors fon autorité étoit presque fans hornes. Pendant la paix il convoquoit les affemblées nationales dans 1'endroit qu'il jugeoit apropos. 11 y préfidoit avec fes co-régens, & de 1'agrément de la pluralité de ces Magiftrats il y propofoit les points de délibcration, & donnoit ou ïéfufoit la permiffion dc s'adrefler au Confeil. Enfemble ils introduiföient ceux qui demandoient de traiter avec cette affemblée, leur ordonnoient de parler, & dirigeoient les délibérations. Une guerre furvenue a 1'improvifte ou des aliiances k faire avec des Puiffances voifines juftifioient feules les affemblées extraordinaires, qui pouvoient être convoquées dans ce cas par le Général & fes Affeffeurs. Ils n'étoient pourtant pas les maitres d'y faire d'autres propofitions que celles- pour- (a) SéHOOCKii Achala vetus. (ü) Au commencement on é!ut deux Généraux annuels-, mais deja avant le tèraps d'-'Jm-' tus,. on s'étoit borné a un feul,  40 DISCOURS. pour lesquelles le Confeil étoit convoqué. Encore obligeoit-on les Ambaffadeurs qui exigeoient ce Confeil extraordinaire de donner leur commiffion par écrit. II eft encore fait mention outre cela d'alTemblées particulières, compofées des Magiftrats de quelques villes; mais ce qui y étoit arrêté,n'obligeoit pas la nation entière, k moins qu'on ne 1'eüt confirmé dans un Confeil Général. Une feule fois dans un cas de Ia dernière importance, on convoqua tous les Achéens audeffus de 1 age^de trente ans: mais une telle affemblée devoit être trop nombreufe pour qu'elle put répondre au but qu'on s'étoit propofé en la formant. L'Etat Achaïque ne pouvoit donc porter le nom d'une République fédérative, qu'autant qu'elle confiftoit de parties qui s'étant gouvernées auparavant felon des loix différentes, s'étoient réunies dans un feul Corps. Elle étoit Démocratique, pour autant que le peuple choifl(foit fes Magiftrats, & les Députés qui le repréfentoient au Confeil Général; mais le pouvoir, mis entre les mains de ces Députés, de voter felon leurs propres lumières, rendoit en effet I'Achaïe un Etat Ariftocratique, & Ie Confeil national femblable a la Chambre des Communes de l'Angleterre. III. b. Nature de la Ligue Helvétique. En examinant la Nature de la Ligue Helvétique, il ne s'agit pas de développer la conftitution préfente de cette République; nous n'avons fimplement qu'a parler du Traité de Brunnen qui eft la bafe de I'union des Suiffes. Les Traités particuliers que chaque Canton, en s'y joignant, fit avec les trois premiers, n'ont aucun rapport k notre plan, puisque comme nous 1'avons remarqué plus haut, des raifons totalement différentes les y engagerent. Voici les principaux Articles, dont on convint a Brunnen (d). „ Ceux d'U,, ri , Schweitz & Underwalden s'y engagent par ferment a s'affifter tou,, jours mutuellement de confeils, de bras & de biens, ainfi qu'a leurs pro„ pres dépens contre tous ceux qui óferoient attaquer leurs perfonnes ou ce qui „ leur appartenoit, & a tacher de rétablir ceux qui auroient deja effuyé quelques „ torts dans tout ce qu'ils venoient de perdre. II ne feroit permis, ni aux trois ,, Cantons, ni a aucun des habitans, de fe donner a un Maïtre, fans le confen,, tement des autres. On obéïroit pourtant a ceux qui jouiffent deja de quelques .„ droits dans les Cantons, k moins qu'ils ne s'en föient montré les ennemis ou a, les {«) Le Traité fe trouve dans Simler, Loc. cit. p. 10.  DISCOURS. 4r „ les oppreiTeurs. On ne prêteroit même aucun ferment,ni ott ne s'engageroit de „ quelque manière que ce fut a un étranger, & on ne tiendroit aucune confé- rence avec lui fans la volonté génerale. Celui qui agiroit contre eet accord ,5 feroit reputé parjure, & fa perfonne & fes biens feroient livrés aux Canton?. „ On convient en même temps de n'admettre aucun juge étranger, ni qui ait „ acheté fa charge. En cas de dilTenfion ou de guerre entre les Confédérés, les „ citoyens les plus fages doivent fe ralTembler & appaifer la querelle, foit ami- calement, foit felon le droit; & en cas qu'une des parties ne veuille pas fe „ foumettre kleur décifion, les Confédérés aflïfteront 1'autre au détriment de la „ première. Pareillement en cas de guerre entre deux Cantons, le troifième fe „ joindra k celui d'entre eux qui aura voulu fe prêter a une compofition amicale, „ ou k une décifion de droit contre 1'autre qui aura refufé ces moyens. II n'étoit permis k aucun habitant de ces contrées de fécourir ou de cacher un meurtrier „ d'un de fes Confédérés, ni un incendiaire, fous peine d'exil dans le premier „ cas, & de payer les dommages dans le fecond. Chacun pouvoit nommer le ju„ ge devant lequel il vouloit que fa caufe fut traitée ; mais fayant choifi, il „ falloit lui obéir, a moins de fatisfaire a fes Confédérés pour tous les dommages „ qu'ils auroient effuyés par-la." L'Union Helvétique ne noit donc les trois Cantons qu'autant que le befoin de fe défendre mutuellement 1'exigeoit. Chaque Canton, quelque reffemblance au refte que leur forme de gouvernement püt avoir, n'en devint pas plus foumis k 1'autre ; il eft vrai qu'en faveur de 1'efpoir d'une défenfe mutuelle, ils fe défifterentde quelques droits de fouveraineté, furtout dans ce qui regarde J'étranger, & dans les diffenffions a naïtre entre eux mêmes: mais eflèntiellement le pouvoir fuprême relta entre les mains de chacun d'eux. En général cette Ligue ne changea, pour ainfi dire, 1'état antérieur de ces peupies qu'en ce qu'elle transforma leur alliance, moins ferme jusqu'ici & rénouvellée de temps en temps, en une alliance perpétuelle, & qu'elle y ajouta quelques articles amenés par les circonftances. Dejk du commencement de la confpiration, nous avons vu quatre Députés de chaque Canton s'affembler & délibérer enfemble. Le lendemain de la furprife des chateaux Autrichiens, ce font encore des Députés qui, au nom de leurs maïtres, concluent un traité pour dix ans. A Brunnen ce ne pouvoit être que la même chofe, puisqu'il eft dit que les Confédérés mirent leurs fceaux a Ja formule de 1'alliance; ce qui prouve affez que tout le peuple ne s'y eft pas réuni. Les intéréts communs rendoient de nouvelles conférences fouvent néceffaires. Des Députés y parurent toujours; & ce qui a eu lieu dans la fuite fait croire avec affez de probabilité que dès 1'origine leurs Commettans les munirent d'i,nftruót:o.;s, & que les affaires de conféquence ne fe décidoient pas par la pluralité de voix. Au F refte  4* DISCOURS. refte les Cantons continuerent, même après cette alliance, de réconnoitre • la fouveraineté de 1'Empereur. III. c. Nature ^ & Ligue Belgique, De même que les Articles du Traité de Brunnen nous ont fait connoitre la Nature de la Ligue Helvétique, ainfi ceux de 1'Union d'Utrecht doivent nous enfeigner Ia Nature de la Confédération Belgique (a). Rapportons-en les princïpaux: „ Les Provinces s'allient k perpétuité, comme fi elles n'en formoient qu'u„ ne feule, fans permettre qu'on les fépare par aucun traité, fans infra&ion ce„ pendant aux privilèges & aux ufages de chaque Province, ville, M- mbres tk „ habitans. Elles s'engagent a s'affifter les unes les autres de corps & de biens „ Les differends qui pouroient naïcre au lüjet de ces droits entre les Membres dé „ 1 Union doivent être cjécidés par le juge ördtnajrs , par a.„ arbitrage, ou k „ 1'amiable, fans que les autres ayent a s'en meier , finon par Ia voie de la mé „ diation. Les Provinces doivent fe fécoudr, au péril de Ja vie & des biens de" „ leurs habitans, contre toute vioJence qu'on voudroit Jeur faire au nom du „ Roi, oude fa part, fous quelque prétexte que ce foit, de même que contre „ tout autre qui leur feroit la guerre , ou une injuftice, a condition que dans „ ce cas le fecours foit fpécifié par la Généralité de 1'ünion avec connoiffance „ de caufe & fuivant les occurrences. 11 dépendra de la Généralité de fortifier „ les villes frontières & autres, ainfi que de conftruire de nouve^ux forts dans „ lés Provinces; mais dans Ie dernier cas, elle en payera feule les f aix tandis „ que dans le premier elle les partagera avec les villes-mêmes qu'on fortifieroit, „ ou avec les Provinces dans lesquelles ces villes frontières feroient fkaéés On „ convient d'affermer de temps en temps au plus offnmt,'ou de faire percevoir „ par des Cblleéleurs certains impóts pour fubvenir aux fraix néceifaires k la dé„ fenfe commune, ou d'y employer les revenus des domaincs du Roi; & ces fub„ fides pourontêtre augmentés ou diminués d'avis commun; mais ne ferviront „ jamais a un autre ufage. Les Alliés pouront piacer des garnifons partout oü Ü „ leur plaira, avec 1'avis du Stadhouder de la Province oü on les defline & aux „ fraix de la Généralité. Les Capitaines & les Soldats prêreront ferment ^ux „ Provinces-Unies & k la Province & la Ville oü ils feront diftribués èc payeront les (*) Voyez le Commentaire de M. Paulus fur 1'Union d'Utrecht, en Hollandois, 4vol, 8vo,  D 1 S C O ü R S. 47 En Achaïe. il n'y eut que 1'admiffion de nouveaux Confédérés qüï exigeit 1'u. mnitHHÓ de fuif; ages; tout le refte fe décidoit i ia piuralüé. En Suiffe les affiires principales fembient avoir été traitées de la première manière, les autres dj la feconde; on n'en fit pourrant aucune mertioo expreffe. Dans les PaysBas on obferva la même di iindior,, mais en nomma dans le Traité d'Utrecht les cas différénds qui demandoient 1'une ou 1'autre efpèce de décifion. La conftitution de la plus ancienne de ces trois République ne laiffant pas 1'fndépendance a chacu-.ie dos -villes dont dbe éioit compofée, ne permit pas non plus qu'un fit ks \Ë*mm arrangome'ns que dans les deux Ligues fuivantes pour affoupir les différénds qui pouvoient s e ever dans leur f in. Le Confeil étoit feul Souverain & décidoit de tout. En Suiffe on prévit deux efpèces de diffenfions : la première ener: 1 s Confédérés du même Canton, & 1'on confia le foin de les appaifer amica'ément, o'; par forme de droit, a Jes citoyens d'une fageffe reconnuc, les aur.res (JonféJé éi s'obli4eant de contraindre la partie condamnée a fe foumettre au jug^menc. La fecon ie ent;e deux Cantoris différénds, & alors le troifième pouvoit décider la querelle & fe joindre a la partie offenfée fi 1'autre réfulbic dag é.cr 14 décifion . Chez let. peupL's Belgiques nous avons examiné le» trois cas poflibles de mésintelligence, dont le rédreilVmcnc eit conféré foit a la juftice ordinaire dans chaque Province, lolt aux Stadhouders de ce temps-la, foit aux Provinces neutres. Quant a Ia direction générale & au pouvoir exécutif, nous n'en voyons aucune tracé dans le Traité de Brunnen; il n'en eft pas moins probable cependant que le^ trois libérateurs de la patrie & premiers auteurs de la Ligue auront confervé longtemps une grande autoriié dans la direétion des affaires. En Achaïe on établit deux Généraux,& enfuite un feul accompagné de dix affeffeurs qui bornoient fon autorité. Ce petit Confeil étoit a la tête du Confeil national, & coniuifoit fes délibérations. L'Union d'Utrecht ne fit mention d'aucun pouvoir que de celui qui éroit confié k toutes les Provinces enfemble: mais bientöt 'Guillaume réuffit a fe faire nonvner Directeur Général de cette Union, & a en faire conférer la Lieutenance k fon frè e, alfifté de deux affeffeurs. Auffi fentit-on qu'une Ligue compofée de tant de Provinces dont chacune avoit des intéréts différénds, demandoit un lien capable de temr unies des pièces auffi détachées, & de les refferrer de plus en plus. L'autorité de telles perfonnes ne put auffi qu'être confidérable dans ces temps origeüx. Enfin en Achaïe la Confédération ne fe forma qu'après 1'expu'fion des.tyrans, & la conftitution étant üémocratique on fe garda bien de fè donner un maitre; & quand même quelques villes en auroient eu la volonté, Ie pouvoir leur en étoit oté du moment qu'elles entroient dans la Ligue.' Les Suiffes continuerent de réconnoitre la fouverain té de 1'Empe eur, mais il? fe promirent au refte trés folemnellement de n'obéir a aucune loi étrangère, & bien moins de mettre qu.lque Prince  48 DISCOURS. Prince k leur tête fans un confentement unanime; s'étant toujours göuvernéspar des repréfentans choifis par eux'inêmes, c'eut été changer totalement leur forme de Gouvernement. Dans les Pays-Bas c'étoit autre chofe: Phüippe n'y règnoit plus, mais quelques Provinces avoient un Souverain pour un temps, & toutes ne penfoient qu'a 1'occafion favorable de s'en donner un tel, duquel on eut lieu de fe flatter qu'il ménageroit plus leurs libertés & leurs droits que le tyran Efpagnol qu'on venoit d'abandonner. Après avoir développé au long les caufes qui firent naïtre les trois Ligues,nous aurons peu de peine k faifir 1'objet qu'on eut en vue en Jes formant; la feule chofe qu'il nous refte encore a examiner. IV. a. Objet de la Ligue Achdique. t Avant que_Ia Ligue Achéenne s'étendït hors deslimites de 1'ancienne Achaïe, 1'objet des villes étoit fimpicment Le mm-mime de Tyran porte avee foi Vidée de la plus grande fcélerateffe, & renferm? toutes les injuftices & tous les crimes qui peuventfe commettre par des hommes. Les exceptions a cette regie générale n'étoient pas fréquentes. II y en eut pourtant quelques-uns qui gouvernerent en bons Prinees, & crjez le^quels il n'y eut riend'injufte que Pafte même de rêgner qu'ils s'étoient arrogé fans Je moindre droit, & dans lequel ils fe maintenoient par la force. Lyfiadas qui gouvernoit k Megalopolis en fournit un exemple. Au refte ces tyrans n'étoient pas moins a plaindre que les peupies qui gémiftbient fous leur fceptre ; toujours craintifs, foupconneux, agités, ils ne croyoient pas un moment leur empire & leur vie en fureté, & les précautions ridicules que prit Ariftippe a Argos, felon le récit de Plutarque (d), pour n'être pas affaffiné en dormant. prouvent affez qu'un Roi qui rêgne fur une nation libre eft feul en état de goüter les douceurs du tröne. Par quel moyen la Grece pourra-t'elle fe tirer de cette affreufe Ctuation, & recouvrer fa première liberté ? Une feule ville pouvoit bien s'élever contre fon tyran & le chaffer; mais les autres n'y gagnoient rien. II falloit une volonté décidée de plufieurs, étroitement unies, pour forcer leurs Gouverneurs d'abdiquer & pour rendre également aux villes voifines leurs droits depuis longtemps ufurpés par des maitres injuftes. Mais hors de I'Achaïe il n'y avoit jamais eu, même dans d'autres temps, cette liaifon intime qu'un deftein auffi vafte exigeoit nécelTairement; combien moins pouvoit-on 1'efpérer dans des jours d'oppreffion & de méfiance ? Les Achéens feuls, en dépofant 1'animofité mutuelle qu'on avoit fu Jeur infpirer, (a) Pausanias ibid. (J) Loc. CU. Cc) II. Ch. 59. Cd) Vie d'Aratus.  8 DISCOURS. porte; ils attaquent les libertés & les droits de ces peupies, ils ne ménagent pas plus ceux de la nobleffè qui réfidoit parrai eux. Landenberg envoye un de fes fatellites vers un citoyen d'Underwalden refpe&able par fon age, fes biens & fes vertus, avec ordre de lui enlever des bceufs dont la beauté lui faifoit envie. Henri du Melchtall Qc'étoit le nom du vieillard) fait des repréfentations: on lui répond qu'il na qu'a atteler fes valets k la cbarue. Arnold fils de Henri veut faire refiftance, il blefTe le fatellite du Gouverneur & s enfuit; Je pere eft arrêté ,& Landenberg, pour venger cette prétendue rébellion a les ordres, lui fait créver Jes yeux & s'empare de tous fes biens. Wolfenfchiejfen fon Lieutenant, homme Jivré k Ja débaucbe, veut faire violence a la belle & chafte époufe de Conrad Baumgartner riche payfau de ces contrées: elle s échappe & rencontre fon mari qui d'un coup de,hache jette 1'autrichien fur le carreau. GeJJler ne fe fit pas moins haïr dans les Cantons de Schweitz & d'Uri. Paffant prés de Ja maifon de TVerner Stauffacher iJ Jui demande k qui elle appartient? IVerner fils d'un Magiftrat de 1'endroit lui répond qu'il I'a obtenue de la bonté de lEmpereur; il n'y a que mei, dit alors Je defpotique Gouverneur, qui fuis le maitre de cette contrée & de tout ce quelle contient. Je ne yeux plus fouffrir qu'on Jecroye iu pojjejjeur d'un, maifon, d'un damp, ou de quoi que cefoit, comme fi vous etiez libres, fj? comme fi le gouvernement étoit entre vos mains. Sur une hauteur, prés d'Altorff, le même fit conftruire un chateau qui dominoit ce bourg, & qu'il n'eut pas honte de nommer le Joug d'Uri. Enfin pour mettre le comble a fon infolence, il fit placer un de fes chapeaux au bout d'une perche plantée dans le marché d'Altorff, & il exigea qu'on lui rendït les mêmes honneurs qu'a fa perfonne. Tel fut 1'état des trois Cantons jufqu'au milieu de 1'année 1306. II n'y avoit alors plus que trois partis k prendre pour les Suiffes : ou de fouffrir patiemment 1'oppreffion dont on les accabloit, jufqu'a ce que le temps ramenat des jours plus fereins, ou de fe rendre aux volontés d'Albert, en fe reconnoiffant fujets de 1'Autriche, ou enfin d'oppofer la force a Ja force, & de défendre 1'épée a la main leurs privileges & leurs droits. Le premier de ces partis étoit indigne d'hommes libres. Albert dont la mort ne fembloit pas prochaine étoit immuable dans fa réfolution : il avoit rejetté toutes les plaintes générales & particulieres qu'on Jui avoit adreffées depuis que les Gouverneurs abufoient de leur pouvoir; il avoit toujours répondu qu'on éprouveroit le plus doux traitement fi 1'on vouloit fe foumettre a fes loix. Son fucceffeur pouvoit marcher fur fes traces, & quand même on eut pu prévoir que cette tyrannie re dureroit qu'un temps, il n'étoit pas poflible d'en attendre le terme; & fans vioier les obügations facrées qu'on fe doit a foi-même, a une époufe, a des enfans, a Dieu le difpenfateur de toutes chofes, on ne pouvoit plusexpofer fa vie, fes biens, fei concitoyens, & ce qu'on avoit de plus cher au monde a un danger auffi éminent. Céder  io DISCOURS. devant donner un nouvel effort a fon ame. C'eft ainfi que nöus verrons bientót naitre la Ligue Helvédque , dont je crois avoir fuffilamment développé les caufes. O—1 1> I. c. Caüses de la Ligue Belgique. L'union d'CJtrecht (a) n'étant qu'un lien plus refferré entre quelques Provinces déja unies enfemble avec plufieurs autres par la pacification de Gand, il faut commencer par indiquer ce qui fit conclure celle-ci, & la rendit enfuite inutile, pour découvrir ce qui occafionna la première. Charles-Quint avoit réuni fous fa puilTance les 17 Provinces Belgiques; ces belles & riches contrées étoient gouvernées depuis plufieurs fiecles par des Princes, dont 1'autorité étoit bornée par des privileges qu'eux-mêmes avoient accordés aux fujets; & un Corps compofé de Nobles, des Députés des villes & quelquefois du Clergé, repréfentoit partout le peuple, veilloit a la confervation de fes droits, & empechoit le Souverain de francbir les bornes de fa puiffance. Soumifes depuis au même maïtre, les Provinces ne fc fondJrent pas pour cela en une feule Principauté. II eft vrai qu'un Confeil d'Etat, un Confeil privé & une Chambre de finances établis a Bruxelles, & une Cour de juftice réfidente a Malines, recurent la furintendance fur toutes: mais chacune n'en refta pas moins indépendante des autres; & aux Etats Généraux que le Prince convoquoit de temps en temps pour demander des fubfides, ou pour délibérer avec fes peupies fur des affaires de conféquence, la pluralité de voix ne décidoit de rien, les Etats de chaque pays n'étant tenus qu'a ce que leur propre confentement leur avoit fait promettre. La contiguité de limites & des intéréts communs en avoient pourtant rapproché quelques unes plus que les autres, & fouvent de telles Provinces avoient enfemble le même Stadhouder ou Lieutenant du Souverain a leur tête. Ainfi la Frife, 1'Overyffel &Groningue; la Hollande, la Zélande & 1'Evêché d'Utrecht ne furent gouvernés que par deux feigneurs. Les privilèges dont jouiffoient ces différens peupies n'ayant pas été obtenus dans les mêmes temps, ni accordés par les mêmes Princes, devoient néceffairement varier: on peut dire pourtant affez généralement que le Souverain n'avoit le (O Les faits que nous allons rapporter fe trouvent chez une foule d'Hiftoriens; je me contemerai.de citer ici les 6. & 7. Vol. de Wagenaar Vaderl. Hifi. & le 3. Vol. du Tableau dei Provinces-Unies par M. Cerisiee. .  DISCOURS. 29 Mais on étoit bien ioin de la. La Pacification de Gand fe taifoit fttr le point de rentrer fous 1'obéiffance de Phüippe,&. promettoit une affembléedes Ljtats Généraux pour difcuter les affaires de conféquence. Les deux Provinces n'avoient donc rien perdu a la conclure, & au contraire avoient gagné beaucoup du cóté de i'union avec les autres parties des Pays-Bas; mais quand elles virent celles-ci difpofées a obéir aux loix d'un nouveau Gouverneur Efpagnol; quand 1'Archiduc venoit de donner des preuves trop peu équivoquesde fes intentions hoftiles; quand Ia majeure partie des droits des citoyens étoit encore auffi opprimée que jamais, fans que les autres Provinces penfafïent a les lui faire refpe&er; quani le lien principal de la Pacification étoit >rompu, & qu'on avoit oublié les intéréts de la tolérance: les deux Etats fe garderent bien d'entrer dans tous les plans de leurs Confédérés; & quoique le nom du traité de Gand reftat, ils ne furent guères plus «vancés qu'avant fa conclufion. Rien ne leur auroit cependant été plus avantageux que d'avoir des alliés qui guidés par les mêmes motifs auroient été difpofés a faire caufe commune avec eux. La guerre ne pouvoit manquer de recommencer bientöt. Si 1'Archiduc manquoit a fes promeffes, & que toutes les Provinces s'armaffent contre lui, il étoit difficile de renouer avec fuccès I'union générale, tandis que les armées du Gouverneur occuperoient le centre du pays. Si Don Juan n'attaquoit que les Etats qui lui avoient refufé robéiffance, ceux-ci épuifés par les fraix énormes d'une guerre de plufieurs années, auroient de la peine a fe foutenir longtemps dans leur indépendance;le fecours des Puiffances étrangeres étoit précaire, & elles aflifloient ou abandonnoient fuivant que la convenance le leur dicloit. Une alliance étroite avec quelques Provinces voifines, les plus éloignées de 1'ennemi, formant enfemble un terrein arrondi, couvrant les frontieres des Hollandois & commandant les rivieres qui traverfoient leur Etat, étoit fans doute ce qui convenoit le mieux aux deux Provinces que gouvernoit Guillaume. Elles ne faifoient presque plus qu'un feul corps, & les avantages qu'elles recueilloient d'une union auffi intime avoit appris au Prince quelles efpérances il pouvoit former d'une ligue pareille entre un plus grand nombre d'Etats. II s'agiffoit furtout d'y amener par la voie de la perfuafion ceux qu'on vouloit inviter a en devenir membres; fans doute ils y avoient le même intérêt que ceux auxquels on cherchoit a les unir. Ailiés a des peupies qui s'étoient déjk fait refpeéler par la fermeté avec laquelle ils avoient maintenu leur droits, ils acqué. reroient par la un degré de fureté qu'ils n'avoient pas connu depuis longtemps. Si deux Provinces avoient oppofé tant de refiflance aux Efpagnols, combien plus de difficultés trouveroient-ils a faire refpeéter de plufieurs leurs loix defpotii-quet ? Le commerce des Hollandois & des Zélandois dont elles jouiroient plus librement par une telle alliance; la mer dont elless'ouvriroient 1'entrée; le crédit du Prince d'Orange dont elles partageroient les fruits avec les autres: tout cela pouvoit leur devenir de Ia plus grande utilité. D'ailleurs ce n'étoit exiger rien d'injufte d'elles; en efFet ces Provinces pouvoient refter fideles a la Pacification de Gand, è. même Ca k  20 DISCOURS, k 1'union conclue depuis, pour autant que ce traité ne contenoit rien de contra-; di&oire dans fes articles; de plus faccord avec Don Juan ne les avoit foumis au pouvoir de ce Gouverneur que fous des conditions qu'il n'avoit pas encore rempli, & ne les obligeoit a continuer dans 1'obéiiTance a fes ordres que lorsqu'il reconnoilfoit tous leurs privileges, k la jouilfance desquels elles n'avoient jamais renonce. C'efl ainfi que fe forma bientöt la célebre Union d'Utrecht. Quand nous en aurons tracé I'origine, on verra que durant les négociations qui eurent lieu a ce fujet, elle devint de jour en jour plus néceffaire. Fixons ici notre point de comparaifon, & raiTemblons les traits principaux qui caraclérifent les caufes des Ligues Achéenne, Suilfe & Belgique; indiquons ce qu'elles ont de commun, & en quoi elles different les unes des autres. • I. d. Comparaison des Caufes de chaque Ligue. D'abord nous voyons trois Peupies, compofés de plufieurs Provinces ou villes, avoir un jufte titre a la liberté. Les dégrés de cette liberté ne laiflöient pourtant pas de varier extrêmement entre eux. Les Achéens en avoient atteint le plus haut; fins Roi, fans Patriciens héréditaires, leur Gouvernement démocratique étoit uniformement jufte & heureux. Les Suiffes jouiffoient bien du même avantage de choifir leurs propres magiftrats, mais le Chef de 1'Empire étoit leur Souverain, & quelque limité que fut le pouvoir de ces Monarques, il s'en étoit trouvé pourtant auxquels les Cantons avoient cru devoir s'oppofer quelquefois; outre que des contributions & un certain nombre de troupes qu'ils fourniffoient de temps en temps a 1'Empereur, ne laiffoient pas que d'être une charge, quelque légere qu'elle fut k fupporter, puisque ni eet argent ni ces foldats n'étoient dire&ement employés a leur défence. Les fiefs que quelques Barons poffédoient fur leur territoire étoient encore une diminution de liberté. Celle" des Peupies Belgiques étoit la moindre des trois. Ils formoient plufieurs Principautés pai ticulieres & héréditaires, & obéiffoient ainfi aux loix des Princes que Ja naiflance leur donnoit; n'ayant acquis que Ja faculté de difpofer de leurs biens, & le droit d'être jugés par leurs propres juges avec quelques autres Privileges. C'étoit la feule efpece de liberté compatible avec le Gouvernement d'un vrai Souverain, mais auffi ce qu'il falloit néceffairement pour que les Beiges ne perdiffent pas jufqu'au noTi de peupies libres, & ne fuffentpas expofés au defpotifme de chacun de leurs maïtres. L'origine de eet état ne varioit pas moins chez les trois nations. Les Achéens 1'avoient obtenu en chaffant des Princes qui abufoient de leur pouvoir, & une fuite  DISCOURS. 21 fuite de ilecles leur en confirma Ia poflèffion. Celui des Suiffes n'étoit pas moins ancien: mais ils le devoient felon toutes les apparences a un des Empereurs de Ja race Carlovingienne; ils le perdirent en partie fous les Reéïeurs de la petite Bourgogne; & en revenant fous la puiffance immédiate de 1'Empire , chaque Monarque élevé au tröne impérial le leur affuroit de nouveau. Les peupies des Pays - Bas le tenoient de leurs Chefs particuliers qui, foit politique, foit néceJIité, leur avoient accordé ou vendu leurs privileges en divers temps, & chacun de leurs' fucceïTeurs avoit enfuite juré de les maintenir. La maniere dont les trois Peupies avoient acquis leurs droits reftoit toujours également légitime; mais ils n'avoient pas eu la même jouiffance de ces prérogatives déja avant les troubles d'oü naquirent les ligues. Celles des Achéens n'avoient jamais été attaquées, celles des Suiffes rarement; mais Jes Princes qui gouvernoient ia plus grande partie des Pays-Bas, furtout ceux de la JVlaifon de Bourgogne & d'Autriche n'avoient obfervé que d'un ccihjaloux la quantité de privileges que leurs predéceffeurs s'étoient vus contraints d'accorder a des Provinces & a des villes, & ils faifirent avec empreffement chaque occufion favorable d'empêcher leurs fujets de les faire valoir. Les Beiges furent donc menés plus infenfiblement au traitement qu'on leur fit endurer enfuite ; mais chez les uns & les autres le danger s'annoncok presque par les mêmes préfages. En Grèce c'étoit Ia puiiTance des Rois de Macédoine, furtout de Phüippe & d'Alexandre, qui de jour en jour devenoit plus étendue \ plus illimitée & qui vint bientöt s'établir dans le Péloponefe-même tout au' tour des villes de I'Achaïe. En Suilfe c'efl; la Maifon de Habsbourg, qui élevée au tröne de 1'Empire, & maitrefie de plufieurs valles Etats, entoure les trois cantons pour en former des domaines héréditaires. Aux Pays-Bas ce font les Souverains-mêmes, auxq'jels des mariages & des guerres foumettent une principauté, un royauoie 1'un après 1'autre, & qui parvenus a ce dégré de pouvoir ne refpeóteront plus qu'auffi longtemps qu'il leur plaira de faibles morceaux de parchemin. Les fuccefieurs d'Alexandre, 1'Empereur Albert, & Phüippe II. n'ont qu'un feul but principal, qui efl d'établir une autorité fans bornes dans ces différends pays. Les nuances pourtant en varient encore. Chez les fuccefieurs d'Alexandre c'efl ambition & jaloufie: tandis que les Généraux de ce Conquérant fe difputoient après fa mort le partage de fes états, chacun 'd'eux ne prenoit rien tant a cceur que d'en enkver autant qu'il étoit poflible a fes rivaux, & de fe rendre ainfi rédoutable a eux. Plus aufli il exercoit de pouvoir dans les terres conquifes plus il acquéroit de prépondérance. Chez 1'Empereur Albert, comme nous 1'avons deja fait voir, c'eft la vengeance qui fe joignit a 1'ambition ; & puisque Jes principautés qui rélevoient de 1'empire n'étoient en effet que des Seigneuries qui rap. portoient des revenus confidérables, & que les hifloriens peignent ce Monarque C3 v auffi  tl DISC OURS. auffi ambitieux qu'intéreffé, il n'eft pas difficile de réconnoitre un troifième mo. tif qui le fit agir. Chez Phüippe enfin c'eft un orgueil infupportable qui le dévoroit & qui excitoit fa haine contre tout ce qui ofoit mettre des entraves a fes volontés, & une fuperftition baffe & puérile qui lui fit envifager la réligion Catholique comme la feule qu'il put fouffrir dans fes Etats, en düt-il coüter la vie a des milliers de fujets. Paffons aux moyens que ces Souverains employèrent pour parvenir k leurs desfeins. Les Rois de Macédoine devoient commencer par s'emparer de I'Achaïe pour y gouverncr. Albert il eft vrai étoit le Souverain de Uri, Schweitz & Underwalden, & on n'auroit ofé manquer d'y réconnoitre les titres d'un Gouverneur ou d'un Baillif impérial; mais dès qu'il vouloit en former une partie de 1'Autriche, il ne devoit pas moins s'en emparer, & y faire entrer des foldats que 1'empire n'avoit pas coutume d'y envoyer. Le Roi Phüippe n'avoit qu'a déclarer fa volonté; mais il s'agiffoit alors de favoir fi les peupies Belgiques fouffriroient patiemment que leur Prince foulat aux pieds leurs droits & leurs privileges. Nous avons dit que les villes qui formoient enfemble I'Achaïe avoient eu jusqu'ici les liaifons les plus intimes, & n'avoient formé qu'un peuple. Les cantons Suiffes avoient fait trois peupies différends, mais réunis de temps en temps pour la défenfe commune. Les Provinces des Pays-Bas n'avoient connu d'autre réunion que celle de la contiguité de leur territoire, & de 1'obéiffance au même maicre. • Dans I'Achaïe rien n'étoit donc plus néceffaire que de divifer les villes, & toutes fortes d'artifices furent mis en ceuvre pour y réuffir , jusqu'a ce qu'enfin la jaloufie s'étant emparée d'elles, & fe voyant trompées par de vaines promeffes, elles furent fubjuguées les unes après les autres, foit en re. cevant des troupes Macédoniennes, foit des tyrans qui dépendoient d'Antigone. En Suiffe I'union n'étoit pas fi force; auffi ne s'attacha-t'on pas tant a leur infpirer une défiance mutuelle qu'a les perfuader, & cela n'ayant point réuffi, a les tromper: puisqu'après leur avoir promis des Gouverneurs impériaux, on fait partir pour 1'Helvétie des Gentilshommes qui, avec des troupes, fe rendent maitres de quelques chateaux importans; & certainement ce fut une auffi grande faute aux Suiffes de ne pas s'oppofer dès lors a I'entrée de ces foldats dans leurs Cantons, qu'aux Achéens de prêter 1'oreille aux infinuations qu'on leur fit. Phüippe n'eut pas befoin de mettre en ceuvre des moyens auffi compliqués: il ordonna a la Gouvernante le maintien de 1'iaquifition; ce qui par une conféquence naturelle étoit introduire un despotifme fans bornes. Un Gouvernement tyrannique & cruel eft alors exercé chez les trois peupies, fans que les Rois qui 1'ordonnent en foient les témoins oculaires; mais il y a encore ici bien des différences k obferver. En Suiffe ce n'eft que le moyen pour perfuader aux habitans de recevoir les loix de 1'Autriche; auffi 1'Empereur ne commence-t'il qu'après avoireffayé pendant quelque temps la voie de la douceur, &  20 DISCOURS. gie, médite de réduire Sicyon a 1'ancien état d'efclavage, & cette ville n'auroit pas eu la force de lui réfifter, ü Aratus n'eüt feu perfuader aux Achéens de 1'admettre dans leur confédération. Ceux-ci non moins intéreflës a acquérir un nouveau dégré de confiftance, que peu jaloux de pofféder feuls un bonheur de la participation duquelles peupies voiüns feroientexclus, y confentent avec joie. Aratus eft bientöt élevé a la dignité de Général de la Ligue: dignité fuprêm© a laquelle le Confeil commun des villes élevoit tous les ans un nouveau fujet Dès lors ce zèlé défenfeur des droits de 1'humanité ne fonge plus qu'a aggrandir les bornes de la République, & a délivrer le Peloponefe entier de 1'oppreffion qui 1 accabloit. La ville de Corinthe & fon chatèau étoient la clef de cette péninfule; rien n'étoit donc plus important pour les Achéens que de s'en rendre les maitres; puisque c'étoit fermer aux troupes d'Antigone 1'ent.éedans le pays & dans les autres villes. Aratus élu général pour la feconde fois huit ans après fon premier gouvernement entame cette entreprife hardie. Sans communiquer fon deffein a perfonne, il engage fes effecs les plus précieux, & employé la fomme qu'il en rétire a corrompre quelqu.s foldats de la garnifon de 1'Acrocorinthe, chateau tellement fortifié qu'il étoit impoflible de s'en emparer par d'autres moyens que par celui-la; enfin il eft affez heureux pour Ie voir tomber entre fes mains. II narangue dabord les Citoyens de Corinthe au nom de la Ligue Acbéenne, & les engage a en faire partie. Auffitöt Mégare fituée même au-dela de 1'ifthme de Corinthe, & deux villes de 1'Argolide, Trezene & Epidau-e, fuivent eet exemple. Le Roi Ptolemée Evergete, qui deja précédemment avoit fourni des fommes k Aratus,' devient allié de la Confédération; & le digne fondateur de la République eft nommé fucceffivement de deux années J'une a la première charge -de la Magiftrature qu'il occupa dix-fept fois, ne gouvernant pas moins dans les années d'intervalle. Attaquer le Monarque Macédonien hors du Peloponefe, forcer tous les tyrans de la péninfule, foit par les armes, foit par la perfuafion, a abdiquer leur pouvoir illégitime, étendre les limites de la Ligue Achaïque, introduire 1'égalité la plus parfaite d'état & de droits entre toutes les villes qui en étoient membres & entre tous les citoyens de chaque ville; tel étoit le plan auquel il fe dévouoit avec une force d'ame , une afliduité, & un désintéreffement dignes de la plus haute admiration. Peu k peu les tyrans de Megalopolis, d'Argos, de Hermione & de Phliafis rendent la liberté a leurs fujets. Les guerres que les Achéens entreprirent, ou.dans lesquelles ils furent entrainés, amenerent d'autres villes dans leur ligue. Mais en traant 1'origine de cette confédération je ne dois pas en écrire 1'hiftoire; il fuffit d'obferver que cette République étendit au loin fon empire, qu'elle fe fit admirer par la fimplicité de fa conftitution, qu'elle forma bientöt 1'Etat le plus confidérable de la Grece, & qu'elle ne perdit fa liberté qu'avec tout ce pays, quand les Romains s'en emparerent dans la cent cinquante huitieme Olympiade, & qu'ils en firent une Province- Romaine fous le nom d'Achaïe. ' H. .  DISCOURS. 2? II. b. Origine ^5 fa Ligue Suiffe. En Suiffe (a) ce mot de GeJJler k Werner Stauffacher: Je fuis poffejfeur de la contrée & de tout ce qu'elle contient, eft Ie fignal de Ia révolte. Le citoyen indigné communiqué a fon époufe les paroles qu'il venoit d'entendre; elle lui confeille de conférer avec d'autres citoyens éclairés, courageux, & qui gémiflbient fous la même oppreffion que lui. Auffitöt-il part pour Uri oü il n'entend que des plaintes fur Ie gouvernement tyrannique de GeJJler; il va trouver fon ancien ami Walter Furjl & délibere avec lui fur les moyens de délivrer la patrie. Arnold du Melchthal, le même que nous avons vu en Underwalden défendre fon père de la violence des fatellites de Landenberg, eft invité fecrétement de leur part a venir les joindre, & ces trois hommes remarquables fe prêtent un ferment mutuel d'employer toutes les refiources qui dépendroient d'eux, pour rendre la liberté k leurs compatriotes, & ils conviennent d'engager chacun dans leur Canton autant de perfonnes qu'il leur fera pofïïble a entrer dans la confédération & a jurer de facrifier leurs biens & leur vie pour le falut de la patrie. Le fecret devoit être inviolabic juf^'a ce qu'ü fut temps d'agir. On choiüt un endroit prés du lac d'Uri oü eux trois accompagnés chacun de deux ou trois amis, fe raffembleroient pour tenir des délibérations ultérieures. Ayant arrêté tous ces points ils fe feparent; & de retour chez eux, ils réuffiflent a perfuader a beaucoup de leurs concitoyens de tout rang d'entrer dans la ligue. Aumoisd'Octobre i307 douze des principaux confédérés s'affemblent a 1'endroit indiqué; & ils y auroient conclu dès lors de lever le masqué, fi ceux d'Underwalden n'avoient fait voir qu'il falloit commencer par s'emparer des deux ch£teaux que Landenberg occupoit dans leur Canton; qu'il étoit dangereux de 1'entreprendre a voie ouverte, & qu'il n'y avoit que le premier jour de Janvier qui parut propre a tenter ce coup par furprife. Ce jour fut donc fixé pour mettre en oeuvre un projet qui annoncoit les plus grandes fuites: on convient en même temps, pour donner des preuves de la pureté de fes intentions, de ne faire violence k perfonne, excepté a ceux qu'on trouveroit les armes a la main, & de ne point fe livrer au pillage, mais uniquement de détruire les chateaux. La mort de GeJJler arrivée peu de femaines après cette conférence n'y apporta aucun changement. L'hiftoire de Guillaume Teil qui en délivra fa patrie eft trop connue pour la rapporter au long. Sur fon refus de faluer le chapeau du Gouverneur ,érigé dans le marché d'Uri,il eft condamné par ce tyran d'abattreacoups de fleche une pomme placée fur la tête de fon fils; il 1'execute heureufement: mais un O) Voyez les mêmes Auteurs cités plus haut. D 2  2S DIS c O u r s; sH\avoitmm^fon coup une autre fieche auroit percê le cxur «V GeJJler e fait condamner a une prifon perpétuelJe. Le Gouverneur veut le conduire u, même au ehateau de Kuffnach; un orage qui s'éleve fur Te lac de Lucerne 1'obl.ge de délier fon prifonnier eonnu pour excellent ram eur Arrivé aurivage Teil s'echappe de la barque & s'enfuit; il fe met en embulcadf dans un chemin creux ot GeJJler devoit paifer, tire fur- lui & jette.ce tj^an par tetre La nouvelle de cette délivrance eft d'abord portée par JuY-même aJx chefs d'la confédération; il auroit été facïle a ceux-ci de fe faifir des fatellites de Gril JrfnVS TVe', Vl'"gt Payfans »'*y™ ^ batons dans i demandent d etre adm.s dans le chateau de Sarne pour offrir a Lan- ^^^Z"1^ béCail & ^ fr0ma«e' LC Go-erneur ^ Jeas tZt eurs°bn ton^de HT ^ ^ * ^ ^ ^ lh a™ent es tren^e dP ,PP qU ,Is aV°''ent te"U Cachées5 i]s «'^ent des por- u Prem t'ülT^ t *• 1 UDe C6rtaine diftance — ent au premier lignal & le chateau eft pris Celui de horzbe.g ]e fut élement la ™iï^0Znntr:d,un jeune homme—^ * — s 1X& de 12 , r6 ent'rr fu;d7ment Vingt de fes parades dans ie lort, & de s en emparer. La garmfon des deux Chateaux, & Landenberg lui meme dontonyétoitfaift, furent conduits aux frontieres avec tout ce qu?i ur appartenoit & on ne les lahTa partir qu'après leur avoir arrach le Wn de ne jamais plus mettre le pied dans les Cantons. On commence ourTr > l démolir les chateaux; le Joug d'Uri & une autre l , ° ^ k Schweitz font pris avec pVde peine l™^o£T^t^ * dimanche fuivant des Députés des trois Canton, aL > 7 abbatus, Le sWemblent, & un traité public & pour dix ans, & confirmé par ferment. C'étoit la même promeiï Se Zfe mutuelle de leurs droits, que les trois Chefs de la ligue s'étoient fa te aL t r~ies fron^esdu ws Cn fent combien tout Ce qui venoit d'arriver devoit irriter 1'Empereur Albert * mais la mort qui 1'enleva peu de temps après, rendit nuls fes proj ts de vent geance. Le regne de Henri de Luxembourg fon fucceffeur eftWabt aux Cantons,, Ce Prince d'une autre Maifon Albert, n'avoit pas les mêmes pré! P3SJa TéVOke dCS Sdfl* commePentamé™PS droifede 1 Empire auffi ce Monarque confirma leurs privileges &. leurs donna i&Ï^ qU'HS refpeaerent' E" I'3 ü fut empoiftnné trirhl p g des 'E]eéieurs fe Partagerent entre Louis de Baviere & Fredlric d'Au S df^"6 'TV! Ce,U,'-d: m3iS ,CS Ca-t -ofent PP eproroe a leurs dépens ce qu'un .Seigneur de cette maifon étoit incliné k exiger..  DISCOURS. A3 les impöts ordinaires. Tous les habitans males de chaque Province depuis 1'age „ de 18 ans jusqu'a 60 feront infcrits, afin que les Etats eh puiffent ordonner fe. „ Ion que la défenfe du pays 1'exige. On ne poura conclure ni paix, ni trève, „ entreprendre aucune guerre, léver aucun impöt en faveur de la Généralité ,, fans 1'avis & le confentement unanime des Provinces; mais dans tout ce qui „ regarde la conduite de 1'Union & ce qui en dépend la pluralité de voix déci„ dera. En cas qu'on ne put s'accorder dans les affaires qui demandent 1'unani„ mité de fuffrages, les parties fe foumettront a la décifion des Stadhouders ac,, tuels, affrlés, s'ils ne s'accordoient pas davantage entre eux, par quelques ad- joints qu'ils fe feront choifis. Aucun Membre de 1'Union ne poura faire une al„ liance avec des Seigneurs ou Etats voifins fans le confentement de fes ConféJé„ rés. 11 faudra la volonté de tous pour admettre un nouveau Membre a la „ Ligue. Une ordonnance générale fur la monnoie eft renvoyée a des temps ,, futurs. A 1'égard de la réligion, la Hoilande & la Zélande en agiront felon leur „ gré; les autres Provinces pouront fe régler fur la paix réligieufe, & publieront fur ,, eet article telles ordonnances qu'elles jugeront convenables, fans que les au„ tres Provinces puiffent les inquiéter la-deffus, pourvü néanmoins que la liber„ té de confeience ne foit pas gênée. On déclaroit pourtant qu'on n'excluroit pas de la Confédération des Provinces & des villes oü Ia réligion CathoJique „ feroit la feule tolerée. Dos quorciics furvenues entre quelques Provinces fe,, ront terminées par les autres, ou (en cas que la queftion regarde toutes les Provinces généralement) par les Stadhouders. La décifion fe fera dans 1'efpa„ ce d'un mois, & il n'y aura point d'appel de leur fentence. Les Confédérés pouront obliger un de leurs Membres a rendre juftice aux étrangers, au cas ,, qu'il reftat en défaut fur ce point. II faut le confentement de la Généralité „ pour qu'une Province puiffe léver des impöts au préjudice des autres, ni „ charger ceux-ci plus que fes propres habitans. Les Confédérés feront obligés „ de comparoïtre a Utrecht au jour qu'il y feront convoqués, pour délibérer fur les affaires exprimées dans les lettres de convocation, a moins que la chofe „ n'exige le fecret. Les arrêtés y feront formés a 1'unanimité ou a la pluralité „ de voix. Dans des cas très-importanS, & qui peuvent fouffrir le délai , les ,, non-comparans feront avertis de nouveau de fe préfenter, fous peine deperdre leur fuffrage pour cette fois. En cas d'empêchemerit légitime on poura envo„ yer fon avis par écrit. Chaque Confédéré communiquera les affaires dont la „ connoiffance intéreffe la Généralité a ceux qui font chargés de la convocation. „ Ce jugement commun des Confédérés, (ou la décifion des Stadhouders fi les „ Provinces ne pouvoient s'accorder la-deffus,) eft réquis pour interpréter quel,, que article obfeur de 1'Union, & leur confentement unanime pour en changer „ quelque autre. Les Provinces obligent leurs biens & les perfonnes de leurs s, habitans a 1'obfervation de ce Traité, les foumettant aux tribunaux. Les Stad„ houders, Magiftrats & Bourgeois prêteront ferment la-deffus, & les copiesen F 2 » fe-  44 DISCOURS. „ feront fcegées par les Stadhouders, les principaux Membres, & les principalen „ villes des Provinces, & fignées par leurs Secrétaires." Ce que nous venons de rapporter du contenu de 1'Union d'Utrecht nous indique aflez que les Provinces qui la formèrent s'allièrent par-la auffi étroitement qu elles le purent,fans renoncer a leur fouveraineté & indépendance particulière. Elles fe referverentlemaintien de tous leurs privileges, & la dispofition libre è legarddelarehgion, outre quelques moindres prérogatives. Mais a 1'égard de ^M*,-6 7'ff ^ confidérée^- -mme un feul Cofp ; & ™ mTr°n fnflVe ,GS °bligea nat^llement a n'exercer dorénavant qu enfemble plufieurs droits que jusqu'ici chacune «Telles avoit exercés dans fon particulier , & a renoncer a quelques autres qui euffent été contraire.-* cette liaifon. Pels étoient pnncipalement tous ceux. qui regardoient la guerre, la paix , les aliiances la conftru6tion des forts, la l^öi^néX^kiéSitcl. rnune, le pouvoir de placer des garnifons dans les Provinces &,d'y léver des teSvirr5 e"C°re da,?S 16 Premier de ces deux <*s te Stadhouder d'une P'rttoTon3 S TfUké° 16 f6rment desfo^ts, non feulement a la üÓn^elLTST fg 5 aUffi 3 ^ Généralité> & enfin la reftric- juftice. aux .étrangers. .. par eu* 4 rendse Chaque Province avoit fa voix dans les délibérations de la Généralité ; Les af fairesimportantes, comme la paix, la guerre, les aliiances, Jes impoLns 1'al gregation de nouveaux Confédérés, & des changemens a faire T?Sn ex! liïTliïw™* fages: ceUes-de mQindre conféquence ne On prévit: qu'il pouvoit naitrè des différénds entre.les Provinces, & il falloit pen^r a la décifion de ces mésintelligences; ce qui encore ne pouvoit jamais fe nis a ce ff* r^ * U ^ de ChaCUne' Trois cas ^nt déterminc* * eet, egard. Le prem.er ne parle que de différénds entre les Membres d'une reu e Province qu'on remet S la juftice prWe. Le fccond ™££ ^ quiregardent les affaires générales & importantes de 1'Union, & Lr décifion eft conh-ee aux Stadhouders de ce temps-la. Le troifième traite des différénds qu J^^J^'f- Tni0n& k! qui lui étoient adjoints, convo- . ^^^7^Ag nenk8i f Ce"e Uni0n n'ét0it Poi^ contraire-a eiïrque^e tl ^^-^ V*nkle de la réli§ion> Pui^ue depuis le temps que.ee premier traité aveit été conclu, d'autres Provinces que la Hoilande.-  DISCOURS. 4J. de & Ia Zélande avoient embralïé Ia Réforme. Auffi déclara-t'on dans le préambule ne pas vouloir s'en départir. On pouvoit en efFet être Membre de 1'une & de 1'autre a Ia fois, & nous avons deja marqué que quand ceux d'Overyfièl y accédèrent, on leur fit prêter ferment aux Etats Généraux, ou a ceux de 1'Union plus intime indifféremment. La Pacification avoit néanmoins deja été fuffifamment violée; elle ne fut guères mieux obfèrvée. dans la fuite, cc. enfin il n'en fut plus queftion du. tout. Quant a la fouveraineté du Roi d'Efpagne, quoiqu'elle n'ait été folemnelle^ ment abjurée que deux ans après, on ne la réconnoiflöit deja plus. Les Agens du Prince d'Orange, en adreffant la parole aux Etats de Hoilande affemblés a Gorinchem les avoit nommés: les Souverains immèdiats après Dieu, les maitres de faire des loix 6f d'élire un Chef qui gouverndt fous eux. L'Union-même dans laquelle les Provinces, ou féparement, ou enfemble, s'arrogèrent toutes les prérogatives de Ja fouveraineté & dans laquelle on prétendoit difpofer des domaines du Roi, étoit-direéiement contraire a 1'obéiffance pour Phüippe; mais c'étoit plus une continuation de la conduite qu'on avoit tenue depuis longtemps qu'une abjuration tacite; & de même qu'on vouloit bien fe défifler dans la fuite de plufieurs droits ftipulés dans 1'Union,- en faveur du Roi de Franee ou de Ja Reine Elizabeth, on étoit maltrc d« i^- fahc égcdement en faveur de Phüippe, fi jamais le defir reprenoit aux Provinces de fe réconciJier avec ce Monarque. 211. d. CÖMPARAis'on de la nature de ces Ligues. ïl y avoit donc beaucoup de conformité & beaucoup de différence dans Ja nature des Ligues Achaïque, Suiffe & Belgique. Chacune d'elles étoit formée par des peupies jadis plusou moins indépendans les uns des autres, dont la conftitution varioitpJus ou moins, & qui enfin en s'uniflant enfemble apportèrent plus ou moins de changement dans cette conftitution.; Les villes du Péloponefe qui fi nous en exceptons les onze anciennes villes de I'Achaïe, n'avoient eu précédem ment aucune liaifon commune, formoient jusqu'ici des Etats ifoJés dont la forme de Gouvernement, dès avant la perte de leur liberté^différoit eflentiellement La Ligue introduifit partouc la forme Démocratique, & les fit renoncer non feulement a ce qui fait 1'idée d'une Ligue fédérative, mais auffi au pouvoir légiflatif ^m^u^d wuie maepenaance particuliere, Les Cantons Snifte n™;<,„» JUl'UUU4"c ctl- ulJ10 wieuiDie avant ia revoiution; leur conftitution étoit presque la même, & en s'unilfant plus folidement, ils n'y changeoientque trés pei?> furtout ils ne fe défiftoient pas de leur fouveraineté refpective. Dans les Pays-Bas' ■ Fa i * 3 les'-*  A6 DISCOURS. les Provinces qui s'allièrent a Utrecht fe trouvoient aufïï dans une confédération précédente: mais la conftitution de chacune différoit beaucoup. En fe liant plus étroitement chacune fe confervoit fes prérogatives; la nature de leur Union exigeoit pourtant qu'elles rénoncaffent a plufieurs droits particuliers incompatibles avec le but qu'elles fe propofoient. La Ligue Achaïque celfoit donc de porter ce nom a 1'égard de chaque peuple qui y entroit, du moment qu'il y étoit recu. Dès lors c'étoit une République qui, non feulement envers 1'étranger, mais dans fon fein-même, ne formoitqu'un feul peuple compofé de plufieurs villes qui, féparées auparavant, confolidées depuis, gouvernoient enfemble chacun de leurs Membres. Mais les Cantons Suisfcs & les Provinces -Belgiques reftoient intérieurement des peupies différénds. La conformité de la Conftitution des Cantons Suiffes n'étoit qu'accidentelle & ne changeoit en rien la nature de leur Ligue; mais k Pégard de 1'étranger 1'une & 1'autre Nation ne fit également qu'une feule République , & on n'y traitoit qu'enfemble de la paix, de la guerre, & des aliiances avec les Puiffances Souveraines. 11 y eut ainfi dans chaque Ligue des affaires générales qui devoient être traitées géne alement. En Achaïe des Députés envoyés par chaque ville s'affemblèrent k des époques fixes, & formèrent le Confeil national. En Sulfie' cc üans les Provinces-Unies des Députés de chaque peuple s'alfemblè-ent auffi, felon que les circonftances 1'exigeoient; mais chez les Achéens ces Députés agifibient felon que la raifon & le bien de 1'Etat le leur dictoient, au lieu que ceux des Suiffes & des Beiges ont les mains liées par les inftruftions de leurs Commettans. Les villes de I'Achaïe ne s'étoient refervé que le droit d'élire leurs repréfentans, tandis que les peupies qui formoient les autres Ligues avoient confervé toute 1'influence dans les affaires générales. En Grèce le Confeil exercoit chaque droit de fouveraineté; les Députés Suiffes & Belgiques affemblés traitoient uniquement de ce qui avoit rapport a 1'étranger. La néceffité de fe défendre mutuellement ayant été la principale caufe de chaque Ligue, cette défenfe devoit faire aufli chez les trois Natïons le principal ob. jet des délibérations communes. Chez les Achéens la paix , Ia guerre & les aliiances y furent traitées. En Suiffe on ne penfoit encore du temps du Traité de Brunnen qu'a ftipuler de s'affifter réciproquement, & de ne traiter qu'enfemble avec d'autres Puiffarices. Dans 1'Union tfUtrecht on alla beaucoup plus loin, on y déféra non feulement ces droits pnncipaux a la Généraliré, mais bien d'autres encore qui en étoient en quelque facon dépendans, & qui pourtant ne Jaiffoient pas que de donner a toutes les Provinces réunies de grandes prérogatives dans chacune: telles que la levée des impöts néceffaires k la défenfe commune, la conftruction de forts, le pouvoir d'y placer des troupes, & d'autres que nous avons détaillés plus haut. En  5° DISCOURS. leurs il n'étoit pas probable qu'une ville réfufat, fans les raifons les pluseonvaiucantes, de s'alfocier k une nouvelle alliée. Rapportons encore un feul trait pour faire voir comment tout devoit céder chez les Achéens, & principaleraent chez Aratus leur Chef, a eet efprit de liberté & è cette baine de la tyrannie, qui faifoient le principe de leurs a&iors. Sicyon, la patrie du Général, étoit célèbre par 1'art de la peinture qui y avoit atteint un grand dégré de perfeftion. Apelles, deja eftimé , y féjourna quelque temps pour profiter des talens de Pamphilus & de Melanthus, deur peintres de la plus haute réputation. Ces Artiftes avoient fait des portraits admirables des tyrans qui y avoient fucceffivement règné; celui óArifiratus, placé a coté d'un char de triompbe furpaffoit les autres: Apelles lui-même y avoit mis la main. Neacks ami d''Aratus prie ce févère Républicain les larmes aux yeux d'épargner un tableau auffi précieux, mais il ne put lui arracher d'autre permiffion que celle de laiffer Ie char de triomphe en effacant le tyran (a). IV. B. O ejet de la TJgm Suiffe. L'objet que les Suiffes eurent en vue quand ils commencerent a confpirer, étoit d'empêcher 1'Empereur Albert de les gouverner en fujets Autrichiens, de fe délivrer de I'oppreflion des Officiers de ce Monarque , & de récouvrer en leur pouvoir les chateaux qui leur avoient été enlevés. Ayant obtenu ce but, leur Union pendant dix ans tendoit a fe défendre mutuellement contre la vengeance de 1'Empereur, qu'ils rédoutoient. Enfin la viótoire de Morgarten-, quelque glorieufe qu'elle-füt, & quelque pouvoir qu'elle eut de fortifier leur courage & leurs efpérances, ne lailfa pourtant pas de leur faire craindre des dangers futurs, & le Traité de Brunnen fut conclu peu après, afin de les unir a jamais intimément, & de s'affurer le fecours réciproque contre toute invafion étrangère quelconque. Prévoyant ■( c'eft ainfi que commence eet accord) des temps plus tiurs & plus redoutables, cjf voulant nous en garantir, afin de jouir plus aifément de la paix êf du répos, & afin de eonferver & de défendre nos perfennes & nos biens , nous nous promettons &c. Tous les autres articles du Traité tendent k cette fin. Les premiers en parient direftement. Celui qui défend de fe donner a un maitre, ou de tenir des conférences avec des étrangers étoit néceffaire pour écarter toute efpèce de divifion , & pour ne pas diminuer en eux le défir d'un fecours mutuel; outre que la (e) PurtARQUE ibld.  DISCOURS. 53 vernement commun & général a la faibleffe & k 1'anarchie de chaque Etat, étui: tout ce a quoi les Provinces s'attachèrent en formant 1'Union d'Utrecht. IV. d. Comparaison de V Oh jet de ces Ligues. Le grand objet des peupies qui conclurent les différentes ligues étoit donc de s'oppofer, par une défenfe mutuelle, k tout attentat contre leur liberté & leurs droits. Cet objet ne laiffoit pourtant pas d'avoir plufieurs modifications variées. Dans les Provinces Belgiques le but n'étoit qu'un, du moment qu'on penfa a un lien plus étroit que la Pacification de Gand, jusqu'a la conclufion de 1'Union d'Utrecht. En Achaïe le but des dix ou onze villes différa beaucoup de celui qu'Aratus fit gouter aux peupies du Péloponefe , quand il eut fait entrer Sicyon dans la Ligue. En Suiffe, il y eut trois époques de confédération, 1'une avant, 1'autre après la furprife des chateaux Autrichiens, & la troifième du temps du Traité de Brunnen. Chacune exigeoit naturellement quelque différence de but, quoi. qu'elle fe reffemblaffent infiniment quant au point principal. En Achaïe le grand objet étoit accompagné de plufieurs vues fecondaires; on ne fe contentoit pas de s'unir pour mieux défendre fes prérogatives, mais on vouloit joindre a cette Ligue autant d'alliées qu'il ftit poffible, non feulement pour la rendre plus formidable, mais aufli par amour de la liberté, qu'on nouriffoit & qu'on vouloir voir établie partout, ainfi que par une averfion de la tyrannie qu'une fatale expérience ne leur avoit que trop fait connoitre. En Suiffe la défenfe commune contre Albert & tous ceux qui a fon exemple commettroient le moindre attentat a leurs droits étoit la feule chofe a la quelle on vifoit. Dans les Provinces Belgiques cette même défenfe lia les Membres de 1'Union, mais il s'y mêla un deffein d'y établir une forme de Gouvernement reglée, générale & beaucoup plus détaillée qu'on ne pouvoit en convenir en formant raffociation. Chaque peuple enfin employa les moyens les plus propres pour parvenir k fon but particulier, & tels que les circonftances & fes rélations 1'exigeoient. Nous avons fpécifié ces moyens, & en avons prouvé la fageffe: il feroit inutile ici d'en rien répéter. Mais il eft temps de terminer ce difcours, deja peut-être trop prolixe. J'ai cru ne pas manquer les vues de 1'Académie en entrant dans plufieurs particularités qui m'ont paru donner un plus grand jour a la matière, & j'ai taché de répondre k chaque partie de la queftion propofée, perfuadé que je ne pouvois fui- G 3 vre