EX LIBRIS KMIingauitterdijk  ENTRETIENS D ü M A I T R E A V E C S E S E C O L I E R s Imprimé è. DORTRECHT Aux Dépens de B. J. MQRiCS. *■ ' v Marchaad Libraire,   AUX NOBLËS et ILLUSTRES SEIGNEURS monsieur MATHIEU ONDERWATER Ancien Bourguemaitre et Membre du Confeil de la Regence, etc. monsieur BARTHOUT de SCHLINGELLAND Seigneur de la Baronie de Schlingelland ee de Goidfchalx-Oord, Ancien Bourguemaitre; Membre du Confeil de la Regence, et aduellement Deputé, k TAsfemblée de leuis Nobles et Grandes Puisfances, Mssgnn. les Etats de Hollande et de Westfrife, etc. monsieur PIERRE HENRY van de WALL Ancien Bourguemaitre et Membre du Confeil de la Regence. monsieur BAUDOUIN ONDERWATER Seigneur de Puttershoek; Ancien Bourguemaitre, et Membre du Confeil de la Regence. * ü De  De même qu'a monsieur ARMAND GERARD van BREUGEL Ministre du St. Evangile et Pasteur. et a monsieur PIERRE BROUWER Do&eur et Profesfeur en S. S. Théologie Ministre du St. Evangile et Pasteur. Formant enfemble, le Respeélable Corps des Curateurs des Ecoles publiques: L'auteur fait a trés juste titre, comme i fes PATkONS et PROTECTEURS, dédtcation de eet ouvrage, dans les Sentirnens de la plus bumble et de la plus respeftueufe Veueration: ayant 1'bonneur de fe dire MESSEIGNEURS et MESSIEURS Votre ttès humble, trés obéisfant et trés respt-ftueufement dévoué ferviteur j: EBRARD du CASQUET. AFANT-  A F A NT-P R O P O S. JÜ n'y a9 dit - on, point de profesfion plus pènibïe, et en même tems plus jngrate^ que celïe du Maitred Acole. Cest du moins le motto commun de ceux qui en exercent la profes/ion, et entore qu'ils n'ayent pas abfolument tort de p ar Ier ainfi, je fut s pourtant bi en eloigné d'en convenir, A conftderer Ia profes/ton du mattre d école du cotè de' Pinteret phifique, qui est le mobile Peneral de jout es les profesftons; il est vrai qu tl y a beaucoup de peine et peu de gatn a faire: mais a la conftderer du cotè de Putilitê publique qut en refulte; Pon ne manquera pfis dy trouver de grands motifs d encouragement a méprifer les petnes qut y font attaché es, a eau re des avantages folides qifen recueille * 3 Mom-  VI /''homme qui Pexerce avec fideiïtè et avec Zële; lesquels, étant permanent jusques dans Péternité, font préfèrables aux richesfes pèrisfables de la terre. 1?oeuvre de Phomme dont la vocation est d'inftruire et de former Pefprit de la jeunesfe, en plufleurs fciences, et fin coeur en Pamour de la religion et de la vertu, n'est rien moins qu*une oeuvre phifique et materielle et par conféquent la remunération en est plutot'pour Pdtne que pour le corps, laquelle ne fauroit étre parfaite dans le tems, mals qui le fera dans Péternité. Ce n'est donc pas une branche de commerce ni un metier a taxer de bon ou de mauvais a proportion du plus ou du moins d'aifè qui y feroit attaché , et du plus ou du moins de lucre qui en repulteroit; puisque c'est une affaire pwement fpirituelle: Cest une oeuvre dont le refultat est, d^apprendre aux jeunes gens  gens la fagón dé s'y prendre, pour être heureux en ce monde, et pour devenir bienheureux dans Péternité. Cultiver Pefprit fans cultiver ie coeur; ce n'est rien. Perfonne ne fquroit être heureux, fans avoir le coeur bon: fans que Pamour de Dieu prédominant, celui du prochain regne dans fon coeur. Cette grande vertu, la première de toutes y et fans laquelle les au tres ne feroient que des grimaces; la charitè porte avec foi la fantè de Pdme et celle du corps: elle rend heureux celui qui la posfède, et elle est Punique Hen folide de la foei et é. _ En faire prendre Pamour et Phabitude a la jeuuesfe; y joindre la fcience et la prudence: c'est lui enfeigner les moyens d'être heureux en ce monde, en fe rendant agréable a Dieu et utile a la focieté. Cest une grande tdche, dira-ton, et vous paye-t-on pour tant de * 4 fen-  VIII foucis et tant de peineP — Votre profesfon est, d'infiruire des langues et quelques fciences, fi vous voulez, et de vous bi en faire payer: que vous tourmentez-vous a rendre les jeunes gens bons, malgré euxP — quel gré vous en faura -t-onP — — Langage ètrange, mais qui, tout èlrange qu'il foit, trfa été tenu, a plufieurs reprifes, depuis tnême que fexerce ici ma profesfion. —— Tour ment ez vous le plus que vous pouvez: donnez vous encore plus de foucis, pour faire bien apprendre vos écoliers; pour les rendre meilleurs; vons n'en avancerez pas pour cela; il faut ufer dhtne espèce de charlatanerie pour parvenir: P exterieur faute aux yeux, et pour le folide, on n'en fait point de cas. —— - QiPun tel langage est indigne, dans la bouche de ceux qui le tienneut! — II a fouvent frappé mes oreilles; mais Dieu nPa garanti de pren-  prendre gout a des maximes fi per- cieufes. jfaime Dieu, et je le fers avec une fainte frayeur. Voilci le principe qui me fait regarder les jeunes gens, qui font confiés a mon infiruclion et a ma conduite, comme des dépots facrés que Dieu me confie, et dont il me fera rendre compte un jour. C est-la le motif qui augmente journellement mon foucis, dans Pèxercice de mes dévoirs, aux quels je ne mets point de hornes, ye ne cesfe d^injtnuer a mes écoliers la necesfité de bien employer leur tems, a caufe de Pexcellence de Uur origine et de Uur destinatination, et a caufe de la brièveté et de Pincertitude du terme de leur vie. Mais comme une telle exhortation feroit infruclueufe, f je ne fournisfois ausji a mes éeoiiers des moyens it s'occuper utilement et en méme tems agréablementfat compofè les Entretiens que je publie, dans un premier volume, et dont je penfe danner avec- le tems quelques petits volu-  volumes futvans, fi Dieu m"en fait la grace. La langue frangaife ètant, de celles que fenfeigne dans mon école penfionaire, la première, la plus generale et pfir laquelle fentreprens tous mes écoliers; fai cru ausfi deroir écrire en eet te langue-ci. jfenfeigne ausfi, PAnglats, PAl Iemand ■et ritalien, avec des fciences necesfaires pour cultiver Pefprit de la jeunesfe. Mais je ne pasfe jamais d d'autres chofes, qu'avec des écoJiers qui fachent déja le Frangais .au point, qu*en leur enfeignant autre chofe, la langue frangaife puisfe fervir pour leur expliquer le reste. Mon intention ètant donc, de fai. re a mes écoliers employer leur tems le plus utilement qu'il fe puisfe, je ne me contente point, de faire un étude fee et ennuyant de celui des langues: mais afin de leur rendre eet étude ausfi agrèable qiPutïle, pour  XI ponr la culture de Pefprit et du coeur; fai travailiê a ce petit traité, dans lequel je tache de leur infinuer des connaisfances nee es fair es et bonnes a favoir, en même tems ^que je traite avec eux la langue frangaife. Si Pon va trouver que ce premier volume foit bon et utile a eet ejjet; j'espère que les fuivans le feront encore d9avantage: puisque, mon intention étant telle que je viens de dèclarer, ie tacherai de parvenir toujours plus infailllhlement a mon but, qui est de travailler, en ferviteur fidéle, a Pavaneement de la glorification de Dieu et du bien public. Dieu veuille agrèer les faibles efforts de mon efprit, et m'éclairer de plus en plus, afinque, fi je lui fuis un ferviteur fidéle et utile, je le puisfe toujours être de plus en plus! Puis-  XII JPuisfé-je voir, en plupeurs de mes écoliers, fi ce n'est en tous, la rèusfite de ma pieufe intention, par fa fainte hènèdiciion repanduï fur mes travaux: Amen! — Fait a Donrecht le 8 Nov> 1792. DIS-  DISCOURS PRÉLIMINAIRE X MES ÉCOLIERS B T X MES E L Ë V E S. C^'est pour vous inftruire, en vous amufant que j'ai compofé ce petit traité, que j'ai desfein d'augmenter par d'autres petits volumes, fi ie trouve qu'il foit gouté, "et qu'il produife 1'utilité que j'en espère. Je lui. donne Ie titre d'entretiens par ce que j'y fais parler les écoliers et le maitre. II faut que 1'écolier ait la liberté de s'informer A au  -C 8 > au maitre, de ce qu'il ignore encore, et il n'y a qu'un maitre ignorant dans fa fuffifance, qui fe puisfe formalifer des qucstions curieufes d'un ècolier avide a s'inftruire. Pour moi, 11 quelqu'un d'entre vous me faifoit des questions hors de la portée de mon entendement, je lui avouërois avec une humble ingénuïté; qu'il m'en demande trop: mais je tacherois en même tems de fatlfaire en quelque facon 'k fa curiofité; en un mot, je tacherois de contenter toujours la curiofité d'un écolier, qui recherche la lumière. Je ne vous dirai pas d'avance tout ce que mon livre, que je compofe a votre ufage, contiendra, et je me bornerai k vous asfurer, que dans le plan que je m'en luis formé, j'ai eu pour but, d'occuper votre efprit, d'une manière qui convienne a vos facultés, afin d'augmenter par degré la lumière, que Dieu, qui est le père des lu- miè-  < 3 > mières y a mis. Mais comme c'est de Lui, que procèdent tous les dons parfaits et bons; c'est ausfi a Lui que fë doivent adresfer nos voeux et nos prières, afin d'en obtenir l'asfiftance du Saint-Efprit, par Ie -moven duquel nous foyons rendus capables d'une augmentation de lumière, pour connaitre Dieu de mieux en mieux, afin de 1'aimer et de le craindre, et de nous vouer a fon Saint fervice pour tout le tems de notre vie. ^ Vous êtes chers & Dieu: il vous aima avant même que vous fusfiez nés, et voila pourquoi il vous fit naitre dans la communion de fon Eglife par des parens attachés a ion fervice par Jefus Christ notre divm Redemteur. Vous êtes nés dans un fiècle de lumière, et Dieu vous a fuscité les moyens afin que vos coeurs et votre efprit foyent cultivés dans la connaisfance de Dieu et des vertus chretiennes. Rendez a Dieu un retour d'amom* A 2 et  < 4 > et de crainte filiale, en profitant des grands avantages dont vous jouïsfez. Pre te z vous k Pinftruction avec une attention refpeétueufe, et que nos heures de lecon commencent chaque fois par la prière, er qu'elles fe terminent par des acitons de graces, ét que pendant cette oeuvre, profkable k votre , falut, vous vous fouveniez fans cesfe des paroles confolantes de notre divin Redemteur; que lè. oü deux ou trois feront asfemblés en fon nom, il fe veut trouver au milieu d>ux; afin de vous perfuader qu'il est ausfi au milieu de nous, et que chacun de vous ait le coeur atteint de ce faint refpect que nous devons tous k la Majesté de notre divin Sauveur! Voici les prières qne j'ai compofées, afin que vous les appreniez par coeur, pour les adresfer ^ k Dieu, au commencement et a 1'isfuë de nos heures de lcgon*  -C 5 > Prière a reciter avant Pécofo. Grand Dien notre père celeste! nous te rendous graces, du plus profond de nos coeurs, de ce qu'en nous eréant, tu nous a fait naitre dans la communion de ton églife et que tu' nous appelles au royaurae de ta merveilleufe lumière par ton faint Fils Jefus Christ notre divin Redempteur. Mais nous celebrons ausfi tes bontés paternelles, de ce que tu nous ouvres les tréfors de ta lumière en nous faifant dor.ner riiifiruction. Asfifte nous par la vertu efflcace du Saint Efprit: qu'il asfiile et éclaire le précepteur que tu nous a donné pour nous inflruire, et qu'il nous infpire a tous la crainte filliale et le refpect que nous devons a ta divine Majesté, et en même tems, la doei» lité et l"attention que nous devons k l'inftruétion dont nous allons jouïr de ta part. Enfin, veuille repandre fur nous tous et au dedans de A 3 nos  »( 6 > nos coeurs et de notre efprit, tous )es dons parfaits qui partent de toi, qui ès le père des lumières, et que nous en profitions a ta gloriitcation et au falut de nes a*mes immortelles Amen! Notte père. — Aclion de Graces a Fisfu'è de Pécole. A Dieu feul fage, tout bon touc adprable; Père, Fils et Saint-Efprit, foit tout honneur louange et gloife ; force, puislance ; empire et magnificense 3 au fiècle des fiècles Amen! Notre père. —— — ENTRETIEN i. Comnaencons maintenant par 1'exiftence des chofes, et allons möme a la première Lource de notre propre exiftence, et voyons; par quel moyen nous foinmes nous-mêmes et toutes les autres créatures vivan- tes,  -f 7 > tes, et toutes les chofes qui exiflent fur la terre avec nous. Par quel moyen fommes nous, et toutes chofes? 1. Ecolier. Par le moyen de la création que Dieu en fit lui-même, au commencement des tems. Le Précepteur. Comment est-ce que Dieu opéra cette création? 2. Ecoïier. Par fa feule volonté, déterminée par fa fagesfe éternelle et incompréhenfible k notre efprit borné. Le Précepteur. Rccitcz moi un peu, vous, en racourci, le recit qu'en fait Moïfe, au premier cfrapitre de la Genèfe. Ecoïier. Au premier jour, Dieu fépara la lumière des tenèbres; au fecond jour, Dieu fépara les caux qui descendent d'avec celles qui s'élèvent; au troifième jour, Dieu fépara le fee de 1'humide, et nomma A 4 le  -C 3 > Ie #fee, terre, et Thnmide, mêr, pms il commanda a la terre de produire des herbes et des arbrés: au quatrième jour, Dieu, fit le foleü, la. lune 'et les étoiles: au cinquième jour, Dieu commanda au eaux, de produire les poisfons et les oifeaux: au fixième, il est dit, que Dieu commanda a la, terre de produire ies animaux quadrnpédes et les reptile?, qui marchent et rampent fur la te. re et qui y trouvent leur nourriture, et qu'enfuite il forma lui-même 1'homme a fon image et a fa resfemblance, et enfin que Dieu -ayant achevé de créer toutes ces chofes, il fe repofa le feptième jour, a caufe dequoi il benït ce jour-la, qui fut nommé Sabath, ce qui veut dire; jour du repos. Le Précepteur. Voila im racourci Men riche en matière: bornons nous a nous éntretenir aujourd'hui fur 1'oeuvre du prpmier jour. J'obferve que dans les  < 9 > les oenvres des trois prémiers jours, vous parlez de féparation et non de création. A votre avis, on diroit que Dieu ne créa pas la lumière, mais qu'il ne fit que la féparer des tenèbres? 3. Ecolier. Cet une matière fur laquelle je me fouviens de vous avoir ouï parler, mais dont je ne me rapelle rien de poiitif, et alnfi je vous prie de nous en dire votre fentimenr. Le Précepteur. Hé bien je vous vai dire, que mon fentiment est qu'effectivement la lumière a toujours fubfifté, mais que lors de la création, ou transfbrmation de notre globe terrestre, elle n'avoit aucun eiFet fur cette partie de 1'univers, et que c'est ce que Moïfe veut dire au verfet 2. du 1* chapitre de la Genèfe, «— Et la terre étoit fans forme et vuide, et les tenébres étoient fur la face de 1'abime; et 1'efprit de Dieu fe mouvoit fur les eaux. A 5 4. Eeo-  -C io > 4. Ecolier. Mais Monfieur! vous parlez de transformation de notre globe terrestre; est-ce que Moïfe ne parleroit pas de la première origine des chofes. Le Précepteur. II femble bien que Moïfe parle au verfet 1. du premier commencement d'exiftence des chofes créées, en difant qu'au commencement Dieu créa le ciel et la terre, par quoi Ton peut entendre 1'univers entier, mais dansles verfets fuivans, il est évident qu'il ne parle que du globe terrestre que nous habitons, et ainfï il ne faut comprendre le reek des oeuvres des fix journées que relativement k notre terre: et felon le verfet fecond, il femble bien que la terre ait fubfifté lors de la création, puis qu'il la dépeind dans ce même verfet, comme un cahos confus, embrouillé et fans forme, tout entouré d'épaisfes tenèbres. Or Dieu ayant refolü de ren-  -C ii > rendre cette terre habkabte k des créatures animées, il commenca par faire ces vapeurs tenebreufes, qui 1'enveloppoient, fe disfiper, afin que la lumière y eut fbn efFet. 5. Ecolier. Voila ce que je ne comprens pas encore, car j'ai toujours cru que le foleil étoit la lumière, et que la'nuk c'etoit les tenèbres. Le Précepteur. 11 y a une grande difference entre obscurité et tenèbres; L'obscnrité est un faible degré de lumière, qui peut être augmenté par le moyen de petites flammes de feu comme des bougies, des chandeles, des lanternes, ou des flambeaux allurnés, mais que la clarté du foleil rend parfait lorsque le ciel n'est point couvert part des nuées, ou que notre terre n'est pas enveloppée de quelque épais brouillard. Souvenez vous de ce qui arriva dans ce pays-ci, il y a quelques années, lorsque d'épaisfes tenèbres A6 y  < ia > y couvrirent la face de la terre, tnforte que mal gr é les flarabeaux et les lanternes allumées on ne voyoit pas en ruë; que les hommes s~'entre - choquoient et que plufieurs tombèrent dans les canaux et y-périrenL C'étoient des tenèbres, fur lesquelles, les luminaires allumés de la main des hommes n'avoient aucun effet, et k travers lesquelles ni la lueur de la lune ni celle des ëtoiles n'avoient aucun effet pour y penetrer. Si Dieu eut voulü faire perpetuer ces tenèbres pendant quelques jours feulement : penfez un peu, quel malheur il en fut venu : il y en auroit pour trop longtems & vous en faire une defcription palpable. Mais voila ce que c'étoit que cette terre, lorsque Dieu youlut que la lumière fut, ou qu'elle devint operante fur notre globe terrestre,* afin qu'il le fit habiter par des créatures animées, telles que 1'homme et les animaux.. 6, hco-  -C 13 > 6. Ecolier. J'ai om paiier de ces tenèbres, et du grand effroi dont les hommes furent faifis, et des malheurs qui arrivèrent alors a Amfterdam. J'ai fi peur quand il fait nuit, mais je crois que je mourrois de frayeur dans les tenèbres d'une obscurité, impenétrable. Le Précepteur. Je crois que les hommes ne vïvroient pas longtems, fi Dieu nous retranchoit la lumière, et qu'il nöus envelopp&t dans les tenèbres». C'est un grand bienfait que la lumière, mais celle de 1'esprit est un don infiniment préférable a celle du corps, et nous ne faurions asfez rendre graces k Dieu, de ce qu'il lui a plu de disfiper de devant les yeüx de notre efprit les tenèbres de 1'ignorance, qui empechent encore tant de peuples k connaitre Dieu, et k favoir tout le bien que fa miféricorde k operée en faveur du genre humain, paur faire partiA 7 cipe^r  -C 14 )- ciper les croyans et ceux qui font fïdèles a Dieu, au falut et k une vie bienheureufe dans Péternité, après cette vie terrestre. Mais nous aurons encore occafion de nous entretenir fur cette matière: flnisfons a prefent, jusqu'a une autrefois. ENTRETIEN i, Le Précepteur. Le fujet de notre entretien précédent ayant été une matière trés ferieufe, je vai pour cette fois entamer matière par le recit d'une fable. 3. Ecolier. Mais avant que vous en commenciez le recit, permettez moi, que je vous demande: qu'est - ce c'est qu'une fable? Le Précepteur, C'est une Allégorie dans laquelle cn fait parler les bètes; tantöt une  < i5 > une espèce tantöt 1'autre, felon que leur inftinéb naturel rend convénable, qu'on les fasfe parler ou agir; afin de rendre le fens moral qu'on veut faire adopter, plus frappant k Pefprit des jeunes gens qui aiment ordinairement beaucoup ces fortes de contes. 4. Ecolier. Je pence donc, que cela fera amufant. Contez nous donc votre fable, je vous prie, Le Précepteur. Amufant, fans doute; mais plus infttu&if encore, pourvu que vous vouliez être attentif \ m'écouter, et que fans badiner vous raisfonniez enfuite avec moi fur le fens de cette fable. Fable, du chat fauvage, et du chat prirè. De deux chats, frères, 1'un prit le parti de s'établir dans un bois, et Fautre resta dans fa maifon de naisfance. Bientöt k premier fut chat-  < i'6 > chat-fauvage, et la licence étoit fi fort a fon gout, qu'il n'eut pas voulü, pour tout au monde, retourner è la ville, pendant que fon frère, le chat privé, fe trouvoit biens dans fon réduit. II y eut un chat, de fa parenté peut-être, qui quoique chat-privé ainoit la chasfe, et qui en aloit de tems en tems prendre le plaifir. Uu jour qu'y étant, il étoit a gruger un lapreau qu'il avoit pris, le chat devenü fauvage le vint aborder. Tu n'ès pas des habitans de ce bois, lui dit il, c'est ce que je vois a ton poil.: ferois-tu peut-être mon frère?— Lè desfus ils fe rendirent compte Vim a 1'autre, des lieux oü ils étoient nés ec du tems, et a ce recit, ils jugerent, qu'ils étoient proche parens, s'ils n'étoient pas frères d'un même père, et le chat-chasfeur, donna, au chat fauvage des nouvelles de fon frère resté en ville. Le chat-fauvage chargea le chatchasfeur, d'inviter de ia part fon frè-  < i7 > frère, le chat-privé, de le venir voir, et de le lui amener, la première -fois qu'il retourneroit a la chasfe. La chofe fe fit, et le chatprivé fut, avec fon voifin, le chatchasfeur, voir fon frère, le chatfauvage. A leur abord, ces deux chats-frères fe faluèrent trés amicalement en miaulant, et en faifant le gros dos et plufieurs contorfions ridicules. Puis le chat-fauvage fe prit a faire, a fon frère, 1'éloge de la liberté. Croi moi, lui ditil, reste ici, tu feras le maitre de manger & ton appetit. Qu'est ce qui t'en revient, de fervir les hommes? Ta recompenfe égale-t-elle ton merite? En prennant une fouris d?ns la maifon de ton maitre, tu lui rens plus de fervice, que ne vaut la nourriture qu'on te donne pendant un mois entier, fi tu prens fantaifie^ de gouter d'un reste de viande qu'on laisfe trainer: comme ou te crie aprês, et 1'as-tu attrapé, comme  < 18 > roe on te eourt après et qu'on te pourfuit! Et n'est-ce pas qu'on te tueroit, fi 1'on te pouvoit atteindre. Croi moi, Phomme est un animal fort ingrat, un tiran injuste, avare et fanguinaire: foustrai toi a fon obéïsfance et reste ici, vivre avec moi en toute liberté. La faim ne te fera pas ici manger des rats, des mulots et des fouris, dont la chair est infipide et même dégoutante. Ici nous anticipons fur 1'homme, la chair des animaux les plus délicats. II n'est pas ici question, de roder en fuppliant autour d'une table fuperbement entouiée d'homme, pour en obtenir une pel» licule de chair, ou quelque morceau de nerf, qu'ils ne fauroient manger eux-mêmes, et qu'on nous jette, avec un air fi gracieux, comme 11, en nous donnant ce rebut, on nous faifoit grande grace. Ici, je cours a mon aife; je me promène, et tout me promenant, je trouve une nichée d'alouettes, ou de  < 19 > de fauvettes, et tont a la fantaifie de mon appetit, j'en fais ma cuxée. Puis une autrefois, je trouve, tout au hazard, une familie de levreaux; manger delicat! et je m'en donne au coeur joie. Suisje ennuyé de marcher a terre, je grimpe fur quelque arbre, et la encore, il s'onre trés fouvent a mon appetit, une nichée de tourterelles, ou de merles, ou d'autres oifeaux, dont 1'homme me disputeroit volontiers la jouïsfance, s'il pouvoit. Enfin, je ne finirois pas, a te détailler, tous les plaifirs et les aifes de la vie libre; je veux dire, de vivre, fimplement felon 1'inftinét de la nature fans être foumis aux loix, que 1'homme, notre maitre préfomptif nous impofe. Demeure ici avec moi, mon frère, et toi ausfi, mon coufm; demeurez ici, et vous allez juger par vous-mêmes, du grand avantagé qu'il y a, de Mvre a fa propre fantaifie et non a celle d'auttai. Ce  < *° > Ce discours du chat fauvage, et tes applaudisfemens, que les deux autres y donnérent, avoit attiré tm chasfeur. Car ces animaux, fe croyant en toute liberté, avoient, dans Pextafe de leur joie, élevé leurs voix d'un ton lï haur, qu'on eut cru, qu'il y avoit la q.uelque, noces de chats. Et dans eet enthoufiasme outré, ou ils étoient, le chat orateur avoit oublié de parler des perils qu'il couroit chaque jour, par la jaloufie du renard, fbn rival, et du. vautour, animaux ravisfans qui s'imaginewt que le chat n'a point droit d.e chasfe, et enfin par les pourfuites du chasfeur. 11 aloit mener fes hotes a la curée qu'il avoit expresfement quetée, pour les régaler; l;>rsqu'un coup de feu, partant du fufil d'un chasfeur, fuppléa tout d'un coup, a ce qui manquoit au panégyrique qu'il venoit de faire, de la licence qu'il avoit pris-, par abus, pour liberté, ccqui fut, pour les deux chat-s de ville, bian plus  -c *« > plus inftruclif, que le fermon moral, le mieux concu et le mieux énoncé, n'eut jamais été. Ceux-ci atteints eux - meines de quelques grains de dragées, dont ils furent legèrement blesfés, et effrayès de la fin tragique du chat - fauvage, prirent en courant le chemin de la ville, et rentièrent dans leur reduit, bien refolüs, de préferer la frugalité de la vie privée, a la gloutonerie de celle, dont ils venoient de voir une fin fi tragique. 1. Ecolier. Vilain chabfeur, qui tuë fans miféricorde un animal qui ne lui a point fait de mal. 2. Ecolier, Mais, que d'animaux innocens n'eurent pas été dévorés par ces trois chats gloutons, fans ce coup de fufil', fi bien appliqué, et fi a propos ? 3. Ecolier. En ont-ils été éparqués pour ceia; et n'auront - ils pas fervi de cu- rée  < 22 > rée a la gourmandife de 1'homme, ou a la gloutonnerie de quelque autre animal ravisfant? Le Précepteur. Vous ne faifisfez pas bien le fens moral de cette fable, et il s'agit d'en faire application fur 1'homme: parcourons traits par traits le contenü de cette fable et le fens moral de chacun. Dites moi un peu, vousl quel en est le premier trait? 4. Ecolier. Un chat, animal domcftique, quitte le lieu de fa destination pour faire une profesfion qui ne lui convient pas, puis qu'il est fait pour fervir 1'homme dans fa maifon, afin de la lui purger des rats et des fouris, qui nous font beaucoup de mal. Le Précepteur. Et vous; quelle preuve me donnerez vous de la destination du chat, qu'elle est; da fervir 1'homme dans la maifon, et non de vivre dans les hois. 5. Eco-  < n > 5. Ecolier. Je ne fais, Monfieur! mais il me femble, que puisque le chat est fi bien fait et fi adroit a nous fervir, en prenant les rats et les fouris, et qu'il fe laisfe apprivoifer; que telle est fa destination. Le Précepteur. Vous avez raifon; le chat fe laisfe apprivoifer, voila une preuve, qu'il est animal domeftique: il prend, par inftincl, les rats et les fouris, cela prouve que Dieu 1'a crée, afin qu'il nous ferve a eet ufage, et par confequent il n'est pas fait, pour croquer les levreaux, et les petits oifeaux, et le gibier crée pour divertir 1'appètit de 1'homme^ Mais dites moi, vous, un autrc trait de cette fable. 6. Ecolier. II y un mai-entendu er.tre licence et liberté, dont je n'entens pas bien moi-même la difference. Voudriez vous bien m'en faire 1'explication! Le  < H )" Le Précepteur. Vous avez obfervé cela, mon enfaut? Voila qui est joli! Hé bien je m'en vai vous faire l'explication, de la difference qu'il y a entre heence et liberté, de manière que vous la puisliez comprendre. L'homme llbre est celui, qui a la liberté de faire tout le bien qui dépeud de fes facukés, mais Ia liberté de 1,'homrae est bornée par les loix, qui lui interdifent de nuire aux autres hommes. Ce n'est pas faire de l'homme un esclave, que de 1'asfujetter a de cerwines loix, qui 1'empechent de faire l autrui le mal -qu'il ne voudroit pas qu'on lui fit. Mais fi on Pempechoit de faire le bien, et qu'on 1'obligeat a faire le mal, fans qu'il s'en püt dispenfer; ce feroit en faire un esclave, et lui ravir fa liberté. La licence est une liberté effrenée, ou fans frein, qui pousfe l'homme a faire toute forte de mal, felon fa volonté et fans fe mettre en peine de  -C *s > de juger, s'il voudroit qu'un autrc lui fit de même. Par exemple,, vivre dans la licence, c'est s'abandoner a l'ivrognerie, a la glouton- nerie , a la débauche , aux vices malhonètes, a 1'injuftice, au larcin, a la crüauté et en un mot, a tout ce qui est mauvais et maihonète. Or jugez vous-mêmes; s'il est bon a Phomme qu'il ait la liberté de s'abandoner ainfi, et s'il ne vaut pas mieux pour lui, que la religion et les loix rempèchent de fe nuire a lui-même et de fai¬ re du mal a autrui"? 7. Ecolier. Pour moi, je ne voudrois pas avoir la liberté de faire a ma fantaifie, car j'en ai quelquefois que je reconnais bien, qu'elles ne valent rien, et qui me viennent a l'efprit, comme malgré moi. Le Précepteur, Mais vous: revenons au chat-fauvage , et voyons fi vous lui trouverez encore quelque mauvais trait. B 3, Eet-  -c & > 3. Ecolier. Après s'être rendu coupable, du fans de pluüeurs animaux qu ü avoit facrifié a fa gloutonnerie, contre les loix de la nature, il alloit encore féduire fon propre frère, a fortir de fa carrière, pour vemr participer i tous les crimes aux quels il s'abandonnoit tous les jours. Le Précepteur. C'est donc, qu'il alloit être Sédufteur, et de fon propre frère, ft le coup de feu du chasfeur n'eut démontré le contraire de Ion panégyrique. C'est être trés coupable, que d'être criminel, mais un homme vicieux, qui s'applique a entrainer des innocens dans le vice, est bien plus coupable L.hom. me vicieux qontrevient a la volonté de Dieu, et ainfi il ne lui est pas un fidéle fujet; il n'est pas et?OVen de 1'empie de Dieu; mats phomme qui féduit ^V™**, fe déclare ennemi de Dieu; puis qu'il est adverfaire de Dieu et par-  < *7 > tiran de Satan, a qui il tache d'attirer des fujets et des adhérans, qui fasfent fa volonté. Dieu épargnera dans fon jugement, 1'innocent féduit, mais le féduéleur fera précipité dans PabÊme des tenèbres, qui est le domicile des réprouvés. i. Ecolier. Cest une reflexion qui m'étok d'abord échapée, dans ma vivacité, et je n'ai apercu dans mon imaginative qu'un animal tué mal i propos. Le Précepteur. La vivacité vous empéche trés fouvent de juger, et quiconque manque de juger, ne fait point de reflexions folides, et fera facile \ feduire. Le moyen le plus fur d'échaper a la féduclion, c'est de regarder fans cesfe a Dieu, et de juger, fi les plaifïrs qu'on vous propofe, font de nature a en pouvoir jouïr, fans contrevenir a la volonté de Dieu. L'efprit de l'homme est promt, et il vous faut touB i jours  < is y- jours moderer cette promtitude naturelle de votre efprit, par les principes de religion que vous avez, et dont vous devez fans cesfe tacher d'aquerir une connaisfance plus parfaite. II ne vous faut jamais preter a la volonté de qui que ce foit, fans reflechir, fi la propofition qu'on vous fait est de rapport a votre dévoir envers Dieu. Si Adam et Eve, nos premiers parens, avoient fait ainfi, ils n'eusfent pas fuccombé & la tentation, et ils fer uent demeurés obéisfans a Dieu. Mais ils crürent plutot au féduéteur qu'a Dieu, s'imaginant que, comme leur dit Satan caché fous la figure du ferpent, Dieu leur avoit fimplement défendu de manger du fruit de 1'arbre de connaisfance du bien et du mal, pour empecher qu'ils ne lui dévinsfent femblables en connaisfance. Que jamais aucun de vous n'ait une penfée fi criminelle de Dieu! Satan est caché fous la figure des hommes  < *9 > mes vicieux; pour féduire les in* nocens, et ces mauvais efprits féducteurs, font ordinairement cachés fous des apparences agréables, et leurs parolés font douces et s'infmuent agréablement, mais 1'amertume des remords en est une fuite infaillible a quiconque fe laisfe féduire. Méfïez vous de tout le monde, et de vos propres faiblesfes, et converfez fans cesfe avec Dieu par la prière, car c'est de Dieu que vous viennent la faeesfe et la farce de refifter k la fedu&ion et de lui échaper. Souvenez vous toujours de ce que dit David au Pfeaume 25. Qui craintDieu, qui veut bien vivre Jamais ne s'égarera Car au chemin qu'il doit fuivre Dieu même le conduira A fon aifc et fans ennuis 11 verra le plus long age Et fes enfans après'lui Auront la terre en partage. B 3 En-  < 3° > Enfin , més enfans! qut me dira un dernier trait remarquable de notre fable. 5. Ecolier. Le féducteur fut tué, et les deux autres legèrement blesfés. Le Précepteur, Q'uelle morale tirez vous de ce trait? 5. Ecolier. C'est que Dieu ne fait que chatier celui qui par faiblesfe fuccomsbe a la féduction, afin de le ramener k fon dé voir, pendant qu'il précipite le féducteur, dans 1'abime de la perte éternelle» Le Précepteur. Retenez bien, mes enfans 1 les lecons que vous contient cette fable. Elle en contient plufieurs trés importantes, k ce que vous venez d'entendre, et qui pourront fervir k vous retenir dans la pratique de vos dévoirs, et dans une pieté religieufe. Je prie Dieu qu'il vous préfeive du malheur de pecher par ita-  -C 31 > imprudence et par étourderie: mais que jamais vous n'ayez le malheur de pecher par gout et de propos déliberé, pour devenir enfuite, pour comble de malheur, féducteurs de 1'innocence, ce qui est une oeuvre de Satan ou d'adverfaire de Dieu, et qui entraine une perdition éternelle. ENTRETIEN 3. Le Précepteur. Nous devons aujourd'hui revenir aux chofes divines, après nous être amufé, la dernière fois d'une fable et de fon fens moral. Voyons, ce que nous raifonnerons fur 1'oeuvre de la feconde journée: vous avez dit, que Dieu fépara les eaux qui s'élèvent d'avec celles qui defcendenu Comment entendez vous cela? B 4 %*Eco»  < s? > 3. E co fier. J'ai dans ï'idée d'avoir dit, que Dieu fépara les eaux qui baisfent d'avec celles qui s'élèvent, ou celles qui defcendent d'avec celles qui moment, et vousMonfleur! vous dites en tournant la phrafe, que Dieu fépara les eaux qui s'élèvent d'avec celles qui defcendent. Est ce «me je me ferois mal exprimé? Le Précepteur. Vous penfez fort profondément pour un jeune homme, et vous pretendez aller a la première fource des chofes. Or fachez, vous tous, mes Amis! que Dieu cache foigneufement les premiers resforts des chofes mouvantes, et qu'il ne nous a rien découvert de 1'örigine des chofes vifibles, que ce qui peut fervir a nous convaincre, que c'est un Dieu unique, tout bon, tout fage et tout puisfant qui a créé toutes chofes par fa feule volonté; afin de nous imprimer fa crainte et fon amour, et que reconnaislant aus- fi  -C 33 > fi Dien, être la première caufe de notre exiftence; nous nous devouïons entièrement a fon fervice, pour faire fa fainte et bonne volonté. II ne faut donc pas que - . nous préfumions, d'approfondir les chofes cachées de Dieu, dont il fe referve la connaisfance a lui feul, laquelle ne nous convient pas, et qui est abfolument au deslus de la portée de 1'entendement humain; Bornons nous a raifoner fimplement, en fuppofant le vraifemblable, et a conjecturer fans prétendre foutenir les chofes voilées a notre efprit, comme étant ainfi. Je vous vais donc faire ma fuppofition: fi Dieu fépara les eaux qui baisfent d'avec celles qui s'élèvent, cela fupoferok que les eaux fe trouvoient alors élevées, ou dans un état au desfus du bas; et que fi. Dieu, au contraire, fépara les eaux qui s'élèvent d'avec celles qui coulent en defcendant, cela fuppoferoit que les eaux étoient au B 5 des-  < 34 > desfus de 1'abime. Or, je crois que tout étant alors embrouillés, et hors de fa place; Dieu marqua & eet élément humide fa place, et en ordonna la circulation necesfaire, afinque la terre fut renduë fertile et que la fertilité en fut entretenuë, de même que la falubrité de 1'air et de 1'eau, pour 1'entretien des créatures animées qull avoit desfein de faire. 1. Ecolier. Dites moi, s'il vous plait, qu'entendez-vous par les eaux au desfus de Fétenduë: est-ce peut-être Fair? Le Précepteur. Cefont ces vapeürs qui remplisfent l'air a 1'entour de notre globe et c'est ce que les philofophes nomment, l'Athmosphère. 2. Ecolier. Voila qui est de 1'hebreu pour moi, et je n'y entens rien. J'ai toujours crü que c'étoit l'air qui entouroit notre gjobe terrestre, et que  < ss > que lorsque le ciel étoit couvert, c'étoient des nuages qui étoient en l'air, ou qu'il y avoit des brouilïards. Le Précepteur. Ce n'est pas cela, mes enfans; et je' tacherai de vous faire comprendre ce que c'est que l'air pür et 1'Athmosphère de notre globe terrestre. — Voyez vous Ia ces gobelets de cristal; regardez bien comme ils font clairs. Hé bien je m'en vais verfer dans celui -ci d'un efprit de vin trés reftifié, c'est k dire, qui est fi pfir et fi fort qu'il est presque tout feu. Regardez maintenant, et obfervez Ia difference qu'il y a de la couleur du gobelet jusqu'a fa hauteur de Tefprit de vin, et de l'air qui est au desfus. Voyez-vous bien que l'air au desfus de eet efprit de vin est plus bleuatre et moins clair? Vous voyez maintenant que l'air est melangé de quelque chofe de moins pür, que l'air-même, et ausfi que B 6 eet  -C 3<5 > eet efprit de vin. L'air remplit tout 1'espace entre les corps, et entre le paradis de Dieu et les corps. II faut ausfi que vous compreniez que notre globe terrestre est un corps, et que la lune, les étoiles et tout ce que nous voyons font des corps; comme on dit ausli, en parlant d'une maifon habitable, que c'est un corps de logis, en la comparant a d'autres batimens qui y appartiennent, et qui ne font pas pour être habités. Or notre terre exhale des vapeurs humides, qui remplisfent a une certaine diftance l'air tout & 1'entour; c'est ce qu'on nomme 1'Athmosphère, et ce font-U les eaux au desfus de 1'espace, et les eaux au desfous de 1'espace, cefont celles des ruisfeaux, des rivières, des mêrs et des lacs. Voila maintenapt de 1'eau de fontaine dans ce gobclet-la, et de 1'eau de rivière dans celui-la. Vous voyez bien, en regardant au travers du gobelet, que  < 37 > que 1'eau de fontaine est moins claire que l'air au desfus, et que 1'eau de rivière est moins claire que 1'eau de fontaine; et voila encore de 1'eau de 1'étang qui est une eau dormante. Voyez - vous bien qu'elle est verdatre, et celle de la rivière est jaunatre, et celle de fontaine bleuatre? D'ou cela vient- 4. Ecolier. C'est ce que je n'entens pas; mais je penfe, que'Tune est moins püre que 1'autre. Le Précepteur. C'est cela. L'eau de fontaine est la plus püre, par ce qu'elle ést prife plus prés de fa fource; elle n'est donc pas melangée: celle de rivière a fa couleur jaunatre, de la glaive dont le terroir de fon lit et de fes bords est en partie compofé, et dont elle entraine des particules qu'elle détrempe, et l'eau de 1'étang est verdatre a caufe B 7 qu'el-  -C 38 > qu'elle est marécageufe, pour nV voir point de mouvement. 5. Ecolier, Mais l'air, détrempe-t-il ausfi des particules de la terre, qu'il éléVe et dont il fe charge? " Le Précepteur, Je vous ai dit que c'est Ia re; re qui exhale des humidités; et ces exhalaifons font plus ou moins fortes, plus ou moins fa terre est échauffée par le foleil. Ce n'est donc pas l'air qui détrempe, mais c'est la terre qui exhale; L'air, proprement dit, est un corps invifible h 1'oeil de l'homme, penetrant, foutenant, et abforbant les autres corps, et quoiqu'il ne le fasfe pas toujours, il en a les facultés: c'est un corps élastiqae, qui fe foutient de foi même dans 1'elévation lans être dans la necesfité d'être porté par un autre corps plus folide. 6, Ecolier. Oh voila de 1'Arabe pour moi et je n'y entens goute. Le  -C 39 > Le Précepteur. Vous Fentendrez avec Ie tems, lorsque votre jugement fera plus mür et mieux exercé. Mais je m'en vat pourtant vous montrer que vous n'êtes pas fi ignorans que vous le penfez. Au fujet de 1'exhalaifon de la terre. Qui de vous a été, au printems au jardin ou k la campagne? 3. Ecolier. Moi, Monfieur! Le Précepteur. Mais vous aurez dorrm la grasfe matinée. 3. Ècolier. Je vous demande pardon Monfieur, j'ai été jusqu'au coueher du foleil, et au lever du foleil déja, le lendemain matin au jardin. Le Précepteur. Voila qui est s'exprimer comme quelqu'un qui ne fait pas encore bien aranger fes penfèes. Il faloit dire; nous avóns été mon père et moi, plufieurs fois, avant le lever du  < 40 > du foleil et jusqu'a fon coucher dans notre jardin. Mais dites moi un peu, qu'est ce que vous y avez obfervé? N'est-ee pas que le matin, quand le foleil fe trouvoit déja a une certaine hauteur, que les rayons en dardoient fur la terre, il montoit de la terre une espèce de fumée? 3. Ecolier. Oui Monfieur, et je me rappelle ausfi que mon père me fit obferver qu'i un eertain degré d'élévation au des us de la terre je ne pouvois plus voir ces vapeurs en l'air» Le Précepteur. C'est que l'air les abforboit, ou les avaloit, et que ces petites particules de vapeurs parvenues k un eertain dégré d'élévation dans l'air, fe féparoient les unes des autres, et que ne formant plus une masfe enfemble, eette vapeur disperfée, ou abforbée, dans l'étenduë immenfe de l'air, devenoit imperceptible ^ votre oeil. Voila comme  -C 41 > me l'air fe charge tous les jours de nouvelles vapeurs, pour avoir toujours en lui ce qu'il lui faut de cette eau au desfus de 1'étenduë pour que nous le puisfions fupporter. 4. Ecolier. Mais moi, v'ai eticore obfervé autre chofe. C'est que le foir il s'elévoit des brouillards, et que fouvent le matin ces brouillards retomboient fur la terre. Le Précepteur. Ces brouillards font des vapeurs ausfi, que le feu interne fait fortir en abondance de la terre et de l'eau, et qui montent et fe tiennent autour de la terre; Ces vapeurs la- qu'on nomme brouillards, parviennent el les a monter fi haut avant le lever du foleil, qu'eïles ne tiennent plus a la terre, et que l'air les porte par en bas, elles montent jusqu'au haut de 1'Athmosphère, et forment des nuées, qui retombent en pluye. Car pour ce qui est des eaux au desfus  < 42 > fus de l'éténdue, ou, cornrfie Je vous ai dit déja plusfieurs fois, des vapeurs dont l'air est toujours chargée a 1'entour de notre terre, l'air n'en retient qu'autant qu'il lui en faut, et il rejette le fupertlux fur la terre. Et c'est la fagesfe de Dieu qui a reglé et qui dirige^ toutes ces chofes, par une bonté infinie pour nous, fes créatures. i. Ecolier, Mais n'est - ce pas peut - être, paree que l'air n'en peut pas fupporté d'avantage que cela arrivé ainfi? Le Précepteur, Non mon enfant! ce n'est pas cela, et il faut comprendre que la fagesfè de Dieu, comme je viens de dire, regie et dirige toutes ces chofes a 1'avantage de 1'humanité. Si les vapeurs montoient toujours fans que le fuperfiux en retombat; l'air en feroit bien-tot fi chargée, que la lumière ne paraitroit plus* et nous ferions en peu de tems en-  -C" 43 > envélopés de tenèbres. Si les vapeurs ne montoient plus; l'air auroit bientot abforbé celles qu'il contient et nous deviendroit fi fubtil que nous n'en pourrions plus iupporter la refpiration, et nous mourrions: ear nos corps font de nature h ne pas pouvoir fubfifter dans l'air pur et fans mélange de vapeurs humides. L'air peut contenir tout ce qull pourroit y monter de vapeur»; mais la bonté infinie de Dieu, qui a foin de notre confervation, dirige ausfi la circulation de l'air, afin qu'elle ferve a fon but. Comprenez ' mes enfans que dans notre pays, il s'élève plus de vapeurs que dans les pays élevés et moins remplis d'eau et moins voifms de la mêr. Les vents foufflent plus forternent chez nous qu'ailleurs, afin de chasfer les nuées dans les pays de montagne, pour qu'il y pleuve, afin de nourir les fources d'eau qui découlent des montagnes, et pour fertililer la ter-  < 44 > terre par tout. Si les vents n'emportoient - pas nos nuages ailleurs, notre pays fe trouveroit trop humeélé et d'autres le feroient trop peu. Reconnaisfez donc encore, ia fagesfe benigne de Dieu, et reconnaisfez la en toutes chofes, afin d'aimer Dieu pour tout le bien qu'il nous fait, et craignons d'attirer ^ fa colère en contrevenant a fa fainte et bonne volonté, a cauqu'il peut, en dirigeant differemment \e cours de la nature, nous faire mourir et nous punir, et il nous peut perdre de Tarae et du corps. Vous comprenez bien a prefent, ce que vent dire; la féparation des eaux au desfus de fétenduë, des eaux au desfons de fétenduëV i. Ecolier. Oui Monfieur: mais je ne comprens pas encore certains termes dont vous vous êtes fervi. Permettez donc que je vous demande, ce que veut dire, élastique? Le  < 45 > Le Précepteur. Un corps élastique fe foutient dans 1'elë varion fans qu'il foit porté ni foutenü par un autre corps plus folide, et par conféquent, qui fe foutient de foi même, par fa propre nature. 2. Ecolier. Cela ne veut-il pas dire qu'il est leger. Le Précepteur. Ce n'est pas ceia, mon amij mais nous n'en fommes pas a cette matière, et vous n'y comprendriez rien encore, fi je vous allois expofer tout ce qui feroit a dire fur cette matière, et qui nous meneroit trop loin, paree que pour vous faire comprendre les chofes, il faut que je m'étende en des discours trés amples: nous traiterons de cela, lorsque je ferai a vous donner un jour quelques éclaircisfemens fur les elémens. 4. Ecolier. II y a une ■ chofe qui me tient k Pefprit  < 46 > Pefprit et vous me permettrez que je vous en demande Fexplication. C'est touchant eet efprit de vin, dont vous avez dit qu'il étoit presque tout feu, -et pourtant je n'en vois rien. Le Précepteur. Pour vous prouver que j'ai raifbn, je m'en vais mettre ie feu, que fa liquitidé tient opprimé, en mouvement, en Fembrafant. Je m'en vai verfer eet efprit de vin dans une tasfe, et vous, mon amil allez moi querir une bougie allumée. Bon; nous voila prets. — Voyez vous maintenant comme il brule? s'il n'y avoit pas du feu, il ne brulerolt pas. Allumez un peu de cette eau, pour voir fi elle prendra feu, pour jetter le fien. r Vous voyez bien que non. Malgré cela il y en a ausfi, mais il est en fi faible portion que 1'humide, ou l'eau, ou encore le flegme qui y est en trés grande quantité garde le desfus, et empèche qu'el-  < 47 > qu'elle ne s'embrafe : cependant vous voyez, que 1'efprit de vin s'é teint ausfi, et qu'il est presque tout confumé. Hé bien, c'est que 1'efprit qu'il renfernioit, et qui étoit tout feu, a trouvé moyen de s'échaper, par ce que je 1'avois embrafé, et qu'il n'y est plus. Pour une autre fois, mes amis! alors nous nous entretiendrons de quelque matière moins embarrasfante, et je me garderai de vous donner fujet de me faire des questions 11 curieufes, aux quelles j'ai peine de repondre. ENTRETIEN 4. Le Précepteur. un 7. Ecolier.) Vous voüa 'de retour de votre voyage. Vous êtes-vous toujours bien porté? 7. Eco-  < 48 > 7. Ecolier. Je me fuis, Dieu merci! trés bien porté, et je me fuis ausfi diverti fort agréablement. Le Précepteur. Nous conterez - vous quelques particularités remarquables de votre voyage? Sans doute que vous avez été voir la patrie des anciens bataves? 7. Ecolier. Je n'y ai pas feulement penfé, autrement je m'en ferois dumoins informé, pour favoir de quel coté eet endroit, trés < remarquable pour nous-au tres, étoit ütué. 2. Ecolier. C'est fans doute une belle et grande ville: un beau pays fer- tile — — ... Le Précepteur. (par ironie.) Et les habitans y doivent êcre des gens trés policés, fpirituels, affables, complaifans, riches: il y doit avoir de beaux jardins, de riantes campagnes: et pourquoi? — par  < 49 > par ce que, Monfieur que voüa en est peut-ëtre originaire. — Vous rougis'fez mon ami et vous fentez que votre amour propre vient de parler avant votre jugement. 2. Ecolier. Je vous demande pardon, Monfieur ! Le Précepteur. Trés pardoné mon ami ! c'étoic -une faute de précipitation que tous devez tacher d'éviter, et que vous •éviterez lorsque par la connaisfance des chofes, vous ferez capable •de juger avec plus de discernement des chofes que vous ne connaisfez pas encore, par celles que vous connaisfez. 3. Ecolier. Monfieur, vous connaisfez ce pays fans doute, car vous aves fait de. grands voyages. Le Précepteur. II ne faut pas un grand voyage t pour aler de de ma ville de naisfance a la patrie des bataves: il C n'y  < 5° > n'y a que quatre heures de chemin. i. Ecolier. Nous en raconterez - vous quelque chofe. Monfieur! — queique chqfe dlnterresfant. Le Précepteur, Vous voüa, tout comme fétois dans ma jeunesfe; curieux a fa voir les chofes qui font arrivé es plufieurs fiècles avant moi, et j'aimóis k me transmettre moi-meme dans ce fjécle, et alors il me venoit des idéés fingulières. Mais & 1'age que je fuis., mon imagination n'est plus fi échauffée et ma curiofité est moins forte. Cependant je vois aux mines que vous faites, Le Précepteur. Certain livre qui traite fort amplement et même chronoïogiquement de 1'hiftoire de Ia Hesfe! rapporte qu'il y eut autrefois ou pour mieux dire , anciènnement de la Hesfê étoient encore payens. et e pays ie nommoit la Cattie' et les habitans, les Cattes) trók frères, fis du feigneur, qui après a mort du père gartagèrent eScS eux le pays. Le cadet d'entre eux ft- nommoit Bato. C'écoit felon 1 niltoire un homme d'un caraftère tort accommodant, et qui fe pre, toit facilement I ce qu'en vouloient ia paix. Geux-ci lui avoient ce- nenv * JT ^ P^S f°rt m°ntagneux et fauvage et il y fit bat* une tour, pour lui fervir de retTa _ te en cas qu'il fut attaqué par queique ennemi. Cette tour fubfSe cell^-°Urdu m°ins °" que celle qui fe trouve proche d'un C 2 bourg  < 5* > bourg nommé Battenberg est la même. Bato -vequit pendant quelques années en paix, gouvernarit fon petit peuple, qui vivoit de la chasfe, de la -cutture du bétail et de queique peu de feigle: on dit niême que ces gens-tè mangeoient des glans. Enfin, les deux frères de Bato, s'avifèrent de lui chercher rogne, et le menacèrènt mêffle de lui faire la guerre. Celui ci, d'une humeur pacifique, fit convoouer 1'asfemblée des chefs de familie de fes Sujets, qu'il harangua en leur repréfentant, finjuftice de fes frères, et il leur dit -qu'il s'a tons d'ici, et emmenons nos femmes; nos• enfans- et notre betail, et abandonnons aux hommes infatiables de terrein, eelui que nous habitons. Ils fïrent ainfi, et Bato vint avec fon petit peuple, qu'on fait monter a environs fix cent families, s'établir entre ia Waal et la Meufe, dans cette contrée qui, de lui; doit avoir tiré le nom de Betouw, qu'on lui donne encore de nos jours. 5. Ecolier. Et nous ferions originaires de ces émigrans de la Hesfe? Le PrècepUur. Cette origine-la ne vous paroit pas aslez brillantc: n'est ce pas? Mais n'avez - vous pas lü, que Nimbrot le premier Roi des Asfiriens, et fans doute le premier qui fut au monde, n'étoit qu'un lameux chasfeur. Et Jacob le patriarche, qui étoit pourtant reputé Prince, n'étoit qu'un homme vivant de fes troupeaux. Mais enC 3 core?  < 54 > core, le fujet de rémigration des anciens Ba:aves, n'étoit-il pas des plus honètes, et fai ant honneur a leur cara&ère? c'étoient effectivement de fort henètes gens. 7. Ecolier. J'ai ouï dire a mon père qu'avant la découverte de 1'Amerique et duchemin, ou de la route aux Indes orientales autour du Cap de Bonne - Esperance; notre republique n'étoit pas grand chofe. Le Précepteur. N'allons pas fi vite, mon ami! il faut que nous nous arretions encore un peu, a ces tems, que nous olons nommer, les premiers tems de notre nation. Dans ce tems-la les hommes n'avoient pas beancoup de necesfités. Ils vivoient du produit du pays qu'ils habitoient, et fe couvroient de la laine de ieurs moutons. S'ils avoient queique chofe de fuperflux a leur befoin, ils le vendoient, ec n'ayant ni l'occafion ni 1'incli- nation  -C 55 > nation de la débauche, ils vivoient d'une grande frugalité, qui avec leur travail et leur industrie qui augmenta de plus en plus, les mit bientot dans une espèce d'état d'aifance, pour ce tems-la. 4. Ecolier. Qu'est-ce que cela veut dire; n'avoir pas beaucoup de nécesfités? Le Précepteur. Vous comprenez bien, mes amis! qu'on a necesfité d'avoir certaines chofes, dont on s'est accoutumé d'ufer, de forte qu'on ne peut plus s'en pasfer. Hé bien, obfervez maintenant, que le tabae est devenu necesfiré a une perfonne . qui a pris 1'habitude d'en fumer ou d'en prendre par le nez. Celui qui ne fume pas, ni ne prend du rabac cn poudre, a deux necesfités de moins, que celui qui ufe de 1'un et de 1'autre. Je nomme le tabac^ par ce que c'est une chofe . qui n'est pas neceslaire pour G4 la  -C 5« > la vie. II en est ainfi de plufieurs autres chofes, et pour ainfi dire de toutes les chofes dont nous ufons, excepté les chofes abföluïriënt necesfaires a la vie. Les anciens peuples, comme étoient ceux qui fe rangeoient fous Bato, ne vivoient abfolument que d'un- pain fort grosfier, fait de feigle pilé, de bied.-farazin, et de glands pilés; de la chair de leurs troupeaux, de venaifon et de gibier., et de poisfon. Ils cultivoient le lin et le chanvre; ce qui avec la laine de léurs montons, leur fournisfoit de quoi fe vettr. Leur boLfon étoit une espèce de bierre, que ehacun faifoit a\ fon gout, et de Peau de vie. II ne leur faloit point d'autre épice que le fel: voyez aprefent quelle épargne, et combien nous avons en cela de necesfités de plus qu'eux. Ils ne connaisfoient pas les citrons, les ©ranges, les fruits entés et écusfonés de nos jardins, et  -C 5? > et tcus les jardinages dont fès fèmences font venuës d'autres pays. 11 n'y avoit alors, ni étolfes de foie, ni velour, ni batiste, ni cambrai, ni mousfeline, ni dentelles. Mais enfin, je ne finirois pas a détailier toutes les chofes précieufes et de mode,, et les meubles precieux, les fomptueux équipages, que nous voyonsrne voila* t-il pas une infinité de nécesfités dont on fe pourroit pasier? 2. Ecolier. 11 est vrai: mais tout le monde n'a pas. toutes ces chofes, il n'y a que les perfönnes opulentes qui'en ont, et ceux-la font fans doute les plus heureux. Le Précepteur. - Celui-la feul est heureux, qui fe fait contenter de fon fort;. 7. Ecolièf. Mais je voudrois bien favoir; s'il feroit plus heureux pour nou$; que la vie fimple des anciens peu' pies nos ancêtres fut encore en C S. vt)gue?  < 5B > vogre, ou s'il vaut mieux qu'il foit commë c'est. Le Précepteur. II vaut mieux fans doute, qu'il foit comme c'est aprefent. II faut cemprendre, mes enfans! qu'anciennement ces pays-ci n'étoient guerres habités, et qu'alors chaque familie pouvoit fournir a fa propre fubfiftance. Mais fi de nos jours, chaque homme, ou chef de familie, devoit cultiver le bied qu'il faudroit pour fournir de pain fa maifon, et que chacun dut faire lui-même fa toile, fon drap; être fon propre boulanger, aler è. la pêche pour manger du poifon, et a la chasfe pour avoir du gibier; je penfe qu'il y en auroit beaucoup *qui feroient fort en peine, et que la plüpart feroient maigre chère. 3. Ecolier. Vous venez de dire, Monfieur! que le plus heureux est celui qui fe fait coutenter. Mais un homme pauvre et miferable, hors d'état de  < 59' >' de travaillèr; abandoné, meprifé et fouvent blamé a tort; cómment un tel homme pourroit-il être content de fon fort. Le PréCepteur Vous extravaguez , món ami'. nous n'en fommes pas a ce point la et il n'est aprefent question que de favoir; fi la frugalité des anciens conviendroit a notre fiècle, ou s'il vaut mieux que le luxe regne comme il fait. A une autre occafion je repondrai h-votre question, mais aprefent nous allons tacher de reg:er le point auquel nous vifons. a. Ecolier. C'est de quoi je vous eusre déja prié, fi mes condisciples ne m'avoient pas toujours prevenu par leurs questions. Lé Précepteur. La providence divine a fans doute permis, et voulü même, que les hommes prisfent du gout pour le luxe, afin de procnrer a-la multiC 6 tude  -C 60 > tüde accraisfame de perfonnes, des moycns de gagner leur fubfiftance. N'y a-t-il pas, dans cette ville - ci des milliers de perfonnes qut en vivent. Allez un peu voir toutes les boutiques de mode, ou de coëfTeufes qui travaillent pour les Dames; et comptez le nombre de perfonnes qui y travaillent. Mais cela n'est rien en comparaifon de ceux qui travaillent pour 1'emmeublement des maifons, et les vernisfeurs, les tapisfeurs, et les frotteurs: le charpentier, le masfon, le platreur,, le ferrurier er le tailleur de pierre, avec le couvreur; tous fubfiftent du luxe, puisque le luxe s'étend jusques aux batimens mêmes. Plufieurs jardiniers, charrons, felliers, fans compter les orfèvres et plufieurs autres metiers: tout cela ne s'enrichit-il pas, ou du moins ne fublifte -1 - il fas du luxe. Les perfonnes opulentes payent cherement toutes les chofes ?x les ouvrages modernes, et font reven-  -C tfï > revendre certains meubles hors de mode, que le bourgeois achète a un prix raifonable ,' et de rapport a fes moyens. C'est ainfi que Fargent circule; que Fun vit de Fautre, et que chacun peut avoir fa maifon, garnie de chofes belles. Le gout du beau fe perfectionne de jour en jour, et c'est ausfi en cela que Dieu notre eréateur est glorifié par les hommes. i. Ecolier. Mais Monfieur! j'ai fi fouvent ouï precher contre le luxe. Le Précepteur. Ce fera contre Fabus du luxe qu'on aura preché, et non contre le luxe même. Chacun, felon fon état et fes moyens, peut faire des dépenfes, a fe procurer de belles chofes, et & fournir fa table de mets délicieux et de bon vin, et dans la jouïsfance de ces dons du ciel, il doit réconnaitre la bonté de Dieu, et lui rendre graces des benédiclions qu'il lui plak de reC 7 pan-  < 62 > pandré fur fa perfonne et fur fes affaires % et dans ce fentiment-la faire ausfi du bien aux pauvres. Mais H faut que chacun pèfe fes facultés pour regler fa dépenfe en conféquence, de peur qu'en faifant des dépenfes démefurées a fon moyen et au gain qu'il peut faire, il ne fe ruine et n'en fasfe perdre d'autres. C'est un mal qui n'est que trop en vogue, et contre lequel nos Pasteurs, qui font les in* terprètes de la volonté de Dieu, prèchent fans cesfe. Si Tón ne regardoit aux grands et aux opulens que pour les imiter dans le bien qu'ils opèrent, et qu'on ne fut pas agité par le défir ambitieux d'égaler le train qu'ils font;, on feroit appliqué a fes. affaires, et 1'on trouveroit qu'ils ne font rien moins qu'excesfifs dans leurs dépenfes. Enfin chacun feroit fidéle dans 1'oeuvre de fa vocation; fidéle a Dieu et aux hommes. 7. Eco  -C 65 > 7. Ecolier. Je me rapelle d'avoir lu dans la bible, que chez les enfans d'Israel on connaisfoit 1'or, 1'argent et les pièrres precieufes: il y a bien long tems de cela. Le tems que Bato fe vint établir dans la Betuve estil encore plus reculé que celui des enfans d'Israel? Le Précepteur. L'hiftoire nous raporte que le luxe a, de tout tems été en vogue chez certaines nations, comme chez les Asfiriens, les Mèdes, les Egiptiens; chez les Athéniens les Romains et plufieurs autres peu~ pies, du tems déja que les Allemands, ou mieux dit les Germains, étoient un peuple fauvage, plongé dans la plus crasfe ignorance d'une idolatrie barbare, fans moeurs et fans le moindre gout. II faut d'abord des loix pour policer les moeurs, puis des fciences, enfuite vient la culture du gout. 4. Eco-  < e4 >- 4. Ecolier. Je voudrois bien fa voir; - d*biV ' vient que les Gerrnains et les ha* bitans de ce pays-ci fe font trouvés piongés dans une ü crasfe ignorance, pendant que plufieurs autres peuples, plütot policés qu'euxv jouïsfoient de plufieurs avantages* d'efprit fi longtems avant eux? Le Précepteur. Vous favez bien, mes enfans! que PAfie est la première partie du monde qui fut habitée. Hé bien ce fut lè ausfi que s'ëtablirent les premières focietés parmi les hommes. De 1'Afie, les hommee s'étendirent dans une partie de TAfrique; comme en Egipte, et encore en Europe, mais d'abord feulement en Grece , puis en Espag-ne, lltalie et la France. Ce net fut que des gens grosfiers et amateurs de la chasfe, qu'on distinguoit fous le nom de ScitHes, qui s'avancèrent par bande dans les I pays du Nord, c'est a dire dans , EAU'  -C 65 )- 1'Allemagne et jusques dans ta.Snéde , et ceux d'entre eux qui eu rent du gour poue fé ranger fous des loix, restèrent dans ces deux royaumes la, mais ceux qui s^établirent dans les forets de rAllemagne, restèrent fort longtems fans loix, vivant par bande, fimplement de la chasfe et de la pêche. Voile ce que je vous en puis dire aprefent pour ne pas entrer dans un plus long détail, qui ne feroit que m'écarter trop de mon but:: ce qui fera pourtant avec le tems. Du tems de Bato il y avoit en Allemagne des Seigneurs, et même des Rois. Mais leur autorité n'avoit pas 1'ombre de celle qu'ont les Rois de nos jours. Ce n'étoit que la fuperftition qui leur en procuroit, a mefure que les prètres trouvoient bon de leur en laisfer prendre. 3. Ecolier. Voila ce que je n'entens pas, et je ne fais ce que c'est que fuperftfuon. Le-  -C 66 > Le Précepteur, Notre entretien a déja bien duré, mes amis! et il est tems que nous y mettions fin pour le prefent. La curiofité, qui vous fait entasfér questions fur questions, me fait ex«travaguer avec vous. Nous nous efitretiendrons la première fois de Poeuvre de la troifième journée, puis une autre fois, nous verrons ïi je vous pourrai faire cómprendre ce que c'est que fuperfiition, afin de vous faire reconnaitre le grand avantage que nous avons de vivre dans la communion de la püre lumière, pour en être plus attachés au fervice de Dieu. EN T R E T I E N 5... Le f Précepteur. Allons, mon ami.' dites moi i'oeuvrc de la troifième journée? 1 Mce~  -C 67 > . i. Ecolier. C'est en queique facon une doublé oeuvre, Dieu fépara le fee de 1'humide, et puis il ordonna è la terre de produire des herbes et des arbres. Le Précepteur. Comment est-ce que vous entendez cette féparation du lèc de 1'humide? 2. Ecolier. Je penfe, Monfieur! que la terre étoit comme une bouë détrempée, et que Dieu, par fa volonté toute - puisfante, fit que l'eau s'écoula dans des lieux bas, et laisfa la terre feche. Le Précepteur. Er vous; que diies vous, de ce que Dieu commanda a la terre de produire des arbies et des herbes? 3. Ecolier. Certes c'est une chofe que je ne faurois expliquer autrement, fi non que Dieu le voulut ainfi, et la chofe fut ausfitot. Le  -C <5S > Le Précepteur. Cèst bien, mon enfant! Dieit lè voulut: et tout ce que Dieu veut, doit être; rien ne peut refifter k fa voïonté. Dieu mit les elémens en mouvement r. et ils produisïrent tout ce qu'il voulut. ^ 4. Ecolier. Mais Monfieur; est-ce que la terre nauroit pas contenü la femence des arbres et des herbes pour les produire? Le Précepteur. Si cela avoir èté, ce n'eut pas été créer. Le jardinier qui fème ër qui plante n'est pas un créateur, et fi la terre eut contenu ces femences, Dieu n'eut pas créé; puisque créer veut dire, prodmre ce qui n'est pas-,, et- dont les moyens ne fubfiftent pas. Dieu fépara les elémens, et les mit en état d'operer. 1 les fépara, fans les féparer entièrement; il les- laisfa Hés enfemble,.ct marqua la juste proportion de leur mélange, a-- fin  -C <59 > én que Pun n'empechat plus Pautrö d'operer felon la volonté de Dieu., leur fouverain maitre. 5. Ecolier. Vous vous expliquez asfez claire* ment, Monfieur! cependant il y a dans ce .que vous venez de dire bien des chofes que je n'entens pas. Le Précepteur. Et .que je n'entens pas moi-même. Gar comment il arive, que les elémens opèrent: qui le peut dire! Nos philofophes en raifonnent, et je pourrois bien un peu r-aifoner avec eux; mais ce n'est que juger des caufes par les effets, et la première caufe de toutes chofes, c'est Dieu. Lifez le Pfeaume 104, et oomprenez que David -y exalte et adore la grandeur de Dieu, mais il fe garde bien de rien voulqir expliquer. C'est ausfi de la création qu'il y parle; et au v. 24 il s'exprime ainfi „ O „ Eternel que tes oeuvres font en „ grand  < 7° > „ grand nombre 1. Tu les a toutes „ fait avec fagesfë; la terre est „ pleine de tes richesfes." — Faifons comme David, et adorons avec humilité la grandeur de Dieu, fans y prétendre approfondir, et découvrir les resforts fecrets de la toute - puisfance divine. 6. Ecolier. Je fuis d'accord avec vous Monfieur! qu'il faut adorer Dieu avec humilité, fans prétendre approfondir fes oeuvres. Mais y auroit-il du mal d'en raifoner? Le Précepteur. Quand c'est dans 1'intention de reconnaitre la grandeur de Dieu^ afin de la celebrer avec humilité; il n'y a point de mal: au contraire, c'est trés bien fait de s'en entretenir avec des perfonnes pieufes; mais il y a du mal, k raifoner des oeuvres de Diiu, avec cette préfomtion qui porte plufieurs philofophes k croire, pouvoir juger des resforts fecrets de la tou* te-  < 7i > Cè-póisfance ec de la rfagesfe de Dieu, avec certitude en évidence. 7. Eco Zier. Ces fortes de philofophes, ne font-ils pas des impies? Le Précepteur. On les nomme naturalist es, i caufe qu'ils prennent la nature pour la première caufe de toutes les chofes vifibles et fenfibles, fcavoir de toutes les créatures. Ils prétendent que Dieu, en créant ce monde, a formé un plan general, fuivant lequel le fiftème entier du monde doit parvenir 4 une certaine fin generale; mais que Dieu në fe met point en peine de chaque créature en particulier. 3. Ecolier. Quoi? felon ces Mesfiears-tè, lc bon Dieu m'auroit abandonné a mon fort, et mes prières ne ferviroient abfolument de rien? Le Précepteur. Comme vous faiiïsfèz les chofes! Que je me plais k vous entendre rai-  -c ** y jwaifoner juste, •toueharït 1a rcligio». 'S'il étoit vrai que Dieu ne fe mit pas en peine d'une crëature, et d'une perfonne en particulier tout culte de religion, tout ce que nous pourrious faire pour plaire è. Dieu; toute notre foi, notre foumisfion, nos prières; rien ne ferviroit et il 'feroit inutile de prier Dieu. .Nous ferions abandonnés au hazard des événemens, et Dieu ne dirigeroit plus rien. Que feroitce de la providence. — — 2. 'Ecolier. Mais mon Dieu! que feroit-ce de la religion chretienne, fi ce4a ^teit ?— Ces philofophes-la fom> ils payens? Le Précepteur. Ces demandes que vous faitesla font justes. II faut effectivemeöt ne pas connaitre Dieu; renier le christianisme: fouler au pied la revélation, pour fe croire abandonné au hazard des événemens. Non, mes amis, Dieu est plös grand  < 73 > grand que ne s'imaginent ces foidifant philofophes-, II est infiniment grand, et il n'y a aucune borne a fa toute puisfance, a fa fagesfe et a fa bonté, I. Ecofier. Mais il me femble, que ces philofophes ne font pas grand honneur è Dieu, de mettre der bornes a fa toute-puisfance. Le Précepteur* Ils font impies, ces gens - la, et ignorans avec tout Pefprit qu'ils croyent faire paraitre. Croyons toujours que la toute ^puisfance et la fagesfe infinie de Dieu s*étend fur le détail des créatures, et fut la moindre comme fur la plus gran** de. Le Dieu que nous croyons est le plus grand; 1'infini-; 1'immenfe; 1'incomprèhenfible un Dieu tout-puisfant, infiniment fage> et tout bon» 4'. Ècolier» Mais, je voudrois bien favoir Ia raifon fur laquelle ces philofophes D fon-  •C 74 )- fondent cette fuppofition; que Dieu ne fe foucie pas de ce qui arrivé a chaque créature en particulier. Le Précepteur. Ils jugent pat les rois de la terre, du fouverain Seigneur de Funivcrs. Un roi qui n'est qu'homme; qui est venü au monde de la même manière que le moindre de fes fujets, qui n'a que des facultés humaines, bornées; qui est fujet a Fempire de fes pasfions, et a des maladies, et dont les jours finisfent a leur terme, un tel roi homme ne fauroit fe meier du détail, & caufe qu'un ouvrage de cette nature 1'accableroit; vbila pourquoi il Pabandonne a des ministres , et ceux - ci ont encore des officiers fubalternes, qui officient fous eux. Mais de comparer PEternel, a. l'homme qui n'est que vanité, et de van ter pour grandeur ce qui n'est que faiblesfe; c'est une impieté extravagante. Un; röi qai pourroit regner lui-même, et en- trer  < 75 > trer dans le détail de tous fes fujets, feroit un roi admirable, par ce qu'il feroit in concévable, comment il le pourroit, et 1'on diroit de lui; non cela n'est pas posfible; il est imposfible qu'il connaisfe par lui-même tous fes fujets jusqu'au dernier du peuple, et tous leurs differens befoins, et le merite de chacun én particulier, pour rendre la juftice a chacun: il në fe peut qu'il n'ait des ferviteurs fidèles autour de lui, qui en cachette l'inftruifent des chofes, et qui l'asfiftent dans les pènibles fonclions de la royauté. Si donc, 1'on porteroit d'un roi homme, un jugement fi admirable, s'il étoit posfible qu'il y en eut un fur la terre qui en agit ainfi: pourquoi l'homme voudroit-il juger fi foliement de Dieu et dire; non, Dieu est trop grand pour fe meier du foin de chaque créature en particulier. Difons plütot, mes amis; — FEternel a pleine connaisfance D i de  -C 76 > de toutes fes créatures, et il a foin de toutes, même de celles qui nous paraisfent les moindres. Et nous autres, créatures hu- maines; reconnaisfons notre excellence, pour exalter la bonté de Dieu! Quelles oeuvres ne fit-il pas pour nous; quels préparatifs: avant qu'il fit lui-même le premier homme, Adam, le père des hommes! D'abord il lui prépare la lumière, fans laquelle cette terre lui eut été nn féjour d'horreur. Non, Thomme doit vivre dans la lumière, et y chéminer avec Dieu! Puis, il lui prépare un air pür et ferein, mais moderé par les exhalaifons de la terre melées des vapeurs des eaux. Enfuite, il lui fait fecher !a terre, afin qu'il y puisfe marcher & pied ferme, et que cette terre lui puisfe fournir a lui et k la race des fruïts et des herbes, ct aux animaux que Dieu alloit créer, pour fon fervice, la pature necesfaire. 5. Eco*  < 77 > 5. Ecolier. Que mon coeur est touché de ce que vous venez de dire, et je me fans 11 fatisfait d'apprendre, que Dieu connait tous les hommes, et qu'il prend foin de chacun de nous. Je le veux ausfi prier tous les jours, et lui demander tout ce que j*aurai befoin. C'est de Dieu que j'attendrai tout ee qui peut rendre ma vie heureufe, et me procurer la relicité éternellee. Le Précepteur. Mais il faudra ausfi que vous appreniez & bien prier le bon Dieu; et c'est ce que vous apprendrez de ceux qui vous expliqueront le cathéchisme. D'abord il faut apprendre a connaitre Dieu, et a favoir tout le bien que Dieu nous a fait, bien longtems même avant que nous fusfions, et c'est-la pour quoi je m'entretiens avec vous, des oeuvres de la création: car c'estla que nous trouvons, que Dieu est lui-même la première caufe de £> 3 no-  -C 78 > notre exiftence. A la première occafion nous nous entretiendrons, fur la fuperftition, ainfi que nous fommes convenus, et enfuite nous viendrons a 1'oeuvre du quatrième jour, er nous pasferon.s ainfi dans nos entreriens, en alternant, jusqu'au bout des oeuvres que Dieu fit, lors de la création de ce monde et de notre premier père. Jusqu'a" une autre fois, mes enfans! Cependant que chacun reflechisfe a ce que nous venons de dire. ENTRE TIEN 6. Le Précepteur. Dans notre entretien précédent, nous avons parlé de 1'incredulité de certaines perfonnes qui prétendent être des philofophes, et qui d'enient, que la providence divine s'étende fur les individus, et main-  -C 79 > maintenant il est question de nous êntretenir de la fhperflition. i. Ecolier. J'oferois vous demander d'abord, Monfieur I ce que c'est qu'un individu ? Le Précepteur. Chaque homme feul fait un individu, de même que chaque autre créature animée prife feule en fait un. Comprenez-vous cela? <2. Ecolier. Je le comprens, moi, et je penfe que mes condisciples le comprennent ausfi. Veuillez maintenant nous dire; ce que c'est que fuperft-ition. Le Précepteur. Comprenez, mes enfans! que depuis le commeiicement du monde jusqu'a un eertain tems la lumière celèste dé la communication de Dieu aux hommes, n'a pasfé que dans une familie, de la quelle le Christ de Dien devoit naitre felon la chair. Cette communication de D 4 Ia  < 8o > Ia verité, fe fit anciennement par le moyen de la parole qui, par-. tant de Dieu lui-même, s'adresfa a de certaines perfonnes pieufes, choifies exprès pour recevoir ce rayon de la lumière celeste de la verité. En lifant la fainte Ecriture, nous trouverons que Dieu fe manifesta ainfi, a plufieurs faints perfonages, avant le déluge du tems de Noé; puis a Abraham es aux autres patriarches. Nous ne lifons pas que Dieu fe communiqua de cette fac.on particulière a aucun des fils de Jacob, qu'a Jofeph, a caufe que Jofeph étoit 'fage et les autres étoient me°* chans. Mais il faut obferver que depuis Jacob, ce ne fut pas a une familie particulière mais a tout >un peuple, favoir aux enfans d'Is» raël que Dieu fe communiqua, d'abord par le moyen de Moïfe le premier legislateur du peuple juif, qui obtint de Dieu même les ordonnaaces qu'il devoit pres=t c.rjre  < 8! O- erire a ce peuple, et puis par plufieurs interprètes de fa volonté, hommes infpiré par Pefprit de Dieu. Cela fut ainfi, par ce que le tems êtoit venü, que la lumière de la verité fe devoit repandre plus amplement fur la terre , et qu'une nation entière dut entrer dans une alïiance avec.Dieu, par le moyen de la loi politique et morale, de même que par les cérémonies du culte de la religion que Dieu leur prescrivit par le ministère de Moïfe. Mais pour venir au point de vous expliquer ce que c'est que fuperflition, remontons du moins jus* qu'a, Noé. Celui-ci connaisfoit le vrai Dieu, et fes fijs en furent inftruits pa», lui. II eut trois fiis, Sera , Cam, et Japhet , et il n'y eut que la familie de Sem, et une feule lignée de cette familie qui conferva la connaisfance du vrai Dieu, At praham, neuvième après Neé, forD 5 tit  < 82 > tit avec Taré, fon père, et Lot fon nevéu, d'Ur des Caldéens, pour demeurer comme ètranger dans le pays de Canaan. Une tradition, que les juifs confervent, dit, que la profesllon de Taré avoit été de faire de petites idoles, qu'on nommoit Dieux penates, ét chacun en avoit dans fa maifon, ou fa terte, et que c'étoit la raifon pourquoi Dieu avoit commandé a Abraham, de s'abfenter de fa familie et de fa parenté, pour vivre feparément dans un pays ètranger, oh il n'eut aucun commerce avec d'autres hommes, pour marcher devant la face de TEternel en integrité felon qu'il en avoit été averti par Dieu lui-même. II Üemeura £dèle a Dieu, et la verité pasfa de lui a Ifaac fon fils qu'il eut de Sara fa femme, et de celui-ci a Jacob fils dTaac. Abraham eut encore d'autres filsT mais quoiqu'il foit trés probable que eet homme, fi fidéle a Dieu, eut in- ftruit  < §3 > flruit tous fes enfans des merveüles de Dieu, il n'y eut pourtant que le feul Ifaac qui en conferva la connaisfance, et qui fervit le vrai Dieu, les autres fe forgeant des faux Dieux qu'ils fervirent, les hommes qui n'étoient pas fans cesfe tournés vers Dieu pour le fervir, n'en recevoient pas non plus cetre communication de lamière qui les mène dans la verité, et peu a peu le menfonge vint repandre fur eux des tenèbres d'ignorance, par quoi la vraye croyance venant a leur manquer, ils fe forgerent a eux-mêmes de faus= fes croyances et des fuperflitions. 3. Ecolier. C'est a dire que les fuperflitions font de fausfes croyances, écartées de la verité. Le Précepteur. C'est cela. La fuperftition peut avoir des verités pour principe'; mais comme ces verités ne font point entretenuës dans leur pureté, D 6 par  < u > par la comunica.tion continuelle du Saint-Efprit, le mauvais efprit, autrement nommé Pefprit du monde, vient déguifer ces memes verités par toute forte de fables, de fa propre invention, qu'a. peine on y appercoit queique lüeur de verité, 4. Ecolier. Mais Monfieur! qu'est - ce que c'est que eet efprit du monde? Le Précepteur. Nous devons toujours avoir un grand défir pour la" verité , en recbercher la connaisfance, et prier Dieu; qu'il veuille, par la vertu eflkaee du Saint-Efprit, nous éclairer fans-cesfe et nous conduire dans la verité: alors> PEfprit de Dieu, opère dans notre efprit, et il ie purme', le fanclifie et Péclaia. re. Tant que nos défirs font tournés vers Dieu, il nous éclaire par fon Efprit, mais fitot que nous nous détournous de JDieu, le SaintËfprit cesfe d'operer dans notre efprit?  -C $5 > efprit: car Dieu ne fait violence a perfonne, et le Saint-Efprit ne fe communiqué qu'a ceux. qui en ont un défi'r fincère : et \& oü 1'Efprit de Dieu n'opère pas, le malin efprit opère. Mais comme fon entend toujours par le malin efprir, le démon,, il e?t a favoir; que l'efprit du monde fe peut ausfi prendre dans. un fens moins mauvais, et il est k comprendre, que le démon infpire toute forte d'iniquités et de méGhancetés, pendant que 1'efprit du monde ne fait qu'infpirer des illufions et entrainer 1'efprit de l'homme a\ toute forte d'erreurs. 5. Ecolier. C'est a dire, qu'un homme qui auroit Pefprit du monde, pourroit encore être un bon iujet et un homme utile & la focieté, Le Précepteur. Sans, doute, et il y a eu anciennement des. perfonnes qui, quoi qu'elles ne connusfent pas la veD 7 xité  < 86 > rité revelée de Dieu, exercoient la vertu avec une grande exactitude. Ils avoient 1'efprit du monde, et non celui de Dieu, a caufe tm'étant idolatres, ils n'avoient pas la connaisfance de Dieu, et qu'ainfi ils ne 1'invoquoient pas. 6. Ecolier. Je crois au Saint-Efprit, et je fa'is par la Sainte Ecriture qu'il y a un efprit ^ malin, qui est le démon, mais je n'ai jamais ouï parler, de Peslprit du monde; je ne fais donc pas, ce que c'est que eet elprit-la. Le Précepteur. C'est une question qui m'a déla été faite, et je crois m'être expliqué asfez clairement fur ce fujet, et d'avoir foutenü, qu'il n'y avoit que deux principes; Dieu, qui est le premier principe de tout bien, et le diable qui est le premier principe de tout mal. Ce qui n'est pas de Dieu, est du malin, ét il n'y a point de milieu en cela.  -C 87 > cela. Ou bien nous fervons Dieu, ou le malin: ou bien nous fommes infpirés par Fe prit de Dieu ou par 1'efprit. du diable. Mais 1'efprit malin ne pousfe pas toujours l'homme, a commettre des crimes, et il lui permet des vertus, fe contentant de le tenir fous Pempire des tenèbres et de 1'ignorance. Car vous devez eomprendre mes enfans! que fans la religion, il n'y a point de merite a la meilleure même de toutes les aclions. C'est la connaisfance de Dien et la fidelité a Dieu, qui rendent les vertus meritoires devant Dieu, Satan , pour detourner les hommes du fervice de Dieu, tache de les amufer des chofes du monde. II fait enforte que les hommes tournent toute leur attention vers la nature, pour y chercher la connaisfance de Dieu, au lieu qu'ils devroient s'adresfer a Dieu par la prière, pour le prier qu'il leur veuille communiquer les influences du  < 8S > du Saints-Efprit, qui les conduif& dans. la verité. C'est ce que Satan a fait "de touctems, mais particulièrement avant la. venuë de Jefus-Christ au monde. Eour vous mettre cela en plus grande évidence, je vous vai citer plufieurs traits du paganisme des an-» ciens peuples. Ii est trés naturel que les defcendans, de Noé eusfent tous. queique idéé du déluge.' Hé bien les Grecs parloient da déluge arivé du tems de Deucalion. Celui-ci fe voyant; après Ce déluge, feul au monde aveoPyrrha fa femme, ils prièrent les Pieux (comprenez; mes enfans! que c'étoit un grande fuperftition de& payens de croire qu'il y eut plufieurs Dieux) ou de leur oter la vie, ou de faire naitre d'autres. hommes, pour, leur tenir compagnie. Sur quoi Themis, Déesfe de la juftice, leur fit entendre, qu'ils n'avoient qu'a jetter derrière eux les o§ de. de leur grand-mère,^ er  < 8a > et qu'il en viendroit des hommes. Deucalion dit; oü trouverai - .je le fepulere de, ma grand-mère puisque le monde est tout bouleverfé par le déluge? Mais Pyrrha fa femme lui dit: la terre n'est-elle pas notre grand-mère , et les pierres ne font- ils. pas les os de la terre? Alors Deuoalion, penfant que fa femme pouvoit avoir raifon , dit;; faifons donc ainfi. Ils fe nu> rent donc a queique diftance 1'un de 1'autre k lever des piertes, et a les jetter par desfus les épaules ar' rière d'eux, et celles que Deucar lion avoit jetté fe changérent en hommes, et celles que Pyrrha a» voit jetté fe changèrant en femmes» I£ntendez-vous bien qu'au lieu de Noé, ils nommënt Deucalion, et qu'au lieu de fe fouyenir des trois fils de Noé, ils inventent une fable abfurde. — De l'hiftoire de la tour de Babel, ils ont inventé la fable des géans, qui dans le desfejns 4'escalader le ciel, afin de fai*  < 90 > faire la guerre aux Dieux, entas^rent montagnes fur montagnes, mais que Jupiter le premier des Uieux les foudroya. ■— Nimbrot étoit un grand chasfeur; il tuoit les bètes feroces afin que le la^oureur et le vigneron pusfent fans danger cultiver les champs et les vignes, a caufe de quoi on lui fit des prefens, des fruits des champs et de la vigne. Après fa mort on celèbra en fa mémoire tous les ans une fète, oü des hommes courroient comme des fous, tuer des animaux fauvages, et faute de celles -ci, ils tuoient fouvent des bètes privées: 1'on faifoit alors ausfi de grandes débauches, en fe faoulant a force de manger et dc boire. Dans la fuhe du tems, les grecs en ont fait un Bacchus, Dieu du vin et de Hvresfe. Vous connaisfez l'hiftoire de famfon: hé bien de celle-ci ils forsèreut celle d'Hercule, et ainfi d'autres. Vous voyez donc, comme les hommes fe  -C 9i > fe font donné la peine de tordre des verités, et d'en faire des contes abfurdes. S'ils eusfent été fages, et qu'ils fe fusfent tournés fans cesfe vers Dieu, pour lui demander la connaisfance de la verité , Dieu n'eut pas manqué de la leur comrauniquer par fon Efprit: mais comme ils ne recherchoient pas fidèlement la verité, elle ne fe fit pas connaitre a eux, et le Démon, qui est le prince des tenèbres profita de cette circonftance pour établir fon règne dans le coeur et 1'efprit des hommes qui s'étoient détournés de Dieu. Leurs régards étoient fans cesfe tournés vers le monde, et le monde les amufoit, et eet amufement occupoit leur efprit: voila i'esfprjt du monde qui les occupoit et qui tenoit fans cesfe leur efprit dans 1'illufion des fausfes croyances et de la fuperftition. ' 7. Ecolier. Mais qui est ce qui inventa toutes  < 9* > tes ces fables.V Ou, est-ce que c'étoit le diable qui les leur infpira inmédiatement ? Le Précepteur.. Non mon ami, ce n'est pas ainfi que le diable infpire, et il fe. fert de moyens. L'efprit de l'homme est. promt: cela veut dire, qu'il est aifement touché des impresfions que font. fur lui les chofes qu'il voit et qu'il entend. L'homme pieux fe tient fur fes gardes, de peur que fon efprit ne fe prète avec trop de violence aux impreslions que peuvent. faire fur lui les cjiofes., et il' retoume toujours k -Dieu avec la même promtitude^ qu il, avoit cedé aux impresfions. quil venoit de resfentir. Mais. 1 homme mondain, au contraire fe plait aux chofes du. monde, et permet que fon coeur et fon ame s'en occupent entièrement. £t c'est ain-. fi que du tems jadis, certaines perionnes, entièrement éprifes du beau ipwcle d,e la nature, fe mïrent k  < 93 > £ en chanter les nierveilles, et po*i£ embellir leurs chants de belles fi•gures allégoriques, ils inventèrent autant de divinités, qu'ils trouvoient de chofes admirables dans la nature. Par exemple, ce petit vent qui, dans les grandes chaleurs de f'eté, vient fouvent fouffler avec une agréable douceur, qui ne fait que mouvoir les feuilles des arbres; c'étoit dans leur imagination, un nombre de petites divinités foufflantes, qu'ils nommoient Zéphirs: —le printems avoit fa divinité qu'ils nommoient Flore, et Pommone é* toit la déesfe des arbres fruitiers, ou -des vergers. L'Océan étoit chez •les payens une divinité, reprefentée fous la figure d'un homme. Chaque fleuve avoit "fa divinité > et ils inventèrent plufieurs fortes de Nymphes, dont les unes ëtoient commifes pour la garde des forets, d'autres pour les prairies, d'autres pour les fleurs et d'autres pour les fontaines. Toutes ces inventions n'é«  < 94 > n'étoient que des jeux d'efprit, k la verité, mais ils en firent d'autres, et qui concernoient le culte de la divinité, que Ton ne peut que traiter d'impieté et de fupperftition condamnable: comme cette déesfe nommée Fortune. Elle étoit reprefentée, fous la .figure d'une femme aveugle et d'un caractère fort inconftant, qui regloit aveuglément le fort des hommes. Quel contraste de cette repréfentationla, a la fagesfe éternelle de Dieu, qui dispenfe les biens et les maux aux hommes dans des desfeins de bonté, a la meilleure fin posfible! Quel outrage frappant a la Divinité : quelle fupperftition abominable ! s—- Mais encore quelle invention | diabolique, de ces genies, que les payens fuppofoient être propres a chaque homme, et qu'ils devoient i apporter au monde en naisfant, L dont 1'un bon qui les portoit au |. bien, et 1'autre mauvais qui les Dortoit % mal faire. Cette fausfe cro- 1 Mm  < 95 > croyance - la étoit non feulement une fuperftition des plus tenébrcufe, mais même un pêché contre le Saint - Efprit. i. Ecolier. Mais Monfieur! nos accèrres croyoient-ils tous cela? Le Précepteur. Oh que non. Ils étoient trop bêtes pour favoir toutes ces fables. Ils avoient tout au plus trois divinités, dont la principale étoit nommée Teuth, et qui repréfentoit a peu prés le Jupiter des grecs, et c'est de ce faux dieu qu'ils ont été nommés, de Deutfchen; comme qui diroit, les adorateurs de Teuth. Puis ils avoient Irrmenn, qui étoit chez eux le dieu des guerriers, et Wodes, qui étoit le même que le Mercure des grecs. Ils immoloient leurs enfans a Teuth, et des prifoniers de guerre a Irrmen. 3. Ecolier. Vous faites fort peu d'honneur \ nos ancètres allemands. Mais dites moi,  < TXS > ■moi, s*il vous plait pourquoi ils étoient plus bètes que d'autres pa* yens. Le Précepteur. Les- grecs font les defcendans de Japhet, et nous autres nous Tommes defcendans des grecs. Les grecs avoient des loix, et les arts étoient chez euX en honneur, lorsque quelques bandes d'hommes fauvages, amateurs de la chasfe, penétrèrent dans les pays feptentrionaux, fimplement pour le profit et le plaifir de la chasfe. C*étoient des hommes pour ainfi dire, fans foi ni loi, et qui dans leur fuperftition idolatre ne connaisfoient pas feulement les fables du culte des idoles qu'exercoient les perfonnes policées de ces nations. Et coiïtme ils n'emmenèrent point avec eux de prètres philorophes, vous penfez bien, qu'avec la profesfion de chasfeur, et la vie vagabonde qu'ils menèrent, ils fe foucièrent fort peu d'être mieux inftruits. 5, £co-  < 97 > 5» Ecolier. Mais que veut dire ce mot de philofophe? II y a ce me femble ericore de nos .jours des philofophes, et ils font chretiens, et chez les payens, a ce que-j'entens, il y en avoit ausfi. . Le Précepteur-. Ce mot de philofophe vient du grec, et fignifie; un amateur de la fagesfe. Ecoutez comment: Sophiae, veut dire, fagesfe, et philos, un amateur, du verbe, philo j'aime. Ainfi, philofophie veut dire, amour de la fage.fe. Et Ia difference qu'il y a d'un philofophe chretien a un philofophe payen est, que le philofophe chretien est amateur de la {kgQsfe felon Dieu, et le philofophe payer* est amateur de la fagesfe felon le monde, a caufe qu'il manque de la lumière divine de la revélation, dont nous autres chretiens jouïsfons. E 7. Ec$~  < 9* > 7» Ecolier. De cette facon-la, les philofophes payens étoient toujours des fages. Le Précepteur. Sans doute qu'ils étoient des fages, & caufe du principe qu'ils avoient d'adorer la divinité, et de lui devenir feinblables en exercant toute forte de vertus. Ils avoient ausfi le défir d'ètre heureux en ce monde, et ils en cherchoient les moyens, mais comme il n'y a point de bonheur fans la connaisfance de Dieu, et la conformation de notre volonté & la fienne; ils fe donnèrent bien de la peine fans réusfir. i. Ecolier. Te voudrois bien être un philofophe chretien: il me femble que ce doit être bien beau de joindre la fagesfe a la religion chretienne. Le Précepteur. Tachez de devenir chretien, mon amii N'est-ce pas que vous cro- yez  < 99 ft # wri'6tre' Parce Sue *m êtw batifé au nora de Dieu le Père n esc pas fuffifant, et il faut ausfl «we; et pour croire il faut capnver fon efp it> Lq P festé ,enCArand; Christ est nï^*este en chair: — c'est ce qu'iï 1 homme n y comprend rien. Lorsque vous ferez parvenu, par la grace de Dieu et l'asfitt'ance du baint-Efprit, d'en être pleinement convamcu, et que votre foi foit amfi bien affennie; alors vous pourrez peu a peu joindre la X fe °ph!f.,a ^n fonde™ent fi folide Mais d'étudier la nature, avant que vous ayez bien apPris tout neerqi'ê^eU l ^' P°™s' ner 1 etre et pour vous procurer ce fêrn>éten,el Par Jefus Christ; ce leroit vous mettre dans le cai de devenir impie par 1'incréduLe? La philofophie est donc la conE 2 nais-  -([ 100 > -naisfance dc ia nature: ï ce que •ie comprens. 2> Précepteur. Oui; c'est la connaisfance des oeuvres de Dieu dans la nature, et c'est ce qu'on nomme la pntlofophie fpeculative, ou la, théorie de la philofophie; et c'est de cette théorie qu'on a tiré des; preceptes pour la conduite de 1 hommei et c'est ce qu'on nomme la philofophie pratique ou la morale. Mais enfin mes enfans, il me lemble que nous avons asfez longtems ra foné fur cette matière. Notre int-ntion ne fut que de nous -entreténir de la fuperfiition, et par •vos questions vous me menez a tant de dieresfions, WS peme je puis queique chofe d'approchant de ce que j'ëtbis mtentioné de vous dire. - "_■. 6. Ecoher. ■ Te me fais pourtant une idéé de ce que c'est que fuperfiition, et je ^ous ii écouté avec plalfir. Mais  je. voudrois bien favoir, Monfieur?' Si vous trouveriez bon de nous raconter de ces fables des payens, afin clè nous inftruire en nous amufant ; ou fi vous croiriez que cela: nous pourroit nuire. Le Précepteur. II y en a de celles que je vous; puis raconter fans risque, pourvü furtout que vous foyez plusavide d'en retenir la morale que j'en tirerai, que la' fable même,. qui fans la morale ne feroit qu'une fornette, Finisfons pour cette fois-ci, la première fois nous nous entretiendrons de la création des luminaires. Je fouhaite que le bon Dieu vous préferve de ia fuperftition des idiots- et de 1'incredulité de plufieurs philofophes de nos jours, et qu'il vous conduife, par le Saint-Efprit, dans la verité: c'est la parole de Dieu qui est la. verité. E.a. EN-  -( 102 )• ENTRETIEN 7. Le Précepteur. Nous voici a Foeuvre du quatrïème jour de la création et vous fevez bien, tant que vous êtesr que ce jour-la, le bon Dieu fit encore, avant que de mettre une. créature animée fur cette terre , des luminaires au firmament, qui modifient la clarté de la lumière, en la rendant plus ou moins refplendisfante. Quelles font les obfervations que Fun ou i'autre de vous fera: voyons vousl 1. Ecolier. Pour moi, c'est ce brillant appareil d'un ciel parfemé d'étoiles, et oü la lune fe promène lentement faifant fon chemin. Le Précepteur. Comprenez ceci mes enfans, que lorsque vous obfervez queique, cho-  -C 103 > chofe, il faut plütot penfer a I'utilité qu'a la beauté d'une chofe. l\ falloit donc avant que de vous amufer du pompeux appareil d'un ciel parfemé d'un nombre infini d'étoiles, et de plufieurs planètes, porter votre attention fur 1'utilité que nous en tirons, Voyons ce que vous m'en direz; vous? 1. Ecolier. Je ne crois pouvoir mieux dire, qu'en citant le texte de Moïfe: Rr Dieu dit; qu'il y aft des luminaires dans 1'étenduë des cieux, pour féparer la nuit d'avec le jour; et qui férvent de fignes, et pour les faifons et pour les jours, et pour les armées: et qui foyent pöur luminaires dans 1'étenduë des cieux f/fut^ 1Uhe ^ tene; Ct ain" Le Précepteur. Cela fufflt, mon ami! Parions d^abord de ce que nous venons oouir, et raifonnons un peu fur cette matière, avant que de pasfer E 4 ou-  -C I04 > ©«tre. Voyons un peu, combien vous trouverez qu'il y a d'utilités è remarquer dans cette oeuvre-lai 3. Ecolier. T'y en dècouvre trois: la première; pour féparèr le jour d avec ja nuit, c'est a dire, pour marquer les jours de 1'année; la leconde pour marquer les faifons; et la troifième, pour marquer le terme de 1'année. Le Précepteur. Cela n'est pas mal dit, quoi qu'il y ait pour nous encore d'autres iitilités a obferver. Mais aretons nous d'abord a celles-ci et voyons, de quelle manière ces lummaires nous fervent. Le foleil par exemple: a quoi nous fert-il par rapport au tems? 4. Ecolier. A luire pendant le jour, et a nous marquer les heures du jour: puis a marquer les quatre fcifons de 1'année, par fes degrés d elévation et d'alaisfement. Le  < Iö5 > Le Précepteur. De cette facon-la, le foleil dolt tourner autour de notre terre"? 5. Ecolier. Jé penfe,~ Monfieur! qu'il n'y a aucun de nous qui puisfe fur ce fujet dire queique chofe de raifonaHè: je vous prie donc de nous inftruire fur les mouvemens du foleil ou de la terre. J'ai bien ouï dire, que c'est notre terre qui fait des mouvemens, et que le foleil reste a fa place; mais je n'y comprens^ rien encore. Le Précepteur. C'est une chofe trés prouvée, que le foleil reste a fa place fans fe mouvoir, et que la terre tourne trois cent fóixante cinq et un quart' de fois par an, ou pour mieux dire; la terre fait une fois 1'année le tour du foleil, et pour faire ce tour, elle tourne, ou roule comme feroit une boule, trois cent fóixante cinq et un quart de fois: ce qui marqué les jours de 1'année. puis, E 5 il  < ïo6 > il faut encore vous figurer que comme une boule, quoique ronde, a fes deux bouts, qui font les points oü elle étoit tenue ferme au^tour pendant que le tourneur étoit a la faire; notre terre, quoique ronde, a ausfi fes deux bouts qu'on nomme les pöles. Au beau milieu entre ces deux pöles, il vous faut figurer une ligne qui feroit tout le tour de la boule: il en est de même ausfi de notre terre, et les astronomes, fe figurent dans leur efprit une telle ligne qu'ils repréfentent fur les cartes géographiques, et ils la nomment Equateur: il la terre, en fe tournant fe mouvoit toujours fur cette ligne-la, nos jours feroient pendant toute 1'année de la même longueur que les nuits, et nous ferions toujours comme au printems ou a 1'automne, et nous n'aurions jamais ni eté ni hiver. Mais notre globe balance regulierement chaque année, a une diltance marquée, une fois vers un  -C 107 > un pöle ét une fois vers Pautre. Lorsque Ie pole du lid panche, le pöle du feptentrion fe Iève, et les rayons du foleil, dardant plus directement vers nous, échauffent déja mieux notre partie de la terre; nos jours deviennent de jour en jour plus longs que ne lont les rruits, et Iorsqull a achevé ce panchément-la, nous fommes au pits long jour et au commencement de Peré. Mais bientot notre globe terrestre fe prend a revenir, et fe trouve, justement a fon terme, roulant derechef fur la ligne du milieu, qui est comme j'ai dit FEquateur, el alors nous fommes revenus a Péquinoxe, ce qui veut dire, au tems oü les jours et les nuits fons égales, et ce tems-lè, c'est 1'automne. Puis, Ie pöle feptentrional baisfe k fon tour, et celui du fud fe léve; les rayons du foleil ne tonchant, ia partie du monde que nous habitons, que fort obliquement, et n'en étant que fort E 6 peu  < io8 > psu échauffée, a caufe, ausfi, de la brieveté des jours; nous avan^ons vers 1'hiver, et nous entrons dans cette faifon, au même jour que ce panchement-la est a fon comble, et qui est le jour le plus court. Mais bientot encore, notre globle fe prend-il a revenir; car il ne reste jamais en repos, et comme il roule toujours, il fe meut ausfi fans cesfe en panchant tan tot d'un coté puis vers Pautre, et lorsqu'il est, au bout de 1'hiver, revenu a rouler fur fa ligne du milieu, nous fommes revenus a 1'équinoxe du printems et a 1'entrée de cette belle faifon, ou nous voyons la nature, qui pendant 1'hiver êtoit comme endormie, reprendre de nouvelles vigueurs. Mais j'espère de vous convaincre de ce que je viens de dire lorsque je traiterai de la Géographie avec vous: car aprefent il n'est question que de nous entretenir des luminaires, Nous verons de par- ler  -C 109 > Ier du foleil, venons maintenant a la lune. 6. Ecolier. N'est-ce pas que c'est mon tour? hé bien je vai dire ce que j'en fais. La lune tourne autour de notre globe pour éclairer, la nuit, mais elle n'éclaire pas toujours, et fouvent nous n'avons point de lune. . — Le Précepteur. Ce que vous dites la, ne fisnifie par grand-chofe, et ce que ie vous en puis dire apréfent ne fera pas grand-chofe non plus. Sachez leulement, que la lune n'a d'efe mcme aucune clarté, et que la faible lueur qu'elle nous donne pendant la nuit, n'est que la reverbération qu'elle nous fait d'une clarté qui lui vient du foleil. II ne faut pas que vous m'en demandiez d'autre explication, a eau-. le^ que cela nous mèneroit trop lom. Je vous dirai feulement en^ 7 core.  -C iT0 > core, qu'elle fait treize fois 1'année fes mouvemens ordinaires. 7. Ecolier. N'est-ce pas ausfi qu'elle régie le flux et reflux de la "mêr ? Le Précepteur. On le croit, a caufe qu'en pleine lune le flux est plus. fort, que lorsque la lune est au croisfant ou a fon déclin, et qu'il vient chaque jour une heure plus tart comme fait la lune. Mais on attribue eneore d'autres influenees a la lune, qu'elle doit avoir fur les vegetaux. Les jardinièrs y prennent garde, pour femer et planter en fon tems: je ne m'entens gueres au jardinage, mais il me femble que c'est au croisfant qu'ils fement, et en pleine lune qu'ils plantent. Du moins dans ma patrie, les jardinièrs font ainfi, et ils obfervent tres ponéhiellement cette regie, par ce que, dirent-ils, un plantin planté au croisfant de la lune, craitra en montant, et non en largeur, et un  < III > un brin-d'arbre plan té au croisfant de la lune, craitra en bois plütot qu'en fruit. Enfin, la lune aporte la fraicheur fur la terre, et après une journée de grande chaleur, rien n'est plus agréable qu'un beau clair de lune avec un ciel bien étoilé. i. Ecolier. Mais Monfieur! le ciel n'est-il pas toujours également étoilé? Le Précepteur. Les mêmes étoiles y font toujours, mais nous ne les voyons pas toujours. Une fois, les nuages étendent entre eiles et nous un voile impénétrable; puis l'air peut être chargé de vapeurs, qui nous empechent de voir grand nombre d'étoiles, dont 1'éclat est moins fort que celui de bien d'autres, a caufe de leur petitesfe ou de leur grand éloignement. Puis il faut favoir, mes amis! que comme notre terre, ainfi que je vous Pai fait comprendre, balance deux fois 1'année une fois du Nord au Sud, et une  < 114 > tme fois du Sud au Nord; nous obfervons ausfi que certains asfèmhlages d'étoiles qui fe trouvoient direélement au desfus de nous, s'écarcent de nous, et que d'autres4 s'approchent. a. Ecolier. N'est-ce pas que c'est k cela même qu'on a trouvé la méfüre des mouvemens de la terre? Le Précepteur-. Sans doute, que c'est a cela qu'on Fa trouvé. Car en plein jour nous n'obfervons rien au ciel' a caufe du grand éclat du foleil,. mais dans les belles foirées, nous voyons les étoiles. Leur nombre est innombrable, mais il y a des asfemblages d'étoiles, distingués par la figure qu'ils reprefentent, ce que les Astronomes ont obfervé, et d'après quoi ils ont calculé les mouvemens de la terre. Ils ont par exemple, obfervé au ciel, douze fignes, Selon lesquels ils ont marqués les mois de 1'année; et en-  -C 113 > enfin, mes enfans! 1'astronomie est fi necesfaire a favoir aux nayigeurs, que fans cette fcience-la, ils ne fauroient pas, en quel lieu ils fe trouveroient fur la vaste étenduë des mers. Vous en faurez d'avantage avec le tems. En retenant ce que je viens de vous dire, vous en favez déja asfez pour vous pouvoir écrier avec le Roi David: o Dieu que tes oeuvres font en grand nombre; tu les a toutes fait avec fagesfe! La terre est remplie de tes bontés! 3. Ecolier. Je comprens bien maintenant, qu'il ne fuffit pas de regarder au ciel pour admirer la beauté du brillant appareil de tant d'étoiles, mais qu'il y faut admirer la fagesfe et la bonté de Dieu. Le Précepteur. Comprenez encore, mes enfans! que Dieu a non feulement voulü que les astres de la nuit éclairasfent la rerre d'une lüeur moderée, mais  < 114 > mais qu'elles fervisfent encore au grand ufage, d'éclairer notre efprit de plufieurs fciences ausfi utiles que necesfaires. La fcience des astres, qu'on nomme Astronomie, nous purge ausfi 1'efprit de plufieurs fupperflitions, dont les anciens peuples, moins éclairés qu'on ne 1'est de nos jours, avoient 1'efprit ëblouïs. Les payens en tijroient une autrè fcience, mais abfurde, qui étoit 1'astrologie, ou la fcience de prédire 1'avenir felon la conftellation; et ne fachant calculer au. juste le cours des planètes, ils tenoient les éclipfes pour des préfages de grands malheurs. Nous autres, nous ne craignons rien de pareil; Oui, mes amist craignons Dieu, et n^ons point d'autre crainte : et abandonnons nous pour 1'avenir a la fagesfe et a la bonté infinie de Dieu, avec nne foi digne de la grande faveur dont nous jouïsfons, d'être chretiens. Mais pour revenir a la création  < "5 > tion des luminaires, dites mol-,, vous, mon ami! une reflexion que vous en pouvez tirer. 4. Ecolier. J'y crois reconnaitre une preuve de 1'excellence de notre nature humaine; a caufe que Dieu ne s'est pas contenté de préparer a 1'homme une terre habitable, et de produire des herbes et des fruits; mais qu'iL a préparé, encore avant que de créer Ie premier homme, Ie bel appareil des luminaires, et de toutes ces brillantes étoiles dont le ciel est fi richement paré. Le Précepteur. Dieu fit toutes ces chofes pour 1'homme; mais il fit l'homme pour le glorifier. Reconnaisfons notre excellence; mais que cette connaisfance nous porte au^fi a faire tous nos efforts, afin d'aquerir ce degré de lumière dont 1'efprit de l'homme foit capable, dans la connaisfance de Dieu, et des chofes qu'il a faites pour nous, et pour 1'ame et  < ii<5 )- et pour le corps. II ne nous fuf-fit pas que nous fachions tous les grands préparatifs que Dieu a fait, pour notre premier père, avant qu'il le format, afin d'en devenir fiers: mais il faut que nous recevrons la culture de notre efprit, et de notre coeur, et que toute' notre application foit de nous rendre dignes de toutes les prérogatives, pour lesquelles Dieu nous a; fait naitre. ENTRETIEN 8, Le Précepteur. Afin de vous divertir aujourd'hui d'une matière amufante, je m'envais vous corner une fable, tirée de la Mythologie; qui est, le traité de la religion et des dieux despayens. Fa*  < ii7 > 'Fable de Philomèle et de Progné. II y eut a Athènes un Roi nommé 'Pandion qui avoit deux princesfes, "nommées Pune Philomèle et Pautre (Progné. Progné fut donnée en mariage a un Roi de Thrace nommé Terée, du quel elle eut un nis qui fut nommé Ytis. Quelques années après fon mariage, Terée prit envie d'aller a Athenes rendre vifite i fon beaupère, et la reine le pria, qu'a fon retour il lui voulut amener fa focur Philomèle, qu'elle fonhaitoit fort de revoir. Terée obtint de Pandion la permisfion d'em•mener fa fille Philomèle, et ils partirent enfemble. Pendant le voyage, Terée fe trouvant tète a tète avec fa belle -foeur, fut enflam•mé d'une xupidité infame pour elle , et il en ravit par violence ce qu'il n'en put obtenir de bon gré. 'Puis, fe voyant fans cesfe accablé des plus faglans reproches que lui •fit cette Prjncesfe infortanée; qui ne  < nS > ne fe pouvoit confoler de la perte de fon honneur; il lui coupa cruellement la langue, afin de la mettre hors d'état de parler, et puis, ü la fit mettre dans une prifon, oü elle fut fi bien gardée que,^de longtems, perfonne ne fut rien d'elle: car il avoit dit a fon époufe, qu'elle étoit perie en route par un accident fuppofé par lui-même, et que fes prop.es gens dürent arTermir, y étant portés a force de largesfes, et par la crainte d'une mort •tragique, dont il les avoit menacé^ sMs s'avifolcnt de trahir ce fecret. Au bout de queique tems Philomèle trouva pourtant moyen d'mformer fa foeur, de la triste fituation oü elle fe trouvoit, et du malheur qui lui étoit arivé, et elle le fit ainfi: elle écrivit de fon propre fans, avec une aiquille, une lettre a Progné fur une petite pièce de linge. Elle y mit le desfus, a "Progné, et elle jetta cette lettre, avec un petit caillou qu'elle avoit  < "9 > •détaché de"la muraille de fa mu fon, et qu'elle y envelopa, i 5„a femme qu'elle vit paster (bus "el fenètres de fa prifo„: Enfin Ia ]«! »* ,rend«ë, et Progné co»™ une douleur amère de la triste fi tuation oü fa chère foeur ft rou vou redmte, et en même tems un dépit cruël de 1'afFront que fo ' man avoit fait a fa familie en violant ausfi la foi conjugale. 'Elle dusfimula le mièux qu'elle pnt, "t fi bien que Terée ne put jamais fe douter de ce qui fe Voit dans fon coeur, ni de Ia cruelle ve£. geance qu'elle méditoit et aJeul ne manqua pas d'executer aveTnl^f f°n cru21 d«fein avec plus d'asfurance de rèusfir Progné attendit que la ft te de Bad chus fut venuë, laquelle fe celé fuTte Ö", »™' *» luice. Alors tous les excès irmaï nables étoient permis, et des fefn S„donnon r,mmoit b«S£«S; s abandonoient a toute forte de violen*  herces, dans la toêur oü_ elles fe mettoi'ent » force de bo,ve La reine fe tnela parmi le% tes, et ayant fait entrer toutes ces femmes furieufes dans fot' .°esfein, elle court avec elles déivrer fa foenr de la prifon oü elle étoit ^Dans^c'ette premiüre fureur, elles é°oraèrent le peut Ytis, que Progné aBvoit en de Terée, et en appretèrent la chair pour en faire T a-ull repas i 1'inftme yiolateur de Philomèle. Etant ausfi plongc dans la débauche avec d'autres peilonnes et la plupart de fes cour. tifans, il ne s'apercut pas daboid de ce' que c'étoit qu'il rnangeom 4eaiflaq tète de 1'enfanr lui ayant été préfentée au dernier plat de . fon festin, et re«>nnu^^l entraen fureur et juri de fe ven ger: mais les dieux, dit.la fable, niétamorphofèrent Progné en hi"öndelle, Philomèle en rosfigno , ïe petit'Ytis en faifan ct lerree  . < 121 > en une huppe, afin de les mertre les uns et les aurres hors d'écat de le nuire d'avantage 1'un & 1'aurre. Voila la fable: qu'en dites-vons? i. Ecolier. Je ne faas, quelle morale en tirer. Voila felon moi une fable qui ne me revient pas. Le Précepteur. Wé bien, ce n'est pas moins le gout qui régne presque dans toutes -les tables qui entrent dans la relig-ion des payens: infamies; cruautes, et fuperftitrons abfurdes. Mais n y auroit-il rien du tout qui fut digne reflexions de quelqu'un d'entre vous? 7. Ecslier. ■. Pour moi; fe n'y trouvé ausfi T^ien d interresrant, mais la métamorphofe de ces quatre perfonnes ;mamufe, et fi je ne me trompe je les trouve asfez bien trouvées. Le Précepteur. fcenfo!5 P6U' ce *ue wus e« p 7. Eet*.  -C iaa > 7. Ecolier. Les hirondelles, lorsqu'elles s'asfemblent en automne, resfemblent aux bacchantes, pour le vol et les cris qu'elles font: le rosfignol > est 1'oifeau qui a la langue la mieux déliée de tous, et fon chant a queique chofe de plaintif et de fort agréable,' Philomèle femble avoir été douée de cette langue fi déliée, afin de pouvoir chanter fes plaintes avec plus de grace. U faifan est en même tems oifeau domeftique et gibier, fa chair et trés delicate a manger, et il est d'une figure trés revenante, et femble avoir une ieunesfe perpetuelle empremte dans tout fon air: eeci a du rapport 1 Ytis, en ce qu'il fut égorgé c mangé, et que ce malheur lui arriva dans fa jeunesfe. . La huppe est un oifeau coëffé, mais dont lodcur, empeste a caufe qu il aime de manger des ordures : 1 erée étoit roi et commit une aftion de trés mauvaife odeur; une aóbon infame et cruülle. ^  -C 123 > Le Précepteur. Est-ce que vous avez penfé vousrneme les comparaifons que vous venez de nous rapporter; ou, estce que vous les avez lü ou entendü. 7» Ecolier. J'en ai ouï parler lorsque je me trouyai a mon dernier voyage, mais je n en ai jamais rien lü. Ce que jen viens de rapporter, n'est donc pas de ma propre invention: mais peut-être que je ne me fuis pas bien exprimé. r Le Précepteur. Vous vous êtes as'ez bien exprimé, et mieux même qu'on ne s> attend dun jeune homme de votre age. Mais ce qu'il y a en vous et qui merite d'être publiquement loué; eest votre modestie, avec la quelle vous avouez ingénument, que la comparaifon que vous venez de nous donner, n'est pas de votre propre invention: fachez mon ener que cette modestie vous rend  -C > fi aimable, qu'on ne fauroit fe refufer a vous aimer. Mais iacnez ausfi, que ü vous cusfiez veulü vous faire honneur de ce que vous venez de dire; on fe fut pourtaut appercü, que cela ne fortoit pas du carquois de votre imaginative, que par ostentation vous vouliez vous faire honneur de ce qu'un autre vous avoit appris. 2. Ecolier. Mais Monfieur! il me femble pourtant qu'il Vest d'abord voulü attribuer i'honneur de 1'invention de ce qu'il nous a rapporté, en difant que la métamorphofe de ces xmatre perfonnes 1'amufoit, et qu'il les trouvoit asfez bien trouvées, en ajoucant encore ces mots.; fi JQ ne we trompe. Le Précepteur. Si fai trouvé votre condifciple admirable, je vous trouve trés blamable, d'abord de contredire au iucxement favorable que je porte de ^modestie, et puis du manque de cna-  -( 125 > cTiarïté que vous temoignez avoir pour lui. Sachez donc que les favans de nos jours n'ont leur favoir que par la leéture qu'ils ont faites de plufieurs livres, et de 1'inftruction qu'ils ont recuë. Tout ce qu'il y a du leur a 1'erudkion qu'ils posfédent, est le gout et le jugeraent avec lequel ils font choix des rnatières et qu'ils en raifonnent. ;— li trouve que ces metamorphofes ramufent, voila fon bon gout; et il les trouve asfez bien trouvées: voda Ion jugemenr. Et il y ajoute; fi je ne me trompe: c'est une marqué, de fa modestie, qui lui fait honneur, puis qu'en cela il marqué une méfiance louable en fon ju°-e~ ment encore prématuré. Vons venez donD de faire une faute qu'il vous faut reparer fur le champ. Al'lons! demandez lui pardon. i. Ecolier. D'abord a Vous Monfieur! Te vous ai contredit pardonnez moi, je vous prie! Fa Le  < iaÓ > Le Précepteur. Te vous pardonne de trés bon coeur, mon amil et lorsque vous aurez fait votre dévoir vers votre condifciple, je ferai ausfi votie éX°F'Ecoïier. ( a fon condifciple) Pardonnes moi, mon ami! la precipitation du jugement mconfidere que i'ai porté de vous. 7. Ecolier. ( en 1'embrasfant) Vous êtes mon ami! et je vous aimerai toujours, malgré te jugement que vous avez cru devoir por- rer de moi. Le Précepteur. Vous êtes deux jolis enfans: vous (au fecond) de vous être prete jan* repliciue a reparer votre laute et de i'avoir fait de fi bonne grace. Vous avez fait ce que je vous avois dit de faire, et ce que ie n'avois pas dit, en me yenant demander pardon a moi. 11 y a des enfans, qu'il faut forcer a toute rigueur, pour les porter a dire  < "7 > S quelqu'un; pardonnez moi ! — Mais ce font de mauvais caractères, indociles et opiniatres, et ce qu'il y a en eux de pis c'est, qu'ils ont le coeur dür et méchant. lis ont de 1'orgueil, et fe croiroient déshonorés, a s'humilier devant quelqu'un qu'ils ont offenfé; mais ils fe déshonorent par 1'offenfe qu'ils font aux autres, et leur obftina*tiou, a ne pas vouloir reconnaitre et avouer le tort qu'ils ont, les rend abominables devant Dieu; et mépr^ables aux yeux du monde. Que ce que je viens de dire la, vous touche le coeur a tous, et que eet exemple vous porie" tous a 1'imitation. Car vous ausfi (au feptième) vous êtes encore admirable, par la manière dont vous avez pardonné a votre condifciple, en I'asfurant même que voir, 1'aimerez toujours. Vous avez raifon, car un caraétèm, comme le fien est toujours aimable. — Dites moi aprefent, vous; fi vous n'avez rieu a dire touchant cette fable. F 4 o <5 £COm  -( v& > 6. Ecolier. Je trouve qup Terée avoit un caTa&ère fort méchant, puis qu'il aiouta au crime de 1'impureté, encore celui de la cruauté, en corrpant la langue a Philomèle, après lui avoir ravi 1'honneur. Le Précepteur. C'est ainfi qu'un crime en entraine toujours d'autres. Si Terée avoit reprimé fa criminelle cupidité; s'il avoit eu la crainte de Dieu et 1'amour de la vertu, et qu'il eut par le fécours de 1'efprit de Dieu iur monté fon mauvais panchant, il n'eut pas commis la crüauté de rendre cette perfonne innocente malheureufe pour le reste de fa vie; en lui ravisfant la faculté de parler, après lui avoir ravi fon honneur. Comprenez Fénormité de ce dernier crime, en comprenant 1'excellence de la parole, qui fait de l'homme, pour ainfi dire, une divinité. Un feul homme monté fur une chaire elève, fa voix et como muni-  ~C 129 y- rnunique k des milliers de perfonnes des verités falutaires qu'ils peuvent tous entendre a la fois pourvü qu'ils foyent attentifs a 1'écouter. Outre cela la parole est 1'jlme de la focieté: car reprefentez vous le tnste fpeéhicle que feroit une compagnie de cinq ou fix perfonnes toutes muëttes. Hébien, c'est pourtant a une fituation fi afligeante que Philomèle fut reduite par 1 infame crüauté de fon beau frère. 3. Ecolier. Mare ne trouvez vous pas, Monfieur! que Progné commit ausfi un grand crime, en égorgeant fon propre enfant et le faifant manger & fon man; ö Le Précepteur. C'étoit une crüauté barbare d'une mère dénaturée qui écouta la voix de la vengeance plutot quecelle de la nature. Elle étoit ivre et dans fa première fureur elle d& testa Terée jusqu'en la perfonne <*« Ion fils, un enfant innocent F S dont  9 < IS© > dont elle étoit la mère. Elle nevelt en Terée qu'un traitre abominable qui par un adultère avoit rompü les Hens du mariage qui jusqu'alors 1'avoit tenü, elle, liée a lui» Elle voit encore en lui un infame fcelerat qui en commettant eet aduhère, le fait en déshonorant fa propre foeur, et toute fa familie -royale. L'honneur orTenfé exige un facriflce, et du lang repandü;'puis, le divorce, et une fuite précipitée de la reine et de fon infortunée foeur. Progné ne prit pas le tems de reflechir; elle n'écouta que la voix de la vengeance, que 1'ivresfe oü elle fe trouvoit rendit plus funeufe. Elle voit fon enfant, et ne voit en lui que le fruit d'un amour qui lui étoit devenü odieux: elle eut voulü plonger fon poignard éaris le fein de Terée, mais cette execution lui parait trop hazardeufe, et elle aime mieux exterminer fa race, afin qn'aprés fa fuite avec fa foeur, il n'y restat d'elle au- cuii  < w > cnn fouvenJr de Famonr conimraf qu elle avoit eu avec fon infame man'. . c'esr ?M nue raifonent les gens oa monde, et Ia fureur guide leur bras, pour punïr eux - mêmes les méchants Mais les fages reme^tront a Dieu le foin de la vengeance, qui ne manque jamais de tomber tot ou tard fur la tète de Jimpie et du fcelerat, pour 1'exterminer. Dieu fe fert toujours de Ja mam des méchans, pour exercer fa vengeauce, et il aime de tenir les mams de fes favoris nettes du fang humain. II faut encore obf'erver qu'il y a des crimes que Dieu punit avec la dernière rigueur en exterminant toute la race des'impies. C'est dequoi nous avons dans la bibie un exemple frappant, en a perfonne du roi Achab, auqnel le prophéte Elie prédit; que celui qui, appartenant k Achab, moujv roit dans la ville, feroit man^é des chiens et que celui qui mourroic F 6 4  -C m > a la campagne feroit mangé des oifeaux. 5. Ecolier. Te voudrois bien favoir, ü les payens croyoient a ces fortes de métamorphofes. Le Précepteur. Sans doute qu'ils y croyoient, mais il faut ausfi ajouter qu il y avoit parmi eux des prétres philofophes, qui ayant la clef de toutes ces fabïesn'y croyoient pas, et^lavoient fort bien que ce n'étoient que des fiftions, dont le lens demeuroit caché a tout le peuple. 4. Ecolier. Que veut dire : avoir la clef des fables? Le Précepteur. C'est comme qui diroit, fa voir le vrai fens des fables, pour ny être pas trompé et pour en favoir donner la vraye explicanon. Sachez mes amis, que c'étoit une politiaue de ce tems-la, de temr le peuple dans l'ignorance;, en i arnur r fant  < 133 > fant des fables, dont on lui lais-foit rgnorer le vrai fens. Les rois mêrnes étoient le plus fouvent des idiots, et les prètres gouvernoient les rois et les peuples. C'étoit un fiècle de tenèbres, puisque les ministres de la religion navoient euxmêmes pas la connaisfance du vrai Dieu, et que pour colorer leur ignorance d'un déhors impofant, ils amufoient le peupie, de toute forte de fables allégoriques, dont ils fe réfervoient Fexplication a euxfeuls. Nous ne faarions asfez rendre graces a Dieu, que ce fiècle foit pasfé, et que nous foyons nés dans un fiècle de lumière. II n'y a dans notre religion ni fables ni énigmes, et la verité püre luit a nos yeux. Marchons dans la lumière , mes enfans! fuyons le mal et faifons le bien, et recherchons la juftice: ce fera le moyen de nous rendre dignes du grand avantage, d'être nés enfans de Dieu, et heritiérs de fon royaume. F 7 Je  < m > Je diverffie nos entretiens, comme vous voyez, et tantot nous paiions des chofes que Dieu rit au commencement des tems, et puisnous nous entretenons de queique fujet prophane, de peur que votre efprit ne fe lasle dans des entretiens toujours ferieux. La fable qni a donné mar'èré a eet entretien-ci vous a déplu, et plufieurs d'entre vous ont repugné d'entrer en matière avec moi fur le fujet qu'elle renferme. C'est pour moi un fujet de grande fatisfaction; puisque j'en dois reconnaitre que vous avez du gout pour le bien et. de la repugnance pour le mal, Mais que 1'applaudisfement, que je ne puis vous refufer, en cette occafion, ne vous abufe pas pour vous croire au desfus de tout mauvais penchant. L'homme n'est jamais fi bon qu'il ne puisfe devenir encore meilleur, et tant que nous vivons, nous devons travailler avec une application continuelle et fans rélache a cor-  < 135 > corriger les défauts fans nombre qne nous découvrons en nous, et c'est ce que nous ferons pourvü que notre amour - propre ne vienne a nous éblouir , pour nous croire meileurs que nous ne fommes. — N'est-il pas dit? Soyez parfaits comme votre Père celeste est parfait. Que veur dire foyez parfaits. •— Quand est - ce que nous pourrons 1'être?— Lorsqu'après avoir travaillé fans relachement, avec 1'asfiiTance du SaintEfprit, pendant toute notre vie, a le devenir, nous nous trouverons, au bout de notre courfe terrestre, a la porte des cieux; alors norre perfedion fera acconiDlie, et le merite de jefus Christ notre divin Redemteur, fuppléera a 1'imperfeélion de tout ce que nous aurons pü faire en ce monde. —i Retenez bien cela, mes amis! Jusqvfk une autre fois. EN-  EJTRETIEN 9. Le Précepteur. Dieu après avoir créé la lumière, la féparant des tenèbres; après avoir préparé Fair tel qu'il devoit être afin que des créatures animées le pusfent respirer; après avoir rendü la terre habitable, en faifant écouler l'eau qui la détrempoit, dans des réfervoirs faits de la mamdu Tout-puisfant; et enfin, après avoir créé des luminaires, Dieu commence au cinquième jour acréer des animaux, ou, ce qui est lamême chofe a faire des créatures -vivantes et animées. II y en a' de tant de fortes: par laquelle Dieu commenca-t-il, et que créa-t-ik le cinquième jour?- 1. Ecolier. Les poisfons et les oifeaux,, que les eaux durent produire, a la feule volonté du Tout-puisfant. Le  -C 137 > Le Précepteur. Quoi? les oifeaux font - ils de même nature que les poisfons, pour êrre fortis de Teau tout comme les poisfons? 2. Ecolier. Je penfe, que comme il est dit que Dieu fépara l'eau qui est au desfus de 1'étenduë de celle qui est au desfous de 1'étenduë, et qu'il est dit, que Dieu commanda aux eaux, dans 1'oeuvre de la cinquième journée; — que l'eau fur la terre produifit les poisfons, et que celle qui est fuspenduë dans les airs, produifit les oifeaux. Le Précepteur. Sauriez-vous m'indiquer ausfi une raifon, pour croire que la chofe est ainfi"? 3. Ecolier. Le poisfon vit dans l'eau, et* ne fauroit vivre dans fair, et 1'öifeau vit dans fair et ne fauroit vivre dans, 1'eau; voila, ce me femble une preuve, que le poisfon est de la. nature de l'eau, et Foifeau de la nature de Fair* Le  -C 138 > Le Précepteur. Ce n'est. pas mal raifoner, et je crois que vous avez raifon. D'ail-. leurs il y a des poi&fons volans, et des oifeaux qui peuvent vivre tin eertain tems, mais fort court dans l'eau, comme le poisfon volant ne reste qu'un tems fort court en l'air. Mais voyons, en quel fens vous comprenez cette expresliön: — avec abondance: ou Dieu commanda aux eaux de produire des poisfons, — avec abondance. 4. Ecolier. Je crois que cela veut dire, que ce fut, non feulement une eouple de chaque espèce de poisfons, mais plufieurs couples de chaque forte, que Dieu voulut que les eaux produifisfent, et que cette éxpresfion, d'avec abondance peut ausfi avoir rapport a la multitude de fortes de poisfons et d'oifeaux qu'il y a. Le Précepteur. Et vous, fauriez-vous me dire; €e que c'est qu'un poisfon? 5 Eco-  -C 139 > 5. Ecolier. C'est un animal qui vit et qui nage dans l'eau. Le Précepteur. Mais vous; fauriez vous me dire, comment et par quels moyens le poisfons vit dans l'eau, et qu'il nage. 6. Ecolier. Je penfe que la caufe en doit être dans fa couftruétion qui m'est inconnuë. Le Précepteur. Je ne fuis pas non plus asfez yerfé dans la phifïque pour vous faire 1'anatomie du poisfon, mais ie vous dirai ce que j'en fais, et ce que j'en penfe. Les poisfons font de la nature de l'eau, et voila pourquoi ils y vivent comme dans «leur élément, de même que 1'oifeau vit dans l'air,. a caufe que c'est fon élement. Le pok fon vit dans l'eau par ï& moyen de la respiration, et en mangeant: et il nage par le moyen des nageoires, qu'i'l a en quatre p aces. differente^ 7 Ecc~  < 14» > 7. Ecolier. Je penfe, Monfieur! que ce Sera aujourd'hui a nous, d'interroger, et. vous voudrez bien nous repondre, Vous venez de dire, que les poisfons nagent par le moyen de quatre forte de nageoires; ce- que j'ai ausfi obfervé ; mars pourquoi ces nageoires font placées comme elles le font; c'est ce que je defirerois de favoir. Le Précepteur. J'approuve trés lort votre curiofité, pour vü qu'elle ne vous porte, a faire des questions, qui pasjtènt mon entendement, et que vous n'en fasfiez pas trop a la fois* Pour les nageoires qu'ont la plupart des poisfons, je vous vai dire , qu'elles fervent a leur faire faire tous les mouvemens, a 1'aide de la vesfie d'air qu'ils ont dans le ven tre. Leurs mouvemens fe font en montant et en defcendant, en avant et en fe retournant. Ils ont deux nageoires a. la. poitrine presque au des-  < Hi > •desfous direclement des ouïes; -celles-ei leur fervent a fe tenir'droV et a avancer: ils en ont deux vers le derrière fous le ventre et une fur le dos, qui leur fervent a fe -retourner, et enfin ils eu ont deux i la queue., qui leur fervent de gouvernail pour fe donner la for•ce du mouvement, foit pour avancer ou pour fe retourner, et lorsqu'ils veulent monter; ils remplisfent, d'air la vesfie, et quand ils veulent defcendre; ils laisfent échaper l'air de cette vesfie, Mais il •faut que j'ajoute k ceci, qu'il en est ainfi de la plupart des poisfons mais non de tous, et que la distinétion qu'il y a en eux au fujet .des nageoires, a fait aux phificiens distribuer les Poisfons en differentes clasfes. 5. Ecolier. D'oü est-ce qu'on fait tout cela? Le Précepteur. C'est qu'on en a fait 1'épreuve. Ayant plufieurs poisfons vivans, on a I  < > a coupé a Fun les nageoires de la poitrine, et 1'ayant remis^dans 1'eau, on a trouvé qu'il ne fe tenoit plus droit mais qu'il fe renverfoit tantot d'un coté puis de I'autre; a un autre on coupa les nageoires du ventre et celle du dos, et 1'ayant mis dans une eau courante, on a trouvé qu'il ne pouvoit plus fe retourner, et qu'il fe devoit laisfer emporter au torrent. 3. Ecolier. Mais je voudrois bien favoir, d'oü vient que Feau ne détrempe pas la chair du poisfon, elle détrempe autrement toute autre chair qu'on y jette. Le Précepteur. Elle détrempe ausfi la chair d'un poisfon mort, qui corrompt ausfi bien dans l'eau que hors de l'eau; mais Feau ne fauroit penetrer la peau glutineufe du poisfon, qui encore en la plupart est couverte d'écaüles, tant qu'il est en vie; mais dès qu'il est mort et que la cor- rup-  < 143 > raption perce de Pinterieur au déhors; alors 1'eau détrempe et fait corrompre la chair du poisfon comme toute autre chair. 6. Ecolier. Quelle est la nourriture du poision, ou; ne vit-il que d'eau? Le Précepteur. II ya des poisfons qui mangent de petits poisfons, comme le brochet et la traite. Je ne vous cite que des poisfons de rivières qui me lont connus, n'ayant pas grande connaisfance des poisfons de mêr. iJ autres poisfons mangent des inleftes aquatigues, ou de certaines plan tes qui craisfent dans l'eau, ou le limon qui s'attache aux pierres et aux cailloux qui fe trouvent dans Peau. 4. Ecolier. 11 n est donc pas bon qu'il v ait beaucoup de poisfons qui mangent les autres, autrement il ne reste-roit point d'autres poisfons dans ieau que ces poisfons - loups, et alors  < 5" ^Tors ils feroient obligés de fe dévorer 1'an 1'autré. Le Précepteur, Ausfi la fagesfe divine en a-t> elle ordonné le • nombre; et ces poisfons-loups ne foifonnent pas tant que les autres. La chair en est plus delicate que d'autres poisfons; je parle, de la truite et du brochet: a caufe de quoi le pfc•cheur tache d'en prendre le^ plus qu'il peut, par ce qu'il est fur deles vendre, et d'en retirer bon prix. Les moindres fortes de poisfons, favoir ceux qui doivent fervir de curée aux poisfons - carnaciers, foifonnent le plus et fe trouveut en fi grande abondance, qu'il v en a fuffifament pour la curée des poisfons - carnaciers et pour fournir aux gens du moindre état, de quoi faire de fréquentes fritures. C'est ainfi que la fagesfe divine •pourvoit liberalement k tous nos befoins, et k la fubfiftance de cha* que créature. — Que ce que nous ve-  < 145 > venttns de dire ici des poisfons vous lufiiie, pour admirer la bonté de JJieu dans la création des poisfons Lorsque nous viendrons un jour a* nous entretenir enfemble de 1'histoire de la nature, nous entrerons dans un plus long détail de tous les habitans des eaux. Venons maintenant aux habitans de fair, contemporains des poisfons, puis qu'ils. turent créés enfemble au cinquième jour. —. Dites moi ce que c'est qu'un oifeau? o. Ecolier. C est un animal couvert de plu. mes, ayant deux ailes, deux pieds et deux yeux, et pondant des oeufs Le Précepteur. Et vous; fauriez-vous me dire quel est le plus gros des oifeanx' et quel est le plus petit. ' 7. Ecolier. Le plus gros c'est 1'autruche: et le plus petit, c'est le colibri. . Le Précepteur. oifeaux volent en l'air, et G ' les  ï$ )- les poisfons nagent dans Peau, et il coute beaucoup d'art et de peine de les attrapcr; ne vaudroit-il pas mieux a nous, que les oifeaux fusfent mieux a nos ordres, et que nous en pusfions jouïr plus a notre aife? ï. Ecolier. Cest ce qui m'a fouvent parü ainfi, quand j'avois envie d'avoir un oifeau, qui s'cnvoloit et s'enfuyoit loin de moi. Mais puis, en me ravifant je penfois: qu'est-ce que tu aurois fait de eet animal, H tu Tavois pris? tu en eusfes fait un esclave qui ne t'eut été d'aucune utilité. Puis, je penfois encore en moi - même, que les oileaux étoient ,a la dispofition de tout le -monde; il y auroit beaucoup de gens qui en feroient un cruel abus. ö" Le Précepteur. Ce n'est pas mal raifonncr , mon ami' ét comme le bon Dien a fait toutes chofes a une bonne. fin pleiné de fagesfe, et connaisfant da-  -C 147 > vance, que l'homme pourroit faire un abns criminel de 1'autorité qu'il lui avöit donnc für les animaux; il a conftrait chaque espèce, d'animaux de facon que le desfei-n qu'il s étoit propofé en les faitant uV rcmph, malgré la petulance de la plupart des hommes. Mais afin de bien comprendre ce que je vlens de dire; obfervons que les oifeaux faits a notre ti^age journailler, font moins farouches que les autres; qu ils vivent avec nous asfez familièrement; qu'ils vont et viennent rcconnai,fant' notre dcmeure pour* la leur, et. que pour cette raifon- domeftjque, Dites moi un peu, fi vous favez ce que c'est que la volaille domeftique. 6. Ecolier. Ce font les poules, les dindons,' les oics, les. canards et les paons. ^ïïofmi Ifs.pigeons, que je manquois d'oublier. J G 2 Le  C 148 > Le Précepteur. Oui vos chers pigeons, dont vous avez une grande volière fi bien garnie. Hé bien, ces pigeons, combien de pigeonneaux fournisfent - ils 1'année a votre cuifine? 6. Ecolier. L'année pasfée, mes pigeons ont fourni cinquante trois paires de pigeonneaux a la cuifine, et j'en ai gardé fept paires pour recruter ma volière: et j'ai encore fait prefent de quelques beaux pigeons a un de mes amis, qui me fait part ausfi de ce qu'il a de plus beau dans fa volière. Le Précepteur. Voyez-vous quel proflt et quel plaifir vous recueillez de ces oifeaux familiers. Ils font toujours un peu farouches, par ce quils craigment l'homme, ayant peur qu'on ne leur veuille faire du mal, lorsqu'on les veut prendre, mais ils craignent moins celui qui les foujage, que tout autre qu'ils ne con- nais*  < 140 > fiaisfent pas. Les pigeons font des animaux domeftiques, 'par ce qu'ils font d'une utilité ordinaire a l'homme. II en est de même des poules, dont les oeufs, les petits et même la chair des vieilles poules, font a notre ufage, et a un ufage necesfaire, a caufe de la falubrité de 1'aliment qu'elles nous fournisfent. II n'y a fans doute pas un de vous, qui n'ait mangé d'une oie grasfe, et qui ne fache, que nos Hts font emplis du duvet qu'on leur prend toutes les années, comme 1'on fait au mouton, du quel on tond la laine une fois par an. L'oie jette ausfi chaque année les longues plumes des ailes, lesquelles nous fervent pour écrire. Le canard ausfi est un oifeau domeilique, dont la chair est bonne a manger, et dont on mange ausfi les oeufs, qui font moins delicats, a la verité, que ceux des poules, mais qui dans des gateaux et des ommelettes font fort bons. II y a G 3 aus-  -C }$o > ausfi des canards fauvages, mais qui fe laisfent facilement apprivoifer, 3'^rsqu'on" les prend petits; et les 'privés, s'ils prennent 1'esfort avec une volée de canards fauvages,'deviennent facilement fauvages, et ne reviendront plus trouver leur maitre. — L'oie et le canard font ausfi de la volaille aquatique; ils ont aux pieds entre les ongles des peaux qui leur fervent de nageoires, et ils mangent de petits poisfons et des infecles aquatiques. — Enfin, mes amis! les dindons font faits pour les tables des ricbes, et pendant que le plus fimple homme de profesfion peut nourir avec profit, des pigeons, des poules, des oies et des canards, il ne pourroit nourrir des dindons, fans fe faire tort, ni en manger, fans commettre une prodigalitó. 3. Eco Her. Mais Monfieur! vous ne dites rien du paon: ne meriteroit-il pas ausfi que vous en difiez du bien? Le  -C isi > Le Précepteur. Jyai manqué 1'oublier, paree que je préfère le profitable au beau: car il n'y a en lui rien d'admirable que fon beau plumage doré. Sa voix; fon cri est détestable, et fes pieds. font fi . malfaits, qu'on dit que lorsqu'il les regarde il en a honte-lui-même et fon orgueil est ausfi tot abaisfé. Enfin le paon n'èst fait que pour étaler fon beau plumage dans les ménageries des grands, et les basfe-cours des perfonnes riches. II n'est donc, pas important d'en faire grand cas; mars il y a le faifan qui est' un oifèau dont on peut dire, qu'il n'est ni privé ni fauvage, qui est trës delicat a manger* Les grands Seigneurs en ont des pares emplis, qu'on nomme faifaneries. Le. faifan n'a pas le plumage fi brillant que le paon, mais il a fur lui de grands avantages, pour fa taille er pour la delieatesfe de fa chair. 11 n'est pas oifeau domeftique % par ce G 4 qu'il  4 m > qu'il n'est pas abfolument necesfaire que nous en mangions. Pour finir; je vous ferai öbferver que les animaux qui nous font le plus utiles; le bon Dieu leur a donné 1'inftinér,, de fe laisfer apprivoifer et de demeurer avec l'homme; ils font aifés è prendre, pendant qu'il faut employer toute forte d'arts et d'industrie pour prendre les autres. 4. Ecolier. Je vóudroïs bien favoir h quoi est bon le ferein de canarie qui est ausii un oifeau domefttque. Le Précepteur. II est bon a nous divertir par fon beau ramage, et a nous faire admirer la toute-puisfance du créateur, qui a produit une diverfité infinie de créatures, dont aucune n'est inutile dans la nature. L'oifeau qui partage avec nous, ce que la nature fait craitre pour nous, ncms est bon a manger,. et nous avdns 1'industrie de 1'attraper. Par exemple; 1'alouette mange de nos bleds,  < 153 > Bleds, et nous mangeons Falouette: iï en est de même de la perdrïx, que nous trouvons trés bonne, après qu'elle s'est engraisfée dans nos champs. II y a des oifeaux qui nous viennent h la volée, fondre fur nos cerifiers; c'est a la pointe du jour qu'ils viennent ain£ par grosfes bandes, et le chasfeur le tient asfis fous le cerifier, fait feu fur eux, et h chaque coup qu^l tire, il en tombe des fois jusqua cinq, llx ou fept. Au coup de feu le reste s'en vole, mais ils lont bientot de retour, et d'autres qui ne favent pas que ce coup de jeu a été donné Ia, viennent, et je chasfeur fe remettant a faire teu, ü emporte de quoi faire bonne chère. — Je ne finirois pas a vous detailier tout ce que j'en fais, des oifeaux, ou de la volaille fauvage bonne a manger, et de celle qu'on ne mange pas, a caufe que la chair ne nous revient pas. — — GS 5 Eco*  -C 154 > 5. Ecolier. Que je vous interrompe par une question curieufe: fi ces oifeaux ne font pas bons £ manger; a quoi font - ils bons, ou ne valent - ils rien du tout. Le Précepteur. Penfez-vous que l'homme doive tout manger. Toutes les créatures qui vivent avec lui font fakes a fon ufage, mais non pas pour qu'il mange tout. II y a des oifeaux qui font faits pour purger fair d'infectes, comme 1'hirondelle qui voltige autour de nos demeures et qui avale toutes les infecles qu'elle rencontre: Ie corbeau et la corneille vivent de charognes, et en les mangeant, ils emportent de desfus la 'terre, ce qui empesteroit l'air, s'il y restoit. — Mais pour Ivous prouver la necesfité qu'il y a, fur la terre, de toutes les créatu'yes que Dieu a faites, je vous ci■terai un feul exemple:— Dans un certains pays, le fouverain avoit com-  4 > commandé qu'on tuat toutes les .corneilles et qu'on en exterminat les nids. Le fouverain avoit peutêtre obfervé, qu'en pasfant, une corneille avoit emporté un epic de bied, d'un de fes champs, et il donna eet ordre-la, que le payfan executa volontiers pour la même raifon. Mais quelques années après, les eampagnards de ce paysla ont manqué de fe trouver dans la necesfité d'aler acheter des corneilles dans d'autres pays, s'il n'en fut pas venu de foi-même; car il vint une fi grande quantité de gros vers dans les champs, détruire les bleds en herbe, et ronger tout ce qui craisfoit en terre, qne la famine feroit venuë dans ce pays-la, fi Pinflinct. n'eut amené, des pays voifins, des corneilles pour s'en venir repaitre. Comprenez, mes amis! qu'il n'y a rien d'inutile dans la nature, et que ce qui nous parait évidemment nuifible, a été fait et dispenfé pour une bonne fin. G 6 Biey  < 156 > Dieu est bon, et il pourvoit Iïber"ralement a tous nos befoins. En* nous dispenfant des biens; il veut que nous reconnaisfions qu'il en est 1'auteür, afin que nous lui en rendions graces, que nous lui en rapportions la gloire, et que nous tachions de les meriter par un vie fainte et fans reproche. En nous dispenfant des maux; il veut que nous retournions a lui, comme a celui qui'peut détourner le mal de desfus nous, et que notre amour et nos inclinations 'fe détachent de la terre pour nous attacher a lui, qui est la première caufe et la fin de notre exiflence terrestre. Et fi nous nous appliquons a Tétude de la nature;' que ce' ne foit pas, k desfein de nous orner 1'efprit de connaisfances qui nous fasfent méconnaitre Dieu, pour le fouverain directeur de toutes chofes, comme il en est Pameur: mais plütot 4 desfein de réconnaltre de mieux en mieux toutes les perfections de hc-; tre  < 157 > tre Dieu, afin de fortifier notre foi en lui, et notre foumivsfion a fa volonté feule fainte, et notre attachemeht & fon faint fervice. Voila ausfi le desfein dans lequel nous nous entretenons des oeuvres de dieu. Que ce bon Dieu veuille benir nos faibles efforts, et nous éclairer de plus en plias, par la vertu du faint Efprit, afin qu'en devenant de jour en jour plus éclairés, nous devenions ausfi toujours plus capables et mieux portés a cmployer toures les facultés de nos efprits et de nos corps a la glorification de fon Saint-Nom. Ainfi foit il! ENTRETIEN 10. Le Précepteur. Qu'un e fable ferve aujourd'hui de matière a notre entretien. —Que vos yeux fe réveillent, mon G 7 ami!  < *5S > ami! lorsque vous entendèz parler de fable! 2. Ecolier. Je crois que mes condifciplesfont a peu prés du même gout, encore qu'il y en ait, qui font moins badins que moi. Mais, enfin , je veux, bien avouër que la fablè m'amufe, et je vous férai trés obligé, qu'une fable bien amuTante foir aujourd'hui le fujet- de notre entreaen. Le Précepteur. Je vous entens : . Vous n'aimez pas entendre parler de crüautésy comme dans la fable de Progné etde Phil-mèle. Hé bien non; je vous en vais reciter une dans laquelle, il n'y aura point d'autres a&eurs que des animaux, et le théatre ne fera point enfanglanté. aujourd'hui. — Ecoutez nioi! ——- Un renard fort affamé s'avanca vers un coq, qui, dans un verger proche d'un village, fe trouvoit a paitre avec fes poules. Le. coq i  -C 159. > coq s'appcrcevant de 1'approche de 1'enncmi ccmmun de ion espèce, fonna 1'alarme , et ausfi tot prit 1'esfort.et vola fe percher fur un arbre, oü fes poules le fuivirent, fans autre dèliberation, que la confiance qu'elles avoient en fa vigilance. Le renard capot de voir fa proie lui être échapée, changea de méfures, et prit fon recours a fa rufe ordinaire. II s'approcha tout doucement de 1'arbre, et faluant respeclueufement le coq et fes poules, il leur demanda le fujet de leur épouvante, et s'ils n'étoient pas inftruits, de la bonne avanture qui venoit d'ariver? Je n'apprens point de nouvelles , repartit le coq, et j'ignore ce que c'est. dont vous parlez. C'est, reprit le f*enard, de quoi vous devez être trés joyeux, et je viens ici a desfein de vous faire participer a ma grande fatfofacYon. Sachez donc, continua le renard, que dans une conference generale qui vient d'être te-  •C ï6ö )- tenue, au fujet du bien public, 11 r-tL été établi une paix generale et perpetuelle entre tous les animaux, en forte que d'orénavant, délivrés dé crainte et de jaloufie y nous al-lons vivre enfemble, fans nous faire Tun a 1'autre le moindre mal. Defcendez donc, et que nous celebrions cette heureufe journée. Le coq fentant la rufe du renard, lui "repliqua gravement et fort laconiquement: vous nous donnez la une trés joyeufe nouvelle, et a ces mots il fe redresfa le plus qu'il put, comme regardant a queique chofe qui fut fort éïoigné. Le renard, furpris de cette contenance ciu coq, lui demanda: a quoi regardez - vous fi attentivement. Je vois, repartit le coq, des chiens venir en courant de ce coté-ci, et j'imagine a leur grande hate, qu'ils font chargés de proclamer ici la paix. Adieu donc, dit le renard, car fi cela est; je ne puis plus si'areter ici, et je dois fonger a ma pro-  -c m > propre fureté, pendant qu'il en est tems/ Mais qu'ayez-vous a craindre, repartit le coq , puisque la paix generale est concluë? C'est que j'ai lieu de croire, que ces chiëns pöur« roient peut-être, -ignorer encore la ratification de cette paix: fut la reponfe du renard, 'qui ausfi tot prit la fuite et s'en retourna au bois, fe refugier dans fa tannière^ et je coq s'en retourna ausfi tot au vilïage avec fes poules, fort joyeux d'avoir échapé aux dents meurtières de eet ennemi rufé. i. Ecolier. Voila un malin coquin de renard, et un coq fort prudent: Mais je vous prie, Monfieur! de nous montrer, comment il faut que nous nous y prennions, pour tirer d'une fabie, les inflruclions qu'elle offre, car il me femble qu"admirer fans raifonnement, c'est d'un fot; et pourtant je ne fais comment m'y prendre, pour raifonner fur le fens moraï que j'y crois apercévoir. Le  r( 16a 3- • Xtf Précepteur. . Que j'aime „a vous entendre parler comme vous fair.es! de la facon que vous vous y prennez, je vous promets que vous ferez un jour un habile homme. Je vous vai donc dire, que pour comprendre le fens de cette fable, il faut d'abord faifir les caractères des fujets. Nos fujets font des animaux, dont le caractère est 1'inftinct., qu'il faut d'abord connaitre; puis en examinér la conduite, pour voir; fi elle est de rapport avec Pinftmcl; enfuite, juger'et-en faire application fur nous-mé-mes et fur ce qui fe pasiè daus le monde, afin d'aquerir la prudence, necesfaire pour nous garantir des pourfuites, rufées de nos ennemis. Voyons^ qui mé détaillera le -caradère du renard, ou fon iuftinct.? 7. Ecolier.. Le renard est un animal carnacier, qui employé la rufe, la o& 1'adresfe ne luifertpas, pour attra- per  -C 163 > per fa proye. C'est ce qu'il üt voir, en avaneant d'abord,& la fourdine et fans bruit, pour tomber tout d'un coup fur fa proye, lorsqu'il fe tiouveroit a portie de le pouvoir. Puis, fe voyant déconcerté par la fuite précipitée du coq et des, poules, ul prend recours a fa rufe,. et tache d'attraper par fubtilité, ce qui vient d'échaper è fon adresfe naturelle. Le Précepteur. Cela s'apelle, parler comme un livre. Mais examinons maintenant ausfi 1'inftinct. du coq, par la con-duite qu'il tint vis a vis du renard» fon ennemi déclaré. 3. Ecolier. L'air a beaucoup d'influence fur le coq, et c'est par ce moyen-li et rar 1'ouïe, qu'il a bonne ausfi, qu'il s'appercoit de loin, des objets qui vienneur a lui, avec cela il est fort attentif, et ne manque jamais d'avertir fes poules de ce qu'il appercoit tan tot en faifant un un  < 1*4 > un cri d'épouvante, et puis en dortnant un ton de vóix comme pour dire; gare! Le Précepteur. Avez-vous -fait toutes ces obfer* vations, vous-même? 3. Ecolier. Oui Monfieur. Nous avons des poules dans notre basfe-cour; et j'ai obfervé que lorsqu'il y vient un chien étranger, le coq avertrt ausfitot fes poules, mais ce n'est que pour dire; gare! et pour les rasfembler autour de foi. II vint un foir une marte, dans notre basfe-cour; vous favez que c'est ausfi un animal carnacier, qui tnë les poules: hé bien, s'en appercevant, le coq fit un cri d'épouvante, et par bonheur qu'il y avoit un ventillon ouvert, par 1'ouverture duquel il pasfa avec toutes fes poules en volant vers la maifon: un de nos valets accourut avec le chien, pour prendre la marte, mais elle s'esquiva. Le  -C i«5 > Le Précepteur. Chaque annimal a fon ennemï, qu'il connait par inftincl:, et qu'il fuit par Faverfion qu'il en a, a moins qu'il n'ait le moyen de s'en défendre. Les poules en ont plufieurs, mais de tous le renard est le plus malin et le plus rufé, voila pourquoi on en a inventé plufièurs fables. Mais venons un peu aux lecons de morale qu'il y a; a recueillir dans celle que nous avons aujourd'hui pour le fujet de notre en treden. Quelle morale nous fournit, la conduite du renard. 6. Ecolier. Pour moi je ne trouve dans la conduite du renard rien de bon, mais plutot 1'exemple d'un trompeur, qui pour parvenir a une mauvaife fin, employé le menfonge et tache de perfuader par un discours flatteur. Le Précepteur. , Oh le pauvre renard! — Vous le trouvez donc fort criminel, et pour-  < i6Ö > pourtant il y a bien des hommes •qui lui re>femb!ent. Apprenez mes enfans a les reeonnakre, ces hommes „traitres qui , afin d'attraper d'autres hommes dans leurs filets, pour les perdre, employent la rufe, et les dé cours de Féloquence; qui font de grandes protestations d'amkié, pendant que leur coeur est plein de perfidie et de trahifon, et qui rampent avec un faux-femblant de refpeft et d'humilité, autour d'autres perfonnes, pour cacher Porgeuil dont leur coeur est enflé. • Ce n'est pas pour vous confeiller de les imker, ces hommes rufés et perfides que je vous en fais uné faible ébauche. Dieu m'en garde.* "pusfé-je plutot leur donner le coloris détestable qui leur convient, afin que vóui puisfiez abhorrer leurs criminell.es maximes, et fentir au.dedans' de votre coeur un dégout, qui vous .retïenne fins cesfe fur les fentiers:' des' 'hommes droits et  < 167 > fct in tè gres, pour fuivre leurs maximes aprouvées" de Dieu et estimées des hommes, et même des méchans. Mais afin de vous convain"cre de la nécesfité qu'il y a d'être fur fes gardes contre la perfidie des hommes, je vous vai raconter quelques aneclodes, effectivement arriVées de mon tems, et dans un lieu 'oü j'ai dèmeuré. Mais il ne faut pas vous attendre a ce que je nom* me les perfonnes, ni les lieu, de leurs propres noms; la charité Pamour fraternel que je dois, même au fcelerat, et qu'il ne m'est pa§ permis de refufer a perfonne, toute fois avec une ' juste distinélion ou reftriction; ce dévoiï indispenïable du chretien me le défend. : Licas après avoir fait fon apprentisfage, dans les affaires d'un petit marchand d'Allemagne, eut le bonheur d'entrcr en qualité de conrmis dans un comtoir d'importance ,■ ou 11 fe . perfediona dans lés affaires. II avoit du genie., mais atisfi;une gran-  < 168 > grande ambition, qui dans la fuite dégenera en orgueif. Voyant que 1'importance de fes fervices rempiisfoit fa bourfe, et que les espèces comptantes donnoient du reliëf a fa lituation mediocre, et qu'elles 1'élevoient même, au desfus de luimême; il fit de plus en plus des efforts, pour faire augmenter fes "gages, fe voyant enfin 11 bien gagé que, pour le lieu oü il étoit, il n'en pouvoit plus attendre d'avantage, il fit fi bien qu'il fe procura une condition de commis, dans une maifon importante des isles Britaniques. II s'appliqua fi bien a meriter 1'cstime de fes maitres, que bientot il vit fon ambition presque ait comble de fes défirs, par la figure que fon gros falaire lui perinettoit de faire, et par les honneurs que fes maitres lui temoignoienu Voila fon premier periode. Son ambition s'accrut avec fa ïbrtune, qui étoit brillante pour le 'déhors, mais qui étoit abfolument fanjs  < I6p > fans aütre bafe que fon genie et. Ion application; car, il Véparmoit rien de fon argent, employant tout ion gam a brïller dans les focietés. li y avoit trois ou qulttre ans qu'il ie trouvoit dans cette maifon qu'un des maitres étant venü a mourir, il ambitiona de prendre fa place en époulant la veuve.* Les asfociés, frères du défunt, et les parens de la . Veuve s'y oppofèrent, mais il ne fe rebuta point, et il pousla fi bien fa pointe, qu'il s'ert fut, avec la veuve, fe faire époupoufer avec elle en Ecosfe, malgré la völonté et 'le «confentement. de tous. Cela étant fait, on ne put refufer de délivrer a fa femme ce qu'elle posfedok en proprieté mais la portion du commerce et le bien du défunt fnc refervé au Bs, unique qui en restoit et que Van de fes oncles retint chez lui. ft feroit trop long de détailler tous: les differens röles que 1'ambition. dégenerée -en orgueil, fit jouer $ H Licas  -C l7° )• Lkas dans les differens endroits oh il vequit , toujours bien écartès l9un de 1'autre. Par tout oü il fe trouvoit, il vouloit vivre de paire avec les plus grands et les plus importans de la nation, et pour le faire, il déguifa fon origine fous des fables inventies par lui-même. A Danzig, A\ débitoit qu'il étoit, isfü d'une ancienne maifon de Rome, fe fit faire un cachet avec des armoiries illustres, et changea la terminaifon de fon nom. Jusques la, fa fortune étoit aüée en croisfant, mais un accident facheux et les dépenfes excesfives qu'il avoit faites, lui donnèrent un choc a la rénverfer .entièrement, et il fut Obligé de s'enfuir d'une marière malhonète, et de chercher, dans un pays éloigné les moyens de rétablir fa fortune délabrée, II vint en Allemagne, oü il n'avoit plus d'autres moyens de fubfièence que la rufe et la fubtilité ds fon efprit, qu'ü employa fi k pro»  < 171 > propos, que par- éi, par-&, il trompa le Prince et le particulier, et qu'au bout dn compte, pauvte comme un rat d'églife, il fe rendit dans une ville d'Univetfité que je nommerai Courtine, oü il obtint facilement le titre de Profesfeur en eertain es fciences, mais fans appointement ni rang, ni féance. N'ayant que du genie et de la leclrnre, fans principes, il est naturel qu'il 'ne fut pas gouté dans fes lecons, et bientot il fe vit miferable. Toutefois fon orgueil ne 1'abandonna pas, et fe vantant d'avoir asfez de biert pour vivre de fes rentes, et faifanc toujours grandes dépenfes, il< eut asfez de credit pour y contrafter des dettes qu'il ne paya jamais. Sa pauvre femme voyant cependant qu'il n'y avoit pour elle que la dernière mifère a attendre, prit le parti de s'en retourner au fein de fa familie, et pour en obtenir le confentement de fon mari, elle lui fit esperer, qu'y étant une fois-ré-- ■  ■tablie, elle trouvereit moyen de Vf faire ausfi retourner, lui. Un hohéte homme fin une eolleóle, chez les plus gros de la ville, pour obtenir dequoi fournir aux fraix de voyage, a cette pauvre femme défolée; et elle partit. Etant de retour parmi les fiens, elle en fut foignée convénablement, mais poar Licas fon mari, il fut abandonné a la ri^uenr de fon fort. Les habitans du lieu , voyant que la femme ne revenoit pas, et qu'il ne venoit point d'argent, lui refufèrent le credit, et il fut péri de mifère, 1] un jeune homme fort riche, d'un cara&ère bon et gene* reux, ne fe fut preté a fournir \ fon entretien. Soutenü par ce jeune, homme, r.espefté de tout le monde, Licas pouvoit eccore fre* quenter les focietés, et a 1'ombre 4e cette protection, ufurpée par toute forte de fuggestions fausfes, qu'il débitoit a fon bienfaiteur, afia d'exciter en lui uap genereufe pi-  '( 173 > pïtié avec respect-, et a 1'omW d'un titre qu'il avoit fü fe procufer a prix d'argent, lorsqu'il en avoit eneore, it eut encore accès dans* plufieurs des meilleures maifons de' Ta ville. Dans cet état-la, il fe mit a formér toute forte de projets,, pour attirer d'autres perfonnes dans' fes filets: car il' ne pouvoit rester' tranquile, et encore qu'il joul't d'une fubfiftaiice dont il eut pü fe con-enter, fon orgueil ne fe contentoit pas dê cela, et il medita' de s'ériger err homme important. II fit plufieurs pröjets, dans lesquels il fit entrer un fort hohète homme de bonne reputation, mais dont la fortune étoit mediocre, que je nommerai Damon. Cet honète homme portoit queique credit aux entreprifes de Licas, a caufe de la probité de fon caractère et du bon discernement qu'on lui connaisfoit, mais plufieurs perfonnes 1'avertirent d'être fur fes gardes, pour n'être pas la dupe des- rufes de Licas. C'eut H 3  < m > été heureux pour Damon, s'il avoit profité des avertisfemens de fes amis, mais il lui étoit imposfible de fuppofer des méchancetés en perfonne ex il étoit toujours par charité enciin, a excufer les fautes d'autrui, plütot que de les blamer. Ce fentiment veritablement chretien, dépourvü de la prudence necesfaire en Damon le fit cependanr tomber dans les filets du mechant. Licas parvint par fon fécours, et par fon attachement a voir la réusfite d'un projet qu'il avoit fair, et qui Feut mis dans un état asfez brillant, fi fon orgueil et fa mechanoeté, qui lui firent attenter fur 1'honneur et la reputation de Damon, n'cusfent effectué fa perte inévitable. Se croyant déja au comble dc fes voeux, il trouva qu'un engagement de fasniliarité avec un perfonnage ausfi mediocre que Damon, et d'un favoir plus folide que le fien, et dans un fens plus respeété qu'il ne Fétoit lui - même , ternisfoit fon éclat:  < *75 > éclar; il medita les moyens de s'efi defaire, et pour y réusfir, il lui fit des imputations indignes, qui reVoltèrent contre lui, tous les feritimens d'honneur et de probité dont le coeur de Damon étoit veritablefnent penetré. Et lorsque celui ci tint ferme, pour défendre fa reputation bien foutenuë, le malheureux Licas 1'attaqua en justlce, et produifit un billet qu'il tenoit de lui, et au contenü duquel on pouvoit preter une mauvaife interprétation, h desfein de le perdre dans 1'efprit de fes fuperieurs, et pour détruire en même tems fa fortune médiocre. II n'eut pas manqué de réu-fir, en cet attentat ausfi cruel qu'impie, fi les amis de Damon et le bienfaiteur lui-même du traitre, ne fe fusfent tous employés pour fauver 1'honète homme, en donnant par leur propre credit une tournure avantageufe aux imputations fausfes et traitresfes de Licas contre lui. Damo-n fut donc déclaré abfoud, H 4 mais  < m > *iaisi Licas en exécracion k toutes •les honetes wns.de la ville, fe vit Jientot délaisfê de fes amis 'et fon biemaiteur, après l'avoir hanté en- iZl7elq*? ïCmsT tout dement .engagé qu'il fut dans fon affaire. lui vxnt déclarer un jour, que eln étoit plus fon affaire de s'en meier davantage, et après lui avoir .xerms pour la dernière fois< une petite fomme lui dit adieu, pour toujours. Licas qui crut trouver en .JJamon la même facilité a fe laisfer dupper, qu'il y avoit trouvé deux fois, lui fit demander excufedu tort qu'il. lui avoit fait, le fi asfurer de fon estime, et le prier de renouer i'amitié avec lui: mais iion: Damon étoit devenü prudentie ne lui veux point de mal, fut r. rePOnfe; mais il trouvera le faJaire de fes iniquités. ' En effet Licas, abandonné de fon bienfiuteur, fut fans resfource, et avec le fecours de la petite fomme qu'il e& venoit de recevoir, il partit a la  fa fóurdïne, abandonnant le peu dè' meubles qu'il avoit a fa merci da fes créanciers, La juftice les fit vendre, et il n'y eiit que le locataire qüi en*fut payé, tous les auti'es créanciens de Licas en fortirent les inains vuides, et lui-mê-* me? Dieu fait, oü il a pasfé: on n'en a plus enten du parler. 5". Ecolier. Ce Licas resfemble bien au renard de la fabié, mais Damon né resfemble pas entièrement au coq.. Le Précepteur. Non, 11 ne lui resfemble pas tout' S fait: bien en dernier liéu, mais non precédemment' Le coq' nous reprefente, un perfonnage grave et austère, lent a la repliqae, et quï par des gestes fignificati s, dit bien1 plus que d'autres ne font par beaucoup de paroles. Ü met le renard' e"n defaut, de lui demander, a quof il regarde? Surquoi il le chasfe* par une feinte prudemment medi"^ tée,. S'il avoit été vrai' cue- cetter B 5v paia^  -C 178 > païx generale, dont lc renard parJoit, eut été aretée; le renard n'eut eu que' faire de fuir. II fit donc comprendre a ce rufé coquin, qu'il n'étoit pas la dupe de fa fourberie, et^ il Ie mit dans la nécesfité de fuir honteufemunt, pendant que le prudent coq étoit en fnreté fur 1'ar«bre avec fes poules, Mais, nous nous fommes déja bien longtems aretés fur cette matière, que nous ifépuiferons pas aujourd'hui. J'espère que nous n'en resterons pas aux entretiens de ce premier volume , et ainfi j'aurai encore bien louvent occafion de nous entretenir fur la prudence; mais non a desfein, que quelqu'un de vous apprenne a 1'employer pour mal faire, mais plutot pour en faire ufa*e, afinde fe garantir de la rufe ces méchans. je tacherai de vous apprendre a être prudens comme «es ferpens et fimples comme des colombes. Adieu, mes enfans! jus ENTRETIEN n. Le Précepteur. Maintenant que tout est pret dans la nature, ou fur la terre, nous allons voir d'abord aujourd'hui paraitre, l'homme, le chef d'oeuvre du créateur qu'il fit de fa propre main. 1. Ecolier. Non Monfieur: pas d'abord; les animaux quatrupèdes et les reptiles, n'y font pas et Dieu, avant que de faire Phomme, commanda a la terre, de les produire. Le Précepteur. Bien: mais n'y a-t-il pas trois fortes animaux, que la terre dut produire ce jour-la, et les quatru* béde et les reptiles, ne font que deux fortes? • 2. Ecolier. 11 est fait une distinclion entre animaux domeftiques et animaux de H 6  < *8o > U terre, lesquels font deux forter de quatrupèdes. Le Précepteur. Croyez-vous donc que, dans la. création des animaux quatrupèdes, Ja distinftion entre les animaux domeftiques. et les animaux de la ter-* re fe fit, lors de la création, ou que l'homme fit choix des uns pour etre autour de lui, et qu'il laisfa les autres courir a 1'avanture? 3. Ecdier. Je ne fais: mais il me tfemble pourtant que- chaque espèce d'ani* jnaux a une autre nature,, ou in* ilincY, ainfi que vous avez dit en parlant des oifeaux, et voila pour* quoi il me femble , que les uns fuJent iaits pour vivre avee nous, et les autres pour vivre loin de nous; Le Précepteur. Cela-, n'est pas mal raifoner, et ce qui vous femble, est bien juste* Mais il y a encore a ajouter, que les animaux que Dieu créa pour être animaux domefiaques*. nous Toni, d.'u-  dline utiltté plus generale-, et pemr ainfi dire indispenfablement neces* faircsv Voyous cela. — La vache nous fournit du lait, du beurre, du fromage, des veaux, et ces veaux deviennent avec le tems-, des boeux qui nous fervent au labourage pendant fix ou fept ans, puis on les met a 1'engrais, et quand ils font engraisfés , le boueher les; tul et nous- en vent la chair que nous man* geons; et de la graisfe, on fait du favon blanc et des- chandelles: mais comme la vache et le boeuf fervent fouvent jusqu'a douze ans-, et que la vache'fait un veau par an; on tuë ausfi des veaux , et ainfi la chaïr des veaux nous- est eneore un ali* ment que la vache nous fonrnit, et de la peau de boeuf,. de vache et de veau nous avons- notre chausfu* re. Voyez ü le bon Dieu ne nous a pas fait un grand don, de nous donner- ün animal domeftique ü profitable. Voyons les autres i — &a chèvre dorine.dulait bon i man? H 7 geiV  ger, et a boire dans le caffé, et I faire du fromage: fa chair fe mange, quoiqu'elle ne foit pas au gout de tout le monde: elle fait ordiriairement deux petits par an, et la peau en est bonne pour en faire du cuir a fervir pour des gans et des culottes: Ia graisfe n'en est bonne que pour les faifeurs de chandèles et de favon. — La brebis et la lamille, nous fournisfent la laine dont il il fe fait du drap et des étoffes pour nous vetir: la chair s en mange, et leur peau fert a differens ufages. Voila trois fortes d animaux domeftiques dont nous ne iaunons nous pasfer, étant d'une ïitlhté generale, et indispenfablement necesfaires. Puis nous en avons qui nous font tres utiles ausfi, mais dont beaucoup de monde le pasfe, comme le cheval, le chien et le chat, etc. — Enfin abregeons fur cette matière, et conclSons: que la fagesfe infinie de Dieu fe manifeste en toutes chofes, en ce qu'il  -C 1*3 > qu'il fait toujours choix du meïï* leur dans le fens le plus parfait» Venons a la feconde forte d'animaux quatrupèdes, nommés dans la bible, les animaux de la terre: qu'entendez vous par ces animauxUi 4. Ecolier. J'entens les bètes fauvages; ou? les bètes fauves et carnacières qui courent en liberté dans les déferts, les forets et les campagnes. Le Précepteur. Sauriez vous me dire; que fignifïe la difference entre bètes fauves et bètes carnacières? 5. Ecolier. J'ai ouï dire, que les bètes fauves font les bètes fauvages qui dans' les forets et les campagnes vivent d'herbes, de feuilles d'arbres et des fruits fauvages qui craisfent dans les bois, et que les bètes carnacières font celles qui vivent de la chair et du fang des autres animaux qu'ils attrapent pour les dévorer. Le  < M| > Précepteur. ■Pour abreger cette matière--cf tón de parvenir bientot Tvoii Dieü' fervoLAfd^ dG fa ***** S lêtes fauvef1 raPP?rcfe™ir que les' fe ordlS-Cmarnaderes r^entqenc"f re, ou dahment,. ou ft queique au. ^ m,w J" st bonne ' manger; terre'nIUr^", es «gneurs de Ir, bien fert;P r °Ient ï? Ieur ^ w*.n leivie, fans venaifon. tachas- mfeiles n?f Pf da"g-<^, pareequ elles ne fe fervent d'autre dèfen- ie 'cerf VV^ *> f*»- ln« i.e ceir Ie daim et e chevremT rnals ,ls ne s'en fen fervirom contre 1 homme, que lorsque ia fu;te « eT'eSe 'rï SE£ '_e cas existe trés rarement. Le langhor a des dents cröchues aui *s deux cotds de fon aroi n f'-? fat. en djto<»^lö*£ de--  < i8'5 > 'défenfes du fanglier; mais" s'il peut' employer la fuite; il aimera mieux employer ce moyen-la; pour fe fatfver, que fes dëfenfés. Toutefois le cas existe fouvent, que 1'habiie ebafeuf par un cri agacant, attire & lui le fanglier, pour lé percer d'une lance" ou drun couteau de chasfe, par devant, a la poitrine ou dans le grouin, ou en queique place penétrablè, k la téte. La ^ chair de toutes ces espèces d'animaux est bonne a mauger et le cuir qu'on' fait de leur peau est d'un bon. ufage, et Dieu les a'fait en les créant ; ou, Dieu ordonna en créant, que la terre les produifit teTs, que lTioitt» me s'en put- procurer le necesfaire fans grand peril, ni- fans trop de peine. II y en a d'autres abfolument fans défenfes, comme les lièvres et les lapins: mais lés bêtes farouches, et carnacières ont des dents meurtrières, la guèule, k tout dechirer ce qui tombe en leur pouvoir, et il y en a qui ont encose des griffes ter  -C iss > chan dégoutante, et deur peau n'est SW««.il "'estpis necesfaire ou r i m fails 4 P°uvcir ê»e pris tués avec facilité. Dieu merci que notre pays foit depott-vü de ces Dien t°reSC Mais ausfi g«ce * vnir » b0mé Paternelfe, d'a- tres" "Si» routes les au- filC élw« telles que nous puis- flons Jouir de celles, dont 1'ufase nous est utile et necèsfai.e. —.f? Dieu v,t ce qu'il avoit fait; er voici tom ér0i, b ^ ci que Dieu fait est bien faTt Jin étudiant avec le tems la nam™ Jpcaacie de la création de l'homme Entendons,ce qu'en rapporte Moïfe.' r> . 7» Ecolier. Dl0u #t: faifons Thomme k cermngA^el°^ n°;re re^mblanoe la mer> et fur les oifeaux de,s , cieux,  < m > cieux, et fur les animaux domefK-s ques, et fur toute la terre et fur tout reptile qui rampe fur la terre. i Liv. de Moïfe, ch. i v. 16. Le Précepteur. Puis Dieu dit:- Ne diroit- on pas, que Dieu ne prit, qtfen ce moment-la, la refolution de faire l'homme: car ce mot de puis figmfe, que ce fut après avoir fait cela, que Dieu dit. 7. Ecolier. Dieu est éternel et il n'y a en lui aucune fuccesfion de tems; donc je penfe que la refolution de Dieu, de faire l'homme, fut-prife de toute éternité, et que le tems d'executer cette refolution étant parvenu h fon terme déterminé .par Dieu luimême; Dieu dit: maintenant faifons: Fhomme! Le Précepteur. Vous avez lü cela fans doute, dans quelqne livre, car c'est trop bien dir pour un jeune homme de votre age. OuiDieu est éternel r et  -( m > « Ton confeil est éternel. Toute* te &tyim et les perfeftions de Diei font mfmies. li n'en est pas de Bieu; comme dé l'homme qui, felor* Ih SW*?* dGS c^fes change de refolution et en prend' de ?hnn^eV AUSQ kS ^folutions dl f homme fe prennent et fe forment est bomé et enfermé dans fon coros gatenel: mais Dieu est un esprit fans borne ni' fin. Dieu est d'éter*ité en éternité fon nom ést 1'Eter- &t n >l ¥ dG t0Ute éternité ansfi lage qu il 1'est aprefent et qu'il le fera éternellement. Donc, heul tcü de toute êleWiité' ce qu'il fait aujourdTiui' et ce qu'il ne-4 cesfera de favoir; et ainfi il fe détermina fnl^Urereternité a ce éstTe. au'il f H?ir^enCOre' Comme k c? quil a déja fait avant même qu'on mefurat le' tems fur la terre. Ainfi bihté de Dieu; il fait tout, pré voit »utr et fes- décrets font pris et re»  -C 189 > refolus en lui de toute ètefnitê% mais rélativement a fes* créatures, il les execute dans le tems. Ce que Moïfe rapporte en ces mots: — puis Dieu dit -r— ne fignifie donc pas, que Dieu; dans fon confeil, réfolut alors de faire l'homme, mais plütot, comme s'il étoit dit-— toutes les chofes étant ainfi preparès , il ne reste rien pour achever la création, qtte de faire Phomme; faifons ie donc aprefent. — —- Öui, le tems étoit venu que l'homme, le dominateur fur les autres créatures, dévoit paraitre, et Dieu ne commanda pas aux élémens le le produire : il le ür. de fes propres mains, et il regla lui-mème ia proportion des elémens qui devoient compofer la masfe de fon corps. —— —4. Ecolier. Mais Monfieur! pardonnez que 5e vous interrompe! Dieu n'a point de raains: comment donc dites-vous , que Dieu fit rhommé de fes propres irxains? Le  *C J9° )- Le Précepteur. Vous ne penfez pas a Ia Trïntéde Dieu, et a ce que dit St, ffean, au commencement de fon Evangile — La parole étois au commence* men, et la parole étoit avec Dieu, et eette parole etoit Dieu. Elle étoit au commencement avec Dieu. Toutes chofes ont été faites par elle, et rien de ce qui m été fait, n'a été fait fans elle, — — Sr. Jean le, fait asfez comprendre par la fuite de quelques verfets qu'il ajoute, que c'est jefus Christ qui est cette parole créatrice, qui est la vie et la lumière des hommes. Et ne fe pou^ voit il das que Christ, qui étoit alors dans le fein de Dieu le Père, fut venü en terre revetü d'un corps, pour former le corps d'Adam, en prennant fon image et fa propre resfemblance pour modèle ? Cela fe peut fans doute, quoique nous-ne puisfions pas dire en pleiïie asfurance, que la formation du corps d'Adam fe fpit faite ainfi.  < I9i > Dieu, est - il dit au Chapïtre sc V. 7 du i. Livre de Moïfe: PEternel Dieu avoit formé Phomme de la poudre de la terre, et il avoit fbufflé dans fes narines une respiration de vie; et Phomme fut fait en dme vivante. Figurez vous, le Créa- teur, PEternel, formant lui même l'homme, felon une image et une resfemblance de lui-même, et lui foufflant un esprit de vie par les narines. Notre esprit de vie, notre ame est un foufüe de Dieu; un esprit immortei, et notre corps — — ah il n*a plus cette image de Dieu, cet éclat de fainteté qu'il avoit en fortant de la main de 1'E* ternel Dieu Créateur; cette fplendeur qui lui fervoit de vètement! — II est terni, cet éclat, de puis ie pêché d'Adam, et nous n'oferions plus paraitre fans être couverts de vètemens, depuis que la fplen*. deur ne fort plus du corps de Phomme l Toute fois, ne méconnaisfons pas re&ceUence de notre nature.  ture,: Dieu a pourvü aux moyens que nous retournions un jour dans cet état d'immortalité, et de fain* te té ou fut Adam avant fa funeste £. Ecolier.. Quand donc est-ce que nous retournerons dans eet état oü étoit Adam avant fa chute ? Je vois mourir tant de -monde fans y être retourné. Le Précepteur. Ce ne fera pas dans cette vie terrestre* II nous faut tous mourir auparavant, afin que dans la terre, tout ce qu'il y a de materiel et de ^rosfier en notre corps foit disfout par la pourriture, Puis, au grand jour du fecond avènement delefus Christ, nos corps feront refufcités par la toute-puisfance de Dieu, et 1'ame ' 'de chacun fera rejointe en fon corps et ceux qui auront cru en Jefus Christ, qui auront été fages, en vivant felon fes préceptes et fo^ exemple, ceux-la refusciteront eu vie  < m > .vie éternelle, ils entreront dans Ie paradis de Dieu, a3rant un corps resplendisfant, ce qui fera ce vetement éclatant de blancheur dont parle Sr. Jean dans fon Apocalipfe, pour vivre a jamais dans la communion de Dieu et des anges. 6. Ecolier. De cette facon-ia, il est necesfaire que nous mourions, et fi nous ne mourions pas; nous ne pourrions pas entrer en paradis. Pourquoi donc apréhendons - nous la mort? J'avouë pue je n-y puis penfer fans frémir. Le Précepteur. C'est le pêché qui nous fait craindre la mort. Si nous étions fages, que nous véquisfions felon la volonté de Dieu, et que notre foi en Dieu^ et au merite de Jefus Christ fut bien bonne; nous n'aurions que faire de crarndre la mort. Au contraire, nous la regarderions comme le moyen par lequel Dieu nous veut d^livrer de tous les rnaux et de touï tes  -c im > tes les peines qni accompagnet cet»,, rte vie perisfable, pour nous trans" mettre dans fon paradis, afin d'y gouter une felicité fans fin, et ineompréhenfible ,a l'homme mortel. Oui, mes amis! Idepuis que le peiChé originel a corrompü le corps ,et Vimê de tout hommet la mort •est une fuite naturelle et infaillible de cette corruption phifique et morale de l'homme, et elle est le moyen le plus naturel et le plus convénable, dont Dieu a fait choix, afin de purger le corps de l'homme, par 1'entière disfolution de fes parties materielles et grosfières dans «le tombeau; de ce qui ternisfoit £k ïlplendeur fur la terre. 3. .Ecolier.. JLe pêché originel, dites vous, a corrompü l'&me et le corps, et le corps doit être purgé, dans le tombeau: mais fi notre ame est ausfi corrompuc; oü est-ce qu'elle feta puriHée ? Le  < 195 > Le Précepteur. Le fang de Jeins Christ nous purifie de tout pêché: dit 1'Apötre. L'ame est un efprit.: un foufrle forti de la bouche de Dieu: et 11 le corps dok ctre purifié par la putréfaction dans la terre, d'oü il est pris; il faut que l'ame foit purifiée par Dieu fon Créateur et Redemteur qui 1'a donné. Je crois, -ne vous pouvoir rien dire, a ce fujet qui vous puisfe être plus faci4e k comprendre. C'est le Christ de Dieu, qui est 1'Ëternel Dieu avec le Père et le faint Efprit, qui nous a créé, en formant le corps d'Adam et en lui foufflant dans les narines ome refpiration de vie: c'est ,: ausfi lui qui, par fon incarnation; 'par Pobéisfance laplus parfaite a 'la volonté du père celeste, et par fes fouffrances accomplies par la mort la plus douloureufe et la plus ignopinieufe, nous a voulü racheter •a Dieu, nous delivrant de 1'empïre de fatan et de la mort. Quel grand I 2 fu-  < 196 > fujet a nous, dans ces confiderations, de lui preter nos adorations et nos louanges, mais ausfi en menie tems, notre amour , et notre obéisfance la plus parfaite. II nous a créé; et ainfi nous lui fommes redévables de notre existence: et après que nous fümes déchüs, de 1'empire de la lumière a 1'empire dei» tenèbres, il nous a racheté de 1'esclavage du pêché; il nous a donc aquis en proprieté, et nous fommes & lui. Renoncons donc a nous -mêmes et a nos mauvaifes inclinations, pour ne plus vivre que felon les divins préceptes qu'il nous a lui-même diélé dans fa parole, et dont il nous a été le plus parfait modèle. Si nous faifons ainfi de tout notre coeur, nous ferons régenerés par la vertü du Saint Efprit, et cette regenération fera pour nous une feconde création, faite et operée par Celui qui forma le corps d'Adam: et étant ainfi yegenerés, «ous pourrons toujours, nous  -C 197 > nous égayer en Dieu notre Créateur, et confiderer la formation d'Adam, en nous glorifiant d'être fortis de la main de Dieu et du fouffle de fa bouche, encore que le pêché fuivlt de bien prés, le jour de fa création. 5. Ecolier. Ne fait-on pas, combien Iontems Adam demeura dans Pétat d'innocenee? Le Précepteur. Dieu n'ayant pas trouvé è. propos de nous en inftruire, il n'est pas necesfaire a notre falut, que nous le fachions. II y a des gens qui, s'ingérant de chercher du mistique la pu il n'y en a point, prétendent, qu'Adam ne demeura qu'un Sabath dans 1'état d'innocence, et que fa chute ariva le veridredi prochain, a caufe qu'un vendredi Jefus Christ fouffrit la mort, pour expier les pechés des hommes. Mais que cela n'occupe point votre efprit. Tachons plütot de nous rendre fans eesfe dignes de la grande piérogaI 3 tive  < ip8 > tive dont nous jouïsfons, d'être chretiens; afin que nous puisfions, ainfi que je viens de dire, nous égayer en Dieu notre créateur. Voyonls toujours la difference qu'11 y a de la création de l'homme a celle des animaux. 7. Ecolier. , Les poisfons furent produits par l'eau, les oifeaux par l'air, et les animaux avec les reptiles par la terre: mais l'homme fut formé par Dieu lui-même, et Dieu lui comKiuniqua un foufile de vie. Le Précepteur. Dites moi un peu, vous! qu'est ce que c'est que ce fouffle de vie, que Dieu fouffla dans les narines 4'Adam ? 1. Ecolier: C'est l'ame immortelle que nous avons, et que les animaux n'ont pas. Le Précepteur. Mais voyons un peu, vous mon ami ! quelle idéé vous formez-vous de la vie des animaux; d'oü ont- ils  < 199 > ils eu leur fouffle, ou leur respirai tion de vie: car ils font nommésanimaux, par ce qu'ils ont une ame. 7. Ecolier, Comme il n'est fait mention de rien, dans la bible, concernant 1'a* me des bêtes; d'ou et comment ils 1'ónt recu; je crois qu'il m'ést per-mis de dire, que leur foffle de vie leur est venü de la nature.Le Précepteur. Vous n'avez donc pas lü ce qui est dit au Chapitre 17 du Levitique de puis le verfet 10 jusqu'au 16, oü il est dit trés expresfement, que l'ame des bêtes est dans leur fang, et au verfet 14. — Car Vame de' toute chair est dans fon fang; il lat tient lieu d'dme; Le fouf- fle de vie des animaux est de lanature, et c'est d'elle qu'ils ont leur inftincl:, chacun felon fon espèce, et felon 1'ufage au quel il est destiné. L'animal ne raifonne pas, nejuge pas, ne choilit pas, ni ne dé-dde pas: il fait firaplement ce queL4,, ten-  fon inftinft lui fait faire: c'est par miïinP ^u'ü est P°usfé & faire ce quJl fai:, et retenü de faire ce quil ne fait pas. Mais l'homme, qui a ia respiration de vie de Dieu, raifonne, juge, choifit et fe détermme a ce qu'il fait, par les facultés de fon ame immortelle isfuë de .Dieu. Ausfi n'y a-t-il que l'homme qui ait la faculté de s'énoncer paria parole, en communiquant fes penfées, par ce que de toutes les créatures c'est uniquement l'homme qui penle: et la penfée est uniquement de l'ame immortelle et non de la matière; ni de la chair ni du tang. Jugez maintenant de la grande prérogative que nous avons fur les animaux; prérogative qui tient fon origine de la création. Si Dieu n'avoit mis lui-même la main a 1'oeuyre pour former le corps d'Adam, lui ïoufflant enfuite, après 1'avoir formé, uue respiration de vie; notre vie feroit femblable a celle des bê*  -( 201 )- bêtes; peut-être ausfi notre corps; et notre ame feroit fimplement dans notre fang, et rnortelle comme celle des bêtes. Mais ainfi, Dieu fit que le corps de l'homme fut conftruit de facon que fes regards portasfent vers le ciel, et il anima ce corps d'un efprit immortel. Mais que Ie fentiment, que nous devons avoir du grand avantage dont nous jouïsfons par la création de notre premier pêre, nous excite ausfi è. porter fans cesfe pos regards et nos défirs vers le ciel, vers Dieu qui nous fit et duquel est isfü 1'efprit immortel qui no\is anime. Converfons tous lés jours avec lui, par la prière, afin de lui demander de nouvelles forces, pour pouvoir accomplir fa fainte et bonne volonté. Confidetons toujous qu'il est le père des 1'umières du quel procèdent tous les dons parfaits et bons, et demandons lui fans cesfe la coraunication des rayons qui partent de fon fein, afin que notre efprit borI 5 ne  'C 101, ). né en recoive un aceraisfement de Zn!'?, P°Ur V°ir de ^ ^n Sr ofl J V°ye n°US de¥0^ nir .annde marcher devant fa face en mtegrité de coeur. 3. Ecolier. auioiir^h ?'attendoïs Pas a entendre aujourd hui un entretien fi ferieux rlJr ne ieAnr°is ^ voir dans la ciéation d^Adam un fpeclacle charmant, et a voir ce roi de la terre ie rromener dans ce beau jardin dEaen, regarder et contempler les animaux qui s'y trouvoient avec lui et commencer k exercer fon empil re lur eux: mais vous avez, ce me lemble pas-fé bien vitement de 1'é m glorkux d'Adam, a celui oü il déchut ae la première fituation elo- Le Précepteur. Ha: ha! je penfe que fi vous aviez été Adam, vous eusfiez fait comme lui. Oui, fi nous le fui- vjns^dans Eden, nous le verrons prendre 1'empire fur les animaux; ie  -f' 203 >' fé pronfener au milieu d'eux et donner a chaque espècé' le nom qui lui convenoit. Mais nous ne verrons pas qu'il tourna fes' regards vers Celui", de qui il tenoit la vie,le mouvement et Texiftence. La Sainte-Ecriture ne nous rapporte pas; qu'Adam fit a Dieu un facrifice d'aélion de grace', de fon exiftence fi glorieufe : mais elle nous rapporte, qu'il mit Dieu dans une forte de nécesfité de dire, en prononcant un mot qu'il n'avoit pas encore dit depuis Faccomplisfement des oeuvres de la création; qu'il n'étoit pas bon , que l'homme fut feul: puis; qu'il donna a chaque forte d'a-^ nimaux, le nom qui lui cönvenoit. Mais, mes amis! cette matière-li en est une, hors de la portée de votre entendement, - et fur laquelle 1'efprit de l'hemme n'bferoit fe jouer. Qu'il nous fuffife de favoir, comment l'homme fut fait; de quoi il est fait, et a'quoi il est destiné; afin de trouver dans ces eonfidera-. I 6 tions-  -C 204 > tjons-la, les régies de notre conduite lei-bas, et des motifs, qui nous portenr a vivre ainfi que nous' parvenions au bout de notre courfe terrestre & notre but, qui dok être; la vie èternelle et bien heitreufe dans les parvis de notre Dieu. ENTRETIEN 12. Le Précepteur. Notre dernier entretien a parü trop ferieux a quelqu'un d'entre. vous, et peut-être a plufieurs; a caufe dequoi je m'en vai entamer aujourd'hui une matière qui vous foit plus amufante. Nous n'irons pas bien loin pour la trouver: nous resterons ici, dans le pays, et nous nous amuferons de ce que nous y voyons. 7. Ecolier. Mais il me femble, que de regarder ce qu'on voit tous les jours; cela n'est guères amufant. Le  < 205 > Le Précepteur. II y a une facon de regarder les chofes, qui fait qu'on ne s'ennuye jamais de les revoir: c'est regarder avec attention et reflexion. Mais qui regarde les chofes fuperficiellement, fans y penfen oui, un tel s'ennuye de voir toujours la-meme chofe. 5» Ecolier. Je penfe, que de favoir regarder les chofes avec attention et reflexion, c'est une fcience qui exige certaine connaisfance des chofes. Le Précepteur. Hé bien voyons! lorsqu'étant forti par la grande porte capitale, vous vous trouvez fur le quai exterieur, au bord de la rivière, et que vous voyez des navires qui de tous cotés allant et venant, fourmillent fur'la rivière: qu'est-ce que vous penfez alors 3. Ecolier. Oh! voila un point, fur quoi je penfe toujours queique chofe; par I 7 ce  -C 206 > ce qae j'aime la navigation, et que J *' [0CIVent °«ï dire a mon père; cue X c°mme,ree «"gmente ici, e qae eest par le moyen de la navigaoon que Je commerce fe fait dans ce pays-ci. Précepteur. Vous aimez la navigation, paree ven Z r dl?' 0U ' K yen, de la navigation qae fe fait le commerce, et que, Monfieur vot eire ^faRt °éSoci™> vous par- vS f5' au profir ^ e" ™- S« Ecolier. Mais y amroit-il du mal d'nWr les richesfes? ' a aimer Précepteur. Cest ce que je ne dis pas TV faut que nous les 'aimions - autre ment nous ne nous donnerions nu" cune peine d'en aquerit. Ceramaur" est le g™* mobile quTfa" t a^r" les  -C 207 > les hommes, et fans lui tout le monde vivroit dans Findolence, et il y auroic bien des gcns du moindre état, fans moyen de fubfiftence et fans pain. C'est donc la Providence divine qui a mis 1'amour du gain dans le coeur de 1'homme, afin que toute forte de perfonnes fubfiftent dans le monde. Mais il faut que 1'amour pour Dieu prédomine dans notre coeur, par ce que fins la benediction de Dieu,. toutes nos peines et tous nos travaux feroient en vain, et que fi l'amour de Dieu est le premier motif de nos aólions; nous n'employerons jamais que des- moyens justes et legitimes, pour aquerir du bien. II faut favoir bien des chofes pour être un bon et habile négociant. 1. Ecolier. C'est fans doute pour nous exciter a être bien appl'iqués a nos études que vous dites cela: mais je voudrois bien favoir; fi un habile négociant n'est pas toujours bon, et  -C 20g > ét fi un bon négociant n'est pas toujours habile? ; ^ Le Précepteur. 11 sen faut bien que cela foit. Un négociant peut être bon: cela veut dire, pieux, craignant Dien, aimant fon prochaïn, faifant du bien a plufieurs, et ne faifant tort a perlonne; fans pourtant être habile négociant: de 1'autre coté, un né*ociant peut peut être habile; ce qui veut dire, d'un efprit bien cultivé dans toutes les fciences du commerce, lachant bien les affaires, et les railant avec toute forte de prudence et dans le meilleur ordre posfiWe, fans être bon, ainfi que ie Viens dexpliquer cette qualité, qui est la principale et la préférable a toute autre. Comprenez bien mes enfans, ce que je viens de dire touchant ces deux qualités, raquifes en un négociant et même en chaque homme de profesfion, et lachez que pour être bien heureux et pour Fame at pour le tempo-  porei, il faut qu'elles fob ent en femble en la même perfonne. Un homme qui ne joindroit pas 1'habileté a la bonté, pourroit faire fon falut, fans pourtant faire fortune en ee monde, paree qu'il n'auroit pas la qualité nécesfaire pour aquerir du bien, et qu'en même tems il manqueroit de prudenee, pour fe'méfier des hommes trompeurs et fe garantir de leur rufe. — Vous devez donc juger, que fi je vous confeille de vous bien apphquer, je vous donne le meilleur conleil du monde, puis qu'en le fuivant, vous vous rendrez heureux a tous égards. a. Ecolkr, Mais Monfieur! il y en a qui ne doivent pas être négocians; taut-il ausfi qu'ils apprennent tout ee qu'un autre doit apprendre, qui est destiné pour le négoce? Le Précepteur, On ne fauroit trop favoir, ni trop apprendre, puisque la fcience  rlT.fr-toation. et les pro— n pa^.font des dons de la nature que Dieu offre a: l'homme pour en tirer profit a fon prop^ avantage: mafs ce ne font quJvJÏÏ qui ont la fcience de metmfces dons auf iV"1 en tirent 1'^'antage;; lens £" devie?ne« "Ches et opur™,>i q;w par leur opulence de plufieurs hom. mes dont 1 ignoranee et le manaue de culture d'e'prit les tient dans tidien en fe pretant a des ouvrages nides-, vils et abjects.. /■>» , 4* Ecolier. ^ est donc un honneur que d'ê- ^> Précepteur d ene riche, iurt0ut Jors qu'on a Al hienr WKmmi aquis et qu'on  ■ -( 2tr en fait bon ufage, felon la volonté de Dieu: mais les (richesfes ne nous donnent aueun fujet de nous élever au desfus du pauvre, au point de le traiter avec mépris. II n'y a xien de plus affligeant pour ün homme de bien, a qui la fortune n'en veut pas, que de fe voir rraiter avec mépris, a caufe qu'il n'est pas riche. En ce cas-la, le dévoir de chacun est, d'avoir égard aux qualités morales d'un tel hom* me et d'estimer en lui la pieté et la vertu, qui font en lui des tréfors folides qui valent plus que toutes les richesfes de la terre. — t* 4. Ecolier. Ce ne font pas ces fortes de- pauvres, ou plütot cette clasfe de perfonnes qui ne posfèdent pas grandehofe, dont je parle: mais de ces fortes de gens, qui travaillent k la journée dans nos magazins ces porte-faix, et crochetteurs; gens d'un vil caractère la plupart ivrognes — enfin, vous m'entendea bien  -( ais )- parle C'eSt de CCS g6nS"U dont ie| Le Précepteur. Je vous entens trés bien, enco- I vous tv?,us f°yez asfez *»* I énoncé.^ ; L'homme qui a befoin I du fervice de cette forte de gens, fait trés bien, de s'en faire refpee? ter, a caufe qu'ils ne fauroient réconnaitre la bonté d'un maitre qui, par un trés bon principe, uferoi? oe condeseendance avec eux. Et ces fortes de gens doivent a'juste titre du refpeél a un homme qui les fait gagner leur pain. _ 6. Eco-lier* Mais Monfieur! pardonnes-moi li je vous fais ici cette objeétion; que, dans unè republique, une tel! le facon humiliante de traiter les gens ne fauroit trouver lieu, \ eaule que le dernier crocheteur est citoyen, tout comme le plus opulent Monfieur, qui roule carosfe, Le Précepteur. Voila une mauvaife chimère, que vous  -C m > vous avez a 1'efprit; chimère qui pourroit caufer beaucoup de mal, fi elle entroit dans Pefprit du petit peuple. Toutes loix, tout ordre, et enfin tou feroit renverfé dans 1'état. Mais Dieu qui time 1'ordre et la paix, et fans la volonté du quel rien ne peut arriver dans le monde; Dieu, dis-je, empèche que le defordre et Fanarchie ne bouleverfent les états, dans les quels fon faint nom est réclamé par plnfieurs perfonnes pieufes. Je m'en vais vous citer feulement un exemple. Mettez, que vous foyez commis pour avoir 1'infpection fur vos journaillers, et que ces gens, au lieu d'obéir aux ordres que vous leur donneriez, prisfent fantaifie de ' fe révolter contre vous et Monfieur votre père, difant; — n'y a-t-il pas asfez longtems que nous travaillons ici pour ne gagner qu?un vil falaire, pendant que nous fervons a vous enrichlr; nous fommes citoyens de 1'état tout coaime vous; — al-  < 2*4 > W ^llons! fervez nous, comme nous vous avons fervi jusqu'iei! Que dmez vous, fi cette chimère vous rendoit valet de ceux qui font vos valets? N'esi-ce pas que vous auriez, en ce cas-la, bien des chofes a redire, & un procédé fi dé- loyal? Mais enfin lai>fons la, un point qui ne merite pas que nous nous y aretions d'avantage. B est question de reflechir fur les fourees de la profperité publique et des moyens qu'on doit employer pour y participer, en s'en appropriant une portion legitime. i. Ecolier. Quels font-ils moyens? Le Précepteur. C'est d'avoir la connaisfance des affaires ét d'en favoir faire bon ufage. Vous voyez bien, que ceux qui gagnent gros, font des négocians habiles-, asfidus a leurs affaires et prudens è les Men diriger. II faut avoir 1'efprit bien, cultivé, pour aquerir ces connaisfances qui vous  < ^15 > vous rendent habiles, et cette culture d'efprit commence, par 1'étude des langucs nationales, afinque vous puisfiez entrenir la correfpondance, avec les nations étrangères, pour faire commerce avec elles. Cela étant flut, il vous reste encore le plus grand ouvrage a faire; bien des fciences, a apprendre, ausfi necesfaires qu'utiles. ét* Ecolier. Vous me fakes peur Monfieurl J. dire toujours, qu'il nous reste tant de chofes a apprendre. J'ai déja fi peu d'heures de recréation: il faut que je pasfe ma jeunesfe a toujours apprendre, et quand je ferai grand.; il me faudra- travailler au comptoir: je ne jouïrai donc pas de la vie! Le Prévepteur. Vous vous faites une fausfe idéé de la jouisfance de Ia vie, et vous me croyez fort austère. Croyez moi; il n'y a perfonne qui fouhaite plus que mol, que la jeunesfe ait des  < ftHS > des plaifirs, mais je fouhaite ausfi I qu'elle en jouïsfe duëment et fage-I ment. .3. Ecolier. Je veux croire que fous fouhai-. tez que nous gouti-ons des plaifirs;; mais je voudrois que vous fasfiez: moins de conditions: il y a la uni duëment et un fagement qui me- ■ femblent mettre encore une gran-1 de reftri&ion au fouhait dont vous I nous flattez. Le Précepteur. Voila encore une fausfe idéé, a mon fujet. Les reftriclions que j'y fais ou plutot les conditions que je réferve, font trés justes et raifonnables, et bien loin de vous gé- I ner dans la jouïsfance de queique plaifir, elles ne feront que les fuccrer, en les rendant irréprochables et legitimes. Le du'èmenc veut dire; — n'ufer de plaifirs qu'après avoir fait fon dé voir; n'en ufer que pour fe récréer, fe divertir et fe délasfer après avoir fait ce qu'on avoit afai-  -C 217 > è faire, et cela, afin d'étre enfuite mieux dispofé et capable de faire fon dévoir: et le fagement veut dire; — jouïr des plaifirs avec moderation et fans le moindre excès, qui vous put rendre criminel devant Dieu, et exciter en vous des remords de confcience, 4. Ecolier. Mais je trouve queique fois, que lorsque je me dois mettre a étudier ma lecon, oud faire queique autre. ouvrage, je me trouverois mieux dispofé, d'aller courir ou jouer^ que de travailler, et je fais mal ce que je fais d'oü cela vient-il? Le Précepteur, Cela vient fans doute d'un manque de reflexion, et qne vous ne fongez pas a votre propre avantage, vous ne penfez pas combien le tems de notre vie est précieux, et a 1'ufage que chacun doit faire de fon tems, a la gloriftcation de Dieu et a notre propre felicité temporelle et éternelle. Les ages de 1'homK me  < 2Ï-8 > me pasfent avec une rapidiré incroyable; 1'enfance et la jeunesfe font ceux, pendant lesquels la culture de 1'efprit fe doit faire. Ces ages étant pasfés, ceux des travaux fue* cèdent , accompagnés de foucis.., pendant lesquels 1'efprit n'est plus libre et dégagé, pour fe pouvorr cultiver. L'efprit devient roide, comme le corps, et il garde les plis qu'il a pris dans la jeunesfe, paree que fa fouplesfe pas e et-fe change en roideur. dl faut, mes amis! que vous vous pretiez aprefent, .a vous iaisfer diriger, que vous receviez l'inftruction, en rendant graces a Dieu d'en avoir les moyens et les facukés. Et pour vous y porter plus volontiers; faites comparai- | ion de votre fkuation a celle de tant d'autres enfans, que la providence divine a fait na-itre dans une fituation,-a ne pas pouvoir jouïï du grand avantage d'avoir l'efprit cultivé comme vous, et comprenez la belle perfpeétive que vous avez., d'u-  -( lig y>* d'une destination élevée au desfus de tant d'autres; afin d'en bien profiter, pour vous en rendre digne.5. Ecolier. Je coraprens bien la difference qü'il y a de ma fituation a celle dé tant de pauvres enfans qui n'önt pas le tems de proflter de TinHruction, étant dans la- nécesfité de travailler déja fort jeunes a'-gagner leur pain: cela doit être fort triste a ces enfans s'ils y penfent bien. Le Précepteur. La religion tient lieu de tout, et pourvü, que ces enfans fe fa^ chent contenter en Dieu, ils feront contens de leur fort. Hm, il faut eomj* cndre ausfi que Dieu, qni a ordonné les differens états de 1'homme, et qui tient les coeurs des hommes fous fa pulsfante direéüdn ; que Dieu, dis-je, fait que celui .qui est né pour fervir, fe trouve heureux dans fa basfesfe; comme le riche et le maitre le trouve heureux dans- fon elevatiën-. Et c'est Ka.. une  une fagsere, que de fe trouver heureux dans queique fituation que Ton foit. 6. Ecolier. Cependant on die qu'il est dia* d'être dans la fervitude d'un autre homme, qui n'est que notre ferablable. Le Précepteur. • Vous tenez toujours la chimère de 1'égalité des conditions. Voyons fi je viendrai a bout de vous convaincre de fon abfurdité. Pen fez d'abord que fi tous les gens font egaux, il n'y a plus ni ferviteur ni fervantc et la oü il n'y a ni ferviteur ni fervante, il n'y a ausfi point de maitres, et il faudra que chacun fe ferve foi-même. Cela pourroit encore fe faire; mais qui est-ce qui fera le tailleur, le cordonier, le tisferan, le drappier, et le teinturier de 1'autre? — Perfonne; et il faudra que chacun fe fasfe fa toile, fon drap, fon vétement et fa chausfure a foi-même. Per-  -C 221 > Perfonne ne fera le boucher, ie boulanger, le meunier , le jardinier ni le laboureur de Pautre; et chacun devra cultiver fon champ et fon jardin, tuer des bètes pour avoir de la chair a manger; faire fa farine et fon pain: mais comment fera-t-il fa farine? — il lui faudra un moulin, et il faudra qu'il y ait autant de moulins qu'il y a d'hommes, ou du moins autant qu'il y aura de families: et qni estce qui fera tous ces moulins? —. II faudra donc ausfi, que chacun foit fon propre charpentier, masfon et tailleur de pièrre. Enfin, il faudra que chaque père de familie fache et fasfe toutes les profesfions: et comment fufhra-t-il a tous fes befoins et a ceux de fa familie? Comment fuffira-t-il a fe faire une habitation et les meubles les plus necessaires, et comment fera-t-il tous les utenciles necesfaires au labourage; a la culture de fon jardin; a fa cuifine, etc. —— Jl fauK 3 dra  < aft > dra que chacun aife creufer darts la terre pour fe procurer les minerais; et comment fera-t-il pour les fondre et pour forger? — ouvrages immenfes, auquel un feiïl homme ne peut fufïïre! — Mais encore comment faire pour fe procurer les chofes necesfaires, fans faire commerce: Dans un pays, il y a des minerais, dans 1'autre des fosfiles; dans un troifième du bois de charpente, et dans ce pays-ci il n'y a rien de tout cela: il faut donc que le commerce fe fasfe, et comment fe fera-t-il: par troc, ou-a •prix d'argent? — Or de quelle fagon qu'il fe fasfe, le commerce effectuë toujours une inégalite de mo*yens, et cette inégalité-la ne tardera pas .d'effeétuer une inégalité de conditions. 6. Ecolier. Vous me convainquez déja; ne vous donnez plus la peine de me démontrer la necesfitë de 1'inégalité des conditions. Le  < >~ Non mon ami! II me re>te eftcére a vous mettre une chofe, la plus importante de toutes devant le? yeux, et quelques autres. S'il de voit y avoir une égalité abfoluë de conditions dans le rriorrde; il n'y auroit plus de fbcietés, et chacuïi demeureroit avec fes enfans dans^ une chetive cabane, ayant une petite portion de terre a cultiver: et! — et, tout miferable que fut une telle fituation «** n'exciteroit-elle pas des disputes et des contestations? La familie de 1'un féroit plus nombreufe que celle de 1'autre, et if lui faudroit un agrandisfement de terrein: il étendroit donc fes limites vers un voifin, qui fe voyant trop resferré, vu 1'agrandisfement apparent ou posfible de fa familie, lui diroit; je ne veux pas que vous m'approchiez de rrop prés: — et celui-ci lui repliqueroit; et de quel droit, mon voifin! ne voulez-vous pas qué j'étende les limités de mon territoire, a proporK 4 tion  -C 224 > tion de Pagrandisfement de ma familie? Voila une contestation; il n'y a point de juge: qui est-ce donc qui en décidera? — II faudra que chacun des deux partis s'adresfe a fes autres voifins, qni décideront les uns d'une fagon les autres de Pautre; et le moyen de s'accorder? .— 11 faudra fe battre; n'est-ce pas? — Oui fans doute, et la chimère de Pégalité, effeehiera abfolu• ment des ligues; ces ligues, des guerres et des disfenfions infinies,et le mal qui accompagne ces fortes dè petites guerres, met les hommes dans la neccsfité de fe foumettre a des hommes vaillans et robustes capables de les défendre. — De cette facon-la, l'égalité abfoluë parmi les hommes, apiès avoir reduit toute Phumanité dans un érat de peine et de mifère; auroit pris des convulfions dont 1'effet auroit été, la deftruction d'elle-même, et la fervituJe la plus accablante. Mais encore, pour mettre fin a cette ma- tiè-  -C m > tière; fi chacun vit féparément avec fa familie, ne pouvant avoir qu'un habitacle des plus chetif; il ne peut point y avoir d'écoles, et chaque père de familie fera obligé d'inftruire lui-même fes enfans. Mais chacun aura-t-il la capacité de le faire, quand il en auroit le tems? Donc; les fciences, les arts fe perdront, et avec eux la lumière des efprits fe disfipera, pour replonger les hommes dans un abime de tenèbres. Pour operer fans cesfe un agrandisfement ou augmentation de lumière parmi, les hommes, il faut des maitres d'arts et de fciences, des écoles et des accademies, et pour qu'il y en ait; il faut que les hommes vivent en focietés, et aucune focieté ne peut fubfifter fans qu'il y ait un ou plufieurs chefs, en autorité pour maintenir Ia paix et la fureté publique. II faut donc une inégalité de conditions, et une difference de profesfions, et une vie fociale parmi les hommes, pour que les  -( 226 )- les fciences, les arts- et lés métiers foyent cultivés, et fe' perfedHonent. Et fans cela, il'n'y a point de vil* les; point de villages; point de belles maifons; point de temples; point de prédicateurs- de la parole de Dieu; point de maitres pour inftruire* la jeunesfe; point de religion; point de vertü; point de commerce; point de méjtiersj et le gout du beau, qui donne du reliëf a l'efprit de l'homme, feroit enfeveli dans ua éternel oubli. 7„ Ecolier. Cela fuffit, Monfieur! pour nous corrvaincre, que nous nous devons appliquer aux fciences, afin d'avan* eer notie bonheur et notre felicité. Le Précepteur. Ouf, mes amis! — il faut que te défir de s'élever, par le moyen d'un efprit bien cultivé dans lesfciences, et la pratique de la religion et de la vertü, au desfus Pun de Pautre, foit en tous et princN palemeat en la jeunesfe, un resfort, qui  qiü prodüife une appMcation fans relache è. bien apprendre, et-a faire bon emploi du tems et des facultés que la bonté de Dieu, offre è plufieurs. Que' votre coeur, mes enfans! foit touché et penetré d'une vive gratitude, pour la bonté infinie de Dieu, qui vous a fait naitre dans une fituation a pouvoir jouïr.d'un fi grand avantage! Adieu mes amis! jusqu'a une autre fois]  i.