7 ••• /» / y J / ^ J  IA PRINCESSE D E MONTPENSIER, A AMSTERDAM; Et se tzovveaPARIS, Iue et Hotel Serpente* JVU DCC, LXXXVI,   LA PRINCESSE D E MO NT PENS IER. P A endant que la guerre civile déchiroit laFrance fouslerègne de Charles iX51'amoLir ne laiiïbit pas de trouver fa place parmi tant de défordres, & den cauferbeaucoup dans fon empire. La ftlJè urrique du marquis de Mézière, héritière très-confïdérable, & par fesgrands biens, & par f illuftre maifon d"Anjou , dont elle étoit defcenduej étoit promife au duc du Maïne! cadet du duc de Gtüfe, queToii a depuis appellé le Balafri. L ex~ - A  2 La Prïncesse trême jeuneiïe de cette grande héritière retardoit fon mariage, 8c cependant le duc de Guifè qui la voyoit fouvent, & qui voyoit en elle les commencemens d'une grande beauté , en devint amoureux , & en fut aimé. Ils cachèrent leur amour avec beaucoup de foin, Le duc de Guife qui n'avoit pas encore autant d'ambition qu'il en a eu depuis, fouhaitoit ardemment de Fépoufer : mais la crainte du cardinal de Lorraine 3 qui lui tenoit lieu de père3 1'empêchoit de fe déclarer. Les chofes étoient en eet état, lorfque la maifon de Bourbon , qui ne pouvoit voir qu'avec envie 1'élévation de celle de Guife , s'appercevant de 1'avantage qu'elle recevroit de ce mariage, réfolut de lui óter, & d'en profiter ellemême, en faifant époufer cette  DE MONTPENSIER. 3 héritière au jeune prince de Montpenfier, On travailla a 1'exécution de ce deffein avec tant de fuccès, que les parens de mademoifelle de Mézière , contre les promelfes qu'ils avoient fakes au cardinal de Lorraine , réfolurent de la donner en mariage a ce jeune prince. Toute la maifon de Guife fut extrêmement furprife de ce procédé i mais le duc en fut accablé de douleur , & fintérêt de fon amour lui fit recevoir ce manquement de paroie comme un affront infupportable. Son reflèntiment éclata bientöt, malgré les réprimandes du cardinal de Lorraine & du duc d'Aumale fes oncles5 qui ne vouloient pas sopiniatrer a une chofe qu'ils voyoient ne pouvoir empêcher, & il s'emporta avec tant de violence, enpréfence même A ij  4 La Princesse du jeune prince de Montpenfier, qu'il en naquit entr'eux une haine qui ne finit qu'avec leur vie. Mademoifelle de Mézière tourmentée par fes parens, d'épouferce prince, voyant d'ailleurs qu'elle ne pouvoit époufer le duc de Guife , & connoiifant par fa vertu qu'il étoit dangereux d'avoir pour beaufrère un homme qu'elle eüt fouhaité pour mari, fe réfolut enfin de fuivre le fentiment de fes proches, & conjura monfieur de Guife de ne plus apporter d'obftacle a fon mariage. Elle époufa donc le prince de Montpenfier, qui peu de tems après remmena a Champigni, féjour ordinaire des princes de fa maifon, pour 1'óter de Paris oü apparemment tout 1'efFort de la guerre alloit tomber. Cette grande ville étoit menacée dun  DE MoNTPENSIER. 5 ficge par 1'armée des huguenots , dont le prince de Condé étoit le chef, & qui venoif de déclarer la guerre au roi pour la feconde Ms. Le prince de Montpenfier dans fa plus tendre jeuneffe avoit fait une amitié tres - particuliere avec le comte de Chabanes, qui étoit hornme d un age beaucoup plus avancé que lui, & dun mérite extraordinaire. Ce comte avoit1 été fi fenfible a 1'eftime & a la confiance de ce jeune prince 3 que contre les engagemêns qu'il avoit avec le prince de Condé qui lui faifoit efpérer des emplois conlïdérabies dans le parti des' huguenots 3 il fe déclara pour les catholiques, ne pouvant fe réfoudre a être oppofé en quelque chofe £ un homme qui lui étoit 11 cher. Ce changement de parti n'ayant A iij  é La Pjrincesse point d'autre fondement, 1'on douta qu'il fut véritable , & la reine mère, Catherine de Médicis, en eut de fi grands foupcons , que la guerre étant déclarée par les huguenots , elle eut delfein de le faire arrêter j mais le prince de Montpenfier 1'en empêcha, 8c emmena Chabanes a Champigni en s'y en allant avec fa femme. Le comte ayant Teiprit fort doux 8c fort agréable, gagna bientöt 1'eftime de la princeffe de Montpenfier , 8c en peu de tems elle n'eut pas moins de confiance 8c d'amitié pour lui, qu'en avoit le prince fon mari. Chabanes de fon cöté regardoit avec admiration tant de beauté, d'efprit 8c de vertu qui paroiffoient en cette jeune princeffe; 8c fe fervant de 1'amitié qu'elle lui témoignoit, pour lui infpirer des fen-  DE MONTPENSIEK. j dmens d'une vertu extraordinaire, & digne de la grandeur de fa naiffance, il la rendit en pen de tems une des perfonnes du monde la plus achevée. Le prince étant revenu a la cour, oü la continuation de la guerre i'appeloit, le comte demeura feul avec la princefïè, & continua d'avoir pour elle un refpect 8c une amitié proportionnées a fa qualité Sc a fon mérite. La confiance s'augmenta de part 8c d'autre, 8c a tel point.du cöté de la princeile de Montpenfier , qu'elle lui apprit l'inclination qu'elle avoit eue pour jnonfieur de Guife j mais elle lui apprit auffi en même-tems, qu'elle étoit pre£ que éteinte, 8c qu'il ne lui en reftoit que ce qui étoit néceffaire pour cléfendre 1'entrée de fon cceur a une autre inclination, 8c que la A iv  8 La Princesse vertu fe joignant a ce refte d'impreffion, elle netoit capable que d'avoir du mépris pour ceux qui oferoient avoir de 1'amour pour elle. Le comte qui connoilToit la fïncërité de cette belle princeffe ; & qui lui voyoit d'ailleurs des difpofitions fi oppofées a la foibleffe de la galanterie, ne douta point de la vérité de fes paroles , & néanmoins il ne put fe défendre de tant de charmes qu'il voyoit tous les jours de fi prés. II devint paffionnément amoureux de cette princeffe, & quelque honte qu'il trouvat a fe laiflèr furmonter, il fallut céder, & Kaimer de la plus violente & de la plus fincère paffion qui fut jamais. S'il ne fut pas maïtre de fon coeur, il le fut de fes aclions. Le changement de fon ame n'en apporta point dans fa conduite ,  DE MöNTPEÏJSïEïl. J 8c perfonne ne foupconna fon amour. II prit un foin exact pendant une année entière de le cacher a la princeffe, 8c il crut qu'il auroit toujours le même défir de le lui cacher. L'amour fit en lui ce qu'il fait en tous les autres, il Jui donna 1'envie de parler, 8c après tous les combats qui ont accoutumé de fe faire en pareilles occafions 5 il ofa lui dire qu'il 1'aimoit, s'étant bien préparé a effayer les orages dont la fierté de cette princeffe le menacpit. Mais il trouva en elle une tranquillité 8c une froideur pires mille fois que toutes les rigueurs auxquelles il s'étoit attendu. Elle ne prit pas la peine de fe mettre en colère contre lui. Elle lui repréfenta en peu de mots la différence de leurs qualités de leur age, la connoiliance particuliere  ïo La Prin cesse qu'il avoit de fa vertu, & de 1'inclination qu'elle avoit eue pour le duc de Guife, & fur-tout ce qu'il devoit a ramitié & a la con~ fiance du prince fon mari. Le comte penfa mourir a fes pieds de honte & de douleur. Elle tacha de le confoler, en 1'affurant qu'elle ne fe fouviendroit jamais de ce qu'il venoit de lui dire , qu'elle ne fe perfuaderoit jamais une chofe qui lui étoit (i défavantageufe, 3c qu'elle ne le regarderoit jamais que comme fon meilleur ami. Ces affurances confolèrentle comte comme on fe le peut imaginer. II fentit le mépris des paroles de la princeffe dans toute leur étendue, & le lendemain la revoyant avec un vifage aulïi ouvert que de coutume, fon afflidion en redoubla de la moitié. Le procédé de la princeffe ne la  DE MONTPENSIER. IÏ diminua pas. Elle vécut avec lui avec la même bonté qu'elle avoit accoutumé. Elle lui reparla quand 1'occafion en fit naitre le difcours , de 1'inclination qu'elle avoit eue pour le duc de Guife, & la renommee commencant alors a publier les grandes qualités qui paroiffoient en ce prince, elle lui avoua qu'elle en fentoit de la joie, &C qu'elle étoit bien aife de voir qu'il méritoit les fentimens qu'elle avoit eus pour lui. Toutes ces marqués de confiance qui avoient été fi chères au comte, lui devinrent infupportables. 11 n'ofoit pourtant le témoigner a la princeffe, quoiqu'il osat bien la faire f©uvenir quelquefois de ce qu'il avoit eu la hardieffe de lui dire. Après deux années d'abfence, la paix étant faite, le prince de Montpenfier revint  12 La Princesse trouver la princeflè fa femme , «out couvert de la gloire qu'il avoit acquife au fiège de Paris & a Ja bataille de Saint-Denis. II fut furpris de voir la beauté de cette princeffe dans une fi grande perfe&ion, & par le fenüment d'une jaloulïe qui lui étoit naturelle, il en eut quelque chagrin, prévoyant bien qu'il ne feroit pas feul a la trouver belle. II eut beaucoup de joie de revoir le comte de Chabanes , pour qui fon amitié n etoit point diminuée. II lui demanda confidemment des nouvelles de 1'efprit Sc de 1'humeur de fa femme, qui lui étoit prefque une perfonne inconnue, par le peu de tems qu'il avoitdemeuré avec elle. Le comte, avec un fïncérité auffi exade que s'il neut point été amoureux, dit au prince tout ce qu'il connoiffoit  DE MoNTPENSIEK. I3 en cette princeffe capable de la lui faire aimer; &" il avertit aufïï madame de Montpenfier de toutes les chofes qu'elle devoit faire pour achever de gagner ie coeur & 1'eftime de fon mari. Enfin la paflion du comte le portoit fi naturellement a ne fonger qua ce qui pouvoit augmenter le bonheur & la gloire de cette princeffe , qu'il oublioit fans peine 1'intérêt qu'ont les amans a empêcher que les perfonnes qu'ils aiment ne foient dans une parfaite intelligence avec leurs maris. La paix ne fit que paroitre. La guerre recommenca aufïl-tot, par le deffein qu'eut leroi de faire arrêter aNoyers ;e prince de Condé &l'amiral de Chatillonj &ce deffein ay ant été découvert5i'on com • menga de nouveau les préparatifs de la guerre, dc le prince de Mont-  i4 La Princesse penner fut contraint de quitter fa femme, pour fe rendre 011 fon devoir fappeloit. Chabanes le fuivit a la cour , s etant entièremens juftifié auprès de la reine. Ce ne fut pas fans une douleur extréme qu'il quitta la princeffe, qui de fon cöté demeura fort trifte des périls oü la guerre alloit expofer fon mari. Les chefs des huguenots s'étoient retirés a la Rochelle. Le Poitou & la Saintonge étant dans leur parti, la guerre s'y alluma fortenaent 5 & le roi y raffembla toutes fes troupes. Le duc d'Anjou fon frère , qui fut depuis Henri III 3y acquit beaucoup de gloire par plufieurs belles actions , Sc entr'autres par la bataille de Jarnac , ou le prince de Condé fut tué. Ce fut dans cette guerre que le duc de Guife commenga a avoir des emplois conlïdérables} 6c  DE MONTPENSIER. 15 a faire connoïtre qu'il paffoit«de beaucoup les grandes efpérances qu'on avoit concues de lui. Le prince de Montpenfier qui le haïffoit , Sc comme fon ennemi particulier , Sc comme celui de fa maifon , ne voyoit qu'avec peine la gloire de ce duc , aufli-bien que 1'amitié que lui témoignoit le duc d'Anjou. Après que les deux armées fe furent fatiguées par beaucoup de petits combats 5 d'un commun confentement on licencia les troupes pour quelque tems. Le duc d'Anjou demeura a Loches, pour donner ordre a routes les places qui euffent pu être attaquées. Le duc de Guife y demeura avec lui j Sc le prince de Montpenfier accompagné du comte de Chabanes 3 s'en retourna a Champigni, qui n'étoit pas. fort éloigné de la j le duc d'Anjou al-  iö La Princesse loit fouvent vifiter les places qu'il failoit fortifler. Un jour qu'il revenoit a Loches par un chemin peu connu de fa fuite , le duc de Guife qui fe vantoit de le favoir , fe mit a la tête de la troupe pour fervir de guide , mais après avoir marché quelque tems 5 il s'égara Sc fe trouva fur le bord d'une petite rivière , qu'il ne reconnut pas luimême. Le duc d'Anjou lui fit la guerre de les avoir fi mal conduits; êc étant arrêtés en ce lieu 3 auffi difpofés a la joie qu'ont accoutumé de 1'être de jeunes princes, ils apper§utent un petit bateau qui étoit arrêté au milieu de la rivière 3 3C comme elle n'étoit pas large 3 ils diftinguèrent aifément dans ce bateau trois ou quatre femnies , Sc une entr'autres qui leur fembla fort belle , qui étoithabilléemagnifique- ment,  DE MONTPENSIER. I? ment, & qui regardoit avec attention deux hommes qui pêchoient auprès d'elles. Cette aventure donna une nouvelle joie a ces jeunes princes , 3c a tous ceux de leur fuite Elle leur parut une chofe de roman, les uns difoient au duc de Guife , qu'il les avoit égarés expres pour leur faire voir cette belle perfonne; les autres 3 qu'il failoit, après ce qu'avoit fait le hafard 3 qu'il en devint amoureux , & le duc d'Anjou foutenoit que c'étoit lui qui devoit être fon amant. Enfin voulant pouf fer la venture a bout, ils firentavancer dans la rivière a de leurs gens a cheval, le plus avant qu'il fe put, pour crier a cette dame que c'étoit. monfieur d'Anjou , qui eut bien voulu palier de 1'autre cöté de 1 eau* & qui prioit qu'on le vïn| prendre... Cette dame , qui étoit la princefiè. B  i8 La Princesse de Montpenfier, entendant dire que le duc d'Anjou étoit la 3 & ne dou tant point a la quantité de gens qu'elle voyoit au bord de Tean,. que ce ne fut lui, fit avancer fon bateau pour aller du cöté oü il étoit. Sa bonne mine le lui fit bientöt diftinguer des autres. Mais elle diftingua encore plutöt le duc de Guife: fa vue lui apporta un trouble qui la fit un peu rougir &: qui la fit paroitre aux yeux de ces prkices dans une beauté qu'ils crurent furnaturelle. Le duc de Guife la reconnut d'abord, malgré le changement avantageux qui s'étoit fait en elle depuis les trois années qu'il ne 1'avoit vue. II dit au duc d'Anjou qui elle étoit, qui fut honteux d'abord de la liberté qu'il avoit prife : maïs; voyant madame de Montpenfier fi belle > & cette aven-  DE MONTIENSIER. r> rare lui plaifant fi fort, il fe réfolut de 1'achever & après mille excufes & mille complimens, il inventa une affaire confidérable 3 qu'il difoit avoir au-dela de la rivière , & acccpta 1'ofrre qu'elle lui fit de le paffer dans fon bateau. II y entra feu.1 avec le duc de Guife, donnant ordre a tous ceux qui les fuivoient d aller paffer la rivière a un autre endroit, & de les venir joindre a Champigni, que madame de Montpenfier leur dit netre qua deux lieues de la. Si-tot qu'ils furent dans le bateau 3 le duc d'Anjou lui de~ manda a quoi ils devoient une ii agréable rencontre , & ce qu'elle faifoit au milieu de la rivière. EUe lui répondit , qu'étant partie de Champigni avecle prince fon mari y dans le deffein de le fuivre a la chaffe, öc que s'étarrc trouvée trop Bij  20 La Pr IN ce ss e lalle , elle étoit venue fur le bord dela rivière, oü la curiofité de voir prendre un faumon qui avoit donné dans un filet , Pavoit fait entrer dans ce bateau. Monfieur de Guife ne fe mêloit point dans la converfation , mais fentant réveiller vivement dans fon cceurtout ce que cette princeffe y avoit autrefois fait naitre, ilpenfoiten lui-même qu'il fortiroit difïïcilement de cette aventure, fans rentrer dans fes liens. Ils arrivèrent bientöt au bord , oü ils trouvèrent les chevaux & les écuyers de madame de Montpenfier, qui 1'attendoient. Le duc d'Anjou & le duc de Guife lui aidèrent a monter a • cheval, oü elle fe tenoit avec une grace admirable. Pendant tout le chemin elle les entretint agréablexnent de diverfes chofes. Ils ne fulentpas moins furpris des charmes de  DE M ONTPENSIER. ft fon efprit, qu'ils 1'avoient été de f» beauté; & ils ne purent s'empêcher de lui faire connoitre qu'ils en étoient extraordinairerrent furpris. Elle répondit a leurs louanges avec toute la modeftie imaginable, mais un peu plus froidement a celles du duc de Guife, voulant garder une fierté qui Tempêchat de fonder aucune efpérance fur 1'inclination qu'elle avoit eue pour lui. En arrivant dans la première cour dé Champigni, ils teouvèrentle prince de Montpenfier, qui ne faifoit que de revenir de la chalfe. Son étonnement fut grand de voir marcher deux hommes a cöté de fa femme ; mais il fut extréme, quand s'approchant de plus pres, il reconnut que détoit le duc d'Anjou & le duc de Guife. La haine qu'il avoit pour le dernier, fe joignant a fa jaloufïe  ii La Peincesse naturelle, lui fit trouver quelque chofe de fi défagréable a voir ces princes avec fa femme , fans favoir comment ils s'y étoient trouvés, ni ce qu'ils venoient faire en fa maifon , qu'il ne put cacher le chagrin qu'il en avoit. 11 en rejetta adroitement la caufe fur la crainte de ne pouvoir recevoir un fi grand prince felon fa qualité , & comme il 1'eüt tien fouhaité. Le comte de Chabanes avoit encore plus de chagrin de voir monfieur de Guife auprès de madame de Montpenfier, que monfieur de Montpenfier n'en avoit lui-même: ce que le hafard avoit fait pour raffembler ces deux perfonnes , lui fembloit de fimauvais augure , qu'il pronofliquoit aifément que ce commencement de roman ne feroitpas fans fuite. Madame de Montpenfier fit le foir les  DE MONTPENSIER. 2£ honneurs de chez elle avec le méme agrément qu'elle faifoit toutes chofes. Enfin elle ne plut que trop a fes hötes. Le duc d'Anjou , qui étoit fort galant & fort bien fait » ne put voir une fortune fi digne de lui, fans la fouhaiter ardemment* II fut touché du même mal que monfieur de Guife Sl feignant toujours des affaires extraordinaires, il demeura deux jours a Champigni, fans être obligé d'y demeurer que par les charmes de madame de Montpenfier, le prince fon mari ne faifant point de violence pour 1'y retenir. Le duc de Guife ne partit pas fans faire entendre a madame de Montpenfier qu'il étoit pour elle , ce qu'il avoit été autrefois : & comme fa pafïion n'avoit été fue de perfonne , il lui dit plufieurs fois devant tout le monde ^  24 La Princessè fans être encendu que d elle, que fon coeur n'étoit point changé. Et lui Sc le duc d'Anjou partirent de Champigni avec beaucoup de regret. Ils marchèrent long-tems tous deux dans un profond filence. Mais enfin le duc d'Anjou s'imaginant tout d'un coup que ce qui faifoit fa rêverie , pouvoit bien caufer celle du duc de Guife , lui demanda brufquements'il penfoit aux beautés de la princelfe de Montpenfier. Cette demande fi brufque, jointe a cequ'avoitdéja remarqué le duc de Guife des feminiens du duc d'Anjou 3 lui fit voir qu'il feroit infailliblement fon rival, Sc qu'il lui étoit tres-important de ne pas découvrir fon amour a ce prince. Pour lui en oter tout foup^on, il lui répondit en riant, qu'il paroilfoit lui-même fi occupé de la rêverie dont il 1'accufoit s  DB MONTPENSIEK. 25 I'accufoit, qu'il n'avoit pas jugé a propos de i'interrompre , que les beautés de la princeflè de Montpenfier n ecoientpas nouvelles pour lui 7 qu'il s'eroic accoutumé a en fupporter iedat du tems qu'elle étoit deftinée a être fa belle-foeur; mais qu'il voyoit bien que tout le monde turn étoit pas fi peu ébloui. Le duc d'Anjou lui avoua qu'il n'avoit encore rien vu qui lui parut comparable a cette jeune princeffe, & qu'il fentoit bien que fa vue lui pourroit être dangereufe , s'il y étoit fouvent expofé. II voulut faire' convenir le duc de Guife qu'il fentoit la même chofe , mais ce duc qui commencoit a fe faire une affaire férieufe de fon amour , nen voulut rien avouer. Ces princes s'en retournèrent a Loches, faifant fouvent laur agréable converfation dc C  %6 La Princesse favenmre qui. leur avoit découvert la princeffe de Montpenfier. Ce ne fut pas un fujet de li grand divertiffement dans Champigni. Le prince de Montpenfier étoit mal content de tout ce qui étoit arrivé, fans qu'il en put dire le fujet. II trouvoit mauvais que fa femme fe fut trouvée dans ce bateau. II lui fëmbloit qu'elle avoit *ecu trop agréablement ces princes ; & ce qui lui déplaifoit le plus , étoit d'avoir remarqué que le duc de Guife 1'avoit regardée attcntivement. II en concut des ce moment une jaloufie furieufe , qui le fit reffouvenir de 1'emportement qu'il avoit témoigné lors de fon mariage & il eut quelque penfée que dès ce tems-lamême il en étoit amoureux. Le chagrin que tous fes foupcons lui causèrent 3 donna de mamvaifes  DE MoflfT PENS IER. 27 hemes a la princeffe de Montpenfier. Le comte de Chabanes, felon f$ coutume, pritfoin d empêcher qu'ils ne fè brouillaffent tout-a-fait, afin de perfuader par-la a la princeffe , combien la paffion qu'il avoit pour elle étoit fincère & défintéreffée. ïi ne put s'empêcher de lui demander quel effet avoit produit en elle la vue du duc de Guife. Elle lui apprit qu'elle en avoit été troublée, par la honte du fouvenir de ïinclination qu'elle lui avoit autrefois témoignée, qu'elle 1'avoit trouvé beaucoup mieux fait qu'il n'étoit en ce tems-la , & que même il lui avoit paru qu'il vouloit lui perfuader qu'il 1'aimoit encore : mais elle 1'affura en même-tems que rien ne pouvoit ébranler la réfolutioa qu'elle avoit prife de ne s'engager jamais. Le comte de Chabanes eut Cij  1$ La Pai'NCEssE bien de la joie d'apprendre cette réfolution: mais rien ne le pouvoit raiTurer fiir le duc de Guife. II té* moigna a la princeffe qu'il appréhendoit extrêmement que les premières impreflions ne revinffent bien tot 5 & il lui fit comprendre la mortelle douleur qu'il auroit pour leur intérêt commun, s'il la voyoit un jour changer de fentimens. La princeffe de Montpenfier continuant toujours fon procédé avec lui, ne répondoit prefque pas a ce qu'il lui difoit de fa pafilon, & ne confidércit toujours en lui que la qualité du meilleur ami du monde , fans lui vouioir faire 1'honneur de prendre garde a celle d'amant. Les armées étant remifes fur pied, tous les princes y retournèrent j &C le prince de Montpenfier trouva bon que fa femme s en vïnt a Paris >  DE MONTPENSXÊR. 2.9 pour n'être plus ü proche des lieux oü fe faifoit la guerre. Les hugue. nots afiiégèrent la ville de Poitiers. Le duc de Guife s'y jetta £our la défendre , & il y fit des aclions qui fufUroient feul-es pour rendre glorieufe une autre vie que la fienne. Enfuite la bataille de Moncontour fe donna. Le duc d'Anjou , après avoir pris Saint -Jeand'Angely, tomba malade, 8c quitta en même tems l'armée , foit par la violence de fon mal, feit par fenvie qu'il avoit de revenir goüter le repos 8c les douceurs de Paris , oü la prefence de la princeffe de Montpenfier n'étoit pas la moindre raifon qui 1'attirat. L'arméé demeura fous le commandement du prince de Montpenfier ; 8c peu de tems après la paix étant fake 3 toute la cour fe trouva a Paris, La beauté C iij  3o La Princesse de la princeffe effaca tontes celles qu'on avoit admirées jufqu'alors* EUeattira les yeuxde toutle monde > par les charmes de fon efprit 8c de fa perfonne. Le duc d'Anjou ne changeapas a Paris les fèntimens qu'il avoit concus pour elle a Champigni j il prit un foin extreme de les lui faire connoïtre par toutes fortes de foins : prenant garde toutefois a ue lui en pas rendre des témoignages trop éclatants, de peur de donner de la jaloufie au prince fon mari. Le duc de Guife acheva d'en devenir violenment amoureuxj 8c voulant, parplufieurs raifons, tenir fa paffion cachée , il réfolut de la lui déclarer d'abord, afin de s epargner tous ces commencemens qui font toujours naïtre le bruit 8c 1 eclat. Etant un jour chez la reine, a une heure oü il y avoit très-pcu  DE MONTPENSIEK. 31 de monde, la reine s'étant retirée pourparler d'affaire avec le cardinal de Lorraine, la princeffe de Montpenfier y arriva. II fe décida a jSrendre ce moment pour lui parler, êc s'approchant d'elle: Je vais vous furprendre, madame, lui dit-il, & vous déplaire, en vous apprenant que j'ai toujours confervé cette pafïion qui vous a été connue autrefois, mais qui s'eft fi fort augmentée en vous revoyant, que ni votre févérité, ni la haine de monfieur le prince de Montpenfier, ni la concu'rrence du premier prince du royaume, ne fauroient lui óter un moment de fa violence. II auroit été plus refpedueux de vous la faire connoitre par mes adions, que par mes paroles , mais, madame., mes adions fauroient apprife a d'autres auili bien qu'a vous, C iv  3i La Princesse & je fouhaite que vous faéhtez feule que je fuis affez hardi pour vous adorer. La princeffe fut dabor* ü furprife & fi troublée de ce difcours, qu'elle ne fongea pas a 1'interrompre, mais enfuite étant revenue a elle j & commencant a lui répondre, le prince de Montpenfier entra. Le trouble & l'a~ gitation étoient peints fur le vifage de la princeffe, la vue de fon mari acheva de 1'embarraffer , de forte qu'elle lui en laiffa plus entendre, que le duc de Guife ne lui en venoit de dire. La reine fortit de fon cabinet, & le duc fe retira pour guérir la jaloufie de ce prince. La princeffe de Montpenfier trouva le foir dans 1'efprit de fon mari toutle chagrin imaginable. II s'emporta contr'elle avec des violences épouvantables, &z lui défendit de  DE MONTPENSIEE. parler jamais' au duc de Guife» Elle fe retira bien trifte dans fon appartement, 8c bien occupée des aventures qui lui étoient arrivées ce jour-la. Le jour fuivant, elle revit le duc de Guife chez la reine 5 mais il ne f'aborda pas , 8c fe contenta de fortir un peu après elle, pour lui faire voir qu'il n'y avoit que faire quand elle n'y étoit pas. II ne fe paffoit point de jour qu'elle ne récüt mille marqués cachées de la paffion de ce duc, fans qu'il elfayat de lui en parler, que lorfqu'il ne pouvoit être vu de perfonne. Comme elle étoit bien perfuadée de cette paffion , elle commenca, nonobftant toutes les réfolutions qu'elle avoit faites a Champigni, a fentir dans le fond de fon ccEur quelque chofe de ce qui y avoit été autrefois.. Le duc  34 La IPkincesse d'Anjou de fon cöté n oublioit rien pour lui témoigner fon amour en tous les lieux oü il la pouvoit voir 5 &: il la fuivoit continuellement chez la reine fa mère. La princeiïè fa fjbeujt, de qui il étoit aimé, en étoit traitée avec une rigueur capable de guérir toate autre- paffion que la fienne. On découvrit en ce tems-la que cette prisceffe , qui fut depuis la reine de Navarre, eut -quelquattachement pour le duc de Guife; & ce qui le fit découvrir davantage, fut le refroidiffement qui parut du duc d'Anjoupour le duc de Guife. La princefie d.e Montpenfier apprit cette nouvelle, qui ne lui fut pas indifférente, & qui lui fit fentir qu'elle prenoit plus d'intérêt au duc de Guife qu'elle ne penfoit. Monfieur de Montpenfier fon beau-père ,  DE MONTPENSIER. $5 ©poufant alors mademoifelle de Guife 5 fceur de ce duc 5 elle étoit contrair)te de le voir fouvent 3 dans les lieux oü les cérémonies des noces les appeiloient 1'un & 1'autre. La princeffe de Montpenfier ne pouvant plus fouffrir qu'un homme que toute la France croyoif amoureux de madame, osat lui dire qu'il 1'étoit d'elle •, & fe fentant ofFenfée, fk quafi affligée de s'être trompée elle-mcme, un jour que le duc de Guife la rencontra chez fa fceur un peu éloignée des autres, & qu'il lui voulut parler de fa paffion , elle 1'interrompit brufquement, & lui dit dun ton de voix qui marti/Êbk fa colère : Je ne comprens pas qu'il faille fur le fondement d'une foibleffe, dont on a été capable a treize ans, avoir faudace de faire i'amoureux d'une perfonnc  $é La Princesse comme moi, & fur-tout qttand oti 1'eft d une autre a la vue de toute la cour. Le duc de Guife qui avoit beaucoup d'efprit, & qui éteit fort amoureux, n'eut befoin de cónfulter perfonne, pour entendre tout ce que fignifioient les paroles de ia princeife. II lui répondit avec beaucoup de refped: J'avoue, madame , que j'ai eu tort de ne pas méprifer fhonneur d'être beau-frcre de mon roi, plutot que de vous laifï'er foupconner un moment, que je pouvois déïirer un autre cceur que le vötre, mais fi vous voulez me faire la grace de m'écouter, je fuis aiTuré de me juftirier auprès de vous. La prflP ceffe de Montpenfier ne répondit point; mais elle ne seloigna pas, & le duc de Guife voyant qu'elle lui donnoit l'audiencë qu'il fou-  DE MONT PEN SIER. 37 haiteit, lui apprit que fans s'être attiré les bonnes graces de madame par aucun foin , elle Ten avoit honoré, & que n'ayant nulle paflionpour elle, il avoit tres-mal réporrau a 1'honneur qu'elle lui faifoit, jufqu'a ce qu'elle lui eut donné queiqu'efpérance de i'époufer. Qu'a la vérité la grandeur oü ce mariage pouvoit 1'élever., 1'avoit obligé de lui rendre plus de devoirs; 8c que c'étoit ce qui avoit donné lieu au foupcon qu'en avoit eu le roi 8c le duc d'Anjou, que 1'oppolition de 1'un ni de fautre ne le dilfuadoit pas de fon deffein , mais que fi ce deffein lui déplaifoit , il 1'abandonnoit des 1'heure même, pour n'y penfer de fa vie. Le facrifice que le duc de Guife faifoit a la princeffe, lui fit oublier toute la colère avec la*  38 La Prtncesse quelle elle avoit commencé de lui parler. Elle changea de difcours, öc fe mit a 1'entretenir de la foibleffe qu'avoit eue madame de 1'aimer la première, & de fa^itage confidérable qu'il recevroit en 1'époufant. Enfin , fans rien dire d'obligeant au duc de Guife, elle lui fit revoir mille chofes agréables, qu'il avoit trouvées autrefois en mademoifelle de Mézière. Quoiqu'ils ne fe fuffent point parié dep tlis long-tems, ils fe trouvèrent accoutumés i'un a 1'autre; &c leurs cceurs fe remirent aifément dans un chemin qui ne leur étoit pas inconnu, Ils finirent cette agréable converfatiort, qui laiffa une fenlïble joie dans 1'efprit du duc de Guife. La princeffe n'en eut pas une petite de connoïtre qu'il 1'aimoit yéïitablement. Mais quand  DE MONTPENSIER. elle fut dans fon cabinet, quelles réflexions ne fit-eiie point fur la honte de s'être laiffée fiéchir d aifément aux excufes du duc de Guife, fur 1 embarras oü elle s'alloit plonger en s'engageant dans une chofe qu'elle avoit regardée avec tant d'horreur, & fur les effroyables malheurs, oü la jaloulïe de fon mari la pouvoit jetter? Ces penfées lui firent faire de nouvelles réfolutions j mais elles fe diflïpèrent des le lendemain par la vue du duc de Guife. II ne manquoit point de lui rendre un compte exact de ce qui fe paffoit entre madame & lui. La nouvelle alliance de leurs mailbus lui donnoit occafion de lui parler fouvent. Mais il n'avoit pas peu de peine a la guérir de la jaloufic que lui donnoit la beauté de madame, contre laquelle il n'y)  4o La Pr inc es se avoit point de ferment qui la pftt raffurer. Cette jaloufie fervoit a la princeffe de Montpenfier a défendre le refte de fon coeur contre les foins du duc de Guilè , qui en avoit déja gagné la plus grande partie. Le mariage du rol avec la filie de 1'empereur Maximilien remplit la cour de fêtes & de réjouiffances. Le roi fit un ballet, oü danfoient madame , & routes les princeffes. La princeffe de Montpenfier pouvoit feule lui difputer le prix de la beauté. Le duc d'Anjou danfoit une erkrée de maures, & le duc de Guife, avec quatre autres, étoit de fon entree. Leurs habits étoient tous pareils , comme le font d'ordinaire les habits de ceux qui danfent une même entrée. La première fois que le ballet fe dailfa, le duc de Guife avant de darrfer,  DE MONTPENSIER. 41 danfer, n'ayant pas encore fon mafque, dit quelques mots en paffant a la princeffe de Montpenfier. Elle s'appercut bien que le prince fon mari y avoit pris garde-5 ce qui la mit en inquiétude. Quelque tems après voyant le duc d'Anjou avec fon mafque 6c fon habit de maure, qui venoit pour lui parler >, troublée. de fon inquiétude, elle crut que c'étoit encore le duc de Guife ; 6c s'approchant de lui; N'ayez des yeux ce foir que pour madame, lui dit-elle; je n'en ferai point jaloufe; je vous 1'ordonne : on m'obferve ne m'approchez plus, Elle fe retira auffi-töt qu'elle eut achevé ces paroles. Le duc d'Anjou en demeura accablé comme d'un coup de tonnerre. II vit dans ce moment qu'il avoit un rival. aimé» 11 comprit par le nom de madame %. . D-  4* La Princesse que ce rival étoit le duc de Guifej Sc il ne put douter que la princeffe fa fceur ne fut le facrifice qui avoit rendu la princeffe de Montpenfier favorable aux vceux de fon rival. La jaloufie, le dépit, Sc la rage fe joignant a la haine qu'il avoit déja pour lui, firent dans fon ame tout ce qu'on peut imaginer de plus violent, Sc il eut donné fur 1'heure quelque marqué fanglante de fon défefpoir, fi la diflimulation qui lui étoit naturelle , ne rut venue a fon fecours > Sc ne leut obligé par des raifong puiffantes 5 en 1'état qu'étoient les chofes s a ne rien entreprendre contre le duc de Guife. II ne put toutefois fe refufer le plaifir de lui apprendre qu'il favoit le fecret de ion amour, Sc 1'abordant en Ibrtant de la falie, oü Ion a^oit  DE M0NÏPEN?r^S„ 4-: danfé: C'efc trop , lui dk-ïl, d'qjhï lever les yeux jufqu'a ma feur, & de m'óter ma maitreffe. La conlïdération du roi m'empêche d'é~ clater; mais fouvenez - vous que la perte de votce vie fera peutêtre la moindre chofe dont je punirai quelque jour votre témérité. La fierté du duc de Guife n'étoit pas accoutumée a de telles menaces ; il ne put néanmoins y répondre5 paree que le roi, qui fortoig dans ce moment, les appella tous deux j mais elles gravèrcnr dans fon cceuf un défr: de vengeanee, qu'il travailla toute fi vie a fatisfaire. Des ie niême foir le duc d'Anjou lui rendit toutes fortes de mauvais offices au pres du roi. II ïui perfuada que jamais madame üe confeiitiroït detre mariée avec le iqi de Navarre, avec qui qö Dij/  44 LaPrincesse propofoit de la marier , tant que 1'on foufFriroit que le duc de Guife f approchat j & qu'il étoit honteux de fouffrir qu'un de fes fujets, pour fatisfaire a fa vanité, apportat de 1'obftacle a une chofe qui devoit donner la paix a la France. Le roi avoit déja alfez d'aigreur contre le duc de Guife \ ce difcours l'aug~ menta fi fort, que le voyant le lendemain , comme il fe préfentoit pour entrer au bal chez la reine, paré d'un nombre inruil de pierredes, mais plus paré encore de fa bonne mine, il fe mit a 1'entrée de la porte , & lui demanda brufquement 011 il alloif, le duc, fans s'étonner , lui dit , qu'il venoi? pour lui rendre fes très-humbles fervices j a quoi le roi repliqua qu'i-IJi'avoit pas befoin de ceux qu'il lui seadoit , $c fe tourna, fans le  D E MONTPENSIER. 45garder. Le duc de Guife ne laiffa pas d'entrer dans. la falie, outré dans le cceur, Sc contre le rei, & contre le duc d'Anjou. Mais fa douleur augmenta fa fierté naturelle , Sc par une manière de dépit il s'approcha beaucoup plus de madame qu'il n'avoit-accoutumé; joint que ce que lui avoit dit le duc d'Ajou de la princeffe de Montpenfier , 1'empêchoit de jetter les yeux fur elle. Le duc d'Anjou les obièrvoit Ibigneufement 1'un Sc 1'autre. Les yeux de cette princeffe laiffoient voir malgré elle quelque chagrin , lorfque le duc de Guife parloit a madame. Le duc d'Anjou 5 qui avoit compris par ce qu'elle lui avoir dit en le prenant pour monfieur de Guife, qu'elle avoit de Ia ja~ loufie, efpéra de les brouiller, Sc fe mettant auprès d'elle: Cefi poar  ^ La Princesss votre intérêt, madame, plutöt quepour le mien, lui dit-il, que je men vais vous apprendre que le duc de Guife ne mérite pas que vous i'ayez choiü l mon préjudice. Ne mmterrompez point, je vous prie, pour me dire le contraire d'une vérité que je ne faisque trop. II vous trompe, madame, & vous facrifie a ma foeur, comme il vous la facrifiée. Ceft un homme qui neft capable que d'ambition \ mais puifqu il a eu le bonheur de vous plaire, c'eft aifez. Je ne m'oppoferai point a une fortune que^ je méritois fans doute niieux que lui. Je m'en rendrois indigne , fi je m'opiniatrois davantage ï la conquête d un cceur qu un autre pofsède. Ceft trop de n'avoir pu attirer que votre indifférence. Je ne veux pas y faire fuccédfeï la  DE MO NT PENSIER. 47 haine, en vous importunant plus long-tems de la plus fidelle paffior» qui fut jamais. Le duc d'Anjou 9 qui étoit effe&ivement touché damour Sc de douleur, put a peine achever ces paroles-, Sc quoiqu'il eut commencé fon difcours dans un efprit de dépit Sc de vengeance, il s'attendrit , en confïdérant las beauté de la princeffe , Sc la perte qu'il faifoit en perdant lefpérance d'en être aimé. De forte que fans attendre fa réponfc 3 il fortit du bal, feignant de fe trouver mal, Sc s'en alla chez lui rêver a fon mal-* heur. La princeffe de Montpenfier demeura affligée Sc troublée, comme on fe le peut imaginer. Voir fa réputation Sc le fecret de fa vie entre les mains d un prince qu'elle avoit maltraité a Sc apprendre par lui, fanspouvoir en douter,  4H LaPrincesse qu'elle étoit trompée par fon amant, étoient des chofes peu capabks de lui laiifer la liberté d'efprit que demandoit un lieu deftiné a la joie. II fallut pourtant demeurer en ce lieu, 8c aller fouper enfuite chez la duchelfe de Montpenfier fa bellemère , qui 1'emmena avec elle. Le duc dp Guife qui mouroit d'impatience de lui conter ce qu'avoit dit le duc d'Anjou le jour précédent , la fuivit chez fa fceur. Mais quel fut fon étonnement, lorfqüe voulant entretenir cette belle princeiTe, il trouva qu'elle ne lui parloit que pour lui faire des reproches épouvantabies; & le dépit lui faifoit faire ces reproches fi confufément, qu'il n'y pouvoit rien comprendre , finon qu'elle 1'accufoit d mfidélité 8c de trahifon. Accablé 4e défefpoir de trouver une li grande  DE MONTPENSIER. 49 grande augmentation de douleur s oü il avoit efpéré de fe confolex de tous fes ennuis , & aimant cette princeffe avec une paffion qui ne pouvoit plus le iaiffer vivre dans i'incertitude d'en être aimé, il fe détermina tout dun coup. Vous ferez fatisfaite, madame, lui dit-il. Je m'en vais faire pour vous ce que toute la puiffance royale n'auroit pu obtenir de moi. ïl m'en coütera ma fortune j mais ceft peu de chofe pour vous fatisfaire. Sans demeurer davantage chez la ducheffe fa foeur, il s'en alla trouver a 1'heure même les cardinaux fes oncles, & fur le prétexte du mauvais traitement. qu'il avoit re9u du roi, il leur fit voir une fi grande néceffité pour fa fortune, a faire paroïtre qu'il n'avoit aucune penfée d epoufer madame,qu'ii les obligea E  s® La P ki mces-se a conclure fon mariage avec Ia princeffe cle Portien, duquel.on avoit déja. parlé. La nouvelle de ce mariage fut aufütot fue par tout Paris. Tout le monde fut furpris, Sc. la princeffe de Montpenfier en fat touchés de joie Sc de douleur. Elle fut bien aife de voir par-la Ie pouvoir qu elle avoit fur le duc 4e Guife Sc eile fut fachée en même-tems de lui avoir fait abandonner une chofe auffi avantageufe que le mariage de madame. Le duc de Guife, qui vouloit au moins que i'amour le récompensat de ce qu'il perdoit clu coté de la fortune, preffa la princeffe de lui donnés une audience particuliere , pour s'éclaircir des reproches injuftes au'elle lui avoit faits. 11 obtint .emelle fe trouverok chez la ducheffs de Montpenfier fa fceur  DE MONTPENSÏEB. cï h une heure que cette ducheffe n'y feroit pas, & qu'il pourroit 1'entretenir en particulier. Le duc de Guife eut la joie de fe pouvoir jetter a fes piés, de lui parler en liberté de fa paffion, & de lui dire ce qu'il avoit fouffert de fes foupcons. La princeffe ne pouvoit s'öter de 1'efprit ce que lui avoit dit le duc d'Anjou, quoique le procédé du duc de Guife la dut abfolument raffurer. Elle lui apprit le jufte fujet qu'elle avoit de croire qu'il i'avoittrahie,puifque le duc d'Anjou favoit ce qu'il ne pouvoit avoir appris que de lui. Le duc de Guife ne favoit pas oü fe défendre, & étoit auffi embarraffé que la princeffe de Montpenfier a deviner ce qui avoit pu découvrir leur intelÜgence. Enfin dans la fuite de leur Converfation3 comme elle lui re-. E ij  52. LaPrincesse montroit qu'il avoit eu tort de précipiter fon mariage avec la princefle de Portien, & d'abandonner celui de madame, qui lui étoit fi avantageux , elle lui dit qu'il pouvoit bien juger qu'elle n en avoit eu aucune jaloufie , puifque le jour du ballet, elle-meme favoit conjuré de n avoir des yeux que pour madame. Le duc de Guife lui dit qu'elle avoit eu intention de lui faire ce commandement , mais qu'affurément elle ne lui avoit pas fait. La princeffe lui foutint le contraire. Enfin a force de difputer & d'approfondir , ils trouvèrent qu'il failoit qu'elle fe fut trdmpée dans la reffemblance des habits , öc qu'elle-même eut appris au duc d'Anjou ce qu elle accufoit le duc de Guife de lui avoir appris. Le duc de Guife qui étoit preique  DE MONTPENSÏER. 55 jtlftifié dans fon efpritpar fon mariage, le fut entièrement par cette converfition. Cette belle princeffe ne put refufer fon coeur a un homme qui favoit pofiedé autrefois , &C qui venoit de tout abandonner pour elle. Elle confentit donc a recevoir fes vceux, 8c lui permk de croire qu'elle n'étpit pas infenfible a fa paffion. L'arrivée de la ducheffe de Montpenfier fa belle-mcre finit cette converfation 5 & empêcha le duc de Guife de lui faire voir les tranfports de fa joie. Quelque tems après, la cour s'en allant a Blois, 011 la princeffe de Montpenfier la fuivit, le^ mariage de madame avec le roi de Navarre y fct conclu. Le duc de Guife ne connoiffant plus de grandeur ni de bonne fortune que celle d'être aimé de la princeffe, vit avec joie la con- E iij  54 LaPrxncesse clufion de ce mariage, qui 1'auroit accablé de douleur dans un autre tems. ïl ne pouvoit fi bien cacher fon amour, que le prince de Montpenfier n'en entrevït quelque chofè, lequel n'étant plus maitre de fa jaloufie, ordonna a la princeffe fa femme de s'en aller a Champigni. Ce commandement lui fut b:en rude; il fallut pourtant obéir» Elle trouva moyen de dire adieu en particulier au duc de Guife , mais elle fe trouva bien embarraffée a lui donner des moyëns sürs pour lui écrire. Enfin après 'avoir .bien cherché, elle jetta les yeux fur le comte de Chabanes,. qu'elle comptoit toujours pour fon ami, fans confidérer qu'il étoit fon amant. Le duc de Guife qui favoit a quel point ce comte étoit ami du prince de Montpenfier y  D E MONTPENS I Ë R. 5. 5 rut époavanté qu'elle le choisk pour fon confident j mais èlle lui répondit li bien de fa fidélité , qu'elle le raffura. II fe fépara d'elle avec toute la douleur que peut caufer fabfence d'une perfonne que fon aimë paffionnément. Le comte de Chabanes qui avoit toujours été malade a Paris pendant le féjour de la princeffe de Montpenfier a Blois, fachant qu'elle s'en alioit a Champigni, la fut trouver fur le chemin pour s'en aller avec elle» Elle lui fit mille careffes & mille arn-itiés, & lui témoigna une impatience extraordinaire de s'entretenir en particulier , dont il fut d abord charmé. Mais quel fut fon étonnement & fa douleur, quand il trouva que cette impatience n'alloit qua lui conter qu'elle étoit pafiionnément aimée du duc de E iv  56 La Prxncessé Guife , & qu'elle 1'aimoit de la même forte! Son étonnement & fa douleur ne lui permirent pas de répondre. La princeffe qui étoit pleine de fa paffion, & qui trouvoit un loulagement extréme a lui en parler , ne prit pas garde a fon filence, & fe mit a lui center juf* qu'aux plus petites circonftances de fon aventure. Elle lui dit comme le duc de Guife ■& elle étoient convenus de recevoir par fon moyen les lettres qu'ils devoient s'écrire. Ce fut le dernier coup pour le comte de Chabanes, de voir que fa maïtreffe vouloit qu'il fervït fon rival , & qu'elle lui en faifoit la propofition comme d'une chole qui lui devoit être agréable. II étoit fi abfolument maitre de lui-même, qu'il lui cacha tous fes fentrmens. II lui té-  DE MONTPENSIER. yj' moigna feulement la furprife oü il étoit de voir en elle un fi. grand changement, ü efpéra d'abord que ce changement qui lui otoit toute efpérance, lui öteroit auffi toute fa paffion j mais il trouva cette princeffe fi charmante, fa beauté naturelle étant encore beaucoup augmentée par une certaine grace que lui avoit donné Pair de la cour , qu'il fentit qu'il 1'aimoit plus que jamais. Toutes les confidences qu'elle lui faifoit fur la tendreffe 8c fur la délicateffe de fes fentimens pour le duc de Guife, lui faifoient voir le prix du cceur de cette princeffe, 8c lui donnoient un vif défir de le pofféder. Comme fa paffion étoit la plus extraordinaire du monde, elle produifit 1'effet du monde le plus extraordinaire , car elle le fit réfoudre  58 La Pkincesss a porfer a fa maïtreffe les lettres Je fon rival. L'abfence du duc de Guife donnoit un chagrin mortel a la princeffe de Montpenfier, & n efpérant de foulagement què par fes lettres, elle tourmentoit inceffamment le comte de Chabanes pour favoir sii n'en recevoit point, êc fe prenoit quafi a lui de n en avoir pas affez tot. Enfin il en recut par un gentiihomme du duc de Guife ^, & il les lui appoita 1 a Theure même, pour ne pasretardef £i joie dun moment. Ce He qu'eilé eut de les recevo.tr fut extreme. Elle ne prit pas le foin de la cacher, & lui fit avaler a longS traits tout le poifon imaginable, en lui lifant ces lettres, & la répcnfe tendre & galante qu'elle y faifoit. II porta cette réponfe au gentilliomme avec la même fidéiité avec  DE MONTPENSIER.- 5$ laquelle ii avoit rendu la lettre a la princeffe , mais avec plus de douleur. II fe confola pourtant un peu dans la penfée que cette princefïè feroit qu'elque réflexion fur ce qu'il faifoit pour elle, 3c qu'elle lui en témoigneroit de la reconnoiffance. La trouvant de jour en jour plus rude pour lui, par le chagrin qu'elle avoit d'ailleurs, il prit la liberté de la fupplier de pen (er un peu a ce qu'elle lui faifoit fouffrir. La princefle qui n'avoit dans la tête que le duc de Guife , 3c qui ne trouvoit que lui feul digne? de l'adorer3 trouva fi mauvais quun autre que lui osat penfer a elle, qu'elle maltraita bien plus le comte de de Chabanes en cette occalion , qn'elle n'avoit fait la première foisqu'il lui avoit parlé de fon amour,. ■  6® LaPrincesse Quoique fa paffion , auffi bien que fa patience, fut extréme, & a routes épreuves, ii quitta la princeffe Sc s'en aila chez un de fes amis dans le voifmage de Champigni, d'oiï il lui écriyit avec toute la rage que pouvoit caufer un fi étrange procédé; mais néanmoins avec tout le refpect qui étoit dü a fa qualité j Sc par fa lettre il lui difoit un éternel adieu. La princeffe comnienca a fe repentir d'avoir fi peu ménagé un homme fur qui elle avoit tant cle pouvoir; Sc ne pouvant fe réfoudre a le perdre, nonfeulement a caufe de f amitié qu'elle a/oit pour lui, mais aufÏÏ par 1'intérêt de fon amour, pour lequel il lui étoit tout-a-fait néceffaire, elle lui manda qu'elle vouloit abfolument lui parler encore une fois, Sc après cela qu'elle le laiffoit libre de faire  DE Mo NT PENS TER. 6l ce qu'il lui piairoit. L'on eft bien foibie quand on eft amoureux. Le comte revint, Sc en moins d'une heure la beauté de la princeffe de Montpenfier , fon efprit & quelques paroles obligeantes le rendirent plus foumis qu'il n'avoit jamais été, & il lui donna même des lettres du duc de Guife, qu'il venoit de recevoir. Pendant ce tems, 1'envie qu'on eut a la cour d'y faire venir les chefs du parti huguenot, pour eet horrible deffein qu'on exécuta le jour de la Saint - Barthelemi, fit que le roi, pour les mieux tronie per, éloigna de lui tous les princes de la maifon de Bourbon, Sc tous ceux de la maifon de Guife. Le prince de Montpenfier s'en retourna a Champigni, pour achever d'accabler la princeffe fa femme par fa préfence. Le duc de Guife s'e^  ët La Princesse 'alla a la campagne , chez le cardinal de Lorraine fon oncle. L'amour &. 1'oifiveté mirent dans fon efprit un fi violent défïr de voir la princeffe de Montpeniier, que fans coniidérer ce qu'il hafardoit pour elle .'& pour lui, il feignit un voyage, & laiffant tout fon train dans une petite ville , il prit avec lui ce feu! gentilhomme qui avoit déja fait plufieurs voyages a Champigni, & il s'y en alla en pofte. Comme ii n avoit point d'autre adrefte que .celle'du comte de Chabanes, il lui fit écrire un billet par ce même gentilhomme, par lequel ce gentilhomme ie prioit de le venir trouver en un lieu qu'il lui marquoit. Ie comte de Chabanes croyant que c'étoit feulement pour recevoir *les lettres du duc de Guife , 1'alla •trouver, mals il fut extiêmement  DE MONTPENSÏEE, 63 furpris quand il vit le duc de Guife, 6r il n'en fut pas moins affligé. Ce duc, oceupé de fon deffein, iie prit non plus garde a f embarras du comte , que la princeffe de Mont« penfler avoit fait a fon filence , lorfqu'elle lui avoit conté ion amour. II fe mit a lui exagérer fa paffion, & a lui faire comprendre qu'il mourroft infaiiliblement, s'Ü ne lui faifoit obtenir de la princeffe ia permi-ffion de la voir. Le comte de Chabanes lui répondit froidement qu'il diroit a cette princeffe tout ce qu'il fouhaitoit qu'ii lui dit, Sc qu'il viendroit lui en rendre réponfe- II s'en retourna a Champigni, combattu de fes propres fentimens , mais avec une violence qui lui 6toit quelquefois toute forte de connoiffance. Souvent il prenoit la réfolution de ren*  6\ La Princesse voyer le duc de Guife fans le dite a la princeffe de Montpenfier \ mais lafidélité exacte qu'il lui avoit promife, changeoit aufii-tot faréïblution. II arriva auprès d'eile fans favoir ce qu'il devoit faire ; Sc apprenant que le prince de Montpenfier étoit a la chaffe, il alla droit a fappartement de la princeffe, qui le voyant troublé, fit retirer aufii-töt fes femmes pour favoir le fujet de ce trouble. 11 lui dit, en fe modérant le plus qu'il lui fut poffible, que le duc de Guife étoit a une lieue de Champigni, Sc qu'il fouhaitoit pafïionnérnent de la voir. La princeffe fit un grand cri a cette nouvelle , Sc fon embarras ne fut guère moindre que celui du comte. Son amour lui préfenta d'abord la joie qu'elle auroit de voir un komme qu'elle aimoit  BE MONTPENSIER. 6$ aimoit fi tendrement. Mais quand elle penfa combien cette aótion étoit contraire a fa vertü , & qu'elle ne pouvoit voir fon amant qu en le faifant entrer Ia nuk chez elle a 1'infu de fon mari, elle fe trouva dans une extrêmité épouvantable. Le comte de Chabanes attendoit fa réponfe comme une chofe qui alloit décider de fa vie ou de fa mort. Jugeant de 1'incertitude de la princeffe par fon fileuce, il prit la parole, pour lui repréfènter tous les périls oü elle s'expoferoit par cette entrevue. Et voulant lui faire voir qu'il ne lui teuoit pas ce difcours pour fes intéréts, il lui dit: Si après tout ce que je viens de vous repréfènter, madame, votre paffion eft la plus forte, & que vous déftriez voir le duc de Guife, que ma confidération ne vous en  €6 lA PfUNCESsE ernpêche point, ft celle de votrè intérêt ne le fait pas. Je ne veux point priver d'une fi grande fatista&ion une perfonne que j'adore, ni être caufe qu'elle cherche des perfonnes moins fidèles que moi pour felaprocurer. Oui, madame, £ vous le voulez, j'irai quérir le duc de Guife dès ce foir, car il eft trop périlleux de le laiiTer plus long-tems oü il eft , Sc je 1'emmenerai dans votre appartement» Mais par oü Sc comment, interxompit la princeffe ? Ha! madame y s'écria le comte, c'en eft fait, puifque vous ne délibérez plus que fur les moyens. II viendra, madame, ee bien heureux amant. Je l'emmenerai par le pare : donnez ordre leulement a celle de vos femmes a qui vous vous fiez le glus , qu'elle bailfe grécifémenc- m  D E Mo K T P E-N S ÏE K'. 6"Y ttiinuic, ie petit porit-levis qui donne de votre antichambre dans le parterre, & ne vous inquiétez pas du refte. En achevant ces paroles, il fe leva, & fans attendre d'autre confentement de la princeffe de Montpenfier, il remonta a cheval, & vint trdfcver le duc de Guife qui i'attendoit avec une impatience extréme. La princeffe de Montpenfier dcmeura ü troublée, qu'elle fut quelque tems fans revenir a elle, Sou premier mouvement fut de faire rappeller le comte de Chabanes,. pour lui défendre d'emmener le duc de Guife,: mais elle n'en eut pas ia force. Elle penfa que fans le rappeller, elle n avoit qu'a ne point faire abaiflèr' le pont. Elle crut qu'elle continue™ ïoit dans cette r&folution;- Quand l'heuxe de l^ulïgnsftion apprócha r F ij  £8 La Princesse elle ne put réiiiter davantage, a fenvie de voir un amant qu'elle croyoit fi digne d'elle, Sc elle inftruifit une de fes femmesde tout ce qu'il failoit faire pour introduire le duc de Guife dans fon appartement. Cependant Sc ce duc Sc ie comte de Chabanes appitffchoient de Champigni, mais dans un état bien différent. Le duc abandonnoit fón ame a la joie , Sc a tout ce que 1'efpérance infpire de plus agréable, 6c le comte s'abandonnoit a un défefpoir 6c a une rage , qui ls poufsèrent mille fois a donner de fon épée au travers du corps de fon rival. Enfin ils arrivèrent au pare de Champigni, oü ils laifsèrent leurs chevaux a 1'écuyer du duc cle Guife -, Sc paffant par des brêches qui étoient aux murailles, ils vinrent dans le parterre- L^  DE MONTPENSIER. 6$ comte de Chabanes, au milieu de fon défefpoir, avoit toujours quelqu'efpérance que la raifon reviendroit a la princeffe de Montpenfier, & qu'elle pr end rok enfin la réfolution de ne point voir Ie duc de Guife. Quand il vit ce petit pont abaiffé, ce fut alors qu'il ne put douter du contraire, & ce fut aufli alors qu'il fut tout prêt afe porter auxdernières extrêmités. Mais venant a penfer que s'il faifoit du bruit, il feroit oui apparemment du prince de Montpenfier, dont 1'appartement donnoit fur Ie même parterre, 8c que tout ce déferdre tomberoit enfuite fur la perfonne qu'il aimoit le plus, fa rage fe calma a 1'heure même', 8c il acheva de conduire le duc de Guife aux pieds de fa princeffe.. II ne. put fe réfoudre a être témoia  7o LaPjrincesse de leur converfation, quoique ia princeiTelui témoignat ie fouhaiter, 6c qu'il feut bien fouhaité lui-» même. II fe retira dans un petit palTage-qui étoit du cöté del'appartement du prince de Montpenfier,. ayant dans Pefprit les plus triftes penfées qui ayent jamais occupé 1'efprit d'un amant. Cependant quelque peu de bruit qu'ils eulfent fait en pafiant fur le pont, le prince de Montpenfier, qui par malheur étoit éveillé dans ce moment, 1'entendit, 6c fit lever un de fes valets - de - chambre pour voir ce que c'étoit. Le valet-deehambre mit la tête a la fenêtre , 6c au travers de 1'obfcunté de la nuit, il appercut que le pont étoit abaiifé. II en avertit fon maitre, qui lui commanda en même-tems d'aller dans le pare voir ce que  D E MONTPE N S I E R» Tl' ce pouvoit être. Un moment après il fe leva lui-même3 étant inquietr de ce qu'il lui fembloit avoir oui mareher quelqu'un , Sc s'en vint droit a 1'appartement de la princeffe fa femme, qui répondoit fur le pont. Dans le moment qu'il approchoit de ce- petit paffage ,. ou étoit le comte de Chabanes la princeffe de Montpenfier qui avoit quelque honte de fe trouver feule avec le duc de Guife , pria plufieurs fois le comte d'entrer dansfa chambre.Il s'en excufa toujours* Sc comme elle 1'en preffoit davantage, poffédé de rage Sc de fureur, il lui répondit fi haut qu'il fut oui du prince de Montpenfier 3 mais fi confufément que ce prince cntendit feulement ia voix dunhomme, fans diftinguer celle du comte. Une pareille aventure eut  72 La Princêsse donné de 1'emportement a un efpnt 8c plus ttanquille & moins jaloux. Auffi mit-elle d'ahord 1'excès de la rage 8c de la fureur dans celui du prince. II heurta auiü-tot a la porte avec impétuofité, 8c criant pour fe faire ouvrir, il donna la plus cruelle furprife du monde a la princeiïe, au duc de Guife, 8c au comte de Chabanes. Le dernier entendant la voix du prince, comprit dabord qu'il étoit impoffibie de 1'empêcher de croire qu'il n'y eut quelqu'un dans k chambre de la princeffe fa femme: 8c la grandeur de fa paffion lui montrant en ce moment , que s'il y trouvoit Je duc de Guife, madame de Montpenfier auroit la douleur de le voir tuer a fes yeux, 8c que la vie même de cette princelfe ne feroit pas en süretéj il réfolut par une géné- ioilté  DE MoNTPENSIEK. 73 röfité fans exemple, de s'expofer pour fauver une maitreiïè ingrate-, & un rival aimé. Pendant que le prince de Montpenfier donnoit mille coups a la porte , il vint au duc de Guife, qui ne favoit quelle réfolution prendre, & il le mit entre les mains de cette femme de madame de Montpenfier, qui favoit fait entrer par Je pont, pour ie faire fortir par le même lieu, pendant qu'il s'expoferoit a la.fureur du prince. A peine le duc étoit hors l'antichambre, que le prince ayant enfoncé la porte du paffage, entra dans la chambre comme ün hom me poffédé de fureur & qui cherchoit fur qui la faire éclater. Mais quand il ne vit quel e comte de Chabanes, & qu'il le vit immobile, appuyé fur la tabie, avec un vifage oü la trifteffe G  74 La Prtnces-se étoit peinte, -il demeura iramobile lui-même: êc la furprife de trouver 3c feul & la niüt dans la chambre • de fa femme 1'homme du monde qu'il aimoit ie mieux , le mit hors d'état de pouvoir parler. La princeffe étoit a demi évanouie fur des earreaux, .& jamais peut-être la fortune na mis trois perfonnes en des états fi pitoyables. Enfin le prince de Montpenfier qui ne croyoit pas ce qu'il voyoit, èc qui vouloit démêler ce chaos oü il venoit de tomber , adreflant la parole au comte , dun ton qui faifoit voir qu'il avoit encore de 1'amitié pour lui:Que vois-je, lui dit-il? Eft-ce une illufion ou une vérités Eft-il poiïlble qu un homme que j'ai aimé fi chèrement, choiijfTe ma femme entte toutes les #utres femmes, pour la féduire?  DE MONTPENSIER. 75 Et vous, madame, dit-il a la princeffe , en fe tournant de fon cöté, n étoit-ce point affez de m'öter votre cceur 8c mon honneur, fans m'öter le feul homme qui me pouvoit confoler de ces malheurs >. Répondez-moi 1'un ou 1'autre , leur dit-il, 8c éclairciffez-moi d'une aventure que je ne puis croire telle qu'elle me paroït. La princelfe n'étoit pas capable de répondre, 8c le comte de Chabanes ouvritplufieurs fois la bouche fans pouvoir parler» Je fuis criminel a votre égard , lui -dit-il enfin, 8c indignede 1'amitié que vous avez eue pour moi-, mais ce n eft pas de ia manière que vous pouvez Timaginer. Je fuis plus malheureux que vous, 8c plus défefpéré, je ne faurois vous en dire davantage. Ma mort vous v¥engera, 8c ü vous voulez me te Gij  7^ La Princesse donna tout a 1'heure, vous me dontierez la feule chofe qui peut m'être agréable. Ces paroles prononcées avec une douleur mortelle ik avec un air qui marquoit fon innocence , au lieu d eclaircir le prince de Montpenfier , lui perfnadoient de plus en plus qu'il y avoit quelque myftère dans cette aventure, qu'il ne pouvoit deviner; & fon défefpoir s'augmentant par cette ineertitude : Otez-moi la vie vous-même, lui dit-il, ou donnezmoi l'éelaircnTement de vos paroles, je n'y comprens rien. Vous devez eet éclairciiïèment a mon amitié. Vous le devez a ma modération, car tout autre que moi auroit déja /Vengé fur votre vie un affront fi fenfihJe. Les apparences font bien fauflès, interrompit le comte. Ah c'efi; trop, repliqua Ie prince  Ï3E MoNTPENSlER*. 77 faut que je me venge, Sc puisje m'éclaircirai a loifir. En difant ces paroles, il s'approeha du comte de Chabanes avec factlou d'un homme emporté de rage. La prineeffè craignantquelque malheur (ce qui ne pouvoit pourtant pas arriver, fon mari n'ayant point d'épée), le leva pour fe mettre entre-deux. La foibieffe oü elle étoit la fit fuccomber a eet effort, & comme elle approchoit de fon mari, elle tomba évanouie a fes pieds. Le prince fut encore plus touché de eet évanouiflement qu'il n'avoit été de la tranquillité oü il avoit trouvé le comte, lorfqu'il s'étoit approché de lui \ Sc ne pouvant plus foutenir la vue de deux perfonnes qui lui donnoient des mouvemensfi triftes^, il tourna la tête de i'autre cöté, Sc fe laiifa tomber fur le Ut de G iij ■  78 La Princesse ia femme, accablé d'une douleur incroyable. Le comte de Chabanes pénétré de repentir d'avoir abufé d'une amitié dont il recevoit tant de marqués, 8c ne trouvant pas qu'il put jamais réparer ce qu'il venoit de faire, fortit brufquement de la chambre, 8c paffant par 1'appartement du prince, dont il trouva les portes ouvertes, il defcendit dans la cour. II fe fit donner des ehevaux, 8c s'en alla dans la campagne, guidé par fon feul défefpoir. Cependant le prince de Montpenfier qui voyoit que la princeffe ne revenoit point de fon évanouiffement, la laiffa entreles mains de fes femmes, 8c fe retira dans fa chambre avec une douleur mortelle. Le duc de Guife qui étoit forti heureufement du pare, fans favoir quafi ce qu'il faifoit, tant l m  PE MONTPENSIEÉ. "fj il étoit tröüblé,' s'éloigna de Champigni de quelque's lieues ; mais il ne put s'éloigner davantage, fans favoir des nouvelles de la princeffe „■ ïl s'arrêta dans une forêt, & envoya fon écuyer pour apprendre du comte de Chabanes ce qui étoit arrivé de cette terrible aventure. L'écuyer ne trouva point le comte de Chabanes \ mais il apprit d'autres perfonnes, que la prin-* ceffe de Montpenfier étoit extraordinairement malade. L'inquiétude du duc de Guife fut aügmentée par ce que lui dit fon écuyer *, &C fans la pouvoir foulager, il fut contraint de s'en retourner trouver fes oncles, pour ne pas donner de foupcon par un plus long voyage. L'écuyer du duc de Guife lui avoit rapporté la vérité, en lui difant que madame de Montpenfier étoit G iv  8o La Princesse extrêmement malade; car Ü étoic vrai que fitöt que fes femmes reurent mife dans Ton iit, la fièvre lui prit li violemment , Sc avec des rêveries fi horribles, que des le fecond jour Ion craignit pour fa vie j le prince feignit d'êtrë malade, afin qu'on ne setonnatpas de ce qu'il nentrdit pas dans la chambre de fa femme. L'ordre qu'il recut de retourner a la cour, oü Ion rappelloit tous les princes cathoiiques pour exterminer les huguenots, le rira de 1'embarras oü il étoit. II s'en alla a Paris, ne fachant ce qu'il avoit a efpérer ou a craindre du mal de la princefïe fa femme. II n'y fut pas firöt arrivé, qu'on commenca d'attaquer les huguenots en la perfonne dun de leurs chefs, i'amiral de Chatillon j Sc deux jours après i'on fit eet  DE MONTFEKSIER. Si horrible malfacre, fi renommé par toute 1'Europe. Le pauvre comte de Chabanes , qui s'étoit venu cacher dans l'extrêmité de l'un< des fauxbourgs de Paris, pour s'abandonner entièrement a. fa douleur, fut enveloppé dans la ruine des huguenots. Les perfonnes chez qui il s'étoit retiré fayant reconnu, & s'étant fouvenues qu'on favoit foupconné d'être de ce parti, le maffacrèrent cette même nuit qui fut fi funefte a tant de gens. Le matin le prince de Montpenfier allant donner quelques ordres hors la ville, paifa dans la rue oü étoit 3e corps de Chabanes. II fut d'abord faifi d'étonnement a ce pitoyable fpectacle ; enfuite fon amitié fe réveiliant, elle lui donna de la douleur; mais le fouvenir de 1'offenfe qu'il croyoit avoir recue du  ti La Prïncess'é comte, lui donna enfin de ia joïe3 8c il fut bien aife de fe voir vengé par les mains de la fortune. Le duc de Guife occupé du défir de venger la mort de fon père, & peu après rempli de la joie de l'avoir vengée, iaiffa peu-a-peu éloigner de fon ame le foin d'apprendre des nouvelles de la princeffe de Montpeniier , 8c trouvant la marquife de Noirmoutier 3 perfonne de beaucoup d'efprit 8c de beauté , 8c qui donnoit plus d'efpérance que cette princeffe , il s'attacha entièrement a elle 8c 1'aima avec une paffion déméfürée, 8c qui dura jufqu'a fa mort. Cependant après que ie mal de madame de Montpenfier fut venu au dernier point, il commenca a diminuer. La raifon lui revint, 8c fe trouvant un peu foulagée par  DE MONTEEÏTSIER. 8? Fabfence du prince fon mari, elle donna quelquefpérance de vie* Sa fanté revenoit pourtant avec grande peine, par le mauvais état de fon efprit , & fon efprit fut travaillé de nouveau , quand elle fe fouvint qu'elle n'avoit eu aucune nouvelle du duc de Guife pendant toute fa maladie. Elle s'enquit de fes femmes fi elles n'avoient vu perfonne, fi elles n'avoient point de lettres & ne trouvant rien de ce qu'elle eut fouhaité , elle fe trouva la plus malheureufe du monde, d'avoir tout hafardé pour un homme qui 1'abandonnoit. Ce fut encore un nouvel accablement pour elle d'apprendre la mort du comte de Chabanes, qu'elle fut bi entót par les foins du prince fon mari. L'ingratitude du duc de Guife lui fit fentir vivement la pette d'un homme  $4 Ia PfilNCESSE dont elle connoiffoit fi bien k fidélité. Tant de déplaifirs fi pref. lans la remirent bientöt dans un etat auffi dangereux que celui dont elle étoit fortie. Et comme madame de Noirmoutier étoit une perfonne qui prenoit autant de iom defkire éclater fes galanteries que les autres en prennent de'les cacher , celles du duc de Guife & les fiennes étoient fi publiques, que toute éioignée & toute" malade qu eruit la princeffe de Montpenfier, elle les apprit de tant de cötés, qu'elle nen put douter. Ce fut Ie coup mortel pour fa vie. Elle ne put réfifter a la douleur d'avoir perdu feftime de fon mari, ïe cceur de fon amant, & le plus parfait ami qui fot jamais. Elle mourut en peu de jours dans la fleur de fon age. Elle étoit une  BE M O N T PE NS IER, 8f des plus belles prirtceffes du monde, Sc en eut été fans doutelaplus heureufe, fi la vertu 8c la prudence eulfent conduit toutes fes actions.   LETTRES DE MADAME DE LA FAYETTE A MADAME DE SÉVIGNÉa  LETTRES  LETTRES DE MADAME DE LA FAYETTE A MADAME DE SÉVIGNÉ. . LETTRE L Paris, le 30 Beccmhre 1*672, J'AI vu votre grande lettre a d'Hacqueviüe : je comprends fort bien tout ce que vous lui mandes fur 1'évêque de Marfeiile.; il faut que le prélat ait tort, puifque vous vous en piaignez. Je montrerai votre lettre a Langlade, & H  9 0 Lettre s. l'ai bien envie encore de la faire voir a madame Dupleiïïs: car elle eft très-prévenue en faveur de 1 eyêque. Les provencaux font des gens d'un caractère tout particulier. Voiia un paquet que je vous envoie pour madame de Northumberland. Vous ne comprendrez pas aifément pourquoi je fuis chargée de ce paquet; il vient du comte de Sunderland 3 qui eft préfente- ment ambaffadeur ici. II eft fort de fes amis il lui a écrit plufieurs fóis j mais n'ayant point de réponfe 3 il crott qu'on arrête fes lettres; & M. de la Rochefoucauld qu'il voit trés-fouvent, s'eft chargé de faire tenir le paquet dont il s'agit. Je vous fupplie donc 3 comme vous n'êtes plus a Aix , de le renvoyer par quelqu un de eonfiance 3 öc d ecrire un mot &  Lettres. 91 madame de Northumberland 3 afin qu'elle vous faflè réponfe , 8c qu'elle vous mande qu'elle 1'a recu; vous m'enverrez fa réponfe. On dit ici que fi M. de Montaigu n'a pas un heureux fuccès dans fon voyage, il paifera en ïtalie 3 pour faire voir que ce n'eft pas pour les beaux yeux de madame de Nordiumberland qu'il court le pays : mandeznous un peu ce que vous verrez de cette affaire , 8c comment il fera traité. La Marans eft dans une dévotion, 8c dans un efprit de douceur 8c de pénitence , qui ne fë peut comprendre: fa fceur ( 1 ) 3 qui ne 1'aime pas , en eft furprife 8c charmée fa perfonne eft cHan- (1) Mademoifèlle de Moataiaïs % fille d'honneur de Madame , Her,-riette Anne d'Angteterre. Hij  52 Lettres. gée a n être pas reconnoilTable: elle paroit foixante ans. Elle trouva mauvais que fa fceur m'eut conté ce qu'elle lui avoit dit fur eet enfant de M. de Longueville, Sc elle fe plaignit aufïi de moi de ce que je 1'avois redonné au public; mais fes plaintes étoient li douces, que Montalaisen étoit confondue.pour elle Sc pour moi, enforte que pour m'excufer, elle lui dit que j'étois ïnformée de la belle opinion qu'elle avoit que j'aimois M. de Longueville. La Marans avec un efprit admirable, répondit que puifque je favois cela, elle s'étonnoit que je n'en eulfe pas dit davantage , Sc que j'avois rarfon de me plaindre d'elle. On paria de madame de Grignan ; elle en dit beaucoup de bien ,, mais fans aucune affectation. Elle ne voit plus qui que  Lettres. ce foit au monde fans exception r fi dieu fixe cette bonne tête-la,. ce fera un des grands miracles que j'aurai jamais vue. J'aliai hier au palais royal avec madame de Monaco ; je m'y enrhumai a mourir : j'y pleurai Madame (i) de tout mon cceur. Je ftis furprife de 1'efprit de celleci (3) j non pas de fon efprit agréaWe 'y mais de fon efprit de bon fens : elle fe mit fur le ridicule de M. de Meckelbourg d'être a Paris préfentement, 8c je vous af- fure que- fon ne peut mieux dire. ( 1 ) Henrlettc'-Anne d'Angleterre,. morte le 25» juin 1670. (2, ) Eiilabeth-Chariotte, palatine da Bhin , que Monsieur , frcre uni-que de Louis XIV ,époii[a en fecondes. nóc&s le zï novembre 1671» '  ?4 Lettres. C'eft une perfonne trés - opiniatre 8c trés - réfolue , & affurément de bon goüt : car elle hait madame de Gourdon a ne la pouvoir fouffrir. Monsieur me fit routes les careffes du monde au nez delamaréchale de Clerembault (i) j etois foutenue de la Fienne , qui la hait mortellement, & a qui j'avois donné a diner , il n'y a que deux jours. Tout le monde croir que la comtelfe du Plefiis (2) va époufer Clérembault» ( 1 ) Gouvernante des enfans de Monsieur. ( 2 ) Marie-Louile le Loup de Bellenave , veuve d'AIexandre de Choifèul, comte du Pieflis; & remariée depuis a René Giiier du Puygarrea\u, marquis de Clérembault , premier écuyer de Madame , duch,effe d'QrHéans»  Lettres. 9 y M. de ia Rochefoucauld vous fait cent mille complimens : il y a quatre ou cinq jours qu'il ne fort point; il a la goute en mignature. J. ai mandé a madame du Plelfis que vous m'aviez écrit des merveilles de fon rils. Adieu, ma belle , vous favez combien je vous aime. LETTRE II. Paris, 27 Février i6js« JVIadame Bayard &c M. de la Fayette arrivent dans ce moment; cela fait, ma belle , que je ne vous puis dire que deux mots de votre fils : il fort d'ici , & m'eft venu dire adieu, & prier de vous écrire fes raifons fur fargent; elles font fi bonnes, que je n'ai  ^6 Lettres, pas befoin de vous les expliquef fort au long \ car vous voyez d'ou vous êtes, la dépenfe d'une campagne qui ne finit point. Tout le monde eft au défefpoir, & fe mine. ïl eft impoftible que votre fils ne falfe pas un peu comme les autres, èc de plus, la grande amitié que vous avez pour madame de Grignan, fait qu'il en faut témoigner a fon frere. Jelaiiïè au" grand d'Haequeville a vous en dire davantage* Adieu 3 ma tres - chère, LETTRE  LETTRE Ui. Paris, U 15 Avril ify3. Madame de Northumberland me vint voir hier ; javois été la chercher avec madame de Cotüanges: elle me parut une femme , qui a été fort belle , mais qui n'a plus un feu! trait de vi%e qui fe foutienne, ni oü il foit *efté le moindre air de jeunene jen fus furprife: elle eft avec eek mal habillée 3 point de grace • enfin je n'en fus point du tout ébiouic; elle me parut entendre fort bien tout ce quon dit, oupour mieux dire ce que je dis: car j'étois feule. M. de la Rochefoucauld Sc madam de Thianges, qui avoient en- I  2 8 Lettres. vie de la voir , ne vinrent que comme elle fortoit. Montaigu m'avoit mandé qu'elle viendroit me voir, je lui ai fort parlé d'elle; il ne fait aucune facon d'être embarqué a fon fervice , & paroit très-rempli d'efpérance. M. de Chaulnes 'partit hier , & le comte Tot auffi; ce dernier eft très-affiigé de quitter la France ; je 1'ai vu quaft tous les jours, pendant qu'il a été ici 7 nous avons traité votre chapitre plufteurs fois. La maréchale de Gramont s'eft trouvée mal, d'Hacqueville y a été toujours courant lui mener un médecin : il eft , en vérité , un peu étendu dans fes foins. Adieu , mon amie : j'ai le fang li échauffé , 8c j'ai tant eu de tracas ces jours paifés , que je n'en puis plus , je voudrois bien vous voir pour me -rafraichir le fang. .  Lettres.LETTRE I Vo Paris, U 19 Mai 1673* JE vais demain a Chantilli: c eft ce même voyage, que j'avois commencé 1'année paffee jufque fur le pont-neuf, oü la fièvre me prit; je ne fais pas s'il arrivéra quelque chofe d'aufli bifarre, qui mempêche encore de 1'exécuter : nous y allons, la même compagnie , dc rien de plus. Madame du Pleilïs étoit fi charmée de votre lettre, qu'elle me la envoyée j elle eft enfin parti e pour fa Bretagne. J'ai donné vos lettres a Langlade , qui m'en a paru trèscontent; il honore toujours beaucoup madame de Grignan. Mon- lij  .-i.o© Lettres. taiga s'en va : on dit que fes efférances font renverfées; je crois qu'il y a quelque chofe de travers dansl'efprit de la nymphe (i). Votre fils eft amoureux comme un perdu de mademoifeile de Pouffai 3 il n'afpire qu'a être auftï tranfi que la Fare. M. de la Rochefoucauld dit que 1'ambkion de Sévigné eft de mourir d'un amour qu'il n'a pas : car nous ne le tenons pas du bois dont on fait les fortes paffions. Je luis dégoütée de celle de la Fare : elle eft trop grande & trop efclave fa maitreffe ne répond pas au plus petit de fes fentimens : elle foupa chez Longueil a une mufique le foir même qu'il partit. Souper en compagnie ■qüand fon amant part , &: qu'il ( i) Madame de NorthumberUntf*  Lettrés. i$i part pour 1'armée, me pafoït un crime capiral; je ne fais pas ü y& m'y connois. Adieu , ma beüe. LETTRE V. Paris, 26 Mai 1633. S I je n'avois Ja migraine, je vous rendröis compte de mon voyage de Chantiili , & je vous diróis que de tous les lieux que le foleil éelaire , il n'y en a point un pareil a celui-la. Nous n'y avons pas eu un trop beau tems , mais la beauté de la chafïè dans les carroiTes vitrés a fuppléé a ce qui nous manquoit. Nous y avons été cinq ou nx jours; nous vous y avons exttêmement fouhaitée, non -feule- liij  ioz Lettres. ment par amitié, mais paree que vous êtes plus digne que perfonne du monde d'admirer ces beautés la. J'ai trouvé ici a mon retour deux de vos lettres. Je ne pus faire achever celle-ci vendredi & je ne puis 1'achever moi-même aujourd'hui, dont je fuis bien fachée : car il me femble qu'il y a long - tems que je nai caufé avec vous. Pour répondre a vos queftions, je vous dirai que madame de BriiTac ( i ) eft toujours a l'hötel de Conti, environnée de peu d'amans , & d'amans peu propres a faire dubruit, deforte qu'elle n'a pas grand befoin du manteau de fainte Urfule. Le premier.prélident de Bordeaux eft amoureux ( i ) Gabrielle-Louife de SaintSimon, ducKeüe de BriiTac»  Lettres. 103 o"elle comme un fou il eft vrai que ce n eft pas d'ailleurs une tête bien timbrée. M. le premier Sc fes enfans font auiïi fort affidus auprès d'elle M. de Montaigu ne i'a , je crois , point vue de ce voyageci, de peur de déplaire a. madame de Northumberiand , qui part aujourd'hui-, Montaigu 1'a devancée de deux jours, tout cela ne laiiTe pas douter qu'il ne 1'époufe. Madame de BriiTac joue toujours la défolée , Sc affe&e une tres-grande neVligence. La comteffe du Pieffis a fervi de dame d'honneur deux jours avant que Monsieur fok parti; fa belle mère (1) n'y avoit pas ( x ) Colombe le Charron , femme de Céiar, duc de Choifeul , pair & maréchal de France, & première &zmQ d'honneur de Madame» I ;v  Lette es. vpiilu confentir auparavant. Elle n'égratigne point M. de Monaco-, ie^crois qu elle-fe fait juftice , & qu'elle trouve que la feconde place de chez Madame eft affez bonne pour la femme de Clérambault, elle le fera alfurément dans un mois , fi elle ne 1'eft déja.. Nous allons diner a Livri, M. de la Rochefoucauld, Morangi, Coulange & moi 5 c'eft une chofe qui me paroït bien étrange , dalIer diner a Livri , & qUe ce ne foic pas avec vous. L'abbé Têtu (1) eft allé a Fontevraud j je fuis ( i ) II ne feut point confondre l'abbé Têtu, dont il fèra fouvent parlé dans ces lettres, avec un autre abbé Têtu, qui avoit été aumónier ordinaire de Madame , & qui étoit, comme le premier , de 1'académxe  Lettres. io^ srompée , sii neut mieux fait de n'y pas aller, & li ce voyage-lè ne déplait a des gens , a qui ii eft bon de ne pas dépiaire. L'on dit que madame de Montefpan eftdemeurée a Courtrai. Je recois une petite lettre de vous, fi vous n'avez pas regu des miennes, c'eft que j'ai bien eu des tracas : je vous conterai mes raifons quand vous ferez ici. M. le duc: s'ennuie beaucoup a Utrecfit, les femmes y font horribles, voiei un petit conté fur fon fujet. II fe familiarifoit avec une jeune femme de ce pays-la, pour fe défennuyer apparemment, & comme les familiarités étoient fans doute un peu fran^olfe. Celui dont il s'agit, étoit un homme de beaucoup d'efprit, & de très-bonne compagnie..  ,ioé Lettres. grandes , elle lui dit: Pour dien, monfeigneur > V. A. a la bonté d'être trop injolente. Ceft Briole qui m'a écrit cela, j'ai jugé que vous en feriez charmée , comme moi. Adieu, ma belle : je fuis toute a vous aiïiirément. LETTRE VI. Paris, 30 Juin i(>j3< Ut bien, hé bien, ma belle, qu'avez - vous a crier comme un aigle ? je vous mande que vous attendiez a juger de moi, quand vous ferez ici, qu'y a-t-il de fi terrible a ces paroles : Mes journées font remplies ? II eft vrai que Bayard eft ici , & qu'il fait mes  Lettres. 107 affaires , mais quand il a couru tout le jour pour mon fervice, écrirai-je ? Encore faut-il lui parler. Quand j'ai couru, moi, & que je reviens , je trouve M. de- la Rochefoucauld,que je n'ai point vu de tout le jour, écrirai-je? M. de la Rocliefoucauld & Gourvillé font ici, écrirai-je ? Mais quand ils font fortis ? ah ! quand ils font fortis, il eft onze heures , & je fors, moi, je couche chez nos voifins» a caufe qu'on batit devant mes fenêtres. Mais 1'après - dïnée , j'ai mal a la tête *, mais le matin, j'y ai mal encore , & je prends des bouillons d'herbes qui menivren.fr Vous êtes en Provence, ma belle, vos heures font libres , & votre tête encore plus *, le goüt d'écrire vous dure encore pour tout le mondeil ni eft paffé pour tout  ïo-ff Lettres. Ie monde , & fi j'avois un anianfj qui voulut de mes lettres tous les matins ? je romprois avec lui. Ne mefurez donc point notre amitié fur 1 ecriture, je vous aimerai autant, en ne vous écrivant qu'une page en un mois, que vous , en m en écrivant dix en huk jours. Quand je fuis a Saint-Maur 5 je puis écrire , paree que j'ai plus" de tête & plus de loifir ; mais je «ai pas celui d'y être , je n'y ai pane que huk jours de cette année. Paris me tue. Si vous faviez comrae je ferois ma cour a des~ gens a qui il eft trés - bon de la faire , d'écrire fouvent tontes fortes de folies, & combiert je lemen écris peu, vous jugeriez aiféma t que je ne fais pas ce que je *eux la-deffiis; il y a aujourd'huittois ans que je vis mourir Mad.At  Lettres. 109 ME, je reins hier plufieurs de fes lettres, je fuis toute pleine d'elie. Adieu, ma très-chère ; vos déflances feules compofent votre unique défaut, & la feuie chofe qui peut me déplaire en vous. M. de la Rochefoucauld vous écrira. LETTRE VIL Paris , 14 Juillet 1673. *VoiCi ce que j'ai fait deplus que je ne vous ai écrit: j'ai eu deux accès de fièvre; il y a fïx mois que je ri'ai été purgée: on me purge une fois, on me purge deux; le lendemain de la deuxiéme je me mets a table: ah, ah! j'ai mal au ccEur,. je ne veux point de  xio Lettres. potage : mangez doric un ƒ eu de viande^non, je n'en veux point* mais vous mangerez du fruit; je crois qu'oui: hé bien mangez-én donc; je ne faurois, je mangerai tantöf, que fon m'ait ce fbir un potage tk un poulet. Voici le foir, voila un potage &: un poulet, je n'en veux point; je fuis dégoütée; je m'en vais me coucher, j'aime mieux dormir que de manger. Je me couche, je me tourne, je me xetourne, je n'ai point de mal, jmais je n'ai point de lommeil auffi; j'appelle, je prends un livre , je le refermevle jour vient, je me leve, je vais a la fenêtre: quatre heures fonnent, cinq heures, fix heures j je me recouche, je m'endors jufqu'a fept: je me léve a huit, je me mets a table a douze inutilement, comme la veille; je me  Lettres. m remets dans mon lit le foir inutilement, comme 1'autre nuit. Êtesvous malade ? nani: êtes-vous plus foible ï nani. Je luis dans eet état trois jours & trois nuits: je redors préfentement; mais je ne mange encore que par machine , comme les chevaux, en me frottant la bouche de vinaigre : du reife , je me porte bien, & je n'ai pas même fi mal a la tête. Je viens d'écrire des folies a M. le duc; fi je puis, j'irai dimanche a Livri pour un jour ou deux. Je fuis très-aife d'aimer madame de Coulanges a caule de vous. Réfolvez-vous, ma belle, de me voir foutenir toute ma vie a la pointe de mon éloquence , que je vous aime plus encore que vous ne m'aimez; j'en ferois convenir Corbinelli en un demi-quart d'heure : au refte , mandez-moi  tis. Lettres. bien de fes nouvelles; tant de bonnes volontés feront-eiles toujours inutiles a ce pauvre hommeJ pour moi, je crois que c'eft fon mérite qui leur porte malheur. Segrais porte guignon j madame de Thianges eft des amies de Corbinelli, madame Scarron, mille perfonnes, & je ne lui vois plus aucune efpérance de quoi que ce puiffe être. On donne des penfions. aux beaux efprits j c'eft un fonds abandonné a^jjf. j il en mérite mieux que touf ceux qui en ont; point de nouvelles , on ne peut rien obtenir pour lui. Je dois voir demain madame de V , c'eft une 'certaine ridicule , a -qui JVL d'Ambre a fait un enfant j elle la plaidé, & a perdu fon procés, elle conté toutes les circonftances de fonaventure>il n'y a rien aumonde  L e t T R f S. 113 de p'areilj elle préténd avoir été forcée-, vous jugez bien qu^ cela conti it a de beaux détails. LaMarans eft une faihtê; il n'y a point de raillerie : cela me paroit un miracle.'La Bonnetot eft devote auffi-, elle 3 oré fon ceil de verre, elle ne mét plus de rouge, ni de boucles.Ma* dame de Monaco ne fait pas de même; elle me vint voir J'autré jour bien blanche: elle eft favoritö & engouée de cette Madame-cI, tout comme de 1'autre ; cela eft bifarre. Langlade s'en va demainen Poitou pour deux on trois möis; ■ M. de Marfillac eft ici-, ilpart lundi pour aller a Barège ; il ne s'aide pas de fon bras. Madame la comteffe du Pleftis va fe mari et; elle a penfé acheter Frêne. M. de la Rocfaefoucauld fè porte très-bien; if! vous fait mille Öc mille complimens 5  «14 Lettres. Sc a Corbinelli. Voici une queftioii entre deux maximes. On pardonne les infidélitcs * mais on ne les oublie point. On oublie les infidélite's, mais cn ne les pardonne point. 33 AimeZ'Vous mieux avoir fait » une inftdéiité a votre amant, 33 que vous aimez pourtant tou>3 jours*, ou qu'il vous en ait fait 33 une , 5c qu'il vous aime auffi 3> toujours 33 ? On n entend pas par infidélité , avoir quitté pour' un autre mais avoir fait une faute confidérable. Adieu: je fuis bien en train de jafervoila ce que c'eft que de ne point manger &ne point dormir. j'embraife madame de Grignan & toutes fes perfe&ions.  L E T T R E' & ïïf LETTRE VIII. Paris ) 4 Septemhre ï6-j%„ JE flïis a Saint-Maur ; j'ai quitté toutes mes affaires 6c tous mes maris; j'ai mes enfans 6c le beau tems ; cela me fufrtt; je prends des eaux de Forges; je fonge a ma lanté j je ne vob perfonne ; je ne m'en foucie point du tout; tout le monde me paroit li attaché a fes plaifirs , 6c a des plaifirs qui dépendent entièrement des autres 9 que je me trouve avoir un don des fées, d'être de 1'humeur dont je fuis. Je ne fais ü madame de Coulanges ne vous aura point naandé une conyerfation d'une après Kij  n6 Lettres. dinée de chez Gourville, ou étoient madame Scarron & 1'abbé Têtu*, fur les perfonnes, qui ont le goüt au-dejjus ou au-dejjous de leur efprit; nous nous jettames dans des fubtilités, oü nous n'entendionsplus rien : li fair de Prpvence 5.qui fubtilife encore toutes chofes , vous augmente nos viftöns la-def*' fus, vous lèrez dans les nues. Vous avei le goüt au-dëjjus de votre efprit, & M. de la Róchefoucauld auffi) & tnoi encore, mais pas tant que vous deux. Voila des exemples qui vous guideront. M. de Coulanges m'a dit que votre voyage étoit encore retardé-, pourvu que vous rameniez madame de Grignan, jé n'en murmure pas; fi vous ne la ramenez point, c'eft une trop longue abfence. Món goüt augmente a vue d'ceil pou$  Lettres. iy? la fupérieure du Calvaire ; j'efpère qu'elle me rendra bonne. Le cardinal de Retz eft brouille pour jamais avec moia de m'avoir réfftfé: la permiffion d'entrer chez elle*; je la vois quaii tous les jours; j'ai vu enfin fon vifage (i), il eft agréable, 8c 1'on s'aopercoit bien qu'il a été beau; elle na que quarante ans; mais f auftérire de la regie 1'a fort changée. Madame de Grignan a fait des mervsil es d'avoir écrit a la Marans; je n'ai pas été fi fage; car je fus 1'autre jour chercher madame de Schomberg (z ), 8c je ne ia demandai ( t ) Les religieuss dü Calvaire ont leur voile Laiilé au parioir, excepté pour leurs procbes parens, ou flans des cas particuiiers. ( %) Madame de Schomberg & msn  ii8 Lettre s. point. Adieu, ma belle, je fouhaite votre retour avec une impatience digne de notre amitié.. J'ai rec^i les s'oo livres, il y a long- tems; II me femble que 1'argent eft li' rare qu'on n'en devroit point prendre de fes amies j faites mes excufes a M. 1'abbé ( de Coulanges) de ce que je fai reai. LETTRE IX, \Paris, 8 O&obre JVÏ o n ftyle fera laconique ; je n'ai point de tête j. j'ai eu la ficvre; j'ai chargé M. du Bois de vous Ie man der. dame de Marans étoient logées H même maifon.  Lettres", 119 . Votre affaire eft manquée & fansremède; fon y a fait des merveilles de toutes patts-, je doute que M. de Chaulnes en perfonne 1'eüt pa faire. Le roi n'a témoigné nuile répugnance pour M. de Sévigné-, mais ii étoit engagé, il y a longtems-3 il fa dit a tóus ceux qui penfoient a la députation*, il faut laiiTer nos efpérances jufqu'aux états prochains ; ce n'eft pas de quoi il eft queftion préfentement ii eft queftion, ma belle, qu'il ne faut point que vous palïiez 1'hiver en Bretagne a quelque prix que ce foit j vous êtes vieille , les rocbers font pleins de bois les catarres 5c les fluxions vous accabieront; vous vous ennuyerez , votre efprit deviendra trifte & bajflera; tout cdf. eft sur, & les chofes du monde ne font rien en comparaifon de  Ho Lettre?.. tout ce que je vous dis. Ne me parlez point dVgent ni de dettes : je vous ferme ia bouche fur tout; M'. de Sévigné vous donne fon équipage; vousveneza Malicorne, vous y trouvez- les chevaux & la calèche de M. de Chauines; vous voila a Paris; vous aller defcend re a i'hötel de Chaulnes; votre maifon n'eft pas prête 5 vous n'avez point de chevaux , c'eft en attendant; a votre léifir vous vous re- mettez chez vous. Venons au fait, vous payez une penfton a M. de Sévigné; vous avez ici un ménage:, mettez le tout enfemble, cela fait de 1'argent ; car • votre louage de maifon va toujours; vous direV, mais je dois; &. je payeraï avec ïe te;ns:comptez que vous trouvez ici mille écus dont vous prvez ce qui vous preile; quon vous \ s prête-  Lettres. fffg prête fans intérct, & qUe vous les rembourferez petit a petit, comme vous voudrez ; ne demandez point d'oü ils viennent, ni de qui c'eft ; onne vous ie dira rias; mais ce font g-ens qui font bien afïïiiés qu'ils ne les perdront pas. Point de raifonnemens la-deffus , point dc paroles, ni de lettres perdues, jf faut venir, tout ce que vous mecrirez, je ne le lirai feulement pasj Sc en un mot, ma belle, il faut ou venir, ou renoncer a mon amn tié, a celle de madame de Chaulnes Sc a celle de madame de Lavardiny nous ne voulons point d'une amie, qui veut vieillir & mourir par fa faute 5 il y a de ia misère & de ia pauvreté a votre conduite; ii &ut venir dès qu'il fera beau,  %iz Let tres, LETTRE X. Paris, 20 Septembre i6$oi Vous avez reeu ma réponfe, avant que j'aie ree j votre lettre. Vous aurez vu par celle de madame de Lavardin & par la mienne que nous voulions vous faire aller cn Provence, puifque vous ne veïiiez point a Paris-, c'eft tout ce qu'il y a de meilleur a faire; le foleil eft plus beau , vous aurez compagnie; je dis même, féparée de madame de Grignan, qui n'eft pas peu; un gros chateau, bien des gens j enfin c eft vivre que d'être la, Je ioue extrêmement monfieur votre fits de eonfenrir a yous perdre jour votre intérêti  LlTTB K-S. fi fêtois en train d ecrire , je lui ferois des complimens; partez tout le plutöt qu'il vous fera pok fible-, mandez-nous par quelles villes vous paflerez ; 8c a-peu-près Ie tems, vous y trouverez de nos lettres. Je fuis dans des vapeurs ïes plus triftes 8c les plus cruelles^ ou 1'on puiflè être-, il n'y a qua (buffrir , quand c'eft ia volonta de Dieu. C'eft du meilleur de mon cceur. que j'approuve votre voyage de Provence; je vous le dis fans flatterie, 8c nous Favions penfé, madame de Lavardin 8c moi fans favoir en aucune facon que ce fut votre deffein (i). ( i ) Ceft ce que madame de Sc vipr* appelioit Vapprobation de fes Lij  Lettres, LETTRE XL Paris, ïg Septemhre i5pi« JVÏA- fanté eft un peu meilleure qu'elle n a^été ; c'eft-a-dire, que j'ai un peu moins de yapeurs-, je ne connois point d'autre malj ne vous inquiétez pas de ma fanté, mes maux ne font pas dangereux; & quand ils le deviendroienr, cs ne feroit que par une grande lan* gueur & par un grand delféchement; ce qui n'eft pas 1'aftaire d'un jour; ainfi, ma belle, foyez en repos für la vie de votre pauvra. amie i vous aurez le loiftr detre préparée I tout ce qui arrivera, ce n'eft a des scejdens imprévusr  Lettres. ti$ a ,qftoi font fujettes toutes les mortelles , & moi plus qu'une autre , paree que je fuis plus mortelle qu'une autre; une perfonne en fanté me paroït un prodige. M. le chevalier de Grignan a foin de moiy f en ai une reconnoiffance parfaite; & je 1'aime de tout mon cceur. Madame la duchelfe de Chaulnes me vint voir hier; elle a mille bontés pour ftnoi; mon état lui fait pitié. Ma belle-fiile « eu un© faulfe couche huit jours après être accouehée; iiya alfez de femmes a qui cela arrivé; c'eft avoir été bien prés d'avoir deux enfans ; fa rille fe porte bien; ils n'en auront que trop. Notre pauvre ami Croifilles (i) eft toujours a Saint-Gratiën ; il me ( i •) Frère du rnaréchal de Catitiat, L iij  116 lETTRfJ, mande qu'il fe porte fort biena fa campagne; ilfaudroit que vousvif fïez comme il eft fait, pour adnirer qu'il fe vante de le po.ter fort bien; nous en fommes vértaMement en peine, le chevalier de Grignan Sc moi. Labbé Têtu eft allé faire un voyage a la campagne ; nous le foupconnons, M. de Chawlnes 8c moi,d'être allé a la trape. Labonne femme madame 1'Avocat eft bien malade ; il y a auffi bien longtems qu'elle eft au monde. Je fuis toute a vous, nia chère amie , Sc a toute votre aimable & bonne compagnie. L'on vient de me dire que M. de la Feuiliade ( i) étoit mort ( t ) Frarrcols d'AubufTon , duc «fe la Feuiilade , pair & marédbaï  Lettres. 127 cette nuit; fi cela eft véritable > voila un bel exemple pour fe tourmenter des biens de ce monde. LETTRE XII. Paris, 2(3 Sepiembre iSgi. Venir a Paris pour 1'amout de moi, ma chère amie j la feule penfée m'en fait peur; dieu me garde de vous déranger ainfi, 6c quoique je fouhaite ardemment le plaifir de vous voir, je i'acheterois trop dier, fi c'étoit a vos dépens. Je vous mandai il y a huit jours la vérité de mon état, j'é- de France, gouverneur de Dauphinés & père du d«rnier maréchal de Ge nom, L iv  Lettres. tois parfVtement bien; 8c j'ai été comme par miracle, quinze jours Lans yapeurs, c' eft4 dire, guérie de tous maux. Je ne Tuis plus fi bien depuis trois ou quatre jours, & c'eft la feuie vue d'une lettre cachetée, que je n'ai point duverte , qui a ému mes vapeurs. Je reftèmble comme deux gouttes d'eau a une femme enforcelée, mais 1'après-dïnée je fuis affez comme une autre perfonne; je vous ecrivis, ii y a un mois ou deux, que c'étoit ma méchante heure, 8c c'eft a préfent la bonne; j'efpère que mon mal, après avoir tourné Sc changé, me quittera peut-être , mais je demeurerai toujours une très-fotte femme,^8c vous ne fauriez croire comme je fuis étonnée de 1'être; je n'avois point été nourrie dans lopinion que je le puflè  Lettres. 119 devenir. Je reviens a votre voyagc, ma belle, comptez que c'eft un chateauenEfpagne pour moi, que de m'imaginer le plaifir de vous voir; mais mon plaifir feroit troublé , fi votre voyage ne s'accordoit pas avec les affaires de madame de Grignan, & avec les vötres. II me paroït cependant, tout inrérêt a part, que vous feriez fort bien de venir 1'une Sc 1'autre ; mais je ne puis ailez vous dire a quel point je fuis touchée de la penfée de revenir uniquement a caufe de moi. Je vous écrirai plus au long au premier jour.  °i3Q Lettres. LETTRE XIII. Paris , Mercredi 10 Ocïobre J'AI eu des vapeurs crue'les, qui me durentencore, & qui medurent Comme un point de fièvre qui m'afflige. En un mot, je fuis folie, quoique je fois affurémcnt une femme affez fage; je veux remercier madame de Grignan pour me calmer 1'efprit; elle a écrit des mer« veilles pour moi a monfieur le chevalier de Grignan. A Madame de Grignan; Je vous en remercie, madame, & je vous prie d'ordonner a mon-  Lettres. r$i fifMt le chevalier de Grignan de m'aimer; je 1'aime de tout mon coeur; c'eft un homme que eet homme-la. Ramenez madame votre mère vous avez milie affaires ici; prenez garde de voir vos affaires domeftiques de trop pres, & que les maifons ne vous empêchent de voir ia viile. II y a pius d'une forte d'intérêt en ce monde. Venez, madame , veuez ici pour Tamoür des perfonnes qui vous ai ment, dc fongez qu'en travaillant pour vous ? c'eft me donner en même-tems la joie de voir madame votre mère. A Madame de Sévigné, Mon dieu! ma chère amie, qqe je ferai aife de vous voir l vraiment je pleurerai bien*, tout me fait fondre en larmes. J'ai recit  jij* Lettres. ce matin des lettres de mon £U 1'abbé, qui étoit en Poirou a deux lieues de madame de la Troche. Un gentilhomme d'importance y gendre de madame de la Rochebardon , chez qui madame de la Troche efta&uellernent, vint dire adieu a mon fils, & c'eft-la qu'il apprit la mort de la Troche (i) par la gazette, s'il vous plait; car je n'en avois point parié a mon fils, qui me fait une peinture de la défolation de Ce gentilhomme d'avoir a donner chez lui une telle nouvelle, ce qui m'a rejettée dans les larmes; j'y retombe bien toute feule. Monfieur de Pomponne croyoit madame de la Troche C i ) Tué au combat de Leuze , le zo Septembre 1691,  Let t 'r es. 133 richc, je lui ai écrit, Sc il m'a mandé que la duchelfe du Lude 1'avoit détrompé , Sc qu'ils avoient préfenté un placet pour elle. Croifille fort d'ici, il m'eft venu voir de Saint-Gratien, je lui ai fait vos complimens; il eft fort bien. Ma petite fille eft louche comme un chien, il n'importe ; madame de Grignan 1'a bien été, c'eft tout dire. Me voila a bout de mon écriture, Sc toute a vous plus que jamais , s'ii eft poftibie. LETTRE XIV. Paris, 24 Janvier 1692. H ÉL A s ! ma belle, tout ce que j'ai a vous dire de ma fanté eft bien mauvais-, en un mot, je n'ai repos ni nuit ni jour, ni dans le corps ni  134 Lettres. dans lefprif, je ne fuis plus une perfonne , ni par f un ni par fautre; je péris a vue d'ceil ; il faut finir, quand il plak a Dieu, & j'y fuis foumife. L'horrible froid qu'il fait m'empêche de voir madame de Layardin. Croyez, ma très-chère3 que vous êtes la perfonne du monde que j'ai le plus véritablement aimée, FIN  P ORTRAIT DE MADAME DE SÉVIGNÉ.  FORTRAIt  PORTRAIT D E LA MARQUISE DE SÉVIGNÉ, F ar madame la comteffe se la Fa vette , fous le nom d'un inconnu. 1 ou s ceiix qui fe mêlent de peindre des belles , fe ment de ïes embellir pour leur plaire , & n'oferoient leur dire un feul de leurs défauts: mais pour moi, madame , grace au privilege d'inconm 3ue j'ai auprès de vous , je M  138 PORTRAÏT m'en vais vous peindre bien hardiment, & vous dire toutes vos vérités tout a mon aife , fans craindre de m'attirer votre colère i je fuis au défefpoir de n'en avoir que d'agréables a vous conter,car ce me feroit un grand déplaifir , fi après vous avoir reproché mille dé" fautsje voyois eet inconnu auffi bien recu de vous que mille gens qui n'ont fait toute leur vie que de vous. louer. Je ne veux point vous ao cabler de louanges, & m'amufer a vous dire que votre taille eft admirable , que votre teint a une beauté & une fleur qui alfure que vous n avez que vingt ans, que votre bouche, vos dents & vos cheveux font incomparables ; je ne veux point vous dire toutes ces chofes , votre miroir vous le dit alfez*, mais comme vous ne vous amufez pas  DE M'ne DE SÉVIGNÉ. if$ a lui parler , il ne peut vous dire combien vous êtes auriable Sc charmante , quand vous parlez, Sc c'eft ce que je veux vous apprendre. Sachez donc, madame, li par hafard vous ne le favez pas, que votre efprit pare Sc embellit fi fort votre perfonne, qu'il n'y en a point au monde de fi agréable. Lorfque vous êtes arrimée dans une converfation , dont la contrainte eft bannie, tout ce que vous dites a tel charme , Sc vous lied fi bien , que vos paroles attirent les ris Sc les graccs" autour de vous, Sc le brillant de votre efprit donrie un fi grand éclat a votre teint Sc a vos yeux , que quoiqu'ii femble que 1'efprit ne dut toucher que les oreilles, il eft pourtant certain que le votre éblouit les yeux j & que torfqu'cn vous écoute , i'on ae M ij  ;I40 PORTRAIT voit plus qu'il manque quelque chofe a la régularité de vos traits, Sc Ton vous croit la beauté du monde la plus achevée. Vous pouvez juger par ce que je viens de vous dire, que fi je vous fuis in connu, vous ne m'êtes pas inconnue, & qu'il faut que j'aye eu plus d'une fois 1'honneur de vous voir & de vous entretenir , pour avoir démêlé ce qui fait en vous eet agrément dont tout le monde eft furpris : mais je veux encore vous faire voir, madame, que je ne connois pas moins les qualités folides qui font en vous, que je fais les agréables, dont on eft touché. Votre ame eft grande , noble , propre a difpenfer des tréfors , & incapable de s'abaiffer au foin den «maffer. Vous êtes fenfible a la gloire , Sc a I'ambitïon > Sc vous  DE Mllie DE SÉVIGNÉ. 14^ He 1'êtes pas moins au plaifir. Vous paroifïèz née pour eux, Sc il femble qu'ils foient faits pour vous„ Votre préfence augmente les divertiiTemens , Sc les divertiflemens augmentent votre beauté, lorfqu'ils vous environnent; enfin la joie eft 1'état véritable de votre ame , Sc le chagrin vous eft plus contraire qu'a perfonne du monde. VouS êtes natureiiement tendre Sc paffionnée mais a la honte de notre fexe , cette tendrelfe nous a été inutile , Sc vous 1'avez renfermée dans le vötre , en la donnant a madame de la Fayette. Ha! madame , s'il y avoit quelqu'un au monde alfez heureux , pour que vous ne 1'eufliez pas trouvé indigne de ce tréfor dont elle jouit , Sc qu'il n'eüt pas tout mis en ufage pourle polféder , il mériteroit tou-'  <*42 PORTRAIT tes les difgraces dont lamoor peut accabler ceux qui vivent fous fon empire. Quel bonheur d'être le maïtre d'un cceur comme le votre, dont les fentimens fuflènt expliqués par eet efprit galant Sc agréable que les dieux vous ont donné ! Sc votre cceur , madame , eft fans doute un bien qui ne fe peut mériter ; jamais il n'y en eut un fi généreux , fi bien fait, Sc fi fidele, 11 y a des gens qui vous föupconnent de ne le montrer pas toujours tel qu'il eft-, mais au contraire vous êtes fi accoutumée a n'y rien fentir qui ne vous foit honorable de montrer, que même vous y iaiflez voir quelquefois ce que la prudence du fiècle vous ©bligeroit de cacher. Vous êtes née la plus civile & la plus obligeante perfonne qui ait jamais ffl,  DE Mme DE SÉVIGNÉ. & par un air libre 8c doux qui eft dans toutes vos adtions , les plus fimples complimens de bienféance paroiffent en votre bouehe des proteftations d'amitié , 8c tous ceux qui fortent d'auprès de vous, s'en vont perfuadés de votre eftime 8c de votre bienveillance , fans qu'ils fe puiifent dire a euxmêmes quelle marqué vous leur avez donnée de 1'une 8c de 1'autre. Enfin vous avez regu des graces du ciel, qui n'ont jamais été donnéesqu'a vous, 8c ie monde vous eft obligé de lui être venu montrer milie agréables qualités, qui juf' qu'ici lui avoient été inconnues. Je ne veux point m'embarquer a vous les dépeindre toutes, car je romprois le deffein que j'ai de ne vous pas accabler de louanges , 8c de plus > madame 5 pour vous en don?  144 PORTR AlT, &c. ner qui foffent dignes de vous, & dignes de paroitre , Ilfaudroit être votre amant , Et je n'ai pas Vhonneur de Pitte. FIN