HISTOIRE D U B A SE MP IR E. T O M E PREMIER.   HISTOÏRE B AS-EMPIRE, a CONSTANTIN le Grand. Par Monfieur L E BEAU, Profejfeur Émêrite en W niv e rs it é de Paris , Profejfeur d'Éloquence au College Royal, Secretaire ordinaire de Monseigneur le Duc d'OrlÉANS , & ancien Secretaire perpétuel de l'Académie Royale ves Inscriptions et Belles-Lettres. TOME PREMIER. A M A E S T R I C HT, Chez Jean-Edme Dufoür & P ja ijl. Roux, Imprimeurs-Libraires, aflöciés. D U EN COMMENCANT M. DCC. LX X X.   EXTRA IT DES RE GISTRES de t'Académie Royale des Infcripiions & Belles-Lettres. Du Mardi 15 Février 1757. M. 1'Abbé Sallier & M. Melot. Commiflaires nommés par 1'Académie pour 1'examen d'un Ouvrage manufcrit de M. Le Beau, Secretaire perpétuel de ladite Académie , intitulé : Hifloire du Bas-Empire; en ont fait leur rapport, & ont dit qu'ayant examiné eet Ouvrage , ils n'y ont rien troüvé qui rie fafle honneur k 1'Auteur & a 1'Académie. En conféquence de ce rapport St de leur approbation par écrit, 1'Académie a cédé a M. Le Beau fon droit de Privilege pour l'impreffion dudit Ouvrage. En foi de quoi nous avons figné le préfent Certificat. A Paris, au Louvre, ce Mardi 15 Février 1757. Signè Falconet, Directeur de 1'Académie. Du Resnel, Sous-Diretlcun  PRIVILEGE EN CO MM AN DEMENT pour Vlmprcjfton des Ouvrages de VAcadémie Royale des Infcriptions & Belles-Lettres. Louis, par la grace de Diïu, Roi de France et de Navarre : A nos araés & féaux Confeillers, les Gens tenant nos Cours de Parlement, Maïtres des Requetes ordinaires de notre Hótel, Baillifs, Sénechaux, Prévöts , Juges , leurs Lieutenants, & a tous autres nos Jufticiers & Officiers qu'il appartiendra , Saxüt. Notre Académie Royale des Infcriptions & Belles-Lettres , Nous a très-humMement fait remontrer qu'en conformite du Reglement ordonné par le feu Roi notre Biiaieul, pour Ia forme de fes Exercices , & pour 1 ïmpreffion de divers Ouvrages , Remarques Sc Obfervations journalieres , Relations annuelles, Mémoires , Livres & Traités faits par les Académiciens qui la compofent, elle en a de;a donné un grand nombre au Public, en vertu des Lettres de Privilege qui lui furent expediées en Commandement au mois de Decemhr- 1701.; mais que ces Lettres étant devenues caduques, elle Nous fupplie très-humblcment de lui en accorder de nouvelles. A ces eaufes , &. notre intention étant de procurer a 1Acadsmie en Corps, & a chaque Academicien en particulier , toutes les facilités & moyens qui peuvsnt de plus en plus rendre leur travail utile au Public, Nous lui avons permis & accordé , permettons & accordons par ces Prefentes, fignées de notre main, de faire ïmpnmer, vendre & débiter en tous les lieux de notre Royaume , par tel Libraire qu'elle ju|era a propos de cboifir, les Remarques ou Obiervations journalieres , & les Relations annuelles de tout ce qui aura été fait dans les affemblees de ladite Académie, & généralement tout ce qu elle voudra faire paroitre en fon nom : comme aiUü les Ouvrages, Mémoires, Traités ou Livres des Particuliers .qui la compofent, lcrfqu'apres les ..avoir examinés Sc approuvés aux termes dc 1 ar-  ticle 44 dudit Reglement, elli les jugera dïgnss d'être imprimés; pour jouir de ladite permiffion par IeLibraire que 1'Académie aura choifi, pendant le temps & efpace de trente ans, a compter du jour de la date des Préfentes. Faifons très-expreffes inhibitions & défenfes a toute forte de perfonnes, de quelque qualité & condition . qu'elles foient , & nommément a tous autres Libraires & Imprimeurs que celui ou ceux que l'Academie aurachoifis, d'imprimer, vendre & débiter aucun defdits Ouvrages, en tout ou en partie, & fous quelques prérexte que ce puiffe être, a peine contre les Contrevenants de confifcation au profit dudit Libraire, & de trois mille livres d'amende, applicable un tiers a Nous, 1'autre tiers a 1'Höpital du lieu oü la contravention aura été faite , & 1'autre tiers au Dénonciateur : a la charge qu'il fera mis deux Exemplaires de chacun defdits Ouvrages dans notre Bibliotheque publique , un dans celle de notre Chateau du Louvre, & un dans celle de notre nès-cher & féal Chevalier Garde des Sceaux de France, le Sieur Chauvelin , avant que de les expofer en vente; & a la charge auffi, que lefdits Ouvrages feront imprimés fur beau & ion papier, & en beaux caraéteres, fuivant les derniers Réglements de la Librairie & Imprimerie, & de faire régiftrer ces Préfentes fur le Regiftre de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris, le tout a peine de nullité des Préfentes : du contenu defquels vous mandons & enjoignons de faire jouir & ufer ladite Académie & fes ayants-caufes, pleinement & paifiblement, ceffant & faifant ceffer tous troubles ou empêchements. Voulons que la copie defdites Préfentes, qui fera imprimée tout au long au co.mmencement ou a la fin defdits Livres , foit tenue pour duement fignifiée ; & qu'aux copies collattonnées par 1'un de nos amés & féaux Confeillers-Secretaires , foi foit ajoutée comme a 1'original. Commandons au premier notre Huiffier ou Sergent fur ce requis, de faire, pour 1'exécntion des Préfentes tous exploits , faifies, & autres aftes néceffaïres, fans autre permiffion; Car tel eft notre bon plaifir. Donne a Marly le quinzieme jour de Février  Tan de grace mil fept cent treme-cmq, & de notre regne le vingtieme. Stgné LOUIS: Et plus bas, Par le Roi, Phelyïeaux. Régiftrcfur le Regiflre IX de la Chambre Royale & Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Paris , n°. 66, fol. 57, conformémcnt au Reglement de ijz$, qui fait dèfenfe , Art. IV, a toutes perjonnes , de quelque qualité qu'elles foient, autres que les Libraires & Imprimeurs, de vendre, débiter & faire afficher aucuns Livres, pour les vendre en leufs noms , foit qu'ils s'en difent les' Auteurs, ou autrement, i la charge de fournir les Exemplaires prefcrits pat l'Art. CVllI du mime Reglement. A Paris, ce ; Mars 173;, Signc MARTIN, Syndic. Introdvction  INTRO DUCTION A VHISTOIRE d u BAS*E3MFlEEo Je me propofe d'écrire Phiftoire de Conftantin & de fes fucceifeurs, jufqu'au temps oü leur puiffance, ébranlée au-dehors par les attaques des barbares, affoiblie au-dedans par 1'incapacité des Princes , fuccomba enfin fous les armes des Ottomans. L'Empire Romain , le mieux établi qui fut jamais, fut aufïï le plus régulier dans fes degrés d'accroiffement & de décadence. Ses différents périodes ont un rapport exaét avec les différents ages de la vie humaine. Gouverné dans fes commencements par des Rois, qui lui formerent une conk Tomc I, A IntroJuction.  Introduo tion. 2 Introdublion a PHifloin titution durable ; toujours agiffant fous les Confuls, & fortifie par 1'exercice continuel des combats, il parvint fous Augufte a fa jufte grandeur, & foutint fa fortune pendant trois fiecles , malgré les défordres d'un Gouvernement tout militaire. L'Ouvrage que j'entreprends , efl 1'hiftoire de fa vieillefTe : elle fut d'abord vigoureufe, & le dépériffement de 1'Etat ne fe déclara fenfiblement que fous les fils de Théodofe. De-la è la chüte entiere, il y a plus de mille ans. La puiflance des Romains avoit la même confiftance que leurs Ouvrages : il fallut bien des fiecles & des coups réitérés pour 1'ébranler & pour 1'abattre; & quand je confidere d'un cöté la foibleffe des Empereurs, de 1'autre les efForts de tant de peuples qui entament fucceffivement 1'Empire, & qui fur fes débris établiffent tous les Royaumes de 1'Europe endeqk du Rhin ck du Danube, je crois voir un ancien palais qui fe foutient encore par fa maffe & par la flabilité de fa ftru&ure, mais qu'on ne répare plus, & que des mains étrangeres. démoliffent peu-a-peu & dé-.  da Bas-Empire. 3 truifent a la longue , pour profiter de fes ruines. II efl: vrai que les fiecles antérieurs préfentent une fcene plus vive & plus brillante. On y voit des aöions plus héroïques, & des crimes plus éclatants : les vertus & les vices étoient des effets ou des excès de vigueur & de force. Ici les uns & les autres portent un caraétere de foibleffe : la politique efl: plus timide; les intrigues de Cour fuccedent k 1'audace; le courage militaire n'efl plus dirigé par la difcipline; les Romains de ces derniers temps ne fongent qu'a fe défendre, quand leurs ancêtres ofoient attaquer; la fcélératefle devient moins entreprenante , mais plus fombre; la haine & 1'ambition employent le poifon plus fouvent que le fer; eet efprit général, cette ame de 1'Etat, qu'on appelloit amour de la patrie , & qui en tenoit toutes les parties liées enfemble, s'anéantit & fait place k 1'intérêt perfonnel; tout fe défunit, & les Barbares pénétrent jufque dans Ie coeur de 1'Empire. Ces objets, quoique plus obfeurs," n'en méritent pas moins 1'attention A ij [ntroduction.  Introduction. 4 Introdu&ion h PILJioire d'un Leöeur judicieux. L'Hiftoire de la décadence de 1'Empire Romain efl: la meilleure école des Etats, qui , parvenus a un haut degré de puiflance, n'ont plus a conibattre que les vices qui peuvent altérer leur conftitution. II a fallu pour le détruire , toirtes les maladies dont une feule peut renverfer des Gouvernements moins folidement affermis. Un tableau fi fombre fera pourtant éclairé par des traits de lumiere. Lors jnême que toute vertu paroitra éteinte, & que tout 1'Empire femblera fans a€lion & fans ame, on verra quelque-* fois, pour ainfi dire, du milieu de ces tombeauxs'éleverdeshéros; & ce qui pourra encore entretenir la curiofiié des Leöeurs , & donner quelque chaleur a cette Hiftoire, c'efl: qu'ils verront de temps en temps fortir des ruines de 1'Empire de puiffants Etats, dont les uns font aujourd'hui déja détruits, & les autres fubfiftent encore avec gloire, quoiqu'ils n'occupent qu'une petite portion de la vafte éten? due que remplifloit la domination Ro; maine. Le regne de Conftantin eft une épo-  du Bas-Empire. 5 que fameufe. La Religion Chrétienne arrachée des mains des bourreaux, pour être revêtue de la pourpre impériale , & le fiege des Céfars tranfféré de Rome a Byzance, donnent a 1'Empire une face toute nouvelle. Mais avant que de raconter ces grands événements, je dois expofer quel étoit alors 1'état des affaires. Depuis la bataille d'A&ium, qui fixa la fouveraineté fur la tête d'Augufte , jufqu'au regne de Dioclétien , dans Tefpace dejtrois cents quatorze ans, Rome avoit vu une fuite de trente-neuf Empereurs. Plufieurs de ces Princes ne firent que parpitre, & ne régnerent que le temps qu'il fallut k leurs rivaux pour monter en leur place, & leur enlever la couronne & Ia vie. La fucceffion n'ayant point été réglée par une loi expreffe & fondamentale , chaque Prince s'efforcoit de rendre 1'Empire héréditaire dans fa familie; Pautorité de ceux qui mouroient paifiblemeut, leur furvivoit & paffoit k leurs enfants, ou k ceux qu'ils avoient adoptés. Mais dans lesrévolutions violentes, le Sénat & les armées prétendoient au droit d'élecA iij Introduction,  Introduction. 6 fatrodu&ion a ITJijfoire tion; & les armes qui parient plus haut que les loix, lors même que celles-ci s'expliquent clairement, décidoient toujours. L'approbation du Sénat n'étoit qu'une formalité, qui ne manquoit jamais a ceux a qui la fupériorité des forces donnoït un titre redoutable. Ce fut par le fuffrage des foldats, qu'après la mort de Carus & de fon fils Numérien, Dioclétien fut élevé a 1'Empire, Pan de J. C. 284. C'étoit un Dalmate né dans 1'obfcurité; mais qui s'étant formé au métier de la guerre fouSjAurélien & fous Probus, étoit parvenu aux premiers emplois. Grand homme d'Etat & grand Capitaine; intrépide dans les combats, mais timide dans les confeils par un excès de circonfpeöion & de prudence; d'un génie étendu, pénétrant, prompt k trouver des expédients, & habile a les mettre en oeuvre; doux par tempérament , cruel par politique, & quelquefois par foibleffe; avare & aimant le fafte; raviffant le bien d'autrui pour fournir k fon luxe, fans diminuer fes tréfors; adroit k déguifer fes vices & k rejetter fur les autres tout  du Bas-Empire, 7 ce qu'il faifoit d'odieux; & ce qui marqué davantage fon habileté, c'eft qu'ayant communiqué fa puiffance k Maximien & a Galere, qui, féroces & audacieux, fembloient être de caraftere a ne refpefter perfonne, il demeura le maitre du premier après en avoir fait fon collegue , & fut longtemps tenir 1'autre dans une jufte fubordination. Aufii-töt que par la défaite & par Ia mort de Carin, il vit fa puiffance afFermie, il porta fes regards fur toutes les parties de ce vafte domaine. L'Empire avoit alors è-peu-près les mêmes limites dans lefquelles Augufte avoit voulu le renfermer. I! s'étendoit d'Occident en Oriënt depuis 1'Océan Atlantique jufqu'aux frontieres de la Perfe, toujours auflï impénétrables aux Romains que 1'Océan même : le Rhin r le Danube, le Pont-Euxin & le Caucafe le féparoient des peuples du Nord : du cöté du Midi, il avoit pour bornes le MontAtlas, les déferts de la Libye, & les extrêmités de 1'Egypte vers 1'Ethiopie. Les Barbares, depuis prés d'un fiecle, tentoient de franchir ces limites: A iv Introductie». Introductioa.  Introducïion. 8 Introduclion a rHifloire ils les avoient même quelquefois forcées ; mais ce1 n'étoit que par des irrcurfions paflageres, & on les avoit bientöt repoufles. Au temps de Dioclétien , des effaims nombreux, fortis des glacés du Nord, & la plupart inconnus jufqu'alors, comroencoient a fe montrer fur les bords du Danube : les Perfes & les Sarrafins infultoient la Méfopotamie & la Syrië: les Blemmyes & les Nubiens attaquoient 1'Egypte ; & les barrières de 1'Empire trembloient de toutes parts. A la vue de tant d'orages prêts k éclater, Dioclétien fentit qu'il étoit difficile k une feule tête de mettre tout a couvert. L'expérience du paffe lui montroit le danger de multiplier les Généraux & les armées. Plulïeurs de fes prédécelfeurs avoient été détruits par ces chefs de légions, qui, ayant éprouvé le charme flatteur du commandement, tournoient contre l'Empereur les armes qu'ils avoient regues de lui pour la défenfe de 1'Empire ; & les foldats des frontieres, perdant le refpeft pour le Prince, k mefure qu'ils le perdoient de vue, ne vouloient plus avoir pour mai-  da BaS'Empire. 9 tre , que celui qui les avoit accoutumés a obéir. II falloit donc pour la füreté de 1'Empereur, qu'il confiat fes armées a un chef, qui lui fut attaché par un intérêt plus vif que le devoir; qui défendit 1'Empire comme fon propre bien, & qui fervit a raffurer la puiffance de fon bienfaiöeur, en maihtenant la fienne. Pour remplir toutes ces vues, Dioclétien cherchoit un collegue qui voulüt bien fe tenir au fecond rang, & fur qui la fupériorité de fon génie lui con-* fervat toujours une autorité infenfible. II le trouva dans Maximien. C'étoit un efprit fubalterne, en qui il ne fe rencontroit d'autres qualités éminentes, que celles que Dioclétien defiroit dans celui qu'il affocieroit k 1'Empire, 1'expérience militaire & la valeur. Vain & préfomptueux, mais d'une vanité de foldat, il étoit trèspropre a fuivre, fans s'en appercevoir, les impreffions d'un homme habile. Né en Pannonie prés de Sirmium , dans une extréme pauvreté, nourri & élevé au milieu des allarmes , & des courfes des barbares, i A v Introduction.  Tntroduction. i J 1 i io Introclucllon a FHifloire n'avoit fait d'autre étude que celle de la guerre, dont il avoit partagé toutes les fatigues 6c tous les périls avec Dioclétien. La conformité de condjition, & plus encore Pégalité de bravoure, les avoit unis. Lafortune ne les fépara pas; elle les fit monter également aux premiers grades dans les armées, jufqu'au moment oü Dioclétien , prenant 1'eflor, s'éleva au rang fuprême. II y appella bientöt fon ami, qu'il favoit capable de le feconder, fans lui donner de jaloufie. Maximien, honoré du titre d'Augufte , conferva la rudeffe de fon pays & de fa première profeflion. Soldat jufque fur le tröne, il étoit k la vérité plus franc & plus fincere que fon collegue, mais aufli plus dur Sc" plus groffier. Prodigue plutot que libéral , il pilloit fans ménagement jour répandre fans mefure : hardi, nais dépourvu de jugement & de wudence : brutal dans fes débauches, •aviffeur, & fans égard aux toix ni 11'honnêteté publique. Avec ce caracere fauvage, il fut pourtant toujours ;ouverné par Dioclétien, qui mit en euvre fa Yaleur, & fut même pro-  du Bas-Emp'ire. n rlter de fes défauts. Les vices découverts de 1'un donnoient du luftre aux fauffes vertus de 1'autre : Maximien fe prêtóit de grand coeur k 1'exécution de toutes les cruautés que Di«clétien jugeoit néceffaires; & la comparaifon qu'on faifoit des deux Princes tournoit toute entiere k 1'avantage du dernier : on difoit que Dioclétien ramenoit le fiecle d'or, & Maximien le fiecle de fer. Les deuxEmpereurs foutinrent par leurs viftoires les forces & la réputation de 1'Empire. Tandis que Dioclétien arrêtoit les Perfes & les Sarrafms, qu'il terraflbit les Goths & les Sarmates, & qu'il étendoit la puiffance Romaine du cöté de la Germanie , Maximien, chargé de la défenfe de 1'Occident & du Midi, réduifoii dans les Gaules les payfans révoltés , repouffoit au-dela du Rhin les Germains ck: les Francs, & veilloit k k füreté de 1'Italie, de 1'Efpagne & d< 1'Afrique. Ces deux Princes infatigables , qui comme des éclairs, couroient d'un< frontiere a 1'autre avec une rapidit* ^ue 1'Hiftoire même a peine k fuivre A vj Introduction. 1 i »  ïntroductioii. la IntroduEllon h VHifloire auroient peut-être fuffi a défendre 1'Empire, s'il n'eüt pas été troublé au-dedans par des révoltes, en même-temps qu'il étoit attaqué de tous cötés au-dehors. Pendant que les Perfes menacoient les bords de 1'Euphrate, & lespeuples Septentrionaux ceux du Rhin & du Danube, Cataufe, de fimple matelot, devenu maïtre de 1'Océan, s'étoit emparé de la GrandeBretagne ; & ayant battu Maximien, qui n'entendoit pas la guerre de mer, il avoit forcé les deux Empereurs a le reconnoitre pour leur collegue. Julien en Afrique, Achillée en Egypte, avoient tous deux ufurpé le titre d'Augufte; & les habitants de la Libye Pentapolitaine s'étoient foulevés. Pour calmer tous cesmouvements, il falloit partager les forces, & leur donner plufieurs chefs. Dioclétien , fuivant fon fyftême politique, ne vouloit mettre a la tête de fes troupes, que des Commandants perfonnellement intéreffés a la profpérité de PEtat. Dans ce deffein, il fongea a créer deux Céfars , qui fuffent attachés aux deux Auguftes , dont ils feroient les Lieutenants. II n'avoit  du Las-Empin. 13 qu'une fille de fa femme Prifca, & Maximien avoit de la fienne, appellée Eutropie, un fils nommé Maxence. Mais c'étoit encore un enfant, qui ne pouvoit être d'aucun fecours. Ils jetterent donc les yeux hors de leurs families. Deux Officiers avoient alors une haute réputation dans les armées; tous deux avoient appris le métier des armes dans la même école que Dioclétien & Maximien, & s'y étoient fignalés par mille a&ions de valeur. Le premier étoit Conftance Chlore, fils d'Eutrope, noble Dardanien , & de Claudia, fille de Crifpus , frere de Claude le Gothique : ainfi Conftance étoit, par fa mere, petit-neveu de eet Empereur. II avoit d'abord fervi dans un corps diftingué, qu'on appelloit les Protefteurs; c'étoient les gardes du Prince. II parvint enfuite a 1'emploi de Tribun. Auffi heureux que vaillant, il fut honoré par Carus du Gouvernement de la Dalmatie. On dit même que ce Prince , charmé de fon amour pour la juftice, de fa douceur, de fon défintéreffement, de la régularité de fes moeurs & de fes autres belles qualité». [ntrodiw:-* tion.  Ijntroduction. 14 Introducïion h l'Hifloire relevées par la bonne mine & par une bravoure éclatante, eut quelque envie de lë déclarer Céfar au-lieu de fon fils Carin, dont il déteftoit les débauches. L'autre guerrier qui fixa 1'attention de Dioclétien, fe nommoit Galere : il étoit fils d un payfan d'auprès de Sardique dans la Dace d'Aurélien : fon pere Tarok occupé dans fa première jeuneffe a conduire des troupeaux;ce qui lui fit donner dans fon élévation le furnom cYArmmtarins. Rien ne démentoit dans fa perfonne fa naiffance Sc fon éducation. Ses vices laiffoient pourtant entrevoir un certain fond d'équité, mais aveugle &groffiere : haïffant les lettres dont il n'avoit aucune teinture ; fier & intraitable; ignorant les loix & n'en connoiflant point d'autres que fon épée, il n'avoit de grace que dans Ie maniement des armes. Sa taille étoit haute & d'abord affez bien proportionnée; mais les excès de table lui donnerent un embonpoint qui le défiguroit. Ses paroles, le fon de fa voix, fon air, fon regard , tout étoit farouche & terrible.  du Bas-Empire. i$ * La prudence de Dioclétien fut cette fois trompée; & en donnant a Galere le titre de Céfar, en même-temps qu'il le donna k Conftance Chlore Pan de J. C. 292, il ne prévit pas que fa créature le feroit trembler un jour, & deviendroit le fléau de fa vieilleffe. Dans le partage même qu'il fit des deux Céfars, il laiffa Conftance k fon collegue, & prit pour Lieutenant Galere , k qui il donna le nom de Maximien, comme un préfage de concorde & de déférence k fes volontés. Les deux Empereurs, par un orgueil frivole, avoient pris le furnom , Dioclétien, de Jovius , Maximien d'Herculius: chacun d'eux communiqua le fien au Céfar qu'il adoptoit. Conftance, foit pour foa age, foit k caufe de fa naiffance, fut toujours regardé comme le premier , & il eft nommé avant Galere dans les monuments publics. Pour fe les attacher davantage, les deux Auguftes les obligerent de répudier leurs femmes. Conftance quitta k regret Hélene qu'il aimoit, & dont il avoit un fils agé de dix-huit-ans, qui fut le grand Conftantin , poyr Introduttion.  Introduo rion. 1 i 3 j i 16 Inlrodu&ion a l'Hifi oir e époufer Théodore , falie d'Eutrophr & d'un premier mari qu'elle avoit su avant Maximien. Galere époufa Valerie, fllle de Dioclétien. On avoit déja vu plufieurs fois deux ïmpereurs en même-temps : mais ils ivoient toujours gouverné folidairenent. & fans partage. On croyoit néme que divifer 1'Empire, c'étoit 'affoiblir & le déshonorer. La raifon mi avoit déterminé Dioclétien a fe ionner un collegue, & k hommer leux Géfars, 1'obligeoit bien a par:ager fes forces, mais non pas a eparer les parties de la Souveraine:é. Jufqu'a 1'abdication de Diocléien, il n'y eut point de divifion : Pauorité de chacun des deux Empereurs ic des deux Céfars s'étendoit fur tout 'Empire : mais ils 1'exercoient imnédiatement & par eux-mêmes fur in certain nombre de Provinces, lans lefquelles ils fïxoient ordinairenentleur féjour. Conftance, particuiérement attaché k Maximien, fe char;ea de veiller fur la Grande-Breta;ne, les Gaules, 1'Efpagne & la Mauitanie Tingitane; Maximien gouverïa la haute Pannonie, le Norique  du Bas-Empire. 17 & tous les pays jufqu'aux Alpes, 1'Italie & PAfrique, avec les Ifles , qui font entre deux : Dioclétien laiffa a Galere le foin de la baffe Pannonie, de Plllyrie & de la Thrace, peutêtre encore- de la Macédoine & de la Grece : il fe réferva PAfie , la Syrië & PEgypte. II établit fa réfidence aNicomédie, & répara avec magnificence cette ville que les Scythes avoient pillée & brülée fous Valérien : Galere fit fon féjour ordinaire a Sirmium , Maximien k Milan^ & Conftance k Treves. La multiplication des Souverains foulageoit Dioclétien , mais elle furchargeoit 1'Empire. Chacun de ces Princes voulant avoir autant de troupes qu'en avoient eu avant eux les Empereurs qui régnoient feul, tout devint foldat : ceux qui recevoient la paye furpafferent en nombre ceux qui contribuoient k la fournir : les impofitions épuiferent la fource d'oü elles étoient tirées, & firent abandonner la culture des terres. Dans le gouvernement civil, chaque Province ayant été divifée en plufieurs parties, la multitude des Tribunaux Introduction.  Introduction. 18 Ititroduclien a V Hifi oir e de Judicature & des Bureaux de Frnances, ne fit pas moins de mal. Tant de, Préfidents, d'Officiers, deReceveurs & de Commis de toute efpece dévoroient la fubftance des peuples; & les fujets de 1'Empire, k force de voir multiplier leurs défenfeurs & leurs juges, parvinrent k ne trouver ni füreté, ni juftice. II eft vial que les Barbares fur ent repouffés & les révoltes étouffées. Conftance, qui, par fa bonté, adouciffoit les miferes.de fes fujets, réduifit les Cauques & les Frifons, batit des forts fur la frontiere , ravagea la Germanie depuis le Rhin jufqu'au Danube, rétablit Autun, ruinée fous le regne de Claude fon grand-oncle, reconquit la Grande-Bretagne par la défaite &la mort du tyran Alleftus, qui avoit fuccédé k Caraufe, tranfplanta des colonies de Francs dans la Belgique, battit les Allemands tour tes les fois qu'ils oferent paffer le Rhin, & fa valeur fut pour 1'Empire, du cöté de 1'Occident, une barrière impénétrable. Maximien rétablit la paix dans 1'Afrique ; il fit rentrer dans le devoir  da Bas-Empire* 19 les habitants de la Pentapole ; il réduifit au défefpoir 1'ufurpateur Julien , & forca les Maures dans leurs montagnes inacceflibles. Cependant Dioclétien & Galere fe prêtoient la mam pour défendre les frontieres du Septentrion & de l'Orient. Vainqueurs des Barbares d'audela du Danube, ils partagerent entre eux les deux expéditions les plus importantes, celle de Perfe & celle d'Egypte. Galere fut battu d'abord par les Perfes, battit k fon tour leur Roi Narfès, & Pobligea de céder aux Romains cinq Provinces vers la fource du Tigre. Ce fleuve devint dans tout fon cours la borne des deux Empires, & la paix qui fut le fruit de cette vi&oire fubfifta quarante ans. Dioclétien reprit Alexandrie, fit mourir Achillée, qui, depuis cinq ans, jouiffoit du nom d'Empereur; remit dans 1'obéiffance toute 1'Egypte, dont il punit la révolte par des pillages, des maffacres, des deftruftions de villes entieres. II donna alors a fes fucceffeurs un exemple qui ne fut que trop imité : il traita avec les Nubiens & les Blemmyes, dont les courfes Introduo tion.  ïntroducrion. 20 Introduciicn a t Hifi oir e fréquentes infeftoient les frontieres de 1'Egypte : il leur céda fept journées de pays le long du Nil au-dela d'Eléphantine, & s'engagea k leur payer une penfion qui flétriuoit 1'Empire, fans faire ceffer leurs hoftilités. Jufques-la Dioclétien n'avoit vu que de beaux jours. Adoré, difent les Auteurs, par fon collegue & par les deux Céfars , il étoit 1'ame de 1'Etat. II les traitoit de fon cöté comme fes égaux; & en adouciffant la fubprdination, il la rendoit plus entiere. Mais ayant reconnu 1'humeur hautaine de Galere, Dioclétien, pour rabattre fa fierté, profita de la confufion que lui caufa la viftoire remportée fur lui par les Perfes; 8c- la première fois que le vaincu fe pré* fenta devant lui, il le laiffa courir a pied prés de mille pas k cóté de fon char avec fa robe de pourpre. Bientöt Galere ayant effacé fa honte par un fuccès éclatant, fut fe relevcr de cette humiliation : il s'enorgueillit jufqu'a prendre le titre de fils de Mars : il échappa tout-a-fait k Dioclétien; & s'ennuyant de refter fi long-temps dans un rang in»  du Bas-Empire. 21 férieur, il fongea a dépouiller de 1'Empire celui a qui il devoit toute fa puiffance. Son cara&ere turbulent le porta d'abord a troubler le dedans de 1'Etat. La Religion Chrétienne s'étoit affermie par tous les efforts que les Empereurs précédents avoient faits pour la détruire : les fupplices les plus cruels ne Pavoient rendue que plus féconde, & les Chrétiens s'étoient multipliés au grand avantage de leurs propres perfécuteurs. Obligés par une loi intérieure a. obéir aux loix civiles, & accoutumés par le péril de leur profeffion k meprifer la vie, c'étoient les fujets les plus fideles & les meilleurs foldats des armées. Depuis la mort d'Aurélien, arrivée en 275 , il n'y avoit point eu de perfécution générale : mais leur vie reftoit abandonnée au caprice des Gouverneurs , qui faifoient revivre a leur gré, & exécutoient contre eux les édits des Empereurs précédents. Maximien , le livrant k fon humeur fanguinaire, avoit dés les commencements de fonregne, fait malfacrer une légion entiere, & laifle un li- Introduc-, tioa.  Introductie n. ai IntroduBion h THiftoire ore cours a la cruauté de Riöius Varus Gouverneur de la Belgique. Conftance Chlore, au contraire, rempli de douceur & d'humanité, avoit épargné le fang des Chrétiens; & tout Payen qu'il étoit, il les avoit même par préférence approchés de fa perfonne, admirant leur conftance ïnébranlable dans le fervice de leur Dieu , comme un gage certain de leur fidélité a 1'égard de leur Prince. Dioclétien, tout occupé de politique & de guerre, ne jettoït fur la religion qu'un regard indifférent: il craignoit pourtant le grand nombre des Chrétiens, & les avoit exclus de fon palais & des armées. Mais Galere, fils d'une Prêtrefle fanatique, & envenimée contre les ennemis des Idoles, joignoit enfemble deux vices très-compatibles, Ia barbarie & la fuperftition. II fut longtemps k déterminer Dioclétien , qui cherchoit le repos : il fallut faire parler les efclaves de Cour & les orac^es, également aifés k corrompre. Enfin, aumois de Février 30 3 , la perfécution s'ouvrit par un édit qui annonjoit aux Chrétiens les traite-  du Ëas-Empire. 03 Bfients les plus inhumains & les plus injuftes. II eft très-vraifemblable que Galere, peu capable de concevoir jufqu'oii alloit leur fidélité , s'attendoit a des révoltes qui fatigueroient Dioclétien , & le dégoüteroient du gouvernement. Mais les Chrétiens perfécutés ne favoient que mourir; & quoique leur multitude piit balancer les forces de tout 1'Empire, ils ne connoiffoient contre leurs maïtres, quelque durs qu'ils fuffent, d'autres armes que la patience. Pour les pouffer au défefpoir en aigriffant la cruauté de 1'Empereur , Galere fit deux fois mettre le feu au palais de Nicomédie, oü étoit alors Dioclétien : il les accufa d'être les auteurs de l'incendie, & fe fauva lui-même en Syrië t pour éviter, difoit-il, d'être brülé vif par cette race ennemie des Dieux & de fes Princes. L'efFroi de ces embrafements produifit pour les Chrétiens & pour 1'Empereur même des effets funeftes. Dioclétien réfolut d'exterminer Ie Chriftianifme, & fit couler des flots de fang : mais fon efprit commenga dès-lors k s'affoiblir; & étant allé a Introduo tion.  Introducsion, 24 IntrodaBwn h FHtftolre Rome, oü il entra en triomphe avec Maximien, il n'y put foutenir les railleries du peuple qui fe moquoit de Pefprit d'économie qu'il fit paroïtre dans Pappareil de cette fête: il en fortit au mois de Décembre, pour aller , contre 1'ufage , célébrer a Ravenne la cérémonie de fon entree dans le Confulat. Le froid 6c les pluies qu'il effuya pendant ce voyage, altérerent fa fanté. II paffa dans un état de langueur toute 1'année fuivante, renfermé dans fon palais, foit a Ravenne, foit aNicomédie, oü il arriva a la fin de 1'été. Le treize Décembre, on le crut mort; &il ne revint de cette léthargie, que pour tomber de temps en temps dans des acces de démence qui durerent jufqu'a la fin de fa vie. II n'étoit pas difficile a Galere de fubjuguer un vieillard réduit a eet état de foibleffe. Bien affuré d'y réuffir, il courut d'abord en Italië pour engager Maximien a quitter volontairement la couronne, plutot que de fe la vo»lr arracher par une guerre civile. Après 1'avoir épouvanté par les plus terribles menaces, il revient  du Bas-Empire. £f a Nlcomédie; il repréfente d'abord avec douceur k Dioclétien fon age, fes infirmités, le befoin qu'il a de repos après des travaux fi glorieux, mais fi pénibles : & comme Dioclétien ne paroiffoit pas affez fentir la force de fes raifons, ilhauffe leton, & lui déclare nettement qu'il s'ennuie de fe voir depuis treize ans relégué fur les bords du Danube , occupé fans ceffe k lutter contre des nations Barbares, tandis que fes collegues jouiffoient tranquillement des plus belles Provinces de 1'Empire; & que fi Pon s'obftine k ne lui pas céder enfin la première place, il faura bien s'en emparer. Le foible vieillard , intimidé d'ailleurs par les lettres de Maximien qui lui avoit communiqué fa terreur, & par les préparatifs de guerre qu'il fayoit que faifoit Galere, verfa des larmes, & fe rendit enfin. Pour remplacer les deux Céfars qui alloient devenir Auguftes, il propofa Maxence , fils de Maximien, & Conftantin, fils de Conftance. Mais Galere les rejetta tous deux : le premier, qui étoit pourtant fon gendre, paree qu'il Tornt I, B Introductioa.  Inrroduction. z6 lntrttductioh a fHiftoire n'étoit pas digne de la couronne; 1'autre , paree qu'il en étoit trop digne , 6c qu'il ne feroit pas affez fouple 6c affez foumis a. fes volontés. II mit fur les rangs en leur place deux hommes fans nom 6c fans honneur; mais dont il s'attendoit bien d'être le maitre : 1'un s'appelloit Sévere, né en Illyrie, d'une familie obfeure , fans moeurs & fans autre talent que celui d'être infatigable dans la débauche , 6c de paffer les nuits k danfer 6c k boire : ce mérite le faifoit eftimer de Galere, qui, fans attendre même le confentement de Dioclétien , 1'avoit déja envoyé k Maximien pour recevoir la pourpre. L'autre n'étoit connu que de Galere feul , dont il étoit neveu , fils de fa fceur : il fe nommoit Daia ou Daza : il avoit d'abord été berger comme fon oncle, k qui il reffembloit affez par les moeurs, mais non pas en courage ni en capacité pour le métier des armes. Galere, quile crut propre k remplir fes vues, 1'avoit depuis peu ennobli en lui donnaiit le nom de Maximin, 6c le faifant rapidement paffer par divers emplois de la milice juf-  du BaS'Empire. 27 qu'au Tribunat. Dioclétien ne put entendre fans gémir un choix fi indigne; mais comme Galere y paroiffoit obftiné , il fallut y confentir. Le premier jour de Mai de 1'année 305, Dioclétien ayant affemblé fes foldats prés de Nicomédie, leur déclare en pleurant, que fes infïrmités Pobligent k remettre le fardeau de 1'Empire a des Princes plus capapables de le foutenir : il nomme Auguftes Conftance & Galere , & donne le titre de Céfars a Sévere &c k Maximin. On s'étonne qu'il préfere a Conftantin, chéri &C eftimé des troupes, deux hommes inconnus ; mais la furprife même d'une promotion fi biïarre ferme la bouche k tous les affiftants : aucun ne réclame : Dioclétien quitte fon manteau de pourpre-y le jette fur les épaules de Maximin qui étoit préfent; & eet Empereur dépouillé, traverfant dans fon char Nicomédie, prend le chemin de Salone fa patrie, ou, malgré fon affoibliffement, il trouva encore dans fon efprit affez de force pour étouffer, pendant plus de huit ans, des regrets, qui n'éclaterent que dans B ij Introduction.  Introduction. 28 Introdutifon a rHifloire les derniers moments de fa vie.' Maximien fit le même jour a Milan la même cérémonie en faveur ds Sévere. Mais moins capable que Dioclétien de fe contraindre, ne perdant jamais de vue la puiffance fouveraine , dont 1'éclat 1'avoit ébloui, il alla gémir de fon abdication forcée, dans les lieux les plus agréables de la Lucanie. Conftance, Empereur, fe contenta des Provinces dont il avoit pris foin en qualité de Céfar : il laiffa a Sévere le commandement de tous les pays que Maximien avoit gouvernés. Mais 1'ambitieux Galere mit 1'Afie dans fon département, & ne donna k Maximin que 1'Orient. C'eft ainfi qu'on appelloit alors toute 1'étendue des Provinces depuis le mont Amanus jufqu'a 1'Egypte, qui y étoit même quelquefois comprife, & qui fut auffi dans le partage de Maximin. Galere fe regardoit comme le maitre abfolu de 1'Empire : les Céfars étoient fes créatures ; il comptoit pour rien Conftance Chlore , k caufe de fon humeur douce & pacifique. D'ailleurs, il croyoit voir dans Ia  du Baé Empire. 69 mauvaife fanté de ce Prince les annonces d'une mort prochaine ; & fi Ia nature tardoit trop k fervir fes defirs, il étoit fur de trouver dans fon audace & dans celle de fes deux amis affez de reffources, pour fe défaire d'un collegue qu'il haïffoit comme un rivalv II n'eut pas befoin d'avoir recours au crime. Conftance Chlore mourut bientöt; mais il vécut affez pour faire connoïtre que Pautorité abfolue ne 1'avoit pas changé. N'étant que Céfar, il avoit ofé être vertueux, & courir le rifque de paroitre cenfurer par fa vie celle des Empereurs, k qui il avoit intérêt de plaire : devenu Augufte , il n'eut pas de peine k fauver fa vertu de la fédu&ion du pouvoir fuprême. Egalement afFable, tempéré, modefte, & encore plus libéral, il fe foucioit peu d'enrichir fon épargne; il regardoit le coeur de fes peuples comme fon véritable tréfor. Ce n'eft pas qu'il fut ennemi de la magnificence ; il aimoit k donner des fêtes publiques : mais la fage économie dont il ufoit dans fa dépenfe ordinaire , le mettoit en état, fans charB iij introduction..  Introduction. 30 Introduciion a fHiftoire, &c. ger fes fujets, de repréfenter avec dignité , & de foutenir la raajefté de 1'Empire. II voulut 1'étendre par de nouvelles conquêtes. La Grande-Bretagne appartenoit aux Romains jufqu'au mur bati par Sévere entre les deux golfes de Clyd & de Forth : mais ce qu'on nomme aujourd'hui 1'Ecoffe Septentrionale, fervoit de retraite aux Pi&es, anciens habitants du pays, dont les Calédoniens faifoient partie. Conftance réfoiut de les réduire & d'achever la conquête de 1'ifle. Sa flotte fortoit a pleines voiles du port de Boulogne, lorfque fon fils Conftantin , qu'il fouhaitoit ardemment de revoir, s'étant échappé des mains de Galere, comme je le raconterai dans la fuite, parut fur le rivage, & s'embarqua avec fon pere pour 1'accompagner dans cette expédition périlleufe. Les Piöes furent défaits; mais Conftance ne furvéquit que peu de jours a fa viftoire : il termina fa vie a York, un an & prés de trois mois après avoir été déclaré Augufte. Je vais entrer dans mon Ouvrage par 1'hiftoire de fon fucceffeur.  31 SOMMA IRE D V LIVRE PREMIER. I. Da t e de la naijfance de Conjlan* tin. II. Sa patrie. III. Son origine. IV. Qualité de fa mere. v. Noms de Conf tantin. VI. Ses premières années. vil. Portrait de ce Prince. VIII. 5a chajlelé. IX. 5o/z favoir. X. Galere ejl jaloux de Conjlantin. XI. cherche a le perdre. XII. Conjlantin stchappe des mains de Galere. XIII. // /'oi/z/ /o/2 /7gre. XIV. 11 lui fuccede. xv. Proclamation de Conf tantin. XVl.Sépulturede Conftance.XVII. Projets de Galere. XVIII. Ses cruautés. XIX. Contre les Chrétiens, XX. Contre les Payens mêmes. XXI. Rigueur des impofitions. XXII. Les crimes de fes Officiers doivent lui être imputés. XXIII. II refufe a Conjlantin le titre cFAugu/le, & le donne a Sévere. XXIV. Maxence élevé a 1'Empire. XXV. Maximien reprend le titre d'AuguJle. XXvi. MaxiB iv  3^ SOMMAIRE min ne prend point de part a ces mouvements. XXVII. Occupations de Conftantin. XXVIII. Sa vi&oirefuries Francs. XXIX. // acheve de les dompter. XXX. II met a couvert les terres de la Gaule. XXXI. Sévere trahi. XXXII. Sa mort. XXXin. Mariage de Conflantin. XXXIV. Galere vient afiiéger Rome. XXXV. 11 ejï contraint de fe retirer. XXXVI. // ruint tout fur fon paffage. XXXVII. Maximien revient a Rome cfou il efl chaffè. XXXVIII. Maxence lui óte le Confulat. XXXIX. Maximien va trouver Conflantantin & enfuite Galere. XL. Portrait de Licinius. XLI. Dioclétien refufe CEmpire. XLII. Licinius Augufle. XLIII. Maxi' min continue a ptrfécuter les Chrétiens. XLIV. Punition d'Urbain & de Firmilien. XLV. Maximin prend le titre d'Augufle. XLVI. Maximien Conful. XLVir. Alexandre efl. nommé Empereur a Carthage. XLVIII. Maximien quitte la pourpre pour la feconde fois. XLIX. 11 la reprend. L. Conflantin marche contre lui. LI. II faffure de fa perfonne. Lil. Mort de Maximien. un, Ambition & vanité de Maximien. LIV. Confulats. LV. Conf tantin fait des offrandes d Apollon. LVI. II embellu la ville de Treyes. LVII. Gutrrt  DU L I V R E Ier. 33 contre les Barbares. LVIII. Nouvelles exac' tions de Galere. LIX. Sa maladie. LX. Edil de Galere en faveur des Chrétiens. LXI. Mort de Galere. LXII. Différence de fentiments au fujet de Galere. LXIII. Confulats de cette année, LXIV. Partage de Maximin & de Licinius. LXV. Débauches de Maximin. LXVi. Maximin fait cejfer la perfécution. LXVII. Délivrance des Chrétiens. LXVin. Artifices contre les Chrétiens. LXIX. Edit de Maximin. LXX. La perfécution recommence. LXXI. Pafpon de Maximin pour les facrifices. LXXli. Calomnies contre Us Chrétiens. LXXIII. Divers Martyrs. LXX1V. Famine &pefle en Oriënt. LXXV. Guerre contre les Arméniens. LXXVI. Etat du Chriflianifme en Italië. LXXVII. Guerre contre Alexandre. LXXvm. Défaite a"Alexandre. LXXIX. Défolation de lAfrique. LXXX. Majfacre dans Rome. LXXXI. Avance de Maxence. LXXXII. Ses rapines. LXXXIII. Ses débauches. LXXXIV. Mort de Sophronie. LXXXV. Superjlition de Maxence. LXXXV I. Conflantin fe prépare a la guerre. LXXXVII. // foulage la ville d'Autun. LXXXVHI. II retourne a. Treves. LXXXIX. Outrages qu'il reqoit de Maxence. xc. Us s'appuyem B y  34 SOMMAIRE DU LlV. I£r. tous deux par des aüiances. XCï. Preparatifs de Maxence. XCH. Forces de Conjlantin. XCIII. Inquiètudes de cePrince. XCIV. RèjLexions qui le portent au Chrijlianijme. XCV. Apparition de la Croix. XCVI. Conjlantin fait faire le ■Labarum. XC Vil. Culte de cette enfeigne. XCVIII. Proteclion divine attachée au Labarum. XCIX. Sur le lieu ou.parut ceprodige. C. Difcuffion fur la véritè de ce mirade. Cl. Raifonspour le combattre. CU. Raifons pour tappuyer. CIH. Conjlantin fe fait injlruire. Civ. Converjion de fa familie. CV. Fable de Zofime réfutée.  HISTOIRE D U BASEMPIRE. L 1 V R E PREMIER. CONSTANTIN PREMIER, dit le Grand. Les commenceraents de la vie de Conftantin font mêlés de beaucoup d'incertitude. On ne convient ni da temps, ni du lieu de fa naiffance, ni de la condition de fa mere. Les meilleurs Auteurs s'accordent a dire qu'il naquit le vingt-fept de Février: mais ils fe partagent fur 1'anB vj Constantie.I. Date de la naiffance de Conftantin. Bucherius in Cycli',  CONSTANTIN. p. 276 £• a86, Du Cange. Fam. Bn. Pap in Baron. Cuptri , praf. in LaS. He mort. per- fi'. Baron, in an. 506. §. 16. tul Conflantin , art. 78. n. Sa patrie. Proc. de AEd. liy, 5. t. 2. Vfferiu, in Brhan. Eed. antiqvit. Alford.Annal. Brit. Stïllingfleet in orig, Brit. Aldhclm. Ae laud. vlrginitatis.inctrtiPa-' $6 Histoiae nee. Ce fut, felon les uns, en 171J felon d'autres, en 174. Cette derniere opinion me paroït la plus probable. Sa patrie n'eft pas moins conteftée. Dès le temps de Juftinien, c'étoit une tradition, qu'Hélene, mere de Conftantin, étoit née a Drépane, bourgade de Bithynie, & que ce Prince y avoit été nourri: c'eft ce que nous apprenons de Procope. Mais il y a apparence que cette tradition ne doit fon origine qu'a Phonneur que Conflantin fit k cette bourgade de lui donner le nom d'Hélénopolis avec le titre de ville, pour les raifons que je dirai dans la fuite. Les Auteurs Anglois , fuivis en ce point par Baronius, veulent faire croire que leur ifle a vu naïtre ce grand Prince : les uns difent que ce fut k York , réfidence des Gouverneurs Romains; les autres k Colchefter, oü régnoit Coël, pere d'Hélene : ?on y voit encore les ruines d'un vieux chateau, dans lequel on prétend que naquirent Hélene & fon fils. Cette opinion, adoptée par une foule d'Auteurs, & mal appuyée fur quelques paffages de panégyriftes qui peuyent recevoir un  nu Bas-Empire. lAv. I. 37 tout autre fens, ne s'eft accréditée que par le concours des Hiftoriens d'une nation illuftre. L'Angleterre s'eft fait gloire d'avoir donné au Chriftianifme & a 1'Empire un Prince qui a tant honoré 1'un 8c 1'autre. Mais cette prétention eft détruite par tous les Hiftoriens qui ont écrit avant le leptieme fiecle, dont aucun, malgré la diverfité de leurs opinions, ne fait naitre Conflantin dans la Grande-Bretagne ; & le chateau de Colchefter ne fut bati que vers le commencement du dixieme fiecle, par le Roi Edouard, fils d'Alfred. Le fentiment le plus univerfellement recu aujourd'hui, paree qu'il eft fondé fur les Auteurs les plus anciens & les plus fiïrs, c'eft que Conflantin eft né a Naïffe en Dardanie. On voit en effet que ce Prince prit plaifir a embellir cette ville, dont il eft, pour cette raifon , appellé le fondateur ; qu'il la rendit beaucoup plus confidérable, ÖC qu'il étoit bien-aife d'y faire fon féjour, & d'y refpirer 1'air de fa première jeuneffe , comme il paroit par la date de plufteurs de fes loix. cons- tantin; neg. Max. & Confl. n. 4. Eumenii paneg. Conftantino , n. 9. Cuper. prxf. in Lact. de mort. per- fi'. Mém. d'Anglet. p. 61. Firmicut, l. i. c. 4, Anony. Valef. Steph. By\, Confl. Porph.l.1. them. 9. Cedrenus 5 &c. Tilt. not. %■ fur Conftantin.  CoNSTANTIN. III. Son origine. Eumenii, paneg. Conftant. C. 2. Anony. Vale/. Pollio in Claud. c. 13- Du Cange Tam, By{. IV. QuaÜté de fa mere. 'lof, l, 2. 3S H 1 S T 0 I R E Pour ce qui regarde fa familie, on ne doute point de fa nobleffe du cöté de fon pere. Mais felon le témoignage d'un Auteur contemporain, dans les premières années de 1'Empire de Conflantin , fon origine étoit prefque univerfellement ignorée. Les révolutions fréquentes de ces tempsla, comme des vents impétueux, en avoient effacé la tracé; & Pintervalle de quatre regnes, courts a la vérité, mais finis par des événements tragiques, avoit déja, fous Dioclétien, prefque fait oublier Claude le Gothique , malgré fes vertus & fes victoires. Auffi n'avoit-il régné que deux ans. C'étoit du pere de eet Empereur que defcendoit Conftance Chlore par fa mere Claudia, fille de Crifpe, & niece de Claude. Cette généalogie ne remonte pas plus haut : le pere de Claude & de Crifpe eft reflé dans Pobfcurité ; & tout ce qu'on fait de leur mere, c'eft qu'elle étoit de Dalmatie. On en fait encore moins de 1'origine d'Hélene, mere de Conftantin. On la fait naitre dans la Grande-Bretagne, k Treves, k NaïfTe', k Dré-  du Bas-Empire. Liv. I. 39 pane en Bithynie, a Tarfe, a Edeffe. Le plus fur eft de dire qu'on ignore abfoUiment la patrie & les parents de eette Princeffe. La condition de fon alliance avec Conftance Chlore, forme une queftion plus importante & moins difHcile k réfoudre. Des Auteurs anciens, & même des Peres de 1'Eglife , ne laiffe k Hélene que le nom de concubine, & la font fortir de la plus baffe naiffance. Mais des Ecrivains encore plus fürs en matiere d'hiftoire, lui donnent le titre de femme légitime, Sc" leur témoignage eft confirmé par plufieurs raifons. Les Panégyriftes de ce tempsIk , malgré le cara&ere de flatterie attaché dans tous les fiecles aux orateurs de ce genre , auroient-ils ofé louer en face Conftantin d'avoir imité la chafteté de fon pere, en s'éloignant, dès fa première jeuneffe, des amufements de 1'amour, pour contrafter un engagement férieux & légitime; fi la naiffance même du Prince devant qui ils parloient eüt démenti eet éloge? Une contre-vérité fi grofïïere n'eut-elle pas eu toute 1'apparence d'une fatyre? Dioclétien COKSTANTIN. Chton. Alex. p. 27 8. Hieron. in Chronico. Ambrof. orat. in fan, Theod. Eutrope. Les deux V&ors. Anony. Valef. lnfcript. Grut. Theoph.anes, Zonaras. Cedrenus* Incerti, paneg. Max. 6- Confl.. c. 3. & 4. L. pree fff. deritunupt. L eos qui eod. tit. TM. not. I fut Conf  C-ONSTANTIN. 40 fflSTO/RX auroit-il traité Conflantin comme le fujet le plus diftingué de fa Cour? Seroit-ce le premier qu'il auroit propofé, quand il fut queffion de nommer des Céfars? Et Galere, qui cherchoit a écarter ce jeune Prince, auroit-il manqué alors de faire valoir Ie défmtt de fa naiffance? Ce qu'il ne fit pourtant pas, comme nous le voyons par le récit de Lacfance. De plus , tous les Auteurs qui parlent de la féparation de Conftance & d'Hélene, quand il fut obligé d'époufer Théodore, difent qu'il la répudia. Elle étoit donc fon époufe. Ce qui peut avoir donné cours au fentiment contraire , c'eft que Conftance époufa Hélene dans une Province oü il avoit un commandement : or les loix Romaines n'autorifoient pas un mariage contraöé par un Officier dans la Province oü il étoit employé : mais une autre loi ajoutoit, que fi eet Officier, après fa commifïion expirée, continuoit a traiter comme fon époufe la femme qu'il avoit prife dans la Province, le mariage devenoit légitime. D'ailleurs, Pobfcurité de la familie d'Hélene devoit lui óter beaucoup de  du Bas-Empire. Liv. I. 41 confidération avant 1'élévation de fon fils : la grandeur Sc la fierté de Théodore, belle-fille de Maximien , qui entroit dans la maifon de Conftance avec tout Péclat de la pourpre impériale, éclipferent cette femme répudiée ; Sc les flatteurs de Cour ne manquerent pas fans doute de fervir Forgueil Sc la jaloufie de la feconde époufe, en rabaiffant la première , que la politique feule avoit enlevée a la tendreffe de Conftance. Le fils de ce Prince Sc d'Hélene fe nomma Caius FLavius Valtrius Aurelius Claudius Conjiantinus. Une infcription lui donne le prénom de Marais. II tenoit de fon pere les noms de Flavius-Vakrius : les trois autres retracoient la mémoire de Claude II, dit le Gothique. Cet Empereur avoit porté le nom d''Aurelius; Sc celui de Conjiantinus venoit encore de fa familie , oii 1'on voit une de fes fceurs appellée Conftantine. Le nom de Flavius devint célebre : quelques-uns prétendent que Claude II 1'avoit déja porté, comme une marqué qu'il tiroit fon origine de la familie de Vetpanen : mais cette defcendance a bier» CONSTAKTIN. V. Noms de Conflantin. TUI. Conflantin , are, 4- Bsch. belg. I. 8- c. 1. Numifmi Mtuab. Poll. Claud. e. 1? & 3Du Cange. diff. de infer. czvi, nu* mïjm. c, 36.  CONSTANT1N. VI. Ses premières années, 42 HlSTOlRB 1'air d'une fable, & je ne trouve pa3 dans 1'Hiftoire affez de fondement pour attribuer k ce bon Prince la vanité d'emprunter d'illuftres ancêtres, dont fa vertu n'avoit pas befoin. Le texte de Pollion, fur lequel on fe fonde, pourroit bien fignifier feulement que Claude fit donner k fon petit neven Conftance le nom de Flavius , paree qu'il prévoyoit que les defcendants de ce Prince feroient revivre les verlus de Vefpafien & de Tite; & ce ne feroit qu'une flatterie d'un Auteur qui écrivoit fous 1'Empire de la familie de Claude. Ce qu'il y a de certain , c'eft que la gloire de Conftantin fit paffer ce nom de Flave k fes fucceffeurs : il devint , comme ceux de Céfar & d'Augufte, un titre de fouveraineté. Cependant il ne fut pas réfervé aux feuls Empereurs; plufieurs families illuftres eurent Tambition de le prendre, & les Rois barbares eux-mêmes, tels que ceux des Lombards en Italië, &ceux desGoths en Efpagne , s'en firent honneur. Lorfque Conftance Chlore fut fait Céfar en 291, & envoyé dans les Gaules pour la défenfe de 1'Occident,  iw Bas-Empi&e. Liv. I. 43 Conflantin entroit dans fa dix-neuvieme anné^. Dioclétien le retint auprès de lui comme en ötage, pour s'affurer de la fidélité de fon pere , & il lui fit trouver a fa Cour tous les honneurs & toutes les diftinftions qui pouvoient le flatter. II.,1e mena avec lui en Egypte : & dans la guerre contre Achillée , Conflantin , également propre a obéir & a commander, fe fit eftimer de 1'Empereur & chérir des troupes par fa bravoure , par fon intelligence, par fa générofité, &c par une force de corps qui réfiftoit a toutes les fatigues. Ce fut apparemmenl dans cette expédition qu'il fut fail Tribun du premier ordre. Sa gloire naiffante attiroit fur lui tous les regards. :A fon retour d'Egypte, on accouroit fur fon paffage : on s'empreffoit de le voir: tout annon coit un Prince né pour 1'Empire. I marchoit a la droite de Dioclétien fa bonne mine le diftinguoit de tou: les autres. Une noble fierté & un ca raülere de force & de vigueur mar qué dans toute fa perfonne, impri moit d'abord un fentiment de crainte Mais cette phy fionomie guerriere étoi CONSTANTIN. Anony. Valcf. Euf. vit. t lv c. 19. Theopk. p. 6. Hifi- M'-A' l. 11. LaS. ie mort. perfee. c. l8. VII. Portrait decePrince.. Eufebe. Panégyrif' tes. Lact.mce. ; Eutrope. hes deux Viclors. ■ Hifi. Mife. Cedrenus, Nicepk, • Call.  CONSTAKTIN, VIII. Sa chafteté. Viel. cpit. Zof. I. 2. Zonar. I. Euf. Vit. Paneg. TUL art, 4. 44 HlSTOIRÊ adoucie par une agréable férénité répandue fur fon vifage. II a»oit le creur grand , libéral & porté a la magnifieence ; plein de courage, de probité , & d'un amour pour la juftice qui tempéroit fon ambition naturelle : fans ce contrepoids, il eüt été capable de tout entreprendre & de tout exécuter. Son efprit étoit vif & ardent, fans être précipité; pénétrant fans défiance & fans jaloufie; prudent, & tout a la fois prompt a fe déterminer: enfin, pour achever ici fon portrait, il avoit le vifage large & haut en couleur, peu de cheveux & de barbe, les yeux grands, le regard vif, mais gracieux, le col un peu gros, le nez aquilin; un tempérament délicat 6c affez mal-fain, mais qu'il fut ménager par une vie fobre & frugale, & par la modération dans Pufage des plaifirs. Ses moeurs étoient chaftes. Sa jeuneffe, toute occupée de grandes & de nobles penfées, fut exempte des foibleffes de eet age. II fe maria jeune, Sc ce dut être vers le temps de fon voyage d'Egypte. La naiflance de Minervine, fa première femme, eft auffi  nv Bas-Empire. Liv. I. 45 inconnue que celle d'Hélene , & fa condition ne partage pas moins les Auteurs. Des faifons tout-a-fait femblables a celles que nous avonsapportées en faveur d'Hélene , prouvent que cette alüance fut un mariage légitime. II en fortit un Prince nommé Crifpe, célebre par fes belles qualités & par fes malheurs. II naquit vers 1'an 300, & ce fut par conféquent eh Oriënt, 011 fon pere féjournoit alors, & non pas a. Arles, comme certains Auteurs 1'ont prétendu. On ne s'accorde pas au fujet du favoir de Conflantin & de fon goüt pour les Lettres : les uns ne lui en donnent qu'une teinture légere ; d'autres le font tout-a-fait ignorant; quelquesuns le repréfentent comme très-inftruit. Eufebe, fon Panégyrifle, éleve bien haut fa fcience & fon éloquence, & prouve affez mal ces grands éloges par un difcours fort long & fort ennuyeux , qu'il met dans la bouche de Conflantin. II eft vrai qu'étant Empereur, il fit pour les fciences & pour les Lettres plus même qu'elles n'exigent d'un grand Prince : non content de les protéger, de les regarder com- CONSTANTIN. Hifi. AC/C. Da Cange Tam, By\, IX. Son fa- voir Cedren. t, 1. p. 269. Anony. VaUf. Euf. VU. 1.4- o. 55. Eutrope. Viel. epit. Niceph. ■Call. I. 7. e. 18. Oratio ad S, .Cxtum.  CONSTANTIN. X. Galere eft jaloux de Conftaatin. Thcoph. p. 6. Niceph. Call. I. 7. c. 19. Laa.e. 18. 46 HlSTOIRE me un des plus grands ornements de fon Empire, de les encourager par des bienfaits, il aimoit a compofer, a prononcer lui-même des difcours. Mais outre que le goüt des Lettres n'étoit pas celui de la Cour ou il avoit été élevé , & que tous les Princes de ce temps-la, excepté Maximin, ne fe piquoient pas d'êtres favants , nous voyons par le peu qui nous refte de fes écrits, qu'il n'avoit guere plus de favoir ni d'éloquence qu'il ne lui en falloit pour fe faire applaudir de fes Courtifans , & fe perfuader a lui-même que ces qualités ne lui manquoient pas. Je ne pviis croire ce que difent quelques Hiftoriens , que Dioclétien , jaloux du mérite de Conflantin , voulut le faire périr. Un deffein fi noir convient mieux au caracfere de Galere , k qui d'autres Pattribuent. II paroit qu'aprèsl'expédition d'Egypte, Conftantin fuivit celui-ci dans plufieurs guerres : fa valeur éclatante donna de 1'ombrage k cette ame baffe & orgueilleufe : Galere, réfolu de le perdre, 1'écarta d'abord du rang de Céfar, qui lui étoit dü par fon mérite, par la  nu Bjs-Empire. Liv. I. 47 qualité de fils de Conftance , par 1'eftirae des Empereurs , & par 1'amour des peuples : il le retint pourtant k fa Cour, oü la vie de ce jeune Prince couroit plus de rifques qu'au milieu des batailles. Sous prétexte de lui procurer de la gloire, Galere Pexpofa aux plus grands périls. Dans une guerre contre les Sarmates , les deux armées étant en préfence, il lui commanda d'aller attaquerunCapitaine, qui, par fa grande taille, paroiffoit le plus redoutable de tous les Barbares. Conftantin court droit k 1'ennemi, le terraffe, & le traïnant par les cheveux, 1'amene tout tremblant aux pieds de fon Général. II recut ordre une autre fois, de fe jetter a cheval dans un marais derrière lequel étoient poftés les Sarmates , & dont on ne connoiffoit pas la profondeur : il le traverfe, montre le paffage aux troupes Romaines, renverfe les ennemis, & ne revient qu'après avoir rem porté une glorieufe viétoire. On rappórte même que le Tyran 1'ayant obligé de combattre un lion furieux, Conftantin fortit encore de ce combat, vainqueur de CONSTANTIN. XI. II cherche a le perdre. Anony. VaUf. Zonar. tm I- p. 64J. Lacl. c. 24. Praxag. apud Photium.  CONSTANT1N. Ann. 306. XII. Conftantin s'échappedes maini de Galere. Lact. c. 24 Anony. Vahf. Zof, l. 2 48 HlSTOIRS ce terrible animal & des mauvais defleins de Galere. Conftance avoit plufieurs fois redemandé fon fils , fans pouvoir le retirer des mains de fon collegue. Enfin , étant fur le point de paffer dans la Grande-Bretagne pour aller faire la guerre aux Pidfes, le mauvais état de fa fanté lui fit craindre de le laiffer en mourant a la merci d'un tyran ambitieux & fanguinaire. II paria ' d'un ton plus ferme : le fils de fon cöté follicitoit vivement la permiffion d'aller rejoindre fon pere ; & Galere, qui n'ofoit rompre ouyertement avec Conftance , confentit enfin au départ de Conftantin. II lui donna fur le foir le brevet néceffaire pour prendre des chevaux de pofte, en lui enjoignant expreffément de ne partir, le lendemain matin , qu'après avoir recu de lui de nouveaux ordres. II ne laifloit échapper fa proie qu'a regret, & il n'apportoit ce délai, que pour chercher encore quelque prétexte de 1'arrêter, ou pour avoir le temps de mander a Sévere qu'il eüt a le retenir lorfqu'il pafferoit par 1'Italie. Le lendemain  nv Bas-Empire. Liv. 1. 49 rnain Galere affedfa de refter au lit jufqu'a midi; & ayant fait appelier Conftantin, il fut étonné d'apprendre qu'il étoit parti dés le commencement de la nuit. Frémiffant de colere, il ordonne de courir après lui & de le ramener: mais la pourfuite devenoit impoffible : Conftantin fuyant k toute bride avoit eu la précaution de faire couper les jarrets k tous les chevaux de pofte qu'il laiffoit fur fon palfage; & la rage impuiffante du Tyran ne lui laiffa que Ie regret de n'avoir pas ofé faire le dernier crime. Conftantin traverfe comme un éclair 1'Illyrie & les Alpes , avant que Sévere puiffe en avoir des nouvelles, & arrivé au port de Boulo'gne lorfque la flotte mettoit k la voile. ' A cette vue inefpérée, on ne peut ex- , primer la joie de Conftance : il recoit entre fes bras ce fils que tant ! de périls lui rendoient encore plus • cher; & mêlant enfemble leurs larmes & toutes les marqués de leur tendreffe, ils arrivent dans la GrandeBretagne, oü Conftance, après avoir vaincu les Picfes, mourut de maladie le vingt-cinq de Juillet de 1'an 30$. Tome I, Q Constantie.Ann. 306. XIII. II joint on pere, Eumen. °"neg. c, ' & 8. Aiony, 7aUf. TUI. nou fur Conf me.  CONSTANTIN. Ann. 306 XIV. II lui fuc cede. Liban. il Bafiiico. Euf. Vit l. I. C. 3.1 XV. Proclam; tion de Conftantin. Eimen. Paneg, < 8. 50 HlSTOTRZ II avoit eu de fon mariage avec Théodore trois fils, Delmace, JuleConft'ance, Hanniballien; & trois filles, Conftancie qui fut femme de Licinius, Anaftafie qui époufa Baffien , & Eutropie, mere de Népotien, dont je parlerai ailleurs. Mais il refpeftoit trop la puiffance fouveraine , pour Pabandonner comme une proie a difputer entre fes enfants; & il étoit trop prudent pour affoiblir fes Etats par tin pamge. Le droit d'aineffe, foutenu d'une capacité fupérieure , appelloit a 1'Empire Conftantin , qui étoit déja dans fa trentetroifieme année. Le pere mourant couvert de gloire , au milieu de fes enfants qui fondoient en larmes, & qui révéroient fes volontés comme des oracles, embraffa tendrement Conftantin , & le nomma fon fucceffeur; il le recommanda aux troupes , & ordonna a fes autres fils de lui obéir. Toute 1'armée s'emprefla d'exécul* ter ces dernieres difpofitions de Conftance : a peine eut-il les yeux fermés, que les Officiers & les foldats, excités encore par Eroc, Roi des Allemands auxiliaires, proclamerent  nu Bas^Empire. Liv. I. 51 Conftantin Augufte. Ce Prince s'efforca d'abord d'arrêter 1'ardeur des troupes; il craignoit une guerre civile; & pour ne pas irriter Galere, il vouloit obtenir ion agrément avant que de prendre le titre d'Empereur. L'impatience des foldats fe refufa a ces ménagements politiques : au premier moment que Conftantin , encore tout en larmes , fortit de la tente de fon pere, tous 1'environnerent avec de grands cris : en vain vou> lut-il leur échapper a courfe de cheval; on Fatteignit, on le revêtit de la pourpre malgré fa réfiftance; tout le camp retentiffoit d'acclamations & deloges; Conftance revivoit dans fon fils, & 1'armée n'y voyoit de différence que 1'avantage de la jeuneffe. Le premier foin du nouvel Empereur fut de rendre a fon pere les derniers devoirs : il lui fit faire de magnifiques funérailles, & marcha lui-même a la tête avec un grand cortege. On décerna a Conftance, felon la coutume , les honneurs divins. M. de Tillemont rapporte , fur le témoignage d'Alford & d'Ufferius, C ii Constantie.Ann. 306. Euf. Vit. I. 1. c. 22. Vief. epit. Zof. !. 1. Hifi. Miji. I. 11. xvr. Sépulture de Conftance.Euf. Hifl. I 8. c. 13. & Vit. 1.1. c. 22. Numifm. TM. art. 7. Alford.  CON5TANT1N. Ann. 306. Ann. Brit. art. 306. §•6 Vjfer. Brit. Eed. Anti], p. 60. XVTI. Projets de Galere. Lacl c, 10. & feqj. $2 HlSTOIRE qu'on montre fon tombeau en divers endroits de 1'Angleterre, &particuliérement en un lieu, appelléCdz/-Sergeint ou Sejont, quelquefois CaïrCufleint, c'eft-a-dire, Ville de Conftance ou de Confluntin ; & qu'en 1283, comme on prétendit avoir trouvé fon corps dans un autre lieu qui n'eft pas loin de-la, Edouard I, qui régnoit alors, le fit tranfporter dans une Eglife, fans fe mettre beaucoup en peine fi les Canons permettoient d'y placer un Prince payen. II ajoute d'après Cambden que peu de temps avént celui-ci, c'eft-a-dire au commencement du feizieme fiecle, en fouillant a Yorck dans une grotte oü t'on tenoit qu'étoit le tombeau de Conftance, on y avoit trouvé une lampe qui brüloit encore ; & Alford juge que felon les preuves les plus folides, cetoit en effet le lieu de Ia fépulture de ce Prince. Sa mort fembloit favorifer les deffeins de Galere : elle entroit dans le plan qu'il avoit dreffé pour fe rendre le feul Monarque; mais elle étoit arrivée trop tot, & ce contre-temps rompoit toutes lés mefures. Son pro?  du Bas-Empire. Liv. I. 53 jet avoit été de fubftituer a Conftance , Licinius, fon ancien ami : il s'aidoit de fes confeils , & comptoit fur une obéiffance aveugle de fa part. II lui deftinoit le titre d'Augufte , &C c'étoit dans cette vue qu'il ne lui avoit pas fait donner celui de Céfar. Alors maitre de tout, & ne lailfant a Licinius qu'une ombre d'autorité , il auroit difpofé a fon gré de toutes les richeffes de 1'Empire ; & après avoir accumulé d'immenfes tréfors, il auroit quitté, comme Dioclétien , au bout de vingt ans la puiffance (ouveraine, & fe feroit ménagé une retraite affurée & tranquille pour une vieilleffe voluptueufe; en laiffant pour Empereurs Sévere avec Licinius , & pour Céfars Maximin &c Candidien , fon fils naturel, qui n'avoit encore que neuf ans, & qu'il avoit fait adopter par fa femme Valérie , quoique eet enfant ne fut né que depuis le mariage de cette Princeffe. Pour réuffir dans ces projets, il falloit exclure Conftantin; mais Galere s'étoit rendu trop odieux par fa ' cruauté & par fon avarice. Depuis fa vicloire fur les Perfes, il avoit C iij Constantie.Ann. 306, xviir. >es «aalles.  CONSTAHT1N. Aon. 306» 54 Histoirz adopté le gouvernement defpotiqüe établi de tout temps dans ce riche & malheureux pays; & fans pudeur, fans égard pour les fentiments d'une honnête foumiffion, k laquelle une longue habitude avoit plié les Romains , il difoit hautement que le meilleur ufage auquel on pouvoit employer des fujets, c'étoit d'en faire des efclaves. Ce fut fur ces principes qu'il régla fa conduite. Nulle dignité, nul privilege n'exemptoit ni des coups de fouets, ni des plus horribles tortures les Magiftrats des villes : des croix toujours dreffées attendoient ceux qu'il condamnoit k mort; les autres étoient chargés de chaines & refferrés dans des entraves. II faifoit trainer dans des maifons de forces, des Dames illuftres par leur naiffance : il avoit fait chercher par tout 1'Empire des ours d'une énorme groffeur, & leur avoit donné des noms : quand il étoit en belle humeur, il en faifoit appeller quelqu'un, & fe divertiffoit k les voir non pas dévorer fur le champ des hommes, mais fueer tout leur fang & déchirer enfuite leurs membres : il ne fair  r>u Bas-Empire. Liv. I. 55 loit rien moins pour faire rire ce tyran fombre & farouche. II ne ^ prenoit guere de repas fans voir répandre du fang humain. Les fupplices des gens du peuple n'étoient pas fi recherchés; il les faifoit brüler vifs. Galere avoit d'abord fait fur les Chrétiens l'effai de toutes les horreurs , ordonnant par Edit, qu'après la torture, ils feroient brülés a petit feu. Ces ordres inhumains ne manquoient pas d'exécuteurs fideles, qui fe faifoient un mérite d'enchérir encore fur la barbarie du Prince. On attachoit les Chrétiens & un poteau ; on leur grilloit la plante des pieds, jufqu'a ce que la peau fe détachat des os; on appliquoit enfuite fur toutes les parties de leur corps des flambeaux qu'on venoit d'éteindre; & pour prolonger leurs fouffrances avec leur vie, on leur rafraichiffoit de temps en temps d'eau froide la bouche & le vifage; ce n'étoit qu'après de longues douleurs, que toute leur chair étant rötie, le feu pénétroit juf qu'aux entrai'les & jufqu'aux fources de la vie. Alors on achevoit de brüler ces corps déja prefque conC iv Constantie.Ann. 306» Xll. Contre les Chrétiens,,  Constantie.Ann. 306. XX. Contre les Payens mèmes, j 1 1 5 HlSTOlRE fumés, & on en jettoit les cendres dans un fleuve ou dans la mer. Le fang des Chrétiens ne fit qu'irriter la foif de Galere. Bientöt il n'épargna pas les Payens mêmes. II ne connoiffoit point de degré dans les punitions : reléguer, mettre en prifon, condamner aux mines, étoient des peines hors d'ufage : il ne parloit que de feux, de croix, de bêtes féroces : c'étoit k coups de lance qu'il chatioit ceux qui formoient fa maifon : il falloit aux Sénateurs d'anciens fervices & des titres bien favorables, pour obtenir la grace d'avoir la tête tranchée. Alors tous les talents, qui déja fort affoiblis, refpiroient encore, furent entiérement étouffés : on bannit, on fit mourir les Avocats & les Jurifconfultes; les Lettres pafferent pour des fecretsdan« gereux , & les Savants pour des ennemis de 1'Etat. Le Tyran faifant laire toutes les loix, fe permit de tout faire , & donna la même licence mx Juges qu'il envoyoit dans les rVovinces : c'étoient des gens qui ie connpiflbient que la guerre , fans kude & fans principes, adorateurs  du 3as-Empire. Liv. I. 57 aveugles du defpotifme, dont ils étoient les inftruments. Mais ce qui porta dans les Provinces une défolation univerfelle, ce fut le dénombrement qu'il fit faire de tous les habitants de fes Etats, & 1'eftimation de toutes les fortunes. Les Commiffaires répandoient par-tout la même inquiétude & le même effroi que des ennemis auroient pu caufer; & 1'Empire de Galere, d'une extrémité a 1'autre, ne fembloit plus être peuplé que de captifs. On mefuroit les campagnes, on comptoit les feps de vignes, les arbres, &' pour ainfi dire, les mottes de terre; on faifoit regiftre des hommes & des animaux; la néceffité des déclarations rempliffoit les villes d'une multitude de payfans & d'efclaves; lesperes y trainoient leurs enfants. La juftice d'une impofition pro^ortionnelle auroit rendu fes contraintes excufables, fi 1'humanité les eüt adoucies, & fi les impofitions en elles - mêmes euffent été tolérables; mais tout retentuToit de coups de fouets & de gémiffements; on mettoit les enfants, les efclaves, les C v Constantie.Ann. 306. XXI. Rigueur des impofitions.  Constant™.Ann, 306. 58 H I S T 0 I R 2 femmes a la torture, pour vérifier les déclarations des peres, des maitres, des maris : on tourmentoit les pofleffeurs eux-mêmes, & on les forgoit, par la douleur, de déclarer plus qu'ils ne pofledoient : la vieilleffe ni la maladie ne difpenfoient perfonne de fe rendre au lieu ordonné; on fixoit arbitrairement Page de ehacun; & comme, felon les loix, Pobligation de payer la capitation devoit commencer & finir a un certain age , on ajoutoit des années aux enfants, & on en ötoit aux vieillards. Les premiers Commiffaires avoient travaillé a fatisfaire Pavidité du Prince par les rigueurs les plus outrées: cependant Galere , pour preffer encore davantage fes malheureux fujets , en envoya d'autres, a plufieurs reprifes, faire de nouvelles recherches ; & les derniers venus , pour enchérir fur leurs prédéceffeurs , furchargeoient a leur fantaifie, & ajoutoient k leur röle beaucoup plus qu'ils ne trouvoient ni dans les biens,. ni dans le nombre des habitants. Cependant les animaux périffoient, les hommes mouroient; & après !a mort  du Bas-Empire. Liv. 1. 59 on les faifoit revivre fur les röles, on exigeoit encore la taxe des uns & des autres. II ne reftoit d'exempts que les mendiants : leur indigence les fauvoit de 1'impofition , mais non pas de la barbarie de Galere; on les raffembla par fon ordre au bord de Ia mer , & on les jetta dans desbarques qu'on fit couler k fond. Telle eft 1'idée qu'un Auteur contemporain , très-inftruit & très-digne de foi, nous a laiffé du gouvernement de Galere. Quelque méchant que fut ce Prince, une partie de ces vexations doit fans doute être imputée k fes Officiers. Mais telle efl la condition de ceux qui gouvernent; ils prennent fur leur compte les innjftices de ceux qu'ils employent: ce font les crimes de leurs mains. Les noms de ces hommes obfcurs périffent avec eux; mais leurs inquités furvivent & reftent attachées au fupérieur, dont le portrait fe compofe en grande partie des vertus & des vices de ceux qui ont agi fous fes ordres. Galere étoit occupé de ces rapines & de ces violences, quand il C vj CONSTANTIN. Ann. 306. XXII. Les crimes de fes Officiers doivent lui être imputés. XXIII. IIrefufe a Conftan-  CONSTANTIN. Ann. 306. tin le titre d'Augufte, & le donne a Sévere. LaB. c.25. TiU.art. 8. 60 HlSTOIRE apprit la mort de Conftance : bientot après on lui préfenta 1'image de Conftantin couronnée de laurier. Le nouvel Emperenr la lui envoyoit, felon la coutume, pour lui notifier fon avénément a 1'Empire. II balan9a long-temps s'il la recevroit : fon premier mouvement fut de la jetter au feu avec celui qui 1'avoit apportée ; mais on lui repréfenta ce qu'il avoit a craindre de fes propres foldats, déja mécontents du choix des deux Céfars, & tout difpofés a fe déclarer pour Conftantin, qui viendroit fans doute lui arracher fon confentement a main armée. Plus fufeeptible de crainte que de fentiment de juftice, il recut a regret cette image ; & pour paroïtre donner ce qu'il ne pouvoit öter, il envoya la pourpre a Conftantin. Ses vues fur Licinius fe trouvoient trompées ; mais afin d'abaiffer du moins le nouveau Prince , autant qu'il pourroit le faire, il s'avifa de donner le titre d'Augufte a Sévere qui étoit le plus agé , &L de ne laiffer a Conftantin , que le rang de Céfar après Maximin, le faifant ainfi defcendre du fecond de-  du Bas-Empire. Liv. I. 6l gré au quatrieme. Le jeune Prince, dont 1'ame étoit élevée & 1'efprit folide, parnt fe contenter de ce qu'on lui accordoit, & ne jugea pas a propos de troubler la paix de 1'Empire , pour conferver le titre d'un pouvoir dont il poffédoit toute la réalité. En effet, c'eft de cette année qu'on commenca k compter celles de fa puiffance Tribunitienne. Sévere qui commandoit en Italië, fort fatisfait de cette nouvelle difpofition, ne différa pas d'envoyer a Rome 1'image de Conftantin, pour 1'y faire reconnoitre en qualité de Céfar. Mais le dépit d'un rival méprifé jufques alors , & qui prétendoit avoir plus de droit a 1'Empire que tous ces nouveaux Souverains, renverfa 1'ordre établi par Galere. M. Aurelius-Valerius-Maxentius étoit fils de Maximien. Ses mauvaifes qualités, & peut-être fes malheurs , ont fait dire qu'il étoit fuppofé ; on prétend même que fa mere Eutropie avoua qu'elle 1'avoit eu d'un Syrien, C'étoit un Prince mal fait de corp: & d'efprit, d'une ame baffe & pleir d'arrogance , débauché & fuperfti- Constantie.Ann. 306, XXIY. Maxence élevé a 1'Empire. Incert. Paneg, c. 4. Lact. c. 18 & 26. Anony. Valef. Eutrope. TUI. nou \% Cf 13. 1  CONSTANTIN. Ann. 306 62 H 1 S T 0 I li E tieuX, brutal jufqu'a refufer le refpect a fon pere. Galere lui avoit donné en mariage une rille qu'il avoit eue de fa première femme; mais ne voyant en lui que des vices dont il ne pouvoit faire ufage , il avoit empêché Dioclétien de le nommer Céfar. Ainfi Maxence, oublié de fon pere , haï de fon beau-pere, avoit jufqu'a ce temps mené une vie obfcure, enveloppé dans les ténebres de la débauche, tantöt a Rome, tantöt en Lucanie. Le bruit de 1'élévation de Conflantin le réveilla : il crut devoir fauver une partie de fon héritage, qu'il fe voyoit enlever par fant demains étrangeres. La difpofition des efprits lui donnoit de grandes facilité : 1'infatiable avidité de Galere alJarmoit la ville de Rome ; on y attendoit des Commiffaires chargés d'exercerlesmêmes vexationsqui faifoient déja gémir les Provinces; & comme Galere craignoit la milice Prétorienne, il en avoit caffé une partie : c'étoit donner a Maxence ceux qui reftoient. Auffi les gagna-t-il aifément par le moyen de deux Tribuns, nommés Marcellien & Mar-  du Bas-umpire. Liv. L 63 eel; & les intrigues de Lucien, prépofé k la diftribution des viandes qui fe faifoit aux dépens du fifc , flrent déclarer le peuple en fa faveur. La révolution fut prompte; elle ne couta la vie qu'k un petit nombre de Magiftrats inftruits de leur devoir, même a 1'égard d'un Prince odieux ; entre lefquelsThiftoire ne nomme qu'Abellius, dont la qualité n'eft pas bien connue. Maxence, qui s'étoit arrêté k deux ou trois lieues de Rome fur le chemin de Lavicum, fut proclamé Augufte le vingt-huit d'O&obre, Galere qui étoit en Illyrie , ne ful pas fort allarmé de cette nouvelle II faifoit trop peu de cas de Maxence pour le regarder comme un rival redoutable. II écrit a Sévere qui réfidoit a Milan , & 1'exhorte k fe mettre lui-même k la tête de fes troupes & k marcher contre 1'Ufurpateur Maxence, auffi timide que Sévere n'ofoit s'expofer feul k 1'orage don il étoit menacé. II eut recours kfoi pere Maximien, qui peut-être étoi d'intelligence avec lui, & qui fe trou voit alors en Campanie. Gelui-ci qui ne pouyoit s'accoutumer a la vi CONSTANTIK. Ann. 506. XXV. Maximien re~ prend lc titre d'Augufte.Lact. c. 26. Balu{c in 1 La 3. p. Eutrope. 1 Incert.Pan, ; Maxim. & ! Confian. r, ÏO.  Constantie.Ann. 306. XXVI. Maximin ne prend point de part a ces mouvemems.E„f. de Mart. PaIxfl. c. 6. 64 H I S T O I R E privée, accourt k Rome, raffure les efprits; écrit a Dioclétien pour 1'engager a reprendre avec lui le gouvernement de 1'Empire ; & fur le refiis de ce Prince, il fe fait prier par fon fils, par le Sénat & par le peuple , d'accepter de nouveau le titre d'Augufte. Maximin ne prit point de part k ces premières agitations. Tranquille en Oriënt, & livré k fes plaifirs, il goütoit un repos dont il ne laiffoit pas^ jouir les Chrétiens. Etant k Céfarée de Paleftine le vingtieme de Noyembre, jour de fa naiffance, qu'il célébroit avec grand appareil, après les divertiffements ordinaires, il voulut embellir la fête par un fpecfacle, dont les Payens étoient toujours fort avides. Le Chrétien Agapius étoit depuis deux ans condamné aux bêtes. La compaffion du Magiftrat ou I'efpérance de vaincre fa fermeté, avoit fait différer fon fupplice. Maximin le fait trainer fur 1'arêne avec un efclave qu'on difoit avoit affaffiné fon maitre. Le Céfar fait grace au meurtrier, & tout 1'ampithéatre retentit d'acclamations fur la clémen-  du Bas-Empirb. Liv. I. 65 ee du Prince. Ayant fa t enfuite amener le Chrétien devant lui, il lui proniet la vie & la liberté, s'il renonce a fa religion. Mais celui-ci proteftant a haute voix qu'il eft prêt a tout iouffrir avec joie pour une fi belle caufe , court lui-même au-devant d'une ourfe qu'on avoit lachée fur lui, & s'abandonne k la férocité de eet animal, qui le déchire. On le reporte a demi-mort dans la prifon , & Ie lendemain comme il refpiroit encore, on le jette dans la mer avec des groffes pierres attachées a fes pieds. Tels étoient les amufements de Maximin. Conftantin fignaloit les commencements de fon Empire par des actions plus dignes d'un Souverain. Quoiqu'il fut encore dans les ténebres du Paganifme , il ne fe contenta pas comme fon pere de laiffer aux Chrétiens, par une permiffion tacite , le libre exercice de leur Religion , il Pautorifa par un édit. Comme il avoit fouvent dans la bouche cette belle maxime : Que c'eft la fortune qui fait les Empereurs ; mais que c'eft aux Empereurs ajuftifier le choix Constantie.Aan. 306» xxvn. Occupations de Conftantin. Lacl. c. 14.' Lamprid, inHelag.c. 34.  I Constantie.Ann. 306. XXVIII. Sa victoire fur les Francs. Eu/, na. 1. i. C. 2j. Eumen. Paneg. e. 10. Na^ar. Paneg, c. 16 & 17. Jncert. Paneg, c. 4 £■ *J. XXIX. II acheva de les dompter. Eumen, Paneg, c, II. V) BlSTOIRE de la fortune, il s'occupoit du foirt de rendre fes fujets heureux. II s'appliqua d'abord a régler llntérieur de fes Etats, fongea enfuite a' en affurer les frontieres. Après avoir vifité les Provinces de fon obéiffance , en rétabliffant par-tout le bon ordre, ii marcha contre les Francs. Ces peuples, les plus belliqueux des Barbares, profitant de 1'abfence de Conftance pour violer les traités de paix, avoient paffé le Rhin, & faifoient de grands ravages. Conftantin les vainquit, & fit prifonniers deux de leurs Rois, Afaric & Ragaife ; & pour punir ces Princes de leur perfidie, il les fit dévorer par les bêtes dans 1'amphitéatre : aöion barbare , qui déshonoroit fa viftoire, & a laquelle la poftérité doit d'autant plus d'horreur, que la baffe flatterie des Orateurs du temps s'eft efforcée d'en faire' plus d'éloge. Ayant forcé les Francs a repaffer le fleuve, il le paffa lui-même fan* être attendu, fondit fur leur pays , & les furprit avant qu'ils euffent etr le temps de fe fauyer, comme c'é-  du Bas-Empire. Liv. I. 67 toit leur coutume , dans leurs bois & leurs marais. On en maffacra,on en prit un nombre prodigieux. Tous les troupeaux furent égorgés ou enlevés : tous les vil1ages brülés. Les prifonniers qui avoient 1 age de puberté, trop fufpeas pour être enrölés dans les troupes, trop féroces pour fouffrir l'efclavage , furent tous livrés aux bêtes k Treves, dans les jeux qui furent célébrés après la victoire. Le courage de ces braves gens effraya leurs vainqueurs, qui s'amufoient de leur fupplice : on les vit courir au-devant de la mort, & conferver encore un air intrépide entre les dents & fous les ongles des bêtes farouches, qui les déchiroienl fans leur arracher un foupir. Quoi qu'on puiffe dire pour excufer Conftantin , il faut avouer qu'on retrouve dans fon caraaere des traits de cett( férocité commune aux Princes d< fon fiecle , & qu'il s echappa encon en plufieurs rencontres, lors mêm< que le Chriftianifme eut adouci fe: moeurs. Pour öter aux Barbares 1'envie d< paffer le Rhin, & pour fe procurer i Constantie.Ann. 306. Vorburg- 1. 1. p. iii. Incerti Pa neg. c. 13. ! XXX. ■ II met a couvert  Constantie. Ann. 306. les terres de laGau- le Eumen. Paneg c. !?• Vorb. 1.11. p. 170. TM. art. 10. Ann. 307. XXXI. Sévere trahi. Ineen, Paneg, e. 3. lacL c. 26. Anony, Valef. Zo/. 1.1. <5S II I S T O I R E lui-même une libre entree fur leurs terr-s, il entretint le long du fleuve les forts déja batis & garnis de troupes, & fur le fleuve même uneflotte bien armee. II commenca a Cologne un pont de pierre qui ne fut achevé qu'au bout de dix ans, & qui, felon quelques-uns, fubfifta jufqu'en 955. On dit auffi que' ce fut pour dét'endre ce pont qu'il batit ou répara le chateau de Duitz vis-a-vis de Cologne. Ces grands ouvrages acheverent d'intimider les Francs ; ils demanderent la paix, & donnerent pour étages les plus nobles de leur nation. Le yainqueur, pour couronner ces glorieux fuccès, inftitua les jeux Franeiques, qui continuerent long-temps de fe célébrer tous les ans depuis le quatorzieme de Juillet jufqu'au vingtieme. Tout étoit en mouvement en Italië. Sévere, parti de Milan au milieu de 1'hyver de Fan 307 , marcha vers Rome avec une grande armée, compofée de Romains & de foldats Maures, qui tous avoient fervi fous Maximien , & lui étoient encore affecfionnés. Ces troupes accoutumées aux  du Bas-Empire. Lt'v. 1. 69 dél'iees de Rome , avoient pUis d'envie de vivre dans cette ville que de la ruiner. Maxence, ayant d'abord gagné Anullin, Préfet du Prétoire, n'eut pas de peine k les corrompre. Dès qu'elles furent k la vue de Rome, elles quitterent leur Empereur, & le donnerent k fon ennemi. Sévere abandonné prend la fuite ; & rencontrant Maximien k la tête d'un corps qu'il venoit de raffembler, il fe fauve k Ravenne, oü il fe renferme avec Ie petit nombre de ceux qui lui étoient demeurésfïdeles. Cette ville étoit forte, peuplée, & affez bien pourvue de vivres pour donner k Galere le temps de venir au fecours. Mais Sévere manquoit de Ia principale reffource : il n'avoit ni bons fens, ni courage. Maximien , preffé par la crainte qu'il avoit de Galere, prodiguoit les promeffes Sc les ferments pour engager Sévere k fe rendre : celui-ci, plus preffé encore par fa propre timidité, & menacé d'une nouvelle défertion, ne fongeoit qu'a fauyer fa vie; il confentitatout, fe remit entre les mains de fon ennemi, & rendit la pourpre CONSTAKT1V. Ann. 307. Via. Epit. Eutropt,  Constantie.Ann. 507. XXXII. Sa mort. Anony. Valef. Zei. I. a, XXXIII Mariag de Conf tantin. Laa. c. %: Du Can' in numm Byv TUI. ar li. lncert. Tc ntg. c. 6 70 H I S T 0 1 R E a celui qui la lui avoit donnée deux ans auparavant. t f Réduit a la condition priyee, \\ revenoit a Rome, ou Maximien lui avoit juré qu'il leroit traité avec honneur. Mais Maxence, pour dégager fon pere de fa parole, fit dreffer a Sévere une embufcade fur le chemin. II le prit, 1'amena a Rome comme un captif, & Penvoya k trente milles fur la voie Appienne, dans un lieu nommé les trois Hötelleries, oü ce Prince infortuné ayant été retenu prifonnier pendant quelques jours, fut forcé de fe faire ouvrir les veines. On porta fon corps dans le tombeau de Gallien, a huit ou neuf milles de Rome. II laiffa un fils nommé Sévérien, qui ne fut héritier que de fes malheurs. Maximien s'attendoit bien que Ga1 lere ne tarderoit pas de venir en Italie pour venger la mort de Sévere. • II craignoit même que eet ennemi ' violent & irrité, n'amenat avec lui Maximin ; & quelles forces pour- • roient réfifter aux armées réunies de . ces deux Princes ? II fongea donc de , fon cöté a fe procurer une alliance  du Bas-Empihe. Lh. 1. 71 capable de le foutenir au milieu d'une fi violente tempête. II met Rome en état de défenfe , & court en Gaule pour s'attacher Conftantin en lui faifant époufer fa fille Flavia-Maximiana-Faufta, qu'il avoit eue d'Eutropie, & qui, du cöté de fa mere, étoit fceur cadette de Théodore , bellemere de Conftantin. Elle étoit née & avoit été élevée a Rome. Son pere 1'avoit deflinée au fils de Conftance dés 1'enfance de 1'un Sc de 1'autre : on voyoit dans fon palais d'Aquilée un tableau , ou la jeune Princeffe préfentoit k Conftantin un cafque d'or. Le mariage de Minervine rompit ce projet : mais fa mort arrivée avant celle de Conftance donna lieu de le reprendre , & il femble que ce Prince avoit confenti k cette alliance. L'état oü fe trouvoit alors Maximien la fit promptement conclure : le mariage fut fait k Treves le trente Sc un de Mars. Nous avons encore un Panégyrique qui fut alors prononcé en préfence des deux Princes. Pour la dot de fa fille, Maximien donna k fon gendre le titre d'Augufte, fans s'embarraffer de 1'approbation de Galere. Constantie.\nn. 307. Balu\t in laéi.c. 2;.  ConstantieAnn. 307 XXXIV Galere vient al fiéger Ro me. Ineen. Pa neg. c. 3 LaB. c. 27 Anony. Valef. XXXV. II eft con traint d< fe retirer 72 H I S T O I R £ Ce Prince étoit bien éloigné de 1'accorder. Plein de courroux , & ne refpirant que vengeance, il étoit déja entré en Italië avec une armée plus forte que celle de Sévere, & ne me- " nacoit de rien moins que d'égorger le Sénat, d'exterminer le peuple, & de ruiner la ville. II n'avoit jamais vu " Rome , & n'en connoiffoit ni la grandeur, ni la force : il la trouva hors d'infulte : Pattaque & la circonvallation lui paroiffant également impraticables, il fut contraint d'avoir recours aux voies de négociation. II alla camper a Terni en Ombrie, d'oii il deputa a Maxence deux de fes principaux Officiers, Licinius & Probus, pour lui propofer de mettre bas les armes , & de s'en rapporter a la bienveillance d'un beau-pere, prêt a lui accorder tout ce qu'il ne prétendroit pas emporter par violence. - Maxence n'avoit garde de donner dans ce piege. 11 attaqua Galere avec les mêmes armes qui lui avoient fi bien réuffi contre Sévere, & prófita de ces entrevues pour lui débaucher par argent une grande partie de les troupes, déja mécontentes d'être employees  du Bas-Empire. Liv. I. 73 ployées contre Rome & par un beaupere contre fon gendre. Des corps entiers quitterentGalere, & s'allerent jetter dans Rome. Cet exemple ébranloit déja le refte de 1'armée , & Galere étoit a la veille d'éprouver le même fort que celui qu'il venoit venger, lorfque ce Prince fuperbe, humilié par la néceffité, fe profternant aux pieds des foldats, & les fuppliant avec larmes de ne le pas livrer k fon ennemi, vint a bout, k force de prieres & de promelfes, d'en retenir une partie. II décampa auHi-töt, & s'enfuit en diligence. II ne falloit qu'un chef avec une poignée de bonnes troupes , pour I'accabler dans cette fuite précipitée. II le fentit; & pour öter k Pennemi le moyen de le pourfuivre, & payer en même-temps fes foldats de leur fidélité , il leur ordonna de ruiner toutes les campagnes & de détruire routes les fubfiftances. Jamais il ne fut mieux obéi. La plus belle contrée de 1'Italie éprouva tous les excès de 1'avarice, de la licence & de la rage la plus effrénée. Ce fut au travers de ces horribles ravages que 1'Em- Tome I, D Constantie.Ann. 307. XXXVL II ruine tout fur fon paffdge.  CONSTANTJN. Ann. 307. XXXVII. Maximien revient a Rome , d'oü il eft chaffé. LaH. c. 28. Incert. Paneg, e. 3. Zof. I. 2. Eutrope. Zonar. t. 1. [. 644. 74 Histoirb pereur, ou plutot le fléau de 1'Empire , regagna la Pannonie ; & la malheureufe Italië eut lieu de fe reffouvenir, que Galere, recevant deux ans auparavant le titre d'Empereur, s'étoit déclaré 1'ennemi du nom Romain, & qu'il avoit projetté de changer la dénomination de 1'Empire, en 1'ap» pellant 1'Empire des Daees , paree que prefque tous ceux qui gouvernoient alors tiroient, comme lui, leur origine de ces Barbares. Maximien étoit encore en Gaule. Indigné contre fon fils, dont la lacheté avoit laiffé échapper Galere, il réfolut de lui öter la puiffance fouveraine. II follicita fon gendre de pourfuivre Galere, & de fe joindre a lui pour dépouiller Maxence. Conftantin s'y trouvoit affez difpofé; mais il ne put fe réfoudre a quitter la Gaule, oü fa préfence étoit néceffaire pour contenir les Barbares. Rien n'eft plus équivoque que Ia conduite de Maximien. Cependant, quand on fuit avec attention toutes fes démarches , il paroit qu'il n'avoit rien d'arrêté que le defir de fe rendre le maitre. Sans affe&ion comme fans  nu Bas-Empike. Liv. I. 75 fcrupule, également ennemi de fon fils & de fon gendre, il cherchoit a les détruire 1'un par 1'autre, pour les faire périr tous deux. II retourne a Rome : le dépit d'y voir Maxence plus honoré & plus obéi, & de n'être lui-même regardé que comme la créature de fon fils, joignit k fon ambition une amere jaloufie. II pratiqua fous main les foldats de Sévere, qui avoient été les fiens : avant même que d'en être bien affuré,- il affemble le peuple & les gens de guerre, monte avec Maxence fur le tribunal; & après avoir gémi fur les maux de 1'Etat, tout-a-coup il fe tourne d'un air menacant vers fon fils, 1'aceufe d'être la caufe de ces malheurs; & comme emporté par fa véhémence, il lui arrache le manteau de pourpre. Maxence effrayé fe jeffe entre les bras des foldats, qui, touchés de fes larmes & plus encore de fes promeffes, accablenf Maximien d'injures & de menaces. En vain celui'Cr- veut leur perfuader que cette violence de fa part n'eft qu'une fëinte, pour éprouver leur zele a 1'égard de fon fils; il eft obligé de fortir de Rome. D ij Constantie.Ann. 307,  C0NSTANT1N. Ann. 307 XXXVIII Maxence lui öte ls Confulat. Buch. Cycl. f. 238. XXXIX Maximien v: trouver Conftantin &en fuite Ga lere. 76 fllSTOIRS Galere avoit donné le Confulat de cette année a Sévere & a Maximin: le premier n'avoit pas été reconnu dans les Etats de Maxence, qui avoit nommé fon pere Conful pour la neuvieme fois : &C Maximien en donnant a Conftantin la qualité d'Augufte , 1'avoit fait Conful avec lui , fans s'embarraffer du titre de Maximin. Maxence ayant chaffé fon pere, lui abrogea le Confulat., fans lui fubftituer perfonne. II ceffa même alors de reconnoitre Conftantin pour Conful, & fit dater les acfes par les Confulats de Pannée préeédente, en ces termes : Jprès le fixieme Confulat; c'étoit celui de Conftance Chlore & de Galere , qui tous deux avoient été Confuls pour la fixieme fois en 306. Maximien fe retira en Gaule, foit pour armer Conftantin contre Maxence , foit pour le perdre lui-même. N'ayant pu réuffir dans 1'un ni \ dans 1'autre projet, il fe hafarda d'aller trouver Galere, 1'ennemi mortel de fon fils, fous prétexte de fe réconcilier avec lui, & de prendre de concert les moyens de rétablir les affaires de 1'Empire: mais en effet, pour  nu Bas-Empire. Liv. L 77 chercher 1'occafion de lui öter la vie, : & de régner k fa place, croyant ne pouvoir trouver du repos que fur le t Tröne. Galere étoit k Carnunte en Pannonie. Défefpéré du peu de fuccès qu'il avoit eu contre Maxence, 8c j eraignant d'être attaqué k fon tour, i il fongea k fe donner un appui dans Licinius, en le mettant k la place de , Sévere. C'étoit un Dace, d'une famil- i le auffi obfcure que celle de Galere; il fe vantoit pourtant de defcendre de 1'Empereur Philippe. On ne fait pas précifément fon agemais il étoit plus agé que Galere; & c'étoit une des raifons qui avoient empêché celui-ci de le créer Céfar, felon la coutume, avant que de 1'élever a la dignité d'Augufte. Ils avoient formé enfemble une liaifon intime, dés le temps qu'ils fervoient dans les armées. Licinius s'étoit enfuite attaché a la fortune de fon ami, & avoit beaucoup contribué, par fa valeur, k la célebre vi&oire remportée fur Narfès. II avoit la réputation d'un grand homme de guerre, & il fe piqua toujours d'une févere exaftitude dans la D iij CONSrANTIN. Lnn. 307. XL. Portrair le Licilius. '.act. c. 29. Zof. I. 2. Eutrope. iurd.Vicl. rm. Epit.  Constantie.Ann. 307 XLT. Dioclétien refu fe 1'Empi re. ViS. Epu 78 HlSTOIRE difcipline. Sesvices, plus grands que fes vertus , n'avoient rien de rebutant pour un homme tel que Galere: il étoit dur, colere , cruel, diffolu, d'une avarice fordide , ignorant, ennemi des lettres, des loix & de la morale; il appelloit les lettres le poifon de 1'Etat; il déteftoit la fcience du barreau, & il prit plaifir, étant Empereur, a perfécuter les Philofophes les plus renommés, & a leur faire fouffrir, par _haine & par caprice , les fupplices réfervés aux efclaves. II y eut pourtant deux fortes de perfonnes qu'il fut traiter avec affez d equité; il fe montra favorable aux laboureurs & aux gens de la campagne, & retint dans une étroite contrainte les Eunuques & les Officiers du palais, qu'il aimoit a comparer k ces infeftes qui rongent fans ceffe les chofes auxquelles ils s'attachent. Pour rendre 1'éledlion de Licinius plus éclatante, Galere invita Dioclé- . tien k s'y trouver. Le vieillard y confentit : il partit de fa paifible retraite • de Salone, & reparut k la Cour avec une douce majefté, qui attiroit les  du Bas-Empire. Liv. I. 79 regards fans les éblouir, & les refpeös fans melange de crainte. Maximien , toujours agité du defir de régner, comme d'une fievre ardente, voulut encore exciter en fecret fon ancien collegue, devenu Philofophe , a reprendre la pourpre & k rendre le calme a 1'Empire, qui, dans les mains de tant de jeunes Souverains, n'étoit que le jouet de leurs paffions. Ce fut alors que- Dioclétien lui fit cette belle réponfe : Ah! fi vouspouvie{ voir a Salone ces fruits & ces légumes que je cultive de mes propres mains, jamais vous ne me parlerie%_ de 1'Empire! Quelques Auteurs ont dit que Galere fe joignit a Maximien, pour faire a Dioclétien cette propolition: fi le fait eft vrai, ce ne pouvoit être qu'une feinte & un pur compliment de la part de ce Prince, qui n'étoit pas d'humeur a reculer d'un degré: mais 1'ambition de Maximien nous répond ici de fa fincérité. Ce fut donc en préfence & du confentement des deux anciens Empereurs , que Galere honora Licinius du titre d'Augufte, le onzieme Novembre 307, lui donnant, k ce qu'on D iv Constantie.Ann. 307. XLir. Licinius Auguile. Chron. A/ex. Norh, de num. Licinii.  Constantie.Ann. 307. TUI. not. 19. fir Conjlant. XLIII. Maximin continue a perlë enter les Chrétiens. Baronius, ann. 307. 80 UlSTOIRZ croit, pour département la Pannonie & la Rhétie, en attendant qu'il put lui donner, comme il efpéroit le faire bientöt, toute la dépouille de Maxence. Licinius prit les noms de C. Flavius - Valerius - Licianus - Licinius : il y joignit le furnom de Jovius, que Galere avoit emprunté de Dioclétien. Conftantin , qui n'avoit pas été confulté, garda fur cette élecfion un profond filence. Maxence , de fon cöté, créa Céfar fon fils M. Aurelius-Romulus. Mais le dépit de Maximin ne tarda pas a éclater. Pour faire fa cour k Galere, & pour gagner dans fon efprit 1'avantage fur Licinius , qui commencoit k lui donner de la jaloufie , il avoit redoublé de fureur & de cruauté contre les Chrétiens. Mennas, Préfet d'Egypte, étoit Chrétien : Maximin 1'ayant appris envoye Hermogenes pour prendre fa place &c pour le punir. Le nouveau Préfet exécute fes ordres, & fait cruellement tourmenter fon prédéceffeur. Mais ébranlé d'abord par fa conftance, éclairé enfuite par pluüeurs miracles dont il fut témoin, il fe convertit,  nv Bas-Empire. Liv. I. 81 & embraffe le Chriftianifme. Maximin , outré de colere, vient a Alexandrie il leur fait h tous deux tran cher la tête; & pour tremper luimême fes mains dans le fang des Martyrs , il tue d'un coup d'épée.. Eugraphus , domeftique de Mennas , & qui ofoit, devant 1'Empereur, profef fer la Religion profcrite. Mon deffeir n'eft. pas de mettre fous les yeux dc mes Le&eurs tous les triomphes de« Martyrs : ce détail appartient a 1'Hif toire de 1'Eglife, dont ils furent 1'hon neur 6c la défenfe. Je me propofe feulement de rendre compte des principaux faits de ce genre, auxqueli les Empereurs ont eu part immédia tement & par eux-mêmes.. Les édits de Maximin rempliffoien tout 1'Orient de gibets, de feux 6c dt carnage. Les Gouverneurs s'empref foient a 1'envi a lérvir l'inhumanit* du Prince. Urbain, Préfet de Palef tine , fe fignaloit entre les autres, & la ville de Céfarée étoit teinte de fang Auffi poffédoit-il toute la faveur di tyran : ia complaifance barbare cou vroit tous fes autres crimes , dont i efpéroit acheter 1'impunité aux dé D v Constantie.Ann. 307. : xliv. . Funition d'Uibain j & de Fir- ; milien. . Èufi hifi. Mart. Pat. ■ c. 7,II. 1 l  32 H l S T O ƒ R E npn? rips C.hrétïpns. Mais 1p DÏpii nn'ïl Constantie.Anr.. 307, Ann. 308. XLV. Maximin prend le titre d'Augufte.LaS.c. 32. Euf. hifi. 1. S. e. ij. Numifm. Mei^ab. & Bandury. Toinard & Cupcr in LcH. attaquoit dans fes ferviteurs , ouvrit les yeux du Prince fur les rapines & les injuftices du Préfet. Urbain fut convaincu devant Maximin, qui devint pour lui a fon tour un juge inexorable , & qui, 1'ayant condamné a la mort, vengea, fans le vouloir, les Martyrs fur eelui qui avoit prononcé tant de condamnations injuftes. Firmilien, qui fuccéda a Urbain, ayant été comme lui le fidele miniftre des ordres fanguinaires du tyran, fut comme lui la vi&ime de la vengeance divine, & eut, quelques années après, la tête tranchée. Quoique les rigueurs que Maximin exer^oit contre les Chrétiens ne coütaffent rien a fa cruauté, cependant plus il s'étoit étudié k fe conformer aux volontés de Galere, plus il fe fentit piqué de la préférence que ce Prince donnoit a Licinius. Après s'être regardé comme tenant la feconde place dans 1'Empire, il ne vouloit pas reculer a la troifieme. II en fit des plaintes mêlées de menaces. Pour 1'adoucir , Galere lui envoye plufieurs fois des députés; il lui  nu Bjs-Empire. Lh. I. 83 rappelle fes bienfaits paffes, il le prie même cl'entrer dans fes vues, & de déférer aux cheveux blancs de Licinius. Maximin , que ces ménagements rendoient plus fier & plus hardi, protefte qu'étant depuis trois ans revêtu de la pourpre des Céfars, il ne confentira jamais k laiffer k un autre le rang qui lui eft dü a lui-même. Galere , qui fe croyoit en droit d'en exiger une foumiffion entiere, lui reproche en vain fon ingratitude : il lui fallut céder k 1'opiniatreté de fon neveu. D'abord pour effayer de le fatisfaire , il abolit le nom de Céfar ; il déclare que lui-même & Licinius feront appellés Auguftes, & que Maximin & Conftantin auront le titre non plus de Céfars, mais de fils des Anguftes. II paroit par les médailles de ces deux Princes, qu'ils adopterent d'abord cette nouvelle dénomination. Mais Maximin ne la garda pas long-temps; il fe fit proelamer Augufte par fon armee, & manda enfuite k fon oncle la prétendue violence que fes foldats lui avoient faite. Galere, forcé avec chagrin d'y confentir, abandonna le plan qu'il D vj; Constantie.Ann. 30S»  COKSTANTI>'. Ann. joS. XL VI. Maximien Conful. TUL nat. li. fur C&njlant, 84 HlSTOlB-R avoit formé, & ordonna que les quatre Princes feroient tous reconnus pour Auguftes. Galere tenoit, fans contredit, le premier rang : 1'ordre des trois autres étoit contefté : Licinius étoit le fecond, felon Galere, qui ne donnoit que le dernier rang a Conftantin : mais Maximin fe nommoit lui-même avant Licinius; Sc felon toute apparence , Conftantin , dans fes Etats, étoit nommé avant les deux autres. D'un autre cöté, Maxence ne reconnoifloit d'abord que lui feul pourAugufte; il voulut bien enfuite faire part de ce titre a Maximin. Mais enfin, toutes ces difputes de prééminences fe terminerent par la mort funefte de ces Princes , qui céderent 1'un après 1'autre au bonheur Sc au mérite de Conftantin. Maximien , Empereur honoraire , puifqu'il n'avoit ni fujets ni fonftions, que celles que lui impofoit fon humeur turbulente, avoit été compté pour rien dans ces nouvelles difpofitions. II étoit dès-lors brouillé avec Galere : il paroit qu'au commencement de cette année, ils avoient vécu en bonne intelligence ; puifqu'on  nu Bas-Empire. Liv. I. $$ volt dans les falies le dixieme Confulat de Maximien, joint au feptieme de Galere. Maxence, qui ne reconnoilfoit ni 1'un ni 1'autre , après avoir paffe prés de quatre mois fans nommer de Confuls, fe nomma luimême le vingtieme d'Avril avec fon fils Romulus, & fe continua avec lui 1'année fuivante. Comme il fe voyoit tranquille en Italië, il envoya fes images en Afrique, pour s'y faire reconnoïtre. II s'attribuoit cette Province : c'étoit une partie de la dépouille de Sévere. Les troupes de Carthage regardant Maxence comme un ufurpateur , refuferent de lui obéir; &C craignant que le tyran ne vint les y contraindre a main armée; elles prirent le long du rivage la route d'Alexandrie, pour fe retirer dans les Etats de Maximin. Mais ayant rencontré en chemin des troupes fupérieures, elles fe jetterent - dans des vaiffeaux, & retournerent a Carthage. Maxence , irrité de cette réfiftance, réfolut d'abord de paffer en Afrique tk d'aller en perfonne punir les chefs de ces rebelles; mais il fut retenu a Rome par les Arufpi- CONSTANTIN. Ann. 308. XLVIÏ. Alexan» dre eft nommé Empereur a Carthage Zof. I. 2. Aurcl. Vil. Vict. Epit.  CONSTANTIN. Ann, 308. 86 IIistoirb ces, qui Paflurerent que les entrailles des viftimes ne lui promettoient rien de favorable. Une autre raifon plus folide, c'eft qu'il craignoit 1'oppofition du Vicaire d'Afrique, nommé Alexandre, qui avoit un grand crédit dans le pays. II voulut donc s'affurer de fa fidélité, & lui demanda fon fils pour ötage : c'étoit un jeune homme fort beau; & le pere informé des infames débauches de Maxence, refufa de le hafarder entre fes mains. Bientöt des affaflins envoyés pour tuer Alexandre, ayant été découverts, les foldats, plus indignés encore, proclamerent Alexandre Empereur. II étoit Phrygien, felon les uns, Pannonien, felon les autres : peut-être étoit-il né dans une de ces Provinces, & originaire de 1'autre : tous conviennent qu'il étoit fils d'un payfan ; ce qui ne le rendoit pas moins digne de 1'Empire que Galere, Maximin & Licinius. Mais LI ne rachetoit ce défaut par aucune bonne qualité : naturellement timide 8c pareffeux, il 1'étoit devenu encore davantage par la vieillefle. Cependant il n'eut pas befoin d'un plus  du Bas-Empirb. Liv. I. 87 grand mérite pour fe foutenir plus de trois ans contre Maxence, comme nous le verrons dans la fuite. Deux carafteres tels que ceux de Maximien & de Galere ne pouvoient demeurer long-temps unis. Le premier , chaffé de Rome , exclus de PItalie , obligé enfin a quitter 1'Illyrie, n'avoit plus d'afyle qu'auprès de Conftantin. Mais en perdant toute autre reffource , il n'avoit pas perdu l'envie de régner, quelque crime qu'il fallüt commettre. Ainfi en fe jettanl entre les bras de fon gendre, il y porta le noir deffein de tui ravir h couronne avec la vie. Pour mieux cacher fes perfides pro] ets , il quitte encore une fois la pourpre. La générofité de fon gendre lui en conferv: tous les honneurs & tous les avan tages : Conftantin le logea dans foi palais , il 1'entretint avec magnificen ce; il lui donnoit la droite par-tou ou il fe trouvoit avec lui; il exigeoi qu'on lui obéit avec plus de ref pecf. & de promptitude qu'a fa pro pre perfonne ; il s'empreffoit lui même a lui obéir : on eüt dit qu Maximien. étoit i'Enjpereur, & qui CONSTANTTN. Ann. 308. XLV11I. Maximien quitte la pourpre pour la feconde fois. Lach c. 29. Eumen. Paneg. e. 14 Sf 15. t l t t  CONSTANTIN. Ann. 309. XLIX. II la reprend. Eumen. Paneg. e. 29. 88 HlSTOIRE Conflantin n'étoit que le Miniflre. Le pont que ce Prince faifoit conftruire k Cologne, donnoit de la crainte aux Barbares d'au-dela du Rhin, & cette crainte produifoit chez eux des effets contraires. Les uns trembloient & demandoient la paix ; les autres s'effarouchoient & couroient aux armes. Conflantin, qui étoit k Treves , raflembla fes troupes ; & fuivant le confeil de fon beau-pere, dont 1'age & 1'expérience lui impofoient, & dont fa propre franchife ne lui permettoit pas de fe défier, il ne mena pour cette expédition qu'un détachement de fon armée. L'intenrion du perfide vieillard étoit de débaucher les troupes qu'on lui laifferoit, tandis que fon gendre , avec le refle en petit nombre, fuccomberoit fous la multitude des Barbares. Quand après quelques jours, il crut Conflantin déja engagé bien avant dans le pays ennemi, il reprend une troifieme fois la pourpre, s'empare des trélbrs, répand 1'argent k pleines mains, écrit k toutes les légions, & leur fait de grandes promeffes. En même-temps, pour mettre toute la  nu Bas-Empire. Liv. I. 39 Gaule entre lui & Conftantin, il marche vers Arles k petites journées, en confumant les vivres & les fourrages, afin d'empêcher la pourfuite * & feit courir par-tout le bruit de la mort de Conftantin. Cette nouvelle n'eut pas le temps de prendre crédit. Conftantin, averti de la trahifon de fon beau-pere, retourne fur fes pas avec une incroyable diligence. Le zele de fes foldats furpafle encore fes defirs. A peine veulent-ils s'arrêter pour prendre quelque nourriture ; 1'ardeur de la vengeance leur prête k tous moment! de nouvelles forces; ils volent fanprendre de repos des bords du Rhir k ceux de la Saöne. L'Empereur, pour les foulager, les fait embarquei k Chalons; ils s'impatientent de la len teur de ce fleuve tranquille ; ils f< faififfent des rames , & le Rhöne même ne leur femble pas affez rapide Arrivés a Arles, ils n'y trouvent plu Maximien, qui n'avoit pas eu le temp de mettre la yiMe en défenfe, & s'é toit fauvé k Marfeille. Mais ils y re joignent la plupart de leurs compa gnons, qui, n'ayant pas voulu fui CONSTANTIN. Ann. 309. L. Conftan» tin mar.che contre lui. Eumen. Paneg. > point fujette aux loix de notre art; » fouvenez-vous des maux que voiis » avez faits aux ferviteurs de Dieu, » & de la guerre que vous avez dé» clarée a une Religion divine , & » vous fentirez a qui vous devez de» mander des remedes. Je puis bien » mourir avec mes femblables, mais » aucun de mes femblables ne pour» ra vous guérir '\ Ces paroles pénétrerent Ie cceur de Galere, mais fans le changer. Au-lieu de fe condamner lui-même, de confeffer le Dieu qu'il avoit perfécuté dans fes ferviteurs, & de défarmer fa colere en fe foumettant a fa juftice,il leregarda comme un ennemi puiffant & cruel avec qui il falloit compofer. Dans les nouveaux acces de fes douleurs, il s'écrioit qu'il étoit prêt k rebatir les Eglifes, & a fatiffaire le Dieu des Chrétiens. Enfin, plongé dans les noires vapeurs d'un E iij Constantie.Ann. 310. Ann. 311. LX. Edit de Galere en Faveur des Chré:iens.Ua.e. 33, Euf. ma. '. 8. c. ij.  CONSTANTIN. Ann. 311. los. HlSTOIRE affreux repentir , il fait affembler autour de fon lit les Grands de fa Cour; il leur ordonne de faire fans délai ceffer la perfécution , & dicfe en même-temps un édit dont La&ance nous a confervé 1'original : en voici la traducfion. » Entre les autres difpofitions dont » nous fommes fans ceffe occupés » pour 1'intérêt de 1'Etat, nous nous » étions propofé de réformer tous » les abus contraires aux loix & k » la difcipline Romaine, & de ra» mener a la raifon les Chrétiens » qui ont abandonné les ufages de » leurs peres. Nous étions affligés ♦> de ks voir comme de concert tel» lement emportés par leur caprice » & leur folie, qu'au-lieu de fui» vre les pratiques anciennes établies » peut-être par leurs ancêtres mê» mes, ils fe faifoient des loix k » leur fantaifie, & féduifoient les peu» pies en formant des affemblées en » différents lieux. Pour remédier k ►> ces défordres, nous leur ordonna» mes de revenir aux anciennes inf» titutions : plufieurs ont obéi par » crainte; plufieurs auffi ayant refufé  bv Bas-Empirb; Liv. I. 103 » d'obéir, ont été punis. Enfin, com» me nous avons reconnu que la plu» part perfévérant dans leur opinia» treté, ne rendent pas aux Dieux » le culte qui leur efl dü, 8c n'a» dorent plus même leDieu desChré» tiens, par un mouvement de now tre très-grande clémence 8c felon » notre coutume conftante de don» ner a tous les hommes des marqués » de notre douceur , nous avons » bien voulu étendre jufque fur eux » les effets de notre indulgence, &i » leur permettre de reprendre les >> exercices du Chriftianifme, & de » tenir leurs affemblées, a conditior » qu'il ne s'y paffera rien qui foil » contraire a la difcipline. Nous pref » crirons aux Magiftrats par une au> » tre lettre la conduite qu'ils doi» vent tenir. En reconnoiffance d< » cette indulgence que nous avon; » pour les Chrétiens, il fera de leu: » devoir de prier leur Dieu pour no » tre confervation, pour le falut d< » 1'Etat, 8c pour le leur, afin qu » 1'Empire foit de toute part en fü » reté, 8c qu'ils puiffent eux-même » vivre fans péril 8c fans crainte ': E iv Constantie.A.nn. 311. : s  CONSTANTIN. Ann. ju. LXI. Mort de Galere. ua. Euf. hifi. I. 8. c. 17. Hifi. Mifi. I. 11. Aurel. ViH. 104 h 1 s t 0 r R z Cet édit bifarre & contradictoire, plus capable d'irriter Dieu que de Pappaifer, fut publié dans 1'Empire, & affiché le dernier d'Avril de 1'an 311 è Nicomédie, oü la perfécution s'étoit ouverte huit ans auparavant par la deftruftion de la grande Eglife. Quinze jours après, on y apprit la mort de ce Prince. II avoit enfin expiré a Sardique après un fupplice d'un an & demi, ayant été Céfar treize ans & deux mois , Augufte fix ans & quelquesjours. Licinius regut fes derniers foupirs, & Galere en mourant lui recommanda fa femme Valérie & Candidien, fon fils naturel, dont nous raconterons dans la fuite les triftes aventures. II fut enterré en Dace, oü il étoit né, dans un lieu qu'il avoit nommé Romuliane, du nom de fa mere Romula. Par une vanité pareille ï celle d'Alexandre le Grand, il fe yantoit d'avoir eu pour pere un ferpent monftrueux. On ignore le nom de fa première femme, dont il eut une fille qu'il donna en mariage a Maxence. Malgré fes débauches, il avoit refpeflé Valérie, & lui avoit Fait 1'honneur de donner fon nom a  du Bas-Empirb. Liv. I. io$ une partie de la Pannonie. II avoit auparavant procuré a cette Pro vince une grande étendue de terres labourables, en fajfant abattre de vaftes forêts, & deffécher un lac, nommé Pelfo dont il avoit fait écouler les eaux dans le Danube. Maxence, qui fe plaifoit a peupler le ciel de nouvelles divinités, en fit un Dieu , quoiqu'ils euffent été mortels ennemis; & ce ne fut qu'après la mort de Galere qu'il fe reffouvint que ce Prince étoit fon beau-pere, titre qu'il lui donna alors avec celui de Divus fur fes propres monnoies. Je ne dois pas diffimuler que plufieurs Auteurs Payens ont parlé affez avantageufement de Galere-: ils lui donnent de la juftice & mêmetde bonnes mceurs. Mais outre que ce font des abbréviateurs qui n'entrent dans aucun détail, & qu'il faut croire fur leur parole , le zele de ce Prince pour la religion que ces Auteurs profeffoient, peut bien dans leur efprit lui avoir tenu lieu de mérite. Peut-être auffi les Auteurs Chrétiens, par un motif contraire, ont-ils un peu exagéré fes vices. Mais il n'eft pas croya£ v Constantie.Ann. 3ito LXU. Différence de fentiment au fujet de Galere. Eutrope. Aurd.ViU. Viel. EpU.  CONS TANTIN. Ann, 311. Lxra. Confuiats de cette année. LaH.c. 35. TUL note 28 fur Conftantin, LX2V. Partage de Maximin , & de IOÖ HlSTOIRE ble que des hommes célebres, tels que Latlance & Eufebe, qui écrivoient fous les yeux des contemporains de Galere , & qui développent toute fa conduite , ayent voulu s'expofer a être démentis par tant de témoins fur des faits récents & publiés. Or k juger de ce Prince, non pas par les qualités qu'ils lui donnent, mais par les a&ions qu'ils en racontent, parmi une foule de vices on ne lui trouve guere d'autre vertu que la valeur guerriere. II étoit, quand ilmourut, Conful pour la huitieme fois. Les faftes font fort peu d'accord fur les confuiats de cette année : les uns donnent pour collegue a Galere, Maximin pour la feconde fois; d'autres Licinius; Sc il eft conftant que celui-ci avoit été Conful avant 1'année fuivante : quelques-uns nomment Galere feul Conful. Maxence laiffa Rome & 1'Italie fans Confuls jufqu'au mois de Septembre, qu'il nomma Rufin & Eufebe Volufien. A la première nouvelle de la mort de Galere, Maximin, qui avoit pris d'ayance fes mefures, accourt en di-  du Bas-Empirb. Liv. I. 107 ligence pour prévenir Licinius, & fe faifir de 1'Afie jufqu'a la Propontide & au détroit de Chalcédoine. II fignale fon arrivée en Bithynie par le foulagement des peuples, en faifant ceffer toutes les rigueurs des exa&ions. Cette générofité politique lui gagna tous les cceurs, & lui fit bientöt trouver plus de foldats qu'il n'en voulut, Licinius approche de fon cöté; déja les armées bordoient les deux rivages; mais au-lieu d'en venir aus mains , les Empereurs s'abouchenl dans le détroit même, fe jurent une amitié fincere, & conviennent par ur traité que toute 1'Afie reftera h Maximin, & que le détroit fervira d( borne aux deux Empires. Après une conclufion fi favorable il ne tenoit qu'a Maximin de vivn heureux&tranquille. Ce Prince, fort ainfi que Galere & Licinius des fo rêts de 1'Illyrie, n'avoit pourtant pa 1'efprit auffi groffier. II aimoit les let tres, il honoroit les Savants & le Philofophes : peut-être ne lui avoil il manqué qu'une bonne éducatio & de meilleurs modeles, pour adoi cir 1'humeur barbare qu'il tiroit c E vj Constantie.Ann. 311^ Licinius. LaB.e. 36. t , LXV. . Débau■ ches tous les inftruments de mufique honoroient fon arrivée. Le Sénat de la ville fe profterna a fes pieds a la porte du palais dans un profond filence : 1'Empereur, verfant des larmes de pitié & de tendreffe, tendit la main aux Sénateurs, les releva, prévintleur demande; leur remit le tribut de cinq années qu'ils devoientau tréfor; fur les vingt-cinq mille taillables du territoire d'Autun , il fit grace pour 1'avenir de fept mille capitaux. Cette faveur fit renaitre 1'efpoir & 1'induftrie : Autun fe repeupla, les terres furent mifes en valeur; la ville, regardant Conftantin comme fon pere & fon fondateur, prit le nom de Flavia ; & le Prince retourna a Treves, triomphant dans le cceur des peuples, &c plus glorieux d'avoir rendu la vie a vingt - cinq mille families , que s'il eüt terraffé la plus nombreufe armee. II trouva k Treves un grand nombre d'habitants de prefque toutes les  du Das-Empire. Liv. I. 133 autres villes de fes Etats, qui venoient honorer la célébration de fa cinquieme année, & lui demander des graces, foit pour leur pays, foit pour leurs propres perfonnes. II renvoya fatisfaits ceux mêmes k qui il ne pouvoit accorder leurs demandes. Ce fut en préfence du Prince & au milieu de cette nombreufe affemblée, qu'Eumene, établi par Conftance Chlore, chef des études d'Autun, avec une penfion de plus de foixante mille livres , prononca un difcours de remerciment que nous avons encore , pour les bienfaits dont PEmpereur avoit comblé fa patrie. Tout fe difpofoit k la guerre. Conftantin balancoit encore; il craignoit qu'elle ne fut pas affez jufte. Auprès des autres Souverains, la juftice n'étoit qu'une couleur , qu'ils comptoient bien que la viftoire ne manqueroit pas de donner a leurs entreprifes : pour Conftantin, c'étoit un motif fans lequel il ne fe croyoit en droit de rien entreprendre. Malgré la compaffion qu'il avoit de la ville de Rome, malgré les cris de ceux qui Pappelloient, il doutoit, avec rai- CONSTANTiy. Ann. 311. Eumen. '/at. act. e. I. & pro ■efl. fchoL M1 & 14, LXXXtX Outrages xü'il re;oit de Maxence." Na^ar. Paleg, c. 9 S- fejq. Lacl. ir.43;  Coxs- TAti TIN. Ann. 311. XC. Ils s'appuyenttous deux par des alliances.La3. c. 43 & 44. Euf. Hifi. I 8. c. 14. Incerti Paneg, c. i. Zof l. 3. 134 H I S T 0 I K E fon, qu'il lui fut permis de détröner un Prince qui n'étoit pas fon vaffal., quoiqu'il abufat de fon pouvoir. II prit donc les voies de douceur : il envoya propofer a Maxence une entrevue. Celui-ci, loin de 1'accepter, entra dans une efpeee de fureur; il fit abattre ce qu'il y avoit a Rome de ftatues de Conftantin, & les fit trainer dans Ia boue : c'étoit une déclaration de guerre ; & Maxence, en effet , publia qu'il alloit venger la mort de fon pere. Licinius pouvoit traverfer Conftantin , & jetter des troupes en Italië par 1'Iftrie & par le Norique, qui confinoient avec fes Etats. Conftantin réuffit a fe 1'attacher en lui promettant fa fcenr Conftantia en mariage. Maximin prit ombrage de cette promeffe ; il crut que cette alliance fe formoit contre lui : & pour la balancer, il s'appuya de celle de Maxence , a qui il envoya demander fon amitié , mais fecretement; car il vouJoit conferver avec Conftantin les dehors d'une bonne imelligence. Ses offres furent acceptées avec la même j'oie qu'un fecours envoyé du Ciel:  nu Bas-Empire. Liv. I. 135 Maxence lui fit dreffer des ftatues a cöté des fiennes. Cependant Conftantin ne fut inftruit de cette intrigue & de la perfidie de Maximin, que par la vue même de ces ftatues, quand il fut maitre de Rome. Au refte, ces deux alliances ne produifirent d'autre effet que la neutralité des deux Princes, qui ne prirent aucune part a cette guerre. Jamais 1'Occident n'avoit mis fur pied de fi nombreufes armées. Maxence affêmbla cent foixante & dix mille hommes d'infanterie , & dixhuit mille chevaux. C'étoient des foldats qui avoient autrefois fervi fon pere; Maxence les avoit enlevés a Sévere , & il y avoit joint de nouvelles levées. Les troupes de Rome & d'Italie faifoient quatre-vingts mille hommes ; Carthage en avoit fourni quarante mille : tous les habitants des cötes maritimes de la Tofcane s'étoient enrölés, & formoient a pari un corps confidérable : le refte étoil des Siciliens & des Maures. II employa une partie de ces troupes a garnir les places qui pouvoient défendre 1'entrée de ntalie, & tint la Constanten.Ann. 311. XCI. Préparatifsde Ma» xence. Lacl. c. 44. Zof.  1^6 H/STOIRB Constantie.Ann. 3ti. XCII. forces de Conftantin. Incert. Vaneg. c. 2 , 3 t J, 25. Zof.i, 2. 1 1 ] i 1 1 1 < Ü XCIII. Inquiétudes de ce ' Prince, campagne par les Généraux avec cent mille hommes. II avoit des chefs expérimentés, de 1'argent & des vivres : Rome en avoit été pourvue pour long-temps , aux dépens de 1'Afrique & des ifles, dont on avoit enlevé tous les bleds. Sa principale confiance étoit dans les foldats Prétoriens, qui, 1'ayant élevé a 1'Empire , s'étoient prêtés a toutes fes violences, & ne pouvoient efpérer de grace que d'un Prince dont ils avoient partagé tous les crimes. Conftantin avoit une armée de quatre-vingt-dix mille hommes de pied & de huit mille ehevaux. Elle étoit compofée de Germains, de Bre:ons & de Gaulois. Mais la néceffité 511 il étoit de border le Rhin de follats pour la füreté de la Gaule, ne ui laiffa que vingt-cinq mille homnes a conduire au-dela des Alpes* Jn mot qui ne fe trouve que dans m panégyrifte , fuppofe qu'il avoit ine Hotte avec laquelle il s'empara le plufieurs ports en Italië. Mais on ie fait fur ce point aucun détail. C'étoit peu de troupes contre des brces auffi grandes que celles de Ma-  nu Bas-Empire. Liv. I. 137 xence : mais au nombre mppléoient une bravoure éprouvée, & la capacité de leur chef, qui ne les avoit jamais ramenées du combat qu'avec la vicfoire. II y eut pourtant d'abord quelques murmures dans 1'armée ; les Officiers mêmes fembloient intimidés , & blamoient fourdement une entreprife qui paroiffoit téméraire ; les Arufpices ne promettoient rien d'heureux; & Conftantin , qui n'étoit pas encore affranchi des fuperftitions, redoutoit non pas les armes de fon ennemi, mais les maléfices &C les fecrets magiques qu'il mettoit en oeuvre. 1 II crut devoir y oppofer de fon cöté un fecours plus puiffant ; & 1'enfer étant déclaré pour Maxence, I il chercha dans le ciel un appui fu- j, périeur a toutes les forces des hommes & des démons. II fit réflexion l' qu'entre les Empereurs précédents, -ceux qui avoient mis leur confiance dans la multitude des Dieux , & qui, avec le tribut de tant de vicfimes & d'offrandes, leur avoient encore facrifié tant de Chrétiens, n'en avoient rec^i d'autre récompenfe, que des C ONSTANTIN. Ann. 311. Incert. Paneg, ibid. Euf. Vit. 1.1. c. 37. Hifi. Mifc. I. 11. XCIV. Réflexions qui le portent au Chriftianifme. Euf. Vit. I. I. c, 17.  CONSTANT1N. Ann. yiJ. XCV. Apparition de la Croix. Euf. Vit. I. i. c. 28. Socrat. I, I. e. 1. 133 H I S T O 1 R E oracles trompeurs & une mort funefte; qu'ils avoient difparu de deflus la terre, fans laiffer de poftérité ni aucune tracé de leur paffage ; que Sévere & Galere, foutenus de tant de foldats & de tant de Dieux , avoient terminé leur entreprife contre Maxence, Punpar une mort cruelle, 1'autre par une fuite honteufe; que fon pere feul , favorable aux Ghrétiens, & plus zélé pour la confervation de fes fujets, que pour le culte de ces Dieux meurtriers, avoit couronné par une fin heureufe une vie tranquille 8c pleine de gloiret Occupé de ces penfées, qui ne lui donnoient que du mépris pour fes divinités , il invoquoit ce Dieu unique, que les Chrétiens adoroient, qu'il ne connoiffoit pas ; il le prioit avec ardeur de 1'éclairer de fa lumiere , & de 1'aider de fon fecours. Un jour que, pénétré de ces fentiments, il marchoit a la tête de fes troupes, un peu après 1'heure de midi, par un temps calme 6c ferein, comme il levoit fouvent les yeux vers le ciel, il appercut au-deflüs du  du Bas-Empire. Liv. I. 130 foleil du cöté de 1'Orient, une croix éclatante, autour de laquelle étoient tracés en caraftere de Iumiere ces trois mots latins : In hoe vince : Valnque{ par ceci. Ce prodige frappa les yeux 6c les efprits de toute 1'armée. L'Empereur n'étoit pas encore forti de fon étonnement, lorfque la nuit étant venue il vit en fonge le fils de Dieu, qui tenoit en main ce figne dont il venoit de voir la figure dans le ciel, & qui lui ordonna d'en faire faire un femblable , 5c de s'en fervir comme d'une enfeigne dans les batailles. Le Prince k fon réveil affemble fes amis, leur raconte ce qu'il vient de voir 5c d'entendre , mande des ouvriers, leur dépeint la forme de ce figne célefte , 8c leur commande d'en faire un pareil d'or 6c de pierreries. Eufebe, qui attefte 1'avoir vu plufieurs fois, le décrit ainfi : C'étoit une longue piqué revêtue d'or, ayant une traverfe en forme de croix : au haut de la piqué s'élevoit une couronne d'or enrichie de pierreries, qui enfermoit le monogramme de Chrift % , que 1'Empereur voulul CONSTANTIN. Ann. 311. Philoft. I. 1. c 6. Politia 55. Men. & Alex. apud Phot. art. 156. Hifi. Mifi. I. 11. Theoph, p. II. Chr. Alex. p. 280. Cedren. t. 1. p. 270. Zonar. r. U. p. 2. XCVI. Conftaatin fait faire le Labarum. Euf. Vit. L 1. c. 30 & 31.  Constantie.Ann. 311. XCVII. Culte de cette enfeigne. /. 1. c. 4. Du Canre Ghff. Soc. I. I. C. I. Thcopk. p, 11. I40 NiSTOIRE aufli , dans la fuite, porter gr avé fur fon cafque. De la traverfe pendoit une piece d'étoffe de pourpre, quarrée , couverte d'une broderie d'or & de pierres précieufes, dont l'éclat éblouiffoit les regards. Au-deffous de la couronne, mais au-deffus du drapeau étoit le bufte de 1'Empereur Sc de fes enfants repréfentés en or; foit que ces images fuffent placées fur la traverfe de la croix, foit qu'elles fuffent brodées fur la partie fupérieure du drapeau même ; car Pexpreflïon d'Eufebe ne donne pas une idéé nette de cette pofition. II femble même, a l'infpeftion de plufieurs médailles , que ces images étoient quelquefois dans des médaillons le long du bois de la piqué , que le monogramme de Chrift étoit brodé fur le drapeau. Ce fut dans Ia fuite le principal étendard de 1'armée de Conftantin & de fes fucceffeurs. On 1'appella Labarum ou Laborum. Le nom étoit nouveau ; mais, felon quelquesAuteurs, la forme en étoit ancienne. Les Romains 1'avoient empruntée des Barbares , & c'étoit la première enfei-  du Bas-Empire. Liv. I. 141 gne des armées; elle marchoit toujours devant les Empereurs ; les images des Dieux y étoient repréfentées, & les foldats 1'adoroient aufli-bien que leurs aigles. Ce culte ancien, appliqué alors au nom de J. C., accoutuma les foldats a n'adorer que le Dieu de 1'Empereur, & contribua a les détacher peu-a-peu de 1'idolatrie. Socrate, Théophane & Cedrene atteftent que ce premier Labarum fe voyoit encore de leur temps dans le palais de Conftantinople : le dernier de ces Auteurs vivoit dans le onzieme fiecle. Conftantin fit faire plufieurs étendards fur le même modele, pour être portés k la tête de toutes fes armées. II s'en fervoit comme d'une reffource affurée dans tous les endroits oü il voyoit plier fes troupes. II fembloit qu'il en fortït une vertu divine, qui infpiroit la confiance k fes foldats, & la terreur aux ennemis. L'Empereur choifit entre fes gardes cinquante des plus braves, des plus vigoureux & des plus attachés au Chriftianifme , pour garder ce précieux gage de la vi&oire. Chacun CONSTANTIN. Ann. 311. Cedren, t. 1. p. z-o. xevni. Protection divine attachée au Labarum. Euf. Vit. I. 2. c. 7, 8, 9Cod. Th. I. 6. t. 25. de prxp. Lab. & ibi Godcfr.  Constantie.Ann. 311. XCIX. Sur le lieu oü parut ce prodi- Niceph, I42 UlSTOIRE d'eux le portoit tour-a-tour. Eufebe rapporte d'après Conftantin même, un fait qui feroit incroyable fans un auffi bon garant. Au milieu d'une bataille , celui qui portoit le Labarum ayant pris 1'épouvante, le remit entre les mains d'un autre, & s'enfuit. A peine Peut-il quitté, qu'il fut percé d'un trait mortel, qui lui ota fur le champ la vie. Les ennemis s'efforcani de concert d'abattre cette redoutaöle enfeigne , celui qui en étoit chargé, fe vit bientöt le but d'une grêle de javelots : pas un ne porta fur lui; tous s'enfoncerent dans le bois de la piqué : c'étoit une défenfe plus füre que le bouclier le plus impénétrable; & jamais celui qui faifoit cette foncfion dans les armées, ne recut aucune atteinte. Théodofe le jeune , par une loi de 1'an 416, donne a ceux qui font prépofés a la garde du Labarum, des titres honorables & de grands privileges. On ne fait rien de certain fur le lieu oü étoit Conftantin , quand il vit cette croix miraculeufe. Quelques-uns prétendent qu'il étoit déja aux portes de Rome : mais, felon  du Bas-Empirk. Liv. I. 143 1'opinion la plus vraifemblable & la plus fuivie , il n'avoit pas encore paffe les Alpes : c'eft ce qui femble réfulter du récit d'Eufebe, de Socrate & de Sozomene, qui font ici les trois Auteurs originaux. Divers endroits de la Gaule fe difputent 1'honneur d'avoir vu ce prodige : les uns difent qu'il parut a Numagen fur la droite de la Mofelle, a trois mille au-deffous de Treves; d'autres a Sintzie , au confluent du Rhin & de 1'Aar; quelques-uns entre Autun &St. Jean de Löne. Selon la tradition de 1'Eglife de Befancon, ce fut fur la rive du Danube , lorfque Conftantin faifoit Ia guerre aux Barbares, qui vouIoient paffer ce fleuve : d'oü un Savant moderne conjefture que ce fut entre le Rhin & le Danube prés de Brifach, & que ces Barbares étoient alliés de Maxence. II croit que Conftantin attendit .en Franche-Comté la faifon de paffer les Alpes, &que ce fut alors qu'il fit percer le rocher Pierre-Pertuis , Petra pertufa , a une journée de Bale. Ce pertuis eft long de quarante-fix pieds, & large de feize ou dix-fept. Sur le roe eft gra- CONSTANTIN. Ann. 311. Call. I. 7. c. 29* Acla Arte mii apud Mecaphr. Balnet in La3. p. 337. Buf.l. tï Vit. c. 37. Soc. I. 1, c. 5. 5oj. /. x. e. 5. Buch. in belg. h 8. e. 6. Gelenius in Coton. magnit. 1.1. fynt. 4. Morin de la déïtvr. de 1'Eglife, part. 2. c 12. Chifflet, de converf. Conftant. e. 6.  Constanten.Ann. 311. C. Difcuffion fur la vérité de ce miracle. Act. Conc. lik. Gelafii Cy ^ic. L-X.c. 4- Oifel. Thef. numif. antiq p. 463- Tottius apud Bau dri in LaB f. 735- 144 H I S T O I II E vée une infcription (*), qui marqué que ce chemin eft 1'ouvrage d'un Empereur : c'étoit pour donner un paffage des Gaules en Germanie. - Nous avons rapporté ce miracle d'après Eufebe, qui attefte qu'il le tient de la bouche même de Conftantin , & que ce Prince lui en avoit confirmé la vérité par fon ferment. Mais il faut avouer qu'entre les Auteurs anciens, quelques-uns ne parient pas de cette apparition de la Croix, d'autres ne la racontent que comme un fonge : ce qui a donné lieu aux Infideles dès le cinquieme fiecle, de décréditer ceprodige, comme nous l'apprenons de Gélafe de Cyzique; & a quelquesEcrivains modernes de le rejetter comme un pieux ftratagême de Conftantin. La vérité de la Religion Chrétienne ne dépend pas de celle de ce miracle; elle pofe fur des principes inébranlables : c'eft un édifice élevé jufqu'au ciel, établi dans le même temps, & par la même (*) Numinis Augufti via dufta per ardua montis Fecit iter, petram fcindens in margine fontis.  nv Ras-Empire. Liv. J. 145 même main que les fondements de la terre, qu'il doit furpaffer en durée *, ce miracle n'en eft tout au plus qu'un ornement, qui pourroit tornber, fans lui rien öterdefa folidité. Je me crois donc , comme Hiftorien, en droit de rapporter en peu de mots, fans préjugé ni décifion, ce qu'on a dit pour détruire ou pour autorifer la réalité de eet événement. Ceux qui le combattent , s'appuyent fur 1'incertitude du lieu oii il s'eft paffé; ce qui leur femble affoiblir 1'authenticité du fait en lui-même ; fur la narration de Laófance & de Sozomene, qui ne parient de cette apparition de la Croix que comme d'un fonge de Conftantin, fur le iilence des Panégyriftes, de Porphyrius Optatianus, Poëte contemporain de Conftantin , d'Eufebe même qui n'en dit rien dans fon Hiftoire eccléfiaftique, & de St. Grégoire de Nazianze, qui, racontant un miracle pareil arrivé du temps de Julien , ne dit pas un mot de celui-ci, qu'il auroit dü naturellement citer, s'il y eüt donné quelque croyance. Le ferment même de Conftantin leur rend la Tornt I, G Constantie.Ann. 311, er. Raifons pour le eombat» tre. LaH c. 44. So[. I. 1. c. 3. Columbus in LaH p. 388. Greg. Nar. invect. la. in Jul-, 1.1. p 112. Gothof. in PhUoft. diff ad l. 1.1. 6.  CONS- TANTIK. Ann. ju. cn. Raitons pour 1'appuyer.Jncerti Paneg, c. X. Naiar. Pa neg. c. 14. I46 II I S T 0 I R E chofe plus fufpecre : qu'éroit-il befoin de jurer pour prouver un fait, dont il devoit y avoir tant de témoins? Les autres répondent , qu'il y a dans 1'hiftoire une infinité de faits , dont la vérité n'eft pas moins conftatée, quoiqu'on ne fache ni le lieu, ni quelquefois le temps même oü ils font arrivés : que Laftance n'écrivant pas une hiftoire , ne détruit rien par fon filence , & qu'il ne parle que de 1'ordre que Conftantin recut en fonge la veille du combat contre Maxence, de faire graver fur les boucliers de fon armée le monogramme de Chrift; paree qu'ayant pour objet la mort des perfécuteurs, il omet tout ce qui étoit arrivé depuis le commencement de la guerre jufqu'a la mort du tyran: que le récit de Sozomene, qui vivoit au cinquieme fiecle, & qui a été copié par beaucoup d'autres , prouve feulement que ce miracle étoit contredit dès-lors ; & que fon témoignage ne dok être compté pour rien, puifqu'après avoir raconté la chofe comme un fonge , il rapporte enfuite le récit d'Eufebe avec fa preuve, c'eft-a-dire , avec le ferment de  nu Bas-Empire. Li'v. L 147 Conftantin, fans donner aucune marqué de déflance : que les Panégyriftes étant idolatres, n'avoient garde de relever cette apparition de la Croix, qui faifoit horreur aux Payens comme le figne le plus malheureux : qu'on trouve cependant dans leurs difcours même de quoi appuyer la vérité de cette Hiftoire : que c'eft-la fans doute ce mauvais préfage, dont ils parient, qui effraya les Arufpices & les foldats : que c'eft ce même phénomene, qui, déguifé fous des idéés plus favorables & plus afforties a la fuperftition payenne, donna, comme ils le difent, occafion au bruit qui courut par toute la Gaule, qu'on avoit vu en 1'air des armées éclatantes de lumiere, & qu'on avoit entendu ces mots : Nous allons au fecours de Conftantin. Quant au filence d'Optatianus, d'Eufebe dans fon Hiftoire eccléfiaftique, & de Saint Grégoire, le premier étoit Payen , felon toute apparence, & d'ailleurs fes acroftichei bifarres ne méritent aucune confidération ; Eufebe, dans fon Hiftoire , n'a fait que parcourir fuccinöement toute cette guerre ; il en a réfervé Gij Constantie.Ann, 311.  Constanten.Ann, 311 14*5 HlSTOlUB le détail pour la vie de Conftantin; Saint Grégoire , dans 1'endroit dont il s'agit, ne parlant que des prodiges qui empêcherent les Juifs de rebatir le temple de Jérufalem , n'avoit pas befoin de s'écarter de fon fujet pour citer des exemples femblables ; & jamais a-t-on douté d'un fait hiftorique, paree qu'il n'eft pas rappellé par les Auteurs toutes les fois qu'ils racontent d'autres faits qui y font conformes ? Pour ce qui eft du ferment de Conftantin, il eft étrange , difentils , que ce qu'on regarde comme une preuve de vérité dans la bouche du commun des hommes, foit converti en preuve de menfonge dans celle d'un fi grand Prince : eft il donc étonnant que 1'Empereur s'entretenant en particulier avec Eufebe d'un fait fi extraordinaire, que celui-ci n'avoit pas vu , quoique tant d'autres en euffent été témoins , ait voulu déterminer fa croyance par un ferment ? Après tout, ou les adverfaires accufent Conftantin d'un parjure; ce qui eft un attentat a la mémoire d'un fi grand Prince : ou ils imputent a Eufebe d'avoir outragé la majefté lm»-  du Bas-Empire. Liv. I. 149 péfiale par une impofïure criminelle, qui , démentie par un feul de tant de témoins oculaires, lui auroit attiré Pindignation de tout 1'Empire, & la jufle colere des fils de Conftantin fous les yeux defquels il écrivoit. Sur ces raifons & d'autres femblables , ceux qui défendent la réalité de ce miracle, s'en tiennent a 1'autorité d'Eufebe , dont la fidélité dans le récit des faits, du moins de ceux qui n'intéreffent point l'Arianifme, n'a jamais été conteftée. Conftantin, réfolu de ne plus reconnoitre d'axitre Dieu que celui qui le favorifoit d'une proteéfion fi éclatante , s'empreffa de s'inflruire. II s'adreffa aux Miniflres les plus faints & les plus éclairés. Eufebe ne les nomme pas: ils lui dévelöpperent les vérités du Chriftianifme ; & fans chercher a ménager la délicateffe du Prince, ils commencerent, comme avoient fait les Apötres, par les myfteres les plus capables de révolter la raifon humaine, tels que la divinité de JefusChrift, fon inearnation , & ce que Saint Paul appelle, par rapport aux Gentils, la folie de la Croix. Le PrinG ii; Constantie.Ann. 311, CUt. Conftantin fe fait inflruire. Euf. Vit. !. 1. c. 31. Codin. Orig. de C. P. p. 10,  Constanten.Ann. 31 x. CIV. Converfion de fa familie. Euf. Vit. I. 3. c 47 c* 52. i 4- 38. So\. 1.1. c. 5. Baron. an. 324. §.13. Vorb. t. IL p. 136. S. Paulin Epifi. ai Sever. II. CV. Fable de 150 Histoixz ce, touché de la grace, les écouta avec docilité : il concut dès-lors pour les Miniftres évangéliques un refpecf qu'il conferva toute fa vie : il commenca même a fe nourrir de la lecture des Livres faints. Les Grecs modernes font 1'honneur a Euphrate , Chambellan de 1'Empereur, d'avoir beaucotip contribué a fa converfion: 1'antiquité ne dit rien de eet Euphrate. L'exemple de Conftantin attira toute fa familie. Hélene fa mere , fa fceur Conftantia, promife a Licinius, Eutropie, fa belle-mere, & veuve de Maximien, Crifpe, fon fils, alors agé de douze ou treize ans, renoncerent au culte des idoles. On n'a point de preuve certaine de la converfion de fa femme Faufta. Quelques Auteurs fuppofent qu'Hélene étoit déja Chrétienne, ce qui peut être vrai. Mais pour ceux qui prétendent qu'elle avoit élevé fon fils dans la foi, & que Conftantin , Chrétien dés fon enfance, ne fit que manifefter fa Religion après le miracle de 1'apparition célefte, ils font démentis par des faits que nous avons déja rapportés. Zofime, ennemi mortel du Chrif-  nu Bas-Empire. Liv. I. 151 tianifme , 8c par cette raifon de Conftantin même, a voulu jetter du ridicule fur la converfion de ce Prince. II raconte que 1'Empereur ayant fait cruellement mourir fa femme Faufta ik Crifpe fon fils , tourmenté par fes remords, s'adreffa d'abord aux Prêtres de fes Dieux, pour obtenir d'eux 1'expiation de ces crimes : que ceuxci lui ayant répondu qu'ils n'en connoiffoient point pour des forfaits fi atroces , on lui préfenta un Egyptien venu d'Efpagne , qui fe trouva pour lors a Rome, 8c qui s'étoit infinué auprès des femmes de la Cour; que eet impofteur lui affura que la ReliI gion des Chrétiens avoit des fecrets pour laver tous les crimes quels qu'ils fuffent, 8c que le plus grand fcélérat, dés qu'il en faifoit profeffion, étoit auffi-töt purifié: que 1'Empereur faifit avidement cette dodfrine, 8c qu'ayant renoncé aux Dieux de fes peres , il devint la dupe du charlatan Egyptien. Sozomene, plus fenfé que Zofime, dont il étoit prefque contemporain , réfute folidement cette fable 8c quelques autres menfonges 4511e les Payens débitoient par un aveuG iv Constantie.A,nn. 311. Zofime ré futée. Zo/. I. 2. So-i. I. 1. r. 5.  COKSTANTIN, Ann, 311 l$i HlSTOIRE, t¥c. gle défefpoir. Faufta & Crifpe ne moururent que la vingtieme année du ré, gne de Conflantin; & d'ailleurs les Prêtres payens fe feroient bien gardés d'avouer que leur Religion ne leur fourniffoit aucun moyen d'expier les crimes, eux qui enfeignoient que plufieurs de leurs anciens héros, après les plus horribles meurtres , avoient été purifiés par de prétendues expiations»  SOMMAIRE d v L I V R E S E C O N D. I. Tr iomp he de la Rellgion Chrétienne. II. Prife de Su{e. III. Bataille de Turin. IV. Suites de la vicloire. V. Sie«e de Vêrom. VI. Bataille de Vérone. VII. Prife de Vèrone. VIII. Conftantin devant Rome.- IX. Maxence fe tient enferme' dans Rome. X. Pont de bateaux. XI. Songe de Conflantin. XII. Sentiment de Laclance. XIII. Bataille contre Maxence. XIV. Fuite de Maxence. XV. Suites de la vicloire. XVI. Entree de Conftantin dans Rome, XVII. Fétes t réjouij/ances, honneurs rendus d Conftantin. XVIII. Dijpofition de Maximin. XIX. Précautions de Conftantin. XX. Conduite fage & modérèe aprïs la vicloire. XXI. Loix contre les délateurs. XXII. 11 répare les maux qu'avoit fait Maxence. XXIII. Liberalitls de Conftantin. XXIV, Embtlliffements & réparaüons G v 153  1^4 Sommairë des villes. xxv. Etabliffement des Indictions. xxvi. Raifons de eet établiffement. xxvii. Conduite de Conflantin par rapport au Chriftianifme. xxviii. Progrès du Chriftianifme, xxix. Honneurs que Conjlantin rend d la Religion. xxx. Eglifes bdties & ornées. xxxi. Conflantin arrête la perfécution de Maximin. xxxii. Confuiats de cette année. xxxiii. Mariage de Licinius. xxxiv. Mort de Dioclétien. xxxv. Edit de Milan. xxxvi. Guerre contre les Francs. xxxvii. Conflantin comble de bienfaits tEglife £Afrique. xxxviii. Exempiion des fonclions municipales accordée aux Clercs. xxxix. Abus occafionnés par ces exemptions, & corrigés par Conftantin. xl. Loix fur le gouvernement civil. xli. Loix pour la perception des tri" buts. xlh. Loix pour £adminiflration de la juf ice. xliii. Maximin commence la guerre contre Licinius. xliv. Licinius vient a fa rencontre. xlv. Bataille tntre Licinius & Maximin. xlvi. Licinius d Nicomédie. xivii. Mort de Maximin. xlvih. Suites de cette mort. xlix. Aventures de Valérie, de P rif ca & de Candidien. l. Valérie fuit Licinius, & eflperfêcutéepar Maximin. li, Supplice  DU L I V R E IIe. 155 de trois Dames innocentes. LH. Dioclétien redemande Valérie. LUI. Mort de Candidien , de Prifca & de Valérie. LIV. Jeux féculaires. LV. Paix univerfelle de 1'Eglife. LVI. Origine du fchijme des Donatijles. LVII. Conciliabule de Carthage ou Cécilien eft condamné. LVIII. Ordination de Majorin. LIX. Conjlantin prend connoiffance de cette querelle* LX. Concile de Rome. LXI. Suites de c& Concile. LXH. Plaintes des Donatijles. LXHI. Convocation du Concile d? Arles. LXiv. Concile d'Arles. LXV. Les Donatijles appellent du Concile d 1'Empereur. G vj   HISTOIRE D If BA SE MP IR E. L I V R E S E C O N CONSTANTIN PREMIER, dit le Grand, Depuis prés de trois fiecles, fa Religion Chrétienne, toujours prêchée & toujours profcrite , croiffant au milieu des fuppliees, & tirant de nouvelles forces de fes propres pertes, ayoit paffé par toutes les épreu- CONSTANTiy, Ann. Ilii i. Triomphe de la Religion  Constanten.Ann. 312. Chrétien- II. Prife de Suze. Idact, LibM. fref, urb. 158 HlSTOIRE ves qui pouvoient en confrater la dlvinité. Elle setoit afFermie par les moyens les plus fürs que les hommes puiflent employer pour détruire ce qui n'eft que leur ouvrage : & fon établiffement étoit un prodige, dont Dieu avoit prolongé la durée, afin de Ie rendre vifible aux fiecles a venir les plus éloignés. Quand le Chriftianifme n'eut plus befoin de perfécutions pour prouver fa célefte origine , les perfécuteurs devinrent Chrétiens, les Princes fe foumirent au joug de 1'Evangile; & 1'on peut dire que le miracle de la converfion de Conftantin fit ceffer fur la terre un plus grand miracle, Nous allons voir la Croix placée fur la tête des Empereurs , & révérée de tout 1'Empire; 1'Eglife appellant a haute voix & fans crainte tous les peuples de la terre; le Paganifme détruit fans être perfécuté. Ces grands changements furent les fruits de la vicloire de Conftantin. Au commencement de Fan 312, Maxence setoit déclaré Conful pour la quatrieme fois fans collegue. Conftantin , ayant pris pour la feconde  i)u Bas-Empire. Liv. II. 159 fois Ie même titre avec Licinius, paffa promptement les Alpes, & parut devant Suze, lorfqu'on le croyoit encore fort éloigné. Cette place ouvroit 1'entrée de 1'Italie. Située au pied de ces hautes montagnes, elle étoit forte d'affiette , défendue par de bonnes murailles, par des habitants guerriers, & par une nombreufe garnifon. Le Prince, pour n'être pas arrêté dès le premier pas, offrit la paix aux habitants. Ils la refuferent & s'en repentirent le jour même. Conftantin fait mettre le feu aux portes, & planter les échelles contre les murs. Tandis qu'une partie de fes foldats lance une grêle de pierres & de traits fur ceux qui bordoient la muraille , les autres montent k 1'efcalade, & abattent k coups de piqués & d'épées tous ceux qui ofent les attendre. En un moment, la ville eft prife; & le vainqueur, k ce premier exemple de valeur, capable d'effrayer 1'Italie, en voulut joindre un de clémence propre k la charmer. II fit grace aux habitants. Mais le feu plus opiniatre que fa colere, s'étoit déja répandu bien loin; tout ce que 1'épée épar- CONS TANTiy. Ann. 312. epud Duch. in Cyd. p. 23S. Norit, dc Num, Diod. c, Incert.Pan, c. 5. Narar. Paneg. c. 17 & 21.  Constanten.Aan. 312. Hl. Bataille de Turin. Incert. Paneg. c. 6 & 7- Narar. Pan. c. 22, 23,14. x6o H I S T 0 I R £ gnoit, alloit être la proie des flammes. Conftantin, allarmé pour desennemis dont eet inftant lui faifoit des fujets, fait travailler tous fes foldats, & travaille lui-même a éteindre 1'incendie. Sa bonté paroit encore plus aftive que fa bravoure; & les habitants de Suze, doublement fauvés en même-temps que vaincus, pleins d'admiration & de reconnoiffance , lui donnent leur cceur, & achevent la conquête. II marche vers Turin. Dans la plaine de cette ville fe préfente un grand corps de troupes, dont la cavalerie toute couverte de fer, hommes &c chevaux, fembloitinvulnérable. Cette vue, loin d'intimider le Prince & les foldats, les anime en leur montrant un péril digne de leur courage. La bataille des ennemis étoit triangulaire. La cavalerie formoit la pointe : les deux ailes compofées d'infanterie, fe replioient en-arriere, & fe prolongeoient a une grande profondeur. Les Cavaliers devoient donner tête baiffée dans le eentre de Parmée ennemie, la percer toute entiere, & tournant bride enfuite marcher fur  nu Bas-Empire. Liv. IL i£i le ventre a tout ce qu'ils rencontreroient. En même-temps, les deux ai les d'infanterle devoient fe déployer & envelopper Farmé* de Conftantin,, déja rompue par la cavalerie. Le Prince qui avoit le coup d'ceil militaire, comprit le deffein des ennemis a Pordre de leur bataille. II place des corps a droite & a gauche pour faire face a Finfanterie & arrêter fes mouvements. Pour lui, il fe met au eentre en tête de cette redoutable cavalerie. Quand il la voit fur le point de heurter le front de fon armee,, au lieu de lui réfifter, il ordonne k fes troupes de s'ouvrir : c'étoit un torrent qui n'avoit de force qu'en ligne droite : le fer dont elle étoit revêtue ötoit toute foupleffe aux hommes & aux chevaux. Mais dés qu'il la voit engagée entre fes efcadrons, il la fait enfermer & attaquer de toutes parts, non pas a coups de lances & d'épées , on ne pouyoit pereer de tels ennemis; mais k grands coups de maffes d'armes. On les affommoit, on les écrafoit fur la felle de leurs chevaux, on les renverfoit, fans qu'ils puffent ni fe mouvoir poui Constantie.Knn. 312,.  Constanten.Ann. 312, IV Suites de la vi&oire. Incert. Paneg, e. 7. Sigon, 2mp. Occ. F- 51- Hicron. Epifi. ai lnnocentium. Iöi HlSTOIRE fe défendre, ni fe relever quand ils étoient abattus. B entöt ce ne fut plus qu'une horrible confufion d'hommes, de chevaux , d'armes , amoncelés les uns fur les autres. Ceux qui échapperent k ce maffacre voulurent fe fauver k Turin avec l'infanterie : mais ils en trouverent les portes fermées : & Conflantin qui les pourfuivit 1'épée dans les reins , acheva de les tailler en pieces au pied des murailles. Cette viftoire , qui ne coüta point de fang au vainqueur, lui ouvrit les portes de Turin. La plupart des autres places entre le Pö &c les Alpes lui envoyerent des députés pour ï'affurer de leur foumiffion ; toutes s'empreffoient de lui offrir des vivres. Sigonius, fur un paffage de Sr. Jeröme, conjedf ure que Verceil fit quelque réfifiance, & que cette ville fut alors prefque détruite. II n'en eft point parlé ailleurs. Conftantin alla k Milan, & fon entrée devint une efpece de triornphe par la joie & les acclamations des habitants, qui ne pouvoient fe laffer de le voir & de lui applaudir comme au libérateur de 1'Italie.  du Bas-Empire. Liv. II. 163 Au fortir de Milan , oü il étoit refté quelques jours pour donner du repos a fes troupes, il prit la route de Vérone. II favoit qu'il y trouveroit raffemblées les plus grandes forces de Maxence, commandées par les meilleurs Capitaines de ce Prince & par fon Préfet du prétoire, Ruricius Pompeianus, le plus brave & le plus habile Général que le Tyran eüt a fon fervice. En paffant auprès de Brefce, Conftantin rencontra un gros corps de cavalerie, qui prit la fuite au premier choc, & alla rejoindre Parmée de Vérone. Ruricius n'ofa tenir la campagne; il f« renferma avec fes troupes dans h ville. Le fiege en étoit difKcile : i falloit paffer 1'Adige , & fe rendn maïtre du cours de ce fleuve qui portoit 1'abondance a Vérone : il étor rapide, plein de goufïres &c de ro chers, & les ennemis en gardoien les bords. Conftantin trompa pour tant leur vigilance ; étant remonti fort au-deffus de la ville, jufqu'a ut endroit oü le trajet étoit praticable il y fit paffer k leur infu une partii de fon armée. A peine le fiege fut Constantie.Ann. 312. V. Siege de Vérone. Incert.Pan. C. 8. & ftq. Na^ar. Pan.c. 26, i t  Constantie.Ann. 312. VI. Bataille de Véro« ne. Incert. Tan. e. 9. lo. Naiar. Tan. c. 26, 164 H I S T O I R 2 il formé, que les affiégés firenf une vigoureufe fortie, & furent repouffés avec tant de carnage, que Ru* ricius fe vit obligé de fortir fecretement de la ville pour aller chercher de nouveaux fecours. II revint bientöt avec une plus groffe armee, réfolu de faire lever le fiege, ou de périr. L'Empereur, pour ne pas donner aux afliégés la liberté de s'écbapper, ou même del'attaquer en queue pendant le combat, laiffe devant la ville une partie de fes troupes , & marche avec 1'autre a Ia rencontre de Ruricius. II range d'abord fon armee fur deux lignes; mais ayant obfervé que celle des ennemis étoit plus nombreufe, il met Ia fienne fur une feule ligne, & fait un grand front, de peur d'être enveloppé. Le combat commen^a fur le déclin du jour, & dura fort avant dans la nuit. Conftantin y fit le devoir de Général & de foldat. II fe jette au plus fort de la mêlée ; & profitant des ténebres pour courir , fans être retenu, oü 1'emportoit fa valeur, il perce, il abat, il terraffe, on ne le reconnoït qu'a la pefanteur de fon bras: le fon  r>u Bas-Empire. Liv. II. 165 des inftruments de guerre , le cri des foldats , le cliquetis des armes, les gémiffements des bleffés, les coups guidés par le hafard , tant d'horreurs augmentées par celle d'une nuit épaiffe, ne troublent point fon courage. L'armée de fecours eft entiérement défaite; Ruricius y perd la vie : Conftantin , hors d'haleine, couvert de fang & de pouffiere, va rejoindre les troupes du fiege, & recoit de fes principaux Officiers, qui s'empreffent avec des larmes de joie de baifer fes mains fanglantes, des reproches d'autant plus flatteurs qu'ils font mieux mérités. Pendant le fiege de Vérone, Aquilée & Modene furent attaquées : elles fe rendirent avec plufieurs autres villes en même-temps que Vérone. L'Empereur accorda la vie aux habitants; mais il les obligea de rendre leurs armes; & pour s'affurer de leurs perfonnes, il les mit fous la garde de fes foldats. Comme ils étoient en plus grand nombre que les vainqueurs, ont crut néceffaire de les enchaïner , & on manquoit de chaines; Conftantin leur en fit faire Constantie.Ann. 311. VII. Prife de Vérone, i'Aquilée 5: de Moiene. Incert. Pan. c. ii S- feq. Va^ar, c, ty,  Constanten.Ann. 312 VIII. Conftantin devant Rome. Lacl. c. 44. Fabric. de/cript. urb. Rom. c. 16, & alïï paffim. IX. Maxence fe tient enfermé dans Rome.Ineen. 166 IJ/STOIRE de leurs propres épées , qui, forgée» pour leur défenfe , devinrent les inftruments de leur fervitude. Après tant d'heureux fuccès, rien n'arrêta fa marche jufqu'a la vue de Rome. II paroit feulement par un mot de Laftance, qu'aux approches de cette ville, il éprouva quelque revers ; mais que fans perdre courage , & déterminé a tout événement, il marcha en-avant, & vint camper visa-vis du Ponte-Mole , nommé alors le Pont Milvius. C'eft un pont de pierre de huit arches fur le Tibre è deux milles au-deffus de Rome dans la voie Flamania, par laquelle venoit Conftantin. II avoit été conftruit en bois dès les premiers fiecles de la République ; il fut rebati en pierres par le Cenfeur Emilius Scaurus, & rétabli par Augufte. II fubfifte encore aujourd'hui , ayant été réparé par le Pape Nicolas V, au milieu du quinzieme fiecle. Tout ce que craignoit Conftantin, c'étoit d'être obligé d'affiéger Rome , bien pourvue de troupes & de toutes fortes de munitions, & de faire reffentir les calamités de la guerre a  du Bas-Empihe. Liv. II. 167 un peuple dont il vouloit fe faire aimer. Maxence, foit par lacheté, foit par une crainte fuperftitieufe, fe tenoit renfermé; on lui avoit prédit qu'il périroit, s'il fortoit hors des portes de la ville : il n'ofoit même quitter fon palais , que pour fe tranfporter aux jardins délicieux de Sallufte. Cependant affe&ant une fauffe confiance, il n'avoit rien retranché de fes débauches ordinaires. Par une précaution frivole , il avoit fupprimé toutes les lettres qui annongoient fes infortunes; il fuppofoit même des vi&oires pour amufer le peuple; & ce fut apparemment dans ce tempsla qu'il fe fit décorer tant de fois du titre ({'Imperator , qui lui eft donné pour la onzieme fois fur un marbre antique : vanité ridicule, qui donne a la poftérité plus exacfement que 1'hiftoire même, le calcul de fes pertes. Quelquefois il proteftoit hautement que tous fes defirs étoient de voir fon rival au pied des murs de Rome, fe flattant fans doute de lui débaucher fon armée, & peu capable de fentir la différence qu'il devoit y avoir entre les troupes de Sé- CONSTANTIIT. Vnn. 312. "an. c. 14 laH. c. 44Ï Noris In nam. Diocl, c.  Constantie.Aon, 312, X. Tont de bateaux. Euf. I. 1. Vit. c. 38. Zof. I. 2. Aurêl.ViH via. Epu. LaS. c. 44. Libanius T. 3. Praxag. epud Phot. A-Ha Metr. & Alcx. apud Phot. Incert. Pan. c. 27. Prud. ad Sjm. I. I. rerf. 448. l'68 HlSTOI'E vere 011 de Galere, & des foldats conduits par Conftantin & par la victoire. II s'en falloit bien qu'il fut auffi tranquiile qu'il affeftoit de le paroitre. Deux jours avant la bataille , effrayé par des préfages & par des fonges, que fa timidité interprétoit d'une maniere funefte , il quitta fon palais, & alla s etablir avec fa femme & fes enfants dans une maifon particuliere. Cependant fon armee fortit de Rome, & fe pofta vis-a-vis de celle de Conftantin, le Ponte-Mole entre deux. Ce dut être alors que Maxence fit jetter un pont de bateaux fur le fleuve, au-deffus de Ponte-Mole, apparemment vers 1'endroit appellé les Roches rouges, a neuf milles de Rome. C'étoit le lieu qu'il avoit choifi pour combattre, foit que le pofte lui parut plus avantageux, foit pour obliger fes troupes a faire de plus grands efforts en leur rendant la retraite plus difficile, foit que fe défiant des Romains, il voulüt livrer la bataille hors de leur vue. Ce pont étoit confiruit de maniere qu'il pouvoit s'ouvrir ou fe rompre en un moment  du IJ-as-Empirz. Lh. II. 169 moment, n'étant lié par le milieu qu'avec des crampons de fer , qu'il étoit aifé de détacher. C'étoit en cas de défaite un moyen de faire périr Parmée vicforieufe dans le temps même de Ia pourfuite. Des ouvriers cachés dans les bateaux devoient ouvrir le pont, dés que Conftantin 8c fes troupes feroient deffus, pour les précipiter dans le fleuve. Quelques moi dernes , fondés fur le récit que Lactance, les Panégyriftes 6c Prudence font de cette bataille, nient 1'exiftence de ce pont; ils prétendent que ce fut du pont Milvius que Maxence dans fa déroute tomba dans le Tibre , foit qu'il 1'eüt lui-même fait rompre avant l'aftion, comme Lactance femble le dire , foit que la foule des fuyards 1'en ait précipité. Mais nous fuivrons ici Eufebe 6c Zofime, qui décrivent en termes précis ce pont de bateaux, 8c dont le témoignage très-confidérable en lui-même, fur-tout quand ils s'accordenl enfemble , eft ici appuyé par le plus grand nombre d'anciens Auteurs. La nuit qui précéda la bataille. Conftantin fut averti en fonge dt Tome I, H Constantie.Ann. 312. TUI. nots 31. fur Conflantin. VoA.tAL f. IJS* XI. , Songe ile Conflantin.  170 UlSTOIRE faire marquer les boucliers de fes Cons- TANTIN. Ann. 311. Laci. c. 44. Prud. ad Sym. I. 1, v. 48 S. XII. Sentiment de Laétance. Lacl. f.44. - Caltnd. Buch. in cycl. p. 2S6. Norïs de num. Lic. c. 2. TUL not. 32. fur Conftantin. foldats du monogramme de Chrift. II obéit, & dès le pont du jour, ce vicforieux caraófere imprimé par fon ordre, parut fur les boucliers, fur les cafques, & fit paffer dans le cceur des foldats une confiance toute nouvelle. Le vingt-huitieme d'Ocf obre, Maxence entroit dans la feptieme année de fon regne. Si 1'on en veut croire Lacfance , tandis que les deux armées étoient aux mains, ce Prince, encore renfermé dans Rome, célébroit 1'anniverfaire de fon avénement a 1'Empire, en donnant des jeux dans le cirque , & il ne fallut rien moins que les clameurs & les reproches injurieux du peuple pour le forcer k s'aller mettre a la tête de fes troupes. Mais les deux Panégyriftes, dont ï'un parloit 1'année fuivante en préfence de Conflantin, & qui tous deux ne négligent rien de ce qui peut flétrir la mémoire du vaincu, ne lui imputent pas eet excès de lacheté; Zofime s'accorde ici avec eux. Je vais donc fuivre leur récit, comme le plus vraifemblable.  du Bas-Empire. Lh. II. IJl Maxence, qui ne fe laffoit pas d'immoler des vitfimes & d'interroger les arufpices , voulut enfin confulter Poracle le plus refpetfé : c'étoit les livres des Sibylles. II y trouva que ce jour-la même 1'ennemi des Romains devoit périr. II ne douta pas que ce ne fut Conftantin ; & fur la foi de cette prédiftion, il ve joindre fon armée, & lui fait paffei le pont de bateaux. Pour öter a fe; troupes tout moyen de reculer, i les range au bord du Tibre. C'étoi un fpeöacle effrayant, &la vue d'un< armée fi belle & fi nombreufe an noncoit bien la décifion d'une im portante querelle. Quoique le fron s'étendit a perte de vue, les files fer rées , les rangs multipliés , les li gnes redoublées & foutenues de corp de réferve, préfentoient un mur épai qui fembloit impénétrable. Conftan tin, beaucoup plus foible en nombre mais plus fort par la valeur & pa 1'amour de fes troupes, fait charge; la cavalerie ennemie par la fienne & en même-temps fait avancer 1'in fanterie en bon ordre. Le choc fu terrible 4 les Prétoriens fur-tout f< Hij constantin. Ann. 312. Xllï. Bataille contre Maxence. Incert. Paneg, c. 16. & fiqq. Nayir. Paneg, c. 28. & feqq. Zof. C. l. t »  CONSTANTTN. Ann, 312, XIV. Fuite de Maxence. 172 IllSTOIRE battirent en défefpérés. Les foldats étrangers firent auffi une vigoureufe réfiftance; il en périt une multitude innombrable, maffacrés ou foulésaux pieds des chevaux. Mais les Romains & les Italiens, fatigués de la tyrannie & du tyran, ne tinrent pas longtemps contre un Prince qu'ils defiroient d'avoir pour maïtre, & Conftantin fe montroit plus que jamais digne de 1'être. Après avoir donné fes ordres, voyant que la cavalerie ennemie difputoit opiniatrément la viöoire, il fe met a la tête de la fienne; il s'élance dans les plus épais efcadrons; les pierreries de fon cafque, 1'or de fon bouclier & de fes armes le montrent aux ennemis & les effrayent : au milieu d'une nuée de javelots, il fe couvre , il attaque , il renverfe: fon exemple donoe aux liens des forces extraordinaires. Chaque foldat combat comme fi le fuccès dépendoit de lui feul, & qu'il dut feul recueiliir tout le fruit de la viófoire. Déja toute 1'infanterie étoit rom-« pue & en déroute : les bords du fleuve n'étoient plus couverts que de morts  nu Bas-Empire. Liv. II. 173 & de mourants; le fleuve même en étoit comblé, & ne rouloit que du fang & des cadavres. Maxence ne perdit point 1'efpérance, tant qu'il vit combattre fes cavaliers : mais ceuxci étant enfin obligés de céder, il prit la fuite avec eux, & gagna le pont de bateaux. Ce pont n'étoit ni affez large pour contenir la multitude des fuyards qui s'entaffoient les uns fur les autres , ni affez folide pour les foutenir. Dans eet affreux défordre, il fe rompit, & Maxence, enveloppé d'une foule de fes gens, tomba , fut englouti, & difparut avec eux. La nouvelle de ce grand événement vola auffi-tót kRome. On n'ofa d'abord la croire : on craignoit qu'elle ne fut démentie, & que la joie qu'elle auroit donnée, ne devint un crime, Ce ne fut que la vue même de la tête du tyran qui affura les Romains de leur délivrance. Le corps de « malheureux Prince, chargé d'une pefante cuiraffe , fut trouvé le lendemain enfoncé dans le limon du Ti bre; on lui coupa la tête ; on la plant; au bout d'une piqué pour la montre: aux Romains. H iij CONSTANTIN. Aan. 312. XV. Suite de la vi&oire. Incert. Paneg, c. iS. 'lof. I. 2. Anony* Valef. 1  CONSTANTIN.Ann. 312, XVI. Entree de Conftantin dans Rome. Euf. Vit 1. 1. c.39, Incert. Paneg, c. ii & feq. Na-rar. Paneg. c. 3c &fiq. Baron, an 3.Ï1-S-7J 174 HlSTOIRE Ce fpe£tacle donna un libre cours a la joie publique, & fit ouvrir au vainqueur toutes les portes de la ville» Laiffant a gauche la voie Flaminia, il traverfa les prés de Néron, paffa prés du tombeau de Saint Pierre au Vatican, & entra par la portetriomphale. II étoit monté fur un char. Tous les ordres de 1'Etat, Sénateurs, Chevaliers, peuple, avec leurs femmes , leurs enfants, leurs efclaves, accouroient au-devant de lui : leurs tranfports ne connoiffoient aucun rang: tout retentiffoit d'acclamations; c'étoit leur fauveur, leur libérateur, leur pere : on eüt dk que Rome entiere n'eut été auparavant qu'une vafte prifon , dont Conftantin ouvroit les portes. Chacun s'efforcoit d'approcher de fon char, qui avoit peine a fendre la foule. Jamais triomphe n'avoit été fi éclatant. On n'y voyoit pas, dit un Orateur de ce temps-la , des dépouilles des vaincus, des repréfentations de villes prifes de force; mais la nobleffe délivrée d'affronts & d'allarmes, le peuple affranchi des vexations les plus mielies , Rome devenue libre, & qui fe  nu Bas-Empize. Liv. IL 17$ recouvroit elle-même, faifoient au vainqueur un plus beau cortege, oü I'allégreffe étoit pure 8c oü la compaffion ne déroboit rien a la joie. Et fi pour rendre un triomph'5 complet , il y fallo.it voir des captifs chargés de fers , on fe repréfentojt 1'avarice , la tyrannie, la cruauté, la débauche enchainées a fon char. Toutes ces horreurs fembloient refpirer encore fur le vifage de Maxence, dont la tête, haut élevée derrière le vainqueur, étoit Pobjet de toutes les infultes du peuple. C'étoit la coutume que la pompe du triomphe montat au Capitole , pour rendre graces a Jupiter , Sc pour lui immoler des vidfimes: Conftantin, qui connoiffoil mieux 1'Auteur de fa vief oire, fe dif penfa de cette cérémonie Payenne II alla droit au mont Palatin, oü i choifit fa demeure dans le palais qu< Maxence avoit trois jours aupara vant abandonné. II envoya auffi-tö la tête du tyran en Afrique ; 8c cett< Province , dont les plaies faignoien encore , re?ut avec la même joie qu< Rome ce gage de fa délivrance; elli fe foumit de bon coeur a un Prino H iv CONSTANTIN. Ann.  CONSTANTIN. Ann. 312. xvn. Fêtes, réjouiffances , honneurs rendus a Conftanlin. Ineen. Paneg. c. 19 * 2J. Nafar. Paneg, t. 32. Euf. Vit. I.i. t. 40. Jurel.Viü. Prud. in Symm. 1.1, v. 491. Thcoph. thr. p 11. U\fL Mifc. 1. 11. Grut. Infcript. CCLXXX1J 2. ' I J ) j 176 HlSTOIRE de qui elle efpéroit des traitemenfs plus humains. Ce ne fut dans Rome pendant fept jours que fêtes & que fpeftacles, dans lefquels la préfence du Prince, auteur de la félicité publique, occupoit prefque feule les yeux de tous les fpecfateurs. On accouroit de toutes les villes de 1'Italie pour le voir 8c pour prendre part k la joie univerfelle. Prudence dit qu'a 1'arrivée de Conftantin, lesSénateurs fortis des cachots, 8c encore chargés de leurs chaines, embraifoient fes genoux enpleurant, qu'ils fe profternoient devantfes étendards, & adoroient la croix 8c le nom de Jefus-Chrift. Si ce fait n'eft pas ;mbelli par les couleurs de la poé5e, ilfaut dire que ces hommes en:ore Payens ne rendoient eet hommage qu'aux enfeignes du Prince, qu'on avoit coutume d'adorer. Ce qu'il y a de certain, c'eft que la nouvelle conquête s'efforca de combler Conftantin de toutes fortes d'honieurs. L'Italie lui confacra un bouvier & une couronne d'or: 1'Afrique, ïar une flatterie Payenne, que le Prince rejetta fans doute, établit des  du Bas-Empire. Ljv. II. 177 Prêtres pour le culte de la familie Flavia : le Sénat Romain, après lui avoir élevé une ftatue d'or , dédia fous fon nom plufieurs édifices magnifiques que Maxence avoit fait faire ; entre autres une bafilique & le temple de la ville de Rome, bati parHadrien, & rétabli par Maxence. Mais le monument le plus confidérable conftruit a fon honneur,futl'arc de triomphe, qui porte encore fon nom. II ne fut achevé qu'en 3 15 ou 316. On le voit au pied du mont Palatin, prés de 1'amphithéatre de Vefpafien , a 1'Occident. II fut bati en grande partie des débris d'anciens ouvrages, & fur-tout de 1'arc de Trajan, dont on y tranfporta plufieurs bas-reliëfs & plufieurs ftatues. La comparaifon qu'on y peut faire des figures enlevées des anciens monuments avec celles qui furent alors travaillées, fait connoïtre combien le goüt des arts avoit déja dégénéré. L'infcription annonce aufli par fon emphafe le déclin des Lettres; elle porte : Out h Sénat & le peuple Romain ont confacré eet are de triomphe d thonneur de Conflantin, qui, par tinfH y Constantie.knn. 312,.  Constantie.Ann. 312. XVIII. Difpofition de Maximin. LaH. c. 44. I78 ff I S T 0 t R 8 - piration de la Divïnité & par la grandeur de fon génie, a la tête de fon armée. a fu, par une jufte vengeance, délivrer la République & du tyran & de toute fa faclion. II eft a remarquer que le paganifme employé ici le terme général & équivoque de Divinité, pour accorder les lentiments du Prince avec fes propres idees ; car Conftantin ne mafquoit pas fon attachement k la Religion qu'il venoit d'embraffer: il déclara même par un monument public a quel Dieu il fe croyoit redevable de fes fuccès. Dès qu'il fe vit maitre de Rome , comme on lui eut érigé une ftatue dans la place publique , ce Prince, qui n'étoit pas enivré de tant d'illuftres témoignages de fa force & de fa valeur, fit mettre une longue croix dans la main de fa figure avec cette infcription : Cejtpar cc figne falutaire, vrai fymboh de force & de courage, que fai délivré votre ville du joug des tyrans, & que fai rétabli le Sénat & le peuple dans leur ancieniie fplendtur. Les ftatues de Maximin élevées au milieu de Rome k cöté de celle de Maxence, annoncoient è. Conftantin  na Bas-Empire. Liv. II. 179 la ligue fecrete formée entre les deux Princes. II trouva même des lettres qui lui en fourniffoient une preuve aflurée. Le Sénat le vengea de cette perfidie par un arrêt, qui lui conféroit, k caufe de la fupéf iorité de fon mérite, le premier rang entre les Empereurs , malgré les prétentions de Maximin. Celui-ci avoit recu la nouvelle de la défaite de Maxence avec autant de dépit que s'il eut été yaincu lui-même; mais quand il apprit l'arrêt rendu par le Sénat, il laiffa éclater fon chagrin, 8c n'épargna ni les railleries, ni les injures. Cette impuiffante jaloufie ne pouvoit donner d'inquiétude a Conftantin ; cependant il ne s'endormit pas après la vi&oire. Tandis que les yaincus ne fongeoient qu'a fe réjouir de leur défaite, le vainqueur s'occupoit férieufement des moyens d'affurer fa conquête. Pour y réuffir, il fe propofa' deux objets ; c'étoit de mettre hors d'état de nuire ceux qu'il ne pouvoit fe flatter de gagner, 8c de s'attacher le cceur des autres par la douceur 8c par les bienfaits. Les foldats Prétoriens établis par Augufte pour E vj Constantie.Vnn. ju. XIX. Précamtions de Conftantin. Pan. incert. c. 21. Najar. Paneg, c, 6.- Aurel.Vicl. Zof l. 2. TUI. art.  Cons- TANTTN*. Ann. 3x2* ] j ] 1 ( l8o H I S T O 1' H E être la garde des Empereurs, réunis par Séjan dans un même camp prés des murs de Rome, s'éfoient rendus. redoutables même a leurs maitres» Ils avoient fouvent öté, donné, vendu 1'Empire; & depuis peu, partifans outrés de la tyrannie de Maxence, qu'ils avoient élevé fur Ie tröne, ils s'étoient baignés dans le fang de leurs concitoyens. Conftantin caffa cette milice féditieufe; il leur défendit Ie port des armes, 1'ufage de 1'habit militaire, & détruifit leur camp. II défarma auffi les autres foldats qui avoient fervi fon ennemi; mais il les enröla de nouveau I'année fuivante pour les me* ner contre les Barbares. Entre les amis du tyran & les complices de fes crimes, il n'en punit qu'un petit nombre des plus coupables. Quelpes-uns foupconnent qu'il öta la vie i un fils qui reftoit encore è Maïence; du moins 1'hiftoire ne parle )lus ni de eet enfant, ni de la femne de ce Prince, dont on ne fait >as même le nom. C'eft fans fondenent que quelques antiquaires Pont :onfbndue avec Magnia Urbica : les  dv Bas-Empire. Liv. II. 181 noms de celle-ci ne peuvent convenir k une fille de Galere. Ces traits de févérité coütoient trop k la bonté naturelle de Conftantin : il trouvoit dans fon coeur bien plus de plaifir k pardonner. II ne refufa rien au peuple, que la punition de quelques malheureux , dont on demandoit la mort. II prévint les prieres de eeux qui pouvoient craindre fon reffentiment, & leur donna plus que la vie, en les difpenfant de la demander. 11 leur conferva leurs biens, leurs dignités, & leur en conféra même de nouvelles , quand ils parurent les mériter. Aradius Rufiniu avoit été Préfet de Rome la derniere année de Maxence : ce Prince, la veille de fa défaite, en avoit établi un autre , nommé Annius Anulinus. Celui - ci étant forti de charg? le vingt-neuf de Novembre, peutêtre pour être envoyé en Afrique oii on le voit Proconful en 313 , Conftantin rétablit dans cette place importante le même Aradius Rufinus. dont il avoit reconnu le mérite. II lui donna pour fucceffeur Pannée fuif vante Rufius Volufianus, qui avoi'l CONSTANTIN. Ann. 312» XX. Conduite fage & modérée après la vicloire» lncerti Pd" neg. c. 20. Liban. OT I*. Pagi ia Baron, TUI, eru  iSa Histoire été Préfet du Prétoire fous Maxence,. Constantie.Ann. 312. XXI. Loix contre les délateurs.Cod. Th. I. 10. tit. 10. % 1 , i , 3. & ibi God. Incert. Paneg, c. 4. Na^ar. Pan.c.lS. Via, Epu. ! La révolution récente devoit produire grand nombre de délateurs , comme on voit une multitude d'infectes après un orage. Conftantin avoit toujours eu en horreur ces^ ames baffes & cruelles, qui fe repaiffent des malheurs de leurs citoyens, & qui feignant de pourfuivre le crime, n'en pourfuivent que la dépouille. Dès le temps qu'il étoit en Gaule, il leur avoit fermé la bouche. Après fa viétoire, il fit deux loix par lefquelles il les condamne a \a. peine capitale. II les nomme dans ces loix une pejle exècrable, le plus grand féau de Chumanite. II déteftoit, nonfeulement les délateurs qui en vouloient k la vie , mais ceux encore qui n'attaquoient que les biens. L'iniignation contre eux prévaloit dans fon coeur fur les intéréts du fifc ; & vers la fin de fa vie, il ordonna aux fuges de punir de mort les dénon.iateurs, qui, fous prétexte de ferrir le domaine, auroient troublé par les chicanes injuftes les légitimes joffeffeurs. Dans le féjour d'un peu plus de  nu Bas-Empjre. L'w. II. 183 deux mois qu'il fit a Rome, il répara les maux de fix années de tyrannie. Tout fembloit refpirer & reprendre vie. En vertu d'un édit publié par-tout fon Empire, ceux qui avoient été dépouillés , rentroient en poffeffion de leurs biens;, les innocents exilés revoyoient leur patrie; les prifonniers , qui n'avoient d'autre crime que d'avoir déplu au tyran, recouvroient la liberté ; les gens de guerre qui avoient été chaffés du fervice pour caufe de Religion eurent le choix de reprendre leur premier grade , ou de jouir d'une exemption honorable. Les peres ne gémiffoient plus de la beauté de leurs filles , ni les maris de celle de leurs femmes ; la vertu du Prince affuroit 1'honneui des families. Un accès facile, fa patience a écouter, fa bonté k répondre , la férénité de fon vifage , produifoient dans tous les coeurs le même fentiment, que la vue d'un beau jour après une nuit orageufe. II rendit au Sénat fon ancienne autorité; i paria plufieurs fois dans cette augufté compagnie, qui le devenoit eneor< davantage par les égards que le Prin CONSTANTIN» Ann. 312, XXII. II répare les maux qu'avoit fait Maxence. Na-iar. Pan. c. 3} tr-.fiq. Euf. Vit.. I. li c.41. So[. L 1. c 8.  CONSTANTIN. Ann. 311, XXIII. Libéralités de Conftantin. Grut. thef. eux. 4. Euf. nu. I. c. 43. , Zof. I. 2. ( < i '1 1 1 i I r 184 H I S T 0 1 R R ce avoit pour elle. Afin d'en augmenter le luftre, il y fit entrer les perfonnes les plus diftinguées de toutes les Provinces , & pour ainfi dire , 1'élite & la fleur de tout 1'Empire. II fut ramener le peuple aux regies du devoir par une autorité douce & infenfible, qui, fans rien öter a la liberté, banniflbit la licence, & fembloit n'avoir en main d'autre force que celle de la raifon & de 1'exemple du Prince. C'étoit au profit de fes fujets que fes revenus augmentoient avec Ion Empire. II diminua les tributs; & la malignité de Zofime, qui ofe taxer :e Prince d'avarice & d'exacfions ac:ablantes, eft démentie par des inf:riptions. Nous verrons dans la fuite 1'autres preuves de fa libéralité : elle lefcendoit dans tous les détails : il e montroit généreux aux étrangers ; 1 faifoit diftribuer aux pauvres de 'argent, des aliments, des vêtements néme. Pour ceux qui, nés dans le sin de 1'abondance, fe trouvoient y iar de facheux revers, réduits a la nifere, il les fecouroit avec une manificence qui répondoit k leur pre-  du Bas-Empire. Liv. II. 185 miere fortune : il donnoit aux uns des terres, aux autres les emplois qu'ils étoient capables de remplir. II étoit le pere des orphelins , le protefteur des veuves. II marioit a des hommes riches, & qui jouiflbient de fa faveur, les filles qui avoient perdu leurs peres, & les dotoit d'une maniere proportionnée h la fortune de leurs époux. En un mot , dit Eufebe , c'étoit un foleil bienfaifant, dont la chaleur féconde & univerfelle diverfifioit fes effets felon lei différents befoins. La ville de Rome fut embellie. I fit batir autour du grand cirque d( fuperbes portiques, dont les colonnes étoient enrichies de dorures. Or drefTa en plufieurs endroits des ftatues , dont quelques-unes étoient d'01 & d'argent. II répara les anciens édi fices. II fit conftruire fur le mon Quirinal des thermes qui égaloien en magnificence celles de fes prédé ceffeurs : ayant été détruites dans L faccagement de Rome fous Honorius elles furent réparées par Quadratia nus, Préfet de la ville, fous Valenti uien III; il en fubfiftoit encore un CONSTANTIN. Ann. 312» XXIV. Embetliffements& réparations des villes. \Na\ar. Pan.c.tf. ■ AureLViS. . Grut. thef. CLXXVJI. ■ 7- . Nard. , Rom. ant. & mod. ) Sigon. de . Imp. Occ. _ 1.1. p. 58.  COKSTANTIN. Ann. 312. XXV. Etablifiement des indictions.Chr. Alex. f. 281. TUI. art. 30. Enron, an, 312. Petav. 186 HlSTOIRE grande partie fous le Pontificat de Paul V; lorfque le Cardinal Borghefe les fit abattre , on y trouva les ftatues de Conftantin &c de fes deux fils, Conftantin & Conftance, qui furent placées dans le Capitole. Non content de donner a Rome un nouveau luftre, il releva la plupart des villes que la tyrannie ou la guerre avoient ruinées. Ce fut alors que Modene, Aquilée & les autres villes de PEmilie, de la Ligurie & de la Vénétie, reprirent leur ancienn? fplen« deur. Cirthe, capitale de Numidie , détruite , comme nous 1'avons dit, par le tyran Alexandre, fut auffi rétablie par Conflantin, qui lui donna fon nom. Elle le conferve encore aujourd'hui avec plufieurs beaux refèes d'antiquité. Tous les Savants conviennent, d'après la Chronique d'Alexandrie, que c'eft de cette année 3 11 que commencent les Indicfions. C'eft une révolution dequinze ans, dont on s'eft beaucoup fervi autrefois pour les dates de tous les aftes publics, &dont la Cour de Rome conferve encore 1'ufage. La première année de ce cy=  79v Bas-Empire. Liv. II. 187 cle s'appelle Indiclionpremière, tk ainfi de fuite jufqu'a la quinzieme, après laquelle un nouveau cycle recommence. En remontant de Pan 311, on trouve que la première année de l'ere chrétienne auroit été la quatrieme indiaion , fi cette maniere de compter les temps eüt été alors employee : d'oü il s'enfuit que, pour trouver l'indi&ion de quelque année que ce foit depuis Jefus-Chrift , il faut ajouter le nombre de trois au nombre donné, & divifant la fomme par quinze, s'il ne refte rien, cette année fera l'indi&ion quinzieme ; s'i refte un nombre, ce nombre donner; Pindiöion que Pon cherche. II fau diftinguer trois fortes d'indi&ions celle des Céfars, qui s'appelle auil Conftantinienne, du nom de fon int tituteur; elle commengoit le vingt quatre de Septembre; on s'en eft long temps fervi en France & en Allema gne : celle de Conftantinople , qu commengoit avec Pannée des Grec au premier de Septembre; elle fti dans la fuite la plus univerfellemer employée : enfin, celle des Papes, qv fuivirent d'abord le calcul des Em CONSTANT1N. Ann. 312. doei. temp^ l.Il.e. 4c Riceioli Ckron. reform. I. 4. c. 16. Pegi in Baron, an, 311. §. 20. Juftiniani nor. 47. I L i s t t i  CONSTANTIN. Ann, 312, XXVI. Raifons de eet étabüffement.Cod. Th. I. II. lit. de indid.. lig, I. & ibi God. Baron, in en. 312. Buch. cycl, p. 286. Ludolff. I. 3. e. 6. Noris epoch. Syro-Mac. I08 HlSTOIRB pereurs dont ils étoient fujets; mais depuis Charlemagne, ils fe font faits une indicfion nouvelle , qu'ils ont commencée d'abord au vingt-cinquieme de Décembre, enfuite au premier de Janvier. Ce dernier ufage fubfifte encore aujourd'hui: ainfi la première époque de Pindicfion pontificale remonte au premier de Janvier de 1'an 313. Juftinien ordonna en 537 que tous les a£les publics feroient datés de 1'indiöion. Ce mot fignifie dans les loix Romaines , rèpartition des tributs, déclaratwn de ce que doit payer chaque ville ou chaque Province. II eft donc prefque certain que ce nom a rapport k quelque taxation. Mais quel étoit ce tribut ? pourquoi ce cercle de quinze années ? c'eft fur quoi les plus favants avouent qu'ils n'ont rien d'afTuré. Baronius eonjeöure que Conftantin réduifit a quinze ans le fervice militaire , & qu'il falloit, au bout de ce terme, indiquer un tribut extraordinaire pour payer les foldats qu'on licencioit. Mais cette origine eft rejettée de la plupart des critiques, comme une fuppofition fans fonde-  nu Bas-Empire. Liv. II. 1S9 ment, & liijette a des difficultés infolubles. La raifon qui a déterminé Conftantin k fïxer le commencement de 1'indidfion au vingt-quatrieme de Septembre , n'eft pas moins inconnue. Un grand nombre de modernes n'en trouve point d'autre que la défaite de Maxence : eet événement étoit pour Conftantin une époque remarquable; & pour y attacher la naiffance de l'indiclion, ils fuppofent que le vingt-quatrieme de Septembre efl le jour oü Maxence fut vaincu. Mais il efl prouvé par un calendrier trèsauthentique, que Maxence ne fut défait que le vingt-huitieme d'Ocfobre. S'il m'étoit permis de hafarder mes conjecf ures après tant de Savants, je dirois que Conflantin, voulant marquer fa vicloire & le commencement de fon empire a Rome, par une époque nouvelle, la fit remonter a 1'équinoxe d'automne, qui tomboit en ce temps-la au vingt-quatrieme de Septembre. Des quatre points cardinaux de 1'année folaire, il n'y en a aucun qui n'ait fervi a fixer le commencement des années chez les différents peuples. Un grand nombre de Constantie.Ann. 312.  190 ff I S T O I 3. S villes Grecques, ainfi que les Egyp- constanttn. Aan. 312. XXVII. Conduiti de Conf tantin pa; rapport au Chrif tianifme. UB. infl Li.c.n Theoph. thr. p. 13 Ceiren. t I. p. 272 Anony. VaUf. Prud. il Sym. I. i 6ij. Mém. Acad. inj tiens, les Juifs pour le civil, les Grecs de Conftantinople commencoient leur année vers 1'automne : c'eft encore aujourd'iiui la pratique des Abyffins: les Syro - Macédoniens la commencoient précifément au vingt-quatre Septembre. II eft affez naturel de croire que Conftantin a choifi celui des quatre points principaux de la révolution folaire, qui (e trouvoit le plus proche de Pévénement, dont il prenoit occafion d'établir un nouveau cycle. Des foins plus importants occu1 poient encore le Prince. II devoit k Dieu fa conquête, il vouloit la rendre k fon Auteur; & par une victoire plus glorieufe & plus falutaire, foumettre fes fujets au maitre qu'il commencoit lui-même a fervir. Inftruit par des Evêques, remplis de , 1'efprit de 1'Evangile, il connoiffoit ■ déja affez le caraöere de la Religion Chrétienne, pour comprendre qu'elle : abhorre le fang & la violence, qu'elle 1 ne connoït d'autres armes que 1'inftruöion & une douce perfualion, & • qu'elle auroit défavoué une vengean»  bu Bas-Bmpire. Liv. II. 191 ce aveugle, qui arrachant les fouets & les glaives des rnains des Payens, les auroit employés fur eux-mêmes. Plein de cette idéé, il fe garda bien de révolter les efprits par des édits rigoureux; & ceux que lui attribue Théophanes, copié par Cédrénus , ne font pas moins contraires a la vérité , qu'a Pefprit du Chriftianifme. Ces Ecrivairs, pieux fans doute, mais de cette piété qu'on ne doit pas fouhaiter aux Maitres du monde , font un mérite a Conftantin d'avoir déclaré, que ceux qui perfifteroient dans le culte des idoles, auroient la tête tranchée. Loin de porter cette loi fanguinaire, Conftantin ufa de tous les ménagements d'une fage politique. Rome étoit le centre de .'idolatrie ; avant que de faire fermer les temples, il voulut les faire abandonner. II continua de donner .les emplois & les commandements a ceux que leur naiffance & leur mérite y appelloient; il n'öta la vie ni les biens a perfonne; il toléra ce qui ne pouvoit être détruit que par une longue patience. Sous fon Empire, & fous celui de fes fucceffeurs jufqu'a Théo- CONSTASTIN. Ann. 312. crip.t.XV. P- 75TUL nou 34 fir Conflantin,  Constantie.Ann. 312. XXV11I. Progrès du Chriftiaaifmet I0£ H I S T 0 1 k E dofe le Grand, on retrouve dans les Auteurs & fur les marbres tous les titres des dignités & des offices de 1'idolatrie; on y voit des réparations de temples & des fuperftitions de toute efpece. Mais on ne doit pas regarder comme un effet de cette tolérance, les facrifices humains qui fe faifoient encore fecretement a Rome du temps de Laclance, & qui échappoient fans doute a la vigilance de Conftantin. II accepta la robe & Ie titre de fouverain Pontife, que les Prêtres Payens lui offrirent felon la coutume, & fes fucceffeurs jufqu'a Gratiën, eurent la même condefcendance. Ils crürent fans doute que cette dignité, qu'ils réduifoient a un fimple titre fans foncfion , les mettoit plus en état de réprimer & d'étouf'fer peu-a-peu les fuperftitions, en tenant les Prêtres Payens dans une dépendance immédiate de leur perfonne. Ce n'eft pas k moi a décider s'ils ne porterent pas trop loin cette complaifance politique. Les fupplices auroient produit l'opiniatreté & la haine du Chriftianifme ; Conftantin en fut infpirer 1'a- mour.  du Bas-Empire. Liv. 11. 193 meur. 'Son exemple, fa faveur , fa douceur même firent plus de Chrétiens, que les tourments n'en avoient pervertis fous les Princes perfécuteurs. On en vint infenfiblement a roi^ir de ces Dieux qu'on fe faifoit foi-même; & felon la remarque de Baronius, la chüte de 1'idolatrie fit même tomber la ftatuaire. La Religion Chrétienne pénétra jufque dans le Sénat, le plus fort rempart du paganifme. Anicius, illuftre Sénateur, fut le premier qui fe convertit; & bientöt, k fon exemple, on vit fe profterner aux pieds ue la Croix ce qu'il V avoit de plus diftingué k Rome , les Olybres , les Paulins, les Baffus. *. . , L'Empereur remedia k tous le: maux qu'il put guérir fans faire d< nouvelles plaies. II rappella les Chrétiens exilés; il recueillit les relique; des Martyrs, 8c les fit enfévehr ave< décence. Le refpea qu'il portoit am Miniftres de la Religion, la rendoi plus refpeftable aux peuples. II trai toit les Evêques avec toute fort d'honneurs; il aimoit a s'en faire ac compagner dans fes voyages; il n Terne I, Constantie.Ann. 312. Baron, in ann. 312. Prud. in Sym. I. i* verf. XXIX. Honneurs que Conftantini rend a la . Religion. ; Euf. vit. '■ c. 42. t Soc. I. i. e. i. Theoph. p. - ii. . Baron, ar,, ; 311.  CONSTANTIN. Ann. 312, 194 HISTOIÉ.B craignoit pas d'avilir Ia majefté Impériale en les recevant a la table , quelque fimples qu'ils fuffent alors dans leur extérieur. Les Evêques de Rome, perlecutés & cachés jufqu'a ce temps-la, qui ne connoiffoienf encore que les richeffes éternelles & les fouffrances temporelies, attirerent la principale attention de ce Prince religieux. II leur donna le palais de Latran : c'avoit été autrefois la demeure de Plautius Lateranus, dont Néron avoit confifqué les biens, après 1'avoir fait mourir. Depuis que Conftantin étoit devenu maitre de Rome, on appelloit eet édifice Ie palais de Faufta , paree que cette Princeffe y faifoit fa demeure. Quoique Baronius place ici cette donation, il y a apparence qu'elle doit être reculée jufqu'après la mort de Faufta en 316. Conftantin avoit un palais voifin de celui-la, il en fit une bafilique Chrétienne , qui fut nommée Conftantinienne, ou bafilique du Sauveur, & il la donna au Pape Miltiadé & a fes fucceffeurs. C'eft aujourd'hui SaintJean-de-Latran. Ce fut-la le premier patrimoine des Papes. II n'eft plus  x>u Bas-Empjrs. Liv. II. 195 befoin en France de réfuter Pafte de cette donation fameufe, qui rend les Papes maitres fouverains de Rome. de 1'Italie & de tout 1'Occidenfc Plein de zele pour la majefté du culte divin, Conftantin en releva Péclat en faifant part de fes tiéfors au> Eglifes. U augmenta celles qui fubfiftoient déja, & en conftruifit d( nouvelles. II y en a grand nombre : Rome & dans tout 1'Occident qui 1< reconnoiffent pour fondateur. II ef certain qu'il fit batir celle de Saint Pierre au Vatican , fur le même ter rein qu'occupe aujourcPhui la plu augufte bafiliquel de 1'univers. Celle la étoit d'une architefture groffiere faite a la hate, & conftruite, en gran de partie, des débris du cirque d Néron. II batit auffi , en différenl temps, 1'Eglife de St. Paul, celle d St. Laurent, celle de St. Marcellin t de St. Pierre, celle de Sainte-Agnè: qu'il fit conftruire a la follicitatio de fa fille Conftantine, & h bafiü que du palais Sefforien , qui fut ei fuite appellée 1'Eglife de Sainte-Crob lorfque ce Prince y eut dépofé ur porüon de la vraie Croix. II en foi CONSTANTIN. Ann. 312. XXX. Eglifes balies & ornées.Euf. Vit. , l. 1. c. 42. Cod. Th. 1 /.i6..;«.2» : Ug. 14. Anaftafe^ ' Nard. " Rom. an. tic.p.^jS. , Martinelli Roma fa" cru. i S e z n 1- -'» e 1-  CONSTANTIN. Ann, 312. XXXI. Conftantin arrête Ia perfécution de Maximin. Euf. Hifi. I. 9. c. 9. LaH. c. 48. Nota in Pagium a~ fud Baron, an. 312. Bandur. t. II. p. 164. I96 HlSTOIRE da plufieurs autres a Ofèie, k Albane , a Capoue, a Naples. II enrichit ces Eglifes de vafes précieux & de magnifiques ornements : il leur donna en propriété des terres & des revenus defiinés k leur entretien, & a la fubfiftance du Clergé, a qui il accorda des privileges & des exemptions. Cette même année, ou au commencement de la fuivante, avant que de fortir de Rome, il fit, de concert avec Licinius , un édit très-favorable aux Chrétiens , mais qui limitoit pourtant, a certaines conditions, la liberté du culte public. C'eft ce qui paroit par les termes d'un fecond édit, qui fut fait a Milan au mois de Mars fuivant, & dont l'original fe lit dans Ladfance : 1'antiquité ne nous a pas confervé le premier. Conftantin 1'envoya a Maximin : il 1'inftruifit en même-temps des merveilles que Dieu avoit opérées en fa faveur, & de la défaite de Maxence. Maximin , comme je Fai dit, avoit déja appris cette nouvelle avec une efpece de rage. Mais après quelques emportements, il avoit ren-  du Bas-Empire. Liv. II. 197 fermé fon dépit, ne fe croyant pas «ncore en état de le faire éclater j>ar une guerre ouverte. II porta même la diffimulation jufqu'a célébrer fur fes monnoies la viftoire de Conftantin. 11 recut donc la lettre & 1'édit; mais il fe trouva embarraffé fur la conduite qu'il devoit tenir. D'un cöté, il ne vouloit pas paroitre céder a fes collegues; de 1'autre, il craignoit de les irriter. II prit le parti d'adreffer, comme de fon propre mouvement , une lettre a Sabinius, for Préfet du Prétoire , avec ordre d« dreffer un édit en conformité , & d( le faire publier dans fes Etats. Dan; cette lettre, il fait d'abord 1'éloge cl< Dioclétien & de Maximien, qui n'a vöient, dit-il, févi contre les Chré tiens, que pour les ramener a la Re ligion de leurs peres; il prend enfuit avantage de 1'édit de tolérance qu'i avoit donné après la mort de Gak re, & ne parle de la révocation d eet édit, que d'une maniere ambigu tk enveloppée; il déclare enfin qu veut qu'on ne mette en ufage qi les moyens de douceur pour rappe Ier les Chrétiens au culte des Dieu* I iij CONSTA.NTTN. Ann, 312» e 1 e ë il e l»  Constantie.Ann, 312. Ann. 313. XXXII. Coafulats de cette année. Uau, If)8 HlSTOIRg qu'on laiffe liberté de confcience a ceux qui perfifteront dans leur Religion ; & il défend a qui que ce foit de les maltraiter. Cette ordonnance de -Maximin ne donna pas aux Chrétiens la confiance de fe montrer au grand jour : ils fentoient qu'elle lui étoit arrachée par la crainte; Sc déja une fois trompés, ils ne comptoient plus fur ces apparences de douceur. D'ailleurs, on remarquoit une différence fenfible entre 1'édit de Conftantin & celui de Maximin : le premier permettoit expreffément aux Chrétiens de s'alfembler r de batir des Eglifes, & de célébrer publiquement toutes les cérémonies de leur Religion; Maximin, fans dire un mot de cette permiffion , ie contentoit de défendre qu'on leur fit aucun mal. Ainfi ils demeurerent cachés, & attendirent leur liberté du fouverain Maitre des Empereurs & des Empires. Maximin , depuis la mort de Galere , n'avoit reconnu d'autres Confuls que lui-même , & fon grand Tréforier Peucetius. II le choifit encore pour collegue au commencement de 1'année 313. Conflantin fe déclara  du Bas-Empike. Liv. II. 199 Conful avec Licinius : ils 1'étoient tous deux pour la troifieme fois. Soit qu'il fut encore k Rome le dixhuitieme de Janvier, foit qu'il en fut parti quelque temps auparavant, il fit une loi très-équitable, donnee ou affichée a Rome ce jour-la : elle remédioit aux injuftices des Greffier! des tailles, qui déchargeoient les n ches aux dépens des pauvres. Licinius n'avoit pns aucune par k la guerre contre Maxence. Cepen dant Conftantin fe crut obligé d'exé cuter la promeffe qu'il lui avoit fai te, de lui donner fa foeur Conftan tia en mariage. Les deux Empereur fe rendirent a Milan, oü les noce furent célébrées. Us y inviterent Dk clétien. Ce Prince s'étant excufé fu fon grand age , ils lui écrivirent un lettre menacante , dans laquelle 1! 1'accufoient d'avoir été attaché k M; xence, & de Fêtre encore a Max; min , leur ennemi caché. Ces reproches porterent un cou mortel k Dioclétien, dont les forc< déja épuifées par des chagrins ame plus encore que par les accès redoi blés de fa maladie , ne fe foutenoiei I iv Constantie.Ann. 313. Euf. hifi: l, 9. c. 11 . Cod. Th. I. 13. rit. 10. leg. i. (f I ibi God. t XXXIII. Mariage de Lici- ■ nius. . laS.c. 4;. Balu\e in Lait, p. S 3375 Baudri In Lacl. p. " 739- & r 748. £ Zof. I. 2. Anony. S Valef. I- Via. Epit. p XXXIV. >s Mort de Dioclé"S tien. I- Laü. c. 42. Balu^e in II Laa, p. 334.  CONSTANTIN. Ann. 313. Cuper in La Ho p. 494> Euf. bift. l. 9« U« Eutr. I. 9. Vic\ Epit. Spon. voy. T.I.p. 61. Eagi ia Baron., an. 304.. TUI. non 20. fir Diode* i j • I < ] I l i i « IC© fllSTOJRE qu'a peine. II avoit vivement reffenti TafFront fait a fa perfonne, quand on avoit renverfé fes ftatues avec celles de Maximien. Les malheurs de fa fille Valérie , dont il avoit inutilement demandé la liberté k Maximin , obfiiné k perfécuter cette Princeffe, aigrirent encore fes douleurs. Enfin , les menaces des deux Empereurs acheverent de 1'abattre. II fe condamna lui-même a la mort; & le peu de temps qu'il vécut encore, fe paffa dans des agitations cruelles. Cette funefte mélancolie ne lui laiffoit pas prendre de fommeil : foupirer, gécnir , pleurer, fe rouler tantöt fur fon lit, tantöt fur la terre, c'étoit finfi qu'il paffoit les nuits : les jours i'étoient pas plus tranquilles. II alla ufqu'a" fe retrancher la nourriture, Sc fe fit mourir de faim; quelques-uns lifent de poifon. Telle fut la fin d'un Vince , dont la vieilleffe eüt été >lus heureufe , & la mémoire plus lonorée , s'il n'eut terni le luftre de és grandes qualités par le fanglant dit qui fit périr tant de Chrétiens. )n ne fait pas au jufte le nombre 1'années qu'il vécut :. Vicfor ne lui.  nu Bas-Empire. Liv. II. 201 en donne que foixante 6c huit, on ne peut, comme le font quelques anciens 8c beaucoup de modernes, prolonger fa vie au-dela de 1'an 313, fans démentir Eufebe 8c Laétance , qui difent en termes expres , que Maximin , qui mourut en 313 , refta le dernier des perfécuteurs. Mais il faut dire que Dioclétien a paffé le premier de Mai, pour trouver les neuf ans du moins commencés, que met Vicfor entre fon abdication 8c fa mort. II mourut dans fon palais de Spalatro ,. a une lieue de Saloiie , oü M. Spon, en 1675 , vit encore des reftes de la magnifkence de ce Prince. II fut mis au nombre des Dieux, apparemment par Maximin r peutêtre même par Licinius.- Quoique ce dernier Prince n'aii jamais fait profeffion du Chriftianifme , fa liaifon avec Conftantin, 6c fi haine contre Maximin, le difpofoi alors a favorifer la Religion Chrétienne. II fe joignit donc volontier a Conftantin pour dreffer une décla ration qui fut publiée a Milan L douzieme de Mars, 8c envoyée dan tous. les Etats des deux Empereurs CONS~ TANTTN. Ann. 3,13. : XXXV. Edit deMilan.1 LaiT:.e.4$.. : Euf. hifi. 1.- , 10. C J. " Cod. Jiifli. > /„. 3 , lit. . i3. lig.IW , Noris, ' dl Num.. 5 Lic. c. 2 6' . 5-  CONSTANTIE. &nn. 3,13. 202 II I S T 0 r li Z Elle confirmoit &c étendoit 1'édit qui avoit été donné a Rome quelques mois auparavant: elle accordoit aux Chrétiens une liberté entiere & abfolue pour 1'exercice de leur culte public, tk levoit toutes les conditions par lefquelles cette permiffion avoit été auparavant limitée r elleordonnoit qu'on leur rendit , fansdélai & fans exiger d'eux aucuns rembourfement ni dédommagement y tous les lieux d'affemblées ou autres, fonds appartenants aux Eglifes , & promettoit d'indemnifer aux dépens des deux Empereurs ceux qui ea étoient a&uellement poffeffeurs k titre légitime. Elle donnoit auffi, fans, exception, a tous ceux qui profeffoient quelque Religion que ce fut ^ la liberté de la fuivre felon leur eonfcience , & d'en faire 1'exercice public, fans être inquiétés de peribnne. II n'étoit pas encore tempsd'impofer filence a 1'idolatrie : révérée depuis tant de fiecles r fes cris féditieux auroient foulevé tout 1'Em* pire. C'étoit affez d'ouvrir la bouche I la véritable Religion , & de Ia aiettre en état de confondre fa ri-  du Bas-Empire. Liv. II. 203 vale par la fageffe de fes dogmes , tk par la pureté de fa morale. Avant que de fortir de Milan , Conftantin , pour ménager la modeftie d'un fexe auquel il ne lied pas de s'aguerrir au tumulte des affaires & des jugements , fit une loi qui permet aux maris de pourfuivre en juftice les droits de leurs femmes , même fans procuration. II partit enfuite, & prit le chemin de la Germanie inférieure. II avoit appris que les Francs , ennuyés de la paix, s'approchoient du Rhin avec 1'élite de leur jeuneffe , pour fe jetter dans les Gaules. II courut a leur rencontre, & fa préfence les empêcha de tenter le paffa ge. Conftantin , qui voulut les attirer en-deca pour les vaincre, fit ré pandre le bruit que les Allemandi faifoient encore de plus grands efforts du cöté de la Germanie fupérieure, & fe mit en marche comm< pour aller les repouffer. II laiffa ei même-temps de bonnes troupes com mandées par des Officiers expéri mentés , qui avoient ordre de f mettre en embufcade, & de charge ï V| Constantie.Ann. 3ij. XXXVI. Guerre contre les Francs. Incert. Pan. c, il & feq. Zof. I. 2. Vorb. t. II. f. 154- t r  Constantie.4nn.. 3f3. i ] 1 XXXVII. Conftan- j tin com-, ble de « bienfaits, j 1'Eglife. t «1'Afrique. Euf. hifi. 1 i. io. c 6i r QptauL%t t f. 1 li d sc4 B i s T o i r s les Francs dès qu'ils auroient paffe le fleuve. Tout réuflit felon fes deffeins ; les Francs furent battus 1'Empereur les pourfuivit au-dela du Rhin , & fit un fi horrible dégat fur leurs terres, qu'ils fembloit que la nation fut exterminée. II revint a Treves en triomphe ; il y entendit un panégyrique que nous avons encore, & dont 1'Auteur eft inconnu. La liberté que le Prince laiffoit aux idolatres, paroit évidemment dans, -ette-piece; elle refpire le paganifme._ La gloire de cette vicfoire fut .ncore ternie par le fpeftacle inhu-nain d'une multitude de prifonniers jui furent expofés aux bêtes, &qui )érirent avec cette intrépidité natu-. elle a la nation. Conflantin demeura a Treves le efte de cette année & une partie Ie la fuivante , occupé principalenent k procurer de nouveaux avan-, agesa la Religion qu'il avoit embrafée. Ses> premiers regards fe porte-. enti fur: 1'Eglife d'Afrique , qui s'é-. jit? le plusr. reffentie des rigueurs de i perfécution , & qui étoit encoreé.chiréê par. le. nouyeau fchifme des  nv B/is-Empirb. Liv. II. 205Donatiftes. La lettre de 1'Empereur : a Cécilien , Evêque de Carthage , mérite d'être rapportée. La voici telle , qu'Eufebe nous l a donnée. »■ Conftantin Augufte, aCécilien>. » Evêque de Carthage. Dans le def» fein que nous avons de donner a » certains Miniftres de la Religion » Catholique, cette Religion fainte » Sc légitime , dans les Provinces » d'Afrique, de Numidie 8c de Mau» ritanie , de quoi fournir aux dé» penfes , nous avons envoyé: or» dre k Urfus, Receveur-général de » 1'Afrique, de vous remettre trois » mille bourfes. Vous aurez foin de » les faire diftribuer a ceux qui vous »> feront indiqués par le róle que » vous adreffera Ofius. Si la fomme » ne vous paroit pas fuffifante pour » fatisfaire k notre zele, demandez » fans héfiter k Héraclide, Intendant » de nos domaines , tout ce que » vous jugerez néceffaire : il a ordre » de ne vous rien refufer. Et com» me nous avons. appris; que des, » hommes inquiets & turbulents s'ef»-forcent de corrompre le peuple m de 1'Eglife fainte Sc. Catholique 9. CONSTANTIN. .nn. 313».  CONSTANT1N. Ann. 313, 1C6 HlSTOIRE » par des infinu .:ions fauffes & per» verfes ; fachez que nous avons » recommandé de vive voix a Anu» lin, Proconful, & a Patrice, Vicai» re des Préfets, de remédier a ces » défordres avec toute leur vigilan» ce. Si donc vous vous apperce» vez que ces gens perfiftent dans » leur folie, adreffez-vous auffi-tot » aux Juges que nous venons de » vous indiquer, & faites-leur vo» tre rapport, afin qu'ils les chatient » felon Tordre que nous leur en » avons donné. Que le grand Dieu » vous conferve pendant longues an» nées ". II paroit que eet argent étoit deftiné h 1'entretien des Eglifes, & a la décoration du culte divin. La fomme paffoit cent mille écus de notre monnoie. Ofius dont il eft parlé dans cette lettre, étoit le célébre Evêque de Cordoue, qui connoiffoit parfaitement les befoins de 1'Eglife d'Afrique, & a qui Conftantin s'en rapportoit pour la diftribution de fes aumönes, & pour les affaires les plus importantes de la Religion. On voit ici que ce Prince étoit déja inftruit  2>,y BaS-EmMRB. Liv. IL 207 'des cabales des Donatiftes , & qu'il fongeoit a étoufFer ce fchifme nailfant. Ce qui mérite encore d'être obfervé , c'eft qu'Annius Anulin ,perfonnage des plus illuftres de 1'Empire , quï, fous Dioclétien, avoit ete un des plus violents perfécuteurs de 1'Eglife d'Afrique , eft ici employé k donner k cette même EgUfe un nouveau luft're ; foit qu'il eüt changé de religion avec 1'Empereur, fort qu etant démeuré Payen , il fe vit oblige par obéiffance de réparer les maux qu'il avoit faits lui-même. Conftantin lui adreffa a-peu-prèi dans le même-temps une lettre dan: laquelle, après avoir relevé le mérit de la Religion Chrétienne, il lui dé clare qu'il entend que les Miniftre de 1'Eglife Catholique, dont Céci lien eft le chef, & qui font appelté Clercs foient exempts de toutes fonc tions municipales; de peur dit-il, $tk ne foient dijtraits du fervice de la D, vinité; ce qui feroit urn efpece de f crilege : car , ajoute-t-il , Chomma{ qu'ils rendent a Dieu efi la principa fource de la profpérité de notre Ernpii Anulin exécuta fidélement fes ordre Constantie.Ann. 3ij. : XXXVM . Exemption des - fonftions - municipas les accor- dée aux - Clercs. S Euf. hifi.. I. 10. c. 7. S. Aug. ep. S 68. _ 5oj. 1.1. , «• 9" Cod. Th, re l. 16. tit. lt %■ & tit. 5. God. ad Cod^Th.l. J, 11. tit. I. hg, s.  CONSTANTTN. Ann. 3.13. i J 208 Hiftoire & lui en rendit compte par une lettre , oü il lui marqué , qu'en notifiant a Cécilien & a fes Clercs , le bienfait de 1'Empereur , il en a pris occafion de les exhorter dréunir tousles efprits pour obferver la fainteté de leur loi, & s'occuper du culte divin avec le refpecl convenable. II lui envoye en même-temps les. plaintes des Donatiftes , dont je parlerai dans la fuite. Ces fchifmatiques qui ne participoient pas a Pexemption, & peut-être auffi les autres habitants par un effet de jaloufie,. s'efforcerent plufieurs fois d'anéantir ce privilege par des chicanes. Les fonöions municipales étoient onéreufes, & Pimmunité des, uns devenoit une furcharge pour les autres. Aufïi dès cette même année,, Conftantin fut obligé de réitérer fes. ordres a ce fujet par une loi du dernier. d'Oöobre.. Sozomene dit que :ette exemption fut enfuite étendue i tous. les Clercs dans toutes les Provinces de 1'Empire; & fon témoimage eft confirmé par. une loi fake?our la Lucanie & le pays des Bruiens.. L'Empereur lui-même déclare* lans une loi de Pan 330, qu'il avoit  nu Bas-Empire. Liv. II. 209établi eet ufage dans tout POrient, fans doute après la défaite de Licinius. Mais ce privilege ne fut nulle part accordé qu'anx Miniftres de 1'Eglife Catholique ; les hérétiques & les fchifmatiques, qui prétendoient y participer, en font exclus en termes exprès par une loi de Pan 316. Conftantin, en exemptant les Clercs des charges perfonnelles,ne lesexempta pas des tributs. Us continuerent de les payer k proportion de leurs biens patrimoniaux. Mais il en déchargea les biens des Eglifes : ce qui ne fubfifta pas même fous fes fucceffeurs, quand 1'Eglife fut devenue affez: opulente, pour partager fans incommodité les charges de 1'Etat dont fes Miniftres font partie. Ces avantages accordés aux Clercs furent comme unfignal, quiappella f au fervice de 1'Eglife tous ceux qui vouloient fe fouftraire a des. dépenfes auxquelles les particuliers ne fe prêtent qu'a regret, quoiqu'ils en reeueillent les fruits. On fe preffoit d'entrer dans la cléricature; les fonctions municipales alloient être abandonnées, faute de fujets; la cupidité constantin. Ann. jij. XXXIX. Abus occafionnéspar ces exemptions , 8e corrigés par Conftantin.Cod. Th. I. 16. tit. 2.  CONSTANTIN. Ann. 313. 2IO H I s T 0 1 & E appauvriffoit 1'Etat fans enrichirTEgjife qu'elle peuploit de Miniftres intéreffés. L'Empereur, pour empêcher tout a la fois Ia trcp grande multiplication des Eccléfiaftiques, & la défertion des fonftions néceffaires a 1'Etat, ordonna en 310 qu'a 1'avenir & fans rien changer pour le paffe, on ne feroit des Clercs qu'è la place de ceux qui mourroient, & qu'on ne choifiroit que des gens a qui leur pauvreté donnoit déja Firnmunité. II renouvella cette ordonnance fix ans après, en déclarant que les riches devoient porter les fardeaux du fiecle, & que les biens de 1'Eglife ne devoient fervir qu'a la fubfiftance desjwuvres. Ilordonnoit même que fi entre les Clercs déja recus, il s'en trouvoit quelqu'un qui, par fa naiffance ou par fa fortune, fut propre a foutenir les charges municipales, il feroit retiré du fervice eccléfiaftique , & rendu a celui de 1'Etat. Mais il paroit que les Donatiftes, toujours jaloux des avantages de la vraie Eglife, abuferent de cette loi dans la Numidie, oii ils étoient les plus puiffants;& qu'ils arrachoient  nu Bas-Empire. Liv. II. 211 a 1'Eglife des Clercs, qui n'étoient pas dans le cas de Pordonnance. Ce fut apparemment ce qui donna lieu a Conftantin d'adreffer en 330 aValentin, Gouverneur deNumidie, une autre loi, dont le fens me paroit être, que ceux qui feront une fois entrés dans la cléricature ne feront plus fujets a un fecond examen de leurs facultés ; mais qu'ils jouiront fans trouble de 1'immunité cléricale. En s'occupant de 1'honneur & de 1'avantage de 1'Eglife, il ne perdoit pas de vue le gouvernement civil. II fit dans fon féjour a Treves plufieurs loix fort fages, pour préyenir les furprifes qu'on pourroit faire a fa religion, par de faux expofés, & pour empêcher les Juges de précipiter la condamnation des accufés avant une convictionpleine & entiere. Voulant décourager les accufations des crimes qu'on appelloit alors de lefeMajefté, & quis'étendoient fort loin, il foumit k Ia torture les accufateurs qui n'adminiftreroient pas des preuves manifeftes , auffi-bien que ceux qui les auroient excités a intenter Paccufation; & il ordonna de punir CONSTANTIN. A.nn, 3ij, XL. Loix fur le gouvernementcivil. Cod. Ju/t. lib. I , tit. 22, hg. 3. Cod. Th. I. 9 , tit. 40. lbid. tit. 5. lbid.l. 12, tit. II. Md. I. J , tit. 19. lbid. I. 4, tit. 9. lbid. I. S , tit. 6. Cod. Jufl. 1.11 ttit. I. lbid. I. 7 , tit. 22. lbid. I. 6 , tit. I,  CONSTANTIN. Ann. 313, Ibii. I. 3, tit. I. 212 Bistoihe du fupplice de la croix, même fans être entendus , les efclaves & les affranchis qui oferoient dénoncer leurs maïtres & leurs patrons. Les villes avoient des fonds qu'elles faifoient valoir entre les mains des particuliers : il fit des, réglements pour affurer ces rentes, & empêcher que les fonds ne fuffent diffipés par la négligence des Magiffrats chargés des recouvrements. II mit les mineurs k couvert de la mauvaife foi de leurs tuteurs & curateurs. Pour eonferver 1'honnêteté publique, il renouvella 1'arrêt du Sénat, fait du temps de Claude, par lequel une femme de condition libre, qui s'abandonnoit a un efclave, perdoit fa liberté. II fut pourtant obligé d'adoucir cette loi dans la fuite; ce qui prouve la co.rruption des moeurs de ce fiecle. Sous le regne de Maxence, beaucoup de fujets indignes étoient parvenus aux charges, & d'honnêtes citoyens avoient perdu leur liberté : dans 1'horrible famine qui défola alors la ville de Rome, ils s'étoient vendus euxmêmes, ou avoient vendu leurs enfants. II remédia par deux loix a ce  nu Bas-Empire. Liv. II. 213 doublé défordre : par 1'une, il déclara incapables de pofleder aucune charge tous les hommes infames & notés pour leurs crimes ou leurs déréglements ; par 1'autre , il ordonna, fous de groffes peines, de remettre en liberté, fans attendre la contrainte du Magiftrat, tous ceux qui étoient devenus efclaves fous la tyrannie de Maxence; il étendit même cette punition fur ceux qui , bien inftruits qu'un homme étoit né libre , difïimuleroient & le laifferoient dans 1'efclavage. II déclara encore qu'il ne pouvoit y avoir de prefcription contre la liberté, & qu'un homme libre ne perdoit rien de fes droits ,même après foixante ans de fervitude ; mais en même-temps il foumit k des peines très-féveres les efclaves fugitifs. Plufieurs réglements qu'il fit encore dans la fuite montrent fon inclination k favorifer les droits de la liberté, fans bleffer ceux de la juflice. Quelquesunes de fes loix renferment de belles maximes de morale : Nous penfonsy dit-il dans une , qu'on doit avoir plus d'égard d l'équité & d la juftice naturelle , qu'au droit pofiiif & rigoureux. Constantie.Ann. 313. C. T. Üb. 4. tit. 8,  C ONSTANTIN. Ann. 313. C. J. I. I. tit. 14. U S. tit. 53. XLI. Loix pour la perception des tributs. Cod. Th. I. 11, tit. X. lbid. tit. 7. lbid. I. 8, tit. 10. lbid. 1.10, tit. IJ. £14 H I S T O I R h Mais il réferva au Prince la décifion des queftions oü le droit politif paroïtroit en contradiction avec 1'équité. II déclare ailleurs que la coutume ne doit pas prefcrire contre la raifon ni contre la loi. Dès cette année & dans toute la fuite de fon regne, il paroit avoir donné une attention particuliere k deux objets importants : a la perception des impöts, & k 1'adminiftration de la juftice. II prit tous les moyens que lui fuggéra fa prudence pour affurer les contributions qu'exigeoient les befoins de 1'Etat, & pour les rendre moins onéreufes k fes fuiets. II voulut que les röles des impofitions fuffent fignés de la main des Gouverneurs des Provinces. Pour ac:élérer les payements, il ordonna que [es biens de ceux qui, par mauvaife yolonté, différeroient de payer, fuffent vendus fans retour. Mais auffi 1 réprima par des peines rigoureufes les concuffions des Officiers, & aermit de les prendre k partie ; il léfendit de dédommager le fifc des ïon-valeurs, en les reprenant fur les ;ens folvables; de mettre en prifon  bv Bas-Empire. Liv. II. 215 les débiteurs du fifc, ou de leur impofer aucune punition corporelle : La prifon, dit-il, nefl faiu que pour les criminels ou pour les Officiers du fifc qui excedent leur pouvoir ; quant d ceux qui refufent de payer leur part des contributions , on fe contentera de leur envoyer garnifon, ou s'ils perfif~ tent, de vendre leurs biens. Celui qui pourfuivoit les dettes du fifc, s'appelloit Avocat du fifc : Conftantin veut que eet emploi foit exercé par des gens integres, défintéreffés, inftruits; & il les avertit qu'ils feront également punis pour fermer les yeux fur les dettes qu'ils doivent pourfuivre, & pour les pourfuivre par des chicanes : L'inte'rêt de nos fujets, ditil dans une de fes loix, nous efl plus précieux que tintérêt de notre tréfor. II ! fuivit exaftement cette belle maxime : on voit par plufieurs de fes loix qu'il ne donna au fifc aucun privilege , qu'il le réduifit au droit commun , & qu'il laiffa aux particuliers plufieurs reffources pour fe défendre contre les prétentions du domaine. _ Pour ce qui regarde Padminiftration de la juftice , on ne peut affez CONSTANTIN. Ann. 313, c. t. uk io, tit: t. ib. 4, tit, 3. xLir. joixpour .'adminif-  CONSTANTIN. Ann. 313. trarion de la juftice. Cod. Th. I. II, tit. 19. lbid. tit. 30. lbid. tit. 36. lbid. I. a, tit. 7. lbid. I. 9 , tit. 10, 2I<5 HlSTOIRK louer le foin qu'il prit d'en bannir les longueurs, la mauvaife foi & les chicanes, tant de la part des Juges que de la part des plaideurs. Se regardant comme le Lieutenant immédiat de Dieu même dans la fonction de juger fes peuples, il permit aux Juges d'avoir recours a lui pour le confulter avant que deprononcer, quand ils feroient embarraffés fur le jugement d'une affaire : mais il les avertit auffi de ne s'adreffer a lui que rarement, & dans les cas qui n'étoient pas clairement décidés par les loix, pour ne pas interrompre fes autres occupations; d'autant plus que celui qui fe trouveroit léfé, avoit la reffource de Pappel. De peur que ces rapports envoyés au Prince ne ferviffent de prétexte pour prolonger les affaires, il y prefcrit un terme fort court; il en regie la forme & écarté tous les obflacles qui pourroient en retarder 1'efFet. Comme les Juges inférieurs , mécontents des appels qu'on interjettoit de leurs fentences, faifoient quelquefois reffentir aux appellants leur mauvaife humeur , il cenfure par plufieurs loix ce  du Bas-Empire. Liv. II. 21; ce procédé arrogant, & les menaa de punition. II recommande aux Juges des tribunaux fupérieurs la diligence dans 1'expédition des caufe: d'appel. II prévient les abus qui peu vent fe gliffer dans les appels, dan les évocations, dans les délais des ju gements. II déclare qu'on peut ap peller de tous les tribunaux, excepfc de celui desPréfets du Prétoire, qu font proprement les repréfentants di Prince dans 1'exercice de la juftice II ne permet pas d'appeller de 1, condamnation des crimes d'homici de, de maléfice, d'adultere, d'empoi fonnement, quand la convicfion ei complete : a 1'occaiion des loix qn fit Conftantin dans fon féjour a Tre ves , j'ai raffemblé fousle même poin de vue toutes celles de ce Prine qui ont eu le même objet, quoi qu'elles ayent été faite enfuite & ei différentes années ; & je continuera d'en ufer de cette maniere pour évi ter les longueurs & les répétition ennuyeufes, a moins que quelqu circonftance particuliere ne m'ob!ig< d'interrompre eet ordre. Tandis que Conftantin a Treve; Tome I. K Constantie.' Ann. 313. i 1 t t t 1 i > ; XLIII. Maximin  ai8 Histoire s'appliquoit a réeler les affaires de CONSTANTIN. Ann. 313, commence la guerre contre Licinius. Euf. I. 9. e. 10. Lacl,c,4<. 1'Etat, Maximin, profitant de fon éloignement, entreprit d'exécuter le deffein qu'il méditoit depuis long-temps, de fe rendre feul maitre de tout 1'Empire. Cet homme fier & hautain, plus ancien Céfar que les deux autres Empereurs, ne pouvoit fouffrir leurfupériorité qu'il regardoit comme ufurpée : il fe donnoit le premier rang dans fes titres; & comme il reftoit feul des deux Auguftes & des deux Céfars, que Dioclétien & Maximien avoient nommés en quittant 1'Empire , il fe portoit pour légitime héritier de toute leur puiffance. Plein de ces idéés ambitieufes, il prit le temps que les deux Empereurs célébroient a Milan les noces de Conftantia; & quoique ce fut dans le fort de 1'hyver, il mit fes troupes en campagne; & doublant les marches, U ,arriva bientöt de Syrië en Bythynie; mais ce fut aux dépens d'une grande partie de fes forces : il laiffa fur les chemins prefque toutes fes bêtes de charge, que les pluies, les neiges, lafange, le froid & les marches forcées faifoient périr. Parvenu au ri-  du Bjs-Empire. LM. II. 219 vage du Bofphore , qui fervoit de borne k fon Empire, il paffa le détroit , & s'approcha de Byfance, oü il n'y avoit qu'une foible garnifon. Ayant en vain tenté de la corrompre, il attaquala ville; elle fe rendit après onze jours de réfiftance. De - la il marcha a Héraclée, autrement nommée Périnthe, qui 1'arrêta encore plufieurs jours. Ces délais donnerent le temps de dépêcher des courriers k Licinius, qui s'étant féparé de Conftantin au fortir de Milan, étoit revenu en IIlyrie. Ce Prince, a la tête d'une poignée de foldats, accourt en diligence , arrivé a Andrinople lorfque Périnthe venoit de fe rendre; & ayant raffemblé ce qu'il peut trouver de troupes dans le voifinage, il s'avance jufqu'a dix-huit milles de Maximin campé k une égale diftance de Périnthe. L'intention de Licinius étoit d'arrêter 1'ennemi, mais fans le combattre: il n'avoit pas trente mille hommes, contre foixante & dix mille. Maximin, par la raifon contraire , réfolu d'engager une advtion, fit vceu a Jupiter d'exterminer le nom ChréK ij CÖNS-l TANTIW. A.nn. 3(3. XLIV. Licinius vient a fa rencontre.  CONSTANTIN. Ann, 313. I 1 ( e 1 220 HlSTOIRE tien, s'il étoit vainqueur, Laöance rapporte que pendant la nuit, Licinius eut une vifion miraculeufe : il fongea qu'il voyoit un Ange qui lui ordonnoit de fe lever fur Pheure , & de prier avec toute fon armée le Dieu fbuverain, lui promettant la viöoire s'il obéiffoit; qu'a eet ordre, il fe levoit auffi-töt, & que 1'Ange 1'inftruifoit d'une priere qu'il devoit faire prononcer a fes foldats. II faut avouer que la vérité de ce miracle n'eft foniée que fur la bonne foi de Licinius , que la fuite de fa vie rend fur :e point infiniment fufpecfe. Licinius \ fon réveil fit appeller un Secretai■e, & lui diefa la formule de priere lont il difoit avoir la mémoire toute écente. Elle étoit concue en ces ternes : Nous vous prions , Dieu fou•erain ; Dieu Saint, nous vous prions : ious vous recommandons notre falut & 'Mre Empire : c'eji de vous que nous znons la vie, la félicité, la vicloire : ")ieu fuprême, Dieu Saint, exauce^ous ; nous tendons les bras vers vous, xauce{-nous, Dieu Saint, Dieu fouerain. II diftribua aux Préfets & aux rribuns plufieurs copies de cette prier  nu Bas-Empixe. Liv. II. 221 re, pour la faire apprendre a leurs foldats. Ceux-ci, allures d'une vicloire , dont le Ciel même fe rendoit garant, s'enflamment d'un nouveau courage. Licinius vouloit livrer bataille le premier de Mai, pour flétrir la deftruclion de fon ennemi, le jour même ou ce Prince avoit été créé Céfar; & pour mettre encore cette conformité entre la défaite de Maxence & celle de Maximin. Mais celui-ci fe hata de combattre dès la veille, pour honorer par les réjouiffances de la vicloire 1'anniverfaire de fon élévation. Ainfi le dernier d'Avril dès le point du jour, il rangea fes troupes en bataille. Celles de Licinius prennent aufïi-töt les armes, & marchent a 1'ennemi. Entre les deux camps s'étendoit une plaine ftérile &toute nue, qu'on appelloit le Champ ferein. Déja les deux armées étoient en préfence ; les foldats de Licinius pofent k terre feurs boucliers, ötent leurs cafques & k 1'exemple de leurs Officiers, ils ievent les bras au ciel, & prononcent après 1'Empereur la priere qu'ils avoient apprife. Après 1'avoir trois fois répétée, ils reprennent leurs cafK iij Constantie.Ann. 313.  CONST AI. TIN. Ann. 313. XLV. Bataille entre Licinius & Maximin. Zof. b. 2. Euf. I. 9. t 10. 1*3. t. 47. £22 UlSTOIRE ques & leurs boucliers. Ces mouvements & ce murmure étonnent 1'armée ennemie. Les deux Empereurs conferent enfemble , mais inutilement : Maximin ne vouloit point de paix; il méprifoit fon rival. Comme ilrépandoit Fargent k pleines mains, & que Licinius n'étoit rien moins que libéral, il s'attendoit que celuici aloit être abandonné de fes troupes , & que les deux armées réunies ïbus fes étendards marcheroient auffitöt pour aller accabler Conftantin. C'étoit dans cetteconfiance qu'il avoit entrepris la guerre. On s'approche , on fonnne la charge. Les troupes de Licinius commencent 1'attaque; felon Zozime, elles furent d'abord repouffées : La&ance dit, au contraire , que leurs ennemis, glacés de frayeur, n'eurent pas le courage de tirer 1'épée, ni de lancer leurs traits. Maximin couroit k cheval autour de Farmée de Licinius , mettant en ufage & les prieres & les promeffes : au-lieu de 1'écouter, on le char- ge lui-même, & il eft obligé de regagner le gros de fes troupes. Elles ie laiffoient égorger prefque fans ré-  nu Bas-Empi&b. Liv. IL ^ 223 fiftance par des ennemis trés-inférieurs en nombre : la plaine etoit jonchée de morts; la moitié de 1 armee étoit taillée en pieces; les autres ou fe rendoient ou prenoient la fuite : les gardes de Maximin 1'abandonnent; il s'abandonne lui-même ; & jettant bas la pourpre Impériale couvert d un habit d'efclave, Ü fe mele dans Ia troupe des fuyards, & repaffe le détroit. Emporté par fa terreur, il arrivé la nuit du lendemain k Nicomédie , k cent foixante milles du champ de bataille. II y prend avec lui ü femme , fes enfants, un petit nombn de fes Officiers, & continue la tuit* vers 1'Orient. Enfin,après avoir echap pé k bien des périts, fe cachantdan les campagnes & dans les villages il gaene la Cappadoce, oü ayan rallié ce qui lui reftoit de troupes il s'arrêta tk reprit la pourpre, Licinius , après avoir incorpor dans fon armée les ennemis qui s t toient rendus, paffa le Bofphore ; t peu de jours après la bataille enti dans Nicomédie, rendit graces k Die comme a 1'auteur de fa viefoire, < laiffa repofer fes troupes. Dès le pr< K iv CONSTANTIN. Ann. }i J. ; > t 1 é XLVï; Licinius i Nicomé£ die. a Lacl. c. 48. Cod.Th.l. U IJ.fH. 10. 5C leg. 2. >_ God. ai hanc legem.  CONSTANTIN. Ann. 313. i XLVII. Mort de Maximin. ' Latt. c. 49. 1 Euf. Hifi. j /, 8. c. 10. 6- ix. £ ' 224 H I S T 0 S R E mier jour de Juin, il fit un afte de fouveraineté en faveur de la Lycie & de la Pamphylie: il exempta par une loi le petit peuple des villes de ces Provinces de payer capitation pour les biens qu'il pofiedoit a la campagne. C'étoit un nouveau joug, dont les fimples particuliers habitants des villes avoient toujours été exempts, & que Maximin apparemment leur avoit impofé. Le treizieme du même mois , il fit afficher 1'édit qu'il avoit dreffé a Milan, de concert avec Conftantin , pour rendre a 1'Eglife une -ntiere tranquillité. II exhorta même 3e vive voix les Chrétiens k faire ibrement 1'exercice de leur Religion. Dn peut placer ici la fin de cette perecution cruelle, qui, commencée en :ette même ville le vingt-troifieme le Février de Fan 303 , avoit penlant dix ans multiplié le Chriftianifne en faifant périr des milliers de Chrétiens. Maximin, couvert de honte & plein le défefpoir, déchargea fa première ureur fur les Prêtres de fes Dieux, mi, par des oracles impofteurs, Fa^oient affuré du fuccès de fes armes.  au Bjs-Empire. Liv. IL 225 II les fit tous maffacrer. Enfuite apprenant que Licinius venoit k lui avec toutes fes forces, il gagna les défilés du mont Taurus, & effaya de les défendre par des barricades & des forts qu'il fit élever k la hate. Enfin, comme le vainqueur forcoit tous les paffages, il fe renferma dans la ville de Tarfe, a deffein de fe fauver en Egypte pour y réparer fes pertes. Eufebe dit qu'il y eut un fecond combat, auquel Maximin ne fe trouva pas, & que, caché dans la ville dont il n'ofoit fortir , il fut dans le temps même de la bataille frappé de la maladie dont il mourut. Selon Laclance, ce Prince, affiégé dans Tarfe, fans efpérance de fecours, & fans autre reffource que la mort, s'il vouloit ne pas tomber entre les mains d'un rival cruel & irrité, fe remplit, pour la derniere fois, de vin & de viandes , & avala enfuite un breuvage mortel. Mais la quantité de nourriture dont il s'étoit chargé, amortit la force du poifon , qui, au-lieu de lui öter la vie fur le champ, le jetta dans une longue & douloureufe agonie. Dans eet état, il reconnut le bras de Dieu qui le frap= K. v CONSTANTIN. /Vnn. 31}. Vit.l. i.e. 58 &■ 59. Zof. I, i,  CONS» TANTIN. J..-3, 225 II I S T 0 I R E poit; il forca fa bouche impie a louer celui k qui il avoit fait une guerre facrilege; il fit en faveur des Chrétiens, unédit, dans lequel ce Prince malheureux, fous la main de Dieu qui 1'écrafe, veut encore conferver la fierté du tröne, & pallier, par un préambule impofant, la mauvaife foi de fes édits précédents. Au refte, il accorde fans réferve aux Chrétiens tout ce que Conftantin leur avoit donné dans fes Etats, c'eft-a-dire, la permiffion de relever leurs temples, & de rentrer en poffeffion de tous les biens des Eglifes,. de quelque maniere qu'ils euffent été aliénés. Un repentir fi force & fi imparfait ne défarma pas la colere de Dieu. Pendant quatre jours, il fut en proie aux plus affreufes douleurs. II fe rouloit fur la terre, il 1'arrachoit k pleines mains, & la dévoroit. Ses entrailles étoient embrafées par un feu intérieur, qui ne lui laiffa au-dehors que les os defféchés. A force de fe frapper la tête eontre les murailles , il fe fit fortir les yeux de leur orbite.. Les Chrétiens regarderent eet horrible accident comme une punition de la cruauté exer^  du Bas-Ëmpire. Liv. II, 227 cée fur tant de Martyrs, a qui il avoit fait crever lesyeux. Alors, tout aveugle qu'il étoit, il croyoit voir le Dieu des Chrétiens, environné de fes Miniftres, & 1'entendre prononcer fon jugement: il s'écrioit comme un criminel a la torture; il s'excufoit fur fes perfides confeillers; il avouoit fes crimes , imploroit Jefus-Chrift, lui demandoit en pleurant miféricorde. Enfin , au milieu de ces hurlements, auffi affreux que s'il eüt été dans les flammes, il expira par une mort plus terrible encore que celle de Galere , qu'il avoit furpaffé en impiété & en barbarie. II étoit dans la neuvieme année de fon regne, a compter du temps oii il avoit été fait Céfar, & dans la fixieme depuis qu'il avoit pn: le titre d'Augufte. II avoit plufieur: enfants, déja affociés a 1'Empire ,& dont on ignore les noms. La mort de Maximin ne fut pas l derniere punition qu'exerga fur lui 1 vengeance divine elle s'étendit fu fa mémoire, fur fes Officiers , fu toute fa familie. II fut déclaré enne mi public par des arrêts infamants oü. il étoit qualifié de tyran impie CONSTANT1N. Ann. }i J. I XLVII1» 1 Suites de cette r mort. r Euf. U 9. . c. II. V-alifibUi > S, Grtgor j rius N*{.  CONSTANTIN. Ann. 313. adverf. Julian. orat. 3- i ( -< 1 < i c c V g n lf 228 H I S T 0 I R E déteftable, ennemi de Dieu. Ses images & fes ftatues, ainfi que celles de fes enfants, auparavant honorées dans toutes les villes de fes Etats, furent les unes mifes en pieces, les autres noircies, défigurées & abandonnées a toutes les infultes du peuple, qui, dès qu'il ceffe de trembler, triomphe des tyrans avec infolence. On mutila fes ftatues; on prit un plaifir nhumain a les transformer dans 1'é:at horrible ou l'avoit mis la malalie. St. Grégoire de Nazianze, plus le cinquante ans après, dit qu'elles )ortoient encore les marqués de fon ihatiment. Licinius öta toutes les char[es aux ennemis du Chriftianifme. Deux qui s'étoient fait un mérite de ourmenter les Chrétiens, & que le yran avoit en récompenfe comblés e faveur, furent mis a mort. Peuetius, trois fois Conful avec Maxiïin , & Sur-Intendant de fes finan°s ; Culcien, honoré de plufieurs ^mmandements, & qui étant Gouerneur de la Thébaïde, avoit fait rand nombre de Martyrs, furent puis des cruautés dont ils avoient été s confeillers & les rniniftres. Théo-  nu Bas-Empire. Liv. IJ. 229 tecne, ce fcélérat dont nous avons parlé , n'évita pas le fupplice qu'il méritoit. Maximin avoit récompenfé fes fourberies, par le gouvernement de la Syrië. Licinius étant venu a Antioche, fit faire la recherche de ceux qui avoient abufé de la crédulité du Prince ; & entre les autres, il fit mettre a la torture les Prophetes & les Prêtres de Jupiter Philius: il voulut s'inftruire des fupercheries dont ils s'étoient fervis pour faire parler ce nouvel oracle. La force des tourments leur arracha Paveu de toute 1'impofture.Théotecne en étoit 1'artifan; ils furent tous punis de mort, & on commenca par Théotecne. La femme de Maximin fut noyée dans 1'Oronte, 011 elle avoit fouvent fait précipiter des femmes Chrétiennes. Licinius étoit fanguinaire : jufque-la il n'avoit puni que des cbupables; il y joignit des innocents, qu'il immola a fa cruauté. II fit maffacrer le fils ainé de Maximin , qui n'avoit que huit ans, & fa fille, agée de fept, & déja fiancée h Candidien. Sévérien, fils du malheureuxSévere, setoit retiré, après la mort de Galere, dans Constantie.Ann. 313,  CONSTANTIN. Ann. 313. XLIX. Aventures de Valérie , de Prifca & de Canditlien.La Si. c. 15. 39,40,41, 50, 51. ■ Balure in Lacl, p. 398. Cupcr in £jc7. p, J08. 230 HlSTOlRB les Etats de Maximin. Fidele a ce Prince, il ne Favoit pas abandonné dans Ton défaftre. Licinius le fit mourir, fous prétexte, qu'après la mort de Maximin, il avoit voulu prendre la pourpre. Candidien eut le même fort: mais fon hiftoire eft mêlee avec celle de Valérie, dont je vais raconter les infortunes. Elle étoit veuve de Galere. Etant ftérile, elle avoit eu pour fon mari la complaifance d'adopter Candidien, né d'une concubine, & que fon pere aimoit au point de le deftiner a 1'Empire. Ce Prince en mourant avoit remis fa femme & ce fils entre les mains de Licinius, en le priant de leur fervir de protecfeur & de pere. Prifca, femme de Dioclétien, & mere de Valérie, accompagna fa fille; elle s'étoit attachée a fa fortune ; elle la fuivit jufque fur 1'échafaud. L'hiftoire ne nous dit point pourquoi elle vécut féparée de fon mari, depuis qu'il eüt quitté la puiffance fouveraine. Peut-être moins philofophe que Dioclétien , préféra-t-elle la Cour de Galere aux jardins de Salone, & voulut-elle refter du moins auprès du trö;  du Bjs-Empize. Liv. II. 231 ne, dont elle étoit defcendue k regret. II paröit d'un autre cöté que ion mari 1'oublia avec 1'Empire; & dans les traverfes qu'effuyerent enfemble ces deux Princeffes, 1'hiftoire ne donne des larmes a Dioclétien que pour fa fille. Licinius ne fe vit pas plutöt maitre du fort de Valérie , qu'il lui pro pofa de 1'époufer : c'étoit un Prince efclave de la volupté & de Pavarice Valérie étoit belle, & elle donnoit l un fecond mari de grands droits fui 1'héritage du premier. Mais infenfv ble a 1'amour , & trop fiere pou choquer la bienféance qui ne per mettoit pas aux Impératrices de pal fer a de fecondes noces, elle fe dé roba de la Cour de Licinius ave Prifca & Candidien. Elle crut fe me tre k 1'abri d'une pourfuite importu ne en fe réfugiant auprès de Max: min. Celui-ci avoit une femme t des enfants : d'ailleurs , comme étoit fils adoptif de Galere , il avo jufqu'alors regardé Valérie comm fa mere. Mais c'étoit une ame bri tale & emportée, qui prit feu auff tot avec beaucoup plus de violent Constantie.Ann. jlj, L. Valérie fuit Licinius , 8c eft perfécutée par ' Maximin. r . z i l1 e  constanttn. Ann, 3ij. ] C f li d fi d 23a H I S T 0 I k E que Licinius. Valérie étoit encore dans 1'année de fon deuil : il la fait folliciter par fes confidents; il lui déclare qu'il eft prêt a répudier fa femme, fi elle confent a en prendre la place. Elle répond avec liberté , qu'encore enveloppée d'habits de deuil , elle ne peut fonger au mariage : que Maximin devoit fe fouvenir que le mari de Valérie étoit fon pere, dont les cendres n'étoient Jas encore refroidies : qu'il ne pouk"oit, fans une cruelle injuftice, rémdier une époufe dont il étoit ainé, & qu'elle ne pourroit elle-mêne fe flatter d'un meilleur traitement: [u'enfin ce feroit une démarche déflonorante & fans exemple, qu'une emme de fon rang s'engageat dans n fecond mariage. Cette réponfe ;rme & généreufe, portée a Maxifin , le mit en fureur. II profcrit ralérie, s'empare de fes biens, lui te tous fes Officiers , fait mourir :s Eunuques dans les tourments , i bannit avec fa mere, la promene 'exil en exil; & pour ajouter Finilte a la perfécution, il fait conamner a mort, fous une fauffe ac-  du Bas-Empire. Liv. II. 233 cufation d'adultere, plufieurs Dames de la Cour, liées d'amitié avec Prifca & Valérie. II y en avoit une très-diftinguée par fa naiffance, & d'un age avancé. Valérie la refpectoit comme une feconde mere. C'étoit a fes confeils que Maximin attribuoit le refus qui le défefpéroit. II charge le Préfident Eratinée, de lui faire fubir une mort déshonorante. II en joignit a celle-la deux autres, également nobles, dont 1'une avoit fa fille k Rome entre les Veftales, 1'autre étoit femme d'un Sénateur. Ces deux dernieres avoient eu le malheur de plaire a Maximin par leur beauté; il les puniffoit de leur réfiftance. On les traina toutes trois devant un tribunal , oii leur condamnation étoit déja arrêtée. On n'avoit trouvé pour fe prêter a cette accufation qu'un Juif accufé lui-même d'autres crimes, & qui fe laiffa fuborner par la promeffe de 1'impunité. C'étoit k Nicée que fe jouoil cette fanglante tragédie. Le Juge . qui craignoit Pindignation du peuple, fe tranfporta hors de la ville avec une nombreufe efcorte de foldats} CONSTANTIN. Ann. 313. LI. Supplice de trois Dames innocentes.  Constantie.Ann, 313. ! ] 1 i LIT. Dioclé- 234 H I S T 0 I R E de peur d'être lapidé. On met Faccufateur a la torture, il perfifte comme il en étoit convenu. Les accufées vouloient répondre ; les bourreaux leur ferment la bouche a grands coups de poing; la fentence eft prononcée ; on les conduit au fupplice entre deux hayes d'archers : tout retentilfoitde fanglots & de gémilTements; & ce qui redoubloit la compaffion & les larmes des afliftants , c'étoit la vue du Sénateur dont je viens de parler. Bien inftruit de la fidélité de fa femme, qui en étoit la malrieureufe viöime, il eut la généreufe fermeté de 1'aftifter au fupplice, & de recueillir fes derniers foupirs. Après rpi'on leur eüt tranché la tête, on vouloit les laiffer fans fépulture ; nais leurs amis enleverent leurs corps jendant la nuit; on ne tint pas la jarole donnée a ce miférable Juif, jui les avoit accufées ; ayant été mis ;n croix, par une perfidie dont la ienne étoit digne, il révéla a haute ^oix tout ce myftere d'iniquité , &c nourut en proteftant de leur inno:ence. Cependant Valérie, reléguée dans  nu Bas-Empire. Liv. 11. 235 les déferts de Syrië, trouva moyen d'inlïruire de fes malheurs Dioclétien fon pere qui vivoit encore. II envoye auffi-töt des exprès a Maximin pour le prier de lui rendre fa fille. On ne 1'écoute pas : il redouble fes inftances a plufieurs reprifes , & toujours inutilement. Enfin , ^ il dépêche un de fes parents, Officier confidérable , pour rappeller a Maximin tout ce qu'il devoit a Dioclétien , & lui demander cette juftice comme un effet de reconnoiffance, Cet Officier ne peut rien obtenir Ce fut alors que le malheureux pere fuccomba a fa douleur , comme ji 1'ai déja raconté. Maximin ne ceffa point de per fécuter Valérie. Cependant, mêm< après fa défaite, lorfqu'il voyoit f; perte inévitable, & que fa rage n'é pargnoit pas jufqu'aux Prêtres de fe Dieux , il n'ofa lui öter la vie. Can didien s'étoit féparé d'elle pour que! que raifon qu'on ignore : elle le cru mort pendant quelque temps. Mai ayant appris qu'il étoit vivant , S. que Licinius étoit dans Nicomédie elle vint avec fa mere rejoindre c CONSTANTIN. Ann. 313. tien reüemandeValérie. LUI. I Mort de de Candidien , de ■ Prifca, & ; de Valérie. t S C » e  Constant-in.Ann, 313, 236 HlSTOIRE jeune Prince; & fans fe faire connoïtre, les deux Princeffes, fous un habit déguifé , fe mêleren, parmi les domeftiques de Candidien , pour attendre ce que la révolution produiroit dans fa fortune. Candidien , alors agé de feize ans, s'étant préfenté devant Licinius k Nicomédie , donna de la jaloufie k ce vieillard défiant, qui crut s'appercevoir que le fils de Galere s'attiroit trop de confidération, & le fit fecretement affaffiner. Valérie prit auffi-töt la fuite; le refte de fa vie ne fut qu'une courfe continuelle. Errante pendant quinze mois en diverfes Provinces, dans 1'habillement le plus propre k cacher fa con* dition, elle fut enfin reconnue a Theffalonique vers le commencement de 1'an 3 15 , & arrêtée avec fa mere. Ces deux infortunées Princeffes, qui n'avoient d'autre crime que leur condition & la chafteté de Valérie, furent condamnées a mort par les ordres de 1'injufte & impitoyable Licinius ; & conduites au fupplice au milieu des larmes inutiles de tout un peuple, elles eurent la tête tranchée: leurs corps furent jettés dans la mer.  du Bas-Empjre. Liv. IL 237 Quelques Auteurs ont prétendu qu'elles étoient Chrétiennes, & que Dioclétien les avoit contraintes d'offrir de 1'encens aux idoles : fi cette opinion , qui n'a rien d'afluré, eft véritable, leur Religion a été pour elles la plus folide confolation dans leurs malheurs , comme leurs malheurs ont pu être le moyen le plus efficace pour expier la foibleffe avec laquelle elles avoient trahi leur Religion. La révolution des jeux féculaires tomboit fur cette année : c'étoit la cent dixieme depuis qu'ils avoient été célébrés par Sévere fous le Confulal de Cilon & de Libon en 204. Ceus de 1'Empereur Philippe n'avoient été qu'une fête extraordinaire pour lblemnifer la millieme année depuis h fondation de Rome. L'ordre des een: dix ans anciennement établi fubfif toit toujours. Conftantin laifla paflei le temps de cette cérémonie fuperf titieufe, fans la renouveller. Zofimi en fait de grandes plaintes; il attribu< a cette omiffion la décadence de 1'Enr pire, dont la profpérité, dit-il, étoi attachée a la céjébration de ces jeux CONSTANTIN. Ann. 313, LIV. Jeux feculaires négligés par Conftantin. lof. U li b  CONSTANTIN. Aan. 313. LV. Paix uni▼erfellede 1'Eglife. ' Euf. hifi. I. 10. c. I, 1. S. Aug. de eiv. I. 18. <. 53- 238 H I S T 0 I R. E La mort de Maximin ne laifïbit plus de Prince ennemi du Chriftianifme. Les Eglifes s'élevoient, le culte divin fe célébroit en liberté, & la piété libérale de Conftantin y ajoutoit 1'éclat & la magnificence. Les Payens , jaloux de cette gloire, fïrent courir un prétendu oracle en vers grecs, qui portoit que la Religion Chrétienne ne dureroit que 365 ans; ils débitoient que J. C. avoit été un homme fimple & fans malice ; mais que Pierre étoit un magicien, qui, par fes enchantements, avoit enforcelé 1'univers, & réuffi a faire adorer fon maitre; qu'après 365 ans, le charme cefferoit. Ces chimériques impoftures n'allarmerent pas les défenfeurs _ du Chriftianifme ; c'étoient des cris impuiffants de 1'idolatrie terraffée. L'Eglife Chrétienne qui s'étoit accrue malgré toutes les puiffances humaines , protégée alors par les Souverains, n'avoit de bleffures a craindre que de la part de fes enfants. Et comme fa deftinée eft de combattre Sc de vaincre fans ceffe, n'ayant plus de guerrre étrangere a foutenir, elle fut attaquée dans fon propre fein par  du Bas-Empire. Liv. II. 239 des ennemis d'autant plus acharnés, que c'étoient des fujets rebelles. Je parle des Donatiftes, dont je vais reprendre 1'hiftoire dès 1'origine. Comme c'eft ici la première occafion qui fe préfente de parler de matieres eccléfiafliques, je me crois obligé d'avertir le Lecteur, que dans tout le cours de eet Ouvrage, je ne les traiterai qu'autant qu'elles auront d'influence fur 1'ordre civil. Les Empereurs devenus Chrétiens ne font q^ue trop entrés dans les querelles theologiques; ils y entrainent leur Hiftorien malgré lui. J'éviterai les détails étrangers a mon objet, & je laifferai le fonds des difcuffions k 1'hiftoire de 1'Eglife, a laquelle feule-il appartient de décider fouverainement ces queflions. Depuis 1'abdication de Maximien, les troubles de 1'Empire avoient fait ceffer la perfécution en Afrique. L'Eglife de cette Province commencoit k jouir du calme, lorfque 1'hypocrifie, 1'avarice, 1'ambition , foutenues par la vengeance d'une femme puiffante & irritée, y exciterent une nouvelle tempête. Par 1'édit de Dioclé- C ONSTANTIN. Ann. 313» lvi. Origine du fchifme des Donatiftes.' Optat. I. tm Bald. in Optat. Acta Feitcis Aptung. St. Aug. de civil. c. 3.  CONSTANTIN. Ann. 313. Idem contra PctUl. Idem brevic. col/. Idem epijl. 50, 68, Idem pojl. coll. Idem lib. I. contra Crefcon. Idem in Parmen. Coll.Carth. Conc. Hard. 1.1. p. 259. Sr fa' Euf. Hifi. L io. c. 5. Valef. de Sehifm. Donat. Dupin Hifi. Donat. Pap. ad Baron. an. 306. TUI. Hifi. des Donat. Fleury , hifi.Ecclcf. 240 HlSTOIRB tien, il y alloit de la vie pour les Magiftrats des villes, qui n'arracheroient pas aux Chrétiens ce qu'ils avoient des faintes Ecritures. Ainfi la recherche en étoit exacte & rigoureufe. Un grand nombre de fideles & même d'Evêques eurent la foiblefle de les livrer : on les appella Traditeurs. Menfurius , Evêque de Carthage , étoit recommandable par fa vertu : Donat, Evêque des CafesNoires en Numidie, 1'accufa pourtant de ce crime; & quoiqu'il n'eut pu 1'en convaincre, il fe fépara de fa communion. Mais ce fchifme fit peu d'éclat jufqu'a la mort de Menfurius. Celui-ci fut mandé a la Cour de Maxence, pour y rendre compte de fa conduite. On lui imputoit d avoir caché dans fa maifon, & d'avoir refufé aux Officiers de juftice un Diacre nommé Félix, accufé d'avoir compofé un libelle contre 1'Empereur. En partant de Carthage, ilmit les vafes d'or & d'argent qui fervoient au cultedivin, en dépot entre les mains de quelques anciens, & il en laiffa le mémoire a une femme avancée en age, dont il connoiffoit la  iw Bas-Empis.e. Liv. IL 241 la probité, avec ordre de le remettre a fon fucceffeur, s'il ne revenoit pas de ce voyage. II mourut dans le retour. Les Evêques de la Province d'Afrique mirent en fa place Cécilien, Diacre de 1'Eglife de Carthage, qui fut élu par le fuffrage du Clergé & du peuple, & ordohné par Félix, Evêque d'Aptunge. Le nouvel Evêque commenca par redemander les vafes dont 1'état lui avoit été remis. Les dépofitaires , au-lieu de les rendre, aimerent mieux contefter a Cécilien la validité de fon ordination. Us furent appuyés de deux Diacres ambitieux , Botrus & Céleufius, irrités de la préférence qu'on lui avoit j, donnée fur eux. Mais le principal refi fort de toute cette intrigue étoit une Efpagnole établie a Carthage, nommée Lucille, noble , riche, fauffe dé* vote, & par conféquent orgueilleufe. Elle ne pouvoit pardonnêr k Cécilien une réprimande qu'il lui avoit faite fur le culte qu'elle rendoit k un prétendu Martyr, qui n'avoit pas été reconnu par 1'Eglife. Cette femme, fi délicate fur 1'honneur d'une relique équivoque, ne fe fit point de fcruTome I, L Constantie,Ann. 313.  CoNSTANTIN. Ann. 313, LVII. Conciliabule de Carthage, oü Cécxlien eft condamné. C42 HlSTOIRE pule d'employer contre fon Evêque tout ce qu'elle avoit de crédit, de richeffes & de malice. Toute cette cabale, foutenue par Donat des Cafes-Noires, écrivit a Second, Evêque de Tigifi, & Primat de Numidie, pour le prier de venir a Carthage avec les Evêques de fa Province. On s'attendoit bien a trouver dans ce Prélat une grande difpofition a condamner Cécilien. Second lui en vouloit de ce qu'il s'étoit fait ordonner par Félix plutöt que par lui, & les autres trouvoient mauvais qu'il ne les eüt pas appellés a cette ordination. Avant même qu'elle fut faite, Second avoit envoyé a Carthage plufieurs de fes Clercs, qui, ne voulant pas communiquer avec les Clercs de la ville, s'étoient logés chez Lucille, & avoient nommé un vifiteur du Diocefe. Les Evêques de Numidie , ayant leur Primat ?. leur tête, ne tarderent pas a fe rendre a Carthage au nombre de foixante & dix. Us s'établirent chez les ennemis de 1'Evêque; & au-lieu de s'aflembler dans la Bafilique oü tout le peuple avec Céci-  du Bas-Empike. Liv. II. 243 lien les attendoit , ils tinrent leur féance dans une maifon particuliere. La ils citerent Cécilien. II refufa de comparoïtre devant une affemblée fi irréguliere. D'ailleurs, il étoit retenu par fon peuple , qui ne vouloit pas 1'expofer a 1'emportement de fes ennemis. Ils le condamnerent comme ordonné par des Traditeurs, & envelopperent dans fa condamnation ceux qui Pavoient ordonné : on déclara qu'on ne communiqueroit ni avec eux, ni avec Cécilien. Ce qu'il y a de remarquable, c'eft que les principaux de ces Evêques ,fi zélés contre les Traditeurs , s'étoient avoués coupables du même crime dans le Concile de Cirthe, tenu fept ans auparavant, & s'en étoient mutuellement donné 1'abfolution. Le fiege de Carthage étant ainfi déclaré vacant, la cabale élut poui le remplir, Majorin, domeftique de Lucille, & qui avoit été lefteur dan; la diaconie de Cécilien. Lucille ache ta cette place en donnant aux Evê ques quatre cents bourfes, pour être difoit-elle , diftribuées aux pauvres mais ils les partagerent entre eux pou L ij CONSTANTIN. Ann. 313. LVIII. Ordination de Majorin 1 * > f  Constant in. Ann. 313. L1X. Conflantin prend connoiffance de cette quexelle. ] 1 244 H I S T 0 1 R E mieux fuivre la vraie intention de celle ^qui les donnoit. Ils écrivirent en même-temps par toute 1'Afrique, afin de détacher les Evêques de Ia communion de Cécilien. La calomnie qui nait bien vïte de la chaleur des querelles , fut auffi-töt mife en ceuvre. Us accufoient les adverfaires d'avoir affaffiné un des leurs a Carthage avant 1'ordination de Majorin. Les lettres d'un Concile fi nombreux diyiferent les Eglifes d'Afrique : mais Cécilien n'en fut pas allarmé, étant uni de communion avec toutes les autres Eglifes du monde, & principalement avec 1'Eglife Romaine, en qui rende de tout temps la primauté de la Chaire Apoftolique.. Peu de temps après 1'ordination de Majorin , Conftantin s'étant rendu maïtre de 1'Afrique, fit diftribuer'des aumönes aux Eglifes de cette Provin:e. ,11, étoit déja inftruk des troubles ïxcités par les fchifmatiques, & il les excluoit de fes libérahtés. La jaouüe qu'ils en concurent aiguifa leur nalice. Accompagnés d'une foule de >euple qu'ils avoient féduit, ils vienïent avec grand bruit préfenter au  du Bjs-Empire. Lh. II. 245 Proconful Anulin un mémoire rempli de calomnies contre Cécilien, & une requête a 1'Empereur, par laquelle ils demandoient pour Juges de: Evêques de Gaule. Ceux-ci lembloient en effet les plus propres i faire dans cette querelle la fonftioi de Juges, paree qu'il n'y avoit poin parmi eux de Traditeurs, la GauL ayant été k 1'abri de la perfécutioi fous le gouvernement de Conftan tius & de Conftantin : 1'Empereu prit connoiffance de ces pieces, £ ordonna au Proconful de fignifier^ Cécilien & a fes adverfaires , qui euffent a fe rendre k Rome avant 1 deuxieme d'Oftobre de cette anné 313, pour y être jugés par des Ev< ques. II écrivit en même-temps a Pape Miltiade & a trois Evêques c Gaule , célebres par leur fainteté i par leur favoir, les priant d'entendi les deux parties, & de prononcer. envoya au Pape le mémoire & requête des fchifmatiques. Les tre Evêques de Gaule étoient Rhétici d'Autun , Marin d'Arles , & Mate nus de Cologne. Le Pape leur | gnit quinze Evêques d'Italie. Ce< L iij Constantie.Ann. 313. t t t 1 r t k s e e u e \c e II la is is ri-  CoKSTANTIN. Aan. 313. LX. Concile dt Rome, 1 1 < 1 < } t c ï li F 24*5 H I S T 0 I 11 B Hen avec dix Evêques Catholiques , & Donat, a la tête de dix autres de fon parti, arriverent a Rome au temps marqué. j Le Concile s'ouvrit le deuxieme d'Oftobre dans le palais de Plmpératrice Faufta, nommé la maifon de Latran. Le Pape y préfida; les trois Evêques de Gaule étoient affis enfuite , après eux les quinze Evêques d'Italie. II ne dura que trois jours, & tout fe paffa dans la forme la plus réguliere. Dès la première felïion, les accufateurs ayant refufé de parler , Donat, eonvaincu lui-même de pluieurs crimes par Cécilien, fe retira ivec confufion , & ne reparut plus levant le. Concile. Dans les deux aures feiüons, on examina Paffaire de Cécilien; on déclara illégitime & iréguliere Faffemblée des foixante & ïix Evêques Numides; mais on ne ;oulut^pas entrer en difcuffion fur 'élix d'Aptunge : outre que eet exaïen étoit long & difEcile, on décia qu'il étoit inutile dans la caufe pré;nte• , puifque fuppofé même que Féx fut Traditeur, n'étant point déofé de I'Epifcopat, il avoit pu or-  bu Bas-Empihe- Liv. IJ. H7 donner Cécilien. On prit dans lejugement le parti le plus doux J ce fat de déclarer Cécilien innocent & bien ordonné , fans féparer de la communion fes adverfaires. Le feul Donat fut condamné fur fes propres aveux, & comme auteur du trouble. On rendit compte k Conftantin de ce -qui s etoit paffé, &on lui envoya les actes du Concile. Miltiade ne furvecut pas long-temPs;il mounitledix d Janvier de 1'antiée fuivante, & Syl veftre lui fuccéda. II eüt été de la prudence Chretienne, dit un pieux & favant moderne, de ne pas montrer a un Empereur nouvellement converti les dnfentions de 1'Eglife. Les Donatifte: n'eurent pas cette difcretion. Cepen dant un tel fcandale n'ebranla pas li foi de Conftantin : mais on voit pa fa conduite en toute cette affaire qu i n'étoit pas encore parfeitement inl truit de la difcipline de lEglne. C Prince aimoit la paix; il la voulo fincérement procurer; mais tromp par les partifans fecrets que les Dc natiftes d'abord, & enfuite les Anen: avoient k la Cour, il croyoit foi L iv Constantie.Ann. 315 • LXISuites de ce Conci' le. ■ Le Ptrc . Morin , dt ' la délivr. ■ del'Eglif', l part, 2. r 17, 1 e, t é t-  COKSTANTIN. Ann. 313. j ( < ] 1 t t 1 t -- d Ann. 314. ]( LXII. ; Plaintes desDona- C 2l8 HlSTOIRE vent la trouver oü elle n'étoit pas: plus ardent a chercher la Iumiére que ferme k la fuivre quand il 1'avoit une fois connue. Après le Concile Donat ne put obtenir la permiffion de retourner en Afrique, même fous la condition qu'il n'approcheroit pas de Carthage. Pour 1'en confoler, Fiiumene , fon ami, qui étoit en crédit auprès de 1'Empereur, perfuada a ce Prince de retenir auffi Cécilien a Brefce en Italië pour le bien de Ia paix. Conftantin envoya encore deux Evêques k Carthage pour reconnoï're de quel cöté étoit 1'Eglife Cathoique. Après quarante jours d'examen * de difcuffions, oii les fchifmatiïues montrerent leur humeur turbuente, ces Evêques prononcerent pour e parti de Cécilien. Donat, afin de ammer le fien par fa préfence, reourna k Carthage contre 1'ordre de Empereur. Cécilien ne Feut pas pluat appns, qu'il en fit autant, pour efendre fon troupeau. La décifion du Concile de Rome, >m de fermer la bouche aux fchifmaques, leur fit jetter de plus grands ris. Comme pour de bonnes raifons  nu Bas-Empire. Liv. IL 249 on n'avoit pas jugé a propos d'entrer dans 1'examen de la perfonne de Félix d'Aptunge, ils fe plaignoient que leur caufe, abandonnée k un petit nombre de Juges , n'eut pas éte entendue ; ils repréfentoient ce Concile comme une cabale; ils publioient que les Evêques renfermés en particulier , avoient prononcé felon leurs paffions& leurs intéréts. L'Empereur, pour leur öter tout prétexte , confentit k faire examiner dans un Concile plus nombreux la caufe de Félix & Fordination de Cécilien : & comme ils avoient demandé pour Juges des Evêques de Gaule, il chQÏfit la ville d'Arles. Pour avérer la conduite de Félix pendant la perfécution, & décider s'il avoit véritablement liyn les faintes Ecritures, il falloit des in 'formations faites fur les lieux. L'Em pereur en cbargea Elien, Procönfu d'Afrique en cette année 314. L'ai faire fut inftruite juridiquement 6 avec exacfitude. Le quinzieme de Ff vrier , on entendit des témoins , o interrogea les Magiftrats & les Off ciers d'Aptunge; on reconnut 1'innc cënce de Félix & lafourberie des. ad L v Constantie.Ann. j.14. I s  CONSTANTIE. Ann. 314. ixni. Convocation du Concile d'Arles. I i ] 1 I r i e u d q fi éi 253 &ISTOIAK verfaires qui avoient falfifü des ao tes & des lettres. Un Secretaire du Magiftrat, nommé Ingentius, dont ils s'étoient fervis, découvrit toute l*impofture;.& le procés-verbal, dont il nous refte encore une grande partie , fut envoyé k 1'Empereur. Pendant qu'on préparoit par cette procédure les matieres qui devoient être traitées dans le Concile, Conftantin convoquoit les Evêques. II chargea Ablavius, Vicaire d'Afrique, d'enjoindre k Cécilien & a fes adverfeires, de fe rendre dans la ville d'Ar'es avant le premier d'Aoüt, avec :eux qu'ils choifir.oient pour les ac:ompagner. Ils lui ordonné de leur burnir des voitures par 1'Afrique, Ia Mauritanië & 1'Efpagne, & de leur ecommander de mettre ordre avant sur départ au maintien de la difcir line & de la paix pendant leur abmce. II déclare que fon intention ft de faire donner dans ce. Concile ne décifion définitive , & que ces ifputes de Religion ne font propres u'i attirer la colere de Dieu fur fes. 'jet* & fur lui-même. L'Empereur iriyit en même-tejnps une lettre cirr-  du Bas-Empi&e. Liv. II. 251 culaire aux Evêques. Nous avons celte qui fut envoyée a Chreftus, Evêque de Syracnfe. Le Prince y expofe ce qu'il a déja fait pour la paix, l'opiniatreté des Donatiftes, fa condefcendance a leur procurer un nouveau jugement; il ajoute enfuite : » Comme nous avons convoqué les » Evêques d'un grand nombre de » lieux différents pour fe rendre è » Arles aux calendes d'Aoüt , nous » avons cru devoir aufïi vous man » der de vous rendre au même liev » dans le même terme avec deu? » perfonnes du fecond ordre, telle » que vous jugerez a propos de le » choifir, & trois valets pour you » fervir dans le voyage. Latronien » Gouverneur de Sicile, vous foui »> nira une voiture publique. " O voit avec quelle facilité on pouvo alors affembler des Conciles, & peu qu'il en coütoit a 1'Emperei pour les fraix du voyage des Evêqiu Le Concile commenca le premi jour d'Aout. Marin, Evêque d'Arle y préfida. Le Pape y envoya de Légats; c'étoient les Prêtres Claud nus & Vitus. On a dans la lettre Coks- tanti!»» A.nn. 514. S » tl it e ir s. er s, IX a-  C0NSTANTIN. Ajiij. 314. I I i ( j ( ] L'XV. Les Do- ( nariftes appellenc ' duConci- t leal'Em- £ i^rcur.. j 2 52 H 1 s t 0 r n. e noclale la foufcription de trente-troisEvêques, dont feize étoient de Gaule. II y en avoit fans doute un plus grand nombre; mais leurs foufcriptions font perdues. Conftantin n'y aflifla pas:. il étoit occupé de la guerre contre Licinius. On examina les accufations contre Cécilien , & fur-tout la caufe de Félix. On ne trouva point de preuve que celui-ci eüt livré les livres. faints. Après un mür examen, tous. ieux furent déclarés innocents , & leurs accufateurs, les uns renvoyés. ivec mépris , les autres condamnés.. Sette fainte affemblée fit encore;, tvant que de fe féparer, d'excellents canons de difcipline. Les Evêques écri«rent au Pape, qu'ils appellent leur rh-cher frere , une lettre fynodale ^ >ü ils lui rendent compte de leur ugement & de leurs décrets, afin ju'il les faffe publier dans les autres iglifes. Un petit nombre de fchifmatiques, [ui s'étoient égarés de bonne foi, renrerent dans le fein de 1'Eglife Caholique, en fe réuniffant avec Cé-ilien. Les autres oferent appeller de i fentence du Concile a 1'Empereur,.  nu Bas'Empire. Liv. IL 253 II en fut indigné, & le témoignadans une lettre qu'il écrivit aux Evêques avant qu'ils fuffent fortis d'Arles : lis attendent, dit-il, Lejugement t?un homme , qui attend lui-même te jugemenl de Jejus-Chrijl. Quelle impu.dencel Interjetter appel £un Concile d FEmpereur comme d'un tribunalféculier! II menace de faire amener a fa Cour ceux qui ne fe foumettront pas, & de les y retenir jufqu'a la mort. II déclare qu'il a donné ordre au Vicaire d'Afrique de lui envoyer fous bonne garde les réfraaaires; il exhorte pourtant les Evêques a la charité & a la patience , & leur donne congé de retourner dans leur Diocefe , après quib auront fait leurs efforts pour rame ner les opiniatres. Les plus féditieu: furent conduits a la Cour par de tribuns & des foldats. Les autres re tournerent en Afrique , Si furent auffi-bien que les Evêques Catholi ques, défrayés dans le retour par 1 générofité de Conftantin. Ggns- tantik^ ; Si   SOMMAIRE LIVRE TROISIEME. I. CoN SVLS de cette année. II. Pre/rciere guerre entre Conjlantin & Licinius. III. Bataille de Cibales. IV. cette bataille. V. Bataille de Mardie. VI. Traife' /^'x 6- partage. VII, loi en /avear Officiers du palais. VHI. Z?ecennales de Conjlantin. IX. irit par reconnoiffance le nom de Donftantine. Mais il ne paroit pas [u'elle 1'ait long-temps confervé. raufta y mit au monde , le feptieme lAoüt, fon premier fils, qui porta le néme nom que fon pere. Vers Ie nois d'O&obre, 1'Empereur quitta les ïaules oü il ne revint plus, & prit a route d'Illyrie. En paffant par Milan , il rendit ontre les Donatifles ce jugement faneux, qui montre tout k la fois & es bonnes intentions du Prince, & on inoonflance. Les fchifmatiques,  nu Bas-Empire. Liv. HL 273 qu'il avoit fait amener a fa Cour pour les punir de 1'infolence avec laquelle ils avoient appellé du Concile a 1'Empereur , réuffirent par leurs intrigues h diminuer infenfiblement Pindignation qu'il avoit témoigné de leur procédé. On lui repréfenta qu'ils étoient excufables de ne vouloir s'en rapporter qu'a fon équité & a. fes lumieres; & 1'amour-propre fut bien appuyer fans doute des infinuations fi flatteufes. II confentit k juger après un Concile, qu'il avoit convoqué luimême pour décider définitivement. II voukt d'abord mander Cécilien : mais ayant changé d'avis, il crut plus convenable que les Donatifles retournaffent en Afrique pour y être jugés par des Commiffaires qu'il nommeroit. Enfin, craignant qu'ils ne trouvaffent encore quelque prétexte pour réclamer contre la décifion de ces Commiffaires, il en revint k fon premier avis, & prit le parti de prononcer lui-même. 11 rappella donc les Donatifles, & envoya ordre k Cécilien de fe rendre k Rome dans un temps qu'il prefcrivit : il promit k ks adverfaires que s'ils pouvoient le M v Constantie.Ann. 316. S. Aug. ep. 68 , 93 , 162,163, 165. Idem lib. 3. contra Cref con. Idem lirevic. co II. 3. e. 19, 21. Idem poft. coII. c. 3 3. Idem adv. Petill. 2. c. I. 92. Idem de Hsrcf. c. 69. Optat. Dupin Hifi. Do~ natifi. Valef. de Schifm. Donat. Pagi ad Baron. TUL Hifi. des Donat. Fleury , hifi.Ecclef, l. 10.  CONStantin. Ann. ji6. XIII. Nou- ( veaux troubles en Afri- < que. ( J 1 £74 HlSTOÏKB convaincre fur un feul chef, 11 le regarderoit comme coupable en tous. II manda en même - temps a Patronius Probianus, Proconful d'Afrique, de lui envoyer le fcribe Ingentius, convaincu de faux par Pinformation d'Elien. Cécilien, fans qu'on en fache la raifon, ne fe rendit pas a Rome au jour marqué. Ses ennemis en prirent avantage pour preffer 1'Empereur de le condamner comme contumace. Mais le Prince, qui vouloit terminer cette affaire fans retour, accorda un délai, & ordonna aux parties de fe rendre a Milan. Cette indulgence révolta les fchifmatiques; ils commencerent a murmurer contre 1'Empereur, qui montroit, difoientils , une partialité manifefte. Plufieurs s'évaderent; Conftantin donna des gardes aux autres, & les fit conduire i Milan. Cependant ceux des Donatifles qui ïtoient arrivés en Afrique y caufe•ent des troubles, & fufciterent bien les affaires a Domitius Celfus, Vi:aire de la Province , & chargé d'y emettre le calme. Le parti fchifmaique avoit repris depuis peu de nou-  nu Bas-Empirz. Liv. III. £75 velles forces par fa hardieffe & la capacité d'un nouveau chef. Majorin étoit mort : il avoit pour fucceffeur Donat, non pas eet Evêque des Cafés noires dont nous avons parlé jufqu'ici, mais un autre du même nom, qui, avec autant de malice, étoit encore plus dangereux par la fupériorité de fes talents. C'étoit un homme favant dans les Lettres, éloquent, irréprochable dans fes moeurs, mais fier & orgueilleux, méprifant les Evêques même de fa fede , les Magiftrats & 1'Empereur. II fe déclaroi hautement chef de parti : Mon parti difoit-il, toutes les fois qu'il par loit de ceux qui lui étoient atta chés. II leur impofa tellement par ce airs impérieux, qu'ils juroient par 1 nom de Donat, & qu'ils le donne rent eux-mêmes dans les acfes pu blies le nom de Donatifles; car c'ei de lui Sc non pas de 1'Evêque des Ca fes noires, qu'ils ont commencé prendre cette dénomination. II foi tint fon parti par fon audace , p; les dehors d'une vertu auftere , < par fes ouvrages, ou il ghila qu< ques erreurs conformes a 1'Arian; ^ M vj Constantie.Ann. 316. » t k te tr \z '1-  C ONSTANTIN. Ann. 316. XIV. Jugement ïendu a Milan. £76 HlSTGI&S me , mais qui trouverent même dans fa fefte peu d'approbateurs. S'eftimant beaucoup lui même, & fe réfervanf pour les grandes öccafions, il laifla le röle de chef des féditieux a Ménalius, Evêque en Numidie, qui, dans la perfécution, avoit facrifié aux idoles. Domitius fe plaignit de celui-ci a 1'Empereur, qui lui manda de fermer les yeux pour le préfent, & de fignifier a Cécilien & a fes adverfaires, qu'inceffamment 1'Empereur viendroit en Afrique , pour connoitre de tout par lui-même, & punir févérement les coupables. Ces lettres du Prince intimiderent Cécilien; il prit le parti de fe rendre k Milam Dès que PEmprereur fut arrivé dans cette ville, il fe prépara a traiter cette grande affaire. II entendit les parties, fe fit lire tous les actesj & après 1'examen le plus fcrupuleux, il voulut juger feul, pour ménager ï'honneur des Evêques, 6c ne pas rendre les Payens témoins des difcordes de 1'Eglife. II fit donc retirer tous fes Officiers & les Juges confiftóriaux, dont la plupart étoient encore idola* ïres, & pronon^a la fentence qui dé-  t>u Bjs-Empirb. Liv. III. 2ff clafoit Cécilien innocent, & fes adverfaires calomniateurs. Ce jugement fut rendu au commencement de Novembre; un mois après, le Prince étoit k Sardique. Saint Auguftm ex* cufe ici Conftantin fur la droiture de fes intentions, & fur le defir & 1'efpérance qu'il avoit de fermer pour toujours la bouche aux fchifmatiques, II ajoute qu'il reconnut fa faute dans la fuite , & qu'il en demanda pardon aux Evêques. On croit que ce fut i la fin de fa vie, quand il recut le baptême. Le Prince ne pouvoit fe flatter que fa décifion füt plus refpeaée que celle du Concile d'Arles. Aufli ne produi' fit-elle pas plus d'effet. U reconnu bientötque nulle autrepuiiïance, qu< celle de la grace Divine , ne pouvoi changer le cceur des hommes. Le Donatifles, loin d'acquiefcera fon ju cement, 1'accuferent lui-même de pat tialité : il s'étoit, difoient-ils , laifl féduire par Ofius. Irrité de cette op niStreté infolente , il voulut d'abor punir de mort les plus mutins; mais & ce futpeut-être, dit Saint Augui tin , fur les remontranees d'Ofms Constantie.Ann. Ji6i XV. ]Vlécon= tente- ment des : Donatif* , tes, t 5 i » t  Constantie.Ann. 316. Violence des Donatifles. 2?8 HlSTOIRE il fe contenta de les exiler & de confifquer leurs biens. II écrivit en même-temps aux Evêques & au peuple de 1'Eglife d'Afrique, une lettre vraiment Chrétiehne, par laquelle il les exhorte a la patience, même jufqu'au Martyre, & a ne point rendre injure pour injure. Les Donatifles abuferent bientöt de cette indulgence. Dans les lieux oü ils fe trouvoient les plus forts , & ils 1'étoient dans beaucoup de villes , fur-tout de la Numidie, ils faifoient aux Catholiques toutes les infultes dont ils pouvoient s'avifer. Enfin , 1'Empereur ordonna de vendre au pront du fifc tous les édifices dans lefquels ils s'affembloient : & cette loi fubfifta jufqu'au regne de Julien, qui leur rendit leurs Bafiliques. Rien ne pouvoit réduire ces efprits indomptables: 1'impunité les rendoit plus infolents, & la punition plus furieux. Ils s'emparerent de 1'Eglife de Conftantine que 1'Empereur avoit fait batir; & malgré les ordres du Prince qui leur furent fignifiés par es Evêques & par les Magiftrats, Is refuferent de la rendre. Les Evê-  nu Bas-Empirb. Liv. 111. 279 ques en firent leurs plaintes a 1'Empereur , & lui demanderent une autre Egüie; il leur en fit batir une fur les fonds de fon domaine , & tacha d'arrêter par de fages loix les chicanes que les fchifmatiques ne ceflbient d'inventer contre les Clercs Catholiques. Le principal auteur de cette perfécution étoit Sylvain , Evêque Donatifte de Conftantine. Dieu fufcita pour le punir un de fes Diacres , nommé Nundinaire , qui le convainquit devant Zénophile , Gouverneut de Numidie, d'avoir livré les fainte! Ecritures, & d'être entré dans 1'épif copat par fimonie & par violence Ce fut alors que toute Fintrigue d< 1'ordination de Majorin fut révélée Les aftes de cette procédure , qu font datés du 13 Décembre 310 furent envoyés a Conftantin. II exil Sylvain & quelques autres. Mais fi: mois après, les Evêques Donatifte préfenterent requête a Conftantr pour lui demander le rappel des ex: lés & la liberté de confcience, pro teftant de mourir plutöt mille foi que de communiquer avec Cécilien CONSTANTIN. Ann. 316a XVII. Sylvairs exilé 8t rappellé. L > 1 t S 1 • s  Constantie.Ann. 316. 1 ] i < xvïli. LefchiÉ ^ me dégé- , r.ere en G héré/ie. t; il 1' n b v c ci fi s8e HlSTOlRB qu'ils traitoient dans ce mémoire avec beaucoup de mépris. Ce bon Prince, accoutumé k facrifier au bien de la paix les infultes faites k fa propre perfonne, ne s'arrêta point a celles qu'on faifoit k un homme qu'il ivoit lui-même juftifié, il n'écouta }ue fa douceur naturelle; il manda t Verin, Vicaire d'Afrique, qu'il rapjelloit d'exil les Donatiftes, qu'il leur iccordoit la liberté de confcience , k. qu'il les abandonnoit a la veneance divine. II exhortoit encore les ^atholiques k la patience. Jufque-la les Donatifles n'avoient té que fchifmatiques : ils s'accoroient dans tous les points de doc■ine avec 1'Eglife Catholique, dont s n'étoient léparés qu'au fujet de ardination de Cécilien. Mais com1e il n'eft pas poffible qu'un mem•e détaché du corps, conferve la ie & la fraicheur, 1'héréfie, ainfi ï'il eft toujours arrivé depuis, fe ignit bientöt au fchifme. Voyant ie toutes les Eglifes du monde hrétien communiquoient avec Célien , ils allerent jufqu'a dire que ïglife Catholique ne pouvoit fub-  du Bas-Empiee. Lm. HL s3i fifter avec le pêché ; qu'ainfi elle étoit éteinte par toute la terre, excepté dans leur communion. En conféquence , fuivant 1'aneien dogme des Africains, qu'il n'y ^avoit hors de la vraie Eglife ni bapteme, m lacrements, ils rebaptifoknt ceux qui paffoient dans leur feae, regardoient les facrifices des Cathohques comme des abominations , fouloient aux pieds 1'Euchariftie confacrée par eux, prétendoient leurs ordinations nulles , brüloient leurs autels, brifoienl leurs vafes facrés, & confacroient de nouveau leurs Eglifes. II y eut pour tant en 1'année 330 en Afnque, ur Concile de deux cents foixanfö & dix Evêques Donatiftes , qui deci derent qu'on pouvoit recevoir le Traditeurs, c'eft ainfi quils nom moient les Catholiques, fans les re baptifer. Mais Donat, chef du parti & plufieurs autres , perfifterent dar 1'avis contraire : ce qui cependant n produifit pas de fchifme parmi em On voit par ce grand nombre dt vêques Donatiftes, combien eet fefte s'étoit multipliée dans lAtr que, CONSTANT1N. Ann. 316. i } » s e u :e 'tr  CONSTANTIN. Ann. 316. XIX. Donatiffes a Rome. C 1 c a § 2S2 HlSTOIRE Elle étoit renfermée dans les hornes de ce pays; & malgré fon zele a faire des profélytes, elle ne put pénétrer qu'a Rome , ville oü fe font toujours aifément communiqués tous les biens & tous les maux de la vafte étendue dont elle eft le centre. Le poifon du fchifme n'y infecfa qu'un petit nombre de perfonnes : mais c'en fut affez pour engager les Donatiftes k y envoyer un Evêque. Le premier fut Viöor , Evêque de Garbe ; le fecond , Boniface , Evêque de Balli en Numidie. Ils n'oferent ni 1'un ni 1'autre prendre le ti:re d'Evêques de Rome. Des qua■ante Bafiliques de cette ville, ils ï'en avoient pas une. Leurs feétaeurs s'affembloient hors de la ville lans une caverne, & de-la leur vinent les noms de Montenfcs, Campia, Rupitce. Mais ceux qui fuccédeent a ces deux Evêques fchifmati[ues, fe nommerent hardiment Evê[ues de Rome ; & c'eft en cette quaité que Félix affifta a la conférence 'e Carthage en 410. Les Donatiftes voient encore un Evêque en Efpane; mais fon Diocefe ne s'étendoit  nu Bas-Empike. Liv. UL 283 que furies terres d'une Dame du pays qu'ils avoient féduite. f Une fecfe hautaine , outree , ardente, étoit une matiere toute preparée pour le fanatifme. Auffi s eleva-t-il parmi eux, on ne fait precifément en quelle année, mais du vivant de Conftantin, une efpece de forcenés , qu'on appella Circoncellions, paree qu'ils rödoientfans ceüe autour des maifons dans les campagnes. II eft incroyable combien de ravages & de cruautés ces brigands firent en Afrique pendant une longue fuite d'années. C'étoient des payfans groffiers & féroces, qui n'entendoient que la langue Punique. Ivre; d'un zele barbare, ils renoncoient £ 1'agriculture, faifoient profeffion d< continence, & prenoient le titre d< vengeurs de la juftice, & de protec teurs des opprimés. Pour remplir leu miffion , ils donnoient la liberté au: efclaves , couroient les grands che mins, obligeoient les maitres de de. cendre de leurs chars, & de coun devant leurs efclaves qu'ils faifoier monter en leur place; ils déchargeoier les débiteurs, èn tuant les créanciei CONSTANTIK. Ann. 316. XX. Circoncellions. f l r t it 'S  CONSTAKTIN. Ann. 316. ] ] i 1 1 I I I I £ a £ \ c c r i 2S4 HlSTOIlLE s'ils refufoient d'anéantir les obligations. Mais le principal objet de leur cruauté étoient les Catholiques , & fur-tout ceux qui avoient renoncé au Donatifme. D'abord ils ne fe fervoient pas d'épées, paree que Dieu en a défendu 1'ufage k Saint Pierre; mais ils s'armoient de batons qu'ils appelloient batons- d'Ifraè'1; ils les manioient de ^elle forte qu'ils brifoient un homme fans le tuer fur le champ; il en mou•oit après avoir long-temps langui. Is croyoient faire graee quand ils ïtojent la vie. Ils devinrent enfuite noins fcrupuleux, & fe fervirent de oute forte d'armes. Leur cri de guerre ïtoit : Louange d Dieu ; ces paroles toient dans leur bouche un fignal neurtrier, plus terrible que le ru;iffement d'un lion. Ils avoient in» enté un fupplice inoui; c'étoit de ouvrir les yeux de chaux délayée vee du vinaigre, & d'abandonner n eet état les malheureux qu'ils aoient meurtris de coups & couverts e plaies. On ne vit jamais mieux uelles horreurs peut enfanter la fuerftition dans des ames groffieres & npitoyables. Ces fcélérats qui fai-  du Bas-Empire. Li'v. III. 285 foient vceu de chafteté, s'abandonnoient au vin & k toutes fortes d'infamies, courant avec des femmes & de jeunes filles ivres comme eux, qu'ils appelloient des vierges facrées, & qui fouvent portoient des preuves de leur incontinence. Leurs chefs prenoient le nom de Chefs des Saints. Après s'être raffaffiés de fang, ils tournoient leur rage fur eux-mêmes, & couroient k la mort avec la même fureur qu'ils la donnoient aux autres. Les uns grimpoient au plus haut des rochers, & fe précipitoient par bandes; d'autres fe brüloient ou fe jettoient dans la mer. Ceux qui vouloient acquérir le titre de Martyrs le publioient long-temps auparavant: alors on leur faifoit bonne chere, on les engraiffoit comme des taureaux de facrifice ; après ces préparations , ils alloient fe précipiter. Quelquefois ils donnoient de 1'argent a ceux qu'ils rencontroient, & menacoient de les égorger, s'ils ne les faifoient Martyrs Théodoret raconte qu'un jeune homme robufte & hardi, rencontré pai une troupe de ces fanatiques, confentit a les tuer, quand il les auroit liés CONSTANTIH. Aan. 316.  CONSTAKTIN. Ann. 316. S86 HlSTOIRS & que les ayant mis par ce moyen hors de défenfe, il les fouetta de toutes fes forces, & les laiffa ainfi garottés. Leurs Evêques les blamoient en apparence, mais ils s'en fervoient en effet pour intimider ceux qui feroient tentés de quitter leur fecte : ils les honoroient même comme des Saints. Ils n'étoient pourtant pas les maitres de gouverner des monftres furieux; & plus d'une fois ils fe virent obligés de les abandonner , & même d'implorer contre eux la puiffance féculiere. Les Comtes Urface & Taurin furent employés a les réprimer : ils en tuerent un grand nombre , dont les Donatiftes firent autant de Martyrs. Urface, qui étoit bon Catholique & homme religieux, ayant perdu la vie dans un combat contre des Barbares, les Donatiftes ne manquerent pas de triompher de fa mort comme d'un effet de la vengeance du Ciel. L'Afrique fut le théatre de ces fcenes fanglantes pendant tout le refte de la vie de Conftantantin. Ce Prince, fe voyant poffeffeur de tout 1'Empire, après la derniere défaite de Licinius , fongeoit  du Uas-Empirb. Liv. HL 287 aux moyens d'étouffer entiérement ce fchifme meurtrier : mais les violents affauts que 1'Arianifme livroit k 1'Eglife , Foccuperent tout entier ; & nous ne parierons plus des Donatiftes que fous le regne de fes fucceffeurs. On ne fait pourquoi il n'y eut point de Confuls au commencement de 1'année 317. Gallicanus & Baffus n'entrerent en charge que le 17 de Février. Après le jugement rendu k Milan, le Prince étoit allé en Illyrie; il y refta pendant fix ans, jufqu'a la feconde guerre contre Licinius , rélidant ordinairement k Sardiqüe, a Sirmium , a Naïffe fa patrie. II paffa ce temps-la a défendre la frontiere contre les Barbares. C'étoient les Sarmates, les Carpes & les Goths, qui donnoient de fréquentes allarmes. II les défit en plufieurs combats, k Campone, k Marge, k Bononia, villes fituées fur le Danube. Nous ne favons point le détail de ces guerres. Dans Fefpace de ces fix années , il fit plufieurs voyages k Aquilée. II avoit deux fils, Crifpe, né avanl 1'an 300, & Conflantin, dont nous CONSTANTIN. Ann. 316, Ann. 317. XXI. Conftantin en 11- lyrie. Buch. cycl. p. 233. Porph. Optat. c. 19 , 21 , 23. XXII. Nomination des  Constanten.Ann. 317. trois Céfars. Viel. Epit. Zof. I. 1, Anony* Volef. Idact. Chr. Alcx. Hier. Chron. 'Liban. Bafilie. 4 TUI. note 4°. fir Conftantin.Euf. Vit. i.4.c. ji, TUL art. 2Ö8 HlSTOÏRE avons marqué la naiffance au feptieme d'Aoüt de Pannée précédente. Crifpe, qu'il avoit eu de Minervine, fa première femme, étoit un Prince bien fait, fpirituel, & qui donnoit les plus belles efpérances. Quoiqu'il fut tout au plus dans fa dix-huitieme année au temps de la première guerre contre Licinius, fon pere comptoit déja affez fur fa capacité & fur fa va-leur, pour le laiffer en fa place dans la Gaule, expofée aux fréquentes attaques d'une nation turbulente & redoutable. Licinius, de fon cöté, avoit de Conffantia un fils du même nom que lui, qui n'avoit encore que vingt mois. Ce n'eft donc pas celui qu'il avoit fauvé deux ans &C demi auparavant è Sirmium après fa défaite, & qui étoit mort apparemment depuis ce temps-la. Les deux Empereurs , pour refferrer plus étroitement le nceud de leur alliance, convinrent de donner a leurs trois fils le titre de Céfar : ce qui fut exécuté le premier jour de Mars de cette année. Nous verrons que Conftantin fit auffi Céfar de bonne heure Conftance , qui lui naquit dans la fuite. II étoit bien- aife,  nv Bas-Empirb. Liv. III. 289 aife, dit Libanius , de faire faire a fes enfants dès leurs premières années Peffai du commandement : il penfoit que le Souverain doit avoir 1'ame élevée, & fans cette élévation, 1'autorité, fi elle ne perd pas fon reffort, perd fon éclat. II favoit aulïï que 1'efprit des hommes prend le pli dé leurs occupations; il voulut donc nourrir fes enfants dans le noble exercice de la grandeur, pour les fauver de la petiteffe d'efprit, & pour donner a leur ame une trempe de vigueur & de force , afin que dans 1'adverfité, ils ne defcendiffent pas de cette hauteur de courage, & que dans la profpérité, ils euffent 1'efprit auffi grand que leur fortune. II leur donna, dès qu'ils furent Céfars, une maifon 6i des troupes. Mais de peur qu'ils ne s'enivraffent de leur pouvoir, il voulut les inftruire par lui-même, Sc les tint long-temps fous fes yeux, pour leur apprendre k commander aux autres , en leur apprenant k lui obéir, II ne les occupoit que des exercices qui forment les héros, & qui rendent les Princes également capables de foutenir les fatigues de la guerre, & k Tome I. N CONSTANTIN. Ann, 317.  CONSTANTTN. Ann. 317 290 HlSTOIHB poids des grandes affaires pendant la paix. Pour fortifier leurs corps, on leur apprenoit de bonne heure a monter a cheval, a faire de longues marches a pied, chargés de leur armure, k manier les armes, k endurer la faim, la foif, le froid, le chaud , a dormir peu, a ne confulter pour leur nourriture que le befoin naturel, a ne chercher que dans les travaux du corps le délaffement de ceux de Pefprit. Plus attentif encore a leur former 1'efprit & le cceur, il leur donna les plus excellents maïtres pour les Lettres, pour la fcience militaire, pour la politique & la connoiffance des loix. II ne les laiffoit aborder que par des perfonnes capables de leur infpirer les fentiments d'une piété male & fans fuperflition, d'une droiture fans roideur , d'une bonté fans foibleffe, & d'une libéralité éclairée. II autorifoit lui-même, par fes paroles & par fon exemple, ces précieufes lecons : mais entre les maximes qu'il tachoit de graver dans leur cceur, il y en avoit une qu'il s'attachoit furtout k leur enfeigner , a leur mettre eh tout temps fous les yeux, a leur  nu Bas-Empire. Liv. III. 291 répéter fans ceffe; c'eft que la juftice : dok être la regie, & la clémence Fin-clination du Prince; & que le plus , fur moyen d'être le maïtre de fes fujets, c'eft de s'en montrer le pere. Après ces inftructions, qui commencoient dès qu'ils étoient en état de les entendre, ils les éprouvoit dans les gouvernements & a la tête des armées , & ne ceffoit de les guider , foit par lui-même, foit par des hommes remplis de fon efprit & de fes maximes. Comme Crifpe, fon aïné , étoit éloigné de fa perfonne, & employé ( a couvrir une frontiere importante, j il lui envoya pour le guider, le plus 1 habile maitre, & un des hommes les 1 plus vertueux de tout 1'Empire. Cé- , toit Lacfance , né en Afrique , qui 1 avoit recu dans fa jeuneffe les lecons du fameux Arnobe. II fut élevé dans le paganifme. Dioclétien le fit venir a Nicomédie vers Pan de J. C. 290, pour y enfeigner la Rhétorique. Malgré fon rare mérite , il étoit fi pauvre qu'il manquoit du néceffaire; & cette pauvreté fit en lui un effet tout contraire a celui qu'elle a coutume N ij CONSrANTIN. Lnn. 317. XXIII. Laftance ihargé de 'inftrucion de >ifpe. '^ita LaH. ipuê. Leniet.  CONSTANTIN. Ann. 317. : ( J 1 i i J 1 < 1 ( < 292 H 1 S T 0 I li E de produire; ce fut de lui donner du goüt pour elle : il s'en fit une fi douce habitude , que dans la fuite , a la Cour de Crifpe & k la fource des richeffes, il ne fentit augmenter fes befoins ni fes defirs. II setoit converti au Chriftianifme avant 1'édit de Dioclétien. On ne fait comment il échappa k la perfécution : peut-être demeura-t-il caché fous le manteau de Philofophe. Conftantin crut que fon fils n'avoit jamais eu plus de beroiri d'inftruftions folides, que quand 1 commengoit k gouverner les homnes. Rien n'eft plus louable que cette ageffe du pere , fi ce n'eft peut-être :elle du fils , qui eut 1'ame affez ferne pour réfifter a la féduöion de la )uiffance fouveraine, & k celle des idulateurs de Cour, qui ont la bafeffe d'admirer dès le berceau la fufifance des Princes, & fouvent intéêt de flatter & d'entretenir leur ignoance. II étoit beau de voir un Céfar le vingt ans , qui gouvernoit de vafes Provinces, & commandoit de granies armées, au fortir d'un confeil ou u retour d'une vicloire, venir avec locilité écouter les lecons d'un hom-  du Bas-Empire. L'iv. HL 293 me, qui n'avoit rien de grand que fes talents & fes vertus. On croit que Lactance mourut a Treves dans une extréme vieilleffe. Les ouvrages qu'il a laiffés donnent une idéé très-avantageufe de fon favoir & de fon éloquence. C'eft un de ces génies heureux qui ont fu fe fauver de la barbarie ou du mauvais gout de leur fiecle ; & de tous les Auteurs Latins eccléfiaftiques, il n'en eft point donl le ftyle foit plus beau & plus épuré On 1'appella le Cicéron Chrétien Quoiqu'il ne montre pas autant d< force a établir la Religion Chrétienne, qu'a détruire le Paganifme, & qu'il foit tombé dans quelques erreurs, 1'Eglife k toujours eftimé fei ouvrages , & les Lettres les honore ront toujours comme un de leurs plu précieux monuments. Conftance, le fecond fils de Faufta naquit cette année en Illyrie le trei zieme d'Aoüt, comme il le dit lui même dans une de fes loix : témoi gnage plus authentique que celui d plufieurs calendriers , qui mettent f naiffance au feptieme du même moii Conftantin ayant donné a Crifp N iij CONSTANTIN. Ann. 317. i . » XXIV. ■ Naiffance de Conftance. " Jul. or. I. ; Cod. Th. I. 6, tit. 4» leg. 10,  CONSTAKTIN.Ann. 318. 319. 320. 'xxv. Education du jeune Conftantin , Conful avec fon pere. ldace. Na-lar. Pan. c. 37. T)u Cange Tam. By^. f. 4S. 294 H 1 S T O I S. £ Ie titre de Céfar, le fit Conful en 318 avec Licinius, qui prenoit cette dignké pour la cinquieme fois. En 1'année 319, il rendit au fils de fon collegue 1'honneur que fon collegue venoit de faire a Crifpe fon fik, & exerca fon cinquieme Confulat avee le jeune Céfar Licinius. Des trois nouveaux Céfars, il ne reftoitquele jeune Conftantin , agé de trois ans & demi, qui n'eut point encore été décoré du Confulat. Son pere prit ce titre pour la fixieme fois en 1'année 320 , afin de le partager avec lui. Depuis que tout le pouvoir étoit concentré dans la perfonne des Empereurs, le Confulat n'étoit plus qu'un nom qui fervoit de date aux actes publics. Celui du jeune Prince fut du moins fécond en belles efpérances, La conformité de nom avec fon pere, foible motif fans doute, fufïifoit cependant au peuple pour tirer les pronoflics les plus heureux ; & le pere y ajoutoit un fondement plus raifonnable par 1'éducation qu'il donnoit k fon fils. Cet enfant favoit déja écrire, & 1'Empereur exercoit fa main k figner des graces, il fe plaifoit a faire  du ëas-Empirb. Liv. III- ip5 paffer par fa bouehe toutes les faveurs qu'il accordoit : noble apprentiffage de la puiffancefouveraine, nee pour faire du bien aux hommes. Cette année donna a Conftantin un troifieme fils; il eut le nom de Conftant. On ne fait pas le jour précis de fa nail- fance. . Depuis le traite de partage , la bonne intelligence fembloit retablie entre les deux Empereurs. Ces dehors étoient finceres de la part de Conftantin : mais Licinius ne pouvoit lui pardonner la fupériorité de fes arme! non plus que celle de fon merite. Per fuadé de la préférence qui etoit du a fon collegue, il croyoit la lire dan le cceur de tous les peuples. Cett fombre jaloufie le porta a une efpec de défefpoir, & donna 1'effor k tov fes vices. II trama d'abord des con plots fecrets pour le faire périr. L'hi toire n'en donne aucun détail; el fe contente de nous dire que fes mai vais deffeins ayant été plufieurs fo découverts., il tachoit d'étouffer p de baffes flatteries les juftes foupco que fa malice avoit fait naitre : n'étoit de fa part qu'apologies, q< N ïv CONSTANTIN. Ann. 320, XXVl. Perfécution de Licinius. Euf. chron. Idem hifi, l.io.c 8. I Idem Vit. , l. I. c. 49. ' & feq. O ■ /.!.«. I,». S Anony. g Valef. Soc. I. 1. e c. z. S Soi. I. 1. _ e. 7. Cedren. t. /. P. 281. e Valef in not.Euf.p. . 207. IS Balu-te ai IS 279' :e ie  CONSTANT1N. Ann, 320 296 BlSTO/RS ■ proteftations d'amitié, que ferments qu'il violoit dès qu'il trouvoit occa, fion de renouer une nouvelle intrigue. Enfin, las de voir avorter tous fes projets contre un Prince que Dieu couvroit de fa puiffance, il tourna fa haine contre Dieu même qu'il n'avoit jamais bien connu. II s'imagina que tous les Chrétiens de fon obéiffance étoient contre lui dans les intéréts de fon rival, qu'ils y mettoient le Ciel par leurs prieres, & que tous leurs veeux étoient k fon égard autant de trahifons & de crimes de lefemajefté. Prévenu de cette folie penfée, fermant les yeux fur les chatiments funeftes qui avoient éteint la race des perfécuteurs, & dont il avoit été le témoin & même le miniftre, il n'écouta que fa colere contre les Chrétiens. II leur fit d'abord la guerre fourdement & fans la déclarer: fous des prétextes frivoles, il interdit aux Evêques tout commerce avec les Payens; c'étoit en effet pour empêcher la propagation du Chriftianifme. II voulut auffi leur öter le plus fur moyen d'entretenir 1'uniformité de foi & de difcjpline, en leur défendant, par une  $u Bas-Empi&e. Liv. 111. 297 loi expreffe, de fortir de leurs Diocefes, & de tenir des Synodes. Ce Prince, abandonné a la débauche la plus etTrénée, prétendit que la continence étoit une vertu impraticable; & en conféquence, par une maligne affectation de veiller a la décence publique, qu'il violoit fans ceffe luimême par des adulteres fcandaleux, il fit une loi qui défendoit aux hommes de s'affembler dans les Eglifes avec les femmes, aux femmes d'aller aux inftru&ions publiques, aux Evêques de leur faire des lecons fur la Religion, qui devoit, difoit-il, leur être enfeignée par des perfonnes de leur fexe. Enfin, il alla jufqu'a ordonner que les affemblées des Chrétiens fe tinffent en pleine campagne, Fair y étant beaucoup meilleur & plus pur, difoit-il, que dans 1'étroite enceinte des Eglifes d'une ville. Regardant les Evêques comme les chefs d'une prétendue confpiration dont il avoit 1'imagination frappée, il fit périr les plus vertueux par les calomnies qu'il leur fufcitoit; il en fit couper plufieurs par morceaux , & jetter leurs membres dans la mer. Ces N v CONSTANTIN. Ann. 320.  CONSTANT1N. Ann. 320. 298 HlSTOIRE cruautés exercées fur les pafteurs allarmerent tout le troupeau. On fuyoit, on fe fauvoit dans les bois, dans les déferts, dans les cavernes; il fembloit que tous les anciens perfécuteurs fuffent de nouveau fortis des enfers. Licinius , enhardi par cette épouvante générale, leve le mafque; il chafïe de fon palais tous les Chrétiens; il exile fes Officiers les plus fideles; il réduit aux minifteres les plus vils ceux qui tenoient auparavant les premières charges de fa maifon; il confïfque leurs biens, & menace enfin de mort quiconque oferoit conferver le caractere du Chrifiianifme. II caffe tous les Officiers des tribunaux qui refufoient de facrifler aux idoles; il défend de porter des aliments, & de procurer aucune affiftance a ceux qui étoient détenus dans les prifons pour caufe de Religion; il ordonné d'emprifonner tk de punir comme eux, ceux qui leur rendroient ces devoirs d'humanité. II fait abattre ou fermer les Eglifes, afin d'abolir le culte public. Sa fureur & fon avarice, qui ne fe portoient d'abord que fur les Chrétiens, fe déborderent bientót fans  nu Bas-Empike. Liv. 11L 299 diftinaion fur tous fes fujets. U renouvella toutes les injuftices de Galere & de Maximin : exaaions exceffives & cruelles, taxes fur les mariages & fur les fépultures, tributs impofés fur les morts qu'on fuppofoit vivants, exils & confifcations injuftes , tous ces affreux moyens rempliffoient fes tréfors fans remplir fon avidité : au milieu des immenfes richeffes qu'il avoit pillées, il fe plaignoit fans ceffe de fon indigence, & fon avarice le rendoit pauvre en effet. Epuifé par les débauches de fa vie paffee, mais brülant d'infamei defirs jufque dans les glacés de la vieil leffe, il enlevoit les femmes k leun maris, & les filles k leurs peres. Souvent après avoir fait jetter dans le fers des hommes nobles & diftingué par leurs dignités , il livroit leur époufes k la brutalité de fes efc!ave< C'eft ainfi qu'il paffa les quatre der nieres années de fon regne, jutqu' ce que Conftantin , qu'il avoit aidé détruire les tyrans, détruifit a fo tour fa tyrannie, comme nous le rs conterons en fon lieu. Cependant les Francs s'ennuyoier N vj Constantie.Ann. 320. i i 1 a 1 it XXVII. Vittoire  CONSTANT1N. Ann. 320. de Crifpe fur les Francs. Na^. Pan. c. 17. & $6. Ann. 321. ] 1 ] 1 I 300 H I S T 0 I R g d'un trop long repos. Quoique cette nation eüt effuyé fept ans auparavant un horrible maffacre , elle fe joignit aux Allemands , & vint infulter les frontieres de la Gaule. Crifpe marcha au-devant d'enx. Ils combattirent en défefpérés. Mais leur acharnement ne fervit qua rendre la vief oire plus éclatante. Le Prince Romain montra dans cette bataille une prudence & une valeur dignes du fils de Conftantin. C'étoit au commencement de 1'hyver; & avant la fin de cette faifon , le jeune vainqueur courut avec empreffement en Illyrie a travers les glacés & les neiges pour aller joindre fon pere qu'il n'avoit vu depuis long-temps , & lui faire hommage de fa première cicfoire. Les Francs, inftruits enfin sar tant de défaites de Fafcendant jue Conftantin avoit fur eux, derieurerent en paix tout le refte de on regne; & tandis que fes armes "aifoient trembler FOccident, fa reïommée lui attira une ambaffade de a part des Perfes, la plus fiere naion de 1'univers, qui vinrent denander fon amitié.  nv Bas-Empire. Liv. III. 301 La victoire de Crifpe fut récompenfée d'un fecond Confulat , dont il fut honoré avec fon jeune frere Conftantin en 321. La cinquieme année des trois Céfars , qui concouroit avec la quinzieme de Conftantin, fut célébrée avec beaucoup de joie tk de magnificence. Nazaire, fameux orateur, prononca un panégyrique que nous avons encore : il y a apparence que ce fut h Rome. Conftantin étoit en Illyrie, & paffa quelque temps a Aquilée au mois de Mai ou de Juin. Ce Nazaire eut une fille qui fe rendit par fon éloquenc* auffi célébre que fon pere. Les deux Confuls de 1'an 322 fu rent auffi diftingués par leur mériti que par leurs dignités. C'étoient Pe tronius Probianus & Anicius Julia nus. Le premier avoit été Proconfu d'Afrique & Préfet du Prétoire. 1 fut dans la fuite Préfet de Rome. 1 réuniffoit deux qualités qui ne peu vent tenir enfemble que dans les grat des ames, la dextérité dans les al faires , & la franchife. Auffi n'e coüta-t-il rien a fa vertu pour s'a< quérir & fe conferver 1'amour & 1 CONSTANTIN. Ann. 321. XXVI11. Quinquennales des Céfars. Jdace, Na{ar. Pan., c. li Cod. Th. Hier. Chr. ; Ann. 312. . XXIX. Confuls. Idace. 1 Cod. Th. \ Symm.app. 1 p. 299. 1 Prud. ad - Sym. I. 1. I- «r/. 5 54- 1 a  CONSTANTIN. Ann. 322 XXX. Les aar- mates vaincus. Zof. I. 2. Buch. in Cyct. p. 287. 302 H I S T 0 I R B confïance des Princes. L'autre avoit été Gouverneur de i'Efpagne Tarragonoife, 6c fut auffi, pendant plufieurs années , Préfet de Rome. II avoit fuivi le parti de Maxence : fon mérite lui fit trouver un bienfaiteur dans un Prince dont il avoit été 1'ennemi. Conftantin Péleva aux premières charges. II eut Phonneur d'être le premier d'entre les Sénateurs qui embraffa la Religion Chrétienne, comme nous Pavons déja obfervé. Les Payens mêmes le combient d'éloges: ils ne mettent rien au-deffus de fa nobleffe, de fes richeffes , de fon crédit, fi ce n'eft fon génie , fa fageffe , & une bonté généreufe, qui faifoit de tous ces avantages perfonnels le bien commun de 1'humanité. II y a lieu de croire que c'eft lui qui fut pere de Julien , Comte d'Orient, & de Bafiline, mariée a Jule Conftance , frere de Conftantin, 6c mere de Julien 1'Apoftat. Les Sarmates exercoient depuis quelques années les armes Romaines. Ces peuples, qui habitoient les environs des Palus Méotides, paffoient fouvent le Danube , 6c ve-  du Bas-Empire. Liv. 111. 3°j noient faire le dégSt fur la frontiere. Les années précédentes, plufieurs de leurs partis avoient été défaits; les autres fe fauvoient au-detè du fleuve fans attendre le vainqueur. Cette année , tandis que Conftantin etoit a Theffalonique , ces barbares ayant trouvé la frontiere mal gardée, ra vagerent la Thrace & la Méfie, & eurent même 1'affurance de venir audevant de Conftantin, fous la conduite de leur Roi Raufimode. Dan leur marche, ils s'arrêterent devan une ville , dont 1'hiftoire ne marqu pas le nom ; les murailles , jufqu' une certaine hauteur, étoient batie de pierres, le refte n'étoit que d bois. Quoiqu'il y eüt une bonne gai nifon, il fe flatterent de Temport* avec facilité, en mettant le feu a partie fupérieure. Ils s'approcherei a la faveur d'une grêle de tra« Mais ceux qui défendoient la mi raille , réfiftant avec courage , & a cablant les barbares de javelots de pierres, donnerent a 1'Empere le temps de venir a leur fecour 1'armée Romaine , fondant comi un torrent des éminences d'alentou CONSTAKTIN. Ann. 312» Anony. Valef. Cod. Th, Chron. TUI. art, 48. Valef. not. in anony. Band. i» num. t. Ik, > t a s e r a it s. 1c- 5£ ur ne  3°4 H i s t o i R e CONSTAKTIN. Ann, jj2, 1 ] I I l i s h h e: ai ni G P' 1J1" pms grande partie des £ h !f Jaufi,mode, qui s'arrêta fur le bord dansle deffein de faire une 'i °n "avoit vu depuis W. Lfanube, Conftantin le traverfa, & vint forcer Fennemi qui s'étoit * Ïr^eyJflffal-aVie-APrès»" g^d .arnage, le vainqueur fit quartier k fra es pnfonniers qu'ils avoient faits epafle le fleuve avec un grand nomredecaptifs, il les diffribua dans es villes de la Dace & de Ia Méfie * joie que caufa cette vicfoire fait" lemoire de leur défaite les jeux armatiques qui fe célébroient tous s ans pendant fix jours a la fin de ovembre. Le récit de cette guerre * are de Zofime. Mais 1'Aute' r [onyme de Phiftoire de Conflantin ,1 ï,le d'une incurfion des ?ths en Thrace & en Méfie, ré•mee par Conflantin. Ce qui a fait  nu Bas-Êmpire- Liv. III. 305 jager a Godefroi & a M. de Tillemont, que c'étoient deux guerres ditTérentes, & que celle des Goths devoit être renvoyée au commencement de 1'année fuivante. II me femble que cette opinion refferre trop les faits de 1'année 313 , qui fut d'ailleurs affez remplie par les préparatifs & les événements d'une guerre bien plus confidérable. II eft plus facile de croire avec M. de Valois, que l'anonyme donne ici le nom de Goths a ceux que Zofime appelle Sarmates , d'autant plus qu'il eft fort poflible que ces deux peuples , alors voifins, fe fuffent unis pour cette expédition. Vers. la fin de cette année, 1'Empereur fit publier a Rome un pardon général pour tous les criminels: il excepta les empoifonneurs, les ho micides, les adulteres. La loi fut af fichée le 30 d'Oftobre. Le texte er eft très-obfcur. II femble fignifier i la lettre , quoiqu'en termes affez im propres, que la naiffance d'un fil de Crifpe & d'Hélene étoit la cauf de cette indulgence. Mais on ne cor noit point d'ailleurs Hélene, femm CONSTANTIN. Ann. 322. XXXI. Pardon accordé aux crU minels. Cod. Th. I. 9 , tit. 38. 1 Ug. 1. & [ ibi Godef. TUI. are.  CONSTANTIN. Ann. 322. XXXII. Loix de Conftantin. Zof. I. 2. hla-tar. Pan.c.tf. 306 HlSTOlRZ de Crifpe; & cette raifon, jointe k 1'impropriété de 1'expreffion, fait conjeélurer que le texte efl corrompu , & qu'il s'agit plutöt d'un voyage que Crifpe faifoit a Rome avec Hélene fon aïeule. Ce Prince étoit reflé en Illyrie depuis le commencement de 1 annee précédente , & il pourroit être retourné a Rome en ce temps-ci. Après la défaite des Sarmates , Conflantin revint a Theffalonique , oü il fe difpofoit a tirer vengeance des perfidies de Licinius. Mais avant que d'entrer dans le récit de cette importance guerre, je crois qu'il efl è propos de rendre compte des loix principales que ce Prince avoit faites depuis Pan 314, & dont je n'ai pas encore eu 1'occafion de parler. Ce fut dans eet intervalle qu'il s'appliqua davantage a réformer les moeurs, ï réprimer Pinjuflice , a bannir les Aicanes qui s'autorifent des loix mêmes, & a infpirer è fes fujets des fentiments de concorde & d'humaaité conformes a cette fraternité fpi•ituelle qu'établit le Chriflianifme. La légiflation efl la fon&ilpn la plus tugufte & la plus effentielle du Sou-  nu Bas-Empirb. Liv. III. 307 verain. C'eft le montrer feulement en paffant & comme fur un théatre, que de ne le faire voir qu'au milieu des batailles. Nous commencerons par les loix qui concernent la Religion. Depuis le temps des Apötres, les Chrétien; fanftifioient le Dimanche par ^ de; ceuvres de piété. Conftantin défendit de travailler pendant ce jour , & de faire aucun a£te juridiqUë. II per mit feulement les travaux de Pagriculture, de peur que les hommes n< perdiffent 1'occafion de prendre di la main de la Providence la nour riture qu'elle leur préfente. II per mit auffi d'émanciper & d'aflranchi ce jour-la , qui eft celui de Paffran chilTement du genre humain. Ses fu< ceffeurs défendirent même d'exige les tributs, & de donner des fpecr.; cles le Dimanche. Sozomene dit qu Conftantin fit la même loi pour 1 vendredi, & Eufebe femble auffi : dire pour le famedi. Mais ou ci deux dernieres loix n'eurent p; d'exécution , ou il faut feulement e tendre qu'elles ordonnoient de coi facrer aux exercices de Religion ui CONSTANTLN. Ann. 321. xxxni. Loi pour la célébra» tion du Dimanche. Cod. Th. I. '■ 2, tit. 8. . L. 8. tit. S. L. 5. tit. 5. ' Cod. Jufi. , Euf. Vit. \ 1. 4. c. 18, 19, 20. - Soj. U 1. t c. S. r e e e is is a» 1-  C ONSTANTIN. Ann. 322 xxxrv. Loi en faveur du célibat. Cod. Th. l.S.tit.16. Cod. Jvft. l' 5 , tit, 26. Euf. Vit. L 4. c 26. So^. l. 1. ft 9. 3°8 HlSTOTRE partie de ces deux jours. Ce ne fut qu'en Oriënt que la coutume s'étabhrde fêter auffi le famedi. Pour facihter aux foldats Chrétiens, 1'affiftance aux offices de 1'Eglife, Conftantin les difpenfa le Dimanche de tout exercice militaire ; il ordonna meme que les gens de guerre qui netoient pas Chrétiens fortiroient ce jour-la de la ville, & qu'en pleine campagne ils réciteroient tous eniemble, au fignal donné, une courte priere dont il leur donna la formule ; c'étoit une reconnoiffance de la puiffance de Dieu, qui feul donne la viöoire ; ils demandoient a 1 Etre Souverain de leur continuer la proteöion, & de conferver 1'Empereur & fes enfants. On peut mettre au nombre des loix favorables au Chriftianifme, celle qu'il fit pour abolir les peine impofees par la loi Papia Poppaa, k ceux qui,i 1'age de 25 ans, n'étoient pas manés, ou qui n'avoient point d enfants de leur mariage. Les premiers n'héritoient que de leurs proches parents; les autres nerecevoient que la moitié de ce qu'on leur laif-  du Bas-Empire. Liv. III. 309 foit par teftament, & ne pouvoient prétendre que le dixieme dans 1'héritage de leurs femmes : le fifc profitoit de leurs pertes. Conftantin ne crut pas cette loi compatible avec une Religion qui honore la virginité : il facrifia généreufement 1'intérêt de fon tréfor, dont il fermoit une des fources les plus abondantes : il ordonna que les uns & les autres, tant hommes que femmes, jouiroient en matiere d'héritage des mêmes droits que les peres de familie. Cependant, par un tempérament politique , en délivrant le célibat de ce qui pouvoit être regardé comme une peine, il n'oublia pas d'encourager la population : il conferva a ceux qui avoient des enfants leurs anciennes prérogatives, & laiffa fubfifter la partie de la loi qui ne donnoit au mari ou h la femme fans enfants, que le dixieme de 1'héritage du prédécédé : c'étoit, comme il le dit lui-même, pour empêcher 1'effet de la fédu£tion conjugale , fouvent plus adroite & plus puiffante que toutes les précautions &c les défenfes des loix. Mais auffi il releva la virginité évangélique par CONSTANTIN. Ann. 312.  CONSTANTIN. Ann. 322. XXXV. Loix de tolérance. Cod. Th. I. 9 , tit. 16. X. 16. tit. 10. L. 16. tit. 2. Euf. Vit. 1.1. <:.45. ; So\. 1.1. . c. 8. Zof. I. 2. 1 f 310 H I S T O I R E un nouveau privilege ; il donna k ceux des deux fexes qui s'y feroieat confacrés, le pouvoir de tefter même avant Page fixé par les loix : il crut ne devoir pas leuf refufer un droit que les Payens avoient accordé k leurs veftales. II défendit aux gens mariés d'entretenir des concubines. Mais dans le temps même qu'il attaquoit ouvertement le vice , il n'ofa toucher qu'avec ménagement k la fuperftition, paree que celle-ci, toujours armée d'un beau prétexte, fe défend avec plus de hardieffe &z ie chaleur. Rome avoit été de tous :emps infatuée de divinations, d'auïures, de préfages: Conftantin, pour ie pas effaroucher le paganiime, ca:ha le motif de Religion fous celui le la politique; & comme s'il n'avoit :raint que les fourdes pratiques & les naléfices de ces prétendus devins , il léfendit aux Aruipices 1'entrée des naifons particulieres, & ne leur pernit de prononcer leurs prédictions p'en public dans les temples. II toléa les confultations fuperftitieufes au ujet des édifices publics qui feroient rappés de la foudre ; mais il ordon-  vu Bas-Empirë. Liv. UI. 31 e na qu'elles lui feroient envoyées. II profcrivit toute opération magique qui tendroit è nuire aux hommes, ou a\ infpirer la paffion de 1'amour, & laiffa fubfifter 1'ufage des prétendus fecrets, qui n'avoient qu'un objet innocent, comme de guérir les maladies, d'écarter les pluies & les orages : en un mot, il compofa en quelque forte avec le paganifme ; & lui laiffant ce qui n'étoit qu'extravagant, il lui öta ce qu'il avoit de dangereux. Mais quand il eut porté le premier coup aux divinations domeftiques , qui étoient les plus intéreffantes pour les particuliers, il ne lui fut pas difficile de couper entiérement cette branche d'idolatrie; ce qu'il fit quelques années après. Sa patience a 1'égard des Payens n'alloit pas jufqu'a leur laiffer prendre aucun avantage : comme ils étoient encore les plus forts, fur-tout a Rome & dans 1'Italie, ils contraignoient les Chrétiens a prendre part aux facrifices & aux cérémonies qui fe faifoient pour la profpérité publique, fous prétexte que tout citoyen doit s'intéreffer au bonh?ur de 1'Etat. L'Em- COKSTANTItf. Ann. 321  CONSTANTIN. Ann. 322. XXXVI. Loix en faveurdes Miniftres de 1'Eglife. Cod. Th. L 4. tit. 7. X. 16. tit. 2. Cod. Juft. 1. I. tit. 13. Euf. Vit. I. 2. c. 21. So{. /. I, f. 9. Godef. ad Cod. Th. 312; HlSTOIRÉ pereur arrêta cette injufte contrainte par des peines proportionnées a la condition des contrevenants. Pour attirer plus de refpe£t a la Religion , il s'erTorca de donner de la confidération a les Miniftres par des privileges & des avantages temporels. L'affranchiiTement plein & entier des efclaves, qui donnoit aux affranchis droit de citoyens Romains, étoit affujetti a des formalités embarraffantes; il déclara qu'il fuffiroit de leur donner la liberté dans 1'Eglife en préfence des Evêques & du peuple, en forte qu'il en reftat une atteftation lïgnée des Evêques ; de plus, il accorda aux Eccléfiaftiques le droit d'affranchir leurs efclaves par leur feule parole, fans formalité & fans témoins. Sozomene dit que de fon temps ces loix s'écrivoient toujours a la tête des aétes d'affranchiffement. Cette nouvelle forme ne fut pourtant recue en Afrique qu'au fiecle fuivant. C'étoit fur-tout le jour de Paques qu'on choififfoit pour cette cérémonie. Mais la loi la plus fameufe de Conftantin en faveur de 1'Eglife, eft celle qui fut publiée a\ Rome  du Bas-Empire. Lw. III. 313 Rome le 3 de Juillet de 1'an 311. Ce Prince avoit déja fait rendre aux Eglifes tous les biens dont elles avoient été dépouillées pendant la perfécution; il leur avoit encore donné 1'héritage de tous les Martyrs qui n'avoient point laiffé de parents : la loi dont je parle fut la fource la plus féconde des richeffes eccléfiaftiques & de tout ce qui en eft la fuite, Conftantin y donne k toute forte de perfonnes, fans exception , la liberté de laiffer par teftament a 1'Eglife Catholique telle partie de leurs biens qu'elles jugeront k propos ; il autorife ces donations, qui trouvoient apparemment dès ce temps-la des contradicteurs, & qui, par leur affluence, ont depuis attiré 1'attention des Princes, & les reftriöions des loix. Rien n'échappoit a Conftantin de ce qui intéreffoit les mceurs, la conduite des Officiers, la police générale de 1'Etat, le bon ordre dans les jugements , la perception des deniers publics, la difcipline militaire. L'Italie & 1'Afrique avoient été défolées par les cruautés de Maxence: la mifere y avoit étouffé les fenti- Tome I, O CONS ■ TANTIW. dna. 321. xxxvn. Loix qui regardent les mceurs. Cod. Th.!, li,tit. 27. L, 5 , tit. 8 & 7. L. 9 , til. 18 & 19, IJ , 12, *4, 8.  CONSTANT1N. Ann. 322. L. 4 , tit. 10. L. 3, tit. j, Cod. Jufi. I. 6. tit. I. Dig. lib. 33. tit. I. La cl. inf* tit. I. 6. e. 20. 1 j ] 1 | l i i 1 XI r li ti ]< f< P h P Ti 314 H I S T O / R E ments les plus vifs de la nature, tk rien n'étoit fi commun que d'y voir des peres qui vendoient, expofoient ou même tuoient leurs enfants. Pour arrêter cette barbarie, 1'Empereur fe déclara le pere des enfants de fes fufets; il ordonna aux Officiers publics de fournir fans délai des aliments & des vêtements, pour tous les enfants lont les peres déclareroient qu'ils ïtoient hors d'état de les élever : ces ïaix étoient pris indifféremment fur e tréfor des villes & fur celui du 'rince : Ce feroit, dit-il, une cruauti out-a-fait contraire d nos mceurs, de aiffer aucun de nos fujets mourir de um, ou feporter par indigence d quelue ailion indigne. Et comme ce fouJgement n'empêchoit pas encore le lalheureux trafic que certains pe?s faifoient de leurs enfants, il vouit que ceux qui les auroient ache:s &c nourris en fuffent les maïtres ;gitimes , & que les peres ne puf:nt les répéter fans en donner le nx. II paroït même qu'il öta dans fuite aux peres qui auroient ex3fé leurs enfants, la liberté de les xheter des mains de ceux qui, après  du Bas-Empirs. Liv. III. 315 tes avoir élevés, les auroient adoptés pour leur fils, ou mis au rang de leurs efclaves. On croit que ces loix lui furent encore fuggérées par Lactance, qui, dans fes ouvrages, invective avec force contre les peres dénaturés. II condamna k être dévorés par les bêtes ou égorgés par les gladiateurs, ceux qui enlevoient les enfants a leurs peres pour en faire des efclaves : c'étoit encore 1'ufage de faire fervir les punitions a des divertiffements cruels. II prit de nouvelles précautions pour faciliter Ia convicfion du crime de faux dans les teftaments , & pour en abréger la pourfuite devant les tribunaux. II arrêta les fraudes de ceux qui donnoient retraite aux efclaves fugitifs pour fe les approprier. La loi ancienne fur le fupplice des parricides fut renouvellée. II étendit fes foins paternels jufque fur les derniers des hommes. Avant Conftantin, les maïtres fe permettoient toutes fortes de cruautés dans le chatiment de leurs efclaves ; ils employoient a leur gré le fer, le feu, les chevalets : 1'Empereur corrigea cette inhumanité; il déO ij Constantie.Ann. 322.  CONSTANTIN. Ann, 322. 316 UlSTOIRB fendit aux maitres toute punition meurtriere, fous peine de fe rendre coupables d'homicide ; il les déchargea pourtant de ce crime, fi Pefclave venoit a mourir a la fuite d'un chatiment modéré. C'eft une imprudence plus criminelle d'en impofer au Prince, que de tromper les Magiftrats; auffi ceux qui ofoient Pabufer, furent-ils plus févérement punis. II fit des réglements pour les donations que fe feroient mutuellement les fianeés avant le mariage : en faveur des foldats que le fervice de la patrie peut long-temps retenir hors de leur pays , il déclara que Pengagement contracfé avec eux par les fiancailles, ne pourroit être rompu qu'après deux ans écoulés fans que le mariage fut conclu. Une des loix les plus rigoureufes de ce Prince fut celle qu'il fit contre le rapt : avant Conftantin, le raviffeur reftoit impuni, fi la fille ne réclamoit pas contre la violence, & qu'elle le demandat pour mari: par la loi de ce Prince , le confentement de la fille n'avoit d'autre effet que de la rendre complice ; elle étoit alors punie com-  nu Bas-Empire. Liv. HL 317 me le raviffeur : lors même qu'elle avoit été enlevé par force, è moins qu'elle ne prouvat qu'il n'y avoit eu de fa part aucune imprudence, & qu'elle avoit employé tous lesmoyens de réfiftance dont elle étoit capable, elle étoit privée de la fucceffion de fes pere tk mere; le ravilfeur convaincu n'avoit point la reffource de 1'appel. Ces féduftrices domeftiques, qui trompant la vigilance des peres & des meres , 011 qui abufant de leur confïance, trafiquent de 1'honneur de leurs filles, fouffroient une peine affortie k leur crime; on leur verfoit dans la bouche du plomb fondu : les parents qui ne pourfuivoient pas le criminel étoient bannis, & leurs biens confifqués. On traitoit de même tous ceux de condition libre qui avoient prêté leur miniftere a 1'enlevement: les efclaves étoient brülés vifs fans diftincf ion de fexe; l'efclave qui, dans le filence des parents, dénoncoit le crime , avoit pour récompenfe la liberté. Cette loi ne marqué pas quel étoit le fupplice du raviffeur : on peut conjeöurer par une loi de Conftance, qu'il étoit livré aux bêtes dans 1'anv O iij CONSTANTIN. Ann. 322,  Constantie.Aon. 322. XXXVIII Loix concernantles Officiers du Prince & ceux des villes. Cod. Th. L 8 , tit. 5 , 1 , 4- 7. Z. 10, tit. 4, 7 , 20. L. 9, tit. 21 , 22. L. 12, tit. 7, 1, 17. L. 5, tit. 2. X. 6, rir, 22 , 4. 318 HlSTOIRE phithéatre. Une loi ancienne défendoit au tuteur d'époufer fa pupille, ou de la faire époufer a fon fils : Conftantin leva cette défenfe ; mais fi le tuteur féduifoit fa pupille, il étoit banni a perpétuité avec confifcation de tous fes biens. Pour maintenir 1'honnêteté publique, il défendit, fous peine de mort, les mariages entre les femmes & leurs efclaves : les enfants nés de ces alliances indécentes étoient libres felon les loix ; mais il les déclara inhabiles a pofféder aucune partie des biens de leur mere. Conftantin fe faifoit exacfement informer des moindres abus, & ne négligeoit rien pour y remédier. II en corrigea plufieurs qui s'étoient introduits dans 1'ufage des poftes & des voitures dont Je public faifoit les fraix en faveur de certains Officiers. II étoit fur-tout indigné contre ceux qui abufoient de la confïance du Prince pour tourmenter fes fujets; les loix qu'il fit fur eet article portent un ton de menace & de colere : il condamna a être brülés vifs les Receveurs de fes domaines qui feroient convaincus de dépréda-  du Bas-Empirb. Liv. III. 319 dons , & même de chicanes odieufes : Ceux qui font fous notre mam, dit-il, & qui reqoivent immediattment nos ordres, doivent être plus rigoureufement punis. Comme plufieurs d'entre eux, pour fe mettre a couvert de la punition, obtenoient des grades honorables qui leur donnoient des privileges, il leur ferma 1'entrée de toute dignité fupérieure, jufqu'a! ce qu'ils euffent rempli le temps de leur office d'une maniere irréprochable. II réprima 1'ambition des Officiers qui étoient au fervice des tribunaux, en réglant 1'ordre de leur promotion felon leur antiquité & leur capacité, en établiffant des peines & des récompenfes fuivant leur mérite, en fixant le temps de leur exercice. II défendit a ceux qui étoient chargés de dénoncer les délinquants, de les tenir en charte privée. Les troubles de 1'Empire avoient favorifé tous les crimes ; les fauxmonnoyeurs s'étoient multipliés. II s'étoit encore glifle un autre abus par rapport aux monnoies : les Payens, qui faifoient fansxomparaifon le plus grand nombre, aigris contre ConfO iv CONSTANTIN. A.nn. 312. Cod. Jufi. I. 10, tit. 4-  CONS"FANTIN. Ann, 312 320 HlSTOl&Z tantin , décrioient les efpeces marquées au coin de ce Prince : fous de frivoles prétextes, & par une eftimation arbitraire, ils donnoient plus de valeur a celles des Empereurs précédents, qttoiqiTelles fuffent de même poids Sc au même titre : le Prince réprima cette bifarrerie infolente ; il intimida par des loix féveres les faux-monnoyeurs Sc leurs complices; il attacha les monétaires a leur profeffion d'une maniere irrévocable, de peur qu'ils ne ftiffent tentés d'exercer pour leur compte un art qui devient criminel dès qu'il fort du fervice du Prince : il détermina avec jufteffe le poids des efpeces, Sc porta le fcrupule jufqu'a prefcrire la maniere de pefer 1'or qui feroit apporté pour le payement des impöts. Chaque ville de Province avoit une forte de Sénat, dont les membres s'appelloient Décurions, Sc les chefs Décemvirs : la qualité de Décurion étoit attachée a la naiffance; on le devenoit auffi par la nomination du Sénat, par héritage, ou par Pacquifition du patrimoine d'un Décurion : quelques-uns ayant le bien convena-  nu Bjs-Empire. Liv. III. 321 ble s'engageoient volontairement dans cette compagnie ; mais le plus grand nombre cherchoient a s'y fouftraire k caufe des fonftions onéreufes dont les Décurions étoient chargés : ils payoient eux-mêmes de plus fortes contributions, & répondoient de celles qui étoient impofées aux autres citoyens; ils avoient le détail des fubfiftances, le foin des magafins & des ouvrages publics : c'étoit k eux k faire exécuter les ordres des Gouverneurs ; ils portoient tout le poidj de 1'adminiftration civile. Conftantin fit grand nombre de loix poui maintenir des fonttions fi néceffaires il en régla les rangs, il en releva li dignité, il renonca aux droits du fif fur les biens de ceux d'entre eux qu mouroient ah intijlat & fans laiffe d'héritiers légitimes, & voulut qu ces biens tournaffent au profit d corps : il fixa 1'age auquel on poui roit entrer dans ces compagnies; impofa des peines k ceux qui fe d< roboient k ces charges; en un mot, réforma autant qu'il put cette injufti< commune, de prétendre aux avai tages de la fociété fans y rien me O y Constantie.A.nn. 311. > l i r O x ll ii :e 1t-  CONSTANTIN. Ann. 3n 3i2 H 1 S t O ï R £ tre du fien. II exempta pourtant ceüx qui prouvoient leur pauvretéj ou qui avoient cinq enfants. II en difpenfa auffi ceux qui avoient recu du Prince des brevets honoraires, pourvu qu'ils les euffent mérités par des fervices réels & non pas achetés k prix d'argent. Le defir de multiplier les honneurs & les récompenfes , qui ne deviennent jamais plus communes que quand le mérite eft plus rare, avoit alors établi la mauvaife coutume de donner des brevets honoraires, c'efta-dire , des titres fans foncfion. Comme ces diftinétions n'exigeoient ni talents ni travail, rien n'étoit plus k la portée de 1'intrigue & de la richeffe; 1'avarice des courtifans en avoit fait un trafic : Conftantin ne crut pas que des titres qui ne prouvoient que le crédit ou 1'opulence, duffent difpenfer de contribuer aux charges de 1'Etat. Les noms de Confuls, de Préteurs, de Quefteurs fubfiftoient encore ; mais ce n'étoient plus que des noms; les fonctions de ces Magiftrats fe réduifoient k donner a leurs fraix des jeux au peuple dans le cirque & fur le théatre : quelquefois pour  du Bas-Empire. Liv. 1M. 323 éviter ces dépenfes, ils s'abfentoient de Rome; on les condamnoit alors a fournir dans les greniers public une certaine quantité de bied : on croit que les Préteurs étoient taxés k cinquante mille boiffeaux. L'Empereur difpenfa de Pobligation de faire la dépenfe des jeux, ceux qui étoient revêtus de ces dignités au - deffous de vingt ans. Nous avons vu Conftantin attentif k la confervation de fes fujets; il ne le fut pas moins k les entretenir dans 1'abondance. L'Afrique & 1'Egypte fourniffoient aux habitants de Rome la plus grande partie du bied néceffaire k leur nourriture , & les magaiins de ces deux fertiles pays étoient tranfportés dans la capitale de 1'Empire fur deux flottes qui partoient Tune de Carthage , 1'autre d'Alexandrie. Une partie de ce bied étoit le tribut de ces Provinces , 1'Empereur payoit 1'autre partie. L'Efpagne envoyoit auffi du bied. Le tranfport ne coütoit rien a- 1'Etat. II y avoit un ordre de perfonnes obligées de fournir des vaiffeaux d'une certaine grandeur, & de faire les fraix de la trai O vj CONS- TANTIN. Ana. 322, XXXIX. Loix fur Ia police générale & fur le gouvernementcivil. Cod. Th. I. li, tit. 5, 3- L. 14, tit. 3, 25L. 9, tit. 40, 34. 10. L. 10, tit. 18,8,11. L. 8 , tit. 18 , 12. L. 2 , tit. 9. 19L. 3 , tit. I , 2. L. 5,«it. I. L. 13 , tit. 3i ï.  COKSTANTIN. Ann. 322. 4 , tit. 22. Cod. Jufl. 1. 6, tit. 6l. L. 5 , tit. 71- L. 8 , tit. ïe, 324 HlSTOI&Z te : on les appelloit NavicuIairesV Cette obligation n'étoit pas perfonnelle, mais attachée aux poiTeffions; c'étoit une fervitude impofée a certaines terres : quand ces terres paffoient en d'autres mains , foit par fucceffion, foit par vente, 1'obligation d'entretenir ces vaiffattx paffoit aux héritiers ou aux acquéreurs. Ce bied rendu au port d'Oftie étoit tranfporté è Rome fur des barques , & mis entre les mains d'une autre comDagnie, qui étoit auffi par la condirion de fes biens affujettie au foin d'en faire du pain. Le grain étoit moulu a force de bras, & c'étoit la punition des moindres crimes d'être condamné a tourner la meule. Une partie de ce pain étoit difiribuée gratuitement au peuple, 1'autre étoit vendue au profit du tréfor. Conftantin fit plufieurs loix pour maintenir ees utiles navigateurs; il ne voulut pas que ceux qui poffédoientles biens affujettis a ce fervice, puiiTent *'en exempter fous prétexte d'aucune immunité ni d'aucune dignité; mais il défendit auffi d'exiger d'eux rien audelè; il les déclara exempts de toute  du Bas-Empire. Liv. III. 325 autre fonaion , de toute contribution ; il augmenta leurs privileges déja très-étendus, & leur affigna de« droits a prendre fur le bied même II pourvut auffi a entretenir 1'abondance dans Carthage, la plus grand» ville de 1'Afrique. Quand il eut bat Conftantinople, il y établit le mê me ordre pour les fubfiftances ; 2 des deux flottes occupées & la fout niture de 1'ancienne Rome, il déta cha celle d'Alexandrie pour appor ter k la nouvelle le bied d'Egypte Sous les Empereurs précédents, la k avoit varié fur Tarticle des tréfoi que le hafard faifoit trouver. Con tantin décida que celui qui auro trouvé un tréfor le partageroit p; moitié avec le fifc , s'il venoit t faire la déclaration, & qu'on s\ rapporteroit a fa bonne foi fans ai tre recherche : mais qu'il perdroit tout, & feroit mis a la queftion, s étoit convaincu de cacher la décoi verte. II fit de fages ordonnances p rapport aux teftaments. II régla la fu ceffion des biens maternels. II pon vut k la füreté & k la bonne foi d ventes & des achats. II défendit CONSTANT1N. Ann. 321, i r i S rit tr n n 1leil 1ircresle  'CONSTANTIN. Ann. 32a. i \ 'J < ï t C \ '1. Ü ;tl a 1 éi a te 1'; je S2Ö H 1 s T 9 T R & prêt fur gage permis jufqu'alors. II régla Ia validité & la forme des donations. II détermina la portion des meres dans la fucceffion de leurs fils rnorts fans enfants & fans teftament, L'intérêt des mineurs, même dans ie cas oü ils feroient débiteurs du ifc, ne fut pas négligé. II affura la )offeffion des biens qui venoient de a libéralité du Prince. La licence des lénonciations anonymes fut réprinée; les Magiftrats eurent ordre de fy avoir égard que pour en recherher 1'auteitr, le contraindre è Ia •reuye, & le punir même quand il uroit prouvé; il leur ordonna pourant d'avertir 1'accufé, de ne pas fe ontenter de 1'innocence, mais de iyre de maniere qu'il ne put être :gitimement foupconné. II prit grand >in des chemins publics, dont Tenetien étoit, fans aucune exemption, la charge des poffeffeurs des terres. a conftrucfion & la réparation des lifices publics ne fut pas le dernier ; fes foins; il envoyoit des infpecurs pour lui rendre compte de ittention des Magiftrats fur eet ob14 les Gouverneurs des Provinces  su Bas-Empï&e. Ltv. III. 32? ne devoient entreprendre de nou- • Veaux ouvrages, qu'ils n'euffent achevé ceux que leurs prédéceffeurs a- . voient comfflencés. Pour éviter le danger des incendies, il ne permit de batir qu'a la diftance de Cent pieds des greniers publics. Curieux de 1* décoration des-villes, il défendit aux particuliers , fous peine de confifcation de leurs maifons de campagne, d'y tranfporter les marbres & les colonnes qui faifoient 1'ornement de leurs maifons de ville. Ceux qui employoient la violence pour fe mettre en poffeffion d'une terre étoient anciennement punis par Texil & par la confifcation de leurs biens : Conftantin changea d'abord cette peine en celle de mort ; il revint cependant dans la fuite k la première punition , avec cette diftinction , que fi Pauteur de la violence étoit un injufte ufolj» pateur, il feroit banni, & perdroit tous fes propres biens ; s'il étoit propriétaire légitime, la moitié des biens dont il fe feroit remis en poffeffion par force, feroit confifquée au profit du domaine : il s'appliqua fur-tout k mettre ks abfents a couvert des CONSTANTIN. kan, 311»  CONSTANTIN. Ann. 322. : : 1 : 1 ; ] 1 i 1 I 1 1 328 HlSTQIRE invafions , & chargea les Juges ordinaires de veiller a leur défenfe, & de leur donner toute faveur. Afin que les Médecins & les Profeffeurs des arts ibéraux, tels que la Grammaire, la Hhétorique, la Philofophie, la Jurifmidence, puffent vaquer librement Sc fans inquiétude a leurs emplois, 1 confirma les privileges qui leur a^oient été accordés par les Empe■eurs précédents, & que la groffié•eté municipale s'efforcoit de temps :n temps de leur arracher 1 il les dé:lara exempts de toute foncfion oné■eufe : il défendit fous de groffes imendes de les inquiéter par des chi:anes de procédures, de leur faire meun outrage, de leur difputer 1'holoraire qui leur étoit affigné fur la raiffe publique des villes : il leur donia entrée aux honneurs municipaux, nais il défendit de les y contrainIre; il étendit ces exemptions a leurs èmmes & a leurs enfants; il les dif>enfa du fervice militaire & du logement des gens de guerre, tk de :ous ceux qui étant chargés de comniffion publique avoient droit de fe oger chez les particuliers.  du Bjs-Empjre. Liv. III. 329 Tant de loix euffent été inutiles, s'il n'en eüt procuré 1'exécution par une exafte adminiftration de la juftice. Bien inftruit que la vraie autorité du Prince eft inféparablement liée avec celle des loix, il défendit aux Juges d'exécuter fes propres refcrits, de quelque maniere qu'ils euffent été obtenus, s'ils étoient contraires a la juftice , 5i il leur donna pour regie générale d'obéir aux loix préférablement a des ordres particuliers. Avant que de mettre en exécution les arrêts qu'il rendoit fur des requêtes, il ordonna aux Magiftrats d'informer de la vérité des faits avancés dans ces requêtes; & en cas de faux expofé , il voulut que 1'affaire fut inftruite de nouveau. Pour faire refpe&er les jugements & fe mettre lui-même a 1 abri des furprifes , I défendit d'admettre les refcrits dt Prince obtenus fur une fentence don on n'auroit pas appellé, & condam na a la confifcation des biens & a\ banniffement , ceux qui uferoien de cette voie pour faire caffer ui jugement. Selon Pancien droit Ro main, on ne pouvoit tirer perfonn CONSTANTIN. Ann. 312. XL. :Loix fur 1'adminiftration de la juftice. Cod. Th. I. I , H£. 2 , 10. I. 4, tit. 16. L. 9 , tit. 1 , 4ïL. 2 , tit. 6,18, 20. L. 11, tit. 35- Cod.Ju/l.l. 1. tit. 40. L. 7. tit. 49- . £.2,«. 6. li t e  CONSTANTIN. Ann. 322, i 1 i i i i 1 2 C c F c é ü o rr C fe m ju or Pi °f re 33° HlSTOlKE de fa maifon par force pour le mener en juftice : on avoit dérogé a cette loi; Conftantin la renouvella en faveur des femmes , fous peine de mort jour les contrevenants. Afin de metre les fbibles a 1'abri des vexations, 1 abolit les évocations dans les caues des pupilles, des veuves , des nfïrmes, des pauvres; il voulut qu'ils uffent jugés fur les lieux, mais il eur laiffa le droit qu'il ötoit a leurs dyerfaires , & leur permit de trauire au jugement du Prince ceux ont ils redoutoient le crédit & la uiffance. II ordonna que dans les wfes criminelles, les coupables, fans jard k leur rang ni a leurs priviges, feroient jugés par les Juges -dinaires & dans la Province mêe oü le forfait auroit été commis: zr, dit-il, U crime efface tout privi?e & toute dignité. Quand un opprefur puiffant dans une Province, fe ettoit au-deffus des loix & des gements , les Gouverneurs avoient dre de s'adreffer au Prince ou au éfet du Prétoire, pour fecourir les pnmés. Un grand nombre de loix :ommande aux Juges 1'exaclitude  du Das-Empirb. Liv. III. 331 dans les informations , la patience dans les audiences, la prompte expédition & 1'équité dans les jugements. S'ils fe lailTent corrompre, outre laperte de leurhonneur, ils font condamnés a réparer le dommage que leur fentence a caufé : fi la conclufion des affaires efl différée par leur faute, ils font obligés d'indemnifer les parties a leurs dépens : quand on appelle de leur fentence, il leur efl enjoint de donner a ceux qu'ils onl condamnés, une expédition de toute la procédure, pour faire preuve de leur équité. Une de ces loix , pai les termes dans lefquels elle efl: con$ue, & par le ferment qui la termine, refpire le zele le plus arden pour la juftice : Si quelquun , de quel que condition qu'il foit, fe croit en éta de convaincre qui que ce foit £ entre le, Juges ou d'entre mes Confeillers & me Officiers, d'avoir agi contre la jufiice qu'il fe préfente hardiment, qu'il s'adref) d moi; j'entendrai tout; j'en prendra connoijfance par moi-même ; s'il prouv ce qu'il avance, je me vengerai : encoi une fois , qu'il parle fans crainte & ft Ion fa confcience : fi la chofe efl prou Cons- tantin. Ann. JW* i f » i t e  Z C ONSTANTIN. Ann. 322, 332 HlS T 0 I R E vJe, je punirai celui qui tri aura trompè par une fauffe apparence de probitê, & je récompenferai celui d qui j'aurai l'obligation d'être dètrompè : Qu ainfi le Dieufouverain me foit en aide, & qu'il maintienne 1'Etat & ma perfonne en honneur & profpérité. II confifqua les biens des contumaces qui ne le repréfentoient pas dans 1'efpace d'un an; & cette confifcation avoit lieu, quoique dans la fuite ils parvinffent a prouver leur innocence. II renouvella les loix qui ötoient aux femmes la liberté d'accufer , finon dans les cas oü elles pourfuivroient une injure faite a elles-mêmes ou a leur familie, & il défendit aux Avocats Ie leur prêter leur miniftere. Les fVvocats qui dépouillent leurs clients fous prétexte de les défendre, & qui Dar des conventions fecretes fe font lonner une partie de leurs biens, oü .ine portion de la chofe conteftée, ont exclus pour jamais d'une proèffion honorable, mais dangereufe lans des ames intéreffées. Selon Panden ufage, tous les biens des proffits étoient confifqués, & leur puütion entrainoit avec eux dans la  du Bas-Empize. L'tv. III. 33J mifere ceux qui n'avoient d'autre crime que de leur appartenir. Conftantin voulut qu'on laiffat aux enfant: & aux femmes tout ce qui leur étoii propre, & même ce que ces pere; & ces maris malheureux leur avoien donné avant que de fe rendre coupables : il ordonna même qu'en lu produifant 1'inventaire des biens con fïfqués, ou 1'inftruifït fi le condamni avoit des enfants, & fi ces enfant avoient déja recu de leur pere quel que avantage : il excepta pourtant le Officiers qui manioient les denier publics, & déclara que les donation qu'ils auroient faites a leurs enfant & a leurs femmes, n'auroient lie qu'après 1'apurement de leurs comp tes. La bonté du Prince defcendit jul que dans les prifons, pour y épat gner des fouffrances qui ne fervent d rien a 1'ordre public, & pour cha tier 1'avarice de ces bas & fombrc Gfficiers qui s'établiffent un reven fur leur cruauté, & qui vendent bie cher aux malheureux jufqu'a Pa qu'ils refpirent : il déclara qu'il s'e prendroit aux Juges mêmes , s'i manquoient de punir du dernier fuj CONSTANTIN. Ann. 312. ; S S s s t e s LI n r n is 1-  CONSTANTIN. Ann. 322. XLI. * Loix fur la perception des impöts. Cod. Th. I. a. tit. 30. L. II, tit. 16, 3. L. 12, tit. 6. I~ 4i ; ! 1 334 HlSTOIHE plice les géoliers & leurs valets qui auroient caufé la mort d'un prifonnier faute de nourriture ou par mauvais traitement ; il recommanda la diligence, fur-tout dans les jugements criminels, pour abréger l'injuflice que la détention faifoit a 1'innocence, & pour prévenir les accidents qui pouvoient dérober le coupable a la vindief e publique : il voulut même que tout accufé fut d'abord entendu , & qu'il ne fut mis en prifon qu'après un premier examen, s'il donnoit un légitime fondement de foupgonner qu'il fut coupable. Ce Prince ne montra pas moins d'humanité dans les réglements qu'il rit pour la perception des deniers publics. Les anciennes loix ne permettoient pas de faifir les inftruments né:effaires a 1'agriculture; il défendit, fous peine capitale, d'enlever les e'f:laves & les bceufs employés au laDourage; c'étoit en effet, rendre le jayementimpoffible, en même-temps ju'on Pexigeoit. Outreles impofitions innuelles, les befoins de 1'Etat oblijeoient quelquefois d'impofer des axes extraordinajres : il régla la ré-  du Bas-Empike. Liv. III. 335 partition de ces taxes; il la confia non pas aux notables des lieux, qui en faifoient tomber tout le poids fur les moins riches pour s'en décharger euxmêmes, mais aux Gouverneurs des Provinces : il recommanda a ceux-ci de régler les corvees avec équité, & leur défendit d'y contraindre les laboureurs dans le temps de la femaille & de la récolte. L'avarice , toujours ingénieufe a fe fouftraire aux dépenfes publiques, avoit introduit un abus qui appauvriffoit le fifc, & accabloit les pauvres; les riches, profitant de la néceffité d'autrui, achetoient' les meilleures terres, k condition qu'elles feroient pour leur compte franches & quittes de toute contribution; & les anciens poffeffeurs reftoient, par le contrat de vente, chargés d'acquitter ce qui étoit dü pour le paffé, & de payer dans la fuite les redevances. II arrivoit de-la que le fifc étoit fruftré; ceux qui étoient dépouillés de leurs terres étant hors d'état de payer , & ceux qui les avoient acquifes fe prétendant déchargés a 1'égard du fifc : 1'Empereur déclara ces contrats nuls ; il ordonna que les re- CONSTANTIW. Ann. 321,  Constantie.Ann. 322 XLTI. Loixpov Pordrem litaire. €od. Th, 336 HlSTÖIRE devances feroient payées par les pof feffeurs a£tuels. Les Magiftrats des villes qui nommoient les Receveurs, furent rendus refponfables envers le fifc des banqueroutes de ceux qu'ils auroient choifis. 11 prit des précautions pour épargner les fraix aux provinciaux qui portoient leurs taxes a la ville principale, & pour leur procurer une prompte expédition. La ferme des traites publiques avoit pour objet de tranfporter au tréfor les tributs des Provinces; les Magiftrats Ia donnoient a qui il leur plaifoit, & pour le temps qu'ils vouloient; & ces Fermiers ne manquoient ordinairement ni d'avidité, ni de moyens pour vexer les habitants : il réforma ces abus en ordonnant que ces fermes feroient adjugées au plus ofrrant, fans aucune préférence; qu'elles dureroient trois ans, & que les Fermiers qui exigeroient au-dela de ce qui étoit dü a la rigueur , feroient punis de peine capitale. La difcipline militaire, le principal * reffort de la puiffance Romaine , fe l" relachoit infenfiblement. Ce Prince t guerrier, qui devoit a fes armes une grande  du TJas-Empirb. Liv. III. 337 grande partie de fon Empire, ne pouvant rétablir cette difcipline dans fon ancienne vigueur , en retarda du moins la décadence par de fages réglements. La faveur qui tient lieu de mérite, faifoit obtenir des brevets de titres militaires a des gens qui n'avoient jamais vu Pennemi; Conf tantin leur öta les privileges attaché* a ces titres, comme netant dus qu'? des fervices effeöifs. II en accordc de confidérables aux vétérans; il leui donna des terres vacantes avec exemp tion de taille a perpétuité , & leur fii fournir tout ce qui étoit néceffain pour les faire valoir : il les exempt; encore de toute foncfion civile, de: travaux publics , de toute impofi tion : s'ils vouloient faire le commerce, il les déchargea d'une grand* partie des droits que payoient les mar chands. Ces exemptions furent réglée: felon les efpeces , les grades & le, dignités des foldats. II étendit les pri vileges des vétérans k leurs enfant males, qui fuivroient la profeffioi des armes. Mais comme quelques-un de ceux-ci prétendoient jouir desavan tages de leurs peres fans éprouver le Tome I. P Constantie.Ann. 32.2.' 7, tit. 21, 20, 12. L. 6, tiu 22. 1 ; >  CONSTANTIK, Ann. 311. 338 FI I S T O l R E fatigues & les périls de la guerre, &z que cette lacheté alloit fi loin que plufieurs d'entre eux, fur-tout en Italië , fe coupoient le pouce, pour fe rendre inhabiles au fervice , 1'Empereur ordonna que les fils des vétérans qui refuferoient de s'enröler, ou qui re feroient pas propres a la guerre, feroient déchus de tout privilege , & affujettis a toutes les foncfions municipales; que ceux, au contraire, qui embrafferoient le métier des armes, feroient favorifés dans 1'avancement aux grades militaires. Les frontieres, tant du cöté du Danube que vers les bords du Rhin, étoient garnies de foldats placés en différents poftes, pour fervir de barrières contre les Francs, les Allemands, les Goths & les Sarmates. Mais quelquefois ces troupes corrompues par les Barbares, les laiffoient entrer fur les terres de 1'Empire , & partageoient le butin avec eux. L'Empereur condamna au feu ceux qui feroient coupables d'une fi noire trahifon; & pour rendre plus fure & plus exacfe la garde des frontieres , il défendit aux Officiers de donner aueun congé, fous peine de  nv Bas-Empike. Liv. HL 339 banniflement, fi pendant 1'abfence du foldat les Barbares ne faifoient aucune entreprife; & de mort, s'il lurvenoit alors quelque allarme. C'eft ainfi que dans les intervalles de repos que lui laiffoit la guerre, Conftantin s'occupoit a régler 1'intérieur de fes Etats. Au commencement de 1'année 313, Sévere & Rufin étant Confuls, il étoit a Theffalonique, oü il faifoit faire un port. Cette ville ancienne & voifine de la mer manquoit encore de eet avantage. La jaloufie de Licinius vint troubler ces travaux pacifiques. L'année précédente, Conftantin avoit été chercher les Sarmates & les Goths jufque dans la Thrace & dans la feconde Méfie, qui appartenoient a fon collegue. Celui-ci s'en plaignit comme d'une infraction du traité de partage ; il prétendit que Conftantin n'avoit pas dü mettre le pied dans des Provinces fur lefquelles il n'avoit aucun droit. II haïffoit ce Prince, mais il le craignoit : ainfi flottant & irréfolu, il envoyoit députés fur députés, dont les uns portoient des reproches, les autres des excufes. Ces bifarreries laflerent la P ij CONSTANTIN.Ann. J2J. XLIIÏ. Caufes dê la guerre entre Conftantin Si Licinius. Euf. Vit, l. 2. e. 31, 32» 33 » 34- Zof. L 2. Anony. Valef. Hifi. Mifc. I. n. Philo/l. I. 5. c. 2. Suillas in Baron. an. 316. Soc. I. l„ C. 2.  Constantie.Ann. 323. 34© ÜJSTOIS.E patience de Conftantin, & la guerre fut déclarée. II fongea moins fans doute a étouffer les premières femences de difcorde, qu'a profiter de 1'occafion de fe défaire d'un collegue odieux; &c pour prendre les armes, il n'avoit pas befoin d'y être excité, comme le dit Eufebe, par 1'intérêt de la Religion perfécutée. Mais un fi beau prétexte mettoit dans fon parti tous les Chrétiens de 1'Empire , tandis que Licinius fembloit ne rien oublier pour les aliéner. Comme plufieurs d'entre eux refufoient de s'engager dans une armée qui alloit combattre contre la Croix, Licinius les fit mourir, & prit le parti de chaffer de fes troupes comme des traitres tous ceux qui faifoient profeffion du Chriftianifme. II en condamna une partie a travailler aux mines; il enferma les autres dans des manufactures publiques pour y faire de la toile & d'autres ouvrages de femmes. On raconte qu'un Officier diftingué, nommé Auxentius, ayant refufé de faire une offrande a Bacchus, fut caffé fur le champ. Cet Auxentiusfut depuis Evêque de Mopfuefte, & donn3 lieu de  du Bas-Empihe. Liv. 111. 34* fbupconner qu'il favorifoit les Ariens. Quoique Licinius eüt exclus les Chrétiens du lérvice militaire, il mit cependant fur pied des forces confidérables. Ayant envoyé des ordres dans toutes fes Provinces, il fit armer en diligence tout ce qu'il avoit de vaiffeaux de guerre. L'Egypte hii en fournit quatre-vingts , la Phénicie autant ; les Ioaiens & les Doriens d'Afie foixante ; il en tira trente de Cypre , vingt de Carie , trente de Bithynie, & cinquante de Libye. Tous ces vaiffeaux étoient montés de trois rangs de rameurs. Son armée de terre étoit de prés de cent cinquante mille hommes de pied: la Phrygie & la Cappadoce lui donnerent quinze mille chevaux. La flotte de Conftantin étoil compofée de deux cents galeres è trente rames, tirées prefque toute; des ports de la Grece, & plus petite; que celles de Licinius; il avoit plu< de deux mille vaiffeaux de charge On comptoit dans fon armée een vingt mille fantaffins ; les troupes di mer &c la cavalerie faifoient enferry ble dix mille hommes. II avoit pri: des Goths a fa folde; & Bonit, Capi P iij CONSTANTIN. Ann. 323. XL1V. Préparatifs de guerre. Zof. I. 2. Jornand. de reb. Got. c. 21. Amm. I. 15 > c- 5-  CONSTANTIN. Aan, 323, XLV. Piété de Conftantin & fuperftitionde Licinius. Euf. Vit. I. 2. c. 4, f, 6. 12. So^. I. u 7.8. 342 H I S T 0 I R Z taine Franc, lui rendit en cette guerre de bons lervices, a la tête d'un corps de troupes de fa nation. Le rendezvous de 1'armée navale de Conftantin , commandée par Crifpe fon fils, étoit au port d'Athenes: celle de Licinius , fous le commandement d'Abante ou d'Amand, s'affembla dans FHellefpont. Conftantin mit fa principale confiance dans le fecours de Dieu & dans 1'étendard de la Croix. II faifoit porter une tente en forme d'oratoire, oü Fon célébroit 1'office divin. Cette chapelle étoit deffervie par des Prêtres & par des Diacres, qu'il menoit avec lui dans fes expéditions , & qu'il appelloit les gardes de fon ame. Chaque légion avoit fa chapelle & fes Miniftres particuliers, & Fon peut regarder cette inftitution comme le premier exemple des Aumöniers d'armée. II faifoit dreffer eet oratoire hors du camp pour y vaquer plus tranquillement a la priere , dans la compagnie d'un petit nombre d'Officiers dont la piété & la fidélité lui étoient :onnues. II ne livroit jamais bataille, qu'il n'eut été auparavant prendre aux  du Bas-Empire. Liv. 1IL 343 pieds du trophée de la Croix des affurances de la viaoire. C'étoit au fortir de ce faint lieu, que, comme infpiré de Dieu même, il donnoit le fignal du combat, & communiquoit a fes troupes 1'ardeur dont il étoit embrafé. Licinius faifoit des railleries de toutes ces pratiques religieufes; mais eet efprit fort donnoit dans les 'plus abfurdes fuperftitions; il trainoit a fa fuite une foule de facnfr cateurs, de devins, d'arufpices, d'interprêtes de fonges, qui lui promettoient en vers pompeux & flatteun les fuccès les plus brillants. L'oraclf d'Apollon qu'il envoya confulter i Milet, fut le feul qui fe difpenfa d'être courtifan; il répondit par deu: vers d'Homere, dont voici le fens (*) » Vieillard, il ne t'appartient pas d » combattre dejeunes guerners; te » forces font épuifées; le grand ag » t'accable ". Auffi cette prédiftio (*) f2* yépoV , H e  Constantie.Aan, 323 348 HlSTOIRE principal fbin du vainqueur fut d'épargner leur fang ; bleffé légérement a la cuiffe , il couroit au plus fort de la mêlée;. il crioit a fes troupes de faire quartier, & de fe fouvenir que les vaincus étoient des hommes; il promit une fomme d'argent a tous ceux qui lui ameneroient un captif: 1'armée ennemie fembloit être dévenue la fienne. Mais la bonté du Prince ne put arrêter Pacharnement du foldat, le maffacre dura jufqu'au foir; trente-trois mille des ennemis refterent fur la place : Licinius fut un des derniers a prendre la fuite; &c ramaffant tout ce qu'il put des débris de fon armée, il traverfa la Thrace en toute diligence pour regagner fa flotte. Conftantin empêcha les fiens de le pourfuivre ; il efpéroit que ce Prince, inftruit par fa défaite, confentiroit a fe foumettre. Au point du jour, les ennemis fauvés du maflacre , qui s'étoient retirés fur la montagne & dans les vallons, vinrent fe rendre, ainfi que ceux qui n'avoient pu fuivre Licinius fuyant a toute bride. Ils furent traités avec humanité, Licinius s'gnferma dans By-  nu Bas-Empire. Liv. HL 34f zatice , oü Conftantin vint 1'affié- ger. . , La flotte de Crifpe étant partie du Pirée, s'étoit avancée fur les cötes de Macédoine, lorfqu'elle recut ordre de 1'Empereur de le venir joindre devant Byzance. 11 falloit traverfer 1'Hellefpont , qu'Abante tenoit fermé avec 350 vaiffeaux. Crifpe entreprit de forcer le paffage avec 80 de fes meilleures galeres , perfuadé que clans un canal fi étroit un plus grand nombre ne feroit propre qu'i 1'embarraffer. Abante vint au-deyani de lui a la tête de deux cents voiles , méprifant le petit nombre des ennemis , & fe flattant de les envelopper Le fignal étant donné de part & d'au tre, "les deux flottes s'approchent & celle de Crifpe s'avance en bot ordre. Dans celle d'Abante, au con traire, trop refferrée par la multitu de des vaiffeaux qui fe heurtoient 6 fe nuifoient dans leurs manoeuvres ïl n'y avoit que trouble & confu fion ; ce qui donnoit aux 'ennemis 1 facilité de les prendre a leur avant; ge, & de les couler a fond. Après un perte confidérable de batiments & i CONSTANTÏN. A.nn. 313, XLIX. Guerre fur mer, Zof. I. 2. Anony. Valef. I t r » a e e  CONSTANTIN. Ann. 323. 1 < ] 1 i i 1 t € 1 F q fi p V h Ü 350 HlSTOÏRE foldats du cöté de Licinius, Ia nuit étant furvenue, la flotte de Conftantin alla mouiller au port d'Eléunte k la pointe de la Cherfonnefe de Thra:e; celle de Licinius au tombeau d'Aax dans la Troade. Le lendemain , ï la faveur d'un vent de nord , qui 'ouffloit avec force, Abante prit le arge pour recommencer le combat. Vlais Crifpe s'étant fait joindre penlant Ia nuit par le refte de fes galeis qui étoient reftées en-arriere, \bante, étonné d'une augmentation fi :onfidérable, balancade les attaquer. 'endant cette incertitude, vers 1'heue de midi, le vent tourna au fud, & ouffla avec tant de violence, que re'ouffant les vaiffeaux d'Abante vers i cöte d'Afie, il rit échouer les uns , rifa les autres contre les rochers, & n fubmergea un grand nombre avec ïs foldats & les équipages. Crifpe, rofitant de ce défordre, avangajufu'a Gallipoli, prenant ou coulant k >nd tout ce qu'il trouvoit fur fon iffage. Licinius perdit cent trente aiffeaux & cinq mille foldats , dont plupart étoient de ceux qu'il avoit uvés de la défaite, & qu'il faifoit  nu Bas-Empire. Liv. III. 351 paffer en Afie, pour foulager Byzance furchargée d'une trop grande multitude. Abante fe fauva avec quatre vaiffeaux. Les autres furent difperfés. La mer étant devenue libre, Crifpe recut un convoi de navires chargés de toutes fortes de provifions , & fit voile vers Byzance pour feconder les opérations du fiege, 8c bloquer la ville du cöté de la mer. A la nouvelle de fon approche, une partie des foldats qui étoient dans Byzance, craignant d'être enfermés fansref fource, fe jetterent dans les barque: qu'ils trouverent dans le port, & cötoyant les rivages, fe fauverent ; Eléunte. Conftantin preffoit le fiege ave< vigueur. II avoit élevé une terraff k la hauteur des murs; on y avoi conftruit des tours de bois, d'oii l'oi tiroit avec avantage fur ceux qui dé fendoient la ville. A la faveur de ce ouvrages, il faifoit avancer les bé liers Sc les autres machines pour ba tre la muraille. Licinius, défefpérai du falut de la ville, prit le parti d^e fortir Sc de fe retirer a Chalcédoir avec fes tréfors , fes meilleures troi Constantie.Ann. Jij. t : L. , Licinius paffe a t Chalcé1 üoine. Zof. L zi Anony. S Valef. _ Aurel.VicL ._ Viel. Epit. Bandtiri it Numm. in n Martinia* e t-  ConstantieAnn. 323 352 H I S T O I R £ 1 pes, & les Officiers les plus attachés a fa perfonne. II s'échappa apparem. ment avant 1'arrivée de la flotte ennemie. II efpéroit raffembler une nouvelle armée en Afie, & fe mettre en état de continuer la guerre. Son fils, déja Céfar , mais agé feulement de neuf ans, ne pouvoit lui être d'aucun fecours. II crut appuyer fa fortune , en donnant le titre de Céfar, & peut-être même celui d'Augufte, a Martinien, fon Maïtre des offices, & qui , en cette qualité, commandoit tous les Officiers de fon palais, C'étoit dans la circonftance un préf ent bien dangereux , & 1'exemple de Valens avoit de quoi faire trembler Martinien. Mais la puiffance fouveraine enchante toujours les hommes; elle fixe tellement leurs yeux, qu'ils cublient de regarder derrière eux les naufrages qu'elle a caufés. Licinius 1'envoye a Lampfaque avec un détachement, afin de défendre le paffage de 1'Hellefpont. Pour lui, il fe place fur les hauteurs de Chalcédoine, & garnit de troupes toutes les gorges des montagnes qui aboutiffoient è la mer,  du Bas-Empire. Liv. UI. 353 Le fiege de Byzance trainoit en longueur , & pouvoit donner a Licinius le temps de rétablir fes forces. Conftantin , laiffant la ville bloquée , réfolut de paffer en Afie. Comme le rivage de Bithynie étoit d'un abord difficile pour les grands vaiffeaux, il fit préparer des barques légeres; & étant remonté vers 1'embouchure du Pont-Euxin jufqu'au promontoire facré, a huit ou neuf lieues de Chalcédoine , il defcendit en eet endroit, & fe pofta fur des collines. II y eut alors quelques négociations entre les deux Princes : Licinius vouloit amufer 1'ennemi par des propofitions ; Conftantin, pour épargner le fang, lui accorda la paix a certaines conditions : elle fut jurée par les deux Empereurs. Mais ce n'étoit qu'une feinte de la part de Licinius ; il ne cherchoit qu'a gagner du temps poui raffembler des troupes. II rappella Martinien; il mendioit fecretement le fecours des Barbares ; & grand nombre de Goths, commandés par un de leurs Princes , vinrent le joindre. I fe vit bientöt a la têté de cent trente mille hommes. Alors aveuglé par un< Constantie.Ann. 313. LI. Bataille de Chryfopolis. Euf. Vit, l. 1. C. 1 I 15,16,17- Zof. I. 1. Anony. Valtf. Soc. I. i> f. 2,.  CONSTANTIN. Ann. 323. 1 1 t i I t I t t ï t C \ a a d 13 il ti 354 fllSTQIRE, nouvelle conriance, il rompt le traité; & oubliant la déclaration qu'il avoit faite ayant la bataille d'Andrinople, que s'il étoit vaincu, il embrafferoit la Religion de fon rival, il eut recours a de nouvelles divinités, comme s'il eüt été trahi par les anciennes , & fe livra a toutes les fuperftiions de la magie. Ayant remarqué la rettxi divine attachée a 1'étendard de a Croix, il avertit fes foldats d'évier cette redoutable enfeigne, & d'en létourner même leurs regards; il y uppofoit un caracf ere magique, qui ui étoit funefte. Après ces préparaifs, il encourage fes troupes; il leur >romet de marcher è leur tête dans ous les hafards, & va préfenter la ataille, faifant porter devant fon arnee des images de Dieux nouveaux C inconnus. Conftantin s'avanca jufu'a Chryfopolis : cette ville, fituée is-a-vis de Byzance, fervoit de port Chalcédoine. Mais pour ne pas être ccufé d'avoir fait Ie premier acfe 'hoftilité, il attend Pattaque des enemis. Dès qu'il les voit tirer 1'épée, fond fur eux ; Ie feul cri de fes •oupes porte reffroi dans celles de  nu Bas-Empirs. Liv. III. 355 Licinius; cues piicuL au jyiv.»"*».» Vingt-cinq mille font tués ; trente mille fe fauvent par la fuite ; les autres mettent bas les armes, & fe rendent au vainqueur. Cette vicloire, remportée le i8e. de Septembre, ouvrit a Conftantin les portes de Byzance & de Chalcédoine. Licinius s'enfuit a Nicomédie , oü fe voyant affiégé, fans troupes & fans efpérance , il confentit a reconnoitre pour maïtre celui qu'il n'avoit pt fouffrir pour collegue. Dès le lendemain de Parrivée de Conftantin , f; fceur Conftantia, femme de Licinius vint au camp du vainqueur, lui de mander grace pour fon mari. Elle ob tint qu'on lui laifferoit la vie, & cel te promeffe fut confirmée par fer ment. Sur cette affurance , le vainc fort de la ville; & ayant dépofé 1 pourpre impériale aux pieds de fo beau-frere , il fe déclare fon fujet & lui demande humblement pai don. Conftantin le regoit avec bor té, 1'admet a fa table, & l'envoy a Theffalonique pour y vivre en ft reté. II y fut mis k mort peu de temi CONSTANTIN. Ann. 323. LIL Suites de la bataille. ldace. Zof. I, 2. Anony. Valef. Praxag. , anud Phot* 1 x a a » e 1- >s  CONSTANT1N. Ann. 323. LUI. Mort de Licinius. Euf. Vit. I. 2, c. 18. & hifi. I. 10. . c. 9. Zof. l.i. ] Eutr. 1.10. ] Hier. . Chron. Anony. I Valef. < Zon. t. 11, F- 3- I Soc.r.i, 1 e. 2. £ Ccdrcn. t. I. p. 284. C Theoph. p. f l6. £ £ F F v r r c ft r 35Ö H I S T 0 I 3. E après; & Ia caufe de ce traitement, fi importante pour fixer Ie caraöere de Conftantin, eft en même-temps la circonftance la plus équivoque de fa vie. Dans le partage des Auteurs i ce fujet, la poftérité ne peut affeoir le jugement allure. Les uns raconent la mort de Licinius comme la ninition d'un nouveau crime , les aures en font un crime a Conftantin. üeux-ci difent que 1'Empereur, conre la foi du ferment, fit étrangler e Prince infortuné. Quelques-uns, iour adoucir 1'odieux d'une fi noire erfidie, ajoutent qu'on avoit lieu de raindre que Licinius , a 1'exemple e Maximin, ne voulüt reprendre la ourpre; & que Conftantin fe vit srcé par les foldats mutinés a lui ter la vie. D'autres difent que 1'Emereur, pour ne pas irriter fes troues mécontentes de ce qu'il épargnoit n Prince fi fouvent infidele, s'en jpporta au Sénat fur le fort qu'il métoit, & que le Sénat en laiffa la déifion aux foldats qui le maffacrerent. lais ni ces craintes, ni cette mutinee des foldats, ni Pavis d'un Sénat, u'on ne cenfulte jamais après une pa-  nu Bas-Empire. Liv. UI. 357 role donnée, que quand on n'a pas deffein de la tenir, n'excuferoient la violation d'un ferment fait librement Sc fans contrainte, fi Licinius n'eut mérité la mort par un nouveau forfait. Auffi les Hiftoriens, favorables è Conftantin , rapportent que le Prince dépouillé fut convaincu de former des intrigues fecretes pour appeller les Barbares , &C pour recommencer la guerre. Selon Eufebe, fes Miniftres & fes Confeillers furent punis de mort, & la plupart de fes Officiers , reconnoiffant 1'illufion de leut fauffe Religion, embrafferent la véritable. Martinien perdit fa nouvells dignité avec la vie, foit que Conftan tin l'ait abandonné a fes foldats qu le tuerent lorfque Licinius fe rendit foit qu'il ait uéri avec celui qui ni lui avoit fait part que de fes defaf tres. Un Auteur dit, fans en mar quer aucune circonftance, qu'il fu tué quelques temps après en Cappa doce. On laiffa vivre le fils de Lici nius privé du titre de Céfar. Les fta mes & les autres monuments du pe re furent renverfés; &c il ne reft d'un Prince, dont les commencement Constantie.Ann. 31?. I 1 1 S  CONSTANTIN. Ann. 323. S5§ H I S T 0 t R E, &c. avoit été heureux, qu'un odieux & funefte fouvenir de fes impiétés Sc de fes malheurs. II avoit tenu 1'Empire environ feize ans.  S O M M A I R E D V LIVRE QUATRIEME. I. A VENTURES d'JJormifdas. II. 11 fe réfugié auprès de Conflantin. lil. Récit de Zonare. IV. Conjlantin feul mattre de tout ÜEmpire. V. II profite de fa vicloire pour étendre le Chrif ianifme. VI. Lettre de Conflantin aux peuples £0rient. VII. // défend les facrifices. VIII. Edit de Conflantin pour tout FOrient. IX. Tolérance de Conjlantin. X. Piété de Conjlantin. XI. Corruption de fa Cour. XII. Difcours de Conflantin. XIII. Troubles de CArianifme. XIV. Commencements cJArius. XV. Son portrait. XVI. Progres de JArianifme. XVII. Premier Concile d'Alexandrie contre Arius. XVIII. Eufebe de Nicomédie. XIX. Eufebe de Céfarée. XX. Mouvements de l'Arianifmc. XXI. Concile en faveur d''Arius. XXII. Lettre de Conflantin d Alexandre & d Arius, XXill. Second Concile cCAlcxan- 359  360 SOMMAIRE drie. XXIV. Génêreufe réponfe de Conftantin. XXV. Convocation du Concile de Nicée. XXVI. Occupations de Conf' tantin jufqu'a f ouverture du Concile, XXVII. Les Evêques fe rendent d Nicée, XXVIII. Evêques Orthodoxes. XXIX. Evêques Ariens. XXX. Philofophes Payens confondus. XXXI. Trait de fageffe de Conf 'antin. XXXII. Conférences préliminaires. XXXIII. Séances du Concile. XXXiv. Conflantin au Concile. XXXV. Difcours de Conflanin. XXXVI. Liberté du Concile. XXXVII. Confubflantialitê du Verbe. XXXVIII. Jugement du Concile. XXXIX. Qiieftion de la Pdque terminée. XL. Réglement au fujet des Mêlêciens & des Novatiens. XLI. Canons & Symbole de Nicée. XLH. Lettres du Concile & de Conftantin. XLIII. Victnnales de Conflantin. XLIV. Conclufion du Concile. XLV. Exil ctEufebe & de Thêognis. XLVI. St. Athanafe, Evêque d'Alexandrie. XLVII. Loix de Conftantin. XLvm. Mort de Crifpe. XLIX. Mort de Faufta. L. Infultes que Conftantin regoit a Rome. LI. Conftantin quitte Rome pour n'y plus revenir. LU. Confuls. LUI. Dêcouvcrtc de la Croix. LIV. Eglife du St, Sépulcre, LV. Piété d'Hélene. LVI. Retour  DU X, I V R E FVX 361 Retour'd'Hêlene. LVII. Samen. LVIIL Guerres contre les Barbares. LIX. DeftruBion des Idoles. LX. Temple dAphaque. LXI. Autres dlbauches & fuperjli*tions abolies. LXII. Chêne de MambrL LXIIL Eglifes bdties. LXIV. Arade & Maïuma deviennenl Chrétiennes. LXV» Converfwns des Ethiopiens & des Ibériens. LXVI. Etabliffement des Monafteres. LXVII. Refies de l'idoldtrie. LXV1II» Date de la fondation de Conflantinople. LXïX. Motifs de Conflantin pour bdtir une nouvelle ville. LXX. II veul bdtir d Troye. LXXI. Situation de Bytance. LXXir. Abrégé de l'WJloire de Byzance jufqud Conjlantin. LXXIII. Etat du Chriflianifmed Byzance, LXXIV» Nouvelle enceinte de C. P. LXXV. Batiments faits d C. P. LXXVI. Places publiques. LXXVII. Palais. LXXVin. Au* tres ouvrages, LXXIX. Statues. LXXX, Eglifes bdties. LXXXI. Egouts de C. P. LXXXII. Prompte exècution de ces ouvrages. LXXXIII. Maifons bdties d C. P. LXXXiv. Nom & divifion de Conjlantinopko Tome h Q   HISTOIRE D U BAS-EMPIRE. 11VRE QUATRIEME, CONSTANTIN PREMIER, dit le Grand. Dans le temps que Conflantin, vainqueur aChryiopolis, fe préparoit a marcher k Nicomédie pour y forcer Licinius, il y vit arriver dans fon camp avec une fuite d'Arméniens un Prince étranger, qui venoit auprès de lui chercher un afyQij 3% I Constantie.Ann, 323, I. Aventu* res d'Hor=mifdas.i Zof, U 2,"  CONSTANTIN. Ann. 323. Eutr. I. 9. Agathias, l. 4. Suid. in HlSTOIRE le. C'étoit Hormifdas , petit-nls de Narfès. II s'étoit depuis peu échappé d'une dure prifon, oü il avoit eu le temps de fe repentir d'une parole brutale & inconfidérée. Son pere Hormifdas II, huitieme Roi des Perfes, depuis qu'Artaxerxès avoit rétabli leur Empire fan de J. C. ü6, célébroit avec un grand appareil 1'anniverfaire de fa naiffance. Pendant le feftin qu'il donnoit aux Seigneurs de la Perfe, Horfmidas, fon fils ainé, entra dansla falie au retour d'une grande chaffe. Les convives ne s'étant pas levés pour lui rendre 1'honneur qui lui étoit dü, il en fut indigné, & il échappa k ce jeune Prince de dire , qu'un jour il les traiteroit comme avoit été traité Marfyas. Le fens de ces paroles qu'ils n'entendoient pas, leur fut expliqué par un Perfe qui avoit vécu en Phrygie , & qui leur apprit que Marfyas avoit été écorché vif. C'étoit un fup= plice affez ordinaire en Perfe. Cette menace fit fur eux une impreffion profonde, & coüta au Prince la plus belle couronne du monde & la liberté. Le pere étant mort après fept ans & cinq mois de regne, les Grands  vu Bas-Empire., Liv. IV. 365 fe faifirent d'Hormifdas, le chargerent de chaïnes, & 1'enfermerent dans une tour fur une colllne fituée a la vue de fa capitale. Le Roi avoit laiffé fa femme enceinte ; il confulterent les Mages fur le fexe de 1'enfant; & ceux-ci leur ayant allure que ce feroit un Prince, ils poferent la couronne fur le ventre de la mere, proclamerent Roi le fruit encore enfermé dans fes entrailles, & lui donnerent le nom de Sapor II. Leur attente ne fut pas trompée. Sapor, Roi avant que de naitre, vécut & régna foixante & dix années, & les grands événements de fon regne répondirent a des commencements fi extraordinaires. II y avoit treize ans qu'Hormifdas languiffoit dans les fers.: fes craintes croiffoient en même-temps que croiffoit fon frere; il ne pouvoit guere fe flatter de fauver fa vie des défiances du Monarque, dès que celui-ci feroit en age d'en concevoir. Sa femme s'avifa d'une rufe pour le tirer de fa captivité & de fes allarmes. Elle lui fit tenir par un Eiinuque une lime cachée dans le ventre d'un poiffon. Elle envoya en même» Q »i CONSTANTIN. Aan. II. II fe réfugié auprès de Conftantin. Zof. 1. %.  CONSTANTIN. 3df5 H l 3 T O t R E temps aux gardes de fon mari une abondante provifion de vin & de viandes. Tandis que ceux-ci ne fongent qu'a faire bonne chere & k s'enivrer, Hormifdas, avec la lime qui lui avoit été apportée, vient k bout de couper fes chaines, prend 1'habit de 1'Eunuque, & fort de fa prifon. Accompagné d'un feul domeflique, il fe fauve d'abord chez le Roi d'Arménie fon ami; & ayant reeu de ce Prince une efcorte pour fa füreté, il va fe jetter entre les bras de Conflantin. L'Empereur lui fit un accueil honorable, & lui affigna un entretien convenable k fa naiffance. Sapor fut bien-aife d'être délivré de la néceflité de faire un crime, ou de Tembarras de garder un prifonnier auffi dangereux : loin de le redemander, il lui renvoya fa femme avec honneur. Ce Prince vécut environ quarante ans k la Cour de Conftantantin & de fes fucceffeurs, qu'il fervit utilement dans les guerres con* tre les Perfes. La Religion Chrétienne qu'il embraffa, adoucit fes mceurs, & il donna fous Julien des marqués de fon zele pour la foi. On dit qu'il  nu Bas-Empirë. Liv. IV. 367 étoit très-vigoureux, & fi adroit k lancer le javelot,- qu'il annoncoit en quelle partie du corps il alloit frap per rennemi : j'aurai occafion de parler de lui dans la fuite. D'autres Auteurs rapportent cette hiftoire avec quelque différence. SeIon eux, Narfès laiffa quatre fils. I avoit eu Sapor d'une femme de baffi condition. Adanarfe, Hormifdas, 8 un troifieme dont le nom n'eft pa connu, étoient nés de la Reine. Ada narfe étant 1'ainé devoit fuccéder fon pere. Mais il s'étoit rendu odieu aux Perfes par un penchant décid k la cruauté. On raconte qu'un jou qu'on avoit apporté k fon pere uri tente de peaux de diverfes couleurs travaillée dans la célebre manufai ture de Babylone , Narfès Payant fa dreffer, & demandant k ce fils encoi fort jeune, s'il latrouvoit k fon gr< eet enfant répondit : Quand je fer Roi, fen ferai faire une bien plus be, avec des peaux humaines. Des! inclin tions fi monftrueufes firent peur ai Perfes. Après la mort de Narfès, i fe défirent d'Adanarfe ; & préven contre les enfants de la Reine, Q xv Cons- tantin Ann. Jij. Ut. Récit de , Zonare. I Zonar. I. \ 11. p. IX. s l é r e » it e • » li 'k 1- LX ls is .ls  CONSÏANTIN. Ann. 324. rv. Conftantin feul jnaitre de tout 1'Empire. Euf. Hifi. I. 1 O. c. 9. Idem. Vit. I, 2. e. 19. Idace. Chr. Altx. i 1 I l 1 i 1 3 I 1 368 H I S T O 1 R M mirent fur le tröne Sapor , qui fit enfermer Hormifdas, & crever les yeux a fon autre frere. Le refle du récit s'accorde avec ce que nous avons raconté. ( La puiffance Impériale fe trouvoit réunie toute entiere en la perfonne de^ Conftantin, qui donna le titre de Céfar, le huitieme de Novembre, k Conftance fon troifieme fils, agé de fix ans. II conféra le Confulat de 1'année fuivante 3 24 , a fes deux autres fils, Crifpe & Conftantin. Ils poffédoient cette dignité pour la troifieme fois. L'Empereur refta cinq mois a Nicomédie, occupé a mettre orire aux affaires de 1'Orient, que Li:inius avoit épuifé par fon avarice. Vainqueur de tous fes rivaux, il prit e nom de viftorieux qui fe voit fur és médailles, auffi-bien qu'a la tête le fes lettres , & qui paffa comme in titre héréditaire a plufieurs de fes ucceffeurs. Cet heureux changement émbloit donner une vie nouvelle a ous les peuples de la domination Ronaine. Les membres de ce vafte Emüre, divifés depuis long-temps par es intéréts j fouvent déchirés par les  bu Bas-Empire. Liv. IV. 569 fmerres. & devenus comme étran- o ' gers les uns aux autres , reprenoient avec joie leur ancienne liaifon ; & les Provinces orientales , jaloufes jufqu'alors du bonheur de 1'Occident, fe promettoient des jours plus fereins fous un gouvernement plus équitable. Les Chrétiens fur-tout crurent voir dans le triomphe du Prince celui de leur Religion. Le principal ufage que fit Conftantin de 1'étendue de fa puiffance, fut d'affermir & d'étendre le Chriftianifme. Après avoir terraffé dans les batailles les images de ces dieux chimériques, il les attaqua jufque fur leurs autels. Mais en détruifant les idoles, il épargna lés-adolatres; il n'oublia pas qu'ils étoient fes fujets, & que s'il ne pouvoit les guérir, il devoit du moins les conferver. 11 fit a 1'égard de 1'Orient, ce qu'il avoit fait pour 1'Italie après la défaite de Maxence. II caffa les décrets de Licinius, qui fe trouvoient contraires aux anciennes loix & è la juftice. Reconnoiffant que c'étoit a Dieu feul qu'il devoit tant de fuccès, il en voulut faire une protef- Q v CONSTANTIN. Ann. 324. V. II profite de Ia vie» toirepour étendrele Chriftianifme.Euf. Vit. I. 3. ft 24. & fiq. Cod. Th. 1. i5^ti'«. 14.  Constantie.Ann. 324. VI. lettre de Conflantin aux peuples i'Orienr, i J 370 H I 5 T O I R E tation publique k la face de tout PEmpire; ce fut dans ce deffein qu'il écrivit deux lettres circulaires, 1'une aux Eglifes, 1'autre k toutes les villes de 1'Orient. Eufebe nous a confervé Ia derniere, copiée fur Poriginal figne de la main de 1'Empereur, & dépofé dans les archives de Céfarée. Elle eft trop longue pour être rapportée ici en entier. Le Prince y montre d'un cöté les avantages qu'il vient de remporter fur les ennemis du Chriftianifme, de 1'autre la fin funefte des perfécuteurs comme une doublé preuve de la toutepuiffanee de Dieu : il fe repréfente fous la main du fouverain Être, qui l'ayant choifi pour établir fon culte dans tout PEmpire , 1'avoit conduit des bords de 1'Océan Britannique jufqu'en Afie, fortifiant fon bras, & faifant tomber devant lui les plus fermes barrières : il annonce fa re:onnoiffance par le deffein oü il efl le protéger de tout fon pouvoir les ïdeks ferviteurs de celui par qui il i été protégé lui-même; en confépience, il rappelle ceux que la per'écution avoit bannis; il rend aux  au Bas-Empire. Liv. IV. 3?i Chrétiens leur liberté, leurs dignités, leurs privileges; il ordonné de reftituer aux particuliers & aux Eglifes tous leurs biens , k quelque titre qu'ils foient paffés dans des mains étrangeres, même ceux dont le fifc étoit en poffeffion, fans obliger pourtant a la reftitution des fruits. II finit par féliciter les Chrétiens de la lumiere dont ils jouiffent, après que fous la tyrannie du paganifme, ils ont fi long-temps langui dans les ténebres & dans la captivité. Ces lettres adreffées k des peuples la plupart idolatres, tendoient k ouvrir la voie aux grands changements qu'il méditoit. II prit bientöt la coignée k la main pour abattre les idoles; mais il porta fes coups avec tant de précaution, qu'il n'excita aucun trouble dans fes Etats. Et certes fi Pon confidere la force du paganifme , dont les racines, plus anciennes & plus profondes que celles de 1'Empire, fembloient y être inféparablement attachées , on s'étonnera que Conftantin ait pu les arracher fans effuffion de fang, fans ébranler fa puiffance, & que le bruit Q vj Constantie.fc.nn. 324* VII. II défertd les facrifices. Eaf. Vit. t. a. c 44. & feqq. Cod. Th.1. 16, tit. 10. leg. 2. Zof. I. 1. So\. 1.1, c. S. Theod. I. J , c. 20. Hier. Chron. Orof. 1.7, c. 28. Anony. Valef. Eunap. in Mdefw.  CONSTAUTIN. Ann. 524, Cedren. t. 1. p. 296. God. ad Cod. Th. I. 9. tit. 17. 372 HlSTOIRE de tant d'idoles qui tomboient de toutes parts, n'ait pas allarmé leurs adorateurs. Dans une révolution qui devoit être fi tumultueufe, & qui fut fi tranquille , on ne peut s'empêcher d'admirer 1'art du Prince a préparer les événements, fon difcernement k prendre le point de maturité , fa vigilance a étudier la difpolition des efprits, & fa prudence a ne pas aller plus loin que la patience de fes fujets. II commenca par envoyer dans les Provinces des Gouverneurs attachés inviolablement a la vraie foi , ou du moins a fa perfonne ; & il exigea de ceux-ci, auffi-bien que de tous les Officiers fupérieurs & des Préfets du Prétoire, qu'il s'abffinffent d'offrir aucun facrifice. II en fit enfuite une loi expreffe pour tous les peuples des villes & des campagnes ; il leur défendit d'ériger de nouvelles ftatues a leurs dieux , de faire aucun ufage de divinations , d'immoler des vief imes. II ferma les temples, il en abattit enfuite plufieurs, auffi-bien que les idoles qui fervoient d'ornement aux fépultures. II conftruifit de nouvellesEglifes,& répara  du Bas-Empire.. Liv. IV. 373 les anciennes, ordonnant de leur donner plus d'étendue, pour recevoir cette foule de profélytes qu'il efpéroit amener au vrai Dieu. \\ recommanda aux Evêques, qu'il appelle dans fes lettres fes très-chers freres, de demander tout 1'argent néceffaire pour la dépenfe de ces édi fices ; aux Gouverneurs , de le fournir de fon tréfor, & de ne rier épargner. Pour joindre fa voix a celle de; Evêques, qui appelloient les peu pies a la foi, il fit publier dans tou 1'Orient un édit, dans lequel, aprè: avoir relevé la fageffe du Créateur, qui fe fait connoitre & par fes ou vrage«, & même par ce mélange d< vérité & d'erreur, de vice 6c de verti qui partage les hommes, il rappelli Ia douceur de fon pere , 6c la cruauti des derniers Empereurs. Ils s'adretT a Dieu, dont il implore la miféri corde fur fes fujetsil lui rend gra ces de fes vief oires; il reconnoit qu': n'en a été que l'inftrument; il pro tefte de fon zele pour rétablir le cult divin profané par les impies; ü dé elare pourtant qu'il veut que, fon Constantie,Ann. 314. VIII. Edit de Conftan' tin pour ; tout 1'Orient.Euf. Vit, • l. 1. e. 48. 1 1 e s  Constantie.Ann. 314 ] i 1 i 374 IJ 1 s t 0 1 r e fon Empire , les impies même jouiflent de la paix & de la tranquillité; que c eft le plus für moyen de les ramener dans Ia bonne voie. II défend de leur fufclter aucun trouble; il veut qu'on abandonne les opiniatres k leur egarement. Et comme les Payens accufoient de nouveauté la Religion Chretienne, il obferve qu'elle eft auffi ancienne que le monde; que le paganifme n'en eft qu'une altération , & que le fïls de Dieu eft venu pour venir rendre è la religion primitive toute fa pureté. II tire de eet ordre li uniforme, fi invariable qui regne dans toutes les parties de la nature, une preuve de 1'unité de Dieu. II exhorte fes fujets h fe fupporter les uns les autres, malgré la diverfité des fentiments ; k fe communiquer mutuellement leurs lumieres, fans employer la violence ni la contrainte, paree qu'en fait de religion , il eft beau de fouffrir la mort, mais non ?as de la donner. II fait entendre ju d recommande ces fentiments d'hunanité, pour adoucir le zele trop amer e quelques Chrétiens, qui fe fonlant fur les loix que 1'Empereur avoit  du BAS-EMflKB. Liv. IV. 375 etablies en faveur du Chriftianifme, vouloientque les ades de la Religion payenne fuffent regardés comme des crimes d'Etat. Les termes de eet édit, & la hberte que conferva encore long-temps le paganifme, prouvent que Conftantin fut tempérer par la douceur la défenfe qu'il fit de facrifier auxidoles ; & qu'en même-temps qu'il en profcrivoit le culte , il fermoit les y eux fur 1'indocilité des idolatres obftinés. En effet, d'uncöté, il eft hors de doute que 1'ufage des cérémonies payennes fut interdit k tous les fujets de 1'Empire, & fur-tout aux Gouverneurs des Provinces; qu'il fut défendu de pratiquer même dans le fecret, les myfteres profanes ; que les plus célebres idoles furent enlevées , la plupart des temples dépouillés, fermés, plufieurs détruits de fond en comble, D'unautre cöté, il n'eft pa: moins certain que les délateurs n« furent pas écoutés; que 1'idolatrn continua de régner k Rome^ oii elh étoit maintenue par 1'autorité du Se nat; qu'elle fubfifta dans une grand partie de 1'Empire, mais avec plu CONSTAKTItr. A.nn, 314, IX. Tolérant ce de Conflantin. Euf. vit. I. 25- God. Geogr. f»' I5>21>3?>' i  CONSTANTIN. Ann. 324. X. Tiété de Conflantin. Euf. vit. li, C.Z, 24. I. 4 , c- iS, 24, 1 29, 31, 1 54. c r I £ a P e C al m at 3?<5 MiSTOiRz d'éclat que par-tout ailleurs en Egypte, oü, felon la defcription d'un Auteur qui écrivoit fous Conftance , les temples étoient encore luperbement ornés , les miniftres & les adorateurs des dieux en grand nombre, lesautels toujours fumants d'encens, toujours chargés de viöimes; oü tout, en un mot, refpiroit 1'ancienne fuperftition. La Religion entroit dans toute la conduite de Conftantin. II s'attacha k combler de largeffes & de faveurs :eux qui fe diftinguoient par leur pié:é. II n'en fallut pas davantage pour :tendre bien-loin 1'extérieur du Chrifianifme. Auffi Eufebe remarqua-t-il, [ue, par un effet de fa candeur natuelle, il devenoit fouvent la dupe de hypocrifie , & que cette crédulité le t tomber dans des fautes, qui font itant de taches dans une fi belle vie : sut-être Eufebe lui même eft-il un cemple de la trop grande facilité de onftantin a fe laiffer éblouir par une •parence de vertu. Le Prince aioit a s'entretenir avec les Evêques, iand les affaires de leur Eglife les :iroient a fa Cour; il les~logeoit  du Bas-Empire. Liv. IV. 377 dans fon palais; il écrivoit fréquemment aux autres. II faifoit par lettres des exhortations aux peuples qu'il appelloit fes freres & fes conferviteurs ; il fe regardoit lui-même comme 1'Evêque de ceux qui étoient encore hors de 1'Eglife. II donna une grande autorité dans fa maifon a des Diacres & a d'autres Eccléliafiiques dont il connoiffoit la fageffe, la vertu, le défintéreffement, & qui durent y produire un grand fruit, s'ils ne s'occuperent que du miniftere fpirituel, II paffoit quelquefois les nuits entieres a méditer les vérités de li Religion. La piété du maitre donnoit fan; doute le ton a toute la Cour. Le vic( n'ofoit s'y démafquer; mais il ne per doit rien de fa malice, & il favoi bien, hors de la vue du Prince, f< dédommager de cette contrainte. Au lieu de le punir, 1'Empereur placoi fon zele dans des fonftions étrange res k ce que fon rang exigeoit de lui il compofoit des difcours, & les pre noncoit lui-même. On peut croir qu'il ne manquoit pas d'auditeurs. 1 prenoit ordinairement pour text Constantie.Ann. 324. XI. Corruption de fa, ■ Cour. ■ Aurd.na. \ Zof. I. ï. Amm. • Mare. I. t 16. c. S. Euf rit. I. ' 4,c. 30. ï e  CONSTANT». Ann. 324. £ t 378 fllSTOIRZ quelque point de morale; & quand fon fujet le conduifoit a parler des matieres de religion, alors prenant un air plus grave & plus recueilli il combattoit 1'idolatrie; il prouvoit I'unité de Dieu, la Providence, 1'Incarnation; il repréfentoit è fes courtifans la févérité des jugements de Dieu, & cenfuroit avec tant de force leur avarice, leurs rapines, leurs violences, que les reproches de leur confcience, réveillés par ceux iu Prince, les couvroient de confuSon. Mais ils rougiffoient fans fe corriger. Quoique 1'Empereur tonnat lans fes loix & dans fes difcours :ontre 1'injuftice, fa foibleffe dans execution donnoit 1'elTor a la licen:e & aux concuffions des Officiers te des Magiftrats. Les Gouverneurs les Provinces, imitant cette indul;ence, laiffoient les crimes impunis; te fous un bon Prince, 1'Empire étoit tn proie a 1'avidité de mille tyrans, aomspuiffantsa la vérité, mais par eur acharnement & leur multitude, 'lus facheux peut-être que ceux qu'il voit détruits. Auffi le plus grand eproche que luifaffe 1'hiftoire,c'eft  bu Das-Empikb. Liv. IV. 379 ( 'd'avoir donné faconfiance a des gens • qui en étoient indignes; d'avoir épmfé le tréfor public par des libérahtes . mal placées; d'avoir laiffé libre carrière a 1'avarice de ceux qui 1'approchoient. Le Prince, auffi-bien que les peuples, gémiffoit de 1'abus quon faifoit de fa bonté; & prenant un jour par le bras un de ces courtifans infatiables: Et > quoi, lui dit-il, ne mettrons-nous jamais de frein d notre cupidité > Alors décrivant fur la terre avec le bout de fa piqué lamefure d un corps humain : Accumuleer, ajoutat t-il, ft vous le pouve\, toutes les rtchefes du monde, acquére^ le monde entier; ü ne vous rejlera qu'autant de terre qut /en viens de tracer, pourvu même qu'ot vous faccorde. Cet avertiffement, di Eufebe , fut une prophétie : ce cour tifan & plufieurs de ceux qui avoien abufé de la foibleffe de 1'Empereur furent maffacrés après fa mort, & pri vés de la fépulture. II compofoit fes difcours en Latm & les faifoit traduire en Grec II nou en refte un, qu'il prononca dans 1 temps de la paffion. On ne fait e quelle année. M. de Tillemont cot CONSrABTIN. 6 » , XII. Difcours s de Confe tantin. fj Oratio ai SanBor. l" cxtum Eu- (tb.  CONSTANTIN. Ann. 324. TUI. art. 87. 1 < I i t C C F c d XIII. Troubles de TAria- U nifme. S £"/. vit. _■; di P: gÉ et qi 3S0 H I S T 0 I R £ jeéture que ce fut entre la défaite de Maximin & celle de Licinius. II eft adreffé a 1'affemblée des Saints, c'eft-adire, è 1'Eglife, & n'a rien de remarquable que fa longueur. Ce goüt de Conftantin paffa a fes fucceffeurs. H s'mtroduifit dans la Cour de Conftantinople un mélange bifarre des 'onctions eccléfiaftiques avec les foncions impériales. C'étoit un article lu cerémonial, que les Empereurs •rechaffent leur Cour dans certaines etes de 1'année ; & plufieurs d'enre eux étant tombés dans 1'héréfie , omme ils avoient la puiffance exé' utrice, & que la foudre fuivoit leur arole, ils furent, malgré leur inapacité, de très-redoutables & trèsangereux prédicateurs. Conftantin avoit deffein de faire tl voyage en Oriënt, c'efU-dire, en rne & en Egypte. Ces Provinces Juvellement acquifes avoient befoin : fa préfence. Sur le point du déirt, une affligeante nouvelle 1'oblia de changer d'avis, ne voulant pas re temoin de ce qu'il n'apprenoit savec une extréme douleur. Une refie fa&ieufe, hardie, violente 3  nu Bas-Empire. Liv. IV. 381 nee pour fuccéder aux fureurs de Pi* dolatrie , excitoit de grands troubles dans Alexandrie & dans toute PEgypte. C'étoit 1'Arianiime, dont nous allons expofer la naiffance & les proprès. Vers Pan 3 01, Mélece, Evêque de Lycopolis en Thébaïde, convaincu de plufieurs crimes, & entre autres d'avoir facrifié aux idoles, fut dépofé dans un Concile par Pierre, Evêque d'Alexandrie, & commenga un fchifme qui s'accrédita beaucoup, & qui duroit encore cent cinquante ans après. Arius s'attacha d'abord a Mélece. S'étant réconcilié avec Pierre, il fut fait Diacre; mais comme il continuoit de cabaler en faveur des Méléciens excommuniés, Pierre le chaffa de 1'Eglife. Ce Saint Evêque ayant recu la couronne du martyre, Achillas, fon fucceffeur, fe laiffa toucher du repentir que témoignoit Arius ; il 1'admit a fa communion, lui conféra la prêtrife, & le chargea du foin d'une Eglife d'Alexandrie , nommée Bauca> le. Alexandre fuccéda bientöt è Achil las. Arius, plein d'ambition, avoit pré tendu a 1'Epifcopat ; dévoré de ja Constantie.Ann. 324. XIV.' Commencementd'Arius, Athan. apol. 1. Soc. I. I, c. 5. Theod. I. I , c. 2. Soi. I. I. c. 14. Pagi ad Baron. Till.Arian, art. 3.  CONSTANTTN. Ann. 324, 3gl HlSTOIRE loufie, il neregarda plus fon Evêque que comme un rivalheureux : il chercha toutes les occafions de fe venger de la préférence. Les mceurs d'Alexandre ne donnoient point de prife ala calomnie : Arius, armé de toutes les fubtilités de la dialeftique, prit le parti de 1'attaquer du cöté de la doftrine. Un jour qu'Alexandre inftruifoit fon Clergé, comme il parloit du premier & du plus incompréhenfible de nos myfteres , il dit, felon 1'expreflion de la foi, que le Fils eft égal au Pere, qu'il a la même fubf tance ; en forte que dans la Trinité, il y a unité. Arius fe récrie auffitöt que c'eft-la 1'héréfie de Sabellius profcrite foixante ans auparavant, qui confondoit les perfonnes de la Trinité : que fi le Fils eft engendré, il a eu un commencement; qu'il y a donc eu un temps oü il n'étoit pas encore, d'oü il s'enfuit qu'il a été tiré du néant. II ne rougiffoit pas d'admettre les conféquences impies qui fortoient de ce principe, & il ne donnoit au Fils de Dieu que le privilege d'être une créature choifie, &, difoit-il, infiniment plus excel-.  nu BaS'Empi&r; Liv. 1F. 383 lente que les autres. Alexandre s'efforca d'abord de ramener Arius par des avertiffements charitables & par des conferences oii il lui laiffa la liberté de défendre fon opinion. Mais voyant que ces difputes ne fervoient qu'a échauffer fon opiniitreté, & que plufieurs Prêtres & Diacres s'étoient déja laiffés féduire, il 1'interdit des foncnons du facerdoce, & 1'excommunia. Les talents d'Arius contribuoient :i faire valoir une docfrine , qui fe prêtoit d'ailleurs a lafoibleffe orgueilleufe de la raifon humaine. C'étoit le plus dangereux ennemi que 1'Eglife eüt encore vu fortir de fon fein pour la combattre. II étoit de la Libye Cirénaïque, quelques-uns difent d'Alexandrie. Inftruit dans les fciences humaines, d'un efprit vif, ardent, fubtil, fécond en reffources , s'exprimant avec une extréme facilité, il paffoit pour invincible dans la difpute. Jamais poifon ne fut mieux préparé par le mélange des qualités dont il favoit déguifer les unes, & montrer les autres. Son ambition fe dérobojt fous le voile de la modeftie, Constantie.Inn. 314. XV. Son poti trait. Epiph. httr, 69,  CONSTANTIN. Ann. 314. XVI. 1'rog'rès de 1'Arianiime.Soc. I. I , c. 6. Theod. I. X , c. 3 , 4. 5o;. /. U e. 14. Epiph.hter, 3§4 IIlSTOIRE fa préfomption fous une feinte humilité. Rufé & a la fois impétueux, prompt a pénétrer le cceur des hommes & habile a en mouvoir les refforts ; plein de détours , né pour 1'intrigue, rien ne fembloit plus fimple, plus doux, plus rempli de franchife & de droiture, plus éloigné de toute cabale. Son extérieur aidoit a la féducïion; une taille haute & déliée, un vifage compofé, pale, mortifié; un abord gracieux , un entretien flatteur & perfuafif : tout en fa perfonne fembloit ne refpirer que vertu, charité, zele pour la Religion. Un homme de ce caraftere devoit s'attirer beaucoup de fettateurs. Auffi féduifit-il un grand nombre de fimples fideles, des Diacres, des Prêtres, des Evêques même. Second, Evêque de Ptolémaïde dans la Pentapole, & Théonas, Evêque de Marmarique, furent les premiers a fe déclarer pour lui. Les femmes fur-tout fe laifferent prendre a cette apparence d'une dévotion tendre & infinuante; & fept eents vierges d'Alexandrie & de la Maréote s'attacherent a lui comme a leur pere fpirituel. Ces profélytes faifoient  du Bas-Empirs. Liv. 1F. 385 faifoient jour & nuit des affemblées, oii 1'on débitoit des blafphêmes contre J. C. & des calomnies contre 1'Evêque. Ils dogmatifoient dans les places publiques; ils obtenoient par artifice des lettres de communion de la part des Evêques étrangers , & s'en faifoient honneur auprès de leurs adherents, qu'ils entretenoient ainfi. dans Terreur. Plufieurs d'entre eux fe répandoient dans les autres Eglifes , & s'y faifant d'abord admettre par leur adreffe a déguifer leur héréfie , ils réuffiffoient bientöt a en communiquer le venin. Pleins d'arrogance, ils méprifoient les anciens Docfeurs & prétendoient pofféder feuls la fageffe, la connoiffance des dogmes & 1'intelligence des myfteres. On n'entendoit plus dans les villes & dans les bourgades d'Egypte , de Syrië, de Paleftine, que difputes él conteftations fur les queftions les plus difficiles; chaque rue, chaque place étoit devenue une école de Théologie; les maitres de part & d'autre faifoient publiquement affaut de dottrine; & le peuple fpectateur du combat s'en rendoit juge, & preTome I. R Constantie.A.nn, 314.  CONSTANTTN. Ann. 324. XVII. Premier Concile d'Alexandrie contre Arius. Athan, Orat, I. Soc. I. 1. e. 6. Thiod. I. 4. 5Epiph.httr.69. Valef. in vit. Eufebe, TUI, Arian. art. 4. 38,(5 HiSToiiXz noit parti. Les families étoient divifées; toutes les maifons retentiffoient dequerelles; & 1'efprit de contention armoit les freres les uns contre les autres. Afin d'arrêter ces défordres par les voies canoniques , Alexandre convoqua un Concile k Alexandrie. II s'y trouva prés de cent Evêques d'Egypte & de Libye. Arius y fut anathématifé avec les Prêtres & les Diacres de fon parti. On n'épargna pas Second & Théonas. L'héréfiarque effaya de foulever contre ce jugement tous les Evêques d'Orient; il leur envoya fa profeffion de foi, & fe plaignit amérement de 1'injuftice d'une condamnation, qui enveloppoit, difoit-il, tous les orthodoxes. Ses plus grands cris s'adrefferent k Eufebe de Nicomédie, qui engagea plufieurs autres Evêques a iblliciter Alexandre de rétablir Arius dans fa communion. Pour prévenir une féducfion générale, Alexandre écrivit de fon cöté a tous les Evêques d'Orient une lettre circulaire , & une autre en particulier a 1'Evêque de Byzance qui portoit le même nom  du Bas-Empirb. Liv. IK 387 que lui, & que fa vertu rendoit recommandable dans toute 1'Eglife. II développe fort au long dans ces lettres la doctrine d'Arius; il rend compte de ce qui s'eft paffe dans le Concile; il prévient fes collegues contre les fourberies des nouveaux hé» rétiques , & fur-tout d'Eufebe de Nicomédie , dont il démafque Phypocrifie. C'étoit la plus ferme colonne du parti , & peut-êfre étoit-il Arien avant Arius même. Auffi défendit-il cette héréfie avec chaleur. Les Ariens lui donnoient le nom de Grand, & lui attribuoient des miracles. Auparavant Evêque de Beryte, il avoit été tranfféré a Nicomédie par le crédit de Conftantie, Princeffe crédule & d'un efprit faux , plus digne d'avoir Licinius pour mari, que Conftantin pour frere. Dans fa jeuneffe, il avoit apoftafié durant la perfécution de Maximin, auffi-bien que Maris & Théognis, qui furent depuis, 1'un Evêque de Chalcédoine, 1'autre de Nicée, & ArienS déclarés. St. Lucien les avoit ramenés au fein de 1'Eglife ; ils préten* doient dans la nouvelle doctrine ne R ij CONSTANT! N, A.nn. 324. XVllt. Eufebe de Nicomédie. Soc. 1. I , c. & Philojl. I. 2 , c. 13. Niceph. CM. L 3, c. 31. TUL Arian, art. 6.  CONSTANTIN. Ann. 324. XIX. Eufebe de Céfarée. Athan. de Synod, Arym. & Seleuc, Soc. L 2, c. 21. Epiph. har. 69. Hier. tpift, 65. Gelaf. Cylic.Lz,c.'I. Niceph. Call. I. 5, <• 37. 7c, Co/if. 388 II I S T O I R R foutenir que celle de leur maitre, & s'honoroient, auffi-bien qu'Arius, du titre de Collucianifies. Eufebe, intriguant, hardi, fait au manege de la Cour, devint puiffant auprès de Licinius. Quelques-uns le foupconnoient de s'être prêté aux fureurs de ce Prince, & d'avoir, pour lui plaire , perfécuté plufieurs faints Evêques. D'abord ennemi de Conftantin , il fut pourtant le regagner par fon adreffe ; & il étoit bien avant dans fa confiance, quand les premiers troubles éclaterent a Alexandrie. Tandis qu'Eufebe de Nicomédie intriguoit a la Cour en faveur de 1'Arianifme, un autre Eufebe, auffi courtifan que lui, quoiqu'éloigné de la Cour, donnoit afyle a Arius qui s'étoit retiré d'Alexandrie. C'étoit 1'Evêque de Céfarée, fameux par fon Hiftoire eccléfiaftique, & par d'autres grands ouvrages. II tenoit un rang confidérable entre les Prélats de l'Orient, plus encore par fon favoir, par fon éloquence, & par la beauté le fon efprit, que par la dignité de fon Eglife, métropole de la Palefti1e. Difciple «lu célebre Martyr Parn.  nu Bas-Empiplb. Liv. IF. 389 phile, il fut foupconné d'avoir évité la mort en facrifïant aux idoles; & ce foupcon ne fut jamais bien éclairci. Ce n'étoit pas-la le feul rap port qui pouvoit fe trouver entre les deux Eufebes. Tous deux flatteurs , infinuants, fe pliant aux circonftances; mais le premier plus haut, pltu entreprenant , plus décidé , jalous de la qualité de chef de parti, & déterminément méchant : 1'autre eirconfpeft , timide , plus vain que dominant. L'un devenoit fouple par néceffité, 1'autre 1'étoit par caracfere Ils agilToient d'intelligence ; cependant 1'Evêque de Céfarée ne fe prê' toit qu'avec réferve aux violente: impreffions de 1'autre. Quelques-uh: croyent , fans beaucoitp de fondement , qu'ils étoient freres , ou di moins proches parents. On a vouli purger du foupcon d'Arianifme ur Ecrivain auffi utile k 1'Eglife qu'Eufebe de Céfarée ; mais toute fa conduite 1'accufe, & fes écrits ne le juf tifient pas. Le feptieme Concile écu ménique le déclare Arien; & ce qu prouve qu'après avoir enfin confent k figner la confubftantialité du Verb« R iij CONSTANTIN. Ann. 324. acum. acl. 6. Phot. BH: c. 127. Baron. an. 340. Valef. vit. Eufeb. Le Quien, Or. Chrift. t. UI. P. 559» I L 1  Constantie,Ann. 324. XX. jMouve«ents de ï'Arianifme. Soc. I. 1, c. 6. So\. I. 1, e. 14. Epiph. h*r. 69. Philoft. I. 2 , c. 2. Athcnéc. deipn.l.l^. O0© HlSTOJKE dans le Concile de Nicée, il confinua d'être Arien dans le eceur, c'eft que dans tout ce qu'il écrivit depuis ce temps-la , il évite avec foin le terme de confubftantiel; que dans fon hiftoire, il ne nomme pas Arius; qu'il le couvre de toute fon adreffe; que dans le récit du Concile de Nicée, il ne parle que de la queftion de la Paque , & comme pour éblouir &c donner le change , il s'étend avec pompe fur la forme du Concile, fans toucher un feul mot de 1'Arianifme, qui en étoit le principal objet; c'eft enfin qu'il conferva toute fa vie des liaifons avec les principaux Ariens, & fe prêta conftamment a la plupart de leurs manoeuvres. Tout étoit en mouvement dans les Eglifes d'Egypte, de Libye, d'Orient. Ce n'étoit que meffages, que lettres foufcrites par les uns, rejettées par les autres. Eufebe de Nicomédie n'étoit pas homme k pardonner k Alexandre le portrait que celui-ci avoit ofé faire de lui dans fa lettre circulaire : il ne ceffoit pourtant pas de lui écrire en faveur d'Arius; mais en même-temps il s'efforcoit de  nv Bas-Empike. Liv. IV. 391 foulever contre lui toutes les EglifesL'efprit de parti ne ménageoit pas les injures ; & le fcandale étoit fi public , que les Payens en prenoient fujet de rifée, & jouoient fur les théStres les divifions de 1'Eglife Chrétienne. Pour augmenter le trouble, Mélece & fes adhérents favorifoient les Ariens. Cependant on affembloit partout des Synodes. Arius , retiré en Paleftine, obtint d'Eufebe de Céfarée , & de plufieurs autres Evêques, la permiffion de faire les foncf ions du facerdoce ; ce qui, par une réferve affecfée , ne lui fut pourtant accordé, qu'a condition qu'il refteroit foumis de cceur a fon Evêque, & qu'il ne cefferoit de travailler a fe réconciliei? avec lui. Après quelque féjour en Paleftine, il alla fe jetter entre les bras de fon grand protefteur Eufebe de Nicomédie : de-la il écrit k Alexandre , & en lui expofant le fonds de fon héréfie, il a 1'audace de protefter qu'il n'enfeigne que ce qu'il a appris de lui-même. Ce fut dans eet afyle que, pour infinuer plus agréablement fon erreur, il compofa un poëme intitulé Thalie : ce titre n'anR iv Constantie.Ann. 324. God, in Philoft. I. l,c.7. TUI. Arian. art. J, 7, 8. Fltury, hiJl.Ecclef. /.I0,c. 3é.  39* Bistoi&e noncoit aue la ioie des feftins & de CONSTANTIN. Ann. 324. XXI. Concile en faveur d'Arius. Soc, l, I , c. 6. Sq^, l, I, f. 14. la débauche : 1'exécution de Fouvrage étoit encore plus indécente; il étoit verfifié dans la même mefure que les chanfons de Sotade, décriées chez les Payens même pour la lubricité qu'elles refpiroient, & qui avoient coüté la vie k leur auteur. Arius y avoit femé tous les principes de fa doctrine ; & pour la mettre a la portée des efprits les plus groffiers , dont le zele brutal rend un héréfiarque redoutable, il fit des cantiques accommodés au génie des divers états du peuple : il y en avoit pour les Nautonniers, pour ceux qui tournoient la meule, pour les voyageurs. La qualité de profcrit, de perfécuté, qu'Arius favoit bien faire valoir, lui attiroit la compaflion du vulgaire, qui ne manque prefque jamais de croire les hommes innocents, dès qu'il les voit malheureux. Eufebe de Nicomédie fervit fon ami avec chaleur en faifant affembler en Concile les Evêques de Bithynie, II y fut réfolu d'écrire a tous les Evêques du monde, pour les exhorter a ne pa§ abandonner Arius , dont la  pa Bas-Empihe. Liv. 1F. 393 doctrine n'avoit rien que d'orthodoxe, & a fe réunir pour vaincre 1'injufte opiniatreté d'Alexandre. Toutes les lettres écrites par les deux partis depuis le commencement du procés furent recueillies en un corps, d'un cöté par Alexandre, de 1'autre par Arius, & compoferent, pour ainfi dire , le Code des Orthodoxes & celui des Ariens. Conftantin fut averti de ces agitations de 1'Eglife d'Orient, lorfqu'il fe difpofoit a partir pour la Syne tk 1'Egypte. II gémiffoit de voir s'élever dans le fein du Chriftianifme une divifion capable de 1'étouffer, ou du moins d'en retarder les progrès. U ne jugea pas a propos de fe rendre témoin de ces défordres, de peur de compromettre fon autorité, ou de fe mettre dans la néceffité de punir. U prit donc le parti de fe tenir éloigné, & d'employer les voies de la douceur. Eufebe de Nicomédie profita de cette difpofition pacifique du Prince pour lui perfuader qu'il ne s'agiffoil que d'une difpute de mots; que le; deux partis s'accordoient fur les point! fondamentaux ; & que toute la que R v C ONSTANTIN. üin. 314. Lettre de Conftantin a Alexandre & a Arius. Euf. Vit. I. 2. c. 63. & feq. Idem. I. 3 , e. 5, 18. Idem.Hifl. I. 5 , c. 23. & feqq. Athan. de Synod. Soc. I. l, c. 7. Sol. I. I , <:. 15. Theod. I, I, c 7.  C ONSTANTIN. ftjin. 324 1 i 35>4 H 1 s t 0 / r e relle ne rouloit que fur des fubtilités oü la foi n'étoit nullement intéreffée. L'Empereur le crut; il écrivit a Alexandre & a Arius qui étoit apparemment déja retourné a Alexandrie. Sa lettre avoit pour but de rapprocher les efprits : il y blamoit 1'un & 1'autre d'avoir donné 1'elfor a leurs penlees & a leurs difcours fur des obfets impénétrables a 1'efprit humain: il prétendoit que ces points n'étant pas effentiels , la différence d'opinion ne devoit pas rompre 1'union Chrétienne; que chacun pouvoit prendre intérieurement Ie parti qu'il voudroit; mais que pour 1'amour de la paix, il falloit s'abftenir d'en difcourir. II comparoit ces diffenfions aux difputes des Philofophes d'une même fecfe, qui ne laiffoient pas de faire corps, quoique les membres ne s'accordaffent pas fur plufieurs queftions. Ce bon Prince, animé d'une tendreffe paternelle, finiffoit en ces termes : >> Rendez-moi des jours fereins Sc > des nuits tranquilles ; faites-moi ► jouir d'une lumiere fans nuage. Si ► vos divilions continuent, je ferai > r^duit è gémir, a verfer des lar-  ou Bas-Empire. Liv. IV. 395 » mes; il n'y aura plus pour moi de » repos. Oii en trouverai-je , fi ie » peuple de Dieu, fi mes confervi» teurs fe déchirent avec opiniatre» té ? Je voulois vous aller vifiter; » mon cceur étoit déja avec vous: » vos difcordes m'ont fermé le che» min de 1'Orient. Réuniffez-vous v> pour me le rouvrir. Donnez-moi » la joie de vous voir heureux com» me tous les peuples de mon Em» pire : que je puiffe joindre ma voix » a la vötre, pour rendre de concert » au fouverain Etre des aftions de » graces de la concorde qu'il nous » aura procurée ". II mit cette lettre entre les mains d'Ofius, pour la porter a Alexandrie. 11 comptoit beaucoup fur la fageffe de ce vieillard. Evêque de Cordoue depuis trente an nées, refpe&é dans toute 1'Eglife poui fon grand favoir & pour le courag« avec lequel il avoit confeffé Jefus Chrilt dans la perfécution de Maxi mien. Afin d'étouffer toute femenc de divifion , il lui recommanda aufl de travailler a réunir les Eglifes par tagées fur le jour de la célébratioi de la Paque. C'étoit une difpute ar R vj CcKfTANT1N. Ann. 324. ï • . 1  CONSTANT1N. Aon. 324. xxm. Second Concile d'Alexandrie. Euf. Vit. I. 2. c. 73. idem. t 4. Soc. I, 1, c. 7. So^. I. 1 > 1 c 16. Gelaf. Cylic.LiyC1. I Baron, in { «.319. | 3y6 U i S, T 0 1 R E- cienne, qui n'avoit pu être termïnée par les décifions de plufieurs Conciles. Tout 1'Occident & une grande partie de 1'Orient célébroient la fête de Paque le premier Dimanche après le quatorzieme de la lune de Mars : la Syrië. & la Méfopotamie perfiftpient a la folemnifer avec les Juifs le quatorzieme de la lune, en quelque jour de la femaine qu'il tombat. C'étoit dans Ie culte une diverfité qui donnoit occafion a des conteftations opiniatres & fcandaleufes. Ofius fut chargé de tacher de rétablir auffi dans ce point 1'uniformité. Ce grand Evêque avoit affez de zele & de capacité pour s'acquitter d'une commiffion fi importante. II aifembla a Alexandrie un Concile nombreux. Mais il trouva trop d'aigreur dans les efprits. II ne tira d'autre fruit de fes lémarches que de fe convaincre luinême de la mauvaife foi d'Arius, & lu danger de fa doftrine. On renou^ella pourtant dans ce Concile la conlamnation de Sabellius & de Mélece. 3n y condamna un Prêtre nommé üolluthe, qui avoit fait fchifmerSc tfurpé les foncfions de 1'Epifcopat c  du Bas-Empire. Liv. IF. 397 il fe foumit &c rentra dans fon rang de fimple Prêtre; mais plufieurs de fes fecfateurs fe joignirent a eelix de Mélece & d'Arius. Conftantin étoit retourné a Theffalonique dès le commencement de Mars. Ofius s'étant rendu auprès de lui, le détrompa; il lui fit ouvrir les yeux fur la juftice tk la fageffe de la conduite d'Alexandre. Eufebe méritoit d'être puni pour en avoir impofé au Prince ; eet adroit Courtifan fut fe mettre a couvert. Arius ofa même envoyer a 1'Empereur une apologie : nous avons une réponfe attribuée a 1'Empereur, & adreffée a Arius & aux Ariens, C'eft une piece fatyrique , remplie de railonnements confus, 6c plus encore d'invecfives , d'ironie , d'allufions froides &c d'injures perfonnelles. Si c'eft 1'ouvrage du Prince dom elle porte le nom, &C non pas celui de quelque déclamateur, il fau avouer que ce ftyle n'eft pas dign< de la majefté Impériale. II ne con venoit pas a Conftantin d'entrer ei lice contre un Sophifte : il étoit ni pour dire & faire de grandes chofes & pour donner de grands exemples Constantie',Ann, 324» l 1  CONSTANTIN. Ann. 324. XXIV. Généreufe réponfe de Conftantin.Jcan. Chryfofl. t. II , hom. 21, XXV. Convoeation du Concile 5 . Ann. 325. s XXVII. Les Evê- ques fe  C ONSTANTIN. Ann. 325. rendent a Nicée. Euf. ,it. ;- 3 , 6 , 8, 9Soc. I. 1, c. II, 4°2 HlSTOIRE leurs Diacres, qui faifoient prefque toute leur fuite, accouroient a Nicée de toutes parts. Us quittoient leurs Eglifes au milieu des prieres & des vceux de leurs peuples. Toutes les villes de leur paffage recevoient avec vénération & avec joie ces généreux athletes , qui, pleins d'efpérance & d'ardeur pour rétablir la paix, voloient a Ia guerre contre les ennemis de 1'Eglife. II laiffoient par-tout fur leur route 1'odeur de leurs vertus, Sc les préfages de leur vi&oire. Conf:antin étoit a Nicomédie au commen:ement de Février, & dès le mois le Mai, il fe rendit a Nicée pour r receyoir les Peres du Concile. II eur faifoit 1'accueil le plus honora)le : on leur fournit k fes dépehs, )endant leur féjour, les chofes néeffaires k la vie, avec une magnifience qui n'étoit bornée que par la implicité & Pauftérité de ces faints lerfonnages. Jamais tant de vertus i'avoient été réunies. Nicée recevoit ans fon enceinte ce que la terre avoit e plus augufte & de plus faint. C'éoit le champ de bataille oü la Region & la vérité alloient combat-  nu Bas-Empike. Eiv. IV. 4°j tre 1'impiété & 1'erreur. On y voyoit les plus illuftres chefs des Eglifes du monde , depuis les coniïns de la haute Thébaïde jufqu'au pays des Goths, depuis 1'Efpagne jufqu'en Perfe. Rien ne reffembloit mieux, dit Eufebe, a cette première affemblée, dont il eft parlé dans les aöes des Apötres, lorfqu'au jour de la naiffance de 1'Eglife un grand nombre d'hommes religieux & craignants Dieu, de toutes les nations qui font fous le Ciel, accoururent au bruit de la defcente du SaintEfprit. C'étoit auffi la première fois que 1'Eglife avoit pu s'affembler toute entiere : elle renaiffoit en quelque forte par la liberté dont elle commencoit a jouir; & c'étoit le même Efprit qui devoit defcendre. Le Princ< révéroit dans ces illuftres Confeffeur: les preuves de courage que plufieur d'entre eux portoient fur leur corps il diftinguoit entre les autres Paphnu ce, Evêque dans la haute Thébaïde homme fimple & pauvre, mais r< commandable par la fainteté de fa vie par fes miracles, & par la perte d'u de fes yeux au temps de la perféci tion de Maximin : c'étoit auprès c Constantie.A.nn. 315. "1 » n e  CONSTANTIN. Ann. 325. XXVIII. Evêques Orthodoxe;. Acl. Conc. Nic. Athan. Apol. 2, & Synod. Soc. I. I, c 7. Thcod. I. & l. 2 , C 30. I. i, e. 16. Hieron. Chron. Ruf. e. 5. Gclaf. Cyï«. l.i.c. 35- i Baron. an. . 32?- Morin , 1 iélivr. de i VEgl. part. 2, c. 51. ; BoJJuet, J ffi/ï. «nic. j 404 HlSTOIRE 1'Empereur le plus beau titre de nobleffe; il faifoit fouvent venir Paphnuce au palais; il baifoit avec refpecf la cicatrice, & lui rendoit les plus grands honneurs. Le Concile fut compofé de trois cents & dix-huit Evêques, entre lefquels il n'y en avoit que dix-fept qui fuffent infecfés d'Arianifme. II appartient a 1'Hiftoire de 1'Eglife de faire connoïtre tous ceux dont les noms fe font confervés. Je ne nommerai que les plus célebres, dont 1'hiftoire eft liée avec celle de Conftantin ou de fes enfants. Euftathe étoit né a Side en Pamphylie : il avoit été Evêque deBérée en Syrië, & transféré mal;;ré lui k Antioche par le fuffrage unalime des Evêques, du Clergé & du aeuple après la mort de Philogone. Ze Prélat étoit également illuftre par a fcience & par fa vertu : il avoit :onfeffé la foi en préfence des ty■ans, & étoit deftiné a fouffrir en:ore une perfécution plus opinishre le la part des Ariens. De trois Aleiandres qui affifterent au Concile, 'un Evêque d'Alexandrie, 1'autre de 3yzance, font déja connus; le troi-  nu Bas-Empire. Liv. IV. 4°5 fieme gouvernoit 1'Eglife de Theffalonique, & il fe fignala dans la fuite par fon zele pour Saint Athanafe perfécuté. Macaire, Evêque de Jérufalem, étoit un des Orthodoxes que les Ariens haïffoient davantage : il feconda dans la fuite 1'Impératrice Hélene dans la découverte de la Croix, Nous avons déja parlé de Cécilien, Evêque de Carthage. Marcel d'An> cyre, dès-lors célebre par fon oppo fition aux Ariens, le fut encore de puis par les erreurs dont il fut ac eufé, & qui ont fait de fon ortho doxie un fujet de difpute. Jacques Evêque de Nifibe, en Méfopotamie fameux par fes auftérités & par fe miracles, fut vingt-cinq ans après 1 plus fort rempart de fa ville épifcc pale contre 1'armée innombrable d Sapor, & forca ce Prince a lever 1 fiege. Le plus confidérable de toi ces Prélats étoit le grand Ofius, qu nous avons déja fait connoitre. L Pape Sylveftre, retenu a Rome p£ fa vieilleffe, envoya deux Prêtres Vitus & Vincent, en qualité de L gats. Mais le plus formidable enne mi que les Ariens éprouverent dai Constantie,'Ann. 3ij.. Flcury, hifi. Eccief. l.ll.c.l. &feq. t > S e e s e e r > >s  Constantie.Ann. 325, XXIX. Evêques Ariens. Philofl. I. i, t. 9. & 406 HtSTOIRE ce Concile, fut le jeune Athanafe Diacre d'Alexandrie. L'Evêque Alexandre, qui l'avoit élevé, & qui Ie chériffoit comme fon fils, l'avoit amené avec lui. Les Ariens le connoiffoient déja, & le haïffoient mortellement : ils attribuoient a fes confeils la fermeté inflexible d'Alexandre. La Providence qui le deflinoit a combattre pour 1'Eglife pendant le cours d'une longue vie jufqu'au dernier foupir, lui fit faire, pour ainfi dire, fes premières armes dans ce Concile; il y foutint avec gloire, a la face de 1'Eglife univerfelle , les plus violents aflauts, & fe fignala dès-lors par une éloquence & une force de raifonnement, qui confondit plufieurs fois les plus habiles d'entre les Ariens, & Arius lui-même, & qui étonna 1'Empereur & toute fa Cour. Outre les Prêtres , les Diacres, les Acolytes, les Evêques setoient fait accompagner de plufieurs Laïcs habiles dans les lettres humaines. Les Ariens, dont Phéréfie s'étoit répandue depuis la haute Libye jufqu'en Bithynie, ne purent pourtant raffembler que dix-fept Evêques, Les  du Bjs-Empire. Liv. IV. 407 plus renommés font Second de Ptolémaïde, Théonas ou Théon de Marmarique, le fameux Eufebe de Céfarée, Théognis de Nicée, Maris de Chalcédoine, & le grand défenfeur de tout le parti , Eufebe de Nicomédie. Arius les animoit par fa préfence, & leur prêtoit fes rufes & fes artifices. Avant 1'ouverture du Concile, les Théologiens, par une efpece de prélude , eurent a s'exercer contre quelques Philofophes Payens. Ceux - ci étoient venus, les uns par curiofité, pour s'inftruire de la docfrine des Chrétiens ; les autres, par haine & par jaloufie, pour les embarraffer dans la difpute. Un de ces derniers, arrogant & avantageux, fe prévaloit de fa dialeöique, & traitoit avec mépris les Eccléfiaftiques qui entreprenoient de le réfuter; lorfqu'un vieillard du nombre des Confeffeurs, laïc fimple & ignorant, fe préfenta poui entrer en lice. Sa prétention fit rin d'avance les Payens qui le connoiffoient, & fit craindre aux Chrétien: qu'il ne fe rendit vraiment ridicule Cependant on n'ofa par refpect lu Constantie.Ann. 32;. •bi God. diffcrt. XXX. PhilofophesPayens confondus. Soc. I. i, c. 7. Sot. I. i c 17. t  CONSTANTIN. Ann. 315. xxxi. Trait de fagefle de Conftantin. Thcod. 1. I. e. II. Sc-i. 1. 1 , t. 16. 408 IliSTOIRE fermer la bouche. Alors impofant fïlence au nom de Jefus-Chrift, k ce fuperbe Philofophe : Ecoute, lui ditil : & après lui avoir expofé en termes clairs & précis, mais fans entrer dans la difcuffion des preuves, les myfteres les plus incompréhenfibles de la Religion , la Trinité, 1'Incarnation, la mort du fils de Dieu, fon avénement futur: Voild, lui ajouta-t-il, ce que nous croyons fans c«riofitè. Ceffe de raifonner en vain fur des vérités qui ne font accefjibles qua la foi; & rèponds-moi fi tu les crois. A ces mots, la raifon du Philofophe fut terraffée par une puilTance intérieure; il s'avoua vaincu , remercia le vieillard; & devenu lui-même prédicateur del'Evangile, il proteftoit avec ferment k fes femblables, qu'il avoit fenti dans fon cceur 1'impreffion d'une force divine, dont il ne pouvoit expliquer le fecret. De tant d'Evêques raffemblés, plufieurs avoient entre eux des querelles particulieres. Ils croyoient 1'occafion favorable pour porter leurs plaintes au Prince, & en obtenir juftice. C'étoit tous les jours de nouvel- les  hu Bas-Bmpihe. Liv. W. 405 les requêtes, de nouveaux mémoires d'accufation. L'Empereur, en ayant recu un grand nombre, les fit rouler enfemble, fceller de fon anneau; & afligna un jour pour y répondre. II travailla dans ces jntervalles a réunir les efprits divifés. Le jour venu, les parties s'étant rendues devant lui pour recevoir la décifion, il fe fit apporter le rouleau, & le tenant entre fes mains : » Tous ces procés, dit-il, » ont un jour auquel ils font affi» gnés; c'eft celui du jugement géné» ral; ils ont un juge naturel, c'eft >> Dieu même. Pour moi qui ne fuis » qu'un homme, il ne m'appartient » pas de prononcer dans des caufes » oü les accufateurs & les accufés » font des perfonnes confacrées a » Dieu. C'eft a eux k vivre fans mé» riter de reproches & fans en faire. » Imitons la bonté divine, & pardon» nons ainfi qu'elle nous pardonne: » effacons jufqu'a la mémoire de nos » plaintes par une réconciliation fin» cere, & ne nous occupons que de » la caufe de la foi qui nous raffem» ble ". Après ces paroles, il jetta au feu tous ces libelles, aflurant avec Tome I, S Constantie.Ann. 31;»  CONSTANTIN. Ann. 325. XXXII. Conférences préliminaires.Sor. I. 1. e. 16. AIO H I S T 0 1 R'E ferment qu'il n'en avoit pas lu un feul : 11 faut, difoit-il, fe donner de garde de révéler les fautes des Minifres du Seigneur , de peur de fcandalifer le peuple , & de lui prêter de quoi autorifer fes défordres. On dit même qu'il ajouta , que s'il furprenoit un Evêque en adultere, il le couvriroit de fa pourpre, pour en cacher le fcandale aux yeux des fideles. II marqua en même-temps le dix-neuvieme de Juin, pour la première féance publique. En attendant ce jour, les Evêques s'alTemblerent plufieurs fois en particulier, pour préparer & débattre les matieres. Ils firent venir Arius, ils 1'écouterent, ils difcuterent fes opinions. Ce fut dans ces conférences que, d'un cöté, Arius mit en oeuvre tous fes talents, teute fon adretTe , tantöt dévoilant fa doftrine pour fonder les efprits, tantöt la repliant, pour ainfi dire, & 1'enveloppant de termes orthodoxes pour en déguifer I'horreur; & que de 1'autre, Athanafe parut comme une vive lumiere qui déconcertoit 1'héréfie, & la pourfuivoit dans fes détours les plus ténébreux.  ou Bas-Empire. Liv. IF. 411 La première leance fe tint le dixieuf de Juin, L'antiquité eccléfiaftique nous a précieufement conferve la doctrine de ce grand Concile, & tout ce qui s'y pafla d'important par rapport a la foi. C'eft un des points hiftoriques les plus fürs & les mieux conftatés. C'eft auffi le feul qui intéreffe véritablement 1'Eglife, dont les vi&oires doivent être immortelles. Mais pour les articles de pure curiofité, tels que le nombre des féan.ces, leur diftinöion , le lieu oü elles fe tinrent, combien de fois & en quels jours Conftantin y affifta, quel fut 1'Evêque qui y préfida, tout cela eft refté dans 1'obfcurité. La caufe de ces incertitudes, c'eft que les actes du Concile ne furent pas rétligés par écrit; on n'écrivit que la profeffion de foi, les canons & les lettres fynodiques. II eft impoffible de rien déterminer fur le nombre des feffions, & de diftinguer ce qui fe fit dans chacune. Quand au lieu de Paffemblée, & a la préfence de Conftantin, il me paroit très-probable que les Peres s'affemblerent dans 1'Eglife de Nicée; mais qu'ils fe rendirent au S ij CONSTAKTIN. Ann. 325. XXXIII. Séances du Concile. Euf. Vit. I.3.CW , & premio operis. So{. /. I , c. 18. Conc, Chalc. act. I. Chr. Alex. p. 282. Baron, an. 325. Pagi in Baron, Valef not. in Euf. vit. I. 3,c 10, II, 14. Hermant, vie de St. Athan. I. 2. TUI. Arian. art. S.¬.J, 6.  CONSTANT1N. Ann. 325, 41- II 1 S T 0 l S. S palais pour la derniere feffion, a laquelle Conftantin voulut affifter, & qui fit la clöture du Concile. Pour ce qui regarde le Préfident, les uns font portés a croire que ce fut Euftathe d'Antioche : c'étoit en effet un des plus grands Evêques de 1'Eglife; il étoit affis le premier k droite, 8c Pon croit que ce fut lui qui harangua Conftantin au nom du Concile. Mais le terme de droite empleyé ici par Eufebe, eft équivoque, Sc peut auffi bien fignifier la droite en entrant; ce qu'on appelle dans 1'Eglife le cöté de Pépïtre, que le cöté oppofé, qui étoit dans le Concile la place d'honneur, comme on le voit par les féances de celui de Chalcédoine. II n'eft pas même bien certain que ce foit Euftathe qui ait porté la parole a 1'Empereur : Eufebe femble dire que ce fut lui-même; Sozomene confirme ce fentiment, Sc d'autres attribuent eet honneur k PEvêque d'Alexandrie. Quoi qu'il en foit, il ne paroït pas néceffaire que ce foit le Préfident du Concile qui ait harangué 1'Empereur : cette foncfion a ?u être donnée k celui qu'on rega*-  nu Bjs-Empire. Liv. IV. 413 doit comme le plus éloquent. L'opinion qui me femble la mieux appityée, c'eft qu'Ofius préfida au Concile au nom du Pape Sylveftre ; le nom d'Ofius fe trouve avec celui des deux autres Légats, Vitus ou Vief 01 & Vincent a .la tête des foufcriptions, Les ceffions durerent j ufqu'au vingt cinquieme d'Aoüt. On voit par les acres du Concile d'Ephefe qu'elles étoient alors fort longues, commencant fur les huit ou neuf heures du matin, & durant jufqu'au foir. On mettoit fur un tröne ou pupitre au milieu de 1'affemblée , le livre des Evangiles. Après qu'on eut difcuté lei queftions de foi, entendu les Ariens. arrêté les canons de difcipline qu'i étoit a propos de confirmer par Pau torité de 1'Eglife univerfelle, les Pe res, pour prononcer le jugement définitif, fe rendirent, felon le defir di Prince, dans la plus grande falie dt palais. On leur avoit préparé des lie ges a droite & a gauche. Chacun pri fa place, & attendit en filence 1'arri vée de 1'Empereur. Bientöt on le vi paroitre fans gardes, accompagné feu lement de ceux de fes Courtifans qu S iij CONSTANT1N. Ann. 325. XXXIV. Conftantin au Concile. Euf. VU. I. 3. c. 10. Theod. I. I , c. 7. Soc. I. I, c. 7. Soi. I. I, c. 18. I  C ONSTANTIN. Ana. 315, 414 H I $ T 0 I R. £ profeffoient le Chriftianifme. A fon approche, les Evêques fe leverent. II parut, dit Eufebe , comme un ange de Dieu : fa pourpre, enrichie d'or & de pierreries, éblouiffoit par fon éclat; mais ce qui frappoit bien plus les yeux de ces faints Prélats, c'étoit la noble piété que refpiroit tout ion extérieur. Ses yeux baiffés, la rougeur de fon vifage, fa démarche modefte & refpedfueufe ajoutoient une grace Chrétienne a la hauteur de fa taille, a la force de fes traits, & k eet air de grandeur qui annoncoit le maitre de 1'Empire. Après avoir traverfé raffemblée, il fe tint debout au haut de la falie devant un fiege d'or plus bas que celui des Evêques, & ne s'affit qu'après qu'ils 1'en eurent prié par des fignes de refpeét. Tous s'affirent après lui : alors un des Prélats complimenta le Prince en peu de mots au nom du Concile, & rendit k Dieu au nom du Prince des aftions de graces. Quand eet Evêque eut ceffé de parler, tous les autres, dans un profond lilence , fixerent les yeux fur 1'Empereur, qui promenant des regards doux & fereins fur cette  du Bas-Empire. Liv. IF. 415 augüfte compagnie, & s'étant un peu recueilli, paria en ces termes: » Mes vceux font accomplis. De » toutes les faveurs dont le Roi du » ciel & de la terre a daigné me com» bier, celle que je defirois avec le » plus d'ardeur, c'étoit de vous voir » affemblés & réunis dans le même » efprit. Je jouis de ce bonheur; gra» ces en foient rendues au Tout-puif» fant. Que Pennemi de la paix ne » vienne plus troubler la notre. Après » que, par le fecours du Dieu Sau» veur, nous avons détruit la tyran» nie de ces impies qui lui faifoient » une guerre ouverte, que 1'efprit » de malice n'ofe plus déformais at» taquer par la rufe & 1'artifice no» tre fainte Religion. Je le dis du » fond du cceur; les difcordes intef» tines de 1'Eglife de Dieu font a mej » yeux les plus périlleux de tous lei » combats. Viftorieux de mes enne» mis, je me flattois de n'avoir plu; » qu'a louer 1'auteur de mes viftoi» res, & a partager avec vous nu » reconnoiffance & le fruit de me; » fuccès. La nouvelle de vos divi» üons m'a plongé dans une douletu S iv Constantie.Ann. 31;. XXXV. Difcours de Conftantin. Euf. vit. I. 3. c ».  CONSTANTIN. Ann. 32$ XXXVL Liberté t!u Concile. Buf.Vit.l. 3, c13. 5oj. /. i , c. 19. Hermant, vie de St. Athan.l, 2. 416 JflSTOIRE » amere. C'eft pour remédier a ce » mal, le plus funefte de tous, que » je vous ai affemblés fans délai. La » joie que me donne votre préfence » ne fera parfaite que par la réu» nion de vos coeurs. Miniftres d'un » Dieu pacifique, faites renaïtre en» tre vous eet efprit de charité que *> vous devez infpirer aux autres ; » étoufFez toute femence de difcor» de, afFermiffez en ce jour une paix » inaltérable. Ce fera PofFrande la » plus agréable au Dieu que vous » fervez, & le préfent le plus pré» cieux a un Prince qui le fert avec » vous ". Ce difcours prononcé en latin par 1'Empereur, fut enfuite interprété en grec, la plupart des Peres du Concile n'entendant que cette langue. Conftantin les parloit toutes deux; mais le latin étoit encore la langue régnante, & la majefté Impériale ne s'exprimoit point autrement. L'Empereur ne donna aucune atteinte a la liberté du Concile : il la laiffa toute entiere aux Ariens avant que le jugement fut prononcé. Dans les vives conteftations qui s'éleverent entre eux & les  nu Bas-Empire. Liv. IP~. 417 Catholiques, le Prince écoutoit tout avec attention & avec patience; il fe prêtoit aux propofitions de part & d'autre; il appuyoit celles qui lui paroiffoient propres k rapprocher les efprits; il s'efforcoit de vaincre l'opiniatreté par fa douceur, par la force de fes raifons, par des inftances preffantes, & par des remontrances affaifonnées d'éloges. II faut pourtant convenir que la préfence du Souverain dans un Concile étoit un exemple dan gereux, dont Conflance abufa depui; dans les Conciles d'Antioche & d< Milan. Les Ariens préfenterent une pro feffion de foi artificieufement compofée. Elle révolta tous les efprits on fe récria; elle fut tnife en pieces On lut une lettre d'Eufebe de Nico médie , remplie de blafphêmes fi ou trageants contre la perfonne du Fil de Dieu, que les Peres , pour n les point entendre, fe boucherent le oreilles : on la déchira avec horreu Les Catholiques vouloient clreffer u fymbole, qui ne fut fufceptible d'av cune ambiguité, d'aucune interpn tation favorable au dogme impie d'i S V Constantie.Ann. Ji5- • XXXVIÏ. Confubftantialité ► duVerbe. fc Athan* epift. contra Aria- " nos. 5 Theod. I. I .e. 7, 8-. e TUI. S Arian, art, FUury , n Hifi. Eed. - t. iï Ê-  Constantie.Ann. 325 / 1 I 4lS H I S T 0 I R E rius, & qui exclüt abfolument de la perfonne de Jefus-Chrift toute idee de créature. Les Ariens, au contraire, ne cherchoient qu'a fortir d'embarras en fauvant 1'erreur fous Péquivoque des termes. D'abord on exigea d'eux qu'ils reconnuffent, felon les faintes Ecritures, que Jefus-Chrift eft par nature fils unique de Dieu, fon verbe, fa vertu, fon unique fageffe, fplendeur de fa gloire, caractere de fa fubftance : ils ne firent aucune difficulté d'adopter tous ces termes , paree que, felon eux, ils n'étoient pas incompatibles avec Ia qualité de créature. Ils trouvoient moven de pratiquer dans toutes ces expreffions un retranchement a Terreur. Mais on les forca tout-a-fait, quand en ramaffant dans un feul mot les notions répandues dans 1'Ecriture touchant le Fils de Dieu, on leur propofa de déclarer qu'il étoit confubftantiel a fon Pere. Ce mot fut pour ?ux un coup de foudre; il ne laifbit aucun fubterfuge a 1'héréfie; c'éoit reconnoitre que le Fils eft en out égal a fon Pere & le même Dieu jue lui, Auffi s'écrierent-ils que «e  du Ijas-Empire. Liv. IK 419 terme étoit nouveau , qu'il n'étoit point autorités par les Ecritures. On leur repliqua que les termes dont ils fe fervoient pour dégrader le Fils de Dieu, ne fe trouvoient pas non plus dans les Livres faints; que d'ailleurs ce mot étoit déja confacré par 1'ufage qu'en avoient fait prés de quatre-vingts ans auparavant d'i'rluftres Evêques de Rome & d'Alexandrie ( c'étoient les deux Saints Denys } pour confondre les adverfaires de la divinité de Jefus-Chrift. Les Peres du Concile fe tinrent conftamment attachés a ce terme qui tranchoit toutes les fubtilités d'Arius, & qui fut depuis ce temps le fignal diftincfif des Orthodoxes & des Ariens. Ce qu'il y a de remarquable , c'eft que ce glaive, dont ils égorgeoient 1'héréfie , leur avoit été fourni par 1'héréfie même : on avoit lu une lettre d'Eufebe de Nicomédie, dans laquelle il difoit que reconnoitre le Fils incréé, ce feroit le déclarer confubftantiel a fon Pere. Tous les Orthodoxes étant d'accord fur la foi de 1'Eglife, en foufcrivirent le formulaire dreffé par Ofius, S vj COMSTANTIN. Ann, 32.).. XXXVIII Jugemenc du Concile..  CONSTANTIN. Ann. 32 j. Ath. ai Solit. Soc. I. I, c. 7. So\. I. 1 j c. 19. Polit. apui Phot. Theod. I. 1 ,c.8,l2. Philofl. I. I , c. 9. Baron, an, /V' «'A Herm. vit de St. Athan.l. 2, Till.Arian, art. 9. Fleury, £ 11 ,ci3. r;«. A. 420 HlSTOIRE Sc prononcerent Panathême contre Arius & fa doftrine. Les dix-fept partifans de 1'héréfiarque refuferent d'abord de foufcrire; mais la plupart fe réunirent, du moins en apparence. La crainte de 1'exil , dont 1'Empereur menacoit les réfracf aires, les fit iigner contre leur confcience, comme ils le firent bien voir dans la fuite. Eufebe de Céfarée balanca & foufcrivit enfin. La lettre qu'il adreffa a fon Eglife, femble faite pour raffurer les Ariens de Céfarée que la nouvelle de fa fignature avoit fans doute allarmés. II y explique le terme de confubfïantiel, Sc 1'affoiblit en Pexpliquant. On fent un Courtifan qui fe plie aux circonflances, & qui ne change que de langage. Eufebe de Nicomédie Sc Théognis de Nicée difputerent long-temps le terrein. Le premier employa tout le crédit qu'il avoit auprès du Prince pour fe mettre a couvert fans être obligé d'adhérer a la décifion du Concile. Enfin , vaincu par la fernaeté de 1'Empereur, il confentit a figner la profeffion de foi, mais non pas 1'anathême ; jl connoiffoit trop, diiQU>  do Bas-Empjre. Liv. IV. 421 il, 1'innocence & la pureté de la foi d'Arius. II paroit que Théognis le fuivit pas a pas dans toutes fes démarches. Philoftorge prétend que, par le confeil de Conftantie, attachée a la nouvelle doörine , les Ariens tromperent 1'Empereur & les Orthodoxes, en inférant dans le mot grec qui ügnifie confubftantiel, une lettre qui en change le fens, & réduit ce mot a n'exprimer que femblabk mfubjlance : il n'eft guere probable que ce foible artifice ait échappé a tant de yeux clairvoyants. Second & Théonas refterent feul obftinés : on les condamna avec Arius & les autres Prêtres ou Diacres déja frappés d'anathême dans le Concile d'Alexandrie , tels que Pifte & Euzoïus', qui, ala faveur des troubles de 1'héréfie, ufurperenl quelque temps après, lun le fiege d'A lexandrie, 1'autre celui d'Antioche.Le! écrits d'Arius, tk. en particulier fi Thalie, furent condamnés. En exé cution de ce jugement du Concile que la puiffance féculiere appuya mais qu'elle ne prévint pas, Conf tantin, dans une lettre adreffée au: Evêques abfents&atous les fideles CONSTANTIN. A.nn. 325.  CoNSTANTIN. Ann. 315, < 1 ] 1 J c F r r d c Tl ti p 422 H I S T 0 I R E ordonné que ces Livres pernicieux foient jettés au feu , fous peine de mort contre tous ceux qui en feront trouvés faifis. Le Concile avoit défendu a Arius de retourner a Alexandrie; 1'Empereur le relégua a Nicée en Illyrie avec Second, Théonas, & ceux qui avoient fubi 1'anathême. On a blamé Conftantin de cette difproportion .dans les peines : on lui a reproché d'avoir condamné a mort ceux qui liroient des ouvrages dont il fe :ontentoit de bannir Pauteur. On ne leut excufer ce défaut que par un mtre que nous avons déja relevé, & ]ui femble avoir fa racine dans la )onté même du Prince : il étoit bien dus févere k Pégard des crimes a comnpttre, qu'a Pégard des crimes comnis: Pamour du bon ordre le portoit faire craindre les chatiments les lus rigoureux, & fa clémence natuelle arrêtoit la punition ; ainfi paf événement, les peines prononcées ans fes loix devenoient fimplement Dmminatoires. II eut fans doute deux rempli le devoir de Légifla:ur & de Souverain , s'il eüt été lus retenu dans les menaces, & plus  du Bas-Empire. Liv. 1P. 423 ferme dans Fexécution. II veut dans la même lettre que les Ariens foient déformais nommés Porphyriens, a caufe de la conformité qu'il trouvé entre Porphyre & Arius, tous deux ennemis mortels de la Religion Chrétienne qu'ils ont attaquée par des écrits impies; tous deux exécrables a la poftérité, & dignes de périr avec leurs ouvrages. Mais cette dénomination ne prit pas faveur; & ce n'eft pas la feule fois que le langage s'eft fouftrait, ainfi que la penfée, a toute 1'autorité des Souverains. Conftantin avoit fort a cceur 1'uniformité dans la célébration de la Paque. On s'accorda fur ce point. II \ fut décidé que cette fête feroit fixée 1 au premier Dimanche d'après le quatorzieme de la lune de Mars, & qu'on j fe ferviroit du cycle de Méton. C'eft J une révolution de dix-neuf ans, après ' lefquels la lune recommence a faire < les mêmes lunaifons. Eufebe de Cé- i farée fe chargea de compofer Un ca- ' non Pafcal de dix-neuf années : il Pa- 'i dreffa a Conftantin avec un traité 5 complet fur cette matiere. Nous avons la lettre de 1'Empereur qui le remer- CONSTANTIN. A.nn. 3.15, XXXIX, Queftion le la Pa[ue termiiée, Euf. Li, . 17. 6" ;q. dem, 1. 4 , ■ 34. 35. Dionyf. xig. apud hich. in yclis , p, Sy. laron, ait.  CONSTANTIN. Ann. 325. XL. Régiement au fujet de! Méléciens & des Novatiens. Sec. I. I t. 7 , IO. Théod. I I, c. 9. S07.1. I r. 2.1 , 23 Canon 8 Nic. 424 II I S T 0 r IL E cie de eet ouvrage. L'Aftronomie fleuriffoit alors, fur-tout en Egypte : ce fut dans la fuite 1'Evêque d'Alexandrie qui fut chargé de faire pour chaque année le calcul de la Paque, & d'en donner avis a PEvêque de Rome. Celui-ci en inftruifoit les autres Eglifes. Cette coutume fut long-temps obfervée; mais lorfque le fiege d'Alexandrie fut occupé par des Prélats hérétiques, on ne voulut plus recevoir leurs lettres Pafcales. Malgré ce réglement du Concile de Nicée, il y eut quelques Evêques qui s'oftinerent long-temps k célébrer Ia Paque le même jour que les Juifs : ils fïrent fchifme , & furent nommés Quartodécimains. Le Concile auroit bien fouhaité terminer toutes les difputes qui agitoient 1'Eglife. II traita Mélece avec plus d'indulgence qu'Arius : il lui laiffa le nom & la dignité d'Evêque; mais il lui ötales ordinations. Quant aux Evêques que Mélece avoit établis, ils devoient, après une nouvelle impofition des mains, conferver leur titre, a condition qu'ils céderoient le rang a ceux qu'Alexandrie avoit  du Bas-Empire. Liv. IV. 425 ordonnés, & a qui ils pourroient fuccéder, en obfervant les formescanoniques. Cette fage difpofition du Concile fut rendue inutile par Pindocilité de Mélece, qui perpétua les troubles en fe nommant un fucceffeui quand il fe vit prés de mourir. Théo> doret dit que de fon temps, c'eft-adire , plus de cent ans après le Con cile de Nicée, ce fchifme fubfiftoi encore, fur-tout parmi quelques Moi nes d'Egypte qui s'écartoient de 1« faine doctrine, & qui fe livroient l des pratiques ridicules & fuperftitieu fes. L'Eglife étoit encore divifée de puis quatre-vingts ans par le fchifmi des Novatiens. II avoit eu pour au teur Novatien, qui s'étant féparé di Pape Corneille, avoit pris le titn d'Evêque de Rome. Ces hérétique affecfoient une févérité outrée, & f donnoient, pour cette raifon, un non qui, dans la langue grecque, lignifi purs. Ils retranchoient pour toujour de leur communion ceux qui, depui leur baptême, avoient commis de crimes foumis k la pénitence publi que : ils prétendoient que Dieu feu pouvoit abfoudre, & ils ötoient i CONSTANTIN. Ann. 315, Baron. an. , 3*5- S S 1 ï  CONSTANTIN. Aiin, 3zj. ï ] 1 1 1 i ( ( I i 426 HISTOIR.E 1'Eglife le pouvoir de lier & de dëlier. Ils condamnoient les fecondes noces comme des adulteres. Leur fecte étoit fort étendue ; elle avoit en Occident, & plus encore en Oriënt, des Evêques, des Prêtres, des Eglifes. L'extérieur de régularité la rendoit la moins odieufe de toutes les fecfes hérétiques, & elle fubfifta jufque dans le huitieme fiecle. Les Peres de Nicée confentoient a les recevoir dans le fein de 1'Eglife, s'ils vouloient renoncer a leurs fauffes préventions: ils offroient a leurs Prêtres de les conferver dans le Clergé, a leurs Evêques de les admettre au nombre dès Prêtres, même de leur laiffer leur ti:re, mais fans fonöion & feulement >ar honneur , fi les Evêques Cathoiques des lieux ne s'y oppofoient >as. Ces offres furent inutiles. L'Em>ereur lui-même s'employa en vain 1 leur réunion : il fit venir a Nicée Vcéfius , Evêque Novatien de Byance, qu'il eftimoit pour la pureté Ie fes mceurs. II lui communiqua les lécifions du Concile, & lui demanla s'il approuvoit la profeffion de foi k ce qu'on avoit ftatué fur la Paque,  du Bas-Empire. Liv. IV. 427 Acéfms répondit qu'on n'avoit rien établi de nouveau, & que ces deux points étoient conformes a la croyance & a la pratique apoftolique : Pourquoi donc, lui dit Conftantin , vous tene^-vous féparé de communion? Alors PEvêque, prévenu des maximes exceffives des Novatiens, fe rejetta fur la corruption oü il prétendoit que 1'Eglife étoit tombée en s'attribuant le pouvoir de remettre les péchés mortels " & 1'Empereur fentit qu'un orgueilleux rigorifme n'eft pas moins difEcile k guérir que le relachement. Nous laiffons a 1'hiftoire de 1'Eglife le détail des canons de ce faint Concile. Entre les tréfors de la tradition eccléfiaftique, c'eft la fource la plus pure oü 1'Eglife puife encore fes regies de difcipline. La célebre profeffion de foi qui fut depuis ce temps la terreur & 1'écueil de 1'Arianifme , eft ce qu'on appelle aujourd'hui le fymbole de Nicée. Le fecond Concile général tenu k Conftantinople y a fait quelques additions pour déyelopper davantage les points effentiels de notre croyance. L'Eglife d'Efpagne, par le confeil du Roi Récarede, k la Constantie.inn. 315. XLt. Canon & Symbole de Nicée. Canon. Nic. Pap ad Baron, an. 31J  CONSTANTIN. Ann. 325. I XLÏÏ. Lettresdu Concile & de Conftantin. Soc, l.1, c. 7. Gdaf. Cr 1 l'c. 1.1, c, ( 3?' ] ] i 1 < 1 i J c l e 71 i 423 HlSTQIRZ fin du fixieme fiecle, fut la première qui Ie chanta a la Meffe, pour affermir dans la foi les Goths nouvellement fortis de 1'Arianifme. Sous Charlemagne, on commenca è Ie chanter en France. Cet ufage n'étoit pas encore établi a Rome fous le Pontificat de lean VIII, du temps de Charles-leGhauve. Après avoir réglé ce qui regardoit la foi & la difcipline, le Concile charta nommément les principaux Evêques d'en inftruire toutes les Eglifes, Sc il leur affigna a chacun leur dé)artement. Mais il jugea a propos 1'appliquer lui-même le remede a la )artie la plus malade. II écrivit une ettre fynodale aux Eglifes d'Alexanlrie, d'Egypte, de Libye & de Penapole. On y remarque la douceur yangélique de ces faints Evêques: 3in de triompher de Fexil d'Arius, ls en paroiffent affligés : Vous ave^ ans doute appris, difent-ils, ou vous pprendrei bientót ce qui efl arrivé d 'auteur de Ühéréjie. Nous riavons garde 'infulter d un homme qui a regu la puition que méritoit fafaute. Ils n'en di-^ mt pas davantage fur le chatiment  du Bas-Empirs. Liv. IV. 429 .d'Arkis. Cette lettre fut accompagnée d'une autre adreffée par le Prince a 1'Eglife d'Alexandrie: il y remercie Dieu d'avoir confondu Terreur a la lumiere de la vérité ; il rend témoignage aux Peres du Concile de leur fcrupuleufe exaétitude k examiner & a difcuter les matieres; il gémit fur les blafphêmes que les Ariens ont ofé prononcer contre Jefus-Chrift ; il exhorte les membres féparés k fe rejoindre au corps de 1'Eglife; & il finit par ces paroles : La fentence prononcêe par trois cents Evêques dok être rêverie comme fortie de la bouche de Dieu même ; c'étoit le Saint-Efprit qui les éclairok & qui parloit en eux : Qu'aucun de vous nhêjite a les êcouter : Rentre^ tous avec emprejfemeni dans la voie de la vérité , afin qu'a mon arrivée, je puijfe de concert avec vous, rendre grace d celui qui pénetre le fond des confciences. On voit qu'il avoit deffein d'aller inceffamment en Egypte ; ce qu'il n'a pas exécuté. II écrivit encore deux autres lettres a toutes les Eglifes ; 1'une eft celle dont nous avons déja parlé , dans laquelle il profcrivoit la doörine & les écrits d'Arius : par 1'autre 3 il ex- CONSTANTIW. Ann. 32?.  CONSTANTIN, Ann. 325. XLIU. Vicennales de Conftantin. Euf. Viu I. 1. e. I, & 1.3, c. 15, 16. Theod. I. I, e. tl. Soi. U 1, c. 24. Pagi ad Baron. an. TUI. art. 59- 430 H I S T 0 I S. E hortoit tous les ndeles a ie conformer k la décilion du Concile fur la célébration du jour de Paque. La fête des Vicennales de Conftantin tomboit au vingt-cinquieme de Juillet de cette année : c'étoit le commencement de la vingtieme de fon regne. On croitque, pour ne pas interrompre des affaires plits importantes, cette cérémonie fut remife a la fin du Concile, qui fe termina le vingt-cinquieme d'Aoüt. Eufebe de Céfarée fit en préfence de PAffemblée 1'éloge de 1'Empereur ; & celui-ci invita tous les Evêques a un feftin qu'il fit préparer dans fon palais. Ils furent recus entre deux haies de gardes qui avoient 1'épée nue. La falie étoit richement ornée; on y avoit dreffé plufieurs tables. L'Empereur fit affeoir k la fienne les plus illuftres Prélats, & diftingua par des honneurs & des careffes ceux qui portoient les marqués glorieufes de leurs combats pour Jefus-Chrift : il fe fentoit en les embraffant échauffer d'un nouveau zele pour la foi qu'ils avoient fi généreufement défendue. Tout fe paffa avec la grandeur & la modeflie convena»  du Bas-Empikb. Liv. IP. 43 i ble a un Empereur hl a des Evêques. Après le feftin, il leur fit des préfents, & leur donna des lettres pour les Gouverneurs de fes Provinces : il ordonnoit a ceux-ci de diftribuer tous les ans du bied dans chaque ville aux veuves, aux vierges , aux Miniftres de 1'Eglife. La quantité en fut mefurée, dit Théodoret, fur la libéralité ' du Prince, plutöt que fur le befoin des pauvres. Julien abolit cette dif« tribution. Jovien n'en rétablit que le tiers : la difette qui affligeoit alors 1'Empire, ne lui permit pas de la renouveller en entier : mais ce tiers même étoit fort confidérable, & fediftribuoit encore du temps de Théodoret. L'Empereur acheva la folemnité de fes Vicennales a Nicomédie, & la réitéra a Rome 1'année fuivante. Avant que les Evêques fe féparaffent, Conflantin les fit affembler encore une fois; il les exhorta a conferver entre eux cette heureufe union , qui rendroit la Religion vénérable même aux payens & aux hérétiques ; a bannir tout efprit de domination , de contention , de jaloulie. II leur confeilla de ne pas employer feulement Constantie;Ann. jiji XL1V. Conclu.» fion du Concile. Euf. vit. l-3,c. 21. Sc-ï. I. i , c. 14. Baren, aai 31J.  COKSTANTIN. Ann, 325. 432 H I S T 0 I P. B les paroles pour convertir les hommes; il en eft peu, leur dit-il, qui cherchent fincérement la vérité ; il faut s'accommoder a leur foibleffe; acheter pour Dieu ceux qu'on ne peut convaincre; mettre en ceuvre les aumönes, la proteöion, les marqués de bienveillance , les préfents mêmes ; en un mot, comme un habile Médecin , varrer le traitement felon la difpofition de ceux qu'on veut guérir. Enfin, après leur avoir demandé le fecours de leurs prieres, & leur avoir dit adieu, il les renvoya dans leurs Diocefes, & les défraya pour le retour , comme il avoit fait depuis qu'ils étoient fortis de leurs Eglifes. Telle fut la conclufion du Concile de Nicée, le modele des Conciles fuivants ; refpecfable a jamais par la grandeur de la caufe qui y fut traitée, & par le mérite des Evêques qui la défendirent. L'Eglife y fit la revue de fes forces ; elle apprit a Terreur a redouter ces faintes armées, compofées d'autant de chefs, ou le Saint-Efprit commande & donne a la vérité une victoire affurée. Mais ce qui jette fur ce Coneile une plus vive lumiere, c'eft que  bv Bas-Empirb; Liv. 1F. 433 que 1'Eglife fortant alors des longues : épreuves des perfécutions , fe préfente a nos efprits avec toute la pureté , & tout 1'éclat de Por qui fort de la fournaife. La mémoire de cette affemblée a été confacrée par la vénération des fideles; 6c 1'Eglife d'Orient folemnife la fête des Evêques de Nicée le vingt-huitieme de Mai, felon le ménologe des Grecs. Auffi-töt après la féparation des Evêques , Eufebe de Nicomédie 8c Théognis de Nicée leverent le mafque, 8c recommencerent a enfeigner leurs erreurs. Ils fe déclarerent protefteurs de quelques Ariens obftinés, que Conftantin avoit mandés a fa Cour, paree qu'ils femoient de nou- ■ veaux troubles dans Alexandrie. Le Prince , irrité de la mauvaife foi des deux Prélats, fit affembler un Concile de quelques Evêques trois mois après celui de Nicée. lis y furent condamnés 8c dépofés. L'Empereur les relégua dans les Gaules, 6c écrivit a ceux de Nicomédie pour les en inftruire. II dépeint dans cette lettre Eufebe comme un fcélérat qui s'étoit prêté avec fureur k la tyrannie de Licinius, Tome I, T CONSrANTItf, Inn. jij. XLV. ïxil d'Eu"ebe 8c de rhéognis. Thcod. I. I, c. 10. Philoft. I. I , C. 10. GeUf. Cy. r'c. I 3 , e. i. Till.Arian. ïrt. 10, U. & net, 8.  CowsT AM TIN. Ann, 325. XLVI. St. Athasafe, Evêque d'Alexandrie. Soc. 1.1, <• 11. Thcod. l I, c. 26. Herman, vit de Sc. Athan.l. 1. 434 Histoike au maffacre des Evêques, a la perfécution des fideles : il le traite comme fon ennemi perfonnel: il exhorte fes Diocéfains a fe préferver de la conlagion d'un fipernicieux exemple , 8e" menace de punition quiconque prendra le parti de eet apoftat. On mit a la place de ces deux Prélats, Amphion fur le fiege de Nicomédie , & Chreftus fur celui de Nicée. Nous raconterons dans la fuite par quels artifices ces deux hérétiques fe procurerent, a trois ans de-la, le rappel Sc le rétabliffement dans leurs fieges. Cinq mois après le Concile de Nicée , 1'Èvêque d'Alexandrie alla recevoir la récompenfe de fes travaux. Etant prêt de mourir, il défigna par un efprit prophétique Athanafe pour fon fucceffeur. Ce Diacre qui, dans un age peu avancé, égaloit en mérite les plus anciens Prélats, Sc en modeflie les plus humbles, fe cacha , fut découvert; Sc malgré fes réfiftances, élu felon les formes canoniques. II fut pendant quarante-lix ans que dura fon épifcopat, le chef de 1'armée d'Ifraël, Sc le plus ferme rempart de 1'Eglife. Cinq fois banni, fouvent en danger de  nu Bjs-Empire. Liv. IP. 435 f»erdre la vie, toujours en butte a la fureur des Ariens, il ne fe laiffa jamais ni vaincre par leur violence , ni furprendre par leurs artifices. Génie vrai« ment héroïqne, plein de force &c de lumieres, trop élevé pour être en prifes aux féducf ions de la faveur, inébranlable au milieu des orages, il réfifta a des cabales armées de toute la puiffance de 1'enfer & de la Cour. Ce fut dans la fuite un malheur pour Conftantin & une des plus grandes taches de fon regne, de s'être laiffé prévenir contre un Evêque fi digne de fa confiance; & rien ne montre mieux combien les ennemis d'Athanafe étoient adroits & dangereux, L'Empereur paffa le refte de 1'année & le commencement de la fuivante en Thrace, en Méfie , en Pannonie. Ce temps de repos fut employé a faire des loix utiles. C'étoit une regie de droit, que le demandeur feul fut obligé a faire preuve de la juftice de fa prétention : Conftantin , pour ne laiffer aucun nuage dans 1'efprit des Juges, voulut qu'en certains cas le défendeur fut aftreint k prouver la iégitimité de fa poifefT ij Constantie»Aaa. 32J» XLVIÏ.' Loix de Conftantin. Cod. Th. I. 11, tit. ^Cj. £.15, tit. 12. Euf. Vit. I. 4- c 25. Soc. 1,1, c. 1$. So^. I. 1 c. S. Lah. infl. I, 6, C. 20.  CONSTANT1N, Ann. 325. Idem. epit, f. 6. Jofephe. Antiq. jud. I. 19. c.J. Liban. de vita/ua,p. Cod. Th. U 7, tit. 4. Cod. Juft. I. J, r/t.71. 436 JJJSTOIRE non. Quant a la nature des preuves judiciaires, telles que les ecritures & les témoins, il ordonna dans les années fuivantes qu'on n'auroit égard a aucunes des écritures produites par une des deux parties, fi elles fe combattoient Pune 1'autre ; que les témoins prêteroient le ferment avant que de parler; que les témoignages auroient plus ou moins de poids felon le rang &c le mérite des perfonnes; mais que la dépofition d'un feul, de quelque rang qu'il fut, ne feroit jamais écoutée. Une loi bien plus célebre eft celle qui défendoit les combats de gladiateurs, & qui pour 1'avenir condamnoit au travail des mines ceux que la fentence des Juges avoit coutume de réferver pour ces divertiffements cruels. Les Chrétiens avoient toujours détefté ces jeux fanglants : Lacfance venoit encore d'en montrer Phorreur dans fes Inftitutions divines qui avoient paru quatre ou cinq ans auparavant; & il y a lieu de croire que les Peres de Nicée, dans les entretiens qu'ils eurent avec 1'Empereur, n'avoient pas oublié eet article. Conftantin, qui avoit  du Bas-Empire. Liv. IV. 437 plufieurs fois fait couler le fang des captifs dans cesaffreuxfpecfacles, devenu plus humain par la pratique des vertus chrétiennes, fentoit toute la barbarie de ces combats. II eut bien voulu les détruire dans tout 1'Empire; on le fent par fa loi. II paroït cependant qu'elle n'eut d'efiet que pour Béryte en Phénicie, oii elle fut adreffée. Cette ville étoit farneufe par une amphithéatre magnifique, qu'avoit autrefois bati Agrippa, Roi de Judée : elle étoit fort adonnée k ces fpe&acles. Cette coutume inhumaine régna long-temps en Oriënt, & plus encore k Rome, oii elle ne fut abolie que par Honorius. Libanius parle d'un combat de gladiateurs qui fut donné a Antioche en 328, c'eft-a-dire, trois ans après cette loi. L'Empereur remédia k un abus qu'avoit introduit 1'avidité des Officiers militaires. Ils devoient recevoir par jour une certaine quantité de vivres, qui fe tiroit des dépots publics, dans lefquels on les tenoit en rélerve. Ils fe faifoient donner leurs rations en argent; d'oii il arrivoit deux inconvénients : les déT iij CONSTANTIN. Aan. 325.  CoNSTANTIN. Ann. 33.5. Ann. 326. XL VIII. Mort de Crifpe. ldace. Cod. Th. Shron. Philofl. I. •i , c. 4. na. Epiu Eutr. 1.10. Anïfti. I. 74, c. 11. Zo/. I. 2. Sidon. Epifi. Syl. 5- Cod. orig. Confi. p, 3> 43$ illSTOIRM pofitaires des vivres ne vuidant pas leurs magafins, exigeoient des Provinces de 1'argent au-lieu des denrées dont ils n'avoient que faire; & les vivres féjournant trop long-temps dans les greniers, s'altéroient &c fe diftribuoient en eet état aux foldats. Conftantin défendit, fous peine de mort, aux gardes des magafins de fe prêter a ce commeree. II prefcrivit auffi de nouvelles formalités pour 1'aliénation des biens des mineurs qui fe trouvoient débiteurs du fifc. Au mois d'Avril de 1'an 3 26, Conftantin, Conful pour la feptieme fois, ayant pris pour collegue fon fifs Conftanee, agé de huit ans & demi , & déja Céfar, réfolut d'aller a Rome , dont il étoit abfent depuis longtemps. II paffa par Aquilée & par Milan, oü il paroit qu'il fit quelque féjour. II étoit a Rome le huitieme de Juillet, & y demeura prés de trois mois. II y célébra de nouveau fes Vicennales. Le concours des décennales des deux Céfars Crifpe & Conflantin augmenta la folemnité. Mais la joie de ces fêtes changea en deuil par un événgment funefte, qui  vu Bas-Empire. Li-o. IV. 439 fut pour 1'Empereur jufqu'a la fin de fa vie une fource d'amertume. Crifpe, qui avoit fi heureufement remplacé fon pere dans la guerre contre les Francs , qui l'avoit fecondé avec tant de fuccès 8i de gloire dans la défaite de Licinius, & qui donnoit encore de plus grandes efpérances, fut accufé par fa belle - mere, d'avoir concu pour elle une paffion inceftueufe, & d'avoir ofé la lui déclarer. Quelques Auteurs attribuent cette méchanceté de Faufta k la jaloufie que lui infpiroient les brillantes qualités du fils de Minervine : d'autres prétendent , qu'embrafée d'un criminel amour pour ce jeune Prince, & rejbutée avec horreur, elle 1'accufa d« crime dont elle étoit feule coupable. Tous conviennent que Conftantin, cmporté par fa colere, le condamna è mort fans examen. II fut mené loin des yeux de fon pere a Pola en Iftrie, ou il ent la tête tranchée. Sidonius dit qu'on le fit mourir par le poifon. II étoit agé d'environ trente ans. Sa mort fut bientêt vengée. Le pere infortuné commenca par fe punir lui-même. Accablé des reproT iv CONSTANTIN. Ann. 326.  C ONSTANTIN. Ann. 326. XLIX. Mort de ïaufta. Zof. I. 2. Philoft. I. 2 , c. 11. na. Epit. Eutr. 1.10. Sidonjbid, 440 JJJSTOIRB ches de fa mereHélene, & plus encore de ceux de fa confeience, qui 1'accufoit fans ceffe d'une injufte précipitation , il fe livra a une efpece de défefpoir. Toutes les vertus de Crifpe irritoient fes remords : il fembloit avoir renonce k la vie. II paffa quarante jours entiers dans les larmes, fans faire ufage du bain, fans prendre de repos. II ne trouva d'autre confolation que de fignaler fon repentirpar une ftatue d'argent qu'il fit dreffer a fon fils; la tête étoit d'or; fur le front étoient gravés ces mots: C'e/l mon fils injujlement condamnè. Cette ftatue fut enfuite tranfportée a Conftantinople, oü elle fe voyoit dans le lieu appellé Smyrnium. La mort de Crifpe, chéri de tout 1'Empire, attira fur Faufta 1'indignation publique. On ofa bientöt avertir Conftantin des défordres de fa perfide époufe. Elle fut accufée d'un commerce infame, qu'il avoit peutêtre feul ignoré jufqu'alors. Ce nouveau crime devint une preuve de la calomnie. Auffi malheureux mari que malheureux pere, également aveugle dans fa colere contre fa fem-  du Bas-Empire. Liv. IV. 441 me & contre fon fils , il ne fe donna pas non plus cette fois le temps d'avérer 1'accuiation, & il courut encore le rifque de 1'injuftice & des remords. 11 rit étouffer Faufta dans une étuve. Plufieurs Officiers de fa Cour furent enveloppés dans cette terrible vengeance. Le jeune Licinius , qui n'avoit pas encore douze ans, & dont les bonnes qualités fembloient dignes d'un meilleur lort, perdit alors la vie, fans qu'on en fache le fujet. Ces exécutions firent horreur. On trouva affiches aux portes du palais deux vers fatyriques, oii Fon rappelloit la mémoire de Néron. Des événements fi tragiquesont noirci les dernieres années de Conftantin : ils contribuerent fans doute a 1'éloigner de la ville de Rome, oü s'étoient paffées tant de fcenes fanglantes; il la regarda comme un iejour funefte. Rome, de fon cöté, ne lui épargna par les malédiftions & les injures. On raconte qu'un jour ayant été infulté par le peuple, il confulta deux de fes, freres fur la conduite qu'il devoit tenir en cette rencontre. L'un T v CONS- TANTIiN. \.tin. 3i6. L. Infultes que Conftantin rs9oit a Rome. Lihan, or. 14.  CONSTANTIÏ Ann. 32 Du Ca, ge. Fam, m r.onftantin quitte- Rome gour n'y; 44* H I S T O I R. z - lui confeilla de faire maffacrer cette ^ canaille infolente, & s'offrit a fe met5. tre a la tête des troupes; 1'autre fut i- d'avis qu'il convenoitaun grand Prin. ee de fermer les yeux & les oreilles a ces outrages. L'Empereur fuivit ce dernier confeil, & regagna par cette douceur ce que les rigueurs précédentes lui avoient fait perdre dans le cceur du peuple. L'Auteur qui rapporte ce trait, ajoute que Conftantin diftingua par des emplois & des dignités celui de fes freres qui l'avoit porté a la clémence, & qu'il lailfa 1'autre dans une efpece d'obfcurité. Ce qui peut faire croire que le premier étoit Jule Conftance qui fut Conful & Patrice, ou Delmace qui fut Cenfeur & employé dans les plus grandes affaires; & que 1'autre étoit Hanniballien, qui eut en effet fi peu de difiinöion, que plufieurs Auteurs Ie retranchent du nombre des. freres de Conftantin, & le confondent avec Delmace. Ces dégoüts que 1'Empereur avoit éprouvés a Rome, joints a I'attachement que cette ville enivrée du fang des Martyrs, confervoit pour Ie pa-  nu Bas-Empirs. Liv. 1F. 443 ganifme, lui firent naitre la penfée d'établir ailleurs le fiege de fon Empire. On peut juger par le peu de réfidence qu'il avoit fait k Rome, depuis qu'il s'en étoit rendu maïtre, que cette ville n'avoit jamais eu pour hii beaucoup d'attraits. En effet, ce n'étoit plus depuis long-temps le féjour de la vertu & d'une fimplicité magnanime : c'étoit le rendez-vous de tous les vices & de toutes les débauches. La molleffe, Ia parure, la pompe des équipages, l'oftentation des richeffes , la dépenfe de table y tenoient lieu de mérite. Les grands dominoient en tyrans , & les petits rampoient en efclaves. Les hommes en place ne récompenfoient plus que les fervices honteux, ou les talents frivoles. La fcience & la probité étoient rebutées comme des qualités inutiles ou même importunes. On achetoit des valets la faveur des maitres. Les études férieufes fe cachoient dans le filence; les amufements étoient feuls en honneur ; tout retentiffoit de chants & de fymphonie. Le Muficien &le Maitre de danfe tenoient dans 1'éducation une place plus im- T Vj; CONSTANT1N". A.nn, 316. plus revenir. Chron. Cod. Th. Amm. 1. 14 j c, 6,  CONSTANTIN. Ann. 326. ] 444 H I S T 0 1 RE portante que le Philofophe & l'Orateur. Les bibliotheques étoient des folitudes ouplutöt des fépulcres, tandis que les théatres & les falies de concert regorgeoient d'auditeurs: &Z dans une difette publique , oü 1'on fut obligé de faire fortir les étrangers, on chaffa tous les Maitres des Arts libéraux, & 1'on garda les comédiennes , les farceurs , & trois mille danfeufes avec autant de pantomimes , tant la fcience & la vertu étoient devenues étrangeres. Ajoutez a cette peinture toutes les intrigues de la corruption, toutes les manoeuvres de 1'ambition & de 1'avarice, 1'ivrognerie de la populace, la paffion défefpérée du jeu, la fureur & la cabale des fpecfacles. Telle eft l'idée que nous donne de cette ville un Auteur judicieux , qui peignoit a la poftérité ce qu'il avoit fous les yeux. Conftantin 1'abandonna pour n'y plus revenir 9 fans être encore déterminé fur le choix de fa nouvelle demeure. II en fortit vers la de Septembre, & retourna en Pannonie en paffant par Spolete & par viilan.  su Bas-Empire. Liv. IV. 445 II demeuxa toute 1'année fuivante 3*7 dans rillyrie & dans la Thrace, pendant le Confulat de Conftance & de Maxime. Ce Conftance n'étoit pas de la familie de Conftantin; il avoit alors avec le Confulat la dignité de Préfet du Prétoire. Cette année eft a jamais mémorable par la découverte de l'inftrument de notre Rédemption, qui, après avoir été enfeveli pendant prés de trois cents ans, reparut a la chüte de 1'idolatrie, & s'éleva è fon tour fur fes ruines. Conftantin avoit réfolu d'honorer Jérufalem d'un monument digne de fon refpecf pour cette terre facrée. Hélene, fa mere, remplie de ce noble deffein, étoit partie de Rome 1'année précédente après la mort de Crifpe , pour aller chercher quelque coniblation fur les veftiges du Sauveur. Agée de foixante & dix-neuf ans, elle ne fe rebuta pas des.fatigues d'un filong voyage. A fon arrivée, fa piété fut attendrie de 1'état déplorable oii elle trouvoit le Calvaire. Les Payens, pour étouffer le Chriftianifme dans fon berceau même , avoient pris a tache de défigurer le lieu : ils a- CONSTANTIN. A.nn. 327, lh. Confuls. Chron. Cod. Th. Buch. cycl, ?• 139 . 250, 253, lui. Découverte de la Croijf. Euf. rit. I., 3 . 25. & feqq. Theod. U 1 , c. 17 . 18. Soi. I. ï. :. I. Paulin. tpifi. II. Hieron, epift. 11,  CÖNSTANTIN. Ann, 327', LIV. Eglife dt St. Sépul ere. Euf. Vit l. 3 , c. 29 & feq. Soc. L t, «• 7- 445 HlSTOIRE voient élevé fur la colline quanrité de terre; & après avoir couvert le fol de grandes pierres, ils 1'avoient environné d'une muraille. C'étoit depuis Hadrien un Temple confacré k Vénus, oii la ftatue de la Déeffe reeevoit un encens profane , & éloignoit les hommages des Chrétiens qui n'ofoient approcher de ce lieu d'horreur. Ils avoient perdu jufqu'A la mémoire du Sépulcre de Jefus - Chrift. Hélene, fur les indices d'un Hébreu plus inftruit que les autres, fit abattre les ftatues & le Temple , enlever les terres qui furent jettées loin de la ville, & découvrir le Sépulcre. En fouillant aux environs, on trouva trois croix , les clous dont le Sauveur avoit été attaché, & féparément, Pinfcription telle qu'elle eft rapportée par les Evangéliftes. Un miracle fit diftinguer la croix de JefusChrift. La découverte d'un fi riche tréfor combla de joie PEmpereur. II ne pouvoit fe laffer de louer la Providen, ee, qui, ayant fi long-temps conferve un bois de lui-même corruptible,. le manifeftoit enfin au ciel & k la ter-?  bv Bas-Empire. Liv. IF. 447 re, lorfque les Chrétiens, devenus libres , pouvoient marcher fans crainte four leur étendard général. II fit batir une Eglife qui eft nommée dans les Auteurs, tantöt PAnaftafe, c'eft-a-dire, la Réfurrection, tantöt 1'Eglife de la Croix ou de la Paffion, tantöt le Saint Sépulcre.. L'Empereur recommandaa 1'Evêque Macaire de ne rien épargner pour en faire le plus bel édifice de 1'univers. II donna ordre k Dracilien, Vicaire des Préfets & Gouverneur de Paleftine, de four» nir tous les ouvriers & les matériaux que demanderoit 1'Evêque. I! envoya lui-même les pierreries, Por. & les plus beaux marbres. Selon quelque Auteurs , Euftathe , Prêtr« de Byfance , en fut PArchiteÖe. Voici la defcription que fait Eufebe de c( Temple magnifique. La facade, fuperbement ornée, s'élevoit fur un lar ge parvis, & donnoit entrée dans un< vafte cour bordée de portiques i droite & k gauche. On entroit dam le Temple par trois portes du cöt< de 1'Occident.. Le batiment fe divi foit en trois corps.. Celui du milieu que nous appellons la nefck qu'01 CONSTANTIN. Ann. 327. Soi. I. 2 „ c. 1. Valois epift. Je Anafiafi. Phury, hift.Ecclef, s 1 [.  C ONSTANTIN. A.na, 327. $48 IJjSTOIRS nommoit proprement la bafilique, étoit très-étendu dansles dimenfions, Sc fort exhauffé. L'intérieur étoit in:rufté des marbres les plus précieux : ui-dehors les pierres étoient fi bien iées 6c d'un fi beau poli, qu'elles -endoient 1'éclat du marbre. Le plafond , formé de planches exactement ointes, décoré de fculpture, 6c revëtu entiérement d'un or très-pur 5c trés-éclatant fembloit un océan de lumiere fufpendu fur toute la bafilique. Le toït étoit couvert de plomb. Vers Pextrémité s'élevoit un dóme en plein cintre, foutenu fur douze colonnes, dont le nombre repréfentoit celui des Apötres; fur les chapiteaux étoient placés autant de grands vafes d'argent. De chaque cöté de la bafilique s'étendoit un portique, dont la voute étoit enrichie d'or. Les colonnes qui lui étoient communes avec Ia bafilique, avoient beaucoup d'élévation; 1'autre partie portoit fur despilaftres très-ornés. On avoit pratiqué fous terre un autre portique, qui répondoit au fupérieur dans toutes fes dimenfions. De 1'Eglife on paffoit dans une feconde cour pavee de  du Ras-Empire. Liv. IV. 449 belles pierres polies, autour de laquelle régnoient des trois cötés de longs portiques. Au bout de cette cour, & au chef de tout Pédifice étoit la chapelle du Saint Sépulcre, ou 1'Empereur s'étoit efforcé d'imiter par 1'éclat de 1'or & des pierres précieufes, la fplendeur dont avoit brillé ce faint lieu au moment de la réfurreftion. Cet édifice commencé fous les yeux d'Hélene ne fut achevé & dédié que huit ans après. II n'en refte plus de veftiges, paree qu'il a été plufieurs fois ruiné : il fe forma a 1'entour une ville, qui reprit Tanden nom de Jérufalem, & qui fembloit être, dit Eufebe, la nouvelle Jérufalem, prédite par les Prophetes. Celle-ci renfermoit le Saint Sépulcre & le Calvaire. L'ancienne, qui, depuis Hadrien, portoit le nom d'vElia, fut abandonnée; Sc dès ce temps-lè commencerent les pélerinages & les offrandes des Chrétiens, que la dévotion y appelloit de toutes les parties du monde, i La pieufe Princeffe batit encore deux autres Eglifes, 1'une aBethléem dans le lieu oü étoit né le Sauveur, CONSTANTIN. Ann. 327. LV. Piété d'Hélene. Euf. Vit.  CONSTANTIN Ann. 327 /. 3 , c. 41 fi- fiqq. Soc. 1.1 c. 17. So\. I. 1 c. I. Theoph. p 21. Suid. ir ï.'ficiS'isS in E'hévti 450 N/STOIX.E 1'autre fur le mbnt des Olives d'ou" il s'étoit élevé au Ciel. Elle ne le borna pas a Ia pompe des édifices. Sa magnificenee fe fit encore bien mieux connoitre par les bienfaits qu'elle aimoit k répandre fur les hommes. , Dans le cours de fes voyages, elle verfoit fur le public & fur les particuliers les tréfors de 1'Empereur, qui fourniffoit fans mefure a toutes fes libéralités : elle embelliffoit les Eglifes & les oratoires des moindres villes; elle faifoit de fa propre maiis des largeffes aux foldats; elle nourriffoit & habilloit les pauvres; elle délivroit les prifonniers, faifoit grace a ceux qui étoient condamnés aux mines, tiroit d'oppreffion ceux quigémiffoient fous la tyrannie des Grands, rappelloit les exilés; en un mot, dans ee pays habité autrefois par le Sauveur du monde, elle retragoit fon image, faifant pour les corps ce qu'il y avoit fait pour les ames. Ce qui la rapprochoit encore davantage de cette divine reffemblance, c'étoit la fimplicité de fon extérieur , & les pratiques d'humilité qui voiloient la majelté Impériale fans 1'avilir. On la  du Bas-Empire. Liv. IV. 45 voyoit profternée dans les Eglifes au milieu des autres femmes dont ell ne fe diftinguoit que par fa ferveui Elle affembla plufieurs fois toutes le filles de Jérufalem qui faifoient pro feffion de virginité; elles les fervi a table, & ordonna qu'elles fuffer nourries aux dépens du public.^ Après avoir rendu aux faints lieu tout leur éclat, elle partit pour a Ier rejoindre fon fils. La fainte Croix enfermée dans une chaffe dargent fut mife entre les mains de 1'Evêque qui ne la montroit au peuple qu'un fois 1'année au vendredi Saint. Con tantin reeut de fa mere les clous, 1'ini cription & une portion confidérabl de la Croix, dont il envoya une parti a Rome avec Pinfcription : il la 1 dépofer dans la bafilique du palais Se forien, qui fut pour cette raifon aj pellée 1'Eglife de Sainte Croix, o 1'Eglife d'Hélene. II garda 1'autre pa tie, qu'il fit dans la fuite enfernu i\ Conftantinople dans fa ftatue pc fée fur la colonne de porphyre. L'i fage qu'il fit des clous n'eft pas aul clairement énoncé : tout ce qu'c peut tirer des expreffions des Ai i :> CONS" TAN TIK. • Ann. 3x7. S t t K LVÏ. RetoHi? d'Hélene. > SOC. I. I y , c. 17. Theod. 1. ' J , c. 18. e S01. U 1, f. C. I. • Cod. orig. ' C. p. p. e 17. e it f- >- u r- ' ;r hlfl n  CONSTANTIN. Ann. 327. LV1T. Sa mort. Euf. vit. 1-3, c. 46 & 47. Soc. I. 1 , c. 17. Theod. 1. 1, c. 18. So^. I, 2, f. t. Anaflaf. in Sylvcfl. Thcoph. p, 21. Niceph. Call. l.S, c 31. CAr. />• 283. Hefych. muf. Philofl. I. 2, c. 13. Juftin. C0II.4, tit. 7, nov. 28, c. 1. Enron, an, 3 26. 452 HlSTOIRE teurs originaux , c'eft qu'il les fit entrer dans la compofition de fon cafque & du mords de fon cheval, pour lui fervir de fauve-garde dans les batailles. Le Pape Sylveftre établit une fête de PInvention de Sainte Croix au troifieme de Mai. Hélene ne vécut pas long-temps après cette pieufe conquête. Elle mourut au mois d'Aoüt, agé de quatrevingts ans , entre les bras de fon fils , qu'elle fortifia dans la foi par fes dernieres paroles, & qu'elle combla de bénédicfions. II fit porter fon corps a Rome, ou il fut mis dans un tombeau de porphyre au milieu d'un maufolée que Conftantin fit conftruire fur la voie Lavicane, prés de la bafilique de Saint Marcellin & de Saint Pierre. II orna cette bafilique d'un grand nombre de vafes précieux. Les Romains prétendent encore pofféder le corps de cette Princeffe. Si Pon en croit les Hiftoriens Grecs, il fut deux ans après tranfporté a Conftantinople, & dépofé dans 1'Eglife des Saints Apötres. Ce qu'il y a de certain, c'eft que le Prince avoit comblé d'honneurs fa mere pendant  !xv Bas-Empiiie. Liv. IV. 453 fa vie; il lui donna le titre d'Au- gufte ; il fit graver le nom d'Hélene fur les monnoies ; il la laiffa maï- i treffe de fes tréfors. Elle n'en ufa que pour fatisfaire une piété magnifique & une charité inépuifable. Mais il eft vraifemblable que d'un cöté Penlevement de toutes les richeffes des temples , de 1'autre les pieufes profulions d'Hélene font le principal fondement du reproche que les Auteurs Payens font k Conftantin , d'avoir prodigué d'une main ce qu'il raviffoit de 1'autre. Après la mort d'Hélene, fon fils ne ceffa d'honorer fa mémoire. II lui érigea une ftatue k Conftantinople dans une place qui prit de-la le nom d'Auguftéon. Ayant fait une ville du bourg de Drepane en Bithynie, pour honorer Saint Lucien, Martyr, dont les reliques y repofoient , il 1'appella Hélénopolis, & déclara exempt tout le terrein d'alentour, jufqu'oü la vue pouvoit s'étendre. Quelques-uns difent que ce fut Hélene elle-même, qui, a fon retour, augmenta cette bourgade; &c c'eft ce qui leur a donné lieu de croire qu'elle y étoit née. Sozomene parle CONSrANTIN*.'LIHJ. 317»  CONSTAKTlN. Ann. 328. LVIII. Guerres contre les barbares. ViS. Epit. Ch. AU», p. 284. Theoph. p, 22. God. Chron. ' Cod. Th. €■ in not. t. 11. p. 240. Grut. eux. 6. 1 « l 1 i 454 II I S T 0 I R E enore d'une ville de Paleftine que Conftantin nomma Hélénopolis. II changea auffi en fon honneur le nom d'une partie de la Province du Pont, & Pappella Hélénopont. Juftinien étendit enfuite cette dénomination k toute la Province, Les affaires de 1'Eglife dont nous rendrons compte ailleurs, retinrent Conflantin k Nicomédie une grande partie de 1'année fuivante , oü Januarinus & Juftus furent Confuls. II en rortit pour une expédition dont on gnore'le détail. Une infcription de :ette année qui lui donne pour la pingt-deuxieme fois le titre d'Impe"ator, eft le monument d'une vief oire. La chronique d'Alexandrie dit qu'il paffa alors plufieurs fois le Danube, Si qu'il fit batir fur ce fleuve un pont le pierre. Théophane s'accorde avec ;lle , & ajoute qu'il remporta une fictoire fignalée fur les Germairis, es Sarmates & les Goths; & qu'après ivoir ravagé leurs terres , il les réluifit en fervitude. Mais il répete la neme chofe deux ans après, & 1'on ie peut compter fur 1'exaétitude de et Aiit,eur. La fituation de la ville  su BaS'Empirë. Liu. IV. 455 sl'Oëfcos dans la feconde Méfie fur le Danube, oü Conftantin étoit au commencement dejuillet, peut faire conjecf urer qu'il faifoit alors la guerre aux Goths & aux Taïfales. Ceux-ci étoient une peuplade de Scythes déja connue dans 1'Empire; ils habitoient une partie de ce qu'on appelle aujourd'hui la Moldavië & la Valachie. Au milieu de ces expéditons, 1'Empereur ne perdoit pas de vue le deffein qu'il avoit formé d'aft'oiblir £idolatrie : & tandis que pendant cette année & les fuivantes , comme je 1'expliquerai bientöt, 1'Afie voyoit une nouvelle capitale s'élever avec fplendeur au-dela du Bofphore; elle entendoit d'une autre part le fracas des idoles Sc des temples qu'on abattoit en Cilicie, en Syrië , en Phénicie , Provinces infecfées des plus abfurdes & des plus honteufes fuperftiticwis. La prudence du Prince fervoit de guide a fon zele : pour ne pas donner 1'aliarme, il n'employoit aucun moyen violent; il envoyoit fans éclat dans chaque contrée deux ou trois Officiers de confiance, munis de fes ordres par écrit. Ces Com- CONSTANTIN.319. 328, LtX. Deftruction des idoles. Euf. vit. I. 5. c 54, 57. Soc. 1*1, :. 18. foj. /, 2  CONSTANTIN. Ann. 328, 45Ó II I S'T 0 I R E miffaires traverfant les plus grandes villes, & les campagnes les plus peuplées, détruifoient les objets de 1 'adoratión publique. Le refpeót qu'on avoit pour 1'Empereur leur tenoit lieu d'armes & d'efcorte. Ils obligeoient les Prêtres eux - mêmes de tirer de leurs fancfuaires obfcurs leurs propres divinités; ils dépouilloient ces dieux de leurs ornements a la vue du peuple, & fe plaifoient a lui en montrer la difformité intérieure. Ils faifoient fondre 1'or & 1'argent, dont 1'éclat avoit ébloui la fuperftition ; ils enlevoient les idoles de bronze; on voyoit trainer hors de leurs Temples ces ftatues célébrées par les fables des Grecs, & qui paffoient parmi le vulgaire pour être tombées du Ciel.Le peuple, qui trembloit d'abord, & qui croyoit que la foudre alloit écrafer, ou la terre engloutir ces raviffeurs facrileges, voyant 1'impuiffance & la honte de fes dieux, rougiffoit de fes hommages; comme il ne leur avoit attribué qu'un pouvoir temporel & terreftre , il ne les regardoit plus comme des dieux, dès qu'on les oatrageoit impunément; ainfi une erreur  Du Bas-Empire. Liv. IV. 457 erreur guériffoit 1'autre. Plufieurs embraffoient la Religion Chrétienne; les plus indociles ceffoient d'en fuivre aucune. Leur furprife étoit de ne voir dans les fouterreins de ces fanctuaires , & dans le vuide intérieur de ces idoles que quelques ordures, &c même des cranes & des offements, reftes affreux des cérémonies magiques, ou des facritices de vief imes humaines. Ils s'étonnoient de n'y trouver aucun de ces dieux qui avoient fait autrefois parler ces images, aucun génie, aucun fantöme; & ces lieux devinrent méprifables dès qu'ils cefferent d'être fecrets & inacceffi- bIes' . . r: , II y avoit des temples dont 1'Empereur fe contentoit de faire■• Inlever les portes ou découvrir le toit. Maisil faifoit abattre de fond en comble ceux dans lefquels triomphoit plus infolemment la débauche ou'l'impofture. Sur un des fommets du Liban , entre Héliopolis & Byblos, prés du fleuve Adonis, étoit un lieu nommé Aphaque. Lè, dans une retraite écartée, au milieu d'un bocage épais, s'élevoit un temple de Vénus. A coToot* I, V C ONSTANTIN. Ann. 31S. LX. Temple d Aphaque. Euf. Vit. I. 3- c 55. So^. I, 2 r' e. 4. Zof. I. 1. Scnec. nat. qu&ft, i, 3 , C. 2Ó. EtymoL. ia  CONSTANT/IN. Ann, 328. \X1 4$8 ïl 1 s t i s. e té étoit un lac fi régulier dans fon contour, qu'il fembloit fait de main d'homme. Dans le temps des fêtes de la DéelTe, on voyoit un certain jour, après une invocation myftérieufe, une étoile s'élever de la cime du Liban , & s'aller plonger dans 1'Adonis; c'étoit, difoit-on, Vénus-Uranie. Peribnne ne conteftoit la réalité de cè ühénomene, & Zofime qui fe refufe a toutes les merveilles du Chriftianifme, n'ofe douter de cel!e-lA. Le lac étoit encore fameux par une autre miracle : les dévots de la Déeffe y jettoknt a 1'envi des offrandes de fcnite efpece: les préfents qu'elle vouloit bien accepter, ne manquoient pas, difoit-on , d'ailer k fond, fuffent-ils des matieres les plus légeres, tels que des voiles de foie & de lin: mais ceux que Ia divinité refufoit, reftoient fur 1'eau , quelque pefants qu'ils fuffent. Ces fables accréditées par la tradition des amours de Vernis & d'Adonis, dont on placoit la fcene en ce lieu , augmentoient les :harmes de eet agréable payfage. Tout y refpiroit la volupté. Des femmes impudiques & des hommes fembla-  du Bas-Empire. Liv. 1F. 45VJ bles a ces femmes venoient célébrer dans ce temple leurs infames orgies; la diffolution n'y craignoit point de cenfeur , paree que la pudeur & la vertu n'en approchoient jamais. Conftantin fit détruire jufqu'aux fondements eet afyle d'impureté, ainfi que les idoles & les offrandes : il en fit purifïerle terrein fouillé de tantd'obfcénités, & arrêta par des terribles menaces le cours de cette dévotion impure & facrilege. Le défordre n'étoit pas une dévotion, c'étoit une loi immémoriale a Héliopolis dans le même pays. Les femmes y étoient communes, & les enfants n'y pouvoient reconnoitre leurs peres. Avant que de mafier les fïlles , on les proftituoit aux étrangers. Conflantin tacha d'abolir par une loi févere cette infame coutume, \ èc de rétablir clans les families 1'hon- < neur & les droits de la nature. II écrivit aux habitants pour les appelIer a la connoiffance du vrai Dieu; il fit batir une grande bafilique; il y établit un Evêque & un Clergé; & pour ouvrir une voie plus facile a la vérité, il répandit dans la ville V ij Constantie.Ann, 32S; ixr. Autres rlejauchesSc"uperftiions aboies. Euf. vit. '■ h'- 5<5, ;8. Soe. 1. 1, . 18. lo{. I. % , • 4-  CONSTANTIN. Ann. 31S, 1 1 ] € f l 4fo HlSTOi&E beaucoup d'aumönes. Son zele n'eut pas Ie fuccès qu'il attendoit; & 1'indocilité de ce peuple fit voir que les cceurs corrompus par de honteufes volupfés , font les moins difpofés a recevoir les femences de 1'Evangile. Nous verrons comment ils fe vengerent fous Julien de la violence que Conflantin leur avoit faite pour les rendre raifonnables. L'Empereur trouva moins d'opiniatreté a Egès en Cilicie , oii il ne s'agiffoit que de détruire Pimpofture. On accouroit de :outes parts au temple d'Efculape jour y recouvrer la fanté. Le Dieu mparoiffoit pendant la nuit, guérifroit en fonge, ou révéloit les remeles. Conftantin étoufFa cette charlaannerie en renverfant & le Dieu & e temple. L'Egypte adoroit le Nil, :omme 1'auteur de fa fertilité; elle ui avoit confacré une fociété de Prêres efféminés, qui avoient oublié juf[u'a la diftindion de leur fexe. La nefure dont on fe fervoit pour désrminer 1'accroiffement du Nil étoit n dépot h Alexandrie dans le temle de Sérapis. On attribuoit ace Dieu ; pouvoir de faire répandre le fleuve  du Bas-Empire. Liv. 1F. 461 fur les terres. Le Prince fit tranfporter cette mefure dans 1'Eglife d'Alexandrie. Toute 1'Egypte en fut alIarmée; on ne doutoit pas que Sérapis irrité ne fe vengeat par la féchereffe ; & pour raffurer les efprits, il ne fallut rien moins qu'une inondation plus favorable , comme elle arriva en effet plufieurs années de fuite. Ce que Conftantin fit fans doute de trop en cette rencontre, c'eft qu'il ordonna de maffacrer les Prêtres du Nil. C'étoient a la vérité des hommes abominables; mais c'étoient des aveugles, qu'il devoit au moins effayer de détromper avant que de les perdre. Une autre fuperftition s'étoit établie en Paleftine. A dix lieues de Jé- 1 rufalem prés d'Hébron, étoit unlieu 1 nommé le Térébinthe, a caufe d'un < arbre de cette efpece qu'une tradi- ' tion populaire faifoit auffi ancien que ■ le monde. Ce lieu s'appelloit auffi le chêne de Mambré, paree qu'on pré- ' tendoit y voir encore celui fous < lequel Abraham étoit affis quand il fut vifité par les Anges qui alloient ruiner Sodöme. On y montroit le V ü; C ONSTANTIN. Ann. 32$. IXH. 2hêne dc rfambré. Euf. vit, . 3 . i »• rfil. 7ulef. net, 'Ad. Soc. I. ï, ■ 3- TUI. &rt. >S.  CONSTANT1N. Ann. 32S. ] 1 I 1 < 1 ( < C f I l l t c t $62 H 1 S T 0 I R E tombeau de ce Patriarche. C'étoit ua pélerinage & une foire célebre, oü dans un certain temps de 1'année, on fe rendoit en foule de toutes les contrées de la Paleftine , de la Phéni:ie, de 1'Arabie, autant pour acheter & vendre des marchandifes, que )ar dévotion. La les Chrétiens, les hiifs & les Payens faifoient, cha:un a leur maniere, les acf es de leur Religion. On y facrifioit des viöiries, on y verfoit des libations en 'honneur d'Abraham , de tout temps rès - révéré par les Orientaux. Les ^nges repréfentés en peinture a cöté les divinités payennes, le chêne mêne & le térébinthe, tout étoit un >bjet d'idolatrie. On campoit fous des entes dans cette plaine nue & déouverte ; & la confufion ne prouifoit aucun défordre : une exaéte ontinence étoit une des loix de la ête , & les maris 1'ohfervoient mê1e avec leurs femmes. Le puits d'Araham étoit pendant tout ce temps ordé de lampes ardentes; on y jetait du vin, des gateaux, des pie* es de monnoie, & des parfums de sute efpece. Eutropie , belle-mere  du ÉAS-EaiPiüE. Liv. IV. 463 de 1'Empereur, que la piété avoit apparemment conduite en Paleftine, Pinftruifit de eet abus par fes lettres. II écrivit auffi-tót a Macaire & aux autres Evêques de la Province, pour leur faire des reproches de n'avoir pas été les premiers a remarquer & a réprimer ce culte fuperftitieux. II leur fait favoir qu'il a chargé le Comte Acace de brCder fans délai toutes les images qui fe trouveront cn ce lieu, de détruire 1'autel, 6c de punir févérement tous ceux qui oferont dans la fuite y pratiquer aucun acte d'idolatrie. II recommande aux Evêques de veiller avec foin a maintenir la pureté de ce lieu, 6c de 1'avertir de tout ce qui pourroit s'y paffer de contraire au culte de la vraie Religion. On y batit par ordre de 1'Empereur une belle Eglife. Le chêne de Mambré ne fubfifta pas long-temps au-dela , il n'en reftoit que le tronc du temps de Saint Jéröme. Mais la fuperftition échappa è. 1'autorité de Conftantin 6c a la vigilance des Evêques : elle duroit encore dans le cinquieme fiecle. En même-temps que 1'Empereur V iv CONSTANTIN. A.nn. 52S,  C'ONSTANTIN. Ann. 328 LXlII. Eglifes Mties. Euf. Vit. i-3,c 50. 5oj. /. 2, c. 2. Fleury , Bijl. Eed. 4^4 H 1 s t 0 1 k b abattoit les temples des faux dieux, il en élevoit d'autres au véritable. II en fit batir a fes dépens un trésgrand & très-magnifique a Nicomédie, & le dédia au Sauveur en reconnoifTance de fes vi&oires, que Dieu avoit couronnées en cette ville par la foumiffion de Licinius. II n'y avoit guere de cité qu'il n'embellït de quelque édifice confacré au culte divin. Antioche étoit comme la capitale de 1'Orient. II la décora d'une bafilique diftinguée par fa grandeur & par fa beauté. C'étoit un vaiffeau de forme ocfogone, fort élevé, au centre d'une fpacieufe enceinte. II étoit environné de logements pour le Clergé , de falies & de batiments k plufieurs étages, fans parler des fouterreins. L'or, le bronze, les matieres les plus précieufes y étoient prodiguées i on 1'appella 1'Eglife d'or. Jofeph, perfonnage confidérable entre les Juifs, qui, très-endurci d'abord dans fon aveuglement, s'étoit enfin converti k force de miracles, 5c que 1'Empereur avoit honoré du titre de Comte , muni d'une commiflion du Prince, fit auffi conftruire  nu Bas-Empire. Liv. IF. 465 un grand nombre d'Eglifes dans toute 1'étendue de la Judée. Ce Jofeph fe rendit mémorable par fon attachément a la foi orthodoxe. C'étoit le feul Catholique habitant de Scythopolis, ville que fon Evêque Patrophile avoit entiérement infeftée d'Arianifme. La dignité de Comte le mit a 1'abri de la perfécution des Ariens. La fplendeur que Conftantin procuroit au Chriftianifme, faifoit ouvrir de plus en plus les yeux aux Payens. On n'entendoit parler que de villes tk de villages qui, fans en avoir recu aucun ordre,avoientbrülé leurs dieux, rafé leurs temples, conftruit des Eglifes. Une ville de Phénicie (on croit que c'eft Arade ) ayant jetté au feu un grand nombre d'idoles , fe déclara Chrétienne. Conftantin, en récompenfe de ce zele, changea fon nom en celui de Conftantine. II donna le nom de fa fceur Conftantia ou de fon fils Conftantius a Maïuma, qu'il appella Conftantie. Ce n'étoit qu'un bourg qui fervoit de port k la ville de Gaza en Paleftine. Les habitants, très-adonnés aux fuperftitions, y renonceren! tout-a-coup comme par inf- y v CONSTANTIN. Ann. 328. LXÏV. Arade & Maïuma deviennent chrétiennes. Euf. vit. !■ 4,'.38, 39- Soc. I. I , c. 18. 5©{. /. 2 , c. 4. & l. 5 . <• 3. Noris, epocfi. Syr. p. 363. God. ad Cod. Th.l, 15. tit. 6 , leg. 2,  Constantie.Ann. 328, LXV. Converfion des E- 4<5ó' BlSTOIRS piration. L'Empereur honora ce lieu de grands privileges; il lui donna le titre de ville, Paffiranchit de la jurifdidfion de Gaza , Sc voulut qu'il fut gouverné par fes propres loix Sc par fes propres Magiftrats. II y établit un Evêque. La jaloufie qu'en concut la ville de Gaza, attacha celleci plus fortement k l'idolatrie. Elle fe vengea fous Julien, qui dépouilla Maïume de tous ces droits, Sc la xéduifit a fon premier état. Mais la diftinction fubfifla dans 1'ordre eccléfiaftique , Sc Maïume continua d'avoir fon Evêque particulier. Ce qu'il y a d'étonnant, c'eft que cette ville devenue Chrétienne conferva cependant une ftatue fort déshonnête de la déeffe Vénus , qui avoit encore quelques adorateurs. II paroit même qu'elle laiffa fubiifter fon théatre , renommé par des fcenes lafcives, qui firent donner le nom de Maïumes k des fpecfacles licencieux fort k la mode, fur-tout en Syrië. Us ne fu.rent entiérement abolis que par Arcadius a la fin de ce fiecle. Déja 1'Empire étoit rempli de Chrétiens. La vraie Religion avoit même  du Bas-Empihe. Liv. IP. 467 depuis long-temps franchi les bornes de la domination Romaine; elle avoit paffé' en plufieurs endroits le Rhin & le Danube. Les barbares, qui, depuis le regne de Gallien, faifoient de fréquentes incurfions en Europe & en Alle, remportoient la foi dans leur pays avec les tréfors de 1'Empire; les Prêtres & quelquefois les Evêques captifs leur apprenoient le nom de Jefus-Chrift; & la patience, la douceur, la vie exemplaire, les miracles de ces faints perfonnages leur faifoient admirer & aimer fa Religion. Les Goths avoient regu 1'Evangile : un Roi d'Arménie, nommé Tiridate, avoit converti fon peuple ; & le commerce des Arméniens & des Ofrhoëniens faifoit pénétrer la foi bien avant dans la Perfe. Conftantin eut la joie de voir fous fon regne cette lumiere fe répandre dans des contrées qu'elle n'avoit jamais éclairées, du moins oü elle s'étoil éteinte auffi-töt après la prédication des Apötres & de leurs premiers fucceffeurs. Frumentius établit la foi che? les Ethiopiens, & fut ordonné pai Saint Athanafe, Evêque d'Auxume, V vj Constantie.Ann. 328. thiopiens & deslbériens.Soc. I. 1, c. 15 v l(>. So{. I. 2, c 5,6.7» 23. Ihtod. I. I \ c, 2 J , 24. Ruf. I. t , c. 9 vio. Baron. Martyr. IJ Dcc.  Constantie,Ann. 328. i 1 1 LXVI. EtabliiTe- ( ment des Monafte- ] res. Euf. vit. I. 4.C28. 1 5o{. /. 1 , i x. 12, 13, j *4- , I I J i t 468 HlSTOIRE capitale du pays. Une captive fnt FApötre de FIbérie; & le Roi ayant fait batir une Eglife, députa a Conftantin pour faire alliance avec lui, Sc pour lui demander des Prêtres capab!es d'inftruire fa nation. La conquête de ce Royaume n'auroit pas caufé autant de joie k 1'Empereur. II envoya a ce Prince de riches préfents, dont le plus précieux étoit un Evêque rempli de 1'efprit de Dieu ,& accomlagné de dignes Miniftres. La foi etta de profondes racines en Ibérie, Sc elle s'y eft long-temps confervée lans fa pureté, au milieu des héréies qui Penvironnoient. Ce qui acheva fous Conftantin Paffermir 1'Eglife Sc de rendre complete , pour ainfi dire, fon armée pirituelle , ce fut Pétabliffement des nonafteres. Les perfécutions avoient 'ouvent fait fuir les Chrétiens dans es montagnes & dans les déferts. 3'avoit été Poccalion de la vie foliaire. Mais cette même raifon les teloit féparés les uns des autres. La aix étant rendue, ces ames céleftes 2 réunirent; il fe forma des comlunautés nombre.ifes, oii les mé-  du Bas-Empire. Ltv. IP. 469 rites de chaque membre devenoient le bien commun de tout le corps. Les déferts furent peuplés de vertus. Saint Antoine, révéréde 1'Empereur, comme nous le verrons bientöt, raffembla le premier plufieurs difciples. Saint Pacóme fondoit le monaftere de Tabenne dans le temps que Conftantin Mtiffoit Conftantinople. En peu de temps, ces premiers plants de la vie cénobitique fe multiplierent k Pombre d'un gouvernement qui les protégeoit; & 1'on vit s'élever dans toutes les parties de 1'Empire ces monafteres, fi précieux a 1'Eglife tant qu'ils confervent la ferveur du premier inftitut ou de Ia réforme. Recueillons en peu de mots ce que fit Conftantin pour la Religion Chrétienne, & 1'état oü il la laiffa. Difons, pour n'y plus revenir, qu'il la confulta fur les mefures qu'il prit pour la favorifer, & qu'il n'employa que les moyens qu'elle approuve ellemême. II diftingua par des faveurs ceux qui la profeffoient; il s'efforca de faire méprifer & oublier le Paganifme en fermant, déshonorant, démoliffant les temples , efl les dé- CONSTANTIN. Ann. 32S LXVII. Refies de J'idola- trie. Euf. Vit. U 1 , c. 8. Idem. I, 3 , c. I, Idem. /, 4, c. 16. Soc. I. I. c. 18. Theod. I. 5. c. 20. Sor. I. 1, c. 8,  CONSTANTIN.Ann. 328. Prud. in Sym. Orof. t. 7, j <■■ 28. J Cod. Th. I. 1 12, tit. 5. | i < l e ( F F j c r t 5 1 1 c 3 F f f 1 4/0 II I S T O 1 R E pouillant de leurs poffefïions, en manifeftant les artifices des Prêtres idoiatres, en interdifant les facrifices, mtant qu'il put y réuflir fans vioence & fans compromettre la quaité de pere de tous fes fujets, mêne de ceux qui étoient dans Terreur. Du il ne put abolir la fuperftition, 1 étoufFa du moins les défordres qui :n étoient la fuite. II fit des loix fé'eres pour arrêter le cours de ces iorribles déréglements que la nature éfavoue. II prêcha lui-même Jefus"hrifl par fa piété, par fon exemle, par fes entretiens avec les déutés des nations infidelles , & par les sttres qu'il écrivit aux barbares. Loin e faire aux dieux des Payens Thoneur de placer fa ftatue dans leurs smples , comme le dit fauffement ocrate , il défendit eet abus par une fi expreffe , felon Eufebe. II honora ;s Evêques; il en établit en beaucoup e lieux. II rendit le culte extérieur ugufte & magnifique. II fit planter ar-tout le figne falutaire de la Croix; ;s palais préfentoient cette image ar toutes les portes, fur toutes les lurailles. On vit difparoïtre de def-  du Bas-Empire. Liv. IK 471 fus fes monnoies les infcriptions qui retracoient la fuperftition : ou Py repréfenta le vifage levé vers le Ciel, & les mains étendues en pofture de fuppliant. Mais il ne fe livra point a un zele précipité : il voulut attendre du temps, des circonftances, & fur - tout de la grace divine, la confommation de Pouvrage de Dieu. Les temples fubfiflerent a Rome, a Alexandrie , a Antioche, a Gaza, a Apamée , en plufieurs autres lieux, oü leur deflrucfion auroit entrainé des fuites funeftes. Nous avons une loi afEchée a Carthage la veille de fa mort, par laquelle il confirme les privileges des Prêtres Payens en Afrique. II étoit réfervé k Théodofe de porter les derniers coups. L'humanité & la Religion elle-même favent gré a Conftantin de n'avoir pas donné de Martyrs k 1'idolatrie. Ces événements fi intéreffantspour la Religion , n'ont point de date affurée. Plufieurs peuvent être antérieurs même au Concile de Nicée ; d'autres poftérieurs a la fondation de Conftantinople. Ils firent une partie confidérable des foins de Conftantin Constantie.Ann. J18. Ann. 329, LXVI1I. Date de la fondation de C. P. Theoph. p. 17. Cod. crlg.  COKSTANTIN, Ann. 319 C. P. p. i Pagi,di£ p. 145. Pctau doa temp. I. IJ c. 42. TM. 6c not. fur Conftantin, 472 II/STO/RE depuis qu'il fut feul Empereur jufqu'a fa mort. Nous les avons réu. nis fous les yeux du Lecfeur pour . n'être plus occupés que de Fétabliffe'• ment de la nouvelle Rome. On fait certainement en quel temps Conf'. tantinople fut achevée tk dédiée : mais on ne convient pas du temps ' oü elle fut commencée. Selon quelques Auteurs, ce fut dès Pan trois cents vingt-cinq; felon d'autres ^feulement a la fin de trois cents vingtneuf. Ce qui nous paroït plus probable, c'eft que Conftantin étant forti de Rome en trois cents vingt-fix avec le projet formé de donner une rivale a cette ville, il fut occupé 1'année fuivante a chercher un lieu propre k Pexécution de fon deffein; & qu'après un premier effai bientöt abandonné, il fe fixa au terrein de Byzance ; oü ayant commencé a batir en trois cents vingt-huit, il continua avec ardeur, & acheva prefque 1'ouvrage; en forte que la ville fut en état d'être dédiée au mois de Mai trois cents trente. Cette conjeöure nous détermine a ranger fous Pan trois cents vingt-neuf tout ce qui regarde  du Bas-Empjrs. Liv. 1P. 473 la fondation de Conftantinople , 1'Empereur étant Conful pour la huitieme fois, & fon fils aïné pour la quatrieme. II paffa la plus grande partie de ces deux années dans le voifinage de fon nouvel établiffement, afin de póuvoir plus aifément fe tranfporter fouvent fous le lieu même, pour diriger & animer les travaux. Si 1'on confulte les regies d'une fage politique, on ne peut s'empêcher de blamer Conftantin d'avoir entrepris de batir une nouvelle capitale , & de divifer les forces de 1'Empire, dans un temps oü ce grand corps, fatigué de la longueur des guerres civiles , épuifé par la tyrannie & le luxe de tant de Princes qui 1'avoient en même-temps accablé, avoit befoin de réunir & de concentrer fes efprits, pour leur donner un nouveau reffort: cette diftraction ne pouvoit que diffiper un refte de chaleur. Conftantinople , formée & nourrie aux dépens de Rome, fans pouvoir jamais 1'égaler en vigueur & en puiffance, ne fervit qu'a Paffoiblir. Mais les raifons d'Etat céderent aux goüts particuliers CoNSTANTIN. Ann, 329. LX1X. Motifs de Conftantin pour batir une nouvelle ville. m. ÏAblê de la Bletterie. Hifl. de Jovien,  CONSTANTIN. A.nn, 329 LXX. 11 veut batir a Troye. Suet. in Cxf. c. 79. Zof. I. 2. So{. I. 2, c. 2. M. Crerier, Hifi. des Empereurs, Xll, p. 186. 474 IJlSTOiRE du Prince, a Péloignement qu'il avoit concu pour Rome & pour fes fuperftions, & peut-être auffi a 1'ambition d'être regardé comme fondateur d'un nouvel Empire, en tranfportant le fiege de l'ancien. Cette réfoitition étant une fois bien arrêtée, il s'agiffoit de choifir dans la vafte étendue de fa domination Pemplacement de fa ville impériale. La Perfe étoit alors la feule Puiffance qui put donner de 1'inquiétude aux Romains, &Z Conftantin prévoyoit que Sapor ne refteroit pas long-temps en paix. II crut donc qu'il falloit reculer vers 1'Orient le centre de fes forces, & oppofer une barrière plus voifine a un fi redoutable ennemi. Le bruit avoit couru autrefois que Jules - Céfar vouloit tranfporter k Troye toute la fplendeur de Rome. Ce fut auffi la première vue de Conftantin. Le fouvenir de Troye étoit toujours cher aux Romains; & les Dardaniens d'Europe, chez lefquels il avoit pris naiffance, regardoient cette ville comme la patrie de leurs ancêtres. D'ailleurs, il fe laiffa fans doute cnchanter par la beauté 6c la  nu Bas-ëmpire. Liv. IV. 475 renommee des rivages de PHellefpont , plus embellis encore par la poéfie d'Homere que par la nature, & oü tout lui rappelloit des idéés héroïques. II traca donc Penceinte de fa ville entre les deux promontoires de Rhétée & de Sigée, prés du tombeau d'Ajax, & il enjetta lesfondements. Les murailles fortoient déja de terre, quand une vilïon célefte, felon Sozomene , ou fa propre réflexion lui fit abandonner Pentreprife , & préférer Paffiette de Byzance. Les navigateurs appercevcient encore longtemps après les portes de cette ville commencée fur une hauteur. Les Grecs, jaloux des merveilles qui ont ennobli la naiffance de Rome , font ici ufage de leur fécondité dans Pinvention. Ils promenent le lecteur de miracle en miracle. Nous nous difpenfons d'en rapporter aucun : il n'en falloit point d'autre pour attirer Conflantin k Byzance, que Padmirable fituation de cette ville : elle eft unique dans 1'univers. Située fur un cöteau dans un ifthme k la pointe de 1'Europe & a la vue de 1'Afie , dont elle n'étoit féparée que par un dé- CONSTANTIN. Ann. 329, LXXI. Situation de Byzance. Cod. Orig. Dionyf. Byiant. Zof. I. 2. Polyb.l. 4. Proc. de adif. c. 5. Gyll. de Bofp. Thrac.l. t. C. 2.  ConstantieAnn. 329 476 IIlSTOIRE • troit de fept ftades, elle joignoit les avantages de la füreté & du com- . merce avec toutes les faveurs de Ia nature, & les charmes de la perfpeéfive. C'étoit la clef de PEurope & de 1'Afie, du Pont-Euxin & de la mer Egée. Les vaiffeaux ne pouvoient paffer d'une mer dans 1'autre fans le congé des Byzantins. Baignée au midi par la Propontide, a 1'Orient par le Bofphore, au Septentrion par un petit golfe nommé Chryfocéras ou Ia Corne d'Or, elle ne tenoit au continent que par le cöté Occidental. La température du climat, la fertilité de la terre, la beauté & la commodité de deux ports, tout contribuoit a en faire un féjour délicieux. Les poiffons, & fur-tout les thons, qui viennent en afïluence du PontEuxin dans la Propontide, effrayés d'une roche blanche qui s'éleve prefque a fleur d'eau du cöté de Chalcédoine, & fe rejettant vers Byzance , y procuroient une pêche abondante. La ville avoit quarante ftades de circuit, c'eft-a-dire, prés de deux lieues , avant qu'elle eüt été ruinée par 1'Empereur Septime Sévere.  au Bas-Empire. Liv. IK 477 Les Byzantins ne manquoient pas de faire remonter leur origine jufqu'aux temps fabuleux. Ce qu'il y a de plus certain, c'eft que les Mégariens ayant bati Chalcédoine de 1'autre cöté du détroit, Byzas, chef d'une autre colonie de Mégare, vint fonder Byzance dix-fept ans après, tk plus de fix cents cinquante ans avant Pere Chrétienne. On ajoute que POracle d'Apoilon lui avoit Ordonné de batir fa ville vis-a-vis des aveugles ; c'étoient les Chalcédoniens, affez peu clairvoyants pour ne s'être pas appercus de 1'avantage que leur offroit le terrein au-dela du Bofphore. Cette ville , d'abord indépendante , tomba fucceffivement fous la puiffance de , Darius, des Ioniens, de Xerxès. Pau- 1 fanias Paffujettit aux Lacédémoniens, Paugmenta, tk y établit une nouvelle colonie; ce qui Pa fait paffer pour le ' fecond fondateur de Byzance. Sept i ans après, les Athéniens s'en emparerent, & les deux Républiques s'en [ difputerent long-temps la poffeffion. < A la faveur de ces querelles, les By- • zantins reprirent leur liberté , ren- ' dirent refpecfables leurs forces ma- ' i CONSTANTIE. Ann. 329. LXXII. Abfégé de 1'hiftoire (le Byzance jufqu'a Conftantin. Herodot. I. 4, J. Thucid. I. 1. Xenoph. Hift. Grxc. I. Memnon ipud Phot, Juftin. l,<), :. I. CU, Orat, le prov. oiful.c.6. Hefych. mef. Herodien \ : 3- met. Vefp, . s. Pollio in Ttillieno , . 6. 'yncell, p. 82. 'hr. Alex, . 620, Tac. ann. I2,f.6ï.  Constantie.Ann. 329, 37° ZftSTOIHE ritimes, réfifterent aPhilippe de Macédoine qui les affiégea inutilement, & fortirent avec honneur de plufieurs guerres contre de puiffants ennemis. Ils céderent avec le refte de la Grece k la valeur Romaine, & leurs nouveaux maitres , pour les payer de leurs bons fervices dans la guerre contre Mithridate, leur accorderent le privilege de fe gouverner par leurs loix. Byzance étoit alors riche, peup!ée & embellie de magnifiques ftatues. Elle avoit le titre de Métropole. Vefpafien lui öta ia liberté. Pefcennius Niger, qui difputoit 1'Empire a Sévere, s'en étant emparé, & ayant perdu la vie , elle demeura fidelle au parti de ce Prince, même après fa mort , & foutint pendant trois ans contre le vainqueur un de ces fieges mémorables par 1'opiniatre défenfe des affiégés, & par les extrêmités les plus arfreufes. Sévere, maitre enfin de Byzance, traita fa conquête avec la plus grande cruauté. Les principaux habitants furent mis a mort, les murs , renommés pour la ftrufture , -furent rafés, la ville fut ruinée & réduite k la qualité d'un fimple bourg,  nu Bas-Empire. Liv. IP. 479 foumis a Périnthe ou Héraclée. Sévere fe repentit bientöt d'avoir détruit un fi fort boulevard de 1'Empire; il la releva a la priere de fon fils Caracalla; mais elle ne recouvra pas fa première étendue ni fon ancien éclat. Sous Gallien, elle fut encore détruite, & les habitants paffes au fil de 1'épée, fans que 1'hiftoire en donne la raifon. II ne refta des anciennes families que ceux que leur abfence déroba a eet hornble maffacre. Elle fut auffi-töt rétabüe par deux de fes citoyens, Cléodame Sc Athénée. Du temps de Claude II, une flotte d'Erules ayant traverfé les Palus Méotides & Ie Pont-Euxin, prit Byzance Sc Chryfopolis , fituée visa-vis , au-dela du détroit; mais ils furent bientöt obligés d'abandonner leur proie. Nous avons vu cette ville fidelle a Licinius, tant que ce Prince conferva quelque efpérance. L'origine de 1'Eglife de Byzance eft moins conftatée que celle de la ville. Les Grecs modernes, pour ne 1 pas céder a 1'Eglife Romaine 1'avan- ! tage de 1'ancienneté, en attribuent la fondation a 1'Apótre Saint André. Ils Constanten.Ann. 329, Lxxur. Etar du -hriftlalifme a iyzance. ^« Quien, >. Chrift. . /. p. 8. S- 156,  Constantie.Ann. 319 ' Tcrtull. ai Scapul. c 3. LXXIV. Nouvell enc-inte de C. P. Jul. Orm 1. Thcmifi. O rat. 18. Soc. I. 7 c. I. Chr. A'.a P- 397Zonar. n. p. 42 482 IIlSTOIRE donnent depuis ce tenips-la uae fuite d'Evêques. D'autres difent, avec plus de vraifemblance, que le fiege épif- ■ copal n'y fut établi que du temps de Sévere, fous lequel il y avoit, en effet, a Byzance beaucoup de Chrétiens. Quelques-uns même ne lui attribuent pour premier Evêque que_ Métrophane, qui mourut huit ou neuf ans avant le Concile de Nicée. Alexandre lui avoit fuccédé, & gouvernoit cette Eglife fous la métropole d'HéracIée. Tel étoit 1'état de Byzance, lorf- ; que Conftantin entreprit d'en faire le fiege principal de 1'Empire. II la pro- • longea de quinze ftades au-dela de 1'ancienne enceinte, & la ferma d'une muraille qui devoit s'é&endre du golfe , a la Propontide, mais qui ne fut achevée que par Conftance. Cette en' ceinte regut dans la fuite divers ac- • croiffements fous Théodofe le Grand, ' Théodofe le jeune, Héraclius & Léon 1'Arménien. Une defcription de Conftantinople , qu'on croit faite entre le regne du grand Théodofe & celui de Juftinien, donne a cette ville quatorze mille foixante & quinze pieds de  nu Bas-Empire. Liv. IP. 481 de longueur, en droite ligne, depuis la porte d'or a POccident, jufqu'a la pointe la plus oriëntale fur le Bofphore, & fix mille cent cinquante pieds de largeur , apparemment a la bafe du triangle du cöté de POccident. Le terrein, femblable a celui de Rome, fe partageoit en fept collines. L'Empereur s'efforca autant qu'il put d'achever cette conformité, en imitant dans la nouvelle Rome tous les ornements & toutes les commodités de 1'ancienne. II fit élever un capitole , conftruire des palais , des aqueducs , des thermes, des portiques, un arfenal, deux grands édifïces pour les affemblées du Sénat, deux autres batiments qui fervoient de tréfor, Pun deftiné pour les deniers publics, 1'autre pour renfermer les revenus patrimoniaux du Prince. Deux grandes places faifoient une des principales beautés de la ville. L'une quarrée , entourée de portiques k deux rangs de colonnes, fervoit comme d'avant-cour commune a la grande Eglife & au palais de 1'Empereur , dont les deux facades s'élevoient a Poppofite l'une de 1'autre. Tornt L X Constant».Ann. 319. LXXV. Batiments faits a C. P. Du Cange, Confi. Chrift. LXXVI. Places publiques.Euf. Vit, l. 3 * 48. * sz. Zof. I. 2. Philofl, l. 2 , f. 18. Zon. t, II, f. 7.  CONSTANTIK, Ann. 329. Cedren. t. I. p- 322. ] ] - < 1 482 HlSTOIRE Cette place s'appelloit PAuguftéon, paree qu'il y fit pofer fur une colonne la ftatue d'Hélene , qu'il avoit, comme nous avons dit, honorée du titre d'Augufte. On voyoit au milieu le milliaire d'or. Ce n'étoit pas comme a Rome une fimple colonne de pierre pofée fur une bafe & fommée d'un globe doré; c'étoit une arcade élevée & décorée de ftatues. L'ufage en étoit le même qu'a Rome: tous les grands chemins de 1'Empire y devoient aboutir, & c'étoit le point d'oü Pon partoit pour compter les diftances. L'autre place étoit ronde, pavée de larges pierres; elle faifoit le centre de la ville, & portoit le nom de Conftantin. Elle étoit environnée d'un portique a deux étages, :oupé en deux demi-cercles par deux grandes arcades de marbre de Pro:onnefe , oppofées l'une a l'autre. Us entre-colonnes étoient garnies de tatues. II y en avoit encore un grand ïombre dans la place même. Au miieu étoit une fontaine, fur laquelle i'élevoit la figure du Bon Pafteur, :omme fur toutes les autres fontailes de la ville; mais celle-ci étoit  du Bas-Empire. Liv. IV. 483 de plus décorée d'un groupe de bronze , repréfentant Daniël au milieu des lions. Le plus bel ornement de cette place étoit la fameufe colonne de porphyre, venue de Rome, fur laquelle étoit élevée 1'image de Conftantin couronné de rayons. C'étoit une figure d'Apollon qu'on avoit apportée d'Ilion : on n'y avoit fait d'autre changement que de lui donner le nom du Prince. Ce fut dans cette ftatue qu'il renferma une partie de la vraie Croix. Les Grecs parient encore de plufieurs reliques qu'il fit dépofer fous la bafe. Une infcription déclaroit que Conftantin mettoit fa ville fous la protecfion de Jefus-Chrift. Cette colonne fut en grande vénération dans les fiecles fuivants. Tous les ans au premier de Septembre, oü commencoit 1'année des Grecs , le Patriarche, accompagné du Clergé, y venoit en proceflion avec 1'Empereur ; & les Ariens ne manquerent pas de taxer les Chrétiens d'idolatrie , comme fi ces hommages fe rapportoient a la ftatue de Conftantin. Celle-ci fut renverfée par un orage fous Alexis Comnene : on Xij Constantie.Ann. 329.  Constantie.Ann, 329. LXXVII. Palais. Zof. I. 2. Euf. I. 3, t. 49. Chr. Ahx. ■ p . 66l. Du Can- ■ ge, Confl. ] Chrifl.1. 2, C4, J,6. j < t r h v, C 484 H1STQI3.E la remplaga d'une Croix. Quelques Grecs fuperftitieux ont avancé que Conftantin avoit enfeveli au-deffous le Palladium qu'il avoit fecretement enlevé de Rome : c'eüt été faire un mélange monftrueux du facré & du profane. Cette colonne fe voit encore a Conftantinople : elle eft a la vérité très-endommagée ; mais un favant yoyageur a conclu des proportions de ce qui en refte , qu'elle devoit avoir de hauteur plus de quatre-vingtchx pieds, non compris le chapiteau ni la bafe. Deux palais s'éïevoient aux deux extrémités de la ville : 1'un fitué aii bord de la mer, a-peu-près a 1'endroit 3it eft aujourd'hui le ferrail, s'appeloit le grand palais. II ne cédoit a ceui de Rome ni par la beauté, ni par a grandeur de 1'édifice, ni par la valeté des ornements intérieurs. Dans afalie principale, enrichie de lambris lorés, au milieu du plafond, étoit atschée une grande croix d'or rayonante de pierreries. A l'autre bout de 1 vdle du coté de POccident étoit n autre palais nommé la Magnaure. onftantin fit encore batir prés de  du j'Jas-Empjhe. Lil}. 1P. 485 1'Hippodrome un fallon fuperbe, deftiné aux feftins que les Empereurs faifoient a leur Cour dans les grandes cérémonies , comme a leur couronnement, a celui de leurs femmes & de leurs enfants, & aux principales fêtes de 1'année. L'Empereur & les convives y étoient affis a table & fervis en argenterie : mais au feftin de la fête de Noël, ils étoient couchés k 1'antique & fervis en vaiflelle d'or. Outre les ouvrages dont il fut 1'auteur, & dont une defcription complete deroanderoit un gros volume, il augmenta tous ceux qu'il trouva fubfiftants , excepté la prifon qu'il lailfa petite & étroite. Elle ne fut aggrandie que par le cruel Phocas, qui eüt voulu y renfermer tout 1'Empire. Sévere avoit déja bati 1'Hippodrome, le théatre, l'amphithéatre, les bains d'Achille, les thermes de Zeuxippe. Conftantin rendit ces éditices dignes de fa ville. II ajouta k 1'Hippodrome des promenoirs, des degrés & d'autres embelliffements. Comme il fouhaitoit d'abolir les fpecfacles des gladiateurs , l'amphithéatre ne fut plus deftiné qu'a des combats contre les bêX iij CONSTA.NT1N. Ann. 3^19. LXXVIII Autres ouvrages. Glycas, /. 4. Chr. Aléx. f. 620 , 664. Ctdren. p. lil.&feq. Vu Cange , Confl. Chrift. 1.1, c 27.  CONSTANTIN. Ann. 329. LXXIX. Statues. Euf. Vit 1-3,'- 54 So{. I. 2 t. 4- Cod. Ot C. P. p. 3°, 31, êz. 486 HlSTOIRE tes; & dans la fuite, le Chriftianifme ayant peu-a-peu détaché les peuples de ce divertiffement fouvent enlanglanté , toujours dangereux , ce lieu ne fervit plus qu'a Pexécution des criminels. Les thermes de Zeuxippe devinrent les plus belles du monde par le grand nombre de colonnes 6c de ftatues de marbre Sc de bronze dont il les enrichit. Ces ftatues , dont on peut dire que Conftantinople fut peuplée , étoient celles des Dieux des Payens , que Conftantin avoit enlevées de leurs temples. On voyoit entre autres ces anciennes idoles, fi long-temps les objets d'une adoration infenfée ; 1'Apollon Pythien 5c celui de Sminthe, avec les trépieds de Delphes, les Mufes de 1'Hélicon, ce Pan fi célebre que Paufanias 8c les villes de la Grece avoient confacré après la vittoire remportée fur les Perfes, Cybele placée par les Argonautes fur le mont Dindyme, la Minerve de Linde, PAmphitrite de Rhodes, Sc fur-tout celles qui avoient autrefois rendu des oracles, 6c qui, devenues muettes, ne recevoient plus au-lieu d'en?  du Bas-Empire. Liv. IF. 487 eens que du mépris & des railleries. Pour purger la ville de toute idolatrie, il abattit les temples des Dieux, ou les confacra au culte du Dieu véritable. II batit plufieurs Eglifes. Celle de la Paix étoit ancienne, Conftantin 1'augmenta & 1'embellit. Elle fut Ia principale de la ville, jufqu'a ce que . Conftance en ayant fait conftruire tout auprès une autre beaucoup plus grande , il les enferma toutes deux dans la même enceinte, & n'en fit qu'une feule fous le nom de Sainte-Sophie. D'autres Eglifes furent dédiées fous 1'invocation des Anges, des Apötres & des Martyrs. Conftantin deftina a la fépulture des Empereurs & des Evêques de la ville 1'Eglife des Saints Apötres. Elle étoit batie en forme de croix, très-élevée, revêtue de marbre depuis le bas jufqu'en-haut. La voute étoit ornée d'un lambris d'or, le toit couvert de bronze doré , le döme environné d'une baluftrade d'or & de bronze. L'édifice étoit ifolé au milieu d'une grande cour quarrée :k 1'entour régnoit un portique, qui donnoit entrée dans plufieurs falies & appartements pour Pufage de 1'Eglife, X iv Constantie.Ann. 329. LXXX. Eglifes baties. Euf. l.4, c. 58. & req. Soc. I. i , c. 39. So\. I. 2 , c. 3. Greg, Ni?, carm. 9. Theoph. p. 18. Hift. Mlfccl. /.ii. Cedrtn, p. 284. Niceph. Caü. I. 7, t. 49. Du Cange, Confl. Chrifl. I. 3 , C 3.  COKSTANTIN. Ann. 319. LXXXI. Egouts de C. P. Cod. Or. C. P. p. IX. & 73. Du Can~ ft Confl. Chrifl.l.1, e. 29. 488 HlSTOIRE & le logement du Clergé. Cette Eglife ne fut achevée que peu de jours avant la mort de Conftantin; elle tomboit en ruine vingt ans après. Elle fut rétablie par Conftance, rebatie par Juftinien, & détruite par Mahomet II, qui fe ferrit des débris de eet édifice pour conftruire une Mofquée. Conftantin fit encore batir plufieurs belles Eglifes dans les environs de Ia ville: la plus célebre fut celle de SaintMichel, fur le bord du Bofphore, du cöté de 1'Europe : les peuples y venoient chercher la guérifon de leurs maladies. Les premiers fucceffeurs de ce Prince ^e paroiffent pas avoir été auffi zélés pour les pieufes fondations. II n'y eut que quatorze Eglifes a Conftantinople jufqu'au regne d'Arcadius. Les égouts de Rome paffoient pour être un des plus beaux ouvrages de cette ville. Conftantin voulut encore égaler cette magnificence. II fit creufer de larges & profonds fouterreins qui traverfoient toute la ville, & qui avoient leur décharge dans la mer. Un gros ruiffeau nommé le Lycus, dont on retenoit les eaux par le moyen d'une éclufe, fervoit k les nettoyer.  nu Bas-Empirb. Liv. IV. 489 Tant d'immenfes entreprifes occuperent Conftantin le refte de fa vie. II employa un nombre infini de bras, & attira quantité d'ouvriers du pays des Goths, & des autres barbares d'audela du Danube. II ne fut pas jaloux de 1'honneur des infcriptions. II en accepta fort peu entre un fi grand nombre dont il auroit pu couvrir tous les édifices; & il fe moquoit de Trajan , qu'il appelloit la Pariètain, paree que le nom de ce Prince fe lifoit fur toutes les murailles de Rome. Mais Trajan avoit fait des ouvrages durables; & Pempreffement de Conftantin fut caufe que les fiens eurent bien tot befoin d'être réparés. Les perfonnages diftingués quiaban donnerent Rome pour fuivre le goü du Prince, firent auffi batir k Conftantinople des maifons conformes i leur rang & k leur fortune. L'Empe reur en fit conftruire a fes fraix pou des gens illuftres par leur mérite qu'il y fit venir de toutes les contrée de 1'Empire, & même des pays étran gers, avec leurs families. II y attira par des privileges & par les diftri buüons de Yivres dont nous parleron X y CONSTANTIN. Ann. 329. LXXXIt. Prompte exécution de ces ouvrages.Jornand. de reb. Get. c. 21. na. Epit. Themi/i. er. 3. LXXXHT. Maifons baties a C. P. [ Sol. I. 2, C. 2. Hefych. " Milef. Nevel. „ Tkeod.jun, * tit. 12. ■ Sidon. tarm. 2. Eunap. Li * AZdtf. S Zef. 1.2.  CONSTANTIK. Ann. 329, 1 i 1 I 1 i LXXXtV Nom & < divifions de C. P. A Soe. I. 1 , t t. 16. J mfi.Mi/i. 1.11. « Jufiinien , V N°"-4}> r 49° H I S T 0 I S. 3 bientöt, un peuple très-nombreur* II öta par une loi a tous ceux qui poffédoient des fonds dans PAfie proprement dite, & dans le Pont, la liberté d'en difpofer, même par teftament, k moins qu'ils n'euffent une maifon k Conftantinople: cette loi onéreufe ne fut abrogée que par Théodofe Ie jeune. En peu de temps, la ville fut tellement peuplée, que 1'enceinte de Conftantin, quelque vafte qu'elle fut, fe trouvoit trop petite. Les maifons trop multipliées dans un terrein borlé, rendirent les rues fort étroites : )n avanca les édifices jufque dans la ner fur des pilotis; & cette ville, qui ïourrifloit autrefois Athenes, n'avoit >as affez de toutes les flottes d'Alerandrie, d'Afie, de Syrië, de Phéucie, pour fournir k la fubfiftance de es habitants. L'Empereur donna k fa ville Ie nom le Conftantinople, & celui de nouelle Rome. II lui aflura ce dernier itre par une loi gravée fur une comne de marbre, dans la place nomïé Ie Stratege. II la divifa comme la ille de Rome en quatorze quartiers: ;tte divifion ayoit déja été imitée a  du Bas-Empire; Liv. IV. 491 Carthage & a Alexandrie. II attacha a chaque quartier un Magiftrat pour Ia police, une compagnie de bourgeois tirée de différents ordres pour remédier aux incendies, & cinq infpecfeurs des rues pour veiller a la füreté des habitants pendant la nuit. Pendant que tout 1'Empire fe faifoit un mérite de contribuer a la grandeur & a rembelliffement de Conftantinople , 1'opération la plus inutile fut celle d'un Aftrologue nommé Valens, qui, chargé , dit-on , par le Prince de tirer 1'horofcope de la ville , trouva , k force de calculs, qu'elle devoit durer fix cents quatre-vingt-feize ans. Cette prédicfion ne s'eft pas rencoatrée dans le nombre de celles que le hafard rend quelquefois heureufes. On voit par les anciennes médailles de Byzance, que le croiffant fut toujours un fymbole attaché a cette ville. X vj Constantie.\nn. 319. Zonar. t. U. p. 6. Vctus 7cwg. c. p.   491 SOMMAIRE D V LIVRE CINQUIEME. I. CHANGEMENT dans le gouverntmtnt. II. Dédicace de C. P. III. z°«cautions de Conjlantin pour la fubjijlance de C. P. IV. Chryfargyre. V. Privileges de C. P. VI. Autres établijfements. VII. Nouvel ordre politique. VIII. Nouvelle divifton de t Empire. IX. Qwafre JVPrétoire établis. X. maitres 'de la milice. XI. Patrices. Xll.Des Ducs & des Comtes. XIII. Multiplication des titres. XIV. Z«at« : Confl. p, ï IJ,  Constantie.Ann. 3 jo. Baron, an, 33°. Du Cange, Confl. Chrifl, 1.1, f- 5, our peupler la fienne, fongea a la ubfiftance de cette multitude d'haütants. Nous avons déja dit que la lotte d'Alexandrie, qui portoit auoravant du bied k Rome, changea le deftination , Sc fut employée a  du Bas-Empire. Liv. F. 501 nourrir Conftantinople. C'étoit au Préfet d'Egypte a y faire tenir avant la fin du mois d'Aoüt la quantité de bied néceffaire; il en répondoit fur fes propres biens. On en donnoit au peuple quatre - vingts mille mefures par jour. Conftance, irrité contre la ville, en retrancha la moitié. Théodofe Ier. ajouta encore a ce que Conftantin avoit réglé. On diftribuoit auffi de 1'huile, de la chair de porc & du vin. Ces largeffes ne fe faifoient qu'aux families qui avoient des maifons dans la ville, afin d'engager a y batir. Quelques Auteurs prétendent que, pour foutenir tant de dépenfes, Conftantin établit de nouveaux impöts. Le plus odieux étoit celui qu'on appella Chryfargyre, mot Grec , qui fignifie or & argcnt, paree que les taxes ordinaires ne fe payant qu'en or, celleci fe pouvoit payer en or ou en argent. Si 1'on en croit Zofime, Conftantin en fut Fauteur. C'étoit une taxe impofée fur les marchands de quelque efpece qu'ils fuffent, jufqu'aux plus vils détailleurs; jufqu'a ces miférables qui faifoient ou avoient fait le honteux trafic de proftitution: Constantie.Ann. 330. Hier. Chron. Anony. Valef. Soc. I. 2, c. 13. Philofl. I. 2,e. 9. EdUt. Jajl. 13 • «• 4. 6. Claud. de bel. Gildon. So[. I. 2, C 2. Zof. I. 2. Cod. Th. I. 14, tit. 16. & ibi God. Suid. in ïlttheCl'l- VOI. Valef. Amm. I. 14» «• 6. IV. Chryfargyre. Zof. I. 2r. Evagr. I. 3 , 39Cedren, p.  CONSTANTIN. Ann. 330. God. ad Cod. Th. t. V, p. 4. Suet. Calig. e. 40. Eamprid, in AUx. c. 14- Theod. jan. nov. 18. Eufeh. U 4, t. 2,3. 502 UlSTOI&E on ajoute que les efclaves & les mendiants n'en étoient pas exempts: qu'il falloit payer pour les chevaux, les muiets, lesbceufs, les anes, leschiens même, foit dans les villes, foit dans les campagnes : ce tribut fe percevoit jufque fur les plus fales ordures; on achetoit la permiffion de les faire enlever. On le recueilloit tous les quatre ans. A 1'approche de cette exacfion, dit le même Zofime, ce n'étoit que larmes & défolation ; & dès que les collecteurs commencoient a paroitre, on n'entendoit plus que coups de fouets; on ne voyoit que tortures employées pour forcer ^la mifere même a donner ce qu'elle n'avoit pas. Les meres vendoient leurs enfants, les peres proftituoient leurs filles. II y a grande apparence que cette peinture eft une exagération de Zofime pour noircir la mémoire de Conftantin : il eft le feul qui attribue a ce Prince 1'établifiement de eet impöt. La taxe impofée fur les femmes publiques étoit prefque auffi ancienne que 1'Empire : elle fut ïmaginée par Caligula; on voit qu'elle duroit fous Alexandre Sévere. Elle  du Bas-Umpire. Liv. V. 503 fut abolie par Théodofe Ie jeune, qui chaffa de Conftantinople tous les courtiers de débauche; Sc après lui, Anaftafe anéantit tout-a-fait le Chryfargyre. Tout ce qu'on peut reprocher k Conftantin, c'eft de n'avoir pas prévenu ces deux Princes , St d'avoir laiffé fubfifter un ancien impöt, moins cruel fans doute que ne le yeut faire entendre Zofime, mais qui portoit un caradtere honteux. Loin que Conftantin fe foit montré avide de nouveaux fubfides, il déchargea fes fujets du quart de la taxe qu'il trouva impofée fur les terres; & comme 1'ancienne répartition paffoit pour injufte, Sz qu'elle excitoit beaucoup de plaintes Sc de murmures, il en fit dreffer une nouvelle avec une exactitude fcrupuleufe. Dans Ie deffein de donner k fa ville tout le luftre de Rome, il lui accorda 1 de grands privileges; entre autres J celui qu'on appelloit le droit Italique. 1 C'étoit 1'exemption de capitation Sc de taille, & le droit de fuivre dans ■ les adfes & dans les contrats, les mê- < mes loix Sc les mêmes coutumes que fuivoit 1'Italie. Le peuple y fut divifé ' CONSTANTIN. Ann. 330. y. 'rivileges e Confantinoile. Soe. I. 1 ; . 16. dem. 1. 6, . 41. So\. I. 2 ^ .2, 32. dem. I, 4 s . 22.  CONSTANT1N. Ann. 330. Idem. I. 7, t. 9. Zof. I. X. , Anony, Valef. Themifi. Or. 3. 6 14. Cone. Conftant. tan. 3. God. ai Cod. Th. I, 14. tit. 13. Valej. ad Amm. I. 16, e. 6. Le Quien, Or. Chrift. 1.1. p. 66. TUI. art, 67. 504 UlSTOIRE comme a Rome, en curies & en tribus. II inftitua la même diftincfion entre les ordres, les mêmes Magiftrats, revêtus des mêmes droits & des mêmes honneurs. II y établit un Sénat : mais quoique ces Sénateurs fulfent créés fur le modele de ceux de Rome, leur autorité ne fut jamais égale. Les offices exercés pendant un certain temps dans la Cour des Empereurs , y donnoient entrée. Selon quelques Auteurs, ce n'étoit qu'un Sénat du fecond ordre, & les membres n'avoient que le titre de Clari, au-lieu que les Sénateurs de Rome étoient appellés Clarifiïmi. Thémiftius va jufqu'a dire, que ving-cinq ans après Conftantin , ce Sénat avoit encore fi peu de confidération , que 1'ambition d'y parvenir étoit taxée de folie ; & du temps de Théodofe Ier., il avoue que ces Sénateurs, qu'on appelloit Peres Confcripts , étoient fort au-deffous de ce titre. Ce n'eft pas que les Empereurs n'euffent taché de donner a leur Sénat tout VSclat qu'ils pouvoient lui communiquer; mais ce ne fut jamais qu'une lumiere réfléchie: celui de Rome bril- loit  nu Bas-Empirb. Liv. V. 505 ioit de fon propre fonds, & par 1'antiquité de fa nobleffe. Cette diftincfion primordiale entre les deux Sénats, fe maintint dans 1'opinion publique, malgré tous les efforts de la puiffance fouveraine pour la faire difparoitre. Ajoutez que les Empereurs firent tout pour relever le nouveau Sénat, excepté la feule chofe qui peut vraiment illuftrer une compagnie politique; ils ne lui donnerent aucune part dans le gouvernement, & ne le refpecterent pas affez pour le rendre refpecfable a leurs fujets. Conftantin fit une efpece de partage entre Rome & Conftantinople : il déclara celle-ci capitale de toute 1'étendue com prife du Septentrion au Midi, entre le Danube & les extrémités de 1'Egypte, & d'Occident en Oriënt, entre le golfe Adriatique & les frontieres de la Perfe. II y mit le fiege du Préfet du Prétoire d'Orient, & la détacha de la Province d'Europe, & de la métropole d'Héraclée, pour la jurifdiction civile & eccléfiaftique. Mais fon Eglife ne fut érigée en Partriarchat qu'au Concile de Chalcédoine en 451; ce qui fut jufqu'au comTerne 1, Y ConstantieAnn. 33<  CONSTAJiTIN. Ann. 350, VI. Autres étabiilTements.Cod. Th. I. 13, tit. 3. Hifi. Mifi. I. 21. Zon. 1.11, p. 54- , Euf. vit. I. 4, 36, 37Juft. nov. 43 & 59Leon nov. 12. i?u Can. ge , Confl, Chtifl. I. 2. e. 9. 77//. art 65. 506 H 1 S T O I RB mencement du treizieme fiecle un fiijet de conteftation entre cette Eglife & celle de Rome. Conftance établit enfuite un Préfet de la ville; & la coutume s'introduifit que des deux Confuls, 1'un réfidat a Rome, l'autre k Conftantinople. Le fondateur voulut encore que fa ville partageat 1'Empire des fciences. II y inftitua des écoles célebres ,. dont les Profeffeurs jouiffoient de grands privileges. Elles fubfifterent jufqu'a Léon 1'Ifaurien. La bibliotheque commencée par Conftance, augmentée & placée dans un bel édifice' par Julien, mife par Valens fous la garde de fept Antiquaires , montoit k cent vingt mille volumes quand elle fut brülée fous Bafilifque. Zénon la rétablit, & elle étoit déja fort .nombreufe, lorfque ce même Léon , deftrufteur barbare de toute fcience, comme il eüt voulu 1'être de toute orthodoxie, la fit brüler avec le chef & les douze Savants affociés qui en avoient la diredfion. Conftantin s'étoit contenté de fournir les Eglifes de Conftantinople d'exemplaires de 1'Ecriture-fainte. Eufebe nous donne  nu Bas-Empirb. Liv. V. 507 la lettre par laquelle ce Prince le prie de faire copier fur du parchemin bien préparé , par les plus habiles Ecrivains, cinquante de ces exemplaires, & de les lui envoyer dans deux chariots, fous la conduite d'un Diacre de Céfarée. II chargea en même-temps le Receveur-général de Ia Province de faire les avances néceffaires. Ses ordres furent promptement exécutés, & 1'Empereur accoutumé a donner k fes peuples la fubfiftance corporelle, diftribua aux Eglifes avec encore plus de joie cette divine nourriture. Sa prévoyance s'étendit jufque fur les morts. Pour leur procurer gratuitement la fépulture , il fit don a. 1'Eglife de Conftantinople de neuf cents cinquante boutiques exemptes de toute impofition. Le loyer, dont cette exemption augmentoit la valeur, étoit employé h gager un pareil nombre de perfonnes au foin des funérailles dont ils faifoient tous les fraix. On les appelloit Decani, Lecïicarii, Copiatce. Ils étoient au rang des Clercs. L'Empereur Anaftafe en augmenta le nombre jufqu'a onze cents. Cette inftitution paroltra peut- y ij Constantie.Ann. 330.  ConstantieAnn. 3jo. VII. Nouvel ordre poHtique.Via. Epit. in Hadriano. VIII. Nouvelle divifion de 1'Empire. Euf. Hij?. I. 8. c. 13. J08 H I S T 0 I R E être de peu de conféquence; maïs elte épargnoit aux pauvres un furcroït de larmes ; & la fépulture de ceux qui mouroient dans 1 'indigence, n'étoit plus pour leurs enfants un fecond dommage. C'eft au temps de Ia fondation de Conftantinople, qu'on doit, ce me femble, rapporter Ie nouvel ordre établi dans 1'Empire. Hadrien avoit introduit des changements dans les emplois, tant civils que militaires : il avoit réglé les offices de la maifon des Princes. Dioclétien & Conflantin y firent encore quelques innovations. Les détails ont échappé a 1'hifloire: ces objets ne lui appartiennent en effet , qu'autant qu'ils intéreffent Padminiflration publique. Ce font auffi les feuls auxquels" nous allons nous arrêter. Jufqu'a 1'abdication de Dioclétien, PEmpire n'avoit formé qu'un corps indivifible. Le partage qui fe fit alors entre les deux Empereurs & les deux Céfars, le fépara en quatre départements, dont chacun avoit fon Préfet du Prétoire & fes Officiers. Conftantin & Licinius étant reftés feuls  du Bas-Emvi&B. Liv. V. 509 Souverains, ce vafte Empire ne fut plus divifé qu'en deux parties : Conftantin réunit a fa domination ce qu'avoit d'abord poffédé Sévere , 8c enfuite Maxence; Licinius joignit a 1'héritage de Galere tout 1'Órient, après la défaite 8c la mort de Maximin. La première guerre contre Licinius fit acquérir k Conftantin la plus grande partie de ce que fon rival poffédoit en Europe; 8c par la feconde il devint feul maitre de tout 1'Empire. Le titre de capitale donné k Conftantinople , fans être öté k la ville de Rome, produifit la nouvelle divifion d'Empire d'Orient 8c d'Empire d'Occident: c'étoit A-peu-près le même partage que celui des Etats de Conftantin 8c de Licinius, avant la bataille de Cibales. Conftantin fentit bien que, pour faire obéir ces deux grands corps, 8c les rendre, pour ainfi dire, plus flexibles, il étoit néceffaire de les fubdivifer encore. L'exemple de Dioclétien lui avoit appris a ne pas fe donner des collegues ou des fubalternes qui fuffent eux - mêmes Souverains. II fe réferva la fouveraineté Y iij Constant™.Ann. 330. IX. Quatre Préfets du Prétoire é tablis. Zof. I. 2. Vela Bar't , Mem. U VAca.i. Itslnfcript. !. VU, p. »0  Constantie.Ann. 330Gïannont , Hift.dcNaphs , l. 2 , c. i. 510 HlSTOIRE toute entiere, & fe contenta de créer quatre Préfets du Prétoire, au-lieu des deux qui avoient fervi de Lieutenants aux Empereurs , depuis que la puiffance avoit été réunie entre les mains de Conftantin & de Licinius. Ces quatre Préfets avoient a-peu-prés le même diftricf qu'avoient eu les deux Empereurs & les deux Céfars , felon la divifion de Dioclétien. Ces diftriös étoient ceux d'Orient, d'Illyrie, d'Italie & des Gaules. Ils fe fubdivifoient en plufieurs parties principales qu'on appelloit diocefes, dont chacun comprenoit plufieurs Provinces. L'Orient renfermoit cinq diocefes : 1'Orient propre, 1'Egypte, 1'Afie, le Pont, la Thrace. L'Illyrie n'en contenoit que deux : la Macédoine & la Dace. Sous le nom de Macédoine étoit comprife toute la Grece. Ces deux préfecfures formoient 1'Empire d'Orient. Celui d'Occident contenoit les deux autres. L'Italie comprenoit trois diocefes : 1'Italie propre , 1'Illyrie Occidentale , & 1'Afrique. Les Gaules en avoient le même nombre ; favoir, la Gaule proprement dite, la Bretagne> & 1'Efpa-  du Bas-Empihe. Liv. F. 511 gne k laquelle étoit jointe Ia Mauritanië Tingitane. Chacun de ces diocefes étoit gouverné par un Vicaire du Préfet, auquel les Gouverneurs immediats des Provinces étoient fubordonnés. Le diocefe d'Italie avoit feul deux Vicaires, dont l'un réfidoit k Rome, l'autre a Milan. Le rang des Gouverneurs varioit auffi-bien que leur nom, felon les divers ordres de dignité qu'il avoit plu k 1'Empereur d'établir entre les Provinces. Les plus confidérables de celle-ci donnoient a leurs Gouverneurs le titre de Confulaires; k la tête de celles du fecond rang étoient les Correfteurs ; les Préfidents gouvernoient celles du dernier ordre. ; Les Préfets du Prétoire qui n'étoient dans leur inftitution que les Capitaines de la garde du Prince , étoient devenus très-puiffants dès le regne de Tibere. C'étoient eux qui levoient, payoient, puniffoient les foldats; ils recueilloient les impöts par leurs Officiers; ils avoient le maniement de la caiffemilitaire, & 1'infpecfion générale de la difcipline des armées. Les troupes leur étoient déY iv Constantie.A.nn. 330. X. Des Maïtres de la milice. Zof. I. 2. Notit. Imp. TUI. an. 83.  CONS■>ANTIN, kan. 330 1 1 < i 51* HlSTOIRB vouées, paree qu'ils les tenoient fous leur mam. Conflantin leur laiffa la • fupériorité fur les autres Magiftrats; mais il les défarma ; il en fit des Officiers purement civils, de judicature & de finance. II leur óta 1'autorité direfte fur les gens de guerre, qu'ils continueren! pourtant de payer. Pour remplir toutes les foncfions qui concernent le maintien de la difcipline, il créa deux Maitres de la milice, Pun pour la cavalerie, l'autre pour linfanterie. Ces deux emplois fe reunirent dans la même perfonne fous les enfants de Conftantin ; mais Ie nombre des Maitres de la milice s'accrut enfuite ; on en trouve jufqu'a huit dans la notice de 1'Empire , faite du temps de Théodofe le jeune. 11$ n'avoient au-deffus d'eux dans 1'ordre des dignités, que les Confuls, les Patrices, les Préfets du Prétoire & les deux Préfets de Rome & de Conftantinople. Zofime accufe Conf. tantin d'avoir affoibli la difcipline, :n féparant 1'emploi de payer les roupes du droit de les punir : ces leux foncfions réunies auparavant lans le Préfet du Prétoire , conté-  du Bas-Empire. Liv. F. 5x3 noient les foldats dans le devoir, en leur faifant appréhender le retranchement de leur folde. Un autre inconvénient, felon lui, qui me paroït plus réel , c'eft que ces nouveaux Officiers, & plus encore leurs fubalternes, dévoroient par de nouveaux droits la fubftance du foldat. Pour rabaiffer d'un degré les Préfets du Prétoire, & diminuer d'autant leur puiffance & leur fierté, 1'Empereur inftitua une nouvelle dignité qu'il éleva au - deffus d'eux : c'étoit celle des Patrices. Ce n'étoit qu'un honneur fans fonftion. Le Patrice cédoit le rang aux Confuls ; mais il confervoitordinairement ce titre pendant toute fa vie. II pouvoit y en avoir plufieurs : Afpar fous Théodofe le jeune eft appellé le premier des Patrices. Sous les Empereurs précédents, Ie nom de Duc , qui, dans 1'origine, fignifioit un chef, un conducteur, avoit été particuliérement appliqué aux Commandants des troupes diftribuées fur les frontieres, pour les défendre contre les incurfions des Barbare s. Ces troupes placées de diftancc Y V Constantie.Van, 330. XI. Patrices. Zof. I. 2. God. ad Cod. Th. u n. f-75- Du Cangc, Gloff. Lat. Patricius. XII. Des Ducs & des Comtes. Zof. I. 2. Aurel.Vicl. Proc. Az.dif.1. 4, e. 7- Amm. I.  CONSTANTIN. Ann. 330. Euf. C. I. Pancirol. in notit. Or. c. 4, 56 , 139God. ad Cod. Th. t. 11, p. 101. TUL art. 14. 514 fJ/STOIRE en diftance dans des camps retranchés 6c dans des forts, formoient comme une barrière autour de 1'Empire. Zofime loue Dioclétien d'avoir fortifié cette barrière, & reproche a Conftantin de 1'avoir dégarnie , en retirant une grande partie des foldats dans des villes qui n'avoient pas befoin de garnifon : ce qui caufa, ditil , plufieurs maux en même-temps; Pentrée fut ouverte aux Barbares; les foldats, par leurs rapines 6c leur infolence, vexerent les villes jufqu'a en faire déferter plufieurs , 6c les villes , par leurs délices 6c leurs débauches, énerverent les foldats. Mais d'autres Auteurs, même Payens, louent ce Prince d'avoir multiplié les forts des frontieres; 6c 1'hiftoire en nomme entr'autres un des plus confidérables, qu'elle appelle Daphnêde Conftantin, qu'Ammien place au-dela, Procope au-decft du Danube dans la feconde Méfie. LesDucs, dont nous parions, veilloient chacun k la défenfe d'une frontiere. C'étoit une dignité fupérieure a celle de Tribun; ils étoient perpétuels; 8c afin de les attacher au département qu'ils défen-;  du Bas-Empire. Liv. V. 515 doient, on leur affignoit, auffi-bien qu'a leurs foldats, les terres limitrophes des Barbares , avec les efclaves 8c les beftiaux néceffaire , pour les mettre en valeur. Ils les poffédoient en toute franchife, avec droit de les faire paffer k leurs héritiers, k condition que ceux-ci porteroient les armes. Ces terres s'appelloient Bènéfices; 8c c'eft, felon un grand nombre d'Auteurs , le plus ancien modele des fiefs. Quelques-uns de ces Commandants de frontiere furent honorés par Conftantin du titre de Comtes, plus relevé alors que celui de Duc. Les Comtes étoient d'ancienne inftitution : dès le temps d'Augufte, on voit les Sénateurs choifis par 1< Prince pour 1'accompagner dans fe: voyages , & pour lui fervir de con feil. Ils furent enfuite diftingués ei trois ordres , felon le plus ou le moin d'accès qu'ils avoient auprès du Prin ce : on les appelloit Comités Jugufii ce qui ne défignoit qu'un emploi. O en fit enfuite une dignité. Ce titr fut donné aux principaux Officier du palais, au Gouverneur du dio cefe d'Orient, 6c k plufieurs de ceu Y vj Constantie.A.nn. 330. I i s 1 e s I  CONSTANTIN. Ann. 330. X1H. Multiplication des titres. Pancirel. "ot. Or, c, "i. J ] 1 1 ( 1 f f f £ & d b / 5ió H I 3 T O I & E qui commandoient les armées dans les Provinces. La qualité de noblt étoit depuis prés d'un fiecle attachée a la perfonne des Céfars. Celle de nobiliffime étoit née quelque temps avant Conftantin : il la donna k fes deux freres Jule Conftance & Hannibalien, avec la robe d'écarlatte brodée d'or. Ce nom fut enfuite affecfé aux fils des Empereurs, qui n'avoient pas sncore celui de Céfar. Ce fut vers :e temps - la qu'on vit fe multiplier es titres faftueux, qui s'attacherent iux divers grades de dignité, de comnandement , de magiftrature. Les ïoms d'illuftres, de confidérables. ïpeclabiles , de clariffimes, de perfecilfimes, de diftingués Egregii, euent entre eux une gradation mar[uée. C'étoit une grande affaire de ss bien ranger dans fa tête, & une aute impardonnable de les confonre. Le fiyle fe hériffa d'épithetes enées , & fe chargea d'une politeffe othique. On convint de s'humilier i de s'enorgueillir tour-a-tour en onnant & recevant les noms de fulimité, d'excellence, de magnificen-  du Bas-EmpIxe. Liv. V. 517 ce , de grandeur, d'éminence, de révérence , & de quantité d'autres dont le rapport étoit toujours frivole & fouvent ridicule. Le mérite baiffa en même proportion que haufferent les titres. Quoiquetoute cette vanité eüt commencé avant Conftantin, & qu'elle fe foit augmentée après lui, il mé' rite qu'on lui en attribue une partie. Fondateur de Conftantinople, il en pouvoit être le Légiflateur : c'étoit 1'occafion la plus favorable de réformer les moeurs , & de les ramener a Fancienne févérité. Au-lieu d'orner fes Sénateurs tk fes Magiftrats de tant de pompe extérieure. il eüt pu les décorer de vertus er refferrant les nceuds de la difcipline. Sa ville n'eut rien perdu de fon éclat; elle auroit gagné du cöte de la folide & véritable grandeur : Rome & tout 1'Empire auroient pro fité de eet exemple. Mais Conftantif. aimoit Fappareil; & les reproches que lui fait Julien, quoiqu'envenimés pai la haine, ne paroiffent pourtant pas deftitués de fondement. II multiplia fur 1'habit impérial lesperles, dont CONSTANTIN. Ann. 330. XIV. Luxe de Conftantin. Jul. in ctef. na. Epu. Cedren. p. 295. Du Cange, ds numma inf. «vi. e. 17. m. tAbbè de u Bléteric , nol. fur les Céfars de Julien , p. 359.  Constantie.Ann. 330, XV. Suite de 1'hiftoire de Conftantin. Idace. Zof, /, 2. 518 HlSTOIRE Dioclétien avoit introduit Fufage; il affeöoit de porter toujours le diadême, dont il fit une efpece de cafque ou de couronne fermée & femée de pierreries. II donna cours au luxe en enrichilTant trop certains particuliers , dont la fortune excita une dangereufe émulation de fafte Sc d'opulence. Cependant, quoiqu'il ne fut pas ennemi des plaifirs honnêtes, il n'en fut rien moins que Pefclave, tel que Julien le repréfente. II s'occupa toute fa vie des affaires de PEtat, & peut-être trop de celle de 1'Eglife. II compofoit lui-même fes loix & fes dépêches; il donnoit de fréquentes audiences, & recevoit avec affabilité tous ceux qui s'adreffoient a lui; & s'il porta trop loin la magnificence des fêtes & la pompe de fa Cour, c'étoit un délaffement qu'on peut pardonner a fes travaux & a fes vicfoires. Après avoir affemblé fous un feul afpecf ce qui regarde la fondation de Conftantinople & les principaux changements que eet établiffement produifit dans 1'ordre politique, nous allons reprendre la fuite des faits.  nu Bas Empirb. Liv. F. 510 L'année 331, fous le Confulat de Baffns & d'Ablave, fut employee a faire des loix & a régler plufieurs affaires de 1'Eglife, dont nous parierons ailleurs. Dès l'année fuivante 331, Pacatien &Hilarien étant Confuls , 1'Empereur; reprit les armes, d'abord pour défendre les Sarmates, tk enfuite pour les punir. Zofime avance que depuis que Conftantinople fut batie, le bonheur de Conftantin 1'abandonna, & qu'il ne fit plus la guerre que pour y recevoir des affronts. II raconte qu'un parti de cinq cents cavaliers Taïfales s'étant jetté fur les terres de 1'Empire, Conftantin n'ofa en venir aux mains avec eux; mais qu'ayant perdu la plus grande partie de fon armée, ( il ne dit pas comment) effrayé des ravages de ces barbares, qui venoient 1'infulter jufqu'aux portes de fon camp, il fe crut trop heureux de fe fauver par la fuite. Ce récit ne s'accorde ni avec le cara£tere de Conftantin, ni avec tous les autres témoignages de 1'hiftoire, qui nous montre ce Prince toujours viöorieux. II le fut encore deux fois cette an- CONSTANTIN. Ann. 331. Ann. 332. XVI. Guerre  CONSTANTIN. A nn. 332. contre les Goths. Idace. Anony. Valef. Euf. I. 4, Soc. I. 1, c l8. Soi, l. 1 , c. 8. Themijl. or. 15. Cod. Th. I. 7 , tit. lï , leg. 4. & ibi God. Confl. Porphyr. de "dm. Imp, <• 53. 520 H I S T O I R E née. Les Sarmates attaqués par les Goths implorent le fecours des Romains. Le Prince leva une grande armée pour les défendre , 61 renouvella k cette occafion la loi qui obligeoit les fils des foldats vétérans, au-deffus de 1 age de feize ans, k porter les armes, s'ils vouloient profiter des privileges accordés a leurs peres. II s'avanca lui-même jufqu'a Marcianople dans la baffe Méfie, & fit paffer le Danube k fon fils Conftantin a la tête de fes troupes. Le jeune Céfar remporta le vingtieme d'A vril une glorieufe vicloire. Prés de cent mille ennemis périrent dans cette guerre par le fer , par la faim & par le froid. Les Goths furent réduits a donner des ötages, entre lefquels étoit le fils de leur ,Roi Ariaric. Cette défaite les tint en refpeft pendant le refte de la vie de Conftantin & fous Ie regne de fon fils Conftance. La penfion annuelle que les Princes précédents s'étoient engagés aleur payer, au grand déshonneur de 1'Empire, fut abolie; les Goths s'obligerent même a fournir aux Romains quarante mille hommes, gqd étoient entretenus fous  du Bas-Empire. Liv. V. 521 le titre d'alliés. La Religion Chrétienne s'étendit chez eux, & avec elle 1'humanité & la douceur des mceurs. Comme la nation étoit partagée en un grand nombre de peuples, tous n'eurent pas le même fort. Conftantin fut gagner par des négociations & des ambaffades, ceux qu'il n'avoit pas réduits par les armes. II fe fit aimer de ces anciens ennemis de 1'Empire , & porta peut-être un peu trop loin la facilité k leur égard, en élevant les plus diflingués aux honneurs & aux dignités. II fit même ériger une ftatue dans Conftantinople k un de leursRois, pere d'Athanaric, pour retenir ce Prince barbare dans les intéréts des Romains. Les Sarmates, délivrés des Goths, attaquerent leurs Iibérateurs. Ils firent des courfes fur les terres des Romains : tant 1'amour du pillage étoit chez ces barbares fupérieur k tout autre fentiment. L'Empereur les fit repentir de cette ingratitude : ils furent défaits par lui-même ou par fon fils. Ce fut le dernier exploit de Conftantin : pendant les quatre ans & demi qu'il vécut encore, fon repos ne Constanten.Ann. 332, XVII. Sarmates vaincus. Anony. Valef. Sec. /. I  Constanten.Ann. 333, XVIII. Delmace Conful. Idace. Chr. Alex. p. 668. Aufon. Prof. 16. God. ad Cod. Th. t. Valef. ad Amm. I. 14, c. 1. TUI. art. 71 , 85. Idem. not. tl. 522 HlSTOl&E fut troublé que par une incuriion des Perfes. Ceux-ci I'obligerent Ia derniere année de fa vie a faire des préparatifs de guerre, que fa mort interrompit. Jufqu'a cette entiere tranquillité de 1'Empire, Conftantin avoit écarté fes freres des affaires publiques. Peutêtre étoit-ce 1'effet d'une défïance politique. II efl étonnant que des Princes qui avoient fur Conftantin 1'avantage d'être nés dans la pourpre, ayent été affez dociles pour ne jamais fe départir de 1'obéiffance pendant le cours d'un long regne. C'étoit Ie premier exemple de fils d'Empereurs, qui fuffent reflés dans 1'état de particuliers. Le teflament de leur pere qui les avoit exclus du gouvernement , loin d'étouffer leur ambition, n'eut fait qu'aigrir leur jaloufie , fi la douceur'de leur naturel, & les précautions que prit apparemment Conflantin ne les euffent tenus dans la dépendance. Comme ils étoient demeurés orphelins fort jeunes, il fut le maitre de leur éducation; &l'on ne peut douter qu'il ne les ait élevés dans la fubordination qu'il defi-  du Bas-Empire. Liv. V. 523 rolt de leur part. Ils vécurent longtemps éloignés de la Cour, tantöt k Touloufe, oü ils honorerent de leur amitié le Rhéteur Arborius, tantöt a Corinthe. Selon Julien, Hélene leur belle - mere ne les aimoit pas; elle les tint tant qu'elle vécut, dans une efpece d'exil. Enfin, Conftantin les rapprocha de fa perfonne, & Pan 335 il nomma Delmace Conful avec Xénophile. Peu de temps après, il le créa Cenfeur. L'autorité de cette ancienne magiftrature avoit été, comme celle de toutes les autres, abforbée par la puiffance Impériale : le titre même en étoit depuis long-temps aboli. L'Empereur Dece l'avoit fait revivre en faveur de Valérien, qui n'avoit pas eu de fucceffeur dans la cenfure; elle s'éteignit pour toujours dans la perfonne de Delmace. II eut deux fils, dont 1'aïné de même nom que lui, jette de 1'équivoque dans fon hiftoire. On le confond avec fon pere, & un grand nombre d'Auteurs attribuent au fils le Confulat de cette année. L'Empereur la paffa a Conftantinople jufqu'au mois de Novembre. Constantie.Ann. 333. XIX. Pefte & famine en Oriënt.  Constanten.Ann. 35j. HUr. Chron. Theoph. p, ) XX. Mort de Sopatre. Zof. I, i. 5=4 Histoirz II fit alors en Méfie un voyage dont on ignore le fujet. Le repos que lui procuroit la paix fut troublé par des fléaux plus terribles que la guerre. Salamine dans 1'ifle de Cypre fut renverfée par un tremblement de terre, & quantité d'habitants périrent dans fes ruines. La pefte & la famine défolerent 1'Orient, fur-tout la Cilicie & la Syrië. Les payfans du voifinage d'Antioche s'étant attroupés en grand nombre, venoient comme des bêtes féroces pendant la nuit fe jetter dans la ville, & entrant de force dans les maifons, pilloient tout ce 51Ü étoit propre k la nourriture : aientöt enhardis par le défefpoir, ils Jccouroient en plein jour, forcoient es greniers & les magafins. L'ifle de Cypre étoit en proie aux mêmes vioences. Conftantin envoya du bied mx Eglifes pour les diftribuer aux r-euves, aux orphelins, aux étran2;ers, aux pauvres & aux Eccléfiaf:iques. L'Eglife d'Antioche en re5ut trente-fix mille boiffeaux. C'eft peut-être au temps de cette famine, qu'il faut rapporter la mort de Sopatre; elle arriva dans les der-  nu Bas-Empirb. Liv. F. 525 nieres années de Conftantin. C'étoit un Philofophe natif d'Apamée, attaché a Pécole Platonicienne & a la doctrine de Plotin. Après la mort d'Iamblique fon maitre, comme il étoit éloquent & préfomptueux, il crut que la Cour étoit le feul théatre digne de fes talents. II fe flatta même de fervir le Paganifme dont il étoit fort entêté, & d'arrêter le bras de 1'Empereur qui foudroyoit toutes les idoles. Si 1'on en veut croire Eunape fon admirateur, Conftantin le goüta tellement, qu'il ne pouvoit fe paffer de lui, & qu'il le faifoit affeoir k fa droite dans les audiences publiques. Ce grand crédit, ajoute Eunape, allarma les favoris. La Cour alloit devenir philofophe; ce röle les eüt embarraffés; il étoit plus court de perdre le réformateur; ils le firent, & eet homme rare fut comme Socrate vicfime de la calomnie. On répandit le bruit dans Conftantinople que Sopatre étoit un grand magicien. La difette aftligeoit alors la ville, paree que les vents contraires fermoient le port aux vaiffeaux qui apportoient le bied d'Alexandrie, & qui Constanten.Ann. 335; Ser.. 1.1, c. 5. Eunap. ia Mdef. Suid. T/JOf.  Constanten.Ann. 333 526 HlSTOIRE ne pouvoient y entrer que par un vent de Midi. Le peuple affamé s'af, fembla au théatre; mais au-lieu des acclamations dont il avoit coutume de faluer 1'Empereur, ce n'étoit qu'un morne lïlence. Conftantin, encore plus affamé d'éloges, en étoit défefpéré. Les courtifans prirent ce moment pour lui infinuer que c'étoit Sopatre qui tenoit le vent de Midi enchaïné par fes fortileges. Le Prince crédule lui fit fur 1'heure trancher la tête. Le chef de cette cabale étoit Ablave, Préfet du Prétoire, a qui la gloire du Philofophe portoit ombrage. Tout ce récit fent Pivreffe d'un fophifte, qui, dans 1'ombre de fon école, compofe un roman fur des intrigues de Cour. Suidas dit fimplement que Conftantin fit mourir Sopatre, pour faire connoitre 1'horreur qu'il avoit du Paganifme ; & il blame ce Prince par une raifon excellente; c'eft que ce n'eft pas la force, mais la charité qui fait les Chrétiens. Si Pon veut rendre juftice a Conftantin , on devinera aifément que ce fanatique téméraire, qui avoit porté a la Cour un zele outré pour Fidolatrie, fe  nu Bas-Empire. Liv. V. 527 fera laiffé emporter a quelque trait d'infolence, ou même a quelque complot criminel qui méritoit la mort. Tout le monde connu retentiffoit du nom de Conftantin. Ce Prince travailloit avec ardeur a la converfion des Rois barbares , & ceux-ci s'empreffoient a leur tour de lui envoyer des préfents; ils recherchoient fon amitié , & lui dreffoient même des ftatues dans leurs Etats. On voyoit dans fon palais des députés de tous les peuples de la terre; des Blemmyes, des Indiens, des Ethiopiens. Ils lui préfentoient comme un hommage de leurs Monarques , ce que la nature ou Part produifoient de plus précieux dans leur pays; des couronnes d'or, des diadêmes ornés de pierreries, des efclaves, de riches étoffes, des chevaux, des boucliers, des armes. L'Empereur ne fe laiffoit pas vaincre en magnificence ; non content de furpaffer ces Rois dans les préfents qu'il leur envoyoit a fon tour, il enrichiffoit leurs AmbatTadeurs; il conféroit aux plus diftingués des titres de dignités Romaines, & plufieurs d'entre eux oubliant Constantie.Ann. 333, XXI. Ambaffades envoyées a Conftantin. Euf. Vit. l.i, c. 8. Idem. I.4, f. 7.  C0NSTANTIN. Ann. 333. XXII. Lettre ü£ Conftantin a Sapor. Euf. vit, 1.4, 8 Theod. I, I, c. 2$. Sot. L 2, e, S. £• ƒ<* 528 HlSTOIRE leur patrie, refterent a la Cour dun Prince fi généreux. Le plus puiffant de tous ces Rois étoit Sapor qui régnoit en Perfe. Conftantin prit occafion de Fambaffade que lui envoy oit ce Prince, pour tenter de 1'adoucir en faveur des Chrétiens. Sapor, animé contre eux par les Mages & par les Juifs, les chargeoit de tributs accablants. II préparoit dès-lors cette horrible perfécution qui dura une grande partie de fon regne , & dans laquelle il détruifit les Eglifes, & fit mourir tant d'Evêques, tant de Prêtres , & un nombre innombrables de Chrétiens de tout age, de tout fexe, de toute conditiom II n'épargna pas même Ufthazanes , vieillard vénérable, qui avoit été fon Gouverneur, & qui devoit lui être cher par 1'ancienneté & la fidélité de fes fervices. Conftantin, affligé du malheureux fort de tant de fideles, fentit que le moyen de leur procurer du foulagement, n'étoit pas d'aigrir par des reproches ou des menaces un Prince hautain & jaloux de fon pouvoir abfolu. II accorda a fes Ambaffadeurs toutes leurs demandes , &  du BaS'Empirb. Liv. V. 529 & écrivit au Roi une lettre , oü fans paroitre inftruit des deffeins cruels de Sapor, il fe contente de lui recommander les Chrétiens, proteftant qu'il pfendra fur fon compte tout ce que le Roi voudra bien faire en leur faveur; il 1'exhorte a ménager une Religion fi falutaire aux Souverains. II lui met fous les yeux d'un coté 1'exemple- de Valérien, perfécuteur que Dieu avoit punipar le miniflere de Sapor I, de l'autre les vicfoires que Dieu lui a fait remporter a lui-même fous 1'étendard de la croix. Cette lettre ne fit aucun effet fur 1'ame farouche du Roi de Perfe. L'ambaffade envoyée par ce Prince avoit pour but d'obtenir du fer, dont il avoit befoin pour fabriquer des armes. Les Perfes ne s'étoient tenus en paix depuis la vicfoire de Galere , que ,pour fe mieux difpofer a la guerre. Ce fut pendant quarante ' ans leur unique occupation. Ils attribuoient les mauvais fuccès précédents au défaut de préparatifs. Ils amufoient les Romains par des ambaffades & par des préfents, tandis qu'ils formoient des archers & des Tornt I, Z Constantie.Ann. 333, XXIU. Préparatifs de juerre faits par es Perfes. Liban. BaUk,  Constanten.Ann. 333, XXIV. Conftan. tin écrit i Saint Antoine. 530 H I S T O I R E frondeurs, qu'ils dreffoient leurs chevaux , forgeoient des armes , amaffoient des tréfors, laiiToient a leur jeuneffe le temps de fe multiplier, affembloient grand nombre d'éléphants, «xercoient a la milice jufqu'aux enfants. La culture des terres fut pendant ce temps-la abandonnée aux femmes. La Perfe étoit trés-peuplée; mais elle n'avoit point de fer. Ils en demanderent aux Romains, fous prétexte de ne s'en fervir que contre les barbares leurs voifins. Conflantin fe doutoit de leur deffein : mais pour ne pas donner a Sapor occafion de rupture, fe jïant d'ailleurs en tout événement fur la fupériorité de fes forces, il leur en accorda. Ils en firent des javelots, des haches, des piqués, des épées, de groffes lances : ils couvrirent de fer leurs cavaliers & leurs chevaux; & ce métai dangereux obtenu de Conftantin, fervit entre les mains des Perfes a défoler la Méfopotamie & la Syrië, fous 1'Empire de fes fucceffeurs. Tous les honneurs que les nations étrangeres s'empreffoient de rendre k 1'Empereur, ne le flatterent pas au-  du Bas-Emrire. Liv. V. 531 tant que les lettres qu'il recut d'un Solitaire, qui, dans une caverne toute nue, étoit plus indépendant Sc plus riche que les plus grands Rois. Conftantin , qui fentoit continuellement le befoin qu'il avoit des fecours du ciel, ne ceffoit, même au milieu de la paix de demander aux Evêques leurs prieres Sc celles de leurs peuples. II écrivit k St. Antoine, caché aux extrémité de 1'Empire dans les déferts de * la Thébaïde. II voulut que fes enfants lui écriviffent auffi comme a leur pere. II le traitoit avec le plus grand honneur, Sc lui offroit de fournir abondamment k tous fes befoins. Le Saint qui n'en connoiffoit aucun, n'étoit pas trop difpofé a lui répondre. Enfin, a la priere de fes difciples, „ il écrivit k 1'Empereur Sc aux jeunes Princes. Mais loin de leur rien demander, il leur donna des avis plus précieux que tous les tréfors. Ses lettres furent recues avec joie. II fit dans la fuite plufieurs remontrances en faveur de St. Athanafe. II eft facheux pour la gloire de Conflantin , qu'une injufle prévention Fait emporté dans fon efprit fur le refZ ij Constantie.Ann. 333. Euf. Vit. l-4,c. 14. TUI. art. 72.  Constantie. Ann. 333. XXV. Cor.ftant Céfar. Idacc, Aun na. Ann. 334. XXVI. Confuls. Idace* Zof. 1.2. Eyï- f<""* p. 45. Buch.Cycl. p. 239. Grut. infcr, c 6. cccim, 4- ccccixm 5, 4- Reinef. infcr.p. 67. 532 II I S T 0 I 3. E pecf qu'il portoit au faint Solitaire. L'Empereur termina cette année, en donnant le vingt-cinquieme de Décembre le nom de Céfar a Conftant, le plus jeune de fes fils, qui étoit dans la quatorzieme année. On rapporte que la nuit fuivante le ciel parut tout en feu. On devina après l'événement que ce phénomene avoit été un préfage des malheurs que cauferoit & qu'éprouveroit le nouveau Céfar. L'année fuivante 334 eut deux Confuls diftingués par leur naiffance, par leur mérite & par les dignités dont ils avoient déja été honorés. Le premier étoit L. Ranius Acontius Optatus. II avoit été Proconful de la Narbonnoife , Lieutenant de 1'Empereur dans 1'Afturie & la Galice, & enfuite dansl'Afie, Préteur, Tribun du peuple, Quefteur de Sicile , fans compter d'autres magiftratures, que plufieurs villes de 1'Italie lui avoient conférées. Les habitants de Nole lui érigerent une ftatue de bronze. Conftantin le nomma Patrice, & c'eft le premier qu'on fache avoir porté ce titre avec Jule Conf-  nu Üas-Empis.&. Liv. F. 533 tance, frere de 1'Empereur. Quelques Auteurs difent qu'après la mort de Baffien, il époufa Anaftafie; ce qui n'eft pas aifé a croire , paree qu'il étoit Payen : ceux de Nole lui donnerent 1'intendance de leurs facrifices. L'autre Conful fut Anicius Paulinus, appellé Junior, pour le diftinguer de fon oncle paternel, qui avoit été Conful en 315. II fut Préfet de Rome dans l'année même de fon Confulat, & pofféda cette charge pendant toute l'année fuivante. II avoit déja été Proconful de 1'Afte & de 1'Hellefpont; & dans 1'infcriptioö d'une ftatue qui lui fut élevée k Rome a la requête du peuple, avec 1'agrément du Sénat, de 1'Empereur & des Céfars, on loue fa nobleffe, fon éloquence, fa juftice, & fon attention févere k la confervation de la difcipline. II fit cette année la dédicace d'une ftatue que le Sénat &c le peuple de Rome érigerent k Conftantin. Les Goths, fubjugués deux ans auparavant, n'étoient plus en état de combattre les Romains. Encore plus incapables de refter en paix, ils fe vengerent de leur défaite fur les SarZ iij ' Constanten.Aan. 334. XXVIf. Les Sarmateschaflës par leurs efclaves. Juraand, de  Constant-in.Ann. 334. reb. Get. c. 22, Euf. Vit. 1. 4. c- 6. Anony, Valef. Hieron. Ckron, 534 Histoirb mates qui la leur avoient attirée. Ils avoient a leur tête Gébéric, Prince guerrier, arriere-petit-fils de ce Cniva , qui commandoit les Goths dans la bataille oü 1'Empereur Dece perdit la vie. Les Sarmates avoient pour Roi Wifimar, de la race des Afdingues, la plus noble & la plus belliqueufe de leur nation. Les Goths vinrent les attaquer fur les bords du fleuve Marifch, & les fuccès furent balancés pendant affez long-temps. Enfin , Wifimar ayant été tué dans une bataille avec la plus grande partie de fes foldats, la viefoire demeura h Gébéric. Les vaincus, réduits h un trop petit nombre, pour réfiffer a de fi puiffants ennemis, prirent le parti de donner des armes aux Limagantes; c'eft ainfi qu'ils appelloient leurs efclaves ; les maitres fe nommoient Arcaragantes. Ces nouveaux foldats vainquirent les Goths; mais ils n'eurent pas plutöt fenti leur force, qu'ils la tournerent contre leurs maitres, & les chafferent du pays. Les Sarmates, au nombre de plus de trois cents mille de tout age & de teut fexe, pafferent le Danube, & vinrent fe jetter  du Bas-Empi&e. Li-o. V. entre les bras de Conftantin , qui s'avanca jufqu'en Méfie pour les recevoir. II incorpora dans fes troupes ceux qui étoient propres a Ia guerre; mélange mal entendu, qui contribua a corrompre la difcipline des légions, & a les abatardir. II donna aux autres des terres en Thrace , dans la petite Scythie , en Macédoine , en Pannonie, même en Italië; & ces barbares eurent k fe féliciter d'un malheur qui les avoit fait paffer d'un état libre, mais turbulent & périlleux, k un doux affujettiffement ou ils trouvoient le repos & la füreté. Un autre corps de Sarmates fe retira chet les Vicfohales, qui font peut-être les mêmes que les Quades Ultramontains, dans la partie occidentale de la haute Hongrie. Ceux-ci furent vingt-quatre ans après rétablis dans leur pays par les Romains qui en chafferent les Limagantes. Conftantin avoit déja donné Ie Confulat a Delmace , 1'ainé de fes freres. Le fecond , nommé Jule Conftance, fut Conful en 335 avec Rufius Albinus. II avoit époufé en premières noces Galla, fcewr de Rufin & de Z iv CONSTANT1N. kan, 334 . Ann. 335. XXVIII. Confuls. Idace. By\. Fam, p. 49-  Constanten.Ann. 335. Themifl. or. 4. Grut. Infcr. ccclxxxvii, 3. Buch.Cycl. P- 239. TUI. fur Julien, natc i. XXIX. Tricennales de Conftantin. ldacc. Chr. Alex. p. ï86. 53<5 HlSTOIRE Céréal, Confuls en 347 & 358. II en avoit eu Gallus , qui naquit en Tofcane Fan 325 ou 326, un autre fils que 1'hiftoire ne nomme pas, & qui fut tué après la mort de Conftantin , & une fille qui fut mariée a Conftance, & dont on ignore auffi le nom. Sa feconde femme fut Bafiline, fille de Julien , Conful en 3 22, & fceur d'un autre Julien qui fut Com- te q unent. ülle mourut jeune, tk laiffa un fils nommé Julien comme fon aïeul maternel; c'eft le fameux Julien, furnommé 1'Apoftat, qui naquit vers la fin de 1'an 3 31 k Conftantinople , ou fon pere & fa mere avoient été mariés. Rufius Albinus, collegue de Jule Conftance, eft, a, ce qu'on croit, le fils de Rufius Volufianus, Conful pour la feconde fois en 314. Une infeription le nomme Philofophe. II fut Préfet de Rome l'année fuivante. L'Empereur refta pendant toute celle-ci k Conftantinople , fi on en excepte un voyage qu'il fit dans la haute Méfie, peu de jours après avoir célébré par des jeux le commencement de la trentieme année de fon  du Bas Empire. Liv. F. 537 Empire, dans laquelle il entroit le vingt-cinquieme de Juillet. Une circonftance augmenta la joie & Péclat de cette fête qu'on appelloit les tricennales ; c'eft qu'aucun Empereur, depuis Augufte, n'avoit régné li longtemps. Nous avons un éloge de Conftantin prononcé a 1'occafion de cette folemnité par Eufebe de Céfarée, dans le palais en préfence de 1'Empereur: c'eft plutöt un livre qu'un difcours. Pour 1'honneur de Conftantin, un fi long & fi froid panégyrique auroit bien dü 1'ennuyer : ce qui n'arriva pas, fi 1'on en croit Eufebe qui fe félicite du fuccès. On loue cependant Conftantin d'avoir été en garde contre la flatterie ; & 1'hiftoire le compte entre le petit nombre de Souverains qui n'en ont pas été dupes, Un jour un Eccléfiaftique s'étant oublié jufqu'a lui dire en face, qu'il étoit bienheureux, puifqu'après avoir mérité de régner fur les hommes en cette vie, il régneroit dans l'autre avec le Fils de Dieu, il rebuta brufquement Fencens de ce Prêtre : Garde^-vous, lui dit-il, de me tenir jamais unpareil langage ; je ridi befoin que de vos Z v CONSTANT1M. Ann. 335. Euf. eraf, in trie. Valois nota: ib. e. 11. Euf. vit.  53§ HjSTOJRE vrieres : emvlovez-les d demander pour Constanten.Ann. 335 XXX. Delmac Céfar. ldact. Zof. I. 2. Chr. AUx p. 286. Eutr. I. ic Anony. VaUf. Aurel.Vii Philofi. 3, c 22 28. Amm. 14, c. 1. By{. fa» f. 49- Aufon. grof. 17. moi la grace d'être un digne ferviteur de . Dieu en ce monde & dans l'autre. II paroït qu'entre fes freres, il ché: riffoit principalement Delmace. Jule Conftance avoit deux fils, dont 1'aïné Gallus étoit déja agé de dix ans. On • ne voit pas que 1'Empereur ait honoré ce neveu d'aucune diftinflion, Mais il combla de faveurs les deux fils , de Delmace. L'ainé, qui portoit le i même nom que fon pere , étoit déja > Maïtre de la milice. Ce jeune Prince , montroit le plus beau naturel, & ref" fembloit fort k 1'Empereur fon oncle. • Les gens de guerre, dont il étoit aimé , contribuerent a fon élévation. II venoit d'accroitre leur eftime par la promptitude avec laquelle il avoit étouffé la révolte de Calocere. C'étoit un des derniers Officiers de la Cour, maitre des chameaux de 1'Empereur; mais affez extravagant pour former le projet de fe rendre indépendant, & affez hardi pour le déclarer. II fe fit des partifans, & fe faifit de 1'ifle de Cypre. Le jeune Delmace y paffa a la tête de quelques troupes, & n'eut feefoin que de le joindre pour le dé-  uu Bas-Empike. Liv. V. '539 faire & 1'emmener prifonnier a Tarfe , oü il le traita comme un efclave & un brigand ; il le fit brüler vif. Conf. tantin fut charmé d'un fervice qui juftifioit la préférence qu'il donnoit a ce neveu. II Fégala a fes trois fils en le nommant Céfar le dix-huitieme de Septembre. Le cadet de Delmace , nommé Hannibalien comme un de fes oncles, eut le titre de nobiliffime avec celui de Roi des Rois &c des nations Pontiques. L'Empereur donna en mariage a celui-ci Conftantine fa fille air née. Elle recut de fon pere la qualité d'Augufte. Ces deux Princes avoient été inftruits a Narbonne par le Rhéteur Exupere, a qui ils procurerent le gouvernement d'Efpagne avec de grandes richeffes ,* quoique a en jugei par 1'éloge même qu'en fait Aufone ce ne fut pas un homme d'un granc mérite. Ces honneurs exciterent Ia jalouü' des fils de Conftantin; elle s'accru encore par de nouvelles faveurs , 8 produifit après fa mort les effets le plus funeftes. Ce Prince, qui avoit e tant d'occafions d'éprouver combie Ja multitude des Souverains étoit on< Z vj CONSTANTIN. Ann. 335, L ! XXXI[■ Partages des Etats - de Conf; tantin. 1 Euf. Om. tric. c. 3. ^ Idem. vit. I. 4-<- 5«Zof. I, 2,  54'J H i s t o i r z reufe a l'Rmnlr» c i CONSTANTEN Ann. 335 Vi3. Epi, Anony. VuUf. Ch. AUx p. 286. Socr. I, 1 , e. 39- Thcod. I. I, c. 32, So^. I. 2, c 32. Jul. or, 1 2. ■Euf. /. 10. HUr. Chr. ] < 1 I I _—. —~r„,., uui ic reiouare a pnver de la lbuveraineté aucun de . fes fils. II fit dès cette année leur par. tage. II leurafiocia Delmace & Kanmbalien , fans donner aucune part a fes freres ni a fes autres neveux. Conftantin , 1'ainé de fes fils, eut ce qu'avoit poffédé Conftance Chlore, c'efta-dire , tout ce qui étoit vers 1'Occident au-dela des Alpes, les Gaules, 1 Efpagne & la Grande-Bretagne. Conftance eut 1'Afie, la Syrië, I'Egypte L'Italie, 1'Illyrie & 1'Afrique furent données a Conftant : Ia Thrace, Ia Macédoine, 1'Achaïe a Delmace. Le Royaume d'Hannibalien fut formé de 1'Arménie mineure, des Provinces de Pont & de Cappadoce : Céfarée étoit lacapitale de fes Etats. Entre les enfants de 1'Empereur, Conftance étoit le plus chéri, a caufe de fa foumiffion & de fa complaifance. II avoit eu pendant quelque temps le gouvernement les Gaules, peut-être lorfque Confantin fon frere étoit employé contre es Goths. II paffa de-Ia en Oriënt; & :e fut par prédilecfion que fon pere ui en laiffa le commandement, comne de la plus belle portion de 1'Erajre.  du Bas-Empire. Liv. F. jii II parut cette année a Antioche, depuis la troifieme heure du jour jufqu'a la cinquieme, du cöté de l'Orient, un aftre qui fembloit jetter une épaiffe fumée. L Auteur qui rapporte ce fait, ne dit ni en quel j:our, ni combien de jours fe fit voir eet aftre. C'eft apparemment la comete a laquelle des Hiftoriens crédules font 1'honneur d'avoir annoncé la mort de Conftantin. Si la conjeciure de-quelques modernes eft véritable, Népotien, qui fut Conful avec Facundus en 336, avoit pour mere Eutropie, fceur de Conftantin, & pour pere Népotien qui avoit été Conful fous Dioclétien \ en 301. L'Empereur, après avoir honoré du Confulat deux de fes freres, aura voulu faire le même honneur au fils de fa fceur; & ce fera ce même Népotien qui prit la pourpre quinze ans après , quand il eut appris la mort de Conftant. Conftantin, fils ainé de 1'Empereur, étoit marié depuis quelque temps. On ignore le nom de fa femme. Cette an- \ née Conftance époufa fa coufine ger- j maine, fille de Jule Conftance & de ' Constanten.Ann. 335. XXXII. Comete. Theoph. p. 14. Eutr. 1.10, Ann. 336. XXXIII. Confuls. ldace. By\. fam, 45- XXXIV. Mariage e Confïnce.■"f- l 4. 49ul. or. 7,  Constanten.Ann. 336. TM. art, 76. XXXV. Ambaffade des Indiens. £uf. Vit. 1.4' (• JO. 542 UlSTOïRJS Galla. Julien fe récrie contre ces mariages, qu'il prétend criminels. II en prend avantage pour fatisfaire fa mauvaife humeur contre Conftantin tk fes enfants. Mais il n'y avoit encore aucune loi qui défendit ces alliances entre confins germains. L'Empereur célébra les noces avec grand appareil: il voulut mener lui-même 1'époux. II facrifia pourtant une partie de la joie & de 1'agrément de la fête, au foin d'y maintenir une honnêteté févere: le feftin & les divertiffements furent donnés dans deux falies féparées , l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes. II fit a cette occafion des graces & des largeffes confidérables aux villes & aux provinces. Ce fut dans ce même temps qu'il recut des Indiens Orientaux une ambaffade, qui reffembloit a un hommage que des vaffaux rendent k leur Souverain ; comme fi fa puiffance fe fut étendue auffi Ioin que fon nom. Ces Princes lui envoyoient des pierres précieufes, des animaux rares; ils lui faifoient dire par leurs Ambaffadeurs, qu'ils honoroient fes por,traits, qu'ils lui érigeoient des ftatues,  du Bas-Empis.s. Liv. F. 543 & qu'ils le reconnoiffoient pour leur Roi & leur Empereur. Tandis que la joie de ces fêtes fe répandoit dans tout 1'Empire , le banniffement d'Athanafe tenoit 1'Eglife dans les larmes, & la mort terrible d'Arius en faifoit verfer a fes feftateurs. Nous avons laiffé eet hérénYrque en exil auffi-bien qu'Eufebe de Nicomédie tk leurs adhérents déclarés. II faut reprendre le fil de leurs intrigues, & montrer par quels ar>tifices ils vinrent a bout de furprendre 1'Empereur , jufqu'a l'armer contre ceux mêmes qu'il avoit toujours refpecf és comme les défenfeurs de la foi orthodoxe. Conftantie, veuve de Licinius , & fceur de 1'Empereur . avoit auprès d'elle un Prêtre, Arien déguifé, qui ayant commencé par fai re fa cour aux Eunuques, s'étoit enfuite , par leur moyen , rendu maitn de Tefprit de la Princeffe. Ce n'étoi pas un de ces directeurs vains &im périeux, dont la tyrannie les expof a de facheux retours. Celui-ci doux flatteur , rampant, p'us jaloux du fo lide que de 1'éclat, gouverna d'abon Conftantie , & enfuite 1'Empereur xb£ Constantie.Ann. 336. XXXVI. Rappel d'Arius. Soc. I. 1; c. 14, 25- Theod. I. 1 , c. 20. Soc. 1.2, c. 15 , 26. Philofl. I. 2 , C. 7. Polk. apud Phot. p. 1414. Baron. ana 327. Fuhrm. de hapt. Conf tant. part. 1, .P. 54- t f l  Constante n. Ann. 336. ] I ( < 1 t I c ( & » f) » » » » » » 544 Histoire me, avec fi peu de bruit, que I'hiftoire ignore fon nom, & ne le fait connoitre que par fes ceuvres. Quelques modernes, fans beaucoup de fondement, le confondent avec Acace, furnommé leborgne, qui fut Evêque de Céfarée après Eufebe. Dans les funefref tragédies qui fuivirent, ce fut eet mconnu, qui, toujours caché derrière la fcene, donnoit par des refforts mperceptibles le mouvement a toute a Cour. II ne lui fut pas difficile de >erfuader a la Princeffe , qu'Arius itoh 1'innocente vicfime de 1'envie. Conftantie tomba malade, & fon free, attendri par fon état, plus encoej>ar fes malheurs'dont il étoit luinême la caufe, lui rendoit des vifites ffidues. Comme elle étoit fur le point le mourir : » Prince, lui dit-elle, en lui montrant ce Prêtre, je vous recommande ce faint perfonnage; je me fois bien trouvée de fes fages confeils; donnez-lui votre confiance : c'eft la derniere grace que je puis obtenir de vous, & c'eft pour votre falut que je la demande. Je meurs , & toutes les affaires de ce monde vont me devenir étran-  nu Bas-Empire. Liv. F. 545 » geres; mais je crains pour vous la » colere de Dieu; on vous féduit; » n'êtes-vous pas coupable de vous « prêter a la féduction, & de tenir » en exil des hommes juftes & ver* ». tueux " ? Ces paroles pénétrerent le cceur de Conftantin affoibli par la douleur : 1'impofteur s'y établit aufti-töt, & s'y maintint jufqu'au dernier foupir du Prince. Le premier effet de cette confiance, fut le rappel d'Arius. L'Empereur fe laiffa infinuer que fa doctrine étoit celle du Concile même ; qu'on ne le traitoit en criminel que paree qu'on ne vouloit pas 1'entendre; que fi on lui permettoit de fe préfenter au Prince, il le fatisferoit pleinement par fa foumiffion aux décrets de Nicée. Qu'il vienne donc, dit 1'Empereur ; & s'il fait ce que vous promette^ , je le renverrai avec honneur a Alexandrie. On rnande auffi-töt Arius. Mais ce rufé politique, guidé fans doute par fon proteéfeur fecret, atfecfa de douter de la réalité des ordres du Prince, & refta dans fon exil. Conftantin, ardent dans fes defirs , lui écrit lui-même avec bonté, lui fait des reproches de fon peu d'empreffement, lui ordonné Constanten.Van. 336,  CONSTANTIN. Ann, 3 36. XXXVII. Retour d'Eufebe & de Théognis. J 54^ H 1 5 T 0 I K Z de fe fervir des vóitures publiques } & lui promet Paccueil le plus favorable. C'étoit k ce degré de chaleur qu'Arius vouloit amener le Prince : il part fur le champ, fe préfente a 1'Empereur , & lui en impofe par une profeffion de foi équivoque. Le retour d'Arius entrainoit celui de fes partifans. Auffi Eufebe & Théognis ne s'oublierent pas. Mais pour varier la fcene , ils prirent un autre tour. Ils s'adrefferent aux principaux Evêques Catholiques. Ils s'excufoient de n'avoir pas foufcrit k 1'anathême , fur la connoiffance particuliere qu'ils avoient de lapureté des fentiments d'Arius ; ils proteftoient de la parfaite conformité de leur doctrine avec la iécifion de Nicée : Ce riejl pas, difoient-ils , que nous fupportions notre :xil avec impatience ; ce nefi que le foup;on d'hêréfie qui nous afflige ? cejl l'honteur de VEpifcopat qui nous fait élever la 'oix ; & puifquon a rapptllé celui qu'on ■egarde comme tauteur de la difcorde, ndfqu'on a bien voulu entendre fes défenr& , jugei s'il feroit raifonnable que par totre jilence nous paruffions nous recontoüre coupables, lis prioient les Evê-  üu BaS'Empire. Liv. V. 547 ques de les recommander k 1'Empereur , & de lui préfenter leur requête. La circonftance étoit favorable, & la demande paroiffoit jufte. Ils revinrent la troifieme année de leur exil, & rentrerent triomphants en poffeffion de leurs Eglifes, d'ou- ils chafferent les deux Evêques qu'on leur avoit fubftitués. Eufebe fut plus adroit dans la fuite a mafquer fon héréfie : toujours acharné fur les Catholiques, il fut couvrir la perfécution fous des prétextes fpécieux, & ne fe déclara ouvertement Arien qu'après la mort de Conftantin. Bientöt, pour le malheur de 1'Eglife, il regagna les bonnes graces du Prince; & 1'on ne peut s'empêcher d'être furpris que les couleurs affreufes fous lefquelles 1'Empereur avoit dépeint ce Prélat trois ans auparavant dans fa lettre aux habitants de Nicomédie, fe fuffent fitöt effacées de fon efprit. La lettre prouve que les impreffions étoient bien vives dans Conftantin; & le prompt retour de fa faveur, qu'elles n'étoient pas bien profondes. Eufebe s'étoit emparé du cceur de Conftance, le fils bien-aimé de 1'Empereur; ün'enfal- CONSTANTIK. Ann, 336,  Constanten.Ann. 336. ] ( < I < t t C F XXXVIII Dépoiï- ^ tion d'Euf- ™ tathe. a ■Sec 1, fi c. 23 , 24. r, TAeorf. /, , I. e, XI, C So^. /. 1 , v Philofi. I. " i,t, 7, E fe ta IS re UI & 548 IJ I S T O 1 R Ë loit pas davantage pour difpofer de toute la Cour. Le refte de 1'hiftoire Je Conftantin n'eft qu'un tiffu de fourseries de la part des Ariens, de foijlelfes & d'illufions de la part du Prin:e. Arius, malgré fon habileté k fe leguifer, ne trouva pas la même failité dans Athanafe. En vain s'effora-t-il de rentrer dans la communion ie fon Evêque; celui-ci refufa confamment de le recevoir, quelque infance que lui en fit Eufebe, qui lui crivit même k ce fujet les lettres les lus menacantes. Pour intimider Athanafe , & le river en même-temps du plus ferme ppui qu'il eüt dans 1'Eglife, Eufebe t tomber les premiers éclats de l'oige fur Euftathe , Evêque d'Antioie. II s'étoit élevé une difpute fort ive entre eet illuftre Prélat & Eube de Céfarée. Euftathe accufoit ufebe d'altérer Ja foi de Nicée; Eube, de fon cöté, attribuoit a Eufthe Terreur de Sabellius. Eufebe de icomédie voulut terminer cette que11e a 1'avantage de fon ami, par 1 coup de foudre. II dreffa fon plan; pour en cacher 1'exécution a 1'Em-  du Bas-Empirë. Liv. V. 549 pereur, il feignit d'avoir un grand defir d'aller en dévotion a Jérufalem, & d'y vifiter 1'Eglife célebre que le Prince y faifoit batir. II fort de Conftantinople en grand appareil, accompagné de Théognis, fon confident inieparable. L'Empereur leur fourniffoit les voitures publiques, & tout ce qui pouvoit honorer leur voyage. Les deux Prélats paffent par Antioche ; Euftathe les re$oit avec une cordialité vraiment fraternelle : de leur cöté , ils n'épargnent pas les démonftrations de la plus fincere amitié. Arrivés a Jérufalem , ils s'ouvrent de leur deffein a Eufebe de Céfarée & a plufieurs autres Evêques Ariens , & forment leur complot. Tous ces Prélats les accompagnent comme par honneur dans leur retour a Antioche. Dès qu'ils font dans ia ville, ils s'affemblent avec Euftathe & quelques Evêques Catholiques qui n'étoient pas dans le fecret, & donnent a leur affemblée le nom de Concile. A peine avoit-on pris féance, qu'ils font entrer une courtifanne , qui, portant un enfant a la mammelle, s'écrie qu'Euftathe eft le pere CONSTANTIN. Ann. 336.  CONSTANTIN. Ann. 336. XXXIX. Troubles d'Antioche. Euf. Vit. I. 3, <• 59- Soc. I. 1, c. 24. Theod. I. I. C. 21 , 22. So%. I. 2 , c 18. Philofi. U 550 HlSTOIRE de eet enfant. Le faint Prélat, raffuré par fa confeience & par fa fermeté naturelle, ordonné a cette femme de produïre des témoins ; elle répond avec impudence, qu'on n'en appella jamais pour commettre un pareil crime. Les Ariens lui déferent le ferment; elle jure a haute voix qu'elle a eu eet enfant d'Eufhthe : & fur Ie champ ces juges équitables, fans autre information ni autre preuve , prononcent la fentence de dépofition contre Euftathe, Les Evêques Catholiques , étonnés d'une procédure auffi irréguliere, réclament en vain contre ce jugement: Eufebe & Théognis volent k Conftantinople pour prévenir 1'Empereur, & laiffent leurs complices affemblés a Antioche, Une impofture fi groffiere, & la dépofition du faint Prélat fouleverent tous ceux qui n'étoient pas vendus a la faction Arienne, Le Confeil de la ville, les habitants, les foldats de la garnifon fe divifent en deux partis ; ce n'eft plus que confufion, injures, menaces, On étoit prêt a s'égorger, & Antioche alloit nager dans le fang, quand une lettre de 1'Em-  du Has-Empire. Liv. V. 551 pereur & 1'arrivée du Comte de Stratege, qui fe joignit a Acace, Comte d'Orient, appaiferent les efprits. Conf lantin manda Euftathe. Les ennemij du Prélat ne comptoient pas qu'une accufation fi rnal appuyée, fut écoutée de 1'Empereur ; ils changerent de hatteries , & accuferent Euftathe d'avoir autrefois outragé 1'Impératrice Hélene : c'étoit toucher le Prince par 1'endroit le plus fenfible : d'ailleurs, Conftantin rendoit 1'Evêque refponfable de la fédition. Euftathe, avant que de quitter fon peuple, 1'exhorta a demeurer ferme dans la foi de Ia confubftantialité : on reconnut dans la fuite combien fes dernieres paroles avoient eu de force. II ne lui étoit pas difficile de fe juftifier devant 1'Empereur ; mais ce Prince, aveuglé par la calomnie , le relégua en Thrace, oü il mourut. Cette malheureufe proftituée , qui avoit fervi d'organe k des Prélats plus méchants qu'elle, fe voyant peu de temps après a Partiele de la mort, déclara, en préfence d'un grand nombre d'Eccléfiaftiques, Pinnocence d'Euftathe & la fourberie d'Eufebe : elle prétendoit pour- COKSTANTIN. Ann. 336. God. differt. in Philofi- l. 2, c. 7. Herm. vie de St. Athan. I. 3, e. 8, éclairciff. Till.Arian. art. 14 fi" fuiv. Athan, ai Soüt,  Constantie.Ann. 336. XL. Eufebe de Céfarée refufe 1'Epifcopatd'Antioche. Euf. Vit. 1. 3, r. 60. & feqq. Soc. I. I, c. 24. Theod. I I, C. 22. So\. I. 2 , c. IS. 552 IIisTorkz tant être moins coupable , paree qu'en effet elle avoit eu eet enfant d'un artifan nommé Euftathe; & c'étoit fans doute cette criminelle équi* voque, qui, jointe a 1'argent d'Èufebe , avoit facilité la féduétion. Afclepas de Gaza, attaché au faint Evêque & a la foi Catholique, fut en même - temps chaffé de fon Eglife. D'un autre cöté , Bafiline , feconde femme de Jule Conftance, fit exiler Eutrope, Evêque d'Andrinople, cenfeur intrépide de la doctrine & de la conduite d'Eufebe, qui étoit parent de cette Princeffe. Paulin de Tyr & Eulalius , ayant fucceffivement rempli la place d'Euftathe, & étant morts en moins d'un an, il s'éleva de nouvelles conteftation. Le parti Arien , k la tête duquel étoient la plupart des Evêques du prétendu Concile, demandoit Eufebe de Céfarée. Les Catholiques s'oppofoient a fon éledfion. Les premiers en écrivirent k 1'Empereur , & en même-temps, Eufebe, foit pour fe faire preffer, foit qu'il preffentit que cette nouvelle divifion déplairoit a Conftantin , lui manda qu'il s'en te- noit  nv Bas-Empire. Liv. 553 noit a la rigueur des canons, Sc qu'il le prioit de permettre qu'il reftat attaché k fe première époufe. Ce refus d'Eufebe fut accepté plus aifément peut-être qu'il ne 1'auroit defiré. Le Prince écrivit aux Evêques & aux habitants d'Antioche pour les détourner de choifir Eufebe : il leur propofa lui-même deux Eccléfiaftiques très-dignes, difoit-il, de 1'Epifcopat, fans cependant exclure tout autre qu'on voudroit élire; Sc ce qui fait voir que Conftantin étoit alors entiérement obfédé par les Ariens, c'eft que ces deux Prêtres, Euphrone de Céfarée en Cappadoce, 8c George d'Aréthufe, étoient deux Ariens décidés. Le premier fut élu ; 8c 1'Empereur dédommagea la vanité d'Eufebe , par les louanges qu'il lui prodigua, fur le généreux facrifiee qu'il avoit fait a la difcipline eccléliaftique. Celui-ci n'a pas manqué de rapporter en entier dans la vie de Conftantin les lettres de 1'Empereur qui contiennent fon éloge ; Sc de toute 1'hiftoire de la dépofition d'Euftathe, c'eft prefque la feule partie qu'il ait jugé a propos de conferver. Le fieTome I. Aa Constantie.Aan, 336,  554 BlSTOIRE ee d'Antinrhe étant nrrnnp nn* T« Cons- tantin. Ann. 336, XLI. Athanafe refufe de recevoir Arius. Soc. L 1, t. 27. 5oj.7. i , c. 21. 5 t ] 1 t i i 1 1 ! 0 . . 7 r- r Anens jufqu'en 361, les Catholiques abandonnerent les Eglifes, & tinrent k part leurs affemblées : on les nomina Euftathiens. Eufebe de Nicomédie, Jugeant d'Athanafe par lui-même, fe flattoit que ces marqués efïrayantes de fon crédit & de fa puiffance, feroient enfin trembier 1'Evêque d'Alexandrie. II le preffé encore de recevoir Arius, & le trouve encore inflexible. Maitre de la main comme de 1'efprit de 1'Empereur , il 1'engage a écrire plufieurs ettres a Athanafe. II en prévoyoit le uccès. Surle refus du faint Evêque, 1 prend occafion d'aigrir le Prince: econdé par Jean Arcaph , chef des Vléléciens, & par une foule d'Evêp.ies & d'Eccléfiaftiques, qui cachant eur concert, n'étoient que les échos PEufebe, il dépeint Athanafe comme in féditieux , un perturbateur de 1'Ejlife, un tyran, qui, a la tête d'une "action de Prélats dévoués a fes ca>rices, régnoit a Alexandrie, & fe aifoit obéir le fer & le feu k la main. L'accufé fe juffifioit en rejettant toues les injuftices & les violences fur  nu üas-Empirb. Liv. V. 555 fes adverfaires; & fes preuves étoient fi bien appuyées, que 1'Empereur ne favoit k quoi s'en tenir. Enfin, Conftantin, laffe de ces incertitudes, mande pour derniere décifion k Athanafe, qu'il veut terminer toutes ces quereïles; que 1'unique moyen eft de ne fermer k perfonne Fentrée de 1'Eglife; qu'aufll-töt qu'Athanafe connoitra fa volonté par cette lettre, il fe garde bien de rebuter aucun de ceux qui fe préfenteront; que s'il contrevient a fes ordres, il fera chaffé de fon fiege. L'Evêque , peu effrayé de la menace d'une dépofition injufte, repréfente avec une fermeté refpectueufe, quelle plaie feroit a lEglife ' une aveugle indulgence pour des gens anathématifés par un Concile écuménique , dont ils éludent encore les décrets. L'Empereur parut fe rendre a la force de fes raifons. L'équité du Prince aigriflbit le dé* pit d'Eufebe. II connoiffoit enfin Athanafe; n'efpérant plus Ie vaincre, il * réfolut de le perdre. Les chefs du parti n Arien, concertés avec les Méléciens, qu'ils avoient gagnés par argent, font d'abord courir le bruit que fon ordi- t, Aa ij CONSTA5TIN. Kun. 336. XLIT. Calomies con•e Athaafe.Athan. pol. 3. Soc. I. 11 »7.  COKSTANTIN. Ann. 336. Theod. I. 1 , c. 26 , 27. Soi. I. 2, C. 21. Vhilofi. I. 2 , t, II. 55<5 HlSTOI&B nation efl: nulle, ayant été faite par fraude & par violence. Comme la fable imaginée fur ce point étoit démentie par 1'évidence, & qu'il s'agiffoit de frapper 1'efprit du Prince, ils crurent enfuite plus a propos de lui fuppofer des crimes d'Etat. Ils 1'accuferent d'avoir, de fa pleine autorité , impofé un tribut aux Egyptiens, & d'exiger des tuniques de lin pour 1'Eglife d'Alexandrie. Les Prêtres Apis & Macaire, qui fe trouvoient alors a Nicomédie, ne furent pas embarraffés a juftifier leur Evêque : ils montrerent a 1'Empereur que c'étoit une contribution libre, autorifée par 1'ufage pour le fervice de 1'Eglife. Les accufateurs , fans fe rebuter , chargerent le faint Evêque de deux forfaits énormes. Le premier étoit un crime de lefe-majeflé : il avoit, difoient-ils, fomenté la révolte de Philumene, en lui fourniflant de grandes fommes d'argent: ce rebelle, in-* connu d'ailleurs, efl peut-être le même que Calocere. L'autre crime attaquoit Dieu même : voici le fait dont ils abufoient. Dans une contrée de 1'Egypte, nommée Maréote,  du Bas-Empire. Liv. V. 557 voifine d'Alexandrie, étoit un certain Ifchyras, autrefois ordonné Prêtre par Coluthe. Au Concile d'Alexandrie, tenu en préfence d'Olius, les ordinations de eet héréfiarque avoient été déclarées nulles. Mais malgré la décifion du Concile, k laquelle Colluthe lui-même setoit foumis , Ifchyras s'obftinoit k exercer les fonctions facerdotales. Athanafe, faifant la vilite de Maréote, lui envoya Macaire, un de fes Prêtres, pour le fommer de venir comparoitre devant 1'Evêque. II étoit au lit malade; on fe contenta de lui fignifier 1'interdiction , & 1'affaire n'eut pas alors d'autre fuite. Mais dans le temps qu'Eufebe mendioit de toute part des accufations contre Athanafe, Ifchyras vint lui offrir fes fervices; ils furent acceptés; on lui promit un Evêché il dépofa que Macaire, par ordre de 1'Evêque, s'étoit jetté fur lui, tandis qu'il célébroit les faints Myfteres ; qu'il avoit renverfé I'autel & la table facrée, brifé le calice, brülé les livres faints. Sur des crimes fi graves, Athanafe fut mandé a la Cour; L'Empereur 1'écouta, reconnut fon Aa ii; CONSTANT1N. Ann, 336.  558 Histoire CONSTANTHr. Ann. 336. XLIII. Accufation au fujet d'Arfeae. Soc. /. I, 17. TAccrf. /. 1 I , c. 30. , Jor. /. 2. f. 22. ^M. Apol, , . . ' •vi.iujru a lun l-gmc 5 ecrivit aux Alexandrins que les calomniateurs de leur Evêque avoient étéconfondus, &que eet homme de Dieu ( c'eft le terme dont il fe fervit) avoit recu a fa Cour Ie traitement le plus honorable. Ifchyras, méprifé de 1'Empereur & d'Eufebe qu'il avoit fervi fans fuccès, vint fe jetter aux pieds de fon Evêque, lui demandant pardon avec larmes. II déclara, en préfence de plufieurs témoins , par un act e figné de fa main , que fon accufation étoit fauffe, & qu'il y avoit été forcé par trois Evêques Méléciens qu'il nomma. Athanafe lui pardonna; mais fans 1'admettre k la communion de 1'Eglife, qu'il n'eut accompli la pénitence prefcrite par les canons. Les adverfaires, tant de fois con:ondus , ne perdirent pas courage; jerfuadés que dans la multitude des :oups, il n'en faut qu'un pour faire me bleffure mortelle. Arfene, Evêjue d'Hypfele en Thébaïde , étoit lans Ie parti de Mélece. II difparut :out-a-coup, & les Méléciens monxant de ville en ville la main droite  nu Bas-Empire. Liv. F. SSO d'un homme , publierent que c'étoit celle d'Arfene, qu'Athanafe avoit fait maffacrer ; qu'il lui avoit coupé la main droite pour s'en fervir k des opérations magiques : ils fe plaignoient avec larmes qu'il eüt caché le refte de fon corps : ils reffembloient a ces anciens fanatiques de 1'Egypte, qui cherchoient les membres épars d'Ofiris. Jean Arcaph jouoit dans cette piece le principal röle. La chofe fit grand bruit a la Cour. Le Prince commit pour en informer le cenfear Delmace , qui fe trouvoit alors a Antioche; il envoya Eufebe & Théognis pour affifter au jugement. Athanafe , mandé par Delmace, fentit bien que le défaut de preuve de la part de fes adverfaires, ne fuffiroit pas pour le juftifier, & qu'il falloit les confondre en leur prouvant qu'Arfene étoit vivant. 11 le fait chercher par toute 1'Egypte. On découvre fa retraite; c'étoit un monaflere prés d'Antéople en Thébaïde ; mais quand on y arriva, il en étoit déja forti pour fe fauver ailleurs. On fe faifit du fupérieur du Monaftere & d'un Moine qui avoit procuré Pévafion: on les amene k Alexandre Aa iv Constantie.Ann, 336. fierm. vie de i$t. Athan. I. 5 , <• «4. ctUirciJf.  Constantie.Ann. 336 560 HlSTOIRB devant le Commandant des troupes d'Egypte : ils avouent qu'Arfene eft vivant, & qu'il a été retiré chez eux. Le fupérieur avertit auffi-töt Jean Arcaph que 1'intrigue eft découverte, & que toute 1'Egypte fait qu'Arfene eft en vie. La lettre tombe entre les mains d'Athanafe. On trouve le fugitif caché a Tyr : il nie d'abord qu'il foit Arfene ; mais il eft convaincu par Paul, Evêque de la ville, dont il étoit parfaitement connu. Athanafe envoye a Conftantin par le Diacre Macaire, toutes les preuves de 1'impofture. L'Empereur révoque auffi-töt la commiffion donnée a Delmace; il raffure 1'Evêque d'Alexandrie, & 1'exhorte k n'avoir plus déformais d'autre foin que les fonótions du faint Miniftere, & a ne plus craindre les manoeuvres des Méléciens : il ordonné que cette lettre foit lue dans 1'affemblée du peuple , afin que perfonne n'ignore fes fentimens & fa volonté. Les menaces du Prince firent taire quelque temps la colomnie , & le calme fembloit rétabli. Arfene lui-même écrivit, de concert avec fon Clergé, une lettre k fon Métropolitain , pour lui demander  dv Bas-Empirb. Liv. V. 561 d'être admis a fa communion. Jean fuivit eet exemple, & s'en fit honneur auprès de 1'Empereur. Le Prince étoit ravi de joie, dans Pefpérance que les Méléciens alloient a la fuite de leur chef, fe réunir au corps de 1'Eglife. Mais cette paix ne fut pas de longue durée. L'opiniatreté des Ariens 1'emporta enfin fur les bonnes intentions de 1'Empereur. C'étoient des Evêques, dont 1'extérieur n'avoit rien que de refpeef able, qui crioient fans ceffe & qui faifoient répéter a toute la Cour, qu'Athanafe. étoit coupable des crimes les plus énormes; qu'il s'en procuroit l'impunité d force dargent; que c'étoit ainfi qu'il avoit fait changer de langage d Jean le Mélécien ; que le nouvel Arfene étoit unperfonnage de thédtre ; qu'il étoit êtrange que, fous un Prince vertueux, Üiniquitê rejldt afjife fur un des plus grands fieges du monde. Jean, regagné par les Ariens, eonfentoit lui-même a fe déf honorer ; il avouoit a 1'Empereui qu'il s'étoit laiffé corrompre. Conftantin , d'un caractere franc & généreux, étoit fort éloigné de foupconner une fi noire perfidie. Tant ds fecouffes lui firent enfin lacher priAa v CONSTANTIN. Ann. 336. XLlVf Eufebe s'empare de 1'efprit de 1'Env pereur. Athan. Apol. 2. Soc. I. I c. 27. Theod. I. I, c. 28. So{. I. 2, c. 24. Pagi ad Baron. an„ 332.  CONSrANTIN, i«n. 336. 562 HlSTOIRE fe; il abandonna Athanafe a fes ennemis ; c'étoit 1'abandonner que de le laiffer a la difcrétion d'un Concile , dont Eufebe devoit être le maitre. Le choix de la ville de Céfarée en Paleftine, dont l'autre Eufebe étoit Evêque , annoncoit déja le fuccès. Auffi le faint Prélat refufa-t-il de s'y rendre. Les Ariens en prirent avantage, & pendant deux ans & demi que dura le refus d'Athanafe , c'étoit, k les entendre, un coupable qui fuyoit fon jugement. Enfin , 1'Empereur , comme pour condefcendre aux répugnances & aux craintes de Paccufé, change le lieu de 1'affemblée, & 1'indique aTyr. II vouloit qu'après avoir pacifié dans cette ville toutes les querelles , les Peres du Concile, réunis dans le même efprit, fe tranfportaffent a Jérufalem pour y faire enfemble la dédicace de 1'Eglife du SaintSépulcre. II manda aux Evêques, dont plufieurs étoient depuis long-temps a Céfarée, de fe rendre a Tyr, afin de remédier en diligence aux maux de 1'Eglife. Sa lettre, fans nommer Athanafe , marqué affez qu'il étoit étran^ement prevenu contre ce faint per-  du Bas-Empire. Liv. V. 563 fonnage, & entiérement livré k fes ennemis. II allure ceux-ci qu'il a exécuté tout ce qu'ils lui ont demandé; qu'il a convoqué les Evêques qu'ils defirent d'avoir pour coopérateurs; qu'il a envoyé le Comte Denis, afin de maintenir le bon ordre dans le Concile ; il protefte que fi quelqu'un de ceux qu'il a mandés fe difpenfe d'obéir, fous quelque prétexte que ce foit, il le fera fur le champ chaffer de fon Eglife. Cette lettre qui convoquoit le Concile, en détruifoit en même-temps Pautorité; elle fuffit feule pour en prouver 1'irrégularité s le choix des Evêques dévoués aux Ariens, la préfence du Comte Denis, environné d'appariteurs Sc de foldats, étoient autant d'abus, que fut bien relever dans la fuite le Concile d'Alexandrie. II s'y trouva pourtant un petit nombre d'Evêques Catholiques , entre autres Maxime de Jérufalem qui avoit fuccédé a Macaire, Marcel d'Ancyre, Sc Alexandre de Theffalonique. L'affemblée étoit déja compofée de foixante Prélats, avant 1'arrivée des quarante-neuf Evêques d'Egypte qu'Athanafe y amena. II n'y Aa vj Constantie.Ann. 336.  CONS-. TANTIN. Ann. 336. XLV. Concil< de Tyr. Ach. Apol 2. Epiph.hxi 68. Soc. I. 1 c. 29. Theod. i 1, c. 30. So[. I. 2 t> 24. i 564 HlSTOIRS vint qu'a regret, fur les ordres réïtérés de 1'Empereur, pour éviter le fcandale que cauferoit dans 1'Eglife 1'injufte colere du Prince, qui le menacoit de 1'y faire conduire par force. Le Prêtre Macaire y fut amené chargé de chaines. Archelaüs, Comte d'Orient , & Gouverneur de Paleftine, fe joignit au Comte Denis. On ne donna point de fiege a Athanafe : il fut obligé de fe tenir debout en qualité d'accufé. D'abord, de ' concert avec les Evêques d'Egypte, • il récufa les Juges comme fes ennemis. On n'eut aucun égard a fa récu- ' fation : comptant fur fon innocence , • il fe détermina a répondre. II lui fal8 lut combattre les mêmes monftres ' qu'il avoit déja tant de fois terraffés. On fit revivre toutes les vieilles calomnies, dont 1'Empereur avoit reconnu la fauffeté. Plufieurs Evêques d'Egypte, vendus aux Méléciens , fe plaignirent d'avoir été outragés & maltraités par fes ordres. Ifchyras, malgré le défaveu figné de fa main, reparut entre les accufateurs; & ce miférable fut encore une fois confon«du par Athanafe & par Macaire. 15  du Bas-Empihe. Liv. V. 565 n'y eut que les partifans d'Eufebe qui trouverent plaufibles les menfonges qu'ils avoient (Més ; ils propoferent au Comte Denis d'envoyer dans la Maréote pour informer fur les lieux. La réclamation d'Athanafe & de tous les Orthodoxes ne put empêcher, qu'on ne nommat pour Commiffaires fix de fes plus mortels ennemis, qui partirent avec une efcorte de foldats. Deux accufations occuperent enfuite le Concile (*). On fit entrer une courtifanne effrontée, qui fe mit k crier qu'elle avoit fait vceu de virginité; mais qu'ayant eu le malheur de recevoir chez elle Athanafe, il lui (*) Je ne dols pas diffimuler que l'Hiftoir< de cette Courtifanne n'eft pas , a beaucouj prés, auffi authentique que celle d'Arfene. Ru fin la raconte; mais Rufin eft rempli de fa bles. Sozomene , Theodoret, & 1'Auteur di la vie de Saint Athanafe dans Photius , 1'on adoptée, & c'eft ce qui m'a engagé a en fairi ufage. Mais il faut avouer que ni Saint Atha nafe , qui, en plufieurs endroitf de fes Ou vrages, développe les iniquités du Concile &< Tyr, ni les Epltres fynodales du Concile d'A lexandrie , & de celui de Sardique oü les men fonges des Ariens font détaillés , ni la lettr du Pape Jules , ni 1'Hiftorien Socrate n'ê font aucune mention. Constantie.Ann. 336» XLVI. Accufateurs confondus.Ath. Apol, 1. Theod. L i , c. 30. So-t. I. %, t. 24. Vita A~ than. apud Phot. p. 1438. ' Philofi. h ; 1, c. 12> 1  Constantie.Ann. 336, i i I I ( ( l c r € C 5<56 HlSTOIRE avoit ravi Phonneur. Les Juges ayant fommé Athanafe de répondre, il fe tint en filence ; & 1'un de fes Prêtres, nommé Timothée, debout a cöté de lui, fe tournant vers cette femme: EJl-ce moi, lui dit-il, que vous accufe{ de vous avoir déshonorie ; c'eft vousméme, s'écria-t-elle, en lui portant le poing au vifage, & lui préfentant un anneau qu'elle prétendoit avoir recu de lui : elle demandoit juftice en montrant du doigt Timothée qu'elle appelloit Athanafe, 1'infultant, le tirant a elle avec un torrent de paroles familieres k ces femmes fans pudeur. Une fcene fi indécente couvroit es accufateurs de confufion, faifoit ■ougir les Juges, & rire les Comtes 5e les foldats. On fit retirer la courti'anne malgré Athanafe , qui demanloit qu'elle fut interrogée , pour dé:ouvrir les auteurs de cette horrible alomnie. On lui répondit qu'on avoit ontre lui bien d'autres chefs plus ;raves , dont il ne fe titeroit pas par 'es fubtilités, & dont les yeux mêles alloient juger. En même-temps, n tire d'une boite une main defféhée: k cette vue tous fe récrierent,  vu Bas-Empirk. Liv. V. 567 les uns d'horreur, croyant voir la main d'Arfene ; les autres par déguifement pour appuyer le menfonge, & les Catholiques par indignation, perfuadés de 1'impofture. Athanafe , après un moment de filence , demanda aux Juges fi quelqu'un d'eux connoiffoit Arfene; plufieurs ayant répondu qu'ils le connoiffoient parfaitement, il envoya chercher un homme qui attendoit k la porte de la falie , & qui entra enveloppé d'un manteau. Alors Athanafe lui faifant lever la tête : Eft-ce la, dit-il, cel Arfene que fai tui, qu'on a cherché fi long-temps, & d qui après fa mort /'ai coupé la main droite ? C'étoit en effet Arfene lui-même. Les amis d'Athanafe 1'ayant amené a Tyr, 1'avoient engagé k s'y tenir caché jufqu'a ce moment; & après s'être prêté injuitement aux ealomniateurs, il fe prêtoit avec juftice k confondre la calomnie. Ceux qui avoient dit qu'ils le connoiffoient, n'oferent le méconnoitre: après leur aveu, Athanafe retirant le manteau d'un cöté, fit appercevoir une de fes mains; ceux que les Ariens avoient abufés ne s'attendoient pas k voir Tau- Constantie.Ann. 336.  Constantie.Ann. 336. 563 BlSTOIRÊ tre, quand Athanafe la leur découvrant : Voila, dit-il, Arfene avec fes deux mains; le Créateur ne nous en a pas donnè davantage ; ceft d nos adverfaires d nous montrer oü ton a pris la troifieme. Les accufateurs, devenus furieux a force de confufion , & comme enivrés de leur propre honte, rempliffent toute 1'affemblée de tumulte; ils crient qu'Athanafe eft un Magicien, un enchanteur qui charme les yeux: ils veulent le mettre en pieces. Jean Arcaph , profitant du défordre, fe dérobe, & s'enfuit. Le Comte Archelaiis arrache Athanafe des mains de ces frénétiques, & le fait embarquer fecretement la nuit fuivante. Le faint Evêque fe fauva a Conftantinople , & éprouva tout le refte de fa vie que les méchants ne pardonnent jamais le mal qu'ils ont voulu faire , & qu'a leurs yeux c'eft un crime irrémiffible pour 1'innocence de n'avoir pas fuccombé. Ceux-ci fe confolerent de leur défaite en feignant de triompher; & fuivant 1'ancienne maxime des calomniateurs , ils ne fe lafferent pas de renouveller des acccufations mille fois convaincues de fauffeté,  du Bas-Empire. tiv. V. 569 Leurs Hiftoriens même fe font efforcés de donner le change a la poftérité. Mais ils ne peuvent perfuader que des efprits complices de leur haine contre 1'Eglife Catholique. ^ Les Commiffaires envoyés dans la Maréote y firent 1'information au gré de la calomnie. Toutes les regies furent violées, & la cabale foutenue par le Préfet Philagre , apoftat & trés - corrompu dans fes mceurs, y étouffa la vérité. Les Catholiques protefterent contre cette procédure monf trueufe. Alexandrie fut le théatre de 1'infolence d'une foldatefque effrénée , qui donnoit main - forte au> Prélats, & qui les divertiffoit par le: infultes qu'elle faifoit aux fideles at tachés k leur Pafteur. Ces Commif faires a leur retour ne trouveren plus a Tyr Athanafe : il fut condam né fur 1'information & fur tous le crimes dont il s'étoit juftifié. L fentence de dépofition fut pronor cée; on lui défendit de rentrer dar Alexandrie. Jean le Mélécien, & toi ceux de fa faction furent admis k 1 communion & rétablis dans leur d gnité. Pour tenir parole a Ifchyras CONSTANTIN. Ann. 336. XLVIT. Condufion tlu Concile de Tyr. Aih. ApoL 2. Soc. I. I, t. 31, 32. Theod. 1. I, c. 30. S01. I. 1, c, 24. t S a s s a i-  Constantie.Ann. 336. j 1 ] t i I f C xlviii. Dédicace . de 1'Eglife * duSt. Sé- C pulcre. r Euf. rU. J & fiq. p Soc. I, I, j 33- t 1, c. 31. i /, ï, r j70 II I S T 0 I R E on le fit Evêque d'un village, oü il fallut lui batir une Eglife; & afin que tout fut étranger dans l'hiltoire de :e Concile, on ne tarda pas k regajner Arfene; il figna la condamnation le celui dont il prouvoit, lui-mêne, 1'innocence. Les acfes du Con:ile furent envoyés a 1'Empereur. On vertit les Evêques par une lettre fytodale de ne plus communiquer avec Lthanafe, convaincu de tant de foraits, & qui après une orgueilleufe éfiftance, ne s'étoit trouvé au Conile que pour le troubler, pour y in» liter les Prélats , pour récufer d'aord & fuir enfuite le jugement. Les vêques Catholiques refuferent de >ufcrire, ik fe retirerent avant la onclufion de 1'affemblée. Ce myftere d'iniquité étoit a peine onfommé, que les Evêques recurent rdre de fe tranfporter a Jérufalem our y faire la cérémonie de la Déicace. Les lettres furent apportées ar Marien, Secretaire de 1'Empereur, luftre, par fes emplois , par fa verx, & par la fermeté avec laquelle avoit confeffé la foi fous les tyans. II étoit chargé de faire les hon-  du Bas-Empire. Liv. V. 571 neurs de la fête, de traiter les Evêques avec magnificence, Sc de diftribuer aux pauvres de Pargent, des vivres & des habits. L'Empereur envoyoit de riches préfents pour 1'ornement de la Bafilique. Outre les Evêques affemblés k Tyr, il en vint un grand nombre de toutes les parties de 1'Orient. II s'y trouva même un Evêque de Perfe, qu'on croit être Saint Milles, qui, après avoir beaucoup fouffert dans la perfécution de Sapor , quitta fa ville épifcopale, oü il ne trouvoit que des cceurs endurcis Si rebelles au joug de la foi, & vint a Jérufalem fans autres richeffes qu'une beface, oü étoit le livre des Evangiles. Un nombre infini de fideles accourut de toutes parts. Tous fureni défrayés pendant leur féjour, aus dépens de 1'Empereur. La ville retentiffoit de prieres , d'inftruftionj chrétiennes, d'éloges Sc du Princt & de la Bafilique. On rendit cett« fête annuelle; elle duroit pendan huit jours; & c'étoit alors un pro digieux concours de pélerins des pay! les plus éloignés. Après la dédicace, les autres Evêques fe retirerent : il Constantie.Ann. 336. c.12,15 > 16.  C ONSTANTIN. Ann. 336. XLIX. Concile de Jérufalem, 1 1 1 1 573 HlSTOtKE ne refta que les Prélats du Concile de Tyr. Cette folemnité brillante fut fuivie d'un événement facheux pour 1'Eglife. Arius & Euzoius avoient furpris des lettres de Conftantin. Ce Prince, trompé par une profeffion de foi qui lui paroilToit conforme a celle de Nicée , reconnut pourtant qu'il n'appartenoit qua 1'Eglife de prononcer ?n cette matiere. II renvoya Arius mx Evêquesaffemblés a Jérufalem, k leur écrivit d'examiner avec atention la formule qu'il préfentoit, k de le traiter favorablement s'il fe rouvoit qu'il eüt été injuftement conlamné , ou qu'ayant mérité 1'anathêne, ilfüt revenu aréfipifcence. Confantin ne s'appercevoit pas que metre en doute la juftice de la condamlatlen d'Arius, c'étoit porter atteine au Concile de Nicée, qu'il refpecoit lui-même. II n'en falloit pas tant >our engager des Ariens cachés a réablir leur Docteur & leur maitre. -es Prélats réunis de nouveau a Jéufalem en forme de Concile, recoirent a bras ouverts Arius tk Euoius; ils adreffent une lettre fyno-  du Bas-Empire. Liv. F. 573 dale a tous les Evêques du monde; ils y font valoir Papprobation de 1'Empereur , & reconnoiffent pour très-orthodoxe la profeffion de foi d'Arius. Ils, invitent toutes les Eglifes a 1'admettre k la communion, lui & tous ceux qui en avoient été féparés avec lui. Ils écrivent en particulier k 1'Eglife d'Alexandrie, qu'il eft temps de faire taire 1'enyie, & de rétablir la paix; que 1'innocence d'Arius eft reconnue ; que 1'Eglife lui ouvre fon fein, & qu'elle rejette Athanafe. Marcel d'Ancyre ne voulut prendre aucune part a la réception d'Arius. Les Evêques venoient d'envoyer les lettres par lefquelles ils communiquoient avec complaifance leur décifion a Conftantin, lorfqu'ils en recurent de fa part qui n'étoient pas auffi flatteufes. Athanafe s'étant échappé de Tyr, étoit venu k Conftantinople; tk comme 1'Empereur traverfoit la ville a cheval, le Prélat, accompagné de quelques amis, fe préfenta fur fon paffage d'un maniere fi fubite & fi imprévue, qu'il étonna Conftantin. Le Prince ne 1'auroit pas CONSTANTIN. Ann. 356. L, Athanafe s'adreffe a 1'Empereur. Ath. Apol, 1. Epiph.httr. 68. Soc. t. I , e. 33. 5o?. /. a, t, 27.  Constantie,Ann. 53É LL Exil d'Athanafe.Ath. Apol 2. Soc. L 11 t. 35. Thcod. 1, I, c. 31. 5o{. « 1, 27, 574 HlSTOTRE ■ reconnu fans quelques-uns de fes courtifans qui lui dirent qui il étoit, & . Pinjufte traitement qu'il venoit d'effuyer. Conftantin paffoit outre fans lui parler ; & quoiqu'Athanafe demandat d'être entendu, 1'Empereur étoit prêt k le faire retirer par force. Alors 1'Evêque élevant la voix : Prince , lui dit-il, le Seigneur jugera entre vous & moi, puifque vous vous déclare^ pour ceux qui me calomnient: je ne vous dtmande que de faire venir mes juges, afin que je puiffe vous faire ma plainte en leur préfence. L'Empereur , frappé d'une requête fi jufte & fi conforme a fes maximes, manda fur le champ aux Evêques de venir lui rendre compte de leur conduite; il ne leur diflïmula pas qu'on les accufoit d'avoir procédé avec beaucoup d'emportement & de pafnon. Cette lettre confterna 3a cabale. Les Evêques mandés k la Cour fe difperferent auffi-töt, & s'en retourneren! dans leurs diocefes. II n'en refta que fix des plus hardis , k la tête defquels étoient les deux Eufebes. Ils fe rendirent devant PEmpereur , & fe garderent bien d'entrer en difpute avec  nu BaS'Empirb. Liv. V. 575 Athanafe. Selon leur méthode ordinaire , au-lieu de prouver les accufations dont il s'agiffoit, ils en formerent une nouvelle. Bien inftruits de la prédilection de Conftantin pour fa nouvelle ville, ils chargerent le faint Evêque d'avoir menacé d'affamer Conftantinople , en arrêtant le bied d'Alexandrie. Athanafe eut beau repréfenter qu'un pareil attentat ne pouvoit tomber dans 1'efprit d'un particulier fans pouvoir & fans force; Eufebe prétendit qu'Athanafe étoit riche, & chef d'une facf ion puiffante. La feule imputation irrita tellement 1'Empereur, qu'incapable de rien écouter, il exila 1'accufé a Treves, fe flattant d'ailleurs que 1'éloignement de ce Prélat inflexible rendroit la paix a 1'Eglife. Le Saint fut recu avec honneur par 1'Evêque Maximin, zélé pour la vérité; & le jeune Conftantin , qui faifoit fa réfidence en cette ville, prit foin d'adoucir fon exil par les traitements les plus généreux. Les Ariens, maitres du champ de bataille, formerent a Conftantinople une nouvelle affemblée. On y fit ve- \x nir de bien loin les Evêques du parti. p C ONSTANTIN. Ann. 336. LH. Concile ï Confntinoe.  Constantie.Ann. 3 36. Ath, ApoL 2. Soc. U I , c. 36. Soi- l. 2, 576 HlSTOIRE Ils fe réunirent en grand nombre. II fut propofé en premier lieu de donner un fucceffeur a Athanafe. L'Empereur n'y voulut point confentir. On dépofa Marcel d'Ancyre, & Bafile fut nommé en fa place. Marcel n'avoit jamais ufé de ménagement a 1'égard des Ariens: il s'étoit fignalé contre eux au Concile de Nicée; il avoit refufé de communiquer avec eux au Concile de Jérufalem; il n'avoit pas même voulu prendre part a la cérémonie de la dédicace , ce qu'on fut bien envenimer auprès de 1'Empereur, qui en fut fort irrité. Mais fon plus grand crime étoit la guerre qu'il avoit déclarée a un Sophifie de Cappadoce, nommé Aftérius. Celui-ci étoit 1'émiffaire des Ariens, & couroit de ville en ville prêchant leur doctrine. Marcel le confondit, & ce fuccès mit le comble a la hai« ne que lui portoient déja les hérétiques. Ils Paccuferent de Sabellianifme. II fut juftifié au Concile de Sardique. Mais fes écrits donnerent dans la fuite occafion de foupconner fa foi: & plufieurs faints Dofteurs Pont condamné comme ayant favorifé les er- reurs  du Bas-Empihb. Liv. P. 577 reurs de Photin. Quelques autres Evêques furent encore dépofés contre toute juftice dans le Concile de Conftantinople. Mais le grand ouvrage d'Eufebe , ce qu'il avoit le plus a cceur , c'étoit de forcer les Catholiques k recevoir Arius. Après le Concile de Jérufalem, eet héréfiarque étoit retourné k Alexandrie. II fe flattoit que 1'exil d'Athanafe feroit tomber devant lui toutes les barrières. II trouva les efprits plus aigris que jamais. On le rebuta avec horreur. Déja les troubles fe rallumoient, quand 1'Empereur Ie rappella a Conftantinople. Sa préfence augmenta 1'infolence de fes partifans, & la fermeté des Catholiques. Eufebe preffoit 1'Evêque Alexandre de 1'admettre a fa communion ; & fur fon refus, il le menacoit de dépofition. L'Evêque mille fois plus attaché a la pureté de la foi qu'& fa dignité, n'étoit point ébranlé de ces menaces. L'Empereur; fatigué d'une conteftation fi opiniatre, vouwt la terminer. II :fait venir devant lui Arius, & lui demande s'il adhere aux décrets de Nicée. Arius répond Tornt I, B b CONSTANTJW. Ann. 336. LUI. Efforcs dEufebe pour faire recevoir Arius par Alexandre. Socr. I. 1, c. 37. TheoH. I. 11 c, 14. S07. I. 2 , c. 28. Polit. apui Phot. p.  CONS" AKTIN. A.in. 336. ( ï 4 i I ■i I 1 1 1 i J e J c r ƒ 4 a 57-8 IIistqirz fans balancer qu'il y foufcrit de cceur Ek d'efprit, & préfente une profeffion de foi oü 1'erreur éloit adroitement couverte fous des termes de 1'é:riture. L'Empereur, pour plusgrande affurance, oblige de jurer que ce fontla fans détour fes véritables fentinents. II n'en fait aucune difficulté. Quelques Auteurs prétendent que teïant le fymbole de Nicée entre fes nains, & la formule de fa croyan:e bérétique cachée fous fon bras, 1 rapportoit k celle-ci le ferment qu'il >aroiffoit prononcer fur l'autre. Mais ^rius étoit apparemment trop habile >our ufer en pure perte d'une paeille rufe, & trop éclairé pour ignoer qu'une reftricfion mentale ne ra>at rien d'un parjure. Conflantin , atisfait de fa foumilïion : AIL{, lui !it-il , ji votre foi saccorde avec votre \rment , vous êtes irrèprehenfible : Ji Ue ny efl pas conform* , que Dieu 'ril votre;uge. En même-temps il mane a Alexandre de ne pas différer d'adïettre Arius a la communion. Eu?be , porteur de eet ordre , conduit Lrius devant Alexandre, & fignifie 1'Evêque la volonté du Prince. L'E-  du Bas-Empire. Liv. F. 579 vêque perfifte dans fon refus. Alors Eufebe hauffant la voix : Nous avons malgré vous , lui dit-il, fait rappeller Arius ; nous faurons bien auffi malgré vous le faire entrer demain dans votre Eglife. Ceci fe paffoit le famedi; & le lendemain tous les fideles étant réunis pour la célébration des faints Myfteres, le feandale en devoit être plus horrible. Alexandre, voyant les puiffances de la terre déclarées contre lui, a recours au Ciel : il y avoit fept jours que, par le confeil de Jacques de Nifibe qui étoit alors a Conftantinople , tous les Catholiques étoient dans les jeünes & dans les prieres; & Alexandre avoit paffe plufieurs jours & plufieurs nuits enfermé feul dans 1'Eglife de la paix, profterné & priant fans ceffe. Frappé de ces dernieres paroles d'Eufebe , le faint vieillard, accompagné de deux Prêtres, dont 1'un étoit Macaire d'Alexandrie , va fe jetter au pied de 1'autel : la courbé vers la terre qa'il baignoit de fes larmes : » Seigneur^ » dit-il d'une voix entrecoupée de » fanglots, s'il faut qu'Arius foit de» main recu dans notre fainte affemBb ij Constantie.Ann. 336.  CONSTANTIN Ann. 336. LIV. Mort d'Arius. Soc. ƒ, I , «. 37. Theod, l. I, c. 14. So\. I. %, »„ 29. 580 IIjstoirs » blée, retirez du monde votre fer» viteur ; ne perdez pas avec 1'impie » celui qui vous eft fidele. Mais fi » vous avez encore pitié de votre « Eglife, & je fais que vous en avez » pitié, écoutez les paroles d'Eufe»> be, & n'abandonnez pas votre hé» ritage a la ruine & k 1'opprobre. » Faites difparojtre Arius, de peur »> que s'il entre dans votre Eglife, » il ne femble que Fhéréfie y foit en»> trée avec lui, & que le menfonge » ne s'affeye dans la chaire de vé» rité "• Tandis que cette priere d'Alexandre s'élevoit au ciel avec fes foupirs, les partifans d'Arius promenoient celui-ci comme en triomphe dans la ville , pour le montrer au peuple. Lorfqu'il paffoit avec un nombreux cortege par la grande place auprès de la colonne de porphyre, il fe fentit preffé d'un befoin naturel , qui 1'obligea de gagner un lieu public, tel qu'il y en avoit alors dans toutes les grandes villes. Le domeftique qu'il avoit laiffé au - dehors , voyant qu'il tardoit beaucoup , craijnit quelque accident; il entra & le  nu Bas-Emvire. Liv. V. 581 trouva mort , renverfé par terre, nageant dans fon fang, & fes entrailles hors de fon corps. L'horreur d'un tel fpectacle fit d'abord trembler fes fecfateurs ; mais toujours endurcis, ils attribuerent aux fortileges d'Alexandre un chatiment fi bien caractérifé par toutes les circonftances. Ce lieu ceffa d'être fréquenté; on n'ofoit en approcher dans la fuite, &£ on le montroit au doigt comme un monument de la vengeance divine. Long-temps après, un Arien riche Sc puiffant, acheta ce terrein, Sc y fit batir une maifon afin d'effacer la mémoire de la mort funefte d'Arius. Le bruit s'en répandit bientót dans tout 1'Empire. Les Ariens en rougiffoient de honte. Le lendemain jour de Dimanche, Alexandre a la tête de fon peuple rendit ï. Dieu des actions de graces folemnelles , non pas de ce qu'il avoit fait périr Arius, dont il plaignoit le malheureux fort,, mais de ce qu'il avoit daigné étendre fon bras Sc repoufler 1'héréfie, qui marchoit avec audace pour forcer Pentrée du fanctuaire. Conftantin fut convaincu du parjure d'Arius; Bb iij Constantie.Ann, 3 jé. LV. Conftan» tin refufe de rappeller Athsnafe. Ath. ad Solit.  CONS- Jtantin. Ann. 336. 58a HtSTOlRZ & eet événement le confirma dans fon averfion pour 1'Arianifme , & dans fon refpect pour le Concile de Nicée. Mais les Ariens, après la mort de leur chef, trouvant dans Eufebe de Nicomédie autant de malice & encore plus de crédit, continuerent de tendre des pieges a la bonne foi de 1'Empereur; & il ne ceffa pas d'être la dupe de leur déguifement. Les habitants d'Alexandrie follicitoient vivement le retour de leur Evêque: on faifoit dans la ville des prieres publiques, pour obtenir de Dieu cette faveur : Saint Antoine écrivit plufieurs fois a Conftantin pour lui ouvrir les yeux fur 1'innocence d'Athanafe, & fur la fourberie des Méléciens & des Ariens. Le Prince fut inexorable. II répondit aux Alexandrins par des reproches de leur opiniatreté & de leur humeur turbulente ; il impofa filence au Clergé & aux Vierges facrées, & protefta qu'il ne rappelleroit jamais Athanafe; que c'étoit un féditieux condamné par uh jugement eccléfiaftique. II manda a Saint Antoine qu'il ne pouvoit fe réfoudre a méprifer le jugement d'un  du Bas-Empire. Lrv. F. 5^3 Concile; qu'a la vérité la paffion emportoit quelquefois un petit nombre de juges; mais qu'on ne lui perfuaderoit pas qu'elle eüt entrainé le fuffrage d'un fi grand nombre de Prélats illuftres & vertueux ; qu'Athanafe étoit un homme emporté, fuperbe , querelleur intraitable : c'étoit en effet Pidée que les ennemis d'Athanafe donnoient de lui a 1'Empereur, paree qu'ils connoiffoient Paverfion de ce Prince pour les hommes de ce caractere. II ne pardonna pas même eet efprit de cabale a Jean le Mélécien, qui venoit d'être fi bien traité par le Concile de Tyr. Ayant appris qu'il étoit Ie chef du parti oppofé a Athanafe, il l'arracha, poui ainfi dire, d'entre les bras des Méléciens & des Ariens, & Penvoy; en exil, fans vouloir écouter une follicitation en fa faveur. Toutefois dam les derniers moments de fa vie, i revint de fon injufte préjugé. Mai avant que de raconter la mort de c< Prince, il eft a propos de donner un< idéé des loix qu'il avoit faites depuis le Concile de Nicée. Dès le commencement du fchifmi Bb iv Constantie.A-nn. j jó, I ! LVI. Loix ccn-  CONSTAKTIN. Ann. 336, ire les hélétiques.Cod. Th. U 16 , tit. j. Euf. Vit. /• 3,^.63. & fm • So\. 1. 2, e. 30. Amm, l. *f» <• 13& ihi Va- I i 1 « J 584 H 1 S T 0 I R E des Donatiftes, Conftantin les avoit exclus des graces qu'il répandoit fur 1'Eglife d'Afrique. II tint la même conduite a lëgard de tous ceux que le fchifme ou 1'héréfie féparoit de la communion. Catholique : il déclara par une loi, que non-feulement ils n'auroient aucune part aux privileges accordés a 1'Eglife; mais que leurs Clercs feroient afliijettis k toutes les charges municipales. Cependant il montra dans le même temps quelques égards pour les Novatiens. Comme on les inquiétoit fur la propriété de leurs temples & de leurs cimetieres t il ordonna qu'on leur laiffat la libre profeffion de ces lieux , fuppofé qu'ils euflent été Iégitimement acquis, & non pas ufurpés fur les Catholiques. Vers la fin de fa vie, il devint plus févete : il publia contre les hérétiques .in édit, dans lequel, a la fuite d'une réhémente ihvective, il leur déclare ju'après les avoir tolérés, comme il 10'it que fa patience ne fert qu'a lonner a la contagion liberté de s'éendre, il eft réfolu de couper le mal lans fa racine : en conféquence , il eur défend de s'affembler, foit dans  du Bas-Empme. Liv. V. 585 les lieux publics, foit dans les maifons des particuliere; il leur öte leurs temples & leurs oratoires, & les donne a 1'Eglife Catholique. On fit la recherche de leurs livres; & comme on en trouva plufieurs qui traitoient de magie & de maléfices, on en arrêta les pofreffeurs, pour les punir felon les ordonnances. Cet édit fit revenir un grand nombre d'hérétiques; le» uns de bonne foi, les autres par hypocrifie. Ceux qui demeurerent obftinés , étant privés de la liberté de s'affembler, & de féduire par leurs inftructions, laifferent peu de fuccef feurs ; & ces plantes malheureufes fe fécherent infenfiblement, & fe perdirent enfin tout-a-fait faute de cul ture & de femence. Les Novatiens, quoiqu'ils fuffent nommés dans Fé< dit furent encore traités avec indulgence ; ils étoient moins éloigné que les autres des fentiments Catho liques, & 1'Empereur aimoit Acef leur Evêque. On laiffa auffi fubfif ter tranquillement ceux des Cataphry ges qui fe renfermoient dans la Phry gie & dans les contrées voifines: c'é toit une efpece de Montaniftes. Le Bb v CONSTANTIIT. Ann. 3 36. 1  ConstantieAnn. 33é LVII. Loi fur Jurifdic tion ép copale. Euf. V l. 4, C. 2 Soi. I. : t. 9. Cod. 7 txtra le} I. & 11 God. TUI. nc 31. fur 586 HlSTOIRE dit ne parle point des Ariens : ils ne formoient pas encore de fecre féparée; & depuis leur rétra&ion fimulée, 1'Empereur, löin de les regarder comme exclus de 1'Eglife, s'efforgoit de les faire rentrer dans fon fein. II s'étoit fait inftruire de la doctrine & des pratiques des diverfes fefles par Stratege, dont il changea le nom en celui de Mufonien. C'étoit un homme né k Antioche, qui fit fortune auprès de Conflantin par fon favoir & par fon éloquence dans les deux langues. II étoit attaché a 1'Arianifme , & parvint fous Conftance a des honneurs , qui mirerit dans un grand jour fes bonnes & fes mauvaifes qualités. Eufebe dit que Conftantin fe fit 'a un devoir de confirmer par fon auf- torité les fentences prononcées dans les Conciles, & qu'il les faifoit exé'7\ cuter par les Gouverneurs des Pro:, vinces. Sozomene ajoute que, par un effet de fon refpecf pour la Religion , ,/ il permit k ceux qui avoient des pro1 cès , de récufer les Juges civils, &c de porter leurs caufes au jugement des " Evêques; qu'il voulut que les fen-  du Bjs-Empire. Liv. V. 587 tetices des Evêques Ment fans appel comme celles de 1'Empereur, & que les Magiftrats leur prêtaffent le fecours du bras féculier. Nous avons a la fuite du Code Théodofien un titre fur la jurifdicfion épifcopale, dont la première loi attribuée k Conftantin & adreffée a Ablave, Préfei du Prétoire, donne aux Evêques un< puiffance fuprême dans les jugements elle ordonné que tout ce qui aura ét< décidé, en quelque matiere que c foit, par le jugement des Evêques foit regardé comme facré, & fortiff irrévocablement fon effet, même pa rapport aux mineurs; que les Pré fets du Prétoire & les autres Magil trats tiennent la main a 1'exécution que fi le demandeur ou le défer deur, foit au commencement de procédure, foit après les délais ej pirés, foit a la derniere audiena foit même quand le Juge a comme cé a prononcer, en appelle a 1'Ev que, la caufe y foit auffi-töt porté malgré 1'oppofition de la partie a verfe; qu'on ne puiffe appelier d'i jugement épifcopal ; que le témc gnage d'un feul Evêque foit recu fa Bb vj C ONSTANTIN. Ann. 336. Conjlantin, » r 9 a a- 1- ïn ft- ns  CoNSTANTIN. Ann. 3;6, LVIII. Loix fur les madames. Cod. Th. L. 9. 73, tit. »6. 588 HlSTOlRB difficulté dans tous les tribunaux, & qu'il fafle taire contradiction. L'authenticité de cette loi fait une grande queftion entre les critiques. II ne m'appartient pas d'entrer dans cette conteftation. Le lecteur jugera peutêtre que ceux qui foutiennent la vérité de la loi font plus d'honneur aux Evêques, & que ceux qui 1'attaquenteomme fauffe & fuppofée, en font plus a Conftantin. Cujas juftifie ici la fageffe de ce Prince par le mérite éminent des Evêques de ce tempsla, & par leur zele pour la juftice. Conftantin vit a la vérité dans 1'Eglife , ce qu'on y a vu dans tous les fiecles, d'éclatantes lumieres Sc de fublimes vertus : mais je doute que Saint Euftathe, Saint Athanafe Sc Marcel d'Ancyre euffent été de 1'avis de Cujas ; du moins auroient-ils excepté des conciliabules fort nombreux. La religion Sc les mceurs fe foutiennent mutuellement. Aufli Conftantin fut-il attentif k conferver la pureté des moeurs, fur-tout par rapport aux mariages. Dans fes ordonnances, il met toujours les adulteres k cöté des homicides Sc des em-  nv Bas-Empirb. Liv. V. 589 poifonneurs. Selon la jurifprudence Romaine, qui avoit fuivi en ce point celle des Athéniens, les femmes qui tenoient cabaret , étoient mifes au rang des femmes publiques; elles n'étoient point fujettes aux peines de Paduitere : Conftantin leur öta cette impunitéinfamante; mais par un refte d'abus, il laiffa ce honteux privilege a leurs fervantes ; & il en apporte une raifon qui n'eft guere conforme a 1'efprit du Chriftianifme : Cejlt dit-il , que la fivêrit'e des jugements riejl pas faite pour des perfonnes que leur baffejfe rend indignes de Vattention dis loix, L'adultere étoit un crime public ; c'eft-a-dire, que toute perfonne étoit recue a en intenter accufation : pour empêcher que la paix des mariages ne fut m al-a-propos troublée, Conftantin öta Paction d'adultere aux étrangers; il la réferva aux maris , aux freres, aux coufins germains ; & pour leur fauver le rifque que couroient les accufateurs, il leur permit de fe défifter de Paccufation intentée, fans encourir la peine des calomniateurs. 11 laiffa aux maris la liberté que fes prédéceffeurs Constantie,Ann, 336. 1° 5 , tit, 27. X. 4, tit. 39.  Constantie.Ann. 336. 590 UlSTOIRE leur avoit accordée, d'accufer leurs femmes fur un fimple foupcon, fans s'expofer a la peine de la calomnie, pourvu que ce fut dans le terme de foixante jours depuis le crime commis ou foupconné. Les divorces étoient fréquents dans 1'ancienne république ; Augufte en avoit diminué la licence; mais la difcipline s'étoit bientöt relachée fur ce point, & les caufes les plus légeres fuffifoient pour rompre le lien conjugal. Conftantin le refferra : il retrancha aux femmes la faculté de faire divorce, a moins qu'elles ne puffent convaincre leurs maris d'homicide, d'empoifonnement, ou d'avoir détruit des fépultures, efpece defacrilege qui femettoit depuis quelque temps a la mode. Dans ces cas, la femme pouvoit reprendre fa dot. Mais fi elle fe féparoit pour toute autre caufe, elle étoit obligée de laiffer a fon mari jufqu'a une aiguille, dit la loi , & condamnée a un banniffement perpétuel. Le mari, de fon cöté, ne pouvoit répudier fa femme & fe remarier a une autre, qu'en cas d'adultere , de poifon , ou d'infame xommerce.: autrement, il étoit forcé  nu Bas-Empire. Liv. V. 591 de lui rendre fa dot entiere , fans ; pouvoir contracfer un autre mariage : s'il fe remarioit , la première / femme étoit en droit de s'emparer & de tous les biens du mari, & de Ia dot même de la feconde époufe. On voit que cette loi, toute rigoureufe qu'elle dut fembler alors , n'étoit pourtant pas encore conforme a celle de 1'Evangile fur Pindiffolubiliié du mariage. Par une autre loi, Conflantin voulut arrêter les mariages contraires a la bienféance publique. II déclara que les peres revêtus de quelque dignité ou de quelque charge honorable, ne pourroient légitimer les enfants venus d'un mariage contracté avec une femme abjecte & indigne de leur alliance : il met en ce rang les fervantes, les affranchies, les comédiennes, les cabaretières, les revendeufes , & les filles de ces fortes de femmes; auffi-bien que les filles de ceux qui faifoient trafic de débauche, ou qui combattoient dans l'amphithéatre. Ilordonna que tous les dons, tous les achats faits en faveur de ces enfants, foit au nom du pere, foit fous des noms empruntés, leur fe- CONSfANTIN. . .nn. 3 36.  CONSTANTIN. Ann. 336. 11X. Autres ioix far 59- H I S T 0 1 3. B roient retirés, pour être rendus aux héritiers légitimes; qu'il en feroit de même des donations ék des achats en faveur de ces époufes: qu'en cas qu'on put foupconner quelque diftraction d'effets ou quelque fidéi-commis, on mettroit a la queftion ces malheureufes enchantereffes; qu'au défaut des parents, s'ils étoient deux mois fans fe préfenter, le fifc s'empareroit des biens; & qu'après une recherche févere , ceux qui feroient convaincus d'avoir détourné quelque partie de 1'héritage, feroient condamnés a reftituer le quadruple. En un mot, il prit toutes les précautions que Ia prudence lui fuggéra pourarrêter le cours de ces libéralités , que Ia loi appelle des largeffès impudiques. II défendit, fous peine de la vie, de faire des eunuques dans toute 1'étendue de 1'Empire, & ordonna que 1'efclave qui auroit éprouvé cette violence , feroit adjugé au fifc, auffi-bien que la maifon oü elle auroit été commife, fuppofé que le maitre de cette maifon en eüt été inftruit. Attentif k toutes les parties de l'adminiflration civile, il ne perdit  na Bas~Empir.e. Liv. V. 593 jamais de vue les intéréts des mineurs, expofés aux fraudes d'un tuteur infidele, ou d'une mere capable de les facrifier a une nouvelle paffion. II voulut que la négligence des tuteurs k payer les droits du fifc, ne fut préjudiciable qu'a eux-mêmes. En quittant Rome, il prit foin de veiller aux approvifionnements de cette grande ville; il ne diminuarien • des diftributions qu'y avoient établies fes prédéceffeurs. Les concuffions palliées fous le prétexte d'achat de la part des Officiers des Provinces, furent punies par la perte, & de la chofe achetée, &c de 1'argent donné pour eet achat. II réprima Pavidité de certains Officiers qui entreprenoient fur les fonctions des autres: il régla 1'ordre de leur promotion, & voulut connoitre , par lui-même, ceux dont la capacité & la probité méritoient les premières places. II arrêta les concuffions des R.eceveurs du fifc, & les ufurpations des Fermiers du domaine. Mais une preuve plus forte que tous les témoignages des Hiftoriens , & de la corruption des Officiers de ce Prince, & de 1'hor- CONSTANTIN. Ann. 336. 1'adminiftration civile. Cod. Th. I. 2, tit. 16. L. 14, tit. 4, 24. L. 8, tit. 9- L. 1 , tit. 7- L. 6 , tit. 37. L. 2 , tit. 25. L. 4 , tit. 4. L. 2 tit, 26. L. 15 , tit. 2. £.13, tit. 4- Cod. Juji. /.II, tit. 61. L. 2, titi 20. L. I , tit. fU L. 3, tit, 27. L. II , tit. 62. L. 1 t tit. 40.  Constantie.Ann. 336, X. 11, tit. 65. l. 3 , tit. 19. i. 3 , tit 13- i. 7, «> 16. 594 Hls t o 1 n. e reur qu'il avoit de leurs rapines, c'eft 1'édit qu'il adreffa de Conftantinople a toutes les Provinces de 1'Empire : il mérite d'être rapporté en entier. L'indignation dont il porte le caractere, fait honneur a ce bon Prince; mais ce ton de colere eft peut-être en même - temps une marqué de la violence qu'il fe faifoit pour menacer, & de la répugnance qu'il fentoit a exécuter fes menaces. Que nos Officiers, dit-il, ceffent donc enfin,qu'ils cejfent d'épuifer nos fujets ; fi eet avis ne fuffit pas, le glaive fera le refte. Qu'on ne profane plus par un infame commerce le fancluaire de la juftice; quon ne faffe plus acheter les audiences, les approches, la vue même du Préfident. Que les oreilles du Juge foient également ouvertes pour les plus pauvres & pour les riches. Que t AudUncier ne faffe plus un trafic de fes fonclions, & que fes fubalternes cejfent de mettre d contribution les plaideurs. Qu'on réprime Paudace des Miniftres inférieurs, qui tirent indiffêremment des grands & des petits , & qu'on arréte favidité infatiable des commis qui délivrent les fentences ; c'eft le devoir du fupérieur, de  jnu Bas-Empire. Liv. V. 595 veiller d empêcher tous ces Officiers de rien exiger des plaideurs. S'ils perfiftent d fe créer eux-mêmes des droits imaginaires, je leur ferai tramher la tête : nous permettons d tous ceux qui auront êprouvê ces vexations d'en infruire le Magijlrat : s'il tarde d'y mettre ordre , nous vous invitons d porter vos plaintes aux Comtes des Provinces, ou au Préfet du Prétoire, s'il efl plus procke; afin que fur le rapport qu'ils nous feront de ces brigandages, nous impofions aux coupables la punition qu'ils méritent. Par un autre édit, ou peutêtre par une autre partie du même édit, ce Prince, fans doute pour intimider les Juges corrompus, & s'épargner la peine de les punir, permet aux habitants des Provinces d'honorer par leurs acclamations les Magiftrats integres & vigilants, quand ils paroiffent en public, & de feplaindre h haute voix de ceux qui fonl malfaifants & injuftes : il promet de fe faire rendre compte de ces divers fuffrages publics par les Gouverneurs & les Préfets du Prétoire, & d'en examiner les motifs. Les pri vileges attachés aux titres honorable! CONSTANT1N. Ann. 336.  cons- Tantin. Ann. 336, 59Ö HlSTOlRE furent fupprimés a l'égard de ceux qui avoient acquis ces titres par intrigue ou par argent, fans avoir les qualités requifes. II affura aux particuliere la poffeffion des biens qu'ils achetoient du fifc, & déclara qu'ils en jouiroient paifiblement, eux & leur poftérité, fans crainte qu'on les retirat jamais de leurs mains. Un trait qui prouve que les plus petits objets n'échappoient pas a Conftantin quand 1'humanité y étoit intéreffée, :'eft qu'il ordonna par une loi, que iansjes différentes répartitions qui fe faifoient des terres du Prince lors les nouvelles adjudications, on eüt foin de mettre enfemble fous un néme fermier les efclaves du donaine qui compofoient une même fanille : Cejl, dit-il, une cruautl de félarer les enfants de leurs peres, les frees de leurs fceurs, & les maris de leurs emmes. II fit auffi plufieurs réglements ur les teflaments ; fur 1'état des enants quand la liberté de leur mere :toit conteftée; fur 1'ordre judiciaie pour empêcher les injuftices & les hicanes, pour éclaircir & abréger es procédures. Les propriétaires des  Du Bas-Empire. Liv. F. 597 fonds par lefquels paffoient des acqueducs , furent chargés de les nettoyer; ils étoient en récompenfe exempts des taxes extraordinaires; mais la terre devoit être confifquée, fi Faqueduc périffoit par leur négligence. La quantité d'édifices que Conftantin élevoit è Conftantinople, & d'Eglifes qu'on batifloit par fon ordre dans toutes les Provinces, demandoit un grand nombre d'architectes : il fe plaint de n'en pas trouver affez, & ordonné a Félix, Préfet du Prétoire d'Italie, d'encourager Fétude de eet art, en y engageant le plus qu'il fera poffible de jeunes Africains de dixhuit ans, qui ayent quelque teinture des belles-lettres. Afin de les y attirer plus aifément, il leur donne exemption de charges perfonnelles pour eux , pour leurs peres & pour leurs meres; & il veut qu'on aflure aux Profeffeurs un honoraire convenable. II eft remarquable qu'il choifit par préférence des Africains, comme les jugeant plus propres a réuffir dans les arts. Par une autre loi adreffée au Préfet du Prétoire des Gaules , il accorde la même exemp- CONSTANTIN. Ann. 336,  Constantie.Ann. 337. IX LesPerfes rompent Ia paix. Euf. 1.4. c 53 . 56 57. Eutr. 1.10, Aur. Vii~l Cir. Alcx p. 286. 598 HlSTOlRE tion aux ouvriers de toute efpece, qui font employés a la conftru&ion ou k la décoration des édifices; afin qu'ils puffent fans diftraction fe perfectionner dans leurs arts, & y inftruire leurs enfants. L'Empereur commencoit la foixante & quatrieme année de fa vie; & malgré fes travaux continuels, malgré les chagrins mortels qu'il avoit effuyés, & la délicateffe de fon tempérament, il devoit k fa frugalité & a 1'éloignement de toute efpece de débauche une fanté qui ne s'étoit jamais démentie. II avoit confervé toutes les graces de fon extérieur; & les approches de la vieilleffe ne lui avoient rien dérobé de fes forces. II montroit encore la même yigueur, & dans tous les exercices militaires, on le voyoit avec la même facilité monter k cheval, marcher a pied, lancer le javelot. II crut avoir befoin d'en faire une nouvelle épreuve contre les Perfes. Sapor, agé de vingt-fept ans, étincelant de courage & de jeuneffe, penfa qu'il étoit temps de mettre en ceuvre les grands préparatifs que la Perfe faifoit depuis quarante ans. II  nu BasEmpire. Liv. F. 599 envoya redemander a Conftantin les cinq Provinces que Narfès vaincu avoit été contraint d'abandonner aux Romains k POccident du Tigre. L'Empereur lui fit dire qu'il alloit en perfonne lui porter fa réponfe; en même-temps il fe prépara a marcher, difant hautement qu'il ne manquoit a fa gloire que de triompher des Perfes. II fit donc affembler fes troupes, & il prit des mefures pour ne pas interrompre fes pratiques de religion, au milieu du tumulte de la guerre. Les Evêques qui fe trouvoient k fa Cour , s'ofFrirent tous avec zele a Paccompagner, & a combattre pour lui par leurs prieres. II accepta ce fecours, fur lequel il comptoit plus encore que fur fes armes, & les inftruifit de la route qu'il devoit fuivrè. II fit préparer un oratoire magnifique, oü il devoit, avec les Evêques, préfenter fes vceux k Parbitre des viêtoires; & fe mettant a la tête de fon armée, il arriva a Nicomédie. Sapor avoit déja paffé le Tigre, & ravageoit la Méfopotamie, lorfqu'ayant appris la marche de Conftantin , foit qu'il fut étonné de fa CONSTANTIN. Ann. 337.  CONSTANTIN. Ann. 337, LXI. Maladie de Conftantin. Euf. vie. I. 4, c. 22, 55. & fcq. Soc. I. 1 , c 39. Theod. I. 1. c. 32. Soi. 1. 2, f. 32. Valef. not. ad Euf. vit. I. 4, c. 61. Concil. Neoccef. Can. t, 12. 6cO HlSTOIRE promptitude, foit qu'il voulut 1'amuier par un traité, il lui envoya des Ambaffadeurs, pour demander la paix avec une foumiffion apparente. II eft incertain fi elle fut accordée; mais les Perfes fe retirerent des terres de 1'Empire, pour n'y rentrer que l'année fuivante fous le regne de Conftance. La fête de Paques , qui tomboit cette année au troifieme d'Avril, trouva Conftantin a Nicomédie. II paffa la nuit de la fête en prieres au milieu des fideles. II avoit toujours honoré ces faints jours par un culte trèsfolemnel; c'étoit fa coutume de faire allumer la nuit de Paques dans la ville oü il fe trouvoit, des flambeaux de cire & des lampes; ce qui rendoit cette nuit auffi briljante que le plus beau jour; & dès le matin , il faifoit diffribuer en fon nom des aumönes abondantes dans tout 1'Empire. Peu de jours avant fa maladie, il prononca dans fon palais un long difcours fur 1'immortalité de 1'ame, & fur 1'état des bons & des méchants dans l'autre vie. Après 1'avoir prononcé, il arrêta un de fes courtifans qu'il foupgonnoit  du Bas-Empihe. Liv. F. 6ci foupconnoit d'incrédulité, & lui demanda fon avis fur ce qu'il venoit d'entendre. II eft prefque inutile d'ajouter, ce que Conftantin auroit bien dü prévoir, que celui-ci, quoi qu'il en penfat, nepargna pas les éloges. L'Eglife des Apötres, qu'il deftinoit a fa fépulture, venoit d'être achevée a Conftantinople; il donna ordre d'en faire la dédicace y fans attendre fon retour, comme s'il eüt prévu fa mort prochaine. En effet, peu après la fête de Paques, il fentit d'abord quelque légere indifpofition ; enfuite étant tombé férieufement malade, il fe fit tranfporter k des fources d'eaux chaudes prés d'Hénople. II n'y trouva aucun foulagement. Etant entré dans cette ville, que la mémoire de fa mere lui faifoit aimer, il refta long-temps en prieres dans 1'Eglife de Saint-Lucien; & fentant que fa fin approchoit, il crut qu'il étoit temps d'avoir recours a un bain plus falutaire, & de laver dans le baptême toutes les taches de fa vie paffée. C'étoit un ufage trop commun, de différer le baptême jufqu'aux approches de la mort. Les Tomt I. Cc CONSTANTIN. Ann. 337.  ConstantieAnn. J37. Lxn. Son baptême.' Euf. 1.4, c. 61. & te- Soc. I. I , t. 39. Theod. I. 1, c. 32. So^. 1.2, c 32, Hier. Chr. Ch. AUx, f. 28.6. Ö02 H 1. S T O I R B Conciles 8c les faints Peres fe font fouvent élevés contre eet abus dangereux. L'Empereur, qui s'étoit expofé au rifque de mourir fans la grace du baptême, alors rempli des fentiments de pénitence , profterné eu terre, demanda pardon a Dieu, confeffa fes fautes, & recut 1'impofition des mains. S'étant fait reporter au voifinage de Nicomédie dans le chateau d'Achy'ron, qui appartenoit aux Empereurs, il fit aflembler les Evêques, & leur tint ce difcours : » Le voici » enfin ce jourheureux, auquel j'af» pirois avec ardeur. Je vais rece» voir le fceau de 1'immortalité. J'a» vois deffein de4aver mes péchés » dans les eaux du Jourdain , que » notre Sauveur a rendues fi falutai» res en daignants'y baigner lni-mê» me. Dieu qui fait mieux que nous » ce qui nous eft avantageux, me s> retient ici; il veut me faire ici cette » faveur. Ne tardons plus. Si le fou» verain arbitre de la vie & de la » mort, juge a propos de me laiffer » vivre, s'il me permet encore de w me joindre aux fideles pour parti-  nu Bjs-Empire. Liv. F. 603 » ciper a leurs prieres dans leurs fain» tes affemblées, je fuis réfolu de » me prefcrire des regies de vie, qui » foient digne d'un enfant de Dieu ". Quand il eut achevé ces paroles y les Evêques lui conférerent le baptême felon les cérémonies de 1'Eglife , & le rendirent participant des faints Myfteres. Le Prince recut ce Sacrement avec joie & reconnoiffance; il fe fentit comme renouvellé & éclairé d'une lumiere divine. On le revêtit d'habits blancs; fon lit fut couvert d'étoffes de même couleur, & dès ce moment, il ne voulut plus toucher a la pourpre. II remercia Dieu a haute voix de lagrace qu'il venoit de recevoir, &c ajouta : C'eft maintenani que je fuis vraiment heureux, vraiment digne d'une vie immortelle. Quel éclat de lumiere luit d mes yeux ! Que je plains ceux qui font privés de ces biens l Comme les principaux Officiers de fes troupes venoient, fondant en larmes, lui témoigner leur douleur de ce qu'il les laiffoit orphelins, & qu'ils prioient Ie Ciel de lui prolonger la vie : Mes amis , leur dit-il, la vie oüjevais entrer ejt la vcritable vie : je connois les Cc ij Co»s- TANT1K. Ann, 337.  CONSTANTIN. Ann. 337 LXUI. Vérité d< vette hiftoire. Athan. 4< Syri. Ambrof. Orat. in fon. Theod, Hier. Chr, Soc. I. 1 c. 26. Theod. I 1, c. 31. S'ot. /. 2 c. 31. TUL not rij. fur Confian™ tin. Cyr'Ul. Ales. 7. 7 contra Juiian» (■ r Jrl 1 S T 0 i R E biens que je viens d'acquérir, & ceux qui niattendent encore. Jemehdte (TalIer a Dieu. C'eft ainfi qu'Eufebe, qui écrivoit fous les yeux même des fils de Conftantin & de tout 1'Empire, deux ou trois ans après eet événement, raconte le baptême de ce Prince , & ce témoignage eft au-deffus de toute exception. II eft confirmé par ceux de Saint Ambroife, de Saint Profper, de Socrate, de Théodoret, de Sozomene, d'Evagre, de Gelafe de Cyzique, de Saint Ifidore & de la Chronique d'Alexandrie. Tant d'autorités ne font contredites que par les faux actes de Saint Sylveftre, 8c par quelques autres pieces de même valeur. Auffi la lepre de Conftantin oc les fables qu'elle amene, le baptême donné dans Rome a ce Prince avant le Concile de Nicée par le Pape Sylveftre , fa guérifon miraculeufe , ne trouvent plus de croyance que dans 1'efprit de ceux qui s'obftinent a défendre la donation de Conflantin, pour le foutien de laquelle ce Roman a été inventé. II ne 1'étoit pas •encore , lorfque, peu d'années après  Hu Bas-Empire. Liv. F. 605 la mort de ce Prince, Julien, d'un cöté, infultoit les Chrétiens, en leur difant que leur baptême ne guériffoit pas de la lepre, & que de l'autre, Saint Cyrille, occupé a le confondre , ne difoit pas en fi belle occafion un feul mot ni de la lepre, ni de la guérifon de Conftantin. Ce grand Prince, régénéré pour le Ciel, ne fongea plus aux chofes de la terre, qu'autant qu'il falloit pour \ laiffer fes enfants &c fes fujets heureux. II légua k Rome & a Conftanti- ' nople des fommes confidérables pour \ faire en fon nom des largeffes annuel- 1 les. II fit un teftament par lecjuel il confirma le partage qu'il avoit fait en- / tre fes enfants 8c fes neveux, 8c le mit entre les mains de ce Prêtre hy- ' pocrite, qui avoit procuré le rappel \ d'Arius ; il lui fit promettre avec ferment qu'il ne le remettroit qua fon \ fils Conftance. II voulut que fes fol- 3 dats juraffent qu'ils n'enf reprendroient rien contre fes enfants ni contre 1'E- f glife. Malgré Eufebe de Nicomédie, 1 qui, toujours déguifé, ne 1'abandonnoit pas fans doute dans ces derniers moments, il fe délivra du fcrupule Cc iij Constantie,ion. 537. LXtV. Mort ;\e -onftmin. Lib. Ba.fi. \e. Uh, Ar of. r6>ad Sa't. Tltod. l ■ C.2Z, & , % t C. 2. Sor.i.3, . 2. lila Mart. . 667. Philoft, !. » »7. 'cdren. p. 97. Zon.t. H, . 10. TUI. art. 8. Rufin. I. , (.11.  CONSTANTIN. Ann. 337. LXV. Deuil a fa mort. 606 II I S T 0 I R B que lui caufoit 1'exil d'Athanafe , Se ordonna qu'il fut renvoyé a Alexandrie. Ce faint Prélat, incapable de reffentiment & plein de refpeft pour la mémoire de ce Prince, quelque fujet qu'il eüt de s'en plaindre, voulut bien 1'excufer dans la fuite, Sc fe perfuada que Conftantin ne l'avoit pas proprement exilé; mais que pour le fauver des mains de fes ennemis, il l'avoit mis comme en dépot en celles de fon fils aïné qui le chériffoit. Quelques Auteurs ont prétendu que Conftantin avoit été empoifonné par fes freres, & qu'en étant inftruit, il avoit recommandé a fes enfants de venger. fa mort. C'eft un menfonge inventé par les Ariens, pour juftifier , aux dépens de ce Prince, leur protecteur Conftance qui fit périr fes oncles. Conftantin mourut le vingt-deuxieme de Mai, jour de la Pentecöte, k midi, fous le Confulat de Félicien & de Titien; ayant régné trente ans, neuf mois, vingt-fept jours, & vécu foixante-trois ans, deux mois & vingt-cinq jours. Dès qu'il eut rendu le dernier foupir, fes gardes donnerent des mar-.  du Bas-Empirb. Liv. V. 607 ques de la plus vive douleur : ils déchiroient leurs habits , fe jettoient k terre, & fe frappoient la tête. Au milieu de leurs fanglots & de leurs cris lamentables, ils 1'appelloient leur maïtre, leur Empereur, leur pere. Les Tribuns, les Centurions, les foldats fi fouvent témoins de fa valeur dans les batailles, fembloient vouloir encore le fuivre au tombeau. Cette perte leur étoit plus fenfible que la plus fanglante défaite. Les habitants de Nicomédie couroient tous confufément par les rues, mêlant leuré gémiffements & leurs larmes. C'étoit un deuil particulier pour chaque familie; &5 chacun pleurant fon Prince, pleuroit fon propre malheur. Son corps fut porté k Conftantinople dans un cercueil d'or couvert de pourpre. Les foldats, dans un morne filence, précédoient le corps, ÖC marchoient a la fuite. On le dépofa orné de la pourpre & du diadême dans le principal appartement du palais, fur une eftrade élevée, au milieu d'un grand nombre de flambeaux portés par des chandeliers d'or. Ses gardes 1'environnoient jour Sc nuit. Les GéC c iv Constantie.Ann. 137. Euf. I. 4, C. 65. LXVI. Ses funétailles.Euf. I. 4, e. 66,67.  CONSÏANTIN. Ann. 337, LXVII. Fidélité Aes Légions. Euf. Vit. /.4,f.6S. Ó08 Histoire néraux, les Comtes & les grands Officiers venoient chaque jour, comme s'il eüt été encore vivant, lui rendre leurs devoirs aux heures marquées, & le faluoient en fléchiffant le genou. Les Sénateurs & les Magiftrats entroient enfuite a leur tour, tk après eux une foule de peuple de tout age & de tout fexe. Les Officiers de fa maifon fe rendoient auprès de lui comme pour leur fervice ordinaire. Ces lugubres cérémonies durerent jufqu'a 1'arrivée de Conftance. Les Tribuns ayant choifi entre les foldats ceux qui avoient été les plus chéris de 1'Empereur, les dépêcherent aux trois Céfars, pour leur porter cette trifte nouvelle. Les légions répandues dans les diverfes parties de 1'Empire, n'eurent pas plutöt appris la mort de leur Prince, qu'animées encore de fon efprit, elles réfolurent, comme de concert, de ne reconnoitre pour maitres que fes enfants. Peu de temps après, elles les proclamerent Auguftes, & fe communiquerent mutuellement par des couriers eet accord unanime. Cependant Conftance , moins éloi-  nu Bas-Empire. Liv. V. 609 gné que les deux autres Céfars, arriva a Conftantinople. II fit tranfporter le corps de fon pere a 1'Eglife des Apötres. II conduifoit lui-même le convoi : a fa fuite marchoit 1'armée en bon ordre ; les gardes entouroient le cercueil, fuivi d'un peuple innombrable. Quand on fut arrivé a 1'Eglife, Conftance, qui n'étoit encore que catéchumene, fe retira avec les foldats , & on célébra les faints Myfteres. Le corps fut dépofé dans un tombeau de porphyre qui n'étoit pas dans 1'Eglife même, mais dans le veftibule. Saint Jean Chryfoftome dit que Conf tance crut faire un honneur diftingut a fon pere en le plagant a 1'entrée di palais des Apötres. Vingt ans après comme on fut obligé de rétablir ce édifice qui tomboit déja en ruine on fit transférer le corps dans 1'Eglif de Saint-Acace; mais on le rapport enfuite dans celle des Apötres. Gilles favant voyageur du feizieme fiecle dit qu'on lui montra k Cohftantino ple, prés du lieu oü avoit été cett Eglife , un tombeau de porphyre vuide & découvert, long de dix pied & haut de cinq & demi , que le Ccojstan fik. Ann. 337. LXVUI. Inhumation de Conftantin. Euf. vit. I. 4* c- 7° > 71- So{. I. ï , c. 3i. Sul. Scv. I. 2. Joan. Chryfoft. in ï. ad Corinth. hvm. 26. Ctdnn. p. 296. 1 Hift. Ufc. t /. 11. Gyll. To' pog. Conf■ tantinop. I. i 4. c. 2. s j> 2 » S S  COKSTANTIN. Ann. 337, LXIX. Deuil s Rome. Euf. vit. I 4, c 69, & 73, AurtLViB, Jul, or. 1. Eunjp. in Proxr. Grut. '-ixxvm. I, 6tO HlSTOIRE Turcs difoient être celui de Conftantin. Tout 1'Empire pleura ce grand Prince. Ses conquêtes, fes loix, les fuperbes édifices dont il avoit décoré toutes les Provinces , Conftantinople ellemême qui toute entiere étoit un magnifique monument érigé a fa gloire, lui avoient attiré 1'admiration : fes libéralités & fon amour pour fes peuples lui avoient acquis leur tendreffe. II aimoit la ville de Rheims ; & c'eft a lui fans doute plutöt qu'a fon fils, qu'on doit attribuer d'y avoir fait conftruire des Thermes a fes dépens : 1'éloge pompeux que porte 1'infcription de ces Thermes ne peut convenir qu'au pere. II avoit décharge Tripoli en Afrique & Nicée en Bithynie de certaines contributions onéreufes, auxquelles les Empereurs précédents avoient affujetti ces villes depuis plus d'un fiecle. II avoit accepté le titre de Stratege ou de Préteur d'Athenes, dignité devenue depuis Gallien fupérieure a celle d'Archonte : il y faifoit diftribuer tous les ans une grande quantité de bied; & cette largeffe étoit établie a perpétuité. Rome  du Bas-Empire. Liv. V. 6n fe fignala entre les autres villes par 1'excès de fa douleur. Elle fe reprochoit d'avoir caufé a ce bon Prince des déplaifirs amers, & de 1'avoir force a préférer Byzance : pénétrée de regret, elle fe faifoit a elle-même un crime de1'élévation de fa nouvelle rivale. On ferma les bains & les marches ; on défendit les fpeftacles & tous les divertiffements publics. On ne s'entretenoit que de la perte qu'on avoit faite. Le peuple déclaroit hautement qu'il ne vouloit avoir pour Empereurs que les enfants de Conftantin. II demandoit a grands cris qu'on lui envoyat le corps de fon Empereur, & la douleur augmenta quand on fut qu'il reftoit a Conftantinople. On rendoit honneur a fes images, dans lefquelles on le repréfentoit affis dans le ciel. L'idolatrie, toujours bifarre, le placa au nombre de ces mêmes Dieux qu'il avoit abattus; & par un mélange ridicule, plufieurs de fes médailles portent le titre de Dieu avec le monogramme de Chrift. Les cabinets des antiquaires en confervent d'autres telles que les décrit Eufebe: on y voit Conftantin affis dans un CONSTANTIN. Ann. 337»  Constantie.Ann. 337. LXX. Honneurs rendus a fa mémoire par 1'Eglife. . Bolland, 21 Mali. TUI. art. 7«. TA«o tre fur celles dont il combla 1'Eglife. Outre fes trois fils, il laiffa deux filles ; Conftantine , mariée d'abord a Hannibalien, Roi de Pont, enfuite a Gallus; & Hélene qui fut femme de Julien. Quelques Auteurs en ajoutent une troifieme qu'ils nomment Conftantie : ils difent qu'ayant fait . batir a Rome 1'Eglife & le Monaftere de Sainte-Agnès, elle s'y renferma après avoir fait vceu de virginite. Cette opinion ne porte fur aucun fondement folidé.