ou Bas-Empire. Liv. IX. 373 ple juge fouverain des Rois & des Empires; le temple de Jupiter Capitolin, le plus fuperbe féjour de 1'ido- , latrie; ces Thermes qui fembloient autant de vaftes palais; Pamphithéatre de Vefpafien d'une élévation furprenante, & dont la folidité promettoit encore un grand nombre de fiecles; le Panthéon; les colonnes qui portoient les ftatues coloiTale de fes prédéceffeurs ; le théatre de Pompée, POdeum, le grand Cirque, & les autres monuments de cette ville qu'on appelloit la ville éternelle. Mais quand on Peut conduit k la place de Trajan, & qu'il fe vit environné de tout ce que Parchitecture avoit pu imaginer de plus noble & de plus fublime, ce fut alors que confondu & comme anéanti au milieu de tant de grandeur, il avoua qu'il ne pouvoit fe flatter de faire jamais rien de pareil: Mais je pourrois bien, ajouta-t-il, faire txecuter une jlatue équefire femblable a Celle de Trajan, & j'ai deffein de le tenter. Sur quoi Hormifdas qui fe trouvoit a fes cötés, lui dit: Prince, pour loger un cheval tel que celui-la , fonge^ auparavant d lui batir une auffi belle Coks- tance. Lnn. 357.  CONSTANCE. Ann. 357. XXVII. Obéhfque. Amm. I. J7 , c. 4. Baronius. Grut. ixxxrz. 1 1 ] J C I c t V d n A ü c 374 // / J T 0 I H X kurk. Comme on demandoit au même Hormifdas ce qu'il penfoit de Rome : II ny a, dit-il, quune cliofe qui men déplaife; c'eft que /ai oui dire qu'on y meurt comme dans le moindre vil* lage. Confiance, frappé de tant de meryeilles, accufoit la renommée d'injuftice & de jaloufie a 1'égard de Rome, dontj difoit-il, elle diminuoit les beautés, tandis qu'elle fe plait a exagérer tout le refte. II voulut payer a cette ville le plaifir qu'elle lui avoit 3rocuré, & y-ajouter quelque nou^el ornement. Augufte y avoit fait ranfporter d'Héliopolis, ville de la >affe Egypte, deux obélifques, dont 'un avoit été placé dans le grand cir[ue, 1'autre dans le champ de Mars,, 1 en étoit refté un troifieme plus rand que les deux autres : il avoit e hauteur cent trente-deux pieds, : étoit chargé de cara&ereshiéroglyhiques qui contenoient des éloges e Rameffès. Les flatteurs , pour doner è Conftance quelque avantage fur ugufte, lui periuadoient que la difculté du tranfport avoit empêché : Prince de 1'entreprendre. Mais er»  nu Uas-Empire. Liv. IX. 375 effet, c'étoit par un fentiment de religion qu'Augufte avoit laiffé cet obélifque dans le temple du Soleil, auquel il étoit confacré. Conftantin, qui n'étoit pas retenu par le même fcrupule , avoit donné ordre de 1'enlever : il le deftinoit a 1'embelliffement de fa nouvelle ville. On le tranfporta par le Nil k Alexandrie, oü il refta couché fur terre en attendant qu'on eut conftruit un vaiffeau propre a porter une maffe fi prodigieufe. Ce vaiffeau devoit être monté de trois cents rameurs. Conftantin étant mort avant que ce deffein fut exécuté, Conftance changea la deftination de Pobélifque, & le fit venir k Rome par mer & par le Tibre. On ne put le faire remonter que jufqu'a trois milles de la ville. De-lïi il fallut le conduire fur des traineaux jufqu'au milieu du grand cirque , oü 1'on vint a bout de le dreffer k force de machines. On placa fur la pointe une boule de bronze doré;& lorfqu'elle eut été peu après abattue d'un coup de foudre, on mit k la place des flammes de même métail. C'eft le même obélifque que Sixte V a fait CONSTANCB. A.nn. 357.  CONSTANCE. Ann. 357. XXVIII. Conduite de Conftance a Rome. Amm. I. ï6, e. 10. Them. or. 3 , 4- Symm. I. 10, ep. 54. Idacc, 37Ö H/STOIRB rétablir & dreffer dans la place de Saint-Jean de Latran. La fplendeur de Rome infpira k Conftance des égards pour les habitants. Avant fon entrée, il avoit fait enlever de la falie du Sénat Pantel de Ia Vi&oire, que Magnence avoit permis d'y replacer. Mais il ne porta aucune atteinte aux privileges des Veftales, qui fubfifterent jufques vers la fin du regne de Théodofe le Grand. II conféra les facerdoces aux Payens diftingués par leur naiffance : il ne retrancha rien des fonds deftinés aux fraix des facrifices. Précédé du Sénat qui triomphoit de joie, il parcourut toutes les rues de Rome, vifitatousles temples, lut les infcriptions gravées en Phonneur des dieux; fe fit raconter 1'origine de ces édifices, & donna des louanges aux fondateurs. 11 en fit affez pour plaire aux Payens; fnais il en fit trop au gré de la Religion Chrétienne : cette vaine comalaifance s'écartoit du plan de Conf:antin. Dans les courfes de chevaux qu'il donna plufieurs fois, loin de i'ofFenfer de la liberté du peuple , jui dans ces occafions s'émancipoit  su Bas-Empire. Liv. IX. 377 fouvent jufqu'a plaifanter aux dépens ' de fes maitres , il parut lui-même s'en divertir. II ne gêna point le fpec- , tacle , comme c'étoit fa coutume dans les autres villes , en le faifant ceffer a fon gré; il ne voulut influer en rien fur la décifion de la vicvtoire. II finiffoit la vingtieme année de fon regne, & approchoit de Ia trente-cinquieme depuis qu'il avoit été créé Céfar : ce fut pour folemnifer Tune ou 1'autre de ces deux époques, qu'il fit, felon 1'ufage, célébrer des jeux dans tout 1'Empire. Plufieurs villes lui envoyerent des couronnes d'or d'un grand poids. Conftantinople lui rendit cet hommage par une députation de fes principaux Sénateurs, du nombre defquels devoit être Thémiftius , dont 1 eloquence étoit célebre. L'Empereur, pour honorer fes talents, lui avoit donné une place dans leSénat.Thémiftius n'ayant pu venir a Rome a caufe d'une indifpofition , envoya a l'Empereur le difcours qu'il avoit compote. Conftance Pen récompenfa en lui faifant ériger a Conftantinople une ftatue d'airain j & POrateur,pour ne pas de- CONSTAKCE. Lnn. 357;  CONSTANCE. Ann. 357 XXIX. Méchanceté d'Eu. fébie. Amm. I, 16, c, io. XXX. Mouvewients des Barbares. 3?S IJ I S T O 1 RE ■ meurer en refle, prononga encore dans le Sénat dont il étoit membre, . un autre difcours, oü il n'oubüa pas de prodiguer les éloges qu'on n'épargne guere aux Princes les plus mediocres, Iorfque la vanité de l'Orateur s'évertue k difputer contre la ftérilité de fa matiere. Dans le féjour de Rome, Eufébie fit une aüion exécrable, & capable de ternir encore plus de belles qualités qu'elle n en poffédoit. Elle étoit ftérile & jaloufe jufqu'a la fureur, d'Hélene, femme de Julien. Dès 1'anriée précédente , Hélene étoit accouchée en Gaule d'un enfant male. Mais la fage-femme, corrompue par argent, avoit fait périr 1'enfantau moment de fa nailTance. L'Impératrice ayant, fous une fauffe apparence de tendrefTe , engagé fa belle-fceur k I'accompagner k Rome, lui fit avaler un breuvage meurtrier, propre k fervir fa criminelle jaloufie, & k tarir dans les flancs d'Hélene la fource de fa fécondité. } L'Empereur auroit fort defiré de s'arrêter plus long-temps dans une vüle, oü la majefté Romaine ref-  bu Bas-Empirb. Liv. IX. 379 piroit encore , du moins dans les édifices. Mais le bruit des incurfions des barbares 1'obligeoit de fe rapprocher des frontieres. Les Sueves couroient la Rhétie ; les Quades la Valérie; les Sarmates, exercés au brigandage,ravageoient la Méfie fupérieure &c la feconde Pannonie. En Oriënt ,les Perfes envoyoient fans ceffe des partis, qui voltigeant ca & la, enlevoient les hommes & les troupeaux. Les garnifons Romaines étoient continuellement alertes, foit pour empêcher leurs pillages, foit pour leur enlever le butin. Mufonien , Préfet du Prétoire, de concert avec Caffien, Duc de la Méfopotamie, homme de fervice & d'expérience , entretenoit des efpions qui lui donnoient avis de tous les projets des ennemis. II apprit par leur moyen que Sapor étoit engagé dans une guerre difficile & fanglante contre les Chionites, les Eufenes & les Gelanes, peuples barbares voifins de fes Etats. II crut la conjonfture favorable pour déterminer ce Prince a traiter avec l'Empereur. Dans cette penfée, il envoye a Tamfapor, Général des Perfes cantonnés fur la frentie- COKSTANCE. Ann. 357. Amm. I. 16 , c. 9 , 10 , &■ L 17 , f. }.  CONSTAi.CE. Ann. 357. XXXI. Les Dames Roinainesdemandent le retour de Libere. Theod. I. a, c. 17. 5o{. 1.4, c. 10. Cod. Th. I. 16 , tit. 2, leg. 13,14. TdlArian. a'if 67. 380 ƒ/ 7 S T O I R E re, des Officiers déguifés, qui, dans des entrevues fecretes, lui perfuaderent d'écrire a fon maïtre, & de le porter a la paix. Tamfapor fe chargea de la propofition. Mais comme Sapor étoit occupé a 1'autre extrémité de la Perfe, fa réponfe ne vint que Pannée fuivante. Ces diverfes allarmes contraignirent Conftance de quitter Rome le 29 de Mai, trente & un jours après fon arrivée. II fut témoin de Pattachement des Romains pour le Pape Libere , & de leur averfion pour Félix. On regardoit celui-ci comme un intrus: on difputoit a fon Clergé tous les privileges eccléfiaftiques; & fur la fin de Pannée, l'Empereur. fut obligé de les confirmer par deux loix, dont 1'une eft adreffée a Félix. Avant fon départ de Rome, il regut a ce fujet une députation tout-a-fait extraordinaire. Les femmes des Magiftrats & des citoyens les plus diflingués, ayant concerté enfemble, prefferent leurs maris de fe réunir pour demander k l'Empereur le retour de Libere; elles les menacoient de les abandonner , s'ils ne 1'obtenoient, & d'allertrou-  nu Bas-Empire. Lh. IX. 3S1 ver leur Evêque dans fon exil. Les maris s'en excuferent fur la crainte d'ofFenfer l'Empereur, quiregarderoit cette démarche comme Feffet d'une cabale féditieufe : Charge^-vous vousmêmes de cette requête, leur dirent-ils ; s'il vous refufe, du moins ne vous en arrivera-t'il aucun mal. Elles fuivirent ce confeil; & s'étant parées de leurs plus beaux habits, elles vont fe jetter aux pieds de l'Empereur, & le fupplient d'avoir pitié de Rome privée de fon Pafteur, & livrée a des loups raviffants. Conftance leur ayant répondu qu'elles avoient un vrai Pafteur dans la perfonne de Félix, elles jettent de grands cris, & ne témoignent que de 1'horreur pour ce fameux Prélat. Le Prince promet de les fatisfaire; il expédie auffi-töt des lettres de rappe! en faveur de Libere, a condition qu'i gouvernera 1'Eglife de Rome con jointement avec Félix ; & pour cal mer le peuple , on fait dans le cirqui la letture de ces lettres. Le peupli s'en moque ; il s'écrie que rien n'el mieux imaginé; qu'apparemment com me il y a dans le cirque deux fac tions diftinguées par les couleurs, o CONSTANCE. Ann. 357. t ' 1'  CONSTANCE. Ann. 357. XXXII. Affaires de 1'Eglife. Ath. ad Solit. 6 Apol. 2. & epifi. ad epiji. c. 6. Hilar de Synod. & in Confl. Hieron. de fcript. Ectlef. c. 97. Phxhad. contra Arian. Ruf. I. 1 , t. 27. St. AuS. I. j contra Parmen. c. 4,5ï!Sulp. Sev. I. 2. Soc. I. 2 , «. 3°, 3 *• ?82 H/STOIRB veut qu'elles ayent chacune leur Evêque. Enfin, toutes les voix fe réuniffent pourcrier : Un Dieu, un Ckriji, un Evêque. Conftance , confus de ces clameurs, tint confeil avec les Prélats qui fuivoient la Cour , & confentit a rétablir Libere , pourvu qu'il voulüt fe réunir de fentiment avec eux. L'Empereur retourna a Milan; d'oü étant allé en Illyrie vers le milieu de Juillet , il refta trois ou quatre mois dans cette Province, afin d'obferver de plus prés les mouvements des barbares. Mais il s'occupoit bien davantage des affaires de 1'Eglife. Les Ariens étoient dans une agitation perpétuelle. Semblables , dit Saint Athanafe , a des gens inquiets qui changent fans ceffe leur teftament, a peine avoient-ils tracé une formule, qu'ils en compofoient une nouvelle. Quelquel-uns d'entre eux s'étant affemblés a Sirmium fur la fin de Juillet, y drefferent un formulaire impie, qu'on appella le blafphême de Sirmium. L'auteur fut Potame , Evêque de Lisbonne, d'abord Catholique , enfuite attiré au parti des Ariens par une libéralité de l'Empereur, Ct Prin-  du Bas-Empi&e. Liv. IX. 383 ce lui fit préfent d'une terre du domaine qu'il fouhaitoit avec pariion, mais dont il ne jouit jamais, ayant été frappé d'une plaie mortelle, comme il alloit s'en mettre en poffeffion. Ofius, ce héros de la foi, qui, jufqu'a lage de plus de cent ans, avoit triomphé des plus rudes perfécutions, retenu depuis un ank Sirmium, outragé dans la perfonne de fes parents que l'Empereur accabloit d'injuftice, maltraité lui-même, & meurtri de coups malgré fon garand age, fuccomba enfin; & fa chute fut pour toute 1'Eglife un fujet de deuil. II figna la nouvelle confeflion Arienne, & commüniqua avec Urface tk Valens. II avoit mille fois expofé fa vie; mais, dit Saint Hilaire , il aima trop fon fépulcre, c'eft-a-dire, fon corps catté de vieilleffe. On ne put pourtant le forcer a foufcrire k la condamnation d'Athanafe; & peu de temps après, étant de retour a Cordoue, comme il fe fentoit prés de mourir, il protefta contre la violence qu'on lui avoit faite, & anathématifa les Ariens. II mourut après foixante-deux ou foixante-trois ans d'épifcopat. Une autre CONSTAKCE. Ann. 357. So^. 1. 4 % c 5 , 14. Philoft. I. 4, c. 3. Petronius ad Brit. reg. Petav. ad Epiph, p, 316. Baronius* Hermant , vie de St» Ath. /. 8 , c«2» ? ■> 4 > J. Éclair- TM. Aricn. art. ÓS, 69 & Ofius, art. <). Fieury , l. 13 > C 46. Vita Athan. in cdit. Beni* diü.  du Bas-Empire. Liv. IX. 391 trouverent plufieurs bateaux, a Paide defquels ils pafTerent dans les autres ifles. Enfin, laffe de carnage & chargé de butin, ils re vinrent fans avoir perdu un feul homme. Ceux des ennemis qui purent fe fauver de ce maffacre, fe retirerent fur la nve oppofée. Les Allemands avoient détruit Saverne, place importante, qui fervoit de ce cöté-la de boulevard k la Gaule. Julien le rétablit en peu de temps, y mit garnifon , & la pourvut de vi vres pour un an. C'étoient des bied; que les barbares avoient femés, & que les foldats de Julien moiffonne rent 1'épée a la main. II en refta d< quoi nourrir 1'armée pendant ving jours. La malice de Barbation n'a voit laiffé que cette reffource. D'ui convoi confidérable qu'on amenoit ai camp quelques jours auparavant, i en avoit enlevé une partie & br£ lé le refte. Les ennemis prirent euj même le foin de punir ce méchan homme. II venoit d'établir un por de bateaux, & il fe préparoit a paffage. Les Allemands étant remori tés au-deffus, jettent dans le fleuv R iv CONSTANCE. Ann. 357- XXXVI. Mauvais fuccès de Barbation Amm. ibid. hïban.ïbïd. JuUadAtU t l l t t t  nu Bas-Empire. IJv. IX. 393 prochent des bords du Rhin du cöté de Strasbourg. Un foldat de la garde, qui, pour éviter la punition d'un crime , avoit paffé dans leur camp, redoubloit leur confiance en leur afliirant, comme il étoit vrai, que Julien n'avoit avec lui que treize mille hommes." Comptant fur une viöoire certaine ,ils envoyent fiérement lignifier au Céfar, qu'il ait a fe retirer d'un pays conquis par leur valeur. Libanius rapporte que les députés préfenterent a Julien les lettres par lefquelles Conftance avoit appellé les Allemands en Gaule du temps de Maxence, en leur abandonnant la propriété des terres dont ils pourroient fe rendre maïtres : Si vous rejette{ ces titres de poffejjion, ajouterent-ils, nous avons affei de force & de courage pow une feconde conquête; prépare{-vous^ d combattre. Julien, fans s'émouvoir, retint dans fon camp ces envoyés. fous prétexte qu'ils n'étoient qu« des efpions, & que le chef des ennemis ne pouvoit être affez hardi poui les faire porteurs de paroles fi info lentes. Ce chef étoit Chnodomaire a qui les autres Rois avoient défcr R v CONSTANCE. Ann. 357. 9  TAÏTCE. Ann. 5 J7 sxxvin Julien marche a ?eur rencontre. S94 H i s t o i r e le principal cornmandement. Fier de fes vi&oires fur Décence, de la ruine . de plufieurs grandes villes , & des richeffes de la Gaule qu'il avoit longtemps pillée en liberté, il fe croyoit invincible ; & les entreprifes les plus hafardeufes ne 1'étonnoient pas. Son orgneil fe communiquoit aux autres Rois: ce n'étoit dans leur camp que menaces & que bravades; & les foldats voyant entre les mains de leurs camarades les boucliers de Farmée de Barbation , regardoient déja les troupes de Julien comme des captifs qui leur appcrtoient leurs dépouilles. L'armée des Allemands croiffoit tous les jours. Ils avoient appellé k cette bataille tous leurs compatriotes qui étoienr en état de porter les armes. Les fnjets de Gundomade & de Vadomaire , a qui Confiance venoir d'accorder la paix, maflacrerent le premier de ces deux Princes qui vouloit lesretenir,& ferendirent au camp malgré Vadomaire. Ils employerent trois jours & trois nuits k paffer le fleuve. Julien, qui étoit bien-aife de les attirer en-degè du Rhin, ayant appris qu'ils étoient affemblés dans  du Bas-Empire. Lm. IX. 395 Ja plaine de Strasbourg , part de Saverne avant le jour, & fait marcher fon armée en ordre de bataille, les fantalTms au centre , fur les ailes les cavaliers, entre lefquels étoient les gens d'armes tout couverts de fer, & les archers a cheval, troupe redoutable par fa force & par fon adreffe. II fe mit a la tête de Paile droite, oü il avoit placé fes meilleurs corps. Après une marche de fept lieues, ils arriverent fur le midi a la vue des ennemis. Julien, ne jugeant pas è propos d'expofer une armée fatiguée, rappella fes coureurs,& ayant fait faire halte , il paria ainfi a fes foldats: » Camarades, je fuis bien afTuré » qu'aucun de vous ne me foupconne »> de craindre Pennemi, & je compte » auffi fur votre bravoure. Mais plus » jel'eftime, plusjedoisleménager, » & prendre les moyens les plus für< » pour ne pas acheter trop cher ut » fuccès qui vous eft dü. De bon: » foldats font fiers & opiniatres con »> tre les ennemis; modeftes & doel » les a Pégard de leur Général. Ce » pendant je ne veux rien décider ic R vj CONSTANCË. Ann. J57» XXXIX. Difcours de Julien a fes troupes» i  CONSTANCE, Ann, 357, i j • j i y n XL. Ardeur e its MQU- ~ b 396 H I s t o I r e » fans votre confentement. Le jour » eft avancé, & la lune qui eft en déV » cours fe refuferoit è notre victoirê. » Harraffe d'une longue marche, vous » allez trouver un terrein raboteux » &fourre, des fables brulants & fans " CÜ",xT.nACnnen,i reP°fé & rafrai» chi. Neft-il pas k craindre que » lafaim, la foif, lafatigue ne nous » ayent fait perdre une partie de » notre vigueur ? La prudence fait » prevenir les difficultés, & ]es dan» gers difparoiffent, quand onécou» te la divmité qui s'explfque par » les bons confeils. Celui que je vous * donne , c'eft de nous retrancher * ici, de nous repofer k 1'abri des * gardes avancées quej'aurai fob de * placer^ & après avoir réparé nos ' forces par la nourriture & par le } fommeil, nous marcherons aux en> 1 nemis k la pointe du jour fous fes ■ aufpices de la Providence & de vatte valeur". II n'avoit pas encore ceffé deparW ue fes foldats 1'interrompirenV Fréuflant de colere, & frappant leus ouchersavecleurspiques, ils demaa'at a £rands cris qu'on les mene 4  du Bas-Empjre. Liv. IX. 397 rennemi. Ils comptent fur la protection du Ciel, fur eux-mêmes, fur la capacité & la fortune de leur Général. Ne confidérant pas la diverfité des circonftances, ils fe croyent en droit de méprifer un ennemi qui , 1'année précédente , n'a ofé dans fon propre pays fe montrer a l'Empereur. Les Officiers ne marquoient pas moins d'impatience. Florence penfoit que, malgre Ie péril, il étoit de la prudence de combattre fans délai : Si les barbares viennent a fe retirer pendant la nuit , qui pourra , difoit-il, réjifler d une jeuneffe bouillante & fèdititufe, que le dêfefpoir eTavoir manqué une vicloire qu'elle regarde comme infaillible , portera aux derniers excès ? Dans Faccès de cette ardeur générale , une enfeigne s'écrie : Marche, heureux Céfar, ou te guide ton bonheur. Nous voyons enfin d notre tête la valeur & la fcience militaire. Tu vas voir aufji ce qu'un foldat Romain trouve de force fous les yeux dun chef guerrier , qui fait faire de grandes aclions , & en produire par fes regards. Julien marche aufli-töt; & toute 1'armée s'avance vers un cöteau cou- CONSTANCE. Ann, 357. XLT. Ordre des Barbares.  CONSTANCE. Ann. 35 7. 39?) Histoirb vert de moiffons, qui n'étoit pas éloigné des bords du Rhin. A fon approche, trois coureurs ennemis, qui étoient venus jufque-la pour la reconnoïtre , s'enfuyent a toute bride, 8c vont porter 1'allarme a leur camp. On en atteignit un quatrieme qui fuyoit a pied, 8c dont on tira des inftru&ions. Les deux armées firent halte en préfence Pune de 1'autre. Les barbares, informés par des tranffuges de 1'ordre de bataille de Julien , avoient porté fur leur aile gauche leurs principales forces. Mais comme ils fentoient la fupériorité des gens d'armes Romains, ils avoient jetté entre leurs efcadrons des pelotons de fantafïins légérement armés, qui devoient pendant le combat fe gliffer fous le ventre des chevaux, les percer, 8c abattre les cavaliers. Ils fortifierent leur aïle droite d'un corps d'infanterie qu'ils pofterent dans un marais entre des rofeaux. A la tête de 1'armée paroifToient Chnodomaire & Sérapion, diftingués entre les autres Rois. Chnodomaire , auteur de cette guerre, commandoit Paile gauche, compofée des corps les plus  du Bas-Empire. Liv. IX. spo renommés, & oü fe clevoient faire les plus grands efforts. Ce Prince étoit d'une taille avantageufe ; il avoit été brave foldat avant que d'être habile Capitaine : il montoit un puiffantcheval; 1'éclat de fes armes, le cimier de fon cafque furmonté de flammes, ajoutoient a fon air terrible. L'aile droite étoit conduite par fon neveu Sérapion , fils de Méderic , qui avoit été toute fa vie implacable ennemi des Romains, avec lefquels il n'avoit jamais obfervé aucun traité. Sérapion étoit encore dans la première fleur de fa jeunefle; mais il égaloit en intrépidité le plus vieux guerrier. On 1'appelloit d'abord Agénaric; fon pere avoit changé fon nom en 1'honneur de Sérapis, dont il avoit appris les myfteres dans la Gaule, oü il étoit reflé long-temps en qualité d'ötage. A la fuite de ces deux chefs marchoient cinq autres Rois , dix Princes de fang royal, grand nombre de Seigneurs , & trente-cinq mille foldats de différentes nations. On fonne la charge. Sévere qui commandoit l'aile gauche des Romains , s'étant avancé jufqu'au bord CONSTANCE, Ann. 357. XL1I. Approche des deux armées.  CONSTANCE. Ann. 357. 400 HlSTOlRE du marais, découvrit 1'embufcade, & craignant de s'engager mal-a-propos, il fit halte. Julien n'avoit pas harangué fes foldats avant la bataille; c'étoit une foncfion que les Empereurs fe croyoient réfervée, & il n'avoit garde de choquer 1'humeur jaloufe de Conftance. Mais quand 1'armée futprête a charger, courant entre les rangs avec un gros de deux cents chevaux , a travers les traits qui fiffloient déja a fes oreilles, il s'écrioit : Courage , camarades, voici le moment tant dejirê, & que vous avez avancé par votre noble impadence; rendons au/ourd'kui au nom Romain fon ancien lujlre : ld ce n'ejl quune fureur aveugle ; ici ef la vraie valeur. Tantöt réformant les bataillons qu'il ne trouvoit pas en affez bon ordre : Songei, leur difoit-il, que ce moment va décider ji nous méritons les infultes des barbares ; ce nejl quen vue de cette journée que fai acceptê le nom de Céfar. Tantöt arrêtant les plus impatients : Garde7-vousy leur difoitïl, de kafarder la vicloire par une ardeur précipitée; fuive^-moi; vous me verre^ au chemin de la gloire, mais fans abandonner celui de la prudence & de la.  nu Bas-Empire. Liv. IX. 401 füreté. Les encourageant par ces paroles Sc par d'autres femblables, il fit marcher la plus grande partie de fon armée en première ligne. On entendit en même-temps du cöté de 1'infanterie Allemande, un murmure confus : ils s'écrioient tous enfemble avec indignation , qu'il falloit que le rifque fut égal, & que leurs Princes miffent pied a terre, pour partager avec eux Ie fort de cette bataille. Sur le champ, Chnodomaire faute a bas de fon cheval; les autres Princes en font autant : ils fe croyoient affurés de la viftoire. Les barbares, après une décharge de javelots, s'élancent comme des lions. La fureur étincelle dans leurs yeux. Ils portent la mort, Sc la cherchent eux-mêmes. Les Romains, fermes dans leur pofte, ferrant leurs bataillons Sc leurs efcadrons, corps . contre corps, boucliers contre botteliers , préfentant une muraille hériffée d'épées Sc de lances. Des nuagés de poufïiere enveloppent les com- ' battants. Ce n'eft dans la cavalerie que flux & que reflux. Ici les Ro- • mains enfoncent, la ils font enfon- CONSTAKCE. Kan. 357. XLIII. Bataille le Straf>ourg. Amm. /. 16 ,c. 12. Liban, or. 12. UI. ad Ath . Zof. I. 3. Epit. Eutr.l. 10. Soc. I. 3 , '. I. Hier. chr. Orof. /.7, 29. lon.t.lll^ '. 20.  du Bjs-Empirb. Liv. IX. 403 retourne fur fes pas pour les remettre en ordre. Julien gagne la tête des fuyards, & s'oppofant a eux, illeur crie : Oü fuye^-vous, braves gens ? Oü trouverex-vous un afylt ? Toutes les villes vous feront fermées: vous brulie^ d'ardeur de combattre : votre fuite condamne votre emprejfement: allons rejoindre les nótres: nous partagerons leur gloire : ou fivous voule^ fuir, pajfei-moi fur le corps : il faut rrióter la vie avant que de perdre vo. tre honneur. II leur montre en mêmetemps 1'ennemi qui fuyoit devant l'aile gauche. Honteux de leur lacheté , ils retournent a la charge. Cependant les barbares s'étoient attachés a 1'infanterie, dont les flancs étoient découverts : 1'attaque fut chaude, & la réfiftance opiniatre. Deux cohortes de vieilles troupes, qui, dans une contenance menacante, bordoient de ee cöté-la 1'armée Romaine, commencerent a pouffer cette efpece de cri, qui feul fufHfoit quelquefois pour mettre 1'ennemi en fuite; c'étoit un murmure qui, groffiffant peu-è-peu, imitoit le mugiflement des flots brifés contre les rivages. Bientöt, fous une nuée de javelots^ & de pouffiere , on CONSTANCE. Ann. 357.  du Bas-Emtire. Liv. IX. 405 fieurs fois enfoncés, regagnoient toujours leur terrein. Les barbares fatigués, fe repofoient en mettant un genou en terre, fans cefler de combattre. Enfin, les Seigneurs Allemands, entre lefquels étoient les Rois euxmêmes, formant un gros, 8i fe faifant fuivre de plufieurs bataillons, percent l'aile droite, ck pénetrent jufqu'a la première légion placée au centre de 1'armée. Ils y trouvent des rangs épais & redoublés, des foldats fermes comme autant de tours, & une réfiftance auffi forte que dans la premiere chaleur d'une bataille. En vain ils s'abandonnent fur les Romains pour rompre leur ordonnance; ceux-ci a couvert de leurs boucliers , profitent de 1'aveuglement des ennemis, qui ne fongent pas a fe couvrir, & leur percent les flancs a coups d'épée. Bientöt le front de la légion eft bordé de carnage; ceux qui prennent la place des mourants, tombent auffitöt; Pépouvante faifit enfin les barbares. Dans ce moment, ceux qui gardoient le bagage fur une éminence, accourent pour prendre leur part de la vittoire, & redoublent la ter- CONS TANCI Ann. 35  CONSTANCE. Ann. 357. XLIV. Fuite des Barbares. 406 II I S T 0 I R E reur de Pennemi qui croit voir arriver un nouveau renfort. Les Allemands fe débandent, ne fe fentant plus de forces que pour fuir. Les vainqueurs les fuivent 1'épée dans les reins; Sc leurs armes étant pour la plupart fauffées ,émouffées , rompues , ils arrachent celles des fuyards. On ne fait quartier a perfonne. La terre eft jonchée de mourants, qui demandent par grace le coup de la mort. Plufieurs, fans être blefles, tombant dans le fang de leurs camarades, font foulés aux pieds des hommes Sc des chevaux. Les barbares, toujours fuyants, & toujours pourfuivis , fur des monceaux d'armes Sc de cadavres, arrivent aux bords du Rhin, &c s'y jettent la plupart. Julien Sc fes Officiers accourent a grands cris pour retenir leurs foldats , que 1'ardeur de la pourfuite alloit précipiter dans le fleuve. Ils s'arrêtent fur les bords, d'oii ils percent de traits ceux qui fe fauvent k la nage. Les Romains, comme du haut d'un amphithéatre, voyoient cette multitude d'ennemis flotter, nager, s'attacher les uns aux autres, fe re-  du Qas-Empire. Liv. IX. 407 pouffer, couler a fond enfemble; les uns engloutis fous les flots; les autres portés fur leurs boucliers, luttant contre les vagues, & gagnant avec peine 1'autre bord, k travers mille périls. Le Rhin étoit couvert d'armes & teint de fang. Chnodomaire, échappé uu carnage, fe couvrant Ie vifage pour n'être pas reconnu , fuyoit avec deux cents cavaliers. II tachoit de regagner fon camp qu'il avoit laiffé entre deux villes, dont 1'une eft aujourd'hui le village d'Alftatt, & 1'autre Lauterbourg. II devoit trouver en cet endroit des bateaux qu'il avoit préparés pour repaffer le Rhin en cas de difgrace. Comme il cötoyoit un marais, fon cheval ayant glifTé fur le bord, le jetta dans 1'eau. Malgré la pefanteur de fes armes , il eut affez ' de force pour fe dégager, & pour gagner un cöteau couvert de bois. Un Tribun qui le reconnut k fa haute taille, 1'ayant pourfuivi avec fa cohorte, fit environner ce bois, n'ofant y pénétrer, de crainte de quelque embufcade. Le Prince, fe voyant enveloppé & fans reffource, fortit CONSTANCE. Aan. 357. XLV. Prife de Chnodomaire.  CONSTANCE. Aan. 357. XLVI. Suite de la bataille. 408 HlSTOIRE feul, & fe rendit au Tribun. Mais les cavaliers de fon efcorte & trois amis qui 1'avoient fuivi dans tous les hafards, fe crurent déshonorés s'ils abandonnoient leur Roi, & vinrent demander des fers. On le conduifit au camp; & ce fut pour toute 1'armée le premier fruit de la viftoire, de voir cet illuftre captif, remarquable par fa bonne mine, par Péclat de fon armure, par la richelfe de fes habits; mais pale, confus, plongé dans un morne filence, & portant fur fon front la honte de fa défaite : bien différent de ce fier Monarque r qui, fur les ruines & les cendres des villes de la Gaule, n'annoncoit autrefois que ravages & incendies. Cette fameufe journée fut le falut de la Gaule , & rendit a 1'Empire fon ancienne frontiere. Mais ce qu'il y a de plus admirable , & ce qui donne la plus grande idee de la capacité de Julien & de la difcipline de fes troupes, c'eft qu'une viftoire fi opiniatrément difputée ne lui coüta que deux cents quarante-trois foldats & quatre Officiers , le Tribun Bainobaude, Laïpfon , Innocentius, Commandant  nu Bas-Empire. Liv. IX. 409 snandant de la gendarmerie, & un Tribun dont le nom eft ignoré. L'Hiftoire varie fur le nombre des Allemands qui refterent fur le champ de bataille ; il en périt encore davantage dans le fleuve. Au coucher du foleil, Julien ayant fait fonner la retraite , toute 1'armée, par une acclamation vmanime, le falua du nom d'Augufte. II rejetta ce titre avec indignation, impofa filence aux foldats, & protefta avec ferment qu'il n'acceptoit ni ne defiroit ce témoignage d'un zele inconfidéré. L'armée campa fur les bords du Rhin fans fe retran« cher, mais environnée de plufieurs corps de gardes avancées qui veillerent k fa fureté. Une partie de la nuit fe paffa dans les réjouiflances d'une viétoire qui étoit fort au-deflus de leurs efpérances. Zofime rapporto qu'au point du jour, Julien fit compa roitre devant lui les fix cents genS' d'armes, dont la bravoure s'étoit dé mentie; & que pour les punir fan ufer de la rigueur des loix militaires il leur fit traverfer le camp en ha bits de femmes : il ajoute que cett flétriffure fut fi fenfible k ces brave Tornt II. S CONSTANCE. Ann. 357. i t 5  410 II I S T 0 I R S eens , mie dès le Dremier comhar. ilc Cons- takce. Ann. 3J7. XLVII. Conftance s'atttibue les fuccès de Julien. effacerent leur honte par des prodiges de valeur. On amena enfuite Chnodomaire : comme Julien lui demandoit compte de fes attentats contre 1'Empire, il foutint d'abord fa réputation de courage, & répondit avec dignité. Julien commencoit a 1'admirer; mais bientöt ce Prince perdit tout 1'éclat que les malheurs favent donner aux ames fïeres, en demandant la vie avec baffeffe, jufqu'a fe profterner aux pieds du vainqueur. Julien Ie releya; quoiqu'il ne fentit plus pour lui que du mépris, il refpeöa encore fa grandeur pafTée; & faifant réflexion aux terribles révolutions que peut amener une feule journée, il lui épargna la honte des fers. Quelque temps après, il 1'envoya a Conftance, qui le fit conduire a Rome , oii il mourut de léthargie. Une Ci importante vicïoire ne fit qu'aigrir la jaloufie de Conftance. C'étoit le ton de la Cour de blamer Julien , ou de le tourner en ridicule. On 1'appelloit par dérifion le Viclorln; ce qui renfermoit une allufion mali-  du Bas-Empire. Liv. IX. 411 gne au tyran de ce nom , qui, du temps de Gallien, après avoir dompté les Germains & les Francs, avoit ufurpé le titre d'Augufte. D'autres, plus méchants encore , afFeöoient de le louer avec excès en préfence du Prince. L'Empereur , de fon cöté, s'approprioit tout 1'honneur des fuccès du Céfar. Telle étoit fa vanité: fi, tandis qu'il féjournoit en Italië, un de fes Généraux remportoit quelque avantage fur les Perfes, aufli-tot voloient dans tout 1'Empire de longues & ennuyeufes lettres du Prince , remplies de fes propres éloges, mais oü le Général vainqueur n'étoit pas même nommé : &c ces annonces de vicloires ruinoient en paffant les villes & les Provinces par les préfents qu'il falloit prodiguer aux porteurs de ces lettres. A 1'occafion de la journée de Strasbourg , dont Conftance étoit éloigné de quarante marches, il publia des édits pompeux, oü, s'élevant jufqu'au ciel, il fe repréfentoit rangeant 1'armée en bataille , combattant a la tête, mettant les Barbares en fuite, faifant prifonnier Chnodomaire, fans dire un mot de S ij CONSTAN'CE. Ann. 357-  CONSTANCE. Ann. 357. XLV1II. Guerre de Julien au-dela du Rhin. Amm. I. 17 , c. I. Lib. or. 12. CtlUr. geog. ant. t.J.p. 381, 412 IIlSTOIRE Julien , dont il auroit enféveli la glor re, fi la renommee ne fe chargeoit, en dépit de Penvie, de publier les grandes adtions. C'étoit pour fe conformer a la vanité de ce Prince, que les Orateurs & même quelques Hiftoriens de fon temps lui attribuoient des exploits auxquels il n'eut jamais d'autre part que d'en être jaloux. Julien fit enterrer tous les morfs, fans diftinöion d'amis & d'ennemis. II renvoya les députés des Barbares qui étoient venus le braver avant la bataille, & revint a Saverne. II fit conduire a Metz le butin & les prifonniers, pour y être gardé jufqu5a fon retour. N'ayant plus laiffé d'Allemands en-deca du Rhin, il bruloit d'envie de les aller chercher dans leur propre pays. Mais fes foldats vouloient jouir de leur vidoire , fans s'expofer a de nouvelles fatigues. Julien leur repréfenta , que ce ri étoit pas affez pour de braves guerriers de repouffer Les attaques ; quil falloit fe venger des infultes paffées ; que ce qui leur reftoit d faire n'étoit qu'une partie de chafft plutót qu'une guerre; que les barbares  du Bas-Ëmpire. Liv. IX. 413 njfembloient d ces bêtes timides, qui, après avoir regu le premier coup, attendent lefecond fans fe défendre. On ne pouvoit manquer a un Général, qui ne fe diftinguoit de fes foldats qu'en prenant fur lui-même la plus grande part des travaux Sc des dangers. Ils marcherent donc a fa fuite ; & étant arrivés & Mayence, ils y jetterent un pont, Sc pafferent le Rhin. Les Allemands de ces cantons, qui ne s'attendoient pas h fe voir relancés jufque dans leurs retraites, effrayés d'abord , vinrent demander la paix , Sc protefterent de leur fidélité a obferver les traités. Mais prefqu'aufli-töt s'étant repentis de cette foumiffion , ils envoyerent menacer Julien de fondre fur lui avec toutes leurs forces, s'il ne fe retiroit de deflus leurs terres. Pour toute réponfe, Julien fit embarquer fur le Rhin au commencement de la nuit huit cents foldats, avec ordre de remonter le Mein , de faire des defcentes, Sc de méttre tout k feu Sc a fang. Au point du jour, les barbares fe montrerent fur des hauteurs; on y fit monter Pannée-, mais elle n'y trouva plus d'ennemis. On S iij COKSTAKCE. Kaa. 357.  COKSTANCE. Ann. jj7 41$ H I S T 0 I R Z ■ venant excetfïf, il permit feulement de porter le foir dans fa chambre , quelques charbons allumés. Ce foulagement penfa lui couter la vie. II fut tellement faifi de la vapeur, qu'il en auroit été étouffé, fi on ne 1'eüt promptement emporté dehors. II en fut quitte pour rendre le peu de nourriture qu'il venoit de prendrej & comme fa fobriéré ne fe démentit jamais t ce fait la feule fois de fa vie qu'il fut obligé de foulager fon efromac. II travailla le lendemain a fon ordinaire. II s'occupoit alors du foin de diminuer les taxes. Florence , Préfet du Prétoire, prétendoit que le produit de la capitation ne pouvantfuffire aux dépenfes, de la guerre , il y falloit fuppléer par une fubvention extraordinaire. Julien, qui favoit que tous ces expédients de finanf ce caufoient aux Provinces des maux fouvent incurables, & plus mortels que la guerre même , proteftoit qu'il perdroit la vie plutöt que de permettre cette furcharge. Comme le Préfet faifoit grand bruit de ce que le Céfar fe défioit d'un homme de fon sang fur qui l'Empereur fe repofoit  nu Bas-Empjre. Liv. IX. 419 de toute 1'adminiftration civile , Julien , fans fortir du ton de la raifon & de la douceur, lui démontra par un calcul exaft que le montant de la capitation étoit plus que fuffifant pour fournir a tous les fraix. Florence, convaincu fans être perfuadé, revint a la charge quelque temps après, Sr. lui fit préfenter un ordre a figner pour une impofition nouvelle. Julien, fans en vouloir fouffrir la lefture, le jetta par terre, en difant : Jjfurément le Préfet changera d'avis ; la chofe eft trop criante. Sur les plaintes du Préfet, l'Empereur écrivit a Julien une lettre de reproches, & lui recommanda de s'en rapporter a Florence. Mais le Céfar répondit qu'on devoit fe tenir fort heureux , que 1'habitant de la Province, pillé par les barbares & par les gens d'afFaire, acquittat les taxes ordinaires,fans 1'écrafer par des augmentations que les traitements les plus durs ne pouvoient arracher a 1'indigence : ainfi la fermeté de Julien affranchit la Gaule de toute injufte vexation. Pour combattre ce préjugé inhumain , que les peuples ne payent jamais mieux que qand ils font plus S vj CONSTAKCE.  Gons- tance. Arm. $57. LH. Sallufte yappellé. M. aiAth. £' or. S. Lib. or. li. Zof. I. j. i i 420 HlSTOIRE accablês , il voulut bien fe charger lui-même du foin de recouvrer les tailles de la feconde Belgique, Province alors dévaftée & réduite k une extréme mifere .- mais k condition qu'aucun fergent du Préfet ni du Préfident ne mettroit le pied dans le pays. Cette humanité qui fauvoit aux habitants les fraix des recouvements , fit plus d'effet que toutes les contraintes. Ils payerent fans attendre de fommation , & même avant le terme; paree qu'ils ne craignoient pas qu'on les fit repentir de leur promptitude afatisfaire, en leur impofant pour la fuite un plus lourd fardeau. Florence, dont il dérangeoit les opérations, s'en vengea fur Sallufte dont les confeils n'infpiroient k Julien que bonté &c que juftice. Son argent & fes intrigues gagnerent k la Cour Paul & Gaudence, qui étoient les canaux ordinaires par ou Ia calomnie paftbit aux oreilles de l'Empereur. Ceux-ci perfuaderent a Conftance que Sallufte étoit un confeiller dangereux auprès d'un jeune Prince cajable de tout ofer Cet homme de )ienfutrappelié.On prit pour prétex-  nu Bas-Empirb. Liv. IX. 421 te le befoin que Pon avoit de lui en Thrace, & Ton promit de le renvoy er enfuite en Gaule, oh nous le revoyons en effet trois ans après. Le départ de Sallufte fut très-fenfible k Julien. II Phonoroit comme fon pere; il lui fit fes adieux par un difcours qui renferme un grand éloge de cet illuftre ami, digne de fervir de modele aux confidents des Princes. Cette féparation enleva a Julien la plus grande douceur de fa vie, fans altérer fon humeur, & fans ralentir fon zele , du moins en apparence. II étoit trop maitre dé fes mouvements, pour laiffer éclater un reffentiment prématuré; & trop habile pour fe nuire k lui-même, en fe vengeant aux dépens de 1'Empire, des injuftices qu'il effuyoit de la part de l'Empereur, CONSTANCE. Irtn. }',T*   411 SOMMAIRE D V LIVRE DIXIEME, I. CON SU IS. II. Aruba/Jade de Sapor d Confiance. III. Réponfe de Conftance d Sapor. IV. Expédidon contre les Sarmates 6" les Quades. V. On leur accorde la paix. VI. D'autres barbares viennent la demander. vil. Confiance marche contre les Limigantes. vin. yè/zr «i/Ze'j en pieces. IX. £e > II trouvera auprès de moi tous le; » honneurs qui conviennent a fa naif » fance. Pour vous , fi vous êtes infi » deles au traité, vous en porterez 1; Tome II. V CONSTANGE, Ann. 3 5 S, L  CONSTANCE. Ann. 3 5 8. 45S IIlSTOIRE » peine , non pas dans la perfonne de » votre jeune Prince; je reffemblerois » a ces bêtes féroces, qui, bleffées par » les chafTeurs, déchirent les voya» geurs qu'elles rencontrent: il vivra » comme une preuve de notre valeur » & de notre humanité. Mais vous » ferez punis, d'abord par votre pro» pre injuftice ; 1'injuftice ne manque » jamais deperdre les hommes, quoi« qu'elle les flatte quelquefois en » leur procurant un fuccès paffager ; » enfuite par moi & par les Romains, » dont vous ne pourrez ni furmonter » les armes, ni défarmer la colere ". Quand il eut ceffé de parler, tous ces barbares 1'adorant comme un Dieu , fe profternerent devant lui, & le combierent de louanges. II ne demanda pour ötage que la mere de Nébiogafte;on la lui mit entre les mains, & le traité fut conclu. II fit entrer dans fes troupes un corps de Saliens & de Chamaves, qui fubfiftoit encore du temps de Théodofe le jeune. La navigation du Rhin demeura libre, & Charietton fut récompenfé par des emplois honorables. II étoit huit ans après, quand il mourut, Comte des deux Dermanies.  du Bas-Empire. Ltv. X. 4 59 Enfuite cle cette expédition, on rétablit fur les bords de la Meufe trois fortereffes, que les barbares avoient détruites : & comme il reftoit encore aux foldats des vivres pour dix-fept jours, Julien en fit laiffer une partie dans ces places , comptant fur les moiffons des Saliens & des Chamaves, Mais avant qu'elles fiiffent en maturité, le bied manqua aux troupes ; & le foldat ne trouvant pas de fiibfiftance, s'abandonna aux murmures. La faim lui fit perdre tout refpe£t &c toute eftime pour fon Général : Julien n'étoit plus alors qu'un fophifte, un importeur, un faux philofophe, » Que veut on faire de nous, » s'écrioient les plus mutins ? On » épuife nos forces par des marches » plus meurtrieres que des combats: » on nous trainera bientót au travers » des neiges & des glacés : & aujour» d'hui, que nous tenons aux enne» nemis le pied fur la gorge, on nous » fait périr de faim. Qu'on ne, nous » traite pas de féditieux, fi ce n'eft » 1'être, que de demander du pain. » Qu'on ne nous donne ni or ni ar» gent; nous avons perdu 1'habitu- y ij CONSTANCE. Ann, 3 5 S. XVIII. Famine dans 1'armée de juüen. Amm. /. 17, «• 9Sulp. Sev? vlta Martini , c. 3,  CONSTANCE. Aan, 358, XIX. Suomah' dompté. Amm. i 17, c. 1 Al/at. 1 lujir.p.^i 460 IIlSTOIRE » de d'en toucher, & même d'en voir, » comme fi la patrie défavouoit nos » fervices, & que ce ne fut pas pour » elle que nous prodiguons notre w vie". Ces plaintes n'étoient que trop bien fondées. Depuis que Julien commandoit les armées de la Gaule , Conftance, loin de leur faire aucune gratification après les fuccès, ne leur payoit pas même leur folde. Julien n'avoit aucun moyen d'y fuppléer; & ce qui prouve que c'étoit de la part de Conftance un effet de malignité plutöt que d'avarice , c'eft qu'un jour, Julien ayant fait une très-légere libéralité a un foldat, le Secretaire Gaudence, qui étoit auprès de lui 1'efpion de l'Empereur, lui en fit un crime a la Cour , & lui attira une févere réprimande. Cependant, s'il "en faut croire Sulpice Sévere, dans une occafion auprès de "Wormes, il diftribua une gratification aux foldats , fans doute a fes dépens. Julien, plus touché du trifte état de e fes troupes, qu'offenfé de leurs mur. rrures, ne fongea qu'a les foulager, 3. au-lieu de les punir. L'obéiflance 8c £ le refpect revinrent avec 1'abondan-  du Bas-Empire. Liv. X. 461 ce. On jetta un pont fur le Rhin ; on entra fur les terres des Allemands. Sévere perdit toute fa gloire dans cette expédition. Ce vieux Général, qui jufqu'alors avoit infpiré le courage par fes paroles & par fon exemple, devint tout-a-coup lache & timide : il étoit toujours d'avis de ne point combattre; il n'avancoit qu'a regret; il corrompit même fecretement les guides, & les obligea par les plus terribles" menaces a dire unanimement qu'ils ne connoiffoientpas les chemins. Ces obftacles ralentiffoient la marche de 1'armée; mais la terreur avoit faifi les ennemis. Suomaire , un de leurs Rois, Prince auparavant féroce & ardent au pillage, fe crut fort heureux de conferver fon pays , fitué entre le Rhin & le Mein. II vint au-devant de Julien avec 1'extérieur d'un fuppliant; & fe jettant a fes genoux, il proteftoit qu'il étoit prêt d'accepter toutes les conditions qu'on voudroit lui impofer. Julien „exigea de lui qu'il rendit les prifonniers , &c qu'il fournït des vivres. II voulut même qu'il s'affujettit k prendre des quittances, tk que faute de les repréV iij CONSTANCE. \nn.358.  CONSTAKCE. Ann. 358. XX. Hortaire xéduit a demander Ja paix. Amm. ibid, Zof. L 3. Mfat. ill»Ap. 408 46* HlSTOIRE fenter quand il en feroit requis, ii s'obligeat a faire une feconde fois les mêmes fournitures. Suomaire ne refufa rien , & fut fidele a 1'exécut.ion. II falloit paffer le Necre pour mettre a la raifon un autre Roi nommé Hortaire. C'étoit, auffi-bien que Suomaire , un des Rois qui s'étoient trouvés a la bataille de Strasbourg. Comme on manquoit de guides, Neftica, tribun de la garde, & Charietton, furent chargés d'enlever quelque habitant du pays. Ils amenerent un jeune Allemand, qui promit de conduire 1'armée, pourvu qu'on lui accordat la vie. On rencontra bientöt de grands abattis d'arbres qui obligerent de prendre de long détours. Enfin, on arriva fur les terres d'Hortaire ,oü le foldat fatigué fe vengea par le ravage. Ce Roi voyant une armée nombreufe, & fon pays défolé oü il ne reftoit plus que des ruines & des cendres, vint auffi implorer la miféricorde du Céfar, & promit avec ferment d'obéir aux ordres qu'il recevroit-, & de rendre tous les prifonniers. Ils étoient en grand nombre dans ce canton; mais malgré fa pro-  du 3as-Empire. Liv. X. 463 meffe, il n'en raffembla que fort peu; & les ayant amenés devant Julien, il s'approcha pour recevoir le préfent qu'on avoit coutume de faire aux Princes avec lefquels on traitoit. Julien, indigné de fa mauvaife foi, fit arrêter quatre des principaux Seigneurs qui 1'accompagnoient, &c prit des mefures pour ne perdre aucun des Gaulois qui étoient en captivité. II fit interroger tous ceux qui s'étoient fauvés des villes & des campagnes, pillées les années précédentes, pour favoir d'eux les noms de leurs compatriotes, que les barbares avoient enlevés. Après que fur leur dépofition on en eut dreffé un röle exaft , Julien monta fur fon tribunal, & fit défiler devant lui tous les prifonniers en leur demandant a chacun leur nom. Les Secretaires du Prince, placés derrière fon fiege, tenoient regiftre de tous ceux qui paffoient. Cette revue étant finie , comme le röle en contenoit un beaucoup plus grand nombre , Julien s'adreffant aux barbares , leur demanda qu'étoient devenus ceux qui manquoient en les défignant par leurs noms, & il V iv COKSTANCE. A.nn. 35S.  CONSTANCE. Ann. 3j8. XXÏ. Retour des Cap- 464 HlSTO/RB leur fignifia qu'ils n'avoient point de paix a efpérer , tant qu'il en rnanqueroit un feul. Les barbares n'appercevantpas les Secretaires qui fuggéroient a Julien les noms de tous ces prifonniers abfents , étoient frappés d'étonnement; ils s'imaginoient qu'il étoit infpiré du Ciel, & qu'on ne pouvoit lui rien cacher; & ils jurerent avec des imprécations horribles, qu'ils lui mettroient fidélement entre les mains tous ceux qui vivoient encore. Hortaire , tremblant & humilié, s'obligea de fournir a fes dépens les matériaux & les voitures de tranfport pour rebatir les villes que les Allemands avoient ruinées. On n'exigea point de lui qu'il fït apporter des vivres, paree que fon pays étoit entiérement dévafté. On le renvoya après qu'il eut répondu fur fa tête de fon exaöitude a remplir les conditions. C'eft ainfi que ces Rois feroces, nourris de fang & de pillage, furent enfin forcés de courber leur tête fuperbe fous le joug de la puiffance Romaine. Le retour des prifonniers fut le fruit de ces glorieufes expéditionss  du Bas-Empire. Liv. X. 465 C'étoit un fpe£tacle touchant de voir revenir par bandes ces malheureux, , faluant leur patrie par des cris d'al- A légreffe , careffés de leurs maitres qui leur avoient fait fentir au-dela f du Rhin le plus dur efclavage, fe 'z profternant aux pieds de leur libé- p, ratenr, embraffant avec larmes leurs peres, leurs femmes, leursenfantsqui pleuroient auffi de joie. II en revint prés de vingt mille. On demandoit compte aux barbares de ceux qu'ils ne ramenoient pas ; & ils étoient obligés de fe juftifier en prouvant que ceux-la étoient morts , par le témoignage de ceux qu'ils ramenoient. La Gaule reprit une face nouvelle : les villes fe relevoient; c'étoit pour Julien autant de trophées ; & ce qu'il y avoit de plus glorieux & de plus nouveau, c'eft que les barbares qui les avoient ruinées travailloient a les rebatir. Les campagnes auparavant défertes u Bas-Empire. Lh. X. 477 étoit un oracle fameux d'un Dieu nommé Béfa. On le confultoit de vive voix ou par écrit, & les abfents n'avoient pas toujours foin de faire retirer leurs billets avec la réponfe de l'oracle. On en envoya quelques-uns a 1'Empereur. II crut y voir des queftions dangereufes, & qui tiroient a conléquence pour la füreté de fa perfonne. Aufli - tót il fait partir Paul, dont il eftimoit la fagacité dans ces fortes de recherches : il le charge de mettre en juftice tous ceux qu'il jugera k propos: il nomme pour préfider aux interrogatoires non pas Hermogene , Préfel du prétoire d'Orient, qui avoit fuccédé k Mufonien ; il connoiffoit trof fon équité & fa douceur ; mais Modeftus, Comte d'Orient, propre i ces commiffions fanguinaires. Pau arrivé, ne projettant que tortures & que fupplices. Ses accufations allar ment & bouleverfent 1'Egypte & le: contrées voifines. On amene devan lui des gens de toute condition, don piufieurs périffent dans les fers avan le jugement. On avoit choifi pourl théatre de ces fanglantes exécutions COKSTANCE. Aan. 359, . 1 t t C  CONSTANCE. Ann. 3J9- 478 BlSTOIRE Scythopolis en Paleftine, paree qu'elle étoit fituée entre les villes d'Antioche & d'Alexandrie, d'oü 1'on faifoit venir la plupart des accufés. Un des prémiers fut le fils de ce Philippe, qui avoit été Préfet du prétoire & Conful , & qui avoit prêté fes propres mains pour öter la vie a Paul, Evêque de Conftantinople. Son fils, nommé Simplice, fut accufé d'avoir confulté 1'oracle fur les moyens de parvenir a 1'Empire. Conftance, qui n'avoit jamais rien excufé ni pardonné fur eet article, avoit ordonné de 1'appliquer a la torture. Simplice fut cependant affez heureux pour s'en garantir, fans doute a force d'argent; il en fut quitte pour être banni. Ce fut aufli le fort de Parnafius, quoiqu'il eüt été condamné a mort. C'étcit un homme de bien, qui avoit été Préfet d'Egypte : il obtint dans la fuite la permiflion de retourner k Patras , ville d'Achaïe, fa patrie, & de rentrer en poffeflion de fes biens. Andronic , homme de Lettres, & célebre alors par fes poéfies, déconcerta fes accufateurs par la force de fes réponfes, & fe fit abfoudre. La  du Bas-Empire. Liv. X. 479 même fermeté fauva le Philofophe Démétrius, furnommé Chytras, fort avancé en age, mais dont le corps & 1'efprit avoient confervé toute leur vigueur. Après une longue torture qu'il foutint avec courage, on lui permit de retourner a Alexandrie. Ceux-la échapperent k la calomnie; mais quantité d'autres en furent les viöimes. Les uns furent déchirés k coups de fouets ; d'autres périrent d'une maniere plus cruelle; & la confifcation des biens étoit toujours la fuite du fupplice. Paul mettoit en ufage mille détours , mille pieges pour furprendre 1'innocence : porter a fon col quelque préfervatif fuperftitieux , paffer le foir auprès d'une fépulture, c'en étoit afTez pour perdre la vie, comme convaincu de fortilege ou de commerce avec lesmorts dans 1'intention de détröner ou de faire périr 1'Empereur. Depuis que les Ifaures avoient manqué leur entreprife fur la Séleucie, ils s'étoient tenus quelque temps , cachés dans leurs montagnes. Enfin, s'ennuyant du repos, ils recommen- 1 coient leurs courfes. Accoutumés a CONSTAKCE. Ann. 3 59, XXIX. Conrfes ies Ifaues. Amm. /.' 9. c 13«  CONSTAKCE. Ann. 359 4S2 H I S T 0 I A Ë voyages qu'il y faifoit, il trouva moyen de lier un commerce fecret avec Tamfapor, qui commandoit de 1'autre cöté du fleuve. Le terme de Péchéance de fes billets arriva, & 1'Intendant desfinances, d'intelligence avec fes prétendus créanciers, fe mettoit en devoir de le pourfuivre, lorfqu'Antonin, efcorté d'un parti de Perfes, qui fe rendirent auprès de lui pour favorifer fa fuite, fe jetta dans des barques avec fa femme, fes enfants & tous fes efFets, & paffa k 1'autre bord. On le conduit k Sapor, qui le recoit k bras ouverts, & lui donne place a fa table & dans fon confeil. Ce transfuge, animé par le reffentiment, & par le defir de fervir fon nouveau maïtre, devint le plus. mortel ennemi des Romains. II ne cefToit d'animer Sapor en lui reprochant qu'il favoit vaincre, mais qu'il ne favoit pas faire ufage de fes victoires; il lui rappelloit fes campagnes pafTées, tant d'efforts fans fuccès , tant de fuccès fans aucun fruit: Qu'après avoir urrajfé les Romains a Singare, il avoit laijfè fa vicloire enfévelie dans les ombres de la nuit; &  du Bas-Empire. Liv. X. 483 que les Perfes vainqueurs, comme de concert avec les vaincus, navoient ofè approcher £ Edeffe, ni desponts de VEuphrate : quels avantages nauroït pas remportés le plus brave & le plus puiffant Monarque du monde, s,il fut tombé fur CEmpire dans le tzmps ou les Romains fe déchiroient eux-mêmes par laguerre civile? C'étoit la coutume des Perfes de délibérer fur les affaires les plus importantes au milieu des feftins : Antonin, attentif a fe ménager en ces occafions , profltoit de la chaleur que le vin infpiroit aux autres; il les échauffoit encore par fes difcours; & le Roi, enivré de fes confeils Si de 1'idée de fa propre grandeur , fe détermina k mettre en mouvement toutes fes forces , dès que 1'hy ver feroit paffe, & k faire ufage du zele d'Antonin, qui lui promettoit hardiment les fervices les plus eflentiels. II eüt été k propos de choifir le meilleur Capitaine de 1'Empire pour 1'oppofer a un fi redoutable ennemi: 1'imprudence de Conftance & les intrigues de Cour , dépouillerent du commandement 1'unique Général qui X ij CONSTANCE. A.nn. 359. xxxr. Urficiti ■appellé.  CONSTANCE. Ann. 359. 484 HlSTOIRE fut en état de foutenir cette guerre. Urficin étoit en Oriënt avec le titre de Général de la cavalerie. Confommé dans le métier des armes, il avoit appris par une longue expérience a combattre les Perfes. Mais il étoit coupable au yeux d'Eufebe de deux crimes impardonnables: ce guerrier magnanime étoit le feul qui dédaignat de s'ap-> puyer de la faveur de 1'eunuque; & malgré les inftances les plus prefTantes , il n'avoit jamais voulu confentir k lui céder une belle maifon qu'il poffédoit dans la ville d'Antioche. C'en étoit afTez pour rendre Urficin criminel dans 1'efprit d'Eufebe, & pour engager eet eunuque a travailler k fa perte. C'étoit, a 1'entendre, un préfomptueux , un perfide , dont les fervices étoient autant d'infultes, & pou.voient dégénérer en attentats. Cet efprit dangereux avoit infpiré fa paffion aux eunuques de la chambre, qui profltoient de 1'accès que leur donnoit leur miniftere, pour tenir tous de concert le même langage; & ceux-ci difpofoient k leur gré de la langue des courtifans a qui ils procuroient les entrees Sc les graces du  CONSTANCE. Ann. 359. 1 i 1 ] 1 < 3 1 < 1 XXXIII. Arrivée ( des Perfes 4*6 HlSTOlRB enleverun puiffant défenfeur, qui, avec de mauvaifes troupes, avoit fu fj long-temps défendre cette partie de 1'Empire. L'incapacité de fon fucceffeur dans des circonftances li périlleufes augmentoit le chagrin de fa perte. Ce même événement donnoitaux Perfes les plus belles efpérances. Antonin confeilloit a Sapor de ne pas s'arrêter k des fiegestoujours ruineux; mais de paffer 1'Euphrate, & de fondre rapidement fur ces riches Provinces que ia guerre avoit épargnées depuis Valérien. II s'offroit de le conduire k une conquête affurée. Ce confeil fut ipprouvé; on fit les préparatifs de :ette brillante expédit;'on. Urficin revenok en Italië; il étoit déja aux )ords de 1'Hebre, quand il re?ut me feconde lettre du Prince, qui le •envoyoit fur fes pas , mais fans em3J01'. eiin«q«es avoient changé l'avis; ils avoient fait réflexion qu'en aiffant Urficin en Oriënt, ils pouroient lui imputer toutes les fautes Je Sabinien , & donner k celui-ci tout 'honneur des fuccès. Les rapports des efpions & des ransfuges s'accordoient fur les mou-  nu Bas-Empire. Liv. X. 487 vements des Perfes. On crut que leur : deffein étoit d'attaquer Nifibe; & comme Sabinien reftoit dans 1'inac- / tion, Urficin y accourut pour mettre la ville en état de défenfe. Dès qu'il y fut entré , la fumée & les flammes , qwi fe faifoient voir depuis les bords du Tigre jufque fort prés de la ville, annoncerent 1'arrivée des coureurs ennemis. Urficin fortit pour les reconnoïtre, & s'avanca jufqu'a deux milles de Nilibe. II fut coupé au retour, tk obligé de s'enfuir avec fa troupe vers le mont Ifala, fitué entre cette ville & celle d'Amide. Les ennemis le pourfuivirent vivement, a la faveur de la lune qui étoit dans fon plein ; & comme le pays qu'il traverfoit, étoit une campagne toute découverte & fans aucune retraite, il étoitpris, li, pour donner le change, il n'eut fait attacher une lanterne fur la felle d'un cheval, qu'on fit tourner vers la gauche, tandis qu'Urficin prenoit fur la droite du cöté des montagnes. Les Perfes fuivirent cette lumiere, & furent dupes de ce ftratagême. L'Hiftorien Ammien Marcellin, attaché a la perX iv CONSTANCE. Lnn. 359.  CONSTANCE. 'Ann. 359. 488 HlSTOIRE fonne d'Urficin, 1'accompagnoit dans ce péril. Ils arriverent a un lieu nommé Mejacarire, planté de vignes & d'arbres fruitiers : ce mot fignifioit en Syrien , fources deau fraïcke. Les habitants avoient pris la fuite; on n'y trouva qu'un foldat qui s'y tenoit caché : on 1'amena au Général. Ce malheureux s'étant coupé dans fesréponfes, on le forga par menaces a dire la vérité. II déclara qu'il étoit Paripen; qu'il avoit fervi en Gaule dans la cavalerie, & que par crainte cüun chdtiment qu'il avoit mérité, il s'étoit fauvé jufqu'en Perfe ; qu'il s'y étoit marié, & qu'il avoit plujieurs enfants ; qu'étant employé en qualité d'efpion, il avoit fouvent donné aux Per/es de bons avis; qu'a&uellemenl Tamfapor & Nohodare, chefs des coureurs, £'avoient envoyé enavant pour prendre langue. Quand on eut tiré de lui les inftrucfions dont o» avoit befoin, on le tua. Urficin courut promptement a Amide , pour laquelle il craignoit une furprife. II y vit bientöt arriver des efpions Romains , dépêchés par Procope & par ie Comte Lucillien, AmbaiTadeur de Confiance auprès de Sapor, & que  nu Bas-Empirb. Liv. X. 489 ce Prince retenoit en Perfe. L'avis ; qu'ils portoient étoit écrit fur un parchemin collé au-dedans du four- , reau de leur épée. II étoit concu en terme énigmatiques, qui fignifioient que le Roi de Perfe, excité par le traitre Antonin, alloit patfer 1'Anzabas & le Tigre, dans 1'intention de fe rendre maitre de tout 1'Orient. Urficin, pour avoir des connoiflances plus précifes, envoya dans la Gordyene , Ammien Marcellin avec un Centurion d'une fidélité reconnue. Le Satrape de ce pays s'appelloit Jovinien : envoyé dés fa première jeuneffe en Syrië en qualité d'ötage, il y avoit pris le goüt des lettres; & brülant d'envie de revenir fur les terres de 1'Empire pour y paffer fa vie, il entretenoit avec les Romains une fecrete intelligence. Ammien fut bien regu , expofa le fujet de fa miffion, & fut conduit par un guide fidele fur un rocher fort élevé, d'oü Von découvroit une étendue de feize k dix-iept lieues de pays. Au troifieme jour, il appergut a 1'horifon audela du Tigre , une muititude immenfe ; c'étoit 1'armée des Perfes X v CONSTANCE. tnn. 359.  CONSTANCE. Ann. 3 XXXIV. Précautions des Romains. Amm. /, J8, c. 7. Cell. geog. i «n*. t. ï. p, i ! 49° Histoire conduite par Sapor, k la gauche ditquel ( cette place étoit chez les Perfes la plus honorable) marchoit Grumbate, Roides Chionites. CePrince, quoiqu'il ne fut encore que de moyen age, portoit déja fur fon front les ndes de la vieilleffe , témoignage glorieux de fes travaux : fon courage & fes exploits 1'avoient rendu fameux dans tout 1'Orient. A la droite de Sapor, on voyoit le Roi d'Albanie. tls étoient fuivis d'un grand nombre de Seigneurs , & d'une armée innombrable, rafTemblée de diverfes nations, & compofée de vieilles troupes accoutumées anx hafards & aux fatigues de la guerre. Ces Princes ayant paffe au - dela de Ninive, grande ville de 1'Adiabene, s'arrêterent au milieu d'un pont fur le fleuve Anzabas qui fe décharge dans le Tigre. Ce fleuve eft ceui qui portoit chez les Grecs le nom Ie Capros. Ils y firent un facrifice, k eonfulterent les entrailles de la 'icrime. Ammien jugea qu'il falloit u moins trois jours a une armée i nombreufe pour pafler le fleuve, c il retourna porter ces nouvelles  nu Bas-Empire. Liv. X. 491 k Urficin. On dépêche auffi-töt des courriers a CalTien & k Euphrone, Gouverneur de la Province. Ceuxci obligerent les payfans de fe retirer dans les places fortes avec leurs families & leurs troupeaux: ils font évacuer la ville de Carrés, qui n'étoit pas en état de foutenir un fiege; & pour öter la fubiiftance aux ennemis, ils mettent le feu aux campagnes, & confument les moiffons Sc les fourrages; en forte qu'il ne refta rien fur terre entre le Tigre & 1'Euphrate. Cet incendie fit périr quantité de bêtes féroces, & fur-tout de lions, qui font très-cruels dans ces contrées, & qui s'y multiplieroient jufqu'a les rendre inhabitables, li la nature elle-même ne prenoit foin de les détruire. Les ardeurs exceflives de 1'été produifent des effaimsinnombrables de moucherons, qui s'attachant aux yeux des lions, les mettent dans une telle fureur, que ces animaux vont fe précipiter dans les fleuves, ou s'arrachent les yeux avec leurs griffes. En même-temps on travailloit avec ardeur k fortifier les rives de 1'Euphrate du cöté de la SyX vj CONSTANCE. Ann. 359,  nu Bas-Empire. Liv. X. 497 un pieu fiché en terre. Cependant les pierres & les javelots partoient a tous moments du haut des murailles; & paiTant par - deffus la tête des Romains, alloient chercher les ennemis. Au point du jour, on ouvrit une poterne. On pouvoit a peine trouver place dans une ville affez petite, dont les rues étoient remplies d'une foule d'habitants des campagnes d'alentour. Une foire célebre qui fe tenoit dans ce temps de 1'année , les y avoit raffemblés de toutes parts. Amide étoit forte par fon affiette , par fes murailles, &c bien pourvue de défenfeurs. La cinquieme légion nommée Parthique , étoit attachée a la garde de cette place. A 1'approche des Perfes, fix autres légions s'y étoient rendues en diligence : c'étoient entre autres les foldats reftéi de 1'armée de Magnence. L'Empereur, fe défiant de la fidéliié de ce; troupes, les avoit envoyées en Oriënt ou 1'on ne craignoit de guerre qu< de la part des étrangers. Mais ce légions , comme nous 1'avons déji dit, ne reffembloient que de non aux anciennes; ce n'étoient, a pro CONS- TANCE. Ann. 559, XXXVII. Etat de Ia ville d'Amide. Amm. I. 18 , c. 9. & l. 19. c. 2. » i l l  "COKSTAKCE. Aan. 359. XLIV. Vigoureufe réfiftance.Amm. ibïd, t. 7. 1 i 5IO HlSTOIRE trent avant Ie jour, prefque tous blefles, quelques uns mortellement. Conftance, pour conferver Ia mémoire d'une aft ion fi hardie, fit dreffer clans Ia place publique d'Edeffe les frames de leurs Capitaines revêtus de leurs armes. Le jour étant venu découvrit aux Perfes la perte qu'ils avoient faite. II fe trouva entre les morts phifieurs Satrapes & quelques-uns des principaux Seigneurs. Tout le camp retentiffoit de cris. Les attaques furent fufpendues pendant trois jours, dont les affiégés profiterent pour fe remettre de leurs fatigues. Cette attaque inopinée irrita les barbares. Ils réfolurent de périr devant Amide , plutöt que de laiffer ïibfifter une ville qui leur coutoit léja le plus pur fang de la Perfe. Les iffauts ayant été inutiles, ils mirent oute leur confiance dans les machiïes. Ils fe harent d'en conflruire de oute efpece : ils multiplient les tours evêtues de fer & chargées de balifes. Au point du jour, couverts de outes leurs armes défenfives, bien errés & en bon ordre , ils avanceni  du Bas-Empikb. Liv. X. a petits pas. Mais dès qu'ils furent : a ia portée des machines, toutes leurs défenfes deviennent inutiles contre 1 les javelots , dont prefque aucun ne manquoit fon coup. L'infantene eft obligée d'éclaircir fes rangs, 5i la cavalerie de reculer. Cependant les baliftes des affiégeants qui tiroient du haut des tours plus élevées que les murailles, faifoient dans la ville une terrible exécution ; & la nuit étant venue, les habitants fongerent aux moyens de s'en garantir. On tranfporta en diligence , &c 1'on mit en batterie vis-a-vis de ces tours , quatre machines nommées fcorpions, propres a lancer de groffes pierres. Au matin, les Perfes avancent^ayec les éléphants, dont les cris mêlés k ceux des foldats, formoient un e(frayant concert. Les traits qui s'élevent de la plaine, ou qui tombent des tours, abattent ou bleffent tous ceux qui paroiffent fur la muraille. Mais bientöt les maffes énormes de pierres lancées des quatres machines, brifent les tours, démontent & mettent en pieces les baliftes , écrafent ou precipitent les tireurs. On fait pleuvoir fur Y iv CONSTANCE. Ltin. 359.  Cons- tance. Ann. 359. XLV. Ptife d'A- , mide. Amm. ibid. • c*. | F u d 512 H I S T O I R E les éléphants des fleches enflammées; Ces ammaux effarouchés re-.ournent fur les Perfes, & les foulentaux pieds, lans que leurs guides puiffent les retenir. On met le feu a tous les ouvragesdes aflïégeants. Jamais les Rois de Ferfe ne s'expofoient dans les combats ^mais Sapor, défefpéré de tous ces defaftres, accourt enperfonneau nnlieu des combattants ; on tire de toutes parts fur lui & fur fa garde; il voit tomber a fes cötés un grand nombre de fes Officiers; mais toujours mtrepide, bravant millefois la mort, il ne fe retire qua la fin du jour, & pour donner quelque relache a fes troupes fatiguées de tant d'attaques. Voyant routes fes machines dé:ruites & brülées,.& n'efpérant plus •ien des moyens qu'il avoit mis en xmvre jufqu'alors, il fit élever tout >rès des murs de larges terraffes qui es^ égaloient en hauteur. Ce travail oüta plufieurs jours, pendant lef[uels les habitants en éleverent de ïur cöté en-deca des murs. Sur ces lates-formes, on combattoit prefque coup de main, comme fur un champ e bataille. L'acharnement & le mé-  du Bas-Empire. Liv. X. 513 ^ pris de la mort étoient égaux de part = & d'autre. Enfin, le moment fatal de la perte d'Amide arriva; la terraffe A de la vi'de , trop chargée de combattants, s'éboula tout-a-coup, comme fi elle eüt été ébranlée par vin tremblement de terre; & comme elle furpaffoit la muraille en hauteur, la terre s'étant renverfée du cöté de 1'ennemi, elle combla le peu d'intervalle qui reftoit entre les murs & la terraffe des Perfes, & ouvnt a ceux-ci un large chemin. On accourt è la défenfe; mais la foule & 1'empreffement même embarraffent les defenfeurs. Les corps qui tombent de part & d'autre s'amoncelent & favorifent le paffage. Toute 1'infantene des Perfes, que Sapor faxfoit monter a la file, fe précipite dans la ville comme un torrent. On paffe tout au fil de 1'épée, fans diftinaion d'age ni de fexe. Peu échapperent au maffacre, entre lequel fut Ammien Marcellin, qui, après diverfes aventures, ayant traverfé avec grand péril des plaines couvertes de fuyards & d'ennemis, gagna enfin 1'Euphrate par les t'orêts & les montagnes. II paffa k Y v CONSrANCE. nn. 359*  CONSTAKCE. Ann. 3 5.9. XLVI. Suite de >a prife d'Amide. Amm. ibid. t. 9. 1 ] i r e r. 5H HlST01R.lt Mélitine, oü il retrouva Urficin, & il retourna avec lui a Antioche. La longueur de ce fiege mit les Perfes hors d'état d'entreprendre des conquêres plus éloignées. L'automne étoit déja avancée , & Sapor, après la deitrucf ion de la ville, ne fongeoit qu'a retourner dans fon Royaume avec les prifonniers & le burin. II fit inhumainement mettre en croix le Comte Elien & les Tribuns, dont la capacité & la valeur lui avoient fait perdre tant de fang. II commanda de •echercher & d'égorger fans miféri:orde, comme déferteurs, tous les habitants des pays d'au-dela du Ti»re , qui fe trouverent dans la ville» l emmena captifs Jacques & Cu Bas-Empire. Liv. X. 517 fongeoit qu'a défendre rArianifme. II eut pour le malheur de la Religion plus de fuccès que Sapor, & il fit cette année a 1'Eglife des playes plus profondes, que les Perfes n'en purent faire k 1'Empire. II étoit revenu k Sirmium après la deftru&ion des Limigantes; il y affifta k une afTemblée de huit Evêques; c'étoit le préliminaire des deux Conciles indiqués pour cette année. La docïrine des demi-Ariens, qui dominoit alors k la Cour, y fut confirtnée par un nouveau formulaire. Pendant ce tempsla, les Evêques d'Occident fe rendoient k Rimini, & ceux d'Orient a Séleucie. Le Concile de Rimini s'ouvrit au mois de Juillet. Sulpice Sévere, qui paroit avoir été le mieus inftruit, dit qu'il s'y trouva plus d( quatre cents Evêques, dont quatrevingts étoient Ariens. L'Empereui vouloit les défrayer aux dépens di tréfor; mais il n'y en eut que trois qui a raifon de leur indigence, accepte rent cette libéralité. Taurus, Préfe du Prétoire d'Italie, eut ordre d'affil ter a 1'affemblée, & de ne point per mettre aux Prélats de fe féparer CONSTANCE. Ann. 359. Synod. & epifi. ad AAfric.Greg. Na{* or. 2J. Bafil. adverf. Eunom, l. I. Epiph. har. 73. Hier. chr. & contra Lucif. e. 7. Rufin.l. I. c. 21. Sulp. Ser. I. 2. Soc. I. 1, c. 37. <£• /'?• Thtod. ï. ' 1. c. 18, • So-i. L 4 , c. 16. & 1 M- , Philofl. U . 4, t. IQ. & feq. 1 Chr. AUx. '• Baroniat. TUI. Arian. art. 77, Sr > ƒ""'«  CONSTANCE. Ann. 355 Hermant vie de Si Ath. I. g c 16, Sr 518 Mistoirs • qu'ils ne fuffent d'accord : on lui promit le Confulat, s'il procuroit cette . réunion, c'eft-a-dire,s'il faifoit triom, pher rArianifme dans 1'Eglife d'Oc■ cident. Après de longues conteftations, le Concile confirma la foi de Nicée, condamna de nouveau la doctrine d'Arius, & prononca la fentence de dépofition contre les Prélats obftinés k défendre 1'héréfie. On peut dire que Ik fe termina le vrai Concile; la foi jufques-la ne recut aucune atteinte; & Sr. Athanafe ne confidere que cette première partie, quand il parle avantageufement du Concile de Rimini. Le refte ne fut que féduftion & violence. On envoye a 1'Empereur, felon fes ordres, dix députés pour lui rendre compte : c'étoient de jeunes Evêques fans expérience; les Ariens députent de leur cöté des vieillards rufés & artificieux, qui préviennent Conftance , fatiguent,intimident, enfin ,féduifent les envoyés Catholiques , jufqu'a les engager a trahir le Concile, & k ligner le contraire de fes décifions. Ils retournent, & font d'abord mal recus. Mais Taurus met tout en oeuvre  nu Bas-Empirb. Liv. X. 519 pour ébranler les Evêques qu'on retenoit malgré eux a Rimini. Les intrigues, les menaces, les incommodités d'une longue abfence, firent enfin fuccomber les plus fermes, ou, pour parler plus juiïe , ils fe lailïerent furprendre par les follicitations Sc les larmes même de Taurus, Sc par les artifices de Valens. Ils fignerent une profelïion de foi équivoque , dont ils n'appercevoient pas le venin, mais qui receloit le pur Arianifme. Bientöt les Ariens levent le mafque, Sc felon 1'expreffion de St. Jéröme , le monde Chrétien gémit de cette furprife, Sc s'étonna de fe voir devenu Arien. Les Evêques, de retour dans leurs Diocefes , ouvrent les yeux , Sc défavouent avec horreur les décrets de Rimini. Ils fe joignent au Pape Libere Sc a ceux qui n'avoient point eu de part a cette faute. Ce fut la fource d'une perfécution nouvelle, pendant laqué!leSt. Gaudence, Evêque de Rimini , fut tué a coups de pierres Sc de batons, par les foldats du Préfident Marcien. L'erreur trouva encore moins d'obftacle a Séleucie. Le Concile y commenga le zy de Septembre. De CONSTANCE. Ann. 359.  CONSTANCE. Ann. 3 J9, 520 HlSTOIKE cent loixante Evêques, il n'y eut que St. Hilaire , alors relégué en Phrygie, & douze ou treize Evêques d'Egypte qui foutinrent la Confubftantialité. Le Quefteur Léonas & Laurice, Génépal des troupes d'Ifaurie , affiftoient aux féances. Le Concile fe divife; les purs Ariens font a part leur profeffion de foi; les demi-Ariens s'en tiennent a celle du Concile d'Antioche afTemblé en 341. Ils s'anathématifent mutuellement, & fe féparent fans rien conclure. Les chefs des deux partis fe rendent a Conftantinople oü étoit alors 1'Empereur , qui faifoit fa principale affaire des fuccès de 1'héréfie; Sc quoiqu'il dut entrer au premier jour de Janvier dans fon dixieme Confulat, cérémonie brillante, & qui demandoit de grands préparatifs , il palTa le dernier de Décembre & prefque toute la nuit fuivante k faire figner aux députés de Séleucie, & aux autres Evêques la formule de Rimini. On tient a Conftantinople un nouveau Concile, oü les Anoméens remportent tout 1'avantage. Macédonius, Bafde d'Ancyre &c les autres Evêques demi-  nu Bas-Empirb. Liv. X. 521 Ariens font dépofés. Eudoxe paffe du fiege d'Antioche a celui de Conftantinople, & prêche publiquement des blafphêmes dans la cérémonie de la dédicace de Sainte-Sophie, le quinzieme de Février de 1'an 360. Laprofeffion de Rimini fe répand par-tout 1'Empire, ck: fait d'horribles ravages: on exile ceux qui refufent d'y foufcrire. Au milieu de ce défaftre, Saint Hilaire obtint par une providence particuliere de Dieu, la permiffion de retourner en Gaule : il y arrivé pour foutenir la foi ébranlée jufque dans fes fondements. Par une bifarre inconféquence, fuite ordinaire de Terreur , Conftance exiie Aëtius, chef des Anoméens, & confent k faire Evêque de Cyzique, Eunomius, le plus dangereux de fes difciples : mais peu après , il eft obligé de forcer Eudoxe a le dépofer. Eudoxe ayant été transféré k Conftantinople, Conftance affemble un Concile dans la ville d'Antioche pour 1'éleöion d'un Evêque. Après bien des brigues & des cabales, les Ariens jettent les yeux fur Mélece, déja Evêque de Sébafte, qu'ils croyent dans leur parti. Plu- CONSTAHCE. Arm. 35 9.  CONSTAMCE. Ann. 359, : 1 ] i 1 J { t 1 F F 5aa II1 s t 0 1 r e fieurs Catholiques confentent k ce choix, & Ie décret d'élecf ion efi dépofé entre les mains d'Eufebe , Evêque de Samofate. L'événement fit voir que les Catholiques avoient le mieuxconnule nouvel Evêque. A peine efi-il élu , qu'il fe déclare hautement pour la foi de la Confubftantialité. Conftance irrité 1'exile un mpis après k Mélitine dans TArménie mineure, & a la follicitation des Ariens , il envoye a Samofate redemander a Eufebe fade d'éleftion. Ce généreux Prélat refufe de le rempttre, k moins que tous ceux qui lui ont confïé ce dépot, ne foient nTemblés. L'Empereur 1'envoye fomner une feconde fois, & lui mande ju'en cas de refus', il a ordonné qu'on ui coupat la main droite. Eufebe, iprès la leflure de cette lettre, pré'ente les deux mains : Coupes-les toues deux , dit-il; maïs je ne remettrai amais a FEmpereur un acle dont un Concile ma rendu dépojitaire. Ce n'éoit qu'une feinte de la part de Confance ; 1'envoyé avoit ordre de ne as exécuter cette menace; 1'Emereur ne put s'empêcher d'admi-  nu Bas-Empire. Liv. X. 523 rer Ia fermeté du Prélat. Mais il ne s'adoucit point en faveur de Mélece ; il fit nommer en fa place Euzoius, qui, dés 1'origine de 1'héréiie, avoit partagé les erreurs & les anathêmes d'Arius. De ce moment, il y eut trois partis dans 1'Eglife d'Antioche : les Ariens qui reconnoifToient Euzoius; les Méléciens, ceux-ci étoient Catholiques & unis de communion avec Mélece ; les Euftathiens, on appelloit ainfi les orthodoxes qui n'ayant reconnu aucun Evêque depuis 1'injufte dépofition d'Euftathe, refterent féparés de Mélece, paree qu'ils ne pouvoient fe réfoudre a recevoir un Evêque de la main des Hérétiques. Les Prélats Ariens afTemblés a Antioche drefferent encore un nouveau formulaire, ou la doörine des Anoméens fe manifeftoit fans aucun déguifement. Mais les cris qui s'éleverent contre eux, les forcerent d'en revenir a la formule de Rimini. C'eft ainfi que les flots de 1'héréfie, tantot s'élancant avec audace, tantöt fe repliantfur eux-mêmes, emportoient 1'Empereur, qui jufqu'a la fin de fa vie, pouffé d'erreur en erreur, fut CONSTANCE. Arm. 359.  CONSTANCE. Ann. 359. XLVIlI. Gouvernementéquitable de Julien. Amm. I. 18, c. 1. Lib. or. li. Zon. t. II. t' 10. 1 1 t 1 i i < 524 H I S T O I K B fans ceiïe Ie jouet des différenres cabales, foit dans 1'Eglife, foit dans fa Cour. Julien acquéroit autant d'eftime que Conffance s'attiroit de mépris. Rien n'étoit plus oppofé que la conduite des deux Princes. Le Céfar , après avoir pafTé 1'été a foumettre les barbares , employoit le temps de 1'hyver a rétablir les Provinces. II modéroit le fardeau des impöts , il réprimoit les ufurpations , il encbainoit 1'avarice de tous ces hommes de fang & de rapines, qui ne s'enrichilTent que des pertes publiques : il veilloit avec tant fattention fur les Magiftrats, qu'ils ie pouvoient s'écarter des regies de a juftice. Son exemple étoit pour les uges une loi vivante plus forte que outes les autres loix. II fe chargeoit ui-même des affaires importantes, >c les jugeoit avec la plus fcrupuleufe ntégrité. Un Gouverneur fut accufé [e concuffïon devant Florence. Ceui-ci, coupable du même crime , ne ut pas affez hardi pour condamner an femblable : fa colere fe tourna ontre 1'accufateur, & le concufonnaire fut abfous. L'injultice étoit  r>u Bas-Empire. Lh. X. 525 trop évidente; les murmures éclaterent, & Florence, pour fe mettre a couvert, pria Julien de revoir le procés : il fe flattoit que le Céfar n'oferoit caffer fa fentence. Julien refufa d'abord; il s'excufa fur ce qu'il ne lui appartenoit pas de réformer le jugement d'un Préfet du Prétoire. Enfin, preffé de prononcer, il décida en faveur de la vérité & de la jufiice. Florence s'en vengea k fon ordinaire, en écrivant contre lui k la Cour. La févérité de Julien n'empruntoit rien de 1'humeur ni du caprice ; elle étoit toujours éclairée, & n'agiiToit qu'autant qu'elle étoit guidée par la certitude des faits. On accufa encore de concufïïon devant lui Numérius, qui avoit gouverné la Province Narbonnoife. Julien voulut le juger dans une audience publique ; 1'accufé fe défendoit fortement en niant les faits, & les preuves manquoient pour le convaincre. Alon 1'accufateur Delphidius , qui plaidoii avec chaleur, s'écria d'un ton d'impatience: Eh ! Céfar, qui fera jamais coupable ,Jïl'on eji quitte pour nier les faits , Et qui fera jamais innocent, reparti: Cons- tance. Ann. 3 59.  CONSTANCE. Ann. 3S9« XLIX. Quatrieme campagne de Julien. Amm. ibid. t. %. Lib.or.ll. 52fj H I S T 0 I R E Julien , fi, pour étrc coupabk, il fujffzt d'être accufé? La campagne précédente avoit foumis une partie de 1'Allemagne : mais il y reftoit encore des Princes ennemis. Afin de pénétrer leurs deiTeins, Julien envoya k la Cour d'Hortaire, allié des Romains, un Tribun dont il connoifloit la fidélité, 1'intelligence , & qui favoit la langue Allemande. Celui-ci, revêtu du caracïere d'Ambafladeur , avoit ordre de s'approcher de la frontiere des barbares, auxquels on avoit deffein de faire la guerre , & d'obferver leurs mouvements. Pendant cetemps-la, Julien ralTemble fes troupes; il vifite les villes qui avoient été détruites fur les bords du Rhin, Sc acheve de les rétablir. Les nouveaux alliés , comme ils y étoient obligés par le traité , fourniffoient la plupart des matériaux. Les foldats, que de pareils travaux rebutent pour 1'ordinaire, s'y portoient de bon cceur par amour pour Julien. On niit en état de défenfe fept villes dont les plus connues font Nuys, Bonn, Andernach 6c Bingen. Les magafins pour ferrer le bied qu'on apportoit  du Bas-Empir.e. Liv. X. 527 de la Grande-Bretagne, avoient été réduits en cendres; ils furent bientot rétablis & pourvus de grains. Le Préfet Florence joignit Julien avec le refte de 1'armée, &c des próvifions pour plufieurs mois. Le T.ribun vient rendre compte a Julien , & 1'armée marchea Mayence Florence & Lupicin , qui avoit fuccédéa Sévere, mortdepuis peu,vouloient qu'on paffat le Rhin en cel endroit , comme on avoit fait le< deux années précédentes. Le Céfat s'y oppofoit : le pays d'au-dela appartenoit a Suomaire ; il craignoil d'offenfer ce nouvel allié , en faifanl palfer fur fes terres des foldats toujours avides de pillage. Les Allemands qu'on alloit attaquer , menacoient de leur cöté Suomaire de s'en prendre a lui, s'il n'arrêtoit les Romains. Sur la réponfe qu'il leur fit, qu'il n'étoit pas en état de réfifter feul, toute 1'armée des barbares vint camper vis-a-vis de Mayence pour difputer le paffage. On ne pouvoit fansun péril évident, 1'entreprendre a la vue de tant de ïbrces réunies. Ainfi 1'avis de Julien prévalut ; on con tam: Ann. 3 L. Julii paffe Rhin.  CONSTANCE.Ann.359 528 HlSTOIAE remonta le fleuve pour chercher un endroit commode a rétabliffement d'un pont. Les barbares firent le même mouvement; & fuivant le long du fleuve la marche de 1'armée Romaine , ils s'arrêtoient quand ils la voyoient camper, & faifoient bonne garde pendant la nuit. Après plufieurs jours de marche, Julien fit retrancher fes troupes, & chargea d'ordres fecrets quelques Officiers de confiance. Ils choifirent trois cents foldats braves & difpos, qui ne favoient pas oü on les conduifoit, & ils les firent embarquer de nuit dans quarante bateaux. Ils defcendirent le fleuve en fe laifTant aller au fxl de 1'eau fans fe fervir de rames, de peur d'être entendus des ennemis. Après avoir dépafTé daffez loin le camp des Allemands, ils débarquerent fur la rive droite. Le Roi Hortaire avoit cette nuit-la invité a un grand feftin les Rois & les Princes de 1'armée ennemie. Ce n'étoit pas qu'il eut deffein d'entrer dans leur ligue : mais quoiqu'il fut ami des Romains, il 1'étoit aufli de ces Princes, & il vouloit obferver avec eux tous les égards du bon voifinage.  du Bas-Empire. Liv. X. 529 voifinage. Le repas avoit dure longtemps , felon 1'ufage de la nation , 6c les conviés revenoient au camp en belle humeur, lorfqu'ils furent rencontrés par le détachement qui avoit pafte le fleuve. Les Princes échapperent a la faveur des ténebres & de la vitefle de leurs chevaux : mais prefque tous les gens de leur efcorte qui les fuivoient a pied refterent fur la place. L'allarme fe répand dans le camp; on croit que toute 1'armée Romaine eft deja en-dega du Rhin; c'eft a qui fuira avec plus de vïteffe; chacun s'emprefle de gagner 1'intérieur du pays, & d'y mettre en füreté fa femme & fes enfants. Les Romains ne trouvant plus d'obftacle; jettent leur pont, & traverfent le pays d'Hortaire fans y faire de ravage. Quand ils furent entrés fur les terres des ennemis, ils mirent tout a feu & a fang. On abattoit les cabanes , on paflbit les habitants au iil de 1'épée. Après qu'on eut défolé tout le canton, on arriva dans un lieu nommé Palas , oü étoient dreffées des pierres qui fervoient de bornes entre le pays des Allemands & celui Tornt II. Z CONSTANCE. Ann. 3 $9.  CONSTANCE. Ajin. 359 530 HlSTOIRE des Bourguignons. L'armée s'y arrêta pour recevoir deuxRois, nommés Macrien & Hariobaude : ils étoient freres, & venoient demander ia paix, qu'ils obtinrent. Vadomaire dont nous avons déja parlé, & qui régnoit dans le pays qu'on nomme aujourd'hui le Brifgaw, fe rendit aufli au camp. II apportoit des lettres de recommandation de Conftance. On le recut avec honneur comme un vaffal de 1'Empire; mais il n'obtint pas une réponfe favorable. 11 venoit implorer la clémence des Romains pour trois Princes quis'étoient trouvés a la bataille de Strasbourg, & qui voyant approcher le vainqueur , avoient recours aux prieres, C'étoient Urie, Urficin & Veftra4pe. Julien, connoiflant la légéreté de ces barbares, craignit que s'il les tenoit quitte pour des excufes & des foumiffions verbales, ils ne fe fifferft un jeu de reprendre les armes dés qu'il feroit éloigné. II voulut donc leur faire fentir ce qu'il en coütoit pour attaquer 1'Empire. On brüla les moiffons & les habitations; on tua, on enleva un grand nombre de leurs  nu Bas-Empire. Liv. X. 531 fujets. Quand on les eut ainfi punis, on écouta leurs fupplications, & 1'on traita avec eux aux mêmes conditions qu'avec leurs voiüns : on les obligea fur-tout a rendre tous les captifs. Lorfque Julien eut repafle le Rhin, un de ces Princes qui venoit de donner fon fils en ötage, 1'envoya auffi-töt redemander avec menaces, fans avoir rendu les Prifonniers. Julien remit le jeune Prince entre les mains des députés : Remene^le a fon pere , leur dit-il : un enfant n'ejl pas feul une camion fujfjante pour un fi grand nombre de braves gens qui valent micux que lui. II écrivit en mêmetemps au pere en ces termes ; Je vous tnvoye a' mon- tour des députés. Ayt{ a leur remettre tous les prifonniers quevous ave^ en votre pouvoir , & dont le nombre monte a plus de trois mille; ou riimpute\ qu'd vous feul les fuites fu~ nefes de votreperfidie. En même-temps, il part de Spire, a deffein de repaffer le fleuve. Le Roi Allemand n'attendit pas 1'orage ; il renvoya promptement tous les Gaulois qu'il avoit enlevés dans fes incurfions. Cette campagne couronna les fuccès de Julien Z ij CONS- TANCE. Inn, 359.  CONSIAKCE.nn.359. Fin du Tome fecond. 53a H 1 s t 0 1 r e, gjV. dans la Gaule ; & ces quatres années furent la partie la plus brillante de fa vie. L'hyver fuivant, tandis qu'il fe repofoit des fatigues de la guerre, dans des occupationsplus tranquilles, mais qui n'étoient pas moins falutaires a la Province, fes ennemis travailloient a la Cour a le défarmer pour le détruire. Leur malignité alla fi loin , qu'elle lafTa la patience des foldats de la Gaule. Le Céfar fe vit forcé, du moins en apparence , d'accepter le titre d'Augufte, comme nous 1'allons raconter.  EXTRAIT DES REGISTRES de V Academie Royale des Infcriptions & Belles-Lettres. Du Mardi 9 Mai 1758= M. 1'Abbé Sallier & M. Me lot, Commiffaires nommés par 1'Académie pour 1'examen d'un Ouvrage manufcrit de M.Le Beau, Secretaire perpétuel de ladite Académie , intitulé : Hifloire du B'as-Empire, Tomes 11, en ont fait leur rapport, & ont dit qu'ayant examiné eet Ouvrage, ils n'y ont rien trouvé qui ne faffe honneur a 1'Auteur & a 1'Académie. En conféquence de ce rapport, & de leur approbation par écrit, 1'Académie a cédé a. M. Le Beau fon droit de privilege pour 1'imprefiion dudit Ouvrage. En foi de quoi nous avons figné le préfent certificat. A Paris, au Louvre, ce Mardi 9 Mai 1758. Du Resnel, Direcleur de F'Académie, La Curne de Sainte-Palaye, Sous-Direfleur,      HISTOIRE D U BAS-EMPIRE. T O M E S E C O N D.   HISTOIRE D U BAS-EMPIRE, EN COMMENgANT a CONSTANTIN le Grand. Par Monfmir LE BE JU, Profejfeur Êmérite en füniversitê de Paris > Profejfeur d'Êloquenee au College Royal, Secretaire ordinaire de Monseigneur le Duc d'OrlÉANs , & ancien Secretaire perpétuel de VAcademie Royale des Jnscriptions et Belles-Lettres. tome second. A MAESTRICHT, Chez Jean-Edme Dufour & Phil. Roux, Imprimeurs-Libraires, aflbciés. M. DCC. LXXX.   S O M M A I RE d v LIVRE SIXIEMË. i. Caract ere des fils de Conftantin. II. Majfacre des freres & des ne~ veux de Conjiantin. lil. Autres maffa~ eres. iv. Crédit de fEumque Eufebe. V. Suites de la mort de Dalmace & d'Hannibalien. VI. Nouveau partage. VII, Rétablijfement de St, Aihanafe. VIII. Rappel de St. Paul de Conjlanünople. IX. Confiance retourne en Oriënt. X. Antiquités de Nijïbe. XI. Sapor leve U Jiegt de Nijibe. XII. Préparatifs pour la guerrc de Perfe. XIII. Première expédition de Confiance. XIV. Troubles de FArianifme. XV. Mort d'Eufebe de Céfarée. XVI. Confulat cCAcyndine 6- de Proculus. Xvn. Mort du jeune Conjiantin. Xviir. Loix des trois Princes. XIX. Nouvet" les calomnies contre St. Athanafe. XX. Concile <£ Antioche. XXI. Grégoire in; trus fur le fiege £Altxandrie. XXII. Tomt II, A  1 SOMMAIRE Violences d farrivée de Grégoire. XXIII. Précaution pour cacher ces exces d l'Empereur. xxiv. Les Catholiques maltraités'par toute C Egypte. XXV. Violences exercées ailleurs. xxvi. Athanafe va d Rome. XXVII. Paul rétabli & chaffé de nouveau. XXVIII. Athanafe va trouver Conflant. XXIX. Synode de Rome. XXX. Amide fortifiée. XXXI. Terrible tremblement de terre. X X X11. Courfes des Francs. XXXIII. Ils font réprimés par Conflant. XXXIV. Conflant dans la Grande-Bretagne. XXXV. Tremblements de terre. XXXVI. Converfion des Homérites. XXXVII. Inquiétudes des Ariens. XXXvm. Marche de Confiance vers la Perfe. XXXIX. Port de Séleucie. XL. Sédition d Conflantinople. XLI. Concile de Milan. XLII. Concile de Sardique. XLIII. Les Ariens fe fiparent. XLIV. Jugement du Concile. XLV. Faux Concile de Sardique. XLVI. Concile de Milan, XLVII. Députés envoyés a Confiance. XLVIII. Guerre-des Perfes. XLIX. Bataille de Singare. L. Nouveaux troulles des Donatifles appaifés en Afrique. LI. Violences des Ariens. Ui. Lettres de Conflance d St. Athanafe. LUI. Injigne fourberie d'Etienne, Evéque £An-  du Li vre VIe, 3 eloche. Liv. Confiance rappelle de nouveau Saint Athanafe. LV. Athanafe. a Antioche. 1X1, Retour £ Athanafe a Alexandrie, A ij   HISTOIRE D U BAS-EMPIRE. L I V RE S 1 X I E M E. CONSTANTIN II, CONSTANCE, CONSTANT. LA mort de Conftantin donnoit lieu a de grandes inquiétudes. Plus il s'étoit acquis de gloire, plus on craignoit que fes fils ne fuflent pas en état de la foutenir. Les politiques obfervoient, que de tous les fucceffeurs d'Augufte, Commode avoit été le feul tjui fut né d'un pere déja Empereur : A iij Cons- tantin !I CONStanc£. Constant.Ann. 357. I. Canftere  COKS- tantinII constance. Constant.Ann. 337. des fils de Confian- tin. Liban. Ba- fil. Thcm. or. U 6 HlSTOIRB & eet exemple, unique jufqu'aux enfants de Conftantin, étoit pour ceux-ci de mauvais augure. Ils remarquoient encore, que la nature avoit pour I'ordinaire fort mal fervi 1'Empire: plufieurs de ceux que 1'adoption avoit placés fur le tröne, s'enétoient montrés dignes: mais a 1'exception de Tite & de Conftantin lui-même, les Céfars qui avoient fuccédé k leurs peres, en avoient toujours dégénéré. A ces réflexions générales fe joignoient celles que faifoit naitre le cara&ere particulier des nouveaux Empereurs. Ils n'avoient pas pleinement répondu a 1'excellente éducation qu'ils avoient recue. Conftantin , 1'aïné des trois, étoit celui qui reflembloit Ie plus a fon pere; il avoit de la bonté & de la valeur; mais il étoit ambitieux, fougueux, imprudent. Conftant, le plus jeune , laiflbit déja appercevoir un penchant pour les plaifirs, qui ne pouvoit devenir que plus dangereux dans la puiflance fouveraine ; 5c Conftant étoit tout enfemble foible & préfomptueux; fait pour être 1'efclave de fes flateurs, po.urvu qu'ils youluffent bien lui laifler croire qu'il  du Bas-Empire. Liv. VI. 7 étoit le maïtre; fe croyant grand Capitaine , paree qu'il étoit adroit k titer de 1'arc, k monter k cheval, & qu'il réufliflbit dans tous les exercices militaires. La jeuneffe de ces Princes, dont 1'aïné n'avoit que vingt ans, & les conteftations qui pouvoient naitre du partage de TEmpire , augmentoient encore les allarmes. Le teftament de Conftantin fut remis , fuivant fes ordres , entre les mains de Conftance. II appelloit k la fucceflion avec fes trois fils fes deux neveux, Delmace & Hannibalien. Mais les armées, les peuples & le Sénat de Rome ne vouloient reconnoitre pour maitres que fes enfants : ils les proclamerent feuls Auguftes. C'étoit donner 1'exclufion k fes neveux. Ce zele bifarre, qui préten~ doit honorer la mémoire de Conftantin , en s'oppofant k fes dernieres volontés, fe porta jufqu'a la fureur. Les foldats prirent les armes, & commencerent les maffacres par celui du jeune Delmace, le plus aimable de tous les Princes de cette familie. Son frere le fuivit de prés. Delmace leur A iv CONS- tantinII constance. Constant.Ann, 337. II. Maffacre des fceres & des neveux de Conftantin. Euf.vitJ. 4, c. 63 , 69. Ath. ai Solit. Jul. or. i , & ad Ath. Grcg. Na{. or. 3. AS. Safil. apud Bolland. II. Martü. Aur. na. Vict. Epit. Eutr. I. 1 o. Zo{. I. i. Hier. Chr. Sac. 1.1 ,  CoNS- TantinII CoNStance. Constant.Ann. 337. *. vit. & /, 3 , C. 2 , & l- 3 , e. ï. Theod. I. 3» <■« 3. 2 , *. 32. ldace. Pagi ad £ar. ! ] . j J ( 4 8 H I S T f) I R g pere, furnommé Ie Cenfeur, étoit de;a mort. Les meurtriers n'épargnerent pas les deux autres freres de Conftantin , Jule Confiance & Hanmbalien. On égorgea encore cinq neveux du défunt Empereur, dont on ignore les noms : 1'un étoit le fils ainé de Jule Confiance. Ses deux autres fils, Gallus,^agé de onze adouze ans, & Juli en, agé de fix, alloient périr dans le fang de leur pere & de leur fiere; mais on ne crut pas qu'il füt befoin d'öter la vie a Gallus, qui étant malade, fembloit prés de mourir: Julien fut fauvépar Mare, Evêque d'Aréthufe, qui le cacha dans le fanctuaire, fous Tautel même. On ne fait par quel moyen échappa Népotien , fils d'Eutropie, fceur de Confiantin. On n'a jamais reproché ces meurtres a Conftant, ni è Conftantin le feune. Plufieurs Hiftoriens les attriauent a Conftance : d'autres 1'accu"ent feulement de ne s'y être pas opjofé. St. Grégoire de Nazianze, pa•oit en rejetter toute 1'horreur fur es foldats. Conftance lui-même s'en :ft reconnu coupable, s'il en faut :roire Julien, qui rapporte, fur le té-  nu Bas-Empme. Liv. VI. _ 9 cioignage des courtifans de ce Prince , qu'il s'en repentit, & qu'il penfoit que la ftérilité de les femmes & les pertes qu'il effuya dans la guerre contre les Perfes, en étoient la punition.Les trois Princes, délivrés de tous ceux dont ils pouvoient craindre la concurrence, prirent le titre d'Auguftes leneuvieme de Septembre. Les foldats fe firent payer de ces forfaits par la liberté d'en commettre de nouveaux. Ils fe crurent en droit de donner la loi k leurs maitres , & de réformer leur confeil. Ils maffacrerent les principaux courtifans de Conftantin , dont quelques - uns avoient abufé de fa faveur, & les laifferent fans fépulture. On diftingue entre les autres le Patrice Optat, ce perfonnage célebre, dont j'ai par lé fur 1'année 3 34, oüil fut Conful, & Ablave , Préfet du Prétoire. Celuici s'étoit élevé de la plus baffe naiffance. On croit qu'il étoit Chrétien, & les Auteurs Payens confirment cett< opinion par leur acharnement k 1< décrier. lis lui imputent la mort d( Sopatre, que nous avons racontée II avoit a Conftantinople une maifoi A v CONSTANTlNlICOKStance. Constant.Ann. 337. III. Autres maflacres. Euf. vit. I. 4, c. 30. Jul.or. i. Greg. N tit. ( i , leg. 5. j ( 1 ] ( I 1 1 g 14 HlSTOIRE rer d'avance avee fon frere Conftant. II devoit en effet être le plus emprefTé k folliciter un nouvel arrangement, paree que les Etats, devenus vacants par la mort de Delmace & d'Hannibalien , confinoient avec ceux de fes freres, & n'étoient nullement a fa bieniéance. Les^ trois Princes s'étant donc affemblés vers le mois de Juillet en Pannonie, partagerent ainfi la nouvelle fucceffion. Conftance eut pour fa part tont ce qui avoit été donné k Hannibalien, en forte qu'il pofféda fans exception 1'Afie entiere & 1'Ezypte. Des Etats de Delmace, il eut la rhrace & Conftantinople, fuppofé }ue cette ville n'eüt pas été dès auiaravant détachée de la Thrace, & lonnée k Conftance par Conftantin néme, comme il y a lieu de croire. Conftant, qui poffédoit déja 1'Italie, 'Illyrie & 1'Afrique , y joignit Ia 4acédoine & la Grece. II paroit que Conftantin fut celui qui gagna le loins dans ce partage. II avoit déja ?s Gaules, la Grande-Bretagne , & Efpagne, dont la Mauritanië Tinïtane étoit alors conlïdérée comme  du Bas-Empire. Lh. VI. 15 une dépendance : il ne remporta que des prétentions fur 1'Italie , & des droits conteftés fur 1'Afrique, dont Conftant lui cédoit une partie, & lui difputoit Pautre. Ces différends entre les deux freres éclaterent bientöt par une rupture funefte a 1'un des deux. On convint dans cette conférence du rappel des Evêques Catholiques , que Conftantin, abufé par les Hérétiques, avoit exilés a la fin de fa vie. Conftance étoit depuis long - temps livré aux Ariens : après la mort de fon pere, il s'étoit ouvertement déclaré en leur faveur. Ce Prêtre fuborneur , dont j'ai parlé , déja maitre abfolu de 1'efprit de 1'Impératrice, s'étoit infinué bien avant dans la confiance du nouvel Empereur : il n'avoit pas manqué de lui faire valoir fa fidélité a lui remettre le teftament de Conftantin , dont Ie Prince avoit lieu d'être content. Les deux Eufebes . 1'Evêque de Nicomédie, & 1'Eunuque, fecondoient cet impofteur; & la Cour, toujours efclave des favoris. n'ofoit penfer autrement. Cependanl le jeune Conftantin vint a bout de CONStantin Iï CONStance. Constant.Ann. 338. VII. Rétabliffement de St. Athanafe. Ath. ad Solit. & Apo!. 2. Soc. 1.2, C. 2. Iheod. I. 2 , c. 12. SoK. I. 3 „ c. i , 2. Cedr.t. ƒ, p. 297. Pagi ad Bar.  CONSTASTINlCONSTANCE. Constant.Apn. 3jS 16 HlSTOIRS ' rendre aux Eglifes les Evêques que Ia [ calomnie en avoit chaffés. Dès avant fon départ de Treves, il avoit adreffé au peuple Catholique d'Alexandrie une lettre datée du 17 Juin , dans ■ laquelle il fuppofoit que fon pere n'avoit relégué Athanafe en Gaule, que pour le fouftraire k la fiireur de fes ennemis ; il déclaroit qu'il s'étoit effbrcé d'adoucir 1'exil de cet homme apoftolique, en lui rendant les mêmes honneurs que le Prélat auroit pu recevoir è Alexandrie; il admiroit fa vertu , foutenue de la grace divine, & fupérieure k toutes les adverfités: Puifque mon pere, ajoutoit-il , avoit formé le pieux deffein de vous rendre votre Evêque, 6" qu'il ne lui a manquè quele temps de Cexêcuter ,/ai cru qu'il étoit du devoir de fon fuccejfeur de remplirfes intentions. Comme Alexandrie étoit dans le partage de Confiance , le jeune Conftantin pour ne pas donner d'ombrage k fon frere, ne prenoit dans cette lettre que le titre de Céfar. II mena avec lui Athanafe en Pannonie. Conftant, animé du même zele , le feconda par fes inftances. Ils parierent avec fermeté, & forceren!  du Bas-Empire. Liv. VI. 17 leur frere a confentir, malgré les fa- ! voris, au retour des exilés. Athanafe , fe préfenta k Conftance dans la ville de Viminac : il continua fon voyage par Conftantinople, oü il s'arrêta quelques jours. En paflant par la Cappadoce , il vit encore k Céfarée Conftance qui revenoit de Pannonie en Syrië. Ce Prince lui fit un accueil favorable; & le faint Prélat, après deux ans & demi d'abfence , fut recu dans Alexandrie avec des acclamations de joie. Les autres Evêques d'Egypte, que 1'exil d'Athanafe avoit allarmés & difperfés, fe rallierent comme fous 1'étendard de leur chef. Ce ne fut pas fans peine qu'Afclépas de Gaze & Marcel d'Ancyre, fe remirent en poffeflïon de leurs fieges, dont les Ariens s'étoient emparés. Alexandre, Evêque de Conftantinople , étoit mort pen de temps avant Conftantin, après avoir vécu 98 ans, & gouverné 23 ans fon Eglife. Dans les derniers moments de fa vie, confulté par fon Clergé fur le choix de fon fucceffeur: S'il vous faut, dit-il, un Prélat capable de vous édificr par fon txemple, & de vous inflruire par fa doc- COKSrANTINllCONSTAKCE. Constant.&.nn. 35S. vin. Rappel de St. Paul de C. P. Soc. 1.1, c. 6. SoX. U 3» e- 3,4Vita. Pauli apud Phot. Hermant, vie i'Ath,  Constant/in II Cokstakce.Constant.Ann. 338. !• 4> c- 2'. êclairdff. TUI. vie de St. Alex. & de St. Paul de C.P. Vita Ath. in edit. Benidic. i J 1 ( 1 I C C 1 c f f F P d II I S T 0 I R E trine, choififfi{ Paul: mais fi vous cker_ chei un homme habile dans la conduite des affaires, & pr0pre d réutfir dans le commerce des grands , ces talems font ceux de Macêdonius. Ces dernieres paroles du St. Evêque partagerent les elpnts. Ceux qui favorifoient 1'Ariamfme nommerent Macêdonius; c'étoit un Diacre déja avancé en age, qui enfretenoit avec les Ariens une fecrete mtelligence. II avoit été brodeur dans la jeuneffe. Les autres en plus grand nombre élurent Paul : ils 1'emporte•ent, & Paul fut ordonné dans 1'EJhfe de la Paix. Mais la divifion s'aluma dans la ville. Eufebe de Niconédie, qui regardoit ce fiege d'un eil d envie, & qui defiroit ardemaent d'être 1'Evêque de la Cour, >ronta de la difcorde. II réuffit a noirir Paul dans 1'efprit de 1'Ernpereur, omme il avoit noirci Athanafe : il i fit accufer par Macêdonius. Celui1 attaqua fes moeurs, quoiqu'elles Jltent irréprochables : il repréfenta m éleöion comme une cabale % fous retexte qu'il avoit été inftallé fans la ai tjcipation des Evêques de Nicomé>e & d'Héraclée, a qui ïl appartenoit  nu Bas-Empire. Liv. VI. 19 d'ordonner 1'Evêque de Conftanti- ' nople: mais Eufebe SiThéodore d'Hé- . raclée, livrés a 1'Arianifme, avoient refufé leur miniftere. Conftantin, toujours trompé dans les derniers temps de fa vie, exila dans le Pont le nouveau Prélat, fans confentir cependant a fa dépofition. Athanafe, en paffant par Conftantinople, fut témoin de fon retour; il le fortifia de fes confeils contre la perfécution, qui ne tarda guere k fe rallumer. Conftance, que la mort de fon pere avoit rappellé de 1'Orient, y retournoit en diligence. Les Perfes avoient paffe le Tigre. Avant la mort de Conftantin , Sapor étoit entré dans la Méfopotamie ; mais fur la nouvelle de la marche de l'Empereur, il s'étoit retiré dans fes Etats. II y demeura tranquille le refte de 1'année. Dans 1'été fuivant, il fe remit en campagne , pour profiter de 1'éloignement de Conftance, ou pour faire 1'effai de la capacité du nouvel Empereur. II étoit fecondé d'un puiffant parti dans 1'Arménie. Les Arméniens, alors divifés, fans doute par les intrigues de Sapor, s'étoient révoltés contre CONSrANTlNlI constance. Constant.\.nn. 338. IX. Conftance retourne en Orient. Jul. er. X. Pagi ad Bar.  CONS- tantinII c0nstance. Constant.Ann. 338. X. Antiquités de Nifibe. Strai.l.16. Plin. I. 6 , c 6, & l. 4 , <• 17. Dio. I. 3 5. Plut. in Lucul. Proc. tel. ■ Verf. I. 1, 1 e. \l & 17. j Hier. qwtft, in Genef. c, ' io , v. ïo. j Zon. 1.11, p. 14. Jofeph. Aa- ' tiq. I. 20 , l c. 23. */>M. »i S Severo. ( Amm. I, f a5»f.8. j. 20 H 1 s t 0 1 r e leur Roi, & 1'avoient forcé afefauver fur les terres de 1'Empire, avec ceux qui lui étoient reftés fideles. Les rebelles, maïtres du Pays, s'étoient déclarés pour les Perfes, & faifoient des courfes fur la frontiere. Sapor , de fon cöté , ravageoit la Méfopotamie, & vint mettre le fiege devant Nifibe. , Cette ville étoit fituée dans la partie feptentrionale, & la plus fertile de la Méfopotamie , a deux journées du Tigre, fur le fleuve Mygdone, au pied du mont Mallus. C'étoit, felon Saint Jéröme , celle qui eft nommée Achad dans la Genefe, une des plus mciennes villes du monde, batie par Nimrod, en même-temps que Babyloie & Edeffe. Nifibe,en langage Phénaen , fignifioit colonnes ou monceau lepierres. Les Macédoniens, qui tranf>ortoient aux pays conquis les noms le leur propre pays, donnerent è :ette contrée le nom de Mygdonie , '* k Nifibe celui d'Antiocke. Elle 'appelle encore aujourd'hui Nesbin, lans le Diarbek. Elle étoit très-fore ,environnée d'un doublé miir de >riques très-épais, & d'un doublé  du Bas-Empire. Liv. VI. ai fofle large & profond. Lucullus en fit le fiege, & s'en rendit maïtre par furprife. Elle fut rendue aux Rois d'Armenië. Artabane , Roi des Parthes, s'en étant emparé, en fit préfent a Izatès, Roi de 1'Adiabene , par qui il avoit été rétabli dans fon Royaume. Elle fut reprife par Trajan, abandonnée par Hadrien, rendue aux Romains fous Mare - Aurele. Septime Sévere 1'honora du titre de colonie. C'étoit une digue qui couvroit a la vérité la partie oriëntale de 1'Empire contre les invafions des Perfes; mais qui coütoit aux Romains beaucoup de fang 6c de dépenfes. Défendue par fes remparts, pat une forte garnifon, & par des habitants aguerris, elle réfifta aux attaques de Sapor. Mais dans les trois fieges qu'elle foutint contre ce Prince , elle attribua fur-tout fa délivrance aux prieres de Jacques fon Evêque. Prélat fameux par fa fainteté 6c pai fes miracles, 6c qui avoit foutenu ; Nicée 6c a Conftantinople la foi at taquée par les Ariens. Sapor fe re tira après un fiege de foixante-troi: jours, 6c ramena en Perfe fon ar- C onstantin II CONStance. Constant. Ann. 338. Sleph. in Nifibis. TUI. Emp. t. 11 , p. 203 ,23©, 3 5 3- Vaillant in colon, t. II, p. 140. XI. Sapor leve le fiege de Nifibe. Chr. Alex. p. 287. Hier. Ckri Theoph, p, 28. 1  constantin II constance. Constant.Ann. 338. XII. Préparaxiïs de guerre contre les Perfes. Jul or. 1. liban. Bajilic. & or. ÏO. Zon. t. II. p. 13. Cod. Tb. I. 11 , tit. i , leg. 5 , & ibi God, 24 HlSTOIRE mée honteufe & fatiguée, que Ia famine & la pefte acheverent de détruire. Cependant 1'Empereur, arrivé k Antioche, fe difpofoit a marcher contre les Perfes. Les circonftances ne lui promettoient pas de grands avantages. II n'avoit que le tiers des forces de fon pere; fes freres ne lui prêtoient aucun fecours : les vieilles troupes regrettoient Conftantin; elles méprifoient fon fils : leur courage contre 1'ennemi s'étoit tourné en mutinerie contre leur chef; elles prétendoient lui commander, paree qu'il ne favoit pas s'en faire obéir. Ce fut un des plus grands défaüts de Conftance ; & la principale fource des mauvais fuccès qui ont déshonoré fon regne & affbibli 1'Empire. En vain pour gagner Ie coeur & la confiance des foldats, le Prince faifoit avec eux les exercices militaires, dans lefquels il excelloit. La difcipline fembloit avoir été enfevelie avec Conftantin, & Conftance ne fut vaincu par les ennemis, qu'après s'être laiffé vaincre par fes propres légions. Cette première campagne lui fut pourtant affez  du Bas-Empire. Liv. VI. 23 heureufe. Les Goths alliés 1'aiderent d'un renfort confidérable, & continuerent de lui rendre de bons fervices dans toute la fuite de cette guerre. II forma un corps de cavalerie femblable a celle des Perfes, & dont les hommes & les chevaux étoient couverts de fer; il mit a la tête le brave Hormifdas, qui, en combattant pour les. Romains, cherchoit a venger fa propre querelle. Comme les fonds néceffaires manquoient pour la guerre, il augmenta les impofitions, mais de peu, & pour peu de temps; & afin de rendre cette furcharge moins onéreufe en général, il ne voulut pas que ceux qui, par leurs privileges, étoient exempts des impofitions extraordinaires , fuffent difpenfés de celle-ci. Etant parti d'Antioche au mois d'Oftobre , il arriva le 28 a Emefe, paffa par Laodicée & par Héliopolis. En approchant de l'Euphrate , il engagea au fervice des Romains quelques tribus des Sarrafins. Les Perfes s'étoient déja retirés. Conftance avanga fans coup férir jufque fur leurs frontieres. La feule crainte de fes ar- CONS- tantinII constance. Constant.Ann. 33%'. XIIL Première expédition de Conftance. Sul. or. x. Liban, Bafilic. God. ad Cod. Th. I. 12. tit. I, leg. 25. ldace.  constantin II constance. Constant.Ann. 338. Ann. 339. XIV. Troubles de 1'Arianifme. Ath. ad Solit. & Apol. 2. Soc. I. 2, t. 7. Theod. I. £4 HlSTOIRE mes pacifia PArménie. Les rebelles rentrerent dans le devoir, renoncerent k 1'alliance des Perfes, & recurent leur Roi qu'ils avoient chafle. On ne fait li ce n'eft pas k cette première expédition, qu'il faut rapporter ce que Libanius raconte d'une ville de Perfe. Elle fut prife d'emblée : Conftance fit grace aux habitants; mais il les obligea de quitter lepays, & les envoya enThrace dans un lieu fauvage & inhabité, oü ils s'établirent. L'Auteur ne marqué le nom ni de Ia ville prife, ni de celle qui fut fondée enThrace. L'Empereur ramena fon armée k Antioche vers la fin de Décembre, 5c prit le Confulat, pour la feconde fois, avec fon frere Conftant. Sapor, renfermé dans fes Etats, s'occupa pendant les deux années fuivantes a réparer fes pertes. C'étoit un temps précieux, dont Conftance auroit pu profiter pour prendre fes avantages. II pouvoit fe mettre en état d'entamer la Perfe a fon tour, ou du moins par des mefures bien prifes, obliger Sapor k fe tenir fur la défenfive. Mais ce Prince imprudent ne  du Bas-Empire. Liv. FJ. 25 ne portoit pas fes vues dans 1'avenir : au-lieu de pourvoir k Ia füreté de fes Etats, il pafla ces deux années k brouiller les affaires de 1'Eglife , & k jetter les femences des troubles dont tout le refte de fon regne fut agité. ' II fe tranfporte k Conftantinople, & y fait tenir un Concile oü Paul eft dépofé. L'ambition d'Eufebe fut en- / fin couronnée; il fe vit inftallé fur ' Ie fiege de la nouvelle capitale. Paul fe réfugia a Treves dans la Cour de ? Conftantin, qui fervoit d'afyle aux \ Prélats Catholiques. Athanafe n'étoit c pas en repos k Alexandrie. Les Ariens y avoient donné un Evêque k leur faöion: c'étoit Pifte, autrefois chaffé par Alexandre , & frappé d'anathême dans le Concile de Nicée. II fut ordonné Evêque d'Alexandrie par Second de Ptolémaïde ; mais il n'en fit jamais les fonftions. Les ennemis d'Athanafe mettoient tout en oeuvre pour féduire le Pontife Romain & les trois Empereurs. Mais leurs calomnies ne trouvoient de croyance, que dans 1'efprit de Conftance déja préoccupé. II écrivit au faint Prélat des lettres Tornt II. B cons- 'antinII constance. Constant.Inn. 3 39. s°\- 3, •3.4. Theoph, . 2$. 'ita Pauli pud Phot. Vit* Ath. 1 edit. Beedic. 'ïiLArian. rt. 27,18.  C onstantin II constance. Constant. Ann. 339. XV, Mort d'Eufebe de Céfa- rée. Soi. I. 3 , c. 2. VaUf. de vit. & fcripl. Eufeb. Ann. 340. XVI. Confulat d'Acindine & de Proculus. < ldace. St. Aup l. X, deSermene Dei in monte. Symm. I. Ij «ƒ>. I , & 'PP- V' 26 HlSTOIRE pleines de reproches, & n'eut aucun égard a les réponfes. Tandis que la faöion Arienne drelfoit toutes fes batteries pour perdre Athanafeil fut délivré d'un de fes plus dangereux ennemis, paree que c'étoit peut-être le moins déclaré 6c le plus habile. Eufebe de Céfarée mourut. II eut pour fuccefleur fon difciple Acace, furnommé le Borgne; celui- ci ne fut guere moins favant, ni moins éloquent que fon maitre : mais il étoit plus entreprenant. Fier Arien fous Conftance, humble Catholique fous Jovien, fa religion fe plia toujours k fes intéréts. Les Confuls de 1'année 340 méritent d'être connus; c'étoient Acyndine & Proculus. Le premier, déja Préfet d'Orient depuis deux ans, étoit un homme dur, mais affez équitable pour reconnoitre fes fautes, & pour les réparer k fes propres dépens. Pendant qu'il étoit k Antioche, il condamna k la prifon un habitant, qui devoit au fïfc une livre d'or, &z jura que s'il ne payoit dans un certain terme, il le feroit mourir. Le terme approchoit, & le débiteur étoit  du Bas-EMpire. Lh. VI. 27 infolvable.Sa femme avoit de la beauté. Un riche citoyen lui propofa d'acquitter la dette, a condition qu'elle fe prêteroit k fa paflion. Mais elle aimoit fon mari; elle ne voulnt difpofer du prix de fa délivrance qu'avec fa permiflion. Le miférable y confentit. Ce honteux trafic eut la fin qu'il méritoit. Le riche libertin ayant donné a cette infortunée un fac plein d'or, eut Padreffe de le reprendre, & d'y fubftituer un fac rempli de terre, Retournée chez elle, dès qu'elle s'appergut de la fraude, défefpérée d'avoir commis un crime inutile , & réfolue d'achever de perdre fon hon neur plutöt que fon mari, a qui ell< 1'avoit déja facrifié, elle va porte: fa plainte au Préfet. Acyndine juge; qu'il y avoit quatre coupables: deu: n'étoient que trop punis par leur hor te & par leur malheur; il fe charge de punir les deux autres : c'étoien le riche perfide, & lui-même , dor les menaces cruelles avoient fait nai tre cette intrigue criminelle. II pre nonga que la dette du fifc feroit ac quittée aux dépens d'Acyndine, t que la femme feroit mife en poffel B ij constantin II constance. Constant.Ann. 340. God. ad Cod. Th. I. 8, tit. 5 , leg. 4. Grut Thef. lnfcript. ccclx. 4. ccclxi. li ccclxii. ccclxi11. Rcincf. hfcr. CL 6. cxxii, l C 1 t t  constaktin II c.onstance. Constant.Ann. 340. XVII. Mort du jeune Conftantin. Euf. vit, l. A ,c. 49. ]ul. or, 1. 28 HlSTOIRE fion de la terre oii le fourbe avoit pris de quoi la tromper. Cet Acyndinepafia honorablement fa vieilleffe a Baules en Campanie, oü il avoit une belle maifon de campagne. L'autreConful Proculus étoit célebre par fa naiffance., par fes magiftratures , &c par fon mérite perfonnel. II étoit fils de Q. Aradius Valerius Proculus, qui avoit été Gouverneur de la Byzacene. II fut .élevé aux plus grands emplois. Les infcriptions qui font mention de lui, difent qu'il étoit né pour tous les honneurs. Symmaque le fait defcendre des anciens Valerius Publicola , & lui donne la gloire de foutenir cette illuftre origine , par Ia dignité de fes moeurs, par fa franchife, fa conftance, fa douceur fans foiblefle , & par fa piété envers les Dieux : car il étoit Payen , & revëtu des facerdoces les plus difting.ués. Ce fut fous ce Confulat que le jeune Conftantin fe perdit par fon imprudence. La querelle qui s'étoit élevée entre ce Prince & Conftant fon frere, au fujet du nouveau partage , s'aigriffoit de jour en jour. Un  nu Bas-Empire. Liv. VI. 29 Tribun, nommé Amphilochius, de Paphlagonie , ne cefïbit d'animer Conftant, & le détournoit de tout accommodement. Enfin , Conftantin prit le parti de fe faire juftice par les armes, öc paffa les Alpes. Conftant étoit en Dace : il envoye fes Généraux a la tête d'une arraée, & fe difpofe a les fuivre avec de plus grandes forces. Ses Capitaines arrivés a la vue de 1'ennemi prés d'Aquilée k la fin de Mars ou au commencement d'Avril, dreffent une embufcade , &c ayant engagé le combat, feignent de prendre la fuite. Les foldats de Conftantin s'abandonnent a la pourfuite; & bientöt enfermés entre les troupes qui fortent de 1'embufcade & les fuyards qui tournent vifage , ils font taillés en pieces. Conftantin lui-même, renverfé de fon cheVal, meurt percé de coups. On lui coupe la tête ; on jette fon corps dans le fleuve d'Alfa , qui paffe prés d'Aquilée. II en fut apparemment retiré; puifqu'on montroit long-temps après fon tombeau de porphyre k Conftantinople , dans 1'Eglife des Saints Apötres. II avoit vécu prés de B iij constantin II constance. Constant. Ann. 340. Amm. li 21 , c. 6 , 10. Zon. t. II. p. n. Via. epit. Soc. l.i, e. 22. Sot. 1.3 i C. 2. Philojl. I. 3, c. 1. God. Chr. Du Cangc, C. P. I. 4, c. 5 , & fam. Byxji p. 47. Cod. Th.l. II, tit. 12,  c'ons- Tantin II constance. Constant.Ann. 340, xvm. Loix des 3 Princes. Cod. Th. I. 3 , tit. 13 , 1'g- 1. 2 , & ibi God. 1.6, tit. 4, 30 HlSTOIRB 15 ans, & régné un peu plus de deux ans & demi depuis la mort de fon pere. Ayant perdu fa femme, il venoit de contra&er par députés un fecond mariage avec une Efpagnole de noble origine , dont on ne dit ni le nom , ni la familie. Conftant profita feul de la dépouille de fon frere : il devint maitre de tout POccident. Conftance, moins ambitieux ou plus timide, fe contenta de ce qu'il avoit poffédé jufqu'alors. Son Empire fe terminoit au pas de Sucques. C'étoit un paffage étroit entre le mont Hsemus & le mont Rhodope, qui féparoit la Thrace de rillyrie. Le vainqueur déclara nulles les exemptions dont Conftantin avoit gratiflé plufieurs perfonnes. La loi qu'il fit k ce fujet, porte le caraöere d'une haine dénaturée, qui furvivoit k fon frere; il le qualifie fon ennemi & celui de 1'Etat. Pendant le regne de Conftantin, les trois Princes avoient tantöt féparément, tantöt de concert établi plufieurs loix utiles. Nous allons en rapporter les principales, en y joignant celles qui ont été données fur  nu Bas-Empire. Liv. VI. 31 les mêmes objets, föfqü'a la fin du regne de Conftance, Conftantin le Grand avoit réprimé l'ambition de ceux qui fe procuroient par argent ou par brigue des titres honorables. Cet abus fubfiftoit ; & ces titres avoient tellement multiplié les difpenfes& les exemptions ,que les fonctions municipales couroient rifque d'être abandonnées. Les Princes s'efforcerent de remédier a ce défördre : ils réglerent la forme & 1'ordre de la nomination aux offices municipaux; Ils n'en déclarerent exempts que ceux qui ne poffédoient pas vingt-cinq arpents de terre, ceux qui feroient entrés dans la cléricature avec le confentement de 1'ordre municipal. & un petit nombre d'autres perfon nes diftinguées par leurs emplois: il; enjoignirent aux Décurions & au? Magiftrats fous certaines peines, 1'exaaitude la plus fcrupuleufe a s'ao quitter de leurs obligations perfon nelles; ils prirent des mefures pou prévenir 1'anéantiffement du Séna des villes , & pour remplir les place vacantes ; afin d'encourager ces uti les citoyens, ils renouvellerent leur B iv C onstantin II C'onstance. Constant.Ann. 340. leg. 3 i * feqq. ufque ad 17, * tit. 22, leg. 1. L. 9, tit. I, leg. 7 . * tit. 34, hg. 5,6. L. 10 , tit. 10, leg. 4, 5.6, 7 , 8. L. i t , tit. 36, leg. 4. L. I2, tit. l,leg. 23, & feqq. ufque ad 50. ; L. 15 . tiu . I, leg- 5- ■ L. 16 , til. ■ S,/«£.6,7. . Cod.hfi. I. 2, tit. ■ tf,leg. I. * L. 6, tit. 9, t leg- 9 . & tit. 23, leg. > I5,S- tit. • 17,'eg.ïl. Tac. ann. ' l. 12,C. 7.  CONS- TantinII C'onstance. Constant. Ann. 340. Suet. in €Uud, c. 36. Idem , in Domit, e, 32. Xiphil, in Ncrva. Soh 1,1, «. 8, 3 < 1 1 1 I c c C n c t p 1< fi n 1( 3= Hi s t 0 1 r js privileges. Les donations du Prince predeceffeur, fouvent attaquées fous un nouveau regne , furent confirmees; mais on foumit a 1'examen les exemptions accordéespar les Gouverneurs. Le maflacre de la familie Imperiale , & la connïcation des biens de ceux qu'on avoit maffacrés, faijoient naitre mille accufations contre les perfonnes, mille chicanes fur les biens : les Empereurs en arrêterent e cours par de fages loix; ce ne ut que dans les dix dernieres années ie ja vie de Conftance, que ce Prince >reta 1'oreille aux délateurs. Confantin avoit profcrit les Iibelles anolymes; fes fils n'en témoignerent 'as moins d'horreur : ils défendirent ux Juges d'y avoir égard : On doit. it une loi de Conftance , regarder omme innocent celui qui ayant des enemis, riapoint efaccufateur. Conftane confirma les loix de fon pere con•e Paduitere ; il porta même encore lus loin la févérité, en condamnant s coupables a être brulés, ou couis dans un fac, & jettés dans Ia er, comme les parricides; il ne ur laiffa pas même la reffource de  du Bas-Empire. Llv. VI. S3 Pappel, qviand ils étoient manifeftement convaincus. Ces formules de droit, dont 1'exaaitude fyllabique rendoit tous les aöes épineux , furent abolies. Afin de ne pas laiffer languir 1'innocence dans les prifons, Conftance ne donna aux Juges que 1'efpace d'un mois pour inftruire les procés des prifonniers, fous peine d'être eux-mêmes punis. On voit dans ce Prince une grande attention a procurer au peuple de Conftantinople les divertiffements du théatre & du cirque, & a en régler la dépenfe qui devoit être faite par les Préteurs. Julien lui reproche une haine déclarée contre les Juifs : en effet, il leur défendit, fous peine de mort, d'époufer des femmes Chrétiennes , & il ordonna que les Chrétiens qui fe feroient Juifs, fuffent punis par la confifcation de leurs biens. Mais une loi célebre de Conftance, datée de Pan 3 3 9 , eft celle par laquelle il défend, fous peine de mort, les mariages d'un oncle avec la fille du frere ou de la fceur, & toutcommerce criminel entre ces mêmes perfonnes. Ces alliantes étoient prohibées par les ancienB V. CONSTANTÏN H CONSTANCE.COKSTANT. Ann. 340,  Gonsïantin ii constance. Constant,Ann. 340, 3 1 ^ 1 i 1 34 HlSTOIRE nes loix Romaines. Mais lorfque PEmpereur Claude voulut époufer Agrippine, falie de fon frere Germanicus, Je Sénat, pour fauver 1'infamie de 1'incefte k ce Prince ftupide & voluptueux, avoit déclaré par un arrêt qu'il feroit permis d'époufer la fille d'un frere ; & par une diftinflion bifarre , qui indiquoit affez le motif du relachement, on n'avoit pas étendu cette permifïion k la fille de la fceur. II ne tint qu'a Domitien de prendre pour femme la fille de Tite fon frere; il aima mieux la laiffer époufer i Sabinus, la corrompre enfuite, tuer fon mari, vivre licencieufement ivee elle, & lui procurer enfin la mort. Nerva rappella les anciennes :oix; mais bientöt Pabus reprit le leiTus, & fe maintint jufqua Péta)liffement de la Religion Chrétienne. Jozomene dit en général que Confantin défendit les unions contraires t 1'honnêteté publique, qui étoient mparavant tolérées : mais nous n'a'ons de lui aucune loi précife conre les mariages des oncles & des nie■es. Conftance y attacha la peine de nort, qui fut modérée par I'Empe-  du Bas-Empire. Liv. VI. 35 reur Arcadius. Ces alliances ont été depuis ce temps - la regardées^ comme inceftueufes. Conftance défendit aufll d'époufer la veuve d'un frere, ou la fceur d'une première femme, & déclara illégitimes les enfants fortis de ces mariages. La mort du jeune Conftantin privoit Athanafe de fon plus zélé protefteur. Les Ariens renouvellerent leurs effbrts pour enlever encore au faint Evêque 1'appui de Conftant. Ils ne réufïirent ni auprès de lui, ni auprès du Pape, qu'ils tacherent aufli d'ébranler. Sylveftre étoit mort le dernier jour de 1'année 335. Mare lui avoit fuccédé, & n'avoit vécu que jufqu'au mois d'Oftobre fuivant. Jule, élu le 6 Février 337, étoit alors affis fur la chaire de St. Pierre. C'étoit un Pontife qui favoit allier la douceur d'un Pafteur avec la fermeté d'un Chef de 1'Eglife, digne fucceffeur de tant de Saints & de tant de martyrs. Les Ariens lui députerent un Prêtre & deux Diacres : ils lui envoyerent les a&ês du Concile de Tyr, comme un monumenl de leut triomphe : ils ajoutoient de B vj CONStance. Constant.\.nn. 340. XIX. Nouveiles calomnies contre Saint Athanafe. Ath, Apol. 1. Bar. art. 339- Pagi ad Bar. Hermant, vit de St. Ath. I. 5 , e. 5- TUI. vie de Jule, art, i , 2.  CoNStance. Constant.Ann. 340. i ( ( i < i i 1 ï v t C 1( h il P il jj d< tii C re le. 3°" ff I S T O I R E nouvelles calomnies. L'Evêque d'A«' lexandrie, inftruit de leurs démarches, raffembla pour fa défenfe toures les forces que 1'Eglife avoit dans 1'Egypte, dans la Pentapole & dans la Li3ye. Prés de cent Evêques fe renlirent a Alexandrie : tous d'un ac:ord unanime,foufcrivirent une letre adreffée au Pape & k tous les Evê[ues Catholiques du monde. Athanae y étoit pleinement juftifié contre outes les accufations anciennes & ouvelles. Celles-ci rouloient fur trois hefs : il avoit, difoient fes ennemis, iolé les canons de 1'Eglife en ren•ant dans fon fiege : dépofé par un ioncile, il falloit un Concile pour : rérablir : de plus, le peuple d'A:xandrie ne 1'avoit recu qu'a regret; ne s'étoit remis en poffefTion que ïr la force & par le carnage; enfin , détournoit k fon profit les fommes ie Conftantin avoit confacrées a la bfiftance des pauvres de PEgypte & : I'Afrique : cette derniere accufa)n étoit appuyée d'une lettre de anflance. Tels étoient les nouveaux prochesdes Ariens. Le Concile d'Atandrie détruifoit Ie premier chef,  nu Bas-Empis.e. Lh. VI. 37 en faifant voir que le prétendu Concile de Tyr n'avoit été qu'un conventicule d'hérétiques, préfidé par un Comte, infpiré par la cabale, guidé par la violence : il donnoit le démenti aux accufateurs fur les deux autres articles : les témoins du rétabliffement d'Athanafe dépofoient de 1'emprefTement & de la joie qui avoient éclaté a fon retour ; & fa fidélité dans la diftribution des aumönes étoit prouvée par 1'atteftation des Evêques qu'il avoit employés a ce pieux miniftere. Les députés du Concile chargés de cette lettre , eurent en préfence du Pape avec les envoyés des Ariens une conférence, dont ils remporterent tout Pavantage. Les uns & les autres ofïrirent de s'en remettre k la décifion d'un nouveau Concile qui feroit tenu a Rome, & auquel le Pape préfideroit. Jule accepta la propofition; il indiqua le Concile : mais il refufa de donner audience k Pifte, que la cabale avoit nommé Evêque d'Alexandrie. Les députés d'Eul'ebe n'efpérant rien d'une affaire traitée dans les regies, & confüs du peu de fuccès de leurs intrigues, constance. Constant.Ann. 340.  constance. Constant.'Ann. 341, XX. Concile d'Antioche. Ath. Apol, 2 , & de Synod. Soc. I, 2, e. 8. ft J. Theoph. p. 30. Pagi ad Bar. Scheljlr. de Sacro Ansioch. Contil. Vita Ath. in edit. Be' nedic. Till.Arian. art. 30 , 3L 32. Chr. temp. Aih, ex Mamachio. 38 HlSTOIÏlE partirent précipitamment de Rome. Le Pape envoya a Athanafe une copie des aftes de Tyr, afin qu'il fe préparat a fe juftifier. II n'étoit pas queftion d'apologie : Conftance vouloit qu'Athanafe fut coupable; il rougiffoit fecretement d'avoir été forcé par fes freres de lui rendre juftice; il prétendoit s'en venger fur Athanafe même ; & la mort du jeune Conftantin lui en laiffoit plus de liberté. L'année fuivante, fous le Confulat de Marcellinus & de Probinus, il affembla dans la ville d'Antioche un grand nombre de Prélats, poury célébrer la dédicace de la grande Eglife, appellée 1'Eglife d'or. Ce fuperbe édifice commencé par le grand Conftantin, étoit enfin achevé. Conftance affifta a cette brillante cérémonie, avec plus de 90 Evêques, tous de fes Etats. La dédicace fut fuivie d'un Concile , qui fait encore aujourd'hur un fujet de difpute. Les canons qu'il compofa, ont été recus de toute 1'Eglife : les trois profefïïons de foi qui y furent dreffées ne renferment rien que d'orthodoxe, quoique la première contienne quelques  du Bas-Empire. Liv. VI. 39 propofitions équivoques, & que le terme de Confubjlantid n'y foit pas exprimé, non plus que dans les deux autres. D'habiles critiques diftinguent deux parties dans ce Concile : il fut d'abord compofé de tous les Evêques qui étoient venus a Antioche, & dont la plupart étoient Catholiques : les profeflions de foi, les canons & la lettre fynodique font leur ouvrage, Mais après le Concile, quarante Prélats Ariens, dévoués aux volontés de 1'Empereur, refterent affemblés : c'étoit-la dans 1'intention de Conftance le vrai Concile; la cérémonie & h convocation des autres Prélats n'a voient fervi que de prétexte. Ils voiv lurent fignaler la dédicace de l'Eglifi d'Antioche par la condamnation di leur plus redoutable adverfaire, com me ils avoient fix ans auparavant fi gnalé la dédicace de 1'Eglife de Jé rufalem par la réception d'Arius leu maitre. La fentence de dépofition pro noncée a Tyr fut renouvellée. Oi avoit déja nommé Pifte pour rem plir le fiege d'Alexandrie; mais il fu oublié comme incapable de fouteni un rok fi important. On jetta le constance, Constant.Ann. 34: r l t r s  CoNStance. Constant.Ann. 341, i XXI. Gregoire I intrus fur j le fiege d'Alexan- < drie. J Ath, ad orth, Greg. Na^. t or. zu j 00c. I. 2 , r «•7,8. % Theod, l. Ti a.<-4 n So{. /. 3 , " c 5. P Chr. temp. y Ath. ex Ma- V> Ktachio, ' u 4 0 H 1 S T O I Jtgtg, yeux fur Eufebe d'EdefTe, homme favant, inftruit par Eufebe de Céfarée, & Arien décidé. II étoit trop habile pour accepter une place 0x1 il ne pouvoit fe flatter de réufïir. Dans un voyage qu'il avoit fait a Alexandrie, il avoit été témoin de 1'amour du peuple pour Athanafe. II refufa. On le fit dans la fuite Evêque d'Emefe; il paffa pour un Saint parmi ceux de fa fecre; Conftance le meaoit avec lui dans fes expéditions, Sc fe conduifoit par fes avis dans les :hofes qui regardoient 1'Eglife. 4 -Au refus d'Eufebe , on nomma ïfégoire, Né en Cappadoce, il avoit ait fes études a Alexandrie. La reonnoiffance, s'il en eut été capa>le , 1'auroit attaché a la perfonne 'Athanafe, qui 1'avoit traité comie fon fils. Mais ni les études d'A;xandrie, ni les bienfaits d'Athana? n'avoient adouci la rudeffe de fes ïceurs, & la grofïiéreté naturelle au ays de fa naiffance. Perfonne n'étoit lus propre a feconder les deffeins iolents & fanguinaires de ceux qui ivoient choifi. II part, & Confnce le fait accompagner de Phi-  du Bas-Empire. Liv. VI. 41 lagre qu'il nomme Préfet d'Egypte une feconde fois, & de 1'Eunuque Arface, avec une troupe de foldats. C'étoit ce même Philagre , dont j'ai parlé au fujet des informations faites dans la Maréote pendant le Concile de Tyr : il étoit Cappadocien comme Grégoire; & fa cruauté armée des ordres du Prince, s'empreffoit d'éclater en faveur d'un compatriote. Ils arriverent a la fin du carême de Pan 541. L'Eglife d'Egypte étoit alors dans un calme profond, & les fideles fe préparoient a la fête de Paques par les jeünes & par les prieres. Le Préfet fait afRcher un édit, qui déclare que Grégoire de Cappadoce eft nommé fuccefleur d'Athanafe, & qui menace des plus rigoureux chatiments, ceux qui oferont s'oppofer a fon inftallation. L'allarme ie répand auflï-töt : on s'étonne de 1'irrégularité du procédé : on s'écrie que ni le peuple, ni le Clergé, ni les Evêques n'ont porté de plainte contre Athanafe; que Grégoire n'amene avec lui que des Ariens, qu'il eft Arien lui-même, & envoyé par 1'Arien Eufebe( On s'adreffe aux Ma- Gons- tance. Constant.Ann. 341  constance. Constant.Ann. 341. XXII. Violences a 1'arrivée de Grégoire. ; 3 ii ■1 i 1 1 j 42 HZSTOIRE giftrats: toutela ville retentit de murmures, de proteftations, de cris d'indignation. Pendant ce tumulte, Grégoire entre comme dans une ville prife d'affaut. Les Payens, les Juifs, les gens fans religion & fans honneur, attirés par Philagre, fe joignent aux foldats. Cette troupe infolente , armée d'épées &demaffues, force 1'Eglife de Quirin, oü les fideles s'étoient réfugiés comme dans un afyle : on met Ie feu au baptiftere; on le fouille par les plus horribles abominations. On dépouille les vierges, on leur fait mille outrages; quelques-uns les trainent par les cheveux, & les forcent de renoncer k Jefus-Chrift, ou les tnettent en pieces. Les Moines font foulés aux pieds, meurtris de coups, naiTacrés, affommés. Grégoire, pour •écompenfer le zele des Juifs & des 3ayens, leur abandonnoit le pillage les Eglifes; & ces impies, nonconents d'en enlever les vafes & les neubles, profanoient la Table facrée >ar des oblations facrileges. Ce n'éoit que blafphêmes, que feux allunés pour brüler les Liyres faints ,  du Bas-Empire. Liv. VI. 43 qu'images affeftueufes de la mort. Les Ariens, au-lieu d'arrêter ces excès, trainoient eux-mêmes lesPrêtres, les vierges, les laks devant les tribunaux qu'ils avoient établis pour fervir leur fureur; on condamnoit les uns a la prifon, les autres a Pefclavage; d'autres étoient frappés de verges; on retranchoit aux Miniftres de 1'Eglife le pain des diftributions, & on les laiffoit mourir de faim. Le vendredi faint, Grégoire, accompagné d'un Duc Payen , nommé Balace, entre dans une Eglife; irrité de voir que les fideles ne k regardoient qu'avec horreur, il anime contre eux Pin* meur barbare de ce Duc, qui fail faifir & fouetter publiquement trente-quatre perfonnes, tant vierges que femmes mariées & hommes libres Philagre avoit ordre de Conftance d( faire trancher la tête a Athanafe; le: Ariens fe flattoient de k furprendn dans un lieu de retraite, oü il avoi coutume de paiTer une partie de c< faint temps; mais il s'étoit retire ail leurs. La fainteté du jour de Paque ne fut pas refpeftée; & tandis qu< le refte de 1'Eglife célébroit avec joi constance. Constant.Ann. 341. ï i  CONStance. Constant.Ann. 341, i ( < J 1 < ( XXIII. Precau- t tionspour cacherces C 44 Histoirs la rédemption du genre humain, celfe d'Alexandrie éprouvoit toutes les rigueurs de la plus dure captivité. Philagre ayant pillé les Eglifes, les ltvroit a Grégoire qui en prenoit poffeffion; & les fideles étoient réduits a la néceffité de s'en interdire 1'entrée, ou de communiquer avec les Ariens, On ne baptifoit plus les Catholiques ; leurs malades expiroient fans confolation fpirituelle : la privation des Sacrements de 1'Eglife étoit pour eux plus affligeante que la mort même : mais ils aimoient mieux mourir fans ces fecours falutairesque de fentir fiir leurs têtes les mains facrileges Sc meurtrieres des Ariens. Grégoire, alléré du fang d'Athanafe, fe ven^ea le fa fuite fur la tante de ce S-. Prélat, }u'il accabla de mauvais traitements. Uk ne put y furvivre;. il défendit ju'on 1'enterrat; & elle feroit reftée ans fépulture, fi des perfonnes aninées d'un efprit de charité, n'euiTent lérobé fon corps a ce perfécuteur >piniatre. II eft vrai que Conftance n*avoit as ordonné ces cruautés. Mais il ne evoit pas ignorer que les Souyerains  du Bas-Empihe. Liv. VI. 45 font heureux quand le bien qu'ils commandent eft k demi-exécuté ; & que le mal qu'ils permettent eft toujours porté fort au-dela de ce qu'ils ont permis. Grégoire & Philagre en vinrent eux-mêmes k craindre que PEmpereur ne condamnat de fiétranges excès. Pour lui en öter la connoiiTance , Grégoire, d'un cöté, attribuoit a Athanafe tous les maux donl il étoit 1'auteur ; c'étoit fur ce ton qu'il écrivoit a Conftance ; & le Prince , abufé par fa propre prévention, ajoutoit foi a ces menfonges. D'un autre cöté, le Préfet défendit, fous les plus terribles menaces, aux navigateurs qui partoient d'Alexandrie■ de rien dire de ce qu'ils avoient vu; il les contraignit même de fe chargei de lettres, ou la vérité étoit entiérement défigurée; & ceux qui refuferent de fe prêter k 1'impofture, fu rent tourmentés & retenus dans le< fers. II fuppofa un décret du peuple d'Alexandrie congu dans les terme; les plus odieux, & adreffé a 1'Empereur , par lequel il paroiffoit qu'Athanafe avoit mérité non pas 1'exil mais mille morts. Ce décret fut figm CONSTANCE. Constant.Ann. 341 excès a 1'Empe» reur.  constance. Constant.Ann. 341. XXIV. Les Catholiquesmaltraités par toute 1'Egypte. Ath. ad Solit. Ath. vit. Anton. 46 HlSTOlRE par des Payens, par des Juifs, & par les Ariens qui les mettoient en oeuvre. Après s'être rendu maitre de la capitale, le nouveau conquérant fongea a réduire toute la Province. Grégoire fe mit en marche avec Philagre & Balace, pour faire la vifite des Eglifes d'Egypte. Environné d'uncortege brillant, il ne témoignoit que du mépris aux Eccléfiaftiques; mais il prodiguoit les égards aux Officiers de 1'Empereur & aux Magiftrats. Affis fur un tribunal entre le Duc & le Préfet , il faifoit trainer devant lui les Evêques, lesMoines, les vierges; il les exhortoit en deux mots , ou plutot il leur ordonnoit de communiquer avec lui : fur leur refus, affectant la contenance d'un juge, cet hypocrite impitoyable les faifoit, avec un fang froid plus cruel que la colere, déchirer de verges & meurtrir de coups. Les plus favorifés en étoient quittes pour la prifon ou pour 1'exil. L'Evêque Potamon, célebre confeffeur, 1 un des Peres de Nicée , &t qui avoit perdu un ceil dans la perfécution de Maximin, fut frappé a coups  nu Bas-Empire. Liv. VI. 47 de baton fur le col jufqu'a être laiffé pour mort; & il en mourut peu de jours après. Grégoire, ayant recu une lettre de St. Antoine, qui le menacoit de la colere de Dieu, la donna avec mépris a Balace : celui-ci la jetta par terre , cracha deffus, maltraita les envoyés du faint, & les charges de dire a leur maitre, qu'il alloit inceffamment lui rendre vifite. Cinc jours après, Balace ayant été mordii par un de fes chevaux, mourut er trois jours. Cette perfécution continua, mais avec moins de violence, pendant les cinq années que Grégoire occupa le fiege d'Alexandrie. L'Egypte n'étoit pas le feul méatre de ces fanglantes tragédies. Marce d'Ancyre , Afclepas de Gaze, Luce d'Andrinople furent chaffés de leun fieges. Conftance, k la requête d'Eu febe, condamna a mort Théodule & Olympe, 1'un Evêque de Trajanople, 1'autre d'Enos , villes de Thra ce. Comme ils avoient pris la fuite il ordonna qu'ils fuffent exécutés par tout ou on les pourroit trouver, 6 ton vit, dit un Auteur judicieux,/>ropofé , manda Athanafe, qui fe endit auffi-töt a Rome. Eutropie, oeur du grand Conftantin, Ie recut vee honneur; & pendant dix-huit wis qu'il attendit fes accufateurs, il répandit  du Bas-Empire. Liv. VI. 49 répandit dans 1'Occident les premières femences de la vie monaftique, qui fleuriffoit déja dans les déferts d'Egypte & de Syrië. Jule ouvrit les bras aux Evêques perfécutés; mais il rejetta 1'Arien Carponas & les autres députés que lui envoyoit Grégoire pour lui demander fa communion. Ces funeftes divifions fembloient fur le point d'être terminées par le jugement du fynode, auquel les deux partis avoient offert de fe foumettre. II ne manquoit plus que les Evêques d'Orient qui devoient comparoitre en qualité d'accufateurs. Le Pape les envoya inviter par les Prêtres Elpidius & Philoxene. Mais ces Prélats, faifant réflexion que ce Concile feroit un jugeriient purement eccléfiaftique, qu'on n'y verrok ni Comte, ni Gouverneur, ni foldats, & que les décifions n'y feroient pas diérées par 1'ordre du Prince, refuferent de s'y rendre. Ils prirent pour prétexte de leur refus, la crainte qu'ils avoient des Perfes; & ces Prélats qui feignoient de n'ofer aller a Rome audela de la mer, oü les Perfes n'étoient nullement a craindre, couroient com« Tom$ II, C Coks- tance. Constant.Ann. 341.  CONStance, Constant.Ann. 341, XXVII. Paul rétabli&chafië de nouveau.Soc. I. 2, C. 12 , 13. Soi l. 3,c. 6. Lihcn. Bafil. Theoph. p. 35 . 36. Phot vit. Fauli. Cedr. I. i , f. 102. Chr. temp. Ath. ex Mamaehio. 50 HlSTOIRB me des furieux tout 1'Orient, & alloient jufque fur la frontiere de Perfe chercher leurs adverfaires, & les chaffer de leurs Eglifes. Afin d'éluder le Concile, ils retinrent a Antioche les députés du Pape, jufqu'après le terme de la convocation. Dans cet intervalle, mourut Eufebe. II n'avoit joui que trois ans de la qualité d'Evêque de Conftantinople, qu'il avoit achetée par tant d'années de crimes. Le parti Arien faifoit une grande perte : mais il trouvoit encore des reffources dans 1'opiniatreté inflexible de Théognis de Nicée, de Maris de Chalcédoine, & de Théodore d'Héraclée. C'étoient des vieillards confommés dans les intrigues del'héréfie, auxquels s'étoient joints depuis peu deux jeunes Prélats, ignorants, mais bouillants & téméraires, Urface, Evêque de Singidon dans la haute Méfie, & Valens, Evêque de Murfe dans la bafle Pannonie. Après la mort d'Eufebe, la difcorde fe ralluma entre les partifans de Paul & ceux de Macêdonius. Les Catholiques prétendoient rétablir Paul injuftement dépofé, Les Ariens, ayant k leur tête  nu Bas-Empire. Liv. VI. 51 Théognis & Théodore, inftallerent Macêdonius : les efprits s'échaufFerent; on en vint aux armes, & plufieurs citoyens périrent de part Sc d'autre. Conftance étoit k Antioche. Averti de ce défordre, il ordonna a Hermogene, Général de la cavalerie, qu'il envoyoit en Thrace, de palier a Conftantinople, & de chafler Paul de la ville. Hermogene, a la tête de fes cavaliers, va arracher Paul de 1'Eglife oü il s'étoit retiré : le peuple fe fouleve, attaque les foldats; le Général fe fauve dans une maifon; on y met le feu; on égorge Hermogene ; on traine fon corps par les pieds dans les rues de la ville, & on le jette a la mer. A cette nouvelle, Conftance, enflammé de colere, montea cheval; c'étoit la faifon de 1'hy ver; il accourt en diligence a Conftantinople malgré les pluies &c les neiges ; il ne refpire que punition & que vengeance. Mais k fon arrivée, touché de voir le Sénat & le peuple fondant en larmes & profternés a fes pieds , il fit grace de la vie a tous, & fe contenta, pour chatier la ville, de lui retrancher la moitié des quatre-vingts C ij constance. Constant.Ann. 341,  CONSTANCE.CONSTANT. Ann. 3.41; XXVIII. Athanafs va trouverConf:tant. Soc. I. 1 c. 18. Theod. I a, c. 4. Soi-l. 3 c. 9. Theoph. p 36. Phot. Vit Tauli. 1 Hermant yie d'Ath l. 51 «• »4 inedit, Be ncd. 52 HlSTOIRE mille mefures de bied , qu'on diftribuoit tous les jours au peuple en conféquence de rétabliffement de Conftantin. II chaffa Paul, mais fans confirmer 1'élection de Macêdonius, dont il étoit mécontent, paree qu'il avoit eu part a la première fédition , & paree qu'il s'étoit fait ordonner Evêque fans avoir pris Pagrément de PEmpereur. II lui permit cependant de faire les fonöions épifcopales dans 1'Eglife oü il avoit été ordonné, & repartit enfuite pour Antioche. Paul, exilé d'abord a Singare en Méfopotamie , eut la liberté de revenir a Theffalonique. II alla bientöt chercher un afyle dans la Cour de Conftant. Les Ariens avoient inutilement tenté de gagner ce Prince. II chériffoit Athanafe, & refpaftoit fa vertu héroïque & fon grand favoir. , Quoique peu réglé dans fes mceurs, il aimoit la vérité; il la cherchoit dans ' les livres faints, & il s'étoit adrelTé a , 1'Evêque d'Alexandrie pour les avoir • dans une forme commode; paree que | les Egyptiens s'entendoient mieux ■ que les autres a copier & a relier les livres» Athanafe lui écrivit; il lui fit  du Bas-Empire. Liv. VI. 53 une peinture touchante de la guerre cruelle des Ariens contre 1'Eglife; il lui rappella le grand Concile de Nicée, & le zele de fon pere qui avoit formé cette fainte affemblée. Cette lettre fit verfer des larmes au jeune Prince, & ralluma dans fon ame la même ardeur dont Conftantin avoit été embrafé pour Ia Religion. II écrivit k Conftance; il 1'exhortoit a imiter la piété de leur pere : Confervons' la , lui difoit-il, comme la plusprécieufe portion de fon héritage ; cefl fur ce fondement folide qu'il a êtabli fon empire ; cejt par elle qu'il a terrajfi les tyrans & dompté tant de peuples barbares. II le prioit de lui envoyer quelques Evêques du parti d'Eufebe, pour 1'inftruire des caufes de la dépofition de Paul & d'Athanafe. Conftance n'ofa refufer a fon frere ce qu'il demandöif. II fit partir 1'année fuivante 343 , Narciffe de Néroniade, Maris de Chalcédoine, Théodore d'Héraclée , & Mare d'Aréthufe. Pour fe faire mieux écouter du jeüne Empereur, ils lui porterent une nouvelle formule de foi, qui ne pouvoit être fufpefte que par le foin qu'ils avoient eu d'y éviC üj CONStance. Constant.Ann. 341 Chr. temp Ath. ex Mamacki»  constance. Constant,Ann. 341 XXIX. Synode de Rome Ath. Apol 3. Soe. I, ï , t. 17. SeK-l- 3 , '•7,9' Pagi ad Baron. Hermant, vie d'Ath. 1. j , c. 19. Vit. Ath. i'n edit, Bened. Chr. temp. Ath. ex Mamachio. Si HtSTOlRE ter le mot de confubftantiel. Cen fut affez a Conftant pour la rejetter; éclairé par les confeils de Maximin , Evêque de Treves, il les renvoya avec mépris, & continua de protéger la foi & les Evêques qui en étoient les défenfeurs & les martyrs. Les Prélats Ariens, après avoir long-temps retenu Elpidius & Philoxene , les renvoyerent enfin chargés d'une lettre, qui ne s'accordoit guere avec la première propofition qu'ils avoient faite de s'en rapporter au jugement d'un Synode auquel le Pape préfideroit. Ils fe plaignoient que Jule prétendit juger de nouveau un Evêque condamné par le Concile de Tyr: c'étoit, felon eux, un attentat contre 1'Eglife entiere, dont Jule serigeoit en fouverain : ils lui déclaroient qu'ils n'auroient point de communion avec lui, s'il n'adhéroit k leurs décrets. Lorfque cette lettre fut rendue au Pape, le Synode de Rome, compofé de 50 Evêques, étoit déja commencé. Jule avoit inutilement attendu les Evêques accufateurs. Enfin, le terme étant depuis long-temps expiré, il avoit fait Pouverture du Sy-  du Bas-Empire. Liv. VI. 55 node. Athanafe y fut abfous auffibien que Paul, Marcel, Afclépas & les autres Prélats perfécutés par la faction. Jule, après avoir encore pendant plufieurs jours tenu fecrete la lettre des Orientaux, dans 1'efpérance de recevoir quelques députés de leur part, la communiqua enfin au Concile. On le pria d'y répondre; & cette réponfe pleine d'onöion & de force , eft un des plus beaux monuments de 1'Hiftoire de 1'Eglife. Les reproches des Ariens y font tournés contre eux-mêmes; tous leurs prétextes font réfutés: il leur fait honte des violences exercées a Alexandrie & ailleurs : il réduit en poudre les accufations fufcitées contre Athanafe , Marcel & les autres Orthodoxes; il y établit les regies folides des jugements eccléfiaftiques. Le Pape, en confondant les adverfaires, les traite avec une charité digne du premier Pafteur de 1'Eglife : il n'y avoit point encore de rupture ouverte entre l'Orient & POccident; les partifans de 1'Arianifme difiimuloient & rejettoient encore de bouche la doftrine d'Arius : Jule ne croyoit pas qu'il fut C iv CONStance. Constant.Ann. 341  CoNSTANCE. Constant.Ann. 341. XXX. Amide /ortifiée. Amm. I. 18, e. 9. Thtoph. p, 39. 56 H/STOIRX temps de les démafquer; il évitoit de faire un fchifme; il aimoit mieux, s'il étoit pofïible, guérir la plaie de 1'Eglife, que de la rendre incurable en la découvrant. Lajuftification d'Athanafe ne produilit aucun effet fur le cceur endurci de Conftance. Le faint Prélat refta en Occident jufqu'après le Concile de Sardique. J'ai rapporté fans interruption toute la fuite de cette affaire. Le Concile de Rome ne fe tint qu'en Pannée 343 , felon la nouvelle chronologie d'un habile critique d'Italie. Je vais reprendre les autres événements de Pannée 341, Pendant qne Conftance, renfermé k Antioche avec des Evêques, employoit toute fa puiffance k faire triompher la cabale Arienne, les Perfes ravageoient la Méfopotamie. Ce fut pour couvrir ce pays, qu'il ajouta de nouvelles fortifications k la ville d'Amide. Ce n'étoit qu'une petite bourgade, lorfque Conftance, encore Céfar , 1'environna de tours & de murailles, pour fervir de place de füreté aux habitants du voifinage. II avoit dans le même temps bati ou réparé Antoninopolis, environ k trente  nu Sas-Emi>is.e. Liv. VI. 57 lieues d'Amide vers le midi. Cette année, il établit dans Amide un arfenal pour les machines de guerre : il en fit une fortereffe redoutable aux Perfes, & voulut même qu'elle portat fon nom. Mais 1'ancien nom prévalut. Elle étoit fituée au pied du mont Taurus, entre le Tigre qui fait un coude en cet endroit, & lefleuve Nymphée, qui, coulant au nord de la ville, alloit a peu de diftance fe jetter dans le Tigre. Elle avoit a 1'Occident la Gumathene, pays fertile & cultivé, oii étoit un bourg nommé Abarné, fameux par des fources d'eaux chaudes & minérales. Dans le centre même d'Amide, au pied de la citadelle, fortoit k gros bouillons une fontaine, dont les eaux étoient ordinairement bonnes a boire, mais devenoient quelquefois infe&ées par des vapeurs brülantes. L'Empereur commit k la garde de cette ville, la cinquieme légion appellée Parthique, avec un corps confidérable d'habitants du pays. Elle devint dans la fuite métropole de la Méfopotamie prop'rement dite,comme Edeffe 1'étoit de 1'autre partie nommée 1'Ofrhoëne. C y constance. Constant.  Coxs- TANCE. Constant.Ann. 341. XXXI. Terribles tremblements de terre. Soc. I. 2, e. 10. So{. I. 3 , e. 5. Idacc. St. Ephrem Orat. de Terrx motu, XXXII. Courfes desFrancs lihan. Bafi. Hier. Ckr. Soc. I. 2, e. 10. S07.1. 3 *• J- 1 > >; 5^ B 1 s t 0 1 n e On commenga en ce temps-la a fentir en Oriënt des tremblements de terre, qui durerent prés de dix ans a plufieurs reprifes. La terre trembla dans Antioche pendant une année entiererle péril fut grand, fur-tout durant trois jours. Plufieurs autres villes furent ruinées. Saint Ephrem, Ehacre d'EdelTe, qui parle des faits dont il a pu être témoin oculaire, dit que les montagnes d'Arménie s'étant d'abord écartées 1'une de 1'autre, fe heurterent enfuite avec un horrible fracas; qu'il en fortit des tourbil-' lons de flamme & de fumée, & qu'après cette effrayante agitation , elles fe replacerent fur leur bafe. L'Occident n'étoit guere plus tranqmlle. Les Francs s'étoient jettés dans la Gaule; & Ie nom feul de cette nation ne répandoit pas moins d'allarmes,_ que les fléaitx les plus terribles. V^oici le portrait qu'en fait un Orateur iu temps, a 1'occafion de 1'incurfion lontje parle : » Ils font, dit-il, re- > doutables par leur nombre, mais > plus encore par leur valeur : ils bravent la mer & fes orages avec autant d'intrépidité, qu'ils marchent  du Bas-Empire. Liv. VI. 59 » fur la terre : les frimats du nord » leur font plus agréables que Pair » le mieux tempéré : la paix eft pour » eux une calamité , une maladie; » leur bonheur, leur élément natu» rel, c'eft la guerre: vainqueurs, ils » ne ceffent de pourfuivre; vaincus, » ils ceffent bientöt de fuir, & re» viennent a la charge : incommo» des a leurs voifins, ils ne leur laif» fent pas le temps de quitter le cal» que : refter dans le repos, c'eft pour » eux la plus dure captivité ". Conftant effaya fes forces contre cette nation guerriere; il leur livra plufieurs combats, dont les fuccès furent balancés. II fut plus heureux Pannée fuivante, dans laquelle il fut Conful pour la feconde fois, & Conftance pour la troifieme. Les Francs furent domptés , & obligés de repaffer le Rhin , & de recevoir pour Rois des Princes attachés a PEmpereur, qui furent, tant qu'il vécut, contenir ces efprits inquiets. Une expreffion d'Idace donne cependant lieu de croire qu'on employa les négociations ou même Par gent plutöt que la force ; .& un C vj constance. Constant.Ann. 341. Ann. 34ï. XXXIII. Ils font réprimés par Conftant. Lib. Bafilic. Hier. chr. Soc. I. %, c. 13. Idace.  constance. Constant.Ann. 34j. XXXIV. Conftant dans la GrandeBretagne.Lil. Baflic. 6" or. 12. Firmic. de trror. prof. rel. c. 29. Amm. 1, 2 , c. i. Cod. Th. lib. 11, tit. . 16,leg. 5, & ibi God. • Tkeoph, p. 3°. Du Cange, 1 Je inf. ttvi , num. c. 5 8. ( Band. Nu™'fm.t.lly 1 B' 353. ƒ r £ c c p ëo H 1 S T 0 I R Z panégyrifte flatteur, & par conféquent digne de foi, dans ee qui lui échappe de peu favorable , convient que les Francs ne furent pas réduitspar les armes. La paix rétablie dans la Gaule laiffa a Conftant la liberté de paffer dans la Grande-Bretagne, fous le ConfuIat de Placidius & de Romulus. Les Calédoniens menacoient la Province. L'Empereur n'annonca fon deiTein que par un impöt extraordinaire, qu'il leva en ce temps-la pour armer une flotte. Voulant furprendre les snnemis, qui fe croyoient en fïïreté, Ju moins pendant Phyver, il s'em>arqua a Boulogne, a la fin de Janfier, & pritles devants,accompagné eulement de cent foldats. On ignore e détail de cette expédition. Si Pon 'en rapporre aux 'éloges donnés a "onftant fur fes médaiPies, il terrafla es Barbares. Mais ces monuments ïnt fujets a donner de 1'éclat aux ïoindres fuccès, & le métal même lit flatter. On ne peut non plus rien anclure en faveur de Conftance, de 1 que dit une chronique, qull trio mia des Perfes cette année» Un Ora-  na Bas-Empire. Liv. VI. 61 teur qui ne lui a pas épargné les éloges pendant fa vie, lui a reproché après fa mort, d'avoir fouvent triomphé fans avoir vu l'ennemi, & même après avoir été vaincu. II paroit cependant que 1'année fuivante, Léontius & Salluftius étant Confuls, Conftance remporta quelque avantage fur les Perfes. On parle d'un combat oü ceux-ci firent une grande perte. Mais ce qui rend cette année plus mémorable, c'eft le défaftre de Néocéfarée , ville fituée dans Ie Pont fur le fleuve Lycus, & célebre depuis un fiecle par les miracles de fon Evêque Saint Grégoire , furnommé le Thaumaturge. Un tremblement de terre avoit un an auparavant ruiné une grande partie de la ville de Salamine, dans 1'Ifle de Chypre. Ce fléau , qui fe communiquoit aux diverfes contrées de 1'Orient T éclata a Néocéfarée. La terre s'ouvrit; toute la ville fut abymée, a la réferve de 1'Eglife & de la maifon épifcopale. Ce fut le privilege de cette Eglife, oü le Thaumaturge étoit enterré, de refter entiere lorfque le refte de la ville tomboit en ruines; & constakce. Constant.Ann. 344, XXXV. Tremblements de terre. Coi. Th. lib. 7 , tit, 9, leg. ï, & ibi God. Hier. Chr, Theoph. p. 30, 31,32, Cedr. p. 2g8 , 299. Baron. an.. 349- TUI. are. 9-  constance. Constant.Ann. 344. 62 II I S T 0 I il E PHifloire en fait la remarque en plufieurs occafions. II n'échappa qu'un petit nombre d habitants, qui fe trouverent alors dans 1'Eglife avec 1'Evêque Théodule. Pour achever 1'hiftoire de ces terribles fecoufies fi ordinaires en ce temps-la, 1'année fuivante 345 , 1'Ifle de Rhodes fut prefqu'entiérement bouleverfée : en 346, Dyrrachium , aujourd'hui Durazzo, fur les cötes de PAlbanie, tomba toute entiere. Rome fut ébranlée pendant trois jours & trois nuits, & douze villes de Campanie furent ruinées : enfin, Pan 349, Beryte, une des principales villes de la Phénicie, renommee par fon école de Jurifprudence, fut en grande partie détruite. Théophane rapporte que la plupart des Payens fe réfugierent dans 1'Eglife, promettant d'embraffer la Religion Chrétienne : mais que le péril étant paffe , ils fe crurent quittes de leur promeffe, en s'affemblant en un lieu qu'ils appellerent Oratoire, oü ils contrefaifoient les cérémonies du Chriftianifme, fans renoncer h leurs anciennes fuperftitions.  du Bas-Empirs. Lh. VI. 63 Conftance ne manquoit pas de zele pour répandre chez les nations étrangeres les femences de la foi; mais elles étoient mêlées d'ivraie; on y portoit en même-temps 1'Arianifme. Les Homérites habitoient PArabie heureufe, vers la jonftion du golfe Arabique & de POcéan , prés du Royaume de Saba. Leur capitale fe nommoit Taphar. Outre plufieurs autres villes, il y avoit deux ports ; 1'un fur la cöte qu'on appelloit dès-lors la cöte d'Aden, fréquenté par les négociants Romains ; 1'autre plus a 1'orient, ouvert aux vaiffeaux* des Perfes. Cette nation étoit très-nombreufe; elle prétendoit defcendre d'Abraham par un fils de Cétura. L'Evangile y avoit été porté d'abord , a ce qu'on croit, par 1'Apötre Saint Barthelemi, & dans le fiecle fuivant par Pantene, Prêtre d'Alexandrie. Mais la foi s'y étant éteinte, on y adoroit alors le foleil, la lune & les dieux du pays. II y avoit beaucoup de Juifs : tout le peuple étoit circoncis, comme les Ethiopiens & les Troglodytes, au-dela du golfe. Conftance ménageoit cette nation, a caufe de la guerre des Perfes. Dans CONStance. Constant.Ann. 344; XXXVI. Converfion des Homérites. Strnb.h\6. Plin. I. 6 , c. 32. Jofeph. Atltiq. I. i , c» Ptol. U 6, c, 7. Philoft. U 3,f-4» 5. 6 , & ibi Cod. Valef. ad Amm. I. 22 , c. 7. Le Qiiien , or. Chrifi. t.Jl,p. 662.  CONSTANCE. Constant.Ann. 344. 64 ÈlSTOIRB le defïein de la convertir au Chriftianifme, il y envoya une ambalTade f dont le chef fut un Indien célebre, nommé Théophile. II étoit né dans 1'iile' de Diu, qu'on croit être celle qui porte encore le même nom vers 1'embouchure de 1'Indus. Envoyé a Conftantin en ötage par ceux de fon pays dés fa première jeunefTe, il tomba entre les mains d'Eufebe de Nicomédie, qui lui infpira les principes de 1'Arianifme avec ceux de la Religion Chrétienne , & lui conféra le Diaconat. Afin de lui donner plus d autorité dans fa miffion, les Ariens le firent Evêque. L'Empereur le chargea de riches préfents pour les Princes du pays , & de grandes fommes d'argent, qu'il devoit employer a batir des Eglifes. II le fit accompagner de deux cents chevaux de Cappadoce, qu'il envoyoit au Roi de la contrée. Les chevaux de ce pays étoient les plus eftimés de PEmpire : on les réfervoit pour le fervice de 1'Empereur. Théophile réufïit, malgré 1'oppofition des Juifs. Le Roi des Homériens recut le baptême; il fit batir trois Eglifes, non pas des deniers  du Bas-Empirë. Liv. VI. 65 envoyés par 1'Empereur, mais k fes propres dépens ; 1'une a Taphar, les deux autres dans les deux villes de commerce. L'Evêque après avoir jetté dans cette contrée les fondements de la foi , fit un voyage dans fa patrie, & parcourut une partie de 1'Inde , réformant les abus qui s'étoient gliffés parmi les Chrétiens, mais y répandant le poifon d'Arius. Revenu en Arabie, il pafla de 1'autre cöté du golfe k Auxume, métropole de 1'Ethiopie. La nouvelle doörine ne trouva pas fans doute beaucoup de crédit chez un peuple gouverné par le pieux Evêque Frumentius, établi dans ce pays fous le regne de Conftantin. A fon retour, ce zélé Miffionnaire de 1'Arianifme fut comblé d'honneurs par Conftance ; il porta toute fa vie le titre d'Evêque, fans être attaché k aucun fiege. Son parti 1'admiroit comme un conquérant évangélique : on prétendoit même qu'i! faifoit des miracles. Ces fuccès étrangers ne fatisfaifoient pas 1'ambition des Ariens. II; vouloient dominer dans 1'Empire Ce n'étoit de leur part qu'agitation: constance. Constant.Ann. 344. Ann. 34J. ' XXXVII. Inquié| tudes des Aiiens.  CONSTANCE.CONSTAKT. Ann. 34$. Ath. or. i, contra Ar. Soc. I. a, t. 19. So-i. I. 3 , 10. 1 XXXVIII Marche 1 de Conf- j tancevers . la Perfe. 3 66 HlSTOlhE & inquiétudes. Toujours enveloppés de nuages, hériffés d'équivoques , ils changeoient perpétuellement de langage. Feignant d'appuyer d'une main la foi de 1'Eglife, en fe declarant contre Arius, ils travailloient de 1'autre a la détruire en rejettant la confubftantialité. Pour éclipfer le Concile de Nicée, ils affembloient fans ceffe des Conciles; ils multiplioient les profeflions de foi pour étoufFer la véritable. Ils en drefierent encore une è Antioche , oü ils tinrent un nouveau Synode, fous le Conüilat PAmantius & d'Albinus. Elle fut appellée Ia longue formule, paree 311'elle étoit beaucoup plus étendue 311e les autres, fans en être moins sbfeure ni moins ambiguë : elle étoit neme contradictoire : la foi & 1'hé:éfie, tout s'y trouvoit, excepté le :erme de Confubfianiid. Plufieurs d'en:re eux furent chargés de la porter lux Evêqnes d'Occident, pour obenir leur foufcription. Conftance n'aflifta pas a ce fyiode : il marchoit alors vers la Pere , d'oii 1'on craignoit fans ceffe une rruption. La haine de Sapor contre  nu Bas-Empire. Liv. VI. 67 les Romains croiffoit de plus en plus. Tant que la Religion Chrétienne avoit été perfécutée dans 1'Empire, la Perfe avoit ouvert les bras aux Chrétiens qui venoienty chercher un afyle. Mais depuis la converfion de Conftantin , Sapor les regardoit comme autant d'efpions & de traitres : il les accufoit de favorifer les Romains, avec lefquels ils s'accordoient dans le culte. Sous ce prétexte, il les livroit aux plus affreux fupplices. Les Tables eccléfiaftiques donnoient les noms de feize mille martyrs , tant hommes que femmes. Le refte étoit innombrable. Ces cruels traitements contribuoient a fortifier les foupcons de Sapor ; un grand nombre de fideles fe refugioient dans les villes Romaines; & par une forte de reflux , la perfécution les ramenoit dans les meines contrées d'oü la perfécution les avoit chaffés. Conftance s'avanca jufqu'a Nifibe , oü fe rendoit fans doute une partie de ces pieux fugitifs. Mais on ne voit pas que les Perfes ayent cette année paiTé le Tigre, & 1'Empereur revint a Antioche/ans avoit tiré 1'épée. On avoit commencé le 17 CONSTANCE.CüNSTAKT. Ann. 34J. Cod. Th. lib. 11, tit. 7, leg. 5. Mg. de Civ. I. 18, c. 5 a. Chr. Alen. p. 189. Baron. tin. 344-  CONStance. Constant.Ann. 346. XXXIX. Port de Séleucie. Jul. or. 1. Liban. or. !?• Hier. chr. Theoph. p. 31. Cedr. p. 399. TUI. art. 10, 68 Histoirb d'Avril, k conftruire k Conftantinople des Thermes magnifiques, qui porterent le nom de Conftance. II y fit tranfporter d'Antioche les ftatues de Perfée & d'Andromede. ^ Un ouvrage bien plus important s'exécutoit prés d'Antioche. La cöte voifine de cette ville étoit d'un accès difficile. Des roches cachées fous les eaux, & d'autres qui bordoient le rivage en défendoient 1'approche. Tout le commerce fe faifoit au port de Séleucie, fitué k quarante ftades de 1'embouchure de 1'Oronte. Conftance fit ouvrir ce port, & lui donna une face toute nouvelle pour Ie rendre plus fpacieux & plus commode. Cette entreprife coüta beaucoup de travail & de dépenfe. II fallut couper une montagne, & creufer un baffin dans le roe. Séleucie fut augmenté de nouveaux édifices , & Antioche ornée de portiques & de fontaines. En reconnoiflance, cette derniere ville voulut prendre le nom de Conftance : mais fon ancien nom, célebre depuis plufieurs fiecles, ne céda pas k ce gout de flatterie, qui eut plus de fuccès a 1'égard •* r e e t é a  COKSTANCE.CONSTANT. Ann. 347. XLV. Faux Concile de Sardique. 78 ElSTOIRE féparation des Orientaux lui öte la qualité de Concile écuménique. Les Evêques retirés a Philippopolis, donnerent a leur affemblée le nom de Concile de Sardique : pour en impofer par cette fupercherie. L'Eglife d'Afrique n'étoit pas encore détrompée du temps de Saint Auguftin, qui ne connoiffant pas le vrai Concile de Sardique, ne regardoit Paffemblée qui portoit le nom de cette ville, que comme un conciliabule d'Ariens. Ils drefferent une profeffion de foi, captieufe felon leur coutume. Ils envoyerent leur lettre fynodale aux Evêques de leur parti.. Tous ceux qui avoient été abfous par les Occidentaux, y font condamnés ; toutes les anciennes calomnies contre Athanafe y font renouvellées; ils excommunient Ofius, les principaux Evêques Catholiques, & même le Pape Jule. Cette lettre fut auffi adreffée aux Donatiftes dAfrique; mais ceuxci n'adhérerent point aux erreurs des Ariens, & refterent attachés a la foi de la confubftantialité. Le Concile de Sardique fépara pour quelque temps POrient del'Occident. Le pas de Suc-  nu Bas-Empjre. Liv. VI. 79 cues fut la borne des deux communions, comme celle des deuxEmpires. II reftoit cependant en Oriënt desOrthodoxes; mais ceux-ci, quoique fermes dans la foi de Nicee, évitoient les difputes, 8c communiquoient même avec les Ariens, qui ie diviferent bientöt en plufieurs branches. Les uns prétendoïent que le Fils de Dieu étoit d'une fubftance abfolument différente de celle de fon Pere; c'étoient les purs Ariens; on les appella Anoméens : les autres reconnoiffoient que le Fils étoit en toul femblable au Pere; mais ils ne vouloient point qu'on parlat de fubftance : d'autres admettoient dans le Fil: une fubftance femblable , mais nor pas la même; ils ne rejettoient qui la confubftantialité; ils font nomme femi-Ariens : le plus grand nombn voltigeoient fans ceffe d'un parti ; Pautre, 6c régloient leur profeffioi de foi fur les circonftances. C'étoit la contume de notifler dan des Synodes particuliers les décret des Conciles généraux. L'équivoqu du prétendu Concile de Sardique ren doit, dans 1'occafion préfente, ce D iv constance. Constant.Ann. J47« li l 1 S XLVT. Concile de Milan. t  constance. Constant.an. 347. i » i i i So H jf s t o r r g ufage plus indifpenfable. Conftant réfidoit alors k Milan. H s'y affembla un Concile nombreux, compofé des Er vêques d'Illyrie & d'Italie. Le Pape Jule y envoya des Légats. On y accepta les décrets du vrai Concile de Sardique. Urface & Valens, retournés a leurs Eglifes, fe voyant environnés de Prélats Orthodoxes , & craignant les fuites de Panathême , dont un Prince Catholique ne les fauveroit pas, vinrent fe préfenter aux Evêques; & plus attachés a leur dignité qu'a leur fentiment, ils abjurerënt 1'Arianifme par un afte figné de leur main. On leur pardonna,& on lesadmita la communion. Deux Evêques furent envoyés k Conftance pour demander Pexécution du jugement rendu a Sardique, & le réta)lilTement des Prélats bannis. Confant les fit accompagner d'un Officier le fes armées, nommé Salien, re:ommandable par fa piété & par fon imour pour la juftice. II le chargea Pune lettre par laquelle il faifoit les nêmes demandes; il menagoit fon 'rere d'employer, s'il en étoit beoin , la force des armes , pour fouenir une caufe fi jufte.  nu Bas-Empire. Liv. VI. 8i Conftance étoit aAntioche. II avoit quitté Conftantinople dés les premiers mois de cette année. En paffant par Ancyre , il y entendit fon panégynque ,prononcé parle fameux Sophifte Thémiftius, qui, après avoir, felor. 1'ufage, protefté de la vérité de fe< ëloges, débita beaucoup de menfon ges k la louange de 1'Empereur. Le députés du Concile de Sardique s'e toient rendus a Antioche avant Pa ques; & ceux du Concile ;de Milai durent y arriver avec Salien au com mencement de Pannée fuivante. Que' ques Auteurs prétendent que Saha alors Conful avec Philippe, eft le m« me que ce Salien. Mais la dignn confulaire ne paroit guere s'accoi der avec cette députation. Philipp< Pautre Conful , étoit d'une famil très-obfcure. Un génie fouple & 11 triguant 1'avoit élevé jufqu'a la cha ge de Préfet d'Orient, qu'il poffé pendant plufieurs années. II étoit ve du aux Ariens, & nous le verre bientöt fignaler fon zele en leur 1 veur par des crimes dont il fut n récompenfé. Conftance , naturel ment timide, ne recut pas fans D v ——ü constance. Constant.Ann. 348. XL VII. Députéï envoyésa , Conftance. ' Cod. Th. !. • 11, tit. 3 o, ...hg. S. Them, or. 1 I. - Idace. TUI. art. II. » é ' y ie1r- b* n- ns a- ial'. le- tn- -  CoNStance. Constant.Aran. 348. XLVUfc Guerre de Perfe. Liban. Bafilic. Amm. /. i8,c. 9. ] 1 1 J I i i t c s c p 1< le P ir 82 H I S T O I R E quiétude les lettres menagantes de fon frere. Mais les Perfes lui donnoient alors de plus vives allarmes. Après le fiege de Nifibe, ils étoient convenus d'une treve avec les Romains. Cependant Sapor, dont 1'humeur guerriere n'étoit gênée par aucun fcrupule, employoit ce temps k faire de nouveaux efforts. II enröle tout ce qu'il a de fujets propres è porter les armes; les plus jeunes , Dour peu qu'ils paroiflent vigoureux, Pen font pas difpenfés. Les villes refent prefque défertes. II n'épargne pas neme les femmes , qu'il oblige de uivre Parmée, & de porter le baga;e. II épuife de foldats les nations voiines, qu'il engage par prieres, par rgent, par force. Tout POrient s'éiranle & marche versleTigre. Confmce, de fon cöté, rafTemble les fores Romaines, fe met a leur tête, & avance pour arrêter ce torrent. II impe k fix lieues du fleuve, & orte des corps de troupes jufque fur s rives. Bientöt la poufliere qui s'éve au-dela annonce 1'approche des ;rfes; on entend le bruit des ares & le henniffement des chevaux.  nu Bas-Empirb. Liv. VI. 83 Conftance, averti. par ^fes coureurs, va lui-même reconnoïtre 1'ennemi; il ordonne aux poftes avancés de fe replier,& de laiffer le palTage libre : N'empêchez pas même. les Perfes, leur dit - il, de prendre un terrein avantageux, & de s'y retrancher : tout ce que je fouhaite, c'ejl de les atdrer au cornbat; & tout ce que je crains, c'ejl quils ne prennent la fuite avant que Jen venir aux mains. Les Perfes profitent de cette confiance; ils jettent trois ponts; ils mettent plufieurs jours & plufieurs nuits a paffer le fleuve fans aucune inquiétude, & fe retranchentprès de Singare. Dans cette ville fe trouvoit alors un Officier de la garde , nommé Elien; il n'avoit avec lui qu'une troupe de nouvelles. milices. Maisil fut leur infpirer tant de courage , qu'étant fortis pendant la nuit, ils oferent fous fa conduite pénétrer jufque dans le camp des Perfes; ils les furprirent endormis fous leurs tentes, en égorgerent un grand nombre, & fe retirerent fans perte avant que d'être reconnus. Cette a&ion rendit ces foldats célebres; on en compofa deux cohortes fous les noms de D vj Cons- tance. constah1r tuin. 34!  CONSTANCE. TANT. Ann. 348. XLIX. Bataille de Singare. Liban. Baflic Jut. or. 1. Eutr. Rufus. Hier. Chr. Amm. /. 25 ,c 9. Orcf. I. 7, <• 29» ] ( 1 1 ] 1 f 84 H I S T 0 I R E Supervemores & de Preventores, qui rappelloient leur hardieffe. Elien fut honoré du titre de Comte. Les deux armées fe rangerent en bataille : celle des Perfes paroiffoit innombrable. Elle étoit compofée de foldats de toute efpece; archers a pied & a cheval, frondeurs, fantaffins & cavaliers armés de toutes pieces. Les rives, la plaine, la pente des montagnes n'ofFroient aux yeux qu'une forêt de lances & de javelots. Les gens de trait couvroient les cöteaux, & bordoient le retranchement: au-devant étoit rangée la cavalerie; 1'infanterie formoitl'avant-garde; elle fe mit en marche , & fit halte hors de la portée du trait; les deux armées refterent long-temps en préfence. On kok déja a Pheure de midi, dans les ïlusgrandes chaleurs du mois d'Aoüt; k ies Romains, fous les armes dèsle )oint du jour, n'étoient pas accouumés, comme les Perfes, au foleil >rülant de ces climats. Enfin, Sapor, 'étant fait élever fur un bouclier »our confidérer Parmée ennemie, fut rappé du bel ordre de leur bataille; 11e lui parut invincible. C'étoit un  iw Bas-Empihe. Liv. VI. 85 refte de cette ancienne Taöique, qui, jointe a la févérité de la difcipline, avoit rendu les Romains maitres du monde. Sapor favoit affez la guerre pour admirer leur ordonnance ; mais non pas pour la rompre deyive force, ni pour la rendre inutile par h difpofition de fes troupes. Soit crain te, foit ftratagême, il fait fonner li retraite; Sc fuyant lui-même è tout bride avec un gros de cavalerie , 1 repaffe le Tigre , Sc laiffe la conduit de Parmée a fon fils Narfès, & a plus habile de fes Généraux. Les Pei fes prennent la fuite vers leur camf pour attirer Pennemi a la portee d< traits prêts a partir de-deffus la m\ raille Sc les cöteaux. Les Romain: au défefpoir de les voir échappei demandent a grands cris le fignal c combat. En vain Conftance ye les arrêter; ils n'eftimoient ni capacité, ni fa valeur; Sc malgré i ordres, ils courent de toutes leti forces, Sc arrivent au camp fur foir , lorfque les Perfes y rentroie en défordre. Conftance , voyant fiens fatigués d'une courfe de qi tre lieues, épuifés par la chaleur constance. Constant.Ann. 348. I i e .x > :s ' » ' » U .lt fa es rs le nt es 1aSc  C onstan ce. Constant.Ann. 348. j 1 I 1 i ï C c r d n a il ci ü è fc Cl 86 H 1 s t. 0 1 r e par la. foif, fait de nouveaux efForts pour les rerenir:. La nuit approchoit; les archers fur les éminences d'alentour , les cavaliers au pied de la muraille , faifoient bonne contenance. Rien n'arrête la fougue du foldatRomain; il fond fur cette cavalerie , renverfe hommes & chevaux, les af(bmme a coups de maffes d'armes. En un moment le foffé eft comblé, es paliffades font arrachées. Ils s'atachent enfuite a la muraille; elle 'écroule jufqu'aux fondements. Les ms pilient les tentes & maffacrent ous ceux qui ne peuvent fuir; Narés eft fait prifonnier : les autres cou? ent vers les hauteurs; mais a déouvert de toutes parts, ils font acablés d'une grêle de traits; Pobfcuité fait égarer leurs coups; leurs épées éja rompues dans le corps des enemis refufent de les fervir; après foir perdu leurs meilleurs foldats, s fe rejettent dans lecamp; lè,fe ■oyant viftorieux, ils allument des ux, & accablés de fatigue, brülants : foif, ils cherchent de 1'eau, & ne ngent qua fe défaltérer. Les vainis, profitant' du défordre, & favo-  nu Bas-Empire. Liv. VI. 87 rifés des ténebres de la nuit, fondent fur eux; ils les percent de traits a la lueur de leurs feux , 8c les chaffent du camp. Dans cette afFreufe confufion, quelques foldats furieux fe jettent fur Narfès ; il eftfouetté, percé d'aiguillons, 8c coupé en pieces. Conftance, fuyant avec quelques cavaliers , arriva k une méchante bourgade, nommée Hibite, ou Thébite, a fix lieues de Nifibe, ou, mourant de faim, il fut trop heureux de fe raffafier d'un morceau de pain qu'il reent d'une pauvre femme. Le lendemain, les Perfes ne fentant que leur perte, repaffent le fleuve, 8c rompent les ponts. Sapor, faifi de douleur & de rage, quitta les bords du Tigre, s'arrachant les cheveux, fe frappant la tête, 8c pleurant amérement fon fils. Dans 1'excès de fon défefpoir, il fit trancher la tête a plufieurs Seigneurs qui lui avoient confeillé la guerre. Telle fut la bataille de Singare , oü les rives du Tigre furent tour • k - tour abreuvées du fang des Perfes 8c des Romains, Sc oü la mauvaife difcipline fit perdre aux vainqueurs tout constance. Constant.Axin. 348.  CoNStance. Constant.Ann. 348. L. Nouveauxtroubles desDonatiftes appaifés en Afrique. Oplat. I. 3.. Baronius. TUL Hifi. j des Donat.art. 46 &: 1 /ZuV. ( ( 1 ƒ f a d a d C P le d u 83 H I S T O I H E 1'avantage que leur avoit procuré une bravoure téméraire. En Occident, les Francs étoient tranquilles, & Conftant profitoit du calme de fes Etats , pour travailler k rendre la paix k 1'Eglife. Etant allé de Milan k Aquilée, il y manda Athanafe , & Pengagea enfuite k paiTer a. Treves. Gratus, Evêque de Carthage, en allant au Concile de Sardique, ivoit repréfenté k 1'Empereur les violences que les Circoncellions ne cefoient de commettre en Afrique. Le >nnce j envoya deux perfonnages onfidérablesi nommés Paul & Maaire. Ils étoient chargés de diftri►uer des aumdnes, & de donner leurs 3ins k ramener les efprits. Donat, mx Evêque de Carthage, les rebuta vee infolence , & défendit k ceux. e fa communion de recevoir leurs .ïmönes. Un autre Donat, Evêque e Bagai en Numidie, alTembla les irconcelhons; les envoyés de 1'Em?reur, pour fe mettre k couvert de urs infultes, furent obligés de fe ire efcorter par des foldats que leur )nna le Comte Sylveftre. Quelquesis de ces foldats ayant été mal-  nu Bas-Empirb. Liv. VI. 89 traités, leurs camarades, malgré les Commandants, en tirerent vengeance : ils tuerent plufieurs Donatiftes, entre autres Donat de Bagaï. On employa contre ces fectaires des rigueurs qui furent blamées des Evêques Catholiques. Cette conduite,trop dure de Paul & de Macaire, donna occafion a la feöe de les rendre odieux comme perfécuteurs, & d'honorer comme Martyrs ceux qui perdirent la vie. Mais les Commiffaires n'excéderent pas les bornes d'une févérité légitime , en chaffant de Carthage le faux Evêque Donat, & en traitanl de même plufieurs autres Evêque: ©bftinés. Une grande partie du peu ple rentra dans la Communion Ca tholique. Gratus cimenta cette heureufe union par un Concile tenu i Carthage ; & la tranquillité rétabli< dans 1'Eglife d'Afrique fubfifta jufqu'; la mort de Conftance. II étoit temps que les menaces d< Conftant arrêtaiTent en Oriënt la per fécution qui avoit redoublé de vio' lence après le Concile de Sardique Les Ariens de Philippopolis, irrité contre les habitants d'Andrinople qu constance. Constant.Ann. 348. i L ! LI. Violen ces des A riens. , Ath. ad , Solit. i  G onsta nce. Constant.Ann, 348. J } ( 1 1 I 1 C c f LH, ettre de 5 ïonlïan- £ PO HlSTQIAE rejettoient leur communion, s'en é» toient plaints a Conftance; & par les ordres de ce Prince , le Comte Philagre avoit fait trancher la tête a dix laïcs des plus confidérables de la ville. L'Evêque Luce fut de nouveau chargé dechaines, & envoyé en exil, oü il mourut. Des Diacres, des Prêtres, des Evêques avoient été les uns profcrits, les autres relégués dans les montagnes de 1'Arménie ou dans les déferts de la Libye. On gardoit les portes des villes, pour en interdire 1'en:rée aux Prélats rétablis par le vraï Concile. On envoya de la part de 'Empereur aux Magiftrats d'AlexanIrie , un ordre de faire mourir Athalafe, s'il ofoit fe préfenter pour renrer en poffefïïon de fon fiege. On reloubloit les fouets, les chaines, les ortures. Les Catholiques fuyoient 111 défert; quelques-uns feignoient 1'apoftafier. Ce fut au milieu de ce léfordre, que les lettres de Conftant ïnrent fufpendre les coups que fon rere portoit k 1'Eglife. Conftance ne fe rendit pas d'abord. on incertitude lui attira une fecone lettre plus forte que la précédent  du Bas-Empire. Liv. PT. 91 te. II connoifïbit le cara&ere vif & bouillant de fon frere; il ne doutoii pas que fes menaces réitérées ne fuffent bientöt fuivies de 1'exécution Dans cet embarras, il affemble plufieurs Evêques du parti, & leur demande confeil. Ils font d'avis de cé' der plutöt que de courir les rifque: d'une guerre civile. L'Empereur fein de s'adoucir. II permet a Paul d< retourner a Conftantinople. II invit< par lettre Athanafe a le venir trou ver, lui promettant non-feulemen une fureté entiere & le rétabliffemen dans fon Eglife, mais encore les ef fets les plus réels de fa bienveillan ce. II lui témoigne beaucoup de com pafiion fur fes malheurs, &c lui fai des reproches de ce qu'il n'a pas pré féré de recourir a lui pour obteni juftice. Cette feinte douceur n'étoi capable que d'infpirer de nouveau; foupcons. Aufli Athanafe ne fe prefl pas d'y répondre. Dans ces circoni tances , on découvrit un horribl complot qui déshonora les Ariens & qui fit pour quelques moment ouvrir les yeux a leur aveugle pro te&eur. constance. Constant.Ann. 34$. ce a St. Athanafe. • Soc. I. 1 , ; c. 23. . SoX. I. 3, - c. 19. : Philofi. 1. , 3 , C. ii. c t t r t c ï » s  constange. Constant.A«n. 348. LTU. Infigne foutberie d'Etienne Evêque d'Antioche. Ath. ad Solit. Theod. 1. 2, e. 9, io. ] < 4 ] < 1 i i I 1 9& HlSTOIRE Les deux Evêques envoyés avec Salien a Conftance, étoient Vincent de Capoue, & Euphratas de Cologne. Etienne, Evêque d'Antioche , réfblut de leur öter tout crédit auprès de 1'Empereur, & de les perdre d'honneur a la face de toute la terre. Dans ce deflein, il trama 1'intrigue la plus hoire & la plus honteufe. II avoit a fes ordres un jeune homme de la ville , dont il fe fervoit pour maltraiter les Catholiques. C'étoit un fcélérat fans pitié & fans pudeur. On lui avoit donné le furnom d'Onagre, mot qui (ignifie ane fauvage, a caufe de fa pérulante férocité. L'Evêque lui fait part le fon deffein, & n'a pas befoin de 'exciter a le remplir. Onagre va trouwer une femme publique; il lui drt ju'il eft arrivé deux étrangers qui feulent pafler la nuit avec elle. II :onvient avec quinze brigands femdables k lui, qu'ils fe placeront en mbufcade autour de la maifon ou ogeoient les deux Evêques. La nuit uivante, Onagre conduifit Ia cpurtianne : un domeftique qu'il avoit corompu par argent, tenoit la porte ouerte. Cette femme fe gliiTe dans la  du Bjs-Empire. Liv. PI. 93 chambre d'Euphratas.: c'étoit un vieil- ' lard vénérable; il s'éveille au bruit; Sc ayant demandé qui c'étoit, comme il entend la voix d'une femme, il ne doute pas que ce ne foit une illufion ' du diable, Sc fe recommande k J. C. Aufïi-töt Onagre entre avec des flambeaux a la tête de fa troupe. La courtifanne, frappée de la vue d'un homme fi refpeftable , Sc qu'elle reconnoït pour un Evêque, s'écrie qu'elle eft trompée : on veut lui impofer filence; elle crie plus fort: tous les valets accourent; Vincent, qui couchoit dans une chambre voifme, vient au fecours de fon collegue : on ferme les portes; on arrête fept de ces miférables : Onagre s'échappe avec les autres. Dès le point du jour, les Evêques inftruifent Salien de cet attentat; ils vont enfemble au palais; les Prélats requierent un jugement eccléfiaftique : Salien foutient qu'un fait de cette nature eft du reffort des tribunaux féculiers; il demande une information juridique: il offre les domeftiques des deux Evêques pour être appliqués a la queftion ; Sc comme tout le foup?on tomboitfur Etienne. constance. Constant.Lnn. 348.  constance. Constant.Ann. 348. LIV. Confiance invite de nouveau A- 1 thanafe. ] Soc. Li, 1 c. 23. ' Thcod. I. c 2, c. 10, { II. , s, 19, a l 1, d 94 H f s t n / r % dont Onagre étoit ie miniftre ordinaire , il exige qu'Etienne repréfente auffiles fiens. Celui-ci lerefule, fous prétexte que fes dorneftiques étant clercs ne peuvent être mis a la queftion. L'Empereur eft d'avis que 1'information fe fafle dans 1'intérieur du palais. On interroge d'abord la courtifanne, qui déclare la vérité: on s'adreffe enfuite au plus jeune de ceux qui avoient été arrêtés : il découvre tout le complot : Onagre eftamené, & protefte qu'il n'a rien fait que par les^ ordres d'Etienne : cet indigne Prélat eft aufti-töt dépofé par les Evêques qui fe trouvent a Antioche. L'Empereur, irrité d'une ft affreufe mpofture, rappelle d'exil les Prê:res & les Diacres d'Alexandrie; il léfend d'inquiéter, ni les clercs ni les aïcs attachés k 1'Evêque Athanafe. .a guerre des Perfes qui commenca lors k Poccuper tout entier, ne lui it pas perdre de vue le retour du 'rélat. Dans fa marche même, étant Edeffe, il lui écrivit une feconde :ttre, dont il chargea un Prêtre d'Aïxandrie : c'étoit apparemment un es exilés qui revenoit d'Arménie, &  du Bas-Empire. Liv. VI. 95 qui s'étoit préfenté k l'Empereur. Conftance prefïbit de nouveau le faint Evêque; ilJui permettoit de prendre des voitures publiques pour fe faire conduire a la Cour. Mais il étoit de retour k Antioche avant qu'Athanafe fe fut déterminé a le venir trouver. Grégoire étoit mort a Alexandrie, & l'Empereur n'avoit pas permis aux Ariens de lui nommer un fucceffeur. Enfin , 1'année fuivante, fous le Confulat de Liménius & de Catulinus, Athanafe , preffé par une troifieme lettre de Conftance , & par celles de plufieurs Comtes, dont la bonne foi lui étoit moins fufpefte, fe rend a tant de follicitations. II va d'abord a Rome trouver le Pape Jule, qui, tranfporté d'une fainte joie , écrit k 1'Eglife d'Alexandrie pour la féliciter du retour de fon Evêque. De-la il prendla route d'Antioche, ou l'Empereur affefta de réparer fes injuftices paflées par 1'accueil le plus honorable. La feule grace qui lui fut refufée, ce fut celle de confondre en face fes calomniateurs qui étoient a la Cour, Mais le Prince lui promit avec ferment de ne les plus écouter en fon constance. Constant.Ann. 349. LV. Athanafe a Antioche. Idact. Ath. ad Solil. & Apol. 2. Soc. I. 2 , c. 23. Thcod. I. 2 , c. 12. Soi. I. 3, C. 19 , 20. Phot. rit, Ath»  constance. Constant.Aan. 349. 96 H 1 S T 0 I R £ abfence. Conftance écrit aux Alexandrins , pour les exhorter a la concorde; il leur recornmande 1'obéiiTance a leur Evêque; il ordonne aux Magiftrats de punir les réfraftaires ; il déclare que 1'union avec Athanafe fera k fes yeux le cara&ere du bon parti ; il enjoint par un ordre exprès aux Commandants de la ville & de la Province, d'annuler & d'effacer des regiftres publics tous les attes & toutes les procédures faites contre 1'Evêque &c contre ceux de fa communion, & de rétablir le Clergé d'Athanafe dans tous fes privileges. On ne peut concevoir comment Conftance a pu fans rougir donner a la doörine & aux mceurs du faint Prélat les éloges dont ces lettres font remplies. II entroit dans cette conduite plus de crainte de Conftant, que de fincérité & de véritable repentir. Aulïi voiton ici ce Prince fe démentir lui-même. II étoit alors autant que jamais le jouet des Ariens, qui 1'avoient tant de fois trompé. Ce fut a leurs inftances qu'ayant un jour fait appelier Athanafe : Fous voye^, lui dit-il, tout te que je fais pour vous ; faites d votre tour  nu Bas-Empire. Liv. VI. 97 ■tour quelque chofe pour moi ;je l'attends de votre reconnoijfance : de toutes ies Eglifes d'Alexandrie, je vous en demande une pour ceux qui ne font pas de votre communion. Prince, lui répond Athanafe fans fe décöncerter , vous ave^ le pouvoir d'exécuter ce que vous dejire^ ; mais accorde^ - moi aufji une grace. Je vous Vaccorde, lui dit aufïïtöt Conftance. 11 y a ici d Anüochet repliqua Athanafe, beaucoup d'habitants fêparês de la communion de tEvêque ; il efl de votre jujlice que tout foit tgal : donnet-leur une Eglife, comme vous en demande\ une pour ceux d'Alexandrie. Depuis la dépofition d'Etienne, 1'Eglife d'Antioche étoit gouvernée paf Léonce, qui n'étoit pas moins livré a PArianifme ; Sc les Catholiques, appellés Euftathiens, étoient en grand nombre. Conftance , frappé de la préfence d'efprit d'Athanafe, ne put lui répondre fans avoir confulté fes oracles ordinaires. Ceux-ci jugerent que, par cette concefïion mutuelle, leur parti perdroit beaucoup plus a Antioche, qu'il ne gagneroit & Alexandrie, tant que leur doctrine y trouveroit un auffi puiftant adver* Tome II. E Cons- tance-. Constant.Ann, 345  constance. Constant.Ann. 349 LVI. ■Retour d'Athana nafe a A lexandri< Ath. ad Solit, Soc. 1.2 t. 24. Sot. I. 3 C. 20, ( Mi- Phot. vï Ath. Pagi ad Bar, 9?f II I S T O I A E faire : & l'Empereur fe défifta de fa demande. Dans le voyage d'Antioche a Alexandrie, Athanafe fut par-tout refu avec honneur. Les Evêques, excepté quelques Ariens, s'emprefToient a lui ; témoigner leur refpeft. La plupart t même de ceux qui Pavoient auparavant condamné ou abandonné, revenoient a fa communion. Les Pré' lats de Paleftine s'affemblerent a Jé. rufalem ; ils écrivirent une lettre aux ' Eglifes d'Egypte , de Libye , d'A. lexandrie, pour les affurer qu'ils partageoient leur joie. A fon arrivée , ce fut une fête par toute 1'Egypte, mais une fête vraiment Chrétienne. C'étoit par Pimitation d'Athanafe qu'on folemnifoit fon retour. On verfoit des aumönes abondantes dans le fein des pauvres; les ennemis fe réconcilioient; chaque maifon fembloit une Eglife; Alexandrie toute entiere étoit devenue un temple confacré aux aftions de graces, & a la pratique des vertus. Tous les Evêques Catholiques envoyoient a Athanafe, & recevoient de lui des lettres de paix.Urface ScValens eux-mêmes  du Bas-Empi$.e. Liv. FL 99 lui écrivirent d'Aquilée , & lui demanderent fa communion. Ils venoient de confirmer a Rome, en préfence de Jule & de plufieurs Evêques, par une nouvelle proteftation fignée de leur main, 1'anathême qu'ils avoient prononcé k Milan contre la doctrine d'Arius : ils avoient de plus par ce même acte, déclaré faufïes & calomnieufes toutes les accufations formées contre Athanafe : c'étoit confeffer leur propre crime. L'Eglife refpiroit après un orage de plus de fept années. Les Evêques exilés étoient rétablis : les Ariens quittoient en tumulteles fieges ufurpés: Macêdonius, obligé de céder a Paul, ne conferva dans Conftantinople qu'une feule Eglife. Cette paix , qui étoit Pouvrage de Conftant, fut bientöt troublée. Elle ne furvécut pas a ce Prince, dont la mort fut Peffet d'une révolution foudaine, & la caufe des plus vioientes agitations. E ij constance. Constant.Knn. 349,   SOMMAIRE LIVRE SEPTIEM E. I. E TA T de l''Empire. IR Caraclerc de Conflant. iii. Minijïres de Conflant. I v. Quel jugement on peut porter de ce Prince. v. Caraclere de Magnence. VI. // ejl proclamé Augujle. vii. Mort de Conflant. vut. Suites de la révolte de Magnence. ix. Vètranion prend le titre d'Augujle. x. Entreprife de Népotien. xi. Tyrannie de Magnence. xii. Guerre de Perfe. xiii. .Sïege de Nifibe. xiv. Commencement du fiege. xv. S^por z/zo«de la ville. xvi. Nouvelle attaque. xvii. Opinidtreté de Sapor. xviii. Z,ev« <ƒ« jiege. xix. Miracles qu'on raconte d toecajion de ce jiege. xx. Préparatifs de Confiance. xxi. Députation de Magnence. xxii. Vètranion dèpouillè. xxiii. Conduite de Confiance d tégard de Vêtranion. xxiv. Confiance jette lesyeux fur Gallus pour le faire Cefar. xxv. EduE iij  102 sommaire du LlV. vhe. cation de Gallus & de Julien. xxvi. Gallus & Julien d Macelle. xxvii. Différent fuccïs des infiru&ions Chrètiennts donnêes aux deux Princes. xxviii. Gallus déclaré Céfar. xxix. II purifie le bourg de Daphné. xxx. Dêcence Céfar. xxxi. Magnence fe met en marche. xxxii. Propojitions de paix rejettèes par Magnence. x x x111. // reqoit un échec au paffage de la Save. xxxiv. Infolence de Titien. xxxv. Divers fucds de Magnence. xxxvi. Bataille de Murfe. xxxvii. Perte de part & Xautre. xxxviii. Rufe de Valens. xxxix. Suites de la bataille. xl. Magnence fe rttire en Italië, xli. // fuit dans les Gaules. xlii. Embarras de Magnence. xliii. // attente d la vie de Gallus. xliv. Mort de Magnence. xlv. Loix touchant la Religion. xlvi. Loix concernant Üordre civil. xlvii. Loix miliiaires.  HISTOIRE D U BAS-EMPIRE. LI F RE SEPTIEM E. CONSTANCE, CONSTANT. L'Empi re gouverné depuis douze ans par des Princes fort inférieurs en mérite a Conftantin, perdoit peu-a-peu fon éclat, fans avoir encore rien perdu de fes forces. Conftance , réglé dans fes mceurs, mais fombre & bifarre, s'égaroit dans des difcuffions théologiques, oü Phéréfie E iv 103 constance, Constant.Ann. 349, 1. Etat de 1'Empire. Soi. I. 3 , c. 16,  C'onstance. Constant. A.nn. 349. Cod. Th. I. 16, tit. 10, hg. i, 3 , & iti God. 1 ] 1 ] i ] 1 i 1 < 1 3 1 104 H I S T O I R E pratiquoit mille détours. Obfédé pair des Evêques Ariens & toujours environné de Conciles, il négligeoit la glpire de 1'Etat, & n'oppofbit qu'une foible réfiftance aux fréquentes incurfionsdes Perfes. Conftant, plus livré aux plaifirs, tranquille du cöté de fes frontieres, dont il avoit écarté Les Francs , s'en rapportoit fur les queftionsde do&rinea Maximin,Evêque de Treves , dont il connoifloit a fainteté éminente Sc la fcience conIbmmée. Guidé par les fages confeils le ce Prélat, il fe déclaroit hautenent le défenfeur de Porthodoxie; il éprimoit 1'audace des Payens & des ïérétiques; il relevoit 1'éclat du culté livin par de riches ofFrandes;il comiloit les Eccléfiaftiques d'honneurs & le privileges. II recut de bonne heure a grace du baptême. A 1'exemple de bn pere, il portoitde nouveaux coups 1 Pidolatrie; il défenditles facrifices; 1 fit fermer les temples, fans permetre cependant qu'on les détruifit, ni lans Rome, dont ils faifoient un des >rincipaux ornements; ni hors de Rone, paree qu'il ne vouloit pas priver e peuple des jeux & des divertifle.--  r>u Bas-Empire. Liv. VIL 105 ments établis k 1'occafion de ces temples. Ce Prince, placé entre les Catholiques qu'il protégeoit, les Hérétiques qu'il rejettoit, & les Payens dont il tachoit d'anéantir le culte , a ~été regardé de fon temps & montré a la poftérité fous des afpefts entiérement oppofés ; & jamais Souverain n'a laiffé une réputation plus équivoqwe. Les Ecrivains Catholiques les plus refpe&ables, & même des Peres de 1'Eglife, l'ont comblé de ces louanges générales, que 1'enthoufiafme de la reconnoiffance produit fouvent,mais n'accrédite pas toujours : ils ont été jufqu'a lui donner le titre de bienheureux. Si Tont en croit, au contraire , les Auteurs Payens, c'étoit un Tyran cruel, d'une avarice infatiable , fier, imprudent, impétueux, exécrable, par fes propres vices & par ceux de fes Miniftres ; un ingrat, qui ne payoit que de mépris les fervices des gens de guerre. L'heureufe température de Pair, la fertilité des années , la tranquillité des barbares auroient pendant tout le cours de for regne rendu fes fujets fortunés, s?i E v constance. Constant.Ann. 349. II. Cara 6tere de Conftant. Ath. Apol, i. Optat. I. 3. 'lof. I. 1. Aur. Vief. Viel. Epit. Zon. t. II, p. 13. Joan. Ant.. in excerpt, : i:  CONSTANCE.CONSTAKT.j Ann, 349, m. Miniftres de' Conftant. Lib. or. 7. Amm, l, 16, c, 7, . I06 HlSTOIRB ne les tut affligés lui-même par des fléaux plus terribles que la pefte, la famine & la guerre: c'étoient les Magiftrats pervers auxquels il vendoit a prix d'argent le gouvernement des Provinces. On lui reproche même ce vice honteux qui fait rougir la nature. II étoit fans ceffe environné de jeunes efféminés, qu'il choififfoit entre les ötages que lui envoyoient les barbares ,011 qu'il faifoit acheter dans les pays étrangers, & pour les récompenfer de leur criminelle compfaifance , il leur abandonnoit les biens & le fang de fes fujets. PafTionné pour la chaffe, fouvent elle lui fervoit de prétexte pour aller cacher au fond des forêts 1'horreur de fes débauches. Sa fanté en fut altérée; il perdit 1'ufage des mains & des pieds; Sc les douleurs de la goutte, dont il étoit tourmenté, le puniffoient fans le corriger. Ses Miniftres abufoient de fa confiance : rien n'échappoit k leurs derirs; & il falloit leur céder tout ce qu'ils defiroient, ou fe réfoudre k -effentir les effets d'une haine puifante & implacable. Dans cette Cour  du Bas-Empire. Liv. PIL 107 Corrompue, on ne trouve qu'un feul homme digne d'eftime : ilfe nommoit Euthérius. II étoit né en Arménie dans une condition libre : enlevé dés fon enfance par des coureurs ennemis, il avoit été fait eunuque, vendu k des marchands Romains, & conduit au palais de Conftantin. Son heureux naturel fe développa dés fes premières années; il prit de lui-même le foin de fe perfectionner par Pétude des lettres, autant que le permettoit fa fortune. Il avoit des mceurs, beaucoup d'empreffement a faire du bien , une grande mémoire, un efprit adroit, fubtil, pénétrant, plein de reffources fans s'écarter jamais des regies de la juftice; & Fhiftoire lui rend ce témoignage, que fi Conftant eut voulu écouter fes confeils , il n'eüt point fait de fautes , ou n'en eut fait que d'excufables. On cite encore un homme de bien, qui eut quelque crédit auprès de Conftant: c'étoit Prohérefe, Sophifte d'Athenes, célebre par fon éloquence, & plus encore par ion attachement a la Religion Chrétienne; ce qui étoit prefque fans exemple dans les Sophiftes de ce temps-la. E vj CONStance. Constant.Ann. 349. Eunap, in Prohxres. Du Cange, Glof. inf. Grage, in fpa.TO'&e-  G.onstance. Constant.Ann, 340. IV. Quel jugementon peut porter de Conftant. Liban. Bafil. Eutr. l.10. Ic8 H l S T O I R. R Conftant le fit venir dans les Gaules;. & quoiqu'il ne fut vêtu que d'un fimple manteau de Philofophe , & qu'il marchat les pieds nuds, l'Empereur 1'admettoit a fa table entre les principaux de fa Cour. II le renvoya comblé de bienfaits, qu'on ne dit pas qu'il ait refufés, & il Phonora du titre de Stratopêdarque; ce qui fignifioit alors, tantöt un Général d'armée, tantöt le Commandant d'un camp ou d'une troupe, tantöt 1'Intendant des vivres : dignités peu afforties au caraftere d'un Sophifte. Sur des mémoiresfi contradi&oires, il eft difficile de porter de Conftant un jugement afluré. II eft certain que la proteftion qu'il a acccordée a 1'Eglife , & fon zele pour le progrès &. pour.la pureté de la Religion , mérite des éloges. .Mais fi 1'on confidere fes qualités perfonnelles , je croirois volontiers que fon portrait a été chargé de part 8c d'autre, 8c que le mélange de bonnes 8c de mauvaifes qualités dans fon caraftere, s'eft également arêté aux louanges de fes panégyriftes Sc aux fatyres de fes ennemis. Les uns k les autres n'ont vu dans fa perfon-  du Bas-Empire. Liv. VIL 109 ne que ce qu'ils y vouloient trouver. Pour approcher le plus de la vérité, le meilleur moyen feroit fans doute de confulter les Auteurs contemporains , & les plus voifins de fon temps; de recueiller fes vices dans les Chrétiens qui lui font fi favorables, &fes vertus dans les Payens qui lui font fi contraires. Mais les premiers ne lui donnent point de vices, & les autres point de vertus, fi 1'on en excepte un Orateur mercenaire, qui faifant fon éloge de fon vivant, doit être compté pour rien. Le feul Eutrope adoucit un peu les traits odieux dont les autres Payens le noirciffent: felon cet Auteur, il montra d'abord de 1'activité & de la juftice ; mais le dérangement de fa fanté le mit hors d'état" de bien faire , & la corruption de fes courtifans 1'entraina a faire le mal. Cependant, ajoute Eutrope, il fe fignala par fes exploits militaires, & il fe fit toujours craindre de fes troupes par une févérité de difcipline qui n'avoit cependant rien de cruel. Au refte, la chüte rapide de ce Prince , & la facilité qu'on eut è le détruire , montrent affez combien il constance. Constant.\nn. 349.. V. Caraflere ie Ma;nence.  HO BlSTOIRX étoit haï Oli mpur\fp Af Cac C,',a+<. A .« Cons- tance. Constant.Ann. 349 hd. or. 1 a, & in Caf. Lib. or. io, Zof. U 2, ^ar. na. Via. Epu. Zon. t. ƒƒ, ?• 13- Steph. de urb. in AeKiVTlOl Cod. Th. Lib. 16 , tit. i o, leg. j , 6- ibi God. Handuri in Magnen- tio. premier fignal de la révolte, il fe vit abandonné fans refTource. Magnence projettoit depuis long-temps d'ufurper la puiffance fouveraine , & la circonftance lui paroiffoit favorable. Des deux Empereurs, les Perfes tenoient Pun dans des allarmes continuelles, 1'autre s'endormoit dans les bras de la volupté. Cet ambitieux n'avoit pour afpirer a 1'Empire d'autre titre que fon audace. II étoit né au-delè du Rhin. Dés fon enfance , il fut emmené captif & tranfporté en Gaule avec fon pere, appellé Magnus. Deyenu libre par le bien fait de Conftantin , il s'étoit inftruit dans les lettres Latines; il avoit de la leöure, & une forte d'éloquence qui ne manquoit pas de force & de vivacité. II étoit grand & puiffant de corps. D'abord foldat dans les gardes du Prince, il s'étoit enfuite élevé jufqu'au grade de Commandant des Joviens & des Herculiens, avec le titre de Comte : c'étoient deux légions formées par Dioclétien & par Maximien, Ces deux Princes dont 1'un avoit pris le titre de Jovien & Pautre d'Herculius,  dv Bas-Empire. Liv. VIL in avoient donné leur nom a ces légions : elles faifoient partie de la garde des Empereurs. Comme il fe piquoit d'une rigoureufe exa&itude, fes foldats s'étant un jour foulevés contre lui, il alloit être maffacré , fi Conftant ne lui eut fauvé la vie en le couvrant de fa pourpre. II conferva cette régularité apparente après fon ufurpation, & dans Ie fein de 1'injuftice,il affe£toit un fcrupule religieux pour 1'obfervation des loix. L'éducation n'avoit réufli qua déguifer fes vices, Dur, intraitable, avare, capable des forfaits les plus noirsr hardi dans le fuccès par oftentation , timide dans 1'adverfité par caractere, il étoit infiniment adroit a cacher fes noirceurs & fa timidité fous des dehors de bonté & de courage. Un auteur Payen croit achever le portrait de fa tyrannie en difant qu'elle fit k jufte titre regretter le regne de Conftant. On ne reconnoit qu'il étoit Chrétien qu'a fes médailles, qui portent le monogramme de Chrift. D'ailleurs il favorifa le Paganifme, en permettant a Rome les facrifices nocturnes , défendus dans Rome Payenne, CoNStance. Constant.Vnn. 349.  i'ia Hl S T O I R E Cons- tance. Constant.Ann. 349. Ann. 350. VI. II eft proclamé Augufte. na. Epu. Zof. I. 2. Zon. t. llt P- '3CJir. AU», ldace.. 6c profcrits par les Empereurs Chrétiens, lors même qu'ils toléroient ceux qu'on faifoit en plein jour. Julien, qui devoit lui favoir gré de cette indulgence pour 1'idolatrie , n'a pu s'empêcher de convenir, que même ce qu'il a fait de louable ne fut jamais fondé fur des principes de vertu, ni dirigé par le bon fens. Tandis que Conftant, emporté par le plaifir de la cbaiTe, paffe fon temps dans les forêts, Marcellin, Intendant des finances, & Chrefte, un des plus diftingués entre les Commandants des troupes, fe liguent avec Magnence. Ils gagnent plufieurs Officiers du palais & de Parmée, mécontents du peu de conlidération qu'ils avoient dans une Cour voluptueufe. Marcellin étoit le chef de 1'intrigue; il auroit pu travailler pour lui-même; mais dans ces entreprifes hafardeufes, le fecond röle eft toujours moins dangereux : il aima mieux être le maitre de TEmpereur que de PEmpire. II fixa le jour de Fexécution au dix-huitieme de Janvier, fous le confulat de Serge & de Nigrinien. C'étoit 1'anniverfaire de la. naiffance de fon fils, 6c  uu Bas-Empire. Liv. VII. 113 les peres de families célébroient ce jour-lè par un grand fefiin. La Cour étoit alors a Autun. II invita Magnence avee les premiers de la ville, & les principaux Officiers de Parmée. Quelques-uns des conviés étoient du complot La joie de la fête proiongea le repas fort avant dans la nuit. Magnence étant forti de la falie fans qu'on y fit attention, y rentre un moment après, comme dans une fcene de théatre, efcorté de gardes f avec tout 1'appareil de la dignité impériale. Les conjurés le faluent du nom d'Empereur : les autres reftent interdits; il parle, & fes paroles appuyées de menaces que 1'efTet alloit ïiiivre , dérerminent les plus difficiles a perluader : 1'acclamation devient générale. Accompagné de ce cortege , il marche au palais, s'empare des tréfors, & les prodigue a fa troupe. II pofe des gardes aux portes de la ville, avec ordre de laifTer entrer tous ceux qui fe préfenteroient, mais de ne laifler fortir perfonne. Dès. le point du jour, tous les habitants environnent le palais; le peuple des campagnes accourt a la ville; un corps consTj! nce. Constant.Ann. 35©,  CONStance. Constant.Ann, 350. vn. Mort de Conftant. Viel. Epit. Eutr. I.10. Amm. I. 15. c. 5. Zo{. I. 2. Zon. 1.II. f. 13, 14Hier. chr. 1 i 1 i i 1 1 vin. Suites de \ la révolte de Ma- I gnence. i Jut. or. i. 114 HlSTOlRE de cavalerie Illyrienne qui venoit pour recrüter les armées de la Gaule, fe joint a eux. Tous les Officiers des troupes fe réuniflent; & la plupart fans favoir la caufe de ce tumulte, entrainés par 1'exemple des conjurés, reconnoiffent k grands cris le nouvel Augufte. Malgré les précautions de Magnence, Conftant, qui s'occupoit de la chaffe dans un pays fort éloigné d'Autun, fut inftruit de la révolte. 11 vouloit fe fauver en Efpagne ; mais Gaifon,envoyépar le tyran avec une troupe d'élite , 1'atteignit a Elne au pied desPyrénées.L'infortuné Prince, ibandonné de tous, excepté d'un Franc lommé Laniogaife, fut maffacré Ia :reizieme année de fon regne, & la :rentieme de fon age. Quelques Au:eurs rapportent que fe voyant fans ecours, il quitta les ornements de a dignité, & qu'il fe refugia dans ine chapelle , d'oü on 1'arracha pour 'égorger. L'ufurpateur, afin d'affurer fa puifance, prit le parti de fe défaire des >lusconfidérables de ceux qui avoient ervi Conftant. En même-temps qu'il  du Bas-Empirz. Liv. VIL 115 envoye k Ia pourfuite de ce Prince, il dépêche des couriers pour les mander au nom de l'Empereur, & les fait afïaffiner fur la route. II n'épargne pas même ceux de fa faftion, dont il avoit quelque défiance. II fe rend maitre de tout 1'Occident en-dega des Alpes. Bien-töt après , 1'Italie, Ia Sicile, 1'Afrique fe déclarent en fa faveur. II nom me Anicet Préfet du Prétoire, & Titien, Préfet de Rome. L'Illyrie lui échappa. A la nouvelle de la mort de Conftant, Vètranion , Général de Pinfanterie dans la Pannonie, fut proclamé Augufte le premier de Mars, a Sirmium ou k Murfe, par les foldats qui le chériffoient. C'étoit un vieillard expérimenté dans la guerre, qu'il pratiquoit depuis long-temps avec fuccès. II s'étoit fait aimer des troupes par fa probité, par fa douceur, & par une fimplicité groffiere qui le rapprochoil beaucoup des foldats. Né dans les pays incultes de la haute Méfie, il étoii refté dans une ignorance fi barbare, qu'il lui fallut apprendre a lire quanc il fevitEmpereur; mais il fut dépouil lé del'Empire avant que d'avoir eu le constance. Constant. Ann. 550. Eutr.l. 10. Zof. I. 2. Soc. I. 2, c. 25. Zon. t.11. p. 14. Buch.Cyd. p. 240. IX. Vètranion prend le titred'Au- gufte. Sul. or. 1. Aur. na. Via. epit. Zof. I. 2. Hier. Chr. Soc. I. 2 , c. ij. So{. I. 4 , c. i. Zon. 1.11, p. 15. Theoph, V- 37Philofi. I. 3, c. 22. Orof. I. 7, c. 29. Chr. Alex. Joan. Ant. in excerpt.  CONSTANCE. Ann. 3.50, vi6 HlSTOlKB temps de connoitre toutes les lettresv Selon plufieurs Hiftoriens,ce fut Conftantine elle-même, fille de Conftantin & veuve d'Hannibalien, qui le revêtit de la pourpre impériale. Elle Vouloit Poppofer au torrent de la révolte qui avoit déja entrainé le refte de rOccident. Elle craignoit que fon frere Conftance, alors occupé contre les Perfes , ne put arriver affez è temps pour y réfifter, & elle fe croyoit en droit de donner le titre d'Augufte, paree qu'elle Pavoit elle-même recu de fon pere Conftantin. Vètranion fit écrire a Conftance : il lui proteftoit qu'il ne fe regardoit que comme fon Lieutenant, &c qu'il n'avoit accepté le nom d'Empereur qu'afin de profiter contre Magnence de 1'afFeèion des foldats; il lui demandoit de Pargent & des troupes, & 1'exhortoit k venir lui-même repoufler 1'ufurpateur. Ce vieux foldat connoiflbit peu le cara&ere jaloux & infociable de Ia puiflance fouveraine; il ignóroit que c'eft un crime de s'aiTeoir a cöté d'elle, füt-ce pour la fervir. Conftance, plus politique,feignitdeluifavoir gré de fon zele : il approuva  du Bas-Empihe. Liv. FIT. irj fon éle&ion; il lui envoya même le diadême .& des fommes d'argent, & il ordonna aux légions de Pannonie de fe réunir fous fes drapeaux. Dans cette agitation de tout l'.Occident, il s'éleva un troifieme parti. Népotien, qui avoit, comme nousl'avons dit, échappé au maflacre de fa familie, refufa aufïï de reconnoïtre Magnence pour fon Empereur. Neveu de Conftantin , fils d'un Conful, revêtu lui-même en 336 deladignité confulaire, il ne fe croyoit pas né pour reconnoïtre les ordres d'un foldat de fortune. Ayant raffemblé une multitude de bandits, de gladiateurs & de gens perdus de débauche, & abymés de dettes, il vient le troifieme de Juin fe préfenter aux portes de Rome avec le diadême. Anicet, Préfet du Prétoire, fort a la tête d'une foule d'habitants mal armés, encore plus mal en ordre. Les troupes de Népotien n'étoient guere mieux aguerries. Cependant, dés la première attaque , ceux-ci mettent les habitants en fuite.Le Préfet, craignantpour la ville, s'y retire avec une parti e des fuyards, fait fermer les portes , & abandon«e CONSTANCE. Ann. 350. X. Entreprife «le Népotien. Aur. Vilt. Via. Epit. Eutr. 1.10. Zof. I. 2. Hier. Chr. Soe. I, 2 , c. 2$. So-t. I. 4, e. I. ldact. Chr. Alt». Banduri in Nepotiano,  Gons- tance. Ann. 3 } o. XI. Tyrannie de Magnence.Ath. Apol. i. Jul. or.I, 2. Them, or. j. Ilü H I S T O I K F, les autres k la merci des ennemis qui en font une horrible boucheries. Népotien avoit des intelligences dans Rome : on maffacre le Préfet; on ouvre les portes au vainqueur, qui laiffe fes foldats fe raffafier de butin & de carnage. Les places, les rues, les maifons, les temples fontinondésdefang, &le nouveau tyran, fier d'une fi belle viftoire, prend le nom de Conftantin. II ne le porta que 28 jours. Magnence envoye contre lui une armée commandée par Marcellin, qu'il avoit fait Grand-Maitre du palais. Les habitants de Rome, trahis encore par un Sénateur nommé Héraclide, font vaincus dans un grand combat. Cette ville infortunée eft une feconde fois le théatre d'une révolution fanglante. Népotien eft tué, & fa tête portee au bout d'une lance, annonce une nouvelle profcription. Magnence vient jouir de fa conquête : le maffacre des citoyens les plus confidérables lui tient lieu de triomphe. II fait mourir Eutropie, dont tout le crime étoit d'être mere de Népotien. Les barbares , tels que les Germains & les Jazyges, qui  bv Bas-Empire. Liv. VIL ny eompofoient une partie de fon armee , affouviffent Ia haine naturelle qu'ils portoient au nom Romain. Marcellin, le maitre de Magnence, plutot que fon Miniftre, s'attache furtout a éteindre tout ce qui tenoit par des alliances k la maifon impériale. Au milieu de ces défaftres, la crainte qui affe&e les dehors de 1'admiration & de la reconnoifTance, prodigue a 1'oppreiTeur les titres de libérateur de Rome & de 1'Empire, de réparateur de Ia liberté, de confervateur de la République, des armées & des Provinces. On ne célebre fur fes monuments & fur fes monnoies que le bonheur, la gloire, le rétabliffement de 1'Etat. Magnence, enivré de ces fauffes louanges, pour perfuader au peuple, & peut-être a lui-même, qu'il les a méritées, fait arrêter plufieurs OfR. ciers de fon armée , qui s'étoient diftingués dans le maffacre; il les punit de lui avoir obéi, & les facrifie a la vengeance publique. Mais en mêmetemps il ne relache rien de fa tyrannie. Ilobligeparun édit tous les Romains, fur peine de la vie, k porter au tréfor la moitié de la valeur de leurï COKSTANCE. Ann. 350. Hier chr, Eutr, 1. 10. Aur. na. Soc. I. 1 , c. 32. Grut. Infcr, CCLXXXI, 10. Murat. Infcr. ccixii. r. Banduri in Magntnt,  CONSTANCE. Ann. 350. XII. ©uerre de 1 Perfe. 120 TI l 3 T 0 I R Z biens; & contre les loix anciennes & nouvelles, il permet au efclaves de dénoncer leurs maitres. C'étoit les y exciter. II contrahit les particuliers d'acheter les terres du domaine. Son avarice n'étoit pas le feul motif de ces tyranniques ordonnances. II faifoit d'immenfespréparatifs, Scraffembloit des troupes de toutes parts, pour foutenir la guerre contre Conftance: car il méprifoit la vieilleffe imbécille de Vètranion. Les troupes Romaines répandues dans la Gaule & dans PEfpagne, les Francs, les Saxons St les autres barbares dau-deht duRhin , attirés par Pappas du pillage , fe mettent en mouvement pour fe rendre fous fes enfeignes. Les garnifons quittent la frontiere. Chaque ville de la Gaule devient un camp. On ne ren:ontre fur les chemins que fantaflins, cavaliers, gens de trait. Les Alpes font fans ceffe hériffées de lances & ie piqués; toutes ces bandes com11e autant de torrents fondoient en Italië , & la terreur étoit univerfelle. Conftance étoit encore a Antio:he, ou il prenoit des mefures pour •econquérir 1'Occident. Sur la nouvelle  /)t7 Bjs-Empire. Liv. VII. iai veile de la révolte, il avoit quitté la Méfopotamie toujours infeftée par les Perfes. Après la bataille de Singare, Sapor ayant pendant 1'hyver réparé fes pertes, avoit dès le printemps repaffé le Tigre. Conftance, de fon cöté,pafTa 1'Euphrate. On fait en général que l'Empereur recut cette année-la plufieurs échecs; mais on en ignore le détail. II y a quelque apparence que le mauvais fuccès de la bataille de Singare avoit découragé les troupes Romaines; & 1'incapacité de leur chef n'étoit pas propre k leur rendre le cceur. Ce fut apparemment alors, que les Perfes prirent fur les Romains cette fupériorité, qu'ils conferverent tant que Conftance vécut. Ce Prince ne fe montra plus fur les frontieres de la Perfe, que pour y recevoir des affronts. Renfermé dans fon camp, & toujours prêt a prendre la fuite , il lailToit 1'ennemi faire librement fes incurfions. Les Romains k qui il apprenoit a tremhler, s'accoutumerent a fe tenir cachés fous leurs tentes, tandis qu'on enlevoit jufqu'aux portes de leur camp les habitants des villes & des camTome II. F CONSTAKCE. Ann. 350. Liban. or. 10. Zof. I. 1. Zon. t, 11, ?• '3-  ~'CONSTANCE. Ann. 35 o XIII. Siege d Nifibe. Jul. or. ï Zof, l. 3 Thcod. , 1, c. 30, Zon. 1.11 p. 14. 15 Philofi. 1 3 . £- 11 Theoph. p 31. 33Chr. AUx 122 HlSTOIRE ■ pagnes qu'ils étoient venu défendre. Ces braves foldats, qui, jufqu'alors, , avoient préféré 1'honneur a la viej commencerent a ne plus craindre que la mort. Une nuée de poufliere , qui annontjoit 1'approche d'un efcadron ennemi, les mettoit en fuite. Ils ne pouvoient foutenirla vue d'un Perfe; le nom même de Perfe étoit devenu un épouvantail, dont on fe fervoit, foit par raillerie , foit pour leur faire interrompre le pillage. Après cette campagne, malheu- ■ reufe dans le détail, mais qui s'étoit _ pafTée fans aöion décifive, les Perfes ' s'étant retirés, il paroït que Conf- • tance avoit pris des quartiers d'hyver ' entre 1'Euphrate & le Tigre; & ce , fut cet éloignement qui augmenta • 1'audace de Magnence. L'Empereur ' étoit a Edeffe, quand il apprit la mort . de fon frere & les défordres de 1'Oc- cident. II prit auffi-töt le parti de re' tournera Antioche, & d'abandonner la Méfopotamie. II laiffa des garnifons dans les places frontieres, & les pourvut de tout ce qui étoit nécefTaire pour foutenir un fiege. A peine eut-jl repaffé 1'Euphrate , que Sapor,  du Bas-Empire. Liv. VIL 123 inftruit des troubles de l'Empire, recommenca fes ravages, prit plufieurs chateaux , & vint fe préfenter devant Nifibe. Dans 1'hiftoire de ce fiege mémorable, jem'écarterai fouvent du récit de M. de Tillemont: il me femble qu'en cette occafion, il n'a pas toujours rapproché avec fuccès les diverfes circonftances répandues dans les Auteurs originaux. Sapor parut a la tête d'une armee innombrable , fuivie d'une multitude d'éléphants armés en guerre , &C d'un train redoutable de toutes les machines alors en ufage pour battre les villes. Les Rois de 1'Inde, qu'il avoit foudoyés, 1'accompagnoientavec toutes leurs forces. II fomma d'abord les habitants de fe rendre, les mena$ant de détruire leur ville de fond en comble, s'ils ofoient lui réfifter. Ceux-ci, encouragés par Jacques leur Evêque, qui leur répondoit du fecours du Ciel, fe difpofoient k une vigoureufe défenfe. Lucillien , beau* pere de Jovien, depuis Empereur, commandoit dans la place. II fe fignala par une conftance k toute épreuve, 6c par les reflburces d'une habiF ij CONSTANCE. Ann. 350. XIV. Commencementdafiege.  CONSTANCE. Aon. 550. XV. Sapor inonde la -ville. 124. Histoizb leté Sc d'une valeur dignes des plus grands éloges. Pendant 70 jours , le Roi fit jouer toutes fes machines; une partie du foffé fut comblée ; on battit les murs a coups de bélier; on creufa des fouterreins; on détourna le fleuve, afin de réduire les habitants par la foif. Leur courage rendit tous ces travaux inutiles ; les puits & les fources leur fourniffoient de Peau en abondance. Après avoir épuifé tous les moyens que 1'art de la guerre mettoit alors en ufage, Sapor réfolut d'employer les forces mêmes de la nature pour détruire la ville, ou du moins pour Pinonder & Penfevelir fous les eaux. Ayant remonte vers la fource du fleuve, jufqu'a un lieu oü le lit fe reflerroit entre des cöteaux, il arrêta fon cours par une digue fort élevée, qui fermoit le vallon. Quand les eaux qui traverfoient Nifibe fe furent écoulées, le Roi fit conftruire au-deffous de la ville une feconde digue, qui traver foit d'un bord a 1'autre le lit du fleuve refté a fee; il ferma de terraffes toutes les gorges des vallons d'alentour, par oü les eaux pou-  j>v Bjs-Empire. Liv. VIL 12$ voient trouver un écoulement, & fit ainfi du terrein de Nifibe un grand bafiin. Ces ouvrages ayant été ache- / vés en peu de temps par cette prodigieufe multitude de bras qui fe remuoient k fes ordres, il fit ouvnr la digue fupérieure qui arrêtoit le fleuve: auffi-töt les eaux amaffées s'élancent, & viennent en frémiffant fe brifer avec un horrible fraca* contre les murs qu'elles ébranlent fans les abattre. Arrêtées par la digue inférieure & par les cöteaux & les terrafles d'alentour, elles fubmergent tout le terrein de Nifibe. Les afliégeants fe fervoient pour réduire la ville, du même moyen que des afliégés employent quelquefois de nos jours pour fe défendre. La plaine n'étoit plus qu'une mer, & la ville une ifle , dont on n'appercevoit que les tours & les créneaux. Le fiege change de face, & devient une attaque navale. Sapor couvre 1'inondation de barques chargées de machines qui vont infulter les remparts. Les afliégés repouffent les barbares, lancent des feux , enlevent fur leurs murs avec des crocs & des harpons les barques qui s'approchent de trop F iij CONSTANCE. .nn. 350.  CONSTANCE. Ann. 3 50. XVI. Nouvelle Ittaque. I26 HlSTOIRB •prés; ils mettent en pieces ou coulent k fond les autres k coups de gros javelots & de pierres, dont quelques-unes pefoient quatre cents livres. Cette attaque dura plufieurs jours , & 1'inondation croifloit de plus en plus, lorfque Ia digue inférieure s'étant rompue, les eaux fe réuniffant pour fuivre leurpente naturelle, entrainerent par leur violence, & les barques qu'elles portoient, & plus de vingt-cinq toifes de la muraille déja ébranlée, & même une partie du mur oppofé par oü elles s'écouloient de la ville. L'impétuofité de ce torrent fubmergea un grand nombre de Perfes. La ville étoit ouverte, & Sapor ne doutoit pas qu'il ne fut au moment de s'en rendre maitre. II fait prendre k fes Officiers & a fes foldats leurs plus belles armes & leurs plus magnifiques habits, felon la coutume des Perfes. Les hommes & les chevaux brilloient d'or & de pourpre. Pour lui, femblable k Xercès , il étoit aflis fur un tertre qu'il avoit fait élever. L'armée fe déploye en pompeux appareil; a la tête paroiifoient les cava-  nu Bas-Empire. Liv. VIL 127 liers cuiraffés & les archers a cheval, fuivis du refte de la cavalerie, dont les nombreux efcadrons couvroient toute la plaine, Entre leurs rangs s'elevoient de diftance en diftance des tours revêtues de fer, portées par des éléphants, & remplies de gens de trait. De toutes partsfe répandoit une nuee de fantaflins fans ordre, les Perfes ne faifant prefque aucun cas ni aucun ufage de 1'infanterie. En cette état,ils environnent la ville , pleins de fierte & de confiance. Au premier fignal, tous fe mettent en mouvement, &i fe preflant les uns les autres, chacun afpire a la gloire d'être le premier k forcer le patTage, ou a fauter fur le rempart. Les afliégés, de leur cöté, poftés fur la breche en bonne contenance , oppofent comme un nouveau mur leurs rang ferrés & redoublés. Ce qui fubfiftoit encore de murailles étoit bordé d'une foule d'ha bitants, armés de tout ce qui pouvoit fervir k leur défenfe. La necef fité en faifoit autant de guerriers, & les foldats mêlés parmi eux régloien leurs mouvements, & foutenoien leur courage. Dans cette périlleuA F iv CONSTANCE. Aan. 350.  CONSTANCE. Ann. 350. i 1 1 128 JJlSTQIRS circonftance, 1'Evêque, proflerné au pied des autels, intéreffoit le Ciel contre les Perfes, & procuroit k fa patrie un fecours plus puiffant que les remparts & les machines de guerre. On laiffe approcher les Perfes fans lancer un trait; & ceux-ci, perfuadés qu'ils ne trouveront point de réfiftance, après avoir renverfé les terraffes qu'ils avoient auparavant élevées, pouffent leurs chevaux a travers une fange profonde, que le féjour du fleuve avoit formée fur un terrein gras & propre a retenir les eaux. Ils arrivent au bord du foffé, qui étoit large & rempli de limon & de vafe; ils y avoient déja jetté une grande quantité de fafcines, & les cavaliers commencoient k mettre pied a terre & a défiler, lorfque les foldats poftés fur la breche fondent fur eux. En mêmetemps on fait pleuvoir du haut des murs les pierres & les dards : beau:oup de Perfes font renverfés; les mtres veulent fuir; mais preffés k a fois par leurs gens qui les fuivent :n foule & par les ennemis, acca)lés du poids de leurs armes, ils e culbutent dans le foffé, & reffent  du Bas-Empire. Liv. VIL 129 enfévelis dans le limon. Les afliégés enlevent les fafcines, & fe retirent fur la breche. Sapor, après le mauvais fuccès de cette attaque, fait avancer fes éléphants, plutöta deffein de jetter 1'effroi dans la ville , que dans 1'efpérance de faire franchir le foffe k des animaux pefants par eux-mêmes, & chargés d'un poids énorme. Ils marchoient a des diftances égales, & les intervalles étant remplis d'infanterie, on eut cru voir approchet une muraille garnie de fes tours. Les habitants, fans s'effrayer de cette feconde attaque, s'en amuferent dabord comme d'un beau fpeftacle bientót ils font une décharge de toute leurs machines, défient les barbares & les infultent a grands cris. Les Per fes, prompts a la colere & trop fier pour fouffrir les railleries, accou . roient au bord du fofle, & fe dij pofoient k le pafier malgré le Roi qui faifoient fonner la retraite, lorl qu'une grêle de pierres & de trar les forca d'obéir & de regagner lei camp. Plufieurs des éléphants tomb< rent dansle foffé, & y périrent : L autres, blefles ou effarouchés, retou F v CONSTANCE. Ann. 35». »• »■ »■ %> » :sr :s r-  CONSTANCE. Ann. 350. XVII. Opiniatreté de Sipor, i < 1 l d d P n ei d< ta m Sa er im de afi 130 H I S T 0 I R E nent fur leurs propres foldats, & en ecrafent des milliers. Sapor comptoit toujours furlafupenorité de fes forces. II fufpendit 1 attaque pendant un jour, pour laiffer au terrein le temps de fe delTécher • de {e raffermir. Cependant il parta?ea fes archers en plufieurs corps, ivec ordre de fe relever les uns les lutres, & de tirer fans ceffe fur la >reche , afin de ne pas donner aux iffiegé Ie temps de la réparer. Mais lerriere les foldats qui la défendoient, in nombre innombrable de bras traai lloient fans êtreappercus; & après n jour & une nuit, Sapor fut furpris e voir dès Ie matin un nouveau mur éja élevé de quatre coudées. II ne erdit pas encore 1'efpérance : il resuvella plufieurs fois les mêmes forts; mais toujours avec auflï peu : fuccès. Dans une des dernieres atques, 1'Evêque étant venu fur la uraille pour animer les combattants, por le prit pour l'Empereur; il it voir Ie diadême & la pourpre périale. II entre auflï-töt en grancolere contre ceux qui lui avoient rmé que Conftance étoit a Antio-  du Bas-Empike. Liv. PIL i3T che, & les menace de la mort. En même-temps, il envoye fignifier aux afliégés qu'ils ayent a fe rendre, fi l'Empereur n'aime mieux fortir en campagne, & décider du fort de la ville par une bataille. Les habitants ayant répondu que l'Empereur étoit abfent, & qu'ils ne pouvoient capituler fans fon ordre, le Roi, plein de courroux, les traite de fourbes & de menteurs, proteftant qu'il -a vu de fes propres yeux Conftance fur la muraille. Les Mages cependant vinrent a bout de Padoucir, & même de Pintimider , en lui perfuadant que celui qu'il avoit pris pour Conftance étoit un Ange, qui défendoit la ville. Alors ce Prince impétueux & impie, lan^ant vers le ciel un regard furieux, banda fon are, & décocha en Pair une fleche, comme s'il eut voulu combattre Dieu même qui fe déclaroit fon ennemi. Enfin, après avoir'perdu vingt mille hommes, ayant appris que les Maflagetes étoient entrés dans la Perfe en fon abfence, il fe détermina a lever le fiege, qui avoit duré prés de quatre moi<3. II brüla fes machines, déF vj CONSTANCE. Ann. 350, xvin. Levée du fiege.  CONSTANCE. Amu 350. XIX. Miracles qu'on raconte a 1'occnfion de ce fiege- Theoi, l. 1, c. 30. Theoph. p, 33. Chr. Mtx, I32 fflSTO/RE truifit tous fes travaux, & fit mourir plufieurs Satrapes, les uns pour avoir mal conftruit la digue que les eaux avoient forcée, les autres pour avoir mal fait leur devoir dans les attaques,, d'autres fous divers prétextes : car c'eft, dit Julien, la eoutume des Rois barbares de 1'Afie , de rendre leurs Officiers refponfables des mauvais fuccès, & de les immoler a leur dépit Sc a leur honte. Pendant le retour, la pefte fe mit dans 1'armée, & en détruifit encore une partie. Sapor fut enfuite long-temps occupé par des voifins belliqueux, & Conftance par les guerres d'Occident; en forte que fans aucun traité, il n'y eut pendant plufieurs années entre les Romains Sc les Perfes d'autre hoftiiité, que quelques pillages fur les frontieres. On ajoute plufieurs miracles au récit de ce fameux fiege. Selon Théophanes, le Ciel s'arma contre les Perfes de tous fes feux Sc de tous fes orages : les nuées les couvrirent d'épaiffes ténebres, & les inonderent d'un nouveau déluge : la foudre en écrafa plufieurs , Sc les éclats affreux dutonnerre en firent mourir d'autres,  du Bas-Empike. Liv. VIL 133 de peur. Théodoret raconte que le faint Diacre Ephrem, ayant prie Saint Jacques de fe montrer fur les murailles, & de lancer fa malédiflion fur les barbares, 1'Evêque monta dans une tour, & que voyant leur multitude, il pria Dieu d'envoyer des moucherons pour défaire cette formidable armée , & confondre 1'orgueil de ce nouveau Pharaon : qu'auffi-töt une nuée de ces infeftes s'étant répandue dans la plaine , ces ennemis prefque invifibles, pénétrerent dans la trompe des éléphants, dans les oreilles & dans les nafeaux des chevaux, les mirent en fureur, & leur flrent prendre la fuite en jettant par terre leurs cavaliers, avec tant de défordre, que Sapor fut obligé d'abandonner fon entreprife. Conftance donna fes ordres pour réparer les fortifications de la ville, & pour récompenfer la fidélité de ces braves citoyens. II étoit alors tout occupé des préparatifs de la guerre qu'il alloit faire a Magnence. II employa prés de dix mois a conftruire & k équiper une flotte, qui, felon Julien „ furpaffoit celle de Xercès. II CONSTANCE. A.nn. 35 c. XX".. Prépara-' tifs de Conftance. Jui. or. r. Soc I. 2, c. 26. Theod. /. 3^-3Soi. 1.4 > c. I. Zon. 1.11, ï- IJ'  CONSTANCE. Ann. 350, 136 H 1 S T 0 I R E qu'il recut Fambaffade des deux tyrans. Elle étoit compofée de Rufin, Préfet du Prétoire, de Marcellin , Gé-» néral des troupes de Magnenee, du Sénateur Nuneque & de Maxime. Ils apportoient a Conftance des paroles de paix, k condition qu'il abandonneroit aux deux nouveaux Empereurs les pays dont ils étoient en pofTefïion, & qu'il fe contenteroit du premier rang entre les trois Auguftes. Ils lui repréfenterent le danger auquel il alloit sexpofer, en combattant deux Capitaines pleins d'expérience, unis enfemble & fuivis de deux armées invinctbles : qu'un feul feroit déja un ennemi trop redoutable : que la guerre civile alloit armer contre lui les mêmes bras auxquels fon pere avoit été redevable de tous fes triomphes: que pour eux, ils fouhaitoient qu'il ne voulüt pas éprouver fur lui-même ce que pouvoient contre l'Empereur des Gènèraux qui avoient fi vaillamment fervi /'Empire. Conftance venoit de perdre fa première femme: Magnence offroit de cimenter la paix par une doublé alliance, en donnant fa fille a. Conftance, & en recevant de fa main fa feeur Conflantine, Ces  nu Bas-Empirb. Liv. VIL 137 propofitions mêlées de menaces embarraffoient l'Empereur, naturellement timide & irréfolu : il balangoit entre la crainte du péril & Pintérêt de fagloire.Rempli de ces inquiétudes, il s'endormit, öc crut voir en fonge Conftantin fon pere, qui lui préfentoit Conftant, & lui difoit : „ Mon » fils, voila votre frere que Magnen» ce a égorgé: vengez-le, & punif» fez le tyran. Songez a 1'honneur, » fans vous effrayer du péril. Quelle » honte pour vous , de vous laifter » arracher une partie de votre hé» ritage "! C'eft le caradere des ames foibles de réfifter k la raifon, & de céder fans effort k tout le refte : un fonge fit ce qu'elle n'avoit pu faire. Conftance, k fon réveil, commande qu'on arrête les députés comme des Tebelles, & qu'on les charge de fers. II ne renvoye que Rufin ; mais bientot après, il relache auffi les autres; & fans perdre de temps, il arrivé a Sardique. Vètranion marchoit pour fermer le pas de Sucques. Prévenu par la diligence de l'Empereur, & ne fe croyant pas en état de lui tenir tête, CONSTANCE. Aan. 3; e. XXIL Vètranion dé-! pouillé. Jul. or. lt  CONSTANCE. Ann. 350. Amm. I. ai, c 8. Aur. na. na. Epit. Eutr.l. 10. Zof. I. 2. Hier. Chr. Them. or. 3. 4. Soc. I. 2 , t. 28. So\. I. 4, c. 3. Philofl. I. 3 , C 22. Idace. Chr. Alex. Zon. t. 11, p. 15 > 16. Theoph, p. 37- 1 1 1 ] ] ] i < I38 HlSTOIRE il prit le parti de conclure avec lui un traité. II confentit même a réunir les deux armées, 8c a tenir un confeil de guerre en préfence des Officiers 6c des foldats , pour délibérer fur les mefures a prendre contre 1'ennemi commun. Cependant Conftance travaille fourdement a débaucher les foldats de Vètranion, 6c il vient 3 bout d'en gagner une grande partie. On fe rend dans la plaine de Naïffe le 2 c Décembre : on dreffe un tribunal élevé, fur lequel s'affeyent les deux Empereurs, fans armes & fans gardes. Les deux armées formoient un cercle a 1'entour; chaque corps stoit rangé en bon ordre fous fes enfeignes, & cette affemblée militaire faifoit un fpectacle tout k la fois ma^nifique 6c terrible. Conftance fe leva, Sc prit la parole le premier en confilération de fa naiffance. Son difcours üt tout autre que celui qu'attendoit vètranion. II commenca k la vérité >ar exhorter les foldats k venger fur Magnence la mort cruelle de leur ïmpereur, qu'ils avoient fi glorieu'ement fervi contre les barbares, 6c jui avoit tant de fois récompenfé leur  du Bas-Empire. Liv. VIL 139 valeur. Mais bientöt tournant toute fa véhémence contre celui qui étoit affis a cöté de lui, & qui fe regardoit comme fon collegue : „ Souvenez» vous, foldats, s'écria-t-il, des bien» fairs de mon pere; fouvenez-vous » des ferments que vous avez faits de » ne fouffrir le diadême que fur la » tête des enfants de Conftantin. Qui » de vous ofera comparer le fils & » le petit-fils de vos Empereurs a des » hommes nés pour obéir ? Laifferez» vous déchirer l'Empire, & n'avez» vous pas appris par les troublesqui » environnerent votre berceau , que » PEtat ne peut être tranquille que » quand il ne reconnoit qu\in feul » maitre " ? A ces mots, les deux armées comme de concert proclament Conftance feul Augufte, feul Empereur : elles s'écrient qu'il faut fe défaire de tous ces Souverains illégitimes, qui déshonorent le diadême. On menace Vètranion. Les foldats étoient prêts a fondre fur lui : mais ce fantöme d'Empereur fe voyant trahi, fe jette aux pieds de Conftance, qui arrête la fougue des foldats : il defcend du tribunal; il fe dé- CONSTANCE. Ann. 350.  CONSTANCE. Ann. 3 jo. XXIII. Conduite de Conftance a 1'égard de Vètranion, I40 HlSTOIKR pouille lui-même de la pourpre & du diadême, qu'il remet entre les mains de Conftance. Les Orateurs de ce temps-la parient avec emphafe du fuccès merveilleux de cette éloquence, qui produifant 1'effet d'une grande viöoire fans verfer de fang, conquit au Prince toute Plllyrie , & fit paffer fous fes drapeaux une nombreufe infanterie , vingt mille chevaux, & les troupes auxiliaires de plufieurs nations belliqueufes. Mais nous favons que 1'argent de Conftance partage au moins avec fon éloquence la gloire de 1'événement, & que Gumoaire, Capitaine des gardes de Vètranion, avoit d'avance ménagé cette révo* lution. Conftance ayant embraffé Vètranion , qui trembloit d'efFroi, encore plus que de vieilleffe, le prit par la main pour le garantir des infultes de la foldatefque ; & 1'ayant conduit dans fa tente, il le fit manger avec lui. Comme il étoit en humeur de difccurir, il 1'entretint des embarras de la puiflance fouveraine, fur-tout dans un age avancé, & de la douceur du repos d'une vie privée : Qjiil ne perdoit qu'un  du Bjs-Empire. Liv. VII. 141 nom frivole, qui n avoit de rêel que les chagrins , & qu'il alloit jouir d'un bankeur folide, & fans mélange d'inquiétude. Cette morale aflez déplacée dans Ia bouche de Conftance, auroit déplu a tout autre ; elle fe trouva au goüt de ce vieillard fimple, a qui il ne reftoit que 1 etonnement de s'être vu Empereur pendant dix mois. Conftance 1'envoya a Prufe en Bithynie , il lui donna un train magnifique, 8c des revenus confidérables. Vètranion, en paffant par Conftantinople, y parut avec fplendeur. Captif heureux, il fembloit triompher de fa défaite. II vécut a Prufe pendant fix années , 8c Conftance eut a fe féliciter du fuccès de fes lecons. Le vieillard s'accommoda fi bien de cette tranquille opulence, qu'il fit écrire fouvent k l'Empereur pour le remercier de Pavo/r affranchi de cette forte d'efclavage , qu'on appelle fouveraineté : Vous ave% lort, lui mandoit-il, de ne pas prendre votre part de ce bonkeur, que vous fave{ procurer aux autres. On rapporte qu'il afliftoit fréquemment aux affemblées des fideles, qu'il répandoit d'abondantes aumönes, 8c qu'il confer- CONSTANCE. Ann. 3 50,  142 HlSTOIRE va infcm'a la mort un orofond refpeft CONSTANCE. A.nn. 351. XXIV. Conftance jette les yeux fur Gallus pour le faire Céfar. Buch.Cyd. p. 240 , »5i , 253- ldacc. Aur. VA. Soc. I. 2, c. 19. Philofi. I 3,f. 25. pour les perfonnes confacrées au culre des autels. L'Empereur, devenu maitre de rillyrie & de la Pannonie, s'arrêta k Sirmium, eapitale de cette derniere Province. II y étoit dès le commencement de Pannée fuivante, 351 de J. C., pour laquelle il ne créa point de Confuls. II s'agiffoit de reconquérir la moitié de PEmpire, plutöt que de lui donner des Magiftrats. Mais Magnence, emprefle de mettre en ufage tous les droits de 1'autorité fouveraine, fe nomma lui-même Conful avec Gaïfon , le meurtrier de Conftant. La rigueur de la faifon , qui rendoit les paffages impraticables , fermoit a Conftance 1'entrée de 1'Italie. D'un autre cöté, l'Orient reftoit expofé aux incurfions des Perfes. Dans la crainte qu'ils ne profitaffent de fon éloignement, il crut ne pouvoir mieux faire que de donner le titre de Céfar a Gallus, fon coufin germain, alors agé de 14 ans, & de lui confier la défenfe des Provinces orientales. C'étoit un Prince de peu d'efprit, & tout-a-fait inca-  du Bas-Empire^ Liv. VU. 143 pable de foutenir le fardeau dont on accabloit fa foiblefTe. Je Pai laiffé avec fon frere Julien au milieu du maffacre qui fit périr fa familie, après la mort de Conftantin. Je vais reprendre en peu de mots 1'hiftoire de ces deux Princes. Les meurtriers avoient épargné Gallus, paree qu'il fembloit être fur le point de mourir de maladie: Mare , Evêque d'Aréthufe, avoit fauvé Julien. La fureur des foldats étant affouvie, Conftance, qui n'avoit point d'enfants, prit le parti de laiiTer vivre ces deux jeunes Princes , 1'unique reffource de la familie impériale. II leur rendit une partie de leurs biens, & les fépara 1'un de 1'autre, envoyant Gallus a Ephefe en Ionie, oü il poffédoit de grandes terres; & mettant Julien entre les mains d'Eufebe de Nicomédie, fon parent du cöté de Bafiline. On donna des maïtres a Gallus, qui ne fit pas de grands progrès. Mais Julien fe montra dès 1'enfance docile, pénétrant & avide de connoifTances. Les lecons d'Eufebe, Evêque fourbe & hypocrite, qui avoit autrefois facrifié aux idoles, n'étoient CoNSTANCE» Ann. 351, XXV. Education de Gallus & de Julien. Jul. ad Ath. & Mifop, Greg. tia{. or. 3. Liban. or, 4,5, 10, 11. Amm. I, 22 , c. 9. Soc. /. 3 , r. 1. Baron. an. 337.  CONSTANCE. Ann. 351. 144 HlSTOIHB guere propre k établir les folides fondements de la foi dans un efprit léger, préfomptueux, hardi : & peutêtre jetterent-elles dans le cceur de Julien les premières femences de 1'apoftafie. A Page de fept ans, fon éducation fut confiée k un eunuque, Scythe de nation , nommé Mardonius, homme de Lettres & Philofophe. II avoit été employé par 1'aïeul maternel de Julien, a expliquer k Bafiline les Poéfies d'Homere &c d'Hé« fiode. II y a quelque apparence que ce Gouverneur étoit un Payen déguifé : du moins peut-on le foupconner par les louanges que Julien lui donne dans fa fatyre contre le peuple d'Antioche. Mais c'étoit un homme auftere dans fes mceurs. II infpira de bonne heure k fon éleve 1'éloignement des fpeftacles & des plaifirs, le goüt du travail & des occupations férieufes, la gravité & la modeftie dans le maintien, & cet orgueil philofophique qui joue le röle de la fageffe Sous la conduite de ce guide vigilant, Julien fréquentoit les écoles publiques, autant pour s'efTayer aux vertus civiles, que pour y pren- dre  vu BAS-ÊMPIS.E. Liv. PIL 145 dre des lecons. La. confondu avec ceux de fon age, foumis fans dif* penfe aux mêmes exercices , affujetti aux mêmes heures, il apprenoit k connoïtre les hommes; a ne pas trop s'eftimer lui-même, faute de comparaifon; a obéir a la regie, au temps, aux circonftances; a fe montrer patiënt, affable, humain, bienfaifant; il ne fe diftinguoit que par la vivacité d'efprit, la fidélité de la mémoire, & 1'application au travail. Ce fut apparemment en ce temps-la qu'il fut inftruit dans la grammaire & dans la lecture desPoëtes & des Hiftoriens, par le Grammairien Nicoclès de Lacédémone, renommé pour fon favoir ék fon amour de la juftice. Mardonius , de fon cöté , s'attachoit k remplir fon cceur des plus belles maximes de Pythagore, de Platon, & d'Ariftote. Gallus approchoit de vingt ans , & Julien en avoit quatorze, lorfque Conftance, défiant & jaloux, les fit tous deux conduire k Macelle, au pied du mont Argée, prés de Céfarée en Cappadoce. C'étoit un chateau du domaine impérial, orné de bains, Tornt II. G CONSTANCE-. Ann. 351. XXVI. Gallus & tuiten a Vlacelle. Jul. ad 4th. sreg. Na{. >r. 3. foc. /. 3 , . I.  146 IllSTOIRÉ de jardins & de fontaines d'eau vive." CONSTANCE. 'Ann. 3ji. Theod. I 3, C. 2. So[.l. 5, C. 2. Theoph. p, 29. XXVII. Différent fuccès des inftructionsChrétiennes données aux tleuxPrinoes. C'eüt été pour ces Princes un féjour délicieux, s'il n'eüt pas été forcé, & fi 1'on ne leur eut pas retranché tous les agréments de la fociété. On les entretenoit avec magnificence ; ils étoient fervis par un grand nombre de domeftiques ; mais on les gardoit a vue comme des prifonniers : 1'entrée étoit interdite a leurs amis, & k tous les jeunes gens de condition libre. Ils n'avoient de compagnons dans leurs exercices que leurs efclaves. L'étude auroit pu charmer leur ennui, &ils ne manquoient pas de maïtres en toute forte de fciences : Julien s'en occupoit avec plaifir; mais Gallus ne s'y prêtoit que par contrainte : fans goüt comme fans génie, il avoit un fond de dureté & de rudeffe, qui s'accrut encore par cette éducation trifls & folitaire. II eut cependant le bonheur de profiter mieux que fon frere des inftrucStions Chrétiennes qu'il recut dans ce féjour. L'Empereur avoit pris foin de leur choifir des maitres Chrétiens, qui, non contents de leur expliquer les livres faints & les dogmes de la  nu Bas-Empirs. Liv. VIL 147 foi, s'attachoient encore a les exercer aux pratiques de la Religion. On leur infpiroit le goüt de 1'OfHce divin, le refpect pour les perfonnes confacrées a Dieu, ou diftinguées par leur vertu; on les conduifoit fouvent aux fépultures des martyrs, qu'ils honoroient de leurs offrandes. On les fit même entrer dans le Clergé : ils furent ordonnés Le&eurs , & ils en firent enfuite la fonftion dans 1'Eglife de Nicomédie. Julien, fouple & difïimulé, fe plioit k ces pieux exercices. Mais fon caraftere fuperbe, peut-être les premières infinuations de Mardonius, & plus encore la haine qu'il portoit k Conftance, qui lui procuroit cette éducation Chrétienne, entretenoient dans fon coeur un fecret penchant k 1'idolatrie. II s'échappoitmême,quand il le pouvoit faire, fans courir le rifque d'être démafqué; & dans les déclamations dont on 1'occupoit avec fon frere, & qui rouloient quelquefois fur le parallele des deux Religions, il ne manquoit jamais de laiffer k Gallus la défenfe duChriftianifme," & fe réfervoit de défendre la caufe des Dieux, fousprétexte qu'étant la plus G ii CONSTANCE. Ann. 351.  Coks- tance. Ann. 3; i 148 HlSTOIHE mauvaife, elle étoit auffi la plus difficile a foutenir. II la plaidoit de fi bonne foi, qu'il avoit befoin de toute fon hypocrifie pour étouffer les foupcons & les inquiétudes de fes maitres. Mais s'il étoit affez habile pour les tromper, il n'en impofoit pas a celui qui pénetre les replis des confciences; & Dieu fit connoitre dès-lors qu'il voyoit lè fond de fon cceur. Les deux freres entreprirent-de batir une Eglife fur le tombeau de Saint Mamas , célebre Martyr dé Cappadoce. Ils partagerent entre eux le foin de cet édifice, s'efforcant a 1'envi de fe furpaffer en magnifïcence. Les travaux de Gallus ne rencontroient aucun obftacle; mais ceux de Julien étoient arrêtés & détruits par une ïnain invifible. Tantöt ce qui étoit élevé s'écrouloit tout-è-coup; tantöt ia terre fe foulevant, repouffoit les fondements qu'on y vouloit affeoir. On fut obligé d'abandonner 1'ouvrage, tSc le faint Martyr fembla rejetter avec horreur les hommages d'un ennemi caché, qui devoit un jour déclarer la guerre aux fucceffeurs de fa foi & de fon courage. Saint Gré-  du Bas-Empire. Liv. VII. 149 goire de Nazianze offre de produire un grand nombre de témoins oculaires de ce prodige; & la mémoire en étoit encore récente du temps de Sozomene. Après fix ans de retraite dans le chateau de Macelle, Gallus fut rappellé a la Cour, & revêtu, le 15 de Mars 3 51, de la dignité de Céfar. Si 1'on en veut croire PArien Philoftorge, ce fut Théophile, 1'Apötre des Ariens , qui procura a Gallus les bonnes graces de Confiance ; il fit même jurer k ces deux Princes une amitié fincere. Le nouveau Céfar prit le nom de Conftantius. L'Empereur lui donna en même-temps en mariage fa fceur Conftantine , veuve d'Hannibalien , 8c 1'envoya en Oriënt avec le Général Lucillien , pour réfifter aux Perfes. Ce jeune Prince avoit les graces de Pextérieur ; une taille bien proportionnée , les cheveux blonds &frifés,un air majeftueux. Comme il pafïbit par Nicomédie , il y rencontra fon frere Julien, qui venoit d'obtenir la permifïion d'aller a Conftantinople , pour y achever fes études. G iij CONSTANCE. Ann. 3; i. XXVIII. Gallus déclaré Céfar. Idace. Buch, Cycl. p. 241 , 2JI, 253. Amm. I. 14, c. 11. Aur. ViH. Viel. Epit. Zof. 1.2. Lib. or. 12- S°l-1. 5 ♦ c. 2. Philoft. I. 3i c. 25, & l. 4, c I. Zon.p. 16. Chr. AUx. TUL nor, 19.  CONSTANCE. Ann. 351. XXIX. II purifie le bourg de Daphné. ehryfofi. de Baby la. Amm. I, 3i. c. 13. Thtod. I. 3, 9. Soc. I. J, c. 18. Vuhat. Gallic. in Avidio, c. ï. 159 H 1 S T 0 1 R E Etant arrivé a Antioche, oiiilde-' voit fixer fa réfidence, il commenca par donner des preuves de fon attachement au Chriftianifme. A cinq milles de cette ville étoit le bourg célebre de Daphné, féjour de plaifir & de délices. II étoit environné d'un bois de lauriers, & d'autres arbres agréables, dont Pompée avoit autrefois augmenté 1'étendue, jufqu'è dix mille pas de circuit. La terre étoit émaillée des fleurs les plus odoriférantes, felon la diverfité des faifons, L'épaiffeur des feuillages, mille ruiffeaux d'une eau auffi pure que Ie cryftal, & les vents frais & chargés du parfum des fleurs, y confervoient le printemps au milieu des plus grandes chaleurs de 1'été. Ce n'étoit plus fur les bords du Penée que Daphné avoit été changée en laurier ; 1'imagination des habitants d'Antioche avoit transféré fur leur territoire la fcene de amours d'Apollon & de la Nymphe; & cette fable voluptueufe, d'accord avec les charmes de ce lieu, infpiroit une dangereufe molleffe. L'air de c:e féjour enchanté portoit dans les veines le feu féduöeur des paffions  nu Bjs-Empire. Liv. VIL 151 les plus capables de furprendre la vertil même. Auflï nulle perfonne vertueufe n'ofoit fe permettre 1'entrée de ce bois; c'étoit le rendez-vous d'une jeuneffe lafcive, qui fe faifoit un jeu de donner & de recevoir les impreffions de la volupté. C'eüt été fe faire regarder comme un homme étrange & fauvage,que d'y paroitre fans la compagnie d'une femme. Cette vie licencieufe étoit paffée en proverbe. Sous Mare-Aurele, il fut défendu aux foldats d'y mettre le pied, fur peine d'être honteufement chaffés du fervice. Mais la contagion de la débauche, plvrs forte que toute 1'auftérité de la difcipline Romaine, ayant corrompu les foldats d'une légion qui gardoit ce pofte, l'Empereur Alexandre Sévere fit mourir plufieurs de leurs Officiers pour n'avoir pas prévenu ce défordre. La fuperftition y confacroit le déréglement: elle avoit honoré ce lieu du droit d'afyle. Dans un temple magnifique bati par Seleucus Nicator, ou, felon Ammien Marcellin, par Antiochus Epiphane, on adoroit une fameufe flatue d'Apollon. C'étoit un des plus G iv COKSTAKCE. fcnn. 351;  CONSTANCE. Ann. 351, XXX. Décence Céfar. Lib. or. II. Amm. I. 16, e. 11. Zof. I. 1. Aur. Viel. Viel. Epit, 152 HlSTOIRE célebres oracles. La couloit aufïi une fontaine, qui portoit Ie nom de Caftalie, paree qu'on attribuoit k fes eaux, comme k celles de la fontaine de Delphes, la vertu de communiquer la connoiiTance de 1'avenir. Gallus , pour détruire en ce lieu le regne de 1'idolatrie & de la diffolution, y fit tranfporter les reliques de Saint Babylas, Evêque d'Antioche , martyrifé fous 1'Empire de Dece. Selon St. Jean Chryfoftöme , Théodoret , & Sozomene, la préfence de ce faint corps impofa tout-a coup fdence k Apollon, & mit en fuite le libertinage. La féduftion de 1'oracle, les ofFrandes du peuple payen, les par* ties de débauche cefferent en même* temps; & Daphné, après avoir été pendant plufieurs fiecles le théatre de la licence la plus effrénée, devint un lieu de recueillement & de prieres. Tandis que Conftance élevoit Gallus au rang de Céfar , & qu'il le chargeoit de la défenfe de 1'Orient, Magnence qui étoit a Milan , donnoit le même titre k fon frere Décence, & 1'envoyoit dans la Gaule infeftée par les courfes des barbares. Si 1'on  du Bas-Empire. Liv. VIL 153 en croit Libanius & Zofime , qui ne font pas moins fufpe£ts dans le mal qu'ils difent de Conftance , que dans les louanges exceffives qu'ils prodiguent a Julien, c'étoit l'Empereur luimême qui les avoit attirés. Sacrifiant cette belle Province a. fa colere contre Magnence , il les avoit engagés par de grandes fommes d'argent k paffer le Rhin, & leur avoit abandonné par des .lettres expreffes la propriété des conquêtes qu'ils y pourroient faire. Ce qu'il y a de certain , c'eft que diverfes bandes de Francs, de Saxons, d'Allemands fe répandirent dans la Gaule , & qu'ils y firent de grands ravages. II ne paroit pas qu'ils ayent trouvé beaucoup d'oppofition de la part de Décence, dont Ia bravoure n'eft connue que par le titre de tres-vaillant qu'on lit fur fes monnoies. Mais 1'hiftoire, qui ne s'accorde pas toujours avec ces monuments de flatterie, nous apprend feutement que le Céfar fut défait en bataille rangée parChnodomaire,Roi des Allemands; que le vainqueur pilla & ruina plufieurs villes confidérables, & qu'il courut la Gaule G v CONSTANCE. Ann. 351.' Eutr. 1.10. Zon. t. II, ƒ». 16.  CONS*TAHCE. Ann. 351 XXXI. Magnence fe mei en marche. Jul. or. i, 2. Soc. 1.2, «v 29. Zo/ l. 2. I 154 fllSTOIRE ' fans trouver de réfifiance, jufqu'a ce qu'il eut rencontré dans Julien urn ennemi plus formidable.. Dans le même temps que ces barbares occupoient Décence, d'autres bandes des mêmes nations, attirées par la folde & par 1'efpoir du butin, groffiflbient l'armée de Magnence. Celuici trainoit k fa fuite les principale* forces de 1'Occident , & fe croyoit en état d'envahir tout PEmpire, & de porter la terreur jufque chez les Perfes. Plein d'ardeur & de confiance, il en avoit autant infpiré a fes troupes,. en leur permettant Je pillage de tous les pays dont il alloit faire la conquête. II traverfe les Alpes Juliennes,, tandis que l'Empereur, au-lieu de fe mettre^ k te tête de fon armée, s'arrêtoit a Sirmium , & s'oceupoit d'un Concile. Les Généraux de Confiance marcherent au-devant de Pennemi,. 5c 1'attendirent d'abord au pied des Alpes. Enfuite fe voyant fupérieurs ;n cavalerie, ils feignirent de prenIre 1'épouvante, & reculerent en-ar■iere, pour Pattirer dans les plaines le la Pannonie. Magnence, trompé >ar cette feinte, fe mit k les pour-  du Bas-Empike. Liv. Pil. 155 fuivre, & s'expofa mal-a-propos dans un pays découvert. Mais dans cette marche, il ufa a fon tour d'un ftratagême, dont il tira quelque avantage. II fit dire aux Généraux ennemis, que s'ils vouloient Pattendre dans les plaines de Sifcia, ce feroit un beau champ de bataille pour terminer leur querelle. Conftance, averti de cette bravade, accepta le défi avec joie : le lieu ne pouvoit être plus propre k fa cavalerie. II ordonna de marcher vers Sifcia. Pour y arriver, il falloit traverfer le vallon d'Adranes, audeflus duquel Magnence avoit pofté une embufcade. Les troupes de Conftance , qui marchoient fans ordre comme fans défiance, s'y étant engagées, fe virent bientöt accablées de gros quartiers .de rochers, qu'on rouloit fur eux, & qui en écraferent une partie; les autres furent obligés de retourner fur leurs pas, & de regagner la plaine. Magnence, enflé de ce fuccès, hate fa marche , réfolu d'aller chercher Conftance k Sirmium, & de lui préfenter la bataille. Comme il fe difpofoit 3 paffer la Save, il vit arrivei G vj CONSTANCE. Ann. 35 XXXII; Propofitions de paix rejettéesparMagnence,  CONSTANCE. Ann. 351. Zof. I. 2. Zon. t. II, P' 16. 1 i J l > > >J >j » » M 155 HISTOIS.E dans fon camp Philippe, Officier de Conftance, chargé en apparence de faire des propofitions de paix, mais qui ne renoit en effet que pour reconnoïtre les forces de 1'ennemi, 8c pénétrer fes deffeins.Philippe, approchant du camp, avoit rencontré Marcellin, qui le conduifit a Magnence. Celui-ci, afin de ne pas donner aucun foupcon k fes troupes, fait auffi-töt aflembler 1'armée, 8c ordonne a Philippe d'expofef1 publiquement fa commiffion. Le député repréfente hardiment aux foldats qu'étant Romains, ils ne doivent pas faire la guerre k ies-Romains; qu'ils ne peuvent fans me ingratitude criminelle combattre m fils de Conftantin , qui les a tant le fois enrichis des dépouilles des >arbares. Enfuite adreflant la parole k Magnence : „ Souvenez-vous, lui dit1 il, de Conftantin; rappellez-vous les biens & les honneurs dont il vousa comblé, vous8c votre pere; il vous a donné un afyle dans votre enfance; il vous a élevé aux premiers emplois de la milice ; fon fils ajoute encore a fes bienfaits; il vqus cede la poffefïïon de tous  du Bas-Empire. Liv. VII. 157 » les pays au-dela des Alpes; il ne » vous redemande que PItalie ". Ces paroles confirmées par les lettres de l'Empereur, dont Philippe fit la lecture, furent applaudies de toute 1'armée : 1'ufurpateur eut beaucoup de peine k fe faire écouter : il fe contenta de dire qu'il ne defiroit lui-même que la paix; qu'il s'agiffoit d'en régler les conditions; qu'il alloit s'en occuper, & que le lendemain il leut en rendroit compte. L'affemblée s'étant féparée , Marcellin emmene Philippe dans fa tente , comme pour lui faire un accueil honorable. Magnence invinte a fouper tous les Officiers de Parmée; il les regagne autant par la bonne chere que par les raifons; & dès le point du jour ayant de nouveau af femblé les foldats, il leur repréfente ce qu'ils avoient eu a fouffrir des débauches de Conftant; la généreufe réfolution qu'ils avoient prife & exécutée, d'affranchir 1'Etat en étouffant ce monftre; il ajouta que c'étoit de leurs mains qu'il tenoit le diadême, & qu'il ne 1'avoit accépté qu'avec répugnance. Ce difcours, appnyédu fufFrage des Cons- tance. Ann. 351,  CONSTANCE. Ann. 351. XXXIII. II recoit un échec au paffage de Ia Save Zof. li s. 158 HlSTOIRS Officiers, ralluma clans tous les cceurs 1'ardeur de la guerre. Magnence retient Philippe prifonnier. On prend les armes; on marche vers la Save. Conftance s'étoit rendu prés de Sifcia fituée fur le fleuve : c'étoit k la vue de cette ville que Magnence entreprit de le paffer. A la nouvelle de fon approche , un détachement de Parmée Impériale borde la rive oppofée; on accable de traits ceux qui traverfant a la nage, s'efforcoient de franchir les bords; on repouffe avec vivacité les autres qui paffoient fur un pont de bateaux fait k la hate. La plupart refferrés entre leurs camarades & les ennemis, font culbutés du pont dans le fleuve. On pourfuit les fuyards 1'épée dans les reins. Magnence, défefpéréde la déroute de fes troupes, a recours k un ftratagême : ayant planté fa piqué en terre , il fait figne de la main qu'il veut parler de paix; on s'arrête pour Pécouter; il déclare qu'il ne prétend paffer la Save que du confentement de l'Empereur; que c'eft pour fe conformer a la demande de Philippe, qu'il s'éloigne de PItalie; qu'il ne s'a-  nu Bas-Empire. Liv. PIL 159 Vance en Pannonie, que dans Ie def- ■ fein d'y traiter d'un accord. Une rufe fi groffiere n'en pouvoit impofer , k Conftance. Cependant comme il étoit toujours perfuadé que nul champ de bataille ne lui étoit plus favorable que les vaftes campagnes entre la Save & la Drave, il fit ceffer la pourfuite, & laiffa a Magnence la liberté du paffage. Pour lui, il alla fe pofter k fon avantage prés de Cibales, lieu déja fameux par la vi&oire que fon pere y avoit, trente-fept ans auparavant, remportée fur Licinius. II établit ion camp dans la plaine, entre la ville & la Save , s'étendant jufqu'au bord du fleuve, fur leqnel il fit jetter un pont de bateaux , qu'il étoit aifé de détacher & de raffembler. Le refte fut environné d'un foffé profond & d'une forte paliflade. Ce camp fembloit être une grande ville; au milieu s'élevoit la tente de l'Empereur, qui égaloit un palais en magnificence. Conftance y donnoit un repas aux Officiers de fon armée, lorfque Titien fe préfenta de la part de Magnence C'étoit un Sénateur Romain, dif- CONSTANCE. Un. 3*51. XXXIV. Tnfolence de Titien. Zof. 1. 2. Hier. the.  CONSTANCE. Ann. 351, TiU. Conf tantin, art. 76,6 Conftance , art. h XXXV. Divers fnccès de 160 H I 5 T 0 I IL B tingué par fon éloquence Sc par fes dignités. II avoit été Gouverneur de Sicile & d'Afie, Conful 1'année de la mort de Conftantin, Préfet de Rome & du Prétoire des Gaules fous Conftant. S'étant attaché a Magnence, il en avoit recu de nouveau Ia préfecture de Rome, & il 1'avoit confervée jufqu'au premier de Mars de cette année. II apportoit des propofitions outrageantes, qu'il accompagna d'un difcours encore plus infolent. Après une injurieufe invective contre Conftantin & fes enfants, dont le mauvais gouvernement caufoit, difoit-il, tous les malheurs de 1'Etat, il fignifia a Conftance qu'il eut a céder 1'Empire a fon rival, & qu'il devoit fe tenir heureux qu'on voulüt bien lui laiffer la vie. L'Empereur ne montra jamaisautant de fermeté d'ame que dans cette occafion; il répondit tranquillement que la juftice divine vengeroitla mort de Conftant, & qu'elle :ombattroit pour lui. II ne voulut pas même retenir Titien par droit de re5réfailles. II fut bientöt récompenfé de cette nodération. Plufieurs Sénateurs de  du Bas-Empire. Liv. VIL 161 Rome ayant traverfé le pays avec beaucoup de rifque, vinrent fe rendre auprès de lui; ScSilvain, fils de Bonit, Capitaine Franc, qui avoit fervi Conftantin dans la guerre contre Licinius , abandonna tout- è-coup Magnence , & paffa dans le camp ennemi, a la tête d'un corps confidérable de cavalerie qu'il commandoit Pour prevenir les fuites de cet exemple, Magnence mit fes troupes en mou vement. II prend d'emblée & pille Sif cia. II ravage toute la rive droite d< la Save, qu'il avoit repaffée; & char gé de butin , il la paffe encore audela du camp de Conftance, & s'a vance jufqu'a Sirmium, dans 1'efpé ranpe deis'en emparer fans coup fé rir. Le peuple, réuni avec la garnifon 1'ayant repouffé, il marche vers Mur fe fur la Drave avec toute fon ar mée. II en trouva les portes fermées & les murs bordés d'habitants, qu en défendoient les approches a coup de traits & de pierres, Comme i manquoit des machines néceffaire pour une attaque, il effaya de s'oiv vrir une entrée en mettant le feu au" portes, Mais outre qu'elles étoien CONSTANCE. Ann. 351. Magnence. Jul. or. 1, 2. Amm. I. IJ, t. 5. Aur. na. Zof. 1. 2. Zon. 1.11, p. 16. t  CONSTANCE. Ann. 351. : ] 1 t l6t H I S T 0 I K R reyêtues de fer, les habitants éteignirent le feu en jettant quantité d'eau dn hautdesmurailles. En mêmetemps, Conftance approchoit. A la première nouvelle du danger oü étoit cette place importante, il s'étoit mis en marche avec toutes fes troupes ; & ayant laiffé Cibales fur la gauche & cötoyé la Drave , il s'avancoit en diligence. Magnence lui dreffe une embufcade. A quelque diftance de la ville étoit un amphithéatre. i§ntouré d'un bois épais qui en déroboit la vue. Le tyran y fait cacher quatre bataillons Gaulois , avec ordre de fondre par-derriere fur 1'ennemi, dés que la bataille fera engagée aux portes de la ville. Les habitants ayant du haut des murs appercu cette manoeuvre, en donnent avis k Conftance, qui charge auffi-töt deux Capitaines expérimentés, Scudilon & Malade , de le débarrafl'er de ces Gauois. Ces deux Officiers, k la tête de eurs plus braves foldats & de leurs irchers , forcent Pentrée de Pamphihéatre, ferment les portes, s'empa•ent des degrés qui régnoient autour lans toute la hauteur, & font des dé-  du Bas-Empire. Liv. VIL 163 charges meurtrieres. Les malheureux Gaulois, femblables aux bêtes féroces qui avoient quelquefois fervi de fpeöacle dansce même amphithéatre, tombent percés de coups les uns fur les autres au milieu de Parêne. Quelques-uns s'étant réunis, & fe couvrant la tête de leurs boucliers , s'efforcent de rompre les portes : mais accablés de javelots, ou frappés de coups mortels, ils reftent fur la place , & pas un ne revint de cette embufcade. Enfin, après tant de marches & de mouvements divers, on en vint le vingt-huitieme de Septembre a la bataille , qui devoit décider du fort de Magnence. Elle fut livrée prés de Murfe fur la Drave, oü eft aujourd'hui le pont d'EfTek. Si Pon en croit Zonare , Parmée de Conftance étoit de quatre-vingts mille combattants, & Magnence n'en avoit que trente-fix mille; ce qui ne s'accorde guere avec ce que les autres Auteurs difenl des forces redoutables du tyran. Les deux Chefs haranguerent leurs troupes, & les animerent par les motifs les plus puiflants de Pintérêt, de CONSTANCE. Ann. 3 5 \i XXXVI. Batailled* Murfe. Jul. or, 1, 2. ViB. epit, Eutr. Ulo. Hier. Chr. Zof. I. 2. ldacc. Chr. Alesr. Zon. 1.11, p. 16.  CONSTANCE. Ann, 351, 164 HlSTOIRE 1'honneur, du défefpoir. Conftance avoit le fleuve k droite : fes troupes étoient rangées fur deux lignes, la cavalerie fur les ailes , finfanterie au centre. La première ligne étoit formée par les cavaliers armés de toutes piecesa la maniere des Perfes , & par 1'infanterie chargée darmes peïantes. A la feconde étoient placés la cavalerie légere, & tous ceux qui fe fervoient d'armes de jet, & qui ne portoient ni boucliers, ni cuiraffes. L'hiftoire ne nous apprend pas la difpofition de 1'autre armée. On refta en préfence la plus grande partie du jour, fans en venir aux mains. Zonare raconte , que, pendant cette inacrion, Magnence, féduit par une magicienne, immola une jeune fille ; & qu'en ayant mêlé le fang avec du vin , tandis que la prêtreffe prononcoit une formule exécrable, & qu'elle invoquoit les démons ,il en fitboire a fes foldats. Sur le déclin du jour, les armées s'ébranlerent, & le choc fut terrible. Conftance, pour ne pas expofer fa perfonne, s'étoit retiré dans une Eglife voifine avec 1'Arien Valens, Evêque de Murfe : k peine entendit-  du Bas-Empihe. Liv. VIL 165 il le bruit des armes, que frifïbnnant d'horreur , il effaya de féparer les combattants, en faifant propoferune amniftie pour ceux ~qtti fe détacheroient du parti du tyran, avec ordre a fes Généraux de faire quartier a tous ceux qui mettroient bas les armes. Cette proclamation fut inutile : on n'entendoitplus que les confeils de la fureur. Dès le commencement de Paction, Paile gauche de Conftance avoit enfoncé Paile droite des ennemis, & les cavaliers fe livroient déja a la pourfuite. Ce premier fuccès ne décida point la viftoire. La nuit furvient, & loin de féparer les deux partis, elle femble favorifer leur rage. Les vaincus fe rallient; on fe bat par pelotons ; acharnés les uns fur les autres, ceux-ci ne veulent pas céder 1'avantage; ceux-la ne veulent pas le perdre. Les cris des bleffés & des mourants, le hennifTement des chevaux , le fon des inftruments de guerre , le bruit des lances & des épées qui fe brifent fur les cafques & fur les boucliers, toutes ces horreurs enveloppées dans celles de la nuit, rendent le combat affreux. Ils fe faifuTent CONSTANCE. Ann. 351  CONSTANCE. Ann, 351, 1 ] 1 1 166 HiSTOIKE corps k corps; ils jettent leurs botteliers , & s'abandonnent 1'épée k la main, contents de mourir pourvu qu'ils tuent. Les cavaliers couverts de bleffures, ayant rompu leurs armes, fautent k terre, & combattent avec le troncon de leurs lances. Les Officiers des deux armées ne fe laffent point d'animer 1'opiniatreté des combattants, & de payer eux-mêmes de leur perfonne: on entend fans ceffe répéter de toutes parts : Fous êus Romains ; fouvene^-vous de la gloire & de la valeur Romaine. Enfin, la cavalerie de Conftance fait un dernier effort : les archers enveloppent 1'ar* mée de Magnence, & Paccablent de traits; les cavaliers armés de toutes pieces s'élancent & percent plufieurs fois les bataillons ennemis. Les uns périffent fcoilés aux pieds des chet-aux; les autres fe débandent & srennent la fuite: on les pouffe jufju'a leur camp, dont on s'empare luffi-töt. Magnence, fur le point d'être wis, change d'habit & de cheval avec in fimple foldat; & laiffant fur le :hamp de bataille les marqués de la iignité impériale, pour faire croire  dv Bas-Empire. Liv. VIL 167 qu'il y avoit péri, il fe fauve a toute bride. Ses foldats, pourfuivis fans relache, fe jettent fur la gauche, & gagnent les bords de la Drave. La fe fit le plus grand carnage : en un moment, les rives furent couvertes d'un monceau d'hommes & de chevaux. Ceux qui, accablés de fatigue & de bleffures, oferent fe jetter k la nage, furent emportés par la rapidité du fleuve. Selon Zonare, la viöoire coüta plus ,aux vainqueurs , que la défaite aux vaincus. Conftance perdit trente mille hommes; il en périt vingt-quatre mille de 1'armée de Magnence. Tous les Auteurs conviennent que cette déplorable journée fit une plaie mortelle a 1'Empire, &: que les plaines de Murfe furent le tombeau de cette ancienne milice, capable de triompher de tous les barbares. L'hiftoire donne aux Gaulois de Magnence le principal honneur d'une fi opiniatre réfiftance : prefque tous périrent les armes a la main. Les premiers Officiers des deux armées perdirent la vie, après s'être fignalés par des prodiges de Yaleur, On nomme du CONSTANCE. Ann. 3 j i» XXXVII. Perte de part 8c d'autre.  Gons- tance. Ann, 351 168 H I S T O I R E cöté de Conftance , Arcadius, Commandant d'un corps qu'on appelloit les Abulques, & Ménélaüs, chef des Cavaliers del'Arménie, qui tiroit trois fleches a la fois, dont il percoit en même-temps trois ennemis. II en tua un grand nombre, «5c on lui attribue la principale part a la viétoire. Comme il avoit atteint d'un coup mortel le Général de Parmée de Magnence, nommé Romule, celui-ci, tout bleffé qu'il étoit, employa ce qui lui reftoit de vie k Parraeher a celui qui lui donnoit la mort. La plus grande perte que fit Magnence, fut celle de Marcellin : on 1'appelloit le précepteur du tyran; Magnence lui devoit 1'Empire 6c tous fes fuccès. Ce traitre n'efpéroit point de grace; il étoit 1'auteur dé la mort de Conftant , 6c tous les crimes de Magnence étoient les fiens. Aufli brave, aufti intrépide que cruel 8c fcélérat, il ne ceffa, tant que dura la bataille , de fe trouver au plus fort de la mêlée, & de porter par-tout aux ftens le courage , aux ennemis la terreur & la mort. Dans la déroute,il difparut, 6c 1'on ne put retreuver fon corps, foit qu'il  nv Bas-Empjre. Liv. PIL 169 qu'il eut péri en voulant traverfer le fleuve, foit qu'il s'y fut précipité par défefpoir. L'Evêque Valens fut k 1'occafion de cette bataille profiter de la firn- . plicité de Conftance. Renfermé avec l'Empereur dans 1'Eglife dont j'ai parlé , il avoit pris des mefures pour être le premier inftruit de Pévénement. Son deffein étoit de fe donner le mérite d'annoncer au Prince le gain de la bataille, ou d'avoir le temps de fe mettre en füreté, fi elle étoit perdue. Tandis que l'Empereur & le petit nombre de courtifans qui Paccompagnoierit, tranfis de crainte &C d'inquiétude, attendoient 1'iflue du combat, il vient tout-a-coup leur dire que 1'ennemi prend la fuite. Conftance demande a voir 1'auteur de cette heureufe nouvelle ; Phypocrite lui répond qu'elle lui a été apportée par un Ange. Le Prince crédule concut dès-lors une haute opinion de la fainteté d'un Prélat qui étoit en commerce avec le Ciel; Sc il répétoit fouvent dans la fuite qu'il étoit redevable de la vi&oire aux Tome II, H CONSTANCE. \nn. 351. XXXVIII Rufe de /alens. iulp.Sevv, . a.  CONSTANCE. Ann. 351. XXXIX. Suites de labataille. Ju!, or. I, 2. Zon. t. II, l- 17. 170 R 1 S T 0 I R E mérites de Valens, bien plus qu'au courage de fes troupes. Le lendemain matin, Conftance monta fur une éminence , d'oü il découvroit tout le champ de bataille. Plus de cinquante mille morts jonchoient la terre & combloienr le lit du fleuve. L'Empereur, moins fenfible k la joie d'un fuccès fi important, qu'afïligé d'un fi horrible fpectacle, ne put retenir fes larmes. II ordonna d'enfevelir fans diftinflion amis & ennemis, Ik de nepargner aucun fecours k ceux qui refpiroient encore; il recornmanda en particulier aux Médecins le foin des foldats de Magnence. II déclara qu'il pardonnoit k tous les partifans du tyran , excepté a ceux qui avoient eu part k Ia mort de fon frere. En conféquence, un grand nombre de bannis retournerent dans leur patrie, & rentrerent en pofTeffion de leurs biens. Dans le même temps, la flotte de Conftance qui avoit couru les cötes d'Italie , ramena beaucoup de Sénateurs Romains, & d'autres perfonnes, qui étoient venus s'y réfugier comme dans un afyle.  du Bas-Empire. Liv. f71. 171 Magnence, fuyant & toute bride, regagna les Alpes; & comme les premiers froids de 1'hyver qui commence de bonne heure en ces contrées, & la perte que les vainqueurs avoient effuyée, empêchoient Conftance de le pourfuivre, il eut le temps de fermer les paffages des montagnes, en y élevant des forts qu'il pourvut de garnifons. Retiré enfuite dans Aquilée , dès qu'il fe crut en füreté, il oublia fa défaite, & au-lieu de s'occuper a la réparer, il fe livra aux divertiffements & a la débauche. Ce fut alors que Dorus, Officier fubalterne, chargé du foin des ftatues de Rome,accufa devant lui Clodius Adelphius , Préfet de la même ville , de porter trop haut fes vues ambitieus fes. L'hiftoire ne nous dit pas quelle fut Piflue de cette accufation toujours meurtriere fous un tyran, fur-tout quand il eft malheureux. On voit feulement qu'Adelphius eut Valérius Proculus pour fuccceffeur, le dixhuitieme de Décembre. Magnence nomma Conful pour Pannée fuivante fon frere Décence avec Paul qui étoit apparemment un des principaux de H ij CONSTANCE. Ann. 3;i. XL. Magnence fe retire en hai He. Jul. or. x, 2. Amm. I. 16, c. 6. Idace. Buch. Cycl, p. 240, 251, 2Ói.  CONSTANCE. Ann. 352. XLI. ; II fuit dans les Gaules. Jul. or. r, 1. Amm. I. Jt,r. U. Zof. U 2. 'Via. Epit. Grut. Thef. CCLXXX. 6. Cod. Th. Lib. 15 , tit. 14, leg. J. 172- HlSTQIRB fa faöion. Conftance prit le Confulat pour la cinquieme fois, & fe donna Gallus pour collegue. Dès que la faifon permit d'ouvrir la campagne, l'Empereur marcha vers les Alpes, & il en forca le paffage, ayant furpris pendant la nuit un chateau défendu par une forte garnifon. Un Comte, nommé Aftus, qui s'étoit fait prendre exprès par les ennemis, lui en ouvrit les portes. Le même jour avant midi , Magnence , qui ne s'occupoït que de fpeftacles, apprit cette nouvelle dans Aquilée au milieu d'une courfe de chevaux. II fuit auffi-töt avec ce qu'il put raffembler de troupes a la hate; & n'ofant retourner k Rome, oü fes cruautés 1'avoient rendu odieux, & fa défaite méprifable, il prit la route de la Gaule. Quelques efcadrons de cavalerie envoyés a fa pourfuite, 1'ayant joint prés de Pavie, Pattaquerent avec plus de chaleur que de prudence, & furent défaits. Tandis qu'il s'éloignoit, Rome & 1'Italie fe déclara pour Conftance. On abat les ftatues du tyran; on en éleve au légitime Empereur, avec les titres de vainqueur, de ref-  nu Bas-Empjre. Liv. VU. 173 iaurateur de Rome & de 1'Empire, de deftrufteur de la tyrannie. Conftance fait partir une armee navale , qui fe joint h la flotte d'Alexandrie pour reconquérir Carthage & 1'Afrique. II en envoye une autre en Sicile, & fe rend maïtre du paffage des Py rénées.Toutes ces contrées rentrent avec joie fous fon obéiffance. Pendant le féjour qu'il fit a Milan, il caffa toutes les fentences injuftes rendues par le tyran & par fes Officiers; il remit en poffefiion ceux qui avoient été dépouillés de leurs biens, &c ne laiffa fubfifter que les contrats ci■vils paffés volontairement & felon les regies. Magnence ne trouvoit pas même de füreté dans les Gaules.Dun cöté. les barbares voifins du Rhin, couroient tout le pays; de 1'autre, le: Gaulois, foulevés par quelques-uns d( leurs chefs, qui étoient reftés atta chés a l'Empereur, avoient conjuréf; perte. Les habitants de Treves ayan fermé leurs portes a Décence,avoien choifi Pcemene pour les commande & les défendre. Dans cette extrémi té, Magnence fe feroit volontiers fan H iij CONSTANCE. Ann. 35 J. XLlt. Embarras de Magnence.; M.or.1. , Amm. i, 15, c. 6. ' Zof. i 2. I Zon. t. 11, t ?• *7. e r  CONSTANCE. Ann. 3 j2. i ] XLIII. :ll attente ] a !a vie de . Gallus. 1 Jul. or. I. I Zon. t. 11, ; M7, "8. i 1 e c C 1 174 fflSTOIRg vé en Mauritanië ; mais outre qu'il manquoit de vaiffeaux , & que les paffages des Pyrenees étoient gardés, il apprit que les Maures s'étoient foumis a Conftance. II effaya d'obtenir grace de l'Empereur, & lui députa un Sénateur. Conftance regarda cet envoyé comme un efpion, & lui refufa audience. Quelques Evêques qui vinrent enfuite, ne demandoient pour le vaincu que la vie & quelqueemploi dans les troupes. Pour toute réponfe, l'Empereur mit en mar:he fon armée, qui fut bientöt grofle d'un grand nombre de déferteurs. routes les places fe rendoient; & dés :ette année, il ne refta plus rien k Magnence au-dela des Alpes. Allors n'efpérant plus de pardon, 1 fe réfolut k défendre fa vie par toues fortes de moyens. II paffa Phy ver lans les Alpes Cottiennes, qui font tujourd'hui le haut - Dauphiné, rafemblant tout ce qu'il pouvoit de roupes : & afin de faire diverfion n fufcitant a Conftance de nouveau mbarras du cöté de 1'Orient, il étenit fes noirs projets jufque fur Galus , auquel il entreprit d'öter la  pu Bas-Empjre. Liv. VIL i?5 Vie. Celui qu'il avoit k ce deffein envoyé è Antioche, s'établit dans la cabane d'une vieille femme hors de la ville fur les bords de 1'Oronte. II avoit déja corrompu plufieurs foldats ,lorfqu'un foir foupant avec eux, il eut 1'imprudence de s'entretemr de fa commiflion en préfence de 1'höteffe, qui feignit de ne rien entendre, Dès qu'il fut endormi, elle court k la ville, & va donner avis a Gallus. On arrête 1'affafTin; on le met a la torture; il avoue le crime; il eft puni de mort avec fes complices. Magnence, défefpéré, devient pluskarouche que jamais; pour tirer de 1'argent des malheureux qui lui reftoienl affujettis ,iln'épargne aucune cruauté, Entre autres fupplices, il faifoit attacher les hommés par les pieds a ut char, & prenoit plaifir a les voir trai ner, & mettre en pieces entre les n> chers. A la fin de 1'hyver, Conftance, qu s'étoit continué avec Gallus dans 1< Confulat, envoya fes Généraux pou; terminer la guerre. Magnence fut en tiérement défait prés d'un lieu nom' mé alors Mont-Séleuque, entre 1' H iv CONSTANCE. Ann. 352- 1 . Ann. 353. . XLIV. Mort de ' Magnen. ce. i Jul. or. i, ' 2.  CONSTANCE. Ann. 353. Zo/..l. 2. na. Epu. Eutr. I.10. Hier. Chr. Chr. Alex. Philoft. I. 3. 16. Theoph. F- 37. Zon. t. ƒ/, F- 18. Jdace. Cellar. geog. t. I, p. 19S. Bandur. num. in Magn. & Decent. Til!, art. 17, & not. . Cod. Th. I. 9, tit. 38, Ug. 2. 1 ff-1-4, 'it. , 20 > '«"f. 3- 1 1 3 i I7Ö HlSTOIRE Luc 5c Gap dans le Dauphiné, & s'enfuit a Lyon. Les foldats qm' l'accompagnerent dans fa fuite, le voyant fans reffource, & ne jugeant pas a propos de périr avec lui, réfolurent de le livrer a l'Empereur. Ils environnent fa maifon , Sc criant : Vivt Confiance Augufie, ils le gardent non plus comme leur maïtre, mais comme leur prifonnier, Magnence, effrayé de 1'idée des fupplices qu'il doit attendre, entre en fureur; il égorge tout ce qu'il a de parents & d'amis auprès de lui, tue fa propre mere, porte a fon frere Didier qu'il avoit fait Céfar, plufieurs coups dont aucun ne fut mortel; Sc appuyant la ?arde de fon épée contre la muraille, il fe perce le fein, & expire fur ces :orps fanglants. C'étoit le onzieme du riois d'Aoüt. II étoit agé d'environ :inquante ans; il avoit porté le titre PAugufte trois ans Sc prés de fept nois. On lui coupala tête, qu'on pora en fpeöacle dans toutes les Pro•inces. Sept jours après , fon frere Décence, qui accouroit a fon fecours» ' <• 20. • S°K- l 3» ,Ö <•. i6. le Symm, /, pj beaucoup d'innocents furent d'aiHeurs enveloppés dans fa vengeance. Avant que d en raconter les triftes efFets /e crois devoir m'arrêter pour tracer «ne idee des loix qui furent publiées depms a mort de Conftantin le jeune. Le hl des événements m'a obligé de differer-ufqu'ici cetarticle, qui n'eft pas etranger è 1'hiftoire. Afin d'éviter desinterruptionstrop fréquentes, ] y joindrai les loix qui furent donnees les deux années fuivantes. juf. qua la mort de Gallus. , Depuis que la Religion Chrétienne stoit affife fur le tröne, d'un cöté es Empereurs travailloient a éteinIre 1'idolatrie en ufant des ménagenents d'une fage politique; de Paure, Ie zele des peuples, fouvent peu ireonfpect, s'efforcoit d'en détruire monuments. L'avarice, qui fait fe acherjufque fous le voile de la Region , s'attaquoit fur - tout aux féultures : ces monuments étoient fort rnés & répandus en grand nombre uw la campagne de Rome. Les par:uliers en enlevoient les marbres & s colonnes; ils en détachoient les erres, pour les faire fervir k leurs  nu Bas-Empire. Liv. VII. 179 'Mtiments. Conftant réprima cet abus par deux loix , qui impofoient aux contrevenants une amende confidérable. II voulut même qu'on recherchat tous ceux qui avoient commis ces excès depuis le Confulat de Delmace & de Xénophile , c'eft-a-dire , depuis feize ans. C'étoit le temps oü 1'exemple de Conftantin , qui ruinoit quantité de temples, avoit enhardi les Chrétiens a ces deftruöions. Conftant ordonna la confifcation des édificesaconftruits aux dépens de ces monuments : il n'excufa pas les Magiftrats qui en auroient enlevé des débris pour les employer aux ouvrages publics. II défendit même de démolir les tombeaux , fous prétexte de les réparer, lorfqu'ils commencoient a dépérir, a moins qu'on n'en eait obtenu la permiflion du Préfet de Rome &C des Pontifes Payens, qu'il maintint dans la pofTeffion dece droit. Comme 1'abus continua malgré la défenfe, quelques années après, Conftance, maïtre de Rome, renouvella ces loix par deux autres plus féveres, qui rappelloient la rigueur des anciennes punitions. Nous avons déja H vj CONSTANCE. Ann. 353. 10 , epifi. 54- Su&tt in Aug. c. 100. Dio.l. JI. Lib. Epifi. 15 , 45' . 572- TUI. art. 27,46,50» Sulp. Sev. I. I. Hier. epifi. 1. Valenu III, navel. 12. Prui. in Symm.l. I, v, 621.  constanc£. Ann.3ï3, i 1 ! l'Sö H 1 & T 0 I R E obfervé que Conftant avoit défendules facrifices : Conftance profcrivit aufïï le culte public des idoles; il ordonna de fermer les temples dansles villes & dans les campagnes; il menaca de mort & de connïcation de biens ceux qui auroient facrifïé; il etendit cette menace fur les Gouverneurs des Provinces, qui négligeroient de punir les réfraftaires. Magnence,. qui n'étoit Chrétien que de nom, avoit permis les facrifices nocturnes; ils furent de nouveau probibés. Dans la falie oü le Sénat Romain s'affembloit, s'élevoit un fameux autel de la Viftoire. II avoit. eté placé par Augufte. La ftatue de Ja deeffe, autrefois enlevée aux Tarentins, étoit décorée des ornements. les plus précieux qu'Augufte eut rapportés de la conquête de PEgypte. Les Sénateurs prétoient ferment fur zét autel; on y ofTroit des facrifices. conftant le fit tranfporter hors du >enat, Sc Symmaque, aveuglé de fu)erftition, dans une requête adreffée l Valentinien fecond, & au grand Lheodofe, femble attribuer a cet atentat prétendu, la fin malheureufe  du Bas-Empire. Liv. VIL x%% de ce Prince. Magnence rétablit 1'autel, & n'en fut pas plus heureux. Enfin, Conftance le fit encore enlever avant que d'entrer dans Rome, oü il vint en 357. Ce monument efluya plufieurs autres révolutions : 1'idolatrie s'y tint opiniatrement attachée; elle le défendit avec chaleur jufqu'a fon dernier foupir. En même-temps qu'on déclaroit une guerre ouverte au Paganifme , on n'obligeoit perfonne d'embrafïer la Religion Chrétienne; les fupplices ne furent point employés pour forcer la croyance , & les idolatres ne pouvoient, avec raifon, fe plaindre d'être perfécutés : les Princes fe contenterent de faire ufage du droit que la fouveraineté leur donne fur 1'exercice public de la Religion dans leurs Etats. D'ailleurs, les temples, quoique fermés, fubfifterent pour la plupart; on conferva aux Pontifes Payens leurs titres & leurs privileges; les Empereursmême fufpendirentleurs coups; ils ne firent pas exécuter leurs Ibis a la rigueur, & fermerent les yeus pour ne pas multiplier les chatiments Les Payens illuftres par des qualité; CONSTANCE. Ann. 353.  CoNSTANCE. Ann. 353 1 1 i 1 c c f 1^2 H 1 S T 0 ƒ SL Ê ■ éminentes, n'étoient point exclus des grandes charges ; ils partageoient mê, me Ia faveur des Empereurs ; & tandis que Céréalis, oncle maternel de Gallus & de la femme de Conftance, Chretien zélé, brilloit dans la préfeéture de R ome & dans le Confulat, Anatohus, Payen déclaré, mais homme dun rare mérite, faifoit fucceflivement un grand röle dans les deux Cours. Conftance confirma, il étendit même les immunités que fon pere avoit accordées aux Eccléfiaftiques : il les exempta, eux & leurs efclaves , des impofitions extraordinaires, & du logement des gens de guerre & des Officiers du Prince; mais ils refterent chargés des contributions ordmaires. II eut foin de mettre un trein a Ia cupidité, qui, pour s'afranchir des fonftions municipales, ejettoit dans Ia cléricature. L'Eglife ) etoit pas encore affez opulente pour ournir a Ia fubfiftance de tous fes Miniftres : elle leur permettoit quelue travail ou quelque commerce; Ne prefumoit, & les loix des Emereurs le fuppofent, que tout ce uils acqueroient au-dela da nécef-  du Bas-Empire. Liv. VIL 183 faire, étoit employé en aumönes : elle réprouva dans la fuite cet ufage, qui fut prohibé par une conftitution de Valentinien III. Les Eccléfiaftiques , qui gagnoient ainfi leur vie, furent exempts de 1'impöt auquel les artifans & les marchands ètoient affujettis. Les enfants des Clercs furent auffi difpenfés des fonftions municipales ,lorfqu'ils étoient nés depuis 1'engagement de leurs peres dans la cléricature. On admettoit alors -a la prêtrife & même a 1'épifcopat des gens mariés, pourvu que leurs femmes n'euffent pas été conyaincues d'adultere; mais il ne leur étoit pas permis de fe marier, dés qu'ils avoient recu la prêtrife : on ne le permettoit même aux diacres, que lorfque dans leur ordination ils avoient protefté qu'ils n'entendoient pas renoncer au mariage. Le confentement de 1'Evêque qui les ordonnoit après cette proteftation, tenoit lieu de difpenfe, &c leur laiffoit la liberté de prendre femme ; ce qui reftoit toujours permis aux Miniftres inférieurs, fans qu'ils fuffent obligésde quitter leurs fop.öions. Ces exemptions accordées a 1'Eghfe CONSTANCE. Ann. 3 5 3.  CONSTANGE. Aan. 35: TIistoike • s'étendoient jufque fur les Clercs des moindres villages. La Religion, dit . Conftance dans une de fes \o\x,fait notre joie & notre gloire ; & nous fa~ vons que le minifiere des Autels efl encore plus utile d la confervation de notre Etat, que les fervices & les travaux corporels. Belle maxime que ce Prince n'a que trop fouvent démentie en perfécutant les plus faints Evêques, & donnant fa confiance a des Prélats remplis de malice, &livrésu Terreur. Nous avons une loi fameufe de Conftance, par laquelle il fouftrait les Evêques a la jurifdiÖion fécuüere, Sc ordonne qu'ils ne foient iuaés que par d'autres Evêques. Mais cette loi comme le remarque Godefroi, h elle etoit générale & perpétuelle, aurojt été abrogée par d'autres conftitutions de Valentinien premier de Gratiën, d'Honorius , de Théodofe le jeune, &z par la décifion même du toncile de Conftantinople. Toutes ces autorités décident que les caufes qui concernent la Religion reffortiffenl au Tnbunal eccléfiaftique ; mais que les oiufes civiles & criminelles des tveques font du reffort des Juges fé-  nu Bas-Empire. Liv. VIL 185 culiers. De plus,il paroit prefque évident par la date & par les termes de cette loi, que ce n'étoit qu'uneordonnance paflagere , furprife a Conftance par les Evêques Ariens, pour opprimer les Prélats Catholiques dans le Concile de Milan, ou pour rendre inutiles leurs juftes réclamations contre ce Concile, & leur fermer Paccès des Tribunaux féculiers, auxquels ils avoient recours. Conftance réprima les concuffions des Officiers publies, & Pavarice des Avocats : il chargea les Magiftrats de veiller fur ces abus. Les Receveurs & les Agents du Prince fe prévaloient de Pautorité que leur donnoit leur miniftere, pour fe difpenfer de payer leur part des contributions, & ces immunités ufurpées tournoient a la charge des Provinces. L'Empereur ordonna qu'ils feroient forcés au payement. Ces mêmes Officiers , coupables de toutes fortes d'injuftices & de violences, évitoient fouvent la punition, prétendant avoir leurs caufes commifes devant leurs propres fupérieurs; Conftance leur ferma cette fource d'impunité , en CONSTANCE. Ann. 3 5 3. XL VI. Loix concernant1'orHre civil. Cod. Tk. lib. 1 , tit' l , leg. I. L. 8, rit. 5 . leg. 5 , tiu 10, leg. 2 f tit. 13, leg. 1.2, 4L. 9 , tit. 21 ,leg. 5 , 6 , tit. 24 , leg. 2, tit. 25 ,les-1 t tit. 40, leg. 4- L. 10 , tit. I. leg. 6,7. L. 11 , tit. 7, leg. 6,,  CONSTANCE. Ann. 353. tit. I6, leg, 6 , 7, 8. L'. 12, tit. i,leg. I. L. 13 , <«. 4 » ?. i. J 5 , tit. 1 > % 7 , «>. 8, /«j-, 1. Coi.Jufl. ] /. 6, ï«. ] -»2, %. J. | L. 12 , * "t. 1, 4. ' Amm. I, 1 ai ,c 16. 1 Hilar. in J fr"gm. 1 7J. £ 1 \ • a 1; ti n d P q P' IS6 H i s t 9 i A e les affujettiffant aux Juges ordinaires. Les Proconfuls & les Vicaires des Prefets , fous prétexte des befoins pubhcs, s'attribuoient le droit d'impofer aux Provinces des taxes audela du tarif arrêté par le Prince : Conftance crut qu'en ötant aux fuaalternes tout 1'arbitraire, il n'en ref. toit néceffairement encore que trop ;ntre les mains du Souverain : il ré-rima cette ufurpation, & ne laiffa e pouvoir dont il s'agit qu'aux Préets du Prétoire, & même avec ré^ "erve. Si les befoins étoient impré'us, & ne fouffroient aucun délai, e Préfet pouvoit impofer de nou'elles taxes , a condition de les faire onfirmer par le Prince avant que 'en exiger le payement; mais fi les efoins étoient de nature a être préus, il devoit en inftruire le Prince yant la répartition annuelle, & lui nfTer le foin d'augmenter 1'impofion felon Pexigence des cas. Amuen Marcellin reproche k Conftance 'avoir ruiné les poftes de 1'Empire ir les fréquents voyages des Evêques Pil obligeoit fans ceffe de fe tranf>rter d'une ville k 1'autre pour tenir  su Bas-Empire. Liv. VIL 1S7 des Conciles, leur fournifïant les chevaux & les voitures publiques, qui ne devoient être employées qu'au fervice de FEtat. Saint Hilaire fait la même plainte. Ce Prince s'appercut lui-même decetinconvénient; il voulut y remédier par plufieurs loix, dans lefquelles il reftreint 1'ufage de lacourfepublique, & defcend dans un grand détail jufqu'a régler le poids dont il feroit permis de charger les diverfes voitures. Mais fon humeur inquie1e en matiere de Religion ne ceffa point de fatiguer les Evêques, & les poftes fe ruinerent de plus en plus. Conftantin avoit préféré 1'avantage des particuliers aux droits du tréfor, dont les prétentions, dit Pline le jeune , ne font jamais condamnées que fous les bons Princes. Conftance ne parut pas fi défintéreffé : il favorifa les pourfuites en matiere fifcale. Attentif k maintenir les privileges des Sénateurs , il les exempta des contributions qu'on levoit dans les Provinces pour la conftru&ion des ouvrages publics : il voulut que leurs fermiers fuffent exempts des fervices extraordinaires, & des fonttions qu'on CONSTANCE. Ann, 3" 3.  CONSTAKCE. Ann. 35J. I8S HlSTOIRE appelloit Sordides, auxquelles le peuple étoit affujetti. II accorda aux habitants de Conftantinople les mêmes exemptions qu'aux Officiers du palais. Occupé ainfi que fon pere de tout ce qui pouvoit contribuer a 1'embellifTement & a la commodité de la nouvelle capitale, & de plufieurs autres lieux de 1'Empire., il confirma les privileges que Conftantin avoit accordésaux Méchaniciens, aux Géometres, aux Architeöes , a ceux qui travailloient a la conduite des eaux ; & il encouragea ces arts par fes bienfaits. Les villes avoient des revenus deftinés a fournir aux dépenfes néceffaires ; les Décurions ou Sénateurs municipaux en avoient 1'adminiftration; ils en rendoient compte au Gouverneur de la Province ■ ces revenus étoient quelquefois prodigués en penfions qui les épuifoient: Conftance voulut être inftruit des motifs de ces libéralités, & défendit de donner des penfions fans fon agrément: il croyoit tout le corps de 1'Empire intéreffé a en maintenir les membres dans un état de force & d'opulence, par une prudente économie. LI ne négli-  su Has-Empiile. Liv. VIL 189 gea pas ce qui regarcloit les moeurs &C la difciplice : il confirma le droit déja accordé aux peres, de révoquer les donations faites a leurs enfants, lorfque ceux-ci fe rendoient coupables d'ingratitude, & il donna le même droit aux meres, qui étoient citoyennes Romaines, pourvu qu'elles vécuffent avec décence, & qu'elles n'euffent pas contracté un fecond mariage. Les Payens, pour infulter au Chriftianifme, vendoient leurs efclaves Chrétiennes aux courtiers de débauche ; elles étoient fouvent rachetées par d'autres Payens, qui les faifoient paffer de la proftitution au concubinage, 6* ces malheureufes vi&imes reftoient ainfi toute leur vie la proie du libertinage & du crime, Conftance ne permii qu'aux Chrétiens de les racheter : U plupart des Chrétiens de ce temps-ls méritoient encore que leur maifon fui regardée comme un afyle d'honnêtett & de pudeur. La févérité des peine; établies pour bannir les crimes, pro> duit quelquefois un effet contraire elle leur procure 1'impunité : plus h fupplice eft rigoureux, plus les Jugei évitent de trouver des coupables CONSTANCE. Ann. 3-3'  CONSTANCE. Ann. 3; 3, 1 f 1 19» HlSTOIRB la loi de Conftantin contre le rapt étoit effrayante : Conftant en modéra Ia rigueur : il ordonna que les criminels auroient la tête tranchée , & laifla fubfifter la peine du feu déja impofée aux efclaves complices. Par une loi de Conftance, 1'enlevement des veuves qui avoient renonce a un fecond mariage, fut puni comme celui des filles qui avoient confacré a Dieu leur virginité; Ie confentetement même qui fuivoit le rapt n'exemptoit pas du fupplice. Le même Empereur augmenta cependant en quelques occafions la févéritédes loix pénales établies par fon pere : il condamna au feu les faux-monnoyeurs. Un Sénatufconfulte, fait fous 1'Empire de Tibere, prefcrivoit un intertervalle de dix jours entre le prononcé d'une fentence de mort & 1 exécution : Conftance ordonna que ceux qui étoient manifeftement convain* :us d'homicide & d'autres crimes Jtroces, fuflent punis fans délai, afin 311'ils n'euffent pas le temps de folli:iter leur grace auprès du Prince, $£ d'échapper peut-être par leurs inrigues aux rigueurs de la juftice. II  nu Sas-Empire, Liv. VIL 191 donna aux Eunuques le droit de tefter; ne croyant pas fans doute qu'ils fufient incapables de difpofer de leurs biens, puifqu'il s'en laifToit gouverner lui-même. Après la défaite & la mort de Conftantin le jeune, les foldats de ion frere répandu en Italië, & répartis dans les bourgs & les villages, vivoient a difcrétion chez les habitants. Ils s'étoient arrogé des droits imaginajres; & non contents des fournitures établies par les réglements, ils exigeoient par force de leurs hötes tout ce que 1'avidité militaire s'avifoit de defirer. Conftant arrêta ces extorfions. Conftance fut obligé de réprimer Ia même licence dans fes expéditions contre les Perfes , en impofant des peines féveres aux Officiers & aux foldats. Mais les Empereurs permirent les libéralités volontaires : Pabus continua : le foldat ne manquoit pas de moyens pour faire voiiloir k des gens fans défenfe, ce qu'il vouloit lui-même. II fallut dans Ja fuite qu'Honorius & Théodofe fecond, afin d'afFranchir de toute contrainte les habitants des Provinces CONSTANCE. Ann. 353. XL VII. Loix militaires.Cod. Th. 1. 2, tit. 1 , leg. I. l. 5 , tit. 4> H- *• l. 7, tit. I, us- 2> 4, tit. 9, hg. 1,2, tit. tit. 10, leg. 6.7, tit, 22, leg. 6. ff I. 28, tit. 3 . leg, (>,ff 7.6* l.38, tit. 131H-**  CONSTANCE. Ann. 353. Ï92 U J S T 0 I .1 E leur ötaflent la liberté de s'appauvrir ; ils défendirent de donner, fur les mêmes peines qu'ils défendoient d'exiger. La forme-des levées de foldats étoit fort différente de ce qu'elle avoit été du temps de la République : les particuliers étoient obligés d'en fournir un certain nombre k proportion de leurs facultés : on envoyoit des Officiers dans les Provinces pour faire ces levées, &pour examiner 1'extraöion, lage, la taille de ceux qu'on préfentoit pour la milice. L'age militaire étoit alors dixneuf ans ; la taille varioit k la volonté des Princes, & felon les différents pays; la plus baffe étoit de cinq pieds, la plus haute de fix. On exigeoit pour 1'ordinaire au - deffus de cinq pieds , tantöt fix, tantöt fept, tantöt dix pouces. Mais il faut obferver que le pied Romain étoit a-peu-près d'un douzieme plus petit que le notre. Pour ce qui regarde 1'extraöion, il falloit qu'ils fufient de condition libre, & qu'ils ne fufient pas attachés a 1'ordre municipal. La qualité de Décurion exemptoit & excluoit du fervice; d'oii il arrivoit que ceux qui vouloient  nu Bas-Empi-x.e. Liv. VÏI. 193 vouloient éviter les travaux de la guerre, fe faifoient infcrire par faveur fur le röle des Décurions, & que d'autres , pour éviter les fon£tions onéreufes de Décurion, s'enróloient pour la guerre. Les Décurions favorifoient le premier abus; le fecond étoit appuyé par les Cornmandants des troupes. Conftance tacha de remédier a Tous les deux, en prefcrivant un examen plus fcrupulecix & plus authentique. Hadden avoit ordonné que les biens d'un foldat mort fans teftamenték fans héritiers légitimes, tournaffent au profit de fa légion, pourvu qu'il n'eüt pas été exécuté pour crime; car en ce cas , ils étoient dévolus au fifc. Conftance renouvella cette loi, & 1'appliqua en particulier aux corps de cavalerie ; diftinftion qui femble avoir échappé a Hadrien, quoique dés le temps de ce Prince, la cavalerie ne fit plus partie des légions. Conftant condamna a une groffe amende les Officiers qui donneroient des congés avant le terme de la vétérance, fi ce n'étoit pour caufe d'infirmité. Conftance prit de fages mefures pour retenir au fervices les fils des vétérans. La guerTome IL Cons- TANCE. Ann. 353. \  CONSTANCE. Ann. 3 53. i i 1 I ) J 1-94 H 1 s t 0 1 u £, £f V LIVRE HUITIEME. ï. C O N S T A N C E époufe Eufébie.lU II pourfuit les partifans de Magnence. III. Paul le délateur. IV. Séditions d Rome. V. Revolte des Juifs. VI. lncurfions des Ifaures. VII. Entreprife des Perfes fur COfrhoine. vin. Courfes des Sarrajins. IX. Mauvmfe conduite de Gallus. X. Méchanceté de Conjlantine. XI. Efpions de Gallus. XII. Talajfe tdche en vain de le contenir. XIII. Portrait avantageux que quelques Auteurs font de Gallus. XIV. Hiftoire d'Aétius. XV. Guerre contre les Allemands. XVI. Les Allemands demandent la paix. XVII. Harangue de Confiance a fes foldats. XVIII. Cruautés de Gallus. XIX. Mort de Théophile. XX. Maffacre de Domuien & de Montius. XXI. Pourfuite des prétendus conjurés. XXII. Urjicin obligé de J>rèfider d leur jugement, XXIII. Ils font I ij  lt)6 S O M Jf A I R E condamnès d mort. XXIV. Peru de Gallus réfolue. XXV. Mort de Conjlantine. XXVI. Gallus fe dhermine d pariir, XXVII. II ejl arrête' d Pettau. XXVIII. Mort de Gallus. XXIX. Joie de la Cour. XXX. Délateurs. XXXI. Péril rTUrficin. XXXII. Et de Julien. XXXIIJ. Pourfuite des partifans de Gallus. XXXIV. Punition des habitants d'Antioche. XXXV. Fefiin malheureux d'Africain. XXXVI. Guerre contre les Allemands. XXXVII. Complot contre Sylvain. XXXVIII. Découverte de timpojlure. XXXIX. Jugement des coupables. XL. Révolte de Sylvain. XLI. Urfuin ejl envoyé contre Sylvain. X-LII. Déguifement d'Urjicin. XLIII. Mort de Sylvain. XLIV. Joie de Confiance. XLV. Punition des amis de Sylvain. XLVI. Intrêpidilé de Léonce Préfet de Rome. XLVII. Confiance jette les yeux fur Julien pour le faire Céfar. XLVIII. Etudes de Julien. XLIX. 11 fe livre d la magie & d Üidoldtrie. L. Etat de Julien après la mort de Gallus. LI. Julien d Athenes. LH. 11 efi rappellé d Milan. LIII. II paröit d la Cour. LIV. 11 efi nommè Céfar. LV. Captivitè de Julien dans le palais. LVI. //part pour la Gaule. LVII. Nouvelles cabales des  DU L I V R E VI1P. 197 Ariens. LVIII. Exil & mort de Paul de C. P. LIX. Concile £Arles. LX. Fourberie des Ariens. LXI. Concile de Milan... LXII. Exil des Evêques Catholiques* LXiil. Libertl des Evêques contre Conftance. LXIV. Exil de Libere.   J99 HISTOIRE D U b as-empire; LI F RE HU1TIEME. CON STANG E. Pendant que Magnence, re--^==5 tiré dans les Alpes, étoit livré Consaux noirs accès d'une farouche mé- tance. lancolie, Conftance, qui, depuis quel- • 55 3ques années, avoit perdu fa première Convftan. femme, ajoutoit a la joie de fa vic- ce époufe toire celle d'un fecond mariage. II E^b'=-, époufa Eufébie qu'il envoya cher- A"K'&0U eher a ThejTalonique , oü elle étoit 3. I iv  CONSTAKCE. Ann. 3jj. Amm. /, ï6, c. 10, Il7,c.7, 1. li, c. 6. Ath. ad Solit. Zof. I. 3. na. Epit. Suid. in &SWTJOS, i < i i I 1 - 200 U I S T O I P. E nee. Toute la magnificence impériale éclata dans ce voyage. Eufébie étoit fille d'un Confulaire, dont on ignore le nom: on fait feulement qu'il fut le premier de fa familie honoré du Confulat. La mere d'Eufébie, devemie yeuve a la fleur de fon age ,. s'étoit étudiée k lui donner une éducation brillante : cette jeune fille avoit recu de la nature toutes les graces de la beauté ; elle y joignit les avantages que procure le favoir, quand il cherche k nourrir 1'efprit, plutöt qu'a fe répandre. Elle étoit infinuante, adroite, perfuaiive, qualités dangereufes dans la femme d'un Souverain , lorfqu'elles ne fe rencon:rent pas avec les vertus que Julien ittribue a Eufébie. Ce Prince, qui lui ut redevable de fa fortune , & peiltere de la vie , a compofé fon palégyrique. II y releve la pureté de 'es mceurs, fa tendreffe pour fon mai, fa droiture, fon humeur bienfai"ante & généreufe. II lui fait même m mérite de ce qui pourroit égalenent fonder un reproche; il dit ju'elle employoit tout le crédit qu'elle . voit fur fon mari a obtenir la grace  nu Bas-Empire. Liv. VUL io\ des coupables; & que dès qu'elle fe vit a la fóurce des faveurs, elle les verfa abondamment fur fes parents & fur les amis de fa familie. 'Mais la noire jaloufie qui la porta dans la fuite aux plus affreux excès contre Hélene, femme de Julien lui-même, dément une grande partie de ces éloges. Uh Auteur plus impartial 1'accufe d'avoir pris trop d'empire fur fon mari, & d'avoir fait tort a la réputation de Conftance par les intrigues des femmes qui la fervoient, & qui entrerent auffi-bien qu'elle trop avant dans les affaires du gouvernement. Elle conferva cet afcendant tant qu'elle vécut; &c Conftance, pour lui faire honneur, forma un nouveau département, qu'il nomma Pietas : ce mot exprime en Latin ce que fignifie en Grec le nom d'Eu fébie. Ce diocefe comprenoit la Bithynie; il n'en eft plus parlé depuii la mort de Conftance. Eufebe & Hy pace, tous deux freres d'Eufébie, fiv rent Confuls en --9. On ne peu s'empêcher de croire qu'elle s'enten - doit parfaitement avec fon mari pou: favorifer PArianifme; & Saint Atha I Y CONSTANCE. Ann. 353. t  COKSTANCE. Ann. 35 j. i 4 / j / t é n tt *02 ^ II I S T 0 I r £ nafe dit que les Ariens trouvoient un puiffant appui dans les femmes de la Cour. Cette Princeffe étoit fiere , & fa fierté fut un jour rudement he'urtee par celle de Léonce, Arien , Eyeque de Tripoli en Lydie. Les Anens étoient affemblés en Concile & les Evêques s'empreffoient de ren! dre a PImpératrice une efpece d'adoration qu'elle recevoit avec hauteur. Leonce fe difpenfa feul de ces hommages & n'alla point au palais. La Princeffe, piquée d'un mépris fi marqué, hu en fait faire des reproches; elle offre de lui batir une grande Eghfe, & de le combler de préfents s'il vient lui rendre vifire : Dites 1 'Impératrice, répondit Léonce, qu'en ■xtcutant ce qiïil lui plak de promettre, Ue ne feroit rien pour moi; wils ces •lenfaits tourmroient d l'ezvantage de on ame.^ Si elle veut une vifue de ma art, qu'elle la regoive avec les égards u'elle doit aux Evêques. Quandj'en■erai, qu'elle fe leve auffi-tót de fon ege; qu'elle vitnne au-devant de 'moi'. ■ quetle sincline profondèmcnt pour cevoir ma bênèdicïion. Je m'afeyerai fuite , & elle fe tiendra debout dans  du JJjs-EniPiRE. tiv. VIII. 203 une contenance modejle, jufqu'a ce que je lui fajfe jigne de s'ajfeoir. A ces conditions , j'irai la voir; autrement, elle nefi ni ajfe{ puijfante, ni affè{ riche , pour m'engager a trahir la majejlé du caraclere épifcopal. Un cérémonial fi nouveau & prefcrit avec tant d'arrogance, révolta 1'Impératrice : elle fe répand en menaces; & pour les effeftuer, elle court a fon mari; elle fe plaint amérement de Pinfolence du Prélat, elle exige une prompte vengeance. Conftance craignoit encore plus les Evêques qu'il ne craignoit fa. femme : loin de la fatisfaire, il fit de grands éloges de Léonce, qui en méritoit aufiï peu que la Princeffe. L'Empereur fe reffentit lui-même dans la fuite de cette dureté, qu'il appelloit une liberté apoftolique. Un jour qu'il étoit aflis entre plufieurs Evêques, & qu'il propofoit quelques réglements eccléfiaftiques , dont il ne fe mêloit que trop; tandis que les autres Prélats applaudiflbient a 1'envi a toutes fes paroles,. Léonce gardoit ur profond filence. Conftance, avide de louanges, lui en demanda la caufe Je m'e'ionne, dit brufquement Léonce l vj CONSTANCE. Ann. 3 5 3»  CONSTANCE. Ann. 353 II. II pourfuit les partifans rfe Magnence. Amm. I. s4 , c J. Zof. I. 2. ■ 1 i J ( 1 ( 3 I 2C.| U I S T O I Ji E que, chirgêdes affaires de la guerre & du gouvernement civil, vous vous ingérie^ de re'gUr la conduite des Prélats fur des objets. qui font uniquement de leur compétence. II n'en fallut pas davantage pour intimider Conftance ; il n'ofa plus faire de lecons aux Evêques Ariens, & fe contenta de pcrfecurer les Prélats Catholiques. L'Empereur ne refia que pen de jours k Lyon. II alla paffer 1'hyver dans la ville d'Arles, oü il s'arrêta jufqu'au printemps de Pannée fuiyante. II y donna le 10 d'Oöobre des jeux magnifiques fur le théatre 6c dansje Cirque. C'étoit la fin de la trentieme année depuis qu'il avoit été créé Céfar. II fe voyoit enfin >aifib!e poffeffeur de tout 1'Empire. La profpérité porta dans cette ame oible tout ce qu'elle a de poifon. II leyint fuperbe, vindicatif, fanguiïaire. II oublia qu'il avoit pardonné i fes ennemis. La première vidlme [u'il facrifia k fon reffentiment, fut e Comte Géronce ; ce Comte fut ondamné k un exil perpétuel, après voir efïïiyé les plus cruelles tortures, •e feul caprice retenoit quelquefois  nu Bas-Empikb. Liv. VUL 2-05 la vengeance de Conftance : il fit grace a Titien, le plus coupable de tous; & cette clémence bifarre a fondé les élo- , ges de fes adulateurs ; mais il fit périr des innocents; & c'eft ce que 1'Hiftoire ne lui pardonnera jamais. Bientöt les délateurs fe mirent en mouvement. C'étoit être convaincu,. que d'être accufé. Livré aux foupcons y Conftance ne voyoit qu'attentats contre fa perfonne. On chargeoit de fers , on traïnoit dans les prifons des perfonnages diftingués par les dignités civiles & militaires, ou par leur nobleffe; & fur des accufations fans preuves, ou même fur des bruits incertains fans accufateur, on confifquoit leurs biens, on les reléguoit dans des ifles défertes, on les condamnoit a mort. Ces défiances étoient nourries par les flatteurs de Cour, qui fe faifoient un mérite d'exa-gérer les moindres fautes, & d'envenimer les actions les plus indifférentes. Ils reprochoient fans ceffe a l'Empereur fon exceflïve indulgence,. ils feignoient de trembler pour fa vie; & leurs larmes perfides & meurtrieres , en amoliitTant le coeur du CONSTANCE. Un. 353-  COKSTANCE. Ann. 3J 3, Hl. Paul le délateur. Amm l. 14,c 5. Liban. or. 12, 9- ïc6 H I S T 0 I R E Prince en leur faveur, le rendoient dur 8" inflexible pour tous les autres. C'étoit la coutume de préfenter è l'Empereur les fentences de condamnation , Sc les Princes les plus inexorables les avoient quelquefois révoquées : jamais Conftance n\ifa de cette modération a 1'égard des partifans de Magnence, vrais ou fuppofés; Eufébie n'ofa jamais demander grace pour aucun d'eux ; & cette implacable févérité, que 1'age adoucit ordinairement, croiffoit en lui de jour en jour. Le plus méchant, & par-lè le plus accrédité de tous les délateurs , étoit Paul, Secretaire du Prince. On le furnommoit la Chame, a caufe de fa pernicieufe adreffe a lier enfemble les accufations, & a les faire naitre Pune de Pautre. II étoit eunuque, né en Efpagne, fort habile a découvrir, & même a fuppofer des criminels. II parcouroit les Provinces, iemant Peffroi, & lancant de toutes parts les traits de la calomnie. Souvent les acculés ne furvivoient pas a 1'information ; ils expiroient dans la queftion même fous les coups de lanieres ar-  nu Bas-Empire. Liv. FM. 207 méés de balles de plomb. Par cette apparence de zele, il s'étoit attiré la confiance du Prince & les malédictions de tout 1'Empire. Envoyé dans la Grande-Bretagne pour y rechercher quelques Officiers y qui avoient trempé dans la confpiration de Magnence , il ne fe borna pas i\ 1'exécution de fes.ordres. C'étoit une bete féroce- qui fe lancoit fur toutes les families, fans diftinétion de 1'innocent & du coupable. On ne voyoit que fers & que fupplices ; tout retentiflbit de gémiffements. Martin, qui gouvernoit cette Province, comme Vicaire du Préfet des Gaules, en fut attendri. Après avoir inutilementfupplié plufieurs fois cet impitoyable Commiffaire r d'épargner au moins ceux qui étoient irréprochables , il le menaca d'aller porter fes plaintes a l'Empereur. Pour fe délivrer d'un témoin fi importun , Paul Pattaqua lui-même ; il entreprit de le faire charger de chaines, & conduire a h Cour avec plufieurs autres Officiers, Martin, voyant fa perte affurée , s'il ne prévenoit ce fcélérat, fe jette fui lui 1'épée a la main • mais ayant CONSTANCE. Ann. 3 5 34  CONSTANCE. Ann, $73 IV. Séditions a Rome. Amm. I. 14, c. 6. Lib. or. il. Symm.lc,, cpift. 121, Grut, Ai/êr. xxxviij. 6. tclxxxiv. 8. cdxxxviij, X. 2C3 HlSTOIRE manqué fon coup, il tourne fon épéè contre lui-même , & fe la plonge dans le fein. La Province le pleura; mais Paul, couvert de fang & triomphant du fuccès de fes crimes , retourne h la Cour, traïnant après lui les malheureufes viöimes de fes calomnies: elles n'y trouverent que des tortures, & un maitre fourd aux cris de 1'innocence. Plufieurs furent profcrits, d'autres exilés , quelques-uns mis è mort.. Des maux fi funeftes n excitoient que des murmures fecrets; mais la' difette du vin fouleva la populace de Rome. Memmius Vitrafius Orfitus étoit Préfet de cette ville, après avoir été Proconful d'Afrique. C'étoit un homme d'efprit & de naiffance, inftruit dans les affaires , mais très-peu dans les Lettres; & cette ignorance, qui porte la groffiéreté jufque dans la plus haute fortune, fut fans doute le principe de 1'arrogance qu'on lui reproche. II étoit Payen; il fit batir ou plutöt réparer un temple d'Apollon. Sa fille fut mariée au fameuxSymmaque, le zélé défenfeur du Paganifme. On le voit deux fois revêtu  bv Bas-Empire. Liv. PIH. 209 de la préfeöure de Rome. II entra dans cette charge pour la première fois cette année, le fixieme de Décembre. Le vin ayant manqué, le peuple de Rome, alors auffi frivole & aufïi diffolu que fes ancêtres avoient été fobres & férieux , excita plufieurs émeutes fort vives & fort tumultueufes. Nous apprenons cependant par les infcriptions, que ce même peuple, fans doute après une meilleure vendange , fit ériger de concert avec le Sénat, une ftatue au même Orfitus. Pendant ce temps-la, les barbares continuoient de piller les Gaules; & les foldats qui avoient fervi fous Magnence,. s'étant débandés après fa défaite, infeftoient les | chemins. Les Juifs y commirent auflï quelques défordres. Ils poignarderent fur les bords de la Durance un Officier, qui, après avoir gouverné 1'Egypte, venoit en Gaule par ordre de l'Empereur. C'étoit peut-être une étincelle de Pincendie qui s'étoit peu auparavant allumé dans la Paleftine. Les Juifs de Diocélarée ayant pris les armes, maflacrerent la garnifon pen- CONSTANCE. Knxi. 353,- V. Révotte des Juifs. Spon. tnifc. p. 102. Hier. Chr. Aur. na. Soc. I. 1, c. 33Soz. I. 4, c. 6. Theoph. p. 33-  CONSTANCE. Ann. 3 5 j. VI. Incurfions dej Haures. Amm. i. M ,t,i, i ] 1 1 « S r t d 2io Ui s t o i r. e dant Ia nuit; fe donnerent pour Roi un nommé Patrice, firent des courfes dans les contrées voifines, & égorgerent un grand nombre de Samantains& d'autres habitants du pays. Gallus, qui étoit a Antioche, envoya des troupes pour réduire ces furieux. Ik furent paffés au fil de 1'épée; on n'epargna pas même 1'agele plus tendre. On détruifit par les flammes Diocefaree, Tibériade, Diofpolis, Ik quelques villes moins confidérables. Plufieurs autres Provinces de PAfie éprouverent de grands ravages de la part des Ifaures, des Perfes & ies Sarrafins. Les ïfaures, peuple de wigands, défendus par les rochers iu Mont Taurus contre la puiflance lomaine dont ils étoient environnés, -aincus autrefois, mais fans être dompés par P. Servilius, qui prit le titre I Ifaurique, avoient enfin cédé a la 'aleur de l'Empereur Probus : il les voit chafles de leurs retraites. Rapellés enfuite par la liberté , qui s'é3it confervé ces affreux afyles dans ? centre de 1'Empire, ils fortoient e temps en temps de leurs forts comte des bêtes féroces, venoient a  nu Bas-Empirb. Liv. VUL iH Fimprovifte piller les plaines voifines , & fe retiroient chargés de burin , avant qu'on eut le temps de les pourfuivre. Leur audace s'étoit aocrue par 1'impunité. lis étoient encore animés par un fentiment de vengeance : quelques-uns de leurs camarades, pris dans une courfe , avoient été inhumainement livrés aux bêtes dans 1'amphithéatre d'Icone. S'étant donc réunis, ils defcendent comme une nuée, & fe répandent vers les contrées maritimes. La, cachés tout le jour dans des chemins creux & dans des vallons, ils s'approchoient pendant la nuit des bords de la mer, épiant les vaiffeaux qui venoient mouiller au rivage. Dès qu'ils croyoient les navigateurs endormis, fe gliffant le long des cables, & fe rendant maitres des chaloupes, ils fautoient dans les vaiffeaux, égorgeoient tous ceux qui s'y trouvoient, & emportoienl les marchandifes. Lorfque le bruit de ces brigandages fe fut répandu, les marchands rangeoient les cötes de Cypre, pour éviter ces embufcadei funeftes. Les Ifaures, privés de leui proie,, fe jettent fur la Lycaonie CONSTANCE. Ann.  Gons- TANCE. Ann. 3 53. ] j i 3 1 ( 212 TI I S T 0 I R £ & fe rendant maïtres des paflages, ils pillent le pays, & détrouffent les voyageurs. En vain, les foldats Romains cantonnés dans les villes & dans les for.ts d'alentour fe raffemblent pour leur donner la chaffe : les barbares, accoutumés acourir dansles lieux les plus efcarpés, comme dans des plaines, échappoient k la pourfuite; & fi les Romains s'obftinoient k gravir fur leurs rochers, on les accabloit de traits & de pierres; ceux qui parvenoient au fommet, ne pouvoient s'y former, ni même affurerleur pas; & les ennemis voltigeant autour d'eux lés choififfoient k leur gré, & en faifoient un grand carnage. On prit le parti de ne les plus pourCuivre fur les hauteurs, mais de les furprendre dans le plat pays. Cette :onduite réuflit; on leur drefToit par:out des embufcades, oü ils laiffoient :oujours grand nombre des leurs. Remtés de tant de pertes, ils quittent la ^ycaonie, & par des fentiers détourlés, ils prennent la route de laPam>hylie, dont le terrein étoit plus monueux, & plus favorable k leur facon le faire la guerre. Cette Province fer-  f>u Bas-Empire. Liv. FIII. 213 tile & peuplée, n'avoit depuis longtemps éprouvé aucun ravage. Cependant comme on y craignoit toujours les incurfions de ces barbares, elle étoit garnie de troupes Romaines. Les ïfaures traverfant les montagnesala hate , pour prévenir le bruit de leur marche , arrivent pendant la nuit au bord du Mélas, fleuve refferré dans un lit étroit, Sc par cette raifon trèsprofond Sc très-rapide. Ils s'attendoient a le paffer fans obftacles, Sc k piller impunément les campagnes. Au point du' jour, pendant qu'ils raffembloient des barques de pêcheurs, & qu'ils préparoient des radeaux , ils font étonnés de voir accourir en diligence les troupes qui étoient en quartier d'hy ver a Side, ville confidérable dans le voifinage. Elles fé portent fur la rive oppofée; & a couvert d'une haye de boucliers, elles percent de traits, & tuent a coups de lances ceux qui fe hafardoient k pafiet le fleuve. Les barbares, après plufieurs tentatives inutiles, tournent du cöté de Larande. Ils attaquent les bourgs des environs; la contrée étoit riche; mais la rencontre d'un corps de c«- CONSTANCE. Ann, 3 5 3,  CONSÏANCE. Lnn. 3JJ. «4 'HlSTQIRE valerie les oblige a quitter la plaine. Pour augmenter leurs forces , ils font venir de leur pays ce qu'ils y avoient laiffé de jeuneflè. Comme ils manquoient de vivres, ils effayerent de fe rendre maitres du chateau de Palée, garni d'une forte muraille, prés de la mer. C'étoit le magafin des troupes de ces contrées, lis 1'attaquent pendant trois jours 5c trois nuits fans fiiccès. Enfin, animés par la faim &Z par le défefpoir, ils forment une entreprife, qui fembloit au-deffus de leurs forces ; c'étoit de s'emparer de Séleucie, capitale de Plfaurie. Le Comte Caflrice y commandoit trois légions; on donnoit alors ce nom a des corps de mille ou douze cents hommes. A 1'approche des barbares, les troupes fortent de la ville , paffent le pont du Calycadnus qui en baignoit les murs, 8c fe .rangent en bataille. Elles avoient ordre de tenir ferme , mais de ne point attaquer : le Comte ne vouloit rien rifquer contre des défefpérés , fupérieurs en nombre. A la vue de ces troupes, les brigands font halte; ils s'avancent enfuite k petits pas, d'un air menajant.  nv Bas-Empire. Liv. VIII. 215 Les Romains frappant leurs boucliers avec leurs épées, alloient engager le combat, lorfque leurs chefs, fideles aux ordres du Comte, firent fonner la retraite. On rentre dans la ville, on ferme les portes , on gamit de foldats les murs & les remparts; on y amaffe quantité de pierres & de traits, pour en accabler ceux qui oferoient approcher. Les Ifaures, fans fe hafarder, tiennentla ville bloquée , & en» levant les convois qui venoient par le fleuve, ils s'entretiennent dans Pabondance,tandisqueles afTiégés, après avoir confommé prefque tous leurs vivres, commenjgoient a craindre les horreurs de la famine. Gallus, averti du péril oü fe trouvoit la ville, envoya ordre k Nébride, Comte d'Orient, de la fecourir. Ce Comte ayant raffemblé tout ce qu'il put de troupes , y marcha en diligence, les Ifaures n'oferent Pattendre; & s'étant débandés, ils regagnerent leurs montagnes. Sapor étoit engagé dans une guerre difficile contre des nations barbares , qui ne cherchant que le pillage, Pattaquoient lui-même, quand elles CONSTANCE. Ann» 3 j 3, VII. Entreprife des Perfes fur 1'Ofrhoëne. Amm. 'U  CONSTANCE. Ann, 3Jj. 2IÖ H I S T O I S. E ne le fervoient pas contre les Romains. Nohodares , un de les Généraux, chargé d'inquiéter la Méfopotamie, cherchoit 1'occafion d'y faire quelque entreprife. Mais comme cette Province, expofée aux infultes des Perfes, étoit en état de défenfe, i! tourna fur la gauche, & vint camper fur Ia frontiere de l'Ofrhoë= ne, Il méditoit un deffein dont le fuccès lui auroit ouvert tout le pays. Batné étoit une ville de 1'Ofrhoëne, batie par les Macédoniens a peu de diftance de 1'Euphrate. II s'y tenoit tous les ans vers le commencement de Septembre, une foire célebre, oü Pon venoit de toutes parts, même des Indes & du pays des Perfes, vendre & acheter des marchandifes. Le Général ayant mefuré fa marche pour furprendre la ville dans ce temps-la , 5'avancoit par des plaines défertes le long du fleuve Aboras; lorfque quelques foldats échappés de fon armée, pour éviter une punition qu'ils méritoient, vinrent donner 1'allarme aux poftes des Romains qui étoient Ie plus è portée de fecourir la ville , ck firent échouer 1'entreprife. Du  dv Bas-Empire. Liv. FM. 21? Du cöté de PArabie, les Sarrafins, que les Romains n'auroient voulu avoir ni pour amis a caufe de leur perfidie , ni pour ennemis k caufe de leur valeur, fondoient comme des oifeaux de proie fur toutes les contrées voifmes. Leur promptitude a fe montrer & a difparoitre rendoit également la précaution impoffible, & la pourfuite inutile. Cette nation, depuis fi fameufe, & dont les Romains n'avoient appris le nom que du temps de Mare Aurele, avoit d'abord habité un canton de l'Arabie heureufe. Enfuite devenue très-puiffante , elle donna fon nom a tous les Arabes qu'on appelloit Nomades ou Scénites, paree qu'ils étoient errants, & qu'ils n'avoient pour demeures que des téntes. lis s'étendoient alors le long dv golfe, tant du 'cöté de 1 Egypte qui du cöté de l'Arabie, jufqu'a 1'Eu phrate prés de 1'ancienne Babylone & les diverfes hordes d'Arabes, ré pandus depuis long - temps dans 1: Méfopotamie , s'étoient liguées ave eux. Les Sarrafins ne favoient ni con duire la charme, ni cultiver les arbre: Tous guerriers, courant fans ceffe Tornt II. K CONSTANCE. Ann. 353. VIII. Courfes des Sarrafins. Amm. I. 14, c. 4. Ptol Geog. 1.6.C 7. Cellar. I. 3 , <• »4» p. 586. L » 1 9  CONSTANCE. Ann. 353. IX. Mauvaife conduite de Gallus. Amm. I, 14. c 17. Liban. vit, Aur. na, £.utr. 1.10. Zon. 1.11, p. 18. 2l8 IJ I S T 0 I II E nuds jufqu'a la ceinture , fans loix comme fans demeure fixe, ils ne vivoient que de leur chalTe, d'herbages, & du lait de leurs troupeaux. La plupart ignoroient jufqu'a 1'ufage du pain & du vin. Ils montoient des chevaux fort vïtes , ou des dromadaires. Les deux fexes étoient fortadonnés a Pamour : leur mariage n'étoit qu'un engagement paffager pour le nombre d'années dont les deux époux convenoient. La femme apportoit pour dot une lance & une tente : après le terme expiré, elle étoit la maitreffe de s'engager ailleurs. Toujours en courfe avec fon mari, fes enfants devenoient errants dès qu'ils étoient nés. Les allarmes que donnoient ces barbares paffoient avec eux, & ne s'étendoient q?.i'a quelques contrées. Mais un mal perpétuel, attaché, pour ainfi dire, aux entrailles, & qui fe faifoit fentir a tous les membres, c'étoit le Prince même qui gouvernoit cttte partie de 1'Empire. Gallus, ayant rapidement paffé d'un état d'oppreffw?n a la dignité de Céfar, devint tyran dès qu'il ne fut plus captif.  bv Bas-Empire. Liv. FIH. 219^ Ebloui de la fplendeur de fa naiflance, a laquelle fa doublé alliance avec l'Empereur ajoutoit un nouvel éclat, héritier préfomptif de tout 1'Empire, il agiffoit déja en maïtre abfolu. Dépourvu de lumieres , & d'autant plus attaché a fon fens, il aimoit la flatterie; fon goüt pour les éloges alloit jufqiia obligerquelquefois les Sophiftes a prononcer devant lui fon propre panégyrique. Libanius fut redevable de la vie k ce mauvais ufage qu'il faifoit de fon éloquence. Accufé fauffement de plufieurs crimes, il trouva le Prince qu'il avoit loué équitable pour cette fois; fon accufateur, qui s'étoit cru aflez fort devant le Céfar, étant renvoyé aux Tribunaux ordinaires, n'ofa s'y préfenter. Le penchant de Gallus k lacruauté fe fit d'abord connoïtre dans les fpedtacles de 1'amphithéatre : plus ils étoient fanglants, plus on voyoit éclater fa joie. Une fi funefte inclination attira bientöt autour de lui un effaim de délateurs. Ces artifans de calomnie imputoient k ceux qu'ils vouloient perdre, tantöt des complots criminels, tantót des opérations magiques, qui K ij Cons- tance. Kna. 3«>  CONSTANCE. Ann. 353 X. Méchanceté de Conftanti' ne. Amm. I S 4 , c. I. Liban. epifi. ad Chromat.6 ad Clemat, XI. Efpions de Gallus JSJO HlSTOIRE fuppofent autant d'imbécillité dans le Prince qui les craint, que dans le fcélérat qui les tente. Conftantine, fille & fceurd'Empereurs , veuve d'un Roi, décorée du nom d'Augufte, avoit apporté a Gallus avec 1'orgueil de tant de titres, une ame cruelle , & des confeils pernicieux. C'étoit une furie altérée de fang humain. Auffi avare qu'impitoyable , elle vendoit la confcience de fon mari, & la vie des plus innocents. Clémace d'Alexandrie, homme vertueux, qui avoit été Gouverneur de Palefline, fut follicité par fa belle-mere, embrafée d'un amour inceftueux, & la rebuta. Cette femme criminelle s'introduit fecretement chez Conftantine; elle lui fait préfent d'un collier de grand prix, & elle obtient un ordre adreffé k Honorat, Comte d'Orient, de faire condamner Clémace k la mort, fans lui permettre de fe défendre. Les mauvais Juges ne font pas rares fous les mauvais Princes ; 1'ordre ne fut que trop fïdélement exécuté. Ce premier crime fut comme le fignal des plus énormes injuftices. Le  du Bas-Empirb. Liv. VUL '< U 222 HlSTOlRE jettoit Ia défiance dans les families; elle inquiétoit le commerce le plus inrime; & ces rapports infideles produifoient fouvent des fcenes fanglantes. Gallus , non content de mettre en oeuvre, comme Tarquin le Superbe & Tibere, ces indignes reflbrts de lapolitique, faifoit lui-même, ainfi que Gallien, le honteux métier d'efpiön. Travefti & accompagné de quelques confidents armés d'épées fous leur robe , il couroit le foir les cabarets & les rues de la ville; & fe roêlant parmi la populace , il demandoit a chacun ce qu'il penfoit du Prince. Mais comme Antioche étoit pendant la nuit éclairée par des lanternes publiques, ayant été plufieurs fois reconnu , il s'abftint enfin de cette curiofité indécente & périlleufe. Thalaflè, Préfet du Prétoire d'Orient, chargé d'éclairer la conduite de Gallus, au-lieu d'ufer des ménagements propres a retenir un jeune Prince, 1'irritoit au contraire par Paigreur de fes reproches. Ce furveil[ant indifcret & impérieux fe faifoit un devoir de ne jamais rien adoucir; & par un effet de fon humeur  nu Bas-Empire. Liv. VUL 223 dure & hautaine, d'un cöté, il chargeoit les rapports qu'il envoyoit a Conftance; de 1'autre il bravoit Gallus en affectant de lui laiffer connoitre fa correfpondance avec l'Empereur. Tel eft le portrait que les hiftoires les plus détaillées nous ont laiffé du gouvernement de Gallus. Julien Fexcufe; il attribue la dureté de fon caradtere aux mauvais traitements qu'il avoit efTuyés pendant fa première jeuneffe. Zofime eft trop zélé partifan de Julien pour le démentir: il prétend que la difgrace de Gallus ne fut qu'un effet de la malice des courtifans & des eunuques. Les Ecrivains eccléfiaftiques s'accordent prefque tous fur les louanges de ce Prince ; ils lui font honneur de plnfieurs fuccès qu'il eut contre les Perfes, dont ils ne donnent cependant aucun détail; ils lui fuppofent une ame vraiment royale ; ils relevent fa piété. Mais quelque refpectable qu» foit le témoignage de quelques-uns de ces Auteurs, des éloges vagues & deftituésde preuves ne me femblent pas de voir 1'emporter fur 1'autorité d'Ammien Marcellin , Hiftorien fidele, défintéreffé, K iv CONSTANCE. Ann. 3 5 3» XIII. Portrait avantageux que quelques Auteurs font de Gallus. Jul. ai Ath. Zof. I. 1. Hier. Chr. Greg. Nai. or. 3. Thcod. I. 3,*- 36. Soi. U 3 , c. 14. Philofl. I. 3 , e. 28. Theoph.  CONSTANCE. Ann. 3j3. ] XIV. Hiftoire , l'Aëtius, Epiph. { iar, 76, , *H Hls T V 1 A g témoin lui-même de tout ce qu'il raconte, & qui peint le caraöere de Gallus par des faits circonftanciés. La tranflation des reliques de Saint Babylas, la dertruftion de 1'idolatrie a Daphné, le contrafte qu'on étoit bien-aife de faire valoir entre Gallus & Julien, lorfque celui-ci eut renoncé a Ia Religion Chrétienne, un extérieur de piété & quelques pratiques religieufes, qui ne font vraiment louables que quand elles font le fruit & non pas 1'écorce de la vertu, n'ont pas manqué de prévenir les Auteurs Chrétiens en faveur de ce Prince. C'eft pour les mêmes raifons qu'ils prodiguent quelquefois les plus grands éloges a Conftance. II eft yrai que Gallus, malgré tant de vices , refta toujours attaché au Chriftianifme. Nous avons la lettre qu'il scrivit a Julien pour le détourner de 1'apoftafie : elle refpire le zele & Pariour de la Religion; mais elle porte empreinte de 1'Arianifme. Les maitres Chrétiens, placés aurefois auprès de lui par la main de Conftance, étoient fans doute des \riens qui avoient verfé dans fon  du Bas-Empixe. Lh. FM. 225 cceur le poifon de 1'héréfie. II fut conflrmé dans Terreur par les infinuations d'Aè'tius. Cet impie, après avoir long-temps rampé dans la pouffiere oii il étoit né, s'éleva jufqu'a devenir Poracle du Prince , & le chef d'un parti. II étoit d'Antioche, fils d'un foldat qui fut condamné a mort, & dont les biens furent confifqués.Réduit dès 1'enfance k une extréme mifere, il fut d'abord ouvrier en cuivre, enfuite orfevre. Une fraude reconnue 1'obligea de quitter cette profeflion. Son impudence trouva une reffource dans le métier de charlatan. Après y avoir amaffé queique argent, il fe erwt du talent pour les fciences, & s'attacha k Paulin , Evêque d'Antioche. Eulalius, fucceffeur de Paulin , 1'ayant chaffé de la ville, il fe retira dans Anazarbe en Cilicie, oii 1'indigence le contraignit de fe mettre au fervice d'un Grammairien. qui lui apprit ce qu'il favoit. II fe fii encore de mauvaifes affaires en cetft ville ; mais il trouva un afyle dans 1; maifon de 1'Evêque Athanafe , Ariër déclaré , qui 1'initia dans les matiere: de Théologie. II prit les leconsde plu K. v Conftance.Ann. 353. Greg.NyJf. ibid, I. contra Eunom. Soc. I. 2 , £. 34. Soz. I. 3 , c. 14 , it-il, trahi la foi par une lache conefcendance, U foutenoit que le Fils  vu Bas-Empi&e. Liv. FM. 227 étoit créé, & d'une fubftance abfolument différente de celle du Pere. II donna naiffance k la plus déteftable de toutes les branches de 1'Arianifme, qu'on appella tantöt les Aëtiens, tantöt les Anomkns. Son Secretaire Eunomius, imbu de fa doctrine, lui fuccéda, & donna auffi fon nom k cette fecte. Les blafphêmes d'Aëtius le firent furnommer l'Athée. Les autres Ariens Favoient en horreur; & d'abord quelques-uns d'entre eux le rendirent fi odieux a Gallus, que ce Prince donna ordre qu'on le cherchat, & qu'on lui rompït les jambes. Léonce vint k bout de faire révoquer cette fentence; & peu de temps après, Aëtius fut fi adroitement s'infinuer dans la confiance du Céfar, qu'il devinl fon Théologien, & le miffionnaire qu'il employoit auprès de Julien, poiu le retenir fur le penchant qui 1'entrainoit a 1'idolatrie. Conftance,qui fe pardonnoit klui même tous les maux dont il affligeoi 1'Occident, n'étoit pas d'humeur ; rien pardonner a Gallus. 11 plaignoi le fort de 1'Orient. Mais les fréquen tes incmfions des barbares le rete^ K vj CONSTANCE. Ann. 353. : Ann. 354. I XV. Guerre contre les " Alle■ mands.  CONSTANCE. Ann. 354, Amm. 1. 14, e. 10. CeUar. I. 2 , e. 3 , SeS. 1, 228 ÜISTOIR.E noient en Gaule, & Poccupoient tout entier. II partit d'Arles au printemps, étant Conful pour la feptieme fois, avec Gallus pour la troüieme, & vint a Valence dans le deffein de marcher contre les deux freres, Gundomade &Vadomaire, Rois des Allemands, qui défoloient la frontiere. II fut longtemps arrêté dans cette ville par la néceffité d'y attendre les convois qw'il faifoit venir d'Aquitaine, & dont le tranfport étoit retardé par 1'abondance des pluies, & le débordement des rivieres. L'armée étoit déja aflemblée a Chalons-fur-Saöne; & le foldat, impatient de partir & manquant de vivres, s'étoit mutiné. Conftance, pour calmer les efprits, voulut d'abord envoyer Rufin, Préfet du Prétoire. C'étoit 1'expofer a une mort prefque certaine. Les Préfets du Prétoire étant chargés du foin des vivres , Rufin avoit tout a craindre d'une multitude affamée. On crut même que Conftance ne lui donnoit cette commiffion périlleufe , qu'A deffein de le faire périr, paree que ce Préfet étoit oncle de Gallus, & affez puiffant pour foutenir ce Prince, dont on com-  du Bas-Empire. Liv. VUL aaj mencoit a fe défier. Mais les amis de Rufin le fervirent fi bien en cette occafion, que l'Empereur changea d'avis. II envoya en fa place Eufebe, fon grand Chambellan, qui étant dépofitaire des tréfors, ainfi que des fecrets du Prince, vint a bout, a force d'argent diftribué k propos, d'appaifer la fédition. Les convois fe rendirent enfin a Chalons, & 1'armée fe mit en campagne. Après une marche pénible, les chemins étant encore couverts de neige , on arriva aux bords du Rhin, prés d'une ville confidérable, appellée Rauratum, qui n'eft aujourd'hui qu'un village, nommé Augjl, k fix milles au-deffus d< Bale. On entreprit de jetter fur Is fleuve un pont de bateaux : mais le: Allemands, qui bordoient en granc nombre la rive oppofée, faifant pleu voir une grêle de traits, rendoien ce travail impoflible; & Conftano ne favoit quel parti prendre. Enfin un payfan vint pendant la nuit enfei gner un gué. On étoit fur le point d'y paffer pendant qu'on amufoit ailleurs les en nemis,6c tout le pays d'au-dela alioi CONSTANCE. Ann. 354' i ï » XVÏ. , Les Allemands demr.ndent t la paix.  COKSTANCE. Ann. 354, 230 H 1 S T 0 I R S être k la difcrétion des Romains 1 lorfqu'on vit arriver des députés qui venoient faire fatisfaction & demander la paix. On foupconna quelquesuns des principaux Officiers de 1'armée Romaine, qui étoient Allemands, d'avoir donné des avis fecrets a leurs compatriotes, dont ils voyoient la ruine afTurée. On avoit depuis longtemps laiffé introduire la mauvaife coutume, de mêler des barbares avec les foldats Romains : ce fut une des caufes du dépériffement des légions. «» Quelques-uns de ces étrangers parvenoient aux premiers grades dans les armées; & dans celle de Conftance , Latin, Comte des Domeftiques, Agilon , grand Ecuyer, Scudilon, Commandant d'une des compagnies de la garde, tous trois Allemands , avoient une haute réputation de bravoure, & paffoient pour les plus fermes foutiens de la puiffance Romaine. Les propofitions des barbares paroiflbient avantageufes ; le Confeil les approuvoit unanimement; mais il étoit queftion de les faire goüter aux foldats, dont la mutinerie récente donnoit lieu d'appréhender la  bv Bjs-Empire. L'w. VUL 231 mauvaife humeur. L'Empereur, efclave de fes troupes dont il ne favoit pas être le maitre, les affembla; & fe tenant debout fur fon tribunal, environné des premiers Officiers, il paria en ces termes : » Braves & fideles camarades, ne » vous étonnez pas, fi, après d'im» menfes préparatifs, après de Ion» gues & pénibles marches, arrivé » dans les lieux même oü m'attend » la victoire dont m'affure votre cou » rage, je parois difpofé alarefufej » pour écouter des propofitions d« » paix. Le foldat, vous le favez, n'c j(> que fon honneur & fa vie è con» ferver & k défendre : mais TEmpe» reur, obligé de s'oublier lui-mêm( » pour ne s'occuper que du falut de; » autres, doit, la balance toujours: » la main, pefer toutes les circonf » tances ; il doit faifir toutes les oc » cafions favorables au bien général » Ne vous attendez pas a un long dil » cours : la vérité n'a befoin que d'ê » tre énoncée. Les Rois & les peu » pies Allemands, redoutant votr » valeur , dont la renommée tou » jours croiffante s'eft répandue jul CONSTANCE. Ann. 3 54, XVII. Harangue de Conftance i fes foldats. t  CONSTANCE. Ann. 3j4. 232 fflSTOlRS » qu'aux extrémités du monde, de» mandent Ie pardon & la paix par » la bouche de leurs Ambaffadeurs, » que vous voyez ici la tête baiffée. » C'eft de vous qu'ils recevront leur » réponfe. Mais chargé comme je » fuis deveiller k vos intéréts, je » me crois en droit de vous donner » confeil; & je penfe que, fi vous » y confentez, on doit leur accorder » leurdemande. Nous nous épargna» rons des hafards, nous nous ferons i> de nos ennemis des troupes auxi■) liaires; c'eft une obligation k la- * quelle ils offrent de fe fonmettre : > ainfi, fans verfer une goutte de > fang, nous défarmerons cette fé- > rocité, fouvent funefte k nos fron- > tieres. Songez que vaincre un en- > nemi, ce n'eft pas feulement le > terraffer dans les batailles : la vic- > toire eft^ bien plus affurée, lorf- * qu'enchainé par fa volonté même, 1 il a fenti qu'on ne manquoit ni * de force pour 1'abattre, ni de clémence pour lui pardonner. Je vous le dis encore; foyez les arbitres de la paix. J'attends de vous la décifion; je vous confeille feüle-  du Bas-Empire. Liv. VUL 233 » ment d'acheter au prix de la mort dération tous les avantagès que » vous procureroit une viftoire , » peut-être fanglante. Ne craignez » pas que votre retenue foit foup» connée de foibleffe; elle ne pourra » que faire honneur a votre pru>> dence & a votre humanité ". Toute 1'armée applaudit k ce lache difcours, qui la rendoit arbitre de la paix & de la guerre, & fupérieure k l'Empereur même; elle approuva le projet de paix. Une raifon qui avoil fans doute échappé k Conftance, & qu'il n'auroit eu garde de faire va loir , contribua encore plus que tou le refte k déterminer les efprits : 01 étoit perfuadé,& Pexpérience du pafT ne 1'avoit que trop appris, que 1 fortune, toujours fidelle k Conftanc dans les guerres civiles, 1'abandon noit dans les expéditions étrangeres Le traité fut juré fuivant les forme qui étoient en ufage dans les deu nations , & l'Empereur retourna Milan. II avoit recu a Valence les pre mieres nouvelles de la mauvaife cor duite de Gallus. Outre les lettres d CONSTANCE. Ann. 3 f4». t l S c k xvin. _ Cruautés de Gallus. ^" Amm. I. e 14, f. io-- Liban. vit.  CONSTANCE. Ann. 3 J4. I I I I I J I < »34 H i s t 0 ir E' Thalaffe, Herculan, Officier des gardes , fils de cet Hermogene qui avoit été mis en pieces k Conftantinople dans une émeute populaire, & gendre du Lacédémonien Nicoclès, 1'un des maitres de Julien , homme rempli de probité & d'honneur, lui en avoit fait de vive voix un rapport fidele. Le Prince ne gardoit plus aucune mefure : tout 1'Orient fe reffentoit de fes violences; il n'épargnoit ni les Officiers les plus diftingués, ni les principaux des villes, ni le peuple. Dans un tranfport de colere, il condamna a mort, par un feul arrêt, plufieurs des premiers Sénateurs d'Antioche; paree que, dans ane difette publique, comme il vouoit mal-a-propos baifler tout-^-coup e prix des vivres, ils kii avoient rait a ce fujet des remontrances «pi )leflbient fa fierté; & il les eut tous :nvoyés au fupplice, fans la coura;eufe réfiftance d'Honorat, Comte 1'Orient. Le complot que PémifTaire le Magnence avoit tramé contre Galus, ayant été révélé par une pauvre emme, ainfi que je Pai raconté, -onftantine ne s'étoit pas bornée k  nv Sas-Empire. Liv. VIII. 235 ia récompenfer , comme il étoit raifonnable ; mais pour réveiller de plus en plus 1'émulation des délateurs, elle avoit affetté de la combler des plus grands honneurs, en la faifant promener dans un char, avec une pompe femblable a celle d'un triomphe. Les excès de Gallus n'étoient pas feulement 1'effet d'une fimplicité groffiere, comme Julien 1« voudroit faire entendre; on y découvre les traits d'une malice réfléchie. Un jour qu'il partoit pour Hiéraple, le peuple d'An tioche fe jettant k fes pieds, le fupplioit de ne pas quitter la ville, fan: avoir pris des mefures pour préve nir la famine , dont on fentoit déj; les approches. Gallus fe contenta d leur dire, en montrant Théophile Gouverneur de Syrië , qui fe trou voit auprès de lui : Je vous laijj celui-ci ; il ne tiendra qua lui quau cun de vous ne manque de pain. Cc paroles furent pour Théophile un at rêt de mort. C'étoit un homme d bien , dont Gallus vouloit fans doul fe défaire. Quelques jours après , difette s'étant fait fentir dans la vill CONSTANCE. Aan- 354» XIX. Mort de Théophile. Amm. /. 14, e. 7. Libun. vit. & or. 11. Hl. Af> ; J°P- i » S e e a -»  C'ONSTANCE. knn. 3 J4. J ( 1 ( i < 1 t I C ■v j n \ 8 P tl 23ö H l S T 0 I R E il s'éleva une querelle dans les jeux du cirque, ce qui étoit fort ordinaire. Quatre ou cinq miférables de Ia lie du peuple en prennent occafion de fe jetter fur Théophile : il eft afTommé de coups , foulé aux pieds, trainé par les rues. La populace furieufe court en même-temps' k la maifon d'EubuIe, Pun des premiers Magiftrats : fes grandes richefes étoient un crime impardonnable lux yeux d'une ville affamée.. II fe auve avec fon fils k travers une grêle le pierres, & va fe cacher dans les nontagnes voifines : on réduit en endres fa maifon qui égaloit en ma[nificence les palais des Princes. L'inlulgence de Gallus en faveur d'un' lomme juftement odieux, augmenta ncorele mécontentement. Sérénien, )uc de la Phénicie, avoit par laheté abandonnéune partie de Ia Proince aux ravages des Sarrafins. II fut ïndiquement accufé de crime de lefelajeflé. On le convainquit même d'aoir confulté un oracle, pour favoir il pourroit fe rendre maitre del'Emire. II fut abfous malgré Pindignaon publique.  dv £as-Emj>ïre. Liv. VI11. :j7 L'Empereur, inftruit tle ces défordres., avoit déja invité Gallus a fe rendre auprès de lui. Mais comme Ie Céfar ne paroilToit pas difpofé a quitter 1'Orient, Conftance prit !e parti de lui enlever adroitement les troupes , qui pouvoient dans 1'occafion appuyer fa défobéiffance. II lui écrivit qu'il craignoit pour lui les complots d'une foldatefque oifive, & il lui confeilla de ne eonferver que les foldats de fa garde. ThalafTe venoit de mourir : pour lui fuccéder dans la fondtion de Préfet, l'Empereur envoya Domitien. Celui-ci, fils d'un artifan , étoit parvenu a la charge d'Intendant des finances. 11 étoit déja avancé en age ; eftimable par fon défintérefTement & par fa fidélité ; mais dur & incapable d'aucun ménagement. Conftance le chargea d'engager avec douceur Gallus k venir a la Cour. II ne pouvoit plus mal choifir pour une commiffion fi délicate. Le Préfet, arrivé a Antioche, au-lieu de rendre vifite au Céfar, comme il étoit d{ fon devoir., afFeöe de paffer devant 1< palais avec un nombreux & bruyam cortege, & va droit au Prétoire. I TJUICK. Ann. 3 f4. XX. MalTatres de Domi«» tien & de Montius. Amm. 1. U. c 7Soc. Li, c 34. Soi.1. 4, c. 6. Philoji. 1. 3. <•• 2?» Acla Arte mii. Theoph. p, 34- Zon. 1.11, p. iS. TUI. net, 2?.  CONSTANCE. Ann. 354, 233 IJlSTOIRE s'y tient enfermé fous prétexte d'indifpofition, & paffe les jours & les nuits k corripofer contre Gallus des mémoires remplis de détails même inutiles, qu'il envoye a la Cour. Enfin, prefTé par les fréquentes invitations de Gallus, il vient au palais; mais dès qu'il appercoit le Prince : Céfar, lui dit - il fans autre compliment, parte^ comme on vous Cordonne; & fache% que fi vous différe^ , je vous ferai incejfamment retrancher les vivres , a vous & d votn maifon. Après un début fi peu ménagé, il fort brufquement & ne revient plus , quoiqu'il foit plufieurs fois mandé. Gallus, irrité de cette audace, ordonne a quelques-uns de fes gardes de s'affurer de la perfonne du Préfet. Montius Magnus, Tréforier de la Province, qui cherchoit a calmer les efprits, s'adreffe aux principaux Officiers de Gallus; il leur reprélènte d'abord les triftes conféquences qui peuvent naitre de cette animofité : mais prenant enfuite un ton de réprimande: Si vous entreprenet  CONSTANCE. Ann. 354. 246 HlSTOIRE cuifines. Je fuis porté k croire, fuivant le récit d'Ammien Marcellin, que ce jeune Prince, plus imprudent & plus féroce que politique & ambitieux, n'avoit pas encore concu ce deffein qnand il en fut accufé; & que ce fut cette accufation même qui lui en fit naitre une idee paffagere, lorfqu'il fe vit dans la néceflité d'expofer fa vie, ou de fe fouftraire a Pobéiffance. Quoi qu'il en foit, Conftance fut fi frappé de ce prétendu attentat, qu'il fe croyoit k peine en füreté au milieu de fa Cour : il tenoit de fréquents confeils, mais toujours la nuit, dans le plus grand fecret, avec fes confidents les plus intimes. II s'agifioit de décider fi Pon feroit périr Gallus dans 1'Orient même, ou fi on 1'attireroit en Italië, pour s'en défaire fans obftacle. On s'en tint au dernier parti, paree qu'il demandoit moins d'éclat & de forces, & que s'il ne réufliffoit pas, il laiffoit encore la reffource de Pautre. II fut donc arrêté que l'Empereur, par des lettres pleines de douceur & d'amitié , prefferoit Gallus de venir a Milan pour traiter avec lui d'une affaire im-  du Bas-Empire. Lh. VUL 247 portante, qui demandoit fa préfence. Mais les adverfaires d'Urficin, entre autres Arbétion, qui, de fimple , foldat, étoit devenu Général de la cavalerie en Occident, homme jaloux & ardent a nuire, & 1'Eunuque Eufebe encore plus méchant, repréfenterent : Que faire venir Gallus fans rappeller Urficin, c 'étoit laijfer en Oriënt un ennerni beaucoup plus dangereux & plus capable d'y caufer une rèvolution : que cet audacieux feroit appuyê de deux fils adorés des troupes pour leur bonne mine & leur adrejje dans les exercices militaires : que Gallus , quelque faroucke qu'il fut par caraclere, ne fe feroit jamais portè adefi coupables excès, s'il n'y tut été pouffè par des traitres, qui abufoient de fa jeunejfe, d deffein £ attirer fur lui l'exécration publique, & de faciliter d Urficin & a fes enfants 1'exécution de leurs projets. Ces difcoiirs envenimés trouvoient crédit dans 1'efprit de l'Empereur. II mande Urficin en termes très-honorables, fous prétexte de vouloir concerter avec lui les mefures a prendre contre les Perfes qui menac/nent de la guerre: & pour lui öter tout foup^on , il enL iv CONSTANCE. Inn. 3 54.  CONÏTANCE. Ann. 354. XXV. Mort de t Conftariti- , ne. Amm. I. \ 14. c. 11 , «W. 2l,erdre un moyen plus fur que la :alomnie; c'étoit de le louer a ourance; il ne Ie nommoit jamais que e grand Capiraine. Ces éloges perfiles produifirent leur effet : c'étoit 'aignr de plus en plus PEmpereur. 1 fut décidé dans un Confeil fecret, [u'Urficin feroit Ia nuit fuivante en' ïvé de fa maifon è petit bruit, pour e point allarmer les gens de guerre ont il pofiedoit le cceur; ék que ins_ forme de procés, on lui öteroit 1 vie. Tout étoit préparé; les aflaf-  nu Bas-Empire. Lh. VIII. 259 fins commandés n'attendoient que le moment de 1'exécution, lorfqu'il leur vint un ordre contraire. Conftance, adouci par la réflexion , contre fa coutume, avoit jugé a propos de différer. Julien n'avoit eu aucune part a la conduite de Gallus : mais ceux qui avoient contribué k la mort de fon frere , n'ofoient le laiffer vivre On lui fit un crime d'être forti du chateau de Macelle, & d'avoir entretenu Gallus a Nicomédie. Ce fut en vain qu'il prouva que l'Empereur lui avoit permis 1'un & 1'autre : on 1'arrêta; on lui donna des gardes qui le traiterent avec dureté. Ce jeune Prince, qui n'avoit de reffource qu'en luimême , obfervé fans ceffe par des regards malins, ne donna fur lui aucune prife. II garda un profond filence, & n'eut ni la lacheté de char ger la mémoire de fon frere poui flatter l'Empereur, ni 1'imprudena d'aigrir l'Empereur en juftifiant foi frere. Dans la recherche qui fut faite di tous ceux qui s'étoient prêtés aux in juftkes du Céfar, 1'argent décida ei COKSTAKCE. Ann. 35 4. XXXII. Et de Julien. Amm. ihid. Jul.adAth. Lib. ar. Ii. I : xxxiiï. . Pouvfus» tes des 1  CONSTANCE. Ann. partifans de Gallus Amm. ibid Viel. (fit 260 H I S T 0 I R E ' grande partie du fort des accufés. Plufieurs innocents furent punis, faute ■ d'avoir de quoi payer la juftice qui leur étoit due. Mais Gorgonius , Chambellan de Gallus, convaincu par fes propres aveux d'avoir fecondé & quelquefois confeillé les violences par 1'entremife de fa fille qui avoit grand crédit fur 1'efprit de Conftantine, trouva un fecours toujours afluré dans la protection des Eunuques qu'il fut mettre dans fes intéréts. Pendant que'ces jugements fe rendoient a Milan , une autre commifiïon établie a Aquilée ne procédoit pas avec plus d'équité. On avoit amené de 1'Orient en cette ville une troupe d'Officiers de guerre & de courtifans de Gallus, chargés de chaines, meurtris de leurs fers, accablés de fatigues & de mauvais traitements, refpirant a peine , & ne defirant qu'une prompte mort. On accufoit ceux-ci d'avoir contribué au maffacre de Domitien & de Montius. Arboriiu & 1'Eunuque Eufebe , tous deux également fourbes, injuftes & cruels, furent chargés de les entendre. Ces Commiffaires, fans autre  du Bas-Empire. Liv. PUI. 2.61 raifon que leur intérêt ou leur caprice , exilerent les uns, dégraderen! les autres, en condamnerent plufieurs au dernier fupplice , & revinrent avec confiance rendre compte de leurs jugements, qui furent approuvés, comme ils avoient été rendus, fans examen. D'un autre cöté , Mufonien , envoyé en Oriënt avec la qualité de Préfet du Prétoire, punifToit k Antioche le maffacre de Domitien & de Montius. Libanius dit que Conftance lui avoit expreffément recommandé d'ufer de la plus grande douceur , & que le Préfet fut fidele a fuivre cet ordre. On peut douter du premier de ces deux faits , paree qu'on eft certain de la faufleté de 1'autre. Mufonien étoit un politique, qui, dans les commencements de fa fortune, avoit montré beaucoup de douceur & d'humanité : il s'étoit fait aimei dans le gouvernement de PAchaïe, Mais au fond, c'étoit une amevénaU & injufte; il fe démafqua dans 1'occafion préfente ou Piniquité pouvoi 1'enrichir. Les vrais auteurs du maf facre laiflerent entre fes mains leui CONSTANCE. Ann. 354. XXXIV. Punition des habitantsd'Antioche. Amm. I. 14, 7, & l. 15, c. 13- Lib. vit. Cf or. 14. Phihfi. I. 4 , c. S.  CONSTANCE. Ann. 354. Ann. 355. XXXV. Feftin malheu- 262 II I S T 0 I R s patrimoine , & furent renvoyés abfous. II condamna en leur place de pauvres citoyens, dont plufieurs, loin d'avoir eu part k la fédition, n'étoient pas même alors dans la ville. Profper, qui commandoit les troupes comme Lieutenant d'Urficin , lache guerrier, mais hardi raviffeur, partageoit ces dépouilles avec le Préfet. Tandis que ces deux Officiers s'entendoient pour piller 1'Orient, il étoit encore défolé par les incurfions que les Perfes faifoient impunément, tantöt en Arménie, tantöt en Méfopotamie. La pourfuite des partifans de Gallus fut de longue durée : la faveur de ce Prince continua de fervir de prétexte contre ceux qu'on vouloit perdre : & quelques années après, ce fut une des caufes qui firent exiler Eudoxe, alors Evêque d'Antioche , & Pimpie Aëtius, qui, k l'égard de Gallus, n'étoit peut-être coupable que de Pavoir confirmé dans 1'héréfie. Les fonges étoient devenus des crimes : des paroles échappées dans 1'ivreffe, qui ne portent guere plus de réalité que des fonges, furent pu-  nu Bas-Empire. Liv. PM. 263 nies comme des attentats réfléchis. Africain, Gouverneur de la feconde Pannonie, donnoit un grand repas a Sirmium. Plufieurs convives, échauffés par le vin, fe croyant en liberté, fe mirent k cenfurer le gouvernement : les uns fouhaitoient une révolution ; les autres, dont 1'imagination étoit plus allumée, prétendoient en avoir des pronoftics indubitables. Un Agent du Prince, nomméGaudence, ftupide & étourdi, fe fit un grand fcrupule d'avoir entendu des propos de cette importance, fans aller a révélation. II va les déclarer k Rufin, chef des Officiers de la préfeöure ; celui-ci étoit une fangfue de Cour, détefté depuis long-temps pour fa malice. Rufin vole auflï-töt a Milan : il fait trembler le Prince. Conftance, fans délibérer, donne ï'ordre d'aller enlever Africain & tous fes dangereux convives. II récompenfe le délateur en lui prolongeant de deux années Pexercice de fa charge, dont il favoit faire un fi bon ufage. On dépêche deux Officiers des gardes, dont 1'un étoit un Franc, nommé Teutomer, pour fe faifir des conju- CONSTANCE. Ann. 3 j5. reux d'Africain. Amm. I. IJ,f. 3. Jul. ad Ath, ldaee.  CONSTANCE. Ann. 355, xxxvr. Guerre contre lei Allemands. Amm. I. I j, e. 4. TUI, not, 36. fif>4 HlSTOIRE rés qui avoient oublié leur crime. On les amene chargés de chaïnes. En paflant par Aquilée, pendant qu'on ie préparoit pour le refte du voyage, le Tribun Marin, un des prifonniers, homme vif & impétueux, qui fe reprochoit d'avoir bu & parlé plus que les autres, fe plonge dans le corps un couteau qu'il trouve fous fa main, & fe tue. Les autres font conduits a. Milan, appliqués k la queftion, & convaincus d'avoir tenu a table des propos criminels , dont ils ne fe fouvenoient plus. On les enferme dans des cachots, avec fort peu d'efpérance qu'on voulüt bien leur accorder la vie. L'Hiftoire ne dit pas ce qu'ils devinrent; elle ajoüte feulement que les deux Officiers furent condamnés a 1'exil, pour n'avoir pas empêché Marin de fe donner la mort; mais qu'ils obtinrent leur grace k la priere d'Arbétion , qui étoit alors Conful avec Lollien. Ces frivoles allarmes furent quelque temps fufpendues par de plus réelles que donnerent les Allemands. Ils infultoient la frontiere par des courfes fréquentes. L'Empereur entra  bu Bas-Empire. Liv. PM. 265 tra en Rhétie vers le mois de Juin, & fit marcher en-avant la meilleure partie de fon armee, fous le com- . mandement d'Arbétion, avec ordre de pénétrer jufqu'au lac de Brigantium, que nous nommons aujourd'hui le lac de Conftance, & de livrer bataille aux barbares. Arbétion envoya a la découverte; mais comme il continuoit fa marche fans attendre le retour de fes coureurs, il fe trouva fur le foir tout-a-coup enveloppé, & n'en fut averti que par une grêle de traits qui tomboient de toutes parts. Le Général perd la tête; toute 1'armée fe débande, & ne fonge qu'a fuir. La plupart s'étant fauvés a la faveur de la nuit par des fentiers étroits, fe rallierent au point du jour. On perdit en cette rencontre dix Tribuns, & un grand nombre de foldats. Les Allemands, fiers de cet avantage, venoient tous les matins, a la faveur d'un brouillard épais, infulter les Romains jufqu'aux portes de leur camp. Un détachement des troupes qui compofoient la garde du Prince, indigné de cette infolence, fortit pour les repouffer. On le Tomz IL M CONSTANCE. Inn. 3JJ.  CONSTANCE. Ann. 555. XXXVII Comploi contre Sylvain. üG6 HlSTOIRE recut avec tant de vigueur , qu'il fut obligé d'appeller du fecours. La plupart des Officiers, encore effrayés de leur défaite , & Arbétion lui-même, n'étoient pas en humeur de s'expofer a un nouvel affront. Mais trois Tribuns, Arinthée, Séniauque & Bappon , ne voulant pas laiffer tant de braves gens a la merci de 1'ennemi, volent k leur fecours, fuivis de leurs foldats que leur exemple animoit : après avoir déchargé leurs traits, ils fondent tête baiffée fur les Allemands; fans garder aucun ordre de bataille, & difperfés par pelotons, ils enfoncent tout ce qu'ils attaquent; ils taillent en pieces tout ce qui leur réfifte. Alors ceux qui n'avoient ofé prendre part a ce combat, s'empreflentde partager la viöoire ; ils fortent en foule du camp; ils terraffent ce qui refte d'ennemis. Cette aöion termina la guerre. Conftance revint a Milan tout glorieux d'un fuccès, qui n'étoit du ni a fa bonne conduite, ni k celle de fon Général. La paix qui fuivit fut plus funefte a l'Empereur que ne 1'avoit été la guerre. Les fourbes, dont il étoit le  nu Bas-Empirb. Liv. F1IL 267 jouet, penferent renverfer fa puiiTance: ils le mirent dans la néceffité de perdre, pour conferver fon diadême, celui de fes fujets qui étoit le plus capable de le foutenir. La Gaule, abandonnée aux pillages, aux maffacres , aux incendies, étoit depuis longtemps la proie des barbares. Sylvain, Général de 1'infanterie , qui, depuis la bataille de Murfe, avoit en toute occafion fignalé fa fidélité & fa valeur, y fut envoyé comme très-propre a rétablir dans cette belle Provincela paix & la füreté. Les Francs, defquels il tiroit fon origine, redoutoient fa bravoure. Arbétion, a qui fon mérite faifoit ombrage, avoit travaillé lui-même alui procurer ce commandement, dans le deffein de le détruire plus aifément en fon abfence, Aufïi dès que Sylvain fut parti, pendant que ce Général parcouroit la Gaule, chaffant devant lui les barbares , le traitre mit en jeu les mêmes reflbrts dont on s'étoit fervi pout hater la perte de Gallus. Mais ce politique , auflï rufé que méchant, fe contenta d'avoir donné le premieï mouvement a la machine ; il fe déM ij CONSTANCE. Ann. JS5- Amm. I. 15. «■ ïJuLadAth.  COKSTANCE. Ann. 35 j. 2Ö8 HlSTOIRS roba enfuite habilement, laiffant a d'autres la conduite de toute 1'intrigue, qui ne fut jamais parfaitement éclaircie. On jugea par conjedture qu'il avoit fait agir en fa place Lampade , Préfet du Prétoire d'Italie , & que celui-ci avoit fuborné Dyname. Ce qu'il y a de certain, c'eft que ce Dyname, qui n'avoit pas d'emploi plus relevé que celui de tenir le regiftre des écuries du Prince, feignit de s'attacher a Sylvain, & le fuivit en Gaule. A peine y fut-il arrivé, qu'il fuppofa une affaire qui le rappelloit a Ia Cour. II obtint du Général des lettres de recommandation adreffées k fes amis, & k fon retour il les dépofa entre les mains de la cabale. Elle étoit, a ce qu'on a cru dans la fuite , compofée du Préfet Lampade, d'Eufebe, qui avoit été Intendant du domaine, décrié pour fa fordide avarice, & d'Edefe, qui avoit eu la charge de Secretaire d'Etat. Voici 1'ufage qu'on trouva bon de faire de ces lettres; on effaca tout hors la fignature, &c on les remplit de propos qui fuppofoient une confpiration déja formée : Sylvain, en  du Bas-Empire. Liv. VUL 269 termes couverts, prioit les amis qu'il avoit a la Cour, & plufieurs autres encore, de lui prêter la main dans la haute entreprife qu'il avoit projettée; qu'il feroit bientöt en état de les payer de leurs fervices. Ces lettres, tracées par 1'impofture, furent remifes au Préfet: oelui-ci, d'un air empreffé, fe fait introduire de grand matin dans Fappartement du Prince. Conftance, toujours avide de ces fortes de recherches , prend auffi - tot Pallarme : on tient confeil, on fait la leöure des lettres; on donne des gardes aux Tribuns qui y étoient nommés; on envoye chercher dans les Provinces les prétendus conjurés , qui ne fe trouvoient pas a la Cour. Malaric , Officier Franc , & Commandant de la garde^étrangere, faifoit grand bruit avec fes collegues fur 1'iniquité de ce procédé. II crioit hautement que c'étoit une chofe indigne d'abandonner a la calomnie des gens d'honneur , qui fe facrifioient pour le falut de 1'Empire. II propofoit de laiffer en ötage, entre les mains de l'Empereur, fa femme & M iij CONSTANCE. Ann. 35 y. XXXVIII Découverte de rimpofture.  COKSTANCE. Ann, 3jj. 0.7O HlSTOIRE fes enfants, & d'aller, fous la caution de Mellobaude , chercher Sylvain , qui n'avoit affurément jamais fongé a ce que des fourbes lui imputoient ; ou fi Pon aimoit mieux confier cette commiflion a Mellobaude , il s'offroit a refter dans les fers pour lui fervir de caution : Si l'on tnvoye tout autre, que l'un de nous deux, ajoutoit-il, je ne rèponds pas du parti que pourra prendre Sylvain, naturellement impatient, & aujji peu accoutume aux maneges de Cour, qu'il ejl intripide dans les dangers de la guerre. Ces avis étoient fages, mais ils furent inutiles. Arbétion fit envoyer Apodême, le fléau de tous les gens de bien. Cet homme pervers, loin d'ufer des ménagements qu'on lui avoit recommandés d'employer, ne rend point de vifite au Général; il ne lui donne aucune connoiffance de 1'ordre qui le rappelloit k la Coun. De concert avec le Receveur du domaine, il affedte de traiter les clients & les efclaves de Sylvain , comme ceux d'un homme profcrit, & pret k monter fur 1'échafaud. Pendant qu'il travailloit en Gaule k pouffer a bout  du Bas-Empme. Liv. VIII. 271 Sylvain, la cabale de la Cour ne reftoit pas oifive. Dyname, pour appuyer fon impofture par de nouvelles preuves, avoit contrefait des lettres de Sylvain & de Malaric, au Commandant de 1'arfenal de Crémone : ils le fommoient de fe mettre en état de fournir au premier jour tout ce qu'il avoit promis. Cette feconde fupercherie décela la première. Le Commandant, ne comprenantrien a cette dépêche, la renvoye k Malaric , le priant de s'expliquer plus nettement. Malaric, qui, depuis le départ d'Apodême, attendoit dans une douleur profonde la perte de Sylvain & la fienne, réveille par cette lettre , la communiqué aux Francs, qui rempliffoient alors beaucoup d'emplois a la Cour : il éleve fa voix; il triomphe de la découverte. L'Empereur, en étant inftruit, ordonne une nouvelle information pardevant les Juges de fon Confeil, & tous les Officiers de guerre. Les Juges , pour ne pas commettre leur infaillibilité, daignoient k peine jettei la vue fur la prétendue lettre de Syl vain qu'ils avoient déja eue fous le M iv CONSTANCE. Ann. 355. XXXIX. Jugement des coupables. , Amm. ibhK TUI. art. ; 35.  CoNSTANCE. Ann. 355. XL. Révolte de Sylvain.Am,m. ibid. Jul.adAth. & or. 1 ,2. Hier, thr. 171 TllSTOIRg yeux. Mais Florence, fils de Nigrinien, & Lieutenant du Grand-Mairre des Offices, la confidérant avec plus d'attention, découvrit des traces de la première écriture, & dévoila toute la fourberie. L'Empereur, ayant enfin entr'ouvert les yeux , commence par dépofer le Préfet du Prétoire; il ordonne qu'il foit appliqué a la queftion : mais les amis du Préfet obtiennent la révocation de cet ordre. Eufebe & Edefe fouffrirent la torture; le premier s'avoua complice ; 1'autre perfifta dans la négative, & fut déclaré innocent. L'afFaire n'eut pas d'autre fuite. Le Préfet fut feul puni par la perte de fa charge. Lollien, déja Conful, fut mis en fa rdace. Dyname, qui méritoit mille morts, fut récompenfé comme un fujet de grande reffource pour les coups d'Etat; on lui donna le gouvernement de la Tofeane. Sylvain étoit a Cologne, oü il apprenoit tous les jours quelque nouvel outrage que fes gens recevoient d'Apodême. II ne douta plus qu'on ne Peut ruiné dans Pefprit de l'Empereur , & qu'il ne fut bientót con-  nu Sas-Empire. Liv. FM. 273 damné, felon 1'ufagé de Conftance, fans être entendu. Craignant moins les barbares qu'une Cour corrompue, il fongea a fe jetter entre leurs bras. Mais le Tribun Laniogaife, cet homme fidele, qui, feul, avoit accompagné Conftant jufqu'au dernier foupir, lui repréfenta que les Francs ne manqueroient pas de le_ faire péril comme un compatriote infidele , ou de le vendre a fes ennemis. Sylvain, au défefpoir, crut que 1'unique moyer qui lui reftoit d'éviter la peine di crime dont on 1'accufoit fauffement étoit de le commettre. II gagne fecretement a force de promeffes le premiers Officiers ; & ayant aflem blé les troupes, il arrache la pour pre d'un drapeau, s'en enveloppe §C fe fait proclamer Empereur. Cette nouvelle arrivé qiielque jours après a Milan, a 1'entrée de 1 nuit. Conftance, frappé comme d'u coup de foudre, affemble fur le cham le Confeil: la crainte avoit glacé U cceurs ; on fe regardoit fans ouvn aucun avis. Le filence fut enfin ron pu par>'un murmure général : tous 1 difoient a Foreille qu'Urficin éto M v CONSTANCE. Ann. 35 f." Aur. na. via. Epit. Eutr. 1.10. Zon. 1. i/, f. 19. [ [ J 5 XLT. j Urficin envoyé 1 contre j Sylvain. g Amm, ibid, r 'e tt  CONSTANCE. Ann. 355. \ 274 II I S T 0 1 R £ feul en état de rétabür les affaires; qu'on avoit eu grand tort de 1'outrager par des loupc;ons injurieux. L'Empereur, frappé de ces réflexions, & les faifant lui-même, mande Urficin par l'introdu£teur de la Cour; c'étoit 1'inviter de la maniere la plus diftinguée : il le recoit avec honneur & amitié : celui qui n'étoit quelques jours auparavant qu'un féditieux & un rebelle, eft maintenant la reffource & Pappui de 1'Empire. Les ennemis d'Urficin qui 1'étoient également de Sylvain, applaudiffoient eux-mêmes a ce choix; & pour cette fois leur joie étoit fincere : car en mettant aux prifes ces deux Capitaines, ils ne pouvoient manquer de trouver dans la perte de Pun de quoi fë confoler du fuccès de Pautre. Urficin vouloit fe juffifier avant que de partir : l'Empereur lui repréfenta avec douceur que, dans un périt fi preffant, il n'étoit pas queftion d'é:Iairciffement ni d'apologies, mais de réconciliation & de concorde pour :oncourir unanimement au falut de 'Etat. On dreffa le plan qu'Urficin ievoit fuivre; & pour faire croire a  m Bas-Empihe. Liv. PUL *75 Sylvain que la Cour n'étoit pas inftruite de fa rébellion, Conftance lui manda en termes très-affe£hieux,qu'd étoit fatisfait de fes fervices; qu'il lui confervoit tous fes titres, & qu'il lui adreffoit fon fucceffeur pour 1'inftaller dans le commandement. On fait aufli-töt partir Urficin avec dix Tribuns & Officiers des gardes, qu'il avoit demandés pour le feconder dans fa commiffion. L'Hiftorien Ammien Marcellin étoit de ce nombre. Le Général fortit de Milan avec un grand cortege , qui Paccompagna fort loin hors de la ville; & quoiqu'il fentït bien que fes ennemis regardoient cette pompe comme celle d'une victime qu'on envoye au facrifke, il ne pouvoit s'empêcher d'admirer la rapiditc des révolutions humaines, en conv parant 1'état brillant dans lequel ^i paroiffoit alors, avec le péril qu'i avoit couru quelques jours aupara vant. II faifoit une extréme diligence cepé*hdant il fut prévenu par larenom mée. Arrivé a Cologne, il trouva Sy' vain trop bien affermi, pourpouvo êtreabattu par la force. Les mécoi M vj CONSTANCE. Ann.'35 5' l l : XLïï. . Déguife- ment * d'Urficin. r 1-  CONSTANCE. Ann. 3jj ; | 2?6 // I S T O I K E rents accouroient en foule de routes les Provznces, & s'empreffoient d'offnr leurs fervices. Sylvain avoit déja une nombreufe armée. Urficin, foit qu on lm eut difté cette Iecon , foit qu il crut que Ia fourberie ceffe de trnqUai!d elle s'emP^ye contre un rebelle , fir alors un perfonnage bien oppofe a cette noble franchife qu'on lui attnbue. Pour endormir Sylvain & 1 amener infenfiblement k fa perte, il feignit d'entrer dans toutes fes vues, &d'époufer toutes fes paffions. Ce roie etoit difficile k foutenir : ït avoit affaire k un homme clairvoyant : il lui fallut& beaucoup de ioup.effe pour plier fous la fierté d'un maured'autantplus jaloux de fa puif*ance, qu'elle éroit moins Iégitime, beaucoup de circonfpeftion pour cornpaffer toutes fes démarches : au moindre foupcon de déguifement, il 2toit perdu lui & Jes fienS. II réuffit ians ce manege trop bien pour 1'honleur de fa vertu. En peu de temps, il pgna_ entiérement la confiance* de »y)vain; il étoit de tous fes repas, ie tous fes confeils. Silvain 1'affoiou afesmécontentements; les dif-  nu Sas-Empire. Liv. FM. 277 graces d'Urficin fondoient une partie de fes reproches : N'efi-il pas indigne, répétoit-il fouvent en public a & en particulier, qu'on alt prodigué les Confulats & les premières dignités de tEmpire, d des hommes fans mérite ; tandis que de tant de travaux nous n'avons, Urficin & moi, remporté £ autre rêcompenfi, que d'être l'un traité en criminel d'Etat, l'autre trainé du fond de /'Oriënt pourfervir de bul aux traits de la calomnie ? Le moment arriva qu'il falloit ou fe défaire de Sylvain, ou marcher fous fes étendards. Le pays étoit épuifé, & le foldat qui commencoit k manquer de vivres, murmuroit déja , & demandoit le pillage de PItalie. Dans cette crife, Urficin, après avoir cent fois changé d'avis, fe détermina k tenter quelques Officiers , qu'il favoit être mécontents du Général, & dont il connoiifoit la difcrétion & la dextérité. Après avoir exigé leur ferment, il leur fait part de fon deffein: c'étoit de gagner par leur entremife un corps de Gaulois & d'IIlyriens, dont la fidélité ne tiendroit pas contre des fommes répandues k pleines CONSrANCE. nn. 35 5. XLIIÏ, Mort de ylvain.  CONSTANCE. Ann. 35 j. XLIV. Joie de Conftance, 278 HlSTOIRÊ mains. Ces Officiers mirent en oeuvre de fimples foldats , qui, couverts de leur obfcurité, diftribuant a propos 1'argent & les promeffes, débaucherent en une feule nuit un grand nombre de leurs camarades. Au lever du foleil, ils s'attroupent, Sc formant un bataillon , ils forcent 1'entrée du palais, égorgent la garde, pourfuivent Sylvain dans une chapelle oü il s'étoit réfugié, & le percent de mille coups. Urficin lui-même & tout 1'Empire pleura ce brave Capitaine, q.'.e la calomnie avoit précipité dans le crime, en perfécutant fon innocence, & que la noirceur de fes ennemis rendroit excufable, fi aucun motif pouvoit excufer la révolte contre le légitime Souverain. II ne porta la pourpre que vingt-huit jours. Quelques jours avant la mort de Sylvain, le peuple affemblé k Rome dans le grand cirque, s'étoit unanimemerit écrié : Sylvain ejl vaincu. L'hiftoire nous fournit plufieurs exemples de ces preflentiments populaires,produits par le defir 8c par 1'efpérance, & que la fuperftition voudroit faire pafler pour des révélations furnatu-  du Bas-Empirr. Liv. VUL 279 relles. La nouvelle de cette mort fut : pour Conftance un fujet de triomphe. II ajouta ce nouveau titre de vi&oire aux profpérités dont il fe vantoit. Sa vanité croiffoit fans mefure par les hyperboles de la flatterie : c'étoit un art que le Prince encourageoit de plus en plus, en méprifant Sc en éloignant de fa perfonne tous ceux qui ne le favoient pas. II ignoroit fans doute que la louange n'eft d'aucun prix pour ceux auprès defquels le blame eft criminel, Sc le filence dangereux. Aufli avare d'éloges pour les autres qu'il en étoit avide pour luimême, loin d'en accorder au fuccès d'Urficin , il ne lui ,écrivit que pour fe plaindre qu'on eut détourné une partie des tréfors dont Sylvain s'étoit emparé: il ordonnoit d'en faire une recherche, Sc d'appliquer a la queftion un Officier nommé Remi, chargé de la caifTe militaire. Les informations prouverent que perfonne n'avoit touché a ces tréfors. Après la mort de Sylvain, on pourfuivit fes prétendus complices, On mit aux fers tous ceux qu'on voulut foupsonner, 6c les délateurs CONSTAIS'CE» A.nn. 355. XLV. Punirior des ami: de Syl-. vain,  CONSTANCE. Ann. 3 $5. Amm. I, IJ, c. 6. Jul, or. I, 2. 28® H I S T 0 I R £ fïrent très-bien leur devoir. Proculus, Officier de la garde de Sylvain, fe fignala par fon courage. II étoit d'une foible complexion. Dés qu'on le vit expofé a la torture, on craignit que la rigueur des tourments ne le fit mentir aux dépens de beaucoup d'innocents. Mais la probité lui prêta des forces : la plus violente torture ne lui arracha aucune parole qui put nuire a perfonne ; il perfifta même a juftifler Sylvain, proteftant que la nécefïité feule 1'avoit forcé a la révolte ; il le prouvoit en faifant remarquer que cinq jours avant que de prendre le titre d'Augufte, ce Général avoit payélamontre aux foldats au nom de Conftance , & qu'il les avoit exhortés a continuer d'être braves & fideles. Pémene, qui avoit fi bien défendu contre Décence la ville de Treves, Afclépiodote & deux Comtes Francs, Lutton & Mandion, furent mis a mort avec plufieurs autres. Cependant on épargna les jours du fils de Sylvain encore enfant, & le généreux Malaric échappa a cette fanglante profcription. Dans ce même temps, Léonce,Pré-  nu Bas-Empire. Liv.VUL 281 fet de Rome, faifoit un meilleur ufage de la févérité néceffaire contre des féditieux. C'étoit un Juge irréprochable, toujours prêt k donner audience, équitable dans les jugements, naturellement doux & bienfaifant, mais ferme & inflexible quand il falloit maintenir &venger 1'autorité publique. Le peuple fe fouleva d'abord contre lui pour un fujet trés-léger. Léonce faifoit conduire en prifon un coeher du Cirque, nommé Philorome. Toute la populace, dont ce miférable étoit Fidole, fe mit k le fuivre en tumulte, & k menacer le Préfet, croyant 1'intimider. Mais ce Magiftrat intrépide fit faifir les plus mutins; & après leur avoir fait donner la torture fans que perfonne ofat les défendre , il les condamna au banniffement. Peu de jours après, la fédition fe ralluma , fous le prétexte que la ville manquoit de vin. Au premier bruit de cette émeute, le Préfet , malgré les inftances de fes amis & de fes Officiers, qui le conjuroiem de ne pas s'expofer k la fougue d'une multitude forcenée & capable de! plus extrêmes violences, va droit ï la place oü le peuple étoit affemblé €ons- tance. A.nn. 355. XL VI. Intrépidité de Léonce, Préfet de Rome. Amm. U 1S . c. 7.  CONSTANCE. Ann. 35J. ) I 1 ( < 1 i I i i t F 1, d d t( fi XL VII. Conftance jette a 2§2 H 1 S T O I R E La plupart de fes gens prennent I'épouvante & 1'abandonnent. Pour lui, refté prefque feul, mais plein d'affurance au milieu des regards furieux Sc des cris de cette populace enragée, il recoit fans s'émouvoir toutes leurs njures; Sc du haut de fon char pronenant fes yeux fur cette foule imnenfe, il reconnoit a fa grande taille in homme qu'on lui avoit défigné :omme le chef des féditieux : il lui lemande s'il n'eft pas Pierre Val'omer : celui - ci lui ayant répondu vee infolence, que c'étoit lui-mêr»e; le Préfet, malgré les clameurs, Ie ait faiur, lier & étendre fur le chevaït. En vain ce fcéiérat appelle-t-il du ïcours, le peuple prend la fuite a ce leftacle, & lailTe fon chef dans les surments qu'on lui fit foufFrir fur la lace même, avec autant de liberté ue dans une falie de juftice. Léonce : relégua enfuite dans la Marche 'Ancone, ou Patruin, Gouverneur e la Province, le fit mourir peu de !mps après, pour avoir forcé une Ue de condition. Urficin étoit refté dans Ia Gaule fee le titre de Commandant. Mais  nu Bas-Empire. Liv. FIH. 2S3 i'armée de Sylvain s'étoit diflipée après ia mort : & comme. on n'avoit envoyé Urficin dans cette Province que pour faire périr Sylvain ou pour périr lui-même, ce qui étoit prefque indifférent a la Cour , les ennemis de ces deux braves Capitaines, fe voyant délivrés de 1'un, ne fongeoient plus qu'a traverfer les fu'ccès de 1'autre. Conftance, qu'ils gouvernoient fans qu'il s'en appercut, aimoit autant laiffer la Gaule a la merci des Barbares, que de donner des forces & un Général qui lui étoit fufpedf. Ainfi les Francs, les Allemands , les Saxons ne trouvoient plus d'obftacle : ilsavoien1 pris 6c ruiné le long du Rhin quarante-cinq villes, dont ils avoient emmené les habitants en efclavage : il: occupoient fur la rive gauche di fleuve depuis la fource jufqu'a Pernbouchure , une lifiere de plus d< douze lieues de large; 8c ils avoien dévafté trois fois autant de terrein on n'ofoit plus y faire païtre les trou peaux. II falloit femer 6c labourei dans 1'enceinte des villes, 6c les moif fons qu'on y recueilloitfaifoient touti la fubfiftance des habitants. L'allarnn CONSTAN CE. Ann. 355. les yeux fur Julien pour le faire Céfar.Amm. 1, iï„>. 8. Zof. I. 3. Jul. ad Ath. Lib.or. iZc  CoNSTANCE. Ann. 35 5. XLVIII. ' Etudes de Julien. -, Jul. ep. 41. Lib. or. 5 , 1 12. I Eunap, in \ Max. Soc. I. 3 , * c i. i %./. 5, , s. 2. s§4 H i s t o i n e fe répandoit encore plus loin que Ie ravage, & plufieurs villes de 1'inténeur du pays étoient déja abandonnees. Dans le même temps, les Quades &lesSarmates infeftoientlaPannonie & la haute Méfie. L'Orient, refté fans chefs depuis le départ de Gallus, étoit infulte par les Perfes. Conftance ne favoit quel parti prendre. D'un cöté, il croyoit fa préfence néceflaire en Itahe ; de 1'autre, fa défiance naturelle & Pexemple des prétendus projets de Gallus, lui perfuadoient que partagerfapuiffance, c'étoit s'en dépouilIer. Cependant 1'Impératrice Eufébie vint a bout de calmer fes craintes, Sc de le déterminer a revêtir Julien ie la pourpre des Céfars. Avant que ie dévelopqer cet événement, il eft i propos de reprendre 1'hiftoire de :e Prince depuis 1'élévation de Gallus. Julien, forti du chateau de Marcelle, lemanda la permiftion d'allerè Confantinople, pour y perfeöionner fes :onnonTances. Conftance , qui avoit ntérêt d'occuper cet efprit vif & rdenr, y confentit volontiers. Mais l ne lui permit d'écouter que des tiaïtres Chrétiens. II lui propofoit  du Bjs-Empihe. Liv. VIII. 285 lui-même quelquefois des fujets de déclamation. Le jeune Prince , fimple dans les habits, fans fuite & lans équipage, s'abaifTant au niveau de fes camarades, fréquentoit les écoles des Rhéteursèk des Philofophes. Cette modeftie, loin de Pobfcurcir, fervoit de luftre a fes talents. Comme il parloit familiérement a tout le monde, tout le monde aimoit a parler de lui; on louoit la beauté de fon génie, la bonté de fon cceur; on s'accordoit a dire qu'il étoit digne du diadême. Ce grand éclat ne tarda pas a bleffer les yeux de Conftance: il lui ordonna de quitter Conftantinople , & de fe retirer a Nicomédie, ou en tel lieu de 1'Afie qu'il voudroit choifir. Libanius, fameux Rhéteur, enfeignoit alors a Nicomédie : c'étoit un des plus ardents défenfeurs du paganifme. Conftance défendit a Julien de 1'aller entendre ; & le Rhéteur Ecébole , fous qui le Prince avoit étudié a Conftantinople, alors Chrétien., Payen enfuite , & dont la Religion tournoit au gré de la Cour, lui fit jurèr a fon départ, qu'il ne prendroit pas les lecons de Libanius. Ju- CONSTANCE. Ann. 3 5 j.  constance. Ann. 355 XLIX. 11 fe livr a la magi & a 1'ido latrie. Jul. ad Them. & or. 4, & tp. 51. Lib. or. 4 j, io. Grcg. Na: or, 3, a36 Histoirb lien n'ofa, k ce qu'il dit lui-même, violer ce ferment; mais il ne fe fit pas de fcrupule de 1'éluder. II recueilloit & étudioit fecretement les ouvrages de ce Rhéteur, qu'il admiroit : en quoi affurément il lui faifoit trop d'honneur. Son efprit fouple & docile en prit une fi forte teinture, qu'il y perdit beaucoup de cette noble & énergique fimplicité qui fied a un Prince; & qu'il fe pénétra de toute la pédanterie de fon modele, comme on le voit par fes ouvrages. Mais un magicien, caché a Nicomédie pour éviter la rigueur des loix , fit bien plus de mal a Julien; il empoifonna fon cceur d'une curiofité criminelle & infenfée pour ce qu'on appelle les fciences fecretes. L'Afie étoit alors infeftée d'une : fecte de graves charlatans, qui fai[ foient un mélange monftrueux des opinions de Platon avec les fuperftitions de la magie. C'étoient des fourbes qui firent de Julien un fanatique. Ils trouverent dans fa vertu mélan» colique , une matiere toute préparée . & prompte k s'allumer. II devint Aftrologue, Théurgifte, Nécromancien.  du Bas-Empire. Liv. VIII. 287 ïl alla a Pergame confulter Edefe : il y fit une étroite liaifon avec Maxime d'Ephefe, Chryfante de Sardes , Prifque d'Epire , Eufebe de Carie , Iamblique d'Apamée, tous difciples de ce prétendu fage. Ces impofteurs s'entendoient k fe vanter mutuellement, a flatter le jeune Prince, & a lui promettre 1'Empire. Edefe étoit le chef de la cabale; Maxime en étoit 1'oracle : fa naiffance, fes richeffes, fon éloquence d'enthoufiafte, fon extérieur majeftueux & compofé, le ton de fa voix concerté avec le mouvement de fes yeux, fa barbe blanche & vénérable , aidoient infiniment a la féduöion. Julien 1'alla trouver a Ephefe. Maxime captiva entiérement 1'efprit du nouveau profélyte ; il 1'initia k fes myfteres par des cérémonies effrayantes , dont 1'imprefïion réelle grave profondément les plus abfurdes chimères. II le mit en relation avec les démons ; & ce fut, feIon Libanius, a cet heureux commerce que Julien fut dans la fuite redevable de tant de fuccès. Ces génies officieux, dit le fophifte aufïi vifionnaire que fon héros, le fer- CoNSTANCE. Ann. 355. Eun. in Max. Soc. I. 3 C. I. Theod. 1, 3, 3- Soi. 1.5 ; C 2.  r. CONSTANCE. Ann. 355. F 283 Histois.e voient en amis fideles; ils Ie réveilloient dans fon fommeil; ils 1'avertifToient des dangers ; c'étoit avec eux qu'il tenoit confeil; ils le guidoient dans toutes les opérations de la guerre , quand il étoit a propos de combattre , d'aller en-avant 011 de faire retraite; ils dirigeoient fes campements. Ce qu'il y a de vrai, c'eft que Julien, ébloui des preftiges de Maxime, renonca entre fes mains a la Religion Chrétienne, contre laquelle fon cceur étoit depuis longtemps révolté. II étoit alors agé de vingt ans. II choifit le foleil pour fon Dieu fuprême. Nous avons de lui un difcours adreffé k Sallufte, oü il repréfente cet aftre comme le pere de la nature, le Dieu univerfel, le principe des êtres intelligibles & fenfibles. Entêté de ces vaines idéés, il devint un dévot extatique de Pidolatrie; il y mettoit fa félicité ; il gémilToit fur les ruines des temples & des idoles; il defiroit ardemment de la remettre en honneur, & il difoit a fes amis qu'il rendroit les hommes heureux s'il parvenoit jamais a la puifTance fouyerai- ne.  nu Bas-Empirb. Liv. VUL 289 ne. Gallus fut allarmé de ces nouvelles; il lui envoya Aëtius, afin de le ionder. II ne fut pas difficile a Julien de tromper Aëtius ; il n'eut befoin , pour lui paroïtre parfait Chrétien , que d'afFe&er un grand zele pour la caufe de PArianifme. Mais il ne lui étoit pas fi aifé d'en impofer h Conftance, qui étoit averti de fes difcours, & que la jaloufie rendoit clairvoyant. Julien porta 1'hypocrifie jufqu'a fe faire rafer, prendre 1'habit de Moine, & remplir a Nicomédie les fonöions de Leaeur. D'ailleurs, il pratiquoit toutes les vertus civiles : tant qu'il fut en Afie, il s'y fit eftimer par fon empreflement a faire du bien ,^ n'épargnant ni dépenfes , ni fatigues pour fecourir les malheureux, & pour défendre les intéréts de la juftice même contre fes parents & fes amis. Après la difgrace tragique de fon frere, on s'affura de fa perfonne , comme je 1'ai déja raconté ; & il vé cut dans une efpece de captivité pendant fept mois, dont il paffa la plu; grande partie a Milan. L'Eunuqiu Eufebe avoit juré fa perte : mais Hm- Tornt II. N CONSTANCE. A.aa. 35 5» L. Etat dc Julien a prés la mort de Gallus. ' Jul. ai ' Ath. £• a , Them. £• or. 3.  COKSTANCE. Ann. 355. Lib. or. J, 12. Greg. Na[. er, 4. 590 HfSTOI&S pératrice Eufébie, eut pitié de fon infortune. Elle engagea fon mari k ne le pas condamner fans 1'entendre; elle rafïïira Julien, & le préfenta k l'Empereur. Conftance ne 1'avoit encore vu qu'une fois, en Cappadoce: il le recut affez favorablement, & lui promit une feconde audience. Mais 1'eunuque , craignant que l'Empereur ne fe laiffat attendrir k la voix du fang & de 1'innocence, vint k bout de Pempêcher. Tout ce que fa prote£trice put obtenir en fa faveur, ce fut la liberté de retourner fur les terres de fa mere en Bithynie ou en Ionie. Pendant qu'on préparoit fon voyage, il alla paffer quelques jours k Comeprèsde Milan. Mais fur la faufTe nouvelle qui fe répandit alors de la révolte d'Africain , Conftance changead'avis; il vouloit le retenir, & ce ne fut qu'avec peine qu'Eufébie obtint qu'il iroit en Grece, On regarda même ce voyage comme un exil, paree que Julien n'avoit en ce pays ni terres, ni maifon. Pour lui, il préféroit le féjour de la Grece k celui de la Cour : c'étoit la patrie de fes dieux, la fcene oü fon imagina-  du Bas-Empi&e. Liv. VIII. 291 tion prenoit plaifir k s'égarer. D'ailleurs , il efpéroit trouver k Athenes les maitres les plus habiles, &, ce qui redoubloit fon empreffement, des magafins fupérieurs , même k ceux de 1'Alie. Athenes étoit encore la plus floriffante école de 1'Univers. On commen?oit les études k Céfarée de Paleftine, a Conftantinople, a Alexandrie; on alloit les achever k Athenes. L'émulatioh y dégénéroit en cabale; & Pavarice autant que la gloire animoit les profeffeurs. Chacun d'eux avoit fa fadtion. On arrêtoit fur toutes les avenues, dans tous les ports, a tous les paffages, les écoliers qui arrivoient d'ailleurs; on fe les difputoit avec chaleur; & les plus forts les entrainoient aux écoles dont ils étoient partifans. Julien y arriva vers le mois de Mai de cette année : il n'y refta que quatre ou cinq mois. Son favoir excita bientöt 1'admiration. Les jeunes gens &£ les vieillards, les Philofophes & les Orateurs s'empreffoient de 1'entendre. Les Payens furtout s'attachoient k lui par une fecrete fympathie : ils lui fouhaitoient N ij CONSTANCE. Ann. 355. LI. Julien a Athenes. Liban. or. 5 . 12Greg. Na^. or. 4, 20. Bafil. cp. 41. Amm. I. 25, c. 4. Eun. in Max. Via. Efit.  CONSTANCE. Ann. 3 5 5 292 HlSTOlRg 1'Empire ; ils offroient même en particulier des facrifices, afin de 1'obte. nir pour maitre. Mais Saint Grégoire & Saint Bafile, qui fréquentoient alors les écoles d'Athenes, formoient des vceux tout contraires. Julien étudia avec eux les livres faints,& c'eft un des reproches dont Saint Bafile le foudroye dans les lettres qu'il lui écrivit avec tant de liberté, lorfque devenu Empereur , il fe fut déclaré 1'ennemi du Chriftianifme. St. Grégoire , qui devoit un jour lancer contre lui les traits de la plus forte éloquence, jugeant dès-lors de ce jeune Prince par 1'extérieur , n'en auguroit rien que de finiftre. Julien étoit d'une taille médiocre; il avoit les cheveux bouclés, la barbe hériffée & pointue, les yeux vifs &c pleins de feu, les fourcils bien placés, le nez bien fait, la bouche un peu trop grande, & la levre inférieure rabattue, le col gros & courbé, les épaules larges; toute fa perfonne étoit bien formée; il étoit difpos & fort fans être robufte. Mais les défauts de fon efprit altéroient par des habitudes vicieufes , ce que la nature avoit mis d'agré-^  vu Bas-Empire. Liv. VUL 293 ments dans fes traits. Sa tête étoit dans un mouvement continuel ; il hauffoit & baiffoit fans ceffe les épaules; la vivacité de fes regards, toujours errants & incertains, avoit quelque chofe de rude & de menac,ant; fa dér 298^ H I S T 0 I R R ■ muniquer k l'Empereur, qui le renvoya k Eufébie. Cette PrincefTe, le , voyant interdit & embarraffé : Fous avez déja regu , lui dit-elle, une partie de ce que vous mérite^ : foyez-nous fidele, & bientót vous recevre^ ce qui vous manqué encore : il ejl temps de vous defaire de cette philojbphie fombre & bifarre, qui vous éloigneroit des faveurs du Prince. Enfin, !e fixieme de Novembre, Conftance, ayant faitaflembler toutes les troupes qui fe trouvoient k Milan , monta fur un tribunal élevé. Lk t environné des aigles & des autres enfeignes des légions , tenant Julien par la mam, il le préfenta aux foldats ; & après avoir expofé en peu de mots 1'état de la Gaule, & les efpérances que donnoit le jeune Prince, il déclara qu'il avoit réfolu de le nommer Céfar.fi I'arméeapprouvoit fon choix. Les foldats applaudirent. Alors Confiance ayant revêtu Julien du maneau de pourpre, lé fit proclamer Céar. Se tournant enfuite vers ce Prin:e, qui paroiffoit morne & rêveur : ' Mon frere, lui dit-il, je partage 1 avec vous 1'honneur de cette jour-  du Bas-Empire. Liv. VIII. 299 »> née : vous recevez la pourpre de » vos peres , & je fais une aftion de » juftice en vous communiquant ma Vf puiffance. Partagez auffi mes tra» vaux & mes dangers. Chargez-vous » de la défenfe de la Gaule : guériffez » les plaies dont cette Province eft af» fligée. S'il eft befoin de combattre, » combattez a la tête de vos troupes, » les animant par votre exemple, les » ménageant par votre prudence , « étant a la fois leur chef, leur ref » fource, le témoin & le juge de leur » valeur. Elle fecondera la votre. Ma » tendreffe ne vous perdra jamais de » vue; & quand, avec le fecours du » Ciel, nous aurons rendu la paix a » 1'Empire, nous le gouvernerons en» femble fur les mêmes principes de » douceur & d'équité. Quelque fépa= » rés que nous foyons, je vous croi» rai toujours affis avec moi fur mon w tröne, 6c vous aurez lieu de me » croire toujours a cöté de vous dans » les périls. Partez, Céfar; vous por» tez l'efpérance & les vceux de tous » les Romains : défendez avec vigi» lance le pofte important que 1'Etat » vous confie ". Ces paroles furent N vj CONSTANCE. Ann. 355.  CONSTA NCE. Ann. 3 5 5. 11. /. $ , v. 8j. 1 ] ] i < LV. Captivité j elle &nombreufebibliotheque,dont 1 fit grand ufage dans fon expédition le Gaule. Julien, placé dans un fi grand jour, bngea a mettre en oeuvre ce qu'il voit recueilli de tant d'études &  /je/ Bas-Empire. Lh. VIII. 301 de ledlures. Son ame s'éleva & s'étendit. II fe confidéra comme un homme, qui, s'étant jufqu'alors exercé feulement dans fon domeftique, fans autre deffein que de conferver fa fanté, fe trouveroit tout-a-coup tranfporté dans le ftade Olympique, en fpectacle a tout 1'univers, a fes citoyens dont il auroit 1'honneur k foutenir, aux barbares qu'il faudroit intimider par des miracles de force & de vigueur. Non-feulement il fe propofa de faire affaut de vertu & de courage avec fes contemporains ', mais, comme il le dit lui-même, il prit pour modeles Alexandre dans la guerre , Mare - Aurele dans la conduite des mceurs. Cependant Conftance n'eut pas plutöt approché Julien de fa perfonne, que par un effet de fa légéreté & de fa défiance naturelle, il parut s'en repentir. Le Céfar étoit prilonnier k la Cour; fa porte étoit gardée; on vifitoit ceux qui entroient chez lui, de peur qu'ils ne fuffent chargés de lettres. Julien lui-même , pour ne pas attirer fur fes amislesfoup$onsde l'Empereur, les empêchoit de le venir voir. Sous CONSTANCE. Ann. 3 5 5. lul.adAth. &adThem. Liban. er. 10. Eun. ia Orih  CONSTAKCE. Ann. 355. j 1 1 < 1 LVI. Il part ( pour Ia Gaule. { ]ui. ad Ath. 1 Amm, l. i 15,68. L Lib. or. 10, 1' 12. t Zof. I. 3. T Eun. ia J Max. n Soc. 1. 3 , n e. I. So-t. i. 5, n <. 2. V Zon. t. II, Tl l 20- r TUI. art. 1€ J8- rr. ra §02 HlSTOIRB prétexte de lui former une maifon plus conforme a fa nouvelle dignité, on lui enleva fes domeftiques; on les rempla^a par des gens inconnus, qui étoient autant d'efpions. A peine lui permit-on de conferver quatre de [es anciens ferviteurs; 1'un d'eux étoit bn médecin Oribafe, qu'on lui laifla, )arce qu'on ignoroit qu'il étoit en nême-temps fonami. Celui-ci, Payen lans le cceur, ainfi que Julien , avoit e fecret de fa Religion , & 1'aidoit i en pratiquer les cérémonies. ^ Conftance avoit donné a Julien le Gouvernement de la Gaule , de 1'Ef|agne, & de la Grande-Bretagne : il avoit créé Céfar pour 1'oppofer aux arbares; mais fon aveugle jaloufte :mbloit s'entendre avec eux. II fit )ut ce qu'il falloit pour empêcher JÜen de réuflir. On foup?onna mêle, car on prête volontiers des criles awx Princes qui ne font pas ailés , on foupconna qu'il ne Penoyoit en Gaule que pour le perdre. eft plus vraifemblable que fon defin étoit feulement de le tenir come en tutele, & de lui öter tous les oyens de fe rendre trop puiffant. II  du Bjs-Empire. Liv. VIII. 303 sie reftoit en Gaule que peu de troupes accoutumées a fuir devant les barbares : l'Empereur ne donna k Julien qu'une foible efcorte de trois cents foixante foldats: lesGénéraux avoient ordres d'obferver fes démarches avec plus de foin que les mouvements des ennemis. On laiffoit Urficin dans la Province; mais il ne confervoit que le titre de Général fans emploi. Le fecret de la Cour, & tout le pouvoir étoit entre les mains de Marcel qui partoit avec Julien. Les Officiers dont on compofa fon confeil, étoient plus propres a 1'arrêter dans le chemin de la gloire, qu'a 1'exciter aux grandes entreprifes. On mit a fon autorité les bornes les plus étroites; & felon Pexpreflion d'un auteur contemporain, Julien ne pouvoit difpofer que de fa cafaque. On ne le laiffa maitre d'aucune grace , d'aucune libéralité. Loin d'accorder aux troupes quelque gratification extraordinaire, comme c'étoit la coutume k la promotion des nouveaux Céfars,on ne leurpaya pas même les montres qui leur étoient dues , & Pon eut lieu de prendre k la lettre ces expreflions de Confiance, CONSTANCE. Un, 35;.-  CONSTANCE. Ann. 35; ie premier de Decembre : le temps fut fi beau pendant fon voyage, que fes admirateurs n'ont pas oublié d'en faire un miracle. Conftance 1'accompagna jufqu'au-dela de Pavie, & recut en chemin la nouvelle de la prife & du faccagement de Cologne. Craignant que cet événement ne rompit fes mefures, il en fit un fecret a Julien qui n'en fut informé qu'a fon arrivée a Turin. Un fi triftë commencement affligea fort le Prince ; on lui entendit plufieurs fois dire en foupirant, qu'en devenant Céfar , il n'avoit gagné que de périr avec moins de tranquillité. Un préfage, quoique frivole , fut toutefois fuffifant pour raffurer les foldats. Comme il traverfoit une petite ville de Gaule, c'étoit la première qu'il rencontroit fur fa route, une des couronnes qu'on avoit lufpendues fur fon paffage, fe détacha & fe pofa fur fa tête : on pouffa des cris de joie, comme fur un pronoftic afluré de la victoire. Julien s'arrêta k Vienne, oü il fut recu au milieu des acclamations 304 H I S T 0 / & B • que c'étoit fon image qu'il envoyoit en Gaule, plutöt qu'un nouveau Prin. ce. Julien partit avec fa petite efcorte,  du Bas-Empire. Liv. VUL 305 d'un grand peuple. On célébra fon entree comme celle d'un génie falutaire, & du liberateur de la Gaule. On dit qu'une vieille femme aveugle & idolatre,bien inftruite apparemment des fecretes difpofitions de Julien, ayant demandé qui étoit celui qui entroit dans la ville, comme on lui eut ré' pondu que c'étoit le Céfar Julien, s'écria d'un ton de prophéteffe, que ce Prince rétabliroit le culte desdieux. Nous raconterons fes exploits, quand nous aurons repris depuis la mort de Conftant, les affaires de 1'Eglife, que l'Empereur troubloit de plus en plus. Conftant,inviolablementattaché a la vérité dans le fein même du défordre, avoit enchaïné la fureur de 1'héréfie, & forcé fon frere de rendre la paix aux fideles , & les vrais pafteurs k leur troupeau. Sa mort ouvrit une libre carrière a la malignité des Ariens. La haine de Conftance contre les Orthodoxes n'avoit été que plus aigrie par la contrainte. Cependant ce Prince ayant honte de fe dédire fi promptement, garda encore quelques mefures. On accufoit Athanafe CONSTANCE. Un. 355. LVII. Nouvelles cabales des Ariens. Ath. ad Solit. & Apol. ad 'Conflant. Soc. I. 2, c. 26. Snip. Sev. I. 2,  CoNSTANCE. Ann. 355. 306 HlSTOIRE d'avoir animé Conftant contre fon frere ; d'entretenir de fecretes intelligences contre Magnence; d'avoir porté le mépris qu'il faifoit de l'Empereur jufqu'a célébrer fans fa permiffion la dédicace de la grande Eglife , nommée la Céfarée, que Conftance venoit de faire batir a Alexandrie ; d'exciter des mouvements en Egypte & en Libye, & de fe former une monarchie Eccléfiaftique, en établiffant des Evêques dans des Provinces qui n'étoient pas foumifes a fa jurifdicuon. II étoit aifé au faint Prélat de détruire ces calomnies; il le fit pleinement fix ans après par une véhémente apologie qu'il adreffa du fond des déferts k lEmpereur. Mais dans ces commencements, il n'en eut pas même befoin. L'Empereur, occupé de la guerre contre Magnence , craignant de révolter PEgypte en maltraitant le métropolitain, lui écrivit pour le raffurer. II envoya même par le Comte Aftere& Pallade, Maitre des offices , des lettres adreffées è Féliciffime, Duc d'Egypte, & au Préfet Neftorius , les chargeant tous deux de veiller k  nu Bas-Empire. Liv. FM. 307 la confervation d'Athanafe. Les Ariens ne fe rebuterent pas. Ils avoient regagné Urface Sc Valens, qui n'eurent pas honte de fe déshonorer, en révoquant la rétraétation authentique qu'ils avoient donnée de leurs erreurs Sc de leurs calomnies en préfence de deux Conciles. Ces deux Evêques prétendirent fauffement que Conftant les avoit forcés a cette démarche ; Sc Conftance fe trouva trèsdifpofé a les en croire fur leur parole. De concert avec plufieurs autres Evêques Ariens, ces importeurs tournoient a leur gré 1'efprit de l'Empereur; Sc Valens fur-tout, depuis la bataille de Murfe, en étoit écouté comme un prophete, lis lui répétoient fans ceffe que leur parti fe décréditoit, Sc qu'il alloit lui-même paffer pour hérétique : ils lui repréfentoient 1'union des Evêques avec Athanafe , comme une cabale dangereufe. Le premier effet de leur crédit fut la mort de Paul, Evêque de Conftantinople. L'Empereur manda a Philippe , Préfet d'Orient, de le chaffer, Sc de rétablir Macêdonius. Le peuple chériffoit fon Evêque, Sc le Préfet fe CONSTANCE. Ann. J5f. LVI1Ï. Exil & mort de Paul de C. P. Ath. ad Solit. & de fuga fus.  C'ONSTANCE. Ann. 355 Zof. I. 2, Soc. I. 2 , C. 26. Thtod. I, 2, c. 5. So^. I. 4, c. 2. Thcoph. p, 377///. 308 BlSTOIRE fouvenoit du maffacre d'Hermogene. Pour fe mettre k Pabri ds la fédition, il s'enferme dans lesThermes de Zeuxippe; il fait prier Paul de Py venir trouver pour une affaire importante. Dès qu'il eft arrivé, il lui montre 1'ordre du Prince. Le Prélat s'y foumet fans répugnance; mais le Préfet n'étoit pas fans allarmes. Le peuple, inquiet pour fon Pafteur, s'étoit affemblé autour des Thermes, & faifoit grand bruit. Le faint Prélat fe prêta volontiers aux mefures qu'il falloit prendre pour le dérober a 1'amour de fon peuple. On le fit paffer par une fenêtre dans le palais voifin qui donnoit fur la mer; & de-la on le defcendit dans une barque prête a faire voile, & qui s eloigna fur le champ. AufTi - tot Philippe monte fur fon char , il fait affeoir a cöté de lui Macêdonius , & va droit a 1'Eglife. La garde qui marchoit 1'épée nue intimide les habitants. On accourt de toutes parts k 1'Eglife. La foule y étoit fi grande , que le Préfet n'y pouvant entrer, les foldats s'imaginerent que le peuple faifoit réfiftance, & fondirent k grands coups d'épée fur cette  du Bas-Empire. Lh. FM. 309 innocente multitude. Plus de trois mille y périrent, les uns tués par les foldats , les autres écrafés par la foule; & Macêdonius alla au travers de ces corps morts prendre poffeffion de la chaire épifcopale. Paul, chargé de chaïnes,fut d'abord conduit k Emefe , de-la transféré a Cucufe en Cappadoce, dans les déferts du mont Taurus, ou il fut étranglé. Les Ariens publierent qu'il étoit mort de maladie; mais le Vicaire Philagre, déja connu par fes méchancetés, jalous peut-être de n'avoir pas été choif pour bourreau, fit favoir aux Catholiques que Paul renfermé dans ur cachot étroit & ténébreux, y avoit étt laiffé fans nourriture, & que fix jour après, comme il refpiroit encore , L Préfet Philippe Pavoit étranglé de fe propres mains. Ce Philippe avoit ét Conful en 348. II eft différent de ce lui qui fut député k Magnence, & n tenu prifonnier. Peu de temps aprè la mort de Paul, arrivée vers le corr mencement de 3 51, ce miniftre d'ini quité encourut la difgrace de Con tance: 1'hiftoire n'en dit pas la caufe. fut dépouillé de fa dignité, & mourul CONSTANCE. Ann. 35j, l S [1 »  CONSTANCE. Ann. 355, L1X. Concile d'Arles. Ath, Apol. 1. War. fragm. Sulp, Sev, l. 2. Baronius. Hermant, vie de St, Ath. 1. 6, c. 27 , 28 , 29. Fleury , Hifi. ecclef. I. 13, c, 10. Till.Arian, art, 49,5 o. 3IO HlSTOIRE dit-on, de défefpoir & de crainte , tremblant fans ceffe , & attendant a chaque moment fon arrêt de mort. Pendant que Magnence paffoit les Alpes pour entrer en Pannonie, Conftance tenoit a Sirmium un Concile oü Photin, nouvel héréfiarque, fut condamné & dépofé; mais les plus grands efforts des Ariens portoient contre Athanafe; ils ne le perdoient jamais de vue. Ils obtinrent de l'Empereur un édit de banniffement contre tous ceux qui ne foufcriroient pas a la condamnation de 1'Evêque d'Alexandrie. Le Pape Jules mourut le douzieme d'Avril 352, après avoir tenu le faint fiege un peu plus de 15 ans. Libere lui fuccéda; il follicita l'Empereur d'afTembler un Concile a Aquilée, pour examiner la queftion de la Foi, & 1'affaire d'Athanafe. Conftance, qui, depuis la mort de Magnence, féjournoit dans la ville d'Arles, s'offenfa de cette demande. II écrivit au peuple Romain une lettre pleine d'inveftives atroces contre Libere, & fit affembler dans Arles un Concile, oü les Evêques Ariens qui fuivoient ia Cour, fe trouverent les plus forts.  nu Bas-Empiks. Liv. VUL 311 Vincent, Légat du Pape , intimidé par l'Empereur & p3r les Ariens, confentit a abandonner Athanafe, pourvu qu'on voulüt auffi condamner la doftrine d'Arius. Les Ariens rejetterent la condition, & ce vénérable vieillard, qui avoit affifté au Concile de Nicée , & a tant de jugements rendus depuis en faveur du St. Evêque , déshonora fes cheveux blancs en foufcrivant a une injufte condamnation. Les menaces & les mauvais traitements de l'Empereur firent fuccomber avec lui plufieurs Evêques d'Occident : les autres demeurerent fermes. Paulin , Evêque de Treves, fut exilé en Phrygie , oü il mourut. Vincent fe releva bientöt de fa chüte. Libere défavoua par plufieurs lettres la foufcription de fon Légat; il demanda de nouveau un Concile , & il obtint qu'il feroit convoqué a Milan Pannée fuivante. Lorfque la Cour fut établie a Milan, les Ariens contrefirent des lettres, par lefquelles Athanafe demandoit a l'Empereur la permifiion de venir en Italië. Conftance y fut trompé; il envoya a 1'Evêque fon confentement CONSTANCE. A.nn. 355. LX. Fourberies des Ariens. Soc. I. 2, c. 29. Soi. I. 4, i. 5. Sulp. Sev, l. 2.  C ONSTA NCE. Ann. 355- LXI. Concile ie Milan, Ath. ai Solit. & Apol. l. Ruf. I. i , c. 20. Soc. I. 2 , c. 36. 3I£ TflSTOIRE par un Officier du palais, nommé Montan. Le deffein des Ariens étoit de faire fortir Athanafe de fon Eglife, dont ils vouloient fe rendre maïtres , ou d'irriter l'Empereur, fi le Prélat refufoit de venir, en le dépeignant comme un infolent qui fe jouoit de la majefté impériale, ou comme un ennemi caché qui n'avoit changé d'avis que par une défiance injurieufe au Prince. Athanafe fentit 1'artifice ; & comme les lettres de Conftance ne portoient pas un ordre, mais une permifïion, il refta dans fon Eglife, proteftant qu'il n'avoit rien demandé, & que cependant il étoit prêt a partir au premier ordre de l'Empereur. II envoya cette réponfe par des députés dont les raifons furent moins écoutées que les menfonges des Ariens. Au commencement de 1'année 3 5 f, le Concile s'aflembla è Milan. II s'y rendit peu d'Evêques Orientaux ; mais ceux de 1'Occident s'y trouverent au nombre de plus de trois cents. L'Empereur y préfida : toute liberté fut accordée aux fectateurs d'Arius; nulle aux Catholiques. Le Pape y envoya  du Bas-Empire. Liv. FM. 313 voya trois députés, dont le premier & le plus célebre étoit Lucifer, Evêque de Cagliari en Sardaigne. Le Concile fe tint d'abord dans 1'Eglife. II s'agiffoit de deux points, que chaque parti s'efforcoit d'emporter : les Ariens vouloient qu'Athanafe fut condamné ; les Catholiques demandoient la condamnation de la doörine d'Arius ; & a cette condition, quelquesuns fe relachoient jufqu'a facrifier Athanafe. Comme le peuple favori- ' foit les Catholiques, Conftance, pour fe rendre maitre du Concile, le tranfféra dans le palais. La, ce Prince , faifant 1'infpiré, déclara que fon deffein étoit de rétablir la paix dans fes Etats; que Dieu lui - même Pavoit inftruit en fonge, &c que les fuccès dont le Ciel l'avoit comblé, étoient un gage infaillible de la pureté de fa foi. En conféquence, il propofoit un formulaire rempli du venin de 1'Arianifme. Les Catholiques, & furtout les députés du Saint Siege, s'y oppoferent avec force; & dans un lieu oh l'Empereur n'étoit féparé d'eux que par un rideau,ils s'échapperent jufqu'a le nommer hérétique, & pré- Tome II. O CONSTANCE. Un. 355. Theod. I. l,c 15. So?. /. 4, :. 8. Sulp. Sev. '. 2. Hermant, 'ie de St. Ath. I. 7, :. I, & ruiv. TUI. vie ÏEuf. de Ven. art. 8, 9 , £• vie ie St. HU. irt. s , & lirian, art.  CONSTANCE. Ann. 3 5 j. 314 H t S T 0 t R E curfeur de 1'Ante-chrift. On peut ju* ger de la colere de Conftance; il les traite d'infolents; il s'écrie que fi c'eft fa voLonté d'être Arien, ce n'eft pas a eux de Pen empêcher : il s'adoucit cependant jufqu'a en veniraux prieres. Comme elles étoient inutiles, les Evêques Ariens, voulant fonder la difpofition du peuple, firent lire publiquement le formulaire dans 1'Eglife ; il fut rejetté avec horreur. Alors Conftance, ne ménageant plus rien, prend ouvertement,le parti des Ariens; il dépofe le perfonnage de juge qu'il avoit prétendu faire jufqu'alors; il leconde les accufateurs , il impofe lilence aux défenfeurs d'Athanafe; & fur ce que les Orthodoxes objectoient qu'on ne devoit plus écouter Urface& Valens, depuis qu'ils avoient eux-mêmes démenti leur accufation, il fe leve brufquement, & s'écrie : Cejl moi qui fuis accufateur d'Athanafe ; croye^ ceux-ci comme moi-même. En vain on lui repréfente qu'Athanafe eft abfent; qu'il faut 1'entendre; que cette nouvelle forme de jugement eft contraire aux canons : Eh hien , dit-il, ce que je veux , ce font-  du Bas-Emfike. Liv. VIII. 315 ik les canons .* les Evêques de Syrië m'obéijfmt quand je leur parle; obéijfes', ou vous fere^ exilis. Ces Evêques levant les mains au Gel, 1'avertiffent que 1'autorité fbuveraine n'eft qu'un dépot entre fes mains; ils le conjurent de ne pas violer les regies de 1'Eglife, & de ne pas' confondre le pouvoir fpirituel avec la puiffance temporelle. OfFenfé de ces remontrances, il les interrompt avec menaces; il s'emporte jufqu'a tirer 1'épée; il ordonne qu'on les mene au fupplice. Ils partent pour mourir, fans demander grace; mais il les rap pelle auffi-töt, & il prononce la fen< tence d'exil contre Lucifer, Eufebt de Verceil, & Denys de Milan : i déclare qu'Athanafe mérite d'être pu ni, & que les Eglifes d'Alexandrii doivent être livrées a fes adverfai res. Urface & Valens, joints aux eu nuques, font battre de verges le Dia ere Hilaire, 1'un des Légats du Sainl Siege. Quelques Evêques intimidé; croyant procurer la paix k 1'Eglife confentent k la condamnation d'i* thanafe : cette lache complaifance fi auffi inutile qu'elle étoit injufte :1e O ij CONSTANCE. Ann. 3 j j tt S  CONS- TANCE. Ann. 35 j. LXII. Exil des Evêques Catholiques. 2-6 UlSTOlRB Ariens exigeoient encore qu'on fe joignit de communion avec eux. Après la féance, Eufebe, grand Chambellan, entre k main armee dans 1'Eglife de Milan. II frappe le peuple a coups d'épée ; il fait enlever,jufque dans le fanctuaire, prés de cent cinquante perfonnes, Evêques, Eccléfiaftiques, Laïcs. On les enferme dans les thermes de Maximien. Le lendemain, on traine Denys au palais. Comme il y demeuroit longtemps, tous les habitants, hommes 6c femmes, y accourent en foule; ils demandent k grands cris qu'on chaffe les Ariens , 8c qu'on leur rende leur Evêque. Denys fe montre, 6c lesappaife. II va a 1'Eglife célébrer les faints Myfteres : comme il en fortoit, on Penleve, on 1'enferme , 8c la nuit fuivante on le fait partir avec Lucifer 8c Eufebe. Ces Prélats, fecouant la pouïïiere de leurs pieds, s'en vont au lieu de leur exil, comme a un pofte que la Providence leur affignoit. Ils y fouffrirent tous les mauvais traitements dont leurs ennemis purent s'avifer. Denys y perdit la vie. Dès qu'il fut forti de Milan, l'Empereur placa  du Bas-Empire. Liv. VUL 317 fur fon fiege Auxence, a peine Chré- ■ tien, qu'il avoit fait venir de Cappadoce, & qui n'entendoit pas meme < la langue de fon nouveau diocefe; il avoit été ordonné Prêtre par Grégoire , faux Evêque d'Alexandrie. Un autre Evêque, auffi méchant qu'Auxence , mais encore plus hardi &E plus violent, fe fignala dans ce Concile, & fervit en zélé courtifan la paffion du Prince. C'étoit Epiftete,. fort jeune, trés-ignorant, baptifé depuis peu, & déja Evêque de Centumcelles en Italië , aujourd'hui Civita Vecchia. Il étoit Grec & étranger dans fon diocefe; mais tl connoifToit la Cour, & c'en étoit affez. On choifit les villes de 1'Orient dont les Eglifes étoient gouvernées par les plus furieus Ariens , pour y reléguer les Prélats Catholiques. On les féparoit pour les affoiblir; mais cette difperfion ne fervit qu'a répandre plus au loin la foi de Nicée, & la honte de 1'héréfie, r Les emportements pleins d'indecence auxquels Conftance s'abandonna dans ce Concile, le rendirent touta-fait méprifable. On oublia ce qu'on O rij. CoNSTANCE. ma. 35 ï« LXIII. Liberté des Evêques contre Conftance.  CONSTANCE. Ann. 355. Hilar. ad ^onfl. Pagi ad Baron. Horn. ad Sulp. Sev. J. 2. Scripta Xuc. f. TM, vie de Lucif. *n. 1, Ath. ad lucif. Uier. vir. Uluft.c.^. l ] « 1 1 « c 1 è l 318 H I' S T 0 I R S devoit a l'Empereur, après qu'il eu£ oublié ce qu'il fe devoit k lui-même; & quoique les divins oracles ne recommandent pas moins le refpect pour les Souverains, que le zele pour la vérité, cependant les Prélats les. plus faints , & dont la mémoire fera k jamais en vénération dans 1'Eglife, ne virent plus dans l'Empereur, que la perfonne de Conffance , c'eft-adire , 1'égarement, 1'injuftice & la foibleffe. C'eft fans doute a ce fentiment qu'il faut attribuer 1'extrême iiberté avec laquelle Saint Hilaire de Poitiers inveöiva quelque temps après contre l'Empereur dans un écrit qu'il lui adreffa a lui-même. On croit k la mérité que cette requête , compofée lu vivant de Conftance, ne fut pu)liée qu'après fa mort. La hardiefTe le Lucifer eft moins étonnante : c'éoit un homme dur, chagrin, inca>able de ménagement. Pendant fon :xil , il envoya au Prince cinq livres emplis des reproches les plus atroes , & il trouva un homme affez iardi pour les préfenter de fa part l'Empereur. Conftance, inégal & ifarre, fe piquoit quelquefois d'une  DU Bas-Empim* Liv. VUL 3i9 patience philoföphique : on rapporte qu'un de fes courtifans qui vouloit exciter fa colere, lui ayant dit un jour: Rien n'eft plus doux que l'abeille; vous voyei cependant qu elle népargnepas ceux qui viennempilhr fes tayons ; ce Prince lui repliqua : Mais vóüs voyez aujji qu'il lui en coüte la vie pour un couf d'aiguillon. II fe trouva dans cette heu reufe difpofition a l egard de Lucifer 11 chargea Florence, grand-Maitre di palais, de favoir du Prélat merne s'il étoit 1'auteur de ces ecrits. Lu cifer avoua 1'ouvrage , le renvoy avec un fixieme livre encore plu outrageant , & protefta qu il eto prêt de mourir avec joie. L Lmp* reur fe contenta de le feleguer e Thébaïde. Le fchifme auqüel Lucif fe porta dans la fuite par un effet < fon caraftere inflexible, nous dilpen de chercher a le juftifier. Mais ce q eft embarraffant, c'eft que Saint Atl nafe , qui étoit en ce temps-la le m dele de la vertu, amfi que le dete feur de la foi Chrétienne^, approu ces livres audacieux, qu'il en lc 1'Auteur comme un homme embr de 1'efprit de Dieu, & que d CONSTAKCE. Ann. 355. I » a s .t n ;r le fe ui ia- 0- n- ve ue ifé ips  CONSTANCE. LXIV. Exil de Eibere. Ath. ad Solit. Amm. I. *ï,*. 7. Hier. chr. Theod. I. 2, c 16 , j sl'{. L 4 < 10. i Theoph. p. j 33- f ^"gi ai 1 Baron. g Hermant, c »'« ae 5r. ■ .aa, /, 7 r r- 'o, ii' d p 3» ^/^ro/^^ • ^ lettre aux folitaires, il n'épargne pas lui-même l'Empereur. NoïSf donnera t-on de dire id, aviffe fa n , <' ^Ue !huma""é, même dans fa plus grande perfecïion , manque quelquefois de jufteffe po'ur conc ! battre, ou d'etendue pour les em- braffer tous ;& que les grands SainS, d'êtrreTteS hér°S'ne Ceffe"'P d etre des hommes ? v oueLlaT1JUr defir°k ard^m.ent que Ja condamnation d'Athanafe fut confirmee par 1'Evêque de Rome dont le fufiage eft d'un plu ^ poidsque celui des autres Evêques «unAuteur Payen de ce temp £ ellan Eufebe, qui portoit k la fois lesprefents&desmenaces. Les pS ents ne purent éblouir le Pontife; tint ferme contre les menaces, proftant qu'il nedéshonoreroit pasV Je Romaine en condamnant celui uelle avoit reconnu innocent. L'euuquerebuteya dépofer les préfents »erre, Le Pape vient a 1'Eglife, &  bu Sas-Empike. Liv. VUL 321 fait jetter dehors cette offrande, comme le prix d'une trahifon impie. Eufebe , de retour, irrite les autres eunuques, & tous fe réuniffent pour aigrir Pefprit de PEmpereur. Conftance envoye ordre W Léonce, Préfet de Rome , de furprendre Libere, ou de s'en faifir par force, & de le faire conduire k Milan. La commiiTion étoit dangereufe; la vertu du Pontife lui attachoit tous les cceurs. L'allarme fe répand dans la ville. En vain Léonce met en oeuvre les promeffes, les menaces, la perfécution même. pour détacher le troupeau des intéréts de fon pafteur. La maifon de Libere étoit doublement gardée ; le; foldats en défendoient 1'entrée; h peuple fermoit toutes les iffues. En fin, pendant une nuit , on vint ; bout de tromper la vigilance du peu ple. Libere fut enlevé & tranfport a Milan. Conftance fit de vains efFort pour 1'ébranler : le Pontife, dans un conférence fort preffante, fut mieu que l'Empereur foutenir fa dignité il lui ferma la bouche par la fagell de fes réponfes : & comme le Princ lui donnoit trois jours pour décid< O v CONSTANCE. Ann. 355. t S e » 'e e ;r  CONSTANCE. Un. 3JJ, i j ] \ ( 4 ] i c F t \ F q ü p 3" H I S T 0 I R B e"tre ,!e féi°ur de Rome & Pexil : me , répondit-il; trois jours non plus que trois mois ne changeront rien d ma rêfolution : envoyei-moi tout-d-Cheure ou il vous plaira. II fut exilé a Bérée en Thrace , dont 1'Arien Démophüê ;toit Evêque. Comme il étoit fur le point de partir, Conftance lui fit por:er cinq cents pieces d'or pour aider 1 fa fubfiftance : Reporte^ cet argent d "Empereur, dit-il, il lui ejl nécefaire 'our^ payer fes foldats. L'Impératrice iufébie lui envoya la même fomne; il la refufa encore, en difant: 2}ion donne cet argent d Auxence & \ Epiclete; ils en om befoin. Enfin , 'eunuque Eufebe ofa lui en offrir : Vu aspillé les Eglifes, lui dit Libere j r tu m'ojfres une aumóne comme a uk riminel; va! avant que de faire des réfents aux Chrétiens, deviens Chrétien n-même. Tout Ie Clergé de Rome ira, en préfence du peuple, de ne oint recevoir d'autre Evêque, tant ue Libere vivroit. Cependant, Féx, Diacre de 1'Eglife Romaine, élu ar la faöion des Ariens, ofa accepr cette dignité, Le peuple ayant  bu Bas-Empire. Liv. VUL 323 fermé toutes les Eglifes, 1'ordination ' fut célébrée dans le palais par trois Evêques Ariens , fans autres témoins que les eunuques. L'intrufion de Félix caufa une fanglante émeute ; plufieurs y perdirent la vie. Le peuple refufa toujours de reconnoïtre le nouveau Pontite : mais un alTez grand nom-» bre d'Eccléfiaftiques , quoiqu'ils fuffent liés par leur ferment, ne montrerent pas la même conftance. Se> Ion la plupart des Auteurs , Félix conferva la foi de Nicée; ils ne lui reprochent que fon éle&ion & fa condefcendance pour les Ariens dor;t il ne fe fépara pas de communion. Quelques-uns même ont prétendu qu'il fut élu de Favis de Libere par les Prêtres Catholiques, & qu'il doit être compté entre les Papes légitimes. O vj CONSTANCE. A,nrt. 35 5-   SOMMAIRE D V LIVRE N E U V I E M E. I.PersÈCVTION générale. II. On l'ache de faire fortir Athanafe d'Alexandrie. III. U eft chajfé d main armée. IV, Mauvais traïtements contre les Alexandrins. V. George prend la place <£ Athanafe. VI. Violences de George. VIL, Exils des Evêques. vin. George chajfe & rêtabli. IX. Fuite dAthanafe, x. Diyerfes violences des Ariens. xi. Nouvelle hérêfie de Macêdonius. XII. Julien dans la Gaule. XIII. Sa faqon de vivre. X1V„ Sa conduite deins le gouvernement. XV. 'Autres qualités de Julien. XVI. Sa reputation ejface celle de Conftance. XVII. Autun délivrê. XVHI. Marches de Julien. XIX. Comhat de Bmmat. XX. Fin de cette campagne. XXI. Expê iition de Confiance en Rhétie. XXH. Julien affiêgé a Sens. XXIII. Difgrace de Marcel. XXIY. Etat de la Cour de Conftance,  326 SOMMAIRE DU LlV. IXe. XXV. Conftance vient a Rome. XXVI. IIen admire les èdifices. XXVll. Obéhfque. xxviii. Conduite de Conftance a Rome. XXIX. Méchanceté d'Eufébie. XXX. Mouvements des barbares. XXXI. D^s Romaines demandent le retour de Libere. XXXII. Affaires de tEghfi. XXXIII. Difpofuions pour la feconde campagne de Julien. XXXIV. Suc cèsde Julien XXXV. Les Allemands chaffes des Ijles du Rkin. xxxvi. Mauvais fuccès de Barbation. XXXvn. Les Allemands viennent camper pres de Strafbourg. XXXVIII. Julien marche d leur rencontre, xxxix. Difcours de Julien a Jes troupes. XL. Ardeur des troupes. XLi Ordre des barbares. xlii. Approche des deux armées. XLln. Bataille de ótrasbourg. XLIV. Fuite des Barbares. XLV. 1 rife de Chnodomaire. XLVI Suites de la bataille. XL vu. Confiance s'attnbuele fuccès de Julien. xl vin. Guerre de Julien au-deld du Rhin. xlix. Treve accordcei aux Barbares. L. Avantages remportesfur les Francs, li. Julien foutage les peuples. lii. Sallujh rappellé.  HISTOIRE D U BAS-EMPIRE. LI VRE N E UV I E M E. CONSTANCE. LA guerre allumée dans le fein de 1'Eglife , jettoit dans tout 1'Empire plus de trouble & de défordre, que n'en avoient caufé les fureurs de 1'idolatrie. Ceux qu'on cherchoit a détruire , étoient en plus grand nombre, & la caufe n'étoit pas moins importante : le Paganifme avoit attaqué Dieu; la dodrine d'Arius atta- 3*7 CONSTANCE. Ann. 3J5« I. Perfécution générale. Ath. ad Solit,  CONSTANCE. Ann. 355. 328 H I S T 0 I k B quoit le Fils de Dieu confubftantiel k fon Pere; & la perfécution, quoique moins fanglante, ne marchoit pas avec moins de fracas & d'appareil. Athanafe, plus brillant encore par les outrages dont on Paccabloit, que par Féclat de fes vertus, avoit 1'honneur de voir fa caufe unie avec celle de Jefus-Chrift : on demandoit k la fois aux fideles de foufcrire k la condamnation d'Athanafe, & d'entrer dans la communion des Ariens. On n'entendoit parler que de nouvelles ordonnances : on voyoit courir de ville en ville des foldats , des Greffiers, des Officiers du palais, portant des menaces pour les Evêques & les Magiftrats, des fentences & des fers pour les peuples. Ils étoient accompagnés d'Eccléfiaftiques Ariens qui leur fervoient d'efpions & de fatelIites. Par-tout on crioit aux Evêques : Signet > ou forten de vos Eglifes. On les trainoit k la Cour; on les enfermoit fans leur permettre de voir l'Empereur: ils ne fortoient qu'après avoir figné, ou pour aller en exil. Conftance s'efforcoit de grofTir la lif:e des ibufcripteurs, afin de donner  du_ Bas-Empirb. Liv. IX. 329 de la confidération £i 1'héréfie dont il étoit le chef, s'imaginant que ces noms multipliés étoient pour 1'Ananifme autant de titres de nobleffe. ejpéroit apparemment, dit Saint Athanafe, changer la vêrité en changeant les hommes; mais, ajoute-t-il, quoiqu'il fut dlshonorant aux Evêques de fuccomber d la crainte , U tkoit encore plus aux Ariens d'employer la terreur: c'étoit une preuve de la foiblejfe leur doctrine; car ce n'eft ni par les épées, ni par les foldats qu'on préche la vériié, elle ne connoit d'autres armes que la perfuajïon. Le fort de Porage devoit tomber fur 1'Eglife d'Alexandrie. II falloit en faire fortir Athanafe, & Conftance fe trouvoit très-embarrafTé^ Aufïitót après le Concile de Milan, il avoit écrit a Maxime, Gouverneur d'Egypte , d'öter a 1'Evêque , & de donner aux Ariens tout le bied qui devoii être diftribué aux Eglifes felon U fondation de Conftantin , & de per mettre h tout le monde d'infulter , & de maltraiter ceux de la communior d'Athanafe. Cependant il n'avoit pai oublié le ferment qu'il avoit fait ai CONSTANCE. A.nn. 35}. Ann. 356. 11. On tache de faire fortir Athanafed'Alexandrie. Ath. Apol. 1,2, & ad' Solit. Phot. rit. . Ath. Hermant, vie de St. I Ath. I. 7 , e. 14, Sr 1 fiv.  COKSTANCE. Lnn. 3 j6. i i ] < < 2 I 1 c c c f £ c f j3ö H i s t o i r b faint Evêque , de ne plus le condamner fans 1'entendre , & de le maintemr dans fon fiege, malgré les rapports de fes ennemis. II avoit confirmé ce ferment par plufieurs lettres. II n'ofoit donc,de peur de fe parjurer par écrit, figner 1'ordre de le chaffer de fon Eglife. Rien n'eft plus inconféquent que 1'injuftice aveuglée par la paffion. II fit exécuter 1'ordre fans 1'écrire. II envoye en Egypte deux ^e fes Secretaires, Diogene & Hilaire. Ceux - ci s'érant fait accompagner ies Magiftrats,- vont trouver 1'Evê^ jue, & lui fignifient de fortir d'Alexanlrie. II demande k voir 1'ordre de 'Empereur; ils ne peu vent en proluire aucun. Le peuple, informé de ette démarche , menace de courip ux armes. Les envoyés prennent le >arti de fe retirer, & de mander les sgions d'Egypte & de Libye. Quel|ues jours après, le Duc Syrien étant rnvé k leur tête, preffe le Prélat 'aller è Ia Cour. Athanafe, fondé xr le ferment & fur les lettres de lonftance, refufe de partir fans un rdre exprès. Mais pour parer aux utes facheufes que pourroit avoir  nu Ras-Empire. Liv. LX. 331 fon refus, il offre de fe contenter d'un ordre figné de Syrien ou de Maxime. Ils n'en veulent figner aucun. Syrien, effrayé des elameurs du peuple, paroit s'adoucir; il promet avec ferment en préfence de plufieurs témoins, de ne plus troubler 1'Eglife d'Alexandrie; mais d'informer l'Empereur , & d'en attendre de nouveaux ordres. II donne cette promeffe par écrit le dix-feptieme de Janvier, Conftance étant Conful pour la huitieme fois avec Julien : elle fut mife entre les mains de Maxime. Cependant la nuit d'avant le vendredi, neuvieme de Février, Syrien ,a la tête de plus de cinq mille légionnaires armés de toutes pieces, 1'épée nue & conduitspar des Ariens , vient a 1'Eglife de Tbéonas. Athanafe y étoit en priere avec fon peuple felon la coutume , paree qu'on devoit le lendemain célébrer le faint Sacrifice qu'on n'offroit pas alors tous les jours. Au fon destrompettes & des autres inftruments de guerre , le peuple eftfaifid'effroi. Mais Athanafe,fans ehanger de couleur ni de contenance, fait entonner par un Diacre le Pfeau- CONSTANCE. kan, 3 5 é, III. II eft chaf fé a mair armée.  CONSTANCE. Ann. 356, ] ( i i 2 1 1 t I. I fi cl 332 IJ I s t o i r e me cent trente-cinquieme: RendergloU re au Seigneur, paree qu'il eft plein de bonte, & tout le peuple rëpondoit, paree que fa mifèricorde eft éternelle. Pendant quon chantoitce Pfeaume, les foldats rompent les portes; ils fe iettent dans 1'Eglife; ils font retentir leurs armes & briller leurs épées. Syrien ordonne de tirer; les fleches volent : auffi-töt les cris des meurtners, ceux des bleffés & des mourants , les efforts des foldats pour entrer, des fideles pour fortir au travers des lances& des épées, la rage dansles uns, Ia paleur & Fépouvante lans les autres, tous pêle-mêle fe >recip,tant, fe fodant aux pieds, >ffrent de toutes parts un affreux dé' prdre Athanafe reftoit affis fur fon 1Cg^ , e*hortoit fon clergé a la prieel &le Duc animoit fes foldats. En 'am Ie peuple conjure a grands cris i laint Eveque de fauver fa vie • Jlarme pour fon troupeau , mais inrepide pour lui-même, il leur ordone de fe retirer tous, & s'obftine a ref-r le dernier. Prefque tous étoient mis, lorfqu'une troupe de Clercs & e Momes 1'entraïne malgré lui co-n-  du Bas-Empire. Liv. IX. 333 ine dans un flot, & fe ferrant de toutes parts autour de lui, ils Femportent tout froiffé & a demi-mort au travers des foldats qui avoient invefti le fanftuaire & 1'Eglife. Dieu aveugla fes ennemis , & le déroba comme par miracle a leur fureur. Qu'on fe repréfente les violences par lefquelles Grégoire avoit, quinze ans aa paravant , fignalé fon arrivée : les meurtres, les profanations, le pillage des autels, les outrages fait airs vierges, les cruautés exercées furie* Eccléfiaftiques & fur les Laïcs fidele; a leur Evêque ; Alexandrie vit re nouveller toutes ces horreurs. Cett< Eglife fut abandonnée k une troupi de fcélérats, dont le Duc Syrien étoi encore le plus traitable. Les autre étoient le DucSébaftien, Manichéen Cataphronius , nommé Gouverneu d'Egypte a la place de Maxime; l Comte Héraclius; Fauftin, Tréforiet général, qui n'étoit qu'un libertin 8 un bateleur, tous munis de commif fions de l'Empereur. Les Evêque Ariens enchérilToient encore fur 1 barbarie de ces Officiers. Second Evêque de Ptolémaïde, écrafa un Pré tre a coups de pieds. CONS- TANCE. Ann. 35 6. C i > f l »  CONSTANCE. Ann. 356. IV. Mauvais rraitementsexercés contre les Aiexandrins. 534 H I S T 0 I R F. Les Catholiques dreffent un procés-verbal de ces excès, a deffein d'en inftruire le Prince. Syrien veut les forcer a fupprimer cet aéte. Plufieurs vont les conjurer de leur épargner cette nouvelle violence; il les fait chaffer a coups d« baton. II envoye a diverfes reprifes le bourreau de fa troupe, & le Prévot de la ville, pour enlever les armes qu'on avoit trouvées dans 1'Eglife, & qu'on y avoit fufpendues comme un témoignage de ces attentats facrileges : mais les Catholiques s'y oppofent. Ils envoyent a Conftance une requête que Saint Athanafe nous a confervée; ils y expofent tout ce qu'ils ont fouffert; ils font fouvenir l'Empereur de fes ferments; ils proteftent qu'ils font prêts a mourir plutöt que d'accepter un autre Evêque. Conftance, fourd a leurs plaintes & a leurs demandes , autorife tout ce qui s'eff paffe: il ordonne de pourfuivre Athanafe. Le Comte Héraclius menace, de la part de l'Empereur, toute Ia ville de lui öter le pain de diftribution, les Magiftrats de les réduire en efclavage, les Payens mêmes d'abat-  nu Bas-Empire. Liv. IX. 335 ire leurs idoles, s'ils nobéiffent au Prélat que le Prince va envoyer. Les Payens, pour fauver leurs dieux, lignerent tout ce qu'on voulut; & comme ils étoient encore en grand nombre dans Alexandrie , la lifte de leurs noms comblade joie l'Empereur, qu'on n'eut garde d'avertir que tous ces foufcripteurs n'étoient que des idolatres. Quelques jours après, Héraclius, Cataphronius & Fauftin , jaloux fans doute des fuccès de Syrien, accoururent k la tête d'une bande de Payens & de fcélérats a 1'Eglife nommée la Céfarée; ils étoient altérés de fang : mais comme le peuple étoil forti, ils n'y trouverent qu'un petii nombre de femmes & de filles qu'ils maltraiterent. Voulant fe fignaler pai quelques exploits, ils emporterem tous les meubles de 1'Eglife, jufqu'a 1: table de 1'autel, & les brülerent dans le parvis. Les Payens jettoient de 1'encens dans ce feu en invoquan: leurs dieux, & s'écrioient: Vivt ÏEm pcreur Confiance qui ejl revenu a notr Religion; vivent les Ariens qui ont ab juré le Chrijlianifme. Telles étoient les violences par lei CONSTANCE. Ann. 35*31.  CONSTANCE. Ann. 356, V. George prend la place d'Athanafe.Ath. Apol, I ,2 ,&ai Solit. & de Synod. & defugafux, & ad epi/c. ^g.&Lib. c 7. Greg. Na^. or. 21. Amm. I. 22 ,'c. II. Soc. /. 4, C 9. 335 HlSTOtRB quelles on préparoit la voie au nouvel Evêque. II arriva enfin quelque temps avant Paques. C'étoit encore un Cappadocien, nommé George, fils d'un Foullon; premiérement pararite , enfuite receveur public, enfin banqueroutier. Obligé de prendre la fuite, il erra de Province en Province, jufqu'a ce que trente Evêques Ariens affemblés k Antioche avant Ie Concile de Milan , jetterent les yeux fur lui pour le mettre a la place d'Athanafe. Ils le firent Prêtre avant qu'il fut Chrétien : on va jufqu'a croire qu'il ne le fut jamais : & ils 1'ordonnerent Evêque d'Alexandrie. II n'avoit ni connoiffance des Lettres, ni politeffe, ni même le mafque de la piété: mais il ne manquoit d'aucuns des talents d'un cruel & violent perfécuteur. L'argent des pauvres & celui des Eglifes, qu'il fit paffer dans la fuite aux favoris & aux eunuques, couvrit tous fes vices, & lui tint lieu de mille vertus. Conftance, né pour être trompé, lui prodiguoit dans fes difcours & dans fes lettres, les titres les plus pompeux : il 1'appelloit un Prélat au-defus de toute  nu Bas-Empjre. Liv. IX. 337 toute louange, le plus parfait des docteurs, le guide le plus expert dans le chemin du Ciel. II ne pouvoit trouver d eloges affez emphatiques pour honorer ce méchant Prélat, qui s'épargnoit même la contrainte de 1'hypocriiïe. II entra dans Alexandrie au milieu d'une troupe de foldats commandés par le Duc Sébaftien. C'étoit 1'arrivée d'un conquérant. II prit cependant quelques jours de repos, &C ne commenca la guerre. qu'après Paques. Alors au premier fignal, les foldats de Sébaftien fe répandent dans la ville & aux environs: on pille les maifons; on ouvre jufqu'aux tombeaux pour chercher Athanafe; on brille les monafteres. Les femmes Ariennes, avec une fureur de Bacchantes, faifoient mille outrages aux femmes Catholiques. Tout retentiffoient de coup de fouets. Le Duc luimême avoit horreur des cruautés dont il étoit le miniftre : comme il avoil fait fouetter plufieurs Catholiques, les Ariens 3, mécontents de 1'exécution qui leur avoit paru trop ménagée, le menacerent de mander aux Eunuques Tome II. P CONSTANCE. Ann. 35 6, VI. Violen ces de George.  CONSTANCE. Ann. 356, 338 HlSTOIRE qu'il ne les feryoit qu'a regret; & cet efclave de Cour, tremblant a cette menace, fit recommencer le fupplice jufqu'a ce que les Ariens fuffent fatiffaits. Quelques jours après, le Duc, a la folicitation de 1'Evêque, va a la tête de trois mille foldats fe jetter fur le peuple affemblé hors de la ville dans un cimetiere, pour éviter la communion des Ariens. La fe commirent tous les excès dont une foldatefque brutale eft capable , quand on lui fait gré de fa barbarie. On employa les chevalets, les flammes, les ongles de fer. Par un raffinement de cruauté, on fit battre un grand nombre de vierges, & d'autres perfonnes, avec des branches de palmier armées de toutes leurs pointes. Plufieurs en moururent. On cachoit les corps de ces martyrs; on ne les rendoit que pour de grofles fommes d'argent; autrement on les faifoit dévorer par des chiens. Ceux qui donnoient retraite aux Catholiques étoient traités avec rigueur; c'étoit un crime de les foulager de quelques aumönes : les Payens euxmêmes déteftoient ces inhumanités, & maudiffoient les Ariens qu'ils re-  nv Bjs-Empire. Liv. IX. 339 gardoient comme des bourreaux. Conftance avoit ordonné de chaffer les Evêques hors de leurs villes épifcopales ; mais George ne fe contentoit pas de les arracher a leur troupeau: après les avoir fait meurtrir de coups, on les envoyoit les uns aux mines ; c'étoit fur-tout a celles de Phceno en Arabie, oii 1'on mouroit en peu de jours ; les autres au fond des déferts; & pour les faire périr par la fatigue du voyage, les Evêques de la Thébaïde & ceux de la bafle Egypte fe croifant les uns les autres , étoient trainés, les premiers aux déferts d'Ammon, les autres aux folitudes de la grande Oafis; contrées également affreufes, Sc que des plaines immenfes de fables brülants rendoient inhabitables. Ces Prélats vénérables, courbés fous le poids de leurs fers, plufieurs même de leut vieillefTe , Evêques avant la naiffance de 1'héréfie dont ils étoient les viöimes, traverfoient les déferts en chan tant des hymnes, & ne plaignoiem que leurs perfécuteurs. Quelques-un< moururent en chemin, & honorereni de leur fépulture ces folitudes arides, P ij CONSTANCE. Ann. 3 5 6. vu. Exils des Evêques.  CONS TANCI Ann. 3 5 VIII. Georgi ehaffé rétabli. Epiph.he Amm. 22, c. 1. Soi. I. , c. 9. 340 HlSTOIkE - redoutées même des bêtes féroces. \ Pour remplacer les Evêques bannis, j. George vendoit les Eglifes k des décurions Ariens , qui achetoient ainfi Pexemption des charges civiles, èdes hbertins, k des hommes flétris par leurs crimes, k des Payens; il les y faifoit établir a main armée. Le nouveau Prélat, autant pour ra'■ cheter Pimpunité de tant de crimes, que pour fatisfaire fon avarice & celle r. des eunuques qu'il falloit fans ceffe déi faltérer, fe mit a faire le métier de ƒ partifan. II prit la ferme du falpêtre, h qu'on tiroit tous les ans en grande abondance du lac Maréotis ; il s'empara de toutes les falines & de tous les marais ou croiffoit le papyrus. Autorifé par les Magiftrats qui fe vendoient a tous fes caprices, il s'avifa d'impofer un tribut fur les morts; il fit fabriquer un grand nombre de cercueils, dont on étoit forcé de fe fervir pour porter les corps a la fépulture, & il en tiroit un droit. Oubliant fa dignité, qui n'infpire que des confeils de juftice & de douceur, dit un Auteur Payen, il fe chargeoit de 1'odieux perfonnage de délateur. Il  du Bas-Empire. Liv. IX. 341 travailloit a la ruine de fon peuple par les avis qu'il donnoit a Conftance: on dit qu'il voulut perfuader k ce Prince que l'Empereur étoit propriétaire de toutes les maifons d'Alexandrie, & qu'en cette qualité, il en devoit retirer les revenus, paree qu'il avoit fuccédé aux droits d'Alexandre le Grand, qui avoit fait batir la ville a fes dépens. La tyrannie jointe a tant de baffefle, alluma contre lui une haine fi f urieufe, que le peuple I'attaqua dans 1'Eglife même , & 1'auroit mis en pieces, s'il n'avoit promptement pris la fuite. II alla fe réfugier k la Cour. On chafïa aufli-töt de toutes les villes, les Evêques nouvellement intrus % majs le Duc d'Egypte ne tarda pas k les rétablir. Bientöton vitarriver a Alexandrie un Secretaire de l'Empereur, char gé de chatier les habitants. II y en eu' un grand nombre qui furent tourmen tés & battus de verges. George re vint peu de temps après , auffi détef té qu'auparavant, mais plus redouté Athanafe étoit refté quelques jour caché dans Alexandrie avec tant di précaution , que les fideles même ne connoiffoient pas le lieu de fa ré P iij CONSTANCË. Ann. j 5 6„ « ït. ; Fuite de , St. Athanafe." Ath, Apol.  CONSTANCE. Ann. 356. ad. Conft. Rufin e. IS. 5oj. /. 4, 1 ] i ] 1 ! j 1 34* Histoire traite. A 1'arrivée de George, il s'enfuit dans les déferts. Peu de temps après, il retourna fur fes pas dans le deffein d'aller trouver l'Empereur. II fe fioit fur fa propre innocence, & ne pouvoit fe perfuader que le Prince eut oublié fes promeiTes & fes ferments. Mais il n'en fut que trop convaincu par la leöure de deux lettres le Conftance : Tune étoit adreffée lux habitants d'Alexandrie ; il les exnortoit a obéir a George qu'il combloit de louanges ; il menacoit de toute fon indignation les partifans PAthanafe, dont il tracoit le portrait Ie plus affreux. L'autre étoit écrite jux deux Rois d'Ethiopie, Aïzan & Sazan: l'Empereur leur ordonnoit :omme a des vaffaux, d'envoyer en Egypte Frumentius, ordonné Evêque ïar Athanafe, afin qu'il y vint puifer la faine doörine dans les inftrucions de George, & de mettre Athalafe lui-même, s'il étoit dans leurs itats, entre les mains des Officiers lomains. Athanafe apprit en mêmeemps qu'on gardoit tous les paffa;es; qu'on examinoit tous ceux qui brtoient d'Alexandrie ; qu'on vifioit tous les vaiffeaux. II fe retira donc  nu Bas-Empire. Liv. IX. 343 dans les tables de 1'Egypte, & il y refta jufqu'a la mort de Conftance. D'abord il vécut avec les Moines qui habitoient ces retraites; & ces hommes angéliques confommés dans la pratique des plus fublimes vertus, trouvoient dans le nouvel Anachorete un maitre & un modele. Athanafe , au milieu de ces folitudes , recueillit unhéritage plus précieuxpoui lui que tous les tréfors d'Alexandrie. c'étoit une tunique de peaux de brebis que lui avoit laiffée Saint Antoine, mort quelque temps auparavan a lage de cent cinq ans. Les foldat: pourfuivirent le faint Evêque jufqu< dans cesaffreufes contrées. Pour épar gner a fes hötes les mauvais traite ments & les maffacres, il s'enfonc plus avant dans les déferts , oh il n recevoit de fecours que d'un Chrc tien fidele, qui lui apportoit au ha fard de fa vie les aliments les plu néceffaires. II fe tint même long-tem;: enfermé dans une citerne feche, dor il fut encore obligé de fortir, pare qu'on 1'avoit trahi. Ce héros de 1 foi, fuyant, pourfuivi, abandonné manquant de tout, excepté de 1 P iv CONSTANCE. Ann. 35(1. I S s t e a » a  CONSTANCE. Ann. 356. X. Diverfes violences des Ariens. Ath. ad Solh. Hilar. in Confi. Baronius. Hermant, vit dt St. Athanafe , 1.7,c. 18. Till.Arian. art. 47,61, <£• vie deSt. HU. art. 6, 7. 344 H 1 s t o 1 r s gracedivine, forgeoitau fond de ces déferts des foudres qui alloient frapper George & les Ariens au milieu d'Alexandrie^ & dans des allarmes continuelles, il trouva en lui-même, ou plutót en Dieu, qui le couvroit par-tout de fes ailes, affez de repos & de force pour compofer une grande parrie de ces ouvrages pleinsd'onction, d'éloquence & de lumieres, qui feront toujours rinftrudion & 1'admiration de 1'Eglife. Les Ariens croyoient n'avoir rien fait, tant qu'ils n'auroient pas dompté Ofius, qu'on appelloit le pere des Evêques & le chef des Conciles. Conftance le mande, 1'exhorte, Ie prie. Ofius déconcerte l'Empereur par la force de fes paroles, & retourne a fon Eglife. Les Ariens aigriffent le Prince; il écrit, il careffe, il menace. Ofius demeure ferme. Conftance mande de nouveau ce vieillard agé de cent ans, & le retient en exil a Sirmium pendant une année entiere. On tint dans la Gaule un Concile a Béziers, oii Saint Hilaire d e Poitiers confondit les Ariens , & le ur chef Saturnin d'Arles , qui  du Bas-Empire. Liv. IX. 345 préfidoit au Concile. La plupart des Evêques de Gaule fe féparent de Saturnin & des Ariens. Mais ceux-ci mettent dans leur parti le Céfar Julien , qui ne regardoit que de loin ces orages de 1'Eglife ; Conftance, trompé par une faulfe relation, exile Hilaire & Rhodane, Evêque de Touloufe : il les relegue en Phrygie. H fait meurtrir de coups les Clercs de 1'Eglife de Touloufe. Leur Evêque meurt dans fon exil. Ce fut, felon quelques Auteurs, dans cet exil même , que Saint Hilaire compofa contre Conftance le livre dont nous avons parlé ; quoiqu'il foit plus vraifemblable que cet ouvrage n'a été fait qu'après fon retour en 360. Cet écrit a fans doute befoin d'excufe pour les traits injurieux qui font lancés fans ménagement contre la perfonne de l'Empereur ; mais il renferme un témoignage précieux , qui fait honneur a ces faints Evêques. Saint Hilaire y fait voir a Conftance Pabus de la violence en fait de Religion , par ces belles paroles : Dieu nous a enfeigné d le connottre ; il n> nous y a pas contraints. II a donne' d P V CONSTANCE. Ann. 356.  CONSTANCE. Aon. 3 j6. j 1 4 i i i £ i i c r XI. Nouvelle f héréfie de Macédo- *" nius. e Soc. Lx, jj '•17, 38. , So^.l. 4,c. « i9»i°>i6, ff. 346 II I S T O I S. E l'autorité a fes préceptes en nous faifant admirer fes opérations divines: il ne veut point d'un confentement forcé. Si ton employoit la violence pour êtahlir la vraie foi, la Doctrine épifcopale sèleveroit contre ca abus : elle s'écrie'oit: Dieu ejl le Dieu de tous les homvies ; il n'a pas befoin d'une obiiffance 'ans liberté; il ne regoit pas une proceJJion que le cceur defavoue ; il ne s'arit pas de le tromper y mais de le fer'ir. Ce nejl pas pour lui, c'ejl pour ious que nous devans lui obêir. Tels itoient auffi les fentiments de Saint Vthanafe. Tous ces illuftres exilés efuyerent les traitements les plus durs k les plus cruels. Le Comte Jofeph Scythopolis fut le feul qui ofa conerver de 1'humanité a leur égard: I retira dans fa maifon Saint Eufebe e Verceil, perfécuté par 1'Evêque atrophile» L'héréfie, föutenue de la pniflance ntveraine, triomphoit avec infolene. La nouvelle capitale ne fut pas sempte de troubles. Macêdonius obnt de l'Empereur un édit qui orannoit de chalTer des villes les dénfeurs de la confubftantialité, &c  du Bas-Empire. Liv. IX. 347 d'abattre leurs Eglifes. Armé de cet édit, le Prélat impitoyable mit en oeuvre les plus extrêmes rigueurs pour forcer les Catholiques a communiquer avec les Ariens. La perfécution s'étendit fur les Novatiens , attachés comme les Catholiques a la foi du Confubftantiel. Cette conformité de fouffrances uniffoit leurs cceurs; elle auroit même réconcilié leurs efprits, fans la jaloude de quelques Schifmatiques qui s'y oppoferent. En exécution du nouvel édit, on abattit une Eglife que les Novatiens avoient a Conftantinople. Ils s'affemblent aufli-tót, hommes , femmes, enfants; & fans réfvfter a 1'ordre de l'Empereur , ils laiffent démolir 1'Eglife ; mais ils en recueillent les matériaux, les tranfportent au-dela du golfe dans le quartier nommé Syquts, & ils 1'eurent rebatie en ce lieu prefque en auffi peu de temps qu'il en avoit fallu pour la détruire. Julien leur ayant rendu dans la fuite 1'ancienne place, ils y reporterent les mêmes matériaux, reconf* truifirent 1'Eglife, & la nommerent Jnaftafu, c'eft-a-dire , Réfurrection. Macêdonius pourfuivoit par-tout P vj CONSTANCE. Ann. 356. Till.Arian. art. 62 Sr fuir.  CONSTANCE. Ann. 356, 348 HlSTOIS-R les Novatiens. Ayant appris qu'ils étoient en grand nombre dans la Paphlagonie, & fur - tout a Mantinium, il y envoya, avec la permiflion de l'Empereur, quatre cohortes de foldats pour les exterminer, ou les forcer a faire profeffion d'Arianiime. Les babitants de Mantinium, échauffés d'un zele plus ardent que conforme a 1'Evangile , s'arment a la hate de tout ce qui fe préfente fous leurs mains; marchent contre ces troupes ; fe battent en défefpérés, perdent beaucoup de leurs gens; mais taillent en pieces prefque tous les foldats. Ce malheureux fuccès indifpofa l'Empereur. Un autre événement acheva de 1'irriter. L'Eglife des Saints Apötres, oh. repofoit le corps de Conftantin , menacoit déja ruine. Macêdonius fit de fa propre autorité tranfporter le corps dans 1'Eglife de Saint Acace. Le peuple fe divifa en deux faclions ; les uns s'éerioient que c'étoit un facrilege de remuer les cendres de leur fondateur; les autres prenoient le parti de 1'Evêque. La querelle devint meurtriere. il y eut un furieux combat dans 1'E-  r>u Eas-Empire. Llv. IX. 349 glife même de Saint Acace. Le portique & le parvis furent inondés de fang. L'Empereur imputa ce maffacre k Macêdonius; il le taxa d'une témérité criminelle, pour avoir entrepris , fans fa permiffion, de déplacer le corps de fon pere. Ce Prélat, brouillon & violent, voulut être héréfiarque. II s'accordoit avec les fémi-Ariens fur la reffemblance de fubftance entre le Pere & le Fils; mais il nioit Ia divinité du Saint-Efprit. Les fecf ateurs de cette nouvelle erreur, furent appellés tantöt Macédoniens, tantöt Marathoniens, paree que Marathonius, Evêque de Nicomédie, aida beaucoup a la naiffance de cette hérélie, & la défendit avec chaleur. Cette fefte qui s'étendit parmi le peuple & jufque dans plufieurs monafteres, n'eut cependant ni Evêque, ni Eglife particuliere jufqu'au regne d'Arcadius. Pendant que l'Empereur livroit 1'Eglife en proie aux Hérétiques, Julien travailloit a délivrer la Gaule des barbares qui la défoloient. L'entreprife paroiffoit au - deffus de fes forces, Que pouvoit-on attendre d'un CONSTANCE. ünn. J56. xn. Julien dans la Gaule. Amm. 1. 16 ,<■. i. Zof. I. 3, Suid. in V0(.  CONSTANCE. Ann. 35 6. 350 HlSTÖIRE jeune Prince, fans expérience, étranger clans un camp , nourri dans 1'ombre des écoles, obligé d'apprendre les exercices militaires dans le temps qu'il falloit livrer des batailles ? Revêtu d'un nom fans pouvoir, il ne venoit au fecours de cette Province qu'avec une poignée de foldats, dont les Officiers étoient autant d'efpions dévoués a l'Empereur; il n'y trouvoit que des troupes affoiblies par la défertion & par les défaites, abatardies par 1'habitude de fe laiffer vaincre, fans émulation , fans difcipline. II fembloit que Conftance, toujours ombrageux, ne 1'avoit choifi que paree qu'il le croyoit incapable; & ce Prince retenant d'une main ce qu'il paroiffoit lui donner de 1'autre, avoit pris des mefures pour lui dérober jufqu'a la gloire des hafards heureux , en lui attachant en apparence pour confeil, & en effet pour maitre , le Général Marcel, qui devoit avoir tout 1'honneur des fuccès , tandis qu'on ne laiffoit a Julien que la honte des échecs. Dans une fituation fi délicate, Julien fut forcer tous les obftacles qu'on mettoit  bu Bas-Empire. Liv. IX. 351 h fa rénutation. Pendant 1'hvver qu'il paffa dans Vienne, il s'appliqua a connoitre fes foldats, fa Province ,fes ennemis ; il puifa dans la profondeur de fon génie toutes les reffources de la fcience militaire; il s'affranchit de fes furveillants en les rendant inutiles;& dès le printemps fuivant, avant que d'avoir vu la guerre, il fe trouva plus grand Capitaine que ceux qu'on avoit chargé de le conduire. Son exemple plus encore que fa vigilance, relevala difciplice, 6c d'une armée tant de fois vaincue forma une armée invincible. La première loi qu'il s'impofa fut celle de la tempérance. Perfuadé que la vertu ne fait dreffer qu'une table frugale, 6c que le corps ne fe traite délicatement qu'aux dépens de 1'efprit, il n'eut pas befoin de confulter les mémoires de Conftance. Ce Prince avoit pris la peine de régler la table de Julien, comme celle d'un écolier qu'on enverroit aux études , dit Ammien; il avoit marqué dan» un écrit de fa propre main la qualité des méts qu'il vouloit qu'on lui fervit : Julien en retrancha tout ce qui fentoit la bonne CONSTANCE. Ann. 356. XIII. Sa facon de vivre. Amm. I. 16 , c. 5. Mamert. Paneg, e, 11.  CONSTANCE. Ann. 356. 352 TI I S T 0 I R E chere ; il voulut être nourri comme les fimples foldats. Sa fobriété lui permettoit d'abréger le temps dufommeil : couché fur la terre nue ou fur une peau de béte, il fe levoit au milieu de la nuit. Après avoir fait fecretement fa priere k Mercure, il travailloit aux dépêches, il vifitoit luimême les fentinelles, & donnoit le refte de la nuit a 1'étude. La philofophie , 1'éloquence , l'hiftoire , la poéfie même occupoient ces heures tranquilles. Entre les ouvrages qu'il compofa dans la Gaule, les deux panégyriques de Conftance font des fruits de fes veilles. II y foutient mal 1'honneur de la philofophie', par la flatterie outrée que refpirent ces deux difcours. II les démentit dans la fuite, lorfqu'il put le faire impunément, par des inveftives encore plus condamnables. Un ouvrage qui auroit mieux mérité de paffer a la poftérité , ce font fes propres mémoires , qu'il avoit écrits a Pimitation de Jule Céfar. II employoit le jour aux affaires de la guerre , ou k faire des réglements utiles pour 1'armée & la Province. II fe formoit aux exercices ? & il fe railloit  nu Bas-Empike. Liv. IK. 353 lui-même de bonne grace fur foa peu d'habileté. Pour s'endurcir contre les incommodités les plus fenfibles, il fupportoit fans feu la rigueur deshyvers de la Gaule. II paffoit 1'été dans fon camp, 1'hyver fur fon tribunal, toujours occupé a repouffer les barbares, ou a défendre les peuples, toujours armé contre les ennemis ou contre les vices. Attentif k veiller fur les Officiers de fon palais, il réprimoit leur avidité naturelle. II écoutoit les plaintes, & fe piquoit de clémence dans les punitions : fouvent il adouciffoit la ricueur des fentences prononcées par fes Juges. II fervit les Gaulois autant par fon équité que par fes viftoires, en diminuant le poids des impofitions , qui enlevoient k la Province ce qui échappoit aux Barbares. Quand il entra dans la Gaule, chaque tête taillable pay oit vingt-cinq pieces d'or. qui faifoient environ trois onces & demie; quand il en fortit, ce tribu' étoit réduit a fept pieces , toute: charges acquittées. II avoit pour ma •xime, de ne point faire remife de reftes qui étoient dus au fifc, comnv CONSTAÏiCE. iVnn. 3 5 6. XIV. Sa conduite dans Je gouvernement.Amm. ibli. Mifop. Mamert. Paneg. c. 4.  CONSTANCE. Ann, 356. XV. Autres qualités tle Julien. Mi/op. Lib. or, IO, 12. Hilar. in Confi. Eunap, Max. 354 HlSTOIRZ les Princes les plus défintéreffés 1'avoient pratiqué avant lui : fa raifon étoit que les rich.es demeurent toujours feuls reliquataires, paree que la contrainte n'épargne pas les pau* vres dès les premiers moments de Pimpolition : cependant fa générofité dérogea quelquefois a cette loi. Un gouvernement 11 équitable ne pouvoit manquer de lui gagner le cceur des Gaulois : leurs biens , leurs perfonnes, tout étoit a lui : fouvent ils le forcerent d'accepter de grandes fommes d'argent; ils lui obéiffoient avec zele : c'étoit, difoient-ils tous d'une vöix , un Prince doux , acceffible , plein de courage , de juftice, de prudence, qui ne faifoit la guerre que pour le bien des peuples, & qui favoit les faire jouir des avantages de la paix. Ces belles qualités fe trouvoient alliées a des travers que lui imprima pour toute fa vie une éducation trop fophiftique. Non content d'aimer les lettres & les fciences, il fe confondoit lui - même avec les Savants & les Littérateurs. Faifant en public profeffion du Chriftianifme,  du Bas-Empike. Liv.IX. 355 pour entretenir 1'affection des peu- ■ pies, il favorifoit tantöt les Ariens, tantöt les Catholiques, &c Saint Hi- t laire, dans fes écrits contre Conftance, 1'appelle un Prince religieux. Mais les Rhéteurs, lesPlatoniciens,les Magiciens d'Athenes, confidents fecrets de fon attachement a 1'idolatrie, venoient en Gaule fe mêler autour de lui aux braves Officiers qu'il employoit a la guerre. Julien fe prêtoit a tout; il gagnoit des batailles, & faifoit des vers en 1'honneur de ces prétendus illuftres qui accouroient de fi loin pour admirer fes talents. Sa Cour bigarrée de manteaux de Philofophes & de cafaques militaires , offroit un fpeöacle auffi bifarre que le Prince même : c'étoit a la fois un camp, une académie, une école de Sophiftes. Mais on n'y voyoit point de danfeurs , de farceurs, de joueurs d'inftruments, ni de tous ces miniftres de divertiffements frivoles. La bifarrerie de Julien étoit auftere : il n'avoit aucun goüt pour les plaifirs; ce n'étoit que le premier jour de Pannée , & par coutume , qu'il permettoit de jouer des comédies : il n'affif- Cous- TANCE. Ltin. 356.  CONSTANCE. Ann. 356. XVI. Sa réputation efface celle de Conftance. 1 1 i l i i < i I i 356 IJlSTOIRE toit que rarement aux jeux du cirque, sncore n'y reftoit - il que quelques inftants. Cette humeur grave & févere fympathifoit avec celle desGaulois, qui ne connoiffoient pas les théatres, 8c qui prenoient la danfe pour un accès de folie. Telle fut la conduite le Julien , tant qu'il demeura dans 'Occident ; & la dignité impériale n'y changea rien dans la fuite. La gloire de 1'Empire fembla paffer avec lui dans la Gaule. Dès ce noment, le Céfar fit le premier róle lans les affaires, & cette Province levint le théatre le plus brillant de la /aleur Romaine. On y vit bientöt les killes relevées, les campagnes cou'ertes de trophées & de fertiles moif'ons; les Barbares en fuite; par-tout a profpérité, la füreté, 1'abondance. Confiance , fi Pon en excepte fon royage de Rome, refta triftement en'eloppé d'intrigues ténébreufes & de ontroverfes de Religion; & fi les nfultes des peuples voifins le firent [uelquefois fortir de 1'obfcurité de a Cour, ce ne fut que pour des ex>éditions fans fuccès ou fans éclat. fous les regards fe tournerent du ;6té de Julien.  du Bas-Empire. Liv. IX. 357 Sa première campagne fut un glorieux apprentiffage. C'étoit dans Ia Gaule un ufage ancien, & qui fubfifta long-temps après, que les armées ne fe miffent en mouvement que vers le folftice d'été. Julien étoit encore a Vienne, lorfqu'il apprit que la ville d'Autun venoit de courir le rifque d'être prife & faccagée. Cette ville étoit grande; mais elle n'avoit pour toute défenfe qu'une vieille muraille, prête a tomber en ruine. Les Barbares, maïtres de tous les dehors, labouroient pailïblement le territoire; & les habitants, bloqués depuis plufieurs mois, n'attendoient que le moment de pouvoir fe réfugier ailleurs. Le voifinage de Julien, dont la réputation commencoit k éclore, leur infpira plus de hardieffe. L'un d'eux, voyant un Barbare qui pouffoit fa charrue jufqu'au pied des murs, courut fur lui & 1'enleva. Plufieurs autres en firent autant. Les ennemis irrités entreprennent d'efcalader la ville a la faveur de la nuit. Au bruit qu'ils firent en plantant leurs échelles, un petit nombre de Vétérans prend les armes, pendant que les autres foldats trembloient de peur; & CONSTANCE. Ann. 3 j ó. XVII. Autun délivré. Amm. I. 16, c. 2 , & 1, 17 , c. S. Jul. ad Ad. Lib. or. 12. Cajfiod. 1. I , ep. 24. Al/au illuft.p.%c,%& feqj.  CONSTANCE. Ann. 356. xvm. Marche 40 , & not. 38. Alfat. Uluflr.p. 300 Ann. 357; XXII. Julien affiégé a Sens. 362 HlSTOIRE Gundomade Sc Vadomaire avoient rompu le traité fait deux ans auparavant. Ils s'étoient unis avec les Juthonges, autre peuplade d'Allemands qui habitoient vers la fource du Danube, du cöté de 1'Italie. Conftance fortit de Milan , & entra fur leurs terres par la Rhétie. Julien, pour les refferrer du cöté de la Gaule , remonta le Rhin jufqu'a Bale. On fit le dégat dans leur pays. Ils s'étoient retirés au fond de leurs forêts, après avoir embarraffé les chemins par de grands abattis d'arbres. Mais comme 1'armée Romaine forcoit tous les paffages, Sc que ces Barbares étoient en même-temps en guerre avec leurs voiiins , ils eurent recours aux prieres , & obtinrent encore la paix. Conftance retourna a Milan; Sc Julien., après une campagne qui donna de 1'expérience a ce Prince, du courage k fes troupes, Sc de grandes efpérances aux Gaulois, alla paffer 1'hyver a Sens. Ce ne fut pas pour lui un temps de repos. II n'avoit pas affaire k des ennemis raffemblés en un corps, qui flxaffent toutes fes vues fur un feul objet. Cétoient des efTaims de Bar-  du Bas-Empire. Liv. IK. 363 bares, tantöt féparés, tantöt réunis, qu'il étoit difficile de vaincre , difficile même d'atteindre, les uns aur . deca du Rhin , les autres au - dela, mais toujours prêts a franchir cette : barrière, &i qui partageoient fon ef- ' prit en autant de foins , qu'ils occupoient de territoires, & que le Rhin offroit de palTages. II s'agiiToit d'écarter tous ces nuages, de ramener dans les pofles expofés les garnifons. que la terreur avoit difperfés, de pourvoir dans des pays ruinés aux fubfiftances d'une armée toujours en mouvement, & dont les marches ne pouvoient être réglées que fur les courfes imprévues des ennemis. II venoit d'être alTocié pour la feconde fois a Conftance dans le Confulat. Pendant qu'il prenoit des mefures pour la campagne prochaine , une multitude de Barbares vint 1'affiéger dans la ville de Sens. Ils fe flattoient d'autant plus de réullir , qu'ils favoient que le manque de vivres 1'avoit obligé de féparer une partie de fes meilleurs corps, & de les diftribuer en divers quartier. Julien fit fortifier les endroits foibles de la ville; Q n CONSTANCE. Inn. 357. Amm. I. 6.c 3,4. 'ui. ad Ath.  COKSTANCE. Ann. 357. XXIII. Difgrace de Marcel. Amm. 1 16 , c. 4 7, 8. 364 HlSTOlKE toujours la cuiraffe fur le dos, il fe montroit jour & nuit fur les remparts; il brüloit d'impatience d'en venir aux mains; mais il étoit retenu par la confidération du petit nombre de fes troupes. Enfin, après trente jours de fiege, les Barbares, auffi peu conftants dans Pexécution que prompts a entreprendre, perdirent courage & fe retirerent. Marcel, quoiqu'il ne fut pas éloigné de Julien , ne s'étoit pas mis en peine de le fecourir dans un péril fi preffant. II avoit cru fans doute fuiyre les intentions de Conftance. Mais il eft dangereux de fe prêter aux vues de l'injuftice : comme elle dégrade ceux qui la fervent, elle en prend droit de les méprifer; & fouvent, pour fe difculper, elle fe fait honneur de les punir. D'ailleurs, Conftance vouloit tenir Julien dans l'abaiffement, mais il ne vouloit pas le perdre. La conduite du Général excitoit les murmures; l'Empereur le facrifia fans regret a la haine publique : il lui öta le commandement, & lui donna ordre de fe retirer fur fes terres. Marcel prit cependant le parti de venir a  nu Bas-Empire. Liv. IX. 365 la Cour, dans 1'efpérance de fe juf- ' tifier en chargeant Julien : il eomptoit fur la faveur que la calomnie 4 trouvoit auprès du Prince. Mais le Céfar fe doutant de fon deffein, fit partir en même-temps fon Chambellan Euthérius, & lui confia le foin de le défendre. Marcel, qui ne favoit rien de cette précaution, arrivé h Milan, & fe plaint hautement de fa difgrace : il étoit impétueux & f anfaron. II fe fait introduire au Confeil : il déclame contre Julien avec beaucoup de chaleur; c'étoit, difoitil, un jeune téméraire, un ambitieus qui prenoit Peffor au point de ne plus reconnoïtre de fupérieur. Après une invectivefort animée alaquelleil n'attendoit pas de réponfe, il eft furpris de voir paroïtre Euthérius, qui, de fang froid & d'un ton modefte, réfute en peu de mots tous fes menfonges, développe fes indignes manoeuvres , rend un compte exact de ce qui s'eft paffé au fiege de Sens, & répond fur fa tête de la fidélité inviolable de fon maïtre. Marcel confondu , fe retira a Sardique fa patrie. Le vertueux Euthérius foutenoit it Q üj CONSrAKCE. .nn. 3 57*  COKSTAKCE. Ann. 357. i l i < 1 j i i t 1 XXIV. *£tat \ 1'épreuve de tout intérêt, fidele, & d'un fecret impénétrable, il ne profitoit de fa faveur que pour infpirer les mêmes vertus au jeune prince. II s'efforcoit de corriger par fages confeils ce que 1'éducation Aiiatique avoit laifTé de léger & de frivole dans Ie caraftere de Julien. Auffi ce rare courtifan eut-il un bonieur prefque inconnu aux favoris : fa ronfideration furvéquit k fon maitre; 1 nefut pas obligé dans fa vieilleffe I aller cacher dans une retraite vo"ptueufe des richelTes odieufes & inLdtement acquifes, fi paffa fes derueres années k Rome, jouhTant du epos d une bonne confcience, chéri c honoré de tous les ordres de Etat. La Gaule commencoit a refpirer; ïais les défiances perpétuelles de' .onitance rendoient fa Cour un fé>ur moins afiuré que Ia Gaule. Les slateurs , plus dangereux que les arbares, étoient fecretement excis par les favoris qui profltoient des  du Bas-Empihe. Liv. IK. 367 eonfifcations. Rufin, Préfet du Prétoire, Arbétion, Général de la cavalerie , Peunuque Eufebe & plufieurs autres, s'enrichiffoient de condamnations. Tout étoit crime de lefe-majefté : la fottife même & la fuperftition devenoient un attentat contre le Prince; & s'il en faut croire Ammien , ce fut moins par zele pour la Religion Chrétienne, que par 1'effet d'une crainte pufillanime, que Conftance fit en ce temps-la plufieurs loix qui condamnoient a mort & les devins & ceux qui les confultoient. Un autre Rufin, ce chef des Officiers de la préfe&ure, qui avoit gagné les bonnes graces du Prince en accufant Africain , ayant corrompu la femme d'un certain Danus, habitant de la Dalmatie, 1'engagea a prendre la voie la moins périlleufe pour fe défaire de fon mari : c'étoit de 1'accufer d'une confpiration contre l'Empereur. Selon les inftrucHons de ce fburbe, elle fuppofa que Danus, aidé de plufieurs complices, avoit dérobé le manteau de pourpre renfermé dans le tombeau de Dioclétien. Rufin accourt & Milan pour déférer ce forfait a 1'EmQ iv CONSTANCE. Ann. 357. lib. 9 , tit. 16 , leg. 4 , 5, 6.  CONSTANCE. Ann. 357. SÖ8 HlSTOIKB pereur. Heureufement pour Pinnocenee, Conftance chargea cette fois de 1'information deux hommes incorruptibles; c'étoient Lollien, Préfet du Prétoire d'Italie, & Urfule, Sur-' intendant des finances. Ils fe tranfportent fur les lieux; 1'affaire eft traitée a la rigueur ; on met a la queftion les accufés. Leur conftance k nier le crime embarraiToit les CommilTaires; enfin, la vérité éclata : la femme , preffée elle-même par les tourments, avoua fon intrigue avec Rufin; ils furent tous deux condamnés a mort, comme ils ne Pavoient que trop méritée. Mais Conftance, irrité d'avoir perdu dans Rufin un zélé ferviteur, envoye en diligence k Urfule une lettre menacante, avec ordre de fe rendre a la Cour. Urfule, malgré fes amis qui trembloient pour lui,vient hardiment, fe préfente au Confeil, rend compte de fa conduite & de celle de Lolien avec tant de fermeté, qu'il impofe filence aux flatteurs, Sc force l'Empereur d'étouffer fon injufte reflentiment. Les innocents ne furent pas tous auffi heureux que Danus. Une maifon fort riche fuf  du Bas-Empirb. Eiv. IX. 369 ruinée dans 1'Aquitaine, paree qu'un délateur, invité a un repas , ayant appercu fur la table & fur les Hts qui Penvironnoient quelques morceaux de pourpre, prétendit qu'ils faifoient partie d'une robe impériale; il s'en faifit, les alla préfenter aux Juges, qui ordonnerent une recherche exafte pour découvrir 011 pouvoit être le refte de la robe. On ne trouva rien, mais la maifon fut pillée. II y avoit en Efpagne une coutume finguliere dans les feftins : au déclin du jour, quand les valets apportoient les lumieres, jls difoient a haute voix aux convives : Vivons, ilfaut mourir. Un Agenl du Prince , qui avoit affifté a un dt ces repas , fit un crime de ce qui n'étoit qu'un ufage ; il fut fi bier envenimer ces paroles, qu'il y trouv; de quoi perdre une honnête familie Arbétion , 1'un des principaux au teurs de ces calomnies, fe vit lui même fur le point de fuccomber. Oi employa contre lui fes propres artifi ces. Le Comte Vériflime 1'accufa d porter fes vues jufqu'a 1'Empire, 8 de s'être fait faire d'avance les orne mejits impériaux. Dorus, dont nou Q v CONSTANCE. Ann. 357. 1 l l r s  CONSTMJCE. Ann. 357. XXV. Conftan«e vient a Rome. Jul. or. 3. Amm. I. 16 , c. 10, ldace. TUL noi. \ J9- ] ( 1 ( < t f c X 11 370 II I 8 T 0 I R E avons déja parlé, fe mit de la partie. On commenca PinftruÉtion du procés ; on s'affura des amis d'Arbétion : le public attendoit avec impatience la convi&ion de ce perfonnage odieux. Mais la follicitation des Charnbellans du Prince arrêta tout-a-coup la procédure ; on mit en liberté ceux qui étoient détenus pour cette affaire : Dorus difparut, & Vérifïime demeura muet, comme s'il eut oublié fon Pölé. L'Impératrice Eufébie avoit fait un voyage a Rome 1'année précédente , pendant 1'expédition de Conftance en Elhétie. Elle y avoit été recue avec nagnificence; le Sénat étoit forti auievant d'elle. La Princeffe avoit de on cöté récompenfé par de grandes argeffes rempreffement des habitants. Conftance voulut aller a fon tour ecevoir les hommages de Pancienne apitale de 1'Empire. Son deffein étoit l'y entrer en triomphe pour la vicoire qu'il avoit remportée fur Manence. Cette vanité n'avoit point 'exemple chez les Romains, qui ne oy oi ent dans les guerres civiles qu'un 'jet de larmes, tk non pas une ma-  nu Bas-Emi>ire. Liv. IX. 371 tiere de triomphe. Après avoir ordonné toutl'appareil,capable d'éblouir les yeux par la pompe la plusbrillante, il prit la route d'Ocricoli, efcorté de toutes les troupes de fa maifon qui marchoient en ordre de bataille; repaifTant de fa gloire les regards de ceux qui accouroient fur fon paffage, & fe repaiffant lui - même de leurs applaudifTements. A fon approche de Rome, le Sénat étant allé & fa rencontre , le Prince, enivré de pompeufes idéés, s'imaginoit voir ces anciens Sénateurs fupérieurs aux Rois, mais dont ceux-ci n'étoient plus que 1'ombre; & cette immenfe multitude qui fortoit a grands flots des portes de Rome , fembloit lui annoncer tout 1'univers raffemblé pour 1'admirer, Précéd'é d'une partie de fa maiion, & des enfeignes de pourpre qui flottoient au gré des vents , il entra affis feul fur un char rayonnant d'or & de pierreries : a droite & a gauche marchoient plufieurs files de foldats, couverts d'armes éclatantes : chaque bande étoit féparée par des efcadrons de cavaliers tout revêtus de lame» d'un acier poli 6i luifant, L'EmpeQvj CONSTANCE. Aan. 357..  CONSTANCE. Ann. 3 j 7. j \ 1 ] 4 i 1 XXVI. II en ad- < mire les édifices. ' A.-nm.itid, c C z d f< 372 Histoire reur, au milieu des cris de joie qui le joignoient au fon des trompettes, gardoit une contenance roide & immobile; il ne tournoit la tête d'aucun cöté; on remarqua feulement qu'il la baiffoit au paffage des portes, quoiqu elles fuffent fort éievées, & qu'il fut de fort petite taille : d'ailleurs , il n avoit d'autre mouvement que celui de fon char. C'étoient une gravité de maintien qu'il afreöa toute fa vie laloux de fa dignité, il Pattachoit toute entiere a Ia fierté de 1'extérieur: amais il ne fit monter perfonne avec ui dans fon char; jamais il ne paragea 1'honneur du Confulat avec au:un particulier. II fut recu dans le ïalais des Empereurs au bruit des acdamations d'un peuple innombrable; x fa vanité ne fut jamais plus aeréa>lement flattée. Pendant un mois qu'il refta dans :ette ville fameufe, elle fut pour lui m fpeöacle toujours raviffant. Chaue objet ne lui laiffoit rien attenre de plus beau, & fon admiration e s epuifa jamais. II vit cette place igne par fa magnifïcence d'avoir 'rvi de heu d'affemblée a un peu-  COKSTANCE. Ann. 357. 384 H I S T 0 I R E plaie encore plus fenfible a 1'Eglife , & qui pénétra jufqu'a fes entrailles , ce fut la prévarication du premier Pontife. Libere, dont la fainteté & la conftance Apoftolique avoient fait jufqu'alors 1'admiration de tous les fideles, ne pouvant plus réfifter a Pennui & aux incommodités de fon exil, menacé de la mort, privé de la confolation qu'il tiroit de fes Ec* cléfiaftiques qu'on fépara de lui, céda enfin aux follicitations de Fortunatien d'Aquilée & de Démophile de Bérée : celui-ci obfédoit ce faint Pontife , & travailloit fans ceffe a aigrir fes maux, plus encore par fes pernicieux confeils que par fes mauvais traitements. Libere figna la formule de Sirmium, renonca a la communion d'Athanafe, & embraffa celle des Ariens. Les lettres qu'il écrivit enfuite au Clergé de Rome, a l'Empereur, aux Evêques d'Orient, a Urface & a Valens, a Vincent de Capoue, comparées avec cette conférence généreufe, oü confondant Conftance, il s'étoit attiré un glorieux exil, montrent de quelle hauteur peuvent tomber les ames les plus élevées, & font  du bas-EmriRE. IJv. IX. 3S5 font de triftes monuments de la foiblefle humaine. Des Auteurs refpectables le déchargent du moins de 1'accufation d'héréfie: ils prétendent qu'il ne figna pas la feconde formule de Sirmium, oü la confubftantialité étoit condamnée , mais la première , dreffée en 351, ou la troifieme faite, felon quelques-uns, en 358 , dans lefquelles le terme de confubftantiel étoit feulement fupprimé. Nous laiffons ces difcuflions aux Théologiens a qui elles appartiennent. Les humbles fupplications du foible Pontife, ne purent encore cette année obtenir de l'Empereur qu'il fut rétabli dans fon Eglife. Conftance revenoit d'Illyrie a Milan , lorfqu'on lui préfenta fur fon chemin un captif fameux. C'étoit Chnodomaire, Roi des Allemands, que Julien lui envoyoit comme un hommage de fa vicfoire. II eft temps de reprendre la fuite des exploits de ce Prince, & de rendre compte de la feconde campagne qu'il fit dans la Gaule. Marcel, ayant été rappellé, Eufébie profita du mécontentement vrai ou apparent de l'Empereur, pour Tomc II. R CONSTANCE. Arm. 357. xxxnr. Difpofiionspoura feconde :ampagne le Julien. rul. ad Ath. 'f or. 8. lib. or. 12. Amm. I. [6, c. 10 , [i.  COKSTANCE. Ann. 557. 38ó ƒƒ / s T 0 l R E Fengager a donner a Julien un pouvoir plus étendu; & Conftance y confentit, paree qu'il n'atrendoit de ce jeune Prince que de médiocres fuccès. II n'en fouhaitoit pas davantage. II lui laiffa donc le commandement abfolu, & la pleine difpofnion de toutes les opérations militaires. II lui envoya Sévere en la place de Marcel, pour agir fous fes ordres. Ce Général étoit un vieux guerrier, habile dans le métier des armes, mais fans orgueil, fans jaloufie, difpofé a obéir comme un fimple foldat, plutöt que de troubler les affaires par un faux point d'honneur. Julien ne fut pas auffi content des Officiers chargés du Gouvernement civil. Florence, Préfet du Prétoire, homme injufte, intérefte, infenfible a la mifere du peuple, s'accordoit mal avec le caraöere équitable, généreux, compatilTant, que monfroit le Céfar. Pentade, autre Officier dont on ignore Pemploi, & qui étoit peut-être le même qui avoit eu tant de part k Ia mort de Gallus, efprit remuant & dangereux, ne ceffoit d'agir fourdement contre Julien, paree que ce  du Bas-Empihe. Liv. IK. 387 Prince éclairoit fes démarches, & s'oppofoit a fes entreprifes. Au milieu de ces contradictions & de ces cabales, Julien eut un bonheur qui arrivé rarement aux Princes; il trouva un ami : c'étoit Salluffe, Gaulois de nailTance, plein de fidélité, de lumieres & de franchife. Ce fage & zélé confident, partageoit fes peines & fes plaifirs , 1'éclairoit de fes confeils, le reprenoit de fes défauts; Sc toujours tendre, mais toujours libre , il favoit prêter a la vérité toutes les graces qui la rendent utile en la rendant aimable. L'Empereur , en envoyant Sévere, rappella k la Cour Urfirin, qui s'ennuyant d'être inutile en Gaule, revint avec joie a Sirmium. II fut renvoyé en Oriënt avec le titre de Général, pourconfommer, s'il étoit poffible , Pouvrage de la paix dont Mufonien donnoit des efpérances. Julien avoit pendant 1'hyver augmenté fes troupes; il avoit enrölé beaucoup de volontaires; & ayant découvert dans une ville de la Gaule un magafin de vieilles armes , il les avoit fait réparer &c diftribuer a fes foldats. R ij CONSTANCE. Ann. 357.  CONSTANCE. Ann. 357. XXXIV. Succes de Julien. Amm. /. i6,c. II. Lib. or. 12. 388 HtSTOIRE Les Allemands frémiffoient du mau° vais fuccès de la derniere campagne , & ne refpiroient que vengeance. Le pays étant défert, on n'apprenoit que fort tard les mouvements des barbares. Julien, après le fiege de Sens, pour prévenir de pareilles furprifes, avoit établi depuis les bords du Rhin, des couriers qui fe communiquoient 1'allarme de bouche en bouche, & la faifoient paffer en peu de temps jufqu'a fon quartier. II fut donc bientöt averti, & fe rendit en diligence a Rheims. D'un autre cöté, Barbation, devenu Général de Pinfanterie depuis la mort de Sylvain, partit d'Italie par ordre de Conftance, avec une armée de vingt-cinq mille hommes , & s'avanga vers Bale. Le projet de l'Empereur étoit d'enfermer les ennemis entre les deux armées; mais par un effet de fa défiance ordinaire, il avoit défendu a Barbation de fe joindre a Julien. Cependant les Letes, nation originaire de Gaule, tranfplantée enfuite en Germanie, & enfin rappellée dans le pays de Treves par Maximien, ayant apparemment fait alliance avec les Allemands , pafferent entre les  du Bas-Empire. Liv. IX. 389 deux camps , & traverfant avec une : promptitude incroyable une grande partie de la Gaule, ils pénétrerent , jufqu'a Lyon. Leur deffein étoit de piller cette ville, Sc d'y mettre le feu. On n'eut que le temps de barricader les portes; ils enleverent tout ce qui fe trouva dans la campagne. A cette nouvelle, le Céfar détache trois corps de fa meilleure cavalerie , pour fe failir des trois feuls paffages par oü il favoit que les barbares pouvoient revenir. Sa prévoyance ne fut pas trompée. Tous furent taillés en pieces; on reprit fur eux tout le butin : il n'échappa que ceux qui palTerent auprès du camp de Barbation. Celui-ci, loin de les arrêter, fit retirer les Tribuns Bainobaude 8c Valentinien, depuis Empereur , qui, par ordre de Julien , étoient venus occuper ce pofte : 8c ce perfide Général trompa Conftance par un faux rapport: il lui manda que ces deux Officiers ne s'étoient approchés de fon camp, que pour lui débaucher fes foldats. Conftance les caffa fans autre examen. Les barbares établis en - deca du R iij COKSTANCE. Lnn.357"  CONSTANCE. Ann. 357 XXXV. Let Alle xnands chaffés des ifles du Rhin. S9° H l S T O 1 R B Rhin, effrayés de 1'approche des deux armées, fongerent a leur füreté. On ne pouvoit aller a eux que par des chemins montueux «5c difficiles. Ils tacherent de les rendre imprariquables par les abattis d'arbres. Une partie fe jetta dans les ifles du Rhin, & de-la ils infultoient k grands cris les Romains & Ie Céfar. Afin de chatier leur infolence, Julien envoya demander a Barbation fept grandes barques, de celles qu'il avoit préparées pour paffer le fleuve. Mais ce Général aima raieux les brüler toutes que d'en prêter une feule k un Prince qu'il haïffoit. Julien ne fe rebuta pas. Ayant appris des prifonniers que dans la faifon des grandes chaleurs, les eaux du fleuve étoient baffes en plufieurs endroits, il y fit entrer des troupes légeres a la fuite de Bainobaude, différent du précédent , & peut-être fon fils. Ces foldats partie k gué, partie fur leurs botteliers qui leur fervoient de nacelles, gagnerent Pifle la plus prochaine; & après avoir paffe au hl de 1'épée tous ceux qui s'y étoient retirés, fans épargner les femmes ni les enfants, ils y  CONSTANCE. Ann. 357. F d d XXXVII. Les Alle- i: mands viennent 3 camper n prés de Straf- t] fcourg. C fi 392 H I S T O 1 R E de groffes pieces de bois, qui heur^ tant rudement contres les barques, téparent les unes , brilent les autres, en coulent plufieurs a fond. En mêffie-ternps, ils profitent de la confuion oü cet accident jettoit les Ronains; ils paffent eux-mêmes le Rhin, ombent fur Barbation qui prend la uite avec fes troupes, & le pourfui'ent jufqu'au-dela de Bale. La plus ;rande partie du bagage & des vaets de 1'armée , refta au pouvoir des nnemis. Ce fut-la cette année le lernier exploit de Barbation. Ayant lifinbué fes foldats dans les quartiers i'hyver , quoiqu'on ne fut encore [u'au temps de la moiflbn , il retoura a la Cour, pour y faire a Julien ar fes calomnies une autre efpece e guerre, oü il étoit bien plus fur e reuflir. La fuite de Barbation augmenta audace des barbares. Ils regardoient Lifli comme une retraite Péloigneient de Julien, qui s'occupoit k forfier Saverne. Sept Rois Allemands, hnodomaire, Ueftralpe, Urie, Ur:in, Sérapion, Suomaire & Horire, réunifTent leurs forces Sc s'apT.  CONSTANCE. Ann. 357. Mamert. Pan. c. 4. Them. or. 4- Alfat. il& 132, 402 H I s T 0 I R E ces. Les piqués fe croifent, les boucliers fe heurtent; 1'air retentit des cris de ceux qui meurent & de ceux qui tuent. A l'aile gauche, la viftoire fe déclara d'abord pour les Romains. Sévere, après avoir fondé le marais, charge les troupes de 1'embufcade, qui fe renverfent fur les autres, & les entrainent clans leur fuite. Mais a l'aile droite, ou 1'élite des deux armées luttoit avec une égale ardeur, fix cents gens d'armes, dont la bravoure fondoit la plus grande efpérance de Julien, tournent bride touta-coup , & confondent leurs rangs. La bleffure de leur chef & la chüte d'un de leurs Officiers jetta 1'épouvante dans des coeurs jufques-tè infrépides. Ils fe portent fur 1'infanterie qu'ils alloient renverfer, fi celleci, fe reflerrant, ne leur eut oppofé une barrière impénétrable. Julien, jugeant de leur défordre par le mouvement de leurs étendards, accourt k toute bride; on le reconnoit de loin a fon enfeigne; c'étoit un dragon de couleur de pourpre, fur le haut d'une longue piqué. A cette vue, un Tribun de ces cavaliers, encore pale d'effroi  CoNs- TANCE. Ann. j 57, 404 H 1 s T 0 I R É n'entend que le bruit des armes & le choc des corps. Les barbares n'étant plus guidés que par leur fureur, rompent leur ordonnance , & divifés en pelotons, ils s'efForcent a grands coups de cimeterres de mettre en pieces cette haye de boucliers dont les Romains étoient couverts. Les Bataves & le corps appellé la cohorte royale viennent en courant au fecours de leurs camarades ; c'étoient des auxiliaires formidables & propres a fervir de reffource dans les dernieres extrémités. Mais ni leurs efforts, ni les décharges meurtrieres de javelots n'épouvantent les Allemands, animés par leur rage & par le bruit de mille inftruments guerriers; toujours acharnés, toujours obftinés h vaincre ou k mourir, ils courent au-devant des coups; les bleffés ayant perdu 1'ufage de leurs armes, fe lancent euxmêmes, & vont mourir au milieu des Romains. La valeur eft égale; celle des Allemands eft plus turbulente & plus féroce ; c'étoient des corps plus grands & plus robuftes; celle des Romains eft plus adroite , plus tranquille, plus circonfpecle : ceux - ci plu-  C onsta nce. Ann, 357, XLTX. Treve accordée üux Bar- 414 UlSTOIRE appercut de-la, des tourbillons de fumée , qui firent juger que le detachement pilloit & brüloit les campagnes. Les Allemands, épouvantés de ces ravages, rappellerent les troupes qu'ils avoient placées en embufcade dans des lieux étroits & fourrés, & fe difperferent pour aller défendre le pays. Leur retraite abandonna aux ioldats de Julien beaucoup de grains & de troupeaux. On enleva les hommes , & on bmla les chateaux batis & fortifiés a la maniere des Romains. Après une marche de trois ou quatre lieues, on rencontra un boisépais. Julien apprit d'un transfuge qu'on y feroit attaqué par un grand nombre d'ennemis cachés dans des fouterreins, & qui attendoient que 1'armée s'engageat dans la forêt. Quelques foldats ayant ofé y entrer, rapporterent que toutes les routes étoient traverfées de grands arbres nouvellement abattus. Les Romains virent avec dépit qu'ils ne pouvoient avancer qu'en prenant de longs détours par des chemins difHciles. On avoit paffé 1'équinoxe d'automne, & la neige couvroit déja les montagnes &c les  du Bas-Empiks. Liv. IX. 415 plaines. On réfolut donc de ne pas aller plus loin. Mais pour brider ces barbares, Julien fit rétablir a. la hate la forterefle que Trajan avoit autrefois batie &£ appellée de fon nom , 8c que les Allemands avoient ruinée. II y laifla une garnifon avec des provifions qu'il avoit enlevées dans le pays même. Les barbares, fe voyant comme enchainés, vinrent humblement demander la paix. Julien ne voulut leur accorder qu'une treve de dix mois: c'étoit le temps dont il avoit befbin pour garnir fa forterefle de munitions 8c de machines néceflaires k la défenfe .Trois Rois barbares fe r endirent au camp ; ils étoient du nombre de ceux dont les troupes avoient été battues k Strasbourg. Ils s'engagerent par ferment a vivre en paix avec la garnifon jufqu'au jour arrêté, 8c k lui fournir des vivres. Cette glorieufe campagne fe termina par un nouveau fuccès. Le Général Sévere, revenant a Rheims par Cologne 8c par Juliers, rencontra un parti de fix cents, d'autres difent de mille Francois, qui faifoient le dégat dans tout ce pays qu'ils trouS iy CONSTANCE. Ann. 357. t. Avantages remportés fur les Franes Amm. I. 17 , c. 2. Lib, or, it.  CONSTANCE. Ann. 357 4IÖ HlS T 0 I R 2 voient dégarni de troupes. Les glacés & les neiges de Phyver ou les fleurs du printemps, tout eft égal pour la bravoure' Frangoife , dit un Auteur de ce temps-la. A 1'approche des Romains, ils fe renfermerent dans deux forts abandonnés, litués fur la Meufe , oü ils réfolurent de fe bien défendre. Le Céfar crut qu'il étoit important pour 1'honneur de fes armes , & pour la företé du pays, de tirer raifon de ces ravages. II fe joint a Sévere, & affiege ces barbares, qui foutinrent toutes les attaques avec une opiniatreté incroyable. Le fiege dura cinquante-quatre jours, pendant les mois de Décembre & de Janvier. La Meufe étoit couverte de glacons; & comme Julien craignoit que veriant a fe prendre tout-a-fait, elle n'offrit un pont aux barbares , qui pourroient s'évader k la faveur de la nuit, il faifoit courir fur le fleuve depuis le foleil couchant jufqu'au jour, des barques légeres chargées de foldats pour rompreles glacés, & prévenir les forties. Enfin, les afliégés, abattus par Ia difette, par les veilles, &par le défefpoir, furent con-  du Bas-Empire. Liv. IX. 417 traints de fe rendre. On les mit aux fers. Ce fut un fpedtacle nouveau, la nation Francoiie s'étant fait une loi de vaincre ou de périr. On en tint compte a Julien autant que d'une grande vi&oire. II les envoya comme un rare préfenta l'Empereur, qui les incorpora dans fes troupes. C'étoient des hommes de haute ftature „ & qui paroiffoient, dit Libanius, comme des tours au milieu des bataillons Romains. Une armée de Francois qui accouroit au fecours, ayant appris que les forts étoient rendus, rebrouffa chemin fans rien entreprendre. Julien vint paffer Fhy ver a Paris. II aimoit cette ville, dont il a fait lui-même une defcription fort agréable. Renfermée dans l'ifle qu'on nommé encore la Cité, elle étoit environnée de murailles. On y entroit de deux cötés par deux ponts de bois. Julien,, loue la pureté & la bonté de fes eaux, la température de fon climat, & la culture de fon territoire, L'hyver y fut cette année plus rude que de coutume. Comme il le paffoil fans feu , felonfon ufage, le froid de& v CONSTANCE. A.nn. 357, IA. Julien foulage les peuples.Amm. L 17 re. 3. Mi/op.M. tpiflad Oriba.  425 HISTOIRE D U BAS-EMPIRE. LI V RE D 1 XI E M E. CONSTANCE. Tiberius Fabius Datianus, & Marcus Neratius Cerealis, Confuls pour Fannée 358,étoient recom mandables par leur mérite. Cérealis 1'étoit encore par fa naiffance. 11 étoit oncle matèrnel de Gallus, & de la première femme de Conftance : il avoit été Préfet de la villende Rome. Datien, né dans Fobfcurité , avoit la CONSTANCE. Ann. 35s. i. Confuls. Idace. Not. ai Baron. an. 3ïS- / Cod. Th.!. 11 , t. i. Ug. t.  CONSTANCE. Ann. 358. TUI art. 47, 48. ; i 1 1 1 < < c f r n 4-f) Histoire nobleffe que donne la vertu. II parvint a la dignjté de Comte, & s'éleva jufqu'a celle de Patrice. Soh défintereffement & f0n zele pour Ie bien pubuc merite une place dans 1'hifloire a plus jufte titre encore que les exploits guerriers, paree qu'il eft fouvent plus utile «Sc toujours plus rare de facnfier è 1'Etat fes intéréts, que de lm facnfier fa vie. Conftance, pour dirmnuer le poids des contributions, rextreignoit, autant qu'il pouvoit, le nombre des privilégiés. Datien avoit icquis de grands biens dans Ie ter■itoire d'Antioche; il jouiffoit de exemption. II follicita la révocation fe ce privilege avec autant d'emprefementque d'autres en auroient monre pour 1'öbtenir. C'eft le glorieux emoignage que Conftance lui rend lans une loi mal-è-propos attribuée 1 V°™antln> Par laqueile il déclare f«a lavenir on ne tiendra pour xernpts que les biens du Prince, ceux es tglifes Catholiques, ceux de Ia «nille d Eufebe, (c'étoit apparemient Ie pere de 1'Impératrice, ) 6c ■s domaines qu'Arface , Roi d'Arienie, polfédoit dans 1'Empire,  du Bas-Empire. Liv. X. 427 Sapor étoit encore aux extrémités de la Perfe, oü il venoit de terminer la guerre contre fes voifins, lorfqu'il recut la lettre de fon Général, qui, pour flatter fa fierté, lui mandoit que le Prince Romain le prioit avec inftance de lui accorder la paix. Le Monarque Perfan prenant cette priere pour une marqué de foibleffe, enfle fes prétentions, & veut vendre la paix a des conditions exhorbitantes. II écrit a Conftance une lettre pleine de fafie 5c d'orgueil : il s'y donnoit les titres de Roi des Rois , d'habitant des aftres, de frere du Soleil & de la Lune. Après 1'avoir félicité d'avoir pris le parti de la négociation, il lui déclaroit : Qu'il étoit en droit de redemander le patrimoine de fes ancétres, qui s'étoit étendu jufqu 'au fleuve Strimon & aux frontieres de la Macêdoine; quétant fupérieur a fes prédéceffeurs en vertu & en gloire, il pouvoit légitimement prétendre a tout ce qu'ils avoient pojfédé: mais que par un effet de fa modération naturelle, il fe contenteroit de C Armén 'u & de la Méfopotamie qu'on avoit furprifes fur fon aïeul Narsès : que jamais les Perfes n'avoient adoptè cette maxime fut CONSTANCE. Ann. 35S. II. Amtmflade de Sapor a Conftance. Amm. I. 17, c. 5. Thcmifl. or 4. Zon.t.U, p. I?.  CONSTAN'CE. Ann. 3 5 8, IIÏ. Réponfe de Conftance a Sapor. 428 H I S T 0 1 K E laqutlh les Romains fondoient toutes leurs vicloires, qu'il fut-indifferent dans la guerre de rèufjir par la fuperekerie ou parlavaleur : il Pexhortoit d facnfier une petite por don de V Empire, toujours arrofèe de fang, pour poffèder tranquillement le refie, & d fuivre l'exemple de ces animaux, qui fentant ce qui atdre après eux les chaffeurs, s'en défont volontairement, & l'abandonnent pour fe délivrer de la pourfuite : il finiffoit par menacer Conftance d'entrer au printemps fur les terres de 1'Empire avec toutes fes forces, & de fe faire a main armée la juftice qu'on lui auroit refufée. L'Ambaffadeur, nommé Narsès, porteur de ces lettres & de quelques • préfents, paffa par Antioche. II étoit :hargé d'une autre lettre pour Mufonien; le Roi recommandoit a celui-ci de difpofer fon maitre a lui lonner fatisfaction. Narsès arriva a Conftantinople le vingt-troifieme de Février, & continua fa route jufqu'a Sirmium, ou Conftance étoit revenu fur la fin de 1'année précédente. L'Ambaffadeur étoit un homme modeffe & civil; il tacha d'adou:ir par fes procédés la dureté dek.  du -3as-Empire. Liv. X. 419 fes propofnions. Conftance le traita avec honneur; rhais il répondit au Roi de Perfe avec fermeté. II défavouoit Mufonien, comme ayant entamé la négociation a fon infu : il ne refufoit pas cependant de traiter de la paix, pourvu que les conditions puffent s'accorder avec la majefté Romaine : mais il proteftoit qu'étant maïtre de tout 1'Empire, il fe garderoit bien d'abandonner ce qu'il avoit fu conferver lorfqu'il ne pofTédoit que 1'Orient. II rabaiffoit la fierté de Sapor, en 1'avertiffant que fi les Romains fe tenoient pour 1'ordinaire fur la défenlive , c'étoit uniquement par efprit de modération; Sc il le renvoyoit aux témoignages de 1'hiftoire pour y apprendre que la fortune avoit a la vérité trahi les Romains dans quelques combats; mais que jamais aucune guerre ne s'étoit terminée a leur défavantage. Narsès partit avec cette réponfe, Sc fut bientöt fuivi d'une ambafTade compofée du Comte Profper , de Spectat, Secretaire de l'Empereur, Sc du Philofophe Euftathe, dont Mufonien vantoit beaucoup 1'éloquence. Ils étoieni CONSTANCE. ^nn. 35S. Amm. !. 17 , c. J. 14. £■ /. 18. c. 6. Petr. Patric. hifi. By{.p. 18.  CONSTANCE. Ann. 358. IV. Expédition contre les Sarmates & les Quades. Amm. I. 17, c 6. . 12. s , Aur. Vist. 1 1 1 430 HlSTOIRÉ chargés de préfents, & ils avoient commiffion d'employer toute leur adreffe pour fufpendre les hoftiütés, & pour donner a Conftance le temps de pourvoir a la füreté des Provinces de 1'Occident. Ils trouverent le Monarque a Ctéfiphon ; & après un affez long féjour, comme il s'obftinoit k ne rien rabattre de la hauteur de fes premières propofitions, ils revinrent fans rien conclure. On envoya encore le Comte Lucien & le Secretaire Procope avec les mêmes inftruétions. Sapor ne voulut pas même lesentendre : il les tint long-temps éloignés de fa Cour, & leur fit appréhender que fa colere n'allat jufqu'è leur öter la vie. Cette négociation, quoique fans fuccès, produifit cependant un effet avantageux : ce fut de différer la guerre des Perfes, qui auroit fait une diverfion facheufe. Tout étoit en armes fur les bords du Danube. Les luthonges ayant rompu le traité, ra^ageoient la Rhétie; ils attaquoient néme les villes, contre leur coutune. Barbation marcha a leur renconre ayec de bonnes troupes ; il réuffit  £>v Bas-Empire. Liv. X. 431 pour cette fois par la valeur de fes foldats. II n'échappa qu'un petit nombre de barbares , qui regagnerent avec peine leurs forêts & leurs montagnes. Ce fut dans cette expédition que Nevitta, Goth de naiffance, commenca de fe faire connoitre : il commandoit un corps de cavalerie. Les Sarmates & les Quades , que le voifinage & la conformité de mceurs uniffoient enfemble, s'étoient partagés en plufieurs bandes, & pilloient les deux Pannonies, & la haute Méfie. Ces peuples, toujours en courfe, avoient une armure convenable k cette maniere de faire la guerre. Ils portoient de longues javelines & des cuiraffes compofées de petites piec.es de cornes, polies & appliquées fur une toile en facon d'écailles. Toutes leurs troupes ne confiftoient qu'en cavalerie; ils montoient des chevaux hongres , mais fort vites & bien dreffés ; ils en avoient toujours un , & quelquefois deux en main, & dans une longue traite, ils fautoient légérement de 1'un fur 1'autre. Conftance étant parti de Sirmium avec une belle armée a la fin de Mars, pafla le Da- CONSTANCE. Ann. 35$.  CONSTANCE. Ann. 358. 432 IIlSTOIRE nube fur un pont de bateaux, quolqu'il füt extrêmement grofli par la fonte des neiges, & fit le dégat dans le pays des Sarmates. Les barbares, furpris de cette diligence, & hors d'état de réfifter a des troupes régulieres, n'eurent d'autre parti k prendre que de fe difperfer par la fuite. On en maffacra beaucoup; le refte fe fauva dans les défilés des montagnes. L'armée Romaine remontant vis-a-vis de la Valérie, mit tout a feu & k fang. Les barbares défefpérés fortent de leurs retraites ; & s'étant divifés en trois corps, ils s'avancent comme pour demander la paix. Leur deffein étoit de tromper les Romains, de les envelopper , & de les tailler en pieces. Quand ils fe font approchés a la portée du javelot, ils s'élancent comme des lions. Les Romains, quoique furpris, les recoivent avec courage , en tuent un grand nombre, mettent les autres en fuite; & ne refpirant que vengeance, ils marchent fans perdre de temps, mais en bon ordre , vers le pays des Quades. Ceux-ci, pour prévenir les mêmes défaftres dont ils venoient d'être témoins fur les  du Bjs-Empire. Liv. X. 433 les terres de leurs voifins, vont fe jetter aux pieds de Conftance. Ce Prince, qui pardonnoit volontiers aux ennemis plutöt par parefTe & par timidité, que par grandeur d'ame, convint avec eux d'un jour pour régler les conditions de la paix. Zizaïs, chef des Sarmates, voulut profiter en faveur de fa nation de cette difpofition pacifique de l'Empereur. II vint a la tête de fes gens, rangés en ordre de bataille, fe préfenter devant le camp des Romains. C'étoit un jeune homme de haute feature. Dès qu'il appercoit l'Empereur, il jette fes armes, faute a bas de fon cheval, & court fe profterner aux pieds de Conftance. II vouloit parler; mais les fanglots étouffant fa voix , exciterent plus de compaffion que n'auroient pu faire fes paroles. Conftance 1'ayant rafTuré, il refte a genoux, & demande pardon de fes attentats contre 1'Empire. En mêmetemps, les Sarmates s'approchent dans un morne filence. Zizaïs fe leve; &c fur un fignal qu'il leur donne , ils jettent tous a terre leurs boucliers Sc leurs javelots, Sc les mains jointes, Tome II. T Cons- tance. Ann. 3; 8. V. On leur iccorde a paix.  COKSTANCE. Ann. 35S, VI. D'autre! barbares viennent ]a demander. Amm. ibii Ctllar. geog. ant. I. I. p. 446. 434 Tl 1 s t 0 1 r e en pofture cle fuppliants, ils implorent la miféricorde de l'Empereur. Plufieurs Seigneurs, dont quelques-uns portoient le titre de Rois vafTaux, tels que Rumon, Zinafre, Fragilede s'abaiffoient aux plus humbles prieres; ils promettoient de réparer leurs ravagespar tel dédommagement qu'on voudroit exiger; ils offroient leurs perfonnes, leurs biens, leurs terres, leurs femmes même & leurs enfants. Conftance fe contenta de demander la reftitution de tous les prifonniers, & de prendre des ötages pour fureté de leur foi. Charmés de la généroflté Romaine, ils protefterent d'y répondre par l'obéiflance la plus prompte"& la plus fidelle. Ce trait de clémence attira plufieurs Rois barbares. Arahaire & Ufafre, 1'un chef d'une partie des Quades Ultramontains, 1'autre d'un canton de Sarmates, tous deux unis par le voifinage & par une égale férocité, fe rendirent au camp a la tête de tous leurs fujets. A la vue de cette multitude, PEmpereur, craignant quelque furprife, ordonna aux Sarmates de fe tenir a 1'écart, tandis qu'il don-  nu Bas-Empiae. Liv. X. 435 neroit audience aux Quades. Ceux-ci debout , la tête baiffée, avouerent qu'ils méritoient toute la colere des Romains, & demanderent grace. On les obligea de donner des ötages,ce qu'ils n'avoient jamais fait jufqu'alors. Cette affaire étant réglée, Conftance fit approcher Ufafre Sc fa troupe. II s'éleva pour lors un débat nouveau & fingulier. Arahaire prétendoit que ce Prince étant fon vaffal, il étoit compris dans le traité qu'on venoit de conclure avec lui; 6c en conféquence, il s'obftinoit k ne pas permettre qu'Ufafre traitat féparément 6c en fon propre nom. L'Empereur, s'étant porté pour juge , prononga que les Sarmates, en vertu de leur foumifTion aux Romains, feroient affranchis de toute autre dépendance, 8c il lui accorda les mêmes conditions qu'aux Quades. II déclaralibres 8c indépendants de tout autre que des Romains une peuplade de Sarmates, qui, chaffés vingt-quatre ans auparavant par leurs efclaves nommés Limigantes, s'étoient retirés chez les Victohales, qui leur avoient cédé une partie de leur terrein k titre de fervituT ij CONSTANCE. A.tin. 3 5 S.  CONSTANCE. Ann. 3 j8. i 1 ; 436 II I S. T 0 I R E de. Devenus en cette occafion alliés des Romains, ils demandoient a rentrerdans leuranciennefranchife. Conftance , pour mieux affurer leur liberté, leur donna un Roi: ce fut Zizaïs, qui, par une fidélité conftante , fe montra dans la fuite digne de ce bienfait. L'Empereur ne permit a aucun de ces Barbares de retourner dans leur pays, qu'après qu'ils eurent rendu tous les prifonniers, comme on en étoit convenu. II reftoit encore un canton de Quades a fubjuguer, fur les bords du Danube , vis-a-vis de Brégétion, qu'on croit être aujourd'hui la ville de Gran, ou celle de Komore dans la baffe Hongrie. Confiance y marcha : auffi-tot que fon armée parut dans le pays , Vitrodore, chef de cette nation , fils de Viduaire , Agilimond fon vaffal, & plufieurs Seigneurs, vinrent fe jetter lux pieds des foldats, donnerent leurs ?nfants en ötage, & firent ferment ie fidélité fur leurs épées, qui teïoient a ces peuples lieu de divinités. Dn ne ceffoit de voir arriver des conxées les plus feptentrionales diverfes jandes de différentes nations a la fuite  du Bas-Empire. Liv. X. 437 de leurs Princes. lis venoient demander la paix ; ils offroient en ötages les enfants des Seigneurs les plus diftingués , &c ils ramenoient les prifonniers Romains. Tous ces Barbares, comme de concert, venoient fe foumettre avec autant d'empreffement qu'ils en avoient auparavant montré a courir aux armes. Pour terminer cette heureufe campagne , on marcha contre les Limigantes. Ces efclaves devenus poffeffeurs d'un vafte pays, avoient fait des courfes fur les terres de 1'Empire, en même-temps que leurs anciens maitres , avec lefquels ils ne s'accordoientque dans le brigandage ; d'ailleurs, ils les traitoient en ennemis. Confiance avoit congu le deffein de les tranfplanter; mais cette nation perfide n'étoit pas d'humeur a y confentir. Elle fe prépara donc a mettre en ufage tous les moyens de défen> fe , la fraude, le fer, les prieres. Au premier afpeft de Parmée Romaine, ils fe croyent perdus; faifis de terreur, ils demandent quartier, & promettent de payer tribut, & de fournir des troupes: ils ne refufoient rien, T iij CONSTANCE. Ann. 3; S. Vtl. Conftance marche contre les Limigantes. Amm. I. 17 , c. 13.  CONSTAKCE. Ann. 358. VHL Ijs lont 438 IllSTOIRE finon de changer de demeure. En effet, ils ne pouvoient efpérer de fituation plus füre ni plus favorable, que celle du pays dont ils avoient chaffé leurs maitres. La Téiffe, qui après un affez long cours prefque parallele au Danube, vient fe jetter dans ce fleuve , formoit de ce pays une prefqu'ille; elle les défendoit du cöté de POrient contre les autres barbares du voifinage, tandis que le Danube les couvroit au midi & k 1'Occident contre les attaques des Romains. Le cöté du Nord étoit fermé par des montagnes. Le terrein coupé de marais & de rivieres fouvent débordées, étoit impraticable k ceux qui n'en avoient pas une paffaite conrtoiffance. L'Empereur jugeant a leur contenance qu'ils n'étoient pas difpofés k exécuter fes ordres, les fait envelopper de fes troupes, fans qu'ils s'en appercoivent; & fe montrant a eux au milieu de fa garde fur un tribunal élévé, il leur fait fignifier de fe préparer a vuider le pays pour aller s'établir dans celui qu'il leuraffigneroit. Ces malheureux, flottant entre la  du Bas-Empire. Liv. X. 439 fureür & la crainte , bien réfolus de ne pas obéir , mais incertains s'ils employeront la feinte ou la viotence, tantöt fuppliant , tantöt menagant; enfin, femblables a des bêtesféroces enfermées dans une enceinte, cherchent des yeux par oii ils pourront fe faire un paffage. Enfin, comme pour marquer leur foumiflion, ils jettent tous a la fois leurs boucliers bien loin d'eux du cöté de l'Empereur, afin de gagner du terrein en les allant reprendre, fans qu'on put foupgonner leur deffein. Dès qu'ils les ont ramaffés, ils fe ferrent, &C s'élancent vers Conftance qu'ils menacent de la voix &c des yeux. La garde impériale arrête leur première fougue; toute 1'armée fe rapproche & fond fur eux; on les enfonce; on les perce, on les abat de toutes parts : ils périffent avec rage ; on n'entend pas un feul cri, mais des frémiffements de fureur. Ils ne fentent pas la mort; la vi&oire des Romains fait tout leut défefpoir; & on entendit dire a plufieurs en expirant, que c étoit U nombre qui triompkoit, '& non pas la va Uur. Plufieurs couchés par terre , le: T iv CONSTANCE. Vaa. 3 58. :aillés en pieces.  C'ONSTANCE. Aun. 3 y S i i 4 44° H l S' -T 0 1 R B ■ jarrets ou les mains coupées, d'autres refpirant encore fous des mon. ceaux de corps morts fouffroient dans un profond filence les plus affreufes douleurs. Pas un ne demanda quartier, m qu'on avancat fes jours : pas im ne quitta fes armes. Une demiheurecommenca le combat, donna la viöoire , & laiffa fur la place toutes Jes horreurs d'une fanglante batailie. L armée Romaine, ivre de fang & fumantede carnage, s'avance dans Ie pays. On abat les cabanes, on égorge les femmes, les enfants, les vieillards fur les ruines de leurs maifons ; onbrüle les villages, & les habitants penffent dans lesflammes, ou voulant fe fauver, rencontrent le fer ennemi. Quelques-uns gagnent le fleuve, & s y noyent, ou font percés de traits; ia Téifie eft comblée de cadavres. Pour achever de les détruire, on fait pafler le fleuve a des troupes légeres, qui vont relancer les habitants les chaumieres difperfées fur 1'autre -ïve. Ceux-ci voyant venir a eux des )arques de leur pays, les attendent 1 abord fans crainte ; mais bientöt 'appercevant de 1'erreur, ils fe fau-  du Bas-Empire. Liv. X. 441 vent dans leurs marais; ils y font pourfuivis & égorgés. Les Limigantes qu'on venoit de , tailler en pieces , ne faifoient qu'une partie de la nation : ils s'appelloient Amicenfes; le refte portoit le nom < dePicenfes. Ces derniers,inftruits du s défaftre de leurs compatriotes, s'é- \ toient refugiés dans des lieux impra- < ticables. Pour les réduire, on eut re- 1 cours aux Taïfales leurs voifins, & j aux Sarmates libres, autrefois leurs maitres. Trois armées entrerent a la fois par differents cötés dans leurs pays. Attaqués de toutes parts, ils balancerent long-temps entre la nécefïité de périr, & la honte de fe rendre. Enfin, par le confeil de leurs vieitlards, ils prirent le parti de mettre bas les armes; mais dédaignaat de fe foumettre a des maitres dont ils s'étoient affranchis par leur courage , ils ne fe rendirent qu'aux Romains. Dès qu'ils ont recu la parole de l'Empereur , ils abandonnent leurs montagnes, & fe répandent dans la plaine avec leurs peres, leurs enfants, leurs femmes, & ce qu'ils peuvent emporter de leur richeffes, qui ne T v CONSTANCE. Lnn. 3 5 f?» IX. Le rcfte les Limi;antes,ranl'planés hors e leur iays. Imm. ibiif. ul. ai Ath.  CONSTANCE. Aan. 358, X. Affaire! èe I'Egli- 442 fflSTOfRS confiftoient guere qu'en de miférables uftenfiles de ménage. Ils accourent au camp des Romains. Ces gens qui peu auparavant paroiffoient déterminés a mourir plutöt qua changer d'habitations, & qui mettoient la liberté dans la licence du brigandage, fe foumirent a fe laiffer tranfporter dans des demeures plus füres & plus tranquilles , ou ils ne pourroient fi aifément inquiéter leur voifins. On les établit plushaut, vis-avis de la Valérie , mais loin des bords du Danube. On rendit le pays aux Sarmates, qui en avoient été chaffés vingt - quatre ans auparavant. L'armée donna a Conftance le titre de Sarmatique ; & ce Prince, enorgueilli de ces fuccès qui ne lui avoient coüté que la peine de fe montrer, après en avoir fait un faftueux étalage dans une harangue qu'il prononca devant fes troupes, fe repofa pendant deux jours, & revint a Sirmium. II y rentra avec toute la pompe d'un vainqueur, &c renvoya fes foldats dans leurs quartiers. Les difputes de Religion lui fufcitoient plus d'cmbarras que les in-  du Bas-Empire. Liv. X. 443 curfions des barbares. Les Ariens, réunis contre 1'Eglife Catholique, mais divifés entre eux, 1'entrainoient tantot dans une fefte , tantöt dans une autre. Selon les différents reflbrts que les eunuques, les femmes, les Evêques de Cour favoient mettre en mouvement, il ordonnoit & révoquoit, il exiloit & rappelloit , il s'irritoit & fe calmoit fans jamais fixer fes réfolutions, non plus que fes fentiments. Eudoxe , pur Anoméen,& difciple d'Aëtius, s'autorifant d'un ordre prétendu de l'Empereur, & s'appuyant du crédit de 1'eunuque Eu febe , s'étoit emparé du fiege d'Antioche après la mort de Léonce , fan< obferver les formes canoniques. 1 tient un Concile oh les Anoméen: triomphent. Bafile d'Ancyre, chef de: demi-Ariens, combat ce Concile pa un autre, oii les Anoméens font ; leur tour frappés d'anathême. Bafil prend le deffus a la Cour; Conftanc fe déclare pour les demi-Ariens. Au ff: tot, a 1'exemple d'Urface & de Va lens, qui tournoient fans ceffe au ven de la Cour , la plupart de ceux qi avoient figné le blafphême de Sn T vj COKSTANCE. Ain. 35S. Ath. ad Soüt. So\. I. 2, c. 37- Theod. I. 2 , ord du golfe , les jardins dont les ■nvirons étoient embellis, formoient in fpeclacle enchanteur. Une heure le temps fit de toutes ces merveilles in amas de ruines. Le vingt-quatriene d'Aoüt, a la feconde heure du our, lorfque le temps étoit le plus érein , tout-^-coup des nuages fom>res & épais couvrent la ville ; en nême-temps les éclatsde la foudre fe oignent aux tourbillons des vents, & m mugiffement de la mer qui fe gon-  du Bas-Emvire. Liv. X. 447 fle , & qui menace d'inonder fes riva- ■ ?es. La terre fe fouleve par fecouffes; les maifons croulent les nnes fur ) les autres : le bruit des vents & du tonnerre, le fracas des ruines, les hurlements des habitants fe confondent enfemble au milieu d'une nuit affreufe. Le jour qui reparoit avec le calme avant la troifieme heure, prefente de nouvelles horreurs -.Nicomédie n'étoit plus; on n'y voyoit qu'un monceau de pierres U de cadavres. Quelques habitants vivoient encore; mais plus malheureux que ceux qui avoient perdu la vie, les uns demeuroient fufpendus a des pieces de charpente, les autres du milieu des debns dont ils étoient écrafés élevoient la tête, & appelloient en expirant leurs femmes & leurs enfants. Quelquesuns fans être blefTés reftoient enfevelis fous les démolitions, qui ne le; avoient épargnés que pour les laiffei périr par la faim ; & du fond de ce ruines fortoient des voix lamentable qui imploroient en vain du fecours Entre ces derniers périt Arifténete né a Nicée, connu par fon éloquen ce & par la douceur de fes mceurs i i CONSTANCE. Lnn. 3 i*. >  constance. Ann. 3 j 8. i j t j « i ï 44^ tllSTOIRE avoit recherché avec ardeur, &i venoit d'obtenir le Vicariat de Bithynie, oii il ne trouva qu'une mort longue & cruelle. L'Evêque Cécrops, fameux Arien, & un autre Evêque du Bofphore y périrent auffi. II n'échappa qu'un petit nombre d'habitants prefque tous eftropiés, qui fe fauverent dans la campagne. Ils ne trouverent enfuite d'afyle que dans la citadelle qui refta fur pied. Au tremblement avoit fuccédé 1'incendie. Tous les feux qui fe trouvoient aHumés dans les maifons, dans les bains, dans les forges des ouvriers, fe communiquerenr aux bois tk aux matieres combuftibles. Les vents qui fouffioientavec fureur étendirent 1'em^rafement; & pendantcinquantejours, :ette ville infortunée fut tout enfemJle un vafte fépulcre & un immenfe mcher. Elle avoit éprouvé le même nalheur fous Hadrien & fous Mare Uirele; elle Péprouva encore quare ans après fous Julien; & de nos ours, en 1719, elle a été prefque ntiérement abymée par un trem'lement qui dura trois jours, de•ms le xf jufqu'au 18 de Mai. Ce-  du Bas-Empire. Liv. X. 449 pendant les charmes de fa fituation effacent bientöt le fouvenir de fes défaftres, & y attirent toujours de nouveaux habitants. Nicomédie étant détruite, on réfolut d'abord d'affembler les Evêques k Nicée. Mais Eudoxe avoit repris faveur par le crédit de 1'eunuque Eufebe. Les Anoméens bannis furent rappellés ; ils acheterent leur grace aux dépens de leur maitre Aëtius, qu'ils excommunioient,quoiqu'ils demeuraffent fideles a fa doörine. Eudoxe s'empare a fon tour de 1'efprit de l'Empereur : il le détermine a partager le Concile dans deux villes, 1'une pour les Evêques d'Orient, 1'autre ou s'aflembleroient ceux d'Occident. Le prétexte étoit d'épargner des fatigues aux Evêques, & des dépenfesa l'Empereur, qui lesdéfrayoit dans ce voyage. Mais le véritable motif étoit la facilité que les Anoméens trouveroient k divifer les efprits dans deux Conciles féparés, & a les tromper par des fauftes relations portées d'un Concile k 1'autre. De plus, fi toute 1'Eglife étoit réunie, ils ne fe flattoientpas que leur parti eut 1'avan» CONSTANCE. A.nn. 3 58. XIII. Projet5 de Conciles. Soc. I. 2, c. 39. Theod. t. 2. c. 39, So-v l. 4, c. Iï. Hermant % vie de Se. Ath. 1. 8, c. 13. TUL. Arian. art. 76, 77 Fleury , Hifi. ecclef. I. 14, art. 9-  CONSTANCE. Ann. 3 j S, 45° HlSTOIRE tage du nombre; au-lieu que fi elle étoit partagée, ils efpéroient que s'ils ne pouvoient gagner les deux Conciles, du moins ils pourroient échapper a 1'un des deux. La ville de Rimini fut acceptée pour 1'Occident; pour 1'Orient, il n'étoit plus queflion de Nicée; 1'allarme qu'y avoit répandue la deftruöion de Nicomédie , 8c les fecouffes qui s'y étoient communiquées, mettoient cette ville hors.d'état de recevoir les Evêques. On propofa Tarfe , Ancyre , 8c enfin Séleucie , capitale de 1'Ifaurie. On s'en tint a cette derniere, & Conftance donna fes ordres pour 1'ouverture du doublé Concile au commencement de 1'été de Pannée fuivante. II ordonna qu'après les féances, on envoyat de part 8c d'autre a la Cour dix députés pour lui rendre compte des décrets : il vouloit, difoit-il, juger s'ils étoient conformes aux faintes Ecritures , 8c décider fur ce qu'il y auroit de mieux è faire. C'eft ainfi que ce Prince fe rendoit Parbitre des Conciles, 6c que ces laches Prélats confentoient a le reconnoïtre pour juge de la foi. Julien ne fongeoit qu'a maintenir.  du Bas-Empire. Ltv. X. 451 par de nouveaux exploits latranquillité de la Gaule. Cette Province fe repeuploit de plus en plus; mais les ravages précédents ayant empêché la culture des terres, elles ne produifoient pas affez de grains pour la fubfiftance des habitants. La Grande-Bretagne étoit auparavant la reffource de la Gaule. On en faifoit venir des bleds, qui fe diftribuoient par le Rhin dans les contrées feptentrionales. Ce tranfport étoit devenu impraticable depuis que les barbares étoient maitres des bords & de Fembouchure du Rhin, & les barques qu'on-y avoit employées, demeurées a fee depuis long-temps, étoient pourries pour la plupart. Celles qui pouvoient encore fervir, étoient obli gées de décharger le bied dans lei ports de POcéan, d'oii il falloit lc faire tranfporter a grands fraix fur de; chariots dans 1'intérieur du pays. Ju lien réfolut de rouvrir Pancienni route d'un commerce fi néceflaire. I fit conftruire dans la Grande-Bretagn< quatre cents barques, lefquelles join tes a deux cents autres qui reftoient formoient i;ne flotte de fix cents voi CONSTASCE. Ann. 358. XIV. Troifieme campagne de J jlien. Jul. ad Ath. Lib. or. il. Zof l. 3. Eunap* hifi. Bn. p. ij. i »  constance. Ann, 358. : i < 1 « j i XV. Les Sa- , liens fe ' foumettcnt, i 452 HlSTOIRE les. II s'agiffoit de les faire entrer dans le Rhin. Florence, perfuadé qu'il feroit impoffible d'y réuflir, malgré les barbares, leur avoit promis deux mille livres pefant d'argent, pour en obtenir la liberté du paffage , &£ Conftance avoit confenti a ce marche. Julien , qui n'avoit pas été confulté , crut qu'il feroit honteux d'acheter des ennemis ce qu'on pouvoit emporter de vive force : il fe mit en deroir de nettoyer les bords du Rhin, Si" d'en éloigner les barbares ou de es foumettre. C'étoient les Saliens Sf es Chamaves , peuples fortis de la Sermanie. Les Saliens étoient une leuplade de Francs", qui s'étant d'a5ord arrêtés dans 1'ifle des Bataves ;ntre le Rhin & le Vahal, en avoient :té chaffés par les Saxons , & s'éoient fixés en-dega du Rhin dans la roxandrie, qui faifoient partie de ce ju'on appelle le Brabant. Les Chanaves habitoient plus bas vers 1'emjouchure du Rhin. Les Romains, pour ouvrir la cam>agne, attendoient les convois de livres qui leur venoient d'Aquitaine, te qui ne pouvoient arriver avant le  du Bas-Empire. Liv. X. 453 mois de Juillet. Julien, voulant fur- ; prendre 1'ennemi , fe détermine a partir avant la faifon. II fait prendre f a fes foldats du bifcuit pour vingt j jours, & marche vers laToxandrie. II étoit déja a Tongres , lorfqu'il ren- 1 contra les députés des Saliens, qui 1 1'alloient trouver a Paris ou ils le 1 croyoient encore. Ils étoient chargés de lui offrir la paix , a condition qu'il leur laifferoit la pofieflion tranquille du pays ou ils s'étoient établis. Le Prince entre en conférence avec eux; & fur des difficultés qu'il fut bien faire naitre, il les renvoye avec des préfents pour retourner prendre de plus amples inftruc~tions, leur laiffant croire qu'ils le retrouveroient a Tongres. Mais a peine font-ils en chemin, qu'il fe met en marche fur leurs pas ; &z ayant détaché Sévere pour cötoy er les bords de la Meufe, il paroit fubitement au milieu du pays. Les Saliens, pris au dépourvu, fe rendent a difcrétion, tk font traités avec clémence. L'adïvité de Julien allarma les Chamaves. N'ofant hafarder une ba- d( taille , ils fe diviferent en petites ban- ri des, qui couroient pendant la nuit, ■ CONSTAKCE. nn. 358. il.adAth. Lib. or. 2. Amm. I. 7 , c. 8. óf. I. 3. xvr. [ardiefle ! Chaetton.lof. I. 3. '^aUf. ad  CONSTANCE. Ann. 358. Amm. I. 17, c. 10. 454 II I s T 0 1 r e 8c fe retiroient au jour clans l'épaiffeur des forets. Ces brigands étoient hors de prife a des troupes régulieres, 8c Julien fe trouvoit dans un affez grand embarras, lorfqu'un aventurier vint lui offrir fes fervices. C'étoit un Franc, nommé Charietton, d'une taille 8c d'une hardieffe fort audeffus de 1'ordinaire. Après s'être exercé a faire des courfes avec fes compatriotes, il lui avoit pris envie de quitter fon pays, 8c il étoit venu s'établir a Treves. Alors regardant fes anciens camarades comme des ennemis , il voyoit avec douleur les ravages qu'ils venoient faire dans la Gaule avant 1'arrivée de Julien, 8c cherchoit a venger fa nouvelle patrie. Comme il n'étoit revêtu d'aucun commandement, il alloit feul fe cacher dans les bois, fur les routes les plus fréquentées des barbares; quand il en appercevoit quelque parti, étant au fait de leur facon de camper 8c de tous leurs ufages, il attendoit 1'heure a laquelle il favoit qu'il les trouveroit ivres 8c endormis. Alors fortant de fa retraite 8c entrant fecretement dans leur camp a la faveur de  du Bas-Empire. Liv. X, 455 la nuit, il égorgeoit fans bruit autant qu'il pouvoit, &c rapportoit toujours a Treves quelque tête pour encourager les habitants. II continua affez long-temps fans être découvert. Enfin , plufieurs déterminés fe joignirent a lui, & ce fut avec eux qu'il vint fe préfenter k Julien. Le Prince accepta fes offres, & lui donna même quelques Saliens exercés a cette efpece de guerre. Ces volontaires alloient de nuit furprendre les Chamaves; & pendant le jour, des corps de troupes poftés fur tous les paffages, en maflacroient un grand nombre, 6c faifoient beaucoup de prifonniers. Ces barbares, découragés par tant de pertes, envoyent aflurer Julien de leur foumifiion. II répond qu'il veut traiter avec leur Roi. Ce Prince, qui fe nommoit Nébiogafte, s'étant préfenté devant lui, Julien lui demanda des ötages pour füreté de fa parole; & comme il répondoit que les prifonniers que Julien avoit entre fes mains, pouvoient bien fervir d'ötages : Pour ceux-Id , repartit le Céfar, je ne les tiens pas de vous ; cefl la guerre qui me les donne. Les premiers CONSTAKCE. Ann. 358. XVII. Les Chamavesfont réduits. Amm, l, 17, c. 8. (r L17 , c. ''Zof. I. 3, Eunap. Mft. En. ?■ M- Pctr. Pa, tric. hift. Bil. p. 28. Valefi rer. Srant.l, I,  CONSTANCE Ann. 3j! 45Ö HlSTOIRE des Chamaves le fuppliant de nommer lui-même ceux qu'il defiroit: Je veux, dit-il, le fils de votre Roi. A cette parole, tous ces barbares pouflerent des gémiffements & des cris lamentables; & le Roi leur ayant impofé filence, s'écria d'une voix entre-coupée de fanglots : » Plüt aux » Dieux, Céfar, qu'il vécüt encore » ce fils que tu demandes en ótages; » je le tiendrois plus heureux de vi» vre captif fous tes loix , que de ré» gner avec moi. Mais , hélas ! viöi» me de fon courage, il eft tombé fous » vos coups, fans doute paree que » vous ne 1'avezpas connu. C'eft en » ce moment que je fens toute 1'éten» due de mes maux. Je ne pleurois » qu'un fils unique, ik je vois que » j'ai perdu avec lui 1'efpérance de » la paix. Si tu en crois mes larmes, » je recevrai Punique confolation « dont la mort de mon fils ne m'ait »> pas öté le fentiment; je verrai mes » fu jets hors de péril. Mais fi je nepuis » te perfuader, auffi malheureux Roi » que malheureux pere, la perfe de » mon fils deviendra celle de ma nart tion, & j'aurai la douleur de ne » porter  vu Bas-Empire. Liv. X. 467 perftition payenne,un pronoftic des plus facheux. II confulta les tlevins, & partit avec ces inquiétudes pour ( une expédition qui n'eft pas autrement connue.Sa femme, nommée Affyria, étourdie & ambitieufe, fe met dans 1'efprit que fon mari, pour s'affranchir de fes craintes, va détröner Conftance. Elle voit déja Barbation Empereur. Cette folie imagination en enfante une autre : la voila jaloufe d'Eufébie ; elle fe perfuade que Barbation, ébloui des charmes de la Prir.cefTe, ne manquera pas de 1'époufer. Sans perdre de temps, elle envoye fecretement a fon mari une lettre trempée de fes larmes, pour le conjurer de ne lui pas faire 1'injuftce de la croire indigne du rang d'impératrice. Elle avoit employé pour Pécrire la main d'une femme efclave* qui lui étoit venue de la confifquation des biens de Sylvain. Dès que Barbation fut de retour, cette confidente , pour venger fon ancien maitre, va de nuit trouver Arbétion 5 elle lui met entre les mains une copie de la lettre. Celui-ci, trop heureux de trouver une ft belle occahon de pe^ V vj CONS- TANCE. i.nti. 359.  COKSTANCE. Ann, 359. XXIV. Séditions a Rome. Amm. l. 17. c. 11 , & /..19,«. ao. Grut. Infcr. MCLXII, I.. ] 4<53 // / * r 0 1 r fiche un rival, la porte a l'Empereur % tk fur le champ Barbation eft arrêté. II avoue qu'il a recu la lettre; fa femme eft convaincue de Pavoir écrite , & tous deux ont la tête tranchée. Conftance une fois allarmé ne fe rafTura pas fi-töt. On arrête , on met k la> queftion beaucoup d'innocents. Le Tribun Valentin,. qui ne favoit rien de cette prétendue intrigue, effuya de cruelles tortures : il eut affez de force pour y furvivre; & par forme de dédommagement, l'Empereur lui' donna le commandement des troupesdans 1'Illyrie. II s'ëleva cette année dans Ia ville de Rome de violentes féditions. Laflotte de Carthage qui apportoit lebied de 1'Afrique, battue de la tempéte, ne pouvoit aborder a Oftie; &c: Ie peuple qui craignoit la famine ,t rendoit les Magiftrats refponfables du caprice des vents. Le Préfet Junius BafTus étoit mort peu de temps après qu'il fut entré en charge ; il venoit de fe convertir au chriftianifne. La fédition éclata fous Arténius, Vicaire de Rome, qui fuccéda a hs fonöions, Mais elle devint plus  nu Bas-Empire. Liv. X, 460 furieufe lorfque Tertullus eut été nommé Préfet. Ce Magiftrat, après avoir épuifé tousles moyens d'appaifer le tumulte, fe voyant furie point d'être mis en pieces, fit conduire au milieu de la place publique fes enfants encore en bas age, 8c les montrant au peuple : Romains, dit— il, voild vos concitoyens ; fi la colere du Ciel continue , ils partageront vos malheurs : mais fi vous croyei fiauver votre vie en leur donnant la mort, je les mets entre vos mains. A la vue de ces enfants , la compafiion étouffa la rage de la multitude ; elle attenditavec patience ; & peu de jours après, pendant que Tertullus, qui étoit Payen5 faifoit un facrifice i\ Oftie dans le temple de Caftor & de Pollux, le vent tourna au midi, la flotte entra dans le Tibre, 8c la fuperftition méconnoiffant la main qui gouverne les tempêtes , 8c qui diftribue aux hommes leur nourriture, regarda cet événement comme un miracle de ces chimériques divinités. Conftance étoit encore a Sirmium, lorfqu'il apprit que les Limigantes quittant peu-a-peu le pays ou il les CONSTANCE. A.nn. 359. Anatolius Préfet d'Illytie.  CONSTAN CE. Ann. 359 Amm. I, 19 , c. 11, & ibi VaUf. Aur. ViS. in Trnjano. Himcrapud Phot. p, 1140. Ean. in Procer. Liban. 'Pijl. 470 H I S T 0 I R E avoit tranfplantés, fe rapprochoient du Danube, & qu'i's commengoient déja k faire des courfes. Craignant que s'il ne les arrêtoit dès le premier pas, ils n'en devinffent plus hardis, il affemble fes meilleures troupes, fans attendre 1'été. II comptoit 8c fur 1'ardeur de fon armée encore échauffée des fuccès de la campagne précédente, & fur la prévoyance d'Anatolius, Préfet dTIlyrie, qui, fans incommoderla Province, avoit pendant 1'hyver établi des magafins. Ce perfonnage mémorable étoit de Beryte en Syrië. Après avoir étudié les loix dans fa patrie, la plus célebre école de Jurifprudence qui fut en Oriënt, il vint a Rome du temps de Conftantin ; & s'étant fait connoïtre a la Cour par fes talents, il fut Gouverneur de Galatie, Vicaire d'Afrique , & parvint a la charge de Préfet du Prétoire en Illyrie. Il refta dans les ténebres du paganifme rd'ailleurs, c'étoit un homme A qui fes ennemis même ne pouvoient refufer des éloges. On admiroit fon amour pour la vérité & pour la juftice, 1'élévation de fon ame , fa noble  nu Sas-Empire. Liv. X. 471 franchife , fon application au travail, fon éloquence, fon défintéreffement » la tendreffe & la fermeté de fon coeur tellement afforties, qu'il ne mefuroit pas le mérite des autres par Pamitié qu'il avoit pour eux, mais qu'il régloit au contraire la mefure de fon amitié fur celle du mérite. On dit qu'en faifant fes adieux a l'Empereur quand il partit pour 1'Illyrie, il lui dit : Prince , difnrmaïs la dignité ne fauvera plus les coupables : quiconque violera les loix, Officier civil ou militaire, en éprouvera la févérité. Ce n'étoit pas qu'il eut rien de dur dans le caractere ; il aimoit mieux corriger que de punir, & jamais 1'IHyrie ne fut plus floriffante & plus heureufe que fous fon gouvernement. II foulagea le pays ruiné par 1'entretien des poftes Sc des voitures publiques, &c par 1'excès des tailles, tant réelles que perfonnelles. Les habitants le pleurerent après fa mort.; mais ils le regretterent bien davantage , quand on lui eut donné pour fucceffeur Florence, auparavant Préfet des Gaules. Ce financier intraitable, armé de toutes les rigueurs CONSTANCE. Ann. 359.  CONSTANCE. Ann. 359. XXVI. Limigantes détruits. Amm. I. 19, c. II. Ccllar. geog. ar.t. ï.ï.f.44?. 472 II I S T O 1 R E du fifc, étant venu fondre fur eux comme un vautour, plufieurs fe pendirent de défefpcir. L'Empereur, bien affuré de trouver des fubfiftances , marche en grand appareil vers la Valérie , dès les premiers jours du printemps. II arrivé au bord du Danube, lorfque les barbares fe difpofoient a le paffer fur les glacés qui n'étoient pas encore fondues. Pour ne pas laiffer languir fes troupes qui fouffroient beaucoup des rigueurs du froid , il envoye aufïïtöt demander aux Limigantes, pourquoi ils franchiffoient les limites marquées par un traité folemnel. Les barbares s'excufent fur de vains prétextes, & demandent humblement la permifïion de paffer le fleuve, pour expliquer a l'Empereur les incommodités de leur nouvelle habitation; ils proteftent qu'ils font prêts, s'il y confent, de fe tranfporter par-tout ailleurs, pourvu que ce foit dans Pintérieur de 1'Empire, & qu'il n'aura point de fujets plus obéiffants ni plus tranquilles. L'Empereur, ravideterminer fans coup férir une expédition qui paroiffoit difEcile & périlleufe,  CONSTANCE. Ann. 359. i J J i i 1 < l c 474 H 1 s t 0 1 r e ordres de l'Empereur. Mais quand ils le virent qui s'apprêtoit a les haranguer fans défïance , un d'entre eux, comme faifi d'un accès de fureur , ayant lancé fa chaufTure contre le tribunal, fe met a y courir de toutes fes forces en criant : Marha, Marha: c'étoit le cri de guerre de la nation. Tous fes compatriotes élevent en même-temps un drapeau, pouffent d'afFreux hurlements , & le fuivent en confufion. Conftance, du haut de la terraffe oü il étoit afïïs, voyant- accourir cette multitude qui faifoit briller a fes yeux les épées Sc lesjavelots, defcend a la hate, quitte fes habits impériaux pour n'être pas reconnu; Sc montant promptement ï cheval, fe fauve a toute bride. Ses »ardes effayent de faire réfiftance, Sc bnt mafTacrés; le fiege Impérial eft )illé Sc mis en pieces. Conftance a^oit eu 1'imprudence de laiffer afembler les barbares fur la rive, fans aire mettre fes troupes fous les arnes. Elles étoient encore dans le amp, lorfqu'elles apprirent que 1'Em'ereur étoit en péril. Aufli-töt les folats accourent k demi-armés; Sc pouf-  CONSTANCE. Ann. 359 XXX. Sapor fi prépare i la guerre Amm. U 18, c. 4, 5 & ibi Va lef. 480 HlSTOIRE franchir aifément les lieux les moins praticables, ils échappoient aux troupes qui défendoient le pays. On envoya pour les contenir le Comte Laurice , plus politique que guerrier. Sa bonne conduite fit plus que la valeur. II fut fi bien les intimider & les refferrer, qu'ils ne purent rien exécuter de confidérable , tant qu'il fut dans la Province. Les menaces de Sapor éclaterent ! cette année. Ce Prince, avide de conquêtes, ayant trouvé de nouveaux fecoursdans les nations féroces, avec > lefquelles il venoit de conclure la paix, s'occupa pendant 1'hyver k ramaffer des vivres, des armes , & a lever des foldats, dans le deffein d'entrer fur les terres de TEmpire. Réfolu de faire les plus grands efForts, il confultatous les devins de fon Royaume : on dit même qu'il alla jufqu'a immoler des hommes pour chercher dans leurs entrailles des pronoftics de fes fuccès. Mais un transfuge lui fournit des lumieres plus füres que tous fes oracles & tous fes facrifices. Antonin étoit un riche négociant établi en Méfoporamie, & tres - connu dans ces contrées.  du Bas-Empire. Liv. X. 481 contrées. Sa fortune fit envie a des hommes puiffants qui lui fufciterent des procés. Afin de ne pas manquer leur proie, ils s'appuyerent des Officiers du fifc qui entrerent en collufionavec eux. Antonin,habile & rompu aux affaires, après avoir, malgré la proteftion d'Urficin, perdu plulieurs procés , n'efpérant rien de fes juges vendus a l'injuftice, feignit de s'exécuter de bonne grace; il reconnut des dettes qu'il n'avoit pas contra&ées, & fit des billets payables a terme, fe réfervant au fond du cceur 1'efpoir de la vengeance. Ayant dreffé fon plan, il fe mit au fervice de Calfien, Commandant des troupes de la Province , qui comptant fur fon intelligence, 1'employa a tenir fes röles. Cette commilfion lui donna le moyen de s'inftruire k fond & en peu de temps de tout le détail militaire. Quand il eut acquis ces connoiffances, il fongea k les porter en Perfe; & pour fe procurer la facilité d'approcher des frontieres fans donnei de foupgon, il acheta une petite terre fur les bords du Tigre. II y tranfporta fa familie , & dans les fréquent; Tome II. X Cons- tance. Ann. 359. L  nu Bas-Empire. Liv. X. 485 Prince. Ainfi Conftance n'entendoit jour & nuit que des rapports prapres a augmenter des foupcons qui ne lui étoient que trop naturels. La perte d'Urficin fut donc encore une fois réfolue : mais il falloit, difoit Eufebe, ufer de précaution pour ne pas allarmer ce Général, qui, fur la moindre défiance, ne manqueroit pas d eclater. Urficin étoit alors k Samofade ; 1'Empereur le mande k la Cour, pour y venir recevoir la qualité. de Général de 1'infanterie , qu'avoit poffédée Barbation. II charge de fa lettre celui qu'il envoyoit pour commander en fa place : c'étoit Sabinien , vieillard fans vigueur comme fans courage, trop peu connujufqu'alors pour avoir droit de prétendre k un emploi fi important; mais affezriche pour 1'acheter de ces agents de Cour, qui vendoient 1'Empereur & 1'Empire. Dès que le bruit de ce changement fe fut répandu, ce fut dans tout 1'Orient un cri général. Toutes les villes témoignoient leurs regrets par des décrets honorables en faveur d'Urficin : on gémiffoit de fe voir X iij CONSTANCE. Ann. 3^ XXXII. 11 eft ren' voyé en Méfopotamie.Amm, ihid c. 6.  CONSTANCE. Aan. 359. XXXV. Les Perfes enMéfopotamie. Amm. ihid. Zon. t. llf p. 20.. .] ,1 1 1 I 1 2 492 II I s T 0 I S. B rie; on y élevoit des redoutes; on plantoit des paliffades, on établiffoit des batteries de catapultes & de baMes. Dans ce mouvement général, Sabinien, tranquille a Edeffe, regretrant les théatres oii il avoit palTé fa vie, s'amufoit k faire exécuter par fes foldats des danfes militaires au fon des trompettes & des clairons. Urficin , quoique fans emploi, prenoit fur lui tont le foin de la Province, éc tout le fardeau du commandement r Ia néceflité jointe a fa haute réputation, lui rendoit 1'autorité que la cabale lui avoit ötée. Sapor traverfe le Tigre, & attaque Nifibe. Comme il y trouvoit de la réfiftance, afin de ne pas perdre de temps, il 1'abandonne & marche en-avanr. L'intérieur du pays n'étoit >lus couvert que de cendres; il prend a route par le pied des montagnes,. >our ne pas manquer de fourrage. .,'armée arriva k un bourg appellé Bé>afe; de-la, jufqu'a Conftantine nomnée auparavant Nicepkorium, fur 1'Euihrafe, dans 1'efpace de plus de trente teues, on ne voyoit qu'une plaine ride, oü 1'on ne trouvoit d'eau que  du Bas-Empize. Liv. X. 493 dans un petit nombre de puits. Le Roi fe préparoit a la traverfer, comptant fur la patience de fes troupes , lorfqu'il apprit que 1'Euphrate groffi par la fonte des neiges , s'étoit débordé, & n'étoit plus guéable. Embarraffé fur le parti qu'il avoit a prendre, il aflemble les chefs. On s'en rapporte a Antonin, comme a l'oracle dé 1'armée. II confeille de prendre fur la droite, & de remonter au nord jufque vers la fource de 1'Euphrate , oü 1'on trouveroit un paffage facile : il promet d'y conduire les troupes par un pays abondant, que Pennemi n'avoit pas ruiné. On accepte fes ofFres, & toute 1'armée marche k fa fuite. Sur la nouvelle de ce mouvement, Urficin prend la route de Samofate, a deffein de rompre les ponts de Zeugma & de Caperfane , & de fermer aux Perfes 1'entrée de la Syrië. La lacheté de ceux qui couvroient la marche le mit en grand péril. Deus corps de cavalerie qui faifoient environ fept cents hommes, arrivés depuis peu d'Illyrie , étoient chargés d'obierver l'ennemi, & de garder les Covs- TANCE. Ana. 359» XXXVI. Les Romains furpris fe réfugientdans Ami» de. Amm. L 18, c 8.  CONSTANCE. Ann. 359. 1 1 ] J 494 * II 1 S T 0 I R E paiTages. Craignant eux-mêmes d'être attaqués, ils quittoient leur pofte pendant la nuit, quand il étoit plus nécefTaire de faire bonne garde, Sc s'écartoient du grand chemin pour boire & dormir a-leur aife. Tamfapor Sc Nohodaire , qui commandoient 1'avant - garde compofée de vingt mille chevaux, inftruits de cette négligence, paffent fans être appercus, Sc vont fe cacher derrière des hauteurs dans le voifinage d'Amide. Au point du jour, Urficin & fa troupe commencoient k marcher vers Samofate , lorfque fes coureurs ayant du haut d'une colline découvert 1'ennemi qui s'avangoit a toute bride, viennent donner 1'allarme. On ne favoit a quoi fe réfoudre : foit qu'on prït la fuite devant une cavalerie bien montée, foit qu'on effayat de combattre un nombre fort fupérieur, la mort fembloit inévitable. Pendant :ette incertitude, on avoit déja perlu quelques foldats qui s'étoient haardés k courir fur 1'ennemi. Les deux >artis s'approchent : Urficin, ayant ■econnu Antonin, qui marchoit a la ête des Perfes, le charge de repro-  du Bas-Empirr. Liv. X. 495 ches , le trairant de perfide & de fcélérat. Celui-ci ötant fa tiare, & fe courbant jufqu'a terre, les mains derrière le dos , ce qui chez les Perfes marqué la plus profonde foumifïion : Pardonne^-moi , dit-il, illujire Comte, mon patron & mon maart : je mérite les noms que tu me donnés ; mais la né~ cejjité mexcufe en même-temps qu'elle me rend criminel : c'ejl Vinjujlice de mes perfécuteurs qui m'a jet té dans cette extrêmité : tu ne le /ais que trop, puifque ta haute fortune, qui protégeoit ma mifere, na pu me défendre contre leur avarice. Après ces paroles, il fe retire dans le gros de la troupe, mais fans tourner le dos, montrant par-la le refpe£t qu'il confervoit pour Urficin. Dans ce moment, quelques foldats de la queue placés fur une éminence, s'écrient, qu'ils voyent arriver en grande hate une multitude de cavaliers armés de toutes pieces. Les Romains fe débandent aulfi-tót pour prendre la fuite.Maisrencontrant partout une foule d'ennemis, ils fe rallient en peloton. Réfolus de vendre bien cher leur vie, & fe battant en CONSTAN CE» A.nn. 359.  CONSTANCE. Arm. 359. 496 HlSTOtüZ retraite, ils fontpouffés jufqu'au Tigre , dont les bords étoient fort élevés. Une partie eft renverfée dans le fleuve; chargés de leurs armes, les uns reftent enfoncés dans la vafe, les autres font engloutis dans les eaux : une autre partie combat & difpute fa vie ; quelques-uns gagnent les défilés du mont' Taurus. Entre ces derniers, Urficin, reconnu & enveloppé d'un gros corps d'ennemis, s'échappe par la vitelïe de fon cheval avec un Tribun nommé Aïadalthe & un feul valet. Ammien Marcellinfefauve vers la ville d'Amide , ou 1'on ne pouvoit arriver de ce cóté-la, que par un chemin efcarpé & fort étroit. Comme les Perfes montoient avec lesfuyards, les habitants n'ofoient ouvrir les portes. Les Romains pafTerent la nuit fur lapente, refferrés entre les ennemis &C les murailles; & la preffe étoit fi grande, que les morts mêlés avec les vivants demeuroient d. bout, faute de place pour tomben Ammien rapporte qu'il eut route la nuit devant lui un foldat, dont la tête étoit fendue en deux parts d'un coup de cimeterre , & qui refia fur fes pieds comme  CONSTANCE. Ann. 3 59. XXXVIII Clémence de Sapor. Amm. I, »8, c. 18. 1 ( J J 1 < r r f r F 498 II 1 S T 0 I R E prement parler, que des cohortes. II y avoit encore vingt mille autres foldats , en comptant plufieurs efcadrons de Sagittaires, la plupart barbares, bien armés & pleins de courage. Sapor, en partant de Bébafe, avoit pns fur la droite du cöté d'Amide. Ayant rencontré fur fa route deux chateaux nommés Reman & Bufan , qui appartenoient aux Romains, il apprit par les transfuges, qu'on y avoit retiré toutes les richeiTes du pays, & que la femme de Craugafe, citoyen de Nifibe , diftingué par fa naiiTance & par fon crédit, célebre ;lle-même par fa beauté, s'y étoit •etirée avec fa fille en bas age, & ce m'elle avoit de plus précieux. Sapor narche a ces chateaux : les habitants >rennent auffi-töt 1'épouvante, & donlent entree aux Perfes. On apporte ux pieds du Roi tous les tréfors; »n amene devant lui les meres éploées, ferrant entre leurs bras, &arofant de leurs larmes leurs petits enints. Le Roi fe fait montrer la femie de Craugafe , & lui ordonne d'aprocher.Elle vient toute tremblante,  du Bas-Empire. Liv. X. 499 & ne s'attendant qu'aux derniers outrages, enveloppée d'un voile de deuil, dont fon vifage même étoit couvert. Sapor, qui avoit le cceui affez grand pour être maïtre de luimême , fans vouloir allarmer la modeftie de cette femme par une curiofité importune, ne s'occupe qu'a calmer fa douleur. II la raffure , il lui fait efpérer d'être bientöt rendue 3 fon mari; il lui promet que fon honneur ne foufFrira aucune atteinte. I! favoit que Craugafe 1'aimoit éperdument; & il efpéroit acheter k ce pm la vilie de Nifibe. Sapor voulut même en cette rencontre regagner le< cceurs, en efFacant par fa clémence les horreurs de fa cruauté pafTée : il voulut bien garder de la brutaliu du foldat, des füles Chrétiennes , qu avoient confacré a Dieu leur virginité, &c défendit de les troubler dan; le culte de leur Religion. Trois jours après, il arrivé devanl Amide. Au lever de Paurore, les habitants voyent du haut des murs ton te la plaine & les cöteaux d'alentout étinceler de 1'éclat des armes. Au milieu d'une troupe de Seigneurs & CONSTANCE. • Ann. 359. XXXIX. Sapor arrivé devant Amide. Amm. I. 19, c. 1,1.  CONSTANCE. Arm. 3j. 500 HlSTOIKB - de Rois de diverfes nations, paroiffoit Sapor , diftingué de tous les au- 1. tres par la hauteur de fa taille, par 1'éclat de fes habits, & par fon cafque d'or, en forme de tête de bélier, femé de pierreries. Ce fier Monarque, réfolu, fuivant 1'avis d'Antonin, de poiuTer fes conquêtes jufques dans le cceur de 1'Empire, n'avoit pas deffein de s'arrêter devant cette ville : il fe flattoit que les habitants, faifis de crainte , viendroient fe jetter a fespieds. Dans cette confiance, il s'approche jufqu'a être aifément reconnu. Mais bientöt les traits lancés.de deiTus les murailles, lui firent yoir la mort de fi prés, qu'une partie de fon habit fut emportée par un javelot. Outré de fureur, & traitant cette hardieiTe d'attentat facrilege , il proteftoit qu'il ruineroit la ville de fond en comble, & donnoitdéja fes ordres pour les préparatifs d'un fiege meurtrier. Enfin , a la priere des principaux Seigneurs, qui le conjuroient de ne pas facrifier a fa vengeance tant de glorieux projets, il confentit a offrir le pardon aux habitants, en les fommant de fe rendre. Au point du  du Bjs-Empirs, Liv. X. 501 jour, Grumbate, Roi des Chionites, efcorté de les plus vaillants foldats, s'avancoit hardiment vers les murs, pour faire connoïtre la volonté de Sapor , lorfqu'un tireur habile le voyant a portee, perca de part en part k cöté de lui fon fils unique, qui, dans la première fleur de fa jeunefle, faifoit déja, par fa bonne mine & par favaleur, lajoie de fon pere &l'efpérance de fon pays. Ce coup jette d'abord 1'eiTroi dans toute la troupe ; ils prennent la fuite : mais bientöt revenant fur leurs pas pour fauver le corps du jeune Prince , ils appellent a leur fecours le reite de 1'armée. Les habitants font une vigoureufe fortie; on combat pendant tout le jour avec acharnement autour du corps, les uns pour 1'enlever, les autres pour le défendre. Enfin, la nuit étant furvenue, les Perfes en demeu-rent les maitres, & 1'emportent k la faveur des tenebres au travers du carnage. Tous les Princes prirent le deuil, & partagerent l'affliftion du pere. On fufpendit les opérations du fiege, & on fit les funérailles felor la courume des Chionites. On pla§ï CONS- TANCE.' Ann. 359.  CONS- *tance. Aan. 35 9, XL. Premières attaques. 501 HlSTOIRE fur un lit élevé le corps revêtu de fes ar*nes ordinaires ; è 1'entour étoient dreffés dix autres Hts mortuaires, fur chacun defquels étoit couchée une figure de cadavre repréfentée au naturel. Les foldats partagés par bande, buvoient & mangeoient en danfant, & en chantant des airs lugubres; & les femmes qui fuivoient toujours en grand nombre lesarmées des Perfes , pleuroient & pouffoient de grands cris. Après ces cérémonies qui durerent fept jours, on brüla le corps, & on en recueillit les os dans une urne d'argent, que le pere avoit deffein de remporter dans fon pays. Pour fatisfaire la vengeance de Grumbade, la réfolution fut prifede détruire Amide. On donna aux troupes encore deux jours de repos, pendant lefquels on envoya faire le dégat dans les campagnes voifines, & 1'on tint la ville enfermée de cinq rangs cle rentes. Au commencement du troifieme jour, toute la plaine parut a perte de vue couverte d'une brilrante cavalerie. Les nations auxiliaires tirerent au fort chacune leur pofte. Les plus redoutables par leur  du Bas-Empire. Liv. X. 503 valeur étoient les Ségeftans, au milieu defquels marchoient a pas lents des éléphants chargés de tours. L'af- peft d'une~fi innoinbrable multitude otoit 1'efpoir aux affiégés, fans leur öter le courage, ils réfolurent de s'enfevelir fous les ruines de leur ville. L'ennemi refta tout le jour en préfence , fans faire aucun mouvement, & fe retira au coucher du foleil, dans le même ordre qu'il étoit venu. Avant le jour, il fe rapproche au fon des trompettes, & vient occuper les mêmes poftes. Dés que Grumbade eut donné le figrial, (c'étoit une javeline teinte de fang qu'il lanca contre la ville) les Perfes faifant avec leurs armes un bruit terrible, courent infulter la muraille ; ils déchargent leurs traits; ils font jouer les machines qu'ils avoient enlevées de la ville de Singare , prife & pillée dans les courfes précédentes. On leur répond du haut des murs a coups de pierres, de dards, de javelots. La nuit vient; ils la paffent fous les armes , & font retentir les échos d'alentour du nom de Conftance & de celui de Sapor, auxquels ils donnent al'en- CONSTANCE. Lnn. 3; 9. I  COHSTANCE, Aan. 3; 9, ' XLI. Llcheté de Sabinien.Amm. 'Mi. e. 3. 504 HlSTOIRE vi les titres les plus pompeux. Au retour de 1'aurore , les trompettes fonnent; les décharges recommencent, la journée n'eft pas moins meurtriere. Les affiégés fe relevent toura-tour. La nuit fuivante, les Perfes prennent du repos ; mais il n'en efl: point pour les affiégés. Ils s'occupent moins de leurs bleffures, que du foin de réparer leurs breches, de rétablir leurs machines, & de fe prémunir contre de nouvelles attaques. Pendant ces fanglants combats , Urficin , qui s'étoit fauvé k EdefTe, preffoit Sabinien de partir en diligence avec les troupes légeres, & de marcher fecretement par le pied des montagnes , pour enlever quelque pofte aux ennemis dont la circonvallation étoit trés - étendue, ou pour faire diverfion par des allarmes fréquentes. Sabinien oppofoit a ces bons confeils les ordres de 1'Empereur, qui lui avoit, difoit-il, recommandé de ne pas expofer les troupes. Mais la vraie raifon d'une ina&ion li honteufe, c'étoient d'autres ordres fecrets qu'il avoit regus des eunuques, de fermer k fon prédéceffeur toutes les voies  nu Bas-Empire. Liv. X. 505 voies d'acquérir de la gloire , même en fervant 1'Etat. Ces laches ennemis aimoient mieux voir périr les plus belles Provinces, que de laitTer a ce brave Capitaine l'honneur de les fauver. Urficin envoyoiten vain a Amide des couriers qui n'y pénétroienl qu'avec peine : toutes les mefure; qu'il prenoit pour fecourir la vilh reftoient fans exécution.- L'infeöion des cadavres qui demeuroient fans fépulture, les excef fives chaleurs, la confufion de tan d'habitants refferrés dans un efpaci étroit, les maladies caufées par le fatigues & les autres incommodités cauferent la pefte dans la ville. EU n'y fit pas cependant beaucoup d ravage. Des pluies douces qui torn berent la nuit d'après le dixieme jour rendirent l'air plus pur , & ramene rent la fanté. La fureur de 1'ennerr étoit beaucoup plus opiniatre: il dre foit des mantelets, il élevoit des tei raffes, il conftruifoit des tours dor la face étoit couverte de lame de fei les baliftes placées fur ces tours ne toyoient les murs, tandis que 1< frondeurs & les archers ne ceffoiei Tornt 11. Y CONSTANCE. Arm. 359. ■ XLII. ; Nauvells attaque. • Amm. ibii. '. c. 4, J. > i f- t > !S tt  CONSTANCE. Aan. 35 9, ( 1 J < 1 (' 506 H I S T 0 I R R de lancer d'en-bas une grêle de traits & de pierres. Au midi de la ville, du cöté du Tigre, s'élevoit une haute tour, avancée fur 1'angle de la muraille, & pofée fur des roches efcarpées. Un efcalier fouterrein pratiqué dans le roe, ainfi qu'il étoit d'ufage dans toutes les places fituées prés du Tigre & de 1'Euphrate, conduifoit jufqu'au bord du fleuve, pour aller puifer de 1'eau a 1'abri de 1'ennemi. Comme cette tour n'étoit pas gardée, paree qu'on la croyoit affez défendue par fa lituation , foixante & dix Sagitaires de 1'armée des Perfes, des plus hardis & des plus adroits, guidés par un déferteur, fe gliffe pendant la nuit dans le fouterrein , & étant montés jufqu'au troifieme étage, ils y attendent le jour. Alors ayant ïlevé en 1'air une cafacrae rouge, :omme ils en étoient convenus, tanlis que toute 1'armée s'approche des nurs & les attaque plus vivement 311e jamais, ils ne ceflent de lancer eurs traits dans la ville ; & tous leurs :oups font meurtfiers. En mêmeemps, les Perfes montent a 1'efcalade, k. gagnent déja le haut des murs.  du Bjs-Empire. Liv. X. 507 Dans ce doublé péril, les affiégés : partagent la défenfe : ils pointent contre la tour cinq baliftes , d'oii j partent de gros javelots qui traverfent fouvent deux ennemis a la fois; les uns tombent percés de coups, les autres d'efFroi fe précipitent du haut de la tour, & fe brifent fur les rochers : on fe bat fur la muraille, on renverfe les affiégeants & les échelles; les Perfes, couverts de bleffures, après une grande perte, font forcés de regagner leurs tentes. On fe repofa de part & d'autre le reile du jour 6i la nuit fuivante. Le lendemain matin, on appergut du haut des murs un nombre kifini de prifonniers qu'on traïnoit au camp < des Perfes. Les partis ennemis avoient 1 depuis quelques jours pris & brülé J( plufieurs chateaux; entre autres celui de Ziata, trés - confidérable par fa force & par fon étendue, dont les fortifications embralToient douze cents cinquante pas de circuit. Ils emmenoient beaucoup d'habitants; & comme il fe trouvoit parmi eux grand nombre de vieillards & de femmes qui ne pouvoient fuivre , ces barbaY ij CONSTANCE. ■tin. 359. XLin. bravoure es folats Gaulis. [mm. ibii. ■ 5,6-  CONSTANCE. Ann. 359. 5o 8 H l S T 0 I R E res les abandonnoient dans le chemïrt après leur avoir coupé les jarrets. Ce fpecfacle tiroit des larmes aux habitants. Perfonne n'y fut plus fenfible que les foldats de la Gaule. Ces guerriers, braves & alertes, fort propres k fe battre en plaine , mais peu entendus dans les travaux d'un fiege , gémiffbient de ne trouver aucune occafion de fignaler leur courage. S'enrmyant de cette inaöion, ils fortoient étourdiment pour faire un coup de main, & revenoient toujours avec perte. Enfin, retenus par force, ils frémiffoient d'impatience. Leur ardeur s'enflamma k la vue de ces malheureux prifonniers. Ils demandent k grands cris qu'on leur ouvre les portes; ils menacent même leurs Officiers de les égorger, s'ils les tiennent plus long-temps dans cette contrainte; & tels que des bêtes féroces quis'élancent avec fureur contre leurs barrières, ils hachent les portes k coups de fabre. On eut peine k gagner fur eux qu'ils attendiiTent Ja nuit pour aller avec moins de péril attaquer les poftes les plus proches. Dès qu'elle fut venue, les Gaulois,  du 2as-Empikb. Liv. X. 500 armés de leurs haches & de leurs épées, fortent par une poterne, & s'approchent fans bruit de la premiere garde ; ils lui marchent fur le ventte , maffacrent la feconde garde qu'ils trouvent endormie, & vont droit au camp, dans le deffein de pénétrer, s'ils peuvent, jufqu'a la tente de Sapor , & de le tuer au milieu de cent mille hommes. Les cris des premiers qu'ils égorgent donnent 1'allarme a tout le refte. En un moment, ils ont fur les bras des bataillons entiers: ils font fermes d'abord avec une audace incroyable, & recoivent a grands coups d'épée ceux qui ofent les approcher. Mais bientöt, accablés de traits, & trop foibles pour tenir tête k des flots de cavaliers & de fantaffins qui groffiffent fans cetïe, & qui viennent fondre fur eux, ils reculent, mais a petit pas & fans tourner le dos. On fonne la retraite dans la ville, dont on ouvre les portes pour les recevoir; on fait jouer les machines, mais fans les charger , pour faire peur aux ennemis, & ne pas nfquer de tuer ces braves gens. Après avoir perdu quatre cents des leurs , ils renY üj COKSTANCE-. Ann. 359.