l6o sommaire du LlV. XIVe. més dans des fouterreins. xxvii. On détruit le part du Roi de Perfe. xxvill. Suite de la marche. XXIX. Paffage du Naarmalcha. XXX. Julien raffure fesfoldats. XXXI. Paffage du Tigre. XXXII. Comhat contre les Perfes. xxxiii. Suites de la viHoire. XXXIV. Julien fe détermine d nepas affüger Ctéfiphon. XXXV. // refufe la paix. xxxvi. II efl trompé par un transfuge. xxxvii. 11 brüle fes vaiffeaux. xxxviii. II ne peut pènêtrer dans la Perfe. XXXIX. II prend le chemin de la Corduene. XL. Marche de l'armée. XLI. Arrivèe de l'armée royale. XLii. Divers èvênements de ld marche. XLIII. Bataille de Maranga. XLIV. Inquiétudes de Julien. XLV.Bleffure de Julien. xlvi. Succes du comhat. Xlvii. Dernieres paroles de Julien. XLVin. Sa mort. XUX. Précis de fon carailere. U Fables inventées 'au fujet de fa mort. tl, Faits véritables.  Julien. Aon. 363, IV. II paffe I'Euphrate. Amm. I. 23- c. 2. Theod. I. J. C: 6, 21. So{. I. 6. e. 1, V. Julien a Carrhes. Amm. I, 23. c. 3. Theod. I. 3. c 21. Soi% I. 6. c. 1. zG6 His t 0 1 r e tót aux oreilles des efpions, qui fe dérobent a la plus exafte vigilance, il n'avoit d'autre confident que luimême, & ne laiffoit tranfpirer aucun de fes projets. II fit prendre les devants a des coureurs, a deffein d'arrêter les transfuges, & d'empêcher qu'ils ne portaffent des nouvelles k 1'ennemi. Enfin, il tenta pour la derniere fois d'engager tous fes foldats dans 1'idolatrie. Plufieurs fe laifferent féduire par fes careffes ; mais la plupart étant demeurés fermes, il n'ofa congédier ces fideles Chrétiens, de peur d'afFoiblir fon armée. Ayant paffé 1'Euphrate fur un pont de bateaux, avant que les ennemis fuffent avertis de fa marche , il vint k la ville de Batnes en Ofroëne, de même nom que celle de Syrië. On laiffa fur la gauche Edeffe : le Chriftianifme y fleuriffoit , c'étoit affez pour en éloigner Julien. Etant arrivé a Carrhes, célebre par la défaite de Craffus, il s'y arrêta quelques jours. En cette ville étoit un temple de la Lune , adorée fous le nom de Dieu Lunus. Ces peuples, :>arune idéé bifarre, avoient changé  du Bas-Empir.e. Liv. XIV. 267 le fexe attribué par-tout ailleurs a cette divinité. II y avoit, felon eux , une malédiction attachée a ceux qui adoroient la Lune comme Déefle : ils vivoient , difoient-ils , dans un perpétuel efclavage, toujours affervis aux caprices de leurs femmes. L'Empereur n'oublia pas de vifiter ce temple. On dit qu'après le facrifïce, s'é% tant enfermé feul avec Procope fon parent, il lui remit un manteau de pourpre , avec ordre de s'en revêtir, & de prendre la qualité d'Empereur, fuppofé qu'il périt dans la guerre de Perfe. Théodoret, copié par d'autres Auteurs Chrétiens, attribué en cette occafion a Julien une action tout-a-fait horrible. II rapporte qu'au fortir du temple , ce Prince en fit fermer les portes, & que les ayant fcellées He fon fceau, il y placa une garde de foldats, qui ne devoit être levée qu'a fon retour; qu'enfuite, a la nouvelle de fa mort , lorfqu'on entra dans le temple, ony trouva une femme fufpendue par les cheveux, les bras étendus, le ventre ouvert, Julien ayant cherché dans fes entrailles des fignes de fa viftoire. M ij Julien. Ann. 363. Zo/. I. 4. Spart, ia Caracalla. Medailles.  Julien. Ann. 363 VI. II difpofe tout poui fa marche. Amm. I, 23. c. 3. Lib. or. 12. Zof. I. 3. Soc. I. 6. e. 1. Chryfofl. Ae Sto. Baiyla contra Jul. & Cent, 268 HlSTOIRB Sozomene, d'ailleurs affez crédule, & contemporain de Théodoret, n'a pas adopté ce récit. On n'en trouve rien dans Saint Grégoire de Nazianze, qui, dans les reproches de cruauté qu'il lance avec tant de force contre Julien, n'auroit eu garde de paffer fous filence un fait fi atroce. La nuit du dix-huit au dix-neuf de Mars, Julien fut fort agité par des fonges facheux. A fon réveil, ayant confulté les interpretes de fonges qu'il menoit è fa fuite, il jugea que le jour fuivant alloit être fignalé par quelque événement funefte. Le jour fe paffa fans accident; mais la fuperftition trouva bientöt de quoi autorifer fes rêveries. On apprit quelque temps après que cette nuit-la même, le feu avoit pris dans Rome au temple d'Apollon Palatin, &que fans un prompt fecours, les oracles des Sibylles auroient été la proie des flammes. II y avoit deux grandes routes pour aller en Perfe : 1'une a gauche par Nifibe & TAdiabene en tra■verfant le Tigre ; 1'autre a droite par 1'Affyrie le long de 1'Euphrate. On appelloit alors Affyrie la partie mé-  du Bjs-Empire. Liv. X1F. 271 qu'on nommoit le Babylonien, cet animal, frappé d'une douleur foudaine, s'abattit tóut-a-coup, & fe roülant a terre, mit fon harnois en pieces. Julien s'écria avec joie : Ceft Babylom qui tombe, dépouillie de tous fes ornements. Ses Officiers applaudiffent: on fait des facrifices pour confïrmer ce bon préfage ; & Ton arrivé fur le foir au chateau de Davane, oü une riviere , nommée Belias, prenoit fa fource pour s'aller jetter dans TEuphrate. Le vingt-fept de Mars, l'armée entra dans Callinique, place forte & commercante. Julien y pratiqua les mêmes cérémonies qui étoient en ufage a Rome ce jour-la en Thonneur de Cybele. Le lendemain on campa fur les bords de TEuphrate, qui devient fort large en cet endroit par Tabondance des eaux qui s'y rendent, Ce fut-la que plufieurs Princes Sarrafins vinrent lui rendre hommage comme au maitre du monde & a leui Souverain, lui offrant une couronne d'or. Pendant que l'Empereur leui donnoit audience, on vit paffer er pompeux appareil k la vue du camp la flotte commandée par le Tribur M iv Julien. Ann. 363.  Ann. 363. VIII. A Cercufe. Amm. I. 2?. c. j. Zof.l.h 1 I 1 1 1 \ L J ti ti di P' q> ce li, 2?2 H i s t o i R b Conltantien & par le Comte LucilKen, Toute la largeur du fleuve étoit couverte de mille Mtiments , chargés de vivres, d'armes & de machines: fans eompter cinquante vaiffeaux armés en guerre, & autant de groffes barques propres a établir des ponts pour le paffage de l'armée. P L Empereur, après avoir recii les oupeSdesSarrafins,quipouvoien etre d un grand fecours pour les cour& pour les furprifes, entra dans ^ercule au commencement d'Avril r et0lt ia ^e,™iere place des Romains Jececoté-la. Elle étoit forte & bien >atie , fituee au confluent de 1'A^oras & de 1'Euphrate. Dioclétien avoit fortifiee avec foin , pour ferir de boulevard k la Syrië contre 3;incurfions des Perfes. Tandis que idien faifoit palfer 1'Aboras è fes •oupes fur un pont de bateaux, ü ixut -une lettre de Sallufte, Préfet ;s Gaules, qui le fupplioit de fuf;ndre fon expédkion , jufqu'a ce 1 on eut obtenu des marqués plus rtaines de la faveur des Dieux Ju■n, qui s'en croyoit affuré, ayant he le fleuve après fon armée, fis  nu Bas-Empire. IJv. XIF. 273 fompre le pont, pour öter aux déferteurs toute efpérance de retour. II raffembla fes bataillons & fes efcadrons qu'il fit ranger en cercle autour de lui. Alors élevé fur un tribunal de gazon , environné des principaux Officiers, & montrant fur fon vifage 1'aflurance de la viftoire, il leur paria en ces termes: » Braves foldats, vous n'êtes pas » les premiers Romains qui foyez » entrés dans la Perfe. Pour ne pas » remonter jufqu'aux exploits de Lu» cullus , de Pompée , de Venti» dius, plufieurs de mes. prédécef» feurs m'ont prévenu dans cette glo» rieufe carrière. Trajan, Verus, Sé» vere font revenus de ces contrées » vi&orieux & triomphants; &c le » dernier desGordiens, dont lemo» nument va bientöt fe montrer k nos » yeux, ayant vaincu le Roi de Per» fe auprès de Réfene, auroit rap» porté les mêmes lauriers fur les ter » res de TEmpire, fi des mains perw fides ne lui euffent arraché la vi« » au pied même de fes trophées. Le; » héros dont je parle ne furent con' » duits dans ces lieux que par le de M v Julien. Ann. 36}. IX. Difcours de Julien a fes ttouc pes.  JUIIEN. Ann, 363 2?4 II I S T-0 I R E » fir de la gloire. Mais nous, des » motifs plus prefiants nous y appel» lent : nos villes ruinées, tant de » nos foldats maflacrés, dont les om» bres font errantes autour de nous, » implorent notre vengeance. L'Em» pire nous montre fa frontiere dé» yaftée; il s'attend que nous gué» nrons fes plaies; que nous éloi» gnerons le fer & le feu auxquels » il efl expofé depuis plus d'un fie» cle. Nous avons k nous plaindre » de nos peres; laiffons a notre pofw térité de quoi nous vanter. Pro» tégé par 1'Eternel, vous me ver» rez par-tout a votre tête, vous » comwander, vous couvrir de mon » corps & de mes armes, combat» tre avec vous. Tout me fait efoé» rer la vitfoire; mais la fortune dif» pofera de ma vie : fi elle me 1'en» leve au milieu des combats, quel » honneur pour moi de m'être dé» voué i\ la patrie, comme les Mu» cius, les Curtius, comme la fa» mille des Décius, qui fe tranfmi» rent avec Ia vie la gloire de mou» rir pour Rome! Nos ancêtres s'obf» tinerent pendant des fiecles entiers  bu Bjs-Empire. Liv. XIV. £75 '» a foumettre les puiffances ennemies » de 1'Empire. Fidenes, Veies, Fa» leries, furent rivales de Rome dans » fon enfance: Carthage & Numance » lutterent contre elle dans fa vi» gueur; ces Etats ne fubfiftent plus: » nous avons peine a croire , fur la » foi de nos annales, qu'ils ayent ja» mais ofé nous difputer 1'Empire. » II refte une nation opiniatre , dont » les armes font eneore teintes du » fang de nos freres : c'eft a nous k » la détruire. Achevons Fouvrage de » nos aïeux. Mais pour réuffir dans » ce noble projet, il n'y faut cher» cher que la gloire. L'amour du » pillage fut fouvent pour le foldal » Romain un piege dangereux : que » chacun de vous marche en bon ort> dre fous fes enfeignes: fi quelqu'ur » s'écarte , s'il s'arrête , qu'on _lu » coupe les jarrets, & qu'on le laiffi » fur la place. Je ne crains que le » furprifes d'un ennemi, qui n'a d » force que dans fes rufes. Mainte » nant je veux être obéi : après 1 » fuccès, quand nous n'aurons plu » a répondre qu'a nous-mêmes, pe » jaloux du privilege des Princes M vj Julien. Ann. 363. L L i S l 1  Julien. Ann, 363 (27Ö Hl S T O I R B » qui mettent leur volonté k Ia place .» de la raifon& de la juftice, je vous » permettrai k tous de me deman» der compte de toutes mes démar» dies, & je ferai prêt k vous fatif» faire. Elevez votre courage : par» tagez mes efpérances, je partaee» rat tous vos travaux, tous vospé» nis. La juftice de notre caufe eft » un garant de la vidoire ". Ce difcours embrafa le cceur des foldats, Les divers fentiments de Julien paroifloient pénétrer dans leurame. & le peindre fur leur vifage. Dès qu'il eutcefle de parler, ils élevent leurs bouchers au-deffus de leurs têtes: ils s ecnent qu'ils ne connoiftent point je penis, point de travaux fous un Capnaine qui en prend fur lui-mê?e Pj!,s qu'ü n'en laille k fes foldats. i-es Gaulois fignaloient leur ardeur au-deflus de tous les autres : ils fe iouvenoient , ils racontoieht avec tranlport, qu'ils 1'avoient vu courir entre leurs rangs, fe jetter au plus ort de la melée; qu'ils avoient vu !« naüons barbares, ou tomber fous les coups , ou fe profterner k fes pieds. Julien, pour mieux affurer  du BaS'Empirz. Liv. XIF. 277 1'effet de fes paroles, fit diftribuer k ehaque foldat cent trente pieces d'ar- ëent' . . Le fleuve Aboras faifoit la fepara- tion des terres de 1'Empire d'avec le pays ennemi. On paffa la nuit fur fes bords, & dès le point du jour on fon- na la marche. La lumiere qui croif- foit peu-k-peu découvroit aux re- gards de l'armée les vaftes plaines de l'Aflyrie : 1'empreffement & la joie brilloient dans tous les yeux. Julien. le premier a cheval, courant de rang en rang, infpiroit aux foldats une nou veile confiance. II fit toutes les dif- pofitions qu'on pouvoit attendre d'ur Général expérimenté, pour la furetc de la marche dans un pays inconnu II envoya devant quinze cents cou- reurs pour battre 1'eflrade. L'armé< marchoit fur trois colonnes. Celle di eentre étoit compofée de la meil leure infanterie, k la tête de laquell, étoit Julien. A droite, le refte de légions cötoyoit le fleuve fous le ordres de Névitte. A gauche, la ca valerie , commandée par Arinthée 6 par Hormifdas, traverfoit la plaine & couYroit Tinfanterie, L'arriere-gar Julien. Ann. 363; X. Marche de l'armée en Affyrie. Amm. I. 24. c. I. Zof. h J.  nu Bas-Empire. Liv. XIF. 283 une infinité d'ifles. Les foldats paffoient a la nage, ou jettoient des ponts : d'autres fe hafardoient a traverfer a pied , ayant de 1'eau jufqu'au col : plufieurs périrent dans ces folTes profondes. Tout étoit dans un affreux défordre : il falloit s'entr'aider, & fauver a la fois fa perfonne, fes'armes, fes provifions & les bêtes de fomme. Quelques-uns défiloient fur la crête des bords du fleuve par un fentier étroit & gliffant, oü ils couroient rifque de fe précipiter a tous moments dans les eaux. Ce qu'il y avoit de plus remarquabie, c'eft qu'au milieu de tant de fatigues & de périls, pas un ne plaignoit fon fort, pas un ne murmuroit contre l'Empereur. Aufli ne cherchoit-il pas a fe foulager lui-même aux dépens de fes foldats; il ne prenoit fur eux d'autre avantage que de leur donner 1'exemple : ils le voyoient k leur tête, couvert de boue & de fange, fendre les eaux, & refufer les fecours qui ne pouvoient être communiqués a tous. Après avoir traverfé une grande étendue de terrein inondé, on fe trou- Julien. Ann. 363. XIV. Précautions de Julien.  JlttlE] Ann. 3< ^ S84 Hl s t o 1 rb 7 Ya.enfïn dans une plaine fertile en '3. ,!,ts' en V1gnes, en palmiers, & peuplee de bourgs & de villages. C'étoit Je plus beau canton de 1'Aflyrie. Les habitants s'étoient retirés au-dela du fleuve; on les appercevoit fur les hauteurs d oii ds regardoient le pillaee de leurs campagnes. Julien, efcorté -dun corps de cavalerie légere, tantot k Ia tete, tantöt a la queue de fon armee, prenoit les précautions néceflaires dans un pays inconnu. II faifoit touider jufqu'aux moindres buiffons; il vifitoit tous les vallons; il empêchoit les foldats de s'écarter trop loin, les contenant par une douce perjuafion plutot que par les menaces. Lexemple dun foldat, qui, étant pris de vin , fe hafarda k palier 1'Euphrate, & qui fut égorgé par les ennemis iur 1 autre bord k la vue de l'armée lervit a rendre fes camarades plus fobres & plus circonfpeös. Julien leur permit d'enlever ce qui étoit propre a leur fubfiftance, & fit brüler le refte avec les habitations. L'armée fe nournffoit avec plaifïr des fruits de fa confiuete; elle jouiffoit de 1'abondance,  nu Bas-Empire. Liv. XIF. 299 inondé, k deffein de lui rendre Ie paffage impraticable. II campa en cet endroit, & affembla le conf'eil. Les avis étoient partagés ; plufieurs Officiers propofoient une autre route , plus longue k la vérité, mais ou 1'on ne trouvoit point d'eau : Et c'ejl-ld ce que je crains , repartit Julien ; je ne vois ici que de la fatigue; ld je vois notre perte, Lequel des deux vaut-il mieux , d'avoir la peine de traverfer des eaux, ou de n'en pas trouver & mourir de foif? Souvene^-vous de Crajjus & cCAntoine. Tous revinrent k fon avis. En même-temps il ordonna de préparer des outres, de raffembler des bateaux de cuir dont les habitants faifoient grand ufage fur les ca» naux; & comme tout ce terrein étoit planté de palmiers, il alla lui-même k la tête d'une troupe de foldats & de charpentiers abattre desarbres, & faire des planches. II paffa cette nuit, le jour fuivant, & la nuit d'après k établir des ponts, k combler des folies profondes, a rafFermir le fol des marais en y jettant de la terre. Au commencement du fecond jour, il fit défiler fon armée fur les ponts N vj JUIIEN. kan. 363.  Juhen. Ann. 363, XXIV. Prife de h ville. 1 i 1 i t 1 c e F 3öB HlSTOIRE dre de la nourriture & du repos. La nuit étoit fort avancée, & Julien s'occupoit a difpofer le plan des attaques pour le lendemain. On vint lui dire que fes mineurs avoient pouffé leur travail jufque fous Fintérieur de la place, qu'ils avoient établi leurs galeries, & qu'ils n'attendoient que fon ordre pour déboucher dans la ville. II fait auffi-töt fonner Ia charge : on court aux armes; & pour diftraire les affiégés, & les empêcher d'entendre le bruit des outils qui ouvroient la mine , il attaque avec toutes fes troupes par 1'endroit sppofé. Pendant que toute 1'attention 5c tous les efForts fe portent de ce :öté-la, les travailleurs percent Ia erre : ils pénetrent dans une maion oit une pauvre femme paitrifbit fon pain. On la tue de peur qu'elle ie donne 1'allarme. On va auffi-töt 1 petit bruit furprendre des fentineles, qui, pour fe tenir éveillées, chanoient, felon 1'ufage des pays, les Juanges de leur Prince, & difoient ans leurs chanfons que les Romains fcaladeroient le ciel plutöt que de rendre la ville. Après les avoir égor-  av Bas-Empire. Liv. XIV. 309 gés, 011 fe faifxt de plufieurs portes, on donne le fignal aux troupes du dehors. Tous fondent en foule; 8c malgré les cris de Julien qui leur commandoit d'épargner le fang 8c de faire des prifonniers, les foldats, irrité du maffacre de leurs camarades & de ce qu'ils avoient fouffert euxmêmes, paflent tout au fil de 1'épée fans diiïin£tion d'age ni de fexe. Ils fouillent dans les retraites les plus cachées. Le feu, le fer, tous les genres de mort font employés a la deltruction des habitants. Plufieurs fe jettent eux-mêmes du haut des murailles : d'autres y font conduits par bandes 8c précipités, tandis que les vainqueurs les recoivent au pied des murs fur la pointe de leurs lances 8c de leurs épées ; 8c le foleil en fe levant vit cette exécution terrible. Nabdatès, Commandant de la garnifon, fut conduit chargé de chaïnes k l'Empereur avec quatre vingts de fes gardes. II ne devoit s'attendre qu'a des traitements rigoureux, paree qu'ayant dès le commencement du fiege promis fecretement a Julien de lui livrer la ville, il s'étoit, contre Julien. Kan. 363; XXV. Modération de Julien.  JUIIEN. Ann. 363 310 HlSTOIRZ fa parole , obftiné a la défendre. Ce- 3 > pendant l'Empereur donna ordre de ' le garder fans lui faire aucun mal. Ce qu'il put fauver du butin fut diftribué aux foldats a proportion de leurs fervices & de leurs travaux. II ne fe réferva qu'un jeune enfant muet, qui favoit par fes geiles énoncer clairement toutes fes idéés, &parler un langage intelligible a toutes les nations. Les femmes de Perfe étoient les plus belles du monde. On avoit mis k part plufieurs filles d'une rare beauté. Julien , auffi fage qu'Alexandre, & auffi maitre de fes defirs que Scipion 1'Africain , n'en voulut voir aucune. A 1'exemple de ce qu'avoit fait le même Scipion après la prife de Carthagene, il fit affembler fon armée, & combla d'éloges la valeur du foldat Exupere, du Tribun Magnus, & du Secretaire Jovien: ces trois vaillants hommes étoient fortis les premiers du fouterrein; il | les honora d'une couronne. On détruifit la ville de fond en comble. Les Romains étoient eux-mêmes étonnés d'un exploit qui fembloit être au-deffus des forces humaines; rien  Ann. 363 3H HlSTOÏ&B ruinée par Caffius, Lieutenant de Lucius Verus. II n'y reftoit plus que ' des mafures & un lac qui fe déchargeoit dans le Tigre. On y trouva un grand nombre de corps attachés a des gibets : c'étoient les parents de Mamerfidès qui avoit rendu Pirifabore. Le Roi s'en étoit vengé fur toute fa familie. Julien, étant retourné au camp , fit brüler vif Nabdatès, qu'il avoit épargné jufqu'alors. Ce prifonnier ne ceffoit, au milieu de fes chaïnes, d'accabler le Prince Hormifdas, comme 1'auteur de tous les défaftres de fa patrie. L'armée s'étant mife en marche , Arinthée enleva quantité de fugitifs qui s'étoient retirés dans les marais. Les détachements qui fortoient de Ctéfiphon commencerent alors a inquiéter les Romains. Tandis qu'un efcadron de Perfes étoit aux mains avec trois compagnies de coureurs, une autre troupe^ vint fondre fur la queue de l'armée , enleva plufieurs chevaux de bagage, & tailla en pieces quelques fourrageurs répandus dans les campagnes. L'Empereur réfolut de s'en venger fur un chateau très-fort & trés-  nu Bas-Empire. Ltv. XIV. 315 éïevé, nommé Sabatha, a trenteflades de Séleucie. S 'étant avancé luimême avec une troupe de cavaliers jufqu'a la portée du trait, il fut reconnu. On le falua auffi-töt d'une décharge de fleches : une machine plantée fur la muraille fut pointée contre lui avec affez de jufteffe, pour hleffer fon Ecuyer a fes cötés. II fe retira k 1'abri d'une haie de boucliers. Irrité du rifque qu'il venoit de courir, il fe préparoit k forcer la place. La garnifon étoit déterminée a fe bien défendre; elle comptoit fur la fituation du lieu, qui paroiffoit inacceffible, & fur le fecours de Sapor qu'on attendoit k la tête d'une armée formidable. Les Romains étoient campés au pied de Féminence, & tous les ordres étoient donnés pour commencer 1'attaque au point du jour. A la fin de la feconde veille, la garnifon s'étant réunie, fort tout-a-coup k la faveur de la lune qui répandoit une vive lumiere: elle tombe fur un quartier du camp , y fait un grand carnage, & tue un Tribun qui mettoit les troupes en ordre. En mêmetemps, un parti de Perfes ayant paffe O ij , 1 Julien. Ann. 365.  du Bas-Empirk. Liv. XIF. 317 pour mettre fon camp hors d'infulte. II falloit pafTer le Tigre pour arriyer a Ctéfiphon; mais il fe préfentoit une difficulté prefqu'infurmontable. Laifler la flotte fur 1'Euphrate , c'étoit 1'abandonner a la merci de 1'ennemi , & expofer l'armée a manquer de provifions & de machines. La faire defcendre dans le Tigre par Pendroit ou les deux fleuves réuniflent leurs eaux au-deffous de Ctéfiphon , c'étoit 1'expofer elle-même a une perte certaine. II auroit fallu lui faire remonter un fleuve trèsrapide, & la faire pafTer entre Ctéfiphon & Coqué , qui n'étoient féparées Tune de Tautre que par le Tigre. Julien avoit fait une étude des antiquités de ce pays, Voici ce qu'il en avoit appris. Les anciens Rois de Babylone avoient conduit d'un fleuve a Tautre un canal nommé le Naarmalcha, c'eft-a-dire , U fieuve royal, qui fe déchargeoit dans le Tigre affez prés de Ctéfiphon : Trajan Tavoit autrefois voulu déboucher & élargir „_ pour faire pafTer fa flotte dans le Tigre; mais il avoit renoncé k cette entreprife, fur Tavis qu'on lui avoit O iij Julien. Ann. 363. XXIX. Parage rlu Naarmalcha. Amm. I, 24. c. 6. Lib. or. 12. Gret;. or.4. Zof. I. 3. So\. I. 6. t, 1. Sextus Rufu*. _ Suid. in Vv{JLVfA.ot. Plin. 1. j. :. 30. Ccllar. rtog. L J. :. 16.  Julien. Ann. 363. / 318 HlSTOlRB donné que le lit de 1'Euphrate étant plus élevé que celui du Tigre, il étoit a craindre que 1'Euphrate ne fe déchargeat tout entier dans ce canal, & qu'il ne reftat a fee au-deffous. Sévere avoit achevé cet ouvrage dans fon expédition de Perfe; & fans tomber dans 1'inconvénient qu'on avoit appréhendé, il avoit réuffi a faire paffer fes vaiffeaux de 1'Euphrate dans le Tigre. Ce canal étoit depuis longtemps a fee & enfemencé comme le refte du terrein. II s'agifToit de le reconnoïtre. Julien, a force de queftions , tira d'un habitant de ces contrées, fort avancé en &ge, des connoiffances qui le guiderent dans cette découverte. II le fit nettoyer. On retira les groiTes maffes de pierres dont les Perlès en avoient comblé 1'ouverture. Auffi-töt les eaux du Naar» malcha reprenant avec rapidité leur ancienne route, y entraïnerent les Vaiffeaux, qui, après avoir traverfé cet efpace long de trente flades, déboucherent fans péril dans le Tigre. Les habitants de Ctéfiphon furent avertis du fuccès de ce travail par 1'épouvante que leur caufa la crue  ÏÜUEK, Inti. J63. 1 l I 3 C 1 £ P & Ji v di vu d< 324 H I S T Q I ii E mier rang entre les Perfes par fa naiffance & par Ia confidération due a fes qualités perfonnelles. Julien rangea fon armée fur trois lignes : il placa dans la feconde les troupes fur lefquelles il comptoit le moins, afin qu'elles ne pufTent ni fe renverfer fur l'armée & y jetter le défordre, ni avoir les derrières libres pour prendre la fuite. Les premiers rayons du iour percoient déja les ténebres : on voyoit dotter les aigrettes des cafques: les armes commencoient a étin:eler. Le combat s'engagea par les ïfcarmouches des troupes légeres; en m moment la pouffiere s'éleve : les leux armées donnent le fignal, & )Ouffent le cri ordinaire. Les Ronains s'avancent d'abord lentement, bferyantla cadence militaire; mais ientöt, pour éviter les décharges de eches , en quoi les Perfes étoient lusredoutables, ils doublent lepas, : fondent fur eux 1'épée k la main. dien, k la tête d'un peloton de caderie, fe trouve dans tous les enoits, d'ou le péril auroit éloigné 1 Général ordinaire. II foutient par 's troupes fraiches celles qui font  Julien. Ann. 363. 32(T HISTOIS.E fes immenfes; de 1'or, de I'argent, des meubles précieux , de magnifiques hamois , des lits, & des tables d'argent maffif. Au retour du combat, encore couverts de fang & de poufiiere , ils s'affemblerent autour de la tente de Julien : ils le combloient de louanges; ils lui rendoient avec de grands cris mille aftions de graces, de ce que n'ayant pas épargné fa perfonne, il avoit fu tellement ménager le fang de fes foldats, qu'il n'en étoit refté que foixante-dix fur le champ de bataille. II n'eft guere moins étonnant qu'un combat fi long & fi opiniatre contre des foldats tels que ceux de Julien, n'ait coüté aux vaincus que deux mille cinq cents hommes ; ce qu'on ne peut guere attribuer qu'a la force de leurs armes défenfives. Des éloges animés d'une fi jufte reconnoiffance, étoient pour Julien le fruit le plus doux tk. le plus gtorieux de fa viöoire. II fongea, de fon cöté , a récompenfer ceux qui 1'avoient procurée par une brillante valeur. Les appellant lui-même par leurs noms, il leur diftribua différentes couronnes, felon le mérite des  du Bas-Empire. Liv. XIF. 327 aftions, dont il avoit été le témoin. Se croyant encore plus redevable a 1'afüïtance divine, il voulut offrir k Mars vengeur un pompeux facrifïce. La cérémonie ne fut pas heureufe. Des dix taureaux choifis, neuf tomberent d'eux-mêmes avant que d'être arrivés au pied de 1'autel; le dixieme ayant rompu fes liens, ne fe laifTa reprendre qu'après une longue réfiftance, & fes entrailles n'offrirent aux yeux que de finiftres préfages. La dévotion de l'Empereur fut rebutée: il jura par Jupiter qu'il n'immoleroit de fa vie aucune viflime au Dieu Mars. II mourut trop tot pour être tenté de fe dédire. La joie de l'armée étoit un peu troublée par la bieffure du Comte Viöor, le plus eftimé des Généraux après l'Empereur. Mais cet accident n'eut aucune fuite facheufe; & ce qui fit fans doute le plus d'impreflion, ce fut la prédiction de Julien, qui, par une parole jettée au hafard, s'étoit préparé 1'avantage d'être regardé de fes troupes comme un Prince infpiré des Dieux. C'étoit un ancien préjugé ? que Julien. Ann. 363. XXXIV. Julie» ds  Julien. Ann. 363 détermine a ne pas affiéger Ctéfiphon. Amm. 1, 24- f. 7. Lib. or. 12, Vofifc. in Ce/o ,.c. 9. 328 H I S T 0 I R E Ctéfiphon étoit pour les Romains le terme fatal de leurs conquêtes. La fin tragique de l'Empereur Carus avoit, quatre-vingts ans auparavant, confirmé cette opinion populaire; & ce qui nous refte a raconter de 1'expédition de Julien, ne fervit pas a la détruire. II fembloit que la fortune, laffe de le fuivre & de le tirer de tant de périls qu'il affrontoit en foldat , 1'eüt abandonné fur les bords du Tigre. II ne lui refta que la valeur. Les Romains demeurerent cinq jours campés dans un lieu nommé Abuzatha. De-la Julien s'étant approché de Ctéfiphon jufqu'a la portée de la voix, cria aux fentinelles qui paroiffoient fur la muraille : Qu'il leur offroit la bataille ; qu'il ne convenoit qu'a des femmes de fe tenir cache'es derrière des remparts; que des hommes devoient fe montrer & combattre. Ils lui répondirent : Qu'il alldt faire ces remon trances d Sapor; que pour eux ils étoient prêts d combattre, dès qu'ils en auroient regu fordre. Piqué de cette raillerie, il tint confeil pour décider G 1'on devoit afliéger Ctéfiphon. Les plus fages lui repréfenterent que cette  du Das-Empire. Liv. XIV. 333 » la. Le pays ennemi fera enfuite vo» tre magafin; Je ne vous demande » de récompenfe, que quand mon » zele aura mis entre vos mains les » gouvernements & les dignités de » la Perfe ". Un confeil fi fingulier étoit afforti au caraflere de l'Empereur. Ainfi, loin d'écouter fes Officiers & fur-tout Hormifdas , qui 1'avertiffoient de fe défier de ce transfuge, il leur reprochoit de vouloir facrifier a leur pareffe & au defir du repos une conquête affurée. II fit donc enlever de la flotte les machines & ce qu'il falloit de vivres pour vingt jours. II réferva douze barques qu'on devoit tranfporter fur des chariots, pour fervir de pontons fur les rivieres : il mit le feu a tout le refle. Le fpe&acle de ces flammes qui dévoroient toutes les efpérances des Romains , jettoit les troupes dans la confternation & le défefpoir. On murmure, on s'attroupe, on va crier k la tente de Julien , que l'armée eft perdue fans relTource , fi la fécherefle du pays, ou la hauteur des montagnes 1'oblige de rebroufler chemin. JüLIElf. Ann. 365, xxxvir. 11 bnile es vaif'tiux.  JUUEN. Ann. 363. XXXVIII il ne peut pénétrer dans 2a Perfe.' Amm. I. 24. c. 7,8. . Z°f. 1- 3Xenoph.Hellen, l. 5. 334 IllSTOIRE On demande que Pauteur de ce funefte confeil foit appliqué k la quef- ■ tion. Julien y confent enfin : & le i transfuge déclare dans les tourments i qu'il a trompé les Romains; qu'il s'eft dévoué k la mort pour le falut: de fa patrie : il défie les bourreaux . de 1'en faire repentir. L'Empereur ordonne auffi-tot d'éteindre les flammes ; il étoit trop tard. On ne put fauver que douze vailTeaux. L'armée devenue plus nombreufe par la réunion des foldats & des matelots de la flotte, s'éloigna du Tigre a deffein de pénétrer dans Pin* térieur du pays. Elle traverfa d'abord des campagnes fertiles ; mais bientöt elle ne vit plus devant elle que les triftes vefliges d'un vafte incendie. Les Perfes avoient confumé par le feu, les arbres, les herbes , & les moiffons déja parvenues k leur maturité. On fut contraint de s'arrêter dans un lieu nommé Noorda , pour'attendre que le terrein fut refroidi & la vapeur diflipée. Pendant ce féjour, lesPerfes ne donnoient point de repos; tantöt partagés en petites troupes, ils venoient inful-  Julien. Ann. 363. le chemin de la Corduene. Amm. /. 24. c. 8. les 335 IIlSTOIRZ ble de conduire l'armée au travers de ces campagnes brülées, qui n'étoient plus couvertes que de cendres. On délibéra fur le parti qu'on devoit prendre. La plupart propofoient de retourner par 1'Auyrie, & c'étoit 1'avis des foldats qui le demandoient a grands cris. Julien, & avec lui les plus fages, repréfentoient: Qu'ils s'étoient eux-mêmes ferme cette route en dêtruifant les magafins, confumant les grains & les fourrages, ruinant & brulant les villes & les chdteaux; qu'ils n'avoient laifft après eux dans ets plaines immenfes que la famine & la plus affreufe mifere; qu'ils trouveroient les torrents débordés, les digues rompues, & tout Ie terrein noyé par la fonte des glacés & des neiges de 1'Armenië; que pour furcrou de maux, c'étoit la faifon de Cannêe oü la terre échauffée des ardeurs du foleil produifoit dans ces climats des effaims innombraUes de moucherons & d'infecles volants, plus opinidtres & plus dangereux que les Perfes. II étoit plus aifé de montrer la difficulté de cette route, que d'en indiquer une meilleure. Après de longues & inutiles délibérations, on confulta  Julien. Ann. 363. XLT. Arrivée del'armée royale. Amm. I aj. c. 1. Lib. or li. Zof. I. 3 338 Hls T O 1 R E eux, que des troupeaux d'anes fauvages, dont ces contrées font remplies, & qui ne vont jamais qu'en grandes troupes pour être en état de fe défendre contre les attaques des lions. Cependant comme cette nuée de pouffiere ne s'éclairciflbit pas, de cainte de quelque furprife, Julien fufpendit la marche, & s'arrêta dans une affez belle prairie au bord d'une petite riviere nommée Durus. II fit camper fes troupes en rond & les rangs ferrés, pour plus de füreté. Le temps étoit fort couvert , & le foir arriva, avant qu'on put diftinguer ce que c'étoit que cette nuée qui dönnoit tant d'inquiétude. La nuit fut noire; la crainte tint les foldats alertes, aucun d'eüx ne fe permit le fommeil. Les premiers rayons du jour décrouvrirent une cavalerie innombrable, marchant en bon ordre, toute brillante d'or & d'acier. C'étoit enfin l'armée du Roi de Perfe. A cette vue, le courage du foldat Romain fe réveille; il veut pafTer la riviere, & courir au-devant de 1'ennemi. L'Empereur, qui fonge è  du Bas~Empire. Liu, XIF. 339 ménager fes troupes, les retient avec peine. II y eut affez prés du camp une vive rencontre entre deux gros partis de coureurs. Un Commandant Romain, nommé Machamée, s'étant jetté au travers des ennemis, en tua quatre, Sc fut abattu par un efcadron qui 1'enveloppa, Sc dont un cavalier le perca d'un coup de lance. Son frere Maurus, qui fut depuis Duc de Phénicie, emporté par Ia vengeance Sc par la douleur, s'élance dans le plus épais de 1'efcadron, écarté, renverfe tout ce qu'il trouve en fon paffage, tue celui qui avoit porté le coup mortel; & bleffé luimême, il enleve le corps de fon frere, qui n'expira que dans le camp. Le combat fut opiniatre : on s'attaqua a plufieurs reprifes. La chaleur qui étoit exceffive Sc les efforts redoublés avoient extrêmement fatigué les deux partis, lorfque les Perfes fe retirerent avec une grande perte. Les Romains pafferent la riviere fur un pont de bateaux, laifferent k droite l'armée des Perfes , & arriverent k une ville nommée Barophthas. Les ennemis y avoient brülé Pij Julien. A.nn. 363. XLIT„ Divers événements de lamarche.  bv Bas-Empire. Lh. XIV. 343 mée en forme de croiffant, donna le fignal, Sc courut d'abord a 1'ennemi pour épargner k fes foldats la décharge meurtriere d'une multitude innombrable de fleches. L'infanterie Romaine fond tête baiflée & fur le front Sc fur les flancs des Perfes : elle tue les chevaux : elle abat St terraffe les cavaliers. Dès le premier moment, la mêlée fut horrible. Le choc des boucliers, le bruit des armes, les cris des vainqueurs Sc des vaincus portoient 1'épouvante oii le fer ne pouvoit atteindre. Cette maniere de combattre déconcerta les Perfes. Accoutumés k voltiger, kfe battre de loin, Sc k fuir en tirant des flêches par-derriere, ils ne purent tenir contre une infanterie impétueufe, qui les preffoit corps a corps , Sc qui ne leur laiffoit ni le temps, ni 1'efpace néceffaire pour leurs évolutions. lis abandonnerent le champ de bataille jonché de leurs hommes Sc de leurs chevaux. II n'en coüta que peu de fang aux Romains, Leur plus grande perte fut la mort de Vétranion , vaillant Officier, qui commandoit le bataillon des Zannes: P iv. Julien. Ann. 36],  JULIEK. Ann, 563 i 348 H I S T O I R R ■ de plufieurs éléphants , & feit un grand carnage. Les Perfes fuient: Julien les pourfuit avee ardeur, animant fes foldats des geftes & de la voix, levant les bras pour leur montrer les ennemis en déroute. En vain les cavaliers de fa garde fe ralliant autour de lui, le conjurent de ménager fa perfonne : en vain ils 1'avertiflent que les Perfes ne font jamais plus redoutables que dans leur fuite : en ce moment, le javelot d'un cavalier lui effleure le bras droit, & va lui percer le foie. II s'efforce de 1'arracher, & fe coupe les doigts : ft tombe de cheval, on le releve. II tache de cacher fa bleffure , & remonte fur fon cheval. Mais ne pouvant arrêter le fang qui fort h gros bouillons de fa plaie, il crie a fes foldats de ne point s'allarmer; que le coup n'eft pas mortel. On le porte fur un bouclier dans fa tente, & 1'on s'emprefle de le feeourir. Quand on eut mis 1'appareil, & que fa douleur fut un peu calmée , il redemande fes armes & fon cheval : plus oc:upé du péril de fes gens que du fien n-opre, il veut retourner au com-  nu Hjs-Empire. Liv. XIV. 349 bat, pour achever la vicïoire. Les 1 forces manquent k fon courage : les efforts qu'il fait pour fe relever, rouvrent la plaie, d'oii le fang jaillit avec violence : il s'évanouit. Etant revenu alui,il demandele nom du lieu ou il fe trouve; comme on lui répond que ce lieu s'appelle PhrygU, il juge fa mort prochaine, & s'écrie en foupirant : O Soleil, tu as perdu Julien! Le Soleil étoit, comme nous 1'avons dit, fa divinité chérie; & 1'on raconte qu'étant k Antioche, il avoit vu en fonge un jeune homme k cheveux blonds , tel qu'on repréfentoit Apollon, qui lui avoit déclaré qu'il mourroit en Phrygie. La chüte de Julien avoit rendu le courage aux Perfes. Le combat continuoit avec acharnement. Les Romains, frappant leurs boucliers k grands coups de piqués, couroient déterminément k la mort. Malgré la pouffiere qui les aveugloit, malgré 1'ardeur du foleil dont ils étoient brülés, croyant après la perte de leur Prince n'avoir plus d'ordre a prendre que de leur défefpoir, & pas un ne youlant lui furvivre , ils s'élan- JüLIEN. tnn. 363. XLyi. Succes éu eombzt.  Juhen. Ann, j6j 350 &ISTOIRE ■ soient a travers les dards & les javelots des Perfes. Ceux-ci fe couvroient d'une nuée de traits qu'ils déchargeoient fans rélache : les éléphants, dont la grandeur & les aigrettes flottantes effrayoient les chevaux, leur fervoient de remparts. Julien entendoit de fa tente le choc, le cliquetis, les cris, le henniffement des chevaux; jufqu'a ce qu'enfin la nuit fépara les combattants couverts de bleffures, épuifés de fang & de forces. Les Perfes JaifTerent fur le champ de bataille un grand nombre demorts, entre lefquels étoient cinquante Seigneurs ou Satrapes, &les deux premiers Généraux, Merene & Nohodare. Du cöté des Romains, Anatolius, grand Maitre des offices, fut tué a la tête de 1'aïle droite. Sallufte , Préfet du Prétoire d'Orient, s'expofa cent. fois a la mort; il vit tomber a cöté de lui Sopharius fon affeiTeur : lui-même renverfé par terre alloit être accablé d'une foule d'ennemis, fans la bravoure d'un de fes gardes, qui facrifiant fa vie, lui donna fon cheval pour fe fauver. Deux compagnies de la garde de l'Empereur  du Bas-Empire. Liv. XIV. 351 i'efcorterent jufqu'au camp. II dut fon falut a 1'amour des troupes, & il devoit cet amour k fon cara&ere généreux & bienfaifant. Un corps de Perfes forti d'un chateau voifin nommé Vaccat, fondit fur la brigade d'Hormifdas, cklui difputa long-temps la viöoire. Dans le même temps, une troupe de foixante foldats qui fuyoient, rappellant la valeur Romaine, perca les efcadrons qui combattoient Hormifdas, s'empara du chateau, & s'y défendit pendant trois jours contre une multitude de Perfes. Cependant Oribafe ayant déclaré que la bleffure de l'Empereur étoit mortelle, cetteparole parut êtrepour toute l'armée une fentence de mort. Tous fondoient en larmes : tous fe frappoient la póitrine j & 1'inquiétude feule fufpendoit encore les derniers tranfports de la douleur. Les principaux Officiers s'étant rendus dans la tente de Julien , Maxime & les autres fourbes, qui, par leurs flatteries meurtrieres, 1'avoient engagé dans cette expédition funefte, pleuroient autour de ce Prince , dont ils avoient empoifonné la vie & caufs Julien. Ann. 363. XLVII. Dernieres paroles de Julien. Amm. I, aj. c. 3. Lib. or. ix. Hier. Chron. Philoft. h 7. C *h  JUHEN. Ann. 363 352 H I S T O I R E la mort. Pour lui, foutenant mieux que ces impofteurs le perfonnage de philofophe , dont ils i'avoient revêtu dès fa jeunefle, 1'ceil fee, couché fur une natte couverte d'une peau de lion, ( c'étoit fon lit ordinaire ) il adreffa ces paroles k cette trifte affemblée, qui s'empreffoit de le voir & de Pentendre pour la derniere fois: » Mes amis, voici le moment oü » je vais quitter la vie ; & je ne » dois pas me plaindre d'en fortir » trop tot. La vie n'eft qu'un pret » k volonté, que nous a fait la na» ture: & je la rendsavec joie, com» me un débiteur de bonne foi. La » philofophie m'a enfeigné que 1'a» me étant plus précieufe que le » corps , elle n'a fujet que de fe ré» jouir lorfqu'elle s'épure en fe fé» parant d'une matiere vile & grof» fiere. Les Dieux , pour honorer » la piété de plufieurs vertueux per» fonnages qu'ils chériffoient, n'ont » point trouvé de plus belle récom» penfe que la mort. Ils m'ont déja >> récompenfé pendant ma vie, en » m'infpirant un courage k Pépreuve t> des périls & des travaux, Dans une  du Has-Empihr. Liv. XIV. 353 » fi courte carrière, j'ai mille fois « reconnu que les douleurs ne triom- A » phent que de ceux qui les fuient; » mais qu'elles cedent a ceux qui » ofent les combattre. Je ne fens ni w repentir, ni remords de tout ce que » j'ai fait, foit dans 1'ombre de la re» traite , oü 1'injuftice a tenu ma jeu» neiTe cachée, foit dans le grand jour » de la puiffance fouveraine, oü les » Dieux m'ont placé. J'avois hérité » cette puiffance de mon aïeul af» focié aux honneurs des Dieux; » je l'ai, k ce que je crois, confer» vée fans tache, gouvernant mes »> fujets avec bonté, attaquant & re» pouffant mes ennemis avec jufti»> ce. Le fuccès n'apas couronnémon » entreprife; mais les Etres fupérieurs » aux hommes fe font réfervé le pou» voir de difpenfer les fuccès. Per» fuadé qu'un Prince n'eft établi que » pour rendre fes fujets heureux, » je me fuis interdit ce defpotif» me qui corrompt les Etats & les » mceurs : je me fuis regardé com» me le premier foldat de ma pa» trie, toujours prêt k la fervir au h péril de ma vie, ferme dans les ■ ULIEN. nn.363.  JutlEV. Ann. 363. XL VIII. Sa mort. ( < ] 3 t l T, r, 1 354 H 1 s t o 1 k e » dangers, bravant les caprices de » la fortune. Je favois, je vous 1'a» youe, je favois, fur la foi infail» bble des oracles, que je périrois » par le fer : je remercie 1'Eternel de » ne m'avoir pas condamné a mou» rir par le glaive de la trahifon, » ni dans les tortures d'une longue » maladie; mais de mettre fin k mes » jours fur un théatre glorieux, dans » le^ cours des plus brillants exploits. » C'eft une lacheté égale de defi» firer la mort, quand il eft k pro» pos de vivre, & de la fuir quand » d eft temps de mourir. Je ne vous * en dirai pas davantage; je fens » que mes forces m'abandonnent ". Ce difcours, plufieurs fois interrompu par de vifs accès de douleur, ie fut pas plutöt achevé, que fes Officiers le conjurerent avec larmes le nommer fon fucceffeur. Ayant iromené fes regards autour de fon it : Non , dit-il, je m vous ie défigneai point; peut-être ne nommerai-je pas plus digne ; & peut-être en le nomianty ne luiferois-je qu'un pré/ent fu~ efle : vous lui en prêféreriei un autre. 'lein de tendrefe pour la patrie, jefoji-  »ü Bas-Empire. Liv. XIV. $55 halte que vous lui choijiffie^ un maitre, qui, comme moi, fe fouvienne toujours qu'il eft fon fils : fonge^ d vous conferver tous : c'a été L'objet de tous mes travaux. Après ces paroles prononcées d'un ton tendre & touchant, il recommanda que 1'on portat fon corps a Tarfe, oü il avoit réfolu de s'arrêter au retour de fon expédition. II fit a fes amis le partage des biens qui lui appartenoient en propre; & voulant donner a Anatolius des marqués de fa bienveillance, il demanda oü il étoit. Sallufte ayant répondu qu'il avoit re^u la récompenfe de fa vertu, Julien comprit qu'il avoit perdu la vie; & ce Prince qui regardoit fa propre mort avec tant d'indifférence , s'attendrit fenfiblement fur celle de fon ami. Comme il voyoit fondre en larmes les Officiers & les Philofophes qui 1'environnoient: Ceffe^ , leur dit-il, de dêshonorer par vos larmes un komme qui va s'êlever au féjour des Dieux. II continua de s'entretenir avec Prifque & Maxime fur 1'excellence de 1'ame. On remarque même qu'il jetta encore dans cette converfation toutes les fribtilités de Juhen. Ann. 363.  Julien. Ann. 363. XLIX. Précis de fon caractere. • ] ] 4 i < t 1 C I 35<5 Histoire famétaphyfique, & que clans Julien," le Philofophe n'expira qu'avec l'Empereur. Enfin, vers le milieu de la nuit du vingt-fix au vingt-fept de Juin, fa bleffure s'étant rouverte, peut-être par la contention de fon efprit & la vivacité de fes difcours r i'inflammation dévorant fes entrailles , il demanda un verre d'eau fraiche : dès qu'il 1'eut bu, il rendit le dernier foupir. II étoit dans la trente-deuxieme année de fon age, ayant régné, depuis Ia mort de Conftance, an an fept mois & vingt-trois jours. Ainfi périt ce Prince, le problême de fon fiecle & de la poftérité. 5es qualjtés brillantes éblouiffent les p-eux. Si 1'on en confidere le prin:ipe, 1'admiration diminue. On ap>ercoit dans cette ame élevée tout e jeu de Ia vanité. Avide de gloire, :omme les avares Ie font des richefès, il Ia chercha jufque dans les moinIres objets. Sa tempérance, pouflee 1'excès, devint une vertu de thé£re. Son courage pafla de bien loin es bornes de la prudence. Une grane partie de fes fujets ne trouva jalais en lui de juftice. S'il eut été  ou Uas-Empirb. Liv, XIV. 357 vraiment le pere de fes peuples , il eut ceffé de haïr les Chrétiens, lorfqu'il commenca k leur faire la guerre , c'eft-a-dire, au moment qu'il devint leur Empereur. II n'épargna leur vie que dans fes paroles & dans fes édits. Julien eft le modele des Princes perfécuteurs, qui veulent fauver ce reproche par une apparence de douceur & d'équité. Dans le récit de fa mort, j'ai fuivi Ammien Marcellin, auteur impartial, & qui fervoit alors dans l'armée de Julien. Sans parler des révélations miraculeufes, qui ne prouvent avec certitude que 1'horreur qu'on avoit concue de Julien, je me contenterai de rendre compte de quelques circonftances rapportées par divers Auteurs. Quelques-uns le font périr de la main d'un transfuge; d'autres de celle d'un bouffon qu'il menoit avec lui pour le divertir; ce qui n'eft nullement conforme au cara&ere de Julien. On raconte encore que ce Prince étant monté fur une éminence pour conlidérer fon armée, & voyant qu'il lui reftoit beaucoup plus de troupes qu'il ne penfoit, s'écria : Quel dom- Julien. Aan. 36}. L. Fables inventéesau fujet de la mortdc Julien. Liban. or. 12. & de ulcifceniS mortt Juliani.Greg. Na{. or. 4. Pajfio Sti. Thcodoriti apud Acla Man. Siac. Soc. I. 3. c. ii. Theod. I. 3. e. 20. Soi-1. 6. C. I , 2. Philojl. I. 7. c. 15. Chr. AUx,  Julien. Ann. 363, Chron. Oricnt. Nieeph. Call. 1,10, c. 34. Zon. t. 11, p. 27. Ctdr. t. 1. F- 3 °7' 358 Histoi'rb mage de ramener tant de Romains fur les terres de CEmpire ! & qu'un foldat , indigné de cette réflexion inhumaine, lui paffa fon épée au travers du corps. Sapor lui-même, pour avoir fujet d'infulter les Romains, leur reprocha d'avoir été les meurtriers de leur Empereur. Libanius, ennemi juré des Chrétiens, en rejette fur eux le foupgon. Ce qui a fait naitre toutes ces opinions , les unes bifarres, les autres deftituées de fondement, c'eft que Sapor ayant promis une récompenfe a celui qui avoit bleffé Julien, perfonne ne fe préfenta pour la recevoir : ce qui n'a rien d'étonnant, s'il eft vrai, comme un Auteur le rapporte, que Ie cavalier Perfe ou Sarraün qui lui porta le coup mortel, fut aufli-töt tué par 1'Ecuyer du Prince. C'eft encore une tradition fort commune , que lorfque Julien fe fentit bleffé, il recueillit dans fa main le fang qui jailliffoit de fa plaie; que le jettant en Pair , il s'écria : Rajfajie-toi, Galiléen : Tu m'as vaincu; mais je te renonce encore ; & qu'après avoir ainlï blafphêmé contre Jefus-Chrift, il vo-  du Bas-Empire. Liv. XIV. 359 mït auffi mille imprécations contre fes Dieux, dont il fe voyoit abandonné. Ce fait n'eff foutenu d'aucun témoignage fuflifant. Sans s'écarter du refpeft que mérite Saint Grégoire de Nazianze, on peut douter d'une autre circonftance, qu'il rapporte fur la foi d'un bruit populaire. On difoit que Julien , après fa bleffure, étant couché fur le bord d'une riviere , avoit voulu s'y précipiter, pour être mis au rang de ces prétendus immortels, Enée, Romulus, & quelques autres dont le corps avoit difparu; & que fa vanité alloit fe fatisfaire, fi un de fes eunuques ne s'y fut oppofé. Mais outre que Julien n'avoit point d'eunuques k fon fervice, ce récit ne peut s'accorder avec celui d'Ammien Marcellin , témoin oculaire. Voici des faits plus vraifemblables mieux affurés. Saint Jéróme, qui étoit agé de vingt-deux ans quand Julien mourut, raconte qu'au milieu des gémiffements que la mort de ce Prince arrachoit k 1'idolatrie, il entendit ces paroles de la bouche d'un payen : Comment les Chrétiens peuyent- Juhen. Aan, 363, II. Faits ré' ritables. Lib. or. 12. & de ulcifcenda morte Juliani. Hier. in Habacuc. c. 3. Oplat, l. Z«  JUtlEN. Theod. I ;. c. iS. SoV l. 6, i. 2. 3^)0 IIlSTOIRE ils vanter la patience de leur Dieu ! Rien nejl fi prompt que fa colere. II n'a pu fiufipendre pour un peu de temps fon indignation. Julien étoit fur le point d'envoyer en Afrique un édit de perfécution : on ne fait même fi cet édit n'étoit pas déja expédié. Les payens en triomphoient : ils attendoient avec impatience le retour de l'Empereur, pour voir couler le fang des Chrétiens. A la nouvelle des pre* miers fuccès qu'il avoit dans la Perfe , Libanius rencontrant a Antioche un Chrétien qu'il connoiflbit : Ehl bien, lui dit-il pour infulter a JefusChrift, que fait maintenant le Fils du Charpentier ? II fait , lui repartit le Chrétien , un cercueil pour votre heros. Sapor regarda la mort de ce redoutable ennemi comme une éclatante vi&oire. II confacra aux Dieux Sauveurs les préfents qu'il avoit deftinés a Julien. Depuis le commencement de la guerre, Sapor confterné mangeoit fur la terre : il ne prenoit aucun foin de fes cheveux : alors il quitta ces marqués de trifteffe, & fe livra i\ toute la joie d'un triomphe. Les Perfes témoignerent long-temps, par  du Bas-Empire. Liv. X1F. 361 par des fymboles énergiques , Peffroi dont les vitloires de Julien les avoient frappés. Pour défigner ce rapide conquérant, ils avoient coutume de peindre un foudre, ou un lion qui vomiiToit des flammes, & d'y ajouter le nom de Julien. Terne lil. Q JUIIEN. Aan. 363   3^3 SOMMAIRE d u LIVRE QUINZIEME. I.Etat de F armée. II, Eleclion dc Jovien. III. Qualitês de ce Prince. IV. // ejï reconnu par les foldats. V. Trahifon d'un Officier. VI. Marche des Romains. vu. Continuation de la marche. VIII. On effaye de paffer le Tigre. IX. Paix propofêe par Sapor. x. Négociation. XI. Conclujion du traité, xil. Examen de ce traité, xill. Jovien repaffe le Tigre. XIV. II s'affure de l'Occident. XV. II arrivé d Nifibe. XVI. Nijibe aban donnêe aux Perfes. XVII. Difcours de Sabin. XVIII. Dêpart des habitants de Nifibe. XIX. Diverfitê des impreffions que fit la mort de Julien. XX. Sépulture de Julien. XXI. Jovien d Antioche. xxil. II fe propofe de rétablir la concorde dans fes Etats. XXIII. Sa conduite d 1'égard des Payens. XXIV. A l'égard des Catholiques. XXV. A Uégard des Hérétiques, Q ij  Jovien. Ann. 363. Eutr.J. 10, Via. Epit. Rujn.. I. 2. c. i, Zcf.J. 3. Joc. I. 3. r. 22. rw. 1. 4. c. i. 5e;. /. 6. Cfo Alex. Joann. Aitt. Zon. t. 21. p. 2S. C tdren. t. h p. 308. II. Elefuon deJovien. 3ö 2.  CONSTANCE. Aan. 360. . 1 / / i l ( 8 H X S T 0 I R E ne voir que par les yeux d'autnü , nomma Commiffaires pourinformer de fa conduite, Arbétion, 1'auteur fecret de ces intrigues, & Florence, Maïtredes offices, & différent du Préfet de la Gaule. Us avoient ordre de 1'interroger fur les caufes de la prife d'Amide. Urficin n'avoit pas de peine a prouver qu'on ne devoit attribuer cette difgrace qu'a la lacheté de Sabinien. Mais fes raifons n'étoient pas même écoutées. Les Commiffaires, de crainte d'offenfer le grand Chambellan, dont Sabinien étoit la créature, n'évitoient rien tant que de découvrir la vérité; & a deffein de s'en écarter comme d'un écueil dan*ereux, ils fe jettoient dans des dif:uffions frivoles & étrangeres. Urfi:in, naturellement vif & impatient, atigué de eet indigne manege , ne >ut fe contenir Quoique l'Empereur ne mêprife, dit-il, aupointde ne duider tnentendre, Vaffaire efi affe^ importante pour n'être pas abandonnèe d a difcrétion de fes eunuques : cefl d ui feul qu'il appartient d'en connoure \ de punir les coupables. En attendam u'il s'y détermine, faites - lui favoit  CONSTANGE. Ann. 360 IV. Expédilion de lupicin contre les Ecoffois. 10 fflSTOJRS cabale de la Cour pour déterniiner l'Empereur a rappeller le Céfar , . ou du moins a le défarmer, en lui retirant fes meilleures troupes. La jaloufie de Confïance appuya ces confeils p£i-nicieux. II fit partir Décence,Secretaire d'Etat, avec ordre de lui amener les Erules, les Bataves, & deux légions Gauloifes renommées pour leur bravoure , avec trois cents hommes choifis dans chacun des autres corps. C'étoit toute la force de 1'armée de Julien. Ces troupes devoient fe rendre en diligence a Conftantinople , pour marcher contre les Perfes au commencement du printemps. Les ordres étoient adreffés k Lupicin. Conftance en envoyoit d'autres k Gintonius Sintula, grand Ecuyer de Julien; il le chargeoit de choifir les plus braves des foldats de la gard,e,' .& de 'ies amener lui-même. II n'écrivit a Julien que pour lui enjoindre de preffer 1'exécution de fes volontés. Lupicin n'étoit pas alors en Gaule , Julien 1'avoit fait pafïer avec quelques troupes dans la GrandeBretagne, pour arrêterles inctirfions  CONSTANCE. Ann. 360, ] i l 1 •\ i 1 1 c \ 12 HlSToiRE Bataves, qui ne s'étoient donnés è lui qu'a condition qu'on ne leur feroit jamais pafler les Alpes: il ajouta qu'en leur manquant de parole, on fe privoit a jamais du fecours des étrangers , qui ne viendroient plus offrir leurs fervices. Ses raifons n etant pas écoutées , il fe trouvoit dans un grand embarras : s'il obéiffoit, il dégarniffoit la Province qui reftoit prefque fans défenfe expofée aux infultes des barbares: s'il refufoit d'obéir,ils'attiroitl'indignation de l'Empereur. C'étoit-la le moment critique qui devoit amener la révolution. On ne voit pas que Julien ait fait a TEmpereur aucune remontran:e, ni qu'il ait pris aucune mefure x>ur difpofer les efprits a obéir. Du noins il ne mit en oeuvre que de bibles expédients , qui ne pouvoient iroduire d'autre effet que de le gaantir de toute imputation. II en'oya ordre a Lupicin de revenir; il nvita Florence a fe rendre auprès de -ii pour l'aider de fes confeils. Ceii-ci étoit le premier auteur detous es troubles; & pour fe mettre a couert des fuites, il s'étoit retiré a  CONSTANCE. Ann. 360. X. Péril de Julien. < c a P 1' d (k P' & P« P' *° H I S T O I R E regret; mais TÏoublh^ pas que > „e dols demeurer auprh de toiquepeu deiemps. Juhen fe renferma dans Je palais , lans vouloir ni porter le diadême, ni recevoir aucune vifite, ni s'occuper daucune affaire. II étoit, dit-il, accable de douleur & de confufion ; il «e reprochoit en foupirant de n'être pas demeuré jufqu'a la fin fidele k -onftance. Tandis qu'un morne fience regnoit autour de lui, les amis le Conftance profitent de ce moment >our tramer un complot; ils diftri>uent de 1'argent aux foldats, k defem de les foulever contre le nouvel ^mpereur, ou du moins de les divier. Ils avoient déja gagné un eunuue de la chambre , lorfqu'un Officier u palais vient avec effroi en donner vis; & comme Julien ne paroiffoit as lecouter, eet Officier va jetter Ularme parmi les troupes, en criant toutes fes forces : Au fuours, fol"s, citoyens, étrangers ; ne trahifer '■s celui que vous vene^ de nommer Au'Jle. Ammien Marcellin ajoute, que )ur emouvoir plus vivement les ef'its, il s'écria qu'on venoit d'affafier 1 Empereur. Auffi-töt les foldats  CONSTANCE, Ann. 36< XI. II harangue Jes foldats. Amm. I, 30. c. 6. HlSTOIRE - des meur tres, & s'il en coütoit une gouttc de fang pour m'élever d t'Empire. Ces i. paroles prononcées d'un ton ferme & abfolu , défarmerent' les foldats. Julien donna la vie k 1'eunuque qui s'étoit chargé de le faire périr. Les amis de Conftance, raffurés par ces marqués de clémence , mais tremblants encore de 1'idée du péril dont ils étoient a peine échappés, viennent fe jetter k fes pieds; ils 1'environnent; ils ne peuvent exprimer que par leur filence & par leurs larmes k reconnoiflance dont ils font pénétrés a 1'égard d'un Prince fi bon & fi généreux. Les troupes que conduifoit Sinrula; ne s'éloignoient qu'a regret. Au premier moment qu'elles apprirent ce qui fe paflbit k Paris, elles retournerent fur leurs pas, & vinrent rejoindre leurs camarades. Leur chef fut obligé de les fuivre. Le lendemain de leur arrivée, au point du jour, le Prince fit aflembler toute 1'armée dans le champ de Mars; c'étoit une plaine deftinée aux exercices, vers 1'endroit oii fut depuis batie la porte de St. Victor. S'étant rendu ce lieu avec  nu BaS'Empire. Liv. XI. 39 dent fe détachoient de Conftance par l'éle&ion de Julien , Sapor lui enlevoit deux places importantes dans la Mêfopotamie. Le Roi de Perfe ayant paffe le Tigre a la tête d'une nombreufe armée, vint mettre le fiege devant Singare. Cette ville, voifine du Tigre, a quarante milles de Nifibe, étoit défendue par deux légions & par un grand nombred'habitants aguerris. A la nouvelle de la marche des Perfes, un corps confidérable de cavalerie vint encore s'y renfermer. Elle étoit fournie de toutes les provifions néceffaires pour foutenir un long fiege. Dès qu'on eut avis de 1'approche de Parmée ennemie, on fit fur les remparts des amas de pierre, on mil les machines en batterie. Les foldats & les habitants garnirent les tours & les murailles', bien déterminés a fe dó fendre contre les plus rudes affauts, Le Roi leur ayant d'abord offert, mais fans fuccès, une capitulation honorable, fit repofer fes troupes le refte du jour. Le lendemain au lever du foleil, il donna le fignal de 1'attaque par un drapeau de couleur de feu élevé fur fa tente. Auffi-töt toute l'ar- CONSTANCE. Ann. 36c prife pa» Sapor. Amm. I. 10. c. 6. Cellar. G:oZ. I. 3. c. ij. art. 20.  nu Bas-Empire'. L'w. XL 41 nes une partie de fes défenfeurs; les " autres prennent la fuite. Les Perfes . fe jettent dans la ville par cette brê- a che en pouffant des cris afFreux : le foldat dans fa fureur égorge les premiers qu'il rencontre. Mais Sapor arrête le carnage; il fait prifonniers les habitants avec la garnifon , & détruit la ville. Elle fut rebatie dans la fuite. Conquife autrefois par Trajan, devenue colonie Romaine, toujours difputée entre les Romains & les Perfes auxquels elle fervoit alternativement de barrière, elle coütoit plus de fang a fes pofleffeurs qu'elle ne leur procuroit d'avantage : auffi difficile k fecourir qu'a prendre, paree qu'elle étoit lituée fur un terrein ftérile. Elle fubfifle encore aujourd'hui fous le nom de Sinjar dans Al-gezire, qui eft 1'ancienne Mêfopotamie. Les prifonniers, chargés de chaines, furent conduits aux extrêmités de la Perfe. Sapor s'éloigna de Nifibe. II fe fouvenoit des pertes qu'il avoit revues } devant cette ville, trois fois attaquée fans fuccès. II avoit d'autant moins : d'efpérance d'y réuffir, qu'elle étoit.' ^ONSt 'ANCK. in. 3Ó9. xx. Prife de iézabde. Amm. I. io. c. 7. & bi Vahf. Oriens  42 H l S T O I R E Cons- tance. Ann. 360. Chrifi.t.11. P' IO03. i 1 i t F f c V f< fl p L ti Vi ei dc n' ne - 'r ï"11 un corps crarmée connderable , qui campoit fous fes murailles. S'étant donc détourné fur ia droite, il marcha vers Bézabde. C'étoit une place forte dans le pays nomme Zabdicene, fituée fur unehauteur au bord du Tigre, & miinie d'un doublémur dans les endroits les plus ac:embles. Les Macédoniens lui avoient lutrefois donné le nom de Phénique; 5£ les Romains 1'avoient décorée du itre de ville municipale. La garnion etoit compofée de trois légions, * d un grand nombre d'archers du ays. Sapor 1'ayant environnée de >n camp, vint en perfonne la reonnoitre au milieu d'un gros de caalene, & s'avanca jufqu'au bord du >iie. Une décharge de pierres & de eches qui partirent des remparts, 3bhgea bientót k regagner fon camp. es herauts qu'il envoya enfuite pour mmer la ville de fe rendre, n'au»ient pas été mieux recus, s'ils n'a>ient eu la précaution d'amener avec ix plufieurs prifonniers de Singare: ns Ia crainte de tuer ceux-ci, on 5fa tirer fur les hérauts; mais on leur rendit aucune réponfe. Après  du Bas-Empjre. Liv. XI. 43 vïngt-quatre heures de repos, 1'attaque commenca. Elle fut dans toutes les circonftances femblable k celle de Singare; la ville fut prife de la même maniere par la chüte d'une tour abattue k coup de bélier. Ce qu'il y eut de fingulier , c'eft que le troifieme jour du fiege , pendant que Sapor faifoit repofer fes troupes , 1'Evêque , nommé Héliodore, fe montrant fur la muraille, fit figne qu'il vouloit parler au Roi. On lui promit füreté; on le conduifit a la tente de Sapor. Le Prélat effaya de le fléchir par la vue des pertes qu'il venoit de recevoir, & des fuites qui feroient peutêtre encore plus funeftes. Sapor, obftiné dars fa colere, jura qu'il ne leveroit le fiege , qu'après avoir vu périr le dernier de fes foldats. Cette entrevue donna lieu de foupconnei 1'Evêque d'avoir, par une indigne tra hifon, fourni a Sapor des éclairciffements fur 1'état de la place. Mais, feIon Ammien Marcellin, ce foupgor étoit injufte. Ce qui le fit naitre. c'eft qu'on obferva que depuis 1'en trevue, les Perfes ne s'attacheren qu'aux endroits les plus foibles. L< CONSTANCE. Ann. 360. I  CONSTANCE. Ann. 360, ! t ] 1 I 1 ! r XXI. Retraite de Sapor. P Amm, ibid. 'N 44 II I S T 0 I R E maffacre y fut plus cruel qu'A Singare, paree que les habitants ne cefferent pas de combattre lors même qu'ils virent 1'ennemi dans la ville : ijs ne céderent qu'a la multitude des Perfes. On n'épargna ni les femmes, m les enfants. La ville fut faccagée, & les Perfes , chargés de butin , retournerent dans leur camp en pouffant des cris de joie. Neuf mille prifonniers , qui échapperent au carnage, furent tranfplantés en Perfe avec l'Eyêque & tout fon Clergé. On croit qu'ils continuerent d'y former un corps dTiglife fous Héliodore & fous Daufas, fon fuccefTeur, qui regut la :ouronne du martyre. Sapor, qui deiroit depuis long-temps de fe renIre maitre de Bézabde, en fit répaer & fortifier les murailles; il y éta>ht des magafins, & y laiffa une garufon choifie entre les plus nobles & es plus braves de fes guerriers. II •révoyoit que les Romains feroient lentöt les plus grands efforts pour ecouvrer une place fi importante. Fier de ces fuccès, il s'empara de lufieurs chateaux, & vint affiéger rirthe ou Birthe, ancienne forterefle  du Uas-Empire. L'tv. XL 45 fur le Tigre. On difoit qu'elle avoit été batie par Alexandre le Grand. Elle étoit différente d'une ville du même nom placée a 1'Occident de 1'Euphrate. En lifant la defcription qu'Ammien Marcellin fait des murailles de cette ville, on croit voir une de nos places modernes, flanquée de baftions. Un grand nombre de machines en défendoit les approches. Ce fut le terme des conquêtes de Sapor. En vain mitil en oeuvre les promeffes, les menaces, toute la force & toute Pardeur de fes troupes. II fut contraint de fe retirer avec plus de perte pour lui que pour les affiégés, & il repaffa le Tigre. Dès que Conftance avoit appris les premiers mouvements de Sapor, il avoit levé des recrues ,\ & afTemblé fes troupes. II demanda même du fecours aux Goths, en leur offrant une groffe folde. Maximien Galere avoit déja employé contre les Perfes les troupes de cette nation. Avant que de fortir de Conftantinople , l'Empereur célébra le quinzieme de Février la dédicace de la grande Eglife, qu'il avoit fait batir au prés de CONSTANCE. Ann. 360. Cellar. Geog, I, 3. e. 14. art. art, 23, XXII. Dédicace de SainteSophie. Amm. I. 20. c. 8. Hier.chron. Idacc. Soc. I. 2. e. 10. & 42. Chr. Ahx. Du Cange in Conft. Chrifl, C, 2.  54 H i s t o i r e Décembre k Hiéraple en Svrle. 1 pc TAMCE. Ann. 360, j 3 : XXVII. Fin mallieureüfe 1 d'Amphi- I lochius. j Amm. I, 1 3X. c, 6. ' i 1 t c i d t Anens attribuoient ces mauvais fucces a 1'exil de plufieurs de leurs Evêques; les Catholiques, k la perfécution fufcitée contre les orthodoxes; les payens, k la deftruéïion de leurs temples : & , fi 1'on en croit Juben, Conftance les regarda lui-même comme une punition du meurtre de fes proches, & fur-tout de Gallus, dont la fin tragique commen?oit k lui caufer des remords. Etranje condition de ce Prince, que tous es partis & fa propre confcience ellenême trouvaflent dans fa conduite le quoi 1'accufer d'avoir mérité fes nalbeurs! Le jour de fon arrivée, les prinüpaux Officiers de la ville & de la 3our s'empreflerent, felon la couume, k luirendre leurs hommages. ,'Hiftoire, qui fe plaït k rapporter la uine des favoris qui ont abufé de 3 confïance des Princes, nous infruit a cette occafion de l'affront u'effuya Amphilochius, & de fa fin .inefte. II avoit été caufe de la mort u jeune Conftantin par lahaine morille qu'il avoit infpirée contre lui  du Bas-Empire. Liv. XI. 55 k Conftant fon frere. Comme il s'avancoit avec affurance pour fe prefenter a l'Empereur, il fut reconnu & repouffé : on murmuroit de fa hardieffe : on difoit hautement que ce fléau de la familie impériale ne méritoit pas de voir le jour : Latjes-Ie approcher, dit Conftance, je le crais coupable , mais il nefi pas convaincu : sil ejl cnminel, mes regards réveilleront les reproches de fa confcience : it faura bien fe punir lui-meme. Le lendemain dans lesjeux du Cirque, Amphilochius étoit aflis vis-a-vis de l'Empereur. Au cri qui s'éleva a la vm d'un cocher célebre, comme il f( penchoit fur la baluftrade, elle fc rompit tout-a-coup; & ce malheuïeux étant tombé dans 1'arêne ave< j plufieurs des fpe&ateurs, fut trouvs mort fous lesautres, qui tous n'étoien que légérement bleffés. Sur la foi d< eet événement, & fur celle des flat teurs, Conftance fe crut un gram . prophete. L'Impératrice Eufébie étoit mort' quelque temps auparavant. Sa mor eft diverfement racontée. Saint Jeai Cryfoftöme rapporte que cette Prin C iv CONSTANCE. Ann. 360. l : xxviii. f Mort d'Eufé1 bie , & • mariage  CONSTANCE. Ann. 360. atlre cette année Sapor & Julien,  du Bas-Empire. Liv. XI. 57 faifoit de très-grands préparatifs 1 il levoit des milices dans toutes les Provinces ; il obligeoit tous les ordres, routes les conditions de contribuer pour la folde des troupes, & pour les fournitures d'habits, d'armes, de machines, de vivres ck de chevaux. 11 prodigua Por & Pargent aux Rois & aux Satrapes d'au-dela du Tigre pour les gagner : Arface, Roi d'Arménie, & Méribane, Roi d'Ibérie, étoient les plus a craindre, s'ils fe fuffent déclarés pour les Perfes. Conftance leur envoya des Ambafladeurs chargés de riches préfents. Hermogene , Préfet d'orient, étant mort, il nomma Helpide en fa place. Celuici étoit de Paphlagonie : fon extérieur n'avoit rien d'avantageux; il s'énoncoit mal, mais il étoit digne de fa fortune par fa droiture, par fa fermeté a rendre la juftice , & par fa douceur. On dit qu'ayant regu^ de la bouche même de Conftance 1'ordre de mettre a la torture un homme qu'il favoit être innocent, il fupplia inftamment l'Empereur d'accepter la démilhon de ia charge , & d'ën revêtir quelqu'un qui fut plus proC y eoNs- TANCE. A.nn. 361. Cod. Th. t. VLp.361.  cokstakce Ann, jé XXX. 11 s'alTure de 1'Afri<;ue. Amm. I. 2'. f. 7. 1 i 5S MlSTOIRE ? pre que lui a exécuter des ordres de cette nature. II paroit que cette • f e.ufe franchife arrêta le cours de 1 mjuftice. Helpide fut enfuite dépouille de fa dignité par Julien, qui ne put 1 engager k renoncer au chriftianifme. Sa femme Arifténete ne fut pas moms illuftre. Saint Jéröme en fait un grand éloge; & Libanius, trop ennemi des Chrétiens pour rendre toujours juftice k Helpide, n'a pu retuier des louanges a cette époufe vertueufe. Après une longue délibération, Conftance s'en tint k fon premier plan : c'étoit de terminer d'abord a guerre contre les Perfes pour ne iaifier dernere lui aucun fujet d'inquietude. II devoit enfuite revenir fur fes pas, traverfer rapidement 1'U1Vne& 1'Italie, & fondre tout-a-coup lur Juhen. Tels étoient les proiets iontil fe faifoit illufion, & dont il imufoit fes Officiers. Cependant pour iaffurer de 1'Afrique, Province im>ortante dans une guerre civile il r envoya Gaudence, qui lui avoit ervi d efpion dans la Gaule. Gauience , timide & intéreffé; avoit fujet  ' du Bas-Empire. Liv. XI. 59 de craindre le reffentiment de Julien, & perfuadé que Conftance refteroit vicïorieux , comme perfonne n'en doutoit alors, il ne pouvoit manquer de zele pour le fervir. Aufll s'acquitta-t-ilparfaitement de fa commiflion. Dès qu'il fut arrivé, il inftruifit des ordres de l'Empereur le Comte Crétion, & les autres Commandants; il leva de bons foldats; il fit venir des coureurs de la Mauritanië ; il garnit de camps volants les cötes oppofées a la Gaule & k 1'Italie, & tant que Conftance véCut, il ferma aux ennemis 1'entrée du pays, quoique la cöte de Sicile, depuis le cap de Lilybée jufqu'a celui de Pachyn, fut bordée des troupes de Julien , qui ne cherchoieni que 1'occafion de débarquer en Afrique. Pendant que Conftance s'occupoi de ces difpofitions, il apprit que 1'armée des Perfes s'approchoit des bord: du Tigre. Aufli-tot il fe mit en canv pagne au commencement deMai,& ayant paffé 1'Euphrate fur un pon de bateaux, il fe rendit k Edeff oii il avoit formé fes magafms. De C vj CONSTANCE. Ann. 361. xxxr. . II paffe en . Méfopo' tamie. ' Amm. ibid. : l3t  CONSTANCE. Ann. 361, ] 1 .1 60 HI S T 0 I R g la il envoya des coureurs pour obferver la marche des ennemis. On ne favoit encore en quel endroit ils paileroierit le Tigre; & Conftance ne pouvoit fe fixer dans aucune réfolution. Tantöt il vouloit partager fon armée en divers corps pour s'étendre^ dans le pays, tantöt il fongeoit a la conduire toute entiere devant Bézabde pour attaquer de nouveau cette place. Mais s'attacher ainfi è ^ 1'extrémité de la Mêfopotamie, c'étoit ouvrir les paffages a Sapor, & lui donner moyen de pénétrer fans réfiftance jufqu'a 1'Euphrate. D'ailleurs, voulant conferver fon armée pour 1'employer contre Julien , il craignoit de la confumer dans un fiege dont il avoit déja éprouvé la difficulté. Cependant pour avoir des nouyelles plus füres, il fit partir a la tête d'un grand corps de troupes Arbétion (k Agilon , avec ordre de s'étendre fur les bords du Tigre , & i'obferver Pennemi : il leur recommanda de ne point hafarder de comJat, mais de ie retirer dès qu'ils veroient les Perfes entrer dans le fleure , & de lui en donner avis aufiü-  nv Bas Empire. Liv. XI. 61 tót. Sapor, arrêté par des préfages peu favorables, différoit toujours le paflage, & tenoit les Romains en échec. Les efpions & les transfuges qui fe rendoient au camp, ne faifoient qu'accroitre Pincertitude par la diverfité de leurs rapports. Chez les Perfes, lefecret du Roi ne couroit jamais rifque d'être éventé : il n'étoit connu que d'un petit nombre de Seigneurs d'une fidélité éprouvée & d'une profonde difcrétion : le filence étoit même chez eux une divinité adorée. D'ailleurs, les Perfes étoientrufés &trompeurs. Les deux Généraux, inquiétés par de fréquentes allarmes, dépêchoient fans cefle a l'Empereur pour le prier de les venir joindre ; ils lui repréfentoient que, malgré leur vigilance, ils rifquoient a tout moment d'être furpris; & que fi toutes les troupes n'étoient pas réunies, ils feroient infailliblement accablés. Telle étoit la fituation de Conftance, quand il apprit que Julien ayant rapidement traverfé 1'Italie & 1'Illyrie, étoit déja jmaitre du pas de Sucques. Nous avons laiffé Julien a Vienne CONSTANCE. Ann. 361; RXXXII. Julien fe  Hl S T O I R E en Ganlp mN ;i r^/r-, • i> Cons- tance. Ann. 361, détermine è faire la guerre a Conftance. Amm. I. 21. Cl ,2. <"". 3. Lil.or. 12. Soj. /. j. «. i. Zof. I. 3. 3To/z. t. IU F' 22. 1 t —1 r""" u»c parne qq Ihyver dans de profondesrèflexions. Devoit-il tenter toutes les voies de douceur pour fe réconcilier avec Conftance, ou forcer ce Prince par les armes a le reconnoïtre pour collegue ? L'un & 1'autre parti paroifmt egalement dangereux. D'un cöté, lexemple de Gallus lui apprenoit quel fond il devoit faire fur la foi .Prince qui n'épargnoit ni la leduchon, ni le parjure, & qui plongeoit le poignard dans le fein de fes proches au moment qu'il feignoit de les embrafler: de 1'autre, il craignoit cette fortune qui, par-tout ailleurs, abandonnant Conftance, 1'avoit toujours fidélement fuivi dans les guerres civiles. Ce dernier péril lui fembla pourtant préférable, paree qu'une guerre déclarée lui laiffoit toutes les reffources de la prudence & de la valeur , & que d'ailleurs la fortune 1'avoit lui-même jufqu'alors affez bien lervi, pour mériter qu'il fe mit enÊre fes mains plutöt qu'en celles de Conftance. La fuperftition aida en:ore, dit-on , è le déterminer. 11 :nit voir en fonge le foleil, fa di-  nu Bas-Empjre. Liv. XI. 63 vinité favorite , qui lui annoncoit que Conftance mourroit avant la fin de 1'année. La prédiftion telle qu'elle eft rapportée par plus d'un Auteur, eft trop claire & trop précile pour laifler occafion de douter qu'elle ait été compofée après coup. St. Gregoire, fur la foi d'un bruit qui couroit alors, prétend qu'il étoit facile a Julien de prédire cette mort, paree qu'il avoit pris des mefures pour la procurer par le miniftere d'un domeftique de Conftance. II eft plus fur de dire que tout le détail de ce fonge n'eft qu'une fable inventée après Févénement. Julien,qui fe vante fi volontiers de la proteftion des Dieux, n'en fait aucune mention exprefle dans fes écrits. Ayant donc réfolu de prendre les armes, il ne fit rien avec précipitation : il fongea moins a forcer les circonftances, qu'a profiter des incidents : il fe donna le temps d'affermir fa puiflance j & de dreffer fon plan avec maturité & tranquillité d'efprit. II publioit qu'il ne vouloit aller trouver Conftance que pour fe juftifier, & qu'il s'en remettroit au jugement des deux ar- CONSTANCE tan.361;  CONSTANCE. Ann, 361, j 3 XXXIII. Les Allemandsre- 1 prennent ( lesarmes. j Amm. I. 21. c. -J. 1 JuLadAth. I Llb. or. 5. r & 12. Cellar. c ftog. I. 2. q c 7. a«, jj *3- 64 ; H i s t 0 j n. e mees. Les foldats de Magnence s'étoient répandus de toutes parts, & fubfiftoient de brigandages : Julien fit proclamer une amniftie en leur faveur, il les rappella a leurs drapeaux, & rétablit la füreté fur les grands chemins. Apoftat depuis long-temps, il obfervoit dans le particulier toutes les pratiques du paganifme ; mais ce fecret n'étoit connu que du petit nombre de fes plus intimes confidents. Comme fon armée étoit compofée de Chrétiens & de Payens, il Jéclara qu'il laiffoit k chacun la'liberté de fervir Dieu k fa maniere; mais il continua de faire k 1'extérieur irofeffion de Chriftianifme. II affifta neme aux prieres publiques dans 1'Edife de Vienne le jour de 1'Epiphanie. II ne s'occupoit que de 1'entre>rife qu'il méditoit contre Conftan:e, lorfqu'aux approches du prinemps, il apprit que les Allemands ecommencoient a faire des courfes. -es fujets de Vadomaire, allié des Rolains, avoient été les premiers k prenre les arm es. Le bruit fe répandit ue certe infrdftion des traités étoit fffet des intrigues de Conftance;  du Bas-Empirb. Liv. XL 65 que ce Prince avoit a force d'argent engagé Vadomaire a fe jetter dans la Gaule, afin d'y retenir Julien. Celui-ci n'oublia pas d'accréditer ces difcours : il prétendit même avoir intercepté des lettres de Conftance a Vadomaire & a d'autres Rois Allemands. On furprit un courier de Vadomaire, chargé d'une lettre k Conftance , dans laquelle le Prince Allemand traitoit Julien avec affez de mépris. Julien, pour fe débarraffer de ce nouvel ennemi, envoya en diligence le Comte Libinon, k la tête des deux légions Gauloifes qui s'étoient le plus diftinguées dans la nouvelle révolution. Libinon pafla le Rhin auprès de Bale, c^arriva prés d'une ville qu'on croit être Seckingen. A Papproche des Romains, le< barbares enbeaucoup plus grand nom bre s'étoient cachés dans des vallons Le Comte les attaqua fans précaution & fut tué le premier. La viöoire fu quelque temps difputée; mais il fat lut céder au nombre, & les Romain fe retirerent avec perte. Vadomaire, naturellement fourb & artificieux, feignoit de ne prendr CONSTANCE. Ann. 361. > t l XXXIV. I Prife de ' Vadomaire.  du Bas-Empire. Liv. XI. 67 tourner. Le Roi fut conduit au camp de Julien. II fe crut perdu quand il apprit que fes lettres adreffées a Conftance avoient été interceptées; mais Julien, fans entrer avec lui dans aucun éclairciffement, le fit conduire en Efpagne. II ne vouloit pas laiffer eet efprit dangereux &c perfide k portée de troubler la Gaule en fon abfence. Vadomaire rentra en faveur fous le regne de Valentinien & de Valens, & fut fait Duc de la Phénicie. Julien marcha auffi-töt pour abattre par un dernier coup la témérité des barbares : & de peur que le bruit de fa marche ne leur fit prendre Pépouvante , & ne 1'obligeat cle les pourfuivre trop loin, il paffa le Rhin pendant la nuit avec un gros de troupes légeres , &c les chargea au dépourvu. Ils fe virent enveloppés avant que d'avoir eu le temps de fe mettre en défenfe; plufieurs furent tués : les autres abandonnant leur butin, & demandant grace , fe rendirent prifonniers. Les Princes voifins, qui n'étoient point entrés dans la révolte, vinrent protefter de leur foumiffion, & renouvellerent CONSTANCE. Ann. 361.  CONSTANCE. Ann. 361. XXXV. Julien fait prèter ferment a fes troupes. Amm. 1. ai. c. 5. JuladAth. £■ epifi. 13. Lib. or. 12. Eunap, in Max, 68 U I S T 0 I R E leurs ferments. Julien fe retira après les avoir menacés d'une prompte vengeance , s'ils fe départoient de la fidélité qu'ils avoient jurée. Revenu a Bale, & perfuadé que Ia diligence eft le principal reffort des entreprifes hardies, & que dans un péril inévitable le plus fur eft de 1'affronter fans délibérer, il réfolut de fe mettre en marche pour aller au-devant de Conftance. II commenca par confulter fes oracles. II avoit fait venir en Gaule le grand Prêtre d'Eleufts : ce fut avec lui qu'il fit des facrifices fecrets a Bellone; fon médecin Oribafe, & un autre fanatique Africain, nommé Evhemere, confidents de fon apoftafie , furent feuls admis a ces myfteres. Tous les préfages lui promettoient la füreté & la gloire s'il marchoit, & lemenacoient de fa perte s'il reftoit dans Ia Gaule. II fe félicita de eet heureux concert entre les confeils de fes Dieux & ceux de fon ambition. Car ce Prince n'étoit pas tellement efclave de la fuperftition, qu'il ne fut bien s'en affranchir quand elle ne s'accordoit pas avec fes intéréts. '1 avoit, ainfi que Jules Céfar, 1'ef-  CONSTANCE. Ann. 361. i 7o HlSTOIRE » ce, juge fouverain & incorruptible » de mes a&ions, je ferai toujours » prêt a juftifier mes intentions, & k » prouver que j e n'aurai rien entrepris » que ce qui peut vous être utile k » tous. AlTurez-moi par ferment de » votre fadélïté; Sc foit en quittant » ce pays, foit dans le voyage que » nous allons faire, gardez-vous de ►> donner fujet de plainte a aucun par» ticulier. Souvenez-vous que ce qui » fait votre gloire , ce n'eft pas feu» lement d'avoir abattu tant d'en» nemis , mais plus encore d'avoir » rendu k ces Provinces Ia paix, Ia > füreté & 1'abondance ". L'armée regut fes paroles comme celles d'un jracle : 1'ardeur étincelle dans les ^eux : tous de concert, frappant leurs )Oucliers, s'écrient qu'ils font prêts i marcher fous les aufpices d'un fi ;rand Capitaine: ils le nomment lefa'ori des Dieux, le vainqueur des Rois & les nations. Pour donner k leur ferment a forme la plus folemnelle, ils levent eurs épees fur leurs têtes, & prononant les plus terribles imprécations, Is jurent en termes formels qu'ils s'exoferont pour lui a tous les hafards,  CONSTANCE. Ann. 361. Amm. l> at. c 8. Zof. I. 3. Cellar. Ceog. 1. 2. t. 5. «rr. 36. 72 HlSTOlRE nouvel Empereur le laifla en Gaule avec la qualité de Préfet du Prétoire : il le crut néceffaire dans cette Province, dont il étoit obligé de s'éloigner: & comme une des fonöions du Préfet étoit de payer les troupes, & de pourvoir au foin des vivres, Julien emmena Germanien qu'il chargea de ce détail. II déclara Névitte Général de la cavalerie, fans avoir égard a Gumoaire que Conftance avoitnommé, mais que Julien regardoit comme un traitre qui avoit manqué de foi a Vétranion fon maitre. II donna la Quefture k Jovius, 1'Intendance du tréfor a. Mamertin, le commandement de fa garde k Dagalaïphe. Dans la diftribution des emplois militaires, il ne confidéra que les fervices & la fidélité. Ses troupes ne montoient qu'a vingt-trois mille hommes; &C comme il appréhendoit qu'elles ne paruflent méprifables s'il les faifoit marcher en un feul corps d'armée, il les partagea en trois divilions, dans la vue d'en augmenter 1'apparence, & de répandre plus de terreur. Le premier détachement partit fous la conduite de Jovin 6c de \ Jovius,  du Bas-Empire. Liv. XI. 73 Jovius, avec ordre de traverfer les contrées feptentrionales de PItalie : Névitte, a la tête de 1'autre divifïon, devoit pafler par la Rhétie. Le rendez-vous fut marqué a Sirmium. II leur recommanda de marcher avec diligence 8c circonfpe&ion. Pour lui il ne fe réferva que trois mille hommes , avec lefquels il prit fa route par la forêt noire, nommée alors la forêt Marciane, ÖC par les bords du Danube. Ces difpofitions étant faites , Julien prit le chemin de la Pannonie. Conftance avoit ordonné aux Commandants des villes d'Italie , fituées au voilinage de la Gaule, de garder tous les paiTages. Réfolu de paiTer luimême les Alpes pour aller chercher Julien, il avoit amaffé fur la frontiere une quantité immenfe de provhions. Les Généraux de Julien fe rendirent maitres de ces magalïns. Julien étant arrivé au Danube, fit le refte du voyage, partie fur le fleuve, partie en le cötoyant, tantöt fur les terres de 1'Empire, tantöt fur celles des barbares par des chemins rildes 6c difficiles, évitant les grandes Tornt III. D COKSTANCE. A.nn. 361. XXXVIT. Marche de Julien jufqu'a Sirmium. Amm. I. 21. c. 9. Jul.adAih. Mamert. pan. c. 6 , 7,8, J3. Lib.or. 10, II, 12 , Greg, Na-r_. or. 3.  CONSTANCE. Ann. 361. 74 HlSTOIRE routes, de crainte d'y rencontrer des forces fupérieures aux fiennes. Le fecret, la diligence, 1'eiprit de reflburce & 1'habitude qu'il s'étoit faite de furmonter les plus grandes fatigues, le fauverent de tous les périls. II s'affuroit de tous les paffages du fleuve; il enlevoit les poftes des ennemis pendant Ia nuit; il leur donnoit le change par de fauffes allarmes : dans le temps qu'on 1'attendoit aux défilés des montagnes , il traverfoit la plaine ; il fe faifoit ouvrir les portes des villes par perfuafion, par force, par rufe. On parle d'un ftratagême qui le rendit maitre d'une place forte que 1'hiftoire ne nomme pas. Ayant furpris un corps d'ennemis, il fit revêtir de leurs armes & marcher fous leurs enfeignes plufieurs des fiens, qui furent recus dans la place , & s'en emparerent. Dans une autre occafion, fix de fes foldats, dans un défilé, en nairent en fuite deux mille. II marchoit lui-même k Ia tête de fes troupes, k pied , la tête nue, chargé de fes armes, couvert de fueur & de poufliere. Sa marche étoit rapide; il n'avoit pas befoin d'envoyer  du Bas-Empire. Liv. XI. 75 dans les villes qui fe trouvoient fur fa route , pour y chercher de quoi fournir a la délicateffe de fa table ; il vivoit de pain & d'eau comme le moindre foldat. II traverfa ainfi toute la Pannonie. Quelque diligence qu'il fit, la renommée le devangoit : les peuples accouroient en foule fur fon palTage; il ne s'arrêtoit que pour faire lire de temps en temps a. haute voix les lettres que Conftance avoit écrites aux barbares : il en tira un trèsgrand avantage pour gagner les cceurs en fa faveur, & les foulever contre un maitre cruel, qui facrifioit fes peuples k fa haine & k fa jaloufie perfonnelle. En même-temps il prodiguoit 1'argent; il accordoitaux villes des exemptions & des privileges. II ne lui fallut que fe montrer pour faire la conquête de la Province. A la première nouvelle de cette invafion , Taurus avoit abandonné 1'Italie, & en paffant par 1'Illyrie, il avoit entrainé avec lui Florence. Tous deux remplis d'épouvante , fuyoient avec précipitation vers Conftantinople. Julien, le onzieme jourdefamar. che, approchoit de Sirmium. Le ComD ij CONSTANCE. Ann. 361, XXXVIT11 II s'empa-  CONSTANCE. Ann. 361. re rife^ & d'effroi, il prend le parti 1'obéir. On le fait monter fur un méhant cheval, &ce Général, naturelement fier, fut préfenté a Julien comne un prifonnier du dernier ordre. >pendant le Prince lui ayant pernis de baifer fa robe, il revint peu peu de fa frayeur , & s'enhardit ifqu a lui repréfenter la témérité de m entreprife. Garde^ pour Confïance osfages avis, lui répondit Julien avec  du Bas-Empjre. Liv. XI. 77 un iourire amer; ce nefi pas pour vous autorifer d me faire des legons, c'eflpour calmer vos craintes que je vous donne des marqués de clèmence. Sur le champ Julien marche a Sirmium. C'étoit une capitale grande & peuplée, dont la poffeffion lui répondoit de toute la Province. 11 y étoit fi peu attendu, que la plupart des habitants, apprenant que l'Empereur arrivoit, s'imagitierent que c'étoit Conftance. II entra avant le jour dans les fauxbourgs, qui étoient fort étendus. La vue de Julien parut un prodige : on fe raf~ fure : 1'allégrelTe fuccede k la furprife, les foldats de la garnifon , les habitants courent au-devant de lui avec des flambeaux; ils fement de fleurs fon paffage ; ils le fuivent au palais avec des cris de joie, & le nomment hautement, leur Empereur, leur Maitre. Le lendemain , Julien donna des courfes de chars, 011 toute la ville fit éclater fa joie. Les troupes commandées parNévitte, qui avoient traverfé la Rhétie, arriverent ce jour-la k Sirmium. Le jour fuivant, Julien alla fe faifir du pas de Sucques. C'eft une gorD iij CONSTANCE. Ann. 361^ XXXIX. II fe rend maitre du  CoNSTAt.CE. Ann. 361. pas de Sucques, XL; L'ltalie & la Grece fe déclarent pour lui. Amm. I. 21. C, 10. 7$ H/STOIRE ge étroire entre Ie mont Hsemus & le mont Rhodope, dont les deux chaïnes, apres avoir embraffé la plus grande partie de-la Thrace, viennent fe rapprocher en eet endroit. Quoique les Romains euffent élargi ce paffage, qui faifoit la communication de la Thrace & de 1'Illyrie, il étoit encore tres-aifé de le fermer, & d'y arreter les plus fortes armées. La pente du cöté de 1'UIyrie eft douce & facile; mais du cöté de la Thrace ce font des précipices & des chemins impraticables. Du pied de ces montagnes s'étendent deux plaines immenfes; d'une part jufqu'aux Alpes Juhennes, de 1'autre jufqu'au détroit de Conftantinople & è la Propontide. Juhen s'empara de ce paffage important; il y laiffa un corps de troupes fous le commandement de Névitte , & fe retira a Naïffe pour y prendre des arrangements conformes a 1'etat de fes affaires. II appella auprès de lui 1'Hiftorien Aurele Viftor, celui même dont nous avons un abrégé d'hiftoire, qui n'eft 3as fans quelque mérite. II 1'avoit vu a Sirmium , & il eftimoit fa probité,  nu Bas-Empire. Liv. XI. 79 II lui donna le gouvernement de la feconde Pannonie , & lui fit énger une ftatue de bronze. Cet Aurele fut dans la fuite Préfet de Rome. Depuis la fuite de Taurus & de Florence , Rome & toute 1'Italie, la Macédoine &C toute la Grece , s'étoient déclarées en faveur de Julien. Perfuadé qu'il n'avoit plus de réconciliation a efpérer, il ne ménagea plus Conftance. 11 s'empara des tréfors du Prince, & des mines d'or & d'argenl qui étoient ouvertes en Illyrie. U écri vit au Sénat de Rome une lettre rem plie d'inveaives fi atroces contre Conftance , que les Sénateurs n'er purent entendre la lefture fans s'ecrier : Que Julien devoit plus de ref peil d celui d qui il étoit redevable d fon élévation. La mémoire de Conf tantin n'y étoit pas épargnée : Juliei le traitoit de novateur, de deftrufteu des loix anciennes & des ufages le mieux établis ; il 1'accufoit d'avoir h premier avili les charges les plus émi nentes, & le Confulat même, en 1 prodiguant k des barbares : reproch abfurde, qui devoit retomber fur foi auteur, comme le remarque Ammiei D iv CONSTANCE. Ann. 361. Jul.adAth. Lib. or. 12. Zof. I. 3. I i l l  du Das-Empire. Liv. XI. Si Le paganifme fe montre a découvert dans cette piece.. Julien avoit enfin levé le mafque en entrant dans 1'Illyrie. II ouvroit les temples que Conftantin & Conftance avoient feimés; il les ornoit d'offrandes; il immoloit desviaimes, & exhortoit les peuplesareprendrele culte desDieux de leurs peres. Les Athéniens furent les premiers a fignaler leur attachement a 1'idolatrie : ils s'emprefferent de r'ouvrir le fameuxtemple de Minerve, & ceux des autres divinités: ils firent couler le fang des vi&imes, dont leur terre paroiffoit altérée. Une conteftation furvenue entre les families facerdotales partageoit toute^ la ville. Le nouvel Augufte, idolatre dévot, qui s'étoit follement propofé d'épurer le paganifme , en y appliquant les maximes vraiment divines de la Religion Chrétienne, écrivit aux Athéniens pour faire ceffer cette divifion; il leur manda que la paix & la concorde étoient le plus agréable facrifice qu'ils pouvoient of frir aux Dieux. Naïffe fut bientöt remplie d'un« multitude de députés: bientöt les Pro D v CONSTAKCE. Ann. 361. XLT. [1 fait profeflion onverre d'idolatrie.Lib.or. 11. TUL fur Julien ,no(. 4. XLII. Bienfaits qu'il tér  CONSTANCE. Ann. 361. XL1V. , Révolte «le deux légions. Amm. I. 31. c. II , I2.S-/.22. . c S. 1 Zof. I. 3. , I i C ƒ 8 ^4 HlSTOIRE Maxime, neven de Vuicatius Rufiniis, qui avoit été oncle de Gallus, il le nomma Préfet de Rome en la place de Tertullus. Sousce Préfet, on vit renaitre 1'abondance , & le peuple de cette ville tumultueufe n'eut plus d'occafion de fe livrer k fon impatience naturelle. Le nouvel Empereur , pour augmenter la confiance de fon parti en faifant paroitre Ia fienne, fe comporta en maitre de 1'Empire : il défigna Confuls, pour 1'annee fmvante, Mamertin & Névittc. Le premier venoit de remplacer Florence dans la dignité de Préfet du Pretoire d'Illyrie. Julien travailloit, k réunir autour de lui les garnifons de Pannonie, d'Illyrie & de Méfie, lorfqu'il apprit une revolte capable de traverfer fes proets. II avoit trouvé a Sirmium deux egions de Confiance & une cohorte Ie Sagittaires. Comme il ne comptoit >as affez fur leur fidélité pour les ncorporer k fon armée, il les enroya en Gaule , fous prétexte que ette Province avoit befbin de leur ;cours. Ces troupes ne s'éloignoient ua regret; elles fe rebutoient de Ia  Dü' Bas-Empid.e. Liv. XL S5 longueur du voyage, & redoutoient ' les Germains contre lefquels on alloit les employer. Un Commandant de cavalerie , nommé Nigrin , né en Mêfopotamie, efprit remuant & féditieux, acheva de les aigrir. Lorfqu'elles furent arrivées a Aquilée, elles s'emparerent de la ville, forte par fon affiette & par fes murailles; &c de concert avec les habitants, encore attachés au nom de Conftance, elles fermerent les portes, mirent en état de défenfe les tours & les remparts, & firent toutes les difpofitions néceflaires pour foutenir leur révolte. Un pareil exemple pouvoit 'devenir contagieux pour toute 1'Italie. D'ailleurs, la perte d'Aquilée fermoit è Julien le paffage des Alpes Juliennes, & le privoit des fecours qu'il attendoit de ce cöté-la. II réfolut donc de reprendre au plutöt cette place. II envoya ordre a Jovin, qui venoit de paffer les Alpes avec fa divifion, & qui n'étoit encore que dans le Norique , de retourner fur fes pas , & d'attaquer Aquilée.. II lui commanda aufïi d'arrêter & d'employer avec fes troupes les divers détachements qui CONSTANCE  CONSTANCE. Ann. 361 XLV. Siege d'A quilée. 86 H I S T 0 I R Ë venoient fucceffivement de la Gaule pour joindre 1'armée. Le fiege fut , long , & la ville ne fe rendit que deux mois après la mort de Conftance. Mais pour ne pas divifer un événement de cette efpece, je vais en raconter toute la fuite. L'armée s'étant campée fur deux lignes, autour de la ville, on tenta d'abord dans une conférence de ramener les affiégés a Pobéiffance. Les deux partis fe féparerent avec plus d'aigreur qu'auparavant. Le lendemain au point du jour, l'armée fort du camp; les affiégés paroitTent fur les murs en bonne contenance, & les deux partis fe défïent par de grands , cris. Les affiégeants s'approchent couverts de madriers & de clayes , & portant des échelles. Ils fappent les murs : ils montent k 1'efcalade; mais les pierres & les javelots écrafent, renverfent, percent les premiers; les autres fuyent, & entrainent ceux qui les fuivent. Ce fuccès encourage les affiégés : ils préviennent tous les dangers avec une vigilance infatigable. Le terrein ne permettoit ni de faire avancer des béliers, ni d etablir des  du Bas-Empirb. Liv. XI. 87 machines , ni de creufer des fouterreins. Le Natifon baignoit la ville a 1'Orient. Jovin crut pouvoir en profiter. II joignoit enfemble trois groffes barques, y élevoit des tours de bois plus hautes que celles de la ville, & les faifoit enfuite approcher du mur. Alors les foldats poftés fur le haut de ces tours , accabloient de traits & de javelots les défenfeurs des murailles, tandis que d'autres foldats, placés aux étages inférieurs, s'efforcoient, k 1'aide de leurs ponts volants , les uns de fauter fur le mur, les autres de percer les tours de la ville, & de s'y ouvrir un paflage. Cette tentative fut encore inutile. Les traits enflammés qu'on lancoit fur les tours des affiégeants y mettoient le feu; le poids des foldats dont elles étoient chargées, & qui, pour éviter lesflammes, fe portoient tous enarriere , les faifant pencher, elles fe renverfoient dans le fleuve ; &c les pierres & les dards achevoient de tuer ceux qui échappoient des Hammes & des eaux. Les attaques continueren! avec aufli peu de ïuccès. Le foffé étoit bordé d'une fauffe-braye: CONSTANCE. Ann. 361.  CONSTANCE. Ann. 361. 83 Hjstoire c'étoit une palifladeappuyée d'un mur de gazon, qui fervoit de retraite aux affiégés dans leurs fréquentes forties. Les affiégeants, rebutés d'une fi opiniatre réfifiance, changerent le fiege en blocus. Ils en vinrent même a ne laifler dans le camp que les foldats néceffaires a la garde; les autres alloient piller les campagnes voifines, & devenoient de jour en jour plus pareffeux & plus indifciplinés. Julien avoit rappellé Jovin, pourl'employer ailleurs. Le Comte Immon, qu'il avoit chargé de la conduite du fiege, 1'avertit de ce défordre. Pour ne pas perdre tout-a-la-fois les légions qui affiégeoient & celles qui étoient affiégées , Julien envoya le Général Agilon, alors en grande réputation de probité & de valeur, afin de dérerminer les affiégés a fe rendre , en leur apprenant la mort de Confiance. Avant fon arrivée , Immon tenta encore de réduire les habitants par la foif : il fit couper les canaux des aqueducs, & détourner le cours du fleuve. Les affiégés pourvurent a cette incommodité; ils eurent recours a quelques puits qu'ils  nu Bas-Empire. Liv. XI. 89 avoient dans la ville, & dont on diftribuoit Peau par mefure. Enfin, Agilon arriva. S'étant approché des murailles, il annonca aux habitants que Conftance étoit mort, &C que Julien étoit paifible pofïeffeur de tout PEmpire. On refufa d'abord de le croire, & on ne lui répondit que par des injures. Mais quand il eut obtenu d'être introduit dans la ville avec promeffe qu'il ne lui feroit fait aucune infulte, & qu'il eut confirmé par ferment ce qu'il annon§oit, alors les habitants ouvrent leurs portes , ils proteftent qu'ils font foumis a Julien; ils fe difculpent en chargeant Nigrin &C quelques autres qu'ils livrent entre les mains du Comte. Ils demandent même leur fupplice comme une réparation de tant de maux que ces efprits féditieux avoient attirés fur leur ville. Quelques jours après, la caufe ayant été mürement examinée, Nigrin fut condamné par la fentence de Mamertin, a être brülé vif, comme le premier auteur de la rébellion. Deux Sénateurs, nommés Romule & Sabofte, eurent la tête tranchée. On fit grace aux autres, 8c Julien fut bien CONSTANCE. Ann. 361.  9° HtSTOIRB Cons- tance. Ann. 361, xlvi. Inquiérudes de Julien.Amm. 1. ai. c. 12, 3j.&/.22. '•1,2. Lib. or. M, Zof. I, 3. aife d'adoucir, par cette exemple de clémence, le fpeftacle des rigueurs qu'il exercoit dans le même temps fur les miniftres de Conftance. Pendant que la révolte d'Aquilée lui faifoit craindre la perte de 1'Occident, les nouvelles qu'il recevoit de 1'Orient ne lui caufoient pas de moindres allarmes. Conftance étoit en marche; & le Comte Marcierr-, ayant raffemblé les divers corps de troupes répandus dans la Thrace, approchoit du pas de Sucques avec des forces capables de difputer le paflafage. Julien, dans eet embarras, confultoit les augures & les arufpices ; mais leurs pronoftics, toujours équiyoques, le laiffoient dans une cruelle incertitude. Un orateur Gaulois, nommé Aprunculus, qui fut depuis Gouverneur de la Province Narbonnoife, vint lui annoncer la mort de Conftance ; il en avoit vu, difoit-il, des fignes certains dans les entrailles d'une viftime. Cette prédiöion ne raflura pas Julien; il fe défioit de la flatterie. On rapporte un trait plus frappant , s'il eft véritable. On dit que dans le même moment que Conftan-  CONSTANCE. Ann. 361, 92 UlSTOIHE bliques, pour arrêter les progrès du rebelle. Elles étoient fur le point du départ, lorfqu'on vint 1'avertir que le Roi de Perfe avoit enfin pris le parti de retourner dans fes Etats. Conftance, a cette nouvelle, reprend le chemin d'Antioche. Etant arrivé k Hiéraple, il affemble fes foldats, & faifant un effort fur lui-même pour prendre un air d'aiTurance, il leur parle en ces termes : » Depuis que je tiens » le gouvernail de 1'Empire , j'ai fa» crifié tout jufqu'a mon autorité » même , k Pintérêt public, & je me » fuis fait une étude de me plier aux » circonftances. Le fuccès n'a pas ré» pondu k la droiture de mes inten»> tions , & je me vois aujourd'hui » obligé de vous faire 1'aveu de mes » fautes : elles ne font, k vrai dire, » que les effets d'une bonté qui méri>> toit bien d'être plus heureufe. Dans » le temps que 1'Occident étoit trou» blé par la révolte de Magnence, » qui a fuccombé fous votre valeur, » j'ai conféré la puiflance de Céfar » k mon coufin Gallus, & je 1'ai char» gé de la défenfe de 1'Orient. Je ne » rappelle point ici fes excès; les  du Bas-Emvike. Liv. XL 95 bloit 1'avertir que fa fin étoit prochaine. II confia, dit-on , k fes amis les plus intimes, qu'il ne voyoit plus auprès de lui, je ne fais quel fantöme, qui avoit coutume de 1'accompagner. C'étoit, felon Ammien Marcellin , fon génie tutélaire, qui avoit pris congé de lui : ou plutöt c'étoit la chimère d'un efprit naturellement foible, & troublé alors par de fombres inquiétudes. A peine étoit-il rentré dans Antioche, qu'ayant fait a la hate les préparatifs de fon expédition, il fe preffa d'en fortir. L'automne étoit fort avancée; les Officiers n'obéiffoient qu'en murmurant. II donna ordre a Arbétion de prendre les devants avec les troupes légeres. A trois milles d'Antioche, prés d'un bourg nommé Hippocéphale, il trouva fur fon chemin au point du jour le cadavre d'un homme qu'on avoit égorgé la nuit précédente. Ce préfage 1'effraya. Etant arrivé a Tarfe, il fentit les premiers accès d'une fievre légere qu'il crut pouvoir diffiper par le mouvement du voyage; & il gagna par des chemins montueux & difficiles une bourgade nommée CONSTANCE. Ann. 361. Amm. I. 21. C. 14, «5- Ath. de Syn. Greg. Na^. or. 21. na. Epu. Eutr. 1.1 o. Hier.chron, & epifi. 3. ldace. Soc. I. 2. c. 47. Theod. /. 2. c. 32. Soi. I. 5. c. 1. Philoft. I. 6. c. 5. Zon. t. 11, p. 22. Chr. Alex. Theoph. p. S9- Cedren, f„ 1, p- 3°3. Cdlar. Geog. I. 3. c. 8. art. 22. TU!. not, 5L  CONSTANCE. Ann, 361. 9Ö II I S T 0 ƒ R E Mopfucrenes, au pied du mont Taurus , fur les confins de la Cilicie &C ! de la Cappadoce. Le lendemain il fe trouva trop foible pour continuer fa marche. La fievre devint 11 ardente , que tout fon corps en étoit embrafé. 'Deftitué de fecours Sc de remedes, il s'abandonna aux larmes Sc au défefpoir. Ammien Marcellin prétend qu'ayant encore toute fa raifon, il défigna Julien pour fon fucceiTeur. Quelques Auteurs Chrétiens rapportent, que, dans fes derniers moments, tremblant a la vue du jugement de Dieu, il fe repentit de trois chofes; d'avoir verfé le fang de fes proches, d'avoir donné k Julien la qualité de Céfar, & de s'être livré k 1'hérélie. Ces faits font fort incertains ; on fait que la renommée fe plait k charger la mort des Princes de circonilances extraordinaires. St. Athanafe dit qu'il mourut dans 1'impénitence , & que fe voyant prés de fa fin , il fe fit baptifer par Euzoius , fameux Arien, alors Èvêque d'Antioche. Selon d'autres Auteurs, il recut le baptême k Antioche avant fon départ. Après avoir rendu par la bouche une grande  1 . 107 SOMMAIRE D U L l V R E D O U Z I E M E. I. Ju LI EN arrivé d Conjïantinople. II. Caraciere de Julien. III. Funérailles de Confiance. IV. Puniiion des Courtifans de Confiance. V. Réforme du palais. VI. Rétabliffement de la difcipline militaire, vil.. Modéralion de Julien. VIII. 7/ foulage les Provinces. IX. Sowr /a Religion Chrêtienne. XVIII. // travaille d rêtablir le paganifme. XIX. 7/ vewr imi«r /e CA/v/^ tianifme. XX. Perfeclion qu'il exigeoit des Prétres payens. XXI. Feinre <&»««r E vj  I0 tiens Xcnfeigner ni létudier les lettres humaines. XXV. Exicution de eet édit. XXVI. DouleurdetEglife. xxvu. Conduite de Julien d Vègard des Médecins. XXVIII. II accable les Chrétiens. XXIX. II tdche de furprendre les foldats, XXX. Confiance dejovien, de Valentinien & de Valens. XXXI. Perfécution dans les Provinces. XXXII. Julien part de Conf tandnople. XXXIII. 11 va d Pejfmunte. XXXlV. Julien d Ancyre. XXXV. A Céfarée de Cappadoce. XXXVI. 11 arrivé d Antioche.  Julien. Ann. 361. IV. Punition des Cour- tifans de Conftance. Amm. I, ai.f.3,7. Jul.ep. 23. Lib. or. 12. Cod. Th. I. 9. tit. 42. TM.not.j, 116 HlSTOIRE refpecï, qui. avoit perdu fa fignification primitive. La faveur de ceux qui avoient abufé de la foiblelTe de Conftance, ne devoit pas lui furvivre. Julien forma une chambre de juftice a Chalcédoine, établiffement fouvent utile après un mauvais gouvernement, mais toujours dangereux, & qui exige de la part du Prince beaucoup de fageffe pour ne rien donner a la paffion , de lumieres pour bien choifir les juges, & de vigilance pour éclairer par lui-même leur conduite Sc contröler leurs jugements. II paroit que ces qualités manquerent a Julien en cette occafion. II nomma pour Préfident, Sallufte fecond, différent de 1'autre Sallufte qu'il avoit laiffé dans la Gaule. II ne pouvoit faire un meilleur choix : c'étoit un homme fage & modéré qu'il venoit d'élever a la dignité de Préfet du prétoire d'Orient, en la place d'Helpide. Mais il lui donna pour affeffeur Arbétion, qui auroit dü des premiers éprouver la févérité de ce tribunal. Ce politique corrompu , auteur de tant de fourdes intrigues,  nu Bas-Empire. Liv. XII. 117 autrefois ennemi de Gallus & de Julien même , avoit déja fu par fa foupleffe furprendre la confiance du nouvel Empereur. II étoit Pame de la commifïion ; les autres n'agiffoient qu'en fous-ordre : c'étoient Mamertin , Agilon , Névitte, Jovin, depuis peu Général de la cavalerie en Illyrie , & les principaux Officiers des deux légions qui portoient Ie nom de Joviens & d'Hercuüens. Ces Commiffaires s'étant tranfportés a Chalcédoine, montrerent plus de rigueur que de juftice. Entre un affez grand nombre de coupables, ils confondirent plufieurs innocents. Les deux Confuls furent les premiers facrifiés a la haine de Julien. Florence 1'avoit bien mérité; il fut condamné a mort; mais il avoit pris la précaution de fe fauver avec fa femme dès la première nouvelle de la mort de Conftance , & il ne reparut jamais. Quelque temps après, deux délateurs étant venus offrir a Julien de lui découvrir Ie lieu oü Florence étoit caché, il les rebuta avec mépris, en leur difant : Qu'il étoit indigne d'un Empereur de profiter de leur Julien. Ann. 361.  JULIEN. Ann. 361. IlS HlSTOIRR malici pour dêcouvrir tafyle dtun mifi' rabk , que la crainte de la mort puniffoit affe^. Taurus fut exilé a Verceil. On lui fit un crime d'avoir été fidele a fon maitre, en quittant PI* talie lorfqu'elle s'étoit déclarée pour Julien. C'étoit la première fois qu'on voyoit une fentence de condamnation datée du confulat de ceux même qui en étoient 1'objet; & ce contrafte faifoit horreur. On exila Pallade dans la Grande-Bretagne, furie fimple foupcon qu'il avoit envoyé a Conftance des mémoires contre Gallus. Pentade fut accufé d'avoir prêté fon miniftere pour faire périr Gallus: il prouva qu'il n'avoit fait qu'obéir, & fut renvoyé abfous. Florence, Maitre des offices, fils de Nigrinien , fut relégué dans 1'ifle de Bua, fur les cötes de Dalmatie. Evagre, Receveur du domaine , Saturnin qui avoit été maitre du Palais, & Cyrin, Secretaire du défunt Empereur, éprouverent le même fort : on les accufa i'avoir tenu des difcours injurieux iu Prince régnant, & d'avoir tramé les complots contre lui après la mort ie Conftance: ils furent condamnés  Da Bas-Empire. Liv. XII. 119 fans avoir été convaincus. La vengeance publique triompha par la punition de trois fameux fcélérats; 1'agent Apodême, le délateur Paul, furnommé la Chaine , & le grand Chambellan Eufebe, eet efclave impérieux qui s'étoit rendu le maitre de l'Empereur , & le tyran de 1'Etat, furent brülés vifs; & 1'on regretta , dit un Auteur, de ne pouvoir leur faire fubir eet horrible fupplice autant de fois qu'ils Pavoient mérité. Mais la jufticeelle-même pleura Ia mort d'Urfule, rréforier de 1'épargne, envers lequel Julien fe rendit coupable de la plus noire ingratitude. Lorfque Conftance 1'avoit envoyé dans Ia Gaule , fans argent & fans aucun pouvoir d'enj toucher, afin de lui öter le moyen de s'attacher le cceur des foldats , Urfule avoit fécretement donné ordre au Tréforier de la Province de fournir au Céfar toutes les fommes qu'il demanderoit. Julien s'appercevant que cette mort injufte révoltoit tous les efprits , prétendit s'en difculper en faifant courir le bruit, qu'il n'y avoit aucune part, & qu'Urfule avoit été k fon infu la Julien. Ann. 361;  Julien. Ann. 361. V. Réforme du palais. Amm. I. 22. c. 5. Lib. or. 12. Mamcrt, pan. r. 11. Soc. I. 3. c. 1. Soi. L j. c 5. Zon. t.11. />. 24. Kak/. Amm. /. •22. f. 7s 120 ïl I S T 0 I II E victime du reffentiment des foldats, qu'il avoit ofFenfés 1'année précédente a 1'occafion des ruines d'Amide. II crut accréditer ce prétexte en laiffant a la fille d'Urfule une partie de 1'héritage de fon pere. Mais n'étoit-ce pas fe démentir, que de n'en laiffer qu'une partie? Les biens des autres furent confifqués; & peu de temps après, comme plufieurs perfonnes tachoient par des fraudes charitables de mettre k couvert les débris de la fortune de tant de malheureux , il condamna par une loi les receleurs k la confiication de leurs propres biens , s'ils en avoient, & k la peine capitale, s'ils étoient pauvres. Réfolu de rétablir le bon Ordre dans toutes les parties de 1'Etat, il commenca par la réforme de la maifon du Prince. Les Officiers s'y étoient multipliés k Pinfini. II y trouva mille cuifiniers, autant de barbiers, un plus grand nombre d'échanfons & de maitres - d'hötel, une multitude innombrable d'eunuques. Tous les fainéants de 1'Empire accouroient au fervice du palais; & après s'être ruinés k fe procurer des offices que les  du Bas-Empihe. Liv. XII. 121 les favoris vendoient fort cher, ils s'enrichilToient bientót aux dépens du Prince qu'ils pilloient, & de la pa- ' trie qu'ils traitoient comme un pays < de conquête. Leur luxe , quelqu'ex- 1 ceffif qu'il fut, trouvoit des relTources inépuifables dans le trafic des emplois & des graces , dans les ufurpations, dans les injuftices toujours . impunies. Julien ayant demandé un barbier, fut fort étonné de voir entrer un homme fuperbement vêtu : Cefi un barbier, dit-il, que jedemandois , & non pas un Sènateur. Mais il fut plus furpris encore, quand par les queftions qu'il fit a ce domeftique, il apprit que 1'Etat lui fourniffoit tous les jours la nourriturede vingt hommes èc de vingt chevaux, indépendamment des gages confidérables & des gratihcations qui montoient encore plus haut. Un autre jour voyant paffer un des cuifiniers de Conftance habillé magnifiquement, il 1'arrêta; & ayant fait paroitre le fien, vêtu felon fon état, il donna aux ailiftants a deviner qui des deux -étoit officier de cuifme : on décida en faveur de celui de Julien , qui conTome III. F Julien. ^.in. 361. :0d. Th. 1. '1. tit. 27, '■g. 2.  JunrN. Ann. 361. 122 ll/STOIAS gédia 1'autre & tous fes camarades, en leur difant : Qu'ils perdroient a fon fer-yice tous leurs talenis. II ne garda qu'un feul barbier : Cen efl encore trop, difoit-il ,pourun homme qui laiffe crottre fa barbe. II chalTa tous les eunuques, dont il déclara qu'il n'avoit pas befoin, puifqu'il n'avoit plus de femme. Nous avons déja dit qu'il abolit cette forte d'officiers , qu'on appelloit les curieux : il réduifit k dixfept les agents du Prince, qui, fous fes fuccefleurs, fe multiplierent jufqu'a dix mille. II ne choifit pour eet emploi que des hommes incorruptibles, &c il augmenta leurs privileges. II purgea aufti la Cour d'une multitude de Commis & de Secretaires, plus connus par leurs concuHions que par leurs fervices. Ces fuppreffions d'offices ne pouvoient manque* d'exciter des murmures paffagers : on reprochoit k Julien une auftérité cynique : on le blamoit de dépouiller le tröne de eet éclat, qui tout emprunté qu'il eft, fert k le rendre plus refpeöable. Mais les gens fenfés trouvoient dans cette réforme plus de bien que de mal ,* & fans  du Bas-Empi&e. Liv. XII. 127 mifes : il ne croyoit pas que les Princes fuffent en droit de faire payer par leurs fujets leurs faveurs particulieres; & comme les privileges retomboient a la charge du public , il penfoit qu'ils n'étoient dus qu'a ceux auxquels le public étoit redevable. En ce cas, il donnoit a ces privileges toute Pétendue qu'ils pouvoient avoir fans reftricuon ni épargne : aimant mieux, difoit-il accorder le bienfait tout entier, que de 1'affoiblir , en le divifant & en le faifant demander a diverfes reprifes. Mais fi la faveur ne procuroit jamais de remifes, la néceffité les obtenoit aifément : ce fut par ce motif qu'il en fit de confidérables aux Africains , aux Thraces , a la ville d'Antioche. II fit éclairer de prés la conduite des Officiers des röles, qui étant chargés de répartir les tributs & les fonftions onéreufes, pouvoienl commettre beaucoup d'injuftices. Le; bienfaits mêmes du Souverain a voient été auparavant k charge au? Provinces, par les préfents qu'il falloit prodiguer aux porteurs des or donnances. Ceux-ci, loin de rien exi F iy Julien. Ann. 361. i. leg. 50. £■ feq L. ij. tit. 1. hg. 8, 9, 10. tit. 3. leg. 2. Cod. Juft. I. ii. tit. 69. leg. 1 » 2.  Juhen. | Aan. j6i, i 128 h i s t ö i r- ê ger fous Ie regne de Julien, n'ofoient meme rien accepter, perfuadés que ces gratifications illicites ne poiivoient ni echapper a fa vigilance, ni fe déginfer fous aucun titre. II rétablit 1'ancien ufage pour Ia réparation & 1'entr'etien des chemins publics; chaque propriétaire étoit fenu d'en faire la dépenfe a proporrion de 1'étendue de fes poffeffions. Le mauvais état des poftes que Conftance avoit ruinées, caufoit un grand dommage aux Provinc«s obligées de les entretenir; Julien ne négligea pas cette partie : il reforma dans le plus grand détail tous les abus qui s'y étoient introduits. On voit par plufieurs de fes loix, qu'il n'eut rien plus a cceur que de rétablir les finances des villes , & de leur rendre leur ancienne fplendeur. II encouragea 1'ordre municipar par des ïxemptions modérées ; il y rappella :eux qui tachoient de s'y iouftraire; il y fit entrer des gens qui jufqu'alors ,?y avoient pas été engagés. Les deux Empereurs précédents avoient con:édé ou laiffé envahir des terres, des 'difices, des places qui appartenoient mx communes des villes : Julien or-  nu Bas-Empire. Liv. XII. 129 donna que ces terres feroient refti- — tuées & afFermées, Sc que Ie reve- ^ nu en feroit appliqué aux réparations des ouvrages publics; que les édiiices, dont on avoit changé 1'ufage, feroient rendus a leur ancienne deftination : il accorda cependant que les batiments élevés par des particuliers fur un terrein public, leur demeuraffent, a condition d'une redevance. On croit que ces dernieres loix attaquoient principalement les Chrétlens, auxquels Conftantin Sc Conftance avoient accordé des fonds, des temples, Sc d'autres édifices pour les Eglifes Sc pour ,1'entretien du culte & des Miniftres de la Religion. 11 paroit encore qu'il en vouloit au Chriftianifme, en établilTant dans une de fes loix un principe d'ailleurs trèsfenfé & avoué des Chrétiens euxmêmes : C'eft que les Jlecles précèdents font l'école de la poflérité, & qu'il faut s'en tenir aux loix & aux coutumes anciennes , a moins quune grande utilite publique rioblige d'y déroger. C'étoit , le langage de Julien Sc des autres payens de fon temps , d'accufer de nouveauté la Religion Chrétienne, F v LIEN. n. 361.  du Bas-Empihb. Liv. XII. 131 mé trouvoit auprès de Julien 1'accès le plus facile. Comme il paroiffoit fouvent en public pour des fêtes & pour des facrifiees , rien n'étoit fi aifé que de 1'aborder ; il étoit toujours prêt k recevoir les requêtes & k écouter les plaintes. II laiffoit toute liberté aux Avocats, & il ne tenoit qu'a eux d'épargner la flatterie; mais le regne précédent les y avoit trop accoutumés. Un jour qu'ils applaudiffoient avec une forte d'enthouiiafme a une fentence qu'il venoit de prononcer : Je ferois, dit-il, jlaitè de ces éloges , fi je croyois que ceux qui me les adrejfent, ofaffent me cenfurer en face , dans le cas oü faurois jugè le contraire. On le blame cependant d'avoir quelquefois interrrompu 1'audience par des queflions hors de faifon ; pour demander , par exemple. de quelle Religion étoient les plaideurs : s'il en faut croire Ammier, Marcellin, ce n'étoit qu'une curiofité déplacée ; ni le motif de la Religion, ni aucune autre confidératior étrangere k la juftice, n'influoit fui fes jugements; mais il eft dément en ce point par tows les Hiftorien F vj Julien. Ann. 361. I i i  JVUEN. Ann, 361. *32 II I S T Q I R £ eccléfiaftiques. Ce qui 1'entretenoit dans eet efprit de droiture, ajoute le même Auteur, c'eft que connoiftant fa légéreté naturelle, il permettoit a fes Confeillers de le rappeller de fes écarts, & les remercioit de leurs avis. St. Grégoire de Nazianze nous donne cependant des idéés bien différentes: il reproche a Julien, comme un fait connu de tout 1'Empire, que dans fes audiences publiques, il crioit , il s'agitoit avec violence , comme s'il eut été 1'offenfé; & que quand des gens grofïiers s'approchoient de lui pour lui préfenter une requête , il les recevoit a coups de poings Sc h coups de pieds, Sc les renvoyoit fans autre réponfe. Je ferois tenté de croire que ceux que Julien rebutoit ainfi, étoient des déJateurs , & que 1'indignation publique contre ces miférables excufoit ces emportements, quelque iridécents qu'ils fulTerit dans la peribnne deun Prince. Mais comment accorder les idéés avantageufes que les Auteurs payens nous donnent de Julien, avec le portrait afFreux qu'en ont fait des écrivains qu'on ne peut fans témé-  Julien. Ann. 361. Ann. 362. XI. NouveauxConfuls. Amm. 1, 22. c. 7. & ibi Vahf. Idace, Mamert. pan. c. ij , 17,19,28, *9, 30. 134 H I S T 0 I R £ res, courant alors les cötes du PontEuxin, enlevoient les Goths , & les alloient vendre comme efclaves. II !e contenta de réparer les fbrtifications des villes de Thrace, & de pofter des corps de troupes le long des bords du Danube. Dans la Cour de Conftance, le Confulat avoit été le prix de 1'intrigue. II falloit 1'acheter par des baffeffes & par des fommes d'argent prodiguées aux favoris, aux femmes, aux eunuques. Sous Julien,,cette magiftrature, plus importante par fon ancien éclat que par fes fonftions aftuelles, recouvra fon premier luftre. Mamertin & Névitte, défignés Confuls depuis deux mois, n'étoient peut-être pas les plus dignes de eet honneur, mais du moins ils n'en furent redevables qu'au choix de leur maitre. Julien, toujours exceiTif, eompromit fa propre dignité pour honorer celle des Confuls. Le jour que ces Magiftrats entroient en charge, le Prince avoit coutume de les accompagner au Sénat. Le premier de Janvier, au point du jour, Mamertin & Névitte fe rendirent au palais, pour préve-  du Bas-Empire, Lsy. XII. 135 nir l'Empereur. Dès qu'il ks appi-r- d'eux : il les falua , les embrafla , fit entrer leur litiere jufque dans fes appartements , leur demanda Pordre pour partir; & comme ils rtfufbient de s'affeoir fur leurs chaifes curules pendant que l'Empereur reftoit debout , il les y placa de fes propres mains, & marcha devant eux k pied, & confondu dans la foule du cortege. Le peuple fuivoit avec de grandes acclamations. Mamertin, diftingué par fon éloquence , rendit fur 1« champ a la vanité de l'Empereur, ce que l'Empereur venoit de prêter k la fienne : il prononca en fa préfence fon panégyrique. Nous avons encore cette piece pleine de flatterie , mais fpirituelle & fort élégante. Julien étoit bien peu philofophe, fi ces éloges outrés fe trouvoient être de fon goüt; & quelque reflentiment qu'il confervat des injuftices de Conftance , les traits fatyriques lancés fans ménagement contre ce Prince, devoient au moins, par leur indécence, révolter le fucceffeur. Deux jours après, Mamertin donnant les jeux du Ann, }6i.  JULJEN. Ann. 362, XIL Occupations de Julien a Conflantinople. Amm. I. 22. c. 7,9. & ibi Vahf. Lib, or. 4, 12. Jul. ep.ll. Mamcrt. pan. c. 24. Soc. I. 3. c. I. Cod. Th. I. 9- tit. 1. hg. l. L 11' tit. 23. Ug. 2. Grut. infcr. MCÏI. 2. 136 HlSTOIHE cirque, on fit venir plufieurs efclaves qui devoient recevoir la liberté. Julien, peuinftruit de cette coutume , fe mettoit déja en devoir de les affranchir; mais averti que cette fonftion ne lui appartenoit pas en cette occafion , il fe condamna luimême k une amende de dix livres d'or, pour avoir entrepris fur la jurifdiftion des Confuls. Pendant fix mois qu'il refta k Conftantinople, il aflifta fréquemment aux affemblées du Sénat. L'ufage de Conftance avoit été de mander au palais les Sénateurs , qui fe tenoient debout, tandis qu'il leur donnoit fes ordres en peu de mots. Mais Julien, jaloux de la réputation d'éloquence , & qui efiimoit fes difcours autant que fes viftoires , paffoit les nuits k compofer des harangues : il alloit enfuite les débiter aux Sénateurs qu'il faifoit afleoir avec lui : c'étoient des éloges, des cenfures, des avertiflements. Ilafliftoit au jugement des procés. Un jour pendant qu'il haranguoit, on vint 1'avertir que le philofophe Maxime arrivoit d'Ionie. Aufii-töt oubliant & les Sénateurs, & ce qu'il  du Bas-Empire. Livi XII. 137 étoit lui-même, il defcend brufquement de Ion fiege, court au-devant de Maxime , 1'embralTe avec empreffement, 1'introduit dans 1'aiTemblée , & après avoir raconté avec beaucoup de vivacité quelles obligations il avoit a Maxime, en quel état ce grand homme 1'avoit trouvé, a quel degré de perfeftion fes lécons 1'avoient conduit, il fort avec lui, le tenant toujours par la main. Une fcene fi bifarre infpiroit aux uns du refpeft pour Maxime , aux au-tres du mépris pour Julien ; mais tous fe conformoient au cara&ere & au goüt du Prince ; &i comme il affe&oit de fe nommer Sénateur de Byzance , par une forte d'é' change, les Sénateurs prenoient ur extérieur philofophique. Julien aug menta leurs privilege*. Prétextat, ur des plus diftingués du Sénat de Ro me, qui avoit été Gouverneur d< Tofcane, d'Ombrie, de Lufitanie 6c que Julien venoit de faire Pro conful d'Achaïe, fe trouvoit alors ; Conftantinople pour une affaire par ticuliere. Les Auteurs payens s'accor dent tous a louer en lui 1'intégrité la fagefïe, & une févérité de moeur Ann. 36*.* I 1 l 'i s  JULIEN. Ann. 362. XIII. 11 ajoute a Conftantinopie de nouveaux embelliffements.Jul. ep. 5 8. Zof. I. 3. Du Cange in Confl. Chrifi. I. 1. c 19. & l. 2. c. I , 3. Banduri imp. or. t. . II. p. 593, 1 677, 678. 1 Spcn voyar ] ees- '■ 1, , 137. 1 Af. Z'^We' J de la Bk- ( /*rz>, nous fur les let- c tres de Ju- 1 Hen , p, f 247. I38 ÏI I S T 0 I R E digne de 1'ancienne république. Sou attachement è 1'idolatrie relevoit encore aux yeux de Julien tant de belles qualités. Le Prince ne faifoit rien fans prendre fes confeils. Nous aurons plufieurs fois occafion de parler de ce célebre perfonnage, qui ne mourut que fous le regne de Théodofe. Le féjour de l'Empereur procura plufieurs embellifTements k Conftantinople, qu'il aimoit, difoit-il comme fa mere. II fit faire ou plutöt élargir un port fur la Propontide, afin de mettre les vaifleaux a 1'abri du vent de midi. Ce port s'appelloit auparavant le port d'IIormifdas, k caufe du palais de ce Prince, qui en étoit voifin : il prit alors le nom de Julien. Jufin le jeune lui donna celui de fa fem■neSophie, On 1'appella dans les fiecles, liivants leport neuf, le port du palais, 'e Bucoüon. II eft comblé aujourd'hui. in face de ce port, Julien éleva un >ortique fémi - circulaire, qu'on aplella le Sigma, & qui communiqua e nom a un quartier voifin. II avoit malTé un grand nombre de livres: il js pla$a dans une bibliotheque qu'il it conftruire fous un portique de YAu-  !>u li'as-Empire. Liv. XII. 13^ gujllon. Les Libraires vinrent établir leurs boutiques a 1'entour; & comme la falie du Sénat étoit prés de la , les plaideurs, les Avocats, les Praticiens fe raffembloient dans ce lieu, pour y traiter de leurs affaires. Les Alexandrins avoient dans leur ville un obélifque couché fur le rivage : on alloit y dormir pour fe proeurer des fonges prophétiques , & la débauche fe mêloit a la fuperftition. Julien, pour fauver au paganifme un ridicule & un fujet de reproche , exécuta le deffein qu'avoit formé Conftance , de tranfporter eet obélifque a Conftantinople. II n'eut pas le temps de le mettre en place, s'il eft vrai, comme on a lieu de le croire, que ce foit le même que Théodofe fit dreffer au milieu du grand Cirque. Spon 1'y vit encore en 1675. II eft de granite, d'une feule piece, haut d'environ cinquante pieds : chaque face a fix pieds de largeur vers la bafe. Julien , pour dédommager les Alexandrins, leur permit de dreffer dans leur ville une ftatue coloffale qui venoit d'être achevée. C'étoit, felon l'apparence, la ftatue de Julien même. JUIIEN. hnn. 361.  Jouen, Ann. 362. XIV. Requête «le plufieurs Egyptiensrejettée. Amm. I. 21. c 6. Liban. pro Arifioph. Cod. Th. I. 1. tit. 29. kg. 1. Tilt. art. 11. 14° HlSTOIlLE II étoit occupé de ces fbins, lorfqu'il fe vit environné d'une foule importune qui demandoit juftice. C'étoient des Egyptiens , qui, ayant appris quelle attention le nouveau Prince apportoit a réformer les abus du regne précédent, étoient venus en diligence a Conftantinople, pour tirer quelque avantage de cette heureufe difpofition. Les Egyptiens de ce tempsIk étoient intérelTés, chicaneurs, toujours mécontents , toujours prêts a accufer les Officiers publics de rapines & de concuffions , foit pour fe difpenfer^ de payer les taxes , foit pour avoir leur part des confifcations. Ceux-ci, attroupés en grand nombre, obfédoient & pourfuivoient par-tout & le Prince & les Préfets du Prétoire : ils ne ceflbient de les fatiguer de leurs plaintes. Tous ces cris fe réuniflbient, quoique pour des objets différents : les uns prétendoient qu'on avoit exigé deux plus qu'ils ne devoient, les autres ce qu'ils ne devoient pas; d'au- , tres , qu'on leur avoit vendu bien cher des recommandations pour obtenir des graces & des emplois : tous demandoient la reftitution de leur ar-  du Bas-Empire. Liv. XII. 141 gent; & ils faifoient même remonter leurs prétentions plus haut que la date de leur naiffance. Julien fe débarraffa de leurs importunités par une rufe peu féante a un Prince. II leur commanda par un édit de pafler tous a Chalcédoine, leur promettant de s'y rendre incelTamment pour les entendre & les fatisfaire. Dès qu'ils eurent obéi, il défendit aux patrons des barques employées a ce trajet, d'en ramener aucun a Conftantinople. Ils s'ennuyerent d'attendre, & prirent enfin le parti de retourner dans leur pays. A cette occafion, l'Empereur publia une loi qui défendoit de pourfuivre la reftitution des fommes données fous les regnes précédents pour acheter des charges ou des graces. Ammien Marcellin applaudit a cette loi; ck M. de Tillemont remarque fort fenfément, qu'il auroit eu autant de raifon de la louer , li elle eut ordonné tout le contraire. Les viftoires de Julien dans la Gaule avoient étendu fa renommée - au-dela des bornes de PEmpire. La nouvelle de la mort de Conftance ne fut pas plutott répandue, que les peu- Julien. Ann. 362. XV. Ambaffa» des des nations étrangeres. Amm. 1. 22. c. 7. & ibi Valef.  JUHEN. Ann. 362, XVI. Julien environnéde fophiftes. hd. epifi. Eunap. vi m Sophifi. Suid. in Max. & Chryfant. Liban. Orib. Himer. Btfl. ep. 39 40, 41. Grtg. Natf 142 IllSTOIRE pies les plus éloignés fïrent partir leurs Ambafladeurs. On en vit arriver a Conftantinople , de PArménie, des contrées feptentrionales au-dela du Tigre, des Indes & de 1'ifle de Ceylan , de la Mauritanië, voifine du mont Atlas, des bords du Phafe, du Bofphore Cimmérien, & de plufieurs régions auparavant inconnues. Toutes ces nations, redoutant fon courage , fe haterent de lui envoyer des préfents; elles fe foumettoient h un tribut annuel, & ne demandoient d'autre grace que la paix & la füreté. Les Perfes furent les feuls qui fe difpenferent d'envoyer des députés. Les hommages des peuples étrangers avoient de quoi fatisfaire la vanité d'un Souverain. Mais Julien, plus philofophe qu'Empereur, étoit bien plus flatté de voir fe raffembler autour de lui un effaim de fophiftes qui accouroient de toutes les Provinces. II les attiroit, il mendioit, pour ainfi dire, leur amitié par fes lettres; il les recevoit comme députés de fes Dieux; c'étoient fes plus intimes confidents & fes miniftres; c'eft auffi k leurs pernicieux confeils qu'on doit  nu Bas-Empirr. Liv. XII. 143 principalement attribuer les efforts qu'il fit pour détruire le Chriftianifme. Nous avons déja expofé 1'accueil dont il honora le Philofophe Maxime , le maitre & le chef de toute cette cabale. Julien avoit une fi haute opir nion de fon goüt & de fon favoir, qu'il 1'avoit choifi pour cenfeur de fes ouvrages. Cet importeur vint a Conftantinople fur les inftances réitérées de l'Empereur : c'eft une chofe plaifante que le lerieux avec lequel Eunape, le panégyrifte de tous ces prétendus fages, raconte les hommages qui furent rendus a Maxime fur toute , la route par les peuples, par les Sé- ' nateurs, par les Magiftrats mêmes: ' & tandis que les hommes le com- ; bloient d'honneurs, les femmes faifoient humblement leur cour k la fienne, qui portoit encore plus haut que fon mari 1'orgueil de la profeflion. La philofbphie de Maxime ne tint pas contre Pair contagieux de la Cour: les déférences de Julien & les adorations des courtifans altérerent fa morale; il donna dans le luxe, & devint infolent : ce qu'il eut pourtant Padrefie de cacher aux yeux de Ju- JVIIEN. Ann. 362, Mamert. pan. c. 23, 26. Joann. Antioch. expert, p. 841. Soc. I. 3. C I. TUI. vie de S. Bafile , irt. 28. Vita Bafil. :dit. Bene- m. c. 8. M. ÏAbié le la Bltoint de ne pas retirèr fon amitié k :eux mêmes qu'il en reconnoifloit inlignes. Tarit de fanatiques fombres & auferes, que 1'éclat de la Religion Chréiénne avoit obligés a fe tenir longemps cachés dans 1'ombre des éco-  ou Bas-Empis.e. Ljv.. AT/. 147 les, iortant enfin au grand jour, remplis de venin & de rage , fe préparoient k fe venger du filence auquel ils avoient été condamnés : ils ne méditoient que profcriptions. & que fupplices. Les Chrétiens, de leur cöté, craignoient des traitements plus rigoureux que n'en avoient éprouvé_ leurs peres. En effet, Julien les haïflbit mortellement; il avoit beaucoup plus k cceur de les détruire que de vaincre les Perfes; il regardoit eet ouvrage comme le chef-d'oeuvre de fon regne. Mais plus habile que ces malheureux fophiftes qui ne lui donnoient que des confeils inhumains , il préféra la fédu&ion a la cruauté déclarée : II penfoit, dit Libanius , que ce ri eft ni le fer, ni le feu qui changent la croyance des hommes; que le coeur defavoue la main que la crainte foret a facrifier, & que les fupplices ne produifent, que des hypocr'ms, toujours infideles pendant leur vie, ou des martyrs honorés après leur mort. II faifoit encore réflexion que dans 1'état de force & de vrgueur oü fe trouvoit alors la Religion Chrétienne, c'étoit rifquer d'ébranler tout 1'Empire, que G ij Juhen. Ann. 362. Religion Chrétienne.' Lib. or. 12.' Greg. Na[. or. 3. Chryfoft. de Sto. Baby la contra Julianutn & gentUcs 9 t. II. p. 575-  Julien, Ann. 36; 148 HlSTOIRR ' d'enrreprendre de la déraciner par \ ur>e violence ouverte. II dreffa donc un plan tout nouveau, qui eut fans doute été plus heureux que la barbarie de Dioclétien & de Galere, fi la garde qui veille fur Ifraël n'etit renverfé ce projet infernal, en détruifant 1'auteur même par un fouffle de fa bouche. Julien commenca par montrer dans fa perfonne un zele ardent pour le culte des Dieux; il gagnoit dès ce premier pas tous ceux dont la Religion fe conforme toujours h celle du Prince. II s'attacha a relever & k purifier le paganifme, en s'efforeant d'y tranfporter ce qui rendoit le Chriftianifme plus vénérable.^ II afFecla enfuite de traiter les Chrétiens avec douceur, & de les plaindre plutöt que de les perfécuter; mais en même-temps il imagina mille moyens pour les divifer & les armer les uns contre les autres, pour étouffer le germe de leur foi en leur interdifant 1'inftruöion publique, pour appefantir leur joug, & pour les couvrir de ridicules & de mépris. Les tyrans qui 1'avoient précédé, n'avoient févi que fur les  JütlEN. Ann. 362. XVIII. II travaille a rétablir Ie paganifme. Jul. epiji. ■ 63 > -7. & . or. 7. Grcg. Na-r. 1 3,4- 1 Liban. or. 10 , 12. & ] de vita Eu- 1 nap. in j Max. Mamert. pan. c. 23. I Prud. in j apotheofi, , y. 517. € Amm. I, r 25. 4. a Médailles. Acla Rui- % «art , rj «64. t] Athan. vit. _ apudPhot. U p- I447. Q c 3, 16. U Zon. t. U. V P. 25. e, Ledren. t, •■• l,p.3o6. ni ar J50 iï/STOlRg Quoique Julien fut, dès fa première jeuneffe , idolatre dans le cceur, 9"11 fe fut ouvertement déclaré en lilyne il voulut «pendant fe :onfacrer a fes Dieux par une abication formelle du Chrifbanifme. tyant fait affembler en fecret les minitres de fes affreux myfteres, il s'inagina eflacer le caraöere de fon bapeme, enfe baignant dans le fang des 'litimes. Se croyant ainfi régénéré, i nt batir de nouveaux temples, & eparer les anciens aux dépens des paricuhers qui en avoient enlevé les délohtions. Par-tout on élevoit des ioles, on drelToit des autels , on gorgeoit des viftimes ; 1'air étoit srnph de la fumée des facrifices. II voit ajouté k la dignité de fouve»n Pontife, attachée a la perfonne es Empereurs, celle de grand-Prêe d'Eleufis. II fe piquoit de Ia plus rupuleufe exaditude dans la pratiie des cérémonies. Confondu avec ie troupe de facrificateurs, on le 5yoit s'empreffer k partager avec ix les dernieres fon&ions du miitere. C'étoit dans les entrail les des iimaux immolés qu'il prétendoit lire  du Bas-Empire. Liv. XII. 151 la volonté des Dieux, & il ne prenoit guere d'autre confeil. Son palais étoit devenu un temple; fes jardins étoient remplis d'autels : il facrifioit le matin &c Ie foir : il fe relevoit pendant la nuit pour honorer les génies nofturnes. Cet excès de fuperftition le rendoit ridicule aux payens mêmes, &c 1'on difoit de lui, comme on 1'avoit dit autrefois de Marc-Aurele, que s'il revenoit victorieux, c'en étoit fait des boeufs &£ des geniffes dans tout PEmpire. Ön vit renaitre toutes les folies du paganifme; ces fêtes extravagantes, appellées Orgies, portoient 1'ivrelTe &£ le tumulte dans les campagnes; 1'aftrologie , dont le Prince étoit furtout entêté, fe remit en honneur ; tout fe gouvernoit par 1'afpecl: des aftres, par les préfages. Julien croyoit tout, excepté 1'évangile : il mettoit une confiance aveugle dans les paroles myftérieufes & cabaliftiques , qui, fans être. enundues , dit-il dans un de fes ouvrages, guériffent les ames &. les corps. Les monnoies prirent 1'empreinte de 1'idolatrie. On y gravoit la tête de Julien fous le fymG iv Julien. Ann, 361,  JütlEN. -Ann. 362. XIX. II VCUt ïmirer le ' Chriftia- < nifme. ] M. epifi. 56. mi/op. / Greg. or. 3. t S°l- l. j. « c. ij. f 2. «. 4. t Af. Z'^M£' j: de la Blete- rie , notes O /ür /er- 7 fe» , p. n 32J. Cl HlSTOlAE bole de Sérapis : on y joignoit Ia figure d'Ifis. II fit difparoïtre du Labarum le monagramme de Chrift • &* pour faire part a fes Dieux des honneurs qu'on rendoit k fa perfonne il vouloit être repréfenté dans fes images, tantöt avec Jupiter qui le couronnoit, tantöt avec Mercure & Mars qui fembloient lui infpirer 1'éloquenee K la fcience militaire. La mefure qui «eryoit k marquer les différents accroifTements du Nil, tranfportée par Lonftantin dans la grande Eglife d'Alexandrie, fut reportée dans le tempte de Sérapis. Dans le temps même qu'il tachoit 1 aneantir le Chrifiianifme, il fut for* de lui rendre le témoignage le plus lonorable & le moins fufpeö. Les ayens avoient une morale, dit un Aueur fenfé & ingénieux ; mais le paanifme tien avoit point. Julien lui vouit preter celle de la Religion Chréenne. II n'en pouvoit copier que exterieur ; & c'eft avec beaucoup e juftefle que St. Grégoire de Naanze 1'appelle le finge du Chriftiailme. II forma le deffein de fonder is écoles dans toutes les villes, de-  JUIIEN. Ann, 36Ï XX. Perfection qu'il exigeoit des Prêtres pajens. Ju!, ep. 46, 63. & ia fragment. 154 fflS. TOIRE pour les voyageurs & pour les pattvres. II auroit Ibuhaité faire paffer ' dans le paganifme 1'ufage des lettres ecclefiaftiques , avec lefquelies les Chrétiens étoient recus par toute la terre, comme des freres & des amis. En un mot, il étoit jaloux de eet efprit de lumiere, de fageffe & de chanté, qu'il étoit forcé d'admirer dans 1'Eglife Chrétienne. Un Pontife fupérieur fut établi dans chaque Province avec une pleine autorité fur tous les Prêtres des villes & des campagnes. Julien exige, comme des vernis effentielles k cette place, la modération , la douceur, la hardieiTe k reprendre , & la vigueur k punir. Ses écrits fourniffent un.^modele d'inflraftion pour ceux qui font honorés du facerdoce, & une copie fidelle de la fainteté qu'il voyoit alors éclater dans les Miniftres de 1'Eglife. II attribue la décadence de 1'idolatrie aux vices de ceux qui la profelTent; il reconnoït que c'eft par la régularité dans les mceurs, & par la charité envers les hommes , 411e Ie Chriftianifme s'eft accrédité. :i recommande ait Pontife la vigilance  du Bas-Empire. Liv. XII. 155 fur les inférieurs : Prive^-les , dit-il, des fonclions du facerdoce, s'ils ne font fideles a fervir les Dieux, s'ils n'y obligent leurs domefliques ; s'ils menent une vie indecente. II lui confeille de voir rarement les Magiftrats & les grands Seigneurs, fi ce n'eft pour 1'intérêt de la veuve & de 1'orphelin., & de fe contenter de leur écrire. II veut qu'on refoive dans les höpitaux les pauvres étrangers, de quelque Religion qu'ils foient. II impofe une contribution dans chaque Province pour fournir a la fubliftance des indigents. II défend aux Gouverneurs de fe faire fuivre de leurs gardes quand ils entrent dans les temples : Dès qu'ils y ^nettent le pied, dit-il , ils deviennentfimples particul'urs; les Prêtres feuls ont droit d'y commander fous les aufpices des Dieux ; les autres qui portent leur fafle jufqu'au pied des autels , ne font que des hommes vains & fuperbes. II exige qu'on refpe&e les Prêtres , lors même qu'ils font indignes de leur miniftere , jufqu'a ce qu'ils, en ayent été dépouillés; mais ilveut auffi. qu'ils fe rendent refpe&ables : Ils font, ditïi, les interpretes des Dieux ■ auprès des G vj Julien. Ann. 362.  bv Bas-Empire. L'lV. XII. \$7 r&cleres , ajoute-t-il , nimporte qu'ils foient riches ou pauvres, illujlres ou inconnus. Ces maximes s'accordent avec la profeffion folemnelle qu'il fait en cent endroits de fes ouvrages , de croire 1'exiftence des Dieux , 1'immortalité de 1'ame, les récompenfes & les punitions d'une autre vie. C'eft ainfi qu'il s'efforcoit de dérober a la Religion Chrétienne la fainteté de fa difcipline & de fa morale. II ignoroit que c'eft une tige qui meurt dès qu'elle eft tranfplantée ; & qu'elle ne peut porter de fruits murs & durables que dans le terrein oü elle eft née, & oü elle eft arrofée de la main de Dieu même. Julien ne vécut pas affez long temps pour reconnoitre que fa réforme n'étoit qu'un projet chimérique. Selon le plan qu'il avoit formé, il défendit de mettre a mort les Galiléens , (c'eft ainfi qu'il nommoit les Chrétiens, ) ni de leur faire aucun mauvais traitement pour caufe de Religion : Ils font, dilbit-il, dignes de ccmpafjion que de haine; ils ne fe puniffent que trop eux-mêmes ; ce font des aveugles qui s'tgarent fur le point Julien. Ann. 362. xxr. Ftinte douceur de Jalien a 1'cgard des Chrétiens.Jul. ep. 7 , 5*- Greg. or. 3, io. Lib, or. 11,  Julien, Ann. 362, Chryfofi.de Sto. Babyla & ia lui. ' «S- Gent. t. II. p. J74in Jufent. & Max. ib.p. $79Soc. I. 3. c. 12, Soi. I. 5. «• 4, 14Cedr. e. I. p. 306. Zon. t. II. . p. 25. .P-W. />. 1447- Suid. in \ J j 1 .1 1 ] 1 t i I < 158 HlSTOIRE le plus ejfentielde la vie, qui abandonnent le culte des Dieux imrnoruls, pour honorer des reftes de cadavres & des of~ fements de morts. II défignoit ainfi les reliques des martyrs. II blamoit hautement Conftance d'avoir employé Ia rigueur contre ceux qui ne s'accordoient pas avec lui en fait de croyance, II n'ötoit point aux Chrétiens I'exercice public de leur Religion ; mais il leur enlevoit fous divers prétextes leurs Evêques & leurs Prêtres, afin de ruiner peu-a-peu la docïrine Si la pratique du Chriftianifme, par e défaut d'inftru&ion & de Minif;res. Pour relever Ie prix de 1'idoatrie, il déclara que loin de trainer es Galiléens devant les autels, & de es contraindre a facrifier, il ne pernettoit d'admettre ces impies k la >articipation des myfteres, qu'après les prieres, des expiations, de lon;ues épreuves capables de purifier eur ame & leur corps. II étoit ha>ile k profiter des imprudences oü omboient quelquefois les Chrétiens, '< il ne manquoit pas d'affefter une iatience philofophique dans les ocafions oü la chaleur d'un zele in-  du JjAS-Empike. Liv. XII. J59 confidéré n'attaquoit que fa perfonne. Conftantin avoit placé a Conftantinople une ftatue de la Fortune de la ville , qui portoit une croix fur le front. Julien 1'ayant fait abattre & enfouir, en fit placer une autre dans un temple avec les fymboles de 1'idolatrie. Un jour qu'il lui offroit un facrifïce public , Maris , eet Evêque de Chalcédoine , fi connu par fon atTarchement a 1'Arianifme, aveugle & caiTé de vieillelTe, fe fit conduire devant l'Empereur ; & 1'infultant en face, il lui reprocha dans les termes les plus amers ion impiété & fon apoftafie: Tais-toi, malheureux aveugle, lui répondit Julien , le Galiléen tón Dieu ne te rendra pas la vue. Je lui rends grace, repartit Maris , de m avoir èpargné la douleur de voir un apojlat tel que toi. Julien ne repliqua pas, & continua le facrifïce. Cette modération femble ne mériter que des louanges: mais felon les Chrétiens de ce tempsla, qui pénétroient mieux que nous les intentions de Julien, ce n'étoit que 1'effet d'une maligne politique: il refufoit aux Chrétiens la gloire du martyre ; il favoit que les fuppli- JULIEN. Ann. 'jé?:  Juhen. Ann. 361, XXII. Rappel des Chrétiens exilés. Jul.ep. 26. Amm. I. 32. c. 5. Thcod. I. 3. c. 4. Sor. I. 5. c ' , 14. Philoft. I. 6. c 7. & l. 9. c. 4. CAr. ^/£*.. />. 296. Fltury , hift.Ecchf. I. 15- <-.4- 1 i 160 H I S T O 1 R E ces' font un germe de profélytes. Ce fut encore par la même apparence de douceur, qu'il rappella indiftinétement & les orthodoxes & les hérétiques,.que Conftance avoit exilés, & qu'il leur fit rendre leurs biens confïfqués : fans s'expliquer au fujet des Evêques, qu'il vouloit fe réferyer la liberté de chaffer dans la fuite, il les laiffa rentrer dans leurs Eglifes. Les Ariens, qui avoient été les favoris de Confiance, lui étoient, par cette raifon, encore plus odieux que les Catholiques. Mais fon deflein étoit de détruire, les unes par les autres, les cliverfes communions qui partageoient le Chriftianifme. Sous prétexte d'appaifer leurs querelles, mais en effet, pour les aigrir davantage, il appelloit quelquefois devant lui les chefs des partis contraires; il les metroit aux prifes; & après les avoir échauffés par la difpute, prenant le ton de conciliateur, il les exhortoit -1 la paix : Ecoute.7Cmoi, leur difoit1, les Allemands & les Francs niont nen écouté. II les congédioit enfuite ?n leur déclarant qu'il entendoit qu'ils lemeuraffent unis enfemble, malgré  nv Bas-Empire. Liv. XII. 163 doit que cette fe£te forcenée feroit plus propre que toute autre a ruiner le Chriftianifme en Afrique. Rien n'égale en effet la fureur k laquelle ces fanatiques s'abandonnerent. Ils s'emparoient des Egliles k main armée , ils en chaffoient les Evêques , brifoient les autels & les vafes facrés, maffacroient les Prêtres & les Diacres, violoient les vierges confacrées k Dieu , mettoient les hommes en pieces , outrageoient les femmes , tuoient les enfants dans les entrailles de leurs meres , profanoient les faints myfteres. Leurs Evêques prétendoient fe fanöifïer par tant d'horreurs, & les peuples juroient par le nom de ces Prélats facrileges, comme par celui de Dieu même. L'efprit de révolte & de fchifme que les hérétiques rapportoient de leur exil, mena^oit 1'Eglife des attaques les plus meurtrieres. Pour la défarmer, Julien imagina un moyen qui pouvoit fuppléer k la rigueur des perfécutions: c'étoit de réduire les Chrétiens k 1'ignorance , en leur défendant d'enfeigner & d'étudier les lettres. II favoit qu'il efb aifé de conduire les \ Julien. Aan. 361» XXIV. Julien défend aux Chrétiens d'enfeigner 8c d'étudier les lettres humaines. Jul. ep. 41. Greg. or. 3. Amm. I, 22. c. IC.  JUUEN. Ann. 362 & l' 25. f, Vahf. Chron, Hier. Soc. I. 3. c 16. Theod. I. 3- 17. •*{■ 5c 17. Joann. Antioch. & Ui Vahf. Zon. t. 11. P- -5. Cedren. t. I. p. 30;. Grof. h 7. «• 30. M. L'Albé de la Bleterie, vie de Julien , p, 263. S- lettres de Ju- j llin ,p, 26. ( t a c n If>4 H 1 s t 0 1 n. e ' hommes a Ja fuperftition par Ie défaut de connoiiTances ; que de les priver d'inftruétion , c'eft un moven für pour tyrannifer leurs efprits ; que 1 ignorance fut la mere du paganifme; öc que pour le faire renaïtre , il falloit ramener les Chrétiens a 1'état ou s étoient trouvés leurs peres a Ia naiffance de 1'idolatrie. II avoit affez de lumieres pour fentir que les Auteurs payens, réuniffant a la fois toutes les forces & toutes les foibleffes de Ia raifon humaine, avec le plus grand art a mettre en oeuvre les unes & les autres, fourniffoient en même-temps & les chimères a combattre, & les armes pour les combattre : il voyoit que les défenfeurs les plus formidaales que le Chriftianifme eut alors a ui oppofer, étoient les hommes les gus lettrés de 1'Empire, Athanafe, -rfegoire de Nazianze, Bafile de Céarée, Hilaire de Poitiers, Diodore le Tarfe, Apollinaire. Voulant donc nlever aux Chrétiens cette puiflante eflource , il publia un édit que nous vons encore, par lequel il les délare incapables d'enfeigner la gramiaire, 1'éloquence, la philofophie. II  nu D/is-Empire. Liv. XII. 165 en apporte pour raifon que les livres oü 1'on puife les principes & les exemples de ces connoiiTances , étant 1'ouvrage des adorateurs des Dieux, & remplis des maximes de PHellénifme, c'eft dans les maïtres Chrétiens une impofture & une duplicité honteufe de propofer des modeles qu'ils défavouent, & d'enfeigner aux autres ce qu'ils ne croyent pas eux-mêmes. II paroit s'applaudir beaucoup de ce fophifme. II ajoute néanmoins qu'en défendant aux Chrétiens de donner des lecons , il ne leur défend pas d'en recevoir, & qu'il permet aux jeunes gens de fréquenter les écoles fans les contraindre a quitter leur Religion : Ce riejl pas, dit-il., qu'ily ait de Vinjuftice d les guérir malgré eux comme des frenétiques ; mais je permets d'être malades d ceux qui le voudront être :je penfe qu'il faut injlruire les ignorants, & non les punir. Le témoignage clair & précis des Hiftoriens Eccléfiaftiques nous apprend que la permiffion de s'inftruire, accordée aux Chrétiens a la fin de eet édit, fut bientöt révoquée par un édit poftérieur qui ne s'eft pas confervé jufqu'a nous. Ammien Mar- Julien. Ann. 361,  Julien, Ann. 361 XXV. Exécution de eet édit, lui. ep. 2. 19. Eunap. in Proharef, Chron. Hier. Soc. I. 3. t. 13. Aug. confeff. I. 8. c. Orof. I. 7, €. 30. Suid. Tïpoaipéfftor. TUI. perfee. art. 9. , & nat. 4. 166 HlSTOIRE cellin, tout payen qu'il eft, blame cette défenie comme inhumaine, & digne d'être enfévelie dans un oubli éternel. Les ProfeiTeurs Chrétiens étoient encore en petit nombre. Ecébole, qui avoit été un des maïtres de Julien , & que Pintérêt & la vanité avoit toujours tenu attaché a la Cour, homme de petit génie, dépouvu de talents, 6c jaloux de ceux des autres, facrifia fans balancer fa Religion è fa chaire. Après la mort de Julien , il revint au Chriftianifme ; & toujours déclamateur jufque dans fa pénitence, couché par terre devant la porte de 1'Eglife, il crioit aux fideles : Foule{-moi aux pieds ; je fuis un fel affddi. Les autres montrereht plus de fermeté. L'hiftoire nomme Marius Victorinus, qui profeffoit 1'éloquence a Rome avec éclat, & le célebre Prohérefe, que Conftant avoit comblé d'honneurs. Quoiqu'il n'eüt paru a Rome qu'en paffant, cette ville lui avoit érigé une ftatue de bronze avec cette infeription : Rome reine du monde xu Roi de Véloquente. Etant mourné 1 Athenes, il foutint la réputation  nu Bas-Empire. Liv. XII. \6f du plus habile maitre ck la Grece. Julien faifoit de lui une haute eikme; il vouloit même 1'értgager & écrire fon hiftoire ; & par unc cxemption qu'il croyoit honorable, il lui permit de continuer fes lecons, fans êtré obligé de changer de Religion. Prohérefe refufa cette diftinflion qui auroit pu rendre fa foi fufpeöe; il renonca généreufement k fa profeflïon & aux bonnes graces du Prince, qui, dès ce moment, par une bifarrerie très-ordinaire , rabattit beaucoup de 1'opinion qu'il avoit eue de 1'habileté de ce Rhéteur. Cet édit de Julien allar'ma tous les fideles. Les livres faints étoient leur nourriture ; mais les lettres profanes, dit St. Bafile, étoient les feuilles qui fervoient aux fruits d'ornements &t de défenfe. Auffi ces'hommes éclairés, loin d'embrafler avec joie cette ignorance, qu'une fauiTe politique ou une fingularité bifarre prêchent quelquefois , & qu'une pieufe imbécillité canonife, regarderent cet artifice de Julien comme Pattentat' le plus noir & le plus dangereux qu'il eut formé contre le Chriftianifme : ce font les Jur itK. Ann.J6l. XXVI. Douleur de 1'Eglife. Greg. or. Bcfil.dtlibris Gencilium. Soc. I. j. c. 16. Sor. I. J , c. 17.;  Julien. Ann. 362. 1 1 XXVII. Conduite de Julien 4 a 1'égard 1 des méde- f eins. 168 HlSTOlRE termes de St. Grégoire de Nazianze; & de tous les reproches dont il accable Julien , il n'en eft point qui prête a fon zele plus de force & plus de vivacité. On travailla aufïi-töt a réparer cette perte. Saint Grégoire & Apollinaire, tous deux féconds Sc éloquents, tous deux hommes de génie, riches de leur propre fonds, Sc enrichis encore par 1'étude des lettres, compoferent en profe Sc en vers un grand nombre d'écrits. Ils avoient deffein d'y tranfporter les beautés des Auteurs profanes, & de les y conferver comme dans un dépot facré, en les appliquant aux matieres propres de la Religion. Mais quelqu'haJ)iles que fuffent ces deux illuftres xnvains, leurs ouvrages trop hatés ie pouvoient remplacer des chefs1'ceuvres de tant de fiecles : la mort le Julien rendit bientöt a 1'Eglife le ibre ufage des tréfors dont il avoit roulu la dépouiller. Pour s'allürer de 1'exécution de cet dit il défendit par une loi exprefe a tout particulier d'entreprendre e tenir école, de quelque fcienee ue ce fut, fans avoir été autorifé par  nu Bas-Empihb. Liv. XII. 1S7 tres lui dénongoient des crimes de lefemajefté. L'Empereur rendoit prompte juftice aux premiers. Mais toujours trop favorable k 1'ordre municipal, il avoit rarement égard aux privileges Sc aux difpenfes les plus légitimes; en forte que ceux qu'on inquiétoit k ce fujet, prenoient le parti de fe rédimer par argent de ces injuftes pourfuites. Pour les clélateurs, dont il avoit lui-même tant de fois reffenti la malice, il les rejettoit avec indignation Sc avec mépris : on en rapporte un exemple mémorable. Un de ces calomniateurs, pour fe venger d'un ennemi, le dénonca k l'Empereur comme afpirant a la fouveraineté. Julien le rebuta plulieurs fois. Enfin , importuné de fon opiniatreté, il lui demanda quel étoit cet homme qu'il accufoit, Sc quelles preuves il avoit de fon crime: C'ejl, répondit 1'accufateur, un riche habitant d'une telle ville ; & je fuis en kat de prouver quil fe fait faire un manteau de foie, teint en pourpre. Le Prince, fans en vouloir entendre davantage, lui impofe filence, en clifant: Vous êtes bien heurcux que je ne punijfe pas un mifera- Julien. Arm. 362.  du Das-Empirë. Liv. XII. i2y Cfoitre par la deftru&ion du temple de la Fortune , le feul qui eut fubfifté a Céfarée jufqu'a la mort de Conftance. Julien punit tout-a-la-fois les Chrétiens d'avoir ruiné cet édifice, & les Payens de 1'avoir fouffert, & de n'avoir pas, quoiqu'ils fuffent en j>etit nombre, défendu jufqu'a la mort le culte de leur Déelfe. II öta k la ville le nom de Céfarée, qui lui avoit été donné par Tibere, & lui fit reprendre fon ancien nom de Mazaca: il impofa aux habitants une amende de trois cents livres d'or. Tous ceux qui avoient prêté leurs mains k ce prétendu facrilege, furent condamnés k la mort ou k Fexil. Eupfychius, un des plus nobles citoyens , expira dans de cruels fupplices. Les biens meubles & immeubles des Eglifes de la ville & du territoire furent confifqués. On enröla les Eccléfiaftiques dans la milice deftinée au fervice des Gouverneurs ; c'étoit en même-temps la plus méprifée & la plus onéreufe. Les Chrétiens furent affujettis k la taille, comme dans les moindres bourgades. Julien protefta avec ferment, que fi on ne relevoit au plutöt les temples Julien. Ann. 361,  Julien. Ann. 362, XXXVI. II arrivé a Antioche. Amm. ibid. Lih. or. 12. TUI, not, 6. J 190 H ƒ s T 0 I R E abattus, il ne laiferoit d aucun GaliUen la tetefur les èpaules. Ce fut ainfi uu'il s exprima; & cette menace auroit été ïuivie de 1'exécution, s'il eut vécu plus long-temps. L'Eglife de Céfarée etoit alors partagée au fujet de 1'élection de fon Evêque. Julien voulut connoitre de ce différend qu'il traitoit de défordre & de fédition. II fit eenre aux Prélats divifés une lettre menagante. Mais 1'Evêque de Nazianze répondit avec tant de force & de hardiefle, que Julien ne jugea pas a propos de fe corhmettre avec ce vieillard intrépide. Celfe, Gouverneur de Cilicie, vint Ie recevoir au paflage du mont Taurus. Julien 1'aimoit depuis qu'ils s'étoient trouvés enfemble dans les écoles d'Athenes. II 1'embrafla tendrement; & 1'ayant fait affeoir k cöté de m dans fon char, il entra dans la ville de Tarfe. A 1'iffue d'un facrifi?! ' Ce^e > qui avoit été difciple de -.ibanius, prononga en préfence de 'ulien un long panégyrique qui faigua beaucoup & le héros & 1'oraeur. Le Prince étoit debout devant autel, & 1'on étoit alors dans les  nu Bas-Empire. Liv. XIL 191 grandes chaleurs du mois de Juillet* ; De Tarfe, Julien alla droit a Antio- : che, oü il arriva prés de deux mois après fon départ de Conftantinople. Tout le peuple de cette capitale de 1'Orient fortit au-devant de lui: les payens le recurent avec toute la pompe dont on honoroit Fentrée des divinités._ Quoique le Chriftianifme , qui avoit autrefois commencé a prendre fon nom dans cette ville , y fut très-floriflant, il s'y trouvoit cependant un grand nombre d'idolatres. Ceux-ci célébroient dans ce temps-la lesfêtes d'Adonis; & les acclamations de joie étoient interrompues par les jj cris lugubres des femmes, qui, fe\ Ion Tanden ufage, pleuroient la mort i| de ce héros de la volupté. Ce mélange | de deiiil fut regardé comme un finif: tre préfage, & la fuperftition ne man1 qua pas de s'en allarmer dans le mo& ment, & de le rappeller après la mort ft du Prince. 'ULIEN. tin. 361  SOMMAIRE  i93 S O M M A I R E d v LIVRE TREIZIEME, ï. Conduite de Julien d Végard de fes ennemis. II. Ses occupations d Antiothe. III. Son amilièpour Libanius. IV. II va au mont Cafius. V. 11 cenfure la mgligence des habitants eTAntioche fur les facrifices. VI. Mort a"Artême. VII. George majfacré, vin. Julien cherche d foulever lepeuple contre les Chrétiens. IX. Fureur des Payens. X. Supplices de Mare, Evêque d'Aréthufe. XI. Zele ardent des Chrétiens. XII. Superjlitions de Julien. XIII. Tran/lation des reliques de St. Babylas. XIV. Colere de Julien. XV. Fermetè d'une femme Chrétienne. XVI. lncendie du temple de Daphnê. xvil. Impiété du Comte Julien. XVIII. Ses cruautés réprimées par l'Empereur. XIX. Mort de Juventin & de Maximin. XX. Malheurs arrivés cette annèe. XXI. Difette d Antioche. xxil. Julien 1'augmenti en Tornt III. I  Ï94 Sommaire du Liv. XIIF. voulant la diminuer. xxiii. Nouvelle perfècution d'Athanafe. xxiv. II eflckaffé dAlexandrie. xxv. Livres de Julien contre la Religion Chrétienne. xxvi. Mort du Comte Julien. xxvii. PropoJitions de Sapor rejettèes. xxviii. Julien Conful. xxix. Mauvais préfages. xxx. 11 perjijle dans le defein Xattaquer les Perfes. xxxi. 11 projette de rétablir le temple de Jérufalem. xxxii. Injolence des Juifs. xxxiii. Julien leur ordonne de rebdtir leur temple. xxxiv. Empreffement des Juifs. xxxv. Prodigesqui arrêtentVentreprife. xxxvi. Croix lumineufes. xxxvii. Preuves de ce miracle. xxxviii. Railleries du peuple d'Antioche. xxxix. Julien compofe le Mifopogon, xl. Climence & dureté de Julien.  JULIEN. LA vanité de Julien étoit le reflbrt de fes vertus. C'eft par-la qu'on peut expliquer les contrariétés de fa conduite : tantót une clémence qui femble héroïque, tantöt une rigueur implacable. II préféroit 1'honneur de pardonner h la fombre fatisfaftion de la vengeance ; mais fa générofité n'étoit pas entiere : il vouloit en être I ij HISTOIRE D U BASEMPIRE. LI V RE TREIZIEME. i?5 Julien, Ann. 362. I. Conduite de Julien a 1'égard de fes ennemis. Amm. I. 12. c. 9 , 11. & ibi Vahf.  Julien. Ann. 362. Suid. in .570 f. 1 ] i \ I06 HlSTOIRE payé par la gloire; & s'il pardonnoit avec éclat, il fe vengeoit auffi fans miféricorde , lorfque la circoniïance ne lui fembloit pas affez heureufe pour faire admirer fa grandeur d'ame. Le premier jour de fon arrivée k Antioche, un Officier, nommé Thalaffe , qui avoit contribué au défaftre de Gallus, s'étant préfenté avec les principaux de la ville pour faluer l'Empereur, Julien lui fit refufer 1'entrée. Quelques citoyens qui étoient en procés avec cet Officier, vinrent dès Ie lendemain en grand nombre porter leurs plaintes a l'Empereur.: Thalaffe, s'écrierent-ils , l'ennemi de votre Majejlé ejl auffi le nótre; il nous a ravi nos biens. Julien reconnut aifément qu'ils vouloient profiter de la difgrace de leur adverfaire : // eft vrai, répondit-il, qu'il nia fenjibleTient offenfé : attende^ donc, pour de•nander jujlice, que je fois fatisfait moinéme j je mérite quelque prêférence. II )rdonna en même-temps au Préfet le ne les point écouter, qu'il n'eüt •endu fes bonnes graces k Thalaffe: :e qu'il ne tarda pas k faire. Mais ous ceux dont il avoit a fe plaindre  nu Bas-Empixe. Liv. XIII. 197 n'éprouverent pas la même indulgence. Le Secretaire Gaudence, qui, par 1'ordre du défunt Empereur, avoit empêché les troupes de Julien de paffer en Afrique, & Julien, autrefois Vicaire des Préfets , k qui 1'on ne pouvoit reprocher que fon zele pour le fervice de fon Prince, furent conduits k Antioche, & condamnés è mort. Le fils du Général Marcel, foup conné d'afpirer k 1'Empire, fut exécuté publiquement. Marcel, fon pere, trembloit dans fa retraite; il fefouvenoit des mauvais fervices qu'il a. voit rendus a Julien Céfar, &. la mon de fon fils fembloit lui annoncer 1; fienne. II fut heureux d'avoir offenf< Julien d'une maniere éclatante : 1'Em pereur fe fit un mérite de 1'épargner paree que tout 1'Empire favoit qu Marcel ne méritoit point de pardon il affeöa même de le traiter avec hon neur. Romain & Vincent, Capitai nes des gardes, convaincus d'avoi formé des projets trop ambitieux, n furent condamnés qu'au banniffemen Les délices de la Syrië n'avoier rien de contagieux pour un efpr tel que celui de Julien , naturelle Iiij Julien. Ann. 362. r e t. x n. ■f Ses occupations a - Antioche*  JUHEN. Ann. 362. Amm. I, 22. c. 10. Chryfofi. Ac Sto. Babyla contra Jul.&Gent. Soc. I. 6. e. 3. 3 i « 1 < j 1 a l a P a v n v a u JfS Hl S T O l K E ment rérieux & auftere. Au milien d une vdle voluptueufe, il conferva avec 1'extérieur philofophique le même goüt de frugalité, de travail, la même févérité dans fes mceurs. Ses occupations étoient fa légiflation, 1'exercice de la juftice, & fur-tout le rétabliffement du paganifme. La converfation des Philofophes & des Rhéteurs, la compofition de plufieurs Duvrages, les facrifices & les cérénonies de Religion faifoient fes déafTements. Cependant St. Jean Chrybftöme, qui étant pour lors agé de [uinze è feize ans, étudioit la rhéonque fous Libanius, nous donne Ie fa Cour 1'idée la plus affreufe : -es magiciens, dit-il, liS enchantews, >,s devïns, les augures , les fanatiques e CybeUe , & tous les charlatans de impiétè s'étoiem rendus auprïs de lui t toutes les contréts de la terre : fon alais étoit rempli de fugitifs fiétris par es jugements. Des miférables, qui aoient été condamnés pour empoifontments & pour maléfices, qui avoient eilh dans les prifons, qui travailloient ix mines , qui pouvoient d peinefounir leur mifere par le commerce le plus  du Bas-Empire. Liv. XIII. 199 infame, revétus tout-d-coup de facerdoces & de facrificatures , tenoient aupres de lui le rang le plus honorable. Environné de jeunes hommes perdus de débauche, de vieillard encore plus diffolus & de femmes proftituées, qui faifoient tout retentir de leurs ris immodérés & de leurs paroles impudentes, il traverfoit les mes & les places de la ville : fon cheval & fes gardes ne lef uivoient que de lom. Ce grand homme dépofe a la face du peuple d'Antioche, de ce qu'il a vu lui-même ; iï en appelle a tous ceux qui vivoienl alors: il les défie de le démentir. Sor témoignage ne peut être foupconné: mais il repréfente fans doute en ce endroit Julien tel qu'il 1'avoit vu fré quemment aller aux temples avec tou ie cortege de 1'idolatrie. II ne parli pas ici de la vie privée du Prince dont ni fon age, ni fa Religion ni lui permettoient pas d'être témoin Ceux qu'il dépeint fous de fi affreu fes couleurs, étoient les Prêtres, 8 non pas les courtifans de Julien; c'é toient ceux qui fe raflembloient au prés de lui pour les cérémonies, 8 non pas ceux qui vivoient avec lu I iv Julien. Ann. 362 J i  nu Bas-Empirb. Liv. XIII. 201 avoit un difcours a prononcer le lenden» ain : fujet de veille k peine pardonnable k 1'Auteur même, & mfaniment frivole dans un Empereur. Julien 1'honora du titre de Quelteur : il 1'appelle dans fes lettres, fon trescher & très-aimable frere. Libanius paya fes faveurs par des éloges exceffifs; mais qui refpirent plutot le fanatifme que la flatterie. On célébroit dans le mois d Aoul une fête en 1'honneur de Jupiter fur le mont Cafius, fitué au midi d'Antioche, au-dela de 1'Oronte. La hauteur de cette montagne, qui étoii de quatre mille pas, avoit donm lieu a une fable qu'on débitoit aufl du mont Caucafe : on difoit qu'or y voyoit lever le foleil trois heu res avant que cet afire parut k 1'ho rifon de la plaine. L'Empereur Ha drien avoit paffé une nuit fur le Ca fius , pour vérifier de fes propre yeux cette merveille, qu'un funeu orage avoit, dit-on, dérobé k fa c\ riofité. Sur le fommet couvert d bois, & qui avoit dix-neuf mille p; de circuit, étoit un temple fupert confacré a Jupiter. Pendant que Ji I v Julien. Ann. 362. IV. II va au mont Ca« fius. Amm. L 22. c. 14. & ibi Vahf. Plin. I. 5. c. i9.&ibi 1 Hard. ■ Ccllar. . ge°g- l- 3' c. 12. art. 29. S l- e s e L-  JUUEN. Ann. 362. ; i i t l c r, Cl ci m d' f V. II cenfure t. la négli- 13 2C^ PI 1 S T 0 I 11 E Hen y offroit un facrifïce, un inconnu, fondant en larmes, vint fe {etter k fes pieds, le fuppliant humblement de lui accorder fa grace. 7 ^mpweur ayant demandé qui il etoit, on lui répondit que c'étoit Ineodote, ancien Magiftrat d'Hiéraple; qu'au paffage de Conftance, ce mechant homme lui faifant fa cour avec les pnncipaux de la ville, s'étoit fignalé par la plus criminelle adutation; flattant le Prince d'une vicïoire indubitable, & lui demandant ïn1 grace avec des pleurs & des génmements contrefaits , de leur enroyer au plutót la tête de Julien :et ingrat, ce rébelle, comme il avoit ait porter la tête de Magnence dans outes les Provinces de 1'Empire. Juen ayant froidement écouté ce réit : Je le fuvois déja, dit-il, fur le yport de plufieurs tèmoins; retournes ie? toi avec affurance; tu n'as rien d aindre d'un Prince, qui, fuivant la axime d'un fage, ne veut connottre autre maniere de dêtruire fes ennemis en les rendant fes amis, Comme il defcendoit de la monjne, il recut une lettre d'Ecdice,  du Bas-Empire. Liv. XIII. 203 Gouverneur d'Egypte, qui lui mandoit qu'après de longues recherches, on avoit enfin trouvé un bceuf portant tous les caradïeres duDieu Apis. C'étoit pour Julien un préfage infaillible des plus heureux événements. Les malheurs de cette année &c de la fuivante ne firent pas honneur au pronofïic. Une autre fete très-folemnelle appelloit Julien au Temple d'Apollon a Daphné : il s'y rendit en diligence du mont Cafius , s'attendant d'y voir la pompe la plus briljante. II fut fort étonné de ne trouver dans le temple pas une vicfime , pas un grain d'encens; mais feulement, au-lieu des anciennes hécatombes, une oie que le Prêtre avoit apportée de chez lui , afin que le Dieu ne paffat pas la journée fans offrande. A cette vue, le zele de Julien s'enflamma; & debout devant 1'autel, aux pieds de la ftatue, adreffant la parole au petit nombre de ceux qui fe trouverent préfents, il leur fit une vive réprimande, qui retomboit fur tous les habitants d'Antioche; il leur reprocha leur impiété, leur épargne fordide & fcandaI v] Julien. Ann. 361. gence des habitants d'Antiochefurlesfacrifices. Amm. ïhïd, hl. Mifop.  Julien. Ann. 362, VI. Mort d'Artême. Juf. ep. i o. Amm. I. 22. c. ii. Thcod. I. }■ c. 17. So{. I. 4. c- 29. Chr. Alex. p. 297. Zon. t. 11. p. 26. Vita Ath. in cdit. Benedie.TUI. per- « ] ( a I *°4 HlS T 0 I R E leufe k 1'égard du culte des Dieux; tandis que leurs femmes épuifoient leurs ncheffes pour faire fubfifter des Gahléens : il les menaca de 1'indignation céleiïe, & il ne manqua pas dans Ja fuite d'attribuer a cette indifférence criminelle la difette dont rf- Tille fut Peu de temPs après affngée. Dansle temps qu'il affectoit d'oubher fes propres injures, il n'épargnoit pas les ennemis de fes Dieux. Artême , Commandant des troupes en Egypte , fut Ja première viftime du zele de Julien pour 1'idolatrie. Ammien Marcellin fe contente de dire qu'il fut accufé de crimes atroces par les Alexandrins, & condamné a mort. Son hiftoire elf développée plus au long par les Auteurs ecclélaftiques. L'EvêqueGeorge, dévoué mx Ariens, auxquels il devoit fa for:une, s'étoit rendu également odieux Mout le refte des Alexandrins, aux ^atholiques qu'il perfécutoit, aux >ayens dont il vouloit détruire le ulte, aux Magiftrats qu'il méprifoit, u peuple qu'il accabloit en tyran. ■es Payens fur-tout nourriffoient fé-  du Bas-Empire. Liv. XIII. 205 cretement contre lui une haine mortelle. II empêchoit leurs facrifïces & la célébration de leurs fêtes : fecondé d'Artême &C de fes troupes, il renverfoit leurs autels, il enlevoit k main armée leurs ftatues & tous les ornements de leurs temples. Au retour d'un voyage qu'il avoit fait a la Cour de Conftance, paffant avec un nombreux cortege devant le temple du Génie, & jettant un regard de courroux fur ce magnifique édifice : Jufqu'a quand, dit-il, laitferons nous fubfijkr a fépulcre ? Les Idolatres, frappés de cette parole, réfolu rent de le perdre pour fauver leu; Dieu. Dès que Julien fut fur le tröne ils commencerent par attaquer Arte me, dont la puiffance fervoit de rem part k 1'Evêque. Ils le déférerent FEmpéreur comme le foutien& 1'exé cuteur de toutes les violences d George. Julien lui ordonna de fe ren dre a Antioche. Artême partit e menaeant les habitants de leur fair payer bien cher a fon retour le fraix d'un fi facheux voyage. II n revint pas. Julien lui fit trancher 1 tête, & 1'Eglife Grecque 1'honor Julien. Ann. 362. \ 1 e . s 2 1 e  Julien. Ann. 362, VII. Ceorge niaffacré. I Jul.ep. 10. C Amm. I, J 22. c. 11, , Gr eg. or, Ambrof, a ep. 29. Soc. 1. 4. n <•'*■. 3- d S°i->-U n «• 7. Philofl.l, VL 7. e. 2. fjl P] fe ni 2GÖ H i s -t 0 r r z comme un célebre martyr. Les crinques fe partagent è fon fujet : tous conviennent qu'il avoit été, comme fon predeceffeur Sébaftien, zélateur de lAnamfme, partifan de George, ennemi déclaré d'Athanafe qu'il avoit pourfuivi jufque dans les délerts; maïs quelques-uns prétendent que, touche de la grace divine , il reconnut fon erreur, & mérita la couronne du martyre : les autres n'ap^ercoivent aucune preuve de fa oéutence , & défapprouvent le culte pie Jui rendent les Grecs. La nouvelle de la mort d'Artême >arvenue a Alexandrie, fut le fignal u maffacre de George. Le peuple dolatre poufTant des hurlements afreux, court 1'arracher de fa maifon. £ malheureux eft en un moment Homme, foule aux pieds , trainé, lis en pieces. Draconce, Intendant e Ia monnoie, & Diodore qui te»« le rang de Comte, expirent au ,ilieu de mille outrages. L'un avoit ïtruit un autel de Sérapis; 1'autre ehdoit a la conftruöion d'une Egli, il attiroit les enfants au Chriftia'me, & leilr coupoit les cheveux  du Bjs-Empire. Llv. XIII. 207 qu'on laiflbit croitre par une fuperftition payenne. Cette populace forcenée charge un chameau de ces cadavres déchirés; on les promene par toute la ville; on les conduit enfuite au rivage, oü après les avoir brülés,on jette leurs cendres dans la mer, de peur, difoit-on , qu'elles ne fuffent recueillies & honorées comme des reliques de martyrs. Les feuls Ariens auroient été capables de leur rendre ce culte religieux. Ils accuferent les Catholiques d'avoir trempé leurs mains dans le fang de George ; & Socrate avoue que, dans une émeute populaire, les mécontents fe lailTent aifément entrainer par les féditieux. Gependant Ammien Marcellin paroit les difculper, en difant que les Chrétiens étoient afTez forts pour défendre George; mais qu'ils s'abftinrent de le faire , paree qu'il étoit univerfellement odieux, & le témoignage de Julien acheve de les juftifier : il nimputa ce mafTacre qu'aux Payens. II en parut d'abord extrêmement irrité; il ne parloit que de chatiments. Mais les violences qui attaquoient les Chrétiens , ne JütI£N. knn. 362  . Ann. 361. j I i r f l ë n a il ir m d< re de 203 H/STOIS.E bleffoientquefapolitique, fans toucher ^fon cceur. Sa colere fe lailTa bientöt fléchir par fon oncle le Comte Julien, qui intercéda pour Alexandrie , dont il avoit été Gouverneur. L'Empereur fe contenta d'écrire aux Alexandrins une lettre, dans laquelle d leur reproche leur inhumanité : il avoue que George méritoit ces traitements, & peut-être de plus rigoureux encore : Mais, ajoute-t-il, vous ie devies Pas étre fes bourreaux : vous tve{ des loix ; elles devoient étre facrées wurvous, quoiquil les fouldt aux pieds. Rendei graces au grand Sérapis : par efpecl pour ce Dieu qui vous protégé, 'y par confidèration pour un oncle qui ous a gouvernés, je veux bien vous ardonner de fi coupables exces. George nffoit de grandes richelTes, fruits e fes concuflions & de fes rapies. Julien les abandonna fans regret ceux qui les avoient pillées; mais revendiqua la bibliotheque, qui, algrél'ignorance du poffelTeur, étoit >mbreufe & choifie. L'Empereur mna des ordres très-preffants d'en cueillir exacïement tous les livres, les lui envoyer en diligence, &  nu Bas-Empire. Liv. XIII. 209 de n'en lailTer écarter aucun ,pas méme , dit-il, les livres impies des Galiléens. L'impunité des Alexandrins fit connoitre a tout 1'Empire que Julien pardonnoit volontiers les outrages faits aux Chrétiens, & que leur fang n'étoit a fes yeux qu'un fang vil & méprifable. On acheva de s'en convaincre par la colere qu'il fit éclater contre le Gouverneur de Cappadoce. La populace payenne qui habitoit Céfarée, fe fouleva contre les Chrétiens de la ville. II y eut un grand carnage. Pour prévenir les fuites de ce défordre , on arrêta les plus coupables. Le Gouverneur voulant faire fa cour au Prince , fit tomber fur les Chrétiens la plus grande partie des chatiments ; mais il ne put fe difpenfer de punir auffi quelques idolatres. Julien en fut indigné : il manda le Gouverneur : il vouloit d'abord le faire trainer au fupplice. Comme on lui prouvoit que les Payens étoient les auteurs du maffacre: Le grand malheur, s'écria-t-il. que des Hellenes ayent fait périr dix Galiléens! II crut donner une grande marqué de clémence en ne le con- Julien. Vnn. 362. VIII. Julien cherche a foulever les peuples contre les Chrétiens.Jul. ep. 51 Greg. or. 3 5ot. /. $ c. 14.  JuriEN. Ann. 362 1 < 1 C t . /, v r, v 4> & 210 // 1 s t 0 1 a. E damnant qu'AJ'exil. II ne tint pas h ui quelÉvêgue de Boftres ne fut traite comme celui d'Alexandrie. L'Eghfe de cette capitale de 1'Arabie etoit alors gouvernée par Titus , Pré- doutable a Julien par fa doörine. L Empereur ordonna aux habitants de e chaffer; il fi, e„ même-temps declareraTitus,ques'ilarrivoitqueI. que emeute è fon occafion, il s'en prendroitèlui&afon Clergé. Sur cette menace, 1'Evêque repréfenta a 1 Empereur que les Chrétiens étoient .„ Vf T ,CUr Srand nombre ^n etat de faire tête aux Hellenes ■ »ais que loin de les animer, il nê ravadloit qu'a les contenir. Auffiot Juhen envoya aux habitants un :mt' _ou' Par une interprétation ma'gnec^tout-a-fairindigned'unPrin.e, ü envenimoit les paroles de Ti-is. Apres les avoir rapportées : Vol ctit-il, U Ungage de votre Evcque ■ ous voje{ comme ilvous dérobe le méte de votre obéiffance : d Centendre, ms netes que des féditieux : c'eft lui «,parjes difiours, vous contientmalevous : chafet-Ie donc de votre vUle  du Bas-Empire. Liv. XIII. au comme un dèlateur perfide. Sozomene donne lieu de croire que cet ordre fut exécuté. C'étoit profcrire le Chriftianifme , que de montrer tant de mépris & tant de haine contre les Chrétiens. L'idolatrie, enchaïnée depuis la converfion de Conftantin, ayant enfin brifé fes fers, fignala fa vengeance par les plus affreufes violences. Profaner les Eglifes, les confacrer aux divinités payennes en y pla?ant les idoles les plus infames, détruire les fépultures des martyrs, difperfer leurs os, jetter au vent leurs cendres, ce n'étoit que les exploits ordinaires d'une fuperftition vi&orieufe. Mai: la plupart des villes de Syrië &C de Phrygie fe porterent a des excès de cruauté qui font horreur a raconter On mit en ufage les anciens fuppli ces; on en imagina de nouveau: & d'inouis. Les habitants d'Héliopo lis , pour venger leur Vénus don Conftantin avoit taché d'abolir 1 culte impudique, firent ouvrir 1 ventre k des vierges facrées, le rem plirent d'orge , & les expoferer dans cet état horrible a 1'avidité de Julien. Ann. 362. IX. Fureur des Payens. Jul. Mi/op. Soc. i. 3. c. 15. Theod. t. 3. c. 6. Sui- /■ 5'■3.8.9.10. t t S  Jut IE N. Ann. 362, i ] ( 1 ( X. Supplices de Mare, c Evêque p d'Aréthu- 0 fe- A Theod. I. d 3- c. 6. P U 5- Z( '* 9- j «o/. 16. 2I2 HlSTOtKt animaux les plus immondes, qui dévoroient en même-temps 1'orge & les entradles. On vit des hommes man- ëeu i°ie d'un Diacre, nommé Cynlle. Gaza, Afcalon , Emefe, Aréthufe imjterent ces monflrueufes barbares, qui femblent fouiller I'hiftoire. Ce font ces villes que Julien comble de louanges dans fes ouvrages : il les appelle des villes' faintes, des villes généreufes, qui lui font étroitement unies par leur piétê. Elles om , dit-il, fecondé mes intentïons avec tam iardeur, qd'elles ont porti le chdtiment desimpies Galiléens plus loin que je ne iejuois. II récompenfa les fureursdes labitants de Gaza , en rappellant fous a dependance de leur ville le bourc Ie Mauime, qu'il dépouiila de tous es ntres & de tous les droits dont conftantin 1'avoit honoré, Lefanatifme étouffoit dans le cosur e Juhen jufqu'aux fentiments de la lusjufte recónnoiffance. Mare, Evêue d'Aréthufe, lui avoit fauvé la vie ans fon enfance. On ne fait fi ce relat, fameux auparavant par fon de pour 1'Arianifme, étoit revenu i fes erreurs , comme Théodoret  ■ uu Bas-Empihe. Liv. XIII. 213 le fait entendre, ou s'il y reftoit encore engagé. Tout ce qui portoit le nom Chrétien , étoit également en butte aux traits de 1'idolatrie; & dans cette profcription générale, plufieurs hérétiques fouffrirent conftamment la mort. Mare, accablé d'années, mais plein de force & de courage , fut la viétime d'une populace effrénée. II endura pendant plufieurs jours tous les tourments que peut inventer la cruauté, toujours plus ingénieufe dans les ames les plus ftupides & les plus groffieres. Sa vieilleffe triompha cependant des fupplices les plus douloureux, & il furvécut a l'Empereur. La nouvelle de ce traitement inhumain étant parvenue k la Cour, Julien n'en témoigna aucun reffentiment. Mais le Préfet Sallufte, dont 1'ame généreufe en fut révoltée, prit la liberté de dire a l'Empereur : Prince , quelle home pour nous cTétre Ji inférieurs aux Chrétiens , quun de leurs vieillards ait furmontê un peuple entier & tout ce que nous avons de tortures! Ce n étoit pas un honneur de le vainbre ; mais cefl le comble de tignominie d'en avoir été vaincus. Julien. Ann. 362.  ■ II JUHEN. An». 362 XI. Zele ar dent des Chrétiens. Soc. I. 3. c IJ. Theod. 1. 3. c. 6. Sor. I. 5. c. 10. Baron, in an, 362. 214 HI S T © ƒ R g Tandis que ces fanglantes trasédies rempliffoient 1'Orient d'horreur, 1'Occident ne fut pas épargné. Rome vit immoler par le glaive, ou precipiter dans le Tibre plufieurs de fes atoyens. On y pourfuivoit les Chrétiens , comme coupables de magie. Et ilfaut avouer que, fans chercher de prétexte pour les faire périr, on en trouvoit aiTez dans leur hardieffe.^Les infultes des Payens, leurs blafphêmes. la vhp Ap I»,,» nk—: nations embrafoit Ie zele des fideles» & Jes portoit fouvent au-dela des bornes. Nourris & élevés fous la domination du Chriftianifme, ils regardoient le regne de 1'idolatrie comme une ufurpation ; ils renverfoient les autels, brifoient les ftatues , troubloient les facrifices; & n ayant d'autres armes que leur zele, ds provoquoient contre eux-mêmes toutes les forces du paganifme. La multitude ignoroit alors ce qu'elle a de tout temps ignoré, que la Religion Chrétienne ne s eleve jamais par voie de fait contre 1'ordre public, & que fous un gouvernement qui lui fait la guerre, elle ne doit que fouf.  du Bas-Empire. Liv. XIII. 2.1$ frir. La conftance des martyrs qui répandirent leur fang fous Julien , répare fans doute ce qu'on pourroit trouver de répréhenlible dans 1'excès de leur zele. Julien n'en eft pas plus excufable : il connoiflbit affez les hommes pour prévoir les effets que ne pouvoient manquer de produire, d'un cöté , 1'infolence des Payens triomphants, de 1'autre, 1'impatience des Chrétiens accablés. Son acharnement contre le Chriftianifme ne lui faifoit pas perdre de vue la guerre qu'il avoit projettée. Loin qu'un de ces objets put le diftraire de 1'autre, il favoit les faire concourir. On enröloit les Clercs & les Moines. Ceux-ci lui étoient furtout odieux; & quoique leur extérieur n'eut rien de plus lingulier que celui de l'Empereur même & des Philofophes qui rempliffoient fa Cour, ils étoient 1'objet perpétuel de fes mépris & de fes railleries. Ils n'ofoient fortir de leurs déferts; on alloit les enlever jufque dans leurs retraites pour les forcer au fervice. Cependant l'Empereur cherchoit dans fa fuperftition des préfages de vic- JüLIEN. Ann. 36», XIT. Superftition de Julien. Amm. I. 22. C. 12. Greg.or. 3. Elias Cretenfis 6» Nonnus in orat. 4. Greg. ChryfoflÜe Sto. Babyla & contra in hl. & Gent. Thcod. I. 3. c. 22. Baron, in an. 362. TUI. perf. art. 7. Fleurv , hift.Ecchf. /.15.C33.  JUHEN. Ann. 362. 1 ] ] 1 2l6 HlSTOIRB toire; il inondoit les autels du fang des viftimes; il égorgeoit quelquefois cent taureaux enfemble, un nombre infini d'animaux de toute efpece, & des oifeaux rares qu'il faifoit raffembler de toutes les contrées; en forte que les dépenfes des facrifices étoient énormes. La folie dévotion du Prince altéroit même la difcipline militaire. Les foldats qu'il nourriffoit de la chair des animaux immolés , s'en remplhToient avec excès dans les temples; & buvant fans mefure, il falloit les porter comme morts a leur quartier , au grand fcandale de la Religion payenne. Ce défordre étoit fur-tout très-commun parmi les foldats Gaulois, qui fe donnoient plus de licence, paree que Julien leur devoit 1'Empire. On voyoit de toutes 3arts une multitude d'aftrologues , i'arufpices, d'augures, d'interpretes le fonges, d'impofteurs de mille orIres différents. Julien, qui n'en troum'it pas encore affez a fon gré, fit léboucher la fource prophétique de a fontaine de Caftalie. On difoit que e fouffle qui s'élevoit de fon fein aninoit les Prêtres, & que le murmure de  nu Bas-Empire. Liv. XIII. 217 de fes eaux les inftruifóit des événements futurs. C'étoit par cet oracle qu'Hadrien avoit autrefois appris qu'il parviendroit a 1'Empire; mais il avoit fait combler cette fource d'une maffe énorme de pierres , dans la crainte qu'elle ne fut par la fuite affez indif crete pour lui nommer un fucceffeur. Plufieurs Peres de 1'Eglife accufent Julien d'avoir encore employé, pour pénétrer les fecrets de 1'avenir, d'autres pratiques, qui, dans les moeurs de ce Prince , feroient incroyables. fi cette curiofité infenfée n'avoit été trop fouvent cruelle & meurtriere, Ils rapportent qu'il fit jetter pendant la nuit quantité de cadavres dans l'Oronte; & qu'après fa mort, on trouva dans le palais d'Antioche des réfervoirs , des foffes, des puits comblés de vicfimes humaines qu'il avoil immolées dans les affreux myfteres de la necromantie. Tous les oracles de 1'Empire, aban donnés depuis long-temps, n'étoienl occupés qu'a répondre aux députés de l'Empereur. II envoya a Delphes. k Délos , a Dodone. Tous lui promettoient la vi&oire; mais en fi mau Tome UL K, Julien. Ann. 362, xin. Tranflation des reliques de St. Babylas. Libdn. N.Qnod,  Julien. Ann. 361. Chryfofl.de Sto. Babyla & contra Jul. & Gent, Rufin. I. 10. c. 35. Aug. de Civ. I. i.8, c 52. Soc. I. 3. «. iS, 19. Thcod. I, .3- «• 9,io. 5o{. I. 5, e. iS , 19. jLmg-. /, 1, ff. 16. • J 1 J 1 ] 1 I I C 4 2l8 ff 1 S T 0 1 R E vais vers, qu'on difoit plaifamment que le Dieu de la poéfie avoit ou^ blié fon métier faute d'exercice. li confulta par lui-même Apollon de Daphné. Après un grand nombre de facrifices & de magnifiques offrandes', le Dieu répondit enfin, qu'il ne pouyoit parler, tant qu'il feroit infeöé des cadavres dont il étoit environné. Julien comprit que le voifin le plus incommode dont Apollon voulut fe plaindre, étoit St. Babylas, dont lés reliques, tranfportées en ce lieu, fermoient depuis onze ans la bouche a 1'oracle. II donna orite de reporter ce corps dans Ia ville 1'Antioche, d'oii Gallus 1'avoit tranf'éré. Ce fut pour les Chrétiens une ïouvelle occafion de difgraces. Ils .'iennent en foule au-devant des reiques du St. Martyr; ils les placent ur un char : & dans cette efpece de riomphe, ou ils ramenoient Babyas vainqueur des démons de Daphné, lommes, femmes, enfants , animés ar la vue de leur multitude, & com1e enivrés de la joie d'une vieïoire, anfent autour du char, & chantent es pfeaumes, ajoutant k chaque ver-  du Bas-Empire. Liv. XIII.'219 fet cette reprite : Qu'ils foknt confondus, tous ceux qui adorent les ouvrages de fculpture , & qui fe glorificnt dans leurs idoles. Cette hardieffe piqua vivement l'Empereur. Dès le lendemajn, il ordonna a Sallufte -de faire le procés aux chefs de la cérémonie. En vain le Préfet tacha de 1'appaifer, en lui repréfentant qu'il alloit combler les vceux de ceux qu'il prétendoit punir. II fallut obéir. Plufieurs Chrétiens furent mis en prifon. Sallufte commenga cette rigoureufe procédure par un jeune homme, nommé Théodore. On 1'étend fur un chevalet : on lui déchire les flancs : on épuife fur fon corps toute la rage des bourreaux. C'eft trop peu de dire qu'il fembloit être infenfible : plus gai & plus libre que les Payens qui affiftoient a ce fpeftacle, au milieu des plus douloureufes tortures, il ne ceffoit de chanter ce même verfet, qui lui attiroit fon fupplice. Après avoir été tourmenté depuis le point du jour jufqu'a la onzieme heure, fans avoir rien perdu de fes forces ni de fon courage, il fut fur le foir K ij Julien. Ann. 361. XIV. Colere Se Julien.  nu Bas-Empire. Liv. XIII. 221 certains verfets des pfeaumes, comme autant de traits qui lui pergoient le cceur. Elles avoient choifi celuici : Les Dieux des nations ne font que ie Vor & de f urgent; c'eft touvrage de la main des hommes : que ceux qui les font, & qui mettent en eux leur confiance , leur devienne femblable. Julien leur fit commander de fe taire. Publie n'en devint que plus hardie : dès la première fois qu'elle fut que le Prince approchoit , elle fit chanter cet autre verfet: Que Dieu fe leve, & que fes ennemis foieni diffipés. L'Empereur , outré de colere, manda la Supérieure, lui fit donner des foufflets par un de fes gardes, & la renvoya. Elle continua; & Julien s'apper^ut un peu trop tard, que ne pouvant faire taire ces femmes, il n'avoit d'autre parti a prendre que de ne pas paroïtre les entendre. Théodoret donne a Publie de grands éloges : fa fermeté dans la foi eft fans doute admirable ; & le fentiment de Théodoret mérite d'être refpefté. Mais il voyoit apparemment mieux que nous comment cette conduite a ï'égard du Prince peut s'accorder avec K iij Julien. Vnn. 361»  nv Bas-Empib-e. Liv. XIII. 223 tion a la terre. Quelques viiionnaires prétendoient avoir quelquefois entendu fur 1'heure de midi les fons de fa lyre. Les ftatues des Mufes, celles du fondateur Seleucus Nicator & de plufieurs autres Rois de Syrië, les pierres précieufes dont le fanftuaire étoit enrichi, furent auffi la proie des flammes. A la première allarme, Julien , qui venoit de fe mettre au lit, accourut tout éperdu. Son oncle, qui portoit le même nom que Ilui, & tous les Payens d'Antioche, fe rendirent en diligence k Daphnc pour porter du fecours. Ils ne purent qu'être les témoins de ce défafJj tre : la violence des flammes 8c les I poutres embrafées qui tomboient avec 1 fracas, ne leur permettoient pas d'apI procher. On remarqua que 1'embraj fement avoit commencé par le toit \ Quelques-uns 1'attribuoient a Firnj prudence d'un Philofophe, nommc I Afclépiade, qui étoit venu ces jours£ la de bien loin rendre vifite k Julien I II avoit, difoit-on , pofé aux pied: » de la ftatue une petite figure d'ar= j gent de Vénus Uranie, qu'il porto» par-tout avec lui; & après avoir, fej K iv JUHEN. Ann. 362'.  du Bas-Empirb. Liv. XIII. 225 VLY.v Trifr\r\pr Ap 1'pnarcmf> . F.lni- de, Intendant du domaine, tous trois déferteurs du Chriftianifme, furent chargés de cette commiffion. Ils ajouterent a 1'exécution de leurs ordres toute 1'impiété & toute 1'infolence dont des apoftats font capables. Après avoir fouillé , par les profanations les plus abominables, le fanftuaire & les vafes qu'ils enlevoient, comme 1'Evêque Euzoius les menacoit de la vengeance divine, le Comte Julien lui donna un foufflet, en lui difant: Ne vois-tu pas que ton Dieu ne fonge plu: d défendre fes adorateurs ? Félix, con fidérant lamagnificence des vafes con facrés aux faints myfteres, (c'étoien pour la plupart de riches préfents d< Conftantin & de Conftance) Voye{ dit-il, en quelle vaiffelle fe fait fer vir le fils de Marie ? Ces blafphême ne furent pas impunis. Le chatimen d'Elpide fut différé de quelques an nées; mais Félix mourut le foir mê me en vomiflant le fang a gros boui! lons. Le Comte Julien, a qui Die réfervoit un plus long fupplice, ft frappé ce jour - la même dans le parties fecretes d'une plaie horribl K v Julien. Ann. 362. Idem in Mat. Hom. 4. & de laudibus Pauli Hom. 4. Theod.I.1. c. 11,12. %. /. 5c. 7. P'hiloJ}. I. 7. C. 10. Thcoph. p. > i t 1 t S e  du BaS'Empire. Liv. XIII. 227 lui des Herculiens. Leur crime étoit de n'avoir pas voulu , felon les ordres de l'Empereur, changer leur enfeigne, qui portoit le monogramme de Chrift. Ce fut en cette occafion que le Comte Hormifdas donna des preuves de fon attachement au Chriftianifme : il les alla vifiter dans la prifon; il les encouragea, & fe recommanda a leurs prieres. L'Empereur fe crut obligé d'arrêter la fureur de fon oncle : Vous me faïtes, lui dit-il, plus de ton qu'aux Chrétiens mêmes : vous leur procure^ le titre de martyrs, 6* vous m'attire^ celui de ty~ ran. N'ai-je pas défendu de les mettre a mort pour raifon de Religion ? ObéifJei, & veille^ vous-méme d me faire obéir par les autres Magiflrats. Le Comte reftoit confus & déconcerté : l'Empereur le ralTura en 1'invitant k venir avec lui célébrer un facrifïce, pour fe laver de ce fang impur dom il s'étoit fouillè. Cette modération n'étoit que 1'effet d'une haine plus froide & plu: réfléchie. II inventoit lui-même mille moyens d'allarmer la confcience de; Chrétiens, & de révolter leur déliK vj Julien. Ann. 362. XIX. Mort de Juventin & de Maximin., Chryfoft, in  du Bas-Empire. Liv. XIII. 229 ils avec liberté , nous avons ké élevés dans la vèritable Religion : toujours fi.de-, les aux loix de Conftantin & de fes enfants , nous ne pouvons nous empêcher de gimir en voyant tidolatrie non-feuletnent triompher dans les temples, mais corrompre jufqiid nos aliments. Nous verf ons des larmes en fecret , & nous ofons nous plaindre devant vous. C'efi le feul déplaifir que nous èprouvions fous votre Empire. Julien, après les avoir fait battre avec violence , les condamna k la mort , non pas comme Chrétiens, mais comme des rebelles. qui avoient outragé la majefté impériale. Pendant que 1'idolatrie infultoit au Chriftianifme, 1'Empire étoit affligé des fléaux les plus funeftes. Le regne de Julien , malgré tant d'heureux préfages, ne fut qu'une fuite de calami tés. Un grand nombre de villes furent ruinées par des tremblements d< terre en Paleftine , en Afrique, er Grece, en Sicile. Le fecond jour d< Décembre fur le foir , Nicomédie dija renverfée quatre ans auparavant acheva d'être détruite par une nou veile fecouffe , qui fit aufii tombei Julien. Ann. 361» XX. ' Ma'heurs arrivés cette a"nnée. Jul. mifop. Lib. vit. & or. 12. ï Amm. I. ! 22. C. 14. Greg or. 4. ; Chryfofi. , deSto. Ba.. byla & con' tra Ju/ia' num&Gen. • tilt'.  du Bas-Empire. Liv. XIII. 231 bondance. Mais 1'avarice, qui compte la famine fes plus utiles revenus, avoit pris des mefures pour procurer une entiere difette. Les polTeffeurs des fonds avoient fermé leurs greniers; les marchands vendoient a un prix arbitraire; ck parmi les Magiftrats, les plus integres étoient ceux qui toléroient ces abus fans en profiter eux-mêmes. Les marchés étoient vuides, & la populace affamée ne trouvoit de fubfiftance que dans le pillage. Dès les premiers jours de 1'arrivée de Julien, le peuple s'étoit écrié en plein théatre : Tout abonde, & tout eji hors de prix. Le lendemain Julien manda les plus notables bourgeois; il les exhorta a facrifier un gain injufte & fordide au foulagement de leurs citoyens. Ils promirent tout è l'Empereur, & ne'firent rien de ce qu'ils avoient promis. Julien attendit avec patience pendant trois mois. Voyant enfin que fe: paroles n'avoient produit aucun ef fet, il eut imprudemment recours ; un remede qui ne fit qu'aigrir le mal Sans vouloir écouter les remontran ces du Confeil de la ville , qui lui re Julien. Ann. 562. Amm. I. 22. c. 14- Lib. vit. (t or. 4. 12. ChryfoJi.de Sto. Babyla & contra Jul. 6Gent. Soc. I. 3. c. 17. So-i. I. 5. c. 18. XXII. Julien 1'augmenteen voul lant la diminuer.  Julien. Ann. 362. XXIII. Nouvelle perfécution d'Athanafe. Jul. epifl. 6. 26 , ji. Greg, or. 21, Hier. Chron. Soc. I. 3. <• 4,7, MThcod. I. 3 <- 4, S. 1. j. *■ 5,6,14. Vita Athan9 apud Phot. • Vha Ath. in edit. Benedic. Hermant 1 rie et Ath. j /. 10. 1 TM. per/. 1 are. 13. { M. l'Ahhi l de la Bleterie Jettres C de Julien , 1 p. 301 & r Jiiiv. r 234 HiSTO/RB grandes pluies faire en plein air des iaennces. L'ennemi du Chriftianifme ne pouvoit manquer d'être en particulier celm dAthanafe. Ce Prélat, 1'honneur de fon fiecle, caché pendant fix ans dans les plus affreux déferts, étoit venu , après la mort de George, rendre Ia joie & la liberté a fon peuple. En vertu de 1'édit de Julien, qui rappellojt les exilés , il avoit repris poffeffion de fon fiege. Bientöt fa gloire bleffa les Ariens : ils s'unirent contre lui avec les idolatres. L'Evêque Jvoit converti quelques Dames illuf:es. On écrivit è l'Empereur, qu'Afianafe enlevoit tous les jours aux Jieux quelques-uns de leurs adoraeurs , & que fi on Je laiffoit impuni, 1 feduiroit toute la ville. Julien prit :uffi-tot 1'allarme : il commanda au reïat de fortir d'Alexandrie , fous >eine des plus rigoureux cMtiments. 'ar une diftindion frivole , il prétenoit qu'd avoit bien permis aux Gaileens de retourner dans leur patrie, iais non pas a leurs Evêques de fe emettre en poffefiion de leurs Egli:s. II écrivit en même-temps au Pré-  JUIIEV. j Ann. 362» , Comte Julien. ! AHa Mart. 1 Ruinart^p. . 662, 667. \ Chryfoft.de < Sto. Baby- 1 la & con- . tra Jul. & I Gent. | Idem in l Mat. hom. 4- Idem de t laud. Pau- r li, hom. 4. Thetd. I. 1 3- c. 11. I Sol- l- ï- n Philoft. I. 1 !• e. 10 , li tC E ei «T C tii P< re re av i38 H I S T O I R E e chatiment terrible du plus ardent! niniftre de fes impiétés. Le Comte Juien attaqué a la fin d'Oéf obre d'une naladie femblable k celle de Galere, éfifta quelque temps. Enfin , dévoré >ar les vers qui fortoient de fes plaies, k dont tous les fecours des médecins ie purent tarir la fource, déchiré des )Ius horribles douleurs, n'ayant de >réfence d'efprit que pour les fentir, >C de voix que pour fe reprocher fes rimes, il envoya prier l'Empereur le rouvrir les Eglifes d'Antioche: Cefi our avoirfervi vos dejïrs, lui difoit-il, ue je fuis réduit d cet ètat déplorable. 'Empereur lui fit répondre : Qu'il 'avoit d fe plaindre que de lui-même ; 'te c'êtoient apparemment les Dieux qui puniffoient de fon incrédulité. Jprès ut , ajoutoit-il ,je n'ai point ferme les %lifes, ty je ne Les rouvrirai point. En fet, l'Empereur n'avoit fait fermer ie la principale Eglife ; c'étoit le ^mte qui, par haine contre les Chré;ns, avoit donné le même ordre »ur toutes les autres. Ce malheuux , au lit de la mort, eut en vain cours aux prieres de fa femme, qui oitperfévéré dans la Religion Chré-  Julien. Ann. 363. 1 i < i X c F fi a P Cl di te cr er XXXIX. II compofeleMifo- (Il jpogon. 254 H l S T 0 1 k E traits portoient fur la barbe hérifjee : c etoit Pobjet éternel des plaiiantenes dun peuple frivole. Des caufes encore pllis férieufes avoient ajgn lhumeur des habitants, furtout des plus riches & des plus infultes. A fon arrivée dans Antioche, Hs lui avoient demandé des terres qm étoient vacantes. Lorfqu'il les nitaccordées, les riches s'en emparerent fans en faire part aux pau/res. Juhen, averti de cette ufurpaion, les avoit retirées de leurs mains: 1 en avoit affigné Ie revenu a la :ommune pour fournir aux dépen" de Ia ville. D'ailleurs, les habimts, fans avoir égard a Ia droiture e les intentions, ne lui pardonnoient as, les uns d'avoir augmenté la di•tte par des mefures mal prifes, les itres d'avoir voulu les empêcher de "oftter de la mifere publique. Tous ■s motifs envenimoient la plume : ces Auteurs ténébreux, qui achent au péril de leur tête le plaifir immel de divertir leurs citoyens outrageant leur Prince. Pour fe venger de la haine publie,d neut garde de Jamériterpar  dv Bas-Empire. Liv. XIII. 255 des recherches & par des fupphces. II prit une voie plus douce, mais peu convenable a un Souverain. II aimoit la fatyre. II avoit déja cenfuré tous les Céfars fes prédéceffeurs par un écrit, oü Conftantin & fes enfants ne font pas épargnés. En cette occafion, il compofa un ouvrage fous le titre de Mifopogon , Cennemi de la barbe. Quelques Auteurs difent qu'il fut aidé par Libanius, a qui Juhen en auroit dü laiffer 1'honneur. C'eft une ironie perpétuelle , oü feignant de fe faire lui-même fon procés, d peint les défordres & les débauches d'Antioche. Le portrait eft plein d« feu & de force; mais, felon Ammien Marcellin , les traits en fon outrés , & les couleurs rudes & char gées. Le Ledeur eft choqué d'y voi un Prince fe dépouiller de la pour pre, pour fe mefurer & fe battre pour ainfi dire, corps è corps ave les plus méprifables de fes fujet! Cette fatyre produifit fon effet natu rel : elle attira des repliques; & Jv lien fut réduit a finir par oü il ai rok dü commencer , c'eft-a-dire dévorer en fdence ces nouvelles rai Julien. A.nn. 363i r » 9 k  Julien. Ann. 363. XI. Clémence & dureté , de Julien. j Liban. or, ^ 4, 12. , Amm. l, 1 23. c 2. ( < C I i c H I S T O I R E leries, & a renfermer fon reflentiment. II avoit protefté dans fon ouvrage qu'il alloit quitter Antioche pour toujours. En effet, lorfqu'il partrt de la ville, comme il étoit fuivi d'une foule d'habitants , qui, lui fouhaitant un heureux voyage & un glorieux retour, le fupplioient de leur rendre fes bonnes graces, il leur répondit d'un ton de colere qu'il ne les reverroit plus, & qu'après fa victoire il iroit faire fa réfidence a Tarfe. Mémorius, qui gouvenoit alors la Cdicie, avoit déja recu ordre d'y préparer tout pour le recevoir au retour de Perfe. Mais Julien n'eut aefom d'y trouver qu'une fépulture. Comme il étoit pret a fe mettre ?n marche, on découvrit une conuration formée par dix foldats , qui levoient 1'alTafliner lorfqu'il feroit a revue des troupes. Ils fe trahirent :ux-mêmes dans 1'ivrelTe. Julien les yant convaincus de leur crime, fe ontenta de les punir par des reprches : il voulut, dit Libanius, comlencer par triompher de lui-même , vant que d'aller ériger des trophées ans la Perfe. Mais cette a£tion de  vu Bas-Empire. Liv. XIII. 257 clémence fut aufli-töt démentie par un trait de malignité tout-a-fait indigne d'un Souverain. II laifla, pour gouverner la Syrië, Alexandre d'Héliopolis; öf fur ce qu'on lui repréfentoit que c'étoit un efprit turbulent & cruel : Je fais bien, réponditil, quAlexandre ne mérite pas un gouvernement ; mais Antioche mérite bien un tel Gouverneur. Vengeance injufle & plus inhumaine que s'il eut févérement puni les auteurs de tant de libelles outrageants; puifque c'étoit confondre les innocents avec les coupables, & qu'un Gouverneur de ce caraöere eft le plus terrible fléau dont une Province puifle être afHigée JULIEK. Ann. 363.   SOMMAIRE D V LI V RE QUATORZIEME. ART a"Antioche. II. Libertc d'un habitant de Bérée. III. Julien d Héliopolis. IV. // paffe l'Eupbate. V. Julien a Carrhes. VI. 7/ Jz/^o/e tout pour fa marche. VII. // arrzve a Callinique. VIII. ^ Cercufe. IX. Difcours de Julien d fes troupes. X. Marche de l'armée en Affyrie. XI. £//e iJvan« Ja/w & />/verj èvènements qui fe paffent hors de la ville. XXIII. Attaques. XXIV. Pn/e Je /a vzV/e. XXV. Modération de Julien, XXVI. Ennemis enfer-  262 H 1 S T X> r R * fiir cc rrt>ii,r infloi^kU . 1'c JULIEN. Ann. 363. II. Liberté d'un habi- . tant dej Bérée. Thcod. I. 5. c. i7. 1 i les congédia durement, en leur répétant qu'il ne rentreroit plus dans leur ville, & qu'il iroit paffer k Tarfe 1'hyver luivant. Quoiqu'a fon départ d'Antioche, il n'eüt pas appergu dans les vicfimes des fignes favorables, cependant, enivré de fes fuccès paffes & des flatteufes prédi£Hons de Maxime, dont il fe fit accompagner dans ce voyage, il tiroit d'heureux pronofbcs de tout ce qu'il rencontroit fur fa route , & il en tenoit un regiftre exaö. II vint le lendemain aEérée, nommée aujourd'hui Alep, ou il s'arrêta pendant un jour. Après avoir folemnellement offert a Jupiter un taureau blanc en facrifïce, il affembla le Sénat de cette ville, & tacha Je le porter a 1'idolatrie par un dif:ours qui fut applaudi de tous, & pi ne perfuada perfonne. II eut lui-même occafion de s'apjercevoir du peu de fuccès de fon ïbquence. Le chef du Confeil de Bérée , irrité contre fon fils de ce ju'il avoit embraffé la Religion du 3rince, 1'avoit publiquement déshéité & chaflé de fa maifon. Comme  du Bas-Empire. Liv. XIV. 2.69 ridionale de la MéfoDOtamie aui obéil- foit aux Perfes. Julien préféra cette derniere route. Pendant qu'il difpofoit tout pour fon départ, on vint lui annoncer qu'un corps de cavalerie ennemie ayant forcé lespaffages, ravageoit les environs de Nifibe. L'allarme fe répandit dans le camp ; mais on apprit bientöt que ce n'étoient que des coureurs, & qu'ils s'étoient retirés après avoir fait quelque pillage. Pour mette le pays k couvert de ces infultes , il détacha de fon armée trente mille hommes fous le commandement de Procope &c du Comte Sébaftien. Ces Généraux avoient ordre de veiller a. la füreté de la Mêfopotamie, jufqu'a ce que l'Empereur eut pénétré dans la Perfe ; de fe réunir enfuite k Arface & de venir avec ce Prince par la Corduene, la Moxoene & les frontieres de la Médie, rejoindre Julien au-dela du Tigre. II écrivit en même-temps au Roi d'Arménie une lettre pleine de vanité, fe relevant beaucoup lui-même, taxant Conftance de lacheté & d'impiété , menacant Arface; & comme il favoit que ce M iij Julien. A.nn. 363.  Julien. Ann. 363. VII. II arrivé a Callini- 270 H I S T O I li £ Prince étoit Chrétien : N'efpère? pas, lui difoit-il, que votre Dieupuijfe vous défendre, fi vous négligé^ de mobéir. Etant fur le point de partir , il monta fur un lieu élevé pour jouir du fpecïacle de fon armée : c'étoit la plus lefte & la plus nombreufe qu'aucun Empereur eut conduite contre les Perfes. Elle étoit compofée de foixante-cinq mille hommes. Ayant remarqué parmi les bagages un grand nombre de chameaux chargés, il demanda ce qu'ils rapportoient. On lui répondit que c'étoient des liqueurs & des yins de plufieurs fortes : ArrkeT-les ici, dit-il aulfi-töt Je ne veux pas que ces fources de voluptt fuivent mon armée ; un foldat ne doit boire que le vin qu'il s'e/l procuré par fon épêe. Je ne fuis moi-même quun foldat, & je ne pritends pas être rnieux traité que le dernier de mes troupes. On avoit préparé des étapes fur les deux routes pour tenir les Perfes dans 1'incertitude. Ayant fait une fauffe marche du cöté du Tigre, il tourna fur la droite ; & après avoir pafl'é une nuit fous des tentes, comme il s'étoit fait amener fon cheval  Juhen. Ann. 363. 1 ] ] < i I 1 XI. Elle avance dans le I pays en- 1 nemi, J Amm, I. 13 c. 5. < Z°f. I- 3. C C é x t d a a: 278 H 1 S T O I R E de avoit pour chefs Dagalaïphe & Viclor. Secondin, Duc d'Olroène, fermoit Ia marche. Les bagages étoient a couvert entre les deux ailes & le corps de bataille. Pour groffir le nombre des troupes aux yeux des coureurs ennemis , on fit marcher les differents corps a grands intervalles, ;n forte qu'il y avoit trois lieues ;ntre la queue & la tête de l'armée. -a flotte avoit ordre de mefurer fes nouvements avec tant de jufteffe, jue, malgré les fréquents détours du leuve, elle bordat toujours les trouws de terre, fans refter en-arriere, u les devancer. Le premier pas que fit l'armée lui •refenta un objet capable d'allarmer es fuperftitieux, & d'éveiller la diigence de ceux qui étoient chargés lu ioin des fubfiftances. C'étoit le orps d'un Commiffaire des vivres ue le Préfet Sallufte avoit fait penre, paree qu'ayant promis de faire enir au camp a un jour marqué cer»nes provifions , il avoit manqué e parole. Un accident involontaire von caufé ce déiai; & les vivres • •nverent le lendemain de 1'exécu-  du Bas-Empire. Liv. XIK 279 tlon. On pafla prés du chateau de ' Zaïthe, mot qui, dans la langue du pays, fignifioit Olivier. Entre ce lieu 8c la ville de Dure, on appercut de loin le tombeau de Gordien, qui étoit fort élevé. Julien y alla rendre fes hommages a ce Prince, qu'on avoit placé au rang des Dieux. Comme il continuoit fa route, une troupe de foldats vint lui préfenter un lion monftrueux qui étoit venu les attaquer , 8c qu'ils avoient tué. II s'éleva a ce fujet une vive conteftation entre les Arufpices Tofcans 8c les Philofophes qui accompagnoient le Prince. Les premiers, qui s'étoient toujours oppofés, mais en vain , a 1'expédition de Perfe, prétendoient prouver par leurs livres, que c'étoit un figne malheureux. Les Philofophes tournoient en ridicule 8c les Arufpices 8c leurs livres. La querelle fe renouvella le lendemain a 1'occafion d'un foldat qui fut tué d'un coup de foudre avec deux chevaux qu'il ramenoit du fleuve. Les deux partis alléguoient des raifons également chimérioues, les uns pour intimider, les autres pour tranquillifer le Prince, Julien. Kan. 563.  Julien. Ann. 363 XII. Prife de la fortereffe d'Anatha. Amm. I. 24. c. 1. Lib. or.12. Zof. I. 3. Cellar.l.3. '< ij. art. n. '. : 1 1 1 , 280 H' ƒ S T 0 I R z • Julien ne balanga pas a regarder ces deux evénements comme d'heureux prelages. Deux jours après le paflage de 1'Aboras, on vint k Dure, Mtie autrelois par les Macédoniens fur le bord de 1 Euphrate. II n'en relroit plus que les ruines. On y trouva une fi grande quantitede cerfs, que ceux que 1'on tua luffirent pour nourrir toute l'armée. Après quatre jours demarche, on arnva vers le commencement de Ia nuit k une bourgage nommée Phatufes. Vis-a-vis s'élevoit dans une ifle de 1 Euphrate la fortereffe d'Anatha, fort grande & fort peuplée. Julien fit embarquer mille foldats fous la conduite de Lucillien, qui, k la faveur de la nuit, approcha de 1'ifie fans etre apperSu, & plaCa fes vaif(eaux dans tous les endroits oii la defcente etoit praticable. Au point du jour unhabitant, qui étoit allé Hiifer de 1 eau , ayant donné 1'allar11e, tous les autres monterent fur le nur. Ils furent fort étonnés de yoir es bords du fleuve couverts de trou>es, & Juhen Iui-même qui venoit i eux avec deux vaiffeaux, fuivis  nu Ras-Empire. Liv. XIV. 281 d'un grand nombre de barques chargées de machines propres a battre les murailles. Comme le fiege pouvoit être long & meurtrier, Julien leur fit dire qu'ils n'avoient rien a craindre s'ils fe rendoient; rien a efpérer s'ils faifoient réfiftance. Ils demanderent a parler k Hormifdas, qui, par fes promeffes & fes ferments , les détermina k ouvrir leurs portes. Ils fortirent k la fuite d'un taureau couronné de fleurs : c'étoit un fymbole 'de paix. L*Empereur les re§ut avec bonté, leur permit d'emporter tous leurs effets, & leur donna une efcorte pour les conduire a Chalcis en Syrië. Parmi eux fe trouvoit un foldat Romain agé de prés de cent ans, que Galere avoit, foixante-fix ans auparavant, laifle malade dans ces contrées. C'étoit lui qui avoit engagé les habitants k écouter Hormif das. Courbé de vieillefle, & environné d'un grand nombre d'enfant: qu'il avoit eus de plufieurs femmei k la fois, felon 1'ufage du pays, i' partoit en pleurant de joie, & pre nant les habitants k témoin qu'il avoi loujours prédit qu'il jnourroit fur l« Julien. Ann. 363»  Juhen. Ann. 363, XIII. Inondation de 1'Euphrate. Amm. I. *4- c. ï. l-ib. or. 12, l I J J I < £ li II d e a&* HlSTOIRB terres de 1'Empire. On mit le feu al la place. Puiée , qui en étoit Gouverneurpour Sapor , fut honoré du: titre de Tribun : d mérita par fa fidé- ■ lite Ia confiance de l'Empereur & devint dans la fuite Commandant'des troupes en Egypte. Pendant que Julien etoit arrêté en ce lieu, les Sarralins lui amenerent quelques coureurs ennemis : il les récompenfa & les renvoya pour continuer de battre Ia campagne. Le lendemain il s 'éleva une horrible tempete. Un ventimpétueux renverfoit les^hommes, abattoit les lentes. En meme-temps, Ie fleuve groffi par les neiges que la chaleur du prin^emps faifolt fondre {m {p& mon^ 1 Armenië, fubmergea plufieurs barïues chargees de bied , & pénétra >ar toutes les éclufes pratiquées le ong de fes bords, foit pour arrofer es terres, foit pour inonder Ie pays. )n eut beu de douter fi ce fut u„ ftet de Ia violence des eaux , ou de imahce des habitants. L'armée fe ut en marche pour échapper k ce eluge. Les canaux dont ce terrein !t coupe etant remplis, formoient  nu Bas-Empire. Liv. XIF. 2S5 fans toucher aux provifions qu'elle avoit en réferve fur le fleuve. On arriva vis-a-vis du fort de Thilutha, fitué dans une ifle efcarpée, & tellement bordée d'une muraille, qu'il ne reftoit pas au-dehors de quoi affeoir le pied; L'attaque paroiffant impraticable, on fomma les habitants de fe rendre. Ils répondirent qu'il n'en étoit pas encore temps; qu'ils fuivroient le fort de la Perfe, & que quand les Romains feroient maitres de Tintérieur du pays, ils fe foumettroient aux vainqueurs, comme un acceffoire de la conquête. Julien fe contenta de cette promefle , paree qu'il étoit perfuadé que de s'arrêter, c'étoit fervir fes ennemis, Si. que le temps fi précieux, fur-tout dans la guerre , ne devoit s'employer que pour acheter un fuccès de pareille valeur. Les habitants virent paffer la flotte au pied de leurs murailles , fans faire aucun aöe d'hoftilité. On recut la même réponfe devant la forterefle d'Achaïacala, dont la fituation étoit femblable. Le jour fuivant, on brüla plufieurs chateaux déferts Sc mal fortifiés. Après une marche de huit ou Julien. knn. 363. XV. Marche lufqu'a Pitifabore. Amm. 1, 24. c. ï. Lik or. 12. Zo/. I. 3.  JUIIEN. Ann. 363. 1 286 HlSTOIRE neuf lieues faite en deux jours, on vint a un lieu nommé Baraxmalcha. On y palTa une riviere , i\ fept milles de laquelle étoit fituée fur la rive droite de 1'Euphrate la ville de Diacire. Les habitants n'y avoient laifTé que quelques femmes & de grands magafins de bied & de fel. Les foldats de la flotte palierent impitoyablement les femmes au fil de 1'épée, pillerent les magafins, Sc réduifirent la ville en cendres. Sur 1'autre bord , l'armée ayant traverfé une fource de bitume, Sc laifTé fur la gauche deux bourgades nommées Sitha Sc Mégia , entra dans Ozogardane , qu'elle trouva abandonnée. On y voyoit encore le tribunal de Trajan; il étoit fort élevé & conftruit de pierres. Cette ville fut pillée & brülée. L'armée fe repofa deux jours en ce lieu. Pendant cet intervalle, l'Empereur, étonné de n'avoir encore rencontré aucunes troupes ennemies, envoya aux nouvelles Hormifdas qui connoiffoit fe pays. Ce Prince penfa être furpris ^ la fin de la feconde nuit par le Sénéraliflime des troupes de Perfe, ju'on appelloit h Surena. Celui-ci s'é-  du Bas-Empire. Liv. XIV. 287 ! tolt mis en campagne avec un fameux partifan , nommé Podofacès , chef des ; Sarrafins Affanites, qui s'étoit rendu redoutable par les courfes qu'il faiioit depuis long-temps fur les terres de 1'Empire. Hormifdas Sc fa troupe, marchant fans défiance, alloient tomber dans une embufcade , s'ils n'euffent été arrêtés par un folTé profond , rempli des eaux de 1'Euphrate, Au point du jour , 1'éclat des cafquej & des cuiraffes leur ayant fait découvrir 1'ennemi, ils tournerent le folTé, Sc couverts de leurs boucliers. ils fondirent fur lui avec tant de furie , que les Perfes, fans avoir eu le temps de décocher leurs fleches, prirent la fuite, laiffant plufieurs des leurs fur la place. L'armée, encouragée par ce premier avantage, s'avan^a jufqu'a une bourgade, nommée Macépracfa, ou 1'on voyoit les ruines d'une ancienne muraille , que Séj miramis avoit conduite d'un fleuve 1 a 1'autre, afin de couvrir la Babyi lonie. En ce même endroit commen^oient les canaux tirés de 1'Euphrate au Tigre pour arrofer le terrein , Sc pour joindre les deux fleuves. A la Jü HEN. Ann. 363,  Julien. Ann. 363, i j ] 1 , 1 < i i t I 1 c 288 ÏIlSTOIRE tête du premier canal s'élevoit une tour qui fervoit de phare. Le terrein marécageux & la profondeur de 1'eau rendoient déja le paffage difficile; mais il devenoit tout-a-fait impoflible en préfence des ennemis, qui , poftés fur 1'autre bord, fe préparoient a le difputer. Les Romains commencoient a perdre courage , lorfque Julien , fécond en refTources & très-inftruit de toutes les pratiques de la guerre , réfolut de faire attaquer les Perfes par-derriere. II pouvoit employer a cette diverfion les quinze cents batteurs d'eftrade, qui, devan^ant touours l'armée, avoient déja pafTé le :anal avant qu'elle y fut arrivée. Mais l étoit queftion de leur faire parveïir 1'ordre. Julien , ayant attendu la )uit, détacha pour cet effetle Généal Viöor avec une troupe de cavaerie légere. Celui-ci alla paffer loin les ennemis, & s'étant joint aux coueurs, il rabattit avec eux fur les Per- ' es qui ne 1'attendoient pas; une parie fut taillée en pieces, & le refte >rit la fuite. Julien fit défiler fon inanterie fur plufieurs ponts , tandis ue les cavaliers ayant choifi les en. droits  JUHEN. Ann, 363. XXI. Péril de Julien. i 1 J < J 302 H i s t o i r b même conftruöion que les murailles. Une citadelle affife fur le roe occupoit le centre de la ville; au-dehors une forêt de rofeaux qui s'étendoit depuis les canaux jufqu'au bord du foffé , donnoit aux habitants la facihté d'aller puifer de 1'eau fans etre appercu. Cette ville très-peuplée par elle-même, fe trouvoit alors remphe d'une multitude d'habitants des chateaux voifins, qui s'y étoient retirés comme dans une place de füreté. La hardielïe de Julien penfa lui coüter la vie. Dix foldats Perfes étant fortis de la vüle par une porte détournée, fe glifferent au travers des rofeaux , & vinrent fondre fur fa troupe. Deux d'entre eux ayant reconnu l'Empereur , coururent a lui Ie fabre a la main. II fe couvrit de ronbouclier, & tua 1'un, tandis que l'efcorte mafTacroit 1'autre. Le refle .'étant fauvé par une prompte fuite, 'Empereur revint au camp oü il fut •ecu avec beaucoup de joie. L'arnée ne refpiroit que vengeance, ^ Julien crut ne pouvoir fans péril aiiTer derrière lui une place fi con-  du Bas-Empirb. Liv. XIV. 303 fidérable. Ayant jetté des ponts fur les canaux , il fit paffer fes troupes, & choifit un lieu fur & commode pour y afleoir fon camp , qu'il fortifia d'une doublé palifTade. Ce fiege ou plutöt cette attaque ne dura que trois jours. Mais ce court intervalle préfente un fpeöacle fi varié & fi rempli d'événements, qu'on y trouveroit de quoi marquer chaque journée d'un long fiege entrepris & foutenu par des combattants moins aftifs. Tout étoit en mouvement dans la ville, au pied des murailles, fur le terrein des environs, fur les canaux. On avoit envoyé les chevaux & les autres bêtes de fomme de l'armée paitre aux environs dans des bois de palmiers. LeSurena vint pour les enlever. Mais Julien, qui conoiffoit les forces des ennemis comme les fiennes propres, avoit fi bien proportionné Pefcorte , qu'elle fe trouva en état de les défendre. Tandis que 1'infanterie attaquoit la place , la cavalerie divifée en plufieurs pelotons, battoit toute laplaine; elle enlevoit les grains & les troupeaux, elle nourriffoit le refte de l'armée aux dépens Julien, A.nn. 363. XXII. Divers événements qui fe paffent hors de la ville.  nu Bas-Empire. Liv. XIV. 305 rafe campagne : pleins d'ardeur & de rage, ils n'obéiffoient qu'avec pei» ne aux ordres du Commandant qui les rappelloit. Cependant les Romains , moins fanfarons , mais plus a&ifs , partageoient entre eux les travaux ; on élevoit des terraffes , on combloit les foffés, on dreflbit des batteries, on creufoit de profonds fouterreins. Névitte & Dagalaïphe commandoient les travailleurs : Julien fe chargea*de la conduite des attaques. Tout étoit prêt, & l'armée demandoit le fignal, lorfque Vittor, envoyé pour reconnoitre le pays, vint rapporter que le chemin étoit libre & ouvert jufqu'a Ctéliphon, qui n'étoit éloignée que de quatre lieues. Cette nouvelle augmenta 1'empreflement des troupes. Les trompettes fonnent de part & d'autre. Les Romains, couverts de leurs boucliers, s'avancent avec un bruit confus & menacant. Les Perfes, revêtus de fer, fe montrent fur la muraille. D'abord ce n'étoit de leur part que des huées 3 des infultes, des railleries. Mais quand ils voyent jouer les machines , & les aflaillants au pied de leurs murs, ï Julien. Ann. 363.  Juhen. Awi. 363, ] 1 1 < ( I f i 3^6 U 1 S T O 1 R Z couvert de leurs madriers , battre a muradle è coups de bellers, & travadlera la fappe, alors lis font pleuvoir fur eux de gros quartiers de pierres, des javelots, des feux, destorrents de bitume enflammé. On redouble les efforts k plufieurs reprifes. Enfin, vers Theure de midi, 1'exceffiye chaleur qui croifToit de plus en plus,obligea les Romains, éPuifes óc couverts de meur, de paffer le refte du ,our fous leurs tentes. L'attaque recommenca le lendemain avec une pareille fureur, & fe termina avec auffi peu de fuccès. Un accident rapporté par Ammien Marcellin fait connoitre queile étoit la force ie 1 artillerie de ce temps-la. Un ingenieur ie tenoit derrière une des Jieces employees k foudroyer la vile , & qu'on appelloit Scorpions. te oldat qui a fervoit, n'ayant pas »en place la pierre dans la cuiller lou elle devoit partir, cette pierre, u moment de Ia détente, rejaillit ontre un des montants antérieurs de i machine, & revint frapper 1'inemeur avec tant de violence, que >n corps fut mis en pieces , fans  vu Bas-Èmpire. Liv. XIV. 307 qu'on put retrouver ni reconnoitre aucun de fes membres. Le troilieme jour, Julien s'expofoit lui-même dans les endroits les plus hafardeux, animant fes foldats , & craignant que | la longueur de ce fiege ne lui fit manquer des entreprifes plus importantes. Mécontent des travailleurs qui ereufoient le fouterrein, il les fit retirer avec honte, & remplacer paf trois cohortes renommées. Après une rude attaque & une égale réfiftance , 1'acharnement des deux partis fe ralij lentifToit; on étoit prêt k fe féparer ] lorfqu'un dernier coup de bélier donI né au hafard, fit écrouler la plus haute tour, qui entraïna dans fa chüte un I large pan de muraille. A cette vue, 1'arI deur fe rallume : on faute des deux cötés fur la brêche. Les deux partis fe difputent le terrein par mille actions de valeur; le dépit & la rage tranfportent les affiégeants; le péril prête aux affiégés des forces furnaturelles. Enfin, la brêche étant inondée de fang & jonchée de morts, la fin du jour forca les Romains de s'appercevoir de leur perte & de leur fatigue, Ils fe retirerent pour pren- JULIEN. Ann. 363.  JUIIEN. Ann. 363. j i 322 HlSTOIRE que légere blejfure. Les troupes s'embarquent par divifions de quatre-vingts foldats. Julien, ayant partagé fa flotte en trois efcadres , tient pendant quelque temps les yeux fixés vers le ciel, comme s'il en attendoit le fignal; &c tout-a-coup élevant un drapeau, il fait partir le Comte Viéïor a la tête de cinq vailTeaux qui traverfent rapidement le fleuve. A 1'approche du bord, les ennemis lancent des torches ck des fleches enflammées. Le feu gagnoit déja , & ce fpeöacle glacoit d'effroi le refle de l'armée, lorfque Julien s'écrie : Courage, foldats, nous fommes maitres des bords : c'ejl le fignal dont je fuis convenu. Le fleuve étoit fort large, & Féloignement ne permettoit pas de diflinguer clairement les objets. Cet heureux menfonge raffure tk ranime tous les cceurs. Tous partent; & faifant force de rames, ils iégagent d'abord du péril les cinq préuiers vailTeaux ; & malgré une grêle le pierres & de traits, ils fe jettent i 1'envi dans 1'eau dès qu'ils y peufent affurer le pied. L'ardeur étoit fi ;rande , que lorfque la flotte partit, dufieurs foldats, craignant de n'y  Ann, 363, • < ( 3 XXXVI. Ilefttrompé par un transfuge, I Lib. or. 12. j Greg. or. 4. vm. Epu. < Sext. Ru- f fits. I ChryfoJi.de J Sto. Baby- * la contra' l Julianum / &Gtntilu. 1 33° HiST0ia.1t acquérir une vafte & riche Province ; & recueillir le plus grand fruit qu'il put raifonnablement efpérer de fes travaux. Mais Julien , féduit par des fonges trompeurs, & par les préditions de Maxime , auffi vaines que ces fonges, s'étoit enivré du projet chimérique de camper dans les plaines d'Arbeles, & de mêler fes lauriers I ceux d'Alexandre ; déja même il ne parloit que de 1'Hyrcanie & des Beuves de 1'Inde. II recut froidement Hormifdas; il lui commanda de garler un profond filence fur cette amJaffade, & de faire courir le bruit que :e n'étoit qu'une vifite que lui renloit un Seigneur de fes parents. II :rajgnoit que le feul nom de paix ne allentït 1'ardeur de fes troupes. On attendoit inutilement les feours d'Arface, & les troupes, comnandées par Procope & par Sébafien, a qui Julien avoit donné ordre e le venir joindre au-dela du Tire. Arface s'étoit contenté de ravaer un canton de la Médie, nommé :hihocome , c'eft-a-dire , üs mille ourgades ; & les deux Généraux ne - preffoient pas de paffer le fleuve.  JUIIEN. Ann, 363 XLin. Bataille de Maran- 542 filSTOIRZ ïieues, on rencontra prés de la ville d'Accétales ennemis, qui mettoient le feu aux moiffons & aux arbres fruitiers. On les diflipa, & le foldat fauva des flammes tout ce qu'il eut le temps d'emporter. On campa prés d'un lieu nommé Maranga. Au point du jour, on vit les ennemis approcher avec une contenance fiere & menacante. A leur tête paroiffoit Mérene, Général de la cavalerie , deux fils du Roi, & un grand nombre de Seigneurs. Derrière marchoient les éléphants, dont les guides aflis fur leur col, portoient un cifeau tranchant attaché k leur main droite, pour s'en fervir, fi les éléphants venoient k s'effaroucher & k fe renverfer fur leurs efcadrons, comme ils avoient fait quelques années auparavant au fiege de Nifibe. On enfoncoit ce cifeau d'un coup de marteau dans la jointure du col & de la tête; & il n'en falloit pas davantage pour öter fur le champ la vie k ce puiffant animal. C'étoit une invention d'Hafdrubal, frere d'Hannibal. Julien, efcorté de fes principaux Officiers, rangeapromptement fon ar-  JULIEy. Ann. 365 XLIV. Inquiétudes de Julien. Amm. I. 2r c. 2. Chryfcft.de Sto. Babyla & contra Jul. & Gent. j ] 4 < i s I 344 HlSTOIRR Ctf-j°ient des PeuPles voifinsde Ia Colchide, qui fervoient alors dans les armeesde 1'Empire en qualité d'auxiJiaires. Cette vifloire releva les efpérances des Romains. Ils prirent trois jours de repos pour panfer & fbulager les blelTés. Ils arriverent enfuite a Tummare, oü ils furent encore harcelés par les ennemis qu'ils repoufferent. Les vivres leur manquerent en ce lieu. Les Perfes avoient retiré le bied & les tourrages dans les chateaux fortifiés. On éprouvoit deja les extrémités de lafamine. Les betes de fomme n'étant plus en état de fiuvre l'armée, on fut réduit k les manger. Les Officiers, plus lenfibles a la m1fere de leurs gens, qu'4 la crainte de manquer eux-mêmes , partagerent avec eux les vivres qu'ils faifoient porter pour leur propre fubütance. L'Empereur, logé fous un )aviIIon etroit, faifant fa nourriture >rdmaire d'une méchante bouillie le gruau, dont un valet d'armée fe eroit k peine contenté , diirribua ux pluspauvres foldats cette chétive 'rovifion. Après quelques moments  »u Bas-Empire; Lïïf. XIV. 345 d'un fommeü inquiet & interrompti, il s'aflit fur fon lit, pour rédidiger fon journal , comme il avoit coutume de faire, a 1'imitation de Jules Céfar. La pendant qu'il étoit enféveli profondément dans une réflexion philofophique, qui étoit vemie le diftraire , il crut voir le même génie de 1'Empire, qui lui avoit apparu , lorfqu'il avoit pris en Gaule le titre d'Augufte. Ce fpeftre couvert d'un voile, dont fa corne d'abondance étoit auffi enveloppée, marchoit triftement, & fortoit du pavillon dans un mornefdence. Julien, d'abordfaifi de terreur, fe raffure, fe leve ; & ayant fait part a fes amis de cette vifion effrayante, ils'abandonne en tout événement a la volonté des Dieux. Cependant, pour détourrier leur colere, il leur immola une victime. Durant le facrifïce,. U vit en 1'air comme une étoiie, qui difparut après avoir tracé un fillon de lumiere. Frappé de ce nouveau pro« dige, il craignit que ce.ne fut un< menaee du Dieu Mars, qu'il avoii outragé. II confuita les arufpices tous déclarerent que ce phénomeni P v Julien. Ann. 363.  365 HISTOIRE D U BA SE MP IR E. LI V RE Q UINZIEME. JOVIEN. LA mort de Julien répandit dans tout le camp 1'abattement & le défefpoir. Les foldats jettoient leurs armes comme leur étant déformais inutiles : ils fe pleuroient eux-mêmes en pleurant leur Empereur : les yeux fixés fur cette terre funefle, ils la confidéroient comme leur tomQ üj Jovien. Ann. 363. I. Etat de l'armée. Amm. la 25. c. 5 , io. Creg. or, 4.'  du Bas-Empire. Liv. XV. 367 pire. Enfin, tous les avis fe réuni- ' rent en faveur de Sallufte Second, Préfet d'Orient. Mais ce guerrier magnanime fut relever la gloire de ce choix, en refufant de 1'accepter : il s'excufa fur fa vieilleffe & fur fes infirmités. Comme on le preffoit, fans pouvoir vaincre fa réfiftance, un Officier s'adreffant a toute 1'affemblée, s'écria : Et que ferie^-vous fi l'Empereur, fans venir lui- même d cette guerre , vous eut chargés de la conduire ? Ne fongerie^-vous pas uniquement d fauver l'armée des dangers qui l'environnent A Quel autre foin doit vous occuper aujourd'hui ? Tdchons de regagner. les terres de la domination Romaine : il fera temps alors de rtunir les fujfrages des deux armêes pour créer un Empereur. Cet avis partoit fans doute d'un ami de Procope, parent de Julien, qui commandoit les troupes de Mêfopotamie, & qui avoit de fecretes prétentions, comme il le manifefta dans la fuite. On n'eut aucun égard a ce confeil; & fans délibérer davantage, les confultants, étourdis par le péril & par les cris de ceux qui preffoient l'éleétion, nommerent Jovien. II étoit Q iv Jovien. \xia. 363,  du Bas-Empire. Liv. XV. 369 les qualités de fon efprit, les unes firent défirer qu'il régnat plus longtemps; tk le refpeft qu'il paroiffoit avoir pour la dignité dont il étoit revêtu, faifoit efpérer qu'il fe corrigeroit des autres. II étoit affable, généreux, plus ami des gens de lettres que lettré lui-même : par le petit nombre de Magiflrars & d'Ofiiciers qu'il mit en place , on jugea de Pattention qu'il auroit apportée a ne faire que de bons choix. D'ailleurs , on lui reproche d'avoir été grand mangeur, adonné au vin &C aux femmes. Dès qu'il eut été choifi, il fortit de fa tente , & revêtu des habits impériaux, il traverfa le camp pour fe montrer aux troupes qui fe préparoient k fe mettre en marche. Comme le camp occupoit une étendue de quatre milles , les corps les plus éloignés entendant proclamer, Jovien Jugujle, & croyant entendre le nom de Julien , fe perfuaderent que ce Prince n'étoit pas mort, & qu'il venoit lui-même fe faire voir aux foldats pour difliper leur trifteffe. Ils xépetent cent fois le nom de Julien, Q y Jovien. Ann. 363. IV. II eft reconnuparles foldats.  Jovien. Ann, 363. 1 c l 1 L 37° II I S T 0 I R E & fe livrent aux tranfports de la joie la plus vive. Mais bientöt a la vue du nouvel Empereur, cette agréable illufion s'étant évanouie, au-lieu des acclamations d'allégreffe, ils s'abandonnent de nouveau aux larmes & aux gémitTements. Après qu'on eut laiffé quelque temps a leur douleur, on alTembla les troupes pour confirmer 1'élecïion par leur fuffrage : on leur préfenta Jovien fur un tribunal. Tous lui donnerent a grands cris les titres de Céfar & d'Augufte. Alors l'Empereur faifant figne de fa main: Arrêtei, dit-il, je fuis Chrétien: je ne mis me réfoudre d commander des ido'dtres, qui, riayant rien d efpérer de 'ajffïjïance divine , ne peuvent manquer fêtre la proie de leurs ennemis. A ces >aroles, les foldats s'écrierent d'une 'oix unanime : Prince , ne craigne^ ien, vous alle^ commander des Ckréiens. Les Officiers les plus proches le fa perfonne acheverent de le rafurer : Les plus dgés cTentre nous, lui irent-ils, ont fervi fous Conflantin ; '■s plus jeunes om été nourris dans la leligion de Confiance : le regne de Juen a été trop court pour effacer de nos  nu Bas-Empire. Liv. XF. 371 ccturs les premières injlruclions. Jovien ajouta a fon nom ceux de Flavius Claudius, pour s'affocier en quelque forte a la familie impériale, qui venoit de s'éteindre dans la perfonne de Julien. Cependant Sapor triomphoit de joie. II venoit d'apprendre par un transfuge la mort de Julien. Varronien, pere de l'Empereur, avoit eu le commandement des Joviens; & c'étoit fans doute pour cette raifon qu'il avoit donné ce nom k fon fils. Un enfeigne de cette légion , qui avoit reeu quelque mécontentement de Varronien, ne ceffant pas de parler mal de lui depuis fa retraite avoit eu k ce fujet de fréquents démêlés avec Jovien encore particulier. Quand cet Officier vit celui-ci élevé a la puiffance fouveraine, appréhendant fon reffentiment, il paffa dans Farmée des Perfes; & ayant obtenu audience de Sapor, il lui apprit la mort de Julien, l'éle&ion de Jovien, & lui fit entendre qu'il n'avoit rien a craindre d'un fantöme d'Empereur, fans aöivité, fans courage, qui ne devoit fon élévation qu'a la cabale Qy'i Jovien. Ann. 363. V. Trahifon d'un Officier. Amm. I. 25. c. 5. Lib. rid  Jovien. Ann. 363. VI. Marche rles Romains.Amm. I. t. 6. Zo/. 1. 3. I S 1 < ï c 4 372 HlSTOIRB des valets de l'armée. Le Rol, délivré du feul ennemi qu'il redoutoit, fe flattoit qu'il lui en couteroit peu pour détruire ce qui reftoit de Romains. Ayant joint Ia cavalerie de fa maifon k celle qui venoit de combattre, il fit fes difpofitions pour charger Farriere- garde , dès que Fennemi feroit en marche. Ce n'étoit pas le temps d'abolir toutes les fuperftitions du paganifme. Jovien laifïa confulter pour lui les entrailles des vicïimes : les Arufpices déclarerent qu'il falloit fe réfoudre k partir ou a tout perdre. L'Empereur n'eut pas de peine k fe rendre ï cet avis. Dès qu'on fut forti du :amp, les Perfes, précédés de leurs ïléphahts, vinrent attaquer la queue le l'armée. II y jetterent d'abord le léfordre : mais bientöt les Joviens 5c les Herculiens, placés k 1'aile droie, 6c foutenus de deux autres lé;ions, arrêterent FefFort de la cavaerie ennemie, & tuerent quelques :léphants. L'aile gauche fe battoit en etraite; elle fut poufFée jufqu'au pied 1'une éminence, ou Fon avoit retiré :s bagages, Alors les troupes qui  Jovien. Ann. 363. Eutr^l. 10. Zof. I. 3. Bier. Chron. Aug. de Civ. 1.4. c. 29. ■>■ (• 21. Chryfi/i. de Sto. Babyla & contra Jul. £■ Gent. & de laud. Pau- , li , hom. 4. Soc. I. 3. 1 *V22. ] Theod. I. , 4- c. 2. /'tóo/r. /. ' S. c. 1. 1 Agathias, 1 /. 4. Theoph* p. ' 45. t Zon. r. ƒƒ. /». 28. I Joann. 1 5«/rf, i'/ï 'loCictvór. a ra, r«- C ta( , art. £ 12. n P 3?S HlSTOIKE & la mort, aimant mieux périr par le fer que par la famine. Tel étoit 1'état de l'armée, lorfque Sapor, contre toute efpérance, fongea le premier a finir la guerre. Ce Prince, informé de tout par fes efpions & par les déferteurs, redoutoit le défefpoir des Romains. II voyoit que 1'adverfité n'avoit pas abattu leur courage : que leur retraite lui coütoit plus d'é'éphants & de foldats qu'il n'en avoit amais perdu dans aucune bataille :. pï'ils étoient encore fupérieurs dans ous les combats :. qu'endurcis par 'habitude des fatigues^ depuis la. nort de l'Empereur qui leur avoit ippris a vaincre, ils s'occupoient noins de leur propre falut que de a vengeance :. il ne doutoit pas qu'ils ie fortiffent de péril ou par une vicoire éclatante, ou par une mort mélorable, qui mettroit en deuil tous ;s vainqueurs.. II faifoit réflexion u'ils avoient en Mêfopotamie une rmée formidable, & qu'au premier rdre , l'Empereur pouvoit raffemIer des_ Provinces de 1'Empire un ombre infini de foldats; au-lieu que our lui, il avoit déja éprouvé com-  «tv Bas-Empire. Liv. Xr. 379 bien il lui feroit difficile de lever de nouvelles troupes dans la Perfe dépeuplée , abattue, découragée par tant de pertes. La hardieffe des cinq cents nageurs & le malTacre de fes gens fur l'autre rive, augmentoient encore fes allarmes. Occupé de ces penfées, & plus affuré de terminer heureufement la guerre par un traité que par une bataille , il envoya le Surena avec un des Seigneurs de fa Cour pour propofer la paix. Ces députés déclarerent que le Roi, par un fentiment d'humanité & de clémence, étoit difpofé k laifler les Romains fortir librement de fes Etats, fi l'Empereur avec fes principaux Officiers s'engageoit a remplir les conditions qui lui feroient propofées. Jovien accepta volontiers cette ouverture. II envoya de fon cöté le Préfet Sallufte & le Général Arinthée, pour traiter avec Sapor. Le Roi de Perfe traina la négociation. en longueur, par des demandes nouvelles, des réponfes captieufes, acceptant quelques articles , en rejettant quelques autres. Ces pour-parlers emporterent quatre jours, pendant lef- JOVIEN. Ann. 36}. X. Négociationso  Jovien. Ann, 363. j ( 1 1 ] 1 i XI. Conclu- j fion du traité. t c 1 2 C 3"o Hls T 0 1 R E quels l'armée Romaine éprouva toutes les horreurs de la famine. Ammien Marcellin prétend que fi l'Empereur eut profité de ce temps-la, il n'en auroit pas fallu davantage pour fortir du pays ennemi, & pour gagner la Corduene, qui n'étoit pas éloignée de quarante lieues, ou il auroit trouvé des vivres en abondance & des places de füreté. Enfin, Sapor déclara qu'il n'y avoit point de paix a efperer, a moins qu'on ne lui rendit les cinq Provinces d'audetè du Tigre, que Galere avoit enevée a fon aïeul Narfès : c'étoient 'Arzanene, la Moxoene, la Zabdi:ene, la Réhimene & la CordueJe. II demandoit de plus quinze chaeaux de Mêfopotamie, la ville de fifibe, le territoire de Singare, & me place trés-importante nommée s camp des Maures. Julien auroit livré dix batailles, * fe feroit enterré dans la Perfe avec oute fon armée , plutöt que de céer une feule de ces Provinces. Mais ?s cris des foldats réduits a la plus ffreufe mifere, la difficulté de les ontenir, les inftances des courti-  Jovien, Ann. 3-63, 38S UlSTOIRE enfin furie terrein de Mêfopotamie % mais ces valles plaines n'offroient a leur vue que des fables ftériles & de nouveaux malheurs, lorfque les coureurs vinrent leur donner Pallarme. A quelque diftance de-la les Perfes travailloient k jetter un pont a deffein de profiter de la confiance que le traité infpiroit aux Romains, & de furprendre les traineurs & les chevaux de bagage affoiblis par la faim & accablés de fatigue. On alla les reconnoitre, & dès qu'ils virent leur perfidie découverte , ils difparurent, & renoncerent a 1'entreprife. On arriva par une marche forcée prés de Hatra, ville ancienne, fituée au milieu d'undéfert, & depuis long-temps abandortnée. Cavoitété autrefois une place importante. Trajan & Sévere 1'avoient inutilement affiégée; ils avoient manqué d'y périr avec toutes leurs troupes. De-la il falloit traverfer vingt-quatre lieues de fables arides; on n'y trouvoit que de l'eau faum&tre & croupiffante, & des herbes ameres, telles que 1'auronne, Pabfynthe & la ferpentine. On fit pro-vifion d'eau douce: on tua des cha-  du Bas-Emphe. Lh. XV. 38-9 meaux & desbêtes de fomme, dont la chair, quoique mal-faine , fut pendant lïx jours l-'unique nourriture de l'armée. Enfin , on arriva au chateau d'Ur, qui appartenoit aux Perfes : la fe rendirent Caflïen, Commandant des troupes de Mêfopotamie, & le Tribun Maurice, que Jovien avoit envoyé pour ramaffer des vivres. Ils apportoient les fubfiftances que l'armée de Procope & de Sébafiien avoit épargnées par une prudente économie. La mort de Julien étoit encore ignorée en Occident. Jovien envoya en lllyrie & en Gaule le Secretaire Procope & le Tribun Mémoride, pour y porter la nouvelle de fon élévation k 1'Empire. Ils avoient ordre de mettre entre les mains de Lucillien fon beau-pere le brévet de Commandant Général de la cavalerie & de 1'infanterie , & de le prefler de fe rendre en diligence k Milan, pour être k portée d'étouffer dès leur naiffance les troubles qui pourroient s'élever dans les Provinces occidentales. Ce Lucillien étoit différent de celui qui nous avons vu k la fuite R iij Jovien. Ann, 363. XIV. II s'aflure de 1'Occident.   SOMMAÏRE D U L I V R E O N Z I E M E. i. Co NDUIT E impinhrable de Julien dans la rivolution qui l'éleve a. I?Empire, ii. Urficin difgracié, iii. Conjlancc rappelle de la Gaule une partie des troupes. iv. Expédkion de Lupicin contre les Ecoffois. v. Julien Je difpofe a obéir. vi. Murmures des foldats & des habitams. vil. Julien reqoit les troupes voyé en Gaule pour y tenir la placi de Sallufte ; mais il n'étoit pas ca pable de le remplacer dans le cceu de Julien. Ennemi fecret de ce Prin Ce, il fe joignit a Florence & a 1 A v CONSTANCE. Arm, 360. III. , Conftance rappel- ■ le de la . Gaule une partie des troupes. ! Amm, L . 20. c. 4. lui. ai '■ Ath. - Lib. or. 10, Zof. h 3.  du Bas-Empire. Liv. XI. ii des Ecoffois & des Piftes, qui s'étant tenus tranquilles pendant dixfept ans, depuis 1'expédition de Conftant, recommen^oient leurs ravages. Lupicin partit de Boulogne au milieu de l'hyver, aborda a Rutipies , aujourd'hui le port de Richborow, & fe rendit a Londres. Ce Général favoit la guerre ; mais c'étoit un homme hautain , fanfaron, aufli avare que cruel. Décence, en 1'abfence de Lupicin fe mit en devoir d'exécuter les or^ dres de Conftance. Sintula, qui ne cherchoit qu'a fignaler fon zele pour avancer fa fortune, s'aquitta d'abord de fa commiffion a la rigueur : après avoir choifi 1'élite des troupes qui gardoieni; la perfonne de Julien, il fe mit en marche a leur tête. II s'agiffoit de faire partir le refte, difperfé en différents quartiers d'hyver, On étoit alors a la fin du mois de Mars. Julien, après avoir protefté qu'i étoit parfaitement foumis aux volontés de l'Empereur, repréfenta feule ment qu'on ne pouvoit, fans injufti ce , ni même fans péril, entrepren dre de faire partir les Ernles 6c le A vj constahce. Ann. 360. Amm. I. 20. c. I. Cdlar. geog. I. 2. c. 4. art. 23. V. Julien fe difpofe a obéir. Amm. I. 10. c. 4. Jul.aHAch. Lib. or. 10. 12. Zof. I. 3. I  nu Bas-Empihs. Liv. XL 13 Vienne fous prétexte d'y amaffer des vivres. Ilrefufa conftamment de quitter cette ville. En vain le Céfar lui écrivit des lettres preffantes; en vain il protefta que fi Florence s'obftinoit dans fon refus, il alloit renoncer k la qualité de Céfar : qu'il aimoit mieux s'abandonner k la merci de fes ennemis, que d'encoucir le reproche d'avoir laifie perdre une fi belle Province. Dans le manifefte qu'il adreffa quelque temps après aux Athéniens, il prend les Dieux k témoins qu'il penfoit en effet férieufement alors k fe dépouiller de fa dignité, Sc k s'éloigner entiérement des affaires. Pendant ces délais, une main inconnue fit courir dans le quartier des deux légions Gauloifesun libelle rempli d'inveöives contre Conftance, & de plaintes fur le déplorable fort de; foldats , qu'on exiloit , difoit-on comme des criminels, aux extréml tés de la terre : Nous allons dom abandonner d une nouvelle captivit nos enfants & nos femmes , que nou. avons rachelés aux prix de tant defang Ce libelle féditieux efFraya les Offi CONSTANCE. Ann. 365. VI. Murrnuresdesfoldats 8c des ; habitants, t  CONSTANCE. Ann, 36c 14 H I S T 0 t R E ' ciers attachés a l'Empereur : les prin- cipaux étoient Nébride , Pentade . Decence. Ils prcfferent plus vivement' Juhen de faire partir les troupes, pour ne pas donner k ces murmures Ie temps de s'accroïtre & d'éclater par une révolte. Julien perfiftoit dans la réfolution d'attendre Florence & Lupicin. On lui repréfenta que c'étoit le moyen de fortifier les ioupcons de 1'Empereur; que s'il attendoit ces deux Officiers, Conftance leur attnbueroit tout le mérite de 1 obenTance. II fe rendit a ces inftances. II n'étoit plus queftion que la route qu'on feroit tenir aux foldats. Julien n'étoit pas d'avis qu'on les fn paffer par Ia ville de Paris , oh il étoit alors :< on devoit craindre que la vue d'un Prince qu'ils chénfloient, & dont on les forcoit de se^oigner, n'échaufFÉt leurs efprits. Decence prétendoit au contraire que Juhen feul étoit capable de les calmer, & de les porter a la foumiffion. Juhen ceda encore fur ce point important , dont il paroït cependant qu il etoit le maitre. On envoya donc ïux divers corps de troupes 1'ordre  du Bas-Empi£lë. Liv. XI. 15 de fe raffembler a Paris. Au premier mouvement qu'elles firent, toute Ia Gaule s'ébranla : Fair retentiffoit de cris confus ; c'étoit une défolation générale. On croyoit déja voir les barbares rentrer dans la Province , &y rapporter tous lesdéfaftres dont elle venoit d'être délivrée. Les femmes des foldats, éperdues & éplorées, leur préfentant leurs enfants a la mammelle, les conjuroient a grands cris de ne les pas abandonner : les chemins étoient bordés d'une multitude de tout age & de tout fexe, qui les fupplioit de refter, öc de conferver le fruit de leurs travaux. Au milieu-de ces gémiffements & de ces larmes, les foldats , k la fois attendris 8c pleins d'une indignation fecrete, arriverent k Paris. A leur approche , Julien alla audevant d'eux. C'étoit un honneur que les Empereurs mêmes avoient coutume de faire aux légions, quand elles fe rendoient auprès de leur perfonne. II les recut dans une plaine aux portes de la ville. La étant morité fur un tribunal, il donna des éloges k ceux qu'il connoiffoit; il leur CONSTANCE. Ann. 360. VII. Julien re9oit les troupes a Paris,  CONSTANCE. Ann. 36c vin. Julien proclamé Augufte. IÖ HlSTOIRB 1 rappella les belles aöions qu'il leur avoit vu faire : Ce ritfipas d nous, . leur difoit-il, d délibérer fur l'obéiffance que nous devons aux ordres de VEmpereur: vousalh{ combattre fousfesyeux; c'eft-la que vos fervices trouveront des rècompenfes proportionnèes d votre valeur & au pouvoir du Souverain : prépare^-vous d ce voyage qui vous conduit d la gloire. Les foldats 1'écouteterent en filence, & fans donner aucune des marqués ordinaires de leur approbation. II traita magnifiquement les Officiers, & les combla de préfents. Ils fe retirerent fous leurs lentes, fenfiblement affligés de quitter leur patrie, & un chef fi bienfaifant. Ils féjournerent le lendemain, comme pour fe difpofer a partir : mais ils pafferent le jour è concerter enfemble^tant Officiers que foldats. Juhen , s'il en faut croire fes proteftations & fes ferments, n'avoit aucune connoiflance de leur deffein. Au commencement de la nuit, les foldats prennent les armes : ils environnent le palais; c'étoit celui qu'on a nommé depuis le palais des Therxnes. Ils fe rendent maïtres de tou-  du Bas-Empire. Liv. 'X/. 17 tes les iffues; ils proclament Julien Augufte, & demanclent par des cris redoublés, qu'il forte, qu'il fe montre. Julien repofoit dans un appartement voifin de celui de fa femme : felon le récit qu'il fait de eet événement, il s'éveille en furfaut, il apprend avec étonnement le fujel de cette émeute : incertain de ce qu'il doit faire, il s'adrefle a Jupiter : comme le tumulte au-dehors , la frayeui au-dedans du palais croiffoient a torn les moments, il prie ce Dieu de lu manifefter fa volonté par quelquf figne ; & Jupiter lui fit, dit-il, con noitre aufïi-töt qu'il ne devoit pas ré fifter au defir des foldats. A Tenten dre, il ne fut pas auffi facile que Jupiter ; il s'obftina k fe tenir renfernu le refte de la nuit. Au point du jour les foldats enfoncent les portes; il; entrent 1'épée k la main, 8c le for cent de fortir. Dès qu'il paroit, tou de concert le faluent du titre d'Au gufte avec des acclamations réitérées Julien, par fes paroles, par fesmou vements , par toutes les marqués d'ui refus opiniatre, fe défendoit de 1'em preffement des foldats. Tantöt, i CONSTANCE. Ann, 360. IX. i II réfifte & fe rend " enfin au 1 defir des foldats.  CONSTANCE. Ann. 360, j t 1 i 1 1 1 t ( c F s 1« f; P 1c lo* H I S T O 1 & E témoignoit de 1'indignation, tantöt il leur tendoit les bras, & les conjuroit avec larmes de ne pas déshonorer par une rébellion tant de glorjfu(es vi&oires : tVwq rtf* efprits, S ecriok-il, fans allumer les feux d'une guerre eivile, fans changer la face de l'Etat, vous obtiendrei ce que vous dé(ïrei; puifque vous ne ppuve^ vous réroudre d qüitter votre patrie, retourne? ians vos quartiers : je vous fuis ga'ant que vous ne pajère^ par les Alfes; je me charge de juftifier vos al'armes^ auprhs de l'Empereur, dont la lomé écoutera vos remontrances. Ces pa;oles , loin de rallentir leur ardeur, emblent 1'embrafer davantage. Tous' edoublent leurs cris : déja une fi ongue réfiftance excite leur colere ; es menaces fe mêlent aux acclamaróns. Enfin , Julien fe laiffe vaincre. )n 1'éleve fur un pavois; on Ie prie e ceindre le diadême. Comme il roteftoit qu'il n'en avoit point, on ecne qu'il peut employer a eet ufage : collier 011 I'ornement de tête de 1 femme ; quelques-uns même s'emreffent a lui former un diadême avec s courroyes d'un cheval. Julien, re-  nu Bas-Empire. Lh. XI. 19 jettant des parures fi indécentes, un Officier, nommé Maurus, lui préfenta fon collier, qu'il fut obligé d'accepter, & de mettre fur fa tête. Auffitöt, pour fe conformer a la coutume obfervée par les Auguftes k leur avénement a 1'Empire, il promit cinq pieces d'or, & une livre d'argent pour chaque foldat. C'eft ainfi que Julien fut revêtu de la puiffance fouveraine. Quoiqu'ü ne mariquat ni d'éloquence , ni de vigueur , fa réfiftance ne fut pas aufli efficace que 1'avoit été celle du généreux Germanicus, dont la fermeté inébranlable dans fon devoir avoit bien fu repouffer les efForts d'une armée qui s'obftinoit avec fureur k lui faire accepter le titre d'Augufte. Julien racontoit depuis k fes amis, que cette nuit même il avoit vu en fonge le génie de l'Empire, qui lui avoit dil d'un ton de reproche : Julien, il y a long-temps que je me tiens a l'entm de ta maifon , dans Üinttnüon d'accroitre ta dignité & ta fortune; tu ma. plujieurs fois rebute : fi tu ne me regois. pas aujour£hui que je fuis appuy de tam de fuffrages, js méloignerai 1 CONSTANCE. Ann. 36oi t  du Bas-Empire. Liv. XI. ai accourent au palais ; ils s'y jettent en foule, les armes k la main : les gardes tk les Officiers de Julien croyant que cette irruption foudaine étoit 1'effet d'une feconde révolution , fe difperfent, faifis d'efFroi, & ne penfent qu'a fe fauver. Les foldats pénetrent jufqu'a 1'appartement du Prince; ravis de le trouver plein de vie , ils ne peuvent retenir les tranfports de leur joie; ils s'empreflent a 1'envi de lui baifer la main, de le ferrer entre leurs bras; & paffant rapidement de ces mouvements de tendrefle k ceux de la fureur 8c de la vengeance, ils demandent la mort des conjurés, ils les cherchent pour les malfacrer. Le premier ufage que Julien fit de fon autorité, fut de déclarer qu'il prenoit fous fa fauve-garde ceux qu'on regardoit comme fes ennemis, qu'il ne permettroit pas qu'on leur fit aucun mal3 ni qu'on les outrageat, même de paroles : Songe^ , difoit-il , qu'ils font mes fujets ; que je fuis leur Empereur; ménage^ mon honneur & le vótre ; vous deviendrie^ des rebelles, 6* je ne ferois moi-même quun tyran & un ufurpaleur, fi votrt %ele pour moi fe fignaloit pai CONSTANCE. Ann. ^60.  nu Bas-Empire. Liv. XL 23 toute la pompe de fa nouvelle dignité , environné des aigles Romaines & d'une garde nombreufe, il monta fur un tribunal. Après un filence de quelques moments, pendant lequel il confidéroit leur contenance, oü il voyoit éclater 1'ardeur & la joie , ii leur paria en ces termes : » Braves &c » fideles défenfeurs de 1'Etat & de ma » perfonne , après vous être tant de » fois expofés avec moi pour le falut » de ces Provinces, vous avez cou» ronné mon zele en m'élevant au » comble des grandeurs; je dois a » mon tour récompenfer le vötre. » Prefque au fortir de Fenfance/re» vêtu de la pourpre qui ne m'étoit » donnée qüe comme une vaine pa» rure , la providence des Dieux, » vous le favez, me mit entre vos » mains. Depuis ce moment, jamais » je ne me fuis écarté des loix étroi» tes que je m'étois impofées ; & » mon exemple vous a diclé vos de»> voirs. Toujours avotre tête, dans » une Province défolée, fur une terre » teinte du fang de fes habi.tants, cou»> verte des ruines & des cendres de » fes villes, lorfque tant de nations CONSTANCE. Ann, 360.  CONSTANCE. Ann. 36c, | 24 HlSTOIAB » féroces, le fer & le feu a la main, » nous enveloppoient detoutes parts, » j'ai partagé tous vos travaux, tous » vos périls. Combien de fois dans » la faifon même oü la rigueur du » froid fufpend les opérations de la » guerre fur terre & fur mer, avons» nous relancé jufques dans leurs af» freufes retraites les Allemands au» paravant indomptés ! Souvenez» vous de ce jour glorieux qui éclai» ra votre viftoire dans les plaines » de Strasbourg , & qui rendit pour « toujours a la Gaule fon ancienne » liberté. Vous me vites alors bra» ver mille fois la mort; & je vous » vis pleins de force & de courage » terraffer des ennemis défefpérés. Je » les vis tomber fous vos coups , ou » fe précipiter dans le fleuve; & nous » ne laiffames fur Ie champ de ba» taille qu'un petit nombre des nötres, plus dignes de nos éloges que » de nos larmes, & que nous hono» rames par des funérailles plus glo» rieufes pour eux que la pompe d'un >» triomphe. Après tant d'a&ions cé» lebres, ne craignez pas que votre •> mémoire périffe jamais, II ne nous » refte  du Bas-Empire. Liv. XI. 25 *> refte plus a vous èc k moi qu'une » chofe k faire; k vous, de mainte» nir votre ouvrage & de défendre » contre fes ennemis celui que vous » avez élevé ; k moi, de payer vos » fervices , & d'écarter les intrigues » qui pourroient vous fruftrer des » récompenfes qui vous font dues. » Je déclare donc aujourd'hui com» me une loi irrévocable, & je vous » en prends a témoins, que défor» mais perfonne ne pourra fur au» cune autre recomman dation que » celle de fes fervices, obtenir au» cun office civil ni militaire; & que » quiconque ofera folliciter pour un » autre une pareille faveur, nerem» portera que la honte d'un refus". Ce difcours anima le courage des fimpies foldats , qui fe voyoient depuis long-temps exclus des emplois militaires & des récompenfes : tous unanimement applaudirent par des cris de joie, en frappant de leurs piqués fur leurs boucliers. Mais cette loi nouvelle gênoit 1'ambition des Officiers; pour effayer de la détruire dès fa naiffance, les chefs des deux légions Gauloifes qui venoient de fe figna- Torne III, B CONSTANCE. Ann. 36c.  CONSTANCE. Ann. 360. XII. Clémence de Julien en vers les Officiers de Conftance. Amm. I. 20. c. 8,9. Jul.adAth. ld .11 I S T 0 1,R B Ier en faveur de Julien, lui demanderent fur le champ même des gouvernements pour leurs Commiffaires des vivres. Julien , de fon cöté, faifit cette première occafion d'affermir fa loi par un exemple : leur demande fut rejettée, & ils furent affez raifonnables pour ne pas s'en offenfer. Dès le commencement des troubles, Decence avoit repris la route de Conftantinople. Florence, qui jufqu'alors étoit refté a Vienne, craignant le jufte relTentiment de Julien, laifla fa familie en Gaule, & fe rendit auprès de Conftance a petites journées. Dès qu'il fut arrivé a Ia Cour, il affeöa de rendre Julien très-criminel, autant pour fe difculper lui-même, que pour flatter la colere de l'Empereur. Julien voulant lui faire connoitre qu'il auroit été difpofé a lui pardonner, lui renvoya tout ce qui lui appartenoit : il donna ordre de fournir a fa familie des voitures publiques avec une efcorte jufqu'aux frontieres de la Gaule. Lupicin n'étoit pas encore revenu de la GrandeBretagne. Dans la crainte que ce caraöere hautain & turbulent ne fuf-  du Bas-Esipire. Liv. XL 27 citat de nouveaux troubles, s'il apprenoit ce qui s'étoit paffe en Gaule , Julien fit garder le port de Boulogne, avec défenfe de permettre k perfonne de s'embarquer. Lupicin fut arrêté k fon retour : on fe contenta de le garder a vue, fans lui faire d'ailleurs aucun mauvais traitement. Le nouvel Empereur n'étoit pas fans inquiétude. II fouhaitoit d'épargner a 1'Empire les horreurs d'une guerre eivile j mais il n'efpéroit aucun accommodement de la part d'un Prince jaloux, & accoutumé a le méprifer. Cependant pour n'avoir rien k fe reprocher, il prit le parti de lui envoyer des députés chargés d'une lettre, dans laquelle il ne prenoit que le titre de Céfar. II lui expofoit avec une modefte affurance fes fervices, fes travaux , fes fuccès paffés ; la violence que les foldats lui avoient faite; fa réfiftance qu'il avoit portée jufqu'a fe voir au péril de fa vie : qu'il ne s'étoit enfin rendu que dans la crainte que les foldats ne fe donnaffent un autre Empereur moins capable de ménagement, & dans 1'efpérance de les ramener k leur devoir: B ij CONSTANCE Ann. 360, XIII. Lettres de * Julien a Conftance. Amm. I. 20. C. 5. lul.adAth. na. Epu. Zo/.l. 3. Zon. t. IJ, ?. 21.  CONSTANCE. Ann, 360. 1 28 HlSTQIRE iUes excufoit^ux-mêmes de ce qu'ils s'étoient laffés de n'avoir a leur tête qu'un Céfar, ou plutöt un fantöme qui n'avoit le pouvoir ni de récompenfer leurs fervices, ni même de leur faire payer leur lolde, dont ils étoient privés : que 1'ordre qu'on leur avoit fignifié de fe féparer de leurs femmes & de leurs enfants pour marcher aux extrêmités de 1'Orient, avoit achevé de révolter des hommes accoutumés k des climats froids, qui manquoient des chofes les plus. nécelfaires pour un fi long voyage. II prévenoit enfuite Conftance contre les rapports calomnieux de fes ennemis : promettant de lui refter toujours intérieurement foumis, il lui repréfentoit qu'il étoit d'une néceffité indifpenfable qu'ils partageaffent enfemble le titre de la puiffance fouveraine. II s'engageoit k lui fournir tous les ans des chevaux d'Efpagne, a lui envoyer des Germains de grande taille pour compofer fa garde, & 1 recevoir de fa main les Préfets du Prétoire; mais il vouloit être le maï:re «le choifir les autres Officiers, tant dvils que militaires, & les gardes  nu Bas-Empire. Liv. XI. 29 de fa perfonne. II 1'avertifïbit qu'en vain voudroit-il arracher de leur pays les troupes Gauloifes, pour les trainer fur les frontieres de la Perfe ; qu'il feroit impoffible de les déterminer k quitter la défenfe de leur patrie tant de fois ravagée 6c expofée plus que tout le refte de 1'Empire aux invafions des barbares. II finifïbit par lui faire fentir en peu de mots, quels malheurs la difcorde des Princes étoit capable de produire. Ammien Marcellin ajoute , ce que Julien n'a garde d'exprimer dans fes écrits, qu'ï ces lettres qui devoient être publiques, il en avoit joint de fecretes, pleines de reproches 6c d'aigreur. Pentade, grand Maitre des offices , affidé a Julien, 6c différent de eet autre Pentade fon ennemi, dont nous avons parlé plufieurs fois, 8c Euthérius, grand Chambellan, furent chargés de ces dépêches , avec un plein pouvoir de traiter des conditions de laccommodement. Julien rapporte qu'il engagea fes troupes k promettre avec ferment de fe contenir dans les bornes de la foumiffion, fi Conftance approuvoit le pafB üj CONSTANCE. Ann, 3 éi?,'  COKSTANCE. Ann. 360, XIV. Conftance refufe tout accommodemenr. Amm. 1, ao. c. 9. Jul. adAth. Liban. or. 12, via. Epit. Zof.l.1. Zon. t, 11, P' 21, 3° // I S T O I R E té, & s'il leur permettoit de refter tranquilles dans la Gaule ; & que toute 1'armée en corps écrivit a ce Prince pour Ie fupplier de maintenir la paix & la bonne intelligence avec fon nouveau collegue. Les députés de Julien rencontrerent de grandes difficultés dans leur voyage. Les Magiftrats de PItalie & de 1'lllyne , inftruits du foulevement de Ia Gaule, les arrêtoient a tous les paffages. Enfin, après avoir furmonté ces obftacles, ils paflerent le Bofphore, & fe rendirent auprès de Conftance a Céfarée en Cappadoce. Ce Prince marchoit vers la Perfe, & il étoit déja arrivé dans cette ville. En recevant la nouvelle de la révolte, il avoit d'abord balancé fur le parti qu'il devoit prendre : mais, de 1'avis de fon confeil , il s'étoit déterminé a fe débarrafler premiérement de la guerre des Perfes , pour venir enfuite tomber fur Julien avec toutes fes forces. La vue des députés, Si la leöure de leurs dépêches, rallumerent tout fon courroux; & lanfant fur eux des regards terribles, & |ui fembloient leur annoncer la mort,  du Bas-Empi&e. Liv. XI. 31 il les chafia de fa préfence, leur dé- ; fendit de reparoitre devant lui, & ne tarda pas a les congédier. II les / fit accompagner de Léonas, Quefteur du palais, qu'il chargea de fa réponfe. C'étoit un politique prudent & circonfpeft, le même qui, 1'année précédente, avoit aflifté de h part de l'Empereur au Concile de Séleucie. Julien lui fit a Paris un accueil très-honorable : il lut avec empreffement la lettre de Conftance : elle contenoit des reproches de ce que, fans attendre fon confentement , il avoit commencé par avilir le nom d'Augufte, en le recevant d'une troupe de féditieux. Conftance lui confeilloit de dépofer une dignité dont le titre étoit fi vicieux & fi mal fondé, & de reprendre celle qu'il tenoit de fon Empereur : il ajoutoit que Julien ne devoit pas avoir oublié ce qu'il devoit a Conftance, qui, après 1'avoir nourri & élevé dans fon enfance, lorfqu'il étoit dépourvu de toute autre reffource, 1'avoit enfuite honoré de la qualité de Céfar. A ces mots, Julien ne put retenir fon mdignation : Eh ! qud ejl celui, s'écriaB iv CONSTANCE. nn. 360.  constance. 'Ann. 360. 1 3 ; l 1 l i I i 1 & Hl S T Ö I r ë tril, qui m'avoit enlevé toutes mes- reffources? quej efi cdui qui ^ du orphelm? N'eJl-iJ pas lui-même le meurtnerde mon pere> Ignore-t-il aden rappellant ce funefie fouvenir, il r'ouvre une plait cruelle dont il eft ?au_ "«a/5 Leonas Ie pria de vouloir bien entendre les ordres de Conftance fur Janornjnauon des nouveaux Officiers Ce Prince, comme s'il eut encore cte ie maitre, nomma Préfet du Prétoire le Quefteur Nébride en la place de Florence; il donnoit la charge de Maitre des offices au Secretaire FéI»; il djfpofoit afon gré des autres emplois. Avant qu'il eut recu la nouyelle du foulevement, il avoit déia nornme Gumoaire Lieutenant-géné■al pour remplacer Lupicin qu'il rap)ello,t. Juhen renvoya au lendemam a decilion de tous ces articles : Je enoncerai de bon emir au titre a"Au',ffk , ajouta-t-il ,fic\ft la volomé des egions : rende^vous demain d l'afem•lee, & rapporte^-y votre lettre. Le Quefeur, craignant pour fa vie, le fup'iioit de ne point communiquer aux roupes la lettre de l'Empereur. Je e veux prendre aucun parti, répondit  nu Bas-Empire. Liv. XI. 33 Julien, fans confulter mes foldats ; mais je vous promets fureté pour votre perfonne. Le lendemain Julien fe rendit au champ de Mars a la tête de fes troupes. Pour rendre fon cortege plus nombreux, il avoit affemblé tout le peuple de la ville. 11 monta fur un tribunal élevé, 6c ordonna a Léonas de produire la lettre de l'Empereur, 8c d'en faire la le&ure. Dès qu'il en fut venu a 1'endroit oü Conftance réduifoit Julien au fimple titre de Céfar, on 1'interrompit.par mille cris: on répétoit de toutes parts : Julier Augujle ; c'ejl le vceu de la Proyince de rarmee, de l'Etat même, qu'il a relevé, mais qui craint encore les infulte. des barbares. Léonas reftoit tremblan & glacé d'efFroi. Julien Fayant raf furé, le congédia après lui avoir fai expédier une réponfe, dans laquell il ne ménageoit plus l'Empereur; i lui reprochoit le maffacre de fa fa mille , 6c le menacoit de venger 1 mort de tant d'innocentes vi&ime: Cependant, pour exécuter une d< conditions qu'il avoit lui-même pre pofées, entre les Officiers nommi B v CONSTANCE. Ann. 360. XV. Les fo!dats s'oppofent a 1'exécution des ordres de Conftance. t t 'l a s 1- :s  Covs- TANCE. Ann, 360 XVI. lettres & députations inutiles de part & «i'autre. 1 i 1 i I < C c c T 34 HlSTOIRE par Conftance, il accepra Nébride en quahte de Préfet du Prétoire ; il confera es autres emplois a des perfonnes dont 1'atfachement lui étoit connu ï il avoit déja nommé grand Maitre des offices Anatolius, auparavant Maitre des requêtes. II y eut encore de part & dWre plufieurs lettres & plufieurs députations. Zofime dit que Julien offroit a Conftance de quitter le diadême, s'il exigeoit ainfi, & de fe contenter de la quahté de Céfar: mais que Conftance n'écoutant que fa colere, répondit aux envoyés , que fi Julien vouloit fauver fa vie, il falloit que renoncant au titre même de Céfar ' & fe réduifant au rang de fimple parJicuher, il s'abandonnat k la clémence le l'Empereur : que c'étoit lWque noyen d'éviter le chatiment que mé'itm fon attentat. Ce même Auteur ut que Julien ayant re$u cette ré>onfe en préfence de fon armée, s'éna , qu'il aimoit mieux remettre fa aufe entre les mains des Dieux, que ans celles de Conftance. Ce récit eft émenti par Julien lui-même , qui spporte que Conftance continua de  nu Bas Empire. Liv. XI. 35 lui clonner dans fes lettres le titre de Céfar ; il en paroït même offenfé ; il ajoute que l'Empereur lui envoya Epiftete qu'il appelle Evêque des Gaules, mais qui, felon 1'apparence, étoit eet Arien dont nous avons parlé, Evêque de Centumcelles en Italië : ce député lui promettoit la vie de la part de l'Empereur, fans s'expliquer fur le rang qu'il tiendroit dans Ia fuite. Julien répondit qu'il ne comptoit nullement fur les paroles de Conftance , 8c qu'il étoit réfolu de conferver le titre d'Augufte, tant pour ne point compromettre fon honneur, que pour ne pas abandonner fes amis a la vengeance d'un Prince fanguinaire , dont tout 1'univers, difoit-il, avoit reflenti la cruauté. Ce nouveau député ne trouva plus Julien a Paris. II en étoit parti après avoir congédié Léonas; 6c pour tenir fes foldats en haleine autant que pour maintenir fa réputation, il marchoit a la tête de toutes fes forces vers la feconde Germanie, 6c s'approchoit de Cleves. Ayant pour la quatrieme fois paffé le Rhin , il tomba tout-a-coup iur le pays des Attttariens, nation FranB vj CONSTANCE. Ann. 360. XVII. ExpédLtion de Julien contre les Attuariens. Amm. 1. 10. c. 10. /. 21. c. 1. JuLadAth, & Epiji. 38. TUI. art.  CONSTANCE. Ann. 360, 57,6- nou 47- Cxf.de bel. Cal. I. 1. <• 53. I 36 HlSTfilRS coife, naturellement inquietre, & qui ravageoit alors plus hardiment que jamais les frontieres de la Gaule. Ce peuple habitoit les bords de la Lippe vers les pays de Cleves & de Mimiter. Comme ils n'étoient pas fur leurs gardes , paree qu'ils croyoient les chenuns impraticables , & qu'ils ne fe iouvenoient pas qu'aucun Prince eut jamais pe'nétré dans leurs pays , ils ne fïrent pas longue réfiftance. On en maffacra , on en prit un grand nombre. Les autres demanderent la paix. Juhen, pour la procurer aux Gaulois voifins, 1'accorda a ces barbares aux conditions qu'il voulut. Cette expédition dura trois mois. Le vainqueur revint le long du Rhin jufqu'a Bale , vifitant avec foin routes les places de la frontiere, & les mettant en état de défenfe. II en reprit plufieurs dont les barbares étoient encore les maitres, en forte qu'il ne leur refta pas un pouce de terrein dans teute Petendu e de la Gaule. Julien paffa par Be(ancon. Ce n'étoit en ce temps-la qii'une petite ville, nouvellement re3atie fur la pointe d'un rocher prefatie inacceffible, défendue d'une bon-  du Bas-Empire. Liv. XL 37 ne muraille, ck environnée de la riviere du Doux. Au temps de Céfar, c'étoit une ville confidérable ; elle avoit fubfifté dans fa fplendeur jufqu'au regne d'Aurélien , après lequel elle avoit été détruite par les Allemands. De Befangon, Julien vint paffer 1'hyver a Vienne. II y prit le diadême orné de pierreries, s'étant contenté jufqu'alors d'une limple couronne , ou plutöt d'un bandeau fans aucun ornement. II célébra par des fpectacles publics la fin de la cinquieme année depuis qu'il avoit été nommé Céfar. Ce fut dans ce féjour qu'il perdil fa femme Hélene. Selon quelques Auteurs , elle mouriit dans le palais D'autres difent qu'il 1'avoit répudiée: quelques-uns même prétendent qu'il s'en défit par le poifon. Ces deux dernieres opinions n'ont rien de vrai' femblable. Le corps d'Hélene fut por té a Rome, & enterré fur le chemii de Nomente , dans la même fépultun oü 1'on avoit dépofé fa foeur Conl tantine , femme de Gallus. Elle n laiffa poinf d'enfants k Julien. Un pal i fage d'une lettre de ce Prince ? dan CONSTANCE. Ann. 3Ó°t xvnt. Mort d'Hélene, femme de Julien. Amm. 1. 21. c. I. 5» • ibi Vahf. . & l. 25. c. Jul. ep. 40. I Mamtn. > pan. c. 13. Lib. or. 12. Grcg. Na\. i er. 4. . Zon. t. II, p. 22. S Ad-, t. i,  CONSTANCE. Ann. 360. JJu Cange famil, By^. p. Jl. M. l'Abbé de la Bletcrie , vie de Julien , l. 3 p. 1845- nijp fes re- , marqués fur le Mifopo- 1 gon.p.ïoj. j l 1 t J C I 1 a F g r n. r XIX. Singare 38 II I s T 0 I R E lequel il parle du nourricier de fes enrants, n'eft pas affez précis pour prouver qu'il eut des enfants légitimes, ni pour le faire accufer d'en avoir eu de naturels. II eft poffible que par un effet de bienveillance particuhere , il ait honoré de ce nom des snfants qui ne lui appartenoient que >ar fa tendreffe, & par le foin qu'il ïn prenoit. Les payens lui attribuent ine chafteté-fans reproche; & Saint -rfegoire de Nazianze, qui ne 1'épar|ne pas, ne jette fur eet article que les foupcons. II difoit luimêmed'après lil ancien Poëte : Que la chafteté efl lans les mceurs ce que la têu eft dans 'ne belle Jlatue, & que Fincontinence uffit pour diparer la plus belle vie. Ce tu'il y a de certain , c'eft qu'étant la fleur de 1'age, lorfqu'il perdit Hé-ne , il réfifta aux inftances de fes mis, qui le preffoient de fe remarier our fe donner des fucceffeurs dines de lui & de 1'Empire : Et c\ft , ïpartit Julien, cette raifon même qui empéekedefuivre votre confeil; je crains op de laiffer des héritiers indignes de Empire & de moi. Pendant que les Provinces d'Occi-  CONSTANCE. Ann. 360. nes : dautres couverts de clayes èc de madriers s'approchent pour battre les murs. Les affiégés les recoiyent avec courage; les pierres, les javelots, les balles de plomb lancées avec la fronde, les torches ardentes ne ceflent de pleuvoir du haut des murailles. L'attaque & la réfiftance s'opiniatroient de jour en jour. Les plus grands efforts des affiégeants fe porterent contre une tour ronde, nouvellement rebatie : c'étoit par-la que les Romains avoient depuis peu repris la ville. Un énorme bélier battoit cette tour avec furie; & le ciment qui n'avoit pas encore eu le temps de fe durcir, ni de prendre une confiftance folide , rendoit les pierres plus faciles k déjoindre & k ébranler. Les affiégés, de leur cöté, avoient réuni en eet endroit leurs principales forces; ils n'épargnoient ni le fer, ni le feu, ni leur propre vie. Enfin, après plufieurs jours d'attaque, la tour tombe avec un horri- ble fracas; elle enfévelit fous fes rui- 40 HlSTOlRE mee fe mit en mouvement : les uns portant des échelles environnent la ville : les autres dreffent les machi-  CONSTANCE. Ann. 360, XXIII. Conftance en Mêfopotamie. Amm. I, 20. c. II. ; Ath. adSo' ' lil. ] Coi.Th.'l. , ll( tit, i, , 1'g. I. J 46 H I S T O 1 R E celle de la paix : il les renferma toute s deux dans la même enceinte, Si n'en fit qu'tine feule Eglife, confacrée k la Sageffe divine fous le nom de Sainte-Sophie. Elle fut depuis rebatie par JufHnien avec magnifkence. L'Arien Eudoxe, nouvellement élevé fur le fiege de Conftantinople, qui préfidoit a cette folemnité, la déshonora par les impiétés qu'il eut la hardieffe de débiter devant le peuple dans la chaire de vérité ; &z l'Empereur fe rendit plus coupable en tolérant ces blafphêmes, qu'il n'eut de mérite a enrichir cette Eglife d'ornements précieux, & a répandre k cette occafion des libéralités fur le Clergé, fur les vierges, fur les veuves confacrées aDieu, & fur les hópitaux. II prit en fuite fa route par Ia Cappadoce, oü les députés de Julien vinrent le trouver a Céfarée, comme ious 1'avons raconté. II y fit venir ^rface, Roi d'Arménie. L'Empereur, nformé que les Perfes s'efForcoient jar toute forte d'artifices & même de nenaces de détacher ce Prince de 1'aliance des Romains, lui rendit de  du Bas-Empire. Lip. XI. 47 grands honneurs ; & pour 1'attacher par des noeuds plus étroits, il lui fit époufer Olympias , fille d'Ablave , qui avoit autrefois été fiancée a Conftant, & qui porta en mariage a Arface de grands domaines qu'elle poffédoit dans 1'Empire. Ce mariage fut afiez généralement défapprouvé. On penfoit que Conftance manquoit a la mémoire de fon frere ; on le blamoit d'avoir livré entre les bras d'un Prince barbare une époufe que Conftant s'étoit deftinée. Arface, après avoir plufieurs fois protefté avec ferment qu'il perdroit la vie plutöt que de renoncer k 1'alliance des Romains, retourna dans fes Etats, comblé de préfents pour lui & pour toute fa fuite. Conftance continua fa route par Mélitine , ville de la petite Arménie. Ayant pafTé PEuphrate k Samofate , il vint k EdefTe. II y refla long-temps pour attendre les divers corps de troupes qui s'y rendoient, & les provifions de vivres dont il faifoit de grands amas. II n'en partit qu'après 1'équinoxe d'automne , & il prit le chemin d'Amide. A la vue de cette ville malheureufe, qui n'étoit plus qu'un mon- CONSTANCE. Ann. 360,  CONSTANCE. Ann, 360, XXIV. Siege de liézabde. Amm. 1, 30 c. II. I ] 48 IJ I S T 0 I R E ceau de pierres & de cendres, ii ne put retenir fes larrnes. Le Trélbrier de 1'épargne, nommé Urfule, qui fe trouvoit a fes cötés, attendri d'un fi trifte fpeftacle, s'écria: Voild donc avec quel courage nos foldats dêfendent nos villes, tandis que l'Empire s'e'puife pour payer leurs fervices. Cette parole piqua vivement les foldats : elle fut dans la fuite, finon la vraie caufe, du moins le prétexte du maffacre d'Urfule. L'Empereur, arrivé prés de Bézabde, entoura fon camp d'une paliffade & d'un foffé profond. II trouva les breches réparées, & la place en état de défenfe. II fit d'abord propofer a la garnifon le choix d'être renvoyée en Perfe, ou de prendre ïarfi dans fes troupes. Comme elle -tok compofée de nobleffe qui fe pijuoit de valeur, ces conditions fu•ent rejettées avec mépris. Les Ronains, partagés en différents corps, nveflirent la place, & s'avancerent i petits pas. Mais les pierres dont es affiégés les accabloient, briferent eurs boucliers, rompirent leur orlonnance, & les obligerent a s'éoigner, Après un jour de repos, ils fe  du Bas-Empire. Liv. XI. 49 fe rapprochent avec précaution & ' tentent un affaut général. Les affiégés ayant tendu fur les murailles de , grands rideaux de poil de chevre qui les déroboient k la vue de 1'ennemi, ne fe montroient que pour lancer des pierres & des javelots. Ils jettoient fur les mantelets établis au pied du mur des tonneaux remplis de cailloux, des meules de moulin, des fragments de colonnes, qui écrafoient de leur poids & les machines & les foldats. D'autre part, les aflïégeants abattoient k coups de traits, k coups de fronde tous ceux qui fe préfentoient k la défenfe des remparts : ils travailloient fans cefle a élever leurs terraffes; le fiege devenoit de jour en jour plus meurtrier. L'ardeur des foldats Romains multiplioit leurs pertes : pour fe faire remarquer de l'Empereur dont ils efpéroient récompenfe, ils quittoient leurs cafques, & s'expofoient la tête nue aux coups des ennemis. Ce qui allarmoit le plus les affiégés, c'étoit un bélier d'une énorme groffeur. Les Perfes s'en étoient fervis plus de cent ans auparavant pour battre les mu- Tome III, C Cons- TANCE. Lnn. }óoa'  CONSTANCE. Ann. 360. 1 ] 1 J i t t f3 XXV. Vigou- L reufe réiiftance. 50 HlSTOIRE railles d'Antioche, lorfqu'iis s'en étoient rendus maitres du temps de VaIérien : a leur retour, ils Pavoient laifle dans la ville de Carrés. Conftance 1'ayant fait démonter pour en faciliter le tranfport, le remit en batterie au pied d'une tour. Chaque coup qu'il portoit ébranloit la tour jufqu'aux fondements, & glacoit d'effroi les habitants. On s'efforcoit d'y mettre le feu; on lancoit pour eet efFet des traits enflammés; mais les Romains ayant eu la précaution d'enduire d'alun, 011 d'envelopper de peaux & de haillons imbibés d'eau le bois de leurs batteries, le feu n'y trouvoit aucune prife. Les Perfes, ne pouvant détruire cette terrible nachine, réuffirent a la rendre inu:ile. Dans le moment que le bélier vejoit frapper la tour, ils en faifirent la ête avec de longs cordages, &le tinent fifortement affujetti, qu'il étoit mpoffible de le retirer en-arriere, 'i de le mettre en branie. En mêmeemps, ils verfoient delfus a grands ots le bitume & la poix ardente. Déja les terraffes s'élevoient k Ia auteur des murs, Les aiEégés voyant I  nu Bas-Empire. Llv. XL 51 leur perte affurée, s'ils ne redoubloient leurs efforts, font une furieufe fortie : ils chargent avec vigueur les premiers bataillons, & lancent fur les machines des torches & des matieres enflammées. Après un combat opiniatre, on les repoufle dans la place. Les fleches & les pierres volent fans ceffe des terraffes fur les murs : on s'emprefTe d'une part k mettre le feu aux tours, de 1'autre a 1'éteindre. Les Perfes ck les Romains, également défefpérés de leurs pertes, fortent en grand nombre les uns de la ville, les autres de leur camp : ceux-la, armés de fer & de feu , réduifent en cendres toutes les machines. On ne put fauver que le gros bélier a demi-brülé : une troupe de braves foldats vint a bout de le dégager en rompant par des fecoufles redoublées les cordages qui le tenoient attaché k la muraille. Les deux partis enveloppés de flamme & de fumée, fe battoient en aveugles, & confondoient leurs coups : la nuit les fépara. Les Romains, après quelques moments de repos, reculerent leur camp, pour n'être plus expofés k des C ij CONSTANCE. Ann. 360.  CONSTANCE. Ann, 560, 52 HlSTOIRE attaques fi précipitées. Leurs terraffes étoient achevées, & furmontoient les murs. Ils y établirent deux balliftes, en état de foudroyer la ville. Avant le point du jour, s'étant partagés en trois corps, ils s'avancent au fon des trompetfes, portam des echelles & tous les inftruments alors en ufage pour faper & démolir les -, murs. On fait en même-temps de part & d'autre des décharges de fleches. Mais ce qui incommodoit le plus les affiégés, c'étoient les deux balliftes placées fur la terraffe. Réfolus de périr ou de détruire ces machines meurtrieres , ils ne laiffent dans la place que le nombre néceffaire pour la défenfe; les autres fortent . fecretement par une poterne éloignée de la vue de 1'ennemi , & fondent tout-a-coup les armes a la main, fuivis d'une feconde troupe qui portoit des torches allumées. Ceux-ci, pendant 1'ardeur du corabat, fe couïent derrière leurs camarades , & vont appliquer le feu k la terraffe, conf:ruite en grande partie de branches i'arbres, d e joncs & de rofeaux. La lamme s'éleve, la terraffe n'eft bien-;  nu Bas-Empire. Liv. XL 53 a ^ __.».._ ~A KAz-Via»- • Ipc foldats IOI (JU Uil glcuiu uuyuv. . Romains 1'abandonnent, & fauvent avec peine leurs balliftes. Le combat dura tout le jour. Sur le foir, les deux partis s'étant retirés, Conftance paffa la nuit dans de violentes agitations. D'une part, il fentoit 1'importance de ne pas laifter les Per fes maitres d'une place qui faifoit de ce cöté-la le plus fort boulevard de 1'Empire : de 1'autre, tous les ouvrages etoient ruinés, & la faifon avancée. II fe détermina a renir la place bloquée, efpérant de la prendre par famine. C'étoit s'expofer a fouffrir lui-même plus de maux qu'il n'en pouvoit faire aux affiégés: fon armée auroit été détruite ayant qu'elle eut pu réduire la place. Bien. tot de violents orages, la terre détrempée par des pluies continuelles, le froid de 1'hy ver qui fe faifoit fentir de plus en plus, les partis ennemis qui lui enlevoient fes convois ■ les murmures des foldats rebutés de tant de fatigues, 1'obligerent a levér le fiege. Couvert de honte , i revint pafler le refte de 1'hyver < Antioche. II étoit le dix-feptieme èi C iij CONSTANCE. Ann. 360. XXVI. Conftance leve le fiege. Amm. ibid. Lib. pro templis. Jul. ai Ath. Philoji. U 5. «. 4Cod. Th. I. 7. tit. 4. leg. 6. Baron, ad an. 359- TUI. not. 46.  66 Histoirp. constance. Ann. 361 Amm. I 21. c. 4. L'b, or, 12, ] i I i aucune nart a cette miArr» Tt +A^u„:* d amufer Julien par des proteftations , ü un attachement inviolable : il lui prodiguoit dans fes lettres les noms les plus flatteurs : il lui donnoit même le titre de Dku. II entretenoit deshaifons avec les Officiers Romains, qui gardoient la frontiere, ens des foldats : cette fonöion étoit lepuis long-temps décriée, & touours recherchée; ils étoient compables & même affujettis k la quefion, fi leurs comptes n'étoient pas nregie; mais ils obtenoient par arent & par intrigues des dignités qui  du Bas-Empire. Liv. XI. 103 les exemptoient de la torture : Conftance leur enleva cette relTource d'impunité, en les declarant incapables de pofleder aucune charge jufqu'a 1'apurement de leurs comptes. Conftantin n'avoit pu abolir a Rome les fpectacles des gladiateurs : les foldats & les gardes mêmes du Prince, accoutumés k manier les armes, fe louoienl volontiers pour ces combats cruels: Conftance leur défendit eet infame trafic de leur propre fang : il condamna k fix livres d'or ceux quWe: y engageroient; & s'ils fe préfem toient d'eux-mêmes, il ordonna d< les charger de chaines, & de les re mettre entre les mains de leurs Of ficiers. Pour maintenir 1'honneur de dignités, & les fauver de 1'aviliffe ment ou elles ne manqnent pas d tomber, quand 1'argent feul y donn entree, il en interdit 1'accès aux mar chands, aux monétaires, aux com mis, aux ftationnaires, (c'étoient d bas officiers deftinés a obferver le délinquants dans les Provinces , £ k les dénoncer aux Juges,) en u mot k tous ceux qui exercent ces pre feffions, ces emplois , qu'on ne rc E iv CONSTANCE. Ann, 361. i S c' 1  CONSTANCE. Aan. 361 IO4 H 1 S T 0 I R E ' cherche que pour le profït : il ordonna d'écarter des charges ces for, tes de gens , & de les renvoyer k leur premier état. Les Empereurs précédents avoient établi une forte d'ofiiciers publics pour avoir foin de faire tranfporter les bleds nécefiaires k la nourriture des armées, ou de recueilür les fommes d'argent qu'on exigeoir quelquefois au-lieu de bied. Ces Officiers portoient pour cette raifon le nom de frumemaires. Comme leur fonftion les obligeoit de parcourir les Provinces , les Princes fe fervirent d'eux comme d'autant. de couriers & d'efpions, pour porter & exécuter leurs ordres, rechercher, arrêter, & quelquefois même punir les criminels , & pour donner avis a l'Empereur de tout ce qui fe paflbit contre fon fervice dans toute 1'étendue de 1'Empire. II leur arriva ce qui ne manque jamais d'arriver a des hommes de néant, honorés de la confiance de leur maitre; ils en abuferent : leurs calomnies & leurs rapines les rendirent fi odieux, queDioclétien fut obligé de les fupprimer. II eft difficile k ceux qui gouvernent  du Bas-Empire. Liv. XL 105 de fe détacher tout-a-fait d'un ufage même dangereux , quand il paroit propre a. les foulager dans les foins du gouvernement; les bons Princes fe flattent d'en écarter les abus; les méchants ne confiderent que leur propre commodité. Ces délateurs, en titre d'office, reparurent bientót fous un autre nom qui exprimoit mieux leur deftination : on les appella les cur'uux; ils fe nommoient eux-mêmes les yeux du Prince, titre qui avoit été honorable en Perfe dès le temps de Cyrus. Ceux-ci n'avoient pas le pouyoir d'exécuter, ni même d'arrêter les criminels ; ils ne pouvoient que les dénoncer aux Magiftrats; ce qui leur étoit commun avec les fiationnaires : ils furent de plus chargé; d'empêcher 1'exportation des marchandifes, qu'il n'étoit pas permis d< faire fortir de PEmpire, & de veil Ier k la confervation des poftes & des voitures publiques. Conftance le choifiiToit entre ceux qu'on appelloi les agents de l'Empereur. Sous un re gne aufli foible, ils s'érigerent bien tot en tyrans, fur-tout dansles Pro vinces éloignées : ils mettoient a con E v CONSTANCE. A.nn. 361. i t  CONSTAJiCE. Ann. 361. 106 UlSTOIRE, &c. tribution le crime & 1'innocence ; point de coupable qui ne put k force d'argent fe procurer 1'impunité; point d'innocent qui ne fut réduit k ie racheter de leurs calomnies. Conftance fit plufieurs loix pour retenir dans de juftes bornes cette inquifition d'Etat. La facilité de s'enrichir les avoit multipliés ; il les réduifit a deux pour chaque Province. Julien fit mieux ; il abolit entiérement eet office. Mais on le vit renaitre fous fes fuccefleurs.  Io(> HISTOIRE D U BASEMPIRE. L I V RE DOUZIEME. JULIEN. LA mort de Conftance étoit un événement fi imprévu & fi heureux pour le nouvel Empereur , que la plupart des amis de Julien n'ofoient la croire. C'étoit, a leur avis, une fauffe nouvelle, par laquelle on vouloit endormir fa vigilance , & Patrirer dans un piege. Pour vaincre leur défiance , Julien leur mit fous Julien. Ann. 361. I. Julien ar» rive a Conftantinople. Amm. I. 20. c. 2. Lib, or, ii.  Julien. Ann. 361. Mamert. pan. c. 27. Idace. Zof. I. 3. Soc. I. 3. e. 1. Zon. t, 11. p. 24. 1IO II £ S T O I R E les yeux une prédiftion plus ancienne , qui lui promettoit la vi&oire fans tirer 1'épée. Cette prétendue prophétie , qui, pour des efprits raifonnables, auroit eu befoin-d'être confirmée par le fait, y fervit de preuve. Julien, exercé depuis long-temps a prendre toutes les formes convenables aux circonfiances , n'oublia pas de fe faire honneur eri verfant quelques larmes, que fes panégyriftes ont foigneufement recueillis : il recommanda qu'on rendit au corps de Conftance tous les honneurs dus aux Empereurs : il prit 1'habit de deuil; il re$ut avec un chagrin affeöé les témoignages de joie de toutes les légions, qui le faluerent de nouveau du titre d'Augufte. II marcha aufti-töt, traverfa lans obftacle le défilé de Sucques, paffa par Philippopolis, & vint k Héraclée. Tous les corps de troupes envoyés pour lui difputer les paffages, fe rangeoient fous fes enfeignes, toutes les villes ouvroient leurs portes, & reconnoiffoient leur nouveau Souverajn. Les habitants de Conftantinople vinrent en foule a fa rencontre. II y entra  du üas-Empire. Liv. XII. III le onzieme de Décembre au mijieu des acclamations du peuple, qui le mêlant parmi fes foldats, le confidéroit avec des tranfports d'admiration & de tendreffe. On fe rappelloit qu'il avoit recu dans cette ville la naiffance 8c la première nourriture : on comparoit avec fa jeuneffe, avec fon extérieur qui n'annoncoit rien de grand , tout ce qu'avoit publié de lui la renommée, tout ce qu'on voyoit exécuté ; tant de batailles 8c de viftoires; la rapidité d'une marche pénible, femée de péj rils 8c d'obftacles qui n'avoient fait ! qu'accroitre fes forces; la proteftion divine qui le mettoit en pofleffion | de 1'Empire fans qu'il en coutat une goutte de fang. Le concours de tant de circonftances extraordinaires frappoit tous les efprits : on formoit les plus heureux préfages d'un regne qui s'étoit annoncé par tant de merveilles. Ses Officiers 8c fes foldats , témoins de la conduite qu'il avoit tenue dans la Gaule , confirmoient ces belles efpérances : ils promettoient un Empereur égal aux Tites , aux Trajans, aux Antonins : ils ne cef- JüLIEK. Ann. 361. II. Caractere de Julien. Amm. I. 25. e. 4'  ! Julien. Ann. 361. 112 li l 5 T O I R E foienr de louer fa tempérance, fa juftice , fa prudence & fon courage : ils le repréfentoient fobre, chafte, vigilant, infatigable, affable fans baffeffe , gardant fa dignité fans orgueil, montrant dans la plus vive jeuneffe toute la maturité d'un vieillard con- j fommé dans les affaires; plein dequité & de douceur même k 1'égard de fes ennemis; fachant allier la févérité du commandement avec une bonté paternelle; détaché des richeffes, des plaifirs, de lui-même; ne yivant, ne refpirantque dans fes fujets, dont il partageoit tous lesmaux, pour leur communiquer tous fes biens. Ils racontoient fes combats ; combien de fois 1'avoient-ils vu, foldat en même temps que Capitaine , tantót attaquer 1'épée a la main les plus redoutables ennemis, tantót arrêter la fuite des fiens en leur oppofant fa perfonne, & toujours déterminer la vicïoire autant par fes aöions que par fes ordres ? Ils relevoient fon habileté dans les campements, dans les fieges, dans la difpofition des batailles ; la force de fes paroles, & plus encore de fes exemples capa-  du Bas-Empire. Liv. XII. 113 bles d'adoucir lés plus extrêmes fatigues, & d'infpirer le courage dans les plus grands périls; fa libéralité qui ne lui laiffoit de tréfors que ceux qu'il avoit placés entre les mains de fes peuples. Quel bonheur pour 1'Empire, oü il alloit répandre les mêmes biens qu'il avoit procurés k la Gaule ! Ces éloges étoient véritables ; & il faut avouer que fi 1'on retranche la fuperftition & la bifarre affe&ation de Philofophie, Julien Céfar fut le modele des Empereurs les plus accomplis. Mais il paroit que tant de qualités brillantes étoient accommodées au théatre , & qu'elles n'avoient pour la plupart d'autre fource que la vanité, & peut-être la haine qu'il portoit k Conftance : & je ne fais fi 1'on ne peut pas dire qu'il doit k ce Prince prefque toutes fes vertus, comme tous fes malheurs. Son antipathie pour le meurtrier de fa familie, Péloigna de tous les vices de Conftance : il n'en falloit guere davantage pour faire un grand Prince. Les faits juftifient ce que j'avance. Sa conduite équivoque dans la rébellion, le rend d'abord fufpecl: : la Juuen. Ann. 361.  Juiien. Aan. 361 ra. Funérailles de Conftance.Amm. I. at. c 16. Zii. or. 12. or. 4. Mamert. pan. c. 3. Soc. I. 3. C I. Philojt. 1. 6. c. 6. Zon. t. II. p. 24. Ccdr. t. I. p. 303. 114 HlSTOIRE guerre ouverte qu'il entreprit enfuite contre fon Empereur démafque fon infidélité & fon ambition : celle qu'il déclara au Chriftianifme montre une malice réfléchie, qui fe portoit a la cruauté, quand elle en pouvoit éviterle reproche : enfin, fon expédition contre les Perfes , en lui laiffant la gloire du courage, lui enleve entiérement le mérite de la prudence. Le premier foin de Julien fut de rendre a fon prédéceffeur les devoirs funebres. Le corps de Conftance, embaumé & enfermé dans un cercueil, étoit parti de Cilicie , fuivi de toute l'armée. Jovien, Capitaine des gardes , afïis dans le char funebre, repréfenroit l'Empereur. On lui adreffoit les honneurs qu'on avoit coutume de rendre au Souverain, quand il traverfoit les Provinces. Les députés des villes fe rendoient fur le paflage : on lui offroit 1'effai du bied dépofé dans les magafins pour la fubfiftance des troupes; on lui préfentoit les animaux entretenus pour le fervice des poftes & des voitures publiques. On remarqua après 1'événement, que ces honneurs paf-  hu Bas-Empïre. Liv. XII. 115 fagers avoient été en même-temps pour Jovien un préiage de fon élévation a 1'Empire, & celui d'une mort prochaine. Le char étant arrivé au bord du Bofphore, fut placé fur un vailTeau. Julien, fans diadême , revêtu de la pourpre , mais dépouillé de tous les autres ornements impériaux, Pattendoit fur le rivage, a la tête de fes foldats fous les armes & rangés en ordre de bataille. II le recut avec refpeft; il toucha le cercueil, & Ie conduifit en verfant des larmesa 1'Eglife des Saints Apötres, ouConftance fut dépofé dans letombeau de fon pere a cöté de fa femme Eufébie. St. Grégoire , dans le détail de cette pompe funebre , parle de prieres, de chants nocturnes & de cierges portés par les afliftants, comme de chofes dès-lors en ufage dans les funérailles des Chrétiens. Mamertin , panégyrifte de Julien, & payen comme lui , donne a Conftance le titre de Divus. Ce nom confacré par le paganifme a 1'apothéofe des Empereurs, fe trouve quelquefois employé par les Chétiens mêmes, Ce n'étoit plus qu'un terme de Juiien. Ann. 361  Dü Bas-Empirè. Liv. XII. 143 approuver ce qu'elle avoit d'outré & de bifarre , ils penfoient que 1'excès en ce genre eft moins facheux pour les peuples, & moins contagieux pour les fucceffeurs. Le luxe qui régnoit a la Cour s'étoit introduit dans les armées. Ce n'étoient plus ces foldats fobres & infatigables , qui couchoient tout armes fur la terre nue ou fur la paille, & dont toute la vaiffelle confiftoit en un vafe de terre : c'étoient des hommes délicats & voluptueux, corrompus par 1'oifiveté, quiregardoient leurs lits comme une partie de leur équipage plus néceffaire que leurs armes, qui portoient des coupes dargent plus pefantes que leurs épées. Leurs Officiers parvenus par 1'intrigue, ne pouvoient foger que dans des palais; ils s'enrichilToient aux dépens des foldats , & les foldats aux dépens des Provinces, a qui feules ils faifoient la guerre par leurs pillages, ne fachant que fuir devant 1'ennemi. Plus de fubordination ni d'obéiffance : plus d'honneur ni de courage. Julien rétablit la difcipline : il ne mit en place que des Officiers F ij Julien. Aan. 361'. VI. Rétabiiffement de la difciplif ne militaire. Amm, [. 11 c, 4,7. Cod. Th. !. 7. tit. 4. H: 7, s. S* ibi God,  JUIIEN. Ann. 361. vu. Mo dé ration de Julien. Jul. mi/op, 'Ui. or. 11. Mamert. pan. c. 27. Eunap. hifi. ByX. Cod. Th. I. 13. tit. 13. kg. 1. & jbi God, I24. HlSTOIR.lt éprouvés par de longs fervices : il prit foin que les foldats ne manquaffent ni de bonnes armes, ni d'habillements, ni de paye , ni de nourriture ; mais il retrancha févérement •tout ce qui tendoit au luxe. II leur fit reprendre Phabitude du travail : une de fes loix ordonne que le fourrage qui eft fourni par les Provinces , ne fera apporté que jufqu'a vingt milles du camp , ou du lieu dans lequel les foldats font leur féjour, & qu'ils feront «bligés de TalIer chercher k cette diftance : c'étoit la marche ordinaire d'une journée. L'exemple du Prince étoit une loi de frugalité & de tempérance. La puiffance fouveraine ne changea rien dans les mceurs de Julien , non plus que dans fa dépenfe perfonnelle. Modefte fur le tröne comme il 1'avoit été dans 1'oppreffion , il rejetta le titre de Seigneur , que 1'ufage avoit attaché aux Empereurs : c'étoit 1'offenfer que de Pappeller de ce nom. Nulle recherche dans fes habits. La pourpre impériale étoit d'une teinture diftinguée & beaucoup plus éclatante ; il fe contenta de la plus c©m-  nv Bas-Empire. Liv. XII. 125 mime* II voulut même plufieurs fois quitter le diadême, & ne le retint que par bienféance. Selort une ancienne coutume, les Provinces envoyoient par leurs députés des couronnes d'or a l'Empereur, foit lorfqu'il parvenoit a 1'Empire, foit h 1'occafion d'un événement heureux , ou pour le remercier d'un bienfait; & eet ufage étoit devenu une obligation. •Les bons Princes en avoient quelquefois difpenfé; les autres exigeoient ce préfent comme un droit de la fou* veraineté. Les Préfets du prétoire impofoient a eet effet unè tax-e ar-1 bitraire, fans en exempter ceux mêmés qui étoient privilégiés a 1'égard des autres contributions. L'avarice des Empereurs , & la flatterie des Préfets avoient fait monter ces couronnes a un prix exceflif; il y en avoit de mille onces, quelquefois de deux mille. Julien rendit a ce préfent fa liberté primitive, & par conféquent fon mérite : il voulut qu'il fut purement volontaire; il défendit même d'excéder dans ces couronnes le poids de foixante-dix onces. C'étoit , a fon avis, dénaturer un homF iij Julien. Ann, 36c  Juhen. Ann. 361, VIII. II foulagf les Prorinces. Amm. 1 25. c. 4. Mam ere. pa», c. 2y, Lib. or. j, 11. Jul. epijl. 47. tr mifop. Eutr. I.1 o. Ambrof. era. de obitu Valent. Cod. Th. I. tit, 11, leg. unie. L. 8. tit. 1. kg. 6,7, 8. tit. j. leg. 12,13. 14,15 ,16. /. 10. tit, ?• kg. I. L. 11. «V. 3- /2 HlSTOlRB vivant de Conftance. Quelque temps après, ce même Evêque étant accufé d'avoir; fous le regne précédent, détruit des temples & converti quelques payens, il le chaffa de la ville, lui &c tout fon Clergé, avec défenfe d'y rentrer, de crainte, difoitil, qu'ils n'y excitaffent quelque fédition. Les Donatiftes n'ofoient lever la tête, depuis que Conftant avoit chatié leur infolence. Auffi-töt que Julien fut monté fur le tröne,'ils s'emprefferent de fe concilier la faveur du nouveau Prince. Ils lui députerent pour demander la reftitution de leurs bafiliques. Leurs envoyés n epargnerent pas Ia flatterie : on leur a reproché dans tous les fiecles d'avoir dit a Julien : Qu'il étoit le feul Prince qui fut kouter la juftice. Cet éloge fut regardé comme une trahifon faite au Chriftianifme ; & leur requête devint fi odieufe, que quarante ans après, Honorius, pour les couvrir d'ignominie, ordonna qu'elle feroit publiquement affichée avec le refcrit de Julien, qui les rétabliiloit dans toutes leurs anciennes poffellions. Julien fe përfua-  nu Bas-Empirb. Liv. XII. xfy par le Confeil de la ville, & par les fuffrages des principaux habitants : il ordonna que le décret lui feroit envoyé pour 1'examiner & le ratifïer. II témoignoit de grands égards aux médecins : il fit revivre en faveur de ceux de la Cour & des deux capitales de 1'Empire, Rome & Conftantinople , tous les privileges qui leur avoient été accordés par les anciens Empereurs, '& les déclara exempts de toute fonöion onéreufe. Rien n'eft plus honorable que la lettre par laquelle il rétablit le médecin Zénon, que la fa&ion de 1'Evêque George avoit chaffé d'Alexandrie. Mais en même-temps, il défendit aux Chrétiens d'enfeigner, & peut-être même de pratiquer la médecine. Saint Jean Chryfoftöme comprend cette profef. fion dans le nombre de celles dont les Chrétiens furent exclus. Céfaire, frere de St. Grégoire de Nazianze, avoit exercé la médecine auprès de Conftance avec une grande réputation. Son favoir & fon défintéreflement, qui en rehauflbit le prix, lui avoient mérité 1'eftime de toute la ville de Conftantinople, & les plus honoTome UI, H Julien. Ann. 361. & lex de medicis, pa 154- Greg. or. IO. & ep. 17- Chryfofl.in Juvenu &• Max. t. II. P- Ï79. Cod. Th. 1.1}. tit. 3. rfoit leur difputer ; il ne leur pernettoit pas même de fe défendre deant les tribunaux : Votre Religion, sur difoit-il, vous interdit les proces ( les querelles. A 1'occafion des préaratifs qu'il falloit faire pour la guere contre les Perfes, il impofa une txe fur tous ceux qui refufoient de icnfier. Les Gouverneurs des Promees, trouvant une conjoncfure fi vorable pour s'enrichir, exigeoient eaucoup au-dela des fommes impoes ; ils employoient les contrains les plus rigoureufes; & lorfque s Chrétiens portoient leurs plains a l'Empereur : Retire^-vous, Gaeens infideles, leur répondoit-il: vo-  du Bas-Empib.e. Liv. XII. 173 tre Dieu ne vous a-t-il pas appris d méprifer les biens de ce monde , & d fouffrir avec patience les affliclions & les injujlices ? La plupart des habitants d'EdelTe étoient attachés k la foi Catholique; mais cette ville renfermoit encore deux fe&es d'hérétiques, les Valentiniens & les Ariens. Ceux-ci, fiers de la puilTance qu'ils avoient acquife fous le regne de Conftance , attaquerent les Valentiniens, & commirent de grands défordres. Julien faifit cette occaiïon pour dépouiller TEglife d'Edeffe , qui étoit fort riche ; & fans faire diftinakm des Catholiques qui n'avoient aucune part _a la querelle , il ordonna que les biens de cette Eglife feroient confifqués. La lettre qu'il écrit a ce fujet au premier Magiftrat de la ville, joint aux plus terribles menaces une froide & maligne plaifanterie : Uadmirable loi des Galilêens, dit-il, leur prefcrivant de fe débarraffer des biens de la terre, pour arriver plus aiféinent au Royaume des Cieux, nous voulons, autant qu'il efl en nous, leur faciliter le voyage. Les villes qui fe fignaloient en faveur de 1'idolatrie, étoient afluH iij Julien. Ann. 362  Julien. Ann. 36Ï. XXIX. 11 tache de furprendreles foldats. Greg.or. 3. Soc. I. 3. c. 13. Theod. I. 3, c-7, n, 16. c 16. L. unius , ff. de quefüonibus, ] 1 J 1 *74 Histoirz rees de fa bienveillance : il les prévenoit lui-même , & les exhortoit par fes lettres k lui demander des graces. Les villes Chrétiennes, au contraire, n'obtenoient pas juftice : il év*oit d'y entrer : il refufoit audience a leurs députés : il rejettoït leurs requêtes. La ville de Nifibe demanda du fecours contre les Perfes, dont elle craignoit les infultes : il répondit aux envoyés : Qu'ils obtier.drount tout de lui, quand ils auroitht commencé par invoquer les Dieux. II s'attachoit fur-tout a pervertir les foldats. L'ignorance, le defir d'avancer dans le fervice, 1'habitude de ne connoitre d'autre loi que la volonté du Prince, lui faifoient efpérer de leur part une foumiffion aveugle. Le changement du Labarum & le mélange des images des Dieux avec :elles de Julien, aidoient a la féduc:ion. Inftruits de tout temps k révé-er leurs enfeignes & les portraits de eurs Empereurs, la plupart ne s'ap)ercurent pas du piege; ils s'accouumerent a honorer les divinités de eur Prince , & devinrent payens , irefque fans le favoir, II y en eut  du Bas-Empire. Liv. XII. 17$ cependant, qui, plus éclairés & plus fideles, éviterent de rendre cet hommage idolatre. Pour furprendre leur foi, Julien s'avifa d'un ftratagême. Un jour qu'il devoit diftribuer aux troupes une gratification, il feignit de vouloir rappeller une cöutume pratiquée , difoit-il, par les anciens Empereurs. A cöté de fön tribunal, il fit dreffer un autel & une table chargée d'encens. Sur 1'autel s'élevoit une enfeigne qui portoit 1'image de Julien & de fes Dieux. II prit enfuite féance avec tout 1'appareil de la majefté impériale. Les foldats , approchant a la file, paffoient d'abord devant 1'autel : on les avertiffoit de jetter un grain d'encens dans le feu-qu'on y avoit allumé. La crainte , la furprife, la perfuafion que ce n'étoit qu'un ancien ufage, & furtout 1'or qu'ils voyoient briller dans la main du Prince , étouffoient les fcrupules. II ne s'en trouva que fort peu, qui refufant de payer ce tribut a 1'idolatrie , fe retirerent fans fe préfenter a l'Empereur. Après cette cérémonie , quelques foldats Chrétiens buvant enfemble, 1'un d'eux fit, feil iv Julien. Ann. 362.  Ann. 362, i ï/ö H I S T O I R £ \T Jf c^™e,le%nede Ia erom Vn tes camarades s'étant mis a nre, comme il lui en demandoit la raiion : Eh ! quoi, répondit 1'autre, avez-yaus dêja oublié ce que vous venei de faire? Depuis que vous ave? iettê Ineens fur 1'autel, vous n'êtes plus Chraien. A cetre parole, tous fe réveillant comme d'une léthargie, poufient de grands cris, fondent en larmes, s'arrachent les cheveux, cou- ^nt ila place Pub%en » ;ue de nouveaux reproches , & il en it fort mauvais gré a Frumentin qu'il e voulut pas voir è fo„ départ Le •omte fe vengea de cette difgrace fur rPH?»Te ?eIlafi,e'q^ fitmour dans les plus horribles tourments. Sur Ja route d'Ancyre a Céfarée, dien fut fouvent arrêté par des plains & des requetes-Lesunsredeman»ent leurs biens injuftement ufur* : es autres fe plaignoient qu'on 'Uiut, contre toute raifon, les affettir a des charges onéreufes : d'au-  Julien. Ann. 362 I 1 < 1 ' C '83 H I S T O I A £ ■ bletel que vous, qui ofe accu/er fon parfdunefi haute entreprife. Et comme e delateur continuoit d'infifler , Juhen appella un de fes Officiers : Fai- ?,d,°"T> lui dit-ü' * « ^««r ^//W ««« w„ de cou¬ leur de pourpre, & pfU la porte de ma part a ce bourgeois qui s'efl dèjd fait faire le manteau En traverfant la Cappadoce d detachoit des foldats pour livrer les Eglifes aux idotëtres, ou pour les abattre. Ceux qui furent chargés de cette expedition pour Nazianze, rencontrerent une fi vigoureufe ré* fifiance de la part de 1'Evêque, qu'ils furent contraints de fe retirer avec confufion. Ce Prélat, caffé de vieilceüe, mais plein de feu & de vivace, etoit Grégoire, pere del'illuftre Doöeur de 1'Eglife, fi connu par fa teintete & par fes admirables écrits. Cefaree , capitale de la Province , -Trouva toute la colere de 1'Empe' -eur. Comme elle étoit peuplée de chrétiens , & qu'on y avoit ruiné les emples de Jupiter & d'Apollon , an, lennes divinités tutélaires de la vile, elle lui étoit depuis long-temps 'dieufe, & cette haine venoit de s?a£  JraiEN. Ann. 362. III. Son amitié pour Libanius. Lib. vit. & or. 4. Jul, ep, 27, 1 ] < ] < < 1 % 2CO H 1 S T 0 I R S dans fon palais. Le Prince étoit plus chafte que fes Dieux : fa Cour étoit plus honnete, compofée k la vérité d impofteurs & de charlatans, mais d une autre efpece, & dont 1'extérieur grave & févere outroit la décence jufqu'a Ia fingularité. Libanius, qui enfeignoit alors k Antioche , avoit été le maitre de Juhen, quoiqu'il n'eüt pas été permis k ce Prince de prendre fes lecons. La defenfe expreffe de Conftance y avoit apporté un obftacle invincible. Mais Juhen avoit fecretement dévore avec d'autant plus d'ardeur les difcours de ce Rhéteur, auffi paffionae que lui pour 1'idolatrie : c'étoit ur ce modele qu'il avoit formé fon tyle. II brüloit d'impatience de 1'enendre, & il le lui déclara en enrant dans Antioche. Ce fophifte, dans hiftoire qu'il a pris la peine de faire , .7 ProPre vie, raconte avec comdaifance comment fa prétendue moleftie fut forcée de céder aux avanes de Julien. S'il 1'en faut croire, P-rm^ Prenoit a fos fuccès un fi if intérêt, que 1'inquiétude le prioit du fommeil , lorfque Libanius  Julien. Ann. 36Ï. XV. Fermeté d'une femme Chrétienne. TWJ.J, f. 17. i < t < 1 1 220 H I S T O I R E reconduit en prifon. Ce premier effai donna du poids a Ia remonfrance de Sallufte. L'Empereur enfin, perfuadé que les rigueurs ne tourneroient qu'a^ fa confufion & k la gloire des Chrétiens , mit en liberté tous ceux qu'on avoit arrêtés, & Théodore luimême, qui vécut encore long-temps après. Julien avoit malheureufement fait connoitre qu'il étoit fenfible aux traits de la fatyre; & la piété, naturellement fi patiënte & fi douce, contraire trop fouvent quelque teinture des paftions humaines qu'elle trouve dans le cceur; elle y prend furtout dans Ia perfécution un peu de fiel & d'amertume. Une fainte veuve, nommée Pubhe , connue par fa vertu & par celle de fon fils, un des Prêtres les plus refpeftés de la ville I'Antioche, étoit a la tête d'une comnunauté de filles Chrétiennes. Leur >ccupation ordinaire étoit de chaner des hymmes. Depuis le martyre le Théodore, toutes les fois que Juien paffoit devant la maifon, elles ffeöoient d'élever leur voix, & de ancer, pour ainfi dire, fur Ie Prince  Julien. Ann. 362. XVI. Ir.cendie du temple de Daphné. Llban. Monod. Amm. 1. 21. c. 13. Chryfofl.de Sto. BabyIa & contra Jut. & Cent. Theod. I. 3. c. 10. Soi- l. 5. c. 10. Thecph. p, 41. Cedr. t. 1. J>. 306. I I 4 222 II I S T 0 jf-R E les maximes de 1'Evangile & la doctrine des Apötres. Peu de temps après la tranflation de St. Babylas , Ia nuit du vingtdeuxieme d^Odobre, le feu prit au temple d'Apollon a Daphné, que Julien faifoit alors décorer d'un magnifique périftyle : il confuma le toït & les ornements fans endommager les rnurailles ni les colonnes. La ftatue d'Apollon fut réduite en cendres. Quoiqu'elle ne fut que de bois doré, k 1'exception de Ia tête, du col, & peut-être des autres extrêmités qui étoient de marbre, c'étoit un ouvra«e fameux, pareil en grandeur au Jupiter d'Olympie. On racontoit que la beauté de cette ftatue avoit, du temps de Valérien, défarmé Sapor, Roi de Perfe, premier du nom. Ce Prince, qui, felon les dogmes de Zoroaftre, avoit en horreur les temples & les ftatues, étant entré dans Daphné k :leffein de brüler le temple, frappé 3e la majefté du Dieu , avoit jetté bn flambeau & adoré Apollon. Le Dieu étoit debout , tenant fa lyre Tune main, & de 1'autre une coupe 1'or, dont il fembloit faire une Iiba-  Julien. Ann. 362. 1 XVII. Impiété ètu Comte ' Julien. C kryfofl.de • Sto. Baby- j la & con- J tra Jul, & ] Cent, *H hfï St T G 1 r e Ion fa coutume, allumé k 1'entour un grand nombre de cierges, il s'étoit retiré. Quelques étincelles s'étant élevees jufqu'au toit, & rencontrant une charpente feche & très-combuftible, avoient produit cet incendie. La caufe etoit trop fimple pour trouver crédit dans un événement de cette importance. La plupart des Chrétiens aimerent mieux croire que le feu étoit defcendu du ciel; & des payfans qui venoient alors k la ville, aflurerent qu'ils avoient vu tomber la foudre. Julien, au contraire, fe perfuada qu'il ne falloit s'en prendre qua la méchanceté des Chrétiens, & k la néphgence, peut-être même k la collufion criminelle des gardiens du temple. En conféquence de cefoupgon, il fit appliquer a la queftion & les Minifires & le principal facrificateur; mais d n'en put tirer aucun éclair:iflement. II fe vengea fur la grande Eglife 1 Antioche, alors poffédée par les ^nens. II ordonna d'en fermer les )ortes, après qu'on en auroit tiré tous es vafes facrés qu'il confifquoit au >rofit du tréfor. Le Comte Juhen,  Julien. Ann. 362. XVIII. Ses cruautés réprijnées par l'Empereur. Sot. I. 5. (. 7. AHa Mart. Jluinart, p, 658 & É64, 1 ] 1 1 i 1 1 £26 H I S T O 1 R E dont il mourut deux mois après» Ce perfécuteur impitoyable travailloit k fe rendre tous les jours plus digne du chatiment dont il fentoit déja les atteintes. Tous les Clercs de 1'Eglife d'Antioche avoient pris la fuite ; mais le Prêtre Théodorit, gardien dü tréfor de 1'Eglife , étoit refté dans la ville. Le Comte, efpérant découvrir encore quelque vafe précieux qui auroit échappé a fes recherches , le fit venir, & lui donna Ie choix de la mort ou de 1'apoftafie. Le faint Prêtre ne balanga pas , & Julien lui fit endurer de fi cruels tourments, que les deux bourreaux, sffrayés de fa conftance , & touchés en même-temps de la grace divine, ïomberent k fes-pieds, & fe déclarerent Chrétiens. Ils furent aufti-tot :onduits au rivage, & précipités dans a mer. Théodorit, après avoir prélit au Comte fa mort & celle de 'Empereur, eut la tête tranchée. On raita avec la même inhumanité pluieurs Officiers de guerre, dont les éuls connus font Bonofe & Maxinilien, qui commandoient, 1'un dans z corps des Joviens, 1'autre dans ce%  Julien. Ann. 362. Juvent. 6 Maxim. Theod. I. J. c. 14. i i 1 1 i i j t ( r i 228 H I S T O I R E catefle en fait de Religion. II s'avita de faire répandre le fang des vicïimes dans les fontaines d'Antioche &c de Daphné, & d'arrofer d'eau luftrale toutes les provifions de bouche qui fe vendoient au marché. Les Chrétiens les plus inftruits fe moquoient de ce frivole artifice; &, fuivant le confeil de St. Paul, ils ne fe faifoient aucun fcrupule d'ufer de ces aliments. D'autres gémiiToient de cette dure néceflité. Deux foldats de la garde, Juventin & Maximin, fe trouvant a table avec plufieurs de leurs :amarades , s'emporterent en murmures : Quel efclavage ! s'écrioientls; nous ne refpirons quun air impur, nfeclé de todeur & de la fumie des vicimes ; on fait entrer jufque dans nos veizes les fouillures de £'idolatrie ; & apdiquant a Julien les paroles que proloncerent les trois enfants dans la óurnaife de Babylone : Seigneur, dibient-ils, vous nous ave^ üvrès d un ^rince injufle & apoflat, qui furpaffe n impiété toutes les nations de la terre. >s difcours furent rapportés a 1'Emereur. II fait venir les deux foldats; les interroge : Prince, répondirent-  Julien. Ann. 362 Idem in Mart. hom, 4- Idem de laudibus Pauli hom. 4- Idem in primam ad Cor, hom, 39- I. 6. C. 2. 'XXI. Difette a Antioche. Jul. mi/op. ' H I S T 0 I R E une grande partie de Nicée. Un pareil défaflxe fut accompagné k Alexandrie d'un phénomene qui n'étoit pas moins effrayant. La mer s'étant tout-a-coup retirée, revint avec violence, elle fe porta fort loin dans les terres, & monta k une telle hauteur , qu'en retournant dans fon lit elle laiffa des nacelles fur le toït de plufieurs cabanes. En mémoire de cet événement, on célébra, par la fuite., tous les ans dans Alexandrie une fête folemnelle, qu'on appelloit la fête du tremélement. La mer engloutit des villes entieres. A ces accidents fe joignit la fécherelTe qui dura jufque vers le folftice d'hyver. Les fources tarirent, & les fontaines de Daphné, toujours abondantes, même dans les plus grandes chaleurs, demeurerent long-temps k fee. La pefte furvint encore, & fit périr quantité d'hommes & d'animaux. Enfin, une famine générale réduifit les hommes dans plufieurs Provinces k vivre d'herbes & de racines. Quoique la moifion eut manqué en Syrië, les récoltes des années précédentes fuflifoientpour entretenir 1'a-  Julien. Ann. 362. . 1 1 J 1 ] I 232 MIST0IR2 préfentoit que la cherté des vivres eft dans un Etat une matiere délicate , a laquelle on ne doit toucher qu'avec beaucoup de ménagement, il taxa tout-a-coup par un édit les denrées è trés-bas prix; & pour donner Texemple de la générofité, il fit venir a fes fraix de Chalcis, d'Hiéraple & des villes voifines, quatre cents mille boiffeaux de bied. Cette provifion n'ayant pas duré long-temps dans une ville fi peuplée, il fit encore porter au marché en différents jours vingt-deux mille boiffeaux qu'il avoit tirés d'Egypte pour la fubfiftance de fa maifon. Tout ce bied fut vendu un tiers au deffous du prix ordinaire. Mais :ette libéralité tourna toute entiere ju profit de 1'avarice. Les riches ache* :oient fous main le bied de Julien ; & e tranfportant hors de la ville dans _eurs greniers, ils Ie revendoient enuite a un prix exorbitant. D'un aure cöté, les marchands, qui ne pou^oient vendre au prix taxé, fans fe uiner, renoncerent au commerce ; dufieurs même abandonnerent la vile. Antioche, avant 1'édit, ne manjuoit que de bied; le vin, 1'huile &  du Bas-Empike. Liv. XIII. 233 les autres denrées y étoient en abondance. Après 1'édit, elle manqua de tout. On n'entendoit que reproches réciproques; tous les orclres murmuroient contre Julien; Julien fe plaignoit de tous les ordres. II perdit même auprès du peuple le mérite de la bonne volonté, paree qu'il lui échappa de dire hautement que la ville n'étoit digne que de chatiments, & que tout le bien qu'il faifoit, c'étoit en confidération de Libanius. Enfin, irrité contre les Sénateurs, qu'il foupconnoit de rompre toutes fes mefures, il les condamna tous a la prifon. Mais fléchi par les prieres de Libanius ^ il - révaqua 1'ordre avant qu'il eut ét€ exécuté. Ce rie fut pas fans beaucoup de rifque, que Libanius ofa intercé' der pour eux. Toute la Cour de Julien étoit teliement indignée, qu'ur des Officiers du Prince menaca en f; préfence Porateur de le jetter dans l'O ronte. Ces mécontentements mutuel: s'aigrirent de plus en plus. La difetti continua pendant 1'hy ver crui fut for rude. A la féchereffe fuccederent de pluies exceffives ; & Julien , dévo de théatre, alloit au fort des plu Julien. Ann. 362. 1 [ t t • i  dv Bas-Empire. Liv. XIII. 235 fet d'Egypte une lettre fulminante : Je jure, lui difoit-il, par le grand Sérapis , que fi avant les calendes de Decembre , Athanafie, l'ennemi des Dieux, rieft* forti a" Alexandrie & même de toute V Egypte, les Officiers qui font fous vos ordres payeront une amende de cent livres d'or. Vous fave{ que je fuis lent d condamner, plus lent encore d pardonner quand j'ai une fois condamné. Je fuis I outré du mépris qu'on fait des Dieux. I Vous ne pouve{ rien faire qui me foit plus agréable , que de chajfer de toute 1 rEgypte Athanafie, cefcélérat, qui ,fous 8 mon regne, a ofié bavtifer des femmes j Ilellenes. Les Catholiques , pour conjurer | cette tempête, adrelterent au nom de | la ville une requête a l'Empereur en 1 faveur d'Athanafe. Julien ne répondit I que par un long édit plein de fophifmes & de reproches, traitant Atha1 nafe avec un mépris, qui eft accom| pagné des marqués d'une violente coI lere. Les Payens, armés de ces édits mena^ants, vont de concert avec le; Juifs, attaquer la grande Eglife, nom mée la Céfarée, oü les fideles aiïem blés retenoient Athanafe. Py thiodore JUtlEtï. Ann. 361. XXIV. Heft chaf fé d'Alexandrie. >  JUHEN. Ann, 362, XXV. Livrei de Julien contre la Religion Chrétien- . Cyrill. 1 cont. Jul. ] Soe. I. 3 t. 23. TUL per/. ( ""•33- l a c 11 n L 2o6 IJ I S T O I H £ Philofophe de Cour, qui fe trouvoit pour lors dans Alexandrie, marche a leur tête : on employé le fer & le feu. L'Eglife eft profanée , pillée , réduite en cendres. Les perfécuteurs étoient altérés du fang d'Athanafe; mais Dieu te fauva encore de leurs mains : il s'echappa; & comme il s'embarquoit fur le Nil, après avoir fait fes adjeux k une troupe de fideles qui fondoient en larmes: Confole?-vou$, leur dit-il, te ntjl-ld qiïun petit nuage qui pafera Men vüe. II regagna fa retraite, oii il refta jufqu'a la mort de Julien. En même-temps que Julien tachoit i'écrafer le Chriftianifme de tout le x>ids de 1'autorité fbuveraine, il metoit en oeuvre pour le même defiein outes les forces de fa plume , fur lapielle fa vanité ne comptoit guere noins que fur fa puiffance. II comnen^a pendant les longues nuits de et hyver k compofer fes livres conre la Religion Chrétienne : il ne les cheva que pendant fon expédition e Perfe. Dès ce temps-la, les impies e pouvoient plus rien inventer de ouveau pour combattre 1'Evangile. es traits de 1'incrédulité étoient épui-  du Bas-Empire. Liv. XIII. 237 {és. Celfe, Hiérocle, Porphire avoient dit tout ce que 1'enfer peut infpirer; & Julien , avec tout ce qu'il avoit de génie , fut rédnit k réchauffer des obje&ions cent fois réfutées , & que 1'ignorance ou la mauvaife foi ne ceffer.t de reproduire comme nouvelleS & fans replique. La puiffance de 1'Auteur, bien plus que la force de fes raifonnements, ne manqua pas de donner un grand crédit a cette inveftiye. Les Payens en triomphoient. Julien mourut avant qu'on eut eu le temps de répondre a fes fophifmes; mais fuivant le fort fatal de ces fortes d'ouvrages, l'éclat conftant & inaltérable de la vérité éclipfa bientöt les lueurs faufles & paffageres, qu'une plume légere & frivole avoit fu jetter dans ces livres. II ne nous en refteroit rien, li cinquante ans après, St. Cyrille d'Alexandrie en ayant entrepris la réfutation, ne nous en avoit confervé une grande partie. On y voit que 1'aggrelTeur, dans le temps même qu'il veut porter k la Religion des coups mortels , lui fournit des armes pour fa défenfe. Dieu confondit fes blafphêmes nar Julien. Ann. jóï, xxvr.i Mort dw  du Eas-Empire. Liv. XIH. 239 tienne. II expira a la fin de cette année ou au commencement de la fuivante , en demandant a Dieu miféricorde avec des cris affreux. Ce qui auroit du achever d'ouvrir les yeux au Prince, c'eft que les oracles, qui, depuis le rétabliffement de 1'idolatrie, avoient recouvré la voix , s'accorde■xent tous a prédire, que Tonele de l'Empereur ne mourroit pas de fa maladie. Julien , trop endurci, ne fut point touché de cet exemple. II ne s'occupoit que de projets de conquêtes. On avoit d'abord appréhendé que les Perfes ne fiffent dès cette année une irruption du cöté de Nifibe. Mais Sapor , fok pour s'inftruire plus certainement de Tétat des forces Romaines, foit qu'en efFet il fut las de la guerre, écrivit a Julien. II lui propofoit de terminer leurs différends par la voie de la négociation : il demandoit une treve pour envoyer des Ambafladeurs, & faifoit efpérer qu'il s'en tiendroit ,aux conditions que Julien jugeroit équitables. L'Empereur jetta la lettre par terre avec mépris, & répondit au courier : Qu'il n'étoit pas befoin d'am- JüLIEN. A.nn. 362. XXVII. Propofltion de Sapor rejettées. Liban, or. 10, II. Soc. 1. 3, C 19.  JüIIEN. Ann. 363. XXVIII. Julien Conful. Amm, l. 13. c. l. Lil), vit. fi" er, 4 , 10, 240 II1 s t 0 1 a s baffade ; qu'il iroit lui-même incejfam* ment porter fe réponfe d Sapor. Tout annoncoit une guerre fanglante. Les grands préparatifs de Julien faifoient penfer que Tannée qui commencoit, alloit terminer 1'ancienne quereïle entre les deux Empires , & décider enfin Iaquelle des deux nations devoit commander k 1'autre. Jamais les Romains & les Perfes n'avoient vu dans le même temps k la tête de leurs armées deux Princes plus habiles, plus intrépides, & plus heureux. Julien prit le Confulat pour la quatrieme fois, & fe donna pour collegue Sallufte, Préfet des Gaules. La ville de Rome lui ayant envoyé une députation de plufieurs Sénateurs diftingués par leur naiffance & par leur mérite, il leur conféra des dignités. II fit Apronien Préfet de Rome , Ocïavien Proconful d'Afrique, Venuftus Vicaire d'Efpagne , & Aradius Rufinus Comte d'Orient a la place de Julien qui venoit de mourir. L'Empereur avoit chargé Libanius de préparer un difcours pour la folemnité de fon entrée au Confulat : c'étoit demander un panégyrique. Nous avons  du Bas-Empis.b. Liv. XIII. 241 avons celui que prononca ce fophifte. 1 II s'en faut beaucoup que le ledfeur en doive être auffi content que le fut l'Empereur. Julien applaudilToit k fes propres éloges avec un enthoufiafrne qui ne répondoit ni k la modeftie d'un Philofophe, ni k la gravité d'un Prince. Ces premiers jours furent employés en facrifices dans tous les temples de la ville. L'attente des grands évenements de cette année éveilloit la fuperltition. On croyoit voir par-tout des 1 préfages: 8c comme les fonges , felon qu'ils font gais ou triftes, indiquent la température aftuelle des humeurs, de même les chimères dont on s'occupoit alors , n'ayant rien que de fombre 8c de funefte, marquoient la erainte 8c 1'inquiétude des efprits. On trouvoit un facheux pronoftic dans 1'infcription des llatues & des images du Prince , quoiqu'elle ne préfentat que les titres ordinaires : Julianus Félix Augujlus. Le Comte Julien 8c Ie Tréforier Félix étant morts depuis peu d'une maniere tragique , on regardoit 1'arrangement de ces trois mots comme une lifte mortuaire, oü FEmTome III. L füLIEN. Lnn. 363. XXIX. Mauvais réfages,  JutlEK. Ann, 363, XXX. Julien nerfifte dans fon deffein. Amm, l, 23. e. 2. 1 Soc. I. 3. ] c il, j 1 242 HfSTOjRE pereur étoit compris. Le premier jour de Janvier , pendant que Julien montoit les degrés du temple du Génie, Ie plus agé des Pontifes tomba mort a les cötés. La mort fubite du Pontife annoncoit, difoit-on , celle d'un perfonnage éminent. Les Courtifans apphquoient ce préfage au Conful Sallufte : Ie peuple craignoit pour Julien meme. Qn apprit dans ce même temps quun tremblement de terre s'étoit Jait fentir a Conftantinople. Suivant les regies de la divination, c'étoit un pronoftic malheureux pour les aUerres offenlives, On confeilloit a Julien de renoncer a une entreprife contre laquelle le ciel & la terre fembloient le declarer. Les oracles des Sibylles qu'il avoit envoyé confulter a Rome , lui défendoient auffi de fortir cette année des limites de 1'Empire. Juhen, efclave de la fuperftition, quand elle s'accordoit avec fes caprices , ofoit s'en affranchir lorfqu'ele venoit k les contredire. II perfifta lans fon deffein malgré fes Dieux. 1 fe flattoit , dit Socrate, d'avoir 'ame d'Alexandre le Grand : chimère >uifée dans la doörine de Pythagore  du Bas-Empire. Liv. XI//. 243 & de Platon, & entretenue dans fon efprit par les Philofophes de Cour, la plus bifarre efpece de flatteurs. Comme un autre Alexandre, il fe croyoit né pour la conquête de 1'Orient. II favoit que les Perfes ne pouvoient réiifter au froid, & que 1'hyver leur ótoit une grande partie de leur force & de leur courage : c'étoit un proverbe, qu'un Perfe n'ofoit en hyver montrer fa main hors de fa cafaque. Le foldat Romain , au contraire, affrontoit toutes les faifons. Julien réfolut donc de ne pas attendre les chaleurs. Plufieurs nations venoient lui offrir leurs fervices. II répondit a leurs AmbalTadeurs, que c'étoit aux Romains a défendre leurs alliés, & non pas k recevoir des fecours étrangers. Croyant cependant avoir befoin d'Arface, Roi d'Arménie, il lui manda d'affembler toutes fes troupes, & de fe tenir prêt k marcher au premier ordre. II prit k fa folde quelques corps auxiliaires des Goths, comme des ötages qui lui répondroient de la tranquïlité de toute la nation. II fit fortir des quartiers les troupes cantonnées en-deci de 1'Euphrate, & leur orL ij JUUEN. inn. 363.  Julien. Ann. 363. XXXI. I! veut rétablir le temple de Jérufalem. Daniël, c. f). v. 27. Matth. c. 24. V. 2. Mare. c. 13. v. 2. huc. c. 19. 44- Jul.ep. 25. & in fragment.Greg.or.4. Chryfofi. de Sto. Babyla & con- ■ tra Jul, & Gent. ' Idem con- . tra Jud. & j Gent. Idem con- 1 tra Jud. or, j Ambrof, (pit. 2S. ' Amm. I. ( 23. c. I. t Se*. I. 3. fj 20. 1 244 ÉlSTÓIRE donna de 1'aller attendre au-dela du fleuve; ce qui fut promptement exécuté. Mais tandis qu'il fe préparoit a cette guerre , il en projettoit une autre qui ne devoit pas être moins fanglante. Ceux qui participoient k fes confeils ne celToient de dire, d'un ton menacant, que Julien avoit deux fortes d'ennemis, les Chrétiens & les Perfes ; qu'après s'être débarralTé des Perfes , comme des moins redoutables, il tourneroit contre les Chrétiens toute la puiffance de 1'Empire. Ayant donc réfolu d'anéantir le Chriftianifme , il voulut d'avance Ie confondre. 11 crut en avoir entre les mains un moyen sur & facile. Inftruit des diyines Ecritures qu'il avoit étudiées lans fa jeuneffe, il y avoit vu les kiifs condamnés a vivre fans patrie , ans gouvernement, fans temple, fans acrifices. Raffembler cette nation dif>erfée, & relever le temple de Jérufaem, c'étoit caffer 1'arrêt que Dieu néme avoit prononcé, Julien lifoit :et arrêt gravé fur le front de la naion Juive, deftinée a porter par-tout 'univers avec fon crime & fa fen-  do Bas-Empire. Liv. XIII. 245 tence , les titres fondamentaux du Chriftianifme, auquel elle fert contre elle-même de témoin irréprochable. II enlevoit par ce moyen a la Religion Chrétienne un miracle toujours fubfiftant dans unpeuple, qui, mêlé avec tous les peuples du monde , fans jamais fe confondre avec eux, immortel quoique fes membres foient féparés & épars fur la face de la terre , voit s'abymer fucceffivement toutes les nations au travers defquelles il paffe, fans être entrainé dans leur chüte. II ne doutoit pas de 1'empreffement des Juifs è feconder fon deffein. Ils avoient déja deux fois tenté de rebatir le temple de Jérufalem : la politique d'Hadrien & la piété de Conftantin s'y étoient oppofées. Mais ici la fuperftition & la politique agiffant de concert avec le pouvoir impérial, fembloient rendre le fuccès infaillible. La vanité de Julien, & fa haine contre Conftantin étoient encore deux puiffants motifs : il rendoit fon nom immortel, & il goütoit le plaifir d'exécuter une entreprife que Conftantin avoit traverfée. Ce n'étoit pas qu'il aimat les L iij Julien. Ann. 363^ Theod. I. 3. e. 17. Sot. I. 5 , c. 21. Philoft. I. 7. f.9,14. Ruf. Hifi. Ecckf. U ÏO. c. 37. Theoph. p. 43. Zon. t. II. p. 2J. Niccph. Call. 1.10. 32, 33, Ccdren. t. /. p. 307. Rabbi Gedaliah apui Vagtnfcl. tela ignta Salance. Warburton, differtation fur ct prodigt,  Julien, Ann. 36' XXXIT. (nfolence ies Juifs 246 HlSTOlRB Juifs : il eft vrai que leur animoilté ,. contre les Chrétiens & leur goüt pour les facrifices s'accordoient avec les inclinations de Julien; mais il les mé. prifoit; Si après s'être fervi deux pour démentir les Ecritures, il efpérqit fans doute réuiïir a changer l'objet de leur culte, & a les entraïner a 1'idolatrie, oh leurs ancêtres étoient tombés tant de fois. Dès le commencement de fon regne, il les avoit diftingués des Chrétiens par des marqués de bienveillance. On lit entre fes ouvrages un édit adreffé a la communauté des Juifs : cette piece, malgré les foupcons de quelques Savants, nous paroit authentique. Le Prince y décharge les Juifs des tributs exigés par leur Patriarche; il les exhorte a prier leur Dieu pour la profpérité de fon Empire; il leur promet de rétablir k fon retour de Perfe la ville de Jérufalem dans fon ancienne fplendeur , & d'y venir adorer avec eux ie Pieu creareur > auquel il reconnoit qu'il doit fa couronne. Cette nation, couverte d'opprobres depuis trois fiecles, crut avoir trouvé dans  nu Bas-Empire. Liv. XIII. 247 Julien un libérateur & un nouveau Cyrus. Fiere de ces témoignages de faveur, elle y répondit par des actions de violence contre les Chrétiens. Les Juifs brülerent plufieur; Eglifes k Alexandrie , k Damas & dans les autres villes de Syrië. Les principaux d'entre eux s'étant rendus k Antioche, pour proh" ter desheureufes difpofitionsde 1'Em pereur, Julien les fit venir devan lui.' II ieur reprocha leur indifférena a remplir les devoirs que leur im pofoit la loi de Moïfe -Pourquoi, leu dit-il, néglige^-vous de faire des facriji ces, fur-tout dans un temps oü vou devrie^, par les vceux les plus ardents intéreffer votre Dieu au fuccès de me armes? Ils répondirent qu'il ne leu étoit permis d'immoler des viétime que dans le temple de Jérufalem éc que ce temple n'étoit plus : Life vos prophéties, leur repliqua Julien vous y verre^ 1ue votre cxil & vos ma^ heurs doivent fe terminer fous mon n gne. Alle^, rebdtiffe^ votre temple, re tabliffe^ la Religion de vos peres , i foye{ ajjurés de ma proteclion. II char gea en même-temps les Tréforiers d L iv JlHlEN. Ann, 363. j XXXIIL Julien ' leur or. donne de . rebatir leur tem: ple, p 1 f r S' 1 % ■> f  Julien. Ann, 363 XXXIV. Enipreflement des Juifs, t M H I S T O I R E ■ de 1 epargne de fournir les fommes • feceffaires , & le Gouverneur de Ia Province , de veiller a la conduite de 1'ouvrage. II envoya fur les heux Alypius, pour preffer 1'exécution de fes ordres : c'étoit un habitant d'Antioche , chéri de Julien , &: q„i avoit exercé dans ,g Grande-Bretagne 1'emploi de Vicaire des Prefets. Les Juifs crurent entendre la voix de Dieu menie. Cette heureufe nouvelle fe repand en un moment dans les contrees voifines. Ils accourent de toutes parts avec un empreffement mcroyable. En peu de jours, plufieurs milliers d'hommes fe trouvent affemblés fur le terrein du temple. Les Payens fe joignent è eux. JJientot de prodigieux amas de matenaux s'élevent comme autant de montagnes. On travaille avec ardeur fous la direftion des plus habiles architeöes. On nettoye 1'emplacemenf on fouille la terre. Les Juifs prodiguoient leurs richeffes : plufieurs avoient fait fabriquer exprès des bê:hes despelles, deshottes d'argent. Les f emmes donnoient avec joie leurs  bv Bas-Empirr. Liv. XIlI. 24*9 colliers & leurs bijoux : revêtues de leurs plus riches habits, elles recevoient dans le pan de leurs robes les pierres & la terre des déconv bres; les plus délicates ne s'épargnerent pas : les enfants & les vieillards prêtoient «re qu'ils avoient deforces, & chacun croyoit fe fanöifier en contribuant a cette pieufe entreprife. Cependant Cyrille, Evêque de Jérufalem, mieux inilruit que les Juifs du fens de leurs prophéties, fe moquoit de leurs efforts : il difoit hautement que le temps étoit venu oü 1'oracle du Sauveur du monde alloit s'accomplir a la lettre; que de ce vafte édifice il ne refteroit pas pierre fur pierre. En effet, les fondements de 1'ancien temple étoient déja démolis. Tout fembloit répondre dufuccès: on alloit voir qui devoit avoir le démenti ou du Dieu des Chrétiens, ou de ceux de Julien; lorfque fur le foir un vent impétueux s'étant élevé touta-coup, emporte les amas de platre, de chaux , de ciment , comble les fouilles en y rejettantles terres, dif perfe & diflipe les matériaux. La nuil L v Julien. Ann. 363. XXXV. Prodiges qui arrêtent 1'entreprife.  JVLIEN. Ann, 563. s ( i < X b h f< P 250 H I S T O I R E étant venue, la terre tremble avec d'horribles mugiffements j les maifons voilines s'écroulent; un portique fous lequel s'étoit retiré un grand nombre d'ouvriers, tombe avec fracas : les uns reftent enfévelis föus les ruines ; les autres s'échappent , ms.is meurtris & eftropiés. D'autres courent en foule fe réfugier dans une Eglife voifine comme dans un afyle ; il en fort une flamme qui étoufFe une partie de ces malheureux , & qui lailfe fur Ie corps des autres des traces ineffacables de la colere divine. L'air eft embrafé d'éclairs; les coups redoubles de la foudre tuent les hommes, :alcinent les pierres, mettent en fuïon les outils de fer dont la place :toit jonchée. Les ouvrages étoient uinés, mais 1'opiniatreté des Juifs i'étoit pas vaincue. Après les horeurs de cette nuit, ils remettent la ïam k 1'ceuvre. Alors la terre fe fou:vantpar de nouvelles fecouffes, oure fes entrailles; elle lance des tourillons de flamme; elle repouffe fur s ouvriers les pierres qu'ils s'efircent d etabhr dans fon fein ; ils friflent ou dévorés par les feux t  du Bas-Empire. Liv. XIII. 251 011 écrafés fous les pierres. Ce terrible phénomene fe renouvella h plufieurs reprifes; & ce qui montre évidemment Faftion d'une Intelligence qui commande a la nature , c'eft que 1'éruption du feu recommen$a autant de fois que les ouvriers reprirent le travail, & ne ceffa tout-afait que quand ils Feurent entiérement abandonné. Dieu développoit fa puiflance. Jamais la nature ne raffembla tant de météores pour produire un effet unique. On vit dans le ciel pendant la feconde nuit & le jour fidvant, une croix éclatante renfermée dans un cercle de lumiere. Les habits & les membres mêmes des fpe&ateurs fe trouverent au point du jour femés de croix qui fembloient avoir éts gravées par rimprelïion des flammes Tant de merveilles frapperent d'étonnement les Juifs , les Payens & l'Empereur même. Un grand nombr< de Juifs fe convertit. Julien, qui n< croyoit que les fables , aveugle ai milieu de la plus vive lumiere, fu effrayé fans être éclairé : il renonc; a 1'entreprife. L vj Julien, Ann. 36;. XXXVI. Croix lumineufes. L C l  JULIEti Ann. 3é XXXVI Preuv de ce m ïacle. 252 H 1 S T O 1 R S ~ } Ce miracle fe paffa aux yeux de j 1'uniyers , & la Providence en a perL pétué la mémoire par des témoigna;s ges authentiques que nul des Payens '* na ofé démentir. St. Grégoire de Nazianze & St. Jean Chryfoftöme, contemporains de cet événement , en ont développé toutes les circonftances, St. Ambroife, qui vivoit dans Ie même temps , en prend avantage, comme d'un fait inconteftable pour détourner le grand Théodofe de rétablir un temple des Payens. Mais ce qui doit fermer la bouche a 1'incrédulité, c'eft 1'autorité des ennemis du Chriftianifme. Ammien MarcelÜn, qui étoit alors i\ la Cour, attefte lajérité de ce prodige. Julien luimême avoue qu'il a voulu rebatir ce temple; & s'il s'abftient de parler des obftacles que le ciel & la terre oppoferent a fon deffein , fon filence eft fuppléé par un Auteur qui n'eft pas d'un moindre poids, paree qu'il n'étoit pas moins intéreffé k cacher la vérité. Un fameux Rabbin, qui écrivoit dans le fiecle fuivant, rapporte le fait; & ce qui doit être d'une grande confidération, il le rap-  jw Bas-Empire. Lid. XIII. 253 porte d'après les annales de la nation Juive. De nos jours, un Proteftant célebre a recueilli tous ces témoignages, & il en a fait fentir la force dans un ouvrage folide & lumineux. Avant que de quitter Antioche, Julien voulut y laiffer des marqués de fon mécontentement & de fon mépris. Sa philofophie n'avoit point impofé dans cette ville. Son extérieur auftere , fon éloignement des théatres & des divertuTements populaires, fa Cour peuplée de féveres Platoniciens , lui donnoient un air fauvage dans une ville qui ne refpiroit que le luxe & les plaifirs, plus choquée des ridicules que des vices, On s'étoit égayé aux dépens du Prince par des chanfons & des vers fatyriques : on le railloit fur fa petite taille & fur fa démarche grave Si gigantefque : les minucies de fa fuperftition, la multitude de fes facrifices, fes proceffions, fes monnoie: marquées de figures bifarres , tantó d'un taureau, tantót des divinité monftrueufes de 1'Egypte, donnoien matiere de rifée. Mais la plupart de Julien. Ann. 365. XXXVIII Railleries du peuple d' Antioche. Jul. Mifop. Amm. I. 11. c. 14. Soc. I. 3, c. 17. Sox, l. 5f. 18. Pagi in Baronium.  2ÓI H I S T O I R E D U BASEMPIRE. i LI F RE Q Ü A TO RZIE ME. JULIEN. Julien partit le cinquieme de Mars ; & après douze lieu.es de chemin par des marais & des montagnes , il arriva 1'ur le foir a Litarbes, bourg de la dépendance de Chalcis. La plus grande partie des Sénateurs d'Antioche Favoient iuivi jufqu'en ce lieu, pour tacher d'appaifer la colere. Ils ne gagnerent rien Julien, Ann. 363, I. Départ d' Antioche. . Jul. ep. 27. Amm. I. 23. c. 2. Zof. I. 3, Evag, l. 6» c. 11.  du Bas-EmpitCè. Liv. XIV. 263 ^ulien approchoit de la ville, ce jeune hommealla fe jetter a fes pieds pour lui demander juftice. L'Empereur lui promit de le réconcilier avec fon pere. Dans un repas qu'il donna aux Magiftrats de Bérée, il fit placer k cöté de lui le pere & le fils. Après quelques moments d'entretien : Pour moi, dit-il au pere, je ne puis foufi frir quon vtuille forcer la croyance des autres hommes , & exercer fur leur confcience une forte de tyrannie. N'exige^ pas de votre fils quil fuïve, malgré lui, votre religion; je ne vous oblige pas a"embrafier la mienne , quoiquil me fut aifê de vous y contraindre. q_uoi, 5e/gneur, lui répondit le pere, vous mt parle^ de ce fcélérat, de cet impie, qui a préfèré le menfonge d la vérité ? A cette brufque repartie , 1'Empereui prenant un air de douceur : Faitei trêve d vos inveclives , lui dit-il; & fe tournant vers le jeune homme, il ajouta : Je vous tiendrai lieu de pere. puifque le votre vous abandonne. II fut plus content des habitant; de Batnes, ou il arriva après wat marche de huit lieues. Cette ville fituée en Syrië dans une plaine dé- Julien. A.nn. 36J0 TH. Julien i Héliopo- ' lis  Julien. Ann. 363 Amm. , 23. c. 2. Lib. or. 12 Zof. I. 3 Chryfoft. de Sto.Ba byla , & i i ul.&Gent M- l'Abb: êe la Bicterie , lettres 27 dt Julien. 264 HlSTOIRÉ licieufe, & peuplée de cyprès, étoit . fort adonnée a 1'idolatrie. L'Empe_ reur y refpira avec plaifir 1'odeur de 1'encens dont la fumée s'élevoit de j toutes parts. II rencontroit a chaque " pas des victimes magnifiquement pa■ rées. Charmé de ce zele, il logea dans ' un palais ruftique, qui n'étoit conf'1. truit que de bois & de terre. Après des facrifices dont les fignes parurent heureux a fon imagination fa- I tisfaite, au-lieu de prendre le chemin de Samofates, capitale de la Commagene , ou il auroit trouvé un pont commode pour palTer TEuphrate, il prit celui d'Hiéraple, qui n'étoit éloienée de Batnes aue de fent lienp-;. Cette derniere route étoit plus courte pour arriver au bord de TEuphrate. D'ailleurs, Hiéraple, dont le nom fignifïe ville facrée, étoit fameufe par un ancien temple de Jupiter. Les habitants vinrent en foule k fa rencontre , & le re^urent avec joie. II rendit d'abord fes hommages a Jupiter, & allaloger chezSopatre, difciple d'lamblique. Julien chériiïbit Sopatre, paree que ce Philofophe ayant plufieurs fois reen chez lui Conftance  du Bas-Empire. Liv. XIF. z6$ Conftance & Gallus , il avoit réfifté aux follicitations de ces deux Princes , qui le preffoient de renoncer k 1'idolatrie. C'étoit dans cette ville que l'Empereur avoit marqué le rendezvous de l'armée. Au moment de fon entrée, un portique, fous lequel campoit un corps de troupes, s'étant touta-conp écroulé, écrafa cinquante foldats, & en bleffa un grand nombre. Pendant les trois jours que Julien paffa k Hiéraple, il fit raffembler toutes les barques qui fe trouvoient fur l'Euphrate k Samofate & ailleurs. On y tranfporta les provifions, qui feroient néceffaires dans les pays déferts & ftériles qu'on auroit a traverfer. II raflembla quantité de chevaux & de muiets; il envoya des exprès aux diverfes tribus des Sarrafins, pour les avertir de le venir joindre, s'ils vouloient être traités comme amis des Romains. Son armée qu'il favoit animer par une éloquence militaire, montroit une ardeur extreme. Mais Julien ne comptoit pas moins fur le fecret de 1'exécution. Perfuadé que tout ce qui fort de la bouche du chef parvient bienTome III, M Julien. Ann. 36}.  vv Bas-Empirb. Liv. XIV. 289 droits oii les eaux étoient moins rapides, pafferent fur leurs chevaux a la nage. Cet heureux fuccès rendit le chemin libre jufqu'a Pirifabore, la plus grande ville de ce pays après Ctéfiphon, batie dans une pénïnfule formée par 1'Euphrate & par un large canal tiré du fleuve pour 1'ufage des habitants. Elle étoit ceinte d'une doublé muraille flanquée de tours, défendue du cöté de 1'Occident & du Midi par le fleuve & par des rochers, a 1'Orient par un foffé profond & par une forte palilTade , au Septentrion par le canal. Les tours étoient conftruites de brique & de bitume jufqu'a la moitié de leur hauteur; le refte n'étoit que de briques & de platre, A 1'angle formé par le canal, s'élevoh une forte citadelle fur une éminence efcarpée, qui s'arrondiffoit jufqu'au fleuve, ou le terrein coupé a pic ne préfentoit que des pointes de rochers On montoit de la ville a la citadelh par un fentier rude & difficile. L'Em pereur ayant reconnu la force de h place, mit inutilement en ufage le: promeffes & les menaces. II fallut er Tornt III. N JULIEN. Ann. 363. XVI. Prife de Pirifabore. Amm. l 23. c. 4. & l, 24. f. 2. Lib.or. 12,  JUH£N. Ann. 363. 2<5« IllSTOIUB venir aux attaques. Son armée ran= gée fur trois lignes paffa le premier jour i\ lancer des pierres & des traits. Les affiégés, pleins de force & de courage, paroiffoient difpofés a faire une longue réfiftance. Ils tendirent fur leurs murs de grands rideaux de poil de chevre, laches &flottants pour amortir la violence des coups. Leurs foldats étoient couverts de lames d'acier,qui, s'ajuftant a laforme, & fe prê» tant aux mouvements de leurs membres depuis la tête jufqu'aux pieds, les faifoient paroïtre des ftatues d'acier. Leurs boucliers en lofange, a la maniere des Perfes, n'étoient que d'ofier revêtu de cnir, mais tiffu li fortement qu'ils étoient a lepreuve des traits. Ils demanderent plufieurs fois a parler au Prince Hormifdas; ce ne fut que pour 1'accabler d'injures, le traitant de perfide, de déferteur, de traïtre. Le premier jour s'étant paffe en pour-parlers inutiles , Julien fit pendant la nuit combler le foffé, arracher la paliffade, & avancer fes machines. Au point du jour, un bélier avoit déja percé une des tours, & les habitants, qui n'étoient pas trois  nu Bas-Empire. Liv. XIV. 291 mille hommes, (car les autres s'étoient fauvés par le fleuve avant le fiege ) n'efpérant pas pouvoir défendre une fi valt e étendue , abandonnerent la doublé enceinte, & fe retirerent dans la citadelle. Auffi-töt l'armée s'étant emparée de la ville, abattit les murs, brüla les maifons, établit fes batteries fur les ruines. On attaquoit, on défendoit avec une ardeur égale. Les affiégés courbant avec effort leurs grands arcs, en faifoient partir des fleches armées d'un long fer, qui portoient des coups mortels au travers des boucliers & des cuiraffes. Le combat continua fans relache & fans aucun avantage depuis le matin jufqu'au foir. II recommencoit le troifieme jour avec la même fureur, lorfque Julien, rival d'Alexandre, & accoutumé comme ce héros a prodiguer fa vie , prenant avec lui les plus déterminés de fes foldats, court a 1'abri de fon bouclier jufqu'a la porte du chateau revêtue de plaques de fer fort épaifles; & au travers d'une grêle de pierres, de traits, de javelots, couvert de fiieur & de pouffiere, il fait battre la porte a N ij Julien. Ann. 36J.  Julien. Ann, 363, 292 HlSTOTRE coups de pies & de pieux; il crie J il anime fa troupe, il frappe lui-même, & ne fe retire qu'au moment qu'il fe voit prêt a être enféveli fous les malles énormes qu'on fait tomber du haut des murs. Alors, fans avoir reou aucune atteintemais plein de dépit, il fe retire avec fes gens, dont quelques-uns étoient feulement légérement blefles. La fituation du lieu ne permettant pas de faire jouer les béliers ni d'élever des terraffes, l'Empereur fit dreffer en diligence une de ces machines, qu'on appelloit hélépoles. L'art n'avoit encore rien imaginé de plus terrible pour le fiege des villes. C'étoit une ancienne invention de Démetrius le Macédonien , qui s'en étoit fervi pour forcer plufieurs places; ce qui lui avoit fait donner le furnom de Poliorcete, c'eft-a-dire, lepreneur de villes. On conftruifit avec de groffes poutres une tour quarrée, divifée en plufieurs étages, dont la hauteur furpaffoit celle des murailles de la place, & qui s'élevoit en diminuant de largeur. On la couvrit de peaux de bceufs nouvellement écorchés, ou d'ofier verd enduit de boue,  du Bas-Empire. Liv. XIV. 293 afin qu'elle fut k 1'épreuve du feu. La face étoit garnie de pointes de fer a trois branches, propres k percer & a brifer tout ce qu'elles rencontroient. Des foldats placés au-deflbus la faifoient avancer fur des roues k force de bras ; d'autres la tiroient avec des cordes; & tandis qu'on mettoit en branie les béliers fufpendus aux divers étages , tandis qu'il partoit de toutes les ouvertures des pierres & des javelots lancés k la main & par des machines, la tour venant heurter avec violence les parties les plus foibles de la muraille, ne manquoit guere d'y ouvrir une large breche. A la vue de ce formidable appareil, les affiégés, faifis d'effroi, & défefpérant de vaincre 1'opiniatreté des Romains, ceflent de combattre : ils tendent les bras en pofture de fuppliaots; ils demandent la permifiion de conférer avec Hormifdas. Les Romains, de leur cöté, fufpendent les attaques. On defcend du haut du mur, par le moyen d'une corde, le Commandant de la place, nommé Mamerfidès; il obtient de l'Empereur que les habitants fortiront fans qu'il leur foit fait aucun N iij Julien. Ann. 363.  Julien. Ann, 363, XVII. Sévérité de Julien. Amm, l, *4- 3& ibi Vahf. Lib. or. li. lof /. 3, 294 Hls T O I R E mal; qu'on leur laiffera a chacun un habit & une fomme d'argent marquée, & que Julien, quelque traité qu'il faffe dans la fuite , ne les livrera jamais aux Perfes : ils favoient que s'ils retomboient entre les mains de ces maitres cruels, ils ne pouvoient éviter d'être écorchés vifs comme des traitres. Dès que le Commandant fut retourné dans la ville, les habitants ouvrirent les portes ; ils défilerent a travers l'armée Romaine, louant hautement la valeur & la clémence également héroïques de l'Empereur. On trouva dans la place quantité de bied, darmes, de machines, & de meubles de toute efpece. Le bied fut tranfporté fur la flotte; on en diftribua une partie aux foldats. On leur abandonna les armes qui pouvoient être a leur ufage. Le refte fut jetté dans le fleuve, ou confumé par les flammes avec la place. Le jour fuivant, pendant que l'Empereur prenoit un repas léger a fon ordinaire, on vint lui annoncer que le Surena avoit furpris trois compagnies de coureurs, qu'il en avoit taillé en pieces une partie, & qu'ayant  du Bas-Empire. Liv. XIV. 195 tué un Tribun, il avoit enlevé un : dragon: c'étoit une enfeigne qui portoit la figure de cet animal. II part fur le champ fuivi feulement de trois de fes gardes ; & ralliant les fuyards qui regagnoient k camp a toute bride, il retourne a leur tête fur le vainqueur, arrache le dragon des mains des ennemis, les terraffe ou les met en fuite. Alors s'arrêtant fur la place même, prefque feul au milieu de cent cavaliers qu'il alloit punir, mais fur d'être obéi,il commence par les deux Tribuns qui s'étoient laiflé battre ; il les dégrade du fervice en leur ötant la ceinture militaire ; & fuivant la févérité de 1'ancienne difcipline , il fait décimer les cavaliers, & trancher la tête a dix d'entre eux. II ramene les autres au camp, ayant prefque en un même inftant appris, vengé &i puni la défaite de fa troupe. Etant enfuite monté fur un tribunal, il loua fes foldats de la valeur qu'ils avoient mofttrée au fiege de j1 Pirifabore; il les exhorta k confer- ( ver une réputation capable d'abré- ^ ger leurs travaux, & leur promit cent pieces d'argent par tête. ComN iv Julien. Lnn. 365, XVIII. Répritande de ulien a :s folats.  Julien. Ann» 36; t *9(? _ H I S T O 1 R fi ! me il appercut qu'une fi modiqueré■ compenfe n'excitoit que des mur' mures, prenant un air majeftueux & levere, & montrant de la main le pays qu'il avoit devant lui : » Voi» la , dit-il, le domaine des Perfes ; » vous y trouverez des richeffes, fi » vous favez combattre & m'obéir. » L'Empire fut opulent autrefois; il » s'eft appauvri par 1'avarice de ces 3, Miniftres , qui ont partagé les tré» fors de leurs maitres avec les bar»> bares dont ils achetoient la paix. « Les fonds publics font difiipés, les » villes épuifées, les Provinces dé» folées. Quelque noble que je fois, » je fuis le feul de ma maifon; je » n'ai de refiource que dans le cceur. » Un Empereur qui ne connoit de » trefors que ceux de 1'ame, fait fou» tenir 1'honneur d'une vertueufe in» digence. Les Fabrices qui firenf » triompher Rome des plus redou» tables ennemis, n'étoient riches >» que de gloire. Cette gloire vous » viendra avec la fortune , fi vous m fuivez fans crainte & fans mur» mure les ordres de la Providence, » & ceux d'un Général qui partage  nu Bas-Empire. Liv. XIV. 297 » avec elle le foin de vos jours. Mais » li vous refufez d'obéir, fi vous » reprenez cet efprit de défordre Sc de mutinerie , qui a déshonoré Sc » affoibli 1'Empire, retirez - vous, » abandonnez mes drapeaux. Seul je » faurai mourir au bout de ma glo» rieufe carrière , méprifant la vie » qu'une fievre me raviroit un jour; » finon , je quitterai la pourpre. De » la maniere dont j'ai vécu Empe» reur, je pourrai fans décheoir & fans rougir, vivre particulier. J'au» rai du moins 1'honneur de laiffer » a la tête des troupes Romaines des » Généraux pleinsde valeür, Sc inf» truits de toutes les parties de la >y guerre ". A ces paroles, les foldats , touchés Sc attendris, lui promettent une foumiflion Sc un dévouement fans réferve : ils élevent jufqu'au ciel fa grandeur d'ame, Sc cette autorité plus attachée k fa perfonne qua fon diadême. lis font retentir leurs armes; c'étoit par ce langage que s'expliquoit Fapprobation militaire. Remplis de confiance, ils fe retirent fous leurs tentes, Sc prennent leur nourriture, difcourant enN y Juhen. Ann. 363»  Juhen Ann. 363. XIX. Marche jufqu'a Maogaraalque, C è c! 298 H 1 s t 0 1 r e femble de leurs efpérances, qui les occupent jufque dans le fommeil. Julien ne ceffoit d'entretenir cette chaleur; c'étoit 1'objet de tous fes difcours. Vouloit-il affirmer quelque chofe? au-lieu d'employer les ferments ordinaires, il difoit, comme avoit dit Trajan autrefois : Puifé-je aujji-bhn fubjuguer la Perfe : puiféje auffi certainemem affurer la tranquillité de £ Empire. Pendant que l'armée repofoit fous fes tentes, Julien, toujours en haleine, en voyoit des troupes légeres pour enlever les habitants, que la terreur avoit difperfés dans les campagnes voifines. On en trouvoit un grand nombre caché dans des retraites fouterreines. On emmenoit les :nfants avec leurs meres; & bienöt le nombre des prifonniers fur>affa celui des vainqueurs. Dans uns oute de quatorze mille pas le long lu fleuve, on rencontra un chateau ie une ville nommée Phiffénie, dont ïs murailles étoient baignées par un anal profond. Julien ne jugeant pas propos de s'y arrêter, trouva auelè un terrein que les Perfes avoient  Julien. Ann. 363 wees, iij, 1 avoient anandonnée; öc les foldats en partant y mirent le feu. Aufortir del'inondation, fe préfenta une plaine charmante, couverte d'arbres fruifiers de toute efpece, & furtout de palmiers, dont les plants formant de grandes forêts s'étendoient de-la jufqu'au golfe Perfique. Les vignes qui croiffoient au pied de ces arbres féconds, fe mariant avec eux , les foldats cueilloient a la fois les dattes & les raifins fufpendus aux mêmes branches; & 1'on n'avoit a craindre que 1'abondance dans un lieu ou 1'on avoit apréhendé de trouver la difette. L'armée paffa la nuit dans cette délicieufe campa- 300 Histoïrb qu'il falloit démonter & dreffer fans ceffe avec un travail incroyable. Marchant lui-même au travers des eaux, il accéléroit les ouvrages, & maintenoit par-tout le bon ordre. Après une fi pénible journée, on fe repofa dans une ville nommée Bithra, oü 1'on trouva un palais d'une fi vafte étendue, que l'Empereur y logea toute fon armée. Cette ville étoit habitée par des Juifs, quis'étoient établis en grand nombre dans ces con-  do Bas-Empire. Liv. XIV. 301 gne. Elle effuya le jour fuivant quelques décharges de traits d'un parti ennemi, qui fut bientöt diflipé. II fallut encore traverfer un grand nombre de ruiffeaux ; c'étoient autant de faignées de 1'Euphrate. Enfin, on arriva a la vue d'une grande ville nommée Maogamalque. Le premier foin de Julien fut de fe camper avantageufement pour n'être pas expofé aux infultes de la cavalerie des Perfes , très-redoutable en pleine campagne. II alla enfuite lui-même a pied avec une petite troupe d'infanterie légere reconnoïtre les dehors de la place. Tout le terrein étoit coupé de canaux , au milieu defquels la ville s'élevoit fur un tertre, qui fembloit être une ifle. L'accès en étoit défendu par des rochen fort hauts, dont la coupe irréguliere formoit un labyrinthe tortueux. Elle avoit, ainfi que Pirifabore, deux enceintes fermées chacune d'une ma raille de briques cimentées de bitunie. Le mur extérieur fort large & fort élevé, a 1'épreuve des machi nes, étoit bordé d'un foffé'profond & flanqué de feize groffes tours d< JUHEN. Ann. 363. XX. Situation de la ville. Amm. I. 24. c. 4. Lib. or. 12. Zof. I. 3. »  Julien. Ann. 363. ; j ] c ( XXIII. Attaques. , 1 1 1 l I t d r 304 H 1 s t 0 1 & z des ennemis, elle affommoir ou faifoit prifonniers les fuyards difperfés dans la campagne. C étoient les habitants de deux villes voifines, dont les uns fe fauvoient vers Ctéfiphon, les autres s'alloient cacher dans des bois de palmiers; un grand nombre [jagnoit les marais; & fe jettant dans ies canots légers , faits d'un feul irbre , ils échappoient a la cavale•ie. Pour les atteindre , les foldats fe êryoient de bateaux de cuir, que fulien avoit raffemblés ; & quand ils urivoient k la portée des traits, des jierres, & des feux qu'on leur lanjoit du haut des murailles, ils ren^erfoient fur leurs têtes ces nacelles [üi leur tenoient alors lieu de toit & le défenfe. . L'armée rangée fur trois lignes endronnoit les murs. La garnifon nomjreufe & compofée de troupes d'éite étoit déterminée k s'enfévelir fous es ruines, plutöt que de fe rendre, l les habitants ne montroient pas lojns de réfolution. Plufieurs aven-iriers fe hafardoient jufqu'au bord u fofie, d'oii ils défioient les Roïains de leur donner bataille en  h'Ü BAS-EmPIRE* Liv. XIF. 3II ne leur paroiffoit défórmais difficile. Les Perfes effrayés n'efpéroient plus I irouver de défenfe contre des guer- riers qui forcoient les plus invinci: bles rernparts de l'art & de la nature: ; .& Julien, qui d'ordinaire laiffoit aux autres le foin de le vanter, ne put 1 s'empêcher de dire : Qu'il venoit de • p.réparer une belle matiere d ÜOrateur i de Syrië. C'étoit Libanius, fon éter» nel panégyrifte. L'armée décampoit, lorfqu'on vint \ avertir l'Empereur qu'aux environs 3I de Maogamalque étoient des grottes 0 fouterreines , telles qu'il s'en trouve ij en grand nombre dans toutes ces con- 1 trées, oii s'étoit cachée une multiI tude de Perfes , k deffein de venir | le charger par-derriere pendant la J marche. II détacha fur le champ une | troupe de fesmeilleurs foldats, qui, i ne pouvant pénétrer dans ces retraia tes obfcures, ni en faire fortir les rj ennemis, prirent le parti de les y 1 enfumer, en bouchant les ouvertu1 res avec de la paille & des brouffailj les, auxquelles on mettoit le feu. j Ces malheureuxypérirent; quelques- 1 iins, forcés de fortir pour n'être pas Julien. Ann. 363. XXVI. Ennemis enfumés dans des fouterreins.  Julien. Ann. 363. XXVII. On détruit le pare du Roi de Perfe. Amm. I. i4. c 5Lil. of. 12. Zof. I. 3. 512 HISTOIR.E étouffés, furent aufli-töt maffacrés. Après les avoir détruits par le feu ou par le fer, les foldats rejoignirent l'armée. II fallut encore paffer fur des ponts plufieurs canaux qui communiquoient enfemble, &fe coupoient en diverfes manieres. On arriva prés de deux chateaux décorés de fuperbes édifices. La terreur en avoit banni les habitants. Les valets de l'armée en pillerent les meubles & les richeffes : ils brülerent ou jetterent dans les canaux ce qu'ils ne purent emporter. Ce fut-tè que le Comte Vicïor qui devancoit l'armée, rencontra le fils du Roi. Ce jeune Prince étoit parti de Créfiphon a la tête d'une troupe de Seigneurs Perfes & de foldats pour difputer le paflage des canaux. Mais dès qu'il appercut le gros de l'armée, il prit la fuite. Plus on approchoit de Ctéfiphon, plus le pays devenoit riant & embelli de tous les agréments de la culture. C'étoient les plaifirs du Roi de Perfe. On rencontroit a chaque pas de magnifiques édifices & des jardins charmants. Le foldat Romain mar- choit  du Bas-Empijlb. IAv. XIV. 313 choit le fer & le feu a Ia main; & pour fe venger d'un peuple qu'il traitoit de barbare , il ne laiiToit luimême que des traces funeftes de barbarie. On n'épargna qu'un feul chateau, paree qu'il étoit bad k la Romaine. On arriva dans un grand pare, oü étoient renfermés deslions, des fangliers, des ours plus cruels en Perfe que par-tout ailleurs, & quantité d'autres bêtes féroces. Les Rois de Perfe y venoient fouvent prendre le plaifir de la chafle. On enfonga les portes, on fit brêche en plufieurs endroits aux murailles, & les cavaliers fe divertirent k détruire ces animaux k coups d'épieux & de javelots. La commodité des eaux & du fourrage engagea Julien k faire repofer fon armée en ce lieu pendant deux jours. II fortifia fon camp k la hate, & partit lui-même k la tête de fes coureurs pour aller aux nouvelles. II s'avan^a jufqu'a Séleucie. Cette ville , autrefois nommée Zochafe , réparée & aggrandie par Séleucus Nicator, qui lui avoit donné fon nom, avoit été deux cents ans auparayant Tornt lil. O Julien. Ann. 36;, XXVItT. Suites de Ia marche.  Julien. Ann. 363. 3 < i i 1 1 £ r c £ e I F d. b F c F 3I H I S T O I R g le fleuve , attaque un autre quarier, égorge ou enleve plufieurs foliats. Les Romains prennent d'abord 'épouvante; ils croyent avoir fur les )ras toute l'armée des Perfes. Mais i'étant bientöt ralTurés, honteux de eur furprife, & animés par le fon les trompettes, ils marchent 1'épée l la main vers 1'ennemi qui ne les ittendit pas. L'Empereur punit fé'érement un corps de cavalerie qui ivoit mal fait fon devoir : il cafla les Dfficiers, & réduifit les cavaliers au érvice de 1'infanterie. II s'attacha enuite k 1'attaque du chiteau , comottant k la tête de fes troupes, & ss animant de fes regards & de fon xemple. Cent fois dans cette jouriée il expofa fa vie avec la témérité .'un fimple foldat. L'armée fit des fforts incroyables, & ne revint au amp qu'après avoir pris & brülé la lace. Accablés de fatigue, ils fe reoferent le jour fuivant. Julien leur iftribua des rafraichiffements en aondance ; tk comme il étoit aux ortes de Ctéfiphon, d'oü il avoit k raindre des excurfions foudaines, il rit plus de précaution que jamais  nu Bas-Empirb. Liv. XIV. 319 fubite des eaux de leur fleuve, qui ébranla leurs murailles. L'armée s'arrêta k la vue de Coqué Si de Ctéfiphon dans une belle campagne plantée d'arbuftes, de vignobles Si de cyprès, dont la verdure charmoit les yeux. Au milieu s'élevoit un chateau de fuperbe architeöure , embelli de jardins , de bocages, & de portiques ou les chaffes du Roi étoient peintes. Les Perfes n'employoient la peinture Sc la fculpture qu'a repréfenter des chaffes ou des combats. Mais le plaifir que 1'on reflentoit k la vue de tant d'objets agréables, étoit troublé par un autre fpedacle tout-a-fait effrayant. Les bords oppofés du Tigre étoient hériffés de piqués, de javelots, de calques, de boucliers, Si d'éléphants armés en guerre. Les Romains, k cette vue, piongés dans un morne filence, fe livroient a de triftes réflexions. Ils avoient devant eux une armée formidable, compofée des meilleures troupes de la Perfe, autour d'eux de larges canaux, k leur droite une autre armée qu'on difoit s'approcher k grandes journées; tout le pays derO iv Julien. Ann. 363. XXX. Julien raffure fes foldats.  Julien. Aan. 363 320 HlSTOIRE riere eux faccagé & ruiné : ils ne s*ètoient pas ménagé la reftburce du retour : & c'eft en effet une des grandes fautes qu'on ait a reprocher a Julien dans une expédition fi hafardeufe. II falloit périr en ce lieu, ou affronter au travers des eaux du Tigre une mort prefque aflurée. Pour les diftraire de ces fombres penfées, & pour leur infpirer 1'allégrefie & le mépris des ennemis , Julien, qui connoiffoit le caraclere du foldat, fit applanir le terrein en forme d'hippodrome : il propofa des prix pour la courfe des cavaliers. Les troupes d'infanterie, aflifes a 1'entour comme dans un amphithéatre, jugeoient avec intérêt du mérite des cavaliers & des chevaux, & faifoient ainfi diverfion a leur inquiétude. L'armée des Perfes de defTus l'autre bord, & les habitants des deux villes du haut de leurs murailles, fpeöateurs oififs du divertiffement qui occupoit les Romains , s'étonnoient de leur fécurité; ils voyoient avec dépit qu'il leur étoit impoflible de troubler une fête , qui fembloit être celle de la victoire. Pendant ces jeux, Julien , qui j  nu Bas-Empire. Liv. XIV. 321 mettoit a profit tous les motnents, faifoit décharger les vaiffeaux fous prétexte de viliter le bied & les autres provilions ; mais en effet, pour y faire embarquer les foldats dès qu'il le jugeroit a propos, fans leur laiffer le temps de murmurer & de contröler fes ordres. La nuit étant arrivée, il affembla dans fa tente les principaux Officiers, & leur déclara qu'il falloit paffer le Tigre, au-dela duquel ils trouveroient la viftoire & 1'abondance. Tous gardoient le fdence ,, lorfqu'un des Généraux de l'armée, que l'hiftoire ne nomme pas, celui même qui devoit commander le paffage , élévant la voix , lui répréfenta la hauteur desbords oppofés & la multitude des ennemis : La dïfpofition du terrein le rendra aujji difficile a défendre qua attaquer, repartit Julien ; il fera favorable d ceux qui en oferont braver les défavantages ; quant au nombre des ennemis, depuis quand les Romains ont ils appris d les compter? En même-temps, il charge le Général Viöor de tenter le paffage k la place de cet Officier timide : Vous en ƒ:re{ quitte, dit-il a Vi&or, pour quelO v Juhen. Ann. 363. XXXL Paffage du Tigre. Amm. I. 24. c. 6. Lib. or. 12; Zof. I. 3. Sot, l. 6. e. 1. Sextus Ru°fus..  nu Bas-Empire. Liv. XIV. 323 pas trouver de place, fe fervirent de leurs boucliers comme de nacelles; & s'y attachant fortement, les gouvernant comme ils pouvoient, ils pafferent malgré l'impétuofité du fleuve , & arriverent auffi-töt que les vaiffeaux. On aborda fur le minuit. II eut été difficile en plein jour & fans avoir en tête aucun ennemi, de franchir des bords fi efcarpés. Alors il falloit au milieu des ténebres forcer a la fois les obfhcles de la nature & la réfiftance d'une armée. Ils les forcerent : ils parvinrent avec des peines incroyables fur la crête du rivage : ils gagnerent affez de terrein pour fe mettre en bataille. Les Perfes leur oppoferent une nombreufe cavalerie, dont les chevaux étoient bardés &c caparaconnés de cuirs épais: fur la feconde ligne étoit rangée Tinfanterie, derrière laquelle les éléphants formoient une barrière, fob pour retenir les fuyards, foit poui arrêter les progrès des ennemis. Le Surena étoit fecondé de deux braves Généraux, nommés Pigrane & Narfes, Pigrane tenoit après Sapor le preO vj Julien. Ann. 363. xxxn. Combat contre les Perfes.  du Bas-Empiüb. Liv. XIV. 325 rebutées : il ranime ceux dont Pardeur fe rallentit. Le combat dura jufqu'a midi. La première ligne des Perfes ayant commencé k plier, toute leur armée recula d'abord a petit pas: enfin, précipitant fa retraite ,. elle gagna Ctéfiphon , qui n'étoit pas éloignée. Les Romains, épuifés de fatigue, 8c accablés des ardeurs d'un foleil brülant, trouverent encore des forces pour achever de vaincre. Ils pourfuivirent les fuyards Pépée dans les reins jufqu'aux portes de la ville. Ils y feroient entrés avec eux, li le Comte Viftor, bleffé lui-même k Pépaule d'un dard qui étoit parti du haut de la muraille, ne les eut arrêtés par fes cris & par fes efforts, s'oppofant k leur paffage, 8c leur re préfentant que dans le défordre oir les mettoit la pourfuite , ils alloient trouver leur tombeau dans une ville fi vafte 8c fi peuplée. Les Romains avoient fait dans cette mémorable journée des prodiges de valeur. Ils avoient réfifté aux plus extrêmes fatigues. Ils s'en récompenferent par le pillage du camp des Perfes, oü ils trouverent des richef- Juhen. Ann. 363 XXXIII. Suites de la viilosre.  nu Bas-ëmm&e. Liv. XIV. 329 entreprife difficile par elle-même, paroiffoit trop téméraire , lorfqu'on étoit a la veille d'avoir fur les bras toutes les forces de la Perfe, eonduites par Sapor. II eut encore affez de prudence pour fe rendre a cet avis. II envoya le Général Arinthée avec un corps d'infanterie légere faire le dégat dans les campagnes d'alentour; il lui donna ordre en mêmetemps de pourfuivre les ennemis qui s'étoient difperfés après leur défaite, Mais comme ceux-ci connoiffoient parfaitementle pays, ils échapperent a toutes les pourfuites. Sapor, foit qu'il voulut amufer Julien , foit qu'il fut en effet effrayé de fes fuccès , lui députa un des Grands de fa Cour, pour lui propofer de garder fes conquêtes, & d« conclure un traité de paix & d'alliance. Ce député s'adreffa d'abord \ Hormifdas , frere de fon maitre ; & fe jettant k fes genoux, il le fuppli; de porter k Julien les paroles de Sa por. Le Prince Perfe s'en chargea ave< joie: la prudence lui perfuadoitqu'um pareille ouverture ne pouvoit êtn que très-agréable a l'Empereur: c'étoi ÏUI1EN. Ann. 365-. XXXV, II refufe Ia paix. Lib. or. 12,. Soc. I. 3. e, ll. t  nu Bas-Empire. Liv. XIV. 331 L'accident arrivé k quelques-uns de ; leurs foldats tués k coup de fleches i pendant qu'ils fe baignoient, leur faifoit craindre de trouver fur l'autre : bord plus d'ennemis qu'ils n'en cherchoient. D'ailleurs, la méfintelligence ' rompoit toutes leurs mefures. Ils faifoient leur cour aux foldats en dépit ( 1'un de l'autre : quand Pun vouloit faire marcher l'armée, l'autre trouvoit des prétextes pour la retenir. En vain Julien leur dépêchoit couriers fur couriers. II prit enfin le parti de les aller joindre lui-même. II fe difpofoit a prendre fa route par le Tigre, Sc k faire remonter fa flotte, lorfqu'un vieillard Perfe , renouvellant la rufe de ce Zopyre, qui avoit aidé Darius k fe rendre maitre de Babylone , vint fe jetter entre fes bras. II feignoit de fuir la colere du Roi de Perfe, qu'il avoit, difoit-il, offenfé; il fupplioit Julien de lui donner afyle entre fes troupes. II fut fi bien feindre le défefpoir, que l'Empereur prit confiance en lui, Sc 1'interrogea fur la route qu'il devoit tenir : » Prince, lui dit ce vieillard , » vous favez la guerre mieux que Julien. Li\n. 363. Amm. I. 4- <■ 7Soc. 1. 3. . 12. Theod. I. 1. e. 20. Soi. I. 6. . 1. Philofi. I. r. c. 15. Orof. I. 7. ■: 30. Zon. t. II. ,. 26.  Juhen. Ann. 36: - v^Ui ucidrene. vousn'aurezque » trois ou quatre jours au plus de » chemin rude & difficlle. Ne por» tez des vivres que pour,ce temps- ( 33a H 1 s t 0 1 r k » moi; mais je connois mieux que » perfonne le pays oü vous êtes. Quel » ufage prétendez-vous faire de cette » flotte qui cötoye votre armée ? « Elle vous a jufqu'ici occupé plus » de vingt mille hommes. Efpérez» vous forcer la rapidité du Tigre ? » La moitié de votre armée ne fnf« flra pas pour tirer ces barques le » long des bords. Quelle diminution » de forces, fi les ennemis vous at» taquent! fans compter ce que vous » perdez de courage dans vos fol» dats, qui, affurés de leurs fubfiftan» ces, en ont moins d'ardeur h s'en » procurer è la pointe de leurs épées. » Cette flotte vous fait encore un » autre mal. C'eft un höpital qui fuit >> votre armée : c'eft 1'afyle des pol» trons qui s'y font tranfporter fous » pretexte de maladie. Retranchez » cet obftacle k vos fuccès : éloignez» vous des bords du fleuve. Je vous » guiderai par une route plus füre •> & plus commode jufque dans le  du Bas-Empire. Liv. XIV. 335 ter le camp k coup de fleches : tantot réunis en gros efcadrons, ils jettoient 1'allarme. On croyoit que le Roi étoit arrivé avec toutes fes forces. L'Empereur & les foldats regrettoient la perte de leurs magafins confumés avec leurs vailTeaux. Ils ne pouvoient fe garantir des incurfions importunes d'une cavalerie , plus prompte que Téclair, qui frappoit& | difparoilToit auffi-töt. Cependant on I tua & on prit quelques coureurs dans I ces diverfes attaques: & Julien, pour I relever le courage de fes troupes, I leur donna le même fpe&acle qu'A| géfilas avoit autrefoisdonné aux Grecs I pour leur infpirer le mépris de ces I mêmes ennemis. Les Perfes étoient S naturellement d'une taille grêle, dé1 charnés & fans apparence de vigueur. II fit dépouiller les prifonniers, & i les ayant expofés nuds k la vue de |l'armée : Voild, dit-il, ceux que les ïtnfants du Dieu Mars regardent com| me des adverfaires redoutables ; des corps {deffèchés & livides ; des chevres plutóe ï que des hommes, qui ne favent quefuir kwant même que de combattre. C'eüt été une témérité trop vifi- JULIEN. Ann. 563 XXXIX. 11 prenl  vu Bas-Emp/re. Liv. XIV. 337 les Dieux : on chercha dans les entrailles des viöimes, s'il valoit mieux traverfer de nouveaux 1'Affyrie, ou fuivre le pied des montagnes, & tacher de gagner la Corduene, Province de 1'Empire que borde le Tigre au fortir de 1'Arménie. Une partie de cette Province appartenoit encore aux Perfes, qui y entretenoient un Satrape. Les vicnmes furent muettes a leur ordinaire. Selon Ammien Marcellin, elles donnerent k entendre que ni 1'un ni l'autre parti ne réuffiroit. Cependant on s'en tint au dernier, comme au moins impraticable. On décampa le feizieme de Juin. Au point du jour, on appercut dans le lointain un tourbillon épais. Les [ uns conjecïuroient que c'étoient des Sarrafins, qui, fur une fauffe nouvelle, que l'Empereur attaquoit Ctéfiphon , accouroient pour fe joindre aux Romains, & prendre leur part du pillage. D'autres fe perfuadoient que c'étoient les Perfes qui venoient encore fermer ce paffage. D'autres enfin fe moquoient de la timidité de ces derniers : ce n'étoient, felon Tome UI. P Julien. Ann. 363 XL. Marche e 1'ar- ïée.  Julien. Ann. 363 340 HlSTQlRB tout Ie fourrage. On appercut d'abord une troupe de Sarrafïns, qui difparurent a la vue de 1'infanterie Romaine. Ils revinrent bientöt avec un corps de cavalerie Perfe, qui faifoient mine de vouloir enlever les bagages. L'Empereur accourut pour les combattre lui-même : ils ne 1'attendirent pas, & prirent Ia fuite. On fe rendit prés d'un bourg nommé Hucumbra, entre les deux villes de Nisbara & de Nifchanabé, baties des deux cötés du Tigre. On y trouva les reftes d'un pont que les Perfes avoient brülé. Les fourrageurs rencontrerent quelques efcadrons ennemis qu'ils mirent en fuite. Comme ce lieu étoit fourni de vivres, on s'y repofa pen* dant deux jours. L'armée, après s'être refaite, emporta ce qu'elle put de proviiions, & brüla le refte. Elle avancoit k petit pas entre les villes de Danaba & de Synca, lorfque les Perfes vinrent fondre fur 1'arrieregarde. Ils y auroient fait un grand carnage , fi la cavalerie Romaine ne fut promptement accourue , & ne les eut vivement repouffés. Dans cette aftion périt Adacès, Satrape diflin-  nv Bas-Empire. Liv. XIV. 341 gué, le même que ce Narsès, député cinq ans auparavant a Conftance, dont il s'étoit fait aimer par fa modeftie & par fa douceur. L'Empereur récompenfa le foldat qui lui avoit óté la vie, & donna en même-temps un exemplë de févérité. Toutes les troupes accufoient une brigade de cavalerie , d'avoir tourné bride au fort du combat. Julien indigné voulut punir ces fuyards par tous les affronts militaires : il leur öta leurs étendards, fit brifer leurs lances, & les condamna a marcher parmi les bagages & les prifonniers. Comme on rendoit témoignage k leur Commandant qu'il avoit bien fait fon devoir, l'Empereur le mit a la tête. d'une autre brigade, dont le Tribun étoit convaincu d'avoir fui honteufement. II caffa quatre autres Tribuns, Êoupables de la même lacheté. Selon la rigueur de la difcipline, ils méritoient la mort; mais les circonftances critiques ou fe trouvoit l'armée, 1'engagerent k épargner leur fang, & a leur laiiTer avec la vie le moyen de réparer leur honneur. Le jour fuiVant, après avoir fait environ trois P üj Julien. Ann. 363  Julien. Ann. 363, XLV. Bleffure '<&e Jirlien. Amm. I, ^5- c 3. lib. or.Ji. 'lof. I. 3. Philofl. h 7- f. i j. Chr. Alex. \ Zon. t. IJ. \ I 1 3 < i s t £ d h li 34Ö IJ J: S T O I R E 1'ayertilToit de ne point combattre ce jour-li, & de fufpendre toute opéraüon de guerre. Comme il parut ne faire aucun cas de Jeur réponfe, ils le pnerent de différer fon départ du moins de quelques heitres. II ne voulut rien écouter, & partit ait point du jour. Les Perfes fouvent battus n'ofoient plus paroitre devant 1'infanterie Romaine. Cachés derrière les. collines qiu bordoient le chemin fur la droite , ils fe contentoient de cötoyer ^armée, & de 1'incommoder par des. lecharges de flêches & des allarmes requentes. Les Romains marchoient jn un feul bataillon quarré; mais Ia hfpofition des lieux rompoit fou'ent leur ordonnance, & les obli;eo:t de couper leurs rangs. Julien toit par-tout, k la tête, k la queue,, ur les flancs, courant k toutes les ttaques, conduifant des fecours a sus les endroits, oii il en étoit be>in. Les Perfes étoient rebutés. On it même que Sapor, craignant que s Romains ne priffent. des quarks d'hyver dans fesEtats, choififut deja des députés pour porter a  nv Bas-Empire. Liv. XIF. 347 Julien des propofitions de paix , & qu'il préparoit des préfents entre lefquels étoit une couronne : il devoit les faire partir le lendemain , & laiffer Julien maitre des conditions du traité. Sur les neuf heures du matin , un tourbillon de vent faifant voler la pouffiere, & le ciel s'étant couvert de nuages épais , les Perfes profiterent de 1'obfcurité pour tenter un dernier effort. Ils attaquent 1'arriere-garde. L'Empereur, que la chaleur avoit obligé de fe défaire de fa cuirafle , s'étant faifi d'un bouclier de fantafïin, court au péril. Pendant qu'il s'y livre avec courage, il apprend que la tête qu'il vient de quitter eft dans le même danger : il y vole, & la cavalerie des Perfei tourne en même-temps la queue d< l'armée. Bientöt 1'aïle gauche enve loppée, accablée de traits , chargé* a grands coups de javelines, épou vantée du cri & de la fureur des éléphants, commence a plier. Tandis qu< l'Empereur, accompagné feulemen d'un écuyer, court de toutes parts fon infanterie légere prend les Per fes par-derriere, coupe les jarret P v? Juhen. Ann. 363. t f  364 SOMMAIRE DU LlV. XV\ XXVI. LesAriens rebutes par V Empereur. XXVII. Troubles en Afrique. XXVIII. Jovien part a*Antioche. XXIX. Etat des affaires de la Gaule, XXX. Confulat de Jovien, XXXI. Mort de Jovien.  nu Bas-Emptre. Liv. XF. 375 conducteurs marchoient a pied a la queue de l'armée ; lorfqu'ils fe virent tout-a-coup environnés d'une troupe de Sarrafins, qui les auroient taillés en pieces, fi la cavalerie légere ne fut promptement accourue au fecours. Ces barbares , autrefois alliés de 1'Empire , s'étoient joints aux Perfes, paree que Julien avoit fupprimé les penfions qu'on leur avoit payées fous les Empereurs précédents : & fur les plaintes qu'ils en étoient venu faire, il leur avoit répondu qu'un Empereur guerrier n'avoit que du fer, & non pas de 1'or. On palTa quelques jours en ce lieu fans pouvoir avancer. Dès que les troupes fe mettoient en marche, les Perfes, les harcelant de toutes parts, les obligeoient de faire halte : dès qu'elles s'arrêtoient pour combattre , ils reculoient peu-a-peu ; & avant qu'on put les atteindre, ils prenoient la fuite. Depuis dix-neuf jours que Julien s'étoit rapproché des bords du Tigre , la difficulté des chemins, lê défaut de vivres, les fréquentes allarmes avoient tellement rallenti la mar- JOVIEN. Ann. 363. vm. On effaye de palier le Tigre,  Jovien. Ann. 363. i 3?6 HISTOIS.E che , qu'on n'étoit pas encore arrivé a Ia hauteur du territoire qu'occupoient les Romains dans la Mêfopotamie. Cependant, comme dans les périls extrêmes on prend fouvent pour reiTource ce qui n'eft qu'un nouveau danger, les Romains voulurentcroire qu'ils voyoient fur l'autre bord les terres de 1'Empire. Ils demanderent k grands cris qu'on leur fit paffer le Tigre. En vain l'Empereur , fecondé des Généraux , leur faifoit remarquer la rapidité du cours §c r immenfe volume des eaux de :e fleuve, qui a coutume de grofSr dans cette faifon. En vain il leur ■epréfentoit que beaucoup d'entre ;ux ne favoient pas nager, Sc qu'ils rouveroient au-dela des troupes enïemies maitreffes des bords. Les follats s'obftinoient a ne rien entendre; 5c les murmures croiffant de plus en )lus, faifoient craindre une mutineie générale. On eut peine a obtelir d'eux que les Gaulois Sc les Gernains effayeroient le paffage. L'in* erifion de Jovien étoit de vaincre 'opiniatreté des foldats, fi ceux-la toient emportés par la rapidité du  du Bas-Empire: Liv. XV. 377 fleuve, ou de tenter plus hardiment 1 'entreprife, s'ils réufïiffoient. On fit choix des meilleurs nageurs, inftruits dès leur enfance a traverfer dans leur pays les rivieres les plus larges & les plus rapides. Dès que la nuit fut venue, tous au nombre de cinq cents s'élancent en mêmetemps dans le fleuve , & gagnent le bord oppofé plus facilement qu'on ne 1'avoit efpéré. Ils maffacrent une garde des Perfes qu'ils trouvent endormie dans une parfaite fécurité, & annoncent leur fuccès au refte de l'armée en levant les bras & fecouant en 1'air leurs cafaques. A ce fignal, que le clair de lune faifoit appercevoir, les foldats impatients vouloient fe jetter dans le Tigre : on ne les arrêta qu'en leur promettant d'établir un pont fur des outres, pour affurer le paffage. On employa deux jours a ce travail. La violence des eaux le rendit inutile; & le foldat ayant confumé dans cet intervalle tout ce qui pouvoit lui fervir de nourriture, mourant de faim, & n'étant animé que de fa fureur, demandoit la bataille Jovien. Ann. 363, IX. Paix propofée par Sapor. Amm. I. 25.c.7,ej. Lib. or. 12. Grcg, ar. 4. Sext, Kw  nv Bas-Empire. Liv. XV. 3§i fans forcerent Jovien de foufcrire k ces honteufes condirions. Son intérêt particulier fe joignit fans doute aux confidérations publiques. On lui repréfentoit qu'il avoit dans Procope un rival encore caché; mais que s'il lui laiiToit le temps d'apprendre la mort de Julien avant le retour des troupes, ceGénéral, k la tête d'une armée fraïche & entiere , fouleveroitenfa faveur tout 1'Empire, fans trouver de réfiftance. Selon quelques Auteurs, Jovien étoit impatient d'aller montrer au milieu des Provinces Romaines la nouvelle puiffance dont il étoit revêtu, & qu'il n'auroit ofé efpérer dans le temps qu'il en étoit forti k la fuite de Julien. II n'a pas régné affez long-temps pour donner lieu de juger avec quelque certitude, s'il étoit capable d'écouter un fentiment fi frivole. Mais il eft indubitable qu'il fut moins opiniatre dans le péril, paree qu'il ne s'y étoit pas lui-même engagé ; & que dans les fituations facheufes un fucceffeur fuccombe fans rougir, & fe décharge de la honte fur 1'auteur de 1'entreprife. II accepta donc les propofitions Jovien. Ann. 363,  Jovien. Ann. 363 382 H I S T 0 1 R E de Sapor. II demanda feulement, & obtint avec beaucoup de peine, que les habitants de Nifibe fortiroient de leur ville avant qu'elle füt livrée aux Perfes, & que les Romains qui fe trouvoient dans les autres places, auroient la liberté de fe retirer fur les terres de 1'Empire. Arface fut compris dans le traité, a condition que s'il furvenoit déformais quelque fujet de querelle entre les Arméniens & les Perfes , les Romains ne fe mêleroient point de leurs différends. Par cet article, on abandonnoit un Prince allié & toujours fidele :- Sapor le punilloit des incurfions qu'il avoit faites dans la Médie par ordre de Julien; il fe réfervoit le moyen d'envahir 1'Arménie fur le premier prétexte que fon ambition lui fourniroit. Arface, obligé de mettre une de fes filles entre les mains de Sapor, (I'hiftoire ne dit pas fi ce fut en qualité d'ötage ou d'époufe) fut neuf ans après, la viéfime de ce traité. Pour en aflurer Pexécution, on donna de part &c d'autre des ötages : ce furent du cöté des Romains trois Tribuns deS plus diftingués, Rémora,  vu Bas-Empire. Liv. XF. 383 Viftor & Belovede : du cöté des Perfes, un des principaux Seigneurs, nommé Binéfès, & trois Satrapes confidérables. La paix fut jurée pour trente ans. Tous les Auteurs conviennent que ce traité étoit ignominieux. Les Chrétiens en rejettent toute la honte fur Julien , dont la témérité ne laiffa pas a Jovien d'autre voie pour fauver les triftes débris de fon armée. En ce point , ils s'accordent avec Eutrope, qui avoue que cette paix étoit auffi néceffaire qu'elle étoit déshonorante. Mais cet hiflorien fait un reproche a Jovien d'en avoir rempli les conditions : il prétend que ce Prince auroit du s'en affranchir, & fuivre les anciennes maximes de la République, qui ne fe crut pas engagée par les paroles que fes Généraux avoient données aux Samnites, aux Numantins, a Jugurtha ; & Ammien Marcellin paroit être du même avis. Un écrivain moderne, auffi judicieux qu'élégant & poli, a difcuté ces deux queflions avec beaucoup de précifion & de jufteffe. II prouve par des raifons folidès que ü Jovien. Ann. 363. XII. Examen de ce traité. Tous les Auteurs cite's ei-deffa. M. VAlbi de la Bleterie, dijfertation fur la paix de lovitn.  Jovien. Ann. 363. 384 HlSTOIlLB Jovien eft excufable d'avoir confenti a cette paix, on ne peut cependant le difculper tout-a-fait, puifque, leien la remarque d'Ammien Marcellin, elle n'étoit pas nêcejfaire avant les quatre jours que Con perdit d nêgocier au-lieu de marcher vers la Corduene. Pour le fecond point qui concerne 1'exécution du traité , il convientque les exemples empruntés de la République ne concluent rien a 1'égard d'un Souverain; mais il fait voir que les maximes du droit public rendoient a Jovien la liberté que la différence du gouvernement fembloit lui óter. Les Monarques Romains netant qu'ufufruitiers, & non pas propriétaires de 1'Empire, ils n'en pouvoient aliéner la moindre partie, fans 1'aveu de la nation, & fur-tout des peuples qui habitoient le pays dont ils vouloient fe deffaifir. Ge confentement exprès ou tacite doit être fuppofé dans les ceflions qu'Hadrien, Aurélien, Dioclétien avoient faites de quelques portions de 1'Empire; autrement ces ceftions n'auroient pas été légitimes : Le traité de Jovien avec Sapor étoit donc nul de plein droit : au  du BaS'Empire. Liv. XP, 585 au-lieu de le ratifier, Jovien pouvoit & devoit faire réclamer le Sénat de Rome & celui de Conftantinople, itotutr les juftes réclamations des habitants de Nijibe, & du moins ne pas éter d ces malheureux la libertéde fe défendre. Mais les principes du droit public n'étoient point alors éclaircis ; & Jovien qui ne fut jamais que foldat, les avoit moins ètudiés que perfonne. Les principes généraux fur l'obligation du ferment combines avec tidêe vague du. pouvoir fans hornes que depuis long-temps d la Cour & dans les armées on attribuoit aux Empereurs, produifirent dans une ame religieufe Vefftt qu'ils doivent naturellement y produire. Le même Auteur obferve encore que l'épuiiement de 1'Empire , la foibleiTe des habitants de Nifibe , la fupériorité des forces de Sapor, & 1'intérêt particulier de Jovien durent contribuer a fortifier fes fcrupules. Je n'ajouterai a ces raifons qu'une réflexion qui me paroit naturelle. Avant la conclufion du traité, Jovien n'avoit qu'un parti k prendre, s'il étoit poffible; c'étoit celui qu'Ammien Marcellin lui reproche de n'avoir pas fuivi. Si ce Tome UI, R JoVIKM. Anti. jöj.  Jovien. Ann. 363 XIII. Jovien repaffe Ie Tigre. Amm. 1. 25. c. 8. Lib. or. 12. Chryfojl.dc Sto. Babyla contra Jul.&Cent, Zof. C. 3. Zon. t. II. p. 28. TUI, net. 3SÖ H I S T 0 I A E parti étoit impraticable, il devoit balancer lequel des deux feroit plus contraire au bien & a Phonneur de TEmpire, ou de perdre & fa perfonne & fon armée entiere, ou de céder les Provinces & les villes que Sapor exigeoit comme une rancon. Mais le traité étant une fois conclu , quelque parti que prit l'Empereur, il ne pouvoit plus agir fans fe rendre blamable, ou d'imprudence., s'il obfervoit une convention nulle & contraire aux intéréts de 1'E-tat; ou de mauvaife foi, li en la violant il faifoit connoïtre .qu'il s'étoit joué des ferments, & qu'il avoit promis ce qu'il ne pouvoit ni ne devoit exéeuter. Délivrés de la crainte des Perfes;, les Romains s'éloignerent des bords du Tigre, oü 1'inégalité du terrein fatiguoit extrêmement les hommes & les chevaux. Mais ils manquoient d'eau & de vivres. C'étoit encore une faute de Jovien, de n'avoir pas ftipulé que Sapor fourniroit des fubfiflances aux troupes Romaines, tant qu'elles feroient fur les terres de la Perfe. Plufieurs foldats moururent de  du Bas-Empire. Liv. XV. 387 faim ou de fbif. Mais le defir de fe délivrer de ces deux maux, en fit encore périr un plus grand nombre. Ils fe déroboient pour gagner le fleuve, & s'efforcant de le traverfer k la nage, une partie étoit engloutie dans les eaux : plufieurs ayant atteint l'autre bord, y trouvoient des coureurs Sarrafins ou Perfes, qui les maffacroient oü les trainoient en efclavage. Jovien prit enfin le parti de paffer le Tigre. Au premier fignal, tous les foldats accourent au fleuve avec une ardeur incroyable. Le danger du paffage n'a rien d'effrayant pour eux : chacun veut être le premier k quitter cette terre malheureufe. Les uns s'expofent fur des claies, d'autres fur des outres , tenant leurs chevaux par la bride. II n'eft point d'expédient fi périlleux, dont ils ne s'avifent. Quelques-uns fe noyerent: les autres emportés bien loin par la force du courant, parvinrent k la rive tant defirée. L'Empereur paffa dans les barques que Julien avoit réfervées, & les renvoya k Tautre bord jufqu'a ce que toute l'armée fut entiérement paffee. Ils fe trouvoient R ij Jovien, Ann. 363  Jovien. Ann. 363. 390 fflSTOIRE de Julien commander fa flotte fur 1'Euphrate. Le beau-pere de Jovien etoit ce Commandant des troupes d'illyrie, que Julien avoit furpris prés de Sirmium & traité avec mépris. Toujours attaché a Confiance, ü avoit quitté fes emplois fous fon fucceffeur, & s'étoit retiré dans cette ville. Par une dépêche fecrete, Jovien lui défignoit des Officiers d'une capacité & d'une fidélité reconnue, dont il devoit fe faire aider dans le détail des affaires. Malaric, cet Officier Franc, ami de Sylvain, dont la probité s'étoit inutilement fait connoïtre k la Cour de Conftance, étoit alors fans emploi en Italië. L'Empereur le nomma pour remplacer Jovin dans le commandement des troupes de la Gaule. II y trouvoit un doublé avantage: il dépla^oit un homme puiffant, qui fe foutenoit par luimême , & qui pouvoit devenir le riyal de fon maitre; & il avancoit un inférieur, qui ne pouvoit affermir fa fortune qu'en maintenant celle de fon prote&eur. Jovien recommanda a fes envoyés de faire valoir fa conduite dans Fexpédition de Perfe, de  nu Bas-Empire. Liv. XF. 391 publier par-tout qu'elle avoit été couronnée du fuccès le plus favorable, de courir jour & nuit pour intimer fes ordres aux Commandants des troupes & des Provinces, de fonder leurs difpofitions, & de revenir promptement avec leurs réponfes, afin qu'il put en conféquence prendre les mefures les plus füres pour établir folidement fon autorité. Mais, malgré leur diligence , ils furent prévenus par la renommée qui ignore tous ces ménagements politiques, & qui n'eft jamais plus rapide que pour annoncer les événements malheureux. Pendant que Jovien s'occupoit de ces difpofitions , on avoit confumé le peu de vivres que Caflien & Maurice avoient apportés au camp. La difette étoit fi extréme, qu'un boiffeau de farine fe vendoit dix pieces d'or, c'eft-a-dire, environ deux cents francs de notre monnoie. On prit le parti de tuer ce qui reftoit de bêtes de fomme, & d'abandonner leur charge dans ce défert. Après cette trifte nourriture, il ne leur reftoit plus d'autre reflburce que de fe manger les R iv Jovien. Ann. 363, XV. II arrivé a Nifibe.  Jovien. Ann. 363, 392 H' 1 S T 0 1 R R uns les autres. Les foldats fe trouvoient dénués de tout, comme échappes d'un naufrage. Les mieux armés n avoient confervé qu'une moitié de bouclier ou untroncon de leurlance. La plupart étoient languiffants & malades : tous portoient fur un front abattu la honte du traité, 1'unique fruit de leur conquête. En eet état ils arnverent k Thilfaphates , oü Procope & Sébaftien vinrent joindre 1 Empereur. Ils lui rendirent leur hommage k la tête de leurs Officiers. II leur fit un accueil favorable; & les deux armées reünies fe haterent d'arnver k Nifibe. La vue de cette ville excita dans leurs coeurs un fentiment de joie mêlé de douleur : elle etoit depuis long-temps ie plus puifant boulevard de 1'Empire; elle alloit levenir un des remparts de la Pere. Le Prince campa hors de la ville; 5c le Sénat étant forti pour le fup>lier de venir loger dans le palais elon 1'ufage de fes prédécelTeurs, il i'y voulut pas confentir. II rougifbit fans doute de voir les Perfes prenIre fous fes yeux poffeffion d'une 'die, dont ils n'avoient jamais pu  vu Bas-Empitie. Liv. XF. 391 fe rendre maïtres par la force de: armes. On exécuta ce jour-la par ordre de PEmpereur un de ces coupj dEtat que le defpotifme regarde comme néceflaires; mais qui rendent toujours k la poftérité le crime douteus & la punition odieufe. A 1'entrée de la nuit, on vint failir a table dans U tente Jovien, premier Secretaire de l'Empereur : on le conduifit dans un lieu écarté, oü il fut précipité dans un puits fans eau , qui fut enfuite comblé de pierres. C'étoit un de ces troi< braves qui étoient fortis les premiers du fouterrein au fiege de Maogamalque. Après la mort de Julien, quelques-uns 1'avoient propofé comms digne du diadême. Loin d'efracer pai fa modefiie ce crime irrémiffible aus yeux d'un Prince qui n'a pas Tame élevée , il aigriflbit la jaloufie di Souverain par des murmures qu'i croyoit fecrets, & par les repas trof fréquents qu'il donnoit aux Officier: de l'armée. Dès le lendemain, Binéfès, charge par Sapor de recevoir les places que Jovien devoit céder, entra dans Nifibe avec la permilfion de l'Empereur R. v Jovien Ann. 36; i i' xvr. , Nifibe abandon née aw , Perfes.  Jovien. Ann. 363 jimm. i 2j. C. 9. Chryfojl.d Sto. Baby la & cori' tra Jul. i Cent. Zof. h 3 Chr. Alex Joann. Ant. tui. art. 4 XVII. Difcours de Sabin, 394 H 1 s t 0 l r e & arbora fur la citadelle 1'étendard de la Perfe. On fignifia auffi-töt aux ' habitants qu'ils euffent a fortir de la " ville. Cet ordre afïligeant porta de • toutes parts 1'allarme & le défefpoir, ; Les uns, du haut de leurs tours & de . leurs murailles, tendoient les bras vers le camp des Romains; la plu' part, fortant en foule, coururent vers l'Empereur; & les mains jointes, profternés a fes pieds , ils le conjuroient avec larmes de ne les pas arracher du fein de leur patrie. L'Empereur, fenfible a ces cris, mais inébranlable dans la réfolution de tenir fa parole, répöndit avec triltelTe, qu'il ne pouvoit contenter leurs delirs fans fe rendre coupable d'un parjure. Alors Sabin , diftingué entre les habitants par fa naiffance & par fa fortune, élévant fa voix : » Prince, » dit-il, écoutez les dernieres paro»> les de Nifibe. Conftance, plufieurs » fois vaincu par les Perfes, réduit /» dans fa fuite a recevoir de la main » d'une pauvre femme un morceau » de pain pour conferver fa vie, n'a » pourtant jufqu'a fa mort rien cédé » aux ennemis. Trois fois il a vu Ni-  dü jIas-Empire. Liv. XF. 395 *> fibe afliégée, & prête a fuccomber » fous la puiffance de Sapor : trois » fois il Ta vue fauvée. Jovien in» vincible abandonnera-t-il, dès les » premiers jours de fon regne , le » plus ferme rempart qui puiffe cou» vrir fes Provinces ? Eft-ce-la ce » que 1'Empire doit a Nifibe, pour » lui avoir fervi de barrière depuis » fi long-temps ? Faudra-t-il qu'un w peuple accoutumé aux loix Romai» nes, auffi Romain que les habitants » de la capitale de 1'Empire, prenne » les mceurs & les coutumes des bar» bares ? Jour funefte, & tel que Ro» me n'en a jamais vu depuis qu'elle » fübfifte! Quelques Empereurs ont » refferré les hornes de leur domi» nation; ils ont abandonné des Pro» vinces , mais c'étoit un abandon » volontaire & politique; ils n'en ont » pris la loi que d'eux-mêmes : ils ne » les ont pas cédées a leurs ennemis, » Si vous craignez que la défenfe de » notre ville ne vous coüte trop de » fang & de dépenfes, laiffez Nifibe » k elle-même : feule, fans autre fe» cours que celui du Ciel & le cou» rage de fes habitants, elle faura fe R vj Jovien. Ann. 363.  Jovien. Ann. 363, XVIII. Départ des habitants de Nifibe. 1 i .< 35^ &TST0IS.2 » conferver, comme elle a déja fait » plus d'une fois. Nous ne vous de» mandons que la permiffion de nous » défendre : nous la recevrons com» me une grace, qui vous alTurera » pour jamais notre obéiffance & no» tre fidélité Jovien, piqué fans doute de ces paröles qui couvroient tant de reproches fous une apparence de prieres, fe retranchoit dans 1'obligation que lui impofoit la religion du ferment. Un trait fatyrique acheva de Paigrir. Comme après plufieurs refus il acceptoit avec répugnance une couronne qui lui étoit préfentée par le Sénat & le peuple de Nifibe, un Avo* cat, nommé Sylvain , s'écria : Prince , puiffiei-vous recevoir des autres villes de votre Empire et'auffi glorieufes couwnnes. Auffi-tót l'Empereur déclara qu'il ne leur donnoit que trois jours pour évacuer la place. Ce fut un fpeetacle déplorable. Les foldats qui aroient ordre de preffer les habitants, nenaC0ient de la mort quiconque paferoit le terme prefcrit. Dans cette jtrange confufion , tout retentiffok k gémiuements & de fanglots.. On  du Bas-Empïïle. Liv. XV. 397 enlevoit a la hate ce qu'on pouvoit emporter. Le luxe & les richeffes avoient perdu pendant ces jours-la leur faux titre de préférence : faute de chevaux Sc de voitures, on abandonnoit les meubles les plus précieux, pour ne fe charger que des efFets les plus méprifés, mais les plus néceffaires au foutien de la vie. II falloit arracher les femmes des tombeaux de leurs maris, de leurs enfants, de leurs peres , qu'elles arrofoient de leurs larmes, Sc qu'elles ne quittoient qu'avec des cris lamentables. Tous les chemins étoient remplis de ces infortunés fugitifs, qui, tournant cent fois les yeux vers leur patrie, pleurant, s'embralTant les uns les autres, fe difoient un éternel adieu , pour prendre la route de 1'exil que chacun avoit choifi. La plupart fe retirerent fur les ruines d'Amide. Ils y porterent le corps de Saint Jacques. Les reliques de ce faint Evêque avoient été confervées comme la fauve-garde de Nifibe; & quelques mois auparavant, Julien ayant ordonné de les tranfporter hors de la ville, on étoit perfuadé que cette place im- JOVIEN'. A.nn. 365,  JOVIEK. Ann. 363 XlX. •• Diverfité des impreflionsque fit la mort de Julien. Amm. I. 25. e. 9. Lib. vit. Cr or. n( ra. & de ulcifc. 39S H 1 S T O I R £ portante avoit en même-temps perdu la plus forte défenfe. Jovien fit batir pour cette malheureufe colonie un bourg aux portes d'Amide, dont il releva les murailles; il le renferma dans la même enceinte : on le nomma la nouvelle Nifibe. Lë Tribun Conftantius fut chargé de remettre aux Perfes les Provinces & les autres places qui devoient leur être livrées en conféquence du traité. Cette ceflion honteufe eft la plus ancienne époque du démembrement de 1'Empire. Les cinq Provinces alors abandonnées aux Perfes ne revinrent jamais aux Romains. Ce fut, pour ainfi dire, la première pierre qui fe détacha de ce vafte édifice, & qui annoncoit déja fa chüte, quoiqu'elle fut encore éloignée. Pendant le féjour que Jovien fit aux environs de Nifibe, il envoya Procope & Mérobaude avec un détachement de fes troupes, pour tranfporter a Tarfe le corps de Julien , mivant les dernieres volontés de ce Prince. Julien, pendant fa vie, n'avoit point excité de fentiments médiocres : il avoit été un objet d'ad-  bu Bas-Ëmpirb. Liv. XV. 39 miration ou d'horreur. La nouvel! de fa mort produilit des effets ferr blables; elle ne caufa que des tran ports ou d'une joie immodérée, c d'une exceftive douleur. Les Chn tiens les moins inftruits , fur - toi dans Antioche, remplie d'une jet ftelTe légere 6c fol&tre, oublierent qi la Religion, qui épure Sc perfecboni 1'humanité , oblige d'aimer fes enn mis 8c de plaindre leurs malheurs. 1 s'abandonnerent k une forte d'ivre fe : ce n'étoient que feftins & fêt publiques. On danfoit dans les Eg fes 6c fur les tombeaux des martyi comme fur des théatres; & par 1 échange indecent, les théatres étoie devenus des temples oii 1'on cha toit la victoire du Chriftianifme. 1 prédiöions dont le malheureux J lien s'étoit abufé, fourniffoient c fujets de comédies; on jouoit les pr phéties de 1'infenié Maxime; 6c Religion, li augufte 6c fi majeftue fe, fut mêlée k des fcenes bouffc nes. Les Payens, de leur cöté, poi ferent le défefpoir jufqu'a la furei A Carrhes , on lapida celui qui i porta le premier cette trifte nouv 9 e ' ■ Jovien. Ann. 363. morte JuL U fi. de tem-' >- plis. . Zof. I. 3. U Theod. I. I- 3. e. 22. ie ie 2- ls • fesi- s, tn nt riesLiesLilaunifir. Pel-  JOVIEK. Ann. 363. : i 3 • j ( ] < ] j S t f. 1 c r i XX. Sépulture de Julien. . Amm. I, J 400 Hjstoire le, & on le laifla enféveli fous tin monceau de pierres.' Libanius dit qu'au premier bruit de cette mort,, il fut tenté de s'arracher la vie : mais ra vanité le fauva; il fe crut réfervé jar fes Dieux pour faire ie panégyrique de fon héros. II s'en acquitta ?ar deux difcours auffi pleins d'enhoufiafme pour fon idole, que de •age contre les Chrétiens. Ce fophifte ut pendant toute fa vie dévoué k rulien jufqu'au fanatifme : il lui fur^écut plus de vingt-fept ans. On peut lire qu'il s'expola même k devenir bn martyr, s'il avoit eu affaire a les Princes moins modérés; il eut Ia lardielfe d'adrelTer a Valentinien & 1 Valens un difcours, dans lequel il es blamoit vivement de leur négli;ence k venger la mort de Julien; jc il ofa fatiguer encore des louanes de ce Prince odieux , le grand "héodofe , le plus zélé deflruöeur e 1'idolatrie. Plufieurs villes éleveent fur leurs autels les images de Juen entre celles de leurs Dieux. Les funérailles de ce Prince donerent aux Chrétiens un nouveau fuït de rifée.. Du temps du paganif-  du Bas-Empire. Liv. XF. 401 me, il s'étoit introduit dans les pom- pes funebres un ufage extravagant, Le cercueil étoit précédé d'une troupe de danleurs & d'hiftrions qui amu foient le peuple, comme pour faire diverlion k la douleur. Ils n'épargnoient pas le défunt; ils contrefaifoient fes ridicules; ils lancoient con tre lui des traits fatyriques. Cette im pertinente cérémonie ne fut pas oubliée dans les obfeques de Julien, afir qu'il n'y manquat rien de toute; les fuperftitieufes folies de 1'idolatrie qu'on enterroit avec lui. Ces bouffons, accoutumés a ne rien refpeftei & a railier leurs propres divinités, plaifantoient fur fa philofophie , fui fes mauvais fuccès en Perfe, fur ü mort, & même fur fon apoftalie. Enfin , fon corps fut dépofé dans un faux bourg de Tarfe, k Pentrée du chemin qui conduifoit au défilé du mon Taurus, vis-a-vis du monument d« Maximin Daza, dont il n'étoit fépa ré que par ce chemin; la Providencf ayant voulu réunir ainfi la fépultur< des deux plus mortels ennemis di Chriftianifme. On grava fur le tombeau deux vers grecs, dont le der- Jovien. Ann. 363. Sun. Vefp. c. 19. Greg, or.4, ll.&carn, 3- Zof. I. 3. Philoft. I. 8. c. 1. Zon. t. /ƒ. p. 27. Ccdr. t. U p. 308. Vu Cange. Conft. , Chrifi.1.4* c. 5. Dianyf. Halicarn. I. 7. Suet. Tib. c. 57. t> ■ Vefp.c.lCf*  Jovien. Ann. 363. 40a HlSTOIRE nier eft emprunté d'Homere : en voici Ia traduöion : Cy git Julien, qui paffa le Tigre inpétueux : il fut a la fois excellent Prince & vaillant guerrier. D'autres Auteurs allongent cette épitaphe; ils la rapportent en ces termes : Cy git Julien , qui, après avoir conduit fon armée au-deld de t'Euphrate & jufque dans la Perfe, abandonné de la fortune, ejl revenu recevoir la fépulture fur les bords du Cydnus. 11 fut d la fois excellent Prince & vaillant guerrier. On n'eft pas obligé de croire ce que St. Grégoire de Nazianze ne raconte que fur un rapport dont il ne fe rend pas garant; que les cendres de ce Prince s'agitoient dans fon fépulcre, & que la terre, par une violente fecoufie, rejetta fon corps hors du tombeau. Quelques Auteurs difent qu'il fut dans la fuite transféré a Conftantinople. Vers la fin de 1'Empire Grec, on montroit fa fépulture dans la galerie feptentrionale de 1'Eglife des Saints Apótres auprès de celle de Jovien. Si cette tradition étoit plus affurée, un paffage du difcours ou Libanius s'efforce de prouver que 1'intérêt de 1'Etat demande la vengeance  nu Bas-Empire. Liv. XV. 403 de la mort de Julien, feroit foupconner qu'on doit attribuer cette tranflation a Valentinien & k Valens. Dès que Procope eut rendu a fon parent ce dernier devoir , il difparut ; & quelque recherche que 1'on put faire pour découvrir fa retraite , il ne fe montra que deux ans après, revêtu de la pourpre impériale. L'Empereur, après avoir donné k fes troupes le temps de fe rétablir de tant de fatigues, prit la route d'Antioche. II paffa par EdelTe, oii il étoit le vingt-fept de Septembre. Son armée, fans avoir été vaincue , fembloit avoir effuyé plufieurs défaites. Auffi ne recut-il fur fon paffage aucun de ces témoignages de joie, que des fujets s'empreffent de prodiguer a leur Souverain. II vint a grandes journées k Antioche, ou il fut 1'objet des railleries & des traits fatyriques d'une populace infolente. II étoit même menacé d'une violente fédition, fi le Préfet Sallufte, plus refpefté que l'Empereur, n'eüt travaillé k calmer les efprits. Jufqu'ici nous avons vu Jovien urnquement occupé k terminer une en- Jovien. Ann. 363; XXI.' Jovien a Antioche. Zof. I. 3. Suid. in 'loCietva;. Cod. Th. I. 7. tit. 4. leg. 9. XXII. II fe pro» pofederé-  Jovien. Ann. 363. tablir la ejncorde dans fes Erats. Greg. or. 4. Lib. vit, & or. 12. Soc, L 3. (. 24. Philofi. I. 8. (. 6. i ] < 1 ( t 1 I C c r. 404 H I S T o 1 R E treprife dont il n'étoit pas Tauteur. Si 1'on blame fa conduite, on doit faire réflexion que rien n'eft fi difficile que de fuivre un projet compliqué, que 1'on n'a pas congu foi-même , & dont on n'a pu combiner tous les incidents & préparer toutes les reffources. Nous 1'allons voir agir maintenant d'après lui-même; fa bonté & fa prudence ne laifleront rien a defirer; & fi fa retraite, peu honorable, fait penfer qu'il arégné trop tot, la fagefle de fon gouvernement doit faire^ regretter que fon regne n'ait pas été de plus longue durée. Le changement de Souverain caufoit lans tous les efprits une agitation dan'ereufe. Les Payens, frappés de terreur, trembloient aux approches d'un 'rince, qui, dès le premier moment le fon regne , avoit annoncé ion atachement au Chriftianifme. Plufieurs l'entre eux, abandonnant leurs auels & leurs facrifices , & redoutant es Chrétiens plus que les Perfes, preoient la fuite , & s'alloient cacher ans les plus profondes retraites. La onduite du commun des Chrétiens e contribuoit pas a calmer ces al-  du Bas-Empike. Liv. XV. 405: larmes. Les théatres, les places publiques retentiffoient de leur joie & de leurs menaces. Ils abattoient les autels; ils fermoient les temples; quelques-uns même, anlmés d'un faux zele, formoient des projets fanguinaires; & s'il en faut croire Libanius, ce Rhéteur n'évita d'être affommé, que paree qu'il fut averti du complot tramé contre fa vie. C'étoit cet efprit de vengeance fi contraire aux maximes de PEvangile, que vouloit étouffer 'St. Grégoire de Nazianze, lorlqu'après avoir montré les effets de la colere divine dans la punition de Julien , il exhortoit les fideles a la douceur & au pardon des injures , & qu'il les invitoit h ne pas perdre par des repréfailles illégitimes Ie mérite de leurs fouffrances. D'autrepart, les diverfes feftes hérétiques, qui étoient demeurées fans aftion, tant qu'elles avoient été reflerrées & preffées avec 1'Eglife Catholique par une violence commune, s'agitant au premier moment de relSche, fe divifoient de nouveau d'avec elle : reünies contre la vérité, elles fe déchiroient mutuellement : chacune d'elles tachoit de Jovien. Ann. 363,  406 HlSTOIRE orévenir le Prince, & de le féduire. JoriEN. Ann. 363. XXIII. Sa conduite a l'égard des Payens. Them. or. 5, 8. Eunap. in Max. Suid. in 'leClcaióf. Joann, Ant, Dans ce mouvement général de toutes les humeurs de 1'Empire, Jovien raffura les Payens en déclarant par une loi, qu'il lailToit a chacun le libre exercice de fa Religion. II fit rouvrir les temples : il permit les facrifices; mais il défendit les enchantements & les cérémonies magiques. Cette liberté procura au Chriftianifme un doublé avantage : elle ramena au fein de 1'Eglife ceux qui n'en étoient fortis que par crainte, & elle laiffa au paganifme ceux qui ne s'en feroient détachés que par hypocrifie. La conviclion, unique forte de contrainte que la Religion connoiffe, fit feule des Chrétiens; elle n'en fit que de véritables, elle en fit en plus grand nombre, paree qu'elle n'eut point a combattre la haine & 1'opiniatreté qu'infpirent les perfécutions &C les fupplices. Les Philofophes , voyant leur regne pafte , s'étoient bannis de la Cour , ils n'y régnerent plus en effet ; mais Jovien leur permit d'y reparoitre, pourvu qu'ils fe dépouillaffent de ce qu'il y avoit de fingulier dans leur extérieur. II continua  du Bas-Empire. Liv. XV. 407 même de les honorer. II eft vrai qu'il ne put les mettre a couvert du mépris des Courtifans, toujours prompts k fouler aux pieds les anciens favoris. Un ennemi de Libanius confeilloit au Prince de fe défaire de ce Rhéteur, qui ne ceflbit de pleurer la perte de Julien. Un meilleur confeil fit entendre a Jovien que ces larmes impuiffantes lui faifoient beaucoup -moins de tort, que n'en feroit a fa gloire le fang d'un malheureux fophifte. Ce que des Auteurs anonymes ou inconnus racontent du temple de Trajan brülé dans Antioche par la femme Sc les concubines de Jovien, ne mérite pas une réfutation férieufe. La Religion Chrétienne monta avec lui fur le tröne, pour n'en plus defcendre. Jovien s'appliqua a guérir les plaies dont Julien 1'avoit afïligée, Sc a lui rendre fa fplendeur. II rappella d'exil tous les Evêques bannis par Conftance, Sc que Julien n'avoit pas remis en poffeffion de leurs fieges. Athanafe fortit encore de fes déferts, Sc reparut de nouveau dans Alexan- . drie. Les difgraces de ce grand hom- , Jovien. Ann. 363. XXIV. A 1'égard rtesCathoLiques. Greg. or. 21. Soc. I. 3. \ 20. Theod. /.' c. 2 , 4 , 10. /. 6. • 3- Phitofi. !. !. c. j.  Jovien. Ann. 363, ( 3 1 1 1 } 4IO HlSTOIRE fifta dans Antioche a un Concile dont le décret confirmoit la foi de Nicée. La lettre fynodale, lignée de vingthuit Evêques, fut adreffée a l'Empereur. Jovien fe contenta de dire qu'il étoit réfolu de n'inquiéter perfonne fur la croyance ; & de favorifer de tout fon pouvoir ceux qui travailleroient k la réunion des efprits. Ce n'étoit pas qu'il fut indifférent , ni qu'il balancat fur le parti qu'il devoit prendre : nourri dans les fentiments orthodoxes , dès le moment qu'il étoit rentré dans les terres de 1'Empire, au milieu des in~ quiétudes dont il étoit accablé, un de fes premiers foins avoit été d'écrire a St. Athanafe. Ne fachant pas encore que ce Prélat fut revenu, il le rappelloit & le rétabliffoit dans fon (iege. Sa lettre, qui s eft confervée ufqu'a nous, porte le fentiment de a plus profonde vénération. Lorfju'il fe vit dans la fuite expofé k tous es artifices de tant de feöes diver"es, pour s'affermir dans Ia foi, & ie point s'écarter du point fixe de a croyance de 1'Eglife, il pria Ie faint üvêque de lui envoyer une expoli-  du Bas-Empirr. Liv. XF. 41 r tion nette & précife de la do£lrine Catholique. Athanafe , de concert avec les Prélats les plus éclairés qui fe trouvoient dans Alexandrie , fatisfit au defir de l'Empereur. II lui développa la foi de Nicée & tout le venin de PArianifme. Jovien le fit venir k Antioche, pour puifer dans cette fource de lumiere des inftrucrions plus étendues. Les Ariens en prirent 1'allarme. Euzoiüs, Evêque Arien d'Antioche , gagna le grand Chambellan Probatius & les autres eunuques du palais. C'étoit par le canal de ces vils Miniftres, prefque toujours pervers & corrompus, que Phéréfie s'étoit infinuée dans 1'efprit de Conftance. On fit venir d'AIexandrie le Prêtre Lucius, chef du parti Arien dans cette ville depuis la mort de George. Les Catholiques députerent de leur cöté, pour rompre Peffet de ces intrigues. Lucius, a la tête de fa faöion, fe préfenta quatre fois k l'Empereur. II reprochoitau faint Prélat, que de- [ puis qu'il avoit repris les fonérions 1 del'épifcopat, il étoit fous 1'anathê- » me, ayant été condamné pour des S ij Jovien. Ann. 363 xxvr. Les A- iens reutés par Empe:ur.  Jovien. Ann. 363. 41a IfISTOIRE crimes dont il ne s'étoit pas juftifié ; qu'il avoit été plufieurs fois banni par Conftantin & par Conftance; qu'il ne cefibit de troubler 1'Egypte, & d'y entretenir la difcorde & la fédition. En conféquence, il demandoit un autre Evêque , tel que l'Empereur voudroit le choifir. Ces accufations étoient appuyées par les clameurs des autres Ariens. Athanafe n'eut pas befoin de répondre. Le peuple Catholique foutint fa caufe avec chaleur. L'Empereur lui-même déconcerta les calomniateurs par des queftions preffantes & de vives reparties. Dans une des audiences, il s'emporta contre eux jufqu'a commander a fes gardes de les frapper: ce qui cependant ne paroit pas avoir été exécuté. II les congédia honteufement; il traita fur - tout avec le dernier mépris Lucius, dont la mauvaife mine égaloit la méchanceté. Pour faire perdre aux eunuques le goüt de ces intrigues de religion , il les fit appliquer a la torture, en mena$ant de traiter avec la même rigueur quiconque oferoit calomnier des Chrétiens. Cette confpiration for-  du Bas-Empire. Liv. XV. 413 mee contre Athanafe Ie rendit plus cher k l'Empereur. II retourna en Egypte avec un plein pouvoir de difpoïer du gouvernement des Eglifes. L'Empire , attaqué depuis longtemps du cöté du Septentrion & de 1'Orient, commencoit k recevoir des atteintes dans fes Provinces méridionales. Ce.vafte corps fentoitdéja les approches de la vieillefle. Affoibli par les vices qui lui faifoient perdre de fon reffort, il fe refroidifloit peu-a-peu dans fes extrémités , & les Gouverneurs des Provinces éloignées, plus attentifs k les piller qu'a les défendre, laiffoient aux barbares occalion de les entamer. Tandis que les Perfes enlevoient aux Romains les cinq Provinces voifines du Tigre , les Aufturiens en Afrique infeftoient la Tripolitaine, qui s'étendoit entre les deux Syrtes, dans le pays qu'on appelle encore le Royaume de Tripoli. Ces barbares , qui n'étoient connus que fur cette frontiere, exercés a des incurlïons fou» daines, vivoient de brigandage. On les contenoit depuis quelque temps par un traité fait avec eux, lorfS ii; Jovien. Ann. 363. XXVII. Troublcs en Afrique. Amm. I. aS. t. 6.  Jovien. Ann. 363, 1 < 3 1 1 < 414 HlSTOlRE qu'un motif de vengeance leur mit Jes armes a la main. Un d'entre eux, nommé Stachaon , homme hardi, rufé, artificieux, parcourant la Province k la faveur de la paix, tramoit des intrigues fecretes pour y etablir fes compatriotes. On découvrit fes manoeuvres : il fut brülé vif. Auffi-töt toute la nation prend 1'allarme : ils fortent avec rage de leurs montagnes «Sc de leurs déferts : ils accoiirent en foule devant Leptis avant qu'on puiffe avoir des nouvelles de leur marche. La force des murailles de cette grande ville & le nombre des habitants la mettant hors d'infulte, ils reftent trois jours campés aux environs, ruinant par le fer & par le feu ce territoire fertile, & maffacrant les payfans qui s'étoient inutilement cachés dans des cavernes. Après avoir brülé tout ce qu'ils ne purent emporter, ils s'en retourne■ent avec un riche butin, trainant en ïfclavage Sylva, chef du Confeil de a ville , qu'ils furprirent dans fes teres avec toute fa familie. Les habiants de Leptis, efFrayé de cette aftape imprévue, & craignant une nou-  du Bas-Empire. Liv. XV. 415 veile incurfion, eurent recours au Comte Romain, envoyé depuis peu pour commander en Afrique : cet Officier dur & avare, ne faifoit la guerre que pour s'enrichir. II vint k la tête d'un corps de troupes; mais infenfible aux larmes & aux prieres des habitants, il demanda une prodigieufe quantité de vivres & quatre mille chameaux, declarant qu'il ne marcheroit aux ennemis qu'a cette condition. En vain ces infortunés lui repréfenterent que le ravage & 1'incendie de leur pays les mettoit dans Pimpuiflance de fatisfaire k des demandes fi exorbitantes ; qu'ils n'étoient pas en état d'acheter fi cher un remede k leurs maux, quoiqu'ils fuffent extrêmes. Après avoir pafle quarante jours a Leptis, fans faire aucun mouvement pour leur défenfe, il abandonna le pays k la merci des barbares. L'équité de Jovien donne lieu de penfer qu'il auroit puni cette cruelle avarice. Mais les plaintes des Leptitains n'arriverent qu'après fa mort. Croyant qu'il étoit néceffaire de fe rapprocher de 1'Occident, dont il ne S iv Jovien. Ann. 363. xxyiii. Jovien part d'Antioche. Amm. I. 25. c. 10. Chr. Alex. Soc. I. 3. C. 20.  Jovien. Ann. 363 Zon. t. li ƒ>. 28. XXIX. Etat des affaires de la Gaule. Amm. /, aj. c io. Z07. I. 3. 416 HlSTOIHE ' recevoit aucune nouvelle, ilréfo. 'ut> malgré Ia rigueur de 1'hyver, qui fut très-rude cette année, de regagner au plutöt Conftantinople. II partit d'Antioche au mois de Décembre, fans être arrêté par de prétendus pronoftics, que 1'événement rendit remarquables, mais qui ne pouvoienten efFetallarmerque des Payens fuperftitieux. II ne voulut pas fortir de Tarfe fans avoir rendu & Julien quelques honneurs funebres : il donna ordre d'ajouter des ornements k fon tombeau; ce qui ne fut exécuté que fous le regne de Valentinien & de Valens. En arrivant k Tyanes, ville de Cappadoce, il y trouvade Secretaire Procope & le Tribun Mémoride, qui venoient lui rendre compte de ce qui s'étoit paffé dans Ia Gaule. Lucillien, felon les ordres de l'Empereur, s'étoit rendu k Milan avec les Tribuns Séniauque & Valentinien, que Jovien avoit rappellé de fon exil; & ayant appris que Malaric refufoit le commandement des troupes de Ia Gaule, il avoit lui même paffé les Alpes, & s'étoit tranfporté dans la  nu Bas-Empire. Liv. XV. 417 ville de Rheims. La, fans confidérer que la mort de Julien pouvoit exciter des troubles dans la Province, & que Pautorité de fon gendre n'étoit pas encore affez affermie , il fe preffa mal-a-propos de réformer les abus, & commenga par faire rendre compte a un Receveur des deniers publics. Celui-ci, coupable de plufieurs infidélités dans 1'exercice de ion emploi, ne pouvant fe juftifier que par une révolte, eut recours aux foldats Bataves, qui étoient en quartier aux environs de Rheims. II leur perfuada que Julien vivoit ertcore, que Jovien n'étoit qu'un rebelle ; & fes menfonges produilirent une li violente mutinerie , que Lucillien & Séniauque furent maffacrés, Valentinien auroit éprouvé le même fort, fans un ami fidele, appellé Primitivus , qui le déroba aux recherches des féditieux. II fe fauva avec Procope & Mémoride : un foldat Erule, nommé Vitalien, que nous verrons dans la fuite avancé aux premiers emplois, fe joignit k eux; & tous enfemble trouverent Jovien k Tyanes. Avec cette trifte nouvelle, Jovien. Ann. 36 j.  Jovien. Ann. 363. i 1 < ] J 1 i < I c _ t Ann. 364. XXX. 1 Confulat 4l8 H I S T 0 I R 2 ils en apportoient une autre qui pouvoit en adoucir ramertume. Jovin, que l'Empereur vouloit déplacer, loin de fe reffentir de cette difgrace, avoit difpofé les troupes a 1'obéiffance : il envoyoit fes principaux Officiers pour préfenter a Jovien les hommages de fon armée. L'Empereur récompenfa Valentinien en le mettant a la tête de la feeonde compagnie des Ecuyers; il donna a Vitalien une place honorable entre les iomefiiques; ces deux corps faifoient partie de la garde du Prince. II dé3êcha fur le champ Arinthée avec ine lettre pour Jovin ; il le louoit le fa fidélité , le confirmoit dans fon •mploi, & lui ordonnoit de punir 'auteur de la fédition, de mettre aux érs les plus coupables, & de les en'oyer a la Cour. Les députés de Tarnée des Gaules arriverent bientöt prés ; ils fe préfenterent a Jovien ans Afpunes, petite ville de Galatie. 1 recut avec joie les proteftations e leur zele, leur fit des préfents, C les renvoya dans leur Province. Le premier jour de Janvier, il céftra dans Ancyre la cérémonie de  du Bas-Empire. Liv. XV. 419 fon entree au Confulat. II avoit défigné Varronien fon pere pour partager avec lui cette dignité. Mais ce vieillard étant mort avant le commencement de Pannée, Jovien prit pour collegue fon fils qui portoit auffi le nom de Varronien. II lui donna en même-temps le titre de Nobilijjime. On rapporte que lorfqu'on vouloit, felon 1'ufage, affeoir cet enfant fur la chaife curule , il y réfifta avec des cris bpiniatres, comme s'il eut preffenti fon malheur. Thémiftius , que Confiance avoit honoré d'une place dans le Sénat de Conftantinople , Orateur fenfé tk vertueux , député avec plufieurs autres Sénateurs, pour complimenter l'Empereur fur fon Confulat, prononca un difcours en fa préfence. Nous 1'avons encore entre les mains, & nous y voyons que la vertu du Prince ik celle de 1'Orateur ont enfemble beaucoup de peine a défendre ce panégyrique de la contagion de flatterie, qui fait prefque toujours 1'ame de ces fortes de pieces. Quelques Hifloriens prétendent que le difcours dont nous parions ne fut prononcé Jovien. Ann. 364. deJovien. Amm. I. 15. c. 10. Them. or. J- Soe. I. 3. e. 16. Philojt. I. 8, c. 8. Thcoph. p. 46. ldact.  Jovien. Ann. 364 XXXT. Mort de Jovien. Amm. I. 25. c. 10. Eutr. Lio. ViB. Epic. Hier. C'hron. Cbryfofl. üd Philipp. Jfiomt 1 j, Zof.l.l. Soc. I. 3. 1.16. Theod. I. 4- <•• 4. So\. I. 4. t. 6. Philofi. I. 8. 8. Chr. Alex. Zon. t. II, p. 2S , 19. Cedren. t. I. p- 308, 309. Suid. in 'loGtxvóf. Idaee. Mêdaillct. 420 HlSTOIRE qu'a Dadaftane fix femaines après, & qu'il le fut encore a Conftantinople en préfence du peuple après la mort de Jovien. Tout 1'Empire s'attendoit a goüter fous un gouvernement équitable & pacifique, ie repos dont il avoit été long-temps privé par la foibleffe & les foupgons injuftes de Conftance , & par Phumeur guerriere de Julien. On faifoit a Conftantinople les préparatifs de la réception de l'Empereur : Rome, qui fe flattoit dejouir bientöt de fa préfence , frappoit déja des monnoies pour célébrer la joie de fon arrivée. Jovien ne témoignoit pas moins d'empreffemenr. 11 partit d'Ancyre par un temps très-froid, qui fit périr en chemin plufieurs de fes foldats. Etant arrivé le feize de Février a Dadaftane, petite bourgade de Galatie fur les frontieres de la Bithynie , il fut trouvé le lendemain mort dans fon lit. II étoit agé de trentetrois ans, & avoit régné fept mois & vingt jours. La caufe de fa mort eft reftée dans 1'incertitude. Selon 1'opinion Ia plus commune, s'étant couché dans une chambre nouvelle-  nu Bas-Empire. Liv. XV. 421 ment enduite de chaux, il fut étoufFé par la vapeur du charbon qu'on y avoit allumé pour fécher les murailles, & pour échauffer le lieu. Selon d'autres, fa mort fut 1'efFet d'une indigeftion, ou de quelques mauvais champignonsqu'ilavoitmangés. Quelques - uns 1'attribuent fimplement a uiie apoplexie. Enfin, on a dit qu'il avoit été empoifonné ou affafliné par fes propres gardes. Ammien Marcellin femble appuyer ce dernier fentiment par la remarque qu'il fait, que fa mort ne fut fuivie d'aucune information, non plus que celle de Scipion Emilien. Si ce foupcon avoit lieu, il ne pourroit tomber que fur Procope ; Valentinien, comme le prouve Fhifloire de fon éleftion, n'a* voit nulle prétention a 1'Empire. Le corps fut porté a Conftantinople dans 1'Eglife des SS. Apötres , fépulture, ordinaire des Empereurs depuis Conftantin. Les Payens le mirent au nombre des Dieux; & les deux Empereurs Chrétiens qui lui fuccéderent, ne s'oppoferent pas a cette forte d'idolatrie , qui n'étoit plus regardée que comme une cérémonie politi- JOVIEN.  Jovien. Ann. 364. i ] i 1 I I i Fin du Tome troijitmu 42a H 1 s t 0 1 r e, &c. que. Sa femme n'eut pas la latisfaction de le voir Empereur. Elle étoit en chemin pour le venir joindre avec toute la pompe d'une Impératrice, lorfqu'elle recut la nouvelle de fa mort. Elle venoit de perdre en peu de temps & fon pere & fon beaupere; elle eut encore la douleur de furvivre a fon époux pendant plufieurs années, mourant, pour ainfi Jire, tous les jours, & tremblant fans :effe fur Ie fort de fon fils , en qui a qualité de fils d'Empereur pouvoit tenir lieu de crime auprès des uccelTeurs. La mort feule fixa pour :11e les honneurs, dont la lueur ra>ide n'avoit brille a fes yeux, que tour difparoitre aufïi-rót: elle eut fa épulture k cöté de fon mari.